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Full text of "Annales d'électrobiologie et de radiologie 10.1907"

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Annales d'électrobiologie Ro 
et de radiologie 


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ANNALES 
D'ÉLECTROBIOLOGIE 
ET DE RADIOLOGIE 


a en 


DIXIÈME ANNÉE 
1907 


ANNALES 


D'ÉLECTROBIOLOGIE 
ET DE RADIOLOGIE 


Publiées par le D' E. DOUMER 


PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE LILLE 


DOCTEUR ÈS SCIENCES 


AVEC LA COLLABORATION DE MESSIEURS 
D. COURTADE, C. LURASCHI, E. MILLAT & F. WINKLER 
Secrétaires de la Rédaction. | 


ET DE MESSIEURS 


D'ARSONVAL (A), membre de l’Institut, 
professeur au Collège de France. 


BENEDIKT (M.), professeur d'électrothé- 


rapie à l’Université de Vienne 
CIRERA SALSE (L.) de Barcelone. 


GUILLOZ (Th }), professeur agrégé à l’ Uni- 
versité de Nancy. 

HEGER (P :. directeur de l’Institut physio- 
logique Solvay, Bruxelles 


IOTEYKO (Mo! Dr J.), chef de laboratoire 
à l'Université de Bruxelles. 

LA TORRE (F.), professeur agrégé à l'Uni- 
versité de Rome. 

LEDUC (S.), professeur de physique médicale 
a lPEcole de médecine de Nantes. 


LEMOINE G ), professeur de clinique médi- 


eale à l'Université de Lille 


MOUTIER A ), de Paris. 
OUDIN (P.), ancien interne des hôpitaux. 
PRÉVOST (J -L.), professeur de physiologie 


à l'Université de Genève 
SCHATZKY (S) professeur agrégé à l'Uni- 


versité de Moscou. 
SCHIFF (E ), professeur agrégé à l’Université 


de Vienne 
SUDNIK (R.), de Buenos-Ayres. 
TRIPIER (A ), de Paris. 
WEISS (G ), professeur agrégé à l'Ecole de 


medecine de Paris. 
WERTHEIM-SALOMONSON (J-K-A.), 


professeur à l'Université d'Amsterdam. 


ZANIETOWSKI. de Cracovie 


Paraissant tous les mois 


avec un répertoire sur fiches. 


——- mm — 


TABLE DES AUTEURS 


Les noms des auteurs des mémoires originaux sont imprimés 


en caractères gras. 


Abbe (Robert). 
Ancel . Du 
Arman RER d’) 
Arnû. . . 
Arsonval a’). 
Beck (Carl) . 
Béclère . 


Belot (J.). 
Bérard. 
Bergonié (J.). 
Billinkin . 
Blaschko . . 
Bonnefoy (E. 215, 229, 
Bordet (E.) . 661, 
Bouchard . 

Bouin . `; 

Cappelli (J.) . . . 
Carpi (Umberto) . 
Castex (E.) 
Cavalié i 
Cerné (A.). . 
Chanoz (M.) . 
Claude (Henri). 


Cluzet 

Comas (C.). 
Contremoulins (G.). 
Cooper (R. Higham) 


597, 
689, 
Bellemanière(A.) 146, 
Bellemanière(P.) 145, 


. 544, 
.270, 
Cleaves (Margaret A.) 68, 


rt 


45 LU) 


Courtade Denis) . 
Danne (Jacques) . 
Dean. 

Desfossés . 

Desplats (Henri) . 


Desplats (René) 344, 
Doumer (E ) 73, 162, 
217, 249, 


Gavazzeni Silvio) 
Gidon (F.) . 

Ginfré (Laborio). . 
Guilleminot (H.). 


Guillemonat (A.) 96, 
111,112,114, 


Green (A. Stanley). 
Haret. 

Hartenberg :P.). 
Hendrin 

Imbert (A). 

Jaulin . 

Jones (Lewis). ; 
Keating-Hart (i) 1 
Labouré 
Lacaille 
Laquerrière 595, 


211, 


8, 


738, 739, 


866, 


Leloutre . 
Leun (A) . . 
Libertini (U.). 


Loubier 


663, 


Luraschi (Car lo) 251, 


703, 


{ {75} 


lI ANNALES D'ÉLEUTROBIOLUGIE 


Machado (Virgilio). . 200 
Maës (Daniel) 9, 2'70, 289 
Maragliano (Victor) 


195, 664 
Martel (H.) , . . . . 87l 
Marquès (H ). . . . . ‘729 


Martinet . . . . . . 668 
Maunoury (Gabriel). . "770 
Minet (H.). . . . . 103 
Morton (William J ). . . 348 
Musin . . . . . . . 588 
O’Farrill (Gustavo). . 540 
Oudin (P.) 365, 535, 866 
Petit (P.-Ch.). . . . 171 
PerPINes à a Le à ss «t 1832 
Picheral (Ch). . . . 816 
Pini (Giovanni). . . . 852 
Pri6 (A). . . . . . 152 
Quilichini . . . . . . 735 
Rankin (John T.) . . . 70 
Rivière (J-A) . . . 717 
Ruthon {V.). . , . . 354 
Santon (Paul) . . . . 590 


Schalit (A.) . . . . . 09 
Schatzky Si. . . . 1 
Scherber (G.) . . . . 736 
Sirol. . . . . . . 21 
Steiner (Rodolphe) 122, 128 
Thibaut (Alb). 249, 768 
Tribondeau (L) . . . . 
Tripier., 361, 372, 
379, 394, 409, 
442, 451, 464, 
483. 495, 506 

Truc ‘I ). Ru 
Turner (Dawson). . . 813 
Valobra (J.). . 93, 99 
Vassilidès. . . . . 751 
Verdiani ‘Luigi . . . 58 

Wertheim-Salomon- 

Son. .. . . . . 846 
Verny . . . . . . 12 
Winkler (Ferdinand). 

625, 675, 580 
Wise (Fred). . . . . 72 


Zanietowski. . . . 27 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


TABLE DES MATIÈRES 


MÉMOIRES ORIGINAUX 


Quelques données concernant la nature des ions et des molécules, 
par M. S. SCHATZKY . . . sn. à 

Un cas d'hystérie chez un vieillard, pai M. Dai Maës 

Un cas de tic douloureux de la face guéri par l'ionisation salicylée, 
par M. VERNY 

Deux cas de lupus traités par ia radiothéi N Hi r M. A. Leon 

Un nouveau localisateur-protecteur pour ampoules de Crookes, 
par M. De KEATING-HART . . . D 

Sur la diversité des symdromes sloctriques de la a Haale: 
par M. CLuzer et SIROL. . . . RE LE e a 

L'avenir de la méthode des ha en dieci med cne par 

M. ZANIETOWSKI. . . m 

Contribution à l octo teens di (abes; par M. F. GIDON . 

Courants de haute fréquence à phases triées, par M. H. GUILLEMINOT 

Appareil à champ magnétique tournant, pour la mesure des cou- 
rants à haute fréquence et des courants induits employés en 
médecine, par M. ARNO. . . . . E Mr à 

Exposé de la technique métro- E our la recherche et 
la localisation des affections de l'appareil urinaire, par 
M. G. CONTREMOULINS 

Les courants de haute fréquence en thérapeutique 1 M. Livres 
VERDIANI . . . . . . m n 

Critique de l'hypothèse de Hittorf sur o eia dé ions, par 
M. E. Doumer. ; 

Un nouveau mode de traitement de cancer, aa M. De ne 

Roitpenthéabie des Dérilonites et des adénites tuberculeuses, par 
M. J. VALOBRA . . TE ; 

Du danger du traitement oneee itens ‘date 7 
cancers ulcérés et très étendus de la face, par M GUILLEMONAT. 

Observations cliniques et expérimentales sur l’action des rayons 
de Röntgen sur le système nerveux, par M. J. VALOBRA. . 


II 


45 


96 


99 


IV ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Résultats de la dilatation électrolytique rapide des rétrécissements 
de l'urètre, par M. H. Mixer . ee tn. T 
Action des rayons X sur les cors aux pieds, par M. A E 
Aggravation produite par l'étincelle de résonance dans deux cas 
d'épithéliomas cutanés soignés primitivement par les rayons X, 
par M. A GUILLEMONAT. . . . . . . . . EnF 
Quatre cas de cancer de la langue traités sans realiais par la 
röntgenthérapie, par M. A. GUILLEMONAT : 
Action des rayons X sur EE de la E par 
M. A. GUILLEMONAT . . . a i TERRE 
Quelques cas de lupus traités et us par rayons X, par 
M. SILVIO GAVAZZENI. . . . E à 
Sur la photothérapie des lymphomes, jar M. Roboronk STIR 3 
Jusqu'à quel point, d’après les expériences faites jusqu’à ce jour, 
la radiothérapie peut-elle remplacer le traitement chirurgical 
des tumeurs malignes (carcinomes, sarcomes, pu ?, par 
M. RODOLPHE STEINER . 
Observation d'un cas intéressant de neue bilancie ii EN jar 
MM. A. et P. BELLEMANIÈRE ; : 
lrradiation Röntgen préventive intra- abdominale; api l'inter- 
vention chirurgicale, dans un cas de cancer de l'utérus, par 
MM. C. Comas et A. PRIO . . s. ao . . . . . . 
La théorie des ions, par M. E. DoUMER. . . . 

Sur une méthode générale en radiographie, par M. P. Ch. Pen. 
Appareil pour l'étude du rayonnement des corps radioactifs, par 
M. Jacques DANNE . 
Traitement de la maladie de Paget dé melon sous- Seane i 

la radiothérapie, par M. J BELOT. . . . . 


Rontgenthérapie. — Leucémie, par M. Vicror MARAGLIANO 
Le problème rœntgoscopique, par M. VirGILIO MACHADO 
Un schéma du tronc, par M. A. CERNÉ. . . . Sa 


De l'emploi d’une table spéciale permettant liesan radiosco- 
pique au cours de certaines interventions chirurgicales, par 
M. HARET. . . s a ; 

Les principes es de l'électröthėtajie; par M E. Davies 

Le traitement de la goutte, par M. E. BONNEFOY. . . . . 

Pityriasis rosé de Gibert traité par l’efluvation statique, par 
MM. E. Douxer et A. THIBAUT uns ; 

Sur un cas important de leucémie myléogène suivi onda trois 
ans environ, par MM. CarLo Lurasci et UMBERTO CARPI . 


103 
J1l 


128 


145 


A gang 
a 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Influence du sens du courant dans la one, cérébrale et 
spinale, par M. G. LIBERTINI ; 

Contribution à l'étude de l’épilepsie idiopathique, jir MM. Danei 
Maës et HENRI CLAUDE. . . . 270 

Présentation d'un nouvel appareil pour r étoiles se des rétr écisse- 
ments de l’urètre, par MM. A. et P BELLEMANIÈRE 

Contribution à l'étude du traitement du tic douloureux de la face 
par l'introduction de l'ion salicylique, par M. RENÉ DES3PLATS 

Toast du professeur BoucHARp, au banquet Tripier . 

Toast du professeur d'ARSONVAL au banquet Tripier . . . 

Toast de M. Oupin au banquet Tripier . : 

Paralysie du mouvement Note sur le rôle de Verden alecto 
musculaire dans leur histoire, par M. A. TRIPIER . 


Introduction à l'étude R de la pathologie nerveuse, par 


M A. TRIPIER. 

La galvanocaus!ique guigui: par M. A. TRER 

Galvanocaustique et électrolyse, par M. A. TRIPIER . 

La cautérisation tubulaire, par M. A. TRIPIER : 

La thérapeutique des hvpertrophies prostatiques, par M. A. Der 

Engorgements, versions, flexions de l'utérus, par M. A. TRIPIER . 

Applications obstétricales de l'électricité, par M A TRIPIER . 

L’électricité et le choléra, par M. A. TRIPIER . ; i 

Voltaisation urétrale ; chimicaustie, électrolyse, myolthe, par 
M. A. TRIPIFR. . . . 

L’anesthésie locale produite par le ourin élbétrique. par M. Piki- 
NAND WINKLER 

Action hémostatique du fadin, par M. P. Ooi Du 

Sur l'importance de l’effluve de haute fréquence comme moyen de 
diagnostic de quelques maladies, par M. G. O’ FARRILL . 

Propriétés physiques des rayons X. Etude nn et quantita- 
tive M. M. CHANoZz . . . 544, 

La combinaison de la Nontgenihérapien avec là fanklinisaton dans 
le traitement du lupus vulgaire, par M. FERDINAND WINKLER . 

Etudes expérimentales de l’action du traitement électrostatique sur 
les vasomoteurs de la peau, par M. F. WINKLER 3 

Influence des rayons de n sur les tumeurs malignes, par 
M. BÉCLÈRE. . . . EE 

Les courants de haute EA var M. E. DONNEES : 

Le radio-intensimètre, par M. CARLO LURASCHI ; 

Efuves et étincelles de haute fréquence dans le istemen des 

tumeurs malignes, par M. J A. RIVIÈRE 


VI ANNALES D'ÉTECTROBIOLOGIE 


Peut-on radiographier la moelle épinière ? par M. C. Lurascui. 

De la conductibilité électrique de la paume de la main et de la plante 
du pied, et des indications que l'on en peut tirer dans l’électro- 
diagnostic, par M. D. d'ARMAN TE 

Les courants de haute fréquence, par M. Visites a i 

Prurit anal guéri par la haute fréquence, par MM. E. DoumEr et 
A. THIBAUT. . . ; TE 

Influence des rayons X: sur le care talens par M. GABRIEL 
MAUNOURY. . . . e s poui : : 

La résistance électrique di dani et de jie considérée comme 
pouvant indiquer létat du fonctionnement du rein, par 
M. DAwsoN-TURNER. . . NE CE 

De l'électrothérapie dans lie biennorapique subaiguë 
et chronique et dans ses complications habituelles, par 
M. CH. PICHERAL. ou . 

Traitement des névralgies de Pael Ee T les 
courants de haute-fréquence, par M. DENIS COURTADE . 

Mesure de la résistance électrique du corps, par M Wenrann 
SALOMONSON : : 

La radiothérapie dans les aeni vendeme, par M. GIO VANKEBINI 

Notes sur la radiologie en Angleterre, par M. DEAN . 


723 


741 


751 


768 


770 


813 


816 
844 
846 


852 
862 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


TABLE DES MATIÈRES ANALYSÉES 


GÉNÉRALITÉS 


Précis d'électricité médicale, par M. E. Castex. : 
Rapport sur le ròle du médecin électrologiste et raidiolouiste Gpe dans 
les accidents du travail, par M. Laquerrière 


ÉLECTROTHÉRAPIE 


Traitement des douleurs ovariennes par le courant faradique bipolaire, par 
M. À. Schalit Iae aae 

Gynécologie conservatrice : ses relations avec les courants continus, par 
M. Margaret A. Cleaves. DE A 

Sur les effets des courants de fiente fréquence sur la on srtétielle. 
par M. Bonnefoy . . è 

A propos de la hérapeitique e, +. M. P. Hartenberg ; 

Les traitements actuels du goître exophtalmique, par M. Paul Sainton. 

Le traitement du rhumatisme articulaire aigu par l'ionisation salicylée, 
par M. E Bordet. . . .… . Ha TE + 

Traitement de l’épithélioma par l'ion ie par M. Lewis Joies À 

Angiome caverneux de la lèvre inférieure, par M. Bérard . 

La sclérolyse ionique, par MM. Desfossés et Martinet . 

Goutte aiguë et rhumatisme articulaire, par M. Billinkin. . . . . 

Traitement du glaucome par les courants de haute S par MM. H. 
Truc, A. Imbert et H. Marquès. . . . g i A 

Psoriasis ancien guéri par les étincelles de résonance, par M. Lacaille. 

Contribution à l'étude de l’incontinence nocturne, par M. Perrin . 

Traitement local des arthrites rhumatismales par l'ionisation salicylée, par 
M. Quilichini . . T e nd 

Le traitement électrique prolongé dans les paralysies dè “Weale, pat 
M. E. Bordet .. .. ne PRE E 

Traitement de l'artério- sclérose et de l'hypertension artérielle par Ja haute 
frequence, par M. Leloutre . . . . RCE : 

Arthrite et myosite blennorrhagiques traitées et Pre par les conan 
continus, par MM. Henri Desplats et René Desplats 

Présentation de dispositifs de la maison Gaiffe pour production, par Telec 
tricité, de contractions musculaires se ri de la contraction 
physiologique, par M. Laquerrière z hy 

Quelques cas traités par l'étincelle de résonnance, gat MM. Dau, ière ect 
Loubier . . . . . . . 


e . . e e ° LI 


RAYONS X ET RADIUM 


Étude expérimentale sur la densité des calculs des voies urinaires, par 
M. Carl Beck . . . . . . E 

De l'usage des rayons X comme dore en dé drone ou ins à tuber- 
culose pulmonaire, par M. A. Stanley Green. . . . . . 


VII 


z 


; 


69 


vi T ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Radiographie. Ses dangers ct moyens de les éviter, par M. John T. Rankin. 

Présentation de malades et de moulages de malades traités par les us X, 
par M. Robert Abbe : 

Emploi des rayons X dans le traitement de nes maladies de la peau, 
par M. Fred Wise . j 

Action des rayons X sur les tissus et spécialement s sur les leucémiques, par 
M. R. Higham Cooper. 

Un cas de pseudo-leucémie traitée de 1 radiolhérapies par M. Joutsa 

Radiothérapie préopératoire et chirurgie, par M. William J. Morton . 

Résultats obtenus avec la radiumthérapie, par M. Blaschko . ; 

Interprétation de quelques résultats de la boue par MM. J. Bergonié 
et L. Tribondeau 

Traitement des adénopathies iibérculeuses ou adénites chroniques Dar la 
radiothérapie, par M. Hendrin. 

Du degré de précision des mesures radiomċtriques schiele? en ihérspe: 
tique, par M. V. Ruthon . . 

Rayons X et glandes génitales, par MM. Aea et Bouin . 

Lupus du pharynx. Traitement radiothérapique, par MM. Labouré ét Musin. 

Un cas de chéloïde cicatricielle traité par les rayons X, par M. Laguerrière. 

Sur le traitement de la leucémie chronique par les rayons X et sur le méca- 
nisme de leur action sur les leucocytes et sur les organes S 
par M. Liborio Ginfré. . ... 

Sur l'influence des rayons X ct du coira de aútè fréquence. sur Le pouls 
cérébral, par M. Victor Maragliano . 

Névralgie faciale et radiothérapie, par M. Haret. 

Radiothérapie du sycosis, par M. G. Scherber. ‘ : 

Du rôle des rayons X dans le traitement du fibrome, par M. Taguerriere i 

Les phénomėnes dits de préréaction consécutifs à l'exposition de la peau aux 
rayons de Rœntgen ou au rayonnement du radium, par M. A. Béctère. 

Du radium porté à l'intérieur de la cavité utérine, par M. P. Oudin . 

La radioscopie et la radiographie appliquées à l'inspection des viandes 
tuberculeuses, par M. H. Martel . 


LUMIÈRE 


Hydrocéphalie et rachitisme; leur traitement par es radiante, par 
M. Margaret A. Cieaves 

Eczéma prurigineux traité avec succès par le päin ‘de A par 
M. Leloutre . š 

Insensibilisation à l'aide de la aide ie par M. Cavalié s 


Effets favorables de la lumière rouge dans certaines dermatoses, par 
M. J. Cappelli . . . . . 


———— + 


SiLLE. IMP. LARILLE HUOBE 


W 
71 
72 
215 
285 
348 
348 


349 


871 


Quelques données concernant la nature des ions 
et des molécules. 


Par M. 8. SCHATZKY, de Moscou. 


En 1899 j'ai publié, dans mon travail: Bases de l'action thé- 
rapeutique du courant continu, mes expériences, qui éclaircissent 
les procédés électrolytiques et la migration des ions. L'année passée, 
en vue d'un travail biologique, il m'a fallu vérifier ces expériences. 
Jl s'est trouvé qu’elles étaient parfaitement justes. Mais le hasard 
ma mis sur la voie d'expériences analogues qui, à mon grand 
regret, me font croire que mes conclusions, comme la théorie elle- 
même de l’électrolyse moderne, ne sont pas complètement irré- 
prochables 

Si on fait passer un courant continu par une solution suffi- 
sante de nitrate d'argent (AgNO3), il se dégage simultanément à 
la cathode des ions d'argent et à l'anode des cristaux ramifiés, de 
couleur noire, d'oxyde d'argent (AgO) ou (Ag»O)). 

Examinons cette expérience dans les différentes phases du dévelop- 
pement de la théorie de l'électrolyse. 

D'après Grothus, un phénomène pareil ne peut pas avoir lieu dans le 
procédé de l’électrolyse. D'après son hypothèse, pour chaque ion d'argent 
dégagé à la cathode il se dégage à l'anode un ion d'oxygène correspondant. 
Mais le dégagement d’un ion électropositif d'argent à l'anode ne saurait 
être admis. Cependant, nous voyons que l'expérience démontre le 
contraire. Cette hypothèse suppose aussi que l'atome d'argent dégagé à 
l'anode remplace le même atome dans la molécule voisine. Ce procédé 
continue jusqu’à ce que l'atome d'argent se trouve à la cathode, où il se 
dépose enfin sous forme d'argent pur. Mais dans mon expérience nous 
voyons que, indépendamment du dégagement des ions d'argent à la. 
cathode, le même ion en combinaison avec l'oxygène se dégage immé- 
diatement aussi à l’anode, Ceci également n’est pas d'accord avec la 
théorie de Grothus, 

Grothus suppose que le courant peut produire les phénomènes de 
l'électrolyse à une différence de potentiels de telle force qu'il est capable 


ANNALES D'ÉLECTROLOGIE TOME X. == JANVIER 1907. l 


2 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de surpasser l'affinité chimique entre les ions. Mais l'expérience a 
démontré que ce phénomène s'accomplit avec une différence de potentiels 
minimale (1). Ceci a amené Clausius à modifier l'hypothèse de Grothus. 
Clausius suppose que les molécules dissoutes dans les liquides ne 
présentent pas une combinaison d'ions stables. Au contraire, ces molé- 
cules, à cause du mouvement calorique, échangent constamment entre 
elles leurs ions (2). Dans ces conditions de mouvement chaotique des 
ions et de combinaison et de décomposition ininterrompues de molécules, . 
le rôle du courant se réduit à donner à ce mouvement un caractère 
déterminé. Dans ces conditions, l'apparition du courant et le phénomène 
de l’électrolyse peut se produire mème avec une différence de potentiel 
infiniment petite. 

Mais un pareil mouvement chaotique des ions parait être absolument 
contre nature. Il ne pourrait jamais exister dans le cas de solution 
déterminée et homogène. 

Helmholtz (3), au contraire, dans sa théorie de l’électrolyse, suppose 
que les molécules sont disposées dans la solution d’une façon uniforme. 
Leurs ions sont unis entre eux uniquement par la force électrolytique. 
C'est prurquoi la moindre force électrique extérieure est capable de 
provoquer la migration des ions au pôle correspon lant. Ainsi, d'après 
Helmholtz, le procédé de l'’électrolyse consiste en ceci, que les ions sont 
attirés par les électrodes où ils rendent leur charge et se dégagent du 
liquide sous forme de produits électrolÿtiques. D’après ces données, la 
différence des potentiels minimale est capable de produire le procédé de 
l'électrolyse dans les solutions, même avec la disposition stable et 
uniforme des molécules. Mais le fait du dégagement de l'AgO à l’anode 
ne peut pas trouver une explication suflisante dans cette théorie. D'après 
celle-ci, l'anode doit repousser les ions d'argent vers la cathode, mais 
ne doit pas contribuer à les combiner avec l'oxygène au pòle contraire. 
Pour expliquer ce phénomène, on pourrait admettre que le courant 
modifie la nature électrique de l'argent en le transformant de corps 
électro-positif en corps électro-négatif. Mais ceci est contredit par le fait 
que, en mème temps qu'il se dégage de l'oxyde d'argent à l'anode, il se 
dégage aussi à la cathode de l'argent pur. Ce ne serait pas admissible, 
si l'argent sous l'influence du courant était devenu uu corps électro- 
négatif. | 

On peut vraisemblablement admettre que sous l'influence du courant 


(1) BonxGmanx. — Revue des phénomènes électriques et magnétiques, p. 358. 
(2) CLausius. — Mechanische Wiärmetheorie, t. II, p. 164. 
(3) Hecmnoi.Tz. — Mon:tsberichte der Berliner Akademie, 1881, mai, p 647. 


SCHATZKY. — NATURE DES IONS ET DES MOLÉCULES 3 


il naît entre l'argent et l'oxygène de nouvelles forces d'attraction qui 
agissent sur ces corps plus puissamment que la différence des potentiels. 
Mais alors, la théorie de l’électrolyse présente des lacunes et doit subir 


certaines modifications. 

On peut m'objecter que l’AgO se présente à l'anode comme un 
produit électrolytique secondaire ou tertiaire. Ce sont de très beaux 
mots, mais qui, au fond, n'expliquent rien. Ils n'indiquent pas la force 
qui oblige lion Ag, malgré l'action du courant, à se combiner avec l'O 
et à ne pas se transporter à la cathode. 

La théorie moderne et dominante des solutions admet que chaque 
solution électrolytique, outre les molécules, contient encore une quantité 


Wil 


Partageons le tube en D et D’ par des diaphragmes en porcelaine 
poreuse ou en pomme de terre crue. Remplissons la partie du tube I 
avec une solution de KI, le reste du tube avec une solution de NCI. 
Plaçons l’électrode positive en platine en N et la négative en I. 


considérable d'ions libres: ce sont ces ions qui servent principalement 
de conducteurs du courant en transportant les charges électriques d'un 
pôle à l’autre. Mais, d’après cette théorie, le fait de la production d'oxyde 
d'argent est absolument inadmissible. Dans ce cas. le courant se sert 
d'ions comme de conducteurs et ne peut, par conséquent, contribuer à 


leurs combinaisons en molécules qui ne font que diminuer sa conducti- 
bilité. 


4 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Mais, comme on ne peut pas douter de la réalité de cette expérience, 
il ne reste qu’à douter de la vraisemblance de cette théorie. : 

Au reste, ce n'est pas l'unique expérience qui contredise la théorie 
de l'électrolyse. Je me permettrai de vous en exposer une autre qui 
m'inspire les mèmes doutes. 

En faisant passer un courant de 40 à 59 mA à travers une solution 
d'iodure de potassium on observe les phénomènes suivants: 

a) Si on prend, au bout de 5-10 minutes, au moyen d’une pipette, 
le liquide de À À”, et si on le soumet à une réaction d'acide nitrique aveo 
la colle d'amidon, on constate alors qu'il se trouve entre le diaphragme 
des molécules d'iodures de potassium 


b) Si on plonge un morceau de colle d'amidon dans le tube AA", 


même jusqu’au fond, l'amidon reste incolore. Cela prouve qu’il n’y a pas 
là d'iode libre comme élément chimique 

c) Au bout de 15-20 minutes, à une certaine distance du diaphragme 
à peu près en ¥, commence à se dégager l'iode pur suspendu dans le 
liquide sous forme de nuage. Au fur et à mesure du passage du courant 
sa quantité s'accroit. | 

d) Dans ce mode d'expérience, l'iode ne se dégage jamais à l’électrode 
positive. 

Dans une expérience analogue, que j'ai publiée en 1899, j'ai expliqué 
le dégagement de l’iode en X et pas à l'anode par ceci, que la force 
d'attraction au pòle positif n'est pas suffisante pour surmonter le poids 
des ions. Dans cette expérience, il n’y avait pas dans la colonne N de 
diaphragme, mais elle était beaucoup plus longue. J'ai supposé que les 
ions, à cause de leur poids, ne peuvent pas arriver à l'anode et s'unir en 
molécules en X. Mais il se trouve que cette explication n'est pas tout à 
fait juste. Des recherches minutieuses ont démontré que l'iode qui se 
ramasse en X se dégage ici des molécules d'iodure de potassium par 
l'ozone qui se diffuse de l’électrode positive dans le liquide 

Il se pose à présent la question suivante : Où restent les ions d'iode 
que le courant a degagés à la cathode de la solution d'iodure de potassium 
et qui auraient dù émigrer à l’anode? Mais il ne s’en trouve pas à 
l'anode. 

On pourrait admettre qu'ils s'unissent avec les ions de l'hydrogène 
en iodure d'hydrogène et restent dans le tube Z sous forme d'acide 
iodhydrique. Mais alors s'élèvent les mêmes doutes que j'ai exprimés plus 
haut, à propos de la formation de l'oxyde d'argent. D'après la théorie de 
l'électrolyse, liode ne doit pas se combiner avec l'hydrogène à la cathode, 
de même que l'argent ne doit pas se combiner avec l'oxygène à 
l'anode. 


SCHATZKY. — NATURE DES IONS ET DES MOLÉCULES 5 


Du reste, je n'ai pas réussi à constater la présence de l'acide 
iodhydrique à la cathode. Il ne me reste donc qu’à admettre que les ions 
d'iode en émigrant à l'anode se combinent en molécules et se joignent à 
l'agglomération générale de l'iode en X. 

Mais, alors, il faut admettre que l'ion d'iode, outre sa charge électrique 
qui l’attire vers le pôle positif, contient encore une certaine charge d’une 
nature toute autre qui l’attire vers un autre ion semblable. Il faut aussi 
supposer que cette autre charge est plus forte que la charge électrique, 
car elle la surmonte et provoque une action opposée à l'attraction polaire. 
Dans ce cas, la nature d’un ion se présente sous une forme tout à fait 
nouvelle. Outre sa charge électrique, l'ion renferme encore une autre 
forme d'énergie qui l’attire vers un autre ion de même nature chimique 
et électrolytique. 

Il m'a paru intéressant de savoir comment les molécules d'iode 
formées dans le tube se comporteront vis-à-vis de l’action polaire du 
courant à condition qu'elles s'appliquent directement à l'électrcde. Dans 
ce but, j'ai agité le liquide qui se trouvait entre les diaphragmes, et j'ai 
obtenu ainsi un mélange brun d iode pur avec la solution de chlorure de 
sodium contenant une quantité infime d'iodure de potassium. Après avoir 
placé les électrodes en 4A?’ je fais passer un courant de 30-40 m4’ et 
voici ce que j'ai observé : 

Immédiatement après le passage du courant dans le l‘quide, les parties 
attenantes aux électrodes commencèrent à se décolorer. La décoloration 
s'accomrplit plus rapidement à la cathode qu’à l’arode. Au bout de 
10-15 minutes les deux colonnes liquides sont également décolorées. 
L'iode, non seulement ne s’accumule pas à l’anode, mais dans le liquide 
qui l'entoure on ne peut ni en découvrir la moindre trace ni y trouver 
l'une quelconque de ses combinaisons, tandis que dans le liquide autour 
de la cathode il se trouve au contraire des combinaisons iodurées en 
abondance. Si on répète cette expérience avec un simple mélange d'iode 
ou de teinture d'iode dans une solution de chlorure de sodium, on obtient 
les mèmes effets. 

Cette expérience démontre que les propriétés électrolytiques de l’iode 
à l'état moléculaire, non seulement se perdent, mais subissent une véri- 
table transformation. Non seulement il ne s’accumule pas à l'anode, mais 
il manifeste une certaine tendance à s'en éloigner. L'iode pourrait, dans 
ce cas, se combiner avecles ions libres de sodium quise dégagent al'anode, 
de mème que l'oxygène se combine avec l'argent dans la première 
expérience. Mais, comme nous le vovons, l'ion de sodium émigre hbre- 
ment vers la cathode où, évidemment, il trouve des conditions favorables 
pour se combiner avec l'iode Et le plus étonnant, c’est la disparition de 


6 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


iode du liquide qui entoure la cathode. Il me parait donc juste de conclure 
de cette expérience que la matière à l’état d'ions est radicalement différente 
de la même matière à l'état de molécules. A l'état d'ions, la matière est 
non seulement privée de ses propriétés physiques matérielles, comme la 
couleur, l'odeur, la consistance, etc, mais elle est aussi différente au 
point de vue de ses propriétés électrolytiques. 

Dans mon travail : « Bases de l’action thérapeutique du courant 
continu », en 1899, je me suis permis d'exprimer l’idée qu’un ion est une 
des phases de la transformation de l'énergie en matière. Mais il me parait 
actuellement plus juste de dire que l'ion est une des formes de la matière 
en état d'énergie ou dans un état proche de l'énergie. 

Malheureusement nous connaissons très peu encore la nature des ions. 
Mais, même le peu que nous en savons, est une raison de la considérer 
plutôt en quelque sorte comme une parcelle d'énergie que comme une 
parcelle de matière. En tant que parcelle de matière nous ne savons 
absolumeut rien de lui avant sa transformation en matière réelle. Il ne 
se manifeste par rien de matériel. Malgré sa présence indubitable dans 
l’espace intra-polaire de l'électrolyte pendant le passage du courant, 
il est impossible de le rendre concret par aueune méthode, soit physique, 
soit chimique ; tandis que comme unité d'énergie nous connaissons bien 
ses propriétés électro-dynamiques, qui sont probablement beaucoup plus 
compliquées que ce qui en est connu jusqu'à présent par la science. 
Voilà pourquoi il ne me parait pas illogique et répréhensible de consid‘rer 
l'ion comme quelque chose d'intermédiaire entre énergie et matière, 

En somme, plus j'étudie cette question, plus cette supposition me 
paraît vraisemblable. | 

La division du contenu du cosmos en matière et en énergie ne me 
parait pas être tout à fait conforme à la nature des choses. Je ne peux pas 
me représenter l'énergie comme quelque ch se en dehors de la matière. 

Aucune énergie n'existe indépendamment de la matière. Aucune 
énergie ne semanifeste en dehors de la matière. Toutes les énergies que 
nous connaissons apparaissent comme le résultat de modifications physi- 
ques ou chimiques de la matière. Une masse donnée d'énergie n'est autre 
chose qu'une masse d'une certaine propriété, d'une quantité donnée de 
matière. Cela suffit pour considérer l'énergie comme un produit de la 
matière. D'autre part, nous voyons qu’un ion privé de presque toutes ses 
propriétés matérielles — qui représente quelque chose contenant presque 
uniquement de l'énergie — se transforme cependant, dans certaines 
conditions en matière la plus ordinaire. 

De quoi se conpose cette matière ? Si on rejette toute idé? préconçue 
et qu'on veuille répondre sincèrement à cette question, il ne reste qu'à 


” 


SCHATZKY. — NATURE DES IONS ET DES MOLÉCULES 7 


dire que cette matière se compose de forces dynamiques, c’est-à-dire des 
énergies réelles dans ces ions. 

Ces transformations seraient absolument inadmissibles si la matière 
et l'énergie étaient des entités séparées et de différente nature. Mais 
comme ces transformations s’accomplissent éternellement et incessam- 
ment, il me semble plus juste de considérer la matiere-et l'énergie 
comme quelque chose d'identique. L'une et l’autre sont des formes 
différentes d'une même et‘unique entité. Dans certaines conditions, la 
matière se présente comme source d'énergie, et dans certaines autres 
c'est l'énergie qui sert d’origine à la matière. La différence, comme je 
suppose, consiste seulement en ceci, que la matière est énergie à l'état 
potentiel, tandis que l'énergie est matière à l’état kinétique. 

Au fond, les propriétés connues et étudiées de la matière ne sont pas 
absolues et invariables. Et, ce que nous interprétons comme lois 
physiques et biologiques ne sont que des lo's relatives, justes seulement 
dans des conditions données. 

Par mes expériences tout à fait élémentaires citées plus haut on voit 
que même les lois de l’électrolyse ne sont pas absolument justes. 
Mais elles ne le sont pas, non parce qu’elles sont fausses, mais parce que, 
comme il faut le supposer, l'énergie électrique elle-même change ses 
propriétés sous l'influence de la matiére. 

Nous avons vu par exemple que, contrairement aux lois de l’électro- 
lyse, les ions d'argent se dégagent à l'anode et s'y combinent avec d’autres 
éléments Nous avons vu que les ions d'iode, malgré l'action du courant 
ne s'unissent pas à l'anode, mais se forment en molécules dans l’espace 
intra-polaire Nous avons vu aussi que le rapport entre les molécules 
d'iode et le courant est tout à fait l'inverse du rapport entre ses ions et le 
même courant. | 

Il ne faut pas cependant en conclure que les lois de l'électrolyse sont 
fausses. Elles sont justes, mais justes seulement relativement. Elles sont 
justes en tant que les propriétés de la matière qui fonctionne dans les cas 
donnés ont conservé leur statu quo connu de nous. Mais, une fois ce 
statu quo modifié par le fait de nouvelles conditions, ou par l’apparition 
de nouvelles et inconnues propriétés de la matière, il est clair que l'éner- 
gie é ectrique, comme produit de la matière, doit changer aussi ses pro- 
priétés Nous connaissons les propriétés de la mat'êre uniquement sous 
la forme dans laquelle les molécules qui la composent se trouvent en état 
d'équilibre, quand l'énergie propre aux ions de ces molécules se trouve à 
l'état potentiel. Mais nous ne connaissons presque pas ses propriétes dans 
l'état contraire de la matière, c’est à-dire quand ces molécules sont 
dissociées, quand les énergies accumulées dans leurs ions se trouvent à 


8 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


à l'état kinétique. Sous cette forme, la matière est tout différente de la 
matière que nous connaissons dans la Nature. D’après ses propriétés, elle 
est plutôt énergie que matière. Et combien y a t-il de ces phases de la 
dissociation de la matière qui nons sont totalement inconnues ? 

Le docteur Gustave Le Bon, dans son remarquable ouvrage : 
« L'Evolution de la matière », expose une foule d'expériences ingénieuses 
qui démontrent les faits de la transformation de la matière en énergie. 
Bien que mes jugements exprimés ici ne correspondent pas complètement 
à la conception que le docteur Le Bon s’est faite du même sujet, je suis 
néanmoins heureux de savoir qu’un savant aussi éminent et un esprit 
aussi profond se déclare si énergiquement en faveur de l'unité de l'énergie 
et de la matière. 

La connaissance des propriétés de la matière dans ses formes élémen- 
taires donnera à la Science non seulement une quantité de vérités 
nouvelles mais aussi la possibilité d'établir des théories insdiscutabl s et 
définitives. Dans l'ion, qui représente sans doute une des formes de la 
matière proche de l'énergie, se trouve recelée une riche source de forces 
variées. 

La connaissance des propriétés de ces forces et le pouvoir de les diriger 
peuvent rendre d'immenses services à nous aussi, médecins, dans la haute 
mission qui nous incombe. 


Un cas d'hystérie chez un vieillard. 


Par M. Daniel MAES. 


S'il est acquis aujourd’hui que l'hystérie n'est plus l'apanage exclusif 
du sexe faible, qu’elle se rencontre, et avec des symptômes plus graves 
et plus tenaces, chez l’homme, je crois qu'on peut considérer comme 
une rareté clinique l’hystérie se déclarant chez un vieillard de 68 ans 
sous un tableau morbide qui, certes, n’est pas banal. 

Le 31 mars s'est présenté chez moi un homme de 68 ans, ouvrier 
en lin, veuf depuis 25 ans 1l a eu un seul enfant, mort de convulsions, 
à 3 mois. Sa mère est morte d’une maladie de cœur et son père d'une 
hernie étranglée. 

Antécédents personne!s : A 24 ans il a souffert de fortes douleurs 
articulaires; vers la mème époque il a eu un saisissement violent, qui 
bientôt, cependant, ne laissa plus de traces. Il y a 6 ans il fut atteint 
d'une entérite. Dernièrement il a été pris d'une pleurésie, et c’est en con- 
valescence de cette maladie que l'affection hystérique est survenue. Le 
patient n’est pas buveur, n'a fait d'abus d'aucune sorte; il a mené tou- 
jours une vie régulière et sobre sous tous les rapports. ll est très 
impressionnable et fort sujet aux vertiges. 

Histoire clinique: L'affection dont souffre le patient a débuté au 
mois de janvier. Brusquement, vers 3 h. de l'après-midi, il s'est déclaré 
un mouvement dans la main droite, pendant qu'elle reposait sur le genou 
par sa face palmaire, l'avant-bras formant avec le bras un angle aigu 
ouvert en dedans. Le membre supérieur a gardé cette attitude pendant 
toute la durée de la manifestation névrosique. Ce mouvement, limité donc 
à la main, consistait en une oscillation autour du grand axe de la main, 
donc un mouvement alternatif de pronation et de supination. Il était 
régulier, rythmique, augmenté en violence et en fréquence par les émo 
tions. Le nombre d oscillations était de 130 à 140 par minnte. L'avant- 
bras restait dans la position fléchie, mais le patient parvenait à faire 
l'extension et à lever et baisser le membre supérieur. Par contre, la 
volonté n'avait aucune influence sur le mouvement oscillatoire. Lorsque 
le malade voulait fixer sa main, aussitôt un mouvement d'abaissement et 


EE UE a a 


r OEN E IOE E A EL SE EL SE A A E S EA O s E e y 


10 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d'élévation se produisait dans le membre supérieur, en même temps que 
les oscillations s'arrêtaient. Ces mouvements étaient très violents. Le 
mouvement de la main continuait la nuit comme le jour et provoquait 
ainsi une insommie presque totale. A côté de cette manifestation motrice 
il avait comme stigmates hystériques : abolition du réflexe pharyngien, 
légère exagération des réflexes rotuliens, la boule hystérique, des points 
douloureux hystériques au niveau de la poitrine, diminution du champ 
visuel en haut et en bas; en plus de la polyurie, mais les urines sont 
normales. Le membre qui est le siège du mouvement n’est pas doulou- 
reux; la main est bleuàtre, les doigts sont froids, indices de troubles 
vaso-moteurs de nature névropathique, puisqu'il n'y a pas d'artériosclé- 
rose marquée ni d'affection organique constatable des appareils cir- 
culatoire, respiratoire et urinaire. Il y a en outre une anesthésie 
s'étendant de la main au coude. 

Malgré mon insistance à faire tout son possible pour arrêter les 
mouvements, le patient n’y parvenait pas Toutefois, j'avais constaté 
au cours de l'examen, qu’en fixant l'esprit du malade par mon interro- 
gatoire, l'écart entre les mouvements me paraissait plus grand 

Un fait établi ds le premier abord, c'est que le malade présentait 
certains stygmates de l'hystérie et gràce à leur présence, grâce au 
développement brusque de ce mouvement sans cause apparente, gràce 
aussi à l'absence de tout symptôme qui pût plaider en faveur d'une 
affection organique, le diagnostic d'un mouvement oscillatoire de la 
main, de nature hystérique, me paraissait très fondé. Le traitement 
a prouvé, d'ailleurs, que j'avais raison. 

J'ai institué aussitôt une médieation sédative assez intense, et trois 
heures après, sans que j'aie, au cours de la consultation, assuré le malade 
qu'il guérirait à coup sùr, le mouvement s'est arrêté brusquement. Cet 
` arrêt, évidemment, ne doit pas être attribué à la potion calmante, mais 
uniquement, me semble-t-il, à l'influence suggestive que l'examen 
attentif avait exercé sur le patient, comme il me l'a avoué après. Au 
moment de la cessation de ce mouvement le malade éprouvait un fré- 
missement se produisant de la racine du membre à la main. 

7 avril: Je revis le malade, débarrassé de son mouvement, mais 
éprouvant de la parésie du membr£ supérieur droit et de la douleur au 
niveau du plexus brachial droit. Je rattache ces symptômes en grande 
partie à la suractivité à laquelle le membre a été soumis pendant 
8 semaines, En même temps l'anesthésie se limite à la main. Devant 
abandonner le malade pendant quelques semaines, je lui conseille 
d'appliquer, sur la région sus-claviculaire, un emplatre belladoné et de 
faire quelques frictions excitan!es sur le membre. 


MAES. — HYSTÉRIS CHEZ UN VIEILLARD 11 


13 août : Je revois le malade. Le mouvement oscillatoire n’a plus 
reparu, maisle malade éprouve des élancements douloureuxcommençant 
à la main et s'étendant à l'épaule Ils se produisent surtout la nuit et provo- 
quent parfois de l'insomnie. La parésie persiste et lorsqu'il veut effectuer 
le moindre petit travail, un tremblement se produit dans la main. La 
flexion des deux dernières phalanges de l’annulaire et du petit doigt est 
impossible. Les troubles vaso-moteurs persistent, de même que l’anes- 
thésie de la main. 

Je commence à cette date l'application du courant continu sur le 
membre sup‘rieur droit et sur le plexus brachial. Je fais une séance 
tous les deux jours. 

20 août : Les élancements douloureux ont cessé. Le sommeil est 
meilleur. La force revient. Le malade peut s'habiller sans aide et flé“hit 
complètement l’annulaire. 

2 octobre : Le patient se sent complètement guéri. Il peut se livrer 
aux travaux les plus fatigants ; la flexion des doigts est parfaite Dis- 
parition des troubles vaso-moteurs et de l’anesthésie. 


Deux faits nous frappent dans cette observation clinique tout d'abord 
l'apparition de l'hystérie chez un vieillard de 68 ans, sans cause bien 
déterminée, et ensuite, à part les stigmates hystériques, l'apparition 
d'un mouvement spécial qui n’est ni convulsif, ni un tremblement et dont 
la nature névropathique me paraît bien évidente. Sans doute la symptô- 
matologie de l’hystérie varie à l'infini, sans doute cette affection peut se 
manifester au dehors sous des tableaux morbides très divers. ce mouve- 
ment oscillaioire si particulier m'a paru cependant assez intéressant pour 
mériter une communication. Enfin, j'insiste sur l'action rapide exercée 
sur les phénomènes sensitifs et moteurs par les courants continus. 
Certainement il faut faire ici une part bien large à la suggestionnabilité 
du patient, mais il me parait difficile cependant de ne pas reconnaitre aux 
courants continus, vu la marche vers la guérison, une action propre 
dans ce cas spécial, à côté, peut-être, de la suggestion 


Un cas de tic douloureux de la face guéri par 


l'ionisation salicylée 


Par M. VERNY (de Boulogne-sur-Mer) 


. M. P.... est un homme de soixante ans environ, qui, depuis le mois 
de janvier 1905, souffre atrocement d'une névralgie du trijumeau. Ce 
n'est là qu’un épisode de sa maladie, car son premier accès remonte à 
1885 et pendant cette période de 20 ans, il a eu de nombreuses rechutes 
de plus ou moins longue durée. En 1893, un chirurgien lui a réséqué les 
branches sus et sous-orbitaires ; malheureusement, cette opération n’a 
pas empêché le mal de réapparaitre l'année suivante 

Au mois de mai 1905, malgré les diverses médications employées 
(aconitine, opiacés, morphine etc...) les accès sont devenus si rapprochés 
et si pénibles que, sur le conseil du docteur Decréquy, le malade se décide 
à venir à Boulogne, pour y suivre un traitement électrique. 

Lorsque je le vois pour la première fois, il est très affaibli par 
l'absence de sommeil et aussi parce que l'alimentation solide est impos- 
sible, à cause des douleurs atroces provoquées par les mouvements de la 
mastication 

Les crises sont incessantes et réveillées par le plus petit bruit 
extérieur, elles ont pour point de départ la région du sous-orbitaire 
et de là s'irradient à toute la face gauche ; elles s'accompagnent de 
contractions des muscles du visage. Le retour de l'accès arrache des cris 
déchirants au malade, qui fait vraiment peine à voir. 

Je commence le traitement le 20 mai chez M. P...., qui est obligé 
de garder le lit. J'applique sur la moitié gauche de la face un épais gâteau 
d'ouate hydrophile imbibé d'eau tiède et taillé de façon à ne pas recouvrir 
l'œil ni la bouche. Une électrode en étain qui moule exactement cette 
ouate est reliée au pôle positif. Mon pôle négatif est représenté par une 
large électrode en étain de 16 x24. recouverte d'amadou et de peau de 
chamois. Cette plaque, égalemert bien mouillée, est placée dans le dos. 

A l'aile d'une pile au bisulfate de mercure, je fais passer un courant 


VERNY. — IONISATION SALICYLÉE 13 


galvanique, que je débite très lentement. Comme intensité, je ne cherche 
pas à dépasser 8 à 10 m.A. 

Durée de l'application : 1 heure. 

Au début de la séance. les crises surviennent toutes les cinq minutes et 
durent 45 secondes. Peu à peu elles diminuent de fréquence et ne se 
produisent plus que tous les 1:4 d'heure. Chaque jour et à la même heure, 
je fais une application semblable. Après 10 séances de galvanisation 
ainsi pratiquée, ne ressentant pas d'amélioration suffisante à son gré. le 
malade se décourage et veut abandonner le traitement électrique, pour 
recourir à la gassérectomie. C’est alors que j'ai l’idée de traiter cette 
névralgie si rebelle par l'ion salicylique, d’après la méthode du professeur 
Leduc, de Nantes. 

Notons en passant que le salicylate de soude avait été donné en 
potion et sans résultat. 

Suivant les indications de Leduc, je trempe mon gàteau d'ouate dans 
une solution de salicylate à 2 °/. puis je recommence les séances de 
galvanisation comme précédemment, en ayant soin toutefois de mettre le 
pôle négatif à la face. 

En quelques jours, une amélioration manifeste se produit, les crises 
diminuent de nombre et de durée. Environ après 3 semaines de traitement 
(vers le 15 juin) la guérison était obtenue. 

M. P.... quitte alors Boulogne, mais sur mon conseil, il continue à 
s'électriser lui-même pendant trois mois consécutifs. Ce laps de temps 
écoulé, il ne cesse pas complètement le traitement : pendant les 8 pre- 
miers jours de chaque mois, je lui ordonne de faire, à titre préventif, 
une application de courant continu dans les mêmes conditions. 

C'est la technique que nous avons vu employer avec succès à la 
Salpêtrière, par le docteur Zimmern, et qui semble réussir également bien 
à notre malade, puisque depuis près de 18 mois sa santé est restée parfaite. 


v -= — = 


Deux cas de lupus traités par la radiothérapie. 


Par M. A. LEUN (de Bruges). 


Directeur du service d’électrothérapie de l'Hôpital de Bruges. 


Oss. I. — Mie A. V., âgée de 24 ans, a souffert, depuis l’âge de 
8 ans, d’une série de ganglions suppurés dans la région sous-maxillaire 
et le long des muscles sterno-mastoïdiens qui ont laissé de nombreuses 
cicatrices couturées. Elle accuse la ponction d’un de ces abcès froids 
d'être l'origine de son lupus vers l’âge de 19 ans Débuté à la région 
sous maxillaire, l'affection n'a fait que s'étendre rapidement, de sorte 
que quand elle vint me consulter elle envahit tout le menton jusqu'à la 


Fig. 1. 


lèvre inférieure et les deux joues jusqu’à la hauteur de l’os zygomatique. 
La surface malade est tuméfiée, rouge foncé quand on enlève les nom- 
breuses croûtes et parsemée de nombreux nodules tuberculeux. 

11 y a un ganglion en suppuration à l'angle de la mächoire à droite. 

Je soumets la malade à la radiothérapie à partir du 8 avril 1904. 
Ampoule réglable « Monopol » actionnée par une bobine de 40 centim. 
d’étincelle munie d'un interrupteur à turbine, Spintermètre à 7 cenlim. 
d'écartement. Radiochromomètre du 7* au 8° échelon. L'anticathode 


LEUN. — LUPUS TRAITÉS PAR LA RADIOTHÉRAPIE 15 


est éloignée de 15 centim. de la surface malade. Les parties saines de la 
face sont protégées par des lamelles de plomb. 

Les séances sont courtes et graduellement croissantes en durée : 
de 1 1/2 m. à 5 minutes, elles ont licu 3 fois par semaine. La durée de 
5 m. atteinte, le traitement est interrompu pendant 10 jours, pour 
reprendre à 1 1/2 m. de durée. 

A la 5Me séance, la surface malade est beaucoup plus sèche, les 
croûtes se forment moins, la suppuration du ganglion se tarit. 

Le 10 juin la plupart des tubercules ont disparu, la surface est 
toujours d’un rouge foncé et subit une forte desquammation. Cet état 
reste à peu près tel jusqu’au 15 octobre, la desquamation devenant de 


Fig. 2. 


plus en plus purpuracée. J’interromps le traitement jusqu'au 5 décembre. 
À cette date, je suis frappé du changement qu'a ubi la lupus : la 
tuméfaction a disparu, la surface est rosée, et à maints endroits présente 
déjà l'aspect d'une peau saine, il ne reste que trois petits nodules vers la 
commissure labiale. Le traitement est repris par la même méthode 
jusqu'en mars 1905, avec deux intervalles d’un mois. A cette date la 
surface est assez rouge mais parfaitement lisse, toute desquamation a 
disparu. Je cesse le traitement. 

En novembre 1905, la région atteinte par le lupus présente l'aspect 
d'une cicatrice bien unie, ne tranchant sur la peau voisine que par une 
teinte légèrement plus rosée. Jusqu'’aujourd’hui (septembre 1906) il n’y 
à pas trace de récidive ; au contraire, la cicatrice présente de plus en plus 
l'aspect d'une peau saine. = 

Les deux photographies sont faites, l'une au début du traitement, 
l'autre en juillet 1905, 4 mois après sa cessation. 


16 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Oss. II. — Mie M. F., 18 ans Lupus vorax de la lèvre supérieure, 
des joues et ayant rongé le lobule du nez. Toute la surface malade est 
couverte de fongosités exubérantes et de croûtes. 

Le traitement radiothérapique est commencé le 9 mai 1905, d'après 


Fig. 3. 


la même méthode que ci-dessus; séances courtes et progressivement 
croissantes suivies d’un repos. Une dizaine de séances furent données en 
mai, sans résultat. Je me décide à donner des séances plus longues, de 
JO minutes à ]/4 d'heure tous les 6 jours. Malheureusement, comme 


Fig. 4. 


dans le cas précédent, je ne possédais à cette époque aucun instrument me 
dosant la quantité de rayons X, ce qui m'obligeait à une très grande 
prudence. Dès le 6 juillet, soit après 6 séances, la plaie se présente sous 


LEUN. — LUPUS TRAITÉS PAR LA RADIOTHÉRAPIE 17 


un tout autre aspect, la surface se déterge, les croûtes diminuent, il y a 
une tendance à la cicatrisation. Je donne encore 16 séances jusqu’au 
20 septembre. La malade présente à cette époque l’aspect de la seconde 
photographie. Ce qui est surtout remarquable, c'est la cicatrisation du 
lobule du nez, qui semble vouloir reprendre son ancienne forme, et la 
guérison de la lèvre supérieure et de la joue. Il reste des fongosités et 
des nodules tuberculeux le long des plis naso-labiaux et à la lèvre 
supérieure. Malgré ce remarquable progrès, le malade, trouvant peut- 
être la radiothérapie un peu lente, alla se confier à un rebouteux quel- 
conque. Depuis je l'ai perdu de vue. 


ANNALES DÉLECTROBIOLOGIE TOME yX. — JANVIER 1907. 2 


Un nouveau localisateur-protecteur pour 


ampoules de Crookes. 


Par M. DE KEATING-HART (Marseille) 


La nécessité d'un appareil protégeant malades et médecins contre les 
rayons X égarés autour de la zone utile n’est plus à démontrer aujourd'hui. 
Tous nous savons la nocivité de ces radiations et les graves lésions qu’elles 
peuvent produire. i 

Aussi, dès longtemps s'est-on efforcé de réaliser un dispositif propre 
à les arrêter. | 

Tout d’abord l'on a couvert le malade, puis entouré l’ampoule d'un 
métal opaque ; mais tout de suite s'est manifesté un phénomène, encore 
mal expliqué : la proximité d’un corps conducteur détermine un rapide 
durcissement du tube de Crookes. 

Des constructeurs ont alors fait souffler des ampoules en verre plombi- 
fère et dont le champ radiothérapique seul était en verre ordinaire : elles 
ont l'inconvénient de ne retenir que faiblement les rayons inutiles. et 
d'offrir un champ toujours égal à lui-même, quelle que soit la région 
traitée. 

Les localisateurs en verre plombique indépendants de l ampoule, s'ils 
sont assez épais pour être elficacement protecteurs sont lourds, cassants 
et dun maniement incommode. 

Tels étaient les divers modes de localisation qu'offraient les cons- 
trucleurs quand jai songé à utiliser le caoutchouc rendu opaque aux 
rayons X à l’aide de sels de plomb mèlés à sa fabrication. 

Dans le mème temps où je faisais mes expériences, paraissait le loca- 
lisateur de Belot, construit en ébonite métallisé : appareil utile, bien 
compris et bien exécuté, mais présentant, selon moi, les inconvénients 
suivants : il est d'un transport difficile, d'un prix élevé et, en outre, laisse 
entre lui et l'ampoule un espace que je considère, pour des raisons que je 
dirai dans un prochain travail, comme une cause de durcissement assez 
rapide de celle-ci. 

Il serait en effet d'abord onéreux de multiplier ces appareils dans un 
institut où l'on possède deux ou plusieurs fauteuils à radiothérapie ; 


pe 


KEATING-HART. — AMPOULES DE CROOKES 19 


ensuite, il est presque impossible de transporter le Belot chez les malades 
dont l'état nécessite un traitement à domicile ; enfin, on ne peut l'adapter 
au dispositif radioscopique de Béclère que beaucoup d'entre nous possè- 
dent ; or, il y a intérêt, pour ceux qui pratiquent souvent cet appareil, à 
éviter, quand ils passent derrière lui, l'atmosphère dX émanée de 
l'ampoule en activité. | 

C'est cet ensemble de causes qui m'a poussé à achever la construction 
de mon localisateur, malgré les qualités indubitables de celui du D" Belot, 
avec lequel il ne fait du reste pas double emploi, ayant des raisons d'être 
différentes. ‘ 

Voici comment il a été exécuté, sur mes indications, par les maisons 


d'Arloz, à Marseille, et Régnier, à Paris : c'est un masque ou étui partiel], 
s’adaptant exactement au tube de Crookes (fig. 1). 

Le tissu dont il est constitué est à la fois souple et ferme, et tend à 
garder sa forme. | 

L'appareil est composé de pièces indépend.ntes les unes par rapport 
aux autres et fixables à l'aide de boutons et d'æœillets. 

Trois de ces pièces servent de support aux autres : une antérieure, 
deux postérieures : la première (A) est une rondelle, évidée large- 
ment à son centre, et limite le champ radiothérapique maximum; 


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20 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


la seconde (B) couvre la zone radiante postérieure, et la troisième (C) 
est une bretelle qui maintient en place les deux autres. 

Trois cylindres, de diamètres différents 1E. F. G.), peuvent se 
fixer, selon le besoin, autour de la lumière du support antérieur. 

Enfin, un coussinet pneumatique que l'on glisse entre le support 
antérieur et lesampoules de petite dimension, et que l’on gonfle à volonté, 
permet d'y adapter le localisateur. 

Mon appareil, je dois le dire, ne peut se fixer que difficilement sur 
des tubes d'un diamètre supérieur à 13 centimètres En revanche, ceux 
d’un diamètre égal ou inférieur y fonctinnnent très bien. 

Une objection théorique qui m'a été opposée est celle-ci : ce luca- 
lisateur, épousant la forme de l'ampoule, doit forcément la durcir en 
favorisant la condensation. | 

J'ai dit plus haut que l'étude des causes du durcissement me paraissait 
encore à faire : l'hypothèse de la condensation me semble particulière- 
ment discutable. 

Mais quelle qu'en soit la valeur, une théorie ne peut tenir coutre un 
fait. Or, le fait est celui-ci : Mon localisateur, loin de le håter, retarde 
le durcissement de l'ampoule. M. le professeur Cayol de Poncy, nos 
confrères MM. Dupayrac et Nicolas, etc., en ont témoigné : au bout de 
quelques minutes de fonctionnement, l'ampoule enfermée dans mon loca- 
lisateur devient d'une constance remarquable. à telles enseignes que 
pour obtenir un durcissement rapide il faut la dépouiller de son 
enveloppe. | 

Telle est l'économie de ce petit appareil, que j'utilise depuis plusieurs 
mois dans ma clinique et à mon cabinet, et me semble répondre aux 
besoins courants de la radiothérapie, comme de la radiographie. 


Sur la diversité des syndromes électriques 
de la paralysie faciale. 


Paralysie faciale périphérique grave sans syndrome 
de dégénérescence 
et présentant de l’hyperexcitabilité électrique. 


par MM. CLUZET & SIROL (de Toulouse). 


Le syndrome électrique de la paralysie faciale est considéré avec rai- 
son comme le plus étudié. le mieux défini. Il paraissait jusqu'ici devoir 
être toujours identique à lui mème et répondre au tableau classique dont 
M. Wertheim Salomonson a fait une étude magistrale, en 1900. 

Or, M. Babinski a présenté l'année dernière, à la Société de Neuro- 
logie, deux cas de paralysie faciale ancienne de caractère périphérique 
présentant des réactions électriques toutes différentes de celles obser- 
vées en général : au lieu du syndrome de dégénérescence, on constatait 
une exagération de l'excitabilité faradique et galvanique. Dans les deux 
cas il existait quelques mouvements spasmodiques intermittents du côté 
paralysé L'un des cas datit de l'enfance et était dû à une otite suppurée, 
l’autre était lié à une lésion bulbo-protubérantielle Il nous a été permis 
de rencontrer un nouveau cas de ce genre, voici tout d'abord l’observa- 
tion résumée de notre malade. 


Marcelle C..., 4 ans 1/2, n'a pas d'antécédents nerveux, alcooliques ou syphi- 
litiques, est née à terme et n’a jamais eu de maladie sérieuse, quoique nourrie 
au biberon. N'a jamais eu de convulsions, de vomissements ou de nausées. Au 
mois de janvier dernier (16, elle a eu une rougeole bénigne, dont elle est très 
bien guérie. Cependant, quinze jours avant que l'on ne constate l'éruption, on 
remarqua un matin que l'enfant avait la face déviée Cette déviation était surtout 
apparente quand elle riait. Elle se plaignait en même temps de douleurs dans 
l'orcille du côté paralysé. Ces douleurs étaient d'ailleurs assez faibles et espacées, 
ne se produisaient qu’une ou deux fois par jour et duraient de {0 minutes à un 
quart d'heure. De temps en temps seulement l'enfant se plaignait d'élancements. 
L'oreille n'a jamais coulé. Malgré cela, Marcelle C... était gaie et son état géné- 
ral n'était pas mauvais. Aussi, on ne s'inquiéta pas tout d'abord de cette paralysie, 
pensant qu'elle ne durerait pas. L'enfant avait l'œil gauche ouvert et ne pouvait 


22 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pas arriver à le fermer, même pendant le sommeil, l'occlusion était imparfaite. La 
salive s'échappait par la commissure labiale gauche et la face était très déviée. 

Mais bientôt les parents,lassés de voir cet état se prolonger, se décident à con- 
sulter un otologiste, qui les adressa à l’un de nous A ce moment la déviation de la 
face à droite est assez marquée et s'exagère beaucoup quand l'enfant rit. L'œil 
gauche est plus ouvert que le droit, il est larmoyant et chassieux La salive ne 
s'écoule plus par la commissure labiale, mais les mouvements des levres et des 
sourcils sont impossibles à gauche. Elle ferme beaucoup plus son œil qu’autrefois 
et l'occlusion est presque complète. 

Tout le côté gauche de la face est flasque et tombant. 

Du côté des yeux, il n'existe pas d'inégalité pupillaire ni de troubles de la 
vision ; mais si l’on fait suivre du regard un objet, la tète étant maintenue bien 
droite, on constate des mouvements nystagmiformes lorsque l'objet est du côté 
droit, dans la partie la plus externe du champ visuel. Dans le regard forcé à 
gauche on constate une difficulté assez grande à regarder de ce côté, une partie de 
la sclérotique reste toujours visible sur le côté externe de l'œil gauche. Il semble 
qu'il existe un peu de parésie du droit externe de ce côté, mais il n'y a pas de 
strabisme. 

Les amygdales sont hypertrophiées, la luette est en position normale, mais 
elle est fortement attirée à droite dès qu'une contraction se produit, La langue 
n'est pas déviée. | 

Examen électrique. — 1° Excitation faradique. D'une manière générale, l’exci- 
tabilité des nerfs et des muscles est augmentée à gaiche (côté de la paralysio). 
C'est ainsi qu'avec des ondes faradiques isolées le seuil de l'excitation des bran- 
ches supérieure, moyenne et inférieure du facial apparait quand la bobine induite 
est à la 10° division du chariot de Gaitfe (grand modèle), tandis que le seuil n'est 
obtenu du côté sain qu'à la 7° division. 

L'excitation directe des muscles donne des résultats semblables : une différence 
de 3 divisions pour les deux côtés de la face. 

L'excitation du tronc nerveux donne visiblement encore les mêmes résultats ; 
mais pour l'intensité qui donne le seuil aux branches secondaires on n'a qu'une 
légère contraction à la commissure labiale, il faut arriver à la 8e division pour 
obtenir une contraction de tout le territoire du facial gauche, à la 6° division pour 
obtenir la contraction totale à droite. Avec l'intensité qui donne le seuil de 
l'excitation du tronc nerveux à droite, l'excitation du tronc du facial gauche 
s'accompagne d'une violente contraction de tous les muscles j'e ce côté. 

Avec un courant faradique tétanisant ou avec des excitations rapides mais 
permettant une légère décontraction avant une nouvelle excitation, les muscles 
réagissent parfaitement à l'excitation directe et indirecte; les contractions ces- 
sent toujours avec l'excitation. 

2 L'excitation galvanique. — L'excitabilité galvanique du nerf et des muscles 
est exagérée à gauche. Ainsi aux muscles du menton le seuil apparaît (pour NFe) 
avec une intensité de 1 mA, 2 à gauche et avec une intensité de 2 mA à droite: au 
tronc nerveux le seuil est obtenu avec 1 mA, 8 à gauche et avec 2 mA, 2 à droite. 

La contraction de fermeture négative est toujours plus forte que la contraction 
de fermeture positive, et l'ouverture positive s'est toujours montrée plus efficace 
que l'ouverture négative. 

La contraction musculaire paraît normale sensiblement, peut ètre un peu plus 
lente du côté paralysé que du côté sain. 


CLUZET & SIROL. — PARALYSIE FACIALE 23 


3° Ercitation par condensateurs. — La différence d'excitabilité s'observe encore 
plus nettement, peut-être, si l'on excite par des décharges de condensateurs. 
Ainsi avec une capacité de 0,01 microfarad on obtient le seuil de la contraction 
des muscles du menton pour 51 volts à gauche et pour 80 volts à droite. 

La contraction musculaire est assez rapide, le pôle négatif est le plus 
actif. 

Les nombres obtenus permettent de déterminer les cœfficients a et b de la for- 
mule de Weiss (Q = a + bt). On peut ainsi caractériser l'excitabilité des mus- 
cles du menton, par exemple, par les formules 

Q = 0,11 microcoul. + 1,2 milliamp. £ à gauche (pôle négatif) 
Q = 0,62 microcoul. + 2 milliamp. ¢ à droite id. 

On pourra tirer, de là, la quantité d'électricité Q nécessaire au seuil de la 
contraction musculaire pour une durée d'action égale à t, cela quelle que soit la 
forme de l'onde employée, courant continu, courant faradique, décharge de 
condensateurs, etc. 

Excitation mécanique. — La percussion des divers points de la face, à 
gauche, en particulier des points moteurs des branches du facial, s'accompagne 
d'une contraction très apparente des muscles correspondants. Mais la percussion 
des muscles eux-mêmes provoque la contraction réflexe de la région percutée. 
La percussion ne donne lieu à aucune réaction du côté sain. 


Le diagnostic clinique d'une semblable affection ne présente guère de 
difficulté, et en présence d’une paralysie étendue à tout le facial tant 
inférieur que supérieur, ayant débuté sans convulsion, sans paralysie 
concomitante des membres, sans troubles de la sensibllité, on ne peut 
penser qu’à une paralysie faciale périphérique. 

Une lésion protubérantielle atteignant le noyau d'origine de la 
septième paire ou le nerf lui-même dans la partie moyenne ou inférieure 
de la protubérance pourrait produire une paralysie présentant les carac- 
téres de la paralysie faciale périphérique. Mais cette paralysie protubé- 
rantielle s’accompagnerait d'autre signes, tel questrabisne, paralysie des 
membres du côté opposé. Chez notre petite malade nous avons bien cons- 
taté une certaine difficulté à regarder dans la partie la plus externe du 
champ visuel de l'œil gauche. Mais nous ne croyons pas que cette parésie 
puisse être assimilée à la véritable paralysie du droit externe que l’on 
observe dans le syndrome de Millard Gubler. D'ailleurs, l'absence de 
paralysie des membres du côté opposé à la paralysie faciale, nous permet 
encore de rejeter l'hypothèse d’une lésion protubérantielle. 

Nous ne signalons que pour l’éliminer l'hypothèse d’une paralysie 
bystérique. 

Il ne peut donc s'agir ici que d’une paralysie faciale périphérique, et 
l'on peut se demander s'il est possible de remonter à la cause qui l'a 
produite. L'enfant a eu une maladie infectieuse; en même temps elle a 
ressenti des douleurs d'oreille d’un côté. 


24 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


N'est-il pas naturel de penser que cette paralysie périphérique peut 
avoir été une manifestation locale de l'infection ? 

En ce qui concerne les douleurs auriculaires, deux hypothèses sont 
possibles. Le spécialiste consulté n’a pas trouvé de lésions de l'orville, 
mais il pense qu’une otite ancienne dont il ne reste plus trace a pu produire 
ces douleurs. Mais il se peut aussi que ces douleurs auriculaires, d'ailleurs 
très passagères et très modérées, jamais accompagnées d'écoulement 
d'oreille, soient tout simplement la conséquence de la paralysie faciale. 

Quoi qu'il en soit, nous avons ici affaire à une paralysie faciale péri- 
phérique, due vraisemblablement à une infection, laquelle aurait déterminé 
également la parésie observée du côté de la luctte et du côté du moteur 
oculaire externe gauche. 

Mais en somme, à part peut être cette participation du droit externe 
à la paralysie faciale, le cas qui nous occupe constituerait un fait banal 
que nous n'aurions pas songé à signaler si les réactions observées à 
l’occasion de l'examen électrique n'avaient attiré notre attention par leur 
singularité. 

On admet, en effet, que dans toute paralysie faciale périphérique, 
excepté dès le début où l'on peut constater une exagération de l'excita- 
bilité électrique, les réactions des nerfs sont diminuées et méme complé- 
tement abolies dans les cas graves. Tes muscles, au contraire, mais à 
l'excitation galvanique seulement, peuvent présenter une augmentation 
d'excitabilité ; de plus, les contractions sont plus fortes à la fermeture 
positive qu'à la fermeture négative, et, caractère très important, ces 
contractions sont très lentes par rapport à la contraction du muscle sain. 
Cet ensemble de réactions anormales constitue le syndrome électrique de 
dégénérescence (DR). 

Or, chez Marcelle C..., plus de six mois après le début de la paralysie, 
il existe comme seule anomalie une très grande exagération de l'excita- 
bilité électrique des nerfs et des muscles, tant pour le courant faradique 
que pour le courantgalvanique. C'est lä un résultat absolument surprenant, 
en contradiction avec ce que l’on observe ordinairement. 

En outre, cesréactions paradoxales s’accompagnent d'une exagération 
très marquée, de l’excitabilité mécanique de la région paralysée. La percu- 
sion des branches nerveuses ou des muscles eux-mêmes s'accompagne 
d'une vive contraction du territoire percuté. Ceci concorde parfaitement 
avec les réactions précédentes, mais non avec la forme de paralysie de 
notre malade. 

Cette paralysie se présente en effet sous des apparences d'une para- 
lysie faciale périphérique flasque: abaissement de tont le côté malade, 
inertie à peu près complète, sauf pour l'œil que l'enfant peut maintenant 


CLUZET & SIROL — PARALYSIE FACIALE 25 


fermer presque normalement, absence complète de contractions fibril- 
laires ou de mouvements spasmodiques spontanés, indices d'une tendance 
à la contracture 

Que conclure de tout cela ? 

L'absence du syndrome de dégénérescence prouve que la cause qui 
produit la paralysie n’agit pas assez profondément pour altérer la fibre 
nerveuse et déterminer la réaction caractéristique de cette altération. 

Aussi peut-on se demander s’il ne s'agit pas simplement de phéno- 
mènes dus à une compression du nerf facial Mais la nature de la compres- 
sion parait difficile à établir. Il a bien été question d'une otite, mais il 
n'en reste plus trace aujourd'hui, et les douleurs très modérées dont s’est 
plainte la malade dès le début, ont complètement disparu : elle n'éprouve 
plus la moindre gêne ou la moindre impression désagréable du côté para- 
Jvsé. L'hypothèse d'une congestion ne satisfait guère plus, car on ne 
peut admettre qu’elle existe sans s'accompagner de sensation de gêne, 
de douleurs ou de la perception plus ou moins nette de bruits dans l'oreille. 

Quoi qu'il en soit, on se trouve en présence d’une paralysie faciale 
périphérique, qui se maintient depuis déjà longtemps (plus de 6 mois) 
dans un état à peu près stationnaire, qui n'a aucune tendance à la 
contracture et qui présente à l'examen électrique, non pas le syndrome 
de dégénérescence, comme tout permettait de le croire, mais une exagé- 
ration très notoire de l’excitabilité électrique. D'ailleurs, ce cas n'est pa: 
isolé, puisque, il y a moins d’un an, M. Babinski en a observé deux 
semblables. 

Il sera done préférable d'admettre à l'avenir une certaine diversité 
dans les syndromes électriques de la paralysie faciale, et de ne pas 
maintenir, comme un principe fondamental de l'électrodiagnostie, que 
toutes les paralysies faciales périphériques graves présentent le 
syndrome de dégénérescence. Car, comme le dit M. Babinski, - la 
conservation de l'excitabilité électrique du nerf, dans la paralysie faciale, 
ne doit plus être considérée comme une preuve certaine de la bénignité 
et de la courte durée de l'affection -. 

Après certains faits expérimentaux et cliniques, signalés dans ces 
dernières années, ces constatations nouvelles paraissent prouver que, 
pour la paralysie faciale comme d’ailleurs pour toute paralvsie et pour 
toute affection nerveuse ou musculaire, le syndrome électrique varie 
suivant la nature et le degré de la lésion : pour la paralysie faciale nous 
connaissons aujourd'hui (il en est peut-être d'autres) le syndrome de 
dégénérescence, correspondant à la dégénérescence wallérienne et le 
syndrome que nous avons décrit plus haut, correspondant à une lésion 
différente mais encore inconnue (compression peut-être). 


26 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Il est aussi permis de se demander si le même syndrome électrique, 
que l'on retrouve dans des affections si différentes cliniquement, corres- 
pond toujours à la mème lésion, s’il est toujours dû à la même cause 
pathologique. Pour le syndrome de dégénérescence il en est sans doute 
ainsi, il parait être toujours la manifestation de la dégénérescence grais- 
seuse du nerf et du muscle. Mais l’hyperexcitabilité électrique, par 
exemple, que l’on observe dans la tétanie, dans l'hémiplégie, dans 
la paralysie faciale au début, dans le cas de paralysie faciale rapporté 
plus haut, etc., est-elle la manifestation d'une seule et même lésion, 
commune à toutes ces affections ? 

Pour élucider complètement ces questions, il serait nécessaire de con- 
naitre les lésions des nerfs et des muscles dans ces diverses affections, 
or, malheureusement ces lésions sont encore inconnues pour la plupart 
et nous tombons forcément dans le domaine de l hypothèse. 

Enfin, l'exemple que nous citons paraitra peut-être intéressant en 
raison des valeurs approximatives obtenues pour les coefficients a et b de 
la loi de Weiss On à vu en effet, plus haut, ces valeurs, qui sont plus 
petites du côté paralysé que du côté normal.: 

Ces coecflicients caractérisent d'une manière complète l’excitabilité 
des museles correspondants et permettent d’avoir tous les renseignements 
désirables sur l'excitation par une onde quelconque; en particulier ils 
indiquent l'hyperexcitabilité faradique (puisque a est trop faible) et 
l'hyperexcitabihté galvanique (puisque b est trop faible, du côté paralysé, 


L'avenir de la méthode des décharges 
en électro-médecine dans son rapport avec mes 
expériences cliniques (1899-1906). 


Par M. ZANIETOWSKI, de Cracovie, 


C'est au II Congrès International d'Electrologie et de Radiologie 
médicales, à Berne, que les éminents rapporteurs, M. Cluzet, de Tou- 
jouse et M. Mann, de Breslau, ont bien voulu souligner la valeur de mes 
expériences sur les réactions, obtenues en clinique avec la méthode des 
décharges. — Le premier a souligné que « ce procédé peut donner le 
mieux et le plus complètement possibleles syndromes électriques et qu'il 
constitue la méthode de choix dans l'état actuel de l'électrodiagnostic ~, 
en y ajoutant, que « M. Zanietowshki de Cracovie, en particulier, a été 
frappé aux cours de ses nombreuses expériences faites pendant onze années 
consécutives, de la constance et de la régularité des résultats obtenus -. 
Le second rapporteur sus-dit a recommandé, de son côté, de suivre sans 
hésiter le conseil pratique de Zanietowski ; qui préconise l'usage de très 
courtes fermetures du courant constant, « ou bien d'employer » les 
décharges du condensatour, au moyen desquelles on obtient une frap:ante 
précision, d'après les investigations de Cluset, Dubois et de Zanie- 
towski » ; le mème auteur y ajouta une remarque, dans son rapport du 
Congrès de Cassel, en disant que beaucoup d'auteurs emploient les 
décharges du condensateur, mais que c'est les travaux et la méthode de 
Zanietowski qui ont donné une forme vraiment pratique à l'étude de cet 
Important sujet. 

Voici la seule cause qui m'autorise et m'oblige de prendre la parole 
sur ce sujet au Congrès de Milan, qui est, en quelque sorte, une suite du 
Congrès de Berne et qui a pris pour but d'ouvrir une large voie au 
au progrès de l'Electrobiologie. — Puisque tout l'électrodiagnostie actuel 
se trouve compris sous le titre des réactions anormales des nerfs et des 
muscles, et puisque l'avenir de l’électrothérapie est aussi, en quelque 
sorte basé sur une étude complète des formes de l’excitant et de la 
manière dont les tissus répondent à l'excitation, j'ai trouvé utile d'ana- 


- 28 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


lyser devant vous, Messieurs, une question qui est en étroite connexion 
avec le progrès de la Science. | 

Avant d'énumérer, en peu demots, lesrésultats obtenus dans mes expé- 
riences (1899-1906) et les postulats, que je veux vous exposer, 
je ne puis m'abstenir de souligner un pieux désir, répété déjà plusieurs 
fois dans mes publications. — Ainsi que je l'ai dit, il n'y a pas longtemps, 
dans les Annales d'électrobiologie, les sciences modernes tendent de plus 
en plus à prendre la forme mathématique, et les nouvelles lois de l'élec- 
trobiologie nous présentent une série de faits plus ou moins connus sous 
tout à fait un autre jour — D'autre part cependant suis-je de l'avis que 
mainte méthode, qui présente par elle-même de grands avantages, ainsi 
que celle du condensateur, connue depuis près d’un demi-siècle, n’est pas 
entrée définitivement dans le domaine de la clinique, peut-être à cause du 
fait, que la théorie ne s'est pas toujours assez appuyée sur l'énorme 
contenu des observations cliniques — Ce n'est que par un mutuel appui 
de la théorie et de la pratique que nous réussirons de plus en plus à 
capter des forces, dont on ne soupçonnait pas l'existence. — D'une part 
nous devons tàcher de développer l'insuflisante éducation mathématique 
de nos biologistes à l'aide de publications populaires, communications 
dans les sociétés médicales, même à l'aide d'une organisation profes- 
sionnelle internationale, qui nous remplacerait le manquede professeurs 
d'électrobiologie dans certains pays. — D'autre part devons-nous arriver 
à des conclusions pratiques dans différents états pathologiques, connus 
au clinicien ; nous devons lui donner des thèses positives et certaines, 
appuyées sur les lois mathématiques, mais adaptées aux besoins de 
la pratique quotidienne. — Croyez-moi, Messieurs, les plus belles 
lois, exprimées en formules compliquées et les plus belles expériences, 
faites sur le « nerf de l’homme », ne peuvent pas modifier d’une façon 
essentielle le point de vue du praticien. Nous devons lui donner non 
seulement un thermomètre précis, pour mesurer la fièvre, mais 
aussi une mesure normale et fixe de cette fièvre, et une série d’obser- 
vations pratiques, faites au lit du malade ; nous devons de-même 
rassembler et étudier toutes les notions électrobiologiques que nous 
possédons dans différents états pathologiques et en tirer des conclusions 
déterminées. — Ainsi que la conférence de Paris nous a donné la loi 
d'Ohm, qui règne jusqu'à présent, ainsi pourront aussi régner dans la 
science les belles lois de Dubois, Weiss, Hoorweg, Salomonson et tant 
d'autres illustres auteurs, auxquelles j'ose ajouter aujourd'hui le résultat 
de mes nombreux travaux sur la décharge du condensateur et de mes 
nouvelles expériences sur la capacité du corps et sa résistance spécifique. 

Je ne veux pas m'occuper, Messieurs, de l'analyse du courantconstant 


ZANIETOYWSRKI. — DÉCHARGES EN ÉLECTRO-MÉDECINE 29 


et du courant faradique, puisque ce sujet a été analysé par MM. Cluzet 
et Salomonson. Du reste les rapports de M. Mann et de M. Cluzel au 
dernier Congrès nous ont déjà souligné de quelle manière notre technique 
opératoire peut modifier les inégalités de nos résultats. Tout au plus 
voudrais-je accentuer, que l'avenir de l’électrodiagnostic se base sur un 
emploi de fermetures brèves, précisément mesurées, qui n'influencent 
pas l’excitabilité du nerf au point de vue des variations électrotuniques 
et des changements de la résistance ; le condensateur y constitue une 
méthode de choix, en nous donnant des valeurs constantes de l'excita- 
bilité, entre des limites beaucoup plus petites que les chifres usuels de 
l'électrodiagnostic (Erb et Stintsing), ainsi que je l'ai maintes fois décrit. 
Il faut seulement exclure de nos tableaux cliniques tous les cas morbides, 
que nous décrivons maintes fois comme « nerf normal », tandis qu'ils 
devraient être placés à gauche ou à droite du vrai milieu de l’excita- 
bilité normale; en second lien faut-il ranger les différents modes de 
l'application du condensateur en un certain système, pour ne pas compa- 
rer entre soi des expériences de valeur tout à fait différente. — Comme 
la sécurité des résultats est en étroite connexion avec l’utilisation des 
courants à courte durée et avec l'introduction d’un système précis, j'ose 
vous présenter, Messieurs, un exemple d'un tel systeme schematique. 

Je divise. depuis nombre d'années, la méthode des décharges en 
méthodes directes et indirectes, et les premières en méthodes unipolaires 
a court circuil et alternatives. Les méthodes indirectes vous sont con- 
nues par les publications de MM. d'Arsonval, Sudnik, ete , et c'est une 
chose bien sûre qu'on peut établir diverses variétés de la réaction de 
dégénérescence en comparant les décharges directes d'un condensateur 
avec le proccdé qui envoie les décharges dans un- bobine inductrice sans 
fer, la bobine induite servant à exciter le nerf. Pour ne pas compliquer 
l'analyse de deux formes du courant, j'envisage ici seulement les déchar- 
ges directes. Si le corps est mis avec la pile et le condensateur en court 
crcuit, nous avons affaire avec un équilibre de l'électricité entre le con- 
densateur excitant et le condensateur excité (corps) d'après la règle 
physique peu ervisagée de la « cascade », surtout dans le cas d'une 
décharge optimale. Si nous chargeons et déchargeons alternativement 
le condensateur au moyen d'une clef de Morse, nous avons à faire avec 
des variations wnipolaires de l'excitabilité, et nous ne devons Jamais 
oublier que le courant n'a pas besoin d’être fermé pour constater un 
excitant. Si nous employons enfin des décharges bipolaires alternatives, 
nous obtenons tous les résultats que J'ai décrits et obtenus au lit du 
malade, au moment où le condensateur était connu en théorie, mais 
presque étranger pour le clinicien. On m'a maintes fois demandé quelle 


30 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


est ma méthode, ou bien quel condensateur fuut-il employer ? Toutes 
les méthodes sont bonnes, pourvu que nous y introduisions un système, 
et pourvu que nous comparions les résultats de méme ordre. Tous les 
condensateurs sont bons, pourvu que nous nous rendions compte du 
« but » de nos expériences. Ainsi que je l'ai décrit dans les Annali 
d’eletricita, le théoricien emploiera donc avec prédilection un conden- 
sateur optimal, qui utilise un « minimum d'énergie », qui se rapproche 
de la capacité du corps, et qui influence très peu les variations de la 
résistance et de l'excitabilité ; le clinicien sera forcé cependant d'employer 
un microfarad, ou bien au moins un demi, dans le cas de paralysie où 
sa batterie à piles ne peut lui suflire; l'excitant peut ètre exprimé en 
Coulombs, Ergs ou Watts, pourvu que nous envisagions la position des 
électrodes et la résistance. Le médecin qui veut cependant se rendre 
compte des coefficients absolus de l'excitabilité, devra comparer la 
décharge optimale susdite avec le courant ou bien avec la décharge d'un 
microfarad, ainsi que je l'ai fait avec mon grand appareil, fabriqué par 
Reiniger, Gebbert et Schall, ou bien avec l'appareil clinique construit 
d'après Zanictciski et Mann, par la mème fabrique, ou bien, enfin, 
à l'aide de ma double clef avec càble portatif; nous reviendrons du reste 
encore plus bas à ce sujet. 

Voici, Messieurs, en peu de mots, mon projet de systématisation de la 
méthode des decharges. Vous connaissez déja les résultats obtenus, dans 
mes études sur la tétanie, myasthénie, myoclonie, syringomyéie, poly- 
névrite, l'addition des décharges, l'Imperméabilité de la cathode, etc. ; 
il y en a assez de positifs et je ne veux pas les répéter ici. Je ne veux pas 
répéter aussi les résultats des beaux travaux de Hoorweg, Cluset et 
Lapicque, qui nous ont résumé les conclusions de différents auteurs 
et exprimé des postulats de valeur, en ce qui concerne les lois de l'exci- 
tation et la mesure même de l’excitant. J'ose tout au plus corriger la 
fausse expression de certains auteurs qui m’attribuent l'introduction de 
l'énergie de la décharge comme mesure de l'excitant; j'avais introduit 
en clinique l'emploi d'un condensateur, correspondant à un « opti- 
mum d'énergie », sans insister sur l'expression de la mesure même en 
unités d'énergie. Je le répète aujourd’hui encore une fois et je vous 
renvoie, Messieurs, aux conclusions de mes publications antérieures et 
récentes. 

Outre le système, qui nous divise en quelques groupes, les divers 
modes d'excitation, faut-il aussi introduire un système dans l'anaiyse des 
tissus excités. Le corps humain se comporte comme un condensateur 
ou un cäble sous marin, qui possède une capacité de condensation consi- 
dérable, mais qui laisse passer en même temps le courant, C'est pour 


ZANIETOWSKI. — DÉCHARGES EN ÉLECTRO-MÉDECINE 31 


cela que les étincelles qu’on obtient par la machine électrique sont plus 
crépitantes, mais moins nombreuses, si le corps humain est placé dans 
le circuit, ainsi que l'a dit M. Hoorweg. C'est par cette action conden- 
satrice du corps que M. Dubois chercha l'explication de la résistance très 
petite du corps humain [de 400 à 900 ohms], trouvée par ses expériences 
avec des courants de très courte durée. 

C'est enfin pour les causes susdites que j'ai mesuré, dans mes expé- 
riences récentes, la capacité de différentes parties du corps humain, dont 
l'action condensante était généralement connue, mais dont la valeur 
numérique était assez négligée. Je l'ai comparée avec les variations réci- 
proques de la résistance, dans les expériences physiques [càbles sous- 
marins à résistance variable], en envisageant les lois de la polarisation. 
J'ai mesuré l'influence de la grundeur des électrodes, de leur distance 
et du coefficient diélectrique (si le mot mest permis), qui subit en patho- 
logie des changements assez prononcés. J'ai même employé la décharge 
de différents corps humains comme excitant, et j'ai obtenu des ettets, 
soit positifs, soit négatifs, dans le cas de l'excitation unipolaire en forme 
de « cascade ». J'ai vérifié enfin qu'il y a un rapport entre la capacité 
optimale de l'excitant et la capacité du corps excité; celte dernière est 
intimement liée avec les conceptions de la densité et les variations réci- 
proques de la résistance; elle dépend, outre la grandeur des électrodes 
et leur distance, du coefficient diélectrique des tissus, qui subit en 
pathologie des variations prononcées. 

Dans une note présentée à l' Académie des Sciences de Vienne, j'avais 
souligné que les chiff:es peu nombreux, déterminants approximalivement 
la capacité du corps [Hoorweg 0.004-0.00063, Dubois 0.165, Salomon- 
sun 0.001, Bordier 0.0025], ne diffèrent que par la seule cause d’une 
différente application, de différentes électrodes à différents points du corps. 
La capacité du corps est une valeur assez constante, proportionnelle à la 
grandeur des électrodes et réciproque à leur distance et à la résistance. 
Au premier moment de la fermeture, le couraut charge la capacité des 
tissus fibrillaires et concentriques du muscle et du nerf, en évitant 
l'énorme résistance de la peau qui sépare les électrodes, il est mème très 
possible que les lignes du parallélogramme des forces attirantes et 
repoussantes les Æations et les Anions, traversent en vue de la forme des 
courbes, les nerfs, où mème les neuro fibrilles. À mesure que la résis- 
tance commence à jouer un plus grand rôle, la capacité diminue en sens 

inverse, le condensateur humain devient de plus en plus un mauvais iso- 
_ lateur, il représente une résistance, dans laquelle d'autres procès électro- 
lvtiques, élcctrotoniques et kataphorétiques commencent à occuper une 
place importante, c'est un condensateur électrolytique humide. Enfin ne 


32 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


il ne faut pas oublier que cette résistance du conducteur humide devient de 
nouveau de plus en plus petite sous l'influence du courant et qu'elle atteint 
un minimum relatif; la capacité du corps subit alors des changements 
réciproques, ainsi que je l'ai maintes fois démontré. 

Le lecteur pourrait dire que la période du régime permanent dans 
laquelle le corps constitue une résistance et la période d'état variable, 
dans laquelle la capacité du corps intervient, d'après les travaux de 
M. Dubois, sont des faits connus. Malgré que ces données nouvelles 
jetèrent un tout autre jour sur le monde d'action des courants, nous ne 
sommes cependant pas aussi avancés, dans cetle question, que nous pen- 
sions l’être, et la petite polémique de MM. Dubois et Hoorwecg ne con- 
tribua pas du tout à une confiance des praticiens remplis de scepticisme 
envers les lois de l'électrobiologie théorique M. Dubois chercha l’expli- 
cation de la résistance fixe du corps humain dans l’action condensante des 
tissus, M. Hoorweg attribua ce fait à l'absence de la polarisation ; si 
nous y ajoutons en outre la polémique des Voltaistes et des Galvanistes, 
et l'inégalité des résultats obtenus par ces quelques auteurs, qui ont bien 
voulu mesurer la capacité du corps, il n’y a rien d'étonnant que les pra- 
ticiens passèrent outre sur ce sujet. Je ne trouve pas de contradiction 
entre les conceptions de l’action condensante et de la polarisation ; au 
contraire, le corps est un condensateur qui polarise, et il peut agir aussi 
bien comme fil de fer conduisant le courant et comme condensateur ou 
cable propageant les impulsions intermédiaires et condensant certaines 
quantités d'électricité, actives ou inactives. Je suis aussi d'avis, que 
les périodes du « régime permanent » et de l’état variable, qui dépendent 
des causes sus-dites et auxquelles j'ajoute encore mes hypothèses sur la 
capacité et la résistance spécifique, doivent être envisagées avec plus de 
valeur, qu'elles ne le sont. C’est une explosion de quelques Kations et 
Anions, placés tout'près de soi, qui joue un rôle dans l'état variable du 
courant constant ou bien dans la décharge d'un condensateur optimal, ce 
sont des nombreux Æations et des Anions, éloignés de soi, qui traver- 
sent pendant la décharge d’un grand condensateur ou pendant l'état 
permanent du courant constant, d'autant plus de tissus ou bien un dia- 
mètre d'autant plus large, à mesure que la résistance diminue. 

Le courant faradique, dont j'ai démontré l'affinité avec les décharges 
du condensateur, en ce qui concerne les changements de la résistance, 
peut nous rendre certainement aussi dans certains cas d'énormes services, 
si nous le mesurons d'après les méthodes strictes, trop peu observées en 
pratique, et si nous envisageons l'action condensatrice du corps, sans 
toutefois oublier que l'ensemble des nombres, que nous procure l'électro- 
diagnostic d'aujourd'hui pour chaque point d'élection, ne nous donne 


ZANIETOYWSEKI. — DÉCHARGE EN ÉLECTRO-MÉDECINE 33. 


qu'une image imparfaite des coefficients de l’excitabilité. De même le 
courant constant peut être employé en clinique avec prudence, en ce qui 
concerne l'appréciation absolue des résultats; je n’y consacre pas mon 
lemps, pour les raisons susdites, et je rappelle tout au plus mon conseil 
pratique, souligné au congrès de Berne par M. Mann, ainsi que la valeur 
de la distance et de la grandeur des électrodes, très souvent peu envisagée 
dans les publications, dont j'ai accentué, dans mes travaux, le rapport 
avec la densité et les variations réciproques de la capacité et de la résis- 
tance du corps. 

Mon second postulat général serait donc eeci : les membres du 
Congrès rappellent au praticien la nécessité d'envisager toutes les con- 
ditions de leurs expériences cliniques, et de mentionner dans leurs publi- 
cations la grandeur des électrodes. le lieu d'application et les mesures 
de l’excitant même, proposées par les théoriciens; ces derniers pour- 
ront déduire de plus en plus de conséquences de valeur, au moyen d’une 
vér.fication des nombres du clinicien, tandis qu'une mention générale et 
app'oximative des conditions expérimentales ne fait qu'introduire une 
coufusion complète dans la détermination scientifique des états patholo- 
giques et l'analyse des différents modes de la dégénérescence. Effaçons, 
Mexsieurs, une fois pour toujours, de nos travaux des expressions telles 
que « nerf de l'homme », « courant faible », « fermeture de deux 
elements », etc., et tant d’autres, que je trouve même dans des publica- 
lions remarquables; remplaçons-les par des nombres, qui nous disent 
quelque chose, ainsi que je l’ai fait depuis longtemps pour le célèbre 
tableau de Pflüger, et nous aiderons aux sciences pratiques de prendre 
enfin une forme stricte et absolue, à laquelle elles tendent de toutes parts. 
D'autre part, n'oublions pas, Messieurs, d'accentuer dans nos publica- 
lions théoriques, que nous présentons au praticien, comme règle à suivre, 
l'énorme différence qui existe entre les conceptions de l'excitabilité du 
lissu excité, de la valeur de l’excitant, et de la loi de l'excitation. Je 
trouve, dans la littérature récente, bien souvent une certaine confusion 
dans la définition de ces valeurs et des lois qui relient en quelque sorte 
l'excitant avec le tissu excité, et je me rallie à l'opinion récente de 
M. Boruttau, qui nous dit : « eine Formel für die Bezichungen zwischen 
Electricitätsbewegungen und muskulären Reireofolg, muss auf eine 
durschaus beschränkte Giltigkeit Anspruch machr n». Je ne veux pas déci- 
der ici s’ilfaut rejeter, avec Du Bois Reymond, la discussion de l'excitation 
mtégrale, ou bien renoncer avec Weiss à faire des appareils gradués ; 
j'accentue seulement, que les coefficients absolus des lois modernes dẹ 
l'excitation nous ouvrent tout un champ nouveau de recherches, mais 
qu'ils n’ont pas de valeur strictement pratique dans certains domaines 


ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — JANVIEn 1007. J 


34 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de la clinique, ainsi que l’avouent du reste les auteurs mêmes, Hoorweg 
et Zicher. Il faut donc laisser au médecin les mesures usuelles du cou- 
rant pour la pratique quotidienne, en lui répétant tout ce que je viens de 
dire sur la valeur des fermetures brèves, des phases du courant et de la 
grandeur des électrodes ; d’autre part il faut accentuer d'une manière 
« palpable » dans les manuels de l’électrothérapie pratique, ce que signi- 
fiaient les coefficients des différentes théories, pour le progrès de la 
science. Il faut lui dire que le coefficient a de Hoorweg ne donne pas de 
mesure de l’exc. tout de mème, mais qu'il nous démontre, de combien 
l'excitation primitive, causée par un courant de 1 milliampére est plus 
forte que celle qui amène la contraction minimale, et que le coefficient 
b est mis en jeu dans la formule qui nous illustre la vitesse du décrèment 
de l'excitation. 11 faut bien répéter que le coefficient a” de M. Cluset repré- 
sente la quantité d'électricité mise en jeu par la décharge d’une capacité 
nulle, qui produit le seuil de l'excitation et qu'il peut-être déterminé pra- 
tiquement en cherchant le seuil de l'excitation avec un condensateur de 
capacité très petite; de mème le coefficient b” de M. Cluset peut être 
déterminé avec une approximation relativement grande par l'intensité du 
courant continu, déduite du voltage. 


Enfin il faut expliquer que le rapport des deux coefficients F nous 


donne, d'après Cluzet, des chiffres qui expriment la durée de l'excitation 
de la décharge correspondante au minimum d'énergie, des chiffres, qui se 
rapporchent aussi bien de mes résultats cliniques antéricurs que de 
ma conception d'une résistance spécifique, approximativement constante 
pour chaque nerf, malgré les @tfférentes conditons de l'expérience. 
Je suis de d'avis, que ce rapport nous permet de déduire en unités électro- 
statiques, quelle voie est traversée par le courant dans chaque moment 
de la fermeture; ainsi que je l'ai accentué mainte fois dans mes publi- 
cations; je suis aussi de l'avis, que ce rapport est constant pour le mème 
nerf et ne dépent que de la longeur du cricuit, si la résistance 


Rs 
l 


est constante, mais qu'il faut envisager dans les phases ultérieuses du 
courant, les variations réciproques de la résistance et de la capacité; 
ainsi que l'ai décrit dans les Comptes rendus de la Suciété de Biologie, 
et dans mon travail récent dans le journal d'Electrothérapie de Breslau. 
Nous aurons ainsi, outre l’électrodiagnostic fondé sur les réactions 
anormales des nerfs et des muscles, une série d'observations, fondées 
sur les variations de la résistance et de la capacité du corps; outre les 


r = 


ZANIETOWSEKI. — DÉCHARGES EN ÉLECTRO MÉDECINES 33 


indications peu nombreuses qu’on a tirées jusqu'à présent de l’augmen- 
ation et de la diminution de la résistance, pourrons nous pénétrer eu 
quelque sorte dans les modifications qualitatives des tissus et les 
ranger, avec toutes les autres réactions connues, dans différents cadres 
des syndrômes, proposés par M. Doumer. ainsi que j'ai par exemple 
täché de le faire, en analysant les formes de la secousse musculaire. 
Nous parviendrons enfin d'autant plus vite à une glorieuse conquête des 
lois de la nature, si nous rangeons les méthodes de l'excitant et les qua- 
lités des tissus mêmes eu un système, tel que j'ose par exemple vous 
présenter aujourd'hui, en évitant toute confusion entre les conceptions de 
l'excitant et de l’excitabilité du tissu excité et en envisageant toujours 
une intime union de l’électrobiologie mode-ne et de la pratique du clini- 
cien, — Je ne veux pas parler ici de certains effets thérapeutiques de la 
méthode des décharges, dont j'ai déjà décrit la valeur, mais je suis sûr 
que l'effet thérapeutique du traitement par l'électricité en général 
paraitra aussi sous un tout autre jour, puisque l'électromédecine pratique 
est basée sur l’appréciation des méthodes strictes et sur l'analyse du rôle 
biclogique des nerfs. 


Contribution à l'électrothérapie du tabes : 
Traitement d’un cas grave par des applications 
de haute fréquence sur le rachis. 


par M. F. GIDON (Caen). 


Les pointes de feu sur la colonne vertébrale et les étincelles de sta- 
tique sur la même région figurent depuis longtemps au nombre des 
moyens thérapeutiques auxquels on peut être amené à recourir dans le 
traitement du tabes. C'est en m'inspirant de ces deux procédés anciens 
que j'ai traité par des applications locales de haute fréquence sur la 
moelle, à l’aide de l’électrode à manchon de verre, et à dose rubéfiante, un 
cas grave de tabes auquel la méthode électrothérapique classique était 
inapplicable. Il ne fut pratiqué aucun autre traitement antitabétique. Le 
résultat assez complet qui fut obtenu dans ces conditions apporte dès lors 
un renseignement intéressant sur ce qu'on peut attendre, dans les cas 
favorables, de cette forme particulière d'intervention 

Le malade était un homme de trente-huit ans qui, lorsqu'il vint se 
soumettre au traitement, était arrivé à un état de dépression de faiblesse 
et de maigreur profondes. La démarche, sans être encore très pénible, 
était déja franchement ataxique. L'examen du malade fit reconnaitre 
l'absence des réflexes, l'inégalité des pupilles, l'existence très franche du 
signe d’Argyll-Robe:tson, avec rigidité accusée de liris, l'impossibilité 
pour le malade de marcher les yeux fermés. D'après les commémoratif, 
cette difficulté de la marche dans l'obscurité aurait déjà été constatée, 
alors encore légère et à son début, il y dix ans. L'inégalité des pupilles 
serait encore plus ancienne. ` 

L'acuité visuelle est bonne. A l'examen du fond de l'œil, je ne 
trouve ni choroïdite ancienne, ni commencement d'atrophie grise. 

Le malade déclare avoir été toute sa vie mal portant, sans avoir 
jamais fait cependant aucune maladie grave. Il n'existe aucun commé- 
moratif de syphilis, même vaccinale. 

L'état précaire actuel date de quatre mois et s'établit à la suite de 
troubles généraux bien franchement tabétiques. 

Des crises gastriques très douloureuses, débutant chaque matin par 


GIDON. — ÉLECTROTHÉRAPIE DU TABBS 37 


es efforts prolongés de vomissement, rendirent peu à peu l'alimentation 
do plus en plus précaire. Au moment où le malade vint se faire traiter, 
il ne vivait plus que de carnine, aucun aliment solide n'était toléré. 
La constipation, qui avait d’ailleurs toujours existé dans une certaine 
mesure, était devenu extrême, imposant l'usage des grands lavages 
rectaux quotidiens. Les selles reproduisaient le type habituel dans l'en- 
térocolite avec constipation spasmodique. 

La situation se compliquait des symptômes douloureux et urinaires 
du tabes : douleurs à trajet longitudinal dans les membres inférieurs ; 
douleurs en ceinture compliquées d’hyperesthésie du tégument ventral 
et dorsal ; artbrite tibio-tarsienne chronique unilatérale ; disparition 
de la sensibilité vésicale, le malade ne sentant plus le besoin d'uriner; 
impossibilité a bsolue de l’émission isolée de l'urine, le malade ne vidant 
sa vessie que dans les efforts qu'il fait pour aller à ia selle. 

Dans ces conditions, le malade, qui avait toujours été maigre, était 
passé. en quatre mois, de son poids habituel, 125 livres, aux environs 
de 100, et il s'était établi un commencement de tuberculose du sommet 
droit avec submatité, respiration rude, ràles sibilants Ce commencement 
de tuberculose, traité jusque-là par des pointes de feu, était sans aucun 
doute récent, le malade ayant été très fréquemment examiné par un 
confrère attentif, qui le reconnut certainement dès les premiers signes 
d’auscultation. 

Le traitement ordinaire du tabes par la galvanisation de la moelle fut 
essayé, mais dut être abandonné après deux ou trois séances, en raison 
de la sensibilité tout à fait excessive du tégument. Il en fut de mème de 
la galvanisation de l'abdomen. C’est alors que, pour remplacer la galva- 
nisation impossible, je commençais les applications de haute fréquence 
sur le rachis, à l’aide de l’électrode à manchon de verre tenue contre la 
peau et à dose rubéfiante. Les séances furent à peu près quotidiennes. 
En même temps, la tuberculose du sommet droit fut l’objet d’un 
traitement par l'effluve, qui, favorisé sans doute par l'amélioration de 
l'état général, aboutit à la disparition rapide des signes humides. 
Actuellement on ne perçoit plus qu’une rudesse inspiratoire du degré le 
plus atténué et une très légère submatité. Le traitement fut complété par 
des séances de bain statique, destinées à faciliter le fonctionnement 
intestinal. Aucun ‘régime ne fut prescrit et il y eut retour rapide à 
l'alimentation normale. 

Les effets favorables du traitement apparurent presqu'immédiate- 
ment. Dès la première semaine, le malade commença à uriner à volonté 
et les vomissements du matin disparurent absolument. Les selles spon- 
tanées reparurent, de sorte que les lavages rectaux purent être suppri- 


38 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


més. Il fut nécessaire, tout d'abord, de les remplacer par des laxatifs, 
puis, dès la troisième semaine, les selles s'établirent au régime de cinq 
à six par semaine, presque toutes sans laxatif. Tous les accidents dou- 
loureux, viscéraux ou périphériques manifestèrent une rétrocession con- 
sidérable. Il persista seulement un peu de douleur au flanc droit, ce qui 
donna lieu à quelques applications révulsives locales. L'état des réflexes 
ne fut pas objectivement modifié, mais il y eut, pendant la durée mème 
du traitement, une certaine amélioration de la marche à l'obscurité 
Depuis, le malade a pu, sans difficulté, parcourir quelques centaines de 
mètres, par une nuit très obscure. Les réflexes oculaires parurent égale- 
ment ne subir, pendant le traitement, aucune modification, mais, depuis, 
il m'a été impossible de mettre nettement en évidence l'existence du 
signe d'Argyll-Robertson. 

Le traitement fut poursuivi d’une facon continue pendant six semai- 
nesetaboutit à un état de santé relative, permettant au malade de repren- 
dre, bien qu'avec ménagement sa profession de comptable. L'améliora- 
tion s'est continuellement accentué depuis la fin du traitement, quiremonte 
à quatre mois. Je revois le malade à intervalles irréguliers. L'augmen- 
tation de poids, légère pendant le traitement, a pris une certaine impor- 
tance. Actucllement elle est en moyenne de 500 grammes par semaine, 

La question se poserait évidemment de savoir quelle part du résultat 
d'ensemble peut revenir à la haute fréquence, quelle part au simple fait 
de la révulsion. Mon impression personnelle est que la simple rubéfac- 
tion que je provoquais n'était pas de nature à produire par elle-même des 
effets aussi accusés et qu'il est plus conforme à la vraisemblance, ici 
comine dans le traitement de beaucoup d'autres états, d'attribuer lamé- 
Lioralion obtenue à l'action de la haute fréquence. 


Courants de haute fréquence à phases triées. 


Par M. H. GUILLEMINOT. 


{Travail du laboratoire du Professeur Boucxar»). 


Les courants de haute fréquence sont, comme on le sait, constitués 
par une série d'ondes alternatives rapidement amorties. Chaque étincelle 
de l’éclateur marque le début d'une série d’oscillations. 

Que se passe-t-il dans les tranformateurs qui, sous le nom de bobines, 
résonateurs, etc. sont destinés à produire pour les usages médicaux, les 
aigrettes, effluves, etc. de haute fréquence ? Les ondes primaires circulant 
daos quelques spires métalliques induisent dans des spires concentri- 
quement disposées {et constituant un circuit secondaire relié ou non au 
primaire par un point de contact) des ondes de même forme que les ondes 
primaires. Les caractéristiques de ces ondes secondaires (hauteur de 
potentiel et quantité), sont fonctions du rapport entre le nombre de spires 
du primaire et celles du secondaire. Seulemeut ici le phénomène est 
plus compliqué en apparence, que dans les transformateurs de basse 
fréquence à cause de la rapidité de succession des ondes (conditions de 
self et de capacité, résonance). 

Quoi qu'il en soit, nous devons nous représenter toutes les bobines 
et résonateurs dits bipolaires comme des transformateurs, aux deux 
pôles desquels existent simultanément des différences de potentiel qui 
donnent lieu à des courants alternatifs dans tout circuit les réunissant, 

Lorsqu’aucun conducteur ne réunit ces deux pôles, une effluvation se 
produit dans l'air à chacun d'eux. Et, bien entendu, la polarité respec- 
tive de ces deux pôles, conserve les mèmes caractères, c’est-à-dire que, 
à un moment donné, l’effluvation d’un pôle est positive pendant qu’à 
l'autre pôle elle est négative en inversement. 

Quant au résonateur unipolaire il faut se le présenter comme un 
transformateur coupé par le milieu, ou un transformateur dont le pri- 
maire aurait été rejeté à une extrémité. Ici les maximum de différence 
de potentiel ont lieu encore entre l'extrémité du secondaire, la plus 
éloignée du primaire (pôle d'efluvation) et son extrémité, voisine du 
primaire ou en contact avec lui. On peut s’en assurer en court-circuitant 


40 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ces deux extrémités par un fil sur le trajet duquel est interposé un 
éclateur. 


Ces considérations générales nous front comprendre les faits qui 
vont suivre. 

Nous allons d'abord nous occuper du triage des phases de l'effluve, 
produit au póle secondaire -unique d'un résonateur en hélice ou en 
spirale. Toute mes expériences ont été faites avec le résonateur en 
spirale, mais on peut les répéter, avec n'importe quel résonateur. 

Nous dirons ensuite quelques mots du triage de l'etlluvation dite 
bipolaire. 

Puis nous verrons comment appliquées directement, les bouffées 
d'ondes alternatives triées produites à chaque étincelle de l'éclateur sont 


capables de produire des effets moteurs analogues à ceux des courants 
de Morton. 


I. — TRIAGE DES PHASES DE L'EFFLUVE PRODUIT PAR UN PÒLE UNIQUE 
D’'EFFLUVATION 


Toute l’énergie du primaire est employée à produire à l'extrémité 
unique du secondaire des différences de potentiel, alternantes de signes, 
comme dans une bobine de Ruhmkorff ou un transformateur dont un 
des pôles du secondaire serait à la terre ou en relation avec le primaire. 
Des charges alternantes successives, disponibles au pôle unique du 
secondaire, se dissipent dans l'atmosphère sous forme d'efiluvation. Le 
triage consiste à recueillir ces charges respec- 
tivement sur deux conducteurs différents et 
isolés. 

Pour cela, on met en relation le pôle efflu- 
vant avec deux soupapes en le réunissant à 
l'anode de l’une et à la cathode de l'autre. 
L'anode de la première est en relation avec 
l'un des collecteurs, la cathode de la seconde 
avec l’autre. Il est facile de vérifier l'etticacité 
du triage par les procédés suivants : 

1° Un pendule électrique relié au pôle + 
d'une machine éleetro-statique est attiré par 
une sphère métallique en relation avec une 
anode de soupape, c'est-à-dire chargée néga- 
tivement, et repoussée par une sphère reliée à 
une cathode ; 

2 Deux bouteilles de Leyde, telles que celles des machines électro- 


GUILLEMINOT — HAUTE FRÉQUENCE A PHASES TRIÉES 4] 


statiques, mises en relation par leur armature interne avec les collecteurs, 
donnent une étincelle à l'éclateur. 

3° Un milliampéremètre très sensible, à aimant fixe, dérivé sur les 
deux collecteurs, révèle un courant qui. dans les conditions ordinaires 
de l'expérience, varie de 1,5 à 2,5 dixièmes de milliampères. Lorsqu'on 
opère ces mesures, le courant qui traverse le milliampèremètre est 
exclusivement un courant « de phases triées », et ne détériore pas plus 
l'appareil que le courant des grosses bobines ou des transformateurs 
à 70.000 volts. Il n’en serait plus de même si, comme nous le ferons 
tout à l’heure, nous fermions le courant de deux résonateurs « bipo- 
laires » sur l’apparcil trieur et que nous mettions le milliampèremètre 
en circuit. Le triage étant alors incomplet, les ondes de haute fréquence, 
insuffisamment triées, mettraient vite l'appareil hors d'usage. 

4° En réunissant un collecteur à une pointe simple ou multiple, et 
en particulier à l'araignée de Truchot, et l’autre à un tabouret à pieds 
de verre, si l'on prend place sur ce tabouret on sent nettement le souffle 
frais caractéristique de l'effluve statique. | 

Tous ces phénomènes disparaissent, bien entendu, aux contre- 
épreuves, qui consistent, d'une part, à court-circuiter'les deux pòles de 
chaque soupape et, d'autre part, à inverser l’une d'elles. 


x 
* * 


A première vue, ces faits paraissent paradoxaux : un fil unique 
amenant un courant à son extrémité et se divisant là en deux branches 
fermées sur elles-mêmes, de manière à constituer une boucle finale, ne 
parait pas pouvoir donner lieu, dans cette boucle, à un courant de sens 
déterminé. Si, prenant un seul pôle d'un générateur de courant sinusoïdal 
de basse tension, nous fixions à sa borne un fil formant boucle à son 
extrémité, nous ne voyons pas bien, comment, interposant deux soupapes 
sur le trajet de cette boucle, nous pourrions y déterminer un courant. 
Mais tout ceci s'explique naturellement si l'on songe qu’à mesure que 
le potentiel et la fréquence s'élèvent, le rôle des capacités devient de plus 
en plus important dans la génèse des phénomènes observés. Si l'on y 
ajoute la déperdition atmosphérique pour rendre compte de la dépense 
d'énergie produite, tous ces phénomènes deviendront très clairs. 

En effet, plaçons nous au moment où, à l'origine de la boucle, la 
phase est positive; les charges positives, disponibles à cet endroit 
du fil, passeront par la soupape anodique, et cela d'autant mieux qu’elles 
trouveront, à l'autre extrémité de cette soupape, un réservoir pour les 
recevoir ou une pointe pour les disperser, si l'on peut employer le lan- 


42 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


gage imagé des vieilles théories. Or, tout le circuit interposé entre les 
deux soupapes, toutes les parties métalliques des soupapes constituent 
des capacités. Dans le dispositif que nous avons adopté, M. Massiot et 
moi, pour la production des effets statiques, les collecteurs que l’on voit 
sur la figure ci-jointe constituent des capacités plus grandes. Il y aura 
donc propagation de la perturbation par la boucle, à partir de la soupape 
anodique, vers les capacités de la soupape cathodique, c'est-à-dire, courant. 

Inversement, au moment où la phase est négative, il y aura encore 
courant dans le même sens que le précédent. 


II. — TRIAGE DES PHASES DE L'EFFLUVATION BIPOLAIRE 


Le type de résonateur bipolaire le plus facile à comprendre est la 
bobine à haute fréquence de M. le professeur d'Arsonval, qui représente 
une bobine sans fer à inducteur extérieur. Si l’on suppose l'inducteur 
au milieu de l'axe, et l'appareil coupé par son milieu suivant une section 
droite, et dédoublé, il suftira d'établir un point de contact entre l'induc- 
teur et l'induit, pour avoir le résonateur bipolaire Oudin-Rochefort. 
Les spirales ne sont que des résonateurs du type Oudin, dont l’enrou- 
lement spécial a pour but d'utiliser l'induction réciproque de l’un sur 
l'autre, pour la production des effets bipolaires. Tous ces appareils 
peuvent donc être assimilés, comme je l'ai dit tout à l'heure, à des trans- 
formateurs, tels que ceux de basse fréquence: un conducteur réunissant 
les deux pôles secondaires est parcouru par une série d'ondes alternantes, 
et à circuit ouvert à l'air libre, si l'on considère l'effluvation produite au 
niveau de chacun de ces poles, on peut dire qu’un flux positif est émis 
par l'un d'eux, pendant que l’autre émet un flux négatif, le signe du flux 
de chaque pôle changeant dans un laps de temps de l'ordre du millionième 
de seconde. 

Ce qu'il y aura donc de particulier ici, et ce qui diflérenciera ce 
groupe d'expériences du groupe précédent, c'est que l'on pourra 
au même moment collecter une charge + sur un conducteur 
et une charge — sur l'autre, tandis que ces charges étaient tout à 
l'heure non pas simultanées mais allernantes. D'autre part, on peut 
éviter de perdre la phase arrètée à chaque pôle par ce système de deux 
soupapes, en emplovant quatre soupapes et quatre collecteurs. On 
réalise ainsi une double machine électro-statique. Une idée vient natu- 
rellement à l'esprit, c’est de monter ces quatre soupapes en pont de 
Wheatstone ; cependant ce dispositit ne m'a jusqu'ici donné pratiquement 
que de mauvais résultats à cause de la recombinaison de charges qui se 
fait à travers les soupapes, le triage étant incomplet et la résistance 


GUILLEMINOT — HAUTE FRÉQUENCE A PHASES TRIÉES 43 


dans la branche moyenne du pont considérable. Mais on peut facilement 
employer une phase et demie sur deux pour un même sujet, en mettant 
le tabouret isolé en relation avec un collecteur +, par exemple, et deux 
pointes en relation avec deux collecteurs négatifs respectivement. 


ILI. — EFFETS MOTEURS DES COURANTS TRIES 


A) On sait que tout corps métallique placé dans le voisinage d’un 
résonateur de haute fréquence est le siège de phénomènes d’induction. 
Si l’on approche le doigt de ce corps métallique, on en tire une petite 
étincelle, étincelle grèle, piquante, dépourvue de tout effet moteur. Mais 
si l'on réunit ce corps métallique à la cathode d'une soupape à vide, 
d'une part, et, d'autre part, à l’anode d’une autre soupape, on sent, en 
prenant en mains le pôle libre de chacune de ces soupapes, des secousses 
profondes agissant puissamment sur les muscles. Si l'on approche le 
corps métallique du résonateur, les secousses deviennent de plus en 
plus fortes Avec mes spirales ordinaires, le maximum, sur la ligne axiale, 
est à 30 cm. environ du centre, si l’on se sert d'une sphère métallique 
ou d'un objet couvrant une surface de 2 cm? à 8 cm°. 

B) Si nous prenons comme corps métallique une spire de fil de cuivre 
placée parallèlement aux spires du résonateur, les effets sont beaucoup 
plus puissants. En ce cas on peut, soit réunir une extrémité de la spire 
à l'une des soupapes et l’autre extrémité à la seconde soupape; ou bien 
une extrémité unique de la spire aux deux soupapes : les effets moteurs 
sont les mêmes. Dans le premier cas, les ondes élémentaires triées, dont 
l'ensemble forme « la bouffée » motrice au moment de l'éclatement, ces 
ondes élémentaires de signe contraire à chaque pôle sont simultanées, 
elles sont alternatives dans le second cas. 

C) Si l’on réunit le pôle d'effluvation d’un résonateur à deux sou- 
papes comme ci-dessus, et qu’on prenne en mains les pôles libres des 
soupapes, les effets moteurs croissent progressivement avec la longueur 
d'étincelle de l’éclateur et atteignent vite la limite de la tolérance. Ici 
encore on voit que la simultanéité des ondes de signe contraire n’est pas 
nécessaire et les effets ne sont pas supérieurs si l’on relie chaque 
soupape respectivement à chacun des deux pôles d'une bobine ou d'un 
résonateur bipolaire. Il est vrai qu’en ce cas, au moyen de quatre sou- 
papes, on peut constituer deux circuits, mais ce dispositif n’a aucun 
intérêt pratique ici. 

D) Si l’on veut interprèter ces faits théoriquement, voici comment 
on peut se les représenter : 

J'ai déjà exposé dans mon traité (§ 325, p. 278) comment, en appli- 


44 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


quant purement et simplement aux courants de haute fréquence la loi 
de Weiss, on pouvait expliquer qu'il n’a pas d'action motrice. Chaque 
demi-onde, si élevé que soit son sommet au-dessus de l'axe des temps, 
n’a pas une quantité suffisante pour produire une contraction de la 
1/2 onde qui la suit, égale et de signe contraire, empêche que l'effet des 
1/2 ondes impaires suivantes, s'ajoutant, puissent produire une con- 
traction. Or, ici, que faisons-nous? Nous supprimons précisément les 
1/2 ondes paires, de telle façon, que les 1/2 ondes impaires totalisées 
dans chaque « bouffées » arrivent à produire une quantité suffisante pour 
satisfaire à la formule générale : A = a + bt. 

Ces observations sont donc, à mon avis, une confirmation nouvelle 
de l'explication théorique que j'ai donnée de l'inaction des courants de 
haute fréquence sur les nerfs moteurs. 

E) Reprenons notre premier exemple ci-dessus d'un corps métallique 
placé dans le voisinage d'un résonateur. Au moment où l’étincelle du 
condensateur éclate, nous avons un flux d'électricité de signe déterminé 
dans tout conducteur réunissant les pôles libres des soupapes. C'est ce 
flux de signe déterminé et fait de phases triées qui produit la secousse 
motrice. Lorsqu'il devient trop faible pour être révélé par unè secousse 
motrice, on le décèle facilement à l’aide du récepteur téléphonique. En 
choisissant convenablement les soupapes, on arrive à révéler les pertur- 
bations hertziennes à de grandes distances. On peut se rendre compte, 
d'autre part, que le révélateur téléphonique, mis en communication avec 
un conducteur, siège d'oscillations hertziennes non triées, ne donne qu’un 
murmure confus. 


Appareil à champ magnétique tournant — pour 
la mesure des courants à haute fréquence, et 
des courants induits (courants faradiques), 
employés dans les applications médicales de 
l'électricité. 

Par M. ARNO 


J'ai communiqué à la R. Académie des Lincei, au R. Institut 
Lombard de Sciences et Lettres, à l'Association Electrotechnique Ita- 
lienne de Physique, les résultats de plusieurs recherches que j'ai insti- 
tuées pour l'examen des variations d'hystérésis magnétique, présentées 
par un corps magnétique plongé dans un champ magnétique tournant 
sous l'action de courants alternatifs ou variables d’une manière quel- 
conque. 

J'ai, par là, constaté que lorsqu'un disque ou un cylindre magnétique 
plongé dans un champ magnétique tournant, est soumis à l'action de 
courants alternatifs ou interrompus aussi faibles qu'ils soient, on obtient 
une sensible variation (augmentation ou diminution d'hystérésis, suivant 
les diflérentes conditions de l'essai) du retard avec lequel l'aimantation 
du disque ou du cylindre suit la rotation du champ magnétique où le 
disque ou le cylindre a été plongé. 

On observera aisément cette variation du cycle d’hystérésis, qui se 
décèle à l'action des courants susdits ‘si le corps magnétique est suspendu 
dans le champ tournant) par la déviation de l'équipage mobile de l appa- 
reil et, les autres conditions étant les mêmes, cette action est d'autant 
plus grande, que la fréquence des courants alternatifs, ou le nombre des 
interruptions par 1” des courants interrompus, sont plus grands. 

S'il est question d'un courant alternatif d'une assez grande fiéquence, 
le phénomène est encore évident, mème si lintensité du courant est 
extrèmement faible, conme lorsqu'il s'agit de courants de haute fréquence, 
ou de courants induits (courants faradiques}, qu’on emploie pour les 
applications médicales. 

Sur ces principes j'ai étudié et construit un appareil (1) qui décèle et 


(1) Cet appareil est déjà appliqué comme révélateur des ondes Hertziennes, et 
Comme galvanomètre téléphonique. 


SM COR CRM: à, Re a: UE SE LT A SE re ne aaa à A nt D Lt, 


46 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


mesure ces courants. Le croquis ci-joint donne la disposition générale 
de l'appareil, qui est essentiellement composé : d'un équipage mobile 
formé par deux cylindres creux d'acier. À et B, montés sur l'axe com- 
mun de rotation 7, placés chacun dans un des deux champs magnétiques 
tournants a, et b, d'égale intensité mais de sens contraire, de façon à 
équilibrer leurs actions sur l'équipage mobile. Chacun des deux champs 
tournants peut-être obtenu par un système de trois bobines à noyaux en 


W i 


Secondaria 


Shtta Du Bors Reymond 


fer respectivement parcourues par trois courants alternatifs d'un ordinaire 
système triphasé, décalés donc de 120°, l'un par rapport à l'autre. 

Cet équipage mobile est ordinairement en repos. Mais un des 
cylindres, par exemple À, peut être soumis à l’action du champ tournant 
susdit, en même temps qu'à l’action d'un autre champ secondaire, 
produit par le courant que l’on veut mesurer. Ce courant parcourt la 
bobine s, placée de manière à avoir le même axe que le cylindre. 
L'équipage mobile est suspendu à une suspension bifilaire ou bien est 
appuyé sur des pivots, ou disposé d’une autre façon quelconque, suivant 
les différentes applications pratiques. La lecture des déviations est faite 
à l’aide d’un miroir à échelle ou bien moyennant un index sur une 
graduation. 

Par cette disposition, et d’après ce que nous venons d'exposer, on 
comprend aisément que le courant à essayer parcourera la bobine s. 
Alors nous avons une variation dans l'hystérésis du cylindre À, tandis 
que celle du cylindre B restera la mème. L'équilibre entre l'action des 
deux champs fondamentaux, sur les deux cylindres, étant de cette manière 
troublé, l'équipage mobile tournera, marquant le passage du courant 
même par la bobine s. La déviation donnée par l'instrument dépend de 


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ARNO — APPAREIL A CHAMP MAGNÉTIQUE TOURNANT 47 


plusieurs éléments ; et pour une intensité et une figure donnée des deux 
champs tournants, elle dépend de l'intensité. fréquence et loi de varia- 
tion du champ magnétique, produit par le courant qui parcourt la bobines. 
L'appareil dont il est question n'est pas un simple ampéremèêtre de très 
grande sensibilité, mais il est un instrument qui donne des indications d'un 
genre beaucoup plus complexe Ces indications, dans chaque cas pratique, 
pourront être interprétées utilement si, selon le cas, on pourra conve- 
nablement disposer les différents éléments de l'appareil, de façon à obte- 
nir le but préfixé. 

Mais, puisque dans la pratique ordinaire des mesures des courants 
qu'on emploie en médecine, ce qui a la plus grande importance n'est pas 
seulement la mesure de l'intensité des courants, mais encore celle de 
l'effet (bien compliqué dans sa manifestation), que ces courants peuvent 
produire sur l'organisme humain {effet dérivé non seulement de l'intensité 
efficace du courant, mais encore de la fréquence, de la forme de la courbe 
caractéristiques, et de toutes les modalités des courants, que les ordi- 
naires galvanomètres ne marquent pas), cette mesure si complexe peut 
ètre donnée par la déviation de l'index mobile de l'appareil, lorsque, tout 
en tenant compte des caractéristiques du courant à mesurer, on règle 
l'instrument de façon à mettre ses éléments dans la condition plus con- 
venable pour la mesure qu'on veut exécuter. 

Quand l'appareil dont il est question a été réglé expérimentalement 
pour mesurer un courant moyen donné, entre les courarts qu’on emploie 
ordinairement en médecine, on trouve que le champ d'action où ses 
indications restent à un degré suffisant d'exactitude, proportionnelles aux 
courants mesurés (cette mesure étant entendue dans le sens complexe 
qu'on vient d'expliquer), est suffisemment étendu pour qu'en pratique il 
ne soit pas trop souvent nécessaire de régler différemment l'instrument. 
Tout cela, bien que les caractéristiques des courants employés en 
médecine et pris ordinairement en considération présentent facilement 
des variations, soit par la façon différente dont ces courants sont trans- 
mis à travers la personne sur laquelle ils doivent opérer, soit par les 


variations de l'appareil générateur des courants mêmes, soit enfin en 
variant la personne elle même (1. 


0) L'appareil, très simple, à lecture directe, st extrèmement sensible, a été pre- 
senté fonctionnant à l'Exposition des appareils d'électricité médicale annexée au siège 
du Congrès d'électrologie et de radiologie médicales de Milan. 


Exposé de la technique métroradiographique 
pour la recherche et la localisation des 
affections de l’appareil urinaire. 


par M. G. CONTREMOULINS 
(Chef du laboratoire principal de radiographie des Hôpitaux). 


L'exploration radiographique de l'appareil urinaire est fort complexe, 
elle relève à la fois de la radiographie topographique et de la radio- 
graphie quantitative: à ce double titre, elle se classe donc dans la 
catégorie des examens métroradiographiques dont j'ai publié les principes 
dans une étude intitulée : Méthode genérale de métroradiographie (1). 

Je me bornerai, dans ce travail, à indiquer les points principaux 
dans lesquels cette étude resterait inintelligible. Pour rendre plus clair 
cet exposé, je rappellerai les considérations générales qui doivent régir 
et caractériser l'analyse métroradiographique des états pathologiques ce 
l'appareil urinaire. 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L’ANALYSE MÉTRORADIOGRAPHIQUE 
DE L'APPAREIL URINAIRE 


I. — L'examen radiographique de l'appareil urinaire n'a de 
valeur clinique qu'autant que la technique employée est complètement 
définie et toujours identique pour tous les examens. 

L'examen radiographique de l'appareil urinaire a pour but de 
déterminer avec précision : 

A) La présence des lésions et des corps étrangers tels que leur 
opacité spécifique aux rayons X, permette de les différencier de 
l'organisme ; 

B) La forme et la situation des lésions et corps étrangers décelés ; 

Il doit encore permettre : 

C) La mensuration des organes visibles, des lésions décelées, des 
corps étrangers : lithiuse et calculose. 


(1) Annales d’Electrobiologie et de radiologie. N° 2, année 195; No 6, année 
1905 ; N° 5, année 1906. 


CONFPREMOULINS. — AFFECTIONS DE L'APPAREIL URINAIRE 40 


Aux éléments de certitudes énoncés et qui relèvent de la radiographie 
topographique, il convient d'ajouter, au moins dans un grand nombre 
de cas, un élément de présomption : 

D) L'opacité spécifique, que présentent les lésions et corps étrangers 
décelés, exprimée photométriquement doit permettre, dans certaines 
circonstances, d'en préjuger la nature. 

Cette dernière indication relève de la radiographie quantitative; 
analyse des plus délicates, elle nécessite un appareillage assez complexe 
et une expérience qui ne peut s'acquérir qu'après une longue pratique. 


II. — On ne saurait admettre une exploration radiographique 
partielle de l'appareil urinaire; les diverses parties de cet appareil 
doivent être examinees entièrement dans tous les cas; cet examen doit 
étre plusieurs fois renouvelé. 


II. — L'examen radiographique de l'appareil urinaire doit 
révéler les états pathologiques suivants : 

A) La congestion rénale ; 

B) Les tumeurs dont l'opacité spécifique diffère de celle du rein 
physiologique ; 

C) La lithiase de l'appareil urinaire ; 

D) La calculose de l'appareil urinaire. 

* 
* * 

I. — L'examen radiographique de l'appareil urinaire n'a de valeur 
Clinique qu'autant que la technique employée est complètement définie 
el toujours identique pour tous les examens. 


C'est à tort que les cliniciens considèrent que le radiologiste est libre 
d'opérer à son gré, sans technique définie, sous le prétexte qu'il est seul 
apte a juger ce qu'il fait. Cette fâcheuse doctrine ne peut avoir d'autre 
résultat que favoriser l'erreur faute de contrôles propres à la révéler au 
plus grand préjudice des malades, des cliniciens et des radiologistes 
eux-mêmes. Nier la nécessité d'une unification de méthode en radiologie 
cest nier l'utilité des unités de mesures métriques, calorifiques et 
autres | 

N'importe-t-il pas, au contraire, que les procédés de recherches ayant 
les sciences exactes pour base reposent sur des conventions dont chaque 
élément soit défini en fonction d'unités connues et par conséquent compré- 
hensibles pour tous. L'introduction de la méthode et de la mesure dans 
les recherches biologiques n’a jamais été une entrave mise à la liberté 
individuelle des expérimentateurs, on ne saurait donc invoquer cette 


ANNALER D'ÉLECTROBIOLOGIE, TOME X. — JANVIER 1907. 4 


50 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE D 


prétendue entrave portée à l'initiative privée pour rejeter toute propo- 
sition d'entente (1). 

Ceci m'amène à rappeler que la radiographie de l'appareil urinaire 
n'est pas une recherche spéciale ayant une technique propre et des 
moyens adéquats ; mais, que c’est au contraire un cas particulier de la 
méthode générale métroradiographique. C'est donc à cette technique 
générale qu'il importe de rattacher cette recherche radiologique. 

Je ne saurai trop répéter ici que l’image radiographique n’est pas une 
image simple, qu'elle est le graphique résultant de la participation de 
ving deux facteurs į?) dont chacun imprime à l'image sa caractéristique 
propre et cela proportionnellement à son ordre de grandeur ; que rien ne 
permet de déceler dans l'image obtenue la valeur relative à chacun des 
facteurs en cause et que l'utilisation d'une image radiographique sans 
définition est toujours un danger pour qui l'emploie. 

Les erreurs de lecture si souvent signalées n’ont pas eu d'autre ori- 
gine; elles ne cesseront qu'avec l'adoption d'une technique uniforme, on 
pe saurait Jamais trop insister sur ce point. 

De même que l'analyse chimique nécessite une technique opératoire 
définie et des pesées précises; de même, la radiographie ‚analyse physi- 
que) réclame au même titre une technique définie et des mesures exactes. 

Il ne viendrait à l'idée d'aucun bactériologiste, d'aucun histologiste 
de nier l'utilité des réactifs et des colorants dont il fait usage dans ses 
recherches microscopiques ; nous savons tous quel soin il faut apporter 
au choix, à la préparation de ces réactifs pour ne pas s'exposer aux plus 
grossières erreurs. De même, le radiologiste ne saurait s'affranchir d'une 
technique définie et toujours identique sans fausser fatalement le résultat 
de ses mensurations ou de ses analyses radiographiques quantitatives. 

La radiographie dans ses applications à la biologie est un cas parti- 
culier de la méthode générale d'analyse qu'elle a engendrée. Or, cette 
méthode générale repose sur ce fait que les différences d'opacité spéci- 
fique des corps aux rayons X sont fonction : 1° du poids atomique des 
corps, 2° de la pénétration (suivant le terme consacré) des rayons 
employés. 

De la première condition résulte la radiographie topographique. Elle 
est une méthode de délimitation du squelette et de tous les organes qu'il 
est possible de différencior de l’ensemble de l'organisme, sur un écran 
récepteur, en vertu de la différence d’opacité spécifique aux rayons X, 
de ces organes ou de certaines de leurs parties. Cette application topo- 


(1) Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, N° 4, année 1906. 
(2) Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, N° 2, année 1905. 


CONTREMOULINS. — AFFECTIONS DE L'APPAREIL URINAIRE 51 


graphique entraine, comme conséquence immédiate, la métroradiographie 
topographique ou méthode de mensuration des organes ou parties de ces 
organes qu’il est impossible de délimiter par l’image radiographique ; 
cette méthode repose sur la géométrie et particulièrement sur l'étude 
des projections coniques. 

La deuxième condition énoncée est la base de la radiographie quan- 
titative. Dans ce cas. la qualité des radiations émises étant définie et tous 
autres facteurs étant connus, comme il a été dit plus haut, l'image radio- 
graphique peut exprimer les modifications de poids atomique, survenues 
dans les organes étudiés, comparativement avec le cas normal (état 
physiologique). Elle définit alors un état pathologique déterminé de 
l'organisme. 

Cette deuxième branche de la radiographie a donné naissance à la 
métroradiographie quantitative qui repose naturellement sur la mesure 
des radiations employées, c'est-à-dire sur la physique. | 

On ne saurait donc demander à la radiographie autre chose que ce 
qu’elle peut donner, sans commettre de lourdes fautes, et ceci m’amène 
tout naturellement à parler des erreurs commises par les radiologistes 
urinaires qui ont crû déceler, à l’aide des radiations de Rôntgen, les cal- 
culs uriques contenus dans le rein. 

Les calculs d'acide urique pur ne sont pas décelables, parce que 
l'opacité spécifique de l'acide urique est trop voisine de celle du rein. 

Les radiations de Röntgen, rencontrant dans la masse abdominale 
des milieux chimiquement différents, mais d'opacité spécifique semblable, 
ne peuvent pas les différencier sur l'écran récepteur. 

Les calculs uriques, qui furent décelés par la radiographie, n'étaient 
certainement pas des calculs simples, ils contenaient des phosphates ou 
des oxalates de chaux, et j'ai tout lieu de croire, ayant été moi-même 
appelé à le constater, que ces calculs étaient recouverts d'une forte 
chemise urique, seule analysée chimiquement. Si la radiographie de ces 
calculs avait été faite après leur extraction, les auteurs auraient pu 
constater qu'ils n'étaient pas de composition simple. 

Pour bien faire saisir toute l'importance qu'il faut attacher au poids 
atomique des corps soumis à l'analyse radiographique, je vais recourir 
à un nouvel exemple, choisi, cette fois, dans l'optique. 

On peut dire que deux corps de nature chimique différente, mais de 
même poids atomique, seraient aussi impossibles à différencier par les 
rayons X, qu'il est impossible, à l'aide des rayons lumineux, de déceler 
la lentille frontale d'un objectif à immersion, lorsqu'elle est mainteuue 
au centre d'un flacon d'huile de cèdre; car, ces deux corps de nature 
différente ont la même réfringence. 


-Á 


52 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Ayant exposé les dangers que font courir les radiographies mal 
faites, et démontré la nécessité d'introduire une méthode exacte dans la 
pratique radiologique urinaire, examinons comment il est possible 
d'obvier à ces inconvénients. 

La technique qui répond aux desiderata exposés est résumée dans 
les feuilles d'analyse, dont un exemple est annexé à cet article; chaque 
facteur y figure avec sa définition. 

Ces feuilles d'analyse ont sur les épreuves radiographiques l'avantage 
qu'elles fournissent au clinicien tous les renseignements que donnent les 
clichés négatifs, en lui évitant d'avoir à interpréter lui-même une ou 
plusieurs épreuves dont il ne peut tirer tout le parti désirable ; parce 
qu'il n’a pas d'une part, l'outillage nécessaire à l'exécution d'une complète 
analyse de ces documents, et que d'autre part, il ne peut comme le spé- 
cialiste tenir compte de certaines particularités dues à des causes extra- 
techniques Citons parmi celles-ci les taches provenant d'accidents de 
couchage dans les plaques photographiques, accidents inévitables et qu'il 
faut savoir reconnaitre pour en tenir compte à l'interprétation. 

Les feuilles d'analyse sont constituées : | 

1° par une feuille de papier pliée en deux formant chemise : 

2° par des feuilles libres sur chacune desquelles est imprimé nn 
schéma au trait, figurant le squelette du bassin de la région lombaire et 
de la partie inférieure du thorax. Il existe deux modèles de schémas, un 
pour chaque sexe, et ceux-ci ont été établis d'après des radi:graphies 
types. 

Sur le recto de la feuille de papier, formant chemise, qui constitue la 
première des quatre parties de la feuille d'analyse se trouvent imprimées, 
à la partie supérieure, toutes les indications d'ordre administratif et celles 
qui sont personnelles au sujet (Planche 1). 

En dessous sont indiquées sous le titre « conditions d'obtention des 
clichés négatifs +, les caractéristiques de la technique employée : 

1° la distance du foyer radiogène à la plaque (fixée à 75 centi- 
métres); 

2° l'incidence normale à la plaque et au sujet (indiquée par une 
étoile à cinq branches); 

3° la position du sujet. 

Cette position est commune à toutes les radiographies de l'appareil 
urinaire, c'est le décubitus dorsal avec demi-flexion des cuisses sur le 
tronc (la flexion est arrêtée quand la région lombaire appuie sur la glis- 
sière porte-plaque). 

En dessous de ces trois premiers facteurs, constants pour tous les 
examens, se trouve un tableau dans lequel on enregistre toutes les indi- 


CONTREMOULINS. — AFFECTIONS DE L'APPAREIL URINAIRE 53 


cations concernant l'obtention du cliché; la technique radiographique 
employée pour chaque examen est ainsi complètement définie. 

Des treize colonnes qui composent ce tableau, la l'° est seule d’ordre 
administratif, elle sert à inscrire le numéro d'ordre du cliché. 

Les deux colonnes suivantes (2° et 3°) servent à enregistrer les mesures 
effectuées à l'aide du « MÉTRORADIOSCOPE » (1). La première de ces deux 
colonnes est réservée à l'inscription de la pénétration, la deuxième à 
celle de la quantité de radiations émises par décharge. Dans la quatrième 
colonne figure le « NOMBRE DE DÉCHARGES » exprimant d'une manière 
précise le temps de pose effectif. 

Les colonnes cinq et six servent à noter les indications fournies par 
le « RADIOPHOTOMÈTRE ». Cet appareil est constitué par une échelle d'ar- 
gent qui se trouve radiographiée pendant l'examen sur une plaque photo- 
graphique de même émulsion que celle employée pour le sujet. 

La plaque radiophotométrique, ainsi obtenue, sert ensuite de guide 
et de contrôle pour le développement. Le numéro de l'échelle d'argent 
employée est inscrit dans la cinquième colonne; dans la colonne suivante 
figure le numéro du paramètre (feuille d'argent que l’on superpose à 
l'échelle dans le cas de pose longue) utilisée quand il y a lieu. 

La nature de la plaque photographique employée et le numéro de 
l'émulsion à laquelle elle appartient sont exprimés dans les deux colonnes 
suivantes, 

À la suite de ces colonnes viennent les indications définissant les 
conditions suivant lesquelles a été effectuée la réduction des sels d'argent 
de la plaque radiographique. Trois colonnes sont ménagées à cet effet; 
la 1'° est réservée à la formule du développement utilisé, la 2° à la tem- 
pérature du bain réducteur et la 3° au degré de réduction de la plaque 
contrôle radiophotométrique qui définit la valeur quantitative de l'opacité 
du cliché. 

Les deux dernières colonnes de ce tableau ont pour objet l'inscription 
de l'ÉPAISSEUR DU SUJET A L'INCIDENCE NORMALE, la première corres- 
pondant à l'épaisseur du sujet sans compression de l’abdomen et la 
seconde avec compression lorsque celle-ci est nécessaire. 

La deuxième page de la feuille d'analyse (2° partie) est divisée en 
trois parties distinctes (Planche 2). 

La première partie est constituée par un tableau dans lequel le radio- 
logiste fait figurer toutes les indications radiographiques qui résultent 
de l’examen des clichés; ces indications sont en quelque sorte un résumé 
que les schémas viendront compléter comme nous le verrons plus loin. 


(1) Annales d'Électrobiologie et de radiologie, N° 6, année 1905. 


54 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


La première colonne de ce tableau sert à l'inscription de la DATE DE 
LA RAPIOGRAPHIE. Puis, huit colonnes sont disposées à la suite, elles 
permettent de répartir les renseignements entre les différentes parties 
de l'appareil urinaire de la façon suivante : 


REINS BASSINETS URETÈRES VESSIE 
SE M mA o T m N Sot an. bamm a 
Gauche | Droit Gauche | Droit Gauche | Droit Côté a. | Côté D. 


Trois colonnes, réunies sous le titre général CLASSEMENT, complètent 
ce tableau; elles sont affectées : la 1", au numéro d'ordre du cliché 
(cette colonne est donc la répétition de la première colonne du tableau 
de la première page); la 2°, à la série à laquelle le cliché appartient; 
la 3°, au numéro de classement qui correspond à ce cliché dans la série 
désignée précédemment. 

La deuxième partie de cette page est consacrée à la représentation 
des TEINTES ET SIGNES CONVENTIONNELS par lesquels on exprime, soit 
dans le tableau précédent, soit sur les schémas, les résultats observés 
sur chaque cliché. Ces teintes et signes conventionnels constituent trois 
modes de représentations (teintes typographiques, couleurs, signes) des 
quatre désignations suivantes : 

A) L'opacité rénale, exprimant la congestion du rein, est traduite 
en typographie par une teinte pointillée (sur les schémas) (1), en couleurs 
par une teinte rose claire (sur les schémas (2}) et en signes (dans le 
tableau) par les initiales O R. 

B) L'opacité indéfinissable, correspondant à la tuberculose rénale, 
aux tumeurs de l'appareil urinaire, affections dont la radiographie ne 
permet que de constater l'existence, sans préjuger de l ur nature, est 
traduite en typographie par une teinte foncée résultant de l’enchevêètre- 
ment de ligues ondulées (sur les schémas), en couleur par une teinte jaune 
foncée (sur les schémas), en signes (dans le tableau) par les iuitiales O T. 

C) La lithiase est la désignation réservée aux corps étrangers de 
l'appareil urinaire, calculs et boues, que l'organisme peut éliminer 
naturellement. 

Elle est traduite en typographie par un quadrillé très foncé, obtenu 
par le croisement de lignes verticales et horizontales, en couleur par une 
teinte bleue foncée, en signes par l'initiale L. 

D) La calculose. Par ce qualificatif sont désignés tous les caleuls 
qui ne peuvent être éliminés naturellement, soil à cause de leur volume, 


(1) Schémas destinés à la reproduction. 
(2) Schémas destinés aux cliniciens. 


CONTREMOULINS. — AFFECTIONS DE L'APPAREIL URINAIRE 55 


soit parce qu’ils sont reconnus, après plusieurs examens radiographiques, 
comme étant fixés à la paroi de l’organe qui les contient. 

En typographie, elle se traduit par une teinte en poché noir, la même 
traduction est employée en couleur ; que les schémas soient destinés à la 
reproduction ou qu'ils soient effectués à l'usage des cliniciens. Elle se 
traduit en signes (dans le tableau) par l'initiale C. | 

La partie inférieure de la page est réservée aux « Observations » 
complémentaires qui ne pourraient être exprimés par la traduction 
conventionnelle que nous venons de décrire. 

La troisième partie des feuilles d’analyse comprend les schémas. Ce 
sont des feuilles mobiles, se plaçant dans la chemise, sur lesquelles 
se trouvent : 

lo Le schéma proprement dit (correspondant au sexe du sujet), 
imprimé à l'avance; 

2° Au-dessous, les indications définissant la technique radiographique 
employée. Ces indications sont la reproduction, pour chaque schéma, des 
détails opératoires exprimés dans le tableau de la première page ; 

3° De chaque côté du schéma et en correspondance avec l'orientation 
du sujet, le radiologiste inscrit les renseignements ou observations qui 
complètent le schéma; par exemple, les dimensions du rein, les dia- 
mètres principaux des calculs ou des tumeurs décelés, etc. 

La planche 3 donne un exemple complet de l’utilisation des schémas. 

Si le cas étudié est complexe, il est nécessaire d'établir un schéma 
par cliché ; lorsque tous les examens sont superposables, un seul schéma 
peut suffire pour compléter la feuille d'analyse. 

Dans l'exemple fourni, les deux premiers clichés étant identiques, 
nous ne donnons qu'un schéma les exprimant tous deux: le troisième, 
au contraire, nécessite un schéma nouveau, car il montre les changements 
survenus par l'élimination des boues phosphatiques contenues précédem- 
ment dans le rein. On constate, par ce nouvel examen, qu'elles se sont 
écoulées, d'une part, dans la partie supérieure de l'uretère et, d'autre 
part, dans la vessie, au débouché de l'uretère dans cet organe (Planche 4). 

La femme qui a servi pour cet exemple n’a pas encore consenti à 
se laisser opérer et je n'ai pu recueillir à son sujet d'observation 
complète. 

Enfin, la quatrième partie de la feuille d'analyse (3° page de la feuille 
formant chemise) est réservée à la relation des observations cliniques 
(opération, etc.} et aux résultats des analyses chimique et radiographique 
post-opératoires. 

Ainsi qu'on peut le constater par cette description, ces feuilles d'ana- 
lyse sont beaucoup plus pratiques que les épreuves rad ographiques sur 


56 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


papier. Elles ont sur celles-ci de grands avantages, elles ont une 
expression plus complète du cliché tout en étant aussi précises, elles 
permettent au radiologiste consciencieux de donner au clinicien tous les 
renseignements radiographiques qui lui sont nécessaires pour instituer 
le traitement (opération ou non); enfin, elles établissent une colla- 
boration plus étroite et partant plus féconde entre le clinicien et le 


radiographe. 
*% 


* * 

II. — On ne saurait admettre une exploration radiographique 
partielle de l'appareil urinaire; les diverses parties de cet appareil 
doivent être examinées entièrement et simultanément dans tous les cas ; 
cet examen doit être plusieurs fois renouvelé 


L'enquête radiographique dans la recherche des affections de l’appa- 
reil urinaire ne peut être partiellement pratiquée; l'exemple que je 
présente dans les schémas F et IJI en est une démonstration frappante. 

Cette femme qui n’a jamais souffert du rein et qui ne s’est présentée 
à la consultation de M. le professeur Guyon que parce qu'elle observait 
dans ses urines des dépôts qui, à la longue, l'inquiétèrent, montre 
combien une exploration partielle de son appareil urinaire aurait été 
insuffisante. Si cette enquête avait porté uniquement sur le rein, elle 
aurait laissé insoupconnés les calculs de la vessie, et si elle n'avait été 
pratiquée qu'une fois, elle n'aurait pas permis de différencier la lithiase 
de la calculose. 

Des examens totaux et répétés pouvaient seuls permettre de faire les 
trois constatations suivantes, dont l'importance n'échappera à aucun cli- 
nicien : 

1° La congestion du rein droit est constante ; 

2° Le rein recèle à la fois des calculs et des boues ; 

3° Les premiers sont fixes (calculose), les secondes sont éliminables 
(lithiase); on assiste dans le troisième examen à la complète élimination 
de ces dernières. 

Si, confiant dans la netteté des deux premiers clichés, je n'avais pas 
quand mème pratiqué un troisième examen, le chirurgien était autorisé 
à conclure que les trois taches observées dans la région corticale du rein 
étaient produites par la présence de calculs et non par celle de boues 
phosphatiques. 

Enfin, la répétition des examens m'a encore permis, en outre, 
d'acquérir la certitude que les quatre calculs vésicanx étaient fixés à la 
paroi de cet organe; car, malgré les secousses imprimées à la malade 
et les positions variées que je lui fis prendre, lors des deux dernières 


CONTREMOULINS. — AFFECTIONS DE L'APPAREIL URINAIRE 57 


enquêtes, leurs positions réciproques ne furent en rien modifiées. Ces 
renseignements, si précieux pour le clinicien, ne sauraient être obtenus 
avec la radiographie locale et unique, trop souvent préconisée 

A ce sujet, nous prions le lecteur de bien vouloir se reporter au N° 5 
«31 mai 1906) des Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, où cette 
partie de la question a été déjà traitée avec des observations à l'appui. 


x 
* * 


HI. — L'examen radiographique de l'appareil urinaire doit révéler 
les états pathologiques suivants : 


A) La congestion rénale; 

B) Les tumeurs dont l'opacité spécifique diffère de celle du rein 
physiologique ; 

C) La lithiase de l'appareil urinaire; 

D) La calculose de l'appareil urinaire. 

Mais, pour obtenir ces résultats avec un maximum de sûreté, il faut 
prendre deux précautions importantes : la première mtéresse la prépa- 
ration du sujet, c'est la seule que nous étudierons ici; la seconde, d'ordre 
technique, a fait l'objet d’une étude spéciale antérieurement publiée (1). 

En ce qui concerne le sujet, il faut que celui-ci se présente dans des 
conditions physiologiques déterminées; il est indispensable que son 
intestin soit entièrement vidé quand il se soumet à l'examen radiogra- 
phique. Il importe donc de le faire convenablement purger: car, la 
présence des gaz et des matières fécales est, sinon un obstacle absolu, 
tout au moins une cause grave d'erreur dans la recherche des lithiases 
et des calculoses. Quant à la congestion rénale et aux tumeurs à opacité 
indéfinissable, elles ne sont décelables qu’à la condition de ne pas être 
masquées par un intestin encombré. 

Il est donc de règle : 

le De ne jamais pratiquer un examen de l'appareil urinaire sur un 
malade qui ne serait pas complètement purgé et à jeun; 

2° D'effectuer un minimum de trois enquêtes radiographiques à des 
intervalles de deux à trois jours au moins; 

3 De ue tirer une conclusion qu'après avoir comparé les trois 
clichés et mensuré les images recueillies (2). 


(© Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, N° 5, année 1906. 
(2) Annales d'Electrobiologie et de Radiologie, N° 5, année 1906. 


Les courants de haute fréquence 
en thérapeutique. 


Par M.. LUIGI VERDIANI (Volterra). 


J'ai commencé à employer les courants de haute fréquence avec une 
certaine curiosité, mais sans grand espoir d'obtenir des résultats quel- 
conques. Les résultats thérapeutiques qu'ils donnent m'avaient tellement 
été vantés comme miraculeux et extraordinaires, que je ne pouvais y 
croire; car il ne s'agissait pas, d'après les protagonistes qui m’en par- 
laient, d'une maladie déterminée ni même d'un groupe de maladies 
présentant entre elles certains rapports, mais d'affections les plus dis- 
parates qui guérissaient comme par enchantement : aftections tuber- 
culeuses, maladies de la peau, diabète, tout cela guérissait sous l'in- 
fluence des courants de haute fréquence. 

La première application que je fis de ces courants fut dirigée contre 
une alopécie très étendue et les résultats furent vraiment surprenants 
et ils m'encouragérent à d'autres tentatives; je les appliquai succes- 
sivement et avec succès à diverses maladies de la peau, à un cas de 
polynévrite urémique, à une ankylose du genou, consécutive à une 
arthrosynovite, etc. 

Aussi, mon septicisine fut-il tres’ ébranlé et je pensai que si la 
crédulité aveugle est le privilège d'esprits faibles, l’incrédulité systé- 
matique n'est souvent que le masque de l'ignorance. 

Les faits cliniques que je vais rapporter sont tellement nets et précis, 
qu'ils doivent faire disparaitre le septicisme de mes confrères, ruiner la 
théorie qui attribue à la suggestion les effets thérapeutiques de l’élec- 
tricité, et opposer une grave objection à ceux qui expliquent les phéno- 
ménes euratifs comme étant dus à la marche naturelle des choses. 

Des effets pratiques qui ont été observés, il résulte que les courants 
de haute fréquence ont une action extrémement puissante sur lorga- 
nisme. 

Ce n'est pas le cas de rappeler les effets des courants de haute fréquence 
sur l'homme sain et sur l'homme malade si bien mis en lumiere par 
d'Arsonval, à qui la thérapeutique moderne est redevable d’un des plus 


VERDIANI. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE EN THÉRAPEUTIQUE 59 


puissants moyens curatifs, et par toute une pléiade de chercheurs ; mais 
il convient d'indiquer une des raisons qui permettent d'expliquer les 
effets que des recherches pureme -t cliniques ont rendu certains. Comme 
il me semble qu'elles n'aient pas encore droit de cité, je me permets d’ex- 
poser les idées qui depuis longtemps se sont fait jour dans mon esprit, 
pensant que des hypothèses ou des déductions théoriques concourent, 
avec les recherches rigoureuses et les discussions sereines, à approcher 
de la vérité. 

Tout d'abord il convient de se rendre compte de ce fait que les appli- 
cations des courants de haute fréquence s'appliquent à des cas très dis- 
semblables les uns des autres et qu’elles y sont efficaces : Ce fait est 
d'autant plus intéressant qu'il pourra en même temps permettre d'ex- 
pliquer nn effet vraiment merveilleux, et nous conduire à expliquer la 
nature des courants de haute fréquence et leur mode d'action. 

Nous devons regarder l'organisme comme une machine complexe ou, 
mieux encore, comme un ensemble complexe de machines d’une perfec- 
tion et d’une délicatesse extraordinaires, qui fonctionnent sous l'influence 
d'une mystérieuse énergie qui prend naissance en lui et en constitue la 
vie. Cette énergie siège dans les centres nerveux et le long des nerfs qui 
en émanent si abondamment. Sa nature nous est inconnue; nous savons 
seulement qu'elle se modifie pour s'adapter aux fonctions différentes : 
motilité, sensibilité, ete. Une forme de cette énergie, qui est pour le 
moment si intéressante mais qui a été très peu étudiée et qui est peu 
connue, est celle qui, avec une merveilleuse harmonie, préside aux fonctions 
plus intimes de l'organisme animal, aux phénomènes trophiques et qui 
est en mème temps l'expression et la cause de la vie. 

Quand cette énergie vient à manquer en totalité ou en partie à un 
organe, à un tissu, à une partie quelconque de l'organisme, leurs fonc- 
tions sont altérées et ils passent à l’état pathologique. La théorie qui 
s'adapte le mieux aux maladies des échanges nutritifs ne s'adapte pas 
moins à d’autres sortes de maladies qui, à première vue, sembleraient y 
échapper, à celles qui semblent ètre dues à des infections microbiennes. 

Nous savons que la pénétration de germes pathogènes dans l'orga- 
nisme est une chose ordinaire et que l'introduction d'hôtes qui ne sont 
pas habituels à nos tissus ne peut guère se faire sans apporter quelques 
troubles, Pour que ces germes deviennent des ennemis mortels, il faut 
qu'interviennent des causes organiques spéciales, une diminution de 
résistance générale ou locale. 

Considérons par exemple l'infection tuberculeuse. Tous nous respi- 
rons plus ou moins avec l'air, des bacilles de Koch, si énormément répan- 
dus, mais pour être atteints de tuberculose deux facteurs sont nécessaires : 


60 j ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


une prédisposition héréditaire spéciale que l’on rencontre chez les scrofu- 
leux et les Iymphatiques, sujets chez lesquels les échanges nutritifs sont 
très amoindris et où la vitalité est diminuée. Il faut encore une autre 
cause mêmo légère de trouble local, comme par exemple un simple 
catarrhe des voies respiratoires. L'arthrosynovite tuberculeuse, bien que 
fréquente chez des individus sains et même florissants de santé est 
presque toujours consécutive à un traumatisme insignifiant qui même 
peut avoir passé inaperçu, ce qui explique ses localisations habituelles 
à l'articulation du genou qui est si exposée aux traumatismes Les tissus 
qui constituent l'articulation et que nous savons peu abondants en mani- 
festations vitales sont très facilement débilités par un traumatisme: il 
s'établit alors à leur niveau un locus minoris resistentiæ où les bacilles 
de Koch qui peuvent circuler dans le sang se fixent et se développent au 
point d’y établir une maladie très grave. Que la diminution de l'énergie 
vitaie soit la cause qui favorise le développement de la maladie, cela est 
démontré par ce fait que la tuberculose se développe toujours dans la 
région où physiologiquement l’activité vitale est moindre {sommets du 
poumon, capsules articulaires, os. 

Si l'on applique ces considérations aux autres maladies, on peut dire 
que les germes pathogènes n'en sont pas la cause directe, mais qu'ils leur 
confèrent la spécifité propre à leur nature et prennent sur l'organisme 
malade une puissance qu'ils n'auraient pas eu par eux-mêmes, à ce point 
que même pourvu d'une énergie nouvelle, l'organisme ne peut plus com- 
| attre son ennemi. 

Du moment que les germes tuberculeux ont pris possession de l'orga- 
nisme, ils atténuent par leur toxine l'énergie vitale et toute une phalange 
de germes qui en soi sont moins énergiques, profitent de cette condition 
pour se multiplier et accomplir leur œuvre de destruction, L'unique 
moyen de s'opposer à la destruction organique sera de fournir à l'orga- 
nisme débilité une énergie équivalente et mème supérieure à celle que le 
processus pathologique, qui se développe en lui, lui enlève. 

On conçoit dès Jovs toute l'importance qui s'attache à la recherche 
de la nature de l'énergie qui préside aux fonctions nutritives et à la 
découverte d'une énergie équivalente qui puisse la suppéler et mème se 
substituer à elle sielle vient à manquer. Mais comme ce problème 
ne peut être, dans l'état actuel de nos connaissances, directement résolu, 
voyons s'il est possible de le résoudre d'une facon indirecte par des 
analogies. 

En face de l’én: rgie nerveuse dont l'essence est vraiment mystérieuse, 
nous disposons d'une autre forme d'énergie, l'électricité, dont la nature 
essentielle n’est pas connue, mais dont les propriétés physiques sont bien 


VERDIANI. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE EN THÉRAPEUTIQUE 61 


établies, dont les effets physiologiques et thérapeutiques sont chaque 
jour mieux étudiés. On sait aujourd hui qu'elle offre à la médecine des 
ressources multiples, gràce à la multiplicité de ses modalités dont les cinq 
principales sont les suivantes : 

1° Le courant continu; 

x° Le courant faradique et l’extra-courant; 

3? Le courant sinusoïdal ; 

4° La forme statique ; T; 

5° Les courants de haute fréquence et de haute tension. 

On a montré comment ces diverses modalités d'une énergie unique 
ont des propriétés physiologiques différentes. Je n'ai pas à le faire, 
cela m'entrainerait trop loin. 

J'ai dit plus haut comment l'organisme remplit ses fonctions par le 
moyen de l'énergie nerveuse de nature inconnue et que l'énergie électrique 
sous des modalités diverses agit spécifiquement tantôt sur la motilité, 
tantôt sur la sensibilité, et tantôt sur les phénomènes trophiques, etc. 
Nous voyons ainsi qu'il y a entre ces deux sortes d'énergie certaines 
analogies. Le premier point de contact entre elles ressort de l'expérience 
classique de Galvani, qui l’a immortalisé. En excitant à l'aide d'un 
courant produit d’une manière élémentaire, de la seule dont ıl] disposait 
alors, les nerfs lombaires d'une grenouille décapitée, il produisit des 
mouvements tout à fait semblables aux mouvements de la grenouille 
vivante. Cette expérience, à elle seule, serait suffisante pour démontrer 
que du cerveau part, se propageant le long des nerfs, une force motrice 
qui se comporte comme l'énergie électrique et qui peut lui être substi- 
tuée. Ce phénomène peut être reproduit chez les animaux supérieurs et 
mème chez l'homme, et nous voyons tous les jours que, lorsqu'un musele 
quelconque est soumis à l'action de l'électricité, il se contracte, alors 
même que, soit par des altérations les centres ou des filaments nerveux, il 
est absolument soustrait au stimulant physiologique qui préside aux 
mouvements ou lorsqu'il n'en reçoit pas une quantité sutlisante. On peut 
donc, de ce fait, conclure que l'énergie nerveuse, qui part des centres 
nerveux, présente une extraordinaire analogie avec le courant électrique. 

Je voudrais insister encore sur cette analogie et citer d’autres faits 
qui l'appuyent. Considérons le cas d’un hémiplègique ; à moins qu'il soit 
arrivé à l’état de complète inexcitabilité, on peut, avec le courant de 
Watteville, provoquer la contraction des muscles et des groupes mus- 
culaires, et l'on voit, après une séance de 10 minutes, les mouvements 
actifs et volontaires devenir plus amples et cette amélioration momentanée 
peut durer pendant un temps plus ou moins long, puis diminuer progres- 
sivement. Si l’on veut chercher une explication à ce fait, il vient natu- 


62 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


rellement à l'esprit l'analogie suivante : Supposons que nous ayons une 
dynamo donnant 10 ampères sous 50 volts et une batterie d’accumula- 
teurs de puissance correspondante et déchargée ; supposons ces deux 
sources d'énergie électrique montées en parallèle sur un moteur qui 
absorbe 8 ampères; dans ce cas, 2 ampères sont libres et servent 
à charger la batterie; si, au bout d’un temps x. on vient à couper le 
circuit du dynamo, le moteur n’en continuera pas moins à tourner par 


% Mes | ne 
un temps ra après lequel il s'arrêtera, sa vitesse diminuant graduelle- 


ment. Ce fait conduit à penser que la cellule nerveuse motrice, altérée par 
un accident pathologique, a perdu, en totalité ou en partie, la propriété 
d’engendrer ou d’emmagasiner l'énergie qui lui est propre, mais qu'elle 
est capable d'en recevoir de l'extérieur, de l'emmagasiner et de la céder 
aux organes qui sont sous sa dépendance Nous avons ainsi la confirma- 
tion que si les énergies électriques et nerveuses ne sont pas identiques, 
elles présentent cependant entre elles la plus grande analogie. 

Tout cela nous permet d'expliquer aussi comment s'obtient la guéri- 
son plus ou moins complète d’un bras paralysé : les centres nerveux 
excités à accomplir leurs fonctions normales, deviennent graduellement 
aptes à les accomplir d'eux-mêmes, de même qu'un muscle atrophié par 
une longue inactivité et devenu incapable d'accomplir du travail sous le 
stimulant de l'excitation cérébrale, reprend peu à peu son aptitude 
par une gymnastique appropriée qui l’habitue peu à peu et d'une façon 
artificielle à remplir ses fonctions. 

Il y a une forme de l'énergie nerveuse qui préside aux fonctions 
internes de l’organisme, à ce métabolisme organique nécessaire à la régu- 
lation parfaite du fonctionnement de la grande machine animale dans ses 
plus petits détails. Si cette énergie vient à diminuer, l'organisme devient 
malade. Les organes, les éléments cellulaires même, ne présentant aucune 
lésion anatomique ou histologique appréciable sont cependant altérés 
dans leur fonctionnement. Cetétat se présente sous deux grandes formes : 
l’arthritisme et le diabète. L'expérience a montré que dans ces deux états 
les courants de haute fréquence, appliqués par autoconduetion, produisent 
rapidement une sérieuse amélioration. 

A ce sujet, on peut établir une analogie entre les effets que les cou- 
rants électriques produisent lorsqu'ils sont appliqués sur les muscles et 
sur les nerfs moteurs et ceux que les courants de haute fréquence exer- 
cent sur les nerfs trophiques, et retenir que cette forme de l'énergie élec- 
trique est en quelque sorte équivalente à une des modalités de l'énergie 
nerveuse. 

« Nos nerfs sensitifs et moteurs sont organisés pour répondre seule- 


VERDIANI. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE EN THÉRAPEUfIQUE 63 


- ment à des vibrations de fréquence déterminée, comme cela se présente 
» pour les nerfs de sensibilité spéciale, on sait, en effet, que notre rétine 
» n'est pas affectée par des vibrations trop lentes (infra-rouge) ou trop 
» rapides (ultra-violet) ; que de même, notre nerf acoustique n'est pas 
» impressionné, si les vibrations du corps élastique sont inférieures à 
» 32 par seconde ou supérieures à un certain nombre, variable avec les 
- sujets, 40.000 à 60.000 par seconde ». 

Tous ces points désormais acceptés et acquis nous devrions conclure 
que les nerfs trophiques répondent seulement aux vibrations d’une 
fréquence de un million à la scconde environ, que lui fournit la forme de 
courants dont nous parlons. 

A l'appui de notre hypothèse que les courants de haute fréquence 
sont équivalents d'une forme déterminée de l'énergie nerveuse, je puis 
encore citer deux faits : d’abord l’action favorable qu'ils exercent sur les 
maladies de la peau où les syndromes cliniques correspondent à une sorte 
d'épuisement nerveux. 

Les maladics de la peau ont une pathogénie inconnue et encore très 
discutée; cependant la théorie de leur origine nerveuse gagne tous les 
jours du terrain; alors qu'elles résistent à tous les moyens thérapeutiques 
connus, elles cèdent rapidement aux applications de courants à haute 
fréquence. 

Dans un des cas cliniques dont je parlerai plus loin, les troubles que 
présentait le malade intéressaient entièrement la sphère nerveuse 
et manquaient totalement de lésions organiques suflisantes pour les 
expliquer. | 

Si les idées que je viens d'exposer ont une base réelle on comprend 
facilement comment les courants de haute fréquence soient véritablement 
efficaces dans toutes ces maladies si diverses, qui ont un substratum 
commun et qu'ils aient une importance très grande, puisqu'ils agissent 
directement sur la cause mème de la maladie, tandis qu'avec la thérapeu- 
tique ordinaire on ne fait seulement qu’une cure symptomatique. 

Après avoir exposé les analogies qui existent entre l'énergie électrique 
et l'énergie nerveuse, il ne sera pas inutile de parler d'un autre fait qui 
me parait être de nature à les confirmer. Il y a, parmi les manifestations 
psychiques de l’homme, un phénomène, connu depuis très longtemps, 
très discuté, souvent mis en doute, mais pourtant bien réel, qui n'apparait 
pas chez tous les individus, mais que l'on rencontre chez quelques per- 
sonnes douées d’un système nerveux particulier : c'est la sensibilité 
télépathique. 

Elle trouve une correspondance parfaite dans la télégraphie sans fil 
et à ce sujet je suis heureux à rappeler que, dès 1899, Foveau de Cour- 


64 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


melles a pu constater que le cerveau d'un animal récemment tué possède 
des propriétés analogues à celles du cohéreur de l'appareil de Marconi. 

Beaucoup de médecins ont pensé que les heureux effets dus à l’élec- 
tricité sont dus à des phénomènes de suggestion. Je ne discuterai pas 
une opinion qui perd tous les jours du terrain, je me contenterai de 
faire remarquer que les effets des courants de haute fréquence ont été 
établis à l'aide d'expériences faites sur les animaux et, dans le cas dont 
je vais parler, sur un jeune enfant âgé de quelques jours 

Ce n’est pas le lieu de résumer, même brièvement, lee multiples 
applications des courants de haute fréquence; je me contenterai de 
rapporter trois cas de guérison, qui me semblent présenter une réelle 
importance. 

Les appareils producteurs des courants de haute fréquence sont trop 
connus pour que j'ai à les décrire. Je me sers habituellement, d’une 
bobine de 25 cent. d’étincelle, d'un interrupteur à mercure, d’un trans- 
formateur d’Arsonval et d’un grand solénoïde vertical pour les adultes, 
plus petit et horizontal pour les enfants. 


Oss. I. — Mauro A., né le {er juin 1904, de parents bien portanis ; a deux sœurs 
vivantes et dans un excellent état de santé; il pesait, au moment de sa nais- 
sance, 3 kg. 400, fut élevé au sein, par une nourrice, sous l'étroite surveillance 
des parents. Sans causes apparentes l'enfant dépérit si bien, qu'à la 4° semaine, 
il ne pesait plus que i kg. 700. Deux fois la nourrice fut changée sans avan- 
tages appréciables, malgré tous les efforts qui furent faits pour conjurer ce 
dépérissement. Remarquant que le fait dominant était une insuffisance de 
l'énergie organique nécessaire à la nutrition générale, je soumis l'enfant aux 
courants de haute fréquence par autoconduction. Comme au début, je n'avais 
pas de solénoïde approprié, je fis des applications d'effluves de haute fréquence 
et de haute tension. L'état de l'enfant, au début de la cure ne peut se décrire, 
l'émaciation de la face, le plissement des téguments flasques donnaient un aspect 
si pénible que lon ne peut s'empêcher d'ètre ému. Les conditions générales 
s'améliorèrent rapidement dès les premiéres applications comme on peut s'en 
rendre compte en consultant la courbe des poids (fig. 1). L'augmentation du 
poids jusqu'alors à peu près insignifiante s'accentua pendant la cure au point 
d'atteindre 350 gr. par semaine, si bien qu'à la fin du traitement, à la 31° semaine, 
le poids de l'enfant était de 5 kg. 500. 

Il convient pourtant de remarquer un fait d'une importance extreme. Je dus 
interrompre le traitement pendant 19 jours; de la 25° à la 27° semaine, pendant 
cette suspension, le taux de l'augmentation hebdomadaire s'abaissa considéra- 
blement, pour reprendre une belle allure à la reprise du traitement. Lorsqu'on 
cessa de faire les applications électriques, à la 31° semaine, on constate aussitôt 
un nouvel abaissement du taux de l'augmentation qui dura quelques jours, pour 
reprendre une valeur normale et définitive. Ce fait démontre d’une façon indiscu- 
table que les courants de haute fréquence ont exercé une action extraordinaire- 
ment puissante sur les échanges nutritifs, action que l'on ne peut attribuer au 
cours naturel des choses pas plus qu’à la suggestion. Cet enfant ne fut soumis à 


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VERDIANI. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE EN THÉRAPEUTIQUE 65 


Courbe du poids de Mauro A 


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ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — JANVIER l907. 4 


66 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


aucun autre traitement; je me suis contenté de maintenir normales les conditions 
hygiéniques communes à tous les nourrissons. Les applications ont duré 10 minu- 
tes chacune. Au reste l'enfant continue à se développer normalement ct rien ne 
peut actuellement faire penser qu'il ait tant souffert dans les premiers temps de 
sa vie. 


Oss. II. — Irecda B., 18 mois, fut soumise à la haute fréquence, bien qu'elle 
fut parfaitement développée parce qu'elle présentait quelques troubles digestifs et 
à leur suite une légère diminution de poids. Elle pesait, le 25 mai 1406, 11 kg. 560 
et le 8 juin, 12 kg. 120. J’appliquai les courants de haute fréquence tous les jours 
pendant 10 minutes. L'augmentation quoditienne moyenne monta aussitôt à 
33 grammes. 


Ons. III. — La malade, dont il est question dans cette observation, m'a été 
adressée par le professeur L. ARNONE qui, en même temps, m'a aimablement 
transmis son histoire clinique. 

Ch. A..., née à Firenze, en 1870, de parents vivant encore et bien portants. 
Enfant, elle eut les exanthèmes communs d2 l'enfance, réglée régulièrement à 
13 ans. Après ses études, vers l'âge de 24 ans, elle-fut atteinte d'anémie carac- 
térisée par des céphalées, des troubles dyspeptiques, mais assez peu gravement 
pour qu'elle put continuer ses études. Mariée à 26 ans, fit une fausse couche, 
dix mois plus tard, à la suite d'une grande frayeur, puis, un an plus tard, nouvel 
avortement sans cause apparente. Il y a 3 ans, à la suite d'une grossesse normale, 
elle eut une fille robuste et bien constituée qu'elle ne put nourrir par insuffisance 
de sécrétion lactée; il y a 16 mois, elle mit au monde un garçon qu’elle nourrit 
en s'aidant de lait de chèvre; cet enfant était un peu chétif. Depuis, les soins à 
donner à son enfant troublèrent gravement son sommeil et, malgré une alimen- 
tation riche et hygiénique, elle s'amaigrissait graduellement. Elle change de 
climat, elle tente des cures à l'arsenic, au fer, au glycérophosphate, aux hypo- 
phosphites, qui donnèrent de bons résultats, tant qu'elles duraient, mais n’em- 
pêchaient pas la malade de retomber. Elle augmenta de 914 gr. en deux mois. 
Quoique la malade ait retrouvé les apparences de la santé, elle restait dans uu 
état d'insuffisance fonctionnelle de tous les organes : céphalées mensuelles pro- 
longées, torpeur intellectuelle. 

La malade est soumise, en août 1905, au traitement par les courants de haute 
fréquence. 

Dès la 5me séance, elle commence à éprouver une amélioration manifeste : 
l'appétit est augmenté; l'assimilation se fait mieux, la force musculaire se relève, 
le système nerveux manifeste son action par une activité fonctionnelle digne 
d’être notée. 

Après 13 applications, la malade se livre à des travaux intellectuels sans 
éprouver la moindre fatigue. 

Depuis cette époque, elle s'est refusée à toute autre médication et n'a besoin 
que de quelques nouvelles séances au commencement de l'hiver et au commence- 
ment de l'été. 


En résumé, je erois avoir apporté une hypothèse qui a de grandes 
apparences de réalité, hypothèse hasardée, sans doute, mais qui n'a 


VERDIANI. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE EN THÉRAPEUTIQUE 67 


nullement la prétention de se soustraire à la critique. Ces idées ont 
encore besoin d'être confirmées par de nombreuses expériences et par 
des observations rigoureuses; pour des raisons multiples, je ne puis 
consacrer à ces recherches tout le temps que je voudrais, aussi je les 
soumets à ceux de nos confrères qui, possédant les ressources matérielles, 
voudront collaborer à cette œuvre. 

Il reste encore à faire une importante étude de l’action que les 
courants de haute fréquence exercent sur les maladies fébriles, à voir 
quelles modifications ils apportent sur toutes les maladies. Pour toutes 
ces recherches, je ne dispose pas de l'outillage voulu, ni du locat 
nécessaire, ni enfin du matériel clinique. 

Il me semble que les courants de haute fréquence sont appelés à 
conquérir une place de tout premier ordre dans la thérapeutique 
moderne. Alors même que les hypothèses que je viens de formuler ne 
seraient pas confirmées, sur leurs ruines naitront des théories nouvelles 
qui nous expliqueront mieux, peut-être, les résultats thérapeutiques 
indiscutables qu'ils donnent. 

Je crois que la technique des applications de courants de haute 
fréquence recevra de grands perfectionnements. Surtout je crois qu'il yv 
aurait un grand intérêt à pouvoir mesurer avec exactitude le nombre 
des oscillations, et que cette connaissance ainsi que de la possibilité de 
faire varier ce nombre, auront une importance considérable par rapport 
aux effets que nous voulons en obtenir. C’est aux constructeurs à étudier 
cette question et à la résoudre. 


REVUE DE LA PRESSE 


CL&AVES (MARGARET A.). — Hydrocéphalie et rachitisme. Leur trai- 
tement par l'énergie radiante, avec observation — New-York Academy 
of medicine, décembre, 14, 1905. 


Le D' CLEA vs rapporte deux cas avec l'observation détaillée. Le premier cas 
est un cas typique d'hydrocéphalie congénitale. Le second cas était une hydrocé- 
phalie ayant pour cause le rachitisme. 

Le traitement consiste en application de rayons X et de lumiere fournie par un 
arc électrique. Par énergie radiante, l'auteur comprend ces deux agents : 
rayons X et toutes les énergies du spectre de l'arc électrique. Le traitement a 
pour but de relever la nutrition générale et locale. D. C. 


Beck (Carl.). — Étude expérimentale sur la densité des calculs des 
voies urinaires. — The Archives of physiological Therapy, mars 1906. 


Les calculs des voies urinaires présentent une opacité plus où moins grande 
au passage des rayons X. Plus grand est leur point atomique et pl s l'ombre 


produite est visible. i 
Ce sont surtout les calculs d'oxalate de chaux qui donnent une ombre plus 
grande. 


Puis viennent les calculs de phosphate de chaux Les calculs d'acide urique 
sont heaucoup plus transparents. 

En pratique,cependant, les calculs ne sont pas homogènes et on observe dans 
leur épaisseur diflérentes densités : de là la présence dans les radiographies de 
parties plus ou moins claires. 

Une autre question qui est plus importante que celle de la composition des 
calculs, est celle qui a rapport au rapprochant plus où moins grand du calcul ide 
la plaque, et à limmobilité. 

Ces deux derniers points sont résolus au moyen de diaphragmes tubulaires 
de l'auteur, qui ont, en plus, le grand avantage d'abord de se servir seulement 
des rayons venant directement du point focal, et d'éliminer tous les rayons secon- 
dures venant des parois de l'ampoule. 

Le désavantage de cette méthode est de ne donner que de petits champs. Ce 
désavantage est de peu d'importance dans la radiographie des articulations et des 
os, mais dans la radiographie d'un calcul du rein ou de la vésicule, i) peut faire 
méconnaitre un calcul existant. Aussi il est nécessaire de prendre d'abord une vue 
générale de tout l'appareil urinaire, comprenant les deux reins. Si cette plaque 
est négative et que d'autres symptômes font supposer des calculs urinaires, il 
faut alors prendre séparément chaque rein à l'aide du diaphragme Deux plaques 
suffisent en général. 

L'auteur recommande l'emploi de tubes mous, comme donnant plus de 


REVUE DE LA PRESSE 69 
contrastes. Le diaphragme doit être aussi petit de diamètre que possible ; l'auteur 
recommande un diaphragme d'un diamètre de trois pouces et demi. 

D'après ces statistiques, les calculs d'oxalate de chaux sont ceux qui sont le 
plus fréquemment accompagnés de douleurs très grandes, nécessitant le plus 
souvent la néphrectomie. Les calculs d'acide urique causent en général peu de 
douleurs. On peut appliquer la méthode des diaphragmes tubulaires aux radio- 
graphies des calculs de la vésicule biliaire. D. C. 


_ M. A. Scxarr. — Traitement des douleurs ovariennes par le courant 
faradique bipolaire. The Australasian Medical Guzette, juin 1905. 


L'auteur rapporte 3 cas de guérison de douleurs ovariennes par le courant 
faradique bipolaire. 

Séance de 15 minutes, appliquées quelquefois 2 fois par jour. 

Les deux pôles sont introduits dans le vagin de manière à entourer l'ovaire 
malade. L'intensité du courant est juste suffisante pour que la douleur ne soit pas 
trop grande. | 

Le courant faradique agit seulement en tétanisant les nerfs sans détruire les 
tissus. E. D. 


GREEN (A. STANLEY). — De l'usage des rayons X comme moyen de dia- 
gnostic, surtout dans la tuberculose pulmonaire. — Archives of the Rœnt- 
gen Ray, april 1906, pp. 296, 301. 


L'auteur se sert de ? moyens : 1° l'écran ; 2° la radiographie. 

l. Le malade doit être déshabillé dans une salle parfaitement obscure. On doit 
examiner le malade dans les deux positions, antérieure et postérieure. En effet, 
l'amplitude des mouvements du diaphragme est moindre dans la position dorsale 
lorsque la partie postérieure du poumon est seule touchée, et vice-versa. 

Lorsque l'écran est placé sur le dos, il faut d'abord examiner le malade le tube 
étant à 12 pouces de la poitrine. On voit alors le diaphragme monter et descendre 
dans les mouvements respiratoires. Le diaphragme du côté droit est habituelle- 
ment à une hauteur plus élevée. ` 

Dans la respiration tranquille le mouvement de chaque côté est d'environ un 
demi-pouce. Dans les fortes inspirations, on voit le diaphragme ployer comme un 
piston et descendre de 2 78 pouces à droite et 2 5/8 pouces à gauche. Dans le 
cas de maladie, on voit des différences. Le mouvement peut être unilatéral ou 
être tres faible du côté malade. 

De plus, le mouvement au lieu d'être uniforme, peut être hésitant ou saccadé, 
soit dans l'une, soit dans l’autre direction Le tube est ensuite placé à quatre 
pouces et il faut bien faire attention à l'inclinaison des côtês, qui peut varier 
considérablement des deux côtés : un recouvrement en forme de toit est souvent 
observé. La largeur de la face intercostale doit ètre aussi bien notée. 

On peut aussi remarquer l'ombre du cœur, mais il vaut mieux le faire l'écran 
étant en avant. ll faudra ensuite regarder la translucidité du tissu pulmonaire. 
Certaines de ces opacités peuvent disparaitre dans les grandes inspirations. 

On placera ensuite l'écran sur la poitrine, on pourra aussi faire un examen 
oblique, et bien noter les dimeusions de l'espace triangulaire. 


70 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


2. Radiographie. — Tube de 12 centim., d'étincelle équivalente, No 7 du radio- 
chromomètre ; 100 volts et 4 ampères dans l'induit (meuble de Gaiffe) ; exposition 
de 30 à 60 secondes. 

Les observations faites pendant la durée du développement ont une grande 
importance, surtout pendant les cinq premières minutes; il faut surtout noter la 
premiere apparition des ombres et la rapidité avec laquelle apparaissent les 
bords des côtes. D. C. 


MARGARET A. CLEAVES. — Gynécologie conservatrice : Ses relations 
avec les courants continus. — Médical Electrology and Radiology, janv. 1906- 


Un grand nombre d'affections, comme la vaginite, la salpingite blennorrha- 
gique, le prolapsus vaginal forment des cystoceles et des rétocèles, les déplace- 
ments de la matrice, les exsudats pelviens ne demandent pas nécessairement une 
intervention chirurgicale. 

L'auteur se montre partisan des courants galvaniques à faibles doses, en usant 
d'électrodes oxydables, surtout dans le traitement de l'endométrite, des fibromes, 
du pyosalpinx et de la vaginite blennorrhagique. Il emploie des électrodes de 
cuivre, argent, zinc et zinc amalgané. L'action résultant de la pénétration d'ions 
est plus grande que celle exclusivement polaire. Voici la technique employée par 
l'auteur; il faut nécessairement employer la plus stricte antisepsie. L'introduction 
de l’électrode utérine doit être faite sans douleur. La durée d'application est de 
5 à 15 minutes, la dose vaut de 20 à :30 milliampères. 


Joan T. RankiN. — Radiographie : Les dangers et moyens de les 
éviter. — The Arch. of physiological Therapy, déc. 1905. 


Malgré les progrès faits dansla technique de l'emploides rayons X, l'opérateur, 
s'il muse des plus grandes précautions, peut encore s'exposer à de graves acci 
dents. 

Nous pouvons suffisamment nous protéger en faisant de la radiothérapie, car, 
au moyen de certains appareils, nous pouvons limiter exactement le champ des 
rayons sur un point. Il en est de mème dans la radiographie. Mais dans la radios- 
copie, l'opérateur est constamment en rapport avec le tube, et des rayons même 
faibles, peuvent à la longue devenir très nuisibles. 

L'auteur a fait construire une cabine radioscopique, semblable à la guérite de 
Mackenzie Davidson. 

Cette guérite est complètement obscure. Elle permet à plusieurs médecins de 
voir en même temps, ce qui permet de réduire au minimum le temps d'exposition. 

Elle présente l'avantage de placer le malade dans une chambre éclairée ; le 
malade éprouve ainsi moins de crainte. On peut facilement, lorsque la position 
est bonne, faire un graphique ou bien interposer une plaque photographique der- 
riérre l'écran. Avec un peu d'habitude, on peut se rendre compte, au moyen de 
l'intensité de l'illumination de l'écran, du temps de pose à employer. 

Cette cabine se plie et peut être transportée. Lorsqu'on ne s'en sert pas, elle 
occupe très peu de place. Les dimensions ont trois pieds de large, quatre de long 
et six de haut. Le squelette est en bois léger. Elle est recouverte sur les côtés et 


REVUE DE LA PRESSE 71 


eu arrière avec de la toile et du plomb. Le sommet consiste en un châssis de toile 
détachable. La partie antérieure est en bois d'un demi-pouce d'épaisseur et doublée 
à l'intérieur d'une chemise épaisse de plomb. L'ouverture servant à l'observation, 
peut ètre à la hauteur que l'on désire : on peut avoir plusieurs ouvertures recou- 
vertes de lames de plomb détachables. 

On peut remplacer l'écran fixe par un écran mobile, et on s'en sert comme 
d'une simple bonnette. On peut, en avant de la fenètre, fixer les liens destinés à 
soutenir par exemple le bras ou la main. On peut, à côté de l'écran, pratiquer deux 
ouvertures destinées à laisser passer les bras, et munies de manches et de gants 
inperméables aux rayons X. Lorsque ces ouvertures sont inutilisées, on peut les 
fermer avec des lames de plomb. D. C. 


RoserT ARBE. — Présentation de malades et de moulages de malades 
traités par les rayons X. — The Practitionners’ Society of New York, 
décembre 1905. 


Le docteur Abbe présente huit malades et de nombreux moulages coloriés de 
malades traités pendant ces deux dernières années. 

Le premier malade était un homme de 45 ans présentant du lupus non ulcéré 
sur chaque joue. Les démangeaisons et les brûlures étaient si vives que le malade 
ne pouvait pas supporter le séjour dans une chambre chaude, et il était obligé de 
se placer dans un courant d'air. 

Abbe fit cinq applications de radium à 300.000 contenu dans un tube de verre, 
une chaque semaine, d'une durée de une 1/2 heure à une heure jusqu'à apparition 
de dermatite, la guérison fut complète. 

I] présente ensuite ? cas d'épithélioma. L'observation d'un de ces cas se 
trouve rapportée dans le Médical Record, du 27 aoùt 1904. La guérison se pro- 
duisit après peu d'expositions, l'autre cas existait depuis 44 ans. Il occupait le 
bord supérieur de l'oreille, et avait été opéré par le couteau. La maladie s'était 
ensuite étendue sur le cuir chevelu et le périoste. On appliqua 2 échantillons de 
15 centigr. de radium d'une activité de 300.000, placé dans des verres minces : il 
faut appliquer pendant une heure cinq fois dans une seule semaine. La plaie 
s'améliora au bout de 5 jours et fut rapidement guérie. Au bout d'un mois il ne 
restait que 2 petits points de malades, dont la guérison survint peu de temps 
après. 

Le quatrième cas était un épithélioma situé d'abord au-dessous de la narine 
gauche et qui s'était étendu sur l'aile du nez etla lèvre inférieure. Les bords 
étaient épais, et la surface profondément ulcérée. C'était une femme de 7 aus. 

On fit 7 applications en 10 jours avec du radium à 300.000 : il se produisit 
«lors une radiodermite. La cicatrisation commença la 3° semaine et était complète 
la & semaine. 

Cette malade avait été auparavant traitée par le curetage, les caustiques, les 
rayons X. 

Le cinquième malade était porteur d'un remarquable cas de sarcome de la 
paupière inférieure. 

Le sixième malade était un sarcome à cellules géantes, à marche rapide de 
la mâchoire inférieure Il fut guéri après 16 séances énergiques. 

Le septième malade prouve l'effet infaillible du radium sur les verrues du 
type ordinaire, une application est habituellement suffisante. La verrue tombe 
au bout de 8 jours. | 


72 | ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le huitième malade montre une forme rare de maladie des glandes de la lèvre 
supérieure datant de 7 ans ; le malade était âgé de 25 ans. Deux applications de 
radium à 300.000 placé dans des tubes de verre et appliqués sur la peau suffirent 
pour assurer la guérison. 

Le D' Abbe dit ensuite qu'il a essayé le radium dans deux cas de cancer du col 
de la matrice. Dans un cas, le tube de radium fut placé dans la cavité du col et 
laissé 12 heures. Il s'ensuivit une inflammation assez forte : le col devient enflé 
et dur, comme s'il s'était fait une transudation de lymphe. Examiné plusieurs 
mois après, il n’y avait plus de tissu cancéreux. 

Dans un cas de cancer du rectum, chez une femme vigoureuse. l'opération fut 
pratiquée et on trouva un squirre de l'intestin à six pouces au-dessus de la marge 
de l'anus. L'opération fut abandonnée et la malade recousue, on dilata le rétré- 
cissement, et un tube de radium fut placé au centre de la tumeuret laissé deux 
fois pendant la nuit. Une rapide amélioration s’en suivit et de grosses bougies sont 
facilement introduites : la malade est en bonne santé, et présente seulement un 
rétrécissement de l'intestin. D. C. 


Fren Wise. — Emploi des rayons X dans le traitement de certaines 
maladies de la peau. — Medical Record, 20 janvier 1906. 


Dans son service de l'hôpital des maladies cancéreuses de la peau, l'auteur n'a 
pas traité les maladies qui, comme l'acné, le psoriasis, le dermatite séborrhéique, 
peuvent être traitées par d'autres méthodes, et même tous les épithéliomas et 
autres maladies qui, pouvant ètre opérées ont été laissées aux mains du chirurgien. 

Parmi les affections que le médecin guérit difficilement, il en est deux, telles 
que la teigne et le favus, qui ont été brillamment traitées par les rayons X. Le 
sycosis staphylogëne est aussi promptement guéri. Dans l'hypertrychosis,le trai- 
tement n'a pas donné les résultats espérés. Les poils repousssent Il faut plusieurs 
expositions qui peuvent provoquer des dermatites plus ou moins sérieuses et 
dans les cas où la dermatite ne se produit pas on est exposé à voir se développer 
une atrophie de la peau. L’hypertrychosis doit être plutôt traitée par l'électrolyse. 

Le lupus vulgaire est heureusement tres rare dans notre contrée. La méthode 
de Finsen donnerait de meilleurs résultats ; cependant, sur des endroits, comme 
la cloison du nez, de l'oreille, où la compression est impraticable, les rayons X 
sont le seul traitement à employer. 

Les rayons X donnent de très satisfaisants résultats dans les tuberculoses de 
la peau. Dans les chéloïdes, les radiations des rayons X donnent des résultats 
meilleurs que tous les autres procédés. 

On observe aussi de très bons résultats dans les kératoses palmaires et plan- 
taires. Il en est de même dans les vieux eczémas indurés et accompagnés d'indu- 
ration, le prurit disparaît, la peau devient plus molle, l'induration et l'infiltration 
diminuent. On traite aussi favorablement le pityriasis rubra, les formes hyper- 
trophiques du lichen planus, le mycosis fongoide. 

D'une manière générale, les rayons X soulagent et guérissent les démangeai- 
sons, les prurits, les brulüres. Ils agissent favorablement sur les suintements et 
font disparaître toute odeur. Enfin, dans les cas bien choisis, la radiothérapieest 
le traitement idéal pour le cancroide et l'épithelionia. D. C. 


Laboratoire principal de Radiographie des Hôpitaux 


\ 


HOPITAL NECKER 


ANALYSE MÉTRORADIOGRAPHIQUE 


Hopital Le tecker ___ Service de ML Guyon Salle Laeragir Lit E s AE 
Consultation Nom Z3 Sexe J'émurs Age 45 
Entré le 4 //£axs 1906 Profession Conaliuricre Adresse ~- 


Conditions d'obtention des clichés négatifs 


Distance du foyer radiogène à la plaque 75 clm. Incidence normale à la plaque el au sujet ÿ 


Position du sujet Deceubitas dorsal”. 


MÉTRORADIOSCOPE| NOMBRE TRADIOPHOTOMÈTRE ÉMULSION RÉDUCTIAN 


X* D'ORDRE 
begro de 


Formule !|Temprratare 
rtdvties conipression [compression 


Parsmètre Nature 


PA ui s 


4. 36 


nysa. 


Digitized by Google 


REINS BASSINETS URETÈRES VESSIE CLASSEMENT 
| DATE DE LA RADIOGRAPRIE 1 ~ 
| Gauche Droit Gauche Droit Gauche Droit Cote G. Coté D. Ne d'ordre 


TEINTES ET SIGNES CONVENTIONNELS 


Opacité rénale Opacité indéfinissable Lithiase Calculose 


Teintes typographiques . . . Ml PE PAT “7e 
on ro 


CP 


Signes 


Observati ons dés gua/e GudÈuls DEJICA LINL Via seni ll RR EERS 


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la radiographier n'ont. puwrmus eles Qealace 
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—— 


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PR, a am m 


LABORATOIRE PRIN 


HOPITAL NECKER 


ANALYSE N 


Côté gauche 


Métroradioscope. Pénétration. 
Radiophotomètre. Échelle … 
Emulsion Nature MIR N'/04 


Épaisseur du sujet à l’incide 


N° d'ordre 44L Série A, 


Critique de l'hypothèse de Hittdorf 
sur la vitesse des ions. 


Par M. E. DOUMER. 


Lorsqu'on électrolyse un sel dans une cuve partagée en deux moitiés 
égales par une cloison poreuse, on constate que la liqueur s’appauvrit 
aux deux électrodes Dans l'électrolyse, dite normale, cet appauvris- 
sement est le même aux deux électrodes, mais dans la majorité des cas, 
cet appauvrissement est inégal. L’électrolyse est alors dite anormale. 

Comme exemple d’électrolyse normale on peut citer celle du sulfate 
de potasse. 

L'électrolyse du sulfate de cuivre est, au contraire, anormale. 
On constate, en effet, après passage du courant, que la moitié cathodique 
de la cuve contient moins de matière que la moitié anodique, Si le cou- 


l 
rant a passé pendant un temps suffisant pour qu'un équivalent o SO4Cu 


ait été décomposé, on constate que la perte de concentration dans la 
cuve cathodique est de 52 g. 5 et dans la cuve anodique de 27 g. 

Si l'on rapporte ces poids à l'équivalent pris comme unité, la cuve 
cathodique aura perdu 0,66 et la cuve anodique 1 — 0,66 = 0,34. 

Pour généraliser, si l’on appelle n la perte de concentration à la 
cathode par rapport à l'équivalent du sel pris comme unité, la perte de 
concentration à l’anodc sera 1 — n. 

Hittdorf a désigné les nombres n et 1 — n sous le nom de facteurs 
de transport (Ueberführungszähle). 

Les facteurs de transport varient suivant les sels considérés, mais 
leur rapport, pour un même sel, serait constant d’après Hittdorf. Des 
recherches ultérieures ont montré qu'ils varient, cependant, entre des 
limites généralement assez étroites, avec la température et avec la 
concentration de la dissolution considérée. 

Tels sont les faits expérimentaux d’où est parti Hittdorf. 

Pour expliquer le phénomène de l’électrolyse anormale, ce savant a 
émis l'hypothèse que dans l’électrolyse les ions positifs et les ions 
négatifs ne se déplacent pas avec la même vitesse, et que la vitesse v et 


ANNALES DÉL&KCTRORIOLOGIE, TOMK X. — FÉVRIER 1907. 6 


74 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


u, des anions et des cations, sont dans le même rapport que les facteurs 
de transport. 


n 


v 
Tr 
de là le nom de facteurs de transport qui a été donné à n et àl — n. 
Donc, dans l’électrolyse anormale, les vitesses v et w sont inégales, 
et on explique l’appauvrissement inégal aux deux électrodes en disant 
que les anions et les cations ayant une vitesse inégale, il en sort, dans 


des temps égaux, des nombres inégaux des cuves correspondantes. On 
. considère, par exemple : 


deux files égales et indépendantes de cations © et d’anions O disposées 
de telle sorte que la cloison les coupe en deux parties égales. Après 
passage du courant, si v est plus grand que «, il sortira de la cuve 


i l ʻ | x 1 
cathodique plus d'ions -~ SO“ qu'il ne sortira d'ions --Cu de la cuve 


anodique, et à l'analyse on constatera un appauvrissement plus grand 
dans la première que dans la seconde. 

Telle est, dans ses grandes lignes, l'hypothèse que Hittdorf a proposée 
pour expliquer les phénomènes de l’électrolyse anormale (1). 

Pour qu’une hypothèse soit admissible, il faut : d'abord qu’elle suffise 
pour expliquer complètement les phénomènes pour lesquels elle a été 
imaginée, et puis qu'elle ne heurte aucun fait bien démontré et surtout 
qu'elle ne soit pas en contradiction avec de grandes lois bien établies. 
Or, quoique l'hypothèse de Hittdorf soit admise depuis longtemps par des 
savants considérables, elle ne me semble pas répondre à ces deux 


Q) N'ayant pu me procurer le mémoire original de Hittdorf. je me suis guidé, dans 
toute cette critique, sur l'exposé qui m'a paru très clair que M. Hollard a fait de cette 
hypothèse dans son livre « La théorie des ions et l'électrolyse » 


DOUMER. — HITTDORF ET LA VITESSE DES IONS 75 


conditions. Ce sont les objections qu'elle soulève que je me propose 
d'exposer dans cette note. 

Elles sont basées sur trois ordres de faits importants. 

Les premiers sont relatifs à l'indépendance des ions qui malgré 
l'opinion d'Ostwald me parait être en contradiction formelle avec 
l'hypothèse de Hittdorf; 

Les seconds sur la loi de Faraday ; 

Les derniers sont du domaine de la chimie et consistent dans une 
confusion étrange entre les masses et le nombre des ions. 


1) L'hypothèse de Hittdorf nous conduit fatalement à admettre 
que le même ion, soumis aux mêmes forces électromotrices, placé dans 
les mêmes conditions de concentration moléculaire, possède des vitesses 
différentes suivant la nature des ions de signe contraire qui l'accompagnent 
dans la dissolution. 

Considérons en effet trois électrolytes à même anion, par exemple les 
trois sulfates SO‘H?, SO‘K®, SO{Cu. Placons leurs dissolutions, que je 
suppose de même concentration moléculaire, dans des cuves cloisonnées 
identiques. Faisons passer à travers ces trois cuves le même courant 
d'intensité et de durée suffisantes pour qu'un équivalent de chacun de ces 
corps soit décompose. 

L'analyse chimique nous révélera alors que dans les deux moitiés 
de chaque cuve il y a appauvrissement de la liqueur et que cet appau- 
vrissement sera respectivement dans les cuves cathodiques de 


0,21 0,50 0,66 
et dans les cuves anodiques de 
0,79 0,50 0,34 


Les pertes aux cathodes étant différentes, il faut, de toute nécessité, 
d'après l'hypothèse, que les nombres d’anions transportés soient difiérents, 
il faut donc que leurs vitesses de translation soient différentes. 

Ce fait, s'il était démontré, serait très gros de conséquences, car il 
1 
2 
suppose la théorie d’Arrhénius, sont au contraire en relation très étroite 
avec les cations qui les accompagnent, puisque, en présence des ions H, 


prouverait que les ions SO, loin d’avoir l'indépendance que leur 


s 1 TR , ne 
K et -z Cu, leurs propriétés sont profondément modifiées. Alors 


qu'Ostwald voit dans la différence de vitesse des anions et des cations, 
la preuve de leur indépendance réciproque, il faudrait voir, au contraire, 
dans la différence de vitesse d’un même anion, lorsqu'il est en présence 


76 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de cations différents, la preuve de la dépendance réciproque des anions 
et des cations. Ce qui est en contradiction avec la théorie des ions. 


2) Considérons un cylindre d’électrolyte de section S compris entre 
les deux électrodes A et B. 


Soient v et x les vitesses différentes des cations et des anions. 


Faisons passer un courant pendant le temps é. Il est évident que tous les 

ations compris dans le cylindre Své tomberont pendant ce temps sur 
l'électrode B et qu'eux seuls y tomberont. Pendant le même temps, 
tous les anions compris dans le cylindre Sut, et eux seuls, tomberont 
sur l'électrode A. Si l'on représente par əm le nombre des ions, soit 
positifs soit négatifs, contenus dans l'unité de volume, les nombres 
d'anions et de cations qui tombent sur les électrodes et s'y polymérisent 
en perdant leurs charges seront respectivement 


Sutm = N et Svtm = N'. 


Mais puisque v et v sont différents, N et N’ seront également diffé- 
rents, et l’on arrive à cette conclusion, en opposition complète avec la 
loi de Faraday, que pendant des temps égaux il se dépose sur les élec- 
trodes des nombres d'ions inégaux. 

Cette conséquence qui découle forcément de l'hypothèse de Hittdorf 
que les anions et les cations ont des vitesses inégales, me parait devoir 
faire définitivement écarter cette hypothèse. 


3) Aussi bien l'explication que l’on donne de la différence des 
appauvrissements aux deux électrodes, que l'on trouve reproduite avec 
des figures à l'appui dans un grand nombre de travaux et que j'ai 
rappelce au début de cette note, repose sur une confusion entre deux 


DOUMER. — HITTUORF ET LA VITESSE DES IONS TT 


phénomènes très différents, puisque le fait de l'appauvrissement inégal 
aux deux électrodes, c’est-à-dire un fait de quantité de matière est 
transformée dans l'explication qu'on en donne en des transports inégaux 
en nombre d'ions. L'explication ne serait valable que si les ions différents 
avaient la même masse. Lorsque pour expliquer, par exemple dans le 
cas de l'électrolyse du sulfate de cuivre, le fait que l’appauvrissement 
à la cathode est double de celui que l'on constate a l'anode, on dit qu’il 
sort deux fois plus d'’anions de la première qu’il ne sort de cations de la 


seconde, on commet la faute d'oublier que les anions 80: n'ont pas 
l 
2 
par nombre d'ions, ce qui, en fait, correspond à la masse de matière. 

On peut facilement se rendre compte que, dans beaucoup de cas, 
les rapports des facteurs de transport sont voisins des rapports des 
masses des ions correspondants et que, par conséquent, linégal 
appauvrissement s'explique tout simplement par le transport de 
nombres égaux d'ions de masses différentes. 

Par exemple, lorsqu'on a électrolysé un équivalent de SO{Cu un 
ion-gramme ]/2 Cu a passé de la cuve anodique dans la cuve cathodique : 
la première s’est appauvrie de 31 gr. 50; pendant le même temps, 
ur 1on-gramme 1/2 SO“ a passé de la cuve cathodique dans la cuve 
anodique : la cuve cathodique s’est donc appauvrie de 48 gr.; elle a 
donc perdu plus de matière que la première. Si l'on rapporte ces pertes de 
concentration à l'équivalent 1/2 SO‘Cu pris conme unité, on voit que 
la cuve cathodique a perdu n = 0,64 et la cuve anodique 1 — n = 0,36, 


le ;nème poids que les cations —- Cu, et l'on traduit dans l'explication 


M 


0,36 
le rapport des vitesses de transport des ions, mais fout simplement le 
rapport des masses des ions. 


de telle sorie que le rapport n'est pas, comme le croit Hittdorf, 


Il est vrai que la considération des masses transportées est le plus 
souvent insuffisante pour expliquer l'inégal appauvrissement aux élec- 
trodes ; c’est qu'il intervient un phénomène dont on n’a pas jusqu'ici tenu 
compte. Je veux parler du transport des molécules non ionisées. Ce 
phénomène est indéniable, c’est lui qui constitue le fait connu depuis 
50 ans, de l’endosmose électrique et que l’on observe aisément toutes les 
fois qu'on électrolyse une liqueur dans une cuve cloisonnée, On observe 
non seulement un transport en masse de la dissolution, mais aussi un 
transport plus marqué dans un sens que dans l'autre des molécules non 
ionisées qui s’y trouvent. Pour le vérifier, il suflit d'introduire dans 
l'électrolvse, une substance soluble non ionisable, de l'alcool, du sucre, 


78 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


du tannin par exemple, et on constatera, après passage du courant, que 
la dissolution s’est enrichie à un pôle et appauvrie à l’autre, en substance 
non ionisable introduite. 

Comment se fait ce transport des molécules non ionisées? On peut 
faire deux hypothèses : ou bien admettre que le courant agit sur elles 
et les déplace directement; ou bien que leur déplacement est dû aux 
mouvements des ions. C’est à cette dernière hypothèse que je me rangerai 
volontiers, pour le moment du moins. Elle me parait être la plus simple 
et la plus conforme aux faits observés, et la théorie de l’électrolyse 
devient alors facile à faire; la voici en quelques mots : Les ions se 
propagent avec la même vitesse; lorsqu'un cation sort de la cuve ano- 
dique pour entrer dans la cuve cathodique, un anion sort en même temps 
de la cuve cathodique pour entrer dans la cuve anodique Chaque ion 
entraine dans son mouvement de translation des molécules salines non 
ionisées, soit en raison de leurs masses, soit plutôt en raison de leurs 
volumes. Lorsqu'ils entraînent le même nombre de molécules, la con- 
centration de la liqueur reste la mème aux deux pôles, sous la réserve 
de différence des masses ioniques introduites; si l’un des ions entraine 
plus de molécules que l’autre, la concentration aux deux électrodes varie. 

Cette hypothèse très simple explique quelques faits découverts par 
Kohlrausch et qui ne laissent pas d'embarrasser dans l’hypothèse de 

n 


varie avec la tempéra- 


Hittdorf, notamment pourquoi le rapport i 


ture et avec le titre de la dissolution, et cet autre fait qu'avec certains sels 
n est plus grand que l'unité et par conséquent 1 — n négatif. 
Evidemment, ce n'est là qu'une hypothèse, mais elle a le mérite 
d'expliquer clairement le fait sans heurter les grandes lois de Faraday, 
tout en restant d'accord avec la théorie d'Arrhénius, dont elle émane. 


Un nouveau mode de traitement du cancer. 


Par M. de KEATING HART, de Marseille (1). 


Des nombreux travaux parus jusqu’à ce jour, comme des discussions 
provoquées au cours des congrès d’électrologie, il semble que l’on 
puisse conclure fermement, que hors des petits épithéliomas de la peau 
et de certains sarcomes, les résultats obtenus jusqu'ici par les électro- 
thérapeutes, dans le traitement des cancers soient rarement complets, 
souvent presque nuls, parfois mauvais. 

La radiothérapie des tumeurs profondes, des cancers des muqueuses, 
des carcinomes accompagnés d'envahissements plus ou moins lointains 
des ganglions ]ymphatiques a jusqu’à ce jour causé plus de mécomptes 
qu’elle n'a donné de satisfactions, et si chacun de nous a pu publier un 
certain nombre de résultats heureux, une statistique sincère de tous les 
cas traités dans chaque clinique ferait ressortir, je crois, le nombre 
important de nos échecs près de celui minime, hélas! de nos succès. 

Ce n'est point, certes, que je veuille condamner la radiothérapie. 
Nous savons ses excellents effets sur nombre d’affections de la peau, sur 
les cancroïdes, sur les sarcomes osseux, etc. Mais le problème des 
grands cancers à progression rapide et à tendances généralisatrices, ne 
semble pas encore résolu par elle, ou tout au moins par elle seule. Son 
rôle dans leur traitement, se limite trop souvent à retarder ou à empêcher 
les récidives post-opératoires ou à rendre la terminaison fatale moins 
pénible par la suppression ou la diminution des douleurs. 

A cette insuffisance, de nombreux praticiens ont déjà essayé de 
remédier. Beaucoup ont fait de la radiothérapie l’auxiliaire de la 
chirurgie, son prédécesseur ou son successeur; et mon expérience 
personnelle m’a convaincu que les cancers antérieurement exposés aux 
rayons Rœntgen, puis opérés, ont généralement moins de tendance à la 
récidive que les autres. Mais seules, des observations durables et 
multipliées pourraient transformer cette opinion en certitude. Il en est de 
même des tumeurs malignes, d’abord enlevées et dont la cicatrice est 


(1) Communication faite au Congrès international d'Electrologie et de Radiologie 
de Milan (Septembre 1906). 


80 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ensuite soumise aux rayons X ; mais encore là un doute subsiste, car si 
un certain nombre d'entre elles présentent une apparence de guérison 
définitive, d’autres ont eu des récidives rapides, malgré l'intervention 
des rayons. 

Si donc une combinaison rationnelle des moyens chirurgicaux et de 
la rœntgénisation semble bien constituer un progrès dans la thérapie des 
cancers, si elle diminue un peu le nombre des échecs, elle ne les 
supprime pas, et laisse à leur malheureux destin les cancéreux dits 
inopérables. 

L'idée d'employer l'étincelle de haute fréquence contre les cancroïdes 
appartient je crois à Rivière (de Paris ; les succès signalés par lui ont 
été confirmés depuis par plusieurs confrères français (Bergonié, Oudin, 
Bordier, Lacaille, etc.). Les résultats en sont admirables, beaucoup plus 
efficaces et plus rapides à mon gré que ceux que donne la radiothérapie, 
et le seul défaut que signalent les auteurs cités plus haut est la douleur 
déterminée par les étincelles, comparée à l'action des rayons, si complè- 
tement indolore. 

Mais il re s'agit encore là, comme je l’ai déja dit que de néoplasmes 
superficiels (épithéliomas de l'angle de l'œil, de l'aile du nez, verrues 
dégénérées). L'étincelle employée est de quelques millimètres et la durée 
d'application très courte (une minute par centimètre carré à détruire, 
selon Lacaille) ; le but recherché est la destruction directe du mal et on 
s'arrête d'agir quand l’escharre voulue est produite. 

Si, à l'étude de ces divers traitements, nous ajoutons les essais faits 
avec le radium, dont l’action thérapeutique fort intéressante aussi, est 
inutilisable pour le moment contre les grands cancers, nous voyous que 
ces derniers ne paraissent pas avoir beaucoup bénéficié, jusqu'ict des 
moyens physiques, en médecine. 

Dans ces conditions, je crois pouvoir et devoir faire connaitre à mes 
confrères les résultats que j'obtiens depuis plus d’un an, à mon institut à 
l’aide d'une méthode nouvelle dans le traitement des néoplasmes malins. 

La méthode est nouvelle en effet, si les agents employés ne le sont 
pas : C'est bien à l'étincelle de haute fréquence et de haute tension, que 
j'ai recours moi aussi : mais, par la qualité du mal que j'attaque, comme 
par la dose et la durée des applications, par le but que je recherche, 
comme par les résultats que j'obtiens, ma thérapeutique diffère essentiel- 
lement de celle de mes devanciers. 

Le but que je poursuis est non pas seulement l'escharification d'une 
part plus ou moins profonde des tissus malsains, mais sa sidération, et 
la dose nécessaire pour y parvenir est telle que, seule, l'anesthésie géncé- 
rale permet au malade de la supporter. C'est selon le cas, pendant vingt, 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE LE TRAITEMENT DU CANCER 81 


trente, quarante minutes et même davantage que je fais tomber sur les 
masses néoplasiques des étincelles non point de quelques millimètres, 
mais bien de plusieurs centimètres, produites par des appareils puissants 
et un interrupteur de grande vitesse. 

Les effets obtenus sont de diverses sortes : les uns immédiate, les 
autres plus tardifs. | 

La projection violente et prolongée d'’étincelles produit tout d'abord 
une destruction plus ou moins profonde du tissu, destruction qu’on fera 
naturellement porter sur les bourgeons néoplasiques les plus saillants ; 
mais l'effet le plus remarquable est l’affaissement, l'applatissement, le 
ramollissement intime de la tumeur et c’est là ce que j'appelle la sidération. 
Le phénomène en est particulièrement remarquable dans la cure des 
épithéliomas utérins qui, de durs, épais, massifs. deviennent flasques et 
relàchés, laissant largement ouvert le col de l'utérus 

Cette action se manifeste aussi sur les éléments rétractiles de certains 
néoplasmes, spécialement sur les cicatrices dures et hypertrophiées 
des récidives post-opératoires, que l'on voit, sous l’étincelle, s'applatir 
et s’effacer rapidement 

On peut se demander si de telles vivlences, ainsi exercées, n'auront 
pas de contre-coup facheux sur l'état des malades réveillés de leur 
sommeil anesthésique. J'ai traité toutes sortes de malades, mème des 
cachectiques, et toutes espèces de régions somatiques. depuis le col 
utérin jusqu’au larynx et au crane, et jamais je n'ai observé d'accidents 
dûs au traitement. Le réveil est remarquablement facile et bon, les 
vomissements sont rares, l'absence de douleur est constante. Les malades 
atteints de cancers en cuirasse respirent désormais plus facilement, les 
œdèmes des bras et du cou diminuent ou disparaissent, les ganglions 
semblent fondre. Un effet remarquable et que je n'ui jum'iis vu manquer, 
est l'hémostase radicale obtenue dans les cancers ulcérés; épithéliomas 
de la languc et du col, tumeurs ouvertes de la région cervicale, tous 
tarissent immédiatement leurs hémorrhagies si dangereuses et ne laissent 
plus couler qu'une sérosité plus ou moins colorée. 

En quoi cette sorte de chirurgie électrique constitue-t-elle un progrès 
sur la thérapeutique employée jusqu'ici ? Tous les cas en relévent-ils, et 
quelle est la limite où elle n'agit plus? Quel est son mode d'action? 
Comment, enfin, s'applique-t-elle ? Telles sont les questions qu'il me reste 
à étudier ici 

Et, tout d'abord, la statistique que je réclame de mes confrères, je 
veux la faire le premier et relever indifféremment tous les cas de cancer, 
traités à ma clinique depuis l'époque à laquelle remontent mes premières 
recherches, exceptant de ce relevé tout ce à quoi l’irrégularité du traite- 


82 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ment ou l'insuffisance de diagnostic enlève un caractère scientifique 
suffisant. 

Or, dans ce laps de temps, et défalcation faite de ces éléments inuti- 
lisables, je note soixante-deux cancers de tous genres et de tous degrés, 
dont vingt-deux seulement ont été traités par ma méthode et quarante 
par les rayons X. Sur les vingt premiers il en est treize qui ont succes- 
sivement été soumis à la radiothérapie d’abord et, après échec ou 
récidive, à l’action de la haute fréquence. 

Sur l'ensemble des soixante-deux néoplasmes, dix-sept, dont deux 
malins, appartiennent à l'espèce des épithéliomas de la peau; vingt 
étaient des tumeurs du sein dont onze des carcinomes et neuf des épithé- 
liomas; le cancer utérin comptait six cas, celui de la bouche et de la 
langue six, celui du larynx un; le sarcome était représenté par neuf 
tumeurs, dont quatre lymphosarcomes, un adénosarcome et quatre ostéo 
ou chondrosarcomes ; on y trouve enfin un cancer vésical, un rectal et 
deux fibromes du sein. 

Sur les quarante malades, traités par la radiothérapie seule, laissons 
de côté onze cas bénins (neuf cancroïdes, dont sept guéris, un amélioré 
etun aggravé, et deux fibromes du sein, soignés sans résultat appréciable), 
sur quoi la discussion est inutile ici. Mais étudions les cas graves, au 
nombre de vingt-neuf, qui ont été soumis aux rayons X : deux d'entre 
eux, soignés après ablation sanglante, sont restés, jusqu'ici, indemnes 
de toute récidive: l'immense majorité a été un peu améliorée (diminution 
des douleurs, fonte, parfois sensible, des masses néoplasiques); une, 
amendée, a été opérée, sans récidive, depuis un an. Parmi les sarcomes, 
un a guéri très vite, deux ont à peu près disparu: cependant le chiffre 
des morts demeure effroyablement élevé : il est de dix-neuf. 

Or, des vingt-neuf cas graves, si nous retirons les trois opérés chez 
qui l’œuvre du bistouri cache celle des rayons X, et les trois sarcomes 
osseux sur lesquels la radiothérapie agit indéniablement, il nous reste 
vingt-trois malades atteints de cancers graves de toutes sortes, traités 
par la radiothérapie, dont dix-neuf sont morts actuellement, soit encore 
quatre vivants, non guéris. 

Je reconnais que, le plus souvent, il s'agissait de malades arrivés à 
un degré avancé de leur mal, et que c'était déjà bien que de prolonger 
un peu leur vie et d'adoucir leur fin. 

Cependant, qu’il me soit permis, à cette funèbre statistique, de com- 
parer et d'opposer celle de mes interventions personnelles. 

Je l'ai déjà dit, un grand nombre de cas, soumis à mon traitement, 
(treize sur vingt deux) avaient subi déjà l'action de la radiothérapie, mais 
sans résultat ou avec récidive ultérieure ; sur les vingt-deux, six appar- 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DU CANCER 83 


tenaient à la catégorie des cancroïdes de la face, dont je ne parle que 
pour mémoire, car les succés, remportés sur eux par l’étincelle, sont 
déjà connus et ont été mis en lumière par les auteurs dont j'ai déjà parlé. 
I est pourtant intéressant de faire remarquer, ici, que les étincelles ont: 
réussi là où souvent les rayons X avaient été insuffisants, ce qui, déjà, 
marque une supériorité destructive des premiers sur les seconds, dans 
le propre domaine de ceux-ci, 

Seize cancers graves traités par ma méthode nous restent donc à 
considérer. Sur ce nombre, quatre appartenaient à l'espèce des carcinomes 
du sein, deux étaient des épithéliomas à marche rapide de la peau, deux 
du sein, quatre de la langue et de la muqueuse buccale, un du larynx, 
enfin un lympho-sarcome du cou. 

Des seize malades en question, trois seulement sont morts : l’un 
atteint d'un cancer de la bouche qui lui avait perforé la joue et envahi la 
gorge a, dans un accès de toux, absorbé du pus par la trachée et a eu 
une pneumonie qui l’a emporté en deux jours. Une seconde s’est tuée, 
par suite d’ennuis de famille qui l'empêchaient de venir se faire soigner ; 
elle présentait la récidive sur place d'un épithélioma du sein opéré 
l'année précédente, avec envahissement ganglionnaire du cou et des 
deux aisselles. La troisième portait un énorme encéphaloïde à chaque 
sein, des masses ganglionnaires en grappes de raisin au cou et des 
œdèmes aux deux bras. Elle est morte de cachexie, malgré l'amélioration 
locale remarquable (diminution très marquée des tumeurs, des ganglions, 
des œdèmes et disparition des douleurs et de la dyspnée) obtenue par un 
début de traitement. 

Compter treize survivants sur seize c’est, quoiqu'il en soit et quand il 
s'agit de maladies de cette espèce, c’est dis-je, un résultat de quelque 
importance et je voudrais être sûr de relever toujours une telle 
moyenne dans ma statistique. Mais survivre ne veut pas dire être guéri. 
L'étude à grand traits des cas particuliers nous dira si nous en avons pu 
guérir et l’espoir que nous pouvons avoir de sauver ou d'améliorer encore 
ces condamnés de la médecine. 

Les deux cas de carcinomes du sein, qui restent sur trois, étaient de 
ceux que les chirurgiens abandonnent avec raison à leur destin : ces 
tumeurs énormes qui remplissaient le sein et s'étendaient jusqu'au fond 
de l’aisselle, toutes deux traitées longtemps par un radiothérapeute, 
étaient largement ulcérées. Elles ont été soumis à l’action des étincelles 
pendant un certain temps ; puis leurs masses très amoindries, modifiées, 
purulentes, ont été énucléées au bistouri. Les malades, dont l'une a été 
opérée depuis six mois environ, se portent merveilleusement bien et leurs 
souffrances affreuses d'autrefois ont disparu. L'une d'elles a eu presque 


C2 


R4 ANNALES D'’ÉLECTROBIOLOGIE 


immédiatement dans l’aisselle une récidive qui, traitée avec énergie, a 
tout à fait disparu. Ces deux malades se considèrent comme guéries : 
disons qu’elles sont en état de guérison apparente, car la gravité de leur 
état antérieur porte à croire que des ganglions plus ou moins profonds 
ont été infectés ; nous ne saurons donc, que plus tard, si le mal est 
définitivement enrayé. La seule affirmation qu'il me paraisse possible 
de faire aujourd’hui, c’est que toute opération repoussée du reste par 
les chirurgiens n'eut fait que déterminer une reprise immédiate et sur 
place, et que la plus ancienne de ces opérées n'eùt pas eu pendant six 
mois les signes de santé parfaite qu’elle présente encore aujourd'hui. 

Des deux épithéliomas du sein que j'ai traités, l’un avait été opéré 
deux fois et moi-même je l’avais radiothérapisé avec un certain succès 
pendant longtemps, sans cependant obtenir autre chose que la diminution 
des douleurs, de l’œdème du bras et une certaine diminution du diamètre 
de la plaie cutanée. Depuis les applications de haute fréquence, la 
cicatrisation est presque terminée et la guérison semblerait acquise, s'il 
ne restait sous le bras, dans le sillon cicatriciel laissé par les anciennes 
opérations, une minuscule tumeur, dont l’évolution semble absolument: 
arrêtée du reste, et que je me propose de détruire un jour ou l’autre. 

La seconde de ces malades s’est présentée à moi après avoir subi la 
radiothérapie chez une manière de charlatan. Elle avait été brülée très 
profondément et raconte que la masse du sein s'était détachée laissant 
une plaie qui ensuite s'était assez bien cicatrisée. 

Quoiqu'il se soit passé, elle est venue à moi portant à la région thora- 
cique gauche une vaste cicatrice inégale ; la masse du sein avait disparu dans 
un mamelonnage irrégulier, et tout autour, la peau était surélevée par une 
série de masses néoplasiques de la grosseur d'une noix et dont l’une était 
ulcérée. Le sein droit cachait, en outre, dans son épaisseur une tumeur du 
volume d’une mandarine. 

La malade était étouffée et serrée comme dans un étau. Je la traitai 
quelque temps : les symptômes généraux s'amendent, les petites 
tumeurs fondent; mais la malade cesse de venir chez moi, et j'apprends 
que des douleurs rhumatismales la gardent au lit, après trois mois de 
suspension de traitement Je me rends chez elle à son appel, accompagne 
du professeur Poullet, de Lyon, qui m'ayant conduit un malade s'intéres- 
sait à mes recherches. Il a pu constater comme moi que les masses néo- 
plasiques ont fondu (l'on en voit encore les traces et la malade en accuse 
le souvenir, je possède du reste d'elle une photographie faite au début du 
traitement), Le mal s'est maintenu depuis la cessation du traitement, au 
point où je l'avais laissé, semblant avoir perdu toute tendance à progresser. 

Des deux epithéliomas graves de la peau dont j'ai parlé, le premier 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DU CANCER 85 


situé sur la région malaire droite, a été opéré trois fois : la première a 
enlevé les téguments, la seconde l'œil, à la troisième une portion de 
l’apophyse a du être réséquée C’est à la quatrième récidive sur place que 
je suis intervenu. Les rayons X ont tout d’abord dans ce cas, paru faire 
merveille et le malade a cessé pendant quelques mois de venir me voir, 
se croyant guéri. Un jour il a reparu, récidivant Je n'ai fait que deux 
applications de courants et tout semble rentré dans l'ordre. Il m’eut fallu 
longtemps pour obtenir un résultat analogue avec les rayons X. 

L'autre épithélioma, cutané à marche rapide, adressé à moi par le 
docteur Daniel (de Marseille), était située sous le sein gauche d’une 
femme adipeuse, dans le repli souvent choisi par l'intertrigo. 

Je lai traité au début par la radiothérapie et la encore les résultats 
ont été sinon rapides, du moins très beaux en apparence. La cicatrisation 
était complète, mais il restait sous l’ancienne plaie une zone indurée qui 
ne voulait pas fondre. 

Après quelques mois d'absence, la malade m'est revenue. A la suite, 
d’une influenza assez grave, le mal avait repris de plus belle. Il s'était en 
effet étendu en quelques semaines autour dela région primitive et couvrait 
maintenant une surface triangulaire de plusieurs centimètres carrés ; les 
douleurs étaient assez vives et l'induration profonde ; je n'ai pu cepen- 
dant percevoir de ganglions. 

Les rayons X, cette fois là, sont demeurés parfaitement impuissants, 
et le mal ne faisant que progresser, j'ai proposé à la malade l'étincelle 
de haute tension. Le succès a été éclatant, encore que je n'ai pu, devant 
la crainte des anesthésiques éprouvée par l’opérée, agir avec l'énergie que 
j'aurais voulue ; seul un point douloureux que, par peur de la souffrance, 
la malade m'a demandé d’épargner, est encore à détruire car il tend à se 
développer. Mais toute induration a disparu aujourd’hui, la peau est 
` souple et saine dans toute sa profondeur, et le confrère qui m'avait 
envoyé ce cas, aprés s'être fort inquiété de l’énorme ulcération produite, 
a constaté avec plaisir le bon résultat dû à l'intervention. 

Je n’ai encore traité que deux cancers utérins par mon procédé, mais 
tous deux ont été si profondément modifiés qu’on peut, il me semble, tout 
espérer de ces debuts. | 

L'un d'eux, m'a été confié par le docteur Juge, chirurgien des hôpi- 
taux de Marseille. Il présentait la forme caractéristique du chou-fleur. 
L'examen rectal révélait son épaisseur considérable ainsi que sa fixité 
dans le bassin, auquel il s'appuyait fortement par un pédicule qui con- 
tournait le rectum. | 

C'est en juin dernier que j'ai opéré cette malade : Les hémorrhagies 
ont à peu près disparu, les limites atteintes par le mal ont cessé de 


86 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


s'étendre, et de la tumeur elle même, il ne reste plus selon l'expression 
du docteur, Poullet, qui l’a examinée qu'une -« coque vide ». Toute odeur 
a disparu, et un ou deux points un peu indurés seuls rappellent l'exis- 
tence antérieure de la masse cancéreuse C'est une véritable résection du 
col qui s'est faite, mais limitée aux seules lésions sans hémorrhagies, 
sans ouvertures lymphatiques et depuis cinq mois bientôt sans récidive. 

L'autre utérus cancéreux vient des envions de Montpellier et m'a été 
conduit par le docteur Gordon Martins (de St-Georges). Le professeur 
Tédénat qui l'avait vu quelques semaines auparavant avait écarté toute 
idée d'intervention accordant à peine quelques mois de survie à Ja malade 
et annonçant comme toute prochaine la perforation de la vessie, suivie de 
celle du rectum. Comme dans le premier cas, en effet, l'utérus hyper- 
trophié et immobile, écrasait l'intestin en arrière et les troubles vésicaux 
(douleur à la miction, urines troubles et parfois sanguinolentes) tout 
semblait confirmer le grave pronostic de l’éminent chirurgien. 

Lorsque j'ai été appelé auprès de la malade pour la première fois, 
elle était alitée depuis deux mois environ, et son teint jaune, sa maigreur 
et son affaiblissement, les douleurs aiguës dont elle souffrait et que seul 
amendait l'emploi des hypnotiques à haute dose, les hémorrhagies 
violentes qui menaçaient à chaque instant de l’enlever, enfin l’état des 
lésions qui, malgré des soins constants remplissaient la chambre de 
l'odeur caractéristique du mal ; tout cela m'a fait longuement hésiter à 
la faire conduire jusqu’à ma clinique à Marseille. Aujourd’hui, je n'ai 
pas à le regretter : hémorrhagies et douleurs ont cessé, comme par 
enchantement, dès la première opération ; l’odeur a diminué au point de 
disparaitre à certains moments ; le col évidé, ne présente plus qu'une 
mince surface indurée. La malade engraisse, ses forces en partie revenues 
lui permettent de marcher seule, son appétit est bon. N'était son 
appréhension du chloroforme qui me force à faire sans anesthésie des 
applications électriques forcément écourtées, je suis convaincu que 
comme les anciens bourgeons néoplasiques, le mince plateau enduré 
aurait déjà disparu. 

Est-il besoin d'ajouter que rectum et vessie fonctionnent sans trouble 
ni lésion ; l’état général et l’état local sont donc très améliorés, je n'ose 
pas dire en voie de guérison. Or, voilà bientôt six mois que le 
Professeur Tédénat (de Montpellier), avec toute apparence de raison 
portait le pronostic que l’on sait. 

Le cancer de la langue a été l'objet de mes premiers essais, et l'an 
dernier déjà j'ai fait au Comité médical des Bouches-du-Rhône une 
communication concernant un cas traité par moi de façon fort timide, du 
reste, à l'aide des rayons X, du radium et des courants de haute fréquence 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DU CANCER 87 


associés. Le résultat avait été des plus heureux et je le signalai alors. 

Mais dans cette guérison, l’élément radiothérapique avait été tellement 
important qu’il était difficile d'attribuer aux courants plus qu'une action 
adjuvante dans la régression obtenue. 

Cinq cancers de la muqueuse buccale ont, depuis, été traités par moi. 
Le premier au dernier degré de son mal (joue perforée, envahissement 
de toute l'arrière bouche et des os de la mâchoire), est celui que je citais 
plus haut parmi les trois morts que compte ma statistique et dont le décès 
a été dû à l’absorption par les voies respiratoires de parcelles du pus 
qui remplissait la bouche. 

Son observation n'offre guère d'intérêt puisque je n’ai pu le soigner 
que peu de temps. Aussi, passerai-je au troisième cas, envoyé à moi par 
le docteur Juge et porteur d’une masse néoplasique ayant envahi le bord 
gauche de la langue, le sillon glosso-épiglottique, jusque derrière 
l'isthme du gosier, et les parties molles de l’angle de la màchoire. Il y a 
quatre mois de cela : les indurations semblent à peu près disparues de 
la langue, remplacées par une surface plane et lisse, faisant pan coupé 
sur l’ancien angle et reposant sur un fond épaissi mais non dur. Seule 
la muqueuse de la mâchoire est encore douteuse, quoique les raclages 
de la région, après avoir autrefois fourni de nombreuses cellules néopla- 
siques, n’en laissent plus recueillir une seule. 

Un ganglion cervical, demeuré assez volumineux, sera l’objet d'une 
intervention directe dans peu de temps. 

Le quatrième malade s’est présenté à moi sous les auspices d'un 
laryngologiste marseillais, le docteur Niel, avec le diagnostic d’épithé- 
lioma du sillon glosso-épiglotique. A l'examen direct, on percevait, en 
effet, dans la région, une tumeur du volume d'une grosse noix, entourée 
de deux ou trois bourgeonnements moins volumineux et allant, de droite 
à gauche, de l'épiglotte légèrement soulevée par l’un d’eux, jusqu'aux 
piliers palatins. La voix du malade était gutturale et la déglutition lui 
était pénible. 

Dès la première séance, et sous l’électrode même, la plus grosse des 
tumeurs s'est affaissée. Depuis lors le malade parle mieux, mais il 
demeure gêné dans la déglutition par la petite masse, dont il accuse 
encore la présence au milieu de sa gorge, alors qu’il se sent beaucoup 
plus libre latéralement. 

Dernièrement, nouvelle opération: et aussitôt, nouvel applatissement 
des tumeurs demeurées. Il nous faudra attendre quelque temps pour voir 
tout l'effet obtenu; mais d'ores et déjà le malade reconnait en son état 
une amélioration marquée, et le docteur Niel, qui l’a examiné de nouveau, 
a constaté la disparition de la majeure partie des néoplasmes, 


88 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le cinquième cas a été opéré il y a deux ans, je crois, par un très 
habile chirurgien de Marseille, pour un épithélioma de la langue. Depuis, 
le malade est venu à moi, présentant une vaste ct épaisse leucoplasie de 
la région opérée, et une petite récidive sur place. J'ai traité leucoplasie 
et récidive par l'étincelle de haute tension et le résultat a eté immédiat 
et parfait. Un ganglion saillait, de la grosseur d’un haricot, à la région 
cervicale correspondante. Je n'ai pás osé, à tort, je le crois aujourd'hui, 
le mettre à nu et le traiter suivant ma méthode. L'effluve de haute tension 
et les rayons X, appliqués à travers la peau, ont été insuffisants à enrayer 
son développement, et, quelque temps plus tard, je renvoyais le malade 
au chirurgien qui le débarrassait de son mauvais hôte, en faisant, avec 
raison, toutes ses réserves sur les suites d'une telle intervention. 

A cette heure, la récidive cervicale est complète, Une tumeur dure ct 
empälée a pris la place du ganglion dégénéré et y occupe une surface 
de 4 à 5 centimètres carrés. Désormais, toute hésitation m'est interdite : 
je commence le traitement. Plus tard j'en publierai les résultats, quels 
qu'ils soient. 

Un seul cancer du larynx a été soumis à mon traitement, mais le 
résultat, jusqu'ici, en semble fort beau. Ce cas, à moi adressé par le doc- 
teur Niel, se présentait sous la forme d'une tumeur, de la grosseur d’un 
demi œuf, placée à l'orifice du canal laryngé, et envoyant un prolonge- 
ment sur la paroi antéro-latérale gauche de ce canal. 

L'asphyxie bleuissait le visage de l'homme, porteur de ce néoplasme, 
et su voix, absolument cassée, s'entendait à peine. Jl élimiaait, en outre, 
un abondant exsudat muco-purulent, d'une odeur des plus caractéris- 
tiques, et se plaignait de la grosseur qu'il sentait dans sa gorge et qui le 
faisait souffrir. 

Sur ma demande, mon confrère, avant toute intervention, perça d'une 
canule le bas de la trachée du malade, à cette double fin de lui permettre 
de respirer, et de faciliter l'application locale du courant, application 
particulièrement délicate en l'occurence. 

Le lendemain de cette opération, j’intervenais donc à mon tour et par 

deux fois, depuis, pour atteindre le mal jusqu’en ses racines. 
__ Or, toute tumeur, toute douleur, toute odeur ont disparu; l'exsudat, 
devenu peu abondant, ne possède plus de trace de cellules pathogènes ; 
n’était une atrésie, assez marquée, du larynx, consécutive aux dépréda- 
tions opératoires nécessaires, on pourrait débarrasser le malade de sa 
canule. 

Tel est l'avis de mon confrère larvngologiste, qui publiera, du reste, 
prochainement, avec moi, l'observation complète et spéciale de ce malade. 

Il me reste à dire quelques mots d’un iympho-sarcome volumineux 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DU CANCER 89 


et récidivé du cou, que, ainsi que je l'ai dit, le Professeur Poullet m'a 
conduit de Lyon, et que nous avons opéré ensemble. L'intervention est 
encore trop récente pour que je puisse parler de résultats certains ; mais 
ce que je puis dire, c’est que la masse est déjà réduite de moitié au moins 
et que la langue du malade qui ne s'engageait plus entre ses dents depuis 
quelque temps, parvient maintenant jusqu’à ses lèvres. Si dans la région 
opérée, carotide et jugulaire ne traversaient la tumeur, j'aurais été 
plus énergique encore et peut-être celle-ci serait-elle éliminée toute 
entière. L'état général du malade n'est nullement affecté par la chirurgie 
violente subie par lui ; le soir même de l'opération il est debout ; ni son 
appétit, ni son sommeil, ni ses forces n’en sont diminuées ; après quelques 
heures de cuisson, son mal ne le fait pas souffrir. 

Les observations nécessairement écourtées que je viens d'énumérer 
seront ultérieurement publiées in extenso avec toutes les précisions 
qu'exige la science. Je veux ajouter seulement ceci, que les recherches 
microscopiques sont toujours venues contrôler le diagnostic clinique et, 
je le répète, que j'ai soigneusement éliminé de ma statistique, tous les 
cas où ce diagnostic pourrait étre révoqué en doute. 

Or, la diversité des formes de cancers et de régions traitées, semble 
bien montrer qu'aucune espèce de néoplasmes n'échappe à l'action des 
étincelles de haute tension, de mème que les degrés avancés, où cette 
action a été utile, font penser que la cancérose, en voie de généralisation 
elle-même, peut en bénéficier. 

Une telle possibilité serait déconcertante pour la raison, si toutefois 
notre ignorance des causes réelles qui président à la formation des 
néoplasmes nous permettait des affirmations ou des négations caté- 
goriques. 

Pour ma part, sans décider qui a tort ou non des partisans de 
l'origine coecidienne ou blastomicétienne, héréditaire ou alimentaire des 
tumeurs, je croirais volontiers a une cause irritative constamment 
répétée et tendant à modifier les conditions normales de la multiplication 
cellulaire, dans un organisme prédisposé, mammite ou métrite chronique, 
tabès, traumatismes répétés, congestions constantes, etc., d'un côté ; 
arthritisme, c'est-à-dire prédisposition catarrhale de l'organisme, de 
l’autre ; tels seraient les deux éléments dont la conjonction engendrera 
le mal. 

Produisez ou activez la mort et l'élimination rapide des cellules 
altérées, sans ouvrir lymphatiques ni vaisseaux; décongestionnez les 
régions Circonvoisines, tissus déjà prêts à s'irriter el causes eux-mêmes 
d'irritation pour les organes qui les touchent: favorisez, enfin, l'issue de 
cette fumeur peccante, comme l’appelaient nos anciens, et qu'avec un 


ANNALES D ÉLECTROBIULOGIE. TOME X. — FEVRIER 1907. 7 


90 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


admirable instinct, l'organisme arthritisé cherche constamment à rejeter 
hors de lui, et peut-être aurez-vous supprimé, pour un temps ou pour 
toujours, selon le degré du mal, sa puissance de reproduction. 

Or, n'est-ce point ainsi qu’agit l’étincelle de haute tension? 

Ai-je besoin d'insister sur son action destructive? On le sait, c’est la 
foudre en miniature, et sa violence est telle qu'il n’est pas de tissu 
vivant qui puisse y résister longtemps. Elle ne se contente pas d'anéantir 
plus ou moins la surface où elle frappe, elle agit en profondeur et la 
masse qui semble intacte encore après son passage va s'affaisser, se 
désagréger et fondre, alors que depuis bien des jours elle n’a plus été 
touchée. 

Quant à l’action décongestive que possède l’étincelle de haute fré- 
quence, l'expérience déjà acquise par tous les électrothérapeutes l'a 
confirmée dès longtemps, et certaines recherches que j'ai faites et sur 
lesquelles je reviendrai plus tard, la mettent nettement en évidence. 
L'échéance prolongée que j'obtiens par l’étincelle à la surface d'une 
peau saine, et l'hémostase qu'elle impose aux plaies hémorrhagiques, 
ncus donne une preuve de sa puissance vaso-constrictive, supérieure, 
selon moi, par son intensité et sa durée à celle de l’adrénaline. 

Destructive, décongestive, l'étincelle est aussi éliminatrice; rapi- 
dement, en quelques jours, en quelques heures parfois, une partie de la 
tumeur frappée tombe en déliquescence, et, en même temps qu'une 
escarre molle, spongieuse, morcelée, elle laisse échapper un liquide 
séreux, à peine teinté, et d'une abondance surprenante. J'ai vu d'épais 
pansements, les vêtements, les draps, jusqu'aux matelas des malades 
traversés par ce torrent éliminatoire, ot cela pendant plusieurs jours de 
suite, et pourtant sans affaiblissement marqué de l’opéré Sa profusion 
est de bon signe et sa suppression brusque anime souvent une élévation 
de température très considérable (elle a atteint 41° dans un cas) et qui 
tombe soudain avec la réapparition de l'écoulement. Bien des recherches 
intéressantes sont à faire sur ce liquide, nous les relaterons en temps 
et lieu. 

Les courants que j'emploie correspondant bien par conséquent, par 
Jeur action, à mon hypothèse de l’origine du cancer, c'est la raison qui 
m'a poussé à les essayer contre lui, et c'est l'explication la plus plausible 
que je puisse trouver de ce que j'ai vu. Mais je ne prétends point 
l'imposer sans réplique. Les faits seuls quand ils ont été bien observés, 
sont indiscutables et les hypothèses qui prétendent les expliquer sont 
fragiles, en général, et de peu de durée. 

Aussi, n'est-ce pas des théories, mais des faits que je veux faire 
connaitre à mes confrères. 


KEATING-HART. — NOUVEAU MODE DE TRAITEMENT DU CANCER 91 


Quelle que soit la cause qui détermine de tels effets, je les obtiens; 
voilà ce que j'affirme : il suffira d'employer le même moyen que moi pour 
les vérifier. 

Ce moyen, je l’ai déjà dit, c’est l’étincelle de haute fréquence et de 
haute tension, mes appareils sont puissants ; courants de ville à 220 volts, 
transformateur de 40 à 50 centimètres d’étincelles, interrupteur de 
grande vilesse, condensateur de grande capacité, résonateur d'Oudin, 
le tout réglé à son maximum de rendement. 

Malheureusement, un tel terme n'exprime, nous le savons, rien de 
précis, car le même appareillage, si la source, la vitesse, l'écartement 
varient tant soit peu, produit une étincelle très variable elle même en 
longueur et en force. J'essaie en ce moment à un appareil de mesure 
qui parait devoir me donner des renseignements intéressants et assez 
précis ; il me fait constater une fois de plus l’importance de ces variations 
qui peuvent aller de la moitié au double. 

Aussi, n'est-ce pas tant au dosage mathématique du courant qu’à 
l'aspect et à la consistance des tissus que je me fie pour continuer ou 
arrêter mon action et là, il n'y a pas de définition qui vaille ; c'est une 
expérience à acquérir. Selon l'étendue, la profondeur, la qualité des 
cellules malades, je prolonge plus ou moins l'opération et le temps peut 
en varier de dix minutes à trois quarts d'heure et même davantage. 
L'instrument employé, l'emplacement du mal sont encore causes de 
diversité et selon que l'on agit à la surface de la peau ou au fond d'une 
cavité naturelle, suivant le degré d'isolement de l'électrode, il y a lieu 
de déterminer des modifications et des réserves qu'il n'est pas possible 
de formuler dans un travail d'ensemble comme celui-ci. 

Il est nécessaire, cependant, de recommander quelque prudence dans 
le maniement de ce puissant moyen de destruction qu'est l’étincelle de 
haute tension, trop prolongée, son application peut déterminer des 
escharres d'une profondeur exagérée, capables d'ouvrir la paroi même 
d'un organe profond, au contraire, la sidération insuffisante d'une tumeur 
maligue si elle n’est pas répétée assez souvent sur une tumeur maligne 
peut en exalter la vitalité. Il en est de cela comme de toute thérapeutique, 
où habitude et expérience sont impossibles à transmettre et ou le regard 
et le toucher ne s'exercent que par la vision et le contact direct. 

Telle est ma méthode, tels sont les effets que j'ai obtenus et les 
causes pour lesquelles je les explique. En résumé, je puis dire que quels 
que soient la forme ou le degré des cancers que j'ai eu à traiter par ce 
moyen, j'en ai toujours obtenu au moins quelques bons effets. 

Dans les cas les plus avancés, ceux sur qui, dans un désir de prudence 
que l'on comprendra, j'ai fait mes premières tentatives de traitement, 


92 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


j'ai chaque fois amélioré, au moins momentanément, l'état de mes 
malades, et quand je n’ai pu enrayer la cachexie, ni empêcher les métas- 
tases, du moins ai-je amoindri les lésions locales, et là même où les 
rayons X y avaient été impuissants. diminué les douleurs, fait disparaitre 
les ædèmes, tari les hémorrhagies. 

Parvenu à des degrés moindres, le mal que peut atteindre l’étincelle 
(si ma statistique n’est point trompeuse) est à notre merci. Je ne saurais 
mieux comparer son pouvoir sur lui, qu’à celui d'un maitre la cravache 
haute sur son chien prosterné et tremblant. | 

Mais j'ai dit : le mal qu’on peut atteindre, et voilà qui limite notre 
intervention ou du moins la fait serve de la chirurgie. Si, en effet, grâce 
à des instruments construits sur mes indications, j'ai pu pénétrer jusqu'au 
fond du larynx, de l'utérus ou du rectum, les cancers de l'estomac, de 
l'intestin, du foie, du poumon, me demeurent inaccessibles sans l'aide du 
bistouri, et encore là cette thérapeutique exige-t-elle une prudence et 
des règles qu’il nous faudra préciser plus tard. 

Du reste, ma méthode n'exclut nullement les autres; c'est ainsi que 
je me sers souvent, à titre complémentaire, des rayons X et du radium, 
el que la chirurgie active fréquemment l'œuvre de destruction accomplie 
par l'électricité ou bien la prépare; une masse énorme détruite met un 
certain temps à s'éliminer; plutôt que de laisser l'organisme déjà affaibli 
faire l'effort de cette élimination, il n’est pas rare que je demande au 
couteau du chirurgien une aide précieuse Par un procédé différent, 
suivant le cas, je prie qu’on enlève tout ce qu’il est possible d'extraire 
de la tumeur, ine réservant de détruire ce que le bistouri ne peut atteindre, 
et, par ce moyen, l'électricité rend à la chirurgie ce que celle-ci aban- 
donnait, en désespoir de cause, et fait opérable ce qui ne l'était plus. 

Pour terminer, est-il possible de dire que le traitement que je pré- 
conise guérit le cancer? Il serait téméraire de répondre à une telle 
question par l’affirmative. Sur les 16 cas que j'ai cités, Je compte trois 
morts, sept améliorations nettement progressives, el six guérisons 
apparentes. Le microscope, dans ces derniers cas, nous a révélé la 
régression puis la disparition des cellules néoplasiques. 

Je maintiens cependant l'épithète d'apparentes, car, dans de tels cas, 
j'estime que le temps seul nous fera connailre si ces vraisemblances 
sont des vérités, en faisant de ce provisoire quelque chose de définitif. 

Mais tout ce mieux, mais tout ce bien, même devraient-ils être que 
momentanés, semblent de quelque importance, quand on songe que les 
malades traités jusqu'ici étaient tous récidivés ou inopérables, c'est-à-dire 
tous condamnés irrémédiablement et à brève échéance. 


Rôntgenthérapie des péritonites et des 
adhénites tuberculeuses. 


Par M. I. VALOBRA 
Médecin de l'Hôpital Umberto I, à Turin (1). 


J'ai soigné dans le courant de 1905, par les rayons de Röntgen, 
quatre malades {deux hommes et deux femmes) qui DRE une 
tuberculose du péritoine à forme séreuse. 

Je ne donne pas ici particulièrement les histoires cliniques. Je dirais 
seulement qu'il s'agissait de quatre sujets jeunes (le plus jeune était àgé 
de 8 ans, le plus âgé avait 20 ans) La précision du diagnostic avait été 
établie par l'inoculation de l'exsudat dans le péritoine et dans la cornée 
de eobayes, qui donna un résultat positif chez trois de mes malades. 
Le quatrième avait été opéré de laparotomie après laquelle l’ascite se 
répéta, quoique l'examen histologique d’une petite glande exportée eut 
confirmé le diagnostic de tuberculose. 

Chez tous, au moment de leur entrée dans l'hôpital, il existait un 
exsudat très abondant; si bien que, chez deux malades, j'ai dû pratiquer 
une évacuation partielle avant de commencer l'irradiation. L'ascile ne 
tarda pas à reparaitre après la ponction. | 


Traitement. — Irradiation du ventre. Anticathode à 35-40 centimètres de la 
peau qui était protégée par une lame d'aluminium de 2/10 de millimètre 
d'épaisseur. 

Je disposais d'une bobine de 45 centimètres d'étincelle : 

FE = 80 volts 1 = 3 A 

Interrupteur à mercure à 3.000 int. à la minute. Rayons durs (89 Benoist). 
Aiupoules Müller. Comme je ne disposais pas du milliampéremêtre de Gaite, 
je placais une pastille de Kabouraud et Noiré à 15 centimètres de l'anticathode, 
de la sorte qu'elle virait complétement en denx séances. Chacune des séances 
durait {5° environ. Une application tous les deux jours. Nombre totale des 
irrad ations de 18 à 20. 


Après la deuxième ou la troisième irradiation, disparition des 
douleurs. Ce fut seulement après 12 où 15 applications que la quantité 
du liquide commença à diminuer et la quantité de l'urine augmenta. 
L'amélioration continua peu à peu, sans crises, sans fièvre, Trois mois 
après le commencement du traitement, il n’y avait plus trace d'exsudat 


{1} Communication au Ile Congrès international d'EÉlectrologie et de Radiologie 
médicales, Milan (Septembre 1906). 


94 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


séreux dans le ventre des malades et l’état général était beaucoup 
mieux. Ces observations je les ai faites il y a un an. 

J'ai fait dans ces jours une espèce d'enquête parmi mes malades; 
chez tous la guérison est persistante. J.es malades se portent très bien : 
un d’eux, le plus grave, est au service militaire. Chez unc jeune fille les 
menstruations ont réapparu Pas traces d’ascite ni d'autres localisations 
tuberculeuses. L'état général est parfaitement bon chez tous. 

Il s’agit donc d'une guérison de la forme séreuse de la tuberculose du 
péritoine. Puisque tous les malades portaient leur ascite, depuis des mois 
et des mois, rebelle à tous les traitements, tandis que la rôntgenthérapie 
a produit une guérison définitive en trois mois environ, on ne peut pas 
songer à une possible guérison spontanée chez tous mes malades. 

Dans son traité, Freund (1) relate deux observations d’ascite tubercu- 
leuse parfaitement guérie par les rayons de Rôntgen. Il s’agit donc de 
six malades traités, avec six guérisons. C'est encourageant. 


Je ne peux pas faire des conclusions aussi favorables pour ce qui 
concerne le traitement de la forme de tuberculose péritonéale qui se pré- 
. sente avec des grosses tumeurs caséeuses, et avec des ganglions mésen- 
thériques palpables infiltrés. J'ai essayé le traitement avec les rayons de 
Röntgen une seule fois chez un sujet atteint d'une forme de ce genre. 
Après la troisième séance, j'ai vu surgir une forte fièvre avec douleurs 
au ventre, qui continua plusieurs jours; si bien que j'ai du suspendre le 
traitement rôntgenthérapique. 

Je vois un rapport très intime entre ce dernier échec et les observa- 
tions relatées par moi (2?) à propos du traitement des gros paquets 
ganglionnaires du cou. Chez deux de ces malades j'ai observé, parallèle- 
ment à la diminution de volume, des adénopathies des phénomènes 
locaux et généraux, consistant en rougeur et douleur locale, avec une 
lymphangite légère du cou, et un mouvement fébrile accentué. Ces 
phénomènes débutaient trois ou quatre heures après la séance radiothé- 
rapique, pour disparaitre quelques heures plus tard, et ils étaient suivis 
par une notable diminution du paquet ganglionnaire. 

Puisqu'on n'observe pas de faits de ce genre dans le traitement des 
organes limphoïdes qui ne sont pas atteints par la tuberculose pas même 
dans la leucémie, où la diminution des paquets ganglionnaires peut être 
précédée par un certain degré d’accroissement de leur volume), je les 


(1) FrReunD. — Grundgriss der Gesammten Radiothérapie f. praktische Aertse, 
1903, p. 445. 


(2) Vaonra. — Rôntgenterapie delle ghiandole tubercolari une suppurate. (Gior- 
nale R. Accademia Medica de Torino, 1905.) 


VALOBRA. — PÉRITONITES ET ADHÉNITES TUBERCULEUSES 95 


attribuai au processus d'infection spécifique dont les ganglions étaient 
atteints. Etant connue, par les travaux de Heineke, l’action parti- 
culière (1) destructive des rayons X sur les organes limphoides, je 
mettais en garde contre le danger de porter en circulation, avec les 
déchets de la destruction des ganglions, des bacilles vivants qui pourraient 
généraliser le processus morbide. 

D'autant plus que les travaux de Ogus, Rodet et Bertin-Sans, Oudin, 
Bergonié et Tessier, et les expériences cliniques de Revillet, Ausset, 
Serbanesco, Potain, nous ont démontré que la tuberculose se généralise 
très facilement chez les animaux et chez les poitrinaires traités par les 
rayons X Je crois qu'il existe un danger de même nature dans le traite- 
ment intensif rüntgénien- de la tuberculose péritonéale avec nombreux 
paquets de ganglions infiltrés. Le traitement de ces formes, on peut 
l'essayer peut-être, mais avec une grande prudence. Dans la forme 
séreuse, il s’agit plutôt des tubercules nucléaires dont la séreuse périto- 
néale est parsemée. Les paquets ganglionnaïres profonds sont protégés 
de l'action trop intensive des rayons par l'épaisse couche de liquide. 
Puisque les travaux expérimentaux font exclure une action bactéricide 
particulière de rayons, je crois qu'il faut admettre qu'ils .exaltent le 
pouvoir défensif du péritoine. Il s'agirait là d’une action comparable à 
l'action des rayons lumineux dans la laparotomie explorative qui donne 
dans les formes séreuses le 50 °/, de guérisons. 

Cette exaltation du pouvoir défensif se ferait pur une sorte d'irrita- 
tion des feuillets péritonéaux qu'on peut comparer à la réaction de la 
peau et des muqueuses aux rayons de Röntgen. 

En résumé : | 

1. Dans la forme séreuse de la tuberculose péritonéale le traitement 
radiothérapique produit une guérison persistante du procès morbide. 

2. Dans le traitement rôntgenthérapique des lésions tuberculeuses 
torpides des ganglions, soit qu’il s’agit des ganglions du ventre comme 
des ganglions du cou, comme d'une autre régi n du corps, l'absorption 
des foyers peut s'accompagner avec une réaction locale et générale. La 
conclusion pratique à tirer, c'est qu'il convient de se montrer très prudent 
dans le traitement de ces formes, car il y a péril de donner un coup de 
fouet à l'affection et de produire une généralisation du procès, 

Puisque je n’ai jamais observé des faits de ce genre dans la rôntgen- 
thérapie de la tuberculose des autres parties du corps, je crois qu'ils sont 
dûs à l’action particulière des rayons sur le tissu lymphoïde qui entoure 
les tubercules, 


(0) Heee. — Mitteil. a. d. Grenzgeb. d. Med. u. Chir. 1904, Bull. XIV, H. 1-2. 


Du danger du traitement rüntgenthérapique 
intensif dans les cancers ulcérés et très 
étendus de la face. 


Par M. GUILLEMONAT 


Ex-Maitre de Conférence au Collège de France. 


Dans le traitement par les rayons X des cancers superficiels, deux 
procédés sont employés ; dans l'un on pratique des séances courtes et 
rapprochées jusqu'à production d’érythème ; dans le second on fait 
absorber aux tissus la dose maxima de radiations compatibles uvec leur 
intégrité. 

Les deux écoles qui pratiquent chacun de ‘ces procédés sont fort 
intransigeantes et cependant, personne ne devrait oublier qu'en médecine 
il n’est rien d'absolu. 

Si la méthode dite intensive a pour elle la facilité de doser plus faci- 
lement la quantité absorbée par les tissus malades, elle provoque parfois 
des accidents graves et même mortels. 

Aussi lorsque le processus cancéreux est très étendu et que l'ulcé- 
ration est profonde, j'ai dù dans le service radiothérapique que je dirige 
à l'hospice cancéreux du Calvaire de Paris m'arréter au procédé moins 
élégant et moins précis des doses faibles et répétées. 

Je prendrai pour justifier cette manière de voir trois obse: vations 
typiques parmi celles que j'ai recueillies. 

Au mois d'Avril 1906, arrive à l'hospice une malade agée de 62 ans, 
avant la face presque complètement détruite par une tumeur maligne 
dont l’origine remontait à 12 ans. Voici sa photographie; on peut voir 
que l'œil gauche a complètement disparu, que l'œil droit est aussi 
presque entièrement détruit et cependant la malade pouvait encore 
voir en se penchant fortement en avant. L'aspect général est repoussant 
et on peut comparer cette tête à une hure. La bouche qui s'entrouvait 
légérement permettait l'alimentation par des liquides et montrait le 
voile .du palais repoussé par la tumeur. L'état général était bon; la 
malade avant son entrée à l'hospice se soignait elle-même, plutôt mal 
et dégageait une odeur repoussante ; elle accusait peu de douleur. 


GUILLEMONAT. — TRAITEMENT ROÔNTGENTHÉRAPIQUE INTENSIF 97 


Après quelques jours, l’odeur diminuant je fis une séance de 8 H. ; 
l'ampoule placée à 12 centimètres de la tumeur émettait des rayons 7-8 
Benoist. Le pied du rayon normal tombait à peu près au niveau de 
l'arcade zygomatique siège initial du cancer. 

L'examen histologique n’a pu être pratiqué. 

Trois jours après la séance la malade eut de la diarrhée profuse, de 
l'inappétence absolue, la langue était blanche et la température de 38°. 
A l'ausculation, on ne trouvait aucun signe pulmonaire ou cardiaque. 
Les phénomènes d'intoxication s’accentuèrent ensuite et la mort survint 
le huitième jour après le traitement. 

La tumeur était rouge et suintait abondamment, mais avait moins 
d'odeur. 

La seconde malade, femme de 60 ans, possédait depuis 10 à 15 ans 
(on ne put lui faire préciser) une lésion épithéliomateuse de la joue 
droite. Sur la photographie on peut voir que la joue est complétement 
détruite de la commissure de la lèvre à l'oreille et de l'angle externe de 
l'œil au maxillaire inférieur. On aperçoit presque au centre à travers 
une sorte de fenêtre une zone de tissu plus lisse, c'est la langue qui 
était absolument intacte. 

Cette malade avait un bon état général, elle s’alimentait parfaitement. 

Je fis une séance de 9 H.: ampoule à 15 centimètres ; rayon 7-8 
Benoist. Le 4° jour hémorragie abondante en nappe du coté de la 
temporale, puis diarrhée, phénomènes d'intoxication, mort le 10° jour, 
la température resta voisine de 38. 

La troisième malade âgée de 65 ans porte au niveau de l'articulation 
maxillaire inférieure une ulcération moins étendue que celle des pré- 
cédentes malades datant de 8 ans seulement. 

Je fis une séance de 6 H. dans les mêmes conditions ; il y eu des 
phénomènes d'intoxication grave ; la malade pris une teinte terreuse ct 
pendant un mois, au crut que la mort allait survenir. Cependant tout se 
rétablit, j'ai pu continuer à la soiguer et son état s'est grandement 
amélioré comme les photographies l'indiquent. 

J'ai désiré appeller l'attention sur ces faits, d'autant plus qu'avant 
J'avais déjà eu dans mon service des morts rapides, mais les malades 
étaient dans un tel état que j'y avais prêté peu d'attention, la mort étant 
pour elles une délivrance. 

Dans ces ulcérations étendues, ces délabrements profonds, je fais 
maintenant des applications de 3 H. à 4 H à la fois ou bien je partage la 
lésion en 3 ou 4 secteurs suivant la forme et je fais absorber 6 à 7 H. 
par section lorsque certaines parties semblent prendre un développemen 
plus rapide. Je n'ai plus eu d'accident et si vous voulez bien examiner 


98 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


cette série de photographies vous verrez que dans des cas semblables 
aux précédents j'ai pu obtenir l'arrêt plus moins momentané du processus 
malin. | 

Il y aurait peut-être lieu en présence de ces faits, d'indiquer dans les 
lésions étendues, la surface traitée. Si, par exemple, l'unité de surface 
irradiée reçoit 6 à 7 H. ; il n’est peut-être pas indifférent à l'organisme 
de recevoir cette irradiation sur une grande surface. En d’autres termes 
je soumets à vos délibérations et à vos études, la question suivante : La 
mesure des radiations reçues par un organisme doit-elle préciser 
l'étendue irradiée. 

Si nous pensons que les radiations détruisent les cellules morbides et 
activent leur phagocytose, le nombre de ces cellules détruites n'est pas 
indifférent. 


Observations cliniques et expérimentales sur 
l'action des rayons de Röntgen sur le système 
nerveux. 


Par M. I. VALOBRA 
Médecin de l’hôpital Umberto I, à Turin (1). 


Nombre d'auteurs ont étudié l’action des rayons de Röntgen sur le 
système nerveux central des animaux. Leurs travaux ont abouti à des 
conclusions différentes. Scholtz (7) conclut que les rayons X ne 
modifient pas sensiblement le cerveau et la moelle. Oudin (1), Barthélemy, 
Darier (2), Ogus (3), Sala (6), Jicinsky (4) ont rapporté des cas de 
paralysie ou bien de paraplégie chez les petits animaux surexposés. 

Nombre de ces observations positives se prêtent mal à des conclusions 
tant peu sûres Les accidents nerveux ont apparu parfois pendant le 
traitement d’une partie du corps lointaine du système nerveux central et 
ils peuvent très bien être considérés comme des phénomènes toxiques 
généraux plutôt que dûs à l’action directe et locale des rayons. Les 
altérations de méningo-myélite relatés par certains expérimentateurs ont 
suivi les brûlures et les radiodermites très graves. Si bien qu’il n'est pas 
invraisemblable d'attribuer à ces accidents une origine infectieuse et 
septique. 

Restent les observations de Rodet et Bertin (5), de Oudin (1), chez 
lesquettes l'irradiation directe de la colonne a produit des paralysies 
avant que de la radiodermite. Mais nous pouvons observer que la lésion 
de la peau est parue plus tard chez tous les animaux traités, faute d'une 
surexposition. Nous pouvons donc conclure que les données de l'expéri- 
mentation sont peu démonstratives pour ce qui concerne l’action directe 
des rayons X, du moins à dose thérapeutique sur le système nerveux 
central des petits animaux. 

J'ai répété ces expériences chez l’homme adulte. J'ai traité, dans un 
ensemble de plusieurs centaines de minutes, avec un puissant appareil 


(1) Communication au troisième Congrès international d'électrologie médicale 


(Milan, 1906). 


100 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d'induction, la colonne vertébrale cervicale de quelques imdividus bien 
portants ou bien atteints par une maladie de la moelle (2 cas de sclérose 
en plaques, 4 cas de tabès, 1 cas de paraplégie spasmodique parasy phili- 
tique, I cas de sclérose latérale amyotrophique avec exagération des 
réflexes tendineux). J'ai essayé tantôt les rayons mous, plus souvent les 
rayons plus durs et pénétrants (8-9 jusqu’à 10 Benoist). J'ai essayé, chez 
les uns, la méthode des longues séances répétées une fois tous les quinze 
jours (8-10 unités H absorbées par la peau); et, chez les autres, j'ai essayé 
la méthode des courtes séances répétées tous les jours. Je n'ai jamais pu 
observer la plus petite action sur le régime des réflexes, ni sur la sensi- 
bilité périphérique, ni sur la force musculaire, ni sur l’excitabilité élec- 
trique, ni d’autres phénomènes qui puissent faire songer à une action 
directe des rayons sur la fonction de la moelle épinière. Les mêmes 
résultats négatifs, je les ai observés avec l’irradiation de la région rolan- 
dique du cràne des sujets adultes bien portants, ou bien atteints par une 
lésion corticale du côté traité (3 cas d’hémiplérie cérébrale). 

A ce propos, je dirais qu'une série d'expériences pratiquées sur le 
cadavre en introduisant un indicateur de l’action des rayons dans l'intérieur 
des divers organes du corps, m'a démontré que les rayons actifs sont 
absorbés presque complètement par les os de la colonne cervicale ou du 
crane, autant qu'ils arrivent à la moelle et au cerveau très amoindris et 
très affaiblis. Cela particulièrement au niveau de la colonne cervicale 
où les lames vertébrales sont formées par des os compacts, présentent 
un énorme pouvoir d'absorption, et sont disposées l'une sur l'autre de 
sorte qu’elles ne laissent pas d'espace libre. En effet, tandis qu'une 
pastille de Sabouraud et Noiré, enveloppée dans du papier imperméable 
et déposée dans l'intérieur d'une grande rate pseudo-leucémique virait 
après 20 minutes d'irradiation intense, une heure entière d'irradiation 
postérieure d’une colonne cervicale ne produisait que le commencement 
d'une très faible image d'une pastille introduite dans son intérieur (1. 
Et cela autant avec des rayons durs comme avec des rayons mous; 
autant sur le cadavre frais avec les parties molles en place, comme avec 
les lames vertébrales du squelette. J'ai fait la même observation avec 
les os de la région rolandique du cràne, soit du cadavre récent comme 
du squelette. Naturellement je ne donnais pas au virage de la pastille la 
valeur d'une mesure exacte, mais seulement la valeur d’un indicateur des 
ravons actifs. J'ai obtenu les mèmes résultats avec le réactif de Freund 
(solution d'iodoforme dans le chloroforme;. Une plaque photographique, 


(1) Pendant eette expérience, quatre ou cinq pastilles placées consécutivement sur 
les téguments correspondants viraient complètement, 


VALOBRA. — RAYONS DE RÖNTGEN SUR LE SYSTÈME NERVEUX 101 


placée dans l’intérieur de la colonne du cadavre, était rapidement impres- 
sionnée par les rayons, mais je crois qu'il s’agissait là des rayons les plus 
durs de l'échelle, et que les rayons filtrés de la sorte avaient une action 
bien faible sur les organes qui sont dans l’intérieur. 

Je ne veux pas affirmer par là que le système nerveux central soit 
indifférent à l’action directe des rayons ; chez les petits animaux, dont la 
moelle épinière et le cerveau sont peu protégés contre les radiations à 
cause du peu d'épaisseur de la boite cranienne et des arcs vertébraux 
(qui, selon nos expériences, chez eux, n'arrètent qu'une petite partie des 
rayons aclifs), on pourra peut-être demontrer une action de cette nature. 
Mais je ne crois pas que cela soit possible chez l’homme adulte qui 
présente un si bon appareil défensif contre l’action des rayons sur son 
système nerveux central. 

Je pense que l’action révulsive des rayons sur la peau n’est pas 
étrangère aux bons résultats obtenus par les auteurs modernes (Ray- 
mond (8), Pescarolo et Quudrone (9), avec l’irradiation de la colonne 
dans les maladies de la moelle. On connait les résultats favorables 
obtenus parfois dans ces maladies par les anciens et par certaines écoles 
modernes avec les révulsifs (pointes de feu.. .). L'action suggestive doit 
aussi entrer en ligne de compte. 

Je confirme au contraire l'action analgésique des rayons sur les 
nerfs périphériques. 

Chez les malades atteints d'épithéliomas ou bien de sarcomes de 
la peau, j'ai observé dès les premières séances une diminution des 
douleurs Chez deux malades atteints de tuberculose du péritoine les 
douleurs disparurent, aussi avec deux séances Cependant, J'ai observé 
que même après une irradiation longue et répétée du ventre (radio- 
dermite !), il n'y avait pas de variations dans l’état des réflexes abdo- 
minaux (1). Chez deux sujets atteints par des crises gastriques terribles 
et rebelles aux traitements, J'ai obtenu très rapidement des bons résultats 
par lirradiation de la région épigastrique. S’agirait-il d'une action sur le 
plexus solaire ? J'ai toujours fait de mon mieux pour éliminer l’action de 
la suggestion, mais dans ce champ aussi de l’action analgésique périphé- 
rique elle a peut-être une certaine influence. 

On sait que les rayons X, qui sont assez durs et pénétrants pour 
pouvoir traverser les milieux de l'œil peuvent impressionner suffisamment 
la rétine. L'observateur placé depuis un certain temps à l'obscurité, voit, 


(1) Nous rappelons à ce propos les expériences de Sela qui n'a pu déceler chez les 
animaux la moindre altération Listologique des nerfs périphériques, mème dans les 
territoires atteints par des graves radiodermites. 


102 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


dès que le tube est suffisamment excité, une lueur générale dans un 
champ de vision circulaire. Puisque les rayons ne sont pas réfractés par 
les milieux de l’œil, on comprend toutefois qu’on ne puisse voir la forme 
de la source (10). 

J'ai cherché si la pupille presente une réaction lorsqu'on dirige un 
faisceau de rayons de Röntgen sur la rétine. J’ai essayé avec des ampoules 
dures (7-8-9 Benoist) enfermées dans une boite de carton noire, dans le 
but d'éviter l’action de la fluorescence du verre. | 

J'ai pratiqué mes expériences autant dans le cabinet noir ou je faisais 
mes observations avec la lumière d'une petite lampe à verre rouge du 
cabinet de photographie, et je les ai répétées à la lumière diffuse du jour. 
Elles ont été toujours négatives ; je n’ai jamais pu observer une réaction 
de la pupille aux rayons. 


BIBLIOGRAPHIE 


. Ounin. — Traité de radiologie de Bouchard, p. 1035 

. BARTHÉLEMY et DARIER. — Congrès de Moscou, France Médicale, N° 8, p. 12, 1898. 

Ocus Mic, — Thèse de Paris, 1899. | 

. Jicinsky. — New-York Medical Journal, 16 novembre 1902. 

Roper ET BERTIN. — Gazette des Hôpitaux, 7, 5, 98. 

. SALA cité par Oupix. 

. SCHOLTZ cité par BsroT. — La Radiothérapie, Paris, 1902. 

RaymonDr. — Journal des Praticiens, 23 décembre 1905. 

. VESCAROLO et QUADRONE "— le Congrès de la Société italienne thérapeutique 
physique, Rome, 1906. | 

. Voir : Sacnac, Traité de radiologie de Bouchard, p. 353; — ’CowL et Levy 

Dorn, Arch., f. Phys., 1897; — Zucns ou Kramis, Centralblatt f. Phys.. 

t. X, No 9. 


O 0 D a CS 9 me 


p= 
© 


Résultats de la « dilatation électrolytique rapide » 
des rétrécissements de l'urètre (1). 


Par M. H. MINET, 


Ancien Interne des Hôpitaux de Paris. 


Pendant longtemps. à la suite des travaux de M. Tripier et de 
Newmann, on a considéré comme antagonistes le traitement des rétré- 
cissements par la dilatation et le traitement par l'électrolyse circulaire. 
Newmann se défendait de faire de la dilatation et pensait que l’augmen- 
tation du calibre obtenue était due simplement à l’action len'e et pro- 
gressive de l'électrolyse sur les tissus; la lenteur de la progression, le 
_ Soin apporté à ne violenter aucune résistance, formaient la base de 
l'opinion de Newmann, évidemment trop exclusive. Se plaçant à un 
autre point de vue, M. Tripier soutenait que la dilatation empêche la 
production des résultats favorables de l'électrolÿse; aucun traumatisme 
ne devant malmener la cicatrice formée par l’électrolyse au pôle négatif, 
si l’on veut obtenir une cicatrice molle, souple et non rétractile ; M. Tripier 
avait en vue surtout la méthode qu'il avait fondée avec Mallez et qui 
consiste à escharifier complètement les tissus scléreux pour les rem- 
placer par une cicatrice de meilleure nature. 

En fait, si l’on considère les nombreux procédés ou sous-procédés 
d'électrolyse circulaire qui ont été mis en pratique, si l'on observe que 
dans nombre de cas faciles à dilater, l’électrolyse lente donnait une 
assez rapide progression de calibre, on est amené à croire que dans 
tous les cas, à un degré variable, on dilatait en même temps qu’on élec- 
trolysait, et rien ne permet de supposer que les effets de la dilatation 
ne se superposaient pas à ceux de l’électrolyse. En réalité, ces deux 
méthodes, loin de se nuire, paraissent produire des, transformations 
anatomiques toutes semblables, et leur réunion donne, en effet, des 
résultats meilleurs que ceux de la dilatation simple, comme le prouve 
d'une manière indiscutable l'expérience de l’urologiste qui a le plus 


(1) Communication faite au III° Congrès international d'Ele ‘ctrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


104 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pratiqué la dilatation électrolytique en France, je veux nommer 
M. Desnos. 

D'autre part, il a été démontré expérimentalement, tout au moins 
pour l'urêtre sain (Bergonié}, que pendant le passage du courant gal- 
vanique (pôle négatif), l’urètre se trouve dans un état de relichement 
qui en facilite la dilatation Il était donc permis de chercher à obtenir, 
pendant chaque séance du traitement, la dilatation maxima compatible 
d'une part avec les lésions urétrales, d'autre part avec l'emploi de 
densilés électriques inoffensives 

Plusieurs cas ainsi traités, avec une grande rapidité et sans acci- 
dents, firent l'objet de notre première publication sur la « dilatation 
électrolytique rapide » dans le Bulletin de la Société Française d'Élec- 
trothérapie, décembre 1903, qui fut suivie d'une autre série d’observa- 
tions présentées en 1904 à l Association Française d’ Urologie. De ces 
observations, on pourrait conclure que pendant le passage du courant 
galvanique, il se produit au niveau des zones sclérosées des modifica- 
tions qui les rendent plus dilatables, mais que cette dilatabilité est très 
différente suivant les cas, presque nulle dans les rétrécissements trau- 
matiques annulaires, limitée à un certain degré dans les rétrécissements 
scléreux très épais, considérable, au contraire, dans la majorité des 
cas, où les tissus sont moins durs et où les lésions peuvent n'avoir pas 
dépassé le stade inflammatoire dans une partie de la circonférence de 
l'urètre. 

Mais quel était l'avenir des rétrécissements ainsi traités? La rapidité 
du traitement n'est qu'un avantage secondaire si la persistance de 
l'amélioration doit rester compromise. 

Nous sommes maintenant en mesure de donner à cette question une 
réponse optimiste Mais tant de variations anatomo-pathologiques 
impriment, d'un cas à l’autre, une marche différente aux rétrécissements, 
qu'il faut s'attendre à des résultats variables, et que pour être assuré de 
résultats vraiment favorables, il faut avant tout porter son attention sur 
le choix des cas. 


CHOIX DES CAS 


C’est par l'appréciation des quelques signes objectifs que fournissent 
le palper et l'exploration de l’urètre, et par celle de la marche de la 
maladie, que l'on peut pronostiquer à l'avance si la dilatation électroly- 
tique rapide est applicable à un cas donné. Cette anpréciation ne se 
basant sur aucun symptôme de valeur absolue, suppose de la part de 
l'opérateur une habitude suffisante de l'exploration et du traitement des 
rétrécissements. L’exploration elle-mème ne renseigne que d'une ma- 


- 


MINET. — RÉTRÉCISSEMENT DE L'URÈTRE 105 


nière imprécise; pour savoir sans aucune possibilité d'erreur si un 
rétrécissement est facilement dilatable, il faudrait avoir essayé de le 
dilater; de même, pour prévoir à coup sûr si un rétrécissement dilaté 
se maintiendra longtemps à un bon calibre, il faudrait savoir comment 
il s'est comporté jusque là. En d’autres termes, la qualité d'un rétré- 
cissement nous est connue surtout par la facilité et le résultat du trai- 
tement, et nous avons recommandé ailleurs l’étude de la dilatabilité 
électrique d'un rétrécissement, comme un des meilleurs moyens pour 
en diagnostiquer la qualité et pour porter sur lui un pronostic. Cepen- 
dant, à défaut de la certitude, l'examen méthodique de l'urètre permet 
d'établir des probabilités, de sorte qu'en pratique on peut généralement 
prévoir si l'électro-dilatation sera rapide et ses résultats durables. 

Les cas les plus défavorables sont les rétrécissements traumatiques: 
nous n’en avons pas observé un seul où la dilatation ait pu être qualifiée 
de rapide. Il faut cependant faire une exception pour ceux qui sont dûs 
à des ruptures partielles, où la dilatation atteint assez vite un certain 
degré pour rester ensuite stationnaire ; évidemment la dilatabilité n’ap- 
partient qu’à la partie saine de la paroi. 

Il ne faut pas compter sur une bonne dilatation dans les rétrécisse- 
ments où la diminution de calibre est causée plus par des noyaux 
scléreux péri-urétraux que par des lésions du canal lui-même; exception 
faite pour les nodosités péri-uréthrales assez récentes et susceptibles 
alors de résorption nette sous l'influence de l'électrolyse, il n’y a pas 
lieu d'essayer la méthode rapide quand le palper décèle, accolées à la 
paroi urétrale, ces indurations inégales et ligneuses que les péri- 
urétrites laissent à leur suite, surtout à la partie pénienne de l’urètre. 
Les autres tr'a.tements ne donnent, d’ailleurs, en pareil cas que des 
améliorations incomplètes. 

On pourra craindre que la D. E. R. ne s'arrête à un calibre insuf- 
fisant dans les rétrécissements que l'exploration et le palper auront 
révélés à la fois étroits, épais et très longs, surtout s'ils siègent à la 
région pénienne, où d'une manière générale on n'atteint pas de très 
hautes dilatations. Cependant, même dans de tels cas, on est autorisé, 
à notre avis, à tenter la D. E. R. quand il n'existe ni complications, ni 
grandes difficultés de cathétérisme ; plus souvent que nous ne pouvions 
le supposer, nous avons réussi à dilater rapidement des rétrécissements 
de cette gravité et à priori peu favorables. En cas d'échec, on devrait 
recourir à l’uréthrotomie complémentaire. 

Les cas les plus favorables sont, au contraire, les rétrécissements peu 
nombreux, peu longs, situés à la région périnéale ou à la région bulbaire, 
non compliqués de suppuration urétrale. L’ancienneté des urétrites cau- 


ANNALES D'ÉLECTRUBIOLOGIE TOME X. — FÉVRIER 1907. 8 


106 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sales ne nous a pas paru avoir grande importance. Le pronostic est 
moins bon dans les cas soumis antérieurement à des électrolyses 
linéaires, ou à des urétrotomies répétées, et mal dilatées après ces opé- 
rations. L'étroitesse de la stricture n’est pas une contre-indication: si 
l'introduction de fines bougies conductrices est rendue impossible, on fera 
précéder le traitement par la mise à demenre d’une filiforme pendant 
24 ou 48 heures, comme s'il s'agissait d'un rétrécissement compliqué 
de rétention d'urine. 

ll sera permis d'hésiter à employer la D. E. R. chez les malades 
qui, avec un rétrécissement très étroit, présentent des signes d'urétrite 
subaiguë, dans la crainte d'augmenter temporairement cette urétrite, 
et de voir succéder, à une première séance de dilatation, des accidents 
inflammatoires ou de la rétention, cepeudant la D. E. R., quand elle 
réussit avec un faible courant et en peu de temps. ne provoque pas 
beaucoup de réaction inflammatoire, à la condition que l'on n'ait 
pas négligé les lavages antiseptiques au moment de la dilatation, et, au 
besoin, les jours suivants. Pour chaque cas particulier, l'opérateur 
pésera les chances de succès d’après sa propre expérience. En cas de 
complications inflammatoires aiguës, on renoncerait évidemment à 
la D. E. P., au moins temporairement. 

Suivant l'habitude de chacun, les difficultés de cathétérisme consti- 
tueront, ou non, des contre-indications. Les règles du cathétérisme sont 
les mêmes que dans toute dilatation, et l’on ne perdra pas de vue la 
nécessité de ménager l'urètre. Il faut bien reconnaitre qu'entre des mains 
inhabiles, la D. E. R. aboutirait souvent à des échecs et à des accidents ; 
ce que les malades appellent « la douceur de la main » nécessite ici une 
patience et une prudence plus grandes que dans la dilatation progressive. 

Ces réserves faites, on peut dire qu'en pratique presque tous les 
rétrécissements peuvent être dilatés rapidement avec l'aide du courant 
galvanique, et que l'essai prudent de cette méthode peut au moins ètre 
tenté, l'échec n’exposant à aucun accident. 


RÉSULTATS IMMÉDIATS 


Le résultat immédiat d'une séance de D. E. R., telle que nous la 
pratiquons, est une notable augmentation de calibre. Sans insister sur 
les détails de la technique (V. Assoc. fr. d’'Urologie, 1904), nous 
prendrons un exemple choisi dans les cas les plus fréquents. Un malade 
se présente avec des troubles dysuriques de moyenne intensité ; l'explo- 
ration et le passage de petites bougies en gomme montrent que les 
rétrécissements sont peu longs, que le frottement n'est pas très rude avec 
des bougies 5 ou 6. Le même jour, ou mieux après quelques jours 


MINET. — RÉTRÉCISSEMENT DE L'URÈTRE 107 


d'antisepsie urétrale, on tente l’électro-dilatation. Avec une très fine 
bougie conductrice, à armature métallique non isolée, on introduit un 
Béniqué Nc 20 environ, avec un courant de 4 ou 5 milliampères au 
maximum. [On peut même constater souvent que ce premier Béniqué 
passe sans courant, par ce seul fait que la bougie Béniqué, bien conduite, 
est le meilleur instrument de dilatation]. Si ce numéro passe vite et bien, 
on visse ensuite au conducteur un deuxième Béniqué, N°30 ou 32 environ, 
ce numéro étant choisi d’après la facilité de passage du précédent. 
Généralement, ce deuxième Béniqué est arrêté un court instant, puis il 
franchit le rétrécissement qui vient de s'amollir sous l'influence du 
courant. Un troisième Béniqué est enfin passé, N° 40 environ, en 
employant une intensité un peu plus forte, 10 mA par exemple, en 
rapport avec la surface de l’électrode devenue plus grande. Si l'arrêt 
au rétrécissement durait trop longtemps, on essaierait un numéro 
inférieur. 

En général, on arrive à la fin de la première séance, avec 2 ou 
3 Béniqués, au N° 40 environ, et l’on peut aussitôt pratiquer, avec une 
sonde de gomme, choisie de faible calibre, un excellent lavage antiseptique 
de la vessie et de l’urètre. 

L'amélioration fonctionnelle est le plus souvent parallèle à l’accrois- 
sement de calibre ; l'élargissement du canal, l'évacuation et le lavage 
de la vessie suffisent à faire cesser les accidents dysuriques ; incontinence, 
rétention partielle, efforts nécessaires à la miction ; de même les cystites 
légères, la bactériurie sont vite améliorées. Rarement les troubles 
fonctionnels ne disparaissent pas et néczssitent alors, comme après les : 
autres traitements, des cathétérismes quotidiens. 

Les jours qui suivent la séance d’électro-dilatation, on peut observer 
une poussée inflammatoire, d'intensité très variable, en général négli- 
geable, toujours facile à traiter. Quelquefois les difficultés du cathétérisme 
augmentent et peuvent rendre ce dernier impossible pendant quelques 
jours ; on doit se plier à cette nécessité sans provoquer d'urétrorrhagie, 
ni augmenter l’inflammation par des essais de sondage intempestifs. 
Quelques jours après, une nouvelle dilatation devient possible, et le 
succès final du traitement n’est pas compromis. Ces petits incidents se 
produisent, du reste, avec toute espèce de traitement. 

Huit jours après la première dilatation, une deuxième séance a lieu, 
qui conduit généralement aux numéros 48-50. Dans une troisième séance, 
que l’on peut éloigner de la seconde de une ou de plusieurs semaines, on 
atteindra ou dépassera 55. Dans la suite, il n’y a plus lieu de chercher 
à progresser rapidement ; suivant la gravité que l’on attribue au rétrécis- 
sement, on continue ou non le traitement par des séances plus rares de 


108 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


dilatation électrolytique lente avec les Béniqués, suivant le procédé 
de M. Desnos. 

Telle est la marche du traitement dans la plupart des cas. Nous 
n'avons rien à changer aux avis que nous émettions en 1904; on pro- 
gressera d'autant moins vite que l'on approche plus du calibre normal 
de l’urétre; dans chaque séance, on n'emploiera que’ les numéros qui 
peuvent passer facilement et vite; par les petits moyens habituels, et 
surtout par l'emploi de bonnes bougies conductrices, on se gardera de 
tout traumatisme et de toute urétrorrhagic; on s'efforcera de maintenir 
le bec du Béniqué exactement dans l'axe de la portion de l’urètre qu'il 
doit traverser; enfin, on réglera l'intensité du courant et la durée des 
séances, en tenant compte de la surface de l'électrode introduite dans 
l'urètre, de manière à ne pas atteindre les densités que l’expérimentation 
nous a démontrées nuisibles. (V. Expériences sur l’électrolÿse circulaire 
de l’urètre, Association Française d'Urologie, Paris, 1903, 7° session.) 

Il est superflu de rappeler devant des électro-thérapeutes ce que les 
urologistes ne devraient pas oublier; le nombre de milliampères 
importe peu, si on néglige la durée de l'application du courant et la 
surface du Béniqué introduite. Là où il doit réussir, notre procédé 
réussit avec des densités extrêmement faibles, et n'expose ni aux épan- 
chements sanguins intra-pariétaux, ni au sphacéle. Il se distingue ainsi 
des autres procédés d’électrolyse (Mallez, Lang, etc.) qui visent égale- 
ment la rapidité de l'augmentation du calibre de l’urètre. 

Rappelons qu’un opérateur timide pourrait se contenter d'une dilata- 
tion plus lente, pratiquée avec la même technique, et que pour les très 
hautes dilatations on peut employer comme électrode les dilatateurs à 
quatre branches. 


RÉSULTATS ÉLOIGNÉS 


Nous avons suivis maintenant un nombre de malades assez grand 
pour savoir quel est le pronostic des rétrécissements traités par la 
dilatation électrolytique rapide. Nous n’en donnerons pas ici les obser- 
vations, trop calquées les unes sur les autres, et nous n’attribuerons 
aucune valeur à la statistique des cas que nous avons ainsi traités, 
puisque, suivant les cas, nous avons donné la préférence à plusieurs 
modes de traitement. 

Il convient de ne pas oublier qu'il est toujours difficile de juger la 
valeur d'un traitement des rétrécissements. Si grandes sont les varia- 
tions dans la gravité des cas, si différente est la marche progressive 
des lésions d'un cas à l’autre, si difliciles et si aléatoires sont les prévi- 
sions en ce qui concerne le degré de rétractibilité, si fréquentes sont les 


MINET. — RÉTRÉCISSEMENT DE L'URÈTRE 109 


récidives après toute espèce de traitement, qu'il est extrêmement diffi- 
cile de comparer entre eux les résultats éloignés des diverses méthodes 
de traitement. En outre, combien de malades abandonnent le traitement 
avant qu’on doive le considérer comme terminé, et négligent de le 
reprendre avant le retour d'accidents sérieux. On peut dire que la 
récidive est réglée par les lésions elles-mèmes autant que par la nature 
du traitement. Ce n’est qu’en considérant l’évolution des rétrécissements 
sur de grandes quantités de malades diversement traités, et en compa- 
rant la durée de la récidive sur un même malade après des traitements 
différents, que l’on peut étayer une comparaison entre les diverses 
méthodes. 

A ces réserves près, les résultats de la D. E. R. me paraissent 
absolument comparables à ceux de la dilatation progressive, et, par 
conséquent, les meilleurs qu'on puisse obtenir. De même qu'après la 
dilatation progressive, la persistance du calibre acquis dépend beaucoup 
du degré élevé que l’on a atteint; de même qu'après la dilatation, la 
lenteur de la récidive est en rapport avec le temps pendant lequel a été 
prolongé le traitement, et au soin qu’on a pris d'éteindre les foyers 
inflammatoires de l'urètre : aux cas simples suffisent deux ou trois 
séances de dilatation; aux cas graves conviennent des séances plus 
nombreuses, continuées même après l'acquisition d’un calibre suffisant. 
Mais pas plus qu'un urètre incisé, un urèêtre élargi n'est un urètre guéri, 
et la transformation de la paroi malade est œuvre du temps et de la 
répétition des dilatations ou des séances électrolytiques : dans cette 
nécessité de prolonger la période de traitement suivant les cas, rien qui 
distingue la dilatation progressive de la D. E. R., si ce n'est l'avantage 
que présente cette dernière, de franchir rapidement la période des ditti- 
cultés de cathétérisme, de rétablir plus vite, dans son intégrité, la 
fonction vésicale, de ne nécessiter que des séances éloignées, pourtant 
moins nombreuses, compatibles avec les travaux, les voyages, ete., des 
malades. 

La D E. R. comporte au autre avantage : si la récidive survient, 
elle restitue très rapidement à l’urètre son calibre; nous pourrions citer . 
tel confrère qui, tous les ans, supportait 7 ou 8 séances de dilatation, 
entravant ses occupations pendant trois semaines et qui fut ramené au 
calibre maximum en 2 séances; tels autres qui devaient subir plusieurs 
séries de dilatations chaque année et peuvent maintenant se contenter 
d une séance de D. E. R. répétée de six en six mois; d'autres plus 
favorables encore. 

En résumé, avec un petit nombre de séances, la D. E. R. donne des 
résultats équivalents à ceux de la dilatation progressive ou à ceux de 


110 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


l'électrolyse circulaire lente, c’est-à-dire à ceux des méthodes qui peuvent 
prétendre à des modifications anatomo-pathologiques et à une véritable 
guérison de la paroi urétrale. En outre, de nombreux exemples ont 
confirmé notre opinion, que la D. E. R. permet assez fréquemment 
d'éviter l'uréthrotomie interne, soit dans les cas ou la dilatation simple 
restait insuffisante, soit dans ceux ou l'intensité des troubles fonctionnels 
nécessitait le rétablissement rapide de la perméabilité de l’urètre. Les 
résultats éloignés, ici encore, nous ont paru aussi bons que ceux de 
l’uréthrotomie suivie de dilatations. 

Nous pensons donc que notre procédé a acquis droit de cité dans la 
thérapeutique des rétrécissements, et que s’il présente quelques diffi- 
cultés de technique, il les compense par de grands avantages : sans 
plus de douleur que par la dilatation, en un petit nombre de séances à 
intervalles éloignés, sans obligation de repos au lit, il rétablit rapidement 
le calibre de l’urètre, et assure des résultats éloignés égaux à ceux de 
la dilatation progressive, que l’on s’est accordé à considérer comme le 
traitement le plus sûr, et comme le complément indispensable des opé- 
rations urétrales. 


Action des rayons X sur les cors aux pieds (1). 


Par M. A. GUILLEMONAT 
Ex-Maître de Conférences au Collège de France. 


Lorsqu'on soumet aux rayons X un cor au pied, on observe, dans les 
deux ou trois jours qui suivent la séance, pourvu que la dose absorbée 
soit supérieure à 3 H ; une diminution de la douleur. En continuant les 
applications, bientôt le cor se dessèche et on peut l'arracher facilement. 
Si les doses sont supérieures ou égales à 5 ou 6 H, il y a parfois une 
réaction vive et la marche devient impossible. 

Le premier cas que j'ai traité remonte au mois de novembre 1904 ; 
depuis, ma technique s’est précisée, et actuellement elle est la suivante. 

Je fais absorber dès la première séance 3 H (rayons 7-8 Benoist), 
puis huit jours plus tard, je fais une séance de quelques minutes 1 H à 
peine que je renouvelle tous les deux ou trois jours, jusqu’au moment où 
la dose absorbée en totalité soit 10 ou 12 H. 

Si je n'obtiens pas de rubéfaction trop vive, je recommence une 
nouvelle série de séances courtes. 

J'ai par ce procédé obtenu des guérisons complètes datant de plus 
d'un an ; je tiens à signaler, en outre, que je n’envisage ni les lésions 
dites œils de perdrix, ni celles dites oignons, mes essais dans ces cas 
ayant été infructueux. Je tiens, en outre, à appeler l'attention sur les 
faibles doses employées suflisantes pour provoquer la guérison en les 
répétant et ne provoquant jamais d'empêchement de la marche. 


(1) Communication faite au IIIe Congrès international d’Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-7 Septembre 1906). 


Aggravation produite par l'étincelle de réso- 
nance, dans deux cas d’épithéliomas cutanés 
soignés primitivement par les rayons X (1). 


Par M. A. GUILLEMONAT 
Ex-Maitre de Conférences au Collège de France. 


Rivière, mais surtout Doumer (de Lille). ont montré les effets heureux 
des étincelles de haute fréquence, dans le traitement des épithél:iomas 
peu étendus de la peau. Beaucoup d'auteurs ont vérifié leurs conclusions. 
J'ai eu l’occasion, cette année, d'appliquer ce traitement à deux malades, 
que j'avais soignés, auparavant, par la rœntgenthérapie. 

J'avais été conduit à faire intervenir la haute fréquence, parce que 
le traitement précédent avait laissé subsister deux petites ulcérations, 

Le premier cas concerne une femme soignée, dès le 2 novembre 1905, 
pour une ulcération datant de 12 ans. La lésion siégeait à la naissance 
du nez et s'étendait sur la joue droite, presque jusqu'à la commissure 
des lèvres, formant une plaie dont les grandes dimensions étaient 
3 centimètres de largeur sur 6 de longueur. Le traitement rüntgenthé- 
rapique avait, en 4 mois, réduit la lésion à deux points, siégeant l'un 
a la naissance du nez, l'autre à un centimètre de la commissure des 
lèvres. J'avais laissé cette malade depuis deux mois sans la traiter, 
quand je lui fis l'application d'étincelles de résonance, en utilisant la 
technique habituelle. Sous l’action du traitement, une poussée congestive 
intense se produisit; il y eut même un fort æœdème de la paupière infé- 
rieure droite, qui dura plus de huit jours. Peu à peu les symptômes se 
calmèrent et les lésions se recouvrirent d'une croûte noirätre. Quand 
la croûte tomba, vers le 15"€ jour, au lieu d'une cicatrice, il subsista une 
surface saignante très agrandie, et qui, dans les jours suivants, s’étendit 
rapidement. En présence de ce fait, je fis, un mois après, l'application de 
la haute fréquence, une séance de rayons X (7 H), et la lésion de la nais- 
sance du nez guérit complètement, celle de la joue s'atténua aussi, mais 


(1) Communication fuite au Ile Congrès international d'Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


- 


GUILLEMONAT. — ÉTINCELLE DE RÉSONANCE 113 


le traitement ayant été mal suivi, au 1° juillet 1906 il persistait en ce 
point une petite ulcération, qu'on perçoit sur la photographie. 

Ma deuxième observation concerne une femme de 60 ans qui portait: 
1° juste entre les deux yeux une lésion épithéliomateuse, grande comme 
une pièce de 50 centimes, datant de trois ans, et 2° sur la joue droite une 
autre ulcération, grande comme une pièce de cinq francs, un peu plus 
récente (18 mois). Sous l'influence des rayons X, la lésion nasale guérit 
rapidement, mais celle de la joue fut peu influencée. Pour tâcher d'activer 
la réparation, je fis sur ce point une application d'étincelle de résonance, 
en me bornant, vu l'étendue, à la moitié supérieure. Pour diminuer la 
douleur, j'avais mis auparavant, sur ce point, une compresse trempée 
dans une solution de cocaïne et d'adrénaline. La réaction consécutive fut 
assez vive, une croûte noirâtre, d'apparence normale, se produisit, mais 
bientôt l'épithélioma s'agrandit, surtout aux dépens de la partie supérieure. 
De plus, des douleurs vives survinrent, empêchant la malade de dormir. 
La lésion s'étendant rapidement vers l'œil et l'état général devenant 
mauvais, je fus obligé de faire intervenir un chirurgien, qui enleva la 
tumeur. Les douleurs cessèrent et la cicatrisation se fit rapidement. 

En présence de ces deux faits, je crois qu’il est utile d'appeler l’atten- 
tion sur le traitement par la haute fréquence, consécutif à la ræntgenthé- 
rapie. Sans chercher à expliquer le processus, je pense que dans des cas 
semblables on devra attendre plus longtemps que je ne l'ai fait, pour 
appliquer le second traitement. Peut-être y a-t-il lieu de se demander si 
l'endartérite oblitérante, produite par la rœntgenthérapie, n’a pas été 
détruite par l étincelle de résonance, et, en ce cas, la guérison des épi- 
théliomas serait obtenue par ces deux procédés (rayons X et haute 
fréquence), par une réaction organique inverse. 


Quatre cas de cancer de la langue traités sans 
résultat par la rœntgenthérapie (1). 


Par M. A. GUILLEMONAT 
Ex-Maitre de Conférences au Collège de France. 


' Les insuccès obtenus dans le traitement du cancer de la langue par 
les rayons X ont été mis hors de doute par de nombreuses communi- 
cations. 

Cependant, j'ai cru bon d'extraire de mes observations quatre cas 
d'épithéliomas limités objectivement à la pointe de la langue et sans 
traces appréciables d'extension ganglionnaire. Malgré mes instances, ces 
quatres malades refusèrent de se faire opérer. 

Deux des cas, avec des divergences presque nulles concernant l’âge 
des sujets et le début du mal, sont calqués sur les deux autres. Tous les 
quatre ont rapport à des hommes. 

Dans les deux premiers cas semblables, la lésion, de la grosseur 
d'une noisette, siégait presqu’à la pointe de la langue, on ne sentait au 
palper aucune induration; autour de Ja tumeur, pas de ganglions. La 
douleur était nulle, la parole et l’alimentation peu gênées. 

Je fis dans lun des cas, des séances répétées tous les deux jours, 
d'une durée de 5 minutes (15 séances). Dansle second, une séance de 4 H 
suivie à dix jours d'intervalle d’une nouvelle séance semblable. Le 
malade tirait la langue à travers une plaque de plomb percée d’un orifice 
ad hoc. 

Dans ces deux cas, une ulcération se produisit le vingtième jour chez 
le premier, le vingt-troisième chez le second, aprèsle début du traitement. 
Les malades consentirent à l'opération, mais elle donna de mauvais 
résultats, la récidive ayant eu lieu de suite. 

Mes deux autres malades étaient beaucoup plus atteints et leur 
langue était ulcérée profondément; il n’y avait cependant pas de 
ganglions. Sous l'influence du traitement (séances tous les deux jours, 


(1) Communication faite au III° Congrès international d’Electrologic et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


GUILLEMONAT. — CANCER DE LA LANGUE 115 


durée 5 minutes), il se fit une véritable fonte de l'organe, si bien qu'au 
début j'avais espéré une cicatrisation, l'aspect général étant de bonne 
nature. 

Il n’y a pas eu de brûlures, les parois de la bouche n'en portant 
pas traces. | 

La marche après la cessation du traitement fut rapide. L'un de mes 
malades succomba quatre mois, l’autre un peu plus de six mois après le 
début de mon traitement. 

Que doit-on faire en présence d'un épithélioma lingual lorsque le 
malade refuse absolument l'intervention? Les cas que je vous signale 
semblent que l’abstention s'impose. C'est, du reste, actuellement ma 
pratique. 


Action des rayons X sur l'hypertrophie 
de la prostate (1). 


Par M. A. GUILLEMONAT. 


Ex-Maitre de Conférences au Collège de France. 


J'ai soigné, au mois d'octobre 1905, un homme de 65 ans, atteint 
d'une hypertrophie de la prostate, dont l'observation est intéressante à 
plusieurs point de vue. 

Cet homme, ancien douanier, urinait tres difficilement, environ 
25 fois par jour, et m'avait été adressé comme ayant un rétrécissement 
urétral. 

Ayant essayé de passer dans son canal une sonde N° 12, J'avais 
pénétré instantanément. Je cherchais donc autre part la cause de ses 
mictions répétées et trouvais au toucher rectal une prostate grosse 
comme une petite mandarine. 

© Voulant me rendre compte de l’action de la haute fréquence, je 
traitais mon malade par ce processus électrique. J'employais l’électrode 
métallique et conique du Professeur Doumer, en faisant des applications, 
tous les deux jours, d’une durée de dix minutes. A la fin de la deuxième 
semaine (6 séances), le malade urinait toujours aussi souvent et était 
tellement découragé qu'il déclara vouloir cesser son traitement. Je ne 
pus continuer mes soins qu’en lui disant que j'emploierai à l'avenir les 
rayons X. 

Après un repos de huit jours j'employai le localisateur de Bellot et 
fis des applications sur le périnée, à deux ou trois centimètres de l'anus, 
rayons 8-9 Benoist, le spintermètre donnant une étincelle de 12 centi- 
mètres (2) Les séances eurent lieu tous les deux jours, elles duraient 
cinq minutes, le malade ne pouvant rester plus longtemps sans remuer 
et recevant alors des étincelles des conducteurs et de l’ampoule. 

Après six séances le nombre des mictions diminua, surtout pendant 


` 


(1) Communication faite au III° Congrès international d’Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 
(2) V. Lurascui. — Congrès de Liège, 1904. 


GUILLEMONAT. — HYPERTROPHIE DE LA PROSTATE 117 


la nuit et s'abaissa, après vingt-deux séances, à douze. A ce moment 
le malade se plaignit de douleurs testiculaires et aussi de diminution de 
sa puissance génésique. Il avait, malgré ses 65 ans, l'habitude d'un coit 
journalier. 

Je le fis reposer pendant six semaines, le nombre des mictions oscilla 
entre dix et quinze et l'examen rectal me permit de constater une prostate 
considérablement réduite. 

Une nouvelle série de vingt séances a amené le nombre des mictions 
à huit ou dix. Le malade ne se lève plus la nuit pour uriner. La prostate 
reste encore très légèrement hypertrophiée. 

Cette observation est intéressante car elle montre bien l’action 
profonde des rayons X ; je l'ai publiée, d'autre part, parce que chez mon 
malade la haute fréquence avait échoué et surtout pour signaler les 
douleurs testiculaires et la diminution de la puissance génésique 
passagère ou fortuite. 


Quelques cas de lupus traités et guéris 
par les rayons X (n. 


Par M. Silvio GAVAZZENT (Bergame). 


J'ai l'honneur de rapporter au Congrès 11 cas de lupus que j'ai 
eu l'occasion, dans ces derniers temps, de traiter par les rayons X. 
De quelques-uns je puis présenter la photographie prise avant et après 
la cure; pour les autres, il ne m'a pas été possible de l'obtenir. Cette 
communication sera très brève, je me contenterai d'indiquer, à grands 
traits, la technique que j'ai employée. 

Comme source de rayons X j'ai utilisé, au début, une machine 
statique de 8 disques à grand débit: plus tard, d’une bobine de 35 cm. 
d'étincelle. Il m'a semblé qu'avec la machine statique le traitement 
est de plus longue durée, mais qu'on est moins exposé, qu'avec la 
bobine, au péril de la radiodermite. Je me suis servi d'ampoules 
Chabaud- Villard à osmo-régulateur, et je choisissais, systématiquement, 
des ampoules un peu dures (10-12 cm. d'étincelle équivalente). Pour 
me rendre un compte plus exact de la qualité et de la quantité des rayons 
émis, je comptais plus sur la lecture du milliampèremètre, introduit 
dans le circuit du système, que sur l’emploi combiné du radiochromo- 
mètre de Benoist et du chromoradiomètre de Sabouraud et Noiré; l'inten- 
sité mesurée au cours de ces applications a oscillé entre 0,7 et 0,8 mA. 

Les lésions lupiques furent toujours exposées à une distance de 
20 cm. environ de l’ampoule. 

Une lame de plomb protégeait les régions voisines à environ 1 cm. 
des bords de la partie lupique. 

Les irradiations ont duré 10, 15 ou 20 minutes, suivant leurs 
fréquences et d'après la sensibilité réactionnelle cutanée des individus. 

La fréquence de ces irradiations a varié selon la gravité de l'affection, 
la durée de chacune d'elles et de la réaction des tissus lupiques, 
de la susceptibilité individuelle. En règle générale, jo faisais, au début 


(1) Communication faite au Ie Congrès international d'Electrologie et de Radio- 
logie médicales ; Milan, septembre 1906. 


GAVAZZENI. — LUPUS TRAITÉS ET GUÉRIS PAR LES RAYONS X 119 


` 


de la cure, 2 à 3 applications par semaine, de courte durée; plus tard, 
une seule séance par semaine, mais un peu plus prolongée 

La durée du traitement a considérablement varié. de deux semaines 
à plusieurs mois. Des circonstances variées, parfois connues, le plus 
souvent inconnues. rendaient la cure plus ou moins rapide ; j'en parlerai 
briévement à la fin de cette note. 

En science, comme en thérapie, nous ne devons pas être exclusifs, 
aussi donnerai-je le détail suivant, concernant la technique, qui m'a 
rendu des services Il s’agit de l'association aux irradiations rôntgéniques 
de l'action d'agents chimiques, notamment de l'acide chlorhydrique 
saturé de chlore. Pendant la cure aux rayons X, j'ai l'habitude de 
toucher, à des intervales de 15 à 20 jours, les bords de la surface lup'que 
qui sont en général plus infiltrés et plus riches en nodules avec de 
l'acide chlorhydrique chloré, agent qui a été proposé par Unna et par 
Dreuro pour le traitement du lupus. A la suite de ces attouchements il 
se produit une escarre par trop profonde, qui tombe rapidement et 
rapproche de la superficie des nodules primitivement profondément situés 
et qui se trouvent ainsi dans de meilleures conditions pour subir l'action 
des rayons X. 

Ce mode de procéder me parait avoir l'avantage d'abréger la cure 
et de rendre plus efficace le traitement par les rayons X.’ 

Voici maintenant une brève histoire des 11 cas que je rapporte : 


4er cas. — G. A... 42 ans. Lupus érythémateux à la joue gauche, datant 
de 3 ans. 

D'avril à juillet 1902, 24 irradiations. 

Amélioration légère du prurit, de la desquamation et de l'infiltration. Pas de 
guérison. Le malade abandonne le traitement. 


2e cas. — C. Ch., 27 ans. Lupus vulgaire, datant de 13 ans, intéressant toute la 
moitié droite de la face y compris l'oreille. 48 irradiations en 1904, quelques 
rares applications en 1905 et 1906. Très grande amélioration; arrêt du déve- 
loppement de l'affection. Pas de guérison. 


3° cas. — C. G..., 16 ans. Depuis deux ans, lupus vulgaire au nez et à la 
joue droite, forme végétante. De juillet en août, 1904, 12 irradiations. Guérison 
complete. 


En juillet 1905, récidive à l'aile droite du nez et nouvelles manifestations 
lupiques à la joue. 8 nouvelles irradiations amenent leur disparition. 


4e cas. — D. G..., 26 ans. Depuis 7 ans, lupus vulgaire au nez avec érosions 
de la cloison des narines et nodules lupiques aux deux joues. 20 irradiations de 
septembre à novembre 1904. Guérison complète du rez; il persiste à la joue 
quelques nodules qui semble n’éprouver aucun chargement sous l'influence du 
traitement. 


5e Cas. — C. F..., 24 ans. Lupus du nez sur la muqueuse nasale et àla 


120 ANNALES D'ÉLECTROBIQOLOGIE 


surface de la peau qui avoisine l’orifice nasal. Affection remontant à 8 ans. 
D'octobre 1904 en mai 1905, 35 irradiations suivies d'une guérison complète. 


6° cas. — C. C..., 38 ans. Lupus érythémateux datant de 12 ans. De janvier 
à juillet 1905, 30 irradiations. Légère amélioration. 


Te cas. — C. C..., 31 ans. Malade atteinte de tuberculose pulmonaire. Lupus 
végétant du nez depuis octobre 19095. Du 1°° janvier au {°° mars 1906, 10 irra- 
diations. Guérison complète. 


8e cas. — M. R.. , 42 ans. Lupus à la joue droite datant de 4 ans. De mars 
en juin 1906, 28 irradiations. Très grande amélioration. 


9e cis. — A. R..., 20 ans. Lupus vulgaire du nez et de la muqueuse 
nasale datant de 3 ans. Du 15 février à la fin de mars 1906, 18 irradiations. 
Guérison complète. 


10e cas. — L. N...,56 ans. Lupus vulgaire du nez avec nodules lupiques 
aux deux joues. Affection remontant à 30 ans. D'avril à mars 1906, 18 irradiations. 
Tres grande amélioration. 


11° cas. — C. C.., 25 ans. Lupus vulgaire datant de 9 ans, au nez et 
aux deux joues. De février en juillet 1906, 28 irradiations. Guérison du nez et 
très grande amélioration aux joues. 


En résumé, de ces onze cas de lupus, deux seulement appartenaient 
au type érythémateux, tous les autres étaient des lupus vulgaires. 

Le processus lupique était toujours très grave et, en général, de 
longue durée, de plusieurs années. Tous ces cas avaient été soumis 
auparavant à des traitements divers; on avait essayé chez eux les divers 
agents chimiques; on les avait traités par la curette et le thermocautère, 
sans le moindre succès. Ils s'étaient tous montrés jusqu'ici rebelles aux 
interventions thérapeutiques ou avaient récidivés dans un laps de temps 
très court. 

Traités suivant la technique que j'ai indiquée plus haut, tous furent 
heureusement influencés. Dans les deux cas de lupus érythémateux il y 
eut amélioration, mais bien moins grande que celles des cas de lupus 
vulgaire Parmi ces derniers, soit neuf cas, quatre furent complètement 
guéris; pour les cinq autres, il y a eu arrêt et limitation du processus 
pathologique, sans qu'il ait conservé de tendance à l'extension et 
substitution aux surfaces ulcérées d'un tissu conjonctif cicatriciel d'un 
bel aspect cosmétique. Ca et là, cependant, et cela seulement pour les 
joues, il reste quelques petits nodules, sans tendance à l'extension et peu 
infiltrés, donnant parfois de légères poussées de tout petits nodules, tres 
influençcables par les rayons X 

En ce qui concerne la récidive, je n’en ai observé qu'un seul cas 
(après une année), dans un cas de lupus végétant, qui avait guéri avec 


GAVAZZENI. — LUPUS TRAITÉS ET GUÉRIS PAR LES RAYONS X 121 


une grande rapidité, et qui, d’ailleurs, céda facilement à de nouvelles 
irradiations. 

Sans prétendre tirer d'une statistique modeste des règles et des 
indications générales, ces quelques cas me semblent cependant conduire 
aux conclusions suivantes : 

a) Les rayons X constituent un des plus importants agents théra- 
peutiques dans la cure du lupus ; 

b) Ils sont plus actifs dans le lupus vulgaire que dans le lupus 
érythémateux ; 

c) Parmi les sortes de lupus vulgaire, la forme végétante est la plus 
facilement et la plus sûrement curable par ces rayons ; 

d) Le lupus du nez semble guérir plus facilement que le lupus 
des joues. 

e) La durée et la gravité du processus lupique ne constituent pas, 
à coup sûr, des éléments de pronostic graves En dehors de la nature 
propre aux diverses affections lupiques, ce sont les prédispositions 
et la réceptivité individuelles qui doivent le plus entrer en ligne de compte 
pour expliqner les variations d’action constatées dans l'emploi thérapeu- 
tique des rayons X. 

f) La thérapeutique du lupus, par les rayons X, ne peut être réglée 
d'une façon fixe et précise, quant à la posologie et à la marche du trái- 
tement, car l'action des rayons X varie suivant les diverses variétés 
de lupus et suivant les individus L'observation attentive des effets 
et l'expérience personnelle du médecin constituent, à cet égard, 
le meilleur guide. 

g) Il est utile, surtout dans les lupus profonds, de combiner l'action 
des rayons X et les interventions caustiques, notamment par l'acide 
chlohydrique chloré, 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIF. TOME X. — FEVRIER 1007. y 


Sur la Photothérapie des Lymphomes ‘ 


Par M. Rodolphe STEINER (Rome). 


Depuis les temps les plus reculés, la Chirurgie n’a laissé d'étudier 
les moyens pour combattre les formes des tumeurs glandulaires, dites 
lymphadénomes, par Billroth et Cohnheim et par Virchow, lymphomes 
malins. Quelle que fût l'étiologie des lymphomes, qu'ils soient d'origine 
scrofuleuse et qu’ils complètent le tableau de la tuberculose, ou qu'ils 
soient d'origine leucémique ou pseudo leucémique, ou sarcomateuse, 
plusieurs traitements furent mis en œuvre, soit pour agir sur l’état 
général (iode, arsenic, bains de mer), soit directement sur la tumeur 
(énucléation, curettage), soit en réunissant les deux méthodes; les 
résultats toutefois étaient ceux-là même que l’on obtient dans toutes ces 
affections, où la multiplicité même des méthodes en démontre l'inutilité. 

Quelquefois, il arrive que ces tumeurs chez les enfants se réduisent 
de volume spontanément, suivant l'accroissement des années, moyen- 
nant l'iode et avec l’amélioration de l’état de nutrition, jusqu'à ce que 
ces tumeurs arrivent à l’état de dégénération caséeuse. Mais une fois 
celle ci arrivée, si leur origine était leucémique, pseudo-leucémique, 
sarromateuse, aucun remède ne réussissait pas plus que le traitement 
arsenical sous ses plus diverses formes d'application, si vanté par 
plusieurs. | 

Ainsi, s'ils avaient atteints un certain volume, ils représentaient 
un « noli me tangere », de sorte que la Chirurgie ayant cessé de s’en 
occuper, il était tout naturel que la radiophotothérapie y essayät sa 
puissance. 

Je ne veux pas rappeler ici les succès obtenus par la radiothérapie 
dans les tumeurs leucémiques et pseudo-leucémiques, dont après 
l'Américain Senn ont été relatés des statistiques de quelques centaines 
de cas, qui, à la suite des expérimentations de Heineke, ont eu aussi 
une base scientifique, en prouvant une action spéciale des Rayons X 
envers les éléments leucémiques. 


(1) Communication présentée au Ille Congrès international d’Électrologie et de : 
Radiologie médicales; Milan, septembre 1906. 


STEINER. — PHOTOTHÉRAPIE DES LYMPHOMES 123 


Je n'ai pas non plus l'intention de parler de l'action efficace de la 
radiothérapie sur les fumeurs glandulaires tuberculeuses, sur laquelle 
je me suis arrêté dans une autre communication au même Congrès. 

Si je m'arrête un instant sur ce sujet, c'est pour montrer l'utilité de . 
la photothérapie, et pour les raisons suivantes : 

a) La fréquence des tumeurs glandulaires d'origine tuberculeuse 
dans le midi de l'Italie, en présence de l'intensité de la lumière dans 
ces régions, nous indique que ce moyen de cure ne doit pas être négligé. 

b) La radiothérapie est peu connue chez nous dans les villes, tout à 
fait inconnue dans les campagnes, de sorte qu'il me semble utile de 
porter à la connaissance des praticiens une source thérapeutique si riche 
dans les cas où la Médecine et la Chirurgie ne peuvent aider en rien. 

c) La facilité d'application de l’héliothérapie en comparaison avec 
les difficultés de la radiothérapie, pour laquelle on est forcé à une étude 
spéciale. 

d) Le devoir que je sens de rappeler la méthode de traitement 
moyennant « lu filtration des couleurs » ou par « les substances photo- 
dynamiques » de Tappeiner et sa méthode entière de cure, qu'ensuite 
je relaterai. | 

Encouragé par les expérimentations de Tappeiner, Dreyex, Straub, 
Jodibauer, Edlefsen, Pfeiffer, Busck, Halberstaetter, et par les com- 
munications cliniques de Tappeiner et Jessionck, sur l'efficacité du trai- 
tement, avec ces substances, sur les cancroïdes et les affections tuber- 
culeuses superficielles, j'ai voulu m'occuper de ce sujet et j'ai entrepris 
de traiter quelques cas de lésions superficielles. Encouragé par les 
résultats obtenus, même sur des tumeurs profondes, dont une était 
représentée par une tumeur de la dimension d'une tête de fœtus (qui m'a 
été adressé par le Directeur de l'hôpital Saint-Giacomo, à Rome, M. le 
Professeur Postempski), jugée inopérable et destinée à l'hôpital des 
Incurables de Saint-Antoine, à Rome. 

En ayant déjà rapporté les détails de ce cas au Congrès international 
d'Hydrologie et Climatologie et pour les Traitements physiques de 
Venise (1905), j'ajouterai ici seulement quelques considérations à ce 


propos : 


PReMIER cas. — La malade E. P., âgée de 18 ans, se présenta en avril 4905 
à l'observation avec la susdite tumeur au côté gauche du cou avec nombreux 
trajets fistuleuxr à la peau, d'où sortait un liquide purulent. Elle avait été 
toujours complètement apyrettique, elle était profondément anémique et dans 
un état de dénutrition très grand. Elle a déjà subi toutes sortes de traitements 
chirurgicaux. 

Je décidai de la traiter par des injections de bleu de méthiylène, connaissant 


124 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


par les démonstrations de Tappeiner la grande sensibilité de cette substance à 
la lumière solaire, qui absorbe justement la partie à longues ondulations (rouge 
et jaune) et sa propriété de tuer après 5 heures une culture de paramécies dans 
une solution de 1/1600000. Dès le début, je fis des injections sans l'exposition à 
la lumière solaire pour voir si l'on obtenait quelque bénéfice. Mais en voyant 
qu'il n'en sortait aucun résultat, je l'exposais à la lumière solaire pendant 
2-4 heures par jour, faisant 1-3 injections parenchymateuses avec la seringue de 
Pravaz d’une solution à 0,001-0,005. 

Après deux mois à peu près, je pus voir une diminution de volume et de 
sécrétion dans les parties périphériques. 

- Ensuite je suspendis le traitement pendant deux semaines environ à la suite 
du mauvais temps et pour pouvoir observer jusqu'où irait la réduction de la 
tumeur. Au bout de ce temps, je repris le traitement et le continuai d'une façon 
assez irrégulière pendant 4 mois, car la malade avait quitté l'hôpital, parce que 
ses conditions générales étaient améliorées. 

La régression de la tumeur fit des progrès tres rapides après nne pigmen- 
tation complète de la peau qui la recouvrait. Après 6 mois, la tumeur était tout 
à fait disparue, et aujourd'hui après une année) les conditions de la malade se 
maintiennent excellentes. 


DeuxiÈME Cas. — Enhardi par ce résultat, j'essayais de traiter une petite 
fille de 13 ans, atteinte d'adénite sous-maxillaire tuberculeuse, qui m'avait été 
envoyée par le Docteur M. Biraghi, laquelle avait déjà été soumise à plusieurs 
interventions chirurgicales. 

Je fis des injections avec la substance dite rose de Bengule (tétraiode) qui tue 
les paramécies après 8 heures, même dans une solution de 1/1600000 et absorbe 
la partie rouge et jaune du spectre) à la dilution de 0,0002-0,005 avec 2-4 seringues 
de Pravaz et exposition aux rayons solaires, pendant 2-4 heures par jour. Après 
4 mois, j'obtins la guérison qui dure encore après une année. 


TROISIÈME cas. — Enfant de 9 ans, U. T., malade de tuberculose du talon 
et de l'apophyse correspondante du tibia avec adénite tuberculeuse et ædème 
chronique de la joue gauche. Il fut soumis å tous les traitements possibles 
médicaux et chirurgicaux, mais sans résultat. 

Dans le mois de mars 1906, je commençais le traitement par le rouge de 
Magdala, qui absorbe la couleur verte et tue en une demi-heure les infusoires 
dans une solution de 1/50000. Après trois mois, déjà l'on voyait une notable 
amélioration de l'affection glandulaire, tandis que la maladie de l'os ne montrait 
aucun changement. Après 4 mois. l'affection des os était aussi améliorée, et après 
6 mois le malade pouvait déjà marcher, ce qui auparavant lui était impossible. 


QUATRIEME CAS. — Jeune homme de 28 ans, malade de Lymphone malin de 
la région gauche du cou, qui en 6 mois arriva a la grosseur d'un melon. Tout 
traitement intérieur ayant êté inutile, et aucuu chirurgien ne croyant pouvoir 
l'opérer, j'entrepris la cure. Pendant 2 mois et demi je le soumis au traitement 
par le bleu de méthylène et déjà aujourd'hui, on peut dire que la tumeur a été 
réduite au moins d’un tiers de son volume, la peau qui auparavant était exposée 
à une énorme distension peut aujourd'hui être soulevée en plis et toute la tumeur 
est devenue plus molle. 

Le traitement continue encore et je rapporterais en temps voulu les résultats 
définitifs. | 


STEINER. — PHOTOTHÉRAPIE DES LYMPHOMES 125 


En analysant les cas ci-dessus écrits, autant dans le Lymphome 
tuberculeux que dans le Lymphome malin, l’on observe que la réduction 
de la tumeur commence à se produire très rapidement et que cette 
régression persiste longtemps. 

Quoique les modifications, apportés dans les tissus profonds par 
la photothérapie, ne soient pas, jusqu’à maintenant, très connus, 
excepté par les courts travaux de Leredde, Reboul, Bellemanière, 
quoique les applications de cette méthode soient encore très restreintes, 
la question, cependant, se pose, de savoir à quoi on peut attribuer 
les résultats constatés. 

Il n’est pas dans mon intention d'entrer dans des détails sur les dis- 
cussions nées entre les écoles de Munich {Tappeiner), Breslau (Neisser), 
et l'Ecole danoise (Dreyer), sur l'interprétation du phénomène de sen- 
Sibilisation des tissus, sur la fluorescence et sur le rapport entre ces 
deux phénomènes, etc Cependant, je ferai remarquer que, si l’on admet 
le principe, établi par la photochimie, que l’action sur les tissus dépend 
des rayons absorbés par eux (et il faut l’admettre), il est logique d’en 
déduire que, plus sera grande la quantité des rayons absorbés par les 
tissus profonds, plus grande sera l’action que l’on en obtiendra 

Par l'injection des substances photo-dynamiques, nous rendons 
sensibles, aux rayons à longues ondulations, les tissus normaux et les 
tissus pathologiques, qui, autrement, ne le seraient pas, et nous rendons 
ces tissus propres à absorber et transformer ces rayons. 

Nous ne savons pas encore si les tissus normaux et pathologiques 
reçoivent toutes ces substances photo-dynamiques, puisque, selon les 
lois photochimiques, il est nécessaire qu’elles soient absorbées complè- 
tement, pour pouvoir donner un grand effet. 

En effet, différents tissus possèdent différente capacité d'absorption 
pour ces substances, comme le prouvent les expériences de Busch, 
Tappeiner, Jacobson, Raab, Jodlbauer et aussi les miennes, sur les 
animaux à sang chaud, soit par applications locales, soit par absorption, 
et comme Tappeiner l'a vu, en expérimentant même sur des bactéries, 
sur des champignons et sur les Paramécies. Ces trois espèces différentes, 
selon l'épaisseur de leur capsule, possédaient, à des degrés divers, 
la propriété de s'imprégner de ces substances, et par là le résultat 
qu'on en obtenait était différent Mais, pour arriver à l'effet cherché, 
il n’est pas indispensable que l’absorption soit complète, ni très grande; 
au contraire, comme le démontrent les expériences de Tappeiner 
et de Busch sur les Tripanosomes, et aussi les miennes et celles de 
Grassi sur les plasmodies de la Malaria, il suffit que cette absorption 
se fasse à un degré même faible, et qu’il y ait à peine un soupçon 


126 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de coloration, contrairement à ce qui arrive sur la plaque photogra- 
phique, où il est nécessaire /Eder) que les couleurs pénètrent complè- 
tement dans les molécules du Bromure, pour produire un effet. 

Mes expérimentations et celles de Tappeiner ont démontré que, tant 
qu'ils vivent, l'absorption ne s'effectue pas sur les cellules de ces orga- 
nismes et que l'absorption commence seulement lorsque leur vie com- 
mence à décroître. 

Cette coloration dépend de la nature des substances colorantes, du 
titre de la golution et de la nature du dissolvant, puisque les mêmes 
substances sont absorbées différemment selon la solution employée. 

Si nous demandons : qu'est-ce qu'il arrive après l'injection de ces 
substances ? nous pouvons dire que seulement les cellules qui ne se 
trouvent plus en état complètement vital (lymphomes tuberculeux) les 
absorbent (comme nous l’avons déjà rappelé), et les cellules lymphoïdes, 
qui sont détruites par l'exposition à la lumière après l'injection, comme 
l'ont démontré Erlich, Pfeiffer, Saks et Saeharoff. 

Nous ne savons pas si le bacille de la tuberculose est capable de 
prendre la coloration, puisque l’on manque d’expérimentations sur ce 
point, mais nous connaissons par les expériences de Tappeiner, que le 
« proteus », le « prodigiosus » sont capables de les absorber au plus 
haut degré et Neganischi a prouvé que le pouvoir colorant de ces 
substances est variable et, par conséquent, que l'effet physiologique 
diffère; entre ces substances, celles qui possèdent un pouvoir colorant 
supérieur, sont le bleu de méthylène et le rose de bengale. 

La condition où l'on a l'effet maximal des substances injectées 
(comme nous avons déjà démontré) est que la solution ne soit pas trop 
concentrée et que la quantité de liquide de la solution injectée ne soit 
pas excessive, car autrement il arriverait, comme dans les tumeurs à 
peau normale, que cette dernière, par effet de la coloration, arrèterait 
une partie des rayons et par là l'effet utile sur les cellules de la tumeur 
serait diminué. 

Parmi les propriétés chimiques dont nous nous occupons pour les 
effets nécessaires à notre but, la principale est la décoloration à la 
lumière des substances que nous employons (décoloration la plus grande 
pour le bleu de méthylène), parce que, comme conséquence de la 
décoloration, il se forme un corps chiniquement différent et qui n'a plus 
les qualités du corps originaire. En d’autres termes, tandis qu'avec la 
substance primitive il suffit de l’exposer à la lumière seulement pendant 
12 minutes pour tuer les infusoires, il faut, pour avoir le même effet 
avec la substance décolorée, une exposition à la lumière pendant 
70 minutes. 


STEINER. — PHOTOTHÉRAPIE DES LYMPHOMES 127 


Ainsi, l’action sur le tissu pathologique sera, dans ce second cas, 
nécessairement moindre d’un côté, mais de l'autre côté l'on gagnera, 
par le fait que les tissus superficiels ayant pour la mème raison une 
moindre disposition à absorber des rayons, une quantité majeure de 
ceux-ci arrivera jusqu'aux tissus profonds malades. 

Quelle est la fonction biologique de ces tissus ainsi teints? 

Nous pouvons dire qu’elle est la même que celle des tissus pigmentés. 

Hertel a démontré sur les chromatophores des céphalopèdes (espèce 
de larves du « Loligo » }, qu'après les avoir exposés aux rayons de la 
mème intensité, on obtenait une réaction différente des chromatophores, 
qui dépendait de la longueur des ondulations des parties spectrales 
auxquelles ces cellules étaient exposées; par exemple les cellules 
chromatophores jaunes sous l'influence des rayons bleu de longueur 
de 440 zu. se contractaient, puis les chromatophores violettes sous 
l’action des rayons jaunes qui arrivaient jusqu’à elles. Faisaient exception 
les rayons ultra-violets, de sorte, que nous pouvons parler d’une 
« propriété élective - des rayons sur les cellules pigmentées. 

Hertel a démontré sur les cellules nerveuses pigmentées des verrues, 
que sous l’action des rayons il se produit une irritation de ces cellules, 
comme dans les infusoires, ou si l’on choisit la substance colorante 
adjointe, cesse la différence entre l'action des rayons à longues et 
courtes ondulations, pourvu toutefois qu'ils aient la même intensité. Il 
parait ainsi que le pigment naturel a le rôle de - transmettre ces rayons », 
en donnant à des tissus qui ne l'ont pas, la propriété de réagir à la 
lumière, en égalisant les diverses parties du spectre capables d'agir sur 
les tissus avec la même efficacité physiologique finale. De sorte, que l'on 
peut dire, que le pigment transforme la constitution physicochimique 
des cellules en les rendant sensibles à la partie du spectre la plus 
réfrangible. 

Le fait observé chez notre malade, qu'après quelque temps, la 
régression de la tumeur progressa plus promptement, est dû certainement 
à l'état de la peau, laquelle avait été bien imprégnée de la substance 
colorante, et par là, transmettait mieux les rayons aux parties profondes. 

Que l’action de la lumière soit définitive, le fait n’est pas encore bien 
assuré, mais il semble qu'elle soit de nature catalytique (de détacher 
l'oxygène (Hurtel) sur les cellules et, par là, d’entrainer une destruction. 

Voilà l'explication physio-biologique du phénomène donnée jusqu'ici ; 
jai cru nécessaire de l'exposer ici, où je vois réunis autour de moi tant 
de vaillants confrères, qui appartiennent à la partie méridionale de 
l'Europe et de faire appel à leur vaillante collaboration sur un sujet 
aussi intéressant. 


Jusqu'à quel point, d’après les expériences 
faites jusqu'à ce jour, la radiothérapie 
peut-elle remplacer le traitement chirur- 
gical des tumeurs malignes (carcinomes, 
sarcomes, lymphomes) ? (1). 


Par M. Rodolphe STEINER 


Directeur de l’Institut italien de photoradiothérapie de Rome. 


La thérapie moderne ou, pour mieux dire, la fille la plus jeune de 
la médecine, la radiophotothérapie, s'est trouvée et se trouve encore en 
présence de grandes difficultés à surmonter avant d'être suffisamment 
connue et appréciée à sa juste valeur. 

Les obstacles avec lesquels elle avait à lutter étaient en grande partie 
dus au fait que la chimie et la physique, dont les médecins, en général, 
s'étaient peu occupés, et qui devaient nous donner des notions quant à la 
nature des substances à employer dans cette branche de la thérapie, 
n'avaient pas encore bien étudié ni mis suffisamment en évidence leur 
essence ni leurs propriétés. 

Par contre, la médecine s'en était déjà emparée et y cherchait ces 
vertus thérapeutiques qu'elle n'avait pas encore pu obtenir par les moyens 
à sa disposition. 

En outre, la médecine avait pour but de se servir de ces nouveaux 
agents de thérapie à l'effet de poursuivre et de perfectionner son œuvre 
dans ce vaste champ qui, jusqu'alors, avait été occupé exclusivement 
par le fer du chirurgien, aiguisé par l'habileté de l'opérateur. Jusqu'où, 
auparavant, arrivait le bistouri du chirurgien pour couper les tissus, 
jusque-là devait arriver le mince rayon de lumière, pour y accomplir 
de minutieuses et lentes transformations, qui égalisent et, quelquefois, 
surpassent l'œuvre du bistouri. 

Ce qui semblait être le produit d'une fable, un rêve doré, est sur 
le point de se transformer en radieuse réalité. 

Certainement, ce nouvel et énergique agent devait forcément soulever 
les défiances de la chirurgie, qui, avant même qu’il fùt possible 
de parler de résultats complets et de technique rigoureuse, craignait, 


(1) Communication faite au Ile Congrès international d'Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 129 


avec juste raison, que ce combattant ne réussit à lui enlever une partie 
du domaine dont, jusqu’à présent, elle avait été la souveraine incon- 
testée. Alors que, dans les congrès et dans les réunions de chirurgiens, 
on apercevait le danger et on le combattait, la radiophotothérapie était, 
forcément, obligée de se taire, et se préparait à la lutte future, 
à sa défense légitime et nécessaire. 

Mais il nous semble que le temps écoulé entre le précédent Con- 
grès (II) et le Congrès présent a été suffisant pour le recueillement 
et pour l'étude nécessaire de cette nouvelle branche de la thérapie, 
et que le moment est venu de proposer ce sujet à l'examen des radio- 
logues illustres, d'autant plus que, parmi les chirurgiens, déjà un certain 
nombre — peu considérable, il est vrai — a été amené à s'en occuper. 

Nous croyons, en outre, qu’il est justifié de porter notre attention 
sur cette question, pour les raisons suivantes : 

1° L’affluence, à ce Congrès, de tant d'illustrations reconnues de la 
photoradiothérapie, donne certainement une plus grande importance 
et un plus ample développement au thème que je viens vous proposer; 

2° Nos opinions personnelles, sur certains points, ont subi des 
modifications et ont donné lieu, aussi, à bien des divergences ; je crois 
donc qu'il n'est pas inutile de les examiner et de les coordonner, pour 
les présenter, en un tout homogène, aux incrédules; 

3° La vieille école conservatrice chirurgicale et même dermatolo- 
gique, ne veut reconnaitre aucune propriété thérapeutique réelle à cette 
méthode de traitement et repousse tout ce qui s'éloigne de ses vieilles 
formules à elle; 

4° Je crois aussi qu'il est utile pour nous de faire un exposé résumé 
des effets de cette méthode, pour bien déterminer les voies et les direc- 
tions à suivre à l'effet d'atteindre la plus grande efficacité et la plus 
grande sûreté. de facon à pouvoir pénétrer dans le vaste domaine de la 
chirurgie et à pouvoir faire mieux qu’elle; 

9° Je crois enfin que cela est nécessaire aussi dans un but éminem- 
ment humanitaire et social, afin d'éclairer le public et de lui permettre de 
voir jusqu’à quel point il peut accorder créance à la nouvelle méthode de 
traitement et jusqu’à quel point cette méthode peut se substituer au bis- 
touri de la chirurgie 

Pour pouvoir donner un jugement synthétique, clair et exact, sur 
celte question. je crois opportun de prendre séparément en examen les 
trois espèces de thérapie : la radiothérapie, la radium-thérapie, la phe- 
{othérupie, et de bien préciser pour chacune les résultats obtenus 
jusqu'à ce jour. Pour arriver au but que je me suis proposé, j'illustrerai 
séparément, pour chaque méthode, le siège de la tumeur maligne (super- 
ficielle ou profonde) et la région spéciale que cette tumeur occupait. 


130 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


A) RADIOTHÉRAPIE. — Ce n'est pas la plus ancienne de ces thérapies; 
néanmoins, comme elle est la plus connue, la plus à portée et la plus 
usitée et comme elle a été aussi la plus attaquée par les adversaires, je 
crois, précisément pour ces raisons. devoir la traiter en premier lieu. 

La place principale doit être tenue par le cancer du visage et ses 
variétés : ulcus rodens, la forme papillomateuse, la jorme noduleuse, 
et enfin, la forme verruqueuse (épithéliome multiple sénile) : toutes ces 
formes paraissent être spécialement sensibles aux rayons X ; la forme la 
plus sensible, par la caducité de ses cellules, est l'ulcus rodens. 

C'est chose bien connue aujourd'hui de tous ceux qui pratiquent la 
radiothérapie et de bien des chirurgiens aussi, que pour les tumeurs de 
cette espèce, même fort étendues après une application pleine de 15 H. 
jusqu’à 20 H., avant mème qu’on ait une réaction visible, on peut observer 
la disparition de la zone d'infiltration, un ramollissement de la néoforma- 
tion, progressant de la périphérie vers le centre et se complétant dans 
une période de 30-80 jours (cas de Gocht, Möller, Magnus, Sjögren, 
Sederholin, Comas et Prio, Schliff, Stenbeck, etc.). 

Bien que cette cicatrisation ne soit pas toujours la parfaite guérison, 
et que l’on voie même surgir de nouvelles petites tumeurs, pour la 
disparition desquelles une nouvelle application par petites doses de 
radiothérapie suffit, de sorte qu’on peut ne pas tenir compte de la 
proposition de Peautrier et Belot, d'associer pour le traitement de 
certaines tumeurs la radiothérapie et la chirurgie : le curetage suivi de 
l'application des rayons X. Sans doute, l'extirpation radicale de ces 
tumeurs est le meilleur moyen de traitement, mais dans la plupart des 
cas, une application radiothérapique convenable peut faire obtenir des 
succès complets et avoir même des avantages sur le traitement chirur- 
gical. Et ces avantages sont les suivants : 

A) Cette méthode rationnellement appliquée ne donne pas de douleurs ; 

B) Elle exclue toute action sanglante et les accidents éventuels qui 
peuvent l'accompagner ; 

C) Absence complète de toute interruption dans les occupations 
habituelles du patient : 

D} Possibilité de l'application même chez les vieillards sans danger 
aucun : 

E) Action limitée au tissu malade, sur lequel les rayons agissent de 
préférence; par conséquent, conservation complète des tissus sains 
cireonvoisins, s'ils sont bien protégés ; 

F) Le dernier et, certainement, le plus appréciable avantage que 
présente la radiothérapie, surtout pour les néoformations du nez, c’est 
l'absence absolue de toute déformation dérivant de l'opération, car les 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 131 


cicatrices qui dérivent de la radiothérapie sont beaucoup plus fines 
et régulières que celles que l’on peut attendre, même de la plastique 
la mieux réussie, omettant même de rappeler ici que, parfois, à cause 
de la position de la tumeur. la plastique ne serait même pas possible; 
tel est le cas des affections de la paupière, dans lesquelles la radiothé- 
rapie laisse intact cet organe, très important pour la protection 
du bulbe oculaire. | 

Un argument, dont les chirurgiens aiment à se servir pour combattre 
la radiothérapie, c’est la récidivité des tumeurs ainsi traitées. Sans 
mettre en relief le fait, que nous n'avons pu faire sur ce point qu'une 
observation de courte durée, à cause de la jeunesse même de notre 
procédé thérapeutique, néanmoins nous pouvons, dès à présent, dire que 
le nombre de nos récidives ne dépasse pas le nombre des récidives 
qui se produisent après les opérations chirurgicales. Nous n'insistons 
pas non plus sur le fait que, mème si la récidive se produit, il est plus 
facile, pour le malade et pour le médecin, de procéder à une nouvelle 
application, à doses plus petites, tandis qu'on ne peut en dire autant 
des interventions chirurgicales, auxquelles le malade ne se soumet pas 
avec trop de facilité. 

Il convient ici de rappeler que Lassar conseillait pour ces petites 
tumeurs du visage de poursuivre à intervalles de courtes applications, 
mème après avoir obtenu la guérison. Il s'ensuit que si la question des 
récidives n'est pas suffisante pour incriminer ce procédé de traitement, 
elle oblige toutefois les radiothérapeutes à suivre très attentivement et 
très rigoureusement les résultats de leurs traitements pendant un temps 
suffisamment long, afin de pouvoir donner sur la question des récidives 
un jugement exact. 

Les chirurgiens objectent aussi que le brillant succès du traitement 
s'obtient seulement dans les tumeurs du visage, qui, en général, ne sont 
pas très malignes et ne s'étendent pas rapidement, tandis qu’on ne peut 
en dire autant des tumeurs qui viennent sur les lèvres, où, d’après eux, 
les effets du traitement ne seraient pas aussi heureux. Jl est certain 
que le traitement radiothérapique rencontre ici les plus grandes difti- 
cultés, moins, pourtant, en ce qui concerne la tumeur même que pour 
la métastase (glandes sous-maxillaires), de sorte que, dans ce cas, 
se présente aussi la question de savoir s’il est opportun de faire égale- 
ment l'application sur ces glandes, ou bien si elles se guérissent spon- 
lanément, après le traitement complet de la localisation primitive. 

Or, si on ne peut pas affirmer que le traitement de la localisation 
primitive fait disparaitre les localisations métastatiques, il est démontré, 
et les chirurgiens eux-mêmes l’admettent, qu'après une certaine appli- 


132 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOEIE 


cation d’une dose radiologique (par exemple 15 H avec un tube dur) sur 
les glandes déjà envahies, ces glandes deviennent plus dures, se rappe- 
tissent et montrent, à l'examen microscopique, un ramollissement 
de la partie épithéliomateuse, étranglée par la prolifération du tissu 
connectif provenant de la périphérie; et après cela on observe que 
la peau est parfaitement intacte... /Perthes, Fittig, Michkulicz, Exner). 

Il reste maintenant à répondre à cette question : la guérison de ces 
tumeurs métastatiques est-elle réellement durable? A cette question la 
pratique seule pourra répondre ; et si la réponse est affirmative elle tour- 
nera tout entière à l'avantage de la radiothérapie ; si elle est négative, 
elle ouvrira toujours la porte au traitement combiné chirurgical et radio- 
tologique dont l'avantage sera considérable, car il épargnera aux vieil- 
lards la moitié de l'opération. A cet égard, les résultats seraient peut-être 
plus complets, si la chirurgie avait plus aidé la radiothérapie. 

Ceque nous venons de dire pour les tumeurs du visage, nous pourrions 
le répéter pour les tumeurs plus diffuses de la peau du corps, pour 
lesquelles la guérison a été obtenue (Hevaud, Peautrier) ; dans ces cas, 
on pourrait vraiment suivre la proposition de Peautrier, Taylor, Cham- 
berlain, Sjögren : curetage et radiologie, et continuer l'application frac- 
tionnaire de la radiothérapie sur la cicatrice, pour agir également sur les 
derniers nodules de la néoplasie 

Comme forme de passage entre les localisations cutanées et circons- 
crites et les localisations diffuses, je mentionnerai les cancers des cavités 
(nasale, buccale, maxillaire et laryngée), pour lesquels, lorsqu'ils ne sont 
pas très diffus et n’ont pas produit des dégâts profonds, on obtient avec 
la radiothérapie des résultats meilleurs qu'avec le traitement chirurgical, 
comme le chirurgien Fittig lui-même l'a démontré. De sorte que, si ces 
tumeurs ne répondent pas à l'application radiologique, elles ne répon- 
dent pas non plus au traitemert chirurgical, à cause de leur rapide diffu- 
sion. Comme les radiothérapeutes jusqu'à présent, n'ont pas eu un vaste 
champ d'observation pour ces formes de cancer, les données que nous en 
avons sont dues en grande partie aux illustrations fournies par les chi- 
rurgiens Scholtz, Harret, Tuffier, Fittig puis Found (cancers des cavités 
nasales, buccale laryngée) et Brison-Deelawan (cancer laryngé) Noma- 
sovsky (cancer de l’antre). 

Notable est le cancer dela langue que les chirurgiens opèrent presque 
toujours sans espoir de réussite véritable à cause des constantes récidives 
et qui parait être peu sensible aux rayons X. Néanmoins, mème pour ce 
cancer on a eu des résultats favorables, communiqués par Bcclère, Bise- 
rié et Belot. A l'avenir est réservé le dernier mot à prononcer sur cette 
localisation du cancer,.surtout en ce qui concerne les métastases glandu- 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 133 


laires, mais pour le moment, il nous est impossible de comparer entre 
eux le traitement chirurgical et le traitement radiothérapique Plus loin, 
en parlant de la radium-thérapie, nous reviendrons sur la question. 

On arrive, à peu près, à la même conclusion pour les cancers 
de l'œsophage, pour lesquels nous avons seulement les expériences 
de Fittig, faibles par l'application locale, exécutée au moyen d'un 
œsophagoscope qui servait de conducteur aux rayons émanés d’une 
source, placée à environ 50 cm. de distance, de sorte que seulement 
la partie périphérique de la tumeur était irradiée, ce qui, néanmoins, 
produisit une notable amélioration. 


Poursuivant notre revue, nous passerons à une forme plus impor- 
tante, au cancer de la mamelle, qui, par sa fréquence et par sa rapidité 
d'évolution locale et par sa métastase dans les ganglions de l'aisselle, 
exige une prompte intervention. Il n’est pas facile ici de répondre 
à la question que nous avons faite plus haut ; aussi, pour rendre la thèse 
moins ardue, nous diviserons ces cancers en cancers opérables, cancers 
non-opérables et cancers récidifs. 

Pour les cancers opérables de la mamelle, avec large diffusion 
et infiltration des ganglions axillaires, la radiothérapie ne peut pas 
exprimer un jugement définitif, en effet, comme elle n'est pas encore 
bien connue des malades, ceux-ci, avant de s’adresser au radiologue, 
s'adressent au chirurgien, qui, aussitôt, conseille l'opération et non 
la radiothérapie. Sur ce point, une entente entre chirurgiens et radie- 
logues serait opportune, afin de pouvoir établir jusqu’à quelle limite 
la radiothérapie peut être essayée, et non pour ces cas seulement, mais 
pour d’autres encore, dont nous parlerons plus loin et dans lesquels, 
au contraire, il faudrait abandonner le champ au chirurgien. 

D'après les expériences (une centaine environ), comme affirment 
Fittig, Scholtz, Schiff, C. Beck, etc, les nodules cancéreux qui sont 
sous-cutanés cèdent au traitement radiothérapique. Un point reste 
encore à résoudre, et il regarde notre œnvre, relativement aux enva- 
hissements glandulaires de l'aisselle. L'opinion la plus accréditée 
aujourd’hui, c'est que le traitement mixte — chirurgical et radiolo- 
gique — peut donner de bons résultats : ablation complète de la tumeur 
primaire, puis application radiologique, préventive ou immédiatement 
après l’opération, à doses telles qu'aucune lésion cutanée ne soit produite 
sur les glandes. Et même si le chirurgien veut intervenir sur la tumeur 
glandulaire, sur la blessure ou sur la cicatrice, l'application radiologique 
serait opportune pour compléter le traitement, car les rayons X, qui 
ont une électivité spéciale et efficace pour les tissus lymphatiques 


134 © ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


(Heinecke), arriveraient sûrement là où le bistouri du chirurgien 
n’a rien révélé d'anormal microscopiquement (et cela contrairement 
à l'opinion de Fittig, que le tissu lymphatique. étant envahi par 
la néoplasie, ne ressent plus aucun effet de la radiothérapie). 

En outre, le nombre des récidives serait, certes, grandement 
diminué, si cette application se prolongeait pendant quelques mois. 
Ce serait encore une bonne pratique préventive de faire, après l'ablation, 
des applications radiologiques dans ces régions, qui, plus facilement, 
comme on sait, sont le siège de la métastase Comme traitement 
palliatif, on pourrait exposer, aux rayons X, les cancers qui donnent 
des douleurs, exténuantes pour les malades ; on sait, en effet, que l’une 
des propriétés des rayons X, c'est d'être sédatifs. 

Plus aisément nous pouvons dire quelque chose sur le second 
groupe, le groupe des récidives, parce qu'il est mieux étudié. Avec 
l'appui des expériences faites, nous pouvons dire que la radiothérapie 
apporte de réels avantages, que le cancer récidivé soit superficiel 
ou profond, ulcéré ou non-ulcéré. 

Les expériences faites par Fittig, Perthes, Clark, Lassar, C. Beck, 
démontrent que les rayons X agissent d'autant mieux sur les tumeurs 
ulcérées qu'ils sont plus en contact direct avec le tissu pathologique, 
même s'il est profond de trois ou quatre centimètres, limite où arrive 
l'action des rayons X, sans l'intervention de la peau, qui, comme 
on sait, a un pouvoir absorbant non négligeable. Après quelques 
séances (6-9 d’après Fittig et Clark). les masses ulcérées sont 
éliminées. La radiothérapie peut mieux encore être employée, 
non seulement sur les reproductions multiples superficielles (qui, 
généralement, ne sont pas profondes de plus de 2-3 cm.), mais 
encore sur celles plus profondes, où je crois qu'il est nécessaire de 
la pratiquer. Et une raison suffisante pour cela se trouve, je crois, dans 
le fait que le chirurgien consentira difficilement à d’autres interventions 
sur les récidives, de sorte qu’il me semble que c'est ici un devoir absolu- 
ment de recourir à la radiothérapie, qui commencera toujours par dimi- 
nuer la souffrance du malade, par lui prolonger la vie, par relever son 
état général. Le résultat malheureux qui parfois attend mème la radio- 
thérapie n'est pas une raison suffisante pour renoncer à la tenter au 
moins; et il serait désirable que plus souvent les chirurgiens eussent 
recours à elle et pas trop tard (comme ils font presque toujours), afin de 
pouvoir encore en tirer profit Et après la guérison du cancer, en conti- 
nuant la radiothérapie, on pourrait peut-être éviter la récidive avec plus 
de facilité que ne pourrait le faire l'œuvre du chirurgien. 

Un point désormais bien fixé en radiologie est celui qui concerne les 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 135 


cancers non opérubles ; quoique un cas désespéré pour le chirurgien, le 
soit également pour le radiologue, la radiologie peut tenter encore quel- 
que chose avec meilleur espoir là où la chirurgie a dù y renoncer. Si on 
soumet ces cas à un traitement rationnellement guidé par une technique 
rigoureuse, on sait que la métastase peut disparaitre ; cependant les can- 
cers volumineux diminuent de volume, les douleurs lancinantes se calment, 
les ulcérations se nettovent, la sécrétion diminue. 

Du moment que tout cela est affirmé par des personnalités telles que 
Fittig, C. Beck, Be’lère, Peautrier, Michulicz, ete., je me demande si ce 
ne serait pas une véritable faute de renoncer à la radiothérapie dans ces 
cas ? Le tableau d'un cancer nou-opérable est tellement imposant, que 
ce devrait être un devoir de remettre ces malades aux radiologues, 
même si un seul sur cent devait en éprouver de l'amélioration ! 

Si, comme nous avons vu, il est difficile de se faire une idée exacte de 
l'effet de la radiothérapie dans les cancers de la mamelle, cela est encore 
plus difficile dans les cas des organes internes, de l'intestin et des organes 
génitaux-urinaires. La raison en est que difficilement ces cas tombent 
sous l’observation du radiologue. Pour les cas de l'intestin des auteurs 
américains et français (Harrey, Sinclair, Tussay) communiquent des 
résultats très satisfaisants, qui méritent pour cela d'être mieux analysés. 

On pourrait en dire autant pour les formes intéressant les organes 
génitaux ; qui réellement sont renvoyés au traitement par les rayons X, 
lorsque déjà ils sont arrivés à leur dernière période, et spécialement pour 
les formes intéressant l'utérus et la prostate (traitées avec succès par 
Imbert, Pussey, etc). Et à l'objection que pourrraient faire les chirur- 
giens, que précisément dans ces cas la radiothérapie devrait montrer tout 
son pouvoir, on pourrait aisément répondre que rarement ces cas sont 
arrivés jusqu’au radiologue Il est certain même que l'application des 
rayons X sur ces organes requiert l'œuvre experte d’un radiologue de 
valeur reconnue, car pour ces organes les précautions requises sont plus 
grandes que pour les autres organes. 


I) Sarcomes. — La façon dont ces tumeurs se comportent par 
rapport à la radiothérapie est bien plus variée que celle des tumeurs de 
la série précédente. Et pour répondre à la même demande que nous nous 
sommes adressée dans le chapitre I°", je diviserai ici cette affection 
autrement que je ne l'ai fait pour les carcinomes, d’après le siège. 

A) Sarcomes de la peau {soit mous, soit mélaniques), qui, ayant, 
surtout s'ils sont à cellules rondes, une sensibilité spéciale à l'égard 
des rayons, disparaissent, même s'ils sont très diffus et nombreux. 
Il est clair que, dans ces formes, la radiothérapie donnera, plus sûrement 
que la chirurgie, de bons résultats, surtout si, après la guérison, pour 


136 ANNALES D'ÉLECFROBIOLOGIR 


éviter la récidive, l'application des rayons X sera plus prolongée. 

B) Myrosis fungoïde (rare). — C'est presqu'une forme intermé: 
diaire entre les sarcomes superficiels et lea sarcomes profonds. Tous 
les auteurs (entr'autres Holzknecht, Scholtz, Taylor, Belot, Bisserié) 
sont d'accord pour affirmer que cette maladie réagit promptement sous 
l'action des rayons X, dans toutes les périodes de son évolution; 
la guérison de cette forme a été très intéressante pour la radiothérapie, 
car elle donnait la certitude de pouvoir traiter la sarcomatose, et ouvrait 
un nouveau champ d'action, que la chirurgie et la dermatologie avaient 
dû, toutes deux, abandonner. Mais. néanmoins, il n’est pas encore 
bien établi si ce sont seulement les symptômes de cette maladie (déman- 
geaisons, infiltrations. tumeurs) qui disparaissent, tandis que l'infection 
reste et est capable, par la suite, de donner des récidives Comme les 
dermatologues et les histologues /Xaposi, Paltuuf, Unna) soutiennent 
que le mycosis fungoïde est simplement une forme spéciale de la lym- 
phosarcomatose de la peau, et ont déjà fait mention de l'électivité spé- 
ciale des rayons X, pour le tissu lymphoide, les radiolagues ont été 
amenés à tenter le traitement de la forme suivante: celle des lym- 
phosarcomes. 

C) Les lymphosarcomes. — Nous parlerons ici seulement des 
lymphosarcomes proprement dits, et non des ainsi dits lyniphomes 
malins, dans le sens de Billroth, Conheim. Vu l’insuccès des tentatives 
faites par la médecine et par la chirurgie, pour traiter ces néoplasies, 
on a tenté de recourir à l'application des rayons X, soit aux tumeurs 
superficielles soit aux tumeurs profondes (médiastiniques), et avec 
cette méthode, on a obtenu un succès notable. Les expériences de 
Clopat, Klenboeck, Cohn, etc. (et mème un cas traité par nous) montrent 
que l'action est complète, puisque même la broncho-sténose, la dyspnée, 
les phénomènes congestifs et douloureux disparaissent. 

De sorte qu'on peut dire que, dans cette forme, le traitement radio- 
thérapique, bien appliqué, a surpassé incontestablement, quant au 
résultat, le traitement chirurgical. 

D) Sarcomes en général. — Pour les divers cas, suivant leur struc- 
ture et leur profondeur, nous sommes à mème d'établir des données pré- 
cises pour l'intervention radiologique. Toutefois nous pouvons dire que 
dans diverses occasions pour des sarcomes, soit non opérables, soit réci- 
divés, l'application des rayons X a amené soit la diminution, soit la 
disparition de la tumeur, sans que pendant trois ou quatre années on ait 
observé aucune reproduction Sur 90 sarcômes de divers membres du 
corps, recueillis par Æienboeck, 19 ont disparu, 52 ont notablement 
diminué, 22 n’ont pas changé. Le meilleur résultat a été obtenu pour 


my 


STEIN ER. — CARCINOMES, SARCUMES, LYMPHOMES ‘137 


des sarcomes de la calotte du crâne, comme on peut le déduire de certains 
cas (rapportés par Krogius, Alkers-Schônberg et Word) dont la diffusion 
s'étendait à toute la boîte du crâne. Par conséquent, ici encore nous pou- 
vons dire que la radiothérapie l’a emporté sur la chirurgie. Aussi les sar- 
comes du fémur (C. Beck et Coley) soumis à la radiothérapie ont été 
guéris sans récidive. Tous ces cas nous conseillent de tenter toujours la 
radiothérapie, spécialement pour les sarcômes de la tête et du fémur, qui 
facilement, dans un autre traitement démolisseur, récidivaient. 

Des résultats similaires ont été obtenus pour des sarcomes d’autres 
parties du corps (aisselle, thorax), publiées par Mertens, Stenberg, 
Skinner, Belot, Johnston, Walter, Beclère, Sjügren (16 cas), Pussey, 
Coley (39 cas), Stembo, Morris, Walker, Kienboeck (10 cas), et même 
pour les sarcômes des parties profondes (Chrisopathes, Bergonié, 
Clopatt) Beaucoup de chirurgiens objectent que ces formes sarcôma- 
teuses après des traumas (manipulations chirurgicales, curettage, cauté- 
risations , peuvent disparaitre, de sorte que l'effet serait dû non pas à 
l’action radiothérapique par elle-même, mais serait égal à l'effet qu’on 
obtiendrait par tout autre trauma possible. | 

Nous réservant de répondre par la suite à cette objection, déjà ici 
nous ne saurions omettre de noter que certains cas de sarcômes, réci- 
divés continuellement après des interventions chirurgicales, ont cédé 
définitivement à de courtes interventions radiothérapiques (cas de Walter, 
Beclère, Johnston, Krogius). Indiscutablement donc, il me semble que de 
ce qui précède découle le précepte de soumettre toujours ces cas à la 
radiothérapie, s'ils sont opérables, car on est sûr de ne pas nuire au 
malade, puisque l'on sait que pour ces tumeurs l'évolution n'est pas aussi 
rapide que pour les tumeurs épithéliales, et d'autant plus que l'oppor- 
tunité de recourir au traitement chirurgical, après un éventuel insuccès, 
reste toujours, et tout cela a fortiori, si ces tumeurs sont non-opérables, 
Du reste, les cas à évolution très rapide et récidivants ont eux aussi 
disparu par ce moyen radiothérapeutique (cas de Coley, Forrey, Kien- 
boeck, Walker, Grossmann, Beclère) et Forrey a pu démontrer que 
même histologiquement parlant, aucun nid malade ne s’est trouvé sur la 
place de la tumeur. Il est donc encore réservé à l'avenir de démontrer 
les formes histologiques et cliniques et les localisations spéciales pour 
lesquelles la radiothérapie pourra donner un succès complet. 


III) Lymphomes — Omettant de parler des lympho-sarcomes, dont 
nous nous sommes déjà occupés, je veux me référer à ces cas de 
sarcomes éuberculeuses et scrofuleuses et à ces cas de tumeurs lym- 
phatiques sans altération du rapport entre corpuscules rouges et les 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — FÉVRIER 1907. 10 


138 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


corpuscules leucocytes (maladie d'Hogdkins, lymphome malin, Billroth, 
Connein, lymphadenome Virchow). 

Quant aux lymphomes tuberculeux, qui, par leur tenace résistance 
à tous les traitements, se rapprochent de la malignité, nous disposons 
d'une statistique de Pfahler, de 226 cas, dont 35 0/0 guérirent, 40 0/0 
présentèrent une amélioration et 25 0j0 ne ressentirent aucune amélio- 
ration. Il est certain que les lymphomes tuberculeux montrent, sous 
l’action de la radiothérapie, une sensibilité diverse, les suppurants sont 
plus sensibles, les caséifiés le sont moins, les fibreux ne le sont pas 
du tout f Hendrix, Newcornet), mais, pour ces derniers également, 
Ferrand et Kroughkol ont de bons résultats pour des paquets glandu- 
laires fibreux, plutôt considérables. 
= Sur 333 cas de lymphomes malins (recueillis par Pfeifer, récem- 
ment) on a eu, dans 28 de ces cas, une amélioration, soit locale, soit 
générale, amélioration qui a duré plus d'un an et a été accompagnée, 
pendant le traitement, de troubles de l'état général et de pleurite 
(Heinecke, Quadrôme). De ces cas — bien qu'il y ait eu récidive de 
70 0/0 environ, et malgré les petits inconvénients susmentionnés, dont 
ne sont exempts ni le traitement chirurgical, ni le traitement médical — 
il résulte que la radiothérapie se trouve dans les mêmes conditions 
que la chirurgie, sinon dans des conditions meilleures, car elle peut éviter 
l'éventualité d’une récidive de ces tumeurs Si beaucoup de chirurgiens, 
dont Pfeifer, disent que, dans ces récidives, aucune faute ne peut ètre 
attribuée à la technique, il est à souhaiter que le progrès mème 
de la technique puisse éliminer ces reproductions. 

Après cet exposé détaillé, je dois m'arrèter sur quelques observations 
générales, faites par les chirurgiens, et auxquelles il sera maintenant 
plus aisé de répondre. 
1° L'homme, toujours effrayé à l’idée d’avoir à se soumettre à une 
“opération chirurgicale, a cherché à l'éviter en recourant à plusieurs 
autres méthodes, soit locales, soit générales (caustiques, sérums spé- 
ciaux, arsenic, etc.), sans arriver toutefois à aucun résultat concluant. 
Parmi les moyens locaux, disent les chirurgiens, peuvent être utiles 
ceux-là seuls qui peuvent remplacer complètement le bistouri, en enle- 
vant le tissu malade et en laissant le tissu sain. Les caustiques seuls 
possèdent cette qualité; et les chirurgiens placent dans cette catégorie 
les rayons X, soutenant que, pour avoir un bon résultat, il faut, avec 
les doses fortes, produire précisément une cautérisation. Mais cela n’est 
pas nécessaire (et à cette dénégation adhèrent aussi quelques radiologues), 
puisqu’un habile radiologue pourra obtenir le même effet avec les doses 
petites, en faisant usage de l'action vraie et caractéristique de ces rayons, 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 139 


c'est-à-dire, de leur électivité pour les tissus épithéliaux, sans produire 
aucune lésion des tissus sains. | 

2 On disait que le temps pour observer les cas traités a été trop 
court pour permettre de donner un jugement définitif sur la valeur 
du traitement, surtout en ce qui concerne les récidives. Certainement, 
en matière de récidive, l'expérience de la chirurgie est beaucoup plus 
fondée que l'expérience de la radiothérapie, et cela se comprend, puisque . 
la radiothérapie est beaucoup plus jeune que la chirurgie; néanmoins, 
d'après les données qu'on a pu recueillir jusqu’à présent, on peut. dire 
que les récidives ne sont certainement pas plus fréquentes avec la 
radiothérapie qu'avec la chirurgie. Et si, parfois, il y a eu récidive, 
la récidive a dépendu du fait que certains nœuds gangréneux n’avaient 
pas été traités par une dose de rayons suffisante et, par conséquent, 
n'avaient pas perdu leur activité. Mais le progrès incessant de la technique 
aura bientôt raison de cette éventualité contraire, en nous indiquant 
la mesure précise de la dose de rayons nécessaire pour Sie 
complètement l'activité de tout le tissu néoplasique. 

3° A l'objection que le nombre des tumeurs observées n'était pas très 
grand et que peut-être le diagnostic non plus n’offrait pas des garanties 
suffisantes quant à son exactitude, on peut aisément répondre que beau- 
coup de ces cas avaient été observés et diagnostiqués par les chirurgiens 
eux-mêmes, et que par conséquent le diagnostic était hors de tout doute ; 
quant au nombre, il suffira de rappeler que dans le dernier Congrès de 
Röntgen et dans la réunion du Comité central pour l'étude du cancer, 
tenue à Berlin en 1905, Lassar présenta une statistique de 700 cas et 
Wossow de 130 cas identiques de tumeurs malignes, soignées par les. 
rayons X et dont la plupart avaient été guéries ou mises en meilleures 
conditions. 

49 On attaque aussi la nouvelle méthode de traitement en alléguant 
que les rayons ne pénètrent pas bien profondément et que, mème à cette 
profondeur peu considérable, arrive seulement une partie de ces rayons, 
dont une notable partie est comme on sait absorbée par la peau. Or, 
les continuelles améliorations que la technique apporte aux appareils 
de la radiothérapie nous donnent parfaitement lieu de compter que la pro- 
fondeur de 4-5 centim., à laquelle les rayons arrivent aujourd'hui, sera 
certainement dépassée. 

D'ailleurs, on peut parfaitement éliminer les rayons qu'absorbe la 
peau, ne garder que ceux qui parviennent à une grande profondeur, et 
obtenir ainsi de l'application la plus grande utilité possible, sans que les 
couches superficielles courent le moindre danger. 

50 De mème, parler des dangers que peut occasionner l'application 


140 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


des rayons X est un argument sans valeur, car aucune action chirurgi- 
cale n’est exempte de ces dangers ; il y a mieux : aujourd'hui les données 
opératoires sont tellement précises qu'un habile radiologue n’a plus à 
craindre de causer le moindre mal dans la pratique opératoire. 

6° Quant à la rapidité de développement des tumeurs ct à la lenteur 
relative du traitement radiologique qui peuvent faire craindre que ce 
traitement n'arrive pas à temps apporter ses bienfaisants effets, on peut 
répondre à cette objection que, sauf quelques formes, très peu nom- 
breuses, la plupart des tumeurs n'ont pas un développement rapide au 
point de rendre inutile l'application radiologique. Bien plus, nous- réfé- 
rant aux conclusions de Perthes et d'Exner, nous dirons qu'après un 
très petit nombre de jours d'application l'arrêt que les rayons produisent 
sur le développement des tumeurs, est manifeste et donne le temps voulu 
à la succession efficace des applications, sans compromettre aucunement 
la possibité d'une intervention chirurgicale, si elle devenait réellement 
nécessaire, comme nous avons déjà dit en parlant du traitement mixte 

7° Il y a des opposants qui prétendent que la guérison ne serait pus 
l'effet spécial des rayons, mais seulement un procédé de cicatrisation 
identique à celui que parfois l'on observe après l'application locale de 
substances caustiques, ou à celui qui — comme soutient le célèbre 
Bergmann — se produit pour le cancer de la lèvre, dont la guérison a 
été observée après un procédé local inflammatoire (érysipele). 

À ces opposants on ne saurait répondre mieux que par les paroles 
mèmes du chirurgien Perthes : 

a) Les guérisons spontanées susdites sont rares et les cicatrices 
— contrairement à ce qui se passe dans la radiothérapie — en général 
ne sont jamais complètes. 

b) Suivant le mode de guérison, on observe toujours la même loi : 
lorsque la superticie est devenue propre, la cicatrisation de la tumeur se 
produit régulièrement. 

c) La cicatrisation précède toujours toute phloyose des parties : elle 
n'est donc jamais la conséquence d’une irritation quelconque. 

d) Les petits nœuds cancéreux métastatiques disparaissent toujours 
après la radiothérapie, tandis que cette dispar.tion n'a jamais lieu après 
la guérison produite par la phlogose. 

e) L'effet de la radiothérapie peut se suivre histologiquement, 
en observant des morceaux de tumeurs et des fragments détachées, 
où il est facile de constater une abondante production de connectif, qui, 
fatalement, étrangle les élements neéoplastiques. 

f) L'observation des rayons X sur les épithéliales végétales, ou 
embryonnaires animales, a montré qu'ils avaient sur ces cellules les 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 141 


mêmes effets que sur les tissus pathologiques néoplasiques /Pertkhes, 
Kornicke). 


B) RADIUMTHÉRAPIE. — Tant que la production du radium sera aussi 
peu abondante qu'elle l’est aujourd'hui, tant que son prix sera aussi 
élevé, la radiumthérapie restera un traitement complémentaire seulement 
de celui par les rayons X. Du reste, les effets physiologiques du radium 
ressemblent parfaitement à ceux que l'on observe lorsqu'on emploie les 
rayons X. L'avantage de la radiumthérapie c'est qu'elle peut être 
appliquée dans les cancers superficiels, là où il n’est pas possible d'agir 
par d’autres méthodes, comme par exemple, dans les formes intéressant 
certains points du pavillon de l'oreille, du point lacrymal, ete., le radium 
agissant de la même façon que les rayons X et réussissant, lui-aussi, à 
empêcher les récidives. 

Où l'application du radium reste inférieure à la chirurgie et aux 
rayons X, c’est sur les cancers très étendus ou très profonds, et cela 
à cause de l'insuffisance des préparations et à l’insuffisante profondeur 
(un cm. seulement) à laquelle arrive le radium, comme Apolant a pu 
l'établir en faisant des essais sur les cancers des rats. 

La technique de la radiumthérapie se trouve, elle aussi, aujourd’hui 
a ses premiers débuts, mais, certainement, dans l'avenir elle fera 
de grands progrès, comme déjà en font témoignage les cas de tumeurs 
ulcérées, plutôt considérables, de la mamelle et des lèvres, traitées par 
le radium (Repmann, Rehns, Salmon, Martigan); et il n’est pas impos- 
sible qu’en suivant la proposition de Braunstein, Caspari, Aschhinas 
et d'autres auteurs américains — c’est-à-dire en faisant des injections 
de substances radio-actives ou d’'émanation — on parvienne à des résul- 
tats meilleurs dans les grandes tumeurs. 

Pour la radiumthérapie aussi, comme pour les rayons X, après 
l'application d’une certaine dose on observe la disparition des petits 
nœuds métastatiques dans les alentours de la tumeur primaire, ce qui a 
été contrôlé aussi histologiquement /Exner). Ce sont là des faits qui 
promettent pour l'avenir de la radiumthérapie. 

Où l'action de la radiumthérapie se développe tout entière, c'est 
dans le traitement des tumeurs de la muqueuse, de sorte que réellement 
on peut dire que, dans ce traitement, la radiumthérapie comble une 
lacune de la radiothérapie 'X) Et, de même, il résulte de ce fait que 
l'objection des chirurgiens, relativement au manque absolu de puissance 
de la radiothérapie (en général) sur les tumeurs de la muqueuse, n'est 
nullement justifiée, car c'est précisément dans ce champ que la chirurgie 
doit céder les armes. 

L'expérience nous a démontré que le radium a une action fort 


142 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


importante sur le cancer limité de la langue, s'il est appliqué à temps 
(Holzknecht, Rehns, Weidenfeld, Salmon, Abbe, etc.). Aussi il faut 
reprocher aux malades de cette catégorie de ne pas recourir à temps 
au radiologue, qui réellement pourrait soulager leurs souffrances et 
éviter les récidives auxquelles ils s’exposent avec le traitement chirur- 
gical; et la radiumthérapie aurait pu mieux montrer sa puissance 
curalive si elle avait été plus largement conseillée aux malades par 
les chirurgiens. 

On peut en dire autant pour les cancers de la cavité ovale, laryn- 
géale, etc., même très étendus. où le radium peut bien agir, car il est 
possible de le porter dans les plus petites ouvertures et profondeurs. 
Peut-être ici aussi un traitement mixte — éloignement des masses 
nécrotiques et radiumthérapie — n’est pas une proposition non appré- 
ciable. Dans les cas de localisation laryngée /Braunstein et Freiden- 
thal), lorsque les malades étaient déjà réduits à l’inaction, il a été 
possible avec la radiumthérapie de les faire manger et boire. 

D'une importance capitale est le traitement des cancers de l'œsophage, 
introduit par Exner, et qui est devenu presque une méthode classique 
pour la thérapie de cette maladie, considérée jusqu'à présent comme 
inguérissable. Tandis que, avec le passage des sondes rigides, pour la 
dilatation graduelle de la sténose de l’œsophage, on n’obtenait qu'un 
inutile tourment pour le malade et un retour de la sténose quelques mois 
après la suspension du traitement, tandis que, avec la constitution de la 
formidable fistule gastrique, à laquelle difficilement les malades 
s’assujétissent, on n’avait qu'un moyen très tourmentant pour les opérés — 
avec les applications du radium fixé à une sonde spéciale mince (13 cas 
d’Exner, Freudenthal, Einhorn) on obtenait des dilatations de plusieurs 
centimètres et, ce qui est plus important encore, durables. 

Si la radiumthérapie n'avait rien fait de plus, ce serait la déjà un 
grand pas en avant dans la therapie des c incers. 

Quant aux sarcomes et aux lymphomes, la radiumthérapie ne peut 
pas entrer en lice avec la chirurgie, à cause du manque du matériel 
nécessaire Nous pouvons avoir bon espoir pour l'avenir, puisque nous 
avons réussi à faire disparaitre les petites tumeurs sarcomateuses 
(Abbe, Blaschho) et les petites tumeurs métastatiques d'un sarcome 
mélanique (Exner). 

Je ne crois pas opportun de parler ici des nouveaux traitements qui 
imitent. la radiumthérapie et dont moi-même je m'occupe encore; j'en 
parlerai lorsque, avec les autres, je serai sorti de la période jusqu'à 
présent expérimentale. 


C) PuOTOTHÉRAPIE. — Si j'ai laissé la photothérapie en dernière 
ligne, ce n'est pas parce qu'elle n’est pas capable de donner les effets que 


STEINER. — CARCINOMES, SARCOMES, LYMPHOMES 143 


l'on peut obtenir avec les méthodes sus-rnentionnées, mais seulement 
parce que dans la thérapie par les rayons, par rapport à la question que 
nous avons déjà exposée, elle est la branche qui se trouve la plus arriérée 
quant à la technique, et ce à cause, je crois, du trop précoce abandon 
dans lequel elle a été laissée. 

Différemment de ce que j'ai fait pour les deux autres espèces de 
radiothérapies, je diviserai la photothérapie en : 

a) Finsenthérapie, c'est-à-dire traitements exécutés avec la partie 
ultra-violette de la lumière solaire et de la lumière artificielle, et en 

b) Thérapie avec la partie rouge du spectre, ou, pour mieux dire, 
thérapie avec la transformation des couleurs ou avec les substances 
photodynamiques (Tappeiner), afin d'éviter le mot « sensibilisation », 
qui tant de fois et par tant d'auteurs a été combattu. 

c) Depuis que par œuvre de Finsen et de ses élèves, cette méthode à 
été déclarée classique pour le lupus, au point qu'elle peut entrer en 
concurrence, comme traitement radical, avec le traitement chirurgical de 
ce mal (en Italie, le premier institut phothothérapique public a été fonde 
par moi-même, à Florence en 1903), on a pensé à adopter cette méthode 
aussi pour les néoplasies, et les expériences ont démontré que ce traite- 
ment, après tout, n'était pas inférieur aux autres que nous avons rappelés 
(expériences faites et communiquées par Forchhaumer, Bie, Sequeira, 
Leredde, etc. Mais diverses raisons ont contribué à faire tomber cette 
méthode, entre autres la longueur de son application, jointe à l’impor- 
tance de la dépense, plus forte que celle occasionnée parles autres méthodes, 
et l’inconstance de ses résultats. Ce dernier fait s'explique en rappelant 
que les rayons ultra-violets, d'une action élective sur les tissus cancé- 
reux, cn rappelant leur insuffisante pénétrabilité [sur les tissus en général] 
(1-1,5 m/m) et leur pénétrabilité encore moindre (pas plus de 0,2-0,5 m/m) 
sur les tissus cancéreux : cette dernière démontrée en transplantant chez 
le rat des cellules pathologiques prises à diverses profondeurs (Jansen de 
Copenhague). 

d) Les choses se passent, par contre, différemment avec la méthode 
qui a été premièrement mise en évidence par Tappeiner et Dreyer et par 
laquelle on mettait les tissus à même de recevoir les rayons rouges du 
spectre ; ces rayons à longues ondulations, malgré la variété d'intensité 
des parties qui constituent la masse rayonnante, étant capables de péné- 
trer profondément dans les tissus de façon à ce que leur effet physiolo- 
gique se superpose à celui des rayons ultra-violets, on a de suite tenté 
par cette méthode le traitement des tumeurs malignes. Et, en effet, 
Tapypeiner et Jessionek, introducteurs de la méthode, ont obtenu de bons 
résultats du traitement des cancers superficiels du visage et d’autres can- 
cers externes. Mais les initiateurs et quelques-uns de leurs adeptes, 


144 = ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


désillusionnés par quelques insuccès dans le commencement, ont aban- 
donné cette méthode avant qu'elle eût été bien éprouvée, comme elle le 
méritait. Des expériences que j'ai moi-même exécutées dans l'hôpital San 
Giacomo, à Rome, m'ont donné de bons résultats : un cancer du visage 
de la grandeur d’une tomate, diminua des 2/3 environ, puis je dus 
suspendre le traitement parce que je perdis de vue le malade; un épi- 
thélione du pœnis se cicatrisa complètement après quatre mois de 
traitement. 

La condition sine qua non, c'est d’avoir à notre disposition une source 
lumineuse naturelle très puissante, comme il est possible de l'avoir dans 
nos pays. Mais sur cette question, je m'arrêterai plus longuement dans 
une autre de mes communications. 

De sorte que, en résumé, nous pouvons dire que tandis que le trai- 
tement par les rayons ultra-violets ne peut pas, jusqu’à présent, entrer 
en lice avec la chirurgie, pour les raisons sus-mentionnées, la thérapie 
par la transformation des couleurs peut déjà maintenant montrer des 
résultats positifs, et elle pourra peut-être le faire mieux encore à l'avenir, 
gràce au développement de sa technique. 

Arrivé à la fin de mon illustration, je puis répéter que les trois 
sections de la photoradiothérapie peuvent efficacement, comme moyens 
thérapeutiques, entrer en lice avec la chirurgie, en partie Ro et 
quelquefois même la dépasser. 

Analysant les trois branches de la photoradiothérapie, on peut dire 
que la radiothérapie est une bonne concurrente de la chirurgie pour les 
tumeurs à cours lent, qu’elle est indispensable dans les récidives, qu'elle 
est le remède souverain unique pour les formes non opérables. 

La radiumthérapie représente un traitement complémentaire de la 
radiothérapie; elle est l’unique moyen possible pour les tumeurs dont le 
siège n'est pas facilement accessible par d’autres moyens, et pour les 
tumeurs des cavités couvertes par des muqueuses. 

A la photothérapie appartient dans l'avenir une fonction égale, sinon 
meilleure, surtout pour le traitement des tumeurs lymphatiques. 

Arrivé à ce point, je tourne ma pensée vers la question que nous nous 
sommes proposée pour thème, et je me permets d'adresser un chaleureux 
appel aux chirurgiens, spécialement de nos pays, en Italie, afin que, 
preuant en considération, sans idées préconçues, ces nouveaux systèmes 
thérapeutiques, ils veuillent les étudier et les expérimenter, uniquement 
et absolument pour le bien de l'humanité souffrante et à l’avantage de la 
chirurgie méme, laquelle peut être bientôt, dans les tubes radiologiques, 
trouvera une seconde forte arme contre les maux les plus terribles : les 
tumeurs malignes ! 


Observation d’un cas intéressant 
de tumeur blanche du genou. 


Technique et résullats du traitement électrique par 
la galvanisaution, la voltaïsation sinusoïdale ct la 
faradisation (1). 


Par MM. A. et P. BELLEMANIÉRE (de Paris). 


Nous avons traité les suites d'une tumeur blanche du genou, dans 
des conditions et avec des résultats qu'il nous parait intéressant de vous 
faire connaitre. 

Il s'agit d'un enfant de 14 ans, qui nous est adressé par le Dr Callais, 
de Taverny. 

Les antécédents familiaux du jeune malade ne renferment rien qui 
mérite d'être signalé. 

En ce qui le concerne personnellement, nous apprenons qu'il est né 
faible, chétif, et que, vers l'âge de 4 ans, il fut, à la suite d'une chute, 
atteint au genou droit d'une affection pour laquelle le diagnostice de 
tumeur blanche fut successivement porté par plusieurs médecins. 

Le traitement classique : révulsion, compression, inmobilisation, fut 
appliqué dès le début et longtemps continué; il donna des alternatives 
de guérison apparente et de récidive, au cours desquelles le jeune malade 
était tour à tour autorisé à se lever, ou bien immobilisé au lit ou dans 
la voiture qui lui en tenait lieu pendant ses promenades. Bref, après dix 
années de soins ainsi donnés, on était arrivé aux résultats suivants : 
le gonflement et la douleur spontanée avaient à peu près disparu ; mais 
la marche restait difficile et ne pouvait se prolonger au-delà de quelques 
minutes sans réapparition de la douleur; d'autre part, une ankylose, que 
nous aurons à examiner attentivement plus loin, s'étant formée, le jenne 
malade marchait la jambe raide; il était atlligé en outre d’une claudication 


(1) Rapport présenté au Congrès international d'E’ectrologie et de Radiolo-ie 
médicales à Milan, septembre 1006. 


ANNALES D'ÉLECTROBICLIGIE, TOME X. — M-RS 1907. 1l 


146 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


très prononcée et, pour y remédier, portait sous son soulier gauche une 
semelle en liège de 4 centimètres 1/2 d'épaisseur. 

C'est dans ces conditions que le jeune malade nous est présenté. 

Nous le faisons déshabiller complètement et nous l’examinons 
d'ensemble. Notre première impression est que nous nous trouvons 
en présence d'un enfant dont la croissance a été lente et incomplète, 
mais qui, en dehors du membre malade, dont l'atrophie musculaire est 
considérable, ne présente pas de réelles anomalies de développement. 

En effet, pas plus à la palpation qu'à la vue, le squelette n'offre 
nulle part de signes de rachitisme. Les articulations sont saines; mais 
les muscles sont en général peu développés et flasques. Nous trouvons 
quelques ganglions au cou et dans l'aine. 

Les voies digestives fonctionnent normalement. Pas de ty mpanisme ; 
pas de diarrhée ni de constipation habituelles. 

Rien non plus d’anormal du côté de la circulation ni des voies 
respiratoires. 

En résumé, d’après cet examen vous pensez, dès maintenant, avec 
nous, que l’état général de cet enfant est de ceux que le traitement 
électrique améliore d'ordinaire. 

En sera-t-il de même de l’état local? Ankylose, atrophie musculaire, 
élongation du membre : voilà trois points sur lesquels nous devons être 
bien fixés pour pouvoir porter un pronostic. 

À première vue, trois cicatrices caractéristiques, deux à droite, une 
à gauche de la rotule, indiquent de façon certaine qu'il y a eu suppuration 
à un moment donné. 

Cependant, les dégàts causés dans l'articulation ne paraissent pas 
avoir été considérables. Si, en effet, à la palpation les surfaces osseuses 
sont dépolies, rugueuses, mamelonnées, si la rotule a perdu toute mobi- 
lité, par contre la synoviale et les parties ligamenteuses et tendineuses 
paraissent relativement intactes et seulement épaissies, très fibreuses, 
très dures, difficiles à distinguer des parties osseuses voisines. D'ailleurs 
il n’y a pas de subluxation, et, bien que les saillies des condyles, d’une 
part, celles du tibia et du péroné, d'autre part, révèlent de façon certaine 
l'écartement des surfaces articulaires, nous ne pouvons provoquer que 
des mouvements très limités de l'articulation. 

Dans ces conditions, il est certain que l’élongation du membre résulte 
moins des pertes de substance, consécutives à la suppuration, que de 
l'extension continue, qu'on nous dit avoir été pratiquée à différentes 
reprises au cours des dix années de maladie, pour combattre l'attitude 
vicieuse du membre. Le pronostic est donc déjà moins sombre de ce côté. 

Mais dans quel état sont les muscles atrophiés par le traitement 


BELLEMANIÈRE. — TUMEUR BLANCHE DU GENOF 147 


compressif et par l'immobilisation? Des mesures prises à diverses hau- 
teurs accusent, comparativement au côté sain, les différences suivantes : 
à quatre travers de doigt au-dessous de l'épine iliaque, 9 centimètres ; 
à la même distance au-dessus de la rotule, 7 centimètres; au mollet, 
5 centimètres. De plus, l'examen électrique montre qu'il y a dégéné- 
rescence partielle de la plupart des muscles s’insérant au voisinage de 
l'articulation, notamment du droit antérieur, du couturier, des adduc- 
teurs, des muscles de la patte d'oie, des jumeaux et aussi des fessiers 
et du tenseur du fascia lata. 

De tout ce qui précède il résulte : 

1° Que l'ankylose est incomplete; 

2 Qu'elle n’est pas osseuse, et que l'élongation du membre est due 
exclusivement à l'écartement des surfaces articulaires : 

3° Qu'il s'agit par conséquent d'une ankylose fibreuse. 

Nous voilà donc en préseuce d’un cas qui, de l'avis unanime des 
chirurgiens, — nous y reviendrons plus loin — doit forcément aboutir 
à l’'amputation de la cuisse, ou tout au moins à la résection du genou 
et à une infirmité consécutive irrémédiable. 

Pour les électrothérapeutes, le pronostic est moins sévère, car ils 
sont suffisamment armés aujourd'hui pour lutter contre une aussi grave 
terminaison et ils se croient autorisés à ne pas la considérer comme 
inévitable. 

Nous n'hésitons pas, quant à nous, à appliquer ici le traitement 
électrique. 

Nous le dirigeons un jour contre l’état général, le lendemain contre 
l'état local, visant tout ensemble l'ankvlose, l’élongation du membre, 
l'atrophie musculaire. 

Comme traitement général, bain à 4 cellules : galvanisation ascen- 
dante de 15 milliampères pendant 15 minutes, suivie de voltaisation 
sinusoïdale de 5 milliampères pendant 5 minutes; puis, en excluant, 
au début, la jambe droite dont les muscles, dégénérés à des degrés divers, 
doivent être traités isolément, faradisation avec la bobine n° 8, à gros 
fil, pendant une minute, à raison d'une interruption par seconde. Notre 
but, il est inutile d'y insister, est de favoriser ainsi les échanges nutritifs 
et le développement des muscles, 

Comme traitement local, galvanisation monopolaire avec, une fois 
par semaine, électrolyse de salicylate de soude. Klectrodes ordinaires, 
de 100 à 150 centimètres carrés, recouvertes de plusieurs épaisseurs 
de coton hydrophile. Intensité de 20 milliampères au début, portée gra- 
duellement par la suite jusqu’à 60 mA. Durée, 20 à 30 minutes, après 
lesquelles nous faisons 5 minutes de voltaïsation sinusoïdale, avec une ` 


+ 


118 ANNALES D'ÉLECTROBIULOGIE 


intensité de 5 a 8 milliampères. Enfin, la plus grande des deux électrodes 
étant placée à la région lombaire, faradisation successive des muscles, 
en tenant compte, pour chacun d'eux, du seuil de l'excitation noté lors 
de l'examen de dégénérescence. Plus tard, quand les réactions muscu- 
laires sont redevenues normales, faradisation du nerf crural et du 
sciatique. 

Notre technique nous paraissant ainsi suffisamment indiquée, nous 
vous éviterons de suivre pas à pas, avec nous, le jeune malade au cours 
de son traitement. Ce serait allonger inutilement cette communication. 
Mais nous vous devons l'indication des principales étapes parcourues 
vers la guérison. 

Le traitement local a commencé le 6 août. 

Des mesures prises à divers intervalles montrent que l’élongation 
du membre a diminué de 1/2 centimètre le 15 du même mois, de 
1 centimètre 1,2 le 15 septembre, de 2 centimètres 1/2 le 30, de 4 centi- 
mètres le 15 octobre; enfin, le 5 novembre, c’est-à-dire trois mois après 
le début du traitement, nous faisons supprimer complètement la semelle 
en liège, qui avait été graduellement diminuée selon les progrès accom- 
plis. 11 n'y a pas la moindre apparence de claudication. 

Parallèlement, mais moins vite, l’ankylose rétrocède également. 
Pour évaluer les degrés de flexion successivement obtenus, nous avons 
eu recours à un procédé qui n’est peut-être pas très élégant, mais qui 
nous a semblé donner des résultats plus précis que la mesure de l'angle 
de flexion. Pour la clarté de ce qui va suivre et pour l'appréciation facile 
des résultats obtenus, nous devons vous en dire ici quelques mots: 
le malade se tient debout, la jambe bien tendue, le pied appuyé tout entier 
sur le sol, et nous plaçons à quelque distance devant lui, à 20 centimètres, 
par exemple, un petit meuble (table ou chaise) que nous choisissons de 
telle sorte que le dessus soit exactement à hauteur de l'articulation ; sur 
ce meuble, nous posons un vulgaire mètre pliant, dont l'extrémité vient 
toucher le genou ankylosé. Nous prions alors le malade de plier la jambe 
au maximum, tout en maintenant son pied sur le sol et en évitant de 
porter le corps en avant Le mètre se trouve ainsi repoussé, glisse sur 
la chaise qui reste fixe, et il suffit de lire en centimètres et, au besoin, 
en millimètres la longueur déplacée, à partir du bord antérieur de la 
chaise, pris comme point de repère. Les mesures successives ainsi 
obtenues nous semblent très exactes et, par suite, toujours comparables 
entre elles, tandis que la mesure de l'angle de flexion, d’ailleurs assez 
difficile à réaliser par les procédés habituels, peut, pour un même degré 
de mobilité de l'article, donner des résultats différents, selon l’état néces- 
sairement variable des masses musculaires en voie de régénération. 


BELLEMANIÈRE. — TUMEUR BLANCHE DU GENOU 149 


Disons en passant que, sur ces données, nous faisons construire en ce 
moment un appareil très simple, réglable à toutes hauteurs, où la flexion 
du membre est mesurée par le déplacement d’une aiguille sur un cadran 
gradué. 

Evalué de la sorte, le degré de flexion du genou a été le 5 septembre, 
soit un mois exactement après le début du traitement, de 1 cent. 1/2 ; le 
mois suivant, de 4 cent. ; et successivement, de mois en mois, de 9, 15, 


21 centimètres, etc. 
Aujourd'hui le malade monte et descend les escaliers en courant. Rien 


dans sa démarche ne peut faire soupçonner l’ankylose primitive. Il prend 
part aux jeux de ses camarades, ce qui lui était impossible depuis 
dix ans, et peut aller à bicyclette. 

Quant à l’atrophie musculaire, les résultats sont également des plus 
encourageants : les différences avec le membre sain de 9 cent., 7 cent. 
et 5 cent., signalées ci-dessus, sont tombées respectivement à 4 cent., 
5 cent. et 2 cent. La régénéralion complète parait n'être plus qu'une 
question de temps. 

Ainsi l'état local est aussi satisfaisant que possible. 

D'autre part, l'état général, sous l'influence du traitement électrique 
précédemment indiqué, s'est de même considérablement amélioré : la taille 
de l'enfant a augmenté de 6 centimètres ; ses muscles se sont développés 
et raffermis. Il présente maintenant toutes les apparences d'une excel- 
lente santé. 

Telle est, succinctement, mais fidèlement rapportée, cette observation 
clinique, que nous présentons au Congrès, comme une modeste contribu- 
tion à ses travaux. 

Elle n'offre, ni dans ses résultats, ni dans les moyens employés pour 
les obtenir, rien de bien exceptionnel pour vous, électrologistes, qui êtes 
rompus à la pratique de l'électrothérapieet habitués à ses bons résultats, 
de jour en jour plus nombreux, 

Nous nous permettrons, toutefois, d'appeler votre attention sur 
l'application des courants sinusoïdaux , que vous nous avez vu diriger 
contre l'ankylose, immédiatement après le courant constant. 

Ce mode de procéder s'appuie en théorie sur ce fait, mis en évidence 
par M. d'Arsonval dans ses remarquables travaux, que la voltaïsation 
sinusoïdale n'agit pas seulement sur la nutrition générale, mais qu’elle 
produit en outre des effets de massage particuliers, dont l'action se fait 
sentir jusque dans la profondeur et l'intimité des tissus. 

Partant de là, nous avons pensé que, dans tous les cas où l'on 
recherche la résorption d'un tissu où d'un produit pathologique, de même 
que dans certains cas de vasodilatation, il doit y avoir intérêt à utiliser 


150 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ces effets de massage, à la suite et comme complément de l’action élec- 
trolysante ou sclérolysante de la galvanisation. 

Jl y a quelque temps déjà que, personnellement, nous procédons 
systématiquement ainsi dans les empätements et les raideurs articulaires, 
le rhumatisme, l'obésité, la goutte après électrolyse de chlorure de 
lithium, ete..., et toujours les résultats obtenus sont venus confirmer 
la théorie. | 

Dans le goitre exophtalmique, en particulier, nous obtenons, depuis 
que nous procédons ainsi, des résultats plus rapides et plus complets 
qu'auparavant et, nous avons en traitement, en ce moment, un cas, très 
amélioré déjà, dont la relation, que nous publierons prochainement, 
parait devoir être intéressante. | 

Quoi qu’il en soit, la disparition rapide de l'ank ylose chez notre jeune 
malade vient de son côté à l'appui de cette technique, sur laquelle nous 
appelons le contrôle de nos confrères, 

En terminant, et sans vouloir jeter le bläme sur personne, nous nous 
permettrons, dans l'intérêt de la méthode électrothérapique en général, 
de mettre en regard : d'une part, les résultats obtenus dans le cas qui 
nous occupe, de l’autre ceux qu’on devait attendre du traitement chirur- 
gical classique. 

Il nous suffit pour cela de citer ici le passage auquel nous faisions 
allusion plus haut. Il es tiré d’un ouvrage qui fait autorité en la matière, 

Le voici textuellement : 

« Nous appelons en général guérison d’une tumeur blanche du genou 
» la conservation de la vie et du membre, mais avec une infirmité incu- 
» rable résultant de la perte de la jointure... L'ankylose osseuse com- 
plète du genou sera donc la condition nécessaire, indispensable, de la 
guérison de la maladie et en réalité notre traitement n’a pas et ne sau- 
rait avoir d'autre but ». 

Et plus loin, en ce qui concerne plus particulièrement le cas de notre 
malade, l'auteur ajoute : 

« Le sujet atteint d'ankylose fibreuse ne souffre plus, peut marcher 
» ct le genou parait guéri ; mais ce n'est qu'une guérison apparente... de 
» guerre lasse, les malades en arrivent à réclamer une opération qu'ils 
avaient repoussée au cours du traitement. J'ai pratiqué, pour mon 
compte, bon nombre de résections du genou ou d'amputations de cuisse 
dans ces conditions ». 

Si l’auteur de ces lignes avait pu apprendre que l’électrothérapie est 
“capable de détourner du malade cette terminaison fatale, il s'en fùt félicité 
avec nous et nous eût engagé à persévérer dans notre voie, 

Car, s’il était par excellence le chirurgien honnête, consciencieux, 


3 


3 


3 


BELLEMANIÈRE. — TUMEUR BLANCHE DU GENOU 151 


désintéressé, que beaucoup d'entre nous ont connu et apprécié, il était 
aussi le savant à l'esprit libéral et très largement ouvert au progrès, Il a 
été notre maitre dans les hôpitaux de Paris, et nous n'avons pour lui 
que gratitude et vénération. 

Mais, nous nele savons que trop, tous autour de nous ne lui ressemblent 
pas et combien nient à priori ce qu’ils ne connaissent qu’inparfaitement 
et parfois même pas du tout ! 

Pour ceux-là, les faits seront toujours plus éloquents que toutes les 
théories et toutes les dissertations, et c'est pourquoi, notre sujet s’y 
prêtant, nous avons cru bon de terminer par ces quelques considérations 
et par ce rapprochement entre deux thérapeutiques si différentes dans 
leurs moyens d’action et dans leurs résultats. 

Nous serions très heureux d’avoir contribué ainsi, pour notre modeste 
part, à la diffusion de la méthode qui nous est chère à tous. 


Irradiation Rôntgen préventive intra-abdomi- 
nale, après l'intervention chirurgicale, dans 
un cas de cancer de l'utérus (1). 


Par MM. C. COMAS ct A. PRIO 


La thérapeutique du cancer par les rayons Röntgen se trouve sans 
doute encore dans sa période de développement et d'étude. Si nons 
écartons un grand nombre des exagérations dans lesquelles on est tombé 
dans les premiers temps de leur emploi, il reste aujourd'hui une solide 
base dans l'influence que les dits rayons exercent sur les néoplasies 
malignes en général, et, spécialement sur les cancéreuses, influence 
démontrée par de nombreux cas cliniques d'épithéliomas et de carcinomes 
cutanés et superficiels, et aussi, bien que plus rarement, viscéraux et 
glandulaires, guéris radicalement; dans d’autres cas, on a obtenu 
sculement des améliorations plus ou moins prolongées, mais assez 
suffisantes pour démontrer à leur tour une action bienfaisante non douteuse, 
au point de vue paliatif, dans les néoformations malignes dont nous 
nous occupons ici. 

L'expérience clinique démontre cependant que le champ de la röntgen- 
thérapie serait très restreint si on se limitait au traitement direct d'une 
maladie aussi terrible en faisant appel isolément à ses propres forces. 
L'action des rayons Röntgen, comme le démontrent les expériences de 
Perthes ct la clinique, diminue rapidement à mesure que l'épaisseur 
des parties malades augmente, ou bien à mesure que la profondeur de 
l'organe, ou région envahie, devient plus grande, et dans de tels cas, 
on n'a généralement obtenu que peu de résultats qui n'ont été que 
transitoires. L'intervention chirurgicale constitue encore aujourd'hui, 
le procédé qu'on choisit quand il est question de néoplasies situées 
dans des cavités organiques, de celles qui envahissent des viseeres 
déterminés ou de processus de localisation étendus et profonds. Les 
résultats satisfaisants, mais en petit nombre, bien confirmés, qui ont été 


(1) Communication au 3° Congrès internatiual d Electrologie et de Radio'ogie 
médicales (Milan, Septembre 1006), 


COMAS & PRIO. — CANCER DE L'UTÉRUS 153 


publiés, ne sont pas suffisants pour faire donner à la rüntgénothérapie la 
première place sur ce terrain. 

Laissant de côté les cas inopérables, dans lesquels les rayons Röntgen 
agissent sans aucun doute comme agent unique et non remplacables, 
parce qu'ils possèdent la propriété de cicatriser en partie les régions 
ulcérées et qu'ils déterminent une rétraction de la tumeur, et surtout à 
cause de l’action analgésique qui les accompagne, il reste encore 
ouvert à la rôntgénothérapie un autre vaste champ dans lequel elle peut 
faire sentir son action bienfaisante. La chirurgie ne résout pas le problème 
dans la plupart des cas; elle le résout momentanément, mais malheu- 
reusement pas d'une façon définitive, et la redoutable récidive se 
charge fréquemment de le compliquer plus ou moins tôt, plaçant de 
nouveau la vie du patient dans une siluation vrécaire. Une deuxième 
intervention est parfois difticile; si celle-ci peut ètre tentée, une nouvelle 
récidive la rend impossible, car on arrive forcément à la limite du 
pouvoir chirurgical. Dans cette situation, les rayons Röntgen peuvent 
représenter efficacement le ròle de sauveur et il leur est plus facile de 
combattre l'ennemi qui échappe avec ténacité à l'action du bistouri. Du 
traitement des récidives post-opératoires du cancer au traitement pré- 
ventif post opératoire il n’y a qu’un pas. Dans le terrain hypothétique, 
il est très logique de supposer que l’action utile des rayons Röntgen sur 
des nodules de récidive qui apparaissent dans la cicatrice opératoire 
ou dans son voisinage, doivent se manifester encore avec plus de force 
et d'efficacité sur les résidus néoplasiques microscopiques qui ont échappé 
à l'intervention et qui sont sans doute le point de départ de nouveaux 
nodules cancéreux. Il est par conséquent très naturel que cette idée ait 
été accueillie avec sympathie par quelques praticiens et portée sans 
retard sur le terrain clinique. Les tentatives de Pusey, Ochsner, Mac 
Arthur, Deduard, Beckett, Sjögren et autres, en sont la preuve. Nous 
l'essayons aussi depuis quelque temps et avec un heureux résultat, à ce 
qu’il parait, puisque nous traitons des cas de plus d’un an, à partir de 
l'intervention chirurgicale, et dans lesquels la reproduction ne s'est pas 
présentée, Dans notre communication au Congrès de Berlin, de 1905, 
nous avons déjà exposé quelques-uns de ces cas Nous jugeons cependant 
le temps écoulé trop court pour leur attribuer une valeur définitive. 

Nous croyons, avec Sjögren, que la question mérite d’être étudiée, afin 
de pouvoir apporter, à la littérature médicale, tous les cas qui puissent 
servir à tirer des conclusions exactes et scientifiques. 

Tel est le but principal de la présente communication. L'irradiation 
post-opératoire préventive est facile quand il s’agit de néoplasies super- 
ficielles, celles du sein, par exemple. Il suffit, pour cela, une fois 


154 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


la tumeur extirpée, d’irradier la région opérée, appliquant la technique 
selon les circonstances, pour arriver au résultat désiré. Mais les 
difficultés sont plus grandes quand il est question de néoplasies qui ont 
leur siège dans des viscères situés profondément Dans de tels cas la 
situation profonde de la région qui doit être irradiée serait un obstacle 
insurmontable, si on ne tàchait de la placer dans des conditions appro- 
priées pour atteindre le maximum d'effet des rayons Röntgen, de telle 
façon qu'ils agissent directement sur le point où on a besoin de son 
action, sans qu'ils soient diminués ni dans leur qualité ni dans leur 
quantité. Dans de tels cas le chirurgien, après avoir rempli sa mission, 
peut encore rendre facile et possible la tâche du rüntgénologue, en 
essayant de laisser ouverte et libre une voie suffisante pour que les 
rayons y puissent être appliqués, en employant les ressources techniques 
dont nous disposons aujourd'hui. 

Le cas que nous exposons ci-après démontre que cette façon de pro- 
céder est possible, et il n’est pas arrivé à notre connaissance qu'il ait 
été employé dans la pratique par d'autres spécialistes. Afin d'établir 
la priorité du fait, lors de son apparition, le Dë A. Raventós commu- 
niqua une note préalable à l’Académie et Laboratoire de Sciences Médi- 
cales de Catalogne, dans sa séance du 22 Mars 1906, en l'étudiant 
spécialement sous son aspect chirurgical; quant à nous, nous nous 
bornâmes à présenter une autre communication, se référant à la part 
rôntgénologique du cas, à l’Institut Médical Pharmaceutique de Barce- 
lone, dans sa séance du 17 avril de la même année. Nous nous proposons 
aujourd'hui d'en donner un exposé plus étendu, dont l’histoire clinique 
est la suivante : 

Pilar B., agée de 33 ans, présentait une histoire de souffrances 
génitales qui duraient depuis 2 1/2 ans, et qui avaient commencé par 
des désordres menstruels, qui consistaient dans une plus grande fréquence 
des périodes au début, et ensuite, au bout d'un an, en métrorragies con- 
tinues, accompagnées de fortes douleurs et suivies d'une émaciation 
extraordinaire, La patiente avait eu trois grossesses et accouche- 
ments normaux, et n’a ni des antécédents héréditaires, ni personnels 
d'aucun genre. 

La malade ayant été examinée par le D" Antonio Raventós, celui-ci 
découvrit l'existence d’un cancer du col utérin, ulcéré, avec les culs- 
de-sac droit, antérieur et postérieur envahis et particulièrement durs, 
et également la partie gauche, bien que dans un moindre degré. Il considéra 
le cas comme étant difficilement opérable, mais à la suite des instances 
réitérées de la malade, et pensant à la possibilité d'essayer ensuite 
l'application des rayons Röntgen sur la région envahie, comme une 


COMAS & PRIO. — CANCER DE L'UTÉRUS E 155 


ressource auxiliaire et aussi comme un complément de l'intervention 
chirurgicale, et tenant compte des observations que nous avions faites 
auparavant dans une des séances de l'Académie et Laboratoire de 
Sciences Médicales de Catalogne, sur la possibilité d'irradier directement 
certaines cavités ouvertes chirurgicalement, il se décida finalement 
à faire l'opération, qui eut lieu le 18 février 1905. Le D' A. Raventos 
fit l'hystérectomie abdominale totale, avec évidement pelvien, extir- 
pation du réseau lymphatique et ganglionnaire jusqu’au fond du sacro- 
vertébral, et résection du fond de la vessie jusqu'à un centimètre 
du débouchement des uretères. L'opération terminée, on appliqua 
un tamponnement pelvien et à la fosse iliaque au moyen du sac Mickulicz 
bourré de gaze compacte, en laissant la paroi abdominale ouverte sur 
une étendue de 8 cm. environ. 

Durant le cours de l'opération il ne se présenta aucun accident 
et les suites opératoires n’offrirent aucune complication, sauf une légère 
et transitoire élévation de température, qui disparut bientôt. 

Après quelques jours, qu'on jugea nécessaires pour laisser reposer 
la malade, on commença la deuxième partie du traitement, qui devait 
consister dans l'application des rayons Röntgen. Le 11 mars (vingt jours 
après l'opération chirurgicale) on fit la première irradiation. | 

Nous transportàmes à cet effet notre installation portative à la Cli- 
nique du D” Raventós, et fimes les irradiations dans la salle aseptique 
en prenant tous les soins que le cas exigeait. L'ouverture de la paroi 
abdominale permettait parfaitement d'irradier tout le fond pelvien. L’ap- 
pareil portatif, dont nous disposons, consiste dans une bobine de la 
maison Polyphos, de Munich, de 25 cm. d'étincelle, et nous employons 
les tubes Gundelach et le localisateur de protection de cette dernière 
maison, en commençant par employer des tubes durs, et en les remplaçant 
rapidement par d'autres semi-mous et mous. Chaque irradiation s'opère 
en trois parties, en changeant dans chacune d'elles la direction du tube, 
afin d’irradier tous les points de la cavité pelvienne. La deuxième séance 
eut lieu le 13 mars, et les suivantes les 15, 18, 20, et 27 mars et 1° avril, 
qui fut la dernière intra-abdominale. 

La durée des irradiations fut de 10 minutes (première séance) à 
30 minutes (cinquième séance), minimum et maximum, les irradiations 
formant un total de 156 minutes durant les 7 séances et une période de 
22 jours; l'intensité du courant fut de © ampères constamment et la 
distance de l'anti-cathode au fond de la plaie varla entre 20 cm. (première 
séance) à 28 cm. (dernière séance). 

Les parties voisines de l'ouverture abdominale furent protégées par 
des lames de plomb enveloppées de gaze stérilisée, La patiente supporta 


156 : ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


toutes les irradiations sans le moindre contre temps, recouvrant les forces 
et se rétablissant lentement, mais cependant sans la moindre rechute. 
L'ouverture abdominale resta ouverte jusqu'au 7 mai, pour l'examen 


— 3 


de l'aspect de la région opérée et le cours des phénomènes réactionnels 
qui pouvaient se présenter, Ces derniers consistérent seulement dans une 
légère injection vasculaire du fond pelvien, sans qu'on observat une autre 


COMAS & PRIO. — CANCER DE L'UTÉRUS 157 


manifestation qui pùt être attribuée aux dits phénomènes réactifs, Le jour 
indiqué plus haut, le D!" Raventos procéda à la suture de la paroi abdo- 
minale, sans la moindre dificulté. 

La figure l représente la disposition des appareils et de la 
patiente dans lacte de la première irradiation. Immédiatement après 
l'intervention chirurgicale, le D" Raventos fit des coupes et des prépa- 
rations histologiques de l'utérus cancéreux, 

La figure 2 reproduit une excellente micro-photographie obtenue 
par notre ami et distingué collègue, le D" Francisco Terrades, d'une des 
coupes faites, qui confirmèrent le diagnostic déjà établi cliniquement. 


Fig. 2. 


Pour plus de sûreté, nous complétämes le traitement Röntgen par 
une série de séances d'irradiations faites au travers de la paroi abdominale 
et par la voie vaginale. 

Les premières de ces séances eurent lieu encore dans la clinique, que 
la patiente abandonna le 28 mai, ayant la plaie abdominale presque 
complètement cicatrisée, | 


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158 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Depuis cette dernière date, la patiente continua à fréquenter notre 
clinique ; cette seconde partie du traitement eut lieu dans la forme 
suivante : 

Du 17 mai au 19 juin, cinq irradiations sur la plaie opérée, déjà 
suturée, de la paroi abdominale. 

Du 10 juillet au 12 octobre 1905, 13 irradiations par la voie vaginale. 
En tout 52 minutes d'irradiation de la paroi abdominale et 145 minutes 
d'irradiation vaginale. 

La patiente conserva une fiistule vésico-vaginale par laquelle il sortait 
une faible quantité d'urine. Sauf ce contre-temps, l’état général et local 
restèrent excellents jusqu'au 31 août, jour où l’on remarque la présence 
d'un nodule d'aspect suspect, qui après avoir été râclé par le D" Raventós, 
fut l’objet d'un examen histologique, qui démontra qu'il était formé par 
un tissu conjonctif embryonnaire, au milieu duquel on apréciait quelques 
cellules épithéliales. 

Ceci nous décida à continuer le traitement Röntgen par la voie vagi- 
nale jusqu'au 12 octobre comme nous l'avons déjà indiqué plus haut. 

Les restes du nodule que le ràclage avait laissés, se réabsorbérent 
rapidement, disparurent complètement, le fond vaginal demeurant en par- 
fait état, 

Au commencement de cette année, nous fimes encore quelques irra- 
diations : quatre sur la paroi abdominale le 27 février, sept les 27 mars et 
4 avril, et une seule vaginale, le 13 mars. Avec cette série de séances, on 
a mis fin au traitement Röntgen. 

La vatiente se trouve aujourd'hui dans un parfait état de santé, la 
fistule vésico-vaginale, que nous avons déjà mentionnée, étant le seul 
souvenir qui soit resté de l'intervention chirurgicale. 

Son état général est excellent et elle se voue à ses taches habituelles 
sans la moindre difficulté. Il doit être dit ici qu'outre ses occupations 
domestiques, elle doit aider son mari, cordonnier de profession, métier 
qu'ils exercent tous les deux. 

Ses forces sont les mêmes qu'avant de tomber malade, elle s'est bien 
nourrie etne souffre ni de la moindre ni de la plus petite incommodité L’exa- 
men clinique par le vagin et au travers de la paroi de l'abdomen ne révèle 
rien d’anormal : ni le moindre signe de récidive, ni aucun phénomène qui 
puisse la faire craindre, n’a été observé. Il s'est passé, depuis l'opération 
chirurgicale jusqu'à la présente date où ces lignes sont écrites, un 
an et six mois, et la patiente paraît être pour le moment hors de tout 
danger ultérieur, au moins pour une période immédiate. La figure 3 
montre quel est l'état de la cicatrice abdominale qui correspond à 
l'ouverture par où les premières irradiations ont été faites. Le cas qui 


COMAS & PRIO. — CANCER DE L'UTÉRUS ` 159 


nous occupe se prête, dans notre opinion, à plusieurs considérations 
importantes : elle prouve, en premier lieu, et cela d'une façon évidente, 
le bénéfice qu’on peut obtenir d'une action combinée et bien dirigée entre 
le chirurgien et le röntgenologue ; la chirurgie et la röntgenologie, loin 
de se placer l'une devant l'autre dans une attitude hostile, dans la théra- 
peutique du cancer, avec la puérile intention de faire valoir chacune d'elles 
ses mérites sur l'autre, doivent s'aider et se compléter mutuellement, 


eop 


Fig. 3 
Aspect de la cicatrice abdominale (août 1906) 


puisque malheureusement aucune des deux nesuflitä elle seule pour résoudre 
tous les cas. Si avec le temps l'action préventive de l'irradiation Röntgen 
est un fait bien prouvé, sa valeur serait immense et le chirurgien ne pour- 
rait souhaiter rien de mieux que de pouvoir l'utiliser avec une confiance 
absolue, afin de pouvoir constater le succès de son intervention assuré, 
Notre cas résout, en principe, un autre cas. La chirurgie permit, 
ayant recours aux immenses ressources dont on dispose aujourd’hui, 
de faire l'irradiation directement sur la région opérée. Il s'agissait 


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160 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ici d'une malade placée dans de mauvaises conditions; son état de 
faiblesse était si grand qu'on pouvait espérer fort peu de ses rares forces, 
et pour en donner une idée, il suflit de mentionner ici que tous les collè- 
gues qui eurent l'occasion d'examiner le eas angurérent les premiers 
jours une issue fatale, à tel point qu'on ne pensait pas que la malade 
pourrait résister à l'opération, et que mème si elle n'y succombait pas, il 
ne serait pas possible de maintenir la paroi abdominale ouverte sans 
graves contre-temps ni danger. 

Ni le Dr Raventós, ni nous-mêmes, pour parler sincèrement, ne con- 
servimes grand espoir dans le succès définitif de l'entreprise. Malgré 
tout cela l'opération fut faite sans contre temps, la patiente put y résister 
parfaitement et l'on fut à mème de laisser l'abdomen dans les conditions 
voulues pour que le plan primitif pùt étre appliqué dans toute son exten- 
sion. 

Les immenses avantages qu'on pourrait espérer de l'irradiation directe 
et avec les tubes mous et demi-mous, du champ opératoire, ne couraient 
aucun risque de s'affaiblir, comme il serait arrivé si on avait été obliré 
de travailler dans d'autres conditions Il n’y eutni infection, ni compliea- 
tions dans les viscères abdominaux, contre la topographie et la statique 
desquelles on avait attenté, ni l'état général de la malade paraissait se 
ressentir d'une aussi sanglante intervention, malgré un état extrème de 
prostation et de faiblesse. La patiente put, en outre, rester sans danger 
ni dérangements, avec la cavité découverte pendant tout le temps que 
dura Pirradiation (quelques-unes d'elles d'une demi heure), l'iradiation 
avant été répétée plusieurs fois sans offrir la moindre difficulté, 

Il restait également une autre question importante à étudier, qui a 
aussi été résolue favorablement dans le cas qui nous oceupe. On pouvait 
craindre si l'action directe des rayons Röntgen, dans une cavité splan- 
chnique êt sur une superficie sanglante, serait capable de provoquer des 
désordres généraux ou locaux importants, qui obligeraient à interrompre 
le traitement, ou que ces dits rayons devinssent nuisibles, Rien n'arriva 
de la sorte à la patiente, et nous avons déja dit plus haut quels furent les 
seuls phénomènes réactifs qu'il fut possible d'observer, L'irradiation fut 
parfaitement possible et absolument inoffensive. 

On ne pourra connaitre les résultats définitifs du cas que quand une 
plus longue période de temps se sera écoulée. 

Les résultats immédiats ont été excellents puisqu'il s'agissait d'une 
malade atteinte d'une néoplasie maligne dont le pronostie devait ètre 
défavorable à cause de l'àge de la patiente et du degré l'invasion du mal 
auquel elle était arrivée, au point de la rendre presque ditlicilement 
opérable, vu son état de faiblesse el de prostration, qui rendait redoutable 


COMAS & PRIO. — CANCER DE L'UTÉRUS 161 


tout ce qu'on eùt pu essayer. Ila été non seulement possible de sauver et 
prolonger une existence, mais encore de lui en faire jouir, sans souffrances, 
puisque la patiente peut vaquer à ses occupations sans la moindre gène. 
L'existence de la fistule vésico-vaginale est un accident trop banal à côté 
du résultat obtenu, pour qu'il puisse l'amoindrir d'aucune facon. 

Nous nous limitons donc aujourd'hui à établir un fait bien prouvé et 
qui au moins enseignerait qu'on peut, dans la pratique, réaliser des faits 
analogues si les résultats définitifs en démontreraient leur valeur. Qui 
sait si dans une période plus ou moins proche, d'autres faits se présente- 
ront qui l’appuicront et aussi s'il sera possible d'appliquer le même 
procédé à d’autres cavités organiques, non seulement au point de vue 
prophylactique, mais encore au point de vue paliatif ou curatif, quand il 
s'agit de cas où il est impossible d'opérer. 


Barcelone, août 1906. 


ANNALES D'ÉLKCTKOBIOLOGIE. TOME X. — Mars 190%. 12 


La théorie des ions (1) 


Par M. E. DOUMER 
(Notes recueillies par M. le Dr MOREL). 


Avant d'aborder la théorie des ions en elle-même, M. Doumer estime 
qu'il est utile de rappeler les grandes lignes de la théorie actuelle sur 
la constitution de la matiére. 

Les recherches des physiciens sur la compressibilité de la matière les 
ont conduits à admettre que cette dernière est composée de particules 
ne se touchant pas et liées les unes aux autres par des forces attractives 
etrépulsives. La loi de Mariotte, sur la compressibilité des gaz, et la loi 
de Gay-Lussac, sur la dilatabilité des gaz, par la chaleur ont conduit 
Ampère et Avogadro à admettre que tous les gaz, pris dans les mêmes 
conditions de température et de pression, possèdent, sous le même 
volume, le même nombre de molécules. C'est, en effet, la seule hypothèse 
qui permette, pour le moment du moins, d'expliquer ce fait que tous 
les gaz et toutes les vapeurs, pris au-dessus de leurs points critiques, 
simples ou composés, suivent à la fois et la loi de Mariotte et la loi 
de Gay-Lussac. 

Les lois de Gay-Lussac, relatives aux volumes des gaz qui se com- 
binent entre eux et aux volumes des gaz résultant de la combinaison, 
ont établi que la notion de molécule, telle qu'elle résulte de la loi d’Avo- 
gadro et d'Ampère, ne correspond pas au dernier degré de la divisibilité 
de la matière, et ont montré que la molécule était un agrégat de parties 
plus petites auxquelles les chimistes ont donné le nom d’atomes. 

On sait, par exemple, qu'un volume d'hydrogène et un volume de 
chlore se combinent pour donner naissance à deux volumes de gaz 
chlorhydrique. Mais comme, d'après la loi d'Avogadro et d'Ampère, il 
faut admettre qu'un volume de gaz HCl contient le même nombre de 
molécules qu'un volume de gaz H ou de gaz Cl, il faut admettre que les 
deux volumes de gaz HCI formés contiennent le même nombre de molé- 
cules que le volume d'H et le volume de Cl réunis. 


(1) Résumé de deux conférences faites à la Société française d'Électrothérapie 
et de Rudivlogie, en février et en mars 1907. 


DOUMER. — THÉORIE DES IONS 163 


Il faut donc admettre que les molécules H et Cl se sont chacune 
scindées en deux parties égales, pour donner naissance à deux 
molécules HCI. Les molécules H et CI étaient donc composées chacune 
de deux parties séparables, de deux atomes comme les appellent les 
chimistes. | 

Par des considérations analogues on arriverait à montrer que les 
molécules d’azote, d'oxygène, de vapeur de brome, etc., sont respec- 
tivement formées de l'union de deux atomes et peuvent être représentées 
par les formules : 


Az — A7 0—0 Br— Br 
dans lesquelles Az, O, Br, seraient les symboles des atomes corres- 


pondants. | 

La constitution atomistique des molécules à reçu une confirmation 
éclatante de découvertes nombreuses faites dans divers domaines de la 
physique et de la chimie, si bien qu'elle a servi à édifier une grande 
théorie : la théorie atomique, dont les développements ont conduit à de 
remarquables découvertes. 

Mais l'hypothèse que l'atome tel que le considèrent les chimistes est 
le degré ultime de la divisibilité de la matière, n’est pas admissible, car 
rien ne démontre, a priori, qu'il ne puisse être divisé, et un certain 
nombre d'expériences prouvent, au contraire, que dans un grand nombre 
de circonstances, l’atome de certains éléments chimiques peut se couper 
en deux, en trois et même en quatre parties plus petites. 

D'un autre côté, nous savons qu'un très grand nombre de composés 
(et la chimie organique en fournit de très nombreux exemples) se 
comportent comme de simples atomes, dont ils possèdent les propriétés 
chimiques générales, par exemple l'ensemble AZH* se comporte comme 
un atome K, H, ou Na, et peut, comime eux, se combiner à un atome 
de Cl pour former un composé, dont les propriétés générales lui sont 
communes avec les chlorures alcalins. Ces composés qui se comportent 
comme les atomes des éléments chimiques ont recu le nom de radicaux. 

Tous les atomes et tous les radicaux ne possèdent pas la même valeur 
au point de vue chimique ; si on mesure leur valence, comme disent les 
chimistes par le nombre d'atomes d'hydrogène qu'ils peuvent fixer ou 
auxquels ils peuvent se substituer, on est conduit à admettre que certains 
atomes (H, CI, Br, K, Na, AZIIt, etc.) sont monovalents, d'autres 
sont bivalents comme Ba, Ca, SO*, Cu, etc.; d'autres sont trivalents 
comme Az, Au, etc. 

Ces notions fondamentales étant rappelées, nous ponvons maintenant 
aborder la théorie des ions. 

De tous les faits qui ont servi à établir la théorie atomique, il semble 


164 ANNALES D'ÉLECTI0BIOLOGIE 


résulter que l'atome ou le radical ne peut exister qu'à l'état de combi- 
naison, soit avec des atomes &wéltérogenes pour constituer des corps com- 
posés, soit avec des atomes homogènes, et il forme alors les éléments 
chimiques, que l'on désigne aussi sous le nom impropre de corps simples. 
Cette impossibilité, pour l'atome, d'exister à l'état isolé était, jusque 
vers la fin du siècle dernier, admise implicitement par tous les chimistes. 
Les expériences de Pfeiffer et de Van t’Hoff, sur la pression osmotique, 
sont venues ébranler cette notion et montrer que les atomes, non seulement 
peuvent exister à l'état de liberté, mais encore qu'ils existent dans cet 
état dans des circonstances extrêmement nombreuses. 

On sait que les corps dissous, places dans des osmomètres, possèdent 
la propriété, découverte par Dutrochet, de provoquer un échange de 
matière entre le liquide contenu dans l’osmomèétre et le liquide extérieur, 
si bien que le volume de l'un augmente alors que celui de l’autre diminue. 
Si l'on voulait empècher cette variation de volume, il faudrait exercer sur 
le liquide contenu dans l'intérieur de l’osmomètre une certaine pression, 
dont la valeur dépend de conditions qui sont complexes, de la nature 
des liquides en présence et de la nature de la membrane qui les sépare. 
Mais, si l'on prend comme seplum des membranes dites hémiperméables, 
c'est-à-dire qui, ne laissant pas passer les molécules dissoutes, offrent, 
au contraire, un passage facile aux molécules du dissolvant, les phéno- 
mènes se simplifient et la pression qu'il faut exercer sur le liquide, pour 
empêcher son volume d'augmenter, prend une signification précise; 
elle a reçu le nom de pression osmotique. 

Les physiciens ont constaté qu'avec des substances telles que le sucre 
la pression osmotique dépend de la quantité de matière dissoute ou du 
volume occupé par la dissolution d'un poids déterminé de matière, de telle 
sorte que, si l'on représente par P la pression osmotique d'une disso- 
lution, par V le volume occupé par la dissolution de l'unité de poids 
de matière, on aura : P x V = constante, loi tout à fait analogue à 
la loi de Mariotte, et qui montre qu'entre les corps dissous et les corps 
gazeux il y a des analogies extrèmement frappantes. 

Si l’on considère des dissolutions contenant dans l'unité de volume 
des poids de corps égaux à leurs poids moléculaires, on constate qu’elles 
ont toutes la mème pression osmotique. Or, il en est de même pour le 
gaz, d'après la loi de Mariotte; nous sommes donc ainsi conduit à étendre 
aux dissolutions ayant la méme pression osmotique, la grande loi 
d'Avogadro et d'Ampère, et dire que ces dissolutions possèdent, sous le 
méme volume, le méme nombre de molécules. 

On peut encore souligner l'analogie qui existe entre les gaz et les 
corps dissous, au point de vue de la pression, en faisant remarquer que 


DOUMER. — THÉORIE DES IONS 165 


tous les corps dissous dans des conditions telles que un litre de dissolution 
contienne une molécule gramme de ces corps, ont la mème pression osmo- 
tique 22 A.37; de même, tous les corps gazeux pris dans des conditions 
telles que chaque litre contienne un poids de gaz égal à son poids molé- 
culeux exprimé en grammes, supportent la même pression, et que cette 
pression est égale aussi à 22 A. 37. 

Cette loi de la pression osmotique semble donc ètre une grande loi 
physique et établir une relation simple nouvelle entre le nombre des 
molécules du corps dissous et la pression. 


Elle souffre cependant de nombreuses et curieuses exceptions. 

Pour tous les sels, en effet, la pression osmotique mesurée se trouve 
toujours être supérieure à la pression osmotique calculée d'après la loide 
Van t’Hoffsur le nombre des molécules dissoutes. Tout se passe donc, dans 
ces cas, comme si le nombre des molécules introduites dans la dissolution 
était plus grand que celui qui réellement a été introduit. Pour expliquer 
cette anomalie, Van t’Hoff a admis qu’un certain nombre de molécules 
dissoutes se trouvent dissociées en leurs éléments constitutifs, de telle 
sorte que le nombre des éléments distincts se trouvant dans la dissolution 
et intervenant pour produire la pression osmotique se trouvait étre plus 
grand que le nombre des molécules introduites. 

Ce phénomène se produit toujours lorsqu'on dissout un “a dans 
l'eau. 

Par exemple lorsqu'on dissout N molécules de NaCl dans l'eau, une 
partie n des molécules reste à l'état de NaCl, mais l’autre partie N-» se 
dissocie en ses éléments constitutifs Na et (l, si bien que nous aurons en 
définitive pour N molécules introduites: 

n molécules non dissociées (N—n#) CI et (N—n) Na, et nous aurons 
en totalité : n +2 (N —n) éléments séparés et distincts. 

On appelle degré de dissociation le rapport des molécules dissociées 
au nombre total des molécules introduites 


(1) n 


ou bien le rapport des éléments dissocits m au nombre des éléments 
introduits M, si toutes les molécules étaient dissociées 


(1) | m 


o a 


M 


Il est facile de voir, en effet, que ces deux rapports sont égaux. 
Le degré de dissociation varie avec la dilution de la dissolution, et 
on peut arriver, par une dilution suftisante, à dissocier toutes les molécules 


166 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


salines; si l'on dissout, par exemple, une molécule de NaCl, 53.5 dans 
un litre d'eau, è = 0,69 
Si l'on dilue au 1/10 à = 0,85 
— — 1/100 è = 0,94 
— — 1/1000? = 0,98 


o ©! 


Au degré de dilution qui correspond à peu de chose près à la dilution 
saline du sérum sanguin, 93/100 des molécules sont dissociées. 

Pour tous les corps dont la dissolution dans l'eau produit la disso- 
ciation, la dissociation croit avec la dilution jusqu'à devenir com- 
plète. 

En tenant compte de cette dissociation, la loi de Van t’Hoff est par- 
faitement applicable aux dissolutions considérées comme anormales. 
Mais il n’y a pas que le phénomène de la pression osmotique qui conduit 
à l'hypothèse de la dissociation des corps dissous, on peut en trouver 
d'autres. Des phénomènes physiques d’un tout autre ordre permettent 
les mêmes considérations. 

Raoult a montré que les dissolutions ont un point de congélation 
inférieur à celui du dissolvant pur et que l’abaissement du point de con- 
gélation est proportionnel au poids de matière ou au nombre de molécules 
qui se trouvent dans l'unité de volume de dissolution, et, enfin, que des 
dissolutions de corps différents, contenant toutes, sous le même volume, 
des nombres égaux de molécules, possédaient le même abaissement du 
point de congélation, Ces lois, qui ont un grand caractère de généralité, 
souffrent cependant des exceplions assez nombreuses; or, les composés 
qui leur font exception sont précisément ceux qui font exception à la loi 
de la pression osmotique et, comme pour cette dernière, tout se passe 
pour l’abaissement du point de congélation, dû à ces composés anormaux, 
comme si un certain nombre de molécules était dissociées dans leurs 
éléments constitutifs. On est ainsi conduit, par des considérations pure- 
ment thermométriques, à admettre la dissociation des dissolutions anor- 
males. Or, et c'est là un fait d'une très haute importance, les degrés 
de dissociation qu'il faut considérer pour que ces dissolutions anormales 
rentrent dans la loi de Raoult, sont précisément les mêmes que ceux 
qu'il faut considérer pour que ces mêmes dissolutions obéissent aussi à 
la loi de Van t'Hoff. 

On tircrait des conclusions identiques des lois relatives à l'élévation 
du point d'ébullition des dissolutions. 

Mais il est d'autres phénomènes qui démontrent, avec une netteté 
remarquable, la réalité de la dissociation de certains corps par leur 
dissolution dans l'eau; ce sont des phénomènes de la thermochimie. 


DOUMER. — THÉORIE DES IONS 167 


Lorsqu'on mélange des dissolutions d'acides et de bases suffisamment 
diluées pour que toutes, ou presque toutes les molécules soient dissociées, 
on constate que la chaleur dégagée est indépendante de l'acide et de la 
base employés, qu’elle est la mème pour toutes les réactions, et, enfin, 
qu'elle correspond exactement à la formation de l’eau. 


Chaleurs de neutralisation des acides. 


Acides, Bases. Chaleur dégagve. 
Acide chlorhydrique Soude 13.7 
Acide azotique Soude 13.7 
Acide chlorhydrique Lithine 13.7 
Acide chlorhydrique Baryte 27.8 = 2 x 13.9 
Acide chlorhydrique Hydrate de tétré- 
| thylammoniac 13.8 


Il est facile de comprendre ce phénomène si l'on considère, par 
exemple, la soude NaOH et l'acide chlorhydrique HCl; si l'on admet 
que ces composés sont dissociés en leurs éléments constitutifs, on aura : 


Na + OH + H + Cl = Na + Cl + HO 


Na et CI restent après mélange, dissociés comme ils l'étaient avant le 
mélange et la seule action qui se produise est celle qui donne naissance à 
de l’eau. 

On verra plus loin d’autres phénomènes physiques qui viennent 
apporter un appui nouveau à l'hypothèse de la dissociation de certains 
composés. Mais avant de les exposer, il faut maintenant faire une 
remarque importante. 

Sous le nom d'éléments constitutifs d’un composé il ne faut pas con- 
prendre tous les éléments chimiques qui entrent dans sa constitution, mais 
seulement les éléments ou groupements d'éléments que lui donnent son 
caractère propre. Dans les composés binaires, ilest clair que les éléments 
constitutifs sont les éléments chimiques eux-mêmes; KCl, CuCl:, ete., 
en se dissolvant se dissocieront en K et Cl, en Cu et CI, CI. Mais dans les 
composés complexes dans la constitution desquels entrent un ou plusieurs 
radicaux, ce ou ces radicaux joueront le rôle d'éléments constitutifs : 
ainsi le sel ammoniac se dissociera en Cl et AzH*, le 1/2 sulfate de 
cuivre en 1/2 SO* et 1/2 Cu, le 1/2 sulfate d'ammoniaque en 1/2 S0! 
et AzH{. 

De sorte que ces éléments constitutifs nous apparaissent comme les 
atomes ou les radicaux, dont les chimistes étudient les combinaisons. Mais 


168 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


si ces éléments ont bien la mème masse que les atomes ou que les radi- 
caux des chimistes, il s’en différencient cependant profondément, par ce 
fait qu'ils peuvent rester à l'état de liberté, sans aucune tendance à se 
combiner entre eux, et sans posséder aucune des qualités des corps 
correspondants, Ainsi une dissolution contenant 53,5 de NaCl par litre, 
dont plus de la moitié des molécules salins sont dissociés, contient par 
conséquent un poids considérable de chlore et de sodium à l'état de 
dissolution, sans qu'à aucun moment apparaissent les propriétés du 
chlore, non plus que celles du sodium. Aussi pour les distinguer des 
atomes a-t-on donné à ces éléments constitutifs ainsi séparés les uns des 
autres, sans que pourtant ils aient repris les propriétés du corps auxquels 
ils appartenaient avant la combinaison, un nom différent : on les appelle 
des ions, et la dissociation qui leur donne naissance est désignée sous le 
nom de dissociation ionique. 

Une propriété commune à toutes les dissolutions en état de dissociation 
ionique, et qui nous permettra d'apporter un argument nouveau en 
faveur de l'existence des ions, est que toutes sont conductrices de 
l'électricité. Réciproquement, tous les électrolytes sont en état de 
dissociation ionique. Ce fait est si général, la relation entre la conduc- 
tibilité électrique et l’ionisation du liquide est si étroite, qu'indifféremment 
en emploie comme synonymes les expressions de dissociation ionique et 

de dissociation électrolytique. 

| La conductibilité électrique est, en effet, très étroitement liée à 
l'ionisation. Un sel n'est conducteur de l'électricité que s’il est ionisé, 
sı on le dissout dans un dissolvant qui ne le dissocie pas, il ne conduit 
pas du tout l'électricité; par exemple, le bichlorure de mercure dissous 
dans l'alcool n'est pas conducteur de l'électricité, car il n’est pas ionisé, 
tandis qu'en dissolution dans l'eau, qui l'ionise, il laisse facilement passer 
le courant électrique. Comme d'un autre côté, la conductibilité d’une 
liqueur est proportionnelle à son degré de dissociation, on a été conduit 
à admettre que loin de décomposer les électrolytes, comme le voudrait 
la théorie de Grotthuss, le courant ne peut passer dans cet électrolyte 
que parce qu'il est en état de dissociation ionique, et qu'il passera d'autant 
plus facilement que le degré d'ionisation sera plus grand. Le courant ne 
fait que transporter les ions à l’un ou à l'autre pole suivant leur nature. 
Ceux qu'il transporte au pôle positif sont appelés anions; on appelle 
cations ceux qu'il transporte au pôle négatif, 

C'est méme dans ce double transport d'ions que consiste le courant 
éléctrique qui traverse un électrolrte, et on ne peut pas plus concevoir un 
transport d'ions sans courant, que l'on ne peut concevoir un courant sans 
transport d'ions. | 


DOUMER. — THÉORIE DES IONS 169 


Telle est, dans ses grandes lignes, la théorie d’Arrhénius. Loin de dé 
composer l'électrolyte, le courant ne le traverse que parce qu'il est déjà 
décomposé, et les ions préexistant au passage du courant en sont le véhi- 
cule. D'après Arrhénius, les ions ont des charges de signe contraire aux 
électrodes vers lesquels ils se dirigent ; ces charges sont égales entre 
elles en valeur absolue. L'électrode positive repousse les cations (+) et 
attire les anions (—) de même l'électrode négative repousse les anions et 
attire les cations ; en vertu de la loi de Faraday, il faut que lorsqu'il 
tombe un anion sur l’électrode positive, un cation tombe sur l’électrode 
négative, et qu’ils y perdent simultanément leurs charges. En perdant 
leurs charges respectives, ils perdent leur qualités d'ions ; ils passent à 
l'état d’atome, se polymérisent et donnent naissance au corps dont ces 
atomes sont les éléments constitutifs. 

La loi de Faraday nous conduit à admettre que chaque ion-gramme 
possède une charge de 96.600 coulombs, c'est-à-dire que les masses 
ioniques sont proportionnelles aux équivalents électrolytiques des corps. 
Cependant, pour des raisons d'ordre chimique, on attribue aux masses 
ioniques les mèmes valeurs qu'aux atomes, et on considère des ions 
mono-, bi-, tri-, tétratomiques, suivant la valence de l'atome considéré. 
Cette facon de concevoir les phénomènes n'a pas, pour le moment, de 
graves inconvénients, il faut seulement admettre, si on l'adopte, que 
les ions ont des charges électriques qui sont des multiples de 96.600 par 
leur valence; ainsi, l'ion Cu, étant bivalent, aura une charge 2 x 99.600 
el sera représenté par le symbole Cu, tandis que les symboles du potas- 


+ 


sium et de l'hydrogène seront respectivement de K et i. 

Si l'on compare la théorie d'Arrhénius à la théorie de Grotthuss, on 
se rend aisément compte que la premiére est bien plus d'accord que la 
seconde avec les faits connus Alors que dans la seconde on suppose 
que l'électricité doit accomplir pour traverser un électrolyte, un travail 
chimique, elle nous conduit à cette conséquence aujourd’hui inadmissible, 
qu'un électrolyte ne peut être traversé par un courant que si la force 
électromotrice aux deux électrodes est égale ou supérieure au minimum 
nécessaire pour produire la décomposition de cet électrolyte; on sait 
qu'au contraire, les électrolytes laissent passer tous les courants, quelque 
faibles qu'ils soient, et qu'a cet égard ils se comportent comme une 
simple résistance métallique. 


Est-il maintenant nécessaire de parler de l'introduction électrolytique 
des médicaments et de la médication ionique? Il est évident que si l'on 
humecte les électrodes dont on se sert pour introduire le courant dans 
l'organisme, de dissolutions salines diverses, on introduira dans cet 


170 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


organisme, au moment du passage du courant, les anions au niveau de 
l'électrode négative, et les cations au niveau de l'électrode positive. Il est 
un peu enfantin de chercher à démontrer l'introduction de ces ions, car 
on ne peut pas ne pas les introduire. Mais si cette recherche est un peu 
puérile, il n’en est pas de même de celle qui a pour but de savoir quels 
sont les effets physiologiques ou thérapeutiques que peuvent produire les 
médicaments ainsi introduits. On peut, en effet, se demander si leur 
action n’est pas purement superficielle, et si très rapidement ils ne sont 
pas entrainés par la masse sanguine. | 

Une autre observation qu'il convient encore de faire, c'est que la 
dénomination employée depuis quelque temps de médication ionique, 
pour désigner l'introduction électrique du médicament, est absolument 
mauvaise. D'abord pour cette raison que par les procédés électrolytiques 
on n'augmente pas le nombre d'ions contenu dans l'organisme, car si 
à l’électrode positive on fait entrer n cations, l'électrode négative en 
soustrait. précisément le même nombre : on aura tout simplement 
substitué aux ions sortis les ions entrés. Et puis, l'ionisation n'est pas un 
phénomène électrique; tout médecin qui prescrit une potion contenant un 
sel fait de la médication ionique, car par l'acte même de la dissolution 
du sel dans l'eau de la potion, une très grande partie de ses molécules 
s'ionisent, et c'est sous forme d'ions que, le plus souvent, nous admi- 
nistrons nos médicaments. 

Conservons donc, à l'introduction des médicaments par l’électrolyse, 
le nom d'électrolyse médicamenteuse sous lequel elle est connue depuis 
tant d'années. Il a le mérite d’être scientifiquement exact et de ne prêter 
à aucune confusion. 


Sur une méthode générale en radiographie. 


Présentation du support universel : LE RADIO-CORRECTEUR (1). 


Faite par M. P.-CH. PETIT 
en collaboration avec MM. BONIFACE, ingénieur, et AUBERT, radiographe. 


PRÉLIMINAIRES : NÉCESSITÉ D'UNE MÉTHODE 


Depuis la découverte des rayons X, physiciens et médecins ont 
rivalisé d'efforts pour l'explication des faits et le perfectionnement 
des modes opératoires. Mais leurs travaux, portant sur des points 
ditlérents, ne les ont pas amenés à se servir d'une méthode générale, 
Ce n’est pas que le besoin de cette méthode ne se soit fait sentir, et des 
auteurs qualifiés ont déjà émis le vœu que nous cherchons à réaliser 
aujourd’hui. 

Rappelons entre autres les efforts tentés par Virgilio Machado, Ber- 
tin-Sans, Williams. On sent dans leurs travaux le désir d'une méthode 
enfin unifiée, réclamée aussi par Contremoulins et Guilleminot, qui, 
eux-mêmes, ont proposé déjà des lois fondamentales. Mais le tout n'est 
pas de proposer une technique. Il faut la rendre praticable à tous, en 
quelque sorte mécaniquement. Ce fut notre but en réalisant l'appareil 
dont nous vous parlerons tout à l'heure. 

Si la radiographie veut être une science, elle ne doit pas se contenter 
de documents isolés, plus ou moins artistiques; elle doit chercher, 
au coygtraire, comme science expérimentale, a grouper un ensemble 
d'observations pour chaque cas, et à résumer, en une synthèse, des 
documents à la fois utiles au malade et à l'enseignement clinique. 

Ainsi l'interprétation des radiotvpes, si peu commode, même pour 
les initiés, sera rendue plus facile; et au point de vue enseignement, 
des collections de radiographies obtenues durant plusieurs années, 
d'après des principes fixes, permettront de suivre l’évolution de cas 
intéressants chez un même sujet, 

Il nous a paru que c'est excellemment à votre présent congrès que 
doit échoir la tâche enviable de poser les bases d'une méthode en 


(1) Communication faite au IIIe Congrès international d'Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


172 l ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


radiographie; nous vous soumettons donc nos travaux en sollicitant 
votre bienveillante attention et votre précieux appui. 


INDICATIONS DE LA MÉTHODE 


Qu'est-ce qu’une radiographie médicale? 
Une image obtenue par des procédés spéciaux, d'une partie interne 
du corps, en vue d’une interprétation médicale. 
Donc deux temps d'opération. 
1° Détermination du mode opératoire; 
2° Sa réalisation matérielle. 
Quels sont les éléments d'une radiographie? 
l° Un sujet de dimensions géométriques variables; 
2° Une source électrique de nature variable; 
3° Une ampoule, source de rayons X, à des essentiellement 
variables ; 
4° Une plaque plus ou moins sensible; 
5° Un bain de développement plus ou moins énergique. 
Or, avec ces éléments entièrement divers, que voulons-nous obtenir ? 
Un radiotype pouvant être reconstitué à toute époque et en tout lieu 
sur un mode uniforme. 


Nous arrivons à ce résultat en réalisant simplement : 

a) Une radiographie exécutée suivant des positions médicales 
classiquement adoptées ; 

b) Un quantum de déformation évaluable; 

c) Une indication exacte des données constitutives du cliché. 

Et voici comment : 

Des cinq éléments précités, qui interviennent en radiographie, trois 
seulement seront retenus, car nous entendons laisser à chacun le choix 
de son matériel. à 

Ces trois éléments sont ? la plaque, ampoule, le sujet. 

La plaque est un élément qu'on doit considérer comme fixe. 

Les deux autres éléments (ampoule et sujet) sont mobiles. 

On démontre mathématiquement qu'il y a intérêt, pour atténuer la 
déformation, à rapprocher le plus possible le sujet de la plaque, et à 
éloigner cet ensemble (plaque et sujet), le plus possible de la source 
Contremoulins (1). 

Reste donc, en fin de compte, une variable; la position de la source 


(1) On trouvera dans les Annales d'Electrobiologie et de Radiologie les remar- 
quables travaux de cet auteur sur cette importante question. N. D. L. R. 


PETIT. — METHOLE GÉNÉRALE EN RADIOGRAPHIE 173 


par rapport à l'ensemble (sujet-plaque), posilion donnant la déformation 
minima avec la distance prati juement la plus réduite. 


Nous allons analyser, le plus brièvement possible, les causes d'erreur 
influant sur l’obtention d'un cliché radiographique. 

Pour l'étude géométrique de ces causes, nous renvoyons à l'exposé 
complet de notre travail (Archives d'Electricité Médicale). 

D'une part, en admettant la théorie des projections coniques, une 
première cause de déformations est la distance de la source lumineuse 
au sujet et à la plaque. 

Cette distance devrait être la plus grande possible, pour avoir les 
déformations par agrandissement les plus réduites possibles. Mais 
ce qu’on gagnerait en exactitude on le perdrait en netteté d'impression 
(loi du carré des distances, pour les éclairements), et le temps de pose 
devrait être considérablement augmenté. En outre, l'exiguité des locaux 
constitue un obstacle insurmontable. 

D'autre part, vous savez, Messieurs, que la théorie des projections 
coniques ne s'applique qu'imparfaitement aux rayons X émis par les 
tubes Röntgen. | 

La source d'émission a une certaine surface (au moins celle de l'anti- 
cathode, dont le plan ne coïncide presque jamais avec le foyer géométrique 
du miroir cathodique). Cette surface d'émission est même beaucoup plus 
grande, suivant certains auteurs (émission par une partie de la surface 
de l'ampoule), ct si l’on cherche le lieu géométrique des points de l’espace 
où l'intensité du champ d'émission des rayons X est constante, on trouve 
que ce lieu est limité par un contour irrégulier et variable d'un tube 
à l'autre; le fait avait été naguère signalé par M. Buguet. 

Avec une source punctiforme, on aurait des silhouettes vives et des 
ombres accusées, tandis qu'avec une source étendue, on risque d’avoir 
des pénombres plus ou moins larges. Pour un éloignement infini, 
la pénombre serait nulle, ainsi que la déformation, si la surface à repro- 
duire sur l'écran ou sur la plaque était parallèle à cet écran (ou à la 
plaque) et perpendiculaire au rayon incident. 

Dès que la source a une surface d'émission, c’est-à-dire un diamètre 
apparent appréciable, il peut encore y avoir déformation du fait que 
deux objets, situés dans des plans différents, se projettent sur un mème 
point de l'écran (ou de la plaque). 

On démontre, mais nous ne croyons pas pouvoir faire entrer cette 
démonstration dans le cadre de cette étude, que la déformation, due 
à la combinaison des pénombres varie avec la forme propre des corps 
s'interposant sur le trajet des rayons. Rappelons à ce sujet l'expérience 


174 ANNALES D'ÉLECTROHIOLOGIE 


de M. Sagnac, citée dans le Traité de radiologie médicale de Bouchard. 
Devant une source circulaire on place un anneau opaque étroit; entre 
celui-ci et une plaque sensible, on interpose cinq tiges opaques droites 
parallèles. Ces tiges seront déformées, surtout les tiges marginales. Par 
analogie, un os droit, se projetant sur la même région qu’un os incurvé, 
peut paraitre lui-même incurvé. 

. À nous en tenir à ces considérations purement physiques ou géomé- 
triques, nous voyons qu’il est de toute nécessité d'établir une relation 
entre les éléments suivants : 

1) Orientation du tube ; 

2) Distance du tube à l’ensemble (sujet plaque), ceci en vue d'arriver: 
aux meilleurs résultats pratiques (déformation minima et obtention d'un 
cliché rationnel). 

L'appareil que nous vous soumettons aujourd'hui a été construit, 
avec une exactitude rigoureuse, par la maison J. Lacoste & C°, de Paris. 
Cet appareil n’a pas la prétention de supprimer les causes d'erreur ana- 
lysées plus haut, son but est : 

1° De ramener ces erreurs (ou déformations) à une valeur réduite et 
compatible avec les conditions courantes de la pratique en radiographie; 

29 D'évaluer rigoureusement le pourcentage d'erreur; 

3° De permettre la détermination facile et rapide des conditions 
dans lesquelles on opère; par suite, d'adopter une méthode générale 
de radiographie, rendant possible la comparaison des épreuves obtenues 
par différents praticiens, à des époques et dans des lieux quelconques; 

4° De permettre, enfin, l'application des méthodes stéréoscopiques 
(Guilloz, ete...), ou pelvimétriques (Varnier, ete...), ou de recherches des 
corps étrangers avec un procédé opératoire très simple et n'effrayant 
point, par sa complication, des médecins qui n'ont eu ni loccasion ni 
les loisirs de s'initier à des considérations géométriques, relevant 
moins du domaine médical que de la science de l'ingénieur. 


DESCRIPTION ET FONCTIONNEMENT DE L'APPAREIL 


A) DescriPTion. — En principe, l'appareil se compose de deux 
chassis 4, C, réunis symétriquement par un plan de base B, lequel sert 
de support et de chemin de déplacement à un pied porte-ampoules. Sur 
les chässis sont repérés, à partir du centre de figure, tous les formats 
courants de plaques. 

Le pied est de deux pièces coulissant l'une dans l’autre, l'axe longi- 
tudinal du pied proprement dit pouvant faire un angle quelconque avec 
l'axe longitudinal de la partie qui coulisse. 

Le pied gradué porte une toise d’un côté, et, de l’autre côté, dans le 


PETIT. — MÉTHODE GÉNÉRALE EN RADIOGRAPIIIE 175 


prolongement horizontal de ladite toise, un dispositif de support pour 
expériences diverses. 


La partie supérieure porte un bras horizontal parallèle à la toise, 


variable suivant l'horizontale et la verticale et terminé par une pince 
porte-ampoules articulée. 


Une graduation permet de lire en même temps et l'épaisseur de 


: 
3 
TE 1 

$ 
à 
Š 


l'objet à radiographier et la distance de l'ampoule à la plaque. Cette 
distance est comptée du miroir anticathodique, suivant les usages qni 
paraissent prévaloir actuellement dans la pratique radiographique. Une 
graduation portée par la base sert également à mesurer les déplacements 


176 ANNALES D'ÉLECTROBIQOLOGIE 


par rapport à la ligne des centres (chassis et base) du pied proprement 
dit : (Application en stéréosecopie.... Recherche des corps étrangers...). 


B) FONCTIONNEMENT. — 1“ cas : Radiographies courantes. — 
L'appareil étant ouvert, on choisit d'abord l'orientation du chàssis (grand 
ou petit coté) suivant le cas, et on dispose le sujet de facon que le centre 
de la région à explorer coïncide avec le centre de la plaque (ce qui le 
fera également coïncider avec le rayon central d'incidence), et l'on fait 
jouer la toise. Le sujet peut alors se retirer au repos. 

L'ampoule est éloignée jusqu'au moment où elle fournit, sur un 
écran, une projection d'une figure témoin, symétrique de la toise, 
projection sans déformation sensible et d’un agrandissement immédia- 
tement calculable. 

A cet instant la position de l'ampoule est définitivement arrêtée. Les 
figures témoin et l'écran sont enlevés et on note la hauteur de l’ampoule 
et celle de la toise. On glisse la plaque dans le chässis et on place 
le centre de la partie à radiographier comme il a été dit ci-dessus. On 
remet l'ampoule en marche, la distance de celle-ci à la plaque donne 
une indication pour l'appréciation du temps de pose. | 

2e cas : Cas particulier. — Le sujet non déplaçable est couché 
sur un lit d'accès difficile. 

Un châssis est glissé sous le malade, c'est le seul effort exigé 
de ce dernier. 

Le reste de l'appareil (base et l'autre châssis) est réuni à la première 
pi ce. La toise est abaissée et il est procédé comme dans le premier cas. 

Ensuite on oriente à 180° le bras porte-ampeule. L'ampoule est, 
au besoin. retournée dans la griffe (en vue d'obtenir une symétrie par- 
faite avec la position de la première expérience). Le reste de l'opération 
se fait comme au cas précèdent. 

3° cas : Radiographie stéréoscopique. — Ici, suivant les divers 
procédés en usage, on appréciera, avec la toise, l'épaisseur du sujet, 
et, cette fois, si l'on utilise les tables spécialement calculées, on placera 
l'ampoule à la distance fixée par les tables. Gräce à la graduation sur 
le plan de base, on pourra prendre deux épreuves successives avec 
l’écartement voulu. 

4e cas : Recherche de la profondeur des corps étrangers — 
L'appareil est combiné pour permettre l'utilisation des méthodes usitées, 
lesquelles reposent généralement sur le principe suivant : 

Deux poses sur une mème plaque avec des incidences différentes. 

5e cas : Pelvimétrie, — L'historique de la pelvimétrie a été résumé 
par le docteur Morin, au Congrès de Nantes 1901, et, depuis, par 


PETIT. — MÉTHODE GÉNÉRALE EN RADIOGRAPHIE 177 


le professeur Fabre (Traité de radiologie de Bouchard) qui conclut 
à propos de la méthode Varnier : 

« La radiopelvimétrie à longue portée... est la méthode de l'avenir, 
mais actuellement d'application impossible en pratique. » 

Notre appareil tend précisément à faciliter cette pratique. Varnier, 
dès le début, avait senti la difficulté de con2ilier les deux principes opé- 
ratoires résultant de la distance de l'ampoule à la plaque et de l'épaisseur 
du sujet En adoptant une incidence oblique suivant l'hypothénuse, 
d'un triangle rectangle empiriquement calculé, il fixait définitivement 
l'orientation du tube et il réservait pour l'avenir, comptant ainsi avec 
le progrès du matériel, la question d'éloignement du tube, qui n'avait 
plus qu’une importance relative, puisque toutes les silhouctttes des 
bassins obtenues étaient des figures semblables dont la correction 
était toujours possible. 

L'essentiel était donc fait, parce que le sujet, étant couché sur 
le ventre, fournissait, dans le contact le plus proche de la plaque, 
le plan du détroit supérieur. 

Pour le détail de la méthode, nous renvoyons au travail publié dans 
les Archires d'électricité médicale. Si done nous insistons pour l’adop- 
tion, quant à présent au moins. de la méthode Varnier, c'est à la fois 
parce qu’elle est le résultat d'une expérimentation considérable, d’abord 
sur les bassins secs les plus variés, puis sur le cadavre, et enfin sur 
le vivant. C’est aussi parce qu'elle ne fait intervenir aucun appareil 
étranger, se suttisant à elle-même; parce qu'elle laisse, enfin, toute lati- 
tude pour la question de distance, sous réserve de corrections faciles 
et déduites de rapports de similitude, 

Sans doute, le mieux, après avoir toisé le bassin, serait d'amener 
l'ampoule à donner de la figure témoin une projection sans agrandis- 
sement appréciable. Ce serait bien là, Messieurs, la vraie méthode dans 
toute son exactitude. Mais, avec les épaisseurs souvent grandes des 
bassins, l’ampoule serait conduite, suivant l'inclination prévue, à des 
distances éonsidérables de la plaque {variant de 3 m. à 5 m.) 

Aussi, en adoptant la méthode Varnier, proposons-nous, comme sans 
doute l’eût fait l'auteur lui-mème, une distance moyenne fixe, qui per- 
mettra de pouvoir refaire une image dans les mèmes conditions, et de 
mesurer toujours exactement un bassin, puisque nous avons très simple- 
ment tous les éléments de correction. 


Jusqu'ici notre méthode s'est résumée en un ensemble de moyens 
mécaniques, rigoureusement liés entre eux, faciles à reconstituer, 

Sous peine de rendre nuls nos eftorts, il nous faut adopter une unif- 
cation des positions médicales. 


ANNALES DÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — MaRS IY07. 13 


178 | ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


Cette unification, nous la demanderons à une notalion si claire 
et si simple, que nous attendons qu'elle recoive de vous sa consécration 
définitive. 

En voici le principe : 

1° La partie radiographiée est indiquée par sa majuscule initiale ; 

2° Une lettre indice fixe la position de cette partie en indiquant son 
plan de contact avec la plaque. 

Et de suite nous obtenons le tableau suivant : 


T. dr., tête côté droit. 
T. g., tête côté gauche. 
T. o., tète plan occipital. 
T. f , tête plan frontal. 


TH. a., thorax antérieur. 

TH. p., thorax postérieur. 

TH. ax. d., plan axilaire droit. 
TH. ax. g., plan axilaire gauche. 


TETE = T....... 


Tuorax = TH.... 


B. a., bassin antérieur. 
Bassin = B...... $ B p., bassin postérieur. 
(J . . . . . 
B. isch., bassin assis ischion. 


S'agit-il d'un demi-bassin, on aura de même : 


B. a. dr. ou g. 
B. p. dr. ou g. 
B. isch. dr. ou g. 


C. R. a., cubitus radius antérieur. 
C. R. p., cubitus radius postérieur. 
C. R. i., cubitus radius interne. 
C. R. e., cubitus radius externe. 


J H. a., humérus antérieur. 
H. p., humérus postérieur. 
H. i., humérus interne. i 
H. e., humérus externe. 
T. P. a., tibia péroné antérieur. 
T. P. p., tibia péroné postérieur. 
J T. P. i., tibia péroné interne, 
T. P. e., tibia péroné externe. 
TANDE He F. a., fémur antérieur. 
F. p., fémur postérieur. 
F. i., fémur interne. 
F. e., fémur externe. 


PETIT. — MÉTHODE GÉNÉRALE EN RADIOGRAPHIE 179 


\ M. pal., main face palmaire. 


Main = M....... | M. dor., main face dorsale. 


P. i., pied interne. 
P. e., pied externe. 
P. pl., pied face plantaire. 
P. dor., pied face dorsale, 


PIED = P... 


RADIOGRAPHIE DENTAIRE. — Même notation que pour la tète. 

Restent les articulations du coude, du genou et de l'épaule. 

La radiographie de ces parties comporte toujours et nécessairement 
celle du membre articulé, aucune notation spéciale n'est nécessaire; 
l'articulation prendra la notation de celui-ci : 

Exemple : Genou droit donnera à volonté : 

F. i. ou T. P. i., fémur interne ou tibia péroné interne, 

F. e. ou T. P. e., fémur externe ou tibia péroné externe. 

F. p. ou T. P. p , fémur postérieur ou tibia péroné postérieur. 

F. a. ou T. P. a., fémur antérieur ou tibia péroné antérieur. 

Spécialement en ce qui concerne les deux poses décentrées sur deux 
plaques pour la stéréoscopie, ou les deux poses décentrées sur une même 
plaque pour la détermination de profondeur des corps étrangers, notre 
notation recevra un complément trés simple et très rationnel. 

A la notation précitée, sans en rien changer, nous ajouterons sim- 
plement le chiffre indiquant, en centimètres ou en millimètres, le décen- 
trement par rapport au centre, et ensuite l'initiale des côtés dr. et g., 
indication qui a son utilité pour la reconstitution de l'image par inversion, 

Exemple : Pour un fémur, dans ces conditions, nous inscrirons : 


F. a. 4 d. | ose Fémur antérieur 4 centimètres à droite, et 
F.a.4g.) pour l’autre plaque 4 centim. à gauche. 


Si, enfin, dans des cas spéciaux, on se préoccupe non seulement de 
décentrer la source, mais de lui donner une inclinaison particulière, nous 
écrirons, et c’est le cas le plus complexe : 


F. a. G d. Fémurantérieur6 centimètres à droite, 
l'ampoule inclinée à 30° par rapport 

30° et nous lirons Va | 
F. a. 6 g. à la normale; de mème pour l'autre 


EXEMPLE DE NOTATION D'UN CLICHÉ. — Cas ordinaire : 
S. C. M. 22,5 06 — Th. p—E = 14,D = 145. 
Cas stéréoscopique ou recherche d'un corps étranger : 
S. C. M. 22/5 06 — Th. p — E = 14,D = 145 = 4 dr. ou 4 dr. 
ET 
id, id. id. 4 g. où 4 g. 
300 


180 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIF 


C'est donc à bon droit que nous avons annoncé une notation simple 
et précise. 

Vous pouvez constater qu'elle n'exige aucun effort de mémoire; 
nous ne vous demandons ici nulle concession, nulle innovation, nous 
vous sollicitons de consacrer classiquement un langage courant. 


PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 


A l'appui de l’exposé de notre méthode, nous vous soumettons 
quelques conclusions de nos expériences. Celles-ci furent commencées 
depuis longtemps déjà, nous les avons poursuivies avec le plus grand 
souci de l'exactitude, et l'indépendance d'esprit requise en tout travail 
qui veut rester scientifique. 

1° Une premiére conclusion de nos expériences a été la suivante : 
S'il est vrai, comme vous le savez, que l'état d'un tube varie suivant 
l'époque de son existence, il est non moins exact d'affirmer que, l'incidence 
normale étant déterminée de la même manière pour des tubes de marqnes 
différentes, le choix d’un tube n’a qu'une influence absolument négligeable 
sur les valeurs de déformations. 

Nous avons comparé ces valeurs pour des tubes de trois marques 
trés connues, toutes conditions d'expérience égales d’ailleurs (dis- 
tances, orientation). Les différences entre les trois coefficients corres- 
pondants de déformation pour un même objet (figure géométrique) 
étaient de l'ordre des millièmes : c'est-à-dire négligeables et pou- 
vaient, avec vraisemblance, être attribuées à des erreurs inévitables 
de mesure; 

2° Pour une épaisseur Æ, d'un corps à radiographier, on peut 
déterminer une distance D (distance verticale de l'ampoule à la plaque) 
pratiquement utilisable, qui doune, de ce corps reposant sur le chässis, 
une image avec une déformation très réduite (et que l'on calcule 
aisément). 

Cette distance D sera évidemment d'autant plus petite que E sera 
elle-même plus petite. 

L'état du tube, ses qualités propres, n'influent que sur le temps de 
pose et le relief plus ou moins artistique du cliché; 

3° Si nous nous replaçons, après un temps quelconque, dans des 
conditions géométriques identiques définies par notre appareil, nous 
retrouvons du même objet une image absolument identique à la première, 
donc comparable à celle-là; 

4° Dans le cas d'un objet placé dans un plan non parallèle à celui 
de la plaque (par exemple la distance du diamètre promonto-pubien) et 
faisant avec le plan un angle déterminé, on peut toujours obtenir, pour 


PETIT. — MÉTHODE GÉNÉRALE EN RADIOGRAPHIE 181 


une distance verticale D et une orientation connue de l'ampoule, des 
images identiques ; 

5° Avec des tubes différents, tous les autres éléments restant fixes, 
on a des zones d'éclairement différentes; mais pour une distance et 
une orientation convenable de l'ampoule, l'inconvénient ci-dessus est 
négligeable. 


CONCLUSIONS ET VŒU 


Nous vous avons rappelé, Messieurs, quels avantages la science 
radiographique pouvait tirer d’une technique unifiée. 

Nombre de praticiens l'avaient fait avant nous, et notre tache s'est 
réduite à une proposition ferme, rationnelle, capable, nous l'espérons, 
de rallier vos suffrages. 

Nous nous sommes abstenus de toute critique, et, nous élevant 
au-dessus des considérations personnelles, nous vous présentons une 
méthode extraite de considérations purement techniques. 

Nous avons montré comment un appareil fort simple tient compte 
des éléments essentiels d'une radiographie, combiné en un ensemble : 
chassis. support-d'ampoule, toise, indicateur d'incidence et de défor- 
mations; comment cet appareil permet, instantanément, et sans fatigue 
pour le sujet, de déterminer les positions optima d'un tube; comment, 
enfin, le même appareil facilite l'usage de méthodes particulières et très 
diverses pour la recherche des corps étrangers : la pelvimétrie, la radio- 
stéréoscopie. Il vous restera, Messieurs, à juger s'il est opportun d'ac- 
corder un témoignage officiel d'approbation à l'appareil « radio-correc- 
teur » tel que nous vous le présentons. 

En consacrant nos efforts, vous consacrerez une technique opératoire 
sans doute susceptible de modification dans l'avenir, mais qui orientera 
les efforts communs vers une voie bien déterminée pour le bien du 
malade, de la science radiographique, et des praticiens ? 

C'est dans cet esprit que, rendant encore une fois hommage aux 
maitres éminents de la radiographie, nous vous demandons d'émettre le 
vœu suivant : 


VŒU. — Toute radiographie sera exécutée : 

1° Dans des conditions matérielles bien déterminées avec les indi- 
cations fournies très simplement comme vous l'avez vu; 

29 Dans des conditions telles que le rayon central d'incidence 
coïncide toujours avec le centre de la partie à radiographier et avec le 


centre de la plaque; 
3° Que le montage des épreuves positives sur papier ait lieu par un 


182 ; ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


procédé (gomme-laque, caoutchouc) excluant toute humidité en raison 
de la distension ou du rétrécissement qui en résulte ; 

4° Avec la mention S. C. M. (système Congres Milan) et l'indication 
de la position médicale adoptée et de la date; 

5° Avec indication de l'épaisseur E, de la distance D, de l'ampoule 
au-dessus de la plaque et au besoin de l'angle défini comme il a été dit 
plus haut; 

6° Spécialement pour la pelvimétrie, suivant la méthode préconisée 
par feu le Professeur Varnier, avec une distance réduite à 1 m. 50. 


Appareil pour l'étude du Rayonnement 
des corps radioactifs (i). 


Par M. Jacques DANNE, 


Préparateur de physique à la Faculté des Sciences de Paris. 


LE RAYONNEMENT DES CORPS RADIOACTIFS. — Le rayonnement émis 
par les substances radioactives est, en général, hétérogène. Il est 
constitué par un mélange plus ou moins complexe de trois types de 
radiations : Les Raydns a, $ et y. 

Les Rayons x sont des corpuscules matériels chargés d'électricité 
positive. Ils ont une masse comparable à celle de l’atome hydrogène et 
sont animés d’une grande vitesse (environ 1/20 de la vitesse de la 
lumière). 

Les Rayons f} sont des corpuscules environ 2.C00 fois plus petits 
que les précédents. Ils sont animés d’une plus grande vitesse (compa- 
rable à celle de.la lumière) et sont chargés d'électricité négative. 

Les Rayons y se comportent comme une perturbation de l’éther; ils 
sont analogues aux rayons X, mais d’un pouvoir pénétrant beaucoup 
plus considérable; 10 centimètres de plomb laissent encore passer des 
rayons y. 

Les rayons 2, les rayons 5 et peut-être les rayons y sont eux-mêmes 
hétérogènes. Ainsi, suivant leur origine, il existe des corpuscules a et f 
de vitesse très variable et qui, par conséquent, transportent des quantités 
d'énergie également très différentes. Vis à vis de la matière, ces rayons 
sont plus ou moins pénétrants. Par exemple, le radium D ou plomb 
radioactif (produit de désintégration du radium) émet des rayons $ qui 
peuvent traverser une épaisseur d'aluminium environ deux fois plus 
grande que les rayons 5 issus du radium G (autre produit de désin- 
tégration du radium). 

= Le même phénomène se présente pour les rayons a; il en est pro- 
bablement de même pour les rayons y. 


(1) Communication faite au ZIIe Congrès international d'Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906). 


184 ANNALES D'ÉLECTRORIOLOGIE 


Pour une substance radioactive donnée, quand l'équilibre radioactif 
est atteint, et dans des conditions physiques biens définies, le rayonne- 
ment émis est connu. Toutefois, l'addition de substance étrangère plus 
ou moins opaque au rayonnement, l'interposition d'un écran, l'élévation 
de température, la dissolution, etc... modifient la nature et la constance 
du rayonnement. Il est donc nécessaire de posséder une méthode qui 
permette de déterminer facilement les caractères du rayonnement de la 
substance considérée. 

Les méthodes peu précises employées dans l'étude du faisceau émis 
par l'ampoule de Crookes, sont inapplicables à l'étude du rayonnement 
des corps radioactifs. 

Une seule méthode est susceptible de fournir des indications certaines : 
c'est la méthode électrique ou d'ionisation des gaz. Elle consiste à 
déterminer la conductibilité prise par lair sous l’influence des substances 
radioactives. Cette conductibilité est une fonction de l'intensité de la 
‘adiation émise et peut servir à la caractériser. 

Pour définir le rayonnement produit par une substance radioactive, 
il esl nécessaire de déterminer trois séries de facteurs : 

1° La nature des rayons émis (2, £, y); 

2° La proportion relative de ces différents rayonnements qui entrent 
dans la constitution du rayonnement total ; 

3° Le pouvoir pénétrant de chacun de ces types de rayons. 

Il existe plusieurs méthodes qui permettent d'effectuer ces détermi- 
nations. Elles utilisent toutes soit un électromètre, soit un électroscope. 
= L'é’ectromètre combiné ou non au quartz piézo-électrique de M. Curie 
est resté, avant tout, un appareil de laboratoire; il est d’un maniement 
délicat et exige un apprentissage très spécial. 1l ne peut donc convenir 
aux besoins de la radiologie. J'espère cependant que cette méthode 
pourra être rendue pratique d'ici peu. Elle constitue une méthode 
vraiment parfaite. 

L'électroscope, d'un maniement beaucoup moins compliqué, me parait 
très avantageux pour effectuer rapidement les trois délerminations dont 
j'ai parlé plus haut. Un tel électroscope devra remplir les conditions 
suivantes : 1° grande sensibilité à la charge et par conséquent faible 
capacité, 2° sensibilité très variable pour mesurer des rayonnements 
très différents : celui de l'uranium, par exemple, et celui du radium, 
environ 2.000.000 de fois plus grand; 3° ii devra faire la sélection des 
trois espôces de rayonnements et donner au moins approximatiyement 
des valeurs du pouvoir pénétrant de chacun d'eux. 

Un semblable appareil comportera donc trois parties essentielles : 
un électroscope, une capacité variable et un jeu d'écrans. 


DANNE. — RAYONNEMENT DES CORPS RADIOACTIFS 185 


J'ai fait construire un appareil qui réalise sensiblement les conditions 
précédentes. 


DESCRIPTION DE L'APPAREIL. — L'appareil se compose d'un élec- 
troscope très sensible, d'une capacité variable parfaitement isolée contre 
l'action des rayonnements extérieurs et d’un jeu d'écrans d'épaisseurs 
variables et convenablement étudiés. 

L'électroscope est constitué par deux petites lamelles métalliques 
minces de quelques centimètres de longueur et de 1 millimètre de 
largeur. L'une des lamelles est fixe; l'autre, une feuille d’or battu, est 
mobile. La substance à étudier est introduite dans un tiroir qui se place 
dans l'appareil, au dessous des feuilles de l’électroscope. Entre la 
substance et les lamelles, on a ménagé une rainure dans laquelle on 
peut glisser les écrans absorbants. 

L'isolement de l'appareil est fait à l'ambre, substance qui conserve 
ses propriétés isolantes dans lair saturé de vapeur d’eau jusqu'a des 
différences de potentiel de 500 volts et plus par centimètre de ligne de 
fuite. La charge de l'appareil s'effectue automatiquement par la partie 
supérieure de la cage de l’électroscope, au moyen d’un contact spécial, 

Les lectures se font soit à l'œil nu, soit au microscope. Dans le 
premier cas, on projette l'image des feuilles de l’électroscope sur un 
écran convenablement placé qui porte une échelle graduée. L'emploi du 
microscope est indispensable pour les déplacements lents. 

L'appareil est gradué en volts. Pour faire une mesure, on déterminera, 
au moyen d'un chronomètre à secondes, le temps nécessaire pour que 
la feuille d'or passe d'un point fixe à un autre, la distance de ces deux 
points correspondant à une chute de potentiel connue. On pourra encore 
mesurer la chute de potentiel pendant un temps connu. L'intensité de la 
radiation est proportionnelle à la chute de potentiel. La chute de poten- 
tiel par unité de temps donne donc une mesure de l'intensité de la 
radiation. Dans tous les cas, il y aura une petite correction à faire sur 
la mesure. Cette correction provient de ce que l'air est toujours ionisé 
spontanément. L'ionisation sera déterminée préalablement par une 
mesure à vide. 

A l'électroscupe est adjointe une capacité combinée de telle facon 
qu’on puisse, par un simple contact, convenablement isolé, faire varier 
la sensibilité de l'appareil dans un rapport connu. 

Quand aux écrans élalonnés nous verrons plus loin comment on 
devra les utiliser. 


EMPLOI DE L'APPAREIL, — Pour faire l'étude du rayonnement d'une 
substance radioactive, on opère de la façon suivante : 


186 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIF 


La substance est introduite dans le tiroir, on charge l’électroscope 
et sans interposer d'écran (l'air seul subsistant) on fait une mesure : 
on détermine la vitesse de décharge de l'électroscope, comme il a été 
dit plus haut. On a ainsi l'intensité du rayonnement total. 

Puis on fait une nouvelle détermination en interposant, cette fois, 
un écran d'aluminium très mince (O cm , 0025 d'épaisseur) qui arrête 
tous les rayons x de pouvoir pénétrant quelconque. Si le nombre qui 
exprime l'intensité de la radiation est très peu différent du premier, 
on peut conclure à l'absence de rayons a. Si la mesure est plus faible, 
il y a des rayons x dans le rayonnement émis, et le rapport des 
deux mesures donne la proportion de rayons x contenus dans le 
mélange. 

En opérant de mème avec un écran plus épais arrêtant tous les 
rayons & on déduit la proportion de ceux-ci et par différence on connait 
la proportion des rayons *. 

Trois mesures, demandant chacune à peine une minute, suffisent à 
faire connaitre la nature et la proportion des ravonnements qui entrent 
dans la constitution du rayonnement total. 

Il reste à étudier individuellement chacun des rayonnements qu'on a 
isolés. Cet examen se fait au moyen d'écrans intermédiaires d'épaisseur 
croissante qui, interposés successivement dans l'appareil et soumis aux 
mêmes délerminations que précédemment, fournissent la loi d'absorption 
du rayonnement et la proportion de rayons plus ou moins pénétrants 
qui peuvent le constituer. 

Supposons, par exemple, qu’on veuille étudier Les rayons $ émis par 
une substance donnée. On placera d'abord sur celle-ci un écran d'alu- 
minium qui arrête les rayons a, on fera une lecture, puis on interposera 
un nouvel écran, on fera une nouvelle lecture; on répétera ces détermi- 
nations avec quatre écrans, par exemple. Si pour un écran d'épaisseur 
double on a un rayonnement deux fois plus faible, on a un faisceau 
homogène; sinon, on a un faisceau hétérogène. 

En général, on prendra quatre écrans d'épaisseurs 1, 2, 3 et 4, 
puis on tracera une. courbe en portant en abscisse les épaisseurs des 
écrans interposés et en ordonnée les intensités du rayonnement corres- 
pondantes. 

On reliera les quatre poiuts obtenus par une ligne. Si cette ligne 
est une droite, le rayonnement est homogène ; on exprimera la pénétra- 
tion par la fraction du rayonnement intercepté par une épaisseur 
donnée d'aluminium, par exemple. Ainsi, on dira que l'absorption est 
de 50 °/, par millimètre d'aluminium. Pratiquement, on simplifiera 
encore l'expression du résultat en adoptant des points de repères fixes, 


DANNE. — RAYONNEMENT DES CORPS RADIOACTIFS 187 


en accord avec un système d'unité plus rationnel que celui qui est 
encore employé aujourd’hui en radiologie. 

Si le résultat graphique obtenu est une courbe, le rayonnement est 
hétérogène, l'étude de la courbe est alors plus délicate. Cependant, en 
première approximation, on pourra décomposer cette courbe en deux 
ou trois portions de droites auxquelles on appliquera le raisonnement 
précédent. 

Cette méthode qui, à première vue, peut paraitre quelque peu 
complexe, est simple et d'une application rapide. C'est la seule qui 
puisse fournir les indications relativement précises sur la constitution 
du rayonnement. 

D'ailleurs, avec un peu d'habitude, on peut, dans la dernière partie 
de l’étude, se dispenser de tracer une courbe. 


Traitement de la maladie de Paget 
du mamelon et cutanée par la radiothérapie. 


Par M. J. BELOT 
Assistant de Radiologie à l'Hôpital Saint-Antoine (1). 


En 1874, Paget décrivit une affection rare du mamelon, de l'aréole 
et des parties voisines, qui s’observe chez la femme, surtout à partir 
de quarante ans, et qui doit, d’après Brocq, être rangée à côté des épi- 
théliomas cutanés. 

Elle débute soit par une fissure, soit par une simple desquamation 
composée de petites concrétions cornées ou de fines croutelles adhé- 
rentes, avec rougeur des téguments et prurit; puis elle gagne peu à peu 
tout le mamelon et l'aréole et constitue une plaque d’un rouge vif, lisse, 
comme vernissée, parfois un peu papillomateuse et finement granuleuse 
(Brocuy). Un liquide clair, jaunàtre, visqueux, assez abondant, suinte de 
la région malade: souvent il donne naissance à des croûtes jaunâtres 
ou noiratres. 

Au début, la peau est légérement infiltrée; on voit, çà et là sur la 
surface à vif, des squames lamelleuses et blanchâtres : la malade accuse 
souvent un peu de prurit. Ce symptôme s’accentue peu à peu et devient 
parfois intolérable ; il s'accompagne souvent de picotements et de sensa- 
tions de brülure. 

Par places, la surface malade est à peine suintante, d'un rouge vif, 
très finement grenue, ce sont des excoriations; ailleurs, les tissus sont 
nettement mamelonnés, d'un rouge plus sombre : ils suintent abondam- 
ment et peuvent être le siège d’hémorragies ; il s’agit là de véritables 
exulcérations, mal délimitées du reste. Sur l’ensemble, en différents 
points, on voit des surfaces disséminées en îlots, lisses, unies, brillantes, 
sèches et roses (plaques épidermisées cicatricielles, Darier). 

La marche de cette affection est lente. Du point primitif elle s'étend 
peu à peu, gagne l’aréole, les parties voisines du sein, en conservant 


(1) Rontgen-Congrès de Berlin, 1907. 


BELOT. — MALADIE LE PAGET 189 


toujours les mêmes caractères et en présentant une forme plus ou moins 
ovalaire (stade eczématique). 

A cette première période, en succède une seconde, qui se caractérise 
par la rétraction du mamelon. Il s’affaise peu à peu, disparait et laisse à 
sa place une dépression, parfois même un véritable ulcère à bords irré- 
guliers. Enfin, la glande mammaire tout entière s'infiltre, se tuméfie 
et on se trouve en présence d'une tumeur maligne du sein. 

D'après Brocq, la durée totale de l'affection varie de quelques mois 
à vingt ans, et elle met de deux à six ans pour devenir franchement 
épithéliomateuse. 

Primitivement décrite sur le mamelon, la maladie de Paget peut 
exister en d’autres points du corps, au milieu du dos (Brocq) au nombril 
(Colcott Fox et Mac Leod), etc. 

Au point de vue histologique, la lésion se caractérise par l'existence 
de pseudo-coccidies qui ne sont que des cellules épithéliales modifiées. 
« La maladie de Paget, dit Darier, est donc une dégénérescence dyské- 
ralosique de l'épiderme de revêtement très voisine de l’épithéliomatisation 
et donnant lieu, tôt ou tard, à une prolifération épithéliomateuse véri- 
table ». | | 

J'ai quelque peu insisté sur la description clinique de la maladie de 
Paget parce qu’elle est généralement peu connue et parce que le nom 
qu'elle porte prête à confusion. En plus, pour comprendre les résultats 
obtenus par la radiothérapie dans le traitement de cette affection, il est 
indispensable de bien connaitre les lésions qui la caractérisent. 

L'impuissance habituelle de la thérapeutique contre cette affection 
le fait qu'au début elle est limitée à la peau, devaient inciter les Rünt- 
genothérapeutes à tenter le traitement par les rayons de Röntgen. 
L'examen histologique montrant une dégénérescence très voisine de 
l'épithéliomatisation, et, enfin, la transformation épithéliomateuse, pou- 
vait permettre d'espérer, sinon la guérison, du moins une notable 
amélioration. 

Plusieurs expérimentateurs ont, en effet, tenté la radiothérapie dans 
la maladie de Paget, à ses différents stades d'évolution; les résultats 
ont été divers, si l’on en juge par les quelques observations publiées ; 
j'en ai signalé quelques-unes dans mon Traité de radiothérapie (deuxième 
édition). 

Parmi les travaux récents parus sur la question, un des plus impor- 
tants est celui de M. B. Hartzell, de Philadelphie (XXXIX® Congrès 
de l'Association dermatologique américaine). D'après cet auteur, on peut 
amener une complète guérison des lésions qui siègent sur l'aréole et le 
mamelon; l'effet est, au contraire, très faible sur les proliférations 


190 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


épithéliales des canaux glandulaires profonds. Cette opinion est basée 
sur des examens histologiques pratiqués après un traitement prolongé. 
Il en conclut qu’au début, la radiothérapie peut être utilisée, tandis qu’à 
un stade plus avancé, il faut avoir recours au bistouri. Dans la discus- 
sion qui suivit cette communication, J. Shepherd, J.-N. Hyde, Ravogli 
et Gilchrist (Journal of cut. dis., juillet 1906, p. 289) s’opposèrent à 
l'emploi de cette thérapeutique, lui préférant l'amputation précoce et 
immédiate du sein. 

En présence d'opinions aussi contradictoires, j'ai cru utile de rapporter 
deux observations de maladie de Paget, l'une du mamelon, l’autre de la 
région dorsale, qui ont complètement guéri sous l'influence d’un traite- 
ment radiothérapique. J'ai déjà publié, en 1905, un cas analogue qui au 
bout de 2 à 3 mois, présenta toutes les apparences de la guérison (Traité 
de Radiothérapie). 

Vers la fin du mois d'avril 1906 se présenta dans mon cabinet, une 
femme de 47 ans dont le sein gauche était atteint de maladie de Paget. 

L’affection avait débuté 4 à 5 ans auparavant, par une petite excoria- 
tion avec rougeur périphérique et quelques sensations prurigineuses. La 
malade, qui habitait alors les colonies, consulta un médecin, qui lui pres- 
crivit une pommade. Le mal continua à évoluer, et peu à peu la lésion 
progressa, la rougeur s'étendit, la peau s’excoria, s’exulcéra, un suinte- 
ment assez abondant apparut et la malade éprouva de violentes sensations 
de brûlure. 

De retour en France, elle vit un confrère, qui lui cbnseilla de mettre 
sur la région malade une pommade mercurielle. Le résultat fut déplo- 
rable : l’inflammation s'accentua, la lésion étendit ses limites et les dou- 
leurs furent telles, qu'après la première application la malade renonça à 
cette médication. 

Elle alla enfin, consulter mon maitre, le D" Brocg, qui porta le diag- 
nostic de maladie de Paget et voulut bien me confier la malade. 

La lésion était typique. Sur toute la région aréolaire et péri-aréolaire 
existait une exulcération d'un rouge violacé : elle affectait sensiblement 
une forme elliptique ; le grand diamètre perpendiculaire à l'axe sternal 
mesurait environ 6 centimètres et demi de longueur, le petit diamètre 
(hauteur) était de 5 centimètres. La surface était granuleuse et suintante ; 
il n'existait pas de croûtes, la malade tenant nuit et jour des compresses 
humides sur la région. Par places, on voyait quelques lamelles cornées 
d'un blanc gris, très peu étendues, n'adhérant que partiellement aux 
tissus sous-jacents Les bords de l'ulcération étaient nettement arrêtés 
mais se continuaient avec la peau saine par une zone moins rouge, non 
exulcérée mais déjà desquamante et décolorée. Le mamelon, qui occupait. 


BELOT. — MALADIE DE PAGET 191 


sensiblement le centre de figure de l'ellipse, était déjà rétracté el dépassait 
fort peu le plan cutané. Sa coloration était d’un rouge plus vif que le 
reste de la lésion et il donnait issue à un suintement abondant. On ne 
constatait pas de ganglions axillaires ou sus-claviculaires, par contre le 
sein était un peu infiltré en profondeur, sans que l'on puisse toutefois 
délimiter une tumeur nette, Le tégument lui-même ne paraissait pas 
épaissi. Parfois, la malade éprouvait des douleurs assez vives et un prurit 
plus ou moins intense se faisait ordinairement sentir. 

Le traitement radiothérapique fut immédiatement commencé e avril 
1906), en protégeant le tégument, mais en laissant à découvert, tout 
autour de la région exulcérée, un centimètre environ de peau saine. Les 
rayons furent choisis moyennement pénétrants No 6 à 7 au radiochromo- 
mètre de Benoist et la dose absorbée fut de 3 unités H. 

En même temps, je fis cesser tout traitement local et recommandais 
à la malade de tenir nuit et jour, sur la plaie, des cataplasmes de fécule de 
pommes de terre faits à chaud et mis à froid. 

Le 3 mai, l'état local ne s'était pas encore modifié ; depuis 2 à 3 jours, 
cependant, la malade éprouvait quelques douleurs, des démangeaisons et 
des sensations de brûlure. Je fais absorber une dose de 2 H. 1/2. 

Le 10 mai, la lésion est considérablement modifiée. Toute la surface 
exulcérée, sauf en une aire centrale de 2 centimètres de long et de 
1 centimètre de large, est recouverte d’un épiderme blanchätre, lamelleux 
très mince, mais de bonne allure. Les douleurs sont très atténuées, le 
suintement a diminué et l'état général est excellent. 

Le 22 mai, l'amélioration continue; les douleurs ont cossé, le suinte- 
ment s’est tari, l'épiderme blanchätre a été remplacé par un mince tésu- 
ment rougeâtre ; la rétraction du mamelon a disparu, l'infiltration s'atté- 
nue : l'aspect général est excellent. La dose absorbée est de 2 H. 1/2. 
Je fais remplacer les cataplasmes par des applications de pâte de zinc 
peu épaisse. 

Le 5 juin il ne reste plus que quelques petits points où l'épiderme 
est comme gercé. Une dose de 3 H. 1/2 est absorbée, l'irradiation portant 
sur tout le sein. 

Le 12 juin, l’état parait moins favorable que précédemment, le sein 
est plus rouge, l’épidermisation déchirée par places. J’attribue ces phé- 
nomène à l'emploi de la pâte de zine qui colle et irrite le mince tégument 
existant. Je prescris, à nouveau, les cataplasmes, après avoir fait une 
irradiation de 2 H. 

= Le 19 juin, je revois la malade ; le sein est de nouveau complétement 
recouvert d’épiderme, Celui-ci est encore blanchätre au centre, mais en 
périphérie, une bordure de près de 1 centimètre présente tous les carac- 


192 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


tères de l’épiderme normal et ne peut en être distingué que par sa plus 
faible pigmentation Dose de 3 H. 

Le 27 juin, l'amélioration centinue ; les douleurs, quiavaient reparu 
précédemment ont de nouveau cessé, Pose de 3 H 1/2, ainsi que 
le 4 juillet. 

Le 18 juillet, la cicatrisation est complète, l'aspect excellent ; dose 
de 3 H 1/2. 

Le 30 juillet et le 13 août, je fis une séance avec dose de 2H et 3 H. 

A cette époque, la cicatrisation est totale, la peau au voisinage du 
mamelon est simplement un peu plus rosée que sur le reste du corps; 
la malade n'éprouve plus aucune sensation douloureuse; le sein n'est plus 
infiltré et le mamelon est normalement saillant. J’autorise la malade 
à partir en vacances. 

Elle me revient au milieu d'octobre, en excellent état; la guérison 
apparente est complète; la peau qui recouvre le sein est fine et 
souple. 

A la fin de novembre 1906 et eu janvier 1907, j'ai fait une séance 
(3 H) sur l’ensemble, pour prévenir la récidive, et je me propose d'en 
faire une tous les trois ou quatre mois. 

Actuellement, la malade est toujours en parfait état. 

Le tableau ci-dessous permettra de suivre la succession des 
irradiations : 


DATES QUANTITÉS | QUALITÉ 


26 Avril 
3 Mai 
10 — 
22 — 
95 Juin 
12 — 
19 — 
27 — 
4 Juillet 
18 — 
30 — 
13 Août 


Debut de l'amélioration. 


DS DONNE © 


Co © 10 


_— 


Cicatrisation complète, 


Le a © 


Guérison apparente. 
13 Octobre Gutrison apparente parfaite. 
29 Novembre Pour prévenir récidive. 
24 Janvier 
Mars Etat local parfait. 


BELOT. — MALADIE DE PAGET 193 


Voilà donc une femme atteinte d'une maladie de Paget du mamelon 
indiscutable, ayant dépassé le stade eczématique, puisqu'il existait de la 
rétraction du mamelon et de l'infiltration de la glande, qui, en trois mois, 
a vu régresser et se cicatriser, sous l'influence de la radiothérapie, une 
lésion ayant débuté 4 à 5 ans auparavant Depuis 7 mois la guérison 
apparente se maintient; on a donc le droit de dire que la radiothérapie 
a été, dans ce cas, une excellente méthode thérapeutique. 


Le second cas est celui d’une femme de 71 ans, qui présentait, sur 
le milieu du dos, au niveau de la pointe des omoplates, un placard rou- 
geåtre, de forme ellipsoïde dont le grand axe suivait la direction de la 
colonne vertébrale. La lésion mesurait 6 à 7 centimètres de hauteur sur 
4 à 5 de largeur. Au dire de la malade, elle était apparue en 1900, 
à la suite d'ue forte application de teinture d'iode; mais le siège même 
de la dermatose permet de mettre en doute cette étiologie. Peu à peu elle 
s'était étendue, pour atteindre les dimensions actuelles. La surface malade 
était d'un rouge vineux, sur lequel de fines squames lamelleuses mettaient 
une tonalité plus claire; on ne constatait aucune tendance au suintement. 
Les bords étaient nettement arrêtés; on notait un peu d'épaississement 
des téguments. La malade accusait de très vives démangeaisons. 

Cette femme fut envoyée, à l'Hôpital Saint-Antoine, au laboratoire 
de radiologie médicale du Docteur Béclère, dont j'ai l'honneur d’être 
l'assistant. Le diagnostic fut d’abord controversé ; on pensa à une maladie 
de Paget, mais le siège de la lésion faisait hésiter, les localisations en 
dehors du mamelon étant fort-rares. Un examen histologique, pratiqué 
par M. Rist, confirma le diagnostic de maladie de Paget. Le traitement 
radiothérapique fut décidé et la malade fut confiée aux bons soins du 
D" Jaugeus. 

Les irradiations commencèrent le 18 décembre 1905, par une dose de 
5 unités H , avec des rayons N° 5 à 6 Benoist ; une séance anologue fut 
faite 15 jours plus tard. A partir du 8 janvier 1906, la malade a recu 
régulièrement 3 H. par semaine. Le 26 février, la lésion avait complè- 
tement disparu, laissant à sa place un épiderme d'apparence normale, ne 
se distinguant de la peau avoisinante que par une pigmentation différente. 
On avait fait en tout 10 irradiations représentant un total de 34 unités H. 
La malade, que j'ai revue il y a quelques jours, est toujours en parfait. 
état. 


Du reste, ces deux cas ne sont pas isolés ; je connais un de mes 
collègues, M. Darbois, qui a également obtenu par cette méthode deux 
ou trois guérisons. 


ANNALES D'ÉLECTRORIUVLOGIE. TOME X — MARS 107. 14 


> 


194 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


L'intérêt des observations précédemment rapportées réside dans ce 
fait que l'une concerne ure maladie de Paget déjà très avancée, avec un 
peu de rélraction mamelonnaire et l’autre, une localisation rare de cette 
affection à un stade différent d'évolution. Le résultat a été aussi complet 
et sensiblement aussi rapide chez les deux malades ; les doses employées 

ont été relativement faibles. 

Des cas que j'ai pu observer je me crois en droit d'affirmer que la 
radiothérapie constitue un excellent mode de traitement pour la maladie 
de Paget, tant que cetle affection n'a pas envahi la profondeur de la 
glande mammaire ou les plans profonds. 

A cela rien d'étonnant ! 

Chacun sait l'action électivement destructive qu'exerce sur les 
éléments néoplasiques les rayons de Röntgen ; la maladie de Paget se 
caractérise, d'après Darier, par une dégénérescence de l'épiderme très 
voisine de l’épithéliomatose évoluant vers la prolifération épithélioma- 
teuse : l'effet est donc du même ordre que dans le cas d'épithélioma 
cutané. 

En plus, cette affection revêt un ensemble de caractères, qui sont des 
plus favorables à Faction curative des radiations D'abord elle évolue 
ordinairement avec une extrême lenteur, et nous savons tous combien ce 
facteur est important en radiothérapie. De plus, elle se limite, au début, 
à l'épiderme de revêtement ; elle est donc très superficielle : partant, les 
cellules malades absorbent avec la plus grande facilité la dose destruc- 
tive. Mème lorsqu'elle a déjà quelque peu dépassé ces limites, comme 
dans la première observation, l’action des rayons X peut encore être 
favorable, par ce que la lenteur d'évolution (facteur favorable) compense 
le siège en profondeur {facteur défavorable). 

Quand le sein tout entier est envahi, quand à une maladie de 
Paget a succédé ou va succéder une tumeur maligne, il faut avoir 
recours à l'intervention sanglante : la radiothérapie ne peut être qu'im- 

- puissante, | 

On pourra m'objecter que les guérisons publiées ne sont que tempo- 
raires : il ne faut pas oublier que l’une date de 7 mois et l’autre de 
13 mois. Il est possible qu’une récidive survienne... mais quelle méthode 
thérapeutique n’est pas sujet à la même objection ? 

Quoiqu'il en soit, on ne peut s'élever contre des faits, aussi invraisem- 
blables qu'ils paraissent, et ces faits permettent de préconiser cette 
thérapeutique, qui n'est pas douloureuse, ne s'accompagne d'aucune 
mutilation, soulage rapidement les malades et entraine, en quelques mois, 
la guérison d'une exulcération qu'ils voyaient s'étendre lentement, 
malgré les tentatives thérapeutiques les plus diverses. 


BELOT. — MALADIE DE PAGET 195 


Quelle doit être la formule radiothérapique ? 

Lorsqu'il n'existe que de la rougeur avec desquamation, sans ulcé- 
ration ni suintement, c’est-à-dire au premier stade de l'affection, on peut 
débuter par une dose de 5 à 6 H, puis réduire la quantité absorbée à 3 H 
par semaine, ou, mieux, tous les 10 à 12 jours, suivant la réaction locale. 

Quand l'affection se caractérise par une exulcération franche s’accom- 
pagnant de suintement, avec ou sans rétraction du mamelon, on doit 
procéder avec plus de prudence, à cause de la sensibilité des tissus; la 
dose de 4 H ne me paraît pas devoir être dépassée. Je me suis bien 
trouvé de doses variant de 3 à 4 H tous les 8 à 15 jours, selon l'évolution 
locale. 

Il faut éviter toute réaction inflammatoire et je me demande si les 
insuccès publiés ne sont pas dus à des excès de dose. 

Les pansements locaux ont une grande importance et les cataplasmes 
de fécule de pomme de terre m'ont paru préférables à la pâte de zinc, 
tant que la cicatrisation n’est pas complète. 

En résumé, la radiothérapie appliquée au traitement de la maladie 
de Paget amène rapidement la modification des lésions, la cessation des 
douleurs et la cicatrisation de la plaie, suivie elle-même de toutes 
les apparences d’une guérison durable. 


Rôüntgenthérapie-Leucémie (1). 


Par M. Victor MARAGLIANO 


Assistant de la Clinique Médicale 
et Directeur du Cabinet rüntgénologique des Hôpitaux de Günes. 


Je ne veux certainement pas traiter ici toute la question de la 
rontwenthérapie dans la leucémie. Après la parfaite relation qu'en ont 
faite Belot et Barjon au Congrès de Lyon, au mois d'août dernier, il reste 
en vérité bien peu à dire. Mais ayant en traitement, depuis plus de deux ans, 
un cas typique de leucémie spléno-médullaire, et ayant observé quelques 
particularités (pendant le traitement rôntwen'hérapique) dignes d’être 
prises en considération, je désire ici en faire la communication, parce 
que je crois qu'elle pourra contribuer à la connaissance du mécanisme 
des actions des rayons Röntgen dans cette affection. Il s'agit d’un 
malade d'a peu près 45 ans; la maladie date du commencement de 
1903 (à peu près). Quand je la pris en observation au commencement de 
1904, il présentait tous les signes les plus caractéristiques d’une grave 
leucémie (augmentation manifeste des globules blanes, à peu près 80.000; 
variations qualitatives assez remarquables des leucocytes; myélocytes en 
grande quantité, ete. ; grande diminution des globules rouges (1.800.000); 
en plus, on avait chez lui une lymphadénie assez volumineuse au cou et à 
l'aine. Le traitement a donné de bons résultats : grande diminution des 
globules blancs, retour presque à la normale de la formule leucocytaire, 
augmentation des globules rouges, grande diminution de volume de la 
rate. Tout cela ne présente rien de remarquable; c'est un cas d’heureux 
résultat de plus à ajouter aux centaines déjà connus. Ce qui pourrait 
attirer de plus l'attention, c’est la durée assez longue du bien-être après 
la fin du traitement (un an ct demi à peu près). Mais je ne veux pas 
m'arrêter sur ce point Je désire relever le fait suivant : pendant le 
traitement fut irradié la rate — non pas les os — et les ganglions 
lymphatiques du cou et sous-maxillaires, jamais les inguinau:x. Eh bien ! 


(1) Communication faite au Congrès international d'Électrologie et de Radiologie 
médicales de Milan (Septembre, 1906). 


MARAGLIANO. — ROÔNTGENTHÉRAPIE-LEUCÉMIE 197 


en même temps que dimivuaient les glandes lymphatiques du cou, dimi- 
nuaient aussi notablement de volume les glandes inguinales. I't il faut 
considérer que cela se produit dès le début du traitement, quand la 
rôntgenthérapie n'avait pas encore déployé tous ses effets sur la masse 
sanguine et sur l'état général du malade. 

Il s’agit donc d’une incontestable action à distance des rayons 
Röntgen, car ceux-ci, parfaitement hmités, n'étaient jamais parvenus 
aux glandes inguinales. It cela n'est pas le premier cas publié sur 
l'action à distance des rayons Röntgen. Plusieurs auteurs francais ont 
déjà décrits des modifications sur des parties de la peau, assez éloignées 
du point traité. Sans aucun doute, il doit exister un mécanisme spécial 
d'actions, par lequel s’exercent les effets sur les organes éloignés 
de ceux que l’on traite. Je crois pouvoir aflirmer qu'il ne s’agit 
pas de rayons secondaires se développant dans l’intérieur du corps et se 
diffusant dans sa masse. 

Et, en effet, les ganglions du cou, traités directement, et ceux 
de l'aine, non traités, se réduisirent presque avec la même rapidité, 
Si telle action à distance était due aux rayons secondaires, les ganglions 
inguinaux auraient dù diminuer plus lentement. On peut donc admettre 
qu'il existe réellement une influence spéciale produite par les rayons 
Röntgen sur le point traité, et que, transportée par le corps, elle vient 
agir sur des parties éloignées. Quelques auteurs ont déjà annoncé 
d’avoir trouvé une certaine substance après le traitement rontrenthé- 
rapique de la leucémie. Curschmann et Gaupp (1) ont précisément trouvé 
avec certitude la röntgenleucotoxine dans le sang d'un malade de leucémie 
lymphatique, traité avec les rayons Röntgen. Cette leucofoxine a la 
propriété de détruire les leucocytes dans l'organisme des lapins, et les 
leucocytes humains in vitro. 

Les expériences de Curschmann et Gaupp n'ont pas encore été 
confirmées, jusqu'à présent, par d'autres recherches. Mais il est certain 
que les rayons Röntgen n’ont pas une action purement locale, dans 
la leucémie, mais aussi générale. 

Les recherches de Krause (1) ont démontré que, dans la leucémie 
traitée avec les rayons Röntgen, l'élimination de l'acide urique et des 
bases pyridiques augmente en rapport de la diminution des leucocytes. 
Slurberg (2) a aussi trouvé que l'élimination des corps alloruriques subit 
de notables modifications dans ses excrétions. Tout cela prouve 
que les rayons Röntgen, en plus de l’action locale, ont une action 


(1) Münch. Med. Woch., N° 50-51, 1906. 
(2) Med. Klin. W., 1906, N° 7. 


198 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sur des composants spéciaux de rechange, phénomène qui dépend proba- 
blement de substances qui se produisent et qui entrent dans la circulation 
du sang. | 

Le docteur Sciallero aussi partage l'opinion que les rayons Röntgen 
doivent leur influence sur les néoplasmes à des substances particulières 
qui ont une action destructive sur les éléments des néoformations. La 
question à savoir si telle substance se produit dans les organes blessés 
et se répand ensuite dans le sang, ou si elle est produite dans le sang 
même, est encore à décider. 

Il est certain, cependant, que telles substances peuvent agir à distance, 
non seulement sur le reste du sang circulant (parce qu'il est évident que 
pendant l'application des rayons, toute la masse sanguine n'est pas 
assujettie également à leur action), mais aussi sur d’autres organes sains 
ou malades Il n’est pas encore bien démontré de quelle nature est cette 
action : dans notre cas, elle a montré être de la même nature de celle 
qu'ont eue les rayons Röntgen sur les autres glandes 

Et cela est le point principal que je cherche à bien établir dans 
la rüntgenthérapie des maladies du sang et des organes hénatopuoiétiques, 
et spécialement dans la leucémie, c'est à dire qu'on peut obtenir des 
effets curatifs sur des organes malades et non irradiés, traitant 
le sang et d'autres organes. 

Je me hâte de dire que je ne veux pas nier l'action locale bien 
démontrée par les belles recherches de Heinecke, car je crois que c'est 
justement de cette action locale que dérivent les effets généraux. Mais 
j'insiste sur ceux-ci, parce qu’ils peuvent avoir, en certains cas. 
spéciaux, une grande importance. En effet, dans les cas graves de 
leucémie, dans lesquels est nécessaire une prompte intervention, quel- 
quefois l'effet bienfaisant des rayons Röntgen arrive trop tard, parce 
que pour se limiter, en général, à une action locale, on est obligé 
de ne pas dépasser une certaine quantité de doses pour ne pas nuire gra- 
vement au fégument du patient, On se contente ainsi de la seule action 
locale, et on ne produit pas des substances en quantité suflisante pour 
avoir un effet général. Dans ces cas, au contraire, il serait à conseiller 
qu'en plus d’irradier la rate, il faut irradier aussi des régions riches 
en organes lymphatiques, comme le cou, même si elles ne sont pas 
tuméfiées, et des organes riches en sang, comme le foie. Comme cela 
on pourrait activer les processus curatifs au moyen d’une espèce de 
autosérothérapie. 

Encore un mot sur la technique. Très peu d'auteurs recourent, en 
ce traitement, à la fÆltration des rayons. Or, je l'ai déjà dit dans 
diverses publications, et je le répète encore ici, je considère cette 
pratique comme très utile, 


MARAGLIANO. — RÔNTGENTHÉRAPIE-LEUCÉMIE 199 


Malgré la bonne qualité de l'ampoule et quoique la capacité de 
l'opérateur soit grande, on ne réussit jamais à obtenir des radiations 
d’une seule et unique puissance pénétrante ; avec celles qui pénetrent 
s'en trouveront d’autres qui ne pénètrent que très pou. Dans l'irradiation 
de la rate, celles qui servent sont les premières, les secondes n'arriveront 
pas à elle, parce que arrêtées par les ééguments extérieurs auxquels elles 
sont très. nuisibles. | 

Or, pourquoi ne pas éliminer ces radiations inutiles et dangereuses ? 
Chaque opérateur peut avoir une méthode à soi pour cette filtration, 
moi, je me sers avec avantage, depuis longtemps, du diachylon à plu- 
sieurs feuilles (généralement quatre); il a l'avantage de rester facilement 
attaché à la peau. 

Comme cela nous serons sûrs qu'en choisissant un filtre convenable, 
les rayons fillrés ne se fixeront pas sur les féguments extérieurs, mais 
que la plus grande part arrivera sur l'organe sous-jacent. Et cela nous 
permettra, en éliminant presque complètement les radiations nuisibles, 
de pouvoir travailler avec une quantité plus grande de doses, et d'obtenir 
par là des effets meilleurs. 


Le problème rœntgoscopique 


Par M. Virgilio MACHADO (de Lisbonne) (1). 


On peut affirmer que les résultats obtenus avec la technique rœntgo- 
graphique actuelle sont parfaits. On ne peut pas en dire autant de la 
technique rœntgoscopique. 

En employant soit les bobines des systèmes les plus divers, soit 
quelqu'autre transformateur ou la machine électrostatique on obtient, 
sur la plaque photographique, de magnifiques rœntgogrammes d’une 
netteté parfaite, 

Ils sont même très riches en contrastes, surtout depuis qu'on emploie 
les compresseurs ou les diaphragimes. 

Malheureusement, quand on emploie les bobines ou d'autres trans- 
formateurs semblables, on ne voit que ra’ ement sur l'écran fluoroscopique 
des rœntgogrammes ayant les facilités attribuées à ceux imprimés sur les 
plaques photographiques. Quelle en est la raison? 

Les plaques photographiques sont bien moins sensibles que les 
écrans fluoroscopiques aux rayons X primaires ou secondaires qui 
acompagnent, dans leur genèse et propagation, les rayons producteurs du 
ræœntgogramme idéal, rigoureusement géométrique de l’objet examiné. 

D'abord il faut définir ce qu'on doit entendre par rœæœntgogramme idéal. 

Nous désignons par cette expression limage produite par les 
rayons X partis d’un point de l’anticathode considéré comme étant le 
foyer de leur émission et où se fait la convergence des rayons cathodiques. 

Or, simultanément avec les rayons qui doivent produire ce ræntgo- 
gramme idéal, il y en a d'autres à considérer et qui sont la cause 
principale du défaut de netteté qu'on constate dans les images rœntgos- 
copiques. 

Quels sont donc ces rayons, quelle en est la provenance ? 

1° Le lieu d'émission des rayons X sur l'anticathode n'est pas réduit 
à un point géométrique. Il est représenté par une surface p'us ou moins 
large. 


(1) Communication faite au Ille Congrès international d'Electrologie et de 
Radiologie médicales, Milan (5-9 Septembre 1906:. 


MACHADO. — PROBLÈME RŒNTGOSCOPIQUE 201 


De cette manière il n’y a pas un faisceau unique de rayons X émis 
par la cathode, mais il y a en réalité un grand nombre de cônes ayant 
leurs sommets très rapprochés. 

Plus la surface d'émission est réduite, plus grandes sont la netteté 
et la richesse en contrastes du rœntgogramme ; 

29 Quand le courant de fermeture du secondaire de la bobine possède 
un voltage capable de vaincre la résistance intérieure de l'ampoule, il se 
produit une décharge et, dans ce cas, la cathode de l’ampoule joue le 
rôle d'anticathode, de manière que la surface émet aussi des rayons X. 

L'action sur l'écran de ces derniers rayons, que nous appellerons rayons 
parasites N° 1, s'ajoute, en vertu de la persistance des images sur la 
rétine, à celle des rayons X produits par la décharge d'ouverture 
de l'induit, ce qui nuit énormément à la netteté des rœntgogrammes 
obtenus dans ces circonstances. 

Ces rayons parasites N° 1 ne se produisent pas quand on emploie 
les décharges des machines électrostatiques dans l'excitation des ampoules 
radiogéniques ; 

3° On constate facilement que tous les points de la paroi de l'ampoule 
où se manifeste la fluorescence (généralement verte) émettent des 
rayons X. 

Tous les rayons cathodiques ne sont pas épuisés dans la production 
des rayons X. 

Après avoir frappé l'anticathode, ils se dispersent dans l'hémisphère 
interélectrodique et. y frappant aussi les parois de l'ampoule, y engendrent 
des foyers d'émission de rayons X. 

Ceux-ci, quoique bien plus faibles que ceux émis directement par 
l'anticathode, nuisent beaucoup à la netteté du rœntgogramme fluoros- 
copique. Je crois pouvoir les appeler : rayons parasites N° 2; 

4° Tous les points de l'ampoule frappés par les rayons X partis 
directement de l'anticathode, tous les corps, l'ar compris, rencontrés 
par ces rayons aussi bien que par les rayons parasites N'S ] et 2, dans 
leur trajet jusqu’à la plaque photographique ou à l'écran flaoroscopique, 
émettent des rayons secondaires. 

Ceux-ci, que nous appellerons rayons parasites N°3, nuisent aussi à 
la netteté des rœntgogrammes. 

Tous ces rayons parasites N°$ 1, 2 et 3, sont encore nuisibles sous 
un autre point de vue. Ils éclairent inutilement l'écran, en augmentant 
leur éclat et éblouissant la rétine, ce qui la rend moins apte à l'examen 
des détails de l'image fluoroscopique. 


Analysons maintenant chacune des causes ci-dessus exposées très 


202 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


i 


sommairement, qui déterminent le défaut de netteté des ræntgogrammes 
fluoroscopiques. 

Il y a, pour chaque ampoule, selon ses conditions de construction et 
son degré de vide, une décharge électrique optimum (équivalente à une 
étincelle d'une certaine longueur et d'une certaine épaisseur), capable 
d'engendrer sur l'anticathode un foyer réduit à peu près à un point 
géométrique. | 

Il y a aussi pour les décharges, dans ces conditions, un nombre 
optimum de successions, dans l'unité de temps, de manière à leur 
permettre la production régulière de rayons cathodiques convergents 
sur une aire de l’anticathode la plus limitée possible, presque punctiforme. 

Ces conditions de la décharge électrique appropriée à chaque ampoule 
ne peuvent être obtenues que par des tâätonnements. Ceux-ci réussissent 
plus rapidement quand on excite les ampoules sous un régime électrique 
identique à celui observé dans les dernières phases de leur fabrication. 

Il convient donc qu’on les excite avec des bobines et des interrupteurs 
des mêmes systèmes et modèles que ceux employés pendant l'aspiration 
de l'air dans le dernier temps de cette fabrication. 

Voici pourquoi les ampoules ne s'adaptent pas quelquefois très 
facilement aux décharges des machines électrostatiques, qui ne sont pas 
utilisées pour exciter les ampoules pendant qu’on y fait le vide de Crookes. 

Les constantes de la décharge optimum varient naturellement avec 
le degré de vide ampulaire et on remarque souvent qu'il y a certains 
degrés de raréfaction de l'ampoule pour lesquels on trouve plus facilement 
que pour d’autres cette décharge capable de produire des rœæœntgogrammes 
fluoroscopiques très nets, 

C'est aussi dans le but de réduire à un minimum l’aire d'émission de 
rayons X sur l’anticathode, qu'ont été adoptés les artifices proposés par 
Dessauer, en Allemagne, et par Heinz, dans l'Amérique du Nord. 

Les conditions de production des rayons parasites nous montrent 
qu'ils sont plus abondants et plus intenses dans toutes les circonstances 
où l'on emploie des décharges à trop haut potentiel dans l'excitation de 
l'ampoule. 

Or, la circonstance qui oblige à l’emploi des plus hauts voltages est 
surtout, mais pas exclusivement, la grande résistance inter-électrodique. 
Celle-ci est une résultante de ces quatre éléments : 

1° Degré du vide ampulaire ; 

2° Dimensions des électrodes ; 

3° Forme des électrodes ; 

4° Distance inter-électrodique. 

Le nombre des interruptions du circuit inducteur influe aussi sur la 


MACHADO. — PROBLÈME RŒNTGOSCOPIQUE 203 


grandeur du voltage à employer quand on veut obtenir des décharges 
dans le secondaire avec des valeurs déterminées. 

Plus le nombre des interruptions est grand dans l'unité de temps, 
plus grand est le voltage à employer dans le primaire pour obtenir une 
énergie déterminée et constante dans le secondaire. 

En utilisant dans l'excitation d'une ampoule placée dans le même 
circuit qu’un milliampéremètre, un certain nombre, par minute, de 
décharges d'un transformateur, il est très facile de constater que 
l'intensité dans ce circuit croit ou diminue selon qu'on emploie des 
interruptions plus rares ou plus fréquentes. 

De telle sorte que si l’on veut augmenter le nombre des décharges 
de l’induit en leur conservant la mème énergie, il faut augmenter le 
voltage du courant inducteur. 

Cette technique n'est pas applicable avec résultat au delà de certaines 
limites. 

Toutes les considérations qui viennent d'ètre exposées nous montrent 
que les conditions les plus favorables à la production des rayons parasites 
les plus intenses sont celles-ci : 

1° L'emploi de grandes ampoules ; 

2° L'emploi d’ampoules très dures ; 

3° L'emploi d'ampoules avec des électrodes formées par de grandes 
masses métalliques ; 

4° L'emploi d'interruptions trop nombreuses du circuit inducteur. 

C'est avec la prétention d'obvier à la production de rayons para- 
sites N°1, qu'on utilise les tubes ou ampoules soupapes, système Villard, 
et ceux fondés sur le même principe. 

On cherche à empêcher l'action des rayons parasites N° 2 et 3 sur 
la plaque photographique ou l'écran fluoroscopique en adoptant soit les 
diaphragmes en métal à ouverture variable, soit des capsules en verre 
ou en caoutchouc bismuthé (?) opaques aux rayons X. 

Celles-ci enveloppent toute l'ampoule à l'exception d'une région 
limitée, qui permet le passage des rayons utilisés dans les projections sur 
la plaque ou sur l'écran. | 

Les diaphragmes évitent le passage d'un grand nombre de rayons 
parasites émis par l’ampoule ; cependant, sur leurs bords se produisent 
des rayons secondaires appartenant à la classe que nous avons appelée N°3. 

Ces derniers rayons peuvent être retenus en grande partie par une 
lame mince d'aluminium placée entre le malade et la plaque photographique 
ou le fluoroscope. 

De tout ce qui vient d'être dit, il découle que l'ampoule la plas 
convenable .pour un examen rœntsoscopique est celle qui produit des 


201 | - ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


rayons X, avec l'intensité exigée dans le cas en observation, sous le 
moindre voltage possible. 

Or, ces conditions se trouvent généralement réalisées par les petites 
ampoules excitables par des décharges équivalentes à dix centimètres 
d’étincelle et avec lesquelles on peut obtenir tous les degrés de pénétration 
qu’on obtient avec les ampoules de plus grandes dimensions. 

Malheureusement, les petites ampoules s'altèrent très vite et, en 
général, on n'y adapte pas de systèmes de régénération gazeuse. 

Elles durcissent rapidement, cependant elles maintiennent quelquefois 
pendant deux ou trois minutes leur degré de vide. 

La chaleur acquise par l'anticathode et par les parois de l'ampoule 
pendant son fonctionnement agit favorablement pour régénérer l'atmos- 
phère ampulaire à mesure qu’elle se raréfie par le fait même de la 
production des rayons X. 

Quand je ne peux pas utiliser la machine électrostatique dans les 
études radioscopiques, j'examine sur l'écran fluoroscopique les rœntgo- 
grammes produits par une ampoule fabriquée pour des étincelles de 
dix centimètres et excitée par une bobine à interrupteur-marteau. 

Ces rœntgogrammes présentent une netteté et une richesse de 
contrastes bien supérieures à celles observées généralement dans les 
rϾntgogrammes fluoroscopiquess obtenus avec les grandes ampoules 
excitées par mes grandes bobines à interrupteur moteur, électrolytique 
Wehnelt et ceux analogues. 

Quelle que soit la bobine adoptée, je tâche toujours de réduire au 
minimum toutes les résistances étrangères à l'inducteur (1). Je cherche 
à éviter les grands rhéostats, en utilisant le nombre le moindre possible 
d'accumulateurs. 

De cette manière, je n’emploie que le voltage presque strictement 
exigé par la résistance du primaire pour y obtenir un courant suffisant 
a induire la décharge optimum du secondaire, dans les conditions du 
moment. 

Quand les examens fluoroscopiques n’exigent pas une longue durée, 
j'emploie de préférence les petites ampoules excitées par des petites 
bobines (10 centimètres d'étincelle). 

Si je puis éviter l'emploi de l'interrupteur électrolytique, je le fais 
volontiers. Il est vrai qu’en l’employant avec les bobines segmentées 
(Watterschattung) et les diaphragmes métalliques, je peux obtenir des 
rœæntgogrammes fluoroscopiques ayant un certain degré de netteté. 


(1) C'est l'observation ct l'expérience qui démontrent plus que la théorie l'utilité de 
cette règle de technique qui, à première vue, semble dénuée de fondement. 


MACHADO. — PROBLÈME R(ÆENTGOSCOPIQUE 205 


Malheureusement, les examens faits dans ces conditions ne peuvent 
être que de courte durée, parce que, au bout de quelques secondes, 
l'atmosphère intérieüre de l'ampoule se raréfie notablement et ıl faut 
la régénérer. 

Il n'est pas toujours facile d'approprier de nouveau le degré de vide 
au régime électrique sous lequel l'ampoule fonctionnait en produisant 
des rœntgogrammes avec la netteté exigée. 

Quel que soit le système d’interrupteur adopté, je ne lui fais produire 
que le nombre d'interruptions strictement indispensable à la fixité des 
images dans la rétine. 

Pour moi, l’épreuve du crayon généralement adoptée pour évaluer 
la netteté des projections fluoroscopiques ne me suffit pas. 

Je crois pouvoir avancer que la netteté maximum d’un rœntgogramme 
sur l'écran au platinocyanure de baryum sera obtenue par une ampoule 
permettant la projection très détaillée, sur le fluoroscope, des cartilages 
du larynx et des premiers anneaux de la trachée. 

Comment est-ce qu'on pourra obtenir toujours facilement, sans de 
longs et ennuyeux tätonnements, ces résultats ambitionnés par les 
ræntgologistes ? 

Est-ce en agissant isolément ou simultanément sur le degré du vide 
ampulaire, sur la distance des électrodes {ampoules du système Wagner 
par exemple), sur les constantes (volume et tension de la décharge 
électrique, etc.) 2 

Voilà le problème ræntæoscopique. 


Un schéma du tronc. 


Par M. A. CERNÉ 


Professeur de clinique chirurgicale à l'Ecole de Médecine de Rouen. 


Au cours de recherches radioscopiques poursuivies principalement 
sur l'estomac, en collaboration avec mon ancien chef de clinique, 
le docteur Delaforge, nous avons recherché un moyen simple de con- 
server, dans nos observations, le contour précis de cet organe avec ses 
rapports réels, tels qu’ils se dessinaient sur l'écran. 

Il nous fallait posséder un schéma exact du squelette du tronc. 
En y inscrivant ła ligne de convexité du diaphragme dans sa position 
moyenne, il serait facile d'y inscrire en leur place vraie soit l’estomac, 
soit le cœur ou d’autres organes. Par extension, ce schéma pourrait 
donc servir à la représentation graphique de tous les organes accessibles 
à l'examen radioscopique ou radiographique (1). 

Nous pensions que rien ne nous serait plus facile que de trouver 
dans les livres classiques d'anatomie, des figures que nous n'aurions 
qu'à copier, compléter ou combiner, pour les adapter à notre but. 
Cependant, si abondante que soit actuellement l'illustration des traités, 
il n’est déjà pas si commun d’y trouver un tronc tout entier. Seule, 
à notre connaissance, l'anatomie artistique de P. Richer, dessinée avec 
la conscience et le talent que l’on sait, nous fournissait une figure 
utilisable, heureusement complétée par le contour cutané, et conçue, 
comme nous le désirions, non pas en perspective, mais suivant une 
projection orthogonale à toutes les hauteurs. Mais quand il s'agit 
d'y inscrire nos radiogrammes, nous eûmes une grande désillusion : 
c'était impossible. 

Sans doute nous devions nous attendre à prendre seulement comme 
canevas un dessin complet du squelette, qu'il nous faudrait simplifier 
et alléger pour la lecture facile de nos reports. Mais encore fallait-il 
y rencontrer des proportions conformes à la réalité, 


(1) M. Guilleminot a fait établir un schéma de ce genre, mais seulement pour 
le thorax, et il ne présente pas d’exactitude anatomique. 


208 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


Or : 1° Le dessin de P. Richer est celui d'un szrhomme, flatteur 
peut être pour notre cnception de la force et de la beauté humaines, 
mais dont les proportions ne s'accordent pas avec le canon des anthropo- 
logistes, ni même avec celui des artistes ; 

2° Il est dessiné, comme d'ailleurs les thorax des atlas de Bourgery, 
Cloquet, etc., d'après des squelettes montés, et inexactement montés, 
par des naturalistes. 

J'ai dù reprendre par la base, c'est-à-dire sur des recherches exclu- 
sivement personnelles, la construction dudit schéma, en lui donnant 
les proportions du canon et en prenant comme type un homme bien 
développé et robuste. En dehors des mensurations anthropologiques, 
j'ai surtout utilisé les images radioscopiques et radiographiques, 
qui, seules, nous montrent l'homme vivant. 

[l est au 1/4 de la grandeur naturelle (fig. 1). 

Les particularités principales que j’y signalerai et qui le diflérencient 
en particulier du dessin de Richer sont les suivantes : 

a) La colonne vertébrale est représentée par une sorte de projection 
d'une coupe transversale et verticale des vertèbres; les espaces inter- 
vertébraux sont figurés par de simples lignes paralléles et les côtés sont 
rectilignes, par simplification. Pour la même raison, les apophyses 
épineuses ont été supprimées ; 

b) La partie antérieure du thorax manque, sauf un pointillé repré- 
sentant le sternum, la 5° côte et le rebord des fausses côtes gauches. 

Seule, la partie postérieure des côtes est bien visible et reste toujours 
nette, soit à la radioscopie, soit à la radiographie; elle fournit donc 
seule des points de repère comparables et aussi fixes que possible. 
Cependant, l'examen clinique du cœur, de l'estomac s'appuie commodé- 
ment sur les rapports constatés avec la partie inférieure du sternum, 
la 5° côte et le rebord chondro-costal, et le dessin ne s’en trouve pas 
notablement surchargé. 

On remarquera que la fourchette du sternum avoisine le bord inférieur 
de la 2€ vertèbre dorsale et que l'articulation sternoxiphoïdienne se trouve 
sur le disque intermédiaire aux 9° et 10® dorsales; il y a là une 
différence notable avec les dessins classiques du thorax, qui sont manifes. 
tement inexacts. 

Je dois reconnaitre qu'il y a des différences individuelles importantes, 
mais moins qu’on pourrait le croire. En effet, il y a des sternums longs et 
des sternums courts. | 

Les sternums longs peuvent exceptionnellement remonter vers la 
partie supérieure de la 2° dorsale ; mais cela ne les empêche pas de 
descendre aussi bas, quelquefois un peu plus bas que je ne l'ai fixé. 


ee ee — 


CERNÉ. — SCHÉMA DE TRONC 209 


Seuls les sternums très courts ont leur extrémité inférieure un peu plus 
haute, de quelques millimètres seulement ; 

c) La direction générale des clavicules n'est jamais ascendante en 
dehors comme la figure Richer; au moins ne l’ai-je jamais ainsi trouvée, 
mème sur des thorax au-dessus de la normale. Les clavicules sont 
horizontales, légèrement descendantes dans les thorax peu dévéloppés, 
et plus souvent chèz la femme ; 

d) Le schéma représentant un tronc d'homme, j'ai indiqué par un 
simple trait horizontal sur l'os iliaque la limite supérieure du bassin de 
la femme, moins élevée comme on le sait. En pratique cette indication 
sera suffisante ; 

e) Un cercle pointillé sur le bord supérieur de la 4° lombaire repré- 
sente la situation habituelle de l’ombilic, point de repère commode 
autant que peu précis. 

A ce propos je dois dire combien j'ai été surpris de lire dans un de nos 
traités, actuellement très en vogue, cette indication que le « pylore est 
situé à 7 centimètres au-dessus de l'ombilic ». C’est dans le même article 
d'ailleurs que l’auteur place le plus bas de l'estomac au niveau du 
disque intermédiaire à la 3° et à la 4° lombaire, à 3 travers de doigt 
au-dessus de l'ombilic. 

Il est curieux de constater que l'anatomie descriptive présente encore, 
de nos jours, ce manque de précision et d'exactitude en nombre de 
points; car j'en pourrais citer d’autres. On le constatera par ce qui va 
suivre. 

Pour le but que je me suis proposé, il était nécessaire d'inscrire 
dans le thorax la ligne de niveau de dôme diaphragmatique en position 
moyenne. 

La représentation classique de ce dôme le montre s'élevant notable- 
ment au-dessus de l'articulation sterno-xiphoïdienne, répondant environ 
au milieu de la 8° dorsale sur la ligne médiane, à son bord supérieur 
sur la convexité du foie. | 

Il n'en est rien. A cause de l’ombre du cœur, la radioscopie fixe 
mal le niveau de la partie moyenne: mais je puis, dire qu'elle n'atteint 
pas, ou à peine, l'articulation sterno-xiphoïdienne. C'est cependant à ce 
niveau qu'on place généralement l'insertion des faisceaux sternaux du 
diaphragme, mais c'est une erreur. Les faisceaux sterno-xiphoïdiens 
sont insconstants et il n’y en a souvent qu’un, confondu parfois avec 
une languette allant retrouver le triangulaire du sternum. Ils s’insérent 
à la pointe ou tout près de la pointe de l'appendice xiphoïde, montent 
verticalement appliqués contre appendice par un tissu cellulo-graisseux 
dense jusqu'à la rencontre du cul-de-sac inférieur du péricarde, qui, 


ANNALES D ÉLECIROB OLOGIE. TOME X. — MARS 1!(17. 15 


210 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


d'apres ce que nous avons vu, dépasse toujours, et notablement en bas, 
l'articulation sterno-xiphoïdienne. Le ou les faisceaux musculaires 
deviennent alors presque brusquement horizontaux pour rejoindre le 
centre phrénique, qui est horizontal. 

Dans la plupart des cas, le centre phrénique répond ainsi à la partie 
supérieure de la 10° dorsale, 

Sur les cotés de la colonne vertébrale seulement, le diaphragme 
forme deux voûtes latérales, la droite plus élevée mais répondant le plus 
souvent en dedans au bord supérieur de la 10° côte, gagnant plus en 
dehors le bord inférieur de la 9°, par suite de l'inclinaison progressive 
et rapide des côtes. 

Les variétés individuelles montrent la convexité hépatique, tantôt 
découvrant largement la dixième côte, tantôt répondant au milieu du 
neuvième espace (considéré bien entendu sur le bord du rachis). Par 
‘apport au centre phrénique, les voussures latérales sont aussi plus ou 
moins marquées suivant les individus, presqu'insensibles quelquefois, 
très accusées au contraire dans d’autres cas. Cependant ces variations, 
très nettes à l'examen radioscopique, ne mesurent guère, en réalité, 
qu’un centimètre de hauteur. 

Enfin, lesmouvements respiratoires d'amplitude normale ne produisent 
pas une différence de niveau dépassant la moitié d'un espace intercostal 
entre l'inspiration et l'expiration. 

Il ne me semble pas douteux que, si les traités d'anatomie donnent 
des rapports notablement différents, cela tient à ce que les rapports du 
diaphragme ont été fixés sur le cadavre, où le muscle est refoulé dans 
un thorax revenu sur lui-même par une, tension abdominale souvent 
exagérée. Cela est si vrai que j'ai retrouvé des rapports presque 
semblables à ceux que j'indique sur des figures représentant des coupes 
de sujets congelés (Anatomie chirurgicale de B. Anger, p. 621). 

Tels sont les points sur lesquels je désire, en ce moment, attirer 
l'attention des anatomistes. Mon schéma n'est pas une figure d'anatomie 
descriptive, mais il pourra fournir les éléments de la réforme de certaines 
figures erronées. Ou pour mieux dire, il montrera uno fois de plus que, 
dorénavant, l'anatomie descriptive, si elle veut bien s'occuper du vivant 
devra mettre à contribution les données radiologiques pour nombre de 
détails qui auraient pu sembler définitivement fixés depuis longtemps. 


De l'emploi d'une table spéciale permettant 
l'examen radioscopique au cours de certaines 
interventions chirurgicales. 


Par M. HARET. 


Assistant de radiologie à l'Hôpital Saint-Antoine, de Paris. 


L'extraction des corps étrangers ayant pénétré par effraction dans le 
corps humain présente souvent des diflicultés telles qu'après des recher- 
ches longues et réitérées, on finit parfois par y renoncer, Cependant, la 
découverte de Röntgen a singulièrement facilité la tache du chirurgien; 
grace au radiodiagnostic, celui-ci est sûr de l'existence du corps étranger, 
et s'il veut pousser plus loin la précision, il peut en faire localiser exacte- 
ment le siège ; toutefois, un projectile, par exemple, peut se déplacer 
dans le temps qui sépare l'intervention de l'examen radiographique el 
mieux encore radioscopique. Il semble donc tout naturel d'aller à la 
recherche des corps étrangers sous le contrôle Ges rayons X. Aussi en 
Allemagne a-t-on cherché à réaliser une table d'opération permettant de 
praliquer un examen radioscopique pendant le cours d'une intervention 
chirurgicale ; on a construit divers modèles qui, à notre avis, ne répondent 
pas complètement aux désirs des opérateurs, car elles ne permettent pas de 
se mettre dans les meilleures conditions pour faire cet examen. 

Nous savons qu'un radiodiagnoslic pour être exact doit se faire sui- 
vant certaines règles; deux de ces conditions essentielles sont, au point 
de vue de l’appareillage, la mobilité de l'ampoule et la faculté de diapl- 
ragme. On conçoit aisément, pour ne s'occuper que de la recherche des 
corps étangers, qu'un projectile pcut être situé à proximité d'un os et 
placé de telle sorte que l'ombre de ce dernier masque l’autre. La plupart 
du temps, il suffira de faire varier la position de l'ampoule pour dissocier 
les deux ombres. En outre, alors qu'à travers un thorax, par exemple, 
on n'apercoit pas nettement l'ombre d'une balle de revolver, si toute la 
surface de l'écran est frappée par les rayons X. on n'a qu’à diminuer l'ou- 
verture du diaphragme pour obtenir sur l'écran une image avec tous les 
détails désirables, car on évite par ce moyen la produetion de nombreux 
rayons secondaires qui viennent nuire à la netteté de l'image. 


212 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Ampoule mobile et diaphragme, telles sont donc les deux particula- 
rités essentielles de la table que nous avons fait construire par la maison 
Gaiffe, pour servir au cours de l'opération chirurgicale. 

Cette table en bois mesure 1 mètre de longueur et 60 centimètres 
de largeur ; à celle-ci s’adjoint une autre table de mêmes largeur, hauteur 
et longueur, mais dépourvue de tout appareil et qui peut se placer 
a l’une ou l’autre extrémité de la première, de façon à réaliser une table 
d'opération de longueur convenable pour supporter un malade couché. 

Nous ne nous occuperons que de la table sous laquelle sont placés 
les appareils destinés à l'examen radioscopique. A l'intérieur des quatre 
pieds de celle-ci et à quelques centimètres du sol sont fixés deux rails 
parallèles, supportant un chariot mobile dans un plan horizontal et dans 
le sens de la longueur de la table; sur ce premier chariot s’en trouve 
un autre, mobile dans le sens de la largeur de la table et portant le sup- 
port d'ampoule au-dessus duquel est fixé un diaphragme. 

À cinq centimètres du sol et légèrement en dehors de la table, sous 
l'un des grands côtés, se trouve une semelle mobile roulant sur le sol 
par un galet fixé à l’une de ses extrémités et reliée au support d’ampoule 
par l’autre extrémité. Les mouvements du pied posé sur la semelle 
peuvent donc déplacer cette ampoule dans tous les sens, ċar l’un 
ou l’autre des chariots se trouvera entrainé suivant la direction de l'effort. 

Quant au diaphragme, il se compose de deux feuilles opaques aux 
rayons X et présentant deux échancrures dirigées en sens contraire. On 
diminue donc l'ouverture en rapprochant les deux feuilles l’une de l’autre. 
Ce mouvement est obtenu au moyen d’un petit moteur placé sur le 
chariot support d'ampoule; suivant le sens de la marche du moteur, les 
feuilles vont au-devant l'une de l'autre ou s’écartent ; on agrandit ou l'on 
diminue ainsi l'ouverture diaphragmatique. Le courant est fermé sur le 
moteur à l’aide d’un double contact au pied, placé sur un montant de la 
table à la droite de l'opérateur. 

Sur le côté opposé de la table est fixée une tige verticale mesurant 
2 mètres de hauteur ; cette tige mobile autour de son axe porte un anneau 
que l’on peut immobiliser à la hauteur désirée; à cet anneau est rivée 
une tige horizontale dont l’autre extrémité porte un écran situé également 
dans un plan horizontal. 

L'écran ayant été placé à la hauteur convenable avant l'opération, 
c'est-à-dire à une distance du plan de la table égale à l'épaisseur de la 
région sur laquelle porte l'intervention, on écartera cet écran en faisant 
tourner la tige verticale qui le supporte; dès lors, chaque fois que 
l'examen sera demandé par l'opérateur, une légère impulsion donnée 
à l'écran fera tourner tout le système et il viendra se placer au-dessus 


HARET. — EXAMEN RADIOSCOPIQUE 213 


du champ opératoire, qu'il ne souillera cependant pas : une compresse 
asertique ayant été préalablement tendue à sa face inféricure. 

Avant l'opération également on aura centré le tube au moyen des 
deux vis de rappel du support, de telle sorte que le rayon normal à l'écran 
passe par le centre de l'ouverture diaphragmatique. 

Pour l'usage, l'appareil sera placé, soit dans une salle éclairée à la 
lumière du jour, et dans laquelle, rapidement, on fera l'obscurité, soit 
dans une salle éclairée artificiellement ; cette dermère disposition est 
préférable, car la manœuvre est plus rapide pour le passage de l'obscurité 
à la lumière et inversement. Après divers essais, nous avons adopté, 
pour cet éclairage, un plafonnier portant deux lampes Tantalo de 
25 bougies et suspendu au-dessus de la table d'opération, à environ 
1 mètre 50. En recouvrant les lampes d’un gaze jaune, on a l'avantage 
de voir encore très bien et de s'adapter ensuite beaucoup plus facilement 
lorsqu'on fait l'examen radioscopique. 

Les appareils radiogènes tels que, transformateurs, appareil de Gaiffe 
où machines statiques, seront placés dans une pièce voisine (la salle où se 
fait ordinairement la radioscopie, par exemple), les conducteurs bien 
isolés arrivent à des bornes fixées sur les côtés de la table et l'ampoule 
s’y trouve reliée par des conducteurs à ressort de Zimmern: de la sorte on 
évite tout contact malencontreux pendant les mouvements des chariots. 
Le moteur qui participe à tous les mouvements de l'ampoule est relié de 
Ja même facon aux bornes qui amènent le courant à 110 volts d'une part, 
ect aux contacts, d'autre part. 

Il est, enfin, facile d'adapter soit l'appareil de Barret, si l’on se sert 
d'ampoules à osmo-régulateur, soit l'appareil de Barjon, si l’on se sert 
d’ampoules réglables par le passage de l’étincelle, pour ramollir à volonté, 
à distance, le tube. , 

Le malade étant donc placé sur la table, le chirurgien pourra prendre 
toutes les dispositions habituelles d'aseptie : il pourra laver à sa guise 
la région malade, sans crainte pour les appareils qui sont prolégés sous 
la table, celle-ci étant recouverte d'une feuille d'aluminium; il pourra 
entourer la plaie de champs opératoires stériles, ces compresses ne 
donnant aucune ombre sur l'écran. Lorsqu'il voudra cependant se 
rendre compte de la position du corps étranger et vérifier s'il est en 
bonne voie pour l’extraire, n'abandonnant aucun des instruments qu'il 
aura en mains à cet instant, stylet et pince par exemple, il n'aura qu'un 
mot à dire pour que l’aide tourne un commutateur placé près de sa main, et 
le courant sera fermé sur les appareils radiowénes et ouvert sur le eireuit 
de lumière; puis, d'un ser mouvement imprimé à l'écran, il placera ce 
dernier au-dessus de la plaie, alors le chirurgien se rendra facilement 


214 . ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


compte de la distance qui le sépare du projectile, rectifiera le sens de 
ces recherches s'il y a lieu; en un mot, gràce aux mouvements qu'il 
imprimera lui-mème à l'ampoule par le pied placé sur la semelle, et 
aussi, grâce à l'ouverture et à la fermeture du diaphragme qu'il obtiendra 
par une légère pression sur l’une ou l’autre face du pied de la table, il 
réalisera toutes les conditions nécessaires pour connaitre la position 
exacte du corps cherché. Parfois il pourra même le saisir à la pince, 
puis, avertissant d’un mot son aide pour avoir de la lumière, celui-ci 
fera la manœuvre inverse et d'un coup se débarrassera de l'écran, qui 
disparaitra du champ opératoire, il poursuivra le cours de son opération. 

On pourrait de la sorte saisir sans hésitation les corps étrangers 
métalliques de la vessie, de l'æsophage, vérifier la réduction d’une 
fracture au moment de l'immobilisation ; dans le cas de luxation congé- 
nitale de la hanche, ne placer l'enfant dans l'appareil plàtré qu'après 
s'être assuré de la parfaite position de l'extrémité du fémur. 

On supprimcrait donc, par l'emploi de cet appareil, les mouvements 
pénibles qui consistent à transporter le malade sous l’écran au milieu 
d'une opération de petite chirurgie, et l'on s'entourerait, pendant les 
interventions de ce genre, de toutes les garanties pour obtenir un bon 
résultat. | 


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REVUE DE LA PRESSE 


Boxneroy, de Cannes. — Sur les effets des courants de haute fréquence 
sur la tension artérielle. — Medical electrology and radiology, nov. 1905. 


Le docteur Bonnefoy fait d'abord remarquer que si toujours, chez l'homme 
sain, la haute fréquence fait baisser la pression, il n’en est pas de mème à l'état 
pathologique. Ce mode de traitement ne fait pas seulement baisser la pression 
chez les hypertendus ; il est aussi capable de la relever lorsqu'elle se trouve 
inférieure à la normale, comme chez les hypotendus. Le mécanisme de son action 
paraît due à une action sur les vasomoteurs. La circulation des vaisseaux cutanés 
se fait mieux. 

La franklinisation par le bain statique paraît mieux indiquée dans les cas 
d'hypotension observée chez les convalescents de maladie grave ou les neuras- 
théniques ; mais dans le cas d'arthritisme, quelle que soit sa forme, qu'il y ait 
hypertension où hypotension, le courant de haute fréquence doit ètre préféré, 
car il régularise la circulation périphérique, et c'est, par ce moyen, qu'il peut ou 
relever la pression ou la faire baisser, suivant l'état où se trouvent les 
vasomoteurs. : D. C. 


R. HicHam Cooper. — Action des rayons X sur les tissus et spécia- 
lement sur les leucémiques. — Medical electrology and radiology, janv. 1906. 


L'auteur cherche à expliquer les symptômes d'intoxication qui se développent 
parfois chez des malades leucémiques soumis à de fortes doses de rayons X. 

L'auteur avait d'abord cru à la production de toxines dans le sang, toxines 
produisant la destruction des leucocytes D'ailleurs, la destruction elle-mème 
d’un grand nombre de leucocytes pouvait être incriminée. . 

D'après les récentes recherches de Werner, la lécithine exposée aux rayons X 
subit une décomposition suivie de production de choline. 

La choline est un alcaloide présentant des propriétés analogues à la muscarine, 
et avant la mème action sur le cœur et la pression sanguine. 

L'auteur a trouvé la choline dans l'urine des malades soumis à de larges 
doses de rayons X, et il est probable que cette choline provient de la décompo- 
sitiðn de la lécithine. 

L'auteur fait, à ce propos, remarquer que non seulement la lécithine est 
dévomposée dans le corps, mais encore bien d'autres substances. On a remarqué 
depuis longtemps que les rayons X avaient sur les plaques une action différente 
de celle de la lumiére. 

L'auteur trouve que la décomposition de la gélatine prend une grande part à 
l'action photographique et, en exposant des plaques au collodion, il les a trouvées 
pratiquement non impressionnées. Comme la gélatine forme un des principaux 
constituant, des tissus animaux, sa décomposition parles rayons X peut expliquer 
en grande partie les effets observés. 

L'auteur étudie ensuite les causes des brülures, 


216 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


La brûlure se caractérise : 

1° Par son apparition de 3 à 8 jours après la séance : 

2° Elle à son maximum d'effet 3 semaines après la séance; 

3 Elle ressemble à une gangrene locale; 

4 Elle demande un long temps pour guérir (de 6 à 9 mois). 

5° La cicatrice formée est de nature atrophique. 

Ponr moi, tous ces caracteres me font penser, soit à une inhibition, soit 
à une destruction des nerfs trophiques, et non à uue action directe sur les épithé- 
lems. Nous connaissons, d'autre part, que la lécithine existe en grande quantité 
dans le systéme nerveux, et c'est sa décomposition qui expliquerait les accidents, 

L'auteur cherche ensuite à explicuer les lésions que l'on observe chez les 
leucémiques ayant succombé après exposition aux rayons X. On trouve, à un 
degré plus ou moins grand, les lésions suivantes: 

Etat fibreux du foie, de la rate, des reins, avec, dans plusieurs cas, un dépôt 
excessif de sels de chaux dans les reins, surtout le gauche, 

Dans quelques cas, les malades ne mouraient pas par suite des progrès de la 
leucémie, mais par suite du mauvais fonct'onnement des reins. 

Chez les malades encore vivants, nous avons trouvé, plus tard, peu d'amélio- 
ration persistante, et des rechutes, de moins grande intensité cependant, se sont 
produites. 

Pour nous, les rayons ont la propriété de détruire ou, peut-être, d'inhiber la 
production des leucocytés, probablement en décomposant la lécithine ou d'autres 
substances : ils peuvent aussi produire une dégènération fibreuse dans les g'andes, 
surtout celles composées de tissu lymphoïde. o 

On trouve aussi, dans quelques cas, des dépôts calcaires dans les reins et, 
dans un cas, dans la rate. 

On a attribué tous ces phénomènes à la production de toxine dans le sang, per 
suits de la désintégration d'un grand nombre de leucocytes. 

Telle n'est pas l'opinion de l’auteur. 

On a coutume, dans les cas de leucémie, d'exposer la plus grande partie du 
corps, par exemple toute la surface de la rate et aussi, probablement, la plus 
grande parte de l'abdomen, On repose aussi le sternum et l'extrémité des os 
longs, de s rte que tous les organes, sauf peut-être le rein droit et les organes 
génitaux, sont atteints par des rayons abondants et par eux sont développées 
la dégénérescence fibreuse et la calcification. 

L'auteur cite un cas de cancer du sein récidivéqu'ilavait traité par les ravons X. 
Les nodules superticiels disparurent, mais une glande située au-dessus de la cla- 
vicule résista. La malade mourut plus tard d'une généralisation à la face. 
À l'autopsie, on trouva la glande susclaviculaire calcifiée. 

L'auteur expose ensuite sa manière de procéder. Il protège avec soin tous les 
organes abdominaux, surtout le rein droit et le foie. Il applique les rayons sur la 
surface de la rate et lorsqu'elle est trop grosse, il est inutile de la prendre dans sa 
totalité. Le tube tres dur donne 5 pouces d'étincelle équivalente et est exposé à 
+2 pouces de la partie impressionnée. Durée de 10 minutes tous les deux jours. 

L'auteur fait aussi une séance sur les genoux. On doit examiner le sang, une 
fois par semaine et veiller à ce que le rapport entre les globules rouges et les 
blancs ne diminue pas trop vite. La température doit-être notée anssi soigneuse- 
ment. L'auteur a remarqué une remarquable tolérance de la peau et une teinte 
bronzée fréquente. D. C. 


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Les principes fondamentaux 
de l’électrothérapie (1). 


Par M. E. DOUMER, 


Professeur à l’Université de Lille. 


MESSIEURS, 


Il n'ya pas très longtemps encore on accusait volontiers l’électro- 
thérapie d'empirisme ; peut-être même entendez-vous encore dire autour 
de vous, par des médecins très peu au courant des progrès qui ont été 
réalisés récemment dans cette importante branche des sciences médicales, 
que les médecins électriciens ne sont que de véritables guérisseurs qui 
opèrent sans méthode et sans science et qui cherchent bien plus à frapper 
l'imagination de leurs malades, par une instrumentation compliquée et 
des applications à grand effet, qu’à utiliser des propriétés thérapeutiques 
d ailleurs hypothétiques et illusoires. Peut-être concède-t-on à l’électro- 
thérapie la propriété d'agir sur les muscles et sur les nerfs, peut-être 
admet-on son emploi, sans y attacher d’ailleurs une bien grande 
importance, dans quelques rares maladies nerveuses ou musculaires, 
mais on lui dénie tout autre propriété biologique ou thérapeutique et on 
repousse systématiquement son emploi dans les maladies générales ou 
locales qui ne dépendent pas immédiatement et directement d'une 
altération du système nerveux. 

Je crois, Messieurs, que le moment est venu de combattre une 
pareille opinion et de montrer que l’électrothérapie, loin d’être un 
assemblage plus ou moins coordonné de méthodes empiriques est, au 
contraire, une des branches les plus scientifiques de l’art de guérir, 
qu'elle repose sur des principes généraux bien établis et indiscutables, 
dont dérivent l'immense majorité de ses méthodes, et enfin que, loin de 
rester cantonnée dans l'étroit domaine des maladies nerveuses et 
musculaires, les applications électriques trouvent des indications très 
précises dans la thérapeutique générale, dont elles constituent les 
méthodes peut-être les plus sûres et les plus efficaces. 

C'est qu’en effet l'énergie électrique, sous ses diverses formes, possède 


(1) Conférence fuite à The British Electrotherapeutic Society. 


ANNALK: D ÉLECTROBIOLOGIF. TOME X. — AVRIL 1907. 16 


218 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


des propriétés biologiques générales de tout premier ordre; pendant 
longtemps elles ont été méconnues, mais elles se dégagent avec tant de 
netteté des travaux qui se sont accumulés pendant ces vingt dernières 
années qu’elles sont aujourd’hui tout à fait hors de doute. Nous savons 
maintenant que l'électricité exerce une action très puissante sur la 
cellule vivante, qu’elle possède une action décongestionnante très réelle, 
et, enfin, qu'elle agit sur le système circulatoire, et qu'elle modifie, soit 
dans un sens, soit dans l’autre. la tension artérielle, et que de ces trois 
propriétés fondamentales on peut tirer les trois principes généraux de 
l’action cellulaire de l'énergie électrique, de son action décong stivnnante 
et. enfin, de son action vasculaire. 

Ce sont là, Messieurs, les trois principes fondamentaux que je me 
propose de vous exposer, car ils dominent toute l’électrothérapie 
moderne ; ils permettent d'expliquer la plupart des résultats thérapeu- 
tiques que nos devanciers du siècle dernier nous ont fait connaitre, et ils 
permettent aussi de prévoir les conquêtes futures de l'électrothérapie : 
dans tous les cas, ils nous fourniront à chaque instant des indications 
précises à l'emploi rationnel et scientifique de l'énergie électrique, et ils 
nous serviront de règles dans notre pratique journalière. | 

* 
kx x 

Pour démontrer que l'énergie électrique possède une action réelle sur 
la cellule vivante je ne ferai pas état des observations. pourtant si nom- 
breuses, si intéressantes et parfois si précises, du bénéfice que l'organisme 
animal en entier retire des applications électriques locales ou générales 
auxquelles il peut être soumis, car leur interprétation ne fournit en soi 
aucune preuve décisive de l'action cellulaire de l'électricité. On peut, en 
effet, expliquer ces améliorations générales soit par ce simple fait que la 
cause locale de maladie contre laquelle le traitement est dirigé étant levée, 
son retentissement sur l'état général cessant, ce dernier se restaure de 
lui-même, par le jeu normal et régulier des fonctions de l’organisme. 
C'est ainsi que l'on peut expliquer les améliorations générales si remar- 
quables qui s'observent au cours du traitement électrique des maladies de 
l'estomac et de l'intestin, et celles, non moins apparentes, que l’on constate 
chez les utérines dont on traite et guérit l'affection de l'utérus par des 
applications électriques appropriées. Ces améliorations peuvent être de 
même nature que celles que l'on constate souvent dans le traitement de 
ces mêmes maladies par des procédés purement médicaux ou chirur- 
gicaux. | 

Mais ne les observerait on que dans les interventions électriques 
que l’on pourrait encore les expliquer par uve action élective de l'élec- 
tricité sur le système nerveux général de la nutrition; nous verrons 


nn qe ar 


LOUMER. — PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'ÉLECTROTHÉRAPIE 219 


précisément plus tard le role prépondérant que certains biologistes très 
éminents ont attribué à cette action nerveuse. | 

Je ne ferai pas état 1 on plus des recherches également si nombreuses 
et pour la plupart si bien faites, que les biologistes ont instituées dans 
le but de voir comment varie la formule urinaire au cours de divers 
traitements électriques. Je ne méconnais certes pas l'importance de 
pareilles recherches; il est évidemment du plus haut intérêt de savoir 
que l’excrétion de l’urée augmente sous l'influence des applications 
électriques, mais tant qu’il ne sera pas démontré que le taux de l'urée 
éliminée mesure la {vitalité cellulaire ou tout au moins en dépend d'une 
façon très étroite, on ne peut tirer, de cette constatation, aucun argument 
en faveur de l'action cellulaire de l'énergie électrique. | 

Aussi bien, beaucoup de ces recherches ou de ces observations ont 
été faites à l’aide de formes de l'énergie électrique où les propriétés 
biologiques de cette énergie sont masqu#es ou altérées par des phéno- 
mènes secondaires et accessoires auxquels elles donnent naissance. Si 
nous voulons rechercher les propriétés biologiques spéciales à l'énergie 
électrique, il est indispensable d'avoir recours aux formes de cette 
énergi® qui ne s’accompagnent ni de phénomènes chimiques. ni de phé- 
nomènes mécaniques, ni de phénomènes sensoriels. Pour cette raison, 
ı ous devons renoncer à l'emploi soit du courant continu, soit du courant 
far. dique, car le premier produit des phénomènes chimiques dont la 
grandeur est précisément proportionnelle à sou intensité. Cet étroit 
parallélisme entre l'intensité de l'énergie électrique et l'intensité des 
ph‘nomènes chimiques qu'elle produit ne nous permet pas de faire le 
départ de ce qui appartient, dans les phénomènes constatés, à l'énergie 
électrique elle-même et de ce qu’il faut attribuer aux réactions chimiques 
“econdaires des produits de l'électrolyse. Les courants faradiques sont 
également improp'es aux recherches d’Electrobiologie générale, car les 
contractions musculaires qu'ils provoquent, interviennent pour masquer 
les phénomènes biologiques dus exclusivement à l'énergie électrique; 
là encore il ne nous est guère possible de savoir ce qui, dans le phé- 
nomène biologique global observé, appartient directement à l'électricité 
elle-même. 

Nous sommes donc réduits à nous adresser soit aux courants à haute 
fréquence, soit à la franklinisation, qui ne produisent aucun effet chimique 
ou qui n'en produisent que très peu, et qui. lorsqu'ils sont employés 
convenablement, ne donnent naissance à aucune sensation ni à aucune 
contraction musculaire. Par contre, ils possèdent ce précieux avantage 
de produire des effets biologiques généraux des plus nets et tels qu'on 
ne pourrait pas en produire de pareils avec les autres formes de 


220 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


l'énergie électrique, sans faire courir de sérieux dangers aux orga: 
nismes en expérience. 


Vous connaissez les célèbres expériences du Professeur d'Arsonval; 
vous savez que si l'on place un animal dans le grand solénoïde de ce 


savant, on constate une augmentation considérable de ses échanges : 


respiratoires. D'Arsonval a trouvé que, dans certaines conditions, la 
production d'acide carbonique était accrue de 14 °/, de sa quantité nor- 
male, ce qui suppose une augmentation proportionnelle du volume 
de l'oxygène absorbé. Cette expérience très simple est capitale, puisqu'elle 
établit que les combustions organiques, c’est-à-dire que la vitalité cellu- 
laire qui leur est étroitement liée, sont accrues dans des proportions 
considérables sous l'influence des courants à haute fréquence. Pour 
mieux établir ce grand fait biologique, et en bien préciser la nature, 
d'Arsonval a montré que, sous l'influence de ces courants. la chaleur 
dégagée par l'être vivant se trouvait être accrue également et que l'ac- 
croissement de la chaleur dégagée correspondait à l’accroissement des 
échanges respiratoires. | 

Or, je le répète, car ce fait mérite d’être souligné, dans cette belle 
expérience, si élégante, si démonstrative et, à lı fois si simple; il n'y a 
productior ni de phénomènes chimiques, ni de phénomènes mécaniques, 
ni de phénomènes sensoriels d'aucune sorte. L'organisme est plongé 
dans un champ magnétique, oscillant sinusoïdalement, dont les oscil- 
lations induisent dans la profondeur de ses tissus, des courants oscillant 
également sinusoïdalement et qui, bien qu’ils s'y propagent à l'aide des 
ions qu'ils contiennent, n’y produisent aucun effet polymérisateur, ni 
aucun déplacement permanent et durable des masses ioniques. Nous ne 
pouvons donc. en aucune facon. attribuer les eflets constatés à des 


réacti ns chimiques secondaires, ni à des modifications des milieux 


nutritifs dans lesquelles vivent les cellules, et nous sommes ainsi conduits 
à les rattacher très étroitement et directement à l'action de l'énergie 
électrique elle-mème. 

On peut rapprocher des expériences précédentes celles de Pisani 
sur l’action de la franklinisation sur la thermogénèse. Cet habile expéri- 
mentateur enfermait ses sujets. placés sur un tabouret isolant relié 
à une machine électro-statique, dans la cabine calorimétrique du Profes- 
seur Montuori, dont la cheminée d'appel contenait le réservoir d'un 
thermomètre enregistreur très sensible. Il put, ainsi, constater que, 
sous l'influence du bain électro-statique qu'il fut, d'ailleurs, positif 
ou négatif), il se produisait chaque fois une augmentation manifeste 
de la chaleur dégagée, que cette augmentation durait, non seulement 
pendant toute l'électrisation, mais encore qu'elle lui survivait. 


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DOUMER. — PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'ÉLECTROTHÉRAPIR 22] 


Cette augmentation enregistrée par le thermomètre ne peut être 
attribuée ni à l'accroissement des courants de convection, dont 
est animée la masse d’air qui enveloppe le sujet en expérience, ni à une 
augmentation du pouvoir émissif du corps, car cet auteur a constaté 
qu'elle s'accompagnait toujours d'une élévation très appréciable de la 
température du sujet. J1 faut donc, de toute nécessité, qu'elle soit due 
à une surproduction de chaleur animale, c'est-à-dire à une augmentation 
de la thermogénése. | 

ll est difficile d'attribuer cette augmentation de la thermogénèse 
a une cause autre que l'énergie électrique elle même; je sais bien que 
le Professeur Srhatzky, par de fort ingénieuses expériences, a montré 
que même dans le simple bain électro-statique il y a production de phé- 
nomènes chimiques et véritable polymérisation des ions, et l'on pourrait 
être tenté d'expliquer la suractivité organique, correspondant à l’accrois- 
sement constaté de la chaleur dégagée, par la modification chimique, 
soit des cellules, soit des milieux où elles vivent. Mais je ne crois pas 
qu'une pareille explication soit admissible, d’abord, parce que ces phé- 
nomèênes chimiques sont très faibles, parce qu'ils siègent dans les couches 
les plus superficielles de la peau, où, naturellement, l'activité cellulaire 
est très réduite et où, par conséquent, la thermogénèse est naturel- 
lement très faible, et, enfin, parce que ces réactions chimiques, très 
peu intenses déjà, sont réparties sur la surface entière du corps, ce qui 
en diminue encore l'influence. Donc, comme les expériences de d’Arson- 
val, les expériences de Pisani démontrent que l'énergie électrique active 
les échanges nutritifs de l'organisme. 

Il nous reste maintenant à examiner par quel mécanisme se produit 
cette suractivité, Jusqu'ici rien ne démontre qu'elle soit due une action 
cellulaire de l'électricité. On peut, en effet, l'expliquer par une action 
spéciale sur le système nerveux sympathique qui préside aux fonctions 
de la nutrition générale. Cette attribution parait d'abord d'autant plus 
légitime que le savant professeur du collés: de France a démontré que 
les courants de haute fréquence produisent une véritable vaso-dilatation. 
Sans doute dans l'expérimentation avec les courants à haute fréquence une 
pareille explication est satisfaisante et il se peut qu'une partie de l'excès 
de chaleur soit due à une pareille cause, mais elle n'est plus valable pour 
l'interprétation des résultats obtenus par Pisani car, nous allons le voir 
dans un instant, la franklinisation au lieu de produire une vaso-dilatation, 
produit, au contraire, une vaso constrition tres manifeste; dans ce cas la 
suraclivité organique ne semble donce pas devoir être due à une suracti- 
vité circulatoire. D'ailleurs nous trouvons dans d’autres expériences très 
anciennes la preuve la plus péremptoire qu'on puisse imaginer de l’action 


222 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


directe de l'énergie électrique sur la cellule vivante elle-mème, sans 
aucune intervention d'un système nerveux quelconque, je veux parler des 
expériences classiques aujourd'hui que fit l'abbé Nollet, au XVIII siècle, 
sur des végétaux divers. 

Ce physicien a montré que si l’on soumet des semis à l'action 
systématique de l'électricité statique, la seule forme de l'énergie 
électrique dont on pouvait disposer alors, les graines lèvent plus vite 
que dans des semis de comparaison, placés dans les mêmes conditions 
d’assolement, d'arrosage, de température et d'exposition, mais non 
électrisés ; que les plantes qui en proviennent, si l'on continue l'électri- 
salion, sont plus vigoureuses, en avance manifeste au point de vue du 
développement, plus vertes, plus corsées, qu’elles donnent un poids de 
graines plus grand et une récolte générale plus abondante. 

Ces expériences qui firent grand bruit à l'époque et qui ont suscité 
toutes les tentatives d'électro-culture qui ont été faites au siècle dernier, 
ont été reprises dans le courant de ces vingt dernières années, par 
M. Berthelot, qui les a répétées en s'entourant de toutes les pr cautions 
qu'ont pu lui suggérer les découvertes biologiques récentes, et qui a 
étudié les phénomènes constatés par l'abbé Nollet, à la lumière des 
données de la chimie moderne. Or, non seulement, il est arrivé aux 
mêmes conclusions que l'abbé Nollet, mais encore il les a précisées, et 
leur a donné une portée plus grande, en montrant que les plantes 
électrisées fixaient plus d'azote (de 10 à 14 °/,) que les plantes similaires 
placées dans les mêmes conditiôns expérimentales, mais non électrisées. 
Cette dernière constatation est pour nous du plus grand intérèt, puisqu'on 
sait aujourd'hui que la fixation de l'azote par un végétal mesure, en 
quelque sorte, sa vitalité organique, et puisqu'elle nous conduit a 
admettre que pour les végétaux l’électrisation augmente cette vitalité 
organique. Je sais bien que l'on peut attribuer cette action bienfaisante 
sur les végétaux à une action indirecte, et objecter que la fixation de 
l'azote est précédée d'un travail microbien de nitrification qui se passe 
dans le sol, et qu’il se pourrait que l'électricité agisse en favorisant ce 
travail de nitrification. Cette hypothèse n'est pourtant guère probable, 
car il semble difficile de porter à un certain potentiel des microorganismes 
contenus dans le sol, ce réservoir commun où viennent se perdre et se 
confondre toutes les charges électriques, mais serait-elle exacte que 
l'argument que je cherche dans les expériences de l'abbé Nollet ne 
perdrait rien de sa valeur, puisque je le retrouverais tout entier dans 
l’action exercée par l'électricité sur des microorganismes dénués de toute 
trace de système nerveux. 

D faut donc admettre que tout au moins les deux formes de l'énergie 


DOUMER. — PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'ÉLECTROTHÉRAPIB 223 


électrique dont je viens de parler exercent une puissante action sur la 
vie de la cellule elle même. J'ai dit tout à l'heure pourquoi avec les 
courants continus et les courants faradiques il était difficile de faire des 
expériences probantes dans le même sens; cependant, si l’on réfléchit que 
même ces deux dernières formes de l'énergie électrique donnent des effets 
analogues, on est en droit détendre jusqu'à elles les conclusions 
précédentes. L'énergie électrique sous ses diverses formes possède donc 
une action indéniable sur les cellules vivantes, qui se retrouve toujours 
semblable à elle-mème, qui consiste dans une augmentation à la 
vitalité cellulaire, et qui se traduit toujours par une augmentation des 
échanges nutritifs de la matière vivante. Ce qui n’empèche pas chaque 
cellule de réagir suivant sa nature et sa différenciation aux excitations 
électriques ; la cellule nerveuse sensitive réagira par une sensation, la 
cellule nerveuse motrice par une excitation du muscle, la cellule 


musculaire par une contraction, la cellule glandulaire par une sé ' ion 


d 
plus abondante. etc. : ce sont là les réponses spéciales de certaines 
cellules aux excitants électriques et qui dépendent de leur nature propre, 
et qui rend apparent à nos sens ou à nos grossiers moyens d'investigation 
l’action de l'énergie électrique. Nais à côté de ces réponses apparentes 
à première vue, chaque cellule en rendra d'autres moins faciles à 
constater directement et qui consistent dans un accroissement de ses 
échanges nutritifs. i 

Sans doute le mécanisme de cette action nous échappe encore. L’élec- 
tricité agit-elle sur le millieu nutritif de la cellule? agit-elle sur les 
propriétés osmotiques de la membrane ? ou bien agit-elle sur le proto- 
plasma cellulaire, sur la matière vivante elle-même? C'est ce que nous 
ignorons encore. Mais quoiqu'il soit probable que cette action soit 
complexe et qu'elle s'exerce à la fois sur les trois éléments dont je viens 
de parler, je crois cependant que son action est surtout protoplasmique. 
Mais c’est là un point que je ne veux pas aborder pour le moment : il me 
suffit de vous avoir montré, dans cette première partie de ma conférence, 
que l'énergie électrique possède une action cellulaire. 


+ 
* * 


Les deux derniers principes dont il me reste maintenant à vous entre- 
tenir n'ont pas la même portée générale, ni la même importance 
philosophique que le principe de l’action cellulaire, mais au point de vue 
purement thérapeutique et pratique, leur importance est extrême, en 
raison des indications précises qu'ils nous fournissent et des applications 
nombreuses que l'on en peut faire. 

C'est en 1891 que j'ai entrevu le principe de l’action décongestion- 


224 ANNALES D'FLECTROBIOLOGIE 


nante de l'énergie électrique. A cette époque, déjà lointaine, l'opinion 
que l'électricité franklinienne n'agissait que par suggestion régnait en 
maitresse, non seulement dans le grand public médical qui dédignait les 
ressources thérapeuthiques qu'il en pouvait tirer, mais même dans les 
millieux plus spécialisés et partant mieux avertis des médecins élec- 
triciens. Je venais de remarquer que des pointes de feu qui avaient été 
faites à une malade que je soignais par la franklinisation, pour des 
phénomènes neurasthéniques guérissaient avec une rapidité beaucoup plus 
grande dans les parties du corps uue je svumettais à l’effluvation statique 
que dans celles que je n’électrisais pas directement ; l'idée me vint alors 
d'entreprendre une série de recherches pour démontrer la réalité des effets 
curatifs de la franklinisation, et pour cela je choisis, pour les soumettre 
à cette action thérapeutique. des maladies de la peau qui, par leur 
caractère, leur siège, leur nature, se prêtaient merveilleusement à des 
expérimentations de ce genre. Mon collègue regretté, feu le Professeur 
Leloir, le dermatologiste bien connu, se mit très aimablement à ma 
disposition, soit pour me fournir des malades de sa clinique, suit pour 
suivre avec sa haute compétence les recherches que je me proposai de 
faire. 

C'est au cours de ces recherches, dont les détails ont été publiés en 
1892, que j'ai fait la remarque suivante : des maladies de la peau de 
même nature guérissent d'autant plus rapidement que les phénomènes 
inflammatoires qui les accompagnent sont plus intenses. C’est dans la 
grande classe des eczémas, des impétigos et des ulcères des jambes, que 
ce fait m'apparut avec la plus grande netteté. Plus l'eczéma, par exemple, 
est aigu, plus vite il cède à l'effluvation statique. Ce fait, Messieurs, 
vous avez tous pu le conslater vous mêmes pour peu que vous ayez 
soigné des eczémas ou des ulcères variqueux. 11 me fit tout de suite 
penser que l'intervention électrique agit directement sur les phénomènes 
inflammatoires. Cette idée ne fit d'ailleurs que se confirmer par l'analyse 
de chaque casisolé. Je vis, en eflet, qu'un des premiers effets du traitement 


est de faire palir l’érythème. Cette action est même parfois tellement 


rapide qu'une seule srance suflit parfois pour faire pälir la région malade. 
Dans les eczémas aigus cette action est en quelque sorte primitive, le 
plus souvent elle s'accompagne de la diminution du prurit, mais parfois 
elle peut exister seule ou la précéder. 

Ce phénomène est tellement général que, dès cette époque je formulai 
dans mon esprit le principe de l'action‘décongestionnante de l'électriciié 
statique et je m’attachai à rechercher si les autres formes de l'énergie 
électrique ne possèdent pas une action générale analogue et c’est dans ce 
but que j'étendis pendant ces 15 dernières années mos recherches thérapeu- 


7 r * 


DOUMER. — PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'ÉLECTROTHÉRAPIE 225 


tiques à une foule de maladies empruntées à des chapitres vlus divers dela 
pathologie et que je passai successivement des eczémas et des maladies 
de la peau à la fissure sphincteralgique, aux hémorrhoïdes, aux prosta- 
tites, aux métrites, aux affections génitales de l'homme, aux maladies de 
l'intestin et aux affections thoraciques, et je constatai toujours que, quelle 
que soit la forme de l'énergie électrique employée, quelle que soit l’affec- 
tion traitée, toutes les fois qu'il y avait des phénomènes inflammatoires 
les malades tiraient de ces applications des bénéfices réels, et je constatai 
toujours une diminution plus ou moins rapide des phénomènes inflam- 
matoires Comme pour les eczémas, j'obtins toujours une amélioration 
plus rapide dans les cas où dominaient les phénomènes inflammatuires, 
que dans ceux où la réaction locale était moins accusée ; et je remarquai 
que le début de l’amélioration consistait toujours dans une diminution de 
ces phénomèues inflammatoires 

Pendant que je poursuivais ces re herches, d'autres expérimenta eurs 
apportaient des documents nouveaux qui, venant s'ajouter à ceux que 
j'amassais patiemment, confirmaient dans mon esprit cet important 
principe de l’action décongestionnante de l'énergie électrique. 

Gautier, en 1892, pendant que j'étudiais les effets de la franklinisation 
sur les maladies de la peau, montrait, de son côté, que les eczémas 
guérissaient très bien sous l'influence de la faradisation cutanée, et qu’nn 
des premiers symptômes à disparaitre était l'inflammation Trois ans plus 
lard, Oudin, appliquant à la thérapeutique les effluves de résonance qu'il 
venait de découvrir, montrait que les courants de haute fréquence ét de 
hauté tension agissent dans la cure de l'eczéma et des maladies de la 
peau, dans le même sens que l'effluvation statique; Sudnik, en 1897, 
montrait l’action favorable de l’efluve de résonance sur les inflammations 
locales, et en 1899, spécialement sur la blennorrhagie de l'homme 
Depuis, des publications de tous genres, parmi lesquelles je ne citerai 
que celles de Cirera Salse sur l'anthrax, vinrent ou bien confirmer les 
faits déjà connus ou bien ajouter de nouveaux états pathologiques à la 
liste déjà longue des maladies inflammatoires traitées avec succès par 
l'électrothérapie, si bien que le princ.pe de l’action décongestionnante 
de l'électricité sous toutes ses formes semble être tout à fait hors de 
doute et constituer une des grandes bases de nos procédés électrothé- 
rapiques. | f 

Mais si l’on cherche le mécanisme qui préside à cette action, on est 
assez embarrassé. On pourrait invoquer l'action bactéricide ou atténuante 
de l'électricité. Certains auteurs, à la suite de d'Arsonval et Charrin, 
ont cru constater une pareille propriété, mais je dois dire que d’autres 
savants, non des moindres ont tenté en vain de modifier des cultures de 


226 - ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


microbes pathogènes, de sorte que cette action microbicide ou atténuante 
reste donc encore à démontrer. Elle me semble d’ailleurs très probléma- 
tique, d'après ce que nous savons de l’action de l'énergie électrique sur 
la cellule vivante, car il serait étrange que l'influence de l'électricité 
s'exerce précisément dans le sens de nos besoins et de nos désirs, fav - 
rablement sur les microbes utiles et sur les cellules de nos tissus et 
défavorablement sur les microbes pathogènes. Mais serait-elle vraie qu'elle 
parait peu applicable à l'interprétation de ces phénomènes qui nous 
occupent si l'on songe aux intensités formidables que d'Arsonval et 
Charrin devaient employer pour atténuer ou pour tuer les cultures de 
microbes pathogènes, intensités qui sont hors de proportion avec celles 
que nous employons dans nos usages thérapeutiques. 

Mais si l’on observe ce qui se passe dans un tissu congestionné sous 
l'influence de l’effluvation statique, peut-être 1ourra-t-on trouver un 
rudiment d'explication. Si, à l’aide d’une goutte d'acide sulfurique, on 
produit une irritation légère de la membrane interdigitale de la patte 
d'une grenouille, on remarque que les vaisseaux présentent une irrégu- 
larité de forme caractéristique de l’inflammation ; par places, ils sont 
sténosés; ailleurs, ils sont, au contraire, en dilatation ampulaire; le sang. 
dont ils sont remplis, tantôt est immobile et en stase, tantôt il est chassé 
dans un sens puis dans l’autre, comme s’il y avait une véritable ataxic 
de la circulation. Dès qu'on effluve la région, on voit cet état d'ataxie se 
modifier : très rapidement les sténoses se desserrent, les dilatations se retré- 
cissent et le sang reprend peu à peu son cours normal, comme si l'énergie 
électrique avait agi en faisant cesser cet élat d’ataxie circulatoire en 
ramenant.le calibre des vaisseaux à leurs dimensions normales. Elle 
agirait donc en favorisant le drainage de la région enflammée, et, par 
conséquent, en favorisant l’arrivée des leucocytes, ces grands policiers 
du milieu interne 

Si cette interprétation était exacte, l'action décongestionnante de 
l'électricité serait une conséquence de son action sur la circulation. 


Or, cette action est aujourd’hui tout à fait démontrée. C'est encore 
d'Arsonval qui, le premier, a constaté l'action de l'électricité sur 
l'appareil circulatoire; dès ses premières expériences avec les courants 
te haute fréquence, il a remarqué que, sous l'influence de l’auto-conduetion, 
ou mieux encore aux points d'application des courants de haute fréquence 
dérivés du petit solénoïde, la peau devient moite et le siège d’une trarspira- 
tion plus abondante cu'à l'état normal. Il a attribué ce fait à une circula- 
tion périphérique plus intense et. pour démontrer la réalité de cet accrois- 
sement de la circulation périphérique, il fit sur le chien des expériences 


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DOUMER. — PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'ÉLECTROTHÉRAPIE 227 


directes, qui lui permirent de démontrer que sous l'influence de ces sortes 
de courant il se produit une véritable vaso-dilatation. Les recherches 
qu'il fit au lit du malade furent, il est vrai, assez contradictoires. puisqu'il 
obtint, dans des cas pourtant assez semblables, tantôt une diminution de 
la pression sanguine; tantôt, au contraire, une augmentation. Mais c'est 
surtout Moutier qui a eu le mérite de signaler le premier, d'une façon 
positive, chez des malades, ces variations de la tension artérielle sous 
l'influence des courants de haute fréquence Ses recherches, confirmées 
aujourd’hui, un peu de tous les côtés, ont fait ressortir une sorte d'anta 
gonisme, à cet égard, entre les effluves de résonance et les courants par 
auto-conduction ; ces deux procédés agissent bien sur la pression sanguine, 
mais tandis que les premiers élèvent cette pression, les autres, au 
contraire, la diminuent. | | 

Les courants de haute fréquence ne possèdent pas seuls cette action 
sur l'appareil circulatoire, Dignat a montré, il y a deux ans environ, 
que la franklini ation possède elle aussi la propriété de modifier lı 
tension artérielle et qu'elle agit dans le même sens que les effluves de 
résonance, c'est-a-dire qu'elle l'élève. 

Comme je l'ai fait pressentir dans mon rapport au Congrès pour 
l'avancement des sciences qui s’est tenu à Lyon, en aut 1906, cette action 
sur l'appareil circulatore n'appartient pas seulement aux courants de 
haute fréquence et à la franklinisation : on la constate encore avec les 
courants continus et avec la faradisation. J'ai recherché chez de nombreux 
malades que, pour des affections diverses, je soignais par des courants 
continus intenses, particulièrement chez des entérocolitiques. la marche de 
la tension artérielle au cours du traitement; j'ai constaté qu'il se pro- 
duisait toujours un abaissement, que le malade soit un hypertendu ou 
qu'il soit. au contraire, un hypotendu; chez ces derniers mème, lorsque 
l'hypotension est considérable, il se produit, au cours des séances, des 
tendances à la syncope, qui peuvent devenirune véritable contre-indication 
à l'emploi des intensités élevées. 

C'est un phénomène inverse que l’on observe avec les courants 
faradiques et surtout avec la faradisation au fil fin, qui produit une 
élévation de la tension artérielle tellement comparable à celle qu'on 
obtient avec l'éfluve de résonance ou avec la franklinisation, que 
j'emploie indifféremment pour combattre l'hypotension, soit Fune, soit 
l’autre de ces trois formes à l'énergie électrique. 

De l’ensemble de ces faits il ressort donc que sous toutes ses formes 
l'énergie électrique exerce une réelle action sur la tension artérielle, et 
par conséquent sur l'appareil circulatoire. Mais ici une distinction 
s'impose entre ces diverses formes, car si elles exercent toutes une action 


228 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


réelle, les unes sont antagonistes des autres au point de vue du sens des 
phénomènes. Si nous groupons ensemble toutes les applications que 
produisent une diminution de la tension sanguine et toutes celles qui 
produisent au contraire une diminution, nous voyons que toutes celles 
qui ont une action hypotensive sont des applications où on utilise la 
quantité de l'énergie électrique (auto-conduction, dérivation sur le petit 
solénoïde d'Arsonval, courant continu), et que toutes celles qui au 
contraire sont hypertensives sont des applications où on utilise la tension 
à l'énergie électrique (effluve de haute fréquence, frarklinisation, fara- 
disation au fil fin). Au point de vue physiologique les premiéres (méthodes 
de quantité) produisent une sorte de vaso-dilatation, une irrigation plus 
abondante et plus facile dans les capillaires, une diminution du travail 
du cœur, tandis que les secondes, que nous désignerons sous le nom de 
méthodes de tension, produisent au contraire de la vaso-constriction, une 
ischémie relative périphérique et probablement une augmentation du 
travail du cœur. 


Tels sont, Messieurs, les trois principes fondamentaux de l'électro- 
thérapie que l'on peut dégager de l'ensemble des découvertes qui ont été 
réalisées dans le cours de ces 20 dernières années; leur importance ne vous 
échappera pas. Non seulement ils légitiment les applications électriques 
faites à un point de vue thérapeutique, mais encore ils les coordonnent, 
ils les systématisent en quelque sorte et expliqnent les résultats qu'elles 
nous donnent. Mais ils font plus encore en nous donnant des indications 
générales comme je vous le disais au début de cette conférence, ils nons 
se: viront de régle et de guide dans notre pratique journalière; mais ils 
ont une portée plus haute encore, puisqu'ils font entrer l'electrothérapie, 
que l'on cantonait Jusqu'ici dans létroit domaine des maladies nerveuses, 
dans la thérapeutie générale où elle à produit déjà une véritable révo- 
lution et où elle nous réserve des découvertes que l'on peut entrevoir 
et qui en feront, je le pense, l'agent le plus sou ple, le plus maniable et 
le plus merveilleux que le médecin ait jamais eu à sa disposition. 


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Le traitemént de la Goutte (1). 


Par M. E. BONNEFOY Cannes). 


Sous le nom de guutte nous embrasserons toutes les manifestations 
articulaires de l'arthritisme, y compris les affections mono ou poly- 
articulaires que l’on a désignées sous le nom de rhumatisme noreux, 
arthrite sèche, rhuinatisme chronique, ete. | 

Nous estimons, en etfet, que, ces arthropathies diverses étant, de 
même que la goutte, une névrose vaso-trophique, il n'y a aucun avantage 
à considérer si cette névrose sə manifeste d’abord aux pieds, comme 
dans la goutte, où aux mains comme dans le rhumatisme noueux. Et 
il nous parait d'autant plus inutile de maintenir ces divisions, qu'il n'est 
pas rare de rencontrer chez le mème malade, à la fois, les manifestations 
de la goutte et celles du rhumatisme déformant. 

Dans l'une ou l’autre de ces maladies, ce sont généralement les 
petites articulations qui sont les premières atteintes ; puis l'arthrite se 
manifeste aux grosses articulations, et même aux articulations inter- 
vertébrales. En un mot, la maladie a tendance à se généraliser de la 
périphérie vers le tronc, ce qui s'explique facilement par le fait que la 
circulation est d'autant plus ralentie que l'on s'éloigne davantage du cœur. 

Ainsi qu'on pourra en juger par les observations qui suivent, les 
courants de haute fréquence, en rélablissant, d’une part, l'équilibre dans 
les fonctions organiques ; en favorisant, d'autre part, l'élimination des 
produits de désassimilation qui encombrent les tissus, ont sur cette 
maladie une action vraiment héroïque. | 

Ce n'est pas à dire. pour cela, que l'on ne doive pas soumettre les 
goutteux à un régime diététique sévère, mais il ne faut pas oublier que 
l'exagération de cette sévérité peut être parfois nuisible au malade. Ainsi 
que nous l'avons dit, on peut être goutteux de deux façons : par exagé- 


(0) M. E. Bonnefoy, de Cannes, vient de réunir dans une monographie très bien 
faite, intitulée : L'urthritisme et son traitement par les courants de haute fréquence 
et de haute tension, sa pratique déjà longue sur le traitement de cette diathèse et de 
si diverses manifestations par les agents physiques. Les pages qui suivent, que nous 
lui empruntons aves l'autorisation de l’auteur, montreront dans quel esprit et avec 
quel talent ce livre a été écrit. 


230 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ration de la nutrition et par insuffisance d'élimination des déchets de la 
nutrition. Si. dans le premier cas, une diététique sévère est absolument 
indispensable, dans le second cas. cette diététique peut affaiblir le malade, 
au point qu’il n’a plus la force de réaction nécessaire pour obtenir cette 
élimination. Il n’y a donc pas un régime unique pour tous les goutteux, 
mais chaque goutteux doit avoir son régime propre, que lon établira 
d'après la cause déterminante de sa maladie, l'état de ses organes, le 
degré de sa tension artérielle, etc. | 


Oss. 1. — M. le docteur L..., âgé de 44 ans, fils de père et de mère arthri- 
tiques, a été pris, en 1882, à l'âge de 22 ans, d'une pneumonie double infectieuse, 
dans le cours de laquelle les articulations coxo-fémorales et scapulaires devinrent 
le siège d'une arthrite aiguë tellement douloureuse que le séjour au lit devint 
impossible. 

Pendant plus de deux semaines le malade passa ses jours et ses nuits dans un 
fauteuil, sans même pouvoir s'appuyer sur le dossier. Une longue convalescence 
de six mois passés sur le littoral fut nécessaire pour lui permettre de recouvrer 
la santé. Mais depuis lors, et d’une façon pour ainsi dire ininterrompue, il à 
éprouvé successivement presque toutes les manifestations de l'arthritisme : 
eczéma, alternant avec des poussées d'emphysème, diarrhées brusques et 
impérieuses succédant à des périodes de constipation, entérite muco-membra- 
neuse, selles sanguinolentes consécutives à de violentes coliques, crises 
gastriques, gonorrhées interminables, fluxions articulaires. Le moindre excès de 
régime, un demi-verre de vin de Bourgogne, lui déterminaient presque toujours 
un ou plusieurs de ces accidents. 

C'est dans ces conditions que nous avons commencé le traitement par les 
courants de haute fréquence sur le lit condensateur, le 7 janvier 1902. Au bout 
des deux ou trois premières séances les douleurs articulaires et le gonflement 
avaient déjà cessé ; la diarrhée ne tarda pas à disparaitre à son tour, et si, de 
temps à autre, dans le courant du traitement, il survient une poussée soit du 
côté de l'intestin, soit aux articulations, elle est toujours consécutive à un de ces 
écarts de régime dont le malade est assez coutumier. 

Le traitement est conunué jusqu'à la fin de février, d'abord par des séances 
quotidiennes, puis trois fois par semaine. 

A partir de ce moment, le malade se sent aussi bien que possible, et ce n'est 
qu'à titre préventif que nous faisons de temps en temps quelques applications, 
23 en tout, entre le 3 mars et la fin mai 1902. 

Depuis cette époque, le malade n'a ressenti aucune atteinte de goutte, malgré 
un régime des moins hygiéniques, surtout pendant un voyage qu'il a fait en 
Russie, dans l'été de 1903, voyage dans lequel il a maintes fois victorieusement 
démontré à ses hôtes que son estomac était à la hauteur de leurs pantagruéliques 
agapes. 

Ce n'est que le 6 novembre 105, que la justice immanente des choses le 
ramène, moins contrit qu'humilié, à notre cabinet; mais une quinzaine de séances 
suffisent à le débarrasser de ses quelques misères. 

Enfin, le 6 avril 1906, il est pris de goutte au pied droit. Il a suffi de deux 
séances pour faire disparaitre douleur et gouflement. 


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BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 231 


Oss. 2. — Mme M .., âgée de 56 ans, nous est adressée par le docteur Lhuillier, 
le 15 février 1902. 

Cette malade éprouve, depuis un certain nombre d'années, des douleurs aux 
pieds, aux mains et aux genoux, mais à aucune époque elle n'a eu à garder le lit. 
Toutefois, ces douleurs ont progressivement augmenté de fréquence et d'intensité, 
et lorsque nous voyons la malade, les genoux sont tuméfés, douloureux, lu 
marche est pénible, enfin, il existe un état de raideur dans la plupart des autres 
articulations, mais surtout à celles des doigts. 

Du 15 février au 5 mai, nous faisons quarante-six séances de lit condensateur. 
Dès les premières, elle a éprouvé un grand soulagement, et lorsque nous cessons 
le traitement. la malade peut faire sans fatigue de longues promenades à pied, 
qu'elle n'aurait pas pu faire depuis plusieurs années. 

Les douleurs ne se sont reproduites que trois ans après, en avril 1905, et il a 
suffi de quelques séances pour les faire disparaître. Elles n'ont pas récidivé 
depuis cette époque. 


Oss. 3. — Le marquis de F..., âgé de 47 ans, nous est adressé par. le 
docteur Chuquet, le 4 mars 1903. 

Ce malade, très obèse (il pèse 136 kilos), a été atteint, à l’âge de 40 ans, d'un 
accès de goutte aux deux pieds, puis au poignet gauche. Ces accès se sont 
renouvelés assez fréquemment depuis cette époque, mais peu intenses et de 
courte durée. | 

Il y a un mois, il a été pris d'un accès plus violent qui l’a tenu au lit pendant 
vingt-quatre jours, et, au moment de sa visite, il éprouve encore une grande 
difficulté à marcher. Les articulations médiotarsiennes et les phalanges des 
orteils sont tuméfiées et douloureuses. 

Du 4 au 13 mars, nous faisons neuf séances de lit condensateur. Dès les 
premières, nous avions obtenu une amélioration notable ; à la septième, les pieds 
avaient presque totalement désenflé, sauf aux orteils. A la neuvième séance, il 
n’y a plus aucun gonfiement ; les douleurs ont complètement disparu. 


Oss. 4. — M. L..., âgé de 55 ans, nous est adressé par le docteur Gérard, le 
:7 novembre 1903, avec le diagnostic de rhumatisme goutteux. 

Ce malade a eu, en 1890, de légères poussées d'eczéma qui sont devenues plus 
intenses depuis 1892. et, il y a cinq ou six ans, elles alternaient avec de violents 
accès d'asthme. Cet état a été traité avantageusement par l'iodure de potassium. 

Actuellement, il ny a ni oppression, ni manifestation cutanée, mais les 
articulations des phalanges sont tuméfiécs, douloureuses et les mouvements de 
flexion très limités. 

Six séances, du 27 novembre au 6 décembre, ont suffi pour faire disparaitre 
douleur et tuméfaction, et le malade peut se servir de ses mains comme 
auparavant. 


` Oss. 5 — M. F..., âgé de 65 ans, nous est adressé par le docteur Castelbou, 
le 30 avril 19035. 

Il y a sept ans, il a eu une première atteinte de goutte aux deux pieds. Cet 
accès s'est renouvelé tous les ans, depuis cette époque, en augmentant d'intensité 
et de durée ; celui de l'an dernier l'a condamné à un repos de deux mois. 

L'accès actuel dure depuis trois mois, et le malade est resté couché pendant 
sept semaines ; pour la première fois, les genoux cnt été atteints. Au moment où 


232 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


nous voyons le malade, c'est surtout le pied gauche qui est tuméfié ; la circon- 
férence, au niveau des articulations médio-tarsiennes, est de 28 centimètres, 
tandis qu'elle n'est que de 25 centimètres au pied droit, lequel est beaucoup 
moins douloureux. 

Après cinq séances consécutives, les deux pieds sont complètement désenflés 
et leur circonférence n'est plus que de 22 centimètres. Il n'y a pas de douleur, la 
marche est très facile, nous faisons encore dix séances nouvelles, entre le 6 avril 
et le 15 mai, soit en tout quinze séances. Le malade n'éprouve ni douleur, ni 
fatigue, et il déclare qu'il n'a jamais ressenti un pareil bien-être. 

Trois ans se sont écoulés depuis cette époque, et le malade n’a plus ressenti 
aucune douleur. 


Oss. 6. — Mme A..., àgéc de 58 ans, nous est adressée par le docteur Hudellet, 
de Bourg. 

Il y a douze ans, cette malade a été prise de rhumatisme goutteux aux deux 
genoux. Depuis cette époque, ses articulations sont demeurées plus ou moins 
tuméfiées et douloureuses. Elle faist it tous les ans une saison à Aix-les-Bains, 
- qui améliorait son état pour nn temps, mais dès le commencement de l'hiver, les 
douleurs revenaient et la tenaient généralement jusqu'à la saison suivante. 

Au moment où elle se présente à nous, le 28 décembre 1903, nous constatons 
que les genoux sont gonflés et qu'ils sont le siège d'une douleur assez vive qui 
fait que la malade marche difficilement. Elle accuse, en outre, une névralgie 
sciatique du côté gauche. 

Nous faisons quarante séances de lit condensateur, du 28 décembre au 
6 février. Les genoux sont complètement désenflés et indolores ; la malade peut 
faire de longues promenades sans fatigue. 

Nous avons eu, depuis, fréquemment de ses rouvelles. Les douleurs ne se 
sont pas renouvelées, et la malade a pu, pendant de longs mois, supporter des 
fatigues de jour et de nuit, ce qu'elle n'aurait pu faire avant son traitement. 


Oss. 7. — M. H. F.., âgé de 63 ans, nous est adressé par le docteur Marc 
Dougall, le 26 janvier 1904. 

Ce malade, qui a été atteint de douleurs rhumatismales aux genoux, en 
aoùt 1903, se plaint aujourd'hui de sensation de froid, d'oppression, de palpi- 
tations, d'anorexie. 

Les parois artérielles paraissent saines, mais on constate un degré élevé 
d'hypertension artérielle (21 centimètres). 

Nous faisons une douzaine de séances du 26 janvier au 26 février. L'oppression 
a disperu dès les premières séances, les palpitations ont cessé, l'appétit est 
devenu bien meilleur; enfin la tension artérielle radiale est descendue à 
18 centimètres. 


Oss. 8. — M. Tw... nous a été adressé de Londres, par un de nos amis, 
en mars 1903. Ce malade, âgé de 62 ans, avait été pris, il y a deux ans, de rhuma- 
thisme goutteux aux orteils, et quelques mois après, la diathèse s'est manifestée 
aux mains. Cet état a persisté malgré tous les traitements suivis, et c'est en 
désespoir de cause qu'il se décide à venir à Cannes, pour y suivre le traitement 
électrique. 

9 mars 1903. — Le malade marche péniblement; les pieds sont tuméfiés, 
les articulations des phalanges sont grosses et à demi ankylosées. 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 233 


La tension artérielle est de 20 centimètres. 

Comme le malade ne peut séjourner que peu de temps, nous décidons de faire 
deux séauces quotidiennes de lit condensateur. 

En dix jours, du 9 au 18 mars, nous faisons 17 séances. Le malade part, 
satisfait de son état. Les pieds ont désenfilé, la marche est facile ; le malade peut 
saisir avec les mains des objets qu'il lui eut été impossible de prendre depuis 
longtemps. 

La tension artérielle est descendue à 18 centimètres. 

Le 2 juillet, le malade nous écrivait qu'il s'était fort bien porté depuis son 
départ de Cannes, et que non seulement il n'avait pas cu de nouvelles atteintes 
de goutte, mais que l'amélioration avait continué et qu'il se sentait beaucoup 
plus fort. 

Nous l'avons revu, à Londres, le 5 août. Il était en excellent état de santé, 
et nous avons pu nous promener ensemble, dans son pare, pendant près de deux 
heures, sans qu'il ressentit la moindre fatigue. 


Oss. 9. — M. Sp..., âgé de 60 ans, nous est adressé par le docteur 
sir Henry Blanc, le 6 avril 1903. 

Né de parents goutteux, ce malade a eu, il y a cinq ans, une attaque de goutte 
aux deux mains, qui à duré près de deux mois, et qui a laissé des dépôts tophacés 
sur la plupart des articulations des doigts. Les mouvements de flexion sont diffi- 
ciles et pénibles. La tension artérielle est de 21 centimètres. 

Du 6 au 16 avril, époque à laquelle le malade est obligé de quitter Cannes, 
nous faisons neuf séances quotidiennes. 

Au bout de ce temps, les nodosités ont diminué de volume et de dureté, 


la flexion des doigts et facile et ne détermine pas de douleur. La tension artérielle 
est de 18 centimètres. 


Oss. 10. — M. J. ., âgé de 47 ans, nous est adressé par le docteur Révillet, 
le 2 mai 1903. 

Il a éprouvé, il y a une douzaine d'années, a la suite d'une partie de chasse, 
une atteinte de rhumatisme à l'épaule droite, qui a duré-huit jours, et qui ne s'est 
pas renouvelée depuis. 

Il y a quinze jours, à la suite d'une promenade au bord de la mer, il a été pris 
de frisson, et une nouvelle attaque rhumatismale s'est déclarée à l'épaule et au 
coude droits. 

Au moment où nous voyons le malade, nous constatons une tuméfaction con- 
sidérable de l'épaule, qui est le siège de violentes douleurs. Au bout de trois 
séances, le malade ressent un grand soulagement, il dort bien, et il peut imprimer 
à son bras des mouvements assez étendus, sans provoquer de douleur. 

Nous continuons le traitement jusqu'au 23 mai, en tout quinze séances. 

Le malade se sent aussi bien que possible, et nous jugeons inutile de pro- 
longer le traitement. 

Depuis cette époque, le malade n’a ressenti aucune douleur. 


Oss. 11. — M. Paul M.. , âgé de 45 ans, nous est adressé par le docteur 
Escarras, le 12 mai 1903. Depuis plusieurs mois, il ressentait de lègeres douleurs 
à l'épaule gauche, mais il ne crut pas devoir s'en préoccuper. 

Il y a trois jours, à la suite d'un refroidissement, ces douleurs se sont brus- 
quement déclarées très violentes, au point de l'empècher de dormir. 


ANNALES D’ÉLKCTROBIOLOGIE. TOME X. — AVRIL 1907. 17 


234 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


L'épaule est tuméfiée, les mouvements sont tres douloureux. 

Nous faisons une séance de lit condensateur de dix minutes de durée. 

Dès le lendemain, le malade a ressenti un soulagement très manifeste, 
ot il a passé une bonne nuit. 

Du 12 au 16 mai, nous faisons cinq séances. au bout desquelles, le gonfiemen 
ct les douleurs ayant complètement disparu, le malade suspend le traitement. 

Aucune nouvelle atteinte depuis cette époque. 


Ogs. 12. — M. Clément S..., âgé de 52 ans, jardinier, rous est adressé par 
le docteur Chuquet, le 22 décembre 1902 

Sans antécédents arthritiques, il a été atteint, en février 1876, habitant un 
logement humide, de rhumatisme articulaire qui l’a mis dans l'impossibilité 
de travailler pendant quatre mois. Depuis cette époque, il a eu plusieurs attaques. 
mais moins violentes. 

En 1889, nouvelle crise très violente, qui s’est renouvelée l’année suivante, 
et a encore occasionné une incapacité de travail de trois mois environ. 

: En septembre 12, crise plus violente encore que les précédentes. Toutes 

les médications ont été vainement tentées, au point que le malade, désespéré, 
se refuse à tout nouvel essai. Du reste, son estomac est dans un état tel, qu'il 
peut à peine supporter quelques gouttes de lait pour toute nourriture. Aussi 
a-t-il considérablement maigri, ne pesant plus que 52 kilos, alors que son poids 
habituel était de 70 kilos. 

Manque absolu de sommeil, état de faiblesse générale, au point que ce n'est 
qu'avec les plus grandes difficultés et supporté par deux personnes, qu'il peut 
arriver à notre cabinet. 

Nous constatons que les deux genoux et les deux pieds sont tuméfiés et très 
douloureux; le malade est pâle et déprimé. Sa tension artérielle n'est que de 
9 centimètres. Nous faisons nne séance de 15 minutes sur le lit condensateur. 
Ausssitôt après la séance, le malade éprouve un certain soulagement. 

Le 23 décembre, la nuit a été assez bonne; le malade a pu dormir plusieurs 
heures, alors qu'il était privé de tout sommeil depuis plusieurs semaines. Les 
mouvements de flexion ct d'extension des genoux et des pieds sont beaucoup 
moins douloureux. Toutefois, l'articulation du poignet droit s'est prise. 

24 décembre. — L'amélioration continue; le malade a pu prendre quelque 
nourriture; les forces augmentent. Il peut marcher quelques pas, sans douleur, 
appuyé sur une seule personne. Le poignet est toujours douloureux. 

25 décembre. — La douleur du poignet a presque complètement disparu. Le 
malade s'alimente de mieux en mieux; il dort la nuit entière sans s'éveiller. 

Nous continuons les séances quotidiennes jusqu’au 12 janvier 1903. Le 
malade, de plus en plus fort, peut travailler pendant plusieurs heures; les 
articulations sont tout à fait désenflées. Il ne reste, comme manifestation gout- 
teuse, que deux tophus situés à la main droite. 

A partir de ce moment, nous faisons deux séances par semaine, jusqu'à fin 
janvier. L'un des tophus de la main droite est complètement résorbé, l'autre a 
diminué de volume. 

Nous continuons le traitement en espaçant de plus en plus les séances : six 
en février, quatre en mars, trois en avril. 

Le, mal:de a l'aspect d'un homme en parfait état de santé, son poids a aug- 
menté de sept kilos, sa tension artérielle est montée à 15 centimètres. 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 235 


Nous avons revu le malade en octobre 1903. Il a passé un excellent été, sans 
aucune atteinte. Sa santé parait excellente. 

Au mois de janvier 4904, il survient un léger gonflement du gros orteil du 
pied droit assez douloureux. Trois séances suffisent pour en obtenir la guérison. 

Le 7 avril 1904, accès de goutte à l'articulation tibio-tarsienne du pied droit. 
Après trois séances, la douleur et la tuméfaction diminuent considérablement, 
mais il survient un gonflement de la main droite, qui est très douloureux. Après 
sept ou huit séances, tout rentre dans l'ordre. 

"Après avoir passé tout l'été absolument indemne, le malade a travaillé dans 
un endroit humide, et il est pris, le 10 novembre 1904, de douleurs au pied 
gauche, assez violentes pour l'expêcher de dormir; une douzaine de séances 
ont suffit pour se rendre maître de cette crise. 

Le malade a été revu un an après, le 15 novembre 1905. 

Il n'avait ressenti aucune atteinte. 

Le 31 mars 1906, légère att:inte au pied gauche, qui “'isparaît après quatre 
séances de lit condensateur. Depuis ce moment, il n'a en aucune atteinte de 
douleurs. Le poids du malade est de 73 kilos. 


Nous avons tenu à rappporter tout au long cette observation, que 
nous avons déjà publiée, car on peut en tirer plusieurs enseignements 
importants. D'abord elle confirme pleinement ce que nous avions dit au 
sujet de l’étiologie de l'arthritisme. Ici on ne constate, en effet, aucune 
influence héréditaire, le malade affirmant que rien de semblable n'avait 
été constaté chez ses ascendants. D'autre part, jardinier de son état, il a 
toujours vécu sobrement, ne s’est jamais livré à des écarts de régime; 
ce n’est donc pas à une suralimentation que l’on peut attribuer la cause 
de sa maladie. Enfin, ce n’est qu’à l’âge de 27 ans, et après avoir vécu 
dans des locaux froids et humides, qu’il a ressenti les premières atteintes 
de la goutte. On est donc bien autorisé à conclure à un ralentissement 
de la nutrition par l'action du froid et de l'humidité sur les vaso-moteurs. 

Un autre enseignement découle aussi de cette observation : c'est la 
persistance de l'action du traitement par les courants de haute fréquence, 
longtemps après sa cessation. Elle répond donc victorieusement à l'opi- 
nion, maintes fois exprimée devant nous, que les heureux résultats 
obtenus par l'action des courants de haute fréquence n’étaient qu'éphé- 
mères, et qu'ils cessaient en même temps que le traitement. 

Enfin, cette observation est une preuve de la rapidité avec laquelle 
agit le traitement Le malade était dans un tel état de dépression, à la fois 
physique et morale, que le médecin traitant nous a avoué qu'il désespé- 
rait de ramener le malade à la santé, et qu'il s'attendait à une issue fatale 
avant l'expiration de quelques semaines. 

Or, des la première séance, le malade a été soulagé ; au bout de quatre 
ou cinq séances il a pu s’alimenter et marcher ; enfin on peut considérer 
le malade comme à peu près guéri, puisque, depuis près de cinq ans, il 


236 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


n'a ressenti que de légères atteintes, dont quelques séances de haute 
fréquence ont eu rapidement raison. 


Oss. 13. — M R..., âgé de 49 ans, nous est adressé par le docteur Bataille, 
sénateur du Puy-de-Dôme. 

Ce malade, sans antécédents héréditaires, mais dont la vie a été quelque peu 
orageuse, a eu une premicre attaque de goutte aux pieds, à l'âge de %5 ans. Depuis, 
ces attaques se sont renouvelées fréquemment, et presque toutes les articulations 
ont été successivement atteintes. Il nous arrive le 14 décembre 1904, et sa crise 
actuelle dure depuis le mois de mai, ayant envahi, à la fois, les pieds et les genoux, 
qui sont tumeéfiés, rouges, douloureux. Le malade ne peut marcher que très péni- 
blement et avec le secours de deux béquilles. 

Dès les cinq premières séances, on constate un peu d'amélioration: les genoux, 
moins tuméfiés, permettent des mouvements de flexion et d'extension plus 
étendus. Le malade passe d'excellentes nuits. Après la huitième séance le malade 
vient appuyé sur une seule béquille; après la vingtième, il s'appuie sur unce seule 
canne. 

Le 26 décembre, il y a une petite rechute, que le malade attribue, non sans 
raison, à des excès de table commis à l'occasion de ja Noël. 

Nous continuons le traitement par des séances plus espacées pendant les mois 
de janvier, février et mars. Le malade quitte Cannes le 4 avril, considérablement 
amélioré. mais avec encore quelques douleurs au niveau de l'articulation péronéo- 
tibiale inférieure gauche. 

Nous avons reçu, depuis, fréquemment de ses nouvelles; les dernières, datées 
de février 1906, nous informent qu'il va aussi bien que possible, et que ses artı- 
culations sont restèes indemnes. 


Oss. 14 — Miss Sh..., âgée de 55 ans, nous est adressée le 12 novembre 1903 
par le docteur Battersby. Fille de mère goutteuse, elle a vu, il y a quatre ans, ses 
articulations des doigts devenir de plus en plus grosses, en même temps que les 
mouvements plus difficiles, mais sans grandes douleurs. Puis les pieds ont été 
pris à lour tour. Les grosses articulations sont restées indemnes. 

Nous faisons une première séance de lit condensateur de dix minutes ; le lende- 
main, la malade ayant fort mal dormi, la durée de la séance est réduite à cinq 
minutes, et nous la prolongeons chaque jour d'une minute. Grâce à cette pratique, 
le traitement est bien supporté, et le huitième jour la séance est de douze minutes, 
puis nous allons jusque quinze, sans déterminer aucune excitation. 

Le gonflement des articulations ne tarde pas à diminuer, les mouvements des 
doigts deviennent plus libres ; aucune trace de douleur. 

En janvier 1905, la malade vient faire un traitement préventif d'une vingtaine 
de séances, à raison de deux par semaine. 

Encore une quinzaine de séances faites dans les mèmes conditions, en janvier 
et février 1906 

La malade déclare, du reste, qu'elle ne s'est pas aussi bien portée depuis des 
années. 


Oss. 15 — Mme Ch. G... âgée de 67 ans, fille de père arthritique, est venue 
nous trouver avec l'assentiment de M. le professeur Brouardel. 
Cette malade a éprouvé une première atteinte de rhumatisme articulaire de 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 237 


l'épaule gauche, à l'âge de ‘5 ans. Dix ans après, nouvelle atteinte à la mème 
articulation. Enfin, en 1894, à l'âge de 57 ans, surviennent des douleurs aux deux 
genoux, lesquels deviennent très enflés, surtout le droit, et à la cheville droite, 
En même temps, les articulations des phalanges se tuméfient et s'ankylosent, 
tandis que la face et les mains prennent une teinte cyanosée. Depuis cette époque, 
les douleurs ont persisté, plus ou moins intenses; de plus la malade ne peut 
marcher que très péniblement, en traïnant les pieds, au point que le moindre 
obstacle la fait tomber en avant, et ses mains ecchymosées portent les traces des 
contusions qu'elle se fait dans ses chutes. 

En outre, la malade accuse une insomnie presque absolue pendant la nuit, 
et pendant le jour, elle est prise fréquemment, et surtout après les repas, d'un 
sommeil irrésistible. Cet état va toujours en s'aggravant, et la malade, désolée, 
prévoit le moment bien proche, où elle se trouvera tout à fait impotente. 

Nous commençons le traitement par les courants de haute fréquence, le 
& janvier 1904. Après la séance, nous diriyeons sur les genoux, pendant vingt 
minutes, une douche de chaleur sèche, fournie par une lampe ‘de cinquante 
bougies munie d'un réflecteur. 

Après sept séances quotidiennes, la malade éprouve déjà une amélioration 
manifeste ; les douleurs des genoux ont notablement diminué, et les mouvements 
en sont plus faciles. La malade traine moins les pieds, et elle monte beaucoup 
plus aisément les marches d'un escalier. 

Enfin, les mains ont repris leur couleur normale, elles sont beaucoup moins 
tuméfiées, plus souples, et la malade peut écrire plus lisiblement, ce qu'elle ne 
pouvait faire depuis plusieurs années. 

Nous continuons le traitement jusqu'au 5 février inclusivement, c'est-à-dire 
trente-deux semaines consécutives, sans que la malade en ait ressenti la moindre 
excitation. Elle dort au contraire beaucoup mieux la nuit, et, dans la Purée, 
elle se contente d'une petite sieste après le déjeuner. 

Elle part pour Bordighera, où elle doit passer le restant de l'hiver, mais en 
nous promettant de venir reprendre son traitemert pendant une quinzaine de 
jours avant son retour à Paris 

La malade revient, en effet, le 19 avril, et nous avons la satisfaction de 
constater que l'amélioration s'est considérablement accentuée depuis la suspension 
du traitement. 

Elle peut, en effet, faire, sans fatigue, plusieurs kilomètres, même dans les 
chemirs rocailleux, et elle n'est pas tombée une seule fois depuis son départ. 

Les genoux sont complètement désentflés, et ils ne sont le siège d'aucune 
douleur : on ne perçoit plus les craquements que chaque mouvement provoquait; 
les articulations des doigts ne sont plus tuméfiées: la cyanose de la face et des 
mains a complétement disparu. Enfin, les envies de dormir, si fréquentes ct s; 
irrésistibles qui tourmentaient tant la malade pendant le jour, ne se sont plus 
renouvelées, tandis que, la nuit, elle peut jouir d'un sommeil calme et continu 
de plusieurs heures. 

Nous faisons quelques nouvelles séances quotidiennes, à la suite desquelles 
la malade constate qu'elle monte l'escalier encore plus aisément qu'elle ne le 
faisait quinze jours auparavant; ses jambes lui semblent beaucoup plusfortes, ct 
une marche prolongée ne lui détermine aucune fatigue. Elle nous quitte, de 
plus en plus enchantée d'un traitement qui l’a préservée d’une impotence absolue 
qu'elle jugeait imminente. 


238 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Nous avons vu la malade le 15 avril 1906. Les douleurs articulaires des pieds 
et des genoux ne se sont pas renouvelées, et la circulation générale paraît 
meilleure. 

Nous avons constaté, toutefois, que la marche est redevenue très difficile, 
quoique sans douleurs, et nous avons regretté que la malade, obéissant soit à 
des conseils peu compétents, soit à toute autre considération, n'ait pas cru 
devoir revenir a un traitement dont elle avait cependant apprécié les bons effets. 


Oss. 16. — Mme K..., âgée de 62 ans, nous est adressée par le docteur Bright, 
à la date du 5 mars 1905. 

Cette malade est atteinte, depuis dix ans, d'arthrite sèche des genoux et prin- 
cipalement du genou gauche. Celui-ci, depuis un an, a gonflé considérablement, 
et sa circonférence est de 42 centimètres. Il est aussi devenu très douloureux, au 
point que la malade ne peut marcher que très péniblement, appuyée sur deux 
cannes. 

Son état général est très affaibli; la tension artérielle est de 13 centimètres. 

Au bout de quelques jours de traitement (11 mars) par le lit condensateur, la 
douleur du genou droit disparaît, et celle du genou gauche a notablement diminué; 
la circonférence n'est plus que de 40 centimètres. 

Nous continuons le traitement pendant les mois d'avril et de mai, en alternant 
un jour le lit condensateur, le jour suivant applications locales d’effluves de haute 
fréquence. Le 16 avnil, la circonférence du genou malade est de 3Y cm. 5. Enfin, 
le {1° mai, elle n'est plus que de 38 centimètres. 

La malade nous écrit six mois après, à la date du 27 octobre. L'amélioration 
s'est continuée et le genou a encore désenflé. 

La marche seule provoque des douleurs, lesquelles sont, sans doute, consécu- 
tives à l'amyotrophie abarticulaire que nous avions constatée. 


Oss. 17. — M. R..., âgé de 61 ans, nous est adressé par le docteur Marti- 
nenq, le 7 avril 1905. 

Ce malade, goutteux depuis l'âge de 37 ans, avait, en moyenne, deux crises 
de goutte par an, qui l'obligeaient à garder la chambre pendant une vingtaine 
de jours. Chacune de ces crises laissait après elle un dépôt tophacé autonr des 
articulations phalangiennes, principalement aux pieds et aux mains, qui sont 
complètement déformés, au point que chaque doigt présente l'aspect d'une croix 
de Lorraine. Inutile d'ajouter que ces articulations sont complétement ankylosées. 

Après la sixième séance, nous constatons que les dépôts tophacés ont déjà 
notablement diminué, et que l2 malade peut fléchir la main droite ct fermer 
presque complètement la main gauche. Nous continuons le traitement par des 
séances quotidiennes, et la résorption des tophus est de plus en plus manifeste. 
Malheureusement, après une douzaine de séances, le malade est pris d’uue vio- 
lente crise de goutte qui le retient au lit et l'empêche de continuer son traitement. 

Nous avons revu le malade le 14 mai : les mains ne sont plus aussi difformes, 
et le malade peut s’en servir sans trop de difficulté. Devant partir deux jours 
après, il ne lui est pas possible de recommencer son traitement. 


Ons. 18. — M. G..., âgé de 36 ans, a été atteint d'une première crise de 
goutte, il y a dix ans, ct, depuis cette époqrie, les crises se renouvellent à peu près 
deux tois par an, l'obligeant à garder la chambre une quinzaine de jours, chaque 
fois. 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 239 


Il y a deux mois, il a eu une crise assez violente, et, depuis dix jours, il est 
encore obligé de garder le lit sans qu'aucun médicament, interne ou externe, 
puisse lui apporter le moindre soulagement. 

C'est alors que, en désespoir de cause, il se fait emmener en voiture chez 
nous, et ce n'est qu'au prix de fortes douleurs qu'il peut arriver à notre cabinet, 
le 6 décembre 1904. 

Dès la première séauce (6 décembre), le malade a éprouvé un certain soula- 
gement, et, pour la première fois depuis dix jours, il a dormi toute la nuit. 

7 décembre. Le pied a désenflé, et le malade peut faire quelques pas sans 
ressentir trop de douleur. 

8 décembre. Le malade est resté hier plus d’une demi heure sous la pluie, 
et il y a eu une légère poussée. 

ÿ décembre. Beaucoup de mieux; le malade se rend chez nous en bicyclette. 

Nous faisons encore huit séances, à titre préventif, à raison de deux par 
semaine, soit 12 séances du 6 au 24 décembre. 

Depuis cette époque, c’est-à-dire depuis dix-huit mois, le malade n’a plus eu 
la moindre douleur. 


Oss. 19. — Miss B..., âgée de 42 ans, nous est adressée par le docteur 
Bright, le 3 janvier 1905. 

Il y a quatre ans, à la suite d’une grippe, la malade a été atteinte de rhuma- 
tisme goutteux, d’abord aux pieds, puis successivement aux genoux, aux épaules 
et aux mains. 

Actuellement, les geuoux surtout sont douloureux et tuméfiés; les mains 
sont aussi sensibles et cyanosées, et la malade ne peuts'en servir que difficilement. 

Nous faisons 23 séances, du 3 janvier au 2 février. A ce moment, la malade 
se trouve assez bien pour supporter un long voyage, auquel elle ne peut se sous- 
traire. Le genou gauche ne présente ni tuméfaction, ni douleur ; le genou droit 
reste encore un peu sensible, mais pas assez pour empècher la malade de faire 
d'assez longues marches. 

Les mains sont tout à fait bien; plus de trace de cyanose, plus de sensation 
de froid. 


Oss. 20. - Mr° R..., âgée de 70 ans, nous èst adressée par le docteur Bright, 
le 9 avril 1906. 

Cette m:lade, issue de père goutteux, a eu des rhumatismes dès sa jeunesse, 
et elle a été atteinte, à plusieurs reprises, de sciatique gauche. Depuis huit ans, 
elle a été fréquemment sujette à des poussées d’eczéma généralisé, et, depuis 
quatre ans, ses genoux sont tuméfiés et à demi-ankylosés. Les mains, gonflées 
et cyanosées, sont constamment froides, les articulations des doigts sont entourées 
de dépôts tophacés, qui rendent leur flexion très pénible Sensation gér érale 
de froid, oppression, artères radiales scléreuses, hypertension artérielle, 25 cen. 
timètres. Nous faisons des séances à peu près quotidiennes, soit 26 séances du 
9 avril au 10 mai, date du départ de la malade. 

Dès le début du traitement la malade a ressenti un notable soulagement ; 
moins d'oppression, moins de sensation de froid. La malade marche plus 
aisément, les main3 sont moins tuméfiées. Cet état a été en s'améliorant jusqu'à 
la fin du traitement; les genoux sont moins gros et moins sensibles ; enfin, la 
malade se sert mieux de ses mains. Les artères radiales sont moins dures, la 
tension est descendue à 20 centimètres. 


240 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Aussi la malade nous exprime-t-elle toute sa satisfaction d'un traitement 
qu'elle regrette de r'avoir pas suivi plus tôt, et qu'elle se propose bien de 
reprendre dès le début de la saison prochaine. 


Oss. 21. — Ma" C..., âgée de 40 ans, nous est adressée par le docteur Bossuet, 
le 24 janvier 1905. | 

Cette malade, sans antécédents arthritiques, a eu une première attaque de 
rhumatisme polyarticulaire au mois d'avril 1904, par suite de refroidissement. 
Elle a dù garder le lit ou la chambre pendant près de trois mois. 

Elle a fait ensuite une saison à Néris, qui a amélioré sa situation; mais les 
premiers froids ont ramené les douleurs, surtout aux genoux et aux pieds. 

Sensation générale de froid ; hypotension artérielle, 12 centimètres. 

Comme la malade doit venir de Grasse pour suivre le traitement, nous faisons 
trois séanees seulement par semaine, afin de lui éviter des voyages trop fréquents. 
Il y a eu trente séances, du 24 janvier au Gavril. A ce moment, les douleurs ayant 
à peu près disparu, nous suspendons le traitement. Du reste, la tension artérielle 
est remontée à {5 centimètres. 

Nous avons eu la satisfaction d'apprendre que la malade s'est bien portée 
depuis lors, et que l'hiver suivant s'est passé sans qu'elle ait ressenti la moindre 
douleur. 


O8s. 22. — M. le docteur Ph..., de Grasse, âgé de 53 ans, a été atteint, à 
fréquentes reprises, depuis une quinzaine d'années, de rhumatisme goutteux ; 
mais les crises étaient peu intenses, de courte durée, et ne l'avaient pas condamné 
à un repos prolongé. 

Mais, il y a six mois, à la suite d'une fièvre grippale, il a subi une poussée 
aigué, qui l'a obligé à garder le lit ou la chambre pendant plusieurs semaines, et 
à renoncer à l'exercice de sa profession. 

Il se présente à notre cabinet, le 22 février 1904, marchant péniblement, les 
genoux et les pieds tuméfiés, les mains cyanosées, les doigts gros et raidis au 
point de ne pouvoirsaisir les objets qu'avec difficulté ; les lèvres mème présentent 
une teinte violacéc. 

Nous faisons une séance de lit condensateur tous les jours, du 22au 2: février, 
soit six séances consécutives. A partir de ce moment, les articulations se sont 
dégonflées, la cyanose a disparu, et le malade peut reprendre ses occupations 
professionnelles. Nous continuons le traitement par des séances espacées, soit 
cinq pendant le mois de mars et deux le 6 et le 14 avril. Le malade, se trouvant 
relativement bien, croit pouvoir arrèter le traitement malgré nos conseils ; mais, 
le 3 mai, il ressent une douleur au talon, qui lui fait craindre un nouvel accés, 
et nous faisons une nouvelle séance que nous renouvelons deux jours après. 

Depuis, il n°y a pas eu la moindre douleur, la cyanose no s'est pas reproduite, 
et le docteur Ph..., que nous avons revu en mai 1906, nous déclare qu'il n’a plus 
eu à interrompre ses occupations. 


Oss. :3. — M. le docteur R.. , de Grasse, âgé de 37 ans, encouragé par les 
résultats obtenus chez le précédent, et se trouvant dans une situation à peu près 
analogue, vient nous demander de lui appliquer aussi le traitement par les cou- 
rants de haute fréquence. 

Nous commençons le 2 avril 1904, par des séances quotidiennes, et dès la 
cinquième on constate une amélioration très notable, Les mains et les pieds ont 
presque entièrement désenflé, et la cyanose des extrémités a disparu. 


C2 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 241 
Nous continuons néanmoins le traitement pendant tout le mois de mai, en 
espaÇçant les séances, soit en tout vingt et une, et le malade a pu reprendre 
l'exercice de sa profession sans aucune interruption. 
Depuis deux ans que le traitement a été appliqué, il n'y a pas eu de nouvelle 
attaque de goutte. 


O8s. 24. — M. le docteur Rondeau, âgé de 56 ans, est venu, le 24 mars 
dernier, nous demander à suivre un traitement par les courants de haute fré- 
quence, dont il avait été à même d'apprécier les heureux résultats chez d'autres 
malades. 

I veut bien nous fournir les renseignements suivants sur ees antécédents. 

« Fils de père et de mère arthritiques, il a eu, vers l'âge de i4 ans, des 
douleurs articulaires avec épanchement de synovie dans Jes genoux. 

» Après la campagne de 1870, faite comme soldat, se sont manifestées des 
douleurs articulaires généralisées, pourlesquelles il fait deux saisons à Luchon. 

» Pendant une quinzaine d'années, de temps en temps, il survient quelques 
douleurs un peu partout, avec localisation très nette au gros orteil. assez 
violentes et durant de deux à quinze jours. 

» Mais, à partir de 1885, les crises se multiplient, touj:urs localisées aux 
gros orteils, tantôt droit, tantôt gauche, parfois les deux en même temps, et 
durant de quelques heures à un et deux mois. Cependant, la vie active était 
toujours possible entre les crises. 

» Mais la situation ne tarde pas à devenir mauvaise, et 1893 et 1814 se 
passent, pour ainsi dire, en crise non interrompue, rendant toute occupation 
impossible, var l'impotence était complète. 

» Nécessité d'abandonner le laboratoire de la Faculté de Médecine de Paris 
et la place de chef-adjoint des travaux pratiques de Physiologie, pour venir dans 
le Midi chercher un soulagement à ces misères. | 

» Les premières années, notable amélioration; mais depuis 1898, les hivers 
sont très mauvais et les étés ne valent pas cher, car les crises sont longues et 
horriblement douloureuses ; pieds, genoux, mains, coudes, sciatique, en un mot 
toute la lyre. Un côté se dégageait, l'autre se prenait. Notez que tous les ans, 
on faisait une saison d'eau (Pougues, Evian, Vittel, Martigny-les-Bains) et que, 
contre les crises, on employait la liqueur Laville, la colchique et le colchisal, 
sans oublier les préparations lithinées et la pipérazine. 

De tout cela, eaux et médicaments, de bons effets ont été obtenus an début ; 
mais depuis 1900, l'existence est vraiment pénible, et l'on est presque heureux 
de ne voir durer une crise que six semaines. Seulement, on en a trois ou quatre 
par an, et cette situation est nettement exposée dans une lettre écrite au mois de 
février dernier, au docteur Descouts, président de l'Assoc ation médicale 
mutuelle (Société Lagoguey) (1), lettre qui ne peut être prise comme de circons- 


a) Nous donnons ici l'extrait de cette l ttre concernant l'état de santé du malade: 

+ Voilà longtemps que j'ai formé le projet de vous écrire et l’état de mes articu- 
lations a été tel que je n’ai pas pu mettre mon projet à exécution. 

~ Ce début vous montre que la santé a été mauvaise ; mais comme je n'ai pas fuit 
de déclaration de maladie, vous pensez que j'étais peut être dans une situation de santé 
désagréable qui ne me mettait pas en droit de m’adres.er à notre Association. 

» Détrompez-vous, et je vous déclare que, depuis des années, l'Association m'aurait 
pas eu de plus mauvais client que moi, car, du fuit de la goutte, j'ai été immobilisé 


242 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


tance, puisque c'est seulement le jeudi 4 mars que, découragé, je me suis présenté 
à votre cabinet, encadré de deux béquilles qui étaient les accessoires indispen- 
sables du plus petit mouvement. 

« Vous savez qu'à la troisième séance, je n'avais plus qu’une canne et qu'à la 
cinquième séance, je laissais ma canne au vestiaire, et que mon état général était 
profondément modifié. C'est un début de traitement qui a lieu de surprendre chez 
un goutteux comme je suis, et qui est plein de promesses. Un Gascon, en tombant 
de la montagne dans un précipice, disait: « pour le moment ça va bien, mais il 
faudrait que ça dure ». Je me dis comme lui, et vous m'assurez que ça durera. 
Je vous devrai une rude chandelle (1). » 

Nous avons tenu à transcrire tout au long cette relation humoristique de notre 
confrère, parce qu'elle met bien en évidence, à la fois son état d'âme, et la 
marche toujours fatalement progressive de la terrible affection dont il était 
atteint. Mais, malgré sa longueur, nous tenons à y ajouter une chose qu'il a 
involontairement omise, et qui, surtout dans cette étude, est de la plus haute 
importance, c'est l’état défectueux de sa circulation. 

La face est violacée, les mains sont cyanosées et tuméfiées, de sorte qu'il peut 
très difficilement tenir un porte-plume. Enfin, le malade éprouve une sensation 
de froid sur tout le corps au point que, dans son lit même, entouré de bouillotes 
chaudes, il n'arrive pas à se réchauffer et que, à cause de cela, il ne s'endort qu'à 
une heure très avancée de la nuit. 

Donc, nous commençons le traitement le 24 mai, et, après trois séances quo- 
tidiennes, c'est-à-dire le 26, le malade, ainsi qu'il le constate lui-même plus haut, 
a déja remplacé une de ses béquilles par une canne, et il marche beaucoup mieux. 
Les genoux sont moins volumineux et moins douloureux; les mains, moins 
tuméfiées, ont déjà perdu un peu de leur teinte cyanotique ; elles saisissent plus 
facilement les poignèes du lit condensateur. Enfin, la sensation de froid a nota- 
blement diminué, et le malade a pu dormir dés dix heures du soir, sans avoir 
recours aux boules d'eau chaude, dont il avait l'habitude de s'entourer. 

Le 28, après la quatrième séance, le malade abandonne sa seconde béquille, 
ct il monte l'escalier, seulement appuyé sur une canne, ce qui ne lui était pas 
arrivé depuis plus de huit mois. Encore quatre ou cinq séances quotidiennes, 
et le malade peut marcher, même sans l'aide d'une canne. La sensation de froid 
a totalement disparu et le sommeil est excellent; aucune trace de cyanose. Dès 
les premières minutes de lit condensateur, il se produit une sensation de chaleur 
sur tout le corps, analogue à celle qu’on éprouve après une marche rapide. Nous 
décidons alors de ne plus faire que trois séances par semaine, soit dix séances 
du fer au 19 avril. 

Ce jour-là, le malade nous arrive, appuyé sur deux béquilles, avec du gonfle- 
ment et de la douleur au pied gauche, qu'il attribue à une trop longne marche 


une moyenne de six mois sur douze. Depuis le mois de février je n'ai pas marché 
quinze jours sans béquilles et la main droite est devenue à peu près infirme. C'est à 
peine si depuis le 1er juillet, je peux écrire en peinant beaucoup Ne pouvant remuer 
ni pied, ni patte, j'étais bien, je suis toujours dans l’impo-sibilité d'exercer la profes-ion 
médicale. » 

(1) Cela a si hien duré que, à la date du 10 octobre, après avoir passé un été 
excellent, le docteur Rondeau m’écrit : « Je regrette que vous n’ayez pu venir chasser 
avec moi, j'aurais été heureux de vous montrer mon agilité, mon fusil à la main. Ce 
sera pour l'année prochaine. » | 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 243 


faite la veille. Nous reprenons les séances quotidiennes, ct, au bout dehuitséances, 
la crise, beaucoup moins intense que les précédentes, s'est terminée sans que l'on 
ait pu constater de nouveaux troubles vaso-moteurs ; pas de trace de cyanose, 
pas de sensation de froid. 

Nous faisons encore une séance tous les deux jours, jusqu'au départ du 
malade, qui a lieu le 43 mai. A la Jate du z1 il nous écrit qu'il a admirablement 
supporté les fatigues d'un long voyage. « Je suis émerveillé de me voir en si bon 
état : même aujourd'hui, que le temps est froid et humide, les articulations sont 
bonnes, je fais de petites promenades dans le parc, avec un plaisir extrème, ayant 
été privé de mouvement depuis si longtemps. Gloire à vous et à la fée Électricité! - 

L'été s'est passé dans les meilleures conditions, et, pendant la saison d'hiver 
1905-1906, le malade vient, deux ou trois fois par semaine, faire des séances 
à titre préventif. Ces séances sont, d'ailleurs, fort courtes, car, au bout de ^ à 
8 minutes, il éprouve une telle sensation de chaleur que nous ne les prolongeons 
guère au delà. 

Cependant, il a commis l'imprudence, en plein hiver, et malgré notre insis- 
tance, d'aller passer quelques jours à Paris. Dés son retour, il a eu une crise de 
goutte violente, qui l'a tenu au lit pendant une semaine, au bout de laquelle 
il n'a pu se rendre chez nous qu'appuyé sur deux béquilles. Quelques séances 
quotidiennes ont suffi pour se rendre maître de cette crise, et, depuis ce moment, 
la santé s'est maintenue en excellent état. 


Oss. 25. — M. Ph..., âgé de 42 ans, nous est envoyé par le docteur Mac Dou- 
gall, à la date du 13 mars 1906. 

Ce malade n'avait jamais eu de rhumatisme, lorsque, il y a six mois environ, 
à la suite d'un bain froid, il a été pris presque subitement de douleurs violentes 
dans la région lombaire. Ces douleurs persistant, il a fait des frictions, puis une 
saison à Harrowgate, enfin on lui a appliqué, pendant plusieurs séances, les bains 
hyperthermaux de Dowsing, sans que son état ait été amélioré. 

Il éprouve, en outre, une sensation générale de froid, qui, la nuit, l'empêche 
de s'endormir. Nous appliquons les courants de haute fréquence, sur le lit con- 
densateur, pendant une quinzaine de jours consécutifs, sans déterminer la moindre 
sensation de chaleur. 

Nous faisons alors deux séances par jour, et, le cinquième jour, cette sensation 
est enfin obtenue. En même temps, le malade ressent un grand soulagement dans 
ses douleurs lombaires. 

Nous reprenons alors les séances quotidiennes, jusqu'au 6 avril, jour du départ. 
Le malade peut faire de longues promenades sans trop de fatigue, mais la douleur 
persiste toujours, quoique considérablement atténuée. 

A la date du 5 juin suivant, il nous écrit que son état s'est encore amélioré, 
et qu'il ressent seulement un peu de faiblesse. La sensation de froid à totalement 
disparu, et les nuits sont excellentes. 


Oss. 26. — M®°T..., âgée de 55 ans, nous a été adressée par le docteur Bright, 
le 20 mars 1905. 

Cette malade souffre, depuis une vingtaine d'années, de fréquents accès de 
goutte aux pieds et aux mains. Sensation générale de froid, palpitations. 

Hypotension artérielle : 13 centimètres. 

Nous faisons 25 séances du 20 mars au 15 avril. Les douleurs et les gonflements 


244 . . ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


articulairesont disparu ; plus de sensation de froid, plus de palpitations La tension 
artérielle s'est élevée à 15 centimètres. 

Nous avons revu le mari de la malade dans lc courant de janvier 1906; il nous 
a annoncé qu'elle n'avait plus ressenti la moindre douleur depuis le traitement 
électrique, et que sa santé générale s'était beaucoup améliorée. 


Oss. 27. — Miss Y..., âgée de 60 ans, nous a été adressée par le docteur 
sir Henry Blanc, le 18 avril 1905. 

Fille de père et de mère goutteux, cette malade n'avait cependant ressenti 
aucune manifestation arthritique lorsque, il y a 13 ans, à la suite, dit-elle, d'une 
ingestion de tomates crues. le petit doigt de la main gauche est devenu gros 
et douloureux, puis successivement les autres doigts des deux mains et enfin les 
orteils. 

Il y a cinq ans, elle a été atteinte d'une iritis rhumatismale, dont elle a long- 
temps souffert, et qui a laissé après elle des synéchies qui rendent irrégulière 
la circonférence pupillaire. 

Nous faisons 15 séances du 18 avril au 2 mai. Au bout de ce temps la tumé- 
faction et les douleurs ont disparu. Dans le courant du mois de mars 1906, la 
malade nous a fait donner de ses nouvelles par une de ses amies. Les crises 
de goutte ne s'étaient pas reproduites. 


Ogs. 28. — Mie D..., âgée de 68 ans, nous est adressée par le docteur Philip. 

Cette malade, atteinte, depuis trente ans, de rhumatisme goutteux aux mains 
et aux pieds, a vu ses genoux se prendre à leur tour, il y a une dizaine d'années, 
et ces articulations se sont ankylosées de plus en plus, de sorte qu'elle est à pen 
près dans l'impossibilité de marcher. La flexion des doigts est peu marquée 
à gauche, à peine perceptible à droite. 

Les artères radiales sont dures, tortueuses, la tension artérielle est de 
21 centimètres. 

Nous faisons 22 séances du 4 au 27 mai. À ce moment la marche est plus 
facile, moins d'oppression ; les genoux ont désenflé, la flexion des doigts est 
assez grande pour permettre à la malade de tenir sa cuiller et sa fourchette, co 
qu'elle ne pouvait faire depuis plusieurs années. 

Enfin, les artères radiales sont plus flexibles. Nous avons eu de ses nouvelles 
en décembre 1905. L'amélioration s'est maintenue, et la malade, satisfaite de ce 
mieux relatif, ne juge pas nécessaire de recommencer le traitement. 


Oss. 29. — M. V..., âgé de 45 ans, nous est adressé par le docteur Rondeau, 
le 23 octobre 1905. 

Issu de parents arthritiques, ce malade a eu ses premières atteintes de goutte 
aux deux pieds, vers l'âge de 14 ans. 

Plus tard, à 33 ans, sciatique goutteuse qui a duré une quinzaine de jours, et, 
l'année suivante, arthrite du coude gauche, avec épanchement. 

Entre 38 et 46 ans, il a ressenti trois nouvelles manifestations, plus doulor:- 
reuses et plus longues, de son arthritisme : 

1° En 1806, puis 18£8, puis 1901, hydartrose du genou gauche; 

2° En 1900, rhumatisme articulaire subaigu, qui a tenu le malade au lit 
pendant six semaines, et a exigé un temps aussi long pour la convalescence. 
A peu près toutes les articulations ont été prises, ensemble ou successivement ; 

3° En août, septembre et octobre 1905, nouvelle attaque de rhumatisme 
volant, mais moins intense que la précédente, 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 245 


C'est à ce moment que nous appliquons le traitement par le lit condensateur. 

Nous faisons quatorze séances du 23 octobre au 5 novembre, jour du départ. 

Le malade a éprouvé un grand soulagement, malgré la courte durée du 
traitement, qu'il se propose, du reste, de continuer à Paris. 

En janvier 1906, il écrivait au docteur Rondeau : « Je suis presque tout à fait 
guéri ; je vais trois fois par semaine chez le docteur Lacuerrière. Les talons sont 
complètement guéris depuis près d'un mois; le poignet gauche a résisté plus 
longtemps, mais il est aujourd'hui complètement indolore; toutefois, il n'a pas 
encore retrouvé toute sa force. » 

Nous avons su, depuis, que l'hiver s'était passé sans que le malade ait ressenti 
la moindre atteinte. 


Oss 30. — M" T..., âgée de 55 ans, nous est envoyée par le docteur Kruger, 
de Londres | 

Cette malade, issue de parents goutteux, a, elle-mème, présenté des mani- 
festations de cette diathèse depuis l’âge de 15 ans. 

Il y a sept ans. elle a été atteinte de rhumatisme aigu des articulations inter- 
vertébrales, qui s'est aceompagné de fièvre intense, et l'a tenue au lit pendant 
huit semaines. 

Actuellement, la malade éprouve des douleurs aux genoux qui sont tuméfiés, 
et aux mains, dont lesdoigts ont la plus grande peine à se fléchir. Enfin, elle 
accuse une insomnie persistante. Nous commençons le traitement le 4 décembre, 
par des séances quotidiennes du lit condensateur Au bout de quelques jours, 
les douleurs ont considérablement diminué, les doigts sont plus flexibles, les 
genoux moins gonflés ; le sommeil est meilleur. 

Cinq semaines après, vers le 15 janvier 1906, la malade se sentait beaucoup 
mieux et nous nous préparions à terminer le traitement en espaçant de plus en 
plus les séances, lorsque nous avons vu les douleurs revenir en mème temps que 
l'insomnie, et le traitement semblait n'avoir plus d'action. En causant avec la 
malade nous avons appris qu'elle avait l'habitude de dormir les fenêtres ouvertes, 
et que l’exacerbation des douleurs avait coïincidé avec une période de froid très 
vif. Nous l'engageämes à fermer toujours ses fenêtres le soir, et à partir de ce 
moment le traitement devint beaucoup plus efficace. 

Nous le continuâmes jusqu'à fin février, par séances espacées de deux en 
deux jours, et la malade quitta Cannes ne ressentant de faibles douleurs que par 
intervalles, et jouissant d'un excellent sommeil. 

Elle nous a écrit, à la date du 10 mai, que son état avait été s'améliorant de 
plus en plus, et que les douleurs ne l'avaient plus reprise, malgré le froid intense 
qu'il avait fait en Angleterre, où elle était retournée. 


Oss. 31. — M" Fr..., âgée de G> ans. nous est adressée par le docteur Bright, 
le 3 mars 1906. Cette malade a eu ses premières atteintes de goutte il y a 
environ 25 ans. Actuellement, les articulations des doigts sont tuméfiées et dou- 
loureuses, à demi ankylosées Les genoux, le gauche surtout, sont gonflés et la 
marche est très pénible. La tension artérielle est de 25 cent. Comme on avait 
beaucoup effrayé cette malade, lui disant que le traitement par les courants de 
haute fréquence pouvaient lui occasionner une apoplexie, nous commençons, sur 
l'avis du médecin traitant, par des séances très courtes, de trois, quatre, cinq 
minutes; et ce n'est que petit à petit que nous avons pu prolonger leur durée 
jusqu'à dix minutes. - | 


te rr -e a Ů 


246 ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


Encore ces séances, dans la première moitié du traitement, n'ont-elles eu lieu 
que tous les deux jours, la malade n'osant pas s'exposer à l'action de séances 
quotidiennes. C'est ainsi que nous n'en pouvons faire que seize pendant le mois 
de mars. 

Cependant, il est déjà possible de constater une amélioration notable ; il y a 
moins de douleur dans les articulations, moins de difficulté dans les mouvements, 
moins d'oppression. 

En présence du résultat favorable obtenu, la malade, enhardie, vient un peu 
plus fréquemment ; et dans le courant du mois d'avril, nous faisons une vingtaine 
de séances d'une durée de dix minutes. A ce moment, la malade doit quitter 
Cannes, mais elle est notablement améliorée. Les genoux sont très peu tuméfiés, 
la marche est plus facile, les mains ne sont plus le siège d'aucune douleur, et les 
doigts, moins gros, se fléchissent bien plus facilement. Enfin, l'hypertension 
artérielle est descendue à 21 centimètres. 


Oss. 32. — M. le comte M..., âgé de 55 ans, nous a été amené par le 
docteur Redon, le 11 décembre 1905. 

Ce malade, de tempérament arthritique, est assez souvent atteint de douleurs 
rhumatismales, mais pas assez intenses pour l'obliger à garder le lit. 

Il se plaint surtout de sensation de froid, d'oppression et parfois de toux 
opiniâtre. Le cœur, un peu gros, est souvent le siège de palpitations assez 
pénibles. Les artères radiales ne paraissent pas athéromateuses, mais elles 
présentent une hypertension assez considérable, 22 centimètres. 

Comme le malade doit faire le voyage de Nice pour chaqne séance, il ne lui 
est guère possible de suivre un traitement tout à fait régulier ; néanmoins après 
les sept premières séances, faites en décembre, le malade éprouve déjà un notable 
soulagement au point de vue de sa respiration, laquelle est beaucoup plus facile ; 
la toux a aussi considérablement diminué. Nous faisons encore dix-huit séances 
en janvier 1906. Puis le traitement est suspendu pendant le mois de février, À 
cause du mauvais temps. Malgré cela, l'amélioration obtenue se maintient. 

Enfin, nous faisons une dizaine de séances dans la première quinzaine de 
mars, le malade devant retourner en Russie, avant la fin du mois. 

La sensation de froid a disparu, la respiration est normale, moins de toux; 
enfin le malade irait aussi bien que possible si sa passion poules cigarettes ne 
venait, en partie, détruire les bons effets du traitement. 

La tension artérielle est descendue à 18 centimètres. 


Oss. 33 et 34. — Dans le courant de l'hiver 1905-1906, nous avons 
eu à traiter un de nos confrères de Nice, le docteur R..., ainsi que sa 
femme. 

Les difiicultés d'un déplacement quotidien ne leur ayant pas permis 
de suivre régulièrement notre traitement, nous n'avons pu faire au 
docteur R. ., que 7 séances en décembre, 17 en janvier, 16 en févricr, 
8 en mars, 10 en avril: en tout une soixantaine de séances, ce qui serait 
un nombre fort raisonnable si elles avaient été faites dans l'espace de 
deux mois, mais leur efficacité s'est trouvée considérablement diminuée 
par le fait qu’elles se sont réparties sur un espace de cinq mois. 


BONNEFOY. — TRAITEMENT DE LA GOUTTE 247 


Quant à Me R .., le nombre des séances a été encore moins consi- 
dérable, réparties dans le mème laps de temps, puisque nous en avons 
eu 7 en décembre, 17 en janvier, 8 en février, 7 en mars, Ü en avril, 
soit en tout 45. 

Ayant écrit au docteur R... pour le prier de nous donner les ren- 
seignements nécessaires pour établir ces deux observations, nous ne 
saurions mieux faire que publier in extenso sa réponse : 

« Vous trouverez ci-contre les quelques renseignements que vous 
m'avez demandés sur nos états constitutionnels. Nous sommes assurément 
des arthritiques de bonne marque, mais, assurément aussi, des irréguliers 
de la thérapeutique électrique; et, de ce fait, nous ne méritons guère, 
malgré l'amélioration très certaine de nos états de santé, de figurer à côté 
des résultats surprenants que nous avons vus se produire chez vous, 
à côté de nous, et contre mon attente, je le confesse bien humblement. 

» Sceptique hier, je suis maintenant parmi les défenseurs décidés 
de la cure électrique. . bien administrée ! 

» Nous n'étions pas assez malades en apparence pour vous constituer 
une parfaite réclame aux yeux des profanes ; cependant, nous nous 
sentons assez gaillards aujourd'hui pour vous dire un grand et sincère 
merci ! Pour mon compte, je suis assez bien pour que plus d’un s'étonne 
de me retrouver presque jeune et agité, après m'avoir vu si souvent 
trainant et languissant. » 

Quant aux deux observations, nous les publions telles qu’elles nous 
sont données par le docteur R.. : 


1° D' R..., 50 ans, de souche arthritique. 

Dans la jeunesse, fréquentes douleurs rhumatoides dans les articulations 
et les muscles. Névralgies à tout âge, douleurs intestinales et crises dyspeptiques 
gastro-intestinales au moindre refroidissement. 

A 25 ans, congestion pulmonaire généralisée avec ràles de Colin dans toute 
la hauteur. On incrimine la tuberculose. Le professeur Potain diagnostique, au 
contraire, une congestion active d'origine arthritique. Le traitement, modifié en 
conséquence, amène une détente immédiate, bientôt suivie d’une guérison durable. 

À 45 ans, première atteinte d'hématurie. En raison de la congestion pulmo- 
naire antérieure, on diagnostique : tuberculose rénale, et on veut enlever un rein! 

Aprés plusieurs mois de troubles urinaires, émission d'un calcul urique. 

Pendant 18 mois, période de santé relativement bonne, puis ces douleurs 
rénales, lombaires, généralisées réapparaissent. Nouvelles crises hématuriques, 
qui durent plus de six mois, avec des intermittences variables d'urines limpides 
ou laiteuses Émission d'un deuxième calcul. 

Il y a trois ans, première cure à Martigny-les-Bains, renouvelée l'année 
suivante. 

En 1905, l'état général est assez satisfaisant: néanmoins la fatigue survient 
vite; les crises de dyspepsie sont assez fréquentes et obligent le malade à sur- 
veiller de très près son alimentation. 


248 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Sensibilité extrème au froid. Tension artérielle. 20 centimètres. 

C'est dans ces conditions qu'est commencé le traitement électrique. 

Malheureusement, le docteur R... habite Nice et ne peut pas se soumettre 
à un traitement aussi suivi et régulier qu'il eût fallu. Cependant, aujourd'hui 
{er juin 1906, les fonctions digestives sont très améliorées, et l'état général 
est devenu très satisfaisant. 


2° Me R..., 37 ans, de souche très arthritique. A, depuis son jeune âge, des 
migraines fréquentes et violentes, et, depuis plusieurs années, des crises de bat- 
tements musculaires, plus spécialement carotidiens 

Sensibilité extrème au froid et au chaud. Tophus du gros orteil gautho: 

Douleurs fréquentes dans les articulations des pieds et des mains; gonflement 
périarticulaire. 

Tendance à l'obésité et à l'essoufflement. Tension artérielle, 19 centimètres. 

Le traitement électrique a diminué très notablement l'état migraineux et les 
battements carotidiens. L'état général est excellent 

Malheureusement, là encore le traitement électrique n'a pas été suivi aussi 
régulièrement qu’il eùt convenu. 


O8s. 35. — M" I..., âgée de 32 ans, d'une santé fort délicate, a dû subir, 
il y a quatre ans, l'ablation totale de l'utérus et de ses annexes, a la suite d'une 
maladie de plusieurs années. 

La circulation générale est très défectueuse, la face et les mains se cyanosent 
à la moindre impression de froid. L'appétit est médiocre, le sommeil rare. 

La malade a, en outre, le défaut de fumer, et ce n'est que sur notre insistance 
qu'elle consent à se contenter de deux ou trois cigarettes par jour. 

Le traitement par les courants de haute fréquence, fait, cependant, d’une 
façon très irrégulière, amène une grande amélioration dans son état. 

Elle croit alors pouvoir se départir de la réserve que nous lui avions imposée 
au point de vue du tabac, et, au bout de quelques jours, elle ressent des douleurs 
au niveau du tarse, qui est quelque peu tuméfié ; en outre, la face est légerement 
cyanosée. Nous lui affirmons que c'est une atteinte de goutte due au ralentissement 
de sa circulation, et qu'elle doit renoncer au tabac. Elle n’en croit rien, est con- 
vaincue qu'elle a dù se faire une petite entorse en marchant, et s'en console en 
allumant une nouvelle cigarette. Elle ne tarde pas à s'en repentir, car, dès 
le lendemain, la tuméfaction et la rougeur du gros orteil gauche lui démontrent 
surabondamment l'exactitude de notre diagnostic. 

Quelques séances de haute fréquence ont eu vite raison de cette légère crise 
goutteuse, surtout la malade ayant reconnu la cause qui l'avait provoquée, et 
s'étant plus docilement conformée à nos conseils. 


Nous avons tenu à publier cette observation, quelque légère qu’ait 
été la manifestation goutteuse, parce qu'elle démontre bien l’action de la 
nicotine sur le ralentissement de la circulation périphérique par vaso- 
constriction, même en dehors des phénomènes cardiaques et nerveux 
que détermine l’abus du tabac. 


Pityriasis rosé de Gibert 


traité par l'effluvation statique. 


Par MM. E. DOUMER et Alb. THIBAUT. 


Suzanne V..., 14 ans, vient nous consulter le 23 avril, pour des 
lésions qui présentent l'aspect suivant : sous le sein droit, une large 
tache ovalaire, à bords un peu surélevés, à forme tricophytoïde de 
5 centimètres environ dans son plus grand diamètre, de coloration jau- 
nàtre, recouvertes de petites squames épidermiques très minces et adhé- 
rentes. Sur Je haut du thorax, les flancs et l'abdomen, de nombreux 
éléments rose-lilas, irrégulièrement arrondis, faisant à peine saillie sur 
la peau. Peu nombreux à la région postérieure du tronc, ils sont au 
contraire confluents dans les parties latérales; leur grandeur varie de 
celle d’une lentille à celle d’une pièce de cinquante centimes ou de un 
franc. Sur quelques-unes de ces taches l'épiderme est comme plissé ; 
sur d'autres, il desquame à leur centre, qui est moins coloré que la 
périphérie 

La lésion initiale de la région mammaire, apparue quelques jours avant 
les autres, était indolente, tandis que cette sorte de roséole survenue 
consécutivement, très démangeante avec tendance à la généralisation, 
précédée d'embarras gastrique et de malaise, inquiète l'entourage de la 
malade et l’amène à prendre notre avis. 

Le diagnostic de pityriasis rosé de Gibert est de suite posé, eu 
égard au médaillon primitif d'aspect si classique, aux caractères 
objectifs de la poussée secondaire, à l'état saburrhal et quelque peu 
fébrile qui a précédé l'éruption, à l'age de la malade, exempte de toute 
tare héréditaire et de toute spécificité acquise, et en notant, entin, que 
le printemps est l’époque de l'année dans laquelle ces érythèmes sont 
le plus commun. 

La confusion, d'ailleurs, ne pouvait se faire avec l’eczéma sébor- 
rhéique, avec le psoriasis, avec la roséole syphilitique, avec le pityriasis 
versicolor, avec F'érythéme tricophytique, car nous avons assisté, une 
semaine environ après notre premier examen, à une fruisième poussée 
plus discrète, à éléments rapidement assez larges, se distribuant de haut 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — AVRIL 1907. 18 


250 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


en bas et de bas en haut, de l'abdomen vers les cuisses, de la région 
claviculaire vers les bras et le cou, où l’on pouvait voir, près de l'angle 
de la mâchoire inférieure de chaque côté, deux taches dont les dimensions 
atteignaient près de trois centimètres. 

Le traitement médical fut pour ainsi dire nul: un ou deux bains 
d'amidon furent conseillés, une purgation saline et régime doux. 

Dans l'intention de combattre le prurit qui, dans ce cas particulier, 
était intense, le malade fut soumise à l’effluvation et aux bains statiques, 
chaque jour, pendant un quart d'heure. 

Il semble que l'électricité a eu pour effet d'abréger la durée du 
pityriasis. 

Nettement, nous l'avons constaté, ces applications électriques firent 
cesser le prurit et amenèrent de la décongestion. Elles mirent en plus, 
sans doute, la peau en excellentes conditions pour échapper à toute 
complication (chose relativement fréquente dans les pityriasis pruri- 
gineux), car dès les premiers jours de mai, les lésions pàlirent rapidement, 
et environ trois semaines après l'apparition de la plaque primitive, 
tout était rentré dans lordre, la surface cutanée laissant à peine voir 
de rares vestiges de l'éruption. 

Sans doute, la durée du pityriasis rosé de Gibert est variable, et 
n'étant pas chagriné par des topiques intempestifs, le voit-on évoluer 
spontanément vers la guérison. Toutefois, la durée moyenne est de 
six semaines, plus souvent deux mois; elle est plus longue encore 
lorsqu'il y a prurit, lorsqu'il y a intoxication alimentaire, lorsqu'il y a 
tendance à l'eczématisation. 

Or, la généralisation de l'éruption, qui ne respectait, chez notre 
sujet, que la face, les avant-bras et les jambes, le mauvais état du 
tube digestif, les démangeaisons vivement ressenties, pouvaient nous 
faire redouter une terminaison assez lente ; -aussi est-ce en raison de 
l'heureux résultat obtenu, croyons-nous, gràce à l'influence électrique, 
que nous publions cette observation. 

Nolons. en passant, que le pityriasis rosé de Gibert se rencontre 
peu à Lille et dans la région. 


Sur un cas important de leucémie myélogène 


suivi pendant trois ans environ. 


Par MM. Carlo LURASCHI et Umberto CARPI (1). 


LA 


HISTOIRE CLINIQUE 


La production scientifique sur la thérapie de la leucémie par les 
rayons Rôntgen a aujourd’hui atteint des proportions telles que ce serait 
une grave tàche que celle d'une revue historique-statistique sur ce 
sujet, Pourtant, si nous voulons envisager d'une manière complexive 
tout le travail fait jusqu'à présent, nous devons remarquer que les 
recherches sur la rôntgenthérapie des leucémies se sont développées en 
suivant trois méthodes différentes d’études, c'est-à-dire : 

1° Recherches expérimentales visant à éclairer l’action des rayons X, 
soit sur les organes hématopoïétiques, soit sur les agents bactériens ; 

2° Recherches biologiques sur l'influence que les rayons Röntgen 
exercent sur les échanges organiques; 

30 Observations cliniques qui puissent établir la valeur thérapeutique 
réelle des rayons Röntgen dans la leucémie. 

Les recherches dans le champ expérimental et biologique acquièrent, 
dans le sujet que nous traitons, une importance essentielle, et c’est à elles 
certainement qu'il appartient d'éclairer l’obscure série de phénomènes 
que la rüntgenthérapie cache encore à l'œil vigilant du clinicien et du 
savant. Malheureusement, jusqu'aujourd'hui rien encore de positif n’a 
pu être constaté dans ce champ. 

Ce qu'il y a, au contraire, de réel et de positif, c'est l'observation 
clinique, laquelle s'enrichit tous les jours de faits nouveaux et de nou- 
velles constatations, et de laquelle sculement nous pouvons tirer 
aujourd'hui le guide pratique et l’enseignement thérapeutique. 


à Communication faite au II" Congrès international d'Électrologie et de Radiologie 
médicales (Milan, 5-9 septembre 1906). 


252 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Une question capitale pour nous c'est d'établir la valeur thérapeu- 
tique réelle des rayons X dans la leucémie. 

C'est la un point très combattu et sur lequel il ne semble point exister 
uniformité d'opinions, ni de la part des cliniciens, ni de la part des 
radiologues. 

En effet, certains parlent de cas heureusement influencés par les 
rayons Röntgen et de guérisons symptomatiques; d’autres parlent de cas 
de leucémie complètement guéris par les rayons Röntgen; d'autres, enfin, 
rapportent des cas dans lesquels la rôntgenthérapie donna des résultats 
tout-à-fait négatifs. 

Cette différence de conclusions impose d'une part un examen scrupu- 
leux de la statistique clinique publiée, d'autre part la connaissance des 
issues éloignées des leucémiques soumis à la rôntgenthérapie. 

C'est précisément en suivant cette méthode que je crois intére:sant 
de relater un cas de leucémie myélogène que, chargé par le D" Conti, 
j'étudiai surtout pour la partie hématologique et dont j'ai déjà publié les 
premiers résultats en septembre 1903 (Bulletin des cliniques) Ce cas fut 
soumis au traitement radiothérapique, qui fut exécuté par le DT Luraschi. 

L'intérêt particulier qu'il inspire dérive du fait qu'il a pu être suivi 
pendant deux années, c'est-à-dire dès ly04 jusqu'aujourd'hui. Je 
donnerai une relation succincte de sa marche clinique et des opérations 
hématologiques qui s’y rapportent. 

La patiente, une dame de 45 ans, marite, déja malade de différents 
troubles (faiblesse, dyspnée d'effort, etc.) depuis 9 aus environ, reportait 
l'origine de sa maladie actuelle en février 1903, époque où elle constata 
un Curps palpable à l'hypocondre gauche; corps qui augmenta bientôt 
de volume, s'accompagnant de fortes douleurs intermittentes {péri-splé- 
niques) et qui bientòt atteignit des proportions considérables. 

Le 11 novembre, le docteur Conti trouvait la malade dans des 
conditions très graves, avec fièvre, dépression, de graves œdèmes aux 
membres inférieurs, et décelait la présence d'une tumeur splénique ayant 
86 centimètres de hauteur (matilé relative), et diagnostiquait, après un 
examen somatique très soigné, une leucémie spléno-médullaire. Le repère 
hématologique que j'exécutai confirma pleinement ce diagnostic, démon- 
trant une leucocythémie remarquable (233.000 l. par mine , avec pré- 
sence de myélocytes en proportions considérables, augmentation d'éosi- 
nophyles et de mastzellen. On soumit la malade à la cure radiothérapique, 
en instituant contemporanément un traitement arsenical et opothérapique, 
qui fut pourtant abandonné ensuite, et on constata bientot une amélio- 
ralion évidente dans les condilions générales subjectives et objectives, 
amélioration qui se fit de plus en plus accentuée. 


LURASCHI & CARPI. — LEUCÉMIS MYÉLOGÈNE 253 


Aprés une longue période de cure, dans laquelle on fit jusqu'à 
09 applications Röntgen, la malade se présentait dans des conditions de 
santé vraiment bonnes : elle avait engraissé, son aspect était florissant, 
elle n'avait plus de fièvre; rate réduite à 13-14 em. de hauteur; les règles, 
auparavant disparues, étaient revenues. L'examen hématologique décelait 
un affaissement considérable de la leucocytose (leucocytes 74.000 par 
mmc.) avec diminution des myélocytes et tendance à la formule 
leucocytaire. | 

Ce qui intéresse dans ce cas c’est le fait que bien qu'on ne pùt point 
atteindre le retour à la formule hématologique normale, cependant les 
conditions de la malade étaient telles de la faire juger ÿuérie. 

On devait donc en déduire que l’action que les rayons Rôntgen 
exercent sur le processus leucémique n’est pas seulement en relation 
avec un processus de leucolyse, mais qu’au contraire une amélioration 
essentielle du syndrome morbide peut se produire sans que le repère 
leucémique du sang ait à subir une modification radicale. | 

Et cette opinion a été complètement confirmée par le décours 
successif. 

Je revis là malade au mois de novembre 1905. Depuis 5 moiselle avait 
suspendu tout traitement. L'examen hématologique démontrait une légère 
accentuation du repère leucémique (Leucocytes 112.800. — Polynuclé- 
aires 652. — Eosinophyles 42. — Myélocytes 17 °/o. — Mastzellen 42.) 

Malgré cela, les conditions générales de la malade étaient toujours 
satisfaisantes et elle n’accusait aucun trouble qui trahit une aggra- 
vation de son état morbide. 

On entreprit pourtant une nouvelle période de rôntgenthérapie (22 
séances dans nne période de 7 mois), pendant laquelle l'état subjectif de 
la malade demeura toujours bon : elle s'occupa toujours du ménage, 
vivant comme une personne saine. Et pourtant l'examen du sang, exécuté 
le 24 juin dernier, ne mettait en évidence aucune modification quanti- 
tative essentielle du repère leucémique. Les leucocytes touchaient le 
chiffre de 136.000 par mmc. Modifié en revanche le répère morpholo- 
gique (Polynucléaires 794. — Eosin. 24. — Myélocytes 10 °/. — Mast- 
zellen 24), duquel résultait l’augmentation des polynucléaires et une 
réduction dans le pourcentage des myélocytes. En outre le volume de la 
rate était remonté (23 cm. en moyenne de matité absolue). 

Quelles conclusions pouvons-nous donc tirer des faits que nous venons 
d'exposer ? 

Nous ne pouvons certainement pas affirmer d'avoir obtenu une 
guérison ; tout au plus peut-on parler d'une amélioration considérable du 
syndrome leucémique. Ce qu'il y a de vraiment remarquable c'est le fait 


254 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


qu’une leucémie qui datait depuis longtemps et qui, pour la gravité de ses 
manifestations morbides, menaçait une marche fatalement progressive, 
ait pu, grâce à l'intervention radiothérapique, se modifier etsetransformer 
dans une forme bénigne compatible avec l'existence de la malade. 

Certainement ces conclusions ne sauraient valoir pour tous les cas: 
dans le cas actuel la gravité de la forme était telle qu'elle justifie 
pleinement l'importance que nous avons attachée au résultat obtenu, bien 
qu'il ne soit point des plus satisfaisants. 

Dans d’autres cas les résultats ont été bien plus brillants : 

Moi-même, le mois de mars dernier, je communiquais, au Z?” Congrès 
national de thérapie physique, à Rome, un cas de grave leucémie 
splénique, dans lequel j'obtins une modification très remarquable du 
repère objectif et de la forme hématologique telle qu’elle pouvait faire 
songer apparemment à une guérison radicale. Je vais suivre ce cas aussi 
pour une longue période dans le but de vérifier le résultat éloigné, plus 
que possible, du traitement institué. 

C'est précisément dans cette communication que je faisais remarquer 
comment les résultats différents obtenus dans les divers cas doivent être, 
essentiellement, mis en rapport : a) avec l'étude des évolutions du pro- 
cessus leucémique ; b) avec la diversité de l'influence étiologique ; c) avec 
la nature du processus anatomo-pathologique qui régit le syndrome 
leucémique. 

Ces observations sont suffisantes pour démontrer combien la question 
de la valeur thérapeutique des rayons X sur la leucémie se présente 
complexe. 

Souhaitons que de nouvelles et diligentes recherches, soit dans le 
champ de la pathogénèse de la leucémie, soit dans le champ de l’action 
biologique des rayons X, et les méthodiques opérations cliniques viennent 
bientôt remplir les lacunes que nous déplorons encore et conserver 
l'enthousiasme et la constance de ceux qui dédient étude et activité à la 
solution de problèmes si importants. 


255 


LURASCHI & CARPI. — LEUCÈMIE MYÉLOGÈNE 


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256 ANNALES D'ÉLECTROBIOT/OGIE 


TECHNIQUE SUIVIE (D Carlo Lurascm) 
Année 1904 


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Suspension pour légère réaction de 1°r degré. 


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Mars..... 


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Novembre ! 


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| 


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LURASCHI & CARPI. — LEUCÈMIE MYÉLOGÈNE 


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Année 1905 


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Réaction | OBSERVATIONS | 
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seulement sur 

la rate, mais 

encore sur les 

membres infé- 

rieurs et sur le 
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258 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Année 1906 


Durée | Unité | Réaction | OBSERVATIONS 


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Benoist 


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alla à la cam- 
pagne en de 
très bonnes 
conditions. 


LURASCHI & CARPI. — LEUCÉMIE MYÉLOGÈNE 259 


CONCLUSION SUR LA TECHNIQUE SUIVIE 


Si l'on observe attentivement la manière dont nous avons appliqué 
la cure au moyen des rayons X dans le cas analysé, on doit certainement 
reconnaitre que toute notre étude et notre plus grande préoccupation ce 
fut que de faire absorber la plus grande quantité de radiations sans 
altérer l'intégrité de la peau. 

Le degré de pénétration des rayons, variant de G-8-B, nous 
permettait d'atteindre aisément la rate. Et si nous mettons en rapport 
ce degré de pénétration avec la distance d'élection que nous avons 
choisie, de 25 centimètres, nous pouvons affirmer que nous nous sommes 
toujours mis dans les meilleures conditions pour faire absorber par les 
organes internes le maximum possible de radiations dans un temps rela- 
tivement court. 

Nous avons insisté surtout sur l’application des rayons X à la rate 
hypertroph'ée, qui présentait un grossissement, en vérité, non commun ; 
dans le même temps, comme complément de la cure, on étendit les 
irradiations même aux membres inférieurs (d'une manière spéciale aux 
articulations du genou) et au sternum. 

Comme particularité technique, nous devons rappeler que nous avons 
protégé toutes les parties environnantes par une large lame de plomb, 
laissant que les rayons X tombassent sur une surface convenablement 
échancrée dans la lame, reproduisant la forme de la rate hypertrophiée, 
avec 2 centimètres environ de marge au delà du contour de la rate même. 

On voit, enfin, en observant nos tables, que nous sommes partisans 
des séances fréquentes, et que la technique que nous avons suivie nous 
permit de faire de longues applications tous les jours ou bien tous les 
deux jours. L’artifice technique pour atteindre ce but consiste dans 
l'usage de l'interrupteur à mercure à deux pointes, que nous préférons 
au Wenhelt, parce qu'il est bien plus délicat dans sa graduation. 

Un des points les plus variables dans la Rôntgenthérapie de la leu- 
cémie se rapporte à ces deux questions : 

1° Combien de temps le traitement doit-il durer ? 

2° Quand devons-nous nous arrêter ? 

Nous ne croyons point que la leucémie puisse être guérie par la 
Rôntgenthérapie ; pourtant nous admettons, nous appuyant sur notre 
expérience et sur celle d'autres auteurs de tous les pays du monde, que 
la Rôntgenthérapie est un des remèdes les plus puissants contre cette 
très grave maladie, 

Notre expérience nous amène aussi à la conclusion qu'il n’est point 
opportun, ni prudent, de pousser le traitement jusqu'aux conditions à peu 


260 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


près normales des globules blancs dans le sang. Si l'on nous permettait 
l'expression, nous dirions que la rate malade de leucémie ne doit point 
être violentée, mais ménagée avec beaucoup de délicatesse. 

En suivant ce principe, on peut aflirmer que la Rôntgenthérapie sert 
à retenir l'éclatement soudain de symptomes morbides capables d'en- 
trainer le malade au tombeau et dans le mème temps elle peut prolonger 
de plusieurs années son existence. 

Si nous devons déduire une conclusion du cas que nous avons 
soigneusement étudié, cette dernière est une conclusion pratique. 

Voilà la raison qui nous a conseillés à amplement relater au 
Ie Ccngrès d'Électrologie et Radiologie, ce cas intéressant que nous 
avons suivi pendant environ deux années. 


Influence du sens du courant | 
dans la galvanisation cérébrale et spinale. 


Par M. G. LIBERTINI. 


Professeur à l'Université de Naples. 


Depuis que £rb, eu 1867, a démontré la pénétration des courants 
continus et fa adiques dans le cerveau à travers la boite cränienne; 
depuis la confirmation de ces faits par Burckhardt et par Von Ziemssen 
et depuis que /ritch et Hitzig ont montré l'inexactitude du dogme 
physiologique de l'inexcitabilité du cerveau par l'électricité, les études, 
tant au point de vue physiologique qu'au point de vue clinique, se sont 
multipliées, et nous possédons aujourdhui une très riche littérature sur 
les effets physiologiques et cliniques de la galvanisation cérébrale, 

Une grande importance est attribuée, dans la technique de la galva- 
nisation des centres nerveux, à la direction des courants; on accorde 
une action déprimante et sédative aux courants descendants et, au 
contraire, une action excitante aux courants ascendants. Les frères 
Battelli disent, au sujet de l'action propre à chaque pôle dans la galva- 
nisation cérébrale : « Tenendo conto delle azioni che si hanno eccitando 
« dei nervi e dei muscoli sepurati dall’ organismo, si ritiene che 
« l'azione dell’ anodo sia sedativa, antispastisca, deprimente; e quella 
« del catodo sia invece eccitunle ed antiparalitica. Quantúnque non 
« manchino futti che rappresentino eccezione a questa regola, nellu 
« pralica dei metodi polari si consiglia sempre di scegliere come polo 
« atlivo l'anodo, quando si vogliamo calmare fenomeni di irritazione, 
« nel lrullumento di persone nervose, nelle congestioni, nelle malattie 
« acute ; e die scegliere invece il catodo quando si tratta di casi cronici, 
« torpidi e di persone poco eccitabili. » 

Tout récemment, au dernier Congrès français des aliénistes et des 
neuropathologistes, tenu à Rennes, en aoùt 1905. M. Foveau de Cour- 
melles (de Paris) disait que « les courants continus de faible intensité 
« appliqués à la tête ont une action incontestable sur les centres 
« nerreux. Cette action varie suivant le sens du courant et la nature 


262 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


4 


« des électrodes : L'application du pôle positif sur le front et du pôle 
« négatif à la nuque produit une action calmante ; et, inversement, 
« l'application du pôle négatif au front et du pôle positif à la nuque 
« produit une action excitante. La connaissance de ces effets physio- 
« logiques de la galvanisation cérébrale peut être utilisée dans le 
« traitement de la neurasthénie et des maladies mentales. » 

Il m'a semblé utile d'étudier quelle action le courant galvanique, 
lorsqu'il est appliqué sur les centres nerveux, exerce sur la période latente 
de réaction dans un conducteur déterminé et qu'elle influence pourrait 
avoir le changement de direction sur le temps de réaction lui-même, 


TECHNIQUE. — Pour ces recherches je me suis servi des mêmes 
appareils que j'avais adoptés dans mes précédentes études, avec quelques 
modifications, cependant, que 
j'ai cru utile d'apporter dans 
le but de simplifier les tra- 
cés et de rendre plus facile 
le maniement des appareils. 
Dans ces expériences il fallait 
enregistrer simultanément, 
sur le cylindre récepteur, le 
moment de l'excitation, celui 
de la réaction motrice et les 
vibrations d'un appareil chro- 

Fic. l. nographe (diapason électri- 

que) qui permettaient de cal- 

culer très exactement la vitesse de rotation du cylindre et des diverses 
phases des phénomènes (fig. 1). 

Le cylindre, disposé horizontalement, était animé d’une rapidité 
suffisante à l’aide d'un petit moteur électrique. 

Les deux leviers inscripteurs étaient reliés : l'un à un tambour 
électrique de Marey, il inscrivait la réaction motrice, l’autre à un signal 
de Déprez, il inscrivait les vibrations d'un diapason chronographe 
donnant 50 vibrations doubles à la seconde, 

L'excitation était donnée par une simple secousse d'ouverture, dont le 
début correspondait à la première vibration du signal Deprez, qui se 
trouvait intercalé dans le circuit excitateur. 

Comme le cylindre tourne avec une rapidité assez grande, il est néces- 
saire d'avoir un dispositif qui permette à l’expérimentateur d'approcher 
le stylet inscripteur pendant la durée des phénomènes seulement, c'est- 
à-dire l'ouverture du circuit excitant, la réaction motrice et les vibrations 


G. LIBERTINI. — GALVANISATION CÉRÉBRALE ET SPINALE 263 


du diapason. Pour obtenir ce résultat j'ai fait construire, par la Maison 
Campostano de Milan, l'appareil suivant (fig. 2). 

Sur une lige verticale A se grefte une tige courbe B, qui porte à son 
extrémité libre nne autre tige horizontale C, capable d'exécuter des 
mouvements de rotalion sur son 
propre axe et en avant. Cette tige 
est munie d’un côté d'un ressort 
tenseur D et de l'autre d'une petite 
corde E qui est reliée à une lame F 
qui limite le mouvement en avant 
de la tige C ; à peine la pression sur 
la lame F cesse, que le ressort 
tenseur D relève les stylets inscrip- 
teurs à leur position de repos. 

Le signal Déprez et le stylet qui 
sert à enregistrer la réaction du 
sujet en expérience sont fixés sur 
la tige horizontale C, de telle sorte que le petit déplacement en avant du 
- système approche les deux pointes inscriptrices du cylindre tournant et 
les fait toucher légèrement la surface dès qu'on presse sur la lame F 
et qu'ils s’en écartent aussitôt dès que cette pression vient à cesser. 

Il faut faire remarquer qu'il est indispensable, avant de procéder à une 
expérience, de s'assurer, par des manœuvres d'abaissement et de reléve- 
ment des stylets, que leurs pointes sont bien sur la même ligne, de telle 
sorte que non seulement elles viennent en contact en même temps avec 
le cylindre, mais encore qu'elles soient bien sur la même génératrice. 

A l’aide de serre-fines cet appareil est introduit dans le même circuit 
qui contient le diapason, le primaire de la bobine et le signal de Deprez. 
Dans ce mème circuit se trouve un interrupteur. Le secondaire de la 
bobine de Du Bois-Reymond est relié à l'excitateur de Marey qui, à 
l'aide d'un bon tube en caoutchouc, communique avec le tambour de 
Marey et, par lui, à la deuxième plume inscriptrice. 

Le fonctionnement de l'appareil est maintenant fort clair : 

Le sujet est assis tout près de l’appareil, on applique sur son biceps 
droit le tambour excitateur de Marey. On excite mécaniquement, avec le 
doigt, le diapason ; en pressant légèrement sur la lame F on approche 
les stylets du tambour, et immédiatement après on presse sur la pince 
interruptrice. Le courant passe alors dans tout le circuit comprenant le 
signal Deprez. Au mênie moment le circuit primaire, dont le trembleur 
est représenté par le diapason, est traversé par le courant. Dans ces 
conditions on est sûr que diapason, primaire, secondaire et signal Deprez 


264 


ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


fonctionnent en même temps dès qu’on presse sur la pince excitatrice. Le 


Fic. 3. 


secondaire qui forme circuit induit indé- 
pendant excite le muscle par l'intermédiaire 
du double tambour excitateur de Marey, 
qui, à son tour, par l'intermédiaire du stylet 
correspondant, inscrit l'excitation sur le 


cylindre 


De cette manière, on obtient des tracés 
analogues à l'exemple donné ci-contre (fig. 3) 


Après avoir fait une série de détermina- 
tions analogues qui permettent de prendre 
une moyenne, on soumet le sujet à la galva- 
nisation cérébrale ou spinale, nie ou 
descendante, d'une intensité constante : 
6 inA pour les applications céphaliques ; 
8-9 mA pour les applications médullaires ; 
on prend alors de nouvelles mesures avec 
l'appareil. Ces intensités devront être intro- 
duites lentement, sans secousses, et on ne 
procédera à de nouvelles mesures d'excita- 
tion du biceps que lorsque l'intensité aura 
atteint le degré voulu. | 


SUJETS NORMAUX 


Avant de commencer mes recherches 
sur des malades, j'ai procédé à des mesures 
sur qualre sujets normaux, deux hommes 
el deux femmes, choisis parmi le personnel 
de ma maison de santé. Voici les résultats 
obtenus : 


Oss. I. — B..., O... Moyenne de 8 détermi- 
nations: durée de la période latente de réaction, 
0”,08.00. 

Moyenne de 12 Géterminations : durée de la 
période latente de réaction pendant la galvani- 
sation descendante du cerveau avec 6 mA d'inten- 
sité, 0”,10000. 

Moyenne de 14 déterminations : durée de la 
période latente de réaction pendant la galvani- 
sation ascendante du cerveau avec 6 mA. 
0",10040. 


G. LIBERTINI. — GALVANISATION CÉRÉBRALE ET SPINALE 265 


Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation spinale descendante avec 8 à Y mA, U"”,09000. 

Moyenne de 6 déterminations : durée de la période latente de réaction pendan} 
la galvanisation spinale ascendante avec 8 à 9 mA, 0”,08800. 


Oss. Il. — L .., E... Moyenne de 6 déterminations: durée de la période latente 
de réaction, 0”,U84. 

Moyenne de 10 déterminations : durée de la période latente de réaction, 0,084. 

Moyenne de 10 déterminations: durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation céphalique descendante avec 6 mA, 0”,1006U. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation céphalique ascendante de 6 mA, 0”,1U000. 


Oss. III. — A.. , F. . Moyenne de 7 déterminations: durée de la période latente 
de réaction, 0°”,08000. 

Moyenne de 6 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante à 6 mA, 0°”,09400. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale ascendante avec O mA, 0”,0U500. 

Moyenne de 5 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire descendante avec 8 à 9 mA, 0”,08300. 

Moyenne de 6 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire ascendante avec 8 à 9 mA, 0”,08600. 


Oss. IV. — M.. . Moycune de 6 déterminations : durée de la période 
latente de réaction, 0° 0 

Moyenne de 7 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante avec 6 mA, 0”,09400, 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pondant 
la galvanisation cérébrale ascendante avec 6 mA, 0"”,0%500. 


CAS PATHOLOGIQUES 


J'ai étudié huit malades, cinq hommes et trois femmes, atteints : 
deux de frénésie sensorielle, un de manie légère, une de lÿpemanie 
simple et quatre d'hystérie. Aucun ne présentait de signes de démence. 


Oss. I. — V.., N... Frénésie sensorielle. — Moyenne de 6 déterminations : 
durée de la période latente de réaction, 0”,07000. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante avec 6 mA, 0”,0u800. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale ascendante avec 6 mA, 0”,09100. 

Moyenne de 7 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire descendante avec 8 à 9 mA, 0”,08200. 

Moyenne de 3 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire ascendante avec 8 à Y mA, 0”,08200. 


Ogs. II. — B. ., C... Frénésie sensorielle. — Moyenne de 8 déterminations: 
durée de la période latente de réaction, 0,400: 

Moyenne de 10 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante avec 6 mA., L”,10000. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale ascendante avec 6 mA., 0,10000. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — AVRIL 1907, 19 


266 . ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Oss. IIl. — M..., F... Manie légère. — Moyenne de 8 déterminations : durée 
de la période latente de réaction, 0"U7S0. 

Moyenne de 9 déterminations : duréc de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante avec 6 mA , 07.000. 

Moyenne de 11 déterminations : durée de la période latente de réaction pendaut 
la galvanisation cérébrale ascendante avec 6 mA., 0",09000. 


Ors. IV. — P..., A... Hystérie. — Moyenne de 6 déterminations : durée de la 
période latente de réaction, 0”,07800. 

Moyenne de 10 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante avec 6 mA., 0° 09500. 

Moyenne de 8 déterminations: durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale ascendante avec 6 mA., 0",09000. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire descendante avec 8-9 mA., 0”,08500. 

Moyenne de Y déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation médullaire ascendante avec 8 à 9 mA, 0”,08800. 


Ors. V. — S..., A... Hystérie. — Moyenne de 7 déterminations : durée de la 
période latente de réaction, 0”,03600. 

Moyenne de 6 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale descendante de 6 mA, 0”,09500. 

Moyenne de 8 déterminations : duréo de la période latente de réaction pendant 
la galvanisation cérébrale ascendante de 6 mA, 0,0ÿ500. 


Oss. VI. - L.. , D... Hystérie. — Moyenne de 6 déterminations : durée de la 
période latente de réaction, 007800. 

Moyenne de 9 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale descendante de 6 mA, 0”,09000. 

Moyenne de 7 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale ascendante de 6 mA, 0",09300. 

Moyenne de G déterminations: durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation médullaire descendante de 8 à 9 mA, 0”,08400. 

Moyenne de 3 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation médullaire ascendante de 8 à 9 mA, 0”,0S600. 


Ous. VIT — R..., M... Lypemanie simple. — Moyenne de 10 déterminations: 
durée de la période latente de réaction, 0”,U8000. 

Moyenne de 6 déterminations: durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale descendante de 6 mA, 0”,09%00. 

Moyenne de 7 déterminations . durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale ascendante de 6 mA., 0”09000. 


Ogs. VHI. — C.., G... Hystérie. — Moyenne de 6 déterminations : durée de la 
période latente de réaction, 0”,07OU0. 

Moyenne de 8 déterminations: durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale descendante de 6 mA., 0",10000. 

Moyenne de 11 déterminat'ons . durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation cérébrale ascendante de 6 mA., 0”096000. 

Moyenne de 8 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation médullaire descendante de 8-9 mA., 008200, 

Moyenne de 10 déterminations : durée de la période latente de réaction pendant 
une galvanisation médullaire ascendante de 8-9 mA., 00800, 


G. LIBERTINI. — GALVANISATION CÉRÉBRALE ET SPINALE 267 


RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS PRÉCÉDENTES 


= 
A MOYENNE DES TEMPS LATENTS DE RÉACTION 
e 7. 
7/1 « Q = 
zn © 5 d S 5 d S D 
SUJETS NORMAUX Aus | Ses Zeg Semi 
Me aa Traed Fe e syag 5353 
o Z LES 22 ae | LES LZZ 
Jus |'ERSS | Ses | 25339 | SzEÈs 
nee Frigo | ide | 5395 | Fri 
> FRE = -$ TELO GES” 
A S + < ð V (de! 


I. Observation B. O. . . . . . .!S2 milliimes de 100 millièmes : 100,40 milliè-!90 millièmes de|SS milliemes di 
seconde de seconde! mes de seconde seconde secunde 


If. id. L. F... . . . .|S{ id. 100,60 id. {100 id. — — 


bé 
st 
pori 
& 
> 
"r 
ige 
© 


id. 94 id 95 id. |87 id. 86 id. 


IV. id. M. S. a. . . ‘a .|Sl id 94 ıd 95 id. — — 


CAS PATHOLOGIQUE DIAGNOSTIC 


I. Observation V. N.| Frénésie sensorielle. 50 


I. id. B. C. id. 38 id. (100 id. |105 id. i 


IIT. id. M. P| Mani légère. .  .175 id 95 id. 90 id. — 
IV. id.  P. A.l Hystérie 78S id 95 id 


| s nu ar. . | 90 il |S5 id. |S8 
w id. S. A. id. . . . .l76 id. 05 id. | 95 id. = 


VI. id. L. D. id. . . ,. aB id. 90 id 


SO 


VII. id. R. M. Lipemanie . . .;e0 id 94 id 90 id. — 


[m id C.G.| Hystérie. . . .10 id [00 id |96 id. |82 id a 


m 
Ta kaaa 


268 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Des faits qui précèdent il résulte que le cerveau se ressent très 
rapidement du courant qui le traverse, et que l'action qu'il en éprouve 
consiste en une inhibition plus grande, exercée par les centres supérieurs 
sur les centres inférieurs, de telle sorte que la période latente de réaction 
des centres spinaux est retardée. Tandis que la durée de la période 
latente de réaction est normalement de 0”,080 à 0°084, cette durée est 
augmentée par le passage d’un courant de 6 mA. à travers le cerveau; 
dans les expériences faites cette durée varie de 009400 à U”’10010. 


On observe une pareille augmentation du temps de la réaction chez 
des sujets malades soumis à ces recherches. qu'ils soient des excités ou, 
au contraire, des déprimés, puisqu'avant le passage du courant la durée 
de la période latente était de 0070 à O”’O80; pendant le passage du 
courant cette durée a été de 0’’090 à U”"100. 

Dans les essais que j'ai faits, le sens du courant ne semble pas avoir 
eu une bien grande importance sur l'augmentation de la durée de la 
période latente de la réaction: cependant, les chiffres que j'ai trouvés 
montrent de légères différences assez constantes entre les diverses 
valeurs correspondantes aux sens du courant, mais ces différences sont si 
faibles qu'il est diflcile de les faire entrer en ligne de compte. 

La galvanisation spinale exerce également une action sur la durée de 
la période latente, qu'elle augmente, mais cette action est moins grande 
que celle de la galvanisation cérébrale, 

Ces résultats ont quelques rapports avec ceux que Schnyder a 
obtenus dans ses recherches sur l'influence de la galvanisation cérébrale, 
sur la résistance à la fatigue et sur la production dn travail. Ce savant 
a, en effet, constaté que la moyenne de 10 exercices ergographiques 
exécutés après galvanisation cérébrale est plus élevée que celle de 
10 exercices crgographiques exécutés sans galvanisation, de 6,4 °, 
lorsque le courant va du front à la nuque, et de 7,9 °/ lorsque le courant 
va en sens inverse. 


On peut conclure, des faits de Schnyder, que le cerveau subit 
l'action du courant continu, qui agit sur lui comme tonique et le rend 
plus résistant à la fatigue. L'influence du sens du courant est également 
peu appréciable, surtout si l'on considère que les exercices ergographiques 
ont été exécutés après le passage du courant. 

D'un autre côté, on remarque que l'écorce cérébrale exerce une 
action inhibitrice sur la moelle, telle que les réflexes médullaires ne sont 
pas retardés (1. 


G. LiBerTINI. — Sulla localizzazione dei poteri inhibitori nella corteccia cerebrale. 
(Archivio per le Scienze Mediche; vol. XIX, No 17, 1595". 


G. LIBERTINI. -- GALVANISATION CÉRÉBRALE ET SPINALE 269 | 


De ce qui précède, il ne découle pas que le courant allant de la 
nuque au front ait une action excitante, et que le courant du front à la 
nuque ait une action déprimante; car s'il en était ainsi, on devrait 
obtenir des tracés avec temps de réaction retardé dans le premier cas 
et abrégé dans le second; l'hyperfonctionnement de l'écorce, produit 
par l'action supposée excitante par les courants ascendants, devrait se 
traduire par une augmentation du pouvoir inhibiteur du cerveau; tandis 
que l’action déprimante du courant descendant devrait se traduire au 
contraire par une diminution de ce pouvoir. 

Ces faits s'harmonisent d’ailleurs avec les résultats cliniques. Depuis 
trois ans j emploie indifféremment soit les courants ascendants, soit les 
courants descendants, pour les malades de la Maison de santé et pour 
ceux de ma clientèle privée, sans avoir jamais observé des phénomènes 
d'excitation par les premiers, et de dépression par les seconds. 

Je suis donc autorisé à conclure : 

1° Que le cerveau subit rapidement l’action du courant continu qui 
le traverse et qu'il y répond par une augmentation très appréciable du 
temps de réaction; 

2° Que le sens du courant n’a aucune influence sur la période latente 
et qu'il faut retenir, dans la galvanisation cérébrale, que l’action est la 
même pour le courant ascendant et pour le courant descendant ; 

3° Que la galvanisation médullaire produit aussi un certain retard 
dans la réaction, mais que ce retard est beaucoup moins accusé que dans 
la galvanisation cérébrale, et que, pour la moelle comme pour le cerveau, 
le sens du courant employé n’a aucune action particulière; 

4° Que les résultats cliniques, relatifs au sens du courant employé, 
s'harmonisent parfaitement avec les faits expérimentaux. 


Contribution à l'étude de l'Epilepsie 
| idiopathique (1). 


Par MM. Daniel MAES et Henri CL AUDE. 


APERCU HISTORIQUE 


Il faut remonter bien loin dans l'histoire de la médecine pour arriver 
a l’époque où l'épilepsie a frappé pour la première fois l'attention de ceux 
qui ont pratiqué l’art de guérir. On ne doit, d’ailleurs, pas s'étonner que 
le tableau morbide impressionnant que présente un épilentique en crise 
ait été connu, on pourrait presque dire de toute antiquité. Mais c'est 
l'attaque seule qui, à ces époques reculées, fut prise en considération, 
et il faut franchir plusieurs siècles pour arriver à une étude plus appro- 
fondie de la maladie. Son aspect si particulier, les crises si foudroyantes 
expliquent parfaitement qu'à l'époque des ténèbres l'épilepsie ait été 
considérée en certains endroits comme le signe du courroux céleste et 
les épileptiques comme des maudits à séquestrer. et comme une idée de 
contagion s’attachait à leurs infirmités, on les parquait mème. Ailleurs, 
on les considérait comme des êtres prédestinés auxquels on vouait toute 
vénération. Le traitemement devait évidemment se ressentir de celte 
diversité d'opinions et on créa une catégorie d'épilepsies produites par 
les maléfices du démon et, par conséquent, incurables. 

Hippocrate, toutefois, s'éleva contre ceux qui transformaient en une 
manifestation céleste une affection toute humaine. Sous le titre de morbo 
sacro, nous retrouvons un livre d'Hippocrate où déjà il divisait les 
épilepsies en idiopathiques et symptomatiques. 

Il considère cette affection comme ayant son origine soit dans l'humeur 
pituiteuse accumulée dans le cerveau, soit dans l'estomac ou tout autre 
organe. Comme il considère l’épilepsie comme intéressant toute la cons- 
titution, il conseille contre elle les moyens hygiéniques de préférence 
aux médicaments. Cels2 ne s'est guère occupé que du traitement, et les 
considérations qu'il émet prouvent qu'il connaissait très peu l'affection. 

Aretée nous fournit des notions plus précises que les deux précéde ts 
auteurs. Il donne une description régulière de l'épilepsie et dirige contre 


(1} Mémoire couronné par l'Académie Royale de Médecine de Belgique. 


—— a n m non CS a a 7 ie, 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 271 


elle une médication variable, suivant que le siège de la maladie se trouve 
dans le cerveau ou non. 

Gallien ne consacre pas de livre spécial à l'épilepsie, mais il en parle 
ça et là dans ses ouvrages. Un des premiers, il signale l'aura; il donne 
une description très savante des prodromes et indique les altérations que 
le mal fait subir aux plus beaux visages et les vestiges qu’il laisse aprés 
lui dans l'organisme. 

Cæœlius Aurelianus joint de nouveaux points à l'histoire des prodromes 
et signale les rapports entre l'épilepsie et l'hystérie. Il engage sur le 
traitement une discussion intelligente. 

Après lui, Alexandre de Tralles met en lumière quelques points 
nouveaux de l'histoire et du traitement, 1l se constitue l'adversaire des 
émissions sanguines et recommande pour les enfants, chez lesquels il 
étudie surtout l’épilepsie, une bonne nourrice et le maintien dans une 
température uniforme, de plus il conseille des infusions chaudes et des 
frictions sur la peau. 

Rhazes, une illustration arabe, insiste longuement, au point de vue 
du traitement, sur les différentes espèces d'épilepsie, et un autre Arabe, 
Avicenne, admet une espece de mal caduc déterminé par les substances 
vénéneuses. Il recommande surtout l'abstinence du vin et l’extrème 
sobriété. Averrhoes emprunte à Gallien et à Aristote la plupart de ses 
remarques. | 

Apres eux, la science resta stationnaire pendant près de trois siècles. 
Il fallut attendre l'arrivée de Jean Fernel, pour imprimer à la science 
une impulsion nouvelle. Il trace une description fort complète du mal 
caduc et institue une médication rationnelle. 

Paracelse n'ajoute guère de données nouvelles, et il prétend qu'il 
.exisle dans beaucoup de crânes humains un petit os angulaire dont la 
poudre aurait la propriśté mystérieuse de guérir l’épilepsie. 

Mereurialis fournit une discussion approfondie du mal comitisl, en 
insistant surtout sur le principe des convulsions ; il n'apporte guère non 
plus de notions nouvelles et recourt surtout à opinion des anciens. 

Sennert, après un aperçu général, envisage sous le rapport du 
diagnostic et de la thérapeutique les diverses espèces de mal caduc. Il 
cite un grand nombre d'animaux qui peuvent être atteints d’épilepsie. 
Enfin, arrive l'ère philosophique, entrainant avec elle une période 
nouvelle aussi pour la médecine et le besoin impérieux de mieux 
connaitre, de vérifier et d'approfondir davantage. La pratique des 
autopsies, entravées jusqu'alors par des scrupules religieux, s'établit. 
C'est l’époque brillante de Vésale, Lancise, Willis, etc. 

Cette révolution devait aussi atteindre l'étude de l’épilepsie, et nous 


272 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


voyons paraitre les premiers travaux d'anatomie pathologique. Théophile 
Bonnet, suivi, cinquante ans plus tard par Morgagni, cite les dégéné- 
rescences matérielles chez les épileptiques. Entre Bonnet et Morgagni, 
Guy-Patin fait ressortir les avantages de l'hygiène dans le mal caduc. 

Wepfer décrit une variété d'épilepsie produite par la ciguë aquatique. 
Frédéric Hoffman applique au mal sacré sa théorie des spasmes, et 
recommande les médications sédatives. Boerhaeve donne une classification 
des causes, décrit les signes de la maladie et fait, d'une manière savante, 
un exposé du traitement Il n'apporte, en réalité. rien de nouveau, et il 
faut attendre un demi-siècle pour trouver des auteurs qui feront de 
l'épilepsie l'objet de leurs études spéciales. C'est Tissot. qui va apporter 
alors, des données nouvelles réellement scientifiques. Pendant cette 
période stérile au point de vue épileptique, on voit cependant Borétius 
signaler une épilepsie produite par la dépression du crâne ; Cheyne faire 
connaitre les heureux résultats obtenus par le lait dans l'épilepsie et 
Stahl indiquer l'influence du plomb sur la production du mal caduc. 
Dans la suite, l'étude de l’épilepsie ne sera plus guère abandonnée et à 
certaines époques, et notamment à l’époque actuelle, les médecins, ayant 
compris toute l'importance de cette affection, qui fait des victimes de plus 
en plus nombreuses, redoublent d'effort pour mettre une barrière au flot, 
sans cesse montant du mal comitial. 

C'est le traité de Tissot dans lequel il donne une description savante 
et approfondie de l’épilepsie et dans lequel il précomse la valériane. Ce 
sont dans les traités de Borden et de Cullen les chapitres consacrés à 
l'épilepsie et ordonnant les épilepsies en deux grandes classes, suivant 
qu'il s’y rencontre de l'excitation ou du collapsus. J. Frank fait naitre 
une classification nouvelle et rationnelle. Saillant émet des considérations 
assez fondées sur les épilepsies spontanées. Vingt ans plus tard, Doussin- 
Dubreuil traite des épilepsies de cause morale et recommande les bains 
et les boissons diaphorétiques. Enfin, sous l'effort du XVIII® siècle, le 
véritable enseignement clinique se fonde, ce qui permet des études plus 
exactes et plus approfondies. 

En 1803 parait la thèse de Maisonneuve, qui fait faire un pas consi- 
dérable vers une division catégorique servant de base à des indications 
certaines. Puis suit une période de thèses de Georget, Esquirol, Ferius 
et Fabret; quand en 1826 parait le mémoire de Bouchet et Caseauvieille, 
qui établit un parallèle entre l’épilepsie et l'aliénation mentale. 

En 1827, Portal publie son œuvre dans laquelle il insiste surtout sur 
les faits anatomiques, et auxquels il accorde d’ailleurs une importance 
exagérée. En 1845, Bernard de Montessus cite des cas d'épilepsie par 
intoxication saturnine, fait déjà révélé avant lui par Tanquerel des 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 273 


Planches. Plus tard, Billod décrit une variété d’épilepsie hystérique. Des 
traités de mal comitial nombreux font leur apparition, tels ceux de 
Sandras, Requin, Valleix, etc. 

Enfin, dans les dernières années, la littérature s'enrichit persque à 
` perte de vue, de travaux se rapportant à l'épilepsie considérée sous toutes 
ses faces. La science et la clinique rivalisent de zèle, car il est apparu 
clairement aux yeux des médecins, que l'épilepsie sous tous les 
rapports mérite bien leurs efforts. Certes, tous ces travaux ne sont pas 
restés sans résultat, puisque dans plusieurs pays, et notamment en 
Amérique, en Angleterre et en Hollande, il s'est créé des associations 
contre l'épilepsie et fondé des hôpitaux spéciaux dont les statistiques sont 
très rassurantes. 


RECHERCHE DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ 
DANS L'ÉPILEPSIE 


Quand on parcourt la littérature se rapportant à l’épilepsie, on est 
frappé du nombre considérable de travaux qui ont été faits sur cette 
matière, apportant chacun une découverte qui enrichit la grande variété 
symptomatique de cette maladie, ou un traitement nouveau, ou des idées 
nouvelles sur la pathogénie et l’étiologie du mal comitial. Nous n'avons 
pas l'intention d'exposer la symptomatologie complète de l'épilepsie, 
mais nous avons cru intéressant de vérifier et de compléter les données 
nouvelles qui, croyons nous ont été fournies pour la première fois par le 
D" Muskens, dans son travail : Studien über segmentale Schmerz 
gefühlsstürungen an Tabetischen und Epileptischen. 

Cet auteur ayant surtout en vue les théories de l'anatomie et de la 
physiologie segmentaires, a trouvé les troubles sensitifs qui se présentent 
chez le tabétique, chez l’épileptique à l'approche de l'attaque et dispa- 
raissent avec elle ou bien persistent et s'accentuent jusqu'à l'attaque 
prochaine, qui alors ne se fait pas attendre. Il s'est surtout attaché à 
l'étude des troubles de la sensibilité de la partie supérieure du corps. 
L'intérêt, au point de vue clinique, et disons même social, que ces résultats 
peuvent avoir, nous apparut bien vite. D'ailleurs il nous semble incon- 
testable qu’en neurologie le domaine de la sensibilité périphérique offre 
un champ, si pas nouveau, du moins peu exploré et en tout cas fort 
iutéressant. Qui peut nier l'importance des recherches de la sensibilité, 
au point de vue du diagnostic différentiel ou dans un but de diagnostic 
du siège des lésions centrales? Et malgré les travaux importants de 
l'école de Charcot, nous pouvons affirmer que les investigations 
se sont portées surtout du côté de la motilité. Nous avons cru faire 


274 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


œuvre utile en vérifiant les recherches de Muskens, en poussant nos 
investigations plus loin, c'est-à-dire en étudiant si ces modifications de la 
sensibilité douloureuse s'étendent aux membres inférieurs, leurs rapports 
avec les crises et avec certains états particuliers de l'organisme. 

Nous avons recherché aussi si ces altérations se limitent à la sensi- 
bilité douloureuse et ne peuvent à aucun moment atteindre les autres 
modalités du sens. — Disons dès maintenant que nous avons observé les 
troubles de la sensibilité douloureuse chez un très grand nombre d'épi- 
leptiques ; qu’on peut les considérer comme constants dans 80 °/, des cas 
où il s’agit d'une épilepsie avec attaque. Dans les cas de petit mal ou 
d'équivalents épileptiques, ces troubles font souvent défaut, et lorsqu'ils 
existent on ne voit guère de fluctuation dans l'étendue des zones insen- 
sibles. Ajoutons eneore que dans aucun cas nous n'avons trouvé des 
modificalions de la sensibilité tactile et thermique, donc dans la suite de 
ces pages, quand nous disons sensibilité, c'est uniquement de la sensibilité 
douloureuse qu'il s'agira. Nous avons eu la bonne fortune de disposer 
d'un matériel extrêmement abondant et varié. Citer toutes les observations 
donnerait à notre travail des dimensions démesurées; nous exposerons 
en détail ce qui nous a paru le plus intéressant et nécessaire pour l'expli- 
cation de nos idées. 

Technique. — La recherche des troubles de la sensibilité doulou- 
reuse exige une certaine pratique. Aussi croyons-nous utile de nous 
arrêter quelque peu à la technique. On conçoit aisément que cet examen 
est fort laborieux. Il ne peut donner de résultats qu'après un certain 
apprentissage. Du coté du médecin, on peut dire qu'il faut habituer la 
main à ce genre de recherches, comme il faut habituer l'oreille à l'aus- 
cultation, Du coté du malade, il faut une grande dose de bonne volonté 
et de patience. 

ll importe toutefois de ne pas fatiguer le malade au risque de perdre 
son temps et d'obtenir des résultats fautits. 

Comme pour l'expérimentateur, il faut, pour le malade, un certain 
entrainement, car on doit arriver à pouvoir exiger de lui une attention 
soutenue et prolongée, ce qui, au début, n'est pas facile. Tous les 
épileptiques ne conviennent pas également à ce genre d'expérience, On 
peut, à ce point de vue, les classer en trois groupes : 1° Ceux dont le 
sensorium est trop atteint, el qui, par conséquent, donnent des réponses 
fort sujettes à caution; 2° Certains cas spéciaux de petit mal, où les 
troubles de la sensibilité douloureuse n'apparaissent pas; 3° Les épilep- 
tiques dont l'intelligence est suffisamment conservée et qu'on peut 
convainere de l'importance qu'otfrent ces recherches au point de vue de 
leur amélioration. Car, disons encore, dès maintenant, que si les troubles 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE | 275 


de la sensibilité douloureuse sont influencés par les attaques d’épilepsie, 
ils sont aussi sous la dépendance du traitement. C'est aux malades de ce 
dernier groupe que nous nous sommes surtout adressés. 

Pour rechercher l’état du sens algésique nous nous sommes servis 
d'une épingle de préférence à tous les autres appareils, qui, tous 
présentent des désavantages multiples On ne peut pas prendre l'épingle 
trop pointue, pour ne pas pénétrer trop profondément dans les tissus. 

Nous ordonnons au malade de détourner son regard de l'endroit sur 
lequel nous opérons. Il faut, au point de vue de l'intensité de la piqûre 
observer, un juste milieu qui diffère d'un malade à l’autre. 

Ces conditions étant réalisées, nous commençons par la tête; nous 
cherchons d’abord à déterminer un endroit où la sensibilité est affaiblie 
ou abolie, et alors, de cet endroit comme point de départ, nous divergeons 
en tous sens. Il y a, un grand avantage à agir ainsi, car le malade peut 
mieux indiquer le point exact où il perçoit la première sensation doulou- 
reuse, que la première piqûre indolore. 

On peut ou bien promener l'épingle sur la peau, en appuyant, ou bien 
procéder par piqûres successives suivant que la sensibilité, en général, 
est fort obtuse ou non. On doit éviter une stimulation prolongée qui 
constitue une sommation et finit par être perçue. On commande au 
malade d'avertir aussitôt qu'il éprouve de la douleur, ce qui s'accompagne 
d’ailleurs souvent de mouvements réflexes servant de contrôle. De la tête 
on passe au cou, de là à la poitrine, le ventre, le dos. les membres 
supérieurs, les membres inférieurs et enfin la région périnéale. Nous 
indiquerons plus loin, dans notre travail, quelles sont dans les différentes 
parties du corps, les régions qui, les premières, perdent leur sensibilité. 
Nous insistons beaucoup sur la nécessité d'employer une technique con- 
venable et de ne pas désespérer des premiers examens qui, en général, 
ne donnent pas de résultats très exacts. Pour avoir une délimitation 
précise, il importe de revenir au même endroit, deux ou trois fois, mais 
en laissant un certain laps de temps, car nous savons que des piqûres 
récétées au même endroit peuvent fausser les résultats par le fait encore 
une fois qu'il se produit une sommation. 


ETUDE CLINIQUE DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. — Pour la facilité et 
la concision de l'exposé, nous avons recouru à un tableau type indiquant 
les territoires de distributions radiculaires des nerfs rachidiens. Nous 
avons divisé la tête en différents territoires désignés par les premières 
lettres de l'alphabet de À à H Pour les membres supérieurs, le tronc et 
la face postérieure des membres inférieurs, nous avons pris le tableau 
indiqué par Kocher et, pour la face antérieure des membres inférieurs, 


276 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


nous nous sommes arrêtés an schéma représentant les territoires de 
distribution des nerfs sensitifs Nous sommes ainsi arrivés à avoir un 
tableau que nous employons comme type et qui est représenté par les 
fig. I et 2. Nous n’entendons aucunement émettre par là une opinion sur 
la valeur des théories radiculaires de Kocher et d’autres auteurs. 

Nous marquerons dans les tableaux de sensibilité les différentes 
zones suivant les indications du schéma type. 


Oss. I. — H. de W..., 28 ans, célibataire, ouvrier tailleur. 

Antécédents heréditaires. — Mère de 8 enfants dont 5 en vie; pas de fausses 
couches Le malade est le septième enfant. Parents bien portants ; le père de la 
mère est mort fou. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — Né à terme, pas de convulsions, 
pas de maladie d'enfance, parle et marche en temps normal. Son instruction est 
assez bonne. Depuis son enfance, il est sujet à des crises de mélancolie: actuelle- 
ment, elles sont moins fréquentes que jadis. Pendant sa jeunesse, il était de temps 
en temps indisposé. Il fait un usage modéré du tabac et de la bière ; cependant, 
les attaques ont plus d'une fois éclaté après des libations assez cop'euses. 
A 23 ans rien de particulier ne s'était montré. A 20 ans il fut fiancé, les fiançailles 
furent rompues, ce qui lui causa une émotion trés forte. La première crise a 
éclaté le 11 février 1902 sans cause bien connue, 5 jours avant la première attaque, 
il avait bu 8 verres de bière. La premiére attaque eut lieu sur la rue, le samedi soir; 
lorsque le patient revient à lui il se trouvait à l'hôpital et souffrait de céphalalgie. 
Il y séjourna 8 jours. Deux mois après, une nouvelle attaque se déclara dans le 
train. Deux mois plus tard 3° attaque. En 1903 le malade fut opéré d'une hernie, 
et après l'opération ure 4° crise éclatait. Depuis cette époque, les attaques se sont 
précipitées, se produisant sans prodrômes, brusquement à des intervalles irrégu- 
liers. Il a eu en tout une trentaine d'accés. Le malade est bien bâti ; la figure a 
une expression de mélancolie ; selles régulières, toutefois, la langue est chargée 
et présente des cicatrices. Les réflexes profonds sont conservés. Pas de lésions 
organiques ; Cœur normal. 

Le malade est en traitement depuis le 23 décembre 1904. Du 11 décembre 1904 
au 3 mai 1905, il a eu 3 attaques précédées toujours de fatigue générale et de 
céphalalgie. Le 3 mai, il entre à l'hôpital et y reste un mois. Pendant cetts période 
il a eu 2 crises épileptiques et depuis son départ jusqu'au 8 septembre 1905, il a 
eu 8 crises. Notre observation a commencé le 15 février. A cette date, le patient 
se sentant fort bien et ne souffrant pas du moindre malaise arrête le traitement et 
le 19 février une crise éclate. 

Traitement. — Régime hypochloruré et pain dans lequel le sel de cuisine est 
remplacé par 3 gr. 5 de bromure de potassium et 0,50 de borax par jour. Depuis 
que le malade suit ce traitement, le nombre des crises a diminué. 


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MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 279 


ETAT DE LA SENSIBILITÉ (i). 


| DU 15 AU 17 FÉVRIER 18 FÉVRIER 19 FÉVRIER 

Tête . . . . . . . |d, d,f,f. a. d, d, f, f. a, d,d, f, f, g 
Cuis o gb a — (4). | c3. c3, 
Poitrine. ..... — d?-3 à d7. ct, d? à d7. 
Ventre: ...... — = d8, d9, d??. 
Dos. sat x — d?-3 à dë. ci, dè? à d8. 

M. LÉ ant. (2). «==. di. di, c7, cê, ct. 
supérieurs} l. post, (3) — di, | di, c, că, cê. 

M. jf.unt... — | — diè, 11, B, K. 
inférieurs }f. post. . — — s3, s?, M. 


Org. génitaux . . . — — — 
Observations. . . . | Sensibilité presque | Sensibilité en recul} Insensibilité presque 
| totale (fig. 3). (fig. 4 et 5). totale. Crise le soir. 


Le 20 février, la sensibilité est revenue complétement. Nous nous trouvons ici 
en présence d’un épileptique dont la maladie se laiss? avantageusement influencer 
par le traitement. Les moindres malaises disparaissent ; cependant, malgré le 
traitement le patient présente des zones d'insensibilitè, il est vrai, peu étendues. 
Se sentant si bien, il arrète son traitement de sa propre autorité, et deux jours 
aprés, un acces éclate. Le malade revient aussitôt à la policlinique et nous consta- 
tons un retour à la sensibilité normale de toute la surface du corps. Il reprend son 
traitement, qui maintenant se montre insuffisant, puisque les malaises persistent 
et què, lentement mais progressivement, des zones d'analgésie s'établissent 
jusqu'au jour où le traitement est renforcé. Alors graduellement la sensibilité 
douloureuse redcvieut normale, en même temps que les malaises disparaissent. 


Oss. IT. — J. W. W..., âgé de 24 ans, tapissier. 

Antécédents héréditaires. — Mère de 6 enfants, le malade est le plus jeune. 
Le père et un des enfants sont morts de tuberculose pulmonaire; la mère est 
morte d'une affection que le malade ne peut pas spécifier. Les parents ne 
paraissent pas avoir souffert d'une affection nerveuse. 

Antécédents personnels et histoire clinique. -— Dès l’âge de deux ans, le 
malade a eu des convulsions. Nous n'avons pas pu obtenir d'autres détails sur sa 
première enfance. Son instruction fut assez bonne. Le début du mal comitial 
remonte à la deuxième année de sa vie. Il y a quelques années, les crises étaient 
précédécs d'une période prodromale pendant laquelle le patient était pris de 
céphalalgie et d'angoisse une dizaine de minutes avant l'accès. Pendant la crise, 
le patient perd ses urines et ses matières fécales. Après l'attaque, le malade se 
sent mieux et n'a plus de douleurs de tète. Pendant un temps très longs, les 
crises éclataient la nuit comme le jour; mais les accès diurnes s'accompagnaient 


(1) Les zones indiquées dans les tableaux correspondent aux zones insensibles. 
(2) Membres supérieurs, face antérieure. 

(3) — — — postérieure. 

(14) Absence totale d'insensibilité douloureuse. 


c3 
„$p 
En 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 281 


de secousses. La fréquence des crises était de deux à trois par semaine. Trés long- 
temps aussi, outre ces grandes attaques, le malade était pris de vertiges ; on le 
voyait pâlir, il chancelait, mais ne perdait pas connaissance. 

Actuellement ces petits accès ont cessé depuis trois ans. Depuis cette époque, 
les crises sont exclusivement nocturnes, mais s'il arrive que le malade se conche 
pendant la journée, un accès éclate. La colère a une influence certaine sur l'éclosion 
des crises. Il y a trois ans, il devint sourd et on constata qu'il existait un rapport 
entre le nombre des crises et l'état de surdité. Le patient paraît avoir eu la 
syphilis, sans que nous soyons parvenus à être fixés définitivement sur ce sujet. 11 
fait un usage modéré de la boisson, mais abuse du tabac et du sel de cuisine. Il a 
suivi un traitement pendant de longues années, mais sans succès. Il ne présente 
pas de lésions organiques. Il est solidement bâti. Le traitement, depuis plusieurs 
mois, est suspendu. Nous examinons, jour par jour, l’état de la sensibilité. 


| £9 JANVIER 30 JANVIER 31 JANVIER 

Tête . . . . . . . la,d,d,f,f. a, d,d, f, f.g, h. |a, d,d, f, f, g. 
Cou. a.s... RC A, c, b c3, 
Poitrine . . . . . (aea, ds, d5, u6, d7. | e4, J23, dt, d5, d, d7. | d223, dé, d5, d6, dr. 
Ventre . . . . . . | d8, de, ds, d?, qn, dre, dë, di?, 
Donnea dre a = ct, b, d? à d7. d?-3 d4, d5 dê, 

M: jfant... jd. ct, c6, di, dl. 
supérieurs} f. post. . | d}. + m |d 

M. \fant. . em, N, 13, N, I2, dit, 1, 13, M, s1, |, dit, D, B, M, 
inférieurs Ì f. post . | s3, K. s3, s?, H. l s3, s2, H, 
Org génitaux . . . = _— — 


Observations. . . . :Crises d'agitation de-| A eu petite crise noc- Grande crise. La sen- 
puis plusieurs jours,| turne. La sensibilité sibilité revient, 
crises de rirc, état| est en recul. 


psychique troublé, 
17 FÉVRIER 4 FÉVRIER 
Tête . . e . . e o ZE Á 
Cou. e L 1 L] L ] e e L 2 ee si 
Poitrine. , . . . . — — 


Ventre . . . . . . — — 
Dos. ne as — — 
M. f.ant.. . |d. — 


te ne 


supérieurs} f. post. . | di, — 

M. f. ant... — ss 
inférieurs } f. post. . — — 
Org. génitaux . . . = =. 


Observations. . . . | La sensibilité est | Sensibilité complète, 
presque complète- 
ment revenue. Le 
malade se sent fort 
bien. 


(1) Insensibilité complète. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLC GIE TOME X. — AVRIL 1907. 20 


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Fig. 5. 


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281 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Comme le malade est traité en policlinique, il devient irrégulier. Nous le 
voyons journellement jusqu’au 6 février. La sensibilité reste intacte. Il revient le 
9 février; dans la nuit il a eu une grande crise, et son état de sensibilité corres- 
pond a peu près exactement à celui du ? février avec une zone analgésique corres- 
pondant à d-d-f-f et C3. Le lendemain la sensibilité était redevenue normale. Nous 
nous trouvons ici en présence d'un malade qui n'est pas sous l'influence du traite- 
ment: par conséquent, nous devous rattacher les phénomenes qu'il présente dans 
le domaine de la sensibilité douloureuse comme dépendant uniquement de l'évo- 
lution de la maladie. Ce qui frappe epcore ici, c'est l'apparition des crises de petit 
mal et en même temps de zones d'insensibilité douloureuse Ces dernières 
augmentect jusqu'au moment où éclate une grande attaque ; dès lors la sensibilité 
douloureuse se rétablit. 


(A suivre). 


in ss a 


REVUE DE LA PRESSE 


` 


JAuuIN. — Un cas de pseudo-leucémie traité par la radiothérapie. 
— Annales médico-chirurgicales du Centre, A novembre 1905. 


La malade qui fait le sujet de cette observation appartient au groupe mal 
déterminé des pseudo-leucémies. 

Actuellement ces pseudo-leucèmies sont synonymes de l'adénie de Trousseau 
et de ce qu'en Amérique on appelle la maladie de Hodgkins. 

Cliniquement ma malade, que j'intitule pseudo-leucémique, ne peut se dis- 
tinguer de la leucémie lymphoiïde vraie. 

En effet, les grands symptômes des leucémics et des pseudo-leucémies sont 
les mèmes. 

lls sont constitués par : 

L'anémie, 
La splénomégalie, 
Les polyadénopathies. 

Seulement l'examen du sang montre que parmi les malades porteurs d'un ou 
plusieurs de ces symptômes, les uns sont leucémiques et les autres aleucémiques. 

C'est donc par l'examen du sang, par la numération qualitative et quantitative 
des globules blancs qu'il m'a été permis de classer ma malade. 

Cet examen a été fait par M. Cochinal, pharmacien de l'Hôtel-Dieu d'Orléans. 

La leucémie est caractérisée, au point de vue hématologique, par une augmen- 
tation marquée des globules blancs et par un changemeut dans la proportion 
entre mononucléaires et polynucléaires et, dans certains cas, par la formation de 
mononucléaires anormaux. 

Dans le sang normal, les polynucléaires sont par rapport aux mononucléaires 
dans la proportion de 65° environ. 

Dans la leucémie, les mononucléaires augmentent et les polynucléaires 
diminuent. 

Il y a deux formes de leucémie : la leucémie myélogène et la leucémie 
lymphoide. 

Dans la leucémie myélogène il y a présence des mononueltaires à granulations 
neutrophiles appelés myélocytes. 

On peut trouver des mononucléaires à granulations basophiles ` appelés 
matzellen, et enfin des globules rouges nuclées. 

Ces trois sortes de globules sont anormaux. 

Dons la leucémie lymphoïde il y a prédominance des petits mononucléaires 
non granuleux appelés lymphocytes, de 33 0}, chittre normal, leur proportion va 
de 54 à 99 04. 

Dans les deux formes et spécialement dans la forme, lymphoïde, on note une 
diminution marquée des globules rouges et de l'hémoglobine. 


286 ` ANNALES D'ÉLCCTROBIOLOGIE 


La leucémie myéloïde a pour sympiôme capital la splénomégalie accompagnée 
ou non de polyadénopathie. 

Dans la leucémie lymphoïde il ya polyadénopathie et pas toujours splénomé- 
galie. Mais dans tous les cas, l'examen du sang s'impose “t lui seul permet d'affir- 
mer le diagnostic, de dire si les malades sont aleucémiques ou leucémiques et 
quelle est leur forme de leucémie. 

Ma malade, M!!! D..., a 17 ans. Il n'y a rien de pathologique à relever dans 
ses antécédents héréditaires ni personnels, sauf une anémie assez légère, qui 
débuta il y a quatre ou cinq ans. 

En octobre 1904 elle remarque qu'elle avait au cou des glandes. 

En février 1905, ces ganglions grossissent et deviennent douloureux. 

En juin 19065, des ganglions apparurent aussi aux aisselles. 

Depuis ce mois de février 1905, elle remarque qu'elle se fatiguait vite. Une toux 
quinteuse survint. La malade maigrit progressivement et pâlit. 

Elle partit à la campagne se soigner. Son état empira néanmoins. En novem- 
bre elle commença à vomir et à avoir de la fièvre. 

En janvier 1906, le Dr Imbault, qui la soignait, lui conseilla de revenir à Orléans 
et de s’y faire traiter par la radiothérapie. 

Je la vis au mois de février. Elle gardait le lit, toussait constamment, vomis- 
sait, avait de l'œdème aux jambes. 

Son cou, des deux cotés, du droit surtout, était bosselé et portait des saillies 
volumineuses. Malgré la maigreur de la malade, la circonférence du cou était de 
40 centimètres. 

Aux aisselles, il y avait également de volumineuses tumeurs. Enfin, la rate 
était augmentée sensiblement de volume. 

Je portai le diagnostic de leucémie Iÿmphoide ou de Lymphosarcomatose et 
j'engageai la malade, suivant le conseil déjà reçu, à se faire traiter par les 
rayons X. 

Elle était à ce moment trop faible pour venir de chez elle à ma clinique, même 
en voiture. Aussi se décida-t-elle à entrer à la maison de santé de la rue Pasteur, 
où se trouve ma clinique. 

Là je fis faire un examen du sang dont on trouvera le résultat dans le tableau 
ci-conter. On verra aussi dans ce tableau le résultat des examens ultérieurs. 


I faut retenir de cet examen ce fait important que, malgré une augmentation 
du nombre des globules blancs, leur proportion n'est pas changée. 

Il n'y a pas augmentation de mononucléaires par rapport aux polynucléares, 
pas de formation de mononucléaires anormaux (myélocytes), donc il n'y a pas de 
leucémie et cette maladie appartient au groupe des pseudo-leucémies. 

Notons aussi son anémie profonde. 

Sous l'influence du traitement radiothérapie ue, la malade s'améliore promp- 
tement. Son état général devient meilleur. Après quinze jours, elle eût asez de 
forces pour retourner chez elle et revenir tous les deux jours, en voiture, suivre 
son traitement, Un peu plus tard, -elle put faire à pied 300 mètres environ, 
pour y venir en tramway. 

En même temps, ses ganglions, cenx du cou notamment, diminuérent d'une 
manière remarquable. La circonférence du cou passe de 40 à 33. La toux diminua 
plus lentement, ainsi que les vomissements, qui finirent par cesser. La malade 
reprit de l'appétit. Elle fut mème assez bien pour pouvoir faire quelques prome- 
nades à pied, en campagne. 


REVUE DE LA PRESSE 287 


EXAMEN DU SANG 


| | nn 5.20 6 | 21 2.06 | 15.5 06 LL sé 
| ii | 


| 

ee. NN a 

Hématies . . . . . . . 15.000.009: 2.000.000 ! 2 323 000, 2.600.009 | 2.045.000 

| | 
| 


Leucocytes, . . . . . . | 6.000 à 9.000 | 34.100 39 6850 | 31 000 22.000 


Leucocrtes . . | GU0 à SOU nS 5N | 64 93 
. Rapport ~ ,— = — ; | 
| Jématies | 
| Hémogluhine. . . . . . | 1 0,33 0,35 0,30 0,35 
| Valeur globuliure (*) .. | 27 22 20 | 20 23 
| & | polinucléaires. ... “fo 65 S3 S2 90 83 
D | grands mononucléuires! » 4A 8S 
8 | ; j s mononucleuires! » 4 l; 17 18 9,7 16 
3 j} lyphocytes. . . , . .|»241à 2 
| 3 { polyn. fosinophiles. .| + 1 à 2 0 0 0,3 1 


Sucre 
Albumine ` 
Crachats. — Ex négatif. 


Urines Néant. 


* Valeur oxpriméo en millionigrammes d'hemoglobine. 


RE a R a E - as es 20 + 2 € 


Mais sa rate ne diminua que peu de volume, et l'examen du sang, renouvelé, 
n'indique aucune amélioration dans l'anémie et le nombre des globules blancs. 

On sait, qu au contraire, dans les vraies leucémies, les rayons X font rapide- 
ment diminuer le nombre des globules blanes d'une manière considérable, et 
tendent à ramener la formule leucocvtaire à la normale, Pendant deux mois, en 
août et septembre, je cessai le traitement, Les ganglions et la rate réaugmentérent 
de volume et l'état général périchta de nouveau. 

Actuellement les ganglions sont assez saillants. Ceux du cou ont le volume 
d'un gros œuf bosselé et aplau. Ceux des aisselles ont la grosseur d'un poing 
d'adulte. 

Fait remarquable : il y a des ganglions dans les fosses sous-épineuses, où l'on 
n'en rencontre point généralement, Ceux-ci peuvent être interprétés comme des 
néoformations lymphoides. 

La rate est saillante, douloureuse, méme spontanément, et descend jusque 
dans la fosse iliaque gauche, 

Pour compléter cette observation, il me faut signaler l'état des poumons. 

Il existe de la submatité aux deux sommets et aux deux bases, de la diminution 
du murmure vésiculare et de l'inspiration soufflante aux mêmes lieux. 

J'ai fait la rad'oscopie de sa poitrine. Sur l'écran fluorescent, on voit très 
nettement des opacités pulmonaires diffuses et étendues aux deux sommets et aux 
deux bases. On constate, aussi, en faisant prendre a la malade la position 
favorable à cet examen, que son médiastin postérieur est transparent et que, par 
conséquent, il ny a pas d'adénopathie trachéo-bronchique, pas de ganglions 
médiastinanx. 

Les bruits du cœur sont normaux, mais il existe de la tachycardie : 132 pulsa- 
tions à la minute. 


288 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le foie déborde de deux travers de doigt. 

Les urines sont normales. H n'y a ni sucre, ni albumine, ni pigments biliaires. 

Les organes des sens paraissent normaux. On n'a pas noté d'hémorragies ni 
de tendances aux hémorragies. 

IL me reste à signaler de violentes douleurs osseuses se produisant par crises 
au niveau du tibia gauche. Les douleurs paraissent céder a la radiothérapie. 

Enfin, il y a de l'deme des pieds. 

Les leucémies étaient considérées comme incurables avant la radiothérapie, 
Actuellement, il existe de nombreuses observations de leucémics guéries ou 
maintenues en état de guérison apparente par les irradistions de Röntgen. 

Les résultats thérapeutiques ont été beaucoup moins brillants dans les pseudo- 
leucémics On a sisnalé soit des insuccès francs, soit de simples améliorations. 
Quelques rares cas de guérison ont été publiés. 

Ma malade est une pseudo-leucémique améliorée d'une façon temporaire par 
les rayons X, susceptible de s'améliorer encore, mais sur le pronostic définitif de 
laquelle je fais toutes réserves. 

Quant au diagnostic que je porte sur la vraie nature de son affection, les 
signes de l'auscultation et les opacités pulmonaires diffuses si nettement marquées 
à l'écran fluorescent me font dire : tuberculose. 

Du reste, bon nombre de pseudo-leucémies ont été rattachées à cette diathèse. 

Il faut pourtant faire une réserve. On a signalé dans le poumon, chez les leucé- 
miques, des productions lymphoides, qui cliniquement et même à l'examen 
macroscopique fait à l'autopsie, avaient été considérées comme tuberculeuses. 
L'examen microscopique et des inoculations négatives ont montré leur vraie 
nature. | 

Notre malade ayant des néoformations lÿmphoïdes sous-cutanées, on peut 
admettre qu'il en existe aussi dans le poumon. 

Le diagnostic, dans ce cas, serait celui de lympho-sarcomatose généralisée. 
Seul l'examen hystologique des poumons pourrait trancher cette question, 

Toutefois, le diagnostic de tuberculose me paraît le plus vraisemblable, et c'est 
celui auquel je me rattache. | 


Contribution à l'étude de l'Epilepsie 
idiopathique. 


Par MM. Daniel MAKS et Henri CLAUDE. 


(Suite). 


Oss. III. — Mlle A. M..., 28 ans. 

Antécédents héréditaires. — Les parents sont fort nerveux, mais ne présentent 
pas de crises. La mère à 6 enfants dont 4 en vie. Un frère de la patiente est atteint 
d'une maladie nerveuse non spécifiée. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La première crise a éclaté à 
l'âge de 6 ans, sans cause connue. La première enfance ne présente rien d’anor- 
mal. La malade prétend ne pas avoir eu de convulsions ni de maladie Réglie à 
15 ans, menstrues normales et augmentant le nombre de crises. Les accès éclatent 
brusquement sans prodromes. En moyenne, trois accès par semaine. Se plaint de 
céphalalgie fréquente, battements de cœur, insomnies, cauchemars, vertige, appé- 
tit irrégulier, tendan:e à la constipation ; parfois œdéme des pieds et des paupiè- 
res. Les appareils respiratoire et circulatoire sont normaux. L'urine est normale 
et ne renferme ni sucre, nì albumine. 

La malade a en moyenne trois crises par semaine. 


| 13 FÉVRIER 14 FÉVRIER 17 FÉVRIER 

Tête . . . . . . . fa, d, d,e, g. a, d, d, e, g, f, f, h. | d, d, f, f. 
Cou. . . . . . . . les. c3. c3, 
Poitrine. . . . . . c4, d2-3, dt à d’. ct, 12.3 à d7. d?-3 à d7. 
Ventre . . . . . . |d8, di2. dš, d° d!?, : dë, de. 
Dos. . . . e . . . | d? à dé. d? à d°. ct, d2 à d5. 

M. f. ant.. . |d}. dl, c4, cé, ci. dl, 
supérieurs} f. post. . | di. di, c5, cë, c. dl, 

M. 'fant.. oo o die, 11, 13, 1. _— 
inférieurs I f. post. . — s3, H. — 


Org. génitaux . . . — — — 
Observatiocs. . . . | À eu derniere crise |La sensibilité a imi-|La sensibilité a donc 
le 12 février fig. VI | nué Le 14 février,| beaucoup augmenté. 
et VII). une crise se produi- 
sit (fig. VII et IX). 
\ 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — MAI 1907, 1 


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Fig. 8. 


ID I T, 
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ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


18 FÉVRIER 20 FÉVRIER 21 FÉVRIER 

Peter Su e à d, d. — a, d, d, f, f, g. 
Cous a cie do c3 hypalgès. — c3, 
Poitrine . . . . . | d?-3, di, di. — d£.3 à d?. 
Ventre . . . . . . — — d8 à d9, d!?. 
Dos. . S HAS — — ci à d8. 

M. jfant.. Le — di. 
supérieurs} f. post. . i di, — di, cê. 

M. fjf.ant.. — — dit, R, 18, K, 
inférieurs } f. post. . — — s3, M. 
Org. génitaux . . . — — — 
Observations. . , . | La sensibilité a aug- | Complètement sen- | La malade présente 


des zones insensibles 
très étendues. Une 
crise est imminente. 
Elle éclate le soir. 


 menté encore (fig. X). sible. 


22 FÉVRIER 23 ET 24 FÉVRIER 25 FÉVRIER 

Tète sr sea’ d, d. mR a, d, d, f, f, g, e. 
Coli ste a a i e — -- c3, b, a. 
Poitrine. . . . . . — — | + 
Ventre . . . . .. — — d8, d9, di, ait. 
DoS ade e sara — — cé à dê. 

M. |f. ant... — — di, c7, cé. 
supérieurs) f. post. — — c7, di, cé. 

M. f. ant... — — d??, D, 14, B, sl. 
inférieurs }f. post — — s3, l4, s2. 
Org. génitaux . — — = 
Observations. . . . | La sensibilité est re-' Sensibilité normale. |  Insensibilité très 


venne complètement, 
sauf aux joues 
(fig. XI). 


étendue. Crise pro- 
bable. Douleurs de 
l'estomac (fig. XII 
et XIII). 


Les mêmes phénomènes se représentent ainsi régulièrement avec les mêmes 
troubles de la sensibilité, permettant de prévoir les crises qui éclatent le 1°", le 7 
et le 14 mars. 

Ce qui importe dans ce cas spécial, c'est que la malade n'est sous l'influence 
d'aucun traitement. On voit l'insensibilité s'installant graduellement jusqu'à ce 
que la crise éclate ; après l'accès, le retour à la sensibilité s'opère progressivement 
et lentement. Puis, le 25 février, nous trouvons des zones insensibles très éten- 
dues et, en nous basant sur les troubles observés précédemment, nous prévoyons 
une attaque, Mais le lendemain la malade est prise de diarrhée et quelques 
heures après il y a un retour rapide à la sensibilité normale. 

Le 16 juin nous recommencçons l'observation, mais dans d'autres conditions ; 
la malade est soumise à un traitement diurétique, qui commence le 16 juin. 

H consiste en théobromine, { gramme, 1 litre de tisane de chiendent, à laquelle 
on ajoute : avétate de potasse, 4 grammes, nitrate de potasse, 4 grammes. 


3 -a 


i iilii 
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Å | | | 
Ur TO 
kef lier 


qu 


MAES & CLAUDE — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 299 


| 16 JUIN | 17 JUIN | 18 JUIN 

Fête: ia + ose d,d,a d, d a, d, d, h, f, f, g, e. 
Cou. lsa’ . | CS. — c3. 
Poitrine. + . . . . ct, d? à d7. — | ct, d? à d7. 
Ventre . . . . .. d8, d?, d'£. — d8, d9, di?, 
Dos. Lie ct à d5. — ci à d7. 

M. f. ant.. . | di, — c, c4, di, c7, cf. 
supérieurs} f. post. . | di. — + 

M. f. ant. . . | d!2, 11, 13, 14, — + 
inférieurs }f. post. . , 83, M. — + 
Org. génitaux . . . — — 


Observations. . . . | Insensibilité donc Le malade se sent! Les zones d’insensi- 
assez étendue. fort bien. Sensibilité bilité atteignent leur 
à peu près parfaite. |limite extrême. Crise 

(fig. XIV et XV). 


20 JUIN 21 JUIN 22 23 JUIN 
Tête . . . . . . . la, d,d. d, d, f, f. d, d. 
Co: es a k aa E: — — 
Poitrine. . . . . . | d? à d?. _ — 
Ventre . . . . . . | d8, d?, di2. = — 
Dos. 5" Le à. ct à dt. ct à d3 == 
M. f. ant.. . | di. di, — 
supérieurs} f. post. . | di. di. == 
M. f. ant.. . | di?, 11, 13, I4, z — 
inférieurs |f. post. . | s3, M. = — 
Org. génitaux . . . — === =s 
Observations. . . . | La sensibilité pro- | L’insensibilité ré- Sensibilité presque 
gresse donc lente- | gresse donc. totale. 
ment. 
%4 JUIN 25 AU 29 JUIN 
Tête . 4 2 ae à a, à, f, f. Le 
Con Rue 7, [es. = 
Ventre . . . . .. d8, d9, di?. — 
DOS e sens a c4 à d9 i 


supérieurs} f. post. . | di. 
M. f. ant.. . | di®, 1, 18, K. 
inférieurs } f. post. . | 83, M. 
Org. génitaux . . . — 
Observations. . . . | Insensibilité fort 
étendue Crise pro- 
| bable. 


Poitrine. . . . . . | c4, d° à d7. EE; 
| 
| 
| 


Crise ce matin. Le 
soir, sensible partout. 


302 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Comme nous le disions plus haut, la malade est sous l'influence d'un 
diurétique. Nous donnons ici le tableau de la quantité d'urine émise par jour. 


16 juin . + + + + 1900 cm8. 23 juin ©.. + + 3500 cm8. 
17 juin. . . . . 1200 cmi. 24 juin. . . . . 3400 cm3. 
18 juin. . . . . 2000 cm8, accès. | 25 Juin. . . . . 2400 cm, accès. 
19 juin . + … + + 1900 cms. 26 juin . « + … + 3100 cm8. 
20 juin . + . + 1900 cms. 27 juin ©... + 3900 cmi. 
21 juin . + . + … 4000 cm8. 28 juin ©.. + … 4000 cm3. 
22 juin. . . . . 3500 cm3. 29 juin. . . . . 4000 cm8. 


Oss. IV. — Melle A... R..., 37 ans. 

Antécédents héréditaires. — La malade ne peut pas donner de renseignements 
sur ses parents, morts très jeunes: ses frères et ses sœurs sont en excellente santé. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La malade a eu des convulsions, 
et après, des malaises qu'elle ne peut spécifier, mais qui ressemblent à des troubles 
hystériques, jusqu'à l'âge de 14 ans. A ce moment, la première crise épileptique 
aurait éclaté ; à cette époque la malade a été réglée et, avant le premier accès, 
elle a eu la fièvre typhoïde. Les crises sont précédées de vertige, d’étourdissement 
et de battements de cœur. Les crises augmentent vers l'époque de la mens- 
truation. Les menstrues ne durent que deux jours; flueurs blanches. Céphalalgie 
fréquente, et, dans les intervalles entre les accès, la malade souffre de vertiges, 
d'étourdissements, de crises angoissantes. Constipation chronique; la malade 
urine de 1 litre 5 à 2 litres par jour. Les différents systèmes sont normaux. L'urine 
est normale, et ne renferme ni sucre, ni albumine. Cette malade, comme la 
précédente, n'est soumise à aucun traitement. | 


13 MARS | 14 ET 15 MARS | 2? MARS 


Tête . . . . . . . a, d, d, f, f, g. d, d. d, d, a, f, Í, e, g. 
Cou a scia n e c. = c3. 
Poitrine. . . . . . ct, d? à d7. — d? à d’. 
Dos: e aat d e ss ct à d8. — ct à d’. 
Ventre . . . . . . d8, d°, d'?, — d8, d9, dit. 
M. f ant . . | di, c?, cé. _— di, 
supérieurs) f. post. . | di, c7, c6. — dl. 
M. f. ant... — — _ 
inférieurs k post . — ==> — 
Org. génitaux . . . — — — 
Observations. . . . |Zones insensibles fort) Sensibilité totale et| Insensibilité assez 
étendues. Crise le|normale. étendue. 
soir. 


Les 23 et 24 mars, la sensibilité est totale. Le 23, une crise éclate à 4 heures 
de l'aprés-diner, et à 6 heures nous commençons notre examen. 

Nous observons ici les mèmes phénomènes que dans le cas précédent, mais 
l'apparition des troubles de la sensibilité, comme leur disparition, sont beaucoup 
plus rapides. 

Les premiers jours d'insensibilité ne se dessinent que 24 heures avant l'accès, 
et le retour à la sensibilité normale est presque instantané. 

L'observation est reprise le 16 juillet, mais, à partir de ce jour, la malade est 
soumise à un traitement diurétique. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOP ?} B 303 
| 16 JUILLET | 17 JUILLET | 18 JUILLET 

Tête . . . . . .. a, d, d, f, f, g, c. d, d, f, f, a. | d, d, f, f 
Cou. esa’ c3, c3. | c3. 
Poitrine. . . . . . ct, c, d? à d7. + d?-3 à d’. 
Ventre . . . . . . d8, d9, d'?. | + d8, d9, d'? 
DOS. ca ue a ct, b, d? à d8. c4 à du. c4. d? à dû, 

M. f. ant c4, b, di, cé, c7, ci, b, di, cf, c' di. 
supérieurs)f. post. . + + dl, 

M. f. ant.. . | d!?, 11, B, K, sl. 2, d}, B, 13, K, 15 — 
inférieurs } f. post. . | s3, 12, s?, N. s3, H, s°. = 


Org. génitaux . . . 
Observations. . . . |Insensibilité très pro] Iusensibilité plus 


noncée. Crise immi- prononcée Une crise 


nente éclate 1 heure après 
l'examen. 
19 JUILLET 20 JUILLFT 
Fête: 4. à à £ De a,d,d.f,f,g,e. |a,d,d,f.f,g,e,h. 
Cou. . . . . . . . c3, c3, 
Poitrine. . . . . . c4, d? à d’. d? à d7. 
Ventre . . . . . . d8, d?, dit, dit, — 
DOS: & 54 S5s% c4, d? à d8. c4, d?-3, 
M. f. ant... | dl — 
supérieurs} f. post. . | di. — 
M. f. ant... — — 


inférieurs } f. post. . 
Org. génitanx . . 
Observations. . . . 


L’insensibili é a 
diminué beaucoup. 


21 JUILLET 


a, d, d, f,f,g,e,h. 
cs. 
ct, d? à d’. 


cé à d8. 

c4, c, di, c7, cé. 

ci, b, c5, c?, cé, di. 
12, di?, 11, 13, M, 15. 
s3, s?, M. 


Constipation depuis! A pris purgatifà 4h.. Selle très peu abon- 
plusieurs jours. Cri-| qui ne produit guère| dante. Insensibilité 
ses augmentent. L’in-| d'effet. Examenà six| très prononcée. Le 
sensibilité augmente.| heures. soir une criseéclate. 


24 JUILLET 25 JUILLET 26 JUILLET 
Tête : a, d, d, f, f. d, d, f, f. = 
CO s a a Es c3, cs. ai 
Poitrine. . . . . . d2-3 à d”. = = 
Ventre . . . . . . d8, d?, d??, — = 
Dos. .... ; d? à d7. = pann 

M. f. ant. di, = = 
supérieurs} f. post. . | di. — = 
M f. ant... — 3s ZA 


inférieurs } f. post. . 
Org. génitaux . . . 
Observations. . . . 


Le 22 juillet, la ma-| Sensibilité presque Sensibilité complète. 
lade garde le lit. Leicomplète. La malade! Selles abondantes. 
23, une crise éclate.la pris un purgatif 

La sensibilité revient. |ayant produit un bon 

effet. 


304 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


A partir du 16 juillet, la malade est soumise à un traitement diurétique, 
jusqu'au 23 juillet. A partir du 20 juillet nous changeons le traitement, qui est 
remplacé par un purgatif : scammonée ctg. 20, rhubarbe ctg. 50, en cachet. Nous 
donnons ici la quantité d'urine émise par la malade pendant qu'elle se trouvait 
sous l'influence du traitement diurétique : 

47 juillet . . . . . . . . . 1300 «3 accés. 
18 ee ee Ne ee er 16180070: -Vértige. 


19 — 1200 c3 malaise. 
20 — 4400 c3 

21 — 1400 c3 accès. 
22 — 1300 c3 

23 — 1800 c3 accés. 


Le 20 juillet nous remplaçons le traitemeut diurétique par un purgatif : scam- 
monée 0,20 g., rhubarbe 0,50 g. L'effet est peu marqué, aussi le <5 juillet nous 
renforçons la dose de scammonée; il produit une action drastique et la sensibilité 
redevient normale et persiste plusieurs jours. 


Pendant toute la durée du traitement diurétique, la malade a présenté 
des troubles de la sensibilité. 

La diurèse n’a pas été augmentée, au contraire, on observe chez elle 
une diminution bien manifeste. Peut-être doit-on y voir une action toxique 
de la théobromine et des sels de potassium qui ont maintenu la malade 
dans un état de crise imminente. Mème lorsque l'accès a éclaté, le retour 
à la sensibilité normale ne se produit pas. Comme nous l'avions vu 
pendant la première période d'observation de cette malade, nous devons 
attendre la crise du 25 juillet, donc cinq jours après que le traitement 
diurétique a cessé, pour trouver un retour à la sensibilité qui, probable- 
ment est dû aussi, quoiqu'ici le phénomène ne se présente pas dans toute 
sa netteté, au purgatif drastrique administré le 25. 


Oss. V. — Mlle J. L..., 19 ans et demi. 

Antécédents héréditaires. — Parents morts très jeunes et n'a pas de ren- 
seignements sur eux. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La malade a eu des convulsions 
pendant la première enfance, à 10 ans la scarlatine et à 15 ans et demi la fièvre 
typhoïde. La première crise a éclaté à l'âge de 6 ans, sans cause connue. Au début 
les crises sont rares, en moyenne une tous les trois mois; depuis quelques années, 
leur nombre a considérablement augmenté et actuellement elle a, en moyenne, 
deux crises par semaine. Les crises sont précédées de prodromes qui permettent 
à la malade de prédire les accès ; ils consistent en malaise général, battement 
de cœur, céphalalgie. Après la crise, la malade souffre de céphalalgie pendant 
plusieurs heures. De temps en temps, elle se trouve dans un état de mal épilep- 
tique ; quelquefois, quoique rarement, de petits vertiges entre les attaques. 

La malade est réglée depuis 8 mois seulement. Les différents systèmes parais- 
sent normaux. Selles régulières, bon appétit et digestion facile. Ne présente pas 
d'autres troubles nerveux. La malade, pendant la première partie de l'observation, 
n'est pas sous l'influence du traitement, qui, depuis plusieurs années, d'ailleurs, 
a été suspendu. Nous donnons le tableau de sa sensibilité douloureuse pendant 
quelques jours. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 305 


13 JUIN | 14 JUIN K JUIN 
Tête . … . … + à à l'a, d.d,f,f,g,h.e. | a,d,d,f d, d, f, f. 
Cous soale an ei & So — — 
Poitriue. . . . . . + — — 
Ventre . . . . . . d8, d°, d'?. — — 
Dos. 4 ve ci à d8. — -- 
M. LE ant. . . | dt, c?. — = 
supérieurs) f. post. . | di. i = 
M. f. ant.. . | di?, 11, 13 14. — — 
inférieurs } f. post . | s3, H. = — 
Org génitaux . . . — — i — 
Observations. . . . : Les zone: insensibles Diarrhée déclarée ce Sensibilité presque 
sont très étendues | matin. Pas de crise. | totale. 
Crise probable. Sensibilité presque 
complète (fig. XVI). 
17 JUIN 18 JUIN 19 JUIN 
Tête . as ard; d. f; ig: a, d, d, f, f,g. h,e. Etat de mal. 
Cou: c à a . | CG. c3, La malade quitte une 
Poitrine. . . . . . d?-5, di à d7. c4, d?-3 à d7 grande quantité d’u- 
Ventre . . . . . . d8, d?, d!?, d8, d9, du, dB, rine. Son état ne per- 
Dos. . . . . . . . | d>3 à dë. ct, d? à d8. met pas de recher- 
M. f. ant.. . | di. di, œ, cë. cher sa sensibilité. 
supérieurs} f. post. . | di. de? 09: 
M. f ant... _ FE, di, L, B. B, P. 
inférieurs } f. post. . — s3, K, s?. 
Org génitaux . . . — + 
Observations. . . . | La sensibilité est | Sensibilité presque 
fort en recul. nulle. Crise probable. 
Le soir, une crise 
éclate. 
23 JUIN 24 JUIN 25 JUIN 
Tête . . . . . , . | a, d, d,f,f,g,e. a, d, d, f, f, g, € d, d, f, f. 
De E E E c3 — 
Poitrine. . . . . . — ci, d? à d7. _ 
Ventre . . . . . . => d3, di, — 
Dósa Taewa = ct, d?-3 à d°. — 
M. fan.. — di, — 
supérieurs) f. post — dl. — 
M. f. ant... — — — 
inférieurs {Į f post. . — — — 
Org génitaux . . . — = == 


Observations. . . . Sensibilité moins Sensibilité en recul : Menstrues. Retour 
étendue que la veille.| Crise se prépare. presque complet à la 
sensibilité. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — MAI 1907. 22 


O POE EE a AEE T T 


308 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Cette observation nous parait intéressante à plusieurs points de vue. 
D'abord, comme chez tous les malades précédents, nous voyons manifes- 
tement des troubles de la sensibilité douloureuse se produire à l'approche 
de l’accès, puis disparaitre après que l'attaque a éclaté (du 17 au 20). 

Mais déjà au 13 nous trouvions une sensibilité fort diminuée et nous 
prévoyons une crise. Celle-ci n'éclate pas et le lendemain, nous trouvons 
notre malade presque totalement sensible, Toutefois, il importe de 
remarquer que le 14 juin la malade est prise de diarrhée, et c’est le soir 
que nous trouvons la sensibilité revenue. Il nous parait évident que 
l'élimination d’une grande quantité de matières fécales a empèché la crise 
de se produire. En troisième lieu, le 23 juin nous trouvons un commen- 
cement d’insensibilité qui se manifeste davantage le 24, mais le même 
jour au soir commence la menstruation, et le 25 il y a encore une fois 
retour presque complet à la sensibilité. 

Ici aussi nous considérons l'élimination d'une certaine quantité de 
sang comme ayant empêché la crise d'éclater. Ce fait, d'ailleurs comme 
tous ceux que nous produisons en ne les appuyant que d’une ou de deux 
observations, a été vérifié bien souvent, 

Le 16 septembre, nous reprenons la même observation, mais en 
injectant à la malade une solution de sulfate d'éserine: sulfate d'éserine, 
centigr.: 2; eau distillée, centigr.: 20. La dernière crise a éclaté le 
14 septembre. 

Du 16 septembre au 2 août, nous trouvons la malade complètement 
sensible. Elle se sent fort bien, n’a eu aucune crise, ses selles sont 
régulières et supporte parfaitement les injections d’éserine suivantes : 


16 septembre. . . 1/4 milligr. sulfate d’éserine. 
1/4 


17 = ss = 
18 = 14 - = 
19 = 12 — = 
20 12 — ” 
21 - 12 — = 
22 = 12 — = 
23 25 O g = 
24 = |. = -= 
25 = b. i i 
26 = Lu 
27 = 112 — = 
28 = Li = = 
29 = 112 — = 
30 e 112 — = 


Ous. VI. — Mie H. T..., âgée de 20 ans. 

Antécédents héréditaires. — Père buveur, atteint d'une affection vénérienne 
très probablement syphilitique et qu'il attribue à sa femme. Mère en bonne santé, 
pense être indemne d'affection vénérienne de même que les enfants. Elle a eu 
trois enfants, dont un est mort de convulsions à un mois. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 309 

Antécédents personnels et histoire clinique. — Née à terme, pas de convulsions, 
pas de maladie d'enfance. La malade a fréquenté l'école et apprenait bien A dix 
ans elle commence à avoir de la céphalalgie et des secousses. A la même époque 
commence la puberté. Pendant les crises de secousse, la malade laisse tout tomber 
des mains. Elle fut traitée et pendant deux ans les secousses cessèrent. Les 
secousses sont revenues, et en même temps la malade est devenue sujette à des 
vomissements et à des crises franchement épileptiques. Actuellement les secousses 
se produisent tous les matins au lever et s'accompagnent de grincements de dents 
et de vertige. La patiente souffre journellement d'une forte céphalalgie. Ces 
secousses se produisent encore à la suite d'une fatigue quelconque et se multi 
plient à l'époque des règles. 

Nous considérons ces symptômes comme des crises de petit mal. Nous ne 
découvrons aucun trouble organique. 

Les grandes attaques d'épilepsie sont précédées de phénomènes prodromaux : 
par de la céphalalgie plus forte, une somnolence et une anxiété. Fréquence des 
crises de 2 à 3 par semaine. 

La malade est sous l'influence du régime hypochloruré et prend 2 gr. de 
bromure par jour. État de la sensibilité pendant la durée de l'observation : 


| 114 AU 24 JUIN 


25 JUIN 26 JUIN 
Télé. su 2% ss à, d, d, f, f, g, e, h.| a, d, d, f, f. a, d, d, ff, g, e, h. 
Cou... ..... c3. c3. c3. 
Poitrine ...... c4, d?-3, di à d’. ct, d? à d’. ct, d? à d7. 
Ventre. . ..... d$, d9, di?, d8, d°, d?2?. d8, d° d??. 
Dos. ........ c4, d2 à dé. — ct, d? à d5. 
M. f ant.. . | dl, cf, c7, ci, — di, cê, c7, c4, 
supérieurs} f post. | c5, c6, c?, di. — cs, c6, c7, di, 
M. jf ant... = mx d!?, 1, 12, 13, M, I5. 


inférieurs } f. post 
Org. génitaux. . 
Observations . . .. 


CCC 


COS SE Sete 
Poitrine 
Ventre.. ss #32 
M. ÿf . ant. . 
supérieurs} f. post. . 
M f. ant.. . 
inférieurs f. post. 
Organes génitaux . . 
Observations 


t 


Crise de petit mal. 
Insensibilité assez 
étendue. 


28 JUIN 


a, d, d, f, f, g, e, h. 
c3, 


Petit mal. Beaucoup 
plus sensible. 


Crise de petit mal. 
Un peu plus sensible. 


29 AU 30 JUIN 
a, d,d, f, f, g, e, h. 
c3 
ct, d? à d’. 
d8, d°, d??. 
ci, d? à d5. 
di, c6, c7, cf 
c5, cë, c7, di, 
di, 1}, 12, 13, 15 
s3, s°?, 14. 
Petit mal. Insensi- 
bilité très étendue. 


s3, s?, M. 
Crise de petit mal. 
Plus insensible. 


1°" JUILLET 


a, d, d, f, f, g,e, h. 
c3, 

d?-3 à d7. 

d8, d°, d??. 

ct, d? à di. 

di, c6, c7, cê. 

cs, c6, c7, dl. 

d!2, 1, 12, 13. 

s3, l4, 

Ce jour, 2 grandes 
attaques avant lexa- 
men. Insensibilité 
assez étendue. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ee a ae 


2 JUILLET 3 JUILLET 4-5 JUILLET 
Tète..... o.oo d,d. d, d, f, f. ' a, d, d, f, f, g. 
Cou.........1|cs. c3, c3. 
Poitrine. . . . . . . | d2-3 à d7. — = 
Ventre. . . . . . . . | d8, d9, d! _: —= 
Dos..,....... | ct, d? à di. — 
M. f ant.. . | di, = = 
supérieurs} f post. . | di. — _ 


M. 
inférieurs | f. post. 
Org. génitaux. . ° 
Observations . . . 


f. ant... 


Insensibilité fort en 
recul. 


Crise de petit mal. 
Insensibilité peu 


Crise de petit mal. 
Insensibilité un peu 


étendue. plus étendue. 
7 AU 9 JUILLET 10 JUILLET 11 JUILLET 

Tête. ........l|a,d,d,f,f,g. a, d, d, f, f. a, d, d, f, f. 
COU E 6 0 lee cs. c3. 
Poitrine. . . .. . . | d?-3 à d7. d?-3 à d7. d?-3 à d7. 
Ventre. . . . . . . . | d8, d°, d!1, d2, — — 
Dos.........|d?3à d7. d 2-3 à d?. — 

M. fant... |d dt. — 
supérieurs}f post. . | di. di, — 

M. f. ant.. . | d!?, N, If, H — 
inférieurs }f post. . | s3, 14. az E 


Org. génitaux. ... 
Observations .... 


Crise de petit mal. 
Insensibilité en recul. 


Crise de petit mal Crise de petit mal. 


Insensibilité très 
étendue. 


Ce qui frappe dans ce tableau, c'est qu'à aucun moment la malade n’a 
présenté un état de sensibilité normal. Après les grandes attaques du 
ler juillet, nous voyons bien la sensibilité se relever lentement ; mais 
toujours il y a un état plus ou moins prononcé d'insensibilité. Il importe 
de remarquer que dans le cas spécial qui nous occupe, la patiente présente, 
à côté de grandes attaques qui s'annoncent, comme on peut s’en convaincre, 
par une extension des zones insensibles, des crises journalières de petit 
mal. Son état de sensibilité oscille entre une sensibilité presque parfaite 
et un maximum d'insensibilité qui précède les grandes attaques. Mais nous 
le répétons en insistant sur le fait, chez cette malade atteinte journellement 
d’une crise de petit mal, et, malgré une observation qui a duré 60 jours, 
nous n’avons trouvé aucune fois une sensibilité totale. 


Ors VIL — Me 1... B.., Servante, 35 ans, célibataire. 

Antécédents héréditaires. — Père mort du cancer. Mère en bonne santé, a été 
3 fois mariée; la patiente est du premier lit, de mème que deux autres enfants, dont 
un est mort de tuberculose pulmonaire. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 311 : 


Antécédents personnels et histoire clinique. — Comme enfant elle a toujours 
été chétive ; elle a eu des adénites et de l'entérite de 7 à 9 ans. Elle a fréquenté 
l'école et apprenait bien. Son affection a débuté il ya quatre ans, sans cause connue. 
Elle consiste : 

1° En vertiges: la malade pâlit, regarde fixement, elle éprouve une sensation 
particulière, qui va de l'estomac à la gorge ; olle s'agite, mais ne perd pas complè- 
tement connaissance. 

2 Equivalents psychiques précédés de céphalalgie, elle devient confuse, se 
troublo et éprouve le désir de se suicider. Elle a mème attenté une fois à sa vie. La 
colère a une influence manifeste sur les vertiges et les équivalents psychiques. 

La malade est maigre et paraît être plus âgée. Pupilles égales réagissant bien. 
Pas de lésions organiques constatables. Elle a fait un premier séjour dans un 
hôpital et a été soulagée. Fréquence des équivalents psychiques: une dizaine par 
semaine. L'observation prolongée de la malade a fait constater une insensibilité 
complète tous les jours. La malade est exempte de grandes attaques épileptiques ; 
il nous parait difficile de rattacher les phénomènes qu'elle présente à une affection 
autre que l'épilepsie. Mais c'est une comitiale chez laquelle les crises de petit mal 
et les équivalents psychiques dominent toute la scène morbide. 

Les manifestations épileptiques sont fréquentes, journalières et même plusieurs 
par jour. Comme dans l'observation précédente, nous n'avons pas observé de 
retour de la sensibilité, pas même une diminution de l'insensibilité, que nous 
avons toujours trouvée comme s'étendant à toute la surface du corps. 


O83. VIII. — Mile V..., 26 ans, célibataire. 

Antécédents hérédituires. — Parents morts jeunes, le père à 28 ans d’une aflec- 
tion gastrique, il était nerveux, non alcoolique. Mère morte en couches à 19 ans. 
N'a ni frères, ni sœurs. Grand'mère folle. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La malade a eu des convulsions, 
le carreau et une ostéite costale. Elle a été réglée à 16 ans. La première crise a 
éclaté brusquement sans cause connue, à 18 ans. La deuxième crise n'est venue 
que 15 mois après. Les accès ont augmenté petit à petit en nombre, et depuis 2 ans, 
ello a plusieurs attaques par semaine. A chaque menstrue une crise éclatait. 
A coté de ces grandes attaques manifestement épileptiques, la malade présente des 
crises particulières, dont le nombre augmente à mesure que les grandes attaques 
s'espacent, Ces crises consistent en un malaise qui part du creux de l'estomac, 
elle est prise d'étouffements, elle jette des cris, la langue se paralyse, la face pâlit, 
mais il n'y a pas de perte de connaissance ; elle ne tombe pas. Parfois, elle se met 
à crier, à agiter ses membres. D'autre fois, elle se met à courir sans pouvoir 
arrêter sa course. Elle se rend parfaitement compte de ce qu'elle fait, mais ne peut 
exercer sa volonté. Il y a 2 ans que ces petites crises ont éclaté pour la premiere 
fois. Parfois, elle a des crises de larmes. Nous ne trouvons pas chez elle de styg- 
mates hystériqnes. Elle éprouve souvent des malaises de l'estomac et souffre de 
constipation habituelle. Elle a de la céphalalzie fréquente. Absence de lésions 
organiques constatables. La malade est soumise au régime hypochloruré depuis 
le mois de mai. Le nombre de grandes attaques a considérablement diminué, elle 
a des intervalles de 7 semaines, et les menstrues ne sembleat pas exercer d'in- 
fluence sur l'éclosion des crises. 

Suit le tableau de l'état de sa sensibilité. 


312 


Cou. 


Dos... .... 


supérieurs 
M. 


inférieurs { f post.. 
Org. génitaux. . . . 
Observations . . . . 


Poitrine. . . . .. 
Ventre 


M 
supérieurs 
M. 


© S 
© 
B 
e 


inférieurs { f. post.. 
Org génitaux. ... 
Observations . . .. 


LÉ rs Has 
Cou. aoaaa‘ 
Poitrine. . . . .. 
Ventre... naa’. 
MOSS cie a ee a 
M. f. ant. 
supérieurs { f. post 
M. f. ant 
inférieurs ({ f. post 


Org génitaux. ... 


Observations . .. 


Poitrine. . . . . .. 
Ventre. . . . . . . . 


M f. ant. . 
f 
f. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


24 AOUT 


a, d, d, f, f, g, e, h. 


c3. 

c4, d? à d7. 

d8, d?, d'i, d!2, 
c4, d? à d?. 

di, c7, 6, cf. 
c4, c?, di, cê. 


d??, 11,12, K, B. 


s3, H. 


+ 


La malade est donc 
fort insensible. Crise| Retour rapide à la 
sensibilité. Pas de 


probable. 
29 AOUT 
a, d, d, f, f 
c3. 
c4, d? à d? 
c4 à dt 
dl. 
di, 


La sensibilité est 
moins complète que 


le 27 août. 


1Cr AU 4 SEPTEMBRE 


a, d,d,f,f,g,e,h. 


c3. 

ct à d’. 

ds, d9, dit, die, 

ci à d8. 

di. 

dl. 

Insensibilité assez 
peu étendue. 


25 AOUT 


a, d, d, f, f,g e. 
c3, 

d? à d7. 

d’ à d?. 


dl, 
d!. 


Selle abondante. 


crise. 
30 AOUT 


a, d, d, f, f, g. 
c3 

c6, d? à d7. 

c4 à d’. 

dl. 

di, 

d!?, 11,12, K. 
s3, H, 


Sensibilité moins 


prononcée encore. 


5 SFPTEMRRE 


d, d. 
c3. 


di, 
di. 
di, D, 13, M. 
s3, 14. 
Insensibilité plus 
étendue. 


27 AOUT 


a, d, d, f, f. 
cs. 


Retour presque com- 


plet à la sensibi- 
lité. Selle copieuse 


2 crises de petit mal. 


Un peu plus sen- 
sible. 


6 SEPTEMBRE 


d, d. 
c3, 


di, 
di, 


4 crises de petit mal 


avant l'examen. 


MAES & CHAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 313 


7 SEPTEMBRE 8 SEPTEMBRE 9 SEPTEMBRE 

Tête. : 14 0 a, d, d, f, f, g, e, h. | d, d. d, d. 
Cone eataa se c3. c3. c3, 
Poitrine. ...... ci à d’. — — 
Ventre... ..... ds, d?, dii, di?. — — 
Dos . . . .. se | c4 à d8. — — 

M. f. ant. . | di, c4, c7, cé. di. di, 
un f. post.. | c5. dl. c7, c& di. di. 

M. | f. ant. . | di£, B, 18, 14 — — 
inférieurs | f. post . | s3, 1$. — — 
Org. génitaux. . .. — 2 _ — 
Observations . . . . | In-ensibilité très 3 grandes attaques| Sensibilité comme 

” étendue. Crise pro- jet l petit mal avant hier après les crises. 

bable. examen. 


En nous basant sur les phénomènes sensitifs observés chez plusieurs 
des malades précédents, nous pouvions nous attendre à une crise le 24 
septembre. Mais la malade, constipée depuis 3 jours, a une selle abon- 
dante, la crise prévue éclate pas et il se produit un retour rapide à la 
sensibilité. Toutefois, comme dans le cas précédent, la malade ne retrouve 
pas de sensibilité complète, c'est qu’elle aussi est sujette à des crises 
tout à fait spéciales qui ne sont pas de grandes attaques, ni des crises de 
petit mal habituelles, et qu’en nous basant sur son état de sensibilité 
douloureuse, nous rangeons cependant dans la catégorie des crises de 
petit mal épileptique. 


Oss. IX. — M! L..., 18 ans. 

Antécédents héréditaires. — Parents morts très jeunes, tous les deux d’une 
affection pulmonaire probablement tuberculeuse. La mère était très nerveuse. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — Pas de convulsions, pas de 
maladies d'enfance. La 1"° grande crise a éclaté en 1902, sans cause connue. Au 
début les crises étaient très espacées; peu à peu elles sont devenues plus 
fréquentes. Elles se produisent brusquement sans prodromes. Depuis deux ans, 
la malade présente à côté de ces grandes attaques manifestement épileptiques 
d’autres crises qui débutent par des battements de cœur, de l’étourdissement, la 
malade jette des cris, elle pâlit. Mais tout en voyant ce qui se passe autour d'elle, 
elle ne peut pas se dominer et dans ces crises elle devient même parfois très 
violente. Ces accès sans perte de connaissance n'ont aucun rapportavec les grandes 
attaques et il s'en produit jusqu'à cinq par jour. Céphalalgie très fréquente et 
survenant toujours après les petites crises. — Réglée a 13 ans 1/2, elle l'est 
régulièrement et les menstrues n’influent pas sur les grandes attaques. Digestion 
parfois lente, constipation habituelle, absence de lésions organiques constatables ; 
la malade paraît de constitution solide. Absence de stigmates hystériques 

Pendant la {'° période d'observation la malade n'était soumise à aucun 
traitement. 


8l4 


Tête NET TS 
CORSA ANSE 
Poitrine. . . . .. 
Ventre.. . ... .. 
DOS sas déesse 
M. f. ant. 
supérieurs ( f. post.. 
M. f. ant. . 
inférieurs { f. post.. 


Org. génitaux. ... 


Observations . 


étés ss EX da 


Poitrine. . . .. 


Ventre... s.c.e.. 
POSi r a o a 


M. f. ant 
supérieurs { f. post 

M. f. ant. 
inférieurs { f. post. 


Org. génitaux. . . 


Observations 


. 


ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE - 


24 SEPTEMBRE 


a, d, d, f, f. 
c3. 

ct, d?-3 à d'7. 
ds, d9, 

ci. 

di. 

di. 


Insensibilité assez 
étendue. Petit mal. 


27 SEPTEMBRE 


a, d, d, f, f. 
c3, 


.. Grande crise. Insen- 


<- 


25 SEPTEMBRE 


a, d, d, f, f, g, e 

c3, 

ci, d? à d”. 

d8, d9, d!?, di?, 

ct à d’. 

di, &, ¢7, cê. 

dl, c5, cœ, c. 

di2, 11, 13, 14, 

s3, HK, 
Insen-ibilité très 

prononcée. 


23 SEPTEMBRE 


a, d, d, f, f. 
c3. 
ci, 


ci à di. 
di. 
di. 


Sensiblement le 


26 SEPTEMBRE 


a, d, d, f, f, g, e. 
c3. 
c4, d? à d’. 
d8, d°, dh, dif, 
ci à d’. 
-+ 


di?, 11, B, M, I, PF. 
s3, M, s°, 
Insensibilité plus 
prononcée. 
Crise probable. 


29 SEPTEMBRE 


ci. 
ci. 
dl. 
di, 
Petit mal. Sensi- 


sibilité fort dimi- mème état. Léger bilite meilleure, 


nuće. 


recul des zenes 
insensibles. 


Pendant Ja 2° période d'observation ka malade a été soumise au traitement ; 
de trois en trois jours elle a pris un purgatif : Scammonée, 30 centigr.; rhubarbe, 


0 50 gr. 


Tè te . . . . LL . . . . 


COU. s Lui 
Poitrine, .... 


Ventre. aereas’ 


POS es ea 
M. f. ant. . 

supérieurs! f. pos t. 
M. f. ant. . 

inférieurs f f. post. 


Org, génitaux, ... 


Observations ... 


16 OCTOBRE 


d, d, f, f. 
c3. 

ct, d° à d’. 
ds à d9, 

ci à d5. 
di, 

di, 


Insensibilité de la:5 crises de jetit mal 


partie supérieure du 


corps. Purgatif. 


17 AU 33 


Insensibilité moins 


prononcée. 


OCTUBRE 


24 OCTOBRE 


a, d, d. f, f, g.e, h. 
CA 


-+ 
ci à dë, 

+ 

4 
die, N, H, 
s3, 14 


1, F. 


-+ 


Insensibilité très 
étendue. Crise 
pro! able. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 315 


25 AU 30 OCTOBRE 1€ NOVEMPRE 2 NOVFMBRE 

Tête. ........|d,d. a, d, d, f, f. a, d, d, f, f. 
Corea aaa a a, c3, c3. 
Poitrine. . . . . . . {cià d. ci à d7 ci à d’. 
Ventre. . . ..... ~ — — 
Dos...,......|ctà «2. cta d5, ct à d3. 

M. tf. ant. . | di, di. dt, 
supérieurs} f. post.. | di. di, di. 

M. f. ant. . — — — 
inférieurs À f. post.. — — — 
Org. génitaux. ... — — — 


Observations . . . . [Grande attaque. Sen [Sensibilité complète) Petit mal. Sensibi- 
sibilité complète del de la partie infé-|lité plus étendue que 
la partie inféricurel rieure du corps. Lalla veille. 
du corps. partie supérieure 

est moins sensible 
que la veille, Petit 
mal. 


Cette observation se rapproche beaucoup de la précédente. Il s’agit 
d'une patiente atteinte de grandes attaques manifestement épileptiques, et 
de petites crises de nature discutable, mais qu'ici encore nous rangeons 
dans l'épilepsie, comme des crises de petit mal, en nous basant sur l'état de 
la sensibilité. A l'approche de la grande attaque les zones insensibles 
s'étendent davantage, puis se retirent après la grande crise, mais nous 
ne trouvons jamais une sensibilité complète : c'est qu'ici aussi la malade 
présente des crises de petit mal, qui font osciller légèrement l'état de la 
sensibilité. 


Ons. X. — Mele L... D..., 23 ans, célibataire. 

Antécédents héréditaires. — Père mort de pleurésie; avant sa maladie assez 
robuste et sobre, Mère chétive, nerveuse, Freses et sœurs bien portants. 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La première enfance a été 
exempte de maladies et de convulsions A 12 ans, a eu la fièvre typhoïide. La 
premiere crise a éclaté vers la mème époque, en convale-ecnee de la fièvre 
typhoide et après nne frayeur. Au début, les crises étaient très frequentes: de 
2 à 3 par jour. 

Actuellement, les crises se sont espaces, quoique la malade ne suive plus 
aucun traitement ; elle a une crise par semaine, L'accés est précédé d'une période 
prodromale, pendant laquelle elle souffre de veruge, d'étourdissement. Les 
émouons ont une grande influence sur la prodnetion des crises. Jadis elle était 
constipée : actuellement, la malade a 2 à 3 selles par jour. C'est depuis l'éporne 
où le fonctionnement de l'intestin s'est résularisé, que la malade a des attaques 
moins nomhreuses, Appétit trés bon, digestion normale. Absence de lésions 
organiques constatables. La malade a été réglée à 17 ans; les mensirues n'ont pas 
d'influence sur l'éclosion des accés. 


316 ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


TABLEAU DE L'ÉTAT DE SENSIBILITÉ 


12? OCTOBRE | 18 OCTOBRE l4 OCTOBRE 
Tête... us | a, d, d, f, f. a, d, d, f, f, g, e. 
Cours e a eng | c3, c3, 
Poitrine. . . . . .. d? à d7. c4, d? à d’. 
Ventre. ; E d8, d?, d!?, d8, d?, di, d!?, 
Dos cos 44 . d? à d5. ct à d8. 
M. f. ant. . di, di, c?, cf, cf. 
supérieurs | f. post.. di, di, c?, ©, cé. 
M. f. ant. . — d!?, H, 18, B. 
inférieurs { f. post.. — s3, M. 
Org. génitaux. . .. = = 
Observations . . . . |Crise pendant la nuit.| Insensibilité assez | Insensibilité plus 
L'observationacom-| étendue encore. étendue. 
mencé le 13 octobre. Crise probable. 
15 OCTOBRE 18 OCTOBRE 17 AU 24 OCTOBRE 
Tète. . ... ..la,d,d,f,f,g.e,h. | d,d,f,f. — 
ai EE E ee c3. c3, — 
Poitrine. ...... + — — 
Ventre. . ...... + — — 
Dos ..... . . | ct à d’. — — 
M. f. ant. . + di, — 
en f. post . + di, — 
M. f ant . | di£, I, B, M, Ñ, R. — — 
inférieurs { f. post . | s3, M, s2. — — 
Org. génitaux. . .. + — — 
Observations . . . . |Insensibilité presque| Sensibilité presque |Sensibilité complète. 
totale. 1 h. après, totale. 


une crise éclate. 


Nous reprenons l'observation le 16 novembre, mais, à partir de cette époque, 
nous faisons ajouter aux aliments de la malade 5 gr de chlorure de sodium en 
plus de la quantité habituelle. A partir de ce moment, les selles deviennent plus 
abondantes et plus nombreuses encore. 


16 NOVEMBRE 17 NOVEMBRE 18 NOVEMBRE 
Fée es die. d, d. — d, d, f, f. 
Cou ; . = = = 
Poitrine. ...... = si = 
Ventre .. .... = = = 
Dos. ..... ea r = _ 

M f. ant. = = as 
supérieurs } f post.. | Z = se 

M. f ant . = a> 


inférieurs } f. post.. — — = 
Org. génitaux ... — — — 
Observations . . . . | Sensibilité presque totale. | Sensibilité totale. — 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPA1HIQUE 317 


ns 


19 NOVFMBRE 20 NOVEMBRE 21 NOVEMBRE 
Tête. . . . . . . .. d, d, f, f. a, d, d, f. f.g e. |a,d,d, f, f, g, eh. 
Col eue eaa aa c3, c3. c3, 

Poitrine ... . . | d?-3 à d?. L 4- 
Ventre ....... e dè, d?, dit, de, se 
Dos . . . . .. Jo E c4 à d7. ct à di. 
M. jf. ant. . | di. di, «6, ct, c, 4+ 
supérieurs } f. post.. | dl. dl, ©, c, c. J 
M. jf ant.. a di?, 11,18, B. die, 1, 13, 14, R, 5 
inferieurs } f. post.. Ss s3, [4 s3, 14, s2, 
Org. génitaux. ... — ir 
Observations . . . | Moins sensible. Insensibilité très |Insensibilité presque 
prononcée. totale. 2 crises l h. 
après. 
23 NOVEMBRE 24 NOVEMBRE 25 NOVEMBRE 
Tête. . . . . . . .. d, d, f, f. d, d, f, f, g. a.d, d, f, f, g, e, h. 
Cot aaa ae 24e = c3. c3, 
Poitrine. . . . .. = 2-3 à d5. ci à d7. 
Ventre. . . . . . .. z oe d8, d?, dit, d?2?, 
DoS. p cewri aa — = cià d. 
M. i f. ant. . a di, di, ©. 
eee f post . = di, di, c7, c6, 
M f. ant. — = d'?, P, M. 
inférieurs ( f. post.. = = $3, M, 
O:g. génitaux. ... — ne = 
Observations . . . . | Sensibilité presque] Insensibilité peu Insensibilité très 
totale. étendue. étendue. 
26 NOVEMBRE 27 NOVEMBRE AU 4 DÉCEMBRE 
Télé: sus sis ss a, d, d, f, f, g. e. h. — 
Cos a aa Sara c3, = 
Poitrine. ...... + — 
Ventre. .. ... +: — 
DOS:: 4.424 . | ct à d". — 
M. f. ant. . | di, c7, c6, ci. — 
R f. post.. | dl, c7, cé, œ. — 
M. f. ant. . | di, 1, 18, 14, 12, I5. — 
run f. post.. | s3, 14, s2. — 
Org. génitaux. . .. — = 


Observations . . . . | Crise vers 9heures| Crise à 10 heures. Sensibillté totale. 
du matin. Insensibi- 
lité plus prononcée. 


Nous retrouvons ici les phénomènes observés plus haut: apparition de zones 
insensibles s'étendant de plus en plus jusqu’à ce que la crise éclate. Mais, à trois 
reprises différentes, nous voyons deux crises se produire à peu d'intervalle. Le 
12 octobre, un accès se produit; le 13 octobre, après la crise, nous trouvons une 


318 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


insensibilité assez prononcée qui s'accentuera jusqu'au 45, alors une deuxième 
crise éclate. entrainant un retour presque complet de la sensibilité Le 2{ novembre, 
deux crises éclatent le mème jour, entrainant un retour rapide et complet de la 
sensibilité. Enfin, le 26 novembre, au matin, un acces se déclare ; le soir, nous 
trouvons des zones insensibles plus étendues que la veille, ce qui faisait prévoir 
une nouvelle crise bien imminente. En ettet, le 27 au matin, une deuxième crise 
éclate, suivie cette fois-ci d'un retour complet de la sensibilité, 


D'après l’ensemble des observations que nous venons d'exposer, il 
résulte clairement que nous nous rallions aux données que Muskens à 
fournies dans son travail: Studien über segmentale schrierzgefuhlsstô- 
rungen au Tabetischen und Epileptischen en ce qui concerne l'épilepsie. 
Comme lui nous admettons que, dans le mal comitial, la sensibilité 
douloureuse subit des modifications et que ces modifications sont en 
rapport étroit avec les cerises, et nous disons même avec le fonctionnement 
des principaux émonctoires et le traitement. 

Nous avons dit plus haut et nous revenons sur le fait que les autres 
modalités des sens ne nous paraissent pas subir les mêmes altérations 
que la sensibilité doulourense. Quoique notre examen s'étendit bien 
souvent au sens du taet et du sens thermique, jamais nous n'avons pu 
observer le moindre trouble, pas même dans les zones absolument privées 
de sensibilité douloureuse. Nous écartons évidemment ces comitiaux 
avancés, à déchéance intellectuelle presque complète et chez lesquels la 
sensibilité, en général, est fort émoussée. 

Un premier fait qui se dégage de l'ensemble de nos observations, c'est 
que les zones d'insensibilité apparaissent et s'étendent à mesure que la 
crise approche. Parfois, cette extension est lente, graduelle durant deux, 
trois jours et méme davantage; d'autres fois, elle est rapide, brusque, 
précédant Faccès de 24 heures et méme de quelques heures seulement. 
Il en est de même pour le retour à la sensibilité complète. Parfois, nous 
trouvons immédiatement aprés la crise, et nous entendons par là quelques 
heures après l'accès, c'est-à-dire au moment où l'état du malade permet 
de faire ce genre de recherches, une sensibilité complète; d'autres fois, 
au contraire, le retour s'opère lentement durant deux, trois et mème 
quatre jours avant que l'individu soit revenu à son état de sensibilité 
normale. Chez d'autres encore (voir observation X), nous trouvons après 
l'attaque, une diminution des zones insensibles, mais, dès le deuxième 
jour après la crise, l'insensibilité augmente jusqu'à ce qu’un second accès 
éclate, suivi d'un retour complet de la sensibilité. Nous avons observé 
aussi des cas dans lesquels il se produisait, à des intervalles courts, avec 
les mèmes phénomènes de la sensibilité douloureuse, trois, quatre 
ct jusqu'à cinq cerises avant que l'individu eût retrouvé sa sensibilité 
totale. Enfin, il arrive qu'après une première crise les zones insensibles 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 319 


soient plus étendues qu'avant (obs. X); alors un nouvel accès ne tarde 
pas à se produire. 

Les rapports étroits entre létat de la sensibilité de l'épileptique 
et les grandes crises nous paraissent donc incontestables Mais il n’y apas 
que les grandes attaques épileptiques qui entrainent ces modifications 
de la sensibilité douloureuse. Mème les crises de petit mal, mais à un 
moindre degré, produisent des fluctuations dans l'état du sens de la dou- 
leur (voir obs. VI, VII, IX). Chez les comitiaux, chez lesquels, à côté 
des grandes attaques, il se produit des crises de petit mal en nombre plus 
considérable, la sensibilité oscille aussi et diminue à l'approche d'un 
grand accès. Chez ces malades, le retour à la sensibilité totale ne s'opère 
que très rarement. Toujours on trouve des zones plus ou moins étendues 
d’analgésie en rapport avec les crises de petit mal. Mais il faut un exa- 
men très minutieux pour observer ce rapport 

Là où l’épilepsie ne se manifeste que par le pe.it mal, nous pouvons 
trouver une sensibilité troublée, mais cela n'est pas la règle. Bien souvent 
les malades ne présentent pas de troubles analgésiques constatables, même 
peu d’heures avant les crises. Peut-être les modifications sont-elles très 
fugaces, n'apparaissant que très peu de temps avant la crise; nous ne 
pouvons pas résoudre ce probléme. La mème question, d’ailleurs, peut 
se poser pour ces épileptiques à grandes attaques et chez lesquels nous 
n’avons pas pu constater de modifications du sens douloureux. En tout 
cas, ces derniers sont en très petit nombre et l'immense majorité présente 
les phénomènes sensitifs consignés dans nos observations. Comme on 
peut le voir dans nos tableaux et nos schémas de sensibilité, les troubles 
de la sensibilité sont parfai'ement symétriques; nous faisons une excep- 
tion pour la malade dont l'histoire est décrite dans l'observation II. Elle 
prétend avoir une sensibilité plus prononcée à gauche, mais, comme 
chez tous les autres malades, les zones d’analgésie s'étendent à gauche 
comme à droite. Il y a aussi une régularité da's l'ordre dans lequel les 
différents segments perdent leur sensibilité et de mème pour le retour 
du sens douloureux. 

Téte : C'est la tête et principalement les joues qui les premières 
deviennent insensibles, puis le front les lèvres et le nez. Les paupières 
conservent leur sensibilité très longtemps et il est mème rare que nous 
ayons pu observer l'analgésie de ces régions. Presque toujours, les régions 
oculaires sont hypersensibles et leur sensibilité s'accroît à mesure que le 
reste du corps devient analgésique Nous avons néanmoins pu constater 
la perte de la sensibilité de ces régions. 

Cou : En même temps que la tête, le cou devient insensible. Mais 
entre ces deux régions, il existe une bande étroite qui conserve longtemps 


320 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sa sensibilité et même la conserve alors qu'une crise éclate. Elle corres- 
pond à une ligne qui longe le bord inférieur de la mandibule, suit la 
branche montante jusqu’à l’articulation temporo-maxillaire et va rejoindre 
l'articulation du coté opposé par une ligne légèrement courbe à concavité 
inférieure. | 

Thorax : Vient ensuite le thorax, que nous avons dans notre schéma 
type divisé en deux parties inégales. C’est la partie inférieure qui s'entre- 
prend la première, et après elle la partie supérieure. Entre les deux, il 
existe une bande très étroite correspondant au trajet de trois nerfs rachi- 
diens et qui très longtemps conserve sa sensibilité. Entre le cou et le 
thorax, nous trouvons une petite bande dont la sensibilité disparait tard 
également et qui correspond à une ligne longeant les clavicules et 
remontant en arrière pour passer par l'épine de la sixième vertèbre cer- 
vicale. La région périmamelonnaire reste très longtemps sensible, et sou- 
vent même elle est hyperalgésique. 

Membres supérieurs : Ils s'entreprennent généralement en même 
temps que la poitrine. C'est la face interne qui la première perd sa sensi- 
bilité. L'analgésie s’étend de plus en plus vers la face externe, mais alors 
que les membres supérieurs sont insensibles sur leur force externe et 
interne, alors que la main est devenue analgésique, sauf l'éminencethénar, 
on trouve à la face antérieure et postérieure des bras et avant-bras, une 
bande très mince qui se continue antérieurement avec la bande de la 
poitrine, qui très longtemps conserve sa sensibilité. La bande postérieure 
se continue également au dos avec une bande analogue. Ces bandes 
correspondent aux lignes mésiales antérieures et postérieures. La crise 
peut éclater avant qu'elles aient perdu leur sensibilité, d'autres fois, on 
les trouve analgésiques. A la main, nous trouvons une petite zone corres- 
pondant à l'éminence thénar, et qui non seulement garde sa sensibilité, 
mais est même dans la grande majorité des cas, hypersensensible. 

Dans la partie supérieure du corps nous avons donc trouvé trois 
régions qui restent souvent sensibles et qui généralement sont hyperes- 
thésiques : ce sont les régions oculaires, périmamelonnaires et les émi- 
nences thénar. 

C'est là un fait qui peut avoir quelque importance pour le diagnostic 
différentiel avec l'hystérie. 

Ventre : résiste assez bien à l’envahissement de l’insensibilité 
L'analgesie se produit de haut en bas en sautant cependant la zone qui 
comprend l’ombilc. Cette région reste très longtemps sensible et peut 
même conserver sa sensibilité jusqu’à la crise, 

Dos : La partie supérieure de la face dorsale perd, en général, sa 
sensibilité en même temps que le thorax ; puis les zones insensibles 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 321 


s'étendent petit à petit de haut en bas. Toutefois, il importe de remarquer 
qu’il n’y a pas de parallélisme parfait entre l’état de sensibilité de la face 
ventrale et de la face dorsale. Au dos, nous trouvons également une 
bande (B du schéma type) qui garde sa sensibilité très longtemps. Elle 
correspond à la ligne mésiale postérieure, qui se continue à la face 
postérieure des bras et avant-bras. 

Membres inférieurs : Ils s'entreprennent en dernier lieu. Ils résistent 
très longtemps à la perte de la sensibilité douloureuse et, comme aux 
membres supérieurs, c'est à la face interne que les premières zones insen- 
sibles apparaissent. Petit à petit elles s'étendent vers la face externe, et 
on peut voir survenir, si l'examen est fait très peu de temps avant la 
crise, une insensibilité presque totale. La bande analgésique de la face 
interne des membres inférieurs se continue au ventre avec une bande 
insensible sous forme d'aile. Postérieurement, elle se continue avec une 
large bande entourant l’anus et remontant jusqu’à la région lombaire 
(S? du schema type). Entourant immédiatement l'anus nous trouvons une 
petite bande qui semble garder toujours sa sensibilité. 

Organes génitaux : Très longtemps aussi, ils conservent leur sensi- 
bilité intacte. Ce n'est qu’à l'approche immédiate de la crise que l'analgésie 
‘les envahit, chez l'homme c’est la partie bulbaire du pénis et la partie 
basale du scrotum, qui deviennent les premières insensibles (obs. I). Chez 
la femme, nous avons toujours trouvé l'insensibilité totale de la vulve 
lorsque la région vulvaire était atteinte d'insensibilité. Le retour à la 
sensibilité complète s'opère en sens inverse. Ce sont les parties atteintes 
en dernier lieu qui, les premières, recouvrent leur sensibilité 

D'une façon générale donc, nous pouvons dire que l'insensibilité 
procède de haut en bas. et le retour de la sensibilité de bas en haut. Il 
nous parait encore intéressant de noter que l’analgésie recule ses limites 
graduellement, petit à petit, et non pas zone par zone on segment par 
segment. 

Enfin, pour ce qui regarde les membres supéricurs et inférieurs, les 
zones insensibles ont leur grand axe placé verticalement et non pas 
horizontalement, ce qui est contraire pour les membres inférieurs au 
tableau de Kocher, indiquant les territoires de distribution radiculaire 
des nerfs rachidiens. Pour la partie supérieure du corps, tête, cou, poi- 
trine, ventre, dos, les membres supérieurs et aussi pour la face postérieure 
des membres inférieurs, nous pouvons superposer facilement nos zones 
aux terriloires de Kocher. 

Il semblerait donc résulter de l'ensemble de ces recherches que la 
cause, quelle qu'elle soit, qui va faire éclater la crise, agit d'abord sur les 
centres sensitifs. Et disous dès maintenant que, pour des motifs que nous 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — MAI 1907. 93 


322 ANNALES D'ÉLECTROLIOLOGIE 


ferons valoir dans le chapitre de la pathogénie, nous nons rallions à la 
théorie de l'intoxication. 

Nous avons dit que l'état de la sensibilité du comitial était influencé 
par les crises, mais il l'est également par le fonctionnement des princi- 
paux émonctoires et par le traitement. En etfet, l'influence d'un purgatit 
sur la sensibilité de l'éprieptique est incontestable Plusieurs observa ions 
HI-IV-V-VIJII-IX le prouvent à toute évidence. Er l'observation IV est 
sous ce rapport la très intéressante. Pendant toute la durée du traitement 
a Ja théobromine la malade présente une insensibilité plus ou moins 
prononcée, du moment qu'un purgatif lui est administré à de courts 
intervalles nous la retrouvons sensible complétement pendant plusieurs 
jours. Une excitation d'autres émonctoires produit le méme ellet. L'ob- 
servation II nous montre une épileptique qui, sous l'influence d'un 
diureétique élimine une quantité d'urine très considérable et qui pendant 
ces Jours de forte diurése présente une sensibilité totale, A l'approche de 
la crise, l'insensibilité s’installe, mais en mème temps la quantité d'urine 
duninue. Il west peut-être pas sans intérèt de rapprocher ce fait du 
phénomene presque constant de la perte d'urine pendant la grande 
altaque. Enfin nous avous observé le retour de la sensibilité après un 
épislaxis, par l'apparition des menstrues {observation V), et aussi à la 
suite de crises de larmes. Toutefois il ressort de nos observations que 
c'est le purgatif qui exerce l'influence la plus grande sur l'état de 
sensibililé des épileptiques, et, partant, aussi sur les attaques. 

L'importance de tous ces faits pour le traitement et pour la pathogénie 
nous parait incontestable, L'etat de la sensibilité est en 5° lieu sous 
l'influence du traitement. 

L'observation 1, à côté de beaucoup d'autres, nous le prouve suti- 
sannent. Cet épileplique se sent bien, n'éprouve plus le moindre malaise 
malgré l'existence d'une zone insensible peu éteudue; fort de son état de 
bien-ètre et sans l'avis du médecin, ìl suspend le traitement, et 2 Jours 
apres, la crise éclate. Dans d'autres cas, on évite l'accès en renforçant 
le traitement au moment où la sensibilité se perd, H n’est guère besoin 
d'insister sur l'importance de ce fait 


CONCLUSIONS GÉNÉRALES. — ll nous parait donc incontestable que 
des troubles de la sensibilité douloureuse apparaissent chez les épilep- 
tiques et qu'ils sont en rapport étroit avec la crise. On peut, ainsi, par 
la recherche de la sensibilité, prévoir la crise, ce qui est important pour 
le traitement, et aussi pour éviter au malade des accidents qui peuvent 
survenir lorsque la crise le surprend brusquement et à l improviste. Nous 
avons dit, plus haut, que ces recherches pouvaient avoir un intéret 


MAES & CLAUDE. — ÉPILFPSIE IDIOPATHIQUE 323 


social ; en effet, en pouvant pronostiquer la crise on ne retiendra plus, 
loin des occupations, par une crainte continuelle, les patients qui ont 
des crises rares, espacées. Dans d'autres cas, c'est le traitement qui se 
fera guider par l'état de la sensibilité du malade. Son insensibilité 
apparait-elle, on peut renforcer l= traitement, on peut administrer un 
purgatif ou bien exciter un autre émonctoire. En faisant des recherches 
régulièrement, on pourra donc déterminer la quantilé minimale de 
médicament à donner, ce qui n'est pas sans importance, surtout pour des 
maladies qui exigent un traitement aussi prolongé que l’épilepsie, et pour 
un médicament si généralement employé que les bromures. 

Grâce à l'état de sensibilité, maintenant que ses altérations nous 
paraissent bien établies, on pourra se rendre compte de l’état de l’épi- 
lepsie; de l'efficacité du traitement, de son dosage suffisant et, enfin, de 
i utilité de la continuation du traitement. On ne sera pas obligé, pour se 
convaincre de la nécessité de prolonger la médication, d'attendre l’éclosion 
d'une crise nouvelle; c'est là aussi, pensons-nous, un fait pratique 
important, car nous savons qu'une crise en appelle une autre, et que 
chaque accès peut constituer un danger pour le comitial. Certainement, 
d'autres moyens ont été trouvés pour pronostiquer la crise: examen 
d'urine, examen du sang, mais ces méthodes sont difliciles à manier et, 
en outre, fort contestées encore. 

La recherche de la sensibilité dans un but purement pratique 
s'acquiert vite et se fait très rapidement pour une main exercée. Lnfiu, 
passant à uu autre ordre d'idées, nous trouvons dans nos recherches de 
la sensibilité douloureuse, un moyen de diagnostic différentiel, notamment 
entre l’épilepsie et l'hystérie. Les troubles de sensibilité chez l'hystérique 
ont été bien étudiés ; nous savons, d'autre part, combien le diagnostic 
différentiel est parfois difticile. En effet, on peut se trouver en présence 
d'un malade ne prèsentant que des crises de petit mal à caractères 
spéciaux {voir observations VII, VII, IX}, alors encore en recourant aux 
troubles de la sensibilité dou.oureuse, on peut arriver à un diagnostic 
plus facile et plus certain. Chez les hystériques, il est à peine besoin de 
le dire, les zones d'insensibilité se présentent d’une façon toute autre. 
De plus, il importe de retenir le fait de l'existence de zones hypersen- 
Sibles chez le comitial : les régions périoculaires, périmamelonnuires, 
les émninences thénars, et la région péri-anale, 


CHAPITRE Ill., — PATHOGÉNIE 


La pathogérie de l'epilepsie est, à l'heure actuelle, turt controversée. 
Nous ne nous éleudrons pas bien fort sur les idées qui ont éte exprimées 
à ce sujet. 


324 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Nous pouvons classer en cinq groupes les diverses opinions qui, 
actuellement, sont admises : 

1° Théorie de la circulation cérébrale : L’épilepsie serait due soit à 
une anémie, soit à une congestion cérébrale. Cette théorie a été surtout 
défendue par les anciens. Actuellement elle compte assez peu d’adeptes. 
Toutefois, dans ces derniers temps, Tenner et Kussmaul ont défendu la 
théorie de l’anémie cérébrale, en se basant sur le fait que l’épilepsie 
expérimentale peut être produite chez des animaux par la ligature des 
carotides et des artères vertébrales et des saignées abondantes. Or ces 
mèmes procédés, comme l’a fait remarquer Axenfeld, ont le don de 
suspendre les accès épileptiques. La théorie de la congestion était surtout 
basée sur des résultats d'autopsie d'individus morts en crise et chez 
lesquels on trouve des lésions congestives. Henle admet les deux théories. 

2° Théorie parasitaire : Attribuant l’épilepsie à un streptococcus 
spécifique découvert par Bra, en 1902, et qu'il aurait retrouvé dans 
30 °/o des cas. Des recherches ultérieures faites notamment par Tuelli 
et Brossa sont arrivées à des résultats négatifs; 

3° Théorie anatomique : Attribuant l'épilepsie à des lésions anato- 
miques que la plupart des auteurs ont localisées dans l'écorce cérébrale. 
Anglade décrit des lésions des cellules de l'écorce et de la moelle épinière. 
Hajos admet la sclérose de l'écorce comme cause du mal comitial. 
Vanderstricht et Claus décrivent des lésions anatomiques, mais admettent 
aussi l'intervention de produits toxiques; 

4° Théorie de l'hypertension du liquide encéphalorachidien 
défendue seulement par Subsol ; 

5o Théorie de l’intoxication : Elle fut émise pour la première fois 
par Todd, qui prétend que l’accès épileptique serait précédé de l’accumu- 
lation graduelle dans le sang d’un poison morbide qui arrive à produire 
dans le cerveau ou dans quelques-unes de ses parties un haut degré 
d'excitation Paulet a répété cette même opinion en s'appuyant sur 
plusieurs observations, où il aurait constaté que les attaques d’épilepsie 
sont précédées, pendant plusieurs heures, d'un excès de carbonate d'am- 
moniaque dans l'urine. Mais dèjà Hippocrate considérait la cause de 
l'épilepsie comme existant dans l'estomac, les reins ou d'autres organes. 
La théorie de l’intoxication fut tour à tour abandonnée et reprise. 
Actuellement, c'est elle encore qui semble recueillir les faveurs de la 
plupart des auteurs Des travaux nombreux ont été faits sur la question, 
mais n’apportant pas de preuve décisive de l’origine toxique de l'épilepsie. 
On a attribué l'éclosion de l'accès à un grand nombre de substances 
toxiques; les avis à ce sujet sont fort partagés. 

J. Donath retrouve dans le liquide encéphalorachidien une substance 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 325 


qui provient du dédoublement de la lécithine et qu'il appelle choline. 
Marchand admet, de même que Weber, tous les poisons de nature très 
diverse et nie les lésions anatomiques. Clark et Prout reconnaissent un 
agent toxique ou autotoxique E. Guido attribue un rôle prépondérant 
au carbonate d'ammoniaque. Aaron considère surtout le mal comitial 
comme étant dû à une intoxication d'origine stomacale. Cristiani, Voisin 
et Petit partagent la même opinion. 

D'après Kinski, la substance toxique serait un élément intermédiaire 
servant à la production de l'acide urique, et qu’il dénomme le carbamine 
acide d'ammoniaque, et Raviart l'attribue à une intoxication d’origine 
microbienne. J'ans ces derniers temps, P. Masoin, dans un travail très 
intéressant, s'attache à démontrer la théorie de l’autointoxication. 

Nombreux donc sont les auteurs qui, dans ces dernières années, se 
sont ralliés à l'opinion que l'épilepsie reconnait comme origine une into- 
xication. Ils différent sur la nature du poison et nous croyons qu'ils ont 
tort ceux qui veulent généraliser de ne reconnaitre que telle ou telle 
substance qui, à leurs yeux, serait, en quelque sorte, spécifique. Pas plus 
que tous ceux qui se sont occupés de la pathogénie de l’épilepsie, nous 
n’avons la prétention de résoudre la question d'une façon définitive. Nous 
n'apportons pas de preuve qui ne permette plus de doute, mais, dans nos 
recherches, nous avons trouvé des faits qui, nous semble-t-il, plaident 
en faveur de l'intervention d'un poison dans la production de l'attaque 
épileptique. 

Il nous a paru intéressant, au point de vue pathogénique, d'étudier 
l'infiuence que pourrait exercer sur l’épilep'ique l'excitation des deux 
principaux émonctoires : de l'appareil dig: stif et de l'appareil urinaire. 
En nous basant sur les troubles de la sensibilité que présente le comitial 
à l'approche de la crise, nous avons pu étudier comment l'épileptique 
réagissait vis-à-vis des purgatifs et diurétiques et, en prenant comme base 
l'état de la sensibilité, nous croyons avoir obtenu des résultats plus 
certains que si on se basait sur les crises. De plus, nous avons recouru 
de préférence aux malades qui avaient servi à notre étude sur la sensibilité. 


Oss. III. — Cette malade est soumise, à partir du 16 juin, au traitement 
diurétique. La quantité d'urine émise par jour, avant le traitement, varie de 1.000 
à 1.500 c3. Nous avons donné plus haut l'état de la sensibilité pendant la durée 
du traitement. La fréquence des crises est, en moyenne, de 3 par semaine, par- 
fois 4; jamais, depuis plusieurs années, le nombre n'a été inférieur à 2. Le 16, 
premier jour du traitement, la quantité d'urine est de 1 00 c3; la malade présente, 
ce jour-là, un état de sensibilité qui permet de prévoir la crise à brève échéance. 
Le 17, la quantité d'urine tombe à 1.200 c3, la malade présente cependant une 
sensibilité presque complète. Le 18, la quantité d'urine remonte à 2.000; nous 
trouvons une sensibilité fort réduite et la crise prévue éclate. Le 19, la quantité 


` 


326 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d'urine descend de nouveau à 1.600 c3, et le 20, elle reste au mème chiffre ; la 
sensibilité revient, mais lentement. Le 21, la quantité d'urine remonte rapidement 
à 4.000 c3 et l'insensibilité a fortement rétrogressé. Le 23, la quantité d'urine 
atteint 3.400 c3 et la sensibilité est presque parfaite. Le 24, il y a une légère 
baisse, et nous trouvons 3.200 c3 d'urine avec insensibilité déjà notable Le 25 juin 
il va une chute brusque de la quantité d'urine, qui atteint le chiffre de 2.400 c3, et 
la crise prévue la veille se produit. Le 26 juin la quantité d'urine remonte de nouveau 
à 3.600 c3 et il y a une sensibité SORA qui se maintient jusqu'au 30 Du 26 
au 30 la quantité d'urine varie de 3 800 à 4.000 c3. Le 30 juin, nous trouvons une 
sensibilité très réduite, qui laisse prévoir une crise imminente, qui d'ailleurs éclate 
le lendemain, et la quantité d'urine descend brusquement à 2.500 c3. Le 2, elle 
reste à 2.200 c3, mais il importe de remarquer que les urines sont prélevées de 
midi à midi et que la crise a éclaté dans l'après-midi, de sorte qu'il y a une perte 
de l'urine émise pendant l'acces. Le 3, la quantité d'urine atteint 3.COU c3 et une 
sensibilité presqut totale, et le 4, une quantité de 3.700 c3 avec une sensibilité 
totale. 

On peut donc constater qu'un rapport existe entre la crise, l'état de sensibilité 
el la quantité d'urine émise par une malade qui subit un traitement diurétique. 

Après la crise qui a éclaté le 18, la quantité d'urine se maintient à un taux peu 
élevé comparativement à celui qu'elle va atteindre, aussi la ser sibilité revient 
lentemeut et il faut attendre jusqu’au 21, c'est-à-dire au jour où la quantité d'urine 
monte à 4 litres, pour voir la sensibilité revenir plus rapidement. Puis la quantité 
d'urine baisse légérement, et le 24, avec une quantité d'urine de 3.800 c3 et une 
baisse plus prononcée pendant l'après-midi, nous trouvons un état d'insensibilité 
-tres prononcée. Le 25, nouvel accès avec une chute considérable de la quantité 
d'urine. Celle-ci remonte rapidement à un taux élevé, ct la sensibilité, contrairement 
à ce que nous trouvons après l'accès du 18, revient rapidement. 

Ce taux se maintient pendant plusieurs jours, avec un état de site 
parfaite. Le 30 dans l'après-midi, il y a une chute rapide de la quantité d'urine et 
une insensibilité très prononcée, qui s'est produite en peu d'heures ; la crise éclate 
le {et etles mêmes phénomènes se reproduisent. 

Donc, en résumé, diminution de la diurèse, diminution de la sensibilité, crise. 
Après la crise, augmentation brusque de la diurèse, retour rapide de la sensibilité. 
En outre, pendant les 21 jours d'observation, la malade n'a eu que trois crises. 
Donc, aussi diminution du nombre des crises. Il nous parait donc incontestable 
que l'élimination par les reins d’une grande quantité d'urine débarrassant lor- 
ganismo d'une quantité plus abondante de poisons a pu diminuer les crises. 
D'ailleurs, nous trouvons dans diverses communications la confirmation de ce fait. 


J. Voisin et A. Périn ont démontré qu'avant les crises, l'urine est 
hypotoxique ; après l'accès, hypertoxique. Mairet et Bosc arrivent à des 
conclusions analogues, de même que Kransky, Tramonte, etc. 


Ors. IV. — Cette malade est soumise au mème traitement diurétique que la 
précédente, du 16 juillet au 23. Le nombre de crises est de une par semaine. La 
quantité moyenne d'urine émise par jour, avant le traitement, varie de 1.500 
à 2.000 c3. Le 16 juillet, la quantité d'urine est de 1.300 c3 et nous trouvons la 
malade dans un état d'insensibilité très prononcée, qui s'accentue encore le 17. 


MAES & CLAUDE. — ÉlILEPSIE IDIOPATHIQUE 327 


Alors, la quantité d'urine reste à 1.300 c3 et la crise éclate. Le 18, la quantité 
d'urine monte à 1.800 c3, avec un état d'insensibilité assez prononcée Le 19 juillet, 
1 200 c3 d'urine et une insensibilité plus étendue. Le :0 juillet, 1.400 c3 d'urine 
et une insensibilité diminuée, mais la malade a pris un purgatif dont l'effet était 
tres peu marqué. Le 21 juillet, 1.400 c3 d'urine et une insensibilité tres prononcée. 
Le 22. la quantité d'urine n'atteint que 1.300 «3 et le lendemain 1.800 c3; une crise 
éclate. Le 24, la médication diurétique est remplacée par un parzatif, qui produit 
des selles copicuses et multiples, et le 25, nous trouvons une sensibilité complète 
qui se maintient jusqu'au 7 août A partir du 2%, nous administrons à la malade 
un purgatif tous les trois jours. Ici, contrairement à ce qu'à donné chez la malade 
précédente le traitement diurétique, nous n'avons pu obtenir une diurèse abon- 
daute ; au contraire, à part le 18 ct le 23, la quantité d'urine émise a été inférieure 
à celle que la patiente quittait avant le traitement ; aussi voyons-nous le nombre de 
crises augmenter, la malade rester pendant toute la durée du traitement dans un 
état d'insensibilité plus ou moins prononcée. Tandis qu'à partir du jour où nous 
la purgeons régulièrement, le nombre de crises diminue, et la malade revient 
rapidement à une sensibilité presque complète. Peut-être comme nous l'avons dit 
plus haut, la quantité de théobromine a-t-elle été insuffisante pour produire une 
suractivité des reins, et par là nous avons ajouté aux poisons de l'organisme une 
substance toxique de plus, ce qui a augmenté les crises et maintenu l'état d'insen- 
sibilité de la malade. D'autre part, l'effet utile du purgatif est incontestable, il 
recule les crises d'une façon notable et maintient la malade en la débarrassant d'une 
grande quantité de mauères fécales et par le fait mème de substances toxiques, 
dans un état de sensibilité parfaite. 


Ors. IX. — La malade souffre de constipation habituelle et tous les trois jours 
nous lui administrons un purgatif. Elle a en moyenne deux grandes crises par 
semaine, mais des crises fréquentes de petit mal. 

Sous l'influence du purgatif, le nombre de grandes attaques a beaucoup 
diminué, puisqu'en 24 jours elle n'a eu qu'une seule erise [l y a une légère dimi- 
nution aussi du nombre des petites crises. Nous la trouvons toujours dans un état 
d'insensibilité plus ou moins prononcie, à cause des crises de petit mal; ce cas ne 
convient donc guère pour étudier l'effet du purgatif sur l'état de la sembilité 
douloureuse. 


+ 


Mais dans de nombreuses observations, nous avons vu au moment où 
le malade présentait une sensibilité très réduite et était, par conséquent, 
sous la menace d'une crise imminente, une selle abondante, provoquée 
vu non, amener le retour à la sensibilité complète et, par le fait mème, 
éviter l'accès d'éclater. C’est ainsi que la malade de l'observation IT, 
présentant le 25 février une insensibilité si étendue qu'une crise parait 
imminente, purge et le lendemain elle est sensible complètement, et la 
crise prévue, grace à son état de sensibilité, n'apparait pas. C'est ainsi 
encore que la malade de l'observation V, présentant le 13 juin une insen- 
sibilité assez prononcée, est prise de diarrhée non provoquée, et le 11, 
clle retrouve toute sa sensibilité. Le mème phénomène se reproduit chez 
la malade de l'observation VIII, ete. L'action d'un purgatif nous parait 


+ 


328 ANNALES D'IL!CTROBIOLOGIE 


bien évidente. H régularise le fonctionnement de l'intestin ; empêche le 
séjour prolongé des matières fécales dans le tube digestif, et ainsi les 
fermentations anormales ne peuvent pas se produire. Il nous semble bien 
évident que c’est le tube digestif qui, dans la grande majorité des cas 
donne naissance à l'élément toxique dont l'accumulation dans l'organisme 
va donner lieu à la crise épileptique. La malade de l'observation IV, 
toute désignée pour subir un traitement diurétique, puisqu'elle se plaignait 
de temps en temps d’ædème des membres inférieurs et des paupières, voit 
son état s’empirer sous l'influence d'un diurétique, et se sent soulagée par 
l'administration fréquemment répétée d’un purgatif, et pour faire mieux 
ressortir l'influence du fonctionnement du tractus digestif en matière 
d'épilepsie, nous donnons ici en détail une autre observation, que nous 
n'avons pas donnée plus haut parce que la malade se trouve dans un état 
psychique qui n'est pas propre aux recherches de la sensibilité. 


Oss. XI. — Mile P... L...,38 ans. Célibataire. 

Antécédents héréditaires : Père mort accidentellement. N'était ni nerveux, ni 
alcoolique. La mère ne parait pas être nerveuse; elle est en bonne santé; elle a eu 
7 enfants dont 6 sont morts trés jeuncs. La malade ne peut donner d'autres 
détails, 

Antécédents personnels et histoire clinique. — La malade a eu des convulsions 
pendant la premiére enfance, et toujours elle a été fort nerveuse. La première 
crise épileptique a éclaté à la suite d'un: vive frayeur, à l'âge de 14 ans. Dès le 
début, les accès ont été fréquents ; actuellement, leur nombre varie de deux a 
trois par semaine. Jadis, les crises étaient précédées d'une période prodromale 
pendant laquelle la malade éprouvait des vertiges Actuellement, elle n'éprouve 
aucun prodrome, et la crise éclate brusquement. Elle a suivi un traitement 
bromuré très prolongé, et elle attribue aux bromures l'affaiblissement de sa 
mémoire. Depuis deux ans, la malade n'est plus soumise à aucun traitement et le 
nombre de crises est resté stationnaire. La menstruation est normale et sans 
influence sur les attaqnes. Appétit assez bon, selles régulières, mais nous consta- 
tons une dilatation assez prononcée de l'estomac, qui descend jusque sous 
l'ombilic. En présence de cette dernière particularité, et nous basant sur un fait 
observé antérieurement, nous essayons le lavage journalier de l'estomac à l'aide 
de la sonte stomacale et de l'eau bouillie. Le 16 et le 17 novembre, la malade 
présente une grande attaque. Les lavages commencent le 18 et sont continués 
journellement jusqu'au 2 décembre, donc pendant 15 jours. Les premiers lavages 
ramenaient un liquide plus ou moins fétide pendant les trois premiers jours ; après 
rien que des mucosités, et l'eau était à peine troublée. Je 1° décembre nous 
trouvons de nouveau une eau trés fétide, et le 2, une crise éclate. 


Nous insistons surtout sur le fait qu'en débarrassant l'estomac 
régulièrement des substances qui y stagnaient, par suite de la dilatation, 
nous avons pu pendant 15 jours, empêcher les crises de se produire. 
D'ailleurs, de nombreux auteurs et parmi eux Bouveret, Devic, Herter, 


ge m 


EE a e 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 329 


Massalingo, etec., ont prouvé que dans l’estomac des malades atteints de 
dyspepsie et de catarrhe gastrique, il se forme des substances toxiques 
de nature convulsivante. Tout en reconnaissant au tube digestif un rôle 
prépondérant dans l'élimination des substances toxiques capables de 
produire les accès épileptiques; nous admettons aussi que les autres 
émonctoires peuvent intervenir. Nous avons vu une malade dont nous 
n'avons pas pu prendre malheureusement l'observation qui présentait 
une insensibilité assez étendue, elle était prise de crise de larmes et le 
lendemain nous la retrouvons sensible complètement, sans que nous 
ayons pu attribuer ce retour à la sensibilité totale à une autre cause 
qu'aux larmes abondantes Les menstrues même, dans certains cas, font 
disparaitre l'insensibilité plus ou moins prononcée que présentait 
l'épileptique la veille (voir observation V). D'ailleurs, il est hors de 
doute, que la saignée de mère qu'un lavement drastique exercent sur 
l'état de mal une action très efficace. Nous pourrions encore ajouter les 
cas nombreux qui ont été publiés dans le but de démontrer l'intervention 
réelle de tel ou tel poison dans l'apparition de l’épilepsie, et la guérison 
en soustrayant l'organisme à la production du même poison. 

Tel est le cas cité par Bychowsky, d'une épilepsie due à l'intoxication 
par la nicotine et guérie par la suppression de l'usage du tabac. Mais, 
il n’est plus douteux, actuellement, que l'élément toxique n'est pas seul 
à intervenir dans la production de l'épilepsie. Il nous paraît évident, 
après les travaux nombreux de Bourneville, Grasset, Paulet, Bechterew, 
Bowman et tant d’autres, qu'il ne suffit pas qu'il y ait au sein de 
l'organisme une substance toxique que nous pouvons appeler épileptogène ; 
il faut pour qu'un effet puisse se faire sentir, que cette substance toxique 
agisse sur un terrain préparé. Et malgré tout ce que ce terme peut avoir 
de vague et de mal défini, nous reconnaissons que l'individu pour devenir 
épileptique, doit avoir une aptitude convulsivante, soit héréditaire, soit 
acquise. Bourneville, dans une statistique intéressante, a trouvé 
l'intervention de l'alcoolisme dans 40 °/o des cas. Echiverria, sur 306 
malades, trouve de l’hérédité chez 80 patients; Voisin, sur 35 enfants 
de 17 ménages dont l’un des époux était épileptique, en trouve 16 épilep- 
tiques ou morts de convulsions. L'épilepsie peut du reste sauter une 
génération, comme Boerhaeve l'avait déjà remarqué. Dans l'hérédité, 
d'autres névroses peuvent produire le mal comitial, telles : la chorée, 
l'hystérie, l’aliénation mentale. Sur 95 épileptiques, Voisin a trouvé, 
chez 41 patients, des antécédents héréditaires névrotiques; ce chiffre nous 
parait inférieur à la réalité. L'influence du père et de la mère parait 
égale et nullement prédominante pour le père comme l'a dit Esquirol. 
De plus, l'alcoolisme des parents prédispose les enfants. Sur 95 malades 


330 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOFIE 


de Voisin, 12 avaient des ascendants morts d’alcoolisme chronique, ou 
alcooliques invétérés, Il paraitrait, ce qui est difficile à controler, que 
l'état d’alcoolisme d'un des conjoints, au moment de la conception, peut 
donner des enfants épileptiques. 

Pendant la vie intrautérine les chutes, les contusions, les impressions 
vives paraissent quelquefois provoquer l'épilepsie chez l'enfant. Nous 
admettons plutôt que dans ces cas l'un des conjoints se trouve plus ou 
moins taré au point de vue nerveux. 

L'âge avancé des parents et surtout la consainguinité à un degré 
rapproché ne seraient pas non plus sans une certaine influence. Quoiqu'il 
en soit, que l'aptitude convulsivante ait été transmise par hérédité ou 
acquise au cours de l'existence, elle nous parait nécessaire pour que la 
substance toxique quelle qu'elle soit, d’où qu’elle vienne, puisse agir soit . 
sur l'écorce, soit sur la moelle ou le bulbe comme le prétendent 
certains auteurs. 

Bechterew se basant sur le fait que l'hyperhémie cérébrale favorise 
l'éclosion des crises, nous avons cherché à élucider ce problème. Nos 
expériences ont porté sur un grand nombre de malades 

Nous ne citerons que quelques observations : 


Os. V. — Mile [... (Voir son histoire clinique à l'obs. V et les injections qui 
lui ont été faites). 

Les injections ont été faites journellement du 16 novembre au 4 décembre. 
Pendant toute la durée des injections, la malade, qui, antérieurement, avait de 
deux à trois crises par semaine, n'a pas eu un seul accès. 


Oss. XII. — Mlle P..., 40 ans. 

Résumé de l'histoire clinique. — Pas de convulsions. Variole vers 12 ans. 
Migraine fréquente. Grande frayeur pendant les crises. Nous avons recouru au 
sulfate d'èserine en solution aqueuse : sulfate d'éserine, ctg. : 2; eau distillée, 
ctg. : 20. Le sulfate d'ésérine exerce une action vaso-motrice. La première crise 
a éclaté peu de temps après la variole. Vertiges très fréquents. Parents très 
nerveux. Fréquence des crises depuis de nombreuses années: 1 à 2 par jour. 


27 Novembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d'éserine: | acces. 
28 = = 5 re Vertiges. 
21 — 1 — — { acces. = 
30 A 442 — = = = 
3l — l — — | — — 
ter Décembre. 112 — — Le = 
2 — 1 1; — — — — 
3 — l _ = | = > 
A — | — — — — 
D — 1 — — — — 
(t = Î — — _ = 


Il y a une dimination três manifeste du nombre de crises. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 331 


Oss. XIII. —-MmeE.., 37 ans 

Pas de maladie d'enfance. Régl'e à {7 ans. Vertiges et étourdissements à cette 
époque. Parents en bonne santé. A 4 enfants en bonne santé. Deux morts. 
Première crise à 30 ans sans cause connue. Vertiges fréquents. Chaque rapport 
sexuel entraine une crise, Fréquence, trois par semaine en moyenne. 


27 Octobre. Injection : 14/2 milligr. de sulfate d'ésèrine : { accès, Veruges. 
LA — 1,2 == — zs = 
2) — 1 — — = ma 
<0 — { C — _ ne E 
tt Novembre. e 1 — zi = PA 
2 — 4 — == Le = 
F = í = A es = 
4 — — = 2 == 
D _ = = = = 
h — = = ' — nu 
A = Le = = Ja 
R -= — = _— 3 — 
5) == — — Ii- 1 — 
10 — — == =a A 
1 — — = NE e 
12 = = — 2 e 


Les injecuons, jel, ont dinuuuié le nomb.e de vertiges: leur influence sur les 
grandes attaques est douteuse. 


Oss. XIV. — Melle B..., M .., Sans. 
Résumé de l'histoire clinique : Parents morts très jeunes. Pas de renseignements 
sur eux, ni sur son enfance Epileptique depuis l'enfance, Réglée à 24 ans. Vertiges 
fréquents, Fréquence : { à 2 crises par jour. 


21 Octobre. Injection : 12 milliur. de sulfate d'ésérine : I acces. Vertiges, 
28 — | — — I — 2 — 
2i — Î — — I- i — 
3) — 11/2 == — — i- 
31 — 1 12 — — — — 
{er Novembre. {12 — _— 2 — — 
2 — I -—- — — — 
3 — Í — — — — 
4 — l — — — — 
D — I — — { — — 
6 — — =- — I — 
T — — — 1 — — 
S — = S ML D 
9 — — — t — 2 — 


Les crises sont espacées, de même que les vertiges. 


Oss XV. — Melle P...,2{ ans. 

Résumé de l'histoire clinique : Mère morte d'une affection pulmonaire; très 
nerveuse, Père bien portant Convilsions. Premières crise à 5 ans, Bien réglée, 
Vertiges journaliers. Fréquence des grandes attaqnes: { par jour. 


332 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


27 Novembre. Injccuon: 1/2 milhgr. de sulfate d'ésérine : 1 accès. 2 vertiges. 
28 — 1/2 è — — o o — 

21 — 

3 Les 

ier Décembre. 1 1/ 


i = 1 — 


a 
| 
| 
| 
| 


10 — = s eS 
{l — = Hs pas 
Mème résultat que le cas précédent. 


Ce 
| 
| 
| 
| 
D = NE (0 


OBs. XVI. — Mile D..., 29 ans. 
Histoire clinique. — Père bien portant, mère très nerveuse. Premiere crise 
à 10 ans. Fréquence, 1 crise par jour. 


27 Décembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d'ésérine : { accès 1 vertige. 


8 — 12 — — i — — 
2) — 1 — — — i — 
30 — E au = = = 
{er Janvier. i = z = =y 
2 — 1 1/2 — — — — 
3 — 1 1/2 — — — — 
4 — 1 — — 2 — | — 
D — {t — — — — 
6 — |. zo = = 
7 _ = zZ {| — — 
8 — — — 1 — 2 — 
9 — — — I — 2 — 
10 — — — 1 — 1 — 


Ors. XVII — Mie A..., 30 ans. 

Père alcoolique, mere tres nerveuse, épileptique depuis l'enfance. Vertiges 
journaliers, crises journalieres. 
26 Décembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d'ésérine : 1 accès. 2 vertiges 


27 — 12 — s = | = 
28 — 1 — — = = 
30 — 1 — — — = 
ier Janvier. I — = E ee 
2 — 1 1/2 — — = = 
3 c 1 12 = a 22 2 
4 — Il = = n = 
5 — 1 — = E EE 
6 — i — = == > 
7 — — = RE 
B = — _ ls. 2 
4 — 2 _ = i 
10 — — — CR 


Résultat positif encore pour les grandes attaques et les vertiges. 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 333 


O8s. XVII. — Mme C..., 50 ans. 

Déchéance intellectuelle complète. 2 enfants bien portants. Première crise 
à 34 ans. Fréquence jouraalière pour des crises et pou: des vertiges 
215 Décembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d’ésérine : { accès. 2 vertiges 


27 — 1/2 — _ = z 
23 — 1/2 — _ _ = 
2) — | — — a "e 
30 — 1 - — - — 
4er Janvier. 1 1/2 — == — 


= 
OLLIDC'R & 
E S a D S S S A 
| 

ntm u pe p 

|l 
— (0 = N 

| 


Oss. XIX. — Miie B..., 30 ans. 
Mère épileptique; père alcoolique. Convulsions. Première crise à 12 ans. 
Fréquence journalière des crises et des vertiges. 
26 Décembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d’ésérine : 1 accès. 2 vertiges 
21 — 1/2 
28 — | — 
29 = i 
30 — 112 — 
er Janvier. 1 1/2 — 


= es as — 
— D nn 
at 


i = 
LL. = 1 — = 
| — 
| ee 


10 


De eD 
| 
z 
| 


Ons. XX. - Mile M. ., 27 ans. 

Père mort probablement de tuberculose pulmonaire; mère morte d'une 
maladie de foie; tous les deux fort nerveux. Epileptique depuis la première 
enfance. Fréquence journalière des crises et vertiges. 


26 Décembre. Injection: 1/2 milligr. de sulfate d'ésérine : 4 accès, 1 vertige 
1 


27 — R — — 2 — — 
28 — 1 — — — — 
29 — 1 — _ — — 
30 _ 1 1/2 — — — — 
der Janvier. = 1411412 — — = == 
2 — i — — — — 
3 — I s — — — 
A — 1 — = = PE 
5 — 1i — — — — 
6 _ 1 — — — — 
7 _ — — 1 — 2 — 
8 — — — 1 — 1 — 
9 _ — — t — 1 — 
140 — = = i- 1 — 


334 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Nous n'insistons pas davantage sur l'influence de l'ésérine sur les 
épileptiques Nos recherches continuent et feront le sujet d'un mémoire 
ultérieur. 

Nous avons uniquement voulu démontrer que la maniere de voir de 
bechterew nous parait exacte et que lhyperhémie cérébrale a une 
influence maniteste sur le nombre des cerises. 

Au point de vue pathoyénique, nous avons done à tenir compte de 
trois facteurs : l'intoxication, la prédisposition névropathique et la circu- 
lation cérébrale. Nous admettons que l'aptitude convulsivante est héré- 
ditaire ou acquise et que la substance toxique épileptogène peut ou bien 
naitre au sein méme de l'organisme, venir du dehors ou être d'origine 
nmicrobienne. Nous disons que lépileptique se charge, par suite, de 
l accumulation de la substance toxique dans son organisme; lorsque cette 
accumulation atteint un certain degré, la substance toxique agit sur les 
centres sensitits et nous voyons apparaitre les troubles de la sensibilité; 
l'acces éclate, c'est la manière de réagir de l'organisme qui se décharge, 
el, la cause disparaissant momentanément, la sensibilité revient comylè- 
tement si la décharge est suilisante, incomplètement si elle est insuili- 
sante; et ensuite les mèmes phénomènes se reproduisent à des intervalles 
plus ou moins éloignés, 


CHAPITRE IV. — TRAITEMENT 


Nous n'allons pas nous étendre longuement sur le traitement, n'ayant 
que des considérations générales à apporter. Le traitement découle de la 
pathosenie de Faticeliun. Nous croyons pouvoir dire qu actuellement 
la médicalion la plus généralement employée consiste dans l'administra- 
uun quotidienne d'une quantité plus ou moins élevée de bromures. 
D'après ce que nous avons dit plus haut, le traitement doit ètre double, 
si pas triple. Il doit vaincre cette aptitude convulsive, écarter la cause 
toxique et, entin, conne le prétendait deja Bechterew, en 1894, il faut 
lutter aussi contre l'hYperhèéuue cérébrale, 

Nous disposons de sédatiis nombreux et eilivaces. Les bromures 
comme traitement pharmaceutique Lennentincontestablement la première 
place. Mais l'adinimistration des bromures demande une certaine prudence. 

On connait actuellement les dangers d'une médication bromurée 
intensive ou prolongée, surtout depuis les travaux de Keré, Gilles de la 
Tourette, ete. Mais si les atlirmalions de Richet et Toulouse, admises par 
les uns, rejetées par les autres, se contirinent, leur méthode permettra 
une réduction notable de la dose de bromure. Nombreux sont les médica- 
ments qui ont été précunisés à la place des brumures. Quant à nous, 
notre expérience permet d'admettre que la medication bromuree doit d'une 


MAES & CLAUDE. — ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE 399 


façon générale être essayée. Pour diminuer l'aptitude convulsivante, nous 
recourrons volentiers aux bains chauds, qui en favorisant le fonctionnement 
de la peau permettent peut-être aussi une élimination plus grande de 
substances toxiques. Vais rous croyons qu'en matière d'épilepsie il ne 
convient pas de généraliser. Il faut adapter à chaque eomitial un trai- 
tement qui ne peut résulter que d'un examen approfondi et répété et 
d'une observation journalière. En effet, il ne suffit pas de diminuer l'exci- 
tabilité du systéme nerveux central, il faut tenir ecmpte de l'élément 
toxique. Il faut chercher à en déterminer la source et à éliminer de 
lorgamsme les substances épileptogenes. En tenant l'œil fixé sur la 
pathogénie £e l'aflection, en exercant sur ces malades une surveillance 
étroite et journalière, nous avons la conviction intime résultant en 
partie des résultats encourageants fournis par les institutions spéciales 
d'Amérique, d'Angleterre et de Hollande, que dans un très grand 
nombre de cas, pour ne pas dire toujours. le corps médical pourra sculager 
ces pauvres malheureux, Or espacer les crises, si on ne parvient pas à les 
supprimer complètement, c'est retarder et peut-être éviter la déchéance 
intellectuelle qui attend un si grand nombre de comitiaux actuellement. 
Le nombre de guérisons complètes augmente progressivement à mesure 
que des notions nouvelles viennent éclairer ce sujet st longtenips abon- 
donné à l'obscurité 

Il importe que le corps médical sache qu'il n'est pas désarimé dans la 
lutte contre l'éjilepsie, qu'il ne doit pas se décourager des premières 
défaites, ct qu'il dispose actuellement déja de procédés qui ont tait leurs 
preuves, en attendant qu'une médicalions nouvelle, permette un Jour 
peut-être de lutter avec plus de chances de suceës encore ! 


LITTÉRATURE 
lhreroceare. — De morbo sacro. 
Cerise. — De re medica. 
ÂRELIEE, — De caus. et sign. acut. morb. 
ARETEE. — De renum affectinus, 
Gariren. — De locis affectis. 
GaLiEN. — De aere. 
GaLIEN, — Concil pro puero epilep. 
ALEX. de TraLLEs. — De opio. 
Ruazss. — In comment. 
AVWENNE. — Opera omnia, 
Fuxxez. — De par. morb. etsympt. 
Fernet. — De pulsibus. 
FernkLz. — De abditis morborum causis. 
AVERRUOES. — Colius. 
SENNERT. — Med. pract. 
ENNERT. — Inst. medice 


336 ANNALE3 D ÉLECTROBIOLOGIE 


MERCURIALIS. — Med. pract. 

MercuRIALIS. — De morbo pueror. 

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Boxer, Théoph. — Mercure compilat. 

MorGaGnt. — De sedibus et causis, epit IX et XI. 

Guy-PaTIN. — Lettres. 

WerferRr. — De cicuta aqualta. 

W&PrER. — De morbis. 

Fr. Hoffmann. — De insecuris remediis. 

Fr. Horrmanx. — Dissert. de vera mal epil causa. 

Borærius. — De epilep. et depress. cran 

CHEYNE. — An essay an the gout. 

STHaLz, — Theor. med. 

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Présentation d'un nouvel appareil 
pour l'électrolyse des rétrécissements de l’urètre 


Par MM. A. et P. BELLEMANIÈRE (de Paris). 


Nous pensons, avec la grande majorité des électrologistes, que le 
traitement électrique des rétrécissements de l'urètre doit avoir pour but 
non de cautériser ou de sectionner rapidement le tissu cicatriciel, mais de 
le faire disparaitre lentement, par électrolyse et résorption consé- 
cutive. 

C’est dire que nous proscrivons les fortes intensités et surtout les 
fortes densités du courant. 

Au surplus, tous les spécialistes, — qu’ils emploient la méthode liné- 
aire ou la méthode circulaire, — admettent que le courant ne peut 
dépasser certaines limites, sans que le malade soit exposé aux dangers et 
aux complications de l’urétrotomie interne. 

Il existe donc, de ce fait, des rétrécissements dits infranchissables. 

C'est particulièrement en vue de ces cas que nous avons conçu et 
exécuté notre appareil. 

Voici le simple raisonnement que nous avons fait tout d’abord : 

Chaque fois que nous tentons de franchir un rétrécissement, deux 
forces contraires sont évidemment en présence : l’une, le courant élec- 
trique, qui tend à pénétrer dans les tissus de cicatrice ; l'autre, la résis- 
tance même de ces tissus qui fait obstacle à cette pénétration. 

Dans ces conditions, pourquoi jusqu'ici s’est-on préoccupé uniquement 
de l’une de ces deux forces antagonistes, de l'intensité du courant, alors 
surtout que cette intensité ne peut dépasser une limite déterminée ? 

Pourquoi n’a-t-on pas cherché à diminuer simultanément la force qui 
lui est opposée, c’est-à-dire la résistance du tissu cicatriciel. 

Partant de là, nous avons pensé qu'il convenait de rechercher un 
dispositif spécial pouvant permettre d'exercer sur le rétrécissement une 
action mécanique, qui en diminue l'épaisseur en même temps qu'il en 
écarte les fibres; et d'ouvrir ainsi, même aux courants les plus faibles, 
une véritable porte d'entrée dans l'épaisseur du tissu pathologique. 


BELLEMANIÈRE. — ÉLECTROLYSE DES RÉTRÉCISSEMENTS DE L'URÈTRE 341 


C’est ce que nous semble réaliser notre appareil, dont voici la descrip- 
tion sommaire : 


Considérons, dans une sonde de Nowmann ; 


1° Sa tige métallique creuse (A. fig. 1) recouverte extérieurement 
d’un isolant ; 


2° Son olive, — très allongée dans notre appareil (B. fig. 1), — et 
fixée à la tige creuse. 

Pratiquons dans l'olive deux sillons verticaux, diamétralement 
opposés (CC. fig. 2), dont nous comblons le vide par deux parties métal- 
liques mobiles, épousant extérieurement la forme de l'olive et très 
exactement arasées avec elle (E. fig. 3). 

Fixons ces deux parties métall ques à l'extrémité d’une tige pleine 
(C. fig. 1), que nous introduisons dans la tige creuse (A. fig. 1). 

Puis adaptons à l'extrémité supérieure de l'appareil un pas de vis qui 


Fc II. 
C C  (Coupehorizontale de l'olive 
selon DD, fig. 1). 


Fia. I. 
(Coupe verticale). 


Fic. III. 
) (Coupe verticale d’un des 
segments mobiles). 


permette de faire saillir plus ou moins les deux parties mobiles, et faisons 
en sorte que la valeur de cette saillie soit indiquée extérieurement en 
numéros de la filière Charrière. 

Enfin, étant donné que nous voulons n'employer que de faibles 
densités ayons soin que la communication électrique soit assurée entre 
ses différents éléments, — fixes et mobiles, — de l'olive, de façon que 
l’ensemble constitue, à tout moment de l'application, une électrode de 
large surface, soit qu’on se serve de l'appareil comme d'une soude de 


342 ANNALES D'ELFCTROBIOIL.OGIE 


Newmann, soit qu'on utilise la saillie des parties mobiles surajoutées à 
l'olive. 

Un premier cas peut, en effet, se présenter : Nous nous trouvons en 
présence d'un rétrécissement mou, peu serré, qui se laisse franchir avec 
l'intensité et dans le temps habituels ; rien de particulier; l'appareil 
fonctionne comme une sonde de Newmann. 

Mais si, au contraire, — et c’est ici qu’apparait l'originalité de notre 
procédé, — après avoir ap;liqué pendant quelques instants le courant 
comme nous venons de l'indiquer, nous éprouvons une résistance inaccou- 
tumée, il y a lieu de mettre en œuvre notre dispositif spécial. Alors, sans 
retirer la sonde ni interrompre ou modifier le courant, nous faisons 
saillir les deux segments de l'olive, légèrement d’abord, puis progressi- 
vement, s'il est nécessaire, et nous continuons l'application. Après un 
temps, qu'en raison de la faible intensité employée, — 5 mA au maxi- 
mum, — nous pourrions prolonger pendant plusieurs minutes; mais qui 
d'ordinaire ne dépasse pas quelques secondes, le rétrécissement est 
franchi et une nouvelle application est rarement nécessaire quelques 
jours après. 

Il semble donc que nous ayons atteint notre but : il faut toutefois 
laisser au temps et à l’expérimentation le soin d'en décider (1). 

Quoi qu'il en soit, il parait bien acquis dès aujourd’hui que cet 
appareil réalise les avantages suivants : 


I° Il permet d'agir dans tous les cas avec de faibles intensités, la 
résistance au passage du courant étant diminuée mécaniquement ; 

2° Par suite, l’action électrolytique peut être exercée au maximum, 
et comme durée et comme quantité de coulombs absorbés: 

3 Par conséquent, les chances de récidive sont réduites au 
minimum ; | 

4° L’anesthésie préalable du canal est inutile, en sorte que le malade 
peut toujours rendre compte de ses sensations; 


5° Sans anesthésie du canal, avec de faibles intensités et de faibles 
densités de courant, il n’y a ni accidents opératoires, ni complications à 
redouter ; 


6° Sans retirer la sonde ni interrompre le courant, il est possible 


(1) Nous ne nous croyons pas autorisés à être plus affirmatifs, bien que sur 22 cas 


ainsi traités, — dont un déclaré justiciable de l’urétrotomie interne, par un électro- 
logiste expérimenté, — nous n’ayons eu ni insuccès, ni dilatation consécutive à faire, 
ni récidive, — Nous publierons prochainement ces observations et celles que nous 


continuons à recueillir. 


BELLENANIÈRE. — ÉLECTROLYSE DES RÉTRÉCISSEMENTS DE L'URÈTRE 343 


de faire plusieurs électrolyses consécutives, avec des diamètres de l'olive 
de plus en plus grands; 


7° Enfin et en résumé, cet appareil étend le champ d'action de l'élec- 
trolyse circulaire, diminue le nombre des rétrécissements jusqu'ici 
réputés incurables. 


Tout cela nous parait constituer un pas en avant vers la solution 
définitive de cette question si importante de la cure des rétrécissements 
organiques et. nous l'espérons, est de nature à faire prévaloir définiti- 
vement le traitement électrol;tique sur l'opération sanglante, si grosse 
de dangers et de complications. C'est à ce titre que nous avons cru devoir 
vous faire celte communication. 


Contribution à l'étude du traitement du tic 
douloureux de la face par l'introduction de 
lion salicylique (1). 


Par M. René DESPLATS (de Lille). 


En août et septembre 1906, M. le docteur Leduc, de Nantes, a 
publié une série d'articles, dans la Presse Médicale, sur l'introduction 
électrolytique dans l'organisme et sur l'utilisation thérapeutique des 
différents ions. J'y renvoie ceux d’entre vous qui désirent avcir une vue 
d'ensemble sur la question de l'électrolyse et des ions, et je me cantonne 
dans un sujet plus restreint, que je n’aborderai qu’au point de vue 
clinique : « L'introduction électrolytique de l'ion salycilique dans le 
traitement du tic douloureux de la face ». 

Je n’ai point à vous apprendre que les traitements les plus variés 
ont été préconisés contre le tic douloureux de la face, depuis le sulfate 
de quinine, le pyramidon, l'antypirine, jusqu’à l'opium, administré 
suivant la méthode de Trousseau, et l’aconitine, donnée sous la forme de 
pilules de Moussette; depuis la frigothérapie jusqu'au massage et au 
massage vibratoire; depuis la résection du rebord alvéolaire jusqu'à 
l’extirpation du ganglion de Gasser. 

Dans ces dernières années, un certain nombre d'auteurs, parmi 
lesquels je citerai surtout MM. Bergonié et Zimmern, avaient préconisé 
le traitement de la névralgie faciale et du tic douloureux, en particulier, 
par le courant continu, le pôle positif étant choisi comme pôle actif et 
appliqué au moyen d'une électrode d'ouate hydrophile humectée d’eau 
chaude sur les points douloureux. 

Dans ces conditions, M. Zimmern conseille de faire des séances 
quotidiennes de l heure de durée chacune, qui devront se prolonger 
pendant trois mois un moyenne. Je lui emprunte les lignes suivantes, qui 
feront bien comprendre ce qu'on est en droit d'attendre du traitement 
ainsi appliqué : « Dans les quinze jours ou le mois qui suivront le début 
du traitement, il ne faudra guère compter sur une amélioration flagrante ; 
il faut attendre, le plus souvent, jusqu'à la fin du premier mois, pour la 


(1) Communication à la Société Médico Chirurgicale du Nord, séance du 4 Juil- 
let 1907. 


DESPLATS. -- TRAITEMENT DU TIC DOULOUREUX DE LA FACE 345 


voir survenir. Dans le type grave, il y a même parfois, au moment des 
premières séances, une augmentation des douleurs, fait sur lequel il y a 
lieu d'appeler l'attention du malade, afin de ne pas le laisser conclure à 
l'inefficacité du traitement électrique ou à sa nocivité ». 

Au bout de trois mois, qui représentent la moyenne généralement 
adoptée, « les malades les plus gravement touchés accusent presque tous 
une amélioration nette, plus ou moins considérable, suivant les sujets, 
presque toujours cependant très marquée. Après ces trois mois, si l'on 
juge l'amélioration suffisante, on pourra interrompre le traitement, mais 
non pas le suspendre d’une façon définitive; il est nécessaire, en effet, 
que les malades reviennent de temps à autre à l'électricité (8 à 10 séances 
par mois environ) ». 

J'ai tenu à emprunter ces quelques citations au travail de M. Zimmern, 
paru en 1903, dans les Archives de Neurologie, parce qu'elles rendent 
bien compte de ce qu’on peut et doit attendre du traitement du tic 
douloureux par le courant continu, et j'ajoute avec l’auteur que dans les 
cas graves de névralgie faciale, comme dans les névralgies avec tic, il 
faut compter sur une amélioration considérable très probable, non sur 
une guérison. 

Les malades jugent pourtant que ce traitement si compliqué et si 
long vaut la peine d'être suivi, ils assurent tous que par les différents 
traitements qu'ils ont subis {médications internes, injections sous-cutanées 
analgésiques, topiques, névrotomie, résection), aucun ne leur a procuré 
un soulagement aussi marqué que le courant continu. 

J'ai eu l’occasion d'appliquer, moi aussi, le traitement, dont je viens 
de vous parler, dans mon cabinet, et j'avoue que mes malades ne m'ont 
pas accordé la même patience que ceux de M. Zimmern; c'est à ce 
manque de suite que j'attribue mes insuccès. 

Après ce long préambule, qui était nécessaire pour vous permettre 
d'établir une comparaison, je vais vous présenter deux observations de 
malades traitées par l'introduction électrolytique de l'ion salicylique. 


OBSERVATION I. — Mie L. V..., 38 ans, vient me consulter le 9 janvier 1107 
Cette personne, qui appartient à une famille bien portante, n’a pas eu d'autre 
maladie qu'une fièvre typhoide à l'âge de 17 ans. C'est a l’âge de 28 ans que ses 
crises ont débuté dans la branche inférieure du trijumeau; on les a attribuées 
d'abord à une crise dentaire et on a soigné les dents : plusieurs ont été extraites 
sans résultat Depuis dix ans, la névralgie est toujours localisée dan: ‘a branche 
inférieure du trijumeau, mais elle connaît de longues périodes .‘accalmie, qui 
durent trois ou quatre mois. 

Pendant la période douloureuse, qui commence souvent vers la fin de l'été, 
pour cesser au milieu du printemps suivant, la malade ressent continuellement, 
sur le trajet du nerf maxillaire inférieur une douleur sourde mais tenace, qui 


346 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


s'exacerbe sous l'influence des variations de température, de la mastication, de la 
parole, ou de toute autre cause Ces crises, qui durent d'une demi-minute à deux 
minutes, sont d'abord peu fréquentes (2 ou 3 par jour) au début de la période 
douloureuse, mais elles augmentent de nombre progressivement, en même temps 
qu'elles deviennent de plus en plus violentes, jusqu'à une période d'acné, où la 
malade compte cinquante crises par jour, qui s'accompagnent de contracture de 
la face. 

A l’époque des règles, la malade a remarqué une exacerbation des crises. Le 
jour où M!!e V... vient me trouver (9 janvier), elle en est à la période la plus 
douloureuse de sa névralgie et a compté trente crises jusqu'à quatre heures du 
soir, heure à laquelle elle entre dans mon cabinet. 

Elle parle très difficilement, en évitant d'ouvrir la bouche, elle mange avec 
peine et a plusieurs crises pendant ses repas; j'assiste à une de ces crises et puis 
constater par moi-même que la malade n’exagère pas. 

J'ajoute qu'un grand nombre de traitements ont été essayés chez elle, et que 

a quinine seule l’a soulagée, mais toujours d'une façon momentanée. 

A la pression, jo puis constater une douleur nette au niveau du point d'émer- 
gence du nerf. 

Je fais, ce jour-là, une séance d'une demi-heure sous 25 milliampères (pôle 
négatif à la face, relié à une compresse de coton hydrophile imbibée d'une solution 
de salicylate de soude dans l'eau distillée). 

Le 11 janvier, la malade se dit déjà très soulagée ; elle a eu encore quelques 
crises, mais beaucoup plus tolérables; pas de contracture de la face. Je remarque 
qu'elle parle d'une manière beaucoup plus distincte (séance de une heure sous 
20 milliampères;. 

Le 14 janvier, la malade me dit ne plus souffrir; elle parle très distinctement; 
il n'y a plus de douleur à la pression. Je fais néanmoins une séance de une heure 
sous 20 milliamperes. 

Le 18 janvier. Mie V... va évidemment très bien; elle n'a pas eu la moindre 
douleur; par prudence, je fais une quatrième séance de une heure sous 20 mil- 
liampéres. 

Le 23 janvier. Mie V... vient me prévenir qu'elle est en période menstruelle, 
clle n'éprouve cependant aucune douleur. 

Le 26 janvier. ll y a eu quelques légères douleurs dans la journée, mais pas 
de tic. Cinquième séance, une heure, 20 milliampères. 

Le 31 janvier. M!! V... va bien, mais il y a encore un léger endolorissement 
a la pression. Sixième séance, une heure, 20 milliampères. 

Le ? février. Septième et dernière séance. 

Depuis cette époque, il n'y a pas cu la moindre récidive. 


OBSERVATION lI. — Mme W.. 35 ans, a toujours été bien portante avant son 
mariage. Mariée à 21 ans, elle a eu trois enfants et deux fausses couches entre 
ses grossesses. N'a jamais cu d'accident névropathique, jamais de rhumatisme 

Il y a dix ans, elle a été prise subitement d'une douleur au niveau du nerf 
maxillaire supérieur, douleur tolérable au début, mais qui a été s'exagérant 
progressivement depuis lors. 

Depuis cinq ans, la douleur est continuelle et subit à certains moments des 
paroxysmes trés violents; il y a ainsi dix à douze crises par jour, qui durent 
d'une demi-heure à une heure; à ces moments la malade pleure souvent et me 


DESPLATS. — TRAITEMENT DU TIC DOULOUREUX DE LA FACE 9347 


dit qu’elle se serait déjà suicidée si elle n'avait pas été retenue par ses devoirs 
de mère. La maladie n'a jamais été calmée, depuis dix ans, par les divers procédés 
thérapeutiques employés; il ny a pas eu non plus de période de rémission 
spontanée. A la pression, je trouve un point très douloureux au niveau de 
l'émergence du nerf maxillaire supérieur. Je fais une première séance d'une heure 
sous 2% milliampères, dans les conditions décrites à l'observation I; je revois la 
malade le jeudi 13 juin ct apprends qu'elle n’a pas eu une seule crise depuis le 
{{ juin; en insistant un peu, j'apprends qu'elle a néanmoins un peu soutfert, mais 
il s'agit de douleurs très tolérables, et la malade ne se rappelle pas avoir été 
aussi bien depuis dix ans que dure sa maladie. 

Le mardi 18 juin, je fais une seconde séance, quoique les journées précédentes, 
aient été tres bonnes, dans les mêmes conditions de durée et d'intensité. 

Depuis lors et jusqu'aujourd'hui, la malade, que je vous présente, vous dira 
qu'elle va très bien; sa santé générale s'est très favorablemeni ressentie de 
l'électricité, ainsi que son caractère, qui était devenu irritable. 


Je ne puis malheureusement vous présenter que ces deux observations 
personnelles, qui viendront s'ajouter à celles déjà publiées par d’autres ; 
mais je me promets de rechercher des cas nouveaux et de vous tenir au 
courant des résultats obtenus. 

Au début de cette communication, je vous ai dit quels résultats on est 
en droit d'attendre du courant continu appliqué au moyen d’électrodes 
imbibées d’eau chaude ordinaire, en m'appuyant sur l'autorité de 
M. Zimmern, qui a étudié personnellement la question et s'est montré 
chaud partisan de la méthode; si j'ai longuement insisté sur ce point, 
c'est pour que vous puissiez mieux juger quelle part revient ici au 
courant, quelle part à l'introduction de l'ion salicylique, dans la guérison 
du tic douloureux Je sais, d'ailleurs, qu’il faut se montrer toujours 
réservé en pareille matière, et je ne donne ici qu’une impression. Quant 
au mode d'action, il me parait assez diflicile à interprèter, et si j'aborde 
cette question, ce n’est que pour repousser l'interprétation trop facile et 
toujours tentante de suggestion, car, d'une part, le tic douloureux n’est 
pas, que je sache, une maladie qui ait souvent guéri par suggestion et, 
d'autre part, le courant continu employé seul guérit ou améliore très 
lentement, d'une façon générale, les malades qui y ont recours ; - il use 
la névralgie » ; il n'y a pourtant pas de raison de croire que l'introduction 
électrolytique, dont le manuel opératoire est en tous points semblable, 
soit susceptible d'impressionner davantage les malades pour les déc.der à 
guérir. 


REVUE DE LA PRESSE 


WILLIAM J. MORTON. — Radiothérapie préopératoire et chirurgie. — 
Médical Record, Mars 1905. 


Les rayons de ‘{ôntgen, après avoir été d'un intérèt purement scientifique, 
puis après avoir été appliqués au diagnostic chirurgical, ont été ensuite utilisés 
pour la thérapeutique ; leur entrée en thérapeutique futsensationnelle, car on leur 
attribuait la cure des cancers. Cette affirmation est trop vaste, car s'il est vrai que 
quelques formes de cancer guérissent à certaines périodes, d'autres formes ne 
guérissent pas. Nous avons maintenant assez d'expérience pour juger quels sont 
les cas qui sont justiciables du traitement par les rayons X, soit seuls, soit accom- 
pagnés d'autres moyens adjuvants. 

La découverte du radium, en 1903, a porté un nouvel aide à la radiothérapie. 
Nous devons nous demander quel est le secours que peuvent nous fournir ces 
deux radiations. 

L'auteur examine trois points : 

4° Nature des radiations ; 

2° Effets sur les tissus ; 

3 Effets sur les maladies. 

Il conclut en disant : 

1° Les radiations ont un effet retardant l'accroissement de la grosseur de 
certains cancers; 

2° Quelques-uns guérissent ; 

3 Les radiations préopératoires augmentent la chance de guérison après 
l'opération; 

4° Certaines formes inopérables de cancer sont rendues opérables après une 
série de radiations préalables. 

5° Les radiations préopératoires sont recommandées comme une mesure de 
précantions, aussi importante que l'antisepsie faite avant l'intervention chirur- 
gicale. D. C. 


BLASCHKO. — Résultats obtenus avec la radinumthérapie. — Berliner 
Klinische Wochenschrift, 19 février 1906. 


L'auteur insiste sur la grande ressemblance qui existe entre les effets produits 
par le radium et ceux des rayons Rœntgen : Le radium agit même à travers la peau 
saine, ainsi que l'a démontré la guérison d'un angio-sarcome probable que l'auteur 
a observé. Ce fait, ainsi que l’action exercée sur les verrues, démontre que le 
radium agit beaucoup plus énergiquement sur les cellules jeunes que sur celles 
qui ont terminé leur évolution. Les verrues jeunes sont détruites en quelques 
séances : Les verrues datant de quelques mois doivent être traitées d'une façon 
bien plus intensive, même si on abrase au préalable la couche cornée artificielle. 


REVUE DE LA PRESSE 349 


Les nævi et les angiomes ont été soumis à l'action du radium, qui détermine 
une inflammation plus ou moins marquée, pouvant aller à la formation d'escarres. 
L'auteur n'a observé aucune cicatrice télangiectasique. 

Le lupus circonscrit donne d'excellents résultats, à condition d'aller jusqu'à 
l’'ulcération, pour éviter les récidives. 

Si, sur une plaque de psoriasis, on laisse agir, pendant dix à quinze minutes, 
une capsule contenant environ {0 milligrammes de bromure de radium très actif, 
on voit se manifester, au bout de cinq à huit jours, une inflammation réactive, et 
au bout de quatre semaines au plus la plaque est guérie. Il va sans dire que l'on 
peut faire varier le temps d'application suivant l'importance de la plaque traitée, 
mais les récidives ne sont évitées que si l’on fait des séances prolongées. Pour les 
psoriasis étendus, l'auteur se sert de plaques de celluloiïd, sur lesquelles le 
bromure de radium est également distribué, et que l’on applique au moyen de 
bandelettes de sparadrap pendant trois ou quatre heures ; souvent des plaques 
invétérées disparaissent après une seule séance. Pour le psoriasis des ongles, le 
radium rend aussi de très grands services. 

Dans un cas de lupus érythémateux, traité sans succès depuis des années, le 
radium assure la régression. 

Le sycosis donne des résultats peu nets, le lichen ruber verruqueux en donne 
de meilleurs que le lichen plan, la pelade vraie est réfractaire ; la rougeur perma- 
nente du nez, après une dermatite plus ou moins intense, disparait sous l'influence 
du radium. 

Les chéloïdes, enfin, diminuent indubitablement. 

L'action du radium est d'autant plus intense que les cellules sont davantage en 
état de prolifération ; elle est plus limitée en étendue et en profondeur que celles 
des rayons de Rœntgen, mais aussi beaucoup moins dangereuse, et facilement 
applicable, même sur les muqueuses. L'effet est indolore. 


J. BERGONÉÉ et L. TRIBONDEAU. — Interprétation de quelques résultats 
de la radiothérapie. — Academie des sciences, 10 décembre 1906. 


Les auteurs visent, dans cette note, l'étrange électivité des rayons X pour les 
tumeurs épithéliales et les tumeurs provoquées par les rayons X. 

Tous les médecins ont constaté avec le mème intérèt, mêlé de surprise, que 
les radiations pouvaient frapper de mort les cellules d'un néoplasme, en laissant 
intacts les tissus sains voisins où même incorporés à la tumeur. Mais les 
expériences în anima vili ont montré que les rayons opèrent une sélection 
analogue entre tissus sains. (Giräce à ces recherches, il a êté possible d'établir 
la loi suivante : les rayons X agissent avec d'autant plus d'intensité sur les 
cellules que l'activité reproductrice de ces cellules est plus grande, que leur 
avenir karyokinétique est plus long, que leur morphologie et leurs fonctions sont 
moins définitivement fixées Dès lors, il est facile de comprendre que la 
rœæntgenisation détruise les tumeurs sans détruire les tissus sains. 

D'autre part, des observations multiples et incontestables ont montré que ces 
mèmes radiations, capables de guérir les néoplasmes dont les malades sont 
atteints, déterminent parfois chez le radiothérapeute, parfaitement sain préalable- 
ment, l'éclosion de tumeurs identiques au niveau des téguments imprudemment 
laissés dans leur champs d'action. L'expérimentation animale a donné de ces 


350 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


résultats paradoxaux une explication tres plausible, en montrant que la rœntgeni- 
sation, lorsqu'elle est insuffisamment intense pour tuer les cellules, peut, du 
moins, influencer leur évolution ultéricure. Or, l'atypie évolutive n'est-elle pas, 
dans l’état actuel de la science, le caractère capital des cellules épithéliomateuses 
et cancéreuses ? 

Au point de vue de la pratique de la radiothérapie, l'enseignement à tirer de 
ces faits, c'est d'éviter de produire des kariokyneses atypiques dans les appli- 
cations radiothérapiques. Or, il semble bien que la méthode des doses faibles et 
répétées, que l'on oppose quelquefois en radiothérapie, à la méthode des doses 
rares et massives, est la plus apte à produire ces irritations non destructives, 
provoquant les monstruosités cellulaires, et probablement les transformations 
malignes dont quelques-unes semblent réellement avoir été observées. Il faut 
donc préférer la méthode des doses massives. 


HENDRIx. — Traitement des adénopathies taberculeuses ou adénites 
chroniques par la radiothérapie. — Annales de la policlinique de Paris, 
Juillet 1906. 


Les démonstrations faites, dans diverses réunions scientifiques, au sujet de 
l'action des rayons de Röntgen sur différentes affections malignes, de la peau 
notamment sur l’ulcus rodens, et les brillants résultats obtenus, ont montré quel 
parti l'on en peut tirer dans la thérapeutique de certaines affections chirurgicales. 
Je me suis appliqué, durant ces dernières années, à rechercher les effets que l’on 
peut utilement obtenir de l'action des rayons X sur les tumeurs ganglionnaires, 
et en particulier sur les adénites tuberculenses., Comme vous le verrez par les 
sujets que j'ai l'honneur de vous présenter, les résultats cherchès ne sont pas moins 
brillants que ceux que la même méthode a donnés dans la pratique dermatolo- 
gique. 

Je vous présente ici trois sujets à des périodes diverses de la cure. L'un est 
guéri depuis deux ans; le second, en traitement depuis quatre semaines, peut, 
comme vous pouvez en juger, être également considéré comme guéri. Enfin, le 
troisième est en cours de traitement. En huit jours, les ganglions du cou ont 
diminué d'un tiers. 


Ogs. I. — L...., Paul, 50 ans, porte depuis un an, encastrée dans le creux 
sus-claviculaire gauche, une tumeur du volume du poing, formée d’une gangue 
de consistance lipomateuse dans son ensemble, agglomérant des ganglions plus 
durs, élastiques. Cette tumeur eat fixe dans ses parties profondes, tandis que la 
peau, inaltérée, glisse sur elle. Elle est indolore. La compression qu'elle exerce 
sur le plexus brachial a déterminé de la parésie avec atrophie légère du bras, et 
émoussé la sensibilité des doigts, où le patient éprouve des fourmillements. 

Le malade présente des signes peu avancés de tabes, ainsi qu'un début de 
tuberculose des sommets. 

Le traitement par les rayons X a commencé le 25 Mai 1903. Il a duré trois mois 
environ. Dès les premières applications, la gangue agglomérant les ganglions 
s'est effondrée. Elle a mème donné lieu, à un moment donné, le 22 Août, à un 
phénomène inexplicable. Elle a subi une sorte de dégénérescence gazeuse, avec 
sensation de crépitation, tandis que la percussion donnait de la sonorité. Ce 


REVUE DE LA PRESSE 351 


phénomène a été si fugace qu'il avait disparu le lendemain. À ce moment déjà, 
il ne restait presque plus rien de la tumeur, et les troubles dus à la compression 
du plexus brachial s'étaient dissipés. 

La guérison s'est maintenue jusqu'aujourd'hui, et après deux ans, nous ne 
trouvons plus comme trace de l'existence de la tumeur qu'une petite nodosité 
scléreuse, du volume d'une petite amande, au fond du creux sus-claviculaire. 

Les tabes et la tuberculose persistent. 


Oss. II. — V...., Victor, 9 ans, se présente, le 1° Avril dernier, porteur d'une 
tumeur ganglionnaire volumineuse s'étendant le long du sterno-mastoidien 
jusqu’au creux sus-claviculaire, où elle est si profondément encastrée qu'il est 
impossible de déterminer sa limite inférieure. Elle est multilobulaire, formée 
d'une gangue assez molle, surtout dans sa partie supérieure, agglomérant des 
ganglions volumineux, durs, élastiques. Elle est profondément fixée dans ses 
parties profondes. Lo peau qui la recouvre est saine et mobile. Pas de douleur. 

L'affection remonte à deux années. 

Le traitement a commencé le 3 Avril et la rapidité de son effet a été surprenante. 
La gangue s’est effondrée en trois jours de temps, les ganglions roulant désormais 
les uns sur les autres. En même temps, ces derniers diminuaient peu à peu de 
volume, si bien que jai pu faire, quatre semaines après le début du traitement, la 
démonstration du cas. Comme on peut le voir, la tuméfaction a disparu, les 
ganglions sont à peu près réduits a rien, sauf un seul, le plus gros, situé sous le 
sterno-mastoidien, qui a conservé encore le volume d'une noisette. 

(Le traitement avait cessé ; onze jours plus tard, j'ai revu l'enfant entièrement 
débarassé de ce dernier vestige.) 


Oss. III. — Il s'agit d'une jeune fille de 18 ans, S..., Emérence, portant depuis 
trois ans une série de quatre ganglions, siégeant le long du sterno-mastoidien 
droit, de volumes divers, variant de celui d'un gros marron (5 X 3 centimètres) 
à celui d'une noisette, de consistance dureet élastique, sans réaction inflammatoire, 
mobiles. La tumeur principale, située à hauteur de l'angle du maxillaire est 
formée d'un conglomérat de ganglions. 

L'épreuve par la tuberculine de Koch donne un résultat positif. 

Le traitement par les radiations de Röntgen, commencé depuis huit jeurs 
seulement (19 Avril), donne un résultat très appréciable. Les ganglions diminuent 
de volume, et je pense pouvoir, dans quelques semaines, représenter la malade 
guérie. 


L'exemple de ces trois cas montre la rapidité d'action de l'agent thérapeutique 
nouveau sur les adénites chroniques tuberculeuses. Cette rapidité varie cependant 
avec les formes de la maladie. Elle est la plus grande dans les adénopathies 
anciennes, où les ganglions, de consistance modérément dure, sont agglutinés par 
une gangue plutôt molle et forment avec elle des tumeurs de grand volume, 
comme c’est le cas dans les deux premières observations. Alors cette gangue fond 
et se dissipe en quelques jours, après quoi les ganglions qui composaient la 
tumeur se trouvent nettement séparés les uns des autres et roulent comme des 
noix dans un sac. En même temps, mais beaucoup plus lentement, dans l'espace 
de quelques semaines, ceux-ci, à leur tour, diminuert de volume sans perdre de 


352 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


leur consistance. Les plus petits finissent par se réduire entièrement, les plus gros 
se raménent parfois à un petit noyau scléreux, sorte de résidu cicatriciel de 
l'affection primitive. Je n'ai pas observé de récidive. 


M. Cavatté. — Insensibilisation à l'aide de la lumière bleue. Détails de 
technique. — Gazette hebdomadaire des sciences médicales de Bordeaux, 
23 Septembre 1906. 


L'utilisation de la lumière bleue comme agent d'insensibilisation a été faite 
pour la première fois, en 1901, par le D" Redard, Professeur de dentisterie à 
l'Université de Genève, qui en a fixé depuis lors, dans une série de communi- 
cations, l'importance et le mode d'emploi. 

Lors de mon premier séjour à Genève (1905), jai eu l’occasion agréable de voir 
opérer lui-mème l'inventeur du procédé. Tout dernièrement encore (Août 1906), 
lors de la Fédération dentaire internationale de Genève, j'ai assisté à une nouvelle 
séance explicative du D" Redard. 

Comme un certiin nombre de praticiens n'ont pas été satisfaits des essais 
qu'ils ont faits, je suis heureux de leur fournir ici quelques indications qui 
pourront leur être utiles. 

Il est de notion courante que chacune des couleurs du spectre solaire impres- 
sionne d'une manière différente les animaux et les plantes. 

La lumiere bleue exerce sur l'homme une influence calmante, sédative et 
procure un sentiment de bien-être. La fixation des yeux, pendant quelques 
instants, sur cette lumière produit une insensibilisation de la face : ce qui permet 
d'exécuter quelques petites opérations sur cette région, ct en particulier des 
extractions dentaires. 

Voici la technique qu'emploie mon ami le Dr Redard et que j'ai adoptée avec 
quelques légères modifications : 

4° ll faut ètre muni d'une lampe électrique de 16 bougies, dont le verre est 
coloré d'un bleu intense et aussi pur que possible. Il suffit de s'adresser à l'usine 
électrique de Genève pour s'en procurer des exemplaires. 

2° Le patient doit être préparé à une chose toute nouvelle et qui le surprend 
beaucoup. Il faut le rassurer et lui expliquer qu'il sera non pas endormi, mais 
insensibilisé. Il ne faut pas cependant trop insister, et s'il préfère un autre mode 
anesthésique, abandonnez la lumière bleue. 

La confiance du malade est une excellente condition de succès. 

3° Le malade est assis dans le fauteuil, dont le dossier est un peu incliné en 
arrière. La lampe, munie d'un bon réflecteur, est placée devant ses yeux, à une 
distance de 12 à 16 centimètres. 

4° Il faut recouvrir la tète du malade et la lampe à l'aide d'un tissu (toile, 
satinette) bleu, de façon à empècher la lumière diffuse du jour d’impressionner 
les yeux du patient. 

9° Prier le patient de bien fixer la lampe bleue; si une ouverture a été 
ménagée dans le voile bleu pour y placer une petite plaque de verre bleu, 
l'opérateur peut, à travers cette vitre, surveiller, avec soin la fixation des yeux 
et le visage du malade. 

6° La tranquillité est de rigueur; pas de bruit dans la salle d'opération ; le 
moins de paroles possible. 


REVUE DE LA PRESSE 393 


Te Deux à trois minutes de fixation représentent une durée suffisante. 

8 Le malade s'habitue très aisément à la lumière bleue; il se plaint seulement 
de la chaleur qu'elle dégage. 

Attendez le moment où s'accuse sur le visage une légère pâleur, où appa- 
raissent quelques légers mouvements fibrillaires et la dilatation de la pupille. 
Le malade semble être alors en extase. 

9° Il faut opérer alors et aller rapidement; l'insensibilisation dure 30 secondes 
environ Souvent, le malade, mal préparé et qui s'attend à s'endormir, ne peut se 
figurer qu'il ne souffrira pas; ìl est tout étonné, l'opération terminée, de n'avoir 
pas éprouvé de douleurs. 

Ce procédé d'insensibilisation convient admirablement aux extractions den- 
taires; il est absolument sans danger ; avantage appréciable depuis que les 
statistiques publiées ont démontré quetouteslessubstances anesthésiques générales 
sans exception, et méme les substances anesthésiques locales, ont produit des 
acci ‘ents graves, voire parfois mortels, dont le nombre varie suivant la qualité 
de la substance employée. | 

J'ai pratiqué, cette annéc-ci, 40 insensibilisations à la lumière bleue, presque 
toutes avec succes. Les quelques insuccès que j'ai observés provenaient tous du 
manque de confiance du patient, ou du défaut de fixation par les yeux de la lampe 
bleue. 

Le D‘ Redard a constaté Jui aussi un nombre d'insuccès de 15 à 22 "}, et leur 
donne une interprétation analogue. 

En réalité, l'étude analytique de l'action insensibilisante de la lumière bleue 
n'a pas suffisamment êté faite pour permettre une discussion et une interpré- 
tation scientifique des résultats. 

Tels quels, les débuts de l'emploi de la lumière bleue sont fort encourageants, 
Les Génevois, aujourd'hui habituës à ce mode d'analgésie, vont en foule, à la 
Clinique du Professeur Redard, réclamer l'extraction sous la lumière bleue. 

Je ne doute pas que lorsque l'appréhension native du public pour les innovations 
en matière d'insensibilisation ct d'anesthésie aura été entièrement vaincue, le 
procédé de la lumière bleue sera un des plus utiles. Je soumettrai ultérieurement 
ici les modifications et surtout la simplification de la technique opératoire indiquée 
ci-dessus. 


P. HARTENBERG. — A propos de la thérapeutique ionique. — Journal 
de physiothérapie, 1907. 


Comme action locale, j'ai utilisé le salicylate de soude. Ici même fut analyse 
mon travail sur une forme de migraine fréquente chez les arthritiques, due à une 
infiltration rhumatismale des muscle de cou et que je guéris par la dissolution 
de cette infiltration au moyen de l'électrolyse salicylique (1). J'ai employé 
également le même procédé dans des cas de névralgie. 

Ici, l'inconvénient du gaspillage de médicament disparaît, puisque l'application 
se fait par des plaques de dimensions réduites. Mais, en revanche, les surfaces 
d'entrée étant très petites la quantité déjà faible de l'ion introduit diminue encore, 
en sorte que c'est vraiment à doses homæopathiques que le médicament doit agir. 


(1) La Migraine des arthritiques. Presse médicale, 1906, 17 janvier, n° 5, p. 34. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — MAI 1907. 25 


354 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Frappé de cette objection, j'ai supprimé le salicylate dans mes applications, me 
bornant à faire passer tout simplement du courant continu. Je dois avouer très 
franchement que les résultats m'ont paru tout aussi étendus et rapides. En 
conséquence, nous sommes en droit de neus demander si le mérite de ces 
résultats ne revient pas tout simplement au passage du courant galvanique, dont 
les actions cellulaires puissantes sont encore loin de nous être connues. Au reste, 
depuis bien longtemps, la galvanisation à haute intensité fournit des cures 
remarquables de névralgies, sans l'adjonction d'aucune substance électrolytique. 

Pour ces applications délicates au cou et à la face, le courant de la ville, utilisé 
directement, ne saurait plus convenir. Si bien réglé qu'il soit, il subit, malgré 
tout, des interruptions brusques ou des variations de potentiel qui se traduiraient 
chez le patient par des secousses, des éblouissements, mème des syncopes, dont 
l'opérateur ne peut lui faire courir le risque Il faut donc prendre comme source 
une batterie de piles assez riche, ou des accumulateurs qu'on fait recharger ou 
qu'on recharge soi-même à l'aide d'un tableau, ce qui introduit dans la technique 
une complication qui n'est pas négligeable. 

Je n'ai employé ni le chlorure de sodium, ni les sels de lithine, dont les 
indications sont en dehors de ma spécialité neurologique. 


V. RUTHON. — Du degré de précision des mesures radiométriques 
actuelles en thérapeutique. — La Gazette medicale du Centre, 25 oct. 1906. 


L'importance prise par les rayons X comme agent thérapeutique ou moyen 
de diagnostic, leur nocivité quand ils sont absorbés par les tissus en quantité 
trop considérable, justifient la prétent:on des radiothérapeutes de mesurer avec 
précision la quantité de radiation rayonnée par un tube de Crookes pendant un 
traitement sur une lésion donnée. 

Or, les procédés de mesure actuels manquent de précision et ne sauraient 
permettre de la mesurer méticuleusement : il faut le dire, sous peine d'ètre taxe 
d'ignorance ou accusé de vouloir en imposer. Nous nous proposons de montrer 
ici toutes les incertitudes qui accompagnent cette mesure de quantité. 

ll semble évident, a priori, que la premiére condition pour faire une mesure 
précise, c'est d'employer une unité bien définie. On emploie, en radiothérapie, 
l'unité H, inventée par le professeur Holzknecht ; elle manque malheureusement 
de rigueur scientifique : c'est le tiers de la quantité de rayons X amenant la toute 
premiére réaction de la peau et compatible avec l'intégrité des téguments. 

Voici donc une définition purement physiologique, et une première question 
se pose : toutes les peaux ont-elles la même sensibilité à l'action de ces rayons? 
De l'avis général, bien qu'il y ait quelques contradicteurs, les individus différents 
réagissent différemment à une meme quantité de rayons et qui plus est, chez un 
même individu, toutes les régions du tégument n'ont pas la même sensibilité : 
celles qui sont soumises à un frottement répété sont les plus sensibles. J'ai eu, 
de ce fait, une illustration remarquable tout récemment : à la suite d'irradiations 
sur adénopathie cervicale, toute la région du cou soumise au frottement du col 
de vètement présenta un érythème avec vésiculation légère, tandis que la région 
située au-dessus du bord du col manifesta à peine un érythème fugace. 

L'unité H, vaguement définie, ne saurait donc être facilement retrouvée, 


lb à _ 


= m —— = amp re. 


D Taena 


REVUE DE LA PRESSE 395 


identique à elle-même, si on l'avait perdue. Il est vrai que Holzknecht nous a 
donné son chromoradiomètre pour la retrouver: il se compose d'un certain 
nombre de godets, contenant une substance qui ehange de couleur à mesure 
qu'elle absorbe les rayons et d'une échelle des teintes correspondant à la couleur 
des godets ayant absorbé de 3 à 24 unités H. Mais les couleurs de l'échelle 
s’altérent avec le temps et la substance des godets est complexe et de composition 
secrète! Incertitude sur incertitude. 

Sabouraud et Noiré songérent à utiliser une découverte de Villars pour faire 
les mesures de quantité : le platino-cyanure de baryum, sel vert, vire sous l'action 
des rayons X; sa couleur peut passer du vert au brun marron. lls déterminérent 
expérimentalement la teinte que prend une pastille de papier recouvert de ce sel, 
lorsque le cuir chevelu a reçu une dose déterminant la chute des cheveux avec 
repousse ultéricure sans érythème ni tuméfaction. C'est la teinte B de leur 
radiomètre, reproduite à l'aquarelle sur un fragment de papier de même grain 
que celui du platino-cyanure, et qui sert de terme de comparaison. Dans un 
traitement de teigne, le centre de l'anticathode étant placé à 15 centimètres du 
centre de la surface traitée, la pastille indicatrice, enveloppée de papier noir à 
8 centimètres, la quantité absorbée est convenable quand la teinte de cette 
pastille est devenue identique à la teinte B. C'est ce radiomètre, construit 
pour un usage spécial, que nous employons couramment en France pour 
mesurer la quantité de rayons X. Ce n'est que par comparaison avec le 
chromo-radiomètre de Holzknecht qu'il est possible de l’étalonner en unités II, 
en soumettant simultanément, toutes choses égales d'ailleurs, à la même 
source d'irradiation un godet et une postille qu'on vire jusqu'à la teinte B; 
on identifie alors la teinte du godet avec une des teintes de l'échelle de 
Holzknecht pour fixer le nombre d'unités absorbées. Mais il faut songer à l'alté- 
ration possible des tons de cette échelle, et savoir ensuite que l'identification des 
teintes n'a rien de commode. Je n'en veux pour preuve que cette affirmation de 
Bordier : « Dans un cas qui nous est personnel et où nous voulions appliquer 3 à 
å unités H, nous avons obtenu une radiodermite du second degré ». Et cependant 
l'auteur est un excellent physicien habitué aux mesures physiques. 

Or, admettons même que la graduation en unités H soit très exacte, que la 
teinte B corresponde a l'absorption de 5 unités H, voyons le degré de précision 
que comporte une mesure en unités H au moyen du réactif de Sabouraud et 
Noiré. Pour l'emploi, il faut mettre la surface à traiter à 15 centimètres du centre 
d'irradiations et la pastille à 8 centimètres : cela suppose qu'on connaît exactement 
la position de ce centre dans l'ampoule ; il ne correspond pas, comme on pourrait 
le croire, au centre géométrique de l'ampoule ou mème de la surface de l'antica- 
thode et une erreur de 1 à 2 centimètre, ou plus, est difficile à éviter quand on se 
contente d'une évaluation à vue de nez. La surface à irradier n'est pas plane 
ordinairement : elle présente des reliefs qui ne sonc nullement négligeables par 
rapport à la distance 15 centimètres du centre d'irradiation; la quantité de rayons 
absorbés par unité de surface est, par suite, assez variable si l'on considère les 
différents points d'une surface accidentée. 

Et puis placer la pastille à 8 centimètres du centre d'émission n'est point 
commode, même si on connaît la position de ce centre : le plus ordinairement on 
place la pastille sur un rebord situé à l’intérieur d'un localisateur, et un simple 
déplacement de l'ampoule suivant son axe fait varier les distances de 2 a 3 centi- 
mètres. En somme, une erreurde { centimètre, en plusou en moins, est certainement 
une limite inférieure : admettons pour simplifier que la quantité de radiation 


356 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


absorbée par l'unité de surface de la pastille régulièrement placée à 8 centimètres 
soit i ou 64/64, à 7 centimètres elle est 64/49, à U centimètres elle se réduit à 64/81, 
comme le montrent un calcul et la connaissance d'une loi physique fort simples. 
Remarquons que 64 49 est sensiblement double de 64/81 : cela signifie que si, 
dans deux traitements successifs, on fait d'abord une erreur en moins de 1 centi- 
mètre, puis de un centimètre en plus, en plaçant la pastille les temps nécessaires 
pour produire la mème teinte B varient à peu près du simple au double, de mèmo 
que les quantités de rayons absorbés par l'unité de surface du tégument norma- 
lement placé à 15 centimetres. Et cette erreur est courante, dans les traitements, 
mème consciencieusement appliqués. Il est vrai qu'elle peut être atténuée — ou 
augmentée — par ce fait que certains point de la surface traitée sont à 13 
centimètres et d'autres à 17 centimètres du centre d'émission. D'ailleurs certaines 
ampoules sont trop grosses pour permettre de mettre la pastille à 8 centimètres, 
il faudrait ou la mettre contre la paroi de verre — ce qui entraîne certains incon” 
vénients dont nous parlerons — ou la mettre à l'intérieur de l'ampoule, ce qui 
n'est pas sans présenter quelque difficulté. 

Dans tout ce qui précède, nous avons admis que le platino-cyanure des pastilles 
est de sensibilité constante. Rien n'est moins prouvé : ce composé chimique est 
complexe et ses propriétés varient avec sa provenance et surtout son degré de 
pureté. Ainsi les écrans employés en radioscopie ne sont pas tous également 
fluorescents : ceux dont la couleur est le plus franchement verte sont les meilleurs ; 
la fluorescence diminue d'ailleurs à mesure que la couleur vire au brun par l'action 
des rayons X, elle s'éteint à peu près complétement au brun marron. Virage et 
flurorescence semblent donc être en relation assez étroite pour nous permettre de 
dire que si la fluorescence des divers écrans est variable, la rapidité du virage à 
la teinte B n'est vraisemblablement pas la même pour toutes les pastilles 
indicatrices. 

De plus, les nécessités thérapcutiques entraînent l'usage de rayons plus ou 
moins pénétrants, c'est-à-dire inégalement absorbés par les tissus et aussi, sans 
doute, par la pastille de Sabouraud ; il est à craindre qu'il en résulte un virage 
plus ou moins rapide. Bordier a montré que si la différence qui en résulte est peu 
considérable quand on prend des rayons variant du N° 5 B au N° 10 B, elle existe 
néanmoins. 

Et puis, est-il indifférent de placer la pastille en un point quelconque du champ 
irradié ? On a dit et écrit que ce champ est uniforme, sauf dans les directions très 
voisines du plan de l'anticathode. Bordier a fait connaître au Congrès de Lyon, 
en août dernier, qu'il existait une direction principale suivant laquelle l'unité de 
surface, placée a une distance constante du centre d'irradiation, reçoit une 
quantité maxima de rayons, que cette quantité diminue graduellement pour des 
directions qui font un angle graduellement croissant avec la précédente ; que, par 
suite, en admettant que la pastille soit un réactif de quantité très exact, elle ne 
peut indiquer que la quantité rayonnée dans une direction déterminée. J'ai vérifié 
cette proposition pour une de mes ampoules en plaçant une bande de papier 
photographique à développement, enveloppée de papier noir, sur un arc de cercle 
ayant pour centre le centre d'irradiation et placée assez loin de l'ampoule pour 
ne pas avoir à tenir compte de l'échauffement : le développement de la bande 
montre que le maximum d'ection se produit sur une direction faisant un angle de 
70 à 80° avec l'axe de l'ampoule dans le plan de symétrie, qu'elle décroît graduel- 
lement quand on s'éloigne de cette direction Bien entendu, il ne faut pas appliquer 
simplement la bande sur la paroi de l'ampoule : celle-ci n'est pas régulièrement 


REVUE DE LA PRESSE 357 


sphérique et l'anticathode n'en occupe pas le centre géométrique ; il faut déter- 
miner préalablement la position du centre d'irradiation et faire en sorte que tous 
les points du papier en soient à égale distance : c'est une expérience physique 
assez délicate quoique simple. 

Avons-nous au moins la certitude de pouvoir évaluer exactement l'égalité de 
teinte de la pastille-témoin et de la teinte B? Cela encore est fort peu sûr. La 
pastille impressionnée dévire par l’action de la lumière du jour et reprend assez 
vite, quand la lumière est intense, la coloration première ou une coloration 
voisine. D'où la nécessité de comparer la pastille et la teinte B dans une demi- 
obscurité, c'est-à-dire dans des conditions où la sensibilité de l'œil est fort 
diminuée, ou bien rapidement au grand jour, dans des conditions d'exactitude 
qui ne sont guère meilleures. De plus, je ne sais pourquoi l'usage est de donner 
à la pastille témoin la forme d'une rondelle, alors que la teinte B est reproduite 
sur un carré; quoiqu'on fasse, les deux surfaces à à comparer, l’une circulaire, 
l’autre carte. ne sont contiguës qu’en un point, ce qui rend la comparaison plus 
difficile. Il suffit d'avoir fait quelques essais de photométrie, où on éprouve 
souvent de la difficulté a établir l'égalité d'éclairement sur des surfaces contiguës 
suivant une longue ligne droite, et ordinairement assez lumineuses, pour se 
rendre compte de la difficulté qu'il y a d'obtenir un résultat précis quand les 
surfaces sont dissemblables, non contiguës, peu éclairées et vues souvent sous 
des influences diftérentes. 

Faut-il le dire? La teinte B n'est pas indélébile. Elle se modifie avec le temps: 
j'ai comparé à ce point de vue un radiomètre ancien, qui a été fréquemment ouvert 
(le radiomètre a la forme d'un petit carnet) et un autre qui n'a pas été usagé ; la 
teinte B du premier est certainement plus pâle que celle du second. La teinte 
étalon n'étant pas absolument flxe, la précision des mesures me parait ètre assez 
sérieusement menacée. 

On peut se demander, d'ailleurs, si le virage se produit exclusivement par 
l’action des rayons X ? Galimard et aussi Kowalsky ont prouvé que ce changement 
de teinte résulte d'une déshydratation du sel : or, cette déshydratation se produit 
également par l'action de la chaleur ou même de l'air sec. Il est facile de vérifier 
le fait en appliquant une pastille soigneusement enveloppée de papier noir sur la 
paroi de l'ampoule d'une simple lampe électrique en fonctionnement ; par suite 
de l'échauffement de la pastille et, par conséquent, de la dessiccation résultante, on 
voit sa teinte se modifier graduellement et passer par la série des tons que lui 
donne l'action de l'irradiation X. Or, quand une ampoule de Crookes a fonctionné 
pendant 15 à 20 minutes, la paroi de verre est tellement chaude au voisinage de la 
cathode qu'il n’est pas possible d'y appliquer la main ; de plus, la lame de platine 
qui constitue l'anode du tube Chabaud, presqu'exclusivement employé en radio- 
thérapie précise, est rapidement portée au rouge blanc : elle rayonne une quantité 
de chaleur qui n'est pas négligeable, si on songe qu’elle est portée à une tempé- 
rature de 1.200 à 1,300. Donc, pour une fraction difficile à déterminer, le virage 
peut être dù à l'action de la chaleur ; pour l'autre, la plus importante tee 
à l'action des rayons X. 

Pour nous résumer, nous dirons que le dosage de la quantité de rayons X en 
unités H, aussi bien par le chromoradiométre de Holzknecht, que par le réactif de 
Sabouraud et Noiré, ne peut être fait avec précision ; que cette détermination 
comporte de multiples causes d'incertitude : manque de précision de l'unité, 
incertitude quant à la distance de la pastille et de la région irradite au centre 
d'irradiation, incertitude due à ce que la quantité de rayons n'est pas constante 


358 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


dans toutes les directions du champ, incertitude due à la provenance du platino- 
cyanure, à la difficulté d'apprécier l'égalité de teintes de la pastille virée et de la 
teinte B, incertitude due au manque de solidité de la teinte étalon et à l'action de 
la chaleur sur la pastille, etc. En somme, cette petite opération de mesure, qui 
paraît si simple au premier abord, apparaît, au contraire, quand on entre dans le 
détail et qu'on la soumet à une critique sévère, assez complexe et incertaine quand 
à ses résultats. 

Est-ce à dire qu'il faille abandonner ce procédé de mesure ? Que non pas ! Mais 
il ne faut lui demander que ce qui lui est possible de donner, c'est-à-dire l'indication 
que la quantité de rayons absorbés est voisine de la dose maxima, sans autre 
évaluation numérique. Une sorte de signal d'alarme ! C'est d'ailleurs la signification 
qu'on a donnée et qu'on donne encore à la teinte B dans le service de Sabouraud à 
l'Ecole Lailler: grâce à elle, deux infirmières très intelligentes pratiquent journel- 
lement la dépilation des têtes de petits teigneux et avec un succès à peu près 
constant. Mais elles opèrent avec des machines statiques tournant conste mment 
avec la même vitesse, actionnant des ampoules de dureté constante ; la pastille 
est placée dans un localisateur toujours au même endroit, et la région à traiter 
est appuyée contre l'extrémité d'un tube, qui maintient constante la distance au 
centre d'émission. De cette manière, puisqu'on ne prétend plus évaluer des 
nnités H, il ne reste qu'un indicateur qui, toutes choses restant égales d'ailleurs, 
permet d'obtenir à peu près constamment le même effet. 

C'est ainsi qu'il nous faut le considérer aussi dans notre pratique journalière. 
Sans doute, il est plus prestigieux de dire à un malade: « J'ai fait absorber à 
votre lésion 5 unités H » que de ne rien dire du tout. Mais il ne faut point, comme 
le dit Bergonié, « prendre l'illusion de la précision pour la précision elle-même » ; 
et comme nous ne possédons pas la précision, il nous paraît honnête de l'avouer. 

Et cette opinion n'est pas la manifestation d'un esprit frondeur et aimant la 
contradiction. Tous les radiothérapeutes qui mauient journellement l'ampoule et 
qui cherchent à se rendre compte des phénomènes complexes dont elle est le siège 
et la cause, l’expriment également. Au congrès international de Milan, à la séance 
du 6 septembre dernier, eut lieu une discussion assez longue, à laquelle prirent 
part Schitf, Gastou, Pini, Salomonson, Doumer, Oudin, etc., et dont la conclusion 
fut qu'il était impossible de se mettre d'accord tant qu’il n’existerait pas un procédé 
de dosage scientifique des rayons X. Et cette question, importante au premier 
chef, a été mise au programme du prochain congrès international d'Électricité 
médicale, qui se tiendra à Amsterdam en 1908. A la séance du 8 septembre l'ordre 
du jour étant épuisé, le bureau propose une discussion sur l'unité H et le dosage 
des rayons X. Oudin montre combien l'unité H mérite peu le nom d'unité et 
indique que si la pastille de Sabouraud, créée pour le traitement de la teigne, 
y rend de grands services, c'est à tort que nous lui demandons une mesure dans 
des conditions toutes différentes. Et le Congrès décide d'abandonner complétement 
l'unité H ct propose d'appeler l’unité future, que nous cherchons, l'unité Ræntgen. 
Peut-être sera-ce l'unité I proposée par Bordier, au Congres de Lyon. 

Le malade ne doit cependant pas être inquiet de ce manque de précision ; les 
rayons X ne sont pas aussi dangereux qu'on le dit couramment: il faut faire 
absorber aux téguments une dose 10 à 15 fois plus grande qne la dose ordinai- 
rement donnée pour produire une de ces dermites graves, si lentes à guérir, si 
douloureuses, qu'elles font le désespoir du malade et du médecin. La pastille de 
Sabourand est un réactif qui nous permet de ne pas dépasser trop considérablement 
la dose utile ; elle permet mème de donner cette dose avec une bonne sécurité, 


D" LL 


M Un pese, ie =, ni af 


REVUE DE LA PRESSE 359 


mais à la condition de bien connaître son appareillage Je crois nécessaire de faire 
chaque semaine une expérience précise, en calculant les distances avec tout le soin 
dont est capable un bon physicien, en égalisant les teintes aussi exactement que 
possible, en notant le régime du primaire de la bobine, wattage et nombre 
d'interruptions, en notant l'intensité du courant induit dans le secondaire de la 
bobine et qui actionne l'ampoule, la dureté de l'ampoule au moyen du spintermètre 
et du radiochromomètre, enfin la durée du temps nécessaire pour donner à la 
pastille témoin la teinte B. Il n'est rien de superflu dans une détermination 
physique de cette nature : plus nous aurons de contrôles, mieux cela vaudra pour 
la précision de notre dosage. En nous plaçant ensuite pendant le mème temps, 
dans les mêmes conditions physiques pour un traitement, nous aurons vraisem- 
blablement donné la même dose, quoiqu'en dise la pastille témoin. De cette 
manière, les erreurs de dosage seront réduites au minimum ; tout au plus attein- 
dront la dermite du 1°" degré, irritation légère de la peau, qui, non sculement ne 
présente pas d'inconvénients graves, mais offre souvent des avantages ; dans ma 
pratique j'ai ordinairement vu une amélioration sensible de la lésion lui succéder 
dans les cancroïdes et surtout dans les lupus. 


ANCEL & Bourn. — Rayons X et glandes génitales. — Presse médicale, 
10 Avril 1907. 


L'action des rayons X sur les glandes génitales diffère suivant qu'elle s'exerce 
sur le testicule ou sur l'ovaire. 

Dans les testicules ils détruisent les cellules spermatogénétiques, mais ils 
respectent la glande interstitielle à sécrétion interne ; leur action est nulle sur 
le stroma : d'où il résulte que la sécrétion externe est seule supprimée, mais 
que la virilité est conservée. Il existe des observations nombreuses de radio- 
graphes qui sont devenus inféconds mais qui ont conservé leur activité génitale. 

La sécrétion interne de l'ovaire dépend du corps jaune ; or le corps jaune est 
un élément de transition; il se forme aux dépens du follicule de Graaf aprés 
sa rupture; le follicule de Graaf étant détruit par les rayons X, on comprend 
que l’action de ceux-ci ait ici des conséquences tout à fait différentes, il n'y a 
plus de sécrétion interne, et les sujets rætgenisés présentent alors tous les signes 
qui suivent la castration : perte de la sensibilité génitale, disparition du rut cbez 
les animaux, atrophie, du clitoris et des mamelons, etc. 


BIBLIOGRAPHIE 


E. Castex. — Précis d'électricité médicale. Deuxième édition. Un vol. grand 
in-18 de VII-(R2 pages et 241 figures, cartonné, 12 fr. Chez F. R. de Rudeval, 
éditeur, 4, rue Antoine-Dubois, Paris-VE. 

La deuxième édition de ce Précis, augmentée de 310 pages et 33 figures, 
contient tous les progrès accomplis, dans ces dernières années, par l'électricité 
médicale. Le plan est resté le même. La technique donne les notions théoriques 
et pratiques sur l'appareillage, avec ses plus récentes acquisitions. En électro- 
physiologie sont exposées les actions des diverses formes de courants, avec les 
derniers travaux sur les lois d'excitabilité des nerfs, les effets de la haute 
fréquence, les applications des ions, l'électrostérilisation de l'eau par l'ozone, 
etc. L'électrodiagnostic n'a eu besoin que de légères retouches. L'électrothérapie 
proprement dite, qui tient près de 200 pages, contient les indications du traitement 
électrique dans les diverses affections, les résultats qu’on peut en attendre, la 
conduite détaillée des opérations. 

La radiologie mettra le lecteur complétement au courant de l'état actuel de 
cette branche, pour la technique comme pour le radiodiagnostic et la radiothérapie, 
qui, à elle seule, compte une centaine de pages. Un exposé des notions essentielles 
de radiumthérapie et de photothérapie termine l'ouvrage. 

La rédaction concise et remplie de détails pratiques en fait une œuvre 
éminemment substantielle, mais très claire et très lisible, grâce à l'ordre du texte, 
à la composition typographique, à la richesse de l'illustration, en grande partie 
inédite et dessinte par l'auteur. Cette seconde édition trouvera certainement, 
auprés des praticiens, des étudiants en médecine et mème des constructeurs 
d'appareils, le succés de la première édition. 


A. TRIPIER en 


1880. 


A. TRIPIER 


Le 27 Juin 1907, répondant à l'appel de la Société 
française d'électrothérapie, de nombreux amis se pressaient 
dans le grand salon de Ledoyen, autour de M. A. Tripier, 
dont ils venaient fêter les 50 années de vie scientifique. 

Rien n'était plus touchant que cette fête où, dans une 
fraternité et une cordialité parfaites, se trouvaient réunis 
non seulement des célébrités médicales scientifiques ou litté- 
raires, mais d'humbles médecins praticiens et d'anciens 
malades, qui venaient témoigner à leur collègue, à leur 
maître ou à leur médecin, tous à leur ami, leur affection, 
leur reconnaissance et leur admiration. 

Le professeur Bouchard, le professeur d’Arsonval et le 
docteur Oudin, à l'heure des toasts, se sont fait les interprètes 
de tous et ont prononcé les discours qu’on va lire. 

Mais l'émotion qu'ils ont soulevée a été portée à son 
comble lorsque Tripier, très ému lui-même, s'est levé pour 
leur répondre et pour dire à tous combien tant de sympathie 
le touchait et surtout lorsque, dans un geste plein de cœur et 
tout rayonnant de bonheur, il a fait le tour des tables pour 
serrer la main à chaque convive et exprimer à chacun, par 
un mot plein d'à-propos, sa joie et sa reconnaissance. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIÆE TOME X. — JUIN 1907. 26 


362 NUMERO DU D" TRIPIER 


Toast de M. le Professeur BoucHARD. 


Mon cher ami, mon cher confrère, mon cher collègue, mon cher 
maître, c'est à ce titre, à ce quadruple titre que j'ai voulu venir ici lever 
mon verre en votre honneur. Ami, vous ne répudierez pas ce titre; vous 
savez que mon affection a toujours été vers vous, et je sais que votre 
amitié m'a toujours été fidèle, même, surtout, dans les jours tristes où 
j'ai entendu monter la clameur de ceux qui croyaient que je compro- 
mettais leurs intérêts et que je combattais contre la justice. Vous ne 
l'avez pas cru, et vous l'avez dit. Confrère, mais nous le sommes jusque 
dans les fibres les plus profondes. Vous pouvez être un savant, et vous 
l'êtes; mais vous êtes plus encore le médecin, le praticien, bon, bienveil- 
lant, compatissant, généreux, qui aime ses malades et qui est adoré d’eux. 
C'est aussi de mon rôle de médecin que je me réclame avant tout; c’est 
à la pratique de la médecine que je dois d’être quelqu'un ou quelque 
chose; le reste est venu après, et comme par surcroît. Collègue, mais 
nous avons voué tous deux notre vie à l'enseignement; vous, avec cette 
candeur, cette bonne foi, cette conviction, cette ardeur entrainante qui 
font les chefs d'école. Maitre, ah! ne le niez pas; vous savez bien que 
vous êtes mon maitre. J’ai toujours été, et je suis encore un étudiant. 
Vous rappelez-vous le jour où je vous avouais avec une humilité sincère 
combien je regrettais mon ignorance en électricité ? « Si vous avez 
quelques soirées à perdre, me dites-vous, venez donc causer avec moi 
après diner ». Et je suis allé chez vous trois jours chaque semaine, et 
je restais de huit heures à onze heures, parfois plus, et pendant tout ce 
temps j'écoutais, et pendant tout ce temps vous parliez. Ce sont les 
soirées que j'avais à perdre. C’est la que j'ai appris non le peu que je 
sais — vous êtes un trop excellent maitre pour m'avoir appris peu de 
choses — mais c'est là que j'ai appris ce que je sais en électricité. J'étais 
le vieil élève et vous étiez le jeune maitre, car vous avez la jeunesse 
avec son esprit, son intelligence, ses ardeurs généreuses. Ah! combien 
on a eu raison de nous réunir aujourd'hui! Si pour vous fêter on avait 
voulu attendre que vous fussiez vieux, ce jour-là nous aurions été morts. 

Quand tout à l’heure je passais au milieu de ceux qui sont venus 
vous rendre hommage, je voyais des hommes jeunes, d’autres dans la 
pleine maturité, d'autres qui s'inclinent vers l'horizon, et je me suis fait 
cet aveu que j'étais le plus vieux. Mes maitres plus àgés que moi ont 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 363 


tous disparu, mais j’ai de jeunes maitres, et, en entrant ici, j'ai eu la 
joie d'en rencontrer trois Vous d’abord, puis Oudin, sans qui je n'aurais 
pas connu les rayons X, et ce troisième qui m'a enseigné la calorimétrie 
clinique et les merveilles des courants de haute tension et de haute 
fréquence. Mes maitres sont vos élèves. 

= Comprenez-vous combien je suis heureux de lever mon verre en 
votre honneur? Mon verre n’est pas rempli de vin de Cherchell et c’est 
peut-être fâcheux. Cependant il n’était pas toujours très bon votre vin 
de Cherchell. Je me rappelle même une année où vous le déclariez 
franchement mauvais; c'était, pensiez-vous, parce que vous y aviez mis 
trop de raisin. Ce jour-là vous avez dit pour la première fois une chose 
qui n'était pas vraie. Jamais rien de frelaté n'est venu de vous : car vous 
êtes la verité et la sincérité que je veux glorifier avec du vrai vin. 


Toast de M. le Professeur D ARSONVAL 


Mon CHER TRIPIER, 


Il n'est pas de plus grande satisfaction pour un homme de cœur que 
de voir rendre une justice unanime et spontanée à un ami très cher, à 
un ami de toujours. 

Cette joie, je l'éprouve en ce moment, grâce à l'initiative de la 
Société d'Electrothérapie. Pour l'avoir longtemps attendue, elle n’en 
est que plus complète. 

Regardez autour de vous: toute notre Société contemporaine y compte 
des représentants ; tous, sans distinction, vous apportent le tribut de 
leur reconnaissance, de leur amitié, de leur admiration. 

Ce n'est pas seulement le novateur que nous fêtons, celui que nous 
appelons justement entre nous le père de l’Electrothérapie française ; nos 
cœurs sont aussi profondément sensibles aux qualités si rares de l'homme 
privé. Car, mon cher Tripier, vous n'êtes pas seulement un grand 
médecin, vous êtes aussi un sympathique. Sympathique aux hommes, 
sympathique aux confrères, ce qui est beau, mais surtout, ce qui est 
meilleur, un sympathique aux dames. 

Cette sympathie charmante vous l'avez méritée, non seulement en 
soulageant les souffrances, mais par la préoccupation constante que vous 
avez eue de créer des méthodes électriques nouvelles pour soustraire au 
couteau du chirurgien la chair délicate de l'éternelle blessée. 

Et vous avez admirablement réussi. Votre œuvre est des plus consi- 


361 NUMÉRO DU D" TRIPIER 


dérables. Le Président de notre Société la rappellera tout à l'heure. 
Vous avez été l'apôtre de l'électricité curative. Elle vous doit la plupart 
de ses méthodes et de son matériel in: trumental. 

Par une pensée pieuse, vos collaborateurs de la première heure, 
M. Léon Beaucourt, M. Gaiffe, ont réuni ici quelques uns de vos instru- 
ments avec les dates de leur invention. On y retrouvera bien des 
nouveautés, vicilles de cinquante ans, et qui nous reviennent 
aujourd hui sous des noms exotiques, des quatre coins du monde. 

Jamais vous n'avez élevé la voix pour une revendication. 

Toujours vous vous êtes effacé, et volontairement soustrait à toutes 
les distinctions, à tous les honneurs, à toutes les places auxquelles vous 
donnaient droit et vos travaux et les relations illustres qui tenaient à 
honneur de se proclamer vos amis ou vos obligés. Vous n'avez pu 
malgré tout échapper à la célébrité, et vous êtes devenu un chef d'école 
qui compte des élèves dans le monde entier. 

Vous avez débuté comme physiologiste avec Claude Bernard, dont, 
pendant plus de dix ans, vous étes resté le collaborateur et le confident 
intime. C'est grace à lui que je vous ai connu, il y a près de 35 ans. Et 
c'est un des actes du grand physiologiste qui lui donnent le plus de droit 
à ma reconnaissance. 

Cette puissance dans l'observation, ce scrupule dans l'expérimen- 
tation, ce désintéressement dans la recherche de la vérité, dont vous 
aviez été le témoin dans l'obscur laboratoire du Collège de France, vous 
en avez fait la règle inflexible de votre pratique médicale. 

Pour poursuivre l'observation de malades qui vous intéressaient, 
vous n'avez reculé devant aucun sacrifice de peine, de temps ou d'argent. 
Nous avions la consultation payante, nous avions la consultation gra- 
tuite, vous avez inventé la consultation payée. C'est la seule de vos 
méthodes qui soit à l'abri du plagiat. 

Nous fétons ce soir non seulement l'ensemble de votre belle œuvre 
médicale, mais aussi votre manière de pratiquer l'électrothérapie depuis 
plus d'un demi-siècle. 

Pour quelques-uns vous êtes une curiosité, pour de plus ares, un 
remords, pour tous vous restez un exemple de désintéressement et de 
dignité professionnelle. 

Mesdames et Messieurs, levons nos verres en l'honneur du père de 
l'électrothérapie française. 


— — — — er 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 365 


Discours de M. le D” OUDIN 


Président de la Société Française d'Electrothérapie 


Mon Cuer MAITRE, 


Quand le Comité directeur de cette tête m'a demandé d'apporter ici 
un résumé de vos travaux, je prévoyais bien qu'il me serait difficile 
d'ètre complet sans être trop long. Mais quand j'ai eu lu ou relu les 
80 mémoires et plus qui jalonnent votre longue carrière scientifique, 
j'avoue avoir eu un moment de découragement; car j'aurais voulu ne 
rien omettre, parce que partout je trouvais des choses intéressantes que 
je ne me sentais pas l'autorité nécessaire pour sacrifier. C'était, à toutes 
les pages, des aperçus ingénieux, des idées originales ; les paradoxes 
d'hier étaient devenus les vérités d'aujourd'hui, 

Pour être complet, il m'aurait fallu toucher à toutes les branches de la 
médecine, sortir des limites de la médecine, vous parler voyages, philo- 
sophie, législation, sociologie, voire même politique. Partout je trouvais 
l'empreinte d’un clair esprit, d'un jugement sain, un peu frondeur, épris 
de vérité et de justice : la synthèse en un mot des qualités de notre race 
dont l'œuvre de M. Tripier me semble une des plus nobles expressions. 

Pour me tirer d'embarras je me suis arrêté seulement à quelques 
étapes de cette longue route; et je vous prie de m'excuser, mon cher 
maitre, si, pour être bref, j'ai dù négliger trop de choses également 
bonnes, aussi intéressantes que celles que je vais rappeler : c’est parce 
‘que celles-ci me semblent mieux que d'autres indiquer votre méthode et 
avoir eu sur votre œuvre une influence dominante. 


M Tripier est avant tout et surtout un clinicien, mais un clinicien 
servi par de fortes éludes, et ayant débuté, dès 1854, par un long et 
sérieux apprentissage à l'Ecole de notre grand physiologiste Claude 
Bernard. C’est là que son esprit scientifique s’est formé, qu'il a pris sa 
précision et sa méthode. Aussi retrouverons-nous, dans tous ses travaux, 
ces deux étapes : d’abord l'observation très exacte, très minutieuse du 
malade, la recherche des meilleures voies thérapeutiques pour arriver 
à la guérison ; puis entre en ligne le physiologiste qui s'efforce de dégager 
les causes des résultats obtenus, qui rectifie les a priori du clinicien, et 
modifie, en les améliorant, ses procédés et sa technique. Cette double 
empreinte a marqué si profondément son esprit que voici une des der- 
nières phrases qu'il ait écrites : « Ceci m'a confirmé dans une impression 


360 NUMÉRO DU D" TRIPIER 


» générale dont l’origine date du début de ma carrière; à savoir que la 
- thérapeutique, alors dédaignée, et même mal vue à l’école, a toujours 
» posé les questions qu'il appartient à la physiologie normale ou patho- 
» logique de résoudre. » 


Un exemple bien topique de ceci nous est fourni par les travaux 
gynécologiques de Tripier, qui, vous le savez, sont une des parties les 
plus importantes de son œuvre. 

En 1859, il publiait un premier mémoire sur le traitement des 
déviations utérines par la faradisation. A cette époque, et beaucoup 
encore aujourd’hui, on ne voyait dans l'électricité que l'agent qui avait 
fait contracter les pattes des grenouilles de Galvani. Les réactions 
musculaires provoquées par l’état variable étaient seules considérées 
comme utiles. Les premiers mémoires de Duchenne de Boulogne avaient 
paru et ne traitaient que de recherches sur la contraction systématisée 
des muscles. 

En provoquant « une modification passagère de la forme des organes 
» capable de remédier dans un grand nombre de cas à certaines déforma- 
» tions passives », Tripier avait d’abord surtout songé à agir sur les 
déviations; il voulait faire contracter les muscles relàchés, faire, 
comme il le disait, une véritable orthopédie médicale. S’il escomptait 
aussi « la meilleure nutrition. les échanges plus actifs d'assimilation et de 
» désassimilation de muscles pathologiquement atones et dont les 
» contractions réveillées devaient favoriser la vitalité », il ne faisait pas 
jusque-là jouer à la circulation un rôle spécial, qui devait devenir 
prédominant. 


Mais l'élève avisé de Claude Bernard, qui avait dans le laboratoire du 
Maitre suivi ses travaux sur les vasomoteurs et sur le grand sympa- 
thique, ne pouvait en rester là. Dans une faradisation antérieurement 
pratiquée d'un kyste du cordon spermatique, Tripier avait eu la surprise 
de voir que, pendant le passage du courant, l'artère du cordon battait 
énergiquement, et que ces pulsations s'arrêtaient dès qu'il suspendait 
l'électrisation. 

Le souvenir de ce fait bien observé allait donner à ses recherches 
une nouvelle orientation : les choses ne se passeraient-elles pas de même 
dans la faradisation de l'utérus? 


Dans un second mémoire sur la faradisation utérine, paru en 1863, 
les modifications de la circulation sont déjà indiquées comme jouant un 
rôle important. Depuis lors, dans ses leçons cliniques, dans tous ses 
travaux, il insista de plus en plus sur le drainage vasculaire provoqué 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 307 


par la faradisation, sur l'intérêt qu’il présente dans les affections inflam- 
matoires chroniques, dans les congestions et stases sanguines, sur son 
retentissement inévitable sur la circulation lymphatique. 


En 1864, une suite à ce second mémoire montre enfin, dans une 
réunion d'observations disparates, que le système nerveux est peut-être 
le plus puissamment affecté par la faradisation, 

Je ne puis passer à côté de cette évolution sans songer à celle qui 
se faisait parallèlement, presqu’à la même époque, dans l'esprit de 
Duchenne de Boulogne. Cherchant à refaire des muscles atrophiés, 
par la gymnastique des contractions faradiques, il disait, quelques années 
plus tard, que l'exercice ne suffisait pas à expliquer ce qu'il constatait, 
et que si les nerfs trophiques n’existaient pas, il faudrait les inventer. 


De cette conception du drainage vasculaire par la faradisation en 
masse d’une région, et de son action résolutive par la provocation 
d'hyperémies passagères, devaient découler des conséquences pathogé- 
niques et thérapeutiques. L'emploi de la faradisation s’appliquerait d'une 
manière générale aux congestions passives et aux empàtements cellu- 
laires. Quittant le terrain gynécologique, Tripier l’étendait avec succès 
aux contusions, aux entorses, aux arthrites chroniques. 

Vers le début de ces recherches, Tripier s'était trouvé gêné par lin- 
commodité et le défaut de souplesse de la graduation des appareils 
volta-faradiques usuels. Après avoir constaté sommairement que les 
muscles sont surtout excitables par la quantité des courants, et les nerfs 
par leur tension, il construisit un appareil destiné à vérifier si ces 
conclusions n'étaient pas à modifier suivant les orientations constantes 
ou alternantes des courants induits successifs. L'épreuve ayant montré 
que, dans les conditions cliniques au moins, cette orientation était indif- 
férente, il adopta, pour la pratique médicale, le dispositif à hélices 
mobiles que vous connaissez et qui est resté, après 40 ans, ce qu'il était 
le premier jour. 


Ses premières recherches sur la faradisation utérine devaient orienter 
M. Tripier vers les deux voies qu'il a particulièrement suivies : la gyné- 
cologie et l’électrologie. 

Je ne puis même vous énumérer ici les nombreux travaux qu'il a 
consacrés aux maladies des femmes. Je dois pourtant rappeler que c’est 
à lui que nous devons le traitement des fibrômes par les topiques intra- 
utérins iodurés et par l’électrisation, des kystes de l'ovaire inopérables 
par la cautérisation tubulaire, les topiques alcalins, les crayons pâteux 
au savon, qui ont donné l'idée des crayons de glycérine solidifiée d'un 


i A —_û_—_—_—— — M; ne 


308 NUMÉRO DU D' TRIPIER 


usage courant aujourd'hui, Il est, je crois, le premier qui ait mentionné 
les varices utérines, périutérines, vulvaires, urétrales, et particulièrement 
insisté sur l'existence générale et l'importance pathogénique des varices 
viscérales. 


De sa dèjà longue pratique gynécologique est né, voici bientôt 24 ans, 
le livre des leçons cliniques sur les maladies des femmes. Eh bien! 
Messieurs, vous pouvez les relire aujourd’hui : vous verrez qu'elles 
n’ont rien perdu de leur verdeur. Elles abondent en aperçus origi- 
naux; malgré la hardiesse des idées que vous connaissez chez leur 
auteur, le grand sens clinique, le souci de la vérité et de l'honnêteté 
scientifique dominent si bien tout l'ouvrage qu'il en prend une véritable 
saveur classique. 

Je ne crois pas qu’on ait jamais écrit sur ce sujet rien de meilleur 
que le chapitre des flexions et déviations de l'utérus, rien non plus de 
meilleur que le chapitre des engorgements et des phlegmasies. Je sais bien 
que ces termes ne sont plus aujourd’hui de mode, mais n'est-ce pas 
plutôt à regretter? Ils répondaient à des états cliniques bien définis, et 
n’ont été remplacés par rien de plus clair. D'ailleurs le livre de Tripier 
est un livre de clinique et surtout de thérapeutique, et la clinique n'a pas 
changé. La tendance exclusive à rattacher engorgements et infections 
des surfaces muqueuses à des infections microbiennes, la vogue du 
curettage, si en faveur ces années dernières, semblent déjà l'être moins 
à présent. Et c’est encore aux injections pàteuses, à la faradisation et à 
la voltaïsation que nous donnons aujourd'hui la préférence, comme au 
temps où Tripier publiait ses leçons. 


Celles de ces leçons consacrées à l'arthritisme nous fournissent aussi 
un exemple du sens clinique qui lui a fait prévoir les théories actuelles. 
Il ne savait rien alors des auto-intoxications gastro-intestinales ni du 
ralentissement de la nutrition. Eh bien! on croirait que toute sa théra- 
peutique de l'arthritisme a été inspirée par les idées modernes. Il 
commence par dire son peu de foi dans tout traitement qui n’a pas 
pour but le bon fonctionnement de l'estomac ou de l'intestin; puis 
formule les préceptes les plus détaillés d'hygiène générale auxquels 
on n'aurait pas grand’chose à ajouter aujourd’hui. 

D'ailleurs ces questions d'hygiène ont toujours été particulièrement 
chères à M. Tripier, aussi bien celles d'hygiène individuelle que d'hygiène 
sociale qui lui ont inspiré plusieurs travaux sur la ventilation et 
l'assainissement des théätres, des hôpitaux et de l'habitation. 


Les monographies sur l'hystérie, qu'on serait tenté de regarder 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 369 


aujourd'hui comme classiques, ont été écrites en pleine période d’épidémie 
hystérique, alors que, sous l'influence des retentissantes leçons de 
Charcot, on fabriquait des hystériques dans tous les hôpitaux. Malgré 
la confusion qui régnait alors, à cet endroit, dans tous les esprits, Tri- 
pier a, sur nombre d'observations cliniques, étudié, sans dédain de la 
tradition, les points qui l'intéressaient plus particulièrement, c'est-à-dire 
l'électro-diagnostic et le traitement. 


Cette question de l'hystérie devrait me conduire à vous parler des 
nombreux mémoires consacrés aux maladies du système nerveux; mais 
je dois me restreindre : je ne puis les prendre en détail. Je veux pourtant 
en retenir une caractéristique montrant bien le souci de vérité et de justice 
qui a toujours inspiré Tripier. Marshall Hall, le grand physiologiste 
anglais, est certainement le premier qui ait démontré l’automatisme des 
fonctions de la moelle et leur quasi-indépendance des fonctions cérébrales. 
Pourquoi, méconnu par ses contemporains, a-t-il été presqu’oublié par 
ses successeurs? Or, Tripier a pour ainsi dire pris à tâche de corriger 
cette injustice, et dans tous ses travaux de neurologie nous voyons, 
comme un vrai leit motiv, revenir le nom et le rappel de l'œuvre de 
Marshall Hall. 


Malgré mon désir d'ètre bref, je ne puis négliger un chapitre 
d'électrothérapie des plus importants, qui, sans les travaux de Tripier, 
serait certainement tombé en défaveur : c'est la galvanocaustique 
chimique. 

La largeur de vues qui lui avait permis de formuler d'emblée 
l'étendue de sa découverte avait bien conduit Ciniselli à différencier 
l'escarre acide, positive, de l’escarre alcaline, négative; mais le chirurgien 
n'avait pas été plus loin, et, comme plus tard Aimé Martin dans le trai- 
tement des fibromes, il employait de préférence le pôle positif comme 
électrode active. Tripier montra que dans l’application ce n’était pas de 
la considération des escarres, mais de celle des cicatrices qu’il fallait 
partir; que les cicatrices acides étaient dures, élastiques, avec tendance 
à la rétraction, tandis que les cicatrices consécutives à une cautérisation 
alcaline, à une cautérisation négative, restaient souples, superficielles, 
non rétractiles. Le pôle négatif devait donc être seul employé pour la 
cure des rétrécissements, de ceux de l'urètre notamment, et aussi contre 
les atrésies cervico-utérines. Cette constatation n’a-t-elle pas conjuré 
l'abandon de la galvanocaustie chimique et réglementé la galvanocaustie 
thermique, à la suite desquelles on eut pu avoir souvent des récidives 
plus graves que les lésions traitées. 


370 NUMÉRO DU D' TRIPIER 


Mais, Messieurs, il faut me borner. J'ai, dans l’œuvre de Tripier, 
choisi quelques chapitres qui m'ont permis de vous montrer avec quelle 
maitrise il a traité et mis au point tout ce qu'il a touché. 

Au cours de sa route, il a semé les idées à la volée, ne s'arrêtant pas 
en chemin, ne s’inquiétant pas du terrain, négligeant la récolte; et nous, 
qui venons derrière lui, nous trouvons à chaque pas de quoi glaner dans 
son sillon. 

N'eût-il fait qu'une chose, inaugurer les applications viscérales de 
l'électricité, voir un des premiers tout le parti qu'on pouvait tirer de la 
faradisation et de la voltaïsation contre les phlegmasies profondes, et 
ouvrir ainsi une des voies les plus fécondes de l’électrothérapie moderne, 
ce serait assez pour que nous ayons contracté envers lui une grosse dette 
de reconnaissance. Nous sommes loin de nous acquitter aujourd’hui par 
cette réunion; mais nous serions pourtant satisfaits si elle pouvait laisser 
dans son cœur l'assurance que ses contemporains et ses élèves ont pour 
lui la plus sincère affection, la plus profonde et la plus respectueuse 
admiration. 


L'OŒUVRE DE TRIPIER 


En reproduisant quelques-unes des publications de A. TRIPIER, 
choisies parmi les plus capitales et qui d'ailleurs, pour la plupart, 
sont introuvables, la Rédaction a pensé répondre au désir de tous 
les amis de notre Maître. L'œuvre de Tririer, relative à l'Électro- 
logie médicale, la seule dont nous voulions nous occuper ici, ressortit 
à quatre grands chapitres de la médecine : 1° à la physiologie et à 
la pathologie du système nerveux ; 2° aux troubles de la circu- 
lation ; 3? aux affections génito-urinaires de l'homme ; 4° enfin à la 
pathologie spéciale à la femme 


Les mémoires que nous reproduisons, inconnus de beaucoup, 
seront lus avec fruit par tous. On y verra avec quelle largeur de 
vue, avec quel esprit philosophique et généralisateur, TRIPIER a 
abordé ces divers sujets, avec quelle élégance il trouve la solution 
des problèmes qu'ils soulèvent, et avec quelle souplesse il manie un 
agent thérapeutique encore si peu connu et quelles ressources il en 
tire. Ces extraits de l'œuvre de TriPier sont le complément nécessaire 
du discours d'Oudin et légitimeront le nom de PÈRE DE L'ÉLECTRo- 
THÉRAPIE, que le professeur d'Arsonval a si heureusement donné à 
notre cher et vénéré Maître. 


LA RÉDACTION. 


312 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Paralysies du mouvement. 
Note sur le rôle de l'examen électromusculaire 


dans leur histoire. 


Par M. A TRIPIER (de Paris). 


La lecture d'un certain nombre de publications — et des plus récentes 
— relatives à la pathologie nerveuse, m'a laissé la surprise de voir 
encore ignorées certaines notions de physiologie qui me semblaient 
devoir dominer cette partie de la nosologie, ou méconnue l'importance 
qu'elles peuvent avoir en clinique. 

Aussi crois-je utile de rappeler l'attention sur l'antagonisme des 
centres cérébral et spinal, en en reprenant l'histoire avant que la 
myolethe d'Heurteloup, et l’inhibition de Brown-Sequard eussent fait 
perdre de vue ce qui était acquis 

C'est par l'étude des puralysies cxpérimentales que le procès fut 
ouvert; c'est sous leur couvert que je rappellerai l’ébauche de classi- 
fication des paralysics du mouvement, la plus générale, la plus précise, 
la plus physiologique que je connaisse, classification qui, pour la France, 
remonte à 1855, et que je vois tous les jours encore inconnue, malgré 
les efforts que j'ai faits depuis trente ans pour la vulgariser. Elle a eu 
contre elle de se baser sur les grandes lignes au lieu de se fonder sur les 
épisodes cliniques; ce défaut est à mes yeux une qualité : il laisse du 
moins un cadre dans lequel on peut préparer l'étude des nuances. 

La classification — il serait plus exact de dire la division — que je 
viens rappeler, appart ent à Marshall Hall, qui est parti, pour l'établir, 
des paralysies expérimentales, de celles qui offrent les types les plus 
simples, les mieux définis, ceux auxquels il sera ensuite le plus facile de 
rapporter les nombreuses variétés présentées par la clinique. 


Lorsqu'on coupe le cordon nerveux qui fait communiquer le centre 
— encéphalique ou intra-rachidien — avec une région quelconque, avec 
un membre, par exemple, on abolit dans ce membre tout mouvement et 
toute sensibilité, le privant à la fois des moyens de transmettre au centre 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 373 


l'impression des actions exercées sur lui, et de l'excitation motrice qui 
lui arrivait de ce centre. Le cordon qu'on a coupé contenait, en effet, 
accolés les uns aux autres mais non confondus, et les filets sensitifs et 
les filets moteurs. 

Le membre ainsi séparé du centre nerveux reste immobile, paralysé. 
Les sollicitations de l’état électrique variable, portées sur le bout péri- 
phérique du cordon coupé, ou même directement sur les muscles, 
peuvent bien encore y provoquer des mouvements. mais ces mouvements 
ne s'observent qu’à une époque rapprochée du moment de l'opération; 
au bout de quelques jours, on n'obtient plus rien, soit qu'on agisse sur 
les nerfs, soit qu'on agisse sur les muscles. 

Les choses ne se passent plus de même lorsque, au lieu d'agir sur 
un nerf, on agit sur la moelle épinière, la divisant transversalement de 
manière à soustraire simplement à l'influence possible du cerveau les 
parties du corps qui reçoivent leurs nerfs de la portion de la moelle 
située au-dessous de la section. Dans ce cas encore, la partie inférieure 
du corps se montre immobile. Toutefois, incapable de mouvements 
volontaires ou spontanés, elle tressaille et se déplace lorsqu'une sollici- 
tation extérieure vient agir sur elle. De plus, si l'animal survit assez 
longtemps à l’opération, on peut constater la persistance de ces mouve- 
ments involontaires et de la faculté qu'ont les nerfs et les muscles de 
donner des mouvements lorqu'on vient à les exciter. 

La comparaison des phénomènes observés dans les deux cas a suggéré 
à Marshall Hall les vues les plus ingénieuses, les conclusions les plus 
fécondes. Des faits qui viennent d’être exposés il conclut que la commu- 
nication entre les nerfs sensitifs, centripètes, et les nerfs moteurs, 
centrifuges, est double; que ces nerfs sont reliés entre eux par une voie 
cérébrale, agent intermédiairc des phénomènes volontaires et conscients, 
et par une voie spinale, simple agent de transmission des excitations qui 
provoquent les mouvements involontaires, inconscients, auxquels il a 
conservé le nom de mouvements réflexes. 

Dans notre seconde expérience, alors qu'on a coupé transversalement 
la moelle épinière, il y a paralysie cérébrale des parties, inférieures à 
la section, c'est-à-dire soustraction, pour ces parties, de l'influence 
cérébrale, volontaire, consciente; mais les mouvements réflexes sont 
conservés, les nerfs sont demeurés intacts et excitables, les muscles 
continuent à se nourrir et sont tcujours contractiles. 

Dans la première expérience, après la section du nerf, les parties 
auxquelles se distribue son bout périphérique ont perdu leurs rapports 
nou seulement avec le cerveau, mais encore avec la moelle épinière ; 
tout mouvement, réflexe aussi bien que volontaire, y est aboli; de 


374 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


plus, les organes du mouvement, nerfs et muscles, s’atrophient au bout 
d’un temps peu considérable. Ces lésions de nutrition, que n'entrainait 
pas la paralysie cérébrale, ne sauraient être imputées qu'à la soustraction 
de l'influence spinale ; elles sont caractéristiques des paralysies qui 
reconnaissent cette dernière cause, et pour lesquelles Marshall Hall a 
proposé le nom de paralysies spinales. 

Marshall Hall nous a appris, de plus, que dans les paralysies céré- 
brales, c'est-à-dire dans celles où les parties paralysées sont soutraites à 
l'influence cérébrale, volontaire, où les mouvements réflexes sont 
conservés, souvent même exagérés au moins momentanément, la contrac- 
tilité musculaire, interrogée avec la voltaisation variable, est intacte ou 
exagérée; 

Que dans les paralysies spinales, où les parties paralysées sont sous- 
traites à l'influence du centre spinal, et où la motricité réflexe est, aussi 
bien que la motricité volontaire, amoindrie ou abolie, la contractilité 
musculaire, interrogée avec les variations d'état des courants voltaïques, 
se montre diminuée ou perdue. 

Dans les paralysies spontanées, l'analyse des phénomènes n'offre plus 
les mêmes facilités que dans celles liées à un traumatisme expérimental. 
Elles reconnaissent cependant pour cause prochaine une lésion qui ne 
peut être qu'une forme différente de traumatisme, et sont, suivant leur 
siège, cérébrales ou spinales. 

Cérébrales ou spinales, les paralysies sont complètes ou incomplètes. 

Dans les paralysies complètes, la distinction est facile entre l'affection 
cérébrale, où la contractilité interrogée avec la faradisation se montre 
intacte ou même exaltée, et l'affection spinale, ou cette propriété muscu- 
laire est amoindrie ou abolie. 

Mais dans les paralysies incomplètes, dans les paralysies spinales 
spécialement, il se présente des nuances d'autant plus délicates à apprécier 
que, d'une part, la portée des lésions pathologiques est extrêmement 
variable, absolument et relativement à la période de la maladie où se fait 
l'observation, et que, d'autre part, les courants d’induction de la pratique 
médicale, seuls employés pendant longtemps en clinique pour interroger 
les propriétés musculaires et la motricité, sont un réactif insuffisant pour 
fournir tous les renseignements désirables. 

Vraie dans les conditions où elle a été formulée, la loi de Marshall Hall 
comporte des amendements qui permettront d’accroitre les contributions 
de l'investivation électrique au diagnostic et au pronostic des paralysies. 


Avant de formuler ces amendements, je me permettrai une digression 
qui leur est une introduction nécessaire. 
Dans le cas où l’une des deux voies, cérébrale ou spinale, qui relient 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 375 


la périphérie sensitive à la périphérie motrice, éprouve une solution de 
continuité par suite d’une affection centrale, les actions dont l’autre voie 
est le siège se manifestent avec une énergie excessive. Marshall Hall 
l'avait vu pour les paralysies cérébrales, et avait avancé que dans ces 
paralysies la contractilité était augmentée. L'observation de quelques faits 
pathologiques m'a conduit à professer qu’un phénomène réciproque se 
produit dans certaines paralysies spinales ; que le cerveau devient alors 
capable d’une activité anormale, se traduisant notamment par l'absence 
du besoin de sommeil. Ces observations offrent des exemples à joindre à 
ceux établissant d’une manière générale que, deux organes étant fonc- 
lionnellement solidaires, si l'un deux reste assez sain pour conserver ses 
aptitudes physiologiques, tandis que l'autre les a perdues ou est sup- 
primé, l'autonomie du survivant les exagère au point de les montrer 
excessives à l'observateur qui les interroge avec des réactifs conve- 
nables. 

Dans une paralysie cérébrale, le nerf moteur est intact; le système 
isolé par la maladie est donc constitué par le nerf moteur et le muscle. 
L'autonomie commence au nerf moteur, dont les aptitudes exagérées se 
traduisent et par des réactions plus vives, lorsqu'on l'interroge direc- 
tement, et par une domination plus forte exercée sur le muscle, qu'il 
tient dans une dépendance plus étroite de son fonctionnement propre, le 
soustrayant, dans une mesure équivalente, à l’action des excitants, qui, 
dans les circonstances normales, auraient sur lui de l’empire. 

Dans les paralysies spinales, le nerf moteur est lésé, au moins dans 
ses origines; le système autonome est réduit au muscle. Celui-ci, peu 
sensible alors à l’action des réactifs qui le faisaient contracter en agissant 
sur le nerf moteur, devient beaucoup plus sensible à l’action des excitants 
qui s'adressent plus spécialement à lui, à l’action des excitants de la 
_ contractilité. 


C'est à l’occasion des réactions fournies par l'interrogation électrique 
des parties paralysées que j'ai pris les conclusions dont je viens d'exposer 
les données préliminaires. 

Des auteurs allemands avaient vu que, dans quelques paralysies, des 
muscles réfractaires à l’action des courants d’induction fournis par les 
appareils volta-faradiques usuels se contractaient, quelquefois énergi- 
quement, sous l'influence des variations d'état d’un courant voltaïque. 

Partant de la diversité de répartition des composantes de l'énergie 
dans les piles et dans les appareils d’induction, des données de physio- 
logie pathologique générale qui viennent d’être rappelées, les rapprochant 
des faits apportés par les auteurs allemands, d’autres faits oubliés et de 


376 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


quelques observations nouvelles, je me suis trouvé conduit à des conclu- 
sions auxquelles je crois un certain intérêt clinique. 

1° Quelle que soit leur origine, les courants électriques agissent, 
dans leurs variations d'état, sur la contractilité, propriété musculaire, en 
raison surtout de leur intensité, et sur les propriétés nerveuses (motricité 
et sensibilité), en raison surtout de leur tension. 

. 2° Les différences entre les réactions ainsi provoquées, moins appa- 
rentes et plus difficiles à interpréter lorsqu'on observe chez un sujet sain, 
où le muscle indirectement sollicité donne surtout les réactions du nerf, 
sont mises en évidence et bien caractérisées par l’analyse que réalisent 
certaines conditions pathologiques, en rendant leur autonomie à des 
organes qu’il devient ainsi possible d'observer à l'état d'isolement. 

3° Les paralysies dans lesquelles on a vu des courants voltaïques, 
courants de quantité, faire contracter des muscles rebelles aux courants 
induits, courants de tension, devaient appartenir à la classe des paralysies 
spinales. C’est en effet ce qui avait lieu. 

J'affirmais, de plus, que toutes les paralysies spinales incomplètes 
seraient trouvées dans ce cas; que dans toutes, lorsque le muscle est encore 
intact ou s’est rétabli, les courants de tension, réactifs du nerf, sont sans 
effet ou sans grand effet, tandis que les courants de quantité, réactifs du 
muscle, déterminent des réactions plus énergiques qu’à l'état normal. 

4° Les vues théoriques qui m'avaient conduit à formuler cette loi 
générale, dont les quelques faits de paralysies spinales auxquels j'ai fait 
allusion plus haut n'étaient que des cas particuliers, pouvaient trouver 
une nouvelle confirmation dans leur application à l'interprétation de ce 
qui s'observe dans les paralysies cérébrales. J'ai constaté, en effet, qu'ainsi 
que la théorie m'avait permis de le prévoir, les manifestations réaction- 
nelles, excessives dans ces paralysies pour les excitations qui s'adressent 
au nerf moteur, pour les excitations de haute tension, sont très amoindries 
pour celles qui affectent surtout le muscle, pour les excitations de 
quantité. 

5° La loi de Marshall Hall doit donc être ainsi amendée : Les apti- 
tudes motrices, musculaires et nerveuses, conservées dans les paralysies 
cérébrales, y sont surtout mises en évidence por les excitations de haute 
tension, tandis que le degré de persistance ou de restauration des 
aptitudes musculaires dans les paralysies spinales est surtout révélé 
par l'application des excitations de quantité. 

Avant qu’on interrogeàt les nerfs avec des courants voltaïques pour 
y rechercher les réactions qu'Erb a appelées de dégénérescence, nous 
avions donc, en amendant la loi de Marshall Hall, un moyen rapide, 
d'une exécution qui me parait plus pratique, de résoudre la plupart des 


Eu {em E e EA ka e 
it 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 377 


questions de diagnostic localisateur et étiologique que soulève l'étude 
des affections paralytiques : au lieu d'interroger les nerfs, on interrogeait 
les muscles. 


Duchenne a tiré un parti remarquable de ces interrogalions muscu- 
laires pour faire certains diagnostics différentiels. Il a toutefois méconnu 
le caractère physiologique général des expériences de Marshall Hall. Il 
employait exclusivement la faradisation comme réactif. 


Je n'ai retenu jusqu'ici que l'influence sur les muscles de la quantité 
du courant rapidement interrompu; il y aurait lieu de tenir compte aussi 
de la durée de son action, plus courte dans la faradisation que dans 
l'interrogation voltaïque. Avec un appareil magnétofaradique de A. Gaiffe 
du type Clarke, monté en vue de cet essai avec un fil nn peu gros, nous 
avons, chez un paralytique saturnin, obtenu des contractions musculaires, 
alors que nous n'en avions pas lorsque nous usions d'une bobine voltaïque 
à gros fil. Cette influence de la durée de la variation d'état appelle, elle 
aussi, de nouvelles études. 


11 n’a été question jusqu'ici que des paralysies du mouvement qui 
reconnaitraient pour cause une lésion nerveuse. N’en est-il pas d'autres; 
et, le système nerveux restant intact, n’y aurait-il pas «les paralysies du 
mouvement d’origine musculaire ? Cette question avait toujours été 
résolue par l’affirmative, lorsque, re:herchant, dans les observations 
publiées comme exemples de paralysies musculaires, quels pouvaient 
être les caractères de ces affections, je me trouvai amené à conclure que 
dans tous les exemples donnés comme tels, l'affection musculaire était 
consézutive et sous la dépendance d'une lésion nerveuse. Cette conclusion 
n’était toutefois que provisoire et subordonnée à l'acquisition de nouveaux 
faits qui pouvaient l'infirmer. S'en est-il produit depuis, en dehors des 
faits d'intoxication expérimentale aiguë amenant la mort par arrêt du 
cœur ? Je l'ignore. 

Je viens d'examiner dans ses grandes lignes un des éléments du 
diagnostic des paralysies; je n'insisterai pas aujourd’hui sur les contri- 
butions que ce moyen de diagnostic, qui nous permet parfois d'assister 
à la transformation d'une paralysie cérébrale en paralysie spinale, peut 
déjà fournir au pronostic. Cette étude comporte une revue préalable des 
travaux d'ordre expérimental dans lesquels Ia question des naralysies 
traumatiques a été soumise à une analyse rigoureuse. On sait que les 
physiologistes ont soigneusement étudié les altérations consécutives à la 
section des nerfs et à la guérison spontanée de ces traumatismes. Après 
la section d'un nerf mixte, il y a paralysie du mouvement et du sentiment 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. == JUIN 1907. 27 


378 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


dans les parties auxquelles se distribue ce nerf; bientôt le bout périphé- 
rique du nerf coupé se détruit inévitablement; les muscles de la région 
paralysée s'atrophient quoi qu'on fasse. Puis arrive la période de 
réparation : de nouveaux éléments nerveux peuvent se reformer sur 
place, les muscles reparaitre, les instruments de la fonction se trouver 
restaurés. On prévoit qu’en clinique chaque cas exigera des examens 
espaces que nous devrons nous appliquer à soumettre à des formules 
systématiques, et que c'est du résultat de leur examen que découleront 
surtout les indications thérapeutiques. 

Les points sur lesquels j'ai simplement voulu aujourd'hui appeler 
l'attention, parce qu'ils me paraissaient oubliés à tort, sont la loi de 
Marshall Hall, l'extension et les amendements qu'elle comporte, et 
l'intérét clinique qu'offre déjà l'examen électrique réduit à l'interrogation 
musculaire, 


Introduction à l'étude analytique 


de la pathologie nerveuse. 
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX 


Par M. A. TRIPIER. 


Les tissus, et à plus forte raison les organes, doivent être considérés 
comme des machines dont les différences de configuration et de texture 
ont pour rôle de varier à l'infini la distribution, et, par suite, la résultante 
d’un système de forces. C'est dans l'élément histologique qu'est localisée 
chacune des composantes ; c'est dans cet élément qu'il faut rechercher les 
conditions de production et de manifestation des diverses expressions 
fonctionnelles. C'est, enfin, l'élément histologique qui devient malade, et 
le véritable but de la thérapeutique est de ramener au type physiologique 
normal la manière d’étre d'un système donné de cellules ou de fibres. 

Avant donc d'entreprendre, dans un ordre qui nest rien moins que 
dogmatique, une revue des applications de l'électricité à la thérapeutique, 
je crois indispensable de présenter un exposé rapide de l'état actuel de nos 
connaissances sur les propriétés, les fonctions et le mode de distribution 
de l'élément nerveux. Cet exposé est une introduction indispensable aux 
études de pathologie générale qui nous seront nécessaires pour rechercher 
à quels points de vue communs pourraient être ramenées les questions 
spéciales qui feront l'objet d'articles séparés, 

Les expressions fonctionnelles qui devront être examinées ici, soit 
comme types normaux, soit comme déviations de ces types, doivent, pour 
se prêter à l'étude, être sensibles ; ce n'est qu'à cette condition qu'elles 
peuvent constituer des symptômes ou des signes. Or, les états divers du 
système nerveux ne peuvent se traduire que par des mouvements. Les 
faits de conscience eux-mêmes ne sauraient être exprimés autrement. 

La cause immédiate des mouvements qui s'exéeutent chez les étres 
vivants est le raccourcissement des éléments histologiques qu'on dit doués 
de contractilité, 


A 


380 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Toutefois, la contractilité n'entre en jeu qu'à la condition d'une 
stimulation préalable que, dans les conditions normales, dispense 
l'appareil nerveux moteur, et que préparent les appareils nerveux 
centraux et sensitifs. 

Nous aurons à rechercher si, à défaut de cette stimulation normale 
par le système nerveux moteur, la contractilité ne peut pas se manifester 
sous l'influence d une stimulation directe d'ordre physico-chimique. Cette 
condition possible doit être prise en considération dans l'analyse de 
certains résultats. Nous nous bornerons aujourd'hui à l'étude des cas 
dans lesquels le mouvement est le résultat de la stimulation physiologique 
par le système nerveux, recherchant dans quelles conditions se produisent 
ces mouvements, et jusqu'à quel point ces conditions permettent de les 
rattacher à des origines semblables ou différentes. 


Il n’y a pas lieu de rechercher comment l'activité du nerf moteur agit 
sur la contractilité ; la relation de cause à effet entre ces deux ordres de 
phénomènes est la seule condition qu'il importe actuellement de constater. 

Or, si l’on excite directement un nerf tenant à la moelle épinière ou 
récemment séparé d'elle, on constate qu’une excitation modérée provoque 
des contractions dans les muscles auxquels se distribue ce nerf. Lorsque 
le nerf est coupé, c’est l'excitation du bout périphérique qui provoque des 
contractions muscu'aires ; l'excitation du bout central ne donne rien, au 
moins dans ces parties. . 

L'appareil incito-moteur, dont l'action se traduit toujours par des 
résultats identiques, est donc le véhicule d’une excitation qui met en jeu 
la contractilité. Cette excitation se propage du centre à la périphérie. 
L'appareil nerveux moteur est l'appareil nerveux centrifuge. 


Quelles sont maintenant les circonstances dans lesquelles se manifeste 
l'activité de l'appareil nerveux moteur ? 

Bien avant de pouvoir déterminer les conditions prochaines de 
l'exercice de la motricité, on est frappé du rôle que peuvent jouer dans 
les phénomènes de mouvement les deux conditions de volonté et de cons- 
cience sur lesquelles le but spécial que nous poursuivons exige que nous 
nous arrètions. Pour le clinicien, en effet, les mouvements peuvent être 
tout d'abord caractérisés et différenciés par l'existence ou l'absence de ces 
deux conditions fonctionnelles. | 

Les mouvements volontaires sont toujours conscients. Cette première 
proposition, évidente quand on observe l’homme en santé, peut le paraitre 
moins dans certaines circonstances pathologiques, dans la paralysie de la 
sensibilité ou micux du sens musculuire, par exemple. Mais limpos- 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 381 


sibilité d'exécuter des mouvements volontaires dans l'obscurité, et la 
nécessité de régler par la vue la portée des mouvements exécutés à la 
lumière, montrent que, même chez les sujets privés du sens musculaire, 
aucun mouvement volontaire n'est inconscient, et que la conscience de 
ces mouvements, acquise soit directement par le sens musculaire, soit 
par le sens de la vue, est indispensable à leur accomplissement. 

Quant aux mouvements involontaires, ils sont tantôt conscients et 
tantôt inconscients. Les mouvements réflexes causés par une douleur ou 
par le chatouillement, les tics, les mouvements irrésistibles, sont 
conscients ; les mouvements accomplis par les organes de la vie végétative 
sont inconscients. D'autres mouvements inconscients s'observent dans 
certains organes de la vie de relation, dans les organes des sens, par 
exemple. On peut dire d’une manière générale que toutes les parties 
contractiles peuvent étre le siège de mouvements involontaires ; que les 
mouvements involontaires qui, dans l'état de santé. sont inconscients, le 
sont encore moins dans les maladies ; mais il peut arriver dans les circons- 
tances pathologiques que des mouvements qui normalement sont 
conscients, deviennent accidentellement inconscients. L'état morbide peut 
restreindre le nombre et la portée de nos aptitudes fonctionnelles ; 
j'espère établir, dans la suite de ces études, qu’il n'y ajoute jamais. 


Ce qui précède montre que si le mécanisme prochain des divers 
ordres de mouvements est identique, ceux-ci reconnaissent cependant 
des mécanismes éloignés différents : leurs origines et les conditions 
physiologiques dans lesquelles ils se produisent ne sont pas les mêmes. 

Examinons maintenant les hypothèses qui peuvent être faites à ce 
sujet, et voyons dans quelle mesure elles sont légitimées ou infirmées 
par les faits. 

Et d'abord il n’y a pas lieu de s’arrèter à l'hypothèse d'une motricité 
spontanée. Pas plus que le système musculaire, le système nerveux 
moleur ne peut, de lui-même, entrer en activité. Il faut qu'un excitant 
vienne le tirer de son inertie; que l'intervention d'une force vienne le 
solliciter au mouvement. 

Il arrive tous les jours, dans les vivisections, qu'on ait recours, pour 
produire des mouvements, à des excitations portées directement sur les 
nerfs moteurs. On comprend difficilement que cette excitation directe 
soit, en admettant qu'elle puisse se produire chez l'individu vivant, 
autre chose que la très rare exception. Aussi, de méme que j'ai réservé 
pour un examen ultérieur les cas où l'on serait tenté d'admettre une 
excitation directe de la contractibilité, de mème je me réserve de recher- 
cher, à propos des faits pathologiques, si une excitation ne peut acci- 
dentellement agir directement sur l'élément incito-moteur. 


382 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


A défaut d'une excitation physico-chimique directe qui, chez l'in- 
dividu vivant, lui fait normalement défaut, le nerf moteur reçoit néces- 
sairement son excitation physiologique de quelque organe avec lequel 
il est en rapport. Or, comme la fonction incito-motrice est centrifuge, 
cette excitation ne peut lui venir que du centre ou par le centre. 

Marshall-Hall admet que l'excitation du nerf moteur peut avoir 
son point de départ dans le centre nerveux. Il donne à cet ordre d’exci- 
tations le nom d'excitations centriques, qui leur sera conservé ici. 

La réalité des excitations centriques pourrait être matière à discussion. 
A l'état normal, on doit les admettre au moins pour les mouvements 
volontaires. Mais il est des faits pathologiques qui ne permettent guère 
d'en révoquer en doute l'existence : je ne citerai pour le moment que 
certaines contractures, me réservant d'examiner plus tard d'une manière 
générale si quelques phénomènes pathologiques ne sont pas en rapport 
avec une excilation interne anormale de certains éléments histologiques, 
comparable aux excitations chimiques que nous produisons tous les jours 
dans la pratique des vivisections. 


En dehors des deux conditions dont nous venons de réserver l'examen 
et dans lesquelles le mouvement résulterait, soit d'une excitation physico- 
chimique du muscle, soit d'une excitation centrique du nerf moteur, 
l'observation montre qu’on trouve toujours comme cause de mouvement, 
une sensation. Tous les agents du milieu cosmique agissent comme exci- 
tants de l'appareil nerveux sensitif ramifié à l'infini sur les surfaces 
cutanées et muqueuses, Chaque sensation est suivie d'un mouvement 
involontaire, conscient ou non. 

En coupant un nerf mixte, on supprime, et la perception des sensa- 
tions conscientes qu'il donnait, et tout un ordre de mouvements qui se 
montraient comme conséquences de ces sensations, aussi bien dans les 
parties éloignées que dans celles où se ramifiait le nerf coupé. En exci- 
tant le bout central de ce nerf mixte coupé. on provoque, et des sensa- 
tions, et des mouvements de parties autres que celles auxquelles se 
distribuait le nerf coupé. Il résulle de là que l'excitation de la sensibilité 
peut provoquer des réactions générales, tandis que l'excitation de la 
motricité donne des réactions locales, limitées, ainsi que nous l'avons vu, 
aux parties daus lesquelles se ramitie le nerf moteur excité. On verra 
plus tard combien est grande l'importance de cette notion dans l'inter- 
prétation des phénomènes physiologiques et pathologiques. 

L'excitation du bout périphérique du nerf mixte coupé ne donne 
aucune sensation, et ne produit de mouvements que dans les parties 
auxquelles il se distribue, Ces mouvements sont dus nécessairement 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 383 


à l'excitation de l'élément incito-moteur. C’est donc dans le bout central 
que demeurent les aptitudes sensitives du nerf, d'où l'on doit conclure 
que la fonction sensitive est centripète. 

On donne le nom de mouvements réflexes aux mouvements conscients 
ou non, mais involontaires, qui suivent une excitation de l'appareil 
nerveux centripète ou sensitif. En donnant à ces mouvements le nom de 
mouvements réflexes, on a voulu exprimer que l'excitation périphérique 
initiale affectant l'appareil sensitif devait, pour revenir à la périphérie 
sous forme d'excitation incito-motrice centrifuge, s'être transformée et 
réfléchie en quelque sorte en un point intermédiaire qui ne peut être que 
le centre nerveux. 


L'observation la plus superficielle montre tout de suite que les mou- 
vements réflexes sont tantôt conscients, tantôt inconscients, et qu'une 
même excitation de l'appareil centripète provoque à la fois des réactions 
de ces deux espèces. 

Or, la complication des éléments fonctionnels qui entrent en jeu dans 
la production des mouvements réflexes permet de subdiviser encore 
chacune des espèces ci-dessus. Indépendamment des caractères tirés des 
conditions de la motricité, il y a lieu de tenir compte de ceux qui sont 
offerts par les conditions de la sensation qui est ou n’est pas perçue, d'où: 


1° ayant pour point de départ une sensation 


Mourements réflexes perçue ou consciente. 
conscicnts. 20 ayaut pour point de départ une sensation 
inconsciente. 


3° ayant pour point de départ une sensation 


Mourements réflexes perçue ou consciente, 
inconscients, 49 ayant pour point de départ une ser sation 
inconsciente. 


D’après les idées de localisation qui rattachent à l'appareil cérébro- 
spinal tous les phénomènes nerveux conscients, et à l'appareil ganglion- 
uaire les phénomènes nerveux inconscients, il faudrait voir : 

1° Dans les mouvements réflexes conscients ayant pour point de 
départ une sensation perçue, une réaction de l'appareil cérébro-spinal 
provoquée par une excitation venue de l'appareil cérébro-spinal ; 

2° Dans les mouvements réflexes conscients ayant pour point de 
départ une sensation inconsciente, une réaction de l'appareil eérébro- 
spinal provoquée par une excitation venue de l'appareil ganglionnaire; 

3° Dans les mouvements réflexes inconscients ayant pour point de 
départ une sensation perçue, une réaction de l'appareil ganglionnaire 
provoquée par une excitation venue de l'appareil cérébro-spinal ; 


384 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


4° Dans les mouvements réflexes inconscients ayant pour point de 
départ une sensation inconsciente, une réaction de l'appareil ganglion- 
naire provoquée par une excitation venue de l'appareil ganglionnaire. 

Rappelons enfin que, dans beaucoup de cas, ces quatre genres de 
mouvements réflexes se produisent simultanément; que toujours, dans 
les circonstances normales, on en rencontre au moins deux. 


Après avoir analysé les conditions d’exercice de la sensibilité et de la 
motricité sur lesquelles on doit s'arrêter tout d'abord dans les investiga- 
tions cliniques, il me reste à poursuivre cet examen cans les fonctions 
intermédiaires : perception, volonté, transformation réflexe de la sen- 
sation en excitation motrice. 

Les faits d'observation ou d’expérimentation qui nous fournissent les 
données les plus générales entraïnent déjà avec eux une localisation 
grossière des fonctions. Ainsi l'étude sommaire qui précède montre que 
les fonctions de motricité et de sensibilité sont localisées dans les nerfs, 
et que c’est le centre cérébro-spinal qui est le siège des fonctions inter- 
médiaires, au moins lorsque, dans l'acte qui met à la fois en jeu la sen- 
sibilité et le mouvement, l’une de ces deux expressions fonctionnelles est 
consciente, 

L'ablation du cerveau ou la décapitation supprime les mouvements 
volontaires. 

Si cependant, après cette opération, on irrite une partie sensible, 
des mouvements peuvent se produire, non seulement dans la partie 
excitée, mais dans des parties éloignées et recevant leurs nerfs d’une 
portion du centre supérieure à celle qui fournit les nerfs à la partie 
irritée. L’ablation du cerveau a donc supprimé la volonté, tout en laissant 
subsister la propagation centripète des excitations et les phénomènes 
réflexes. 


Les réactions volontaires pouvant seules faire juger des faits de 
perception ou de conscience, il semblerait devoir résulter de ce qui 
précède que la question de leur localisation est insoluble, puisque dans 
les cas où le centre volontaire cesse ses fonctions, il est impossible de 
savoir s'il y a perception. 

Cependant le phénomène de perception étant nécessairement central, 
et les rapports de la perception avec les délerminations volontaires étant 
très étroits, on s’est trouvé conduit à supposer à ces deux facultés un 
siège commun encéphalique Mais des faits pathologiques viennent 
fournir une solution très nette et très satisfaisante de cette question, en 
montrant que dans certaines lésions des parties supérieures de la moelle 
épinière, les sensations de la partie inférieure, sensations capables de 


NUMÉRO DU D° TRIPIER 389 


provoquer des mouvements réflexes, ne sont pas perçues. Les phénomènes 
de conscience sont donc, comme les phénomènes volontaires, encé- 
phaliques. 


Passons au centre spinal. 

C'est, en dehors des conditions de perception et de volonté, le trait 
d'union entre les appareils sensitif et incito-moteur, la surface de réflexion 
des excitations qui, apportées de certains points périphériques par le 
jremier, sont renvoyées à d'autres points périphériques par le second. 

Les phénomènes de volonté et de conscience étant encéphaliques, 
c'est par l'analyse des manifestations motrices chez un animal décapité 
que nous devons chercher à nous faire une idée du rôle physiologique 
de l'axe spinal. 

Pour que les mouvements réflexes qui s'observent chez un animal 
décapité puissent se produire, il faut qu’il existe dans la moelle épinière 
une communication entre les extrémités centrales des appareils sensitif 
et moteur. 

On doit admettre une communication directe puisqu'il est des exci- 
tations de la sensibilité qui déterminent des mouvements limités à la 
partie excitée. Cette communication complète, au niveau du centre, l'arc 
nerveux qui, parti de la périphérie par les filets sensitifs, y revient par 
les filets moteurs. Je désignerai, avec Marshall-Ball, sous le nom de 
commissure centrale diastaltique, ce trait d'union entre les deux 
appareils centripète et centrifuge. 

Mais la commissure diastaltique directe n’est pas la seule communi- 
cation qui existe entre ces deux appareils : la voie est bien plus large. 

En effet, opérant toujours sur un animal décapité, agissons sur la 
périphérie de l'appareil nerveux sensitif avec une excitation plus éner- 
gique que celle qui a donné des mouvements réflexes limités à la partie 
excitée, nous aurons des mouvements réflexes généraux. 

L'arc diastaltique ne doit plus dès lors être considéré comme unissant 
brin à brin les fibres d'une méme paire nerveuse pour constituer la paire 
complète par l’accolement d'un grand nombre de paires élémentaires, 
mais comme un large conducteur mettant chaque extrémité sensitive 
centrale en rapport avec toutes les origines motrices. 11 faut voir dès 
lors dans l'arc diastaltique une masse conductrice, offrant vraisemblable- 
ment une certaine résistance à la propagation des excitations, puisqu'une 
excitation moindre est nécessaire pour produire les réactions réflexes 
circonscrites. 


Faisons maintenant porter l'observation, non plus sur un animal 


386 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


décapité, mais sur un animal entier et vivant. Les phénomènes vont se 
compliquer singulièrement 

L'excitation, cutanée par exemple, en même temps qu’elle peut 
produire un mouvement réflexe, est perçue. Do là, deux ordres nou- 
veaux de phénomènes : 19 la perception, phénomène de conscience; 
2° des notions, phénomène intellectuel. 

Un nouvel appareil, double sans doute, est donc interposé dans 
l'encéphale sur une portion de l'arc diastaltique, représentant une 
seconde voie de communication entre les appareils sensitif et moteur 
Je l'appelierai are cérébral. 

Physiologiquement, le centre cérébro-spinal peut donc étre divisé 
en deux parties. La première répondrait à l'ensemble des commissures 
diastaltiques ; la seconde, à l’ensemble des commissures cérébrales. On 
ne saurait trop insister à cette occasion sur la nécessité de ne pas perdre 
de vue que cette distinction physiologique ne correspond pas à la fiction 
anatomique: que le cerveau ne représente pas seulement l'arc cérébral, 
et la moelle l'are diastaltique; qu'une portion de l'arc cérébral appar- 
tient au prolongement décrit sous le nom de moelle épinière, et que des 
commissures diastaltiques existent dans l’encéphale. 


Lorsqu'on a cherché à déterminer le siège organique des aptitudes 
distinctes révélées par l'observation, on a regardé comme conducteurs 
de la motricité volontaire les nerfs qui se rendent dans les organes doués 
de mouvements volontaires, et comme conducteurs de la motricité 
involontaire les nerfs qui se distribuent aux viscères. Une apparence 
différente de ces deux ordres de rameaux nerveux rendait très vraisem- 
blables les hypothèses faites sur leurs aptitudes. Tandis que les nerfs 
destinés aux organes volontaires émanent évidemment de la moelle 
épinière et se rendent à leur destination par un trajet direct, les nerfs 
destinés aux organes involontaires semblent émaner d'une double chaine 
de ganglions située sur les côtés de la colonne vertébrale, en dehors et 
en avant du canal rachidien, après quoi ils s’anastomosent entre eux de 
mille manières et se rendent aux organes par un trajet flexueux. 

Le système nerveux pourrait donc se dédoubler, en quelque sorte, 
en deux appareils : l'appareil cérébro-spinal, répondant à la motricité 
volontaire et à la sensibilité consciente, et l'appareil grand sympathique 
ou ganglionnaire, répondant à la motricité involontaire et à la sensibilité 
ordinairement inconsciente. 

L'histoire de l'appareil ganglionnaire est loin d'être aussi avancée 
que celle de l'appareil cérébro-spinal. 

L'observation établit bien d'une manière générale, dans l'appareil 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 387 


ganglionnaire, l'existence de nerfs sensitifs et moteurs; mais quand on 
veut passer de là à l'étude des propriétés d'un nerf déterminé, on se 
trouve en présence de sérieuses difficultés. Les réactions sont moins 
nettes, plus lentes à se produire; les variétés individuelles plus nom- 
breuses et plus marquées; des propriétés, qu’on pourrait supposer 
identiques, offrent, dans des nerfs différents, des différences de degré qui, 
pour peu que les phénomènes observés soient complexes, deviennent 
une source d'erreurs d'interprétation. 

C'est d’ailleurs à l’aide d’excitations artificielles qu'on étudie les 
propriétés des nerfs, c'est-à-dire leur aptitude à réagir. Parmi les 
excitants ordinairement employés, l'électricité mérite la préférence 
comme le plus commode et le seul qui, jusqu'ici, ait pu, bien qu'avec 
une facilité variable, éveiller l'activité fonctionnelle de tous les nerfs. 
Or, tandis que dans l'appareil cérébro-spinal une faradisation suftisante 
pour exciter les nerfs moteurs reste sans action bien marquée sur les 
nerfs sensitifs, la sensibilité se montre, dans l'appareil ganglionnaire, 
aussi et plus excitable que la motricité. Cette circonstance, jointe à 
l'irrégularité de la distribution des filets et de leurs anastomoses, ne 
permet pas toujours de distinguer facilement les mouvements dus à 
l'excitation de l'élément incito-moteur des mouvements réflexes dus à 
l'excitation des fibres sensitives contiguës. 

On sait donc que les nerfs ganglionnaires renferment des éléments 
moteurs et des éléments sensitifs, mais leur mode de répartition et leurs 
rapports anatomiques sont peu connus. 


Les phénomènes de resserrement et de dilatation vasculaires qui 
constituent un des ordres de mouvements les plus intéressants, tant au 
point de vue physiologique qu'au point de vue pathologique, sont sous la 
dépendance des nerfs de l'appareil ganglionnaire, 

M. Claude Bernard a montré, en 1852et depuis, que la section des nerfs 
vasculaires amène une dilatation des vaisseaux avec activité plus granda 
de la circulation et exaltation des phénomènes calorifiques. L’excitation 
des mèmes nerfs produit, au contraire, un resserrement des vaisseaux 
avec diminution et même arrêt de la circulation dans ces vaisseaux, et’ 
abaissement de la température des parties auxquelles ils se distribuent, 

Le sympathique préside donc à des mouvements que leur but fonc- 
tionnel sépare nettement les uns des autres. Mais tous ces mouvements 
offrent un caractère commun : ils sont exclusivement réflexes, involon- 
taires et inconscients. 


La simple observation des influences sensitives inconscientes sur les 
mouvements conscients, et des sensations conscientes sur les mouvements 


388 ANNALES D'ÉLECTROBIOI.OGIE 


inconscients, devait conduire à admettre entre les appareils cérébro-spinal 
et ganglionnaire une solidarité basée anatomiquement sur un échange de 
filets. 

La première constatation exacte dont la nature des rapports de ces 
deux appareils ait été l'objet, est due à MM. Budge et Waller (1851). A 
l'aide d'une méthode dont nous aurons à parler bientôt, ces physiologistes 
constatèrent une origine spinale au filet cervical ascendant. 


Fallait-il généraliser cette donnée et assigner une origine spinale à 
tous les nerfs moteurs du grand sympathique ? 

— Récemment, M. Claude Bernard s’est assuré, par des expériences 
portant sur les nerfs de la tête et des membres, que les filets qui sortent 
de la moelle pour contribuer à former les nerfs ganglionnaires ne renfer- 
maient pas les fibres vaso-motrices ; et que, par conséquent, les nerfs 
moteurs vasculaires ou calorifiques sont distincts non seulement des nerfs 
moteurs ordinaires, mais encore des nerfs moteurs involontaires. Avant 
de se mêler aux nerfs mixtes, les nerfs vasculaires émanent constamment 
des ganglions du sympathique qui en représenteraient le point central 
d'origine. 


Ces ganglions, qui sont des centres pour certains. filets moteurs, se 
comportent-ils, au point de vue des phénomènes réflexes, comme des 
centres indépendants ? Il est certain qu'ils reçoivent des excitations de 
la moelle ; peuvent ils en recevoir qui n'aient passé par elle ? 

Des expériences de M. Claude Bernard, faites sur le ganglion sous- 
maxillaire, montrent que ce ganglion est le centre d'action réflexes qui se 
passent en dehors de l'appareil cérébro-spinal. 

Cependant le gangli n sous-maxillaire, séparé du centre encéphalique, 
parait perdre ses propriétés ainsi que les nerfs avec lesquels il est en 
connexion. Il y aurait donc, dans ce ganglion, par rapport au centre 
encéphalique, à la fois indépendance et subordination. 

Si l'on tient compte maintenant de ce fait que les actions réflexes dont 
le centre connu est cérébro-spinal sont croisées, tandis que les mouve- 
ments réflexes vasculaires produits par une excitation locale sont unila- 
téraux et circonscrits au point excité, on se trouvera conduit à généraliser 
Ja conclusion des expériences faites sur le ganglion sous-maxillaire et à 
admettre comme infiniment probable que les actions réflexes vaso-motrices 
peuvent se produire en dehors de la moelle ; ce qui ne veut pas dire que 
les ganglions, qui sont les centres de ces phénomènes réflexes, ne puissent 
pas servir de surface de réflexion à des irfluences sensitives ayant passé 
par le centre spinal. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 389 


Nous venons de passer rapidement en revue les conditions physio- 
logiques les plus générales de l’activité du système nerveux. On a pu 
voir que la considération des manifestations fonctionnelles capables de se 
montrer à l’état d'isolement fournissait déjà les bases d'une première 
analyse. Les vivisections permettent ensuite de localiser les fonctions. 
Nous nous sommes à peine arrêté jusqu'ici sur ces questions de locali- 
sation, qui doivent maintenant nous occuper : seules elles peuvent diriger 
et justifier les investigations de l'anatomie pathologique. 

On a vu que l'excitation des bouts qui résulte de la section d'un nerf 
donne des contractions locales lorsqu’e'le porte sur le bout périphérique, 
et des sensations, également locales, mais capables de produire par 
mécanisme réflexe des réactions motrices générales, lorsqu'elle porte sur 
le bout central. 

Les propriétés sensitives et motrices paraissent jusque-là dévolues à 
un même organe, dans lequel les deux ordres d'excitalions se propage- 
raient seulement en sens inverse, ou plus exactement, aux extrémités 
opposées duquel se trouvent les instruments des deux ordres de réactions. 

Remontant vers la moelle épinière, on voit, lorsque la section porte, 
non plus sur le tronc du nerf mais sur ses racines, que la section de la 
racine antérieure est suivie de l'abolition du mouvement dans les parties 
auxquelles se distribue le nerf; mais que, celte fois, la sensibilité y est 
conservée. La section de la racine postérieure y est suivie, au contraire, 
d'une abolition de la sensibilité avec conservation de la motricité. Si on 
excite alors les bouts des racines coupées, on trouve que l'excitation du 
bout périphérique de la racine antérieure donne des mouvements, tandis 
que l'excilation de son bout central ne donne rien (1). Passant à la racine 
postérieure, l'excitation du bout périphérique ne donne rien, tandis que 
l'excitation du bout central donne des sensations et des mouvements 
réflexes. 

Les éléments sensitif el moteur étaient donc accolés et non confondus 
dans le nerf mixte; on les trouve séparés au niveau des racines. 


Où commence et finit chacun d'eux ? 

— Un procédé d'observation dù à MM. Budge et Waller (1551), 
permet de le déterminer exactement. MM. Budge et Waller ont vu 
qu'après la section d’un nerf mixte, le bout périphérique de ce nerf mixte 
dégéncrait, et que la dégénérescence des fibres était aisément reconnais- 


(1) 1l n'est tenu compte ici qua des grosses réacticns, et non de celles plus délicates 
liés à l'existence de la sensibilité récurrente des racines antérieures. Ces dernières, 
d’.illeurs, disparais:ent par la sectioa de la racine postérieure, la racine antérieure 
conservunt tutes ses aptitudes p:'opres. 


390 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sable à la coloration noiratre qu'elles prennent alors. Coupant la racine 
antérieure, les fibres motrices dégénèrent entre le point coupé et la péri- 
phérie. Coupant la racine postérieure, tantôt entre le ganglion interver- 
tébral et la périphérie, tantôt entre le ganglion intervertébral et la 
moelle, on voit le bout périphérique dégénérer dans le premier cas ; le 
bout central dans le second. Pour la racine postérieure, c'est donc le bout 
qui tient au ganglion qui se conserve. 

Le ganglion intervertébral joue donc, vis-à vis du nerf sensilif, le 
rôle de centre nutritif. Toutefois, on ne saurait affirmer qu’à son niveau 
l'excitation centriptte change complètement de nature. En effet, immédia- 
tement après qu'on a coupé la racine postérieure entre le ganglion et la 
moelle, l'excitation du bout tenant à la moelle est douloureuse : on ne 
peut donc pas affirmer que la destination fonctionnelle du segment compris 
entre le ganglion et la moelle diffère de celle du segment qui s'étend du 
ganglion à la périphérie. 

Si, après la section de la racine postérieure pratiquée entrele ganglion 
et la moelle, on suit la dégénérescence du bout central, on arrive dans 
les cellules de la corne postérieure de la substance grise. L’altération 
remonte à peine à quelques millimètres au dessus de l'émergence appa- 
rente de la racine. Toutefois, cette limite n'est pas très nette, les cellules 
de la corne postérieure, plus petites que celles de la corne antérieure, 
offrant l'apparence des cellules du tissu conjonctif. Cependant, la subs- 
tance grise médullaire étant insensible en dehors des amas cellulaires qui 
répondent à la terminaison des racines, on peut admettre que ces amas 
de cellules répondent à la terminaison de l'appareil centripète. 


Quant à la terminaison centrale des racines antérieures, elle a lieu 
dans les cellules de la corne antérieure de la substance grise. Les fibres 
des racines antérieures peuvent être suivies en remontant jusqu'à ces 
cellules. La destruction de cette portion de la substance grise est suivie 
des mèmes eflets que la section des racines. 

La terminaison médullaire de tous les nerfs a donc lieu dans la 
substance grise. 


Passons aux organes des fonctions centrales. 

Il existe nécessairement une communication entre l'appareil cen- 
tripète et l'appareil centrifuge. Mais la difficulté de voir cette communi- 
cation sur des coupes de la moëlle a empêché jusqu'ici de définir anato- 
miquement l'are diastaltique dont l'existence est cependant indubitable. 

Qu'apprend à cet égard l'expérimentation? — Que l'arc diastaltique 
est tout entier dans la substunce grise. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER . 391 


En effet, la section des faisceaux blancs où leur destruction n’entraine 
pas l'abolition des phénomènes réflexes. 

Mais si la localisation de l'arc diastaltique dans la substance grise 
offre, comme donnée première, une précision suffisante quand on n'envi- 
sage que la portion intra rachidienne du centre cérébro-spinal, elle 
devient très vague si l'on envisage la portion encéphalique de la masse 
diastaltique. En effet, on n’a pas encore déterminé quelles sont les parties 
qui, dans la masse encéphalique, représentent le centre spinal, et se 
rapprochent par leurs fonctions de la substance grise de la moëlle. 


L’ablation des lobes cérébraux est suivie de l'abolition de toutes les 
facultés intellectuelles, et ne trouble en rien la régularité des mouve- 
ments (Flourens). i 

On peut donc localiser dans les lobes cérébraux le segment de l'arc 
cérébral qui répond à l'expression fonctionnelle volonté. Il parait 
rationnel d’y localiser aussi les phénomènes de perception ou de con- 
science. Toutefois la preuve n'en saurait être fournie par l'ablation des 
parties, puisque les manifestations volontaires peuvent seules faire juger 
des faits de conscience. 


D est encore deux facultés ceatrales dont la localisation offrirait 
dès à présent un grand intérêt. La première est la coordination des 
excitalions motrices qui a pour résultat la production des mouvements 
d'ensemble, L'abolition isolée de cette faculté en prouve suffisamment 
l’ex'stence. L'autre est la conduction des excitations dans le centre; on 
doit en admettre l’existence parce qu’il semble impossible de la rejeter 
à priori. | 

« Il n’est pas de mouvement de locomotion qui n’exige, pour 
s'accomplir avec régularité, une action synergique de la plupart des 
muscles de la vie animale. Or l'excitation spéciale qui produit un mouve- 
ment déterminé ne tendant que vers un résultat circonscrit, on est forcé 
d'admettre, pour expliquer les mouvements solidaires étrangers au but 
immédiatement poursuivi, que le centre réflecteur ou moteur possède une 
faculté de coordination d'où résulte, chaque fois qu’on exécute un mou- 
vement, la production simultanée d'un ensemble de mouvements harmo- 
niques. 

» L'observation des phénomènes dont la succession aboutit à une 
manifestation motrice ne permet pas de localiser exactement le siège 
organique de la coordination des mouvements; elle autorise cependant 
à conclure que cette fonction s’accomplit dans les centres nerveux, entre 


392 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


les terminaisons des nerfs sensitifs, centripètes. et les origines des nerfs 
moteurs, centrifuges (1) ». 

Un animal privé de son cervelet, et de son cervelet seulement. 
conserve toutes ses facultés intellectuelles, mais il perd toute régularité 
dans les mouvements (Flourens). Pour M Bouillaud, qui a répété et 
varié les expériences de M. Flourens, l'intégrité du cervelet est 
nécessaire à la régularité des mouvements généraux d'équilibration. 

M. Brown Séquard donne une localisation différente au centre qui 
nous occupe ici. Mais, quelle que soit celle des opinions émises à laquelle 
on doive s'arréter, il demeure établi qu'un centre coordinateur encé- 
phalique règle les synergies musculaires dans les mouvements généraux 
ou de totalité, 

L'observation autoriserait-elle à admettre qu'à différentes hauteurs 
de la moelle existent des centres coordinateurs secondaires, dépendant du 
centre ou des centres encéphaliques mais jusqu'à un certain point indé- 
pendants les uns des autres, qui présideraient à l'harmonie des mou- 
vements circonscrits? — C'est unc question difficile à décider 
actuel'ement. En effet, si, d'une part, la coordination apparente de 
certains mouvements réflexes chez des animaux décapités peut porter 
à penser que des centres coordinateurs existent sur le trajet de l'arc 
diastaltique, d'autre part, l'impossibilité d'exécuter des mouvements 
volontaires coordonnés dans les circonstances où le sens musculaire fait 
défaut ou n'est pas remplacé par la vue, montre qu'un phénomène de 
conscience, de perception, phénomène cérébral, est nécessaire à la coor- 
dination et porte ainsi à penser que c'est dans l'arc cérébral qu'il faut 
chercher les centres coordimateurs. 


Entre les cellules de la corne postérieure de la substance grise, 
extrémités terminales de la fibre sensitive, et les cellules de la corne 
antérieure de cette même substance, points de départ des fibres motrices, 
existent donc deux voies, l'arc diastaltique et l'arc cérébral, dont la 
localisation exacte et complète est encore bien loin d'étre arrétée. On 
gait encore, enfin, que le centre volontaire est situé sur l'arc cérébral et 
peut être localisée dans les lobes du cerveau. Quant aux centres coordi- 
nateurs, on sait qu'il en existe dans l'are cérébral; cn ne saurait aflirmer 
qu'il y en ait dans l'are diastaltique. 

Entre les origines spinales sensitives et motrices et ces organes 
centraux, volontaire, percepteur, coordinateurs, existent nécessairement 


(1) Manuel d'électrothérapie. Paris, 1864, p. 376. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 393 


des communications assurées par des organes conducteurs. Ce rôle 
d'organes conducteurs ne serait-il pas rempli dans la moelle par les 
faisceaux blancs? — Je serais très disposé à l’admettre. Si l'opinion que 
j'émets ici en procédant par exclusion est exacte, la sensibilité vive des 
faisceaux postérieurs de la moelle serait comparable à la sensibilité 
de la portion de la fibre sensitive qui va du ganglion intervertébral à la 
moelle. Quant à la sensibilité moindre des faisceaux antéro-latéraux, 
elle serait récurrente comme celle des racines antérieures; on sait, en 
effet, qu’elle disparaît par la section des racines postérieures. 

Je bornerai à ce qui précède les considérations générales que j'avais 
à présenter sur la physiologie du système nerveux. Plusieurs questions 
ont été réservées; d’autres comportent des développements plus étendus. 
J'aurai à revenir prochainement sur les unes et les autres en abordant 
l'étude de la pathologie nerveuse. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — JUIN 1907. 28 


La galvanocaustique chimique. 


Par M. A. TRIPIER 


Tous les auteurs qui ont écrit sur les effets de l'électricité s'accordent 
à les distinguer en physiques, chimiques et physiologiques. Les dénomi- 
nations qui répondent à cette distinction sont impropres en ce qu’elles 
représentent des résultats éloignés, dépendant autant ou plus des 
aptitudes propres à la matière qui réagit, que du mode d'action de la 
force qui vient tirer cette matière de son inertie. 

Quoi qu'il en soit, los effets dits chimiques de l’électrisation, effets 
sensibles surtout dans les cas où l'électricité est appliquée sous forme 
de courant continu, n'avaient pas, jusqu’à ces derniers temps, été utilisés 
par les médecins, au moins en vue des modifications immédiates, physico- 
chimiques ou chirurgicales, qu'ils déterminent aussi bien dans la nature 
inorganique que chez les êtres vivants 

M. Luigi Ciniselli a eu le premier l’idée de baser sur l’action analy- 
tique du courant continu une méthode de cautérisation (1). Ses recherches 
sur ce sujet ont été réunies dans un mémoire /2) que son étendue ne me 
permet pas de reproduire, mais dont je donnerai un résumé aussi complet 
que possible, en conservant l’ordre suivi par l'auteur dans son exposition. 


I. — Les altérations des tissus organiques produites par le courant 
électrique, et semblables à celles produites par les caustiques potentiels, 
ne peuvent être expliquées ni par une exaltation organico-vitale ni par 
une action calorifique. 


« Lorsque le courant électrique traverse les tissus organiques dans 
des conditions déterminées, il provoque dans les points qui se trouvent en 
contact avec les électrodes une altération qui peut varier de la simple 


(1) J'avais, ignorant les travaux de M. Ciniselli, eu la même idée, et adressé une 
note sur ce sujet à l’Académie des sciences. Une revendication de priorité de M. Ciniselli 
m’ayant conduit à lire une communication qu'il avait faite antérieurement à la Société 
de Chirurgie de Paris, je m'empresse de saisir l’occasion qui m'est offerte ici de recon- 
naitre que c’est à lui que revient le mérite de l'introduction de la galvanocaustique 
chimique dans la thérapeutique. 

(2) Dell azione chimica dell’ elettrico sopra i tessuti organici viventi e delle sue 
applicazioni alla terapeutica, studj del dott. Cav. Luigi Ciniselli. Cremona, 1862. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 395 


rubéfaction au soulèvement de l’épiderme et à une mortification qui con- 
vertit les tissus en une véritable eschare semblable à celle produite par 
les caustiques potentiels. Cettte transformation des tissus est accompagnée 
d’une vive sensation de chaleur et d’une douleur plus ou moins intense qui 
arrive quelquefois à égaler celle causée par le moxa. » 

Faut-il admettre qu'une réaction organique concoure à ce résultat qui 
représenterait le degré le plus élevé d’un processus physiologique qui 
après avoir débuté par une simple exaltation de la vitalité locale, abouti- 
rait à la gangrène en passant par l’inflammation ? 

Non, car la cautérisation galvano-chimique peut produire une eschare 
dans un temps plus court que celui qu'exigerait le travail pathologique le 
plus rapide. D’autre part, M. Ciniselli, considérant, avec tous les auteurs, 
les réactions de la contractilité et de la motricité comme représentant 
les effets physiologiques de l’électrisation, fait remarquer que « les cou- 
rants d'induction, plus capables qu'aucuns autres d’exciter la vitalité, 
sont incapables de produire des altérations organiques durables ». Enfin 
« les effets chimiques se produisent à un haut degré par l'usage d’appa- 
reils électromoteurs dont le cou:ant ne donne que des effets physiolo- 
giques à peine sensibles et capables seulement de provoquer les contrac- 
tions de la grenouille préparée. » 

Ces deux derniers arguments me paraissent devoir n'être pas tout à 
fait concluants tant qu'on sera dans l'ignorance des réactions physiolo- 
giques incontestables, mais fort obscures, qui suivent l'application perma- 
nente du courant continu faite à l’aide d’excitateurs humides. 

Mais il est une considération qui suffit à élablir pleinement que les 
conditions fonctionnelles ne sont pour rien dans les effets de la c :utérisa- 
tion galvano-chimique, c’est que celle-ci s'obtient sur le cadavre comme 
sur l'individu vivant. 

L'opinion qui rattache la production des eschares galvaniques aux 
effets calorifiques du courant n'est guère plus soutenable, Les caractères 
de ces eschares, en effet, sont tout différents de ceux des eschares produites 
par le cautère actuel. Et d'ailleurs, les conditions que doivent remplir les 
appareils destinés à pratiquer la cautérisation galvano-chimique sont bien 
différentes de celles remplies par les appareils dans lesquels le passage 
du courant développe de la chaleur. Pour obtenir de la chaleur dans le 
circuit, il faut : 1° intensité grande du courant ; 2° réunion des électrodes 
par une anse d’une conductibilité relativemeut faible en raison surtout de 
son faible diamètre, c'est-à-dire intensité et densité du courant. Or, les 
appareils à cautérisation galvano-chimique n’exigent que de la tension, 
et, dans la pratique de cette opération, la partie comprise entre les extré- 
mités terminales des électrodes offre, bien que relativement peu conduc- 
trice, une section considérable. 


396 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


Après avoir établi ainsi l'exactitude de la proposition qu'il avait 
d'abord formulée, M. Ciniselli rapporte une expérience intéressante 
établissant la preuve d'un fait que la théorie permettait de prévoir, à 
savoir, qu'en instituant l'expérience dans des conditions mixtes, on 
pourrait obtenir à la fois les deux ordres d'effets. On y arrive en employant 
une pile formée de couples nombreux à une grande surface et d'un pou- 
voir électromoteur considérable, Enfonçant alors les deux électrodes 
dans un morceau de chair, de manière que leurs extrémités soient sufti- 
samment rapprochées, on obtient une eschare qui participe à la fois de la 
désorganisation par le feu et de la désorganisation par décomposition 
chimique. 

Pour une mème distance convenablement choisie des extrémités des 
électrodes, le premier effet prédominera si ceux-ci sont dans le pro- 
longement l'un de l'autre, tandis que l'effet chimique l’emportera si leurs 
directions sont parallèles et si leur distance est mesurée par l'écartement 
des deux fils chevauchant l’un sur l'autre. Cela tient à ce que, dans le 
premier cas, la section du conducteur organique interposé doit être 
considérée comme moindre, et que, par suite, le courant y a plus de 
densité, condition que nous savons nécessaire à la production d'effets 
calorifiques. 


H. — Les lois chimiques et l'observation démontrent que les alté- 
rations des tissus sont produites par l'action chimique du courant. 


Si l'on fait arriver dans une dissolution saline les électrodes d’une 
pile, cette solution est décomposée : l'acide se porte sur l'électrode 
positif et l'alcali sur l'électrode négatif. 

Pareille chose arrive lorsqu'au licu d'agir sur des combinaisons 
minérales, on agit sur la matière organisée. « Si l'on soumet pendant 
plusieurs jours à l’action d'une pile voltaique un morceau de chair, à 
cheval sur deux vases remplis d'eau distillée dans lesquels plongent les 
électrodes de platine de eette pile, ce morceau de chair deviendra sec, 
dur, racorni comme s'il était brûlé, et n'offrira plus aucune trace des 
sels qu'il renfermait, Dans le vase en rapport avec l'électrode négatif, 
on trouve de la potasse, de la soude, de la chaux et de l'ammoniaque; 
dans le vase en rapport avec l'électrode positif, les acides sulfurique, 
azotique, chlorhydrique ot phosphorique. » 

En remplaçant le pont de chair morte de l'expérience précédente, 
par deux doigts d'une main, J. Davy avait vu les acides et les alcalis du 
corps vivant s'en séparer de la même manière, 

“« Expérimentant sur l'albumine de l'œuf, Prévost ct Dumas ont vu 
se former autour de l'électrode positif un coagulum blanc résultant de 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 397 


la combinaison de l'albumine avec l’acide qui se porte à ce pôle. Autour 
de l’électrode négatif était un caillot transparent, semblable à de la 
gélatine, résultant de la combinaison de l'albumine avec les alcalis. » 

La formation de l’escharo, dans la pratique de la cautérisation gal- 
vanique, est donc un résultat chimique dû à l'action sur les tissus des 
éléments que met en liberté, à l'état naissant, l'action du courant. On 
en a la preuve encore par l'analyse des circonstances dans lesquelles ce 
résultat fait défaut. En effet, l'affinité des éléments naissants peut 
s'exercer ou sur la matière organisée ou sur la matière des électrodes, 
et, quand ces derniers seront facilement attaquables, les tissus seront 
plus ou moins épargnés. 

M. Ciniselli résume ainsi l'ensemble des conditions dont le concours 
est favorable à la cautérisation galvano-chimique : + Appareil électro- 
moteur donnant un courant de forle tension et d'une intensité aussi 
faible que possible, c'est-à-dire pile formée d'un grand nombre d'élé- 
ments à petite surface — Electrodes faits d'un métal ou de deux métaux 
qui ne soient pas attaqués par les produits de l’électrolyse. — Les 
électrodes, à surface nette et polie, doivent être mis en contact immédiat 
avec les tissus et agir sur deux points distincts. — Enfin, les tissus 
soumis à l'action du courant doivent être suffisamment humides pour 
être dans une condition favorable à la production des effets chimiques. » 

M. Ciniselli indique, sans en donner la raison, qu'il est avantageux 
d'avoir un courant de peu d'intensité. Cet avantage tient à ce que la 
douleur produite par la cautérisation est d'autant plus vive que celle-ci 
est plus rapide. L'’électromoteur produira donc l'effet voulu d'autant 
plus lentement, mais aussi avec d'autant moins de douleur, que la 
surface et le pouvoir éleclromoteur des couples employés seront plus 
faibles. 


L'identité des actions chimiques immédiates exercées sur le vivant 
et sur le cadavre a permis d'expérimenter sur celui-ci les effets de la 
cautérisation galvanique. M. Ciniselli est arrivé ainsi à formuler nette- 
ment les principales indications utilisables dans la pratique. L'appareil 
électromoteur, dont il a fait usage dans les épreuves que nous allons 
résumer d’après son mémoire, était une pile à colonne de quarante 
couples d'un décimètre carré, chargée avec de l'eau acidulée par un 
trentième d'acide sulfurique. Cette pile ne donnait pas d'effet calorifique 
sensible; elle décomposait énergiquement l’eau salée. Des aiguilles de 
différents métaux et des cônes de charbon furent successivement employés 
comme excitateurs, afin de permettre d'apprécier le rôle joué par la 
plus ou moins grande allérabilité des électrodes. 


398 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ExPÉRENCE. I. — Platine. — Deux aiguilles de platine d'un millimètre de 
diamètre sont enfoncées, à 5 centimètres de distance l'une de l’autre, dans la 
partie interne de la cuisse d'un cadavre riche en tissu adipeux mais à peau sèche. 

Le circuit de la pile étant fermé, une auréole jaunâtre se montre bientôt autour 
des deux aiguilles, plus petite et au niveau de la peau du côté de l'aiguille 
positive, plus large et saillante autour de l'aiguille négative. Le papier réactif 
appliqué sur ces taches donne, au niveau des points d'introduction des aiguilles, 
une réaction acide du côté positif, neutre du côté négatif. 

Après ces épreuves, on fait agir le courant de nouveau. La tache qui environne 
l'aiguille positive devient aussi large que l'autre. Toutes deux, au bout de 
vingt minutes, présentent un diamètre de 5 millimètres. La tache répondant à 
l'aiguille négative est uniformément jaune sombre; la tache répondant à l'aiguille 
positive est jaune sombre dans son contour, blanche au centre. 

Après avoir enlevé l'épiderme qui recouvrait l'auréole négative de manière à 
lui donner une apparence vésiculeuse, M. Ciniselli a vu que, comme l'eschare 
positive, elle était d’un jaune sombre à la périphérie et blanche à son centre d'où 
sortait un liquide séreux mélangé à de petites bulles de gaz. On ne pouvait 
obtenir ces bulles de gaz du centre de l'auréole positive, même en exerçant des 
pressions tout autour d'elle. 

Une prolongation de l'action du courant n'eut pas d'autre résultat que d'amener 
l'auréole positive à une coloration jaune sombre uniforme. 

En incisant la peau perpendiculairement à sa surface, suivant un diamètre de 
l'auréole, on trouve qu'au niveau de celle-ci la texture du derme n'est plus recon- 
naissable, Ces auréoles représentent deux vraies eschares. L'eschare répondant à 
l'électrode négatif est molle, souple, couleur gris de plomb; elle intéresse tout le 
derme dont elle a conservé l'épaisseur; elle offre un plus grand diamètre vers sa 
face profonde qu'à sa surface extérieure. L'eschare positive présente la couleur et ` 
l'aspect de la gélatine; elle intéresse encore toute l'épaisseur du derme, mais 
cette épaisseur a doublé à son niveau; au toucher, elle offre la consistance de la 
couenne du lard; son diamètre profond est aussi plus grand que celui de l'auréole 
superficielle. Indépendamment de la réaction acide que présente seule l'eschare 
positive, les deux eschares, qui paraissaient à l'examen extérieur offrir beaucoup 
d'analogie, sont donc bien diflérentes lorsqu'on examine leur coupe. 

ll est encore remarquable que les troncs de cône formés par les eschares 
affectent une disposition inverse sur le vivantet sur le cadavre. Tandis que sur 
le cadavre c'est la plus large base qui répond à la face profonde de l'eschare, le 
contraire a lieu chez l'individu vivant où la base est superficielle. Ce phénomène 
peut s'expliquer par les différences d'humidité, et par suite de conductabilité des 
diverses couches de la peau dans les deux cas. La base du tronc du cône répond 
à la couche la plus chargée de liquides, qui est la couche profonde sur le cadavre 
et la couche superficielle chez l'individu vivant. 

Bien que les aiguilles employées dans l'expérience précédente fussent en pla- 
tine, on leur trouva à la fin de l'épreuve un aspect bien différent. L'aiguille positive 
fut retirée ternie, tandis que la négative était restée polie et brillante. 


ExPÉRIENCE II. — Or. — Le même appareil étant employé pendant quarante- 
cinq minutes avec des aiguilles d'or, on obtient les mèmes résultats : 

Réaction acide au pòle positif, alcaline au pôle négatif. L'eschare positive, 
grosse et coriace, n'intéresse cependant que la peau ; il faut un certain effort 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 399 


pour en retirer l'aiguille. L'eschare négative intéresse aussi toute la peau 
notablement épaissie à son niveau. Bien qu'elle soit molle et humide lorsqu'on la 
compare à l'eschare positive, sa consistance est plus ferme qu'à l'ordinaire. 


Expérience III. — Acier et fer doux. — Mise en communication avec le pôle 
positif de l’électromoteur, l'aiguille de fer s'oxyde plus profondément que celle 
d'acier; elle offre une plus grande résistance à l'extraction et laisse plus d'oxyde 
noir sur les tissus avec lesquels elle a été en contact. 

Avec les aiguilles de fer ou d'acier, M. Ciniselli n’a obtenu aucune altération 
du tissu autour de l'aiguille positive, ni aucune trace d'acidité sur son trajet. 
Ici, l’affinité s'est exercée, non plus entre les tissus et les acides naissants, mais 
entre ceux-ci et l'aiguille. Autour de l'aiguille négative on a toujours une eschare 
molle, l'acier et le fer n'étant que difficilement attaqués par les alcalis. 

Opérant toujours sur le cadavre, avec une pile de moindre tension et de 
moindre surface que la précédente, en même temps qu'il faisait durer l'application 
moins longtemps, M. Ciniselli a pu éviter la formation de l'eschare autour d'une 
aiguille d'acier représentant l'électrode négatif. Pour cela, il employait d'abord 
cette aiguille comme excitateur positif, afin de l'isoler par la formation, à sa 
surface, d'une couche d'oxyde. 

Mais en reprenant l’électromoteur plus énergique des expériences précédentes, 
on obtient une eschare négative, même avec l'aiguille d'acier préalablement 
oxydée. Cette eschare est seulement plus superficielle. 


ExPÉRIENCS IV. — Cuivre. — Dans les expériences de cette série, M. Ciniselli 
a employé comme excitateurs les électrodes de cuivre de la pile, après avoir 
taillé en pointe leur extrémité libre. Ces excitateurs ont été employés tantôt 
seuls, tantôt comparativement avec des aiguilles d'or ou de platine. 

Avec les électrodes de cuivre, le papier de tournesol n'indique aucune 
réaction. L’aiguille positive se recouvre d'une couche bleuâtre qui adhère aux 
tissus traversés; aussi offre-t-clle, après l'opération, une grande résistance 
à l'extraction. Lorsque l'aiguille de cuivre est enfoncée dans le tissu adipeux, 
elle se colore en brun et se recouvre d'une bouillie blanchâtre; il n'y a alors 
autour d'elle aucune altération du tissu, mais une infiltration colorée par les 
produits de la combinaison des acides organiques avec le cuivre. Autour de 
l'électrode négatif qui avait conservé sa netteté et son éclat, s'était formée une 
eschare molle. 

Une expérience, instituée peu de temps après la découverte de la pile par 
Mongiardini et Lando (1), avait donné des résultats analogues. Le but de ces 
auteurs était de rechercher si la galvanisation accélère ou retarde la putréfaction. 
Pour cela ils firent agir le courant d'une pile en couronne de tasses de quatre- 
vingts couples sur un morceau de chair dans lequel étaient enfoncé des électrodes 
d'argent et cuivre. Un cercle verdâtre se forma autour de l'électrode positif 
et une eschare blanchâtre autour de l'électrode négatif. Mongiardini et Lando 
virent là une cautérisation et conclurent que les liquides et les solides organisés 
subissent une véritable décomposition; ils se demandérent même si les autres 
effets apparents du galvanisme n'étaient pas une conséquence de cette action 
chimique primitive. 


1) Dell applicazione del galvanismo alla medicina. Genova, 1803. 


400 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ExPÉRIENCE V. — Charbon. — Deux cylindres de charbon préparé, du diamètre 
de 5 millimètres, furent taillés en pointe à l'une de leurs extrémités et assujettis 
par l'autre aux électrodes de la pile. Mis au contact l’un de l'autre, ils ne mani- 
festérent aucune élévation de température appréciable. 

Ces excitateurs de charbon furent engagés dans deux petites incisions faites, 
à 5 centimètres de distance l’une de l'autre, sur la face interne de la cuisse du 
cadavre gras ct légèrement infiltró d'une jeune femme. 

Le circuit fermé, on vit bientôt sortir des deux plaies une petito quantité d'un 
liquide sércux. Ce liquide séreux était plus abondant du côté de l'excitateur 
négatif, où il accusait une réaction alcaline, tandis que celui de la plaie positive 
donnait une réaction acide. 

Autour du charbon négatif se montra ure auréole jaune sombre, sans déta- 
chement de l'épiderme, moins humide que d'habitude, molle au toucher, et 
dépassant de 3 millimètres la circonférence du charbon. 

Autour du charbon positif, l'auréole, large de 3 millimètres mais d'une forme 
irrégulière et presquo triangulaire, était d'un jaune d'ocre. Autour d'elle se voyait 
une autre zone, large également de 3 millimètres, d'un rouge sale, Celle-ci était 
enfin environnée d'une troisième zone mince, d'un jaune rougetre. La peau se 
trouvait donc, autour du charbon, altérée dans un rayon de 6 à 8 millimètres ; la 
superficie de l’eschare présentait un diamère total de 18 à 20 millimètres. 
L'eschare positive offrait une consistance coriace. 

Vers la fin de l'expérience qui dura quarante minutes, on vit sortir des deux 
plaies, autour des cylindres de charbon, une écume blanche et fine. 

L'auréole positive resta déprimée. L'auréole négative se maintint de niveau 
avec la peau environnante; à sa surfaco, l'épiderme était détaché par la sérosité 
spumeuse,. 

La coupe des eschares montra que la couche cutanée n'avait pas été dépassée. 
La consistance du tissu adipeux sous-jacent était augmentée, surtout du côté du 
charbon positif. L'eschare positive était ferme et coriace, la négative molle. 

Les expériences précédentes, faites sur le cadavre à l'aide d'excitateurs 
pénétrants, furent répétées avec des excitatcurs plats sur la peau préalablement 
dépouillée de son épiderme par une application du marteau trempé dans l'eau 
bouillante. 

Les résultats furent les mêmes : eschares ne dépassant pas l'épaisseur de la 
peau, qui se montrait intéressée à une profondeur variable, suivant la durée de 
l'expérience ; — consistance différente des eschares des deux pôles ; — lorsqu'on 
employait comme excituteurs deux boutons d'un métal oxydale, eschare au 
niveau du bouton négatif seulement et oxydation du bouton positif. 


L'action chimique du courant est donc établie par les réactions 
caracttristiques obtenues à l'extrémité des denx électrodes; — par 
l'oxydation de l’électrode positif à l'exclusion des tissus lorsque cet 
électrode est oxydable; par la cautérisation des tissus an niveau de 
l'électrode positif lorsque celui-ci est fait d'un métal non oxydable ou de 
charbon ; — par la formation constante d'une eschare au niveau de 
l'excitateur négatif, de quelque métal qu'il soit formé, et quel que soit 
son degré de poli; — enfin par la différence des deux eschares, qui 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 401 


présentent, l’une, celle du pòle positif, les caractères des eschares 
produites par les caustiques potentiels acides ou coagulants, et l’autre, 
celle du pôle négatif, les caractères des eschares produites par les 
caustiques potentiels alcalins ou fluidifiants. 


M. Ciniselli rapporte ensuite quelques observations faites sur le 
vivant. Je n’en donnerai ici qu’un résumé succinct, 


Oss. I. — Tumeur cutanée très dure, arrondie, du diamètre de 5 millimètres, 
siégeant à Ja jambe droite chez une femme de vingt-cinq ans. Cette tumeur paraît 
être la cause de douleurs névralziques que réveille la compression. 

L'appareil employé est le mème quo dans les expériences ci-dessus: aiguille 
de platine positive enfoncée dans la tumeur; rhéophore négatif aboutissant à 
une compresse imbibée d’eau salée et appliquée sur la jambe. L'opération dure 
dix minutes. Douleur vive. Chute de l’eschare au bout de huit jours. Plaie 
profonde en entonnoir du diamètre de l'eschare primitive (6 millimètres). 
Cicatrisation au bout de vingt jours. 


Oss II. — Tumeur érectile de l'aile gauche du nez, du volume d’une noisette, 
à base large, chez un garçon de quatorze ans. 

Pile à colonne de 30 couples de 25 centimètres carrés ; aiguille de platine 
positive traversant la tumeur; rhéophore négatif aboutissant par un excitateur 
humide à la joue correspondante. L'opération dure dix minutes. Douleur vive. 
Extraction de l'aiguille difficile, suivie d'une abondante hémorrhagie qui bientôt 
cesse d'elle-même Chute des eschares le treizième jour, laissant subsister une 
moitié de la tumeur. 

Nouvelle cautérisation avec deux aiguilles, l'une positive, en platine, l'autre 
négative, en acier, traversant parallèlement la base de la tumeur. L'opération 
dure cinq minutes. Chute des eschares dix jours après. Guérison complète. 


Ons. III. — Tumeur érectile du volume d'une grosse noix, occupant presque 
toute l'étendue du nez, chez un enfant de huit mois. 
= Dans ce cas, M. Ciniselli emploie 50 couples d'une pile à courant constant 
qu'il a fait construire et qui sera décrite dans le prochain numéro de ce recueil. 

La tumeur est traversée par quatre aiguilles, deux de platine positives, deux 
d'acier négatives. L'opération dure dix minutes. Fièvre et réaction locale cessant 
le sixième jour. Chute des eschares du neuxième au douzième jour. Accidents 
généraux ; érysipède. Mort le dix-neuvième jour. 


Oss. IV. — Plaie fistuleuse intra-musculaire, longue de 12 centimètres, avec 
ouverture inférieure, siégeant à la partie interne de la cuisse chez une femme 
robuste de trente ans. 

Pile de Bunsen de deux couples. Pour excitateur négatif, sonde d'argent 
introduite dans le trajet fistuleux. Le rhéophore positif se perd sur la cuisse dans 
un plumasseau de charpie imbibé d’eau salée. L'opération dure quinze minutes. 
Nulle sensation, nul effet apparent. 

Pendant quatre jours on répète l'opération tous les jours, en employant cette 
fois la pile qui avait servi aux expériences rapportées plus haut. Pas de douleur. 


402 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


Sensation de chaleur le long du trajet. Cautérisation profonde, comme avec la 
potasse. Suppuration de bonne nature ; la cavité fistuleuse diminue de longueur. 

Après quelques jours, état stationnaire. Nouvelle cautérisation au moyen 
d'un excitateur de charbon terminant l'électrode négatif. Sensation de chaleur 
plus vive, sans trace de cautérisation. Quatre jours après, guérison complète. 
L'ulcération superficielle se cicatrisa en peu de temps. 


M. Ciniselli fait remarquer, à propos de cette observation, que les 
effets de la cautérisation galvano-chimique pratiquée avec des excitateurs 
de charbon doivent être l’objet de nouvelles études à poursuivre sur le 
vivant. En effet, on a vu se produire sous l'excitateur négatif une 
abondante sécrétion spumeuse, sans qu'il y ait eu trace de cautérisation, 
quoique le pouvoir analytique du courant employé fût assez considérable. 
L'auteur se demande si l'absence de l'eschare ne dépendrait nas de sa 
dissolution par la sérosité alcaline qui se sépare de la plaie sous 
l'influence du courant. On trouve, en effet, à cette sérosité une réaction 
alcaline, et « on sait que les eschares formées par les alcalis se 
dissolvent dans un excès de ces mêmes alcalis -. M. Ciniselli parait, en 
outre, disposé à admettre que, dans ces circonstances, le charbon subit 
une élévation de température qui pourrait jouer un rôle dans le fait de 
la cautérisation. Des recherches ultérieures devront prononcer sur la 
valeur de ces deux hypothèses : la dernière me parait infiniment peu 
probable. La porosité du charbon ne jouerait-elle pas un rôle important 
dans ces phénomènes, tant au point de vue de l'absence d'eschare qu'à 
celui de la sensation plus vive de chaleur? — Ayant fait faire autrefois 
des excitateurs en charbon, des cornues à gaz, j'ai eu occasion de 
constater que la faradisation pratiquée à l'aide de ces excitateurs 
causait une cuisson très vive, et j'ai attribué cette sensation à l'extrème 
porosité du charbon, qui fait qu’il se comporte comme la tranche d'un 
pinceau métallique. 


Oss. V. — Tumeur blanche du genou chez une scrofuleuse de vingt-deux ans. 

Cette observation offre simplement un exemple d'application de cautère faite 
au moyen de la pile. Deux boutons de cuivre argenté furent employés comme 
excitateurs, et appliqués des deux côtés de la rotule. Sous le bouton négatif, 
eschare molle qui eut la marche des eschares faites par la potasse. Sous le 
bouton positif, peau rouge, sèche, parsemée de petites taches noirâtres; exfolia- 
tion sans ulcération dans le cours de huit jours. Après l'opération, le bouton 
positif avait été trouvé adhérent à la peau; sa surface était devenue rugueuse et 
grise. 


Oss. VI. — Demi-1nkylose du genou chez une femme de quarante-quatre 
ans. La cautérisation galvano-chimique fut substituée à une application de moxa 
qui avait été décidée. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 403 


Cette observation ne diffère de la précédente qu’en ce que l'emploi d'excitateurs 
de platine a permis d'obtenir une eschare positive et d'en noter les caractères. 

Sous l'excitateur positif, qui cette fois n'était pas adhérent, la peau se montra 
couverte d’un grand nombre de taches rondes d'un gris jaunâtre, les unes plus, les 
autres moins grandes, déprimées, sèches, coriaces, couvertes d’écailles furfuracées 
dues au soulèvement de l'épiderme Dans les petits intervalles qui séparaient ces 
taches, comme autour de la partie couverte par l'excitateur, la peau parut saine, 
exempte d’inflammation et de gonflement. Au bout de cinq jours, cette eschare 
positive commença à sécréter un peu de pus; puis elle devint rouge vermeille, et 
se dépouilla de son épiderme en restant sèche; ensuite elle passa au rouge sombre. 
Du treizième au seizième jour, elle se détacha : toute l'épaisseur de la peau était 
intéressée. La plaie, qui conserva presque l'étendue de l'excitateur, sécrétait une 
humeur roussâtre. Bientôt cette plaie se couvrit d'une croûte noire, sous laquelle 
on trouva, le vingt-quatrième jour, une cicatrice rouge foncé qui devint noirâtre. 


On peut, d’après l'exposé qui précède, se faire une idée exacte de ce 
qu'est devenue, entre les mains de M. Ciniselli, la méthode de cautéri- 
sation galvano-chimique. Il a eu le très grand mérite de préciser toutes les 
conditions physiques de son emploi, de manière à éviter tout embarras à 
ceux qui seraient tentés d’en faire l'application. 

Qu'il me soit permis maintenant, avant de poursuivre l’examen du 
mémoire de M. Ciniselli, de présenter quelques remarques sur la portée 
que me parait avoir la méthode qui en fait l’objet, et d'exposer sur ses 
applications possibles des vues qui diffèrent un peu de celles du chirurgien 
de Crémone. 

La galvanocaustique chimique repose, ainsi qu'on vient de le voir, 
sur ce fait qu'étant donnée une pile fournissant un courant d’une tension 
suffisante pour opérer la décomposition des électrolytes qui font partie de 
son circuit extérieur, on obtient, lorsque l’électrolyte est un corps 
organisé, une eschare au niveau du point d'insertion de chacun des 
électrodes 

Dans la pratique, l'opportunité de demander à cette méthode un 
moyen de produire des eschares dépendra de deux circonstances : 1° de 
leur production plus ou moins facile; 2° de la supériorité ou de l'infério- 
rité que présente, dans chaque cas particulier, le procédé galvanique sur 
les procédés employés antérieurement. 

Or, je pense que la cautérisation galvanique positive ne doit être 
mise en usage que très rarement, si même elle ne doit pas être 
complètement rejetée. 

En effet, la galvanocaustique chimique positive, qui serait destinée à 
remplacer les caustiques potentiels acides et le cautère actuel, est-elle 
d'une application plus facile et moins douloureuse? Non, assurément. 
Dans les cas où on peut employer les acides ou le fer rouge, elle leur est 


A 


404 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


évidemment inférieure, tant au point de vue de la douleur qu’à celui de la 
commodité. | | 

Restent les cas où l'on devrait la substituer à la galvanocaustique 
thermique. Si l’on ne peut nier qu'elle soit plus douloureuse, on doit 
reconnaître qu'elle est d'un maniement infiniment plus facile. 

Mais je crois qu’en général on n'emploie les caustiques acides en 
vue de produire des eschares que dans les circonstances où la déliques- 
cence ou le défaut de consistance des caustiques alcalins en rend l'emploi 
difficile ou impossible. Tandis que les caustiques alcalins (potasse, pâte 
de Vienne) donnent des cicatrices molles et peu ou pas rétractiles, les 
caustiques acides (acides concentrés, nitrate acide de mercure, nitrate 
d'argent) donnent des cicatrices fermes et fortement rétractiles. Quant 
au fer rouge et à l'anse galvano-thermique, ils donnent les mêmes 
résultats que les cautérisations par les acides. Les cas où l'on cherche 
à obtenir des cicatrices rétractiles sont si rares, qu’à part les circons- 
tances dans lesquelles on fait usage du fer rouge parce qu’il est indiqué 
d'opérer une destruction rapide et profonde des tissus, les difficultés 
que présente l'emploi des caustiques alcalins empêchent seules d'y 
recourir presque exclusivement. C'est pourquoi je serais d'avis de 
proscrire de la pratique chirurgicale la galvanocaustique positive, la 
galvanocaustique négative pouvant lui être substituée dans les seuls cas 
où son emploi soit véritablement indiqué, ceux où elle remplacerait la 
galvanocaustique thermique. 

Les observations rapportées par M. Ciniselli, observations dont on 
a vu plus haut le résumé, ne sont pas de nature à modifier ma manière 
de voir Dans les observations Il et III, la galvanocaustique thermique 
eût été préférable, en tant que moyen de cautérisation, au procédé 
employé (1). Dans le cas qui fait le sujet de l'observation I, on eût pu 
recourir à toute autre méthode. Enfin, rien n'établit que, dans ces trois 
cas, la cautérisation positive dût étre préférée à la cautérisation négative 

Les observations V et VI sont intéressantes comme reproduction 
sur le vivant des phénomènes notés sur le cadavre; mais, dans les 
cas analogues, on préférera toujours recourir à la pâte de Vienne ou 
à la potasse. 

Reste l'observation IV. C'est, à mes yeux, la seule qui milite 
en faveur de la galvanocaustique chimique. Elle offre un exemple 
de la cautérisation négative sur laquelle je vais avoir à m'arrêter, et 


ü) La galvanisation chimique positive pourrait être indiquée, dans le traitement 
de ces tumeurs vasculaires, non plus en vue de produire une eschare, mais pour 
obtenir un cogulum albumineux, comme dans le traitement des anévrysmes. Il con- 
viendrait alors d'employer une pile à couples moins grands que ce'le de M. Ciniselli. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 405 


+ 


soulève une question à réserver et sur l'importance de laquelle 
M. Ciniselli a insisté avec raison, celle de l'emploi des*excitateurs de 
charbon. 

Les applications de la galvanocaustique chimique négative me 
paraissent devoir être tout autres que celles rapportées dans les obser- 
vations précédentes Elle me semble indiquée dans tous les cas où la 
déliquescence ou le défaut de consistance des caustiques alcalins sont les 
raisons pour lesquelles on leur substitue actuellement les caustiques 
acides, le fer rouge ou la galvanocaustique thermique. Ces cas sont ceux 
dans lesquels il importe d'obtenir des cicatrices molles et peu rétractiles 
dans des parties diflicilement accessibles ou sur lesquelles on ne peut 
agir sans s'exposer plus ou moins à léser les parties voisines. 

J'ai employé la galvanccaustique chimique négalive avec de très bons 
résultats pour cautériser le canal cervical de l’utérus dans des cas où il 
était ulcéré et dans un cas où il était indiqué de rétablir, en occasionnant 
une perte de substance, l'orifice intérieur de ce canal presque complè- 
tement oblitéré par les cicatrices de cautérisations au fer rouge. En 
Angleterre, on emploie, pour cautériser les points rétrécis de l'urèthre, 
un fragment de potasse enchässé dans l'extrémité d'une bougie de cire, 
et on en obtient de bons résultats; c'est là encore un cas dans lequel la 
galvanocaustique négative pourrait être substituée avec avantago aux 
caustiques potentiels et surtout au nitrate d'argent encore employé en 
France. 

Je conseillerais, enfin, de substituer la galvanocaustique négative 
à la galvanocaustique thermique lorsqu'il s’agit de cautériser les trajets 
fistuleux, si je n'étais retenu par la non-solution actuelle d'une question 
importante. Quand on veut obtenir l’accolement par inflammation adhé- 
sive des bords d’une plaie ou des parois d'un trajet fistuleux, est-il plus 
avantageux de provoquer cette inflammation par des applications alcalines 
que par des applications acides? — L'observation IV de M. Ciniselli 
semblerait témoigner en faveur des alcalis, mais elle ne saurait suffire 
à trancher la question, qui ne peut être résolue que par des épreuves 
comparatives. 

En résumé, les cas dans lesquels il est bien indiqué d'employer la 
cautérisation galvano-chimique sont encore peu nombreux. — Elle sera 
surtout utile dans quelques opérations pour lesquelles on avait conseillé 
la galvanocaustique thermique. — La galvanocaustique négative mérite 
la préférence sur la positive dans tous les cas où la supériorité de l'une 
sur l’autre est établie actuellement. — La galvanocaustique positive 
mériterait la préférence dans le traitement des plaies fistuleuses difliciles 
à cicatriser, s'il venait à être démontré qu'elle favorise plus que la négative 


406 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


le travail d'inflammation adhésive. — Enfin, le rôle du charbon employé 
comme substance électrodique reste à étudier. 


Revenons au mémoire de M. Ciniselli. 

L'auteur a recherché et signalé, parmi les applications du galvanisme 
essayées antérieurement, celles qui se rattachent à la pratique qu'il vient 
de constituer à l’état de méthode bien définie. 

L'expérience de Mongiardini et de Lando, rapportée plus haut, eût 
conduit certainement à la galvanocaustique chimique si ces auteurs en 
avaient tiré les conséquences pratiques. 

Becquerel et Breschet ont proposé de modifier par l’action du courant 
voltaique la nature des ulcères chroniques en changeant la réaction acide 
ou alcaline de leurs produits de sécrétion. Mansford appliqua ces vues. 

Usiglio, Türck, Philipeaux, guérirent des nuages de la cornée en 
faisant agir sur eux l'électrode négatif d'un courant de faible tension Des 
chevaux furent guéris d'affeclions semblables, mais plus prononcées, par 
l'emploi d’un électromoteur capable de décomposer l'eau. 

Crussel guérit de la même manière, à l'aide d’une aiguille négative 
enfoncée dans le cristallin opaque, une cataracte capsulo-lenticulaire. 
Au bout d'une minute, le cristallin commença à se gonfler et à se seg- 
menter. L'opération ne fut suivie d'aucune réaction inflammatoire. Chez 
un autre sujet, on fit durer l'opération deux minutes. Des applications de 
la méthode de Crussel furent faites par Lerche. Zantedeschi, rapportant 
les expériences de Lerche dans son Traité du magnétisme et de l'élec- 
tricité, conseille d'employer dans ce cas des courants de faible tension. 

Grapengiesser avait vu que l'action prolongée d'un courant voltaique 
sur le derme dénudé en active la sécrétion séreuse ; si la peau est saine 
et sculement humide, il se forme une eschare. La cautérisation galvano- 
chimique fut employée par Pravaz contre la morsure des animaux enragés. 
Dans le même but, Fabré-Palaprat demandait au courant voltaiqne un 
cffet analogue à celui du moxa. Mais toujours ces effets escharotiques 
furent attribués à l'action calorifique du courant. 

La cautérisation se produit encore avec le séton électrique de 
M. Boulu et dans les opérations de galvanopuncture préconisées par 
M. Schuster. Mais ces applications constituent des méthodes mixtes dans 
lesquelles la cautérisation est un accident dont on n'a profité que parce 
qu'on n'avait pas su l'éviter. 


Parmi les résultats antérieurement obtenus, il en est un sur lequel 
M. Ciniselli a particulièrement insisté ; c'est la pratique qui consistait à 
traiter les ulcères atoniques par le courant d'un couple galvanique formé 
à leur surface et dont on fermait le circuit par un conducteur extérieur. 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 407 


Dans la méthode que M. Ciniselli a exposée ct étudiée jusqu'ici, le 
corps vivant est un électrolyte interposé dans le trajet extérieur d’un 
courant d'assez forte tension, c'est-à-dire fourni par une pile à couples 
nombreux. Dans le procédé qui nous occupe maintenant, le corps vivant 
est l’un des éléments qui concourent à former un couple unique ; il con- 
tribue en outre pour une part à en fermer extérieurement le circuit. 

« Ilest, dit M. Ciniselli, un mode d’application du courant électrique 
dans lequel se manifestent simultanément les effets caractéristiques d’une 
action :himique, et d’autres qui se rapportent à une action dynamico- 
vitale. On se trouve par suite, dans l’embarras de décider si les lésions 
produites sont dues à l'action chimique du courant, ou si elles sont une 
conséquence d'une exaltation des propriétés vitales déterminée par 
l'influence de ce courant. Ce mode d'application consiste à n'employer 
que deux lames électromotrices. On sait qu'en touchant avec la pointe de 
la langue une lame de zinc soudée par son bord opposé à une lame de 
cuivre dont le bord libre appuie sur le dos de la langue, on a la sensation 
d'une saveur astringente, acide. Qu'on renverse la disposition des lames, 
de manière que ce soit le cuivre qui touche la pointe de la langue, on 
percevra une saveur alcaline. C'est là un fait déjà signalé par Sulzer, et 
que Volta considérait comme un effet dynamique du cou: ant, lequel agirait 
de façons différentes sur la sensibilité, suivant qu’il entrerait ou sortirait 
par la pointe de la langue. Brugnatelli, peu satisfait de l'explication 
donnée par Volta, rattacha le premier la différence des sensations à une 
action chimique du courant. Les lames métalliques étant appliquées de la 
manière décrite, la langue joue le rôle de l'élément humide du couple 
électromoteur ; sur elle, comme dans chaque couple d'une pile, les acides 
se portent versle zinc, les alcalis vers le cuivre. Berzelius, adoptant cette 
explication, fait provenir les acides et les alcalis de la décomposition de la 
salive; le phénomène manque, en effet, quand la langue est sèche. De 
Humboldt ayant couvert la plaie d'un vésicatoire avec une lame d'argent 
au-dessus de laquelle était appliquée une lame de zinc, vit la sérosité 
qui coulait de cette plaie devenir roussâtre et corrosive ; il y avait en 
même temps une vive sensation de chaleur et une douleur aiguë. Ces 
phénomènes étaient moins marqués quand la lame de zinc couvrait la 
plaie. Ici, comme dans la première expérience, le métal qui touche la 
plaie représente l'élément attaqué d’un couple électromoteur. 

« Dans le but d'obtenir un effet contro-stimulant et aussi de produire 
des eschares, on a plus souvent appliqué sur les tissus dépouillés de 
leur épiderme par une vésication préalable, des lames de cuivre ou 
d'argent et de zinc disposées d’une manière un peu différente. Ces 
plaques, d'un diamètre de quelques centimètres, sont appuyées toutes 


408 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


deux sur Ja peau et maintenues à une petite distance l’une de l'autre; 
on les réunit ensuile à l’aide d’un fil de cuivre Bientôt une vive brûlure 
a lieu des deux côtés; mais, le plus souvent, seulement sous la plaque 
de zinc. Alors a lieu, de ce côté, une abondante sécrétion de sérosité 
blanchâtre; et, après vingt-quatre, trente ou trente-six heures, on trouve 
une grosse eschare blanche et coriace; la lame de z'nc est couverte 
d’un enduit blanc, ayant la consistance d'un onguent, sous lequel on la 
trouve noircie. Du côté de la plaque de cuivre, la douleur manque ou 
est de plus courte durée; quelquefois elle n'apparait qu'après plusieurs 
heures. La peau laisse filtrer, de ce côté, une sérosité jaunâtre qui se 
prend en gelée. Sous cette lame de cuivre l’eschare manque le plus 
souvent et la peau se trouve simplement rougie; quand l'eschare existe, 
elle est molle, d’un jaune sombre et moins épaisse que l’eschare du 
zinc. Quant à la lame de cuivre, elle est restée brillante ou noircic 
seulement par places. Des deux côtés, la peau environnante est rouge, 
tuméfiée et d'une sensibilité exaltée. L'eschare du zinc se détache après 
six à huit jours, et la plaie met au moins aussi longtemps à guérir; 
quelquefois elle reste pendant longtemps enflammée et très sensible, 
fournissant une suppuration modérée; la cicatrice qui en résulte est 
livide. L'eschare du cuivre se détache du second au troisième jour et la 
plaie se cicatrice très vite. Appliquées sur deux ulcérations chroniques, 
les deux lames électromotrices produisent les mêmes effets; une eschare 
se forme sous le zinc, tandis que sous le cuivre la plaie se trouve modifiée 
et se cicatrise promptement. Ce mode d'application du courant élec- 
trique que j'ai souvent expérimenté, fut d’abord employé par Carnevale, 
Arella, Rignon, Cogevina, Crescimbeni, Comelli, qui presque tous ont 
noté les mêmes phénomènes : forte irradiation et production d'eschare du 
côté du zinc ; action plus douce et favorable à la cicatrisation du côté du 
cuivre ou de l'argent »... 

« Les effets de ce mode d’application du courant électrique se mon- 
trent si différents de ceux que produit l'action d'une pile à couples nom- 
breux, qu’on pourrait être détourné de rattacher les uns et les autres à 
une même cause. En fait, on voit, lorsqu'on emploie la pile avec des élec- 
trodes oxydables, que l’altération organique est plus marquée du côté du 
pôle négatif, tandis que le contraire a lieu lorsqu'on fait usage d'an seul 
couple dans lequel le tissu entre pour un élément. Le même renversement 
se retrouve dans les deux cas, au point de vue de la douleur, de l’irrita- 
tion, du temps nécessaire à la formation et au détachement des eschares, 
ainsi qu'à la guérison des plaies. Que l'on considère donc qu'en employant 
la pile, le tissu organique interposé aux électrodes ne fait que servir de 
conducteur au courant, tandis que dans le dernier mode d'application ce 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 409 


tissu fait partie du couple électromoteur ; on verra que dans le premier 
cas les effets doivent être ceux qui se produisent dans le circuit extérieur 
de la pile, dépendant de la tension du courant et des points d’application 
des électrodes, tandis que dans le second, les changements qui surviennent 
doivent être les mêmes que ceux qui ont lieu dans chacun des couples de 
la pile, c’est-à-dire action chimique vive au niveau de l'élément zinc, 
sensiblement nulle à la surface du cuivre. Si, dans une pile à colonne, on 
emploie comme liquide excitateur un acide faible, tel que le vinaigre, 
l'élément zinc se couvre d'oxyde blanc (1), tandis que le cuivre demeure 
brillant ou à peine noirci. La mème chose a lieu lorsqu'on applique sur 
deux points distincts de la peau dépouillée de son épiderme des lames de 
métaux différents reliées entre elle par un arc conducteur ; une action 
chimique a lieu, plus vive du côté du zinc ; les acides organiques à l'état 
naissant réagissent sur la lame métallique et sur les tissus qu’ils décom- 
posent et réduisent en une eschare offrant les caractères de celles produites 
par les caustiques acides ou coagulants. Du côté du cuivre, les phénomènes 
sont moins marqués ; cependant l’eschare qui se forme quelquefois et 
offre les caractères des cautérisations par les alcalis, est l'indice d'un 
travail chimique. 

» La douleur vive et prolongée qui accompagne cette action du 
courant électrique, l'augmentation des sécrétions dans les parties situées 
sous les lames métalliques, les signes de vitalité exaltée fournis par les 
parties voisines, pourraient donner à penser que les altérations organiques 
observées sont le produit d’une inflammation provoquée par le courant. 
On ne peut méconnaitre, dans ces phénomènes, les signes d’une vive 
exaltation vitale; mais est-elle la cause des lésions organiques ou n’est- 
elle qu'un effet reconnaissant la même cause que celles ci? A ceux 
qui voudraient tout expliquer par une réaction physiologique, on peut 
objecter que, dès que les lames métalliques sont appliquées, une action 
chimique se produit, sans laquelle le développement d'électricité n'aurait 
pas lieu. L'isolement des acides et des alcalis, qui se portent immé- 
diatement sur les surfaces de contact des lames métalliques, ne peuvent 
manquer de produire à la fois l'irritation et la désorganisation des 
tissus. Ce sont là deux effets dépendant d’une même cause. Les phénomènes 
d’exaltation vitale ne sauraient être attribués à l'action physiologique du 
courant, puisque l'appareil employé ne provoque aucune réaction appré- 
ciable de cet ordre chez l'homme, et qu'il est à peine suffisant 


(1) La formation de la couche d’oxyde blanc ne tient pas à la faiblesse de l’acide 
employé, mais à l’absence d'un acide assez stable (sulfurique ou chlorhydrique) pour 
transformer cet oxyde blanc en un sel (sulfate ou chlorure) soluble. A.T. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGI&. TOME X. — JUIN 1907. 29 


410 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pour convulser les muscles d’une grenouille. Les éléments acides et 
alcalins mis en liberté par le courant agissent, comme dans les 
applications desquelles j'ai traité, à la manière de caustiques 
faibles, dont l’action provoque une réaction vitale d'autant plus sûrement 
qu'ils agissent plus lentement, tandis que les caustiques énergiques 
détruisent rapidement les tissus. 

» Pour arriver à éliminer, dans ce mode d'application de l'électricité, 
la part qui peut être faite aux réactions physiologiques, j'ai institué 
quelques expériences sur le cadavre. En voici le résumé: 

» Deux plaques carrées de cuivre et de zinc ayant 5 centimètres de 
côté, bien polies, réunies l’une à l’autre par un conducteur de cuivre, 
sont appliquées et assujettics par des tours de bande à la peau d'un 
cadavre. On avait préalablement, à l’aide du marteau trempé dans l'eau 
bouillante, enlevé l’épiderme dans deux places larges de 2 centimètres 
chacune, et distantes de quelques centimètres. Les applications durent 
de vingt à quarante-huit heures, au bout desquelles je trouve la lame de 
zinc adhérente à la peau; la lame de cuivre n'est pas adhérente. Les 
parties de la peau dépouillées d’épiderme et couvertes par les plaques 
étaient converties en eschares ; celles-ci comprenaient toute l'épaisseur 
de la peau lorsque l'application était suffisamment prolongée, et que le 
cadavre s’y prêtait. L’eschare formée sous le zinc s’est toujours montrée 
sèche et coriace; celle formée sous le cuivre, molle, jaunâtre ou violacée; 
quelquefois l’action chimique s'étendait de ce côté à toute la peau recou- 
verte par la lame, y détachant l'épiderme, et lui laissant une coloration 
bleue, violacée ou verdètre. Le disque de zinc se couvre, dans les parties 
qui correspondent à l’eschare, d'une couche d'oxyde blanc; le disque de 
cuivre reste brillant. Dans quelques épreuves, le panier de tournesol m'a 
permis de constater les réactions caractéristiques des effets chimiques 
qui se produisent aux deux pôles Les effets du courant varient avec le 
degré de conductibilité de la peau. Quand la peau est sèche ou doublée 
de peu de tissu cellulaire, les phénomènes de désorganisation sont moins 
prononcés; quelquefois ils sont bornés à une simple décoloration de la peau; 
mais jamais l'altération du zinc avec sécheresse de la partie qu'il recouvre ne 
fait défaut. De même le cuivre reste brillant, et les parties qu'il recou- 
vrait se montrent toujours molles et humides. Les choses se passent à peu 
près de même quand on applique les disques métalliques sur une peau 
molle, quoique non infiltrée, recouverte de son épiderme ; celui-ci se 
trouve soulevé sous forme d'écailles furfuracées dans la partie restée 
sèche que couvrait le zinc ; la partie recouverte par le cuivre est jaune, 
molle ; l’épiderme y est quelquefois soulevé par de la sérosité. Les alté- 
rations sont également peu marquées lorsque la peau est œdémateuse ; 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 411 


cela tient peut-être à ce que les produits de la décomposition opérée par 
le courant sont affaiblis par leur dilution dans une grande quantité de 
liquide. Cependant on retrouve encore dans ce cas, tant sur la peau que 
sur les lames métalliques, les caractères distinctifs des deux actions 
chimiques. 

« Les résultats de ces expériences établissent de la manière la moins 
contestable que les altérations organiques qui se produisent sous 
l'influence d’un couple électromoteur unique, dans lequel le tissu vivant 
entre comme élément liquide, sont dues à l’action chimique du courant. 
Les différences notables entre les résultats obtenus sur le cadavre et ceux 
obtenus sur le vivant peuvent dépendre d'une exaltation de la vitalité des 


parties en expérience et de l’hypersécrétion séreuse qui en est la consé- 


quence. C'est là une condition qui fait que, chez le sujet vivant, les effets 
chimiques sont moins marqués, ainsi qu'on l'observe d'ailleurs sur les 
cadavres infiltrés ». 

Rappelons enfin aux médecins qui voudraient utiliser, en vue du 
traitement des ulcères chroniques, l'influence réparatrice constatée dans 
les épreuves dont M. Ciniselli vient de faire l’histoire, qu'il n'est pas 
nécessaire, dans la pratique, de produire les deux eschares. Le disque de 
cuivre étant appliqué directement sur la surface à modifier, on protègera 
la peau soumise à l’action du zinc en la séparant de celui-ci par une 
compresse humide; l'action chimique aura toujours lieu à la surface du 
zinc, et la peau sera épargnée. 


Wei 


Varices viscérales. 


Par M. le Docteur A. TRIPIER. 


Les varices des veines superficielles des membres ou du tronc n'ont 
jamais pu passer inaperçues; de tout temps elles ont eu une histoire, 
au moins descriptive, sur l'intérêt ou les lacunes de laquelle je n'ai pas 
à m'arrêter ici. Plus obscure est celle des veines profondes des membres : 
on sait qu'il en existe, qu’elles sont une des causes prochaines d'œdèmes 
douloureux, et on les traite, comme d’ailleurs les varices superficielles, 
par le moyen palliatif de la compression en masse du membre. 

D’autres localisations variqueuses ont été plus spécialement étudiées, 
en raison des inconvénients spéciaux qui en résultaient, en raison surtout 
de la possibilité de les atteindre et de leur opposer une thérapeutique 
chirurgicale : telles sont les varices du rectum ou hémorrhoïdes, celles 
du cordon spermatique ou varicocèles. 

Je m'étais tout d’abord contenté de ces notions sommaires sur 
l'affection variqueuse, lorsque l'observation clinique me conduisit à me 
demander si les veines de tous les organes n'étaient pas exposées, plus 
ou moins, à devenir variqueuses, et si certains phénomènes d'une 
objectivité obscure ne devaient pas ètre rattachés à des congestions de 
tout point comparables aux crises hémorrhoïdaires classiques. La chose 
n’était pas improbable u priori, mais des observations prolongées étaient 
nécessaires pour entrainer une conviction à l'endroit de phénomènes 
dont l'interprétation ne pouvait se fonder que sur des données en partie 
conjecturales. 


Au printemps de 1867, je fus consulté par un de mes amis qui, au 
cours d’un état de santé satisfaisant, avait été pris d hématurie s'accom- 
pagnant de pesanteur et de tension douloureuse du bassin. La quantité 
du sang perdu était médiocre ; il arrivait même que certaines mictions 
n’en contenaient pas, lorsque, à la suite de l'ingestion un peu copieuse 
de boissons délayantes, l'émission de l'urine était prompte, fréquente et 
relativement abondante. 

Ces accidents duraient depuis une quinzaine de jours quand on 
demanda mon avis. 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 413 


Le médecin habituel du malade, puis un spécialiste appelé en consul- 
tation, avaient opposé à cet état l’usage interne des divers astringents, 
et finalement les préparations de perchlorure de fer. Une aggravation 
des symptômes subjectifs avait coïncidé avec l'institution de ce traitement, 
et, depuis, les urines étaient plus régulièrement sanguinolentes, 

Le sujet, homme de quarante-cinq ans, d’une très belle constitution 
apparente, appartenait à une famille d'arthritiques. Son père grand et 
vigoureux jusqu'à sa mort à l'âge de quatre-vingt deux ans, n'avait 
jamais souffert que d’hémoptysies ; celles-ci avaient cessé vers l’âge de 
cinquante ans. Un frère, chez lequel j'ai vu à plusieurs reprises des 
hémoptysies extrêmement abondantes, qui ne laissaient derrière elles 
que quelques jours de fatigue, aurait offert aussi tous les attributs d’une 
belle santé s'il n'eut été tourmenté de temps en temps par des crises de 
coliques hépatiques, ordinairement sourdes, mais dont quelques-unes 
avaient présenté l’acuité des crises classiques. Chez tous trois, poussées 
hémorrhoïdaires discrètes, non fluentes, et n'ayant jamais sérieusement 
incommodé. 

Consulté après l’insuccès des hémostatiques, je me demandai si l’état 
variqueux du rectum, qui ny décidait pas de crises hémorrhagiques, 
n'existerait pas aussi pour le bas fond de la vessie, entraînant un peu 
d'hématurie. La supposition me parut admissible ; et je prescrivis deux 
fois par jour, dans un verre d'eau, 25 gouttes de teinture de chardon 
Marie. Cette médication amena immédiatement une amélioration de ce 
qu'on me permettra d'appeler le ténesme périnéal. L’hématurie cessa 
au bout de quelques heures. 

L'aventure se reproduisit une fois avant la mort du malade, qui 
succomba cinq ans plus tard, en Autriche, à un « typhus abdominal » 
hémorrhagique. L'usage immédiat du chardon Marie arrêta l’hématurie 
dès le début. 

Le choix du chardon Marie procédait de l'emploi que j'en avais vu 
faire à l'hôpital militaire du Gros-Caillou par Worms, qui l'avait trouvé 
indiqué par Rademaker contre les congestions hépatiques en général, et 
spécialement contre celles qui apparaissent périodiquement chez les 
lithiasiques biliaires. Worms employait surtout la décoction des semences, 
plus rarement la teinture, et déclarait avoir eu souvent à s'en louer. Je 
partis de là pour essayer les préparations de semences de chardon Marie 
contre la tension douloureuse des congestion hémorrhoïdaires ; et les 
résultats obtenus me parurent assez satisfaisants pour me conduire à y 
recourir dans les circonstances où une pathogénie analogue me paraissait 
pouvoir expliquer des phénomènes qui, malgré des différences de siège, 
présentaient un certain nombre de traits communs, notamment une 


414 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


douleur gravative capable d'offrir toutes les nuances d'intensité, déve- 
loppée dans une région présentant à un degré variable de l’empâtement 
œdémateux. 


Depuis cette époque, c'est-à-dire depuis une vingtaine d'années, ma 
pratique gynécologique, ma offert un grand nombre d'exemples, confus 
d’abord, plus nets quand mon attention fut appelée sur eux, de ces œdèmes 
douloureux imputables à des stases variqueuses. 

Les cas où cette disposition variqueuse existe, chez la femme, dans 
l'urêtre ou au méat, sont d'une observation relativement facile et se 
rencontrent assez fréquemment. On les trouve, coexistant ou non avec des 
hémorrhoïdes anales, ne donnant que rarement lieu à des écoulements 
sanguins, mais presque constamment à des dysuries fort pénibles. Dans 
quelques-unes, la douleur est atroce, et se prolonge au point de représenter 
des crises continues de plusieurs jours. 

Chez toutes mes dysuriques variqueuses, je prescris d’abord la teinture 
de chardon Marie — 20 gouttes dans un verre d'eau, matin et soir — 
mais ce palliatif est souvent insuffisant. Le moyen curatif auquel j'ai 
recours alors, moyen imité du traitement qu’a appliqué Foutan, de Lyon, 
aux hémorrhoïdes, est la dilatation brusque de l’urètre (1). Je pratique 
celle-ci avec un spéculum auri-bivalve, le spéculum de Blanchet dont j'ai 
fait seulement allonger les valves jusqu’à 7 centimètres. Une dilatation 
suffit le plus souvent; quelquefois, j'ai dû la répéter au bout de six mois; 
dans un seul cas, que j'ai perdu de vue, ces deux dilatations paraissaient 
devoir être insuffisantes. Chez nombre de malades que j'ai pu suivre, le 
succès se maintient après dix et douze ans. 

Il est une localisation variqueuse que j'ai dû rencontrer souvent, et 
dont j'ai méconnu la nature jusqu'au jour où je l'ai soupçonnée et où 
cette vue conjecturale a été justifiée par l'épreuve thérapeutique. 

Il s'agissait d'une femme de trente-cinq ans, à laquelle je donnais des 
soins depuis huit ans environ pour un engorgement utérin très pénible, 
Celui-ci, très soulagé par la faradisation, offrait des rechutes faciles, que 
je croyais pouvoir expliquer par la coexistence d'une dysménorrhée 
membraneuse type, qui cédait facilement à mes injections intra-utérines 
de savon ioduré, maïs reparaissait au bout d'un an environ après l'inter- 
ruption d'un traitement qui fut toujours écourté. La cessation du dernier 
traitement de la dysménorrhée remonte toutefois à trois ans, sans qu'elle 
ait encore reparu. 

Légers bourrelets hémorrhoïdaux qui n'ont jamais saigné. Varices 


(Q) A Tripier, Leçons cliniques sur lès maladies des femmes. Paris, 1883, 
O. Doin. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 415 


uréthrales et dysurie pour lesquelles j'ai, il y a sept et six ans, pratiqué 
deux fois la dilatation. Par sa mère, la malade appartient à une famille 
de névrosiques; son père est mort phtisique au cours d'une ataxie 
locomotrice ; avant que j’eusse à l’observer, elle-même avait failli 
succomber, il y a douze ans, à une « anémie essentielle » survenue à la 
suite, mais non à l’occasion d'une couche. J’ai dit plus haut que durant 
huit ans j'avais pu suivre cette malade de près à l’occasion d’un engor- 
gement à répétitions compliqué de dysménorrhée membraneuse. 

Dans ce laps de temps, elle avait été atteinte deux fois, à un an 
d'intervalle, d’une affection abdominale très douloureuse, à peu près 
apyrétique, qui chaque fois l'avait maintenue six semaines au lit, la 
laissant fort débilitée au début d'une convalescence assez longue. J'aurai 
à revenir sur une erreur de diagnostic que j'ai très vraisemblablement 
commise à cet endroit. C’est à une reprise de cette affection, survenue 
il y a deux ans, deux ans après l'atteinte précédente, que je vais m'arrêter 
pour le moment. 

Au milieu d’un état de santé relativement satisfaisant, survient une 
douleur, d’abord légère, de la région hypochondriaque droite, douleur 
qui, en vingt-quatre heures, acquiert une intensité suffisante pour 
contraindre la malade à garder le lit. Fièvre modérée. Inappétence ; les 
aliments liquides, seuls acceptés, ne sont pas gardés. La douleur de la 
région ovarique est devenue intolérable ; pas de sommeil possible. La 
teinture de digitale à l'intérieur et l’infusion de feuilles en irrigations 
vaginales, qui, dans les deux crises précédentes, avaient semblé procurer 
quelque soulagement, restent cette fois sans effet. Il en est de même du 
sulfate de quinine à la dose de 1, 2 grammes par jour, qui pouvait 
sembler indiqué par des antécédents paludéens, et des embrocations 
d'huile de jusquiame camphrée. L'examen local ayant fait écarter l’idée 
d'un abcès en voie de formation, l'intensité de la douleur, la sensibilité 
au moindre contact, le météorisme, me font, malgré la modération de 
l'appareil fébrile, craindre l'existence ou la prochaine apparition d’une 
péritonite. Continuation de la digitale et du sulfate de quinine, onctions 
abdominales avec l'onguent napolitain; aucun soulagement. 

Nous en étions au quatrième jour de cette situation lorsque, me 
rappelant les velléités d'hémorrhoïdes de la malade et les divulsions 
urétrales que j'avais dû lui faire subir, mon attention s'étant d’ailleurs 
portée depuis sur des complications amenées dans les affections abdomi- 
nales les plus diverses par l’état variqueux viscéral qui fait l’objet de 
cette note, je prescrivis la teinture de chardon Marie, non encore avec 
la prétention d'en faire le médicament de la situation, mais comme 
adjuvant visant à atténuer une condition qui pouvait représenter une 


416 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


des composantes d’un appareil morbide complexe. Au bout de deux ou 
trois heures, soulagement marqué ; puis quelques heures de sommeil ; le 
lendemain matin, la situation était transformée. La convalescence dura 
une semaine environ. 

Depuis deux ans, cette dame a toujours sous la main le flacon de 
teinture de chardon Marie, auquel elle a recours pendant quatre ou 
cinq jours quand elle se sent « le ventre fatigué ». Sans être encore 
brillante, la santé de cette malade est meilleure que je ne l'ai vue depuis 
onze ans, bien qu'elle soit astreinte à un travail qui fatiguerait la femme 
la mieux portante. 

L'observation qui précède m'a donné à réfléchir sur une opinion que 
j'avais formulée autrefois et que j'ai résumée comme il suit dans mes 
Leçons cliniques : 

« On voit très souvent des hystéropathiques qui se présentent comme 
ayant eu plusieurs péritonites, jusqu’à cinq ou six. Plus elles en ont eu, 
plus le pronostic est favorable, au moins au point de vue péritoine. 
Malgré la douleur, la face grippée, la sensibilité aux moindres pressions 
exercées sans précaution sur l'abdomen, ces prétendues péritonites ne 
s'accompagnent pas de fièvre ou n'offrent qu'un appareil fébrile léger; 
lent ou un peu fréquent, le pouls présente l'élasticité dure qu’on lui trouve 
chez les rhumatisants. Il s’agit là d’un rhumatisme de l'ovaire, affection 
assez commune, que je crois avoir signalé le premier. » 

Je crois toujours au rhumatisme de l'ovaire : les signes fournis par 
le pouls et le mode de sensibilité à la pression, les résultats thérapeu- 
tiques obtenus très promptement de l'emploi des préparations de digitale, 
me paraissent ne pas autoriser à le méconnaitre. Mais je me demande 
aujourd’hui s’il ne m'est pas arrivé de mettre quelquefois sur son compte 
les douleurs causées par des œdèmes ovariens ou périovariens d’origine 
variqueuse. L'état du pouls, très fréquent et déprimé dans la péritonite, 
plus rare et dur dans le rhumatisme de l'ovaire, — le mode de sensibilité 
de la région, impatiente de tout contact ou pression dans la péritonite, 
supportant assez bien une pression lentement progressive dans le 
rhumatisme, — enfin, l'épreuve du traitement par la digitale, promptement 
efficace dans le rhumatisme, permettent d’écarter le diagnostic péritonite 
très souvent porté à tort dans des cas de rhumatisme ovarien. Je crois 
qu’il sera quelquefois plus difficile de distinguer l'œdéme variqueux 
ovarien de la péritonite : les signes différentiels auxquels j'attacherais 
jusqu'ici le plus d'importance sont, d’une part, les caractères de l'appareil 
fébrile, d'autre part, les résultats obtenus des tentatives thérapeutiques. 
Comme l'hypothèse du rhumatisme est justifiée par la digitale, de même 
celle des varices ovariennes serait légitimée par les résultats favorables 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 417 


obtenus des préparations de chardon Marie ou des succédanés que 
l'expérience clinique pourra conduire à leur trouver. 

Ces accidents, dont l'observation m'offiait des types épars plus ou 
moins étroitement localisés, ne pouvaient-ils se présenter réunis sur un 
terrain plus étendu et intéresser toute la cavité pelvienne? 

J'avais observé, il y a dix-huit ans, et ai pu suivre depuis, de loin en 
loin, un cas d’hémorrhoïdes rectales et vésicales, avec douleurs pelviennes 
intenses et étendues, où des crises d'une extrême violence durent quel- 
quefois, avec de légères rémissions, pendant un ou deux mois. 

En feuilletant mes notes, je trouve maintenant d'assez nombreuses 
observations où la persistance, quelquefois la permanence de malaises 
plus ou moins prononcés me parait devoir être attribuée à une cause de 
cette nature. En même temps, j'ai eu à me demander si ce mécanisme ne 
devait pas être invoqué pour expliquer des gènes tenaces, quelquefois 
douloureuses, dont le siège est celui des colons, descendant, ascendant 
et même transverse. 

Lorsque, il y a une trentaine d'années, j'appliquai la faradisation au 
traitement des engorgements de l'utérus, je rencontrai, à côté des cas où 
ce diagnostic devait être maintenu et où les résultats du traitement 
étaient rapidement et définitivement favorables, des cas d'insuccès relatifs 
de deux ordres. 

Dans les premiers, le bénéfice immédiat du traitement était manifeste, 
mais incomplet et promptement limité. Ces cas étaient ceux dans lesquels 
— ainsi que je l'ai reconnu quinze ans plus tard (1) — l'engorgement 
était dû, non pas à une hyperplasie conjonctive simple, mais à une infil- 
tration fibreuse. 

Dans d’autres cas, plus rares, le succès était rapide encore, mais le 
bénéfice acquis moins stable. Même après un traitement suffisamment 
prolongé, des rechutes survenaient, au bout de quelques semaines ou peu 
de mois. Alors que dans les cas d’engorgement banal, d'origine mécanique, 
quand le traitement avait été sommaire et suspendu dès l'obtention d’une 
amélioration subjective trouvée suffisante par les malades, je ne revoyais 
celles-ci que deux ou trois ans après et leur restituais en quatre ou cinq 
séances, quelquefois moins, le bénéfice du premier traitement, d'autres 
malades présentaient des conditions bien différentes : chez elles, l'amélio- 
ration de la situation était moins complète et surtout moins persistante : 
je les revoyais plusieurs fois au cours d'une année Chez quelques-unes 
au moins de ces dernières, l'instabilité des bénéfices acquis à l'aide de 


(1) Une nouvelle classe de topiques intra utérins. Traitement des fibromes inters- 
titiels (Gazette obstétricule, 18:8). — Bulletin de thérapeutique médicale et chirur- 
gicale, 1880, et Leçons cliniques sur les maladics des femmes, VII-IX, 1883. 


418 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


divers traitements m'a paru coïncider avec la prédisposition sur laquelle 
j'appelle aujourd’hui l'attention, avec des congestions passives ou des 
stases que rien ne prépare mieux que l'état variqueux pelvien, et qui 
trouveraient dans un embarras permanent ou accidentel de la circulation 
hépatique leur raison d'ètre déterminante. 

Déjà, avant d’être fixé sur la part qu’il y avait lieu de faire aux 
fibromes dans la production des hypertrophies utérines, j'avais signalé 
la fréquence des rechutes des engorgements chez les malades affectés de 
lithiase biliaire. 

Parmi ces lithiasiques biliaires, il en est deux qui succombèrent, loin 
de Paris, peu de temps après avoir échappé à mon observation. J'avais 
pu les suivre longtemps, et le dénouement m'avait assez frappé pour que 
le souvenir de ces malades soit encore très net chez moi. Or, je ne puis 
m'y reporter sans y retrouver deux types de variqueuses abdominales. 

La première était une femme de quarante-cinq ans, venue me consul- 
ter pour des malaises abdominaux que je rattachai à l'existence d'un 
engorgement utérin considérable. Très soulagée par la faradisation, cette 
malade venait s'y soumettre régulièrement pendant la saison d'hiver 
qu'elle passait à Paris; cependant, malgré cette régularité, des rechutes 
survenaent de loin en loin. L’engorgement était-il simple ou fibreux? 
Je ne faisais alors ce diagnostic que dans les cas de fibromes évidents du 
col ou du segment inférieur. J'’attribuai la facilité des rechutes à la 
lithiase biliaire très accusée chez cette malade, et à laquelle j'avais déjà 
cru pouvoir attribuer chez d’autres des rechutes analogues qui ne me 
paraissaient pas pouvoir s'expliquer autrement. Pas de varices des 
membres, mais des hémorrhoïdes non fluentes avec molimen congestif 
presque constant, s’accusant par un malaise abdominal général qui me 
paraitrait aujourd’hui caractéristique. Après avoir pu suivre cette malade 
pendant deux ans au moins, j'ai appris sa mort, à l'étranger, par fièvre 
typhoïde avec hémorragies intestinales. 

L'autre cas est celui d'une jeune femme de trente-cinq ans, qui, 
lorsqu'elle vint réclamer mes soins pour un engorgement utérin, — 
rebelle et probablement fibreux — accusait cinq péritonites antérieures. 
Pendant sept ans que j'eus cette malade en observation, je fus témoin de 
deux de ces crises de pseudo-péritonites Le rapide succès des préparations 
de digitale me fit conclure à du rhumatisme de l'ovaire. Le sujet 
succomba quelque temps après en province, à une péritonite (véritable 
cette fois?). Cette malade était une arthritique type : goutte articulaire, 
lithiase biliaire, hémorrhoïdes, dermatoses. La forme et la périodicité 
fréquente de ces malaises sans cesse renaissants me font croire qu'il 
s'agissait ici encore d'une variqueuse viscérale. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 419 


Le chardon Marie avait été employé chez ces malades, mais très 
passagèrement et seulement contre les crises hépatiques. 

Plus récemment 1), à l’occasion des fibromes, j'ai signalé les diffi- 
cultés qu'on éprouvait, leur appliquant mon traitement par les injections 
iodurées, à en obtenir la résolution chez les malades qui se trouvent sous 
une influence paludéenne. Y aura t-il lieu, plus tard, de constater des 
rapports spéciaux entre certaines manifestations de l’impaludisme, les 
embarras circulatuires prédisposant aux varices abdominales et les condi- 
tions de terrain favorables à la prolifération fibreuse ? C’est une question 
qui ne peut actuellement que se poser. 

Quoi qu'il en soit de ces points réservés, il est aujourd’hui pour moi 
bien établi : 

Que chez un certain nombre de femmes, plus spécialement chez celles 
qui appartiennent à la classe des arthritiques, et, parmi celles-ci, chez 
celles qui présentent des embarras circulatoires du côte du foie avec des 
poussées hémorrhoïdaires, on rencontre des accidents pelviens qui, sans 
procéder directement de lésions utérines, ovariques ou intestinales, contre 
lesquelles on serait tenté de diriger tout d'abord un traitement, en 
aggravent singulièrement les symptômes subjectifs. 

Que ces complications, que je crois pouvoir rattacher à l'existence de 
stases variqueuses plus ou moins étendues, s'accusent par des manifesta- 
tions variables dans leur expression symptomatique avec la localisation, 
l'étendue, le degré des stases sanguines ou séreuses, et aussi avec les 
lésions préexistantes ou concomitantes du terrain sur lequel elles siègent. 
Les malaises relevant de ce chef consistent surtout en un sentiment de 
tension douloureuse vague et en l’exaspération des phénomènes doulou- 
reux préexistants, ou en l'apparition de ces phénomènes alors que la 
lésion qui décide leur localisation était d’abord indolore. 

Que les varices viscérales, exclusivement étudiées jusqu'ici au rectum 
et dans le cordon spermatique, peuvent exister isolément ou en masse 
dans tous les organes pelviens (2). 

Que si mes observations ont porté presque exclusivement sur des 
femmes et sur les localisations pelviennes, les hommes ne sont pas à 
l'abri de cet ordre de lésions, dont le siège peut vraisemblablement être 
quelconque : et qu'il serait intéressant de rechercher, non seulement dans 
Ja cavité abdominale, mais encore dans des viscères thoraciques et 
même encéphaliques. 


a) Leçons cliniques, IX. 

(2) Leur existence à l’ovaire a été constatée sur le cadavre par Richet. Un de ses 
élèves, S. Devalz, l'a rappelée dans un mémoire sur le Vuricocèle ovarien et son 
influence sur le développement de l'hématocèle rétro-utérine (Thèse de Paris, 1858). 


420 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Que la disposition variqueuse représente une véritable infirmité, ne 
permettant guère jusqu'ici, chez les sujets qui en sont affectés, que des 
éclaircies d’un bien-être relatif, et qu'elle peut constituer une complication 
grave au cours de certaines maladies aiguës. 

Les conclusions qui précèdent visent les cas — aujourd’hui presque 
tous — qui sont abandonnés à eux-mêmes Il ne me parait pas douteux 
que la thérapeutique, et surtout l'hygiène, permettent d'en atténuer la 
rigueur. 


Que peut être le traitement de la situation créée par l’existence des 
varices viscérales — et spécialement des varices de la cavité abdominale? 

Pour quelques-unes d’entre elles, pour celles du rectum, de l’urètre, 
du cordon spermatique, nous avons la ressource des moyens chirurgicaux. 
Mais pour les varices qui échappent à l'opération, pour celles qui sont 
un peu étendues et intéressent des organes délicats, il faut chercher plus 
haut, remonter aux causes aussi loin qu'on le pourra, et faire face de son 
mieux aux conditions générales, dont quelques-unes permanentes, qui 
prédisposent aux crises. 

On a vu plus haut les bons effets que m'ont donnés les préparations 
de chardon Marie. Jusqu'à plus ample information, elles restent pour 
moi le meilleur médicament de la crise; enfin, il n’est pas douteux 
qu'elles conjurent celle-ci dans des cas fréquents où des malaises 
précurseurs peuvent la faire justement redouter. 

Lorsqu'il employait les semences de chardon Marie contre les crises 
de lithiase biliaire, Worms faisait traiter, dans une cafetière à la 
Dubelloy, une cuillerée à bouche de semences fraichement moulues, par 
290 grammes d’eau bouillante. L'infusion était prise, par gorgées, en 
vingt-quatre heures, avec la précaution de s’en abstenir durant l'heure 
ou l'heure et demie qui suivait les repas. 

J'ai recours plus habituellement à la teinture alcoolique, à la dose 
de 20 à 25 gouttes dans un verre d'eau, à boire par gorgées, une ou 
deux fois par jour, suivant les cas, à jeun ou quelque temps après les 
repas. 

L'extrait alcoolique peut aussi rendre des services très appré- 
ciables (1). Je l'ai fait entrer dans les pilules aloëtiques, modification 


(1) Jolly, qui a sur ma demande réintroduit ce médicament en France, n'a trouvé 
dans les semences de chardon Marie aucune trace de tannin Il y a rencontré une 
proportion de 25 cf d’une huile grasse à peu près insoluble dans l'alcool, et encore 
peu étudiée. Traitées par l'alcool à 60 degrés, les semences, dégraissées ou non, 
abandonnent un extrait gommo-résineux de couleur jaune dans la proportion de 12 ©}. 
C'est à cette substance que devraient être attribuées les propriétés dont jouissent les 
semence des chardon Marie (Jolly, Société de médecine pratique, 1881). 


NUMÉRO DU D” TRIPIER _ 421 


des grains de santé de Franck, où il agit à la fois comme correctif et 
comme adjuvant. J'emploie encore l'extrait dans des pommades portées 
sur des tampons vaginaux et dans des suppositoires où il se trouve tantôt 
seul, tantôt associé à l'extrait de digitale. 

Au moment où l’on est consulté pour des accidents actuels ou immi- 
nents, c'est aux moyens pharmaceutiques qu'on est obligé de recourir 
tout d'abord; aussi indiquerai je ici ceux qui, d’après les vertus qu'on 
leur a attribuées, pourraient être esssayés comme succédanés du chardon 
Marie. 

L'infusion de racine de Pareira brava (20 p 1000), une tasse à thé 
deux fois par jour, m'a paru agir quelquefois favorablement ; mais je l'ai 
essayée dans trop peu de cas pour avoir pu arrêter une opinion à son 
endroit. 

Il en est de même de la teinture d'Hydrastis canadensis. 

Parmi les médicaments qu'on pourrait être tenter d'essayer d'après 
ce qui a été écrit sur leur compte, je signalerai l'Hamamelis virgi- 
nica, le Cascara sagrada et la tisane d’Ortie blanche. 


Pour en finir avec les moyens pharmaceutiques, j'indiquerai les 
applications rectales ou vaginales de préparations belladonées qui m'ont 
paru ne pas soulager d’une façon appréciable. Les préparations d'opium, 
que je n'ai pas employées mais ai vu souvent employer par les malades, 
pe donnent aucun bon résultat et m'ont semblé prolonger la durée des 
crises. 

C'est encore comme médicalement de la crise actuelle ou imminente 
que je dois apprécier l'électricité, à laquelle j'ai cu souvent recours 
sur une double indication ou pour calmer des phénomènes douloureux 
dont le mécanisme m'échappait et sur la pathogénie desquels je n'avais 
encore arrêté aucune idée préconçue En rapprochant mes impressions 
anciennes d'observations plus récentes et systématiques, faites surtout chez 
des malades qui avaient à subir concurremment un traitement électrique 
pour des affections utérines ou nerveuses diverses, je crois pouvoir arriver 
déjà à quelques conclusions pratiques. 

Dans les cas aigus très douloureux la faradisation pelv'enne est 
contre-indiquée, comme d’ailleurs dans toutes les circonstances où existe 
un appareil fébrile. En revanche, elle est avantageuse dans les cas fran- 
chement apyrétiques, modérant les crises actuelles et retardant, dans des 
mesures d’ailleurs très inégales, les crises ultérieures. La faradisation doit 
être alors pratiquée à l’aide d'un excitateur négatif engagé dans le 
rectum, ou dans l'utérus, ou dans la vessie; circuit fermé sur l’abdomen ; 
séances longues, de 6 à 10 minutes, par courants modérément intenses 
de la bobine à gros fil. 


422 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Des périodes variables d’un calme relatif succèdent quelquefois, même 
durant les crises douleureuses, à la voltaïsation ascendante de la région 
vertébrale. Séances de 5 minutes par courants de 12 à 20 milliampères. 
C'est là une opération qu'il serait utile de répéter tous les jours 
lorsqu'apparaissent des phénomènes de tension gênante ou douloureuse 
pouvant faire redouter l'apparition d’une crise aiguë, 


En dehors des crises et de leurs prodromes, c'est à l'hygiène qu'il 
appartient d'agir favorablement sur une situation fondamentale défec- 
tueuse. Le régime général des arthritiques doit être appliqué ici dans 
toute sa rigueur, non seulement quant à l'alimentation. mais dans ses 
prescriptions de tous ordres. Je n'y reviendrai pas ici, l'ayant longuement 
détaillé et discuté ailleurs (1). 


Chez les variqueux viscéraux, la constipation habituelle — qui, sous 
des formes variées, peut étre considérée comme la règle — prend l'im- 
portance d'une condition d’imminence morbide. Ses raisons d'être sont 
généralement multiples et il en est qu’on ne peut avoir la prétention de 
supprimer, qu'on pourra tout au plus atténuer à la longue. L'usage des 
purgatifs ou d’autres moyens laxatifs s’imposera donc constamment. 
Peut-on s'adresser à eux indifféremment? — La négative n'est pas 
douteuse. Et, dans le choix du moyen adopté, il est indispensable de faire 
entrer en ligne de compte cette considération, qu'un médicament dont 
l'usage deviendra habituel doit être manié autrement que lorsqu'il a à 
intervenir accidentellement, en vue de remédier à une situation passagère. 

J'avoue avoir professé de tout temps pour l'usage habituel des 
purgatifs salins une antipathie peut être excessive; je n’admettais, alors 
que des évacuants devaient être pris tous les jours, que l'emploi des 
drastiques, ou plutôt de l'aloès, qui peut être indéfiniment poursuivi sans 
inconvénient, s’il est réglé avec mesure et tempéré par l'association à des 
correctifs qui en disséminent l'action locale. Avec la précaution d'associer 
l'aloès au chardon Marie dans un véhicule savonneux, j'ai pu le donner 
tous les jours, pendant des années, à des hémorrhoïdaires. 

La distinction entre les constipations des « échauffés » et celles des 
« inertes », et l'observation d’un cas dans lequel l'action d’une prise 
quotidienne de 0,05 d'aloès, efficace pendant le cours du mois cessait de 
l'être à l'approche des règles, m'ont conduit à m’écarter de la règle 
que je m'étais tracée et à admettre la répétition, pendant des périodes 
limitées, des purgatifs salins donnés à petites doses dans des véhicules 
aqueux relativement copieux. 


(1) Leçons cliniques, l’Arthritisme chez la femme, XVII, XVL.I. 


NUMÉRO OÙ D' TRIPIER 423 


Mais c’est aux « petits moyens » qu'il convient le mieux de recourir 
toutes les fois qu'ils peuvent suffire. Telle est l'habitude de s en tenir. 
pour le premier repas du matin, à une tablette de chocolat cru, sans 
pain, arrosé d’un ou deux verres d’eau ; ou celle de boire aux repas, avec 
le vin, une eau rendue mucilagineuse par macération de graine de lin. 

Enfin, vient la série des lavements, — mucilagineux, huileux, salés, 
savonneux, — parmi lesquels mes préférences sont pour les savonneux. 


Après avoir lentement tiré de mes observations les vues qui viennent 
d'être exposées, je me suis demandé quelle pouvait être leur originalité, 
de quelles spéculations antérieures elle auraient pu procéder, quels 
renforts ou quelles infirmations elles pouvaient trouver dans la littérature 
médicale; que Isamendements des recherches bibliographiques pourraient 
me conduire à y apporter ? 

C’est dans l'article Veine porte, d'I. Straus (1), que j'ai trouvé le 
renseignement dont j'étais le plus curieux : savoir le plus exactement 
possible comment les Allemands entendent ce qu'ils appellent la pléthore 
abdominule. 

« On sait, dit l’auteur, le rôle excessif que Stahl et ses disciples 
faisaient jouer à la stase sanguine dans la veine porte et à ce qu'ils 
appelaient la pléthore abdominale. L'apparition des hémorrhoïdes et le 
mouvemeut fluxionnaire non douteux, dont les veines du rectum sont le 
siège lors des crises hémorrhoïdaires, avaient à leurs yeux une signification 
toute spéciale. Cette fluxion hémorrhoïdale venant à faire défaut, à la 
pléthore locale succéderait volontiers une pléthore générale, un état de 
malaise et souvent de maladies diverses et éloignées en apparence, 
l’engorgement du foie et de la rate, les névralgies, l'hypochondrie, la 
colique, l'hystérie, etc. » 

Dans cet ordre d'idées, on ne peut refuser un grand intérêt à l'opinion 
de Ludwig et Cyon, d'après laquelle la circulation abdominale consti- 
tuerait à la fois une sorte de réservoir et de régulateur pour la circulation 
générale. C'est surtout, pensent-ils, par l'intermédiaire des modifications 
du contenu sanguin des viscères abdominaux que s'établissent les varia- 
tions de la pression générale du sang dans le système artériel. 

L'école anatomo-pathologique réagit plus tard contre les vues de Stahl, 
les considérant comme tout à fait chimériques. Gosselin alla, dans cette 
voie, jusqu’à nier l'influence de la compression des gros troncs veineux 
sur l’engorgement de leurs réseaux d’origine, contestant la part de la 
fluxion dans la production des hémorrhoïdes, et rapportant exclusivement 
celle-ci à la constipation. 


(Q) Nouveuu Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques. 


424 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Plus récemment, Lannelongue (1) a rétabli le rôle de la fluxion ; puis 
traitant des Rapports des hémorrhoides avec quelques maladies générales, 
a étudié ce mouvement fluxionnaire dans ses origines, par où il s'est 
rapproché des idées anciennes fondées sur l'observation clinique. 

Pour moi, j'estime, et c’est ce que ce travail a eu pour but de cher- 
cher à établir, que le mouvement fluxionnaire, incontestable, n’est pas 
seulement sous la dépendance de causes mécaniques, même éloignées ; 
qu’il n'est pas uniquement lié à la condilion passagère ou permanente des 
aboutissants anatomiques des territoires veineux périphériques; que le 
rôle de l’innervation qui préside aux circulations locales est efficace pour 
produire, à l’occasion, ce molimen fluxionnaire ; qu'ainsi il n’est pas 
d'organe dont le réseau veineux ne soit, dans une mesure variable 
assurément et subordonnée aux conditions mécaniques de la circulation 
générale, susceptible de devenir variqueux. 

Enfin, je vais plus loin, admettant, du fait de l'impulsion nutritive 
originelle de tout le système veineux une vocation variqueuse, qui 
constitue la cause prédisposante, la cause principale, sans laquelle les 
autres resteraient sans doute impuissantes à déterminer les accidents qui 
font l’objet de ce mémoire; mais grâce à laquelle le concours des causes 
occasionnelles détermine et localise ces accidents. 

C'est pourquoi, ayant dû limiter l’étude, exclusivement clinique, qui 
précède, aux varices de la cavité pelvienne, je crois qu'il en peut exister 
— plus rarement sans doute — dans tous les organes, et qu'il serait 
intéressant de rechercher dans les autopsies les traces de l'affection vari- 
queuse dans tous les viscères, aussi bien encéphaliques que thoraciques et 
abdominaux. Leur constatation conduirait, avec le temps, à établir les 
seméiologies des diverses localisations, et jetterait un jour utile sur 
sur certaines formes anormales ou compliquées des maladies aiguës ou 
chroniques les mieux étudiées. 


(0) Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. HEMORRHOIDES. 


Galvanocaustique et Électrolyse 


Par M. A. TRIPIER. 


Une terminologie vicieuse, datant de 1864, a prévalu dans les 
habitudes médicales pour désigner les effets apparents de la galvanisation. 
C'est à elle qu’il faut, au moins pour une large part, attribuer l'obscurité 
qu'on rencontre presque toujours et les non-sens qu’on rencontre souvent 
dans les publications qui traitent des applications chirurgicales de l'élec- 
tricité. Bien que cette question ne soit plus neuve ; bien que j’aie déjà, il 
y a une quinzaine d'années, signalé la source de malentendus qui devaient 
se produire et se sont produits depuis, on me pardonnera, en faveur des 
quelques faits nouveaux que j'ai à signaler, et d'explications complé- 
mentaires que j'aurai à donner à l'endroit de phénomènes aujourd'hui 
vulgaires, un retour sur une théorie trop peu connue des chirurgiens et 
sur des'effets généralement mal interprétés. 


C'est du résultat le plus tangible et le mieux connu de la galvanisation, 
c'est de la galvanocaustique chimique que je m'occuperai d'abord. Un 
court historique de la question facilitera l'intelligence de quelques-uns 
des détails sur lesquels j'aurai à m'arrèter. 

De tout temps, les applications de courants voltaïques ont dû être le 
plus souvent suivies de la production d'eschares au niveau des points 
d'application des électrodes, particulièrement de l'électrode négative. Ces 
cautérisations passèrent inaperçues, ou furent dissimulées, ou furent 
attribuées à des actions calorifiques, par des auteurs auxquels le maniement 
des piles était peu familier ; cette dernière méprise se rencontre encore 
tous les jours. 

En 1861, une mention des cautérisations effectuées par l'action 
voltaïque fut adressée à la Société de chirurgie de Paris, par L. Ciniselli 
(de Crémone). La communication du chirurgien italien contenait en même 
temps une théorie très précise des faits qu'il signalait, et insistait sur la 
possibilité de leur utilisation chirurgicale. La lettre de Ciniselli fut insérée 
au Bulletin ‘de la Société, mais son objet resta complètement inaperçu. 

En 1862, voyant avec quelle facilité des eschares se produisent au 
niveau du point d'application de l’électrode négative d'une pile, je crus 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X, — JUILLET 1907. 30 


426 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pouvoir recommander cet accident de la galvanisation comme une 
ressource à utiliser en vue de certaines cautérisations difficiles, et fis, à 
ce sujet, une communication sommaire à l’Académie des Sciences. Celle-ci 
provoqua de la part de Ciniselli une réclamation de priorité dont je 
m'empressai de reconnaitre le bien fondé, dans le journal Ami des 
sciences, où je faisais alors des revues de physiologie : Ciniselli avait vu 
avant moi et mieux que moi ce qui se passe dans la galvanisation ; il avait 
constaté que l’action caustique se montre non seulement au niveau de 
l'électrode négative, mais au niveau des deux électrodes ; il avait montré 
comment elle peut passer inaperçue au niveau d’une électrode positive 
facilement oxydable ; enfin, il avait donné de l’ensemble des phénomènes 
une théorie tout à fait satisfaisante. 

En réponse à ma rectification, Ciniselli m’adressa un mémoire qu'il 
venait de terminer, — Dell’ azione chimica dell’ elettrico sopra i tessuti 
organici viventi e delle sue applicazioni alla terapeutica, Cremona, 
1862, — mémoire où la théorie de la galvanocaustique chimique est 
établie sur une série d'expériences qui fixent en même temps les condi- 
tions opératoires. Dans le premier numéro des Annales de l'électrothé- 
rapie, janvier 1863, je donnai une traduction de toute la partie fondamen- 
tale du mémoire de Ciniselli, la faisant suivre d'observations critiques 
concernant l’avenir chirurgical de la méthode. Une étude antérieure des 
cicatrices consécutives aux applications caustiques m'avait conduit à voir 
que les différences d'aspect et de consistance qu'elles présentent sont 
surtout en rapport avec leur origine chimique ; que l'emploi des acides 
ou du feu laisse des cicatrices dures et rétractiles, tandis que celui des 
alcalis donne des cicatrices molles et peu ou pas rétractiles ; que la 
vieille distinction des caustiques en coagulants et fluidifiants, établie sur 
la considération des eschares, pouvait être poursuivie jusque dans les 
cicatrices. De là je concluais à l'adoption à peu près exclusive de la 
cautérisation par électrode négative, en indiquant la nature des opérations 
auxquelles elle devait plus particulièrement convenir, opérations que 
j'ai, depuis, successivement exécutées. 

La première de ces opérations fut la destruction des rétrécissements 
de l’urètre par cautérisation alcaline, au sujet de laquelle Mallez et moi 
fimes, en Mai 1864, à l'Académie des sciences, une communication 
rappelant l’économie générale de la méthode employée, et donnant la 
relation de notre première opération. Notre communication laissa la 
méthode galvanocaustique chimique aussi inconnue que l'avaient laissée 
celle de Ciniselli à la Société de chirurgie, et ses réclamations de 1862. 
Du moins dûmes-nous le croire en voyant le bruyant succès de nouveauté 
qu'obtint, un mois après, devant la même Société savante, la réinvention 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 427 


de la méthode par Nélaton. Le célèbre professeur avait purement et 
simplement adressé à l’Académie une traduction libre du mémoire de 
Ciniselli de 1862, en y joignant la relation d'une cautérisation de polype 
naso-pharyngien. C'est à cette puissante intervention que la galvano- 
caustique chimique dut d'être acceptée du public médical français. 
Toutefois elle y perdit son nom. Nélaton avait, en effet, cru devoir prendre 
une précaution, qui n'était peut-être pas nécessaire et que l'événement 
montra suffisante : dans sa traduction, la galvanocaustique chimique 
était devenue l’électrolyse. 

La méthode était désormais acceptée: mais elle s’est peu répandue. 
La cause principale en est, je crois, dans ce nouveau baptème, qui a 
généralement empêché d'en bien comprendre l'économie. 


Electrolyse et galvanocaustique chimique sont deux choses bien 
distinctes 

Dans l'acception qui a cours aujourd'hui dans le public médical, c'est- 
à-dire comme synonyme de galvanoraustique, le mot électrolyse a deux 
défauts : 1° celui d’étreimpropre ; 2° celui d'être détourné d une acception 
légitime, où il fera défaut lorsqu'on en aura besoin pour désigner les 
actions véritablement électrolytiques. ; 

Les applications voltaïques déterminent des phénomènes analytiques, 
dits d’électrolyse, phénomènes primitifs, qu'on cherche souvent à réaliser 
en raison des conséquences physiologiques quils comportent, et des 
phénomènes de synthèse, faits secondaires, conséquences des conditions 
dans lesquelles se sont produits les premiers Ces derniers comportent 
plus spécialement des applications chirurgicales. 

Les deux ordres de faits sont à retenir : les analytiques, qui ne font 
jamais défaut, aussi bien que les synthétiques, qu’on ne saurait supprimer, 
mais qu'on sait écarter, au moins en partie, de l'épreuve thérapeutique 
quand ils sont inutiles ou nuisibles. On a donc eu tort, à tous les points 
de vue, d'attribuer aux seconds le nom qui appartenait aux premiers; il 
est indispensable de restituer à chacun, avec le nom qui lui convient, la 
part d'action qu'on lui réserve, suivant le but chirurgical ou médical qu'on 
se propose : or, c'est de la galvanocaustique que font les chirurgiens, 
galvanocaustique qui suppose bien une électrolyse préparatoire, mais est, 
elle-même, tout le contraire d'une lyse. 


Avant d'appuyer les propositions qui précèdent sur des exemples 
cliniques, on me permettra de présenter quelques considérations physiques 
et physiologiques qui les rendront plus facilement et plus nettement 
intelligibles. 

Supposons un corps organique ou organisé, vivant ou non, suffisam- 


428 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ment humide, et, par suite, conducteur, traversé par un courant voltaïque. 

Nous savons qu'il subit un travail de décomposition, d'analyse, 
d'électrolyse, et qu’au niveau des points d'application des électrodes 
apparaissent les acides et les alcalis résultant de cette électrolyse. Là, ces 
acides et ces alcalis naïssants exerceront leur action chimique soit sur 
les électrodes, si celles-ci sont facilement attaquables, soit sur une 
couche inerte interposée aux électrodes et aux tissus en vue de protéger 
ces derniers, soit sur les tissus où sont appuyées ou implantées les 
électrodes, tissus qui seront cautérisés si les électrodes sont peu oxydables 
et appliquées immédiatement, soit, enfin, si les électrodes débouchent 
dans une tumeur sanguine, sur le liquide sanguin dont l'albumine serait 
coagulée par les acides dégagés sur laquelle est fondé le traitement des 
anévrysmes par la galvanopuncture devait être acceptée telle qu'on l’a 
formulée. 

Nous sommes donc édifiés sur ce qui se passe au niveau des points de 
contact des électrodes. 


Mais que se passe-t-il dans la zone intermédiaire Ÿ 

J'ai cru pouvoir, il y a quelques années (Ælectrolyse et Résolution 
in Trib. méd., 1868), appliquer aux phénomènes dont cette zone inter- 
médiaire est le siège, la théorie proposée par Grothus pour rendre 
compte de l’état de la zone de l’électromoteur chimique qui parait 
indifférente. L'apparition isolée des produits de l’électrolyse dans des 
points éloignés l’un de l’autre s'expliquerait par une série de décom- 
positions immédiatement suivies de recompositions molécule à molécule, 
consécutives à la polarisatic n des éléments matériels formant la chaîne 
qui relie l’un à l’autre les points d'application des électrodes. 

Mais cette polarisation des molécules, suivie de leur décomposition 
et de leur reconstitution par combinaison de l'élément électro-négatif de 
chacune avec l'élément électro-positif de la molécule voisine, ce mouye- 
ment chimique sur place n’aboutissant qu’à la mise en liberté de la 
moitié de chacune des molécules extrèmes, est avant tout une vue de 
l'esprit ; cette théorie ne répond à rien d’apparent. 

Appliquée à l'individu vivant, elle explique, comme dans la nature 
brute, l’absence de tout phénomène objectif dans la partie intermédiaire 
aux électrodes. Mais, lorsqu'on opère chez l’homme, n'est-il pas possible 
de faire servir à son contrôle l'apparition de phénomènes subjectifs ? C'est 
ce que je me proposai de vérifier en prenant pour réactif l'appareil 
sensitif de la gustation. 

On sait le moyen usuel de reconnaitre, étant données les électrodes 
d’un courant faible dont on ignore l'orientation, quelle est la positive et 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 429 


quelle est la négative : prenant une des électrodes dans une main, on 
touche avec l’autre le bout de la langue ; l’électrode positive se reconnait 
à une saveur acide ; la négative, à une saveur alcaline. 

Ce sont là des effets locaux sur l’origine desquels nous sommes 
maintenant suffisamment édifiés. 

Leur sphère d'action s’étend-elle au-delà de la surface de contact ? 

Pour le voir, j'appliquai successivement sur la face extérieure d’une 
joue chacune des électrodes aboutissant à un excitateur humide, le circuit 
étant fermé dans une quelconque des mains. L’application de l’électrode 
négative donnait encore lieu à une saveur alcaline ; celle de l'électrode 
positive à une saveur acide. Ces saveurs sont moins vives, mais plus 
étendues, et d’une perception plus nette que lorsqu'on agit directement 
sur la langue. 

Cette action médiate témoigne de l'existence d’une sphère influencée 
autour des points de contact des électrodes, sphère dont l’état accuse 
une perturbation chimique particulière. 

Maintenant qu'on termine les deux électrodes par des tampons 
humides, et qu’on ferme le circuit de manière à ne pas influencer le 
réactif par le voisinage d'un pôle plutôt que de l’autre : qu’on ferme le 
circuit de chaque côté sur une joue. Alors la sensation change : elle ne 
rappelle plus l'acidité du pôle positif, ni l'alcalinité du pôle négatif ; 
mais, au bout de quelques secondes, on perçoit très nettement une saveur 
métallique qui ne rappelle en rien les précédentes. Enfin, j'ai vu cette 
saveur persister après la rupture du circuit, bien plus longtemps que 
les saveurs simples des épreuves précédentes. Autre particularité : 
la sensation gustative présente, à l'instant de la rupture du circuit, 
une augmentation subite d'intensité dont l'explication se rattache à un 
ordre de phénomènes que nous indiquerons plus loin. 

Ces expériences me paraissent fournir une confirmation expérimen- 
tale, d'ordre physiologique, de la théorie de Grothus. On y voit la 
prédominance de la réaction alcaline dans le voisinage des points où les 
alcalis vont être mis en liberté ; la même prédominance de la réaction 
acide du côté où vont apparaitre les acides ; enfin, dans la zone intermé- 
diaire, le témoignage irrécusable d'un travail chimique dans lequel les 
deux réactions se confondent, et qui ne peut être que celui indiqué par 
Grothus. 

De là je concluais : 

Qu'il y a, dans un certain rayon autour des points où apparaissent, à 
l'état naissant. des acides ou des alcalis libres, une modification chimique 
constituant une sorte d’atmosphère acide ou alcaline, modification qui 
représente des conditions de milieu particulières auxquelles correspondent 
nécessairement des conditions de nutrition différentes ; 


430 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Que la sensation perçue pendant le passage du courant dans la zône 
intermédiaire aux points d'application des électrodes ne peut être inter- 
prétée que comme le témoignage d'une modification chimique de cette 
zone, modification chimique devant répondre à la réalisation des actions 
et réactions, à la fois continues et successives, que suppose la théorie de 
Grothus ; 

Que, dans la nature vivante, la perturbation des conditions chimiques 
déterminée par le passage du courant doit inévitablement se traduire, 
dans le milieu affecté, par une aberration des forces nutritives, favorable 
ou défavorable au fonctionnement normal ou à un fonctionnement répa- 
rateur. Ici on peut admettre qu'on fournit à l'organisme, à l'état naissant, 
les éléments sur lesquels opère la nutrition, au lieu de les lui laisser 
emprisonnés dans des combinaisons relativement stables. 

Aux conclusions sur lesquelles j'insistais alors, c'est-à-dire à la 
modification d'équilibre chimique déterminée par le passage du courant 
dans toute la zone interposée aux électrodes de métal ou de charbon, et 
comportant les conclusions qui précèdent, il convient d’ajouter que tout 
ne se borne pas à ces actions contemporaines du passage du courant. 

La zone traversée par le courant se polarise de façon à agir, une fois 
le circuit de l'électromoteur extérieur rompu, comme un électromoteur 
secondaire. 

Dans des recherches qui ont porté surtout sur les nerfs, Matteucci 
a montré que cette action électromotrice secondaire pouvait, dans certains 
tissus au moins, acquérir une valeur notable. 

Depuis les recherches physiologiques interrompues par la mort du 
physicien italien, la question a été portée sur le terrain industriel par les 
beaux travaux de M. Planté. Des études qui se poursuivent aujourd'hui 
ressortent déjà des indications qu'on devra utiliser dans l'expérimentation 
physiologique, pour se faire une idée moins vague des rapports qui lient 
entre eux, dans les milieux variés, les différents facteurs, temps, intensité, 
tension, dans les courants polarisants et dans les courants de dépolari- 
sation qui leur succèdent. 


Examinant ensuite les hypothèses émises ou à émettre sur le méca- 
nisme de certaines résorptions, sur celles, notamment, d'une observation 
plus facile, rencontrées sur des tumeurs liquides, je repoussais celle qui 
attribuait la disparition du liquide à son élec/rolyse, me fondant sur ce 
que le travail moteur fourni était hors de proportion avec les résultats 
observés, si ces résultats avaient dù être d'ordre chimique, — sur ce que 
ces résultats s’obtenaient dans une mesure notable avec des courants 
induits, sans action chimique, — sur ce qu'enfin ces phénomènes de 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 431 


résorption ne sont pas contemporains des actions voltaïiques, mais leur 
sont consécutifs. 

Suivant une autre hypothèse, la disparition du liquide serait due 
à une résorplion nutritive favorisée par la modification que j'avais notée 
dans l’état chimique du milieu organique. Cette hypothèse me paraissait 
insuffisante, en raison dela possibilité de réaliser en partie le phénomène 
avec des courants induits, et aussi en raison de l'indifférence, au moins 
dans une certaine mesure, de l'orientation des courants appliqués. Ces 
objections ne me paraissent plus aujourd’hui avoir la valeur que je leur 
accordais alors : les courants induits, s'ils ne polarisent pas comme les 
courants voltaïques, exercent cependant une action très appréciable sur 
la constitution de la matière inerte, action indépendante, par conséquent, 
de l'innervation ; quant à l'indifférence de l'orientation, elle ne serait pas 
un argument topique contre l’admission de phénomènes liés surtout 
à l’évolution de conditions physiques secondaires. 

J’inclinais à attribuer la résorption à des réactions de l'appareil 
nerveux et aux modifications consécutives des conditions circulatoires. 
Cette vue n’est pas contradictoire avec la précédente : les effets physiques 
deviennent la cause de réactions physiologiques; il appartient à l'expé- 
rimentation ultérieure d'indiquer le mécanisme d'un rapport de causalité 
qui n’est pas douteux. 

Chacune des conditions auxquelles se rattachent les deux dernières 
hypothèses a nécessairement un rôle à jouer dans le phénomène de la 
résorption consécutive aux applications voltaïques, rôle dont le méca- 
nisme est encore obscur, mais dont la nature générale peut étre dès 
à présent indiquée. Après la cessation de l’action immédiate des courants 
appliqués, des réactions nerveuses se développent lentement, influençant 
les aptitudes nutritives de tissus dont l’état moléculaire normal se trouve 
troublé d’une façon plus ou moins durable. 


Quoi qu'il en soit de ces explications, le pouvoir électrolytique du 
courant se traduit par deux phénomènes nécessaires, constituant le 
premier stade d’une série d'effets qui tous nous intéressent. 

Ces phénomènes sont : 

1° Le dégagement, au niveau des points d'application des électrodes, 
des produits de la décomposition électrolytique. C'est là un fait apparent 
et sur les conditions d'existence duquel ne règne aucun vague ; 

2° La polarisation de toute la masse de l’électrolyte comprise entre 
les deux points ou les deux surfaces de dégagement des produits de l'élec- 
trolyse, polarisation affirmée à priori par Grothus et mise en évidence, 
chez l'individu vivant, par mes épreuves sur l'appareil fgustatif, ` 


432 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Mais à chacun de ces phénomènes répond une action consécutive: 
au premier stade en succède un second qui nous intéresse au moins 
autant : 

1° Le dégagement des produits de l’électrolyse est suivi de leur 
combinaison in silu avec l’électrode positive, si celle-ci est oxydable, 
et avec les tissus sur lesquels sont appliquées ou dans lesquels sont 
implantées les électrodes. Si l'on n’a visé que des effets dynamiques, 
c'est sur des tissus inertes interposés qu'on fera agir ces caustiques 
naissants; c'est, au contraire, sur les tissus vivants qu'on laissera agir 
immédiatement une ou les deux électrodes, si l'on a en vue d'opérer 
une galvanocaustique chimique; 

2° A la polarisation de la masse intermédiaire de l’électrolyte succède, 
quand le moteur voltaïque cesse d'agir, une dépolarisation dont la marche 
n'est pas connue dans les conditions où nous la laissons s'opérer dans 
la pratique médicale. Si le moteur cesse d'agir sans que le circuit soit 
rompu, Ou si, après avoir rompu le circuit, on le rétablit sans y inter- 
caler le moteur, la dépolarisation se traduit par l’apparition dans le 
circuit d’un courant de direction inverse à celle du courant polarisateur, 
courant dans les conditions d'intensité, de tension et de durée ont été 
étudiées dans ces derniers temps en vue d'applications industrielles. 

Mais ce n'est pas ainsi que nous agissons en thérapeutique : lorsque 
l'application voltaïque a duré un certain temps, nous rompons le circuit 
sans le refermer; c'est alors dans l'électrolyte lui-même que se fait la 
dépolarisation, suivant des voies, une marche et une durée sur lesquelles 
nous ne possédons actuellement aucune donnée précise. 

Dans mon mémoire sur la Cautérisation tubulaire, j'ai insisté sur 
les effets thérapeutiques remarquables qui, consécutifs à la galvanocaus- 
tique chimique, conduisent à y voir quelque chose de plus qu’une méthode 
de cautérisation potentielle. Sacrifiant en partie à un usage contre lequel 
je protestais, je qualifiais d’électrolytiques l’ensemble des effets autres 
que les effets caustiques ; c'était un tort, car, si la polarisation est 
l'expression d’une tendance analytique, il n’en est plus de même de la 
dépolarisation; et les deux réactions interviennent dans chacune de nos 
opérations Si même on observe la marche des phénomènes thérapeutiques, 
on se trouve porté à admettre que, dans les conditions opératoires qui 
sont celles de la galvanocaustique, le processus thérapeutique le plus 
efficace est non pas celui qui précède et accompagne l’action caustique, 
mais celui qui lui est postérieur, c’est-à-dire celui qui est en rapport avec 
la dépolarisation. 

Les conditions physiques des opérations de galvanocaustique chimique 
étant ainsi posées de façon à faire, ou plutôt à réserver la part de celles 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 433 


qui sont de nature à provoquer des réactions physiologiques propres à la 
méthode, on me permettra de donner quelques nouveaux exemples de ces 
réactions, exemples que je choisirai parmi des applications inédites de la 
galvanocaustique. 


~ Ouvertures d'abcès — Abcès de la marge de l'anus. — Abcès de la 
région axillaire. — Parmi les collections d'ouverture délicate ou de 
réparation difficile auxquelles me paraissait convenir plus particulière- 
ment la cantérisation tubulaire, j'ai autrefois signalé ici quelques cas 
dans lesquelles l’occasion seule m'avait manqué pour l’appliquer. 

Depuis, j'ai eu à ouvrir ainsi un bubon strumeux chez un malade qui 
gardait le lit depuis quinze jours, en raison de la gêne que lui causait sa 
tumeur, d'un développement médiocre cependant. L'influence des actions 
de polarisation ou de dépolarisation, — de l’électrolyse, dirai-je pour la 
dernière fois, — fut ici manifeste : l'évacuation lente du foyer suppuré 
s'accompagna de la résolution des ganglions voisins; et, à dater du jour 
d'une ponction caustique qui ne donna cependaut issue qu'à une faible 
quantité de pus, le malade retrouva la liberté de ses mouvements et put 
reprendre ses occupations. 

Le D” Apostoli a commencé, à l'Hôpital du Midi, dans le service de 
M. Mauriac, une série d'observations d'ouvertures de bubons; mais, 
cette fois, de bubons vénériens. La question se présente ici sous un jour 
différent, et exige, pour être résolue, des observations comparatives 
multipliées. Sans qu'il ait osé prendre encore des conclusions, M. Apos- 
toli regarde, dans ces cas tous spéciaux, la cautérisation tubulaire 
comme avantageuse. 

Les abcès des grandes lèvres étaient encore de ceux dans lesquels 
la cautérisation tubulaire était intéressante à expérimenter, moins en 
raison de la simplification de la cure qu’en raison des chances qu'elle 
pouvait avoir d'écarter les éventualités de récidives si communes après 
l'ouverture par le bistouri, et surtout après l'ouverture spontanée. J'ai 
eu l’occasion d'en ouvrir deux chez des malades chez lesquelles ils se 
reproduisaient presque tous les mois vers l'époque des règles, et 
s'ouvraient spontanément. Les récidives ne se sont plus produites depuis 
les cautérisations galvaniques, datant d'un an chez l’une des malades, de 
deux ans environ chez l’autre. 

Les abcès de la marge de l'anus étaient encore au nombre de ceux 
que je recommandais d'ouvrir par la cautérisation tubulaire, espérant 
conjurer ainsi les chances de fistules anales si communes après 
l'ouverture par le bistouri. J'ai eu à en ouvrir un chez une jeune femme 
suspecte de tuberculose ; et le résultat s’est montré tout à fait satisfaisant. 


434 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


OBs. — Dame de vingt-deux ans, nullipare, venue me consulter, en Juin 1880, 
pour des métrorrhagies abondantes qui duraient depuis dix-huit mois; celles-ci 
étaient liées à l'existence d’un fibrome interstitiel assez volumineux Le traitement, 
d'abord régulièrement suivi, fat négligé lorsque les hémorrhagies eurent cessé. 
Au début de l'hiver, la malade fut prise d'accidents thoraciques, — bronchite 
aiguë à répétitions et hémoptysies tenaces, — pour lesquelles elle reçut les soins 
d’un médecin de son voisinage, qui la jugea tuberculeuse. 

Je revis cette malade en Mars 1881, à l'occasion d’une tumeur fluctuante de la 
marge droite de l'anus, affectant la forme d'une calotte sphérique de ? centimètres 
et demi de diamètre et de { centimètre environ de saillie. Le 24 Mars, ponction 
avec le trocart; issue d'un peu de pus mêlé de sang, puis d'une grande quantité 
d'un pus épais bien lié, sans qu'aucune pression fût exercée pour favoriser l'éva- 
cuation ; substitution du mandrin au trocart : la cavité de l’abcès mesure un peu 
plus de 5 centimètres de profondeur Cautérisation tubulaire de vingt minutes par 
un courant de 10 milliwebers d'intensité, dont le circuit est largement fermé sur 
la cuisse gauche. A la suite de l'opération, aucun pansement; l'écoulement du pus 
est insignifiant et l'ouverture est cicatrisée le quatrième jour. 

Je revois la malade àe temps en temps, ayant repris irrégulièrement le trai- 
tement de fibrome : l'état de la marge de l'anus se maintient parfaitement correct 
au bout de cinq mois. 


On sait combien longue est la durée des abcès de la région axillaire, 
dans lesquels plusieurs ganglions suppurent successivement, et où il 
faut, ou les ouvrir successivement, ou maintenir un trajet fistuleux 
jusqu’à la fin d'une évolution qui dure souvent des mois. 

J'en ai, depuis un an, ouvert deux par la cautérisation tubulaire. Le 
premier, volumineux, s’est rencontré chez une jeune dame, l’avant-veille 
d'un départ pour un voyage qui devait durer plus d'un mois. L'opération 
faite comme il a été indiqué. l'abcès se vida petit à petit, dans un 
cataplasme qu'on remplaça le surlendemain, au moment de se mettre en 
route, par une compresse. Le cinquième jour, la fistule était fermée et 
la résolution à peu près complète. Au retour, l’état des parties était 
parfait. 

Même résultat dans la seconde observation. L’abcès était moins 
volumineux ; la fistule se ferma au bout de deux jours. Le sujet était, 
dans ce cas, un arthritique chez qui l'apparition de l’abcès paraissait liée 
à l'existence d'un eczéma qui occupait presque tout le bras. 

Parmi les collections qui me paraissent le mieux indiquer la 
cautérisation tubulaire, je signalerai, sans avoir toutefois eu encore 
l'occasion d'en ouvrir, les abcès par congestion, ceux notamment liés 
au mal de Pott. Ici, je ne chercherais pas à créer une large fistule par 
où évacuer, dans une seule opération, une collection plus ou moins 
volumineuse. J’essayerais plutôt de faire de l'évacuation des abcès par 
congestion, un moyen de traitement de l'affection totale. Pour cela, je 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 435 


les ouvrirais avec des aiguilles négatives, fermant le circuit au-dessus, 
au niveau de la lésion osseuse. Ce procédé ne ferait courir aucun risque 
en rapport avec l'évacuation elle-même ; et la galvanisation accessoire 
ne pourrait agir que favorablement sur l'affection principale. 


Dans mon mémoire sur la cautérisation tubulaire, je disais : « Les 
kystes séreux ou sé:o-sanguins du cou sont justiciables de ce procédé, 
sans qu'on ait à redouter la réaction vive qui suit trop souvent les 
injections iodées faites aussitôt après la ponction simple évacuatrice. » 

J'ai appris que cette opération avait été faite récemment par 
M. Helot (de Rouen), et que les résultats avaient justifié mes espérances 
Jene m arrèterai pas davantage icisur un fait dont je n’ai eu connaissance 
que par une communication verbale très sommaire. 


Les exemples qui précèdent, ceux donnés dans le mémoire que j'ai 
publié il y a deux ans dans ce recueil, ceux que j'aurai à donner plus 
loin, ne permettent pas de douter que les actions électriques préliminaires 
à la galvanocaustique et celles qui lui sont consécutives ne jouent un 
rôle considérable, le plus considérable au point de la marche ultérieure 
de l'affection qui a décidé l'intervention chirurgicale, Sans avoir la 
prétention de définir ce róle, dont j'ai seulement essayé plus haut de 
montrer les origines, on peut dès à présent en examiner les résultats au 
point de vue clinique. 

Lorsqu'on agit sur une tumeur ou sur une plaie avec une électrode 
qui la cautérise ou ne la cautérise pas, suivant qu’on en aura disposé, 
on polarise la tumeur ou la plaie, lui constituant un milieu général à 
réaction acide ou alcaline, selon qu’on agit localement par l’électrode 
positive ou par l'électrode négative. Il ne faudrait pas se häter d'établir, 
d'après cela, un rapport entre les résultats cliniques et la réaction acide 
ou alcaline de la région en observation : ce serait négliger le rôle de 
la dépolarisation, ròle qui pourrait bjen être le plus important. 
Cependant on peut, s’en tenant à l'énoncé de la manœuvre que l’on a 
pratiquée, et évitant provisoirement de l’interpréter, se demander 
quelle est, dans cette galvanisation polaire, l'orientation du courant 
appliqué la plus favorable à la résolution de la tumeur, à la cicatrisation 
de la plaie. 

Est-ce, d'une manière générale, la galvanisation polaire positive ? ou 
la négative ? 

Est-ce, suivant la nature des lésions, tantòt la positive et tantòt la 
négative ? | 

Est-ce indifféremment l’une ou l’autre ? 


436 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Les observations faites jusqu'ici ne permettent pas de se prononcer; 
tout au plus porteraient-elles à repousser la première hypothèse, celle 
qui attribuerait une influence résolutive å l’une des polarités, à l'exclusion 
de l’autre. C’est, en somme, à la clinique à décider, et nous ne pouvons 
actuellement qu’apporter des faits à son dossier. 

Toutes mes opérations de cautérisation tubulaire, ouvertures 
d’abcès, de lipomes, de kystes, ont été faites avec des électrodes négatives, 
et toutes ont été suivies d'une résolution sensiblement plus rapide qu’à 
la suite des procédés purement chirurgicaux. Toutes les opérations de 
galvanocaustique uréthrale que nous avons pratiquées avec Mallez et 
Jardin ont été faites avec des électrodes négatives, et l'on verra plus 
loin que la galvanisation y a joué un rôle favorable indépendant de 
l'action caustique. Enfin, dans l'observation suivante, l'influence polaire 
négative paraît avoir décidé la guérison d’une ulcération éminemment 
rebelle. 


OBSERVATION. — Une femme de vingt-trois ans vient à mon dispensaire pour 
une fissure anale qui la fait beaucoup souffrir et lui ôte tout sommeil. Les 
douleurs anales ont commencé à se faire sentir un mois après une couche qui 
remonte à plus de quatre ans. La dilatation forcée n'a pas été essayée ; mais on 
a recouru vainement a des cautérisations multipliées dont la malade ne peut 
qu'indiquer la diversité sans en préciser la nature. Nous trouvons sur la paroi 
droite de l’orifice anal, une ulcération elliptique dont la surface est d'un demi- 
centimètre carré environ. Galvanocaustique superficielle négative ; séance de 
trois minutes; courant de milliwebers. Au bout d'une semaine, la malade 
revient; les douleurs n'ont pas disparu, mais ont été diminuant progressivement; 
l'ulcération est cicatrisée ; la cicatrice, encore tendre, représente une surface 
rose gaufréo. La semaine suivante, la cicatrisation est parfaite ; depuis l'examen 
précédent, les douleurs ont tout à fait cessé. 


Doit-on conclure de ce qui précède à une supériorité résolutive 
absolue de l'électrode négative ? Je ne le pense pas, car il est des 
faits qui témoignent d'une influence favorable de l’électrode positive. 

Déjà Remak avait donné le pôle positif comme « antiphlogistique ». 
Sans attacher trop d'importance à une thèse fort compromise par les 
développements par trop aventureux dont l’a ornée son auteur, il est 
difficile de ne pas admettre que cette assertion procédait de quelques 
observations au moins superficielles. 

Plus tard, Moreau, Wolf et Chéron ont traité avec succès des 
orchites par la galvanisation continue, pratiquée, de la tumeur, positive, 
aux téguments qui recouvrent le canal inguinal, négatifs. Pour savoir si 
le résultat devait être attribué à l’action longitudinale suivant le trajet 
des nerfs, c’est-à-dire à une galvanisation centripète de ceux-ci, nous 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 431 


avons, dans ma clinique, repris ces essais avec Apostoli, faisant reposer 
le testicule malade sur un coussin positif, et fermant le circuit non plus 
sur le trajet du cordon, mais dans une quelconque des deux mains : le 
résultat s’est montré sensiblement le même. Voilà donc une inflammation 
parenchymateuse dont la délitescence est favorisée par la galvanisation 
polaire positive. 

Tout récemment j'ai, dans ma clinique, traité par des séances de 
galvanisation polaire positive de trois minutes, un groupe de trois 
ulcérations prétibiales traitées vainement pendant plusieurs mois dans 
les hôpitaux, par les topiques les plus variés, anodins et caustiques, et 
par l'occlusion. Dès la première séance, la physionomie de ces ulcères 
s'est trouvée heureusement modifiée ; après la neuvième, la cicatrisation 
était complète et le gonflement du membre avait disparu. 

J’applique en ce moment ce procédé à un esthiomène vulvaire qui 
parait s'en trouver bien ; mais je n’ose encore compter sur une guérison 
qui, en tout cas, serait lente. 

Je crois donc qu'il n’y a pas lieu de conclure actuellement à la supé- 
riorité générale d’une orientation déterminée de la galvanisation, en 
vue d’aider la résolution de certaines tumeurs ou la réparation de 
quelques ulcérations. Il est d’ailleurs un facteur que nous n’avons”pas 
fait entrer en ligne de compte et qu’il ne faudrait pas éliminer avant 
d’avoir longuement expérimenté son rôle: je veux parler de la durée 
des applications. Il n'y a pas de raison, en effet, jusqu'ici du moins, pour 
attribuer les résultats obtenus plutôt à la polarisation qu'à la dépolari- 
sation des régions sur lesquelles on opère ; or, suivant qu’on fera de 
courtes applications de courants énergiques ou de longues séances de 
courants faibles, les rapports entre ces deux conditions, dont le concours 
est inévitable, pourront se trouver profondément modifiés ou renversés, 
et toute conclusion qui ne tiendrait pas compte de ces écarts serait, 
théoriquement au moins, prématurée. 

C'est donc seulement l'épreuve clinique qui peut aujourd'hui nous 
renseigner sur les avantages d'une orientation déterminée. Dans bien des 
cas déjà des indications sont acquises, si bien acquises même qu'on se 
trouve souvent détourné par elles d'épreuves comparatives qui devront 
cependant être tentées avant qu'on soit en droit d’asseoir des vues 
théoriques sur des conclusions pratiques définitives. 

ll est des cas où il n’est pas permis de songer à ces épreuves compa- 
ratives : ceux dans lesquels la galvanisation a pour objet principal une 
galvanocaustique dont le signe s'impose, comme il arrive lorsqu'on agit 
sur un conduit naturel rétréci. 

Si Mallez et moi avons été les premiers à agir galvaniquement sur 


438 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


l’urètre, dans le but nettement défini d’y opérer une perte de substance, 
y employant des courants de quantité et de tension voulues, notre opéra- 
tion a été précédée de tentatives confuses dans lesquelles tout n’est pas à 
rejeter. Certaines données qui échappaient alors à toute constatation de 
fait précise et à toute interprétation satisfaisante peuvent être utilement 
reprises aujourd hui qu'on peut leur assigner des conditions expérimen- 
tales définies, et donner des résultats au moins une ébauche d'explication. 
Crusell, et d’autres après lui, ont pratiqué le cathétérisme de l’urètre 
avec des sondes métalliques intercalées dans un circuit voltaïque, et sur 
l'observation de quelques faits dont il leur a seulement manqué de 
pouvoir fixer les conditions de production pour les reproduire à volonté 
ou les obtenir plus facilement, ils avaient admis que le courant exerçait 
une action « résolutive » facilitant la manœuvre. De quelle nature était 
cette action ? Dans quelle mesure se combinait-elle avec une cautéri- 
sation? C'est ce que les chirurgiens dont nous rappelons les tentatives n'ont 
pas vu et ne pouvaient voir à l’époque où ils observaient. Aujourd'hui 
que sont établies les conditions de l’action caustique, nous pouvons faire 
la part de l’action électrolytique ou de l’action électrothésique, — si l'on 
veut me permettre un néologisme qui permet de représenter les deux 
temps inévitables d’un phénomène dont le mécanisme prochain est encore 
fort obscur. 

Je ne m'étendrai pas sur le rôle de cette action et sur les observations 
qui nous ont permis d’ébaucher son histoire : nous avons, tout 
récemment, adressé à l’Académie de médecine un mémoire contenant 
observations et commentaires. Nos conclusions, découlant d'expériences 
dans lesquelles on fit usage d'une électrode plus facile à engager que 
n'étaient celles que nons avions employées antérieurement, sont que la 
polarisation électrolytique, indépendamment de toute cautérisation 
appréciable, facilite notablement l'engagement et le passage d’un cathéter 
négatif, et que ce passage laisse des effets persistants beaucoup plus 
marqués que ceux qui peuvent s’observer après les séances de dilatation 
purement mécanique. 

Des cautérisations actuelles ou potentielles acides permettent 
quelquefois d'obtenir, par voie de rétraction cicatricielle, la guérison de 
certaines solutions de continuité. J'ai tenté quelque chose d'analogue 
dans un cas plus complexe, en essayant d'obtenir, par des cautérisations 
successives, l'oblitération du trajet d'une fistule anale. Le peu de succès 
des applications caustiques dans les fistules borgnes externes permet de 
ne conserver aucun doute sur l'utilité du role qu'ont joué ici les 
phénomènes de polarisation ou de dépolarisation, d'électrolÿse ou 
d'électrothèse. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 439 


OBSERVATION. — Une jeune dame lymphatico-nerveuse a eu deux couches ; 
trois mois après la seconde se montra un abcès de la marge droite de l'anus, dont 
l'ouverture spontanée laissa une fistule. Le 15 février 1881, la fistule date de onze 
mois ; le trajet en paraît assez simple ; il mesure 3 centimètres de l'orifice cutané 
à l'orifice rectal. Je me demande s’il n'est pas possible d'amener l'oblitération de 
ce trajet par des cautérisations successives ; et voici comment je comprends 
l'opération : Tenter d'abord, par une ou plusicurs cautérisations acides, — 
positives, — d'amener la rétraction et l'oblitération de l'orifice intestinal; puis, 
si l’on y parvient, modifier le trajet de la fistule borgne, qui restera par des cauté- 
risations alcalines successives, faites de la profondeur vers l'orifice cutané. 

Dans la première séance, — {5 février, — je fais pénétrer une sonde à bec 
métallique olivaire jusqu'au niveau de l'orifice intestinal sur lequel elle agira 
comme électrode caustique positive pendant dix minutes. Le circuit est fermé sur 
la face interne de la cuisse gauche ; l'intensité du courant oscille autour de 
8 milliwebers. 

Le 22, l'orifice externe donne toujours issue à du liquide séro-purulent, mais 
sans mélange appréciable de matière fécale. Seconde séance de cautérisation, 
dans les mêmes conditions que la première, seulement avec une olive un peu plus 
grosse. Le but de cette séance est de consolider la cicatrice intestinale, en la 
doublant d'une cicatrice de mème nature. 

4er mars. Tout passage de liquide stercoral a bien décidément cessé. J'effectue 
alors, pour modifier le trajet fistuleux, une première cautérisation négative 
toujours dans la partie profonde. 

15 mars. Nème état. 

5 avril. Exploration avec une sonde molle conique olivaire, qui ne pénètre 
plus qu'à 1 centimètre et demi. Le doigt introduit dans le rectum sent, au niveau 
de l’ancien orifice interne, un petit noyau induré ; il ne sent plus le bec de la 
sonde introduit dans le trajet fistuleux. Le linge n'est plus taché que par quelques 
gouttes d’un pus clair. 

L'orifice extérieur tend à se fermer. Pour l'éviter, je l'élargis au moyen d'une 
cautérisation négative, avec une olive conique à base un peu large. Séance de 
cinq minutes. 

12 avril. On entre facilement dans la poche, au fond de laquelle je fais, avec 
une électrode cylindrique de 8 millimètres de diamètre, une cautérisation 
négative de cinq minutes ; courant de 6 milliwebers. 

22 avril. Mème opération : séance de 8 minutes ; courant de 8 milliwebers. 

3 mai. Même opération durant trois minutes. La cavité ne mesure plus que 
6 ou 7 millimètres de profondeur. Exeat conditionnel. 

4 juin. L'orifice extérieur est à peu près refermé ; sur le linge, quelques taches 
jaunes, très petites, d'un pus clair. Une sonde molle très fine pénètre un peu au- 
delà d'un centimètre et fait saigner. Séance de galvanocaustique négative de 
dix minutes ; courant de 12 milliwebers ; électrode conique olivaire pour refaire 
l'orifice extérieur. 

Les séances suivantes, d'une durée de moins en moins grande, — de cinq à 
une minute, — sont faites avec des courants de mème intensité, et à intervalles 
plus rapprochés. Leur but est d'empêcher l'occlusion de l'orifice extérieur. Elles 
ont lieu les {0 et 24 juin, 2,7, 12, 16, 19, 21 et 27 juillet. La malade part pour la 
campagne, non encore complètement débarrassée de quelques petites taches sur 
le linge; un petit cratère existant encore de 4 ou 5 millimètres seulement de 
profondeur, 


440 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Je me demande aujourd'hui si les dernières séances n'étaient pas superflues. 
Désireux d'éviter une opération sanglante et tenant le succès, j'ai peut-être, pour 
l'obtenir plus vite complet, retardé, par excès de zèle, une solution complète et 
définitive. 

La petite fistule borgne externe, réduite à une profondeur de 5 à 10 millimètres, 
et dont le fond répond à un tissu cicatriciel dont le toucher accuse la fermeté, ne 
se serait-elle pas cicatrisée spontanément? La précaution de maintenir assez 
largement ouvert l'orifice cutané serait-elle superflue, et la cicatrisation de la 
petite poche aux produits de laquelle il donne issue ne se ferait-elle pas aussi bien 
derrière un pertuis très fin ? Je ne le crois pas. 

Toutefois, j'agirais différemment aujourd'hui. La profondeur de la fistule 
borgne une fois réduite à { centimètre, et son fond reposant sur une cicatrice 
ferme, on pourrait laisser aller les choses, quitte à rouvrir plus tard, avec une 
aiguille caustique, telle collection qui pourrait se former. Mais cela supposerait 
l'oblitération‘de l'orifice cutané, qui, vraisemblablement, n'aurait pas lieu com- 
plètement, et je préférerais, alors que la cavité n'a plus qu'un centimètre ou 
moins deprofondeur, — le 3 mai, chez la malade dont il est ici question, — 
élargir assez l'orifice cutané pour y introduire un gros pois à cautère qu'on rem- 
placerait successivement par des pois de plus en plus fins, jusqu'à ce qu'on pût 
laisser le cautère se fermer comme un exutoire ordinaire. 


Des faits cliniques qui viennent d'ètre rapportés et des considérations 
théoriques qui leur ont ici servi d'introduction, il ressort que les effets 
de la galvanisation pratiquée sur un électrolyte quelconque sont 
complexes ; qu'ils le sont plus encore quand cet électrolyte est vivant. 

Lancé dans un milieu vivant, dans un milieu déjà sillonné par les 
courants qu’engendrent les phénomènes nutritifs, le courant voltaïque de 
provenance extérieure exerce une action dynamique, perturbatrice ou 
régulatrice, à laquelle on a d'abord rattaché toutes les actions physiolo- 
giques. Cet ordre d'effets, d'une étude actuellement très difficile, ne 
saurait être défini aujourd’hui avec quelque précision ; et nous l'avons 
complètement négligé dans ce mémoire. 

Lancé dans un milieu électrolysable quelconque, organisé aussi bien 
qu'inorganique, ce mème courant accomplit un travail analytique 
commençant par une polarisation moléculaire de l’électrolyte, et abou- 
tissant à l'apparition, au niveau des points d'application des électrodes, 
des produits de la décomposition électrolytique. 

Nous avons donc déjà à noter, comme action primitive, contempo- 
raine du passage du courant, une polarisation électrolytique que nous 
savons capable de déterminer des réactions physiologiques. 

Les actions secondaires sont de deux ordres : 

La mieux connue est, ensuite du dépôt des produits de l'électrolyse 
au niveau des points d'application des électrodes, une combinaison pure- 
ment chimique, se faisant aussi bien sur le cadavre que sur l'individu 
vivant, de ces produits avec les tissus au niveau desquels ils sont 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 441 


abandonnés. Cette action secondaire peut être utilisée ou évitée. On 
l'évite en déplaçant le siège, et le portant en dehors du sujet soumis à la 
galvanisation ; utilisée, elle constitue la galvanocaustique chimique. 

Une autre action secondaire, inévitable celle-là, est la dépolari- 
sation du milieu polarisé par le courant voltaïque, dépolarisation qui 
représente la décharge d'un électromoteur secondaire dans un circuit 
dont il nous serait fort difficile de définir les conditions de fermeture. 
Laissant les électrodes en place et supprimant l’action de la pile, pour 
conserver un circuit fermé extérieurement, on voit que cette décharge 
représente un courant d'intensité fort appréciable et de durée relative- 
ment courte Les électrodes retirées, les choses se passent autrement : 
c'est au sein de l'organisme que se fait la dépolarisation, dans des condi- 
tions d'intensité et de durée relative que nous ignorons encore. Cependant 
certains effets, non plus contemporains du passage du courant, mais 
consécutifs, montrent que cette réaction physique entraine des réactions 
physiologiques. 

Que devient maintenant l'électrolyse ? 

Je ne suppose pas qu’on soit encore tenté de la confondre avec la 
galvanocaustique. Mais il lui reste un ròle physiologique en raison 
duquel on pourrait être tenté de conserver l'expression dans le langage 
médical. 

Cela ne me parait pas désirable, à moins de lui opposer l'électrothèse, 
ce qui nous embarrasserait d’un mot inutile de plus. A mesure que le jour 
se fera, chez les médecins, sur les questions d'électrochimic et d’électro- 
physiologie, on sentira mieux la nécessité de donner à chaque réaction 
un nom qui en désigne le caractère au lieu d'égarer sur sa nature ; or, 
ces mots, nous les avons : il suffit de ne pas les choisir à contretemps. 

Les perturbations des courants physiologiques se partageront entre 
les effets dynamiques directs de la galvanisation et ses effets indirects. 
Quant aux effets électro-chimiques autres que l'action caustique 
secondaire, — que la galvanocaustique, — ils sont contemporains de 
l'action voltaïque ou lui sont consécutifs; les premiers se rattachant à 
la polarisation, les seconds à la dépolarisation. Nous avons là deux 
expressions toutes faites, répondant à des actions bien définies, et 
traduisant, entre deux ordres d'effets aujourd'hui confondus dans la 
cacologie médicale, un antogonisme de moyens auquel répondent néces- 
sairement des réactions physiologiques différentes. 

Que l’électrolyse redevienne donc la polarisation, et nous n'aurons 
pas, ayant sous la main la dépolarisation, à lui opposer une électrothèse ; 
et nous pourrons rendre aux physiciens, qui en ont l'emploi, un mot qui 
nous a déjà beaucoup gênés et n'a aucun service à nous rendre. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — JUILLET 1907, 31 


La cautérisation tubulaire. 


Par M. A. TRIPIER, 


Quelque procédé qu'on ait employé pour l'effectuer, la cautérisation 
a toujours été jusqu'ici une opération superficielle. L'énergie qu'on y 
déploie, la durée qu’on lui donne, ne sauraient lui enlever ce caractère, 
qu’elle conserve dans les cas même où on l’applique à des trajets fistuleux 
ou à des cavités communiquant avec l'extérieur : elle porte alors sur des 
surfaces accidentelles sans que son rôle chirurgical soit pour cela différent. 

Le cas des ponctions ignées pratiquées dans les tumeurs osseuses, là 
où elles se présentent sous la peau, n'échappe pas à l'appréciation qui 
précède : ces applications, faites en vue d'opérer des révulsions, n'ont été 
que l'extension en profondeur d'actions primitivement superficielles. 
L'idée qu’a eue M. Jules Guérin d'effectuer, dans ces circonstances, des 
cautérisations sous-cutanées au moyen d'aiguilles isolées jusque vers 
leur pointe, représente toutefois une tentative nouvelle. Je devais la 
signaler, bien que le premier essai que nous en avons fait ensemble ait 
laissé à désirer au point de vue instrumental, et que j'aie négligé jusqu'à 
ce Jour de recueillir l'impression de M. Jules Guérin sur cette opération, 
pour l'exécution de laquelle on est arrivé à faire depuis peu des aiguilles 
convenables. 

La méthode de cautérisation qui fait l'objet de ce mémoire vise un 
autre but : celui de transformer, par l'établissement de fistules perma- 
nentes, certaines collections pathologiques closes en cavités communiquant 
plus ou moins librement avec l'extérieur. C'est des ponctions qu'elle se 
rapprocherait plutôt, les effectuant dans des conditions qui, tout en leur 
assurant une grande sécurité relative, permettent d'obtenir de l’action du 
trocart, quelquefois même d'une aiguille, des résultats qu'on ne pouvait 
souvent obtenir qu’en faisaut usage du bistouri. 

À coté de ce premier résullat, purement chirurgical, la méthode de 
cautérisation tubulaire offre enfin à considérer une action médicale dont 
il était impossible de prévoir la portée, et qui se traduit par une modifi- 
cation incontestable du mode de vitalité de certaines parois kystiques ou 
de surfaces pyogéniques, et procure la guérison de collections vis-à-vis 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 443 


desquelles la ponction classique ne constitue qu'une opération palliative 
ou préliminaire. 

C'est en faisant du trocart qui 'a servi à effectuer la ponction une 
électrode caustique que je tube, après l'avoir creusé, le puits qui 
assurera un certain degré de permanence à la communication voulue. 

Les effets que j'ai poursuivis dans une vue systématique, ou du 
moins des effets très voisins, s'étaient déja quelquefois produits acciden- 
tellement dans des conditions qui ne rappelaient plus aucun mode de 
cautérisation en usage. Lorsqu'en vue de localiser plus exactement 
l’action de courants auxquels on ne demandait que des effels dynamiques, 
on avait recours à la galvanopuncture, on avait, sans le vouloir, effectué 
des cautérisations linéaires, non plus superficiellement, mais en profon- 
deur. Celles-ci, toutefois, ne parurent pas tout d abord devoir ajouter 
aux ressources dont disposait le chirurgien : en eflet, tant que la théorie 
de la galvanocaustique chimique ne fut pas élablie, les cautérisations de 
la galvanopuncture furent considérées comme des accidents qu’on dissimula 
le plus souvent Schuster parait être le premier qui, ayant appliqué la 
galvanopuncture au traitement de l’hydrocèle, nota l'existence constante 
de ces cautérisations et admit que leur influence pouvait concourir au 
succès de l'opération en ajoutant une action révulsive à l'action catalytique 
de laquelle il attendait la résorption de l’épanchement. 

Depuis, la galvanopuncture m'a paru un moyen commode d'ouvrir 
certaines collections qu'il est inutile d'évacuer rapidement, moyen 
exposant moins qu'aucun autre aux suites fâcheuses des traumatismes 
chirurgicaux, exposant moins que l'emploi du bistouri ou du trocart au 
décollement de la peau autour de l'ouverture d'une collection purulente, 
et ayant l'avantage de ne laisser que des cicatrices insignifiantes ou 
imperceptibles. 

La galvanopuncture avec une aiguille m'a servi dans les deux cas 
suivants, où il s'agissait d'un kyste synovial et d’un abcès sublingual. 


Oss. I. Ganglion de la face dorsale du poignet. — Une jeune fille de vingt ans 
environ se présente à mon dispensaire, avec un ganglion de la face dorsale du 
poignet, du volume d'une noisette, et que la compression exercée sur lui ne 
réduit pas dans une mesure très appréciable. Une ponction exploratrice donne 
issue à une certaine quantité du liquide gélatineux habituel. C'est quinze jours 
après qu'est faite la ponction caustique: galvano-puncture négative par une 
aiguille d'acier ; circuit fermé dans la paume de la main; séance de vingt minutes 
par un courant non dosé ; pansement avec une mouche de sparadrap. La patiente 
revient huit jours après : il n'y a plus trace de la tumeur; l'escarre de l'orifice 
commence à se détacher. Revue six mois après, la guérison s'était maintenue ; 
la cicatrice représentait une petite tache blanchâtre de 4 millimètres de diamètre. 


Oss. II. Abcès de la région sublinguale chez un sujet lymphatique. — Une 


444 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


jeune femme de trente ans environ, un peu lymphatique, ressent un jour, en 
mangeant de la salade, une piqûre au-dessous de la langue, piqûre qu’elle croit 
avoir été produite par un fétu de paille, dont une partie seulement aurait été 
retrouvée. A dater de ce moment, la région devient le siège d'un gonflement 
douloureux qui gagne de proche en proche, et amène successivement la tumé- 
faction des ganglions sous-maxillaires, une amygdalite gauche qui s'abcédera au 
bout d'une quinzaine de jours, une dysphagie presque absolue ne permettant 
que l'alimentation liquide au chalumeau, et une fièvre intense. 

L'appareil fébrile calmé, les régions sus-hyoïdienne et sous-maxillaire 
apparaissent comme une seule tumeur, dure, bosselée, dans laquelle on ne sent 
qu'un point de fluctuation obscure sur le milieu de la région sus-hyoidienne, un 
peu à gauche de la ligne médiane. 

Le 24 février, un mois environ après l'accident, galvanopuncture au centre 
du petit noyau fluctuant. J'essaye, en raison des propriétés antiphlogistiques 
attribuées à la galvanisation polaire positive, de la galvanopuncture positive 
avec une aiguille d'or enfoncée à 1 centimètre et demi de profondeur. Séance de 
quinze minutes, circuit fermé dans la main gauche ; intensité de courant ayant 
varié de 4 à 5 millièmes de Weber. Pansement avec une mouche dc sparadrap 
enduite d'onguent de la mère. 

L'opération est suivie d'un soulagement immédiat appréciable. La collection 
est évacuée petit à petit, par un suintement continu qui dure quelques jours. 

Cinq jours après, il n'y a plus trace de fluctuation ; on distingue à peine 
l'endroit de la piqüre. Toute la région malade est encore un peu tuméfiée et dure, 
mais d’un volume sensiblement moindre ; la déglutition est facile ; la gène nulle. 
La résolution s'opère visiblement rapide. Prescription : 5 décigrammes d'iodure 
de potassium par jour. 

Cinq semaines plus tard, la résolution est complète. Un point blanchâtre de 
2 millimètres de diamètre rappelle où a été effectuée la ponction. 


J'avais autrefois conseillé, pour éviter les décollements cutanés si 
fréquents à la suite de louverture des bubons par le bistouri, de les 
ouvrir par une cautérisation superficicile avec une électrode négative 
cultellaire. Au lieu de ce procédé, dont les avantages sont en partie 
compensés parce qu'il est lent et douloureux, j'aurais recours aujourd’hui 
à la galvanopuncture négative, L'occasion d'en faire l'application m'a 
manqué Jusqu'ici. 

J'agirais de même pour évacuer les abces froids. 

C'est ici le lieu de signaler un point sur l'intérêt duquel j'aurai à 
insister plus loin : l’inuntilité de l'évacuation immédiate de la collection à 
laquelle s'adresse l'opération. Lorsqu'on attaque par la ponction ordi- 
naire, simple ou suivie d'injection, un kyste, une collection séreuse, 
un abcès, l'orifice ouvert par le trocart est toujours utilisé, séance 
tenante, à donner issue à la plus grande quantité possible des produits 
morbides. Pareil soin n'est pas à prendre dans la galvanopuneture Ici la 
guérison se produira par un double mécanisme . le trajet fistuleux qu'on 
aura établi pourra bien, à un moment donné, permettre l'issue petit à 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 445 


petit d'une partie du contenu de la tumeur ; mais l’action curative la 
plus importante peut-être est le travail nutritif, d’une forme encore 
indéterminée et variable sans doute suivant la nature des tumeurs, qui, 
consécutivement à l'action électrolytique ou aux cautérisations secon- 
daires, s’accomplit à la surface interne des parois kystiques ou des 
membranes pyogéniques. 

Mais la cautérisation linéaire, effectuée sur le trajet d’une aiguille 
pénétrante, ne saurait représenter qu'une application restreinte d'une 
méthode générale consistant à ouvrir aux collections morbides des voies 
d’un calibre quelconque, sans renoncer pour cela aux bénéfices de la 
cautérisation. 

C’est sur des lipomes que j'effectuai mes premières cautérisations 
tubulaires. Celles-ci ne différaient toutefois de la galvanopuncture que 
par le calibre du trocart, plus fort que celui des aiguilles. La ponction 
faite, on retire le trocart et on lui substitue une tige mousse qui sert 
d'électrode négative, fermant le circuit, suivant la configuration et la 
susceptibilité des parties, tantôt dans le voisinage, tantôt dans un point 
éloigné. C'est ainsi que, pour les tumeurs siégeant à la tête et au cou, je 
ferme le circuit dans la main, pour avoir une plus grande dispersion du 
courant, tandis que pour les tumeurs des membres et du dos je ferme le 
circuit sur un point voisin. Ilest presque superflu de rappeler que, suivant 
l'éloignement plus ou moins grand des électrodes, la résistance des tissus 
interposés varie, et que la tension du courant devra être accrue en pro- 
portion de l'accroissement des résistances à vaincre. 

L'opération terminée, il faut éviter que l’escarre fasse bouchon, ce 
qui arriverait presque inévitablement si on laissait le contact de l'air 
dessécher son extrémité superficielle. Il suffit, pour parer à cet accident, 
de lui conserver sa mollesse en recouvrant l’orifice de la ponction d'une 
mouche de sparadrap enduite d'onguent de la mère. 

C’est dans un kyste de l'ovaire que je creusai pour la première fois un 
puits qui put, onze jours après, être tubé avec une sonde de caoutchouc 
_ de 8 millimètres de diamètre. Je n'allongerai pas inutilement cette note 
par la reproduction détaillée du fait, qui, communiqué d’abord à l'Académie 
des sciences (mai 1878), a été publié depuis dans la Gazette obstétricale. 
La malade, opérée à la dernière extrémité, reprenait chez elle, au bout 
de peu de jours, des habitudes actives, et sortait trois semaines après 
l'opération. 

La fistule permanente ayant été conservée, tant pour permettre des 
injections quotidiennes d'eau iodée que pour donner passage à des sondes 
caustiques lors du développement ultérieur d’autres loges de la tumeur, 
a servi pour une seconde opération faite sept mois après. Les suites de 


446 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


cette seconde opération, pratiquée au cours d’une situation fébrile inter- 
mittente en rapport probable avec une lithiase biliaire qui ne fut recon- 
nue que plus tard, furent plus difficiles. Des évacuations abondantes et 
successives d'un liquide non plus séreux, mais purulent, eurent lieu 
pendant cinq mois par la canule. La convalescence finit cependant par 
s'établir; et l'état général s'améliorant tous les jours, c’est l'affection 
hépatique qui finit par nous préoccuper surtout. Aujourd’hui, avril 1879, 
la fistule est fermée ; l’état général est redevenu très satisfaisant; quand 
à la tumeur ovarique, nous attendons, pour l’attaquer de nouveau, le 
développement ultérieur des parties non intéressées dans les traitements 
suivis jusqu'ici. 


Parmi les applications que comporte la cautérisation tubulaire, il en 
est deux que j'indiquais dans mon mémoire cité sur l’ovariostomie : un 
perfectionnement à apporter au manuel de la ponction de la vessie, et 
l'établissement éventuel de fistules biliaires dans certains cas graves de 
cholélithiase. 

Mais ce sont là des opérations de l'avenir, dont l'exécution exigera 
encore des études préliminaires. Il est d'autres applications de la méthode 
qui comportent une réalisation immédiate; il me suffira de les signaler 
pour en faire apprécier les avantages. 

Au premier rang doit figurer l'ouverture des kystes et des abcès du 
foie. La ponction peut en être faite dès que surgit l'indication, du moment 
que la cautérisation appelée à établir des adhérences peut être exécutée 
à l’aide de la canule même du trocart. 

Les kystes séreux ou séro-sanguins du cou sont justiciables de ce 
procédé, sans qu’on ait à redouter la réaction vive qui suit trop souvent 
les injections iodées faites aussitôt après la ponction simple évacuatrice. 

Parmi les abcès dont l'ouvertue commande des précautions ou présente 
des dangers exceptionnels, et qui réclament plus spécialement ce mode 
d'ouverture, nous devons signaler les abces du rein ou périnéphrétiques 
et les abcès de la prostate. 

En ouvrant encore ainsi les abcès de la marge de lanus, n'arriverait- 
on pas à éviter quelquefois, souvent peut-être, l'établissement des fistules 
anales, qui paraît à la plupart des chirurgiens un accident à peu près 
inévitable à la suite de l'ouverture par le bistouri? 

L'ouverture par la cautérisation tubulaire, ou même simplement par 
la galvanopuncture, des abcès des froids ganglionnaires serait encore, 
je crois, une opération très avantageuse. Le brillant résultat obtenu dans 
le cas mixte dont la relation a été donnée plus haut, fait espérer qu’on 
simplifierait le traitement en même temps qu’on en abrégerait la durée; 
on éviterait enfin la formation de cicatrices apparentes. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 447 


La facilité avec laquelle se reproduisent, après leur ouverture par le 
bistouri, les abces des grandes levres, y indique encore l'ouverture par la 
cautérisation tubulaire. L'opération ne causerait aucun arrêt dans les 
habitudes de la vie, et permettrait sans doute d'éviter les larges débride- 
ments, avec leurs suppurations consécutives, nécessaires aujourd’hui pour 
écarter les chances de récidives. 

Je me suis fort bien trouvé autrefois de la cautérisation galvano- 
chimique superficielle dans le traitement de la grenouillette. La cauté- 
risation tubulaire donnerait plus facilement, plus promptement, et au 
prix d’une douleur de moindre durée, un résultat anssi avantageux. Elle 
permettrait de faire en une séance ce qui en demandait plusieurs. 

La cautérisation tubulaire devra être étudiée, enfin, comme procédé 
de thoracentèse. De toutes les ponctions, celle de la cavité pleurale a été 
la plus étudiée; et l'intérêt que présente sa bonne exécution est consi- 
dérable. Je n’ai pas à rappeler les précautions dont on l'entoure, précau- 
tions qui se trouvent pour la plupart assurées par le procédé même que 
je recommande. Il y a lieu encore de se demander ici si l’action dyna- 
mique de la galvanisation ne simplifierait pas la marche des phénomènes 
de résorption. Le fait a été bien établi par Schuster pour l’hydrocèle de 
la tunique vaginale ; les choses ne pourraient-elles se passer de même 
dans la cavité pleurale? — A priori, c'est au moins admissible. 

Cette considération de l’action médicale de la galvanisation, indépen- 
dante de l'effet chirurgical qu'on lui demande, mérite qu’on s’y arrête. 
De quelque nom qu’on la décore — irritation substitutive ou autre —, 
il est certain qu'elle favorise d’une manière remarquable la résorption de 
certaines collections, ou, d'une manière plus générale, le processus nutritif 
de certaines tumeurs bénignes. 

Parmi ces dernières, il en est une, le lipome, dont l'étude pourra 
offrir, à ce point de vue, un intérêt spécial, en raison de la facilité rela- 
tive qu'offre son observation, de sa fréquence, de ses évolutions variées 
et de la comparaison possible des résultats que donnent, dans son trai- 
tement, la cautérisation électrique et un mode de cautérisation poten- 
tielle qui tend aujourd’hui à se répandre. 

Mes notes et mes souvenirs me fournissent à ce sujet quelques obser- 
vations frustes qui ne seront sans doute pas jugées indignes d'intérêt, 
moins en raison des enseignements qui pourraient en sortir que comme 
point de départ d'observations systématiques. 

Il y a vingt-cinq ans environ, vers l'époque de mes débuts dans la 
médecine, un de mes maîtres, Baudens, avait un cuisinier porteur d’un 
énorme lipome, embrassant par son bord supérieur la région temporo- 
pariétale gauche, et venant reposer par une large base sur le moignon de 


448 ANNALES D ÉLECTROBIOILOGIE 


l'épaule. La partie moyenne de cette tumeur embrassait la moitié gauche 
de la face et du cou, et créait une horrible difformité. Lorsqu'il crut ses 
talents culinaires suffisamment appréciés pour qu'il lui fût permis de solli- 
citer une grande faveur, le malade demanda à son maitre s'il ne pourrait 
le débarrasser de son infirmité. Baudens lui offrit de l'opérer par incision. 
Notre homme recula devant l'opération; et, quelques jours après, il 
quittait la maison, pour entrer au service de Jobert. Là, il répéta sa 
manœuvre avec le même succès, se vit faire la même offre, et partit. 
Deux ou trois ans après, Je le vis entrer chez moi, et ne le reconnus pas 
tout d’abord : il était débarrassé de sa tumeur. et portait seulement, au 
niveau de la parotide, une fistule qui le gênait par l'écoulement auquel 
elle donnait lieu, et parce qu'elle était le siège de vives douleurs. J'appris 
alors qu’en quittant le service de Jobert, cet homme avait été adressé à 
un berger des environs de Paris, qui s'était chargé de le guérir sans 
opération. Le berger trempait une allumette dans un liquide jaunâtre et, 
la portant sur le point où se trouvait maintenant l'orifice de la fistule, lui 
imprimait des mouvements de rotation « comme avec une vrille ». Trois 
ou quatre séances faites à divers intervalles avaient amené une perforation 
de la peau « et la tumeur s'était vidée par là ». Accessoirement, le berger 
faisait de loin en loin, dans un assez large rayon autour de la fistule, une 
lotion avec le liquide dans lequel il avait trempé son allumette ; à la colo- 
ration des téguments, je reconnus l'acide azotique médiocrement concentré. 

Mon homme maugréait contre le berger « qui l'avait estropié » ; et je 
ne pus le gourmander de son ingratitude que lorsqu'avec des injections 
iodées et quelques séances de faradisation révulsive, je l'eus débarrassé 
de sa fistule et de ses douleurs. Baudens venait de mourir; c'est à Jobert 
que j’adressai alors le malade, avec une note indiquant que c'était l'acide 
azotique qui avait été employé. Jobert dut être émerveillé du résultat, 
car, à dater de cette époque, il consacrait chaque année, dans ses cours 
de clinique, une leçon au traitement des loupes par la cautérisation. 
Y racontait-il l’histoire de son ancien cuisinier? J'en doute, ne l'ayant 
trouvée dans aucune des versions de cette leçon qui parurent succes- 
sivement ; elle me paraissait cependant mériter d'être rappelée. 

Depuis, j'ai appliqué à bien des loupes le traitement du berger, et 
n'ai jamais eu qu'à m'en louer. En employant l'acide concentré, une 
seule séance, de cinq à dix minutes, suffit pour préparer la perforation 
de la peau ; qnant aux lotions sur le pourtour, elles sont superflues. 

C'est par ce moyen que j'ai presque toujours attaqué les loupes du 
cuir chevelu. La tumeur diminue bientôt de volume sans donner lieu à 
un écoulement au dehors appréciable, Durant cette période, le très petit 
cautère semble provoquer uniquement, mais avec une remarquable 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 449 


intensité, ces réactions à distance par lesquelles on a essayé, sous les 
noms de résolution, de révulsi n, d’irrilation substilutive, de caractériser 
les effets, souvent contestés, des exutoires à demeure. Puis, au bout 
d’un temps qui varie entre deux et quatre ou même six septénaires, un 
jour vient où la perforation cutanée donne issue à une grosse lentille, 
dure, cornée, demi-transparente, ressemblant à première vue à un gros 
cristallin en partie desséché. La cicatrisation se fait ensuite en deux ou 
trois jours. 

Dans quelques cas, j'ai employé comparativement la cautérisation 
alcaline, faisant au sommet de la tumeur une très petite eschare avec la 
pâte de Vienne. Les résultats cnt été les mêmes. 

Dans les autres régions, j'ai toujours donné la préférence à la galva- 
nocaustique chimique négative, pénétrant d'abord de la surface cutanée 
vers la profondeur avec une électrode mousse ; puis, plus tard, pénétrant 
avec un trocart qui me servait ensuite d’électrode. Les deux manières de 
procéder m'ont donné des résultats semblables, mais différents de ceux 
que j'avais observés sur les petites loupes du cuir chevelu Huit ou dix 
jours après l'opération, la tumeur, pressée, se vide par l’orifice comme 
une châtaigne cuite : puis, vers la fin de l'évacuation, on voit apparaitre 
des lambeaux d’une membrane blanche, assez résistante quoique molle, 
qu'on peut extraire facilement avec la pince à disséquer. 

Les différences que je viens de noter dans le mode d'évacuation de 
ces tumeurs tiennent-elles aux procédés employés pour les attaquer ? 
Les épreuves comparatives faites sur les petites loupes du cuir chevelu 
avec l'acide azotique et la pâte de Vienne semblent indiquer au moins 
que tout ne dépend pas de la réaction acide ou alcaline du caustique. Ces 
différences tiendraient-elles plutôt aux régions sur lesquelles on opère, 
au volume relatif des tumeurs, à la texture des couches qui les circons- 
crivent ? Ce sont des points qu’une expérience ultérieure un peu étendue 
devra élucider sans trop de difficulté. 

J'ai eu récemment à attaquer, chez un homme de quarante ans, un 
kyste huileux de la région temporale. La tumeur, paraissant émerger de 
sous l’arcade zygomatique, remontait à 4 centimètres plus haut, et offrait 
un développement transversal sensiblement égal à son développement 
vertical. La saillie était assez prononcée pour apporter de la gêne dans 
les mouvements des paupières. 

La tumeur se vida en grande partie lors de la ponction exploratrice, 
pendant que le trocart était retiré pour faire place à un mandrin mousse 
servant d'électrode caustique. La galvanisation continue polaire négative 
pratiquée à la tête amenant facilement des syncopes, je fis une cautéri- 
sation positive. Circuit fermé dans la main; séance de quinze minutes par 
un courant de 3 millièmes de Weber d'intensité. 


450 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le lendemain, la tumeur semblait s'être reproduite : puis elle diminua. 
Sept jours après l'opération, le point piqué ressemblait à la cicatrice 
saillante d’un furoncle récent ; il n'existait plus aucune tuméfaction. Au 
bout d’un mois, persistance de la guérison. 

Ici, rien n'a été évacué qu'un contenu huïileux. Par quel mécanisme 
s’est faite la résorption ? Comment les parois de la poche se sont-elles 
comportées ? Persistent-elles ou ont-elles disparu ? Se sont-elles accolées ? 
— Une récidive permettrait d'éliminer les dernières questions, mais sans 
résoudre les autres. 


La thérapeutique des hypertrophies 
prostatiques. 


Par M. A. TRIPIER. 


Lorsque me vint l'idée de traiter par la faradisation les engorgements 
des organes parenchymateux dans la constitution desquels entre une 
suffisante quantité d'éléments contractiles, je songeai tout d’abord et 
simultanément à l'utérus et à la prostate, ainsi qu’en témoigne le titre 
de la communication à l’Académie des sciences dans laquelle j'indiquais 
l'esprit de la méthode que je proposais : Hyperplasies conjonctives des 
organes contractiles ; de la faradisation dans le traitement des engorge- 
ments de l'utérus et de l'hypertrophie prostatique (août 1859). 

Depuis cette époque, j'ai eu des milliers de fois l'occasion d'appliquer 
cette thérapeutique à l'utérus ; nombre de médecins l'ont expérimentée 
à l'étranger et en France ; la preuve de son efficacité n'est plus à faire. 
On trouvera dans mes Leçons cliniques sur les maladies des femmes (1) 
tout ce qui concerne la technique de la méthode, son mode d’action, plus 
complexe que je ne l'avais admis d'abord, et ses résultats cliniques. 

A l'endroit de la prostate, mon expérience est beaucoup plus restreinte : 
ce n’est qu'accidentellement, à propos d’autres questions et à l’occasion 
d’une collaboration avec mon ami le docteur Mallez, que j'ai eu à 
m'occuper de l'appareil urinaire de l’homme. Cependant, si j'ai renoncé 
à poursuivre mes premières applications de la faradisation au traitement 
de l’engorgement prostatique, c'est surtout parce que ma curiosité à cet 
endroit s’est crue longtemps satisfaite par une observation publiée en 1861, 
observation que, avant tout retour sur les considérations théoriques ou 
opératoires, je reproduirai en la complétant. J'étais tombé sur un malade 
exceptionnellement soucieux de guérir, suivant avec une parfaite exac- 
titude un traitement au moins ennuyeux ; tandis que les rares sujets que 
j'ai rencontrés depuis ont renoncé au traitement dès qu'une amélioration 
snffisante pour les rendre à leurs habitudes était obtenue, quelques-uns 
même se contentant d'un simple soulagement. Je m'en suie donc tenu à 


(1) Paris, O. Doin, éditeur, 1883. 


452 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


la première observation, que, dans des conditions qui pourront offrir 
matière à discussion je considère toujours comme décisive. 


Oss. I. — M. F..., quarante-quatre ons, Occupations sédentaires. Dans les 
premiers jours de 1859, contracte une blennorrhagie ; après quinze jours de 
traitement, celle-ci se trouve réduite à un suintement qui résiste aux moyens 
précédemment employés A la fin de Juillet, on cautérise la partie profonde de 
l'urètre avec l'instrument de Lallemand chargé de nitrate d'argent. Douleur vive 
pendant deux jours. Six jours après la cautérisation, miction impossible. Bain 
chaud, puis aloës à l'intérieur, sans résultat. 

Le 2 Août, douze heures après l'administration de l'aloës, trente-six heures 
après le début de la rétention, je suis appelé. Le cathétérisme, pratiqué avec une 
sonde d’un fort calibre qui passait très librement, donne environ 1 litre et demi 
d'urine. 

En arrivant à la partie prostatique de l'urètre, le bec de la sonde avait éprouvé 
une déviation marquée à gauche; la longueur introduite avant d'entrer dans la 
vessie était plus considérable que dans l'état normal; retirée de l'urètre, la sonde 
avait conservé une double courbure très prononcée. Hypertrophic très probable 
du lobe droit de la prostate, à vérifier lorsque le cours spontané des urines sera 
rétabli. 

Quelques jours après, le toucher fait constater une hypertrophie notable du 
lobe droit qui, confondu avec le gauche vers le sommet, le déborde de 2 centimètres 
au moins du côté de leur base, Sur un croquis fait immédiatement après le toucher, 
je note les dimensions suivantes : diamètres transversaux, à droite, 33 milli- 
mètres; à gauche, 22; — diamètres longitudinaux : à droite, 62 millimètres; à 
gauche, 48. 

(Ce mode de mensuration laisse sans doute beaucoup à désirer; mais j'ai dû 
l'employer, à défaut d'un plus satisfaisant, pour mon édification personnelle ; et 
j'en donne les résultats tels que je les ai notés. L'excès des diamètres longitudinaux 
sur les diamètres transversaux se trouve peut-être exagéré par suite d'une estima- 
tion insuffisante de ces derniers. C'est du moins ce que me porterait à admettre 
une légère erreur fuite dans ce sens lorsque j'essayai sur le cadavre de me rendre 
compte du degré de confiance que méritaient les évaluations rapportées ici. 
D'autre part, en admettant qu'on ne se soit pas trompé, on ne peut répondre que 
de la somme des diamètres transversaux ) 

Du 9 Septembre au 3 Décembre : trente séances de faradisation prostatique de 
dix minutes, l'excitateur rectal olivaire simple étant porté sur la partie postéro- 
externe du lobe droit de la prostate. 

Le 3 Décembre, toucher et dessin de la prostate sans avoir vu le croquis de 
l'exploration précédente. Diamètres transversaux : à droite, 25 millimètres; à 
gauche, 18; — diamètres longitudinaux : a droite, 50; à gauche, 42. 

Du 3 Décembre au 17 Mars, quarante nouvelles séances, dans les mêmes 
conditions. 

Le 17 mars, après soixante et dix séances : diamètres transversaux, à droite, 
20 millimètres ; a gauche,15; — diamètres longitudinaux : à droite, 44 ; à gauche, 
39. Lors de cette derniére exploration, l'épaisseur du lobe droit se montre surtout 
réduite; il n'était que très peu saillant et difficile à bien circonscrire, tandis que 
le lobe gauche, d'abord relativement sain, formait encore un bourrelet très prononcé. 

Cessation du traitement. 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 453 


Huit mois après, ce malade n'avait encore éprouvé aucune gêne de la miction. 

Revu en novembre 1878, près de dix-huit ans après la cessation du traitement 
de cette hypertrophie prostatique droite. Depuis six mois, la miction est quel- 
quefois difficile et douleureuse; urines toujours claires. L'examen de la prostate 
donne, pour les diamètres transversaux : à droite, 19 millimètres ; à gauche, 29; 
pour les diamètres longitudinaux : à droite, 35; à gauche, 42. 

La dysurie était occasionnée par un rétrécissement bridiforme double de la 
région bulbo-membraneuse, pour lequel j'adressai le malade à mon ami Mallez, 
qui l'opéra par uréthrotomie d'arrière en avant. 


Je crois intéressant de réunir les résultats des quatres explorations 
dans un tableau qui permettra de tirer immédiatement de cette observation 
les conclusions qu’elle comporte. 


Lobe droit. Lobe gauche. 
RE ne. es. PO, RS 
Longit. Transv. Longit. Transv. 

Avant le traitement. . . . . . . 62 39 ' 48 22 
Après 30 séances. . . . . . . . 50 25 42 18 
Après 70 séances. . . . . . . . 4l 20 39 15 
Dix-huit ans plus tard. . . . . . 35 19 42 29 


Il ressort de ces constatations que le traitement, dirigé plus spécia- 
lement contre l'hypertrophie du lobe droit, a été avantageux aux deux 
lobes, mais sensiblement plus à celui auquel il s'adressait plus directement ; 

Que, dix-huit ans après, l'amélioration avait non seulement persisté, 
mais progressé à droite, tandis qu'elle avait rétrogradé à gauche, au 
point d'y arriver à une situation moins bonne que la sitaation initiale. 

De là semble résulter l'indication de pousser le traitement aussi loin 
que possible, au-delà de ce qu'on aurait pu croire utile a priori, sous 
peine de n’en pas voir persister les bénéfices. 

En présence de résultats thérapeutiques aussi brillants, et des conclu- 
sions si nettes qu'ils comporteraient, il est difficile de se défendre de 
quelques scrupules. N'aurait-on pas été dupe de quelque cause d'erreur 
méconnue? — Je soumels, à ceux qui seraient tentés de poursuivre avec 
quelque curiosité des observations analogues, les objections que je me 
suis faites. | 

Tout d'abord, le procédé de mensuration laisse beaucoup à désirer. 
La seule précaution qu'on y puisse prendre contre soi-même lorsqu'on 
l'emploie est de choisir, pour faire une exploration, un jour où l'on n'ait 
aucun souvenir de l'examen précédent, c’est une garantie insuftisante. 
Cette constatation pourrait être faite aujourd'hui avec une exactitude 
rigoureuse au moyen du proslatographe de Mallez et Napoli. 

Je me suis demandé encore si je ne m'étais pas trouvé en présence 
d’une affection chronique à gauche, encore un peu aiguë à droite, ce qui 


454 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


expliquerait dans une certaine mesure les différences notées dix-huit ans 
plus tard. — Ce n'est pas impossible Cependant l'amélioration obtenue 
d'abord même à gauche et la persistance de celle obtenue à droite 
témoignent incontestablement, même dans cette hypothèse, en faveur 
du traitement adopté. 

La pratique gynécologique m'avait, un peu après, amené à considérer 
d'autres engorgements que les proliférations lamineuses que j'avais eues 
tout d'abord eu vue sous le titre d’hyperplasies conjonctives. J'aurai tout 
à l’heure à revenir sur la question de parenté pathologique des tissus 
conjonctif et fibreux, regardés comme identiques par les histologistes ; en 
clinique, il me parait difficile de ne pas les tenir pour distincts; et cette 
distinction a pu me paraitre justifiée par les épreuves thérapeutiques 
auxqu-iles elle m'a conduit. Enfin, les analogies de structure de l'utérus 
et de la prostate me décidèrent à appliquer aux hypertrophies fihreuses 
de celle-ci la médication qui me réussissait dans les cas de fibrômes 
utérins : la mise en rapport aussi voisin et aussi permanent que possible 
du tissu de formation accidentelle avec un topique ioduré. 

Malgré le grand nombre d'antopsies dans lesquelles on avait examiné 
l'utérus, les cliniciens étaient loin de soupçonner la fréquence des 
fibromes de cet organe, fréquence constatée cepen lant par Bayle ; cela 
tenait vraisemblablement à ce que leurs recherches avaient eu surtout 
pour objet la constatation des anomalies de situation et des déformations 
mécaniques. Tel était encore mon cas lorsque, en 1871, je publiai mon 
mémoire sur les Lésions de forme et de situation de l'utérus Le 
dépouillement de mes observations me mit alors en présence de quelques 
cas qui me parurent - anormaux », et dont je repris l'examen toutes les 
fois que les circonstances s'y prètèrent. Je vis alors que les traitements 
abandonnés de bonne heure après une amélioration rapide qui n'avait pas 
toujours persisté répondaient non à des engorgements simples, mais à 
l'existence de fibrômes dont les débuts m'avaient souvent échappé. Pour 
le traitement de ces cas, je renonçai à la faradisation, au moins comme 
ressource fondamentale, et essayai des injections utérines iodurées. Les 
vicissitudes pharmaceutiques de ce traitement ont été indiquées dans 
mes Leçons cliniques sur les maladies des femmes ; je n'ai pas à les 
rappeler ici. En 1875, seulement, je pus réaliser une forme satisfaisante 
de topiques intra-utérins, et obtenir de son emploi des ré:ultats qui, s'ils 
ne sont pas aussi prompts qu'on pourrai! le désirer, sont du moins assez 
satisfaisants pour m'avoir détourné des essais que je commençais avec 
la voltaïsation continue, ou du moins pour m'avoir décidé à réserver 
ces derniers pour les cas exceptionnellement défavorables où la méthode 
n'aurait à entrer en parallèle qu'avec une intervention chirurgicale. 


NUMÉRO DU D° TRIPIER 455 


La fréquence des fibrômes constituait une analogie de plus entre 
l'utérus et la prostate; le traitement qui me réussissait pour les 
fibrômes utérins était dès lors indiqué pour les fibrômes prosta- 
tiques. Quart au moyen de l'appliquer, le plus simple me parut 
être de donner à mes topiques la forme de suppositoires. Les condi- 
tions sont ici moins favorables à l'absorption par l'organe malade; 


l'observation suivante montre que les résultats peuvent cependant être 
fort satisfaisants. 


Oss. II. — M. B.. , vingt-neuf ans, ingénieur, habite la province, où il a une vie 
assez active. Suintement uréthral, consécutif à une blennorrhagie datant de huit 
ans, et hypertrophie notable du lobe droit de la prostate. Ces accidents ont été 
traités sans résultat par les cautérisations au nitrate d'argent suivant le procédé 
de Lallemand ; plus récemment, par diverses sortes de suppositoires ; depuis un 
mois, par des séances quotidiennes de faradisation prostatique. 

Lorsque le malade me fut adressé, en novembre 1877, il souffrait depuis un an 
de pesanteur au périnée, de douleurs lancinantes s'irradiant tantôt dans le 
ventre, tantôt dans la région lombaire, tantôt suivant les trajets des nerfs crural 
et sciatique ; l'éjaculation était accompagnée d'une vive douleur; la miction, de 
cuisson, mais sans présenter de difficulté notable. La faradisation prostatique, 
conseillée par un confrère qui avait autrefois fréquenté mon dispensaire, venait 
d'être pratiquée tous les jours depuis un mois, sans avoir procuré de bénéfice 
appréciable. 

Consulté d'abord par lettre, je ne conscillai qu'un régime préparatoire, fondé 
tant sur les renscignements qui précèdent que sur des indications étrangères 
à l'objet que j'ai ici en vue : régime des arthritiques ; pour boisson, aux repas et 
en dehors, macération à froid de baies de genévrier. Après un mois de ce 
régime, les douleurs lancinantes spontanées avaient à peu près cédé ; le reste, 
sans changement. 

Je vis alors le malade le 13 janvier 1878. 

La prostate se montrait sensiblement hypertrophiée du côté du lobe droit. 
Ses diamètres longitudinaux étaient de 44 millimètres a droite, de 34 à gauche ; 
ses diamètres transversaux, de 28 à droite, de 16 a gauche ; la saillie était très 
prononcée pour les deux lobes; leur consistance inégale et dure : il s'agissait là, 
non d'une hypertrophie simple, mais d'une prostate fibreuse. Prescription : deux 
quarts de lavement huileux camphré par jour ; frictions mercurielles au périnée ; 
irrigations de la partie profonde de l'urètre avec l'eau iodurée iodée. 

å février. Atténuation légère de tous les symptômes ; mais aucun n’a disparu. 
Prescription : introduire tous les soirs dans l'anus un bol de la grosseur d'une 
petite noisette de la pommade suivante: Iodure de potassium, 3 grammes ; 
extraits de digitale et d'absinthe, de chaque 1 gr. 50 ; beurre de cacao et axonge, 
de chaque 15 grammes; graisse de veau, 2? grammes. 

Trois mois de ce traitement n'amenèrent encore que de l'amélioration. 

Ce n'est qu'en août, après sept mois de traitement, que tous les symptômes 
génants ont disparu, même la douleur de l'éjaculation, qui avait persisté la 
dernière. Le toucher moutra alors le lobe droit de la prostate très notablement 
diminué de volume, en mème temps que la consistance de l'organe apparaissait 
beaucoup moins dure, 


456 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le malade, qui avait des projets de mariage et n'en avait ajourné l'exécution 
qu'en raison de son état de santé, se maria au commencement de l’année suivante. 
Trois mois après, nouvel examen : le lobe gauche est petit ; le droit, plus volu- 
lumineux, ne le dépasse en avant que de 3 ou 4 millimètres ; il est à peine plus 
gros qu’à l'état normal ; sa consistance est devenue tout à fait normale. 

A partir de ce moment, M. B .., cesse l'usage régulier des suppositoires, 
auxquels il revient de loin en loin, quand, après quelque temps de continence, 
il lui arrive d’avoir l'éjaculation un peu douloureuse. Je le vois presque tous les 
ans, et ai pu constater jusqu'ici la persistance de la guérison. 


Ona vu plus haut les raisons sommaires qui m'avaient conduit à traiter 
différemment des cas que j'avais jugés dissemblables : croyance à une 
hyperplasie conjonctive simple et à la possibilité de la réfréner en 
provoquant dans son entourage des contractions musculaires et des 
hyperémies passagères capables de faciliter les résorptions; rencontre 
de cas réfractaires au traitement que m'avaient suggéré ces indications, 
cas distincts d’ailleurs des précédents par la forme, la distribution, la 
consistance, le volume des tumeurs. 

Avant d'entrer dans le détail des procédés que comporte le traitement 
de chacun de ces ordres de cas, de m’arrêter aux quelques complications 
fréquentes qui peuvent fournir des indications complémentaires, et 
d'examiner une méthode chirurgicale qui a rendu des services impor- 
tants, on me permettra un retour sur une question préjudicielle à retenir 
ou à écarter : celle de la nature identique ou distincte des tumeurs dont 
l'examen m’a fourni des indications différentes, tumeurs qui sont consi- 
dérées comme semblables par les auteurs dont les spéculations patholo- 
giques sont basées uniquement sur des considérations histologiques. 

ll semble qu'ici la clinique et l'anatomie microscopique soient en 
désaccord. | 

La clinique nous montre, d'une part, des tumeurs qui se confondent 
avec l'organe ou la portion d'organe »u sein duquel elles se déve- 
loppent, ne constituant qu'une exagération de volume de sa trame, n'en 
modifiant notablement ni la forme, ni la consistance, n'en augmentant le 
volume général que dans une mesure restreinte ; ce sontles hyperplasies 
proprement dites. Elle nous offre, d'autre part, des tumeurs tout à fait 
distinctes de l'organe, dans lequel elles se font une loge bien circons- 
crite, ou ne se confondant avec lui que par un pédicule large ou étroit ; 
qui, dans tous les cas, le déforment et en modifient notablement la consis- 
tance: tumeurs qui, en enfin, sont susceptibles d'un développement 
presque illimité. Faut-il encore rapprocher de ces dernières, ou faire 
une place à part entre elles et Les tumeurs fibrosplastiques, à certaines 
tumeurs de même apparence histologique, dont la configuration est 
moins distincte que celle des fibromes proprement dits, dont la proli- 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 457 


fération est diffuse, et qu’on voit envahir les parties voisines, s'étendre 
au loin, ne différant des néoplasies, sur la malignité desquelles on est 
d'accord, que par l'absence, dans leur évolution, d'un processus nécro- 
sique ulcéreux ? 

Voilà ce qu’accuse l'examen clinique, très neltement dans des cas 
types, d'une façon plus obscure dans quelques autres. 

Ici l'histologie intervient : l'élément conjonctif est un. Le tissu 
fibreux est constitué par du tissu conjonctif condensé. Les fibrômes sont 
constitués par des éléments de tissu conjonctif à un état de complet 
développement et à un état de condensation plus ou moins prononcé. La 
conclusion est que c’est le tissu conjonctif insterstitiel d’un organe qui 
s’hypertrophie s'épaissit, s'indure, se convertit en tissu fibreux. 

Le fibrôme procéderait ainsi du tissu conjonctf làche. La clinique n’y 
contredit pas d'une manière absolue : cependant elle nous montre que 
toute hypertrophie conjonctive n’aboutit pas nécessairement à la 
« condensation » fibreuse ; que, d'autre part, le début de ces tumeurs se 
fait souvent dans l'utérus, le plus souvent peut-être dans la prostate, par 
des noyaux sphériques énucléables, fibreux d'emblée. 

Nous voyons là des raisons suftisantes de conserver la distinction 
clinique de Paget entre les hyperplasies fibro-cellulaires (hyperplasies 
conjonctives) et les hypertrophies fibreuses, distinction fondée sur leur 
consistance, et, pourrait-on ajouter, sur la forme de leur développement 
macroscopique. 

Quant à la question de savoir si ces deux formes cliniques repré- 
sentent des phases différentes d'un mème processus, nous croyons qu’elle 
doit être réservée : jusqu'ici la clinique semble avoir fourni des 
arguments pour et contre, et la thérapeutique peut s'accomoder de cette 
réserve. 

Pour qu'une tumeur comporte une caractéristique, ajoutent la 
plupart des histologistes, il faut que le tissu accidentel y soit à l'état de 
pureté. Les tumeurs dites fbrômes de l'utérus — et sans doute aussi de 
la prostate — dans lesquelles se retrouvent des éléments constitutifs des 
organes qui les portent, ne seraient pas des fbrômes, mais de simples 
fibroïdes. Cette distinction n'est pas faite pour nous gêner. 

Le passage suivant, de l’auteur d'un des articles PROSTATE du 
Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques (t. XXIX, 
1880), résume trop bien nos impressions pour que, malgré l'esprit 
contraire de l’ensemble de l’article, nous résistions à la tentation de 
le citer : 

« Quand on considère l’ensemble des descriptions, lorsqu'on passe 
en revue les différentes pièces d'un musée, une grande division s'impose 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — JUILLET 1907. 32 


458 ANNALES D'ÉLEUTROBIOLOGIE 


naturellement à l'observateur : sur certaines pièces la prostate est tuméfiée 
dans son ensemble ou dans l’une de ses parties, et il en est d'autres où 
elle est le siège de tumeurs séparables, interstitielles ou proéminentes, 
voire pédiculées. De là deux variétés apparentes de néoplasies bénignes, 
ayant des caractères ct des effets différents, la première représentant plus 
particulièrement l'hypertrophie, la seconde très comparable à celle qui, 
dans l'utérus, se caractérise par le développement des corps fibreux. » 

L'auteur de l’article, M. L. Jullien, ne croit pas toutefois qu'il y ait 
intérêt à examiner séparément ces deux modes d’hypertrophie : « Dans 
bien des cas, la seconde succède à la première ; presque toujours il y a 
contemporanéité des deux processus.» Cela prouverait que ces deux 
processus ne s'excluent pas; encore que l'un doive nécessairement 
conduire à l’autre. 

Au point de vue thérapeutique, la distinction doit certainement être 
maintenue : l'épreuve clinique, si elle ne permet pas encore de juger la 
question doctrinale, semble fort établir qu’à un moment donné au moins 
les deux formes réagissent différemment sous l’action des modificateurs. 

Lorsque, au début, la question thérapeutique me fut posée par le 
premier des cas rapportés plus haut, j'ignorais les hypertrophies muscu- 
laires, dont le rôle a, depuis, été signalé et peut-être exagéré : je 
regardais les hyperplasies conjonctives, de faible ou de médiocre densité, 
comme entrainant une impuissance musculaire d'où pouvaient dériver, 
dans des glandes ne se vidant plus ou ne se vidant que difficilement, des 
lésions qui mettaient sur la voie d’une affection prostatique, et j'admettais 
qu'on pouvait agir sur l'encombrement amené par cette inertie en provo- 
quant des contractions de la coque musculaire de l'organe. Quant aux 
hypertrophies fibreuses, squirrheuses comme on disait alors, je les tenais 
pour une affection différente, sans renoncer pour cela à tenter d'en favo- 
riser la résolution par une suractivité provoquée dans les éléments con- 
tractiles. Sur ce dernier point, l'expérience, longtemps poursuivie sur 
des fibrômes utérins, me donna tort. Mais les résultats manifestement 
avantageux que j'’obtenais dans les cas d’engorgement simple me con- 
duisirent à essayer la faradisation contre les hypertrophies prostatiques 
diffuses, que je continuerai à appeler provisoirement des engorgements, 
pour ne pas préjuger les conclusions à intervenir sur des questions qui 
sont encore matière à discussion. 

Pour faradiser la prostate, je la compris entre un excitateur urétral 
à surface nue cylindrique, à axe légèrement courbe, et un excitateur rectal 
olivaire. La figure ci-jointe indique la longueur et la forme de l'excitateur 
urétral, qui doit être d'un calibre aussi fort que le comporte celui d>» 
l'urètre. Comme excitateur rectal, j'employai l'excitateur simple à grosse 


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NUMÉRO DU D" TRIPIER 459 


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olive que j'avais fait faire pour agir sur la face postérieure de l'utérus. 
Les excitateurs une fois mis en place, l'urétral le premier, on ferme le 
circuit sur un appareil d’induction à intermittences rapides, et l'on 
augmente ensuite progressivement l'intensité des courants à mesure que 
le permet la sensibilité du malade. 


Faradisation de la prostate hypertrophiée. 


J’ajoutais, dans le mémoire cité, que si le cathétérisme était impos- 
sible avec un instrument convenable, on pourrait essayer d'agir sur les 
parties postérieure et latérale de la glande, en introduisant deux excitateurs 
dans le rectum, mais que le procédé par l'urètre devait être préféré toutes 

| les fois qu'il était possible d'y recourir. En vue d'agir par le rectum 


| | Diaitized » Google 


400 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


seulement, je fis faire un excitateur prostatique double, celui. qu'on 
trouve ici, dans la figure, substitué à l'excitaleur rectal simple. Les 
résultats de la faradisation par le rectum seul sont manifestement infé- 
rieurs à ceux de la faradisation par l'urètre et le rectum ; mais l’excitateur 
double que j'y ai employé a l'avantage de bien embrasser la prostate, 
aussi l'ai-je conservé pour tous les cas, le faisant seulement lo:squ'un 
excitateur urétral a pu être mis en place, fonctionner comme excitateur 
simple, en mettant, au moyen d'un réophore biturqué, ses deux extrémités 
métalliques en rapport avec un même pole. 

Mes premières séances étaient de dix minutes ; je les ai progressive- 
ment réduites à cinq. 

L'appareil de Duchenne, dont je me suis servi dans le cas rapporté 
plus haut, fonctionnait avec une pile indépendante, dont l'orientation fut 
plusieurs fois changée sans que j'en fusse prévenu; aussi n’avais-je 
d'abord donné que sous forme dubitative la préférence au pòle négatif 
pour l'urêtre, au positif pour le rectum. Je puis aujourd'hui recommander 
cette orientation. 

Quant à l'appareil à employer, ce ne doit plus être qu'un appareil à 
circuits mobiles : on n’accepterait plus de se servir du graduateur à eau, 
aussi incommod> que défectueux. 

Je recommandais, vu le mode de sensibilité des viscères, sensibilité 
plus grande pour les courants de quantité que pour les courants de 
tension, de se servir des courants d'une bobine à til un peu fin. Depuis la 
facilité de graduation qu'offre mon appareil à hélices induites mobiles, je 
préfère employer une bobine à gros fil, dont les courants agissent plus 
efficacement sur la contractilité. Cette préférence pourrait n'être toutefois 
que provisoire : une conclusion définitive à cet endroit est subordonnée à 
des recherches à faire sur les modifications que les phénomènes circula- 
toires éprouvent sous l'influence des courants d'induction, et sur le role 
que jouent respectivement, dans ces modifications, la quantité et la tension. 

Je signalais encore un fait dont il est bon d'être prévenu : à savoir 
que le malade, supportant mal d'abord la présence de l'excitateur urétral, 
n’en est presque plus ou plus du tout incomimodé quand passent les cou- 
rants. C’est de ce fait, rapproché d'autres analogues, que je suis parti 
pour expliquer, par la différence de conductibilté electrique des voies de 
transinission au centre nerveux d'impressions simultanées, les phénomènes 
de prétendue anesthésie déterminés par la faradisation dans l'exécution de 
quelques opérations de courte durée, notamment des avulsions dentaires 
pratiquées dans des conditions convenables. 

Il a été indiqué, au début de ce mémoire, comment les injections 
intra-utérines d'une pate iodurée m'ayant douné des résultats nettement 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 461 


favorables contre les filbromes utérins, je songeai à appliquer ce mode de 
traitement aux fibromes prostatiques. 

Ici l'on ne pouvait songer à l'application par l’urètre ; c'est aux 
suppositoires anaux qu'il faut avoir recours. Depuis longtemps Mallez 
faisait usage, visant surtout les accidents glandulaires de l’hypertrophie, 
de suppositoires au beurre de cacao renfermant chacun de 5 à 10 milli- 
grammes de chlorhydrate de morphine et de 20 à 30 centigrammes 
d'iodure de potassium. Il leur reproche, toutefois, une action irritante sur 
le rectum, qui n'en permet qu’exceptionnellement l'usage journalier, et 
en contre-indiquerait l'emploi dans les hypertrophies fibreuses et 
musculaires, 

Comme c'est aux hypertrophies fibreuses que je comptais appliquer 
cette médication, j'ai diminué la dose d’iodure de potassium en même 
temps que donné plus de consistance au véhicule. Chaque supposiloire 
renferme l décigramme seulement d'iodure; et le beurre de cacao est 
rendu un peu plus ferme par l'addition d'une très petite quantité de graisse 
de veau, variable d’ailleurs avec la température saisonnière. Dans ces 
conditions, je n'ai jamais observé, du côté du rectum, une action irritante 
appréciable. 

L'action atrophique glandulaire qu'on demande d'ordinaire à l'iodure 
de potassium est sans doute moins marquée qu'avec une dose plus forte, 
mais elle est plus prolongée, grâce à la fermeté relative du suppositoire; 
et puis les hypertrophies glandulaires ne sont pas celles que je viserais 
par ce traitement : je les considère, en effet, comme représentant surtout 
des distensions passives accusant l'inertie des éléments musculaires, et 
justiciables, plus que toute autre forme d'engorgement, de la faradisation. 

Au début du traitement, on introduira un suppositoire matin et soir, 
après s'être présenté eflicacement ou non à la garde-robe, Quand on a 
obtenu ainsi la cessation du sentiment de gène douloureuse que je serais 
tenté d'appeler du ténesme périnéal, et une grande réduction de l’écou- 
lement qui coexiste quelquefois, on s'en tient au suppositoire du soir. 

Il est un véhicule de l'iodure de potassium qui pourrait, sans incon- 
vénient, peut-être avec avantage, être substitué au beurre de cacao: c'est 
l'argile plastique. Je m'en suis bien trouvé pour faire des suppositoires 
vaginaux que confectionnent clles-mèmes les femmes à utérus fibreux, 
quand des absences un peu longues amènent une interruption dans Île 
traitement par les injections intra-utérines. 

Voici la composition de la masse dans laquelle sont pris ces suppo- 
sitoires : 

Argile plastique, 509 grammes; eau, 50 grammes; iodure de potas- 
sium, 30 grammes; glycérine, 100 grammes. 


462 ANNALES D'ÉLECTRORIOLOGIE 


Méler exactement au mortier l'argile et la solution d'iodure dans 
l'eau et la glycérine, et conserver à l'abri, dans une atmosphère saturée 
d'humidité (V. Bulletin de thérapeutique, 1883). 

Une complication fréquente des hypertrophies prostatiques est l’état 
variqueux des veines de la prostate, du bas-fond de la vessie, souvent 
même de toute la région. Quelle que soit la forme de l'hypertrophie, il 
faut faire en sorte de tenir compte, dans la mesure possible, de l'indication 
fournie par celte condition gênante. 

Dans ces cas, j'ai recours à un médicament — le chardon-marie — 
à peu près inconnu en France, mais fort employé en Allemagne contre 
les états rattachés à ce que l’on y a appelé la pléthore abdominale. Je 
doune 12 à 15 gouttes de la teinture, dans un verre d'ean, à boire tous 
les jours au cours de la soirée, faisant interrompre de temps en temps» 
pendant quatre ou cinq jours. En même temps, je fais ajouter aux suppo- 
sitoires une dose d'extrait de digitale égale à la moitié de la dose d’iodure 
s’il existe quelques symptômes phlegmasiques, égale seulement au quart 
si l’état variqueux ne détermine ni ténesme, ni pesanteur incommode. 

Quant aux indications générales fournies par les états diathésiques si 
communs chez les malades dont il est question dans ce mémoire, ce n’est 
pas ici le lieu d’y insister: il suflit d'en rappeler l'importance. 

Un procédé curatif radical, procédé d'ordre chirurgical, a été, enfin, 
employé par E. Bottini contre les hypertrophies prostatiques : il s'agit de 
la galvanccaustique thermique, à laquelle le chirurgien italien a dù de 
beaux succés, et qui a le mérite de convenir particulièrement aux cas 
graves, à ceux où la tumeur ou les tumeurs débordent dans la vessie, 
cas en présence desquels les méthodes que j'ai proposées pourront quelque- 
fois se trouver insuffisantes. 

A l’aide d’un cathéter rappelant le prostatotome de Mercier, on attaque 
les tumeurs par le bord rétro-cervical de la vessie, les divisant ou les 
détruisant avec le platine incandescent. Le procédé est aujourd’hui trop 
connu pour que j'aie à m'arrêter ici sur le matériel et le manuel qu'il 
comporte. 

Tout en reconnaissant les services qu'a rendus cette opération dans 
des cas où toute autre ressource faisait encore défaut, je ne puis l'accepter 
comme le dernier mot de la destruction par cautérisalion et n'hésite pas 
à lui préférer la galvanocaustique chimique. 

Pour justifier cette préférence, il me faut signaler les accidents qui 
peuvent se produire au cours de la galvanocaustique thermique, accidents 
qui emprunteraient une certaine gravité aux conditions de milieu dans 
lesquelles on opère. 

On sait que les avantages de la méthode galvanocaustique thermique 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 463 


sont inséparables du peu de masse du cautère : ce peu de masse l’expose 
à fondre très facilement ; il a souvent fondu entre les mains de chirurgiens 
expérimentés ; sa fusion dans la vessie deviendrait chose grave. 

Sans aller jusqu'à fondre le cautère, il ne sera pas toujours facile de 
le maintenir incandescent à la température où il est hémostatique, sans 
atteindre celle où il devient hémorragique. 

Que si, pour se mettre dans une assez large mesure à l'abri de ces 
accidents, et pour assurer une plus facile destruction des tissus morbides, 
on augmente la masse de la partie caustique, il faudra employer des 
courants d’une quantité telle qu'on portera les conducteurs à une 
température que ne pourra pas impunément supporter l’urètre. 

Après l'opération, l'anse caustique restera presque toujours, sinon 
toujours, adhérente à l'escarre, de laquelle on ne pourra pas toujours 
la dégager sans arrachement, c'est-à-dire sans hémorragie. 

Enfin, à l’escarre succédera, comme je l’ai indiqué dès 1862, une 
cicatrice rétractile ; celle-ci sera quelquefois sans inconvénients portant 
sur le bas-fond de la vessie; mais il sera quelquefois difficile de n’y pas 
intéresser le col, d’où un rétrécissement ultérieur qui réclamera à son 
tour une opération. 

Pour toutes ces raisons, la destruction par galvanocaustique chimique 
négative me parait préférable. A un instrument délicat et inévitablement 
fragile, elle substitue un cathéter rustique qui ne court et ne fait courir 
aucun risque, qui n’a pas à s'échauffer, et ne risque par conséquent pas 
d'échauffer l’urètre. Aucun effort ne sera nécessaire, au cours de l'opé- 
ration ou lorsqu'elle sera terminée, pour détacher l'instrument d’une 
escarre molle avec laquelle il ne contracte, d'ailleurs, aucune adhérence. 
A sa chute, cette escarre molle sera remplacée par une cicatrice également 
molle, qui ne fera courir aux parties aucun risque consécutif, Enfin, les 
réactions notées, fièvre et ischurie, seront moindres; la seconde fera 
même complètement défaut. 

Mais l'opération sera plus longue? — De bien peu, je crois. En 
fermant le circuit très largement sur l'abdomen ou par un demi-bain, on 
arriverait à pouvoir agir avec des courants ayant une intensité voisine 
d'un centième d'ampère, et la durée de l'opération ne serait pas excessive. 
On pourrait, d'ailleurs, la faire en plusieurs temps, à deux ou trois 
septénaires d'intervalle. 


Engorgement, versions, flexions de l'utérus (© 


Par M. A. TRIPIER. 


MESSIEURS, 


Quand une méthode thérapeutique est bien fixée, les observations 
cliniques la concernant n'offrent plus qu'exce;tionncllement de l'intérêt. 
Depuis longtemps déjà, ma méthode de traitement des engorgements et 
déviations de l'utérus remplit ces conditions. Depuis longtemps, les 
indications en sont formulées de la manière la plus précise; et celui qui 
possède le maniement des appareils, qui est en mesure de constater les 
indications thérapeutiques et d'exécuter les manœuvres opératoires qui 
ont fait l’objet de la dernière leçon, pourra sans hésitation egir très 
correctement dans un cas donné. 

Il pourrait, dès lors, sembler inutile de vous donner des observations. 
Plusieurs considérations m'ont cependant conduit à ne pas persévérer 
dans cette abstention, que j'avais d'abord décidée. 

Bientôt j'aurai à appeler votre attention sur certaines complications 
communes des engorgements et des déviations de l’utérus, sur des 
coincidences fréquentes, sur le rôle des conditions individuelles qui 
m'ont conduit, depuis que j'ai terminé mon dernier travail sur la fara- 
disation de l'utérus à l’état de vacuité, c'est-à dire depuis 1868, à 
recourir, dans des cas qui seront spécifiés, à des traitements mixtes. 
Mais pendant dix ans j'ai appliqué à peu près exclusivement la faradisa- 
tion dans ces cas; les observations recueillies durant cette première 
période sont et resteront, je crois, sans analogues. A l'intérêt qu'elles 
offrent d’être les premières dans une voie nouvelle s'ajoute donc celui 
de renscigner assez exactement sur ce qu’on peut attendre de la méthode 
dans les cas, aujourd'hui rares, où on l'appliquerait seule, et, par suite, 
de faire sa part dans les résultats obtenus de traitements dans lesquels 
elle interviendrait concurremment avec d'autres moyens. 

Après avoir établi et discuté les raisons qui m'avaient guidé, j'ai dù, 
lorsque je les ai mises cn regard des premiers effets obtenus, reconnaitre 


(1) Extrait des Leçons cliniques sur les maladies des femmes, 


ee meme SE ie = à 


NUMÉRO DU D° TRIPIER 465 


que dans ceux-ci la part de l’imprévu avait été fort large. Ce n'est 
qu’en vous donnant des observations relativement simples, que je puis 
vous faire apprécier ce qu'a été cette part de l'imprévu, et vous mettre 
à même d'en tirer des conclusions comportant des déductions patho- 
géniques fécondes en enseignements ultérieurs. 

Je vous rapporterai donc les observations de cette première série, je 
vous les rapporterai presqu'exclusivement, Accessoirement, je vous 
indiquerai, à propos de celles qui le comporteront, la conduite que je 
tiendrais aujourd hui dans les mêmes cas. Ce n’est que de loin en loin 
que j'aurai à vous citer des observations plus récentes, pour fixer vos 
idées sur les emprunts à faire aux procédés thérapeutiques étrangers à 
la méthode qui nous a occupés jusqu'ici. 

Je vous rappellerai enfin que ces observations, empruntées à un 
mémoire, adressé en 1869, àla Société de médecine de Gand et publié 
à Paris en 1872, et qui avaient été déjà données pour la plupart dans 
les Annales de l’électrothérapie (janvier 1864), ne sont pas des obser- 
vations choisies. Si je vous cite d'abord des exemples de redressements 
de déviations, j'aurai à vous donner plus loin, quand notamment nous 
nous occuperons de l'hystérie, quelques observations du même ordre et 
de la même époque, où le but poursuivi ne fut pas atteint. Les résultats 
négatifs sont, au point de vue du redressement de l'utérus, généralement 
plus nombreux que les résultats positifs. Quelques faits positifs observés 
avec précaution ayant permis d'établir d’une manière générale l'utilité 
d'une méthode thérapeutique, c'est par les insuccès qu'on se trouve 
conduit à rectifier ou à préciser les indications, à asseoir plus rigou- 
reusement le pronostic, à perfectionner les procédés et mieux savoir ce 
qu on en doit attendre. 

Voici donc une première série d'observations, démontrant la possi- 
bilité d'effectuer, par la faradisation utérine, le redressement de quelques 
versions et flexions 


Oss. I. — Spasmes hystériques. — Gastralgie. — Anémie. — Antérersion utérine 
trés prononcée. — Engorgement considérable, — Abaissement. — Furadisition 
utérine. — Guérison de l'antéversion et de l'engorgement. — Grande amélio- 


ration de l'état général, 


Mre P..., âgée de trente et un ans, chanteuse, a dù quitter le théâtre depuis 
trois ans, parce qu'elle n’a plus de voix et que le peu qui lui en reste se perd très 
vite lorsqu'elle essaye de chanter. Elle me dit avoir été traitée sans résultat, 
depuis ce temps, pour une laryngite chronique et pour une maladie de foie ; c’est 
à l’occasion de la laryngite qu'elle vient me consulter en février 1802, 

Mme P. est sujette à des «attaques de nerfs »; elle a le clou hystérique, un 
météorisme stomacal fréquent, des vomissements glaireux de temps en temps : 
néanmoins elle n’est particulièrement incommodée par aucun aliment, Enfin, la 


466 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


malade parle difficilement en marchant et en montant les escaliers. Ce dernier 
renseignement, rapproché du timbre de la voix, qui est excellent après un peu de 
repos, me donne à penser que des phénomènes dispnéiques en ont imposé pour : 
une affection laryngée. L'examen laryngoscopique montre, d’ailleurs, que toutes 
les parties qui concourent à la phonation sont parfaitement saines. 

Mme P. . a eu, à dix-sept aus, une couche heureuse, depuis laquelle elle a été 
réglée abondamment, pendant une semaine, à des époques régulières. Aujour- 
hui, les règles sont tres peu abondantes, ne durent que trois jours et ont cessé 
de se montrer régulièrement. 

L'utérus est abaissé en antéversion très prononcée ; le col est le siège d’un 
engorgement énorme ; son volume et sa consistance inégale et exceptionnellement 
dure me font craindre qu'il ne soit le siège d’une altération fibreuse. 

Du 19 au 25 février 1862, trois séances de faradisation recto-utérine. 

Diminution de la dyspnée, qui rend la marche plus facile. La malade accuse 
toujours la même « sécheresse du larynx ». 

ie et 6 mars, faradisation recto-utérine. Marche plus facile, phonation 
meilleure. 

Règles le 10, abondantes, sans douleur. 

Le 1Y mars, l'engorgement et la dureté du col sont moindres. L'utérus est 
toujours bas et renversé en avant. 

Les 19, 24 et 27, faradisation recto-utérine. Dans la dernière séance, la douleur 
a changé de caractère : elle ne procède plus par coliques sourdes, mais par 
piqûres aiguës. C’est ce qui arrive d'ordinaire à l'approche des règles; les con- 
tractions sont alors plus difficiles à provoquer. 

Le 3 avril, état général bien meilleur : plus de dypsnée; Mme P... a pu chanter. 
Faradisation recto-utérine. Le toucher, pratiqué après la séance, contrairement 
à mon habitude, montre l’antéversion complètement disparue; l'engorgement 
persiste, mais beaucoup moindre; l'abaissement est toujours le même. 

Règles le 6 avril, sans douleur, durant cinq jours. Dans les journées qui 
suivent leur cessation, il survient du malaise, la sensation de la boule hystérique, 
de la leucorrhée, des régurgitations glaireuses avec sécheresse gênante de la 
bouche. 

Le 15, faradisation recto-bi-inguinale, en vue de remédier au malaise général, 
par un procédé capable de modifier heureusement l'abaissement. 

Le 21, faradisation vagino-bi-inguinale. 

Règles du 7 au 11 mai. 

Le 19, l'engorgement n'est pas sensible ct l'abaissement est moindre. Un léger 
degré d’antéversion persiste ou s'est reproduit. Faradisation recto-utérine. 

Les 23, 26 et 30, faradisation recto-utérine. 

Règles le 4 juin. Antéversion et engorgement nuls. Faradisation recto-utérine. 

L'état général était satisfaisant, à part la persistance d'une grande irritabilité. 
La malade partit pour un voyage. 

J'ai revu M™e P., en avril 1863, sans avoir occasion de la toucher. La 
guérison des divers symptômes hystériques qu'elle avait présentés s'était 
maintenue. 

Je trouve noté, chez cette malade, un fait qui doit se reproduire dans quel- 
ques-uns des cas où le traitement par la faradisation utérine immédiate est 
suffisamment prolougé : c'est l’intolérance, au bout d'un certain temps, pour les 
courants de faible tension. Les courants de haute tension, quelquefois insuffisants 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 467 


au début du traitement, conviennent parfaitement à une période plus reculée, 
alors que sont en partie revenues la contractilité et la sensibilité de l'utérus. 


Plusieurs particularités de cette observation comportent aujourd’hui 
des remarques qui n'avaient pas alors de raison d’être, ou dont l'intérêt 
m'avait paru médiocre, et sur lesquelles je crois devoir revenir. 

Si un cas identique se présentait actuellement ici, le météorisme 
stomacal nous conduirait certainement à pratiquer la galvanisation 
continue ascendante du pneumogastrique droit et la parésie laryngienne, 
à essayer la galvanisation polaire positive de la région antérieure du 
cou. Le résultat final obtenu autrefois montre que ces symptômes ont 
cédé à la faradisation utérine pratiquée à l’exclusion de tout autre moyen, 
fait assurément intéressant que nous ne constaterions plus aujourd’hui. 
Je crois toutefois que l'amélioration générale eût été plus rapidement 
complète si, au traitement de l’affection utérine que je crois pouvoir 
considérer comme ayant joué au moins pour une large part le rôle de 
cause, on eût pu joindre le traitement parallèle des symptômes éloignés 
que je viens de vous rappeler. 

Le toucher m'ayant donné le soupçon d’un état fibreux de l'utérus, 
je négligeai de vérifier cette présomption par le cathétérisme. Je n’y 
manquerais pas aujourd'hui. Mais j'étais loin alors de soupçonner la 
fréquence et l'importance des fibromes; je croyais, d'autre part, que si 
quelque action résolutive pouvait en avoir raison, ce serait surtout à la 
faradisation qu’il la faudrait demander. C'est une opinion dont je suis 
revenu aujourd hui. 

A l'occasion d’une séance de faradisation recto-utérine faite à 
l'approche des règles, je trouve noté que le caractère de la douleur 
change d'ordinaire à ce moment, et que celle-ci, au lieu de procéder par 
coliques sourdes, s’accuse par une sensation de piqûres aiguës. Il en est 
quelquefois ainsi, mais le fait est moins constant que je l'admettais alors. 

Enfin, j'avais noté, chez cette malade, qu’au bout d’un certain temps 
les courants de faible tension, mais de plus forte quantité, bien tolérés 
d’abord, l'étaient moins ensuite, et que j'avais dû, en conséquence, 
abandonner l’emploi d'une bobine à gros fil pour y substituer une bobine 
à fil fin. L'observation est exacte d’une manière générale : un utérus 
très engorgé est inerte, moins contractile, et souvent on ne réussit à 
provoquer les douleurs accusant ses contractions qu'avec une bobine à 
gros fil, la bobine à fil fin n'en donnant pas ou en donnant à peine. Plus 
tard, les contractions deviennent plus faciles, la faradisation plus dou- 
loureuse par conséquent, et on peut être tenté de diminuer la grosseur 
du fil des bobines. C’est ce que je faisais quelquefois à cette époque. 
Aujourd'hui que je fais les séances plus courtes, je n'ai presque plus 


468 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


jamais besoin de recourir à cette atténuation : préférant les courants 
de faible tension, je conserve la bobine induite à gros fil, recouvrant 
seulement moins l’hélice inductrice quand, l’inertie initiale cessant, la 
sensibilité se montre augmentée. 


Ors II — Antéversion arec antéflexion. — Faradisation utérine. — Guérison. 


M»e C. P..., âgée de 26 ans, nullipare, Depuis deux ens, douleurs dans Phypo- 
chondre gauche; douleurs utérines et lombaires deux ou trois jours avant 
l'établissement des règles. Envies très fréquentes d'uriner. Constipation opiniâtre. 
Irritabilité extrème. 

Antéversion avec antéflexion. Abaissement. Le col est sain. 

Dernières régles le 10 juillet 1862. 

Le 19, faradisation recto-utérine par des courants de moyenne tension qui ne 
provoquent que des contractions. 

Le 21, faradisation recto-utérine. Les courants de basse tension sont bien 
supportés et provoquent des contractions. 

Le 26, faradisation recto-utérine. Les courants ce basse tension provoquent 
cette fois des douleurs hors de proportion avec les contractions. 

Le 29, faradisation reeto-utérinc. Retour aux courants de moyenne tension. 

Règles le 4 aoùt, moins douloureuses, plus abondantes ; elles durent trois 
jours. 

Le 14, faradisation recto-utérine. Courants de moyenne tension ; pas ou peu de 
contractions. 

Les 28 et 30, fradisation recto-utérine. Courants de moyenne tension, 
contractions énergiques. 

Règles le {°° septembre, douloureuses, abondantes, durant trois ou quatre 
jours. 

Les 13, 15, 17 et 19, faradisation recto-utérine. 

Le 22, l’antéversion a complétement disparu; l’abaissement persiste. En vue 
de remédier, autant que possible, à cet abaissement, je fais, les 22, 24 et 26, des 
séances de faradisation br-ingnino-utérine, 

Règles le 27, très douloureuses, d'abondance moyenne, durant deux ou trois 
jours. Après leur cessation, retour de la douleur dans le côté gauche. 

Le 20 octobre, cathétérisme untérin. Des tentatives très modérées pour franchir 
l'orifice cervical interne restant infructueuses; j'attribue à la perméabilité insuf- 
fisante les douleurs qui ont accompagné les dernières menstruations. Faradisation 
bi-abdomino-utérine par courants de faible tension. Dilatation du col par un petit 
cylindre d'éponge préparée. 

Le 24, réapplication de l'épouge préparée. 

Le 28, faradisation bi-abdomino-utérine. Eponge préparée. 

Règles le Lef novembre, sans douleurs. 

Vers le 15, retour des douleurs pelviennes, douleurs cardiaques, étoutlements 
de temps en temps. 

Les 20, 24 et 26, faradisation bi-inguino utérine ; les deux premières séances 
sont suivies de l'application d'éponge préparée. Dès la première séance, les dou- 
leurs et la dyspnée ont cessé. 

Règles le 29, d'abondance moyenne, durant quatre jours, sans douleurs. 

Le 18 décembre, à la suite d'une vive colère, surviennent de violentes douleurs 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 469 


de reins, suivies d'une hémorragie utérine, qui commençait à cesser, le soir du 
second jour, quand je fus appelé. En questionnant la malade sur son état durant 
les jours qui avaient précédé cette hémorragie, je fus conduit à regarder conme 
très probable une grossesse, suivie presque à son début de l'expulsion de l'œuf. 

Le 30, engorgement notable. L'abaissement a augmenté, Ecoulement qui 
ressemble fort aux lochies. Rougeur et sensibilité du vagin. Tampon vaginal 
enduit de cérat opiacé. 

Le 6 janvier 1863, algie sciatique, guérie par deux séances de faradisation 
cutanée. 

Règles le 14, puis le 15 février, sans douleurs 

7 mars. — Depuis deux jours, douleurs uréthrales. Le redressement de l'utérus 
s'est parfaitement maintenu. L'abaissement est moindre que lors du dernier 
examen. Faradisation abdomino-uréthrale. 

En mars, avril, mai et Juin, les règles sont venues régulièrement avec deux 
jours d'avance et n'ont été qu'une.seule fois un peu douloureuses le premier jour. 

Dans le courant du mois de mai et au commencement de juin, il y a eu retour 
des douleurs dans lhypochondre gauche Ces douleurs étaient occasionnées par 
la présence, dans le rectum, d'un amas de matières stercorales dures; elles ont 
cédé à des lavements huileux. Chaque fois j'ai pratiqué le toucher et constaté le 
maintien parfait du redressement. L'engorgement consécutif à l'accident, que 
Je crois ètre un avortemicnt, avait complétement disparu lors des examens de 
maì et juin. 

J'ai touché de nouveau cette malade en aoùt et en novembre ; la rectitude de 
l'utérus se maintient si bien que la peur de favoriser une rétroversion m'a seule 
empêché d'opposer la faradisation du rectum à une constipation opiniàtre avec 
accumulation dans l'intestin d'une quantité énorme de matières fécales dures, 
dont jai dù preserire l'extraction quotidienne avec le doigt. 

11 janvier 18654. — Persistance du redressement. 


Cette observation n'offrirait qu’un médiocre intérêt, si je n'avais à 
la compléter par le résultat d'un examen fait en 1879, dix-sept ans par 
conséquent après la cessation du traitement, aucune grossesse n'ayant 
eu lieu dans l'intervalle. La rectitude de l'utérus s'était maintenue 
intacte. j 

On peut voir signalé à plusieurs reprises l’emploi de l'éponge, préparée 
pour faciliter la dilatation du canal cervical vers le niveau de son orifice 
interne. Je ne le ferais plus aujourd’hui, réservant maintenant l'usage 
de l'éponge pour les cas où il est indiqué de dilater l’orifice vaginal de ce 
canal. J'aurai à vous entretenir ultérieurement des indications de la 
dilatation de l'orifice utérin et des moyens à employer pour l’effectuer. 


Ongs. IT. — Joux nerveuse. — Dysménorrhée. — Abaissement de l'utérus avec 
rétroversion et engorgement. — Faradisation utérine. — Cessation des 
symptomes. — Guérison de la déviation constatée plus tard. 


Mme C. A... trente ans environ. Une dernière couche 1l y a dix ans; toujours 


malade depuis. 
Devenue très irritable, d'une profunde tristesse habituelle, Toux fréquente 


470 ANNALES D'ÉLECTROUBIOLOGIE 


sans Cause organique appréciable. Règles ordinairement tres abondantes, en 
avance de quatre ou cinq jours, occasionnant des souffrances extremement vives 
dans les reins et dans le bas-ventre. Dans l'intervalle des regles, élaincements 
hypogastriques survenant de temps en temps. Jamais de maux de tète. Constipi- 
tion opiniâtre; crampes d'estomac fréquentes. La malade a suivi, il y a cinq mois, 
un traitement interne dont elle ignore la nature, et qui était dirigé contre un 
engorgement de l'utérus; elle n'a éprouvé de ce traitement aucun soulagement. 

Je constate du côté de l'utérus : abaissement, — rétroversion avec latéro- 
version gauche, — engorgement notable, — érosions du col. 

Les 26, 29 et 31 décembre 1862, faradisation vésico-utérine, lavage du col à 
l'eau iodurée iodée, et tamponnement au coaltar. Les contractions de l'utérus 
surviennent promptement et sans qu'il soit nécessaire d'employer des courants 
énergiques. : 

2 janvier 1863. Faradisation inguino utérine : excitateur inguinal placé 
à droite. Mon intention était, en procédant ainsi, d'agir autant que possible sur 
le ligament rond de ce côté, pour combattre la latéroversion de sens opposé. 

Le 4 janvier, hémorrhagie légère, qui fait croire à un retour des règles, mais 
ne dure que trois ou quatre heures. Les dernières règles étaient du 12 décembre. 

5 janvier. Faradisation vésico-utérine, lavage à l'eau iodée. Le soir, nouvel 
écoulement sanguin de peu de durée. 

Règles du 7 au ii janvier, encore adondantes, mais non douloureuses. La 
malade n’est pas obligée de se coucher, comme autrefois. 

Jusqu'au 18 janvier, état général et local très satisfaisant. Guérison de l'érosion 
du col; plus de toux. 

Du 18 au 20 janvier, douleurs utérines et leucorrhée. Les douleurs sont 
immédiatement soulagées par une séance de faradisation vésico-utérine. 

Du 20 au 30 janvier, quatre séances de faradisation vésico-utérine, avec fara- 
disation bi-abdomino-rectale, la constipation me paraissant liée à une analgésie 
très marquée du rectum Le 30 janvier, l'état de Mme A... me paraît assez satis- 
faisant pour que je l’engage, malgré la persistance de la constipation, à ne plus 
revenir que huit jours après ses prochaines règles, pour faire constater la position 
de l'utérus. La malade n'est pas revenue se soumettre à cet examen ; mais l'ayant 
rencontrée en avril, j'ai appris qu'elle se trouvait fort bien, que la toux n'avait 
pas reparu, que la menstruation n'était plus douloureuse et que la leucorrhée 
avait cessé. 

Cette observation restait pour moi nulle au point de vue de la déviation, 
lorsque, le ier juin, Mme A... revint, tourmentée depuis quelques jours par du 
météorisme. Je pus alors, pratiquant le toucher, m'assurer que l'engorgement 
et la rétroversion n'étaient plus sensibles ; je ne saurais dire si l’abaissement avait 
notablement diminué. 

Le °" juin, une séance de faradisation bi-abdomino-utérine est suivie d'un 
grand soulagement. Dans deux autres séances, les 3 et 5 juin, je pratiquai à la 
fois la faradisation bi-abdomino-utérine et la faradisation bi-abdomino-vaginale, 
pour remédier à l'atonie de la paroi abdominale, et, en mème temps, à une 
anesthésie vulvo-vaginale. Quelques jours après, Mme A... allait fort bien; je lui 
conscillai néanmoins les bains de mer. 

45 janvier 1864. Persistance de redressement. l 

Mars 1867. Depuis deux ans, la menstruation est devenue douloureuse. 
Engorgement, très légère rétroversion, leucorrhée depuis quelques mois. Le col 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 471 


est sain. Deux séances de faradisation bi-inguino-utérine. Injection d'un crayon 
de paraffine au tanin. 

Vers la fin de l'été de 1868, j'ai rencontré Mme A...., pâle, défaite, et appris 
d'elle que, prise depuis près d'un an de métrorrhagies assez fréquentes, elle était 
en cours de traitement par l’abrasion suivie de cautérisation actuelle. Elle sortait 
pour la première fois depuis trois opérations, qui n'avaient encore amené aucun 
changement dans l'état local. 

1870. J'ai su récemment que cette malade était morte au commencement 
de 1869. A-t-elle succombé aux progrès d’une affection organique ? ou au traite- 
ment? ou à ces deux causes réunies ? 


Oss. IV. — Rétroversion considérable. — Faradisation utérine, — Guérison 
presque complète. 


Marie C...., vingt-six ans, cuisinière, accouchée le 16 août 1861, entre en 
décembre a l’hôpital Beaujon (salle Sainte-Paule, N° 10), pour des douleurs du 
bas-ventre qui l'empêchent de marcher et qui se compliquent de vomissements 
habituels. Céphalalgie frontale. Menstruation régulière, d'abondance moyenne, 
mais très douloureuse. 

Le 25 décembre 1861, je constate un abaissement de l'utérus, le museau de 
tanche arrivant à { centimètre a peine de la vulve; — engorgement considérable 
du col et du corps; — rétroversion tres prononcée; rien d'appréciable dans les 
tissus péri-utérins qu'une sensibilité vive au toucher en arriére du col. Quand la 
malade est couchée, la rétroversion est telle que laxe de l'utérus est devenu 
horizontal. 

M. Sée devant, à cette époque, quitter l'hôpital Beaujon pour passer à la 
Pitié, m'offre de faire transférer cette malade dans son nouveau service, où elle 
entre le {er janvier 1862, salle Sainte-Marthe, No 55. 

3, 6 et 8 janvier 1862. — Séances de faradisation vésico-utérine. 

Règles le Y janvier, durant trois jours. 

Après les règles, migraine qui dure une semaine. Hyperesthésie vulvaire 
et vaginale. 

Du 22 janvier au 10 février, neuf séances de faradisation vésico-utérine, 
suivies de tamponnement au coaltar. Dès le 29 janvier, la malade marchait mieux 
et souffrait moins des reins; à l'examen fait ce jour-là, la rétroversion me parut 
sensiblement diminuée. Le 7 février, je trouve noté : amélioration marquée de 
l'état général, diminution de l'hyperesthésie vaginale. 

Règles le 11 février, nou précédées de douleurs, d'abondance moyenne ; elles 
cessent le 14, sans laisser de maux de tête à la suite. 

17 février. — Nouvel examen : la rétroversion est décidément moindre; 
l'abaissement n'est pas modifié: l'utérus est moins pesant, le col encore gros. 

Du 17 février au 49 mars, treize séances de faradisation vésico-utérine. Dans 
les trois dernières séances, l’extra-courant (basse tension) est substitué au courant 
induit (haute tension). Il est assez bien supporté. Le col, ulcéré, a été cautérisé 
trois fois au nitrate d'argent, et les caurérisations suivies de tamponnement au 
coaltar saponiné. La leucorrhée, d'abord extrêmement abondante, a considéra- 
blement diminué. 

Règles du 17 au 24, sans douleurs. 

Examen le 28. Le toucher est pratiqué, la malade étant debout et couchée. La 


472 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


rétroversion ne subsiste plus qu'à un faible degré. Le vagin et la vulve sont 
toujours très sensibles, Le col, toujours ulcéré, est cautérisé au perchlorure de fer. 

Le lendemain, 29 mars, Marie C..., est envoyée en convalescence au Vésinet. 
Je lui recommande de venir me voir quand elle en sortira. 

Je revois la malade le 10 mat, L'utérus est toujours abaissé. La direction du col 
est normale, mais il y a un peu de rétroflexion. Du reste, l'état général est très 
satisfaisant et la marche facile. 

Marie C... a renoncé à servir; elle travaille maintenant à la couture. 

Du 10 an 23 mai, cinq séances de faradisation vésico-utérine ; courants de 
moyenne tension. Après chaque séance, lavage du col à l'eau iodurée-iodée et 
tamponnement au coaltar. 

Règles le 24, durant trois jours 

3 juin. La rétrotiexion est plus marquée que le mois dernier. Faut-il l'attribuer 
aux nouvelles occupations de la malade ? 

Le 7 et le 11 juin, faradisation vésico-utérine. Lavage à l'eau iodée, tampon- 
nement. 

Règles le 22 juin. 

4 juillet, Meme état qu'il y a un mois. L'état général continue à être bon, mais 
la déviation de l'utérus est plus prononcée que lorsque la malade est sortie de 
l'hôpital. 

4, Tet 11 juillet. Séances de faradisation vésico-utérine par courants induits 
de basse tension. 

Règles le 15 juillet, précédées de douleurs violentes, durent quatre jours; 
abondance moyenne. 

g) juillet. La rétroflexion n'existe presque plus, mais l'utérus est très bas : 
le col repose sur le périnée. 

26 juillet et 1er août, faradisation bi-abdomino-utérine. 

Règles le 15, sans souffrances, durant quatre jours. 

1 et 8 septembre, faradisation bi-abdomino-uttrine. 

Règles le 10, saus douleurs, durent trois jours. 

<3 et 2Y septembre et 6 octobre, faradisation bi-abdomino-utérine. 

Regles le 12 octobre. 

21 octobre et 3 novembre, faradisation bi-abdomino-utérine. 

L'engorgement a disparu ainsi que la rétroflexion; le col est peu ouvert, ła 
marche est facile. Marie C... est rentrée en condition. 

Règles le 12 novembre. 

20 novembre. Va toujours bien. La rétroversion tend à se reproduire. Faradi- 
sation vésico-utérine, 

Règles le 11 décembre. 

3 janvier 1863. Mème état que le mois dernier. Faradisation vésico-utérine. 

Règles le 9 janvier. 

24 et 31 janvier, faradisation vésico-utérine, 

Règles le 7 février, durant cinq jours. 

28 février. L'état général est toujours très bon, et la marche facile. Les douleurs 
n'ont pas reparu depuis longtemps. Le col est sain; il y a seulement un peu de 
leucorrhée de temps en temps. La rétroversion existe à peine. Mais elle n'a pas 
complétement disparu. 

Je n'ai pas revu Marie C... depuis le 28 février; mais j'ai su, par sa maîtresse, 
qu'elle continuait à aller bien et que c'est pour cette raison qu'elle n'est pas 
revenue. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 473 


25 avril. Je fais revenir la malade pour l'examiner. Son état général est toujours 
très satisfaisant. La rétroversion a augmenté notamment depuis le # février, 
quoiqu'elle soit loin de s'être reproduite au mème degré qu'autrefois, Faradisation 
vésico-utérine. 

Tout allait bien le 16 mai. 


Ce cas offre un exemple de guérison difficilement stable. Il est 
fâcheux que j'aie perdu la trace de la malade, qu'il eùt été intéressant de 
toucher quelques années plus tard. Faut-il, de ce qu’elle n’est pas 
revenue, conclure à la persistance de la guérison? Je ne le crois pas. 

Vous avez pu voir que l’ulcération du col a été touchée, chez elle, 
avec le crayon de nitrate d'argent et avec le perchlorure de fer. C'est 
peut-être la dernière fois que j'ai fait usage du nitrate d'argent; quant 
au perchlorure de fer, j'y ai eu encore quelquefois recours, en solution 
très étendue. La règle est toutefois que les ulcérations guérissent seules 
quand on soigne l'affection principale. 


Oss. V. — Rétroflexion type. — Abuissement. — Faradisation vésico-utérine. 
Guérison dont lu persistance est douteuse. 


J... L... dix-neuf ans, blanchisseuse, entre à l'hôpital de la Pitié, salle Sainte- 
Marthe, N° 5, le 22 mars 18652, se plaignant de douleurs abdominales, qui, depuis 
trois semaines, l’empèchent de marcher. 

M. Millard, qui faisait en ce moment l'intérim de M. Sée, constate une rétro- 
flexion et fait pratiquer le toucher par plusieurs élèves du service. L'utérus 
engorgé, très abaissé, présente uno rétroticexion à angle aigu, la plus nette et la 
plus facile à constater que j'aie encore rencontrée : le doigt sent très distinctement 
et sans interposition d'une couche notable de tissus mous, le point où siège la 
flexion. On devait constater plus tard une ulcération du col. 

La malade a toujours été réglée abondamment, mais réguliérement : elle perd 
pendant huit jours; elle avait déjà souffert l'année dernière de douleurs semblables, 
mais moins fortes. J... L... se plaint enfin de douleurs lombaires et de crampes 
d'estomac. La dernière menstruation remonte au 1° février. 

24 et 26 mars, faradisation vésico-utérine. Le courant induit est moins 
douloureux que l'extra-courant ; néanmoins, j'emploie ce dernier en en diminuant 
suffisamment l'énergie. 

28 mars. La malade perd un peu de sang. A partir de ce moment elle souffre 
beaucoup moins. è 

41 avril. Faradisation vésico-utérine. 

19 avril. Hémorrhagie ; des caillots sont rendus en assez grand nombre. 

23 avril. Examen au spéculum. Le col est granuleux dans tout son pourtour. 
Badigeonnage avec la solution de perchlorure de fer. 

25 avril. Ménorrhagie moins abondante. Application de perchlorure de fer. 
Faradisation vésico-utérine durant deux minutes seulement. 

29 avril, 2, 5 et 7 mai, faradisation vésico-utérine. Avant la séance du 7 mai, 
le toucher montre l'utérus élevé. La rétroflexion a complétement disparu. 

Uno dernière séance de faradisation vésico-utérine est faite le Y mai. Le 12, 


ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — JUILLET 1901. 33 


474 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


J. L... sort complètement guérie. La guërison est constatée par les élèves du 
service qui avaient touché la malade à son entrée à l'hôpital. 

Vers les derniers jours de 1862, j'ai rencontré J. L... dans la rue; elle était 
dans un tel état d'ivresse que c'est avec peine que j'ai pu tirer d'elle quelques 
renseignements sur son état. La guérison ne s'était maintenue que quelques 
mois: et quand je la rencontrai, elle sortait de l'hôpital. Je n'ai pu savoir dans 
quel état elle y était entrée et en était sortie. 


Ors. VI. — Abaissement ancien. — Antéflexion avec antéversion. — Engorge- 
ment considérable. — Faradisation utérine. — Guérison. 


Mme A... quarante-cinq ans, Cuisinière. Sentiment do pesanteur dans le 
bassin, gènant la marche, 

Une couche autrefois. Ce n'est que longtemps après la couche qu'est survenu 
graduellement un abaissement assez marqué, sans que l'utérus soit jamais 
descendu jusqu'à la vulve La gène de la marche a augmenté lentement, mais 
progressivement. Antétlexion légère avec antéversion. Engorgement considérable 
intéréssant le corps et le col de l'utérus. 

Soulagée en mars 1864, par deux séances de faradisation recto-uterine. 

Je revois cette malade en novembre. Depuis la fin de l'été la marche est 
redevenue difficile. L'état physique de l'utérus est le mème que lors du précédent 
examen. 

Faradisation recto-utérine les 7, 11 et 14 novembre. Soulagement dès les 
premières séances. 

Règles le 15. 

Faradisation recto-utérine les 25 et 29 novembre et le 4 décembre. 

Règles le 5, non douloureuses, durent trois jours, abondance moyenne. 

Faradisation recto-utérine le 18. 

Les regles du commencement de janvier sont presque nulles et suivies d'un 
peu de dyspnée. 

Nous sommes au début des malaises de la ménopause. 

12 janvier 1864. La position de l'utérus est parfaitement normale, à tel point 
que jugeant la faradisation de cet organe indiquée par la gène de la respiration, 
je n'ose recourir au procédé recto-utérin. Le 12 janvier, donc, faradisation utérine 
annulaire et conseil donné à la malade de revenir se soumettre à cette opération 
lorsque surviendront, du côté de la poitrine ou de la tète, les symptômes 
qu'autorise à attendre la période qu'elle va traverser. 


Oss. VIT et VIII. — Je ne vous rappellerai pas par le menu deux observations 
autrefois publiées à cette place et dont je devais la relation à mon ami le 
D' Couriard, de Saint-Pétersbourg. Elles étaient relatives a des cas de déviations 
guéries par la faradisation sacro-utérine. Les guérisons y auraient été exception- 
nellement rapides — trop rapides pour ne pas me laisser quelques doutes — et 
n'avaient pas été contrôlées après la cessation un peu brusque de traitements 
de trop courte durée. 

La substance de ces observations m'avait cependant conduit à essayer la 
faradisation sacro-utérine dans les cas d'autéversion, comme avait fait Couriard. 
Or, ces essais, poursuivis avec quelque persévérance, m'ont laissé la conviction 
de l'infériorité absolue de ce procédé, comparé à la faradisation recto-utérine. 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 475 


Oss. 1X. — Antéversion. — Aménorrhée. — Faradisation utérine préma- 
turément interrompue. — Grande amélioration. 


Mme B..., trente ans environ, grasse et lymphatique, est venue me consulter 
a l'occasion de suffocations habituelles, s'accompagnant par instants de douleurs 
cardiaques lancinantes s'irradiant vers l'épaule. L'auscultation n'indique rien du 
côté du cœur. La malade est à peine réglée et l'apparition de quelques gouttes 
de sang pâle, qu'elle perd chaque mois avec des retards, est très douloureuse. La 
marche est rendue difficile par une sensation de pesanteur dans le bas-ventre et 
par des envies d'uriner qui reviennent à chaque instant. 

Me B... a eu deux accouchements: l'un il y a huit ans, l’autre il y a quatre 
ans environ. Tous deux ont dù être terminés au forceps. C'est de sa première 
couche que Mre B... fait dater le début des accidents dont elle souffre aujourd'hui. 
Spasmes hystériques, migraines, leucorrhée abondante. 

Le toucher montre l'utérus volumineux et pesant, un peu abaissé, sensible à 
la pression, renversé en avant au point que son axe est devenu presque horizontal. 
L'orifice extérieur du col est dirigé en arrière et semble regarder un peu en haut, 
à cause du développement exagéré de la lèvre antérieure du museau de tanche. 

22 avril 1861. Faradisation recto-utérine. L'excitateur utérin est conduit sur 
le doigt qui a pratiqué le toucher. Le spéculum cylindrique ne permet pas de 
découvrir l'orifice cervical ni même d'en approcher assez pour y engager facilement 
un excitateur courbe. 

25 avril. Les envies d'uriner ont été moins fréquentes. Faradisation recto- 
utérine. 

29 avril. Cessation des envies d'uriner. La marche est plus facile, et Mv° B... 
a fait la veille une longue course à pied. La sensation de pesanteur hypogastrique 
est bien moins pénible. Faradisation recto-utérine. L'excitateur utérin, à peine 
courbé, peut-être mis en place avec le spéculum. 

4er et 3 mai, faradisation recto-utérine. Le col est un peu rouge, sensible à 
l'électrisation (sensibilité superficielle). Le mieux être a diminué un peu depuis 
trois ou quatre jours. Est-ce parce que l'époque menstruelle approche ? Dans cette 
supposition, j'ajourne la sixième séance (ce que je ne ferais plus aujourd'hui). 

Les règles, qui le mois précédent avaient paru le 9, se montrent cette fois le 
11. Elles sont encore peu abondantes et päles. 

18, 21, 23, 25 et 27 mai, faradisation recto-utérine. Avant la dernière séance, 
le toucher permet de constater que l’antéversion a à peu près disparu, et que si 
l'orifice du col paraît encore dirigé vers la concavité du sacrum, cela tient unique- 
ment a ce qu'il faut le chercher derrière une lèvre antérieure du museau de tanche 
volumineuse et procédente ; abaissement persiste. Les symptômes sont réduits 
à ce qu'ils étaient après la troisième séance, c'est-à-dire avant la menstruation 
précédente. 

Mme B... est forcée de retourner chez elle, loin de Paris. Je lui conseille de 
continuer à se faire faradiser l'utérus deux ou trois fois dans la quinzaine qui 
précède l'apparition probable des règles. Je ne sais si cette prescription est 
suivie: j'ai de temps en temps, de la malade, des nouvelles bonnes, mais vagues. 


Je ne me rappelle pas les raisons que j'ai pu avoir, chez M™° B..., 
de me servir du spéculum pour mettre la sonde en place. C'était déja, 
à la date de cette observation, une pratique tout à fait accidentelle ; le 


476 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


spéculum, même celui de Récamier, le seul dont je me serve quelquefois, 
n'apporte jamais d'aide en pareil cas; après m'en être servi au début, 
j'y avais assez vite renoncé: il est, pour l’introduction de la sonde, 
toujours plus gênant qu'utile. 


Oss. X. — Gastralgie. — Hypochondrie. — Antéflexion et abaissement utérin. 
— Faradisation de l'utérus. — Guérison de l’antéflexion. 


Mme T..., vingt-cinq ans environ, ayant eu déjà deux couches heureuses, mais 
à la suite desquelles elle s'est peu soignée, vient me consulter pour une gas- 
tralgie très douloureuse; il y a en même temps une hypochondrie très prononcée. 

Antéflexion à angle droit, très aisément perceptible, grâce à l'absence 
d'empâtement des tissus au niveau de la flexion. Le col utérin, qui regarde en bas 
et un peu en arrière, repose sur le périnée. Leucorrhée abondante. 

Dernières règles le 9 juillet 1861. 

23, 26 et 29 juillet 1861, faradisatien recto-suspubienne. Cessation des douleurs 
d'estomac; pers ‘stance des vertiges. 

{er et 5 août, faradisation recto-suspubienne ; renvoyée au 20 août, les règles 
étant attendues prochainement. 

Règles le 7 août. 

20 août. Antéflexion notablement diminuée. Le fond du cul-de-sac vaginal 
postérieur est accessible. Une éruption furonculeuse aux fesses fait ajourner la 
faradisation. Les vertiges ont cessé. 

Règles le 2 septembre, sans douleurs; abondance moyenne. 

20 et 27 septembre, faradisation recto-suspubienne. L'examen fait avant la 
dernière séance montre l'antéflexion complètement effacée ; il reste un peu d’anté- 
version, qui me paraît difficilement curable ou même incurable, en raison de l'allon- 
gement hypertrophique du col, dont l'extrémité inférieure appuie sur le périnée. 
Plus de leucorrhée ; plus de gastralgie ; persistance d'un sentiment de pesanteur 
au fondement. Cessation du traitement. 

Je n'ai pas revu Mme T...; j'ai su qu'elle avait eu, peu après, une couche 
heureuse. 


Oss. XI. — Antéflexion. — Abaissement. — Cystocèle. — Traitement insuffisant. 
Guérison presque complète de l'antéflexion, diminution de l'ubaissement 
et de la cystocèle. — Persistance de l'untéversion. 


Mme Z..., de Hambourg, trente-quatre ans, lymphatique, a deux enfants. Réglée 
toujours régulièrement, mais très peu, souffre depuis deux ans d'une pesanteur 
dans le bassin, qui s'accompagne de douleurs inguinales et lombaires qui ont été 
toujours en augmentant, et rendent depuis longtemps la marche fort pénible. 
Mmes Z... a consulté, il y a huit ans, son médecin ; celui-ci a constaté une anté- 
version et l'a adressée à Scanzoni, qui a conseillé les eaux de Kissingen. 

Un an après, grossesse très pénible. 

Trois mois après l'accouchement, paraplégie qui dure trois mois. 

Il y a un an, nouvelle consultation à Berlin. On diagnostique une antéflexion 
et on prescrit un hystérophore à tige et des injections astringentes. 

La malade vient me consulter en juillet 1867 et je constate : engorgement, 
antéversion avec antéflexion, abaissement léger, cystocèle. 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 477 


Du 22 juillet au 10 aoùt 1867, treize séances de faradisation recto-utérine. 
Abandon du pessaire à la seconde séance. Au bout de quatre ou cinq jours, la 
malade commence à faire à pied des courses assez longues. 

Règles le 11 août, durant cinq jours, d'abondance moyenne, sans trop de 
souffrance. 

17 Août. Engorgement bien moindre. L'antéversion persiste, mais la flexion 
est en grande partie effacée. Abaiïssement diminué ; cystocèle à peine sensible. 

17 et 19 août, faradisation recto-utérine. La malade est rappelée en Allemagne. 

Le médecin de Mme Z..., que j'ai vu en 1869, m'a dit qu’elle n'avait rien perdu 
et que son état général était devenu meilleur. 


O8s. XII. — Abaissement. — Rétroflexion. — Faradisation. — Guérison. 


Mme B..., 30 ans environ, a eu deux couches et trois fausses couches. Les 
enfants venus à terme, le premier et le quatrième, sont morts au bout l'un de 
dix-neuf jours, l'autre de deux mois. Exostose volumineuse du tibia gauche; 
aucun autre signe imputable à la syphilis; les questions faites dans ce sens n'ont 
provoqué que des réponses négatives. 

Les grossesses ont été difficiles: le dégoût des aliments et la prostration 
existaient au plus haut degré. 

Depuis huit mois, la faiblesse est extrême ; elle est accompagnée de douleurs 
des muscles postérieurs du rachis, s'étendant de la région lombaire à la région 
cervicale et s'irradiant dans les bras. Depuis la dernière fausse couche, qui date 
de six semaines, ces douleurs sont devenues intolérables. Chaleur et tuméfaction 
douloureuse du cou, qui offre une consistance uniformément molle, sans empä- 
tement. La tête est peu mobile, ot son attitude rappelle celle de l'arthrèse cervicale. 
Je cherche s'il existe des tumeurs gommeuses, et n'en trouve pas. 

Pas de douleure de tète ; dents bonnes. 

Abaissement de l'utérus et rétroflexion sans engorgement. Grande ulcération 
en entonnoir du museau de tanche. Règles douloureuses à époques régulières, peu 
abondantes, de longue duréc. 

10 septembre 1867. Faradisation cutanée de la région cervicale postérieure. La 
séance, faite à deux heures, calme les douleurs jusqu'à onze heures du soir. 

Du 11 au 18 septembre, six séances de faradisation vésico-utérine suivies de 
faradisation cutanée cervicale. Dès la seconde, je fais quitter ła ceinture hypo- 
gastrique. Cessation des douleurs dorso-lombaires ; diminution de la tuméfaction 
du cou Un gramme d'iodure de potassium par jour. 

Du 19 au 25 septembre, six séances de faradisation vésico-utérine. 

Règles le 26, plus abondantes, moins douloureuses; durent encore une 
semaine, Ce qui est moins que d'habitude. 

8 octobre. L'abaissement est le même ; la rétroflexion bien moindre. 

Du 18 au 23 octobre, trois séances de faradisation vésico-utérine. Continuation 
de l’iodure de potassium. 

Règles le ®© octobre, durent quatre jours, bien. 

10 novembre. — Abaissement moindre, utérus redressé. Faradisation vésico- 
utérine. 

Règles le 21 novembre, durent cinq jours, bien. 

30 novembre. — La tuméfaction du cou a disparu, les douleurs rachidiennes 
ne sont pas revenues, Utérus droit. Leucorrhée médiocrement abondante depuis 
un mois. 


478 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


La malade revient le 13 mai 1868. Elle a fait une fausse couche de deux mois 
le {er avril. Je l'engage à reprendre l'iodure de potassium, abandonné depuis plus 
de six mois. Il n'y a presque plus de leucorrhée; l'ulcération du col est très 
réduite et en voie de cicatrisation. Le redressement de l'utérus persiste. 


Os. XIII. — Hémorragies. — Anémie. — Algies. — Antéversion presque hori- 
sontale. — Faradisation. — Soulagement tardif. — Guérison. 


Mo J. L..., vingt-six ans, a eu, il y a neuf mois, une couche facile. Un mois 
après, elle a été traitée pour une névralgie générale (?) qui a duré un mois. 

Depuis, douleurs naissantes, plus fortes la nuit, dans les reins, le bas-ventre 
et les aisnes. La menstruation a lieu régulièrement tous les mois, tres abondante, 
avec caillots, durant de 8 à 10 jours; elle s'accompagne de violentes douleurs de 
reins. Anémie extrème. 

Le 22 novembre 1862, je constate une antéversion presque horizontale, avec 
engorgement considérable, limité au corps, et abaissement médiocre. Leucorrhéc 
abondante. Les dernieres règles ont duré du 10 au 19. 

Du 22 novembre au 8 décembre 1862, huit séances de faradisation recto-utérine 
ne procurent pas immédiatement le soulagement habituel, mais laissent persister, 
quoique à un degré moindre, les douleurs de reins et de la région iliaque gauche, 
qui n'offre d'ailleurs aucune tumeur ovarique et n'est pas empâtée. 

Règles le 10 décembre, avec exaspération des douleurs, prenant, le 12, le 
caractère d'une métrorrhagie avec caillots ; cessent le 18. 

La malade se trouve bien jusqu'aux règles suivantes, qui arrivent le 12 janvier, 
durent huit jours, aussi abondantes, moins douloureuses. 

Jusqu'aux règles suivantes, la malade va bien. Celles-ci arrivent le 12 février, 
et durent neuf jours, aussi abondantes que d'ordinaire, et s'accompagnent de 
douleurs iliaque, inguinale et sciatique gauches beaucoup plus fortes que le mois 
précédent. Après la cessation des règles, les douleurs persistent. 

Du 3 au {1 mars, cinq séances de faradisation recto-utérine. Les trois premières 
ont été suivies de faradisation cutanée de la région ilio-inguinale gauche, qui a 
supprimé les douleurs. A partir du 8 mars, la malade va très bien. 

2 septembre 1863. L'amélioration a persisté. Les règles durent cinq ou six 
jours, toujours abondantes, mais sans caillots. Les douleurs nocturnes n'ont pas 
reparu; la marche est libre. Au moment des règles, les douleurs des reins se 
montrent seules. Depuis trois semaines, la leucorrhée a disparu; la miction est 
suivie de douleurs sourdes dans le bas-ventre. Engorgoment beaucoup moindre; 
abaissement peu marqué; antéversion en grande partie corrigée. 

Du 2 septembre 18653 au 25 février 1864, dix séances de faradisation recto- 
utérine a intervalles irréguliers. 

27 février 1864. L'antéversion n'existe plus. Depuis trois mois, ses régles, 
d'une abondance normale, ne durent plus que trois ou quatre jours. 

J'ai cu des nouvelles de cette malade, dans le courant de 1867; la guérison se 
maintenait intacte, et l'état général était devenu très satisfaisant. 


L'observation suivante est intéressante comme type de flexion avec 
brisure et comme exemple de la marche à suivre en pareil cas dans le 
traitement : la première amélioration obtenue par des séances fréquentes, 
on doit continuer pendant longtemps avec les séances rares. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 479 


Os. XIV. — Retroflexion. — Séances de faradisation rares et longtemps 
continuées. — Guérison. 


Mm" B..., trente-deux ans, a eu denx couches heureuses ; la dernière il y a dix 
ans. Depuis ce temps, douleurs pelviennes, de siège variable qui ont augmenté 
progressivement de fréquence et d'intensité ; marche très pénible. Hypocondrie,. 
La malade, qui a peur du choléra, n'ose pas aller a la selle ; depuis trois ans, elle 
ne cède à ce besoin qu'à la dernière extrémité, Gastralgie. Maux de tête presque 
continuels. 

21 juin 1867. Abaissement de l'utérus et rétroflexion à angle droit, avec brisure 
très perceptible ; engorgement du corps ; col granuleux ; pas de leucorrhée. Les 
règles ont duré en mars, du 10 au 25; elles ont manqué en avril, ont repris le 
26 mai, pour ne cesser que le 16 juin. 

Du 21 au %5 juin 1867, quatre séances de faradisation vésico-utérine. Règles le 
26 juin, douloureuses ; la durée n'en a pas été notée. 

Du 10 au 17 juillet, quatre séances de faradisation vésico-utérine. L'engor- 
gement a à peu près cessé ; l'abaissement a peu diminué ; la flexion est sensi- 
blement moindre; leucorrhée. 

19 juillet. Crayon de paraffine au tanin ; badigeonnage du col à l'eau iodée. 

20 Faradisation vésico-utérine. 

Règles le 22 juillet, durant cinq jours, abondantes, précédées de coliques. 

ter août. Le sommeil et l'appétit sont meilleurs ; la marche est plus facile. 

Du {er au Y août, cinq séances de faradisation vésico-utérine et une injection 
de crayon au tanin. 

Règles le 21 août. Douleurs moindres; durent cinq jours ; normales. 

30 août. Rétrofiexion bien moindre ; la paroi fléchie est toujours très amincie. 
L'abaissement est moins prononcé. 

Du 30 août au 17 septembre, six séances de faradisation vésico-utérine. 

Règles le 19 septembre. Durent deux jours, assez abondantes, sans grandes 
douleurs. 

27 septembre. La rétroversion est maintenant nulle; il ne reste qu’un peu de 
flexion, ou plutôt une dépression transversale du col au niveau de l'ancienne 
brisure. 

De septembre 1867 en août 1869, j'ai fait à cette malade de une à trois séances 
de faradisation vésico-utérine tous les mois. Sous l'influence de ce traitement 
patiemment continué, ła paroi autrefois brisée a conservé la rectitude d'abord 
acquise et pris de la force. En août 1869, il ne reste, au nivoau de la flexion, qu'une 
dépression transversale peu marquée ; le tissu du col y a repris de l'épaisseur et 
de la fermeté. 

Quelques crayons au tanin ont eu raison de la leucorrhée quand elle a paru. 
Depuis longtemps l'état général est beaucoup meilleur; les maux de tête et la 
gastralgie ont cessé. Seule la peur du choléra persiste, moindre cependant depuis 
que j'ai fait comprendre à la malade que le meilleur moyen de s'en garantir était 
de tenir l'intestin toujours vide. 

Le traitement continue dans les mêmes errements. 

Juin 1870. Les séances réduites à une par mois n'ont plus été suivies régu- 
lièrement. La dernière remonte à trois mois et demi. Le redressement persiste 
intact. 


Il m'a été donné de suivre cette malade jusqu’en 1880. 


480 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


En octobre 1871, le redressement persistait; il y avait de l’abaissement ct 
quelques granulations du col qui cédèrent à deux badigeonnages à l'eau iodée ; 
un peu d'engorgement et d'abaissement ; une séance de faradisation vésico-utérine. 

Nouvelle séance en janvier 4872. En avril 1872, l'utérus était dans une situation 
tout à fait normale, si bien que trouvant Mme B... encore sous l'impression de 
grandes fatigues récentes et ayant un peu de leucorrhée, je ne la faradisai même 
pas, me contentant de lui faire une injection de paraffine tannique. 

Depuis bientôt dix ans, je revois cette malade au moins une fois par an; la 
guérison ne s’est pas démentie, et sa santé est aujourd'hui parfaite. 


J'aurai à vous citer un cas d’antéflexion sur lequel une grossesse 
paraît avoir exercé une influence favorable en corrigeant la flexion. J'ai 
eu à vous signaler l'extrême rareté de ces cas, et, dans celui auquel je 
fais allusion, il s'agissait peut-être, le sujet étant très jeune, du 
redressement normal de la flexion infantile. Le cas suivant offre un 
exemple d’un fait que je crois plus rare encore : le redressement spontané 
d’une version chez une primipare de 40 ans. 


O8s. XV. — Antéversion. — Trois grossesses. — Guérison. 


M%e C. K..., trente-neuf ans, d'une constitution exceptionnellement belle; 
n'ayant jamais eu de grossesse, vient me consulter pour un peu de leucorrhée 
qu'elle se voit depuis un mois; en même temps les digestions sont devenues 
laborieuses. Ces accidents l'inquiètent outre mesure. 

4 octobre 1862. Antéversion marquée, abaissement; catarrhe cervical peu 
abondant. 

Du 4 au 10, quatre séances de faradisation recto-utérine, suivies de l'intro- 
duction dans le col d'un pinceau fin chargé d'eau iodée très concentrée. La 
leucorrhée cesse d’être appréciable, et je renvoie M™e K,, cherchant surtout à la 
rassurer; sa santé est parfaite, ct le traitement de l’antéversion qui persiste me 
paraît inopportun. 

Depuis, Mme K... a eu trois grossesses terminées par des accouchements 
heureux, le premier en avril 1864, le dernier en janvier 1868. La sachant très 
soigneuse de sa personne et soucieuse des choses de l'hygiène au point de ne 
jamais porter de corset, j'ai pensé que si la grossesse pouvait corriger une 
déviation, c'était évidemment dans un cas de cette nature. Le toucher, pratiqué 
en août 1870, m'a montré l'anté version complètement corrigée ainsi que labais- 
sement. 


L'observation suivante fournit un exemple d’insuccès dont la cause 
doit être attribuée à un vice de conformation, que je rencontrais alors 
pour la première fois ; une déformation avec consistance anormale du 
col utérin, qui ressemblait tout à fait à un crochet de caoutchouc un peu 
ferme. Depuis, j'ai rencontré deux autres fois cette malformation 
coïncidant avec le début d'hyperplasies fibreuses auxquelles elles se 
rattachaient évidemment. 


NUMÉRO DU D" TRIPIER | 481 


Oss. XVI. — Rétroflexion par vice de conformation du col. — Faradisation de 
la fuce antérieure de l'utérus. — Insuccès. 

A. L..., vingt-trois ans, couturière, est entrée le 24 avril 1862 dans le service 
de Michon, à la Pitié, salle Saint-Augustin, N° 21, parce que des douleurs 
pelviennes l'empèchaient de marcher. 

Elle souffre depuis huit mois. Il lui semble, dit-elle, qu’on lui enfonce des 
épingles dans le bas-ventre. Depuis l'âge de dix-sept ans, elle est abondamment 
réglée toutes les trois semaines. Jamais de grossesse. 

Abaissement. Rétroflexion sans rétroversion notable ot sans engorgement 
sensible. Le col, long et grèle, est dirigé en arrière; il n'est pas droit, mais forme 
une courbe à concavité supérieure; on lui trouve une dureté et une élasticité tout 
à fait anormales ; il présente, enfin, une ulcération qui cèdera à quelques lotions 
faites avec une solution faible de perchlorure de fer. 

Dernières règles le 11 mai: 

Faradisation vésico-utérine les 20, 21, 23, 26, 29 et 31 mai. 

Règles le 3 juin, douloureuses, assez abondantes, durant six jours. 

Faradisation vésico-utériné les 11, 13 et 16 juin. 

Depuis le commencement du traitement, les doulcurs ont plutôt augmenté 
que diminué. 

_ Règles du 28 juin au 6 juillet, douloureuses, peu abondantes. 

Faradisation vésico-utérine les 14, 16, 18 ct 21 juillet. Les douleurs ont 
diminué et la malade demande à sortir. Le toucher n'indique aucun changement 
dans la position de l'utérus ni dans l'état du col, qui ressemble toujours à un 
épais crochet de caoutchouc. 


La plupart des observations qui précèdent sont, comme celles que 
j'aurai à vous citer plus tard, tirées de ma pratique particulière. Quel- 
ques-unes ont été prises ou commencées dans les hôpitaux, où le bien- 
veillant concours de mon ami Ad. Richard, de mon maitre Michon et de 
M. G. Sée m'avait permis d'établir, devant un grand nombre de médecins 
et d'élèves, la simplicité et l'innocuité des manœuvres qui constituaient 
la partie fondamentale de ma thérapeuthique des affections utérines. 
Les observations tirées de la clinique hospitalière sont peu nombreuses, 
en raison de la mobilité d’une population qu'on perd de vue dès l'obtention 
d'une amélioration suffisante pour permettre à la malade de demander sa 
sortie ; la même difficulté se présente ici, dans nos dispensaires, quoique 
à un degré moindre; ce n’est guère que dans la clientèle de la ville 
qu'on peut entreprendre utilement les observations qui veulent être 
longtemps suivies. 

Si, à l'occasion des cures de version et flexion, je ne vous ai pas 
rappelé quelques observations publiées dans des journaux de Paris 
(Fano, novembre 1859; Elleaume, février 1863), alors que le sujet était 
encore une nouveauté, si je ne les ai même pas accueillies dans mon 
mémoire publié il y a onze ans, ce n’est pas que je dédaigne les arguments 
à l'appui des mes idées qui me seraient étrangers; mais les faits publiés 


482 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


à Paris prouvaient trop, à mon avis : les auteurs annonçaient des 
résultats tellement supérieurs à ceux que j'avais pu enregistrer en 
employant des procédés mieux appropriés au but poursuivi, que je ne 
me suis jamais cru autorisé à en faire mon profit. Sans doute des malades 
cessent de venir après trois ou quatre séances, soit qu’elles se trouvent 
suffisamment soulagées, soit, chose très commune, qu'elles craignent 
que le traitement n'ait pour effet de leur restituer une fécondité perdue. 
Mais dans aucun des cas où il m'a été donné de pratiquer le toucher 
chez ces malades, je n'ai pu constater de guérison d’une déviation bien 
nette obtenue « en moins de cinq séances ». 


Les résultats obtenus durant les premières années d'application du 
traitement dont je vous ai entretenus jusqu'ici m'’avaient laissé quelque 
espoir de voir les hyperplasies fibreuses céder, quoique plus lentement, 
aux moyens qui avaient raison des hyperplasies conjonctives simples. 
Il n’en a rien été. Dans la prochaine leçon, où nous aborderons l'étude 
des fibromes, nous aurons à faire un retour sur le rôle possible des médi- 
cations électriques dans ces affections, bien que nous devions y insister 
plus particulièrement sur la médication d'ordre chimique presque exclu- 
sivement appliquée aujourd’hui dans ce dispensaire. 


Applications obstétricales de l'électricité. 


Par M. A. TRIPIER. 


L'introduction dans l’obstétrique des pratiques de l’électrisation a été 
basée sur la propriété qu'ont les éléments musculaires de l'utérus de se 
contracter sous l'influence des stimulations de la faradisation. Radford 
d’abord, puis Cleveland, Houghton, Barnes et Mackenzie, ont vu là un 
procédé capable d imprimer plus d'activité à un travail languissant, une 
ressource dans les cas d'hémorragie, et un moyen de faire naitre des 
contractions utérines dans les circonstances où il est indiqué de provoquer 
un accouchement prématuré. 

L'histoire de ces tentatives ne peut être exposée et leur valeur 
discutée sans qu'on se trouve amené à apprécier comparativement les 
effets de la faradisation et ceux d’un médicament dont les accoucheurs 
de tous les pays ont singulièrement abusé : il s’agit du seigle ergoté. 

Avant la faradisation, l’ergot de seigle avait été employé pour 
réveiller l’activité jugée insuffisante du travail de l'accouchement; avant 
elle, il avait été administré comme hémostatique ; il était, enfin, depuis 
longtemps mal connu, mais très connu comme abortif. J'aurai à apprécier, 
dans ces différents rôles, ce qu'est l’ergot et ce qu'il donne comparé à 
l'électricité. 

On verra que le seigle ergoté ne répond d’une manière satisfaisante 
à aucune des indications qu’il a été appelé à remplir. Aussi, me trouvé-je 
fort empêché de classer ses indications en partant de ses propriétés. En 
pareil cas, l'usage est le seul guide possible : l’ergot reste un médicament 
qui s’administre avant, pendant ou après l'accouchement. Aussi est-ce 
dans ces diverses circonstances que j’examinerai son action comparée à 
celle de la faradisation. 


Avant terme, on l’a essayé comme abortif et pour provoquer l’accou- 
chement prématuré. Je n'ai pas ici à condamner un médicament ou un 
poison sur cette considération que son administration pourrait favoriser 
la perpétration d'actes coupables aux yeux de la loi. Il me suffit de 
constater, après les autorités les plus compétentes, que l’ergot n’est pas 
un abortif, au moins à courte échéance. 


484 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Est-ce à dire que l'avortement ne pourrait résulter de son emploi 
longtemps continué? — A priori, rien ne s’oppose à ce qu'on l’admette. 
Ce qu'on sait de la toxicologie de l’ergot ne parait cependant pas 
témoigner dans ce sens, et je ne sache pas qu'on ait noté sur les parois 
de l'œuf quelques lésions de la famille des accidents gangréneux observés 
sur les extrémités dans l'ergotisme. En fût-il ainsi, l'effet de l’ergot 
demeurerait celui d'un toxique quelconque, capable de rendre malades 
la mère et l'œuf et de provoquer la chute de celui-ci si l'intensité des 
conditions morbides qu’il y réalise est suffisante. C’est un poison, mais 
non un abortif. 

En serait-il autrement de la faradisation? et que peut-elle donner 
avant le début d’un travail spontané? — Elle provoque des contractions 
utérines qu'on peut, à volonté, rendre faibles ou énergiques; mais je ne 
crois pas que ces effets immédiats puissent être aisément dépassés. J'ai 
autrefois, accidentellement et volontairement, faradisé des utérus gra- 
vides, et publié, il y a dix ans, relativement à l'influence sur la 
parturition prématurée des contractions utérines provoquées, les 
conclusions de mes observations, à savoir : que les contractions de la 
matrice ne suffisent pas pour détacher avant sa maturité un œuf sain ; 
et que l'avortement ne saurait reconnaître pour cause qu’une maladie, 
spontanée ou provoquée, de l’œuf ou de la surface à laquelle il adhère. 

Mes applications ont consisté presque toujours en séances de trois à 
cinq minutes de faradisation utérine immédiate, l’excitateur négatif étant 
engagé dans le canal cervical, l’autre fermant le circuit dans la vessie ou 
dans le rectum. 

J'ai eu l’occasion, depuis, de voir que ces conclusions, fondées sur 
des observations poursuivies jusqu’au cinquième mois de la grossesse, 
pouvaient être très sensiblement exactes jusqu'à la fin de la gestation. 
Ayant cherché à précipiter le début du travail en provoquant des 
contractions utérines chez une multipare qu’il y avait lieu de considérer 
comme arrivée à terme, j'ai pu faire, pendant cinq jours, deux séances 
de cinq minutes de faradisation médiate par jour, sans obtenir la 
persistance ou la reprise spontanée des contractions que j'obtenais 
passagèrement. 

N'obtiendrait-on pas le résultat cherché en prolongeant beaucoup la 
durée des séances? Ce ne serait pas, au moins, chose facile. Barnes l’a 
essayé : cherchant à provoquer l'accouchement prématuré, il a pu, dans 
des cas relativement rares, obtenir un commencement de travail ; mais 
il consacrait plusieurs séances de une heure à une heure et demie, 
employant le procédé de Cleveland, qui consiste à maintenir les deux 
excitateurs appuyés sur chacune des fosses iliaques. Saint-Germain a 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 485 


poursuivi le même but à l’aide d'excitateurs appliqués sur la région 
lombaire de chaque côté du rachis. Dans aucun cas il n'a pu « faire 
naître de contractions utérines alors qu'elles n'avaient pas paru 
spontanément ». Saint-Germain a sans doute voulu dire qu'il n'avait pu 
déterminer un commencement de travail, c'est-à-dire des contractions se 
renouvelant d'elles-mêmes ; sans quoi son procédé de faradisation 
devrait être considéré comme plus défectueux qu'on ne serait disposé à 
l'admettre à priori. 

Sı donc on écarte de la statistique à établir sur ce point les femmes 
qui font une fausse couche à la suite d’un éternument, on sera conduit à 
conclure que la faradisation, si elle n’entraine pas les effets toxiques de 
l’ergot, n’est guère plus que lui capable de provoquer l'avortement ou 
l'accouchement prématuré. 

Il est heureux que la faradisation immédiate d'un utérus gravide ne 
soit pas une cause d’avortement, car elle pourra servir à corriger, au 
début d'une grossesse, des déviations qui pourraient amener l’avorte- 
ment et exposer plus ou moins sérieusement la mère : elle est, sans 
contredit, le meilleur moyen de prévenir l’enclavement de l'utérus qui 
est quelquefois la conséquence d'une rétroversion. L'observation 
suivante me paraît devoir être interprétée comme un exemple du succès 
de cette pratique. 


Oss. Mc L..., 25 ans, lymphatique, mais habituellement bien portante, avait 
toujours été réglée régulièrement, en quantité convenable et sans douleurs, 
lorsqu'elle fit, il y a trois ans, une fausse couche, à sept mois. Il y a deux ans, 
nouvelle fausse couche, à cinq mois. Depuis, elle a toujours souffert de douleurs 
hypogastriques et iliaques gauches, qui disparaissent dans la position horizontale 
pour faire place à un sentiment de gène et de pesanteur. 

Il y a six mois, après une interruption de deux mois, les règles ont reparu, 
se terminant par une perte. N’y a-t-il pas eu là une troisième fausse couche ? 

Bien que l'appétit et le sommeil soient conservés, que les gardes-robes 
aient toujours été faciles, l'etat général est devenu moins bon. Algie intercostale 
gauche. 

9 juin 1870. Je constate un abaissement avec rétroversion horizontale, 
rétroflexion et lègère latéroflexion gauche. Les dernières règles out cessé le 
10 avril. Une grossesse me paraît probable; mais les fausses couches anterieures 
ayant pu être favorisées par la position vicieuse de l'utérus, je me décide 
à tenter le redressement dans une mesure suffisante pour écarter les chances 
d'enclavement utérin. 

Du 9 au 23 juin, six séances de faradisation vésico-utérine. Cessation de 
l'algie intercostale et des douleurs abdominales; marche plus facile. Le 23 juin, 
le corps de l'utérus est plus nettement globuleux; le col s'est ramolli et ouvert; 
la flextion s'efface, ct, chose plus importante, la troversion a notablement 
diminué. Le redressement me paraît suffisant pour conjurer les éventualités 
fâcheuses, et je renvoie Me L,, la priant de venir, de loin en loin, me faire 
constater son état. 


486 ANNALES D'ELRCTROBIOLOGIE 


23 Août. L'utérus, trés élevé se distend librement ; la rétroversion est im pos- 
sible à constater. La grossesse se poursuit dans de bonnes conditions, sans 
entraîner d'autres inconvénients qu'un peu de fatigue générale et de la gêne dans 
la miction, qui est suivie de douleurs sourdes. | 

Le l'r décembre 1870, Mme L. accouche, un peu avant terme, mais sans 
souffrances préalables ni accidents consécutifs, d'un enfant bien constitué, qui, 
sans avoir été malade jusque-là, succombe rapidement, à 3 mois, à des accidents 
cérébraux. | 

Le 3 mai 1872, Mne L. accouche à terme d’un enfant bien portant. 


Lorsque, il y a deux ans, une question de police portée devant 
l’Académie de Médecine de Paris fit mettre incidemment en discussion 
les mérites de l’ergot, bien des gens durent être vivement supris, et les 
idées de la masse des praticiens à l'endroit des indications de ce médi- 
cament durent se trouver singulièrement dérangées. On aurait pu croire, 
d'après les termes de la discussion, que personne n’avait jamais songé à 
employer l’ergot PENDANT LE TRAVAIL. 

Or, si l’on interroge à ce point de vue les femmes qui passent dans 
nos dispensaires, on peut voir que deux sur trois au moins ont pris de 
l'ergot pendant le travail. C'est, en effet, surtout pendant le travail 
qu'on l'emploie ; mais comme on agit, en cela, plutôt en vertu d’un usage 
que d'une opinion réfléchie, on cesse de l'avouer du moment qu’on est 
mis en demeure de justifier cette pratique banale. Aussi la proscription 
fcrmulée par M. Blot à l'endroit de l'administration de l’ergot pendant le 
travail a-t-elle pu surprendre tout le monde sans soulever la moindre 
réclamation. 

L'administration de l’ergot pendant le travail est donc la règle, non 
seulement chez les sages-femmes, qu'on avait mises en cause, mais chez 
les médecins C’est cet usage, aussi répandu en Angleterre que chez nous, 
que visait Radfort, lorsqu’en 1853, faisant valoir dans The Lanret les 
mérites de la faradisation, il établissait surtout un parallèle entre elle 
et l’ergot. 

« L'électricité, disait-il, détermine des contractions plus énergiques 
que le seigle ergoté. — 2° Elle provoque les contractions instantanément, 
tandis que le seigle ergoté n'agit qu'au bout d’un temps plus ou moins 
long. — 3° On peut mieux limiter l'influence de l'électricité. — 4° Les 
contractions déterminées par l'électricité sont normales et agissent plus 
énergiquement pour l'expulsion de l'enfant, tandis que celles déterminées 
par le seigle ergoté sont moins naturelles et amènent souvent une contrac- 
ture qui met la vie de l'enfant en danger. » 

A ces considérants, Radfort en ajoute deux qui n'oflrent ici qu'un 
intérêt accessoire : 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 487 


« 6° L'électricité peut être employée conjointement avec tout autre 
moyen thérapeutique. » 

Sur ce point, je ferai une réserve : les effets de l'électricité sont 
considérablement amoindris par l'usage des préparations d'opium. Je n'ai 
pas eu à examiner la belladone. 

. 5° Le seigle ergoté peut, d’après Ramsbotham, Wright et Barnes, 
après son absorption par la mère, pénétrer également duns la circulation 
du fœtus: et ces auteurs citent quatre observations où, après l’adminis- 
tration du seigle ergoté à la mère, les enfants périrent par contracture 
musculaire quelques heures après leur naissance. » 

Cette action a été niée : cependant J. Denham, qui, il y a deux ans, 
s'était, vis-à-vis de la Société obstétricale de Dublin, constitué l'avocat 
de l’ergot, le croit dangereux dans les accouchements lents, parce qu'il 
expose le cordon à une compression soutenue. 

Les tentatives des médecins anglais ont été reprises chez nous, sur 
une large échelle, par Saint-Germain. 

Toutes les fois que, le travail étant commencé, et les douleurs se 
succédant régulièrement et périodiquement tous les quarts d'heure 
environ, il a faradisé la région lombaire par deux excitateurs, il a vu, 
au bout d'un temps très court, une activité nouvelle se manifester dans 
les contractions utérines, el les douleurs se rapprocher rapidement. Les 
contractions provoquées étaient plus longues et plus douloureuses que 
les autres. La dilatation du col m'a paru marcher constamment avec 
rapidité sous l'influence de la faradisation. Dans tous les cas observés, 
l'expulsion du placenta aurait suivi immédiatement celle de l'enfant. 
Dans aucun cas l'enfant n’a paru souffrir des effets de l'électricité, bien 
qu’il ait accusé souvent, par des mouvements manifestes, sa sensibilité 
à l’action des courants. Toutes les femmes, enfin, chez lesquelles a été 
appliqué ce procédé ocitocique, l'ont parfaitement supporté; leurs 
` accouchements très rapides n’ont donné lieu à aucun accident, et les 
suites en ont été très heureuses. 

Bien que, dans le résumé qu'il a publié de ses expériences, Saint- 
Germain parle de la pile, du courant, de la galvanisation, il est évident 
que c’est à l'électricité d’induction qu'il avait recours. 

Avant d'aller plus loin, notons les procédés employés : 

Radfort applique un excitateur sur la paroi abdominale, au niveau 
du fond de l'utérus, et l’autre au col lui-même, au moyen d’une sonde 
vaginale. 

Cleveland a appliqué les deux excitateurs extérieurement, sur 
l’abdomen. Barnes procède de même. 


Mackenzie applique l’excitateur positif à la nuque; le négatif, au col 
de l'utérus. 


488 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Engageant encore le négatif dans l’utérus, je couche la femme sur le 
positif, appliqué, sous forme de plaque, sur la région lombaire. 

Saint-Germain place ses deux excitateurs sur les lombes. 

Les procédés de Cleveland et de Saint-Germain sont les moins propres 
à provoquer des contractions. Faut-il expliquer par là l'impossibilité où 
s'est trouvé Saint-Germain de faire débuter un travail par les contractions 
provoquées, et la difficulté qu'a éprouvée Barnes à obtenir quelquefois 
ce résultat? — Je ne crois pas que le procédé doive en être seul accusé, 
car je n'ai pas obtenu davantage de séances, plus courtes il est vrai, de 
faradisation immédiate. 

Toutes les relations d'applications de la faradisation pendant le travail 
présentent une même lacune. Elles établissent l'innocuité et peut-être 
l'utilité générale de cette pratique, mais laissent intacte la question de 
son utilité spéciate, des indications qu'elle peut être appelée à remplir. 
On peut déjà conclure des observations faites que le procédé est inoffensif, 
et qu'il est efficace pour hâter l'accouchement. Ces raisons suffisent pour 
faire prévoir qu'il restera; mais jusqu'ici on n’a insisté que sur sa 
supériorité sur le seigle ergoté, et ce n'est pas là une recommandation 
suffisante. Les indications du seigle pendant le travail n'existent pas ou 
doivent être remplies par l'autres moyens; où sont celles de la faradi- 
sation ? Si nous les entrevoyons, c’est bien confusément. 

Quoique je n'aie pu encore arriver à me faire sur ce point une 
opinion bien arrêtée, j'ai eu une occasion de me poser la question, et 
peut-être d’entrevoir quelques indications et contre-indications. Voici la 
relation du fait; elle est d'ailleurs intéressante à plusieurs égards. 


Ors. — Mme N., âgée de 37 ans, tempérament lymphatico-nerveux, toujours 
bien portante malgré cela, a eu, à 27 ans, une première couche sur laquelle elle 
ne peut me donner aucun renseignement qui soit à noter. 

Dix ans après, survient une seconde grossesse, vers le début de laquelle on 
fait prendre à Mo: N., à l’occasion d'un eczéma humide, regardé comme scrofuleux, 
de l'iodure de potassium pendant près de deux mois, à la dose d’un gramme par 
jour. Je me demande ici, pour n'avoir pas à revenir sur cette question, si c'est à 
cet usage de l'iodure de potassium, continué de la fin du premier mois jusque 
vers la fin du troisième, qu'il faut attribuer une absence qui parut complète du 
liquide amniotique, et la taille un peu petite d'un enfant d'ailleurs bien vivace. 

La grossesse ne fut traversée par aucune incommodité, et n'offrit d'excep- 
tionnel que l'absence de tout malaise gastrique vers son début. 

En touchant la patiente vers la fin du huitième mois, je crus, au fond d'un 
col presque complètement effacé, sentir un coude. L'impossibilité d'entendre les 
bruits du cœur fœtal me fit admettre, sous toutes réserves, une présentation 
céphalo-iliaque (droite ou gauche, je n'en sais rien), dos en avant. Des examens 
plusieurs fois répétés ne m'ayant pas conduit à compléter ou à modifier ce diag- 
nostic, je songeai à tenter la version par manœuvres externes, et dounai un quart 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 489 


d'heure par jour à des manipulations qui restèrent sans succès du 2 juillet au 
5 août 1873. Enfin, le 5 août, j'eus la satisfaction de trouver, eu arrivant, une 
présentation du sommet. occipito-iliaque gauche postérieure. 

Début d'un travail le 8, vers 6 heures du soir. Trois heures après, les douleurs 
cessent : l'orifice avait le diamètre d'une pièce de 20 centimes, sans que le col, 
d'ailleurs parfaitement mou, füt effacé. Une nuit de bon sommeil, qui n'est inter- 
rompu par aucune douleur. 

Le 8, légère reprise, vers le soir; même résultat. Bonne nuit. 

Le 9, au matin, retour des douleurs, qui se succèdent de demi-heure en 
demi-heure toute la journée. L'orifice a le diametre d'une pièce d'un franc; 
le col est encore mal effacé. 

J'étais arrivé avec un flacon de chloroforme, que je n'ai encore jamais 
employé comme anesthésique, mais comme ocitocique toutes les fois que le 
travail me semble arrêté par un excès d'action cérébrale entraînant de l’inertie 
spinale. 

Était-ce le cas chez ma malade f — Non. Ce col mou, se laissant dilater sans 
s'effacer, et la promptitude avec laquelle la fatigue suivait un travail qui aug- 
mentait à peine la dilatation, laissant celle-ci diminuer après les premiers efforts, 
indiquaient une inertie spinale primitive. 

De ce chef, surgissaient les indications de deux lignes de conduite possibles : 
4° Ou bien remplacer le travailnaturel, qui faisait défaut, par le travail artificielle- 
ment provoqué; — la faradisation permettait de le tenter ; 2° Ou bien déterminer 
dans le travail des entr’actes assez longs pour permettre à la malade de se reposer. 
Peut-être y arriverait-on à l'aide du chloral. 

J'essayai des deux moyens : du premier avec beaucoup de réserve ; du second, 
avec l'incertitude d'un résultat qui se montra tout à fait satisfaisant. 

Le 9 au soir, après une journée de douleurs se succédant seulement toutes 
les demi-heures, la dilatation étant insignifi:nte, le col mal effacé, et la patiente 
très fatiguée, je pensai qu'au licu de précipiter le travail par l'ancsthésie chloro- 
formique ou par la faradisation à longues séances, il serait préférable de procurer 
du repos à la malade. Je donnai, pour cela, 2 grammes de chloral dans 
50 grammes de sirop d'écorce d'orange. Les douleurs ne reparurent plus qu'une 
fois, faibles; bientôt après, Me N... s'endormit, pour ne se réveiller que le 
lendemain au jour, bien reposée. 

Les douleurs reprirent alors, tous les quarts d'heures ou toutes les dix minutes, 
sur un col qui s'était à peu pres refermé. Le moment me parut venu de les 
soutenir au moyen de la faradisation pratiquée toutes les dix minutes pendant 
trois minutes. Elles se montrèrent plus fréquentes sans devenir plus fortes. A 
dix heures du matin, l'orifice avait le diamètre d'une pièce de deux francs ; le col 
était effacé ; la faradisation ne fut plus pratiquée que de demi-heure en demi- 
beure ; les douleurs continuèrent a se montrer à intervalles de dix minutes ou 
d'un quart d'heure. 

À quatre heures de l'après-midi, orifice ne mesurait plus qu'un centimètre 
de diamètre ; le bourrelet s'était reformé. Grande fatigue. 

Je redonnai alors le chloral, à la dose de 3 grammes en trois fois, à une demi- 
heure d'intervalle. Pas de sommeil, mais repos complet. 

A 6 heures, reprise de douleurs intenses, revenant toutes les cinq minutes. A 
7 heures, la dilatation était à peu près complète. A 8 heures 1/2, sortie de 
l'enfant. Cessation des douleurs. A 9 heures 1/4, faradisation sacro-sus-pubienne. 
A Y heures 1/2, sortie du délivre. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — JUILLET 191. 34 


490 ANNALES D'ÉLYCTROBIOLOGIE 


Immédiatement après la délivrance, faradisation sacro-sus-pubienne, pour 
activer le retrait de l'utérus et écarter les chances d'hémorrhagie. La faradi- 
sation fut répétée le lendemain 11 et les quatre jours suivants, ainsi que je 
fais d'habitude. Le 13, Mme N .. se leva, sans quitter la chambre ; le 14, elle 
fit une promenade à pied ; le 15, elle reprenait ses habitudes actives. (Gazette 
Obstétricale, 1874) (1). 


Cette observation offre un remarquable exemple de la lenteur au 
début d’un travail qu'on aurait pu être tenté d'accélérer par l'emploi des 
ocitociques. Le seigle ergoté eût été funeste et eût certainement créé 
quelque complication. Le chloroforme ou la faradisation à longues 
séances eussent-ils mieux fait? — J'en doute, au moins pour le chloro- 
forme ; quant à la faradisation, elle est sans doute celui des ocitociques 
auquel je me fusse adressé le plus volontiers. Mais je n’ai pas osé, la 
temporisation me paraissant préférable, à la condition d'être ou d’être 
rendue possible. Le cas échéant, c'est encore au chloral que j'aurais 
recours : il semble avoir, indépendamment de son action hypnotique 
connue, procuré un véritable repos local. 

La faradisation reste cependant la ressource à laquelle, à défaut du 
chloral ou à défaut de temps, il conviendrait de recourir. Mais alors, 
comment l'appliquer? L'épreuve que j'en ai faite semble établir que, dans 
quelques cas au moins, les séances courtes fréquemment répétées, 
auxquelles j'aurais à priori donné la préférence d'une manière absolue, 
peuvent se montrer inférieures à ce que donneraient des séances très 
prolongées, telles que les fait Saint-Germain. 

Les indications de ces dernières restent toutefois à établir, ainsi que 


(1) Deux ans auparavant, j'avais donné des soins à Mm° N... pour une anteversion 
prononcée, avec glissement de l'utérus en arrière, abaissement, ulcération fongueuse 
du col, douleurs s’irradiant dans le bassin, catarrhe utérin très abondant. Un traite- 
ment très irrégulièrement suivi n’avait eu que partiellement et temporairement raison 
de ces accidents. Depuis la couche dont la relation précède, la malade n’en a plus 
ressenti les effets. 

En octobre 1874, à la suite de fatigues excessives, fausse couche å 4 mois 1/2 
précédée de trois semaines d'hémorrhagies intermittentes qui furent arrètées, à deux 
reprises, par la faradisation utérine immédiate. Je crois que la fausse couche eût été 
évitée si on eût pu obtenir que la malade abandonnât son travail lorsque cet accident 
a été à craindre. 

Nouvelle grossesse en 1875. Le 2 septembre, douze heures de petites douleurs se 
succèdant à un quart d'heure d'intervalle. J'impose la cessation des occupations. Le 
21 octobre, début du travail, à 3 heures du matin ; à 10 heures, accouchement normal 
et facile, que je fais suivre immédiatement d'une séance de faradisation sacro-sus- 
bubienne qui est répétée dans la soirée et remplacée, les 4 jours suivants, par 
des séances de faradisation abdomino-utérine. Le 23, Mme N... reste trois heures 
levée ; le 24, sortie ; le 25, reprise des occupations habituelles. Pas d'autre convales 
cence, Aujourd'hui (décembre) Mm" N... est parfaitement bien. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 491 


les conditions qui peuvent contre-indiquer les séances courtes; mais si 
l'observation, dont la relation précède, n’a pas satisfait ma curiosité à 
l'endroit du rôle de la faradisation pendant le travail, elle lui a, du 
moins, donné une forme, et me laisserait moins hésitant en présence d’un 
cas où il serait indiqué, pour une raison quelconque, de précipiter la 
marche du travail. 

Les causes auxquelles on attribue le plus ordinairement l'arrêt du 
travail sont: la pléthore, une émotion morale, l'épuisement par fatigue 
locale, la distension excessive de l’utérus, la position du fœtus. 

Parcourant les recueils d'observations des accoucheurs, on est frappé 
du nombre des cas de dystocie produite par l'administration de l’ergot 
dans ces circonstances ; les cas où elle semble accélérer le travail (je ne 
dis pas: où elle a paru utile), sont ceux où aucune de ces difficultés 
n'existe à un degré assez marqué pour que la patience ne suffise à en 
triompher sans risques. 

Contre l'arrêt du travail déterminé par une émotion morale, le chlo- 
roforme est surtout indiqué ; la faradisation et le chloral viendraient 
ensuite. 

Si l'insuffisance des contractions tenait à la pléthore ou à la distension 
excessive de l'utérus, c'est à la faradisation qu’il conviendrait de recourir 
d'abord. 

La faradisation pourrait encore être indiquée dans le cas d’épuisement 
par fatigue locale. Alors, cependant, je préférerais recourir d’abord à 
l'administration du chloral. Celle-ci serait seule indiquée, en attendant 
l'opportunité d'une manœuvre, dans les cas où la position vicieuse du 
fœtus est la cause de l’arrêt des douleurs. 


Du moment où un procédé ocitocique est mis entre les mains des 
accoucheurs, on peut prévoir qu'il se popularisera, non pas tant en 
raison des indications sérieuses qu'il permet de remplir que parce qu'il 
offre un moyen d'abréger la durée de l'accouchement. L'abus courant 
du seigle ergoté n'a pas encore pris fin que déjà le forceps tend à le 
remplacer. On ne saurait tout blàmer dans une vogue qui familiarisera 
les praticiens avec le maniement, si important à bien posséder, de cet 
admirable instrument; mais il est à regretter que ce soit dans des 
circonstances où son utilité est encore fort contestable qu'il tente main- 
tenant à être le plus employé. | 

Peut-être poussé-je un peu loin l'éloignement pour l'usage des 
ocitociques, surtout chez les primipares; mais je doute fort que la possi- 
bilité, que la facilité si l'on veut, d'appliquer le forceps, suffise pour en 
justifier l'emploi tant que la vie de l'enfant n'esl aucunement menacée, 


492 ANNALES D'ÉLECTROBIOI.OGIR 


` que rien n'annonce qu'elle doive l'être, et que nulle indication for.nelle 
n'apparait du côté de la mère. Telle tête qui franchit heureusement la 
vulve à la fin d'un travail de 15 à 18 heures, l'aurait inévitablement 
déchirée si elle eût dû, poussée ou tirée, passer 6 heures plus tôt. 
L'’accommodation des parties génitales externes demande, pour se faire, 
un certain temps; si le travail du muscle utérin est supprimé, l'accom- 
modation vulvaire n'aura pas le temps de se faire convenablement ; s’il 
est précipité, cette accommodation a des chances de ne pas éprouver 
une accélération proportionnelle. 

Ces raisons de se montrer sobre des applications inutiles du forceps, 
— il ne saurait plus être question de l’ergot, — chez les primipares, 
doivent-elles conduire à se défier, chez elles, de la faradisation ? C’est une 
question à examiner. Nous devons dès à présent demander que, lorsqu'on 
établira les indications de la faradisation pendant le travail, on recherche 
si elle ne l’accélère pas sans concourir à favoriser dans une mesure 
correspondante le relichement vulvaire. Il est possible, en effet, que les 
modifications imprimées à la circulation aient sur toute la région un 
retentissement capable de faciliter l'accommodation des parties mater- 
nelles; mais c’est à voir; et, s’il en était autrement, le fait de la primi- 
parité pourrait fournir une contre-indication relative à l'emploi de la 
faradisation pendant le travail. 


Après l'accouchement, l'administration de l'ergot peut enfin trouver 
une raison d être : en favorisant le retrait de l'utérus, on doit diminuer 
les chances d'hémorrhagie. Provoque-t-on ainsi un retrait suffisamment 
prononcé, et le provoque-t-on assez rapidement? Toute la question de la 
valeur hémostatique de l'ergot est là. Or, de l'avis de ses partisans, de 
l'avis de Denham notamment, l'ergot est un hémostatique lent à opérer, 
tout à fait insuffisant dans les cas graves. 

Nous avons heureusement dans la faradisation un moyen d'hémostase 
énergique et dont l’action ne se fait pas attendre. Radford est, je crois, 
le premier qui en ait fait usage dans ces conditions. Pour m'a part, j'ai 
eu fort à m'en louer; elle m'a notamment donné un résultat immédiat et 
complétement satisfaisant dans un cas où l'effet de l’ergot, en lui supposant 
méme une portée qu'il n'eùt pu avoir, se fùt produit trop tard. 


Oss. — Mme R.. 22 ans, primipare, créole grande et forte, d'une belle 
constitution. 

15 Avril 1864. — Malaises et douleurs rares depuis la veille. Commencement 
du travail à cinq heures du matin. Dilatation régulière, lente, sans obstacle, 
complète vers dix heures du soir. Position occipito-iliaque droite postérieure. 

A dix heures, rupture de la poche des eaux avec l'ongle. Il ne s'écoule pas un 
demi-verre de liquide. 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 493 


Le travail continue, lent d'abord, très rapide ensuite. Une forte douleur dégage 
la tête. A la suivante, le fœtus est littéralement craché. 

Puis, absence de douleurs pour expulser le placenta. Hémorrhagie médiocre. 
Faradisation sacro-hypogastrique (3 minutes); arrêt de l'hémorrhagie. 

Trois heures et demie après l'expulsion du fœtus, douleurs expulsives intenses 
et sortie d'un placenta énorme. Métrorrhagie extrêmement abondante. Cinq 
minutes de faradisation sacro-utérine, en employant comme excitateur utérin une 
olive rectale : arrêt complet et définitif de l'hémorrhagie. 


Dans le numéro du 20 Septembre 1874 de la Gazette cbstétricale, 
se trouve une observation de Me Junck, dans laquelle la faradisation 
sacro-utérine fut appliquée avec un succès presque aussi prompt dans un 
cas où la délivrance artificielle, les frictions, le seigle ergoté, l’eau froide 
et la compression de l'aorte étaient restés sans effet. Je ne doute pas 
qu'en présence d'un cas pareil, les témoins de ce fait ne commencent 
dorénavant par où Me Junck a si bien fini. | 

Dans les hémorrhagies légères, et lorsque la faradisation est employée 
comme agent de rétraction utérine, en vue de prévenir l'hémorrhagie, je 
place l’excitateur positif sur la région lombaire, et le négatif immédia- 
tement au-dessus du pubis. Dans les hémorrhagies graves, laissant 
toujours le bouton positif sur les lombes, j'emploie comme excitateur 
négatif une forte olive engagée dans l'utérus même. Séance de trois 
minutes; de cinq au plus. 

La faradisation utérine pratiquée immédiatement après l'accouchement 
offre encore un avantage qu'on ne saurait trop apprécier : celui d'amoin- 
drir les éventualités d'infection puerpérale. 

J. Guérin avait, dès 1878 (1), recommandé l'usage du seigle ergoté 
après l'accouchement, non pas seulement comme hémostatique, mais 
comme capable, en favorisant le retrait de l'utérus, de diminuer les 
chances d'infection puerpérale. C'est là une indication dont la valeur est 
difficile à vérifier, comme il arrive nécessairement pour les choses de la 
prophylaxie. A défaut de preuves absolument concluantes, on pourrait 
cependant arriver ici à se faire, à l'endroit du retrait provoqué de 
l'utérus pour conjurer les complications ultérieures, une opinion fondée 
sur de grandes probabilités. M'étant attaché à remplir les mêmes 
indications par la faradisation. j'écrivais à ce sujet (2) : e Depuis dix ans, 
je n'ai pas fait un accouchement sans le terminer par une séance ou 
deux de faradisation sacro-sus-pubienne, ou mème sacro-utérine, afin 
d'écarter les chances d'hémorrhagie, Je me suis demandé si, en même 


(1 Acad. de Médecine de Paris. 
(2) Lésions de forme et de situation de l'utérus, 1871. 


494 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


temps, on n’atténuait pas les chances d'infection puerpérale en modifiant 
les conditions physiques qui peuvent la favoriser. De ce qu'aucun 
accident de ce genre ne m'est arrivé, je n'irai pas conclure à l'efficacité 
prophylactique du moyen; mais c'est une question qu'il serait très 
intéressant et très facile de résoudre dans les cliniques obstétricales, où 
le grand nombre des sujets donnerait à une expérimentation parallèle la 
valeur d'épreuves comparatives. » 

En dehors des craintes de puerpéralité, n'est-il pas enfin avantageux 
d’abréger la convalescence des accouchées ? 

Les malades qui ont été faradisées aussitôt après la délivrance 
peuvent, surtout si l’on répète l'opération deux ou trois jours de suite, 
se lever facilement le troisième jour, et sortir dès le quatrième, alors 
même que le travail a été laborieux. 

Ce résultat, qui paraîtra tout d'abord médiocrement enviable aux 
gens de loisir, a à mes yeux une grande importance en ce qu'il diminue 
les chances de déviations consécutives, notamment de rétroversions et de 
rétroflexions. C’est une opinion accréditée par les médecins que les 
grossesses guérissent les déviations. Vraisemblable en théorie, cette 
défaite, qu'on emploie vis-à-vis de presque toutes les femmes non 
gravides, reste dans la pratique une mauvaise plaisanterie. Il est infini- 
ment rare qu'une grossesse corrige ou même atténue une déviation, 
qu'elle opère le redressement d’une flexion. Cela deviendrait, au 
contraire, assez commun si l'on prenait le soin d'activer, en le dirigeant, 
le retrait, de l'utérus, alors que l'organe est encore volumineux et 
flasque. 

N'existât-il pas antérieurement de déviation, on éviterait ainsi celles 
qui se produisent par le retrait trop lent d'un organe mou, s’'effectuant 
pendant un décubitus dorsal trop prolongé La longueur exagérée des 
convalescences me parait devoir être regardée comme la cause principale 
de ces rétroversions et rétroflexions qui, relativement si rares chez les 
nullipares, sont communes chez les femmes qui ont eu des enfants. 


L’électricité et le choléra. 


Par M. A. TRIPIER. 


Peut-être les théories microbiennes, qui tendent à faire procéder 
toutes les maladies à type défini de l’ensemencement de l'organisme par 
des germes d'origine extérieure, sont-elles à la veille de compter un 
nouveau fait à leur actif. L'occasion me paraît bonne de réagir contre 
leur exclusivisme. Alors même qu’une découverte ouvre quelques 
horizons nouveaux, elle ne fait pas nécessairement pour cela table rase 
du passé. Toute difficulté ne serait pas tranchée par la constatation d'uno 
germination dont les conditions resteraient à déterminer ; c’est à l'obser- 
vation clinique qu’il appartient encore de nous fournir les données dont 
auront à profiter la prophylaxie et la thérapeutique, et de poser les 
questions que fait prévoir le titre de cet article. 

On a souvent et justement reproché à la plupart de nos livres clas- 
siques le désordre dogmatique qu'ils présentent dans l’énumération des 
causes des maladies : la facilité, par exemple, avec laquelle le « refroi- 
dissement brusque » y conduit à tout. Ce n’est pas au moment où la 
considération du coefficient individuel tend à prendre une place de plus 
en plus large dans les spéculations nosologiques, qu’il faudrait revenir à 
une simplicité d’étiologie qui a été critiquée avec raison. Je suis loin de 
prétendre que les savants auxquels nous devons de si intéressantes 
recherches à l'endroit des causes spécifiques aient la prétention d'y tout 
ramener ; mais ils s'adressent à un public dans lequel on le fait trop 
souvent pour eux; et c’est à ce public qu’il faut rappeler que, pour 
constituer un état morbide, le concours de plusieurs conditions est 
indispensable ; que, quelque spécifique qu'elle soit, la cause unique est 
une cause nulle. L'étiologie du choléra me parait être aujourd'hui la 
plus intéressante à examiner à ce point de vue en ce que, mieux peut-être 
qu'aucune autre, elle nous montre quelque chose de plus qu'une cause 
spécifique évoluant sur un terrain favorable, en ce que l'influence de 
certaines conditions générales de milieu y semble plus saisissable. Et 
c'est en raison du rôle que joue l'électricité dans ces conditions cosmiques, 
que je viens examiner la question dans ce journal. 

Le mécanisme des empoisonnements par matières vivantes capables 


496 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de se reproduire dans l'organisme a été expliqué de plusieurs façons, 
sans qu'il soit permis aujourd’hui d'en repousser une au nom d’une autre. 

Pour M. Pasteur, la pullulation des microbes serait la conséquence 
de l'introduction de germes venus du dehors. Pour M. Béchamp, le 
microbe pourrait procéder d’un mode particulier d'évolution de granu- 
lations moléculaires vivantes qu'il a appelées microzymas, granulations 
qui existeraient dans tous les protoplasmas, et dont les évolutions 
vicieuses pourraient reconnaitre des causes indépendantes de toute intro- 
duction de levain d'origine extérieure. | 

Tout autre est le cas d’une catégorie de poisons organiques d’origine 
interne dont la genèse a été récemment signalée par M. Bouchard. Il 
s’agit d'alcaloïdes toxiques formés chimiquement dans les voies diges- 
tives, poisons tout à fait différents des précédents en ce qu'ils ne sont ni 
vivants ni capables de pullulation, poisons qui n'agiraient qu’en vertu de 
leur masse, mais dont la genèse est à retenir en raison des causes 
d'erreur que leur existence pourrait introduire dans l'interprétation de 
quelques observations, et des complications qu'elle peut amener dans 
l'étiologie. 

Dans le cas qui nous occupe, l'ensemencement par germes d'origine 
extérieurs doit paraitre très probable ; — admettons-le d'après des vues 
théoriques procédant par exclusion, bien que l'observation directe soit 
encore muette à cet endroit, et que de bons esprits aient pu nier germe et 
contagion. Une première conclusion à tirer des divergences doctrinales 
est que si la contagiosité existe, — ce à quoi nous ne prétendons pas 
contredire, — ses conditions sont assez complexes pour n'être que rare- 
ment réunies, et, par suite, efficaces. 

La pénétration effectuée par des voies sur lesquelles les contagion- 
nistes les plus convaincus ne sont pas encore d'accord, le sujet chez 
lequel elle a eu lieu n’est pas malade pour cela. Il doit, pour le devenir, 
offrir au germe un terrain de culture favorable. Or, il s’en faut que cette 
condition soit toujours réalisée. L'organisme humain peut se trouver 
réfractaire d'emblée; il peut le devenir par ce qu'on a appelé‘ autrefois 
l’accouturnance et que l'on explique maintenant par une atténuation de 
la virulence des germes dans un organisme qui serait soumis à des 
intoxications progressives Ainsi s’expliquerait l'extinction des épidémies, 
diflicile à comprendre si tout devait se réduire à une question de germe 
et de terrain organisé, sans l'intervention de quelques conditions de cet 
ordre. 

Ici apparait un autre facteur, dont l'influence n'est, nulle part peut- 
être, aussi nettement appréciable que dans le choléra : le milieu cosmique. 
Il ne suflit pas que les germes existent; il ne suffit pas qu'ils rencontrent 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 497 


un terrain de culture qui serait favorable ailleurs : il faut que certaines 
conditons de constitution tellurique soient remplies, qui permettent la 
vie des germes ou leur ensemencement; il faut encore le concours de 
certaines conditions atmosphériques. 

L'étude du rôle que l'électricité peut être appelée à jouer dans les 
différentes périodes du choléra me conduira à examiner la maladie dans 
ses diverses phases, et à sortir parfois un peu de mon sujet; mais mon 
but, ici, est surtout d'insister sur le rôle et l'importance de ces conditions 
athmo-telluriques qui font qu'un pays ou une saison sont favorables ou 
défavorables à l'apparition ou à l'extinction de l'épidémie. 

Qu'elle est, d'abord, la part du sol? — Ici, les recherches systéma- 
tiques font défaut; mais nombre d'observations de détail peuvent déjà 
fournir un plan à ces recherches et faire pressentir quelques conclusions 
partielles. 

Des médecins anglais observant dans l'Inde avaient déjà conclu à 
l'immunité pour les régions granitiques. Le fait s'est trouvé confirmé 
chez nous, notamment pour le Morvan et le Limousin. 

L'immunité dont a joui le territoire de Lille, où l’on bâtit des 
maisons de briques en faisant cuire sur place la terre fournie par le 
creusement des caves, témoignerait en faveur de l'argile. Fontainebleau 
plaiderait pour le grès. 

En procédant ainsi par exclusion, on arriverait, si ces observations 
devaient se généraliser, — et les statistiques aidées de bonnes cartes 
géologiques suffiraient à l’établir, — à circonscrire le choléra dans les 
régions d'alluvion et de calcaire. 

Entre le sol et l'atmosphère, nous trouvons la population. 

Avant d'y envisager l'individu, voyons les masses. Une question 
importante, plus difficile à résoudre qu'on ne parait l'’admettre, s'est 
posée à leur endroit : celle de l'encombrement. On a toujours considéré 
l'encombrement comme une condition d'extension des épidémies cholé- 
riques. Je ne voudrais pas, en l'absence de documents probants, me 
prononcer sur ce point; mais il me semble que la question est double, 
et pourrait bien comporter des conclusions contraires. 

L'’encombrement est le plus souvent une cause de malpropreté ; à ce 
titre il constitue une condition d’extension de toute épidémie, d'aggra- 
vation de toute maladie. Mais il en serait peut-être autrement de la 
densité de la population très soucieuse de propreté. La densité d'une 
population semble la garantir contre les endémies paludéennes ; ne 
pourrait-il en être de même à l'endroit du choléra? Il m’a semblé, 
d'après des impressions peut-être trop sommaires, que la mortalité 
relative était moindre dans les villes que dans les campagnes; mais ici 


498 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


intervient une autre condition : l’assolement artificiel des villes. Si 
Paris est devenu l’un des centres les moins éprouvés par les épidémies 
cholériques, cela ne tiendrait-il pas à ce que la canalisation du gaz, avec 
les infiltrations hydrocarbonées qui en sont inséparables, a substitué en 
quelque sorte un substratum antiseptique à la couche calcaire ? 

Du côté de l'atmosphère, nous avons à tenir compte de conditions 
de divers ordres. 

On a agité la question de savoir si la contagion, lorsqu'elle avait 
lieu, se faisait par l'air respiré ou par les eaux ingérées. C'est quand on 
démontrera le fait même de la contagion qu'on décidera entre ces deux 
opinions, qui toutes deux comptent des partisans exclusifs, et ne sont 
pas pour cela contradictoires. 

Suivant les uns, la sécheresse ferait rapidement périr ces germes 
qu'on n’a pas vus, — par où l'on a expliqué l'extinction des épidémies 
dans les caravanes à long parcours et la lenteur de progression des 
épidémies efficaces. Suivant d'autres, une humidité suffisante et suffi- 
samment prolongée serait la meilleure condition de destruction des 
germes. 

Les épidémies ne cessent pas nécessairement dans les saisons froides / 
— on y en a vu débuter; — mais elles y font moins de ravages. L’abais- 
sement de température gêne-t-il la reproduction de l'agent infectieux, ou 
le détruit-1] une fois élaboré ? 

Ce sont là des questicus oiseuses jusqu'au jour où, tenant dans le 
laboratoire le corps du délit, on pourra les résoudre expérimentale- 
ment. 

Nous arrivons au rôle de l'électricité. 

Restant dans le domaine de l'observation clinique, ón voit, au cours 
des épidémies cholériques, la morbidité et la léthalité augmenter par les 
temps secs et chauds, ou par les vents d'est, et diminuer par les pluies 
ou après les orages Le lendemain d'un violent orage, une détente 
sensible s'observe très nettement chez les malades réunis dans une salle 
d'hôpital, en mêmetemps que le nombre des entrées diminue. On pourrait 
objecter que toutes les maladies aiguës bénéficient de cette détente. 
Mais ce n'est que dans le cas de choléra qu'elle s’accuse aussi marquée, 
et que, d'autre part, les orages montrent autant de difficulté à se préparer, 
les nuages à se résoudre en pluie. Un officier, atteint du choléra et 
abandonné dans une marche, racontait dernièrement avoir dû sa guérison 
à un violent orage auquel il était exposé. Ce cas m'en a rappelé un 
autre, dont je regrette d'avoir oublié la source : celui d'un cholérique 
rapidement guéri par la fulguration de la maison où il gisait. 

Serrant de plus près la question météorologique, nous rappellerons 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 499 


les observations de Bérigny sur la présence de l’ozone dans l’atmos- 
phère ; il en disparait pendant les épidémies de choléra. 

Enfin les expériences de M. d'Arsonval, ralentissant les fermentations 
en plaçant les tubes où elles ont commencé entre les branches d’un 
électro-aimant, sont topiques pour montrer l'influence du milieu élec- 
trique sur un phénomène que nous savons maintenant consister en une 
multiplication d'organismes vivants dans un terrain convenablement 
choisi. N’a-t-on pas déjà, d’autre part, signalé la rapide putréfaction 
qui suit la mort par fulguration ? Contrastant avec elle, on n’a que trop 
d'occasions de noter la bonne conservation des cadavres cholériques. 

Rapprochant ces faits de l’observation des immunités créées par 
certains assolements, on est déjà bien tenté de voir dans le choléra une 
maladie surtout météorologique. 

M. J. Guérin a apporté un argument clinique à cette thèse, en faisant 
remarquer que la diarrhée prémonitoire ne constituait pas seulement un 
accident propre aux sujets qu’on pourrait prétendre déjà en possession 
de la maladie; mais qu'elle existait comme condition très générale 
pendant un certain temps avant l'apparition de l'épidémie. Il semble 
difficile d'expliquer par la contagion un phénomène à la fois très général 
et très bénin, qui s'explique fort bien, au contraire, par l'existence de 
conditions athmo-telluriques qui, sans aller peut-être jusqu'à créer 
l'épidémie, préparent au moins le milieu dans lequel elle pourra se 
développer. | 

Pour juger de la valeur de ces conditions, il faudrait pouvoir produire 
expérimentalement le choléra nostras, — non épidémique et non conta- 
gieux, — puis rechercher si quelque mode de culture ou quelque 
opération sur le milieu ne pourrait le rendre contagieux. A défaut de 
germes de microbes, n'est-il pas d'artifice qui permettrait de vicier dans 
ce sens l'évolution des microzymas ? 

Des expériences de cette nature supposent les animaux accessibles 
au choléra. Cela a été nié. Je suis pourtant aussi sûr qu'on peut l'être 
cliniquement que c’est du choléra qu'est mort un chien havane que j'ai 
observé dans l'épidémie de 1854. On n'aurait cependant réussi à 
cholériser les animaux ni par les inoculations, ni par la voie stomacale, 
ni par les injections veineuses ? Cela pourrait prouver deux choses : ou 
qu'ils sont réfractaires, comme on l’a admis, ou que les matières 
inoculées n'étaient pas infectieuses, ce qui restreindrait au moins le 
domaine de la contagion possible. 

Il serait curieux de voir si l’on ne pourrait cholériser l'animal réfrac- 
taire en le désélectrisant. Mais comment ? Quelles conditions de l'expé- 
rience pourraient rappeler le concours, qui paraît nécessaire, du 
substratum calcaire ? 


500 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


Bien que le plan de ces expériences me préoccupe depuis bientôt 
vingt ans, j'avoue n'avoir encore aucune idée de la façon dont il les 
faudrait engager. 

Les précautions que commande toute épidémie sont de deux ordres: 
écarter les éventualités d’une contagion, qui encore une fois n’est pas ici 
démontrée, mais qu’on doit regarder au moins provisoirement comme 
admissible ; offrir à ces éventualités le moins de surface possible. On me 
permettra d'examiner brièvement ce que peuvent, vis-à-vis du choléra, 
être ces précautions. 

Je laisse de côté l'émigration, à laquelle on ne devrait se décider que 
pour gagner une région indemne : c’est un calcul qu'on ne prend pas 
toujours le temps de faire. Quitter la ville pour la campagne voisine se 
voit beaucoup plus, et n’est pas toujours adroit. 

Les idées qu'on s'est faites aux diverses époques relativement au mode 
de la contagion, ont conduit à des précautions dont la nature générale a 
peu changé. C'est dans l'atmosphère et dans les excrétions des malades 
qu'on a cherché à détruire le + miasme, » aujourd’hui les microbes ou 
leurs germes, — par le feu, puis des réatifs chimiques volatils ou fixes, 
choisis d'abord parmi les oxydants énergiques, puis parmi les corps 
connus pour arrêter les fermentations : hydrogènes carbonés en général, 
huiles volatiles et fixes, camphres, certains alcools, parmi lesquels l’acide 
phénique tiendrait le premier rang. Depuis que le « miasme » passe pour 
avoir pris un Corps, on a ajouté à ces moyens des désinfectants par 
coagulation et précipitation : les sels de fer, de cuivre, de zinc. 

Ces derniers sont appliqués aux déjections, dans lesquelles on pense 
que résiderait surtout l'agent infectieux. On n’a pas renoncé pour cela 
à le poursuivre dans le milieu atmosphérique, à l'aide des carbures 
volatils et des émanations chlorées. C'est de ces dernières que doit être 
rapproché le dégagement d'oxygène ozonisé. 

On veillera donc, en temps d’'épidémie quelconque, à la propreté de 
l'habitation, à son aération par l'ouverture des fenêtres et par l'entretien 
de foyers de combustion dans les cheminées, En temps d'épidémie 
cholérique ou d'épidémie typhoïde. des soins spéciaux devront être 
donnés aux cabinets d'aisance : toutes les déjections y seront traitées 
par des sulfates ou des chlorures métalliques. 

Il n’est pas démontré que la désinfection de l'air soit superflue. Des 
émanations de chlore, des goudrons et leur dérivés trouvent ici leur 
emploi. Parmi les émanations hydrocarbonées je donnerai la préférence, 
là où l'on n’en sera pas incommodé, à l'essence de térébentine évaporée 
au soleil dans une soucoupe ; c'est en même temps une source d'ozone. 
En vue d’une autre affection — de la phtisie — je fais installer dans les 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 501 


chambres des malades des capsules dun décimètre carré environ de 
surface d’évaporation, remplies de sable fin, qu'on arrose de loin en loin 
avec un mélange à parties égales d'essence de térébenthine et de 
teinture d'eucalyptus ; des préparations analogues seraient indiquées ici. 

Enfin on devrait, au moins dans les salles d’hôpitaux spéciaux, essayer 
l'installation de machines électrostatiques, auxquelles on ferait donner 
de fréquentes décharges: c'est encore le moyen le plus simple de faire 
apparaître l'ozone dans une atmosphère limitée. Ces machines y pourraient 
servir encore à donner aux malades le bain électrostatique des auteurs 
du siècle dernier, puissant modificateur général dont j'attendrais à priori 
de très bons effets. 


On n’est pas toujours maitre d'éviter une contagion dont les voies 
sont encore mal connues, mais il est toujours possible de se gouverner 
de façon à réduire la surface qu'on pourrait lui offrir. 

C'est un personnage d'Henri Monnier qui, ayant à faire une allocu- 
tion à deux jeunes mariés, est pris d'émotion, manque de mémoire ou 
d'inspiration et ne trouve que ceci à leur dire : « Soyez heureux, c'est là 
le vrai bonheur. « Cet épithalame me revient en mémoire toutes les fois 
que j'ai des conseils hygiéniques à donner à un malade: « Portez-vous 
bien, suis-je tenté de lui dire pour me résumer; c'est la première 
condition de la santé. » 

Si c’est un devoir de tous les temps d'être le mieux portant qu'on peut, 
ce devoir s'impose impérieusement en temps d'épidémie. Il y a d'autant 
plus lieu d’y insister qu'on l'oublie plus généralement. Les médecins 
savent trop que le jour où les soucis sanitaires portent sur des maladies 
aiguës, on cesse de soigner les maladies chroniques, — qui ressemblent 
si peu à celle qu'on redoute, et qui peuvent attendre. Or, les valétudi- 
paires à un titre quelconque offrent moins de résistance aux causes 
offensives, quelles que soient d'ailleurs celles-ci, d’où la nécessité de 
redoubler de soins vis à vis de leur affection habituelle. 

Il est cependant une catégorie de maladies dont on prend souci 
durant les épidémies cholériques : celles qui intéressent l'appareil digestif. 
Il est de cela deux raisons: la première, que les symptômes les plus 
frappants du choléra intéressent cet appareil ; la seconde, que les troubles 
digestifs sont ceux qui ont le plus d'influence sur l'assiette morale du 
sujet qui les présente. 

C'est chez les dyspeptiques que se rencontre au plus haut degré 
la peur, à laquelle on a fait jouer un grand rôle comme cause prédis- 
posante. Il semble que, mal disposés du côté de l'appareil qui semble 
le plus menacé, et déprimés moralement, ils soient les premières 
victimes désignées à la maladie. Or, il est loin d'en être ainsi. Chomel, 


502 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


le médecin de Paris qui voyait le plus de dyspeptiques, insistait dans 
ses leçons cliniques sur ce qu'il n’en avait jamais perdu dans les épidémies 
cholériques, et il attribuait celte immunité apparente à ce que les 
dyspeptiques sont, de tous les valétudinaires, ceux qui se surveillent et 
qui se soignent le mieux, à moins qu'ils ne pêchent par ces excès de 
zèle que leur médecin habituel a qualité pour réprimer. 
On surveillera donc tout spécialement les fonctions digestives. On 
tiendra l'intestin aussi libre que possible en se présentant, à la garde-robe 
deux fois au moins par jour; si l’on n’obtenait pas une selle spontanée 
tous les jours, il faudrait la provoquer à l’aide d'un lavement huileux, 
ou bien en prenant chaque matin, à jeun, une cuillerée d'huile d'olive, 
qui agit à la fois comme laxatif et comme antiseptique. On mangera 
lentement, et on ne boira qu'à petits coups, surtout les boissons froides. 
On laissera un intervalle de huit heures au moins entre les deux repas, 
qui suffisent. On s’abstiendra sévèrement des alcools qui passent, même 
chez les médecins, pour activer la digestion, alors qu'il a été démontré 
expérimentalement par Claude Bernard qu'ils l’arrêtent au contraire de 
la façon la plus nette. Les fruits et les crudités ne présentent, s'ils ont 
été bien lavés, pas plus d'’inconvénients que des boissons froides prises 
souvent mal à propos ou des aliments un peu indigestes. 

Si les maladies chroniques constituent une prédisposition en tant que 
causes générales de débilitation, il en est de même des conditions 
accidentelles qui tendent au même résultat. Parmi celles-ci, le surmenage 
tient peut-être le premier rang. On évitera donc, autant qu’on le pourra, 
les grandes fatigues. On évitera de même les médicaments dont l'action 
est équivalente : le café, le thé. Si la soif est vive ou fréquente, et 
qu'on veuille l'apaiser par quelque boisson aromatique, on aura recours 
à la limonade citrique ou aux infusions de coca ou de maté. 

Parmi les causes accidentelles de maladies quelconques, les refroi- 
dissements tiennent une large place. On les évitera donc, en même temps 
qu'on donnera des soins à la toilette de la peau, et qu'on changera le 
plus souvent possible de linge de corps. 

En somme, on n’a rien à changer à ses habitudes si elles sont 
tempérées, si l’on est proprement logé, convenablement vêtu, si l'on 
n'est pas surmené, si l’on est sobre. 


L'électricité n’a eu à jouer jusqu'ici qu'un faible rôle dans les choses 
de la prophylaxie : nous ne sommes pas encore en situation de créer 
une météorologie artificielle. Elle va nous rendre des services importants 
et répondre à des indications bien définies sur le terrain de la thérapeu- 
tique. Voyons-la d’abord dans la période prodromique, 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 503 


Dans l'immense majorité des cas, la maladie s'annonce, souvent 
plusieurs jours à l'avance, par de la diarrhée. On combattra celle-ci en 
buvant de temps en temps une gorgée d'un verre d'eau sucrée dans 
lequel on aura versé une dizaine de gouttes d'éther sulfurique. En même 
temps, diète relative. Le matin et avant le diner, un des lavements 
suivants : huile de camomille camphrée, 100 grammes ; jaunes d'œuf, 2; 
eau, 900 grammes ; ou bien, huile essentielle de térébenthine, 10 grammes; 
jaune d'œuf, 1; eau, 1 litre; — pour 8 pctits lavements à prendre tièdes 
et à garder au moins quelques minutes. A 

Il y aurait lieu d'essayer comparativement de combattre cette diarrhée 
prodromique par la faradisation abdominale, pratiquée, soit en faisant 
agir chacun des pôles sur l'une des fosses iliaques, soit en engageant 
l'excitateur négatif dans le rectum et faisant agir largement le positif sur 
la paroi abdominale. 

Si, en même temps qu'il existe de la diarrhée, l'estomac était embar- 
rassé, on prendrait le matin, au réveil, une demi-heure au moins avant 
le lever, une cuillerée à café du mélange suivant : sirop d'ipécacuanha 
et sirop de framboises, de chaque 25 grammes. A répéter les jours sui- 
vants, jusqu'à épuisement de la dose. 

Si l'embarras gastrique existait sans que la langue accusàt aucun état 
saburral, on remplacerait la prescription précédente par la voltaïsation 
continue ascendante du nerf pneumogastrique droit : tampon positif à 
l'épigastre, négatif à la partie inférieure et un peu latérale droite du cou, 
où le tronc du nerf est le plus accessible. 

Contre la prostration, quelquefois grande : voltaisation continue 
ascendante de la moelle épinière. Séance de 3 à 5 minutes, par courants 
de 10 à 15 milliampères. 

On a préconisé l'ingestion du cuivre ou de ses sels comme agent 
préventif et comme médication utile à cette période. Je signale ici ce 
moyen parce que son action a été attribuée à des effets électriques, mais 
sans y insister, car l'explication donnée est toute gratuite, et la réalité 
des faits dont on prétendait donner la théorie a été elle-mème fort contes- 
tée. C'est une question à remettre à l'étude. 

La maladie confirmée offre à observer deux phases bien distinctes 
dites la période algide et la période de réaction. 

La période algide est caractérisée par l'accroissement de la diarrhée, 
par des vomissements, par des crampes, par le refroidissement de la 
peau et par une soif vive. 

Les moyens recommandés dans la période prodromique sont à conti- 
nuer au début de la maladie confirmée ; on y donnera seulement plus 
souvent les lavements oléo-camphrés ou térébenthinés. En mème temps, 
on enduira largement l'abdomen d'huile camphrée. 


504 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Il est d'usage, dans cette période, de recourir aux préparations 
d’opium. Je suis d'avis de s’en abstenir : elles n’y sont qu’exceptionnelle- 
ment d’une utilité actuelle appréciable, tandis qu’elles ajoutent considé- 
rablement aux difficultés et aux dangers de la période de réaction. 

L'usage des boissons alcooliques n'est pas moins funeste : 
insignifiantes comme antiseptiques, arrivant d'ailleurs trop tard pour 
répondre à ce semblant d'indication causale, elles ont le défaut de 
stupéfier l'appareil nerveux des voies digestives et d’y tarir les sécrétions 
qu'il faudrait au contraire pouvoir activer. Malgré son analogie de 
composition avec l'alcool, l'éther a des propriétés physiologiques tout 
opposées ; aussi pourra-t-il être utile, mais il convient de le donner en 
très petites quantités : par gouttes, dans un véhicule aqueux. 

Contre les crampes, qui sont le symptôme le plus pénible de cette 
période, on usera d'applications métalliques extérieures : une ceinture de 
laiton au niveau de l’épigastre, des jarretières de laiton aux mollets, sont 
les formes les plus commodes à leur donner. Quel que soit le métal 
employé, il doit être bien décapé et surtout bien dégraissé, en le frottant 
avec un tampon d'ouate imbibé d'éther. 

Ici encore on se trouvera bien de la voltaïsation continue ascendante 
du nerf pneumogastrique droit. Cette opération est utile contre les vomisse- 
ments et contre les crampes; peut-être, indirectement, contre la diarrhée. 

Une soif vive tourmente les malades, soif qu'on apaise tantôt par des 
boissons glacées, tantôt par des boissons chaudes. Je ne saurais dire 
lequel des deux vaut le mieux ; quant aux raisons données à l'appui de 
l’une et de l’autre manière de faire, elles laissent toutes à désirer. Si 
l'on donne la préférence aux boissons froides, on les administrera en 
quantité d'autant plus petite, chaque fois, que leur température sera plus 
basse. Le choix du liquide est moins indifférent ; les boissons alcooliques 
doivent être absolument proscrites ; je ne suis guère plus partisan des 
jnfusions de café et de thé, qui ne donnent un coup de fouet momentané 
que pour laisser ensuite une prostration qui ajoute au danger. A ces 
infusions je préférerais celle du maté, dont l’ingestion n'entraine pas de 
débilitation consécutive et qui, d'après les expériences de MM. d’'Arsonval 
et Couty, a le mérite de s'opposer dans une mesure très appréciable à la 
désoxygénation du sang La limonade citrique est souvent désirée ; elle 
constitue encore une bonne boisson. 

Ce que je viens de rappeler de la propriété du maté, d'empêcher le 
sang artériel de se désoxygéner en devenant veineux autant qu'il le fait 
à l'état normal, m'amêne à signaler une tentative qui vise un résultat 
équivalent : les inhalations d'oxygène. Cette pratique est encore trop 
récente pour permettre d'émettre une opinion à son endroit, mais elle 
est rationnelle, et ses résultats méritent d'être observés avec soin. 


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Une pratique usuelle, que je crois condamnable, est celle de tour- 
menter les malades, sous prétexte de les réchauffer, par des frictions qui 
ont surtout pour effet de les épuiser davantage. Je crois qu'on diminue 
ainsi leurs chances de réaction, et proposerais, s'il y avait lieu de leur 
restituer une chaleur dont ils ne sentent d'ailleurs pas le besoin, de le 
faire par le courant d'air chaud d'une petite lampe à huile conduit sous 
les draps par un tuyau coudé de tôle, Si les frictions ont pour but moins 
de réchauffer directement que d'activer la circulation, elles seraient très 
avantageusement remplacées par de très longues séances de faradisation 
généralisée, par le bain faradique notamment. 

Si Ja température ambiante le permet, il sera bon de faire du feu 
dans la chambre du malade, en laissant au besoin sa fenètre ouverte. 

Les fumigations oléo-résineuses, l'évaporation de térébenthine notam- 
ment, peuvent être continuées dans Ja chambre du malade ; mais on devra 
les suspendre dès que la chaleur reparaitra et que s’annoncera la réaction. 

Dans la période de réaction, période semi-fébrile, le repos devient 
l'indication dominante. Si l'état saburral persistait ou reparaissait, on 
reviendrait aux préparations d'ipéca-cuanha. Ce n'est qu'exceptionnel- 
lement encore qu'il y aura lieu de continuer les applications métalliques. 
Quant aux boissons, moins désirées, on pourra en diminuer la quantité 
et les rendre de plus en plus nutritives. 

Les dangers sont alors du côté des appareils circulatoires de la tète 
et de la poitrine. Contre ces menaces de congestion ou de stase, on 
donnera chaque demi-heure d'abord, chaque heure ensuite, une cuillerée 
d'une potion contenant 1 gramme pour 100 d'éthérolé de digitale. 

Ici, enfin, l'électricité sera d'un grand secours pour dégager la tète 
et la poitrine en déterminant, par la faradisation recto-épigastrique, une 
forte dérivation abdominale, après laquelle on aura recours à la voltai- 
sation ascendante de la moelle épinière en vue de reposer et de restaurer 
les centres nerveux. 


Je viens de m'étendre un peu longuement sur une maladie singulière, 
au sujet de laquelle viennent inévitablement se poser des questions de 
physique générale et de météorologie où l'électricité joue un rôle 
considérable, Le concours d'un germe infectieux et du sujet qui le recoit 
semble, dans toutes les autres maladios épidémiques, réaliser les con- 
ditions nécessaires et suflisantes de l'évolution morbide. Jci, l'intervention 
additionnelle de conditions cosmiques générales se montre indispensable 
Leur notion permet déjà d'utiles contributions à la prophylaxie et à la 
thérapeutique. Aller plus loin est affure expérimentation, d'une expé- 
rimentation lente, qu'on peut prévoir diflicile, mais qui ne saurait 
rester stérile, 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — JUILLET 1907. 35 


Voltaïsation urèthrale : 
Chimicaustie, Électrolyse, Myolèthe. 


Par M. A. TRIPIER. 


Ce n'est guère, jusqu'ici, qu'en vue des rétrécissements qu'on a songé 
à voltaiser l’urèthre, tantôt dans un but vaguement entrevu, tantôt avec 
un objectif nettement défini La question du mécanisme thérapeutique de 
cette manœuvre, traitée surtout d'après des visées confuses ou exclusives, 
me parait intéressante à reprendre aujourd’hut dans son ensemble : cet 
examen est devenu une introduction nécessaire à la poursuite des perfec- 
tionnements que comporte une pratique dont les moyens sont généralement, 
dans les publications dont elle a été l’objet, envisagé de façon à en 
obscurcir plutôt qu'à en éclairer la portée. 

De tout temps, il y a eu, chez les médecins qui se sont occupés d’élec- 
tricité, une tendance à en attendre — ou à lui attribuer — une vertu 
résolutive, sur le mécanisme de laquelle on conçoit qu'il n’ait pas toujours 
été aisé de s'expliquer S'agirait-il d’une action, directe ou réflexe, sur la 
circulation ? d'une action sur l'innervation, avec conséquences trophiques? 
d'une action immédiate sur le processus chimique nutritif ? d'une destruc- 
tion pure et simple des tissus morbides, dégagée ou compliquée d'effets 
éloignés ? On rencontre de tout cela dans les faits thérapeutiques ; mais ` 
on l'y rencontre en proportions variables, suivant les conditions opéra- 
toires et suivant les conditions morbides. Aussi a-t-il été, et est-il encore, 
difficile d'aborder l’ensemble de ce sujet sans avoir à se montrer réservé 
sur quelques-uns au moins des points de fait ou de théorie qu'il soulève. 


Le premier, je crois, qui ait voltaisé l’uréthre avec une arrrière- 
pensée curative, est Crusell, de Saint-Pétersbourg. Aujourd'hui qu'il 
semble établi que ses essais eussent pu conduire à un résultat, je crois 
devoir reproduire l'appréciation que j'en fis, en 1867, dans un mémoire, 
où, prenant la question par un autre côté, j'étais disposé à les juger peu 
favorablement : 


« Parmi cos tentatives confuses, celles de G. Crusell, de Saint-Pétersbourg, 
méritent une mention spéciale, en raison de la persévérance avec laquelle leur 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 507 


auteur les poursuivit avant d’y renoncer. De 1841 à 1848, G. Crusell adressa aux 
académies des sciences de Saint-Pétersbourg et de Paris plusieurs mémoires et 
paquets cachetës sur le traitement électrolytique de certains engorgements et 
tumeurs. La plupart de ces documents n'ont jamais vu le jour, et une sorte 
d'enquête est nécessaire pour rechercher ce qu'est devenue cette méthode entre 
les mains du premier qui s'en soit occupé avec suite. 

« En 1841, le traitement électrolytique ne tendait qu'à utiliser l'action dissol- 
vante du pôle négatif pour résoudre, sans production d'eschares, certains engor- 
gements, comme ceux qui amènent le rétrécissement de l'urètre ou le rétrécis- 
sement de la trompe d'Eustache. En 1818, une observation de fongus hématode, 
traité par l'électrolyse, fut adressée à l'Académie des Sciences et renvoyée à 
l'examen de Lallemand. Dans un autre travail, se trouvent enfin indiquées plu- 
sieurs applications de la méthode au traitement du cancer, d'ulcères de toute 
sorte, des fistules, à l'extirpation des tumeurs. 

« On serait tenté, sur les titres de ces travaux, d'attribuer à Crusell la décou- 
verte de la méthode de cautérisation fondée sur les propriétés analytiques du 
courant. En 1848, cependant, après plusieurs années d'études sur ce sujet, il en 
était encore à envoyer aux académies des plis cachetés ; l'Académie des Sciences 
de Paris en reçut trois à cette époque. Enfin, Crusell ne tarda pas à renoncer à 
cette méthode, qu'il abandonna pour s'occuper de la galvano-caustique thermique. 
[l est évident que Crusell n'a jamais entrevu que confusément les ressources de 
l'électrolyse, et que, s'il a cu quelque idée des applications chirurgicales que 
pouvait comporter cet ordre de phénomènes, il n'a eu des conditions physiques 
de sa production qu'une notion extrèmement vague. » 


Après vingt-cinq ans, je n'ai rien à retirer de cette appréciation. Si, 
cependant, j'avais à là refaire aujourd’hui, j'y voudrais plus de réserve 
dans la forme : l'état des connaissances physiques de l’époque rendait 
bien difficile la critique expérimentale d'épreuves que dirigeait d’ailleurs 
un flair chirurgical remarquable ; c’est plus tard seulement que la notion 
de la polarisation et de l'instabilité chimique qui doit en résulter s’est 
vulgarisée ; c'est à des pratiques plus récentes qu'il appartenait d'appren- 
dre à éviter les cautérisations et de poursuivre les bénéfices nutritifs 
possibles de la pola‘isation, en se mettant à l abri du traumatisme chimi- 
que. Le mémoire où j'appréciais ainsi les essais de Crusell avait pour 
objet une voltaïsation de l'urèthre où le traumatisme chimique était 
voulu ; je ne sus m'empêcher d'opposer cette action définie et prévue à 
des effets plutôt soupçonnés que démontrés, effets dont l'existence n'est 
pas eucôre établie aujourd'hui sur des preuves palpables, effets dont le 
mécanisme est inévitablement complexe, en faveur desquels le plus sérieux 
argument est encore qu'ils sont parce qu'ils ne sauraient ne pas être. 

De ces effets chimiques de la voltaïsation, que savons-nous ? 

Des cliniciens ont admis d’abord une influence résolutive de l'élec- 
trode négative, et l'épreuve thérapeutique a quelquefois paru leur 
donner raison. D’autres cliniciens — et le courant d'opinion actuel est 


de t. 
508 ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


dans ce sens — attribuent cette vertu résolutive à l'électrode positive. 
Pour décider entre les deux camps — qui pourraient avoir tous deux les 
faits de leur côté — il faudrait des épreuves comparatives que la clinique 
est bien lente à fournir quand elle n'y est pas impuissante. IEn tout cas, 
ce n'est pas dans l'urèthre que ces expériences pourraient être aujour- 
dhui tentées. 

Agissant dans l'urèthre, on s’est toujours exposé à cautériser, alors 
même qu'on ne demandait qu'à l'éviter, parce que toujours on a opéré 
avec des électrodes métalliques. S'exposant à cautériser, nous allons 
voir pourquoi l'électrode négative est seule admissible : c'est elle qui 
avait été adoptée dans les essais empiriques; celte préférence peut-ètre 
aujourd'hui justifiée; aussi l'électrode wréthrale négative est-elle ici 
seule en cause, 


Qu'il me soit permis, à ce sujet, de remonter à une trentaine d'années. 

Pendant mon externat chez P. Gnersant, à l'Hôpital des Enfants 
(1853), j'avais remarqué, à l’amphithéatre, que les cicatrices laissées 
par les ‘caustiques escharotiques” (fr rouge, safran sulfurique, acide 
azotique, potasse, pate de Vienne, etc.) offraient des caractères très 
différents suivant qu'elles succédaient à l'emploi des caustiques acides 
ou à celui des*caustiques alealins; les premières étaient dures ct 
rétractiles; les secondes, molles et pas ou peu rétractiles. 

Déjà, se fondant sur l'aspect des eschares qui succèdent aux appli- 
cations caustiques, on avait, anciennement, fait une distinction entre 
les caustiques coagulants, caustiques acides et les caustiques fluidifiants, 
caustiques alcalins. La distinction entre les eschares devait donc s'étendre 
aux cicatrices qui succèdent à la chute de ces eschares. 

Je ne vis licu de publier ces remarques qu’en 1862, dans l'Ami des 
Sciences, à l'occasion d'une appréciation de l'avenir chirurgical de la 
galvano-caustique chimique, que venait de découvrir L. Ciniselli. Elles 
furent reproduites, en 1863, dans les Annales de l'électrothérapie, et, 
en 1864, dans la Gazette médicale de Paris, à l'appui de conclusions 
tout à fait défavorables à la gal/cuno-caustique positive, acide. La véri- 
fication histologique du fait que j'avais signalé fut fournie quelques 
années plus tard : De la galrano-cuustique chimique comme moyen de 
traitement des rétrécissements de l'uréthre (thèses de Paris, 1870), 
par Campos Bautista et Palomeque. 

Dans des épreuves multipliées de chimicaustie négative, j'ai eu, 
depuis, quelques occasions de voir que les cicatrices d'origine alcaline 
peuvent elles-mêmes devenir dures et rétracliles, lorsque les plaies 
auxquelles elles succèdent ont été malmenées ou fatiguées. 11 faut donc» 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 509 


dans les conclusions précédentes, introduire, à l'endroit des compli- 
cations traumatiques, des réserves d’autant plus en situation ici, qu'en 
vue de micux faire, on a souvent « combiné » les traitements chimi- 
caustiques — ou « électrolytiques » — avec la dilatation ou l'usage des 
sondes à demeure, perdant ainsi après coup le bénéfice des résultats 
précédemment obtenus. 


Ces données ne m'avaient encore conduit à aucune conclusion pra- 
tique lorsque j'eus connaissance des travaux de Whately (1) et d'un 
mémoire de Leroy d'Etiolles (2), qui me les remirent en mémoire. Les 
succès de Whately et de Leroy étaient évidemment dus à l’alealinité du 
caustique. N'y aurait-il pas moyen d'en régler le dosage, en même 
temps qu’on en faciliterait ou perfectionnerait la distribution? d'injecter, 
par exemple, dans le point rélréci, un savon avec excès d'alcali, en vue 
de ramollir? peut-être de résoudre ? 

Pour l'essayer, je fis faire une sonde seringue, que je devais re- 
prendre vingt ans plus tard, jour faire des injections paleuses de savon 
ioduré dans la cavité utérine (3). Le premier instrument fut mal construit; 
les sujets me manquaient; la tentative resta à l'état de projet. Détourné 
de la poursuivre par l'opération dont il va être question, je n'y ai 
toutefois pas complètement renoncé. A l'aide de ma sonde utérine, j'ai, 
chez un prostatique, injecté dans la partie profonde de l'urèthre environ 
5 décigrammes du savon ioduré au dixième que j’emploie à la résolution 
des fibrômes utérins. L'injection, faite une seule fois, fut bien supportée; 
et je compte, le cas échéant, reprendre cet essai. 

Vers cette époque, les choses en étant encore aux projets mal arrétlés, 
Ciniselli tira une méthode thérapeulique des plus fécondes en applications 
d'un fait dont le mécanisme avait jusqu'alors échappé à ceux qui 
l'avaient rencontré. La galvano-caustique chimique, — que j'ai appelée 


(1) Improved method of treating strictures, London 1804, 3° édition 1816, traduit 
par Ducamp. 


(2) De la Cautérisation d'avant en arrière, de l'Électricité et du Cautère électrique 
duns le traitement des rétrécissements de l'urètre, Paris, 1852. Le cautère électrique 
dont il est question dans ce travail, où l’auteur a lâché la proie pour l’ombre, est le 
cantère galvano-thermique, instrument détestable, qu'il recommande sans le connaitre, 
apres avoir consacré la première partie de son mémoire, plein d’intérèt d’ailleurs, à 
un bon instrument destiné à populariser les cautérisations alcalines de Whately. 

(3) Une nouvelle classe de topiques intra-utérins. Traitement des fibrômes. (Gazette 
ohtétricule, 1873. Bulletin général de Thérapeutique médicale et chirurgicale, 1880, 
et Leçons cliniques sur les maladies des femmes, 1883.) 


510 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


depuis Chimicaustie voltaïque, pour mettre fin à des méprises trop fré- 
quentes, — permettait de circonscrire et de doser à volonté, dans les 
points les plus difficilement accessibles, des cautérisations, soit acides, 
soit alcalines. Les difficultés qui m'avaient arrêté étaient tournées le 
plus heureusement du monde; l'opération de Whately pouvait désormais 
s'exécuter dans des conditions de sécurité qu'on navait pu espérer. 
Aussi, commentant la traduction dans laquelle je fis connaitre ici la 
découverte de Ciniselli, passée inaperçue à la Sociéte de Chirurgie, qui 
en avait eu communication deux ans auparavant :1), ajoutais-Jje : 


« Dans la pratique, l’opportunité de demander à cette méthode un moyen de 
produire des eschares dépendra de deux circonstances : 1° de leur production 
plus ou moins facile; 2° de la supériorité ou de l'infériorité que présente, dans 
chaque cas particulier, le procédé galvanique (voltaique) sur les procédés 
employés antérieurement. 

« Or, je pense que la cautérisation galvanique (voltaique) positive ne doit être 
mise en usage que très rarement, si même elle ne doit pas être complètement 
rejetée. 

« En effet, la galvano-caustique chimique positive, qui serait destinée à rem- 
placer les caustiques potentiels acides et le cautére actuel, est-elle d'une appli- 
cation plus facile et moins douloureuse ? Non, assurément. Dans les cas où l'on 
peut employer les acides ou le fer rouge, elle leur est évidemment inférieure, 
tant au point de vue de la douleur qu'à celui de la commodité. 

« Restent les cas où l’on devraitla substituer à la galvano-caustique thermique. 
Si l’on ne peut nier qu'elle soit plus douloureuse, on doit reconnaître qu'elle 
est d’un maniement infiniment plus facile. » 


Ce champ d’action, déjà très restreint, a, depuis, été bien réduit 
encore par le theimo-cautère de Paquelin. 


« Les observations rapportées par M. Ciniselli, observations dont on a vu plus 
haut le résumé, ne sont pas de nature à modifier ma manière de voir. Dans les 
observations Il et II (e), la galvano-caustique thermique eût été préférable, en 
tant que moyen de cautérisation, au procédé employé. Dans le cas qui fait le 
sujet de l'observation I (3), on eùt pu recourir à toute autro méthode. Enfin 
rien n’établit que, dans ces trois cas, la cautérisation positive dût être préférée 
à la cautérisation négative. 

« Les observations V et VI (4) sont intéressantes comme reproduction sur le 


(1) Luigi Ciniselli. Lettre à la Société de Chirurgie de Paris (septembre 1860), et 
Dell'asione chimica dell electtrico sopra i tessuti organici viventi, e delle sue appli- 
cazioni alla terapeutica (Cremona, 1862). 

(2) Tumeurs érectiles de la face. 

(3) Tumeur cutanée, dure. 

(4) Tumeur blanche du genou. Ankylose du genou. 


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vivant des phénomènes notés sur le cadavre ; mais, dans les cas analogues, on 
préfèrera toujours recourir à la pâte de Vienne ou à la potasse. 

« Reste l'observation IV a). C'est, à mes yeux, la seule qui milite en faveur 
de la galvano-caustique chimique. » 


« J'ai employé la galvano-caustique chimique négative avec de très bons 
résultats pour cautériser le canal de l'utérus dans des cas où il était ulcéré, et 
dans un cas où il était indiqué de rétablir, en occasionnant une perte de substance, 
l'orifice inférieur de ce canal preque complètement oblitéré par les cicatrices 
de cautérisations au fer rouge. En Angleterre, on emploie, pour cautériser les 
points rétrécis de l'urêtre, un fragment de potasse enchâssé dans l'extrémité 
d'une bougie de cire, et on obtient de bons résultats ; c'est là encore un cas dans 
lequel la galvano-caustique négative pourrait être substituée avec avantage aux 
caustiques potentiels, et surtout au nitrate d'argent encore employé en France. » 
Annales de l'Electrothérapie, janvier 1863). 


L'année suivante, nous exécutämes, avec Mallez, cette opération, et 
pûmes communiquer à l'Académie des Sciences notre première observa- 
tion tout à fait satisfaisante (1). Enfin, un mémoire contenant nos 
trente et une premières observations adressé à l'Académie de Médecine, 
où il obtint un second prix d'Argenteuil, fut publié sous ce titre : De la 
guérison durable des rétrécissements de l'urèthre par la galvanoraus- 
tique chimique, 1807, 2° éd., 1870. 

L'historique qui précède me dispense d'insister sur la nature de notre 
opération : elle visait, par des moyens bien définis, à opérer une perte 
de substance: c'était une cautérisation potentielle. 


N'y fallait-il pas admettre autre chose? 

L'action caustique supposait bien une électrolyse préalable. Quelle 
était la part de celle-ci dans l’ensemble des phénomènes thérapeutiques ? 
Etait-elle importante ou négligeable? Quelle était, une fois le circuit 
voltaïque ouvert, la part de la dépolarisation ? Nous ne le recherchâmes 
pas, nous en tenant au résultat chirurgical, et nous contentant d'indiquer 
comme il suit le rôle possible des vicissitudes électrolytiques, dans 
lesquelles nous inclinions à faire une part plus importante à la dépolari- 
sation — à l’électrothèse — consécutive, qu'à l'électrolyse primitive : 


« Avec l'opération se termine le traitement ; aucune manœuvre ultérieure 
ne doit le compléter. Le cathétérisme, que nous avons toujours pratiqué immé- 
diatement après les séances de galvano-caustique, et que nous avons répèté de 


(1) Plaie fistuleuse intra-musculaire, longue de 12 centimètres. 
(2) Comptes rendus de l'Académie des Sciences et Bulletin général de Thérapeu- 
tique médicale et chirurgicale. Mai 1864. 


2 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Join en loin, n'avait d'autre but que de faire constater les résultats obtenus et 
leur persistance. 

« Nous avons vu ainsi que l'élargissement de lurètre n'était ordinairement 
pas, aussitót apres l'opération, ce qu'il devait se montrer huit ou quinze jours 
plus tard; au lieu de diminuer, le calibre de l'urètre augmente pendant quelque 
temps. Ce phénoméne nous paraît devoir être rattaché à la résolution des engor- 
gements péri-uréthraux situés dans la sphère d'action de l'électrode négative ». 


Ce rôle de l'électrolyse, où du retour à l'équilibre rompu par 
l'électrolyse, rôle qu'il était, d'ailleurs, dans notre opération, impossible 
de séparer de celui joué par l'exutoire que laissait après elle la 
cautérisation, a pris, dans les tertatives postérieures à la nôtre, une 
importance qu'il est encore assez diflicile d'apprécier. Je vais examiner 
la part qu'ont essayé de lui faire les Spéculations récentes, et les 
insuflisances expérimentales ou les complications qui ont empêché de 
faire cette part. 


Le chef de clinique de Mallez, Jardin, qui nous avait assistés dans 
la première série d'opérations, Jes continua au dispensaire avec une 
électrode de lui, représentant un uréthrolome à conducteur de Maison- 
neuve, dont la lame était mousse au lieu d’être tranchante. Il réunit 
ainsi un certain nombre d'observations qu'il nous proposa de joindre 
aux nôtres comme pièces d'un nouveau concours, au prix d'Argenteuil, 
offre que nous déclinämes. Jardin croyait avoir fait de la chimicaustie, 
ainsi qu'en témoignait la version originale de sa note, version que, sur 
la prière de Mallez, je remaniai pour atténuer autant que possible 
l'invraisemblance des interprétations. Qu'avait fait Jardin? de la 
chimicaustie ? de l'électrolyse ? du cathétérisme avec un instrument plus 
favorable que les nôtres ? 

En l'absence du projet de note de Jardin, que lui rendit Mallez, je 
ne saurais aujourd'hui rien conclure d’une façon affirmative; mais 
l'impression qui me resta du remaniement que je dus faire subir à son 
mémoire était qu'il avait fait surtout de la divulsion, les conditions 
réunies d'intensité des courants employés et de durée de leur application 
excluant l’idée d'une action prédominante soit caustique, soit électro- 
Jylique. Les réserves que m'impose l'oubli partiel d’un travail que je cite 
de mémoire ne sont plus de mise vis-à-vis des publications dans lesquelles 
on a essayé de démarquer l'instrument de Jardin, et imité les procédes 
que je viens de lui reprocher — au moins au point de vue de l'interpré- 
talion des résultats. Les observations plus récentes que j'ai eues sous 
les yeux ne relèvent ni de la chinicaustie, ni de l'électrolyse. 

Le travail le plus instructif publié depuis quelques annces sur la 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 513 


voltaisation uréthrale me paraît être un mémoire de Robert Newman : 
Electrolysis in the treatment of strictures of the urethra, in Archives 
of electrology and neurology (New-York, 1874). Ce travail, bien qu'il 
n’ait résolu aucune question, ni pratique, ni théorique, est honnêtement 
fait ; les observations y sont dignes de foi; aussi est-il le plus connu, le 
plus souvent cité, tantôt comme spécimen de galvano-caustique, tantôt 
comme spécimen d'électrolyse, par des auteurs qui lont lu un peu 
négligemment. Je crois intéressant de l'examiner en prenant la liberté 
de le lire au besoin entre les lignes. 

Après avoir signalé les défectuosités d’une terminologie dont il a été 
lui-même victime, Newman propose, pour la réaction qu’il poursuit, le 
nom d'absorption galvanochimique « en ce qu’elle dépend essentiellement 
de la décomposition chimique causée par l’électrolyse ». L’intention est 
bien définie ; l’auteur ne demande qu'à éliminer la cautérisation secon- 
daire; il n’y arrive pas, et ne pouvait y arriver, mais il n'a pas 
suffisamment vu pourquoi. 

Newman emploie une pile de Dresher, du type Poggendorff, au 
bichromate de potasse, à couples petits et nombreux. C’est mal débuter 
pour éviter la réaction chimique : avec trop de petits couples à fort 
pouvoir électromoteur, on expose le patient à une douleur inutile : c’est 
en diminuant la résistance totale du circuit — par augmentation de la 
surface de couples moins nombreux — qu’on arrive à conserver le plus 
utilement au courant la quantité voulue pour Félectrolyse. La pile 
fournit donc un courant trop énergique, je ne dirai pas pour éviter la 
cautérisation — ce qui est impossible avec une électrode nue et même 
avec une électrode peu protégée — mais pour n'avoir qu’une cautérisation 
négligeable dans le temps qui serait nécessaire pour mettre en train 
l'électrolyse. 

Newman débute par deux expériences sur des chiens chloroformés : 


Exp. I. — Communication établie par des pinces, de la surface interne du 
prépuce — pôle négatif — à la peau de la verge, au niveau de la région prosta- 
tique — pôle positif. Batterie ci-dessus, comportant l’usage de 40 couples. Un 
« effet observable » est obtenu, pour 5 couples, en 5 secondes ; pour 10 couples, 
en ? secondes ; pour 20 couples, en i seconde. Enfin, avec les 40 couples, cet 
effet observable devient un bouillonnement immédiat, avec vapeur, sifflement 
et formation de mousse. 


Exp. II. — Chien comme ci-dessus. Fermeture positive par une pince au 
niveau cutané de la prostate. Electrode négative dans l'urètre, à 2 pouces 1/2 
de profondeur. « Electrolyse » avec les 40 couples pendant 20 secondes. Un bouil- 
lonnement est distinctement perçu et entendu autour de l’électrode négative ; 
au niveau de l'électrode positive, destruction de tissus et vilaine plaie. Le chien 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — JUILLET 1907. 50 € 


514 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


est malade: appétit perdu; pendant deux jours, il ne peut uriner. Son malaise 
est augmenté par un phimosis inflammatoire, consėquence de la phlogose de la 
plaie positive. Au bout de deux jours, l'obstacle uréthral, « le bouchon formé 
par l'électrolyse » est rejeté au dehors; miction abondante, d'abord mêlée de 
sang ; retour à la santé. 


Newman conclut « à l'emploi, pour la cure des rétrécissements 
uréthraux, de l'usage essentiel de faibles courants, une action fàcheuse 
étant exercée par les courants forts qui détruisent les tissus rapidement 
au lieu de causer une décomposition chimique ». Est-ce après réflexion, 
ou distraitement, que l’auteur reproche aux « courants forts » de 
détruire les tissus « rapidement » ? — Ici el ailleurs, nous verrons 
presque constamment faire bon marché de la durée de l'opération. Avec 
Mallez, nous avons, sans chloroforme, presque sans douleur, et surtout 
sans phlogose consécutive, opéré des « destructions de tissus » plus 
importantes que dans l'expérience II de Newman ; mais nous y mettions 
le temps. 

L'attente paradoxale d’une électrolyse sans cautérisation accuse, 
chez l’auteur américain, la méconnaissance du mécanisme de son 
opération : pour lui, comme pour presque tous ceux qui l'ont cité, la 
cautérisation serait, non pas une action secondaire fatale, mais un degré 
supérieur de l'électrolyse, qu’on éviterait sûrement en maintenant dans 
certaines limites la somme d'énergie dépensée. Cette méprise fait le 
fonds du chapitre suivant, consacré à l’action thérapeutique. 

« Le succès dépend dans chaque cas du choix de la méthode 
opératoire ». L'auteur en distingue trois principales : 1° L'action élec- 
trolytique, par courants faibles de batteries en tension (?), produisant 
une « absorption chimique graduelle » ; — 2° La galvano-cautérisation. 
« En raison de la grande intensité, l'effet de la puissante action du 
courant est de brüler promptement les obstacles... »; — 3° Méthode 
mixte : « combinaison des deux précédentes =. « Le passage est établi 
par l'action électrolyt que du courant, lequel peut dénuder la surface de 
l’urèthre; une bougie introduite aussitôt après l'opération et maintenue 
à demeure empéche l'accolement des parois uréthrales avivées par la 
cautérisation », 

J'ai déja insisté sur l'inutilité et les dangers de cette dernière 
pratique : après la cautérisation, les parties sont protégées par l'eschare; 
quand celle-ci tombe, la plaie sous-jacente est assez cicatrisée pour que 
des adhérences entre les parties avivées ne soient plus à craindre. Les 
trois méthodes de Newman n'en représentent en réalité qu'une seule. 
mais à doses variables dont l’auteur accepte au moins les indications 


= + 


— = 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 515 


lorsque, après avoir dit ses préférences pour la première « inoffensive », 
il en fait « la méthode de choix, si les circonstances le permettent ». 
Voyons maintenant les observations : 


I. — Rétrécissement traumatique infranchissable, datant de 9 ans, traité avec 
succès « par la troisième méthode d'électrolyse. Première séance de 8 minutes 
— pas d'autres indications. Deuxième séance, de 20 minutes, par 12 couples. 
Troisième séance le lendemain (!), 20 couples, 12 minutes, sous le chloroforme. 
Inflammation vive ; cinq semaines après, le cathétérisme n'est « plus » possible ; 
consultation. Alors on se décide au « fort courant »: 20 couples durant une 
demi-heure. Le patient, sérieusement malade, finit par guérir ou à peu près. 

IL. — Strictures présumées syplilitiques, guéries par « quelques séances ». 

IHI. — Deux rétrécissements; èchee de la dilatation ; succès de l'électrolyse. 
10 couples, pendant 9 minutes, circuit fermé dans la main ; la bougie passe. 
Répétition de l'opération trois semaines plus tard ; pas de rechute au bout de 
deux ans. 

IV. ~ Un rétrécissement ; spermatorrhée ; impuissance ; mélancolie. Circuit 
fermé dans la main par une bouche de nickel ; 40 couples ; après 5 minutes la 
bougie passe. « Répétition de l'opération le mois suivant »; guérison de tout, 
persistant au bout de deux ans. 

V. — Gonorrheée et rélrécissement. 30 juillet, séance de 5 minutes avec 
10 couples : 17 août, séance de 5 minutes avec 14 couples ; 14 septembre, séance 
de 8 minutes avec Y couples. Guérison suivie 20 mois. 

VI. — Rétrécissement et blennorrhée ; cystite et hématurie. Guérison « en 
deux séances ». 

VI. — Rétrécissement yonorrhéique récent. « Deux séances » à intervalle de 
quatre semaines. 

VII. — Simple stricture. « Une séance ». A une visite suivante, trouvé bien. 

IX. — Trois strictures. Séance de 6 minutes par 14 couples ; circuit fermé sur 
la région iliaque. Les trois rétrécissements sont franchis. 

X. — Stricture de trois ans. Guérison « après trois mois de traitement ». 

XI. — Trois strictures. Opéré « comme dans les autres cas »; passage en 
5 minutes. Répétition en 4 minutes 1/2. Excellent résultat. 

XII. — Rétrécissement et blennorrhée. Circuit fermé dans la main =: pas 
d'autres indications opératoire. Guérison qui se maintient. 

XIII. — Trois strictures. Tous les rétrécissements franchis en 4 minutes ; 
l'opération dure 7 minutes en tout. 20 couples, circuit fermé dans la main par 
une éponge. Répétition trois semaines après : 20 couples, 10 minutes. Reprise 
« légère » dix jours plus tard. Pas d'autre indication. 


Après ces observations — toutes de chimicaustie, au moins lorsque 
sont données les indications opératoires, — l’auteur conclut en faveur de 
sa « première méthode » : électrolyse sans cautérisation. 

Après avoir rendu justice à la probité scientitique et à la curiosité bien 


516 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


placée de l'auteur, on me permettra de ne pas le suivre dans des conclu- 
sions qui me paraissent sans lien avec les prémisses, avec les expériences 
et observations. La chimicaustie et l'électrolyse sont choses absolument 
distinctes. Si Newman en avait été suffisamment pénétré, il eut fait, non 
pour les séparer, ce qui était impossible au moins dans l’urêthre, mais 
pour se rapprocher de ce résultat, des efforts mieux combinés. Il n'a guère 
fait d’électrolyse que ce qui était strictement inévitable dans des opéra- 
tions de chimicaustie. Le terrain était mauvais d’ailleurs pour tenter 
d'isoler les deux opérations, alors qu’on ne pouvait faire la localisation 
uréthrale qu'avec un conducteur métallique. Ce point m'amène à la 
question des électrodes. 


La forme et la nature de l'électrode uréthrale dépendront du but 
à poursuivre dans chaque cas donné : c'est assez dire qu'on ne saurait 
s'eu tenir à un type unique. 

Tandis que les conditions chimiques d'une cautérisation se préparent 
ou se réalisent au niveau des électrodes, une polarisation plus ou moins 
énergique des tissus interposés se produit; celte polarisation en modifie 
nécessairement les aptitudes chimiques, et, par suite, nutritives. Cette 
modification doit-elle aboutir à un processus résolutif? C’est à peu près 
admis, et, a priori, admissible. 

Pour en juger sur épreuve, il faudra éliminer l'éventualité caustique. 
Or, cela peut souvent se faire en déplaçant la surface sur laquelle 
s'exercera l'action caustique, en la portant au dehors de l’organisme, 
par l'interposition, entre la surface inaltérable de l’électrode et la surface 
citanée ou muqueuse, d'une couche plus ou moins épaisse d'un tissu 
conducteur et attaquable : liquide imbibant une trame altérable, éponge 
imbibée d’eau, gâteau de terre glaise. Cela se fait couramment dans la 
pratique de la voltaïsation médicale, et, dans la chimicaustie, au niveau 
d'application de l'électrode qu’on veut rendre indifférente, de l'électrode 
qui sert uniquement — la question d'électrolyse réservée — à fermer 
le circuit. 

| Jusqu'ici, à défaut d'une substance conductrice ferme, en même temps 
q''aisément décomposable, on ne peut songer à faire de l'électrolyse sans 
cautérisation avec des électrodes uréthrales. 

S'il me fallait électrolyser l'urèthre, j'aurais recours à un procédé 
moins immédiat, que j'employais autrefois contre les algies et spasmes 
dont la clinique Mallez m'offrait quelques cas de loin en loin Ayant scié 
en deux suivant sa longueur le cylindre de charbon d'un couple de Bunsen 
à zinc central, j'en avais fait un manchon qui, garni intérieurement 
d'agaric ou d'éponge, faisait une électrode, non plus uréthrale mais 


NUMÉRO DU D" TRIPIER 517 


pénienne, d'un usage commode. Une plaque d'étain, garnie d'éponge et 
roulée autour de la verge, me remplit quelquefois le même office. Le 
circuit était fermé sur les lombes ; on pourrait, si l'on ne visait que 
l'électrolyse uréthrale, le fermer sur la cuisse ou sur l'abdomen. 

Dans les cas que je viens de rappeler, j'appliquais à la verge le pôle 
positif, et n'ai pas expérimenté comparativement le négatif. Lorsqu'on 
fait de la chimicaustie, le choix du pôle négatif s'impose, pour éviter les 
cicatrices rétractiles ; lorsqu'on voudra faire de l'électrolyee, il sera 
intéressant d'étudier comparativement les actions des deux pôles. C'est à 
propos des tentatives auxquelles a donné lieu le traitement des fibrômes 
utérins que j'aurai à revenir sur ce point et à rechercher quelles raisons 
ont conduit les auteurs quiont fait ou cru faire de l'électrolyse, à donner, 
contrairement aux traditions antérieures, la préférence à l'électrode posi- 
tive employée comme résolutive. 

L'éventualité d'une cautérisation devant étre admise, et le choix de 
la caulérisation négative s'imposant, quelle sera la meilleure forme à 
donner à une électrode uréthrale, qui ne peut, au moins actuellement, 
étre que métallique ? 

Pratiquant la cautérisation en vue d'opérer une perte de substance, 
nous employàmes d'abord une électrode ovoide allongée Celle ci, portée 
d'abord par une tige protégée simplement flexible. fut soudée ensuite à 
une corde de fils de rosette souple dans tous les sens. D'autres, et je suis 
du nombre, préfèreront une tige droite rigide : c'est surtout, je crois, 
affaire d'habitude. 

Une difficulté de construction nous a empêchés de munir d’un conduc- 
teur nos premières électrode:. Nous l'avions essayé en perforant l'axe de 
notre olive pour y faire passer une fine tige de baleine, dont la consis- 
tance nous a paru peu favorable à l'engagement, puis une fine bougie 
qui se comporta mieux tout d'abord ; mais celles ci risquent d'être 
coupées dans la cautérisation, aussi y avons nous renoncé J'ai insisté, 
d'autre part, dans le mémoire cité, sur les raisons qui me faisaient atta- 
cher une médiocre importance à l'usage du conducteur : l'humidité du 
pertuis qui représente la voie à suivre, et dans lequel la décomposition 
qui fournira le caustique est le plus active, constituerait à mes yeux le 
meilleur conducteur, à la condition de ne pas joindre l'effraction à la 
cautérisation. 

A mesure qu'on avance dans un rétrécissement un peu ferme et d'une 
certaine épaisseur, il est bon de ne pas abandonner complètement les 
parties de l’urêthre qui ont cédé devant l'olive, et d'y continuer une 
cautérisation latérale Pour ces cas, Mallez avait remplacé l'olive par 
une tige cylindrique dont le degré de saillie était réglé, au niveau du 


518 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pavillon de la sonde, de façon à faire connaitre le quantum de la pénétra- 
tion caustique. Cet instrument, qui fut souvent fort utile dans les rétré- 
cissements longs, fut joint par Mallez à l'envoi qui accompagna le 
mémoire et l'instrument de Jardin, en 1871 ou 1872. 

A cet envoi fut jointe également une électrode bifilaire de moi, repro- 
duction d'une électrode à double cautérisation linéaire que j'avais faite 
autrefois, pour opérer par la chimicaustie un rétrécissement du rectum. 
l a description de cette électrode accompagne la relation de mon opération 
dans la thèse de Campos Bautista (Paris, 1870). J'avais fait, en liège, un 
jeu d’ovoides allongés de volumes croissants ; un gros fil de rosette 
embrochait l'olive transversalement, à une petite distance de sa pointe, 
était rabattu de chaque côté suivant une des génératrices, et, tordu à la 
base, constituait le manche ; j'avais isolé celui-ci en l'enveloppant d’un 
fil enduit de stéarine. C'est cet instrument, aplati, qu'après de grandes 
difficultés de construction, A. Gaiffe me fit en caoutchouc durci, atec un 
conducteur olivaire, et des tranches de platine Il constitue un cautère 
bifilaire lancéolé, qui, dans de plus grandes dimensions, me sert à débri- 
der l'orifice externe rétréci du col utérin, mais n’a jamais encore été 
appliqué à l’urèthre. En vue de celui-ci, je préfèrerais à la forme lancéolée 
celle d’une petite ellipse très allongée, pour agir moins sur les parties 
que la cautérisation peut abandonner sans inconvénient. 

En vue de la chimicaustie uréthralc, c'est à ces électrodes que je 
donnerai encore la préférence, choississant entre elles suivant les cas. 
Je viens d'indiquer la forme que je préfèrerais pour l'électrode à cauté- 
risation linéaire ; je modifierais aussi volontiers le cautère olivaire, l’évi- 
dant suivant deux génératrices opposées, de façon à faire proéminer deux 
saillies qu'un repère permettrait de maintenir en contact avec les parois 
latérales de l’urèthre. 

[es électrodes dont il a été question jusqu'ici sont des électrodes 
caustiques, qui seraient également électrolytiques dans les opérations de 
longue durée. | 


Mais il ne saurait être question ni de chimicaustie suffisante ni de 
résolutson dans la plupart des opérations de Jardin. encore moins dans 
celles de ses imitateurs qui annoncent franchir des rétrécissements en des 
fractions de minute. Quelque explication qu'il comporte, et alors même 
que le bénéfice n’en devrait être que passager, ce résultat offre cependant 
un intérêt thérapeutique incontestable, 


A défaut de chimicaustie et de résolution électrolytique, il faut donc 
admettre que la pénétration mécanique, favorisée en tout état de cause 


NUMÉRO DU D” TRIPIER 519 


par la forme de l’électrode, l'est encore. dans une large mesure, par un 
autre mode d'action du courant. 

L'électrode de Jardin semble jusqu'ici la plus favorable à la 
pénétration mécanique; mon électrode bifilaire semble devoir s’y prêter 
au moins aussi bien, mais elle n’a pas été essayée. Quant au mode 
d'action du courant qui favorise les pénétrations rapides, je le comprends 
tout autrement que les auteurs, dont je viens d'exposer les tentatives et 
les explications. Des épreuves mécaniques ont fait diagnostiquer des 
rétrécissements, les montrant infranchissables par des cathéters, qui vont 
bientôt les traverser sous l'influence d’un courant voltaique. Ces rétré- 
cissements n'ont pas été détruits, — il a manqué pour cela de l'intensité 
et du temps; — ils n'ont pas davantage. et pour les mêmes raisons, été 
électrolysés dans une mesure permettant d'admettre le concours d'effets 
résolutifs, tels, au moins, qu'on les a envisagés quand on a cherché à les 
expliquer par une action chimique. Force nous est donc d'admettre ici un 
autre mécanisme, et le seul vraisemblable est celui d’une action physio- 
logique sur l’innervation, action paral\sante, inhibitrice, antispasmodique, 
amenant le relâchement musculaire si bien décrit par Heurteloup, sous 
le nom de myolèthe (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1860). 
Par là, tout s'explique fort bien : et l'influence de la forme et la rapidité 
de la pénétration. 

Il est un moyen de cathétérisme que, le cas échéant, j'essaierai comme 
vérification de cette explication : c'est, aidant un cathéter de forme 
favorable, l'intervention des courants d'induction Malgré les diftérences 
profondes que présentent les courants d'inductionet les courants continus, 
j'ai quelques raisons de croire que les premiers ne seraient pas inefficaces 
pour faciliter le passage. 

Déjà, en 1861 (Hyperplasies conjonctives des organes contractiles, 
etc.), je signalais la sédation immédiatement produite par la faradisation 
sur un urèthre impatient de la scule présence de la sonde; vers la mème 
époque, signalant la difficulté qu'on éprouve quelquefoi-:, dans la faradi- 
sation recto-utérine, à mettre en place l’excitateur rectal arrêté par des 
contractures de l'intestin, j’indiquais de commencer néanmoins la faradi- 
sation, l'obstacle devant céder dès qu'agiraient les courants. Pareille 
réaction serait à chercher dans l’urèthre : je suis convaincu que c’est à 
des effets de cet ordre que sont dues les pénétrations rapides, que ne 
sauraient expliquer ni les résolutions, ni la cautérisation. 


L'hypothèse d'une action an/'ispasmodique, seule capable d'expliquer 
actuellement certains faits d'observation, me conduit à une question sur 
laquelle on s'est trop peu arrêté: celle du terrain opératoire. 


520 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le dispensaire de Mallez, avec un mouvement quotidien de trente à 
cinquante malades, semblait devoir être une mine de rétrécis. Or, en 
deux ans, nous n’y en avons trouvé que trente et un chez qui l'opération 
fut indiquée, — et indiquée pour des gens qui la cherchaient avidement 
Tant qu'a vécu Mallez, sur l'expérience et l’habileté de qui je savais 
pouvoir compter, j'accueillais les malades qui se présentaient chez moi 
comme rétrécis; Je ne crois pas avoir eu à Jui en adresser plus d'un sur 
quatre ou cinq, et il s’en fallait encore de beaucoup qu'il les jugeat tous 
- dignes de l'opération ». 

Aussi suis-je tombé de mon haut en voyant combien les rétrécis- 
sements à operor étaient communs au Brésil, où un étranger, nouveau 
venu, en rencontrait des centaines en quelques mois. La lecture de la 
première partie de la brochure qui « apportait en France, de l'étran- 
ger », une opération « inconnue chez nous » et l'instrument de Jardin, 
m'avait conduit à une interprétation malveillante de ce prospectus ; et 
cette impression s'était (trouvée plutôt confirmée qu'atténuée par une 
bibliographie oulrageusement fantaisiste de la voltaisation uréthrale, 
tendant à la faire passer pour originaire d'Allemagne, et omettant 
notamment un mémoire français, dont un passage de plusieurs lignes se 
trouvait reproduit, non en citation, dans ce faclum. Et voici que la série 
brésilienne continue à Paris 

Newman rappelle, dans son mémoire, la vieille division des rétrécis- 
sements en spasmodiques, inflammatoires et organiques ; en clinique, on 
peut encore s’y tenir. 

Quels sont donc les rétrécissements qui, n'étant pas détruits, n'ayant 
pas eu le temps d'être modifiés par résolution, sont aisément franchis, 
sous l'influence de la voltaïsation, par l'olive de Newman. plns aisément 
encore par le divulseur de Jardin? Ce ne peuvent guère être que les 
rétrécissements spasmodiques. Ce qui tendrait encore à l'établir, c'est la 
répétition des séances, à intervalles rapprochés, nécessaire à l'obtention 
d'un résultat un peu durable. Quand nous attaquions, par la chimicaustie, 
des rétrécissements organiques, une séance suffisait d'ordinaire; et, s'il 
fallait y revenir, la seconde séance était prévue, et à intervalle éloigné. 
Contre les rétrécissements spasmodiques, la voltaisation a, je crois, 
mieux à nous fournir qu’un simulacre d'opéralion. 


En résumé : 


Lorsqu'on voltaise l'uréthre par une électrode uréthrale, ce qui n'a 
ju se faire jusqu'ici qu'avec des élect odes métalliques nues. plusieurs 
ordres d'effets se produisent inéritablement : 1° Une polarisation de la 
région intermédiaire aux électrodes, décidant des phénomènes d’électro- 


NUMÉRO DU D' TRIPIER 521 


lyse; 2° au niveau des points d'application des électrodes, ces phéno- 
mènes d’électrolyse sont rendus sensibles par une action secondaire : les 
produits de l'électrolvse agissent comme caustiques sur les tissus non 
protégés — el l'appareil instrumental ne permet pas jusqu'ici la protec- 
tion de la muqueuse uréthrale; 3° en rapport, soit avec le régime 
permanent du courant, soit plus particulièrement avec le régime variable 
de son établissement, il se produit une détente neuro-musculaire ; 4° une 
dernière réaction à laquelle je serais disposé à accorder une notable 
importance comme agent de résolution lorsque l'application voltaique a 
été suffisamment longue et énergique, est celle liée à la dépolarisation 
du circuit. 

De par des nécessités de construction, les électrodes uréthrales ont 
toujours été métalliques, et la cautérisation secondaire à l’électrolyse 
inévitable. Pour que cette cautérisation inévitable ne devint pas cause 
de coarctation uréthrale par rétraction cicatricielle, nous n'avons admis 
comme électrodes uréthrales que des électrodes négatives. Ceux qui 
prétendent ne pas cautériser n'agissent d'ailleurs pas autrement. 

Avec des courants d'une intensité suffisante (de 15 à 40 ou 50 mil- 
liampères) agissant pendant un temps suffisant, variable avec l’impor- 
tance de la perte de substance à opérer et avec la résistance du tissu 
morbide à la dissolution, on opère dans les parois de l’urèthre des 
destructions qui deviennent curatives des rétrécissements si l'on n'en 
contrarie pas la cicatrisation par des manœuvres intempestives. 

lIl est admis, et fort admissible, — sans autres preuves pratiques 
jusqu'ici que des résultats cliniques fort équivoques — que l’éectrolyse 
qui précède la cautérisation opère la résolution des engorgements péri- 
uréthraux, causes physiques de la plupart des rétrécissements. Sans 
repousser cette explication de phénomènes observés, je me demande si 
cette résolution ne serait pas aussi bien, ou mieux en rapport avec le 
phénomène contraire, avec la dépolarisation, avec l’é/ectrothèse qui 
commence à l'ouverture du circuit. Enfin, une complication de nature à 
rendre bien difficile l'appréciation des résultats éloignés d'ordre nutritif, 
est la part à faire au rôle de l'exutoire que laisse après elle la cauté- 
risation. 

Si j'ai pu parler de « faits cliniques équivoques », c'est que l'hypothèse 
d'une action électrolytique résolutive — hypothèse tout à fait légitime 
que je n'ai jamais repoussée — ne s'appuie jusqu'ici, en dehors d’in- 
ductions qui font sa légitimité, que sur des faits de pénétration plus 
facile des électrodes. Or ces faits ne prouvent rien à l'endroit de l’hy- 
pothèse qu'ils prétendent justifier, en ce qu'ils représentent des appli- 
cations de trop courtes durées, et des résultats en rapport surtout avec 


522 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


les conditions mécaniques qui découlent de la configuration des élec- 
trodes; en ce qu'enfin, ils comportent une explication plus vraisemblable. 

La pénétration plus facile des instruments dans un urèthre qui n’a 
été ni suflisamment électrolysé ni suffisamment cautérisé, me parait 
devoir s'expliquer surtout par une réaction physiologique de l’ordre des 
phénomènes d'inhibition — par la myolèthe. Je suis très porté vers 
cette opinion par mes observations de faradisation uréthrale et rectale ; 
et serais curieux de voir ce que la faradisation ajouterait à la facilité de 
pénétration de cathéters appropriés, de celui de Jardin ou de mon élec- 
trode bifilaire, par exemple. 

Ce n'est pas dans l'urèthre que cette question de l’électrolyse peut 
être étudiée. La distinction entre les effets de polarisation électrolytiques), 
de dépolarisation (électrothésiques), antispasm vdiques et caustiques, n°ÿ 
peut se faire actuellement quau juger, d'une façon médiocrement 
approximative, en se fondant uniquement sur une estimation sommaire 
de l'intensité de la vollaisation et de sa durée : les applications très 
courtes seraient surtout antispasmodiques, leurs effets de médiocre 
durée; les très longues pourraient être résolutives. Quant aux effets 
caustiques, ils sont seuls d'une appréciation facile : produits de l'intensité 
par le temps; comme les autres, ils ne sont jamais seuls. 

Ce qui ne peut s'expérimenter méthodiquement sur l'urêthre peut se 
voir sur d’autres parties et je poursuis sur l'utérus, à cet endroit, des 
recherc'es dont les résultats sont encore loin d'avoir la netteté que 
pourraient faire espérer les exemples des pseudo-électrolyses uréthrales. 
On pourrait cependant, pour l'urèthre lui-même, se placer dans des 
conditions plus susceptibles d'interprétations rationnelles en faisant, non 
plus de la vollaisation uréthrale, mais la voltaisation pénienne dont j'ai 
parlé plus haut. 

Il ne faudrait pas manquer alors d'expérimenter comparativement les 
deux pôles Ce serait enfin le cas de comparer le ròle des durées, en 
faisant tantôt de la voltaisation et tantôt de la galvanisation. 


= = ——— o Er e 


L’anesthésie locale produite par le courant 
électrique. 


Par M. Ferdinand WINKLER (Vienne). 


En étudiant le courant intermittent de basse tension, introduit dans 
l'électrologie par Stephane Leduc, j'ai trouvé que ce courant est capable 
de produire une réduction locale des qualités sensitives et qu’on peut 
profiter de cette observation dans la dermatologie. 

Les recherches de Leduc (1) ont montré que, par le moyen de ce 
courant, on peut produire une interception complète de l’action du cer- 
veau, aussi bien sur l’animal que sur l’homme, et que, sous l'influence 
du courant sur le cerveau, il y a un état analogue au sommeil chloro- 
formique, qu'il désigne sous le nom de - sommeil électrique » ; le sujet 
reste couché, sans aucun mouvement volontaire, sans aucune réaction 
de défense, même aux excitations les plus douloureuses ; seuls persistent 
quelques mouvements réflexes et les mouvements du cœur et de la 
respiration ; cet état, produit par l’action, sur le cerveau, d'un certain cou- 
rant électrique, peut être maintenu pendant des heures consécutives et 
cesse instantanément avec la cessation du courant. 

Le ‘ourant qui sert à produire le sommeil électrique est un courant 
intermiltent, de basse tension et de direction constante, c'est-à-dire un 
courant qui passe pendant un certain temps, cesse, puis recommence à 
pisser de nouveau, et ainsi de suite à des intervalles parfaitement régu- 
liers. Le temps entre deux parties identiques et consécutives de la courbe, 
entre deux fermetures du circuit, par exemple. s'appelle période. Dans 
le courant employé. la période est d'un centième de seconde, c'est-à-dire 
qu'il y a pendant chaque seconde cent fermetures et cent ouvertures du 
circuit; le courant s'étahlit et cesse cent fois par seconde. Le temps, 
entre la fermeture et l'ouverture du circuit, c'est-à dire la durée de cha- 
cun des passages du courant, est d’un dixième de la période, c’est-à-dire 


a) St. Lrouc : Comptes rendus de l’Académie des sciences (Paris, juillet 1902). — 
Comptes rendus des séances ilu IIe Congrès international de l'électrologie et de radioa 
logie médicales (Bern, 1902, p. 536). — Zeitschrift für Electrotherapie, 1903, p. 374. 
— Verhandlungen der M:raner Naturforschercersammlung, 1905, p. 421. — 
Presse médicale, 1907, No 17. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — AOUT 1907. 37 


526 E ANNALES D ELECTROBIOLOGIE 


d'un millième de seconde. L'établissement et la cessation du courant 
sont instantanés, l'intensité passe brusquement de zéro à son maximum 
et de son maximum à zéro. | 

Le courant est obtenu à l'aide d’une source de courant continu et d'un 
interrupteur spécial construit par Leduc. Il consiste en un disque rotatif 
formé d'une croix métallique dont les branches sont isolées l'une de 
l’autre, les intervalles entre les branches sont remplis par des secteurs 
isolants. Deux frotteurs : l'un fixe, l'autre mobile, sont mis chacun en 
rapport avec l’un des pôles de la source ; lorsque les deux frotteurs sont 
simultanément en contact avec la même branche de la croix. le circuit est 
fermé et le courant passe ; dès que les deux frotteurs ne sont plus simul- 
tanément en contact avec la même branche, le courant est interrompu. 
La mobilité de l'un des frotteurs permet de régler à volonté la fraction 
de période pendant laquelle passe le courant: si l’on éloigne le frotteur 
mobile du frotteur fixe par une rotation de la croix, le temps durant 
lequel ces deux frotteurs sont simultanément en contact avec la même 
branche de la croix est diminué d'autant plus que la distance entre les 
deux frotteurs est plus grande. On a ainsi la faculté de régler à volonté, 
par le déplacement du contact mobile, les durées relatives des temps de 
passage et d'interruption du courant. On voit que chacune des deux 
branches de la croix ferme et ouvre le circuit deux fois par chaque tour 
complet de l’axe, ce qui fait pour chaque tour quatre fermetures et quatre 
ouvertures du circuit Pour avoir le nombre d'interruptions dans l'unité 
de temps, il faut donc multiplier par 4 le nombre de tours Le nombre 
des interruptions se règle par la vilesse du moteur à l’aide d'un rhéostat. 
Le nombre des rotations peut être précisé facilement par un tachymètre. 

On mesure l'intensité du courant par un milliampèremètre ; on en 
peut déterminer non seulement l'intensité absolue qui se trouve dans un 
courant continu. mais encore l'intensité du courant intermittent. Le 
millliampéremètre n'est naturellement pas placé dans le circuit du courant 
qui est en rapport avec le moteur de l'interrupteur, mais dans celui qui 
passe par les électrodes. 

Pour régler la fraction désirée de période de passage du courant, 
on ferme le circuit dans lequel est placé le milliampèremètre sur une 
résistance impolarisable et introduit dans le circuit une force électro- 
motrice donnant par exemple 20 milliampères, puis mettant en route 
l'interrupteur, on déplace le balai mobile jusqu'à ce que l'aiguille du 
milliampéremètre indique 2 milliampères. La période d'oscillation de 
l'aiguille du galvanomètre élant beaucoup plus grande que les périodes 
du courant, cette aiguille reste parfaitement stable, et les déviations pro- 
portionnelles aux quantités d'électricité dans l'unité de temps sont exac- 


Ç = 


= ds 


WINKLER. — ANESTHÉSIE LOCALE 527 


tement dans le même rapport que les durées de passage et d'interruption 
du courant. soit dans l'exemple indiqué : 2 : 20 = 1 : 10. Le courant 
passe donc pendant un dixième de la période et est, par conséquent inter- 
rompu pendant les autres neuf dixièmes; c'est le rapport que, dans de 
nombreuses expériences, Leduc a trouvé le plus favorable à la production 
du sommeil électrique et dont je me suis servi dans mes propres expė- 
riences. 

Leduc dit que, dans ses expériences, une fréquence de 100 par seconde 
était la plus favorable; mes expériences m'ont aussi montré que cette 
fréquence d'interruption ne doit pas être augmentée. 

Ces courants intermittents de basse tension sont un excitant excellent 
des nerfs et des muscles et les expériences de Leduc nous ont montré 
que, pour la même sensation superficielle, l'excitation produite par le 
courant intermittent pénétrait beaucoup plus profondément que celle du 
courant faradique. 

Les courants intermittents sontles mieux adaptés à l’électrodiagnostic, 
parce qu'ils représentent l'excitateur électrique le plus susceptible de 
mesure, non seulement en regard de la tension, mais encore de l'intensité; 
c’est pourquoi nous les préférons aux courants faradiques 

La grande importance des courants de Leduc pour la physiologie 
s'explique par l'observation que les animaux tombent en sommeil quand 
on fait passer le courant par les centres nerveux. On met la cathode sur 
la tête rasée, entre l’œil et l'oreille, l’anode en forme d'une grande plaque 
sur le dos rasé et fixée solidement à la peau par des bandes de caoutchouc. 
Augmentant l'intensité du courant peu à peu, on voit, après trois-cinq 
minutes, l'animal abaisser la tète, tomber sur le flanc el devenir immobile : 
il ne répond plus aux excitations de douleur et se trouve dans un état 
d’anesthésie générale telle qu'on peut lui faire subir des opérations. Pour 
produire chez le lapin le sommeil électrique, il faut six à huit volts donnant 
un à deux milliampères en circuit intermittent, ce qui correspondrait à 
une intensité de 10-20 milliampères dans le circuit non interrompu. Si 
l'on fait cesser soudainement l’action du courant, l'animal s'éveille à 
l'instant, est gai et en bonne santé, sans conséquences. On peut tenir 
l'animal pendant des heures dans la narcose électrique et on peut répéter 
cet état aussi souvent que l'on veut. Mais si on augmente encore l’inten- 
sité du courant, on produit l’arrèt de la respiration, tandis que le cœur 
bat encore une demi minute jusqu'à une minute. A ce moment il suffit 
d'une suppression du courant pour ranimer la respiration; une augmen- 
lation du courant produit de nouveau l'arrêt de la respiration. Si la 
respiration interrompue ne se reproduit pas par la cessation du courant 
et que le cœur a cessé de battre, on peut ranimer l'animal encore pendant 


528 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


les deux ou trois minutes qui suivent, par l'excitation de l'écorce du 
cerveau; pour cela on fait passer le courant pendant de très courts 
instants, suivant à peu près le rythme de la respiration; on provoque 
ainsi des contractions de tous les muscles du corps, y compris ceux de 
l'inspiration, et l’on obtient une respiration artificielle: l'animal est 
alors sauvé. Si plus de trois minutes se sont écoulées après la cessation 
de la respiration, l'excitabilité cérébrale n'existe plus et l'animal est 
perdu. 

Leduc a fait des expériences analogues sur lui-même. Il décrit que la 
sensation produite par l'excitation des nerfs superficiels, tout en étant 
désagréable, est facilement supportable ; elle se calme avec le temps. 
comme la sensation produite par un courant continu, et. après avoir 
passé par un maximum, diminue malgré l'augmentation de la force élec- 
tromotrice La face est rouge, il se produit des contractions légères des 
muscles du visage, du cou et même de l’avant-bras, et quelques trému- 
lations fibrillaires : puis, on sent un fourmillement à l'extrémité des doigts 
et dans les mains; ce fourmillement s'étend aux orteils et aux pieds; 
l'inhibition atteint d'abord les centres du langage. puis les centres 
moteurs sont complètement inhibés, le sujet est dans l'impossibilité de 


réagir aux excita:ions même les plus douloureuses, il ne peut plus com- 


muniquer avec les expérimentateurs. Le pouls reste inaltéré, la respi- 
ration semble un peu gènée. Leduc nous raconte que. lorsque le courant 
eut atteint le maximum, il entendait encore, comme dans un rêve, ce qui 
se disait autour de lui, il avait conscience de son impuissance à se mouvoir 
et à communiquer avec ses collègues; il sentait les contacts, les pince- 
ments, les piqüres de l'avant-bras, mais les sensations étaient émoussées, 
comme celles d'un membre profondément engourdi. Leduc dit qu'il 
trouvait la plus pénible l'impression de suivre la dissociation et la 
disparition successive des facultés; cette impression dit-il, est identique 
à celle d’un cauchemar, dans lequel, en présence d'un immense danger, 
on sent que l’on ne peut ni proférer un cri, ni accomplir un mouvement. 

Dans une seconde expérience, Leduc regrette que ses collègues, 
croyant l inhibition complète, arrétérent avant l'anéantissement absolu 
de la conscience et l’entière suppression de la sensibilité. La force 
électromotrice fut élevée à 35 volts, l'intensité dans le circuit interrompu 
à 4 milliampères. Dans les deux séances consécutives, il resta vingt 
minutes sous l'influence du courant. 

A l'ouverture du circuit le réveil est aussi chez l’homme immédiat; 
on n'éprouve aucun effet consécutif, si ce n’est une sensation de bien-être 
et de vigueur physique. 

Dans les autres expériences, Leduc pouvait produire une anesthésie 


WINKLER. — ANESTHÉSIE LOCALE 529 


locale par le courant intermittent. Il plaça sur le nerf médian au poignet, 
une petite électrode tampon formant la cathode du courant intermittent 
servant pour le sommeil; l’anode, de grandes dimensions, fut placée en 
un point quelconque du corps. En élevant progressivement l intensité du 
courant il se produisit un fourmillement dans les doigts et dans toute 
la région innervée par ce nerf au-dessous de l’électrode, et pour une 
certaine intensité, la sensibilité de cette région était supprimée au point 
que, fermant les yeux, le sujet ne pouvait plus dire si on le piquait, le 
pinçait ou le coupait; l’anesthé:ie locale était complète. 

Leduc dit que dans cette expérience il agissait sur un nerf qui ne 
contient presque plus de fibres motrices et qui est absolument sous- 
cutané. Si l'on veut exercer la mème action sur d'autres nerfs, les 
muscles interposés se contractent sous l'influence du courant, ainsi que 
les muscles innervés par le nerf, dès que celui-ci est atteint par le 
courant. Ces contractures musculaires sont actuellement l'obstacle à 
l’anesthésie locale électrique. 

Il y a d'autres communications sur les effets du courant intermit- 
tent par Ludwig Mann (1). Il employait pour l'interruption du courant 
constant un mouvement d'horlogerie, construit par Léopold Batochis, et 
lequel peut être réglé par une vis. Il interrompt le courant rhytmique- 
ment 700 à SUU fois dans la minute ; en marchant le plus vite 1.400 fois 
par minute. {1 a trouvé que le courant interrompu au maximum de rapidité 
est, dans des cas normaux et pathologiques, exactement comme l'ordi- 
naire courant galvanique non interrompu, il excite seulement dans le 
moment où on le fe: me et où on l'ouvre, Dans les cas pathologiques, le cou- 
rant intermittent produit les mèmes changements des formes de convul- 
sions et de l'ordre des convulsiuns que le courant galvanique Mais dans 
une vitesse diminuée d’interruptions, le courant intermittent se montrait 
comme courant tétanisant analogue au courant fariadique. 

l'our l’action du courant intermittent sur l s nerfs sensitifs, le 
constructeur de M. Mann nous recommande l'arrangement suivant : 
]l met une manchette mouillée autour du poignet, et une petite élec- 
trode courbe et mouillée, autour de la troisième phalange d'un doigt de la 
même main, puis on joint l’électrode du poignet avec le pole négatif et 
l'électrode du doigt avec le positif. Alors, quand l'interrupteur est en 
action, on introduit un courant de deux à trois milliampères. Après une 
minute, la partie du doigt en aval de l'électrode, c’est-à-dire la première 
et la seconde phalanges du doigt sont complètement anesthésiées, de 
sorte qu'on pent piquer la peau sans sentir une douleur. 


(1) Ludwig Mann; Ein neuer electro-medizinischer Apparat. Zeitschrift für 
medic. Electrologie und Rontgenhunde, 1907. 1X. page 71. 


530 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Mann a fait cette expérience plusieurs fois dans la manière décrite, 
avec des différentes vitesses de l'interrupteur et avec des tensions diffé- 
rente du courant, souvent avec une tension si haute que le courant était 
presque insupportable, environ 15-20 volts: il ne put jamais, même en 
aisant agir le courant cinq minutes ou plus, produire une anesthésie 
complète; il trouva que, sans doute, la sensibilité avait été diminuée, 
ainsi qu'on sentait souvent les piqûres d’une aiguille seulement comme 
un simple attouchement, mais on sentait bien la douleur d’une piqüre un 
peu plus profonde. La sensibilité pour l’attouchement n'était pas non plus 
disparue com:lètement dans les expériences de Mann; si on sentait très 
indistinctement des attouchements bien légers la sensibilité pour la 
température restait toujo rs intacte. L'interrupteur ayant une grande 
vitesse, il n'y a pas tétanos du nerf moteur; Mann trouvait l'influence sur 
la sensibilité encore moindre, il sentait seulement un bourdonnement 
faible, et toutes les qualités de sensibilité au-dessus de l’électrode 
paraissaient tout à fait intactes 

Mann répéta cette expérience aussi en mettant l'électrode directe- 
ment sur le tronc du nerf, par exemple sur le médian directement au- 

ssus du poignet ; dans ces expériences non plus il ne put influencer la 
sensibilité de la peau plus que dans les autres expériences. 

Quoique les renseignements intéressants de Leduc n'aient pas trouvé 
leur sanction complète dans les expériences de Mann, on peut bien dire 
qu'il y a diminution de la sensibilité de la peau sous l'influence du 
courant intermittent, dans certaines conditions d'expérience. Il parait 
valoir la peine d'expérimenter si on peut pratiquement employer ce 
phénomène d'hypalgésie ou s’il ne constitue seulement qu'une expérience 
physiologique. 

Voici mes propres expériences. Je travaillais avec un interrupteur 
fait d'après les indications de Lednc, dans la fabrique de Reiniger, Gebbert 
et Schall à Erlangen, et dont la vitesso varie avec la résistance employée 
de 864 à 2060 rotations par minute; le nombre des interruptions est 
alors 56-138 par seconde. La position des frotteurs est choisie de manière 
que la durée du passage est un dixième de la période. On emploie le 
courant du secteur comme source de courant avec un réducteur construit 
par Reiniger, Gebbert et Schall. L'interrupteur prend également son 
courant au secteur indépendamment du circuit principal. 

J'ai d'abord répété l'expérience de Leduc, anode sur la moitié du 
poignet, pendant que la cathode, en forme d’une grande plaque, se trouvait 
sur le sternum. Ce que dit Leduc est exact qu'il y a une diminution 
marquée de la sensibilité dans les doigts innervés par le médian, mais 
l'hypoesthésie ne durait que pendant que le circuit était fermé; à circuit 
ouvert, elle disparut subitement. 


WINKLER. — ANESTHÉSIE LOCALE 531 


L'expérience décrite par le constructeur de l'appareil avec lequel 
Mann travaillait me donna aussi un bon résultat quand je la répétai. 
Elle réussit le mieux de la manière suivante : Le poignet est enveloppé 
par un grand morceau d’ouate bien mouillée, ainsi que la première pha- 
lange du doigt du milieu de la même main; on met sur le poignet la 
cathode, sur la phalange l'anode, et on introduit le courant d'une durée 
de passage d'un dixième de la période, l'intensité est 1-1 1/2 milliampères. 
Après une minute, la sensibilité de cette partie du doigt du milieu qui est 
au dessus de l'enveloppe, est bien diminuée J'ai aussi trouvé, ce que ni 

Leduc ni Mann ne signalent, que la zone entre les électrodes montrait 
une sensibilité également diminuée; cette observation m'incita à faire 
des expériences, pour voir si on ne pouvait pas employer l'hypoesthésie 
de la peau entre les électrodes pour des effets pratiques. 

Si l'on met sur la région antérieure de l'avant-bras deux petites 
électrodes en forme de disques et bien mouillées, et si l'on augmente 
lentement le courant intermittent jusqu’à deux milliampères — corres- 
pondant à une intensité de cent milliampères avec un courant non inter- 
rompu — il se produit une contraction tétanique des muscles immédia- 
tement sous la peau qui sont frappés par le courant, et la peau sur ces 
muscles devient anesthésique 

Le degré de l'anesthésie dépend de la position relative des électrodes; 
la sensibilité est beaucoup plus diminuée si la cathode est située en 
amont et l'anode en aval. Cette position des électrodes correspond à 
l'expérience, de Batoschis, citée plus haut. Mais dans la position inverse 
des électrodes la sensibilité de la zone de la peau située entre elle est 
également diminuée, naturellement à un moindre degré. 

Le degré de l’anesthésie dépend aussi de l'état de contraction du 
muscle situé immédiatement sous la peau ; il n'est pas possible d'atteindre 
l'hypesthésie sur les os, sur le sternum et sur le tibia. 

Mais l'état de la contraction des muscles sous la peau n'est pas la 
seule condition qui intervienne ; si, en effet, la peau étant devenue 
analgésique par le courant intermittent sans changer la position des 
électrodes, on fait passer un courant faradique, et de manière que cette 
partie des muscles tombent dans une contraction tétanique analogue à 
celle du courant intermittent l’analgésie cesse. Quoique la tension de la 
peau soit approximativement la même que pendant le passage du courant 
intermittent, on ne peut pas parler d’une diminution quelconque des 
qualités de sensation dans la partie de la peau traversée par le courant. 
Ce fait est à souligner, car Mann croit le courant intermittent peu fréquent 
égal au courant d'induction justement en rapport de l'effet tétanique. 

Les tissus adipeux ne paraissent pas influencer l'effet de l’hypoes- 
thésie. 


532 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ll semble que pour atteindre l’hypoesthésie, une certaine tension de 
la peau par la contraction des muscles est nécessaire. On peut ainsi 
expliquer que l'expérience réussit mieux si le nombre des tours de l'inter- 
rupteur est petit, environ entre 50 et 100. A un plus grand nombre 


d'interruptions, il n'y a pas d'effet tétanique — ce que Mann a aussi 
constaté; — si la tétanisation manque, manque aussi la production de 
l'hypoesthésie. 


L'hypoesthésie se produit tout d'abord sur le sens de la douleur: 
on ne sent pas piquer, pincer, couper comme une douleur, si l'expérience 
a réussi, mais comme un attouchement, et le sujet n'est pas en état de 
différencier les différentes manières d’attouchement les unes des autres. 

Mais on n'en peut pas conclure que la tension de la peau. produite 
par la tétanisation, cause la diminution de la sensation de douleur méca- 
nique; deux ex ériences y contredisent: premièrement, l'expérience de 
faradisation citée plus haut: puis, une expérience de Goldscheider (1), que 
les uerfs sensitifs et les nerfs sensoriels sont mis dans une plus grande 
excitabilité par une augmentation de turgescence. 

Le changement du sens de température est encore plus caractéristique 
Si l’on touche la peau se trouvant entre les électrodes avec ure éprouvette 
emplie d’eau, le sujet sent bien la chaleur, mais pas la douleur de la 
brûlure. Cela prouve de nouveau le fait déjà avancé par Golsdcheider (2) 
que la douleur à la chaleur est composée de deux qualités de sentiment, 
le sentiment de température et l'excitation douloureuse des nerfs sensibles 
et que justemeut cette douleur-ci ne soit pas perçue par les nerfs de 
température. 

Cela nous rappelle les observations communiquées par Donath (31 sur 
les anesthésies thermiques dans le tabès, quelques tabétiques supportent 
une forte chaleur qui serait insupportable aux sains et apprécient l’attou- 
chement avec une chaleur énorme seulement comme un peu chaud. 

Pour que ces expériences réussissent, il est nécessaire que les élec- 
trodes ne soient pas trop éloignées l'une de l'autre — environ deux à 
trois centimètres — qu'elles soient bien pressées sur la peau et que le 
courant soit introduit lentement dans la peau jusqu'au sentiment de la 
tension. Dans le plus grand nombre des cas, un à deux milliampéres 
suffisent, seulement, dans quelques expériences, il me fallu monter 
jusqu'à quatre milliampères Lorsque l'état de tension dans la peau et la 
diminution du sens de douleur sont produites, on peut diminuer l'inten- 


(1) Gesammclte Abhandhungen, Liepzig, 1898, I Bd., page 45. 
(2) Gesammelte Abhandhungen, Liepzig, 1898, I. Bd., page 72. 
13) Archiv. für Psychiatrie XV. 1554. 


WINKLER. — ANESTHÉSIE LOCALE 533 


sité du courant jusqu'à 1/2 milliampère sans diminuer l’anesthésie ; si le 
courant dimin:.e encore plus la sensibilité de la peau augmente en pro- 
portion de la diminution de la tension de la peau, jusqu’à ce qu’elle ait 
atteint ses propriétés sensilives normales pour une intensité du courant 
nulle. 

L'expérience de mettre une région cutanée entre les électrodes, est 
très intéressante Après ce que J'ai dit plus haut on comprend bien que, 
pendant le passage du courant, le sentiment des démangeaisons disparait 
totalement: mais on ne peul pas bien expliquer que ce sentiment reste 
disparu après la cessation du courant. On peut facilement s'en persuader 
pourtant dans l'urticaire e: dans le prurit localisé 11 faut encore dire 
qu'après l'intermission du courant, ce sentiment reste disparu, tandis 
que les sentiments normaux retournent tous à la normale 

Par rapport à ces observations on peut remarquer que la déman- 
geaison est, d’après les explications de Goldscheider (6. analogue au 
chatouillement. lequel est l'expre-sion d'excitations tr. s faibles et qui 
n'est plus perçu un point où le courant a passé. Nous savons déjà depuis 
longtemps que le sentiment de chatouillement et celui de démangeaison 
sont supprimés par une forte excitation de la peau; c'est pourquoi nous 
employons la faradisation avec succès contre la démangeaison, méthode 
qui, dans ces derniers temps, a été recommandée par Bouveyron (7). 

Le courant intermittent partage aussi la propriété de faire cesser les 
démangeaisons avec les décharges en aigrettes dans la franklinisation et 
la d’Arsonvalisation: tous les deux produisent une diminution du sen- 
timent de douleurs dans cette partie de la peau, qui est frappée par le 
cône d'aigrettes, et ont énormément l'effet de faire cesser les déman- 
geaisons comme Doumer et Leloir (8), Monell (9) et Oudin (10) nous 
l'ont montré. Déjà Doumer (11) a profité de l'effet analgésique de la 
décharge en aigrettes dans sa méthode du traitement des fissures anales 
et des hémorroïdes, et Billinkin (12) a publié des expériences dans les- 
quelles il a fait des opérations hémorroïdales sous l'effet analgésique de 
la décharge en aigrettes. 

Mes propres expériences qui avaient pour but la réalisation des quali- 
tés analgésiques de l'électricité statique, ont montré que ces effets anal- 


(6) Gesammelte Abhindlungen. Leipzig 1898, I Bd., pag. 202 

(7: A'unales d'électrobiologie. 1902, pag. E 69. 

(8, Comptes rendus de l’Académie des Sciences. 1893. 

(9) Med. Record, 18 nov. 1893. 

110) Société française d'électrothérapie de Paris, mais 1895. 

01) Presse medicole, 1891. 

(2) Comptes rendus du Congrès d’Electrologie, Berne, 1902, page 619. 


534 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


gésiques sont seulement produits sur la membrane pituitaire ; la peau ne 
montre pas une diminution du sens de douleurs, mais une diminution 
du sentiment de démangeaison; J'ai par cette raison recommandé déjà 
plusieurs fois l'électricité statique comme moyen pour faire cesser les 
démangeaisons; on ne peut pas l'employer pour produire des effets 
analgésiques. | 

Le courant intermittent est une tout autre chose. Il est si clair que le 
sens de douleur est influencé entre les électrodes, qu'on peut bien 
employer cette méthode pour diminuer la sensibilité de la peau pour 
l'épilation électrolytique. Il faut seulement avoir la précaution d'em- 
ployer de petites électrodes, les mettre sur la peau seulement dans le 
domaine d'un seul muscle, et d'employer pour l'épilation un second cir- 
cuit de courant, peut-être une petite batterie. La cathode de ce second 
circuit est mise en rapport avec l'aiguille d'épilation, l’anode est mise 
sur un point indifférent du corps. Le porte-aiguille est pourvu d’un 
mécanisme d'interruption; l'aiguille est introduite dans l'entonnoir du 
cheveu et le courant n'est fermé qu'après l'introduction de l'aiguille. Un 
milliampère suffit pour l'électrolyse des cheveux L'introduction de 
l'aiguille dans l’entonnoir du cheveu et la fermeture du courant sont sans 
douleur. Je ne peux pas recommander d'employer de plus grandes inten- 
sités parce que des trainées de courant passent facilement sur des régions 
non insensibilisées et peuvent produire de la douleur. 

11 ressort aussi de l'expérience que pour employer les effets analgé- 
siques du courant intermittent à l’électrolyse des poils à la face, que la 
cathode du circuit interrompu doit être mis centralement et l'anode péri- 
phèriquement. Aussi dans cette expérience le degré de l’analgésie dépend 
de l'état de tension de la peau par la contraction des muscles frappés. Il en 
résulte la nécessité déjà rapportée, d'employer pour la face seulement de 
petites électrodes et d'examiner avant l'électrolyse le degré de l’anes- 
thésie de la peau. 


Action hémostatique du radium 


Par M. P. OUDIN 


Messicurs, 


Nous avons publié l'an dernier, à l’Académie des Sciences et au 
Congrès de Milan, mon ami Verchère et moi, un travail sur l'action des 
sels radio-actifs en gynécologie. Nous avions été amenés à essayer cette 
thérapeutique par des publications faites de différents côtés sur la dimi- 
nution du volume des fibrômes soumis aux rayons X, diminution que 
nous-mêmes avions constatée de la façon la plus nette chez une malade ; 
et nous avions pensé qu'il serait beaucoup plus logique, au lieu d'irradier 
la tumeur au travers de la paroi abdominale, de porter la source des 
rayons X dans la cavité utérine, sous forme d'un sel radio-actif. 

Sans revenir sur ce que nous avons dit alors des modifications survé- 
nues dans l état des tumeurs que nous avons ainsi traitées, je dois pour- 
tant rappeler que le fait le plus saillant de nos observations, celui qui 
nous a tout d’abord surpris par sa constance et sa: netteté, a été la dis- 
parition rapide des métrorrhagies chez celles de nos u.alades qui présen- 
taient ce symptôme. 

Mais, comme nous constalions parallèlement une rétraction très 
sensible des tumeurs et une diminution des empätements vhlegmasiques 
péri-utérins, nous ne savions si l’hémostase était due à la décongestion 
locale, où à la réduction du calibre des vaisseaux par rétraction générale 
de la masse fibreuse, ou bien si il y avait là une action spéciale sur les 
vaisseaux de la muqueuse. 

Chez les malades dont je vais vous résumer rapidement les observa- 
tions, il n’y avait pas de corps fibreux, les résultats ont été aussi favorables 
que possible, 

La substance radio-active que j'ai employée était la même que celle 
qui nous avait servi antérieurement, soit 25 milligr. de bromure de radium 
a 75 °/, de produit pur, c'est-à-dire de radio-activité égale à 1.800.00 !. 

Ce sel est scellé dans un petit tube de verre de 25 millim. de longueur 
et de 2 millim. de diamètre, et ce tube est fixé au fond d'une longue tige 
creuse d'aluminium, ayant la forme et la dimension d'un hystéromètre 
de 3 millim., 5 de diamètre. L'ensemble de l'instrument laisse passer 


536 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


920 unités radio-actives sur 1.800.000, c’est-à-dire environ le 1/2000 de 
la radiation totale constituée par 


Rayons a. ... 0 
Rĉ...... peu et très pénétrants. 
R. X......  presqu'en totalité. 


La tige introduite dans la cavité utérine, avec toutes les précautions 
aseptiques nécessaires, est laissée en place de 10 à 20 minutes. 


O8s. I. — Mme G .., 35 ans, mariée, pas d'enfant, se voit malade pour la pre- 
mière fois, en mai 1905, envoyée par le D" Barthélémy. Quatre ans auparavant 
ont commencé des métrorrhagies ; d'abord, les régles sont survenues de plus en 
plus longues et abondantes, puis l'écoulement sanguin est devenu permanent, la 
malade n'ayant plus aucune indication des dates mensuelles. C'est le plus souvent 
un suintement léger qui, à chaque instant, a l'occasion de la moindre fatigue, 
souvent sans cause apparente, s'exagère au point que la malade souille cinq ou 
six serviettes dans la journée, souvent même est obligée de rester étendue pendant 
24 ou 48 heures. 

On a fait, en 1902, un curetage, qui a été suivi d'une cessation de l'écoulement 
de trois semaines, puis il a recommencé. Elle a subitcinquante séances d'électro- 
lyse qui, d'après les renseignemeuts qu'elle donne, a du être faite à très haute 
intensité. L'écoulement a diminué peu à peu, puis s'est arrêté, mais a reparu 
quinze jours après la dernière séance, aussi abondant que jamais. 

Depuis 18 mois, il n'a pas cessé un seul jour, douleurs lombaires presque 
constantes. 

Malgré cela, l'état général n’est pas mauvais. Femme grasse, à teint assez 
coloré. L'utérus est un peu gros, mais on n'y sent pas d'induration, pas de corps 
fibreux, il est plutôt mou, ne remonte pas au-dessus du pubis. Col gros, mais 
sans exagération, non ulcéré, pas de déviation. 

De mai 1905 à Janvier 1906, je fais une vingtaine de séances d'électrolyse 
positive de 20 minutes chaque et de 20 milliamp. par série de trois à sept séances. 
Il y a de l'amélioration en ce sens que les pertes abondantes ont bien diminué, 
mais le suintement persiste, la patiente finit par se lasser et cesse de venir. 

En octobre 1906, après les résultats intéressants que nous avions obtenus dans 
les métrorrhagies de corps fibreux, j'écris à la malade et la fais revenir. 

Depuis le mois de mars, l'écoulement a reparu plus abondant que jamais. 

Je fais les 19, 22 et 26 octobre, trois applications de radium de {0 minutes 
chaque. 

Dès la première séance, l'hémorrhagie a été remplacée par un écoulement 
d'eau rousse de moins en moins coloré et qui a cessé le 28 octobre pour reparaitre 
le 10 novembre, le 12 et le {3 écoulement sanguin, qui s'arrête complétement et 
spontanément le 15. 

Le 22 novembre, nouvelle séance de 20 minute :. 

Du 9 au 15 décembre, quelques taches d'eau rousse. Et, depuis lors, c'est fini, 
complètement fini. La malade a eu ses règles le 7 janvier, elles ont duré cinq jours, 


(1) Congrès de médecins. 


OUDIN. — ACTION HÉMOSTATIQUE DU RADIUM 537 


un peu abondantes, et depuis, tous les mois, elle est réglée très normalement 
pendant cinq jours, pas le moindre écoulement dans l'intervalle des règles Les 
douleurs lombaires ont disparu. J'ai revu la malade ces jours derniers, son état 
est demeuré parfait 


Oss II. — Mine J..., 52 ans, veuve, sans enfant, a toujours été très bien réglée 
et, sauf quelques accidents d'arthritisme, je ne vois rien à signaler dans ses 
antécédents. 

Les premières manifestations de la ménopause se sont signalées il ya 18 mois, 
par des retards, des irrégularités. 

En février et mars 1407, pas de règles; en avril, véritable métrorrhagie, 
écoulement abondant gros caillots, douleurs vives, obligation de garder le lit. 

Je vois la malade pour la première fois le 12 mai, l'écoul-ment est toujours 
aussi abondant, et dure depuis 40 jours Utérus gros, douloureux à la pression et 
au toucher, de consistance normale: col sain. 

Application de radium pendant 20 minutes, ce jour même. 

Le lendemain, suintement faible, un peu rosé, qui cesse dans la nuit. Et depuis, 
rien, les règles ont définitivement disparu, l'utérus est petit, indolore, la santé 
parfaite. 


Oss. III. — M= A..., 31 ans, quatre enfants, le dernier en 1902. Une fausse 
couche à 4 mois, en 1903, après un accident de voiture. Hémorrhagie abondante 
persistant pendant trois semaines, après l'expulsion du fœtus. Cet accident eut 
lieu en province, la malade ne sait pas si l'œuf tout entier fut éliminé le jour de 
l'accouchement. 

Depuis cette époque, la santé, bonne jusqu'alors, laisse de plus en plus à 
désirer, pertes blanches abondantes, inappétence, douleurs lombaires et abdo- 
minales, amaigrissement. i 

Les règles reparaissent de mois en mois plus abondantes et prolongées ; et, à 
partir du commencement de 1905, durent de 15 à 20 jours, de sorte que la patiente 
a, par mois, à peine 4 à 5 jours bons, et encore pendant lesquels persiste un 
écoulement blanc très abondant. 

En juin 1905, on pratique un curetage après lequel il y eut, pendant quelques 
mois, une légère amélioration, mais les symptômes reparurent bientôt comme 
auparavant. 

Je vois la malade en Novembre 1906. Aspect général mauvais, teint cireux, 
amaigrissement, palpitations au moindre effort, constipation opiniâtre. Elle passe 
presque tout son temps étendue,la moindre marche exagère l'hémorrhagie. L'utérus 
est gros, mou, sens ble à la palpation et au toucher. Les culs-de-sacs sont un 
peu empâtés, mais les trompes et les ovaires semblent sains; depuis 17 jours, 
l'écoulement n'a pas cessé. 

Le 7 Novembre. première application de radium, de 15 minutes. Ecoulement 
très abondant avec caillots dans la soirée, mais le lendemain diminution très 
notable de l'hémorrhagie, et les jours suivants elle ne perd plus que de la sérosité 
roussâtre, 

Le 14, nouvelle application de 20 minutes. Il ya encore dans la soirée et la 
nuit suivantes, une reprise de l'hémorrhagie, mais le lendemain elle ne perd 
presque rien, et le surlendemain à cinq heures, quand je la vois, elle a sur son 
linge, depuis le matin, une tache rousse de largeur a peine d'une pièce de 5 francs. 


538 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Depuis ce jour, plus rien ; les règles ont reparu normales le 29 novembre et 
ont duré sept jours, mais ont été suivies encore du même écoulement roussâtre 
que précédemment. 

Nouvelle séance de 20 minutes le 12 décembre. 

Depuis, tout est rentré dans l’ordre. J'ai revu la malade le 15 juin, complète- 
ment transformée, l'utérus a son volume et sa consistance normale. 

Elle a repris ses occupations commerciales, qui la tiennent debout une parte 
de la journée. Les règles reparaissent tous les 25 ou 26 jours. Plus d'écoulement 
blanc dans leur intervalle. Utérus petit, l'empâtement des culs-de-sacs a disparu. 
Annexes sains et indolores. 


Oss IV. — Mr de X...,4l ans, mariée, trois enfants, le dernier il y a dix ans. 
Depuis six on sept ans, les règles sont devenues de plus en plus abondantes et 
durent {0 à 15 jours Je la vois, la première fois, le 15 janvier 1907 ; depuis le 
4er Octobre, elle perd presque continuellement, n'a un peu de répit qu'à condi- 
tion de rester couchée et de prendre par jour plusieurs grandes injections à 45°. 

Utérus gros, dur, lis-e, fibromateux, en antéflexion, dépasse le pubis d'un 
bon travers de doigt, col gros, entr'ouvert descendant très bas. 

Première application de 20 minutes le 7 janvier. Dès le lendemain, écoulement 
moindre, plus de caillots, plus de douleur, l'hémorrhagie cesse le 10. Fin de mois 
excellente. Le 30 janvier, l'écoulement reparaît trop abondant, avec douleurs et 
caillots. Deuxième séance de 20 minutes le 6 février. Plus de sang en février. Le 
2 Mars, mème chose, les règles rappellent une véritable métrorrhagic qui dure 
jusqu'au 7 mars et est arrètée 24 heures après une nouvelle séance. Très bon mois 
de mars. Le 30, c'est-à-dire quelques jours avant l'apparition des règles, je fais 
une application de 15 minutes. Les règles apparaissent le soir même, elles durent 
six jours, sont normal::8. 

Depuis lors, elles reparaissent tous les 28 ou 30 jours, sans caillots, sans dou- 
leurs. Elles durent de cinq à sept jours, sont toujours abondantes mais plutôt 
moins que les annnées dernières. 

L'utérus est beaucoup plus petit, ne se sent plus au-dessus du pubis; la 
malade a laissé de côté une ceinture dont elle ne pouvait se passer depuis plu- 
sieurs années. 


Je pourrais encore vous donner une observation très analogue à la 
précédente, mais je ne veux pas insister sur ces deux cas confinant aux 
corps fibreux, et pour lesquels je ne ferais que répéter notre communi- 
cation de l'an dernier, alors que je veux au contraire aujourd'hui vous 
indiquer que l'action hémostatique du radium en gynécologie semble bien 
porter sur les capillaires de la muqueuse. 

Vous savez que les histologistes ont décrit, parmi les lésions provo- 
quées par les rayons X, de l’endartérite oblitérante. L'endothélium des 
capillaires se détache, les cellules en deviennent granuleuses. Il est pro- 
bable qu'un échantillon de radium. assez énergique, comme celui dont 
je me suis servi, et constituant une source active de Rayon X, porté 
directement sur la muqueuse, presqu’en contact avec ses vaisseaux, 
provoque des altérations de même nature dans les capillaires. 


OUDIN. — ACTION HÉMOSTATIQUE DU RADIUM 539 


Je ne vous apporte que quatre observations. C’est peu: je sais qu’on 
pourrait m'objecter la série heureuse, et j'aurais remis ce travail à plus 
tard, si à ce point de vue de l’hémostase, ces cas ne concordaient pas 
absolument avec ce que nous avons constaté, Verchère et moi, dans les 
cas de fibrômes que nous avons publiés et dans ceux que nous avons 
observés depuis 

En terminant, permettez-moi aussi d'insister sur l’innocuité absolue 
de ces applications que j'ai répétées maintes fois sans le moindre inci- 
dent. Une source radioactive émettant de 900 à 1000 unités peut rester 
impunément en contact avec une muqueuse Je l'ai essayée sur la 
muqueuse de mes lèvres pendant le même temps, et ai provoqué ainsi 
une légère exulcération qui a mis une huitaine de jours à se cicatriser et 
qui a été assez douloureuse en raison de son siège, mais qui dans l’utérus 
est absolument insensible. Elle est certainement bien plus superficielle 
que cel'e que provoque une séance d'électrolyse à 20 ou 30 milliam. 

D'autre part, faut il craindre. en portant ainsi une source de rayons X 
au voisinage des ovaires, l’action stérilisante que l’on connait D'abord 
je ferai remarquer que chez mes malades l'ovulation semble avoir conti- 
nué normalement puisque, sauf dans mon cas de ménopause, les règles 
n'ont pas été supprimées. Les ovules étaient-ils stérilisés? Les travaux 
de M. Pinard tendraient à faire supposer que non Et puis cette stérilsa- 
tion n'est pas permanente. Et quand même elle le serait, on n’hésite pas 
à pratiquer une hystérectomie contre une métrorrhazie rebelle d'autant 
que presque toujours elle n'apparait que vers la fin de la vie génitale de 
la femme. 


Sur l'importance de l'effluve de haute fréquence 
comme moyen de diagnostic de quelques 
maladies. 

Par M. G. O'FARRILL. 


La réputation des courants de haute fréquence comme moyen théra- 
peutique est actuellement affirmée, gräce aux travaux de d’Arsonval, 
Doumer, Oudin et de plusieurs autres, qui augmentent, d'une façon conti- 
nuelle, le champ de leurs applications Comme moyen de diagnostic on 
ne les a pas encore employés jusqu’à présent malgré qu’ils puissent 
rendre de grands services. 

Quoique les appareils pour la production de l’effluve ne soient pas à 
la portée de tout le monde, ils sont chaque jour plus accessibles parce 
que les cabinets électrothérapiques se généralisent et par la posibilité 
d'employer avec de légères modifications les appareils de production des 
rayons Rôntgen comme producteurs des courants de haute fréquence. Il 
suffit, en effet, de relier la bobine avec une paire de condensateurs de 
faible capacité et ceux-ci avec un solénoïde d'Oudin, que tout le monde 
peut improviser pour compléter l'appareil. 

Pour que l'effluve soit pénétrant à un suffisant degré, il est préfé- 
rable que le résonateur soit bipolaire ; mais un bon résonateur monopolaire 
peut donner un résultant satisfaisant 

Afin que les résultats par moi obtenus puissent être vérifiés, il me 
semble convenable de décrire brièvement ma façon d'obtenir l’efluve. 

J'utilise le courant continu d'un dynamo de 110 volts qu'un réduc- 
teur de potentiel abaisse à 60, un interrupteur de turbine qui donne de 
1,500 à 2,000 interruptions par minute, une bobine Radiguet donne des 
étincelles de 50 centimètres, une paire de condensateurs, système 
Moczinski de 0,003 microfarads de capacité et un solénoïde bipolaire en 
fil gros et de 24 spires Une lampe de 100 volts en connexion avec un 
circuit circulaire d'un diamèêtie un peu moindre que celui des spires du 
solénoïde et placée intérieurement au niveau de la partie moyenne, 
indique par sa lumière l'intensité et la régularité des courants de haute 
fréquence obtenus. L'intensité du courant primaire varie de 3 à 
4 ampères. 


O’FARRILL. — DIAGNOSTIC DE QUELQUES MALADIES 541 


Pour obtenir la bipolarité d'une façon facile et rapide, j'ai eu l’idée 
d'utiliser les spires du milieu d'un solénoïde comme circuit primaire et 
celles qui restent au-dessus et en bas comme circuits secondaires Je lie 
les armatures externes avec quelques spires du milieu, de telle façon quela 
longueur du solénoïde en haut et en bas de ces connexions reste égale 
et je fixe aux bouts des fils de fer longs et flexibles qui permettent de 
faire l'application thérapeutique à quelques distances de l'appareil 

Si l'on met les extrémités des fils flexibles l’une en face de l’autre, 
on observe que l'effluve est plus long à un des bouts ; lorsqu'on change 
la direction du courant primaire du transformateur, on transporte l’effluve 
le plus long à l’autre extrémité, ce qui montre qu’un des pôles est 
prédominant 

Comme les capacités des circuits primaire et secondaire sont égales 
et en général toutes les conditions sont identiques, on ne s’explique que 
l'effluve soit plus grand à une des extrémités qu'en acceptant la prédo- 
minance des pôles Il est très probable que dans les résonateurs on 
constate le même phénomène qu'aux bobines dans lesquelles un des 
courants est prédominant et fixe les pôles malgré qu'ils soient alternatifs 
dans le circuit induit. 

Sl l'on fixe les extrémités des conducteurs à un tube de Geisler on 
peut déterminer que le bout auquel l'effluve est plus long est le pôle 
positif, car quoique l'illumination des sphères du tube n'est pas si diffé- 
rente que lorsqu'on le connecte avec une bobine, elle est cependant 
suffisamment perceptible pour distinguer les pôles. 

On comprend qu'il conviendra d'employer préférablement le pôle 
positif parce qu'il est le plus long dans les cas où l’on veut obtenir la 
pénétration de l'eflluve. 

Une autre modification qui m'a parue utile, consiste à employer 
l'étincelle de l’éclateur à petites sphères, intercalées entre celles où a 
lieu la décharge. On obtient une étincelle d'autant plus grande que 
le nombre de contacts, la tension du courant inducteur et par consé- 
quence celle de l'induit du solénoïde sont plus grands; l'appareil, du 
reste, fonctionne plus régulièrement. 

Pour que l’étincelle ne forme pas arc et ne trouble le fonctionnement 
du résonateur je remplace une des sphères par une pince qui soutient 
une bandelette d'étain dont la fusion augmente la distance de la décharge 
et rétablit automatiquement les conditions favorables. 

On peut obtenir le maximum de l'eflluve sans varier les connexions 
des condensateurs au solénoïde, en variant la longueur de l’étincelle de 
décharge et la vitesse de l'interrupteur. 

Pour explorer avec l’efliuve j'emploie une brosse en fil de fer liée au 
pôle positif du solénoiïde. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — AOUT 1907. 38 


542 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Je mets le malado en contact avec le pôle négatif au moyen d'une 
plaque flexible couverte d'un morceau de gaze humecté avec de l'eau 
tiède et j'approche la brosse de la région que je désire explorer, en variant 
leur distance, selon qu'il s’agit d'explorer la peau, les muscles ou les 
organes internes, d'autant plus proche que je désire explorer plus pro- 
fondément, mais en me gardant bien d'arriver à la distance où se 
produit l'étincelle. 

Dans la peau on peut explorer la sensibilité d’une façon très exacte, 
puisque celle-ci est visible et que sa distance à la brosse est mesurable. 
On peut, tantôt en la rapprochant, tantôt en l’éloignaut, augmenter 
ou diminuer graduellement l'excitation. Si la sensibilité est normale 
on obtiendra des distances égales à celles qui résultent de l'exploration 
d'un individu sain qui servira de point de comparaison. La comparaison 
de la sensibilité d'une région avec celle du côté opposé se fait également 
mieux que par les moyens usuels. 

L'effluve permet d'explorer la sensibilité musculaire et celle de 
tous les organes profonds, dont quelques-uns sont inaccessibles aux 
autres moyens d'exploration, comme le poumon, le cœur, le cerveau et 
les séreuses qui les enveloppent. 

Les os, spécialement les os superficiels, comme le tibia et la clavicule, 
sont très sensibles; à la voûte crânienne l'effluve est très dou- 
loureux. 

Viennent après les troncs nerveux très excitables et sensibles et la 
peau, qui doit sa sensibilité notable à la richesse de petits fils nerveux. 
Les muscles sont très excitables par l'effluve mais peu sensibles. 
L’effluve appliqué sur la partie antérieure et inférieure du cou, ou sur la 
partie supérieure du sternum produit une sensation de suffocation et 
d'angoisse qui s'exagère s’il est appliqué sur la région précordiale. Le 
poumon, le foie et la rate sont presque insensibles. 

Les muscles étant très excitables, on comprend l'utilité de leur 
exploration dans les paralysies et dans les affections des organes contra- 
tiles, comme l'estomac et l'intestin, on observe souvent une altération de 
leur excitabilité, ou encore leur suppression complète, ou bien leur 
contraction douloureuse. 

Dans le cas de lésions pulmonaires tuberculeuses, guéries, la 
percussion, l’auscultation et encore la radioscopie sont inexactes, et 
seulement l’effluve peut déterminer s'il s'agit de processus guéris. Si les 
lésions pulmonaires sont à leur début l’effluve les révélera souvent de 
p: éférence aux autres moyens d'exploration. 

Dans le paludisme la rate est excessivement douloureuse à l'effluve 
el dans les infarctus non paludiques il m'a paru moins sensible. 


O'FARRILL. — DIAGNOSTIC DE QUELQUES MALADIES 543 


Dans les inflammations suppurées des organes la douleur est intense à 
l'efluve et elle permet dans quelques cas de localiser l’abcès. 

Dans un cas de syphilis cérébrale avec aphasie, l'efluve était plus 
douloureux dans l'hémisphère gauche. 

Beaucoup d’affections des os peuvent se localiser, ou se diagnos- 
tiquer par l’effluve, comme le mal de Pott, les nécroses et les caries 
profondes, etc. 

En résumé, on observe comme caractère constant et indiscutable de 
l'inflammation des tissus, une augmentation notable de la sensibilité à 
l’effluve. i 

(Traduit de l'Espagnol par M. A. MURIENTO BARRIENTOS). 


Propriétés physiques des Rayons X. 
Étude qualitative et quantitative. 


Par M. M. CHANOZ, 


Docteur ès-Sciences physiques, 


Chef des Travaux de Physique médicale à la Faculté de Lyon. 


Sommaire. 


PREMIÈRE PARTIE — Rayons pe RÖNTGEN. LEURS PROPRIÉTÉS PHYSIQUES. 


Conditions d'apparition des rayons X. Nature des rayons X. Mécanisme de la 
production pratique de ces rayons. 

Moyens d'étude des rayons X : Visibilité; fluorescence provoquée; action 
photographique. 

Emission des rayons X : durée; l'émission ne suit pas la loi photométrique du 
cosinus, 

Absence de déviation par les champs : magnétique, électrique; déduction. 

Propagation rectiligne rigoureuse. Application pratique. 
À) Les rayons X ne subissent pas la diffraction ; déductions. 
B) Les rayons X ne se réfractent pas; déductions. 
C) Les rayons X ne se réfléchissent pas régulièrement. 

Vitesse de propagation, suivant la loi du carré inverse des distances. 

Absorption des rayons X. Généralités. Travaux de M. L. Benoist. Radiochroïsme. 
Applications. 

Production des rayons nds ie tertiaires, etc. Nature. Inconvénients 
pratiques. 

Action calorifique des rayons X. Faible rendement du tube de Crookes en 
rayons X. 

Action ionisante des rayons X. Nouvelles analogies avec la lumière : 
A) Décharge des conducteurs électrisés. Types a 


B) Condensation des brouillards Mesure des: e-r ; déductions. 


Actions diverses des rayons X : 1° sur le sélénium; . sur les colloïdes; 3° sur 
l’osmose ; 4° sur les actinomètres. 


DEUXIÈME PARTIE. — ETUDE QUALITATIVE ET QUANTITATIVE DES RAYONS X. 


À) Etude qualitative. 
Il existe des rayons X de diverses qualités. Expériences Tubes durs, mous. 
Afflux cathodique. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 545 


Le rayonnement issu d'un tube de Crookes est hétérogène. 
Problème de l'isolement d'un faisceau homogène. 
Propriétés relatives des rayons X de qualités différentes : 
a) Action photographique. 
b) Actions sur le platinocyanure de baryum : 1° fluorescence ; 2 brunissement 
(réaction de Villard). 
c) Action sur l'électroscope. 
d) Actions physiologiques. 
a) Radiographie. 
Importance de la qualité dans les applications médicales < b) Radioscopie. 
c) Radiothérapie. 
Détermination et production de la qualité d’un rayonnement X. 
I. — Détermination de la qualité. 
A) Méthodes directes : Fluoroscopie de la main. Radiochromomètres: Röntgen, 
Benoist, etc. . 
B) Méthodes indirectes : Elles ne sont pas générales. Spintermètre, Milliam- 
pèremètre. Voltmètre. 
II. — Obtention de la qualité. 


B) Etude quantitative. 


Le problème physique du rayonnement. Cas du corps noir idéal. 
Que connaît-on du rayonnement X? Résultats expérimentaux de M. Turchini. 
Considérations sur le dosage des rayons X. Problème a résoudre. Critiques 
générales. 
Procédés indicateurs de rayonnement X utilisés en pratique. 
A) — Procédés directs: Réflexions critiques. 
a Impressions photographiques. 
& Fluorescence du platinocyanure de baryum. Procédés photométriques. 
1° Procédé d'Holzknecht. Unité H; 
20 Procédés utilisant la réaction de Villard, 
y Actions chimiques diverses Leur valeur pratique. 
3° Procédé de Schwartz ; 
4o Procédé de Freund. Unité I. 
B) — Procédés indirects : Le problème à résoudre. Les indéterminatioas. Avenir 
de la méthode. 


546 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


PREMIERE PARTIE 
RAYONS DE RÖNTGEN. — LEURS PROPRIÉTÉS PHYSIQUES 


Conditions d'apparition des Rayons X. — Les rayons X se produisent 
dans les deux circonstances suivantes actuellement connues : 

1° Quand prennent naissance des particules électrisées douées de 
grande vitesse. 

Certains corps radio-actifs, comme le radium, donnent spontanément 
(pour nos moyens actuels d'investigation) : des rayons v, f, constitués, 
les premiers par des particules matérielles chargées positivement et 
animées d'une vitesse de 25.000 kilomètres environ à la seconde (Ruther- 
ford), les secondes par des particules beaucoup plus petites portant une 
charge négative et se mouvant avec une vilesse à la seconde de 240.000 
à 280.000 kilomètres environ (Kaufmann). 

En même temps apparaissent dans le rayonnement les rayons y, 
découverts par M. Villard en 1900, non élec’risés et appartenant à la 
famille des rayons X. 

2° Quand les particules électrisées négatives, douées de vitesse, sont 
arrêtées brusquement et plus ou moins complètement par une paroi solide. 

C'est ce qui a lieu dans le tubo de Crookes (focus), au niveau de 
l'anticathode choquée par les rayons cathodiques. 

Ce qui décide de l'apparition des rayons X, c’est donc : une variation 
suffisante (accroissement ou diminution) de l'énergie cinétique des par- 
ticules supportant une charge électrique (électrons de Lorentz). 


Nature des Rayons X. — On a fait de nombreuses hypothèses sur la 
nature des rayons X. De nos jours, on envisage très généralement les 
choses de la façon suivante : 

a) Quand un courant électrique est établi ou rompu, augmenté ou 
diminué brusquement, une perturbation électromagnétique se produit et 
se propage dans l'éther des physiciens avec la vitesse de la lumière On 
sait que les : courants induits, oscillations hertziennes (courants de haute 
fréquence, ondes de la télégraphie sans fil} naissent suivant un pareil 
mécanisme. On n'ignore pas que, d'après les idées de Maxwell, la 
lumière n’est pas de nature différente; elle est constituée par des ondes 
électromagnétiques, par des pulsations, des oscillations très rapides (la 
rapidité croit du rouge au violet) qui se succèdent régulièrement, pério- 
diquement et sans amortissement notable (oscillations sinusoïdales). 

b) Les célèbres expériences de Rowland et la controverse mémorable 
de MM. Crémieu, Pender ont prouvé, comme le supposait Maxwell, 
qu'une masse électrique en mouvement produit un courant de convexion 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE3 RAYONS X. 517 


ayant les propriétés magnétiques du courant continu. Si l’on provoque 
une perturbation dans la vitesse des masses électrisées, on modifiera par 
suite l'intensité du courant électrique spécial résultant et, d’après ce 
que l'on a vu en a, il devra se produire dans l’éther un certain ébran- 
lement, une certaine pulsation électromagnétique de même essence, au 
fund, que les ondes électromagnétiques hertziennes et lumineuses. 

Chaque fois qu'une masse cathodique rencontrera, par exemple, 
l'anticathode du tube de Crookes, en raison du choc, la vitesse de l'élec- 
tron sera annulée ou diminuée par sa pénétration plus ou moins grande 
dans la substance de l'obstacle solide; une pulsation électromagnétique 
se produira : les rayons X. 

La lumière, les rayons électriques hertziens, les rayons X seraient donc 
au fond de même nature. Mais, tandis que la lumière est constituée par 
un mouvement oscillatoire périodique pendulaire, les rayons hertziens, les 
rayons X, tels que nous savons actuellement les produire, seraient formés 
de trains d'ondes se succédant à des intervalles relativement espacés 
et irrégulièrement espacés, trains d'ondes constitués par un très petit 
nombre d'oscillations très amorties, surtout pour les rayons X. 

Les rayons hertziens ont des longueurs d'onde considérables (milli- 
mètres et mètres' par rapport à celles du spectre visible {fractions de y). 
Les rayons X, dans l'hypothèse faite, auraient des longueurs d'onde 
très inférieures à celle du violet (de l'ordre des gpg). 

La théorie enseigne que la longueur d'onde d’une telle radiation X 
serait d'autant plus faible, et le pouvoir de pénétration correspondant 
d'autant plus grand, que la vitesse initiale du projectile cathodique arrêté 
serait plus considérable, et l’arrêt de ce même corpuscule plus brusque. 
L'expérience a prouvé qu'il en est réellement ainsi; en particulier, 
M. Benoist a constaté qu'une anticathode en platine constitue un obstacle 
très dense pour les rayons cathodiques, fournit des rayons X très péné- 
trants, tandis que dans les mêmes conditions une électrode en aluminium 
donne des rayons peu pénétrants. 

En résumé, à titre provisoire tout au moins, on peut admettre ceci : 
1° les rayons X ont la nature essentielle de la lumière : vibrations de 
l'éther ; 2° le mouvement correspondant n’est pas régulièrement pério- 
dique et il est très amorti; 3° la longueur d'onde en est très petite par 
rapport à celle du spectre visible. 

Toutes les propriétés négatives des rayons de Röntgen, nous le ver- 
rons bientôt, dérivent de cette nature spéciale. Auparavant, résumons 
rapidement le mécanisme de la production des rayons X. 


Mécanisme de la production pratique des rayons X. — Quand, par 
une source électrique appropriée de haut voltage (15 à 40.000 volts 


548 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


environ), on excite correctement (1) un tube de Crookes, trop connu 
pour être décrit, que se passe-t-il ? 

Entre les électrodes (cathode, anode) du tube radiogène la source 
électrique détermine un champ puissant. Les particules électrisées néga 
tivement, les électrons dont la masse est une fraction infime de l'atome 
des gaz 2 contenus dans le tube (1/:000 environ de la masse H) sont 
dirigées par le champ électrique, repoussées normalement à la cathode 
avec une vitesse considérable qui, suivant les conditions du tube (vide, 
forme, voltage, etc.) peut être de 70.009 kilomètres et plus à la seconde. 
La vitesse est telle que les autres actions sur la particule cathodique sont 
presque négligeables et la trajectoire est rectiligne 13). 

Ces corpuscules cathodiques, sortes de boulets de masse infime mais 
de vitesse énorme, rencontrant sur leur route une paroi solide, repré- 
sentée par la paroi du verre de l'ampoule dans les premiers tubes utilisés 
en 1896, par l’anticathode dans les tubes focus imaginés par J. Thomson 
— et seuls employés de nos jours — produisent un véritable bombar- 
dement ile bombardement moléculaire, comme on disait jadis, le bombar- 
dement cathodique, comme on dit maintenant) 

Et, de même qu'un boulet de canon rencontrant un obsta-le le pénètre 
plus ou moins, provoquant des actions sonores, mécaniques, calorifiques 
se trouve dévié de sa trajectoire initiale, et ralenti plus ou moins dans sa 
marche. De même une partie de l'énergie cinétique de l’électron-boulet 
est transformée par pénétration dans l'obstacle : des effets mécaniques 
se traduisent par un bruissement particulier (facile à percevoir près d'un 
tube actionné) dû au déplacement par le choc de l’anticathode sur son 


(1) Par excitation correcte, nous entendons que la décharge électrique à travers le 
tube de Crookes se fait dans un seul sens, ce qui implique l’emploi de dispositifs 
spéciaux lorsqu'on utilise la bobine d’induction par exemple (soupape de Villard, 
détonateur). 

(2) Il semble que la nature du gaz de l'ampoule est sans influence sur la nature 
des particules cathodiques, ce qui amène à dire que cette particule fait partie inté- 
grante de tous les gaz Cela est très probable, mais il ne faut pas cependant perdre de 
vue ce point : d'ordinaire, les gaz utilisés renferment des traces de vapeur d’eau, et 
ces traces d’e:u, par dissociation. pourr:ient donner l'hydrogène H fournissant les 
particules cathodiques toujours les mêmes. 

(3) Avec une cathode affectant la forme d’une calotte sphérique, les rayons forment 
une sorte de cône creux, dont le sommet devrait être fixe d'après cela. Eu réalité, 
M. Villard a montré que lorsque le degré de vide du tube augmente, la résistance du 
tube croissant, il faut utiliser un voltage plus élevé pour provoquer l’a flux cathodique. 
Dans ces conditions, les diverses régions de la cathode agissent pour communiquer 
aux particules cathodiques une trajectoire se rapprochant d'autant plus du parallélisme 
avec l’axe du cône cathodique que le vide croit davantage. Par suite, le sommet du 
cône s’éloigne de la cathode : on dit que Le foyer s'allonge (Journal de Physique, 
1899, p. 154). 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 549 


tube support; des actions calorifiques puissantes sont révélées (métal 
porté au rouge, fondu: en même temps que les rayons X apparaissent 
du fait de la diminution brusque de la vitesse de la particule négative 
considérée. 

Les électrons, en partie, sont dispersés, diffusés dans l'hémisphère 
inférieure limitée par l’anticathode (1. Ils rencontrent la paroi de l'am- 
poule, excitent sa belle fluorescence ,2; (jaune-verdätre pour le verre à 
potasse, bleuâtre pour le verre à base de plomb: — fluorescence qui n'est 
pas due aux rayons X — et dans ce nouveau choc, les rayons cathodiques 
donnent encore des rayons X mais des rayons X moins pénétrants en 
général que ceux nés au niveau de l’anticathode. 

Un tube de Crookes excité normalement est donc une double source 
de rayons X : a) par son anticathode pour un rayonnement relativement 
intense et pénétrant ; b) par la arvi fluorescente du tube pour un rayon- 
nement moins pénétrant. 


Moyens d'étude des rayons X. Visibilité - On sait que le spectre 
visible des radiations lumineuses est limité du côté des grandes longueurs 
d'onde par l'insensibilité de la rétine ; du côté des vibrations très rapides 
par le pouvoir ab-orbant des milieux de l'œil empéchant leur arrivée sur 
la rétine. Des expériences de MM. de Chardonnet, Guyet, etc.. , ont, 
en effet, prouvé que les opérés de catarartes avaient dans la région ultra- 
violette ordinairement invisible du spectre, une sensation lumineuse, 

Les rayons X que nous avons comparés à des radiations de très faible 
longueur d'onde peuvent, dans certaines circonstances, comme l'a montré 
Brandes, donner une impresssion rétinienne. Les rayons peu pénétrants 
ont pu être vus par des opérés de cataracte. Les rayons plus pénétrants 
peuvent donner une sensation dans des conditions particulières quand le 
tube dur placé près de l'œil observateur est excité énergiquement, et que 


(1) M. E. Merritt. — D'une étude de déflexion des rayons cathodiques avant et 
après la rencontre de l’ahticathode, sous l'influence d’un champ magnétique, l’auteur 
conclut que la vitesse de ce: rayons n’est pas amoindrie par la réflexion (Journal de 
Physique, 1899, p 339). 

(2) On n'ignore pas ce fait intéressant au point de vue de la philosophie scienti- 
fique . c'est en se demandant si cette fluorescence n’était pas l’origine des rayons X 
que M. H. Poincaré, en 1896, suscitait les recherches premières de M. Becquerel 
sur l'émission spontanée de radiations pur l'uranium et ses sel: fluorescents et même 
non fluorescents (rayons de Becquerel). Cette particul-rité acce-soire dans la production 
des rayons X, la fluorescence des tubes de Crookes, a d nc orienté le recherches des 
savants dans une région entièrement neuve de la science, amene méthodiquement, 
grâce surtout à la géniale sagacité des Curie et de leurs collaborateurs, la découverte 
si retentissante des corps radi.-1ctifs, et, par suite, fourni une moisson déjà prodi- 
gieuse, bien qu’inachevée, d- faits de premier ordre pour la théorie de la matière. 


550 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


cet œil reçoit un pinceau de rayons X trés délié, limité par une fente 
étroite. 

Dans ces conditions, l'œil même fermé aurait une impression de lami- 
nosité particulière affectant la forme de la fente. Cette expérience dange- 
reuse à répéter s'expliquerait pour Röntgen et d'autres auteurs par la 
fluorescence développée sous l'incitation des rayons X sur la membrane 
rétinienne. 

Il est évident que cette visibilité des rayons X ne suffit pas à les 
caractériser. Etudions de suite les deux moyens les plus simples pour 
cela déjà utilisés par Rôntgen en 1895, nous voulons parler : 1° de 
l'excitation de la fluorescence de certains corps irradiés par les rayons X; 
2° de l’action photographique de ces rayons 


Fluorescence due aux rayons X. — C’est la luminosité de cristaux 
de platinocyanure de baryum, apparue dans une chambre noire pendant 
l'excitation d'un tube de Crookes spécial entouré de papier noir, qui 
amena /ortuitement Röntgen à découvrir les rayons X (1). 

Cette luminescence, qui ne parait pas se continuer un temps prati- 
quement appréciable après l'irradiation excitatrice, n'est donc pas de la 
phosphorescence mais une fluorescence. Jaune verdàtre pour le platino- 
cyanure de baryum, bleu violacé pour le platinocyanure de potassium, 
cette fluorescence ne se montre qu'avec les sels cristallisés dans un 
certain état d'hydratation et tend à disparaitre par une trop longue 
exposition; elle présente un spectre caractéristique. 

Cette propriété, utilisée dans la confection des écrans radioscopiques, 
est trop connue des médecins pour qu'il y ait lieu d'insister en ce 
moment, 

Rappelons simplement en passant que dans l'hypothèse des rayons X, 
rayons lumineux de faibles longueurs d'onde, la règle de Stokes (qui 
s'accorde parfaitement avec les principes de thermodynamique, comme 
l'a montré M. Wien, dans son rapport de 1900, au Congrès de Physique), 
la règle de Stokes parait vérifiée comme pour les rayons violets, ultra- 
violets : des radiations de très courte longueur d'onde (pratiquement 


(1) Il est bon de rappeler que depuis très longtemps on savait faire passer la 
décharge électrique à travers des tubes vides; les radiati ns appelées X par Röntgen 
étaient donc déjì produites antérieurement par des physiciens qui en iguoraient 
l'existence. 

(2) Winkelmann et Strombel ont reconnu que la fluorine, sous l’action des rayons X, 
émet des rayons invisibles très actifs sur la plaque photographique, arrêtés par du 
papier d'étain, déviés par un prisme de spath fluor. Leur indice égal à 1,48 correspond 
à À = 01215. 

On a là encore un exemple de fluorescence provoquée par les rayons X, mais 
uboutissant cette fois à des rayons invisibles. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 551 


invisibles\, reçues par certaines substances dites fluorescentes, sont 
absorbées et transformées, dégradées en radiations visibles de plus 
grande longueur d'onde (2). 


Action photographique des rayons X. — Une plaque de gélatino- 
bromure d'argent, exposée à la lumière, ne montre pas directement de 
modifications appréciables à nos sens, mais sous l'influence de certaines 
actions (bain développateur), elle révèle la transformation tout à l'heure 
latente. Il n'est pas douteux qu'il s’agit d’un phénomène d'une nature 
physico-chimique; il est très probable que la lumière a modifié les 
conditions d'équilibre du colloïde complexe, constitué par la gélatine et 
le bromure d'argent, permettant la réduction du sel d'argent impossible 
avant l'action actinique. 

Ce qui tendrait à prouver le bien fondé de cette hypothèse, c’est la 
particularité intéressante signalée par MM. Eder et Valenta, en 1901. 
Les rayons X impressionnent les plaques au gélatino-bromure, à l'instar 
de la lumière, ils sont sans action sur les lames au collodion, qu'impres- 
sionnent très bien, cependant, les radiations actiniques ordinaires Ils 
n'agissent pas non plus sur les papiers au citrate d'argent qui noircissent 
directement à la lumière. 

La lumière solarise les plaques photographiques, c’est-à-dire que si 
l'on fait croitre la quantité de lumière agissante, l'impression photo- 
graphique croit, passe par un maximum et diminue. 

On a soutenu que les rayons X ne solarisent pas les plaques sensibles 
ou, autrement dit, que l'impression photographique croit sans montrer 
de maximum quand la durée de pose augmente. 

En réalité cela n’est pas rigoureusement exact. La solarisation des 
plaques se produit pour les rayons X comme pour la lumière; mais, 
pratiquement, on peut dire que dans les conditions habituelles de radio- 
graphie, puur des poses ne dépassant pas quelques minutes, on n'a pas 
à tenir compte du phénomène de solarisation, phénomène dont la nature 
exacte nous échappe d’ailleurs actuellement. 

Dans ses recherches sur les actions chimiques de la lumière, M. Vil- 
lard (1) a découvert une sorte d'antagonisme remarquable entre les 
propriétés photographiques des rayons X et de la lumière ordinaire. Une 
plaque irradiée d’abord par les rayons de Röntgen puis exposée ensuite 
à la lumière un temps suffisant, fournit, par développement, un cliché 
particulier. 

Au lieu d’un négatif présentant des noirs aux points irradiés par les 
rayons X, on a un véritable positif avec des blancs, en ces mèmes 


(1) Journal de Physique, 1907, p. 369 et 445. 


552 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


points ; la lumière a sensibilisé comme d'ordinaire les parties vierges 
d'irradiation : on a un noir au dévéloppement ; les parties sensibilisées 
par les rayons X ont été ramenées à l’état neutre, l'action des rayons X 
est annihilée par celle de la lumière. 

Cette action n’est pas réciproque : les rayons X succédant à la lumière 
ne diminuent pas, mais accroisseut l'impression photographique. Comme 
le dit M. Villard, par une comparaison imagée : « On peut avec un 
grattoir effacer une tache d'encre sur une feuille de papier; mais il est 
évident que le résultat ne sera pas le même si on inverse l'ordre des 
opérations. » 

L'impression des rayons X est détruite par toutes les radiations du 
spectre agissant dans de certaines conditions : les résultats sont d'une 
absolue simplicité avec les rayons rouges et infra-rouges. Il suffit d'im- 
pressionner légèrement, par les rayons X (dose la plus faible capable 
d'être décelée par le révélateur), et d'exposer à l'extrême rouge et à 
l'infra-rouge, le temps qui convient pour avoir dans les conditions ordi- 
naires, un bon n'gatif dans le violet extrême. et l’un obtient une photo- 
graphie du rouge, de l'infra-rouge, dénué cependant de propriétés 
actiniques directes (2). 

Nous croyons inutile d'insister ici sur les applications journalières, 
en médecine, de l’action photographique des rayons X. 


Emission des rayons X. — Nous avons dit que les rayons X naissent 
aux points d’un obstacle résistant, choqué par les projectiles cathodiques. 
Par des méthodes différentes, divers auteurs ont recherché qu'elle était 
la durée d'émission des rayons X, provoquée par une décharge En parti- 
culier, récemment MM. Broca et Turchini ont, par des méthodes 
distinctes, obtenu les valeurs suivantes pour cette durée : 1/1800° à 
1/2000° de seconde. M. Angerer a noté les chiffres 1/10.0U0® et 1/12.500€ 
de seconde. 

On a recherché également si l'émission dans les diverses directions 
se fait pour les rayons X comme pour la lumière. 

Considérons une petite surface s dans des situations différentes, tou- 
jours à la même distance de l'anticathode d'un tube de Crookes et normale 
à la droite qui réunit son centre a celui de l'anticathode. En appelant x 
l'angle formé par la normale à l'anticathode et la droite joignant les 
centres de l’anticathode et de 5, la loi du cosinus nous enseigne que si 
l'anticathode était une source lumineuse ordinaire, le flux reçu par s serait 
q= Kk:cosx. Ce flux serait maximum pour s placée sur la normale à 


(2) Il faut savoir que le rouge extrême et l’infra rouge ont aussi une action des- 
tructive sur les plaques traitées par la lumière ordinaire. 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 553 


l'anticathode (s parallèle à l’anticathode}, car a =v et cosx = 1. Il dimi- 
nuerait régulièrement en s’écartant de cette position et deviendrait nul 
pour + = 90, quand ; serait dans le plan de l'anticathode. 

En opérant avec une anticathode bien plane, normale à luxe du 
faisceau cathodique, mon Maitre M. Gouy a démontré que l'émission 
des rayons X est toute opposée à la loi photométrique du cosinus. Le 
rayonnement est distribué presque uniformément dans l'hémisphère 
limité par le plan de la lame de platine (focus;. L'intensité du rayonne- 
ment dans le plan de l’anticathode (à 2 ou 3°) est environ la moitié de 
l'intensité suivant l'incidence normale (1). 

_ Cette propriété intéressante a permis à M. Gouy, en utilisant l'anti- 
cathode presque suivant la tranche, d'obtenir une source de rayons X 
linéaire et d'intensité suffisante pour ses recherches précises sur l'optique 
des rayons de Röntgen., 

Cette même propriété est appliquée dans les tubes focus que nous utiii- 
sons aujourd'hui exclusivement. En effet, pendant une opération radio- 
graphique. par exemple, la normale à l’anticathode fait un certain angle 
avec la normale à la plaque (angle x de tout à l'heure) ; ce seraient des 
conditions désavantageuses s'il s'agissait d’une source de lumière ordi- 
naire. Non seulement cette inclinaison, d'après ce qui précède, n’a pas 
d'inconvénients pour l'intensité du rayonnement reçu, mais elle a un 
avantage que voici. | 

L'anticathode inclinée sur le cône des rayons cathodiques (avec le 
sommet duquel elle ne coïncide pas nécessairement exactemeut) détermine 
dans ce cône une séction oblique qui représente la surface du choc 
cathodique. Son petit axe est parallèle à la plaque photographique si le 
tube est orienté correctement : l'autre axe à 90° est vu obliquement de la 
plaque plus petit que la réalité. Par suite, si l'on admet que la surface du 
chec correspond à la zone d'émission des rayons X, on voit que dans ces 
conditions la source a une surface apparente plus petite que si a était 
égal à O : les ombres portées doivent être plus nettes. 


Absence de déviation des rayons X par les champs : magnétique, 
électrique. — La théorie indique et l'expérience prouve que des parti- 


(1) Divers auteurs ont constaté que la distribution du rayonnement n'était pas 
absolument uniforme d.:ns l'hémisphère sous-anticathodique, Cela n’est pas étonnant : 
les tubes utilisés pour ces recherches n'avaient pas sans doute leur anticathode bien 
plane, ni normale à laxe du cône cathodique. D'ail eurs, puisque I passe de la valeur 
l à 1/2 à 2-3 du plan de l’anticathode, ou doit nécessairement, entre la normale 


à cette anticuthode et cette position extrème, trouver des valeurs comprises entre I et z 


554 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


cules électrisées douées de vitesse sont sensibles à l’action de champs : 
magnétique, électrique. 

Un rayon cathodique est dévié du côté positif par un champ électrique 
qu'il traverse normalement à sa direction; une particule cathodique 
dont la vitesse est normale à la direction d'un champ magnétique, est 
amenée à se mouvoir suivant une circonférence dont le plan est normal 
au champ; une même particule à vitesse oblique par rapport au champ 
décrit une hélice autour de ce même champ (la particule s'enroule autour 
du champ). 

Un faisceau étroit de rayons X illuminant un écran, impressionnant 
une plaque photographique n’a jamais montré de déplacement appréciable 
quand on le soumettait directement à l’action puissante de champs : 
magnétique, électrique. 

M. Perrin a montré directement que les rayons cathodiques char- 
rient des charges électriques. On n’a jamais constaté de charges portées 
par les rayons X. Conclusion : Les rayons X ne sont pas électrisés (1). 


Propagation rectiligne rigoureuse. Application. — Une des pro- 
priétés les plus intéressantes des rayons X est leur propagation rectiligne 
rigoureuse. Ils ne subissent ni réflexion, ni réfraction, ni diffraction, comme 
nous le verrons dans un instant. Une conséquence immédiate de cette 
propriété c’est qu’une source de rayons X réduite à un point donnera des 
objets opaques une ombre rigoureusement nette. Pratiquement, pour la 
radioscopie, la radiographie, le tube de Crookes ayant une surface 
d'émission notable on réalise les conditions suivantes : a) dispose l'objet 
aussi près que possible de la plaque sensible ou de l'écran ; b) éloigne le 
tube le plus loin possible de l'objet, mais comme on est limité dans cet 
éloignement par la nécessité d'une plus longue pose ; c) diaphragme 
convenablement la source. 


A) Les rayons X ne subissent pas la diffraction. Déductions. — 
On sait que la lumière ne se propage pas réellement suivant les lois de 
l'optique géométrique admises pratiquement pour une première approxi- 
mation. C'est ainsi, par exemple, 1° que dans l'ombre géométrique d'un 
objet formée par une source lumineuse monochromatique punctiforme on 
trouve des zones alternativement obscures et éclairées (bandes) ; 2° que 
la tacho lumineuse donnée sur un écran par des rayons lumineux issus 
d'une source éloignée et traversant une fente étroite est plus large que celle 


n) Les rayons X peuvent cependant communiquer des charges électriques aux 
corps isolants (diélectriques). Ce phénomène est en rapport avec les propriétés ioni- 
santes de ces rayons ( Voir plus loin). 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 555 


indiquée par la théorie géométrique. Il y a une sorte d'épanouissement du 
faisceau lumineux qui contourne pour ainsi dire les obstacles : c'est la 
diffraction. j 

On apprend en optique physique : a) par la considération des zones 
paragéniques que l'existence des bandes de diffraction implique l'idée d’une 
certaine persistance de la vibration lumineuse ; b) que les bandes de 
diffraction sont d'autant plus resserrées que la longueur d'onde corres- 
pondante est plus courte (la vibration plus rapide). 

Les expériences correctes faites au moyen des rayons X n'ont jamais 
montré de véritables bandes de diffraction. On peut en conclure ou bien 
que les bandes n'existent vraiment pas, ou bien qu’elles sont trop resserrées 
pour être visibles. Avec l'hypothèse admise (rayons X = vibrations trans- 
versales de l'éther) on dira dans la première interprétation que les 
oscillations ont un amortissement très considérable, et dans la seconde 
que les vibrations sont très rapides. 

M. Gouy, au moyen d’une source linéaire de rayons X placée à 
5 mètres, impressionne une plaque sensible à travers une fente en laiton 
de 2 millimètres d'épaisseur, à bords épais nets d’une largeur de 45 u et 
placée à égale distance de la source et de la plaque. Il trouve dans ses 
mesures précises que l'épanouissement de l’image est trop petit, l'intensité 
de l’image de la fente trop faible sur les bords pour que l'on puisse 
parier de diffraction appréciable. 

« I est donc établi, d'une manière certaine, que si la diffraction existe 
comme pour la lumière et qu'on puisse parler de la longueur d'onde des 
nouveaux rayons, celle-ci est considérablement inférieure à O : 005 qui 
vaut 1/100 de la longueur d'onde du vert » (Gouy) (1). 

On sait que la diffraction joue un rôle nuisible, important dans les 
applications de l'optique : elle limite la puissance des instruments 
d'optique. En particulier, le médecin n'ignore point ceci : le microscope 
ordinaire, quelque grossissement que l'on utilise, ne permet pas de voir 
des détails aussi petits qu'on le voudrait. Pour distinguer les détails, il 
faut obtenir des images distinctes de divers points de l'objet et la dif- 
fraction élargissant, épanouissant les images, les fusionne en une tache 
lumineuse informe à partir d’un certain écartement minimum de ces 
points. 

Cet écart minimum : des points que le microscope peut séparer définit 


(1) MM. Haga et Wind, utilisant une fente triangulaire, ont observé certaines 
apparences qu'ils considèrent comme des preuves de la diffraction de rayons X dont 
les longueurs d'onde seraient comprises entre 0,01 nu et 0,27 ua. (Voir le détail et la 
critique de ces travaux in Journal de Physique, 1899, par M. Sagnac.) 


556 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


À 
le pouvoir séparateur de l'appareil. On a : = Sn à à étant la lon- 


gueur d'onde de la lumière utilisée, » l'ouverture de l'objectif. 

Or, les rayons X ne subissent pas la diffraction ; ils donneraient donc 
— si cela était possible d'autre part — des images excellentes dans les 
‘instruments d'optique et reculeraient, au point de vue physique, les 
dimensions du plus petit objet visible au microscope. Malheureusement, 
nous l'avons dit déjà, les rayons X ne subissent pas la réfraction !... 


B) Les rayons X ne se réfractent pas. — Les rayons lumineux 

changeant de milieu sont déviés de leur direction première; cette dévia- 
| sin i 

tion, due à la réfraction, est régie par la loi bien connues == n 

(n étant l'indice de réfraction du deuxième par rapport au premier milieu). 

Au moyen du comparateur Brünner de la Faculté des Sciences de 
Lyon, M. Gouy a mesuré avec précision la distance en différents points 
des traces radiographiques données par deux fils parallèles,’ fortement 
tendus (en platine, de 40 y. de diamètre), distants partout de 2 millimè- 
tres, parallèles à la plaque sensible, disposés en leur milieu seulement 
contre des prismes de même angle et irradiés par une source linéaire de 
rayons X, de telle sorte que les rayons rencontrent les fils d'abord, les 
prismes ensuite (dans la région moyenne) et la plaque photographique. 

Les déviations observées avec les corps transparents utilisés (alumi- 
nium, crown-glass, ébonite, soufre, cire vierge) ne sont des fractions de 
seconde (et 1” = 12 u). 

L'indice de ces substances pour les rayons X dépasse l'unité de moins 
de 1/1,000,000°. Les écarts de unité sont d’ailleurs trop petits pour 
que l'on puisse en répondre; si la réfraction insensible dans ces conditions 
existe réellement « il faudrait la rechercher dans la septième décimale 
de l'indice » (Gouy) 

Cette absence de réfraction appréciable prouve bien qu'il est impos- 
sible d'avoir par les rayons X de véritables images au sens habituel 
utilisé en optique : les rayons X sur l'écran, sur la plaque sensible don- 
nent de simples projections silhor.ettes plus ou moins nettes, suivant les 
conditions expérimentales. 

Il est une remarque intéressante à faire ici au point de vue physique. 
On a admis que les rayons X sont des radiations particulières de très 
courte longueur d'onde. Or, on sait qu’en général l'indice de réfraction 
augmente régulièrement pour une substance donnée, quand la longueur 
d'onde diminue pour la succession des radiations étudiées Comment 
concilier ces résultats habituels avec ce fait que les rayons X, supposés 
placés très au-delà de l'ultraviolet, rayons ultra-ultraviolets, ont un 
indice de réfraction très voisin de l'unité? 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X 557 


Quand une substance présente une absorption électite pour une 
certaine région du spectre (bande d'absorption). l'indice ne varie plus 
régulièrement le long du spectre : il y a dispersion anomale. En allant 
dans le sens des à décroissants. l'indice baisse rapidement même au-dessous 
de ìl au voisinage de la bande d'absorption, puis tend vers l'unité au-delà 
de cette bande. 

C'est par exemple ce que l’on constate nettement avec la fuchsine au 
voisinage de la bande [1 600 — 418], pour l'argent qui a un faible 
indice 0,25, et est d'autant plus transparent que l’on avance davantage 
dans la région violette du spectre (M. de Chardonnet). 

Rien n'empêche d'admettre avec M. Ravenu que les rayons X ont de 
très courtes longueurs d'onde malgré un indice de réfraction très voisin de 
l parce que. dans le spectre, ils sont placés au-delà d’une région forte- 
ment absorbée par tous les corps étudiés. 


C) Les rayons X ne se réfléchissent pas régulièrement. — Les rayons 
lumineux sont susceptibles de se réfléchir régulièrement suivant la loi 
bien connue : į = r. En vertu de cette loi un miroir concave donne une 
image conjuguée d’un point lumineux. Avec les rayons X on n'obtient 
jamais rien de semblable. On constate une certaine diffusion particulière, 
sur laquelle nous reviendrons (voir rayons secondaires), mais il n’y a 
point de réflexion régulière. On ne peut pas plus obtenir d'image catop- 
trique que l’on n'obtient d'image dioptrique d’un centre d'émission de 
rayons X. 

L'absence de réfraction, de réflexion s'explique ainsi : la longueur 
d'onde des radiations ultra-ultraviolettes appelées rayons X est inférieure 
aux dimensions des molécules. Ces molécules n'ont aucune action per- 
turbatrice sur la vitesse de propagation de pareilles radiations. 


Vitesse de propagation des rayons X. - L'indice de réfraction 


N2 i í i i 
— mesure, on le sait, le rapport des vitesses de propagation de la 1adia- 
nı 


tion considérée dans les milieux étudiés, 1, 2. Pour les rayons X, qui ne 


nı i | | 
se réfractent pas, on a =. = | environ, d'où cette déduction qre les 
2 


rayons X à fort peu près, se propagent avec la même vitesse dans l'air 
et les autres milieux. 

M Blondlot, au moyen d'une méthode fort ingénieuse, a pu compa- 
rer dans l'air la vitesse de propagation des rayons X à la vitesse des 
rayons de Hertz. Il a trouvé l'égalité. 

Le même savant, dans des recherches antérieures, ayant prouvé que 
les oscillations électriques ont la vitesse de la lumière, il est démontré 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X — AOUT 1907. 39 


558 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


que les rayons X se propagent dans tous les corps avec la vitesse de la 
lumière dans l’air. 

Cette constatation importante doit faire rejeter une hypothèse émise 
tout d’abord par Röntgen, sur la nalure des rayons X : vibrations longi- 
tudinales de l'éther. La théorie de l’élasticité indique en effet que de telles 
vibrations devraient avoir une vitesse de propagation supérieure à celle 
de la lumière. Or, la vitesse mesurée n’est pas supérieure à celle de la 
lumière ; il semble donc bien que l'on puisse penser à des vibrations 
transversales, ainsi que nous l'avons fait dans ce qui précède. 

Il paraissait probable a priori que la propagation des rayons X se 
fasse suivant la loi de l'inverse du carré des distances. L'expérience 
correctement faite (1) a prouvé qu'il en est réellement ainsi : pour une 
impression photographique donnée, par exemple, il faut une pose quatre 
fois plus longue à une distance double. 


Absorption des rayons X; généralités. — Quand un faisceau de 
rayons lumineux monochromatiques d'intensité i tombe sur une substance 
donnée, il subit les actions suivantes : une partie r est réfléchie ou 
diffusée à la face d'entrée, une portion £ est transmise au delà de la lame, 
ce qui reste a du faisceau incident disparait, absorbé par le milieu dans 
lequel certaines transformations se produisent. 

Ona: ir+tatit. 

L'expérience prouve que, pour une même substance et des rayons 
lumineux différents A, B, C, les quantités relatives : réfléchie, transmise, 
absorbée, ne sont pas les mêmes. 

Ona: i=ri+até; iris tan tts; i=re 4 a tte. 

De même, pour des substances différentes (sous la même épaisseur), 
un même faisceau incident donne des résultats distincts : i = r + a +- t; 
i =r a+r. 

Supposons que l'on ait rendue négligeable la portion réfléchie, 
l'égalité devient à fort peu près : i = a + t. 

Pour les rayons X, cette condition est rigoureusement réalisée, 
puisque ces radiations ne subissent pas la réflexion. Le faisceau incident 
i = a + 6, 

La théorie enseigne et l'expérience prouve que, si l'on fait croitre 
comme ], 2, 3... n les épaisseurs de substances traversées par un faisceau 
lumineux monochromatique incident d intensité i, les intensités du faisceau 


(1) Il faut, en effet, se rappeler que des rayons très peu pénétrants sont absorbés 
par l'air; par sui e, si ces rayons peuvent agir seulement à la distance 1, à la distance ? 
(Là ces rayons peu pénétrants n'existent plus dans le faisceau), il faudra une pose plus 
que quadruple pour avoir unc impres ion égale à celle due au rayonnement complexe. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 559 


transmis décroissent comme les termes de la progression géométrique 


décroissante 
i {i î t 
Pris) etc. 
L étant le coefficient de transmission (1). 
n 


Considérons maintenant un faisceau incident hétérogène formé des 
radiations A; B; C sous les intensités 1, ; Js; Ic. Les coefficients de trans- 


mission pour les diverses radiations étant I ; 1 ; | , les faisceaux 
A Ne Nc 
transmis auront les constitutions suivantes : 
° . I, l; E 
Après l'épaisseur 1 a + = + TS T1. 
Li l; Io 
ma 2 — — T 
n + n° + nê i 
L Is Je 
=e 3 - = T 
n? n° + n° 2 
A travers une autre substance, pour laquelle les coefficients de trans- 
; l ; . 
mission sont : ; —, on aurait de même pour les faisceaux 
M, M 
transmis : 
Après l'épai l la + ls l sS 
près l'épaisseur i ms + n SL 
IL Is c 
= 2 = S etc. 
m? + m? m? n 


Ces expressions permettent quelques remarques utiles. 

Si, pour une substance donnée, les coefficients de transmission sont 
identiques pour les diverses radialions A, B, C, à la traversée des épais- 
seurs 1, 2, 3, etc., le faisceau complexe sortant aura toujours la même 
constitution élémentaire relative que le faisceau incident. 

Les intensités Tı, To, T3 décroitront (comme dans le cas d'une radia- 
tion unique) suivant les termes d'une progression géométrique. 

Il est clair que, si les coefficients diffèrent, les diverses radiations 
n'étant pas affaiblies dans la méme proportion, le faisceau transmis n'aura 
pas la mème constitution relative que le faisceau incident : les rayons 
très absorbés diminueront plus vite que les autres dans les faisceaux 
sortants, si bien que pratiquement ils n'existeront plus dans un certain 
faisceau sortant N qui paraitra plus pénétrant que le faisceau incident 


pris en bloc. 


(1) Le coeficient d'absorption est le complément (: —) 


560 | ANNALES D'ÉLECTROUBIOLOGIE 


De plus, on conçoit que les intensités totales Ti, T2, Ts (sommes 
d'exponentielles) décroitront d'abord très rapidement par extinction des 
rayons peu pénélrants, puis de plus en plus régulièrement à mesure que, 
par des filtrations successives plus nombreuses, le faisceau sera devenu 
plus homogène en même temps que plus pénétrant 

On imagine facilement qu'un faisceau hétérogène donné, traversant 
respectivement des épaisseurs appropriées de diverses substances, puisse 
fournir des faisceaux sortant de constitution élémentaire différente, mais 
d'intensités totales : T; S... égales. 

A une épaisseur donnée d’une substance correspondra pour ce résul- 
tat, une épaisseur déterminée d’une deuxième substance. 

Mais en raison de l'hétérogénéité du faisceau incident, si l'égalité des 
faisceaux sortants se produit pour les épaisseurs considérées, elle n'aura 
plus lieu nécessairement pour des épaisseurs doubles, triples, etc. 

On pourra caractériser pratiquement un rayonnement complexe par 
la série des épaisseurs : e, d’une substance; e’, d’une deuxième ; e” d'une 
troisième, etc., donnant au faisceau transmis à travers ces épaisseurs de 
diverses substances, la même intensité globale. 

Ainsi que nous le verrons plus loin, ces conditions trouvent applications 
dans le cas du rayonnement complexe constituant les rayons X. 


Röntgen constata que, sur l'écran fluorescent, les os de la main se 
dstinguaient dans l'ombre des chairs. Cela se produit en raison du 
plus grand pouvoir absorbant de l'os pour les rayons X. 

Röntgen et divers auteurs recherchent une relation entre le pouvoir 
absorbant des substances pour les rayons X et les propriétés de ces 
substances. Comme première approximation, on note que le pouvoir 
absorbant des corps pour les rayons X croit avec la densité, sans qu'il y 
ait cependant exacte proportionnalité. 

Mais on n’arriva à des résultats véritablement nets sur la transparence 
des corps pour les rayons X qu'avec les travaux méthodiques de 
M. L. Benoist. Nous croyons devoir les résumer ici à cause de leur 
grande importance en radiologie. 


Travaux de M. Benoist. — M. L. Benoist fait deux sortes de déter- 
minations sur la transparence des corps : des mesures absolues de coeffi- 
cient d'absorption ou de coefficient de transmission (complémentaires 
l'un de l’autre) des mesures relatives de l'absorption des divers corps par 
rapport à un corps étalon choisi sous une épaisseur appropriée. 

Voici le principe de la recherche. Un rayonnement X donné traverse 
l'étalon choisi; il est réduit dans une certaine proportion que l'on évalue 
pour la mesure absolue. La fraction transmise provoque un phénomène 
donné : décharge d’électroscope, fluorescence d’un écran au platino- 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 561 


cyanure de baryum, impression d’une plaque photographique. Par tâton- 
nements on cherche quelles masses d'autres substances servant de filtres 
au rayonnement considéré donnent un faisceau transmis provoquant un 
phénomène égal. On a les mesures relatives. 


A) Pour la mesure absolue, il faut connaître la proportion man 
de rayonnement transmis ; par différence (100 — K), on a la proportion 
absorbée. 

Une roue dentée, tournant convenablement, amène successivement 
ses pleins et ses vides sur la direction des rayons X étudiés, réduisant 
leur intensité totale par unité de temps, dans un rapport égal à celui de 
la largeur d’un vide à celui de la longueur totale d’un plein et d’un 
vide. La superposition de plusieurs roues présentant un décalage appro- 
prié permet de varier aisément ce rapport. Le résultat cherché est atteint 
quand le phénomène obtenu (fluorescence de l'écran, impression photo- 
graphique) avec le faisceau éclipsé convenablement par la roue photo- 
métrique, est égal au phénomène donné par le faisceau filtré à travers 
la substance étudiée. 

On admet (!) que les quantités totales de rayonnement reçues soit par 
filtration, soit par éclipses sont les mèmes dans ces conditions. Connais- 


- 


sant par expérience la quantité amenée par l'éclipse "100 ” connaissant 


l'épuisseur massique E (poids par centimètre carré de surface) de la 
substance absorbante, on peut calculer pour le rayonnement considéré, 


l 
l'absorption spécifique ou opacité spécifique moyenne 1—5) la 


transparence spécifique moyenne —- rapportée à l'unité de masse choi- 
n 


sie : le décigramme. . 
K 
En effet, le faisceau transmis à travers E est supposé 100’ On a donc 
log. — 
K 1 YŸE l K l “100 
— æ | -— }'’ 'oÙ 4 lo . — J = / ESS ON = —— 
100 (—) doù E tog (=) log [OÙ et iog. (=) E 


a) Le rayonnement éclipsé conserve la composition élémentaire initiale ; le faisceau 
filtré, nous l'avons prouvé antérieurement, n'a pas, en général, la mème constitution 
élémentaire que le rayonnement incident : il est plus pénétrant. 

De l'égalité des phénomènes observés (fluorescence, etc), on conclut à l'égalité 
des intensités totales des faisceaux : éclipsé, filtré. Cette conclusion ne peut être rigou- 
rensement légitime que : 1° si dans le rayonnement complexe chaque radiation élémen- 
taire a la méme action spécifique sur le réactif utilisé. Il est fort po-sible que pour des 
radiations très voisines l’action soit à peu près la même, mais vela ma pas lieu néces- 
sairement pour un rayonnement X très complexe ; 2° que si un rayonnement discontinu 
a la même action que le rayonnement continu amenant la mème quantité d'énergie. 
Cela n’a pas toujours lieu dans le cas de la lumière. : 


562 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


B. Pour les mesures relatives, on détermine le poids (en décigrammes 
par centimètre carré de surface) de substance qu'il faut utiliser pour 
obtenir sur l'écran la même teinte que celle donnée par l'étalon (75 mil- 
limètres de paraffine). De l'égalité des teintes on conclut encore à l'égalité 
des intensités totales des faisceaux filtrés. 

M. Benoist appelle équivalents de transparence des diverses substan- 
ces pour le rayonnement considéré, la masse en décigrammes d'un prisme 
de 1 centimètre de base de ces substances, traversé suivant l'axe par le 
rayonnement étudié et produisant la même absorption qu'un prisme de 
paraffine de 75 millimètres de haut (1). 

L'équivalent de transparence varie avec l'épaisseur choisie pour éta- 
lon. Cela, prouve d’après ce qui a été dit plis haut (généralités sur 
l'absorption) que le rayonnement X est complexe, formé de radiations 


l 
pour lesquelles lo coefficient — varie. il y a des couleurs différentes dans 
le rayonnement. 


Voici les résultats obtenus par M. Benoist sur l'opacité spécifique 
des corps pour les rayons X (2) : 

1° L'opacité spécifique d'un corps pour une qualité donnée de 
rayons X est indépendante de l'état physique de ce corps (2) | 

L'eau a la même opacité sous toutes ses formes : solide, liquide, brouil- 
lard; l’iode a la même opacité sous la forme de vapeur ou de solide. Peu 
importe la forme cristalline (diamant, graphite); peu importe la tempéra- 
ture pour la transparence massique du corps étudié. 

20 L'opacité spécifique est une propriété atomique, additive ; elle est 
indépendante de l'état de liberté et de combinaison des atomes; indé- 
pendante du mode dé groupement des atomes ou molécules. 


(1) D’après tout ce que nous avons dit déjà, il est bien évident que les faisceaux 
filtrés à travers les équivalents de transparence des diverses substances, s'ils possèdent 
la même intensité totale apparente, n'ont pas d'ordinaire la même composition élé- 
mentaire. 


1 
(2) L’opacité spécifique ou pouvoir absorbant de l'unité de masse ( — =) est 


d'autant plus grande que l'équivalent de transparence E est plus petit. 

(1) Les radiations lumineuses, hertziennes subissent une absorption qui varie avec 
l'état physique des corps absorbants. Ainsi, par exemple, le brouillard ou la neige, le 
verre pilé sont respectivement plus opaques pour la lumière que l’eau liquide, que le 
verre ordinaire La grande division des corps fait naitre de nombreuses surfaces, qui 
provoquent des réflexions multiples de la lumière : la lumière est empéchée de traverser 
la substance. Si, sur la substance divisée, on verse un liquide de mème indice de 
réfraction, la transparence primitive est retrouvée : on a rendu les surfaces inactives 
et établi la continuité physique du milieu. 


ER. Re. OU A PŮ a m M 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 563 


L'opacité de l'élément se retrouve dans le mélange, dans la combinai- 
son, quels que soient l’état allotropique, les isomèries. 

Les Phosphore blanc et rouge ont même opacité pour les rayons X. 

Les isomères - aldéhyde benzylique C7H60; benzoïne C!#H 1202 ont le 
même équivalent de transparence (61 décigrammes et 60,5). 

La combinaison S O? a la même opacité que Si -}- O*. 

En appelant M la masse lolale du composé, m, m’ celle des 
constituants, E l'équivalent de transparence du composé, e, e” ceux des 
composants, on + —— + — +... . . égalité très importante 
pour les applications. 

3° L'opacité spécifique des corps simples mesurée dans des condi- 
tions bien définies est une function déterminée et généralement croissante 
de leur poids otomique. 

Les équivalents de transparence diminuent quand les poids atomiques 
croissent. 

M. L. Benoist a construit la courbe des équivalents de transparence 
E en fonction des poids atomiques P des corps simples étudiés (P en 
abscisses, E en ordonnées). Il a utilisé exclusivement l'étalon de paraffine 
de 75 millimètres d'épaisseur. Pour les diverses courbes il emploie les 
différents rayonnements X possibles obtenus avec des tubes de Crookes à 
anticathodes diverses, des tubes plus ou moins mous, des rayonnements 
venant directement du tube radiogène, ou filtrés, sélectionnés par des 
écrans divers (soufre, ébonite, plomb, etc...). 

Il y a autant de courbes d'isotransparence qu'il y a de sortes de 
rayonnements X (directs ou filtrés); l’allure générale de ces courbes est 
hyperbolique. Si toutes, pour les faibles poids atomiques, sont confon- 
dues avec l'hyperbole équilatère : P x E = 805 passant par le point 
lithium, elles s'en écartent ensuite notablement surtout vers les régions 
des poids atomiques moyens. 


C 
L'équation de la courbe de la forme E == À + — +S montre que 


l'opacité spécifique définie par les équivalents de O a croit comme 
le poids atomique mais de façon plus complexe que la simple propor- 
tionnalité. 

Certaines de ces courbes s'abaissent vers l’axe des abscisses; d’autres 
se relèvent tendant vers l'hyperbole équilatère qu'il est possible d'atteindre 
(peut-être même de dépasser !) pour des rayons suffisamment pénétrants 
et suflisamment homogènes (Benoist). 

La comparaison des courbes d'isotransparence combinée à l'étude des 
coefficients d'absorption mesurés par la roue photométrique conduit à des 
remarques importantes. 


564 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le passage d'une courbe à l’autre ne s'effectue pas par des déplace- 
ments prop rtionnels pour les divers E L'absorption ne se fait donc pas 
suivant la même loi pour les diverses couleurs des rayons X et les divers 
corps simples. Il esiste u 1e véritable absorption sélective des divers corps 
pour les divers rayons X, cela constitue le radiochroisme. 


l TE 
9 100 


l 
D'ailleurs, d’après la formule log (>)= , On voit nettement 


que puisque E varie pour les divers rayonnements X, c'est que les corps 


. „1l 
simples considérés ont un coefficient d'absorption — variant avec la qua- 
n 


l 
lité des rayons X Le corps pour lequel E et par suite — varient est 
n 


radiochroique. 

Commie étalon il faudrait évidemment un corps aradiochroïque ayant 
la même opacité spécifique pour tous les rayonnements 1K/100 toujours 
le mème . La paraffine parait l'être pour les rayons durs; pour les rayons 
mous son opacité varie un peu (94 à 98 °/, environ du rayonnement 
absorbé) Le lithium parait moins radiochroique que la paraffine. Le radio- 
chroisme augmente avec le poids atomique à partir du carbone. Ainsi, par 
exemple, pour le rayonnement issu d’un tube que l'on durcit plus ou 
moins ou ce même rayonnement filtré par du plomb, l'équivalent de 
l'aluminium passe de 1 à 10 Il varie davantage pour le chrome. 

Les corps à poids atomique moyen (100-150), comme l'argent, ont 
pour les rayons peu pénétrants peu pénétrants par rapport à la majorité 
des corps une transparence relative anormale qui est à rapprocher de 
celle que ce dernier métal présente pour la région ultra-violette du 
spectre E de l'argent est à peu près le même pour les divers rayonne- 
ments ; ce corps est donc presque aradiochroïque ; par suite le faisceau de 
rayonnement X qu'il transmet, a presque la composition élémentaire du 
faisceau incident. 


Applications. — Les travaux de M. L. Benoist ont permis un certain 
nombre d'applications ; indiquons les principales : 

at Pour la qualification précise d'un rayonnement X, des rayons 
secondaires, etc. Chaque courbe d'isotransparence caractérise un groupe 
déterminé de rayons X ; 

b) Pour la classification des tubes radiogènes et de leurs différents 
états. La construction de la courbe d'isotransparence pourrait caractériser 
ces états, mais la détermination au moyen de 2 corps de radiochroïsme 
très différents, de 2 points convenablement choisis de la courbe, peut 
suffire à cela. 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 565 


Comme l’a fait Benoist en imaginant ses radioch'omomètres (1), on 
compare à la teinte donnée sur l'écran ou la plaque photographique par 
une épaisseur déterminée d'un corps presque aradio hroïque (paraffine, 
argent). celles données par des épaisseurs croissantes d'un corps radio- 
chroïque (chrome, a.uminium . 

Parmi toutes les teintes des divers degrés d'épaisseur du corps radio- 
chroïque s’en trouve une égale à celle donnée par la lame étalon. Cette 
teinte commune aux deux corps et, par suite, le degré correspondant 
de l'échelle d'épaisseur croissante du corps radiochroïque, caractérise le 
rayonnement considéré On lui donne un nom : le numéro du degré cor- 
res ondant de l'échelle utilisée. Si, par exemple, dans le radiochromo- 
mètre habituellement utilisé en radiologie . plaque d'argent de O mm. 11 
(correspondant à l'équivalent de transparence de ce métal pour 75 mm. 
de paraffine, et 12 escaliers d'aluminium croissant de 1 à 12 millimètres, 
l'égalité des teintes a lieu pour l'escalier 6 (épaisseur d'aluminium de 
6 millimètres). on dira que le rayonnement complexe considéré a le N° 6, 
a la pénétration N° ü 

On aura des rayons N° 2,5 si la teinte donnée par l'argent est comprise 
entre les teintes 2 et :? des escaliers d'aluminium de l'appareil. 

c) L Benoist a vérifié que, lorsqu'une substance est très absorbante 
pour une certaine qualité de rayons, elle émet surtout cette qualité de 
rayons en servant d'anticathode dans un tube de Crookes. 

Ainsi, l'aluminium absorbant davantage les rayons mous que les 
rayons durs, émet des rayons mous. 

Deux tubes identiques, à cela près que les anticathodes diffèrent, ont 
donné à M. Benoist les résultats suivants : 

Les rayons X issus du tube à anticatlode d'aluminium marquent 4°5 
au radiochromomètre argent-aluminium Les rayons sortis du tube à anti- 
cathode de platine sont du degré N° 6 

D'après M Benoist, les tubes à anticathode d'aluminium donneraient, 
dans la pratique radiographique des oppositions plus marquées, des clichés 
plus détaillés que les tubes à anticathode de platine. 

d) Détermination et vérification des poids atomiques. -- M. L. Be- 
noist, en déterminant directement E pour lindium, E pour un de ses 


f M m 
composés à poids moléculaire connu, a pu, par la formule m A 
e 


déterminer le poids atomique vrui de l'indium (on hésitait entre 75,6 et 
113,4 par d’autres méthodes). 


(1) Röntgen se servait déjà, en 1896, d'appareils analogues reposant sur le méme 
principe. (Voir plus loin : Etude qualitative des rayons X) 


566 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


e) Analyse qualitative et quantitative des composés et mélanges. — 
M m 

La formule T =Y —, dérivant des lois générales de Benoist, permet 
e 


de calculer, pour un rayonnement donné, l'équivalent de transparence 
d’un composé ou d'un mélange supposé pur. Siles déterminations expéri- 
mentales, faites avec le même rayonnement, donnent un chiffre différent 
du chiffre théorique, on peut conclure que l'un des éléments normaux 
de ce corps a été remplacé par un élément étranger. La grandeur de 
l'écart indiquera dans quel groupe chimique doit se trouver cet élément 
étranger. 

Par exemple, les corps organiques (C, H, O, Az) ont un équivalent 
E supérieur à 40; si la valeur trouvée expérimentalement est inférieure, 
on conclura à la présence de substances minérales. 

Avec un produit pur dont on connait la nature des éléments consti- 
tutifs, on pourra prendre comme inconnue l'une des masses constituantes 
m; c’est l'analyse quantitative. 

M. Benoist estime que cette méthode d'analyse donne une précision 
au moins égale à 1/100. Dans certains cas on pourra dépasser 1/1.000 
(Ex. : on pourra déceler dans l’eau un sel d'uranium à 1/1600 près, 
H?O ayant l'équivalent de transparence E = 48, Ur ayant E = 0,6). 

En partant des résullats de M. Benoist, M. Castex a calculé les équi- 
valents de transparence des divers calculs urinaires supposés purs /E va 
de 11 pour le (Pot}Caÿ à 55,9 pour l’urate acide d'ammonim CH7Az“Oi). 
M. Maingot, expérimentalement, a trouvé que l'ordre de transparence 
était bien celui indiqué par cet auteur (1). 

Empiriquement on a proposé l'usage des rayons X pour déceler, à 
cause de l'opacité différente, les impuretés ou falsifications d'un grand 
nombre de corps : médicaments, aliments, combustibles, etc. (2). 

En radiologie (radioscopie, radiographie) on utilise, pour la production 
des silhouettes, la propriété que possèdent les tissus d’être différemment 
opaques par les rayons X (3). Nous reviendrons plus tard sur cette 
importante question. 


Production des rayons secondaires, tertiaires, etc. — Röntgen déjà 
avait remarqué que l'air traversé par les rayons X envoie dans toutes les 


(1) Voir W. Muingot. Archives d'électricité médicale, 1904, p. 603, 607. 

(2) Voir M. Sigalas. Manuel de physique pharmaceutique. 

(3) Il serait évidemment intéressant de déterminer les courbes d'isotransparence 
pour les divers tissus de l'organisme et d'un même tissu pour les divers sujets : homme, 
femme, adulte, enfant. Il est certain que les équivalents doivent varier de façon 
notable pour eux. 


CHANOZ. — PROPKRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 567 


directions des rayons jouissant des mêmes propriétés que ces rayons X. 
On constata que les corps frappés par les rayons X paraissaient réfléchir, 
diffuser ces rayons. On doit à M. Sagnac de très intéressants travaux sur 
cette apparente dissémination des rayons X incidents, la nature exacte 
et les propriétés de ces rayons disséminés. 

Voici résumés les résultats de ces recherches. 

Tout é'ément de matière situé sur le trajet inévitablement rectiligne 
d’un faisceau de rayons X, émet dans toutes les directions des rayons 
secondaires S. Ces rayons secondaires se disséminent à leur tour sur la 
matière donnant des rayons tertiaires T, qui en donnent d'autres, etc... 
Ces rayons S, T.. ont les caractères fondamentaux des rayons X (propa- 
gation rectiligne, actions sur les : platinocyanure de baryum, plaque 
photographique, les conducteurs électrisés, absorption sélective). Ils en 
diffèrent par leur pénétrabilité moindre en général, et aussi leur nature. 

Un faisceau de rayon S n'est pas plus homogène qu'un faisceau de 
rayons X; il est formé de rayons différemment absorbés. La qualité 
moyenne des rayons S dépend de la substance qui les produit, de la 
qualité des rayons X primaires incidents. 

a) Des rayons X très pénétrants donnent des rayons S relativement 
pénétrants. Des rayons X mous produisent des rayons S très facilement 
absorbables. 

b) Les métaux lourds Pb; Hg; Pt; Cu, produisent abondamment des 
rayons S. Les corps peu denses, tels que l'alaminium, le soufre, l’ébonite, 
la paraffine, donnent des rayons S plus pénétrants que ceux donnés par les 
substances denses; mais l'intensité du rayonnement est moindre qu'avec 
les corps lourds. 

L'activité secondaire (production de rayons S sous l'action des 
rayons X) apparait comme une propriété atomique : elle décroit d'inten- 
sité avec le poids atomique en général. 

Les éléments très actifs communiquent leur propriété aux composés 
ou mélanges dans la constitution desquels ils entrent. 

On peut obtenir toute une gamme descendante de rayonsS dont la péné- 
tration diminue depuis ceux de : Soufre, Al etc... presque aussi pénétrants 
que les rayons X provocateurs, jusqu’à ceux de : Cu, Zn assez absorbés 
et ceux de Pb arrêtés par une feuille de papier noir ou quelques milli- 
mètres d'air. Les rayons tertiaires sont encore plus facilement absorbés. 

On note des différences dans les actions de ces divers rayons S sur les 
récepteurs 

Les rayons S très pénétrants donnés par les corps légers agissent 
moins sur la plaque photographique, l'électroscope, que les rayons très 
absorbables des corps denses. L'action sur l'écran au platinocyanure de 


568 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


baryum est du mème ordre pour tous les rayons. Tout se passe comme 
si l’électroscope et la plaque photographique étaient sensibles surtout 
aux rayons très absorbables, la couche de platinocyanu ce se rapprochant 
beaucoup plus du récepteur idéal qui enregistrerait des effets proportion- 
nels aux énergies relatives des rayons incidents (Sagynac). 

Les rayons S sont émis par tout élément de matière touché par les 
rayons X. Quand il s’agit d'une substance prise sous une certaine épais- 
seur cela est toujours vrai; mais l'émission par les faces d’entrée, de 
sortie des rayons X et les faces latérales intéresse une couche superfi- 
cielle qui dépend de la qualité des rayons S et par suite de la nature du 
co'ps Ainsi, par exemple, l'air, quiest très transparent pour les rayons X, 
rayonne par tout» sa masse: l'aluminium, qui donne des rayons S assez 
pénétrants, rayonne dans une couche de | millimètre d'épaisse‘r environ ; 
l'or, fournissant des rayons très absorbables, ne rayonne q e par une 
épaisseur de 1/2 millimètre seulement. Dans l'intérieur de la masse, les 
rayons S formés sont absorbés in situ. d'après M. Sagnac c'est proba- 
blement la cause de l'élévation de température, mise en évidence par 
M. Dorn, des corps frappés pa" un rayonnement X. 

MM. Curie et Sagnac ont pu démontrer que les rayons secondaires 
charrient des charges électriques négatives. M. Dn a prouvé que les 
rayons se ondaires émis par les métaux lvurds sont déviés par le champ 
magnétique. Ce sont donc des rayons :omparables aux rayons carhodi- 
ques de Lénard. M Sagnac estime qu'il est très probable que le rayon- 
nement secondaire fourni par l’action des rayons X sur les corps, 
renferme comme le rayonnement spontané du radium, des rayons 
électrisés et des rayons non électrisés, ces derniers étant de vrais 
rayons X. 

La propriété que possèdent les rayons X de provoquer l'émission de 
rayons cathodiques par les métaux est une nouvelle preuve de l’analo- 
gie de ces rayons X avec la lumière Les rayons ultraviolets jouissent 
de la même propriété. MM. Righi d'abord, Lénard ensuite, ont en effet 
prouvé qu'un métal, même non électrisé, émet un flux d'électricité néga- 
tive sous l'action des rayons ultraviolels. 

Les rayons secondaires S intéressent le radiologiste : ils jouent un 
rôle nuisible dans les recherches radiographiques et radioscopiques. Ils se 
produisent dans tous les points touchés par les rayons X tissus tra- 
versés, air métaux, bords des diaphragmes, etc. 

Naissant entre l'ampoule et le récepteur ‘plaque photographique, 
écran fluoroscopique), ils constituent des foyers nouveaux de radiations 
qui peuvent impressionner le récepteur et rendre les ombres moins neltes, 
les contrastes moins accusés. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 569 


Le degré de leur nocuité est en rapport avec leurs propriétés, que 
nous rappelons encore ici Les rayons S émis par les métaux sont très 
absorbables, très actifs sur les plaques photographiques Les rayons 
émis par les corps moins denses : air, organisme sont assez pénélrunt!s, 
moins actifs que les précédents sur les plaques photographiques, mais 
très actifs sur l'écran au platinocyanure de baryum. 

On s'arrange pour rendre minimum l’action de ces rayons parasites 
dans les opérations radiographiques et radioscopiques (1) : a) en com- 
primant les tissus (on diminue l'épaisseur par chasse des gaz, liquides 
intestinaux, de plus, on rapproche, dans de certaines limites, les centres 
d'émissions de rayons S d’où défaut de contraste réduit au minimum) ; 
b) en diaphragmant les rayons (entre les tissus et le récepteur) par une 
lame suffisamment épaisse, munie d’une ouverture ne découvrant que la 
région étudiée (2); c/ en entourant la plaque sensible de papier noir, en 
garnissant la plaque du côté verre d’une lame de plomb. 


Action calorifique des rayons X. — Les rayons X alsorbés par 
les corps doivent, d'après les lois énergétiques, subir in situ une trans- 
formation de l'énergie qu’ils représentent. M. Dorn (18971 a prouvé que 
des lames métalliques absorbant les rayons X subissent une petite éléva- 
tion de ter.pérature, de l'ordre du 1/10.000° de degré. Rutherford (1900) 
et plus récemment Angerer (3) (1906), par la méthode bolométrique si 
sensible, ont étudié l'énergie calorifique développée par les rayons X. 
Cette énergie est considérablement plus petite que celle des rayons catho- 
diques producteurs de rayons X. 

En compensant par l'action de décharges de condensateurs (dans une 
branche du pont de Wheatstone) l'effet calorifique développé par les 
rayons X dans son bolomètre double, M. Angerer a pu évaluer la quantité 
d'énergie correspondant à une émission. 

L'énergie totale envoyée par chaque émission de rayons X serait de 
0,0675 calorie milligramme, ce qui correspond par seconde d'émission 
continue à 0,135 calorie gramme. 

En mesurant calorimétriquement l'énergie électrique transformée en 
chaleur dans le tube de Crookes, M. Angerer a trouvé que le rendement 
du tube, c'est-à-dire la fraction de cette énergie qui se trouve dans le 
rayonnement X, est érès faible de 1 à 2 1/10.00û0. Il augmente un peu 


(1) Nous supposons, bien entendu, que le tube est convenablement diaphragmé 

(2) Nous trouvons ce procédé plus rationnel que celui consistant à placer une lame 
mince continue d'aluminium entre le patient et le récepteur. La plaque etant traversée 
par des rayons X devient nouvelle source de ravons S assez pénétr'ants. 

(3) Annalen der Physik, t. XX, No 10, p. 87-117. 


570 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


quand on accroît l'intensité du courant. Nous aurons à revenir plus tard 
sur la petilesse du rendement du tube de Crookes, considéré comme 
transformateur d'énergie électrique en rayons X. 


Action ionisante des rayons X. — Dans le cours de cette étude, 
nous avons rencontré déjà de grandes analogies entre les propriétés des 
rayons X et de la lumière. En voici une nouvelle : l’ionisation des gaz 
provoquée par les rayons X et la lumière ultraviolette, véritables agents 
ionisants. 

L'ionisation e. t illustrée par deux phénomènes principaux : la décharge 
des conducteurs électrisés, la condensation des brouillards. Etudions-les 
successivement. 


A. Décharge des conducteurs électrisés. — Röntgen, et presque en 
même temps Benoist et Hurmuszsescu en France, Righi en Italie, 
Thomson en Angleterre,etc., avaient constaté que tout conducteur électrisé 
(positivement ou négativement) perd sa charge quand il est frappé 
directement par les rayons X. Divers auteurs ont prouvé que le gaz 
traversé par les rayons X (gaz rôntgénisé) devient conducteur durant un 
certain temps et peut décharger par contact un conducteur électrisé. 

M. J. Perrin a prouvé nettement que le passage des rayons X à 
travers un gaz fait naitre des charges électriques dans ce gaz : des 
ions (1); ces charges (positives et négatives) sont entrainées par le champ 
électr que jusqu'au contact des conducteurs électrisés, qui sont ainsi 
neutralisés déchargés ou des corps isolants qui se chargent au contraire 
par l’arrivée de ces particules électrisées. 

Parmi tant d’autres, signalons deux expériences typiques, faciles à 
réaliser et prouvant nettement cette aclion des rayons X : 

1° 2 lames métalliques parallèles, distantes de quelques centimètres, 
sont réunies, l’une au pôle (+), l'autre au pôle (—) d'une batterie gal- 
vanique de force électromotrice E. En raison de la résistance énorme de 


(1) Nous ferons ces remarques : 1° Les ions gazeux sont distincts des ions que l'on 
considère en électrolyse. La particule gaseuse se scinie en deux parties : l'électron 
chargé négativement, de masse très faible ; une portion chargée positivement de l'ordre 
de grandeur de l'atome Ces deux sortes de particules, soit seules, soit entourées d'une 
atmosphère plus ou moins considérable de molécules, constituent des centres chargés 
qui sont les « ions gazeux ». On conçoit que ces centres (à cause de leur atmosphère), 
soient des masses plus ou moins grosses et possèdent, pour un champ donné, des 
vitesses très différentes ; 

20° Des ions gazeux existent dans les gaz récemment préparés, dans les flammes. 
Ils sont provoqués par les corps incandescents, les corps radioactifs, les rayons 
Cathodiques, les rayons X et secondaires, les rayons ultra-violets, le phosphore humide. 
Tous ces ions gazeux different entre eux par leur masse, leurs vitesses. 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 571 


l'air compris entre les 2 plaques (circuit ouvert) il n'y a pas de courant. 
appréciable. 

Si un tube de Crookes envoie des rayons X dans l'intervalle des 2 
lames ct parallèlement à ces lames, on constate l'existence d'un courant 
électrique dans le circuit. Mais le courant n’est pas du tout régi par la 


E 


loi de Ohm : I =R 

En effet, a) Le rayonnement X étant constant, et le voltage E fixe, on 
écarte les 2 lames; on accroît ainsi R, et cependant le courant augmente. 
Il augmente avec le volume d'air röntgénisé. 

b) Les plaques étant fixes et le rayonnement constant, on fait croître 
le voltage E; on trouve que I s’accroïit jusqu'à une valeur maximum 
correspondant à ce que l'on nomme le courant de saturation. 

Voici l'explication des faits. Les rayons X décomposent les molécules 
gazeuses; il se produit des ions positifs et des ions négatifs d'autant plus 
abondants que la masse d'air röntgénisée est plus considérable. Ces ions 
situés dans le champ électrique (créé par les lames reliées à la batterie) 
sont orientés, respectivement dirigés sur les plaques chargées de signe 
inverse, avec une vitesse qui dépend de la différence de potentiel E. Par 
suite le courant croit avec E. Le courant est maximum quand les ions 
charriés dans l'unité de temps sont en nombre égal aux ions produits pen- 
dant ce même temps, par l’action des rayons X sur l'air. 

2° On écarte les deux boules d’un excitateur relié au secondaire 
d'une bobine d'induction actionnée, jusqu’à ce que l’étincelle cesse juste 
de jaillir. | 

Si les rayons X frappent l’une ou l’autre des boules de l’excitateur, 
ou bien traversent simplement la couche d'air comprise entre ces boules, 
on constate que l’étincelle jaillit de nouveau. Pourquoi? Parce que des 
ions gazeux apparaissent sous l’action des rayons X et, diminuant la 
résistance de l’air, font le chemin à l'étincelle (1!. 


B) Condensation des brouillards. — A une température donnée, l'eau 
liquide est en équilibre avec sa vapeur quand cette vapeur a une cer: 
taine tension, que l’on appelle tension maxima; si l’on accroit la pression, 


(1) Hertz avait constaté que la lumière ultra-violette tombant sur la boule négatire 
provoquerait l'étincelle, par production de particules cathodiques chassées vers la boule 
positive. 

Lénard a trouvé (en faisant éclater l'étincelle entre des électrodes métalliques : Sn ; 
AT; Cd, etc.) des rayons ultra-violets [} = 0 u 14 à 0,19], qui non sculement agissent 
comme l'avait vu Hertz, mais provoquent lu décharge, absolument comme les rayons X, 
en traversant l'air compris entre les extrémités de l'excitateur. 


572 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


la condensation de la vapeur a lieu ; la vaporisation se produit, au con- 
traire, si la pression est diminuée. 

La théorie des phénomènes capillaires indique ce qui suit: La valeur 
de la tension maxima dépend de la surface du liquide en contact avec sa 
vapeur. Si le rayon de courbure de cette surface de contact diminue de 
plus en plus, la tension de vapeur pour la température considérée aug- 
mente presque indéfiniment. d 

De ces considérations découlent certaines conséquences : 

1° Des gouttes d'eau de diamètres différents ne peuvent subsister en 
même temps. En effet, si les grosses gouttes sont, à un moment donné, 
en équilibre avec la vapeur, les petites gouttes (qui ont un plus petit 
rayon de courbure) correspondent à une tension de la vapeur plus grande 
et se vaporisent jar suite : dans un brouillard en équillibre, toutes les 
gouttelettes sont de mêmes dimensions. Mais la quantité de vapeur crois- 
sant, la tension s'élève, l'équilibre n’a plus lieu entre les grosses gouttes 
et la vapeur l.a vapeur due aux petites gouttes se condense accroissant 
le volume des gouttes existantes : les grosses gouttes ont mangé les 
petites, etc. (1). 

2° Une vapeur sursaturante devra indéfiniment rester en cet état, si 
aucune cause étrangère ne fait naitro les gouttelettes liquides {qui sont 
d'autant moins stables qu'elles sont plus petites) 

A la suite d'expériences de Ven Helmholtz, prouvant la condensation 
de la vapeur d'eau par l’aigrette électrique, d'intéressants travaux de 
Wilson sur la production des brouillards dans les détentes adiabatiques, 
on est arrivé à cette nolion que la condensation d’une vapeur est pro- 
voquée par la présence, au sein de cette vapeur, de germes électrisés et 
qu’elle se produit d'autant plus facilement que ces germes sont plus petits. 


Or, les agents ionisants font, dans les gaz, naitre des ions : germes 
électrisés. Ces agents doivent donc provoquer la condensation des 
vapeurs. Effectivement, les rayons X précipitent la vapeur d'eau sous 
forme de brouillard. Chaque goutte renferme un germe : il y a dans 
un brouillard autant de gouttes que de germes. Le nombre des gouttes 
indique le nombre des ions. 

J. Thomson, mesurant la vitesse de chute d'un brouillard, en 
déduit la grosseur des gouttes ; il peut ainsi connaître le nombre d'ions 
par unité de volume du brouillard. Connaissant la charge électrique 


(1) En réalité, certaines expériences de Reinold et Rucker prouvent que, par suite 
de la variation de la tension superficielle avec le rayon de courbure. des gouttelettes 
très petites invisibles {12 111 de rayon) peuvent coexister avec des gouttes plus grosses. 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 573 


totale, on a pu déterminer la charge e de chaque ion, et le rapport e 
m 


de la charge à la masse. 
Indiquons, en passant, les résultats comparatifs suivants : La charge 
e de l'ion gazeux est la même que celle de l'ion électrolytique Le rapport 


e 
mn Pour l'ion négatif est 2.000 fois plus grand environ que celui de l'ion 


électrolytique H. On en conclut que l'ion gazeux négatif le plus simple 
l électron est 2.000 fois environ plus petit que l'atome d’hydrogène. 

Puisque nous parlons d'électrons, il n’est pas sans intérêt de faire 
remarquer que l'électron produit par les rayons X dans les gaz, est le 
même qui, animé de grande vitesse, sous le nom de rayon cathodique, 
engendre les rayons X dans le tube de Crookes. 

On n'ignore point que le radium, dans son évolution, produit des 
rayons X (les rayons y de M. Villard), en même temps que des masses 
électrisées ; la radio-activité engendre les rayons X. Les rayons X com- 
muniqueraient-ils la radio-activité aux substances sur lesquelles on les 
fait agir ? 

On a vu les rayons X agissant sur la matière, donner des rayons 
secondaires, tertiaires, etc., qui portent, partiellement au moins, des 
charges électriques. 

M. Langevin (1) aurait constaté que certains sels exposés aux rayons X 
ou aux rayons $ et y du radium, émettent après cette exposition des 
particules négatives et que l’émission augmente avec l'élévation de tem- 
pérature (2). 

Il faut reconnaitre que la confirmation de ces faits remarquables serait 
d'une très haute portée scientifique. 


Actions diverses des rayons X. — 1° On n’ignore pas que la lumière 
agissant sur le sélénium, modifie momentanément ses propriétés physi- 
que : sa résistance électrique diminue. 

Les rayons X accroissent aussi sa conductibilité électrique, d’après 
M. Perrenu. 

Si toutes les propriétés que nous venons de signaler sont très nettes, 
en voici d'autres qui ne le sont pas précisément pour tout le monde. 

2° MM. H. Bordier et Galimard auraient vu que les rayons X font 


(1) M. Langevin. Congrès de l'A. F. A S. de Cherbourg, 1905 (d’après Archives 
d’ Electricité médicale, 1905, p. 591). 

(2) Nous avons connaissance d'expériences négatives faites à la Faculté des 
Sciences de Lyon. Peut-être l'irradiaticn n’at-elle pas suffisamme:.t été pro'ongée pour 
donner un résultat du même ordre. 


ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — AOUT 1907. 40 


574 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


cesser l'état colloïdal de l'oxyde PA10 dans l'éther, de l'amidon dans 
l'eau (1). | 

Sous la direction de MM. Victor Henri et André Mayer de nom- 
breux essais ont été pratiqués à la Sorbonne sur de nombreux colloïides : 
de semblables résultats n’ont jamais été constatés (2). 

3° M. H. Bordier a soutenu queles rayons X ralentissent les phéno- 
mènes osmotiques. M. M. Chanoz, en opérant dans des conditions rigou- 
reuses, n’a jamais rien vu de semblable. 

4° M. E. Becquerel a montré que si 2lames métalliques reliées à un 
galvanomètre, plongées dans une dissolution, sont l'une placée à l’obscu- 
rité, l'autre soumise à l’action de la lumière, un courant électrique prend 
naissance dans le circuit. On a ainsi une « pile actionnée par la 
lumière » un « actinomètre. » 

Les travaux de MM. Gouy, Rigollot, Wilderman, etc., ont prouvé 
que l'intensité du courant actinique dépendait, pour des conditions don- 
nées, de la lumière utilisée (longueur d'onde). M. Wildermann (1906) 
soutient que la force électromotrice apparue, résulte de l'augmentation 
de la tension de dissolution de la surface de la lame, et pour une 
faible part de la variation de température au niveau des lames de 
l'actinomètre. 

Les rayons X impressionnent-ils les actinomètres décrits ? 

M. Guggenheimer (3) aurait constaté que lorsque les rayons X agissent 
sur l’une des lames, un courant prend naissance allant de la lame irradiée 
à l'autre par le circuit extér.eur; pour une intensité marquée du rayonne- 
ment le courant change de sens. | 

En collaboration avec M. Ghénot nous avons entrepris des recherches 
à ce sujet dans le laboratoire de M. Gouy ; les résultats qui sont com- 


plexes en seront publiés ultérieurement. 
[A suivre). 


(1) Archives d'électricité médicale, 1905, p. 596. 
(e) Communication personnelle des auteurs. 
(3) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891. 


La combinaison de la Rôntgenthérapie 
avec la franklinisation dans le traitement du 
lupus vulgaris (1). 


Par M. Ferdinand WINKLER (Vienne). 


La position de la Rôntgenthérapie du lupus vulgaris envers la photo- 
thérapie n’est pas encore tout à fait claire jusqu’à aujourd’hui ; résumant 
709 cas, Hahn (2) dit que les cas ulcérés sont le mieux influencés par 
les rayons Rôntgen et que les formes sèches serpigineuses sont influ- 
encées beaucoup moins ; tandis que nous réussissons à tout à fait 
guérir les formes ulcéreuses, les formes serpigineuses sont souvent 
réfractaires et par suite ont besoin d'un traitement plus intense. En 
outre, elles contribuent souvent à produire des ulcères avec leur longue 
durée de la guérison. Aussi les formes ulcéreuses ne restent pas toujours 
sans récidive quoiqu'elles guérissent généralement d'une manière 
remarquablement rapide. 

Hahn conseille de regarder la Rôntgenthérapie comme un traitement 
préparatif, et à se servir après d’autres méthodes pour terminer la cure. 

Freund (3) démontre justement que la Rôntgenthérapie est plus 
simple et à meilleur marché que le traitement de Finsen; tandis que le trai- 
tement de Finsen n'avance que bien lent ment et exige beaucoup de temps 
pour le traitement d'une plaie un peu grande, au contraire la Röntgen- 
thérapie est en état d'influencer en une fois de grandes surfaces. Les 
rayons X entrent mieux dans la profondeur et influencent mieux la 
surface que la lumière. Cela peut se dire spécialement des formes de 
lupus sclerosus, lupus tumidus, lupus verrucosus, et des cicatrices dont 
le tissu compact oppose de grands obstacles à l'entrée des rayons 
lumineux, mais laisse bien passer les rayons de Röntgen. 

Les succès de la Rôntgenthérapie dans le traitement du lupus vulgaris 


(1) Travail de l'Institut de radiologie du professeur E. Schiff à Vienne, 

(2) R. Hans. — Hat die Rôntgentherapie gehaltess, was versprochen. Furtschritte 
auf dem Gebiete der Rüntgenstruhlen, 1904, VIII, page 313. 

(3) L. Frkuxr. — Rôntgenbehaudlung und Rôntgendermatilis. Weiner medic. 
Presse, 1906, No 9. 


576 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


et la critique de sa valeur dépendent certainement du choix de la méthode. 
Freund (1) a déjà dit que la méthode des ampoules dures et des ampoules 
molles se trouvent opposées l’une à l’autre ; par la première méthode 
l’action est lente et il faut faire un assez grand nombre de séances, tandis 
que par la seconde méthode on produit en bien peu de séances une 
destruction rapide du tissu malade. Freund reconnait que la méthode 
des ampoules molles, est la plus radicale, mais il croit que le malade 
n’en profite pas beaucoup, car les ulcérations pro luites par le traitement 
énergique d'une plus ¿rande plaie lupeuse, ont besoin pour leur 
guérison, souvent de quelque mois : elles sont aussi très douloureuses, 
de telle sorte que le malade perd par cette méthode le plus grand 
avantage de la Rôntgenthérapie, l'absence de douleurs. Actuellement, 
Freund (2) déconseille, comme son élève Eitner 3), le traitement 
intensif ; ils posent comme principe que l’on ne peut jamais avoir 
une scarification superficielle par la Rôntgenthérapie ; ils estiment que 
la Rôntgenthérapie du lupus n'a pas à détruire le tisa malade, mais 
à lui donner l'impulsion de la guérison par lui-même ; ils font usage 
d'ampoules assez dures, pour produire l'effet spécifique des rayons 
Röntgen sur les parties profondes du tissu Ils ne rayonnent que six 
minutes dans chaque séance et continuent le traitement jusqu'à ce qu'il y 
ait une réaction légère (gonflement léger ou rougeur des parties malades, 
pigmentation de la peau saine environnante}, alors ils font une pose de 
4-6 semaines et répètent la série de séances plusieurs fois. Généralement, 
chaque série renferme 5-S séances. 

Cette méthode peut, sans doute, donner de très beaux résultats, et 
E. Schiff, qui essayait le premier, en 1896, la rôntgenthérapie du lupus 
vulgaris a pratiqué jusqu'au dernier temps la méthode des ampoules 
dures ; quelques-uns de ses succès définitifs sont décrits et illustrés dans 
une monographie intéressante (4). 

Néanmoins, j'ai passé à la méthode des ampoules molles, parce que 
j'avais besoin d'une méthode pour détruire les petits nodules lupiques, 
sûrement, vite et sans douleurs. 

E. Schiff (5) a déjà indiqué, dans sa première publication sur la rönt- 
genthérapie que, par le rayonnement, les petits nodules du lupus se 


(1) L. FrkeuxD. — Grandriss der Radiothérapie, 1903. page 228. 

(2) L FRreuxo. — Klin. therap. Wochenschrift, 1904, p. 251. 

(3) E. Errxer — Rontgenbchandlungsresultate bei Lupus vulgaris; Wiener 
med Wochenschrift, 1906, No 20. 

(4) E. Scuirr. — Erfolge der Rüntgentherapie; Wien, 1904, Moriz Perles. 

(5) E. Scar. — Wienèr dermatologischer Gesellschaft, 2? Juni 1897. — Arch. 
f. Dermat., 1898, XLII, p. 1. 


D om EE om PES 
ne mme émane 


WINKLER. — TRAITEMENT DU LUPUS VULGARIS. 577 


mortifient électivement, et c’est probablement pourquoi Neisser (1) a 
comparé l'effet du traitement de Röntgen avec la réaction de la tuber- 
culine. Cette opinion trouva sa preuve histologique dans les travaux de 
Scholtz (2), qui observa les premiers procès de dégénération des cel- 
lules géants et des cellules épithéloïdes des petits nodules du lupus, 
et qui put constater que ce processus est suivi par l'inflammation réac- 
tionnelle. 

I a nécrose des nodules de lupus, produite par le traitement avec un 
tube mou, termine, pour moi, la rôntgenthérapie du lupus ; la véritable 
guérison procède du traitement statique. 

Les premiers rapports de l'effet curatifs de la franklinisation sur les 
ulcères proviennent de Doumer (3) et de son élève Marquant (4) ; 
leurs expériences se rapportaient aussi bien à des ulcères torpides que 
spécialement à des ulcères variqueux. Ils purent constater que le 
traitement électrostatique amenait une guérison en peu de temps. Ils 
attribuaient ces succès à la grande influence que cette méthode exerce 
sur la vitalité des tissus et attribuent aussi un rôle à l’effet des microor- 
ganismes dans la plaie. 

Mes expériences, qui sont publiés en détail dans un autre mémoire, 
montrent qu’il s’agit dans la franklinisation d’une influence sur le tonus 
des vaisseaux au sens de la vasoconstriction, d'une disparition des 
processus inflammatoires et d’une diminution des phénomènes œdé- 
mateux. 

Cette méthode électrostatique réussit très bien au traitement du lupus 
rôntgénisé. 

En général, il suffit d'une seuleséance de dix minutes pendant lesquel- 
les la plaie est rayonnée par un tube mou pour produire la nécrose 
nécessaire élective des petits nodules du lupus; éventuellement on ajoute 
encore une seconde séance. Après quelques jours, si l'effet se produit, on 
pratique immédiatement le traitement statique. Après un badigeonnage 
avce un mélange d’adrénaline et novacaine, on applique l’aigrette pendant 
dix minutes et ajoute alors un traitement par de petites étincelles pendant 
2-3 minutes. Les séances sont répétées chaque jour; après chaque séance 
on met un pansement tonique. La rapidité avec laquelle l’ulcération 
s’épithélise, est étonnante; la cicatrice est très nette et belle. 

ll est évident que cette méthode n’a rien de commun avec la manière 


(1) EssTein-Scuwarse’s Handbuch der prakt. Medicin, IlI. 

(2, ScuuLrz. — Arch. f. Dermat., LIX, Heft 3. 

(3) Société de biologie, 21 avril 1894. 

(4) MARQUANT. — L'influence de l'effluvation sur la marche des ulcères chro- 
niques et particulièrement des ulcères variqueux. Thèse de Lille, 1894. 


578 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


pratiquée par Suchier 1) et son élève Deuchler (2), dans laquelle ils font 
usage de l'effet détruisant de fortes étincelles. Suchier enlève tout d'abord 
par la curette le tissu malade, et traite le fond curett$ par l'étincelle 
jusqu’à ce que la plaie noircisse. 

Strebel (3) dit tout à fait justement qu'il s'agit dans cette méthode 
d’une destruction moléculaire qu'on peut aussi bien atteindre par des 
étincelles de haute fréquence. Il était très facile d'employer la destruction 
moléculaire du tissu lupique, au lieu de la destruction par les rayons de 
Röntgen et de comparer les résultats. J'en choisis un cas dans lequel 
des plaques lupiques isolées se trouvaient sur le nez et sur le front, et dans 
lequel un traitement différent des parties lupiques était possible. 

La malade, âgee de 35 ans, se soumit au traitement le 17 no- 
vembre 1905. Je choisis pour le premier la plaque au bout du nez pour la 
rôntgenthérapie; une seule séance de dix minutes avec un tube mou 
suffit pour produire, cinq jours plus tard, un ulcère cratériforme qui 
correspondait exactement à la circonférence de la plaque lupique. Alors 
je commençai le traitement électrostatique; la malade était chaque 
jour traitéc pendant dix minutes par l’aigrette; la plaie commençait à 
diminuer déjà le 30 novembre, et le 11 décembre le bout du nez pouvait 
être dit guéri. Les nodules de lupus, se trouvant sur le front furent 
trailés par des étincelles de haute fréquence et la plaie fut exposée chaque 
jour à l’aigrette. Cette plaie guérit aussi promptement, et aux premiers 
jours de janvier 1906 tous les nodules de lupus paraissaient guéris, 
les cicatrices étaient sans reproche. La mi-avril 1903 une récidive vint 
dans la cicatrice au front, tandis que la cicatrice au bout du nez 
restait sans récidive. Le front fut trairé par l’étincelle forte électrostatique 
et la partie détruite exposée de nouveau à la décharge en aigrettes; 
la guérison se produisit aussi cette fois promptement, et la malade 
restait sans récidive jusqu’en novembre 1906. Dans ce temps. elle se 
présenta de nouveau avecu ne récidive sur le front, laquelle disparait 
complètement sous le traitement de haute fréquence, pour revenir en 
mars 1907. La cicatrice sur le bout du nez, à la place où le traitement 
de Röntgen était pratiqué, restait pendant tout le temps complètement 
normale, 


(0) SUCHIER. Die behandlung des lupus vulgaris mit statischer Electricität. 
Wiener Klinik, 1904, XXX, pag. 26). — Dermatol. Zeitschrift, 1905, Heft 11. — 
Traitement electrostatique du lupus vulgaire, du lupus érythémateux de la peau et 
d'autres affections parasitaires. — Annales d'électrobiologie, 1995, VIII, n° 4. 

(2) DeucuLer. Verhandlungen der 78. Versammlung Deutscher Naturforscher 
und Aiste, Stuttgart, 1906. 

(3) H. STREBEL. Dermatol. Zeitschrift, 1905, XII. 


WINKLER. — TRAITEMENT DU LUPUS VULGARIS. 579 


Le cas dans lequel on pouvait employer différentes méthodes de 
traitement sur des places voisines, permet la conclusion que la destruc- 
tion des nodules du lupus par les rayons de Rôntgen valait mieux que 
la destruction moléculaire par l’étincelle, soit que celle-ci est obtenue 
par une machine statique, soit par un appareil de haute fréquence, et que 
le traitement électrostatique est en état d'amener vite la guérison des 
plaies. 

La simplicité de cette méthode combinée justifie bien la publication 
de notre méthode actuelle et permet l'espérance que notre recommanda- 
tion trouvera beaucoup d’adeptes. 


Études expérimentales 
de l'action du traitement électrostatique 
sur les vasomoteurs de la peau (1). 


Par M. Ferdinand WINKLER (Vienne). 


Depuis l'introduction de la franklinisation dans la dermatothérapie, 
par Doumer et Leloir (1), le domaine de cette méthode de traitement 
s'est assez étendu. L'exposé que j'en ai donné à l'assemblée des 
paturalistes allemands, à Hambourg, dans mon discours : « Du traite- 
ment électrostatique des maladies de la peau (2) et dans un article sur 
L'électricité dans la dermatologie (3), a son complément dans un rapport 
excellent (4) que R. v. Luzenberger a lu au Congrès international de 
l'électrologie, à Milan. 

Mais jusque maintenant, il manque une explication satisfaisante de 
l'effet de l'électricité sur la peau, car ni l'influence sur la vitalité des 
tissus et l'opinion d’une augmentation de la nutrition admises par 
Doumer et son école (5), ne suffisent pas à l'explication, ni la suppo- 
sition d’une action spécifiquement trophoneurotique sur les parties 
malades et l'opinion que les micro-organismes soient influencés; 
il en est de même de l'opinion de d’Arsonval (6', qu'il s’agit de l'effet 
d ozone, et l'expérience de Schatzhky (7 d'élever les effets électrolytiques, 
pour l'explication ne suffisent pas autant que la supposition de Foulerton 
et Kellas 8), qu’il s'agisse de l'effet de NO2. 

Les changements histologiques trouvés par Frennd (9) ne nous 
donnent pas non plus un appui pour la reconnaissance de l'effet curatif 
de la franklinisation sur les maladies de la peau, et le fait intéressant 
trouvé par Bordier (10, que sur la place frappée par l’étincelle de Franklin 
la température s'élève, ne nous permet pas encore une explication phy- 
siologique de l'effet thérapeutique. 

Le seul fait sur lequel nous puissions nous baser est la constatation 
que la peau frappée par l’étincelle devient avant tout pâle, et après 


(1) Travail de l'Institut de radiologie du Prof. E. Schiff, à Vienne. 


WINKLER — TRAITEMENT ÉLECTROSTATIQUE. 581 


quelques minutes, nous voyons se faire une hypéremie circonscrite ; 
chez des personnes sensibles, il peut se faire une exsudation de liquide et 
une vésicule. Certaine* personnes, spécialement celles atteintes de goitre 
exophtalmique, présentent ces phénomènes exprimés si distinctement, 
que les auteurs français parlent d'un dermographisme électrique 1). 

Les plus aptes aux expériences sur l'effet du trait ment électrostatique 
sont des personnes avec la peau pauvre en pigment et fort sensib'e, 
chez lesquelles on peut bien comparer les différentes manières du trai- 
tement électrostatique en regard à leurs effets. 

Voici une expérience : 


R. K .., employé, x8 ans, sain, est traité avec des étincelles sur différentes 
parties du bras. 

Etincelle de Franklin : Il se fait un cercle anémique qui dure deux minutes 
et se change alors en un cercle rouge restant environ dix minutes. Si l'étincelle 
a influencé plus de deux minutes la peau, la durée du cercle anémique n'est 
certes pas prolongée, mais le cercle rouge reste plus longtemps, même pendant 
une demi-heure. 

Etincelle de Mortun : Il se fait un cercle anémique qui dure à peine deux 
minutes et qui fait place à la coloration normale sans causer une couleur rouge. 

Etincelle d'Arsonval : Il se fait un cercle anémique faisant place, apres une 
demi-minute, à un fort érythème qui se conserve plusieurs heures. 

Si la peau est fortement comprimée par une ligature élastique, la couleur 
bleue n'est pas changée, ni par l'étincelle de Franklin, ni par l'étincelle de 
Morton ; l'étincelle d'Arsonval cause une anémie distincte pour une où deux 
minutes puis on voit so rétablir la première couleur bleue. 

La couleur rouge de la peau causée par le nitrite d'umyle est influencée très 
distinctement aussi bien par l'étincelle de Franklin que par celle de Worton; il 
se fait une forte anémie distincte de la peau, qui dure environ cinq minutes et se 
transforme alors en cyanose. L'étincelle d'Arson al cause ainsi une anémie 
distincte durant cinq minutes et faisant place à une cloche d'urticaire. 

Si le bras rougi par le nitrite d'amyle est comprimé par une ligature élas- 
tique, l'étincelle de Franklin et celle de Morton restent sans effet, tandis que 
l'étincelle d'Arsonvul cause une anémie distincte. 


Aussi, l'influence du traitement électrostatique sur les états patholo- 
giques de la peau, est très évidente spécialement dans l'acné rosacea, où on 
peut très bien comparer les effets des différentes manières de traitement. 


I. M..., machinisite, 45 ans, avec acné rosacea des joues et du nez qui sont 
cyanotiques. 

Si on fait passer la décharge en aigrette sur les places cyanotiques, il se fait 
dans la sphère de l'aigrette, une forte anémie durant quatre minutes sans changer 
et disparaissant alors peu à peu si bien que, après encore cinq minutes, la 
première couleur est rétablie. Si l'on fait éclater l'étincelle de Franklin, il se fait, 


582 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


après une demi-minute, une tache blanche ne restant que deux minutes; l'étin- 
celle de Morton a le même effet, étincelle d'Arsontal n'a pas d'influence sur 
la cyanose. 


Pour bien reconnaitre l'influence du traitement électrostatique sur les 
vaisseaux, il faut faire des expériences sur les animaux. 

Traitant la membrane interdigitale d'une grenouille avec l'étincelle 
de Franklin pendant deux-trois minutes, nous voyons la place frappée 
par l’étincelle comme une tache claire en forme de cercle; ayant, 
auparavant, examiné la membrane sous le microscope et comparant 
alors le tableau microscopique, nous voyons les cellules pigmentées 
beaucoup retrécies, et en plusieurs places manquent complètement les 
prolongements des chromatophores qui, autrement, forment un filet épais. 
Cette observation est digne d'intérêt, d'autant plus que, d'après Dreyer 
et Jansen (12), on voit se produire un déploiement bien distinct des 
cellules pigmenteuses par le rayonnement de la membrane. 

Cette influence vasoconstrictive de la franklinisation se montre 
encore mieux sur l'oreille du lapin; il n'est pas nécessaire d'employer 
une forte étincelle pour cette expérience, parce qu'elle provoque 
visiblement des douleurs chez l'animal et cause souvent de véritables 
crises; les petites étincelles de la décharge en aigrettes suffisent tout à 
fait. Pour cette démonstration les lapins blancs albinos, aux oreilles 
desquels on peut distinctement voir les contractions rythmiques des 
vaisseaux décrites par Schiff (13) conviennent le mieux. Si l'oreille est 
frappée par la décharge en aigrettes dans la période de la dilatation des 
vaisseaux, les vaisseaux sanguins excités se resserrent subitement et 
n'atteignent plus leurs dimensions primitives. 

La .vasoconstriction se montre encore mieux dans l'expérience de 
Bekelallenfels (11) : un lapin, mis avec la partie postérieure dans l'eau 
chaude, montre une forte dilatation des vaisseaux de l'oreille, Paneth (15) 
a fixé le fait intéressant que la dilatation maximale se conserve aussi 
longtemps que l'animal se trouve dans l’eau chaude; pendant ce temps 
il ne pouvait pas restreindre le calibre des vaisseaux, même par des 
applications de glace sur les oreilles. 

Exposant à la décharge des aigrettes les vaisseaux dilatés maximale- 
ment de l'orcille d'un lapin qui se trouve avec la partie postérieure dans 
l'eau à 45° C., on voit paraitre, déjà après une minute, une stricture 
bien distincte des vaisseaux de l'orcille excitée, tandis qu’à l’autre oreille, 
non excitée, les vaisseaux restent dilatés. 

La dilatation des vaisseaux de l'oreille, que, d'après mes recherches (16), 
on peut attribuer à l'excitation des fines terminaisons des nerfs de la 
température, est si intense que, comme je pouvais m'en persuader dans 


WINKLER. — TRAITEMENT ÉLECTROSTATIQUE. 583 


plusieurs nouvelles expériences dirigées sur ce point, elle résiste aussi à 
l'action resserrante de l’adrénaline. Si, d’après l'exemple de M. Bukof- 
zer (17), on fend la peau au-dessus d’un vaisseau de l'oreille d’un lapin, 
sans blesser le vaisseau lui-même, une constriction si forte se fait sur 
l'oreille normale en la touchant avec l’adrénaline, que le vaisseau ne peut 
être vu que comme le plus fin fil. 

Si l’on porte un lapin après la précédente préparation, avant le 
toucher avec de l’adrénaline, avec la partie postérieure dans l’eau chaude 
et si on fait opérer l'adrénaline après la dilatation maximale, le vaisseau 
reste dilaté ; l'effet serrant de l’adrénaline ne se produit pas. Mais l’étin- 
celle de Franklin cause subitement une constriction du vaisseau sur la 
place frappée. 

Le pouvoir de la franklinisation de détruire aussi une dilatation 
maximale se montre encore dans une autre expérience. Si l'on verse 
de l'éther sur l'oreille du lapin, une forte hyperémie se montre subi- 
tement; si l'on met l'oreille hyperémiée près d’une électrode de Franklin, 
pour que des aigrettes de petites étincelles en éclatent, une prompte 
consstriction du vaisseau dilaté se produit à la place frappée par l'étin- 
celle, tandis qu’au-dessus et au-dessous aucun changement du calibre du 
vaisseau ne se montre. 

La franklinisation possède aussi la propriété de diminuer l’hyperémie 
artérielle causée par l'inhalation de nitrite d'amyle ; si l'on fait inhaler 
à un lapin quelques gouttes de nitrite d’amyle, une forte hyperaémie se 
montre sur les deux oreilles; la décharge locale en aigrettes fait observer 
une diminution évidente de la dilatation des vaisseaux ; faisant éclater de 
petites étincelles directement sur un vaisseau dilaté, il se fait une réac- 
tion si forte que, sur le point où immédiatement avant on voyait un 
vaisseau, existe une tache blanche sans vaisseaux, où affrontent des deux 
côtés les parties du vaisseau non frappées par l'étincelle. 

Aussi bien que l'hyperémie artérielle, l'hyperémnie veineuse est 
influencée par la franklinisation. Si l'on attache comme ligature un 
drainage élastique sur la racine de l'oreille d’un lapin, un fort refou- 
lement se forme dans les veines qui paraissent comme des cordes 
turgescentes. A la décharge en aigrettes se produit une diminution de 
l'hyperémie dans tout le domaine du cône de rayons; sous l'influence des 
étincelles, on voit naitre sur la place frappée une constriction bien 
évidente du vaisseau, tandis qu'aux deux côtés de la place frappée, les 
Vaisseaux montrent leur ancienne largeur. 

Le fait qu'il s’agit dans ces expériences d’une irritation d'recle des 
vaso-constricteurs ressort d'une série d'expériences dans lesquelles le 
sympathique d'un côté des animaux était coupé. Voici une de ces 
expériences détaillée : 


584 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


On coupe le sympathique gauche au cou d'un lapin blanc albinos; cinq jou”s 
plus tard l'oreille gauche montre deux grandes lignes de vaisseau fortement 
dilatés. Ces vaisseaux dilatés sont exposés à la décharge en aigrettes, il n'y a pas 
de changement de la largeur des vaisseaux : les places frappées directement par 
de petites étincelles ne montrent non plus aucun changement 

L'oreille gauche est liée tout autour par une ligature; il se forme une forte 
hyperémie influencée seulement un peu par la décharge en aigrettes. Pour pro- 
duire une petite sténose, il est nécessaira d'employer de petites étincelles. 

On injecte dans la trachée de l'animal six gouttes de nitrite d'amyle; une très 
forte hyperémie se produit aux deux oreilles, la décharge en aigrettes reste sans 
effet sur l'oreille gauche opérée, tandis qu'elle produit une! sténose rapide sur 
l'oreille droite; là encore l'étincelle est seule capable de causer sur l'oreille 
gauche une petite stricture du vaisseau frappé, tandis qu'elle produit sur l'oreille 
droite une disparition instantanée de la partie de vaisseau dont il s'agit. 

Après une demi-heure, les vaisseaux de l'oreille droite se sont rétablis 
complètement; sur l'oreille gauche se montrent les deux lignes de vaisseau 
dilaté qui existaient déjà au commencement de l'expérience, et qui montrent 
des extravasations dans les parties frappées par l'étincelle. 


Cette expérience démontre que l'effet de la franklinisation ne porte 
que sur les vasoconstricteurs ; les con<tri teurs paralysés par la section 
du sympathique ne peuvent pas être irrités par la franklinisation. Ainsi 
apparait frappante la différence entre le rayonnement, lequel, en o po- 
sition avec la franklinisation, influe sur les vasodilatateurs; les expé- 
riences de Dreyer et Jansen (18) et les miennes, faites dans ce but, ont 
démontré que le rayonnement sur le côté de la coupe du sympathique 
produit une hyperémie de l'oreille beaucoup plus grande que sur 
l'autre côté. 

Les expériences décrites montrent que la franklinisation locale est en 
état d'agir sur les vasoconstricteurs et de produire une anémie rapide de 
la partie de peau frappée. Ainsi, nous pouvons expliquer l'effet immédiat 
dans le traitement des érythèmes et d'autres affections de la peau 
caractérisées par une hypcrémie active. 

Si, par un rayonnement intense, on produit une dilatation des vais- 
seaux sanguins, on peut les rétablir à leur calibre normal par la 
franklinisat:on. A cette démonstration convient bien la lampe à rajeur 
d- mercure qui, dans l'espace de cinq minutes. dilate for.ement les 
vaisseaux sanguins d’une membrane de grenouille ; en faisant, à la suite, 
une séance de franklinisation, on peut facilement produire la sténose 
prompte des vaisseaux sanguins. 

L'expérience sur l'animal permet aussi de trancher la question de 
savoir si l’on est en état de prévenir les lésions ce la Rüntyenthé,apie. 
Les expériences faites à l'institut du professeur Æ. Schiff à Vienne, nous 
ont prouvé l'utilité de la méthode de faire suivre à chaque rayrnnrment 


WINKLER. — TRAITEMENT ÉLECTROSTATIQUE. 585 


Röntgen un traitement par la franklinisation ; depuis que nous employons 
cette méthode, bien des lésions de la Rôntgenthérapie nous ont été 
épargnées ; nous avions intérêt à rechercher une démonstration expéri- 
mentale sur l'animal 

Si l’on expose la membrane d’une grenouille pendant cinq minutes aux 
rayons d’un tube mou de Röntgen, il se fait une dilatation des vaisseaux 
sanguins qu'on peut bien reconnaitre sous le microscope. Faisant alors 
une franklinisation de la membrane, on voit se serrer les vaisseaux 
sanguins, les cellules de pigment diminuer, et toute la membrane 
prendre un a-pect anémique. 

L'étincelle de Morton est identique à l’étincelle de Franklin. Si l'on 
fait agir l’étincelle de Morton pendant 2-3 minutes sur la moitié du 
vaisseau central de l'oreille d'un lapin, le vaisseau en aval de la place 
frappée ne subit aucune modification, tandis qu'au dessus il se serre si 
fortement, qu'il semble que le vaisseau romprait soudainement à la place 
frappée par l'étincelle. 

La vasoconstriction produite par l'étincelle de Morton est si grande 
qu'elle dure même si on emploie des agen's produisant l'hyperémie; 
on peut le démontrer très facilement en versant de l’éfher sur l'oreille du 
lapin traité par l’étincelle de Morton ; sur tous les vaisseaux de l'oreille 
se montre une hyperémie: mais, sur les vaisseaux frappés par l’étincelle, 
Ja dilatation manque au-dessus de la place frappée par l'’étincelle, tandis 
qu'elle est très claire en dessous. 

L'étincelle de Morton possède aussi une force constrictive sur les 
vaisseaux d'oreille dilatés par l’inhalation de nitrite d'amyle; le vaisseau 
frappé perd vite sa dilatation maximale et se serre très fortement, et la 
limite de la partie des vaisseaux frappés se montre très distinctement 
par comparaison avec les régions voisines. 

La vasoconstriction se montre aussi distinctement dans la dilalation 
des vaisseaux causée par une ligature élastique; sur la place frappée 
par l'étincelle. il y a après une minute une stricture très apparente des 
vaisseaux, tandis qu'au dessus et au dessous de la place frappée la largeur 
des vaisseaux ne montre aucun changement. 

La franklinisalion conserve sa propriété constrictive aussi dans une 
les irritations d'inflammation. Si l'on met une goutte d'huile de croton 
sur la membrane d'une grenouille dont les vaisseaux montrent une cir- 
culation active, il y a subitement une forte dilatation des vaisseaux. Si 
l'huile de croton est essuyée et la membrane franklinisée pendant dix 
minutes les vaisseaux se montrent de nouveau très étroits, tandis que sur 
la membrane de l’autre pied, laquelle est traitée de la même manière avec 
l'huile de croton, les vaisseaux restent dilatés. 


586 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Faisant agir l'huile de croton sur la membrane pendant toute une 
journée, elle devient ædématiée, de telle sorte que les vaisseaux ne sont 
plus visibles sans le microscope. Dix minutes de /ranklinisation font 
disparaitre l'œdème si bien qu’on peut distinguer de nouveau les vaisseaux 
à l'examen microscopique. 

Autre est l’action de la mortonisation, dans laquelle l’électrode est 
mise immédiatement sur la peau. Laissant l’électrode durant cinq minutes 
en contact avec le centre de l'oreille de lapin et faisant attention 
qu'aucune étincelle ne jäillisse, nous observons une dilatation du vaisseau 
de d'oreille en forme d’anévrisme sur la partie traitée de la peau et tout 
autour une travasation de sang en forme de cercle avec un diamètre 
d'environ un centimètre. 

La membrane de la grenouille se comporte de la même manière à la 
morlonisation immédiate ; après un traitement de deux minutes, les vais- 
seaux sont dilatés et comblés de sang; après une mortonisatinn de cinq 
minutes, l'examen microscopique montre près de la forte dilatation des 
Vaisseaux sanguins, la présence de nombreuses extravasalions de sang 
en forme de pointillé ; les cellules de pigment ne montrent en même temps 
que peu de continuations. 

L'hyperémie causée par la mortonisation immédiate peut, du reste, 
disparaitre par une /ranklinisation suivante ; les extravasations de sang 
ne sont pas influencés par la franklinisation, 

Il s'ensuit de cette série d'expériences que l'étincelle de Morlon 
produit, comme l'étincelle de Franklin, une irritation sur les vaso- 
constricteurs, mais que la véritable mortonisation cause une hyperémie 
sur la partie frappée. 

Justement opposées sont les conditions de la d’arsonvalisation. Au 
contact de l'électrode de verre (décharge calme) il y a uno vasocons- 
triction, tandis qu'à l’étincelle d'Arsonval il y a, après une très courte 
vasoconstriction, une forte dilatation des vaisseaux frappés et une 
extravasation de sang. 

Les expériences décrites rendent nécessaire une revision de nos 
indications pour les applications du traitement électrostatique des 
maladies de la peau. Il n’est pas nécessaire de soumettre sans critique 
toutes les maladies possibles de la peau au traitement d'étincelle, pour 
parvenir à une situation précise d'indication sur le long chemin de 
l'empirisme, Il vaut beaucoup mieux se tenir au résultat de l'expérience 
qui prouve avec certitude que nous possédons, dans l'application de 
l'étincelle de Morton, un éminent moyen d'irritation pour les vasocons- 
tricteurs qui agit dane l'hyperémie artérielle aussi bien que dans 
l'hyperémic veineuse et qui a un aussi bon effet dans l'hyperémie 


WINKLER. — TRAITEMENT ÉLECTROSTATIQUE. 587 


inflammatoire que dans les angioneuroses qui sont conjointes à une 
dilatation de vaisseau. Nous voyons aussi que la d'arsonvalisalion a 
une influence beaucoup plus detite sur les vasoconstricteurs que nous 
avons cru jusqu’à maintenant et que la mortonisation immédiate, en : 
regard à la diapedèse causée par elle, ne mérite pas l'importance, que 
nous étions portés à lui attribuer. 

Dans les changements angiosplastiques de la peau le trailement 
électrostatique n'a pas d'action, ni dans l'asphyæie locale, ni dans le 
pernio, ni dans l'urlicaire ; mais il trouve son indication dans toutes les 
formes congestices, qu’elles résultent d’une réduction du vasotonus ou 
d'une dilatation des vaisseaux du sang ; au premier groupe appar- 
tiennent les érythèmes divers, la séborrhée congestive; à l'autre groupe 
appartiennent les irritations de peau dues au rayonnement et à 
l'influence des rayons de Röntgen. Au domaine appartiennent aussi 
les formes différentes de l'hypéremie par refoulement, ainsi que les 
maladies des membres inférieurs causées par l'hypéremie, et la rougeur 
générale par refoulement du nez ou des oreilles. 

Naturellement, on n'a pas traité électrostaliquement toutes les formes 
des maladies qui sont sous la dépendance d'une faiblesse des vasomo- 
teurs, ni l’herpès zoster, ni le pemphigus, ni les maladies exfoliatrices. 

Mais toutes les sortes d'œdèmes inflammés et d'hypéremie inflammée 
se trouveront très bien du traitement électrostatique, les affections de 
peau avec exsudalion, aussi bien que les exzémes aigus, l’impetigo et 
les différentes sous-espèces de l'érythème multiforme. 

On traite aussi bien iles furoncles avec la franklinisation ; la douleur 
d'extension cesse, parce qu’à cause de la sténose des vaisseaux la résis- 
tance mise par les tissus voisins est diminuée. 

L'arsontalisation ne convient pas à toutes les affections citées pour 
le traitement ; elle trouve son indication exclusivement dans ces maladies 
de la peau dans lesquelles il s’agit d'amener une meilleure alimentation 
des tissus malades, comme dans l’urticaire, pernio, exzème lichenificé, 
sycosis, herpès zoster, lupus érythémateux acné varioluide. 

La mortonisation n’a qu’un domaine d'application très circonscrit ; 
elle a un effet sur des tissus anémiques, comme les cicatrices kéloïdes 
et hypertrophiques, sans le traitement desquelles il y a une dilatation 
des tissus collagènes, et sur sclérodermie dans laquelle les indurations 
disparaissent bientôt. 


REVUE DE LA PRESSE 


LaBouré et Musis. — Lupus du pharynx. — Traitement radiothéra- 
e. — Societe médicale d'Amiens, 6 Décembre 1905. 


On sait combien rebelles se montrent au traitement ordinaire : curettage, badi- 
geonnages, scarifications, les lupus du pharynx. Aussi est-il intéressant de voir 
leur manière de se comporter en face des rayons X; c'est ce qui a été fait chez les 
deux malades que voici. 


I. — Mme P...,'5 ans, mariée à 19 ans, a eu deux enfants morts en bas-âge 
de a convulsion ». 

En Juillet dernier, elle va consulter le D" Louis (de Moreuil), parce que ses 
aliments repassent par son nez. Notre confrère constate une ulcération qui ronge 
la luette; il la cautérise à l'acide chormique et au galvano-cautère et parvient a la 
cicatriser, mais bientôt d'autres nodules et d'autres ulcérations apparaissent sur le 
voile et les piliers ; c'est alors qu'il nous la montre. 

On constate alors une cicatrice blanchâtre à la base de la luette et des brides 
fibreuses qui, des piliers gagnent le pharynx et le rétrécissent. De plus, deux 
ulcérations de la largeur d'une pièce de 1 francs environ envahissent le pilier 

‘antérieur et l’amygdale, les ulcérations sont à contour polycyclique, en dents de 
scies sur le fond même, des granulation grisâtres et atones recouvertes çà et là de 
muco-pus adhérent. Les amygdales présentent les traces ordinaires d'infection 
chronique. Il en est de même des adénoïdes que la rhinoscopie postérieure permet 
de voir aisément. Les cornets inférieurs sont atrophiés, mais sans ozène vrai. Çà 
et là quelques nodules isolés. 


II. — Mec B..., 32 ans, mariée à 19 ans, a eu un enfant mort à iY mois, de 
broncho-pneumonie. 

Il ya trois ans, voit le D" Donny, de Méharicourt, et le D’ Prestrelle, de Rozière, 
qui conseille l’ablation des amygdales parce qu'elles sont hypertrophites. 

Le 9 Novembre dernier. je constate chez elle : 

1° De grosses amygdales cryptiques ; 

2 Une cicatrice fibreuse au centre de la voûte palatine et présentant tous les 
caractères d'une cicatrice lupique ; 

3 Une ulcération allongée de 1 centimètre sur trois, occupant le pilier pos- 
térieur et empiétant sur le bord correspondant de la luette. Elle est limitée par un 
rebord irrégulier coupé de sillons qui lui donnent « l'aspect triste » caractéristique 
des acteurs. Des brides fibreuses forment des synéchies entre les piliers posté- 
` rieurs et la paroi latérale du pharynx. Enfin des nodules isolés se montrent partout. 

La rhinoscopie postérieure fait voir des adénoides rouges, disposées en trois 
lobes que séparent des sillons remplis de muco-pus. 


REVUE DE LA PRESSE 589 


Les cornets inférieurs sont atrophiés ; quelques croûtes à odeur nauséabonde: 
lésions ozéneuses. 

Diagnostic. — Des ulcérations comme celles notées chez nos deux malades, 
granuleuses, papillomateuses, à fond grisâtre et atone, voisinant avec des 
cicatrices blanc-grisâtres, ne peuvent ètre que lupiques. 

En effet, l'amygdalite cryptique ulcéreuse se limite a l'amygdale. 

Le chancre syphilitique est souveut unique et s'accompagne d’adénopathie 
précoce. 

Une plaque muqueuse ulcéreuse ne va pas sans une « dysphagie » intense, 
déja signalée par Ambroise Paré, ni sans adénopathie comme l'accident primaire. 

Il est plus intéressant à notre avis de rechercher la perte d'entrée et l'évolution 
de différents cas de lupus se présentant à notre observation. 

Le point de départ est en général la cavité nasale ou le rhinopharynx; ici, 
l'examen systématique de ces cavités ne nous a pas révélé de cicatrice ni d'ulcé- 
ration lupique en activité. Mais il s'en faut que ces régions soient indemnes de 
toute lésion. 

Nos deux malades présentent de la rhinite atrophique, la première sans 
ozène, la deuxième avec ozène, qui a mis en souffrance les fonctions de défense 
de la muqueuse nasale à l'égard du bacille de Koch. De plus, leurs amygdales 
palatines et pharyngiennes présentent une multitude de cryptes à contenu caséeux, 
et comme ce sont les voies préférées de pénétration du bacille de Koch qui 
tuberculise ensuite l'organisme, il est logique de supposer que là aussi peut être 
le point de départ du lupus. Pourquoi lupus et non tuberculose ? Parce que le 
bacille subit au niveau des organes lymphoides une atténuation qui le rend moins 
nocif. 

Ce n'est là sans doute qu'une hypothèse, mais admissible à coup sûr et qui 
légitime l'application des rayons X aux cas de tuberculose pharyngée que se 
propose de tenter l'un de nous. Avec la radiothérapie, d'ailleurs, nous quittons le 
domaine de l'hypothèse pour rentrer dans celui de la réalité. 

Traitement. — Dans les deux cas, la technique radiothérapique fut la même 
dans ses grandes lignes et ne différa que par la fréquence plus ou moins éloignée 
des séances. A l'aide de l'ambout en verre au plomb du localisateur de Riviére, 
nous pratiquons l'irradiation totale de toute la région malade en protégeant très 
suffisamment les parties saines. Nous avons soin au préalable de nous assurer 
que le rayon d'incidence normale est bien central au champ opératoire. La 
distance de l'anticatode au foyer malade est d'environ vingt centimètres. Les 
rayons fournis par une ampoule de Chabaud actionnée par une puissante machine 
statique do douze plateaux répondent au N° 6 du radiochromomètre Benoît. La 
durée de l'application est de quinze minutes, de façon à faire absorber une dose 
de quatre unités H, que nous estimons maxima pour nous tenir a l’abri d'accidents 
du côté des muqueuses. 

Dans le premier cas, le traitement fut commencé le 29 août dernier et, pour 
arriver au résultat que nous vous soumettons, nous avons fait une série de 
dix séances, a raison d’une par semaine. Dès la deuxième application, l'amélio- 
ration est manifeste : les nodules s'affaissent pour disparaitre à la cinquième et 
les ulcératians sont déjà en voie de cicatrisation, qui est définitive à la neuvième 
séance. 

Dans le second cas, le traitement fut institué le 21 novembre dernier, c'est-à- 
dire il y a aujourd'hui quinze jours. Les séances furent bi-hebdomadaires, et il 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X, — AOUT 1907. 41 


590 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


nous a suffi de cinq applications pour arriver à la cicatrisation de la grande 
ulcération décrite plus haut et qui atteignait un centimètre sur trois. 

Ces deux résultats sont également remarquables ; mais si nous les comparons 
entre eux, il semblerait qu'il y ait avantage, contrairement à l'opinion de certair.s 
radiothérapeutes, pusillanimes peut-être, de faire, comme dans le second cas, des 
séances plus rapprochées, de façon à propoquer une hÿperémie et une inflamma- 
tion plus continuelle, favorables à la destruction des nodules et des foyers lupiques 
pour arriver ainsi à leur cicatrisation plus rapide. 


Paul SAINTON. — Les traitements actuels du goitre exophtalmique (1). 
— Journal médicul de Bruxelles, 6 sep. 1506. 


Faire le bilan de toutes les méthodes qui ont été préconisées dans le traitement 
du goître exophtalmique serait vraiment fastidieux et inutile; car il n’est point 
de maladie dans laquelle on ait essayé de traitements aussi opposés et aussi 
disparates Les uns ont conseillé les toniques, les autres les sédatifs nerveux, tels 
que la valériane, la belladone et le bromure, des médicaments cardiaques, tels 
que la digitale. Parmi les médications en faveur, il faut signaler le salicylate de 
soude préconisé par Chibret ct Babinski, à la dose de 5 grammes par jour, le sul- 
fate de quinine que vantent Lancereaux et Paulesco. 

La plupart des médecins, incertains entre des procédés thérapeutiques dou- 
teux, préfèrent un traitement hygiénique, s'efforçant d'atténuer les symptômes 
sans s'attaquer à la cause directe du mal. lls mettent les sujets au repos absolu, 
comme dans la cure classique de la neurasthénie, voire même ils les isolent de 
leur entourage, évitant ainsi toute excitation; ils conseillent le séjour dans un 
climat sédatif; de préférence dans la montagne et y adjoignent l’hydrothérapie 
tiède ou froide, suivant la résistance du malade; s'ils n'ont pas guéri l'affection, 
ils ont tout au moins évité de nuire ou d'aggraver la maladie. 

Cette expectative plus ou moins déguisée n'est qu'une défaite, elle semble 
indiquer que l'on se trouve vraiment désarmé en présence de cette maladie. Les 
observations d'améliorations publiées par les divers auteurs sont considérées par 
les sceptiques comme douteuses, parce que, objectent-ils, la maladie de Basedow 
est sujette à des accalmies, qu'elle est susceptible de guérir spontanément et qu'il 
peut s'exercer une action suggestive, chez les sujets à organisme d'une impres- 
sionnabilité excessive. Ces objections ont quelque valeur, mais elles ne s'appli- 
quent pas à l'immense majorité des cas. Il semble incontestable que l'hystérie, avec 
laquelle il est si souvent associé, peut revendiquer quelques-uns des cas, mais 
non tous. Lorsque l'on voit la tétrade symptomatique du basedowisme apparaître 
instantanément en quelques secondes, sous l'influence d'une frayeur, il est inutile 
de nier l’origine hystérique de certains goîtres exophtalmiques. Mais il n'en est 
pas moins vrai que les cas dans lesquels la manifestation symptomatologique 
typique apparaît lentement sont la règle. qu'il y ait ou non goître antérieur. Au 
milieu des contradictions, des incertitudes, des tâtonnements thérapeutiques il 
nous semble qu'il persiste une idée directrice qu'il y a lieu de mettre en lumière. 

Parmi les moyens récents employés, deux peuvent être jugés actuellement, 
c'est l'opothérapie thyroïdienne et la section du sympathique cervical. La première 


(1) In Revue de thérapeutique médico-chirurgicale (N° 7, avril 1908). 


LA 


REVUE DE LA PRESSE 591 


n'a donné que des déboires et est abandonnée même de ses promoteurs; la seconde 
a donné des résultats brillants pour la suppression de l’exophtalmie, mais son 
action bienfaisante s'est bornée à ce symptôme, les autres termes de la tétrade 
exophtalmique n'ont guère été modifiés : elle constitue une méthode palliative 
mais non curative. 

Avant de passer à l'étude des procédés qui cherchent à atteindre la maladie 
dans son mécanisme, il n'est point permis de passer sous silence une méthode 
qui a soulagé et même guéri, au dire de Joffroy, de Vigouroux, un certain nombre 
de malades et qui est toujours en usage et en faveur, c'est le traitement électrique. 

Préconisé par Remak, Eulenburg et Erb, il a été employé sous plusieurs for- 
mes : faradisation, galvanisation, faradogalvanisation, voltaisation sinusoïdale. 

Vigouroux emploie la faradisation carotidienne; il place une électrode indiffé- 
rente de 7 à 8 centimètres de large sur 12 à 15 centimètres à la nuque; son pôle 
actif ou négatif est un tampon en olive, que l'on place en dedans du muscle 
sterno-mastoidien au niveau de l'angle de la mâchoire; on le promène de cet 
endroit jusqu'au milieu du sterno-mastoidien pendant une minute, puis dans la 
région carotidienne du côté opposé. Ce pôle actif est ensuite transporté au niveau 
du rebord orbitaire externe sur les paupières et sur le pourtour de l'orbite en 
évitant les nerfs sus et sous-orbitaires, pendant une ou deux minutes pour chaque 
œil. Le tampon olivaire est alors remplacé par une électrode plate de 3 à 4 centi- 
mètres, que l'on place au niveau de la tumeur thyroïdienne pendant cinq minutes 
environ. La durée totale de l'opération est de douze minutes pour chaque séance, 
le traitement est continué pendant six mois à un an. 

Le courant galvanique considéré comme plus actif sur la secrétion glandulaire 
a donné des résultats satisfaisants entre les mains de nombreux opérateurs, 
Déléage, Sollier, Régnier, Crocq, Leduc, Libotte, Lamari et Bordier (thèse de 
Durand, Lyon, 1902). Le manuel opératoire varic un peu suivant les auteurs; en 
général on applique l'électrode négative sur le corps thyroïde et l'électrode posi- 
tive au niveau de la nuque, l'intensité est portée à des chiffres variant entre 25 mil- 
liampères et 60 milliampères ; Guilloz imbibe son électrode thyroïdienne d'une 
solution d'iodure de potassium. Ce mode de traitement paraît agir surtout sur le 
goitre et la tachycardie, l'exophtalmie résiste plus longtemps. 

Laquerrière et Delherm combinent la faradisation et la galvanisation. La sur- 
face thyroidienne est recouverte par une large plaque placée en avant du cou, une 
électrode positive de 150 centimètres carrés est mise à la nuque L'intensité est 
portée à 15 et 30 milliampères et la bobine faradique est poussée jusqu'à ce qu'on 
atteigne le maximum de tolérance. De l'aveu mème des auteurs les résultats sont 
très variables; chez certains sujets une amélioration marquée survient en deux 
ou trois mois, on observe alors la diminution progressive de l'irritabilité géné- 
rale, l'atténuation des crises de transpiration, de l'oppression et la diarrhée, puis 
la diminution du goitre. Plus tardive est la régression du tremblement et de la 
tachycardie 

Plus récemment, Thiellée préfère la voltaisation sinusoïdale en plaçant le 
malade dans un bain d'eau ot en élect”isant la surface du corps; ses résultats ont 
été rapides et durables. 

Comment peut-on expliquer cette action de l'électricité sur les basedowiens ? 
Toutes les théories que l'on a proposées sont peu satisfaisantes ; a-t-elle une action 
purement suggestive? Le fait est possible dans un certain nombre de cas. Il n’en 
est pas moins prouvé que les traitements électriques accélèrent les échanges 


592 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


basedowiens : comment peut-on concilier cette constatation avec le fait que les 
basedowiens ont une nutrition plus accélérée que les individus normaux ? La 
seule explication plausible est que cette méthode favorise l'élimination rapide des 
toxines thyroidiennes 

Nous arrivons maintenant à l'étude des procédés qui s'attaquent directement 
au processus pathologique: ceux-ci sont au nombre de quatre : l'intervention 
chirurgicale sur la glande elle-mème l'exposition, aux rayons Rœntgen, l'emploi 
des produits provenant d'animaux éthyroïdés, l'opothérapie par le thymus et 
d’autres glandes dont les rapports avec le corps thyroïdé sont plus ou moins 
établis. 

Les premières tentatives sur la glande thyroïde ont été timides, les injections 
de solution iodée ou iodo-iodurée ont donné quelques résultats entre les mains de 
Duguet (et nous-mème avons pu constater la guérison d'une de ses malades), de 
Verneuil, de Terrillon et de Sébileau. Pitres préfère les injections d'éther iodo- 
formé. La disparition des dangers, due à la pratique de l'asepsie, amena bientôt 
les chirurgiens a pratiquer la thyroidectomie partielle. Cette opération a des par- 
tisans enthousiastes. Allen Starr sur 190 cas observe 74 guérisons. Buschan 
proclame sur 80 cas 51 résultats satisfaisants, Briner 24 succès sur 29 cas, Heyden- 
reich 82 p. c. Malheureusement les issues mortelles pendant l'intervention ou tres 
peu de temps après ont été fréquentes et Wriesinger, dans une discussion à la 
Société de Médecine de Hambourg proclame que la thyroïdectomie ne donne que 
des améliorations et qu'elle est mortelle dans 10 p. c. des cas. Friedsheim 
{34° Congres de la Société allemande de Chirurgie, 1502) essaie de réhabiliter la 
thyroidectomie partielle ; il propose à l'exemple de Kocher de faire l'extirpation 
progressive en plusieurs séances. Pour lui, le point capital est de savoir quelle 
quantité de la glande il faut enlever. Les résultats qu'il a obtenus sont les sui- 
vants : sur 20 malades 14 ont eu une guérison durable, 5 une amélioration sensi- 
ble, 1 est mort d'accidents tétaniques Des statistiques diverses qui viennent d'être 
citées, il faut conclure que si le traitement chirurgical a donné des succès, il fait 
courir aux opérés des chances de mort assez grandes. Le fait est à considérer 
quand il s’agit d'une maladie qui, dans l'immense majorité des cas, ne compromet 
pas l'existence des sujets qui en sont atteints. 

Depuis la découverte des rayons Rœntgen, nombre d'auteurs ont eu recours 
à la radiothérapie dans le but d'agir sur le goître, et, par suite, sur le syndrome qui 
l'accompagne. Les plus importants sont ceux de Beck (Bertin. Klin. Wochen- 
schrift, 15 mai 1905) et de Stegmann (Wiener. Klin. Wochenschrift, 18 janvier 
1906). Le premier auteur emploie les rayons Rœntgen de diverses façons : s'il 
s'agit de formes légères de maladie de Basedow, il recommande l'association du 
traitement général avec l'emploi énergique des rayons Rœntgen ; dans les cas 
les plus sévères il conviendra de pratiquer l'extirpation d'une moitié de la glande 
thyroïde pour procèder à la radiothérapie aussitôt que la plaie est cicatrisée. Dans 
les cas très graves, les rayons Rœntgen seront employés d'abord, avant d'inter- 
venir chirurgicalement, Stegmann se borne à faire des séances de rad othérapie 
d'une douzaine de minutes tous les quatre à sept jours et observe la régression 
complète du gloître exophtalmique. 

Abbe (Archivs of the Rœntgen Rays, mars 1905) incise la tumeur thyroidienne, 
y insère un tube de radium pendant vingt-quatre heures, observe au bout de quel- 
ques semaines une réduction de son volumo, mais il avoue que la tachycardie 
persiste. Ces tentatives intéressantes demandent à être renouvelées, elles ont sur 


REVUE DE LA PRESSE 593 


le traitement chirurgical proprement dit l'avantage de n'exposer le malade à 
aucun accident grave; une exposition prudente aux rayons Ræœntgen variant entre 
cinq et dix minutes ne fera courir au sujet que le risque de brülures, de plus 
er plus rares entre les mains des opérateurs expérimentés. 

Les méthodes qui viennent d'ètre étudiées sont, à proprement parler, des 
méthodes anatomiques; ìl nous reste à passer en revue les méthodes basées sur 
des principes physiologiques. Elles peuvent ètre classées en deux catégories, les 
unes s'efforcent de neutraliser la sécrétion thyroiïdienne exagérée, en introduisant 
dans l'organisme les humeurs d'animaux privés de corps thyroïde, en d'autres 
termes rendus mysædémateux. Les autres emploient des extraits d'organes à rôle 
antagoniste à celui du corps thyroïde. 

Le traitement du goitre exophtalmique par les humeurs d'animaux éthyroïdés 
a fait l'objet de nombreux travaux. Ballet et Enriquez ont injecté le sérum de 
chiens éthyroïdés à neuf basedowiens ; ceux-ci furent améliorés d'une façon géné- 
rale, mais les expérimentateurs se heurtèrent a des difficultés pratiques considé- 
rables, qui leur firent abandonner ce mode de traitement. L'originalité de Mœbius 
fut de songer à faire ingérer aux malades le sérum de moutons éthyroïdés; chez 
trois de ces malades, le résultat fut remarquable. Depuis, von Schultes, Blumen- 
thal et von Burghart employërent ce mode de traitement et obtinrent des 
améliorations. Les observations se multiplièrent, ainsi qu'en témoignent les cas 
de Josionek, Boerma, Hempel, Peters, Leimbach, Dürig, Sidney, Kühn, Morré, 
Alexander, Eulenburg, Leyden,etc Hallion préfère au sérum le sung des animaux 
éthyroïdés, croyant à une action plus sûre et à une administration plus facile. 
Comme nous l'avions déjà soutenu dans notre travail avec Pisante, l'action du 
sérum nous a paru toujours très supérieure à celle du sang. Nos premières ten- 
tatives étaient timides; les doses employées étaient de cinq à vingt gouttes ; mais 
de nouveaux cas observés nous ont amené à employer des doses plus fortes. 
Crouzon a cité une observation où il avait été employé jusqu'à quatre-vingts 
gouttes pro die. 

Si nous résumons les résultats personnels que nous avons obtenus, nous 
pouvons considérer trois do nos malades comme absolument guéris, la tétrade 
symptomatique a disparu; trois autres malades ont été considérablement 
améliorés; chez deux autres en traitement les symptômes sont en voie de dimi- 
nution. Le mode d'administration du sérum d'animaux éthyroïdés étant encore 
peu connu, nous donnerons ici le résumé de notre expérience personnelle. Le 
sérum nous paraît devoir ètre préféré au sang, il est plus actif sous un petit 
volume, il est moins répugnant pour les malades; enfiu, l'utilité du sang total 
nous parait discutable, en raison des idées physiologiques qui ont cours sur 
l'origine des sérums. 

L'espèce animale qui fournit le sérum ne nous parait pas indifférente ; nos 
résultats positifs ont toujours été obtenus avec le sérum de mouton. Il est recueilli 
chez des animaux adultes, à qui l’on pratique la thyroïdectomie totale à l'âge de 
deux ans au moins, de cinq ans au plus, les glandes parathyroïdes sont laissées 
en place La première saignée est pratiquée à la jugulaire ; de 3 à 4 semaines après 
l'opér: tion, le sérum est filtré à la bougie de Bcrkefeld, sa stérilité est éprouvée. 
ll ne semble point que l'addition de substances antiseptiques, telles que l'acide 
phénique, nuise à son activité. 

La dose à employer variera entre 2 gr. 50 à 3 grammes tous les deux jours, 
suivant les sujets : le sérum est ingéré soit dans de l’eau, soit dans un peu de 


594 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


malaga. Le traitement est continué sans interruption au début, pendant trois 
semaines à un mois On peut alors le suspendre pendant une semaine, et le 
continuer pendant quinze jours du mois. Son action peut se faire sentir assez 
rapi-ement et se traduit par une diminution de la fréquence du pouls; ce n'est 
que plus tard que la tumeur thyroïdienne, l’exophtalmio et le tremblement 
disparaissent progressivement. La durée de ce traitement est impossible à fixer : 
elle nous semble varier entre six mois et un an, y compris les périodes de sus- 
pension. On peut, si les sujets sont heureusement influencés, augmenter progres- 
sivement les intervalles de repos. Alors que les malades sont complètement 
rétablis, il est indiqué de leur prescrire une cure ou deux de sérum de quinze 
jours pendant l'année qui suit la guérison. 

D'autres auteurs, Otto Lanz, Burghart et Blumenthal, Gæœbel, Christensen, 
Moœæbius, ont emplové le lait de chèvres, auxquelles on avait extirpé le corps 
thyroïde ; la dose est d'environ un demi-litre par jour. Les résultats observés ont 
été satisfaisants, mais inférieurs à ceux qui ont été obtenus à Ja suite de l'ingestion 
de sérum. Dans le mème ordre d'idées, Mœbius a pensé que si la chaleur n'altérait 
pas le principe actif, on pouvait employer la poudre de viande désséchée d'animaux 
thyroïlés; mais son activité paraît nulle dans ces conditions. De même le sérum 
déssécné a paru moins actif que le sérum liquide. 

Parmi les autres modes de traitement du goitre exophtalmique qui sont encore 
à l'étude, il faut citer l'opothérapie par le thymns; cet organe, dit Brissaud, à tort 
ou à raison, passe pour l'antagoniste du corps thyroïde. La premiere expérience 
en fut faite par hasard par Owen, qui, croyant donne” de la glande thyroïde à une 
malade, constata une amélioration rapide qui le frappa par contraste avec les 
insucces qu'il avait observés jusque là; il s'aperçut, en examinant de plus pres le 
produit absorbé par son malade, qu'il s'agissait de thymus, et non de tissu 
thyroïdien. Depuis, Cuningham, Eder, Boisvert, Blondel, Mickuhez ont eu des 
cas heureux ; Taty et Guérin n'ont obtenu qu'un demi-succès. D'après Blondel, 
l'amélioration serait constante et très rapide : il administre le thymus de mouton 
à raison d’une glande prise en deux fois par jour. Nous ne citerons que pour 
mémoire les essais opothérapiques faits avec des glandes qui passent pour avoir 
des connexions physiologiques plus ou moins vagues avec la glande thyroïde, 
c'est ainsi que les extraits ovarien et orchitique ont donné des succès dans quel- 
ques Cas. 

Si l'on parcourt cet exposé des méthodes employées actuellement dans la 
maladie de Basedow, on est frappé de la préférence donnée de plus en plus à 
celles qui s'attaquent au corps thyroïde et ont pour but la diminution de la sécré- 
tion thyroïdienne et sa neutralisation. Qu'il s'agisse en effet de thyroidectomie 
partielle, les chirurgiens se préoccupent de la quantité de glande à enlever et 
n'hésitent pas à pratiquer plusieurs opérations successives: qu'il s'agisse de 
radiothérapie simple ou combinée à l'intervention chirurgicale, le procédé est 
différent, mais le résultat est toujours le mème : il consiste dans la diminution de 
la sécrétion glandukure. S'il s'agit de p'oduits d'animaux éthyroiïdés, sérum, 
sang, lait, il y neutralisation de l'hypersécrétion thyroidienne, par suite la dimi- 
nution de l’activité fonctionnelle de la sécrétion interne: comment cette neutrali- 
sation temporaire agit-elle à titre définitif? Est-ce par une sorte d'accoutumance 
ou d'entrainement glandulaire ? Le mécanisme intime n'en est point encore établi. 
Enfin, qu'il s'agisse d'opothérapie thyinique, l'organe employé l'est à titre de 
neutralisant du poison thyroidien. Toutes ces méthodes qui comprennent de nom- 


—— r = nn 


em F 


REVUE DE LA PRESSE 595 


breux succès donnent un fondement de plus à la doctrine de l'hyperthyroïdation 
émise à peu près en même temps par Gauthier (de Charolles) et par Mœæbius. Elle 
est la confirmation éclatante des expériences faites par Ballet et Enriquez, sur 
l'hyperthyroidation expérimentale des chiens et de la véritable expérience clini- 
que faite chez la malade de Béclère, myxædémateuse qui, prenant par erreur en 
une fois huit lobes de corps thyroïde de mouton, fut prise du tableau classique 
de la maladie de Basedow. 

Doit-on généraliser et conclure que le gloître exophtalmique est toujours dù à 
une hyperactivité de la fonction thyroïdienne® La question nous semble devoir 
être réservée, car toutes les maladies ne réagissent pas également à une méthode 
donnée et l'on est étonné d'avoir des résultats inégaux en présence des syndromes 
cliniques nous paraissant identiques. 


LAQUERRIÈRE. — Ua cas de chéloïde cicatricielle traité par les rayons X. 
— Bulletin officiel de la Société française d'Electrothérapie et de Radio- 
logic médicale, Juillet 19065. 


Il s'agit d'une dame qui me fut envoyée par le Dr Rousseau, en 1904. Brûlée 
par l'explosion d'une lampe à essence et ayant eu quelques phénomènes de 
suppuration, cette malade présentait deux masses chéloïdiennes affreuses et 
qu'aucun artifice de toilette ne permettait d'atténuer. 

L'une occupait la moitié gauche du menton et avait l'aspect d'une sorte de 
crabe ; elle était rouge, dure, très saillante sur les tissus environnants. 

L'autre avait la forme d’un bourrelet de 3 à 4 millimètres de hauteur, siégeant 
le long des bords intérieur et postérieur du maxillaire droit et se terminant en 
avant de l'oreille par une petite masse douloureuse et qui continuait à s'accroître 
d'une façon assez rapide au moment où on commence le traitement. 

_ Je fais sur le côté gauche des séances de radiothérapie tres faibles (80 environ 
en uno année) pour ne pas causer d'irritation sur une lésion qui ne paraît 
demander qu'à s'accroitre. 

Sur le côté droit, je commence par des applications de courant continu (pôle 
négatif, électrode en terre glaise, 20 à 30 mA., 10 à 15 minutes de durée, 3 fois 
par semaine). Ce traitement fait cesser les douleurs et arrète l'accroissement de la 
masse située devant l'oreille; il produit ausi un peu de décoloration, mais les 
résultats sont bien moins marqués que sur la lésion gauche. Aussi, au bout de 
deux mois, sur les instances de la malade, je soumets les deux côtés à la rad o- 
thérapie. Durant les dix derniers mois je fais donc des rayons à droite et à gauche. 

Au bout d'un an, l'amélioration est considérable, les masses se sont affaissées, 
la coloration est à peu près normale. En somme, les chéloïdes ont disparu et il 
reste seulement l'aspect d'une cicatrice légère de brûlure superficielle (manque 
de souplesse, peau un peu vernissée et un peu rosée). J'ai revu la malade il y a 
quelques jours, l'amélioration a encore augmenté. 

En somme, cette dame, avec un peu de poudre de riz et une voilette ordinaire, 
ne présente absolument plus rien de remarquable, alors qu'autrefois, comme 
vous pouvez en juger par les photographies, elle portait des lésions qui attiraient 
immédiatement le regard et qu'il était impossible de dissimuler. 

J'ajoute que je lui ai fait, à plusieurs reprises, des injections sensibilisatrices 
d'éosine et que les points injectés n’ont paru présenter aucune réaction spéciale. 


596 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


Par contre, les injections dans le tissu induré de la chéloiïde étaient extrèmement 
pénibles. J'ai, d'ailleurs, expérimenté soit la quinine, soit l'éosine, ou en badi 
geonnage ou en injection chez divers autres malades et je n'en ai jamais constaté 
aucun bénéfice. 


LiBORIO GINFRÉ. — Sur le traitement de la leucémie chronique par les 
rayons X et sur le mécanisme de leur action sur les leucocytes et 
sur les organes hémopoïétiques. — Congrès pour l'avancement des 
sciences, Lyon 14906. 


Par rapport à l’action des rayons X dans la leucémie chronique, mes observa- 
tions confirment les bons résultats obtenus par les précédents observateurs (dimi- 
nution du nombre des leucocytes, du volume de la rate, etc.). La méthode que 
j'ai suivie est celle recommandée surtout par le professeur Bozzolo, de Turin. 

Par rapport au mécanisme d'action, j'ai continué les études des précédents expé- 
rimentateurs, et j'ai pu démontrer in vitro, avec une expérience très simple, le 
pouvoir qu'ont les rayous X de détruire les globules blancs et de donner naissance 
à des leucolvsines : j'ai fait agir les rayons X sur l'exsudat d'un vésicatoire, et 
j'ai trouvé que le nombre des éléments diminue rapidement et que le sérum ainsi 
traité a un pouvoir toxique sur les éléments du mème ou d'un autre exsudat. 

Le pouvoir qu'ont les rayons X de détruire in viro les leucocytes a été 
démontré par plusieurs expérimentateurs (à part des observations faites chez des 
leucémiques). Par conséquence on a admis que se forment des leucolysines. J'ai 
cherché à démontrer la formation de leucolysines dans les animaux sains soumis 
à l'action des rayons X, en examinant comparativement dans le même animal le 
pouvoir leucolytique du sang qui revient de la rate irradié et le sang qui revient 
d’autres organes, par exemple de la veine fémorale. 

Je communiquerai prochainement le résultat de ces études, et de celles que j'ai 
entreprises sur les organes hémopoiëtques des petits animaux de différentes espèces, 
au point de vue des altérations structurales et des altérations fonctionnelles (c'est- 
à-dire de la fonction leucocyto-poiétique et leucocyto-cathérétique ou leuco- 
lytique). 


Influence des rayons de Röntgen sur les 
tumeurs malignes (1). 


Par M BÉCLÈRE, Médecin de l'hôpital Saint-Antoine, à Paris. 


L'influence des rayons de Rôntgen sur les tumeurs malignes n'est, 
pour le biologiste, qu'un chapitre particulier dans l'étude générale de 
l’action de ces rayons sur les êtres vivants. 

Pour le médecin, c’est une question dont l'importance et l'utilité 
pratique sont assez évidentes d’elles-mêmes pour n'avoir pas besoin d’être 
mises en relief. Dans le domaine si étendu et si varié de la radiothérapie, 
on peut dire qu’il n'est pas de département qui offre un intérêt plus vif. 

Une revue critique de cette question comporte nécessairement des 
données très diverses, empruntées les unes aux travaux des physiciens, 
les autres à l'expérimentation sur les animaux et à l'observation au lit 
des malades, complétées par les recherches microscopiques. Je ne 
rapporterai brièvement des premières que ce qui est strictement indispen- 
sable à l'intelligence du sujet et je m'étendrai surtout, comme il convient, 
sur les résultats cliniques et anatomo-pathologiques. 


I. — DONNÉES PHYSIQUES. 


Le rayonnement de Röntgen qui rencontre un corps vivant, se divise 
en deux fractions inégales, l’une qui traverse ce corps et l’autre qui est 
arrêtée au passage. | 

La première, partiellement recueillie sur une couche sensible, écran 
fluorescent ou plaque photographique, y fait apparaitre, aux yeux de 
l'observateur l’image, fugitive ou durable, des organes qu'elle vient de 
traverser. 

La seconde agit, à certaines doses, sur les éléments anatomiques qui 
l’absorbent, pour en modifier la composition chimique, en troubler la 
nutrition, en entraver la multiplication, en provoquer la dégénérescence 
et la mort. 

Cette dernière seule doit nous occuper ici; mais, avant d'étudier ses 
effets biologiques, quelques notions élémentaires sur ses propriétés 
purement physiques sont indispensables. 


(1) 20° Congrès de Chirurgie, 1907. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X, — SEPTEMBRE 1907. 42 


598 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le foyer d'émission des rayons de Röntgen est une surface étroite- 
ment limitée, presque punctiforme, qu’on peut pratiquement considérer 
comme réduite à un point. 

De ce point, les rayons de Röntgen divergent en tous sens, sans 
jamais dévier de leur direction, imperturbablement rectiligne. 

Tous les rayonnements qui partent d un point, qu'il s'agisse du rayon- 
nement calorifique, du rayonnement lumineux ou du rayonnement de 
Röntgen, obéissent à la même loi, celle de l'action inverse du carré de la 
distance, c'est-à-dire que si une certaine surface, placée à une distance 
déterminée du foyer d'émission, reçoit une certaine fraction du rayon- 
nement, la même surface, placée à une distance double, en recevra 
sculement une fraction quatre fois moindre et, à une distance triple, une 
fraction neuf fois moindre. 

De par cette loi, l'unité de surface reçoit, de la superficie vers la 
profondeur, dans les couches successives d'une même région irradiée, 
une fraction du rayonnement toujours décroissante. Cette décroissance 
est d’ailleurs d'autant moins rapide que le foyer d'émission des rayons 
de Röntgen est plus éloigné du tégument cutané. Par exemple, et à 
supposer pour un instant que le rayonnement ne soit nullement arrêté au 
passage, au cas où le foyer d'émission siège à 5 centimètres de la peau, 
la fraction du rayonnement, reçue à 5 centimètres de profondeur, ne 
dépasserait pas, pour une même surface, le quart de la fraction reçue 
par la couche la plus superficielle de l'épiderme. Par contre, au cas où 
le foyer d'émission siège à 45 centimètres de la peau, la fraction du 
rayonnement, reçue à 5 centimètres de profondeur, atteindrait, pour une 
même surface, un peu plus des quatre cinquièmes de la fraction reçue 
par la couche la plus superficielle de l’épiderme. 

En réalité, l'écart entre les fractions du rayonnement qui atteignent 
la superficie et la profondeur de la région irradiée est beaucoup plus 
grand que la loi précédente ne l'indique, parce que les rayons de Röntgen 
sont partiellement absorbés au passage. 

Cette absorption, notablement plus forte pour le squelette que pour 
les parties molles, est, à peu de chose près, la même pour les divers 
tissus, cutané, adipeux et musculaire, qui entrent dans la composition 
de ces dernières. Une région exclusivement composée de parties molles, 
qu'il s'agisse de tissus sains ou pathologiques, peut donc être prati- 
quement considérée, au point de vue de l'absorption de Röntgen, comme 
un milieu homogène. 

Dans un milieu homogène, les quantités absorbées par des couches 
successives, de même épaisseur, décroissent régulièrement et rapidement 
de la superficie vers la profondeur, sans que la loi de cette décroissance 
progressive soit encore rigoureusement formulée. 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 599 


La rapidité de la décroissance varie très notablement avec le degré 
de vacuité de l'ampoule de Röntgen, et la qualité du mélange de rayons 
inégalement pénétrants qu'elle émet. 

Par abréviation, on appelle molle une ampoule relativement peu 
vidée et peu résistante au passage du courant électrique qui émet surtout 
des rayons peu pénétrants. Inversement, on appelle dure une ampoule 
très vidée et très résistante qui émet surtout des rayons très pénétrants. 

Aux appellations vagues d’ampoule molle, demi-molle, dure ou 
demi-dure, on doit d'ailleurs substituer des chiffres précis depuis qu’un 
instrument de mesure, aussi simple qu'ingénieux, le radiochromomètre 
de Benoist, permet d'évaluer exactement la qualité, c'est-à-dire le degré 
du pouvoir de pénétration que possède, somme toute, le mélange des 
divers rayons émis par une ampoule en activité. 

Des instruments de mesure d'un autre genre, tous fondés sur le 
même principe, la coloration de certaines substances par le rayonnement 
de Röntgen, permettent d'évaluer, avec une exactitude suffisante, la 
quantité de rayons absorbée à la superficie de la région irradiée. Un des 
plus récemment inventés et le plus sensible de ces instruments, le 
quantitomètre de Kienbück, permet, en outre, de mesurer, par compa- 
raison, la quantité absorbée à 1, 2, 3 centimètres de profondeur. 

Or il est ainsi démontré que, par exemple, à la distance de 20 cen- 
timètres entre le foyer d'émission et la peau, avec une ampoule molle 
dont les rayons correspondent au degré N° 3 de l'échelle de Benoist, la 
dose absorbée à 1 centimètre de profondeur ne dépasse pas le quart de la 
dose superficielle: à la mème distance, avec une ampoule dure qui 
émet des rayons du degré n° 8, la dose absorbée à 1 centimètre de 
profondeur atteint les 5'8 de la dose superficielle. 

Pour diminuer, autant que faire se peut, l'écart inévitable entre les 
doses superficielle et profonde, il est donc nécessaire de choisir une 
ampoule très dure et de la placer à grande distance de la peau. 

En dépit de toutes ces précautions qui ne font que diminuer, sans la 
supprimer, la rapidité de la décroissance des quantités absorbécs, un fait 
demeure immuable : Les fractions du rayonnement de Röntgen, 
absorbées par les couches successives d'une meme région, décroissent 
rapidement de la superficie vers la profondeur. 

Telle est l'inexorable loi physique qui limite invinciblement en 
profondeur le champ de l'action biologique des rayons de Röntgen et à 
laquelle viennent se heurter les efforts du médecin radiothérapeute. 


II. — DONNÉES BIOLOGIQUES GÉNÉRALES 


L'exposition suffisamment prolongée de quelque région du corps que 


600 | ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


ce soit au rayonnement de Röntgen provoque, après une période latente 
de plusieurs jours, l'apparition de phénomènes réactionnels. 

Suivant la fraction du rayonnement absorbée, suivant l’âge du sujet 
et suivant la région irradiée, cette réaction présente des degrés très 
divers, depuis la chute des poils sans aucun signe d'inflammation jusqu'à 
la mortification en masse de la peau et des tissus sous-cutanés, en 
passant par la simple rubéfaction suivie de desquamation épidermique, 
la vésication avec érosion superficielle et l’ulcération plus ou moins 
profonde du derme. 

Toutes ces lésions, à part la dépilation simple, rappellent assez les 
divers degrés de la brûlure, pour qu’en Allemagne on leur donne. tout 
d'abord le nom de « brülures de Röntgen », aujourd’hui remplacé par 
celui de radiodermites. 

Quand la radiodermite, à son summum d'intensité, aboutit à l’escha- 
rification en masse de la peau et des tissus sous-cutanés, le microscope 
ne peut pas faire la part des lésions primitives et des lésions secon- 
daires, il ne peut pas dire si la mortification du tissu cutané est 
directement produite par les rayons Rôntgen ou consécutive soit à des 
lésions vasculaires, soit à des lésions nerveuses. 

Pour résoudre la question, pour observer les lésions à leur stade 
initial et en suivre pas à pas les progrès, il est nécessaire d’expérimenter 
sur les animaux, de préférence sur un animal dont la peau ne diffère pas 
extrémement de la peau humaine, par exemple sur le jeune porc, comme 
le fait, en 1902, le docteur Scholtz, de Kœnigsberg, en prélevant, à des 
intervalles réguliers après l'irradiation, des fragments de la surface 
traitée. 

Ces expériences méthodiques, dans le détail desquelles il est inutile 
d'entrer ici, mettent absolument hors de doute ce fait capital que les 
lésions produites par les rayons de Röntgen sont des lésions primitive- 
ment et exclusivement cellulaires, qui atteignent le noyau et le 
protoplasma des éléments cellulaires irradiés et qui aboutissent, avant 
tout phénomène de réaction inflammatoire, à la dégénérescence et à la 
mort de ces éléments, 

Ces recherches peuvent étre résumées brièvement comme il 
suit : 

Les rayons de Röntgen sont un agent de destruction cellulaire. 

Cette proposition fondamentale doit d'ailleurs être complétée Les 
diverses espèces d'éléments cellulaires ne sont pas également sensibles 
à l'action des rayons de Rôntgen. Pour une même quantité absorbée, 
certains éléments cellulaires sont détruits, tandis que d'autres, d'espèce 
différente, ne le sont pas. Bien plus, pour détruire certaines cellules, il 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 601 


suffit d’une dose notablement inférieure à celle que supportent, sans lésion 
apparente, des cellules d'une autre espèce. 

Rien ne le montre mieux que cette expérience de Scholtz : l'oreille 
d’un jenne porc, rabattue et fixée sur le cou de l'animal, reçoit par sa 
face externe des rayons en suffisante quantité pour qu’à la suite de cette 
irradiation survienne une vive inflammation de la peau des deux faces de 
l'oreille et même de la peau du cou sous-jacente. Les lésions inflam- 
matoires vont d'ailleurs en décroissant de la superficie vers la profondeur, 
comme les quantités de rayons absorbées par les trois couches cutanées 
superposées ; cependant les cellules des tissus musculaire, cartilagineux 
conjonctif, compris entre les deux faces cutanées de l'oreille, demeurent 
microscopiquement presque indemnes. Voici donc comment il faut com- 
pléter la proposition précédente : 

Les rayons de Röntgen sont un agent de destruction élective des 
divers éléments cellulaires. 

Mais quand on parle de l'action élective des rayons de Röntgen, i 
importe de bien s'entendre. Ces rayons ne font aucune différence entre 
les divers éléments cellulaires et sont absorbés par les uns aussi bien 
que par les autres. 

Certaines cellules sont seulement beaucoup plus sensibles que 
d'autres à leur action. Bien que nous ignorions encore les raisons de 
cette différence de sensibilité, il est vraisemblable qu’elle est liée à une 
différence de composition chimique. 

A la suite des recherches de Scholtz, il parait légitime de considérer 
les éléments cellulaires de l'épiderme comme les plus sensibles de tous 
vis-à-vis des rayons de Röntgen. 

C'est généraliser trop vite, comme ne tardent pas à le révéler d’autres 
recherches expérimentales. 

En 1903, le docteur Albers-Schônberg (de Hambourg) montre que 
les lapins et les cobayes, à la suite d’une série d'irradiations de durée et 
d'intensité convenables, perdent la faculté de se reproduire. Cette perte 
survient sans la moindre altération de l'état général, qui demeure excel- 
lent, sans la moindre réaction inflammatoire de la peau, qui conserve 
tous ses poils. elle survient même sans aucune diminution de l'appétit 
génital ni de l'exercice de cet appétit. Elle est due uniquement à la lésion 
des spermatozoïdes ; ces éléments cellulaires sont tout d’abord tués et on 
les retrouve privés de mouvement, ne donnant plus signe de vie dans le 
liquide spermatique, puis ils disparaissent complètement, la paroi des 
canaux séminifères a cessé de les produire parce qu'elle a perdu son 
revêtement de cellules épithéliales. 

Peu de temps après, le docteur Halbestædter (de Breslau) répète, 


602 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sur des cobayes femelles, les expériences d'Albers-Schônberg et produit 
sans altération du tégument cutané la destruction cellulaire des vésicules 
ovariennes comme le premier a produit, chez les mâles, celle des canaux 
séminifères. 

En 1904, les recherches du docteur Heinecke (de Leipsig) révèlent 
des faits encore plus imprévus et d’un plus haut intérêt. Cet expérimen- 
tateur met d’abord hors de doute l’action profonde et délétère des rayons 
de Röntgen sur les organes internes des petits animaux. Il montre que 
des souris blanches et de jeunes cobayes, après avoir subi pendant une 
série d'heures des irradiations suffisamment intenses, meurent dans un 
délai de sept à quatorze jours. 

Quand la mort survient avant le dixième jour, elle ne peut s'expliquer 
par une septicémie consécutive à l'inflammation de tout le revêtement 
cutané, puisque c’est seulement à ce moment qu'apparaissent, sous la 
forme d'une plus grande fragilité des poils, les premiers signes de la 
radiodermite. Elle ne peut s'expliquer non plus par une action directe 
des rayons sur le système nerveux central, puisqu'elle survient de même 
chez les animaux dont la tête est protégée par une épaisseur de plomb de 
4 millimètres. 

Dans ces cas, on trouve, à l'autopsie des animaux, une rate 
extraordinairement petite et d’une coloration sombre qui va jusqu’au 
brun noir. L'examen microscopique fait constater, d'une part une 
augmentation excessive du pigment de la rate, d'autre part la disparition 
des follicules de Malpighi et une raréfaction très étendue des éléments 
cellulaires de la pulpe splénique. Ces diverses lésions ne sont d’ailleurs 
pas contemporaines ; la première en date est la destruction des follicules. 
En irradiant simultanément un grand nombre d'animaux de même volume 
qu'il sacrifie ensuite par séries à des intervalles réglés, Heinecke décou- 
vre un fait très important : c'est que les modifications cellulaires qui 
conduisent à la disparition des follicules de la rate, commencent quelques 
heures seulement après le début de l'irradiation, atteignent leur summum 
entre la huitième et la douzième heure et sont, après vingt-quatre heures, 
essentiellement achevées; elles consistent dans la mort des lymphocytes 
des follicules et dans la division de leurs noyaux, dont les débris devien- 
nent la proie des phagocytes et disparaissent rapidement. 

Des processus de destruction tout à fait analogues sont simultané- 
ment observés dans tous les groupes de ganglions lymphatiques du corps, 
dans les follicules du canal intestinal et, chez les jeunes animaux, dans 
le thymus. Ils n'apparaissent dans la moelle osseuse qu'un peu plus 
tardivement. 

Ce n’est pas seulement chez les petits animaux que les rayons de 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 603 


Röntgen manifestent, vis-à-vis des lymphocytes, cette action élective 
qui aboutit à une si rapide disparition des éléments cellulaires. Ils pro- 
voquent chez le chien exactement le même processus de destruction des 
follicules lymphatiques et, fait capital sur lequel il importe d'insister, la 
durée minima de l'irradiation nécessaire pour amener ce résultat est ` 
étonnamment faible. 

En effet, un quart d'heure d'irradiation de l’abdomen avec une ampoule 
dure placée à faible distance suffit, d'après les recherches en question, 
pour provoquer chez un chien de taille moyenne, après un délai de quel- 
ques heures seulement, la destruction complète d'un certain nombre de 
lymphocytes dans les follicules de la rate, des ganglions mésentériques, 
et du canal intestinal. Une irradiation d’une aussi courte durée est d'ailleurs 
incapable d'altérer d’une manière appréciable l’état général de l'animal, 
non plus que de provoquer une réaction notable de la peau. 

On voit, d'après ces recherches expérimentales, que les lymphocytes, 
profondément cachés dans l'intimité des viscères, se montrent, vis-à-vis 
des rayons Röntgen, des réactifs plus sensibles que les éléments cellu- 
laires de l'épiderme et surtout des réactifs dont la réponse est beaucoup 
plus rapide, puisque la période de latence, si caractéristique en cas de 
radiodermite, est ici supprimée. L'extraordinaire sensibilité des lympho- 
cytes à l'action des rayons de Rôntgen ressort surtout du fait qu’en 
raison de leur siège profond, il absorbent une quantité de ces rayons très 
notablement inférieure à celle qu'absorbent les cellules épidermiques. La 
dose qui les tue n’est qu'une faible fraction de la dose supportée sans 
dommage par l'épiderme. 

On peut résumer, comme il suit, les notions capitales qui se déga- 
gent de l'expérimentation sur les animaux : 

Les dirers éléments cellulaires de l'organisme normal sont très 
inégalement sensibles à l'action des rayons de Röntgen. 

La dose mortelle pour certains d'entre eux n'est qu'une minime 
fraction de la dose tolérable pour d'autres. 

Parmi les plus sensibles, il faut compter les cellules des glandes 
génitales, testicules ou ovaires, et les cellules blanches des organes 
hémotopoiétiques. Malgré leur siège relativement profond, le rayonne- 
ment de Röntgen peut les détruire, au travers du tégument cutané et 
sans lésion appréciable de ce tégument. 


IlI. — DONNÉES CLINIQUES ET ANATOMO-PATHOLOGIQUES 


L'action physiologique des rayons de Röntgen éclaire singulièrement 
leur action thérapeutique et aide à en comprendre le mécanisme : c'est 


604 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


pourquoi je lai tout d'abord brièvement résumée. Mais, en réahté, la 
la connaissance de la première n’a pas précédé ni guidé la pratique de la 
seconde, excepté toutefois en ce qui concerne l’action dépilatoire et 
desquamative de ces rayons. Les essais thérapeutiques ont, au contraire, 
devancé les recherches expérimentales. Elles ne pouvaient d’ailleurs pas 
faire prévoir la puissance destructive des rayons de Röntgen vis-à-vis des 
néoplasmes. pas plus que l'étude de l’action physiologique du mercure 
n'était capable de faire deviner l'action spécifique de ce n.étal contre 
la syphilis. 

La découverte de l'influence des rayons de Röntgen sur les néoplasmes 
fut tout empirique. 

Dès 1896, deux médecins viennois, MM. Schiff et Freund, eurent 
l’idée d'utiliser, dans un but thérapeutique, l’action des ampoules de 
Röntgen sur les tissus vivants avec l'ambition, d’abord très humble, de 
faire tomber quelques poils importuns Ainsi naquit’ la nouvelle médica- 
tion qui, tentée un peu au hasard par diverses mains, se révéla plus 
efficace qu'on ne l'espérait, puisqu'on lui découvrit une action favorable 
sur toute une série de lésions de la peau, en particnlier sur l’épithélioma. 
C'est en 1899 qu'à la Société médicale de Stockholm fut présenté par 
le docteur Magnus Möller le premier cas d'épithélioma cutané, traité 
avec succès par la radiothérapie. Un autre médecin suédois, le docteur 
Thor Stenbeck, un médecin anglais, le docteur Sequeira (de Londres), 
deux médecins américains, le docteur Williams (de Boston) et le docteur 
Skinner (de New-Haven) publièrent presque immédiatement après des 
cas analognes. En peu de temps, mais surtout après l'invention du 
premier instrument de d. sage, en 1902, les observations d'épithéliomas 
de la peau guéris par les rayons de Rôntgen allèrent en se multipliant, et 
aujourd'hui on ne les compte plus tant elles sont nombreuses. 

Tel fut le pointde départ des tentatives de traitement dirigées d’abord 
contre d’autres épithéliomas superficiels que ceux de la peau, contre les 
épithéliomas des muqueuses, puis contre d’autres néoplasmes que ceux 
de l'enveloppe tégumentaire, contre les tumeurs malignes sous-cutanées. 

Les succès incontestables obtenus dans cette voie, interprétés à la 
lumière de l'observation clinique, de l'anatomie pathologique et de 
l’expérimentation sur les animaux, peuvent être tous considérés comme 
l'expression d’une loi très générale dont les conditions premières, vrai- 
semblablement d'ordre chimique, nous demeurent encore inconnues : 

Les cellules néoplasiques se montrent, sauf exceptions assez rarcs, 
plus sensibles à l'action des rayons de Röntgen que les cellules saines 
avoisinantes; leur sensibilité varie d'ailleurs dans les limites très 
étendues. 


BÉCLÉRE. — TUMEURS MALIGNES 605 


La dose mortelle pour les cellules néoplasiques est le plus souvent 
inférieure à la dose tolérable ponr les cellules saines et n'est parfois 
qu'une minime fraction de cette dernière. 

Cette fragilité plus grande des cellules néoplasiques vis-à-vis des 
rayons de Rôntgen contraste, il est vrai, avec leur excessive multipli- 
cation, avec leur action destructive à l'égard des éléments sains du 
voisinage, avec leur tendance à envahir les vaisseaux lymphatiques ou 
sanguins et à coloniser dans les ganglions ou les viscères. Elle n'en 
demeure pas moins un fait indéniable et qui n’est pas en contradiction 
avec nos connaissances antérieures puisqu'on n'a pas attendu les résultats 
de la radiothérapie pour faire ressortir la fragilité relative des cellules 
néoplasiques. 

La notion de cette fragilité spéciale et variable me servira de fil 
conducteur dans l'étude détaillée de l'influence des rayons de Röntgen 
sur les tumeurs malignes. 

À ce qui me semble, on me demande d’ailleurs beaucoup moins un 
travail complet de recherches bibliographiques qu’une revue critique qui 
distinguera, dans le grand nombre des observations publiées, les faits 
véritablement probants, aussi bien à l'encontre de la radiothérapie qu’en 
sa faveur, et qui délimitera, dans le trop vaste domaine du cancer, au 
sens clinique du mot, le terrain définitivement conquis par la nouvelle 
médication, le terrain encore disputé et le terrain malheureusement 
demeuré jusqu’aujourd'hui inaccessible. Je tiendrai compte des nom- 
breux travaux français et étrangers publiés sur ce sujet, mais on me 
permettra d’invoquer surtout mon expérience personnelle. 

Ce n’est pas assez de constater empiriquement les résultats très 
divers d’une même médication ; il faut, s’il est possible, connaître les 
raisons de cette diversité. Je m’efforcerai donc de préciser quelques-unes 
au moins des conditions multiples, les unes d’ordre purement physique, 
les autres d'ordre biologique, qui tantôt font d'une tumeur maligne une 
lésion modifiable par la radiothérapie et tantôt au contraire la rendent 
invuluérable aux rayons de Rôntgen. 

Quant à l'ordre nécessaire en cette étude, je ne le demanderai pas à 
l'anatomie pathologique, en attribuant aux diverses formes histologiques 
des tumeurs malignes, aux épithéliomes, sarcomes, myxomes, chon- 
dromes, lymphadénomes, etc, un chapitre spécial. Je le démanderai 
plutôt à l'anatomie topographique, en suivant le chemin tracé par les 
progrès même de la radiothérapie, qui a d'abord timidement essayé ses 
forces sur les petits néoplasmes développés à la surface de l'enveloppe 
tégumentaire, pour étendre ensuite son action à des tumeurs sous- 
cutanées, telles que celles de la glande mammaire, et s'attaquer enfin, 


606 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


parfois avec succès, à des néoplasmes aussi profondément situés que 
certaines tumeurs ganglionnaires du médiastin. 

Cet ordre n'est d'ailleurs pas en désaccord avec l'anatomie générale, 
avec l'anatomie du développement, puisqu'il conduit à passer en revue 
l'action des rayons de Röntgen sur les tumeurs dérivées du feuillet 
externe, du feuillet moyen et du feuillet interne du blastoderme. 

Mais il cadre surtout exactement avec la loi physique qui régit et 
domine la radiothérapie, celle de la décroissance rapide de la superficie 
vers la profondeur, des doses successivement absorbées par les diverses 
couches de la région irradiée. 

Ainsi j'étudierai successivement l'influence des rayons de Röntgen 
sur les tumeurs malignes : 1° de la peau ; 2° des muqueuses visibles, 
en continuité avec la peau ; 3° de la glande mammaire, dépendance de 
la peau, au point de vue du développement ; 4° des tissus sous-cutanés 
ou tissus vasculo-connectifs ; 5° des viscères. 


TUMEURS MALIGNES DE LA PEAU. — Les néoplasmes cutanés de 
mauvaise nature sont constitués, au point de vue de l'aspect extérieur, 
suivant que la multiplication des cellules néoplasiques l'emporte sur la 
destruction des tissus sains ou demeure en arrière, soit par une saillie 
anormale, par une véritable tumeur, de forme et de volume variables, 
soit par une perte de substance, par un ulcus rodens, plus ou moins 
. étendu en surface et en profondeur, soit enfin par une association de 
tumeur et de perte de substance. Comme type de tumeur épithéliomateuse 
de la peau guérie par la radiothérapie, j'expose deux moulages, pris 
avant et après le traitement, que j'ai présentés avec le malade en 1904, 
à la Société médicale des hôpitaux. Il s’agit, chez un homme de soixante- 
douze ans, d'une tumeur de la région temporo-maxiliaire, saillante d'un 
centimètre, large comme une pièce de cinq francs en argent, douloureuse 
et saignante, qui se développe rapidement, et dont l'examen histologique 
a démontré la nature épithéliomateuse. | 

Sous l'influence des rayons de Röntgen, la tumeur a diminué et 
disparu, en ne laissant qu'une cicatrice à peine visible, sans avoir jamais 
présenté le moindre signe de mortification ni d’inflammation, non plus que 
la peau saine avoisinante. En voie de progression continue avant le 
traitement, elle a régressé jusqu’à disparition complète sous l’action du 
mercure ou de l’iodure de potassium. S'il est légitime de parler de l’action 
spécifique de ces médicaments sur les lésions syphilitiques, il ne parait 
pas moins légitime de parler de l’action spécifique des rayons de Rôntgen 
sur les néoplasmes, puisqu'on ne connait aucun autre agent physique ou 
chimique, capable de faire ainsi régresser une tumeur épithéliomateuse. 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 607 


Dans ce cas, la guérison aurait été certainement beaucoup plus rapide 
si on avait commencé par enlever, à l’aide de la curette ou du bistouri, le 
champignon néoplasique pour soumettre ensuite sa surface d'implantation 
à l’action des rayons de Röntgen. L'emploi exclusif de ces rayons, en 
dehors de toute exérèse, a été voulu pour rendre l'observation plus 
démonstrative, mais, dans la pratique, il y a tout avantage, en pareil cas, 
à combiner l'intervention chirurgicale et la radiothérapie. 

Dans les cas d'apparence tout opposée, à forme ulcéreuse, où le 
processus de destruction des tissus sains l'emporte sur le processus de 
multiplication des éléments néoplasiques et aboutit, après des mois ou des 
années, à de larges et profondes pertes de substance, à d’horribles muti- 
lations, les rayons de Röntgen agissent souvent tout aussi heureusement 
que dans les cas précédents. Sous leur influence, non seulement les 
ulcérations prennent l'aspect d'une plaie de bonne nature et se cicatri- 
sent, mais, par suite de la prolifération des tissus sains, les pertes de 
substance se comblent et se réparent, au moins en partie. Rien n’est si 
curieux et, à un coup d'œil superficiel, si paradoxal que cette action 
niveleuse des rayons de Röntgen qui tantôt, pourrait-on dire. abaïissent 
les montagnes et tantôt élèvent les vallées. Sous des apparences diverses, 
et presque opposées, il s’agit cependant de la même manifestation de leur 
pouvoir de destruction élective des cellules épithéliomateuses à des duses 
qui respectent l'intégrité des cellules saines. 

Telle est, en effet, la conclusion générale de toutes les recherches 
histologiques, de Scholtz, de Mikulicz et Follig, de Pusey, de Perthes, 
d'Ellis, etc. Les modifications consécutives aux irradiations sont primi- 
tivement cellulaires et exclusivement limitées aux cellules néoplasiques. 
Elles atteignent d'abord les cellules périphériques des ilots morbides; 
leurs contours deviennent vagues, puis s'effacent graduellement, tandis 
que leurs noyaux se fragmentent et que les fragments épars, difficillement 
colorables, perdent toute forme nette. Plus tard, ces modifications s’éten- 
dent à toute la masse morbide, de la périphérie au centre, et les cellules 
néoplasiques disparaissent peu à peu, par un processus qui semble être 
d'ordre cytolique, suivi de l’absorption de la substance dégénérée. Le 
fait capital est la fonte, pour ainsi dire, des cellules malades et leur rem- 
placement, sans altération du stroma primitif, par un tissu conjonctif 
sain. 

Tous les épithéliomes de la peau ne se montrent pas cependant 
également sensibles à l’action destructive des rayons de Röntgen. Suivant 
leur siège, superficiel ou profond, suivant leur formule histologique et 
surtout suivant la multiplication plus ou moins rapide des éléments qui 
les composent, ils révèlent de notables différences de sensibilité, 


608 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Tous les épithéliomes cutanés qui n’ont pas dépassé le derme sont, 
je crois, justiciables de la radiothérapie, parce que, sauf exceptions 
rarissimes, cette médication les guérit et qu'elle les guérit définitive- 
ment, sans récidive, si toutefois la dose totale des radiations absorbées 
dépasse notablement la dose strictement suffisante à la guérison 
apparente. De plus, la radiothérapie est ici la méthode de choix, au 
moins pour le visage, parce qu'elle guérit avec une perfection esthé- 
tique que n'atteint aucune autre médication. Limités au derme, les 
épithéliomes sont justiciables de la radiothérapie, qu’elle que soit leur 
formule histologique. Dans ces conditions et pour adopter la clas- 
sification de M. Darier, les épithéliomes spino-cellulaires, en général 
moins sensibles à l'action des rayons de Röntgen que les épithéliomes 
baso-cellulaires, guérissent comme ces derniers, ainsi que me l'ont 
démontré plusicurs observations. 

Dans les mêmes conditions, je ne fais pas d'exception pour les épithé- 
liomes mélaniques ou plus généralement pour les mélanomes. J'ai eu 
occasion de traiter une dame chez qui un nævus pigmentaire congénital 
de la face s'était rapidement transformé en une petite tumeur présentant 
l'aspect d'une grume de raisin noir. M. Thibierge, consulté, conseilla 
l'ablation immédiate d'une large portion de la joue. M. Brocq, d'accord 
avec M Thibierge sur le diagnostic et le pronostic du mal, fut d'avis de 
tenter d’abord la radiothérapie et me confia la malade. La petite tumeur 
régressat et disparut sous l'action des rayons de Röntgen; la guérison 
se maintient parfaite depuis plus de trois ans. En pareil cas, étant donnée 
la malignité habituelle des mélanomes, il est indiqué de ne pas traiter 
seulement le néoplasme visible, mais d’irradier aussi, par précaution, la 
région des ganglions qui en dépendent; alors même que rien n'indique 
leur envahissement, il est toujours permis de craindre que des éléments 
néoplasiques, encore microscopiques, y soient déjà greffés. 

Quand l'épithéliome cutané a franchi la place profonde du derme, on 
doit encore à la radiothérapie des succès en grand nombre, mais elle 
éprouve aussi des échecs indéniables, des échecs complets qui aboutissent 
à la mort du malade, spécialement dans les cas d'épithéliomes spino- 
cellulaires à marche rapide. Rien ne le démontre mieux que l'observation 
suivante : Un jeune homme congénitalement atteint de æœéroverma 
pigmentosum était porteur à la face, d’une trentaine au moins de petites 
tumeurs épithéliomateuses que l’examrn histologiques montra appartenir 
au type spino-cellulaire Toutes celles de ces tumeurs qui étaient limitées 
au derme g..érirent parfaitement snus l'influence de la radiothérapie. La 
plus volumineuse, située au-dessous de l'œil droit, avait envahi les tissus 
sous-cutanés et se propageait au maxillaire inférieur ; je reconnus vite 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 609 


que la radiothérapie n’arrêtait pas son développement et demandai conseil 
à mon collègue de Saint-Antoine, M. Lejars. Une intervention radi-ale 
eût nécessité l'ablation complète du maxillaire supérieur; il préféra se 
borner à une opération volontairement incomplète, et enleva ce qu'il 
pouvait enlever de tissu morbide sans toucher au squelette de la face. 
Les irradiations furent aussitôt reprises avec intensité sur la large surface 
cruentée du champ opératoire, mais ce fut en vain, et le malade succomba 
aux progrès en profondeur du seul de ces nombreux néoplasmes qui 
avait échappé à l’action de la radiothérapie, Traité plus tôt, il aurait sans 
doute, comme les autres, parfaitemeut guéri. 

Il n’en faudrait pas conclure que, dans tous les cas où le derme est 
détruit et ou les tissus sous-cutanés sont envahis, le pronostic soit aussi 
défavorable. Les ulcérations épithéliomateuses, du type ulcus rodens, 
dont la marche est lente et qui, le plus fréquemment, appartiennent au 
type baso-cellulaire, se trouvent au contraire fort bien de l'action des 
rayons de Rôntgen. Ils détruisent le tissu morbide, arrêtent ainsi les 
progrès de l'ulcération et souvent en provoquent la complète cicatrisation. 
Le résultat thérapeutique n'est cependant pas toujours aussi parfait. 
Quand une large surface osseuse est dénudée, comme on l'observe assez 
souvent au cräne, ou quand, aux membres, l’aponévrose d'enveloppe 
est, dans une vaste étendue, dépouillée des parties molles qui la recou- 
vraient, la réparation devient impossible au moins sans l’aide des diverses 
greffes employées en chirurgie et la radiothérapie doit se borner à tenir 
le mal eu échec, ce qui n’est d'ailleurs pas un bienfait négligeable. 

En résumé, contre les épithéliomes de la peau, le pouvoir de destruc- 
tion élective des rayons de Rôntgen ne se montre insuffisant que par 
exception, quand le néoplasme a franchi le derme, qu'il évolue rapide- 
ment et tend à devenir plongeant, comme c’est le cas habituel pour les 
épithéliomes du type spino-cellulaires Dans ces formes graves, la radio- 
thérapie demeure un utile complément de l'intervention chirurgicale. 
Dans les formes ulcéreuses jugées inopérables, si elle ne guérit pas tou- 
jours, c'est au moins le meilleur des palliatifs. Contre les néoplasmes 
limités au derme, les résultats qu'elle donne sont presque toujours 
excellents. 


TUMEURS MALIGNES DES MUQUEUSES. — Les muqueuses directement 
accessibles aux rayons de Rôntgen dont la propagation est inflexible- 
ment rectiligne, sont seulement les muqueuses en continuité avec la 
peau, au voisinage des orifices naturels : les muqueuses pa'pébrale et 
conjectivale, la muqueuse nasale dans une faible étendue, les muqueuses 
des premières voies digestives, abiale, buccale, linguale et pharyngée, 


610 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


celle de l'extrémité terminal du tube digestif ou muqueuse anale, enfin 
celle des organes génitaux externes, prépuce et gland chez l'homme, 
face interne des grandes lèvres, petites lèvres, vagin et col utérin chez 
la femme. 

L'opinion cuurante, parmi les médecins et les chirurgiens non 
radiologistes, est que les rayons de Röntgen, très actifs sur les 
épithéliomes de la peau, demeurent impuissants contre ceux des 
muqueuses et leur sont même nuisibles. La question des dangers de la 
radiothérapie sera étudiée plus loin, dans un chapitre spécial. Quant à son 
impuissance prétendue contre les épithéliomes des muqueuses, elle est 
contredite par des faits probants. J'en citerai seulement quelques-uns 
relatifs aux épithéliomes des lèvres et de la langue. 

C'est en 1902 que le D" Williams publia le premier cas d'épithélioma 
de la lèvre inférieure histologiquement vérifié et traité avec succès par 
la radiothérapie. Il faut surtout mettre en lumière les trois observations 
rapportées par un chirurgien, par le P” Perthes (de Leipzig), au Congrès 
de Chirurgie allemande tenu à Berlin en avril 1904; elles font partie 
d'un rapport général sur la question de la radiothérapie du cancer : 
« Dans deux de ces cas la moitié de la lèvre inférieure était ulcérée et 
l'infiltration cancéreuse s'étendait au delà de la moitié de l'organe. Dans 
le troisième cas il s'agissait d’un cancer plus superficiel qui occupait 
seulement un tiers de la lèvre inférieure, mais s’accompagnait de fortes 
métastases ganglionnaires. Dans ces trois cas, le cancer primitif ne fut 
irradié qu'une seule fois, la dose variant de 12 à 16 unités H. La diminu- 
tion de volume et le ramollissement du néoplasme furent observés dès le 
neuvième jour après l'irradiation, ainsi à un moment où la réaction de 
la peau avoisinante n'était pas encore apparue. Au quatorzième jour, le 
cancer était tout à fait aplani. Dans une des observations où dès le pre- 
mier jour du traitement l'hépithéliome pavimenteux avait été microsco- 
piquement démontré, la biopsie pratiquée le dix-septième jour ne révéla 
plus de parcelles cancéreuses, mais seulement des blocs homogènes qui 
pouvaient être considérés avec vraisemblance comine les résidus de la 
dégénérescence des cellules néoplasiqnes. Dans les trois cas, la guérison 
de la tumeur primitive fut constatée entre le cinquantième et le 
soixantième jour du traitement Une question de grande importance est 
celle de la manière dont se comportent, en pareil cas, les ganglions 
cancéreux. Dans lés trois cas précédents d’épithélioma de la lèvre infé- 
rieure, les ganglions lymphatiques étaient nettement indurés et augmentés 
de volume. Ils furent irradiés à l’aide de rayons très pénétrants, filtrés 
par une mince feuille d'étain, et dans les trois cas une diminution de 
volume de ganglions sous-maxillaires traités, fut nettement appréciable 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 611 


environ trois à quatre semaines après le début du traitement. Dans un 
cas, six mois après l’irridiation il n'existait plus dans le triangle sous- 
maxillaire aucun ganglion lymphatique perceptible, là où au début du 
traitement on pouvait sentir par le palper une glande dure du volume 
d'une noisette. Dans un autre cas, un ganglion après avoir régressé et 
passé, sous l'influence du traitement, de la grosseur d'une noix à celle 
d’une noisette, fut extirpé en vue d’un examen microscopique : on y 
trouva toutes les modifications régressives des éléments cellulaires 
cancéreux qu'il est habituel de trouver dans les noyaux de cancer 
cutané en voie de régression. 

En résumé, les observations cliniques et microscopiques du D" Perthes 
démontrent péremptoirement la possibilité de faire disparaitre rapidement, 
par la radiothérapie, certains épithéliomas de la lèvre inférieure, ainsi que 
les ganglions sous-maxillaires qui les accompagnent. 

D’autres faits analogues ont été publiés. J'ai traité moi-même, avec 
succès, de petites ulcérations néoplasiques de la lèvre, mais j'avoue n'avoir 
pas eu occasion d'observer des cas de guérison aussi remarquables que 
ceux du D” Perthes. Plusieurs fois, alors que je croyais toucher à la 
guérison définitive, jai vu le mal, d'abord amélioré, reprendre une 
allure envahissante et exiger l'intervention chirurgicale, ou le traitement 
aboutir à l'apparition dans l'épaisseur de la lèvre d'un noyau dur 
irréductible. J'incline à croire que, parmi les tumeurs malignes de la 
lèvre, les seules justiciables de la radiothérapie sont les épithéliomes du 
type baso-cellulaire, à marche lente et à forme ulcéreuse. 

Pour les épithéliomes de la langue il existe aussi des cas indubitables 
de guérison au moins temporaire, et j'ai eu l’occasion d'en observer pour 
ma part, mais il faut reconnaitre que ces cas sont encore très peu nom- 
breux. Le D" Bisserié a montré à l'Académie de médecine, dans la séance 
du 6 juin 1904, deux malades atteints de cancer de la langue et traités 
avec succès par la radiothérapie. Dans le premier cas, le malade avait 
été examiné par le D" Sabouraud, qui avait porté le diagnostic; la tumeur, 
grosse comme un haricot, reposait sur une base indurée, les douleurs 
étaient vives, les ganglions sous-maxillaires durs et augmentés de volume. 
Quarante-trois jours après le début du traitement, consistant en une 
Séance d'irradiation par quinzaine, la tumeur était réduite aux dimensions 
d'un grain de millet, l’induration ligneuse diminuait peu à peu et, vers le 
soixantième jour, la guérison était complète. Chez le deuxième malade, 
le diagnostic avait été porté par le P" Tillaux et le D" Brocq, d’ailleurs 
sans examen histologique, non plus que dans le premier cas. La tumeur 
avait la dimension d’une pièce de cinquante centimes, la langue était de 
consistance ligneuse, les ganglions sous-maxillaires indurés, l'état 


612 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


général mauvais. En trois séances de radiothérapie, à quinze jours 
d'intervalle, la guérison fut obtenue. et le D" Tillaux, consulté de nouveau, 
déclara qu'il n'existait aucun vestige des altérations primitives. 

Pour ma part, j’ai présenté au Congrès de dermatologie de Berlin, 
eu 1904, une observation plus probante, puisqu'elle possède le contrôle 
‘de l'examen histologique. Il s'agissait d'un homme de soixante-deux ans, 
ancien syphilitique, grand fumeur, portant sur une langue leucoplasique 
une tumeur papilomateuse largement pédiculée, du volume d’une cerise. 
Cette tumeur fut enlevée au galvano-cautère et l'examen histologique 
révéla un épithélioma pavimenteux tubulé. La surface d'implantation du 
noéplasme fut irradiée à diverses reprises et se cicatrisa parfaitement sans 
trace de récidive. Un an après, sur un autre point de la surface de la 
langue, assez distant du premier, survint une nouvelle saillie dont l’exa- 
men histologique révéla la nature épithéliomateuse. La radiothérapie fut 
de nouveau mise en œuvre par le D" Haret et amena rapidement la dis- 
parition de ce nouveau néoplasme, comme elle avait amené celle de la 
base d'implantation du premier. Je dois ajouter que, tout dernièrement, 
après une éclipse de deux ans, je viens de revoir le malade, porteur pour 
la troisième fois, d'un néoplasme du dos de la langue qui, malheureuse- 
ment, ne parait plus limité à la muqueuse, mais s'infiltre dans la profon- 
deur et demeurera certainement au-dessus des ressources du traitement. 

Chez une femme, j'ai vu, cette année, disparaitre par la radiothé- 
rapie une petite tumeur saillante de la langue, du volume d’un haricot, 
paraissant limité à la muqueuse et démontrée épithéliomateuse par l'exa- 
men histologique. Enfin, j'observe avec intérêt un homme opéré deux 
fois, à trois mois d'intervalle, pour un épithélioma de la langue, traité 
avec succès par la radiothérapie lors de l'apparition d'une nouvelle 
récidive presqu'aussitôt après la seconde opération, et que cette médi- 
cation, poursuivie sans interruption depuis plus d’un an, a maintenu 
jusqu'aujourd'hui en parfait état. De mème encore j'ai vu disparaitre, 
sous l'influence de la radiothérapie, une induration épithéliomateuse de 
toute la surface de l’amygdale, diagnostiquée et jugée inopérable par le 
D? Lermoyez. 

Ces quelques observations, auxquelles je pourrais joindre d'autres 
faits analogues, suffisent à démontrer que les cellules néoplasiques nées 
du revêtement épithélial des muqueuses ne sont pas moins sensibles à 
l'action des rayons de Röntgen que celles qui proviennent de l'épiderme 
cutané, mais en même temps la rareté des succès s'explique par l’évolu- 
tion ordinairement si rapide des épithéliomas des muqueuses et la brièveté 
de la période pendant laquelle le mal reste limité au derme muqueux 
sans envahir le système lymphatique, contrairement à ce qu'on observe 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES. 613 


pour la peau. A la langue, en particulier, la minceur du derme muqueux, 
la continuité de sa face profonde avec le tissu de soutènement de 
l'organe et les muscles qui s’y insèrent, le grand nombre des glandes 
sous-muqueuses et intermusculaires, la richesse des vaisseaux lympha- 
tiques sont autant de conditions anatomiques qui expliquent l'extraordi- 
naire rapidité de l’extension en profondeur des épithéliomas nés de la 
superficie. 

Ces observations permettent cependant de regretter que dans les 
épithéliomas des muqueuses il ne soit pas fait plus souvent apnel à la 
radiothérapie, soit tout au début du mal, quand la nécessité d'une opéra- 
tion ne peut encore être imposé au malade, soit comme complément de 
l'intervention opératoire. 


TUMEURS MALIGNES DU SEIN. — Les résultats exposés dans les deux 
chapitres précédents ne permettent nullement de préjuger l'influence des 
rayons de Rôntgen sur les tumeurs du sein. L'observation suivante, à 
laquelle manque encore le point final, en donnera une plus juste idée. 
Parmi tous les cas de tumeurs du sein que j'ai eu occasion de traiter, c'est 
mon plus remarquable succès thérapeutique. C'est celui qui met le mieux 
en lumière tout ce qu’il est permis, dans certaines conditions, d'attendre 
de la radiothérapie ; il en résume, sinon tous les bienfaits, au moins les 
bienfaits les plus surprenants et les plus inespérés. 

Une dame de cinquante-quatre ans s'aperçoit par hasard, en octo- 
bre 1902, que son sein droit devient gros et dur ; il prend en six semaines 
un tel développement que le P” Berger, consulté, déconseille toute opéra- 
tion de crainte d'une récidive rapide. Malgré cet avis, le sein malade et 
les ganglions de l’aisselle correspondante sont aussitôt enlevés, en 
novembre 1902, par le chirurgien de la malade Les suites de l’interven- 
tion sont d’abord excellentes. Pendsnt l’année 1903 et les cinq premiers 
mois de l’année 1904, l'opérée recoit à diverses reprises des injections 
sous-cutanées du sérum antinéoplasique dn D" Doyen. En dépit de ces 
injections prophylactiques, pratiquées au nombre d'une trentaine, il n'en 
survient pas moins une récidive sous la forme de nombreux noyaux durs 
iutra-indermiques, disséminés au voisinage de la cicatrice opératoire, 
sur la paroi thoracique antérieure et dans l'aisselle. Quelques jours plus 
tard, le médecin de la malade découvre dans le sein gauche, notablement 
augmenté de volume et de consistance, une nouvelle tumeur mal déli- 
mitée, du volume d’un petit œuf de poule. C’est dans ces conditions 
que la malade m'est confiée, en juillet 1904, pour être soumise à la radio- 
thérapie. 

A ce moment, le membre supérieur droit est œdématié et la palpita- 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — SEPTEMBRE 1901. 43 


614 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


tion fait découvrir, dans le creux sus-claviculaire droit, plusieurs gan- 
glions hypertrophiés et indurés. On décide donc d'irradier à droite le 
creux sus-claviculaire, l'aisselle et la région de la cicatrice, à gauche 
toute la masse du sein. Au mois d'avril, après quatre fortes séances 
d'irradiation, les noyaux de récidive cutanée ont disparu. En Octobre, on 
découvre une nouvelle masse ganglionnaire indurée dans la région sus- 
claviculaire gauche qu'on irradie à son tour comme les quatre autres 
régions déjà en traitement. En décembre 1904, le médecin habituel de 
la malade, d'accord avec le chirurgien qui l’a opérée, constate le com- 
plet effacement de la récidive cutanée à droite, mais trouve que le nou- 
veau néoplasme du sein gauche, certainement arrêté dans son dévelop- 
pement par la radiothérapie, n'a pas encore disparu et en conseille vive- 
ment l’ablation. Au début de l’année 1905, il revient à la charge, tout en 
reconnaissant que le volume de la tumeur à diminué. A ce moment, le 
Pr Reclus, consulté, déconseille toute nouvelle opération, en invoquant 
la présence de ganglions nécplasiques dans les deux régions sus-clavi- 
culaires. Après une interruption d'un mois, le traitement est repris en 
mars, parce qu'à droite, dans la région opératoire, sont survenus trois 
nouveaux noyaux d'induration cutanée et que, du côté gauche, à la base 
du cou, est apparu un nouveau ganglion. En mai, il ne reste plus trace, 
dans la région opératoire, de la seconde récidive. Les ganglions sus- 
claviculaires diminuent peu à peu de volume sous l'influence du traite- 
ment poursuivi à intervalles de quinze jours et, en décembre 1905, ils 
ont à leur tour complètement disparu, tandis que le sein gauche, qui ne 
présente plus depuis longtemps aucune trace de tumeur, s'atrophie de 
plus en plus. En 1906, le D" Reclus revoit la malade, après un an 
d'intervalle, et trouve, d'après ce qui m'est rapporté, le résultat merveil- 
leux. En résumé, disparition des noyaux de récidive cutanée, du nouveau 
néoplasme du sein gauche et des ganglions sous-cutanés des deux régions 
sus-claviculaires, tel est, après dix-huit mois de traitement, le bilan de 
adiothéraphie. Je dois ajouter qu'au cours des années 1906 et 1907 et 
tout dernièrement encore, avec un état général toujours excellent, sont 
apparus à diverses reprises sous la peau du thorax, en avant et en 
arrière, quelques petits noyaux d'induration que de nouvelles séances 
ont fait complètement disparaitre. C’est la preuve qu'on n'a pas le droit 
de parler de guérison définitive, qu’une surveillance continuelle est de 
rigueur et qu'on peut s'attendre à la prochaine nécessité d'une reprise du 
traitement On ne peut contester cependant que la malade a de grandes 
obligations à la radiothérapie, 

Dans cette extraordinaire observation, si l'absence d'examen histo- 
logique ne permet de dire à quelle variété appartenait le néoplasme, on 


-a 


—— 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES. 615 


peut affirmer au moins qu'il s'agissait d’une tumeur maligne puisque ni 
la récidive sur. place, après l'opération, ni l'envahissement des ganglions 
lymphatiques, ni même l'apparition d'une nouvelle tumeur dans l’autre 
sein n'ont manqué au tableau clinique. Toutes ces lésions néoplasiques 
de la peau, de la glande mammaire et des ganglions lymphatiques, de 
siège différent mais de même nature, ont disparu sous l'influence des 
rayons de Röntgen. 

Cette observation montre pour ainsi dire en raccourci tout le champ 
d'action de la radiothérapie appliquée aux tumeurs malignes du sein. 
Elle me permettra une revue plus rapide des résultats thérapeutiques 
obtenus dans les cas si disparates soumis à cette médication. 

On peut les diviser en deux grandes catégories, suivant que la tumeur, 
au moment où intervient la radiothérapie, a été abandonnée à sa marche 
naturelle ou suivant qu'elle a récidivé après avoir été l’objet d'une ou 
de plusieurs interventions chirurgicales. La première catégorie, celle des 
tumeurs non opérées, comprend d’ailleurs des néoplasmes du sein à 
toutes les étapes de leur évolution, depuis la période initiale de la tumeur 
petite et bien limitée à la glande mammaire jusqu'à la période terminale 
de généralisation, en passant parles divers stades d'ulcération de la peau, 
d'envahissement progressif des ganglions axillaires, cervicaux, médiasti- 
naux et de propagation en profondeur à la paroi thoracique, côtes et 
plèvres comprises. 

La seconde catégorie, celle des tumeurs opérées, renferme aussi des 
faits très dissemblables, depuis les cas où la récidive est exclusivement 
limitée à la peau jusqu'à ceux où elle s'étend dans la profondeur du 
thorax. Enfin elle comprend aussi les cas de tumeurs opérées et non 
encore récidivées où la radiothérapie intervient aussitôt après l'opération 
à titre de traitement prophylactique 

a) Tumeurs du sein non opérées. — A leur début, les tumeurs mali- 
gnes du sein font corps avec la glande mais demeurent mobiles sous la 
peau et au-devant du thorax. A cette période et dans certaines conditions 
favorables dont la principale est certainement la marche lente du néo- 
plasme, des observations très probantes démontrent que la radiothérapie 
peut amener la disparition complète de tumeurs même assez volumi- 
neuses. 

Pour ne citer que mes observations personnelles, j'en possède plu- 
sieurs pour ainsi dire calquées sur le cas suivant : « Une femme porte 
dans le sein gauche, à sa partie externe et inférieure, une tumeur dure 
et mal délimitée, du volume d’une grosse noix, qui fait corps avec la 
glande et n’est qu'imparfaitement mobile sous la peau. Le Dr Nélaton, 
qui me l'adresse, a fait le diagnostic de cancer du sein et a vivement 


616 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


conseillé l’ablation de la tumeur, mais n'a pu triompher des craintes de 
la malade. C’est d'ailleurs un cancer à marche très lente, dont le début 
remonte à sept ans au moins, puisque déjà, à ce moment, un médecin 
consulté a conseillé l'intervention chirurgicale. Il existe dans l’aisselle 
un seul petit ganglion mobile sous la peau. Le traitement, commencé en 
novembre 1904, a été poursuivi à des intervalles de plus en plus éloignés. 
Depuis le mois de juillet 1905, la tumeur a disparu, ainsi que le ganglion 
de l’aisselle, et la glande mammaire est en voie d’atrophie. J'ai revu la 
malade tout dernièrement, elle est en très bon état. » 

L'observation qui suit témoigne de l’action bienfaisante des rayons 
de Röntgen sur le cancer du sein à une étape plus avancée de son évolu- 
tion, quand déjà il a envahi la peau et l'aponévrose du grand pectoral. 
A la fin de 1904, le D" Jalaguier confie à mes soins une de ses malades, 
âgée de trente-six ans, avec cette note : « Néoplasme du sein droit avec 
nombreux petits noyaux cutanés et adhérence au grand pectoral. L'opé- 
ration ne me parait pas indiquée, en raison du semis périphérique. Le 
néoplasme, qui a une évolution très lente, paraît devoir prendre la forme 
d'un squirrhe én cuirasse ». En 1905, après trois mois de traitement, le 
D" Jalaguier revoit sa malade et m'’écrit : « Le résultat obtenu est tout à 
fait remarquable ; si je n'avais pas examiné la malade il y a trois mois, 
je ne pourrais croire qu’il y ait eu quelque chose au sein ». En réalité, 
à ce moment, si toute trace d'induration cutanée a disparu, on sent 
encore sous la peau quelques petites inégalités qui d’ailleurs disparais- 
sent plus tard sous l'influence du traitement poursuivi à de plus longs 
intervalles. En 1906, la malade a augmenté de poids, l'état local et l'état 
général sont excellents. Cependant je dois ajouter que, tout récemment, 
sont survenus des troubles douloureux qui témoignent d'une métastase 
vertébrale 

Dans un autre cas analogue, mais plus avancé dans son évolution, 
j'ai vu disparaitre tous les noyaux cutanés et, un peu plus tard, les 
ganglions sus-claviculaires dont l'existence avait fait déconseiller l'inter- 
vention chirurgicale. Tandis que le poids de la malade augmentait de 
10 kilogrammes, la tumeur mammaire diminua très notablement de 
volume et s’indura davantage, toutefois sans s’effacer complètement. Le 
traitement fut suspendu et, trois ans plus tard, survint une récidive, à 
laquelle la malade succomba. 

J’ai observé des résultats du même genre dans d’autres cas jugés 
inopérables, soit en raison du caractèra du mal, de son extension trop 
grande ou de sa forme fibreuse et de son évolution très lente, soit en 
raison de l'âge de la malade, de l'état de son cœur, de ses reins, de son 
foie ou pour plusieurs de ces motifs réunis. Ils ont presque tous retiré 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES. 617 


de la radiothérapie un bénéfice appréciable, l’induration mammaire a 
presque toujours notablement diminué de volume en même temps qu’elle 
prenait une consistance plus dure et devenait plus nettement circonscrite, 
plus distincte des tissus avoisinants, mais, le plus souvent, dans la forme 
squirrheuse à évolution lente, je ne la voyais pas complètement dispa- 
raitre, et mème, après une période relativement assez rapide de 
diminution de volume et d'amélioration locale, il semblait qu’il ne fût 
plus possible d'obtenir davantage. Ce qui est bien remarquable, c’est 
l'amélioration de l'état général, le plus souvent avec augmentation du 
poids du corps, qui accompagne la diminution du volume et l’induration 
plus accentuée de la tumeur mammaire. En résumé, dans ces formes à 
évolution lente, la radiothérapie, toujours utile, favorise et accentue la 
tendance à la sclérose qui se montre déjà comme un processus de défense 
de l'organisme ; si elle ne donne pas la guérison complète, elle retarde 
les progrès de la maladie et l'arrête temporairement dans sa marche. 

Quand le cancer du sein, poursuivant son évolution envahissante, a 
provoqué l'ulcération de la peau, les conditions locales de la radiothéra- 
pie ne sont pas plus défavorables, et même il est permis de les trouver 
meilleures. 

Si les ulcérations sont superficielles et peu étendues, leur circatrisa- 
tion rapide est le premier effet du traitement. Mais c’est surtout quand le 
processus d’ulcération, étendu et profond, a produit une vaste perte de 
substance qu’à un certain point de vue l’action des rayons de Rôntgen 
est facilitée, parce que le radiothérapeute n'a plus de souci de veiller à 
l'intégrité du tégument et peut ainsi donner aux tissus malades, plus 
directement accessibles, de plus fortes doses. 

Malheureusement, à cette période, la maladie s’est le plus souvent 
propagée à la paroi thoracique et aux ganglions profonds. Si merveilleux 
que soit en pareil cas le succès de la radiothérapie, c’est le plus souvent 
un succès seulement local, superficiel et temporaire, 

Comme exemple, une dame de soixante-quinze ans est atteinte d'un 
cancer du sein droit, dont le début remonte à plus de six ans. En juin 1904, 
la peau envahie s'ulcère, l’ulcération grandit et atteint, à la fin d'octobre, 
les dimensions de la paume de la main; il s’agit d’une ulcération à fond 
inégal, anfractueux, d'aspect vermoulu, à bords épais, indurés et saillants, 
dont s'échappe une sécrétion sanieuse, très mal odorante. Toute la paroi 
de l’aisselle forme une masse indurée et il existe, dans les deux régions 
sus-claviculaires, de petits ganglions. MM. Terrier, Labbé et Brocq, 
réunis en consultation, conseillent la radiothérapie. Sous son influence, 
l'ulcération change rapidement d'aspect et, après trois mois de traitement, 
est complètement cicatrisée. La malade se croit guérie et suspend le trai- 


618 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


tement ; cependant la plaque d'induration de l’aisselle, très diminuée de 
volume, n’a pas disparu. C’est seulement à la fin de l’année 1905 que 
l'état général, jusqu'alors excellent, devient moins bon et que survien- 
nent une pleurésie droite, puis des troubles pulmonaires, auxquels la 
malade finit par succomber, presque un an après la guérison de son 
ulcération. 

b) Tumeurs du sein opérées et récidivées. — La récidive se présente 
souvent sous la forme de noyaux indurés du derme, limités à la cicatrice 
opératoire ou disséminés autour d'elle dans une plus ou moins grande 
étendue. La règle est de les voir disparaitre rapidement sous l'influence de 
la radiothéraphie lls disparaissaient par un processus de résorption gra- 
duelle, sans qu’il soit aucunement nécessaire que la peau offre des signes 
de réaction inflammatoire. 

Souvent aussi l’induration de récidive, au lieu d’être intradermique, 
est sous-cutanée et se présente soit sous la forme de nodosités dissémi- 
nées, mobiles entre le tégument et la cage thoracique, soit sous la forme 
d'une nappe immobile plus ou moins étendue. La radiothérapie fait aussi 
disparaitre les nodosités sous- cutanées, surtout si elles sont encore peu 
volumineuses, le succès n'est cependant pas aussi constant que pour les 
noyaux intra-dermiques. Enfin, les indurations en nappe elles-mêmes 
peuvent diparaitre, dans certains cas, comme j'ai eu l'occasion de 
l'observer. 

Dans d’autres cas, la peau est ulcérée. Il s'agit tantôt d’une ulcération 
assez superficielle de la cicatrice, tantôt d’ulcérations multiples, recou- 
vertes de bourgeons fongueux et saignants, tantôt enfin c’est un ulcère 
profond, de grandes dimensions, à bords durs et surélevés, à fond inégal, 
noirâtre, sanieux et fétide. Toutes ces formes si diverses d'ulcération 
cancéreuse guérissent le plus souvent sous l’inflence de la radiothérapie. 
Il est de règle que la cicatrisation s'accompagne non seulement de la 
disparition des douleurs, mais encore d’une notable amélioration de l’état 
général, souvent avec une augmentation du poids du corps, comme si le 
traitement, en faisant disparaitre les lésions locales, tarissait une source 
de poisons. 

La récidive peut apparaitre à distance en d’autres régions que la 
région opérée, souvent dans les ganglions sus-claviculaires, parfois dans 
l’autre sein, plus rarement à la périphérie, par exemple sous la peau du 
crâne. Il n’est aucune de ces localisations si diverses qui ne compte des 
succès à l'actif de la radiothérapie. J'ai vu disparaître des ganglions 
sus-claviculaires, hypertrophiés et indurés, j'ai vu diminuer de volume 
et régresser des tumeurs survenues dans le sein non opéré, et même, 
chez une malade du P" Berger, j'ai vu se réduire et s'atrophier une 


BÉCLÈRE. — JUMEURS MALIGNES. | 619 


glande mammaire dont le gonflement, douloureux et dur, était tel qu'elle 
semblait lésée dans toute sa masse. Enfin, j'ai eu occasion de présenter 
à la Société médicale des hôpitaux, avec mon collègue, M. Ménétrier, 
une malade atteinte, à son entrée dans le service de ce dernier, de tumeurs 
multiples sous-cutanées, du cräne et de la région mammaire, récidives 
déjà anciennes d’un néoplasme du sein opéré quatorze ans auparavant. 
L'examen histologique de l'une de ces tumeurs montra qu'il s'agissait 
d’un épithélioma typique Sous l'influence de la radiothérapie appliquée 
pendant six mois, les métastases cräniennes, dont quatre grosses 
tumeurs à peu près hémisphériques, ayant à leur base quatre à cinq cen- 
timètres de diamètre, et une vingtaine de tumeurs plus petites, dimi- 
nuèrent progressivement sans aucune modification apparente du tégu- 
ment qui les recouvrait. Je dois ajouter qu’en dépit de cette guérison 
locale, la malade n’en succomba pas moins à des métastases plus pro- 
fondément situées ; ce fut d’ailleurs l’occasion, pour MM. Ménétrier et 
Clunet, des recherches anatomo-pathologiques exposées plus loin. 

Quand la récidive s'est propagée jusqu'à la cage thoracique et qu'il 
existe un gonflement douloureux du sternum ou des côtes, dans les cas 
de métastases vertébrales, dans les cas encore plus nombreux où les 
ganglions médiastinaux sont envahis, la radiothérapie demeure presque ` 
toujours sans action contre les localisations profondes. j 

La profondeur des lésions, voilà ce qui fait la gravité du pronostic 
dans tous les cas où la récidive n’est pas limitée à la peau ou aux tissus 
sous-cutanés, voilà ce qui, en dépit de la guérison locale et de l’amé- 
lioration temporaire, finit par conduire les malades à la mort. La radio- 
thérapie ne favorise nullement, comme on l'a dit sans preuves, ces loca- 
lisations secondaires profondes dans les ganglions, le squelette ou les 
viscères, mais elle arrive le plus souvent trop tard pour les prévenir et 
ne peut les modifier quand déjà elles existent. 

Si, dans la plupart des cas de récidive, la radiothérapie est capable 
d'amener une action bienfaisante plus ou moins accentuée et durable, il 
est d’ailleurs, par exception, d’autres circonstances où l’évolution du 
mal est si rapide que des lésions même assez superficielles ne sont pas 
modifiées par le traitement ; il en est aussi où, contre des lésions 
exclusivement profondes, il demeure impuissant Ainsi les indurations 
cutanées, sous-cutanées et les ulcérations même du plus mauvais aspect 
constituent des cas beaucoup plus favorables que ceux où la peau est 
intacte, où l'aisselle ne contient aucun ganglion appréciable, mais où 
l'œdème énorme du bras témoigne d'une lésion profonde, ganglionnaire 
ou autre, qui comprime les vaisseaux sous-claviers. En pareille circons- 
tance la radiothérapie se montre exceptionnellement et très faiblement 
efficace. | 


620 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Quand on constate les bons effets de la radiothérapie appliquée aux 
récidives si fréquentes après l’ablation des tumeurs malignes du sein, il 
est tout indiqué d'avoir recours préventivement à ce mode de trai- 
tement, aussitôt après l'opération, pour détruire les éléments néo- 
plasiques encore impalpables et invisibles qui ont pu échapper au 
bistouri du chirurgien. Il est tout indiqué d'irradier méthodiquement 
non seulement le champ opératoire, c’est-à-dire la région mammaire et 
la région axiliaire, mais encore et surtout la région sus claviculaire, 
puisque les ganglions sus-claviculaires sont, après ceux de l’aisselle, 
d'ordinaire soigneusement enlevés par le chirurgien, la première étape 
dans la voie de l’envahissement du Rene lymphatique et la seule 
encore accessible au traitement. 

Conformément à cette idée si légitime, j'ai déjà soumis nombre de 
femmes récemment opérées .à des irradiations dirigées sur la région de 
la cicatrice, sur l’aisselle et sur le triangle sus-claviculaire Comme 
résultats presqu'immédiats de ce traitement, j'ai observé la décolora- 
tion, l’aplanissement et l’assouplissement de la cicatrice en même temps 
que la disparition des douleurs qui souvent survivent à l'opération. Mais 
C'est seulement dans plusieurs années et à l’aide de statistiques dont je 
ne me dissimule pas les grandes difficultés qu’il sera possible de déter- 
miner, si les récidives sont, comme je l'espère, beaucoup moins fré- 
quentes chez les opérées soumises à la radiothérapie préventive que 
chez les malades privées de ce qui constitue, à mes yeux, le complément 
nécessaire de l'opération. 

En résumé, les tumeurs malignes du sein, à toutes les périodes de 
leur évolution, peuvent bénéficier de la radiothérapie, dans une plus 
ou moins large mesure et pour une durée plus ou moins longue. Dans 
certaines conditions, dont la principale est la lenteur d'évolution de 
la maladie, le néoplasme peut disparaitre sans opération, sous 
l'influence de la radiothérapie seule, quand il est encore limité à la 
glande mammaire et, par exception, quand la peau et les ganglions 
les plus superficiels sont déjà envahis. 

Après l'intervention chirurgicale, la radiothérapie se montre très 
efficace contre les récidives cutanées; elle fait disparaître les nodo- 
sités du derme et cicatrise le plus souvent les ulcérations, quelle qu'en 
soit l'étendue et si mauvais qu'en soit l'aspect. Elle agit souvent aussi 
sur les nodosités de récidive sous-cutanées et sur les ganglions secon- 
daires les plus superficiels, mais demeure impuissante contre l'envahis- 
sement profond du système lymphatique, de la cage thoracique et de 
son contenu. 

Dans tous les cas de tumeurs malignes du sein jugées inopérables, 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES. 621 


aussi bien que dans tous les cas de récidive après l'opération, la radio- 
thérapie se montre le traitement de choix capable de donner une 
guérison au moins locale, d'améliorer l'état général, de prolonger la 
vie, d'en adoucir les souffrances, et de soutenir les dernières illusions 
des malades. 


RÉSULTATS HISTOLOGIQUES. — Les recherches des histologistes, par- 
ticulièrement en notre pays celles de M. Dorier, de M. Pautrier, et les 
travaux encore inédits de MM. Ménetrier et Clunet, permettent de résu- 
mer brièvement comme il suit le mode d'action de la radiothérapie dans 
le traitement des épitéliomas du revétement cutané ou muqueux et de la 
glande mammaire. 

I se produit d'abord une tuméfication trouble des cellules néoplasi- 
ques, plus ou moins rapidement suivie d'une fragmentation de la 
chromatine de leurs noyaux et d’une nécrose de leur protoplasma. Puis 
les amas de cellules épithéliomateuses se dissocient et s'émiettent. La 
destruction de leurs débris est achevée par les polynucléaires, puisque 
sur les coupes pratiquées au cours d’un traitement, peu de temps après 
une séance d'irradiation, on trouve, dans les interstices des fibrilles du 
tissu conjonctif, à côté de fragments de noyaux et de blocs de proto- 
plasma nécrosé, nne multitude de globules blancs presqu'uniquement 
composée de polynucléaires. 

Sur les coupes pratiquées longtemps après une interruption du trai- 
tement, l’aspect est tout différent. On ne trouve plus ni débris de noyaux, 
ni amas de protoplasma nécrosé, ni globules blancs, en un mot aucun 
vestige de destruction cellulaire, non plus que de phagocytose consécu- 
tive. Si la guérison n'est pas achevée, on trouve seulement, dans les 
couches les plus superficielles, quelques rares cellules néoplasiques très 
modifiées, en état de vie ralentie, presque de vie latente, mais dont la 
morphologie n'a rien de spécifique, puisqu’on peut en observer de sem- 
blables dans des tumeurs qui n'ont jamais été traitées. En revanche, 
dans les cas où la tumeur traitée était assez volumineuse, à une profon- 
deur de quelques centimètres et même parfois de quelques millimètres 
seulement au-dessous de la surface, on retrouve des cellules néoplasiques 
ayant tous les caractères de cellules parfaitement vivantes et en pleine 
activité. C’est ainsi que sur une tumeur du sein, primitivement du volume 
d'une orange et réduite par la radiothérapie au volume d'un œuf de pigeon, 
M. Pautrier prélève un fragment profond, distant de la peau de sept 
centimètres, et y retrouve du tissu épithéliomateux nullement modifié. 
De même, dans le cas soigneusement étudié par MM. Ménetrier et Clunct, 
concernant de multiples tumeurs métastatiques sous-culanées de la tête, 


622 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


consécutives à un épithélioma typique du sein, certaines de ces tumeurs, 
atteignant le volume d'une mandarine, ont complètement disparu sous 
l'influence de la radiothérapie, et la peau qui les recouvrait a repris son 
niveau normal; cependant le microscope révèle, dans la profondeur du 
tissu musculaire sous-dermique, des cellules épithéliomateuses en pleine 
activité. 

Ainsi, dans une tumeur soumise à la radiothérapie, les cellules 
néoplasiques sont décimées en grand nombre par les rayons de Röntgen, 
mais celles qui n'ont pas encore subi leur action destructive conservent 
une morphologie qui n’a rien de spécifique. L'examen histologique seul 
ne permet donc pas de dire si une tumeur traitée par la radiothérapie a 
bénéficié de ce traitement ou n’en a éprouvé aucune influence; il ne per- 
met même pas de décider si la tumeur examinée a été soumise ou non à 
la radiothérapie, pas plus qu'au lendemain d’une bataille, après l’enter- 
rement des morts et l'évacuation des blessés, l'inspection d'un régiment 
décimé par le feu ennemi ne permettrait à un observateur, ignorant du 
chiffre de l'effectif antérieur, de soupçonner les pertes subies. 

Ainsi s'explique l'erreur des histologistes qui, à l'exemple de M Cornil, 
ont nié l'influence de la radiothérapie sur les néoplasmes sous cutanés et 
en particulier sur les néoplasmes mammaires. La diminution de volume 
et la disparition de la tumeur renseignent sur les heureux résultats du 
traitement beaucoup mieux que l'examen histologique. 

Cederniern’en donne pas moinsdes renseignements detrès grandeimpor- 
tance. Il montre que la guérison réelle d’un néoplasme traité par la radio- 
thérapie, c’est-à-dire la destruction complète de toutes les cellules néo- 
plasiques ne se produit que longtemps après la guérison apparente ou 
la disparition macroscopique du néoplasme ; il enseigne donc la nécessité 
de poursuivre le traitement longtemps après cette guérison apparente. 


TUMEURS MALIGNES DES TISSUS VASCULO-CONNECTIFS. — Dans les tissus 
vasculo-connectif dérivés du feuillet moyen du blastoderme peuvent se 
développer un grand nombre de tumeurs diverses, sarcomes, myxomes, 
fibromes, lipomes, chondromes, ostéomes, lymphadénomes, etc., dont 
les unes prennent avec une grande fréquence, les autres, au contraire, 
très exceptionnellement, un caractère de malignité. 

Parmi ces tumeurs, ce sont certainement les sarcomes qui prennent 
le plus souvent le caractère malin, vient ensuite le groupe mal délimité 
des lÿmphadénomes. J’étudierai brièvement, sur ces deux seules espèces 
de tumeurs malignes, l'influence des rayons de Rôntgen. 

a) Sarcomes. — Les cellules sarcomateuses se montrent, d'une 
manière générale, plus sensibles que les cellules épithéliomateuses à 


BÉCLÈRE, — TUMEURS MALIGNES. 623 


l’action destructive des rayons de Röntgen, comme l'ont démontré, 
dès 1901. plusieurs observations de sarcomes guéris par la radiothérapie, 
dues à des médecins américains, en particulier à MM. Coley et Pusey. 

La sensibilité des divers sarcomes vis-à-vis des rayons de Röntgen 
varie d’ailleurs dans des limites très étendues, alors même que, par leur 
formule histologique, par leur siège, leur volume et leur point de départ, 
ils semblent comparables. 

Mais ce qui ne saurait être trop mis en lumière, c'est que certains 
sarcomes manifestent, à cet égard, une extrême sensibilité qui se tra- 
duit par une régression et une disparition rapides, malgré leur siège 
sous-cutané et même après l’absorption de doses relativement très faibles. 

Cette sensibilité extraordinaire de certains sarcomes est poussée au 
point qu'il parait légitime d’en faire, au point de vue clinique, un groupe 
particulier de néoplasmes dont l'épreuve radiograhique permet seule de 
faire le diagnostic différentiel. 

Elle explique les remarquables succès de la radiothérapie appliquée 
au traitement de certains sarcomes déjà plusieurs fois opérés et qui, 
après chaque opération, ont plus ou moins rapidement récidivé 

Quand elle se joint à une grande lenteur d'évolution, à l'absence de 
propagation au système lymphatique, elle permet aussi de comprendre 
les guérisons merveilleuses mais incontestables exceptionnellement obte- 
nues par la radiothérapie dans quelques cas de sarcomes volumineux et 
profonds de l'abdomen ou du médiastin. 

Quelques exemples, convenablement choisis, éclaireront au mieux 
ces propositions, et je saisis d’abord l'occasion qui m'est donnée de 
compléter l'observation d'un malade plusieurs fois présenter par M Wal- 
ther et par moi, à la Société de chirurgie et à la Société médicale des 
hôpitaux. 

Il s'agit primitivement, chez un jeune homme de vingt-trois ans, 
d’un ostéo-sarcome de l'os malaire droit. En novembre 1900, cinq mois 
après le début de la maladie, ablation de l'os malaire et du sommet de 
la pyramide du maxillaire supérieur, par M. Gangolphe (de Lyon). 
L'examen histologique, fait par le PT Tripier, montre qu'il s’agit d'un 
sarcome malin, à petites cellules rondes. Dix mois plus tard, récidive. 
En avril 1902, énucléation du globe et ablation du néoplasme récidivé. 
Huit mois plus tard apparait un gonflement de la joue progressivement 
soulevée par une masse résistante qui part du maxillaire supérieur. La 
nouvelle tumeur ne cesse pas de progresser d'une manière continue, 
mais très lente, jusqu'en avril 1903. A ce moment, rapide accroissement 
de volume qui coïncide avec un notable amaigrissement du malade. La 
déglutition est gênée au point d'exclure tout aliment solide. Aucun des 


624 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


chirurgiens consultés ne consent à intervenir de nouveau. C'est alors, 
en octobre 1903, qu'intervient la radiothérapie ; les troubles fonctionnels 
disparaissent rapidement et la tumeur diminue progressivement de 
volume. Avant le traitement, la circonférence extérieure de la joue, 
mesurée du sillon de l'aile du nez à l'angle de la machoire inférieure, 
atteint 16 centimètres du côté malade, tandis qu'elle est seulement de 
11 centimètres du côté sain. In mai 1904, il n'existe plus aucune diffé- 
rence entre les deux côtés, et le malade peut être considéré comme loca- 
lement guéri. Cependant, à la Société de chirurgie, où le malade est pré- 
senté en novembre, par M. Walther, le P" Kirmisson découvre dans la 
cavité orbitaire, à la partie supérieure et profonde de cette cavité qui 
n'a jamais été irradiée, une saillie anormale. Le traitement est donc 
repris, la saillie anormale disparaît et, en avril 1905, le malade, 
pour la seconde fois, est présenté à la Société de chirurgie par 
M. Walther, comme localement guéri de ce nouveau foyer morbide. Je 
dois ajouter qu’au commencement de l'année 1906, et sans aucune trace 
de récidive dans les deux régions successivement traitées, surviennent des 
maux de tête, des vomissements, des vertiges, en un mot les signes d’une 
nouvelle localisation intra-crânienne, à laquelle le malade succombe à la 
fin de l’année. 

J'ai été plus heureux dans un autre cas. Un jeune homme de treize 
ans est porteur depuis deux ans, à l'union de l'os occipital avec le tem- 
poral gauche, d'une tumeur du volume d'une noix verte, qu’on enlève à 
l'hôpital Trousseau. L'examen histologique confirme le diagnostic 
d'ostéo-sarcome porté avant l'opération. Une récidive assez rapide exige 
une nouvelle intervention de la part de M. Faure et, cette fois, la trépa- 
nation de la paroi crânienne. Une nouvelle récidive nécessite une troi- 
sième intervention ; l'opérateur, constatant que le néoplasme a envahi 
les méninges, se borne à enlever la masse principale. Après que la plaie 
opératoire est fermée, la peau de la région est progressivement soulevée 
par le développement d'un troisième foyer de récidive. A ce moment, en 
août 1905. il s'est écoulé huit mois depuis la première intervention ; 
c'est alors qu'on a recours à la radiothérapie. Elle fait disparaitre, en deux 
mois et demi, toute trace de la tumeur sans provoquer le moindre trouble 
des fonctions cérébrales, malgré que l’encéphale, au niveau de la région 
irradiée, ne soit plus recouvert et protégé par une paroi osseuse. Deux 
ans sont écoulés et le jeune malade est en très bon état. 

Dans l'extraordinaire observation du D" Skinner (de New-Haven), il 
s'agit d'une femme de cinquante-quatre ans, chez qui a été pratiqués 
l'hystérectomie abdominale avec ablation des annexes pour une tumeur 
considérée comme un fibrome utérin. Trois ans plus tard, développement 


BÉÈCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 625 


à la partie inférieure de la paroi abdominale, dans la région de la cicatrice 
opératoire, d'une tumeur qui grandit rapidement, en s'’accompagnant de 
symptômes de cachexie croissante et finit par atteindre les dimensions 
suivantes soigneusement mesurées : 25 centimètres de diamètre transver- 
sal, 20 centimètres de diamètre vertical et plus de 12 centimètres de 
diamètre antéro-postérieur. Cette dernière mensuration est effectuée au 
cours d'une incision exploratrice qui va jusqu'au péritoine, montre le 
néoplasme infiltrant tous les muscles de la paroi abdominale et permet 
d'en prendre un fragment pour l'examen microscopique; il s'agit d'un 
fibrosarcome et on le juge inopérable. C’est alors qu'intervient la radio- 
thérapie, longuement poursuivie avec une persévérance obstinée; on ne 
donne pas moins de 136 séances d'irradiation, qui se répartissent sur une 
période de deux ans et trois mois. Dès les premières semaines, les trou- 
bles fonctionnels s’améliorent, mais c’est seulement après six mois de 
traitement qu’on peut constater avec certitude une diminution dans le 
volume de la tumeur. Le résultat final est la disparition complète du 
néoplasme avec la transformation d'un état désespéré de cachexie crois- 
sante en une santé de tous points parfaite. | 
L'observation publiée par le D" Kienbock, privat-docent de radiologie 
médicale à l’Université de Vienne, est peut-être encore plus remarquable. 
C’est l’histoire d’un ingénieur anglais, ancien syphilitique, qui, depuis 
quatre ans, présente dans la moitié droite du thorax des accès nocturnes 
de vives douleurs, d'abord séparés par des intervalles de plusieurs mois, 
puis répétés presque chaque nuit et finalement accompagnés de troubles 
de la déglutition et de la respiration. Une forte voussure de la région 
sous-clavière droite, une matité correspondante de 14 centimètr.s et demi 
de largeur, le développement de la circulation veineuse co'latérale, 
l'œdème de la face et du cou font porter le diagnostic de tumeur du 
médiastin. L'examen radioscopique confirme ce diagnostic et, sur 
l'épreuve radiographique prise avant le traitement, à 80 centimètres du 
foyer de l'ampoule, on voit, correspondant à la voussure, une ombre 
anormale qui déborde à gauche mais surtout à droite l'ombre médiane 
et dont la largeur n’a pas moins de 15 centimètres et demi, elle s'étend 
en hauteur du bord supérieur de la clavicule à la quatrième côte, Dans le 
creux sus-claviculaire droit, le palper fait percevoir deux petits ganglions 
durs, l'examen microscopique du sang permet d'éliminer toute supposi- 
tion de leucémie. Devant les progrès incessants de la maladie depuis 
quatre ans et l'échec de nombreuses cures antisyphilitiques dirigées 
contre elle avec intensité pendant cette période, on est autorisé à penser 
qu'il ne s'agit pas d’une gomme, mais d’une tumeur maligne, vraisem- 
blablement d'un sarcome du médiastin. Ce diagnostic est d’ailleurs 


626 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


vérifié à Londres, quatre mois après le début du traitement, par l’excision 
et l’examen microscopique de l’un des ganglions du creux sus-clavicu- 
laire : trois histologistes compétents reconnaissent un sarcome ganglion- 
naire dont la structure est partiellement alvéolaire. Le traitement 
radiothérapique institué à Vienne par le D" Kienbock a lieu quotidien- 
nement, de la manière suivante. Le thorax a été divisé en une trentaine 
de circonscriptions, dont chacune est irradiée à son tour tandis que les 
autres sont protégées par une feuille de plomb; pendant les deux mois 
que dure le traitement, chacune d'elles est donc irradiée deux fois. 
L'effet bienfaisant de la radiothérapie se manifeste très rapidement. 
Aussitôt après les deux premières séances, les troubles fonctionnels 
s'améliorent; après la sixième, la voussure a presque complètement 
disparu. Deux mois plus tard, une nouvelle radiographie, prise dans les 
mêmes conditions que la première, donne une image du thorax qui diffère 
peu de l'image normale, et le malade, presque complètement guéri, est 
présenté à la Société médicale de Vienne le 14 avril 1905. Le traitement, 
continué un mois encore, fait progressivement disparaitre tous les 
symptômes de la maladie, à l'exception d’une légère fréquence du pouls. 
Six moix après cette présentation, et sans qu'il fût possible de répondre 
de l'avenir, la guérison se maintenait parfaite. 

La radiothérapie des sarcomes compte, on le voit, à son actif, de 
magnifiques succès, ce qui ne l'empêche nullement d'éprouver de nom- 
breux échecs. J’en ai, pour ma part, observé plusieurs exemples, dans 
des conditions en apparence beaucoup plus favorables que celles des cas 
précédents J'ai eu occasion de traiter simultanément, par la radiothérapie, 
un jeune homme de vingt-huit ans et une jeune femme de vingt-cinq ans, 
ayant tous les deux un sarcome de l’avant-bras. Le médiocre volume de 
la tumeur, la possibilité de faire pénétrer les rayons successivement par 
la face antérieure, par la face postérieure et par chacune des deux faces 
latérales du membre malade, par suite la possibilité de multiplier la 
quantité absorbée par le néoplasme sous-cutané, tout en respectant l'inté- 
grité de la peau semblaient permettre d'espérer le succès. Cependant, 
chez ces deux malades, simultanément traités de la même manière, avec 
les mémes doses, données aux mêmes intervalles, le résultat fut d'abord 
assez différent. La jeune femme ne retira aucun bénéfice du traitement, 
clle ne ressentit même aucun soulagement aux douleurs intolérables 
qu'elle éprouvait On dut lui amputer l'avant-bras, et elle mourut de 
généralisation, peu de temps après. Il est vrai qu'avant cette tentative 
infructuceuse de radiothérapie elle avait déjà subi une opération partielle 
et que sa maladie avait pris une marche très rapide. Chez le jeune homme, 
les douleurs disparurent dès la première hradiation, les mouvements 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 627 


devinrent plus faciles et la circonférence de l'avant-bras diminua, après 
quelques séances de traitement, d'un centimètre et demi. Cependant 
cette amélioration ne fut que temporaire, la maladie reprit son cours et 
finalement il dut à son tour être amputé. 

Ces deux exemples, par opposition aux précédents, suffisent à montrer 
combien sont complexes et souvent difficiles à apprécier les divers 
facteurs auxquels sont liés, dans la radiothérapie des tumeurs malignes, 
le succès ou l'insuccès. Une étude générale en sera donnée plus loin. 
En ce qui concerne les sarcomes, je dirai seulement que, au point de vue 
de leur sensibilité à l’action des rayons de Röntgen, il n'existe pas de 
différence radicale entre les sarcomes à cellules rondes et les sarcomes à 
cellules fusiformes, mais que la proportion des cas favorablement influen- 
cés est cependant plus grande pour les sarcomes à cellules rondes. 

b) Lymphadénomes. — Lymphadénie. — On sait combien est diffi- 
cile la distinction entre les diverses tumeurs malignes des ganglions, sans 
l'examen histologique et souvent même avec son secours. C’est donc 
surtout au point de vue clinique que j'étudierai l'influence des rayons 
de Röntgen sur les tumeurs malignes dont le point de départ parait 
ganglionnaire, sans m’appliquer à séparer les lymphosarcomes et les 
lymphadénomes. 

À juger seulement de l'influence des rayons de Röntgen sur les 
tumeurs malignes par les résultats obtenus dans le traitement des 
épithéliomas cutanés, muqueux et mammaires, il semble qu'ils ne 
puissent agir efficacement que sur des tumeurs superficielles et de très 
médiocre volume. Déjà l'étude de la radiothérapie des sarcomes montre 
la puissance de ces rayons, dans certaines conditions favorables, sur des 
tumeurs volumineuses et profondes C’est surtout contre certaines 
tumeurs ganglionnaires, et plus encore, comme on le vera plus loin, 
contre certaines tumeurs spléniques, en dépit de leur masse épaisse et de 
leurs dimensions géantes, que se manifeste le pouvoir de destruction 
élective des rayons de Röntgen. Ce résultat est d’ailleurs en accord avec 
les recherches expérimentales de Heinecke, qui ont révélé, à l’état phy- 
siologique, l'extraordinaire sensibilité des cellules blanches des organes 
hématopoïétiques et spécialement des lymphocytes. 

Qu'il s'agisse, chez des malades anémiques, cachectiques, mais non 
leucémiques, d'une énorme et unique tumeur ganglionnaire, grosse 
comme une tête d'enfant, d’un groupe de masses ganglionnaires fusion- 
nées et faisant corps avec la peau qui les recouvre ou de masses multiples 
plus ou moins symétriquement réparties au cou, dans les aisselles et dans 
les aines, rien n’égale parfois l'extraordinaire rapidité avec laquelle fon- 
dent ces tumeurs, Elles sont, il est vrai, souvent remplacées par d’autres 


628 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


localisations plus profondes et moins accessibles au traitement. Cepen- 
dant, même dans les cas de volumineuses tumeurs ganglionnaires du 
médiastin, constatées par l'exploration radiologique, alors que la 
dyspnée, le tirage, la cyanose et le développement de la circulation 
veineuse collatérale témoignent du trouble de la fonction respiratoire et 
de l'asphyxie menaçante, il n’est pas rare d'obtenir de la radiothérapie 
une amélioration rapide et extraordinaire, qui va jusqu’à la disparition 
de tous les symptômes, mais qui trop souvent n’est que temporaire. 

D'une manière plus générale, dans toutes les localisations de la 
lymphadénie aleucémique, dans les localisations cutanées, amygdaliennes, 
testiculaires, osseuses de cette mystérieuse maladie. aussi bien que dans 
ses localisations ganglionnaires, la radiothérapie donne souvent, au point 
de vue de la rapide disparition des lésions traitées, les résultats les plus 
surprenants et les plus heureux. Il en est ainsi tout particulièrement 
pour les tumeurs cutanées et sous-cutanées du mycosis fongoide. 

c) Leucémnies et splénomégalies. — La leucémie a droit à une men- 
Lion dans ce rapport, non parce qu'elle a été appelée le cancer du sang, 
mais en raison des tumeurs ganglionnaires et des tumeurs spléniques 
qui manifestent son existence ; leur malignité n'est que trop prouvée par 
la terminaison presque toujours fatale de la maladie. 

Il est aujourd’hui hors de doute que la radiothérapie est le traitement 
spécifique des deux formes, lymphatique et myéloïde de la leucémie. 
Pour faire disparaitre chez un leucémique les grosses masses ganglion- 
paires du cou, des aisselles, des aines et ınême du médiastin, pour 
ramener à ses dimensions habituelles une rate démesurément hypertro- 
phiée, pour abaisser au taux normal le nombre excessif des globules 
blancs et rétablir l'équilibre leucocytaire, pour augmenter consécutive- 
ment le nombre des globules rouges et leur richesse en hémoglobine, il 
n’est certainement pas d'agent plus puissant que les rayons de Röntgen. 

Dans la leucémie, la radiothérapie agit favorablement sur le sang, 
sur la rate, sur les adénopathies, sur les troubles fonctionnels et sur 
l'état général des malades, mais de tous ces heureux effets, il n’en est pas 
de plus frappant et de plus palpable que la diminution de volume de la 
rate. J'en ai vu plusieurs exemples, dont le dernier observé est le plus 
frappant. Chez un homme âgé et amaigri, le développement du ventre 
rappelle celui d’une femme enceinte ; il tient au volume excessif de la rate, 
qui remplit plus de la moitié dela cavité abdominale, puisqu'elle remonte 
dans l'hyponchondre gauche jusqu'a 15 centimètres au-dessus du rebord 
des fausses cote’, descend jusqu’à l'arcade crurale gauche, en mesurant 
37 centimètres de hauteur sur la ligne verticale mamelonnaire et déborde 
à droite la ligne médiane, de 10 centimètres au-dessus de l’ombilic et de 


BÊCLÈRE. — TUMEURS MALIGNFS 629 


12 centimètres au-dessous, ne mesurant pas moins de 41 centimètres 
dans le sens transversal. Cependant, après six mois de traitement, la 
rate a repris ses dimensions normales, elle est tout entière cachée sous le 
rebord des fausses côtes. 

Rien ne démontre mieux à quelle profondeur et dans quelle étendue 
peut s'étendre l'action destructive des rayons de Röntgen quand les 
éléments qu'ils frappent sont très sensibles à leur action. 

Il faut l'avouer cependant, si merveilleux que soient les résultats 
thérapeutiques dans les cas de leucémie les plus favorahles, ils ne sont 
pas le plus souvent synonymes de guérison. Chez un certain nombre de 
malades, l'amélioration plus ou moins partielle et temporaire n’a fait que 
retarder la terminaison fatale. Chez d'autres une amélioration très 
notable et même une guérison apparente de la maladie ont été suivies, 
après une rémission plus ou moins longue, d'un retour offensif des 
accidents et la reprise des accidents n’a pu empêcher la mort. 

L'explication la plus vraisemblable de ces échecs, c’est qu'un certain 
nombre des globules blancs, pathologiques et peut-être néoplasiques, 
échappe a l’action destructive de la radiothérapie et devient le point de 
départ d’une nouvelle multiplication et de nouveaux foyers secondaires 
moins accessibles au traitement que les foyers primitifs. 

Quoi qu’il en soit de cette explication, il n’est plus permis de dire 
que l’action thérapeutique des rayons de Röntgen est une action exclu- 
sivement superficielle. | 


[A suivre). 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — SEPTEMBRE 1907. 4 


Propriétés physiques des Rayons X. 
Étude qualitative et quantitative. 


Par M. M. CHANOZ, 


Docteur ès-Sciences physiques, 


Chef des Travaux de Physique médicale à la Faculté de Lyon. 


(Suite). 


DEUXIÈME PARTIE 
ÉTUDE QUALITATIVE ET QUANTITATIVE DES RAYONS X 
A. Étude qualitative 


Il existe différentes qualités de rayons X. — Soit un tube de 
Crookes fixé sur la trompe à mercure et placé dans le circuit secondaire 
d'une bobine Rumbhkorf suflisante pour l’actionner. Mettons un excitateur 
a pointes en dérivation sur le tube radiogène. 

Si l’on excite le tube, que l’on rapproche convenablement les pointes 
de l'excitateur, on voit la décharge hésiter entre les deux voies qui 
lui sont oflertes : le tube, l'espace d'air de l’éclateur, et passer inditté- 
remment à travers l'une ou l’autre, comme si les résistances s’éqguiva- 
laient. 

La résistance offerte par le tube au passage du courant est donc, en 
quelque sorte, indiquée par la longueur de l'étincelle formée dans ces 
conditions. L’excitateur mesureur d'étincelle est le spintermètre. L'étin- 
celle mesurée est l'étincelle équicalente, 

L'expérience prouve que l'étincelle croit de plus en plus à mesure 
que le vide du tube augmente : elle passe de quelques millimètres à des 
décimètres. 

Si nous recherchons le rayonnement du tube par la luminescence 
d'un écran de platinocyanure de baryum, voici ce que nous constatons : 

Quand le tube est à peine fluorescent, que l'étincelle équivalente est 
très petite (de l'ordre du millimètre, l'écran placé au contact du tube 
s'illumine faiblement ; l’illumination disparait à distance, elle est empéchée 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 631 


« . 


par quelques feuilles de papier à cigarettes intercalées entre le tube et 
Fécran. Le tube donne donc des rayons de très fuible pénétration : le 
tube est dit érès mou (Röntgen). 

Augmentons le vide : l'étincelle croît, le tube est mou, les rayons 
traversent du carton, puis les chairs. Vers 5-6 centimètres d’étincelle, 
on a très nettement sur l'écran fluoroscopique la silhouette de la main, 
avec l'ombre très accusée des os. Si le vide croit encore, le tube 
devient dur puis très dur, l'étincelle dépasse 10, 20 centimètres, etc. ; 
les os sont facilement traversés; leur ombre ne contraste plus aussi 
nettement avec celle des chairs; les rayons très pénétrants, traversent 
des épaisseurs croissantes d'aluminium, ete Röntgen a pu produire des 
rayons X ultra-pénétrants, traversant 4 centimètres de fer, par ‘exemple. 

Ainsi donc, un tube donné peut, en variant son degré de vide, donner 
des rayons de pénétration très différente. 

Il ne faudrait pas croire que la pénétration des rayons X dépend 
exclusivement du degré de vide du tube radiogène. Röntgen, déjà, avait 
vu que l'on peut, à un tube très mou étincelle de quelques millimètres), 
faire donner des rayons peu absorbables en mettant simplement en série 
avec le tube, une distance explosive, ou en intercalant un transformateur 
de Tesla. Le même auteur avait constaté que le fonctionnement différent 
de l'interrupteur, amenait des variations de la qualité des rayons produits 
(sans doute par modification de la forme du courant excitateur). 

Alors que le degré de vide nécessité dans les tubes habituels pour 
la production des rayons X est de l'ordre du 1/1000° de millimètre de 
mercure, Röntgen avait pu obtenir des rayons X avec un tube étroit 
contenant de l'air et des fils métalliques comme électrodes, pour une 
pression intérieure de 3,l millimètres, avec l'hydrogène la pression 
peut même être plus élevée. 

M. Villard, dans ses belles recherches sur les rayons cathodiques, a 
prouvé que la résistance d’un tube dépend uniquement de ce qui conduit 
le courant à travers le tube, c’est-à-dire de l'af/lux cathodique C'est la 
section de cet aflux et, par suite, la section de l'émission cathodique qui 
décide de la résistance du tube, de la longueur de l’étincelle équivalente. 
- Il ne saurait être question, dit M. Villard, d'un degré de vide conve- 
nant au phénomène de Geissler et d’un autre permettant la production 
des rayons cathodiques » (1) et, peut-on ajouter, des rayons X. 

Si des tubes de Crookes divers, greftés sur la même trompe à mercure 
(mème degré de vide par suite) sont excités, on constate qu'ils fournis- 
sent des rayons de pénétration différente : ils n’ont pas la même longueur 


(1) Journal de Physique {1899). 


632 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d’étincelle équivalente. Si, par un vide approprié différent, on les amène 
à donner la mème étincelle -équivalente, ils pourront produire des 
rayons X de mème pénétration (1). | 

La conclusion de tous ces faits est la suivante : Chaque tube radiogène 
possède sa personnalité propre; elle dépend de la forme, des dimensions 
du tube, du degré de vide, du mode d’excitation, toutes conditions 
qui régissent l’afflux cathodique. Ce qui, pratiquement, caractérise un 
tube de Crookes, c'est la longueur d'étincelle équivalente à l'instant 
considéré. 


Le rayonnement issu d’un tube est hétérogène. — Nous venons de 
voir que l’on pouvait produire des rayons de qualités différentes. Les 
phénomènes d'absorption sur lesquels nous avons à dessein insisté dans 
la 1'° partie de cette revue, montrent qu'un faisceau donné de rayons X 
est quelque chose de très complexe. De même qu'un faisceau de lumière 
blanche est formé d’une infinité de radiations simples, qualifiées pratique- 
ment par les couleurs : rouge, orangé, etc., de l’arc-en-ciel, un faisceau 
de rayons X issu d'un tube, est constitué par des rayons de qualités 
différentes. 

Nous avons montré que si des rayons homogènes traversent des 
épaisseurs de substance absorbante croissant suivant la progression 
arithmétique 1, 2, 3, ete..., les faisceaux émergents correspondants ont 
les intensités relatives 1, 1/4, 1,9, 1/16, etc. i 

Or, l'intensité d'un faisceau de rayons X décroît rapidement d'abord, 
ensuite de moins en moins vite, puis finalement régulièrement, suivant 
une progression géométrique comme l'ont montré nettement MM. Benoist 
et Hurmuzescu avec l'électroscope, M. Benoist par la méthode fluoros- 
copique. 

Il faut donc conclure de cette constatation, que le faisceau de 
rayons X incident est complexe, hétérogène, qu'il est formé de rayons 
peu pénétrants absorbés par les premières épaisseurs traversées, et de 
rayons plus pénétrants qui, partiellement absorbés, sont par les filtrations 
successives débarrassés des autres. Pour une épaisseur suffisante, le 
faisceau émergent est pratiquoment pur 

Küntgen avait constaté que la qualité des rayons X émis par un tube 


11) Dans son étude systématique du fonctionnement du tube de Crookes, M. Turchini 
a vu que la longueur d’étincelle équivalente varie, pour un tube radiogène donné, avec 
l'intensité du courant, la grandeur de la bobine, le nombre des interruptions du courant 
primaire 

Études erpérimentales sur la puissance du tube à rayons X dans ses divers 
m des d'emploi. (Thèse, Paris, 1905, No 229). 


T memme SO a 


Te où 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 633 


n’était que peu ou point modifiée par des variations notables d'intensité 
du courant dans le primaire (en supposant que l'interrupteur fonctionne 
également dans tous les cas). M. Turchini `a trouvé que lorsque la 
puissance consommée dans la source électrogène augmente, pour un 
tube donné, l’étincelle équivalente croît ; la constitution du faisceau 
varie ; la pénétration s'accroît avec l'intensité du rayonnement. 


Problème de l'isolement d'un faisceau homogène. — Un faisceau 
lumineux complexe, blanc, par exemple, étant donné, on peut, au moyen 
de procédés différents appropriés, isoler tel groupe restreint de radiations 
que l’on désire. | | 

a) Utilisant un prisme ou un réseau qui étale, sépare les rayons 
appropriés de à différents, il est très facile, par un écran convenablement 
placé, d'isoler telle ou telle radiation, que l’on peut d'ailleurs épurer 
davantage par un nouveau passage à travers un second prisme. 

b) En employant des milieux appropriés (écrans colorés) présentant 
des bandes d'absorption on supprime telles régions du spectre que l’on 
veut. 

c) Par des réflexions successives de rayons de grandes longueurs 
d'onde sur des miroirs de fluorine, sylvine, etc..., qui réfléchissent 
métalliquement ces radiations et absorbent les autres voisines, Rubens a 
pu isoler dans l’infra-rouge des radiations atteignant jusqu'à 61,5 p (Ces 
rayons restants ont des propriétés voisines de celles des rayons hertziens). 

Quand il s’agit de rayons X les conditions diffèrent. Ces rayons ne se 
réfléchissent, ne se réfractent, ne se diffractent apparemment pas. On ne 
peut donc songer pour les séparer qu’à une sélection par des milieux absor- 
bants. L’examen des courbes d'isotransparence, des résultats annoncés 
par M. Benoist sur la forme de ces courbes, prouvent bien qu'il existe une 
absorption élective des corps, des sortes de bandes d'absorption pour 
certaines radiations X, mais dans l'état actuel de nos connaissances, les 
choses se présentent pratiquement de la façon suivante. 

1° Un faisceau pur de rayons X étant donné (débarrassé par un 
prisme de ce qui est déviable) on ne peut isoler pour les conserver que 
les rayons les plus pénétrants (de plus faibles >) et cela seulement par 
filtration à travers une épaisseur suftisante de matière aradiochroïque. 
On est tout à fait incapable d'isoler de ce faisceau hétérogène telle autre 
radiation peu pénétrante que l'on désire. Quand l'on a des rayons mous, 
on a aussi dans le faisceau des radiations plus pénétrants. 

20 Si l'on veut des rayons relativement purs peu pénétrants, il faut 
nécessairement préparer un faisceau bien moins pénétrant qui les ren- 
ferme et l’épurer par filtration convenable comme il vient d’être dit. 


634 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


On remarquera d’ailleurs qu'une substance donnée, d'après les ren- 
seignements actuellement connus, ne présente pas, en général, pour les 
divers rayonnements, des différences d'absorption énormes; il en résulte 
que la purification ne peut fournir la radiation pure qu'avec une intensité 
très faible par rapport à celle du faisceau incident. C’est là, on le conçoit, 
une difficulté considérable qui apparait dans l'étude des rayons purs X 
de diverses qualités, de différentes longueurs d'onde. 


Propriétés relatives des rayons X de qualités différentes. — Ce qui 
précède prouve que l’on ne peut pratiquement comparer que les pro- 
priétés moyennes de groupes plus ou moins complexes de rayons X 
différents. 
| Etudions l’action des divers rayonnements sur les plaques photo- 

graphiques, les substances fluorescentes et les tissus. 

A) Action photographique. — Dans un travail déjà cité, M. Tur- 
chini indique que, pour de courtes poses égales, l'impression photo- 
graphique, mesurée par la transparence du cliché, augmente avec l’étin- 
celle équivalente jusqu'à ce que celle ci atteigne 10 à 12 centimètre et 
se maintient ensuite constante (pour une intensité constante du courant 
secondaire). Cet auteur fait remarquer que ce résultat est en contra- 
diction avec ce que l’on admet généralement : faible impression donnée 
par le rayonnement issu d'un tube dur. 

MM. Röntgen pour les rayons X, Sagnac pour les rayons secon- 
daires ont, en effet, constaté une action photographique moindre des 
‘rayons très pénétrants, peu absorbés. | 

M. Villard a, de plus, montré à la Société de Physique que les 
rayons y très pénétrants du radium (ils traversent une épaisseur de 
10 centimètres de plomb) ne donnent pas d'impression photographique 
appréciable sur une seule plaque sensible. Pour que l'on constate l'im- 
pression réelle cependant, il faut regarder, par transparence, un certain 
nombre de clichés superposés obtenus en même temps par l'action des 
rayons y sur une pile de plaques sensibles. 

Cette expérience parait bien prouver que l’action dépend de la 
quantité de rayonnement absorbé, et que la comparaison des actions 
photographiques des divers rayonnements X nve parait rigoureusement 
possible qu'en agissant avec la même énergie de rayons différents, 
complètement absorbés par une épaisseur suffisante de gélatino-bromure 
d'argent (1). 


(1) Certaines plaques spéciales pour la radiographie — et qui n’ont que l'incon- 
vénient d'être très lentes à développer et fixer, — sont formées d'une épaisse couche 
sensible qui absorbe, par suite, une plus grande fraction du rayonnement incident; 
elles donnent des impressions plus fortes que les plaques ordinaires. 


pe 


CHANOZ. — FROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 635 


Les résultats de M. Turchini conservent toute leur valeur pratique; 
ils ne sauraient prouver que l’action photographique élémentaire croit 
avec la pénétration. 

B) Actions sur le platinocyanure de baryum. — Cette action est 
double. Les rayons X provoquent la fluorescence des cristaux du sel; 
de plus ils amènent le changement de teinte, le brunissement de ce 
corps, comme l'a montré M. Villard. 

J° Concernant la fluorescence, les auteurs semblaient d'accord pour 
admettre quelle parait excitée par tous les rayons proportionnellement 
à leurs énergies relatives (Sagnac). 

M. Turchini, comparant l'éclat de son écran de platinocyanure de 
baryum à celui d’une lampe à incandescence armée de verres colorés 
dans une sorte de ph:tomètre de Foucault, a constaté les faits suivants 
(pour un interrupteur donné) : 

a) Pour une intensité donnée du secondaire l'éclat provoqué par un 
tube à rayons X croit avec la longueur del'étincelle équivalente jusqu’à 
10-12 centimètres, puis au delà est pratiquement constant; 

b) L'éclat augmente pour des intensités croissantes du courant secon- 
daire et une longueur d’étincelle donnée. 

Ce sont là des données globales importantes pour la pratique radios- 
copique. 

Röntgen, par une expérience intéressante, a prouvé que les rayons X 
n'ont pas la même loi d'action sur les plaques photographiques et 
l'écran fluorescent dans les conditions où on les utilise d'ordinaire. 

Dans un photomètre, on règle la position de deux tubes de Crookes : 
l'un doux, l’autre dur pour obtenir la même fluorescence d'un écran au 
platinocyanure de baryum. En remplacant cet écran par une plaque 
photographique, on constate que les impressions données par les deux 
tubes ne sont pas les niémes. Comme l'indique d'ailleurs Röntgen, les 
résultats ne valent, bien entendu, que pour les conditions de l'expé- 
rience (épaisseurs utilisées de platinocyanure, de gélatino-bromure 
d'argent). L'écran et la plaque n'utilisant qu'une fraction des rayons 
incidents, laissent filtrer une quantité de rayonnement capable encore 
de produire la fluorescenee ou des actions photographiques. 

2° Pour une action assez prolongée des rayons X, le platinoeyanure 
de baryum cesse d’être fluorescent, change de couleur, brunit : c'est la 
réaction de Villard. Le sel ainsi modifié (par déshydratation, disent 
certains auteurs), peut être transformé par la lumière, qui le ramène à 
son état primitif. Les rayons efficaces pour cette régénération, pour ce 
dévirage constituent, dans le spectre solaire, trois groupes placés dans 
les : rouge, jaune, vert (Villard). 


636 | ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Nous n'avons pas connaissance d'expériences correctes qui prouvent 
indiscutablement que le virage au brun du platinocyanure dépend ou ne 
dépend pas de la qualité des rayons X utilisés. Puisque on a bésé sur la 
réaction de Villard, comme nous le verrons plus tard, des procédés de 
soi-disant dosage du rayonnement X, il serait donc important de réaliser 
de semblables expériences. Cela est délicat à coup sûr mais parfaitement 
possible cependant. 


C) Actions sur l'electroscope. — En raison de leur action ionisante, 
les rayons X ramènent au zéro la feuille d'or déviée d’un électroscope 
chargé. Des travaux de M. Sagnac sur les rayons secondaires, il semble 
résulter que les rayons pénétrants ont des actions : électrique, photo- 
graphique parallèles; ils sont moins actifs sur l'électroscope que les 
rayons plus absorbables. 

Reconnaïissons que nous n’avons actuellement que des indications peu 
précises sur la question; l’étude, pour être fructueuse, devrait être non 
pas seulement qualitative mais aussi quantitative. 


D) Action physiologique. — Le spectre visible des vibrations 
lumineuses qui comprend environ l'étendue d'une octave renferme des 
radiations à propriétés physiologiques bien distinctes sur lesquelles 
nous n'insisterons pas ici. 

Les rayons X et certains rayons S constituent probablement une 
étendue bien plus considérable de radiations « ultra-ultra violettes » 
allant peut-être du voisinage des rayons de Schümann (> = O., l u) au- 
delà des longueurs d'onde 0,27 (Haga et Wind). 

Il parait naturel, à priori, que des rayons X qui traversent seu- 
lement quelques millimètres d'air, aient des propriétes différentes de 
ceux franchissant 10 centimètres de plomb. Nous avons soutenu, il y a 
longtemps déjà (1), que la qualité devait intervenir dans l'action des 
rayons X sur les tumeurs, les tissus vivants. On sait, en effet, que les 
rayons très pénétrants sont, en général, moins actifs que les autres; 
que des rayons donnés agissent différemment sur les divers tissus. De 
plus, MM. Bergonié et Tribondeau (2) auraient, parait-il, constaté une 
sorte d'action élective de certains rayons pour des tissus donnés, puisque 
« certaines cellules sont presque insensibles à certains rayons X, tandis 
que leur sensibilité passe par un maximum quand on fait varier le degré 
de ces rayons » (3). 


(1) Chanos. Cancers et rayons X. Journal des Praticiens de Lyon, 1903. 

(2) Archives d'électricité médicale, 1907, p. 135. 

(3) Depuis la rédaction de ce Mémoire, MM. Broca et Turchini (Archives d'élec 
tricité médicale, 1907, p. 602), ont signalé qu'un même tube osmo-régulateur suivant 
ses connexions avec la bobine excitatrice produisait des rayons X à actions très difé 
rentes sur les téguments du lapin (durée de latence très variable). 


a a 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 637 


Importance de la qualité dans les applications médicales. — Les 
applications médicales actuelles des rayons de Rôntgen sont de trois 
sortes : radiographie, radioscopie, radiothérapie. Envisageons-les rapi- 
dement. 


A) Radiographie. — Que demande-t-on à une radiographie ? De 
donner avec un contraste aussi marqué que possible, les traces des projec- 
tions coniques sur la plaque, des parties explorées par le faisceau hété- 
rogène de rayons X issu d’un tube convenablement placé. 

Il est bien évident que si les rayons sont trop peu pénétrants, on 
n'aura que la silhouette des contours de la région (du poignet, par 
exemple). Il est non moins évident que si tous les tissus étaient également 
traversés, on n'aurait qu’une impression uniforme : on ne distinguerait 
pas les os des chairs ; on verrait seulement les différences d'épaisseur. 
Pour certains rayons qui traversent la main on voit les os, parce que les 
os sont plus absorbants que les autres tissus. 

Si, pour des qualités différentes de rayons, les tissus (os, chairs) 
conservaient la même transparence relative, on n'aurait aucun intérêt à 
choisir le rayonnement, le contraste serait toujours le même. Quel que 
soit le rayonnement utilisé, l'expérience prouve que telle dureté de tube 
convient mieux que telle autre pour donner un meilleur contraste ; cela 
se produit parce que les tissus ne sont pas aradiochroïques, qu'ils sont 
inégalement r'adiochroiques. Le problème radiographique consiste donc 
à déterminer le rayonnement qui donne les meilleurs ombres dans chaque 
cas. Si nous possédions des rayons homogènes, que nous connaissions les 
équivalents de transparence des divers tissus de la région étudiée pour les 
divers rayons, la solution serait relativement facile à trouver. 

Parmi tous les rayons capables de traverser la région, on choisirait 
celui pour lequel le tissu à mettre en évidence (os, artères, calculs du 
rein, etc.) présente sous l'épaisseur considérée une absorption maximum 
par rapport à l'absorption due à l'épaisseur des tissus voisins compris 
dans toute la traversée de la région. On aurait alors le plus grand 
contraste possible. 

Il faut reconnaitre que nous n’en sommes pas là. C’est par tâtonne- 
ments successifs que dans l'art du radiographe (nécessitant un véritable 
apprentissage), l'on est arrivé à trouver l'éfat d'un tube donné qui 
convient le mieux à telle opération de radiologie. Non seulement les 
rayonnements sont complexes, variables, mais de plus les épaisseurs 
absolues et relatives des tissus à traverser varient Une dureté du tube 
convient pour déceler un calcul du rein chez un sujet, qui ne donnera pas 
de bons résultats chez un autre sujet plus adipeux, par exemple. 


638 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


Les opérations sont en général cependant moins difficiles que dans ce 
cas extrême, et il existe une certaine latitude dans le choix pratique du 


tube a employer. 


B) Radioscopie. — Nous ne parlerons pas ici des conditions exigées 
quant à la succession des décharges, la sensibilité toute spéciale de l'œil 
examinateur pour réaliser la meilleure étude radioscopique. Tout ce 
que nous avons dit pour la radiographie est vrai en général pour la radios- 
copie. On a cependant intérêt pour une région donnée à utiliser des 
“ayons plus pénétrants pour radioscoper que pour radiographier. 

En pratique, on a l'habitude pendant un examen de varier la pénétra- 
tion du rayonnement. On débute avec un faisceau pénétrant et précise les 
détails en ramollissant le tube de Crookes (1). 


C) Radiothérapie. — Nous savons que les rayons X modifient, 
détruisent certains tissus par un mécanisme inconnu. 

Il est fort possible que les rayons agissent quand et où ils sont 
absorbés et proportionnellement à leur absorption ; ce qui tendrait à le 
prouver c'est l’action surtout superficielle de ces rayons. ll est très pro- 
bable qu'ils doivent néanmoins agir dans la profondeur, car indépen- 
damment de l'absorption quelque faible soit-elle, il doit surement, 
surtout au niveau des tissus denses (os), y avoir production des rayons 
de Sagnac moins pénétrants et peut être plus actifs. 

On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas d'action profonde parce 
que l'on n'observe pas de modifications de la peau. Si l'on se propose 
d'agir dans la profondeur des tissus, il est inutile d'employer des rayons 
abondamment fixés par les couches supérieures (peau); il est donc 
rationnel de filtrer daus ce cas le rayonnement utilisé pour le débarrasser 
des rayons très absorbables qu'il renferme. 

Nous ferons, en passant, une dernière remarque. Le même organe 
profond étant placé chez les divers animaux ou sujets de même espèce, 
à des profondeurs diflérentes au-dessous de la peau, on n'aura pas néces- 
sairement une même action des rayons X sur cet organe, chez tous les 
animaux. Parexemple, si une lapine est stérilisée par les rayons de Röntgen 
agissant sur l'abdomen, rien ne prouve qu'une femme le sera également. 


(1) Les recherches de M. Turchini ont montré que les meilleures conditions pour 
obtenir le maximum d'éclat de l'écran, la meillleure durée des tubes sont réalisées avec 
un nombre de 30 interruptions par seconde, quelles que soient les intensités utilisées 
(Thèse citée, page 65). 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS NX. 639 


DÉTERMINATION ET PRODUCTION DE LA QUALITÉ D'UN RAYONNEMENT X 


I. — Détermination de la qualité. (Radioqualitamétrie de certains 
auteurs). — Pour caractériser le rayonnement d'un tube de Crookes, 
différentes méthodes ont été proposées, que l'on peut diviser en deux 
groupes : 

A) Les méthodes directes s'adressant au rayonnement lui-même. 

B) Les méthodes indirectes indiquant, par des mesures électriques 
du courant excitateur, l'état du tube radiogène en circuit, 


A) Méthodes directes. — Ces méthodes, plus générales que les 
méthodes indirectes, permettent d'étudier non seulement les rayons issus 
du tube, mais aussi ce rayonnement filtré. Ces méthodes sont basées sur 
les propriétés radiochroïques des corps pouvoir absorbant différent pour 
les divers corps et les divers rayons X). 

1° L'une très simple, mais seulement approximative, consiste à 
radioscoper la main. Du constraste plus ou moins marqué entre l'ombre 
des os et des chairs, on conclut à la pénétration plus ou moins grande 
du rayonnement. 

Malgré l'insuffisance de la méthode, les radiographes l’appliquaient 
faute d'autre, à l'origine, et l’appliquent encore souvent de nos jours. Son 
inconvénient principal — il n’est pas à dédaigner — c'est qu'on expose la 
main aux dangers de la radiodermite. 

2 Voici le principe des radiochromoniètres. On a une série d’épais- 
seurs régulièrement croissantes d’une substance (Ll, 2, 3, x) et une seule 
épaisseur d’une deuxième substance. Cet ensemble étant disposé côte à 
côte, entre un tube de Crookes actionné et un écran au platinocyanure 
de baryum ou une plaque photographique, on recherche sur l'écran ou 
sur la plaque sensible quelle est l'épaisseur (le numéro) du premier corps 
qui fournit une ombre égale à celle donnée par la seconde substance. 
Ce numéro considéré caractérise le rayonnement cherché (1). 

a) Röntgen utilisait déjà ce procédé dans son appareil « fenctre- 
platine-uluminium » : 

Une feuille de platine mesurant 4 em x 6 em,5 X 0 cm, 00026, est 
percée de 15 fenêtres de 0,7 centimètres de diamètre, comblées par des 
disques d'aluminium de 0,0299 mm x 1; 0,0299x 2; ete. 

Le numéro de la fenètre /(Fensternummer) pour laquelle l'ombre 
portée sur l'écran se confond avec celle de la feuille de platine adjacente, 
définit la qualité du rayonnement. 


(1) Voir Première partie : Genéralités sur l’absorption. 


640 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


b) M. Benoist, qui le premier crée le mot « radiochromomètre » sinon 
la chose, emploie un disque d'argent de 0,11 mm., circulairement 
entouré de secteurs d'aluminium dont l'épaisseur croit de 1 à 12 milli- 
mètres du 1° au 12e, 

Dans son dernier dispositif : lunette radiochrornométrique, le sytème 
décrit, muni d'un petit écran fluoroscopique est placé dans une sorte de 
lunette munie d'un oculaire approprié. Un diaphragme de plomb échancré 
permet de voir successivement, pour la comparaison nette à la lame 
d'argent toujours découverte, chacun des 12 disques d'aluminium. 

c) D’autres dispositifs ont été décrits comme variantes de l'appareil 
Benoist. Nous citerons seulement la lunette pénétratométrique de 
M. Belot (1), dans laquelle la lame d’argent de 0,11 mm., rendue mobile, 
est déplacée le long des escaliers d'aluminium. On peut facilement, en 
vision binoculaire et sans éblouissement, rechercher nettement l'égalité 
d’éclairement. 

3° M. Contremoulins, dès 1902, évaluait de la façon suivante la 
qualité des rayons X. 

Un écran de platinocyanure de baryum, placé à distance fixe de 
l’anticathode d’un tube de Crookes, est divisé en 2 portions égales. 

Entre l'une de ces portions, nommée « plage de comparaison » et 
l'œil observateur, est disposé un verre neutre qui diminue par absorption 
et dans des proportions connues l'éclat de la plage correspondante 
(de 70 2). Derrière l'écran de la deuxième plage dite « plage de péné- 
tration » se déplace une série de lames d'argent électrolytique 1, 2, 3. 4, 
5, 6, 7, 8, dont les épaisseurs varient comme 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 
16 centièmes de millimètre. Le problème consiste à trouver la lamelle 
d'argent qui donne à la plage de pénétration le même éclat que celui de 
la plage de comparaison, vue au travers du verre d'absorption. On aura 
des rayons N° 4 si l’on utilise pour ce résultat la lame N° 4, d'épaisseur 
8 centièmes de millimètres (2). 


B) Méthodes indirectes. — Ces méthodes caractérisent l’état d’un 
tube radiogène, la résistance présentée par ce tube à l'afflux cathodique. 
Sans autres investigations préalables, ces méthodes indirectes sont 


(1) Congrès de l'A. F. A. S. de Lyon, 1906. 

(2) Cet appareil, portion du Métroradioscope ingénieux, sur lequel nous revien- 
drons plus loin, amène la réflexion suivante Soit un rayonnement X; pour amener 
l'égalité des plages de pénétration et de comparaison, il faudra par exemple la lame 5; 
si l'argent était rigoureusement aradiorhroïque, un autre rayonnement nécessiterait la 
méme lame pour l'égalité des plages. Or, cela n’a pas lieu. Il faut donc en conclure ou 
bien que l'argent est radiochroïque, ou encore que l'action élémentaire des rayons X 
sur la fluorescence du platinocyanure n’est pas la mème pour tous ainsi qu'on l’admet. 


CHANOZ. — PROPRIÈTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 641 


incapables de donner, comme les précédentes, des renseignements sur 
le rayonnement filtré par un écran. Nous indiquerons les procédés prin- 
cipaux des : Spintermèêtre, Milliampèremètre, Voltmètre. 


I. Emploi du Spintermètre. — La longueur de l’étincelle équivalente 
renseigne, on l’a vu, sur la dureté du tube et par. suite sur la qualité 
moyenne du rayonnement de ce tube. C’est là une indication moins 
précise assurément que celle fournie par le radiochromomètre, car deux 
tubes de même étincelle n'ont pas nécessairement le mème rayonnement, 
mais elle est très fréquemment utilisée, en raison de sa commodité. Elle 
permet en particulier d'étudier simplement les variations d’un tube dans 
le temps (1). 

On devrait toujours spécifier les terminaisons de l’éclateur, car un 
tube donné possède une étincelle plus longue avec un spintermètre à 
pointes qu'avec un appareil à boules, ou pointe et disque plan. 


IT. Emploi du Milliampèremètre. — Nous savons que la résistance 
du tube à l’afflux cathodique (fonction du degré de vide, de la forme, du 
mode d'excitation du tube) décide de la qualité du rayonnement X émis 
par ce tube. Si la source électrique utilisée (courant induit direct seul 
d’une bobine par exemple) a un potentiel constant, il parait naturel que 
pour une résistance du tube donnée, l'intensité du courant soit également 
définie. Un milliampèremètre convenablement isolé et placé dans le 
circuit contenant le tube de Crookes donnera donc, dans ces conditions, 
des indications invariables tant que le tube considéré fournira une 
qualité donnée de rayons. Si la résistance du tube croit (l’étincelle 
équivalente augmentant) on conçoit bien que les déviations galvanomé- 
triques diminueront; au contraire, si le tube mollit, le milliampèremètre 
indiquera une intensité croissante. 

L'emploi du milliampèremètre dans le circuit du tube radiogène peut 
donc renseigner à la facon du spintermètre et des radiochromomètres 
sur la pénétration du rayonnement émis par l'appareillage utilisé. Un 
avantage du procédé c’est qu'il ne demande pas l'obscurité de la pièce où 
l’on opère, comme les radiochromomètres ; qu'il n’amène pas, comme le 
spintermètre, la cessation des décharges à travers le tube de Crookes 
pendant les mesures, et que ces mesures peuvent se faire à chaque instant 
et à distance de l'appareil. 

Il ne faut pas se dissimuler certaines difficultés. Le flux électrique 
à travers le tube est discontinu, et la mesure ne peut être correctement 


(1) La résistance varie surtout au début et à la fin d’un long fonctionnement. 


642 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pratiquée qu'autant que la succession des décharges est normale ; que 
pour un voltage donné du primaire, les interruptions se font de façon 
parfaitement régulières, sans « ratés » (nous supposons le cas du cou- 
rant continu et d’une bobine), ce qui est bien difficile à obtenir en général. 

Le millampéremètre préconisé par MM. d'Arsonval et Gaiffe donne 
des résullats parfaits quand la source électrogène est du courant alter- 
natif comparable à celui formé par le transformateur de haute tension de 
ces auteurs. Dans ce cas, une indication donnée du milliampèremètre 
peut être caractéristique d'un rayonnement X, comme MM. d'Arsonval 
et Gaiffe l'ont montré. En général il n’en est rien, et pour la même 
qualité de rayons, des tubes divers avec le même appareillage, et le même 
tube avec des appareils excitateurs différents fourniront des indications 
galvanométriques différentes. 

Néanmoins, l'emploi du milliampèremètre est recommandable en 
pratique. Cet appareil permet de suivre les variations de dureté d'un 
tube, de ramener ce tube au même état; il suffit, sans toucher au pri- 
maire, de régler le vide pour obtenir la constance de la position de l'ai- 
guille du galvanomètre (1). 


(1) C’est grâce à l’emploi d'un milliampèremètre en circuit avec le tube de Crookes, 
que M. Turchini a pu mener à bien ses intéressantes recherches pratiques sur le 
fonctionnement du tube radiogène. Voici certains résultats obtenus en opérant avec 
des tubes Chabaud à osmo-régulateur Villard excités par une machine statique ou 
deux bobines de dimensions diflérentes : 


a) Pour une intensité du secondaire allant de 0,3 à 1 milliampère, l’étincelle 
équivalente du tube considéré passe de 4,5 à 10,5 centimètres. L'étincelle croît plus 
rapidement que l'intensité du courant. 


b) On excite le mème tube avec des bobines différentes munies du même inter- 
rupteur. 

Pour une même intensité secondaire, on a des étincelles équivalentes différentes. 

C'est la petite bobine ayant le moins de self qui produit la plus grande étincelle. 

La différence des résultats s’accentue quand le nombre des interruptions diminue. 

Exemple : Pour une intensité de 0,4 milliampère, avec 63 interruptions par seconde, 
la grosse bobine donne une étincelle équivalente de 7 centimètres, la petite, une étin- 
celle de 9 centimètres. 

Pour la méme intensité et 31 interruptions, on note 7,5 centimètres et 12 centi- 
mètres. 

c) Si la fréquence des interruptions s'accroît, on constate que pour une intensité 
constante au secondaire, l'étincelle diminue tendant vers une limite. 

Exemple : Pour une intensité secondaire de 0,5 mA, l’étincelle a passé de 8 centi- 
mètres à 2,5 quand la fréquence est montée de 15 à 126 par seconde. 

d) Si l’on emploie 30 interruptions par seconde, l'étincelle reste constante durant 
5 minutes environ avec les tubes Chabaud et les bobines employées. C'est là une 
remarque importante pour la technique. 


CHANOZ — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 643 


II. Emploi d'un Voltmèitre aux bornes du tube. — Quand dans le 
primaire tout demeure constant : voltage, interruptions, on a un ampè- 
rage, un voltage constants dans le circuit secondaire qui contient un tube 
radiogène. Le rayonnement X issu du tube, la dureté de ce tube peuvent 
être caractérisés par les constantes de l'excitation : voltage, ampérage. 

Utilisant ces indications, M. Bergonié, dans une première période, 
agissait ainsi. Le réglage étant fait une fois pour toutes dans le primaire 
de la bobine utilisée, on réglait le vide du tube pour avoir un voltage E 
défini, constant, mesuré par un voltmètre à fil chaud, aux bornes du 
primaire. 

Quand le tube durcissait, E croissait; E diminuait au contraire si le 
tube mollissait. Des déterminations préalables avaient montré que telle 
position de l'aiguille répondait (pour un tube et l'installation donnés) à 
tel rayonnement X. 

Depuis quelque temps, le même auteur fait la mesure du voltage 
secondaire, utilisant pour cela un voltmètre électrostatique Hartmann et 
Bratün. En confrontant les mesures faites sur le voltmètre aux indications 
radiochromométriques de l'appareil Benoist, M. Bergonié (1) aurait 
constaté que, pour une valeur donnée du voltage, on a une qualité définie 
du rayonnement, quelle que soit l'intensité mesurée par le milliampère- 
mètre; ce résultat serait même valable pour des tubes de qualités 
différentes essayés. 


Voici les chiffres donnés par l’auteur : 


Degrés de l'appareil Benoist. Voltage secondaire correspondant 
2 12-18 milliers de volts. 
8 19-22 — 
4 23-26 — 
5 27-30 — 
6 30-34 — 
7 34-38  — 
8 38-41 — 


Üne graduation préalable du voltmètre en degrés radiochromomé- 
triques pourrait done indiquer très simplement la valeur des rayons 
produits à tout instant par un tube quelconque, sans qu'il soit nécessaire 
de se placer dans l'obscurité, ni de s'approcher du tube toujours dan- 
gereux pour le praticien. 

Si ces observations sont véiifiées, généralisées, sans nul doute la 
méthode du voltmètre si simple entrera dans la pratique, à condition, 


(1) Archives d'électricité médicale, Février, 1907. 


644 ANNALES D ELECTROBIOLOGIE 


cependant, que l'acquisition de l'appareil ne constitue pas, comme 
aujourd’hui, une dépense trop élevée pour la plupart des médecins. 


II. Obtention de la qualité voulue de rayonnement X. — Ce que 
nous connaissons des rapports entre le pouvoir absorbant et le pouvoir 
émissif des substances pour les rayons X, entre la dureté d'un tube et 
son degré de vide, nous dispensera de longues explications. 

Pour avoir un rayonnement peu pénétrant, il serait désirable, comme 
le montrait M. Benoist, que l’on puisse se servir d’anticathodes d'alu- 
minium. Les rayons moyens et durs sont obtenus avec des électrodrs en 
platine, fer platiné, cuivre, chrome ... M. Guilloz a préconisé des tubes 
à chrome qui fourniraient, à vide égal, un rayonnement moins pénétrant 
que les tubes à platine. 

Un tube est-il trop dur? On peut, pour le ramollir, et suivant sa 
constitution, suivant les circonstances : 

a) Le chauffer totalement pour ramener dans l'enceinte les gaz occlus 
par les électrodes ou les parois du tube : 

b) Chauffer certains ajutages (dans certains dispositifs le chauffage 
est réalisé automatiquement, par jaillissement d'une étincelle, si le tube 
durcit) pour libérer dans l'enceinte des gaz adhérents à des corps poreux, 
des lamelles de mica (tubes Muller), de la vapeur d’eau retenue par de 
la potasse (tubes à potasse), ou d’autres substances hygroscopiques. 

c) Faire, par osmose, rentrer des gaz venant de l'extérieur, à travers 
un tube de platine fermé en dehors et ouvert dans l'ampoule — tube que 
l'on porte au rouge par un chalumeau ou tout simplement par une lampe 
à alcool (1) — (Système osmo-régulateur Villard). 

Et cela jusqu'à ce que l'étincelle équivalente — supposée trop longue 
avant cette opération — ait atteint la dimension voulue correspondant 
au degré radiochromométrique désiré. 

Le tube est-il trop ramolli ? 

Souvent, on n’a qu'à l'abandonner à lui-même ou à le laisser fonc- 
tionner un certain temps, ce qui constitue le mode normal de durcissement. 

S'il s’agit d'un tube osmo-régulateur — système très recommandable 
qui, malgré son prix élevé, est économique cependant si on sait le faire 
durer —, on peut enlever du gaz en entourant le tube de platine décrit 
d'une sorte de manchon également en platine et chauffant ce manchon. 

Ajoutons pour terminer que, si le tube est un peu trop mou, souvent 
il suffit de mettre une étincelle sur la ligne secondaire du côté cathodique 


(1) Nous avons, le plus souvent, utilisé, dans notre pratique, une semblable lampe, 
soutenue, dans une loge en bois, à l'extrémité d'un long manche également en bois. 


— 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 615 


(et pour cela un spintermètre-détonateur (2) est vraiment commode), pour 
produire des rayons assez pénétrants pour l'opération à faire. 


B) Étude quantitative. 


Le problème physique du rayonnement. — Nous savons qu'un 
faisceau de rayons de Röntgen est complexe. Pour connaitre complè- 
tement ce rayonnement, il faudrait être renseigné sur sa composition 
élémentaire, c'est-à dire connaitre la qualité des rayons entrant dans le 
rayonnement et la quantité de chacun d'eux. Le problème est, on le voit, 
identique à celui qui se pose pour la lumière. 

Dans le cas de la lumière, on sait par exemple que pour les 
diverses sources le spectre varie considérablement, que l'énergie répartie 
dans tout le spectre l’est inégalement dans les diverses régions pour une 
source donnée. | 

Dans le spectre solaire, l'énergie est surtout apparente sous forme 
de chaleur dans la région des grands }, de lumière dans la région visible, 
de pouvoir actinique du côté des à décroissants On peut, par suite, faire 
des mesures relatives de rayonnements en comparant leurs actions calo- 
rifiques, lumineuses, actiniques, dans des conditions définies. 

Fn utilisant un « corps noir idéal », qui absorbe toutes les ralia- 
tions en dégradant leur énergie en chaleur, on peut connaitre l'énergie 
totale du rayonnement. On a des indications plus précises sur certaines 
émissions lumineuses, celle par exemple du corps noir idéal, tel qu'on le 
considère en physique (radiateur intégral de Guillaume). indiquons les 
résultats qui nous serviront tout à l'heure comme termes de compa- 
raison pour l'étude du rayonnement X. 

Quand la température du corps noir s'élève, son émission moyenne 
varie : le spectre s'enrichit de radiations nouvelles et s'allonge du côté 
des petites longueurs d'onde. L'énergie totale de l'émission augmente 
avec la température (proportionnellement à la 4° puissance de cette 
température absolue, d'après la loi de Stefan). L'énergie élémentaire cor- 
respondant à chaque radiation s’accroit aussi avec la température (sui- 
vant une certaine fonction de la longueur d'onde). 

Et la radiation qui possède le maximum d'énergie élémentaire a une 
longueur d'onde d'autant plus petite que la température est plus élevée. 

Le maximum se déplace donc du côté des petites longueurs d'onde 
quand la température d'émission s'élève : c'est la loi bien connue du 
déplacement de M. Wien (>m T = A). 


(2) M. Chanos. — Archives d'électricité médicale, 1902. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — SEPTEMBRE 19)7. 49 


646 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


On a, on le voit, en fonction de T {température absolue) et ;, des 
renseignements très précis sur l'énergie radiante émise par une semblable 
source lumineuse. 


Que sait-on du rayonnement X? — En vérité, fort peu de choses. 
Nous ignorons encore la constitution qualitative élémentaire et quan- 
titative du faisceau A peine avons nous quelques données sur l'énergie 
totale d’un pareil rayonnement dans quelques cas (1). 

Depuis longtemps déjà on a remarqué que si l’on produit des rayons 
de plus en plus pénétrants, le rayonnement est de plus en plus complexe, 
renfermant des rayons de pénétration plus différente. C’est le travail de 
M. Turchini qui indique le mieux l'allure générale des phénomènes. 

Quand la puissance électrique consommée dans un tube de Crookes 
s'accroît, l'étincelle équivalente s'allonge et l'intensité du rayonnement X 
(mesurée photographiquement et fluoroscopiquement) augmente. Autre- 
ment dit — en tenant compte des relations existant entre la longueur 
de l'étincelle et la pénétration des rayons — : pour une puissance 
absorbée croissante, l'intensité du rayonnement X s'élève et la péné- 
tration moyenne des rayons X augmente (c’est-à-dire la longueur d'onde 
moyenne diminue). 

On ne peut s'empêcher de comparer ce résultat, quelque global soit-il, 
avec les lois données, à dessein, plus haut, du rayonnement du corps 
noir, et de trouver très acceptable cette idée que l’émission des rayons X 
dans les tubes de Crookes se fait un peu dans le sens de l'émission 
lumineuse : allongement du spectre du côté des rayons très pénétrants 
avec l'accroissement de l'énergie consommée. 

Ce rapprochement est peut-être valable pour tous les tubes radio- 
gènes que l’on utilise, mais actuellement il n'est légitime vraiment que 
pour les tubes osmo-régulateurs à anticathode de platine, utilisés par 
M. Turchini, dans ses essais. 

De même que tous les rayonnements lumineux ne suivent pas les 
lois de Stefan, Wien, caractérisant le corps noir des physiciens 
(exemple : le rayonnement du manchon Aüer dont le spectre a une 
répartition d'énergie toute particulière) ; de même il se peut que le 
mode d'émission des tubes à platine ne soit pas général. Il est possible, 
il est même fort probable, d’après les lois de radiochroisme de 
M. Benoist, que les tubes différents donnent des spectres de rayons À 
dissemblables. Mais actuellement nous n'avons pas d’autres rensei- 
gnements plus précis que ceux que nous venons d'indiquer pour un cas 
particulier. 


(1) Voir Première partie : Actions culorifiques. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 647 


CONSIDÉRATIONS SUR LE DOSAGE DES RAYONS X. — Les rayons de 
Röntgen constitüent un agent très énergique pouvant désorganiser et 
détruire les tissus vivants, malades et sains. Son action insidieuse n'est 
visible qu'après une certaine période de latence. Il en résulte que si la 
dose appliquée en une fois est trop forte ou si les applications sont trop 
rapprochées, accumulées, l’on peut provoquer des lésions des tissus 
sains regrettables, très lentes à se réparer. 

D’après ces simples remarques, on voit de quelle importance serait 
le dosage des rayons X dans les applications médicales. Sachant, par 
une étude préalable, que telles doses conviennent pour provoquer tels 
phénomènes réactionnels des tissus, on agirail à coup sûr, sans 
tàtonnements, et l'on s'éviterait des inquiétudes durant la période de 
latence qui suit l’irradiation. On comprend aussi, d'après cela, que de 
nombreux radiothérapeutes aient recherché un procédé de dosage des 
rayons X. 

On peut se proposer divers problèmes : 1° Rechercher la dose de 
rayons absorbée par un tissu durant une applica'ion. C'est le problème 
complet vraiment scientifique, qui ei LE une solution précise (en 
principe du moins). 

Une méthode directe nécessiterait les deux opérations suivantes : 
a) dosage des rayons incidents ; ò) dosage du faisceau émergent. Par 
différence on connaîtrait la quantité du rayonnement absorbée (en 
admettant que le procédé de dosage mesure vraiment la quantité totale 
du rayonnement considéré). 

Il faut reconnaitre que celte méthode immédiate est inapplicable sur 
le vivant à travers un tissu donné. 

Si des déterminations préalables avaient fait connaitre la fraction m 
d'un rayonnement X de qualité donnée, absorbée par un tissu superficiel, 
on saurait médiatement, en évaluant le faisceau incident, la dose fixée 
par ce tissu ; elle serait toujours la même pour la mème qualité de 
rayons et la même quantité incidente dans les mêmes conditions. Mais 
si lon se rappelle que les tissus sont radiochroïques, on admettra 
facilement que la fraction absorbée varie avec la qualité du rayon- 
nement ; à priori, la seule détermination de la dose incidente ne ren- 
seignera donc pas, en général, sur la quantité de rayons X fixée. 

Quand il s’agit d'un tissu profond, les difiicultés sont encore plus 
grandes. En effet, notre raisonnement est valable pour le rayonnement 
qui arrive sur le tissu éludié; or, dans le cas du tissu profond, nous ne 
pouvons pas le mesurer directement, il faut faire intervenir l'écran 
absorbant, représenté par les tissus superficiels, et évaluer ce rayonnement 
en le calculant à partir du faisceau tombant sur la peau, le seul accessible 
à nos expériences. 


618 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


Si l'on tient compte, d'autre part, de ce fait que les épaisseurs de 
tissus varient avec les sujets, on comprendra qu’il est bien aventureux 
de parler des doses abs :rbées par les tissus. dans de semblables con- 
ditions. 

2° Pratiquement, on s'occupe seulement d'évaluer le rayonnement 
incident sur la peau. Si l'intensité est d, la dose absorbée par le premier 
centimètre de tissus est mi (en appelant m le pouvoir absorbant de ce 
premier centimètre); on a donc, en mesurant i, la dose fixée au facteur 
près m. Puisque m n'esi pas une constante, mais varie avec la qualité du 
rayonnement, pour des rayonnements incidents de même intensité mesurée, 
la dose absorbée pourra différer en raison de cette variation de m. On 
pourra, malgré la mesure, avoir des réactions cutanées différentes : parce 
que la dose absorbée est variable avec m et aussi parce que les radiations 
différentes n’ont pas nécessairement les mêmes propriêtés physiologiques. 

Il est donc toujours nécessaire de nous préoccuper de la qualité du 
rayonnement employé dans une opération de radiologie quelconque. 

Nous avons montré que l'on ne peut pas rigoureusement parler de 
doses de rayons absorbées, d'unités fixées par les tissus; nous allous voir 
qu’en l'état actuel de nos connaissances, nous ne sommes pas sûrs de 
mesurer même la dose de rayonnement incident sur la peau. Il serait donc 
désirable, comme nous l'avons déjà demandé{i), de voir disparaitre du 
langage des radiothérapeutes ces expressions trop précises de : méthodes 
de dosages; procédés quantitatifs, elc., qui en imposent au médecin 
non prévenu et font croire à une exactitude bien éloignée de la réalité. 
Utilisant un terme plus vague à dessein, n'évoquant aucunement une 
idée de précision, nous parlerons des procédés indicateurs du rayon- 
nement X utilisés dans la pratique. 


Procédés indicateurs de rayonnement X. — Les procédés indicateurs 
quantitatifs se rangent en 2 catégories : a) les procédés directs s'adressant 
au rayonnement lui-même; b) les procédés indirects étudiant l'énergie 
électrique productrice des rayons X. 

A) Procédés directs. — Avec le rayonnement X considéré on 
provoque un phénomène apparent : fluorescence d'un écran, impression 
photographique, phénomènes chimiques divers. De l'intensité du phéno- 
mène que l’on évalue, on conclut à l'intensité de la radiation moyenne 
agissante. 

Le rayonnement X est complexe ct nous ne savons pas à priori si 
toutes les radiations du faisceau ont la même action sur le réactif utilisé, 


(1) M. Chanoz. — Congrès de A. F. A.S., Lyon 1906. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 649 


si le réactif est un véritable intégrateur des énergies élémentaires appor- 
tées par ce rayonnement. On a même, d'après ce que nous avons vu à 
l'étude qualitative, un certain nombre de raisons pour penser que l’action 
élective des divers réactifs n’est pas la mème pour tous; par suite, les 
divers procédés ne conduisent pas nécessairement au même résultat, De 
plus, pour un même réactif utilisé, l'intensité du phénomène indicateur 
du rayonnement pourra varier avec l'épaisseur de ce réactif et non 
proportionnellement à l'épaisseur. 

Pratiquement, il pourra donc arriver ct il arrive, que deux rayon- 
nements X, qui produisent sur le réactif utilisé les mêmes modifications 
apparentes, qui paraissent correspondre par suite -« à la même quantité » 
de rayons X, donnent en réalité des réactions tissulaires très différentes, 
si les rayonnements considérés sont de qualité différente. 

Il découle de tout ceci qu'il faut considérer les résultats fournis par 
les procédés usuels, comme des indications, des approximalions, pouvant 
être très utiles, nul ne le conteste, mais non comme des mesures rigou- 
reuses, ainsi que certains auteurs voudraient le faire croire. 

Ces restrictions faites une fois pour toutes, considérons les princi- 
paux procédés directs utilisés. 


A) Fluorescence d'un écran au platinocyanure de Baryum. — Un 
écran est irradié par le rayonnement étudié. De l'intensité lumineuse de 
l'écran (provoquée) on conclut à l'intensité du rayonnement X incident. 

On a proposé d'évaluer le rayonnement incident de deux façons 
distinctes : 1° en comparant l'éclat de l'écran fluorescent placé à une 
distance connue du foyer de rayons X, à l'éclat d'une surface recevant la 
lumière convenablement tamisée d’une source étalon (méthodes de 
MM. Contremoulins 1902, Turchini 1906); 2° en comparant l'éclat de 
l'écran à l'éclat du même écran irradié dans une plage voisine par du 
radium, dont le rayonnement est choisi comme terme de comparaison 
(méthodes de MM. Courtade, Guilleminot 1905). 

a) M. Contremoulins (1), dans son Métroradioscope, compare aux 
plages fluorescentes, de pénétration et de comparaison amenées au même 
éclat (lequel éclat est le 1/70€ de l'éclat de l'écran directement irradié), 
la plage de quantité (surface de verre recevant la lumière tamisée par 
20 millimètres d'une solution de sulfate de cuivre à 30 °/,, d’une lampe 
à acétylène disposée à cet effet’. | 

L'égalisation des plages de comparaison et de pénétration fait 
connaitre, on l'a vu, la qualité des rayons: l'égalisation faite ensuite avec 

ces plages, de la ° plage de quantité (par déplacement de la lampe 


(1) Annales d’électrobiologie et de radiologie, 1905, p. 812. 


650 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


étalon), conduit par simple lecture d’une graduation préalable dépendant 
de la fréquence des décharges, à la connaissance de l'intensité du 
rayonnement X exprimé en carcels (1). 

b) M. Turchini (2) utilise une sorte de photomètre de Foucault, 
dans lequel il peut comparer la luminosité d'un écran au platinocyanure 
de baryum, irradié par le rayonnement étudié, à celle d'une plage éclairée 
par une lampe à incandescence munie de verres jaunes et bleus con- 
venables (pour donner une teinte comparable à celle de l'écran 
fluorescent). 

c) MM. Courtade, Guilleminot provoquent une fluorescence d'in- 
tensilé égale au moyen d'une petite masse de radium constante, placée 
à une distance convenable de l'écran Les positions relatives de la source 
de rayons X et du radium déterminent l'intensité du rayonnement étudié 
en fonction du rayonnement étalon du radium 


Ces différents procédés ont l'avantage d'être très rapides. Ils permet- 
tent, durant une opération d’une certaine durée, de faire des vérifica- 
tions utiles sur la constance du rayonnement, 

Le procédé Courtade-Guilleminot met en œuvre le radium, très 
coûteux (3); il est probable que cette considéralion l’empêchera, pendant 
longtemps encore, d'entrer dans la pratique. Cela est regrettable à certain 
point de vue Le platinocyanure de baryum a une fluorescence qui varie 
sous des influences diverses; un écran, par suite, n'a pas toujours néces- 
sairement le même éclat pour un même rayonnement incident 

Dans le procédé Courtade-Guilleminot, malgré la variation de l'écran 
on peut admettre, avec une approximation suflisante, que les rayon- 
nements X et du radium se comportent de même, et la comparaison est 
assez correcte Avec les autres procédés où l'on compare l'éclat de l'écran 
à celui d’une plage lumineuse il n'en sera plus ainsi > l'égalité qui se 
produisait, à certain moment, peut ne plus exister si le platinocyanure 
s'est altéré entre les deux mesures. Cette cause d'erreur, que l’on peut 
rendre minime par une régénération du platinocyanure exposé à la 


(1) On pourrait, en s'inspirant de l’appareil ingénieux de M Contremoulins, cons- 
truire un dispositif qui, rendant les mèmes services, utiliserait le radiochromomètre 
Benoist si répandu. Le radiochromomètre, placé entre le tube et l’écran fluorescent, 
ferait connaitre la qualité des rayons X. L'argent supposé aradiochroique absorbe 


toujours Dim du rayonnement incident. On n'aurait qu’à égaliser la plage fluorescente 


de l’écran répondant à la lame d'argent (plage de comparaison) à la plage de quan- 
tité dans le dispositif Contrem ulins. 

(2) Thèse citée, page 45. 

(3) Le dispositif Guilleminot vaudrait 2.000 francs. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE3 RAYONS X. 651 


lumière, ne doit pas être cependant perdue de vue dans les applications. 

Une dernière remarque doit être faite à propos de l’utilisation de la 
fluorescence du platinocyanure de baryum. 

Le rayonnement X est constitué par une succession de flux que nous 
supposons régulièrement espacés à raison de n par seconde. Chaque flux 
provoque la luminescence du platinocyanure de baryum pendant un 
temps 0. Pour une détermination rigoureuse on pourrait comparer des 
intensités lumineuses de mème durée ; c'est ce que faisait M. Contre- 
moulins, pour graduer son appareil. Un écran muni d'une ouverture 
convenable permet à la lampe étalon d'éclairer la plage de quantité n 
fois par seconde durant 0 chaque fois, et synchroniquement avec l’éclai- 
rement amené par les décharges dans le tube de Crookes (1) On a ainsi, 
dans de pareilles conditions, une mesure g du flux X lié à une décharge. 
Le rayonnement par seconde est à un facteur près : ng. 

Les actions s'accumulent sur la rétine, et une lumière continue donne 
une sensation lumineuse plus intense que la méme lumière éclipsée pério- 
diquement (2). Par suite, il suffira, pour avoir la même sensation lumi- 
neuse que celle donnée par une succession de pulsations lumineuses, 
d'utiliser une source continue de moindre intensité. | 

Pour une fréquence n des pulsations, il faut l'intensité ¿ en lumière 
continue pour l'égalité des sensations, faudra-t-il l'intensité 2 à pour la 
fréquence 2 n ? 

Dans les conditions pratiques où l’on compare photométriquement à 
une lumière continue, la luminosité de l'écran fluorescent excité par les 
flux successifs assez rapprochés de rayons X, on admet implicitement que 
cela a lieu : le rayonnement X par seconde est mesuré par à sans que l’on 
ait besoin de mesurer le nombre de décharges, d’interruptions du courant 
primaire de la bobine excitatrice du tube de Crookes. 


B) Impression photographique. — On sait que pour des irradiations 
croissantes obtenues avec un rayonnement lumineux donné, l'impression 
photographique d'une plaque au gélatino-bromure d'argent croit d’abord 
rapidement, puis de plus en plus lentement et décroit ensuite par surex- 
position (solarisation). Pour des expositions assez courtes, il y a à peu 


(1) M. Contremoulins ne fait pas connaitre la durée : 9, qu’il aurait déterminée. 

(2) Cette question de la comparaison des intensités lumineuses de sources de durées 
différentes est bien plus complexe que nous le laissons supposer ici, pour simplifier. 
Pour avoir des idées un peu précises, il faut lire, dans le 2° volume du Traité de 
Physique biologique de MM. Caauveau, D'Arsonvaz, Weiss, etc., l’article si docu- 
menté de M. Charpentier, sur les Phénomènes rétiniens. 


652 ANNALES D'ÉLECTRORIOLOGIE 


près proportionnalité entre le noircissement du cliché et l'éclairage 
{c'est-à-dire la quantité de lumière reçue). 

On admet pratiquement — bien que cela ne soit pas rigoureusement 
exact — que le noircissement d'un cliché dépend seulement de la quantité 
de lumière q = It incidente, et qu'une source d'intensité double 2 Z 


| : t 
donne la même impression si elle agit pendant : 2 


On a proposé d'admettre de semblables relations pour le rayonne- 
ment X. On se place dans des conditions d'exposition correcte : impres- 
sion éloignée du maximun et l'on évalue l'impression du cliché obtenu 
dans des conditions définies. | 

1° On peut, comme l'a fait M. Turchini, utiliser la méthode spec- 
trophotométrique photographique de M. Camichel et comparer l'opacité 
du noir à l'opacité de la gélatine non impressionnée, pour avoir l'éclat 
correspondant en valeur absolue. 

2° On pourrait aussi, comme le recommande M. E. Durand 2), com- 
parer l'impression radiographique à la série des impressiôns données 
sur la même plaque par un étalon lumineux, converable, agissant 
pendant les temps 1, 2, 3, etc. Le numéro d'ordre de la zone impres- 
sionnée par la lumière ayant même opacité que l'impression due aux 
rayons X mesure l'intensité de ce rayonnement X en unités arbitraires. 

3° Kienböch (1906) (3, pour les besoins de la radiothérapie, a proposé 
l'usage d'un papier sensible spécial, au chlorogélatino-bromure disposé 
sur la peau irradiée, et qui, après une ou plusieurs applications, développé 
dans des conditions rigoureusement indiquées (l'opération dure 3 minutes), 
donne une coloration que l'on compare à une échelle de teintes graduées 
en unités X, teintes obtenues par l’action sur du papier au gélatino- 
bromure d’une lampe à incandescence. 

La sensibilité est surtout accusée pour les petites doses incidentes 
(de 1 à 4 X, tons gris) où la proportionnalité dont nous avons parlé 
existe. Pour les tons noirs correspondant aux doses plus élevées, le 
contraste est peu appréciable, la sensibilité faible. 

Kienbôüch admet que l'impression du papier se fait comme celle de 
la peau, les rayons mous sont très absorbés, les durs très peu fixés 
D’après cela, on pourrait, suivant cet auteur, connaitre la quantité de 
rayons X fixés par la peau à la suite d'une ou des applications (4). 


(1) Loco cit., p. 78. 

(2) Archires d'électricité médic , 1906, p. 385. 

(3) D’après M. Rouch, thèse de Lyon, 1906. 

(1) Pour éviter les tåtonnements, accroitre la sensibilité de la détermination quand 
on irradie des doses notables, on pourrait peut-être agir de la façon suivante : déve- 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 653 


Les procédés utilisant la photographie n'échappent pas aux critiques 
générales formulées relativement à la complexité du rayonnement. Ils 
ont l'inconvénient de nécessiter des manipulations ennuyeuses, mais 
ils sont duués d’une sensibilité que nous ne rencontrerons plus dans 
les méthodes qui suivent. Il est fort possible que ces procédés aient un 
avenir pratique. L'avenir serait certain si l’on possédait une émulsion 
vivant directement sous l'incitation des rayons X, comme le fait, par 
exemple, le papier au citrate d'argent, sous l’action de la lumière. 


C) Actions chimiques diverses. -— Les procédés que nous venons 
d'étudier (actions fluoroscopique, photographique de courte durée) ne 
nécessitent qu’une irradiation de courte durée, renseignent autant qu'ils 
le peuvent sur l'intensité g du flux X lié à une décharge ou l'intensité 
moyenne à? du flux supposé continu pendant une seconde. Pour évaluer 
la quantité de rayons émis durant n décharges ou £ secondes, il peut 
effectuer le produit gn ou it. 

Pour que le résultat obtenu soit correct, il faut, d'ailleurs, nécessai- 
rement que les flux X se succèdent égaux à des intervalles réguliers ; 
c'est là un desideratum quelquefois difficile à réaliser avec une bobine 
et un interrupteur. 

Les procédés suivants sont totalisateurs (comme l'était aussi le 
procédé Kienböch). 

Ils ne font pas connaitre l'intensité de l'irradiation à un instant donné, 
ne permettent pas de suivre dans le temps les variations du rayonnement 
(comme peut le faire le procédé photométrique, par exemple), mais 
indiquent la quantité totale irradiée durant l'application. 

Avec eux il n’y a pas à tenir compte, semble-t-il, des irrégularités 
pouvant perturber la succession des flux X ou leur intensité. 

On a proposé comme réactions chimiques servant de base à ces pro- 
cédés intégrateurs : 

a) La coloration de certaines substances (procédés Holznecht, Sabou- 
raud et Noiré, etc ); i 

b) La formation d'un précipité chimique (procédé Schwarz) ; 

c) La libération d'un corps coloré en dissolution (procédé Freund . 

Jetons un coup d'œil rapide sur ces divers procédés. 


A) Procédé d'Holznecht. Unité H. — C’est le premier en date pré- 
conisé par le médecin Holznecht, en 1902. Sous l'influence des rayons X 


lopper le papier réactif après quelques instants (1-2 minutes par exemple); rechercher, 
dans l'échelle de comparaison, la teinte (qu’il faut peu foncée pour une grande sensi- 
bilité) qui correspond à la dose de rayons X incidente, et calculer le temps nécessaire 
à l'irradiation voulue. 


654 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


une pastille de composition secrète, contenue dans un godet et placée 
sur la peau vire au jaune sale ou vert, d'autant plus accusé que Pirra- 
diation est plus intense et de plus longue durée. 

On compare la coloration obtenue à des teintes imprégnant de petits 
godets gradués en unités H; telle couleur correspond à 3 unités H 
(Holznecht), telle autre à 10 H, etc. 

Des recherches préalables ont montré à Holznecht que l'épilation du 
visage, par exemple, est obtenue avec 3 H. celle du tronc, du cuir 
chevelu avec 5-7; que la radiodermite du 2° degré sans ulcération est 
amenée par 5-7 H sur le isage, 7-10 H sur le tronc, sur le cuir chevelu. 

Ce procédé indicateur mérite les principaux reproches suivants. La 
constitution des pastilles est secrète; on ne peut facilement vérifier sa 
fidélité; l'appréciation des teintes est difficile. Si l'on ajoute à cela que 
le réactif est difticile à trouver dans le commerce, on comprendra que le 
radiochromomètre Holznecht ait été supplanté par les procédés issus 
de la méthode suivante. 


B) Procédés utilisant la réaction de Villard. — Nous avons décrit 
déjà cette réaction : brunissement de plus en plus marqué du platino- 
cyanure de baryum sous l’action d’une irradiation prolongée de rayons X. 

C’est à MM. Sabouraud et Noiré que revient tout l'honneur d'avoir 
appliqué cette réaction à la confection d'indicateurs quantitatifs. 

a) Radiomètre X Sabouraud et Noiré (1). — Une plaque de platino- 
cyanure de baryum, supportée à 8 centimètres de l’anticathode par une 
lame métallique opaque aux rayons X 2), est irradiée, la région à traiter 
étant située à une distance de 15 centimètres (3). Avec le temps, la 
teinte s’accentue ; on la compare à une teinte B à l'aquarelle, qui doit 
être atteinte dans le traitement des teignes sans craindre érythème et 
tuméfaction (la teinte B correspond à 5 H environ reçus par la peau 
à 15 centimètres). 

La méthode Sabouraud et Noiré, imaginée spécialement pour le 
traitement radiothérapique des teigneux, a été généralisée pour toutes 
les applications thérapiques des rayons de Rôntgen. Voici les modifica- 


(1) Annales d'électrobiologie et de radiologie, 1905, p. 81. 

(2) Ce fait signalé par les auteurs, « que le virage de la pastille serait moins accusé 
qu'il ne devrait létre pour la quantité de rayons qu'elle aurait reçue », si au lieu 
d'une lame opaque (fer) on utilisait une surface perméable, comme l’aluminium, montre 
que les rayons secondaires, nés au niveau des corps sous-jacents au réactif, jouent un 
rôle important dans le virage de l'indicateur. 

(3) C'est parce que le papier au platinocyanure de baryum est moins sensible aux 
rayons X que le réactif de Holznecht, que les auteurs ont disposé leur pastille non 
pas sur les téguments, mais plus près du tube de Crookes. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. (55 


tions apportées au procédé Sabouraud-Noiré, par MM. Bordier et 
Galimard. 

5) Radiochromomitre Bordier. — Une pastille carrée de platino- 
cyanure de baryum, entourée de collodion (pour éviter les influences 
hygroscopiques) est appliquée, par du papier gommé, sur le tégument, 
au point à irradier. 

On arrête l'irradiation quand la pastille a gagné l’une convenable des 
cinq teintes étalons : O, I, II, IIT, IV, portées par des fiches séparées 
sur lesquelles sont indiquées, en plus, la durée probable d'incubation et 
la réaction dermique correspondante à l'irradiation faite. 

Les indications reposant sur la réaction de Villard sont passibles des 
remarques suivantes : 

Le platinocyanure de baryum, viré par les rayons X, dévire (1), 
comme l'a prouvé M. Villard, sous l'influence des groupes divers de 
radiations lumineuses, rouge, jaune, vert, et même dans l'obscurité (2), 
mais lentement. Par suite, l'utilisation des indicateurs à base de platino- 
cyanure de baryum nécessite certaines précautions : opération à labri 
de la lumière nuisible, avec une rapidité suffisante, sans cela on s’expo- 
serait, à cause de la tendance au dévirage, à donner aux tissus une 
quantité de rayonnement supérieure à celle indiquée par la teinte de la 
- pastille (3). 

Même dans des conditions correctes, les procédés utilisant la réaction 
de Villard ne peuvent, pas plus que les autres d’ailleurs, prétendre 
doser le rayonnement incident, à cause de la complexité de ce rayon- 
nement. Telle dose incidente indiquée par une teinte de pastille de plati- 
nocyanure de baryum ne devrait pas provoquer de lésions et amène 
parfois des désordres considérables. Sans qu'il soit nécessaire de faire 
appel à l'idiosyncrasie, si chère à quelques-uns, on peut, restant dans 
le domaine de la physique, expliquer l'anomalie apparente par la qualité 
différente des rayons utilisés par le réactif et les tissus en vertu du 
radiochroïsme. 

Mais, en plus de cette particularité dépendant du rayonnement et 
valable pour toutes les réactions indicatrices utilisées, il existerait, 
d'après M. Kowalsk'’, dans les procédés appliquant la réaction de Villard, 
une cause d’infidélité qu'il ne faut pas perdre de vue. 


(1) Les godets d'Holznecht subissent aussi un dévirage par la lumière; ils méritent 
la même remarque que les pastilles de platinocyanure de baryum. 

(2) Archives d'électricité médicale, 1907, p. 491. 

(3) On n’a jamais indiqué, à notre connaissance du moins, cette cause d'erreur : 
le dévirage par la lumière jaune-verdâtre due à fluorescence du tube de Crookes, 
fluorescence, on le sait, qui varie avec láge du tube. 


656 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Pour une même quantité incidente du rayonnement actif, le virage du 
platinocyanure de baryum varie avec la qualité, le degré d’hydratation, 
les actions mécaniques subies, les substances agglutinantes mélangées 
au sel. | 

M. Bergonié, relevant ces observations, va jusqu'à conclure : « Ce 
sont-là des remarques qui affectent d'un vice rédhibitoire les chromo- 
radiomètres basés sur... le virage du platinocyanure de baryum sous 
l'influence des rayons X. » 

Cette appéciation nous semble exagérée, car on conçoit parfaitement 
bien que l’on puisse préparer des papiers au platinocyanure de baryum 
toujours avec les mêmes agglutinants, avee un sel obtenu dans les 
mêmes conditions, que l'on préserve suffisamment contre les variations 
extrêmes de température et d'état hygrométrique, etc 

Eu égard à la relativement faible sensibilité de la réaction de Villard, 
en toute impartialité, nous estimons que les indicateurs utilisant le bru- 


nissement du platinocyanure de baryum — s'ils ne sont pas indispen- 
sables — ne doivent pas non plus. systématiquement, être rejetés de la 
pratique. 


A notre avis, ils peuvent rendre des services si on les utilise dans 
les conditions où ils ont été établis (même distance à l’anticathode, 
même qualité du rayonnement, à peu près même durée de virage), et 
dans ces conditions là seulement. lls constituent, parmi d'autres, un 
procédé empirique, commode pour annoncer «u praticien la fin d'une 
application radiothérapique choisie; mais ils ne sauraient, en aucun cas, 
être considérés comme fournissant actuellement un moyen sûr, vraiment 
scientifique — ainsi que le soutient certain intéressé — de mesurer la 
quantité de rayonnement X. 


C) Procédé de Schwarz. — Sous l'influence des rayons X — de 
même que par l'action de la lumière —, une solution de sublimé et 
d'oxalate d’'ammoniaque donne un précipité de calomel La hauteur du 
calomel, constante après quelques secondes de centrifugation, mesurerait 
la quantité de rayonnement absorbé. 

Ce procédé (1906), tout récemment appliqué aux rayons X et non 
complètement étudié, qui n'utilise pas de colorations fugaces, parait 
d'une assez grande sensibilité; il a probablement quelque avenir. 


D) Procédé de Freund. Unité I. — Les rayons X — comme la 
lumière, d’ailleurs — colorent en rouge vineux par mise en liberté d'iode, 
une solution chloroformique à 20 °/, d'iodoforme. 


(1) Archives d'électricité médicale, 1906, p. 569. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X. 657 


En évitant l'action perturbatrice de la lumière, Freund (1904) évalue, 
par titrage, l'iode mise en liberté et trouve qu'il y a proportionnalité 
entre la quantité de métalloide libéré et la durée de l'irradiation. Mais 
en raison de l'instabilité de la liqueur, Freund ne put utiliser cette 
réaction dans la posologie des rayons de Röntgen, par procédé colori- 
métrique ; le procédé est donc sans applications cliniques. 

On sait que l'unité H employée en radiologie, reposant sur une action 
physiologique, est arbitraire : c’est le 1/3 de la dose qui provoque le 
début de réaction sur une peau saine, dose qui varie avec la région, 
l'individu. MM. Bordier et Galimard ont voulu trouver, dans la réaction 
de Freund, la base d’une nouvelle unité mieux définie, facile à retrouver. 
Cette nouvelle unité est la quantité de rayons X qui agissant, dans l’obscu- 
rité, sur la solution de Freund, normalement à la surface de 1 centimètre 
carré et dans une épaisseur de 1 centimètre, met en liberté un dixième 
de milligramme d'iode. | 

« Cette unité, dit modestement M. Bordier (1), nous l'avons appelée 
simplement unité I; elle mériterait peut-être mieux! » 

Malgré que cette unité paraisse à M. H. Bordier - tout à fait 
scientifique et difficile à remplacer » (2), nous nous permettrons quelques 
remarques qui s'imposent, toujours les mémes au fond. Connait on la loi 
d'action des diverses radiations X d'un rayonnement toujours complexe, 
sur le réactif de Freund? Cette loi est-elle la même que celle régissant 
l'action sur le platino-cyanure de baryum sur les tissus? 

On n'en sait rien encore, n'est-ce pas? N'insistons pas sur les 
pseudo-unités si nous voulons être scientifiques; et si nous passons à la 
clinique, ne croyons nullement, à priori, que deux rayonnements X 
différents, qui mettront le même nombre de : en liberté donneront néces- 
sairement la même réaction physiologique sur le même tissu... 

Cette réserve faite, nous estimons que, théoriquement du moins, 
l'unité I peut être moins imprécise que l'unité H, si l’on a soin, comme 
il faudrait toujours le faire en radiologie, de qualifier le rayonnement 
utilisé. 

Si nous avons bien compris, voici quelles seraient, pour un rayon- 
nement mesurant 9 à l'appareil Benoist, avec une étincelle équivalente 
de 12 centimètres et l milliampère dans le circuit secondaire de la 


(1) Archives d'électricité médicale, 1907, p. 494. 

(2) Peut-être dans la méthode de Schwarz, où apparait un précipité que l’on peut 
recueillir, peser, trouverait-on facilement un moyen de définir une unité de façon plus 
rigoureuse, plus scientifique, que dans le procédé Galimard-Bordier, où l’on fait les 
dosages par un procédé de colorimétrie hétérochrome, qui n’est certes pas à l’abri de 
toute critique. 


658 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


bobine, les données se rattachant à l'indicateur Bordier-Galimard placé 
à 12 centimètres environ de l’anticathode : 


Teintes obtenues. Temps de virage. Iode libéré. Unités I. Unités Holznecht- 


I 6 minutes 0,33 milligr. 3,5 5 env. 
II 10 1/2 »- 0,57 » 5,5 T » 
III 19 » 1,03 10 14 » 
IV 28 1/2 » 1,50 15,5 22 » 


Nous ajouterons, pour rassembler toutes les unités proposées el en 
permettre facilement la comparaison, que la teinte B Sabouraud Noiré 
correspond à la dose 5 H reçues par la peau sifuée à une distance 
duuble, que l'unité X de Kienböch vaut 1/2 H (1). 


Nous ferons, en terminant ce paragraphe, remarquer que la méthode 
électroscopique basée sur l’ionisation des gaz par les rayons X n'a pas 
encore été utilisée pratiquement, malgré des avantages qu’elle pourrait 
présenter (2) et nous passerons à l'étude des procédés indirects de dosage 
du rayonnement Rôntgen. 


B) PROCÉDÉ INDIRECT. — Au lieu de s'adresser au rayonnement X 
lui-même, on s'occupe, dans le procédé indirect, de caractériser l'énergie 
électrique mise en jeu pour l'excitation du tube radiogène; de cette 
donnée on prétend tirer des renseignements utiles sur le rayonnement. 

Un pareil procédé ne permet de caractériser que le rayonnement 
immédiat du tube radiogène; il ne saurait convenir pour étudier sim- 
plement un faisceau filtré par un écran donné. Comme dans les cas des 
déterminations qualitatives, les procédés indirects quantitatifs sont 
moins généraux que les méthodes directes. 

Nous avons, dans la première partie de ce travail, relaté les résultats 
des recherches de M. Angerer sur le rendement des tubes de Crookes. 

Le rayonnement X, dans les essais faits par l’auteur, représente 
seulement les 2/10.600° de l'énergie électrique consommée dans le circuit 
secondaire comprenant le tube radiogène. 

Il en résulte que pour évaluer 2 on mesurerait 10.000. Si la mesure 


(1) Depuis la rédaction de cet article, M. Guilleminot (Archives d'étectricité, 
1907, p. 591), a fait connaitre la valeur de l'unité M qu'il utilise dans son intéressant 
appareil photométrique plus haut indiqué. 

1 M vaut 0,0008 H et 0,006 I. 

ll remarque, comme nous, que « l'unité n'est identique à elle-même que pour 
une même qualité de rauonnement. 

(2) Voir Annales d'électrobiologie, 1907, p. 183, M. Danne. Appareil pour 
l'étude du rayonnement des corps radio-actifs. 


CHANOZ. — PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES RAYONS X 659 


de l'énergie W était facile, assez précise, le rendement À connu ou 
constant, on aurait évidemment, dans cette méthode dévaluation indirecte, 
un procédé de mesure de l'énergie U des rayons X susceptible d'une 
grande sensibilité U = R. W. 


En admettant, pour une première approximation, que cette énergie U 
est distribuée uniformément dans l'hémisphère sous anticathodique, on 
saurait : | 

1° que dans l'angle solide w (rapproché de la normale à l'antica- 
thode), ayant pour sommet l'anticathode, l'énergie distribuée pendant le 


en) 


temps é est environ U, = Ut; 
2° que, sur la surface S placée à la distance d de l'anticathode, 
U.t Ut S 


— et 180 d? à la distance 2d ctc.; 


l'énergie reçue serait Us = LS: 2 


3° que pour recevoir Us, environ la surface S devrait être placée un 
temps £ à la distance d, ou 44 à la distance 2d. 

Malheureusement, le rendement — un aussi mauvais rendement ! — 
n'est certainement pas constant pour un même tube diversement excité, 
donnant des qualités différentes de rayons ni par des tubes différents. 
De plus, l'évaluation de l'énergie électrique W, consommée dans le tube 
de Crookes, n'est pas chose facile. 

En effet, le courant à travers le tube (excité par une bobine, par 
exemple, régulièrement actionnée) est constitué par une série de 
décharges périodiques — elles ne sont pas toujours régulièrement, pério- 
diques, et c’est là une nouvelle complication — il y a à considérer pour 
le calcul de l'énergie W : l'intensité efficace I, mesurée par un milliam- 
pèremètre, la force électromotrice efficace E, mesurée par un voltmètre 
supposé aux bornes du tube, un coefficient K dépendant par exemple du 
décalage de la force électromotrice et de l'intensité. 


W = Ee. L.K. ¢ 

Or, la connaissance de K nous échappe actuellement. Il est donc 
` impossible de connaitre W, consommée dans le tube, avec quelque 
certitude. 

L'énergie des rayons X 

soit U. = R. W. devient U. = R. E». Ie. K. t. 

comprenant, on le voit, deux facteurs R. K. mal déterminés. 

De là résulte que les procédés indirects ne sauraient, théoriquement, 


dans létat actuel de nos connaissances, donner de mesures précises du 
rayonnement issu d’un tube de Crookes, ni permettre des comparaisons 


660 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


correctes de résultats obtenus dans des conditions différentes (avec des 
tubes différents, dos appareillages différents). 

Peut-être une étude expérimentale, systématiquement conduite, 
pourra-t elle renseigner sur les variations de K, R et indiquer dans quelles 
limites la méthode est applicable! Malgré qu'en principe une détermi- 
nation directe vaille mieux qu'une mesure indirecte, il est possible que, 
pour des raisons diverses, la méthode indirecte de détermination de 
l'intensité du rayonnement X constitue un procédé pratique dans 
l'avenir. 

Toute application radiothérapique nécessite la connaissance de la 
qualité et de la quantité. Si les remarques de M. Bergonié, faites au 
moyen du voltmètre électrostatique, sont vérifiées, étendues; l'emploi 
du voltmètre rendu pratique et du milliampèremètre, nous permettront, 
non seulement d'être rens”ignés à chaque instant sur le fonctionnement 
bon ou défectueux de l’appareillage, mais aussi de connaitre tous les 
éléments nécessaires, la qualité par le voltage, la quantité (à un farteur 
près) par lc produit du voltage, de l'ampérage et du temps. 

Ce serait, on le voit, le minimum d'efforts demandé au praticien 
pour le maximum de sécurité assuré au malade. 

En attendant la réalisation de ce rêve — de ce beau rêve ! — il faut 
bien reconnaitre, d’après ce qui précède, que, malgré tous les efforts, 
la posologie des rayons de Rôntgen est loin d'être établie, à ce jour, 
sur des bases bien solides et définitives... 


REVUE DE LA PRESSE 


E. Borbet. — Le traitement du rhumatisme articulaire aigu par 
l'ionisation salicylée. — Archives des Laboratoires des Hôpitaux d'Alger ; 
Juin 1906. 


Oss. I. — Tulalgie rhumatimale. — Guérison en cing séances. — M. A... 
40 ans, vient me consulter le 28 juin 1904. 

Sujet à des poussées de rhumatisme aigu siègeant soit dans les articulations 
du pied, soit dans les gaines tendineuses, des flechisseurs et des péroniers, soit 
dans les masses musculaires de la jambe et de la cuisse. 

Dernièrement, a dù garder le lit pendant trois semaines, immobilisé par une 
talalgie extrèmement douloureuse. A la suite d'ingestion de salicylate de soude, 
amélioration. l 

Depuis quinze jours, nouvelle recrudescence des douleurs. Localisation au 
talon gauche. Légère tuméfaction blanche du pied; l'insertion du tendon d'Achille 
est tres douloureuse au toucher, les gaines des péroniers sont très tendues. Le 
malade se transporte dans mon cabinet avec d’extrèmes difficultés Il n'a pas 
- dormi de la nuit, car ses crises sont nocturnes et ne s'atténuent qu'au matin. 

Première séance d'ionisation salicylée. — Le pied est placé dans un pédiluve 
rempli d’une solution à 2 °/, de salicylate de soude. Le liquidé est relié au pôle 
négatif. 

Le pôle positif est constitué par une large électrode en gaze hydrophile de 
200 centimètres carrés placée sur l'articulation du genou. 

Intensité du courant : 16 à 20 milliampères. Durée de la séance : une heure. 

Le malade peut dormir jusqu'à minuit. Les douleurs sont, depuis ce moment 
Jusqu'au jour, moins vives que précédemment. 

29 juin. — Deuxième séance : La nuit qui suit est excellente Pas de crise. 

30 juin. — Troisième séance : Les douleurs ont totalement disparu, le gonfle- 
ment des gaines n'existe plus, les mouvements articulaires sont faciles. Le malade 
fait encore deux séances et cesse le traitement. 

Trois jours après la dernière séance, à la suite d'une journée de fatigue, crise 
douloureuse dans les muscles du mollet et de la cuisse qui cesse spontanément 
après 48 heures de repos. 

20 juillet 1904. — La guérison se maintient. 

Juillet 1906. — Le malade n'a pas eu depuis deux ans de crise rhumatismale 
aigué. 

Oss. II. — Rhumastisme articulaire et tendineux. — Guérison en dix séances. 
— M. M..., 56 ans, neuro-arthritique. Sujet à des névralgies. Dyspeptique. 
Atteint depuis un mois d’une arthrite rhumatismale subaiguë des articulations 
du tarse, avec léger gonflement des gaines tendineuses des extenseurs et du 
tendon d'insertion du tibial antérieur. La marche et douloureusse et le malade 
boite légèrement. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — SEPTEMBRE 1907. 460 


662 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


25 octobre 1904. — Première séance d'ionisation salicylée. — Le pied repose 
sur une plaque de 200 centimètres carrés bien imbibée d'eau tiède et reliée au 
pôle positif. Je dispose sur le cou-de-pied, sur toute la région douloureuse, une 
épaisse couche d'ouate imbibée d'une solution de salicylate de soude à 4°4. Sur 
cette ouate je fixe une lame d'étain reliée au pôle négetif. Intensité du courant 
20 milliampères. Durée de la séance 30 minutes. 

Soulagement marqué dès la première application. 

Guérison complète en dix séances. 

Février 1905. — La guérison se maintient. 

Juillet 1906. — Le malade n'a pas présenté de manifestations rhumatismales. 


Oss. III. — Rhumatisme musculaire aigu. — Guérison en sept séances. — 
Au décours d'un état grippal avec fièvre, langue saburrale, le docteur X... est 
atteint de myalgie très vive, à localisations multiples : les bras, les jambes et 
notamment les muscles périarticulaires de l'épaule droite et du genou, sont le 
siège de poussées rhumatismales qui forcent le malade a garder le lit. L'état du 
genou s'améliore rapidement, mais le deltoide, au niveau de son insertion supé- 
rieure, demeure très douloureux. 

7 Février 1906. — Le malade ne peut pas se servir de son bras droit depuis 
quinze jours. Les mouvements volontaires de l’épaule sont extrêmement pénibles. 

Prémière séance de galvanisation au salicylate de soude. — Une plaque de 
200 centimètres carrés est placée sur le scapulum (pôle positif). Une place garnie 
de coton hydrophile bien imbibée d'une solution de salicylate de soude à 4°, est 
placée sur le deltoide. Intensité du courant 25 milliampères. Durée de la séance : 
une demi-heure. Le résultat de cette première application est médiocre. La dou- 
leur est un peu moins diffuse dans tout le muscle; elle est plus nettement loca- 
lisée au niveau de l'insertion. 

8 Février. — Deuxième seance : J'élève l'intensité du courant jusqu'à 45 mil- 
liampères. Durée de l'application : une demi-heure. 

Le lendemain matin, sédation très accentuée. La pression du muscle, qui 
était très douloureuse hier, ne l'est presque plus. 

9 Février. — 3° séance : 50 milliampères, une demi-heure. A la fin de la 
séance la douleur à la pression a disparu ; le malade peut faire quelques 
mouvements du bras sans souffrir. 

10 Février. — 4e séance : 50 milliampères, une demi-heure. L'amélioration 
est considérable. Les mouvements sont possibles. Il ne reste qu'un peu de 
raideur au niveau des insertions supérieures du deltoide. Le docteur X... reprend 
ses occupations très actives de chirurgien. 

{1er Mars. — L'amélioration se maintient. 

15 Mars. — Le malade, disposant de quelques heures de liberté, vient me 
demander de nouvelles applications électriques pour combattre la raideur non 
douloureuse de son épaule. 

Trois séances d'ionisation salicylée amènent une guérison totale. 


Os. IV. — Rhumatisme polyarticulaire aigu. Guérison en 9 séances. — 
M. R..., 45 ans, arthritique gras, chef de bureau, faisant peu d'exercice, gros 
appétit, sujet à la constipation ; quelques hémorroiïdes ; insomnies fréquentes ; 
céphalées parfois très intenses. 

Eczéma séborrhéique du cuir chevelu, en 1892. 

Première poussée de rhumatisme articulaire, en 185%. 


REVUE DE LA PRESSE 663 


Tous les ans, depuis 189%, poussées rhumatismales, soit articulaires, soit 
musculaires. Deux saisons à Barèges en 1904 et 1905, dont le malade s'est bien 
trouvé. 

La poussée actuelle remonte à 18 jours, s'était calmée il y a 5 jours; puis, à 
l'occasion d'un refroidissement, aggravation tres douloureuse. 

L'épaule gauche, l'articulation sterno-claviculaire gauche, le poignet gauche 
sont tuméfiés et douloureux. Le malade ne peut faire aucun mouvement. Les 
muscles du bras sont en état de demi-contracture ; leur mobilisation est très 
douloureuse ; le bras demeure collé au corps. Pas de fièvre. Douleurs permanentes 
même dans l'immobilité. Le malade ne peut garder la position horizontale et 
passe ses nuits sur un fauteuil. 

9 Juin 1906 — l'e séance d'ionisation salicylée. Une plaque de 200 centi- 
mètres carrés imbibée de salicylate de soude à 4 °/,, négative, placée en avant de 
l'articulation de l'épaule. Intensité du courant: 30 milliampères. Durée de la 
séance : une demi-heure. Toute douleur cesse pendant le passage du courant. 
Après la séance la contracture des muscles a disparu, les mouvements de flexion 
du coude et quelques mouvements d’abduction du bras sont possibles. 

11 Juin. — 3° séance. Amélioration très marquée. Le malade a bien dormi . 
ces deux dernières nuits, Le gonflement de la main et du poignet a diminué sans 
que le courant ait été appliqué directement. Je place le pôle négatif au coude 
dans la deuxième partie de la séance. 

13 Juin. — 5° séance : L'amélioration progresse. L'épaule demeure la plus 
atteinte. Les plaques sont placées en avant et en arrière de cette articulation. 
Intensité : 50 milliampères pendant 30 minutes. Le malade accuse après la 
séance une amélioration très nette. Il peut mobiliser son bras bien moins 
difficilement. Il ne peut pas encore s'étendre dans son lit, mais il dort sur son 
fauteuil. 

16 Juin. — ‘Te séance : Le malade dort dans son lit. Les douleurs sont 
insignifiantes. A la fin de la séance d'ionisation salicylée, quelques secousses de 
fermeture pour exciter les muscles du membre supérieur. 

20 Juin. — % séance: Guérison. Plus de douleurs, plus de gonflement, les 
mouvements sont presque tous possibles. Un peu d'infiltration musculaire et 
d'atrophie musculaire. 

30 Juin. — Quelques massages locaux et généraux ont parachevé la guérison. 


LeLOUTRE. — Eczéma prurigineux traité avec succès par le bain de 
Lumière. — Société médicale d'Indre-et-Loire, 1907. 


Parmi les procédés de thérapeutique par les agents physiques, forts à la mode 
actuellement, l'héliothérapie tient une place des plus importantes. M. Leloutre 
y a eu recours et n'a eu qu'à s'en louer, pour un malade atteint d'eczéma 
prurigineux, malade qu'il a présenté à la Société médicale d'Indre-et-Loire. 

Voici, d'ailleurs, l'observation résumée par le D" Leloutre. 

Il s'agit d'un malade qui me fut adressé par un confrère, le 2 juillet, afin 
d'essayer sur son eczéma le traitement radiothérapique. Début de l'affection au 
commencement d'avril, et malgré les traitements cela n'avait fait que croître et 
embellir. 

Le 2 juillet, ce malade présentait les lésions d'un eczéma sec généralisé. Des 
pieds à la tête y compris le cuir chevelu, poils, barbe, il était couvert de papules, 


664 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de plaques et de placards de toutes dimensions, depuis une petite lentille jusqu'à 
des énormes plaques, couvrant presque les cuisses, toutes très rouges, sèches et 
Iégérement squameuses, les papules qui siégeaient au cuir chevelu, dans la barbe 
et les sourcils, sans être précisément suintantes, étaient cependant légèrement 
grasses et séborrhéiques. Un prurit intense rendait tout repos et tout sommeil 
impossibles, 

Devant l'étendue des lésions, je jugeai impossible l'emploi des rayons X et je 
soumis le malade aux effluves de haute fréquence et à l'étincelage avec l’électrode 
condensateur pour les cheveux, la barbe et les sourcils. En mème temps, 
abstinence de vins, alcools, café, thé, épices, charcuterie, conserves, fraiscs, 
coquillages, poissons de mer, etc., pas d'autres traitements. 

Les démangeaisons disparurent dès les premières séances, comme tous les 
prurits traités par l'effluvation de haute fréquence. Les lésions du crâne, de la 
barbe et des sourcils étaient disparues à la 7° séance. Quant au reste, après trois 
semaines de traitement et quinze séances, il y avait une amélioration notable, les 
lésions s'étaient un peu aflaissées et étaient bien moins rouges, le malade n'était 
pas guéri, mais se trouvait très soulagé et, trouvant le temps long ; il abandonna 
le traitement le 21 juillet. 

Au bout de quinze jours, le 6 août, le malade m'est revenu, tout avait récidivé, 
tout excepté le prurit. Jeu l'idée, pour tâcher d'aller plus vite, de le soumettre 
aux bains de lumière ou plus exactement aux bains de lumière et chaleur, trois 
par semaine de vingt minutes chacun, les cinq dernières minutes entre 60 et 65 
degrés centigrades. Dés le deuxième bain, tout s'était affaissé et avait considéra- 
blement pâli, et après deux semaines, c'est-à-dire neuf bains, il était blanchi 
dans l’état où vous le voyez aujourd'hui. Je lui ai conseillé, à la fin du traitement, 
de prendre pendant quelques semaines une potion de salsepareille et d'arséniate 
de soude. 


Victor MARAGLIANO. — Sur l'influence des rayons X et du courant de 
haute fréquence sur le pouls cérébral. — Congrès pour l'avancement des 
Sciences, Lyon, 1906. 


Dans le temps où la radiothérapie a uno place trés importante dans le traite- 
ment de beaucoup de maladies, il était très naturel et, je crois, agréable, de 
rechercher quelle influence les rayons X peuvent avoir sur la circulation cérébrale. 

Dans le courant de l'année entrait, à la Clinique de Gênes, un jeune homme 
de dix-sept ans, qui, étant tombé dans son enfance, avait une blessure de l'os 
pariétal droit avec perte de substance, de manière qu'on voyait très distinctement 
la pulsation cérébrale. Le malade avait des attaques d'épilepsie Jacksonienne. 
Or, ayant construit une calotte en gutta-percha, de la dimension exacte de la 
solution de continuité, je l'ai mise en rapport avec un tambour de Marey, qui 
traçait les oscillations sur le papier noir fumé. 

Dans le mème temps, le malade recevait, dans la région temporale droite, 
un faisceau intense de rayons X bien délimité ct filtré avec deux feuilles de 
diachylon. 

Les rayons X étaient très pénétrants, correspondant au numéro 9 du fuoro- 
radiomètre Sciallero qui correspond environ au numéro 7 du radiochromomètre 
Benoist. 

Les séances ont duré chacune environ une demi-heure, espace de temps qui 


REVUE DE LA PRESSE 665 


ne pouvait pas être dépassé sans compromettre l'intégrité des téguments externes, 
et furent naturellement espacées, pour éviter les actions secondaires. 

Dans plusieurs expériences, je n'ai pu constater aucune action appréciable 
des rayons X sur la pulsation cérébrale. 

Je dirai tout de suite que je n'ai eu à déplorer aucun inconvénient secondaire 
pour le malade, ni céphalalgie, ni vertige, etc. ; par contre, on a remarqué que les 
crises épileptiques furent un peu moins fréquentes et moins fortes. Je ne donne 
a cette observation que la valeur que peut avoir une observation unique. 

Dans l'intervalle des applications de rayons, je fis des expériences avec le 
courant de haute fréquence. 

Le dispositif pour signaler les pulsations était le même que pour les rayons X. 
L'appareil pour obtenir les courants était celui de d'Arsonval, avec condensa. 
teur noyé dans l'huile minérale. Le condensateur avait la capacité d’environ 
0,001 mi-crofarad, la période d'environ 1/50.000 de seconde. 

Les courants furent appliqués de deux façons : par conduction directe et par 
auto-conduction dans la cage de d'Arsonval. Les courants directs, dérivés de trois 
ou quatre spires de solénoide, arrivaient à deux électrodes en plomb de la 
dimension d'un demi-centimètre carré, recouvert d'ouate trempée dans une solu- 
tion diluée de carbonate de soude. Les électrodes étaient placés sur les deux 
régions temporales. Ainsi on pouvait donner des courants suffisamment intenses 
(300 à 500 milliampères) sans aucune sensation désagréable pour le malade. 

Aussi, dans ces cas je n'ai observé aucun inconvénient. Naturellement, on a 
institué des expériences de contrôle pour éliminer n'importe quelle action sugges- 
tive. Les résultats de ces expériences sont les suivants : 

Sous l'action du courant de haute fréquence, l'amplitude des pulsations céré- 
brales diminue très sensiblement. Cette diminution a lieu graduellement et, 
environ dix minutes après le commencement, atteint son maximum. Cette varia- 
tion dure aussi apres l'interruption. On n'a la restitutio ad integrum qu'environ 
une heure après l'interruption des courants. 

On peut voir cette variation très clairement sur le diagramme annexe. Les 
mêmes faits observés par l'application directe ont lieu aussi, mais avec une 
intensité moindre, pour l'auto-conduction. 

Je crois que ces observations peuvent être rapprochées des beaux travaux de 
l'école française sur l’action des courants sur la pression du sang, travaux qui 
ont inspiré mes recherches. 

Malheureusement, le malade ayant quitté, malgré ma volonté, la clinique, je 
n'ai pas pu compléter mes travaux par la mensuration de la pression cérébrale. 
Cependant, je crois pouvoir affirmer que la diminution d'amplitude des oscillations 
est en rapport avec la pression sanguine. ll est remarquable qu'on obtient la 
même action avec l'application directe et avec l'auto-conduction. Je suis heureux 
de pouvoir, avec ces recherches favorisées par un hasard, apporter une petite 
contribution de cette nouvelle branche de science médicale, créée en France et 
développée avec un acharnement inspiré par beaucoup de savants français. 


Lewis Jongs. — Traitement de l'épithélioma par les ions zinc. — Archives 
d Electricité médicale, 25 mars 1907. 


Pour l'auteur, le transport des ions zinc dans les tissus affectés semble 
exercer une influence profonde dans l'épithélioma: dans beaucoup de cas, on 
obtient la guérison dans les quinze jours qui suivent une seule application. 


666 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


L'auteur dispose aujourd'hui de dix-neuf observations avec quatorze guérisons 
complètes : le mode d'application est celui préconisé par Stéphane Leduc, et 
l'auteur se sert d'une solution de sulfate de zinc à 2 °/o, imbibant du coton 
hydrophile, sur lequel est placée une anode formée d’une tige de zinc. L’ion zinc 
introduit par les forces électriques, ne pénètre pas seulement dans les espaces 
lymphatiques, comme le ferait un pique quelconque : il envahit aussi le 
protoplasma des cellules. 

Le maximum d'intensité est de 10 milliampères. L'application provoque une 
brulûre que l’on peut éviter en imbibant l'ulcère d'une solution de cocaïne avant 
la séance. 

La surface à traiter étant souvent fort irrégulière, les ions zinc sont inégale- 
ment répartis. Quand la surface est unie, sans ulcération, et quand les tissus 
malades ont une épaisseur de plus de 2 à 3 millimètres, on ponctionnera la peau 
à l'aide d'aiguilles de zinc qu'on introduit dans les tissus malades. 

Sur ces 19 cas, 6 ont guéri complétement après une seule séance; 3 ont exigé 
deux applications, 5 trois applications Un cas fut perdu de vue après una seule 
application et ne compte pas dans la statistique. Les autres 5 cas comprennent 
les échecs et les cas encore en traitement. 

On peut attendre un mois pour une seconde application, car l'amélioration 
continue souvent pendant tout ce temps. 

L'auteur cite, en outre, un cas d’eczéma pustuleux, en deux foyers siégeant 
au visage, dont l’un, traité par les ions zinc, disparut après une semaine : l’autre 
n'avait pas changé. Ce dernier, traité à son tour, disparut, comme l'autre, en 
une semaine. 

Les ions magnésium sont spécifiques en cas de verrues. 

Pour le temps, l'auteur n'a trouvé jusqu'ici aucun médicament efficace, après 
deux ans de recherches. Cet insuccès tient sans doute au fait que les tubercules 
bacillaires contiennent 40 à 50 p. 100 de graisse, ce qui les rend non-conducteurs 
de l'électricité. 


BÉR4RD. — Angiome caverneux de la lèvre inférieure. — Guérison 
en douze séances d'électrolyse. — Revue Chirurgicale, 15 juin 1907. 


L'enfant Georges F..., âgé de neuf ans, nous est amené au mois de novem- 
bre 1906. Les parents se sont apperçus, peu de temps après sa naissance, d'une 
tache vasculaire bleuâtre siégeant au milieu de la lèvre inférieure, sans tumeur, 
ni augmentation de volume. 

Au bout de quelques mois, la tache, qui avait l'étendue d'une pièce de 1 franc, 
a commencé à grandir. La lèvre s’épaissit et double de volume dans sa partie 
médiane, qui est le siège du mal. 

Jusqu'à l'âge de huit ans, les choses restent en l’état; l'aspect de la physiono- 
mic est disradii, mais aucun traitement n'est entrepris, parce que l'enfant 
jouit d'une vigoureuse santé et que ses parents redoutent toute intervention. 

A ce moment, le jeune garçon grandit beaucoup : il se produit une poussée 
vasculaire intense, et, dans l'espace de deux mois, le nœvus devint une véritable 
tumeur, grosse comme une petite mandarine, qui se couvrit de bourgeons 
vasculaires. 

Au moindre effort, la région devient turgescente et violacée. La peau est 


— PRE 


En 


REVUE DE LA PRESSE 667 


épaisse, rouge, framboisée, couverte de saillies verruqueuses avec sillons irrégu- 
liers ; on sent, dans l'épaisseur des tissus, de forts battements artériels. 

Du côté de la muqueuse, un suintement sanguin qui se produit parfois fait 
craindre une hémorrhagie à plus où moins brève échéance. 

Par la compression, on peut amener une légère diminution de volume. 

Nous avons affaire à un angiome caverneux qui peut prendre une extension 
redoutable et marcher rapidement. 

Le médecin de la famille avait fini par triompher des appréhensions de l’entou- 
rage et il nous conduisit lui-même son petit malade. 

Le traitement est commencé deux jours après. J'attaque la tumeur par sa péri- 
phérie, au moyen de six aiguilles de platine enfoncées en même temps, assez 
profondément et reliées au pôle positif. | 

Le courant est d'environ 25 milliampères. Après chaque séance, la tumeur 
devient dure et un peu gonflée, mais on ne note aucune réaction inflammatoire ; 
le traitement est parfaitement supporté. 

J'enserre ainsi le mal dans un cercle de piqûres électrolytiques qui s'oppose- 
ront à son extension. 

Au début, un peu d'écoulement sanguin se produit après le retrait des aiguilles 
mais il est facilement arrêté. 

On fait douze à quinze piqûres chaque fois. En deux mois, la tumeur s’est 
affaissée, au point de disparaître presque complètement. Il s'est produit un tissu 
fibreux et dur. La lèvre a repris sa forme normale. Pour donner au travail régressif 
le temps de s'accomplir, nous laissons l'enfant au repos pendant un mois environ. 
A ce moment, la transformation est complète, la peau est blanche et ne présente 
plus aucun des caractères du début. Par place seulement persistent quelques 
ilôts vasculaires que nous détruisons facilement en quatre séances courtes. 

Le jeune homme est revenu nous voir en avril dernier. Il est complètement 
guéri. La tumeur s'est résorbée, la peau a repris un aspect presque normal, rien 
ne rappelle la déformation ancienne. 


HareT. — Névralgie faciale et radiothérapie. — La Presse médicale, 
13 Mars 1907. 


On sait que la névralgie épileptiforme de Trousseau constitue une affection 
extrêément tenace : l'auteur a réussi, chez un malade dont la névralgie avait 
résisté à plusieurs interventions chirurgicales (la dernière fut une ablation du 
ganglion cervical supérieur du grand sympathique), à obtenir une guérison qui 
date de deux ans, avec quatre séances de radiothérapie. 

D’autres malades furent par la suite soumis au même traitement, consistant 
à irradier le point le plus douloureux. Actuellement, l’auteur est à même de poser 
les règles générales suivantes : Pendant les quinze premiers jours (une séance 
par semaine) pas d'amélioration : après la troisième séance, le plus souvent exa- 
cerbation telle que le patient déclare n'avoir jamais autant souffert; il arrive 
quelquefois que le sujet se refuse à continuer la médication. 

Si le traitement est continué, on observe rapidement, après une ou deux 
séances, une notable diminution des douleurs qui disparaissent ensuite complè- 
tement (un seul échec absolu). 

Il est probable que la crise d’'exacerbation est due à l’œdème du tissu qui 
entoure les filets nerveux, car la radiothérapie provoque, chez les malades atteints 


668 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d’adénopathie cervicale, une augmentation sensible de la circonférence du cou, 
au début du traitement, après chaque séance. 

L'auteur conseille d'essayer, dans la névralgie épileptiforme, la radiothérapie 
si les médicaments internes ont échoué et avant de recourir a l'intervention 
chirurgicale. Les cas les plus favorables sont ceux où les douleurs irradient autour 
d'un ou de plusieurs points nettement localisés. 

L'exacerbation temporaire des douleurs à la suite des premièresirradiations ne 
doit pas faire abandonner le traitement, car elle est fréquemment le prélude de 
l'amélioration définitive. 


Desrosses et MARTINET. — La sclérolyse ionique. — La Presse médicale, 
20 Mars 1907. 


On sait actuellement que la thérapeutique électro-ionique est capable d'exercer 
une action résolutive sur les raideurs, ank yloses et scléroses périarticulaires. 

La cathode exerce sous ce rapport une action puissante : comme solution 
électrolytique, on choisira de préférence celle de chlorure de sodium à { °/o ou 
celle de salicylate de soude à 2 °/,, si l'on recherche en même temps une action 
analgésique. La grandeur des électrodes est en moyenne de 100 centimètres 
carrés, et l'intensité en général supportée varie entre 40 et 80 milliampères. 

La plupart des cas publiés jusqu'ici concernent des ankyloses post-infectieuses, 
qui guérirent toutes en 3 à 8 séances d'une demi-heure, avec cathode placée sur 
la région ankylosée ; les auteurs ont eu surtout affaire à des ankyloses trauma- 
tiques et à des cicatrices de brûlures. Les ankyloses, d'origine rhumatismale, 
semblent beaucoup plus rebelles, surtout s’il existe encore, au moment du 
traitement, un état rhumatismal. 

Il est probable que cette action s'explique par l'introduction sous la cathode 
de radicaux acides, allant acidifier les phosphates et carbonates alcalino-terreux 
insolubles quand ils sont neutres, et facteurs importants de sclérose. 


Les courants de haute fréquence. 


PHYSIOLOGIE-THÉRAPEUTIQUE-TECHNIQUE (1) 


Par M. E. BONNEFOY (Cannes). 


Delégué de la Société Française d'Electrothérapie. 


L'action physiologique et thérapeutique des courants de haute 
fréquence a été, en France, dans ces dernières années, l'objet de 
nombreuses et vives controverses. 

Dès 1891, MM. d'Arsonval et Charrin avaient constaté que, en 
plaçant un sphygmomètre sur l'artère carotide d'un chien, et en 
introduisant l'animal en observation dans un grand solénoïde dans 
lequel passait un courant de haute fréquence, on obtenait en 
quelques minutes, un abaissement notable de la tension du sang dans 
l'artère. 

En 1897, M. le docteur Moutier, s'appuyant sur cette observation, 
eut l’idée de rechercher si le même phénomène ne se produisait pas sur 
l'homme hypertendu : il mesura donc la tension artérielle radiale avant 
et après chaque séance, au moyen du sphygmomètre de Verdin, et il 
reconnut que cette tension baissait dans des proportions très manifestes 
aprés des séances plus ou moins prolongées d'auto conduction. 

Cette action des courants de haute fréquence sur la tension artérielle 
fut généralement admise par les spécialistes, lesquels à quelques 
exceptions près, s'empressérent de les appliquer à toutes les maladies 
dans lesquelles on constatait une exagération de cette tension, et les 
résultats obtenus vinrent le plus souvent confirmer les espérances qu’on 
pouvait légitimement fonder sur cette méthode. 

Nous avons nous-même (2) ıl y quelqnes années, rapporté un certain 
nombre de faits cliniques dans lesquels l’action thérapeutique des 
courants de haute fréquence nous a paru absolument inconstestable. 


(1) Rapport présenté au Congrès International de Physiothérapie (Rome 1907). 

(2) Etudes cliniques sur'l’action thérapeutique des courants de haute fréquence et 
de haute tension dans les maladies par ralentissement de la nutrition (Annales 
d’'Electrobiolagie, 1903). 

Etudes cliniques sur l’action thérapeutique des courants de haute fréquence dans 
es troubles trophiques et vrsomnteurs (Annales d'Electrobilog'e 1901). 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. OCTOBRE 1907. —= 47 


670 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Quelque temps après, au Congrès de Médecine de Paris de 1905, 
M. Moutier, rapportant les résultats de nombreuses observations qu'il 
avait faites en collaboration avec son élève Challamel, sur des vieillards 
hospitalisés à la Maison de Nanterre, et dont l'hypertension artéricile 
était considérable, affirma qu'il suffisait, chez ces malades, d’un très 
petit nombre de séances, deux ou trois en moyenne, pour les ramener à 
lá tension normale. 

Cette communication ne laissa pas que de surprendre, mais sans le 
convaincre, le monde médical. Quelques expérimentateurs voulurent 
élucider la question, et ils ne tardèrent pas à reconnaitre que les résultats 
par eux obtenus étaient loin de concorder avec ceux énoncés par 
M. Moutier. De là à déclarer que l'action des courants de haute 
fréquence était nulle, il n'y avait qu'un pas, et certains d'entre eux 
n'hésitérent pas à le franchir, entrainant à leur suite ceux qui Jugeaient 
utile et nécessaire de protester contre de pareilles cxagérations. 

Aussi lorsque, au Congrès pour l'Avancement des Sciences, tenu à 
Lyon, en Juillet 1906, M. le professeur Teissier, proposa de porter cette 
question à l’ordre du jour du Congrès, cette proposition souleva-t-elle 
de nombreuses protestations, et les rapporteurs désignés, M. le professeur 
Doumer, de Lille, et M. le docteur Chanoz, de Lyon, en acceptant celte 
mission, firent preuve d'un réel courage. 

Ce n'est pas, certes, qu'ils se soient portés garants des expériences 
relalées par M. Moutier: M. Doumer, en les signalant, a eu soin 
d'ajouter que les résultats de ses propres expériences « n'ont pas été, à 
beaucoup prés, aussi brillants que ceux de M. Moutier », et qu'il n'est 
jamais arrivé à « ces abaissements considérables provoqués par une 
seule séance, et qui semblent être la règle pour M. Moutier » 

Néanmoins, les deux rapporteurs ont, l'un et l'autre, affirmé l'action 
hypotensive des courants de haute fréquence, malgié les dénégations de 
MM. Vaguez et Widal, dont les expériences avaient donné des résultats 
négatifs, sinon opposés, Nous verrons plus loin que la technique par eux 
employée differe considerablement de celle des précédents observateurs, 
et qu'on ne saurait trop s'étonner si les résultats n'ont pas été conformes 
aux leurs. 

Quant aux experiences de M. Moutier, nous avions d'abord pensé 
que, entreprises sur des vieillards affaiblis par les privations de toutes 
sortes, leurs résultats pouvaient s'expliquer par les conditions anormales 
des sujets observés (1). | 


(1) BoxxEeroY (de Cannes). — Réponse aux objections présentées au Congrès pour 
l'avancement des S:iences, de Lyon, sur l'action thérapeutique des courants de haute 
fréquence, (Balletin officiel de La Societé d'Electrothérapie, Dicembre 1906). 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 671 


M. Moutier ayant, depuis, affirmé que ceux obtenus dans sa propre 
clientèle étaient identiques à ceux qu'il avait communiqués au Congrès 
de Médecine de Paris, l'explication par nous proposée tombe d’elle-mème, 
et il ne nous reste qu’à constater que nul observateur, jusqu'ici, n’est 
venu corroborer les derniers faits qu'il avait énoncés. 

Dans son remarquable rapport présenté au Congrès d'Électrothérapie 
de Milan, en septembre 1906, M. Dénoyés, reprenant les précédentes 
recherches de MM. d'Arsonval et Charrin, non seulement a reconnu 
l'action hypotensive des courants de haute fréquence, mais encore il a 
démontré, par de nombreuses analyses, que pendant la période du traite- 
ment il y a augmentation du volume de l'urine, de l'azote total, du 
rapport azoturique, des nhosphates, sulfates et chlorures éliminés en 
24 heures, ainsi qu'une augmentation notable de la toxicité urinaire. 

L'action physiologique et thérapeutique des courants de haute fré- 
quence était donc assez généralement admise lorsque, au début de la pré- 
sente année, un grand journal politique publia, en première page, un 
article relentissant dans lequel les expériences de Moutier étaient signa- 
lées et considérablement amplifiées, puisque, au dire du rédacteur, il 
suffisait d’une ou deux séances de quelques minutes pour ramener à la 
normale une hypertension excessive, et que quelques séances suffisaient 
pour guérir, en moins de deux semaines, l'artério-sclérose la plus 
confirmée. | 

C'était fournir de nouvelles armes aux détracteurs de l'électrothérapie, 
ct M. Montier fut sollicité par un certain nombre de nos collègues et par 
nous-même, de démentir cet article, en signalant l'excessive exagéralion. 

Ce dernier ne crut pas devoir suivre ces conseils, et son silence fut 
considéré comme une adhésion à ce qui venait d’être publié, 

C'en était trop : et de tous côtés s'élevèrent de nombreuses protesta- 
tions. M. Huchard, assailli plus que quiconque, par les objurgations de 
ses malades, le suppliant de leur dire ce qu’il pensait d'un traitement que 
l'on disait si efficace, ne cacha pas son indignation, et afin d’en finir avec 
de telles exagérations, il demanda à la Société de Thérapeutique de porter 
la question à l'ordre du jour de l’une de ses prochaines séances. 

C'était, ce nous semble, faire beaucoup d'honneur à un article de 
journal signé d’un pseudonyme, ct auquel M. Moutier, s'il ne l'a pas 
désavoué, a, du moins, décliné toute participation, 

MM. Delherm et Laquerrière furent chargés de présenter à la Société 
un rapport sur cette question 1), et afin de répondre plus directement 


(1) Decnerm et LAQUERRIÈLE. — Sur l'Aciion des Courants de haute fréquence chez 
les hypertendus (Bulletin Général de la Suciéié de Thérapeutique, 15 Mai 1907). 


672 ANNALES D’ÉLICTROBIOLOGIE 


aux expériences rapportées par M. Moutier, ils jugèrent nécessaire de 
se conformer strictement à la technique par lui employée. 

Nous n'avons pu nous empêcher de considérer cette précaution comme 
vraiment excessive, car en agissant ainsi, ils n’ont fait que rétablir la 
réalité des faits en ce qui concernait les expériences de M. Moutier, 
tandis qu'ils auraient pu donner à leur rapport une plus grande envergure 
si, expérimentant les autres méthodes proposées, jls avaient comparé 
les résultats obtenus par chacune d'elles. 

Quoiqu'il en soit, il résulte de leurs expériences, conduites avec toute 
la minutie désirable et la plus grande impartialité, que si les dernières affir- 
mations de M. Moutier ont été absolument controuvées, ce dont personne 
ne doutait, l’action des courants de haute fréquence, mème employés selon 
sa propre technique, s'est presque toujours manifestée par un abaisse- 
ment de la pression artérielle, assez peu marquée, il est vrai, dans le 
plus grand nombre des cas, puisqu'elle ne dépassait pas 3 centimètres, 
mais atteignant, dans un quart des cas, un abaissement de 4 à 7 centi- 
mètres. 

Ces résultats sont d'autant plus remarquables que les observations 
ont été généralement de très courte durée. Le nombre des séances n'a 
atteint, en effet, le chiffre de 20 que dans trois cas; dans les autres cas, 
ce ombre a été de dix en moyenne, et encore les séance s ont-elles été 
toujours espacées de deux jours au moins, quelquefois plus. 

Néanmoins, les rapporteurs n'attachent pas une très grande impor- 
tance à la diminution de la tension artérielle, et ils constatent que les 
améliorations fonctionnelles sont souvent très accusées, alors que la 
tension a été très légèrement modifiée. Ils attribuent, à juste titre, ce 
résultat à l’action de ces courants sur les phénomènes de la nutrition et 
les excréta urinaires. 

Ce rapport, ainsi présenté, n’a, pour ainsi dire, pas soulevé d'objec- 
tions au sein de la Société de Thérapeutique, et M. Huchard lui-même 
n'a jugé utile ni digne de donner, en le discutant, plus d'importance qu'il 
ne convenait à un article d'un juurnal politique. 

En présentant le présent rapport au 2° Congrès de Physiothérapie, 
nous avons pensé qu'il étail utile de reprendre cette question de l’action 
physiologique et thérapeutique des courants de haute fréquence, en: 
exposant la méthode que nous avons adoptée pour leur application et 
qui a donné entre nos mains et entre les mains d’un certain nombre de 
nos collègues qui ont bien voulu s'y conformer, des résultats thérapeu- 
tiques nombreux et incontestables (1). 


h) Bulletin of siel de lu Société française d'Electrothérapie, juilet 1907. 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 673 


Nous avons limité nos recherches à l’action de cette modalité électri- 
que appliquée d'une façon générale, soit au moyen du grand solénoïde, 
soit, le plus souvent, au moyen du lit condensateur Ce n'est pas que 
nous attachions une bien plus grande importance à ce dernier appareil; 
il a surtout l’avantage, à nos yeux, de procurer au malade une position 
plus confortable. Nous avons cru remarquer cependant que, chez certains 
malades, principalement les cardiaques, le lit condensateur occasionnait 
parfois une certaine excitation nerveuse qui se traduisait par de l’insom- 
nie, et que le grand solénoïde ne provoquait pas cette excitation. C'est 
dans ces cas seulement que nous avons utilisé ce dernier appareil 

Quant aux applications locales de haute fréquence, soit sous forme 
d’eflluves, soit sous forme d'étincelles, nous renvoyons à l'excellent rap- 
port présenté, lan dernier, rar M. le docteur Dénoyés, au Congrès 
d'Electrothérapie de Milan, et dans lequel il a rappelé, avec ses propres 
travaux, ceux de Oudin, Doumer, Brocq. et nombre d'autres, tant en ce 
qui concerne le traitement de certaines dermatoses, de la fissure sphyncté- 
ralgique et des hémorrhoïdes, que des tuberculoses osseuses ou 
viscérales. 

Nous nous contenterons de signaler les remarquables recherches du 
docteur de Keating-Hart, sur le traitement de cancer, opérable ou non, au 
moyen des élincelles de haute fréquence, recherches dont cet expérimen- 
tateur a exposé les premiers résultats à ce même Congrès de Milan, et 
dont M. le professeur Pozzi a fait l’objet d’une retentissante communica- 
tion, dans l’une des dernières séances de l’Académie de Médecine. 


Action physiologique. 


L'action physiologique des courants de haute fréquence varie consi- 
dérablement suivant les sujets auxquels il sont appliqués, suivant aussi 
la méthode employée ponr cette application. 

C'est cette résistance plus ou moins grande des sujets en expérience, 
c'est celte différence dans la méthode d'application, qui, ayant amené des 
résultats si divers entre les mains des expérimentateurs, les ont conduits 
à des déductions très différentes, quelquefois même opposées. 

Les uns, en effet, se sont contentés de séances courtes et espacées, 
et si parfois ils ont obtenu un abaissement considérable de la tension 
artérielle chez les hype. tendus, le plus souvent cet abaissement leur a 
paru trop peu marqué pour qu'ils aient cru devoir y attacher une réelle 
import ince. 

D'autres ont procédé par des séances prolongées pendant 20, 25, 30 
minutes, et les effets par eux obtenus sur la tension artérielle ont été 


674 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


moins heureux encore, puisque non seulement il n’en est résulté aucun 
abaissement de la tension. mais ils ont, au contraire, constaté quelquefois 
une élévation assez marquée. 

Que conclure de ces actions différentes, sinon que, pour obtenir un 
effet hypotensif, il est nécessaire de ne soumettre les sujets à l’action des 
courants de haute fréquence que pendant un temps relativement court, et 
que si on applique ces courants au-delà d'une certaine limite, l'effet en 
est tout-à-fait d'fférent, et que l’hypotension obtenue au début de la 
séance disparait et peut mème se transformer en hypertension ? 

C'est ce nous avons constaté maintes fois sur nous-même et sur cer- 
tains malades qui nous adjuraient de prolonger la durée de leurs séances, 
dans l'espoir d'en obtenir un résultat plus rapide. Après quelques 
minutes de lit condensateur, nous éprouvons sur tout le corps une cer- 
taine sensation de chaleur, symptomatique d'une circulation périphérique 
plus active. Lorsque cette sensation est obtenue, elle se continue pendant 
quelques minutes, 4 ou 5 au plus; puis, au bout de ce temps, elle 
disparait peu à peu, et si nous persistons encore pendant un certain 
temps, la sensation de chaleur fait place à une sensation de froid; et il 
en résulte pour nous une certaine excitation nerveuse. se traduisant par 
‘de la céphalée, parfois même par du vertige et par de l'insomnie. 

Et si le lendemain nous renouvelons la même expérience, non seule- 
ment la sensalion de chaleur du début ne se fait plus sentir, mais encore 
nous éprouvons, dès les premières minutes, l'excitation qui ne s'etait 
manifestée, la veille, qu'au bout de 15 à 20 minutes; et pour obtenir la 
sensation de chaleur, nous sommes obligé de nous abstenir, pendant trois 
ou quatre jours, de renouveler l'expérience. 

Les observations de Sommerville, de Glasgow (1) sont venues 
démontrer, mathématiquement pour ainsi dire, la réalité de cette sensa- 
tion de chaleur sous l'influence des courants de haute fréquence. Dans 
une série de recherches très minuticuses sur un grand nombre de ses 
malades, il constata que quelques minutes de lit condensateur suffisaient 
pour élever de plusieurs degrés la température périphérique du corps, et 
que cette élévation était généralement proportionnelle à l'intensité du 
courant employé. Il reconnut aussi que l'élévation de température persis- 
tait un court espace de temps après l'interruption du courant, et qu'elle 
diminuait ensuite progressivement, mais beaucoup plus lentement qu'elle 
n'était montée. 

C'est la confirmation absolue des phénomènes subjectifs que nous 


(1) SouuerviLze. — The influence of high frequency currents on the surface tem- 
pérature of the human body (British Elestrothcrapeutic Society, April 1906). 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 675 


avions signalés, et nous avons la conviction que si M. Sommerville avait 
renouvelé quotidiennement la même expérience sur ses sujets en obser- 
vation, il aurait pu constater que l'élévation de la température arrivait 
à se manifester de plus en plus promptement au début des séances, et 
qu'elle se prolongeait pendant un temps de plus en plus long après la 
cessation du courant. 

Aussi arrive-t-il parfois que cette élévation de la température péri- 
phérique est telle qu'elle s'accompagne d'une véritable sudation ; c'est 
notre propre cas, c'est surtout le cas de notre ami le docteur Rondeau, 
dont nous avons publié ailleurs i) la très intéressante observation. A 
chaque séance et dès la seconde minute, il éprouve une sensation de 
chaleur qui va toujours en augmentant jusque vers la septième ou hui- 
tième minute; à ce moment il survient une sueur abondante, principale- 
ment dans la région dorso-lombaire, et le malade s’en trouve assez 
incommodé pour nous prier d'interrompre le courant. 

Et que l'on ne croie pas qu'il soit besoin, aujourd’hui, pour obtenir ce 
"récultat, de séances nombreuses et répétées : après une interruption du 
traitement de plusieurs semaines, voire même de plusieurs mois, ce 
même phénomène se reproduit dès la première ou la seconde séance, ce 
qui démontre bien la persistance d'action du traitement, lorsque celui-ci 
a été suffisamment prolongé. 

Il est donc incontestable que, sous l'action des courants de haute 
fréquence, l’afllux du sang devient beaucoup plus considérable dans les 
vaisseaux de la périphérie, par suite de l'augmentation de la capacité de 
ces vaisseaux. 

Mais s'il en est ainsi, il est bien évident que, les capillaires recevant 
une plus grande quantité de sang, cette augmentation devra correspondre 
à une déplétion plus ou moins marquée dans les grosses artères, d'où 
diminution de la tension du sang dans ces artères, 

C'est, en effet, ce que l'on peut constater directement sur l'artère 
radiale, par exemple, au moyen du sphygmomanomètre : si l'on mesure 
le degré de tension avant et après la séance, on constate généralement, 
au bout de quelques minutes, une diminution manifeste de cette tension. 

Nous disons généralement et non pas toujours, car il est des cas où 
c tte hypotension n'est pas obtenue aussi facilement, ainsi que Pont 
reconnu tous les expérimentateurs, au point que certains d’entre eux 
ont été amenés même à contester l’action hypotensive des courants de 
haute fréquence. Ces derniers, pour bien démontrer que cette action 


a) L'arthritisme et son truitement par les courants de haute fréquence (1 volume, 
Büaillière et Fils, Paris, 1907). 


10 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


n'existait pas, ont cru utile de faire des séances de longue durée, pen- 
sant ainsi que l'hypotension devait se produire d’autant plus sûrement que 
le sujet en expérience était soumis plus longtemps à l’action du courant. 
Nous avons vu que, d'après nos propres recherches, c'est le contraire 
qui se produisait. 

Mais il n’en sera pas de même si, dans ces cas récalcitrants, au lieu 
de faire une longue séance à intervalles éloignés, on en fait de courtes et 
à intervalles rapprochés, tous les jours, même deux fois par jour, s'il le 
faut, à condition que ces deux séances soient séparées par un intervalle 
de plusieurs heures. Si, dans ces conditions, on prolonge l'expérience, 
sans se rebuter, pendant un certain temps. dix, quinze, vingt jours s'il 
le faut, on obtiendra à peu près sûrement une diminution de la tension 
a’tirielle centrale, et on provoquera la sensation de chaleur symptoma- 
tique d’une meilleure circulation périphérique. 

Quelles sont les causes de cette différence d'action des courants de 
haute fréquence, c'est à dire pourquoi obtient-on si aisément, en quelques 
séances, un abaissement notable de la pression artérielle c'hez certains 
sujets, alors que chez d'autres il est nécessaire de les soumettre à un si 
grand nombre de séances pour atteindre ce même résultat; en un mot, 
quels sont les obstacles qui, chez ces derniers, s'opposent à l'action du 
traitement ? 

Ces obstacles sont très divers : les uns sont d'ordre psychique, tels 
que les soucis, les chagrins, un surmenage intellectuel ; les autres sont 
d'ordre physique, tels que l’action du froid, un séjour prolongé dans un 
lieu humide et mal aéré ; enfin ils peuvent avoir aussi pour cause l’action 
de certains agents médicamenteux ou toxiques, susceptibles de déter- 
miner, par leur action excitante sur le système vaso-moteur, un état spas- 
modique des vaisseaux capillaires : tels sont l'alcool et surtout le tabac. 

C'est, en effet, chez les fumeurs invétérés, que, parmi nos nombreuses 
observations, nous avons trouvé la plus longue résistance à l'action des 
courants de haute fréquence, et ce n'est que lorsque, sur nos objurgations, 
ils ont consenti à diminuer notablement la quantité de tabac consumé 
que nous avons pu parvenir à abaisser lear tension artérielle. 

Par quel moyen les courants de haute fréquence peuvent-ils ainsi 
agir sur la circulation? Par leur action spéciale sur le système nerveux 
vaso-moteur, ainsi que l'ont établi les expériences physiologiques de 
M. d'Arsonval, et ainsi que nous avons concouru à le démontrer au 
point de vue clinique, soit que ces courants excitent les nerfs vaso- 
dilatateurs, soit qu'ils neutralisent l'excitation des vaso-constricteurs, 
en facilitant l'élimination des toxines qui la provoquent 

Les physiologistes ont démontré que les vaisseaux capillaires 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 677 


présentent normalement un état, dit tonique, intermédiaire entre la 
contraction et le relächement, sous la dépendance des nerfs vaso- moteurs 
dont les filets, constricteurs et dilatateurs, se font équilibre. 

Mais si cet équilibre se trouve rompu, soit par l'excitation exagérée 
des nerfs vaso-dilatateurs ou des nerfs vaso-constricteurs, soit par leur 

` paralysie, il en résultera dans la circulation et, partant, dans la nutrition, 
des troubles plus ou moins accentués. 

L'augmentation du tonus vasculaire, en amenant la constriction des 
vaisseaux, aura pour effet de diminuer l'afflux du sang, tandis que leur 
‘dilatation l’augmentera, et suivant que cet afllux sera augmenté ou 
diminué, la nutrition, générale ou locale, subira soit une exagération, 
soit un ralentissement, proportionnels à la durée et à l'intensité de ces 
modifications. 

Lorsque l’exagération du tonus vasculaire ne se manifeste que dans 
une région limitée du corps. la circulation générale ne s’en trouve que 
peu ou po nt modifiée ; mais lorsque ce phénomène s'étend sur une plus 
grande étendue, ou bien lorsque la vaso-constriction est générale, il en 
résulte des changements considérables dans la pression et dans la 
vitesse du sang 

Il est évident, en effet, que la capacité des artérioles et des capillaires 
se trouvant diminuée, le sang que ces vaisseaux devraient normalement 
contenir, est en partie refoulé vers les grosses crtères, d'où augmentation 
de leur tension. D'autre part, le cœur est le siège de contractions plus 
intenses destinées à surmonter la résistance du réseau périphérique, d’où 
aussi augmentation de la tension dans les artères. 

L'hypertension artérielle est donc due, d'un côté à la résistance 
opposée à la cireulation du sang par l'excitation des nerfs vaso-constric- 
teurs, ou par la paralysie des vaso-dilatateurs, et, d'un autre côté, à 
l'augmentation de la force impulsive du cœur. 

Or, ici, ces mêmes courants de haute fréquence qui ont pour effet 
d'abaisser la tension artérielle dans l'ypertension, la relèvent, au 
contraire, chez les hypotendus. 

Il est aisé de se rendre compte que ces deux effets, opposés en 
apparence, ne sont nullement contradictoires. 

L'action des courants de haute fréquence est toujours la même sur 
le système nerveux vaso-moteur ; ils favorisent la circulation périphé- 
rique et suppléent ainsi à l'insuffisance cardiaque. Mais cette insuffisance 
n'est que relative ; elle est en rapport avec la résistance opposée par la 
contraction des vaisseaux périphériques. 

Si, en effet, nous diminuons cette contraction, le cœur n'aura plus 
besoin d’un effort aussi considérable, son impulsion sera suivie de plus 


678 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


d'effet; partant, il enverra dans le torrent circulatoire une plus grande 
quantité de sang, d'où relèvement de la tension artérielle. 

Les faits cliniques par nous observés nous ont fréquemment donné la 
preuve de cette action. 

Le docteur Samuel Sloan, de Glasgow, qui a reconnu la même 
influence des courants de haute fréquence sur le système cardio-vaseu- 
laire, va encore plus loin (1) Pour lui, ces courants agissent d'abord 
sur les vaisseaux de la périphérie, qu'ils dilatent et dont par conséquent 
ils diminuent la résistance. C'est alors que le muscle cardiaque reprend 
sa force impulsive, non plus seulement parce qu'il a une moins grande 
résistance à surmonter, ainsi que nous l’avions dit, mais aussi parce qu'il 
est, lui aussi, influencé par l’action directe du courant qui en augmente 
la puissance. 

Que l’on admette l'une ou l’autre de ces deux théories, le résultat 
n’en sera pas moins identique, et on constatera une augmentation de la 
tension artérielle. 

Nous conclurons donc, de ces deux ordres de faits, abaissement de la 
pression chez les hypertendus, relèvement chez les hypotendus, que les 
courants de haute fréquence sont essentiellement les régulateurs de la 
circulation. 


Action thérapeutique. 


Nous nous sommes assez longuement étendu sur l'action physio- 
logique des courants de haute fréquence pour n'avoir pas à insister outre 
mesure sur leur action thérapeutique. 

Les maladies ayant leur origine dans les troubles de la circulation 
générale, ou celles qui se compliqnent de ces troubles, devront être 
heureusement influencées par l'application de cette modalité électrique. 

Les nombreux faits cliniques qui ont été rapportés dans ces dernières 
années sont venus confirmer les espérances qu’on pouvait légitimement 
fonder sur ce traitement. C'est ainsi que l'on peut, aujourd'hui, hardiment 
affirmer que les courants de haute fréquence constituent le traitement de 
choix de l'arthritisme dans toutes ses formes, de ces maladies, en appa- 
rence si diverses, que M. le professeur Bouchard a si justement désignées 
sous le terme générique de - maladies par ralentissement de la nutrition ». 
Qu'il nous suffise d'énumérer : le rhumatisme et la goutte; les lithiases 
biliaire et urique ; certaines formes de l'asthme et de l’emphysème pulmo- 
naire, du diabète; certaines dermatoses arthritiques, telles que l’eczéma, 
le psoriasis, l'acné rosacé, etc. 


(1) Dr Samuel SLoan. — Medical Elcctrology and Radiology, March-Avril 1906. 


BONNEFOY — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 679 


Nous avons rapporté plus de cent observations de guérisons, parfois 
inespérées, obtenues par ce traitement : de nouvelles sont venues, en 
aussi grand nombre, confirmer les résultats des précédentes. Aussi 
jugeons nous superflu d'insister plus longtemps. 

Il est, toutefois, certains cas pathologiques qui n’ont pas été, du moins 
jusqu'à ce jour, considérés comme des manifestations de la diathèse 
arthritique, el dans lesquels, cependant, le traitement par les hautes 
fréquences s'est montré des plus efficaces: tels sont les troubles de la 
circulation lymphatique, ceux consécutifs à des maladies organiques du 
cœur, l'artério-sclérose, enfin, certains troubles locaux de la nutrition, 
que l'on a désignés sous le nom de érophonévroses. 

Nous pensons donc qu'il est utile de leur faire une place à part dans 
le présent rapport. 

Lymphatisme. — Étant donné l’action si spécisle des courants de 
haute fréquence sur la circulation capillaire, nous avons été amené, par 
analogie, à expérimenter cette même action sur la circulation lymphatique, 
et nous avons été heureux de constater qu'elle n'était pas moins manifeste. 
Nous avons publié trois observations, les seules, du reste, qu'il nous ait 
été donné de faire, dans lesquelles les courants de haute fréquence ont 
amené une guérison rapide et durable. 

Le premier de ces cas se rapportait à un de nos confrères qui, depuis 
plus de vingt ans, à la suite d’une lymphangite et d'un phlegmon diffus 
de la jambe, provoqués par un ongle incarné, était atteint d’une infil- 
tration œdématceuse permanente avec aspect éléphantiasique de la peau. 
Tous les traitements employés, ainsi que les cures d'eaux salines, s'étaient 
montrés inefficaces, parfois même nuisibles, et le malade était souvent 
obligé, surtout pendant l'hiver, de se reposer pendant plusieurs jours 
consécutifs, à cause de la tuméfaction excessive de la jambe et des 
violentes douleurs qui l'accompagnaient. Pendant toute la durée du trai- 
tement {hiver 1903-1904) il a pu continuer sans arrêt l'exercice de sa 
profession et, depuis, il n’a subsisté qu’un léger gonflement œdémateux 
de la jambe, mais absolument indolore et ne l'ayant jamais obligé à 
garder le repos. 

Dans la seconde observation, il s'agit d'un homme, âgé de 50 ans, qui 
souffrait depuis trois mois d'une lymphangite de tout le membre supérieur 
droit, consécutive à une piqûre à l'index. Le membre était très tuméfié ; 
douloureuse, la peau était cyanosée, tout mouvement était impossible. 
En moins de quatre semaines et sans autre traitement que celui par le lit 
condensateur, le malade a été complètement guéri et il a pu se servir de 
son bras. La guérison s'est maintenue complète depuis cette époque. 

Enfin, le dernier cas se rapporte à une dame anglaise, âgée d’une 


680 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


quarantaine d'années, à qui on avait fait, quelques mois auparavant, 
l'amputation du sein gauche pour une tumeur que l'on avait jugée de 
nature cancéreuse, mais l'examen histologique n'avait pas confirmé le 
diagnostic. 

Quelques mois après, une semblable tumeur se manifeste au sein 
droit et se développe avec une grande rapidité. 

Peu désireuse de subir une nouvelle opération, la malade vint nous 
demander si l’électrothérapie ne pourrait pas lui permettre de l'éviter. 

La constitution lymphatique de la malade, dont tous les ganglions 
étaient plus ou moins engorgés, le résultat négatif de l'examen histolo- 
gique de la première tumeur, nous engagèrent à tenter le traitement par 
le lit condensateur. Après quelques séances, le développement de la 
tumeur s'arrêta, en même temps que les ganglions diminuaient de gros- 
seur. Puis, la tumeur se résorba peu à peu et disparut en moins de six 
mois ll y a de cela plus de deux ans, et la guérison s'est maintenue. 

Nous pourrions rapprocher de ces trois observations un cas de maladie 
de Basedow, dans lequel le même traitement a été suivi d’un effet tout 
aussi satisfaisant, mais un cas unique ne paraissant pas suffisant pour en 
tirer des conclusions précises, nous réservons cette question pour de 
no'ivelles expériences. 


Maladies du cœur. — En novembre 1905, dans une lettre ouverte à 
la British Electrotherapeutic Society (1), signalant l'action régulatrice des 
courants de haute fréquence sur la circulation, nous faisions entrevoir les 
heureux effets que l'on pourrait retirer de leur application dans les mala- 
dies du cœur, et nous donnions, comme exemple, une très intéresante 
observation communiquée à cette société savante, par le Dr Elliot, de 
Londres. 

Cette observation, qui présentait une grande analogie avec celle que 
nous citons dans cette lettre venait à l'appui de l'opinion que nous avions 
émise : et, désireux de soumettre la question à la Société Française 
d'Electrothérapie, nous priâmes M le D" Laquerrière de vouloir bien lui 
donner lecture de notre travail. 

M. le professeur Doumer, président, sans contester, du reste, cette 
cette aclion, considéra que ces vues sur le trailement des cardiaques 
étaient bien théoriques, et qu'elles auraient besoin d'être appuyées sur 
des faits cliniques On avait en effet, jusqu’à ce jour, considéré que les 
courants de haute fréquence, en activant la circulation, n'avaient un tel 
résultat que grâce à une excitation directe sur le cœur, et cetle excitation 


(1) On the effect of the high frequency currents on arterial tension, Medical E'ec- 
trology and Rudiology, novembre 195. 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 681 


pouvant présenter de graves dangers, il était recommandé, par la plupart 
des spécialistes, de s'abstenir de les appliquer toutes les fois que l'on se 
trouverait en présence d'un état défectueux de cet organe. 

Fort de nos premières observations, nous avons répondu à l'appel de 
M. Doumer, et les faits nouveaux que nous avons publiés ont été assez 
convaincants pour l'engager à expérimenter lui-même l'action de ce trai- 
tement sur deux ou trois cardiaques. Nous eûmes, il y a quelques 
semaines, la satisfaction d'apprendre, de sa propre bouche, qu’il avait 
fait merveille, et qu'il était bien résolu à l'appliquer désormais toutes 
les fois que l'occasion lui en serait fournie. 

M. le D' Bokenham, de Londres, voulut bien aussi nous informer 
dernièrement que les résultats par lui obtenus étaient la pleine confirma- 
tion de ceux que nous avions énoncés. 

Nous ne prétendons pas, bien entendu, que l’action des courants de 
haute fréquence soit de faire disparaitre des lésions irrémédiables ; mais, 
en facilitant la circulation dans les capillaires, en agissant sur ce que 
M. Huchard a si justement appelé le cœur périphérique, ils diminuent 
notablement l'effort de cet organe, et ils empêchent, au moins jusqu'à un 
certain point, le développement progressif de ces lésions. 

Telles sont aussi les conclusions de M. le D" Bellemanière, qui, dans 
une des dernières séances de la Société d'Electrothérapie, après avoir 
cité un certain nombre de cas de cardiaques alors en cours d'observation, et 
chez lesquels il avait déjà obtenu une très notable amélioration, conclut 
en ces termes : « Tous ces malades étant encore en traitement, il n'y a 
pas lieu de tirer de ces résultats des conclusions qu’ils ne comportent pas, 
mais seulement de faire remarquer qu'ils confirment les faits avancés par 
M. Bonnefoy ; c'est à lui que revient le mérite d’avoir, le premier, 
attiré l'attention sur ces faits cliniques que je continue, pour ma part, a 
observer avec soin chaque fois que l’occasion m'en est fournie » 

Nous aurions voulu, afin de donner une démonstration plus frappante 
encore de l'action bienfaisante des courants de haute fréquence dans les 
maladies du cœur, trouver l'occasion de les appliquer dans un cas de persis- 
tance du trou de Botal, non point certes dans l'espoir de modifier en rien 
l'état de la cloison interventriculaire, mais d'obtenir une meilleure oxygé- 
nation du sang, et, par conséquent, une amélioration dans l'état sympto- 
matique de cette maladie. 

Cette occasion ne s’est pas présentée, et nous ne pouvons qu'engager 
ceux de nos collègues à qui elle viendrait à échoir, à tenter cette expé- 
rience, soit sous forme d'autoconduction, soit sous forme de condensation, 
en ayant soin, bien entendu, de surveiller avec la plus grande attention 
l'état de la pression artérielle, ainsi que les phénomènes subjectifs qui 


682 | ANNALES D’ÉLECTRORIOLOGIE 


pourraient survenir. Nous avons la ferme conviction que, en agissant 
avec prudence, il ne surviendrait rien de fâcheux, et que l'on arriverait à 
procurer à ces malades un notable soulagement, et peut-être à prolonger 
leur existence au-delà des limites ordinaires. 


Artério-sclérose. — L'action thérapeutique des courants de haute 
fréquence dans l'artério-sclérose est, de toutes, celle qui a été le plus 
contestée, le plus niée, sans doute parce que c’est celle aussi qui a été le 
plus spécialement mise en avant, par les articles extra-scientifiques aux- 
quels nous faisons allusion au début de ce travail. 

Néanmoins, on admet leur application dans cette maladie, mais seule- 
ment dans le but d'en diminuer les phénomènes subjectifs : « 5i les cou- 
rants de haute fréquence ne nous paraissent pas du tout capables d’avoir 
le rôle curateur qu'on a voulu leur attribuer contre l'artério-sclérose, 
leur emploi ne parait pas devoir être négligé commn moyen de soulage- 
ment dans l’artério-sclérose, ni comme traitement prophylactique chez 
les candidats à cette affection ». (1) 

Que répondre à ces dénégations, sinon par le célèbre e pur si muore 
du grand Galilée ? 

Nous avons, en effet, dans notre ouvrage, précédemment cité (2, 
rapporté quatorze observations d'’artério-sclérose chez lesquels nous 
avons obtenu non seulement un abaissement considérable de la tension 
artérielle et une sédation des troubles fonctionnels qui en étaient la consé- 
quence, mais le plus souvent aussi une diminution très appréciable de 
l'état rigide et sinueux de l'artère radiale. 

Nous nous contenterons d'en signaler une qui est d'autant plus 
typique que c’est, peur ainsi dire, forcé par le désir de l’une de ses 
malades, que son médecin, le docteur Logez Duc, de Paris, a consenti 
à nous la confier, non sans avoir décliné tout responsabilité. 

Le 14 janvier 1906, nous recevions de lui la dépéche suivante : 
e Escomptez-vous résultat vraiment effectif de votre traitement électro- 
thérapique pour une artério-sclérose avancée ? » 

Sur notre affirmation des heureux résultats par nous déjà obtenus, la 
malade vint se soumettre à notre traitement. Elle était, depuis deux ans, 
sujette à des crises d'oppression, à des céphalées intenses et à des vertiges 
qui allaient parfois jusqu'à la perte absolue de connaissance pendant 
plusieurs minutes. Tous les traitements, jusque là prescrits, avaient 
échoué. 


(1) Docteur A. LAQUERRIÈRE. — Artério-sclérose et d’Arsonvalisation (Le Bulle- 
tin Medical, 28 août 1907). 
(2) L'A rthritisme et son traitement par les Courants de haute fréquence. 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 683 


Dès les premières séances faites quotidiennement, nous obtinmes 
une très grande amélioration dans ces symptômes, et après trente-cinq 
séances consécutives, lı malade repartit dans un état de santé aussi 
satisfaisant qu'il était possible de l'espérer en un aussi court espace de 
temps. 

Quinze jours après son relour à Paris, elle nous écrivait : « Le 
docteur Logez-buc a été très heureux de constater une grande améliora- 
tion dans ma santé, et il me charge de vous demander quelques rensei- 
gnements sur le traitement que vous m'avez fait suivre et qu'il se pro- 
pose de me faire continuer ici. » 

Nous avons eu des nouvelles récentes de cette malade qui, malgré un 
genre de vie peu conforme aux prescriptions de l'hygiène, continue à se 
porter aussi bien que possible. 

Il y a quelques mois, au Congrès de Climatothérapie de Cannes, 
M. le docteur Renon, médecin des hôpitaux de Paris, nous ayant demandé 
quelques explications supplémentaires au sujet de notre rapport (1) dans 
lequel nous signalions l’action des courants de haute fréquence dans 
l'artério-sclérose, action qu'il avait peine à admettre, nous lui citämes 
le cas d'un de nos malades, à ce moment là en traitement, qui nous avait 
été confié par le docteur Bourgeois, de Grasse. 

Ce malade nous était arrivé, deux mois auparavant, dans un état de 
véritable asphyxie caractérisée par une violente dypsnée et une cyanose 
généralisée, avec ascite, infiltration œdémateuse des poumons et des 
membres inférieurs, tachycardie avec fréquentes intermittences du pouls ; 
enfin, l'analyse des urines décelait 1 gr. 70 d’albumine par litre. Au 
moment du Congrès, la circulation s'était parfaitement régularisée, 
puisqu'on ne comptait plus que 80 pulsations à la minute et on ne perce- 
vait que de loin en loin une légère intermittence. La cyanose avait 
disparu, ainsi que l'oppression; lascite et l'’infiltration œdémateuse 
s'élaient totalement résorbées, sauf au pied gauche, lequel se tuméfiait 
cucore un peu sous l'influence de la marche. Enfin, l’albumine n'était 
plus que dans la proportion de 0,25 centigrammes par litre, une fois 
même on n'en avait trouvé que des traces impondérables. 

Nous n'avons pas pu, à notre grand regret, poursuivre cette obser- 
vation jusqu'au bout, un médecin ami, qui était venu à ce Congrès, 
ayant dissuadé le malade, et surtout la famille, de continuer le traite- 
ment plus longtemps, dans la crainte de déterminer une maladie nerveuse, 
par suite de l'excitation produite, affirmait-il, par les courants de haute 
fréquence. | 


(u Les troubles vaso-mofeurs et les Trophonécroses sur le littoral Méditerranéen 
(Congrès de Climatothérapie 1207). 


634 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le résultat obtenu chez ce malade nous semble toutefois assez impor- 
tant pour que nous le considérions comme un véritable succès. 

Etant donné ces faits, nous devons nous demander comment agis- 
sent les courants de haute fréquence dans l'artério-sclérose, et pour 
quelles raisons les résultats par nous obtenus n'ont pas encore été 
confirmés par d'autres observateurs. 

L'artério-sclérose est une maladie qui a pour signe pathognomonique 
la dégénérescence et la calcification des parois artérielles. 

Mais comment se produit cette calcification? Faut-il, ainsi que le 
pense M. Huchard, considérer cette affection comme provoquée par une 
hypertension permanente du sang dans les artères, ou bien est-elle tou- 
jours le résultat d’une inflammation chronique interne, déterminée par 
un agent pathogène infectieux véhiculé par le torrent circulatoire, ainsi 
que l’enseignent les anatomopathologistes ? 

La discussion qui s'est élevée dernièrement, sur ce sujet, au sein de 
l'Académie de Médecine, et dans laquelle M. Huchard soutient que 
l'artério-sclérose est toujours précédée d’une période prémonitoire, se 
manifestant par un degré élevé et permanent d’hypertension, tandis que 
MM. Chantemesse et Hayem affirment que l'hypertension est un phéno- 
mène consécutif à l’artério-sclérose, cette discussion démontre simple- 
ment une chose, c'est que certaines formes de l’artério-sclérose sont 
précédées par l'hypertension, tandis que celle-ci accompagne certaines 
autres formes. 

C'est, du reste, ce que M. Oscar Klotz, professeur de pathologie à 
Montréal, a exposé dans une très intéressante leçon qui a été publiée (1). 
Cet auteur a démontré, par des recherches expérimentales, que l’artério- 
sclérose peut avoir plus d’une origine, et que l'on ne doit pas assimiler 
le cas où la dureté de l'artère radiale fait porter, par le clinicien, le 
diagnostic d’artério-sclérose, avec celui où à l'autopsie, l'anatomo-patho- 
logiste constate un degré plus ou moins marqué de calcification de 
l'artère aorte, par exemple. 

Les parois des artères sont, en effet, susceptibles, de même que les 
autres organes, de troubles trophiques dus à un ralentissement de la 
nutrition, à un défant d'élimination de ses résidus, se manifestant plus 
spécialement dans leur épaisseur. 

Si donc nous favorisons la dissolution et l'élimination de ces produits 
calcaires, non seulement en agissant sur la circulation des capillaires, 
mais aussi en réveillant, en activant les fonctions des cellules, ainsi que 
l'ont démontré les recherches physiologiques de MM. d'Arsonval et 


(1) Oscar KLorz. — The ar:erio-sclerosis (Brütish Médical Journal, 22 déc. 1906). 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 685 


Charrin, nous guérirons l’artério-sclérose (à condition toutefois que la 
dégénérescence artérielle ne soit pas trop avancée) de même que nous 
guérissons les autres manifestations de l'arthritisme. ; 

C’est donc à tort, pensons-nous, que M. Huchard considère l'artério- 
sclérose comme la conséquence directe de l'hypertension artérielle. 
L'hypertension précède bien l'artério-sclérose, mais de même qu'elle 
précède toutes les autres manifestations de la diathèse arthritique, par le 
fait du ralentissement de la circulation périphérique, due à l'excitation 
des vaso-constricteurs. Et c'est par la double action des courants de 
haute fréquence sur le travail cellulaire et sur la circulation générale, 
que l’on redonne aux artères leur élasticité normale, en favorisant l'éli- 
mination des produits calcaires dont elles sont infiltrées. 

Nous ne prétendons pas, cependant, que les courants de haute 
fréquence ne peuvent agir que dans cette forme de l’arlério-sclérose, et 
qu'il n'y a pas lieu de les appliquer dans la forme d'origine infectieuse. 
Nous estimons qu'il y a entre ces deux formes les mêmes rapports qui 
existent entre la goutte et le rhumatisme articulaire, et que cette dernière 
affection ayant été souvent justiciable de ces courants, on est logique- 
ment en droit d'espérer un bon résultat de leur application dans cette 
maladie. Nous n'avons toutefois aucun fail clinique à apporter à l'appui 
de cette opinion. 


Truphonévroses. — Nous avons dit que, de l'action physiologique 
des courants de haute fréquence, il découlait que ces courants devaient 
être appliqués dans toutes les maladies consécutives aux troubles de la 
circulation générale, 

L'expérience nous a démontré qu'il était des troubles locaux de la 
circulation dans lesquels leur action s’est manifestée tout aussi efficace, 
et nous avons récemment communiqué à la Société française d'électro- 
thérapie (1) cinq observations de maladies de Raynaud qui ont été guéries 
au bout d'un temps plus ou moins long par cette application. 

Ces résultats ont été confirmés par M. Laquerrière, secrétaire géné- 
ral de la Société, qui, dans la discussion qui a suivi notre communication, 
dit : « Je n'ai eu a traiter qu'un cas de maladie de Raynaud chez un jeune 
homme, que j'ai soigné rigoureusement sur les indications de M. Bonnc- 
foy. Il s'agissait d'un cas très net, quoique d'intensité moyenne... Au 
nom de cette expérience restreinte, je confirme absolument les conclu- 
sions de M. Bonnefoy -. 


(1) Traitement de lu maladie de RayxauD par les courants de haute fréquence 
Bulletin de lu Société française d'Electrothérapie, juillet 1907). 


ANNALES L’ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — OCTOBRE 1907. 48 


686 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Faut-il induire de l'action de ce traitement que l'on doit considérer 
la maladie de Reynaud comme une manifestation de la diathèse arthri- 
tique ? 

C’est la conclusion que nous en avons tirée, et nous l'avons appuyée 
sur ce fait que les malades par nous observés ont tous présenté soil des 
troubles généraux de hà circulation, soit des manifestations goulteuses ou 
rhumatisimales. 

ll serait intéressant de rechercher si le traitement par les hautes 
fréquences donnerait un résultat aussi satisfaisant dans les autres troubles 
de la circulation locale, tels que le zona, le mal perforant du pied, la 
scléro-demuie, l'acro-mégalie, etc., toutes affections que l’on a, de même 
que la maladie de Raynaud, désignées sous l'ap; ellation générale de 
trophonevroses. 

L'occasion ne s’est pas présentée à nous de nous livrer à ces recher- 
ches ; nous estimons toutefois que les heureux effets obtenus dans cette 
maladie permettent d'espérer des résultats analogues dans les autres 
troubles trophiques locaux, et autorisent à tenter de nouvelles expé- 
riences avec quelque chance de succès. 


Technique. 


Nous avons attribué la différence des résultats obtenus par les divers 
expérimentateurs de l’action des courants de haute fréquence, en grande 
partie, à la variété des méthodes qui ont été employées, et nous nous 
sommes efforcé, par une observation méticuleuse, grace aussi à de nom- 
breux tâtonnements, de rechercher le mode de technique le meilleur pour 
l'application de ces courants. 

Nos observations, confirmées, du reste, jar les expériences de 
M. Sommerville, nous ont démontré que leur action se manifestait dès 
le début de leur application, et que, en. prolongeant trop longtemps 
l'expérience, cette action s'éteignait, comme s’il se produisait une sorle 
de sidération du système nerveux vaso-moteur, lequel ne réagirait plus 
à l'excitation des courants. Nous procédons donc par des séances de 
courte durée; quelques minutes seulement, jamais plus de dix, suivant 
la susceptibilité des malades, et nous avons remarqué que ce court 
espace de temps élait sutlisant pour obtenir le maximum d'effet. 

Toutefois, si l'on veut conserver tout le bénéfice du traitement, il est 
nécessaire de répéter les séances fréquemment, quotidiennement méme, 
surtout au début, car si on laisse un trop long espace de temps entre 
elles, les phénomènes subjectifs qu'elles déterminent ne se continuent 
pas avec la méme régularité. 

Ces phénomènes sont, dès les premières séances, une certaine sensa- 


BONNEFOY. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 687 


tion de chaleur, d'abord aux mains et aux poignets, puis, à mesure que 
l'on continue les séances, la chaleur se fait sentir successivement aux 
bras et aux épaules, puis au tronc, aux genoux, et enfin aux jambes et 
aux pieds. 

Nous estimons qu'il est avantageux de continuer ces séances quoti- 
diennes jusqu'à ce que ce dernier résultat ait été obtenu ; en tout cas 
cette sensation doit être ressentie au moins sur tout le tronc. 

Alors, on diminue progressivement le nombre de séances, en les 
faisant tous les deux jours d’abord, puis tous les trois jours, et ainsi de 
suite, en augmentant la durée des intervalles tant que quelques minutes 
sont suffisantes pour déterminer la sensation de chaleur, et l’on continue 
le traitement aussi longtemps que le malade veut bien s'y prêter, à raison 
de trois ou quatre séances par mois 

Si, dans le cours du traitement, il survieat, soit à la suite d’un refroi- 
dissement, soit pour tout autre cause, un arrêt dans la circulation péri- 
phérique, se manifestant par une suspension de la sensation de chaleur, 
il sera nécessaire de rétablir cette circulation par de nouvelles séances 
quotidiennes, mais pour fort peu de temps: deux, trois séances sont 
généralement suffisantes pour arriver à ce but; puis on espace rapide- 
ment leur nombre. 

Pour nous, cette sensation générale de chaleur est le critérium à 
atteindre, car elle est i’indice d’une circulation redevenue normale et 
constante, et que gràce à elle, le travail d'élimination des déchets de la 
nutrition se fait aussi complet que possible. | 

L'expérience nous a démontré que, lorsque ce but était atteint, il 
restait acquis, et que, après une suspension de plusieurs mois, même 
d'une annnée, on obtenait la même sensation de chaleur dès la première 
ou la seconde séance. 

Il est de rares cas, cependant, où, malgré de nombreuses séances 
quotidiennes, on n'arrive pas à obtenir cette sensation. Nous appliquons, 
alors, deux séances par jour, l'une le matin, l'autre le soir, séparées de 
quelques heures d'intervalle, et quelques jours suffisent généralement 
pour amener le résultat désiré. 

Nous avons reconnu sur nous-mêmes et sur de nombreux malades, 
que l'application prolongée, même jusqu'à l'abus, des courants de haute 
fréquence, si l'on s'en tient à technique que nous préconisons, et à une 
observation constante de l’état de la circulation, est absolument sans 
danger, et qu'elle ne peut incommoder en rien le sujet en expérience, 

Quant à l'intensité du courant, elle varicra suivant la constitution et 
la tolérance du malade Nous commençous généralement par un courant 
de 200 à 340 milliampères, et s'il est bien supporté, s'il n'est suivi 


688 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ni d'excitation nerveuse ni d'hypotension dépassant deux ou trois centi- 
mètres de mercure. nous le portons à 400, 500 milliampères, réservant 
une intensité plus élevée aux personnes offrant une plus grande résistance 
au courant, par suite d’une obésité excessive; mais, même dans ces cas, 
nous ne dépassons pas 600 milliampères, quantité que nous jugeons 
largement suflisante pour l'effet à obtenir. 


En venant exposer ici les résultats de notre technique pour l'appli- 
cation des courants de haute fréquence, nous n'avons pas, bien entendu, 
la prétention d’en induire que, en dehors d’elle, les résultats obtenus 
seront nuls. Ce serait vouloir infirmer les travaux des nombreux clini- 
ciens en électrothérapie qui nous ont précédé et qui furent nos maîtres. 
Nous estimons toutefois que l’action du traitement sera plus rapide et 
plus efficace. 

Et s'il se trouve des malades chez lesquels elle serait encore impuis- 
sante, qu'ils sachent que tout espoir n'est pas perdu, à condition toutefois 
qu'ils consentent à se soustraire, pour un temps, aux causes diverses qui 
s'opposent à leur guérison. Qu'ils imposent momentanément une trève 
à leurs soucis journaliers, à leurs préoccupations professionnelles ; 
qu'ils abandonnent pour quelques semaines le milieu dans lequel ils 
vivent, les sombres et froides brumes de l'hiver, pcur aller, sous un ciel 
plus clément, se soumettre à l’action bienfaisante du soleil, à sa douce 
chaleur Là, gràce à l’action combinée de la Climatothérapie et de l'élec- 
trothérapie, ils obtiendront, dans leur état de santé, des modifications 
telles, que leur guérison ne sera plus qu’une question de temps et de 
persévérance dans leur traitement. 


Influence des rayons de Rôntgen sur les 
tumeurs malignes. 


Par M BÉCLÈRE, Médecin de l'hôpital Saint-Antoine, à Paris. 


(Suite). 


T'UMEURS MALIGNES DES VISCÈRES, — C'est avec les épithéliomes des 
muqueuses qu'au point de vue de l'anatomie générale devraient être 
étudiées la plupart des tumeurs malignes des viscères, celles du larynx, 
de l'œsophage, de l'esto nac, de l'intestin, des voies biliaires, de l'utérus, 
ete., puisqu'elles ont leur point de départ dans le revêtement épithélial 
d'une membrane muqueuse. Mais au point de vue pratique, il importe de 
réunir en un seul groupe tous les néoplasmes des organes internes qui ne 
sont pas directement accessibles aux rayons de Röntgen et ne peuvent 
être atteints qu'au travers du tégument cutané, quel que soit leur point 
de départ, parenchymateux ou épithélial, 

La transition est donnée par les néoplasmes du larynx, que le perfec- 
tionnement de l'outillage permettra sans doute de traiter un jour direc- 
tement à l’aide d'un foyer radiogène placé dans le pharynx, mais qui, en 
attendant, peuvent être irradiées par chacune des faces, antérieure et 
latérales, du cou, ce qui permet de faire absorber aux tissus morbides une 
dose à peu près triple de la dose maxima, compatible avec l'intégrité du 
tégument. | 

J'ai présenté, en 1904, à la Société française d'oto-rhino-laryngologie, 
avec le Docteur Paul Viollet, un malade traité et guéri par la radio- 
thérapie, que ce distingué spécialiste avait considéré comme atteint de 
cancer du larynx. Son diagnostic était aussi celui de M. Chauffard et de 
M. Launay. 

Ce dernier même avait proposé la laryngectomie totale, qui fut refusée 
par le malade. Il s'agissait d’un homme de cinquante et un ans, porteur 
d'uns tumeur de la paroi latérale gauche du larynx qui, à l'examen 
laryngoscopique, bombait fortement dans la cavité ventriculaire, dissi- 
nulait une notable partie des cordes vocales, refoulait l'épiglotte du côté 
malade, englobait le repli aryténo-épiglottique, l’arÿténoïde et la fausse 
corde du même côté et débordait assez notablement la cavité laryngée 


690 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pour s'étendre à la paroi latérale du pharynx. Cette tumeur arrondie, 
Jobulée, de consistance lisneuse, ne paraissait pas ulcérée, Le malade 
présentait, en outre, une adénopathie froide, de la grosseur d’une noix. 
juxlaposée au coté gauche du larynx et adhérente aux tissus voisins. La 
voix élait très allérée et le malade, qui ne pouvait plus s'alimenter que 
péniblement d'un peu de lait, tant la disphagie était prononcée, avait 
maigri de dix-huit livres en deux mois. Toutes ces lésions et tous ces 
troubles disparurent après cinq mois de traitement ; cependant, il 
manque au diagnostic la sanction de l'examen histologique. Cette 
observation démontre au moins que les rayons de Röntgen peuvent 
exercer une action favorable sur certaines lésions de la muqueuse 
laryngée, au travers de la charpente cartilagineuse du larynx et des 
part'es molles qui la recouvrent. Deux ou trois observations analogues 
ont été publiées, mais également sans examen histologique. On peut en 
rapprocher quelques observations de tumeurs malignes du corps thyroïde 
traitées avec succès par la radiothérapie ; aucune ne présente toutes les 
garanties désirables pour étre absolument probante. 

Parmi les autres tumeurs malignes des viscères, ce sont presque 
exclusivement celles de l'estomac qui ont été soumises à la radirthérapie. 
Je n'en ai pour ma part traité qu'un bien petit nombre, dans de très 
mauvaises conditions, et n'ai obtenu que de médiocres résultats Je me 
contenterai donc de reproduire textuellement les principaux passages de 
la note présentée à l’Académie de Médecine, en 1904, par MM. Doumer et 
Lemoine, Professeurs à la Faculté de médecine de Lille. 

« Le nombre des cas de tumeurs de l'estomac que nous avons traités 
par la radiothérapie, depuis le début de nos recherches, est d'une vingtaine. 
Sur ce nombre nous en avons guéri trois d'une façon complète et défini- 
tive, croyons-nous. Ün quatrième malade est en voie de guérison; un 
cinquième, dont l'amélioration avait été extraordinairement rapide et 
dont la tumeur avait disparu complètement, eut une rechute que malheu- 
reusement nous n'avons pu soigner. Les autres malades ont vu leur 
tumeur suivre une marche variablo suivant les cas Dans les cas où nous 
avons échoué, les malades sont morts et on ignore même si le traitement 
a prolongé leur existence. 

a Chez tous les malades sans exception la radiothérapie a fait dispa- 
raitre ou a beaucoup diminué le symptôme douleur, et cela dès les pre- 
mières applications. Les vomissements ont cessé ou ont été toujours fort 
espacés, et, par suite, l'alimentation s'est mieux faite. 

« Toujours aussi, rous avons vu la tumeur stomacale diminuer el 
méme, dans certains cas, disparaitre N ais.dans ces cas, malheureusement, 
si elle disparaissait à son siège initial, elle se reproduisait toujours dans 


RS Mm m 


Menee in men. nt a a A, 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES G91 


le voisinage ou dans les organes voisins: foie, pancréas, épiploon et pou- 
mons. Comme le traitement ne parait exercer d'action que sur les 
tumeurs situées assez superticiellement, il n'agissait plus dès que les 
localisalions devenaient plus profondes et, après une période de rémis- 
sion, due certainement à la radiothérapie, les accidents dus à la généra- 
lisation du néoplasme s'aggravaient et menaient rapidement à la mort -. 

Voici la conclusion de MM. Doumer et Lemoine : « Il y a donc des 
formes de tumeurs de l'estomac où le traitement agit et amène une 
guérison complète qui se maintient au bout d'un an et demi chez plusieurs 
malades, et d'autres formes où il n'agit que d'une façon incomplète, 
détruisant la tumeur sur place mais n'empèchant pas son extension dans 
le voisinage ou sa généralisation sur place ». 

Le chapitre des tumeurs mal'gnes des viscères traitées par la radio- 
thérapie est encore. ont le voit, un chapitre d'attente. Les améliorations 
observées permeltent cependant d’espérer mieux à l'avenir d'un 
diagnostic et d’un traitement plus précoces. 


IV. — DANGERS DE LA RADIOTHÉRAPIE. 


La radiothé apie appliquée au traitement des tumeurs malignes est 
une arme à deux tranchants qui guérit mais qui peut blesser. Après le 
bilan de ses succès ct de ses échecs doit venir le compte de ses méfaits, 
supposés ou réels. 

Le procès qu'on lui intente a été opposé à toutes les médications 
nouvelles; le sulfate de quinine, le salicylate de soude, la balnéation 
froide, le sérum antidiphtérique ont tour à tour été accusés des pires 
méfaits. Mais ce procès rappelle surtout celui qu’eut à subir longtemps 
le traitement mercuriel de la syphilis. Des maux sans nombre, autrefois 
attribués à celte médication, on retranche aujourd'hui tous ceux qu'on 
sait être la conséquence de l'évolution naturelle de la maladie, pour con- 
server seulement les accidents, d'ailleurs graves et parfois mortels, dus 
à l'emploi du mercure à doses Loxiques. 

De même, parmi les griefs invoqués contre la radiothérapie, il con- 
vient de retenir d'abord les graves accidents qui résultent d'un excès de 
dose avant d'aborder la question si controversée de l'influence de la 
médication, même correctement dosée, sur l'évolution plus rapide et la 
géné: alisation des tumeurs malignes. 

Dangers certains de l'excès de dose. — Dans le traitement des 
néoplasines cutanés ou muqueux, superficiels ou profonds, protégés par 
le téument ou uleérés, l'excès de dose est toujours une faute, et 
souvent une faule très regrettable, qu'elle soit due à la trop longue 


692 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


durée des séances, aux intervalles trop courts qui les séparent ou à la 
prolongation du traitement au delà des limites nécessaires. 

C’est d'ailleurs une faute souvent difficile à éviter, même pour le 
radiothérapeute le plus expérimenté. Nombreux sont les cas de 
néoplasme où, pour avoir quelque chance d’être ntile, il est nécessaire 
d'atteindre l'extrème limite du traitement intens f, et, par suite, le dernier 
degré des réactions permises, c'est-à dire à la peau, la pigmentation, 
l'érythéme et la desquamation, sans aller toutefois jusqu’à l'ulcé: ation 
et à la mortification des tissus Quand la limite est franchie, les incon- 
vénients qui en résultent ont de tout autres conséquences suivant qu'il 
s'agit de la peau ou d'une muqueuse, d'une surface facile à pans'r 
ascptiquement ou d'une ca: ité forcément septique et infectée. Les radio- 
dermites graves de la peau saine s’accompagnent de douleurs très vives 
et très prolongées, les pertes de substance qu'elles provoquent, exigent 
souvent de longs mois avant de se réparer, mais le pire résultat est 
encore, en pareil cas, l'interruption forcée du traitement avec la suppres- 
sion de l’obstacle opposé à l'évolution naturelle de la maladie. 

Dans les cas de néoplasme ulcéré de la peau ou des muqueuses, 
surtout de la muqueuse linguale, l'excès de dose est bien plus facheux. 
En détruisant plus ou moins complètement les éléments cellulaires sains 
de la région, tout au moins en diminuant leur résistance, il favorise 
l'action novice de tous les agents microbiens d'infection secondaire qui 
pullulent sur la surface ulcérée, surtout dans une cavité telle que la 
bouche; il provoque des accidents locaux de suppuration, de gangrène, 
de septicémie, de lymphangite, qui s'étendent souvent aux ganglions les 
plus proches et, résultat plus grave, il contribue indirectement, de cette 
manière, à l'envahissement plus rapide -de la région malade, par les 
éléments néoplasiques que n'ont pas détruit les rayons. 

Dans la bouche, par exemple, on peut dire qu’une radiodermite est 
capable d'accélérer l'évolution d’un épithélioma de la langue au même 
titre et de la même manière qu’une stomatite mercurielle. 

Dans tous les cas où un trâitement intensif est nécessaire, il cst diffi- 
cile, même avec les meilleurs instruments de mesure et les plus grands 
soins, d'atteindre exactement, sans la dépasser, l'extrème limite de la 
dose utile. Car cette dose ne doit pas seulement varier avec l'usage du 
sujet traité, avec la région irradiée, avec l'état de sa surface, il fant 
compter encore avec tous ces facleurs inconnus, désignés d'un mot sous 
le nom d'idiosyncrasie et auxquels sont dus, dans des conditions en appa- 
rence identiques, les différences des réactions individuelles, On constate, 
vis-à-vis de tous les agents thérapeutiques, de telles différences de sen- 
sibilité et il serait surprenant que les rayons de Röntgen fissent exception 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 693 


à la règle. En réalité, ils la confirment, et dans la radiothérapie des 
tumeurs malignes il faut faire à l'idiosyncrasie sa part, mais il importe 
de ne pas la faire trop grande ; en particulier, ce serait une erreur de 
croire quil existe des malades dont l'idiosyncrasie contre-indique l'em- 
ploi de la radiothérapie. 

L'excès de dose peut se manifester sous deux formes plus insidieuses 
et plus difficilement évilables que celles qui succèdent à une séance trop 
forte ou à deux séances successives trop rapprochées. D'une part, cer- 
taines ulcérations néoplasiques, d’abord améliorées par la radiothérapie, 
sont ensuite agwgravées par elle uniquement parce qu’au centre de la 
perle de substance le tissu morbide est détruit bien avant celui de la 
périphérie et que les irradiations trop longtemps prolongées sur une 
région devenue saine transforment, en ce qu’on appelle une ulcération de 
Röntgen, l’ulcération primitivement épithéliomateuse ; il faut avoir soin, 
en pareil cas, dans le cours du trailement et au moment opportun, de 
protéger le centre de l’ulcération à l’aide d'une plaque de plomb tandis 
qu'on continue à irradier la périphérie, en distinguant au besoin par des 
biopsies et des examens microscopiques, les régions encore malades de 
celles où le tissu morbide est détruit. D'autre part, sous l'influence d'un 
traitement prolongé dirigé contre un néoplasme sous-cutané, il peul se 
produire des altérations lentes et tout à fait latentes des artères nourri- 
cières du derme, qui aboutissent à leur oblitération progressive et à la 
soudaine mortification d'un territoire plus ou moins étendu de la surface 
tégumentaire, par un mécanisme très différent de celui de la radioder- 
mite directement nécrosante. Ces accidents iinprévus, el qu’il est à peu 
près impossible de prévoir, surviennent à l'improviste, à la suite d'un 
traitement prolongé, parfois plusieurs semaines ou même plusieurs mois 
après la cessation du traitement, souvent à l'occasion d'une dernière 
irradiation très légère ou de n'importe quelle irritation banale manifes- 
tement hors de proportion avec les phénomènes qui lui succèdent. 

Influence supposée de la radiothérapie sur la généralisation des 
»éoplasmes. — Ainsi, il est certain qu'un excès de dose peut contribuer, 
directement ou indirectement, aux progrès du néoplasme traité, soit qu'il 
provoque dans le tissu ambiant une irritation grave, favorable à un plus 
rapide envahissement de ce tissu, soit qu'il produise des accidents capa- 
bles entrainer une longue suspension du traitement, mais c'esl une 
question de savoir st, en dehors d'un excès de dose, la radiothérapie peut, 
comme on l'en accuse, donner un coup de fouet au cancer, précipiter sa 
marche et provoquer sa généralisation. 

Tout d'abord, il ne faut nullement s'étonner de cette accusation ; il 
serait, au contraire, ès surprenant qu'elle fit défaut. En raison du vieil 


694 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


adage : post hoc ergo propter hoc, le malade et son entourage sont natu- 
rellement enclins, dès qu’une médication insolite est instituée, à lui 
attribuer tous les phénomènes nouveaux qui surviennent ; il arrive même 
que les médecins ne raisonnent pas, à cet égard, autrement que les malades. 
Au traitement mercuriel ont été attribues tous les accidents tertiaires 
de la syphilis, au salicylate de soude le rhumatisme cérébral, à la 
balnéation froide les hémorrhagies et les perforations intestinales de la 
fièvre typhoiïde, aux injections sous-cutanées du sérum de Behring et Roux 
l’albuminurie et les paralysies du décours de la diphtérie, et combien 
d’autres exemples du même genre pourraient encore être cités. L’accu- 
sation portée contre la radiothérapie d'aggraver le cancer qu'elle prétend 
guérir n’est pas seulement conforme à de vicilles traditions, elle obéit 
à une véritable loi de l'esprit humain 

C'est aussi un très ancien précepte que dans l'interprétation des 
résultats d'une médication il faut tenir compte, avant tout, de la marche 
naturelle de la maladie, mais combien ce précepte est souvent oublié! 
Cependant, on sait que le cancer abandonné à lui-même ne rétrocède pas, 
que son évolution est toujours progressive, que souvent il est vrai et 
même pendant longtemps sa marche est lente, mais que souvent aussi, 
et sans cause provocatrice appréciable, elle devient soudain plus rapide, 
pour prendre finalement des allures galopantes. Si telle est l'évolution 
générale des tumeurs malignes, on sait aussi le nombre des différences 
individuelles qu’elles présentent, à ce point qu'on n'en voit pas deux 
marcher toujours du même pas et que jamais, dans un cas particulier, 
il n'est possible de prédire exactement la durée et ce qu'on pourrait 
appeler la courbe de la maladie. 

L'accusation portée contre la radiothérapie d'être la cause provo- 
catrice de la généralisation du cancer attend encore, je crois, sa démons- 
tration. Si on a soin, avant de commencer le traitement d'un malade 
porteur d'une tumeur maligne, de l'inspecter de la tête aux pieds, en 
notant la marche suivie jusqu'à ce jour par la maladie, d'explorer 
attentivement la région des ganglions qui dépendent de la lésion, par 
exemple dans le ceas de néoplasme de la région mammaire, de chercher 
dans le creux sus-elavienlaire les moindres nodosités, d'examiner soignen- 
sement le thorax et de demander au fonctionnement respiratoire, a la 
pereussion des régions sternale el interseapulure, enfin à l'examen radios- 
copique du médiastin des renseignements sur létat des ganglions intra- 
thoraciques, alors on peut presque toujours porter un pronostic en 
connaissance de cause, fixer une linnte aux espérances permises et trop 
souvent prévoir l'apparition d'une généralisation inévitable et déja 
réalisée. Quand cette généralisation prévue se manifeste, il n'est plus 
possible d'en rendre responsable la radiothérapie. 


rr mm mm mm oem meme, ue © 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 695 


En me conformant à ces règles, je n'ai, pour ma part, Jamais observé 
aucun fait qui me permette de croire que les rayons de Röntgen, conve- 
nablement dosés el correctement appliqués, soient capables d'accélérer 
la marche du cancer et d'aider à sa généralisation. Jamais non plus je 
n'ai rencontré, en France ou à l'étranger, dans les divers congrès de 
adiologie, un médecin ayant une expérience suffisante de la radiothé- 
rapie, sans l'interroger anxieusement à ce sujet, et jamais, jusqu’à présent, 
aucune preuve véritable ne ma été fournie à l'appui de l'accusation portée 
contre la nouvelle médication. 

ll me faut, cependant, parler de deux ordres de faits qui ont beaucoup 
frappé l'imagination des médecins et dont il convient de donner une juste 
interprétation. 

D'une part on a signalé, au cours du traitemeut des tumeurs malignes 
sous-cutanées, des accidents fébriles qu’on a attribués, sans preuves, 
à la disséminalion des cellules néoplasiques. Ces accidents existent incon- 
testablement, mais ils sont rares et même exceptionnels; on les observe 
presqu'exclusivement chez les malades porteurs de grosses tumeurs 
sarcomateuses ou de grosses tumeurs lymphadéniqnes. Ils surviennent 
presqu’aussitôt après les irradiations et coïncident presque toujours 
avec une notable diminution du volume des tumeurs traitées; on les 
trouve d'ailleurs soigneusement notés dans toute une série de cas 
heureusement terminés par la guérison, spécialement dans les deux 
remarquables observations de Skinner et de Kienbück, résumées plus 
haut. Ce ne sont donc nullement des phénomènes de généralisation, 
mais bien plutôt les symptômes d'une intoxication passagère, due à la 
présence dans le sang, avant leur élimination par l'urine, des produits 
solubles de désintégralion, provenant de la mort des éléments néopla- 
siques. 

D'autre part, c'est un fait malheureusement trop certain que plusieurs 
personnes, médecins ou constructeurs d'instruments, appelés par leur 
profession à exposer journellement leurs mains à l’action des rayons de 
Rôntgen, ont été, pour cette raison, atteintes de radiodermites chroniques 
graves, avec ulcérations persistantes de la peau, et ont vu, plusieurs mois 
ou même plusieurs années après avoir cessé de s'exposer aux irradiations, 
ces ulcérations devenir épithéliomateuses. Dans plusieurs cas lampu- 
tation d'un doigt devint nécessaire et parfois même, malgré cette inter- 
vention, le mal, qui déjà avait envahi les voies lymphatiques, finit par 
amener la mort. De la à dire que les rayons de Röntgen qui détruisent 
le cancer sont capables de le faire naitre, iln’y avait qu'un pas à franchir, 
et, bien entendu, ce pas fut franchi. Mais il ne me parait pas que cette 
interprétation soit légitime. L'acide phénique et le sublimé sont des 


696 ANNALES D’ELECTROBIOLOGIE 


antiseptiques employés avec succès pour prévenir et pour combattre les 
accidents infectieux des plaies; cependant, à doses trop fortes, ils sont 
capables de détruire les tissus et d'ouvrir la porte à l'infection purulente ; 
dira-t-on qu'ils produisent cette maladie? D’autres ulcérations chroniques 
que les ulcérations de Röntgen, les vieilles ulcérations lupiques, les 
vieilles ulcérations syphilitiques, les ulcérations consécutives à des irri- 
tations de toute nature, mécaniques, chimiques, physiques se compliquent 
de même assez fréquemment d'épithélioma. A la langue, la syphilis et le 
tabac sont le plus souvent la cause des lésions chroniques de la muqueuse, 
qu'on trouve à l'origine des néoplasmes ; mais parfois c'est une mauvaise 
dent et l’ulcération qu'elle produit qui sont le point de départ de la 
maladie. Est-il permis de dire que le traumatisme, que la chaleur, que le 
tabac, que la syphilis et la tuberculose, ou micux que les agents micro- 
biens de ces deux maladies « font le cancer »? Je ne le pense pas; on a 
le droit de dire seulement que toutes les irritations chroniques du tégu- 
ment qui aboutissent à des troubles graves de sa nutrition, à des ulcé- 
rations persistantes, favorisent l'apparition du cancer et, peut-être, lui 
ouvrent la porte. Un épithélioma déve'oppé sur une vieille ulcération, 
consécutive à une brülure, n’en demeure pas moins justiciable du fer 
rouge. De même j'ai eu l'occasion de constater que les rayons de Röntgen 
exercent une action bienfaisante même sur les ép théliomas développés à 
la suite des radiodermites ulcéreuses. 

Pour conclure, je crois, jusqu'à preuve du contraire, que l'excès de 
dose est le seul danger de la radiothérapie et que, appliquée au traitement 
des tumeurs malignes, la radiothérapie bien dosée n'est jamais nuisible. 


V, — CONDITIONS GÉNÉRALES DU SUCCÈS ET DE L'INSUCCÈS 
DE LA RADIOTHÉRAPIE DES TUMEURS MALIGNES 


En possession des données physiques, expérimentales, cliniques et 
anatomo-pathologiques qui viennent d'ètre exposées, on peut mieux 
comprendre la diversité des résultats thérapeutiques obtenus dans le 
traitement des tumeurs malignes par les rayons de Röntgen. 

L'étude des conditions multiples et d'ordre très différent qui déter- 
minent dans chaque cas particulier le succés ou l'insuccès de cette médi- 
cation, permet de les réduire à quatre principales. 

La première est d'ordre purement physique, c'est le siège plus ou 
moins profond des divers éléments cellulaires de la tumeur traitée. 

La seconde, d'ordre biologique et pathologique, c’est le degré variable 
de sensibilité de ces éléments à l'action des rayons de Röntgen. 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 697 


La troisième, de même ordre que la précédente, c'est la rapidité 
d'évolution de la tumeur traitée ou, en d’autres termes, la multiplication 
plus ou moins rapide des éléments cellulaires dont elle est formée. 

La quatrième, enfin, d'ordre pathologique et anatomique, c'est l’inté- 
grité ou l’envahissement du système vasculaire, et spécialement des gan- 
glions plus ou moins profondément situés auxquels aboutissent les vais- 
seaux lymphatiques de la région. | 


Siège en profondeur et degré de sensibilité des éléments néopla- 
siques. — On voit de suite l'importance de ces deux facteurs. Puisque 
les fractions du rayonnement de Röntgen successivement absorbées par 
les diverses couches de la région irradiée vont en décroissant très rapi- 
dement de la superficie vers la profondeur, les éléments d’une tumeur 
maligne cessent nécessairement à une certaine profondeur d’être acces- 
sibles à la radiothérapie, si sensibles qu'ils soient à l’action des rayons 
de Röntgen, parce que le médecin qui les traite est enfermé dans ce 
dilemne : ou bien donner aux tissus profonds la dose destructive sans se 
soucier de léser gravement les tissus sains superficiels, ou bien veiller à 
la conscrvation de ces derniers sans atteindre la dose nécessaire à la 
guérison des lésions sous-Jacentes Pratiquement, c'est toujours à ce der- 
nier parti qu'il doit se ranger. Les rayons de Röntgen ne doivent jamais 
produire, à la manière des caustiques, une destruction en masse des 
tissus, ils doivent provoquer seulement la nécrobiose élective des élé- 
ments néoplasiques en respectant les éléments sains. 

La profondeur à laquelle une tumeur maligne cesse d'être accessible 
au traitement varie d’ailleurs beaucoup avec son degré de sensibilité aux 
rayons de Röntgen. Pour tel nodule épithéliomateux peu sensible, cette 
profondeur critique commence immédiatement au-dessous du derme, 
tandis que pour tel volumineux sarcome, d’une sensibilité beaucoup plus 
grande, elle peut n'être pas dépassée, même dans le médiastin. 

Une technique, correcte ou défectueuse, étend aussi plus ou moins en 
profondeur le champ de l'action thérapeutique. Pour en atteindre l'ex- 
trème limite, trois moyens sont concurremment employés : la position de 
l'ampoule de Röntgen à grande distance de la surface traitée, le choix 
d'une ampoule très résistante donnant des rayons très pénétrants, la fil- 
tration des rayons à l’aide d’une mince feuille d'aluminium placée entre 
leur foyer d'émission et la surface irradiée. On a soin également dans 
tous les cas où celle tactique est possible, d'attaquer le néoplasme par 
plusieurs voies, de le prendre pour ainsi dire entre plusieurs feux conver- 
gents. Ainsi chacune des faces d'un membre sert tour à tour de porte 
d'entrée aux rayons, c'est le moyen de multiplier la dose donnée aux 


698 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


tissus profonds sans dépasser pour l'enveloppe tégumentaire la dose 
tolérable 

En dépit de ces moyens, la rapide décroissance des doses absorbées 
de lı superficie vers la profondeur n'en demeure pas moins la loi inexo- 
rable qui limite invinciblement l'action de la radiothérapie. 

D’après cette loi fatale, certains néoplasmes ne reçoivent jamais, en 
tous les points de leur masse, une dose destructive, aussi leur évolu- 
tion n'est-elle pas entravée par le traitement. 

D'autres reçoivent bien la dose curative, mais en raison de leur épais- 
seur, ils la reçoivent seulement dans leurs couches les plus superficielles ; 
ils régressent donc à la surface mais continuent à progresser dans la pro- 
fondeur. Pour la même raison, alors que la masse principale d'une 
tumeur maligne parait devoir complètement disparaitre sous l'influence 
du traitement, il suffit parfois d'un minime prolongement, un peu plus 
profond, pour tout remettre en question et pour compromettre irrémé- 
diablement une guérison qui semblait prochaine. 


Rapidité de multiplication des éléments néoplasiques. — Ce fac- 
teur n’est pas moins important que le précédent. En effet, si la première 
irradiation ne suffit pas à tuer toutes les cellules malades, mais ne les 
altère que faiblement, on comprend que les résultats du traitement soient 
très différents suivant que, dans l’intervalle entre deux séances consécu- 
tives, les cellules primitivement irradiées se sont multipliées ou qu'il 
n’est survenu aucune production de cellules nouvelles. Dans le premier 
cas, il est impossible d'espérer la guérison. Dans le second cas, au con- 
traire, l'absorption longtemps répétée de faibles doses par des cellules 
qui ne prolifèrent pas peut aboutir, avec l’aide du temps, à leur complète 
destruction. La radiothérapie esttoujours une médication lente, à longue 
échéance, rien ne sert mieux son action qu'une lente évolution de la 
tumeur, rien n'y met plus obstacle qu’une marche rapide du mal. 


ÆEnvahissement du système lymphatique. — Enfin il sert peu que, 
sous l'influence des rayons, la tumeur primitive régresse entièrement, si 
déjà le système lympathique est envahi, si déjà le transport et la greffe 
des éléments néoplasiques ont créé des foyers secondaires dans les gan- 
glons les plus proches. Quand les ganglions secondairement atteints 
n'ont pas un siège plus profond que la tumeur primitive, ils peuvent, 
comme celle-ci, céder à la radiothérapie; dans le cas contraire, la partie 
est perdue. 

Ainsi dans le cancer du sein, mème après les premières étapes de 
l'envahissement lymphatique, en raison du siège relativement superficiel 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 699 . 


des ganglions atteints, la radiothérapie peut encore, en certains cas à 
marche lente, se montrer efficace. Tout au contraire, pour un organe tel 
que le col utérin, plus directement accessible au traitement que la glande 
mammaire, mais dont les vaisseaux lympathiques aboutissent à des 
ganglions profondément situés et par suite inaccessibles, la radiothé:apie 
arrive trop tard dès que la lésion a franchi le derme de la muqueuse, 
comme c'est malheureusement presque toujours le cas au moment où est 
porté le diagnostice, si précoce qu'il soit. 


Diagnostic précoce. — On voit combien un diagnostic précoce est 
nécessaire à l'efficacité du traitement et combien, pour certains organes, 
pour certaines régions, cette nécessité s'impose plus étroitement que 
pour d’autres. 

Ainsi, il peut n'être pas tout à fait trop tard pour espérer les bienfaits 
du traitement dans un cas de cancer du sein, quand déjà les ganglions 
superficiels au-dessus de la clavicule sont atteints, pourvu toutefois que 
cette étape ganglionnaire ne soit pas dépassée. 

Par contre, on peut imaginer une tumeur de l'estomac qui soit, en 
apparence, au point de vue de la radiothérapie dans des conditions 
idéales, c'est-à-dire une tumeur de très petit volume, provenant de la 
face antérieure de l'organe, en rapport direct avec la paroi abdominale, 
sans interposition du foie, recouverte seulement, chez un sujet maigre ct 
peu musclé, par une très faible épaisseur de parties molles. Mème dans 
ces conditions dont la réunion est à prévoir si exceptionnelle, on peut 
prédire presque à coup sûr que les ganglions profonds inaccessibles au 
traitement seront déjà envahis avant la première séance du traitement ; 
que, dans le cas ou il se produirait une amélioration temporaire, comme 
cela a été observé, dars le cas même où il ferait disparaitre la tumeur 
primitive, cependant il n'atteindra pas finalement le but espéré, si pré- 
coce qu'ait été le diagnostic. 


Résumé. — Au total, la sensibilité plus ou moins vive des éléments 
néoplasiques à l’action des rayons de Röntgen, le siège plus ou moins 
profond de ces éléments au-dessous de la surface tégumentaire, leur 
plus ou moins grande rapidité de multiplication, la localisation du mal 
au foyer primitif sans participation du système lymphatique ou l'enva- 
hissement à distance de ganglions tantôt accessibles et tantot inacces- 
sibles au traitement, sans parler de la correction plus ou moins parfaite 
de la technique et du dosage employés, tels sont les facteurs principaux 
qui déterminent, dans la radiothérapie des tumeurs malignes, le succès 
ou l'insuccés final. 


700 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


VI. — INDICATIONS GÉNÉRALES DE LA RADIOTHÉRAPIE DES TUMEURS 


MALIGNES 


Ainsi les rayons de Röntgen sont un agent de destruction élective des 
cellules néoplasiques, capable de détruire une à une les cellules morbide: 
au milieu des cellules saines avoisinantes, sans léser ces dernières, et 
même à une certaine profondeur au-dessous de la peau normale qui les 
recouvre, sans nuire à l'intégrité de celle-ci. | 

En dehors de l'exérèse, la radiothérapie est le plus grand progrès qui 
ait été jusqu'à présent réalisé dans le traitement des tumeurs malignes, 
et il est permis de dire qu'elle en constitue la nédicalion spécifique 
puisqu'elle produit des guérisons et réalise des améliorations dont n’est 
capable aucun autre agent connu, parfois même dans des cas où le chiru!- 
gien est désarmé. 

Le seul danger de cette médication est l'excès de dose, surtout sur 
une surface ulcérée et spécialement dans la cavité buccale. Bien dosée, 
la radiothérapie n’est jamais nuisible. 

Malheureusement, son action toute locale est une action lente qui ne 
s'étend en profondeur que jusqu’à une limite déterminée, très variable 
d’ailleurs, suivant la sensiblité des éléments irradiés. 

Encore inconnu dans sa nature, le cancer nous apparait aujourd'hui, 
d'après les données de l'anatomie pathologique, comme une lésion primi- 
tivement locale, limitée à un agrégat de cellules qui se multiplient et se 
propagent à la manière de cellules parasites. On ne l’arrête dans sa 
marche, on ne prévient la récidive et la généralisation que s'il est pos- 
sible de supprimer en totalité le foyer initial Diagnostic précoce, inter- 
vention précoce, tel est, à bon droit, la formule de la lutte contre le 
cancer. 

Pour opérer cette supression, on ne posséda pendant longtemps, en 
dehors des caustiques dont les applications sont assez limitées, qu'une 
seule arme efficace, le bistouri du chirurgien. A cette arme, qui demeure 
toujours la principale ressource, il en faut aujourd'hui joindreune seconde, 
les rayons de Röntgen. Ni l’une ni l’autre de ces deux armes n'est toute 
puissante, la portée de chacune d'elles a ses limites. Il ne faut donc pas 
les opposer l'une à l'autre, mais les employer l’une et l'autre, suivant 
les indications. La radiothérapie ne doit pas étre considérée comme la 
rivale mais comme l’auxiliaire de la chirurgie. Loin de restreindre le 
champ de l'intervention chirurgicale, elle est au contraire capable de 
l'étendre. On peut prévoir le jour où la radiothérapie fera fléchir la règle 
qui prescrit au chirurgien, eu présence d'une tumeur maligne, d'en faire 


BÉCLÈRE. — TUMEURS MALIGNES 701 


l'exérèse complète ou de s'abstenir, le jour où les rayons de Röntgen 
seront dirigés, aussitôt après l'ablation d’un néoplasme sur toute la sur- 
face de la plaie opératoire, pour compléter l’œuvre du bistouri, quand 
il n'aura pu enlever tous les tissus morbides. Alors, sans réunir les 
lèvres de la plaie, on la remplira de gaze stérilisée et les irradiations 
seront continuées autant qu'il sera nécessaire, suivant la méthode déjà 
mise en œuvre avec succès par M. Maunoury. Quand cette méthode aura 
pris place dans la pratique courante, on peut prévoir aussi que, même 
dans les cas d’exérése supposée complète, une courte irradiation du 
champ opératoire précédera immédiatement la réunion des lèvres de la 
plaie. Mais il ne m'appartient pas de chercher à modifier les règles de 
la pratique chirurgicale : je ne possède à cet égard, ni l'expérience ni 
l'autorité de M. Maunoury, et je dois me borner aux indications actuelles 
de la radiothérapie. 

Quand une tumeur maligne est opérable, elle doit être immédiatement 
opérée, et l'intervention du chirurgien est préférable, en règle générale, 
à la radiothérapie. Il n'est guère, à cette règle, que deux exceptions, 
d'ordre très ditiérent. | 

D'une part, pour les épithéliomas de la peau qui n'ont pas dépassé 
le derme, spécialement pour ceux de la face, il est permis de pré- 
férer la radiothérapie, en raison de l'excellence de ses résultats esthé- 
tiques. 

Dautre part, les sarcomes onérables peuvent être, avec avantago, 
soumis, à titre d'essai, à la radiothérapie, dans tous les cas où l'interven- 
ion ne parait pas immédiatement nécessaire. C'est le seul moyen de 
savoir s'ils n'appartiennent pas au groupe des néoplasmes ultra-sensibles 
que la radiothérapie suffit à guérir. 

En dehors de ces deux indications spéciales, voici les trois grandes 
indications de la radiothérapie. 

En présence d'un néoplasme à ses débuts, dont la nature maligne 
est encore incertaine, et plus généralement toutes les fois que 
l’ablation d'un néoplasme est volontairement différée par le chirurgien 
ou temporairement repoussée par le malade, la radiothérapie est 
ndiquée. 

Après l’ablation de toutes les tumeurs malignes, la radiothérapie est : 
indiquée dans le but do prévenir les récidives. Les irradiations doivent 
être dirigées non seulement sur la région opératoire, mais sur la région 
des ganglions qui en dépendent. Si la radiothérapie n’est pas pratiquée, 
comme il convient, aussilot après l'opération, elle doit l'être au moins 
au premier signe de récidive. 

Eufin, contre toutes les tumeurs malignes jugées inopérables, la 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOG!E. TOME X. — CCTOBRE 1907. 49 


702 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOSIR 


radiothérapie est indiquée. C’est la seule médication rationnelle et le 
palliatif dont il y a le plus à attendre. 

Qu'il me soit permis de terminer par un vœu, celui de voir un jour, 
dans les hôpitaux de Paris, un pavillon exclusivement réservé au traite- 
ment du cancer et composé de deux services à la tête desquels un chi- 
rurgien et un médecin radiothérapeute, étroitement unis dans l'œuvre 
commune, travailleront de concert à étendre contre ce redoutable mal 
les limites de notre action et de notre puissance. 


Le radio-intensimètre. 


UN NOUVEL APPAREIL DE MESURE DE LA QUANTITÉ DES RAYONS X 


ÉMIS PAR LE TUBE DE CROOKES (1). 


Par M CARLO LURASCHI (Milan). 


MESSIEURS, 


Avant de commencer ma communication je crois nécessaire de 
déclarer tout de suite que je ne prétends point avoir complètement résolu 
le difficile et important problème du dosage des rayons X, mais que 
j'entends seulement avoir tenté d'ouvrir une nouvelle voie, que je crois 
plus scientifique, et, par conséquent, plus exacte, pour atteindre ce but. 

Il y a un an, au # Congrès international d'Electrologie et de Radio- 
logie médicales, de Milan, dans une séance très intéressante, j'affirmai 
ma conviction absolue qu'aucun des mo les jusqu'à présent employés pour 
mesurer la quantité des irradiations émises par un tube de Crookes ne 
présentait les caractères d'exactitude et de simplicité nécessaires en 
radiologie médicale. 

L'importance que les rayons X ont pris dans la thérapie physique et 
dans la séméiologie, les lésions plus ou moins graves qu'ils provoquent 
sur les tissus qui dépendent surtout, à mon avis, de l’inexpérience ou de 
la négligence des radiologues, justifient la prétention et le désir de tous 
les radiologues de pouvoir mesurer, avec précision et facilité, la quantité 
des rayons X émis par un tube de Crookes. 

"a 

Il faut bien reconnaitre qu'aucune des méthodes proposées ne 
représente un véritable système scientifique de mensuration, mais 
seulement un pur et simple artifice, plus ou moins précis, plus ou moins 
pratique, plus ou moins rapide, pour atteindre le but auquel nous visons. 


(Ð Commu ication faite au Ie Congrès International de Physiothérapie (Rome, 
13-14-15-16 octubre 1907). 


704 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


En effet, à mon avis (et tel est certainement le votre) pour mesurer, 
il faut, avant tout, établir une unité de mesure qui soit fixe, et qui dans 
son essence, dans son entité ne puisse varier et soit en outre indé- 
pendante des erreurs d'appréciation de ceux qui l'emploient. 

Or, que représente de concret pour nous l'unité H de Holscknecht, 
sinon une unité de mesure tout à fait arbitraire el plus que variable, 
correspondant au tiers de lu dose de rayons X compatibles avec 
l'intégrité des tissus. 

Les variations de teintes que peut prendre la substance inconnue du 
chromo-radiomitre de Holzknecht qui doivent être comparées à une 
échelle établie, et ¿es conditions d'éclairement dans lesquelles on pratique 
l'examen de ces teintes augmentent les causes d'erreur dans une mesure 
inconnue mais pas du tout négligeable. 


x 
* x% 


La premiére tentative, vraiment scientifique, de donner une base 
solide à l'unité de mesure est due à Freund. Il est parti de ce fait que la 
solution à 2°}, d'iodoforme dans le chloroforme prend, sous l'action des 
rayons X, une teinte rouge plus ou moins intense, selon la quantité d’iode 
mise en liberté, Mais ici encore, le criterium subjectif qui fixait le terme 
de comparaison entre l'échelle établie et la teinte que prenait la solution, 
sous l'influence des rayons X constituait une grande cause d'erreur. 

Bordier prit aussi ce principe comme base, pour établir l'unité Z de 
son chromoradiomètre au platino-cyanture de baryum. En effet, l'unité I 
de Bordier représente la quantité de rayons X capablo de mettre en 
liberté dans un centimètre cube de solution de Freund, O mgr. 10 d'iode. 

La teinte 1 (jaune clair) correspond à 2 unités I. 

La teinte 2 (jaune soufre) correspond à 3.5 unités I. 

La teinte 3 (gomme gutte) correspond à 5.5 unites I. 

La teinte 4 (marron) correspond à 10 unités I. 

Comme on le voit, Bordier n'a pas non plus éliminé la comparaison 
subjective entre l'échelle et les diverses teintes prises par le platino- 
cyanure de baryum et, par conséquent, les causes d'erreur qui lui sont 
inhérentes. Sclacers fil faire, scientifiquement sinon pratiquement, un pas 
en avant dans la solution de cet important probléme, par son radionétre 
à précipité fondé sur la mesure tToliinétrique du précipité de calomel qui 
se forme dans une solution d'ardlate d'ammonton et de subliné sous 
l'action des rayons N. 

La mesure serait plus exacte si, comme le conseille M. Castex, de 
Rennes, l'on prenait comme unité, non le volume, mais le poids. 

Les autres modes fondés sur l'usage des plaques et des pellicules 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÉTRE 705 


photographiques, et qui constituent le principe du quantitemètre de 
Aicenbôck et du r'adiophotonètre de Contremoulins représentent certai- 
nement de méthodes de mesure moins sûres, moins pratiques, moius 
exactes, moins scientifiques que les précédentes. 


x 
x * 


Comme on le voit par cette rapide revue, tous les radiologues qui ont 
imaginé des modes de mesurage de la quantité des rayons X, se donnent 
l'illusion de la précision, mais n'ont mème pas la certitude de l'exactitude. 

Au & Congrès international d'Electrologie, dans la séance du 6 sep- 
tembre, que j'ai déjà rappelée au commencement de ma communication, 
après une longue discussion à laquelle participèrent MM. Doumer, 
Oudin, Salomonson, Schiff, Gastou, Pini et moi-même, on aboutit à la 
conclusion qu'un accord sur le dosage des rayons X n’était possible 
qu'alors qu'on eùt établi une méthode de mesure fondée sur un principe 
scientifique exact 

Je me rappelle d’avoir dit, dans cette séance, qu'il fallait suivre 
une voie b'en différente de celle suivie jusqu'alors, et que la solution 
du problème devait être cherchée dans l'application d’un des prineipes 
physiques déjà connus et dans les nombreuses expériences dont les 
rayons X ont été l'objet au cours de ces dernières années. Je me 
rappelle aussi avoir parlé des expériences de l'ingénieur Carcano, de 
Milan, d'après lesquelles une plaque de plomb soumise à l’action des 
rayons X ne peut plus servir d’accumulateur, puisqu'elle perd la propriété 
de se charger d'électricité. J’ajoutai, enfin, que le radiologuc désirerait 
avoir un instrument pratique et précis, comme un milliampéremètre 
par exemple. 


*k 
x x 


` 


Guidé par cette idée, je m'appliquai à la solution de cet important 
problème en suivant précisément la voie physique, et je me posai ces 
deux questions : 

19 Si, duns un circuit électrique d'une résistance déterminée et 
ayant en série un milliampéremütre qui mesure l'intensité (1) du courant 
qui passe dans ce circuit, j insère une substance dont la résistance varie 
sous l'action des rayons X, je pourrai obtenir un déplacement de 
l'aiguille du milliampéremetre, proportionnelle à l'amoindrissement 
de résistance du circuit; 

2° La variation de l'intensité du courant (conséquence de la variation 
de résistance du circuit) accusée pur le milliampérenètre est-elle pro- 
portionnelle à l'intensité des rayons X émis par l'ampoule de Crookes? 


706 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


1" Quesrion. — Pour répondre à la première question, il est néces- 
saire que nous analysions les idées prédominantes chez les physiciens 
sur la nature des rayons X. 

La nature des rayons X. — Tous savent, désormais, après les 
expériences de Röntgen et de Gouy, que les rayons X ne subissent d'une 
manière appréciable ni réflexion ni réfraction, qu'ils ne subissent pas 
l'action du champ magnétique et qu'ils ne transportent aucune charge 
électrique, ainsi que l'ont démontré Curie et Sagnac. 

Nous savons, surtout par les intéressantes expériences de Sagnac, 
qu'il existe des rayons X différents entre eux, comme diffèrent les diverses 
radiations du spectre, et se distinguant les uns des autres par leur plus 
ou moins grande puissance de pénétration au travers des corps, de 
manière que Sagnac même put obtenir toute une gamme graduellement 
descendante de rayons d'absorbabilité croissante, jusqu'à des rayons 
tellement absorbables que l’interposition d'une simple feuille de papier 
noir suffit pour en arrêter les propriétés chimiques. 

Nous savons que les différents rayons émis par un tube ne trans- 
portent pas la même quantité d'énergie, ainsi que l'ont démontré 
Rutherford et Clunyh. Or, nous ne connaissons point encore avec sûreté 
quelie est la nature de cette énergie. Selon Haya, Wind et Sommerfeld, 
il semble qu’au moyen des rayons X l'on puisse produire des phénomènes 
de diffraction. Barkla prouva qu'ils peuvent donner une véritäble 
polarisation. Quelques physiciens, enfin, ont essayé de mesurer leur 
vitesse de propagation qu'ils ont toujours trouvée voisine de celle de la 
lumière. 

Je ne parlerai pas des nombreuses expériences de Brunes, de 
Collardeau, de Villard, etc., etc , toutes instituées dans le but de résoudre 
plusieurs problèmes importants, notamment de déterminer la durée 
d'émission des rayons X et le meilleur dispositif à adopter pour leur 
production. 

Le*point qui:nous intéresse pour la réponse à donner à la première 
question que nous avons posée est celui qui se rapporte à la nature 
même des rayons X. L'hypothèse la plus naturelle serait de considérer 
les rayons X comme des radiations ultra-violettes à ondes très courtes, 
des sortes de radiations ultra ultra-violettes. 

Cette hypothèse peut encore, à présent, être soutenue, et les recherches 
de Buisson, Lenard, Merris, Stewart et surtout de notre illustre Bighi, 
établissent que les rayons, d’une très faible longueur d'onde, produisent sur 
les conducteurs métalliques ‘au point de vue des phénomènes électriques) 
des effets semblables à ceux des rayons X. Röntgen, après avoir vaine- 
ment essayé do produire les phénomènes classiques de l'optique telle 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÈTRE 707 


que l'interférence et la polarisation, délaissa l'idée que les rayons X 
sont dus, comme la lumière, aux vibrations transversales de l'éther, 
et émit l'hypothèse qu'ils sont dus à des vibrations longitudinales de 
l'éther : cette idée ne prévalut pas. 

La théorie la plus généralement acceptée est celle de Sir George 
Stokes avança le premier et qui fut reprise par M. Wieckert, d'après 
laquelle les rayons X seraient dus à uve succession de pulsations indé- 
pendantes de l'éther partant des points où les molécules, projetées par 
par la cathode du tube de Crookes, rencontrent la région anticathodique. 
Ces pulsalions ne sont point des vibrations continuelles comme les 
radiations spectrales; elles sont isolées et extrêmement courtes. En 
outre, elles sont transversales comme les ondes lumineuses, et la {héorie 
démontre qu'elles doivent se propager avec la même vitesse que la 
lumière. Enfin, elles ne doivent présenter ni réfraction, ni réflexion, 
mais dans des conditions tout à fait spéciales, elles peuvent subir des 
phénomènes de diffraction. Tous ces caractères nous les retrouvons 
précisément dans les rayons X. J.-J. Thomson adopte, lui aussi, une 
idée analogue et établit que les pulsations se produiraient au moment 
où les particules électrisées, qui forment les rayons cathodiques, viennent 
à heurter brusquement la paroi anticathodique. L'’induction électro- 
magnétique fait que le champ magnétique ne se détruit point lorsque 
la particule électrisée s'arrête en choquant la paroi anti-cathodique, de 
manière que le nouveau champ produit, qui n'est plus en équilibre, se 
propage dans le diélectrique comme une pulsation électrique. Les pul- 
sations électriques et magnétiques, excitées de cette manière, peuvent 
produire des effets analogues à ceux de la lumière. Mais leur faible 
amplitude ne permet point que l'on ait à observer des phénomènes de 
réfraction ni de diffraction, si ce n’est dans des conditions absolument 
spéciales. 

Si la particule électrisée, projetée par la cathode, n’est pas arrêtée 
brusquement, la pulsation devra prendre une ampleur plus considérable. 
De là, les différences que l'on peut relever entre les divers tubes et 


les divers rayons X. 


x 
*x * 


Nous devons encere ajouter que, malgré l'impossibilité où nous 
sommes de dévier les rayons X par les champs magnétiques, certains 
auteurs n'ont point encore renoncé à les englober dans l’ordre des 
rayons cathodiques. 

Ces auteurs supposent, par exemple, que les rayons X sont formés 
par des électrons animés d'une vitesse si grande, que leur inertie ne 


708 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


leur permettrait point d'être déviés de leur direction. C'est la théorie 
préconisée par Sutherland. 

Enfin, d'apres Gustave Le Bon, ils représenteraient l'extrême limite de 
la matière, une des dernières étapes de la matière qui s'évanouit avant 
de retourner à l'éther. 


Conclusion. — Par ce rapide résumé nous pouvons conclure que : 

La véritable nature des ravons X n’est pas encore connue avec cer- 
tilude, mais la plupart des physic'ens tombent aujourd'hui d'accord 
pour supposer qu'ils sont la manifestation d'ondes électromagnétiques 
produite dans l'éther par le brusque déplacement des électrons. 

La série discontinue de ces pulsations constitue, dans cette hypo- 
thèse les rayons X ; ils ne seraient point le résultat de vibrations 
continuelles de l’éther, mais de pulsations isolées d'une très courte 
durée. Les rayons X seraient donc, par rapport aux radiations lumi- 
neuses, ce qu’à un son musical, proprement dit, serait une succession 
irrégulière de sons secs et de courte durée. 

Selon ces idées, les longueurs d'onde produites par ces pulsati: ns 
peuvent être comparées aux dimensions particulières des mo'écules 
matérielles, c'est-à-dire qu’elles sont des longueurs d'onde très petites 
en comparaison de celles des vibrations connues. La conséquence en est 
que les rayons X pourront être absorbés, transformés ou diffusés d'une 
manière différente selon la nature des molécules qu'ils rencontrent, mais 
qu'ils ne subiront pas les actions dépendantes de l’élasticité propre du 
milieu telles que la réflexion et la réfraction régulière. Ils se propa- 
geront en ligne droite, mais seront absorbés selon la densité des 
milieux traversés. 

Après ce que nous venons d'exposer, il est naturel et logique de 
supposer une certaine analngie, sinon une identité, entre les radiations 
lumineuses et les radiations des rayons X, de manière que leur action, 
même sur la résistance électrique du sélénium puisse être comparable, 
sinon semblable, à celle de la lumière. J'établis tout de suite des 
expériences, en me servant d’une pile au sélénium que jeus l'oppor- 
tunité d’avoir entre les mains et je m'aperçus que vraiment il existe une 
action visible, Mais, je parlerai de ces expériences plus particulièrement 
plus loin. 

En étudiant plus profondément ce sujet, je trouvai que déjà dès 
l’année 1899, Perrau, le premier, avait établi que la résistance électrique 
du sélénium baisse si l'on fait tomber sur lui des rayons X, el que lorsque 
l’action de ces derniers cesse, la conductibilité revient à sa valeur primi- 
tive bien que très lentement. 


D'autres, après lui, tentèrent et confirmèrent les mêmes expériences 
(Lévy-Dorn). 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÈTRE 709 


En 1901, Bloch démontra la méme diminution de la résistance 
électrique du sélénium soumis à l'action des rayons émis par un sel de 
radium. 

Après avoir ainsi contrôlé la valeur de mes conclusions, valeur tirée 
de la nature mème des rayons*X, je divisai mes expériences en deux 
ordres 

En premier lieu, je fis agir les rayons X directement sur le sélénium 
et j'euregistrai la diminution de la résistance dans le circuit selon la 
quantité plus ou moins grande de rayons X que le tube émettait, c'est à- 
dire en tenant compte du voltage et de l'ampérage du courant dans le 
primaire. 

En second lieu, j'enregistrai les variations de la résistance dans le 
circuit, en faisant agir les rayons X sur le sélénium à travers un écran 
fluorescent de manière à pouvoir sommer les deux actions des rayons et 
des radiations lumineuses de l'écran. 

Avant tout je fis le repérage de la sensibilité de ma pile au sélénium 
et je constatai qu'en mettant, à la distance de 40 centimètres, trois 
lampes de l'intensité de 16 bougies, une rouge (lampe pour photographie), 
une autre bleue, une troisième blanche, j'obtenais les déviations 
suivantes (1) : 


Distance : 40 centimètres. — Densité lumineuse : 16 bougies. 


Lampe rouge. . . . a.. mA. 10 Différence = 6 mA. 
Lampe bleue . . . a . . mA. 125 Différence = 8.5 mA. 
Lampe blanche . , . . . mA. 14 | Différence = 10 mA. 


Puis je cherchai à établir si entre l'action des rayons X seule ou 
associée à l'action des radiations de l'écran, il existait une relation. 
Voici les mesures prises (2) : 


Distance du tube de la pile au sélénium : 6 cent. 6. — Zéro du 
mnilliampéremetre : 4 mA. 


en mt Ge _ 
A M M M 


Rayons X = Sélénium sans écran Déviation=5  mAJ| Différence = 1: mA 


PEREN =. 38 R 3 
Déviation = 5-, mA Différence = 1 Fa mÀ 


| Sélénium arec écran 


(1) Dans la chambre obscure, le milliampèremètre marquait 4 FmA, de sorte que 
le O était représenté par ce chiffre. 

(2) Sélénium enveloppé dans du papier noir, pour éliminer l'action de la lumière 
verdàtre émise par le tube. 


710 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Ainsi qu’on le voit, de cette première expérience on devait tirer tout 
de suite la conclusion que l'écran augmente très sensiblement la déviation 
de l'aiguille. En outre, la présence de l’écran rendait plus fixes et précises 
les variations de résistance du circuit ct, par conséquent, les indications 
même du milliampéremètre. 

Il me reste maintenant à faire la dernière partie de mon expérience, 
c’est-à-dire à vérifier s'il y a une relation entre l'augmentation de 
l'intensité du courant dans le primaire (c'est-à-dire augmentation de 
quantité de rayons X émis par le tube de Crookes), et les déviations de 
l'aiguille du milliampèremètre. 


Pile au sélénium dans papier noir sans écran O = 4 mA. 
Distance centimètres : 6. 


| AMPÉRAGE | VOLTAGE | DÉVIATION DIFFERENCES 


entre les déviations de l'aiguille 


3 22 5 

1 mA 
4 29 6 

l ” 
5 31 7 

0.75 » 
6 33 1.19 

0.5 n 
1 35 8.25 

0.5 n 
8 31 8.75 

0.5 »” 
9 39 . 9.25 


Pile au sélénium dans papier noir avec écran 0 = 4 mA. 
Distance centimètres : 6. 


VOLTAGE | DÉVIATION 


| ANPÉRAGE 


DIFFÉRENCES 


entre les déviations de l'aiguille 


3 22 
4 29 
ö 31 


© J © 
# 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÈTRE 711 
Voici la disposition de l’appareillage : 
Prle 


ll 


Resrslenze 


Pla ab Selenio 


Ces différentes expériences conduisent aux conclusions suivantes : 

1° Il existe réellement un rapport entre l'augmentation de la quantité 
des rayons X émis par l’ampoule et la déviation de aiguille du 
milliampèremètre ; 

2° La variation d’un ampère dans l'intensité d’un courant du primaire 
provoque une déviation de l'aiguille, comprise entre 2 dixièmes (tout au 
plus 3 dixièmes) de milliampère et 1 milliampère ; 

3° La variation dans la déviation de l'aiguille du milliampéremètre 
est plus grande au début, lorsque la pile au sélénium est munie d'écran, 
tandis que plus tard, les diverses augmentations d’ampérage et les 
déviativns suivant: s présentent une très petite différence, que le sélénium 
soit ou non muni d'écran ; 

4° Si nous examinons les différences qui se produisent entre les 
déviations de l'aiguille, nous trouvons que lorsque la pile au sélénium 
est munie d'écran, elles sont plus régulières et supérieures d’un quart de 
de milliampère à celles que l’on oblient sans écran. 

En outre, lorsque le sélénium est muni d'écran, l'aiguille est plus 
fixe. 

OBSERVATIONS SUR LES EXPÉRIENCES 


La première observation que ces expériences suggéraient était la 
suivante : 

Pour avoir une échelle suffisamment ample qui rende l'appareil 
pratique et précis, il faut rendre les déviations de l'aiguille plus étendues. 

Comment alteindre ce but ? 


712 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


ll n’y avait d'autre moyen que de modifier à la fois le milliam- 
péremètre, en le rendant plus sensible, et la pile, en lui donnant une 
plus grande surface d'action. 

Je fis donc, avant tout, construire un milliampéremètre spécial dont 
l'échelle est divisée en centièmes de milliampère. Puis je tåchai de me 
procurer une pile au sélénium ayant une surface plus grande que celle 
que je possédais, mais cela me fut impossible malgré les recherches 
que je fis chez tous les constructeurs les plus rénommés. 


L'appareil que je présente n'est donc que la première tentative de 
la mise en pratique du principe de la variation de résistance d’un circuit 
électrique, déterminé au moyen de l'action exercée par les rayons X sur 
une substance qui jouisse de la propriété que nous avons plus haut 
rappelée. 

Jusqu'à présent, je ne connais point d'autres substances qui aient 
les propriétés singulières du sélénium,. je ne connais pas non plus d'autres 
dispositifs qui permettent de faire varier la résistance d’un circuit élec- 
trique sous l’action des rayons X. 

Au début de mes recherches, l'application d'un écran à la pile au 
sélénium me paraissait une utile et heureuse idée. 

Mais, plus tard, les expériences me démontrèrent que plus l'appareil 
est sensible, moins on a besoin d'ajouter l'action de l'écran à celle déjà 
excesive des rayons X. 

L'instrument que je présente, bien qu'il n'ait point encore atteint la 
perfection de construction que je voudrais, me semble pourtant déjà très 
pratique; il a, sur tous les autres appareils adoptés, plusieurs avantages 
remarquables, c'est-à-dire : a) d'élimin:r toutes les trompeuses appré- 
cialions subjectives fondées sur l'appréciation de la coloration de 
pastilles formées par des substances connues ou inconnues; b) d'élimi- 
ner les causes d'erreur selon le moyen ct le degré d'illumination du 
milicu dans lequel on pratique l'examen de ces pastilles; c) de per- 
mettre la création d'une unité scientifiquement exacte parce qu'il suffira 
d'établir la quantité des rayons X correspondonte à chacune des divi- 
sions de l'échelle du milliampéremitre cupable de mettre en liberté, 
par exemple, un nombre déterminé de milligrainmes d'iode dans une 
solution à 2°}, d'ioduforme dans le chloroforme [méthode de Freund), 
ou bien la quantité mesurée en milligrammes de culomel précipité dans 
nne solution d'oxalate d'ammonium et de suhlimé sous l'action des 
rayons X pour établir cette unité. 

Cet appareil comprend deux parties : 

[ne pile au sélénium, disposée sur un support permettant de l'orien- 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÈTRE 713 


ter dans tous les sens ct de la placer dans toutes les positions, Cette pile 
commuuique par deux fils avec un milliampèremètre très sensible qui 
donne 1/100 de #milliampère. Dans la table en bois, qui soutient le mil- 
lampéremétre, nous avons des piles sèches qui donnent la F. I. suffi- 
sante pour la déviatiou de l'aiguille du milliampéremètre. 

Le bouton interrupteur qu'on voit à gauche, sur la même table, sert 
pour voir si le courant fonctionne normalement. 


EZ " ; 
= E ee APOST, 0 5 
= a R E e 


4 


OBJECTIONS. — Je crois que nulle objection sérieuse ne peut être 
faite contre l'exactitude du principe scientifique fondé sur la variation 
de résistance d'un circuit électrique, variation produite par l'action 
d'une quantité plus ou moins grande de rayons X sur une substance, 
ou bien sur un dispositif déterminé, jouissant de cette propriété. 

On pourrait plutôt soulever des objections sur l'usage du sélénium 
pour atteindre ce but. 

a) En effet, selon les physiciens, la propriété tout à fait particulière 
du sélénium s’amoindrit par le temps et cet amoindrisssement se produit 
après un, deux trois mois. Il faut pourtant remarquer que ce fait 
arrive surtout lorsque le sélénium est soumis à l’action de la lumière, 
mais qu'il se produit d’une manière moindre lorsqu'il est soumis à 
l’action des Rayons X et fermé dans une boite de carton, avec l'écran, 
c'est-à-dire complètement soustrait à l’action de la lumière, comme dans 
notre cas. La pile au sélénium que je présente a déjà huit mois d'usage. 

b) On pourrait regretter qu'il n'y ait pas de proportionnalité simple 
entre les déviations et les intensités des rayons incidents. Mais cet incon- 
vénient n’a aucune importance du moment que l'on connait la relation qui 
exisle entre ces deux grandeurs ; 


714 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


c) Une autre objection, et peut-être la plus importante, c'est que les 
piles au sélénium, telles qu'on les fait aujourd’hui, ne se comportent pas 
toutes de la même façon. Il faut espérer que bientôt de meilleures 
méthodes de fabrication donneront de meilleurs résultats et une fabrication 
plus homogène ; 

d) Une autre objection que l'on pourrait faire est la suivante: le 
radio-intensimêtre nous donnera, il est vrai, la quantité de rayons X émis 
par le tube, mais il ne nous indiquera jamais si l'intensité donnée résulte 
d’une qualité de rayons X plutôt que d’une autre, c'est-à-dire de rayons 
mous plutôt que de rayons durs. 

A cette objection, nous pouvons répondre qu’en radiologie nous 
possédons déjà un appareil (le radiochromcmètre de Benoist) qui permet 
de connaître la qualité des rayons X émis par un tube. Le radio-inten- 
simètre, au contraire, nous donne la notion de l'intensité véritable des 
rayons X, intensité qu’on ne doit pas confondre avec le dégré de 
pénétration des rayons mêmes. 

Et je m'explique : | 

Une fois admis que les électrons qui partent de l’anticathode et qui 
vont frapper le verre aient une vitesse variable, les plus rapides 
produiront, dans l'éther, des pulsations isolées d’une durée très courte et 
d'une longueur d'onde extrêmement petite, tandis que les moins rapides 
produiront, dans l’éther, les mêmes pulsations, mais ayant une longueur 
d'onde beaucoup moins petite. 

Or, cette gamme de rayons X, d'après mes expériences, agit sur le 
sélénium précisément comme les radiations lumineuses. En effet, ainsi 
que les radiations extrêmes du spectre (rouges et violettes) ont, sur le 
sélénium, une action moindre que les radiations moyennes (vert et jaune), 
de même les rayons X, mous et durs, ont une action plus faible que ceux 
de pénétration moyenne. Ce qui démontre que si le degré de pénétration 
des rayons X est en rapport avec la rapidité des électrons, l'intensité est 
au contraire en rapport avec le nombre d'électrons qui, dans une unité de 
temps, produisent, dans l'éther, une plus grande quantité d'ondes électro- 
magnétiques de pénétration moyenne. 

L'intensité est donc le produit final du nombre des électrons qui, 
dans une unité de temps, vont frapper la paroi du tube, et la pénétration 
est le produit final de la rapidité de ces électrons mêmes. Le sélénium 
nous indiquera donc la somme des actions produites par tous les rayons X, 
émis par le tube, et si cette somme résulte pour la plupart ou de rayons 
mous ou bien de rayons durs, la déviation de l'aiguille sera moins 
accentuée; si, au contraire, elle résulte en plus grande partie de rayons 
de pénétration moyenne, la déviation sera plus remarquable. 


LURASCHI. — LE RADIO-INTENSIMÈTRE 715 


L'action des rayons X sur le sélénium, aussi bien que cette manière 
spéciale de se comporter des différents rayons X qui constituent la 
gamme graduellement ascendante des radiations plus ou moins absor- 
bables émises par le tube de Crookes, représentent deux nouveaux et 
précieux arguments pour confirmer l'opinion de ceux qui, au sujet de la 
nature des rayons X, soutiennent la théorie électro-magnétique qui a, 
sur toutes les autres, l'avantage de faire entrer ce phénomène nouveau 
dans l'orbite des phénomènes déjà connus. 

e) On pourrait encore objecter que la déviation de l'aiguille est 
produite par l’action de la chaleur sur le sélénium, chaleur émise par le 
tube de Crookes. 

Mais comme on peut obtenir d’une manière nette l'action des rayons X, 
même à des distances considérables, cette objection peut être écartée. 
D'ailleurs, l'interposition d’une feuille de carton, ou une planchette de 
bois, ou mieux une lamelle d'aluminium, qui absorbent tous les rayons 
calorifiques, n’'empêchent nullement l’action des rayons X sur le sélénium. 

f) Une dernière objection se rapporte à la manière de se comporter 
du sélénium lorsque l’action des rayons X a cessé, puisque cette action 
continue encore pour quelque temps, de manière que l'aiguille ne se 
rend pas complètement à zéro. 

Cet inconvénient, tout à fait apparent, pourra être aisément levé 
par un dispositif spécial dans les appareils qu’on va construire et, du 
reste, il n’a aucune conséquence, car, jusqu’à 0,40 centièmes de milliam- 
père, l'émission des rayons X est insignifiante. 


Us4ce. — L'appareil doit être placé à la même distance que la région 
sur laquelle on fait l'application des rayons X et on le maintient en place, 
jusqu’à ce que l'aiguille du radio-intensimètre soit fixe. Dès que le tube 
de Crookes fonctionne, on tiendra compte du temps de durée de l'appli- 
cation, au moyen de la montre à secondes dont l'appareil est muni. 

Lorsque la déviation de l'aiguille est fixe, on lira le chiffre et il 
indiquera l'intensité (I) de toute la gamme de rayons X émis par le tube. 
En multipliant l'intensité pour le temps (T), on aura la quantité (IT) 
absorbée par le malade. 


ConcLusions. — Je crois donc, en résumé de ce que je viens de dire, 
que l'on peut trouver dans l’action des rayons X sur le sélénium, les 
éléments voulus pour établir une unité scientifique. 

Et cette unité, nous la trouverons, comme j'ai déjà dit, en multipliant 
la déviation de l'aiguille par le temps d'exposition du sélénium à l’action 
des rayons X. 


716 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


En effet, si l degré de déviation pendant une minute met en liberté, 
par ex , dans un centimètre cube de solution de Freund, 2/10 de milli- 
gramme d'iode, nous aurons fixé un critérium nouveau pour tous les 
expérimentateurs, car on ne pourri obtenir cette déviation d'un degré 
dans tous les appareils réglés au moyen de la mème source lumineuse, 
que par une quantité bien déterminée de rayons X égale pour tous les 
tubes, puisque l'action des rayons X sur l'écran lumineux aussi bien que 
sur le sélénium (à parité do conditions) doit être, pour toutes les raisons 
que nous avons exposées, égale pour tous les tubes. 

Il en sera de méme pour tous les autres numéros de l'échelle, de 
manière que sur chacun des degrés de celle-ci nous pourrons indiquer 
aussi la quantité d'iode libéré dans la solution de Freund {ou de tout autre 
substance précipitée) et obtenir ainsi une graduation plus ou moins sen- 
sible, mais qui aura le grand avantage d'être l’expression immuable et 
fixe d'un phénomène physique se rapportant à une action chimique et 
non à une appréciation visuelle (comme dans la méthode de Holzknecht 
et de Bordier) ou à une manœuvre plus ou moins prolongée ‘comme dans 
la méthode volumétrique de Schwarz). 


Effluves et étincelles de haute fréquence 
dans le traitement des tumeurs malignes (1). 


Par le Dr J. A. RIVIÈRE. 


Au moment même où d'éminents chirurgiens reconnaissent l'efficacité 
de la physicothérapie des tumeurs malignes, nous venons à nouveau 
affirmer ce que, le premier, nous avons avancé en 1900 et en 1903. 

Aussi bien, malgré l'indécision thérapeutique actuelle, malgré les 
théories fatalistes de la repullulation obligatoire des tumeurs malignes, 
nous eslimons que les guérisons ‘assez nombreuses) et les innombrables 
améliorations obtenues, dans les cas les plus graves, par le secours de la 
physicothérapie, doivent nous faire envisager, comme une négligence 
coupable, le non-recours à ces agents, modificateurs locaux et généraux 
par excellence. Et cela, d'autant plus, qu'ils n'offrent aucun danger, 
aucun inconvénient, lorsqu'ils sont maniés par des médecins expé- 
rimentés. 

Nous voulons, à cet égard, apporter à ce congrès une contribution 
utile, en résumant nos observations fuites depuis plus de dix ans, en 
apportant sincèrement, dans cette assemblée, le résultat de notre 
expérience clinique. | 

Parmi les agents physicothérapiques dont l'action est la plus remar- 
quable, contre les néoplasmes, je dois signaler, en première ligne, les 
effluves et étincelles de haute fréquence et de haute tension. 

Leur activité est assez facile à régler, suivant les cas : j'emploie, de 
préférence, les longues effluves et étincelles bipolaires, lorsqu'il s’agit 
d'agir sur des tumeurs profondes, réservant les applications monopo- 
laires aux épithéliomas. C'est au Congrès International d'Electrologie et 
de Radiologie médicales (Paris, juillet 1900) que nous avons apporté 
l'exposé de nos premiers succès par cette méthode, dont nous avons 
reparlé en 1903, dans une communication à l'Académie de médecine, 
dont l'importance était étayée par de nombreuses observations et par la 
présentation de plusieurs malades 

Dans ces communications où, pour la première fois, en radiologie, le 


(1) Congrès français de médecine, Paris, 14-16 octobre 1907. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — OCTOBRE 1901 90 


718 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


diagnostic était appuyé d'examen histologique, le premier, nous avan 
cions ce qui a été confirmé depuis : 


Que les effluves et étincelles de haute fréquence guérissent les 
tumeurs malignes superficielles et profondes ; 

Qu'elles détruisent les masses néoplasiques et respectent les tissus 
Sains ; 

Que leur action.sur les tumeurs lymphoïdes est des plus marquée; 

Qu'elles doivent, avec les rayons Rœntgen, appliqués après les opé- 
ralions, servir à prévenir les récidives des tumeurs malignes ; 

Que la physicothérapie est l'unique ressource dans les cas de tumeurs 
inopérables ; 

Que les doses de rayons Rœnigen doivent étre massives sans altérer 
les téguments ; 

Que la radiodermite semble quelquefois activer et favoriser la 
guérison ; 

Qu'il est indispensable de pousser aux éliminations des parties nécro- 
sées, faisant retour à la circulation général: ; 

Que la cellule néoplasique ne bénéficiait pas des forces synergiques 
des cellules saines régies par le système nerveux; 

Qu'il est toujours nécessaire de s'occuper de l'état général en même 
temps que de l’état local; 

Qu'en présence d'un mal aussi tenace et aussi troublant que le 
cancer, il faut savoir proportionner l'effort à la résistance et mettre 
judicieusement en pratique toutes les ressources de l'arsenal physico- 
thérapique. 


Depuis cette époque, sans abandonner l'emploi des rayons Rœntgen, 
et fidèle à nos convictions premières, nous avons, au su de tous nos 
confrères, accordé dans nos traitements, la première place aux effluves 
ct étincelles de haute fréquence parce que plus fidèles et plus concluants. 
Néanmoins, selon notre méthode habituelle (que nous avons, maintes 
fois, exposée dans les sociétés savantes et dans les Annales de Physico- 
thérapie depuis 1901), nous considérons comme légitime (bien plus : 
comme indispensable) l'alternance et la superposition thérapeutiques des 
divers agents physicothérapiques, pour l'obtention de la guérison. 

Le médetin pharmacologiste ne varie-t-il pas, ne réunit-il pas, de 
méme, ses formules magistrales ou galéniques ? Le chirurgien, soucieux 
d'antiseptie, ne sait-il pas, avec succès, combiner les diverses ressources 
de la matière médicale, afin de multiplier l’action curative ave le 
minimum d'inconvénicnts ? De méme, le praticien physicothérapeute 


ym 


RENE RENE ANR Gad a mm ae e = 


RIVIÈRE. — TRAITEMENTS DES TUMEURS MALIGNES 719 


doit savoir, quand il voit s'épuiser l’action de l’un de ses agents, recourir 
à un autre, pour parfaire et compléter sa cure (c’est là un fait d'observa- 
tion indéniable et qui trouve son explication dans l’aguerrissement mêmo 
des cellules). 

Cette cure, ainsi comprise, aboutit même, dans les cas désespérés, à la 
sédation de la douleur, à la résolution des tumeurs, à l'amendement des 
états dyscrasiques, au rétablissement de l'équilibre nutritif. 

Nous n'avons pas cru devoir employer le chloroforme et la curette, 
comme l'a fait, depuis, notre confrère, le D" de Keating-Hart. Les appa- 
reils employés par nous, de provenance et d'intensité très diverses, sont 
les meilleurs et les plus puissants construits à ce jour, et nous avon: 
toujours constaté que le malade supporte sans douleur les plus longues 
effluves et les étincelles, à la condition que ces dernières ne soient pas 
très nourries. Ce sont les étincelles et les effluves de Haute Fréquence, 
dont les différents dispositifs permettent d'en varier l'emploi, qui exercent 
une action élective sur la cellule néoplasique. 

Il n'existe entre l’étincelle et l'efluve qu'une question de degré de 
concentration de l'énergie de Haute Fréquence. 

L’effluve est une étincelle divisée en pluie plus ou moins fine, elle est 
émise par un électrode hérissé de pointes tandis que l’étincelle part d'un 
point. 

Les effluves et les étincelles peuvent, grâce aux appareils perfectionnés 
dont nous disposons, être courles ou longues, clairsemées ou très nour- 
ries, fines ou denses : il suffit, pour cela, de modifier ou de changer le 
dispositif des appareils, ou, bien mieux, de disposer, comme nous, de 
plusieurs appareils de construction différente ; il y a des nuances entre 
les actions de différentes étincelles et eflluves, suivant qu'elles sont 
courtes, fines, longues ou denses. 

Ce sont les courtes étincelles chaudes, très nourries, qui exercent 
l'action thermo-électro chimique dont j'ai parlé en 1900. Elles détruisent 
les masses néoplasiques en procédant de la périphérie au centre. 

Ces étincelles, qui dérivent surtout du petit solénoïde ou même du 
primaire du résonateur, sont douloureuses. 

Les longues étincelles et les lonss eflluves agissent par percusion 
et en profondeur. Leur action, à distance, est nécessaire pour désorga- 
niser les cellules profondes néoplasiques. Les courtes étincelles qui sont 
prises sur le petit solénoïde agissent surtout par leur ampérage. Les 
longs effluves ou étincelles recueillies sur le secondaire du résonateur 
agissent surtout par leur vollage, qui peut atteindre 300.000 volts ou 
600 watts. 


La force des transformateurs, les capacités des condensateurs, les 


720 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


rapports des differentes capacités mises en présence, la longueur et le 
diamètre des fils conducteurs sont autant de facteurs qui interviennent 
pour modifier les conditions des étincelles et des effluves. 

L'origine des cancers réside, comme nous l’avons toujours dit, dans 
une insuflisance reclrice du système nerveux, à un endroit déterminé de 
l'économie. A cet endroit apparaissent bientôt des cellules désorientées, 
anarchiques, misérables épaves n'offrant qu'une force de résistance tout 
à fait insuflisanle aux effluves électriques Ces dernières ne tardent donc 
pas à éliminer le néoplasme, tout en rétablissant parallèlement l'influx 
nerveux et l'action physiologique des neurones 1l faut remarquer ici que 
l'élimination est beaucoup plus rapide quand les cellules sont dénudées 
et que la pénétration dynamique peut s'opérer directement sur les élé- 
ments même de la tumeur. 

La cellule du cancer est une cellule jeune (ou même embryonnaire) 
contenant en elle une réserve inépuisée de potentiel évolutif. Dans notre 
thèse (1884, Paris), nous avons parlé de la force accumulée et condensée 
dans la cellule génératrice et de la force évolutive associée à la matière 
(pour nous l’état de condensation de la Force). Le savant Hallion a émis 
l'hypothèse, très vraisemblable, qu'il s’agit, au sujet du cancer, d'une 
cellule rajeunie par fécondation anormale, et non pas d'une cellule restée 
jeune et reprenant (à l'occasion d une vis à tergo quelconque) une évolu- 
tion longtemps interrompue. C'est la théorie karyogamique, hypothèse 
rationnelle de la rénovation par conjugaison ou copulation de noyaux 
fécondants. Cette taéorie nous explique l'effort malavisé ou déplacé 
entrepris par une espèce cellulaire « sujette v, pour se régénérer à la 
façon d'une espèce cellulaire autonome ou » libre ». La cellule néopla- 
sique est, par cette raison, très affaiblie dans sa résistance. Elle se con- 
duit à la manière d'un véritable sperme pathologique, promoteur de 
tumeurs, puisque cette aptitude de conjugaison, cette particularité karyo- 
kinétique sont pathognomoniques des tumeurs malignes. Affranchie et 
désorientée, désorbitée pour ainsi dire, la cellule fait souche d’une tribu 
libre, qui dénonce, en quelque sorte, le pacte social et oublie toutes ses 
obligations antérieures vis à-vis de l'organisme. Aussi, le système ner- 
veux ne la dirigeant plus, elle tend naturellement à l'épuisement et à 
l'atrophie (c'est l'existence éphémère des protistes), ainsi que je le disais 
moi-même, il y a plus de vingt ans, au cours de mon travail sur la 
névrarchie et le nervisme. | 

L'ingénicuse théorie Karyogamique (étayée par Maupas, Fabre- 
Doinergue et Hallion; nous rend compte de la rareté du cancer à un àge 
très avancé et du ròle étiologique assez fréquent joué par le traumatisme 
et surtout par l'irritation répétée, pour la prolifération ordinaire des 


RIVIÈRE. — TRAITEMENTS DES TUMEURS MALIGNES 721 


tumeurs malignes ; en troublant la nutrition élémentaire, on réalise 
toujours ces conditions d'alimentation imparfaite qui, d’après Maupas, 
favorisent la conjugaison cellulaire chez les infusoires. 

J'ajouterai que l’acide urique doit être envisagé aussi comme une 
cause d’irrilation permanente pour les éléments anatomiques. C'est pour- 
quoi les arthritiques fournissent journellement à la carcinose un si impor- 
tant tribut. C’est pourquoi aussi cette terrible diathèse présente un déve- 
loppement parallèle avec la courbe de consommation de la viande, des 
extraits de viande, des boissons fermentées ou distillées (les peuples végé- 
tariens et abstèmes échappent en grande partie au cancer). Les courants 
de haute fréquence, en empêchant les précipitations uratiques, en favo- 
risant les éliminations et combustions complètes des matériaux azotés, 
coupent, en quelque sorte, les vivres au processus cancéreux, empêchant 
les cellules crganiques de se livrer à la prolifération karyogamique, 
fautrice des néoplasmes et des nozorganies les plus graves. 


CONCLUSIONS 


le Ce sont les courants de haute fréquence sous la forme d’effluves 
où d’étincelles mono ou bi-polaires qui nous ont toujours paru jouir, 
contre les néoplasmes, de l’action modificatrice la plus fidèle, la plus 
continue et la plus profonde. Cette observation résulte d'une expérience 
de plus de dix ans, et nos droits de priorité, à cet égard, remontent à notre 
communication au Congrès d'Elcctrolyse et de Radiologie médicales 
(Paris, 27 juillet 1900) et à notre communication à l'Académie de Méde- 
cine (1903) ; 

2° Toutefois, il ne faut pas être exclusif, et nous avons le devoir 
d'utiliser judicieusement, contre les néoplasmes, tous les agents pratiques 
de l'arsenal physiothérapique : les rayons Röntgen, l’actinisme, les 
étincelles et les eflluves de statique, le radium (1), les rayons ultra-violcts, 


(1) Au sujet du radium, nous nous pluisons à rappeler la conversation que nous 
eûmes avec notre distingué confrère, A. Darier lorsqu'il vint, en août 1903, nous faire 
part de son étonnement de retrouver guéri, à son retour des vacances, la malade atteinte 
de lympho-sarcome généralisé qu'il nous Avait confiée in extremis, 3 semaines aupa- 
ravant, et qui était irrémédiablement condamnée par lui et plusieurs médecins des 
hôpitaux. 

Nous lui dimes alors textuellement qu'il avait sous les yeux le résultat de l’action 
combinée des rayons Röntgen et des effluves et étincelles de haute fréquence, qu’en 
1900 j'avais parlé de l’action des rayons actiniques, que, pour nous, le radium qui 
contenait : et les rayons actiniques et les rayons Röntgen, devait, dans le cancer, avoir 
une action certaine. . 

Nous partimes tous deux acheter du radium. Peu de temps après, dans une impor- 
tante communication que fit notre savant confrère à l’Académie de Médecine (rappor- 
teur M. Cornil) il relatait le cas de sa malade, guérie par nous, par les grandes 
effluves et étincelles de haute fréquence et les Röntgen ; et il saisissait cette occasion 
pour parler de l’action du radium dans le cancer. 


722 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


l'ionisation, l'électrolyse, etc., ete., fournissent un appoint souvent 
indispensable pour activer la cure, soit en détruisant les masses néopla- 
siques, soit en redressant les neurones, soit en améliorant l’état dyscra- 
sique ou cachectique, soit en poussant aux éliminations nécessaires des 
particules néoplasiques détruites et mobilisées dans le torrent de la circu- 
lation; soit, enfin, en ramenant les processus vitaux à la normale ; 

3° Le pouvoir des grandes effluves bi-polaires ou des étincelles de 
haute fréquence est surtout plus pénétrant et plus efficace pour le traite- 
ment dès tumeurs profondes. C’est lui qui déconcerte le plus vivement 
toute l’histogénèse des tumeurs malignes, et cela sans suspicion possible 
de réaction inflammatoire, puisque l'irradiation violette ne récele aucun 
rayon calorifique ; i 

4° C’est la théorie karyogamique d'Hallion (anarchie des cellules et 
fécondation des éléments embriogén.ques) qui explique le mieux pour- 
quoi notre traitement respecte toujours la vitalité des tissus sains et 
possède une sorte d’aflinité élective pour les éléments constitutifs du 
néoplasme ; 

5° Relèvent de la physicothérapie : les tumeurs malignes à leur 
début, les récidives et les tumeurs considérées inopérables ; 

6° Comme en 1900 et en 1903, nous persistons à dire que les grosses 
tumeurs doivent étre enlevées par le bistouri et traitées ensuite par 
notre méthode, pour prévenir et guérir les récidives ; 

7° Les effluvations ou la projection des étincelles de haute fréquence 
doivent suivre toute opération chirurgicale de tumeurs malignes ; 

8° Dans le but de prévenir les récidives après cicatrisation, quelques 
effuvations, appliquées périodiquement et à des intervalles de plus en 
plus espacés et déterminés par le praticien, nous paraissent d'absolue 
nécessité ; | 

9 La physicothérapie, qui est la méthode rationnelle à opposer aux 
tumeurs malignes, en est aussi la thérapeutique préventive. 


Peut-on radiographier la moelle épinière? (1) 


Far M. CARLO LURASCHI (Milan). 


A ma connaissance, on n'a pu obtenir jusqu'ici l’image nette et 
précise de la moelle épinière, ou, pour mieux dire, d'une portion de cet 
organe. 

Après onze ans de pratique radiologique, voilà qu’il m'arrive un cas 
heureux dans lequel où, par suite de conditions physiques tout à fait 
spéciales des os du squelette, une radiographie très lisible a pu en être 
obtenue. | 

Je viens de dire que ce fut aux conditions physiques tout à fait 
spéciales des os du squelette que j'ai dû de pouvoir radiographier une 
portion de la moelle épinière, et j'ajoute tout de suite que ces conditions 
physiques sont représentées par deux faits très importants, sans la 
présence desquels il est impossible d'obtenir sur la plaque l'image du 
contenu de la boite osseuse, constitue par la colonne vertébrale. 

Ces deux faits sont : 

1° La transparence des vertèbres ; 

2° La hauteur des disques intervertébraux. 


Dans une étude que j'ai publiée, dès l’année 1904, sur la transparence 
des os du crâne, du bassin et de la colonne vertébrale, étude rapportée 
aussi par Fürnrohr, dans son livre : Die Rôntgensrtahlen im Dienste 
der Neurologie, je conclus que les points les plus transparents (et, en 
couséquence, les moins résistants) de la colonne vertébrale sont repré- 
sentés : 

1° Par les masses spongieuses des vertèbres ; 

2° Par les lamelles vertébrales ; 

3° Par les apophyses transverses, tandis qu'au contraire les points 
les moins transparents (et, par conséquent, les plus résistants) sont 
représentés par : 

l° Les masses épaisses des apophyses articulaires ; 

2° Par les apophyses épineuses. 


(1) Communication faite au II° Congrès International de Physiothérapie (Rume, 
13-14-15 et 16 octobre 1907). 


124 ANNALE: D'ÉLECTROBIOI.OGIR 


Les projections que l'on peut obtenir de la colonne vertébrale sont : 
a) Projection postérieure. 


h) » latérale, droite et gauche. 
c) » antérieure. 


Nous allons nous occuper seulement de la projection postérieure qui 
nous a précisément servi pour atteindre notre but. 

Projection postérieure: Si nous appuyons la colonne vertébrale 
d'un squelette sur un plan horizontal formé par un miroir, nous pouvons 
avoir une idée exacte de la projection postérieure de toute la colonne 
vertébrale. 

Par cet examen, même superficiel, nous pouvons voir que la portion 
dorsale, et plus précisément la région comprise entre la cinquième ou 
sixième dorsale et la douzième dorsale est le plus voisin du plan de sus- 
tentation et devrait done mieux venir sur la plaque photographique. 

Au contraire, la région comprise entre la douzième dorsale ou pre- 
mière lombaire jusqu'aux premières verlèbres sacrées ne peut jamais 
adhérer au plan de la glace et il serait donc plus difficile d'en obtenir une 
bonne image radiographique. 

La région cervicale si l'on a le soin de faire porter en dehors du 
plan du miroir l'occiput, pourra donner une bonne projection, de manière 
que l’image radiographique en sera assez exacte et précise. 

De ce rapide exposé il résullerait donc que la facilité de raZiographier 
la colonne vertébrale diminuerait dans le sens suivant : 


1° Colonne dorsale, surtout de la cinquième à la douzième. 
2 » cervicale. 
3° » lombaire. 


Et pourtant, sur le vif il n'en est pas ainsi, parce que divers faits 
interviennent pour troubler la netteté de l'image projetée par la portion 
dorsale : | 

a) La projection du sternum ; 

b) La projection du cœur ; 

c) La projection du foie. 


D'une manière plus précise, le sternum se projette sur le corps de 
la 3° et 4° dorsale (par le manubrium) ; sur le corps des 5°, 6°, 7° et 8° 
(par le corps) et sur le corps des 9°, et 10° jusqu'au disque interver- 
tébral compris entre les 10°, et 11° (par l'apophyse xyphoïder. 

Le cœur se projette sur la 4°, 5°, 6°, et 7° dorsale par le bord interne 
de sa projection. 

Le fuie se projette sur la 8° et 9° par la projection de son lube 
gauche. 


* 


LURASCHI. — PEUT ON RADIOGRAPHIER LA MOELLE ÉPINIÈRE 725 


Mais d’autres difficultés de nature anatomiques proviennent encore de 
la direction des apophyses épineuses, qui, de la portion cervicale de la 
colonne vertébrale à la 10° vertèbre dorsale, ont une direction de plus en 
plus accentuée vers le bas, tandis que des 11°, et 12° dorsales jusqu’à la 
5° lombaire elles prennent une direction à peu près rectiligne en arrière. 

Cette disposilion spéciale permet de fixer sur la plaque photogra- 
phique l’image des lacunes, qui ont une forme triangulaire ou bien 
rhomboïdale. 

Ces lacunes représentent donc vraiment une incomplète occlusion 
osseuse du canal verlébral, de manière que la moelle épinière, lorsque 
la transparence des vertèbres le permet, devient aisément explorable par 
les rayons X. | 

Mais la 11-129 vertèbre dorsale et la 1"° [et quelquefois aussi la 2°) 
verlèbre lombaire sont, ou complètement, ou en partie, couvertes par la 
projection du foie, de sorte que l'exploration de la moelle réussit seule- 
ment au niveau de la 2° à la 5° vertèbre lombaire 


Après avoir ainsi fixé le point précis où la radiographie de la moelle 
épinière est possible, nous pouvons maintenant délimiter la région de la 
moelle épinière dont on peut fixer l'image sur la plaque photographique. 
En effet, si nous rapportons à la boite osseuse les limites de la moelle 
épiniére, nous voyons que du côté du crâne la limite supérieure est éta- 
blie par un plan horizontal qui tranche tr'ansversalement l'articulation de 
l'atlas avec les condyles de l'occiput; tandis que du côté du sacrum, le 
cône terminal de la moelle correspond chez l'adulte au corps de la 
deuxième vertébre lombaire, rarement à celui de la première. J'ai dit 
chez l'adulte, car on sait que sa situation par rapport à la colonne verté- 
brale varie beaucoup selon l’âge; et plus précisément chez le nouveau-né 
la moelle descend jusqu'à la troisième et quelquefois même jusqu'à la 
quatrième vertèbre lombaire ; au cinquième mois de la vie intra-utérine 
elle correspond à la buse du sacrum; ‘dans le troisème mois, enfin, elle 
occupe toule la longueur du canal sacré et descend jusqu’à la base du 
coccyx 

Donc, la moelle épinière en parcourant les différentes phases de son 
évolution ontogénćtique remonte (pour employer une phrase impropre, 
car réellement, ce mouvement n'existe point dans le canal vertébral, de 
la base du coccyx à la deuxième vertébre lombaire. 


Après ce que nous avons dit, nous pouvons conclure que la région 
explorable de la moelle épinière se borne au cône terminal, dans sa partie 
la plus basse, au flum terminul et à la queue de cheval, c'est-à-dire à 
l’ensemble des-derniers nerfs spinaux qui se détachent du renflement lom- 


726 ANNALES D'’ÉLECTROBIOIL.OGIE 


baire et parcourent un long décours vertical pour se porter de leur point 
d'émergence à leur orifico de sortie. 

La radiographie que je présente correpond précisément à la 4°, 3, 
2° vertèbre lombaire. C'est gràce à la grande transparence de la 3° et 
4° vertèbre et à l'épaisseur non commune du disque intervertétral 
compris entre la 3° et la 4° vertèbre, qu'il m’a été possible de l'obtenir. 


Les conclusions que l’on peut tirer de ce cas sont donc les suivantes : 

1° La moelle épinière n’est explorable qu’au niveau du cône terminal 
et dans la région qui constitue la queue de cheval ; 

2° La radiographie devra être faite en correspondance de la région 
lombaire (de la 1™° à Ja 5° vertèbre lombaire) par projection postérieure ; 

3° Afin que l’image se fixe sur la plaque photographique, deux condi- 
tions sont nécessaires : 

a) Une grande transparence des vertèbres ; 

b) Une certaiue hauteur des ménisques intervertébraux, lesquels 
doivent toujours présenter une structure fibro-cartilagineuse et ne jamais 
ètre ossifiés ; 

4° La projection antérieure, à cause de Ja distance de la colonne ver- 
tébrale de la plaque, ne donne aucun résultat positif ; 

5° Seulement comme exception, dans des cas tout-à-fait spéciaux, nous 
pourrons avoir recours à la projection latérale. 


REVUE DE LA PRESSE 


BILLINKIN. — Goutte aiguë et Rhumatisme articulaire aigu traités par 
le c. c. h. i. — Bulletin Officiel de la Société française d'Electrothérapie, 
Avril 1907. 


1906. — Un homme de cinquante ans, ayant eu déjà deux attaques de goutte, 
est pris, dans les premiers jours de février, d'un accès de goutte classique. 

À trois heures du matin, il est réveillé par une douleur forte, localisée dans 
la partie antérieure du pied gauche. Cette douleur s'aggravait à chaque mouve- 
ment du pied et des crteils, ou au léger ébranlement du lit. 

Le malade fait le diagnostic lui-meme, son mal étant le même qu'il a ressenti 
lors des deux attaques précédentes. N'ayant pas eu grande satisfaction du traite- 
ment médicamenteux, qui ne l'a pas empèché de souflrir pendant dix jours, à la 
suite des premiers accès, il avait résolu d'essayer l'électricité. L'occasion s'est 
donc otlerte de faire l'expérience. 

J'ai examiné le malade à huit heures du matin et ai constaté la tuméfaction 
des parties molles qui sont œdématiées, la peau tendue, rouge et luisante. Les 
deux premiers orteils sont fluxionnés, les articulations du tarse très douloureuses ; 
je n'ai eu aucun doute sur le caractère goutteux de l'attaque. 

Avec beaucoup de peine, le malade met une pantoufle élargie et enveloppe son 
membre inférieur avec de la ouate recouverte d’une bande de flanelle. Il est obligé 
de prendre une voiture pour venir chez moi. lne peut appuyer son pied parterre, 
et manifeste une douleur vive à chaque pas qu'il fait. IL soulève sa jambe tant 
qu'il peut, et le moindre mouvement le fait horriblement souffrir. 

Je lui applique un courant de 100 milliamperes. 

Pòle positif sur la face dorsale du pied. Durée du courant, 20 minutes. Avant 
d'enlever les électrodes, je fais passer le courant sinusoïdal do 15 milliampères, 
pendant cinq minutes. 

La douleur a presque totalement disparu, le malade sc7sert immédiate- 
ment de son pied et descend l'escalier sans difficulté. 

Il revient à 8 heures du soir, et je lui fais une application identique à celle du 
matin. Le gonflement a disparu. Après cette deuxième séance, la douleur était 
insignifiante, et le malade a pu dormir toute la nuit, Il s'est réveillé guéri, et il a 
pu reprendre le jour même ses occupations. 


1907. — Le deuxième cas est celui d'un homme de 48 ans, arthritique et gout- 
teux, d'une famille goutteuse, mangeant et buvant bien. Il a déjà eu une première 
attaque de goutte. A la suite de fatigues mondaines, il s'est senti faible dans la 
nuit du 31 décembre au 1° janvier. Une légère douleur du genou l'agaçait. Il se 
coucha de bonne heure et plia le genou de telle façon que la jambe se trouva dans 
une flexion maxima. Il s'endormit. A 2 heures du matin il éprouva une douleur 
vive dans le genou, une sorte d'écrasement, de dislocation. Il veut faire un mou- 


728 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


vement du genou, mais cela lui est impossible, son genou est immobile, et il est 
obligé de garder la jambe fléchie. Un médecin est appelé et ordonne quelques 
grammes de salicylate de lithine, mais inutilement, il n'obtient aucun soula- 
gement. 

C'est alors qu'il me fait venir, le 2 janvier, et qu'il décide de se soumettre 
au traitement électrique. Le malade habite la même maison que moi, ce qui m'a 
permis de le soigner rapidement. Appuyé sur deux cannes et soutenu par ut 
aide, il se traine péniblement jusqu'à l'ascenseur qui l'amène chez moi. 

Le genou est enflé, tres douloureux, la peau est rouge et luisante, la jambe 
est toujours fléchie et le moindre mouvement arrache au malade des cris de 
douleur. 

J’applique un courant de 80 milliampères d'une durée de 20 minutes, les deux 
électrodes sur le genou. A la fin de la séance, le malade allonge assez facilement 
la jambe, il se lève et peut marcher. Il reprend l'ascenseur et revient chez lui, ses 
cannes sous son bras, et s'appuyant sur ses deux jambes, au grand étonnement 
de sa famille et de ses amis, qui ont assisté à son départ si pénible. 

Enhardi par cette amélioration subite, le malade est resté assis et a joué aux 
cartes jusqu'à deux heures du matin. Aussi a-t-il eu une légère exaspération de 
la douleur au milieu de la nuit. 

Le 3 janvier, il revient chez moi, je lui fais deux séances d'électricité, une le 
matin et une le soir. Après la troisième séance, il est remonté à pied dans son 
appartement, qui est au cinquième. Je l'ai encore électrisé deux fois le lendemain 
å janvier, et le surlendemain, le 5 janvier, il n'a plus rien ressenti. 


28 août 4906. — Un jeune homme de 24 ans, sans antécédents héréditaires 
morbides, est pris d'une douleur très vive dans le genon gauche. Il a éprouvé 
quelques douleurs vagnes dans toutes les articulations. Comine, à la suite d'une 
blennorrhagie, il a conservé un léger écoulement qui se manifeste de temps en 
temps, j'ai cru qu'il s'agissait d'une arthrite blennorrhagique. La température ne 
dépassait pas 38. L'état général n'était pa: beaucoup modifié. J'ai invité mon 
malade à venir subir deux applications de courant continu le même jour. 

Après la deuxième application, la douleur et le gonflement du genou ont tota- 
lement disparu. Le malade se crut guéri et tel était aussi mon avis. Son état 
général est, cependant, resté mauvais, la fièvre persiste et les malaises généraux 
augmentent plutôt. 

Deux jours après, il vient me trouver, marchant péniblement, pour une douleur 
à l'épaule. Je prends la température du malade et je constate 3%. Pouls plein, 
battant 100 par minute. Rien au cœur. Le malade trauspire toute la nuit. Il a eu 
de légers épistaxis, 

Je lui fais une application de courant continu, en lui recommandant de ne plus 
sortir de chez lui et de garder le lit. 

Le 3 septembre apparait une fluxion du genou droit. En étudiant le genou 
malade, je me rends compte qu'il s'agit d'un rhumatisme articulaire aigu et non 
d'un rhumatisme blennorrhagique. Le malade restant passif, j'ai pu communiquer 
divers mouvements à l'articulation, tandis que le plus léger frôlement lui causait 
une souflrance horrible, 

Trois applications de courant continu de 5O milliamptres, d'une durée de 
20 minutes, ont totalement fait disparaître les douleurs et l’enflure de ce genou. 

Les deux cous-de-pied, les poignets et les coudes ont êté succesivement 
atteints. 


REVUE DE LA PRESSE 729 


La durée de la maladie a été de 20 jours. Pendant ce temps, le malade, 
quoique très faible, a toujours pu se lever et s'habiller tout seul. Le 17 septembre 
il s'est senti mieux, son appétit s'est réveillé et une diurèse abondante a indiqué 
que la crise était terminée. 

Chaque jointure malade a reçu de 3 à 5 applications de 50 milliampères. 
Aprés deux séances, faites généralement le meme jour, la fluxion rhumatismale 
disparaissait. 

J'ai prescrit à mon malade du salicylate de soude sous forme de potion, les 
jours où le diagnostic de rhumatisme articulaire aigu s'imposait, mais prévenu 
contre ce médicament, il n'a pas fait usage de la potion. 

La convalescence a été longue. Le malade est resté longtemps anémié. Tout 
cela indiquait qu'il s'agissait bien de rhumatisme articulaire aigu, mais l'état 
local des jointures contrastait singulièrement avec ce que nous avons l'habitude 
d'observer. 

Fait a signaler, c'est que la f uxion rhumatismale n'a jamais récidivé sur les 
mêmes articulations. Leur intégr1é était recouvrée et maintenue dès la deuxième 
séance d'électricité. 


H. Truc, A. ImBerT, H. MaRQUuESs. — ‘Traitement du Glaucome par les 
courants de haute fréquence. — Congrès pour l'avancenent des Sciences, 
Lyon, 1906. 


L'abaissement de la pression artérielle sous l'influence de l'autoconduction est, 
parmi les nombreux effets physiologiques des courants de haute fréquence, un de 
ceux qui nous paraissent les plus nets et les plus certains, bien qu'il ne soit pas 
encore universellement admis. 

Cet effet, signalé par d'Arsonval, dès le début de ses recherches, et confirn é 
par de multiples expériences, a permis à Moutier d’ériger l’autoconduction en 
méthode spéciale de traitement de l'hypertension artérielle. 

Dans une sèrie de travaux, cet auteur a signalé les heureux résultats obtenus 
chez des hypertendus par l'emploi des courants H. F., sous forme d'autoconduc- 
tion, résultats qui ont d'ailleurs été confimés par d'autres expérimentateurs : 
Bonnefoy, Gidon, Ugo Gay, ctc., etc. 

Nous n'avons eu personnellement qu'à nous féliciter de l'autoconduction dans 
les cas d'hypertension que nous avons traités. Au cours d'expériences en vue du 
traitement des bourdonnements d'oreille, par la H. F., nous avons d’ailleurs 
constaté que les cas les plus heureusement influencés étaient ceux dans lesquels 
la cause du bourdonnement parait devoir ètre rapportée à des troubles vaso- 
moteurs. 

Nous avons même obtenu, par le traitement général, au moyen de l'autocon- 
duction seule, d'aussi bons résultats que par le traitement local au moyen de 
l'électrode condensatrice, suivant la méthode inaugurée il y a plusieurs années 
par le docreur Denoyÿës, dans le service électrothérapique des hôpitaux de Mont- 
pellier. 

Le glaucome serait-il justiciable, lui aussi, de la H. F., et l'autoconduction 
pourrait-elle, en agissant sur l'hypertension artérielle générale, abaisser la tension 
intra-oculaire, exXagèrée, on le sait, dans cette affection ? 

Le fait suivant, que nous avons observé, viendrait à l'appui de cette opinion : 

M. X... de C.-_l'H., ancien employé de bureau, soixante-dix ans. Très bonne 


730 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


santé habituelle. Actif, fort occupé d'affaires et d'écritures depuis quelqges mois. 
Vision antérieure excellente. Presbytie à cinquante ans. Jamais d'ophtalmie. 

Arthritisme, artério-sclérose. Cœur et poumons en bon état. 

Urine normale. 

A la suite d'un labeur cérébral ct oculaire excessif depuis six mois, M. X... 
accuse des troubles visuels à gauche et vient consulter l’un de nous, le 
12 mai 1906. 

(Œil droit normal, vision normale. 

Œil gauche d'aspect habituel, avec vision 1/50 environ, trouble central plus 
accentué qu'à la périphérie. Tension +4 1/2 des deux côtés. A l'ophtalmoscope, 
petits hémorragies binoculaires et péripapillaires. État général toujours excel- 
lent et urine normale. 

Traitement iodo-bromuré, alcalins, pilocarpine, régime très lacto-végétarien 
et repos professionnel presqu'absolu. 

Huit jours après, le malade est dans le mème état général et oculaire. Il 
existe, en outre, des deux côtés, un peu plus d'hypertonie (T + 1) et quelques 
arcs-en-ciel. Pilocarpine, 2 °% aux deux yeux, matin et soir, tiède; purgatifs 
répétés, bains de pieds et surveillance médicale journalière. Fin mai. situation 
plutôt aggravée, du côté gauche. Au point de vue anti-glaucomateux, la scléro- 
tomie paraissait insuffisante; une iridectomie éventuelle, malgré la possibilité de 
graves complications hémorragiques immédiates, est indiquée au malade et à son 
médecin, à gauche ct peut-être à droite. 

La vision gauche baissant toujours, l'œil devenant rouge, très congestif et 
douloureux, le malade entre à la maison de santé pour iridectomie gauche. L'œil 
gauche est très dur (T + 2), vision quantitative ; l'œil droit un peu moins (T + 1) 
et à vision normale. Après bromidia, purgation et pilocarpine, une iridectomie 
large est pratiquée laborieusement sur l'œil gauche, en haut, sans incident ni 
accident opératoire (13 - VI— 06). 

Malgré l'iridectomie, l'œil reste dur et sans vision même quantitative. Œil 
droit pilocarpiné toujours intact. On continue les laxatifs journaliers, le bromi- 
dia, la pilocarpine des deux côtés. Pas do complications opératoires, sauf un 
byphœma de 3 millimètres; guérison locale le cinquième jour, mais vision nulle 
et hypertonie forte (T + 3). Le cinquième jour, au deuxième pansement, hyphœma 
de 2? millimètres (T + 3), vision nulle. Les jours suivants, mème état. Vers le 
dixième jour, l'hyphœma a disparu, la pupille artificielle est large, noire, sans 
adhérences cicatricielles périphériques, mais vision toujours nulle ct hyperionie 
forte. En outre, ulcération marginale trophique vers la cicatrice cornéenne. 
Quinine, bromidia, purgatifs, alcalins continués, pilocarpine, dionine. 

L'ulcération cornéenne et l'hypertonie persistant durant quinze jours, le trai- 
tement médical restant sans effet local, nous songeons à diminuer la tension ocu- 
laire par des paracentèses ou une sclérotomie, mais, en raison du nervosisme du 
patient, nous réservons cette nouvelle intervention et nous proposons des courants 
de haute fréquence. 

D'une part, en effet, ces courants agissent efficacement sur la tension sanguine, 
d'autre part, la pression intra-oculaire et proportionnelle à celle du sang dans 
les artères, régularisée d'ailleurs par l'élasticité du globe et peut-être la contrac- 
tibilité, sous l'influence du sympathique, des fibres musculaires-choroïdiennes 
(Nicole) ; enfin, notre malade paraît notablement artério-scléreux et hypertendu. 

Nous avons appliqué ces courants du 3 au 15 juillet, en onze séances de trois 


REVUE DR LA PRBSSE 731 


à quinze minutes. Voici lo tableau de la tension artérielle prise avec l'appareil de 
Potain avant chaque séance : 


Dates des séances Duréo Tension artérielle 
de l’autocouduction. de la seance. avant la seance. 
3 juillet 19065 . . . . . 3 minutes. Lier 

4 = sa og a W S aa . 
5 — X oa w a O a a e o aa a A 

6 — noi aa AU o a a a a SORA A 
y = pe aw e AO a a M ge Ce A 

10 — sn nue ce je A9 ee SH a e a 21 

L  — | 
12 -= Doa à a De a à & ait à a 9 

13 ë — Sa aoad = g ee a A 
14  — RE  - 
45 — en D EU et 5 te à Te 


La tension artérielle a étè, chaque fois, enregistrée avant la séance, par le 
même expérimentateur, avec le sphygmomanomètre de Potain. 

Les courants ont été parfaitement supportés. 

Localement, la tension oculaire a baissé des deux côtés, surtout à gauche, et 
la vision est revenue au point de permettre de compter les doigts à plusieurs 
mètres, et le malade est parti grandement amélioré. 

ll s'agissait ici d’un glaucome subaïgu, avec hypertonie chronique et hémor- 
rhbagies rétiniennes, type atténué du glaucome hémorrhagique. L'action de 
l'iridectomie paraissait insuffisante et celle des courants de H. F. s'est montrée 
efficace et a dispensé de nouvelles interventions chirurgicales. 

Les courants de H. F. seraient, en l'espèce, d'autant plus précieux que l'iridec- 
tomie, par ses suites hémorrhagiques, paraît d'ordinaire plus redoutable. 

Dans les glaucomes aigus, les courants pourraient aussi être utiles d'emblée, 
ou pour mieux assurer les bons résultats du traitement chirurgical. 

Quant aux glaucomes chroniques, malgré l'efficacité de l’iridectomie et le 
faible degré habituel d'hypertonie oculaire, peut-être seraient-ils améliorés. | 

En tout cas, et dans toutes les variétés de glaucomes, il y aura lieu, croyons- 
nous, de rechercher l'action thérapeutique des courants de H. F. Ces affections 
sont assez rebelles et les opérations correspondantes assez redoutables pour faire 
rechercher de nouveaux moyeas thérapeutiques, toujours plus efficaces ou plus 
anodins. 


Lacate. — Psoriasis ancien guéri par les étincelles de résonance. — 
Bulletin officiel de lu Société française d'Electrothérapie et de Radio- 
logie, juillet 1906. 


J'ai rapporté à la Société, cette année même, quelques cas d'épithélioma de 
la peau traités avec succès par les étincelles de résonance. Le mème procédé m'a 
permis de guérir une jeune fille de 26 ans d'un psoriasis datant déjà de 10 ans et 
contre lequel tous les autres procédés classiques des peauciers avaient échoué, 
bien qu'appliqués avec méthode et persévérance. 

En juillet 1905, mon ami le docteur Rousseau me confia cette malade, qui 
portait, disséminées sur le corps et les membres, de très nombreuses plaques 
de psoriasis. Le cuir chevelu n'était même pas indemne. Avant tout traitement, 


732 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


nous présentâmes d'ailleurs notre cliente au professeur Brocq, qui posa le 
diagnostic suivant : « psoriasis siégeant sur toutes les parties du corps et pity- 
riasis simplex et stéatoïde du cuir chevelu ». 

Cette malade, très nerveuse et impressionnable, aurait vu apparaître cette 
éruption à la suite d'une forte émotion. L'analyse d'urine dénote quelques traces 
de glycose et une diminution de l'urée. 

Nous traitons chacune des plaques de psoriasis de la manière suivante : 

Au pôle libre de la bobine d'Arsonval montée en monopolaire, nous relions 
un excitateur métallique à pointe fine. Avec les précautions voulues et décrites 
dans notre première communication, nous approchons cet excitateur de la plaque 
de psoriasis que nous criblons d'étincelles fines (à 1 mill. ou 2), et ce pendant un 
temps variant de quelques à trente secondes et plus, suivant les dimensions de 
la partie malade. Sous l'action de cette application, la plaque de psoriasis devient 
plus blanche d'abord, puis brunit et enfin se soulève légèrement, puis, dans les 
heures qui suivent, laisse éconler un suintement, qui dure quelques heures. Le 
lendemain se forme une croûte, qui sèche petit à petit et tombe après quelques 
jours, en laissant une cicatrice brunâtre; cette teinte brunâtre s'éteint peu à peu, 
mais dure pour certaines plaques quelquefois six à huit mois. Chaque tache de 
psoriasis est traitée de cette façon; il va sans dire qu’on ne peut en soigner 
que quelques-unes par séance. Rarement nous avons dù faire une seconde appli- 
cation. 

A ce traitement local nous avions ajouté à chaque séance un bain de solénoïde 
comme traitement général, 15 minutes quotidien. Au bout d’une vingtaine de 
séances, notre malade était guérie. Nous la présentâmes, en octobre, à M. le 
Professeur Brocq, qui confirma lui-mèmé la guérison et prescrivit un traitement 
général et local classique (à titre préventif). Ce traitement, nous conseillàmes vive- 
ment à la malade de le suivre, ce qu'elle fit d’ailleurs consciencieusement, Je ne 
puis donc réclamer uniquement pour l'électrothérapie le mérite du maintien de la - 
guérison, mais je n'hésite pas à lui attribuer la guérison seule d'un psoriasis, 
contre lequel tout avait échoué pendant dix ans, car de juillet à octobre il n'avait 
été fait d'autre traitement que le nôtre. J'ai revu la malade en mai; la guérison 
se maintient encore, bien que depuis mai on ne fasse plus aucun traitement. 

_ J'ai, depuis, traité, par ce procédé, d'autres cas : lichen, noli me tangere, etc., 
dont je me réserve d'entretenir ultérieurement la Société. | 


me 


- 


Perrin. — Contribution à l'étude de l'incontinence nocturne — Revue 
Médicale de la Suisse romande, 20 août 1906. 


Un traitement local sera le plus souvent nécessaire par le fait que, grâce à la 
longue durée de l'affection, le malade a perdu l'habitude de se servir de ces centres 
modérateurs réflexes et n'éprouve plus, par conséquent, que d’une façon obtuse 
le sentiment de la « vessie pleine ». Ces voies nerveuses éliminécs depuis long- 
temps pendant le sommeil, ont subi une sorte d'atrophie par inactivité. I s'agit 
donc de rétablir le rapport entre le centre cérébral et l'organe, de familiariser 
à nouveau l'enfaut avec la sensation du « besoin d'uriner» aussi pendant le 
sommeil. 

_ Ce but peut être atteint faciloment par des massages tonifiants du muscle 
sphincter pur l'intermédiaire du courant faradique à interruptions Lintes. Les 


REVUE DE LA PRESSE 733 
résultats obtenus par ce procédé m'ont semblé parfaitement satisfaisants et 
paraissent confirmer les considérations théoriques. 

Les quelques observations qui suivent représentent quelques types divers avec 
leurs caractères communs et leurs variations résultant de l'âge et du sexe. 

2e qui frappe de prime abord, Cest la constance d'un profond sommeil, la 
fréquence des affections nasales et la grande rareté de la cystite, pourtant si sou- 
vent incriminée par les auteurs. 


Ogs. I. — Garçon de 9 ans, intelligent, d'excellente apparence, élevé dans un 
orphelinat; son enfance a été négligée ; il mouille son lit souvent deux fois dans 
la nuit. Plusieurs traitements internes ainsi que les punitions ont été sans effets 
sur son affection. Le directeur de l'orphelinat a remarqué que son sommeil est 
profond et est suivi d'un réveil lent et pénible. Pas de végétations adénoïdes et 
pas de cystite. 

Première faradisation le 22 octobre. Il ne mouille plus depuis le 5 jusqu'au 
9 novembre, rechute le 10, puis guérison interrompue. Dernière faradisation le 
22 novembre. Le malade est resté guéri jusqu'à aujourd’hui, 


Oss. Il. — Filletie bien développée pour son âge, élevée dans un orphelinat. 
Ne mouille que la nuit ei cela depuis une année seulement, après un refroidisse- 
ment; ne mouille jamais deux fois dans la nuit et laisse souvent passer deux ou 
trois nuits sans le faire. Pas de cystite, elle retient facilement son urine pendant la 
journée, pas de végétations, sommeil profond, mais réveil facile et complet lors- 
qu'on l'appelle. On lui suppose un peu de paresse. | 

Première furadisation le 22 octobre, le 8 novembre guérison complète et 
définitive. 


Ogs. II. — Jeune fille de 21 ans, qui a mouillé de tout temps périodiquement, 
en hiver plus qu'en été, souvent apres avoir mangé des fruits le soir. Etat géné- 
ral bon ; aucun symptôme de rhumatisme. Sommeil normal, pas de végétations 
adénoides. Léyère cystite. 

Instillations le 30 octobre, le 2, 4 et 6 novembre ; interruption du traitement à 
cause de l'apparition des regles ; instillations les 13, 15 et 18 novembre, puis 
faradisations les 20, 22, 25 et 27 novembre. Examen le 29. La malade n’a plus 
mouillé pendant ce temps, n'a pas eu de rechute. Elle est restée guérie jusqu'à 
aujourdhui. 


Oss. IV. — Garçon de 4 ans, qui a mouillé son lit de tout temps. Sa mère croit 
avoir observé que, pendant la journée aussi, il urine plus souvent que normale- 
ment, mais ils ne mouille, toutefois, jamais ses pantalons. Son lit est souvent 
mouillé le soir, ou bien le matin, ou à toute heure de la nuit. Son sommeil est, 
d'après sa mère, plus profond que chez la plupart des enfants, il peut se lever, 
uriner, se recoucher sans être réveillé. Le laryngologue auquel je l'adresse 
constate chez lui l'existence de vegetations adénoïdes, qu'il opère. 

Huit jours après, première faradisation. Guérison au bout de seize jours. Pas 
de récidive depuis une année. 


Oss. V. — Jeune fille de 16 ans et demi qui, dès sa première enfance, a plus 
ou moins souffert d’incontinence -nocturne, surtout depuis une fièvre typhoïde 
dont elle a été atteinte à l'âge de huit ans. Depuis lors, état à peu près station- 
naire. [Incontinence périodique avec des intervalles de huit à 45 jours. Pendant 


ANNALES D ÉLECTROBIOLOGiE. TOME X. — OCTHBRE 1907. 51 


734 ANNALES D'ÉLECTROPBIOLOGIE 


son enfance, elle ressentait aussi, pendant la journée, le besoin d'uriner dane 
façon impérieuse. Depuis plusieurs années, son état est normal de jour, et il est 
meilleur en été qu'en hiver; clle est sujette au froid aux pieds. Elle a été oprrée 
pour végétations adénoïdes, en avril 1905. On avait remarqué que son sommet 
était très lourd et elle s'en était plaint elle-mème. Depuis l'opération, le sommeil 
est remarquablement plus léger. Chose curieuse, si elle mange une pomme crue 
le soir, sa nuit est sèche. La miction se produisait, autrefois, plusieurs fois dans 
la mème nuit; dans ces derniers temps, une fois seulement le matin. 

Faradisation pendant dix-sept jours. La jeune fille murine plus au lit dès la 
première semaine ; elle part en vacances le dix-huitième jour et revient guèrie et 
l'est restée jusqu'à ce jour, soit depuis onze mois. 


Oss. VI. — Garçon de 7 ans, excellente constitution, éducation bien surveillée. 
Il n’a cessé de mouiller son lit depuis sa première enfance. Fils d'un médecin, il 
a subi de nombreux traitements sans succès. Il a le sommeil profond, son réveil 
est très long et incomplet. Un laryngolague, consulté, lni a trouvê une anomalie 
du nez rendant la respiration par le nez insuffisante. 

Opération, puis faradisations pendant quinze jours. (iuérison. Aucune rechute 
apres neuf mois écoulés depuis le traitement. 


Oss VII. — Fillette de 9 ans. Bonne constitution. Education bien surveillée. 
La paresse ne peut être soupçonnée, l'enfant est tres affectée de son infirmité. 
La mère a été frappée de la peine qu'a l'enfant à se réveiller complétement 
quand on la lève la nuit ct en parle sans avoir été questionnée à ce sujet. Pas de 
végétations adénoïdes, mais respiration génée par une autre affection nasale. 

Traitement par un laryngologue, puis faradisation; l'enfant n'urine plus au 
lit apres la troisième séance. Elle est restee guérie depuis six mois. 


Oss. VIH. — Fillette de 7 ans, sœur de la précédente ; elle entre en traitement 
en mème temps que celle-ci. Même affection du nez, mêmes observations. Elle 
reste rebelle an traitement pendant huit jours, puis n'urine pas au lit pendant 
trois jours. Rechute. Faradisations pendant quinze jours. N'urine plus au lit et 
n'a pas eu de rechute depuis six mois. 


Ogs. IX. — Jeune garçon de 16 ans, élevé à l'hospice. Il mouille son lit dès 
son jeune âge. Devant faire un apprentissage, il en est à son troisième patron. 
étant toujours renvoyé à cause de son infirmité. Sa commune, qui ne voulait 
plus s'occuper de lui, consent à le replacer s'il est guéri. Une dame patronnesse de 
l’hospice prend pitié de lui et me l'amène. 

Faradisation pendant huit jours. Le malade n'a plus mouillé son lit dès la pre- 
micre séance. Un peu plus tard, il m'écrit une lettre éplorée m'annonçant qu'il 
a uriné au lit la nuit précédente. I avait rêvé qu'il se trouvait dans un endroit 
où cela était permis. Ce fait ne rentre évidemment pas dans le cadre de l'inconti- 
nence, Du reste, depuis cinq aus, le jeune homme est resté guéri. 


Ons X. — Garçon de 10 ans qui mouille son lit depuis sa naissance; il est de 
bonne constitution. H n'a pas Pair intelligent et est d'une grande inditlérence. 
Une éducation trop sévère parait l'avoir entravé dans son développement. Son 
sommeil est très profond; ìl dort la bouche ouverte, est somnambule. Végeta- 
tions adénoides constatées et opérées par un laryngologue,. 


REVUE DE LA PRESSE 735 


Après trois faradisations, trois nuits sèches. Pendant la suite du traitement, 
intermittences de nuits sèches et de draps mouillés. L'indifférence parfaite de 
l'enfant permet d'admettre que la paresse n'est pas étrangère à cet insuccès. 


Quiuicainr. — Traitement local dos arthrites rhumatismales par l'ioni- 
sation salicylée. — Archives des laboratoires des Hôpitaux d'Alger; 
novembre 1906. 


Ogs. I. — Arthrite rhumatismale double du genou, guérison en 15 séances. 
— M. P..., 52 ans, garde-malade, antécédents héréditaires peu intéressants. 

A. P. — Premières douleurs rhumatismales remontant a une dizaine d'années. 
Depuis, alternatives de crises et de périodes de rémissions. La malade eut au mois 
de février dernier, à la suite d'un surmenage causé par des veilles fréquentes 
auprès de malades, une attaque violente de rhumatisme articulaire aigu géné- 
ralisé. Elle entre le 25 mars à la salle Maillot, au numéro 15. Douleurs violentes. 
Impossibilité complète de faire le moindre mouvement. Les deux genoux sont 
tuméfiés et sensibles, ainsi que les articulations métacarpo-phalangiennes et les 
poignets Médication salieylée intense par la voie digestive, qui amène une séda- 
tion des douleurs, particulièrement au niveau des mains et des poignets. Les 
genoux demeurent toujours trés douloureux, même après la disparition de l'état 
aigu Ils sont tuméfiés, déformés, la malade est dans l'impossibilité complete de 
faire aucun mouvement. C'est alors que, tout traitement médical restant sans 
ettet, la malade est soumise au traitement de l'ionisation salicylée. 

Chaque séance dure environ une demi-heure ; on en fait trois par semaine. 

Les premières séances semblent ne pas amener un grand changement, mais ce 
n’est guère que vers la sixième que la malade déclare souffrir bien moins de son 
genou ; le gonflement semble disparaître, les mouvements de flexion et d'exten- 
sion réapparaissent progressivement. Au bout de la dixième séance, la malade 
commence à marcher, sans trop souffrir, en s'aidant cependant de béquilles. 

Malgré la lenteur des résultats obtenus, on continue l’ionisation salicylée et 
vers la quinzième séance la malade peut monter seule au service d'électricité. 

Apres un traitement de cinq semaines, elle quitte l'hôpital, ne ressentant plus 
rien du côté des deux genoux. 

Comme nous pouvons le voir pour cette observation, le traitement des arthrites 
rhumatismales remontant à une date assez éloignée est de longue durée, mais on 
obtient des résultats rapides lorsque l’affection est traitée plus tôt, comme dans les 
observations suivantes. 


Ors. IT. —- Arthrite du poignet droit et du genou gauche, guérie en huit 
séances. — R. P., 24 ans, garçon de café, salle Pasteur, N° 22. Antécédents héré- 
ditaires et personnels pen intéressants au point de vue qui nous occupe. 

Le 5 août 1906, frissons, fièvre, céphalalgie, douleurs très vives s'étendant à 
tout le membre supérieur droit ainsi qu'aux jambes. Après trois jours d'état aigu, 
les douleurs se localisérent nettement au poignet droit et au cou-de-pied gauche, 
où apparurent tous les symptômes d'une arthrite rhumatismale. La pression ct 
les tentatives de mouvement augmentent la douleur. Dans ces deux articulations, 
la raideur est extrème ; les mouvements de flexion et d'extension sont à peine 


736 ANNAIES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


possibles et extrèmement douloureux ; au poignet droit les mouvements de pro- 
nation et de supination sont impossibles, 

Le 8 août, ionisation salicyléce des deux articulations 

Dés la troisième séance, nous avons constaté une amélioration considérable au 
poignet droit. Les douleurs sont beaucoup atténnées et permettent au malade de 
poser le pied sur le sol. Le gonflement diminue de volume ; les mouvements 
d'extension et de flexion sont satisfaisants sans avoir encore l'amplitude normale ; 
les mouvements de pronation et de supination commencent à ètre possibles. Le 
Makule peut se servir de sa main droite, il persiste à peine un peu de gène dans les 
mouvements ; au bout de huit séances, le malade ne se sert plus de béquilles, il 
s'appuie en marchant sur son pied gauche, pas de claudication, il peut même 
frapper plusieurs fois et fortement le sol sans ressentir la moindre douleur, 

Le 25 septembre, le malade sort, se trouvant complètement guéri. 


G. SCHERBER. — Radiothérapie du sycosis. — Dermutologische Zeitschrift 
vol. XII, fascicule 7, 1905. 


S. rappelle au début de ce bref mémoire, les lésions provoquées dans la peau, 
normale par les rayons X, les phénomènes de vacuolisation décrits par Gassmann 
et la dégénération cellulaire de Scholtz. Il rappelle également que Linser, 
Gassmann, Linser et Baermann ont étudié les phénomènes dus à l'action des 
rayons X, dans le lupus (action élective sur les vaisseaux précapillaires). Très 
succintement, il énumère les travaux de Barthélémy ct Darier, ceux de Hahn, 
Albers-Schôünberg, etc. 

Mais aucune recherche de ce genre n’a encore été entreprise dans les sycosis 
simplex. Sous la direction de Freund, il a donc entrepris d'examiner les tissus 
avant et après l'action des rayons X, dans un cas de sycosis simplex. 

Chez un homme âgé de 28 ans existe un sycosis simplex, qui a résisté à tous 
les traitements par les pommades. La peau est rouge et tuméfiée, desquame 
finement et porte des vésiculettes pustuleuses et même des pustules; en certains 
points il y a des ulcérations. La plupart des efflorescences sont centrées par un 
long poil. 

Une biopsie est faite le 15 juin 1904, la pièce est mise à durcir dans le Müller- 
formol, l'alcool, et incluse dans la paraffine. Coloration : Hämalannéosine, van 
Giesen, bleu de méthylène polychrome, Weigert pour la eoloration des fibres 
élastiques et Gram-Weigert pour celle des bactéries. 

Les couches supérieures du stratum corneum qui sont, par place, cncombrées 
du sang et de sérum (dus à l'opération) sont soulevées par de petits abcès Ces 
abcès sont pleins de leucocytes polynucléaires, de débris nucléaires, de débris 
épithéliaux encore ordonnès et de sérum exsudé. Sous ces abcés on voit, entre 
les cellules épithéliales dilatées et dispersées, de nombreux leucocytes poly- 
nucléaires, ainsi que de petits espaces de forme tantôt ronde, tantôt aplatie, cont:- 
nant do rares leucocytes et des masses filiformes peu nuclées, à côté du sérum. 

Ces abcès, dont quelques-uns siègent profondément, se trouvent tous dans le 
territoire des fuollicules pilaires. Lorsque lépithélium est conservé, ses novarix 
sont ædèémateux et partout, surtout dans les régions abcèdées pourvus de nom- 
breuses cellules rondes. 

En certains points, l'épithélium manque presque complètement et le revète- 


REVUE DE LA PRESSE 737 


ment comprend simplement les restes du stratum corneum. On voit une sorte de 
cavités à limites irrégulières, ne se séparant pas nettement des parties avoisi- 
nantes, remplie, en grande partie, de petits noyaux et de masses filamenteuses, 
avec quelques globules rouges, des polvnucléaires et des débris de noyaux, cette 
cavité s'étend jusqu'à la racine du poil. Latéralement et en bas, cette cavité 
est limitée par le chorion, lequel parait sur une petite étendue dépourvu de 
noyaux, ou ne présente plus que des noyaux fragmentés. 

Les papilles du chorion sont inégales et particulièrement dans les points 
correspondant à l'épithélium malade, présentent des fibriles de tissu conjonctif, 
des vaisseaux sanguins et Iymphatiques fortement dilatés, des leucocytes polynu- 
eléaires dont la diapédèse et l'excocytose à travers les couches de la couche de 
Malpighi est particulièrement visible en ces points. Dans les couches profondes 
du chorion, les vaisseaux sont encore très dilatés, très remplis, le tissu conjonctif 
est œdématié et parsemé de cellules rondes. 

Les cellules fixes du tissu conjonetif sont également très multipliées et con- 
tiennent ici ct là de nombreuses mastzellen. 

Les fibres élastiques sont bien colorées, nulle part détruites. Dans le territoire 
des abcès, elles manquent complètement. 

Il y a quelques petits amas de cocci prenant le Gram. Après guérison de la 
partie biopsiée, le traitement par les rayons X est appliqué : 5 séances du 21 au 
21) juin. 

ll nous est malheureusement impossible de préciser ici la dose donnée, attendu 
que les données de mensuration fouriries par l’auteur ont été prises par des pro- 
cédés absolument différents de ceux a:'optés généralement en France, et que nous 
ne possédons pas d'indications relatives à l'équivalence de ces mesures en 
unités H. 

Quoiqu'il en soit, le patient paraît avoir eu une assez violente réaction. Le 
t'aitement n'a pas été recommencé ct, le 13 septembre 190%, le malade, considéré 
commé guéri, s'en va. Revu le {8 avril 1905, la guérison s'est maintenue. 

Au moment où la réaction était le plus intense, une seconde biopsie a été faite 
dans la mème région que la première. 

L'épithélium était d'épaisseur irrégulière, le stratum corneum mince, s’exfo 
liant par place, les noyaux de l'épithélium partout bien conservés. Les espaces 
intercellulaires du stratum réticulaire agrandis, la couche de Malpighi étant le 
siège de mitoses assez nombreuses, 

Eutre les cellules épithéliales, il y a de nombreux leucocytes polynucléaires 
qui vont, en certains points, jusqu'à former un abcès intra-épithélial dont le 
contenu se compose de masses filamenteuses et de débris nucléaires. 

as de bactéries. | 

La couche papillaire du chorion est traversée d'assez nombreux polynu- 
cléaires, dont les mieux nucléés siészsent autour des vaisseaux. 

Les fibrilles du tissu conjonctif, surtout dans les parties supérieures, sont 
fortement dilacèrées, sou veut écartées par Pæœdème, les noyaux en partie déformés 
et comme fondus. Dans les partes profondes du chorion, les faisceaux conjonctifs 
sont peu riches en novaux, épaissis où quelques-uns fondus, la structure fibril- 
Lure est imprécise ct les faisceaux écartés par un ædème intense. 

Les fibres élastiques sont partout bien conservées 

Il n'existe que peu de poils présentant un follicule et une papille à peu près 
intacte. La plupart des poils sont massués ; souvent le poil est absent, le canal 


738 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pilaire est obstruë par la couche épithéliale, fortement pigmentée par places. On 
voit souvent une papille complètement désorganisée, l'épithélium est brisé, rem- 
placé par du tissu conjonctif. 

En un point, le processus avait été particulièremeet destructif, on ne trouve 
plus qu’un débris de poil entouré de cellules géantes, l'ensemble donnant l’impres- 
sion d'un corps étranger au milieu du tissu ambiant. 

Au niveau des glandes, aucune modification. 

Dans la couche papillaire dont les fibrilles conjonctives sont dissocées, dont 
les vaisseaux sanguin et lymphatique sont dilatés et bourrés, il y a une prolifé- 
ration cellulaire et extraordinaire. Au milieu des cellules fixes multipliées du 
tissu conjonctif se montrent de nombreux leucocytes nnis et polynucléaires plus 
ou mois gros, ces derniers en abondance autour des vaisseaux, ainsi que de nom- 
breux mastzellen. 

A côté de ces cellules, on remarque, dans la couche papillaire, de plus petits 
groupes de cellules formés de grosses cellules polygonales, ayant pris une colo- 
ration foncée, pourvues d'un noyau rond, ce dernier contenant un nucléole nette- 
ment visible. 

La paroi des vaisseaux sanguins de la couche papillaire est œdémateuse, les 
cellules endothéliales tumétiées et sous forme de stries oblitèrent presqu'entiè- 
rement la paroi du vaisseau. Les vaisseaux du stratum réticulaire ne présentent 
aucun changement de l'endothélium, mais leurs parois externes sont ædématiées. 

Dans tout le derme on trouve des modifications vasculaires. 

Le tissu sous-cutané est indemne. 

Donc, avant l'irradiation: Hyperémie intense, infiltration cellulaire considé- 
rable, formation d'abcès, circulation locale des plus actives. 

Après l'irradiation : Hyperêémie considérable passive, par stagnation, œdème 
des parois vasculaires, diminution du tonus vasculaire, dilatation des vaisseaux, 
ralentissement de la circulation. 

L'auteur se demande si la cause de ce rapide changement pathologique réside 
dans la disparition des cocci signalés dans les préparations de la première biopsie. 
Cependant, comme il est connu que les rayons X n’ont aucun pouvoir bactéricide, 
il faut attribuer leur disparition a la réaction locale énergique qui s'est produite 
au niveau de la papille et a provoqué la chute du poil. 

Il termine en comparant l'action locale des rayons X dans ce cas, à la 
stase provoquée par la méthode de Bier. 


LAQUERRIÈRE. — Du rôle des rayons X dans le traitement du fibrome. 
— Bulletin officiel de la Société française d'Electrothérapie et de Radiologie, 
aoùt-scptembre, 1906. 


En application à travers les parois abdominales les rayons X nè paraissent 
pas capables de procurer des bénélices trés sérieux dans la plupart des cas de 
fibrome. 

Mon expérience porte actuellement sur une trentaine de cas. 

Chez les femmes jeunes, ou du moins encore assez éloignées de la ménopause, 
on peut consiater, mais avec des doses assez fortes, des diminntions d'abondance 
des règles, ou mème des aménorrhées, mais ce n’est là qu'un phénomène passager, 
et je crois qu'il faut friser la radiodermite et répèter longtemps les séances. On 


REVUE DE LA PRESSE 739 


peut aussi, comme l'a signalé Delherm, observer au début une recrudescence de 
l'hémorrhagie. (Les rayons X à tres faible dose auraient-ils la propriété d’être un 
excitant de la fonction ovarienne ?) 

En somme, dans ces cas, le traitement a besoin d'être très prolongé et il ne 
donne que des résultats passagers. S'il donne des effets utiles, il ne me paraît 
donc pas être la méthode de choix. 

Par contre, je me sers maintenant systématiquement des rayons chez les fem- 
mes atteintes de fibrome qui présentent un retard dans l'établissement de la 
ménopause, 

Les malades de 50, 51 ou 52 ans qui ont encore des règles régulières avec 
hémorrhagie, ou celles qui ont de temps à autre une hémorrhagie, mais présentent 
tous les mois des troubles, soit locaux (douleurs, hydrorrhée, etc ), soit généruax 
(bouffées de chaleur, migraines, etc), me paraissent tout à fait justiciables de 
cette thérapeutique. 

En général, dans ces cas, on voit dès le premier mois une amélioration se 
produire. 

Il est évident que l’on ne peut invoquer une coincidence, car ces femmes sont 
à l'âge où ces troubles doivent disparaître, mais j'ai vu le fait se produire trop 
souvent et trop régulièrement pour n'être pas conduit à admettre que les rayons 
X sont intervenus au moins à titre d’adjuvant. 

Il semble, en effet, que, chez la femme et chez les grands animaux, la distance 
qui sépare les ovaires de la paroi abdominale ne permet pas d'espérer une action 
très considérable et très durable sur ces organes, sans risquer la radiodermite, 
car la peau, se trouvant beaucoup plus près de l'ampoule, absorbe par unité de 
surface des quantités de rayons beaucoup plus considérables Aussi est-il néces- 
saire que les ovaires soient déjà par eux-mêmes dans un état de vitalité diminuée, 
pour que la radiothérapie ait des effets suffisants, ct c'est ce qui expliquerait la 
différence de résultat suivant l'âge des malades. 

En tout cas, pour éviter autant que possible la variation de densité des radia- 
tions entre la peau et l'ovaire, j'ai l'intention de reprendre ces etudes en plaçant 
l'ampoule tres loin ds l'épiderme ct, en faisant alors des séances beaucoup plus 
longues, on pourrait peut-ètre obtenir ainsi, chez les femmes jeunes, des résultats . 
plus satisfaisants que ceux que j'ai constatés jusqu'ici. 


LAQUERRIÈRE. — Rapport sur le rôle du médecin électrologiste et radio- 
logiste expert dans les accidents de travail. — Association française 
pour l'avancement des Sciences, Congrès de Reims, aoùt 1907. 


En aucun cas le spécialiste ne devra oublier l'examen clinique et se baser uni- 
quement sur son examen de spécialiste. 

L'éicctrodiagnostic sera surtout utile dans les cas de paralysie et d’impo- 
tence : il permet souvent de préciser un diagnostic (névrite prise pour une section 
tendineuse, névrite prise pour une affection médullaire, ou au contraire absence 
de névrite). 

ll ne permet pas d'affirmer la simulation, l'hystérie pouvant être mono symp- 
tomatique et se traduire seulement par le symptôme paralysie. 

D'autre part, l'électrodiagnostic pourra, en bien des cas, être complété par 
l'examen de la sensibilité électrique. 


710 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Les examens électriques ne fixent pas sur le degré d'incapacité, que précise 
seul l'examen clinique habituel. Mais ils permettent, la plupart du temps, de dire 
si l'état actuel est définitif ou si : 1° La guérison complète paraît possible ? avec 
réserves ? sans réserves ? 2° S'il y aura seulement amélioration ? 3° S'il y a des 
risques d'aggravation ? Les auteurs insistent sur la nécessité qu'il y a, pour l'ex- 
pert, lor<qu'il conseille l'application d'un traitement électrique, à indiquer la 
modalité électrique. D'une part, beauconp de confrères appliquent trop facilement 
un courant quelconque ; d'autre part, il existe dans les grandes villes, des indus- 
triels divers qui font des applications à tort et à travers. L'expert devra done spé- 
cifier que le traitement devra ètre fait par un médecin. ` 

L'expert électricien pourra aussi avoir à se prononcer sur des accidents imputés 
à l'électricité. Si l'on s'en tient aux travaux de Batelli, les courants électriques 
industriels tuent instantanément ou permettent un rétablissement complet tres 
rapide ; mais, dans certaines conditions, les courants intermittents de basse tension 
de Leduc forment un excellent procédé d'électrocution. D'autre part, les accidents 
locaux peuvent très bien, chez des prédisposés, ne pas se limiter, comme Batelli 
le trouve chez des animaux sains, à des brulûres. 

Enfin, tres souvent les accidents électriques causent des troubles graves 
d'hystéro-neurasthénie, l'expert aura donc surtout à préciser si les conditions 
diverses de l'installation électrique paraissent permettre d'admettre que l'accident 
s'est produit comme le raconte la victime. 

õn dernier lieu, les A demandent que les expertises en cas de procès fait à un 
médecin électricien, soit confiés à des électriciens. 

En ce qui concerne plus spécialement la radiologie, on constate qu'à Par:s, il 
existe des radiographes non médecins. Or, les rayons X, au mème titre que l'aus- 
cultation, la percussion, etc., constituent un des moyens d'investigation qui, par 
leurs comparaisons, donnent le diagnostic, qui est œuvre de jugement. La radio- 
graphie ne peut donc servir à contrôler un diagnostic médical et elle doit être 
faite par un médecin. D'autre part, c'est la connaissance précise de l'anatomie, et 
c'est l'examen clinique qui permettent de demander à ce procédé d'examen tout ce 
qu'il peut donner. 

Il y a d'ailleurs, dans tout problème médical, une part d'interprétation et de 
contrôle des divers procédés d'examen les uns par les autres, qui fait que tous ces 
examens, pour être appréciés à Ieur juste valeur, doivent être laits par le médecin. 

Les auteurs, après avoir dit quelques mots des procédés opératoires, concluent 
que les fonctions d'experts radiologistes doivent être réservées au seul médecin; 
que l'examen clinique devra précéder l'examen par les rayons; que chaque épreuvo 
devra être accompagnée d'une note explicative. 

Enfin, ils souhaitent qu'à l'avenir une photographie du blessé soit jointe, d'une 
façon indéniable, à l'épreuve radiographique, de façon à éviter toute substitution. 


De la conductibilité électrique de la paume de la main 
et de la plante du pied, et des indications que l’on 
en peut tirer dans l’électrodiagnostic. 


Par M. D. DARMAN (de Venise). 


Il s'imprime tant de choses, même sur les questions limitées qui sont 
du domaine d’une spécialité qu'aucun auteur ne peut se flatter d'être lu 
de tous A celui qui écrit, tout ce qu'il écrit parait important, et il est 
très naturel qu'il se plaigne parfois de ne pas voir immédiatement 
prendre en considération les conclusions de ses travaux. Mais de cet 
inconvénient la faute incombe le plus souvent aux auteurs eux-mêmes, 
qui n’ont pas su se faire comprendre et imposer leur manière de voir. 
Dans ce cas leur devoir est de reprendre la question et s'efforcer de 
l'exposer avec plus de clarté et de précision. 

Que ce soit là mon excuse si je reviens sur un fait déja publié dans 
ma monographie sur la conductibilité électrique du corps humain mais 
dont une longue pratique et des faits nouveaux m'ont montré toute 
l'importance, tant au point de vue du fait lui-mème, qu'au point de vue 
des avantages qu'on en peut tirer dans l’électrodiagnostic. 


Si l'on place lez électrodes reliées aux deux pôles d'une batterie sur 
le dos de la main, avec une force électromotrice compatible avec les 
applications médicales, on remarque que la force électro-motrice restant 
constante.l’intensité du courant augmente progressivement, Cette augmen- 
tation n’est pas peu appréciable, puisqu'en quelques minutes elle peut être 
telle que la valeur de l'intensité devient le double, le triple et parfois 
mème le décuple et ce qu'elle était au début de l'application. Elle est 
due en grande partie à la diminution de la résistance du corps humain 
et particulièrement de la peau, et sa variation peut-être plus ou moins 
grande pour d'autres régions du corps Mais si les électrodes sont placées, 
soit à la paume de la main, soit à la plante du pied, on observe un 
phénomène inverse : L'intensité du courant, au licu d'augmenter 
diminue. 

Ce phénomène est si net que dans beaucoup de cas on peut 
l'observer avec un simple galvanoscope. Aussi suis-je surpris qu’il ait 


ANNALES L'ÉLECTROBIOLOU]JE. TOME X. — NOVAMBRE 1907. n2 


742 ANNALES D'ELRCTROBIOLOGIE 


passé inaperçu des observateurs qui avant moi ont étudié la résistance 
du corps humain Gärtner et Jolly ont pu constater pourtant que la 
résistance cutanée à la paume de la main et à la plante du pied ne se 
comporte pas comme dans le reste du corps, bien qu'ils se soient servi 
d’une façon très défectueuse de la méthode du pont. Des auteurs crurent 
constater que la diminution de la résistance de la peau, sous l'influence 
du passage du courant dans ces régions, ou bien ne se produit pas ou 
bien se produit d’une façon à peine appréciable. Ils admirent en outre 
que la résistance initiale y est moindre que dans le reste de la surface 
cutanée. Naturellement, pour les raisons que j'ai fait connaitre dans ma 
monographie, l'observation incomplète du phénomène les conduisit à 
cette opinion erronée. 

La résistance initiale de la paume de la main et de la voute plantaire 
est, toutes choses égales d'ailleurs, une des plus faibles que l'on puisse 
constater. La résistance minima qu'il m'a été donné de rencontrer, 
à la paume de la main, a été de 8055 ohms avec une force électromotrice 
de ]4 V.; le maximum a été de 68.181 Ohms avec une force électro- 
motrice de 2:*,5. Dans la majorité des cas, avec une force électromotrice 
supérieure à 10 V. et des électrodes de 10 cm carrés, d'une paume de la 
main ou d’une plante du pied à l'autre, la résistance s'est trouvée 
supérieure à 15.000 Ohms. 

Quant à la courbe des variations de la résistance, on ne peut pas 
dire que, dans cette région, elle ne diminue pas ou ne diminue que 
très peu, car, dans des cas exceptionnels, elle peut diminuer d'une 
façon considérable. Ainsi, dans l'expérience 93, rapportée dans mon 
travail déjà cité, où il s'agissait d’un cas de mélancolie hystérique et où 
les deux électrodes, de 4 cm de diamètre environ, étaient placées à la 
paume des mains, j'ai trouvé, avec une force électromotrice de 13,,4, 
une résistance de 19,142 ohms au début de l’expérience et 12.090 après 
huit minutes de passage du courant; dans un cas d’hémiparésie orga- 
nique, avec des électrodes de 16 cm et de 10 (électrode de Martius), 
placées à la plante des pieds, j'ai trouvé, avec 32 V., 26.666 Ohms au 
début de l'expérience et 17225 après 11 minutes de passage du courant. 

Avec une différence de potentiel relativement élevée, on observe, en 
règle générale, des faits analogues. Mais avec des différences de potentiel 
basses ou moyennes, la règle (que personne encore n’a relevée), est que, 
à la paume de la main et à la plante du picd, non seulement la 
résistance ne diminue pas après un certain temps de passage du 
courant, mais, au contraire, elle augmente, et même dans de grandes 
proportions. | 

A cette règle, je n'ai, jusqu'ici, trouvé, dans les deux cents expé- 


D'ARMAN. — CONDUCTIBILITÉ ÉLECTRIQUE 743 


riences que j'ai faites, aucune exception. J'ai rencontré le maximum de 
variations chez un sujet de 25 ans, de taille moyenne ct en parfait état 
de santé; les deux électrodes de $ cm de diamètre étant placées à la 
paume des mains, avec une différence de potentiel de 137,2, la résistance 
initiale a été trouvée de 27.500 Ohms et, après 6 minutes de courant, 
elle est montée à 54.160 Ohms, doublant ainsi de valeur. 

Le minimum d'augmentation a été trouvé chez un autre jeune homme 
en parfait état de santé; dans les mêmes conditions expérimentales, 
la résistance a passé de 13 681 à 15.609 après 5 minutes de passage du 
courant. 

Chez les malades, le maximum de l'augmentation de la résistance de 
27.597 Ohms a été trouvé chez un hémiplégique de 59 ans, avec des 
électrodes de 10 et 16 cm? placées au creux des mains et avec une diffé- 
rence de potentiel de 21 V. La résistance a passé, en 15 minutes, de 
16.153 à 43.750 ohms. | 

La plus grande diminution que j'ai rencontrée a été observée chez une 
jeune femme de 21 ans, atteinte de folie hvstérique à forme dépressive. 
Chez elle, le courant appliqué d'une paume à l’autre à l’aide d’élec- 
trodes de 3 centimètres de diamètre et avec une différence de potentiel 
de 22,5, la résistance au bout de douze minutes, a passé de 48.181 à 
73.333; mais la différence de potentiel ayant été élevée à 32,2, cette 
résistance s’est immédiatement abaissée à 46 COV, puis, au bout d'un 
moment, à 35.795. La moyenne de toutes les différences entre la 
résistance initiale et la résistance finale a été, pour vingt-neuf expé- 
riences, de +4,118, montrant ainsi une augmentation considérable de 
cette résistance La moyenne, pour dix-neuf observations de la différence 
positive (la résistance finale étant plus grande que la résistance initiale), 
a été de 8 449. La moyenne des différences négatives de huit obser- 
vations à été de 5,138. 

La prévalence de la résistance finale sur la résistance initiale 
s'observe, en général, avec des différences de potentiel de 10 à 15 volts. 
Avec une différence de potentiel supérieure à 2% volts, la résistance 
finale fut toujours trouvée inférieure à la résistance initiale. Ce n’est que 
rarement que la résistance finale s'est montrée plus petite que la 
résistance initiale avec un voltage de 10,6 à 14,5. On peut donc dire 
que, aussi chez les sujets malades avec des différences de potentiel 
petites et moyennes, la résistance initiale est en général plus petite que 
la résistance finale. 


L'influence de cet état particulier de la résistance cutanée à la paume 
de la main s'observe dans tous les cas où l'un des pôles seuls est appliqué 


74d ANNALES DP ELECTROBIOLOGIE 


en cette région. Ainsi, en appliquant une électrode à la face palmaire 
et l'autre à la face dorsale de la main, la résistance diminue beaucoup 
moins vite que si on les applique toutes les deux à la face dorsale, 
et méme, parfois elle  s'accroit, Chez un neurasthénique de 
30 ans, après avoir appliqué l'électrode positive de 3 centimètres de 
diamètre sur la face dorsale, et l'autre de 3,5 cm sur la face palmaire, 
avee un voltage de 11, la résistance passe, après quatre minutes, de 
31,428 à 37.333, 2t, après 16 minutes, à 38.000; mais si on élève le 
potentiel à 21,7, la résistance s'abaisse inmédiatement à 18.023 et, au 
bout d'une minnte, à 13.562. On observe le même phénomène (plus 
accusé encore si Fon fait passer le courant d'une main à l'autre, placées 
l'une et l'autre dans une cuvette pleine d'eau). Chez une malade d'une 
vingtaine d'années, atteinte de chorée avec des mouvements prédomi- 
nants à gauche et aux membres inférieurs, sous une différence de 
potentiel de 6,6, la résistance, après quelques oscillations dues aix 
inversions du courant, passe, au bout de douze minutes, de 4.400 à 
5.076. Chez une malade de 35 ans, atteinte de la maladie de Plajani, 
sous un voltage de 10.3, la main gauche étant immergée jusqu'au 
poignet dans une cuvette pleine d'eau, tandis que l’autre main était 
plongée seulement des quatre doigts ile pouce en dehors, dans une 
autre euvetle également pleine d'eau, la résistance, en six minutes, a 
passé de 7.923 à 8.803. Chez un hémiplégique de 33 ans, dont la 
résistance, prise du sternum à Ja région dorsale sous un voltage de 13, 
s'abaisse de 81.250 à 13.157 en dix minutes, la résistance prise d'une 
main à l'autre, plongées toutes les deux jusqu’au poignet dans des 
euvettes pleines d'eau, passe, sous un voltage de 13,7, au bout d'une 
unnute, de 2.740 à 4 285. Le retard de la diminution de la résistance 
est un peu moins marqué lorsqu'on la mesure de la main placée dans 
une cuvette à la nuque ou bien à la face interne du bras. Cette dimi- 
nution de la résistance est encore moins accusée si, au lieu d'immerger 
complètement la main dans l'eau, on se contente de placer l'électrode 
sur la face palmaire. Ainsi, chez une fillette de 12 ans, non encore 
réglée et atteinte d'une névralgie brachiale, des électrodes impolarisables 
de Martins, de 10 cn earré, placées l’une (4-) au sternum, l'autre au 
niveau de Ja premiére vertébre dorsale, on a eu, avec un voltage de 9,8, 
l'énorme résistance initiale de 980.000 ohms qui, au bout de dix minutes, 
s'est abaissée à 421.739; en appliquant les mêmes électrodes, l'une (+ 
à la partie supérieure de la face interne du bras droit et l’autre à la 
paume de la main droite, la résistance, avec un voltage de 9,8, a passe 
de 24.500 à 16.362; avec les mèmes dispositifs, à cette différence près 
que la main plonge dans une cuvette pleine d’eau, la résistance passe, 
au bout de dix minules, de 6.400 à 7.076. 


D'ARMAN. — CONDUCTIBILITÉ ÉLECTRIQUE 745 


La résistance du dos de la main se comporte d’une façon tout 
autre que la résistance de la paume, car elle diminue considérablement 
pendant le passage du courant. Dans une trentaine de cas, chez des 
hysiériques, la résistance a passé, en huit minutes et sous un voltage 
de 5 V. 5, de 110.000 à 3.666. 

A la plante du pied. la résistance augmente comme à la paume de la 
main, C’est chez un hémiplégique que j'ai constaté la plus grande 
augmentation : de la plante d'un pied à la plante de l'autre avec des 
forces électromotrices de 10,6 à 20, elle a passé de 21,505 à 44.545 V. 
Le phénomène est encore plus marqué qu'à la paume de la main et il se 
montre en quelque sorte constant, lorsque les deux pieds sont immergés 
dans l'eau. On l'observe encore, bien qu'à un degré moindre, lorsqu'on 
fait passer le courant du dos, des lombes, de la région sacrée, au bain 
où plongent les deux pieds. Dans ce cas encore, la résistance augmente 
lentement | 

Cette variation de la résistance à la paume de la main et à la plante 
du pied est indépendante de la solution qu baigne les électrodes. C'est 
un fait que jai maintes fois remarqué et que, depuis dix ans, j'ai 
indiqué à plusieurs reprises Je l'ai à nouveau vérifié ces derniers mois, 
au cours de recherches que J'ai faites, à PHopital civil de Venise, avec 
des solutions de sulfate de zinc, de sulfate de cuivre, d'acide saliexlique, 
de salicylate de soude, d'acide borique, de bicarbonate de soude, de 
cocaïne, de sublimé, d'acide phén que, les résultats ont toujours été les 
mémes, c'est-à-dire que toujours la résistance de ces régions est allée en 
augmentant pendant le passage du courant Ni j'ai fut ces expériences, 
c'est pour répondre à qaelques eollègues qui depuis peu s'efforcent de 
démontrer à l'aide d'expériences fà mon sens trop peu nombreuses) que 
la nature des ions employés présente une importance considérable sur la 
résistance électrique du corps humain, de telle sorte que toutes les expé- 
riences faites Jusqu'à eux seraient sans valeur. 


Et maintenant. quelle conséquence pouvons-nous tirer de ce fait? 

La détermination de l'intensité du courant qui passe à travers les 
nerts et les muscles, dont nous étudions l'excitabilité, est tout à fuit en 
dehors de nos moyens de mesure actuels. Nous savons seulement qu'il 
doit exister une certaine relation (relation d'ailleurs encore tout 
à fait inconnue) entre l'intensité du courant qui traverse l'organisme 
tout entier et eutre celle du fil du courant qui passe à travers le nerf ou 
le muscle, Il serait de la plus haute importance que nous puissions 
mesurer le courant total qui traverse l'orwanisme, au moment méme de 
l'excitation du muscle ou du nerf. 


746 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Malheureusement, cet instant est fugace, et nous ne pouvons 
mesurer le courant qui passe à un temps où le nerf n'a pas encore subi 
l'excitation et n’y a pas répondu. Si la conductibilité des tissus était 
la même pendant toute la durée du passage du courant, le problème 
serait résolu. Mais nous savons qu'il n’en est rien et que la résistance 
varie considérablement et (à l'exception de la paume de la main et de 
la plante du pied) qu’elle diminue pendant le passage du courant, et que 
cette diminution, variable d'un malade à un autre, est encore en dehors 
de nos prévisions. 

Nous devons donc retenir que l'intensité du courant, pendant le 
temps, même très court, qui s'écoule entre le moment de la mesure et 
celui de l'excitation, varie, et nous ne savons dans quelle mesure se 
fait cette variation. 1l est probable que, à une résistance très élevée 
mesurable, correspond une résistance initiale encore plus élevée ; nous 
y sommes du moins autorisés par la forme de la courbe des intensités 
que nous mesurons. 

Nous devons donc nous efforcer à nous placer dans des conditions 
telles que la résistance varie aussi peu que possible. Quelles sont ces 
conditions ? 

Supposons, bien entendu, que nous soyons sùrs des conditions du 
circuit en dehors de l'organisme, c'est-à-dire que nous puissions disposer 
d’une force électromotrice constante, que les contacts métalliques soient 
bons, les électrodes bien mouillées, appliquées à l'aide d’une ligature 
élastique, de façon que la pression qu'elles exercent soit, autant que 
possible, toujours égales et connues; d'un galvanomètre suffisamment 
apériodique et sensible, d'un voltemètre en dérivation, d'une résistance 
suffisamment forte, etc. Nous devrons nous garder de placer l'électrode 
indifférente au sternum ou à l'hypogastre, comme on l'indique généra- 
lement dans les traités d'électrothérapie. 

Dans ces régions, en effet, la résistance subit une diminution assez 
grande pendant le passage du courant Par exemple, chez un épileptique 
de 18 ans et avec une force électromotrice de 11,3 à 11,5 V., l’élec- 
trode positive impolarisable de 50 cent. carrés, placée sur le sternum 
et la négative de 10 cent carrés, également impolarisable, placée sur la 
partie médiane de la face palmaire de l'avant bras droit, la résistance 
passa, en dix minutes, de 19 000 à 7,290 w. Je ne conseillerai pas de 
mettre l’électrode indifférente à la paume de la main, car l'expérience 
m'a montré que la diminution de la résistance produite sous l'électrode 
différente n'est pas suffisamment compensée par l'augmentation de la 
résistance produite sous l’autre électrode. | 

Ainsi, chez une fillette de 12 ans, affectée de névralgie brachiale, 


D'ARMAN. — CONDUCTIBILITÉ ÉLECTRIQUE 747 


j'ai placé les électrodes impolarisables de Martius, de 10 cent. carrés, 
la positive à la partie supérieure de la face interne du bras droit, l’autre 
à la paume de la main droite; après quinze secondes et avec une force 
électromotrice de 9 à 9,8 volts, la résistance a passé de 24,500 à 19,400, 
et, après dix minutes et quelques oscillations produites par les inversions 
du courant, elle tombait à 16.362. Par contre, des expériences que j'ai 
faites, depuis ces douze dernières années. de celles qui ont été publiées 
dans mon livre et de celles. enfin, que j'ai faites plus récemment, avec 
des solutions différentes, il résulterait que, lorsque l'électrode indifférente 
est constituée par l’eau dans laquelle on plonge soit les mains, soit les 
pieds, la résistance est plus constante Ainsi, chez cette même malade, 
l'électrode positive étant placée à la face interne du bras droit (comme 
dans l'expérience précédente) et la main du même côté, étant placée dans 
un bain d’eau ordinaire en communication avec l’autre pôle, la résis- 
tance n’a varié que de 6,400 à 6,424; en douze minutes, sous un 
voltage de 9 et 9,6 V. Lorsqu'on augmentait la force électromotrice, 
la résistance diminuait sensiblement. 

Chez une malade de 32 ans, avec un voltage de 15 V., la résistance 
passait, en trois minutes, de 1,666 à 1,415, c'est-à-dire que l'intensité 
du courant passait de 9 mA à 10,6 mA. Chez la même malade, avec un 
voltage de 10,1, j'avais trouvé la veille que, pendant trois minutes, 
la résistance était restée invariable à 2,020 «, correspondant à 5 mA. 
La même constance s'observe lorsque l’électrode indifférente est consti- 
tuée par un pédiluve. Chez un malade de 52 ans, atteint de tabès dorsal, 
l’électrode différente étant placée au niveau des premières vertèbres 
dorsales et l'autre étant constituée par un pédiluve où les pieds 
plongeaient jusqu'aux malléoles, la résistance a passé, en trois minutes, 
de 4.464 à 4.133 sous un voltage de 12.5. 

C'est donc dans ces conditions que l'intensité lue sur le galvanomètre 
se rapprochera le plus de l'intensité réelle du courant qui traverse le 
corps humain, au moment de l'excitation. Il serait donc sage de se placer 
dans ces conditions pour toutes les recherches d'électrodiagnostic. : 

Donc, au lieu de placer l’électrode indifférente au sternum, à l'épi- 
gastre ou entre les deux épaules, comme l'indiquent tous les traités 
d'électrothérapie (même les plus récents), on devra se servir comme 
électrode indifférente soit d'un maniluve, soit d'un pédiluve. 

Cette façon de procéder présente d'autres avantages : 

1° Elle élimine un grande partie l'importante cause d'erreurs qui 
provient de l'inégale pression exercée par les électrodes sur les tégu- 
ments et d'une humidification insuffisante de ces derniers; 

2° L'intensité nécessaire anx réactions nerveuses ou musculaires 


748 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


pourra être obtenue avec une faible force électromotrice, grace à la 
grande surface de l’électrode indifférente ; 

3° La température de l'électrode indifférente peut ètre assez facile- 
ment maintenue constante et, dans tous les cas, exactement mesurée ; 

4° La concentration de la solution, grâce à la grande masse du liquide 
employée varie beaucoup moins qu'avec les électrodes ordinaires; 

5° La douleur que provoque parfois l'électrode indifférente est 
absolument évitée ; 

6° Comme la résistance cutanée au dos de la main ou au dos du 
pied diminue avec le passage du courant, tandis qu'elle varie en sens 
inverse pour la paume de la main ou la plante du pied, il sera possible, 
en élevant ou en abaiïssant, suivant les cas, le niveau du liquide, d'obtenir 
une résistance totale relativement constante. 

La plus ou moins grande commodité de la méthode est évidemment 
un point secondaire ; cependant il me semble qu’une application bien 
faite d’une large électrode, soit sur le sternum, soit sur l'abdomen, fait 
perdre plus de temps et incommode plus le malade qu'un pédiluve ou un 
maniluve. Mais dans tous les cas il vaut mieux perdre un peu de temps 
et se gêner un peu pour obtenir des avantages tels que la réduction au 
minimum de l'erreur qui provient de la variabilité de la résistance 

En somme nous devons observer dans les recherches de l'électro- 
diagnostic les règles suivantes : 

L'électrode différente sera très propre, bien humectée, autant que 
possible impolarisable. La plus pratique est peut être celle de Martius, 
qui se compose, on le sait, d'une plaque de zinc amalgamée recouverte 
de deux disques de feutre humecté l’un de sel de cuisine et l’autre d’une 
solution concentrée de sulfate de zjnc. Le disque imprégné de chlorure 
de sodium sera placé directement sur la peau. Il serait nécessaire dans 
tous les cas d'adopter un type unique d'électrodes pour toutes les 
recherches d'électrodiagnostic. Elle ne devrait pas être tenue à la main, 
soit par le médecin, soit par son assistant, mais fixée à l’aide d'une 
ligature élastique avec une pression graduée et mesurable, pression qui 
serait à déterminer avec soin pour rendre comparables les résultats 
obtenus par les différents cxpérimentateurs En appliquant ainsi les 
électrodes on pourrait fermer le circuit sur une force électromotrice 
exactement mesurée en unilés absolues et variables selon la région du 
corps où serait appliquée l'électrode différente. Si cette dernière est 
peu résistante on emploiera au début une force électromotrice faible : 
pour une région très résistante on emyploiera au contraire une force 
électromotrice plus grande Fermons le circuit sur une force électromo- 
trice plus faible que celle qui dans les cis ordinaires donne l'intensité 


D'ARMAN. — CONDUCTIPILITÉ ÉLECTRIQUE 749 


voulue pour obtenir la première contraction de fermeture à la cathode ; 
interrompons aussi vite que possible le circuit. S'il se produit alors une 
contraction, cela veut dire que la force électromotrice employée est trop 
forte et qu’il faut recommencer l'opération avec une force électromotrice 
plus faible. S'il n’y a pas eu de contr.ctions, on augmente le potentiel 
graduellement jusqu’à ce qu'on observe la première secousse à la 
fermeture de la cathode. On note alors l'intensité, de la première fermeture 
du circuit à la première ouverture on laisse écouler un temps de deux 
minutes. 

Pendant ce temps la résistance atteint une valeur dont s'écarte très 
peu ses variations postérieures, même si l’on vient à faire varier le 
potentiel. Ayant obtenu le seuil de l'excitation avec N. on ouvre le 
circuit On a ainsi l'occasion de voir s'il se produit une excitation avec 
ON, ce qui ordinairement ne se produit pas. On diminue alors de 
quelques volts la force électromotrice, on renverse les pôles et on ferme 
le circuit. On obtient ainsi un courant à peu près de même intensité que 
lors de la première excitation. Dans les cas normaux on n'a aucune 
contraction. On laisse passer le courant pendant une minute environ, 
pour lui permettre de prendre une valeur relativement constante: 
on fait alors une brève interruption, moins brève cependant que lors de 
l'exploration pour la contractilité à la cathode, de façon à pouvoir 
distinguer l'excitation de OP. de l'excitation FP. Si lou n'observe 
aucune excitalion, on augmente l'intensité du courant de quelques 
dixièmes de mA. et l’on procède ainsi de proche en proche jusqu'à ce 
que l'excitation se produise. 

Dans le cas où l'examen par les courants induits (et c'est toujours 
par eux qu'il faut commencer l'exploration}, aurait fait supposer l'inver- 
sion de la formule de l'excitabilité galvanique, il serait naturellement 
indiqué de commencer l'exploration avec le pole positif Mais il faut zlors 
faire attention, en passant à l'exploration avec l'autre pôle, que la 
résistance diminue beaucoup plus que dans le premier cas. Aussi, avant 
de fermer le circuit, il faut augmenter la résistance du rhéostat (que je 
suppose sans self plus que dans le premier cas. Il faudra aussi laisser 
passer le courant plus dune minute, pour qu'il prenne son régime 
constant. 

On peut objecter à la méthode que je propose pour l'exploration de 
l'excitabilité galvanique qu'elle exige trop de temps durant lequel le 
courant modifie plus ou moins cette excitabilité, suivant que l'on emploie 
le pôle négatif ou le pole positif Mais cette objection perd de sa valeur 
si l'on remarque que, par une exploration plus rapide, il faut fire des 
tentatives d'autant plus nombreuses que la résistance variera davantage 


750 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


et que la fermeture instantanée rend impossible la lecture du galvano- 
mètre, et que plusieurs fermetures courtes équivalent, en dernière 
analyse, à une seule fermeture de durée plus grande. Cette objection 
peut d’ailleurs être faite à n importe quelle méthode Enfin, quand le 
temps de fermeture du circuit est le même dans toutes les expériences, 
les modifications électrotoniques sont toujoursles mêmes et n'influencent 
pas, par conséquent, les rapports des résultats divers qui auront été 
obtenus. 


Les. courants de haute fréquence (1) 


par M. D. VASSILIDÉS (Athènes). 


Plusieurs de nos confrères, étudiant la nature et l'efficacité des 
courants de haute fréquence, s'accordent à dire que la découverte de 
Tesla et d'Arsonval a donné à la thérapeutique un nouvel agent, très 
puissant, surtout pour les maladies contre lesquelles les médicaments 
et la chirurgie étaient à peu près impuissants. 
© Mais d'autres, moins heureux dans leurs essais, ont soulevé des 
objections et des discussions, jusqu’au point de conclure que l'efficacité 
thérapeutique de ces courants est nulle. 

Dans ce cas, la faute en est-elle aux moyens thérapeutiques 
employés? Est-ce qu'il n'est pas constaté journellement que plusieurs de 
nos confrères obtiennent des résultats excellents avec les mêmes médi- 
caments qui furent employés par d'autres sins succès? 

Si donc cela arrive pour des choses si minutieusement étudiées et 
définies, combien, à plus forte raison, quand il s'agit d’un agent 
thérapeutique aussi complexe: 

Au point où en sont les expériences, plusieurs causes de différence se 
présentent pour le rendement de chaque appareil, et surtout pour des 
appareils de constructions diverses. 

Pour avoir une notion précise du courant de haute fréquence d'un 
dispositif donné, on doit définir les diverses caractéristiques de ces 
courants, ainsi : 

1° La fréquence ; 

2° Le potentiel d'éclatement, provoquant la décharge oscillante 
des condensateurs ; 

3° L'intensité maxima de la première onde ; 

4° La loi de décroissance de cette intensité en fonction du temps, 
définie par le facteur d'amortissement; 

5° Le flux créant le champ; 

6° La forme de la courbe et le nombre de trains d'ondes par unité 
de temps. 

Pourtant, les seuls mesurages faciles dans la pratique sont : 1° celui 


(0) Rapport présenté au 71e Congrès International de Physiothérapie, Rome, 
octobre 1907. 


152 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


de la fréquence, fait préférablement par les ondemètres et ampéremètres ; 
2° celui de l'intensité maxima, fait par le milliampéremètre de haute 
fréquence, qui, cependant, peut rendre d+ bons services pour une même 
installation, mais pas pour la comparaison de deux installations diffé- 
rentes; et 3° celui du champ magnétique, fait par le gaussmètre Doumer. 

L'intensité du courant agissant sur la personne placée dans le grand 
solénoide de d’Arsonval dépend : 

1° De la quantité du courant qui excite le primaire et du rendement 
de la bobine ; 

2° De l'interrupteur qui règle en plus grande partie la fréquence de 
la série d’oscillations et l'intensité du courant dans chaque. ap;areil. Si 
les interrupteurs sont rares ou irréguliers, comme cela arrive à la 
plupart des interrupteurs mécaniques ou aux électrolrtiques, avec une 
grosse électrode de platine, alors les résullats thérapeutiques ne 
répondent pas à nos attentes. 

3° Du condensateur qui, s'il est lié avec la bobine par les armatures 
internes, selon la méthode française, produit un résultat physique tout 
autre, que s'il était lié par les armatures externes, sur la ligne de la 
self-induction, selon l'usage allemand. 

4° De l'éclateur, dont la fonction influe beaucoup sur le rendement du 
condensateur Plus les pôles s'éloignent, plus le rendement du conden- 
sateur est grand ; mais si l’on dépasse un point donné, on peut nuire 
à la fréquence du courant, et dans ce cas, il est préférable de se réserver 
toutes les décharges quoique moins puissantes 

5° De la fabrication du solénoïde ; parce que plus les spires de la 
cage sont rapprovchées et plus leur diamètre est petit, plus l'influence 
magnétique exercée sur un sujet de méme volume est fort. 

À part ces causes physiques nous avons les causes personnelles, 
desquelles dépend très souvent le résultat lent ou rapide d'un 
traitement : | 

1° La différence de réaction de chaque malade. Nous constatons par 
exemple que pour plusieurs malades la d’Arsonvalisation est parfaitement 
supportable, sans produire la moindre sensation ; à d’autres elle peut 
produire des fourmillements ou des picotements aux extrémités seulement; 
chez d’autres, une somnolence ; chez d'autres, elle provoque une surexci- 
tabilité nerveuse et chez d'autres enfin, elle provoque des nausées, des 
vertiges, une fatigue qui dure pendant plusieurs heures Ce dernier cas 
est tellement rare, que sur 1600 malades de notre Institut, 12 seulement 
ont présenté ces symptômes. Je crois cependant qu'il se produirait plus 
souvent si la fréquence était au-dessous de 300.000 par seconde. 

2° Le volume du sujet qui se trouve dans la cage. Parce que le 


VASSILIDÈS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 753 


champ magnétique occupé par un sujet est proportionnel à son volume. 

3° Les différentes influences extérieures; par exemple, un refroi- 
dissement intervenu pendant le traitement, les changements de la 
température, le surmenage physique ou intellectuel après l'application 
électrique, les voyages en chemin de fer de suite après la d'Arsonvali- 
sation, peuvent annuler ou atténuer l'influence du traitement. 


COMMENT LES COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE AGISSENT SUR LES DIVERSES 
MALADIES (1). — D'après la revue générale des maladies guérissables par 
les courants de haute fréquence, nous pouvons conclure que toutes 
sont des maladies névrotrophiques, générales ou locales Cette conclu- 
sion nous porte à croire que les courants de haute fréquence peuvent 
influencer immédiatement ce système nerveux qui gouverne la nutrition 
de notre organisme. 

Mais, ici, une question se pose : Existe-t-il un tel système indé- 
pendant? Et quel est ce système? 

D'après les travaux effectués en physiologie et en anatomie et 
d'après les observations cliniques sur diverses maladies ayant un 
rapport immédiat avec la nutrition générale ou locale du corps humain, 
nous sommes portés à croire qu'il existe un système nerveux fonctionnant 
indépendamment pour la nutrition et que ce système est le grand- 
sympathique. 

Depuis longtemps déjà, Bichat avait cette opinion; mais après lui, 
Foster et plusieurs autres encore, non seulement n'ont voulu admettre 
aucune indépendance ou fonction spéciale au sympathique, mais ils ont 
même dédaigné d'en parler dans leurs traités. 

Cependant, d'après les expériences de Golz et Ewald, il est claire- 
ment démontré que le sympathique peut accomplir toutes les fonctions 
des organes innervés par lui sans la moindre influence du système 
cérébro-spinal Par conséquent, le sympathique peut avoir une fonction 
toute particulière. 

En clinique aussi on arrive à la même conclusion, si l’on pense que 
toutes les maladies appelées névrotrophiques, tantôt proviennent de 
troubles des nerfs vasomoteurs, de la mauvaise fonction des diverses glandes 


(1) Nous croyons inutile de nous étendre sur l’action physiologique des courants 
de haute fréquence, vu qu’elle est décrite en détails dans tous les traités de l'électro- 
thérapie. Nous nous bornerons sculement à ajouter que chaque tissu du corps humain 
présente une différente excitabilité magnétique sous l'influence des courants de haute 
fréquence, selon la classitication suivante : os, muscles, nerfs, vaisseaux sanguins, 
graisse; de même que, après l’application d’autoconduction, les vaisseaux de l'intestin 
se dilatent et son muscle s'excite en un mouvement péristaltique. 


751 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


et de l'assimilation défectueuse; tantôt provoquent des perturbations 
dans le fonctionnement des appareils innervés par je sympathique. 

Le même résultat est atteint par les études sur l'influence physio- 
logique des courants de haute fréquenre; car, tandis qu'ils n'influencent 
nullement le système névro-musculaire et névro-sensitif, ils influencent 
les nerfs vaso-motuurs, les mouvements péristaltiques de l'intestin, 
la thermogénèse animale, ete., qui dépendent immédiatement du 
giand-sympathique. 

Considérant donc, d'une part, que le sympathique dirige la vie végé- 
tale de notre organisme; d'autre part, que ces maladies qui guérissent 
par les courants de haute fréquence proviennent tantôt de troubles 
fonctionnels, tantôt de lésions du sympathique, nous pouvons conclure 
que l'agent thérapeutique mentionné ci-dessus influence ce système 
nerveux. 

Le temps nous faisant défaut pour expliquer davantage nos opinions, 
nous nous contenterons de citer à la fin de chaque chapitre les signes 
principaux qui justifient le classement de ces maladies sous un titre 
général : Maladies du sympathique. 

Pour plus de clarté, nous avons divisé en quatre parties cette grande 
catégorie de maladies : 

1° Manifestations du système circulatoire (artériosclérose, myocardite 
chronique, angine de poitrine, maladie de Raynaud, hémorroïdes, 
varicocèle) ; 

2) Manifestations de la nutrition (arthrites, gouttes, lithiase 
urique, diabète). 

3) Manifestations du système nerveux (neurasthenie, migraine, 
goitre, myxædème). 

4) Manifestations cutanées (sclerodermie, eczémas, urticaire, acné 
rosée, lupus érythémateux, psoriasis, pelade, sycosis, éphélidés, 
engelures, ulcères variqueux. 


MANIFESTATIONS DU SYSTÈME CIRCULATOIRE : ARTÉRIO-SCLÉROSE, — Je 
commence par l'artério-sclérose. Je ne dis pas hypertension artérielle, 
parce que je suis convaincu que ce traitement est beaucoup plus sérieux 
qu'il ne parait à première vue. 

L'action de l’autoconduction sur l'hypertension artérielle est, on 
peut dire, presque certaine. Quelquefois moindre, quelquefois rapide, 
quelquefois lente, mais presque toujours l'hypertension artérielle 
s'abaisse. Les cas que j'ai observées étaient tels, que, sur 132 malades, 
chez 9 seulement l'hypertension s'abaissa dans les cinq premières 
séances ; chez ]6 cas elle s'abaissa après D à 10 séances ; cuez 39 elle 


VASSILIDÈS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 755 


s'abaissa après 20 séances ; chez 51 elle s'abaissa après 30 à 40 séances : 
et enfin chez 17 cas la tension artérielle n'arriva pas au-dessous de 
20 centimètres même après 40 séances 

Pourquoi cette différence dans l’action de cet agent thérapeutique ? 

Il sera facile de le comprendre si l’on examine les causes de 
l'élévation de la tension artérielle. 

L'hypertension artérielle provient : 

1) D'un spasme des petites artérioles à la suite d’une surexcitation 
nerveuse telle qu’une application sur l'épine dorsale d'étincelles ou 
d'effluves par le résonateur Oudin, selon l'expérience de Moutier, etc. 

2) D'un spasme des artérioles, conséquence d'une influence toxique 
sur les nerfs vasoconstricteurs, causée par une sécrétion de microbes 
ou par des produits pharmaceutiques tels que l’adrénaline, l’ergotine, 
l’atropine, etc. 

Dans cette catégorie nous devons ranger l'hypertension artérielle 
provenant d’un mauvais régime et surtout des abus de viande, ainsi que 
de divers surmenages inhérents à certains métiers. 

3) De quelques maladies dos viscères abdominaux et surtout du 
foie. 

4) Du ralentissement de la circulation dans lcs grandes veines. 

5) Des lésions survenues dans plusieurs parties du système artériel. 

Etant données les différences des causes qui provoquent l'hypertension 
nous pouvons facilement expliquer pourquoi quelquefois elle s'abaisse 
complètement, dans 1-10 séances et pourquoi même aprés 40 applica- 
tions d'autoconduction nous n'avons pas de résultat décisif. 

Si l'hypertension provient d'un spasme des artérioles dû à ure 
surexcitation nerveuse, on peut obtenir une diminution dans quelques 
séances. 

Ce qui nous occupe surtout c'est l'hypertension de la présclérose et 
l'hypertension dépendant des lésions des artères ou des veines, la seule 
rebelle à toute autre traitement. 

On constate sans peine que la diminution de ice dans ce 
cas est une preuve de l'amélioration des parois vasculaires. L'amélio- 
ration progressive des symptômes subjectifs et objectifs de l’artério- 
sclérose, et leur disparition complète après un ou deux mois de 
traitement est une preuve de l’amélioration progressive des lésions des 
vaisseaux. 

Certes, je ne me suis jamais imaginé que le traitement par les 
courants de haute fréquence dissolve complètement le résidu calcaire 
des artères ; d’ailleurs l'endurcissement des parois artérielles n’est pas 
le plus grand danger. Nous ne pouvons pas non plus admettre que les 


756 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


tissus des parois artérielles ou veineuses déjà complètement dégénérées 
puissent reprendre vie. Nous faisons seulement cette réflexion que, 
comme dans les pralvsies des muscles striés, on peut tonifier, par l'élec- 
trothérapie les fibres demi-dégénérées ou simplement atrophiées, à un 
point tel que ces muscles reprennent presque toute leur vitalité, même 
s'il y a une dégénérescence de premier ou de deuxième degré, de même 
on peut obtenir une amélioration des lésions des vaisseaux et par l’aug- 
mentation de leur vitalité, une fonction régulière. 

D'autre part, nous croyons que les causes principales de l’artério- 
sclérose sont : le spasme des artérioles, comme cela a été démontré par 
des expériences spéciales et le mauvais fonctionnement des vasa-vasorum, 
qui provoque les athéromes locaux, thèorie déjà acceplée par la plupart 
de nos confrères. 

Par conséquent, nous concluons que l'autoconduction, agissant 
directement sur le sympathique et produisant, d'une part, un relàchement 
des artérioles contractées; d'autre part, le fonctionnement régulier des 
vasa-vasorum donne comme résultat la suppression des causes de 
l'ar'tério-sclérose et de ses progrès 

Pour nous convaincre que les vaisseaux reprennent leur fonction 
physiologique et régulière, il nous suffit de prendre en considération la 
disparition des symptômes provoquée par les troubles des nerfs 
vaso-constricteurs après l'application des courants de haute fréquence. 

Les fourmillements et les engaurdissements des membres inférieurs, 
les bourdonnements d'oreilles, la claudication (1) intermittente des 
membres disparaissent très vile et même bien avant que la tension 
artérlelle ne s'abaisse. La maladie de Raynaud, provenant spécialement 
des troubles des nerfs vaso-constricteurs, se guérit, comme nous 
l'indiquerons plus bas s 

La claudication intemiitente du cœur disparait dans douze séances 
régulières et, quelquefois même, avant que l'hypertension artérielle ne 
s'abaisse. 

Le glaucome de l'œil parait guérissable au moyen de lauto- 
conduction, d'après l'observations communiquée, l'année dernière, au 
congrès de Lyon, par les docteurs True, Imbert, Marques. 

Nous avons aussi plusieurs preuves de la tonification des fibres 
lisses des vaisseaux par les courants de haute fréquence et, surtout, 


(1) Nous nous rangeons à l'opinion que la claudication provient, tantôt de l’action 
aspirante des muscles en travail sur la circulation, tantôt d’un spasme des artérinles, 
des vasa-vasorum et des artères athéromateuses, provoqué à la suite du passage 
surabondant du sarg pendant que le malade marche. 


VASSILIDÉÈÉS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 757 


par la disparition de quelques symptômes de l’artério-sclérose dépendant 
de leur état parésique (2). 

La tonification destissus musculaires des vaisseaux explique pourquoi, 
chez les vieillards qui présentent un ralentissement de la circulation 
dans les veines, nous obtenons très souvent un abaissement de 10 centi- 
mètres de la tension artérielle dans huit ou dix séances seulement, en 
même temps que les symptômes de stase veineuse s’atténuent. 

Comme preuve que cet abaissement provient de la tonification des 
flbres lisses, très souvent l'état des hémorroïdes s'améliore et la parésie 
intestinale guérit complètement; tandis que, quand l'hypertension ne 
dépend pas des fibres lisses, mais des lésions étendues des artères, 
on peut constater que l'intestin est tonifié par l’autoconduction sans que 
la tension artérielle s'abaisse de plus de 2 centimètres. 

Un autre fait, que nous ne pouvons expliquer que par la tonification 
de la couche musculaire des vaisseaux, est que le second bruit de l’aorte, 
de clangoreux et métallique, redevient presque normal, et les ondu- 
lations apparaissent de nouveau sur la ligne descendante du tracé 
sphygmographique. 

Les réflexions ci-dessus et le fait que l’autoconduction fait disparaître 
les symptômes objectifs et subjectifs de l'artério-sclérose nous per- 
mettent de conclure que ce procédé, en tonifiant les fibres musculaires 
des vaisseaux et en guérissant les inflammations dystrophiques de leur 
paroi, amène une guérison effective de l’artério-sclérose, pourvu que le 
traitement soit suffisant. 


MYOCARDITE CHRONIQUE OU SCLÉROSE DU CŒUR — Que l’action des 
courants de haute fréquence soit sûre et profonde dans le traitement de 
l'artériosclérose, le résultat qu’ils donnent dans la myocardite chronique 
en est une nouvelle preuve : sept cas, traités par nous, nous donnent 
le droit de dire que cette maladie est guérissable par ce même procédé. 

Je ne dis pas que ces courants reconstituent la juvénilité du cœur ; 
ils donnent seulement au malade un cœur fortifié fonctionnant parfai- 
tement, ce qui est déjà beaucoup. 

J'ai eu la chance de compter parmi mes clients une parente du 


(2) Il résulte de plusieurs observations que, tant que les lésions locales sont récentes 
et aiguës, elles provoquent une hypertrophie et une hyperplasie des cellules; mais 
quand elles deviennent chroniques, elles produisent uue atrophie et une parésie de la 
couche musculaire des vaisseaux, à cause de l’hyperplasie du tissus connectif et du 
résidu calcaire. C’est pour cela qu'autrefois on a observé une hypertrophie des fibres 
lisses et des fibres élastiques des vaisseaux artério-sclérosés, tandis que d’autres 
auteurs insistent sur l’atrophie des cellules musculaires. 


ANNALES D'ÉLECTRUBIOLOGIE TOME X. NOVEMBRE 1907. — 3g 


758 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


docteur Tsagris et le père des deux docteurs Charamis, professeurs 
agrégés de l’Université d'Athènes. Ce dernier malade, surtout, était 
dans un tel état que je crus de mon devoir de dire à son fils : « J'espère 
que je parviendrai à tonifier le cœur de votre père; mais jugez par 
vous-même de son état morbide, afin de ne pas accuser l'électrothérapie 
si un malheur arrive avant la quinzième séance ». 

Je mentionne brièvement ces deux cas. 


Madame P. Ses parents sont morts de maladies du système circulatoire. De 
ce côté la patiente n'accuse que des crises de douleurs partant de la région 
cardiaque et s'irradiant jusqu’au membre supérieur gauche. Cependant elle ne 
se doutait pas qu'elle souffrait d'une maladie du cœur. L'examen nous donna : 
hypertrophie du cœur, affaiblissement du premier bruit, tension artérielle de 
26 centimètres, accélération du pouls jusqu'à 85 pulsations avec une arythmie 
présentant uno intermittence après deux ou trois pulsations. 

A mesure que le traitement par l'autoconduction avançait, les intermittences 
devenaient de plus en plus rares. A la quarantième séance, l’arythmie n'existait 
plus, la tension était seulement de 18 centimètres et les symptômes subjectifs 
avaient complètement disparu. 


M. Ch. âgé de 83 ans avait souffert d'une grippe l'hiver précédent. Pendant 
sa convalescence qui avait été très lente, il présentait une bradycardie de 
30 pulsations par seconde. 

Quand je fus appelé auprès de lui il avait en moyenne 50 pulsations, mais 
complètement arythmiques, irrégulières, tantôt à peine sensibles et quelquefois 
totalement absentes. Mème résultat à l'auscultation du cœur, qui accusait aussi 
une très grande hypertrophie. 

Dès les premières séances la dyspnée dont il souffrait au moindre mouvement 
disparut; il se sentait capable de parcourir plusieurs centaines de mètres. A la 
35° séance, le pouls était presque régulier, de même que les battements du cœur 
et la tension artérielle était de 24 centimètres, 

Présentement, son cœur bat régulièrement: il a 55 pulsations rythmiques 
sans intermittence, et la radiale présente une tension de 22 centimètres. Il se 
sent guéri et a cessé le régime lacté qu'il suivait depuis longtemps. 


Ne devons-nous pas conclure d'après ces observations que les 
courants de haute fréquence ont accompli ces guérisons, influençant la 
nutrition et tonifiant le muscle cardiaque ? Ne devons-nous pas admettre, 
que, sans cela, le fonctionnement du cœur ne serait pas régularisé ? 


Angine de poitrine. — Jusqu'à présent nous avons traité trois 
cas et nous avons obtenu un résultat excellent pour tous les trois. Un 
quatrième cas très intéressant nous fut présenté par le D" Triantafyllacos, 
professeur agrégé à l'Université d'Athènes. 


M. K. âgé de 56 ans. Sa maladie datait de l'année dernière. Pendant 
l'angoisse, la douleur s'irradiait aux deux membres supérieurs, mais surtout au 


VASSILIDÈS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 759 


membre gauche. Le moindre effort, produisait la douleur et l'angoisse. Très 
souvent, il passait des nuits d'insomnie, désespéré de ces symptômes ; la tension 
artérielle était de 26 centimètres. Le résultat du traitement a été si satisfaisant 
qu'après la douzième séance, se croyant complètement guéri, il a eu le courage 
de retourner à son pays, avec l'intention de reprendre le traitement plus tard ; 
ce qu'il n'a pas fait n'en sentant pas le besoin, même en ayant toujours une 
hypertension artérielle de 26 centimètres. 

Cependant, un mois après, il mourut d'une mort subite; probablement 
relative à sa maladie ce qui prouve que le traitement de pareilles maladies par 
les courants de haute fréquence pour donner des guérisons radicales doit être 
long. 


Maladie de Raynaud. — Cette maladie, qui est la conséquence 
d'une irritation des nerfs vaso-constricteurs, parait guérissable par les 
courants de haute fréquence. Bonnefoy a décrit le traitement de cette 
maladie ainsi que celui d’autres maladies de la même classe. 


Hémorroïdes. — Les merveilleux résultats de la méthode introduite 
par Doumer dans la thérapeutique de cette maladie, sont tellement 
connus que je crois qu'il est superflu de nous étendre là-dessus. 


Varicocèle. — Pour cette maladie, prise à son début, et surtout 
pour ses manifestations douloureuses, nous avons essayé l'application 
des courants de haute tension condensés, indiqués dans un chapitre 
spécial. 

Les résultats obtenus sont très encourageants ; la douleur disparait 
dans un bref délai et le cours de la maladie est arrêté. 

Les résultats du traitement des maladies mentionnées ci-dessus par 
les courants de haute fréquence, me font espérer que, très prochai- 
nement, la pathologie se fera aider par la physicothérapie, pour la 
guérison des maladies asthéniques ou dystrophiques du système 
circulatoire. 


Norte. — Nous pouvons facilement comprendre que la guérison des 
maladies mentionnées résulte de l'influence des courants de haute 
fréquence sur le grand sympathique, si nous pensons que ces maladies 
proviennent tantôt des troubles des nerfs vasomoteurs, tantôt d'une 
atonie des tissus musculaires des vaisseaux. 

Nous prenons en considération que, d’après l'opinion de His, les 
centres cardiaques se trouvent en relations étroites avec le sympathique : 
que, d’après les expériences de Nicolaidès, le cœur du chien bat 
régulièrement, même après le retranchement des deux nerfs pneumono- 
gastriques ; que, d'après les expériences de Porter, le cœur des 


760 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


mammifères, même après avoir été séparé des nerfs et divisé en 
morceaux, bat encore, si nous continuons à alimenter régulièrement ses 
morceaux ; que, d'après les expériences d'Engelmann, l'excitation des 


fibres lisses des veines-caves provoque les contractions cardiaques : que 


l'irritation des branches abdominales du sympathique arrête provisoi- 
rement ou définitivement la fouction du cœur; que les nerfs vaso- 
moteurs dépendent directement du sympathique ; que les fibres lisses 
sont innervées par ce système — et nous concluons, après ces observa- 
tions, que ces maladies étant la conséquence de troubles fonctionnels 
ou de lésions organiques du sympathique, les courants de haute 
fréquence les quérissent en influençant directement le sympathique. 


MANIFESTATIONS PAR RALENTISSEMENT DE LA NUTRITION. — Par les 
courants de haute fréquence, la thérapeutique a acquis un agent relati- 
vement puissant pour lutter contre cet état dyscrasique. Nous disons 
- relativement puissant » parce qu'il peut être incomparablement plus 
efficace que les bains, en donnant des résultats surs et constants, mais 
son action est lente et fatigue beaucoup le malade. La plus petite durée 
d’un pareil traitement est de 40 séances; cependant, très souvent nous 
sommes obligés de reprendre trois ou quatre fois une série de 30 à 
40 séances, jusqu’au moment où notre malade se déclare complètement 
satisfait. 

D'après notre expérience personnelle, nous croyons qu'aucune mani- 
festation arthritique (1) n’est guérissable sans l’application de courants 


(1) Les arthrites subaiguës et les arthrites chroniques s'’améliorent beaucoup ou se 
guérissent entièrement par la cataphorèse du chlorure de sodium (d’après la méthode 
de Guilloz), et par l’autoconduction ou les courants de haute fréquence, condensés. 

La goutte se guérit merveilleusement par ce même procédé ; seulement le malade, 
pendant quelques années, doit, chaque six mois, recommencer un traitement général 
de 30 séances d’autoconduction ou, ce qui est préférable, des courants de haute 
tension, condensés. 

La lithiase urique est la forme de l’arthritisme à laquelle ce traitement est le plus 
favorable. Je mentionnerai une malade qui a présenté le phénomène unique de 2 gr. (5 
de sable dans 24 heures. Nous avons obtenu après 120 séances de courants de haute 
tension, condensés, d'arriver à la quantité journalière de 32 centigrammes. Cet exemple 
nous prouve que les courants de haute fréquence n’augmentent la quantité de l’acide 
urique, que seulement quand on dépasse le point donné où l'électricité est supportable. 
Pour ce cas nous faisons trois applications par semaine, dont la durée augmente peu à 
peu jusqu’à son maximum qui est de 10 minutes. 

L'emphysème s'améliore suffisamment par l’autoconduction ou par le lit conden- 
sateur, selon les assurances de plusieurs auteurs. 

L'asthme que plusieurs auteurs ont classé parmi les manifestations arthritiques, se 
guérit ou s'améliore beaucoup par la haute fréquence. 


VASSILIDÈS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 761 


de haute fréquence; comme également nous avouons que, souvent, 
nous sommes obligés d’avoir recours, en même temps qu'à ces 
courants, à d’autres procédés physio-thérapeutiques, quand il s’agit de 
manifestations locales. 

Nous ferons, ici particulièrement, l'éloge des applications générales 
des courants de haute tension condensée ; aucun autre traitement 
n’augmente autant les combustions. 

Nous devons cependant répéter que le traitement de l’arthritisme est 
si long que nous souhaitons souvent, pour ceux qui en souffrent, que 
le traitement électrothérapique devienne accessible à tous comme le 
traitement hydrothérapique ; alors, seulement, on en comprendra 
l'action bienfaisante. 


Note. — L'herpétisme de Lancereau, l’ « arthritisme » de Bouchard, 
connus aujourd'hui sous le nom de « maladie par ralentissement de la 
nutrition », nous paraissent provenir d'une atonie générale ou d'un 
fonctionnement défectueux du sympathique. 

Notre opinion s'est formée après avoir pris en considération les 
divers symptômes de ces maladies, qu'on ne peut attribuer qu’au 
sympathique. Par exemple : l’atonie du muscle intestinal, les troubles 
fréquents des sécrétions des glandes, l'hypertension artérielle, les 
athérômes fréquents, les palpitations ou l'arythmie cardiaque, les phlé- 
bites chroniques, les névralgies, la migraine. 

Comme justification de notre opinion, citons aussi les résultats 
démontrés par Jaboulay, qui, par « la chirurgie du sympathique abdo- 
minal et sacré », a obtenu la guérison de plusieurs arthrites incurables, 
de sciatiques, etc. | 

Nous avons même conclu que la diminution de l’alcalinité du sang de 
l'arthritique dépend directement du mauvais fonctionnement des glandes 
destinées à la nutrition, conséquence de l’asthénie du sympathique. 


MANIFESTATIONS DU SYSTÈME NERVEUX. — Le titre de ce chapitre est 
vraiment peu approprié à la théorie précédente et aux maladies dont nous 


Le diabète : Les 3/4 des cas, indépendamment de l'existence d’oxone ou d'acide 
acétylacétique bénéficient ou guérissent par l’autoconduction ou par la méthode décrite 
autrefois par d’Arsonval, ou, ce qui est préférable, par les courants de haute tension, 
condensés, Il y a cependant des cas où le traitement électrique est impuissant à amener 
une amélioration. Souvent nous employons une combinaison de bain statique avec 
l’autoconduction ou les courants de haute tension, condensés, à séances courtes parce 
que l'expérience nous a démontré que ces méthodes sont les plus efficaces. Quand 
l'hypertension artérielle existe, nous commençons par 10 à 15 séances d’autoconduction 
ou des courants de haute tension, cundensés, 


762 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


allons parler ; mais nous aussi nous avons suivi la classification adoptée 
par les divers auteurs, à cause des symptômes prédominants de ces 
maladies, 

C'est un des plus importants chapitres de l'électrothérapie, soit à 
cause des discussions soulevées au sujet des dites maladies, soit pour les 
heureux résultats dus aux courants de haute fréquence dans le traite- 
ment de maladies que la plupart de nos confrères considèrent aujourd'hui 
encore comme incurables. 

Il est à regretter qu'on puisse lire encore dans des « traités sur les 
maladies nerveuses » l'opinion de Brissaud : que l'électricité est moins 
sûre, moins constante que l’hydrothérapie, tandis qu'aujourd'hui c’est 
un fait constaté que l'électricité est incomparablement plus efficace que 
l’hydrothérapie, et surtout que c’est le traitement le plus súr contre la 
neurasthénie,. 

Mais entendons-nous. Nous ne parlons pas de l’électrothérapie 
employée pour la suggestion des patients : nous parlons de celle qui 
peut améliorer la nutrition interstitielle de l'organisme, c’est-à-dire des 
courants de haute fréquence et surtout de l’autoconduction complété, 
par le bain statique, pris alternativement trois fois par semaine chacun. 

Il suffit seulement de commencer avec prudence et de faire un trai- 
tement suivi (sauf le temps des règles}, et on parviendra toujours à un 
résultat satisfaisant S'il y a hypertension artérielle, nous commençons 
le traitement par l’autoconduction jusqu’à ce qu'elle s'abaisse, Contre les 
troubles intestinaux (qui existent presque toujours), les courants de 
haute fréquence du petit sélénoide et appliqués au moyen de larges 
plaques, l’un des pôles sur le ventre, l’autre dans le dos, produisent des 
résultats excellents, 


MIGRAINES. — Nous osons également assurer, aussi, qu'aucun 
traitement, à part l'électrothérapie, ne peuvent guérir radicalement les 
migraines simples et ophtalmiques, une vraie plaie pour tous ceux 
qu’elles atteignent (1). Nous pouvons même espérer un résultat semblable 
pour les migraines ophtalmoplégiques, si nous jugeons par le résultat 
obtenu dans un cas pareil (2). 


(1) Le traitement des migraiues est pareil à celui de la neurasthénie, avec la diffé- 
rence que nous faisons suivre les bains statiques d'applications des courants du 
petit solénoïde sur le front, ainsi que le traitement par l'électrode Oudin, selon la 
méthode décrite par nous à propos de la pelade et de la séborrée, 

(2} M. L..., âgé de 32 ans. Secrétaire dans une maison de commerce. Le premier 
accès dura en tout 32 jours; le second accès, survenu un an après, dura 45 jours. 
Pendant ces deux accès, il suiv.t le trait:ment polybromuré de Charcot. Le troisième 
accès, survenu après huit mois, fut guéri (en trois jours au point de vue de la douleur, 


VASSILIDÈS. — COURANIS DE HAUTE FRÉQUENCE 763 


Gorrre. — Nous sommes convaincus qu'on ne peut obtenir une 
guérison rapide et complète sans l’aide de l’autoconduction. | 

Sur trois cas que nous avons traités, nous avons ajouté l’auto- 
conduction au traitement par les courants continus. La réussite, qui a été 
parfaite, a été attribuée plutôt au traitement général qu'au traitement 
local. 


MYXŒDĖME. — Le traitement du myxædème est d’une importance 
beaucoup plus grande. Il parait être aussi guérissable par l'auto- 
conduction répétée trois fois par semaine et par le bain statique suivi 
d'effluve de haute fréquence et de haute tension sur le cou et autour de 
la glande thyroïde, appliqués trois fois par semaine alternativement (1). 


NÉVRALGIES. — Le traitement de névralgies par les applications 
directes de courants de haute fréquence est déjà reconnu et adopté. 
Pourtant, nous devons ajouter qu'il n'est pas toujours sûr et ne parait 
pas supérieur à la galvanisation locale suivie de l’autoconduction. 


Nore. — Nous n'aurons pas besoin d'insister beaucoup pour 
prouver que les maladies mentionnées dans ce chapitre, proviennent du 
grand sympathique. 

Plusieurs déjà ont attribué audit système et spécialement au plexus 
solaire, la neurasthénie. Ils ont même basé sur cette opinion un 
traitement assez réussi. 

Le goitre, il y a déjà longtemps, a été attribué par Abadie au 
système du sympathique et c’est sur son opinion que fut basée la 
sympathicectomie. Il est vrai que l'opération n’a pas toujours donné des 
résultats excellents, mais cela ne prouve pas que la théorie est 
erronée; car on ne peut croire que la suppression d'une partie du 
sympathique doit toujours calmer la surexcitation de ce nerf ; comme 
on ne s’imaginera pas que l’amputation d'un organe, très utile 


en dix-huit jours seulement pour la paralysie) par des applications journalières 
d’autoconduction. 

Après la disparition de la migraine, ce traitement fut repris pendant trois semestres, 
quarante séances chaque semestre. Depuis, deux années se sont écoulées sans que 
l’accès se reproduise, 

(1) Dans un cas de myxœdème spontané, traité par nous chez une personne de 
35 ans, nous avons obtenu la guérison en neuf mois. La maladie datait de cinq ans. 
Dès le second mois du traitement, le malade sentit son corps se réchauffer et peu à peu 
les secrétions des diverses glandes réapparurent régulières, les sueurs froides et l’infil- 
tration de la peau disparurent, la température du corps redevint normale, les ulcé- 
rations de la bouche et les troubles intestinaux disparurent également, et le malade 
retrouva la santé et l'intelligence perdues. 


mm e e En 


764 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


même à notre vie, aura pour conséquence la guérison d'une maladie 
de cet organe. 

Les symptômes du myxœdème proviennent presque tous de troubles 
des nerfs vasomoteurs, des glandes, de l'intestin, à savoir de troubles 
des organes innervés par le sympathique. 

On doit aussi prendre en considération que quand nous avons 
entrepris le traitement du malade cité plus haut, nous étions sûrs que 
cette maladie dépendait du sympathique, et que par conséquent il serait 
possible de l'améliorer par des applications des courants de haute 
fréquence sur ce nerf. 

La guérison de notre malade a été comme une grande confirmation 
de notre théorie. | 

Pour mieux prouver enfin que les migraines dépendent d'une 
surexcitation du sympathique, nous signalons l'hypersecrétion des 
glandes, les troubles gastriques, la dilatation de la pupille et le strabisme 
externe de la forme ophtalmoplégique. 


MANIFESTATIONS DYSTROPHIQUES DE LA PEAU. — Les excellents 
résultats des courants de haute fréquence dans plusieurs maladies de la 
peau ont beaucoup contribué à la propagation rapide de ce procédé. 
C’est justement le seul chapitre de l'électrothérapie qui a soulevé le 
moins de doutes et d'objections Tout au contraire, de nouvelles 
observations publiées journellement confirment les plus anciennes ou 
bien ouvrent de nouvelles voies thérapeutiques. 

L'action bienfaisante des courants de haute fréquence est aujourd’hui 
reconnue pour : les eczémas chroniques, la psoriasis à son début, les 
prurits, l'acné rosée, la pelade, la sycosis, les engelures, les ulcères 
variqueux, etc. (1). Après quelque temps le traitement sera adopté pour 


(1) Les eczémas chroniques se guérissent rapidement et radicalement par l’effluve 
des courants de haute fréquence appliquée trois fois par semuine. Très rarement nous 
avons besoin d'ajouter à ce traitement, les jours d'intervalle, des applications des 
rayons X à petites doses. 

Prurits. — Le traitement le plus sûr est l'électricité ainsi appliquée : un jour. la 
cage, l’autre jour le bain statique suivi d’effluves des courants de haute fréquence. 

Acné rosée. — Quelques-uns (Bordier Strebel) emploient une sorte de cautérisavion, 
on peut dire, faite par de petites étincelles, uu moyen d'une électrode spécialement 
fabriquée ou d’un simple fil fin, liés au solénoide des courants de haute fréquence et 
de haute tension, Nous conseillons et nous cmployons avec excellent résultat les 
rayons X, suivis d'autoconduction, et l’eflluve de haute fréquence, employés alterna- 
tivement à des séances quotidiennes. 

Lupus érythémateux — Plusieurs appliquent avec succès les étincelles de: 
courants de haute fréquence selon la méthode décrite un peu plus haut ; de la mème 
manière plusieurs ont guéri les petits épithéliômes. 


VASSILIDÈS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 765 


+ 


la sclérodermie, les éphélides, les chéloïdes et nous arriverons au 
temps où les applications des courants de haute fréquence seront adoptés 
dans toutes les maladies trophiques de la peau. 

Nous nous étendrons un peu plus en détails seulement sur le sujet 
de la Sclérodermie — que Balthazar classe à côté du myxœdème et du 
goitre — à cause du vif intérêt qu'elle présente. 


SCLÉRODERMIE,. — Le temps manquant, nous nous bornerons à 
décrire l’un des trois cas que nous avons traités pour montrer que cette 
maladie peut être guérissable par les courants de haute fréquence : 


M. R..., âgé de 50 ans. Un an avant de recourir à nous, des plaques scléro- 
dermiques symétriques parurent sur la nuque, se multipliant sans cesse. Il suivit 
sans succès les divers traitements de trois confrères spécialistes pour les 
maladies cutanées. Il est de notoriété publique que, pour les formes qui se 
propagent rapidement et les lésions étendues, tout traitement est impuissant. 
Quand M. R... vint à nous, toute sa nuque, une grande partie des joues et du 
cuir chevelu, ainsi que le nez, étaient envahis par la sclérodermie. Autour des 
plaques sclérodermiques, dures, blanches et dénuées de cheveux, la peau était 
foncément pigmentée ; la maladie commençait à s'étendre sur les jambes et sur 
le dos de la main. Nous avons appliqué les courants de haute fréquence par 
l'électrode condensatrice à des séances quotidiennes autant que possible. Comme 
premier succès, la tension artérielle s'abaissa de 26 à 16 centimètres; un mois 
aprés, la peau foncément pigmentée devenait normale. Dès lors, les plaques 
sclérodermiques commencèrent à s'amollir, les cheveux poussèrent, des vaisseaux 


La Psoriasis se guérit par les effluves des courants de haute fréquence, si on la. 


traite dès son début. 

Pelade. — Une longue expérience nous a prouvé qu'elle se guérit très vite quand 
elle est locale. Mais ce qui vaut la peine d’être noté c’est que la pelade générale qu'on 
croyait incurable, peut étre guérie, si on a la patience de continuer le traitement 
pendant une année cu deux. 

Dans notre article publié dans les + Archives d'électricité médicales de 1906 », 
nous mentionnons deux cas, entre 14, de pelade générale. Deux autres cas peuvent 
ètre ajoutés aux précédents. La méthode susdite pratiquée toujours par nous, consiste 
dans l'application des courants de haute fréquence et de haute tension par l'électrode 
Oudin, avec une intensité aussi grande que possible et des séances presque quotidiennes. 

Sycosis. — Se guérit par l’effluve des courants de haute fréquence combinés ou 
non avec les rayons X. 

Ephélides. — Nous sommes parvenus à guérir dans 2-3 mois quelques cas, au 
moyen de l'électrode condensatrice liée au solénoide Oudin en faisant des séances 
quotidiennes. 

Engelures. — Le traitement le plus efficace parait être l’cfluve des courants de 
haute fréquence et de haute tension. 

Ulcères variqueux. — L’heureux résultat de l'influence de l'effluve des courants 
de haute fréquence sur cette maladie est déjà connu et le traitement est adopté. 


766 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


se formèrent et, enfin, la peau revenait à l'état normal. Apres cinq mois d'un 
traitement suivi, le malade était complétement guéri de sa maladie de peau et 
le corps aussi était tonifié comme il ne l'avait jamais été. 


NoTE. — Au sujet des maladies traitées dans ce chapitre, tous 
nos confrères s'accordent à dire qu'elles dépendent, soit des troubles 
des nerfs vasomoteurs, soit de la paralysie des vaisseaux capillaires. 
Nous pouvons donc conclure que le sympathique étant le seul régu- 
lateur, elles doivent être classées parmi les « Maladies du sympathique». 


NoTRE DisPosiTir. — Dans notre Institut, deux appareils des 
courants de haute fréquence ont fonctionné : l’un à une bobine de 
75 centimètres d'étincelles, l’autre à une bobine de 40 centimètres. 
Tous deux étaient alimentés par un courant continu de 6 à 9 ampères 
de 220 volts, qui passait par un interrupteur Wenhelt. Le courant de 
la première bobine excitait un condensateur à pétrole, celui de la 
seconde bobine excitait un condensateur placé dans l'air. Le courant du 
condensateur alimentait deux grands solénoïdes d'Arsonval unis en série, 
ou le solénoide de haute tension. 

Le petit appareil qui produit les courants de haute tension condensés 
se compose d'un tube de verre de 25 centimètres de longueur et de 
6 centimètres de diamètre. Dans ce tube, on a placé un cylindre métal- 
lique dont la surface est distante de 2 millimètres de la surface du tube 
de verre; ce cylindre est lié au résonateur. Sur la surface externe du 
tube de verre. une feuille d’étain est collée, au moyen de laquelle on 
prend les courants mentionnés. l 

Les courants de haute tension condensés donnent des résultats 
thérapeutiques excellents, quand ils sont appliqués comme traitement 
général tonifiant et antiarthritique. Dans ce cas, les patients sont placés 
sur un tabouret isolant ou en communication avec la terre, tenant dans 
les mains l'électrode qui apporte le courant. 

L'effluvation de ces courants est extrêmement régulière. 


ConcLusions. — En faisant une revue générale de tout ce que nous 
avons décrit plus haut, nous arrivons à la conclusion que, par les 
courants de haute fréquence, nous avons acquis un agent très puissant 
pour la guérison de plusieurs maladies contre lesquelles la thérapeu- 
tique était impuissante. Ces maladies sont ces états morbides généraux 
ou locaux, attribués à des troubles trophiques et que, selon notre 
opinion, nous devrions nommer plutôt : « Maladies ou troubles du 
Grand Sympathique ». | 


t 


VASSILIDÈĖS. — COURANTS DE HAUTE FRÉQUENCE 767 


Le susdit procédé électrothérapeutique agit sur les maladies "de ce 
genre en influençant directement le sympathique. 

Toutes les expériences faites sur l'état normal et sur les états 
morbides contribuent à démontrer la justesse de cette opinion. 

En terminant notre rapport, nous ferons remarquer que, si quelques- 
uns de nos confrères n'ont pas réussi dans leurs traitements, cela peut 
être attribué, tantôt à diverses mauvaises conditions dans lesquelles 
opéraient les expérimentateurs, tantôt à leur impatience d'obtenir la 
guérison dans 1 à 5 séances pour des maladies auxquelles suffirait 
à peine une série de 40 à 70 séances. 


Prurit anal guéri par la Haute fréquence. 


Par MM. E. DOUMER et THIBAUT. 


C. Albert était atteint depuis près d'une année d’un prurit anal parti- 
culièrement rebelle, lorsqu'il vint, sur le conseil de l’un de nous, à la 
clinique d'électrothérapie. | 

C'est un homme d'environ trente ans, de complexion assez robuste, 
à tempérament arthritique nerveux. Aucune lésion apparente sur le 
tégument; au vertex, un certain degré de dépilation précoce, dû à un 
pityriasis sec, très tenace. Une blennorrhagie, qui se compliqua de goutte 
militaire, dont il est d’ailleurs guéri depuis longtemps, est la seule 
maladie à relever dans ses antécédents. 

Vers la fin de 1906, sans qu'il put en déterminer la cause, il s'aperçut 
qu'il éprouvait après chaque défécation, des démangeaisons violentes à 
l'anus. Malgré les soins de toilette les plus attentifs et l'absence de toute 
constipation, le prurit augmenta bientôt de fréquence, présentant des 
paroxysmes la nuit, forçant le malade à se gratter avec fureur et à se 
lotionner abondamment plusieurs fois dans la journée. 

L'examen local, pratiqué à différentes reprises, ne décelait aucune 
cause déterminante : pas d’hémorrhoïdes, pas de fissures ni de raghades, 
pas de parasites intestinaux. Le régime suivi, sans être sévère (la pro- 
fession l’interdisant), n’était nullement excitant, aucun abus d'alcool, de 
café ou de tabac. 

Malgré les divers traitements employés pour combattre ce prurit, 
valériane, guaco, asa fœtida, bromures à l'intérieur, topiques divers à 
l'extérieur, lotions chaudes, lotions astringentes, lotions anesthésiques, 
pâtes molles, badigeonnages au nitrate d'argent, aucun résultat durable 
n'était obtenu. 

Les journées, grâce à ces soins, se passaient relativement supporta- 
bles, mais ces derniers mois, chaque nuit, les sensations de picotement 
de brülures exaspéraient le malade qui perdait tout repos. 

L'anus, cependant, s'était peu modifié, aucune éruption d'eczématisa- 
tion n’était survenue, les plis radiés étaient à peine épaissis et un peu 
plus colorés Des préparations cadiques et an goudron de pin maritime 


DOUMER & THIBAUT. — PRURIT ANAL 709 


avaient amené quelque sédation, mais en raison de la douleur qu’elles 
provoquaient au moment de l'application, elles furent peut-être trop tôt 
abandonnées. 

C'est à ce moment que l’on commença le traitement électrique. 

Pendant quelques jours, des effuvations de Haute fréquence furent 
dirigées au pourtour de l'anus, puis on employa la radiothérapie. 

Sous l'influence des rayons X, une certaine régression des phéno- 
mènes prurigineux se produisit, mais si les séances étaient espacées, les 
démangeaisons reparaissaient très vives les jours intercalaires. 

_ Le résultat, au contraire, fut immédiat, lorsque reprenant l'emploi 
de la Haute fréquence, l’excitateur fut introduit dans l’anus même. 

La nuit qui suivit la première séance fut à peine troublée par le prurit, 
une seconde et une troisième application faites les jours suivants, l'ont 
fait disparaître complètement ; voici près d’un mois que sans autre trai- 
tement la guérison s’est maintenue absolue. 

La rapidité d'action de cette méthode est tout à fait remarquable dans 
les prurits localisés, aussi y a-t-il lieu de s’adresser directement à elle, 
là où l’on prévoit que les agents chimiques échoueront. C'est sagesse, en 
tout cas, et de l'intérêt du malade de combiner ces deux moyens 
thérapeutiques. 


Influence des Rayons Rœntgen sur les tumeurs 


malignes. 


Par M. Gabriel MAUNOURY, 


Chirurgien de l'Hôtel-Dieu, à Chartres. 


Lorsqu'on se mit à diriger des 1ayons X sur les néoplasmes, et que, 
sous leur influence, on eut la surprise de voir diminuer graduellement, 
puis disparaitre, parfois après une seule application de quelques minutes, 
des épithéliomas superficiels, on conçut d immenses espérances et l'on 
put croire un instant qu'on possédait un moyen de guérir le cancer. Les 
radiations nouvelles qui avaient déjà ouvert au diagnostic des horizons 
si imprévus allaient-elles permettre de réaliser ce rêve qui, jusque-là, 
déjouait tous les efforts des chercheurs? C'était là une question qui était 
bien de nature à passionner le monde médical. 

Les premiers résultats qui furent publiés semblèrent d'abord légi- 
timer cette confiance. Non seulement la guérison de l'épithélioma cutané 
était démontrée d'une manière définitive, mais on constatait la mèmo 
influence favorable sur des néoplasmes plus profondément situés. Des 
cancers du sein, récidivés après ablation au bistouri, étaient soumis aux 
rayons X et l’on voyait les douleurs disparaitre, les ulcérations se 
cicatriser, les nodules cutanés s’effacer; on put méme constater une 
diminution sensible des ganglions et des indurations profondes que l'on 
s'attendait bien à voir disparaitre tout à fait. Les cancers viscéraux 
eux-mêmes semblaient susceptibles d'être traités avec avantage, et 
MM. Doumer et Lemoine virent des tumeurs de l'estomac tellement 
améliorées par la nouvelle méthode qu'ils crurent avoir le droit de 
prononcer le mot de guérison. 

Il est facile de comprendre quelles séduisantes illusions ces premiers 
résultats firent naître; on crut à une panacée, et l'on dirigea sur 
les laboratoires de radiologie tous les cancéreux désespérés. On paru! 
étonné de voir qu'ils n’en sortaient pas guéris, et que, chez plusieurs, 
l'état s'aggravait rapidement. Ce fut le premier pas dans la voie des 
déceptions; il y en eut bien d’autres.. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 771 


Les brillantes observations que l’on s'était trop hâté de publier 
dans les journaux et dans les Congrès étaient complétées et l'on était 
obligé de reconnaitre que, le plus souvent, ce que l’on avait cru être 
une guérison n’était qu’une amélioration passagère, ayant pu procurer 
une satisfaction morale au malade et une illusion au médecin, mais 
n'ayant pas retardé sensiblement l'issue fatale. 

Parfois le traitement était soupçonné d'avoir rendu la récidive plus 
grave et la mort plus rapide. 

L'histologie paraissait confirmer ces craintes. M. Cornil annonçait 
que, sur les coupes, le tissu cancéreux traité était comparable à celui qui 
ne l’avait pas été. Tuffier et Borel montraient que, sous les nodules 
cutanés disparus, on retrouvait dans la profondeur du derme les cellules 
cancéreuses intactes Certaines observations semblaient même faire 
croire que la radiothérapie était susceptible de disséminer les cellules 
cancéreuses et de hâter la généralisation. 

On se mit alors à reprocher à la radiothérapie les espérances qu’elle 
avait fait naître, et grâce auxquelles des malades, qui auraient pu être 
guéris par le bistouri, avaient perdu un temps précieux à se faire 
soigner par les rayons X au lieu d’aller trouver de suite un chirurgien. 
La méthode était donc considérée comme doublement funeste, en 
aggravant le mal et en retardant le seul traitement efficace. 

Comme si le revirement n'était pas assez complet, la radiothérapie 
était accusée de donner lieu à des dangers immédiats fort graves. 

Sans parler de la radiodermite banale, connue depuis la première 
heure, et qui n’est, en somme, qu’un accident d'importance secondaire, 
qui peut et doit être le plus souvent évité, on constatait des accidents 
généraux qui étaient attribués à la résorption des produits de désagré- 
gation des cellules çancéreuses frappées de mort par les rayons X. 

Enfin, une complication étrange était signalée de divers côtés : 
Non seulement les rayons X ne guérissaient pas le cancer, mais ils 
étaient capables de le donner. Des sujets, traités pour des affections 
diverses, voyaient se développer des épithéliomas au point d'application 
de ces rayons. | 

Que conclure de ce rapide exposé des questions soulevées par la 
radiothérapie dans ces six ou sept dernières années ? Faut-il la rejeter 
du traitement du cancer à cause de ses insuccès et de ses prétendus 
dangers ? Evidemment non. La radiothérapie est une méthode qui doit 
être employée avec discernement ; elle a ses indications et ses contre- 
indications. Nous possédons en elle une arme précieuse qu'il faut se 
garder de repousser, mais qu’il faut apprendre à manier. Après plusieurs 
années d'expérience, notre technique n’est pas encore suflisamment 


T12 ANNALES D ÉLECTROBIOLOGIE 


précise, ce qui tient à la lenteur extrême qui caractérise l'action de l'agent 
thérapeutique et l'évolution de l'affection traitée. 1l faut une observation 
de très longue durée pour juger de la valeur définitive de la méthode. 
Des statistiques, vraies aujourd’hui, peuvent être fausses demain. Malgré 
ces difficultés d'appréciation, les résultats acquis sont déjà considérables, 
et nous devons maintenant les exposer, 


ROLE DE LA RADIOTHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DU CANCER 


Un premier point semble admis par tout le monde, c'est que, sauf 
pour certains épithéliomas cutanés superficiels à marche lente, la radio- 
thérapie ne constitue pas un mode de traitement exclusif du cancer. 

Il ne peut y avoir aucune opposition entre le traitement chirurgical 
et la radiothérapie ; les deux méthodes doivent se combiner et nullement 
se remplacer. L'ablation par le bistouri reste le grand moyen; les 
rayons X ne sont qu’un adjuvant. 

A ce sujet une question s'est posée. En présence d'un cancer opé- 
rable, faut-il faire d'abord une ou plusieurs séances de radiographie et 
opérer ensuite, ou doit-on commencer par enlever la tumeur et réserver 
les rayons X pour consolider la guérison et traiter les noyaux de récidive 
se produisant dans la cicatrice ou autour d'elle ? 

Tous les radiothérapeutes se rangent maintenant à cette seconde 
manière de voir, et l'on peut poser ce principe qui ne comporte que de 
très rares exceptions : toutes les fois qu’une tumeur maligne est suscep- 
tible d'être enlevée par le bistouri, et qu'il n’existe aucune autre 
contre-indication opératoire, il faut, sans tarder, en pratiquer l'ablation, 
aussi large et aussi complète que possible, en extirpant tous les ganglions 
que l'on peut atteindre. 

On ne pourra plus ainsi accuser la radiothérapie d’avoir fait perdre 
au malade un temps précieux et d'avoir laissé la tumeur s'aggraver. 

S'il existe une contre-indication à l'opération (diabète, affection 
cardiaque grave, etc.) ou si le malade, soit par pusillanimité, soit pour 
un autre motif, rejette absolument l'intervention chirurgicale, il sera 
tout indiqué d'employer la radiothérapie, qui pourra diminuer notable- 
ment la tumeur. Mais ces cas exceptionnels ne peuvent entrer en ligne 
de compte dans les indications générales de la méthode. 

C’est quand la tumeur vient d’être enlevée, que les rayons Rontgen 
doivent intervenir pour compléter l’œuvre du chirurgien, soit à titre 
préventif pour détruire dans la plaie ou dans son voisinage des éléments 
qu'il n'a pu apercevoir, soit, plus tard, pour faire disparaitre des noyaux 
de récidive, contre lesquels la chirurgie est impuissante. Non seulement 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 773 


la radiothépapie ne doit ni limiter, ni retarder l’action du chirurgien, 
mais elle l'étend dans une certaine mesure, en lui permettant d'inter- 
venir, dans des cancers qui eussent été regardés jadis comme inopéra- 
bles, en raison de leur adhérence intime à des organes voisins qui ne 
peuvent être enlevés. Il est bien certain que, dans ces cas, l’ablation est 
partielle et qu’il reste au fond de la plaie des éléments cancéreux; la 
récidive serait immédiate si la radiothérapie ne venait s'ajouter à l’action 
du bistouri. | 

Dans les cancers absolument inopérables, les rayons de Rontgen 
peuvent encore être utiles en calmant les douleurs, en cicatrisant les 
ulcérations, en tarissant l'écoulement sanieux et fétide, sans parler du 
relèvement moral du mala:le qui, en constatant l'amélioration apparente, 
peut se faire illusion sur la marche de son affection. 


ACTION DES RAYONS X SUR LE CANCER 


Les rayons Rontgen n’agissent pas seulement sur les néoplasmes ; ils 
peuvent exercer leur influence sur toutes les parties du corps, mais à 
des degrés très différents. Comme généralement les tumeurs sont situées 
au milieu de tissus qui ne sont pas ou qui sont peu influencés par les 
rayons X on peut dire que l’action de ces derniers est véritablement 
élective pour les cellules cancéreuses. 

Cette action présente une extrême variabilité ainsi que le démontrent 
les résultats si différents que l’on obtient, tantôt merveilleux, tantôt 
nuls. Nous connaissons imparfaitement les causes de ces variations ; 
elles sont manifestement sous la dépendance de plusieurs facteurs. L'un 
consiste dans les rayons X eux-mêmes qui, suivant leur nature, leur 
degré de pénétrabilité, leur quantité, la manière dont ils sont adminis- 
trés, sont efficaces ou non Des malades soignés pendant des semaines, 
et même des mois, sans aucun effet utile, ont été guéris en une séance, 
en faisant simplement varier la quantité ou le degré de pénétrabilité des 
rayons. Il y a là une question de dosage, de première importance, sur 
laquelle nous reviendrons tout à l'heure. 

La nature de la tumeur joue également un rôle capital. D'une 
manière générale, on peut dire que, dans les tumeurs à développement 
lent, le traitement est beaucoup plus efficace que pour celles dont 
l’évolution est rapide. La constitution histologique de la tumeur 
possède aussi une influence, et nous verrons, à propos de l’épithélioma 
cutané, que l’on est arrivé sur cc point à des conclusions intéressantes. 
Toutefois aucune règle absolue ne peut être posée, car très fréquemment 
des tumeurs présentant la méme structure et se trouvant dans des 
conditions identiques réagissent d’une façon différente, les unes parais- 


ANNALES L’ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — NOVEMBRE 1907. 54 


774 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sant influencées de suite, les autres ne se modifiant qu’au bout d'un 
certain temps ou même jamais. 

C'est pour expliquer ces différences que l’on a cru pouvoir faire 
intervenir un troisième facteur : le sujet, et qu’on a prononcé à propos 
des rayons X le mot peu satisfaisant d’idiosynerasie. 

Cette idiosyncrasie est sujette à des variations difficiles à com- 
prendre et que nous ne pouvons guère expliquer jusqu’à présent. Des 
malades qui pendant longtemps ont supporté impunément un traitement 
radiothérapique intensif peuvent devenir tout d'un coup, sans aucun 
changement apparent dans leur état général ni dans leur lésion locale, 
tellement sensibles aux rayons X qu'on est obligé d’en suspendre 
complètement l'emploi. Mondain (du Havre) en a présenté un exemple 
concluant. Cela tient probablement à des modifications histologiques,. 
peut-être des oblitérations vasculaires, causées par l’action prolongée 
des rayons. 

Quoi qu'il en soit des variations nombreuses et le plus souvent 
imprévues que subit l’action des rayons X, elle présente certains 
caractères propres qui sont constants ct sur lesquels nous devons 
insister pour nous rendre compte de ce qu ‘on peut obtenir dans le 
traitement du cancer. 

En premier lieu cette action est essentiellement lente. Il s’agit là 
d'une modification spéciale dans la nutrition des cellules, soit primitive, 
soit consécutive à une altération des vaisseaux. Les rayons X 
n'apportent pas dans l'état de la cellule des changements immédiats, 
leur influence ne se fait sentir que peu à peu, elle continue à s'exercer 
pendant les périodes de latence, et il est bien difficile de savoir quand 
elle est terminée. 

Nous avons une preuve de cette lenteur d'action dans le traitement 
d'une petite infirmité au sujet de laquelle nous demandons la permission 
d'ouvrir une courte parenthèse. Nous voulons parler des cors. Les 
rayons X les guérissent parfaitement. Guillemonat et Chuiton en ont 
apporté plusieurs exemples au Congrès de Lyon (1906). Les rayons X 
font disparaitre la douleur de suite, mais pendant plusieurs semaines 
le cor ne change pas d'aspect; peu à peu l’épaississement épidermique 
devient plus mince et plus friable, puis il se détache par écailles ou 
disparait comme s'il usait à la surface sans se reproduire profondément. 
Il faut au moins 5 ou six mois pour savoir si la lésion est guérie ou si 
une couche nouvelle d'épiderme ne va pas se réformer et nécessiter une 
autre application de rayons. 

Ce que nous avons sous les yeux dans le traitement du cor se passe 
évidemment dans la profondeur des tissus sur lesquels agissent les 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 775 


rayons X. Mais dans quelle mesure les cellules touchées seront-elles 
modifiées, combien de temps mettront-elles à disparaître tout à fait, à 
quel moment faudra-t-il de nouveau faire intervenir l'agent actif pour 
continuer l'œuvre commencée ? Ce sont là autant de questions auxquelles 
il nous est impossible de répondre d'une façon précise ; nous sommes 
obligés de nous contenter d’une technique incertaine qui doit expliquer 
bien des échecs. 

Aussi, tout en reconnaissant la gravité des faits signalés par Tuffer, 
il est difficile d'en savoir la signification exacte et il est permis de se 
demander si la présence des cellules néoplasiques indique une récidive 
ou une destruction insuffisante. Les observations ont prouvé qu'il ne 
fallait pas croire trop vite à une guérison définitive, mais elles nous 
apprennent aussi que sous l'influence des rayons X les cellules cancé- 
reuses ne sont pas frappées d’une mort immédiate, et que les modifica- 
tions qui s’y produisent peuvent n'aboutir à une disparition complète 
qu’au bout de plusieurs mois. | 

Un second caractère non moins important de l’action des rayons 
Röntgen sur les néoplasmes, c’est d’être purement locale. Non seulement 
ils n'agissent que sur les points où ils sont appliqués, mais, sauf pour 
certains sarcomes, leur influence ne s’exerce que sur la surface touchée. 
On peut, dans une certaine mesure, augmenter leur pouvoir de péné- 
tration, mais cette pénétrabilité reste toujours fort restreinte ; les rayons 
les plus puissants ne peuvent guère avoir d'action utile au delà d’une 
couche fort mince. 

De là cette conclusion, que la radiothérapie ne peut guérir que 
les cancers superficiels. Elle est d'autant moins efficace que ceux-ci 
siègent plus profondément. Si le tissu néoplasique présente une 
certaine épaisseur, la surface sera seule modifiée. Les rayons X sont 
arrêtés par les tissus intermédiaires, et, parmi eux, la peau jouit d'une 
propriété spéciale; c'est le grand écueil de la radiothérapie. Elle se laisse 
très peu traverser et absorbe la plupart des rayons. Il en découle deux 
conséquences fàcheuses : les parties sous-jacentes sont insuffisamment 
touchées et il peut survenir une radiodermite. 

Si les rayons X ne peuvent atteindre les parties profondes d’une 
tumeur épaisse, à plus forte raison ils seront impuissants à modifier les 
lymphatiques sous-jacents et les ganglions correspondants. Pour agir sur 
eux, il faudrait les rendre superficiels, nous verrons tout à l'heure com- 
ment. Puisque les rayons Röntgen ne peuvent empêcher l'infection 
ganglionnaire, ils n'arrêtent donc pas la généralisation. 

En raison de leur action strictement locale, ils ne peuvent, pas plus 
que l'exérèse d’ailleurs, exercer aucune influence sur la disposition géné- 


776 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


rale d'un individu à faire du cancer. Un homme de 74 ans est atteint d'un 
gros épithéliome du pavillon de l'oreille. Le 2 juillet 1905 une séance de 
quinze minutes suffit pòur faire disparaitre complètement ce néoplasme 
dans l'espace de six semaines. Il ne présente à la suite aucune récidive 
ni aucun engorgement ganglionnaire. Nous le croyons guéri. Le 
28 avril 1907 il revient avec un épithéliome développé sur la face dor- 
sale de la main; je lui fais une séance radiothérapique. Le 20 juillet 1907 
l'épithéliome de la main est en voie de disparition. L’oreille est toujours 
sans récidive. | 

Le faible degré de pénétrabilité des rayons X limite étroitement leur 
champ d'action, et de suite on a cherché les moyens d'augmenter leur 
puissance, c’est de ce côté que l'on a cru trouver la clé de la guérison du 
cancer. 

Il existe plusieurs moyens pour cela. Le premier qui se présente à 
l'esprit serait le perfectionnement des appareils ; nous sommes bien obli- 
gés de nous en servir tels qu'ils sont, et jusqu'à présent on n'a pas pu 
leur faire produire des rayons assez pénétrants pour étre toujours 
efficaces. ; 

On s'est alors adressé à l’autre élément du problème. Du moment où 
les rayons sont insuffisants pour détruire les cellules cancéreuses, on a 
essayé d'atteindre le même résultat en diminuant la résistance de ces 
cellules. Différents procédés ont été mis en usage pour cela : on a lié les 
artères desservant la région et en même temps le malade a pris, soit par 
la bouche, soit en injections locales, un agent chimique, tel que l’ivde ou 
l'arsenic, possédant une certaine action sur les cellulles à vitalité peu 
intense. Dans un cas de cancer inopérable de la bouche, Dean Bevan 
aurait fait presque disparaitre la tumeur en liant la carotide externe et en 
combinant la radiothérapie avec l'administration d'iodure de potassium. 
Mais les faits de ce genre sont trop peu nombreux pour être concluants. 
Dernièrement le sulfate de quinine a été employé, non plus pour diminuer 
la résistance de la cellule, mais pour créer, dans l'épaisseur mème des 
tissus, un moyen de renforcement de l’action des rayons. Les expériences 
se poursuivent sur ce point. 

On a essayé autre chose. Nous avons vu que le grand obstacle à 
l'action des rayons sur les tumeurs profondes consistait dans l'interposi- 
tion de tissus intermédiaires épais, et surtout de la peau; or, au moment 
de l'opération, cet obstacle n'existe plus. A la place du néoplasme qui 
vient d’être enlevé, existe une large plaie au fond de laquelle peuvent se 
trouver des lyÿmphatiques déjà. altérés, des cellules et des germes qui, 
soit incomplètement-enlevés, soit inoculés par le bistouri du chirurgien, 
vont être le point de départ des récidives futures. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 777 


Puisqu'il parait bien démontré que les rayons X exercent sur ces élé- 
ments une action destructive, il semble tout naturel avant de refermer 
la plaie, de faire sur toute la surface saignante une application derayons 
qui iraient atteindre ces agents d'infection cancéreuse. Nous n'avons 
guère à nous occuper des tissus sains qui peuvent être également touchés, 
car ils sont généralement peu sensibles aux rayons et nous avons d’ail- 
leurs, avec nos facilités de dosage, le moyen d'éviter tout danger de ce 
côté. 

Cette méthode, qui dès le début de la radiothérapie a été conseillée en 
Amérique, commence à être employée de divers côtés Elle n'a d'autre 
inconvénient que de prolonger de quelques minutes l'opération et d'exi- 
ger dans la salle d'opération une installation spéciale. Les résultats 
qu'elle fournit nous ont paru supérieurs à ceux que l'on obtient avec la 
radiothérapie pratiquée à travers la peau. 

11 semblerait rationnel de maintenir la plaie béante afin de pouvoir 
diriger sur elle des rayons pendant sa cicatrisation par bourgeonnement, 
C'est sans doute ce que l’on fera plus tard, mais actuellement nous ne 
sommes pas encore assez certains de pouvoir, par ce moyen, éviter la 
récidive, pour consentir à faire perdre au maladelebén:fice d’une réunion 
immédiate. Jusqu'à nouvel ordre il nous parait préférable de ne pas poser 
de règles absolues et d’agir suivant les circonstances. 

Deux cas peuvent se produire : 

1° Le chirurgien est à peu près certain d'avoir enlevé complétement 
la tumeur et de n'avoir rien laissé de suspect, et il a tout lieu de croire 
qu'il n’y aura pas de récidive. Après avoir fait une séance de radiothéra- 
pie sur la plaie opératoire, il la réunit, comme on à l'habitude de faire, 
et il peut pendant les semaines suivantes faire de nouvelles applications 
des rayons à travers la peau. 

2° Au contraire, le chirurgien a conscience de n'avoir fait qu’une 
opération palliative; tout en enlevant complètement la tumeur, il a dû 
détacher des adhérences d'avec les organes voisins, ou ruginer un os 
dont la surface était envahie, les ganglions étaient nombreux, bref il lui 
parait probable qu'une récidive ne saurait tarder ; alors il est indiqué de 
ne pas réunir la plaie, mais de la bourrer avec de lu gaze stérile et de 
faire tous les huit jours une séance de radiothérapie, soit à travers le 
pansement, soit directement sur la plaie. 

Depuis deux ans déjà que j'emploie cette méthode, mes opérés ont 
été divisés en deux catégories : | 

1° Ceux qui se présentaient dans des conditions favorables ont eu 
leur plaie réunie. à 

2° Chez ceux qui étaient menacés de récidive, la plaie a été au 


778 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


contraire pansée à plat et rédiothérapiée directement. Au bout de quel- 
que temps nous avons été fort surpris de voir que notre seconde série 
nous donnait des résultats meilleurs que la première. Nous avons même 
opéré des malades que nous aurions jadis considérés à peu près comme 
inopérables et qui jusqu'à ce jour ne présentent pas de récidive. Nous 
pouvons citer les deux cas suivants : 

10 M. G..., soixante douze ans, vient me voir en décembre 1905. Il 
porte un énorme cancer du testicule droit et du scrotum, s'étendant à la 
paroi abdominale et occupant tout le canal inguinal extrémement dilaté 
par latumeur qui adhère aux aponévroses et au pubis. Le 4 janvier 1906, 
ablation de cette tumeur ; la plaie est maintenue béante. Le 8 janvier, 
lre séance radiothérapique de quinze minutes, 25 janvier, 2° séance sem- 
blable. A la suite la plaie se cicatrise rapidement et bientôt le malade 
reprend sa vie habituelle En juillet 1907, il va très bien et n'a pas de 
récidive. 

2? M. F.. , soixante-quatre ans, entre dans mon service le 17 dé- 
cembre 1905, pour un épithélioma de la lèvre et du maxillaire inférieur 
Le 25 novembre, j'enlève au bistouri le cancer des parties molles, et à 
la gouge la moitié snpérieure de la partie moyenne du corps du maxil- 
laire. Au lieu de réunir les deux moitiés du menton, je ne suture que Île 
bord muqueux de la lèvre et j'écarte les deux bords de la plaie, en la 
bourrant de gaze, afin de pouvoir exposer directement aux rayons X la 
partie évidée de l'os. Le 28 novembre, ]'° séance de radiothérapie de 
quinze minutes. Le 4 décembre, 2° séance semblable, Le 11 décembre 
le malade quitte l'hôpital, il a toujours une ouverture du menton par la- 
quelle coule de la salive ce qui nécessite un pansement permanent. En 
mai 1906, comme il n’y a pas de récidive, j'avive et je suture les bords 
de la fistule; guérison par réunion immédiate En juillet 1907, le malade 
est toujours parfaitement guéri, sans récidive. 

Il arrive parfois que, dans les plaies opératoires ainsi traitées, un 
nodule de récidive gros comm : un pois ou comme une noisette se montre: 
une application de rayons X le fait bien vite disparaitre, démontrant 
ainsi l'utilité de la non-réunion qui permet une surveillance continuelle. 

Souvent aussi, à une certaine distance de la plaie maintenue sans 
récidive, nous voyons grossir un ganglion. ll faut l'enlever de suite, 
mème s’il est adhérent profondément, bourrer la cavité de gaze ct ia 
traiter par les rayons. Presque toujours cette plaie se cicatrise sans pré- 
senter de récidive. Plus tard, d'autres ganglions peuvent être pris, on 
les traite de même en les enlevant d’abord et en les radiothérapiant en- 
suite, les rayons doivent suivre et ne jamais précéder le bistouri. 

Pour apprécier les résultats de cette manière de faire, il serait pré- 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 779 


maturé de faire appel aux statistiques, les faits sont encore trop récents; 
ils ne sont d’ailleurs pas comparables, et doivent être envisagés isolé- 
ment. De leur ensemble il résulte que, pour les cancers traités ainsi, la 
récidive locale est rare, car si on la voit paraitre dans la plaie, elle peut 
être de suite et définitivement arrètée Ce qui peut survenir, c'est la pro- 
pagation à distance sous forme d'engorgementganglionnaire ou de tumeur 
développée en un point éloigné. Il est bien permis de penser que, dans 
ce cas, le bistouri et les rayons X ont été mis en œuvre à un moment 
où le cancer avait déjà dépassé leur champ d'action, et que, si on avait 
pu agir plus tôt, l’ablation des ganglions de la zone suspecte, suivie de 
leur radiothérapie, aurait amené une guérison définitive. 

Je voudrais à l’aide d'un cas où la radiothérapie n’a pas modifié l'is- 
sue funeste, montrer comment les rayons X peuvent agir pour empè- 
cher la récidive locale. 

Un homme de cinquante-quatre ans, Louis B..., entre dans mon ser- 
vice le 21 février 1905 pourune large plaque épithéliomateuse de la joue 
gauche, allant de la commissure buccale à la branche de la mâchoire et 
présentant du côté de la bouche une ulcération un peu plus large qu'une 
pièce de 5 francs, qui occupe toute la face muqueuse de Ja joue. Cette 
tnmeur a débuté il y a trois ou quatre ans par un bobo qui, depuis huit 
à neuf mois, s’est mis à faire des progrès rapides contre lesquels 11 in- 
jections de sérum ont été faites sans succès, de l’aveu même de celui qui 
les a faites. Le 28 février, ablation de cette tumeur, sans autoplastic et en 
laissant la plaie ouverte, ce qui prolonge la fente buccale jusqu'a la 
branche du maxillaire inférieur. 11 mars : Plusieurs bourgeons de réci- 
dive paraissent dans la plaie. Séance radiothérapique de cinq H. 18 mars : 
Les bourgeons épithéliomateux ont notablement diminué. 2° séance, 
ler avril, 6 mai, 5 août, nouvelles séances. A cetto dernière date, la ci- 
catrice opératoire ne présente plus aucun noyau de récidive. 25 septem- 
bre : Un ganglion cancéreux a paru récemment derrière l’angle gauche 
de la mâchoire; il a le volume d’une noix Je l'enlève et bourre de gaze 
la cavité de la plaie. Les 30 septembre et 14 octobre, séances de radio- 
thérapie. Le 4 novembre la plaie est complètement cicatrisée sans trace 
d'induration. — Je reste plus de 9 mois sans voir le malade. Quand il 
revient, le 19 août 1906, il n'y a aucune récidive dans les cicatrices de 
la joue et du cou, à gauche, mais du côté droit il existe un chapelet de 
ganglions carotidiens adhérents et complètement inopérables, Il succombe 
en novembre. 

Si les gang'ions se développent en un point où ils sont inaccessibles, 
ou s'ils contractent des adhérences avec des organes essentiels, on ne 
peut plus faire appel à la chirurgie ni à la radiothérapie curative. Il faut 


780 ` ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


désormais renoncer à guérir le malade, on ne peut songer qu'à le sou- 
lager : là commence le rôle de la radiothérapie palliative. 

Cetto marche graduelle du cancer, depuis la tumeur primitive 
jusqu'à la généralisation, démontre de Ja manière la plus nette l'action 
locale des rayons Ræœntgen. Tant qu'ils peuvent agir sur une lésion de 
faible épaisseur, située superficiellement ou rendue telle par l'opération, 
ils ont de grandes chances d'empêcher la récidive; si, au contraire, ils 
doivent atteindre le néoplasme à travers une couche plus ou moins 
épaisse de tissus, leur action devient incertaine et expose aux déceptions. 

On comprend, d’après ce rapide exposé, combien il est désirable de 
voir se réaliser l’union étroite de la chirurgie et de la radiothérapie. 
Le chirurgien doit avoir à sa disposition les rayons X au même titre qu un 
bistouri. Il les lui faut dans la salle d'opération, pour agir sur la plaie 
qu'il vient de faire, ainsi qu'à chaque pansement, car il peut avoir à faire 
disparaitre un noyau de récidive Le tissus néoplasique, au moment de 
son apparition, est d’une sensibilité surprenante aux rayons X; il fant 
de suite le traiter, avant que son extension dans la profondeur lui per- 
mette d'échapper à l'action limitée de l'agent thérapeutique. Pour faire 
rendre à la méthode son maximum d'effet utile, une organisation spéciale 
des services hospitaliers est nécessaire ; ce n’est pas là un problème bien 
difficile à résoudre. 

Dans les autoplasties tardives que nous pratiquons chez les malades 
ayant subi de nombreuses séances de radiothérapie, nous pouvons nous 
heurter à une difficulté imprévue. Quand les tissus ont été exposés à 
plusieurs reprises aux rayons X, il s'y produit des modifications cellu- 
laires et des lésions vasculaires graves, étudiées récenment par Linser, 
qui diminuent leur vitalité et les rendent moins aptes à se réunir aprés 
avivement. C’est ainsi que, chez un homme de soixante-trois ans, à qui 
nous avions enlevé, le 14 juin 1905, un épithéliome étendu de la joue 
et de la commissure gauche des lèvres, et chez qui nous avions dù faire 
disparaitre successivement plusieurs noyaux de récidive qui repoussaient 
dans la plaie, nous éprouvames une certaine difficulté à mener à bien 
l'autoplastie plusieurs mois après l ablation. Sous l’influence des rayons X 
la peau voisine avait perdu ses poils et était d’une blancheur et d'une 
finesse spéciales Nous pûmes y tailler des lambeaux convenables qui 
urent mis en contact sans tiraillement, mais ils semblaient n'avoir 
aucune tendance à se souder l'un à l'autre, et la réunion échoua partiel- 
lement. Une seconde intervention fut nécessaire pour obtenir une 
réparation satisfaisante. Pas de récidive (juillet 1907). 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 781 


ACCIDENTS ATTRIBUÉS AU TRAITEMENT RADIOTHÉRAPIQUE 
DES TUMEURS MALIGNES. 


Après ce que nous avons dit du rôle respectif de la chirurgie et de la 
radiothérapie dans le traitement des tumeurs malignes, nous pouvons 
laisser de côté l'accusation qui a été portée contre cette dernière, de fa- 
voriser le développément des néoplasines en retardant lintervention 
sanglante, Nous répétons que nous sommes les premiers à réclamer 
l’exécrèse la plus rapide et la plus complète possible, avant toute autre 
chose. ; 

Nous n'insisterons pas non plus sur la radiodermite, qui n'est pas 
. spéciale au traitement des tumeurs et qui peut survenir toutes les fois 
qu'on fait usage des rayons X. On a cru un moment que son apparition 
était une garantie de l'efficacité d'action des rayons. On sait aujourd'hui 
qu'iln'en est rien et que c'est là au contraire un accident qu'il faut iacher 
d'éviter, car il présente de sér cux inconvénients, soit en donnant lieu à 
des désordres inflammatoires locaux, soit en obligeant à suspendre les 
séances. Depuis que le perfectionnement de la technique a permis de 
mieux doser les rayons, cette complication est devenue beaucoup plus 
rare et n'offre plus un réel danger. Il est cependant des cas où, pour 
agir avec une intensité et une rapidité suffisante, on est forcé de s'y 
exposer. Béclère a comparé assez exactement la radiodermnite à la stoma- 
tite mercurielle, que l’on s'efforce d'éviter, mais qui ne doit pas empêcher 
de donner du mercure quand on traite une syphilis grave dans laquelle il 
faut faire un traitement intensif. | 

On a signalé des accidents beaucoup plus redoutables pouvant 
survenir dans la radiothérapie du cancer. Oudin a été l’un des premiers 
à parler de ces faits, puis Williams, Haret, Gaulthier et Duroux, 
Mondain, etc. Qu-lques heures après une séance, le malade est pris 
de courbature, d'inappétence, de diarrhée, souvent de nausées et de 
vomissements, de palpitations; on peut observer de l'oppression avec 
rales dans toute la poitrine, des éruptions diverses sur le tronc et les 
membres, une fièvre intense, parfois des douleurs épouvantables. La 
mort peut survenir rapidement (Haret, (Guillemonat, Gaulthier et 
Duroux), généralement le malade se rétablit peu à peu, mais une 
nouvelle séance ramène les mêmes accidents N'ayant jamais été témoin 
de parells faits, je n'en puis parler que d’après ce qui a été publié, et en 
faisant toutes réserves sur leur interprétalion. 

Il ne semble pas que certains malades y soient plus prédisposés que 
d'autres; Mondain cite une femme qui, pendant quatre mois, a supporté 
impunément des doses considérables de rayons et qui, ensuite, était très 
vivement impressionnée par des doses faibles. Il regarde done comme 


= 


— 


782 ___ ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


impossible de savoir quelle sera la susceptibilité d'un malade, mème s'il 
a déjà été traité par la radiothérapie. 

La radiodermite ne joue aucun rôle dans la production de ces 
accidents, car ils ont été observés alors qu'on avait parfaitement protégé 
les parties saines, el, dans les cas où il y eut coïncidence de radiodermite, 
celle-ci était tellement légère qu'elle ne pouvait pas rendre compte des 
troubles graves qui éclataient 

On admet que ces accidents sont causés par une véritable toxémie 
due à Ja résorption des éléments cancéreux frappés de mort par les rayons, 
sans que cette explication soit prouvée d’une manière rigoureuse. 

Un détail particulier, de nature à confirmer cette étiologie, c'est que 
jamais ces accidents ne se montrent quand le cancer est ulcéré On en 
conclut que, dans ces cas, les toxines résultant de la désagrégation des 
cellules néoplasiques peuvent être eutrainées au dehors parles secrétions, 
tandis que si les téguments sont intacts, elles pénètrent nécessairement 
dans la circulation général. Williams est parti de cette théorie pour 
conseiller de faire un drainage du cancer que l'on veut traiter, quand il 
est volumineux et que l'on redoute ces accidents En tous cas, dès qu'ils 
paraissent, il faut suspendre immédiatement le traitement. 

On a encore accusé les rayons X d’aggraver les cancers sur lesquels 
on les appliquait, soit en précipitant la marche de la tumeur, soit en 
provoquant des poussées aiguës dans les ganglions, soit enfin en favo- 
risant les métastases. 

Nous pensons que l'on doit être très réservé pour mettre sur le 
compte du traitement ces aggravations, qui tiennent le plus souvent à 
l'évolution naturelle de l'affection. Il faut reconnaitre que la statistique 
de la radiothérapie est lourdement chargée par toutes les récidives 
inopérables qu'on lui donne à traiter, souvent à la veille de la générali- 
sation; si, à ce moment, il survient un développement rapide du cancer, 
il serait souverainement injuste d'incriminer la méthode. Tout dernié- 
rement, à la séance du 29 novembre 1906 de la Société de Chirurgie de 
Lyon, il fut question de faits de ce genre. M. Vincent, ayant parlé d'une 
femme atteinte d'une récidive rapide d’un cancer du sein chez laquelle 
l'application de la radiothérapie avait été suivie de tuméfaction ganglion- 
naire et de pleurésie cancéreuse, émit l'avis que l'emploi des rayons X 
paraissait avoir hôté la généralisation. M. Durand lui répondit en 
rapportant l'histoire d’une de ses opérées de 1902, calquée sur la sienne, 
et qui, cependant, n'avait Jamais été soumise aux rayons. 

Nous n'avons jamais observé de malade chez lequel on puisse, d'une 
façon évidente, faire intervenir les rayons Ræœntgen comme cause 
d'aggravation; cependant, nous devons tenir compte de ce qui a été publié. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 783 


On a aussi prétendu que les rayons pouvaient augmenter la tumeur 
initiale. Turnure à pensé que, dans un cancer du sein, la radiothérapie 
avait hàté la formation d’un cancer en cuirasse. La cause de cette 
extension nous parait difficile à apprécier. i 

On a plus justement reproché aux rayons de provoquer un engor- 
gement aigu des ganglions. Parfois la poussée est passagère. Bloch a vu 
dans un cancer de la langue une adénopathie intense se produire, puis tout 
rentra dans l'ordre, les douleurs cessèrent et les ganglions reprirent leur 
volume antérieur. Il est évident qu'ici il s'agit de troubles purement 
inflammatoires ayant sans doute une certaine analogie avec la radioder- 
mite banale. Mais souvent il se produit une véritable adénite cancéreuse 
qui ne rétrocède pas. Généralement cette complication s’observe en méme 
temps qu'une diminution de la tumeur. Villard cite un cas où il a vu 
l'apparition d'une généralisation ganglionnaire coïncider avec la régres- 
sion de la tumeur initiale, d'une façon si rapide et avec une intensité 
tellement anormale, qu'il a quelque tendance à incriminer Faction des 
rayons X. 

Nous ne pouvons actuellement nous prononcer sur la réalité de cette 
influence funeste de la radiothérapie. Comment faire la part du traite- 
ment et celle de l’évolution naturelle de la maladie 1l n’est pas rare de 
voir à la suite de l’ablation d'une tumeur, ou mème en dehors de tout 
traitement, une généralisation ganglionnaire rapide Pourquoi n'en 
serait il pas de même quand on emploie la radiothéraphie et ce qu'il y a 
coïncidence de la méthode thérapeutique et de la complication, pourquoi 
faire découler l’une de l'autre? Un seul fait est incontestable, c'est qu’en 
produisant une radiodermite les rayons X peuvent déterminer une adénite 
aiguë, mais il ne nous parait pas démontré qu'ils favorisent l'infection 
ganglionnaire cancéreuse. 

Nous dirons la même chose des métastases. On a prétendu que les 
rayons X, tout en améliorant la tumeur lorale, disséminaient les lésions, 
et que, finalement, les malades succombaient plus rapidement à des 
localisations viscérales. 

M Pautrier, étudiant l’histologic des épithéliomas traités, a constaté, 
au milieu des cellules altérées et dégénérées provenant de la désagrégu- 
tion des bourgeons néoplasiques, la présence de cellules épithéliomateu- 
ses parfaitement saines, avec noyau et protoplasma normaux, qui, 
mises en liberté, pourraient, d'après lui, représenter un élément de 
contagion cancéreuse possible si elles arrivent à un ganglion, avant 
d'avoir été détruites, par les leucocytes. Il pense que la fonte des tissus 
néoplasiques qui se produit sous l'influence des rayons X s'évacue en 
grande partie à l'extérieur sous forme de suintement et de lamb aux 


784 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


mortifiés, mais qu’une partie est certaincment drainée par la circulation 
lymphatique. Il en conclut que si l'on a un épithéliome très volumineux 
à traiter, il faut d'abord l'enlever au bistouri ou à la curette avant de 
faire la radiothérapie. Nous nous rallions entièrement à cette conclusion, 
mais pour des motifs différents, et nous croyons que jusqu'à plus 
ample informé la dissémination du cancer par les rayons X n'est qu'une 
hypothèse. et que jusqu'à présent aucun fait probant ne légitime une 
pareille assertion. 

Il en est autrement d'une complication imprévue de la radiothéra- 
pie qui doit trouver place dans ce rapport, puisqu'il a pour objet l'action 
des rayons Rontgën sur les néoplasmes malins. Cette influence, qui 
est mise à contribution pour les guérir, pourrait aussi en provoquer le 
développement. C’est le plus souvent sur les cicatrices d'ulcères de 
Röntgen que parait l'épithéliome. Un des effets habituels des rayons X 
sur les tissus est de déterminer dans les petits vaisseaux une inflamma- 
tion spéciale qui peut aller jusqu’à l'oblitération de leur lumière. De là 
des eschares et des ulcères fort rebelles qui guérissent avec une lenteur 
désespérante. Allen a vu un carcinome du bras se développer sur la 
cicatrice de l’une de ces ulcérations. 

Dans la discussion qui eut lieu en 1906, à l’Académie de médecine, 
à la suite de la lecture du rapport de M. Chauffard, M. Cornil a rappelé 
un exemple célèbre et à jamais regrettable, qui est encore dans toutes 
les mémuires, celui d’un physicien, constructeur d'appareils très connu, 
qui, à la suite d'une radiodermite chronique de la main vit sc développer 
sur l'index un épithélioma pavimenteux lobulé et tubulé à globes épider- 
miques, qui envahit la phalange et donna lieu à un ganglion épithrochléen 
de même nature. On dut enlever le doigt et le ganglion, et, malgré cette 
opération, le malade mourut de généralisation. Le professeur Gaucher 
aurait vu deux autres cas semblables. 

Les dermatologistes ont signalé cet accident comme n'étant pas très 
rares à la suite du traitement du lupus. On connait depuis longtemps sa 
transformation épithéliomateuse en dehors de la radiothérapie, mais c'est 
là un fait peu commun. Est-il beaucoup plus fréquent sur les cicatrices 
de lupus traitées par les rayons X ? — Des observations très précises 
semblent démontrer cette action des rayons. La plus probante est celle 
qui a été rapportée par Wyss. Un lupus qui existait depuis vingt-six ans 
fut soumis aux rayons X, et en un an et demi, on vit s'y développer du 
cancer en quatre places précisément là ou le mal avait été soumis au 
maximum d'action des rayons. Spencer, Leaf, Walther citent des cas 
analogues. 

Comment expliquer une pareille dégénérescence ? Les hypothèses ne 
manquent pas, mais elles sont contradictoires. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 785 


RÈGLES GÉNÉRALES DE TECHNIQUE. 


Si Ja radiothérapie donne des résultats variables et si les médecins ne 
sont pas d'accord sur son efficacité, cela tient on grande partie à ce qu'on 
l’emploie à l'aveugle, sans se rendre un compte exact de la force que 
l’on met eu jeu. Pour qu’elle devienne une méthode exacte et véritable- 
ment scientifique, il faut savoir la doser, comme on le fait pour un 
courant électrique ou tout autre agent thérapeutique. Une dose 
insuffisante, continuée pendant plusieurs mois, peut être inefficace, 
tandis qu'une quantité convenable peut amener la guérison en quelques 
séances. 

Le dosage des rayons X n'est pas chose facile. Nous n'avons pas 
à nous étendre ici sur les appareils employés, nous devons toutefois 
rappeler sommairement quels renseignements ils sont susceptibles de 
fournir. 

Dans la pratique nous n'avons à considérer que deux facteurs : 
la qualité des rayons, qui sont plus ou moins pénétrants, et leur 
quantité. 

Pour évaluer leur qualité, c'est-à-dire leur degré de pénétrabilité, 
nous regardons si l'ampoule est dure ou molle, ce que nous indique de 
suite le spitermètre. Mais il faut plus de précision Pour cela nous 
avons le radiochronomètre de Benoist dont les segments, dis,osés 
comme les heures sur le cadran d'une montre. permettent de mesurer 
le degré de perméabilité que lou compte de l à 12. Les rayon: qui 
sortent d'une ampoule ne sont pas tous de mème qualité. Quand nous 
cherchons à en obtenir de très pénétrants, pour agir profondément, 
nous en produisons en même temps qui le sont peu et pourront 
déterminer superficiellzment des effets nuisibles On a bien imaginé 
d'appliquer sur la peau une plaque d'aluminium qui aurait comme pro- 
priété de filtrer lss rayons, d'arrêter les moins pénétrants et de laisser 
passer ceux qui le sont davantage, mais l’emploi de cette plaque présente 
quelques inconvénients. 

Dans la pratique l'instrument de Benoist nous suffira parfaitement 
pour mesurer la pénétrabilité des rayons. Ce degré variera suivant les 
cas et nous devons, à propos de chaque application particulière, décider 
celui que nous devons employer. Il est possible cependant de donner 
une indication générale, c'est ce qu'a fait Belot, au Congrès de Liège 
de 1905, en conseillant pour les affections cutanées des rayons 5 
ou 6 et pour les lésions sous-cutanées et profondes des rayons Y9 ou 10. 

Il serait encore plus important de savoir doser la quantité des 
rayons X que leur qualité, mais le problème a été résolu d'une façon 


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786 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


moins satisfaisante. Nous avons pour cela l'appareil de Holzknecht 
et celui de Sabouraud et Noiré, qui sont tous deux basés sur le 
changement de coloration que prend un corps, quand il est frappé par 
une plus ou moins grande quantité de rayons X. Kienbück a 
récemment imaginé un appareil dont le maniement est assez délicat, 
mais qui donne des renseiguements beaucoup plus précis que celui de 
Holzknecht. 

Quoi qu'il en soit, nous pouvons dire qu’en radiothérapie les mêmes 
doses ne produisent pas chez tous les malades des effets semblables, ce 
qui a été formulé au Congrès de Lyon de la manière suivante: La 
section d'Electricité médicale admet, après discussion, qu'avec des doses 
égales, évaluées avec les indications actuels, certains individus, dans 
des conditions spéciales, peuvent présenter des réactions quelque peu 
différentes. 

Maintenant que nous savons doser les rayons, comment devrons- 
nous les appliquer ? Quelle intensité leur donner ? Quelle devra être la 
durée de chaque séance et quel intervalle laisser entre elles ? 

I existe à cet égard deux méthodes entre lesquelles se partagent les 
radiothérapeutes. | 

Les uns préfèrent les séances courtes et répétées dont on augmente 
progressivement la durée jusqu’à l'apparition des premiers signes 
réactionnels, moment où l’on suspend le traitement pendant une certaine 
période. M. Guilleminot, qui a fait au Congrès de Berlin de 1905 un très 
‘ bon exposé des avantages de ce procédé, pense qu’on est, avec lui, 
beaucoup plus maitre de la situation et qu'on évite plus facilement les 
réactions violentes et les accidents généraux. 

Malgré ces avantages, cette manière de faire est de plus en plus 
abandonnée comme insuffisante et, tout en reconnaissant qu'il n'y a pas 
de méthode absolue et que chacune a ses indications, la plupart des 
radiothérapeutes se rallient maintenant à la seconde, qui a été formulée 
ainsi par Béclère : 1° faire absorber à la tumeur la plus grande quantité 
de radiations compatibles avec l'intégrité du tégument ; 2° mettre entre 
chaque séance le minimum de temps nécessaire à la conservation de 
l'intégrité du tégument. 

Belot, dans son excellent traité de radiothérapie, est partisan de cette 
méthode. Il a cité à ce sujet au Rôntgen-Congress de Berlin, en 1905, 
deux faits extrêmement probants qui en démontrent l'importance dans le 
traitement du cancer Deux malades atteints, l’un de chondrome de la 
parotide, l’autre d'un épithéliome végétant de la tempe, ayant subi un 
nombre ‘considérable de séances faibles quotidiennes sans le moindre 
résultat, furent rapidement améliorés après 2 ou 3 séances à doses 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 787 


massives portées à 9 ou 10 H la première fois et à 6 ou 7 H dans les 
applications suivantes. 

Il n'est pas possible de dire quelle quantité sera nécessaire pour 
amener la guérison d'un néoplasme déterminé. Là, plus encore que 
pour le degré de pénétrabilité, il est difficile de donner une règle 
absolue. Nous pouvons cependant, à titre de simple indication, citer 
les chiffres que Belot a proposés au Congrès de Liège. Quand 
il n’y a pas d'ulcération, il conseille des séances de 3 H à 3 1/2 répétées 
toutes les semaines ou des séances de 4 ou 5 H séparées par des périodes 
de repos de 14 ou 15 jours. Pour les cancers ulcérés, il préfère admi- 
nistrer en une seule séance une forte dose, 10 H par exemple, et attendre 
20 ou 30 jours avant de faire une nouvelle application. 

Quant à la quantité totale à employer, il est évident qu'elle variera 
suivant le volume de la tumeur, sa profondeur, sa nature et qu'on ne 
peut parler d'aucun chiffre. | 

La position de l’ampoule est aussi un élément important. On a cru 
pouvoir appliquer aux rayons X la loi de carré des distances Ce qui est 
certain, c’est que la quantité des rayons reçus diminue très rapidement à 
mesure que s'éloigne leur foyer d'émission. D'autre part, si on approche 
trop le tube, le point placé sur la normale sera trop vivement impres- 
sionné, mais ceux qui sont à côté le seront insuffisamment. 11 y a donc 
une moyenne à prendre. On a dit que le tube devait être situé à une 
distance triple du diamètre de la surface à irradier, quand elle n'était 
pas trop grande ; dans le cas contraire, il faut diviser cette surface en 
plusieurs zones et répéter une application pour chacune d'elles. Généra- 
lement on place le focus à 15 centimètres de la partie à irradier, et 
comme, en France, on se sert surtout comme chromoradiomètre des 
pastilles de Sabouraud et Noiré, on les place à 8 centimètres du focus à 
l’aide du petit appareil de Haret. 

L faut encore tenir compte, dans la position à donner à l'ampoule, 
de la forme de la tumeur : si elle est saillante, les parties surélevées 
seront plus impressionnées que les bords ; si elle est creuse, c'est le 
contraire qui se produira. Dans certaines régions on est obligé d'employer 
des appareils spéciaux dits localisateurs qui protégeront les parties voi- 
sines de la tumeur, l'œil par exemple, ou qui permettront d'atteindre des 
points difficilement accessibles, comme le col de l'utérus. 

Disons enfin qu'il y a lieu de ne pas localiser trop strictement l’action 
des rayons X à la surface malade, et l’on a conseillé de l’étendre à une 
zone saine entourant la tumeur, afin d'atteindre les prolongements possi- 
bles du tissu néoplasique et même les lÿmphatiques profonds. Cette zone 
sera d'un ou deux centimètres et le reste de la région sera recouvert d’un 


78S ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


protecteur de plomb pour éviter la radiodermite ou pour ménager un 
organe particulièrement sensible. Il pourra étre utile de recouvrir de 
même les parties de la tumeur suffisamment traitées sur lesquelles on 
pourrait craindre de pouvoir se développer un ulcèro de Röntgen, si on 
continuait à les irradier en même temps que les portions de la tumeur 
qui ne sont pas encore guéries. 


RADIOTHÉRAPIE DES CANCERS EN PARTICULIER 


Nous n'avons pas l'intention de passer en revue tous les cancers des 
différentes régions et des divers organes. Il nous suffira de parler de 
certains types : l'épithélioma de la peau et des muqueuses, le cancer 
sous-cutané, dont le meilleur exemple est le cancer du sein, le cancer 
des viscères abdominaux et enfin le sarcome. 

Epithéliomas cutanés. — Le traitement de ces affections est le 
triomphe de la radiothérapie, et ce sont ses résultats surprenants qui ont 
engagé les médecins à employer la même méthode dans le traitement des 
autres cancers. Nous trouvons là uue exception à la loi que nous avons 
posée en disant que l’exérèse jar le bistonri devait toujours précéder 
l'application des rayons X. Dans l'épithéliome cutané, ces rayons sont 
presque toujours suffisants et le plus souvent ne nécessitent pas une abla- 
Lion préalable. Leur action est infiniment supérieure à celle du bistouri. 
En dehors de leur indolence, ils laissent une cicatrice irréprochable, à 
peu près invisible, souple, ne donnant lieu à aucune déformation, ce qui 
présente ue grande importance, quand le mal siège au pourtour d'un 
orifice naturel. Aussi tous lés médecins et chirurgiens, mème ceux qui 
ne sont pas très partisans de la radiothérapie en général, sont-ils d'accord 
pour proclamer que c'est le traitement de choix quand il s'agit d'un 
épithéliome cutané superficiel et à marche lente. 

La disparition du néoplasme est parfois véritablement magique. 
Toutes les revues spéciales sont remplies de photographies représentant 
le malade avant et après le traitement et ne laissant aucun doute sur 
l'excellence du résultat. 

Les rayons employés sont d'une pénétration moyenne, le numéro 6 
le plus souvent. 

Les séances varient suivant les médecins ; nous retrouvons ici la 
tendance à employer dès le début une dose assez forte, 5 à 6 H var 
exemple, si la tumeur n'est pas ulcérée, 8 à Y H dans le cas contraire. 
Les séances sont répétées, soit par séries espacées par intervalles de 15 
à 20 jours, soit régulièrement jusqu'à apparition d'un commencement de 
réaction du côté de la peau. Comme le fait remarquer Belot, une formule 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 789 


uniforme de traitement n'existe pas, chaque malade devant être soigné 
suivant son état. | 

Il n’est pas possible de donner une indication sur le nombre des 
Séances .ni la quantité de H nécessaires. Nous avons vu guérir un 
épithéliome étendu et volumineux du pavillon de l'oreille après une 
séance unique de quinze minutes; certains épithéliomes en exigent un 
grand nombre avec une quantité de H supérieure à 100; d’autres, 
malgré des doses encore plus considérables, ne guèrissent pas. 

Précisons davantage. Les statistiques nous le permettent, car l'épi- 
thélioma cutané ayant commencé à être traité par la radiothérapie 
dès 1901, les guérisons relatées remontent déjà à plusieurs années. 

Elles renferment toutefois une cause d'erreurs, la plupart des auteurs 
ayant réuni les épithéliomas de la peau et ceux des muqueuses, bien que 
le résultat de la radiothérapie soit absolument différent dans les deux cas. 

Mancel Pénard, dans une excellente thèse (1905), a compulsé les 
différentes observations publiées, et il arrive à cette conclusion que, 
dans les épithéliomes cutanés de la face, la guérison obtenue par la 
radiothérapie est d'environ 80 p. 100. Merrill donne 65,5 p. 100 : 
Bodman et Pfahler 63 p. 100, Kenoelh Wills 70 p. 100, Skinner 95 p. 100. 
La statistique de Bisserié et Mézerette (1905) est de 76 p. 100. Lors de 
la discussion qui a eu lieu le 15 mars 1906 à la Société de Dermatologie, 
sur les indications et les contre-indications de la radiothérapie dans 
l’épithéliome cutanéo-muqueux, Gastou cite le chiffre de 47 p. 100 de 
guérisons définitives observées dans le service du professeur Gaucher, 
en ne regardant comme guéris que les malades suivis régulièrement 
depuis un an et demi jusqu'à trois ans. 

Dans ces statistiques globales, il y aurait lieu d'établir des subdi- 
visions, car toutes les formes cliniques ne sont pas également aptes 
à guérir. Les épithéliomes qui sont le plus favorablement influencés par 
la radiothérapie, et qu'on peut être à peu près sûr de faire disparaitre 
définitivement par cette méthode, sont ceux dans lesquels le tissu 
néoplasique n’a pas dépassé le derme, et qui ont évolué d’une manière 
très lente, sans donner lieu à aucun engorgement ganglionnaire. 

Même dans ces conditions favorables, on n’est pas absolument sûr 
d'obtenir un bon résultat. Lors de la discussion à la Société de Dermato- 
logie à laquelle nous faisions allusion tout à l'heure, Danlos a présenté 
un exposé fort clair des difficultés que l'on rencontrait journellement 
dans la pratique. Sur les 90 cas de cancroïdes cutanés qu'il a traités 
depuis deux ans par la radiothérapie, il a observé plusieurs cas réfrac- 
taires à la méthode et il les classe de la manière suivante : des épithé- 
liomes, présentant en apparence tous les caractères qui les font regarder 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — NOVEMBRE 1907. 55 


790 ANNALES D’'ÉLECTROBIOLOGIE 


comme justiciables des rayons X, ne sont nullement impressionnés par 
eux, sans qu'on puisse savoir pourquoi (c'est la contre-indication para- 
doxale, qui est, d’ailleurs, exceptionnelle) ; d’autres semblent marcher 
régulièrement vers la guérison, mais, à un moment donné, sans raison 
aucune, la régression du néoplasme s'arrête, l’ulcération s'agrandit, 
et on n'obtient plus rien du traitement radiothérapique (contre-indication 
secondaire). Enfin le mal local guérit complètement, mais le cancer 
récidive dans les ganglions, et la radiothérapie est désormais impuis- 
sante (contre-indication consécutive). 

Ainsi que le fait remarquer Schiff dans son rapport au Congrès de 
Milan (1906), il est bien vraisemblable qu'il existe dans les épithéliomes 
des différences biologiques qui, jusqu’à présent, ne sont pas encore 
suffisamment élucidées par l'anatomie pathologique et desquelles dépend 
le succès du traitement. Darier a cherché dans cette voie, et il a trouvé 
que les néoplasmes présentaient une différence considérable de sensibilité 
aux rayons X suivant la nature de leurs cellules, les épithéliomes 
basio-cellulaires étant infiniment plus sensibles que les épithéliomes 
spino-cellulaires, et paraissant seuls justiciables de la radiothérapie. 
Toutefois cette différence est beaucoup moins absolue qu'il ne le croyait 
tout d’abord, caril a cité, en 1906, des cas d’épithéliomes spino-cellulaires 
de la lèvre et du gland qu’il avait guéris. 

On a accusé la radiothérapie, appliquée au traitement des épithéliomes 
cutanés, d’avoir déterminé différents accidents et notamment d’avoir 
aggravé la lésion locale ou hâté sa généralisation après infection gan- 
glionnaire. Nous avons vu plus haut que, sans rejeter absolument cette 
explication pour certains faits malheureux, il était bien difficile de faire, 
dans ces accidents la part exacte du traitement. Nous n’y reviendrons pas. 

Nous devons insister, au contraire, sur un accident très particulier à 
la cure des épithéliomes cutanés, quand l’action a été trop intense. Belot 
trace de cette complication le tableau suivant : « Un épithéliome ulcéré, 
à bords saillants, est soumis aux irradiationss; on débute par quelques 
doses fortes... L'ulcère se transforme, prend un meilleur aspect, le fonds 
.se nettoie et on espère la guérison; quand, un beau jour, sans cause 
apparente, la plaie devient douloureuse, l’ulcération se creuse, le fond 
prend une teinte verdàtre, noirâtre par places. Des adénopathies 
peuvent même survenir. La lésion s'est manifestement aggravée : on a 
transformé en ulcère de Ræntgen une ulcération épithéliomateuse. 
Il n’y a plus d’épithélioma au centre de l’ulcération, on ne trouve plus 
de cellules morbides qu’à la périphérie, dans les bords indurés. Que 
fait-on ? On continue le traitement, on augmente même parfois les doses, 
et on aggrave de plus en plus le mal en cherchant à le guérir. La répa- 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 791 


ration ne peut se faire, les cellules jeunes ont été tuées, le fond naguère 
bourgeonnant est devenu escharotique ». 

Les faits de ce genre sont loin d’être exceptionnels et ils expliquent 
sans doute bon nombre d'aggravations dues à la radiothérapie. Ils sem- 
blent rendre compte de ce que Danlos a désigné sous le nom un peu 
étrange de contre-indication secondaire. Nous trouvons-là une nouvelle 
preuve de la puissance de l’action locale des rayons X, mais aussi de la 
nécessité de surveiller avec grand soin cette action, non seulement pour 
la doser, mais encore pour veiller à ce que sa distribution se fasse suivant 
les indications précises fournies par la configuration de la tumeur. 

Nous croyons que la radiothérapie doit rester le traitement de choix 
de l’épithélioma cutané, lorsque ce néoplasme est peu épais, qu'il 
n’évolue pas rapidement et qu'il n'existe ni engorgement ganglionnaire 
ni autres signes de généralisation. Mais il faut se garder d'employer ce 
traitement à l'aveugle. Certaines parties de la tumeur sont susceptibles 
de disparaitre en 2 ou 3 séances, tandis que d'autres devront en subir 
un grand nombre. Il faut en pareil cas, avoir soin de protéger avec une 
lame de plomb les parties suffisamment irradiées. 

Les autres pourront continuer à être soumises aux rayons, mais on 
devra abréger le traitement et le rendre plus efficace en faisant le curet- 
tage ou l’ablation des points plus épais. 

La chirurgie sera utilement associée à la radiothérapie, si la tumeur 
est trop volumineuse pour disparaitre sous la seule action des rayons X. 
Il en sera de méme s’il existe un ou plusieurs ganglions opérables. Les 
surfaces saignantes seront immédiatement irradiées et pansées à ciel 
ouvert. ; 

Si un grand nombre de ganglions étaient envahies ou si leur ablation 
était impossible, la radiographie serait aussi impuissante que la chirurgie ; 
elle pourrait calmer les douleurs, procurer au malade une satisfaction 
morale, mais il serait injuste de mettre à son passif l'aggravation qui se 
produirait fatalement. 

Epithéliomas des muqueuses. — La radiothérapie donne de mauvais 
résultats dans les épithéliomas des muqueuses. Pour Danlos elle est nette- 
ment contre-indiquée. Tuffier considère que son actionest problématique, 
sinon nulle; elle a pu lui donner une amélioration et même rendre opéra- 
ble une tumeur qui ne l'était pas, mais il n’a pas vu de guérison véritable. 
La plupart des auteurs citent, parmi les tumeurs plus particulièrement 
rebelles, celles des lèvres, de l'utérus, de la langue. Comment se fait-il 
que les résultats soient si différents dans l’épithélioma des muqueuses et 
. l'épithélioma cutané? En raison de sa minceur, la muqueuse se laisse 
très vite traverser par le néoplasme qui envahit les couches sous- 


792 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


jacentes, si bien que presque jamais on ne peut dire que le mal est 
limité à la muqueuse. Nous avons vu que, dans l’épithélioma cutané, la 
curabilité par les rayons X devient fort problématique dés que les tissus 
sous-dermiques sont envahis, c'est presque toujours le cas pour l'épithé- 
lioma des muqueuses. 

Il en résulte que le bistouri tient ici la première place, et que la 
tumeur doit être enlevée de suite, si elle est opérable. Les rayons X ne 
viennent que comme adjuvants, suivant les deux modes dont nous avons 
parlé. Si la tumeur se présente dans des conditions favorables, faisant 
présumer une guérison sans récidive, comme dans le crancroîde banal de 
la lèvre, on fait l’autoplastie immédiate, et la radiothérapie peut être 
appliquée ensuite sans aucun inconvénient, mais sans qu'il soit bien 
prouvé qu'elle ait un réel avantage. S'il s’agit au contraire d'un épithé- 
lioma semblant voué fatalement à la récidive, tels que ceux qui 
envahissent une large surface de la commissure buccale, de la joue, de 
la langue, etc., alors la plaie opératoire ne sera pas réunie, et le plus 
tôt possible elle sera soumise aux irradiations qui rendent ici les plus 
grands services On en aura la preuve en voyant avec quelle facilité elles 
détruisent les bourgeons de récidive; quand ils ne datent que de 
quelques jours, il est rare qu’il faille plus d’une séance pour les faire 
disparaitre. L’autoplastie ne sera faite que plus tard quand la plaie 
sera cicatrisée depuis longtemps et que tout crainte de récidive 
locale sera écartée. Les ganglions qui paraitraient seraient traités de 
méme. 

Si l'épithélioma n’est pas opérable, soit à cause de l'extension qu'il 
a prise et des adhérences qu’il a contractées, soit pour tout autre motif, 
la radiothérapie est tout indiquée, non seulement parce qu'elle relève le 
moral du malade, mais parce qu’elle peut améliorer l'état local. Elle 
calme les douleurs, diminue les sécrétions, cicatrise les ulcérations. Elle 
fait même plus et on a pu observer à la suite de l'application des 
rayons X des résultats inespérés qui, bien qu’exceptionnels, sont de 
nature à donner confiance dans l'avenir de la méthode. Nous citerons 
deux exemples publiés, l’un par Haret (Archives d'électricité médicale, 
N° du 25 décembre 1905), l'autre de Leduc (idem, N° du 10 avril 1906). 

1° Une femme de 75 ans est atteinte d’un cancer du col utérin empié- 
tant sur le cul-de-sac vaginal. Le D" Delaunay, qui porte ce diagnostic, 
déconseille Fopération à cause de l'âge de la malade et de l’envahissement 
de la paroi vaginale, et il l'adresse à Bécière. Le D" Haret fait chaque 
semaine une séance avec rayons N° 6 et absorption de 4 H. Au bout de 
six semaines la lésion a complètement disparu. 

20 Une malade de 68 ans est atteinte d’un épithéliome envahissant 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES ‘ 793 


tout le col utérin et étendu aux parois vaginales. Un chirurgien la 
juge inopérable. Du 24 mai 1905 au 26 février 1906, Leduc fait 
27 séances de radiothérapie à intervalle de 8 à 10 jours. En mars 1906, 
la malade est présentée de nouveau au chirurgien qui trouve l'état très 
satisfaisant : le col n'existe plus, le fond du vagin forme un infundibulum 
lisse dont le sommet conique correspond à l'orifice utérin ; cet infundi- 
bulum ne présente pas de tissu d'apparence morbide, le corps de l'utèrus 
est petit, très mobile, comme atrophié. 

Cancers sous-cutanés. — Cancer du sein. — Quand le cancer se 
développe dans des organes situés au-dessous de la peau, le problème 
thérapeutique est tout autre que pour l'épithéliome cutané. Si, dans ce 
dernier cas, les résultats sont mauvais quand le néoplasme a dépassé les 
couches profondes du derme, ils le seront à plus forte raison quand le 
cancer est d'emblée sous-cutané. Nous avons là tout un ensemble de condi- 
tions défavorables : le néoplasme présente une épaisseur notable, il est 
plongé au milieu de tissus auxquels il adhère souvent, enfin la peau 
forme entre lui et l’ampoule un écran qui s'oppose à l’action efficace des 
rayons et en arrête la majeure partie. Dans quelle mesure pourrons- 
nous triompher de ces obstacles et utiliser la puissance destructive de la 
radiothérapie dans la cure de cette affection ? Voilà ce qu'il nous faut 
examiner. 

Pour plus de facilité, nous ne parlerons pas du cancer des différentes 
régions du corps, nous nous limiterons à l'étude d’un seul type, celui 
qui se présente en premiére ligne, le cancer du sein. C’est le plus 
fréquent, le plus grave et c'est naturellement sur lui que les efforts des 
radiothérapeutes ont surtout porté. Ce que nous dirons de lui s'applique 
d'ailleurs à tous les autres. | 

A part quelques faits isolés observés de 1898 à 1902, on peut dire 
que c'est à cette dernière date, alors que les premiers résullats obtenus 
en Amérique furent connus, que l’on se mit à faire de tous côtés la radio- 
thérapie du cancer du sein. Nous n'avons nullement l'intention de faire 
l'historique de la question, il nous suffira de poser quelques jalons pour 
indiquer dans quelle direction les idées ont évolué de 1902 à 1907. Il 
serait sans intérêt de parler des innombrables observations qui furent 
publiées prématurément comme des succès, ni des statistiques merveil- 
lcuses dont nous ne pouvons plus accepter l'optimisme. En 1902, 
Dean Bevan au Congrès de l'Association américaine de chirurgie, en 
1903 Skinner à l'Association américaine d’électro-thérapeutique, présen- 
tent des rapports dans lesquels ils étudient les résultats favorables ou 
défavorables de la nouvelle méthode ; à ce moment la plupart admettent 
que la radiothérapie doit précéder l'opération. Cette opinion ne règne pas 


794 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


longtemps, car dès 1904 tous les radiothérapeutes, américains ou autres, 
sont d’un avis diamétralement opposé et estiment, au contraire, que le 
cancer doit être opéré d'abord et radiothérapié ensuite. C'est à ce 
moment que Tuffer ébranle fortement la confiance dans la méthode en 
montrant que, sous des nodules cutanés que les rayons X semblaient 
avoir guéris, Borrel retrouvait des amas de cellules cancéreuses intactes. 
Cornil augmentait encore ces craintes en montrant que la structure 
histologique des cancers traités était exactement la même que celle des 
tumeurs qui ne l'avaient pas été. Un peu plus tard, Beclère met la ques- 
tion au point en apportant à la Société de Chirurgie (30 novembre 1904) 
45 observations de cancers du sein inopérables ou récidivés ; il montre 
que si la radiothérapie fait disparaître les noyaux intra-dermiques et 
même les noyaux sous-cutanés peu volumineux, si elle cicatrise les 
ulcérations et procure une amélioration plus ou moins durable, elle ne 
peut exercer son action curative sur le néoplasme au-delà d’une profon- 
deur de 4 à 5 centimètres ni sur les ganglions envahis. Il ajoute que, 
dans les cas inopérables, elle semble arrêter le progrès de la maladie 
en favorisant la tendance à la sclérose. Bergonié parle dans le même 
sens au Congrès de Cherbourg (1905), il reconnait qu’on ne peut pas 
mettre jusqu'à présent au compte de la radiothérapie un seul cas de 
guérison durable du cancer du sein ; elle ne constitue qu'un traitement 
 palliatif qui, dans le cancer à marche rapide et chez une femme jeune, 
pourra diminner les douleurs et fermer les ulcérations, mais n’empêéchera 
pas les métastases et la généralisation. Au contraire, dans le squirrhe de 
la femme âgée et dans certaines formes torpides, la radiothérapie bien 
maniée donnera des résultats plus favorables et pourra pendant long- 
. temps arrêter les progrès du mal. Il ajoute qu’il ne peutencore rien dire 
sur le traitement préventif pratiqué immédiatement après l’ablation du 
sein. 

Barjon semble juger assez favorablement cette nouvelle manière 
d'employer la radiothérapie quand il dit (Lyon médical, mars 1907): « Toute 
tumeur opérable doit être confiée au chirurgien qui, après l'opération, 
doit faire de la radiothérapie préventive. C’est la méthode la plus 
rationnelle. Elle a donné déjà de bons résultats, et il faut multiplier 
les observations pour savoir, au bout de quelques années, si les malades 
ainsi traités échappent, plus que les autres, aux récidives. » 

En résumé, après avoir constaté l'actiom manifeste des rayons X 
pour diminuer les tumeurs, récidivées ou non, et en atténuer certains 
symptômes pénibles, on est arrivé à reconnaitre qu'ils sont incapables 
d'en amener, à eux seuls, la guérison. Il faut opérer, et la radiothé- 
rapie, appliquée ensuite, peut prévenir dans une certaine mesure les 
récidives. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 795 


La technique varie suivant les conditions dans lesquelles se présente 
le cancer du sein, et nous pouvons à cet égard considérer plusieurs cas : 

lef cas : Le cancer est mobile, avec ou sans ganglions axillaires, 
et il y a tout lieu d'espérer que l'opération donnera un résultat durable, 
sans qu'on en soit bien sûr, étant donnée la nature de l'affection. L’abla- 
tion étant terminée, que doit-on faire ? 

Alors quela plaie est béante, il parait très indiqué de diriger sur elle, 
pendant 10 à 15 minutes, des rayons X suivant la formule de Béclère, 
c'est-à-dire à la dose maximum compatible avec l'intégrité des tissus 
voisins. Ainsi que le fait remarquer Dean Bevan, on ne peut guère 
douter que les nodules secondaires qui peuvent se produire plus tard 
n'aient été, au moment de l'opération, de très petites collections de 
cellules cancéreuses, qui sont passées graduellement des proportions 
microscopiques à des proportions macroscopiques, et il est raisonnable 
de supposer que, si les rayons X peuvent détruire ces masses de la 
grosseur d’une fève ou d'une noix, ils auraient pu détruire beaucoup plus 
facilement les masses microscopiques des cellules cancéreuses, point de 
départ du développement. | 

Au moment dont nous parlons, les amas de cellules qui peuvent 
rester au fond de la plaie sont aussi minimes que possible, et ne sont 
protégés par rien. C’est alors que les rayons X peuvent avoir sur eux 
leur maximum d'action. 

Après cette séance de radiothéranie immédiate, faut-il suturer la 
plaie, comme cela se fait d'habitude, ou la laisser ouverte pour permettre 
aux rayons X d'agir ultérieurement avec toute leur efficacité, sans avoir 
à traverser la peau? L'hésitation est bien permise, car un chirurgien 
renoncera difficilement aux grands avantages de la réunion immédiate en 
vue d'une action préventive qui est loin d'être démontrée. C’est l'avenir 
qui nous dira si la garantie que donne contre la récidive la radiothérapie 
est assez grande pour nous autoriser à laisser ouverte la large plaie d’une 
ablation du sein. Peut-être y aurait-il lieu de faire intervenir, dans le 
choix dc la conduite à tenir, la nature de la tumeur et l'âge de la malade. 
Un cancer à marche rapide, chez une jeune femme, a bien des chances 
de donner une prompte récidive, si l’on ferme de suite la plaie. Il est 
préférable de maintenir ses bords écartés pour augmenter l'efficacité des 
rayons. Que la plaie soit réunie ou non, on fera, tous les huit jours, 
une séance de radiothérapie à travers le pansement. 

2° cas : Le cancer est encore opérable, mais le volume de la tumeur, 
l'envahissement des tissus voisins, l'engorgement ganglionnaire font 
craindre que l'opération ne soit suivie de récidive. Après l'exérèse, très 
largement pratiquée, il faut maintenir la plaie béante et l'irradier de 


796 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


suite. C’est chez les malades de ce genre que la radiothérapie trouve 
peut-être son application la plus utile et que son efficacité se montre avec 
le plus d'évidence. I es résultats que nous avons obtenus jusqu'ici sont 
encourageants, car ils sont meilleurs que dans notre première catégorie 
de malades; il est nécessaire, toutefois, de suivre les opérées pendant 
plusieurs années avant de formuler un jugement définitif. Mondain a 
publié dernièrement (Archives d'électricité médicale, 25 février 1907), 
une observation très remarquable, où l’on fut obligé (bien involontai- 
rement d’ailleurs), de laisser la plaie béante ; le résultat fut excellent. 

Il s'agissait dune femme de trente et un ans, atteinte de tumeur 
infiltrée de la mamelle, ayant envahi la peau, qui présentait le signe dit : 
u de la peau d'orange »; les ganglions axillaires étaient envahis Le 
16 mai 1903, Guillot enleva le sein et cura l’aisselle, mais le morceau 
de peau enlevé était si large qu’on ne put le réunir. Deux mois après, 
il existait une large ulcération avec cinq bourgeons de récidive Onze 
séances de radiothérapie à fortes doses, pratiquées de juillet à décembre, 
amenèrent une cicatrisation définitive, et, depuis trois ans, la guérison 
se maintient. 

3° cas : Que le cancer ait été enlevé ou non, il est devenu inopérable. 
La tumeur adhère profondément, il existe dans son voisinage des nodules 
intra-dermiques ou sous-cutanés, l’aisselle est indurée, avec ou sans 
ganglions apparents, le membre supérieur commence à s'œdématier. 
La chirurgie n’a plus rien à faire, ici, car nous sommes arrivés à 
la période où, suivant l'expression pittoresque de Lejars, le cancer 
est comme une mauvaise herbe qui repousse à mesure qu’on l’arrache. 
La radiothérapie ne guérira pas non plus, mais elle peut étre utile 
en atténuant le mal et en diminuant les douleurs. Il semble que les 
résultats sont plus favorables lorsque la peau est ulcérée. On voit 
assez rapidement les indurations disparaitre, ce qui peut donner l'illusion 
de la guérison, d'autant plus que l'état général s'améliore en mème 
temps; malheureusement l'infection cancéreuse a déja dépassé les limites 
que peuvent atteindre les rayons X et les lésions profondes continuent 
à se développer. 

Là encore il faut appliquer la formule de Béclère, c’est-à-dire faire 
absorber le plus de rayons possible tout en maintenant l'intégrité des 
téguments, ce qui aboutit dans la pratique à faire tous les huit jours 
une séance à la dose de 4 H. Il ya tout avantage à ne pas trop limiter 
ja zone d'irradiation, et à l'étendre non seulement aux tumeurs visibles 
mais encore aux régions voisines : axillaire, sous-claviculaire, où 
peuvent se trouver des ganglions. 

4° cas : Le cancer du sein pourrait être enlevé complètement au 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 797 


bistouri, mais il existe une condition particulière : mauvais état général, 
lésion du cœur, albuminerie, âge avancé, qui contre-indique l'opération. 
Parfois il s’agit d'une malade très pusillanime qui ne veut pas se laisser 
opérer, et qui, malgré les conseils pressants, ne veut rien entendre et 
s'obstine dans son refus. 

Nous avons là une occasion d'étudier ce dont est capable la radiothé- 
rapie employée seule, alors que le malade n'est pas dans un état désespéré. 
Nous n’envisageons que les tumeurs non ulcérées qui sont les plus 
rebelles au traitement. 

Pour obtenir un résultat satisfaisant, il importe d'employer des 
doses fortes, sans prétendre toutefois, comme le fait Noiré, qu’à cette 
condition la radiothérapie est presque aussi efficace dans le cancer du 
sein que dans l'épithélioma cutané. Nous utiliserons mieux l’action des 
rayons, sans augmenter le risque de la radiodermite, enusant de certains 
subterfuges. Comme le sein est sphérique, on pourrait irradier trop 
fortement la partie proéminente et insuftisamment la zone périphérique, 
aussi conseille-t-on de commencer par aplatir le sein avec une lame de 
carton pour uniformiser à peu près la distance des différents points de 
sa surface à l'ampoule et pour diminuer le plus possible l'épaisseur de 
sa couche graisseuse. 

Malgré ce moyen, il serait difficile de faire absorber aux couches 
profondes de la tumeur une quantité suflisante de rayons sans brûler 
la peau, si l'application se faisait toujours dans la même direction. 
Aussi a-t-on conseillé de faire pénétrer les rayons dans la profondeur en 
variant leur voie d'entrée On fait des applications aux quatre points 
cardinaux de la tumeur De cette façon on répartit sur quatre régions 
différentes de la peau la dose qui semble nécessaire pour agir profondé- 
ment et qui eût infailliblement déterminé de la radiodermite, si le 
point d'application n'avait pas changé. 

Avec cette technique on est arrivé à diminuer considér. lement les 
tumeurs, sans toutefois les faire disparaitre. 

Faudrait-il, comme Williams le préconise, quand la tumeur est très 
volumineuse, drainer d'avance le sein pour éviter les accidents ‘oxémi- 
ques que l’on a observés quelquefois. Nous ne le pensons pas et tout le 
monde sera sans doute de notre avis. C’est là un conseil théorique 
donné en vue d’une hypothèse qui est loin d'être démontrée. 


Nous ne reviendrons pas sur les accidents que l’on a attribués à la` 


radiothérapie des cancers du sein. Nous en avons parlé sufisamment 
dans les généralités. 

Cancers viscéraux. — Nous serons bref sur ce chapitre, car les 
élémentsnous manquent pour apprécier lesrésultats discordants qui ontété 


E ni dit 


mm Egam” 


798 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


publiés. Nous ne croyons guère à la guérison des cancers de ce genre et 
cependant on a signalé des amélioratious telles qu'il est impossible de 
n'en pas tenir compte et de ne pas admettre une action incontestable 
exercée par les rayons X. Nous trouvons dans la littérature médicale. 
surtout vers 1903, quelques cas de guérisons (?) de cancer de l'estomac, 
du sein, etc. Malheureusement, nous ne savons pas ce que sont devenus 
plus tard ces malades, et notre expérience ‘personnelle nous autorise à 
supposer qu'ils ont présenté seulement une amélioration passagère. 

Cela nous suffit pour ne pas rejeter complètement l'usage de la 
radiothérapie. Nous n'avons pas le droit d'ètre difficiles sur le choix des 
moyens dans le traitement du cancer, et ceux qui, sans permettre 
d'espérer un succès définitif, ont une action palliative, ne doivent pas 
être laissés de côté. 

C'est à ce titre que la radiothérapie doit être utilisée. Les résultats 
obtenus par Doumer et Lemoine, Skinner, Morton, Colley, de Nobelle, 
Chauoz, Richmond, etc , peuvent être largement comparés à ceux que 
donne dans le cancer du pylore lagastro-entérostomie, qui, elle non plus, 
ne guérit pas. 

Il nous parait très légitime de conseiller l'emploi des rayons Röntgen 
dans le traitement du cancer des grands ulcères, concurremment avec 
l'opération sanglante, sans qu'ilsoit possible actuellement d'établir leurs 
indications respectives. 

Sarcomes. — Nous retrouvons dans la radiothérapie des sarcomes la 
plupart des principes que nous avons regardés comme applicables au 
traitement des autres tumeurs maiignes. 

Quelle que soit la nature de la tumeur sur laquelle on les dirige, les 
rayons obéissent toujours aux mêmes lois physiques, et leur influence 
s'exercera d'autant plus énergiquement que leur foyer d'émission sera 
plus rapproché et qu'ils auront moins de tissus intermédiaires à traverser. 
Plus un sarcome est superficiel, plus il est sensible à l’action des rayons ; 
les sarcomes de la peau sont plus facilement curables que ceux qui sont 
sous-cutanés. Parmi ces derniers, les sarcomes de la face guérissent 
mieux que ceux qui siègent dans les grands os des membres, sous une 
épaisse couche de parties molles. Ce fait a été signalé par divers obser- 
vateurs, et nous avons pu le coustater également. 

Deux considérations générales dominent la radiothérapie du sarcomne. 

l° C'est en premier lieu l'extrême irrégularité de ses résultats, qui 
est bien plus frappante ici que pour les cancers d'origine épithéliale. 

Certains sarcomes sont tellement sensibles que, situés même très 
profondément, dans le médiastin, par exemple (Kiembück), ils peuvent 
diminuer avec une rapidité qui rappelle ce que l'on observe sur les 


= r EEN iia aa. nie mn. - 


a ENS E e e a a 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 799 


organes hématopoiïétiques. On sait avec quelle facilité on fait fondre 
sous les rayons X une grosse rate ou un paquet de ganglions cervicaux 
hypertrophiés. Les tumeurs dont nous parlons réagissent de façon 
analogue. 

D’autres sarcomes, au „contraire, ne sont nullement modifiés, sans 
qu'on puisse savoir pourquoi. Leur évolution clinique semble la 
même, mais leur sensibilité aux rayons X diffère. De là un désaccord 
entre les auteurs dans le jugement qu'ils portent sur l'efficacité de la 
radiothérapie dans le traitement des sarcomes, les uns invoquant des 
succès éclatants, les autres, insistant sur leurs échecs. 

Il est possible qu'il y ait là une question de technique, mais il 
semble plus probable que la nature de la tumeur doit entrer surtout en 
ligne de compte Nous englobons sans doute sous le nom de sarcomes 
des tumeurs qui se ressemblent, mais qui ont une pathogénie différente. 
C’est l'hypothèse la plus satisfaisante pour expliquer l’inconstance des 
résultats. 

On a bien essayé de faire jouer un rôle à la structure histologique 
et l’on a cru un instant que les sarcomes à petites cellules rondes 
étaient plus justiciables de la radiothérapie que ceux dont les cellules 
sont fusiformes. En réalité on ne peut rien dire de certain à cet 
égard. | 
Une variété de sarcomes nous intéresse tout particulièrement, ce 
sont les sarcomes mélaniques; on sait combien ils sont rebelles au 
traitement chirurgical ; les rayons X les modifient très heureusement 
et peuvent les faire disparaitre. Quand ils siègent sur la peau, la guérison 
est habituelle, aussi est-il indiqué de les traiter par cette méthode plutôt 
que par le bistôuri. C’est une nouvelle exception à la règle générale que 
nous avons posée, d’après laquelle il faut commencer par opérer toutes 
les fois que cela est possible. 

2° La seconde considération générale que nous devons présenter 
découle de l’évolution du sarcome. Dans les cancers de nature épithéliale, 
nous pouvons arriver, avec le bistouri et les irradiations, à enrayer la 
marche de l'affection, tant que le mal reste local ; mais comme il a une 
grande tendance à gagner le réseau lymphatique et les ganglions 
profonds, nous sommes vite désarmés ; car il nous est difficile de pour- 
suivre bien loin avec la radiothérapie ce travail de propagation souter- 
raine. Nous pouvons espérer détruire les éléments cancéreux dans leurs 
premières étapes ganglionnaires, quand les glandes envahies sont 
superficielles, mais généralement l'infection par les lymphatiques nous 
gagne de vitesse, ce qui est la cause presque constante de nos insuccès. 

Dans le sarcome, au contraire, la lésion primitive tend à rester locale 


800 ` ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


et ne se propage que difficilemént et tardivement aux lymphatiques. Nous 
pouvons donc pendant longtemps attaquer le mal local avec tous nos 
moyens d'action, en leur donnant leur maximum de puissance, sans avoir 
autant à redouter qu'un commencement de généralisation ne rende nos 
efforts stériles. $ 

A joutons que, pour les sarcomes, comme pour tous les autres cancers, 
ceux qui se développent lentement paraissent plus susceptibles de guérir 
que ceux dont l'évolution est rapide, et que les cellules jeunes sont 
également plus sensibles aux rayons. 

Il est un cas où nous trouvons réunies ces deux conditions qui. au 
premier abord, peuvent sembler contradictoires. Qu'un sarcome à 
développement lent soit enlevé au bistouri et que, sur la plaie 
bourgeonnante ou dans la cicatrice, un -noyan de récidive paraisse, 
nous trouvons là un terrain particulièrement favorable à l’action de la 
radiothérapie, puisqu'il y a développement lent et cellules jeunes. 

On comprend ainsi comment, lorsque ces multiples conditions sont 
réunies, on peut obtenir d'excellents résultats sur des récidives de sar- 
comos déjà opérés deux ou trois fois. | 

En résumé, tout en laissant au bistouri la première place dans le 
traitement des sarcomes, nous pensons que la radiothérapie complète 
utilement l’act: opératoire et empèche la récidive plus efficacement que 
pour les autres cancers Si le chirurgien craignait de n'avoir pu enlever 
complètement le néoplasme, il ne devrait pas hésiter à se mettre dans 
les meilleures conditions pour permettre aux rayons d'exercer leur 
maximum d'action, en maintenant la plaie exposée et en dirigeant les 
irradations sur la surface saignante. Je me suis servi avec succès de cette 
méthode pour guérir définitivement une récidive d'un ostéo-sarcome du 
maxillaire supérieur. 

M. \. G .., âgé de cinquante neuf ans, nous fut adressé en décem- 
bre 1904 par le D° André Lelong pour un ostéo-sarcome du maxillaire 
supérieur gauche, qui avait débuté trois mois auparavant et qui, depuis 
une quinzaine de jours, augmentait rapidement, en donnant lieu à des 
douleurs extrêmement vives. Le diagnostic n’était pas douteux ; toute la 
joue était soulevée par une saillie qui envahissait l'os malaire, le plan- 
cher de l'orbite ct la paroi antérieure du maxillaire supérieur. Le 
19 décembre, résection de cet os, mais en conservant l'apophyse palatine 
qui me parut saine. L'opération confirma le diagnostic d'ostéo-sarcome ; 
la tumeur avait le volume d'une petite orange L'’incision de Liston, qui 
avait été préférée, se réunit par première intention et, le 26 janvier, le 
malade quitta l'hôpital, paraissant complètement guéri, sans avoir subi 
aucune séance radiothérapique. 


MAUNOURY. — TUMEURS MALIGNES 801 


Le 15 mai 1905, il revint me voir, portant dans la joue un noyau de 
récidive gros comme une noisette, développé dans l'épaisseur du rebord 
alvéolaire laissé en place. Il fut opéré le jour méme, à l’aide d'une inci - 
sion pratiquée sur la tumeur qui fut enlevée avec sa base d'implantation 
sur l'os. La plaie fut bourrée de gaze stérile et on y fit, dans les deux 
semaines qui suivirent, deux séances de radiothérapie. Ce malade quitta 
mon service le 4 juin et revint encore une fois subir une troisième 
séance. 

La plaie se cicatrisa rapidement en laissant une légère dépression et, 
depuis, elle n’a plus présenté aucune trace de récidive. Actuellement 
(juillet 1907), la guérison reste complète. 


CONCLUSIONS 


La radiothérapie des tumeurs malignes doit être considérée comme 
un adjuvant très efficace de la chirurgie pour détruire les éléments cancé- 
reux qui échappent au bistouri. 

Toutes les fois qu'une tumeur maligne est opérable, on devra com- 
mencer par l'enlever aussi largement que possible. La radiothérapie ne 
devra être employée qu'ensuite. 

Les rayons Röntgen devront être appliqués immédiatement après 
l'opération, sur la surface saignante de la plaie, s’il est possible. 

Si le chirurgien a lieu de craindre une récidive, il devra maintenir 
la plaie opératoire ouverte, afin de pouvoir laisser aux rayons leur 
maximum d'énergie, ce qui ne permettrait pas l'interposition de la peau 

Les autoplasties nécessaires ne seront faites que lorsque tout danger 
de récidive aura disparu. 

Les ganglions envahis, accessibles au bistouri, seront traités de la 
même manière. 


REVUE DE LA PRESSE 


E. Borbet. — Le traitement électrique prolongé dans les paralysies 
de l'enfance. — Archives des Laboratoires des Hôpitaux d'Alger, 
Décembre 1906. 


Obs. I. — Paralysie infantile traitée pendant trois ans. Très grande amélio- 
ration. — M. G., âgé de 3 mois, m'est adressé par le docteur Labrosse, en 
Octobre 1901. Il s’agit d'une polyomyélite antérieure aiguë, ayant frappé tout le 
membre inférieur gauche. Le premier électro-diagnostic est très difficile à pra- 
tiquer, le petit malade étant malaisément maintenu. Je constate de la diminutien 
de l'excitabilité faradique dans tous les muscles du membre inférieur gauche, 
diminution surtout accusée dans les muscles de la région antéro-externe de la 
jambe. Lorsque l'enfant est couché, aucun mouvement volontaire n'est possible ; 
si, ayant soulevé le membre, on l'abondonne à lui-même, il retombe lourdement 
et demeure inerte. 

Le traitement est commencé quatre semaines après le début de la maladie. 
J'applique la faradisation localisée à intermittences éloignées, de Duchenne (de 
Boulogne). Chaque muscle est excité séparément, pendant quelques minutes, à 
son point moteur. Bobine à gros fil, appareil volta faradique de Gaiffe. Les 
séances ont lieu 3 fois par semaine pendant deux mois. 

En janvier 1902, je puis déjà constater une amélioration très notable des 
muscles de la région postérieure de la jambe. Le petit malade peut, dans son 
lit, fléchir la cuisse sur le bassin et étendre la jambe. 

Le traitement est repris en février 1902. L'enfant peut marcher à quatre pattes ; 
l'excitabilité faradique des muscles de la cuisse est beaucoup moins diminuée ; 
l'atrophie se localise dans le jambier antérieur, l'extenseur commun des orteils 
et les péroniers. Dans ces deux muscles, l'excitabilité faradique est très diminuée, 
elle est abolie dans le jambier antérieur. L'excitabilité galvanique y est extrê 
mement diminuée, 

Le 28 Février, le petit malade peut faire quelques pas tout seul en se tenant 
à un mur. Le pied traîne passablement sur le sol. Néanmoins quelques mouve- 
ments volontaires apparaissent dans l'extenseur commun des doigts et dans les 
péroniers. 

En Juin, l'état des muscles s'est constamment et progressivement amélioré 
au point de permettre au malade de marcher toute la journée dans la maison 
sans qu'on le soutienne. L'excitablité faradique est redevenue normale dans les 
muscles de la cuisse. Le squelette se développe normalement, il n°y a ni raccour- 
cissement, ni maigreur du membre. 

Le traitement est suspendu de juillet à octobre. L'enfant passe l'été au bord 
de la mer. On le laisse toute la journée en plein air. 11 prend des bains de mer 
chauds, des massages et du glycérophosphate de chaux. 

Pendant l'hiver 1903, le traitement est repris un mois sur deux. Le malade 
grandit, il marche facilement et lorsqu'il donne la main sa boiterie est insigni- 


REVUE DE LA PRESSE 803 


fiante. L’extenseur et les péronicrs n'offrent plus qu’une légère diminution de 
l'excitabilité faradique. Seul le jambier antérieur présente la réaction de dégéné- 
rescence. Je modifie le traitement de la façon suivante : galvanisation continue 
du membre, plaque positive sur la colonne vertébrale, pied dans un pédiluve 
négatif, intensité {0 milliampères, 5 minutes. Je fais suivre cette application 
d'alternatives voltiennes sur le jambier antérieur, les extenseurs et les péroniers 
pendant cinq minutes. 

En juin 1903, le petit malade fait de longues marches sans fatigue. 

En 1904, le même traitement est suivi à intervalles éloignés. On pratique, 
en outre, des massages. À la fin de l’année, l'enfant a grandi beaucoup et marche 
sans boiterie apparente. La pointe du pied ne se relève pas aussi vite, ni aussi 
complètement du côté malade que du côté sain, et le malade doit y prêter atten- 
tion, mais il butte rarement sur les petits obstacles du sol. Il n’y a pas de modi- 
fications du squelette, il reste seulement un peu d'atrophie des muscles de la 
jambe. | 

Electriquement, l'extenseur et les péroniers présentent une excitabilité fara- 
dique normale. Seul, le jambier antérieur demeure dégénéré. Les secousses 
galvaniques produisent dans ce muscle une contraction toujours lente, mais 
cependant plus forte. 

L'amélioration est donc grande, surtout si l'on compare cet enfant à son frère 
aîné, qui fut atteint de paralysie infantile à peu près au même âge et qui, mainte- 
nant, présente de l'atrophie musculaire et osseuse très prononcée de la jambe, ct 
un pied bot varus équin paralytique. 


Oss. II. — Paralysie infantile traitée pendant quinze mois. — Guérison. — 
Ch..., fillette de dix mois, m'est adressée le Y juin 1904 par le docteur Charles 
Aboulker pour une paralysie infantile du bras gauche. Le membre supérieur est 
complètement inerte et pend le long du corps. La maladie remonte à trois 
semaines. Tous les muscles du bras et de l'épaule sont paralysés, les muscles de 
l’avant-bras obéissent à la volonté, mais leurs contractions sont faibles. L'électro- 
diagnostic démontre que seul la deltoïde présente la réaction de dégénérescence 
complète (abolition de l'excitabilité faridique, diminution de l'excitabilité galva- 
nique avec inversion de la formule polaire et lenteur des secousses). Le trapèze, 
le biceps, le brachial postérieur, sont moins touchés. L'excitabilité faradique est 
diminuée et les secousses galvaniques sont égales au négatif et au positif. Les 
muscles de l’avant-bras sont seulement un peu moins excitables qu'à droite. 

La mère de cette petite malade est mise au courant de la longue durée du 
traitement et comme elle ne peut, pour des raisons particulières, conduire son 
enfant à mon cabinet, elle se procure sur mes indications, un appareil galvanique 
muni d'un collecteur et d'un milliampéremètre apériodique. Je prescris le traite- 
ment suivant : placer entre les épaules une plaque de 100 cm? reliée au pôle 
positif et sur les points moteurs du deltoide, du biceps et du triceps, une plaque 
reliée au pôle négatif. Elever l'intensité du courant de 6 milliampères. Durée de 
la séance, 15 minutes. Trois fois par semaine, très régulièrement Après quelques 
séances d'essai, la mère électrise elle-même son enfant. 

30 octobre 1904. — J'examine la malade et je puis constater une améliora- 
tion clinique des plus nettes. Le bras n'est plus collé au corps, le coude peut-être 
volontairement écarté de quelques centimètres, le membre n’est plus froid, il se 
développe normalement; les mouvements des doigts et de la main sont bien 
plus rapides et plus agiles. 


804 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


L'excitabilité du trapèze, du biceps, du brachial postérieur est beaucoup moins 
diminuée, la NFS prédomine. La deltoide présente aussi un certain degré d'amé- 
lioration : La NFS est légèrement plus forte que la PFS, mais la secousse est 
toujours lente et l'excitabilité faradique est abolie. 

On continue le mème traitement. L'intensité du courant est élevèe à 10 milli- 
ampères. 

24 junvier 1905. — Les réactions électriques sont å peu près tonjours les 
mêmes pour la deltoide, mais l'amélioration s'est accentuée pour les autres 
muscles. La flexion de l'avant-bras est possible quoique le biceps présente encore 
une atrophie marquée (un centimètre de tour de bras de différence avec le côté 
sain). La petite malade peut lever le coude jusqu'à hauteur de l'épaule. Après sept 
mois de traitement suivi régulièrement, l'amélioration est donc très importante. 
La réaction de dégénérescence ne se montre plus que dans le deltoide où cepen- 
dant elle présente des caractères moins complets. 

Le traitement galvanique est continué pendant huit mois encore et l'amélio- 
ration clinique est si grande que l'on abandonne toute espèce de thérapeutique. 
Tous les mouvements volontaires sont possibles, il n`y a plus de signes d'atrophie 
musculaire et le docteur Aboulker considere sa malade comme guérie. 


Ogs. LIL. — Polynéorite infectieuse traitée pendant un an. — Guérison. — 
E. L.. , 5 ans 1/2, entre à l'hôpital de Mustapha, salle Guersant, N° 6, et le doc- 
teur Curtillet l'adresse au service d'électrothérapie le 29 mars 190%. Cet enfant 
est atteint d'une paralysie du deltoide à droite et d'une paralysie radiale à 
gauche, L'histoire clinique de cette paralysie permettait de penser tout d’abord 
à une paralysie infantile, mais son évolution la classe dans les polynévrites 
d’origine probablement infecticuse. 

Je constate en pratiquant l'électrodiagnostic que le deltoide présente la réac- 
tion de dégénérescence ; abolition de l'excitabilité faradique, diminution de 
l'excitabilité galvanique, PFS > NFS, secousses lentes. 

Les autres muscles du bras et de l'avant-bras droit ont une excitabilité élec- 
trique normale. 

Au membre supérieur gauche, les muscles radiaux, extenseurs communs et 
propres des doigts présentent la réaction de dégénérescence : abolition de l'exci- 
tabilité faradique, diminution de l’excitabilité galvanique, PFS > NFS, secousses 
très lentes. Les autres muscles sont normaux. 

Le traitement suivant est institué: plaque de 100 centimètres carrés reliée au 
pôle positif entre les épaules; les deux mains immergées dans une cuve d'eau 
tiède reliée au pôle négatif ; intensité du courant : 10 milliampères; séances 
gnotidiennes de 10 minutes. 

Le 10 avril 1904, je constate une amélioration : 

1° Dans les faisceaux moyens et postérieurs du deltoide qui deviennent lègè- 
rement excitables à un courant faradique fort; de plus le malade éleve le bras 
dans le prolongement des épaules un peu au-dessus de lhorizontale ; 

2° Dans les radiaux et les extenseurs du bras gauche où la NFS produit une 
contraction lente, il est vrai, mais bien supérieure à la PFS. 

Le petit malade est retiré de l'hôpital et son père le traite à domicile, suivant 
mes indications, avec un appareil galvanique. Mème traitement que ci-dessus. 
J'ajoute, à la gdvanisation continue, des alternatives voltiennes sur les points 
moteurs des muscles paralysés. Cet enfant m'est régulièrement amené tous les 
trois mois. 


REVUE DE LA PRESSE | 805 


La paralysie rétrocede dans l'avant-bras gauche où la guérison est complète 
vers le cinquième mois. 

Après un an de traitement très régulièrement suivi, je constate que l'atrophie 
du deltoïde a disparu ; tous les mouvements volontaires du bras sont possibles. 
Les effets de force sont identiques dans les deux épaules. L'excitabilité faradique 
est revenue ; elle est aussi forte dans le deltoïde droit que dans le gauche. La 
guérison est complète. 


Oss. IV. — Puralysie radiculaire obstétricale traitée pendant plus de dix 
mois. — La malade est en voie de guérison. — Elise D..., âgée de un mois, 
m'est adressée le 16 avril 1905 par le professeur Cartillet, pour une paralysie 
radiculaire obstétricale du plexus brachial. Cette paralysie n'est pas absolument 
totale, c'est surtout une paralysie du type supérieur : le deltoïde, le biceps, le 
brachial antérieur et le long supinateur sont paralysés ; mais, de plus, le brachial 
postérieur, les rad'aux et les extenseurs sont atteints. Le bras pend inerte, collé 
au corps, en pronation, les doigts fléchis. Les fléchisscurs ne sont pas touchés, ` 
ils sont en contracture apparente par suite du relâchement des antagonistes. 

L'électrodiagnostic peut être utilement pratiqué malgré le jeune âge de l'enfant. 
Il démontre que le deltoide, le biceps, le brachial antérieur, le long supinateur, 
le brachial postérieur, les radiaux et les extenseurs des doigts sont frappés de 
dégénérescence complète. L'excitabilité faradique est abolie et l'excitation galva- 
nique n'est suivie de réponse qu'à une fermeture positive à l'intensité élevée. 
La faradisation du plexus brachial au point d'Erb provoque seulement la 
contraction des fléchisseurs de la main. 

Les parents du malade, habitant loin d'Alger, je leur conseille d'acheter un 
appareil galvanique, et le traitement suivant est régulièrement appliqué : plaque 
de 100 ceutimètres carrés recouvrant l'épaule et la région du point d'Erb, reliée 
au pôle positif; plaque négative sur le dos de la main et le poignet ; intensité du 
courant, 5 milliampères, 10 minutes, six fois par semaine. 

Le 12 juin, après un mois et demi de traitement, le bras n’est plus collé au 
corps, l'enfant porte la main jusqu'à la bouche; quelques mouvewents d'abduction 
du coudo sont possibles. 

Le 12 juillet, l'amélioration s'accentue. L'excitabilité galvanique est encore 
très diminuée (15 milliampères); mais la NFS est plus forte que la PSF. J'ajoute 
au traitement quelques secousses de fermeture au niveau des points moteurs 
des muscles. 

Le 6 novembre 1906, après plus de six mois de traitement, je constate des 
progrès très marqués : L'enfant élève le coude à la hauteur de l'épaule, elle porte 
facilement la main à la bouche. L'excitabilité faradique commence à reparaître 
dans les muscles paralysés ; l'excitabilité galvanique est encore diminuée. 
Le traitement consiste en secousses galvaniques plus nombreuses, 

Le 5 février 1907, l'excitabilité faradique est presque normale dans la plupart 
des muscles ; elle est encore un peu diminuée dans le deltoide et surtout dans 
le biceps ; les mouvements volontaires sont presque tous possibles. La flexion et 
l'extension des doigts se font bien; l'enfant tient facilument les objets qu'on lui 
donne. Elle porte la main à la bouche et l'élève jusqu'à son front. Elle ne peut 
Pas encore élever le bras dans la verticale, lorsqu'elle est assise; mais, dans la 
Position couchée, elle fait fréquemment ce mouvement. La flexion de l'avant-bras 


ANNALES D'ÉTLECROBIOLOGIE. TOME X. — NOVEMBRE 1907. 56 


806 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


sur le bras est encore incomplète. Le membre est bien nourri. L’état général de 


l'enfant est excellent. 
L'amélioration est donc considérable et la petite malade est en voie de 


guérison. 


LELOUTRE. — Traitement de l'artério-sclérose et de l’hypertension 
artérielle par la haute fréquence. — Annales médico-chirurgicales 
du Centre ; 14 avril 1907. 


Oss. I. — Le 22 novembre, le docteur Fleury m'adresse une neurasthénique 
pour que je la traite par l'électricité. C'est une excitée ne tenant pas en place, 
racontant ses malheurs, ses maladies avec force détails et volubilité. Avant de 
la soumettre aux bains et douches statiques, qui sont le traitement électrique 
classique de la neurasthénie, je mesure sa tension artérielle et je trouve 22 cen- 
timètres (1). Je la soumets alors, du 22 novembre au 12 décembre, à 10 séances 
de 15 minutes d'auto-conduction et j'abaisse sa tension artérielle à environ 15 
centimètres. 

Ce qu’il y a de particulier chez cette malade, c'est la chute irrégulière de sa 
tension. A la deuxième séance, la pression était tombée à 18 centimètres, tandis 
qu'à la troisième elle était remontée à 22, pour descendre à 17 à la quatrième et 
remonter à 20 à la cinquième et à 21 a la sixième, puis abaissement régulier de 
1 ou 2 centimètres par séance jusqu'au 12. Cette malade se trouvait soulagée la 
soirée et la nuit qui suivait chaque séance. Naturellement, je ne m'occup:1is que 
de cette partie du traitement, M. Fleury surveillait sa malade ct lui faisait prendre 
les médicaments qu'il jugeait convenables. Cette malade ayant eu une attaque de 
grippe et bronchite, a forcément interrompu le traitement ; je viens de la revoir 
(22 janvier) ; la pression est demeurée aux environs de 17. 


Oss. II. — Le 26 novembre, le docteur Lieffring m'adresse, pour la soumettre 
à la haute fréquence, Mme de S..., neurasthénique de 67 ans. Sa mère, dit-elle, 
était excessivement nerveuse, son fils est également neurasthénique ; tous les 
étés ils vont suivre un mois ou deux de traitement dans un institut Kneipp, de 
Belgique. | | 

Cette malade se plaint de maux de tête, surtout à la nuque, de bourdonnements 
dans les deux oreilles, son tympan gauche est perforé ; d'un balancement dans 
le cerveau isochrome, d'après ce que j'ai pu conclure de ses explications, avec les 
battements de ses artères et, de temps en temps, de vertiges. La radiale est dure 
et sinueuse, on ne voit pas ses temporales. La pression artérielle est d'environ 
25 centimètres; après 15 minutes d'auto-conduction, elle tombe à 24-23. 

Elle s'est trouvée mieux toute la journée et a mieux dormi la nuit, mais deux 
jours après, le 28, il n'y paraît plus ; la pression est restée à 24, elle descend à 22 
après un quart d'heure de cage. 

Le 30, la malade a moins de bourdonnements, son mal de tête n'est guère plus 
amélioré que son vertige ; la pression est de 23; après une séance de 18 miuutes 
elle n'est plus que de 20 centimètres. 

Le 3 décembre, les bourdonnements sont très améliorés, de même que la sen- 


(1) Au sphygmomanomètre de Potain. 


REVUE DE LA PRESSE 807 


sation de balancement ou de battement dans le cerveau. La pression est restée à 
20, la séance ne la fait baisser que de 1 centimètre. 

Le 9, peu de changement ; la pression est remontée a 21 ; un quart d'heure de 
cage la ramène à 19 centimètres. 

Le 7, la séance a baissé la pression de 20 à 18. Comme le mal de tête n'avait 
que peu changé, à partir de ce jour j'ai fait suivre chaque séance d’auto-conduc- 
tion de 7 à 10 minutes d'effluvage sur la région occipitale, mais sans faire monter 
la malade sur le tabouret de verre, de façon que la statique exerce le moins pos- 
sible son pouvoir hypertensif. 

Les 10, 12, 14, 17, séances de un quart d'heure, la pression baisse graduel- 
lement de 19 à 16 centimètres. 

Dix jours après, le 27 décembre, la pression était restée aux environs de 16. 

Avant-hier j'ai reçu son fils, qui m'a dit que sa mère était contente, qu'elle 
n'avait presque plus de vertige, qu'elle sortait sans avoir peur de tomber et qu'elle 
n'avait plus son balancement dans la tête. 


Os. IT. — M. M..., de Châteaurenault, 66 ans, ayant appris par les journaux 
que l'arsonvalisation guérissait l'artério-clérose, est venu me trouver, le 
1er décembre, me demandant de le soumettre à ce traitement. L'artère radiale est 
légèrement dure et sinueuse, ni souffle ni bruit anormal au cœur, qui paraît peut- 
ètre un peu dilaté. La pression artérielle est de 21 centimètres. Après 12 minutes 
de cage, la tension est à 20 centimètres. Les séances suivantes sont de 15 minutes; 
après la cinquième, la pression n'était plus que de 16 centimètres. Je lui fais 
encore deux séances de 10 à 12 minutes, et la tension se maintient à 16. En dehors 
de cet abaissement de tension sensible pour le manomètre, mais non pour le 
malade, ce dernier ne ressentit, sur le moment, aucune amélioration. 

Quinze jours après, le 4 janvier, ce malade est revenu me demander de lui 
faire encore quelques séances, car, me dit-1l, les douleurs qu’il éprouvait autrefois 
dans le cou et le derrière de la tète s'étaient très atténnées La pression était 
restée aux environs de 16 centimètres. Je le mets 8 minutes en cage, puis je lui 
donne une douche statique avec effluvation, pendant 10 minutes, sur la région 
douloureuse. Depuis le 4 janvier, il est venu cinq fois ; je lui est donné des 
douches statiques précédées de 5 minutes de cage, pour contrebalancer l'effet 
hypertensif de la statique; ses douleurs de tête ont à peu près disparu et sa tension 
reste toujours aux environs de 16 centimetres. 


Oss. IV.— M. VY... ancien colonel, 67 ans, en paraît 80; teint vieil ivoire, très 
ridé, joues flasques, l'aspect très déprimé, m'est adressé, le 26 juin 1406, par M. le 
docteur André. Depuis quelque temps déjà, ce malade avait des crises répétées 
d'angor pectoris; pas de soufle, ni de bruit cardiaque anormal, mais seulement 
du claquement des valvules; artères radiales et temporales dures et sinueuses 
tension artérielle: 25 centimètres. Je le fais entrer dans le grand solénoïde et le 
soumets, un quart d'heure, à l’auto-conduction ; la tension descend à 22, c'est-à- 
dire différencié de 3 centimètres. 

Le 28, le malade me dit qu'après la séance précédente il a ressenti un vague 
bien-être, marchant mieux, ayant les mouvements plus libres, mais cette amélio- 
ration n'a persisté que quelques heures ; il en fut de mème, d'ailleurs, après 
chaque séance ; le malade se trouvait mieux, mais quelques heures seulement. 

La pression, de 22 est remontée à 23 centimètres; séance de 15 minutes, la 
pression tombe à 19-20. 


ee Se CE CS EO R E O A E US E: 


808 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Le 30 juin, troisième séance ; la pression qui était remontée à 21, s'abaisse 
à 17. 

Le 2 juillet, le malade paraît plus fatigué ; il a eu, la veille, un terrible accès 
d'angine ; la pression, qui était tombée à 17, est remontée à 22 centimètres ; je le 
laisse 18 minutes dans le solénoïide; la pression s'abaisse à 18. 

Le 4, pas de nouvel accès ; la pression s'est relevée a 20 ; 15 minutes de cage 
l'abaissent à 17. 

Le 6, rien de nouveau ; la séance de 15 minutes fait baisser la pression de 18 
à 16. 


Henri DxsgpLats et René DeEsPLaATs. — Arthrite et myosite blennorrha- 
giques traitées et guéries par les courants continus. — Journal des 
Sciences médicales de Lille, G juin 1906. 


Le malade (1) que vient de vous présenter mon fils et que vous avez vu si par- 
faitement guéri qu'il lui reste seulement un peu d'atrophie des muscles de 
l'épaule, est coupeur de son état, et âgé de 19 ans. Le 24 janvier dernier, quatre 
jours après un coit suspect, il fut pris de blennorrhagie, pas très aiguë, et cinq 
jours après, le 29, il avait des douleurs assez vives dans les membres du côté 
gauche. En quelques jours le membre inférieur était délivré, à la suite de frictions, 
et les douleurs se localisaient dans l'épaule gauche. | 

6 février, jour de son entrée à l'hôpital, ce jeune homme n'avait suspendu 
son travail que depuis le 3, l'articulation scapulo-humérale était tuméfiée, sans 
rougeur; les mouvements spontanés étaient nuls, les mouvements communiqués 
très limités, à cause de la douleur. Il n'y avait pas de fièvre et l'écoulement était 
très peu abondant. Rien au cœur. Pas d’albumine dans les urines. 

Je prescrivis 3 grammes de salol, une application de salicylate de méthyle ct 
un enveloppement ouaté. 

8 février. — La douleur était très diminuée, mais l'impotence était toujours 
complète. Pas de fièvre. 

10 février. — Première séance d'électrisation (1/2 heure, courant continu 100 
à 150 milliampères, larges électrodes de terre anglaise). 

12 février. — Deuxième séance. La première avait déjà produit une diminu- 
tion de la douleur. On remarquait que, outre la tuméfaction articulaire incontes- 
table, il existait un œdème de toute la région s'étendant jusqu’à la partie moyenne 
du bras et de la douleur le long du biceps. — Ce jour-là, la température montait 
à 38°2. 

14 février. — Nouvelle application, un peu prolongée (3/4 d'heure). Le soir, 
la température monte à 38°8. 

15 février. — L'état local est satisfaisant, mais l'état général est moins bon. 
On ne trouve rien au cœur, ni du côté de la plèvre. Pas de pus. Urines abon: 
dantes. 

16 février. — Quatrième application électrique. La température est à cheval 
sur 38°. 

17 février. — Sans cause connue, la température monte, le soir, à 3%4. Le 
lendemain, on constate que l'articulation de l'épaule est tout à fait libre et qe 


(1) Malade présenté à la Société des Sciences médicales (Séance du 11 avril 1900), 


Rene ie on os y, 


REVUE DE LA PRESSE 809 


les mouvements sont indolores et faciles, mais le coude est douloureux et les 
mouvements de flexions de l’avant-bras impossibles. Un examen attentif montre 
que ces douleurs sont dues à la rigidité du biceps, qui paraît emflammé. 

21 février. — Douleurs et fièvre ont disparu, mais les douleurs d'élévation du 
bras sont complétement abolies, et on note une atrophie assez prononcée des 
muscles sus et sous-épineux. Bon état général. 

26 février. — Même impotence et même atrophie des muscles de l'épaule. La 
région deltoidienne paraît augmentée de volume et on sent des nodosités le long 
de la face antérieure du biceps, sur plusieurs d'entre elles la peau est rouge. Le 
malade se plaint de douleurs nocturnes spontanées très vives au niveau de 
l'épaule. Depuis trois jours, la température se maintient au-dessus de 38°. Appli- 
cation de salicylate de méthyle, enveloppement ouaté. On continue les applica- 
tions électriques deux ou trois fois par semaine. 

27 février. — La température tombe au-dessous de 3%, mais elle remonte 
encore le 28 pour retomber le {°° mars. 

3 Mars. — On constate que les nodosités du biceps sont accrues et que l'une 
d’elles est mème fluctuante. Avec une seringue de Pravaz on en retire du pus qui 
contient des streptocoques et de rares gonocoques. 

5 Mars. — Les noyaux s'indurent et le biceps parait rigide dans toute son 
étendue. Les mouvements de flexion et d'extension sont douloureux. Pendant 
deux jours le malade va mieux et on assiste à la résolution graduelle de la 
myosite ; mais, dans la nuit du 6 ou 7, les douleurs articulaires reprennent très 
vives, et le lendemain, il existe une tuméfaction très apparente. Il semble mème 
y avoir de la fluctuation ; cependant une ponction exploratrice intra-articulaire 
n'amêne pas de liquide. Le lendemain, une nouvelle tentative est faite, encoie 
sans résultat. 

Après une nouvelle application électrique, le 11 au soir, la température 
atteint 39. Le lendemain, il n’y a plus que 37°6 le gonflement est sensiblement 
moindre. 

Après quelques jours de repos, il y a une nouvelle poussée les 18 et 19, après 
quoi la température tombe, le 20, au-dessous de 3%, d'où elle ne se relève plus, 
tandis que la convalescence s'achève sans incident 

Dés le 26, le malade peut porter son bras dans la position horizontale, et le 
10 avril, jour de sa sortie, il peut exécuter tous les mouvements. 

L'écoulement, qui avait complètement disparu quelques jours après l'entrée, 
lorsque l'arthrite était le plus prononcée, reparut le 4 avril, au moment où tous les 
phénomènes articulaires avaient disparu. Il ne persista guère et il n'y en avait 
plus trace le jour de la sortie. 


A plusieurs points de vue, ce fait est très intéressant : 

l° L'arthrite scapulo-humérale a procédé par poussées distinctes comme 
certains rhumatismes vulgaires, tandis que le rhumatisme l'lennorrhagique se 
fait remarquer d'ordinaire par son acuité, sa fixité et la lenteur de son évolution, 
celui-ci a été subaigu dès l’abord, puisque pendant les 4 ou 6 premiers jours le 
malade a pu continuer son travail, et que la température, pendant les 12 premiers 
jours, a à peine dépassé la normale. Il a ensuite procédé par poussées, chacune 
de quelques jours de durée, qui ont cédé rapidement à la médication électrique 
ou salicyclée et, enfin, malgré les rechutes, la durée totale n'a pas dépassé 
50 jours, puisque, commencée le 29 janvier, l'arthrite était définitivement guérie 
le 20 mars ; 


810 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


2° En second lieu, ce fait mérite d'être signalé, à cause de la myosite 
suppurée qui s'est ajoutée à l'arthrite. C'est une complication rare, dont les 
auteurs ne parlent pas et dont quelques exemples seulement ont été cités : 

3 Il mérite aussi d'être signalé, à cause du traitement que nous avons 
appliqué, traitement non encore vulgarisé et cependant si efficace. Je laisse la 
parole à mon fils qui vous en parlera avec plus de compétence que moi. 


L'observation qui vous a été rapportée par mon père est bien celle d'une 
monoarthrite blennorrhagique grave, et vous savez combien ces monoarthrites 
sont rebelles, dans la plupart des cas, à toutes les médications, si bien que l'on 
est alors obligé pour faire cesser la douleur de condamner l'article à l'ankylose ou 
à la raideur en l'immobilisant. | 

La monoarthrite se compliquait ici de périarthrite et de myosite, qui venaient 
encore aggraver le pronostic, et la méthode thérapeutique employée nous a 
permis cependant d'obtenir une guérison parfaite. Je crois donc devoir vous 
l'exposer avec quelques détails, d'autant mème qu'il s'agit, en somme, d'une 
méthode relativement simple, que peuvent employer tous les praticiens qui 
disposent d'une source d'électricité suffisante et d'un milliampèremètre. 

La source d'électricité employée a été, dans le cas particulier, le courant du 
secteur de la ville, mais une bonne batterie de 40 piles, a grand débit, telles 
qu'en fournissent aujourd'hui tous les constructeurs, pourra très bien remplacer 
le secteur à courant continu. 

Quant au milliimpéremètre, je n'ai pas à insister ici, je pense, sur la néces- 
sité de cet instrument, et il me semble aussi absurde de vouloir faire de 
l'électrothérapie sans appareil de mesure que de faire de la pharmacie sans 
balance ou sans éprouvettes graduées; j'ajoute que, dans le cas particulier, 
le milliampéremètre doit pouvoir mesurer dé 1 à 250 milliampères, puisque la 
méthode repose sur l'emploi de ces intensités. 

Vous avez entendu dire tout à l'heure que j'avais fait passer, à travers l'arti- 
culation do mon malade, des courants de 100 à 150 milliampères, et vous vous 
êtes demandés peut-être s'il n'y avait pas là un danger d'escarification de la peau. 
Ce danger existerait, en effet, si l’on n'employait pas des electrodes très larges, 
si l'on n'avait pas la précaution de les mouler parfaitement sur la peau et si l'on 
ne consultait pas aussi la tolérance du malade. 

L'emploi d'électrodes très larges se justifie par ce fait que l'on veut, non seu- 
lement recouvrir une moitié de l'articulation, mais même la dépasser largement, 
en haut et en bas, pour intéresser tous les tissus périarticulaires. Ces grandes 
éleétrodes permettent de faire passer une plus grande quantité d'électricité en 
diminuant la résistance opposée au passage du courant. 

J'ai dit que les électrodes devaient se mouler parfaitement sur les replis de 
la peau; c'est qu'il ne suffit pas, en effet, d’avoir de grandes électrodes, mais il 
faut encore ne pas perdre une partie de la surface utile des électrodes, et c'est ce 
qui arriverait si elles n'adhéraient pas à la peau, de telle sorte que la densité du 
courant pourrait être plus forte en un point donné et il en résulterait une escarre. 
Les électrodes en peau de chamois, couramment utilisées en électrothérapie, ont 
l'inconvénient d'être peu malléables et, de plus, une torte pression est nécessaire 
pour les maintenir en place; elles ne permettent pas facilement, en somme, 
l'emploi des hautes intensités; aussi est-il préférable d'employer des électrodes 
en terre glaise, qui, si elles offrent le double inconvénient d'être froides et 


—— = 


REVUE DE LA PRESSE 811 


malpropres, présentent le grand avantago de permettre des applications peu 
douloureuses de courants intenses. 

Les deux électrodes seront appliquées sur les deux faces principales de l’arti- 
culation, reliées par deux fils conducteurs aux deux bornes de la source du 
courant, et l’on débitera un courant progressivement, mais lentement, croissant, 
en se basant : d’une part, sur l’observation du milliampéremètre et, d'autre part, 
surtout sur la sensibilité du malade, à qui l’on recommandera toutefois d'être 
courageux. Dans ces conditions, si les électrodes sont bien faites et bien 
appliquées, on atteindra facilement, dans la plupart des cas, 100, 150 et même 
200 mA ; les intensités les plus hautes sont les plus efficaces en l'espèce. 


Combien de temps devront durer ces applications ? 


Il ne faudra pas les faire durer moins d'une demi-heure, surtout au début, ct 
il sera inutile de dépasser une heure. 


A quels intervalles faudra-t-il les répéter ? 


Si la chose est possible, les premières applications de courant continu devront 
être quotidiennes. surtout dans les cas très graves, car c’est le meilleur moyen 
d'obtenir une guérison rapide. Plus tard, quand le malade se trouvera très 
amélioré, les applications pourront être faites tous lcs deux jours, puis tous les 
trois jours, tous les quatre jours jusqu’à extinction complète. 

Telle est, brièvement exposé, la technique de cette méthode du traitement qui 
a été préconisée, pour la première fois, par M. le D' Delherm (Annales d'électro- 
biologie, 1901). 

Je pourrais vous citer ici trois autres observations personnelles de mono- 
arthrites blennorrhagiques graves dans lesquels j'ai employé cette méthode, deux 
fois avec succès complets, une autre fois avec succès partiel. Qu'il me suffise de 
vous les signaler sans m'y arrèter plus longuement; mais je veux au moins vous 
dire pourquoi trois de mes malades ont guéri complètement alors que le quatrième 
n'a pas tiré du traitement tout le résultat qu’on est en droit d'en attendre dans la 
généralité des cas. C’est que les trois premiers malades ont été soignés dans les 
deux semaines qui ont suivi le début des accidents, alors qu'ils étaient encore en 
pleine période inflammatoire, tandis que le quatrième avait été traité, pendant 
deux mois et demi, par l'immobilisation et les cataplasmes; dans ces conditions, 
j'ai pu calmer la douleur, mais il est clair que l'électricité ne pouvait pas dissoude 
les brides fibreuses qui s'étaient organisées dans la profondeur de l'articulation. 

C'est donc dans la première ou la seconde semaine, -aussi près que possible 
du début des accidents, qu'il faut appliquer la méthode que je viens de vous 
exposer, si l'on veut obtenir une guérison rapide et complète. 


Quels résultats faut-il attendre du traitement ? 


Dès la première séance, le malade accuse un grand soulagement, qui n’est pas 
comparable (il le dit lui-même s'il en a l'expérience) à celui qui peut suivre 
l'application d'un cataplasme, et dans la nuit suivante il dort souvent tres bien. 
L'œdème périarticulaire se dissipe vite. Au bout de trois ou quatre séances, 
quelquefois plus tôt, le malade ébauche lui-même, sans qu'il soit besoin de l'y 
pousser, les premiers mouvements de l'article malade, et les progrès deviennent : 
dès lors rapides. L’atrophie musculaire est très généralement évitée. 

A tous ces points de vue, le malade que nous avons présenté, et qui était à 


812 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


d'autres égards très intéressant, n’est pas un type, la galvanisation n'a pas agi 
chez lui aussi vite que chez beaucoup d'autres, mais il ne faut pas oublier que 
l'arthrite était ici accompagnée de myosite, et les différentes rechutes qui ont été 
observées me paraissent attribuables beaucoup plus à cette complication qu’à 
l'arthrite elle-mème. 


A. BéciEere. — Les phénomènes dits de préréaction, consécutifs à 
l'exposition de la peau aux rayons de Rœntgen ou au rayonnement 
du radium. — Académie de Médecine, 21 mai 1907. 


Le caractère le plus remarquable des réactions cutanées dues aux rayons de 
Rœntgen est d'apparaître seulement apres une période latente, qui atteint dix ou 
quinze jours quand la réaction ne dépasse pas les limites permises et se borne à 
de la rougeur. 

Cependant on peut voir apparaître, dans les vingt-quatre heures qui suivent 
l'exposition aux rayons de Rœntgen, un érythème précoce et inconstant qu'on 
appelle la préréaction. 

Cette préréaction s'observe aussi après l'exposition de la peau au rayonne- 
ment des sels de radium. 

M. Béclère démontre que la préréaction et la réaction régulière sont dues à 
des radiations différentes, qui n’ont pas le même foyer d'émission; que la prè- 
réaction est due aux radiations très peu pénétrantes secondairement émises par 
la paroi de verre de l'ampoule de Rœntgen ou par l'enveloppe métallique des 
sels de radium. 

Au point de vue médical et thérapeutique, la conséquence principale de cette 
notion physique, c'est que, contrairement à une opinion plusieurs fois mise en 
avant, le radiothérapeute, désireux de savoir s'il a atteint ou dépassé la dose 
convenable, s'il convient de poursuivre ou de suspendre le traitement, ne doit 
pas se guider sur la présence ou l'absence de la préréaction, phénomène contin- 
gent et accessoire, mais s'appliquer à un dosage aussi exact que possible de 
l'agent thérapeutique employé, rayons de Rœntgen ou rayonnement du radium. 
C'est le meillour moyen de prévoir le degré de la réaction régulière qui, seule, a 
de l'importance. 


+ en mn men 


La résistance électrique du sang et de l'urine 
considérée comme pouvant indiquer l'état du 
fonctionnement du rein, | 


Par M. DAWSON TURNER, M. D., F. R.S. E., 


chargé du service d’électrothérapie de l’infirmerie royale, à Edimbourg. 


ee ——— 


Dans une communication faite à la Société royale d'Edimbourg, : 


Décembre 1891, l’auteur relate une série d'expériences faites sur la 
résistance électrique des urines, à l’état de santé et de maladie. 

Le liquide à examiner était contenu dans des tubes en «, à la surface 
desquels plongeaient des disques en platine. La mesure était faite d'après 
la méthode de Kohlrausch, et à la température de 65° Fahrenheit. - 

Ces observations, qui s’étendaient aussi aux urines artificielles, 
démontraient que, normalement, l'urine a une résistance de 45 ohms. 
Cette résistance est en relation avec les sels de l’urine, comme les chlo- 
rures, sulfates, phosphates, etc. La résistance est d'autant moindre que 
la concentration est plus forte, et vice-versa. 

La résistance était surtout augmentée dans la pneumonie aiguë (par 
suite de la diminution des chlorures), dans le diabète sucré, dans la 
néphrite chronique ou aiguë et dans l’anémie pernicieuse. Comme l’on 
pense généralement que les glomérules sont surtout en rapport avec 
l'élimination des sels, une grande résistance électrique indiquerait une 
diminution de l'activité glomérulaire. 

Dans les dix dernières années, l'auteur a cherché à déterminer la 
résistance électrique du sang. Diverses méthodes furent, tour à tour, 
employées et rejetées : dilution avec de l’eau distillée, mesure d'une 
colonne de sang dans un tube capillaire. 

La principale difficulté résulte dans ce fait qu'une très petite quantité 
de sang peut être seulement utilisée à chaque expérience. 

Les meilleurs résultats étaient obtenus en plaçant 5 millim cubes de 
sang fraichement tiré entre deux électrodes de platine en forme de coupe 
et de 3 millim. de diamètre, revêtu de mousse de platine et placées à 
une distance de 0,75 millim. La longueur du cylindre de sang est moins 
importante que son diamètre, parce que la surface varie comme le carré 
du diamètre; d’autres fois, la résistance est en raison directe de la 
longueur et en raison inverse de la surface. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — DÉCEMBRE 1907. 57 


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814 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


En employant des électrodes à diamètre fixe et placés à la même 
distance, et en prenant la même quantité de sang, on obtient des résultats 
constants, pourvu, bien entendu, que la mesure soit très rapide, afin 
d'éviter la coagulation et l'évaporation du sang. La résistance moyenne 
du sang, avec ce procédé de mesure, est de 93,3 ohms, mais elle peut 
tomber à 85, ou s'élever cxceptionnellement à 130. Cette résistance 
dépend de la concentration du sang. 

Un changement remarquable est observé dans l'anémie pernicieuse, 
la résistance étant de 50 ohms, c'est-à-dire la moitié environ de celle du 
sang normal. On peut en déduire, que le sang contient, dans cette 
maladie, une quantité anormale de sels, soit par suite d'une insuffisance 
rénale, soit par suite d’une activité de désassimilation, soit des deux à la 
fois. La lumière est faite sur cette question, par l'examen de l'urine, qui 
montre une grande résistance. 

Il en résulte ce fait important que, tandis que l'urine contient peu de 
sels, le sang en contient une très grande quantité. Il y a donc, dans 
l’anémie pernicieuse, insuffisance rénale. 

Ces faits peuvent rendre des services, dans l’iuterprétation et le trai- 
tement de l’anémie pernicieuse. 

Lorsque la cryoscopie fut introduite, l'auteur compara les methodes. 
ll fut amené à établir une formule, qu'il appela « The Haemo-renal 
salt index ». 

Elle consiste dans le rapport entre la résitsance électrique du sang, 
et la résistance électrique de l'urine. 

Dans l’état de santé, l'index est le suivant : 


R. du ae Po se 
R. de l'urine 45 ° ` 


Si le chiffre trouvé augmente, cela indique yue le sang contient moins 
de sels, et l'urine davantage, et que l’activité du rein est augmentée Si 
le chiffre est diminué, on peut conclure à une diminution de l'activité 
rénale, 

Ainsi, dans des cas graves d'anémie pernicieuse, l'index est très 
petit, il n'est plus qu'une fraction, et lorsque le malade s’améliorera, on 
le verra augmenter, et, avec la guérison, on obtiendra le chiffre normal. 

Le cas suivant en donne un exemple : 

1. A. B. : sain. 

R. du sang _ 119 


———;:2z — — 3,1 comme index. 
R. de l'urine 38,25 á 
2. M. : anémie pernicieuse très forte. 


R. du sang 40,8 
R. de l'urine 68 


TURNER. — RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE DU SANG ET DE L'URINE 815 


3. Un malade du D" James avait comme index = 0,44, 
4, A. B. : anémie secondaire. 


R. du sang Nr. 
R. de l'urine 56.1 °” 
5. Rhumatisme chronique = 3,3, 
6. Néphrite chronique = 2,1. 
7. Anémie pernicieuse, guérie = 1,5. 


La méthode est plus sensible, plus rapide et plus exacte que la 
cryoscopie, mais elle ne mesure pas exactement les mèmes éléments La 
cryoscopie mesure seulement la concentration moléculaire, et le résultat 
est indépendant de la forme de la molécule, pourvu qu'elle ne soit pas 
dissociée (les sels, acides et bases sont exceptés\. 

La résistance électrique dépend seulement des sels, acides et bases, 
et, parmi les sels, le chlorure de sodium est de beaucoup le plus impor- 
tant. La méthode n’est pas pratiquement influencée par la présence du 
sucre, albumine et autres corps non électrolytes. 

L'urée a une influence peu considérable. 

La combinaison de la cryoscopie avec la détermination de « haemo- 
rénal salt index », nous donnera une idée plus précise de l'état du fonc- 
tionnement rénal, que chacune des 2 méthodes employée seule. Une des 
méthodes ne doit pas être considérée comme se substituant à l’autre, mais 
est simplement complémentaire. La méthode électrique est celle qui est 
la plus facile, et qui pourra être le plus cliniquement employée. 


(Traduit de l'anglais par M. D. COURTADE.) 


De l'électrothérapie dans l’urétrite blennor- 
ragique subaiguë et chronique et dans ses 
complications les plus habituelles (1). 


par M. Ch. PICHERAL. 


Les résultats heureux auxquels est arrivé le docteur Suquet en 
traitant maint blennorragien, les observations personnelles que nous 
avons pu recueillir dans son service, nous ont paru suffisamment inté- 
ressantes pour essayer d'exposer, sans parti-pris et sans idée préconçue, 
le traitement de la blennorragie et de ses complications les plus habi- 
tuelles, tel que nous l’avons vu appliquer. 

On sait toutes les recherches auxquelles s'est livrée la science 
médicale pour découvrir uu traitement vraiment curatif de cette tenace 
et dangereuse maladie; tenace de par la résistance qu'elle présente au 
traitement, dangereuse, tout d’abord, par ses graves complications; 
dangereuse parce que, éliquetée sous le titre de « maladie honteuse -, 
elle est souvent, ou abandonnée à elle-même, le malade n'osant aller 
avouer son mal à son médecin : ou mal soigné, le blennorragien, se 
traitant furtivement, craignant, par un traitement trop apparent, d'éveiller 
les soupçons de son entourage; dangereuse par cette fausse conception 
qu'en a le vulgaire, la considérant comme une affection bénigne et 
dérisoire ; dangereuse, enfin, par sa chronicité, dont l'insidiosité masque 
à l'ancien blennoragien la gravité du mal, et, soit par ignorance, soit par 
néglirerce, il va, par la contamination conjugale, determiner des atfec- 
tions le plus souvent incurables, compromettre l’avenir de la race. 

Nombreux sont les moyens thérapeutiques employés pour enrayer 
le mal : thérapeutique préventive, abortive, curative. Tous les moyens 
sont bons, sont suffisants parfois, mais non toujours. Ce sont ces cas 
particuliers, quelque peu améliorés, mais uon guéris par un traitement 
classique et prolongé, auxquels l'électrothérapie a donné des résultats 
satisfaisants que nous allons exposer ici. 

Après avoir suivi, dans l'urêtre, le gonocoque dsns sa marche 


Ga) Travail du Service des matalies rénériennes et rutanees des hôpitaux de Nimes, 
du D" Suquer. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 817 


envahissante, et après avoir examiné les lésions qu’il produit, nous exa- 
miperons si les différents traitements employés jusqu’à ce jour peuvent 
et suffisent à déloger l’agent virulent des repaires où il s'est cantonné. 

L'électricité, telle que nous l'avons vu employer, en est-elle capable? 
C'est ce que nous discuterons. Est-elle préférable aux traitements 
classiques? Il nous l’a semblé. Mais trop neuve est la méthode pour ètre 
déjà affirmatif sur ce point. 

L'anatomie pathologique de l’urétrite gonococcique ne commence qu'à 
Morgagni. C’est lui qui découvrit les sinus de la muqueuse urétrale et 
localisa dans leur cavité l'inflammation blennorragique. Mais deux 
hommes ont surtout contribué à fixer nos connaissances : Bumm et 
Finger. Les lésions de l'urétrite blennorragique sont produites par le 
diplocoque, découvert par Neisser, en 1879, et nommé gonocoque. On 
sait la virulence de cet agent d'infection, on connaît sa résistance aux 
antiseptiques, résistance que l'on s'explique facilement. Il suffit de suivre 
la marche du gonocoque à travers l’urètre, et la façon dont il sait 
s'insinuer partout et se blottir dans les recoins les plus inaccessibles de 
la muqueuse urétrale, pour être convaincu que l’agent médicamenteux 
l’atteindra difficilement. 

Déposés à la surface de l'urètre, les gonocoques attaquent les cellules 
épithéliales ; s’insinuent, paire par paire, dans les fentes interépithéliales ; 
se massent en petits amas aux points où plnsieurs cellules contiguës font 
un vide polygonal. Peu nombreux où la muqueuse est plane et sans 
lacune, ils sont en foule autour des follicules. 

Il y a plus : dans l'urètre viennent s'ouvrir de nombreuses glandes, 
plus ou moins développées, lacunes de Morgagni, follicules, glandes en 
grappe, glandes de Littre ; l'inflammation va trouver en elles un chemin 
facile, les microbes, un nid commode. Voici donc, grâce à la pénétration 
du gonocoque, toutes les glandules infectées. Ces glandulites peuvent 
guérir définitivement ; le plus souvent, elles persistent indéfiniment, se 
réveillant brusquement, après d'apparentes guérisons, sources incessantes 
de contagion, pouvant, d'un moment à l’autre réinoculer le canal, faisant 
réapparaître la blennorragie. 

Peu à peu, l'infection s'étend ; nous la voyons cheminer du point 
d'inoculation jusque dans l'urètre postérieur ; et le sphincter membra- 
neux, frontière entre la portion membrano-prostatique du canal et sa 
partie spongieuse, est rarement respecté par le gonocoque. Rarement la 
blennorragie reste localisée pendant toute sa durée à l'urètre antérieur, 
point sur lequel elle s'inocule. Physiologiquement, normalement, sans 
l'intervention d'aucune action étrangère. elle s'étend à l’urètre posté- 
rieur. Janet admet même que, 46 fois sur 100, l'urètre postérieur est 
infecté dans les quatre premiers jours. 


818 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Une fois dans l’urètre postérieur, des réceptacles nouveaux s'ouvrent 
à l'infection; la prostate. les glandes de Cowper vont constituer pour les 
vieilles inflammations blennorragiques un dernier refuge. Traqué dans 
ce repaire, d’où on n'a pu le déloger, le gonocoque va y dormir, et son 
sommeil servira d’amorce à une urétrite chronique. 

Pendant que ces lésions se produisent, avant même leur évolution, 
et dès que le processus blennorragique a envahi l'urètre postérieur, des 
organes importants sont exposés à la propagation de l'infection La péné- 
tration du virus blennorragique, ou, plus simplement, l'extension directe 
de l’inflammation dans la vessie, les vésicules séminales, l’épididyme, 
peuvent constituer de graves et douloureuses complications. 

En matière de blennorragie comme en matière de syphilis, la maladie 
perd avec l’âge en étendue ce qu'elle gagne en profondeur. L’urétrite 
âgée, en effet, se réfugie dans un ou plusieurs territoires toujours peu 
étendus, bien limités, mais elle en gagne les portions profondes 

Sous l’épithélium cylindrique, transformé en épithélium pavimenteux, 
stratifié et kératinisé, le chorion et le tissu conjonctif sous-jacent sont 
envahis par des ilots embryonnaires en voie de prolifération active; les 
papilles s'hypertrophient à leur tour, et l’on trouve, à la suracc du canal, 
des élevures d'aspect et de dimension variables, formant de petites gra- 
nulations. Lorsque l'infiltration, au lieu d'être molle, est dure, la sous- 
muqueuse est envahie par des fibres conjonctives qui étouffent les 
vaisseaux, anémient la muqueuse et, par leur rétraction, amènent d’abord 
un manque de souplesse et de dilatabilité de l'urètre, puis, à un degré 
plus avancé, une diminution notable de calibre. 

Source donc constante d'infection, toutes ces folliculites, ces glandu- 
lites, où le gonocoque s’est installé en maitre, source constante 
d'infection, ces prostatites, dernier abri de l'agent infectieux, source 
constante d'inflammation chronique, ces infiltrations pathologiques qui, 
ne permeltant à l'urèêtre qu'une incomplète dilatabilité et lui enlevant 
toute sa souplesse, oblige la stagnation de muco-pus en arrière de 
l'obstacle. 

‘Quant aux glandes périurétrales (lacunes de Morgagni, glandes de 
Littre, follicules clos) dont l'inflammation est, nous l'avons vu, une 
cause constante de réinoculation pour le canal, nous voyons leur orifice 
parfois s'oblitérer et, comme clles continuent à sécréter, il se forme de 
petits kystes purulents. Ces lésions glandulaires, décrites par Morgagni, 
Hunter, Civiale, Rollet, paraissent être, elles aussi, une cause fréquente 
de blennorragies persistantes. | 

Telles sont les lésions que produit le gonocoque dans le canal qu'il a 
envahi; que ce soit dans l'urètre antérieur, que ce soit dans l'urètre 


———— m a i ne, Le 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 819 


postérieur, on retrouve toujours l'inflammation des glandes d'une part, 
de l'élément interstitiel de l’autre. 

En présence de tels dégâts, devant ces foyers multiples, où se can- 
tonne le gonocoque, devant les obstacles de toute sorte derrière lequel il 
se dissimule, quels sont les moyens employés pour réparer ces domma- 
ges, pour enrayer la marche envahissante de l'agent infectieux, pour 
l’'anéantir enfin jusque dans ses repaires les plus éloignés ? 


Jadis confondue avec la syphilis, la blennorragie fut soumise aux 
mercuriaux. 

En 1850, époque à laquelle apparaissent les premiers travaux de 
Ricord, règne la théorie du « laisser couler -. 

Le malade est mis au régime du lait; tisanes abondantes et rafrai- 
chissantes, et on attend patiemment que l'écoulement devienne moins 
épais et, de vert, devienne blanchâtre. 

A ce moment on donnait du copahu, du cubèbe ou du santal à hautes 
doses jusqu’à cessation de l'écoulement. Ce traitement antiphlogistique 
était logique, en somme, puisque la blennorragie était considérée comme 
le résultat d'une cause qnelconque d'irritation. 

Diday préconise cette méthode du « laisser couler », tant que la dou- 
leur, ‘les phénomènes fonctionnels, l'aspect de l'écoulement étaient ceux 
de la période d’état (état irrépressible). Ce n'est qu'au bout de trois 
semaines environ. lors de la période de déclin (état répressible), que 
Diday se décidait alors à « couper » l'écoulement. Des balsamiques à 
l'intérieur, des injections astringentes devaient pourvoir à cette indication. 

La découverte du gonocoque, par Neisser, l'orientation générale de 
la thérapeutique, changèrent les choses. Nous nous trouvons aujour- 
d'hui en présence d'un certain nombre de méthodes. Nous allons rapide- 
ment les passer en revue. 

Tout d'abord quelques mots d'un traitement aussi suggestif en théorie 
que peu réalisable en pratique. et. par suite, combien décevant; nous 
voulons parler du traitement abortif. Traitement qui doit être institué 
tant que la blennorragie n'est pas cliniquement constituée, c’est-à-dire 
tout à fait au commencement de la période de début; situation par consé- 
quent bien éphémère durant de 24 à 36 heures. Or, quels sout les blen- 
norragiens qui vont consulter leur médecin dès l'apparition du moindre 
suintement, de la plus minime douleur? Presque toujours ils attendent 
deux ou trois jours, trop tard par conséquent pour étre dans les conditions 
requises pour l'application de la méthode abortive. Et le seraient-ils que 
leur espoir de voir juguler leur écoulement serait vite déçu. Qu'on 
emploie les injections de nitrate d'argent, qu'on emploie les lavages au 


820 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


permanganate de potasse ou encore qu'on emploie alternativement injec- 
tion et Javage, comme le docteur Motz, on peut voir diminuer l'écoule- 
ment, le faire avorter rarement Ne nous arrêtons pas à ce traitement et 
voyons les différents moyens que le clinicien a à sa disposition pour 
guérir les lésions de la bleunorragie dans les différentes phases de son 
évolution. 

En présence d'une urétrite gonococcique aiguë, quelles sont les indi- 
cations qui se présentent à l'esprit du clinicien? Tout d’abord : guérir 
les lésions de la muqueuse urétrale. Et pour cela : injections, grands 
lavages, instillations. Le choix du médicament ou le titre de la solution 
varient suivant les cas et suivant la préférence du praticien. Par les 
injections, l'urêtre antérieur seul peut ètre atteint. Or, comme la propa- 
gation de l’urétrite à toute l'étendue du canal est la règle, il en résulte 
qu'en dépit d'un très grand nombre d'injections, l'écoulement persiste. 
Aussi la méthode des grands lavages du docteur Janet, permettant d'at- 
teindre l'urètre dans toute son étendue, est-elle préférable. Les effets en 
sont incontestables. 

M. le professeur Soubeyran a obtenu d'excellents résultats en combi- - 
nant la méthode de Neisser et celle de Legueu. Il procède ainsi : le matin 
une injection de 6 cc. de la solution suivante : 


Protargol : 3 grammes. 
Antipyrine : 5 grammes. 
Eau distillée : 100 cc. 


le soir, nouvelle injection de la solution suivante : 


Airol : 5 grammes. 


lycérine 
on. or 

au milieu de la journée, le malade fait lui-mème un lavage d'oxy-cyanure 
à 1 p. 2000. 

Injections, lavages, donnent assurément d'heureux eflets. Sont-ils 
toujours suffisants ? : 

Théoriquement, ils sont en accord avec nos connaissances patholo- 
giques. Ils semblent, par l’antisepsie continue, détruire les microbes de la 
surface et, par imbibition des tissus, agir sur les microbes profonds. lls 
semblent, enfin, en nettoyant la muqueuse urétrale, agir mécaniquement. 

En pratique, que de réserves à faire! L’insuccès si fréquent des grands 
lavages, ainsi que le prouvent nos observations. nous montrent que très 
séduisante en théorie, l'attaque du virus par les antiseptiques est, en 
fait, très médiocrement efficace. L'anatomie pathologique nous le fait 
comprendre, les résultats du traitement nous le prouvent. Si on arrive 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 821 


toujours à faire décroitre l'écoulement, on le tarit rarement complète- 
ment, et malgré eux persiste presque toujours soil une goutle matinale, 
soit quelques filaments, symptômes d'urétrite chronique. Et, ainsi que l’a 
dit M. Augagneur : « Un courant liquide traversant l'urètre ne peut 
avoir aucune action directe sur les microorganismes profonds. Que dés 
les premières heures de l'infection, quand la migration du gonocoque 
en profondeur n'est pas encore effectuée, le lavage puisse supprimer 
l'infection, parce qu'il entre en contact avec la totalité des éléments 
infectés, c'est possible ; mais, plus tard, l'agent antiseptique n'atteint 
qu'une quantité insignifiante, la moins tenace des organismes virulents ~. 

Quant aux instillations, préconisées depuis 30 ans, par le professeur 
Guyon, elles permettent de localiser l’action des topiques, et partant, 
d'employer des doses plus concentrées. Moyen donnant souvent de bons 
résultats, surtout lorsqu'on l’associe à un autre moyen que nous verrons 
plus tard: nous avons nommé la dilatation. 

M. Pillet s'est bien trouvé de bains locaux à l’eau oxygénée : on 
injecte doucement deux fois par jour dans l'urètre malade, 4 à 5 centimé- 
tres cubes de la solution suivante ; 


H? O? 12 vol. 5 à 10 grammes. 
H2? O distillée 95 grammes. 


Mais si, par ces différents traitements, injections, lavages, instilla- 
tions, nous ne pouvons atteindre le gonocoque, n’y aurait-il pas un autre 
moyen pour mettre l'agent antivirulent en contact avec le virus? 
M. Augagneur répond par l’affirmative. Au lieu de la voie urétrale. se 
servir de la voie gastrique et utiliser l’appareil circulatoire pourintroduire 
dans la profondeur du tissu, partout où se cultive le gonocoque, la subs- 
tance antigonococcique. 

Le copahu et, à un moindre degré, d’autres balsamiques : cubèbe, 
santal, paraissent jouir d’une action spécifique sur la blennoragie. D'après 
M. Augagneur, le copahu attaque le virus en modifiant le terrain orga- 
nique, il s'oppose à la diapédèse, il amène la vaso-constriction et arrête 
l'exosmose séreuse, indispensable, semble-t-il, à la culture du gono- 
coque. 

On ne peut nier, assurément, l'action favorable et même curative 
exercée par les balsamiques, mais à la période de déclin de la blennor- 
ragie seulement. Prescrits au début, dit M. Pillet, ils ne font, n'ayant 
aucune valeur abortive, qu'éveiller Fintolérance gastrique; et, s'ils 
diminuent l'écoulement, le rendent très tenace. 

Nons ne croyons pas être taxé de pessimisme en disant que ces dif- 
férents traitements, sans oublier le traitement sec, vanté dernièrement 
par M. Zeuner (introduction de xéroforme daus l'urètre). s'ils rendent à 


822 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


coup sûr l'écoulement moins abondant, ne parviennent pas toujours à 
le tarir complètement; et nombreux sont les blennorragiens qui, après 
maints traitements. voient persister soit un léger suintement, soit quel- 
ques filaments, ou encore, qui se crovant guéris, sont désagréablement 
surpris en voyant apparaitre un matin, à la suite de nombreux excès, la 
goutte dite militaire, le glect des Anglais, le bonjourtrüpfen des Alle- 
mands, verant douloureusement rappeler à l'ancien blennorragien des 
maux oubliés. 

De nouvelles lésions viennent de se créer, la muqueuse urétrale n'est 
pas seule lésée, les petites glandes de l'urètre sont infectées à leur tour; 
ce sont elles qui entretiennent cette infection persistante; ce sont sur 
elles que doivent porter nos efforts pour les vider, les débarrasser de leur 
contenu pathologique, les exprimer comme une éponge 

La meilleure méthode pour remplir ce but est la dilatation, dont les 
nstillations sont les utiles auxiliaires. Dilatation soit avec Béniqué, 
poussée très loin, jusqu’au n° 60, soit avec certain dilatateur, comme 
celui de Kollmann. Le massage sur Béniqué du canal cst un précieux 
adjuvant. 1l est recommandé, avant de commencer l'opération, de remplir 
la vessie d'une solution antiseptique et de faire uriner le malade immé- 
diatement après la séance, pour balaver le canal de tous les produits 
pathologiques expurgés. 

Par la pression excentrique qu'elle provoque, la dilatation exprime 
les glandes para-urétrales à la facon d'éponges gorgées de liquide, elle 
les débarrasse du pus qu’elles contiennent et même les désobstrue, 
lorsque leur canal est oblitéré. 

Lorsque la chronicité dépend non seulement des infections glandu- 
laires, mais des lésions plus protondes, d'infiltrations molles ou dures, 
c'est encore à la dilatation qu’on a recours comme procédé de choix. 

Sont-elles molles, ces infiltrations en voie de sclérose? Par les modi- 
fications qu'elle apporte à la circulatiou des tissus enflammés, par la 
pression excentrique qu'elle exerce, par le massage qu'elle réalise la 
dilatation favorise les résorptions des exsudats et des infiltrations. Sont- 
elles dures? La dilatation est plus utile encore. Tendant à rétablir le 
calibre de l’urètre et à lui rendre sa souplesse, elle remédie à la stagna- 
tion du muco pus qui se fait fatalement en arrière de tout rétrécissement 
serré ou large, entretenant l'inflammation chronique de l'urêtre. 

Mais pas plus qu'un autre traitement exclusif, la dilatation ne peut 
prétendre à la guérison de toute urétrite chronique. Et lorsque la chro- 
nicilé est sous la dépendance de lésions de glandes annexées à l'urêtre, 
prostate, ce qui est le plus fréquent, ou glandes de Cowper, ce qui est 
are, l rsque toule la glande prostatique est infectée dans son tissu 


y € 


À 
PICHERAL. — URÉTRITE FÉRNSORRAGIQUE 823 


interstitiel, qu’on voit en sa profondeur mille petits abcès se former et 
s'enkyster, comment, par la seule dilatation, guérir ces lésions, débar- 
rasser chaque glande du pus qu’elle renferme ? 

1] faut y joindre le massage digital de la prostate. Par ce procédé, 
prôné par Érbemann à la Société de Médecine de Saint-Pétersbourg, en 
1882, et dont les bons effets ont été vantés par Thure, Brandt, Schlifha, 
Rosenburg, Keersmaker, les petits foyers infectieux sont évacués, les 
culs-de-sac expurgés de leurs produits pathologiques, les orifices des 
glandes rendus accessibles aux antiseptiques ; la prostate décongestionnée, 
en un mot la goutte matinale tarie. Souvent ? assurément ; toujours ? non 
certes : nos observations en font foi. | 

On voit, par ce rapide exposé des differentes méthodes employées pour 
combattre l'urétrite gonococcique, combien divers et varié est le trai- 
tement de la blennorragie. Des moyens thérapeutiques si nombreux ne 
plaident pas en faveur de la cure certaine de la maladie qu'ils ont la pré- 
tention de guérir. Tous sont bons, mais parfois impuissants. Cette 
impuissance des traitements classiques semble nous autoriser à parler 
d'un nouveau traitement. L'idéal serait de trouver un seul et même 
médicament pour la blennorragie et toutes ses conplications Le trai- 
tement par l'électricité, l'électricité-remède, comme on pourrait dire, en 
est-elle capable ? C’est ce qui nous reste à examiner. 


Les premières tentatives d’électrolyse de l’urètre remontent à l'année 
1847 avec Crussel et Wertheimer, mais le premier travail paru sur la 
question est le mémoire de Tripier et Mallez, en 1867, sur la guérison 
durable des rétrécis par la « galvano-caustique, chiinique-négative ». Ce 
procédé de Mallez et Tripier n'a plus aujourd'hui qu’un intérêt histo- 
rique, mais il a été le point de départ d'un certain nombre de méthodes 
d'électrolyse urétrale, dont quelques-uns sont à l'heure actuelle définiti- 
vement entrées dans la pratique urologique. 

Depuis 1868, Neiwmann consacre toute son existence scientifique à 
perfectionner et à vulgariser la méthode de l'électrolyse circulaire préco- 
nisée par Mallez et Tripier, pour la cure des rétrécissements. Cette 
méthode consiste à introduire une olive ou une bague métallique jusqu'au 
niveau du rétrécissement et à faire passer le courant entre cette partie 
métallique reliée au pôle négatif et une anode indifférente placée sur le 
ventre où ailleurs. 

A côté de Newmann citons les noms de Perney, de Bergonié, de 
Bordier, apportant chacun un procédé nouveau. M. Desnos, en simplifiant 
d'une façon ingénieuse l'instrumentation, remplaçant les sondes électro- 
lytiques par les bougies Béniqué et en combinant ainsi à l'électrolyse la 


824 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


dilatation mécanique, inaugura, on peut le dire, un nouveau procédé : la 
dilatation électrolytique. 

Mais tous ces auteurs, sans oublier Jardin avec son électrolyse 
linéaire, n'ont d'intéré! pour nous que parce qu'ils ont été les premiers à 
employer l'électricité comme traitement des lésions urétrales. Nous les 
signalons comme intérêt historique. 

Le premier, en 1896, le docteur Foveau de Courmelles, applique au 
traitement de la blennorragie sa méthode bi-électrolytique, prônée par 
lui depuis 1890, date à laquelle il la décrivit dans ses communications à 
l'Institut et à l’Académie de Médecine, et nommée par lui bi-électrolyse. 
Sa technique est la suivante : un tube médicamenteux placé dans l'urètre 
contient une solution de nitrate d'argent à 1/25, qui sert de conducteur au 
courant, tout en agissant avec sa propre qualité chimique. Il est réuni au 
pôle positif, le pôle négatif est placé sur le périnée. C'était en somme 
déjà. mais sous un autre nom, l'ionothérapie, sur laquelle l'attention est 
vivement attirée aujourd'hui, puisque le docteur Foveau de Courmelles 
employait le pôle positif pour faire pénétrer la substance médicamenteuse 
dans les tissus. 

Peu de temps après, en 1898, M. Sudnik, de Buenos-Ayres, signale 
les bons effets de l'électricité comme cure de la blennnorragie Du même 
coup, il affirme par là que, contrairement à l'opinion admise à cette 
époque, que les courants de H.-F. sont contre-indiqués dans les états 
inflammatoires, ils sont, au contraire, le meilleur et le plus rapide moyen 
pour supprimer les diverses formes de phlegmasies. 

Le traitement de la blennorragie aiguë et chronique, employé par 
M. Sudnik, est le suivant : d’abord les bains électriques : le malade 
plonge la verge dans un tube de verre rempli de liquide ; le fond métal- 
lique est réuni à une des extrêmités du petit solénoide : l’autre extrémité 
à un excitateur fixé sur le périnée. 

Les phénomèr.es inflammatoires s’amendent, mais l'écoulement est 
peu influencé : aussi, pour agir directement sur la muqueuse urétrale, 
M. Sudnik a recours aux sondes, soit métalliques, soit sous forme de 
condensateur. Ce procédé agit d'une manière plus efficace sur l'écoule- 
ment, et surtout sur les filaments, que les bains. Mais, n'étant pas com- 
plètement satisfait, M. Südnik imagine, en 1901, le procédé des lavages 
électriques, qui, d’après lui, sont la base la plus efficace du traitement de 
la blenunorragie aiguë et chronique. Le tube de l'irrigateur aboutit à un 
petit réservoir en ébonite, auquel on adapte soit un tube de Janet, de la 
même substance, soit une sonde de Nélaton. Ce réservoir possède une 
prise de courant qui est en contact avec le liquide et qui est réunie à une 
des extrémités du petit so'énoiïide : un excitateur fixé sur le périné: est 
réuni à l'autre extrémilé. 


LA 


PICHÉRAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE | 825 


Quelques-uns de ses malades étaient atteints de rétrécissements plus 
ou moins prononcés ; impossible donc de guérir l'écoulement tant que 
ceux ci persistaient. M. Sädnik les fait disparaitre par l'électrolyse 
positive, avec des sondes dont l'olive est en argent ou en cuivre. Avant 
de retirer la sonde, M. Sinik renverse le courant. 

Dans les cas subaigus, ou lorsqu'il existe des phlewimasies externes, 
M. Südnik commence le traitement par les effluves. C’est encore aux 
courants de haute fréquence qu'il a recours pour amener la guérison 
rapide des orchites, des bubons. 

Dans le but de vérifier les conclusions auxquelles était arrivé le 
savant de Buenos-Ayres, M. Doumer entreprit de traiter plusieurs cas 
de blennorragies aiguës par les courants de haute fréqnence et de haute 
tension. Au premier Congrès international d'électrologie et de radiologie 
médicales 11900), le professeur de Lille nous dit queles résultats auxquels 
il est arrivé cadrent assez bien, dans leur ensemble, avec ceux annoncés 
par M. Südnik. Sa technique est sensiblement différente. Au lieu de se 
servir exclusivement, comme dit M. Südnik, du petit solénoïde dont 
les deux extrémités ctaient reliées, l'une au malade, l'autre à l’eau d’un 
bain tiède où plongeait la verge malade, M. Doume r sv sert exclusivement 
du résonateur Oudin. Dans certains cas, le pole de cet appareil était 
relié à l’eau d’un bain tiède où plongeait tout simplement la verge; dans 
d'autres cas, il promenait, sur la face ventrale de la verge, relevée 
fortement contre la paroi abdominale, l'effluve fourni par cet appareil: 
enfin, dans d'autres cas, et ce sont les plus nombreux, il promène direc- 
tement sur la face centrale de la verge, relevée comme plus haut, un 
tampon d'ouate relié métalliquement au pôle du résonateur et bien 
mouillé. Les applications avaient une durée de 10 minutes et étaient 
renouvelés tous les jours. Le résonateur était actionné de façon à donner 
un effluve de 10 à 12 milliampères. 

M. Doumer a remarqué, à la suite de ce traitement, la disparition 
rapide des érections douloureuses. De plus, tous les malades accusent, 
dès le commencement du traitement, une sensation de mieux manifeste 
(moins de tension et de chaleur à la verge, dans le canal picotements 
très diminués, moins de douleur périnéale). 

Cette action très rapide qu'exercent les courants de haute fréquence 
et de haute tension sur les phénomènes douloureux de l'infection gono- 
coccique, est moins rapide, mais cependant très marquée, sur les 
phénomènes inflammatoires el sur l'écoulement. On voit pourtant ce 
dernier commencer à décroilre dès le troisième jour, puis aller réguliè- 
rement en diminuant jusqu’à la disparition complète, qui a lieu au bout 
de trois semaines, un mois. De plus, M. Doumer fait remarquer que 


826 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


chez deux de ses malades, qui n'ont pas fait usage d’injections et chez 
lesquels toute la médication a consisté en boissons abondantes, l'inflam- 
mation gonococcique n'a pas dépassé l'urètre antérieur. Chez ceux 
qui, pour une raison ou une autre, ont eu l'urètre postérieur envahi par 
le gonocoque, M. Doumer ayant remarqué que l’écoulemeut résistait 
aux courants de haute fréquence, eut recours à l’électrolyse 

Si, en traitant la blennorragie par les courants de haute fréquence et 
de haute tension, M. Doumer ne fit que continuer les recherches de 
M. Südnick, on peut dire, avec M. Pollet, que c'est incontestablement 
au professeur de Lille que revient l'honneur d’avoir, le premier, songé à 
les utiliser dans le traitement des prostatites aiguës. 

On sait que c'est au cours de ses recherehes sur le traitement de la 
fissure sphinctéralgique et des hémorroïdes qu'il a constaté que les appli- 
cations intra-rectales, qu'il faisait contre ces deux affections, exerçaient 
une action des plus favorables sur l’inflammation des organes avoisinant 
le rectum. 

A la suite de ces applications employées comme traitement des prosta- 
tites blennorragiques, M. Doumer constata que la douleur, la sensation 
de pesanteur au périnée disparaissaient dès la première ou la deuxième 
séance; disparaissait également peu à peu et à chaque séance davantage 
ce suintement matutinal, datant souvent de plusieurs années, et qui avait 
résisté d'une façon désespérante aux médications antérieurement em- 
ployées Quant au gonflement douloureux de la prostate que décèle 
l'exploration digitale, il diminue rapidement et devient vite indolore. 
Au bout de 7 à 8 séances, l'organe a repris son volume et sa consistance 
normale. 

M. Doumer se sert d'électrodes constituées par une grosse tige 
métallique (en cuivre), soit nue, soit recouverte, jusqu'à 3 centimètres de 
son extrémité antérieure, d'un enduit isolant. 

Grâce à ses patientes recherches, M. Doumer put indiquer en 1905, 
à l'Association française pour l'avancement des sciences, à Cherbourg, 
les résultats qu'il a obtenu sur 122 cas, apportant ainsi un appui nouveau 
au principe de l'action antiphlogistique de l'électricité et donnant une 
preuve de plus de la très réelle valeur de cette nouvelle thérapeutique. 

Agent antiphlogistique, l'électricité est encore employée comme tel 
par M. Doumer pour combattre une des complications les plus habituelles 
de la blennorragie : nous avons nommé l'orchite ou plutôt l'épididymite. 
Sous l'effet de l’effluvation de haute fréquence ou des applications directes 
faites avec un tampon d’ouate bien mouillé, les phénomènes inflamma- 
toires et douloureux de la période aiguë cèdent rapidement. 

Quant aux cas chroniques. l'amélioration étant moins marquée, 
M. Doumir préfére l'usage des courants continus. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 827 


Picot. Dubois (de Rouen), Boyland ont employé avec succès le cou- 
rant continu (anode approprié sous le testicule, cathode sur le cordon 
testiculaire au pli de l'aine). Dubois s'est bien trouvé de l’ionisation par 
le KI. 

Quant au bubon, M. Doumer n’a eu l’occasion d'en observer qu'un 
seul en cours de formation. Il l'a vu cesser de croitre, décroitre et dispa- 
raitre en quelques jours sous l’action des courants de haute fréquence. 

Entre temps, M Laguerrière déclare, dans le Bulletin officiel de la 
Société française d'électrothérapie et de radiologie, paru en juillet 1903, 
qu’en traitant des hémorroïdaires par les courants de haute fréquence, il 
constata une action analgésique et décongestionnante sur les organes 
avoisinant le rectum. Tenté, avec Apostoli, d'appliquer ces actions contre 
les affections de la prostate, les résultats contirmèrent ses espérances. 

En 1907, au Congrès pour l'avancement des sciences, tenu à Reims, 
c'est-à-dire bien après que M. Suquet eût commencé ses recherches, 
M. Guilloz fit une communication sur l'urétrite chronique ou goutte 
militaire traitée par le courant galvanique. La technique utilisée est celle 
de Newmann, plus ou moins modifiée ; elle consiste dans l'emploi d'une 
sonde à olive conductrice, par laquelle passe un courant de 8 à 10 milliam- 
pères pendant quelques minutes. A la suite de cette électrisation, l’écou- 
lement augmente dans de fortes proportions, pour diminuer ensuite et 
disparaitre complètement. C'est un raclage électrolytique du canal. 

MM. Mally et Bergognié reconnaissent la grande efficacité de ce 
traitement ; quant à M. Michaut, il a vu souvent des filaments reparaitre 
après le massage de la prostate lorsqu'on pensait que la guérison était 
définitive. Remarque fort judicieuse, nous aurons l’occasion d'y revenir, 

Citons encore les noms de Rollnann et Mundorff, qui ont pratiqué 
contre l’urétrite glandulaire chronique, l’électrolyse des cryptes de 
Morgagni avec une pointe mousse, et celle des glandes de Littre avec 
une pointe acérée, au moyen du tube endoscopique. 

Depuis quelque temps, on le voit, l'esprit des cliniciens est aiguillé 
vers cette nouvelle branche de l'électrothérapie. Leurs patientes recher- 
ches apportent chaque année un nouveau contingent d'observations venant 
peu à peu grossir les faisceaux de preuves, minces encore, comme dans 
toute application qui nait et qui tend vers une précision plus complète. 

Se basant d'une part sur les considérations anaiomo-pathologiques 
dont nous avons parlé, et, d'autre part, sur les travaux parus sur le 
traitement de la blennorragie par l'électricité, il parut intéressant au 
docteur Suquet d'étudier les divers traitements électriques essayés jus- 
qu'à ce jour, pour s'assurer si les lésions anatomo-pathologiqnes de la 
blennorragie et de ses complications, si rebelles aux médications ordi- 


828 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


naires, ne seraient pas heureusement influencées par les diverses moda- 
lités électriques. 

ll a surtout élé dirigé dans ses investigations par cette idée que 
l'électricité présente un double avantage : d'agir peut-être par elle même 
et surtout par l'intermédiaire des substances médicamenteuses qu'elle 
peut faire penétrer profondément dans les tissus. 

Tous les articles parus dernièrement sur l'ionothérapie, et principale- 
ment les travaux de St. Leduc, l'encouragèrent dans cette voie. 

Il se mit donc à expérimenter les différents traitements électriques 
employés jusqu'à nos jours pour lutter contre l’urétrite gonococcique et 
ses complications les plus habituelles : celui de M. Sudnick d'une part, 
pour la blennorragie, celui de M. Doumer d'autre part pour les prosta- 
tites, 

Mais alors que les courants de H. F. le satisfirent peu, employés dans 
le cas d'urétrite, ils lui donnèrent pleine satisfaction lorsque, suivant 
l'exemple de M. Doumer, il les appliqua au traitement des prostatites. 

Il fallait donc chercher pour l'urétrite une technique pouvant donner 
de meilleurs résultats que celle de M. Südnick. C'est alors que M. Suquet 
eut l’idée d'utiliser pour l’urétrite gonococcique de l'homme les courants 
continus sous forme d’ionisation, tels que M. Leduc les avait employés 
avec plein scccès dans le traitement des métrites. 

« L'ion-zinc, dit Leduc, est un antiseptique de premier ordre; le 
courant électrique le fait pénétrer, à travers l'albumine coagulée, à la 
profondeur que l’on désire. A l’aide d'une électrode attaquable, d'une 
anode en zinc, en quelques séances, une à quatre au plus, il n’est pas une 
endométrite que l'on ne puisse guérir complètement. » 

Pourquoi l’ivn-zinc, qui possède une action si remarquable sur la mu- 
queuse utérine, n'aurait-il pas une action analogue sur celle de l'urètref 
C'est ce que M. Suquet eut la curiosité d'examiner, et il ne fut point déçu 
dans ses investigations. 

D'ailleurs, en 1896, le docteur Foveau de Courmelles avait déjà 
pressenti l’ionothérapie, puisque par l'intermédiaire de sa bi électrolyse 
il faisait pénétrer dans la profondeur de la muqueuse urétrale une solution 
de nitrate d'argent, mettant comme aujourd’hui le métal au pôle positif. 

Seulement, au lieu d'utiliser le tube médicamenteux qu'il n'avait pas, 
le docteur Suquet eut l’ingénieuse idée d'utiliser le métal sous forme de 
Béniqué. Les résultats furent trop satisfaisants pour ne point avoir été 
aiguillonné à pousser plus loin ses recherches. Résultats d'autant plus 
satisfaisants que la technique qu'il a suivie ne fut jamais employée de 
prime abord. ll ne l'a mise en vigueur que lorsqu'un traitement classique 
suflisanunent prolongé ne lui eùt pas donné les résultats qu'il en attendait. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 829 


Pensant qu'un lavage du canal et de la vessie, selon la méthode de 
Janet, est insuffisant pour déloger le gonocoque des repaires où il s’est 
infiltré ; après s'être assuré qu’une solution de permanganate, balayant 
les quelques bacilles errants sur la muqueuse, ne peut que diminuer 
l'écoulement, mais non le tarir complètement, lassé par la persistance 
des symptômes chroniques, il a cherché à utiliser la propriété bactéricide 
que possède le courant galvanique, soit par lui-même, soit par l’intermé- 
diaire des substances médicamenteuses qu'il fait pénétrer dans la 
muqueuse. 

M. Suquet n’est pas partisan de faire de la galvanisation simple ou 
de l’ionothérapie électrique dans le cas d’uréthrite aiguë : il l’a essayé ; 
les essais furent si douloureux pour le malade que nous les qualifiions 
volontiers de barbares. 

Aussi, en présence d’une blennorragie aiguë, dont l'examen bactério- 
logique nous a révélé la présence du gonocoque, avec M. Suquet nous 
procédons ainsi : nous commençons par faire tous les jours des lavages 
au permanganate de potasse à l pour 4000 ; et même, si nous avons à 
faire à des phénomènes suraigus, nous attendons leur diminution avant 
même d’instituer ces lavages, nous bornant à prescrire des bains chauds, 
des boissons abondantes et rafraichissantes. Après quinze à vingt lavages 
environ, si la période aiguë est terminée, si l'écoulement est moins abon- 
dant, et si, enfin, le malade n'éprouve plus de trop vives douleurs, alors, 
seulement, nous appliquons le courant galvanique, en nous servant d'une 
électrode en zinc. 

C'est, en somme, de l’ionothérapie électrique, tout comme Leduc 
l’'emploie avec succès, tel que nous l'avons déjà dit, dans le traitement 
des métrites. 

Et même, à notre avis, l’action électrolytique est plus remarquable 
dans l’urètre que dans l'utérus. Car ici, le canal enserre complètement 
l’électrode, il n’y a pas une seule portion de muqueuse qui ne subisse 
les effets du courant. 

Mais, ainsi que nous l'apprend l'anatomie pathologique, le gonocoque 
a d’autres repaires plus sûrs que les cryptes et les glandules multiples 
de l’urèêtre, pour échapper à nos agents destructeurs. Aussi lorsqu’après 
quatre à cinq séances d’électrolyse urétrale persistent quelques filaments 
et persiste également la goutte matutinale, nous pouvons être assurés 
que l'origine est autre part que dans l’urètre ; le gonocoque traqué est 
allé se réfugier ailleurs. Il ne peut être que dans la vessie, la prostate 
ou les vésicules séminales. 

L'infection vésicale est rare, si l’antisepsie antéopératoire a été 
suffisante. 


ANNALES L'ÉLECTROBIOLOGIE TOME X. — DECEMBRE 1907. 58 


830 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Existe-t-elle ? Elle est reconnue et rapidement vaincue. 

C'est la prostate, ce sont les vésicules séminales qui, le plus souvent, 
sont en cause. Et, ainsi que le dit M. Michaut, au Congrès de Reims 
1907, pour l'avancement des sciences, après un traitement électrolytique 
qui semble avoir donné les meilleurs résultats, et alors que la guérison 
semble définitive, on a la désagréable surprise de voir reparaitre quel- 
ques filaments après le massage de la prostate. 

Pratiquons, en effet, dans les cas de rechutes incessantes, le toucher 
rectal : nous sentons une prostate parfois molle et fluctuante, parfois 
dure et bosselée ou encore trouvons-nous des lésions analogues du côté 
des vésicules séminales. Et même ce toucher ne nous révèlerait-il aucune 
anomalie du coté de la prostate ou des vésicules séminales, ces organes 
n’en sont pas moins suspects, c'est sur eux que doivent porter nos soup- 
çons d'abord, nos efforts ensuite, pour assurer une guérison durable, ces 
foyers gonococciques étant une cause sans cesse menaçante de récidive 
pour le canal. La pratique nous ayant bien des fois montré qu'il existe 
souvent de la prostatite ou de la vésiculite légères, qu'aucun signe 
clinique n'avait pu nous faire soupçonner, systématiquement nous faisons 
dans les cas, améliorés ou non par l’ionothérapie urétrale, de la haute 
fréquence intra-rectale, dont Doumer a établi la souveraineté dans les 
prostatites. 


Disons, pour terminer, que les orchites aiguës ont été heureusement 
influencées par les courants de haute fréquence, sous forme d'effluves; 
les orchites chroniques par les courants continus: que le bubon gono- 
coccique suppuré et peut-étre la cowpérite, deux complications rares de 
la blennorragie, peuvent être guéries par quelques séances de radiothé- 
rapie, tout comme le bubon consécutif au chancre de Ducret. 

Quant au rhumatisme blennorragique, il est combattu avec succès, 
comme toute arthrite de quelque nature qu'elle soit, par des applications 
de courant continu, comme l'a fait Delherm, ou par des applications de 
haute fréquence, comme l'a fait Desnoyés. 

Nous n'insistons pas sur le traitement électrique de ces diverses 
complications; nombre d'auteurs s'en sont occupés, et leurs résultats sont 
si positifs que la question n’est plus à discuter aujourd’hui. 


MÉTHODE. — Ainsi que nous l'avons dit dans le cours de cette étude. 
l'ionisation urétrale ne doit point être appliquée aux cas aigus de la 
blennorragie. La raison est compréhensible : oserions-nous introduire 
un Béniqué dans un urètre enflammé et suppurant d'une façon intensel 

Dans la blennorragie subaiguë et chronique, l'ionothérapie électrique 


= or 
RE = EE le mi 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 831 


de l'urètre n’a point d'indications formelles, et tout cas qui relève des 
lavages, des injections, desinstillations, de la dilatation, relève également 
de l'ionisation. La méthode est trop récente pour poser des indications 
spéciales; lorsque son mode d'action sera mieux connu, plus précises 
seront peut-être ses indications. 

Quant à l’application intra-rectale des courants de haute fréquence, 
elle est indiquée dans tous les cas de prostatite relevant du massage 
digital, que la prostatite soit aiguë ou chronique. 

Ainsi que le dit Leduc, la technique de l'introduction médicamenteuse 
doit être très rigoureuse ; « elle exige des précautions aussi minutieuses 
que la pratique de l’asepsie dans une opération Chiraag ienie: » 

Voici notre façon de procéder : 

Après nous être aseptisé les mains et avoir dit au malade d'uriner, 
nous lavons à l’eau savonneuse d'abord, à une solution faible de sublimé 
ensuite, le gland du patient ; et après avoir disposé tout autour de la 
verge un champ opératoire, nous pratiquons un lavage de l’urètre avec 
une solution de sulfate de zinc à 5 p. 1000, ou de chlorure de zinc à 
1 p. 1000. Nous introduisons alors dansle canal un Béniqué en zinc n° 40, 
préalablement aseptisé. Le pôle négatif indifférent, imbibé d’eau tiède ou 
d’une solution de chlorure de sodium à 5 pour 100, est placé et main- 
tenu, par un aide ou par le malade lui-même, sur l'abdomen. Ceci fait, 
nous réunissons le pôle positif au Béniqué. Le zinc, comme tous les 
métaux, étant un cation, c'est-à-dire se dirigeant vers l’électrode négative, 
il faut, pour le faire pénétrer profondément, mettre l’électrode qui le 
contient au pôle positif. Ceci, au début de ses essais, paraissait au docteur 
Suquet devoir faire échec à sa méthode, car ilcraignait les effets fâcheux 
du pôle positif sur l’urètre (formation d’une cicatrice dure et rétractile). 
Pour les éviter, après avoir fait passer 8 à 10 milliampères durant 8 à 
10 minutes, le Béniqué étant au positif, il revient au zéro, inverse le 
courant et termine par une application de 15 milliampères d’une durée de 
5 minutes, le Béniqué en zinc étant devenu négatif. 

L'opération est peu douloureuse, mais quelques heures après, l’écou- 
lement augmente dans de notables proportions (écoulement absolument 
incolore), la verge se tuméfie légèrement et des douleurs lancinantes sont 
accusées par le malade. Si la réaction cst trop violente, nous appliquons, 
le soir même et les jours suivants, les courants de haute fréquence, 
comme l'ont fait Südnik et Doumer (longs effluves le long de la verge’. 
Les phénomènes inflammatoires et douloureux disparaissent rapidement. 
Deux, trois ou quatre jours après la séance d'ionothérapie électrique, 
l'écoulement a presque disparu, mais il persiste toujours des filaments, 
et l'écoulement ne tarde pas à recommencer 8 ou 10 jours après, si le 


832 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


traitement n'est pas continué. Pour éviter la rechute, nous faisons quatre 
ou cinq séances à 8 Jours d'intervalle, et le plus souvent, la guérison est 
complète. 

Mais pour qu'elle soit durable et pour éviter, à plus ou moins longue 
échéance, la réappärition de filaments, nous faisons systématiquement 
l'application intra-rectale de courants de haute fréquence, suivant le 
procédé de M. Doumer, alors même que le toucher rectal ne nous révèle 
rien d’anormal. 

Après avoir placé le malade dans la position génupectorale ou laté- 
rale des accoucheurs anglais, nous enduisons de vaseline l’électrode à 
manchon de verre, dont nous avons déjà parlé; nous réglons le résonateur 
de façon à pouvoir faire une séance d’une durée de cinq minutes sans 
obtenir un trop grand échauffement du verre ; nous mettons tout en 
marche avant toute introduction, pour nous assurer que tout fonctionne 
régulièrement. Nous interrompons alors le courant et introduisons 
doucement l'électrode dans l'anus, puis nous remettons l'appareil en 
marche ; nous évitons ainsi la sensation désagréable des étincelles 
d'approche pour les sujets pusillanimes. La durée de la séance est de 
5 à 10 minutes. Elles sont faites trois fois par semaine; 5 ou 6 séances 
suffisent à rendre à la prostate sa forme et son volume normaux. 

Tel est le traitement que nous employons dans les suites immédiates 
de la blennorragie aiguë, c'est-à-dire toutes les fois qu'une série de 
15 à 20 lavages, suivant la méthode de Janet, n’a pas suffi à tarir 
complètement l'écoulement. 

Si nous sommes en présence d'une blennorragie chronique, si elle 
dure depuis plusieurs mois, nous modifions un peu notre technique 

La cause de la chronicité est toujours due à un rétrécissement ou à 
de la prostatite et vésiculite. Qu'il soit serré ou large, le rétrécissement 
retient toujours en arrière de lui l'infection. Il faut le supprimer au 
moyen de la dilatation : nous nous servons de celle obtenue par l'élec- 
trolyse circulaire. 

Au lieu du Béniqué, nous employons un électrode olivaire en zinc, 
en cuivre ou en argent. Après avoir franchi le rétrécistement au moyen 
du pôle négatif, ainsi que l'ont fait Newmann, Vernay, Bergonié, Bordier, 
Desnos, nous inversons le courant après être revenu au zéro et nous 
faisons agir quelques minutes le pôle positif sur toute la partie du canal 
située en arrière du rétrécissement, siège habituel de l'infection, et même 
sur la portion antérieure, opérant ainsi un véritable raclage de toute la 
muqueuse et faisant pénétrer sous elle l'ion du métal employé. Il suffit 
simplement, avant de terminer la séance, de revenir encore une fois au 
pôle négatif, afin de supprimer l’action du pôle positif, qui pourrait laisser 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 833 


une cicatrice dure et rétractile. Au bout de cinq à six séances, faites à 
10 ou 12 jours d'intervalle, le canal a repris son calibre normal, et l’écou- 
lement, qui, durant le traitement, augmente dans de notables propor- 
tions, disparaît complètement. | 

Qu'il disparaisse complètement ou qu'il laisse, comme derniers 
vestiges, quelques filaments ou la goutte matutinale, que le toucher 
rectal nous révèle une prostate enflammée ou normale, nous ne nous 
départissons jamais de notre règle de conduite et, systématiquement, 
nous faisons de la haute fréquence intra-rectale. 

Quant aux orchites aiguës, nous servant d’un balai en clinquant, 
relié au transformateur, et après avoir mesuré l'intensité de l’effluve, 
nous le promenons, durant dix minutes, sur le testicule. La douleur 
s'atténue dès les premières séances ; à la sixième séance, la guérison est 
complète. 

Dans les cas chroniques nous nous servons de courants continus ; 
une électrode positive moule le testicule et une électrode négative est 
placée sur le cordon. 

Quant au bubon, nous faisons deux applications de radiothérapie, 
à huit jours d'intervalle. 5. H. 


OBSERVATIONS 


Oss. I. — Blennorragie aiguë (1) — M. T.., 20 ans, vient nous trouver le 
18 Juillet 1907, pour un écoulement urétral dont il est atteint depuis quatre jours 
seulement. 

Il nous affirme n'avoir jamais eu antérieurement d'affection analogue. D'ail- 
leurs, l'état aigu de tous les symptômes prouve bien qu'il ne s'agit pas d'une simple 
récidive d'ancienne blennorragie, mais bien d'une véritable urétrite aiguë. 

L'examen bactériologique confirme notre diagnostic, en nous montrant de 
nombreux gonocoques. 

Nous prescrivons le port d’un suspensoir, un régime alimentaire hygiénique, 
quelques cachets de salol et de benzoate de soude et conseillons au malade de 
venir nous trouver tous les jours, afin que nous puissions, lui pratiquer nous-même 
de grands lavages de l’urètre et de la vessie. 

Le malade ayant suivi nos conseils, nous lui faisons, les cinq premiers jours, 
un lavage urétral à canal ouvert avec deux litres d'une solution de permanganate 
à 1 p. 6000 ; au bout du cinquième lavage urétral, l'écoulement étant réduit dans 
de fortes proportions, nous instituons les lavages vésicaux, au moyen de la même 
solution de permangan£äte, 

Le 25 Juillet 1907, l'écoulement a complétement disparu dans la journée et il 
ne présente plus qu'une grosse goutte jaunâtre tous les matins, au réveil. 

Nous continuons les lavages uréthraux vésicaux jusqu'au 4 août, et à cette date 


(1) Due à l'obligeance du D" Suquet, Médecin de l'hôpital Ruffi, Nimes, 


834 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


la goutte persistant encore, nous l’examinons microscopiquement : elle contient 
des gonocoques. 

Nous engageons alors M. T. à essayer notre méthode électrique. 

Nous faisons la première application le 5 août, à l'aide du béniqué en zinc N°40, 
relié au pôle positif. 10 milliampères durant 10 minutes. 

Nous renversons alors le courant après être revenu au zéro et terminons la 
séance par une application négative d'une durée de cinq minutes, avec une intensité 
de 12 à 15 milliampères. 

Le malade n'accuse aucune douleur durant l'opération ; c'est à peine s'il ressent 
un léger picotement dans son canal. Mais le béniqué une fois enlevé, il se plaint 
d'une vive douleur dans toute la verge, douleur accompagnée d'écoulement 
muqueux abondant. 

Nous faisons aussitôt une application de longs effluves de haute fréquence, qui 
calment immédiatement la douleur Le 12 Août, M.T. vient nous retrouver, nous 
disant n'avoir pas du tout souffert depuis notre intervention et accusant une 
diminution très sensible dans la grosseur de la goutte matinale. 

Nous faisons une seconde application identique à la première. Le 17 Août, la 
goutte a complètement disparu : il ne persiste dans les u‘ines que quelques 
filaments légers. Troisième séance. 

Le 24 Août, quatrième séance. 

Le 31 Août, cinquième séance. 

Le 7 Septembre, sixième et dernière séance. 

Le malade est revenu nous voir plusieurs fois depuis lors et n’a jamais accusé 
la moindre récidive. 


Oss. II. — Blennorragie aiguë. — R. G.., 28 ans, entre à l'hôpital Ruffi le 
10 Janvier 1907. Il nous racor.te que depuis environ dix jours il a un écoulement 
verdâtre abondant, il souffre en urinant. Il n'a jamais eu, dit-il, de blennorragie 
antérieurement. 

Dès le début de son écoulement, il est allé trouver son pharmacien, qui lui a 
conseillé de prendre des capsules de santal. Depuis lors, il en a absorbé plus 
de 120 et l'abondance de l'écoulement n'a pas diminué. 

Le 11 Janvier, nous lavons l'urètre antérieur de notre malade, avec deux litres 
d'une solution de permanganate à { p. 6000, et lui faisons porter un suspensoir. 

Le lendemain, lavage uréthral, et nous continuons les lavages jusqu'au 
45 Janvier; à cette date, l'écoulement étant devenu moins abondant, nous lavons 
l'urètre et la vessie. 

Lavages uréthraux, vésicaux, jusqu'au 30 Janvier 1907. 

L'écoulement a complétement disparu dans la journée, mais le matin «la goutte » 
existe toujours, et son examen bactériologique montre de nombreux gonocoques. 

Nous explorons le canal à l'aide de l'explorateur Guyon, pour nous assurer que 
notre malade n'a pas de rétrécissement consécutif à un écoulement antérieur 
ignoré ou caché, rétrécissement qui pourrait être cause de la ténacité de la 
goutte. L'explorateur Ne 24 pénètre sans aucune difficulté. Nous pratiquons le 
toucher de la prostate, qui ne nous révèle rien d'anormal. 

Nous faisons alors une séance de galvauisation à l'aide d'un béniqué en zinc 
N° 40 ; l’électrode urétrale étant positive, 10 milliampères durant 40 minutes ; an 
bout de ce temps, le courant est ramené au zéro puis renversé, et nous terminons 
par une application urétrale négative de 15 milliampères durant 5 minutes. 

Le malade n'acerse aucune douleur ni pendant ni après l'application. 


ji 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 835 


Huit jours après, le 6 Février, il nous dit n'avoir ressenti aucune douleur 
durant la semaine et avoir constaté des modifications de sa goutte. Celle-ci n’est 
plus jaunâtre mais blanc sale, et de plus elle a diminué de grosseur. Deuxième 
séance. 

Le 13 Février, la goutte cest imperceptible, des filaments légers persistent seuls 
dans le premier verre. 

Le 20 Février, plus de goutte. 

3 séances sont encore faites à 8 jours d'intervalles. Nous ne constatons plus de 
filaments dans l'urine. 

Pour assurer la guérison durable de notre malade, nous lui faisons encore 
trois applications intra-rectales de courants de haute fréquence, et, le 19 Mars, il 
quitte l'hôpital. 


Os. lII. — Urétrite chronique (1). — M. L.., 30 ans, propnétaire, contracte 
une premiére blennorragie à l'âge de 22 ans. Prétend s'être complètement guéri 
par des injections. Deux ans apres, nouvelle blennorragie, qui n'a jamais pu être 
guérie complètement. 

Le 6 Mai 1907, nous constatons, dans le premier verre d'urine, des filaments 
lourds. L'examen bactériologique de l'écoulement révèle de nombreux gonocoques. 
Prostate normale. Rétrécissement ne laissant passer que le N° 43. 

La guérison est complète au bout de deux applications électrolytiques intra- 
urétrales. 


Oss. IV. — Urétrite chronique (1). — M. L..., 22 ans, employé de commerce, 
vient nous trouver un mois avant son mariage, le 2 Février 1907. Il se plaint 
d'uriner avec difficulté et de voir son méat collé tous les matins au réveil. 

Deux ans auparavant, il contracta une blennorragie, qu'il a soignée par des 
injections au permanganate à dose ignorée. 

A l'examen, nous constatons que les urines émises sont troubles ; dans le 
premier verre se trouver:t des filaments lourds. L'urèthre exploré révèle un rétré- 
cissement profond que franchit difficilement le N° 10. 

La prostate est normale. 

Etant donné la date rapprochée du mariage, nous n'avons pu dilater son urètre 
électrolytiquement que jusqu'au N° 17. 

Nous avons fait suivre chaque séance d’une application intra-urétrale positive. 

Dés la quatrième séance, la goutte avait complètement disparu. 

Depuis son mariage, nous avons revu M. L..., qui nous a toujours affirmé 
n'avoir pas constaté la moindre trace de récidive. 


Oss. V. — Urétrite chronique (1). — M. M .., 25 ans comptable, vient nous 
consulter le 15 Octobre 1507, pour un écoulement urétral dont il est atteint depuis 
l'âge de 20 ans. 

Malgré de nombreux traitements suivis: injections, instillations au nitrate 
d'argent, faits par un médecin, l'écoulement n'a jamais complètement disparu et 
apparaît tous les matins et même dans la journée. 

Les urines du premier verre contiennent de lourds filaments. L'examen bacté- 


(t) Due à l’obligeance de M. le Dr Suquet. 


836 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


riologique de l'écoulement révèle la présence de nombreux gonocoques. A l'explo- 
ration de l'urètre, on constate un rétrécissement à 15 centimètres du méat, ne 
laissant pénétrer qu'un explorateur N° 12. Le toucher rectal ne révèle rien 
d'anormal du côté de la prostate. 

Le 28 Octobre nous faisons la première application électrique, à l’aide d'une 
électrode olivaire en zinc, N° 12. D'abord l'électrode étant négative, pour agir sur 
le rétrécissement, puis positive lorsque celui-ci a été franchi, afin de faire pénètrer 
l'ion zinc sous la muqueuse ; enfin, négative pour terminer. A huit jours d'inter- 
valle nous faisons huit applications, de façon à dilater jusqu’au N° 20. 

A la fin de décembre le malade ne constate plus de suintement ni le matin ni 
le soir. Plus de filaments dass les urines. 


Oss. VI. — Urétrite chronique et prostatique (1). — le 15 Avril 1906, X..., 
24 ans, vient nous consulter. Il se rappelle fort bien les différents épisodes de sa 
maladie, qu'il avait, du reste, notés par écrit, au fur et à mesure de leur apparition. 
Il nous raconte ainsi son histoire. 

« J'ai contracté ma seconde chaude-pisse étant au régiment, en Août 1904. 
L'on me prescrivit un traitement au permanganate de potasse : deux lavages par 
jour; je le suivis pendant 20 jours à peu près, et pris plus de cent capsules de 
santal. Les phénomènes douloureux diminuent, mais une goutte matinale persiste. 
L'écoulement réapparaît abondant au moindre excès. Je consulte un spécialiste six 
mois après : il me trouve un rétrécissement et constate la présence de nombreux 
filaments dans l'urine du premier verre. Il me fit de la dilatation et une dizaine 
d’instillations au nitrate d'argent. Il constata, de plus, de la prostatite. Il me fit 
abandonner les instillations, pour me taire des lavages au protargol : deux par 
jour, pendant une quinzaine de jours. 

» Le résultat fut très satisfaisant. Il restait quelques filaments dans les urines, 
mais à peine visibles dans le premier verre. Ces urines étaient claires. 

» Le docteur me conseilla d'abandonner tout traitement, me disant que cela 
passerait tout seul. 

» Quelque temps après, en Juillet 1905, voyant que cela ne tarissait pas. 
j'allai consulter un nouveau docteur. Il me conseilla de reprendre mes lATAEC 
Dans le courant de ce traitement j'eus une cystite. 

» Au mois de Février 1906, j'allai consuit?r un autre docteur. Il me fit des 
instillations au nitrate d'argent, douze environ. J'avais un peu de rétrécissemeut. 
Il me restait toujours la goutte matinale, mais claire. Analysée, elle ne présenta 
pas de gonocoques. 

» En Avril 1906, j'allai consulter M. le D' Suquet. Il constata à l'exploration 
du canal un rétrécissement ; dans les urines du premier verre quelques filaments; 
la prostate légérement enflammée. 

» Je suivis pendant 20 jours le traitement que M. le D' Suquet me faisait lui- 
mème: lavage au permanganate ; dilatation du canal avec sondes en gomme, puis 
avec béniqué N° 17. Nous étions arrivés au N° 60. Massage de la prostate. A 
l’intérieur, salol, benzoate de soude. 

» Le résultat fut des plus heureux. La goutte avait diminué, elle était claire ; 
très peu de filaments an premier verre. Examinée au microscope, la goutte ne 
présente pas de gonocoques. 


(1) Due à l'obligeance de M. le Dr Suquet. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 837 


» Nous continuons le même traitement, on y joint seulement l'application 
intra-rectale des courants de haute fréquence, au moyen de l'électrode à manchon 
de verre. Séance de cinq minutes. 

» Dès la première séance, je remarquai que la goutte avait diminué, et après 
la sixième séance, je ne vis plus le matin la goutte qui, si longtemps, m'avait 
désespéré. Dans les urines claires, plus de filaments. 

Je repris ma vie habituelle et ma guérison s'est toujours maintenue absolument 
complète .» 


Oss. VII. — Abcès péri-urétral (1). — M. S..., 46 ans, propriétaire, vient me 
consulter le 2 Octobre 1906. Blennorragie à l'âge de 26 ans, soignée par du copahu 
et des injections. 

_ Etat actuel le 2 Octobre: écoulement matinal; filaments dans les deux 
premiers verres. Urines troubles. 

A l'exploration de l'urètre, nous constatons un premier rétrécissement pénien 
situé à 4 centimètres du méat, et un deuxième situé à 15 centimètres Le premier 
laisse passer seulement le N°5 Charrière ; le deuxième, le N° 2. La palpation du 
canal révèle une nodosité de la grosseur d'une cerise en arrière du premier rétré- 
cissement. Rien à la prostate. 

Le malade, n'habitant pas la ville, ne peut venir chez nous que trois fois par 
semaine. D’Octobre à Novembre, nous le dilatons mécaniquement jusqu'au N° 10 
Charrière. I! se faisait luismème des lavages quotidiens avec dn permanganate 
suivant la méthode du D' Janet. L'atrésie du canal est telle qu'il nous est impos- 
sible d'introduire un numéro supérieur. La goutte persiste toujours 

Nous commençons alors la dilatation électrolytique circulaire et lui faisons 
continuer les lavages. 

Dix séances, faites à dix jours d'intervalle, suffisent pour introduire facilement 
le No 20. Pôle négatif actif, pôle positif indifférent. 

Malgré cela, l'écoulement persiste toujours et l'on voit encore, en arrière du 
premier rétrécissement, la nodosité. 

En mars 1907, après trois semaines de repos, M. S. vient se faire sonder, afin 
de s'assurer si la dilatation de son canal s'est maintenue, et il nous raconte que 
son écoulement persiste toujours et qu'il apparaît même dans la journée, surtout 
lorsqu'il comprime, à l'aide de ses doigts, la nodosité « située au-dessous de la 
verge ». 

Nous introduisons facilement le n° 20 Charrière et, persuadé que la nodosité 
doit être un abcès péri-urétral, maintenant probablement l'écoulement sur lequel 
les lavages n'ont aucune action, nous eesayons l’électrolyse urétrale. Nous 
introduisons dans l'urètre pénien, au niveau de la nodosité, une tige en zinc d'un 
calibre 20 Charrière et reliant cette ttge au pôle positif, le pôle négatif étant placé 
sur l'abdomen, nous faisons passer un courant de 10 milliampères durant {0 mi- 
nutes. Nous revenons alors au 0; renversons le courant et faisons une application 
de mème durée et de même intensité, le zinc étant devenu négatif L'application 
terminée, nous retirons l'électrode urétrale et nous sommes tout étonné de la 
voir souillée d'une assez grande quantité de pus. L'abcès s'était ouvert sous l'in- 
fluence de l'action du courant. 

Nous faisons un lavage au protargol à 1 p. 1000 et nous renvoyons le malade 


(1) Due à l'obligeance de M. le docteur Suquet. 


838 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


en lui disant de revenir nous voir huit jours après, et de faire dans l'intervalle 
quelques injections de protargol à 1 p. 200, espérant ainsi obtenir la cicatrisation 
de l'abcès. 

Huit jours après, le malade revient nous voir : son écoulement a diminué. 
Nouvelle application identique à la première, et nous faisons encore, à deux 
jours d'intervalle, deux autres applications, ayant fait supprimer les injections 
de protargol. 

Après la troisième application, l'écoulement avait complétement disparu, et 
depuis lors nous n'avons pas constaté de récidive. 

M. S. vient nous voir tous les deux mois, pour se faire sonder. Le calibre de 
son canal s’est maintenu au n° 20 Charrière et l'écoulement n'a pas reparu. 


O8. VIII — Prostatite aiguë (1). — X., 23 ans, valet de pied, nous est adressé 
le 4 septembre 1907, par notre excellent confrère le docteur Reynaud. 

X. a contracté une blennorragie (la première), fin juin. Dès le début il s'est 
peu et mal soigné, écoutant les conseils d'un pharmacien qui lui prescrivait des 
capsules de santal. En août, l'écoulement persistant toujours et, de plus, X. res- 
sentant de forts élancements dans la région périnéale, il fut consulter un médecin 
qui, sans pratiquer le toucher prostatique, lui fit faire des lavages de perman- 
ganate. 

Après quelques jours de ce traitement, X ne trouvant aucnne amélioration 
et ne pouvant même plus s'asseoir tant sa douleur périnéale était aiguë, fut 
trouver le docteur Reynaud qui diagnostiqua une énorme prostatite aiguë, Trou- 
vant la prostate fluctuante et craignant de la voir céder sous des massages digi- 
taux, le docteur Reynaud nous adressa X.,afin de lui faire des courants de haute 
fréquence. Le 4 septembre 1907, nous pratiquons le toucher rectal pour nous 
assurer de l'état de la prostate avant de commencer le traitement. Il nous est 
impossible d'introduire complètement le doigt palpeur, tant le volume de la pros- 
tate est considérable et la douleur, qu'occasionne le toucher, violente. L'écoule- 
ment urétral continu durant la journée, est exagéré d’une façon notable toutes 
les fois que le malade va à la selle. Les urines contiennent des filaments dans 
les deux premiers verres. L'écoulement contient des gonocoques. 

Le 4 Septembre, première séance de haute fréquence avec électrode à manchon 
de verre, que nous avons beaucoup de peine à introduire (durée cinq minutes). 

Le 6 Septembre, le malade vient nous retrouver, nous disant qu'il se sent 
beaucoup mieux. Les phénomènes douloureux sont fortement atténués, l'écou- 
lement a diminué. Deuxième séance identique à la première; le manchon de 
verre pénètre mieux. 

Les 9, 11, 13, nous refaisons de nouvelles séances. 

Le 18, nous pratiquons de nouveau le toucher rectal, et nous sommes 
réellement surpris de constater l'affaissemert considérable de la prostate, dont 
le volume ne fait presque plus saillie dans la cavité rectale. L'état fluctuant a 
complètement disparu. Le malade nous dit que, depuis le 16, il n'a pas constaté 
la moindre trace d'écoulement. Nous faisons encore deux séances et renvoyons 
le malade complètement guéri. 

Nous l'avons accidentellement rencontré le 16 janvier 1908 et, précisément 
à cause de l'intention que nous avions de publier son observation, nous l'avons 


(1) Due à l’obligeance de M. le Dr Suquet. 


— m i u å 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 839 


interrogé au sujet de son ancienne affection et il nous a affirmé n'avoir jamais 
ressenti la moindre gène, et n'avoir pas aperçu la plus petite goutte. 


Oss. IX. — Prostatite aiguë. — A. P..., 34 ans, entre à l'hôpital Ruffi le 
21 Novembre 1907. Ecoulement urétral peu abondant, douleur à la miction et à 
la défécation. Sensation de pesanteur au périnée. 

P. a contracté une première blennorragie en 190%. Pendant six semaines 
il fait des lavages au permanganate de potasse ; son écoulement est quelque peu 
tari; il ne persiste qu'un léger suintement. 

Le 18 Novembre 1907, il contracte une seconde icone il rentre à 
l'hôpital et pour son écoulement et pour une vive douleur qu'il ressent au 
périnée. 

A l'examen, le toucher rectal nous révèle une prostate énorme, le lobe droit 
bombe fortement dans le rectum, le lobe gauche, quoiqu'également enflammé, 
fait une saillie moins considérable. Le doigt palpeur ne peut franchir qu'avec 
peine cette masse bosselée obstruant le rectum. Cet examen est fort douloureux. 

Malgré les lavements froids, la douleur ne s'amende point, et le 9 Décembre 
nous lui faisons une première application intra-rectale de courants de haute 
fréquence. Nous nous servons d'une électrode à manchon de verre, nous l'intro- 
duisons dans l'anus jusqu’à 7 ou 8 centimètres. Cette introduction est fort doulou- 
reuse. Mais, dès cette première séance, le malade se sent mieux et nous affirme 
que le trajet fait à pied de l'hôpital au laboratoire, qui, à l'aller, fut très pénible, 
s'est effectué plus aisément au retour. Nous lui faisons six séances à deux jours 
d'intervalle. 

Les douleurs s'amendent peu à peu à peu et, le 15 Décembre, lorsque nous 
pratiquons le toucher rectal, nous constatons que la prostate a fortement diminué 
de volume, la palpation n’est plus douloureuse. A la fin de décembre, le malade 
sort guéri de l'hôpital. 


Oss. X. — Urétrite et prostatite chroniques (1). — D., garçon de ferme, 
28 ans, a contracté une blennorragie en 1906. Depus lors, goutte le matin. Il vient 
nous consulter le 13 juin, et nous trouvons des filaments lourds dans le premier 
verre ; un rétrécissement profond, n° 12, et un léger degré de prostatite. 

Le malade n'habitant pas la ville et ne pouvant pas venir nous trouver d'une 
façon régulière pour subir notre traitement, nous lui prescrivons des lavages au 
permanganate et des lavements chauds. 

Nous revoyons le malade en août, dont l'état n'est nullement amélioré, ct lui 
conseillons de remplacer les lavages au permanganate par des injections de 
protargol. 

En octobre, D. no trouvant pas la moindre amélioration dans son état se 
décide à venir passer quelques semaines à Nimes. Nous lui faisons, à huit jours 
d'intervalle, huit applications électrolytiques intra urétrales, suivant la technique 
habituelle : électrode négative d'abord, puis positive, terminant par l’électrode 
négative. Dilatant le canal jusqu’au n° 20 de la filière Charrière. Après ces appli- 
cations répétées, voyant que l'écoulement ne disparaît point, nous envoyons dans 
le rectum les courants de H. F. Dès la première séance la grosseur de la goutte 


(1) Due à l’obligeance de M. le D' Suquet. 


840 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


matinale diminue et à la sixième séance on ne constate déjà plus trace d'écoule- 
ment. 

Pas de filaments, même dans le premier verre. La prostate est revenue à son 
volume normal. 


Oss. XI (1). — Prostatite chronique. — Le 23 août 1907, N., garçon d'hôtel, 
26 ans, vient nous trouver, nous disant qu'il doit se marier le 18 Septembre,et qu'il 
désirerait, d'ici-là, se débarrasser d’une goutte dont il est atteint depuis plusieurs 
années. 

Début en 1902 par une blennorragie aiguë, traitée par des injections an per- 
manganate. L'écoulement s’arrète au bout de deux mois, mais laissant persister 
après lui une goutte matinale. Cette goutte n'a jamais disparu depuis lors. 

N.. est fiancé depuis trois mois; désirant régulariser sa situation urétrale 
avant de se marier, il est allé consulter, en juin, un médecin-spécialiste à Avignon, 
où ìl habitait à cette époque. Ce docteur lui tit vingt lavages de vessie avec dila- 
tation jusqu'au n° 52 Béniqué, et ensuite six instillations au nitrate d'argent. 
Malgré ce traitement méthodique et intensif, la goutte n'a pas disparu. L'examen 
auquel nous procédons, le 23 août, nous montre des filaments lourds dans le 
premier verre, un canal indemme de toutrétrécissement et une prostate très légé- 
rement hypertrophiée, surtout au lobe droit. 

Du x3 août au 3 septembre nous faisons nous-même une série de lavages au 
permanganate, suivant la méthode de Janet. Pas la moindre amélioration. Nous 
commençons alors les applications intra-rectales des conrants de haute fréquence, 
au moyen d'une électrode à manchon de verre. Dès la première application, la 
goutte devient plus claire et moins grosse; à la quatrième, elle a complètement 
disparu. Nous en faisons deux de plus pour parachever le traitement. 


Oss. XII (1). — Prostatite chronique et orchite. — Le 2 octobre 1907, notre 
excellent confrère le docteur Reynaud nous adresse M. X., sous-officier, nous 
priant de vouloir bien faire à son malade quelques applications de haute fréquence, 
afin de le débarrasser d'une prostatite chronique qui résiste aux massages digitaux. 

M. X.est âgé de 32 ans. Il a contracté une blennorragie à l’âge de 23 ans, 
blennorragie qu'il a négligé de soigner sérieusement et qui n'a jamais com- 
plètement disparu. 

Sur le point de se marier, il est ullé consulter le docteur Reynaud, qui a 
constaté la présence d’un rétrécissement urétral et d'une prostatite assez volu- 
mineuse. Il a soigné le rétrécissement par la dilatation au moyen de Béniqués; 
la prostatite par des massages digitaux, cependant qu'il complétait les deux trai- 
tements par des lavages au permanganate. 

La dilatation une fois terminée et après unc vingtaine de massages de la 
prostate, le docteur Reynaud, devant la persistance de la prostatite et de l’écou- 
lement, conseille au malade d'aller nous trouver pour faire des courants de haute 
fréquence, dont il nous avait plusieurs fois entendu narrer les bienfaits dans les 
prostatites, Nous examinons M. X. et nous trouvons une prostate considérablement 
augmentée de volume, surtout en son lobe gauche, excessivement dure, bosselée ; 
les vésicules séminales paraissant elles-mêmes envahies par l'infection. 

Huit jours après, le malade vient nous retrouver, nous disant qu'ayant oublié 


(1) Due à l’obligeance de M. le Dr Suquet. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 841 


de mettre son suspensoir au sortir de notre cabinet, il avait ressenti le soir même 
une vive douleur dans le testicule gauche, que celui-ci avait augmenté de volume 
et qu'il avait été obligé de demander quelques jours de congé pour garder le repos. 
Le congé ayant expiré et le testicule étant encore gros et doulourenx, M. X nous 
demanile s'il peut suivre, malgré son orchite, le traitement que nous lui avions 
conseillé pour sa prostatite et si nous ne pourrions même pas traiter la lésion de 
son testicule. 

Nous lui faisons le jour mème une double application de haute fréquence. 
Longs effluves sur le testicule et manchon de verre dans le rectum ; nous disons 
au malade de revenir tous les deux jours. 

En tout, nous avons fait 10 applications doubles. L'écoulementa complètement 
disparu. La prostate a repris sa consistance et son volume normal; l’orchite est 
guérie etil ne persiste même pas, sur l'épididyme, le noyau induré que l'on 
observe si souvent à la suite de l'infection des voies spermatiques. 


Oss. XIII. — Orchite aigue. — M. H., 30 ans, coiffeur, entre à l'Hôpital 
Ruffi, de Nîmes, le ü décembre 1907. 

Il a contracté une première blennorragie, 1l y a dix ans. Son écoulement a 
duré trois mois. Trois ans après, il contracte une deuxième blennorragie, qui a 
une durée analogue a la première. 

Vers le 15 septembre 1907. il contracte une troisième blennorragie. Il fit un 
grand nombre nombre de lavages au permanganate de potasse et un ou deux au 
sublimé ; il prit plus de 100 capsules de santal. Le 1° décembre, il ressent une 
vive douleur au testicule gauche; il fait plusieurs applications d'onguent bella- 
doné et, comme la douleur continue, il entre à l'hôpital. 

A la palpation on sent le gonflement épididymaire en cimier de casque, enca- 
drant le bord supérieur et débordant les deux faces du testicule. Cette palpation 
est fort douloureuse. Le malade ressent également une vive douleur au niveau 
de la région inguinale dans la partie inférieure de l'abdomen. Le cordon est gros 
et douloureux L'écoulement, quoique ayant diminué depuis le début de l'épidi- 
dymite, continue légèrement. L'examen a révèle la présence de 
gonocoques. 

Le 9 décembre, le malade se rend à pied au laboratoire et y subit la première 
séance de courants de haute fréquence. Effluve promené sur le testicule gauche 
pendant dix minutes. Dès cette première séance le malade se sent soulagé. 

Nous lui faisons six séances d'effluvation. Le 14 décembre 1907, il sort guéri 
de l'hôpital. La douleur a disparu, les contours de l’épididyme, en voie de réso- 
lution, sc dessinent plus nettement et se laissent palper sans aucuue souffrance. 
Le cordon est revenu à ses proportions normales. 

Il est à noter que le malade voit ses phénomenes douloureux s'amender dès 
la première séance d’effluvation et ne ressent plus aucune douleur au bout d'une 
semaine, et cela sans avoir gardé le lit ni mème le repos, puisqu'il fut obligé de 
marcher tous les jours, pour se rendre au laboratoire. Il portait un vulgaire sus- 
pensoir et non le suspensoir ouato-caoutchouté Horand-Langlebert, dont la com- 
pression seule aurait suffi à atténuer les plus vives douleurs. 


Ors. XIV. — Orchite chronique. — C. F., 30 ans, sujet espagnol, mineur, 
entre à l'hôpital le 16 décembre 1907. Le 1° novembre, C. F., contracte la blen- 
norragie, sa première. [l ne suit aucun traitement; il continue à travailler. Le 
10 décembre, il ressent une vive douleur au testicule droit, qui l'oblige à garder 


842 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


le repos: mais pour cette lésion, comme pour l’autre, il ne se soigne point et, 
peu à peu, son testicule grc ssit. 

ll entre à l'hôpital avec un fort écoulement qui, cependant, d’après le malade, 
est un peu tari depuis que son testicule est douloureux. Examiné au microscope, 
nous découvrons dans son pus urétral de nombreux gonocoques. Ia palpation 
du testicule droit est très douloureuse. On sent l'épididyme induré encadrant le 
bord supérieur de l'épididyme; le scrotum est enflammé. 

Le jour de son entrée à l’hôpital nous lui faisons une séance de courants gal- 
vaniques ; l'électrode positive constituée par une lame d'étain imbibée d'eau 
tiède est appliquée et moule le testicule malade; l'électrode négative est placée 
sur le cordon. Nous faisons passer un courant de 40 milliampères ; la séance 
dure dix minutes. 

Nous lui faisons ainsi dix séances à trois jours d'intervalle. Dès les premiers 
jours l'amélioration est manifeste; les phénomènes douloureux disparaissent, et 
peu à peu rétrocéde l'induration. Le 10 janvier, lorsque nous examinons pour la 
dernière fois le malade, qui se considère comme guéri, depuis déjà quelque 
temps, nous sentons seulement un peu d'induration à la tête de l'épididyme. 


Oss. XV. — Bubon. — T. H..., 26 ans, cultivateur, entre à l'hôpital Ruffi, de 
Nîmes, le 7 Septembre 1907. En août 1906, ayant présenté à la verge un chancre 
induré, il reçoit vingt piqûres de biiodure de mercure Il se frictionne ensuite à 
la pommade mercurielle pendant dix jours, tous les mois, et cela pendant un an. 

Le 6 Septembre 1907, il contracte une blennorragie, qui le fait entrer à 
l'hôpital. On lui fait des lavages au permanganate ; l'écoulement continuant, on 
essaie le tannin et, devant l'échec de ce médicament, on emploie le sulfate de 
cuivre. 

L'écoulement est toujours aussi considérable. Le 10 Septembre, le malade sent 
une vive douleur au pli de l'aine. Un bubon se forme, et, le 4° Novembre, nous 
le trouvons suffisamment fluctuant pour l'inciser. Il renferme du pus en abondance. 
L'examen bactériologique révèle la présence de gonocoques. Après plusieurs 
pansements, l'incision est cicatrisée le 12 Novembre. 

Le 15 Novembre, le malade ressent une douleur au pli de l'aine du côté droit. 
Un bubon finit par apparaître. Nous lui faisons deux applications de rayons X, à 
huit jours d'intervalle. Sous l'influence de ce traitement, nous voyons le bubon, 
sinon rétrocéder, tout au moins ne pas augmenter de volume. 

Le 4 Décembre nous l'incisons ; il renferme une très minime quantité de pus. 
L'examen microscopique révèle la présence de gonocoques. Le bubon est guéri 
en peu de jours. Nous sommes donc frappé de cette différence d'évolution. Le 
bubon gauche, abandonné à lui-même, atteint dans quelques jours de fortes 
proportions, alors que le bubon droit, traité par les rayons X semble avoir subi 
un arrêt dans son évolution. Et alors que le premier met un mois et demi pour 
évoluer et guérir, le second ne met qu'une vingtaine de jours. 


Oss. XVI. — Monoarthrite blennorragique (1). — M. D., 38 ans, litho- 


graphe, vient nous demander, le 4 Novembre 1907, de vouloir bien traiter par 
l'électricité une douleur rhumatismale siégeant à la cheville droite. Il en souffre 


(1) Due à l'obligeance de M. le Docteur Suquet. 


PICHERAL. — URÉTRITE BLENNORRAGIQUE 843 


depuis un mois, à tel point qu'il a été obligé d'interrompre son travail et que son 
médecin le condamne au repos, avec prises de salicylate de soude et applications 
de sahicylate de méthyle. 

Ne trouvant aucune amélioration dans son état et ayant entendu parler du 
traitement électrique du rhumatisme, il s'est décidé à venir nous consulter, non 
sans peine, car la montée de notre escalier lui a été très pénible. 

Frappé par la localisation unique de son rhumatisme et le peu d'efficacité du 
traitement médical, nous demandons à M. D... s'il n'a jamais eu de blennorragie. 
Il nous avoue un écoulement en 1899, écoulement qui n’a jamais disparu complè- 
tement. En conséquence, nous n'hésitons pas à porter le diagnostic de rhuma- 
tisme blennorragique et nous conseillons des applications de haute fréquence, 
faisant cesser le traitement médical. 

Le 4 Novembre, première séance. Longs efflluves impolaires, durée : 


10 minutes. M. D... se sent immédiatement soulagé ct descend nos escaliers avec 
une certaine facilité. 


Le 5 Novembre, deuxième séance. L'amélioration persiste. 
Le 6 Novembre, M. D... nous dit qu'il est complètement guéri et qu'il a 
l'intention de reprendre son travail. Nous continuons le traitement journalier 


jusqu'au 10 Novembre, date à laquelle nous renvoyons notre malade, ravi du 
résultat obtenu. 


CONCLUSIONS 


I. Aux lésions multiples et profondes de la blennorragie s'adressent 
des traitements divers et variés. L’inconstance de leurs résultats autorise 
à recourir à d’autres agents thérapeutiques. 


II. L'électrothérapie s'emploie : 

1° Dans la blennorragie. — Sous la forme d'ionisation, dans les cas 
subaigus. Sous la forme d’ionisation dans les cas chroniques et d’électro- 
lyse circulaire (rétrécissement). 

2° Dans les complications de la blennorragie. — Sous la forme de 
courants de haute fréquence, dans la prostatite aiguë et chronique. Sous 
la forme de courants de haute fréquence dans les orchites aiguës. 

Sous la forme de courants continus dans les orchites chroniques. 

Sous la forme de rayons X dans le bubon. Le rhumatisme blennor- 
ragique est heureusement influencé, soit par les courants de haute fré- 
quence, soit par les courants continus, comme d’ailleurs tout rhumatisme, 
de quelque nature qu'il soit. 


II. Les cas suraigus de la blennorragie constituent une contre- 
indication. 


Traitement des névralgies de l'appareil génito- 
urinaire par les courants de haute-fréquence. 


Par le br Denis COURTADE. 


Les névralgies justiciables du courant électrique sont surtout les 
névralgies sans lésions locales ou avec des lésions peu en rapport avec 
l'intensité de la douleur ressentie. 

On peut appliquer à ces affections les différentes formes déjà connues 
d'électricité comme l'électricité faradique, galvanique et statique. 

J'ai pu, dans ces derniers temps, appliquer les courants de haute 
fréquence, soit seuls, soit associés aux courants galvaniques, et j'ai 
obtenu, surtout chez les neurasthéniques, des résultats très encou- 
rageants. 

Comment agissent ces courants ? 

Les courants de haute fréquence agissent d'abord sur l'état général, 
qui, chez les neurasthéniques, a toujours besoin d'être relevé. Ils agis- 
sent ensuite localement. 

1° Par suite de leur action sur les phénomènes congestifs, qui sont 
souvent une cause de douleur chez les neurasthéniques. En effet, 
chez ces malades, les phénomènes de cinesthésie sont fréquents, et une 
simple congestion peut les transformer en phénomènes douloureux ; de 
plus, l’état psychique particulier de ces malades intervenant, il peut se 
produire des névralgies très intenses et très tenaces. 

La haute fréquence agit sur la congestion, soit directement, par 
excitation vaso-motrice, soit par voie reflexe (excitation de la muqueuse). 

2° Ces courants agissent encore par leur action anesthésique bien 
connue, surtout sur la muqueuse. L'action analgésique n’est pas seule- 
ment un phénomène de surface, mais s’étend aussi sur les parties 
profondes. 

3° Enfin, on connait l’action de ces courants sur les spasmes. Ces 
derniers, surtout dans les névralgies urétro-vésicales, jouent un rôle 
quelquefois très important, et sont supprimés par la haute fréquence. 

Toutes les névralgies de l’apparcil génito-urinaire peuvent être trai- 
tées par ces courants, mais c’est surtout dans les névralgies vésico- 


COURTADE — NÉVRALGIES DE L'APPAREIL GÉNITO-URINAÏRE 845 


urétrales et prostatiques qu'ils agissent. Les névralgies testiculaires, 
lorsqu'elles ont un point de départ prostatique, sont aussi très souvent 
guéries 
Comment appliquer ces courants ? — Le malade est d'abord placé 

sur le lit condensateur, et un des pôles de l'appareil est en communica- 
tion avec la partie métallique du lit 

L’autre pôle est en communication avec l'électrode, devant agir loca- 
lement. Cet électrode pourra étre introduit, soit dans l’urètre, soit dans 
le rectum. Si on choisit l’urètre comme voie d'introduction, on se 
servira de l’électrode nue, consistant en un simple béniqué, de grosseur 
aussi forte que possible. 

Si l'électrode est introduit dans le rectum, on emploiera soit l'élec- 
trode nue de Doumer, soit l’électrode condensatrice d'Oudin. 

Dans les cas rebelles, j'ai employé en mème temps, avec succés, le 
courant galvanique avec le pôle positif sur le périnée et un pôle indiffé- 
rent sur la région hypogastrique. 


ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE. TOME X. — DÉCEMBRE 1907. 


Mesure de la résistance électrique du corps. 


Par M. WERTHEIM-SALOMONSON. 


Quoique le nombre des méthodes pour mesurer la résistance élec- 
trique du corps préconisées par les électrologistes est déjà assez grand, 
je vais décrire une nouvelle méthode qui offre plusieurs avantages. Dans 
ceci il n’y a pas question de l'influence des ions sur la résistance, mais 
seulement de la partie purement physique. 

Les différentes méthodes utilisées en physique, une vingtaine au 
moins, ont été utilisées. 1l y en a plusieurs qui offrent toute la précision 
qu'on peut en demander. C’est d’abord la méthode de Kohlransch avec 
le pont de Wheatstone à fil divisé ou à résistances de comparaison fixes 
avec un téléphone ou un électrodynamomètre comme indicateurs d'équi- 
libre qui doit être regardée comme la méthode de précision par excel- 
lence. Ensuite la méthode de Bergognié avec le téléphone différentiel, 
qui est d'une précision égale ou à peu près égale à celle de Kohlransch. 
L'avantage de ces deux méthodes consiste en ce qu'on emploie des cou- 
rants alternatifs pour la mesure, ce qui élimine la polarisation des tissus 
et des électrodes. 

Mais toutes les méthodes dans lesquelles un courant continu passe 
dans le corps manquent de précision. Elles ne donnent que des chiffres 
relatifs, pendant que les méthodes avec les courants alternatifs donnent 
des chiffres absolus On peut éliminer la polarisation des électrodes en 
prenant des électrodes impolarisables, mais alors il reste toujours encore 
la polarisation des tissus, dont la force électromotrice peut facilement 
atteindre 0,3 volt (Weiss) Si le voltage de la batterie qu'on emploie est 
de 10 volts, ceci cause une erreur de 3 °/,. Avec des électrodes ordi- 
naires qui offrent souvent une force électromotrice de polarisation de 
1 volt, on ne peut éviter des erreurs de 13 °/ dans le résultat On pour- 
rait bien employer la méthode élégante décrite par M. Weiss pour mesu- 
rer la force électromotrice de polarisation des tissus et corriger le 
résultat, mais ceci entraine des difficultés sérieuses. Aussi, cette méthode 
se prête seulement aux expériences de laboratoire 

Ni la méthode de substitution, ni la méthode de mesure avec le 
voltmètre et le milliampèremètre, ni les méthodes de l'ohmmèétre, ni 


WERTHEIM SALOMONSON. — RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE 847 


celles du galvanomètre différentiel ou du pont de Wheatstone, ont mit 
une précision de plus de 10 °% à 15 °/,, quand on les emploie avec des 
électrodes non impolarisables, et sans mesurer la polarisation des tissus. 
Et c'est justement la méthode du voltmètre et du milliampèremètre, qui 
est la plus employée en clinique. 

Il y a déjà une dizaine d'années, que j'ai ébauché la méthode 
suivante, qui élimine presque complètement (pas tout-à-fait) les forces 
électro-motrices, engendrées par la polarisation des tissus et des élec- 
trodes. De plus. la méthode est d’une simplicité extrème, et n'exige qu'un 
bon milliampèremètre, bien calibré, et une résistance fixe, connue, de 
2000 ohms. Le principe de la méthode est le suivant. Si un courant, 
d’une intensité ï, traverse le corps dont la résistance, qui doit être 
mesurée soit R, nous pouvons mettre : 


E — e 
R 


où E est la force électro-motrice de la source d'électricité ete, la force 
électro-motrice de polarisation. Aussitôt que le régime permanent est 
atteint, on intercale une résistance fixe ct connue r, dans le circuit, et on 
lit aussitôt le milliampèremètre. La lecture donne ïi» et nous avons : 

E —e 

R+7r 
De ces deux équations, nous tirons : 

ii R= i (R+ r). 
i2 


i] — i9 


ii = 


LE 


et R = 


r 


Nous avons donc exprimé R en termes de deux lectures du galvano- 
mètre, et d’une résistance connue. Cette méthod»* suppose que la force 
électro-motrice de polarisation des tissus et des tlectrodes ne varie pas 
immédiatement, si l'on intercale une résistance dans le circuit, ce qui 
cause une réduction de l'intensité du courant. Cette supposition est à 
peu près exacte. Il y aura une petite variation de ces forces électro- 
motrices de polarisation, mais la différence n'est de l’ordre que de quel- 
ques centièmes de volt, ce qu'on peut vérifier, avec la méthode de Weiss, 
On peut donc négliger cette variation, et admettre que e, aussi bien que 
E, restent absolument constantes pendant la durée de la mesuration. 

Du reste, l'expérience montre que le régime permanent acquis avant 
d'intercaler la résistance auxiliaire, le régime reste permanent après 
son introduction Un galvanomètre à corde d’Einthoven fut ajusté pour 
donner des lectures apériodiques de vitesse maxima; un shunt approprié 


848 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


réduisait la sensibilité jusqu'à donner une élongation d'environ un 
millimètre pour un courant de 0.3 milliampéres Deux électrodes ordi- 
naires furent appliquées sur la nuque et la main; quatre accumulateurs 
donnèrent la force électro-motrice nécessaire, Le courant fut clos pen- 
dant quelques minutes, jusqu'à l'obtention du régime permanent, Le 


courant fut rompu pendant quelques secondes et la plaque photogra- 
phique enregistrante fut mise en mouvement (fig. 1). Aussitôt le circuit fut 
fermé, au moment indiqué par la lettre A. Au moment B une résistance 
de 4.000 ohms fut brusquement introduit dans le circuit. Au moment C 
le courant fut rompu. Les lignes verticales donnent des marques d'une 
seconde. 

On voit que depuis le moment B le courant reste absolument cons- 
tantet ne varie pas d'un centième de milliampère. 

De cette expérience, on peut déduire la résistance : 


à 21.8 
gi O poor 


x 4000 = 5010 


Cette expérience montre encore quelque chose : le galvanomètre n'a 
pas besoin d'ètre étalonné en intensités absolnes, pourvu qu'il soit bien 
alibré. Ceci est le cas avec la plupart des galvanomètres à cadre mobile 
dans un champ magnétique puissant, du moins dans les appareils cou- 
rants. Les divisions sont généralement très exactes, au moment où l’on 
achète l'appareil. Mais, en quelques années, l'aimantation perd un peu de 
sa force, et les valeurs absolues ne sont plus rigoureusement exactes. 
Pourtant, on ne trouve que des changements peu importants, dans les 
bons instruments fouruis par les meilleurs constructeurs. 

En appliquant la méthode décrite ici, on fera bien de tächer d'avoir 
une élongation aussi grande que possible, pour la première lecture. Avec 
un galvanomètre divisé en 75 ou en 100 parties, on tächera d’avoir au 
moins 60 ou 90 divisions. On n’a pas à se préoccuper du voltage de la 


cn 


SREEEREE: 


' AA ‘+ 
it 
ii DE 
1 
st DELTEI 


t ER 
ADRE EZESERI TETTES 


WERTHEIM SALOMONSON. — RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE 849 


source d'électricité : on l'augmente jusqu’à ce qu'on ait une élongatiou 
pratique, c’est-à-dire aussi grande que possible. Avec un bon instrument, 
l'exactitude finale peut alors atteindre jusqu'à 0,5 — 1 °/,. 

La méthode peut aussi servir, pour déterminer la force électro- 
motrice de polarisation. Dans ce cas, on doit encore mesurer avec une 
voltmètre de précision, la différence de potentiel aux bornes de la source 
d'électricité. Pour démontrer de quelle manière on procède, je vais 
donner deux exemples. Dans le premier, j'ai mesuré la résistance du 
corps, avec une différence de potentiel de deux volts ; les deux mains 
étant plongées dans deux grands vases remplis d'eau de 30 degrés; le 
courant était amené par une lame de zinc fraichement amalzamée. Ces 
électrodes ne sont que très peu polarisables. Dans la seconde expérience, 
j'ai mesuré la résistance entre la nuque et l'avant-bras ; le courant était 
amené par une électrode positive de 50 cm ? et une électrode négative de 
10 cm*. Ces électrodes sont employées journellement, pour le diagnostic 
et la thérapie. La couverture était mouillée avec de l'eau ordinaire. Le 
voltage employé, était de 7.91 volts, et restait absolument constant, 
pendant toute l'expérience. | 

Le voltage fut mesuré avec un voltmètre de haute précision de 
Siemens et Halske et récemment contrôlé. Le voltage pouvait être 
mesuré avec une exactitude de l pour 1000. Le courant fut mesuré avec 
un galvanomètre de Paul, avec la mème précision. 


lre Expérience : Electrodes peu polarisables. 


Voltage = 1.995 volts. Courant ¿1 = 0,958 milliampères. Après 
l'introduction de 2.000 ohms dans le circuit, le voltage monte à 2.007 
volts; le courant i = 0,468 milliampéères. 


Nous pouvons mettre : 


2.007 — e 


1.995 
R + 2.000 


0,000958 = `- a et 0,000468 -= 


De ces deux équations on tire : 


R = l 886 ohms et e = 0.188 volts 


Deux minutes après, nous répétons la même expérience, le circuit 
étant resté fermé pendant ce temps. 

La lecture des instruments donne : 

Voltage = 1995 volts. Courant jı = 0,943 milliampères, Après 
l'introduction de 2.000 ohms dans le circuit : voltage 2.006 volts. 
Courant ¿2 = 0,461 milliampères. 


850 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Nous avons donc les équations : 


1.695 — e 2.006 — e 
0,000943 = — pk et 0,000461 = 550 


d'où nous tirons : 
R = 1.889 ohms et e = 0,214 volts. 


De ces expériences nous pouvons déduire que la résistance n'a pas 
varié, mais que la polarisation a augmenté de 0,1*8 volts à 0,214 volts. 

Nous pouvons remarquer que la polarisation seule aurait pu intro- 
duire une erreur de presque 11 °/, dans le résultat. 


2° Expérience : Electrodes ordinaires. 


Le voltage est de 791 volts, il reste constant. Nous introduisons 
4.000 ohms dans le circuit. Le galvanomètre est lu avant et après l'in- 
troduction des 4.000 ohms. Les lectures sont plusieurs fois répétées, 
chaque fois après quelques minutes d'intervalle. 


Nous avons noté : 


i1= 0,761, ¿2 = 0,505 donc R = 9.060 ohms et e = 1,02 volts 
ii = 1,000, i = 0,632 =- R— 6.#70  - e = 1,04 » 
1,055, ¿ə = 0,642 » R=6.220 » e = 1,35 - 
1,085, ¿ə = 0,6048 =- R=5.930 » e = 1,47 >» 


ii 
tl 


l 
l 


On voit que, sous l'influence d'un voltage de presque 8 volts, la 
résistance baisse fortement, fait trop connu pour que j'aie besoin d'y 
insister. Mais on voit encore la force électromotrice de polarisation 
augmenter de 1,02 à 1,47 volts. Si on avait négligé cette polarisation» 
on aurait introduit une erreur de 18,6 °/, dans le chiffre pour la résis- 
tance. Et non seulement on aurait eu une erreur absolue, mais encore 
une erreur relative, comme les erreurs dans les mesurations consécutives 
auraient augmenté de 12,9 °% à 18,6 4. 

Dans la description de ma méthode, j'ai dit que la résistance qu'on 
aurait à intercaler dans le circuit devrait être de 2.000 ohms : ceci n'est 
pas tout à fait exact. Pour avoir la plus grande exactitude dans le résultat, 
on devrait intercaler une rèsistance de telle grandeur que le courant fut 
réduit à la moitié. Et, dans ce cas, la résistance du corps serait exacte- 
ment égale à la résistance intercalée. Ce fait peut étre prouvé facilement. 
Rien de plus facile, mème, que de baser une méthode de mesure sur ce 
fait. Cette méthode, très élégante, n’offra mème aucune difficulté si l'on 
dispose d'une bonne boite à résistances; mais il est impossible de l'appli- 
quer sans disposer d'un tube rhéostat, qui est assez cher, pendant que 


WERTHEIM SALOMONSON. — RÉSISTANCE ÉLECTRIQUE 851 


ma première méthode ne nécessite qu'une seule résistance étalonnée, 
qu'on peut se procurer facilement à peu de frais. La grandeur de 
2.000 ohms a été choisie, parce que ce chiffre constitue la résistance 
normale, lorsque les deux mains sont plongées dans des électrodes peu 
polarisables. Ma première méthode nécessite seulement une calculation 
qui peut être effectuée en une minute, de sorte que la mesuration entière 
prend un peu plus que deux minutes. Elle est donc essentiellement une 
méthode de clinique, pendant que ma deuxième constitue plutôt une 
méthode de laboratoire. 

Finalement, je dois encore faire remarquer que le chiffre trouvé doit 
encore être corrigé : on doit en soustraire la résistance de la batterie et 
du galvanomètre. Avec les installations modernes sur le secteur ou sur 
accumulateurs, on n'a pas besoin de s'en occuper. La résistance des 
milliampèremètres à cadre mobile peut également être négligée. 


La radiothérapie dans les adénites vénériennes. 


Par M. Giovanni PINI. 


Pendant l'été de 1906, j'eus l’occasion d'assister, à Francfort, chez 
M. Herxheimer, à des essais de radiothérapie sur des adénites véné- 
riennes. A l'automne suivante parut, dans Medicinische Klinik, un court 
mémoire de M. Herxheimer, en collaboration avec M. Hübner, intitulé : 
Uber die Rünigenbehandlung von venerischen Bubonen. Les expériences 
vues ou lues m'ont engagé à appliquer les rayons X dans le traitement 
des adénites vénériennes. Voici le résumé des résultats que j'ai obtenus : 


A l'exemple de Herxheimer et Hübner, j'ai fait une sélection soi- 
gneuse des malades. Sachant que l'on observe les meilleurs effets théra - 
peutiques dans les adénites au début, non suppurées, j'ai limité mes 
applications aux bubons récents Jusqu'à aujourd’hui, je ne me suis pas 
occupé du traitement par les rayons X des adénites suppurées, non plus 
que dans les adénites en partie vidées, soit par aspiration, soit par 
incision. Les deux auteurs allemands précédemment cités ont fait porter 
leurs recherches non seulement aux adénites non suppurées, mais encore 
aux adénites suppurées ou vidées; ils reconnaissent que, dans ces deux 
derniers cas, les résultats sont moins brillants que dans les adénites au 
début. D'autre part, ccmme je devais et voulais faire mes expériences 
sur des malades de clinique ou de mon cabinet privé, j'ai été obligé de 
ne m'intéresser qu'aux cas les plus faciles et les plus susceptibles de 
guérison. 

La première idée de l'application de la radiothérapie aux adénites 
vénériennes appartient à Herxheimer, qui l'a déduite des expériences de 
Heinecke, qui a démontré que les organes lymphoïdes sont influencés par 
les rayons X et que leurs tissus sont graduellement réduits en volume et, 
en quelque sorte. détruits. En confirmation des résultats de Heinecke 
sont venus les résultats d'expérience d'un très grand nombre d’autres 
auteurs, qui ont appliqué avec un succès plus ou moins brillant et plus 
ou moins durable, à la leucémie, à la pseudoleucémie, aux lymphomes 
malins, au mycosis fongoide, etc. De ces recherches préliminaires, 
Herxheimer et Hübner conclurent que les rayons X devaient produire 
un heureux résultat dans le traitement des adénites vénériennes. mais 
encore que ce résultat devait être complet et durable. En effet, si dans la 


PINI. — ALÉNITES VÉNÉRIENNES 853 


leucémie et dans le mycosis fongoide on ne peut pas se vanter d'obtenir 
une guérison définitive, mais seulement une réduction des masses lym- 
phoïdes, cela dépendait de ce fait que les rayons possédaient une sorte 
d'action élective sur ces masses, mais non sur la maladie générale qui, 
malgré la réduction et l’atrophie des glandes et des tumeurs lymphoiïdes, 
persistait et donnait naissance à des manifestations ultérieures. Bien diffé- 
rentes sont les adénites vénériennes par rapport à la maladie qui les 
provoque et par rapport à l'organisme où elles se développent. Qu'elles 
soient le résultat d'une réaction locale ct circonscrite au microorganisme 
spécifique ‘bacilles de Ducrey) ou bien qu'elles soient dues à des microbes 
pathogènes communs provenant de la lésion primitive. de telle sorte que 
la lésion primitive étant guérie, ainsi que la glande, on peut dire que la 
maladie est terminée. L'hypothèse de Herxheimer sur les effets des 
ravons X sur les adénites et sur la durée et sur la stabilité de ces 
résultats, déduite de la connaissance clinique de la maladie et des expé- 
riences qui sont faites tous les jours avec les moyens thérapeutiques 
employés jusqu'alors. est parfaitement logique. Les expériences ont 
brillamment démontré l'exactitude de cette prévision. 

En ce qui concerne la technique radiologique elle-mème, elle n'a 
pas été, dans les premières tentatives, ni très exacte ni très précise, soit 
parce que le dosage des rayons X était alors encore plus incertain 
qu'aujourd'hui, soit parce que, comme il s'agissait de nouvelles expé- 
riences, cette technique n’était pas faite. En etfet, Herxheimer et Hübner, 
dans leur mémoire, se contentent de dire qu’ils se sont servis de tubes 
Muller à eau que le courant actionnant le système était de 85 volts et de 
3 à 4 ampères; que le tube était placé à une distance d’abord de 15 centi- 
mètres puis de 10 centimètres de la glande à traiter; qu’au début les 
expositions duraient un quart d'heure, et que cette durée a été successi- 
vement portée à une demi-heure. Les séances étaient répétées, au début, 
une fois, puis deux fois par semaine. Evidemment, on ne peut tirer de ces 
indications aucun renseignement dosimétrique précis qui puisse permettre 
à d'autres expérimentateurs de se placer dans des conditions identiques 
à celles de ces auteurs D'ailleurs on aura souvent à modifier cette 
technique suivant que l’on aura affaire à une adénite au début, ou bien 
à une adénite suppurée, ou bien à une adénite ouverte chirurgicalement. 
Ceperdant, on ne peut faire un reproche à ces auteurs de ne pas avoir 
déterminé leur technique. car, pour cette raison et pour d'autres citées 
plus haut, cette technique doit être essentiellement variable, Plus heu- 
reux qu'eux, parce que venus plus tard et parce que, instruit par leur 
expérience, j'ai pu entreprendre la dosimétrie des rayons X dans ce 
genre d'applications, et je puis indiquer avec précision certains faits qui, 


PCR RER BAIE 


854 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGII 


j'en ai la certitude, seront contrôlés et confirmés par d’autres expéri- 
mentateurs, 

Comme chromoradiomètre, j'ai adopté celui de Bordier dont j'ai 
l'habitude et dont je saisis facilement et rapidement les différences colo- 
rométriques. Ce n'est pas le lieu de faire la description minutieuse de cet 
appareil de mesure, ni d en faire valoir les avantages, ni d'en souligner 
les défauts. Evidemment, au point de vue de la perfection et de l'unité 
des mesures, l appar il de Bordier ne peut représenter seulement qu'un 
appareil de transition plus ou moins ingénieux, plus ou moins contro- 
lable, et par conséquent plus ou moins susceptible de critiques En effet, 
les coefficients d'erreur peuvent avoir des origines multiples; tantôt ce 
sera la substanc : même de la pastille (platinocyanure de baryum), tantôt 
ce sera le dissolvant employé (chloroforme ou acétone), d'autres fois 
elles proviendront de la lumière qui éclaire la pièce où l’on opère, 
d'autres fois d'une action trop prolongée ou trop intense de la lumière 
solaire au moment de la lecture de la pastille. L’acuité visuelle de l’expé- 
rimentateur lui-même intervient souvent dans une très grande mesure 
pour produire des erreurs parfois considérables. J'ai souvent, en etfet, 
constaté que, passant rapidement de l'obscurité à la lumière, la percep- 
tion visuelle des couleurs peut être abolie ou tout au moins diminuée, de 
sorte que, il faut pour les observer une exposition plus longue à la 
lumière que celle qui produit un commencement de virage de la pastille, 
c'est-à-dire que l’on obtient immédiatement une diminution du degré de 
la teinte et par conséquent une erreur dans l'appréciation de la dose. Il 
est donc nécessaire de s'exercer par une longue pratique, de faire me- 
sures sur mesures en se plaçant toujours dans des conditions identiques 
d'ambiance et de lumière avant de pouvoir porter un jugement autorisé 
sur la valeur scientifique et pratique du chromo-radiomètre Bordier, 
comme d'ailleurs pour tout autre chromo-radiomètre. Avec de telles 
précautions et avec une adaptation exacte de l'acuité visuelle, on arrive 
à doser les rayons X avec assez d'exaclitude par rapport aux réactions 
et aux indications thérapeutiques. Par exemple, si l'on emploie la dose I 
en plaçant la surface à irradier à 15 centimètres de l'anticatode, on 
obtient un très léger érvthème cutané, et si la région est pilifère, une 
alopôcie temporaire. Cette dose I est constante comme est constante la 
teinte B de Sabouraud et elle produit toujours, non seulement sur le 
méme sujet mais encore sur des sujets différents, ce léger érythème et 
cette alopécie temporaire. Par contre, les doses IT, IHI et IV ne corres- 
pondent pas à des réactions constantes aussi claires et aussi évidentes. 
On peut cependant faire exception pour la dose TV qui produit une escarre 
et doit ètre réservée, comme l'indique Bordier, à des cas très spéciaux. 


PINI. — ADÉNITES VÉNÉRIENNES 855 


Mais qu'il me soit permis de dire, en passant, que je n'ai jamais ren- 
contré de cas d’intolérance ou de sensibilité rationnelle particulière, ou, 
comme on le dit d'habitude, d'idiosyncrasie, toutes les fois que j'ai eu le 
soin de doser exactement les rayons X. Cependant j'ai déjà soigné environ 
deux cents sujets et je n'ai jamais rencontré de différences tant que les 
doses et que les régions traitées étaient les mêmes. Par contre, j'ai 
remarqué que les diverses régions cutanées réagissent différemment aux 
rayons X : ainsi, les régions couvertes réagissent plus vite que les 
régions découvertes; de même. les faces correspondant à la flexion des 
membres réagissent plus vite que les faces de l'extension ; les muqueuses 
plus que la peau. ` 

Un exemple de cette différence se rencontre précisément dans l'irra- 
diation de l'adéuite et particulièrement des adénites vénériennes du pli 
de laine Dans ces cas, j'ai toujours vu que la dose I déterminait un léger 
érythème ou, du moins, un érythème plus accentué qu'à la tête, à la face 
et méme qu’au cou. Dans un cas (Obs. 4) où, sept jours après une 
première séance d'une dose I, j'en fis une seconde, j'eus une véritable 
dermite qui tint le malade au lit et nécessita un traitement topique par 
la pommade à l'oxyde de zinc pendant quelques jours 

Si je me suis un peu étendu sur la question de la dosimétrie rüntgé- 
nique, c'est parce que j'ai la conviction qu’elle est indispensable en 
radiothérapie, de même que la dosimétrie médicamenteuse est la base de 
la thérapeutique chimique. Cette opinion est si évidente que personne 
n’en conteste l'exactitude : tous les auteurs reconnaissent que l'art d'irra- 
dier les malades par les rayons X est soumis à des règles fixes et 
immuables que l'on ne peut transgresser, en plus ou en moins, sans 
risquer de dépasser ou de ne pas atteindre le but que l'on se propose. 
Cependan‘, le parallélisme entre la radiothérapie et la thérapeutique 
médicamenteuse. au point de vue de la dosimétrie, n’est pas complet, 
car alors que, dans cette dernière, nous avons dans la balance un pro- 
cédé d'une rigueur parfaite, en radiothérapie, nous n'avons aucune 
méthode qui puisse êlre comparée à la balance par l'exactitude et la 
constance. Mais en attendant que nos méthodes aient atteint ce degré de 
précision, il est évident qu'il vaut mieux se servir des méthodes que nous 
possédons, malgré leur imprécision, que de ne nous servir d'aucune 
méthode de dosage Je dois ajouter que, si j'ai surtout parlé du chromo- 
radiomètre Bordier, ce n'est pas parce que je le considère comme le 
meilleur, mais parce que c'est celui dont je possède le mieux la pratique. 

Ponc, dans mes recherches sur le traitement rôüntgénique des adénites 
vénériennes, je me suis servi du chromoradiomêtre Bordier, exposé aux 
radiations données par un tube Muller, type 14, muni d'un réfrigérant 


826 ANNALES D'ÉLECTROBIOIOGIE 


et d’un spintermêtre, avant un diamètre de 17 cm et actionné par un 
courant continu de 70 V. et de 4 à 6 A. La distance de la pastille au tube 
était de 6,5 em, c’est-à-dire à 15 em de l'anticathode. Le malade était 
protégé par des lames de plomb de 5 mm d'épaisseur disposées sur le 
ventre, les cuisses et surtout sur les organes génitaux. Je me suis 
toujours efforcé de n'employer que des rayons d'une puissance de 4 à 5 
Walther. Le temps nécessaire pour obtenir le degré I Bordier a varié de 
15 à 20 minutes. 

J'ai déjà dit pourquoi la dose I Bordier me paraît suffisante : elle 
produit, à la région inguinale, un érythème manifeste et une pigmen- 
tation marquée. Dans l'un des premiers cas que j'ai soumis à ces appli- 
cations. jai sensiblement dépassé la dose I, sans cependant arriver à la 
dose IT, et je constatai. en outre que l'érythème et la pigmentation, une 
alopécie de la région. A propos de la pigmentation, je signalerai qu'elle 
est un épi-phénomène assez fréquent et assez variable au point de vue 
de l'intensité de sujet à sujet. Mais elle est surtout manifeste et constante 
dans les régions pourvues de glandes, comme au cou, à laine, à l'ais- 
selle, à la région mammaire. 

Voici, résumés, des cas que J'ai traités par cette méthode : 


Ogs. I. — B., Jules,a eu un ulcère du frein, et depuis une semaine, une glande 

du volume d'une noisette, dans le pli inguinal droit,. Ceite glande est un peu 
douloureuse, non fluctuante, mobile. Le malade ne présente aucun signe d'infec- 
tion syphilitique, ancienne ni récente. On lui fait une application de rayons X, le 
30 octobre 1906, de Oà 1 Bordier. Le 2 novembre, je revois le malade. Le ganglion 
ne présente aucune modification ; il est cependant moins douloureux. Le malade 
a continué ses occupations d'employé au chemin de fer. Je lui fais’ce jour là, une 
nouvelle application de O Bordier. Le 10 novembre, je le revois ; il a un érythème 
discret, de toute la partie irradiée. La glande, non diminuée de volume, présente 
une consistance plus grande. Le 23 novembre, l'érythème a disparu, le ganglion 
est réduit au volume d'un pois chiche, dur, indolore. 
T J'ai tenu le malade en observation jusqu'en février 1107, et j'ai pu constater 
que le’ganglion n'a, pour ainsi dire plus diminué, et qu'il n'existe aucun signe 
qui puisse faire penser à une infection syphilitique. ll est légitime de supposer 
que ulcere était de nature vénérienne, suivi d'un ganglion inguinal de mème 
nature, et que les rayons X ont réduit et arrèté le processus inflammatoire de ce 
ganglion. 


Oss. IL. — R., Joseph, a eu des ulcérations multiples depuis deux mois. Depuis 
{5 jours euviron, un,bubon est apparu dans laine gauche; il est gros environ 
comme une mandarine, mobile, doulourenx : la peau qui le recouvre, est normale. 
On fait la premiere séance de traitement le 19 décembre 1606; on administre 
une dose I. Le 22 décembre, le malade accuse une légère douleur à l'aine droite, 
où l'on trouve, en effet, un ganglion gros comme une noisette ; à gauche, dans la 


PINI. — ADÉNITES VÉNÉRIENNES 857 


région irradiée, on ne constate aucune modification. 4 séances d'irradiation à 
droite, I Bordier. 

Je n'ai revu le malade que le 7 mars 1907, et il m'apprend que les ganglions 
ont disparu seulement depuis quelques jours ; qu'il n'a eu ni érythème, ni 
brunissement, et qu'il n’a pas cessé un seul jour d'exercer sa profession de 
coiffeur. À l'examen, on ne trouve plus que de tous petits ganglions durs, sans 
aucune trace d'affection syphilitique. 


Oss. II. — T., Louis : ulcération du gland. cicatrisée au moment de l'examen. 
Ganglion gros comme une noix, à l'aine droite, recouverte d'une peau un peu 
rouge ; ce ganglion est un peu douloureux et adhérent à la peau. Un traitement 
à l'onguent mercuriel avait été commencé. Le 15 décembre 1906, on applique au 
malade une dose de rayons X, voisine de II Bordier. Le malade est revu 12 jours 
après ; il est porteur d’un vulgaire bubon ; il avoue s'être beaucoup fatigué, 
contrairement à nos instructions. La réaction cutanée diffère très peu de celle que 
l'on observe dans les adénites suppurées vulgaires. 


Oss. IV. — F., Gaëtan, ne se rappelle pas avoir eu d'ulcérations aux parties 
génitales. Depuis un mois environ, une adénite, grosse comme un œuf de poule, 
s'est développée à l'aine droite. Elle est douloureuse, de consistance dure, 
couverte d'une peau rouge et adhérente. A l'examen des organes génitaux, je 
trouve des traces de balano-postite catarrhale. Le 22 janvier 1907, j'administre 
I Bordier, et une semaine plus tard, une seconde dose égale. Dix jours après la 
seconde application, le malade m'appelle à son domicile pour une douleur aiguë 
qui l'empêche de bouger le membre inférieur droit. Je constate que la douleur 
siège dans l'articulation coxo-femorale, qu'elle descend le long de la cuisse, et 
qu’elle est plus accusée, lors du mouvement d'abduction ou de rotation externe de 
la cuisse. Dans la région inguinale, on ne constate rien de particulier, sı ce n’est 
un certain brunissement, avec érythème et dépilation. Le ganglion est plus ferme. 
Un mois plus tard, l'adénite est parfaitement guérie. L'articulation est encore un 
peu douloureuse aux mouvements, 


Oss. V. — B., Charles : il y a un mois, ulcérations multiples, qui ont provo- 
qué une adénite inguinale droite, qui, au moment de mon premier examen, 
a été inciséc et est en voie de guérison. Mais il s'était produit un nouveau nœud 
ganglionnaire, gros comme une noisette, douloureux, mobile. Le 5 Février 1907, 
j'administre au malade un peu plus que I Bordier, mais certainement inférieur 
àH. Le 25 Février, le malade nous dit que les douleurs ont disparu et que la petite 
tumeur, peu à peu, s'est réduite, au point de disparaître, si bien qu’il a pu 
reprendre son travail. Le 23, il avait fait une longue course à pied et, depuis 
24 heures, il ressent quelques douleurs à l'aine. A l’examen je trouve un gan- 
glion plus petit qu'au premier examen, peu douloureux à la pression, et la peau 
sus-jacente pigmentée. Je fais une nouvelle application d'une dose I. 

Le 12 Mars, je revois le malade ; le ganglion est réduit, mais il est encore 
sensible à la pression, et le malade avoue qu'il n’a pas cessé de vaquer à ses 
occupations et de se fatiguer. J'examine avec soin le malade et je n'observe 
aucune trace de syphilis. J'administre une troisième dose de I. Le 8 Avril, la glande 
cst tres diminuée ; la douleur a disparu. Je considère le malade comme guéri. 


ne Le ve: 


858 ANNALES D'ELECTROBIOLOGIE 


Oss. VI. — Z. Pietro a cu une blennorrhagie, il y a quatre ans, et déclare en 
ètre guéri depuis un certain temps : en effet, il n'existe aucune sécrétion uréthrale, 
et les urines, tres claires, ne contiennent que de très petits microscopiques 
filaments. ll iunore avoir eu des ulcérationsou de la balano-postite. En octobre 1906, 
il a subi une opération dans l'aine droite, pour un petit paquet glanglionnaire dont 
il ignore l'origine. La cicatrice est linéaire, lisse et blanche. A son pôle supérieur 
externe, on trouve, à la palpation, une petite tumeur peu mobile, de la grosseur 
d'une noisette, recouverte de peau normale, douloureuse à la pression. Le 
malade, inquiet d'avoir une nouvelle opération à subir, demande à étre traité par 
un autre procédé Je le soumets aux rayons X,suivantla technique indiquée plus 
haut La première séance a lieu le :4 Mars 1907; le 26 du méme mois, le malade 
nous apprend qu'il n'éprouve plus aucune douleur et je constate que la glande 
est réduite an volume d'un pois. 


OBS. VIT. — C. Ezéchiel ne se rappelle pas avoir eu une maladie vénérienne 
quelconque, ni d'excoriations aux parties ou aux membres inférieurs Il ya un 
mo.s apparut un ganglion a l'aine droite. Le repos et des applications d'emplätres 
mercuriels lui furent conseillés et, d'aprés le malade, amentrent une sensible 
diminution de la tumeur. Au moment de l'examen, elle a le volume d'un gros 
pois chiche. À gauche, on trouve deux autres glandes du volume d'une noisette ; 
elles sont douloureuses et mobiles. Le 4 et le 11 Mai 1907, on fit sur ces derniers 
des applications de ravons X suivant la technique déjà indiquée. Le 10 Juin, 
les glandes sont réduites au volume d’un haricot; elles sont indolores. 


Ors. VHI. — L. Mario présente des ulcérations au prépuce et au frein; depuis 
vingt jours il existe un ganglion à l'aine gauche, gros comme une noix, doulou- 
reux, peu mobile; la peau qui le recouvre est saine, non érythémateuse. Le 
25 Mai 1907, on lui administre I Bordier. Le 10 Juin, on constate que l’adéuite 
n'est plus douloureuse et qu'elle est réduite au volume d'un grain de mais. 


De l'ensemble de ces observations, on peut tirer quelques considéra- 
tions d’un intérêt pratique et d'un contrôle facile. La première est que 
l'effet direct, en quelque sorte immédiat, des rayons X est de diminuer 
et mème de supprimer la douleur (phénomène souvent constaté dans les 
applications de radiothérapie); effet qui, dans l'espèce, a une importance 
évidente, Il est vrai que ce premier résultat a l'inconvénient de faire 
croire aux malades qu'ils sont guéris el qu'ils peuvent transgresser les 
ordres du médecin et par conséquent de compromettre le résultat définitif 
de la cure. Il est, en effet, superflu de faire remarquer que si le traitement 
des adénites par la radiothérapie n'est pas aidé par le repos, au moins 
relatif, les effets en seront diminués ou même nuls. 

L'observation V est un exemple très démonstratif de l'efficacité du 
repos ajouté au traitement par les rayons X, car le malade, satisfait des 
résultats obtenus et confiant dans l'efficacité seule de la radiothérapie, 
se permit un travail et une fatigue excessifs; aussitôt l'amélioration 


PINI. — ADÉNITES VÉNÉRIENNES 859 


s’arrêla et la glande recommencça à grossir. D'ailleurs la nécessité de ce 
repos est commun à toutes les autres sortes de traitement. Ma's il serait 
facile de démontrer que ce repos à lui seul ne suffit pas. Avec le traitement 
par les rayons X, ce repos peut être réduit au minimum, sans nécessiter 
de garder le lit, et qu'il consiste tout simplement à éviter une trop 
grande fatigue musculaire, par exemple de faire un long trajet à pied 
ou de rester debout trop longtemps. 

Tous mes essais ont été faits dans ma policlinique, ce qui veut 
dire sans aucun contrôle sûr de l'observation de mes recommanda- 
tions et avec l'obligation pour mes malades de se transporter jusqu’à 
elle. 

La seconde observation que l’on peut faire est relative à la simplicité 
et à l’économie du traitement. Il est très agréable pour le malade de 
n'avoir pas à être embarrassé de pièces de pansements médicamenteux 
ou autres, d'autant que la cure est réduite à son minimum de durée. En 
général, une ou deux séances suffisent; une seule fois, j'ai dû en faire 
trois. 

En présence de ces multiples avantages. il me semble que la méthode 
radiothérapique dans le traitement des adénites vénériennes s'impose, et 
même qu'elle s'impose dans d’autres affections similaires, dans les 
processus inflammatoires des glandes qui avoisinent les organes génito- 
urinaires, dans les processus inflammatoires qui dérivent des ulcères 
vénériens, de balanites ou de balano-prostites, d'excoriations, d’herpès 
génital, etc. 

Le moment le plus favorable pour intervenir est celui où la glande 
n'a pas encore contracté d'adhérences avec la peau et ne présente aucune 
trace de fluctuation. Aussi cette méthode mériterait-elle le nom de 
méthode préientive ou abortive des adénites vénériennes et peut être 
considérée comme une modalité ou comme une limitation des applications 
radiothérapeutiques faites sur une large échelle par Herxheimer et 
Hübner. 

On ne pourra manquer d'ètre frappé de l'importance pratique de cette 
thérapeutique préventive et abortive, non seulement en raison des argu- 
ments de durée et d'économie que j'ai fait valoir plus haut, mais encore 
en raison de la prophylaxie des complications de ces maladies et de 
l'efficacité de l'assistance médicale publique et privée. On comprend 
qu'à mesure que se diffusera cette méthode le nombre des adénites 
suppuratives ira en diminuant, et parconséquent la perte des journées 
de travail diminuera aussi, ainsi que les frais d'hospitalisation et des 
soins médicaux ou chirurgicaux. On peut encore faire remarquer que la 
radiothérapie est absolument indolore et qu'elle ne laisse pas après elle 


RE a 


860 ANNALES D’ÉLECTROBIOLOGIE 


des cicatrices comme en laissent les interventions chirurgicales dans 
les régions inguinales et crurales. 

Après avoir indiqué rapidement les avantages de la radiothérapie 
dans les adénites vénériennes, il me reste à répondre à quelques objec- 
tions que l’on peut faire à la radiothérapie en général et à la méthode 
abortive que je viens de décrire La première est relative à la difficulté 
de commencer le traitement assez tôt, car la grande majorité des porteurs 
d'adénite, surtout dans le public qui fréquente les hôpitaux ou les 
cliniques gratuites, se présentent lorsque l'affection est arrivée à un 
stade déjà avancé, lorque les masses ganglionnaires sont en quelque 
sorte fondues les unes dans les autres ct en voie de ramollissement. Cette 
objection n'infirme évidemment pas la valeur de cette méthode, elle 
n’en limite pas l'emploi et elle ne peut être un obstacle à sa diffusion. 
ll appartiendra aux médecins et aux spécialistes de la faire connaitre, 
d'en montrer les avantages. Aussi je fais des vœux pour que cette méthode 
soit contrôlée et assavée par le plus grand nombre possible de médecins, 
car je suis convaincu que tons ceux qui l'auront essayé l'adopteront et 
en seront d'ardents protagonistes. D'un autre côté, les malades qui 
auront été guéris par eux en deviendront les meilleurs diffuseurs. 

En ce qui concerne la valeur de ces applications, on pourra peut-être 
eslimer que les résultats obtenus sont plutôt dus à un arrêt spontané du 
processus inflammatoire suppuratif qu'à l'action réelle des rayons X. 
Cette subtile objection n'a, en pratique, aucune valeur, car il est impos- 
sible de prévoir, dans un cas déterminé, quelle sera son évolution future, 
s’il se résoudra de lui-même ou s'il se transformera en bubon. D'autre 
part, comme il est démontré que les rayons X ont un peuvoir résolutif 
très net sur les organes glandulaires enflammés, il sera toujours prudent 
d'utiliser ce pouvoir, même dans les cas qui pourraient ne pas en avoir 
besoin, que de retarder leur emploi jusqu'à ce qu'on soit sûr que 
l’adénite est en train de subir une transformation fàcheuse, ce qui 
d'ailleurs est le cas le plus habituel. Cette pratique, à mon sens, doit 
être adoptée même pour les cas d'adenites consécutives à des ulcérations 
mixtes, qui ne se terminent pas toujours par la suppuration mais 
s'arrêtent à la phase d’hyperplasie et se résolvent par la suite sous 
l'influence d’un traitement spécifique, car, sans prétendre que les rayons X 
ont une action sur les adénites syphilitiques, ils exercent cependant leurs 
bons effets sur les ulcérations glandulaires dérivant de la symbiose ou de 
la coexistence de différents germes qui ont pu pénéter par la porte 
ouverte de l'ulcération jusqu'à la glande. Le cas suivant est une 
démonstration de l'exactitude de cette couception : 


Carlo B... était porteur d'une ulcération, un sillon balano-préputial, qui fut 


PINI. — ADÉNITES VÉNÉRIENNES : 861 


diagnostiqué, par le premier médecin consulté, comme ulcération vénérienne. 
Lorsque je le vis, vingt jours plus tard, l’ulcération avait des caractères spécifi- 
ques beaucoup plus nets, en raison du relèvement et de la rigidité de ses bords 
et par la résistance parchemineuse de sa base. Le fond cependant ressemblait 
beaucoup à un simple ulcère vénèrien. A l'aine il y avait deux ganglions doulou- 
reux et compacts. J'appliquai les rayons X et 12 jours plus tard, ces ganglions 
étaient réduits à un tout petit volume et indurës. L’ulcération se cicatrisa très 
rapidement, laissant une cicatrice dure et visible. Quarante jours après l’infec- 
tion, on constatait deux plaques d’alopécie et une petite roséole à l'hypogastre. 


Même dans ce cas où le diagnostic suspect de syphilis pouvait 
contre-indiquer l’emploi de la radiographie, les résultats ont été 
favorables. 


ANNALTS D ÉLECTROBIOL( GIE. TOME X — DECEMBRE 1007. 60 


Notes sur la radiologie en Angleterre 
en 1907-1908. 


Par M. DEAN. 


L'année 1907 a vu deux développements bien sérieux sur le manie. 
ment des rayons X. 

Le premier et, peut-être, le plus important, et surtout pour les 
praticiens. est l'adoption presque universelle des appareils de protection 
contre la dissipation des rayons X. 

Il serait l'exception de trouver dans le Royaume Uni un service 
d'hôpital, une infirmerie ou une clinique. employant des rayons X, où il 
n'existe pas un localisateur de forme quelconque, protégeant les opérateurs 
et limitant la surface du patient à irradier. On y voit également tous les 
opérateurs pourvus des gants protecteurs dont on en trouve des formes 
solides, commodes et effectifs comme matière radiofuge. Le bouclier 
métallique, assez commun en France, est trés peu connu en Angleterre, 
car c’est à l'Angleterre qu'il faut créditer les premiers appareils protec- 
teurs en verre surplombé ou dans la composition duquel verre il y a des 
sels métalliques vitrifiés, mais rendant ce verre très radiofuge ; du reste, 
le modele de Dean, de Londres, est assez adopté en France. Cependant, 
les modèles primitifs sont bien simples comparés à ceux que l'on emploie 
actuellement dans les hôpitaux de Lond'es, où les Anglais refusent de 
travailler au tube nu. 

La capsule en verre surplombé est très grande, enveloppant corplè- 
tement le tube de Crookes, qui existe dans toutes les tailles, depuis 
13 cm jusqu'à 25 cm de diamètre; le tube est introduit dans la capsule 
par des encoches dans les parois ; ces encoches sont de profondeur à 
permettre l'anode du tube de Crookes d'être centré et fixé. On voit ces 
capsules employées dans les salles de radiographie et dans les services de 
dermatologie, Pour la radiothérapie elles sont construites en verre Blue, 
afin de diminuer l'effet actinique et on voit les capsules montées sur les 
supports, sur les tables d'examen, sur des soupapes, sur des appareils 
compresseurs et sur des appareils d'orthodioscopie ou radioscopie. Dans 
la dermatologie on les voit montées sur des chässis de M. Leod ou sur 
des appareils dits universels de la Maison Dean, qui se fait une spécialité 
des appareils de protection. 


en me 


SRE a nn: OPEN BERG Re— “ms, 


DEAN. — RADIOLOGIE EN ANGLETERRE 863 


En résumé, la protection par le verre surplombé a l'air d'être faite 
à outrance, s’employant sur des écrans fluorescents, des radiochromo- 
mètres, des grands paravents. vitres, etc.; mais nos confrères ont raison 
de se protéger en attendant le remède efficace encore désiré par bien des 
radiologistes. 

Pour les appareils pour la radiothérapie, les capsules sont construites 
de facon à employer des pastilles ou réactifs et un petit dispositif permet 
d'introduire dans la zone radio-active la pastille ou le réactif 

Ce verre surplombé ne durcit pas les tubes de Crookes comme les 
autres dispositifs. tels que des boites en bois doublé de feuilles de plomb, 
de caoutchouc plombé, ou vulcanisé, ou caoutchouc durci dans lequel il y 
a des sels métalliques pour absorber des rayons X. Le verre seul ne 
possède pas ce désavantage et cela s'explique par le fait que, dans la 
vitrification, le plomb en silicate est devenu isolant et pas une matière 
conductrice d'électricité. 

Je. conseille donc à mes lecteurs de profiter des expériences de 
MM. les Anglais et d'employer d'emblée le verre surplombé, relativement 
peu cher et le plus efficace comme matière radiofuge. 

Un autre progrès reconnu par les Anglais sont des appareils de 
mesure et de contrôle des rayons X. 

Quelques-uns me paraissent fort rationnel et commode. D'abord, ils 
ont eu l’idée de faire les soupapes en cristal et de les entourer d’un man- 
chon de verre radiofuge, car les soupapes dégagent des rayons X nui- 
sibles et «n quantité dangereuse. Mais pour contrôler les pastilles on a 
eu l’idée d'empêcher le renversement des tubes en prenant des précau- 
tions sur le système de basse tension, c'est-à-dire le système primaire. 
Ce peu de Self dépend, pour la majeure partie, de la construction des 
transformateurs ou bobines et de la période d'interruption. Car le période 
d'interruption est d'importance capitale. Une bobine est un transforma- 
teur et suit la formule de tous les transformateurs statiques. 

On n'ignore pas que le période d'interruption ou renversement de 
phase joue un rôle capital dans le rendement du transformateur ; pour 
une quantité de fer donnée, on ne peut pas dépasser un certain période; 
il est également important pour la pression initiale d’approprier son taux 
de fer en raison de la période et de la pression. On voit donc aujourd’hui 
des constructeurs et radiologistes employer, à tort et à travers, des inter- 
rupteurs à grand période sur des transformateurs qui n’exigent qu’un 
période relativement faible, 15 ou 31) périodes au maximum On s'étonne 
donc des courants de Self que l'on cherche à supprimer par des sou- 
papes, lorsque le rationel sera d'employer des périodes appropriées au 
transformateur. Pendant dix ans, tout le monde presque, on a eu ce 


PS a. 


NE RE | LE. 


864 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


grand tort; il y en a même qui emplorvent des courants alternatifs du 
secteur au période de 40 à 5U par seconde. On voit aussi bien des bobines 
excittes par des interrupteurs à turbine faisant 2.500 à 3 000 périodes 
par minute. C'est probablement la raison pourquoi l’année 1907 a vu si 
peu de progrès sur l’année 1906. Je dirai même qu'il y a rétiocession 
plutôt que progression et je suis convaincu que ce retard est dù à 
cette vogue d'employer des périodes beaucoup trop élevées sur des trans- 
formateurs exigeant un période lente. J'espère que l’année 1908 verra la 
radiologie reconnaitre cette grande erreur. 

Je cite un cas où un hôpital fait dans son service journalier de der- 
matolugie des séances 5 H pour la teigne en 4 à 5 minutes, à 15 centim. 
de l’anode à la peau. Ces Messieurs ne dépassent jamais plus de 
10 périodes par seconde. Le résultat est plus rapidement atteint et on ne 
fatigue pas des tubes par un surcroit de chaleur et surtout par des ren- 
versements produit par le Self. En dépassant la limite critique de la période 
de 50 °/,, comme il est aujourd'hui assez commun, on augmente la Self 
de 100 °/,. On s'explique aussi pourquoi certaines personnes demandent 
de 25 à 30 minutes pour l'effet qu’on peut obtenir en 1U ou 15 minutes, 
sı l’on emploie des interrupteurs à bas période. Les décharges à 10 pe- 
riodes peuvent être très intensives, mais la période de repos est salutaire 
pour le tube et la bobine. 

Si donc on prend des mesures rationnelles, on se mettra sur la base 
solide de ne pas dépasser le régime périodique critique des transfor- 
mateurs : on s’évitera bien des tracas et des pertes de tubes. Car ces 
derniers sont de nature délicate et la vie utile d’un tube de Crookes 
dépend uniquement sur son usage Les tubes à régulation automatique 
sont loin d’être compris par la majorité des médecins. 

Presque tous les régulateurs automatiques fonctionnent sur le déga- 
gement des gaz (vapeur d'eau causée par le passage du courant dans le 
régulateur) développant de la chaleur et éliminant des substances 
capillaires (dont se composent les régulateurs) de la vapeur d’eau. Il n'est 
donc nullement nécessaire que ces régulateurs soient en excitation conti- 
nuelle, car trop d'activité de la part de ces auxiliaires ramaollira le tube. 
Le régulateur ne doit agir que quand le tube est résistant Il faut donc 
ne pas laisser passer le courant dans le régulateur que quand le tube 
l'exige 1l est donc prudent d'enlever la grande armature qui se trouve 
sur les tubes de ce genre et d'avoir un conducteur. 

Parmi des radiochromomètres à citer est celui de Bergonié-Dean. 
Ce modéle, très coquet et précis, est basé sur le principe de l'instrument 
de Benoit, Dans le modèle Dean, on a supprimé, comme inutiles, les 
numéros : 1, ll et 12; l'appareil ne comporte que de 2 à 10. L'étalon 


DEAN. — RADIOLOGIE EN ANGLETERRE 865 


en argent est fixé de façon à former un disque à côte, duquel passent, 
par un mouvement rotatif, toute la gamme des disques en aluminium. 
de 2 à 10; à côté de chaque disque en aluminium est un matricule indi- 
quant l'épaisseur du disque en aluminium qu'il accompagne. L'appareil 
porte une lunette dans laquelle il y a un écran fluorescent. Exposé devant 
un tube de Crookes à examiner, on voit trois disques ronds et un matri- 
cule; ces disques sont dans le fond du cryptoscope-lunette, de sorte qu’on 
peut facilement déterminer la quantité de rayons que l'on emploie, en 
choisissant entre un numéro trop fort ou trop faible. La main de l'opé- 
rateur est garantie par un bouclier métallique. Cet appareil est appelé à 
rendre un grand service, et je trouve qu'il mérite d’être signalé. 
Ayant la longueur nécessaire à la portée de la main, de façon à l'in- 
troduire entre l’anode et le régulateur quo quand le tube a besoin 
d'ètre modifié. 

Une maison d'outre-mer a eu l'idée d'imposer une résistance sur le 
régulateur; une maison emploie un spirale métallique formant une self, 
et une autre maison emploie une étincelle que l'on peut régler 
sa longueur plus ou moins grande déterminera la résistance et activera 
ou empêchera l'activité du régulateur. Des tubes ainsi construits sont 
capables de rester constants pendant de longues séances; j'en ai vu 
marcher une journée entière sans variation de plus d'un centimètre. 

L'état des tubes me parait rester bien dans le statu quo pour le 
présent. On a cru, avec tort, que la grande fréquence d'intensité ferait 
rendre aux tubes des rayons plus puissants ; mais ceci est faux: un tube 
donne son maximum de rendement avec relativement peu d'excitation, et, 
en dépassant ce régime, on ne fait que de la chaleur, Ainsi, si un tube 
donne son résultat sur un rochnelt de 30 A mpères, il donnera moins sur 
200 Ampères, car la chaleur viendra détruire les rayons X. On cite un cas 
où l’on passait assez d'intensité à faire fondre la cathode sans pouvoir 
constater une amélioration de pénétration ; au contraire, cela diminuait. 

Les choses donc indiquent que, pour produire des rayons X plus 
puissants, le matériel orthodoxe ne suffit pas, il est à créer tout un autre 
matériel et procédé pour obtenir un phénomène nouveau. 


REVUE DE LA PRESSE 


LAQUERRIÈRE. — Présentation de dispositifs de la Maison Gaiffe, pour 
production, par l'électricité. de contractions musculaires se rappro- 
chant de la contraction physiologique. — Assncialion française pour 
l'avancement des Sciences, Congrès de Reims, aoùt 1907. 


Les auteurs rappellent que, l’année dernière, la Maison Gaiffe a fait connaître 
un excellent appareil d'électro-mécanothérapie, marchant par courant alternatif. 

Cet appareil, dont ils se servent depuis à leur entière satisfaction. est un 
meuble de cabinet (1). 

Pour les applications au domicile du malade, la Maison Gaiffe a construit un 
appareil portatif mu à la main. Il se compose d'une petite dynamo qui tourne dans 
le champ d'un aimant, mais cet aimant est mobile, on peut en régler les mou- 
vements, si bien que le courant recucilli aux bornes (ondulatoire ou sinusoidal, à 
volonté) part de zéro, croît régulièrement jusqu'à un maximum et décroit ensuite 
récuhèrement, de façon a réaliser, comme le grand appareil, des contractions se 
rapprochant en tous points de la contraction volontaire physiologique. Les auteurs 
utilisent cet appareil depuis plusieurs semaines. Ù 

D'autre part, on sait depuis longtemps (l'excitateur médiat de Tripier figure 
dans les catalogues de Gaifle depuis 1865) que les étineelles indirectes de statique 
donnaient de belles contractions musculaires indolores, mais ces contractions, 
comme cela se produit avec la faradisation, ou étaient trop rapides, ou consis- 
taient, quand les étincelles étaient trop rapprochées, en tétanisation. 

M. Gallot, Directeur de la Maison Gaifle, après avoir été en Amérique étudier 
les divers dispositifs de Morton, a construit un interrupteur spécial qui permet 
d'obtenir, par les étincelles de statique, une contraction de muscles lente, pro- 
gressive, rigoureusement réglable et se rapprochant tout à fait ds la contraction 
volontaire physiologique. 


P. Ounin. — Du radium porté à l'intérieur de la cavité utérine (:). — 
Bulletin officiel de la Société française d'Electrothérapie et de Radiologie; 
août-septembre 1906. 


Les auteurs qui ont étudié l'anatomie pathologique des radiodermites ont 


tous constaté que la première lésion due aux rayons X consistait en une oblité- ` 


ration des capillaires par prolifération de leur endothélium. Holtzknecht a fait, 
en 1903, la mème constatation pour les radiumdermites. D'autre part, on a 
publié de nombreuses observations de l'action régressive des rayons X sur les 
fibromes utérins. 


(1) LAQUERRIÈRE, — Congrès de Lyon, Présentation d’un appareil d'électro-mécano- 
thérapie. 

(2) Communication présentée le 2 juillet à l’Académie des Sciences, en collabo- 
ration avec le Dr Verchere. 


REVUE DE LA PRESSE 867 


C'est en partant de ces considérations que nous avons songé à porter du 
radium dans la cavité d’utérus fibromateux et hémorragique, espérant avoir ainsi 
une action plus puissante qu'avec les rayons X, dont la pénétration jusqu'à 
la muqueuse utérine n'est guère possible sans radiodermite superficielle. 

Nous avons, pour cela, utilisé un tube de verre, qu'a bien voulu nous confier 
le regretté Curie, contenant 27 mg. de sel à T5 0/0 de bromure de radium pur, 
c'est-à-dire de radioactivité égale à 1.500.000. Ce tube était enclos dans une tige 
d'aluminium creuse. Notre tube de verre avait 25 mm. de lougueur et 2 mm. 
de diamètre. La tige d'aluminium portée dans l'utérus y était laissée de 10 à 
15 minutes. En nous plaçant dans ces conditions nous étions sûrs de rester bien 
en deçà du temps nécessaire pour provoquer une radiumdermite, étant donné 
surtout que les muqueuses résistent beaucoup mieux que la peau aux rayons 
Rœntgen. 

Les résultats ont, de beaucoup, dépassé nos espérances. Voici, résumées, 
les observations de deux malades que nous avons ainsi Soignées (observations 
prises toutes deux dans le service de M. Obertin, à Saint-Lazare). 

Oss. I. — L. B..., 34 ans. Depuis six mois, pertes continuelles. Femme 
presque exsangue, œdème des paupières et des extrémités; utèrus dur, antéfléchi, 
dont le fond remonte à quatre travers de doigt au-dessus du pubis. Dans les 
deux culs-de-sac latéraux, masses dures, du volume d'une mandarine, non 
douloureuses, immobiles. La malade devait ètre opérée le 20 mai. 

Première séance le 19 mai. Les pertes s'arrêtent complètement dans la 
journée. Il a été fait trois autres séances : le 28 mai, le 9 juin et le 19 juin. 
L'écoulement sanguin n'a reparu, très léger, que pendant trois jours, corres- 
pondant à la date des régles. L'état général est excellent. 

Mais ce qu'il y a peut-être de plus extraordinaire, ce sont les modifications 
qui se sont produites du côté de la tumeur, qu'on ne sent plus au-dessus du 
pubis; l'utérus est encore gros, mais mobile, et les tumeurs latérales sont à peine 
perceptibles. Ces changements ont été tellement rapides qne nous n'aurions osé 
publier l'observation, craignant quelque erreur de diagnostic, si notre seconde 
malade ne s'était comportée d'une façon identique à la première. 


OB3. Il. — M»e K..., 46 ans. Depuis huit mois, hémorrhagies presque conti- 
nuelles. Au toucher : col dur, immobile ; à la palpation : tumeur volumineuse 
occupant toute la région hypogastrique et les fosses iliaques, remontant jusqu'à 
l'ombilic. Anémie extrème. 

Le 25 mai premiére appl'cation du radium. Le jour même l'écoulement va 
en diminuant et disparait complètement le troisième jour. Depuis lors, il n'a 
reparu que pendant quatre jours, époque habituelle des règles. Nous avons 
encore fait trois autres séances les 11, 19 et 24 juin. 

Les signes objectifs se sont aussi profondément modifiés que dans l'obser- 
vation I. Aujourd'hui, la tumeur ne remonte plus qu’à trois travers de doigt 
au-dessus de l'ombilic ; elle est mobile, s'est divisée en trois lobes. Etat général 
excellent. 

Nous avons aussi cherché à utiliser l'action bactéricide du radium contre des 
infections gonococciques anciennes du col de l'utérus et de l'urètre, lésion dont 
on connait la résistance à tout traitement. Ici encore les résultats ont été des plus 
encourageants. 

Nous avons choisi six malades atteintes de catarrhe ancien du col. Les six 
cas sont identiques. Voici le résumé d'une observation prise au hasard. 


868 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


Oss. III. — J. L...., 17 ans. Entrée le 21 septembre 1905. Non améliorée 
malgré de nombreux traitements. Le {°° Juin on trouve au toucher un utérus 
volumineux, un col gros, entrouvert, très sensible A l'examen direct, double 
ectropion végétant, écoulement glaireux, purulent, très abondant. Nombreux 
gonocoques. 

Deux applications de radium : le {ef Juin 15 minutes, le 8 Juin 10 minutes. 

Le 20 Juin, col petit, dur, de consistance et d'apparence parfaitement 
normales. Ectropion completement réduit, remplacé par un tissu cicatriciel rose 
ardoisé. 

Il n’y a plus trace d'écoulement. 


Dans sept cas, types de blennorrhagie urétrale ancienne les résultats, sans être 
aussi brillants, sont pourtant des plus encourageants. Chaque malade a subi deux 
séances de 10 minutes à huit jours d'intervalle. Une seule est guérie complète- 
ment, chez les autres l'écoulement purulent est remplacé par un suintement 
muqueuse montrant encore de rares gonocoques. 


LAQUERRWIÈRE et LOUHIER. — Quelques cas traités par l’étincelle de 
résonance. — Bulletin officiel de la Société française d'électrothérapie 
et de radiologie, Juillet 1X6. 


L'année dernière, la Société s'est largement occupée (Oudin, Lacaille, Laquer- 
rière et Delherm) du traitement de l'épithélioma cutané par l’étincelle de haute 
fréquence. 

Voici une observation intéressante parce que le sujet était extrèmement 
pusillanime et extremement nerveuse, l'observation démontre bien que le trai- 
tement par l'étincelle peut, s’il est bien appliqué, ètre parfaitement toléré. 


OBSERVATION I. — Mte Marie B..., 71 ans, est envoyée à la clinique Apostoli, 
le 2 Février 190%, par le docteur Grattery. Elle présente de nombreuses Jésions 
cutanées qui ont débuté, il y a quelques années, par quelques petites croûtelles 
isolées et ont été en augmentant. Actuellement, les principales lèsions, brunes 
ou noirâtres, sont peu saillantes sur les tissus environnants, elles se répartissent 
sous forme de plaques irrégulières, l'une à la région malaire droite ayant plus 
d'un centimètre carré de surface, une autre de meme taille mais moins foncée 
sur la région malaire gauche, une troisième sur le nez, une quatrième sur le front, 
de la grosseur d'une lentille; il y a, de plus, un grand nombre de petites taches 
minuscules en ditiérents points du visage. 

La malade est tres bien portante pour son âge, mais elle est très nerveuse, 
et a une peur extrème du traitement (nous lui faisons chaque fois qu'elle vient 
une séance de statique) 

Traitement. — Le 2 Février, H. F, étincelle joue droite 2’. 

Le 3 Février, H. F. joue droite 4°; H. F. nez 4'. 

Le 16 Février, H. F. nez, joue droite, joue gauche, 4" environ en chaque point. 

Le 28 Février, la joue droite va bien, H. F. £ sur le nez, 4’ sur la joue gauche, 
& sur le front. 

Le 14 Mars, la malade va bien, pas de traitement. 

Le 2 Avril, les lésions traitées sont toutes guéries: pour la plupart, la peau 
est normale ; pour les autres, la peau reste un peu rosée. 

Le bon état se maintient depuis. 


REVUE DE LA PRESSE 869 


Réflexions — En somme, cette observation montre, à notre avis, la supériorité, 
dans les cas nettement superficiels, de la H. F sur la radiothérapie qui, souvent, 
n'amène la guérison qu’au prix d'une radiodermite plus ou moins légère et, en 
tous cas, demande un temps plus long pour la guérison complète. 


ts 


D'autre part, le Professeur Bergonié a montré tout le parti qu'on pouvait tirer 
de cette même étincelle dans le traitement des angiome plans. 
Voici deux observations qui confirment les bons effets qu’il a annoncés : 


OBSERVATION II. — Enfant M..., 5 mois, est envoyé à la clinique Apostoli, le 
17 Mars 1905, par le Docteur Bourgeois, il présente un angiome de l'aile gauche 
du nez, tache rouge violacée, saillante de 2 millimètres environ occupant toute 
l'aile et un peu de la partie latérale du nez. | 

Nous avons commencé par faire, du 19 Mai au 2 Septembre 1905, dix séances 
de radiothérapie; pour chaque séance, durée 5”. Distance 15 centimètres environ, 
meuble de Gaiffe, intensité 1/2 M. A. 

A ce moment, l'angiome a nettement pâli, il a cessé de grossir comme il le 
faisait auparavant; mais il n’a pas diminué; dans ces conditions, nous avons 
recours à l'étincelle. 

Traitement. — De fin Septembre à fin Décembre, 4 séances de 4° de durée 
environ. Les séances sont bien tolérées, parfois l'enfant crie parce qu'on le 
maintient, mais une fois il s'endort pendant la séance. | 

Nous le revoyons cepuis à plusieurs reprises, il ne reste plus de trace de 
l'angiome, l'aile du nez a une forme normale mais l'épiderme reste d'une colo- 
ration rose plus foncée que la peau. 

Fin Mai, pour hâter la décoloration et faire disparaitre les deux ou trois fines 
arborisations vasculaires, nous faisons une cinquième séance à ? environ. 


Réflexions. — Cette observation montre que, même quand on a à faire à de 
petites tumeurs et non pas seulement à des taches, l'étincelle est encore parfai 
tement applicable. 


OBSERVATION III. — Ru..., 2 mois, vient à la clinique Apostoli, le 28 Mars 1906, 
envoyé par le docteur Fouineau, pour un petit angiome siégeant à l'angle interne 
de l'œil droit, ayant l'aspect d'une tache rouge saillante du volume d'une demi- 
lentille. 

Traitement. — Une seule séance de 5 environ. 

Le 4 mai, l'enfant parait guéri, la peau est encore un peu rosée, nous le 
reverrons dans SiX MOIS. 


Réflexions. — Chez un enfant de 2 mois, il eût été extrémement difficile 
d'utiliser la galvano-puncture aussi près de l'œil sans employer le chloroforme. 

Comme conclusions, 1l semble qu'on peut donner les suivantes : 

Dans l'épithélioma cutané, « l'étincelle de H. F. à une action énergique sur 
toutes les lésions superficielles mais n'a vraisemblablement qu'une influenc> 
faible en profondeur; les rayons X, au contraire, paraissent capables de pour- 


(1) Delherm et Laquerrière: Epithéliomas cutanés traités par la radiothérapie et 
la haute fréquence. Bulletin officiel de la Société, Septembre-Octobre 1905. 


870 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


suivre, dans l'intimité mème des tissus, les trainées de cellules cancéreuses qui 
proliférent le long des vaisseaux lymphatiques (1) ». 

L'étincelle paraît donc le traitement de choix quand la lésion est nettement 
superficielle; il semble, au contraire, légitimé de lui associer les rayons si le 
néoplasme a gagné en profondeur. 

Dans l'angiome, l'étincelle de haute fréquence est nettement supérieure à la 
galvano-puncture lorsqu'il s'agit de taches très superficielles, car, avec la galvano- 
puncture, l'aiguille dépasse alors trop souvent les limites des tissus malades; il 
faut, pour ne pas avoir de cicatrices blanchâtres, ne pas faire de séances trop 
fortes, etc., et, en somme, le traitement est fort long. Mais l'étincelle peut encore 
s'appliquer à des tumeurs relativement peu saillantes. Par contre, la galvano- 
punciure reste le traitement de choix des angiomes de grande épaisseur, soit 
qu'ils soient très saillants. soit qu'ils s'enfoncent profondément dans les tissus. 

En tout cas, qu'il s'agisse d’angiome superficiel ou d'épithélioma cutanés, les 
résultats esthétiques sont parfaits 


J. Carrel.Li. — Effets favorables de la lumière rouge dans certaines 
dermatoses — Sperimentale, mai-juin 1907. 


Le fait que l'exposition aux rayons rouges du spectre paraît avoir donné de 
bons résultats dans les fièvres éruptives, telles que scarlatine, rougeole, variole 
et infection vaccinale (on a, comme on sait, vacciné sous la lumière rouge), ainsi 
que dans l'érysipèle, le noma (une observation de Motschau) et dans les plates 
septiques (Ræsler), a incité M. J. Cappelli (Sperimentale, mai-juin 1907) à 
étudier, sous la direction du prof. Pellizari, l'action de ces rayons sur quelques 
dermatoses banales : pyodermites, eczëmas, sycosis et ulcérations d'origine 
diverse, et cela sur plus d'une centaine de malades. 

Les sujets en expérience étaient exposés à une lumière rouge, obtenue par le 
passage d'un faisceau de lumière blanche, réfléchie à travers un diaphragme à 
double paroi vitrée, contenant une solution d'éosine. La durée de la séance 
variait, suivant le cas, entre une et deux heures 

Voici les résultats de ces cssais thérapeutiques, tels que l'auteur les a commu- 
niqués dans une récente séance de l'Académie des sciences médico-physiques ile 
Florence. 

De toutes les formes de dermopathies, ce sont les formes superficielles qui 
bénéficient surtout de la photothérapie rouge, notamment l'impétigo, qui est 
considérablement amélioré en quelques séances. Dans cette dermatose, la lumiere 
rouge amène la dessiccation et la chute des croutes; les éruptious bulbeuses 
perdent leur contenu séro-purulent ct manifestent vite une tendance à la guérison. 

Dams les dermatoses qui guérissent facilement par l'emploi des désinfectants 
chimiques, la photothérapie rouge trouve, d'après ies observations de l'auteur, 
une indication pratique alors qu'il s'agit de formes pustuleuses avec tendance à 
l'extension et qui, sous un pansement ordinaire ou sous une couche de pommade, 
ne cessent de se diffuser; ou bien alors qu'une désinfection énergique est impra- 
ticable, soit de par la localisation de la lésion (au bord parpébral) ou du fait de 
la coincidence avec une autre affection cutanée (eczémas spontané ou provoqué). 

Dans les eczémas aigis, les applications de la lumière rouge ont donné des 
résultais fort intéressants. Ici, après les premières séances l'auteur a vu presque 


REVUE DE LA PRESSE 871 


constamment diminuer la rougeur de la peau, cesser les éruptions ultérieures de 
vésicules, pendant que se desséchaient les vésicules anciennes, de telle sorte que 
l'éruption perdait ses particularités objectives caractéristiques. 

L'eczéma aigu du.cuir chevelu se trouve particulièrement bien de la lumière 
rouge. L'auteur a vu des formes suraiguës et confluentes d'eczéma de cette loca- 
lisation, demeurées jusque-là rebelles à tous les traitements, se dessécher après 
quelques applications de lumière rouge. Les effets furent moins brillants, bien 
qu'encore marqués, dans les eczėmas pustuleux et impétigineux, fait qui est 
assurément en rapport avee le caractère spécial de ees dermatoses. 

Bien entendu, parmi les eczémas traités, il y en eut dans lesquels la photo- 
thérapie rouge échoua complètement, comme le fait se produit avec n'importe 
quel traitement. La raison de cet échec est parfois demeurée inconnue; d'autres 
fois on pouvait l'attribuer à des conditions organiques spéciales du malade, telles 
que scrofulose, anémie, artério-sclérose, etc. 

Dans le sycosis vulgaire, l'action de la lumiere rouge paraît être limitée aux 
altérations eczémateuses superficielles, mais elle ne porte pas sur l'infiltration 
sycosique proprement dite, laquelle est profonde et d'origine vraisemblablement 
endogène. D'ailleurs, la résistance de ces formes aux applications médicamen- 
teuses les plus énergiques, associées à un traitement interne, est bien connue. 

En ce qui concerne les divers genres d'ulcérations, la lumière rouge a toujours 
exercé sur elles une action tonifiante,se manifestant par une coloration meilleure 
des bourgeons charnus et une cicatrisation rapide. 


H. ManreL. — La radioscopie et la radiographie appliquées à l'ins- 
pection des viandes tuberculeuses. — Académie des Sciences, i0 juin 1907. 


Les lésions tuberculeuses du bœuf et du porc sont facilement envahies par les 
dépôts de sels de chaux. Nous avons pensé que cette propriété pourrait être mise 
à profit pour utiliser les rayons de Rœntgen et rechercher l'existence de lésions 
discrètes, situées au sein des tissus, et surtout dans la masse des ganglions 
superficiels ou profonds, toujours plus ou moins masqués par la graisse. Les 
résultats obtenus dans cette voie sont assez précis. 

Lorsque les pièces anatomiques peuvent être facilement étalées (chaine gan- 
glionnaire du mésentère chez le porc, etc.), l'épreuve radioscopique permet de 
voir avec beaucoup de netteté les lésions tuberculeuses. Le tissu ganglionnaire 
indemne, à peu près transparent pour les rayons de Rœntgen, donne une ombre 
peu marquée; les ganglions atteints sont projetés sous la forme d'une tache 
granuleuse dans son ensemble et plus ou moins étendue, suivant le degré 
d'invasion de l'organe. Les lésions les plus discrètes sont ainsi décelées, à la 
condition que leur contenu ait l'aspect granuleux qui traduit un certain degré 
d'infiltration calcaire. 

L'épreuve radiographique est plus précise encore. Elle donne certains détails 
de structure des ganglions; lcs ombres portées sont assez foncées lorsque les 
régions examinées sont riches en graisse; toutefois, ces parties fortement ombrées 
se diflérencient toujours avec facilité des taches sombres dues aux lésions tuber- 
culeuses. Celles-ci ont toujours l'aspect granuleux qui semble tenir à l'infiltration 
calcaire qu'elles ont subie. 

Les lésions tuberculeusces des bovidés donnent des résultats aussi nets. L'exis- 


872 ANNALES D'ÉLECTROBIOLOGIE 


tence de quelques tubcrcules dans un ganglion bronchique non hypertrophié, 
noyé au sein d'une masse de tissu adipeux, est facilement décelée au radioscope 
et par l'épreuve radiographique. Les lésions pulmonaires apparaissent avec 
beaucoup de détails. Les amis tuberculeux se montrent groupés autour des bron- 
chioles et forment avec le tissu cartilagineux également projeté une sorte de 
grappe. 

Les organes qui donnent un résultat négatif à l'examen radioscopique ou à 
l'épreuve radiographique peuvent cependant être tuberculeux. La méthode que 
nous préconisons ne permet pas de déceler toutes les lésions de tuberculose; 
toutefois, elle a l'immense avantage d'éviter les coupes d'organes et de permettre 
un examen très rapide. 

Les résultats donnés par la radiographie sont sous la dépendance directe de 
la technique suivie. Le temps de pose joue un certain rôle. Pour établir sa durée, 
il convient de tenir compte de la nature et de l'épaisseur des tissus à traverser. Il 
nous est difficile de donner sur ce point des règles générales. Nous savons, 
toutefois, que les épreuves sont d'une lecture d'autant moins facile que les plans 
anatomiques projetés sont plus nombreux. 

La méthode qui consiste à pratiquer des coupes en séries, afin de rechercher 
les lésions tuberculeuses, oblige à des délabrements qui déprécient beaucoup les 
pièces examinées. En outre, elle demande beaucoup de temps. L'épreuve radios- 
copique, au contraire, permet de trouver rapidement des lésions discrètes. Les 
amas de graisse ne constituent pas une gêne. La radioscopie est pratiquement 
réalisable lorsque l'inspection des viandes doit porter sur un nombre d'animaux 
relativement faible. Elle met sur la piste de tuberculoses que rien ne permettrait 
de soupçonner,en l'absence d'un diagnostic préalable porté sur l'animal vivant, 
a l'aide de la tuberculine. 

La méthode radioscopique nous paraît facilement applicable aux services 
d'inspection (1) dans les villes de moyenne importance. Il n'est pas, d’ailleurs, 
impossible de réaliser des dispositifs qui permettent son application aux grands 
abattoirs. La fréquence croissante de la tuberculose du porc nous commande de 
diriger nos investigations dans ce sens. 


(1) La radioscopie et la radiographie peuvent recevoir de nombreuses applications 
en matière d'inspection des viandes. Elles rendent facile la différenciation des viandes 
par les caractères ostéologiques. Les lésions chroniques au cours de diverses affections 
laissent des traces sur l'épreuve radiographique. La morve chronique, la cysticercose 
et beaucoup de maladies parasitaires méritent d’être étudiées par ce procédé. 


f 


b o ps wa, = > T Î \ s fl jo l i e a 


N° 12.— Dixième année 


y 
die don. ANN ALES 


D'ÉLECTROBIOLOGIE 
ET DE RADIOLOGIE 


Publiées par le D? E. DOUMER 


PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE LILLE 
| DOCTEUR ÈS SCIENCES 
AVEC LA COLLABORATION DE MESSIEURS 


D. COURTADE, C. LURASCHI, E. MILLAT & F. WINKLER 
Secrétaires de la Rédaction 


ET DE MESSIEURS 


D'ARSONVAL (A). membre de l'Institut, MOUTIER A), de Paris. 
professeur au Collège de France. D 2 | 
OUDIN (P.), ancien interne des hôpitaux. 


BENEDIKT (M.), professeur d'électrothé- an 
rapie à l'Université de Vienne. PRÉVOST (J -L.), professeur de physiologie 
à l'Université de Genève. 


CIRERA SALSE (L.) de Barcelone. ; 7 
S agrégé àl’ 2 
GUILLOZ (Th ), professeur agrégé à l’ Uni- SUNA TERS R RUE GSTS _ 


versité de Nancy. $ i à 
» QO A 6 à |? t 
HEGER (P.), directeur de l’Institut physio- gr re TN mia ul V VARENA 


logique Solvay, Bruxelles. : i 
: B Fa Se 
IOTEYKO (M: D" J.), chef de laboratoire SUDNIK (R.), de Buenos-Ayres 


à l’Université de Bruxelles. TRIPIER (A.), de Paris. 

LA TORRE (F.), professeur agrégé à l'Uni- WEISS (G ), professeur agrégé à l'Ecole de 
versité de Rome. médecine de Paris. 

LEDUC (S.), professeur de physique médicale WERTHEIM-SALOMONSON (J-K:-A.) 
à l'Ecole de médecine de Nantes professeur à l'Université d'Amsterdam. 

LEMOINE G ), professeur de clinique médi- ZANIETOWSKI. de Cracovie. 


cale à l’Université de Lille. 


Paraissant tous les mois 


avec un répertoire sur fiches. 


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TABLE DES MATIÈRES 


La résistance électrique du sang et de l'urine considérée comme 
pouvant indiquer l’état du fonctionnement du rein, par 
M. Dawson TURNER (Edimbourg). $ CRE 

De l’électrothérapie dans l'urétrite blennorragique subaiguë et 
chronique et dans ses complications les plus habituelles, par 
M. Ch. PICHERAL . RE E" 

Traitement des névralgies de l'appareil génito-urinaire par les 
courants de haute fréquence, par M. Denis COURTADE. i 

Mesure de la résistance électrique du corps, par M. \VERTHEIM- 
SALOMONSON . ue de EE ces À le en lg oi dE, ie 

La radiothérapie dans les adénites vénériennes, par M. Giovanni Pixr. 


Notes sur la radiologie en Angleterre en 1907-1908, par M. DEAN. 


Pages. 


813 


Revue de la Presse. — Zaquerrière : Présentation de dispositifs de la Maison 
Gaiffe, pour production, par l'électricité, de contractions musculaires se 
rapprochant de la contraction physiologique, p. 866. — P. Oudin : Du radium 
porté à l'intérieur de la cavité utérine, p. 866. — Laquerrière et Loubier : 
Quelques cas traités par l'étincelle de résonance, p. 868. — J. Cappelli : 
Effets favorables de la lumière rouge dans certaines dermatoses, p. 870. — 
H. Martel : La radioscopie et la radiographie appliquées à l'inspection des 


viandes tuberculeuses, p. 871. 
Table des auteurs, p. 873; Table des matières, p. 875 


Le Gérant: Gastro RORBE 


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