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IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE
Chaussée Saint-Pierre, 13
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ANNALES
LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE
du département
DE MAINE ET LOIRE
ANNALES
DU DÉPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE .
geme Année 1856
SOCIETE LINNÉENNE
DU
DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
BUREAU.
M. Guérin, président honoraire.
MM. Ѕоглхр (Aimé de), président.
Joannis (Léon de), vice-président.
MABILLE, secrétaire-trésorier.
Farce (Émile), secrétaire.
MEMBRES TITULAIRES.
MM. ANDIGNÉ (Aimé d^, lieutenant de louveterie.
ANDIGNÉ (Aimé d"), ancien officier.
ANDIGNE DE MAYNEUF (comte d’), maire du Lion-d'Angers.
П
MM. Baracé (Raoul de).
Brain (Frédéric), préparateur du cours d'histoire naturelle
à l'École supérieure.
BLAvIER (Aimé) ingénieur des mines.
BÉcrAnD (Philippe), avocat.
BnuxETIERE (Charles).
CHARTIER (Jules), ancien magistrat.
CHENET (l'abbé), chanoine titulaire du chapitre de St-Maurice.
CHENUAU (Auguste), juge au Tribunal civil de première ins-
tance d'Angers.
Costin (Ernest, comte de), maire de Tiercé.
CoNTADES (Edmond de).
Cosnier (Léon), imprimeur-libraire.
Cumowr (vicomte Arthur de) rédacteur en chef de Г Union de
l'Ouest.
Degrais (Cyprien), négociant.
DELALANDE (Frédéric), avocat.
DELHOMEL, membre du Conseil d'arrondissement d'Angers.
EnAULT, docteur en médecine.
Farce (Emile), docteur en médecine, directeur de l'Ecole
d'enseignement supérieur.
GAIGNARD (Charles), maire de Marcé.
Guérin, docteur en médecine, correspondant de l'Académie
impériale de médecine.
GUÉRIN (Lucien).
HégerT (Alfred), licencié en droit.
Houpan (Eugène d’)
Lacnèse (Adolphe), docteur en médecine.
LACRÈSE (Paul), imprimeur-libraire.
LAINÉ (Eugène), imprimeur-libraire.
MM.
MM.
Ш
LANDREAU (baron du).
LA PERRAUDIÈRE (Henri de).
LEMARCHAND, bibliothécaire-adjoint de la ville d'Angers.
Leroy (André), horticulteur.
Милет, président du Comice horticole.
MIOMANDRE (de).
MonTREuIL (comte Jules de).
MonpnET, archéologue.
Moron (Francois), professeur au Lycée d'Angers.
Norman, conseiller de Préfecture.
Pavie (Victor), ancien imprimeur.
Porr, archiviste du département.
PRévor (Emile), avocat.
Romans (baron de).
Rousseau, contrôleur principal des contributions directes.
SOLAND (Aimé de), membre de plusieurs Sociétés savantes.
SOLAND (Théobald de), substitut du Procureur général.
ViLLEBOIS (comte de).
VixcELOT (l'abbé), chanoine honoraire, directeur de la pen-
sion Saint-Julien.
MEMBRES TITULAIRES NON RÉSIDANTS.
ACHARD, docteur en médecine à Thouarcé.
ACKERMANN, négociant à Saumur.
ARMAILLÉ (Joseph d").
Влоротх (l'abbé) aumónier des Incurables de Baugé.
BÉRAUDIÈRE (comte de).
CnaLus (Alexandre de), médecin à Bazouges.
IV
MM. Conin (l'abbé), curé de Luigné.
COURTILLER (jeune), directeur du cabinet d'histoire naturelle
de Saumur.
CROCHARD (de).
Degrais (Auguste), docteur en médecine à Morannes.
DnouET, maire de Morannes.
Dumas (Jules), pharmacien.
GENNEVRAYE (de la), ancien pharmacien aux Tuileries.
GIRALD (Charles), agronome.
GuiLLET (l'abbé), professeur d'histoire naturelle à l'institu-
tion de Combrée.
GuiLLou , administrateur de la Caisse de prévoyance de
Cholet.
Joannis (Léon de), ancien officier de marine.
LawBERT (Paul), docteur en médecine.
Lacroix (de), desservant de Saint-Romain-sur-Vienne.
LAREVELLIÈRE (Ossian), membre de plusieurs Sociétés sa-
vantes.
Le Gris (Ludovic), membre du Conseil d’arrondissement de
Baugé.
MÉNIÈRE (Prosper), médecin de l'institution. des Sourds-
muets de Paris.
MesLier, docteur en médecine, à Saint-Georges-sur-Loire.
RABOUIN, docteur en médecine, à Saint-Florent-le-Vieil.
Коснлвр (l'abbé), aumónier du collége de Saumur.
RoLaAND, ingénieur civil.
SOUBEIRAN (Léon), licencié és-sciences naturelles.
TrouILLArD (Charles), banquier à Saumur.
VALIENNE, inspecteur des écoles primaires.
MEMBRES CORRESPONDANTS
admis depuis la publication du fcr volume des Annales
de la Société Linnécnne.
MM. Barty, auteur de la Faune de la Savoie.
Bopan (du), substitut du proeureur-général prés la Cour
impériale de Rennes.
CAILLAUD, directeur du Musée de Nantes.
CHEVALIER (l'abbé), vicaire à Saint-Georges-sur-Loire.
CHEVREUL (Henri).
COSNIER (Paul), capitaine de vaisseau.
CRESPON, naturaliste, à Montpellier.
Dansou , président de la Société académique d'archéologie de
l'Oise.
DELOCHE, conservateur du cabinet d'histoire naturelle d'Angers.
DERODE , président de la Société Dunkerquoise , pour l'en-
couragement des lettres et des arts.
DucuENE (de la Motte), naturaliste à Abbeville.
GALITZIN (prince Augustin), membre de plusieurs sociétés
savantes.
GasriNES (de), élève de l'École des Chartes.
GEOFFROY SarNT-HiürsinE (Isidore), président de la Société
d'aeclimatation.
GRATTELOUP (de) docteur en médecine, à Bordeaux.
Jordan, botaniste à Lyon.
LORIÈRE (Gustave de).
LoniknE (Léon de).
Luton, licencié és sciences.
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MM. MacNaY (l'abbé), professeur d'histoire naturelle au collége de
la Ferté-Macé (Orne).
Martins (Charles), directeur du Jardin des Plantes de Mont-
pellier.
MICHELET, membre de l'Institut.
MOoNTESSON (comte de).
MonTLAUR (Jules de), ancien officier.
SAINT-GILES (de), naturaliste à la Ferté-Macé (Orne).
SAINT-RENÉ TAILLANDIER , président de la Société des Écoles
chrétiennes.
SAINT-RENÉ TAILLANDIER, professeur à la Faculté des Lettres
de Montpellier.
SICOTTIÈRE (Léon de la), avocat à Alençon.
Tuomas, naturaliste à Nantes.
Voisin (l'abbé), du Mans.
INTRODUCTION.
La Société linnéenne de Maine et Loire est arrivée à faire
paraître le second tome de ses Annales. Comme toute Société
naissante, celte association scientifique a eu des commence-
ments difficiles, maintenant son avenir est assuré.
Les diverses branches de l'histoire naturelle ont trouvé parmi
nous de zélés interprètes. Aussi, depuis la publication de notre
premier volume, la Faune et la Flore de Maine et Loire se
sont-elles enrichies de rares et curieuses espèces.
Des horticulteurs distingués, d'habiles agronomes ont bien
voulu nous faire part de leurs travaux et du résultat de leurs
expériences.
D'illustres étrangers et un membre de l'Institut de France
nous ont envoyé de remarquables études. L'accueil flatteur
que le monde savant a bien voulu faire à nos modestes travaux,
est pour nous un vif encouragement.
Une œuvre collective, commencée par la Société linnéenne, est
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en bonne voie; nous voulons parler de l'histoire des commu-
nes. De divers points de notre département des recherches
sont faites, afin d'aider les travailleurs dans cette tâche si
difficile. Plusieurs départements de France ont entrepris la
méme étude que celle qui nous occupe dans ce moment, et
sont arrivés à bonne fin. Espérons qu'il en sera de méme pour
le département de Maine et Loire, et que dans quelques années,
nous pourrons offrir au public une histoire générale de notre
curieuse et fertile province.
AIMÉ DE SOLAND.
LE MÉDECIN VOYAGEUR,
П пу a rien de nouveau sous le soleil, dit la sagesse antique , et
ceux qui ont beaucoup vu, sont assez de cet avis. Des observaleurs
attentifs et patients prétendent que
« Toujours ce qui précède amène ce qui suit »
évolution nécessaire et progressive de tous les faits qui se pro-
duisent, coordination régulière des actes dont nous sommes les
témoins distraits et dont nous perdous sans cesse le fil. Ces sortes
de vérités sentencieuses ne conviennent guére à cette foule d'inven-
leurs, qui ne se croient tant de génie que parce qu'ils ignorent ce
qu'on a fait avant eux. Quoiqu'il en soit, les gens à imagination
vive, sans tenir compte du passé, marchent en avant, escaladent
la grande échelle symbolique qui va de la terre au ciel, du connu à
l'inconnu, se précipitent dans toutes les voies ouvertes ou fermées,
ardents à recueillir les occasions de jouissances que procure une
découverte quelconque.
Et notez bien que les nouvcautés ne sont pas chose aussi rare
qu'on veut bien le dire. Voici par exemple une observation d'his-
loire naturelle qui n'a point encore été signalée, que je sache , ou
du moins sur laquelle l'attention publique ne s'est pas arrêlée avec
tout le soin qu'elle mérite.
Chacun sait que les hirondelles arrivent à Paris au mois d' avril
et partent pour les régions méridionales vers le mois d'octobre. Les
chasseurs connaissent trés bien les migrations de plusieurs espèces
d'oiseaux ; les badauds, les astronomes, les grands philosophes et les
pelits rentiers, gens qui vivent d'habitude le nez en l'air, savent par-
1
2
faitement que les canards et les oies sauvages voyagent par troupes
nombreuses , et cela, à des époques précises. Ce n'est pas ici le lieu
de rechercher la cause de ces mouvements réguliers, de ces courses
périodiques qui ont tant occupé les ornithologistes anciens et mo-
dernes.
Les amateurs de pêche, ceux qui éludient quelque peu les allures
des poissons , n'ignorent pas que certaines espèces abandonnent les
rivières pour descendre dans la mer, tandis que d'autres quittent
la mer pour remonter dans les rivières, toujours avec une merveil-
leuse exaclitude de temps et de saison. П y a dans le Nord une
sorte de rat, nommé Lemming, lequel, tous les ans, forme des
caravanes immenses , parcourt des distances considérables obéissant
à l'instinct qui le pousse en avant, et lui fait franchir tous les obs-
lacles. Enfin, il n'est pas jusqu’à un malheureux crabe qui ne se
livre sur terre à des voyages de long cours et ne brave, pour arriver
à son but, des dangers de plus d'un genre.
Le pourquoi de tout ceci n'est pas chose facile à dire. On parle
volontiers d'instinct pour se dispenser d’admettre une détermina-
lion raisonnée. On attribue à une aveugle nécessité ces mouve-
ments volontaires qui répondent à des besoins inlimes, à des désirs
passionnés , et l'on ne veut voir dans toutes ces espèces émigrantes,
que des machines sans réflexion, cédant à une impulsion spontanée
et irrésistible.
Je ne veux pas dire tout ce que je pense là-dessus. Entre des hommes
comme Malebranche et Descartes , d'une part, Dupont de Nemours,
et l'excellent M. Defrance, d'autre part, il y a un monde, et je ne suis
pas forcé de porter un arrét dans ce procés mémorable. Mais au lieu
de juger, ce qui est difficile et compromettant , je préfère apporter
un nouvel élément dans la cause, un nouveau fait d'une grande
portée, selon moi ; les savants verront le parli qu'on en peut tirer
pour la solution de cette affaire.
Or donc , j'ai découvert que depuis un certain nombre d'années,
les médecius de Paris éprouvent, vers le premier septembre, un
besoin impérieux de quitter la capitale, d'envahir avec une ardeur
démesurée, les chemins de fer, pour aller s'abattre sur les pays
limitrophes de la France.
Voilà du nouveau, si je ne me trompe, car, qui a jamais parlé,
jusqu'ici, de celte particularité si remarquable ? Qui s'est avisé,
avant moi, de signaler dans celte classe respectable d'individus ,
celle fièvre de locomotion dont les accès, à grandes périodes, ne se
manifestent que vers la fin du mois d'août? Les auteurs les plus
modernes (voyez le recueil intitulé : Les Francais peints par eux-
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mêmes) indiquent bien comme caractère du docteur en médecine,
beaucoup de politesse et de sauvagerie, un esprit distingué mais
frondeur , un goût trés vif pour-les bons diners , les belles dames et
les friandises, un amour-propre excessif et qui ne le cède guère
qu'à celui des poétes, des physiciens , des philosophes, des chimis-
tes, des théologiens, des dentistes et des hommes d'état, et enfin,
comme caractères plus spéciaux, un costume entièrement noir,
des chapeaux de forme bizarre, peu de gants et une cravate assez
blanche. Voilà le signalement de l'espèce, et ce portrait, peu flatté ,
parait assez ressemblant.
Il faudra désormais ajouter à celle diagnose, que le docteur pari-
sien émigre tous les ans vers le mois de septembre, qu'il élit
domicile sur les grandes routes, qu'il dédaigne les malades, les
consultations et méme les honoraires pendant quelques semaines de
ce méme mois, enfin qu'il change de peau, de régime, de goûts et
subit une métamorphose complète vers l'équinoxe d'automne.
Voici ma découverte, j'en prends acte, et je déclare réclamer la
priorité. Ce fait nouveau doit contribuer, si je ne me trompe, à
éclairer la grande question des émigralions périodiques que l'on a
constatées dans la série animale. Les animaux ont tant fait, jus-
qu'ici, pour l'homme, qu'il est bien juste, qu'à notre tour, nous
fassions quelque chose pour ces pauvres bétes qui peuvent, à bon
droit, nous accuser d'ingratitude.
Ceci dit et livré aux méditations des savants de toutes les Sociétés
linnéennes, et autres, je veux essayer de rechercher quelles sont
les conséquences de ce fail capital, si l’histoire naturelle peut y
gagner quelque chose, et si, plus spécialement , la botanique en a
tiré quelque profit.
Omnia mecum porto, adit un philosophe, affirmation un peu am-
bitieuse , mais qui me semble très justement appliquée à tout voya-
geur. On porte avec soi ses goûts, ses passions, c'est dans le voyage
qu'éclatent les individualités , que se montrent les secrets mobiles
de nos actions; les plus vives amitiés ne résistent pas toujours à
celte épreuve, mais les meilleures, les plus fermes, les plus géné-
reuses sont souvent nées au milieu de ces excursions lontaines et
dans des circonstances où l'homme se montre tel qu'il est.
Le médecin qui se ‘promène en lointain pays, demande à ces
nouveaux horizons des satisfactions diverses ; l'un n'admire que le
paysage, la nature dans son ensemble majeslueux; les monta-
gnes le ravissent, les cascades le charment ; l'autre a fait sa spécia-
lité des cathédrales, des vieux chateaux, il est fou d'architecture
golhique; celui-ci visile tous les musées, il connait l'œuvre des
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maîtres en l'art de peindre ; celui-là dédaignant la plastique, n'a des
yeux que pour la beauté vivante, il étudie les races humaines,
cherche les types de l'Andalousie ou de la campagne de Rome, et
singénie en mille comparaisons savantes entre ces beautés étran-
geres et celles qu'il a le plus admirées dans les salons parisiens, aux
premières loges de l'Opéra ou dans les sentiers pittoresques du
nouveau bois de Boulogne.
Il en est enfin quelques-uns qui, tout en ne négligeant aucune
de ces sources de plaisir, trouvent encore le moyen de cultiver cer-
tains goûts plus spéciaux, qui cèdent, presque à leur insu, à des
passions non moins douces qu'impérieuses. Un botaniste, par
exemple, peut-il cesser d'aimer les plantes, de les rechercher, de
les recueillir ? Toute promenade n'est-elle pas une herborisation ?
Qui ne sait qu'un de nos plus vénérés maitres, dans son ardeur pour
la cryptogamie , avail décrélé , dans le domaine de son foyer domes-
iique, qu'aucune buche ne serait jetée au feu sans avoir passé par
ses mains habiles ? Voyez ce jeune éléve du docteur Guépin , qui
parcourt les solitudes de la garenne Saint-Nicolas ou du bois de la
Haie; sur son bras s'appuie doucement une femme qu'il aime, ce
couple s'abandonne aux charmes de celte causerie tendre, de ce ba-
vardage si doux, éternel duo que chantent les jeunes cœurs depuis
le jour de la créalion ; ils marchent enveloppés dans ce double
égoisme du bonheur, que l'on ne goüte guère quand on en jouit,
que l'on regrette si fort quand il n'est plus; rien ne peut les dis-
traire, rien, si ce n'est peut-être un bel exemplaire de Lathrea
claudestina que l'amant, d'un cil exercé , vient. d'apercevoir sou-
levant la terre qui s'entrouvre , rien, exceplé ce Cardamine parvi-
flora, ce Lepidium petreum, précieux échantillons qu'il cueille d'une
main à peine distraite , car, méme au milieu de ces joies intimes,
de ces épanouissements du cœur, le botaniste ne perd pas de vue
son herbier, et parmi les fleurs qu'il convoile, il n'en est aucune
qui ait le privilége de faire oublier toutes les aulres.
On conserve si bien l'habitude de cette exploration perpétuelle ,
qu'elle donne à tous les voyages possibles un caractère presque
scientifique, méme lorsque les événements les plus singuliers sem-
blaient exclure toute préoccupation de ce genre, lorsque les en-
trainements du devoir ou du plaisir laissaient si peu de place aux
pensées d'un autre ordre. Dirai-je que pendant quatre mois de sé-
jour dans le fort de Blaye, alors que tant de graves intérêts récla-
maient de moi l'attention la plus soutenue, j'ai trouvé moyen de
recueillir, de dessécher, de classer la totalité des plantes croissant
spontanément dans l'enceinte de ce fort, que j'ai composé aiusi
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un herbier , sans doute unique, destiné à une princesse captive, et
dont chaque acquisition nouvelle élail saluée par les témoignages
les plus vifs d'une satisfaction capable d'atténuer pour un moment
les ennuis d'une vie si douloureusement éprouvée ? La philosophie
naturelle a des consolations efficaces pour les plus cruelles infor-
tunes, demandez plutôt à l'auteur de Picciola, mais M. de Sainline
n'avait pas publié son livre à l'époque oü j'usais de ce moyen pour
alléger les heures et remplir des journées que la prison rend si
longues.
Mais le voyage fournit au médecin amateur de botanique, de
merveilleuses occasions de plaisir , méme lorsque la rapidité de sa
course ne lui permet guère une herborisation méthodique. Il aborde
en Sicile, à Palerme , il sent les atteintes de ce soleil presque afri-
cain, il foule cette terre féconde où la chaleur, la lumière et l'eau,
également prodiguées, développent des prodiges de végétation, il
admire sans doute ces chefs-d'eeuvre de l'architecture arabe ou
normande, mais quand il a visité la Ziza et la cathédrale, la cha-
pelle du palais royal et la basilique de Monreale , il sort volontiers
de la ville et se promène dans ces riantes campagnes de la Conca
d'oro; là des champs de Cactus attirent ses regards, les Oliviers cou-
vrent la plaine, cà et là s'élèvent des Palmiers aux longues feuilles
courbées en dôme, puis l'Aloés à la hampe colossale , montre avec
orgueil sa girandole de fleurs que nos confrères ont contemplée
dans sa splendide élégance , un jour que le soleil caressant de notre
Anjou avait réchauffé de ses plus doux rayons un individu de cetle
famille , exilé dans nos murs.
Celte végétalion presque tropicale au milieu de laquelle se trouve
transporté le voyageur qui débarque directement à Palerme, pro-
duil sur lui une impression des plus vives et des plus agréables.
L'air est embaumé des émanations d'une foule de labiées , et c'est
méme une des choses qui chatouillent le plus délicieusement un or-
gane exercé ; on retrouve cette odeur partout, méme au milieu de
la ville; il semble que tous les objets en sont imprégnés, et quand
le vent vient de terre, les vaisseaux qui passent au large ressentent
ces parfums qui font rêver et rappellent au matelot certains rivages
où le plaisir lui a fait oublier ses dangers et ses faligues.
Un jour gravissant la colline où repose Taormina, je cueillais les
belles fleurs du Capparis spinosa , qui couvre les rochers, je ne dé-
daignais pas non plus les bizarres légumes des nombreux Medicago
qui jonchaient le sol tourmenté de cette région volcanique, et
l'éclat de la mer immobile, les sommets neigeux de па, les
ruines majestueuses du grand théâtre grec, ne ine faisaient pas né-
6
gliger ces récolles si chères au futur membre de Ja Sociéte linnéen-
ne d'Angers. Et lorsque plus tard, à Naples, visitant l'herbier du
professeur Gussone, je lui parlais des fruits si singulièrement con-
tournés de celle légumineuse , ce savant professeur me montra une
série d'échantillons comprenant toutes les variélés des quarante es-
pèces de Medicago récollées en Sicile. Il y avait la une foule de
nuances intermédiaires ; le fruit le plus glabre, passait successive-
ment au plus hispide, les aspérités légères se transformaient en
pointes acérées, de sorle que les bolanistes novices pouvaient dé-
couvrir à chaque instant des espèces nouvelles. Cette démonstration
fut pour moi un trait de lumière. Que de fois depuis , en mille oc-
casions diverses, j'ai pensé aux Medicago du professeur Gussone!
Celui qui voit tout abrége tout, a dit un grand homme. Bien voir,
bien comparer, c'est connaitre. A quelle affaire de la vie pareille
science n'est-elle pas applicable ?
Le beau pays que la Sicile ! Entre Messine et Catane, au bord de
ces rivages qu'un flot amoureux caresse perpétuellement, le long de
ces pelits torrents qui descendent à la mer, on voit en abondance
le Nerium Oleander qui forme des massifs de la plus riche verdure ;
des buissons de myrthe se parent de fleurs, comme aux environs
de Terracine, mais cependant je n'ai pas vu, dans ces régions si
chaudes , le Chameops humilis couvrir de vasles plaines comme on
le trouve en Andalousie, entre Séville et Ecija, du cóté d'Andujar
et de Baylen. Le palmier nain n'envahit pas ces terres qu'il rend
inculies, laissant à peine un peu de place à ces Ombelliféres gigan-
tesques, à ces Carduacées que le soleil blanchit et qui, de loin , res-
semblent aux Arabes enveloppés de leur burnous. La Sicile, sous ce
rapport, est moins africaine que le midi de l'Espagne. On dirait que
les Maures qui ont si longtemps possédé l'Andalousie, Valence et
le royaume de Grenade, apportèrent avec eux ces végélaux qui
caraclérisent les plaines du Maroc et les versants de l'Atlas. L'illusion
serait complète si l'on apercevait dans le loinlain quelques cha-
meaux rangés en longues files, caravane silencieuse qui se déroule
au soleil, comme un convoi de navires qui flottent vers des rivages
inconnus.
En 1846, visitant Gibraltar avec Orfila, cet ami si cher, ce maitre
si regretté, nous attendions qu'un sous-officier d'artillerie vint nous
prendre pour entrer dans la forleresse. Le soleil était brülant, nous
avions trouvé un abri contre ses ardeurs, à l'ombre d'un arbre heu-
reusement assez touffu , et quand je voulus savoir à qui nous de-
vions cet ombrage protecteur, je reconnus avec une salisfaclion
facilement comprise par mes confrères en botanique, que ce végétal
7
élait un Ricinus palma Christi. Celle magnifique Euphorbiacée , an-
nuelle en France, était là un arbre de belle taille, dont le tronc
avait prés d'un mètre de circuit, et qui comptait peut-être cin-
quante ans de durée. Aulour du bane sur lequel nous élions assis,
je voyais des massifs d'Acanthus mollis, puis un Palargonium arbo-
rescent, comme il s'en trouve sans doute au cap de Bonne-Espé-
rance, la vraie patrie de celte charmante tribu des Geranices.
Et lorsque fatigués outre mesure de celle interminable prome-
nade au sein des galeries creusées dans le roc, aprés avoir vu des
milliers de canons, vrai musée d'arlillerie dont l'utilité paraît con-
testable, lorsque descendus vers la pointe d'Europe, nous deman-
dions un peu de fraicheur à la brise qui parcourt le délroit, je pus
encore admirer là un bel arbre que notre climat plus froid ne laisse
pas grandir parmi nous. Une large surface arrondie, rugueuse, bruná-
tre, sorte de monticule invitant au repos, avait été l’objet de mes
préférences ; étendu sur ce plan incliné, je tracais du bout de ma
canne quelques lignes sur cette croûte inégale ; un effort plus con-
sidérable vint à la déchirer, et je vis sourdre aussitôt une matière
laiteuse abondante. Cet acte presque mécanique, donnant lieu à
pareil phénomène, mon attention fut éveillée et je cherchai la cause
de ce fait intéressant. J'étais assis sur la base élargie d'un magnifi-
que Phytolacca, le Dioica, probablement, originaire du Mexique et
qui trouve à Gibraltar des conditions on ne peut plus favorables à
son développement. ll y en a là une collection qui compose une
promenade magnifique; ce pelit arbre rabougri qui supporte à
peine nos hivers, acquiert dans la colonie anglaise des dimensions
énormes, sa racine pivolante sort de terre en partie, forme une
base d’où s'élance un tronc de plus de deux mètres de circonférence,
et d'une hauteur considérable ; on dirait un arbre que porle sur son
dos un énorme éléphant couché sur le sol; l'écorce brune et
chagrinée ressemble assez bien à l'enveloppe des Pachidermes et
celle comparaison parut juste à nos jeunes compagnons de voyage.
Mon Phytolacca était couvert de fleurs en grappes, doucement
odorantes, de fruits commençant à se développer ; je cueillis fleurs
el fruils, emportant, comme toujours, un souvenir palpable de
celle heureuse rencontre. C'est pour moi un puissant moyen de
mnémonique. Et aujourd'hui , aprés que huit années ont roulé sur
celle date heureuse, premier seplembre 1846, quand le cher maitre
qui nous faisait les honneurs de l'Espagne, sa patrie, nous a quillés
pour toujours, je pourrais, grace à celle tige de l'immense Cheno-
podée , redire les joyeux propos que nous échangions au pied de ce
rocher fameux, sous celle ombre protectrice d'un arbre au feuillage
8
étranger. Ce n'est pas moi qui aurais oublié l'arbre sous lequel se
baignait la chaste Suzanne !
Quittons ce rivage dont ce sol largement humecté fournit les
éléments d'une vélégalion luxuriante, montons sur les pentes
abruptes du Vésuve et voyons quelles plantes se développent sur
ces cendres à peine refroidies. La famille des Synantherées décore
presque à elle seule ces régions brülées; on trouve jusque sur le
cône terminal , vraie pyramide de scories toujours prête à s'écrou-
ler sous l'effort des vapeurs comprimées, des feux grondants , de la
lave bouillonnante, on trouve quelques tiges rabougries d'Arthemi-
sia, un Gnaphalium et une Achillée naine, pauvres semences aux
aigrelles plumeuses , que la tempête aura transporlées sur ces hau-
leurs et qui se sont accommodées, faute de mieux, des hasards d'un
sol agilé par des convulsions intestines. Celles que j'ai cueillies au
pied du cóne, prés d'un courant de lave dont la croüte me brülait
les pieds, celles-là pouvaient dire, en leur palois, comme Régnard :
Sislimus hic tandem nobis ubi defuit orbis !
Mais comment vivre au sein de cette atmosphère empestée, lors-
que les acides sulfureux et chlorhydrique vous menacent d'une
asphyxie continuelle, lorsque le sol desséché refuse aux racines la
sève nécessaire ? Et cependant les Campi phlegraei ne sont pas
stériles, autour des solfatares végèlent des plantes nombreuses , elles
font comme les hommes qui travaillent dans ces mémes lieux, elles
luttent contre les obstacles, elles les surmontent, la vie résiste à
ces conditions si défavorables, la plante se transforme en quelque
sorle, pour s'accommoder aux exigences locales, sa lige devient
ligneuse, ses racines s’accrochent aux moindres aspérités de la
pierre, les feuilles se couvrent d'un duvet épais, et ainsi prémunie
contre les atteintes du vent qui règne sur les hauteurs, des gaz de-
letères qui séjournent dans les excavations volcaniques, elle se dé-
veloppe, fleurit, donne des graines fécondes et l'œuvre providen-
tielle est accomplie.
Je pourrais prolonger cetle promenade où la science a trop peu
de part pour mériter de ce savant auditoire une plus longue perte
de temps. Гаі voulu seulement constater un double fait, savoir,
que les médecins ont besoin de vacances, qwils se décident volon-
liers à en prendre, surtout depuis que les chemins de fer favorisent
les excursions lointaines ; el en second lieu, que les hommes qui ont
eu le bonheur d'apprendre à aimer ta nature, à la connaitre et surtout
ceux qui ont le goût de la bolanique, éprouvent un grand charme à
9
parcourir des pays où la flore prend un caractère tout nouveau pour
ceux qui sont nés sous des zones plus tempérées. Que serait-ce si
le temps nous permettait d'aborder aux rivages du Mexique ou du
Brésil, là où la végétation étale tant de merveilles ? Mais il n'est pas
donné à tout le monde d'aller à Corinthe, contentons-nous de peu,
c'est le précepte du sage ; médecins, si vous voulez voyager,
Que ce soit aux rives prochaines ;
appliquons-nous le bon conseil de La Fontaine, et cependant, si
nos collégues de la Société Linnéenne ont suivi avec quelque bien-
veillance le voyageur augevin, si ce rapide itinéraire, crayonné à
la hâte, ne leur a pas paru trop ennuyeux, le méme amateur de ces
exploralions légères pourra bien un jour, reprendre la plume et leur
raconter de nouvelles découvertes. A défaut de ces grands voyages
qui sont réservés aux aides naturalistes du jardin des plantes, il
pourra en effectuer de pelits presque aussi intéressants; il a déjà
visilé maintes fois la serre aux orchidées exotiques du muséum , la
collection de fougères tropicales, l'admirable Aquarium où la famille
des Nymphéacées étale ses richesses ; il dira comment fleurit la Vic-
toria Regia, V Euryale ferox, le Neptunia oleracea, celte mimosée
floltante que le Sénégal nous a enfin cédée; il essayera de transporter
ses futurs auditeurs au sein de ces grandes serres qui réalisent à nos
yeux les splendeurs du paysage tropical, les rives écarlées de quel-
que affluent des Amazones, les marais de la Guyane hollandaise ;
enfin tout ce qu'un humble disciple de l'école botanique d'Angers
a pu admirer, grâces aux leçons savantes de ses maitres , il le racon-
lera, trop heureux de contribuer pour sa faible part à l'intérét de
ces réunions où la science indulgente cède un moment la place aux
récréalions plus modestes des amateurs comme moi.
P. MENIÈRE.
DÉVELOPPEMENT DES APPENDICES PILIFORMES
et décoloration des loges extrêmes
DANS LE GENRE PESTALOZZIA (de N")
ET LES SPORIDIES
DE PLUSIEURS AUTRES GENRES DE MICROMYCETES.
`
Vous le savez, Messieurs, vous qui allez bientót reprendre vos
explorations scientifiques à travers les beaux sites de l'Anjou, il
n'est souvent pas besoin d'une longue course pour recueillir les élé-
ments d'études nombreuses et variées. Un coteau , une lisière de
forét , une prairie, un ruisseau , un buisson, un simple tronc d'arbre
visités, donnent au géologue, au botaniste, au zoologiste l'occasion
de remplir cartons, boites, flacons et gibecières. Un instant, une
heureuse circonstance , peuvent faire tomber entre vos mains des
malériaux capables d'absorber, durant des mois entiers, tous les
loisirs que vous laisse l'accomplissement des travaux plus sérieux
auxquels la position sociale de chacun de vous l'oblige. Le crypto-
gamisle a journellement de ces bonnes fortunes en faisant de la
botanique des infiniment pelits. Dans toutes les saisons de l'année,
et parliculierement celle qui est le plus ingrate pour l'étude des
fleurs proprement dites, la Providence lui prodigue d'incompara-
bles richesses, lui fail admirer les produclions les plus gracieuses
et les plus diverses. Que faut-il pour cela? une simple brindille qui
commence à se gâler. L'observation microscopique fera découvrir
sur elle autant et plus de merveilles délicates que l'habitant des tro-
11
piques n'en apercoit autour des arbres de ses ravins et de ses bois,
tout chargés de broméliacés et d'orchidées parasites, dont les cou-
leurs et les formes changeantes jettent pourtant un si vif éclat. —
« Analyser ces apparilions merveilleuses à l'aide dexcellents mi-
» croscopes, voilà ce qui compta longtemps parmi nos plus vives
> jouissances, » dit Corda, dans l'avant-propos de sa Prachiflora.
« Nous avons vu une suite d'individus appartenant à celle création
> de merveilles , invisibles à l'œil nu, que nul pressentiment n'avait
» encore révélés à l'esprit, créalion sorlie de la mort, née de la
> pourrilure , matière chaotique, pour ainsi dire, d'élres anéantis ,
> transformés en individus éthérés, qui sont aux yeux scrutaleurs
» du naturaliste à intelligence active et profonde , les précurseurs de
» types d'un monde végétal supérieur. » Il faut que celte étude ail
bien de l'attrait pour exciter l'enthousiasme d'un Allemand, autant
que le font supposer les expressions textuelles que nous venons de
rapporter. Ceux de vous, Messieurs, qui ne sont pas iniliés à ce
genre de recherches , n'en douteront pas, s'ils veulent ramasser la
première branche venue, qui ait passé l'hiver dehors , et prier notre
président honoraire , accoutumé à de pareilles préparations , de sou-
mettre successivement au champ de son microscope chacune des
plantes qui s'y sont développées. Cette épreuve a toujours convaincu
ceux qui s'y sont prétés avec moi, et qui n'avaient jamais pu com-
prendre auparavant le plaisir que je trouvais à demeurer de longues
heures, des journées entières , Teil fixé sur mon instrument auquel
j'appliquais les fétus de la plus vile apparence.
Ces microscopes, à grossissements puissants, ne nous laissent
pas seulement saisir la situation , l'arrangement, les contours exté-
rieurs des cryplogames et de leurs réceplacles, ils permettent de
suivre le développement de leurs parties diverses et nous font assis-
ler souvent à la germination de ces petils êtres ; en sorte que la lame
de verre du porte-objets peut devenir un véritable champ de cul-
ture, dans lequel nos amis savants et modestes, MM. Tulasne, ont
trouvé la révélation d'importants phénomènes de physiologie végé-
lale. Ma prétention est plus humble aujourd'hui en abordant mon
sujet, qui intéresse, lui aussi, la physiologie cryplogamique.
Plusieurs personnes occupées des mêmes études , ont probable-
ment reconnu comme moi le mode suivant lequel naissent et gran-
dissent les appendices filiformes ou aigrelles qui couronnent les
sporidies des espèces assez nombreuses du genre Pestalozzia (№),
dont l'une des plus remarquables et des premieres, a élé trouvée
sur les feuilles de vos camélias par l'éminent observateur, le collec-
leur infaligable, à qui M. Desmazières la dédiait, sous le nom de
12
Pestalozzia Guepini. — On a compris également, sans doute, les
molifs pour lesquels se décolorent les loges extrêmes de ces char-
mantes productions. Cependant, je n'ai pu découvrir d'observations
publiées à cet égard ; et je me propose de soumettre les miennes à
l'appréciation de notre Société Linnéenne. Je viens de les contrôler
de nouveau sur la Pestalozzia funerea (Desm.) , qui m'a été fournie
par des rameaux de sabine, coupés vivants à l'automne, et exposés
depuis lors à toute la rigueur de la saison , et sur la Pestalozzia che-
nostroma (de Lacr.), espèce nouvelle fixée aux branches mortes du
saule blanc, et dont , en terminant, je donnerai la description.
Tout le monde peut facilement vérifier ces observations. Il suffit
de faire revenir à l'humidité un périthèce de Pestalozzia, la pre-
mière venue, et placer une tranche mince de son clinode sur la lame
de verre que l'on veut exposer au jeu du microscope. Dans la plu-
part des groupes de sporidies, encore fixées à la parlie correspon-
dante du réceplacle, el qui nageront dans la goutte d'eau dont la
préparation aura été humectée, on en distinguera d'áge el de crois-
sance variés. Un grossissement de 540 diamètres permeltra facile-
tement de suivre les modificalions qui accompagnent chacun de ces
états. Je n'ai pas employé d'aulre méthode.
D'abord j'ai remarqué des sporidies entièrement mûres, et isolées
les unes des autres ; puis j'ai aperçu des groupes qui en contenaient
d'áges divers, et encore adhérentes par la base. Elles étaient toutes
portées par un sporophore assez gros et coloré, qui s'amincit et se
décolore avec le temps. Les plus jeunes sont remplis d'un nucléus
jaune-verdalre, avec quelques gultules; elles sont obtuses au som-
met ; d’autres, plus âgées, conservent la méme couleur, mais leur
sommet devient conique; les autres prennent un peu plus de trans-
parence dans celle parlie conique supérieure, qui se sépare bientôt
du reste par une ébauche de cloison. En méme temps, on voit
poindre au sommet du cône une spicule , quelquefois trois ou da-
vantage. Ces spicules ont l'extrémité un peu renflée, et prennent la
teinte de la loge supérieure qu'elles continuent sans interruption,
puisqu'elles ne sont qu'un prolongement du tégument externe de
la sporidie.
Ainsi commencent les soies appendiculaires. A proporlion de la
la longueur de ces filaments augmente l'apparence des cloisons et
la coloration des loges médianes dans le corps de la sporidie, tandis
que l'on voit diminuer graduellement celle de la loge supérieure,
dont le nucléus est employé sans doute à fournir aux appendices la
malière de leur développement.
J'ai dit que les spicules ou soies rudimentaires se terminaient par
13
un léger renflement. Plus tard, ce renflement disparait, et les pa-
rois des filaments restent parallèles jusqu'à l'extrémité, qui demeure
close, mais tronquée. Je n'ai jamais pu la voir finir en pointe,
comme la représentent les figures qui ont élé données de la Pesta-
lozzia Guepini, par MM. Desmazières et Corda.
Le sporophore et la loge inférieure de la sporidie participent d'a-
bord à la teinte générale communiquée par les sucs fluides que le
réceptacle leur transmet pour accroître et féconder la malière plas-
tique. Puis les portions du support qui fournissent le fluide, cessent
de le faire par épuisement ou par une autre cause, que j'indiquerai
dans un instant. Alors le sporophore cède peu à peu ce qu'il contient
à la loge qui le surmonte; car c'est de bas en haut qu'on le voit se
vider. Celle-ci en fait autant à l'égard de sa voisine, par suite de
l'attraction moléculaire, qui sollicite les liquides à se porter au cen-
ire et dans les endroits les plus rapprochés du centre, où ils pour-
ront prendre une forme aussi analogue que possible avec celle de la
sphère qui leur est naturelle quand ils sont abandonnés à eux-
mémes et qu'aucune membrane ne fait obstacle à leur tendance.
Ils trouvent des conditions favorables à celte tendance dans toutes
les loges médianes, mais non dans les deux extrêmes, qui demeu-
rent coniques à cause de la résistance que leurs prolongements (ai-
grette et sporophore) apportent à un changement de disposition.
Pendant que ces modifications s'accomplissent, la sporidie grossit
et ne peut plus occuper sa place d'autrefois. Elle cherche à parve-
nir au milieu du périthéce, qui est libre, et que sa déhiscence met
bientót en communication avec le dehors. Elle glisse et s'éléve le
long de ses voisines avec qui le renflement de ses loges lui donne
moins de points de contact, et par conséquent, plus de facilité pour
couler, puisque le frottement des surfaces est considérablement ré-
duit. La traction qu'elle a exercée sur le sporophore , dans son mou-
vement ascensionnel , la détache du reste du clinode , en amincis-
sant le sporophore et en achevant son atrophie, qu'elle détermine
plus encore que l'épuisement des cellules auxquelles il adhérait.
Les choses se passent de la méme maniere dans le genre Hender-
sonia (Berkl), qui est une pestalozzia, moins son aigrette. Seulement
comme aucune cause n'épuise la loge supérieure des sporidies de
ce genre, et ne la contraint à prendre une forme différente de celle
que le nucléus contenu lui voudrait communiquer, elle reste arrondie
et colorée dans toutes les espèces qui ont une teinte tranchée.
L'attraction moléculaire vers les loges centrales et les formes plus
ou moins coniques des loges extrêmes, suffisent, dans une foule
de cas, à produire l'absence du nucléus aux bouts des sporidies. On
14
peut s’en convaincre en examinant les belles fructifications octolo-
culaires du Diatrype scabrosa (DC), var. Spinifera (Wallr), celles du
Coryneum nigrellum (de Lacr.), que j'ai trouvé parasite sur le Diplo-
dia melæna (Lév.), des branches mortes du pêcher, et beaucoup
d'autres, que je m'abstiens de citer. C'est à cette double cause que
sont également dus les appendices qui terminent les sporidies de la
Spheria insidiosa (Desm.), laquelle n'est pour moi que la Spheria
caulium (Fr.) à sa parfaite maturité. En effet, j'ai trouvé dans un
méme périthéce les deux espèces de thèques et de sporidies que le
savant eryplogamiste attribue respectivement à l'une et à l'autre py-
rénomycèle, et qui l'ont porté à distinguer les deux plantes qui se
confondent absolument par leur apparence extérieure. Les dimen-
sions moindres dans les sporidies appendiculées s'expliquent par le
retrait de la membrane externe, qui gagne en largeur ce qu'elle
perd en longueur, à la suite de l'arrondissement des loges, que le
nucléus, complètement développé, a gonflées. La différence dans
les parois et dans la transparence des thèques, accusée par le my-
cologue de Lambersaërt, confirme mon opinion, car on sait que ces
parois vont en s’amincissant el se dissolvant avec la maturation des
spores. La dimension des théques ne doit pas étre regardée comme
une difficulté sérieuse. Des théques de longueur diverse peuvent
appartenir à la méme plante , sans qu'on ait lieu d'en étre surpris ,
puisque j'ai rencontré, dansun méme périthéce, de ces sporanges qui
variaient, de 0,03". Le Spheria putaminum (Fr.) digne, par l'énor-
mité de ses sporidies en navettes biloculaires noires (9,1% long. 0,03"
larg.), entourées d'une enveloppe blanche hyaline, et celle de ses
théques tetraspores (0,21 à 0,24" long. — 0,075" larg.), de faire le
type d'un nouveau genre, m'en a donné tout récemment un mar-
quant exemple. Le phénomène que présente la Sphæria caulium n'est
du reste pas isolé; sa congénére, la Spheria compressa (Pers.), dont
les sporidies mûres sont étranglées au milieu, in vesiculá piscis , et
garnies de quatre grosses sporidioles sphériques, placées dans un
nucléus opalin, le présente-t-elle aussi. Ce nucléus est obtus aux ex-
trémilés , par delà lesquelles on voit la prolongation aigue du tégu-
ment extérieur former un appendice. Les sporidies , où la maturité
n'est pas aussi avancée , sont fusiformes aigues , sans étranglement
et sans sporidioles sphériques ; et cela, je le répète, dans les mêmes
périthéces.
Revenons à la sporidie de la Spheria prétendue insidiosa , et à l'ef-
filement de ses extrémités : toutes les loges s'y sont arrondies, à
l'exceplion des deux dernières, que leur forme conique a forcées de
céder aux aulres les fluides qu'elles contenaient primitivement.
15
Alors, comme rien n'en empêchait , les parois se sont rapprochées
derrière les loges colorées , de manière à faire voir un prolonge-
ment d'apparence anormale, tandis qu'il est une continuation ré-
gulière de la membrane externe de la sporidie. Ceci prouve que la
figure 2 B, planche 14 du tome xv*, 9° série des Annales d'histoire na-
turelle , est inexacte en rattachant exclusivement à la partie infé-
rieure de la sporidie l'appendice qui suit la courbure générale et
continue , — à cela prés du rapprochement mentionné, — les lignes
du tégument extérieur dont il fait partie.
En finissant , j'éprouve le besoin de m'excuser sur l'emploi
d'une foule de mots techniques qui rendent la diction barbare pour
les oreilles du vulgaire. Mais j'ai l'honneur de m'adresser à des
hommes qui aiment el cullivent la science, et qui savent que cha-
que branche des connaissances humaines a ses loculions, que la
précision et le laconisme imposent. Il me reste à vous remercier,
Messieurs, d'avoir voulu préter votre attention bienveillante à des
détails d'un intérêt que beaucoup trouveront fort borné, el à me
réjouir d'avoir augmenté le plaisir que vous goüterez en écoutant
les communications qui vont vous être faites : Les entretiens d'une
personne aimable ne charment jamais mieux qu'après la lourde con-
versation d'un fâcheux, que Гоп a été contraint d'écouter jusqu'au
bout.
PESTALOZZIA CHOENOSTROMA (de Lacr.) Pestalozzie béante.
Perithecia gregaria epidermidem primum transverse dein undiqué
lacerantia laciniis persistentibus et glomerulos cingentibus. — In cortice
leviter nidulantia , angulato compressa. — Ostiolum parvum, spheroi-
деит, papillulosum , mox latè irregulariterque hiascens. — Nucleus
olivaceus.— Sporidia quadrilocularia quorum duo articuli medii tantiam
colorati olivacei. — Pedicelli et sete appendiculosæ sporidiis æqualia
vel paulo longiora. — Sete duo vel tres plerumque ramose , saltem una
inter eas. — Sporidia longa 0,018"" ad 0,020"m, lata 0,005».
Celle espèce intéressante a. élé trouvée par moi sur une branche
de saule blanc, coupée vivante , au printemps de l'année précédente,
el qui avail été employée à faire du gervis dans le jardin du presby-
tère de Saint-Romain-sur-Vienne , près Chatellerault. — (Mi-mars
1855.)
16
I.
CORYNEUM NIGRELLUM (de Lacro.). Cryneum d'un noir tendre.
Receptaculum in cortice peritheciorum Diplodiæ melenæ ( Део.) varie-
las congesla), nidulans , utriculosum, depressum , apertum, ut depres-
siuncula nigra externé apparens. — Sporidia cylindricotorulosa in
sporophoro sporidiis equali erecta , quinque septata , articulis extremis
vacuis , intermediis autem oleosis , nigrellis , hyalinis , 0,035" longa,
0,017 lata.
Trouvé au méme lieu et à la méme époque que la Pestalozzia
chenostroma , sur un rameau de pêcher, coupé vivant lui aussi,
l'année d'auparavant.
S. DE LACROIX,
Prêtre, desservant de S'-Romain-sur-Vienne.
1er avril 1855.
NOTICE SUR LE TATOUAGE,
Lorsqu'on vet considérer le talouage au point de vue philoso-
phique, et non pas seulement sous ses rapports matériels mais
encore sous ses rapports moraux, il présente une étude qui n'est
certainement pas sans intérêt, car il faut aller chercher jusqu'au
fond du cœur de l'homme, il faut soulever tout cet amas de pelitesse
el d'orgueil que présente sa nature déchue, pour trouver la cause
des mille manières dont il s'est plu à tourmenter, à peindre, à in-
ciser et à mutiler son propre corps. Disons plus, et c'est un long
sujet de réflexions que celte force occulte qui, s'emparant de ses
passions, semble pousser sans cesse l'humanité ou à sa propre des-
truction ou à des coutumes barbares qui la jettent souvent au milieu
des souffrances les plus atroces.
Mais ici, et pour avoir l'étude complète, il ne faut pas seulement
entendre par tatouage cette aristocralie de la peau telle qu'elle s'est
constituée en Océanie, il faut comprendre sous ce méme nom tout
ce que l'homme a su inventer pour niodifier à l'extérieur la chair
de son propre corps, car quelles qu'aient été les causes qui ont présidé
à ces modifications souvent profondes, nous y reconnaîlrons
toujours ce fond corrompu que présente la nature humaine el que
l'apótre a si bien défini en disant : Concupiscence de la chair , concu-
piscence des yeux, orgueil de la vie!
Nous reconnaitrons donc des tatouages de trois natures :
Les tatouages par colorations ,
Les tatouages par piqures ,
Et les talouages par incisions.
18
Ou bien encore si l'on veut :
Tatouages de beauté,
Tatouages nobiliaires ,
Et tatouages de guerre.
En parcourant rapidement la surface du globe , nous retrouverons
successivement tous ces genres de talouages et nous remarquerons
surtout que peu de peuplades en sont entièrement exemptes.
Sous le rapport de l'antiquité, le tatouage semble se perdre dans
la nuit des temps. Les tombeaux de Biban-el-Molouk , dans la haute
Égypte, contiennent des tableaux où Osiris I* est représenté tenant
des prisonniers en laisse , et l'on remarque parmi eux des hommes
appartenant à la race blanche tout couverts de tatouages.
Jusqu'où Osiris avait-il pénétré dans l'Europe? il serait peut-être
assez difficile de l'établir, mais tout porte à croire qu'il fit la con-
quéle de la Thrace, et que les Européens représentés à Biban-el-
Molouk sont des habitants de la Scythie.
Quant à nos ancêtres directs, les Gaulois, les Celtes, les Francs
et en général toules les peuplades qui ont habité № France, il est
plus difficile d'établir qu'elles se tatouaient; pourtant on semble
généralement admettre que les Pictes (pictavi) , peuples qui vinrent
s'établir en Poitou, durent leur nom à leur talouage coloré, et
M. Mérimée pense que les pierres gravées de l'ile de Gavrr-Innis
(l'ile aux Chèvres), sont des dolmens soulerrains représentant le
tatouage des chefs enterrés en ces lieux.
Un de nos savants collaborateurs, M. Courtiller, vient de visiter
l'ile de Gavrr-Innis et nous a transmis ses impressions à cet égard.
Il lui semble effectivement que ces lignes onduleuses, semi-circu-
laires et concentriques, disposées par groupe sur des pierres sépa-
rées et dans un lieu que tout indique être une nécropole, pourraient
fort bien être les tatouages des chefs de quelques tribus. Quoiqu'il
en soit, du reste, du tatouage de nos ancêtres de druidique mémoire,
s'ils le pratiquaient, il ne nous en resle plus que des débris qui
trouvent encore place sur les bras ou la poitrine des hommes du
peuple, et semblent étre comme un dernier veslige de celte devise
des anciens temps, la guerre et l'amour. Quant aux classes arislocra-
tiques de notre temps et des peuples de l'Europe en général, leur
tatouage, qui au siècle dernier consistait en mouches, en fard et
en poudre blanche dans les cheveux, est aujourd'hui réduit à pres-
que rien. ll ne nous reste plus que les trous aux oreilles pour y
pendre des joyaux , encore les femmes en ont-elles presqu'exclusi-
vement le monopole.
Si nous quittons l'Europe pour parcourir les parties de l'Afrique
19
et de l'Asie-Mineure les plus rapprochées de nous, nous y trouvons
encore les restes des tatouages qui y sont pratiqués depuis plus de
vingt siècles. Joseph d'Alexandrie et Juvénal parlent effectivement
du tatouage des yeux pratiqué de leur temps, et s'indignent de voir
les hommes eux-mémes se livrer à ces coutumes efféminées. Voici
effeclivement ce que dit Juvénal à la seconde satyre :
Ille supercilium madida fuligine tinctum obliquo produxit аси,
pinæilque trementes attollens oculos.....
L'expression attollens oculos nous montre qu'à part la peinture du
sourcil prolongé en pointe qui se faisait tout naturellement, celui du
bord des paupières se faisait comme il se pratique encore aujour-
d'hui chez les Arabes en introduisant un pinceau plein de fard entre
les deux paupières qui, sensibilisées par un contact cuisant, éprou-
vent un léger tremblement et s'élévent involontairement en haut
comme pour chasser le corps étranger qui les assiége.
Si nous demandons à la nature humaine la cause d'une semblable
coutume, saint Cyprien, qui vivait au second siecle et qui voyait
journellement ce tatouage s'opérer sous ses yeux, va se charger de
nous répondre. Il disait effectivement aux chréliens de son temps
dans une de ses lettres pastorales :
Inunge oculos tuos non stibio diaboli sed collyrio Christi.....
hecommandalion qui prouve d'abord que le célébre évéque de
Carthage regardait celte coutume de se peindre en noir le bord des
paupières, pour donner à l'eil une expression plus séduisante et
plus passionnée, comme condamnable en elle-méme, et qui prouve
en outre par l'expression stibio, dont il se sert, qu'alors comme
aujourd'hui le fard dont on usait dans celte circonstance était une
préparalion d'antimoine.
Aujourd'hui les hommes Arabes ne sont pas laloués, si ce n'est
parfois autour des doigts et des poignets oü ils ont des bagues et des
bracelets bleus; le tatouage des paupières n'a plus lieu que chez les
femmes, qui se font en outre par piqure de petites mouches bleues,
sur les lèvres, les joues, le front et le menton. A ces légers talouages
elles en joignent parfois deux autres (surlout dans les classes élevées),
qui sont de l'effet le plus disgracieux. Ils consistent à se teindre le
dedans des mains en gros-bleu avec de l'indigo et les ongles en
rouge avec du henné; ce henné se compose des feuilles d'une sali-
caire du pays qui, appliquées humides pendant huit jours sur les
ongles, les teignent en un rouge tellement vif, que quand ce latouage
est nouveau on croirait que la femme s'est trempé le bout des doigts
dans du sang. On ne comprend vraiment pas comment les femmes,
sj clairvoyantes en général sur ce qui peut augmenter leurs altraits,
20
ont pu adopter ces deux derniers tatouages, et l'on serait tenté d'ad-
meltre qu'en celte occasion , comme dans plusieurs autres que nous
trouverons par la suite, l'esprit du mal, que l'Écriture-Sainte
nomme aussi le père du mensonge, a fait admettre comme une
beauté ce qui n'est qu'horrible et dégoütant.
Le tatouage des Arabes que nous venons de décrire se maintient
à peu prés le méme sur toute la cóle nord de l'Afrique, en Pales-
line, en Egypte et en Arabie. Les Dougolas et les Abyssins n'ont
pas de tatouage proprement dit, on n'y trouve que les mouches au
visage des femmes ainsi que le percement de la cloison du nez,
du bord des narines et des oreilles pour y suspendre des anneaux
d'or.
Quant à toutes les races plus ou moins noires qui peuplent l'A-
frique depuis le Darfour, le Soudan et la Nigritie jusqu'à la Caffrerie,
elles ne pratiquent que le tatouage par incision et relativement en-
core fort peu comparalivement aux races noires de l'Océanie. Leur
tatouage se fait sur les joues, la poitrine et les bras. П consiste en
groupes composés de cinq à six incisions parallèles à un centimètre
l'une de l'autre, et qui chacune donnent naissance à un petit sillon
saillant qui n'a guère plus de deux millimètres de relief sur la peau.
Ces tatouages sont presque toujours verlicaux.
Les hommes Turcs n'ont pas de tatouage non plus que les Persans
el les Grecs, mais leurs femmes font usage du henné pour se teindre
les ongles, et de l’antimoine pour se teindre les sourcils et les pau-
pières. Ajontons y loutefois les couleurs et les cosmétiques de tous
genres qu'elles mettent chaque jour en œuvre pour donner à leur
visage le plus d'éclat possible.
Si pour faire le tour du globe nous continuons à nous avancer
dans l'Est, nous trouverons d'abord trois peuplades immenses qui
se confondent presque aujourd'hui par le langage, les mœurs et peul-
êlre une origine commune. Je veux parler des races tartares, mant-
choux el chinoises, qui à elles toules seules constituent un peuple
de plus de 350 millions d'àmes. Là le tatouage des hommes est nul,
aussi bien qu'au Tonking, en Cochinchine et en Corée. On conçoit
effeclivement que ces peuples, déjà fort avancés dans les arts, trou-
vant dans les habils, l'or et les pierres précieuses de quoi salisfaire
les exigences incessanles de leur orgueil, naient pas senli la né-
cessilé de recourir à ces peintures de la peau, à ces incruslations
indélébiles auxquelles se sont adressées les peuplades sauvages deshé-
rilées de tous les avantages du luxe. Mais d'un autre côté le tatouage
des femmes ou plutôt leur peinture y atteint le dernier degré de l'ex-
travagance. Ces dames y sont littéralement peintes à plusieurs cou-
21
ches comme le sont des poupées de carton, et si à ce tableau, peu
salisfaisant d'ailleurs, nous joignons le raccourcissement des pieds,
qui plonge ces extrémités dans un état d'infection permanente, nous
nous consolerons facilement que le ciel ne nous ait pas fail naître
les sujets du Céleste-Empire.
Quant aux Indiens, leur tatouage se réduit à l'unique signe de leur
caste qu'ils portent gravé sur le front.
Si, continuant à nous avancer vers l'Est, nous pénétrons dans ce
monde madréporique qu'on nomme l'Océanie, nous trouvons d'abord
la Malaisie et les iles de la Sonde presqu’exemples de tatouage, bien
qu'on rencontre beaucoup de femmes malaises et javanaises qui
portent sur les lèvres, le menton, le front et les joues de petiles
mouches bleues comme nous en avons rencontré chez les femmes
arabes. Observons toutefois que Bornéo est une ile trés impar-
faitement connue, et qu'il parait s'y trouver des tribus noires ta-
louées par incision.
Sur la méme latitude nous trouvons les Mariannes et les Carolines
habitées par des peuplades d'origine chinoise, reconnaissable à l'ohli-
quité de leurs yeux et à la saillie de leurs pommettes ; là le tatouage
est également presque nul et Гоп peut dire que l'influence du
continent, dont elles sont comme des dépendances, s'y fait senlir
jusque dans les détails de la vie privée.
Il faut descendre vers le Sud pour trouver les exemples les plus
horribles et les plus étonnants du talouage par piqure et par incision.
Je veux parler de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Mais qu'ici
l'on me permetle de substituer à toutes les descriptions que je pour-
rais en donner, celle qu'a bien voulu extraire de son journal et me
iransmeltre mon excellent ami M. de Rocquemaurel, capitaine de
vaisseau très distingué de la marine, ancien second de M. Durville
dans son dernier voyage autour du monde, et qui tout récemment
encore est arrivé des iles de la Sonde où il a commandé la corvette
de guerre la Capricieuse pendantquatre ans.
« Si nous descendons, dit-il, au sud-ouest de l'Océan-Pacifique,
» nous trouvons le farouche zélandais, dont le caractère dur et in-
» trailable doit-se montrer avide d'honneurs et de distinctions ; mais
» comment faire dans un climat rigoureux qui l'oblige le plus sou-
» vent à couvrir sa nudité sous des peaux de chien ou des manteaux
» de phmornium tenax? Comment montrer à ses rivaux son blazon
» nobiliaire tracé sur la peau en traits ineffacables? Renoncant donc
» Je plus souvent au latouage corporel, le zélandais concentre sur
» son mále visage tous les emblémes de guerre, toutes les légendes
> de mort qu'il a pu recueillir de ses aieux et dont il élend chaque
x
x
99
==
jour la série par de nouveaux exploits et de nouveaux mas-
sacres.
» Rien d'horriblement beau dans ce genre comme la figure d'un
chef zélandais, profondément sillonnée de mille traits déliés qui
serpentent autour des joues, se roulent en spirale des deux côtés
du menton ou sur les narines, remontant aulour des yeux qu'ils
tiennent étroitement cernés, de manière à leur donner une ex-
pression vraiment effrayante; de là ces lignes, ces volutes s'éten-
dent en bandes plus régulières sur le front et remontent quelque-
fois en serpentant sur le cuir chevelu jusqu'au sommet du crâne.
Le tatouage n’est évidemment ici que la manifestation d’un orgueil
sauvage. La douleur qui accompagne toujours celle opération n'est
qu'un jeu pour le cannibal qui, dans chaque victime humaine,
compte trouver un surcroit d'illustration.
» La jeunesse ne peut prétendre à ces honneurs qu'après avoir
fait ses preuves; les chefs conservent méme la propriété de cer-
lains caractères qui, tracés sur le nez, sont généralement regardés
dans la tribu comme les armes de ces chefs et respectés comme
lels. Si bien que lorsque les Anglais, sous le capitaine Hobson et
par l'intermédiaire de Mgr Pompalier, onl traité avec ces chefs de
leur soumission à leur gracieuse reine Victoria, l'acte de cession,
rédigé dans les deux langues, anglaise et kanacque, portait au
bas l'empreinte du nez de tous ces chefs comme autant de ca-
chets.
» Quant à l'australien, on comprend qu'un tatouage en couleur
‚ et superficiel serait à peu prés invisible sur une peau noire ou fu-
ligineuse, de là vient que toules ces tribus noires disséminées sur
la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Bretagne, les iles Viti, la Nou-
velle-Hollande et méme Bornéo, ne pratiquent que le tatouage
par incision. Nous avons pu voir le sublime du genre chez les
peuplades de la baie de Raffles et dans le détroit de Torres. Là les
naturels offrirent à nos yeux une horrible reproduction de ces or-
nements généralement adoptés pour l'uniforme de nos armées;
le gras des épaules était profondément tailladé de manière à
figurer la frange des épaulettes. Un double rang de galons élagés
parallèlement sur la poitrine et s'étendant jusqu'au haut du ventre
eüt pu passer pour les brandebourgs d'un habit de grenadier. Les
cuisses découpées verlicalement à la facon des hauts-de-chausses à
l'andalouse complélaient cet accoutrement sauvage, qui comportait
chez quelques chefs un surcroît d'ornements dessinés en affreux
lambeaux de chair sur les reins, les fesses et les mollets.
» Ce tatouage en relief est toujours formé par des excroissances
23
» charnues , des callosités développées par l'incision, l'injection de
» sucs de plantes, el la cautérisation répétée de manière à faire
» naître les bourrelets charnus ou à régulariser leur développement
» suivant les lignes déterminées. Les festons charnus observés sur
> certains australiens, les vitiens ou papouas, atteignent souvent
» une saillie de huit à dix millimètres au-dessus de la surface régu-
» liére des parties environnantes. L'extérieur est dur et un peu cal-
» leux, mais cette mortification n'est que superficielle..... »
Qu'il nous soit permis ici de faire une observation au sujet de
l'incroyable description qu'on vient de lire et de rappeler ce que
nous disions plus haut, à savoir qu'il n'y a que l'esprit de ténèbres
et de mensonge qui ait pu persuader à ces malheureux insulaires de
prendre pour décoration, et au milieu des souffrances les plus
inouies, une aussi horrible et si repoussante mulilation. La même
observation doit s'appliquer à un autre tatouage par incision égale-
ment praliqué par une parlie des australiens, et qui consiste à se
percer la cloison du nez pour y loger horizontalement uu morceau
d'os ou de bambou gros comme le pouce.
Nous compléterons toutefois la description de M. de Rocquemaurel
en donnant ici celle d'un talouage de guerre des australiens, et qui
consiste à tracer une bande blanche sur le passage de chaque os du
corps. Les bras, les jambes, les cótes, le bassin, la colonne verté-
brale, tout porte sa bande blanche; de telle sorte que vu de loin, la
couleur noire du corps s'effacant devant la blancheur de ces bandes,
l'homme parait réduit à un véritable squelette ambulant, et il faut
convenir qu'il y a eu un cerlain génie infernal à trouver cette hor-
rible mascarade. Comme presque tous les tatouages de guerre de la
Polynésie, celui-ci n'est que de pure coloration et disparait aussitôt
que la campagne est terminée.
Si nous passons maintenant au latouage de l'Océanie centrale,
nous y trouverons l'art de graver sur la peau poussé à son dernier
degré de perfection, toutefois c'est aux iles Marquises que se trouve
le chef-d'œuvre du genre; les iles Pomotou, les iles Gambier (avant
leur conversion au christianisme) étaient, il est vrai, plus fortement
latouées que les iles Tonga, Taiti et les Sandwich, mais elles étaient
encore loin d'approcher du tatouage des iles Marquises, car les in-
sulaires qui les habitent en sont tellement couverts de la tête aux
pieds, que quelques navigaleurs les ont crus noirs. Ісі j'inlercalerai
encore le passage suivant du journal de M. de Rocquemaurel; ce
sont des noles prises sur les lieux, qui probablement n'auraient
jamais vu le jour si notre vieille amitié ne Pett emporté sur la beau-
=
24
coup trop grande modestie de l’auteur. Voici celte intéressante des-
criplion :
« Le tatouage pouvant étre considéré comme le vétement des na-
> turels de Nouhiva, c'est d’après la finesse de ses lignes et leur
» complication qu'on peut jusqu'à un certain point juger de l’âge et
» du rang de celui qui en est revêlu. Cette aristocratie de la peau,
> plus indélébile que celle des étoffes , des broderies et des rubans
» dont s'affublent les peuples civilisés, parait régner à Nouhiva plus
» qu'en aucun lieu du monde. Ces figures bizarres imprimées sur la
» peau à l'aide d'un petit rateau à dents aigues (de nacre ou d'écaille)
» qu'on trempe dans une couleur noire, servent à rappeler les prin-
» cipales époques de la vie et les actions dignes de mémoire. Les
vieillards, les chefs sont surchargés de pareilles armoiries ou lé-
gendes qui portent avec elles un cachet d'authenticité puisqu'elles
sont patentes aux yeux de toute la tribu. Cette pratique, toute
élrange qu'elle parait, a du moins l'avantage de rendre les dégui-
sements fort difficiles. On dit aussi que le tatouage, en soumetlant
Ja peau à une opération douloureuse, larend moins impressionnable
» aux éléments; quoiqu'il en soit, le tatouage ne commence guère
a être pratiqué que chez les adolescents. Une large bande oblique
» sur la joue, sur le front, sur un ceil ou la poitrine, forme le pre-
» mier mot de celte légende hiéroglyphique qui ne finira qu'avec la
» vie. Les jeunes gens ainsi blazonnés en noir, sur leur peau qui est
» d'une couleur clair, ressemblant à la couleur des vases étrusques,
» semblent porter sur la figure ou les autres parties du corps de
» grands emplatres de taffetas noir.
> Bientôt les zones de tatouage s'étendent avec l’âge et se mulli-
- » plient sur Ја tête, la poitrine et les membres. Ces plaques, ces
» baudes ou anneaux épars sont ensuite réunies par des lignes déli-
» cales dont les contours sont le trait des figures que l'opérateur
» achèvera plus tard.
» Déjà le graveur sur chair humaine a promené son burin de nacre
» sur la tête, le tronc, les jambes et les bras du patient, le front et
» une zone du crâne sont alors passés à la couleur noire. Un ban-
» deau noir couvre les paupières et une grande parlie de la face,
» quelques filets déliés serpentent sur le côlé du nez et se roulent
» en spirale sur les narines et le menton; une bande festonée tra-
» verse obliquement la joue qui étail restée claire el représente une
» suile d'oiseaux , de poissons ou tout autre dessin d'un fort bon
goût; le corps parait bientôt recouvert d'une sorte de colle de
» mailles formée de plaques, de chaines et de filets dont le tracé a
»
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2
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»
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» dû singulièrement exercer le talent de l'artiste et la patience du
» sujet.
» Mais tout cela n'est rien auprès des ornements qui, semblables
» à une broderie délicate, descendent le long des cuisses, des jambes
» el des bras et se perdent en anneaux plus déliés encore à l'extré-
» mité des doigls.
» Ce singulier vêtement n'est pas toujours d'un effet désagréable
» à l'œil, mais j'avoue qu'il est un certain terme après lequel la
» peau des naturels est tellement chamarrée, qu'on ne saurait plus
» rien déméler au milieu de ce barbouillage dégoûtant.
» Les femmes des iles Marquises, les plus belles de l'Océanie, ne
» sont presque pas tatouées, elles portent seulement quelques petites
> mouches noires au visage, ехсеріопѕ en seulement les princesses
» qui, à cause de la haute noblesse de leur race, portent quelque
> tatouage de plus sur le visage el sur quelques parties du corps. On
» cite la princesse Patmi qui avait un de ses bras recouvert d'un ta-
> touage admirable, dont la trame légère figurait, à s’y méprendre,
» une sorte de mitaine à jour; puis enfin la princesse Maouna dont
> le visage, les bras et certaines parties du corps étaient recouvertes
» tantôt de légers festons, tantôt d'une sorte de réseau à jour. >
Aux latouages par piqure des insulaires de Nouhiva et des iles
basses en général, nous devons joindre un latouage par incision qui
s’y trouve encore praliqué; ils se fendent effectivement les lobes des
oreilles et dilatent cette fente en y introduisant successivement des
morceaux de bois de plus en plus gros, de telle sorte qu'à la fin, au
lieu de boucles d'oreilles, ce sont de véritables tampons d'oreilles
qu'on y place; ces tampons en bois présentent par conséquent, en
avant el en arrière, une face plate , ronde, d'environ quatre à cinq
centimètres de diamètre, et qui esl ordinairement chargée de quel-
ques couleurs grossièrement posées.
A celui-là joignons y l'horrible mutilation des chefs de Tonga qui,
à chaque exploit, à chaque fait mémorable se font couper une pha-
lange des doigts de la main, el nous aurons une nouvelle preuve de
ce que nous avons avancé plus haut, je veux parler de l'interven-
lion occulte d'esprits ennemis de l'homme qui le poussent, autant
qu'ils le peuvent, dans les souffrances et les mutilations les plus
inouies.
Nous ne quitterons point l'Océanie sans dire un mot des tatouages
de guerre de tous ces insulaires. On sait effectivement qu'ils sont
presque tous entachés de cannibalisme, et que la guerre West le plus
souvent chez eux qu'une véritable chasse à l'homme, en un mot
un moyen de satisfaire leur affreux appélil. Dans ces expéditions ,
26
que le moindre différend fait naître, les sauvages ne se contentent
pas ordinairement de leurs casse-têtes et de leurs lances, ils cher-
chent encore à effrayer leurs ennemis en se peignant le corps ou le
visage de la manière la plus horrible. On pense aussi que c'est un
moyen de se reconnaître au milieu de la mêlée, les combats étant
toujours corps à corps. Ces tatouages sont par simple coloration et
se pratiquent ordinairement avec des terres ocreuses, blanches,
jaunes, orangées, rouges, verles ou noires. Nous en avons donné
un spécimen en parlant du tatouage par bandes blanches des peuples
de l'Australie. Nous ajouterons seulement que ceux de l'Océanie
centrale se peignent le plus souvent tout le corps, de la tête aux
pieds, en jaune, en orangé ou en rouge, parfois aussi, comme à
Saint-Christoval, ils ne se peignent que le visage, mais de la manière
la plus hideuse. Ces tatouages ne sont que de circonstance el sont
supprimés aussitôt que l'état de guerre cesse.
Si les tatouages de guerre et de mort varient à l'infini en passant
d'une ile à l'autre, il en exisle un qui a recu l'assentiment général,
parait-il, car il se retrouve identique partout; c'est le tatouage de
féte et de joie; il est tout blanc, et si on ne le trouve pas toujours
mis en pratique dans certaines localités, c'est que parfois les iles ne
contiennent pas la matière blanche nécessaire à sa préparation, telle
que la magnésie, l'alumine, la chaux, etc.
Nous n'avons plus qu'un mot à dire pour terminer cetle histoire
des peintures de la race humaine, c'est sur les peuples de l'Amé-
rique.
En général les peaux-rouges ne sont pas taloués, leurs femmes
seulement portent quelques mouches bleues, quelques petites croix
sur le visage. Il faut descendre en Patagonie pour trouver un ta-
touage plus arliculé, encore n'est-il que par coloration. Il se fait avec
de l'ocre rouge et du noir de fumée , que les hommes et surtout les
femmes appliquent en larges bandes au travers de leur visage, cher-
chant ainsi à rompre un peu la monotonie de leur air naturellement
triste et mélancolique.
Après cet aperçu rapide sur le tatouage a la surface du globe,
on est porté à se demander s'il n'y suivrait pas quelque loi; mais on
n’en peut véritablement articuler aucune de bien positive. On re-
connait seulement que plus les peuplades sont belliqueuses, plus le
lalouage supérieur l'emporle sur l'inférieur, qu'en général le ta-
touage de la partie antérieure du corps l'emporle toujours sur celui
de la parlie postérieure, et que le tatouage de la figure a toujours
une supériorité bien marquée sur celui du reste du corps.
hépétons toutefois ce que nous avons dit dès le commencement
27
de celte nolice, c'est que depuis les paupières peintes de l'arabe , la
peau badigeonnée des chinoises, la peau blasonnée des océaniens ,
jusqu'aux bourrelets affreux des australiens et les phalanges coupées
des tonga, nous voyons se dérouler une longue chaine de pelitesses,
de misères, de douleurs et d'orgueil qui mettent à nu de la manière
la plus effrayante cette désolante vérité, à savoir que l'homme est
un étre malheureux et aveugle qui cherche sans cesse à remonter
l'échelle que sa chute originelle lui a fait descendre, et qui sans cesse
aussi, poussé dans cette recherche par les esprits méchants et trom-
peurs qui l'assiégent, pose le pied sur un monceau de débris et de
sang pour saisir une félicité qui toujours lui échappe, et qui, si le
Fils de Dieu n'était venu sur la terre lui apprendre quil était. doux
et humble de cœur, eût croupi jusqu'à la fin des siècles dans la bar-
barie et le désespoir.
L. DE JOANNIS.
ГЫЧ» N UD) D
SUR
LES MOLLUSQUES
TÉRÉBRANTS.
Après les intéressants écrits qui ont paru sur la perforalion des
pierres et du bois par les mollusques térébrants, il semble qu'il ne
reste plus qu'à s'incliner devant tant d'observalions judicieuses et
lant d’apercus séduisants, el pourtant qu'il me soit permis d'y joindre
mes observalious particulières; je les ai puisées sur les mollusques
vivanls eux-mémes et sous ce rapport elles peuvent avoir quelqu'in-
térêt pour conduire la question à une solulion complete.
Et d'abord, je commence par déclarer que pour tout naturaliste
qui ne fait pas des théories dans son cabinet, l’action mécanique
pour opérer la perforation ne peut pas parailre douteuse, meme
pour les modioles et les vénérupes, mais j'ajouterai aussi que pour
mon compte particulier l'aclion chimique ne me paraît pas moins
cerlaine méme pour les pholades. Seulement chez les modioles et
les vénérupes l'action chimique dépasse de beaucoup l'action mé-
canique tandis que c'est le contraire dans les pholades, les tarets el
les gastrochénes.
Parlons d'abord de l'action mécanique et établissons bien qu'elle
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Dan sxyoyd / anda19 ape[oyq 6 subpydoyp supp liuu ) эшороцү 3101POf I
Іта
29
est exercée par tous les mollusques térébrants même par ceux qui,
comme les modioles , possèdent une coquille presque lisse.
Et d’abord pour procéder par induction, remarquons que dans les
pholades, les tarets et les gastrochénes, le gros bout de la coquille,
c’est-à-dire sa partie antérieure , est muni de stries croisées (pl. 1, fig.
1, 2, 4), tandis que la partie postérieure, à laquelle viennent aboutir
les siphons, ne porte que des stries simples et longiludinales !
On reconnait là cette divine intelligence qui a présidé à la création
des êtres et qui a muni d'une forte rape la partie du lêt qui devait
produire l'érosion, tandis que Ја partie qui devait rester inactive, est
tout-à-fait dépourvue. Car il ne faut pas s'y tromper, il n'y a que le
gros bout de la coquille qui opère la perforation, le manteau fermé
dans la partie postérieure de tous les adesmacés , ne permettant pas
à la coquille de s'ouvrir en arrière jusqu'au point d'acquérir la
méme largeur que la partie antérieure qui peut se dilater davan-
tage à cause de l'ouverture du manteau destinée à laisser sorlir le
pied.
Eh bien, si des pholades et des tarels où les stries croisées du gros
bout présentent une rápe trés rude, nous passons aux modioles
lithodomes qui sont presque lisses, nous allons trouver une disposi-
tion analogue seulement avec la modification que comporte la dif-
férence de nalure. Dans les modioles effectivement où le manteau
est ouvert dans toute la longueur de l'animal, où il n'y a point un
large pied pour happer la roche et opérer le mouvement circulaire
perforant, mais un simple pied linguiforme suffisant à produire
un petit mouvement de va et vient rectiligne, les slries croisées
vont simplement occuper la partie antérieure et inférieure de la
coquille et c'est par ce petit mouvement de va el vient recliligne
(ou à peu près) joint à l'action chimique, que nous voyons les mo-
dioles lithodomes pénétrer dans les roches madréporiques les plus
dures. Les stries croisées des modioles s'arrêtent effectivement com-
me on peut s'en assurer à une ligne qui part en arrière du sommet
el qui se rend à la parlie inférieure et postérieure du limbe (pl. 1,
fig. 4) el qu'on ne dise pas que des slries aussi peu saillantes que
celles des modioles sont incapables de miner une roche. Je mets
sous les yeux de la sociélé une thracie corbuloide et une donace réseau
que des murex (mollusques carnassiers comme Гоп sail) ont per-
forées avec leur trompe pour en manger l'animal, or la trompe des
murer ne porte à son extrémité que de simples crochels cornés; si
donc la corne a pu opérer une perforalion aussi parfaite, à combien
plus forte raison le pourront faire les stries d'une coquille dont le
tèt vivant présente un corps calcaire des plus durs.
30
Quant aux vénérupes, si le système de stries croisées couvre toute
la coquille c'est que le rodage se fait avec le flanc méme et qu'alors
l'armature devait être générale (pl. 1 , fig. 3).
J'ai dit plus haut que dans les pholades el les tarets le gros bout
seul de la coquille opérait la perforation et pour s'en convaincre en-
tièrement on n'a qu'à observer la manière dont est situé le pied de
l'animal par rapport à la partie perforante de la coquille. Les lois de
la mécanique ne sont jamais oubliées dans la nature, or ces lois
voulaient que le point d'application de la puissance fût situé dans le
méme plan que le point d'appui et le point d'application de la résis-
lance, et c'est ce qui a lieu dans le cas où le gros bout seul perfore
landis qu'il se créerait un couple mécanique des plus contraires au
travail si la perforation avait également lieu par sa partie poslé-
rieure
Une des difficullés qu'on a failes aux partisans de la perforation
mécanique pure, était de leur demander comment s'y prenait le pelit
mollusque naissant pour commencer son trou. Car on donne bien
l'explication du rodage dans le cas où l'animal est déjà renfermé
dans son tube, mais on demandait comment ce tube avait com-
mencé el comment surtout on pouvait l'expliquer dans le système
de la perforation pure et sans aclion chimique. Eh bien ! voici ce
qui se passe.
Qu'on se transporte dans un lieu oü vivent des pholades , et l'on
en trouvera qui ne sont entrées qu'à moilié dans leur trou ; leur long
siphon alors est recourbé et son extrémité s'appuye et happe pour
ainsi dire la roche environnante. П n’y a donc pas de doute que pour
commencer son trou, le petit mollusque a dà d'un côté allonger son
pied jusqu'à happer la roche et de l'autre cóté pour faire équilibre à
son aclion recourber ses siphons el s'accrocher à la roche en sens
contraire (pl. 2 fig. 1). Maintenu alors dans une position fixe par ces
deux forces opposées, il a pu au moyen des muscles de son pied
commencer la perforation, toujours aidé, sans aucun doule, par une
véritable action chimique désagrégatrice.
Pour les tarets (pl. 2, fig. 3) il est impossible de rien voir puisque
tout se passe dans linlérieur d'une pièce de bois, mais alors on
comprend très bien comment la chose se fait. Le pelit mollusque
sortant du sein de sa теге , se crée un point d'appui sur elle-même
en y fixant ses siphons el peut produire ainsi son mouvement gira-
loire allernalif pour commencer une galerie qui communiquera
avec celle de sa mère, mais dont elle aura bientôt soin de fermer
l'entrée par la couche calcaire dont elle tapisse son passage.
Pour les modioles (pl. 2, fig. 4) la chose change tout-à-fait ; là
31
point de pied fort destiné à faire tourner la coquille, mais seulement
un pied linguiforme qui ne peut produire qu'un mouvement d'avant
en arrière, point de longs tubes qui peuvent se recourber et tenir la
coquille sur l’un de ses bouts, mais seulement des tubes très courts
ne dépassant pas les bords du limbe. Eh bien dans ce nouveau cas,
voici comment le problème a été résolu.
Tout le monde a remarqué que les moules qu'on vend au marché
se liennent souvent les unes aux autres par de longs filaments, ces
filaments sont ce qu'on nomme en malacologie le byssus. Ce byssus
est un pinceau d'une soie trés solide qui part de la base du pied et
en arrière de lui, sort de la coquille et va s'accrocher aux corps
environnants. Toutes les moules possédent ce byssus et s'en servent
pour se fixer aux corps qui les entourent, de maniere à n'élre pas le
jouet de la mer qui sans cela les roulerait et les briserait contre
les rochers. Eh bien, les modioles lithodomes possédent aussi ce
byssus, mais par une admirable prévoyance au lieu de le voir
se consolider avec l’âge, elles ne le possédent que pendant leur
jeunesse, les soies de ce byssus s'allongeant et s'amincissant de plus
en plus à mesure que la jeune modiole pénètre plus avant dans la
roche qui doil lui servir de demeure. Voici donc ce qui se passe et
on peut le voir sur presque toutes les côtes de l'ile de Malte où la
roche calcaire tendre contient une énorme quantité de modioles.
A sa naissance la pelite modiole se fixe à la roche par son byssus,
afin que la mer ne l'emporte pas et qu'elle puisse commencer son
travail de perforation; ainsi fixée et aidée de son pied, elle com-
mence alors son mouvement de va et vient et use ainsi la roche au
moyen des stries transversales de sa partie inféro-antérieure. Dans
ce travail elle est puissamment aidée par une secrétion acide qui
produit une rapide désagrégalion des molécules calcaires.
Si l'on veut se faire une idée bien exacte du petit mouvement
qu'exécute la modiole en limant la roche, qu'on regarde le mouve-
ment que fait l'index d'une personne qui écrit; toutefois la modiole
ne fait pas toujours ce mouvement, elle se repose et peut-être aussi
donne-t-elle le temps aux agents chimiques de produire la désagré-
galion.
Quant à la реШе vénérupe elle opère évidement comme le petit
taret pour commencer sa chambre, elle s'appuie sur sa теге et
enlreprend ainsi son travail de perforation. Ce qui le prouve, c'est
la communication constante qui a lieu entre toutes les chambres
des vénérupes d'un méme groupe. Bien enlendu que laclion
chimique vient encore aider le pelit mollusque et d'autant plus
puissamment , selon toute probabilité, que l'animal est plus jeune.
32
Malgré cette manière d'opérer de proche en proche, il est impossible de
ne pas admeltre que des cas particuliers ou des circonstances fortuites
transportent de petites vénérupes sur des rivages ou il n'y en avait
pas précédemment. Dans ce cas la pelite coquille se trouvant jelée
dans quelque pelit trou de rocher, s'y cramponne soit en ouvrant
ses valves soit en tirant son pied et appuyée sur les parlies voisines
de la roche commence son mouvement circulaire de perforation.
Quant aux gastrochènes qu'on trouve en si grande quantité dans
le golfe de Venise et de Tarente, je n'ai pu les observer, ceux que
j'ai trouvés près d'Athénes dans les ports du Pyrée et de Salamine
étant tous dans des masses de vase compacte qu'il est trés facile de
pénétrer.
J'ai émis tout d'abord celle opinion qu'indépendamment de l'action
mécanique opérant la perforation , il y avait une action chimique
exercée par le mollusque térébrant et j'ai dit que les pholades, elles-
mêmes, y parlicipaient.
Pour les modioles, la question n’a paru douteuse pour personne
tant on les regardait comme incapables de perforer une pierre par
usure, et le nom qu'on leur a donné de Mytilus lithophagus, indique
bien qu'on attribuait à ces animaux la propriélé de dévorer pour
ainsi dire la roche et c'est ce qui fait qu'il a fallu admettre que le
mollusque répandait une liqueur corrosive qui opérait la désagré-
galion de la pierre. Cette liqueur corrosive du reste semblerait étre
de la méme nature que nos acides connus, par cette raison que les
modioles ne creusent jamais leur demeure que dans des roches
calcaires, roches qu'on sait trés faciles à décomposer, l'acide carboni-
que ayant peu d'affinité pour les bases et en étant séparé par pres-
que lous les acides.
Je n'ai jamais observé de tarets vivants, mais j'ai nourri pendant
longtemps à bord et observé de trés grosses pholades dactyles et sca-
brelles. Eh bien, le fait qui m'a frappé par dessus tous les autres
dans ces animaux est leur phosphorescence. Aussitót que la nuit
venait on voyail tout l'animal, aussi bien la coquille que les tubes,
devenir tellement lumineux que coquille et siphon tout disparais-
sait comme noyés dans le bain de lumière qui les inondait. On ett
dit une barre de fer porlée au rouge blane qu'on aurait plongée dans
l'eau et qui y conservail sa lumière élincelante. Ce phénomène qui
se reproduisait tous les soirs ne m'a pas laissé de doute sur la phos-
phorescence continue de ces animaux, et l'état lumineux de l'exté-
rieur de la coquille m'a donné également à penser qu'il s'échappait
de l'animal je ne sais quelle substance dans laquelle tout le mollus-
que semblait plongé. De quelle nature est celte substance? Je ne
33
saurais le préciser, mais il ne m'est pas resté un moment douteux
qu'elle dût exercer une action désagrégatrice sur les parois envi-
ronnantes de la loge du mollusque, action qui venait se joindre à
l'aclion mécanique pour opérer et continuer la térébration, jusqu'à
ce que le mollusque ait atteint ioule sa grosseur ; époque à laquelle
la phosphorescence ainsi que la disposition térébrante cessent pour
laisser l'animal vivre paisiblement de ce que veut bien lui apporter
la mer dont il aspire l'eau au moyen de ses tubes.
J'ai dit qu'on ne peut guère préciser la nature de l'agent que ré-
pand la pholade tout autour d'elle par cettetraison que le dynamisme
vital vient donner aux corps un caractère tout autrement puissant
que ceux remarqués dans la nature morte et que nous soumeltons
aux analyses de nos laboratoires.
Ainsi, pour me résumer, l'aelion dissolvante de tous ces mollus-
ques térébrants se compose de deux parties bien distinctes quoi-
qu'elles concourent au méme bul.D’abord une action chimique dé-
sagrégatrice qui précède et accompagne toujours l’action mécanique
el celle action mécanique elle-même qui facilitée par l’action chi-
mique parvient à opérer la désagrégation, el à creuser la loge des
mollusques.
Selon la nature des mollusques les deux forces sont dans des pro-
portions très différentes, de telle sorte que la force mécanique qui
prédomine chez les pholades et les tarets n'est qu'en second ordre
chez les modioles, tandis que la puissance chimique au premier
rang chez les modioles n'est qu'en second ordre chez les pholades.
Je profilerai toutefois de l'occasion que j'ai de metlre sous les
yeux de la sociélé une portion de la carène d'un navire pour re-
dresser un fail que plusieurs auteurs ont avancé, à savoir que les
larels ne creusaient jamais leur galerie que dans le sens des fibres ;
on peut voir tout le contraire dans l'exemplaire ci-joint. П est bien
vrai effectivement de dire qu'en général les tarels suivent le fil du
bois en creusant leur tube, mais il faut ajouter qu'aussitót qu'ils
rencontrent dans leur route un corps qui n'est pas du bois ou un
obstacle quelconque, ils devient immédiatement de leur roule pri-
milive el en viennent parfois à cheminer même dans un sens toul-
à-fait perpendiculaire aux fibres du bois.
L. DE JOANNIS.
FAUNE SAUMUROISE.
CATALOGUE
DES GOLÉOPTERES.
CICINDELA,
CICINDELA Linné. Hybrida Linn.
Sylvalica Linn.
Campestris Linn. Germanica Linn.
CARABIDA.
ODACANTHA Payk. DEMETRIAS Bon.
Melanura Linn. Imperialis Germ.
DRYPTA Fabr. Var. Ruficeps Géné.
) Atricapillus Linn.
Emarginala Fabr. Var. Elongatulus Duft.- Dej.
PorvsricHUS Bon.
| | Dnowrus Bon.
Fasciolalus Oliv. | abu.
Linearis Oliv.
Sigmá Rossi.
Homagrica Duft. Quadrisignatus De).
Var. Lineata Dej. Fascialus De).
Cyminpis Lalr.
difascialus Dej.
Quadrinolatus Panz.
Quadrimaculatus Linn.
Agilis Fabr.
Var. Fenestratus Dej.
Obscuroguttatus Duft.
Foveola Gyll.
Truncatellus Linn.
Glabralus Linn.
Quadrillum Duft.
LEBIA Latr.
Fulvicollis Fabr.
Cyanocephala Linn.
Chlorocephala Dej.
Turcica Fabr. (Thouars).
Hoemorrhvidalis Fabr.
BRACHINUS Web.
Psophia Dej.
Crepitans Linn.
Explodens Duft.
Sclopeta Fabr.
MASOREUS Dej.
Wellerhalii Gyll.
CLIVINA Latr.
Fossor Linn.
DYSCHIRIUS Bon.
Nitidus Dej.
Politus Dej.
Thoracicus Rossi.
Globosus Herbst.
Ditomus Bon.
Fulvipes Dej.
ARISTUS Latr.
Clypealus Rossi.
Capitò Dej.
йт
———
—
——
PROCRUSTES Bon. De).
Coriaceus Linn.
CARABUS Linn.
Catenulatus Fabr.
Purpurascens Fabr.
Convexus Fabr.
Nemoralis Illig.
Hortensis Fabr.
Monilis Fabr.
Var. Consitus Panz.
Cancellatus /llig.
Granulatus Linn.
Auratus Linn.
Intricatus Linn.
Cyaneus Fabr.
CALOSOMA Fabr.
Sycophanta Linn.
Inquisitor Linn.
Sericeum Fabr.
Auropunctatum Dej.
LEISTUS Frehl.
Spinilabris Fabr.
Fulvibarbis Dej.
Ferrugineus Linn.
NEBRIA Latr.
Brevicollis Fabr.
OMOPHRON Latr
Limbatum Fabr.
ELAPHRUS Fabr.
Cupreus Duft.
Riparius Linn.
Aureus Müll.
Littoralis Dej.
BLETHISA Dej.
Multipunetata Linn.
|
)
|
36
NOTIOPHILUS Duméril. Dej.
Quadripunclalus Dej.
Semipunclatus Fabr.
Punctulatus Wesmael.
Rufipes Curtis.
Palustris Duft.
Aquaticus Linn.
PANAGOEUS Latr.
Crux-major Linn.
Quadripustulatus Sturm.
LORICERA Latr.
Pilicornis Fabr.
CALLISTUS Bon.
Lunatus Fabr.
CHLOENIUS Bon.
Vestitus Duft.
Marginatus Linn.
Agrorum Oliv.
Nigricornis Fabr.
Melanocornis Dej.
Tibialis Dej.
Holosericeus Fabr.
Velutinus Duft.
DINODES Bon.
Rufipes Dej.
OonES Bon.
Helopioides Fabr.
Gracilior Fairm.
LICINUS Latr.
Silphoides Fabr.
BADISTER Clairv. |
Unipustulatus Bon.
Cephalotes Dej.
et | O
—
—
— —
Jipustulatus Fabr.
Humeralis Bon.
Peltatus Panz.
PRISTONYCHUS Dej.
Terricola Herbst.
CALATHUS Bon.
Latus Dej.
Cisteloides Illig.
Fulvipes Gyll.
Mollis Marsh.
Ochropterus Duft.
Melanocephalus Linn
TAPHRIA Bon.
Vivalis Panz.
SPHODRUS Clairv.
Planus Fabr.
Leucophthalmus Linn.
ANCHOMENUS Bon.
Longiventris Dej.
Assimilis Payk.
Angusticollis Fabr.
Prasinus Thunb.
Pallipes Fabr.
Oblongus Fabr.
Memnonius Gyll.
AGONUM.
Sexpunctatum Linn.
Marginatum Linn.
Modestum Sturm.
Parumpunctatum Fabr.
Meestum Duft.
Emarginatum Gyll.
Viduum Panz.
Versulum Gyll.
Micans Nicol.
——
M M a —— س ررد
Gracile Sturm. ABAX Dej.
Picipes Fabr. Swoimi
Fuliginosum Panz. Parallela Duf!
Puellum Dej.
| PLATYSMA De).
OLISTHOPUS Dej.
Picimana Duft.
holondatus Payk. i
PTEROSTYCHUS Bon.
POECILUS Bon.
Niger Fabr.
Punclulatus Fabr. Parumpunctalus Germ.
Cupreus Linn.
Dimidialus Oliv. AMARA Bon.
Lepidus Fabr.
Slriatopunclala Dej.
Subcceruleus Quensel. J
Rufipes Dej.
Tricuspidata De).
Strenua Linn.
Madidus Fabr. Varicolor Héer.
Var. Concinnus Sturm. Plebeja Gyll.
Similata Gli.
Obsoleta Duft.
Terricola Fabr. Curla Dej.
Montivaga Sturm.
Communis Gyll.
Acuminala Payk.
Eurynola Dej.
STEROPUS Dej.
Morors De}.
OMASEUS De).
Melas Creutz.
Melanarius Illig.
————
Nigritus Fabr. Trivialis Gyll.
Anthracinus Illig. Familiaris Duft:
Gracilis Dej. | Lucida Duft.
Minor Gyll. | Consularis Duft:
Apricaria Payk.
Ferruginea Linn
Fulva de Géer.
ARGUTOR De). |
—
Vernalis Fabr.
Ruficollis Marsh. Picea Fabr.
Depressus Dej. | Aulica Dej.
Negligens Sturm. , Glabrata Dej.
Slurmii Dej.
Ovoideus Sturm.
Eruditus Dej. Gibbus Fabr.
Erylhropus Marth.
Slrenuus Gyll.
Inaequalis Marth. Pumicalus Panz.
——
ZABRUS Clairv.
STOMIS Clairv.
Broscus Pans.
Cephalotes Linn.
AcivoPus Dean.
Megacephalus lig.
ANISODACTYLUS De).
Signatus Illig.
Binotatus Fabr.
Var. Spurcalicornis De).
Nemorivagus Duft.
Gilvipes Dej.
Diacnromus Erich.
Germanus Linn.
GYNANDROMORPHUS Dey.
Etruscus Quensel.
OPHONUS De].
Rotundicollis Dej.
Diffinis De.
Obscurus Fabr.
Sabulicola Panz.
Columbinus Germ.
Oblongiusculus De.
Maculicornis Duft.
Mendax Rossi.
HARPALUS Dej.
Ruficornis Fabr.
Griseus Pans.
Aneus Fabr.
Rubripes Duft.
Cupreus De).
Distinguendus Duft.
Discoideus Fabr.
Honeslus Duft.
Calcealus Duft
Hollentola Duft.
—
Maxillosus Dej.
Fulvipes Fabr.
Tenebrosus Dej.
Melancholicus De.
Semiviolaceus Ij.
Impiger Duft.
Quadripunclalus De}.
Ignavus Duft.
Tardus Pauz.
Pygmœus Dej.
Serripes Quensel.
Servus Duft.
Anxius Duft.
Flavitarsis De).
Neglectus Dej.
Sulphuripes Germ.
Consentaneus De).
BRADYCELLUS Erich.
Collaris Payk.
Fulvus Marsh.
STENOLOPHUS Erich.
Vaporariorum Fabr.
Discophorus Fisch.
Elegans Dej.
Vespertinus Illig.
Meridianus Linn.
Exiguus Dej.
Nigriceps Dej.
AMBLYSTOMUS Erich.
Metallescens Dej.
Trecuus Claire.
Minutus Fabr.
Rubeus Clairv.
Areolatus Creutz.
BEMBIDIUM Lalr.
Parvalum Dej.
Pulicarium Dej.
~~
meee ee
—
Auguslatum Dey.
Nanum Gyll.
Bistriatum Duft.
Fulvicolle Dej.
Flammulatum Clairv.
Undulatum Sturm.
Varium Oliv.
Ustulatum Fabr.
Fumigatum J. Duv.
Assimile Gyll.
Rufescens Dej.
Oblusum Sturm.
Gultula Fabr.
Biguttatum Fabr.
Var. Vulneratum De).
Decorum Panz.
Nitidulum Marsh.
Rufipes Gyll.
Ustulatum Linn.
Rupestre Fabr.
Fluviatile Dej.
Femoratum Sturm.
Callosum Rüster.
Laterale Dej.
HALIPLUS Latr.
l'errugineus Gyll.
Flavicollis Sturm.
Variegalus Dej.
Lineatocollis Gyll.
Impressus Latr.
Badius Aubé.
Obliquus Latr.
Gullatus Aubé.
CNEMIDOTUS /llig.
Coesus Erich.
39
м
Quadripustulatum Dej.
Quadrimaculatum Linn.
Quadrigullalum Fabr.
Articulatum Panz.
Slurmii Panz.
Doris Panz.
Tenellum Erich.
Pusillum Gyll.
Normannum Dej.
Gilvipes Sturm.
Mannerheimii Sahle.
Pygmæum Fabr.
Lampros Herbst.
Celere Fabr.
Paludosum Panz.
Argenteolum Ahrens.
Impressum //lig.
Striatum Latr.
Foraminosum Sturm.
Punctulatum Drapiez.
Pallipes Duft.
DYTISCID A.
POELOBIUS Schoen.
Hermanni Aubé.
CYBISTER Curtis.
Reeselii Curtis.
Dytiscus Linn.
Marginalis Linn.
Dimidiatus Bergst.
Punctulatus Fabr.
Conformis Kunz.
Acitius Leach.
Sulcatus Linn.
Hypaticus Leach.
Transversalis Fabr.
Hybneri Fabr.
Cinereus Curtis.
COLYMBETES Claire.
Striatus Linn.
Collaris Payk.
Adspersus Fabr.
Conspersus Gyll.
ILYBIUS Erich.
Ater Erich.
Quadriguttatus Erich.
Fuliginosus Fabr.
Fenestratus Fabr.
AGABUS Leach.
Oblongus /llig.
Uliginosus Linn.
Femoralis Payk.
Chalconotus Panz.
Didymus Oliv.
Bipunclatus Fabr.
Bipustulatus Linn.
Assimilis Sturm.
Abbreviatus Fabr.
Brunneus Fabr.
Maculatus Linn.
NoTERUS Clairv.
Crassicornis Muller.
Sparsus Marsh.
Lævis Dej.
GYRINUS.
Distinclus Aube.
ACKERMAN, A.
——
Laccornitus Leach.
Interruplus Panz.
Minutus Linn.
Variegaius Germ.
Нүрнүркоѕ /llig.
Ovalus Linn.
HyprororRus Clairv.
Duodecimpustulalus Fabr.
Inæqualis Fabr.
Reticulatus Fabr.
Geminus Fabr.
Unistriatus Ili.
Picipes Fabr.
Confluens Fabr.
Dorsalis Fabr.
Sexpuslulalus Fabr.
Erytrocephalus Linn,
Planus Fabr.
Memnonius Nicol.
Neglectus Dej.
Pubescens Gyll.
Auguslalus Sturnr.
Pictus Fabr.
Lituratus Brullé.
Piceus Sturm.
Nigrila Fabr.
Linealus Marsh.
Flavipes Oliv.
Granularis Linn.
Var. Bilinealus Sturm.
Pumilus Dej.
GYRINIDÆ.
Elongatus Dahl.
Minutus Fabr.
COURTILLER ET P. LAMBERT.
MAITRE RICHARD,
CLERC ET PHYSICIEN DU TERTRE SAINT - LAURENT D'ANGERS.
COMMUNICATION ADRESSÉE A LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE ,
par M. Paul MARCHEGAY, archiviste paléographe.
Dans les premières années du xiv* siècle mourut a Angers, sur
le Tertre-Saint-Laurent, un personnage qui serail resté dans l'oubli
le plus complet si la profession qu'il a exercée n'appelait sur lui
l'attention, ou {out au moins la curiosité, et ne faisait affronter la
lecture du long grimoire dans lequel est conservé son testament (1).
Maitre Richard devait êlre un homme instruit, puisqu'il avait
étudié pour entrer dans les ordres, comme l'indique son titre de
clerc; mais, circonstance plus importante, c'était un physicien, ou
médecin, auquel une longue pralique et une clientèle nombreuse
avaienl permis de ramasser une fortune considérable pour l'époque.
Outre plusieurs maisons sur le Terlre, il était propriétaire de
divers immeubles, qu'il ne désigne pas mais qui semblent avoir eu
(4) In nomine Domini, amen. Ego magister Richardus , clericus, physicus de
Tertro Saneti Laurencii Andegavis, compos mentis per Dei gratiam , licet eger cor-
poris, cogitans de supremis, testamentum meum seu meam ullimam voluntatem
facio, et de bonis ac rebus meis mobilibus et immobilibus quibuseumque dispono et
ordino... Datum et actum die lune post Penthecosten , anno мессту, Archives de
Maine et Lowe, Hótel-Dieu d'Angers, ns 48, fol. 8.
42
une assez grande valeur. Son mobilier élait riche : il possédait
entr'autres objets trois coupes d'argent, pesant trois mares six
onces; la principale du poids de deux mares était dorée. Le physi-
cien les avait sans doule recues en cadeau de la part de quelques
opulents malades. Son vestiaire était trés convenablement garni :
deux des robes principalement devaient être belles, ainsi que le
manteau fourré, puisqu'ils forment toute la part qu'il alloue à ses
fréres dans sa succession. Deux draps de soie, présent qu'il avait
conservé intact, étaient destinés à garnir le cercueil de notre méde-
cin, jusqu'au moment oü son corps serait livré à la terre (1).
Maître Richard était d'Angers, tout au moins de l'Anjou, où sa
famille était assez nombreuse. Les membres que nous en connais-
sons n'ont été désignés que par leur nom de baplême; et comme,
dans la classe aisée, les noms de famille étaient dés lors d'une appli-
cation assez générale, il y a lieu de croire que les parents du physi-
cien du Tertre-Saint-Laurent étaient pauvres et obscurs. П nomme
lui-même ses trois frères, Martin, Robert et Touslin; plus deux
neveux appelés Jean, l'un moine à Saint-Nicolas d'Angers, l'autre
chanoine dans l'abbaye de la Roé.
En qualité de célibataire, Richard n'oublie pas tout à fail dans son
testament son filleul, Jean Aubin, el il lui lègue 20 sous (2) ; mais il
traile beaucoup mieux sa servante Laurence, qui doit avoir, outre
la sonime de 30 livres, tous les objets et ustensiles composant son
ménage.
Du reste, maitre Richard se montre peu généreux et encore moins
affectueux envers sa famille, ou parce qu'il n'était pas en bons ter-
mes avec elle, ou parce qu'ayant gagné lui-méme tout son avoir, il
se croyail libre d'en disposer à son gré (3). Nous avons déjà dit que ses
lrois frères (4), Martin, Robert et Toustin eurent seulement ses deux
plus belles robes et son manteau fourré; à chacun de ses neveux il
(1) Habere volo et supra corpus meum reponi, duos pannos de serico, quorum
unum do ecelesie Sancte Trinitatis et aliud capelle Beati Jobannis Evangeliste.
(2) Do et lego... Johanni, filio Johannis Albini, filiolo meo, xx solidos; Laurencie
pedissece mee xxx libras monete currentis, et omnia mesnagia et utensilia mea ,
lam magna quam parva.
(3) Vers l'année 1060, Tescelin, prêtre de Verrie, prés Saumur, choisit pour léga-
faires universels Sigon, abbé, et les moines de Saint-Florent , et justifie en ces
termes l'exclusion de ses parents et amis : Omnia quee habeo... ex ingenio meo acqui-
sivi; idcirco amici aut parentis in hoc parlem non recognosco.
(4) Do et lego Martino, fratri meo, торат meam meliorem; Roberto, fratri meo
alam robam meam meliorem ; Tustino, fratri meo, epitogium meum forratum.
43
ne doune que 60 sous. Enfin aucun des hériliers naturels de Richard
ne figure sur la liste de ses exéculeurs testamentaires (1), auxquels,
suivant la formule ordinaire des testaments, il donne pouvoir et
mandement spécial d'ajouter à ses dernières dispositions, de les in-
lerpréter, modifier el méme changer en quelque partie que ce soit,
selon leur bon plaisir el en tout ce qui leur paraîtra convenable. Il
craignait probablement que ses frères, investis d'une semblable au-
torilé, rendissent infiniment plus simple l'exécution du testament,
el réintégrassent la famille dans les droits dont elle était dépouillée.
L'humilité ne parait pas avoir été une des vertus de maître Ri-
chard. On ne doit pas en effet considérer comme des donations
pieuses les legs considérables qu'il fait à toutes les collégiales d'An-
gers, aux abbayes de Saint-Nicolas et du Ronceray, aux couvents
des Carmes, Cordeliers, Jacobins et Filles-Dieu, à condition qu'ils
viendront processionnellement à ses funérailles. Avec un soin mi-
nulieux , il prend toutes les dispositions nécessaires pour que son
cercueil, recouvert de riches draperies, éclairé par six grosses tor-
ches en cire (2) et par plus de cent cierges, soit entouré d'une foule
de chanoines, moines, religieux, religieuses, chapelains et clercs,
comme s'il eût refermé le corps d'un laïque puissant ou d'un prélat
renommé. Sur les 67 livres 5 sous, somme alors au moins cent
trente-trois fois plus forte qu'aujourd'hui (3), montant de ses legs
en argent, prés de 50 sont consacrées à assurer el à payer la présence
des gens d'église qu'il convoque à son enterrement.
Toutefois les sentiments charitables attestés par le testament de
mailre Richard, doivent atténuer en quelque sorte les reproches
qu'on serait disposé à adresser à sa vanilé funéraire, de méme qu'à
(1) Ad exequtionem presentis testamenti mei... faciendam et adimplendam , ego
facio , eligo et constituo dilectos meos, videlicet discretum virum Gauffridum Alani ,
sacristam Beate Marie Andegavensis; religiosum virum fratrem Johannem priorem
Elemosinarie Sancti Johannis Andeg.; Michaelem de Marisco, sacristam dicte domus,
et fratrem Julianum fratrem diete domus... Et eisdem do , lego penitus et committo
plenariam potestatem et speciale mandatum addendi huie presenti testamento meo,
diminuendi et detrahendi de contentis in eo, et interpretandi et mutandi contenta in
e0 .. secundum quod eis placuerit.
(2) In die obitus mei habere volo quater viginti libras cere, ad faciendum sex
torehas cum alio luminari... de quo luminari do et lego monialibus de Perrodio unam
torcham et duodecim cereos; [item] fratribus de Carmelo Andegavis... ecelesie Sancte
Trinitatis Andegavis, monialibus Beate Marie; Filiabus Dei Andegavis sex cereos ;
sacriste Elemosinarie Sancti Johannis Andegavis duas torchas et totum residuum
dicti luminaris
(3) V. Leber, Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen-àge
14
son indifférence envers sa famille (1). Non content de prescrire la
distribution à chaque pauvre de la ville, lors de ses funérailles et le
septième jour après, d'un pain valant 1 denier, il dispose en faveur
de ces mêmes pauvres de tout ce qui restera de ses biens, les legs
une fois acquiltés.
Mais sa prédileclion la plus marquée est pour l'Aumónerie ou
Hôtel-Dieu fondé à Angers, depuis environ cent trente années, par
le célèbre comte d’ Anjou, Henri П, roi d'Angleterre , et par son sé-
néchal Etienne de Marsay, sous l'invocation de Saint-Jean-lEvan-
géliste. Richard veut d'abord que son corps y soit déposé (2). Dans
ce but, apres avoir protesté qu'il n'a voué à aucune église ni son corps
ni ses biens (3), il désintéresse formellement sa paroisse, la Trinité,
ainsi que le clergé de cette église et du Ronceray, pour qu'ils ne
cherchent pas à disputer sa dépouille mortelle aux religieux de
l'Hôpital Saint-Jean, et à provoquer un de ces conflits, trop fréquents
alors, dans lesquels les prêtres des églises rivales se disputaient le
cadavre qu'ils prétendaient être leur propriété (4).
Le prieur de l'Hótel-Dieu, nommé Jean, le sacriste Michel du
Marais, et un religieux appelé Julien, ont élé de la part de maître
Richard l'objet d'une amitié et d’une affection toutes particulières.
Non seulement il leur donne ses trois coupes d'argent (5), mais
encore il les choisit, avec le sacriste du Ronceray. pour exécuteurs
de son testament. П veut aussi qu'un repas de 50 sous soit offert
à tous les religieux de l'Hótel-Dieu le jour de son enterrement (6),
el un autre, de 20 sous, sept jours aprés; el de plus il légue à la
fabrique de leur chapelle la somme de 10 livres. Enfin, et ce fut
(1) Volo et precipio duas karitates in villa Andegavis fieri... et quod cuilibet pau-
peri ad. dictas caritates aflluenti una denariata panis erogetur, pro salute anime mee...
*esiduum vero dictorum bonorum meorum... lego pauperibus ville Andegavis, distri-
buendum et erogandum eisdem per exequtores meos.
(2) Sepulturam meam eligo in Domo Elemosinaria Sancti Johannis Andegavis.
(3) In primis, in veritate et sub periculo anime тес, assero et dico, et ad sancta:
Dei evangelia, me nec mea nunquam dedicasse alleni eeclesie, monasterio nec reli-
gioso loco cuicumque:
(4) Fabrice ecclesie Sancte Trinitatis Andegavis |lego] XL solidos monete currentis;
septem curatis dicte eeclesie cuilibet ipsorum Xxx solidos... tam pro jure funeraticio
persone mee quam pro aliis omnibus que a me vel exequtoribus meis possent petere
quoquo modo, alioquin dictum legatum... revoco penitus et annullo.
(5) Priori dicti loci [lego] ciphum meum argenteum cum pede, de duabus marchis,
deauratum ; fratri Michaeli, sacriste dicte Elemosinarie, unum ciphum argenteum mar-
ehalem ; fratri Juliano, fratri dicte Domus, unum ciphum argenti de sex unciis.
(6) т. solidos ad pitanciam in die obitus met, et XX solidos im die septimi mei
45
le plus considérale de tous ses legs, il donne aux prieur et religieux
de l'Hôtel-Dieu toutes ses maisons situées sur le Terlre-Saint-Lau-
rent, en pleine propriélé, à la charge cependant de célébrer dans
leur chapelle trois Messes des Morts par semaine, et un anniversaire
perpéluel pour le salut de son ame.
Il semble résulter de ces dernières dispositions que notre physi-
cien avait des rapports nombreux et suivis avec les frères de l'ordre
de Saint- Auguslin qui gouvernaient alors l'Hótel - Dieu. Comme
voisin, il leur rendait souvent visite; el quand les années, el avec
elles les infirmilés, sont venues frapper à la porte de mailre Richard,
les religieux ne l'auront pas abandonné. Ne peut-on pas croire aussi
qu'il avait acquis dans leur maison la science médicale à laquelle il
devait sa réputalion et sa richesse. En lout cas, il est difficile de
contester qu'il ait exercé la médecine dans la splendide Aumónerie
pour laquelle il a montré une si grande prédileclion. Elle était con-
sacrée alors aux pauvres plutôt qu'aux malades, et ses anciens slatuls
ne contiennent aucune prescription (1) à l'égard du service médical.
Maitre Richard n'aurail-il pas été dès la fin du xu siècle, et jusqu'à
sa mort, médecin en titre de cet établissement, en vertu de la con-
fiance et de la délégalion toutes personnelles du prieur el de ses
religieux ; et la manière dont il les traite dans son testament, n'est-
elle pas un témoignage de sa reconnaissance ?
Quoi qu'il en soit, el surlout parce que l'on connait fort peu de
documents sur les médecins qui, antérieurement au xvr* siècle, ont
ont été en renom dans la ville d'Angers, nous avons cru utile d'ana-
lyser le testament de maitre Richard, et d'y ajouter les renseigne-
ments qui suivent.
Vers la méme époque existait en Anjou un aulre médecin, attaché
à un puissant monastère : maistre Guillaume dou Chasteau, phisicien
l'abbaesse de Fontevrault. Son nom nous a été conserve par un titre
des Archives Déparlementales, daté du mercredi apres la saint-
Martin d'hiver 1301, et par lequel ledit Guillaume achèle, à raison de
3 livres 10 sous, quatre pièces de terre aux environs de Montsoreau.
Enfin dans les Archives Municipales, Comptes de la Cloison d'An-
gers, volume 1, nous voyons qu'il ful payé, un siecle plus tard, pour
une année commençant le 1% juillet 1403, la somme de 100 livres
à maistre Boniface de Saveniéres, maistre en medicine et phisicien dudit
seigneur (le roi de Sicile, duc d'Anjou) retenu de nouvel par ledit seigneur
(1) Ces statuts, écrits en latin et intitulés : [nstitucio Domus Pauperum Andega-
vensium , sont inédits. M. Célestin Port, archiviste de Maine et Loire, les publiera
prochainement
40
à faire résidence en la ville d Angiers, pour lire en la Faculté de Medicine
et veoir et visetrer les malladies des habitants de ladicte ville, aux gages
de 100 livres tournoys par an; ains? que plus à plain est contenu és-
lettres dudit seigneur données à Angiers le 4* jour d'avril 1402.
Un autre paiement, de 40 livres, lui fut fail au méme litre, le
25 novembre 1404.
Ces deux articles des Comptes de la Cloison constatent l'existence
à Angers d'une Faculté de Médecine quatre-vingts ans au moins
avant la rédaction de ses statuts, faite le 15 mars 1484 (1). Ils prou-
vent aussi combien est ancienne l'inslitulion d'un médecin-public
à Angers; mais cette utile inslitulion fut bientôt supprimée pour ne
reparaitre, à diverses reprises, qu'au moment où les maladies épidé-
miques ravageaienl la ville. Depuis la publication (2) des leltres-
patentes du roi René, en vertu desquelles maistre Nicolas Wyart.
docteur en médicine, fut investi, le 5 mars 1473, des fonctions médi-
cales exercées jadis par Boniface de Savenières (mais non de son
enseignement) aux gages de 100 livres, nous avons découvert d'au-
tres lettres du même roi, en faveur de maistre Maurice Le Peletier,
licencié en la Faculté de Médicine. Elles portent la date du 1¢" mars
1450 , et lui allouent 10 livres par trimestre, à la charge de visiter
au moins deux fois par semaine les malades des Aumôneries et
Hôpilaux d'Angers. Toutefois il n'y a pas lieu d'insisler sur cette
dernière nomination, parce que les documents déjà réunis sur Maurice
Le Peletier permettront de lui consacrer un article spécial.
(1) de dois à la bienveillance du docteur Farge la communication de ces Statuts
(2) V. Revue de l'Anjou , année 1853 , page 197,
NOTICE
SUR
UNE CHAUX SULFATÉE
produite par double decomposition
DANS UN FER SULFURÉ DE SAUMUR
(MAINE ET LOIRE).
Un des faits les plus curieux el sans contredit l'un des plus
intéressants que présente l'étude des minéraux, c'est la similitude
à peu près générale des relations géognosiques qui les accom-
pagnent. Ainsi dans l'un comme dans l'autre hémisphère, nous
voyons que c'est toujours aux terrains de cristallisation ou aux
assises des calcaires les plus anciens qu'il faut demander les métaux
en filons; aux terrains plus modernes, et jusque dans ceux d'allu-
vions les plus récentes, ceux en amas, en grains et en dépôts, el
aussi la série nombreuse et variée des formations diverses subor-
données aux assises primitives du globe et dans lesquelles se ren
contrent tant de belles substances qui sont plus particulièrement du
domaine de la minéralogie pure et dont la connaissance ajoute un
si grand charme à l'étude de la géologie.
Cette constance de rapports qui se fait remarquer dans la manière
48
d'être des espèces minérales, simples (1) ou composées, pierreuses (2)
et salines (3) (acides ou alcalines), donne un grand intérêt aux rares
exceplions à celle règle générale, soil que nous en trouvions l'ex-
plicalion, soit que nous ne fassions que constater un de ces faits
mystérieux dont le secrel ne nous est pas donné. Telle est, entre
autres exemples la présence de la strontiane sulfatée cristallisée dans
l'intérieur des blocs de quartz pyromaque du bane de craie de
Meudon, près Paris, qu'on n'explique pas d'une manière satisfaisante
dans ce milieu tout-à-fail insolite où ne se rencontrent aucunes
des relations qui l'accompagnent ordinairement.
Le département de Maine et Loire dont la géognosie offre tant
d'intérêt, mais qui renferme peu d'espéces minérales proprement
dites, nous en fournit une placée dans les mémes conditions anor-
males que celles de la strontiane de Meudon.
C'est l'élude d'une particularité curieuse de ceile intéressante
espèce qui fait le sujet de la présente notice.
On trouve près de Saumur, dans le banc de craie tafeau qui court
parallèlement à la Loire, de pelites masses de fer sulfuré compactes
ou fendillées qui toules tendent à passer par épygénie à létat de
limonile (fer hydroxidé), sous l'apparence de laquelle on les ren-
contre fréquemment. Ce n'est qu'en les brisant qu'on reconnait leur
composilion primitive plus ou moins profondément allérée ou même
complètement anéantie.
En examinant un assez grand nombre de ces nodules de fer, je
remarquai dans leur intérieur des lamelles d'une substance blanche
et nacrée que je reconnus pour du sulfate de chaux. Aucune trace
de ce sulfale ne se rencontrant dans le voisinage, j'en éprouvai
d'abord quelque étonnement, puis je pensai que la présence de ce
sel ne pouvant s'expliquer par aucune infiltration de méme nature,
il était évident qu'il avail dû se produire dans la place méme où il
se manifestait. C'est ce dont je ne tardai pas à me rendre le compte
(1) Le soufre cristallisé, amorphe ou stalaetitique, dans tous les volcans de lan-
cien comme du nouveau monde.
Le diamant de la Sibérie dans les mêmes dépôts de transport que ceux du Brésil
et de l'Inde.
(2) La nombreuse série des espèces silicéo-calcaires, magnésiennes, etc.
(3) La strontiane sulfatée richement cristallisée dans les gîtes à soufre de la
Sicile, de l'Espagne et de l'Islande comme dans ceux de l'Amérique.
L'liydrochlorate d'ammoniaque , l'alun, l'acide borique, ete., sublimés dans les
fissures des bouches ignivémes an pie d'Orizaba et autres, en Amérique, comme au
Stromboli et à па, en Sicile
49
suivant : le soufre de cette pyrile en absorbant l'oxigene provenant
de la décomposition de l'eau qui pénètre le sol, donne naissance à
une certaine quantité d'acide sulfurique qui, se trouvant au mo-
ment de sa formation en contact immédiat avec une solulion de
carbonate calcaire, la décompose énergiquement, molécule à molé-
cule, et concourt ainsi à la formation du nouveau produit ob-
servé (1).
La quantité de ces rognons de fer élant lout-à-fait insignifiante
au point de vue industriel, ils ne sont d'aucun usage pour le pays.
Dans les contrées où cette espèce abonde, à l'aide du grillage et du
martelage on en obtient une fonte d'assez bonne qualité ; à l'état de
limonile elle conslitue l'un de nos minerais de fer les plus précieux
el celui qu'on exploite le plus généralement en France. Quant au
sulfate de chaux qui se produit dans celui qui nous occupe, il est
tout simplement, comme formation, une curiosité minéralogique
qui ne peut répondre au cui bono des ulililaires qu'en venant figurer
dans nos collections, ainsi que le sulfure qui la produit ; encore ce
dernier y est-il poursuivi par la facilité avec laquelle il se décom-
pose à l'air. Seulement alors , l'acide sulfurique qui se produit ne
trouvant plus à sa portée une eau chargée de calcaire à allaquer,
tourne son aclion contre oxide de fer qu'il convertit en sulfate
(couperose verle), genre d’allération dont les résultats, en grand,
sont d'une haute importance pour l'industrie et qui fait, en petit,
le désespoir des collecteurs de minéraux en délruisant souvent des
échantillons auxquels ils attachent du prix.
DE LA GENEVRAYE,
Ancien pharmacien aux ‘Tuileries.
(1) Comme la quantité de sulfate n'est pas en rapport avec celle du sulfure dé-
composé, il est probable que le surplus du soufre qui en provient passe à l'état
d'acide sulfureux qui se volatilise.
UNE EXCURSION BOTANIQUE
AU GRAND SAINT-BERNARD.
Le 2 août dernier, par une belle matinée, nous partions de Mar-
tigny, pour le grand Saint-Bernard, dans ces affreuses voilures,
qu'on appelle en Suisse chars de côté, voitures qui, bien certaine-
ment, ont été faites pour la plus grande incommodité des voya-
geurs.
Nous avons d'abord suivi le cours de la Dranse, et après un voyage
de quatre heures, par une chaleur accablante, après avoir traversé
les petits villages de Saint-Branchier et d'Orsiéres, nous sommes
arrivés à Lidders , lieu de notre première station; c'est la que finit
la route de chars. ,
Lidders est un grand village, sale comme tous les villages du
Valais, où nous n'avons remarqué que quelques enfants malpro-
pres, déguenillés, et quelques goilreux qui nous lendaient la main
avec des yeux hébétés.
Après un repos de quelques heures , nous montons sur nos mu-
lets, et notre petite caravane se remet en roule.
Nous arrivons bientôt à Saint-Pierre-Monljoux.
A partir de ce village, la route qui, jusque-là , a traversé un pays
cultivé, devient triste; les pins et les mélèzes ne se montrent plus
qu'à de rares intervalles; el, encore, leurs têtes dénudées nous in-
diquent clairement que nous touchons à la limite extrême où les
arbres peuvent venir. Les rhododendrons apparaissent, et leurs jo-
lies touffes roses viennent heureusement contraster avec l'aspect
sauvage du pays dans lequel nousentrons.
En effet, de tous côtés s'élèvent de hautes montagnes, qui sem-
blent nous interdire toute marche au-delà, el, au-dessus de toutes ,
91
se dresse le pic neigeux du mont Velan, dont les glaciers descendent
jusque dans la vallée.
Au pied de ces montagnes s'étendent de belles prairies, couvertes
des chalets de l'hospice, et dans lesquelles paissent de nombreux
troupeaux.
Mais bientôt la vallée se resserre, le sol devient stérile , le froid
plus vif, et, aprés une heure de marche dans des sentiers étroits,
rocailleux et, pour la plupart, couverts de neige, nous arrivons
enfin à l'Hospice. Nous sommes à 2734 metres au-dessus du niveau
de la mer.
L'Hospice du Saint-Bernard est un grand bâtiment carré, qui peut
contenir de quatre-vingts à cent lits pour les voyageurs ; on peut
en loger jusqu'à trois cents. et on en a assisté un Jour jusqu'à neuf
cents. Vis-à-vis se trouve un autre bátiment, en cas d'incendie.
A peine élions-nous en vue de l'Hospice , que la cloche se fit en-
tendre; et le frère Clavandier vint au-devant de nous, Il nous offrit
l'hospitalité avec une grande bienveillance , el nous conduisit lui-
méme dans les cellules qu'il nous destinait.
Les cellules sont spacieuses , propres, toutes parquelées ; les lits
sont excellents; en un mot, l'hospitalité du Saint-Bernard ne laisse
rien à désirer.
Quelques instants après notre arrivée, le frère vint nous avertir
que le diner était servi; heureuse nouvelle que nous accueillimes
avec joie, car, depuis Martigny, nous n'avions rien mangé. On nous
avait, il est vrai, servi un diner à Lidders, diner que nous avions
payé fort cher, mais auquel, en revanche , nous n'avions pu goûler
malgré une excellente soupe aux herbetles (sic), que nous recom-
mandait le Vatel de l'endroit , el qui n'était qu'un affeux mélange
de graminées de toutes sortes, cueillies probablement dans la prai-
rie voisine.
Nous descendimes alors dans la salle des voyageurs, ou un feu
excellent était allumé, nous nous en approchames avec plaisir; le
malin, en quittant Martigny, la chaleur nous étouffait.
A mon arrivée à l'Hospice, le frère avait remarqué ma boite de bo-
lanisle. Aussi, tout en servant le diner, et en veillant avec soin à ce
que chacun de nous ne manquat de rien, il me dit qu'il était botaniste;
et il me demanda avec une extrême bienveillance s'il me serait
agréable de faire une course avec lui. Гассеріаі de grand cœur, et
il ful convenu que, le lendemain matin, après les ollices, nous
irions tous les deux herboriser.
Les bolanistes font vite connaissance; aussi, au dessert, le frere
el moi nous étions les meilleurs amis du monde.
52
il était sept heures quand se termina le diner; malgré le froid,
qui devenait de plus en plus vif, je sorlis avec le frère et nous nous
promenâmes jusqu'à la nuit aulour de Hospice.
L’Hospice est bâti sur un plateau, environné de tous côlés de
montagnes, dont les sommets sont couverts de neiges élernelles ;
au pied se trouve un lac, que nous trouvames encore à moilié gelé;
c'est autour de ce lac et sur les rochers qui l'environnent que nous
devions herboriser le lendemain.
En voyant ce trisle pays, j'admirais en moi-méme le sublime
dévoûment de ces quelques religieux, qui, mus par une charité
vive, soutenus par une foi ardente , font le sacrifice de leur vie pour
venir assister les voyageurs pauvres , malheureusement trop nom-
breux qui, tous les ans, se rendent de Suisse en Italie et d'Italie en
Suisse.
Les fréres viennent à dix-huit ans au Saint-Bernard, et trés peu
survivent aux quinze années de leur vœu.
Ce qui nous tue, me disait le bon frère, ce west pas le froid, nous
pourrions nous en garanlir; c'est la recherche des voyageurs dans
la neige. En effet, pendant six mois , l'Hospice est entouré de vingt
pieds de neige. Un frère veille constamment, et aussitót que des
cris de détresse se font entendre, tous les frères, soit le jour, soit
la nuit, sont sur pied; ils descendent dans la neige, et, guidés par
leurs chiens, dont l'ouie est excellente et l'odorat parfait, arrivent
jusqu'au pauvre voyageur, qu'ils trouvent souvent à moilié mort de
faim et de froid ; ils lui donnent les premiers secours , le réchauffent
comme ils peuvent et le chargent sur leurs épaules pour le ramener
à l'Hospice. Souvent le trajel est long, un repos est nécessaire, alors
au milieu de la neige, le visage couvert de sueur, ils s'arrêtent; le
froid les saisit , et de là des maladies cruelles, qui viennent promp-
tement à bout de l'organisation la plus vigoureuse.
Le frère sait qu'en allant au Saint-Bernard , il va à la mort dans
un temps donné ; mais son visage est souriant, son âme est calme;
la foi soutient son courage : admirable effet de notre sainte religion
qui , seule, esl capable de créer de tels dévoüments.
Et cependant, en 1847, lorsque la guerre civile déchirait la Suisse,
ces quelques religieux , perdus au milieu des neiges , dont la seule
mission, sur la terre, est de consoler ceux qui souffrent, furent
considérés comme des conspiraleurs, traités comme tels, et l'Hos-
pice dut nourrir pendant quelques mois tout un régiment qu'on
avait envoyé pour les garder, tant on les croyait dangereux et cou-
pables; bien plus, on voulut s'emparer de ce qu'ils possédaient;
mais, je dois dire, à l'honneur de la France , que sa voix se fil en-
53
tendre , et que, dès-lors , les religieux du Saint-Bernard ne furent
plus tracassós, et la France a eu raison , car le Saint-Bernard appar-
tient à notre histoire. L'Empereur Napoléon I* l'a rendu à jamais
célèbre, et l'Hospice conserve encore , dans sa chapelle, le tombeau
d'un de nos plus illustres guerriers , le général Desaix.
La nuil arrivait à grands pas, je me disposais à rentrer, lorsque
le frère me dit qu'il voulait me montrer ce qu'il appelait les jardins
de Hospice. A ce mot de jardins, j'ouvris de grands yeux, je le re-
gardai fixement, croyant qu'il se moquail de moi; mais lui, sans
se déconcerler, et avec le plus grand sérieux du monde, me fil gra-
vir quelques rochers , dans les infractuosité desquels il me montra
deux ou trois trous remplis de terre végétale, où quelques laitues ,
bien maigres, bien chétives, levaient à peine la léte ; c'est là , me
dit-il, tout notre potager.
Le lendemain matin, après la messe, nous parlimes tous deux ;
je n'avais que deux heures à moi, et ces deux heures furent bien
employées, car le bon frère me conduisait à point nommé dans les
bonnes localités.
Je récoltai donc ainsi, en peu de temps, le Ranunculus glacialis,
qui couvrait de ses jolies fleurs blanches et roses le gazon des ro-
chers , encore humide de la fonte des neiges, les Anemone sulphu-
rea, baldensis et vernalis; le Cherleria sedoides , les Alsine verna ,
cerastiifolia et recurva , les Silene acaulis et exscapa , les Hutchin-
sia alpina et brevicollis , le Braya pinnatifida , le Cardamine resedi-
folia, Y Arabis cerulea, les Saxifraga oppositifolia , Biflora cuneifolia
el androsacea , le Cherophyllum elegans , le Valeriana celtica , V Achil-
lea moschata , le Senecio incanus (ce dernier pas assez avancé), les
Gentiana accaulis , verna et brachyphylla , le Primula auricula , l An-
drosace glacialis dont les jolies touffes roses tapissaient tous les ro-
chers. Je récoltai encore les Pedicularis rostrata , recutita , carnea ,
le Gagea leotardi , les Carex fœtida, approximata , le Festuea hal-
leri , ele.
Notre course se termina trop 101; mes compagnons de voyage
s'impalientaient, et il me fallut, à mon grand regret, quitter le
Saint-Bernard.
- Mais je n'avais pas perdu mon lemps; je comptais un ami de plus,
el j'avais récolté bon nombre d'espèces nouvelles pour mon herbier.
CHARLES TROUILLARD.
Saumur, 3 janvier 1855.
ÉTUDES
ORNITHOLOGIOUES ET OOLOGIQUES,
A Messieurs les Membres de la Société Linnéenne
de Maine et Loire.
Messieurs ,
Dans mes études sur l'ornithologie j'ai souvent été arrêté par
certaines dénominations données aux oiseaux, dénominations qui
me paraissaient plus ou moins bizarres; aussi ai-je pensé qu'un
travail, dont le but tendrait à démontrer que ces noms vulgaires ou
savants sont fondés sur quelques particularités des mœurs ou du
plumage des oiseaux ne serait dénué ni d'intérêt, ni d'utilité. Ces
notes pourront méme contribuer à rendre les éléments de cette
science plus faciles et moins arides en associant à chacun de ces
noms des notions propres à caractériser les oiseaux. C'est donc sous
l'empire de celle pensée que j'ai entrepris ce travail dont je viens
aujourd'hui vous soumettre les premières pages. Toute mon am-
bilion se borne à offrir à la Société linéenne un gage de bon vouloir
el à indiquer une route que d'autres parcourront ensuite avec plus
de succès el de science.
99
Dans l'espoir que ce travail servira de complément à la Faune de
Maine et Loire, je donnerai des nolions sur la couleur, la forme, les
dimensions des œufs de chaque espèce d'oiscaux et sur les circons-
lances qui président à la construction de leurs nids. Je ferai aussi
entrer dans cetle nomenclature quelques faits ou quelques renseigne-
ments nouveaux pour la rendre moins sèche et plus intéressante.
Quant à la classificalion je suivrai celle qui a élé adoptée par
M. Millet, dans sa Faune de Maine et Loire, sans en justifier ou en
altaquer les principes.
[ег ORDRE. — RAPACES.
Le mot générique Rapaces vient du latin rapax qui lui-même
dérive du grec 2;z2£, ravisseur, dont la racine est er», faulx. Cette
dernière dénomination qui indique les habitudes des rapaces dont le
bec moissonne tant de victimes, représente si bien la pensée des
naturalistes, qu'ils l'ont consacrée en donnant à cet ordre tout entier
le nom de Faucon, falco, qui découle de falx , faulx.
Ce premier ordre se partage en Rapaces nocturnes ou OEgoliens et
Rapaces diurnes ou Accipitrins.
[° FAMILLE.
Kapaces nocturnes ou Œgoliens.
Le premier de ces adjeclifs s'explique naturellement par le genre
de vie de ces oiseaux qui chassent pendant la nuit, nox, noctis,
wé, were, d'ou l'adjectif уохтрос qui leur a fait donner encore le nom de
nycterins. Le deuxieme est composé 42:2, are bouc, chèvre el оос
tout, tout chèvre, semblable à la chèvre. Cet adjectif est fondé sur les
rapports que des naturalistes ont trouvés communs aux chèvres el
aux rapaces nocturnes.
Les chouettes et les chèvres ont la voix rauque, brève, désagréable,
leurs yeux sont très larges et placés en avant; ce dernier caractère
est si spécial dans les oiseaux qu'il ne se rencontre que dans les
rapaces nocturnes; eux seuls aussi ont la {êle ronde. Les chouettes
comme les chevres ont la figure encadrée, les unes par des plumes
fines et pressées, les autres par de longs poils qui leur donnent une
physionomie toute parliculiere.
56
Le mot OEgolien peut dériver aussi de 212, ziya chèvre el ou
hurler, crier comme la chèvre.
Les OEgoliens se subdivisent en chouettes et en hiboux ; ceux-ci se
distinguent des premières par des aigrettes qui ne sont pas un simple
ornement, mais un don de la Providence qui sert à affaiblir les
rayons de la lumière en les empêchant de frapper directement les
yeux très sensibles de ces oiseaux. Ces aigrettes leur permettent
ainsi de chasser un peu plus longtemps le soir et le matin et même
quelquefois pendant le jour.
Les chats-huants ou chouettes qui se trouvent en Anjou sont au
nombre de trois. Selon Buffon le mot chouette dériverait de cecua,
oiseau noclurne ; alors la racine pourrait être cecus , ceca, aveugle,
et ne convenir aux choueltes que pendant le jour. Je crois qu'il est
plus naturel de donner au mot chouette la méme étymologie qu'au
mot chat-huant.
CHAT-HUANT. — Strix aluco.
Le nom de chat est fondé sur les habitudes de cel oiseau qui
comme les chats vit de souris et de mulots, voit et chasse dans les
ténèbres, qui comme eux trouble le sommeil de l'homme par des
cris plaintifs. La physionomie de la chouetle a aussi quelques traits
de ressemblance avec celle du chat. L'adjectif huant, du mot huer,
crier, indique une habitude commune à tous les rapaces nocturnes,
moyen puissant que Dieu leur a donné pour réveiller, effrayer et
trouver leur proie, et par là méme la dévorer plus facilement. Le
mot scientifique strix, indique la méme pensée el vient de тр,
crier. Quand les chouettes aperçoivent leur proie, elles poussent
rarement leur cri strident, mais elles fondent à l'improvisle sur
leurs victimes. Les plumes fines, pressées et soyeuses qui défendent
ces oiseaux du froid et de l'humidité des nuils servent aussi à leur
fournir les moyens d'effecluer leur vol sans oceasionner le moindre
bruit.
Hulotte dérive de ululare et a la méme significalion.
L'épithete aluco qui détermine celle chouelle peut venir de , et
uxos loup, qui ne ressemble pas aux loups, par anliphrase, figure
si familière aux Grecs, ou de + el auxca dévorer, d'après la méme
pensée ou enfin de 4 et хох» crépuscule, qui n'aime pas le crépuscule,
qui redoute le lever du soleil. Comme les loups, les chouettes fuient
la lumière, comme eux elles vivent dans les bois et chassent quand
l'homme est endormi, avec celle différence essentielle que la
57
chouette prend les intérêts du villageois, défend sa propriété landis
que le loup l'attaque et l'enléve.
La hulotte pond vers la fin de février ou au commencement de
mars deux œufs arrondis et blancs, de 0" 042 de longueur et
de 0" 036 de diamètre. Elle dépose ses œufs sur la poussière ver-
moulue des arbres dans l'intérieur desquels elle s'est préparé un trou
avec le secours de ses pattes et de son bec. Celte chouette s'arrache
quelquefois les plumes du milieu du ventre pour envelopper ses
œufs, les réchauffer et préparer un nid plus agréable à ses petits.
D'auties fois elle ne prend pas ce soin et choisit un vieux nid de
buse, de corneille, de pie ou d'écureuil, dont les matériaux sont tout
réunis. Cetle.chouelte couve ses œufs toute la journée el une parlie
de la nuit et ne chasse que le malin et le soir.
M. Courtiller conserve dans le Musée de Saumur un nid el un œuf
de hulotte qui datent de plusieurs siècles et présentent une particu-
larilé curieuse. Lors de la construction de l'église de Saint-Pierre de
Saumur, une chouette se réfugie dans un trou de boulin et Та réunit
en cercle quelques brins de paille desséchée sur lesquels elle dépose
un œuf. Les ouvriers en faisant le ravalement fermèrent le trou, et
l'humidité de la pierre et de la chaux nouvellement employée se
déposa en couche légère de salpêtre sur le nid el l'œuf. Les parties
les’ plus déliées s'étant évaporées insensiblement, le nid el l'œuf
conserverent une apparence calcaire qui les fait ressembler un peu
aux objets de la fonlaine Sainl-Alyre, en Auvergne. Ce nid et cet
œuf furent apportés à M. Courliller par les ouvriers qui chargés
récemment des réparalions extérieures de l'église, enlevèrent la
pierre fermant le trou de boulin.
Je soumellrai à votre appréciation une hypothèse au sujet des œufs
de rapaces nocturnes. Ces ceufs sont presque tous déposés dans des
trous d'arbres ou dans la profondeur des vieilles masures. Leur cou-
leur qui est toujours blanche comme celle des ceufs de pies, des
marlins-pécheurs qui nichent de la méme manière, ne serait-elle
pas le résultat de l'attention de la Providence?
Le blanc s'apercoit mieux dans les ténèbres que les autres cou-
leurs et offre ainsi à ces oiseaux un moyen de conserver leurs œufs
en les leur faisant dislinguer dés qu'ils plongent dans leurs trous ou
quand ils les changent de place pour faciliter l'incubatiou.
CHOUETTE CHEVÉCHE. —- Strix passerina.
L'adjectif passerina s'explique naturellement par les habitudes de
ce rapace. La chevéche se rapproche un peu du passereau en ce sens
58
que voyant mieux que ses congénères, elle voltige quelquefois pen-
dant une partie du jour, surlout dans les champs plantés de pom-
miers. Il wen est pas de même du mot chevéche, et jusqu'à ce
moment-ci j'avais cru ne pouvoir l'expliquer qu'en le faisant dériver
du mot chevaucher.
En fauconnerie се terme se dit de l'oiseau s'élevant par secousses
au-dessus du vent. Cette manière de voler étant propre à la chevêche,
rendait l'étymologie plus admissible qu'elle ne le paraissait d'abord.
Mais le mot aree par lequel Aristote distingue la chevêche des
autres chouelles, a reporté ma pensée vers les chèvres, et j'ai
trouvé dès lors le véritable sens de chevêche dans ces mols chèvre
têle; oiseau dont la têle ressemble à celle de la chèvre. Cette expli-
cation est confirmée par le nom que les Latins donnaient à la
chevêche, capriceps, tête de chèvre. Quelques auteurs la nomment
nudipes, aux pieds nus, parce que ses pieds sont moins velus que
ceux des autres chouettes. Ce caractère sert à la distinguer de la
chouette Tengmal, qui destinée à vivre dans les pays très froids, a
les pieds couverts de plumes longues et très pressées. La chevéche
affectionne les vergers et c'est souvent dans le creux des arbres
fruiliers, sur les débris de feuilles sèches, qu'elle pond de trois à
cinq œufs blancs et arrondis; leur longueur varie de 0" 031 à 0" 034,
el leur diamètre de 0" 024 à 0" 026. Quelquefois elle dépose ses œufs
dans un trou de vieux mur.
CHOUETTE EFFRAIE. — Strix flammea.
Celle chouette doit son nom aux idées d'effroi qui s'allachent à sa
présence et se fondent sur ses habitudes. D'abord elle vit plus près
de nous que ses congénères ; elle habite les villes, les châteaux; nous
sommes plus à méme d'entendre ses cris; puis c'est elle qui pen-
dant la nuit aime à accompagner le voyageur dans les chemins
creux et boisés, à le précéder en volligeant d'arbre en arbre et à lui
jeter de distance en distance un cri d'alarme , une espèce de qui-vive
sinistre. C'est elle enfin qui vient se réfugier dans les replis des vieilles
cheminées, et qui surprise par le jour dans sa nouvelle demeure
plonge en culbutant dans le tuyau de ces cheminées et аррагай tout à
coup au milieu du foyer comme un oiseau de mauvais augure. Le
nom scientifique flammea lui a élé donné à cause de la couleur de
ses plumes d'un blanc trés pur et terminées par une pointe d'un
jaune un peu ardent, couleur qui la fail encore apparaitre dans les
nuils sombres comme un météore précurseur de tristes nouvelles.
59
Celte chouetle dont les œufs sont un peu plus allongés que ceux
des précédentes, pond ordinairement dans les excavalions des vieux
murs, des clochers et des châteaux, de trois à cinq œufs, dont la
longueur varie de 0" 035 à 0% 040 et le diamètre de 0" 026 à 0" 030;
sa ponte a lieu vers les premiers jours d’avril ou la fin de mars.
La deuxième section des rapaces nocturnes comprend les chouettes
à aigreties ou hiboux. Cette dernière dénomination me paraît venir
de hiare, crier, qui a formé les vieux mots français, hier, hie, faire
jouer la hie ou demoiselle, et de bos, bœuf, crier comme un bœuf. Le
grec vient encore confirmer cette étymologie par ce vers de Lancelot :
Lug» et бутт» hurler comme un hibou. Le mot choisi par les Latins
pour désigner cet oiseau prouve aussi qu'ils avaient élé déterminés
à le lui donner d'apres son eri; ils l'appelaient. nycticorax, corbeau
de nuit, à cause du croassement désagréable qu'il fait entendre
pendant le sommeil de l'homme.
L'Anjou possède quatre espèces de chouelles à aigrettes.
HIBOU BRACHIOTE. — Strix brachyotos.
Ce hibou sert de trait-d'union entre les chouelles proprement
diles et les chouelles à aigrelles. Son nom est composé de эх:
court et cus, «roc oreille, parce que ses aigrelles sont peu apparentes
et qu'elles ne renferment chacune que deux, trois ou qualre plumes,
landis que celles du grand-duc en comptent dix et celles du moyen-
duc et du scops, six. Le brachiote supporte plus facilement la
lumière que ses congénères, et s'abandonne à des pérégrinalions
régulières; il pond au commencement du printemps de trois à cinq
œufs blancs, un peu oblongs et plus luisants que ceux des chouettes ;
celle dernière manière d'être convient à tous les œufs des différentes
espèces de hibou. Ceux du brachiote ont de 0" 035 à O" 037 de lon-
gueur sur 0" 049 à 0" 051 de diamètre. Ils sont déposés à terre sur
quelque éminence ou dans des marais desséchés au milieu des herbes
louffues ou bien encore sur des pierres ou dans des nids abandonnés
par les pies et les corneilles.
HIBOU GRAND-DUC. — Strix bubo.
Le nom de duc donné aux trois autres chouettes à aigretles est
fondé sur une erreur des Grecs, qui ayantaperçu une fois un moyen-
60
duc perché non loin d'une troupe nombreuse de cailles qui arri-
vaient dans leur pays, pensèrent d'autant plus facilement qu'il
servait de guide à ces oiseaux, que leur imagination très ardente
entrevoyait dans les aigrelles de ce hibou un indice de commande-
ment, une image des panaches qui flottaient sur les casques de
leurs chefs, de leurs ducs.
Les mots grand, moyen et petit, ajoutés à celui de due, sont destinés
à distinguer ces oiseaux d'après leurs dimensions relatives. L'épi-
thèle bubo qui est donnée au grand-duc dérive de bubulo, crier
d'une manière stridenle , оп butio et bos, pousser des vagissements
de laureau.
Le grand-duc apparait très rarement en Anjou el vit ordinaire-
ment sur les sommets boisés des montagnes, là il lutte avec éner-
gie el méme quelquefois avec succès contre les aigles. Jamais il ne
refuse le combat, et des naturalistes consciencieux assurent que
lorsque l'approche de la nuit lui rend toutes ses armes, il soutient
avec persévérance le choc de l'aigle royal, son ennemi acharné.
Plusieurs fois il a entraîné dans sa chute son adversaire qui succom-
bail aux blessures reçues dans le combat. La femelle pond dans le
mois de mars ou d'avril deux œufs blancs et arrondis ou un peu
oblongs dont la longueur varie de 0" 063 à 0" 065 et le diamètre de
0" 050 à 0" 053. Rarement ces œufs ont une leinte légère de roux
qui doil provenir de leur contact avec la poussière humide ou
vermoulue sur laquelle ils sont déposés, dans le creux des arbres ou
des anfractuosilés de rochers escarpés.
HIBOU MOYEN-DUC. — Strix otus.
Les noms de ce rapace découlent des étymologies données précé-
demment. Cet oiseau, assez commun en Anjou, niche ordinairement
dans les nids abandonnés des corneilles, des pies ou des écureuils,
et pond quatre ou cing œufs blancs et un peu oblongs dont la lon-
gueur varie de 0" 036 à 0" 038 et le diamètre de 0" 030 à 0" 032.
HIBOU PETIT-DUC OU SCOPS.
Ce dernier mot me semble composé de zu, ombre et #4, voix , ou
de zas el af, et #7% regard; ces deux explications lui conviennent
également; il voit dans les ténèbres et aime à se cacher sous les feuilles
de noyers et à faire entendre pendant le jour un son très fortement
sifflé. Ce hibou voyage quelquefois par petites bandes en Anjou et sur-
61
tout dans Je Saumurois. Il pond vers la fin d'avril quatre ou cinq œufs
blancs et presque ronds de 0" 028 à 0" 030 de longueur et de 0" 026
à Om 028 de diamètre. Quelques-uns de ces œufs ont une couleur
d'un jaune foncé qu'on doit attribuer à leur séjour dans le creux
humide des vieux arbres auxquels ils sont confiés.
Tous les rapaces nocturnes, dont nous venons d'énumérer les
noms, se réfugient régulièrement pendant le jour dans les trous des
arbres, sous le feuillage épais des foréts ou dans les crevasses des
murs des vieux châteaux. Cetle habitude peut fournir une autre
explication du mot cegolien en le faisant dériver de г; dans el yorey
caverne, qui aime, qui recherche l'obscurité des cavernes. Leur but
est de se soustraire à l'action de la lumière qui fatigue leurs yeux,
pourvus d'une double paupière, et cependant incapables de recevoir
des rayons trop vifs, à cause de l'extréme sensibilité de leur vue que
l'on doit attribuer au grand épanouissement du nerf optique. Aussi
quand, par une cause quelconque, ils sont forcés d'abandonner leur
réduil, d'interrompre ieur sommeil et de s'exposer à l'éclat d'une
lumière vive, ils se livrent alors à une série de grimaces et de poses
bizarres qui les rendent un sujet de risée pour tous les autres oiseaux.
Ceux-ci n'ayant rien à craindre d'un ennemi à moilié endormi et
ébloui par l'excès de la lumière, l'attaquent avec acharnement. Mais
malheur aux assaillants quand le crépuscule arrive avant la fin du
combat, car les rôles changent, et souvent plusieurs des agresseurs
paient de leur vie une attaque dictée par la lâcheté.
L'homme a su profiter de cette particularité pour attirer el prendre
les oiseaux, soit en se servant des chouettes, soit en contrefaisant
leur voix. Les gros oiseaux vienuent plus facilement au cri du moyen-
duc, et les petits à la voix de la hulotte. C'est aussi cette chasse, nom-
mée pipée, qui avait fait appeler chevéche un ancien jeu de carles
dans lequel celui qui faisait la chouette luttait contre plusieurs
adversaires.
Je termine ce travail sur les rapaces nocturnes en joignant ma
voix à celle de tous ceux qui ont étudié les mœurs de ces oiseaux,
pour réclamer contre l'ingralitude des villageois qui poursuivent à
outrance, par Lous les moyens possibles, ces rapaces dont ils devraient
dans l'intérêt de l'agriculture faciliter la propagation.
Ces rapaces sont en effet les vrais amis des cullivaleurs, el pen-
dant que ceux-ci se reposent des fatigues du jour, les chouetles
sortent de leurs retraites pour veiller à la conservalion des semences,
objet de tant de soins el de soucis. Elles parcourrent les champs,
dévorent les souris, les mulots, les taupes, les gros insectes el ne
demandent pour toule récompense qu'un asile dans le trou d'un
62
=
vieil arbre. Là elles se réunissent quelquefois en grand nombre pour
se réchauffer pendant l'hiver, et font entendre des cris sourds et
prolongés qui effraient les habitants de la campagne et constituent
le seul grief qu'on puisse reprocher aux rapaces nocturnes. Les an-
ciens avaient justement apprécié les services rendus par les nyclé-
rins en consacrant la chouette à Minerve, personnification de la
guerre unie à la vigilance et à la sagesse.
DEUXIEME FAMILLE DES RAPACES.
Rapaces diurnes ou Accipitrins.
L'adjeclif diurnes dont la racine est dies, jour, convient parfaite-
ment aux rapaces qui ne fuient pas la lumière pour se livrer à la
chasse; il en est de méme du mot accipitrins dérivé d'accipiter,
oiseau de proie, voleur, qui lui-méme vient d'accipio, recevoir et
prendre.
Le 1*' genre de celle famille comprend les Vautours auxquels
apparliennent les Catharthes.
CATHARTE PERCNOPTERE OU ALIMOCHE. — Cathartes percnopterus.
Un jeune catharte mále a séjourné pendant quelque temps dans
l'arrondissement de Beaupreau et a été tué le 19 octobre 1854. Il fait
parlie du cabinet de M. Guillou de Cholet, où je l'ai vu en sep-
tembre 1855. Un autre catharte est resté deux jours, en janvier 1855,
à róder aulour d'un établissement d'engrais animal, à 2 kilomètres
de Cholet, et a été poursuivi par MM. de Beauvoys, notaire, et Hou-
det, docleur-médecin.
Mais avant d'inscrire le catharte dans la Faune de Maine et Loire,
il me semble nécessaire de développer un principe propre à résoudre
Ja question débaltue depuis quelque temps. Composer la Faune
ornithologique d'un pays, c'est faire le catalogue complet des oiseaux
qui s'y rencontrent, décrire leurs mœurs, les variations qu'ils su-
bissent dans leur plumage et leurs dimensions selon l'áge, le sexe et
la mue. C'est indiquer s'ils sont sédentaires, de passage accidentel
ou régulier. Quand on attribue à chaque oiseau la manière d'être
qui lui convient, on est dans le vrai; l'erreur ne se produit que
lorsque l'auteur établit des nouvelle espèces qui n'existent pas
63
réellement; lorsqu'il donne comme sédentaires des espèces qui ne
sont que de passage ou enfin lorsque, confondant des espèces diffé-
rentes, il constate la présence d'oiseaux qui n'ont jamais visité sa
contrée. Ces principes ont été admis par Linnée, Buffon, Cuvier,
Temminck, Dégland, pour l'ornithologie européenne; ils ont servi à
classer toutes les collections des Musées. N'admeltre, comme appar-
lenant à la Faune de l'Europe, que les oiseaux qui s'y propagent, ce
serait bouleverser tous les Musées et en exclure plus de la moitié des
oiseaux qui les composent maintenant. MM. Crespou, Baillif, Millet et
lous les auteurs ont adopté les mémes principes pour l'ornithologie
particulière; modifier cette marche générale, ce serait supprimer au
moins un des volumes de la Faune de Maine et Loire et rendre
inulile toute espèce de supplément. Je crois donc que dire : qu'un
oiseau a visilé un pays lorqu'il y a été tué dans l'état de liberté, c'est
enregistrer un fail vrai et fournir un renseignement précieux pour
des recherches subséquentes. De nouvelles preuves viennent se
joindre aux faits avancés el fortifier les asserlions précédentes. Ainsi
le marlin-roselin, dont l'apparition était regardée comme un fait
très rare, a élé tué celte année sur plusieurs points de notre départe-
ment el à des époques différentes; en juin 1855, par MM. de Mau-
frière, el en septembre par M. Charles, vétérinaire à Cholet.
J'adniels donc le catharte comme oiseau de passage accidentel. Ce
rapace appartient aux vautours dont le nom latin vultur, désignait,
d’après Sénèque, ceux qui vivaient d'héritages, expression très juste
pour délerminer des oiseaux laches qui se nourrissent de cadavres,
héritage que leur lègue la mort. Leur cou long et dénudé en partie
ou en lotalité, a procuré aux vautours le nom de nudicoles, et leur
permet de plonger plus facilement la tête dans les cadavres pour en
dévorer les intestins. Le nom de catharte de «29:4» , purger, indique
les habitudes de ces oiseaux et les services qu'ils rendent dans les
pays où la chaleur et la malpropreté des habitants s'unissent pour
rendre le «climat peu salubre. Les cathartes sont trés nombreux à
Constantinople et en Égypte où autrefois ils étaient connus sous le
nom de poules de Pharaon et réputés sacrés. Dans ces pays, chaque
jour, les catharles délivrent les villes des immondices qui y séjour-
ueraient longtemps sans leur concours. En Amérique, ils rendent
les mêmes services et sont sous la protection des lois. Pour pouvoir
remplir la mission qui leur a élé confiée, la Providence a doué ces
oiseaux d'un odorat très développé et qui, d'après Duméril et plu-
sieurs aulres naluralisles, leur permet de découvrir les cadavres à
une distance de plus de 50 kilomètres. Quand, pendant l'hiver der-
nier, le froid et les privations moissonnaient les chevaux des alliés
64
en Crimée et menaçaient d'engendrer des maladies pestilentielles ,
les catharles, atlirés par les émanations des cadavres, se réunissaient
par centaines eL s'abattaient lous les soirs sur le camp comme un
nuage épais et ne laissaient le lendemain malin que des os blanchis
el desséchés : Gérard a souvent constaté des faits de cette nature
dans le cours de ses chasses en Algérie. « Lorsque je désire, écrit-il,
conserver comme appât un des bœufs égorgés la veille par le lion,
je le couvre de plusieurs couches épaisses de branches afin de le
dérober le plus possible à la vue et à l'odorat des vaulours et des
calharles; les bœufs qui n'ont pas élé soumis à ces précautions ne
m'offrent le soir qu'un squelette entièrement denudé et fouillé en
quelque sorte avec le scapel. »
L'adjectif percnoptère de «v, noirâtre, moucheté de noir, et de
77:5» aile, indique que les grandes pennes des ailes sont noires tandis
que le plumage général des adultes est d'un blanc jaune, varié de
brun et de roussâtre. Le plumage des jeunes diffère essentiellement
de celui des adultes; il est d'un brun noirâtre strié de taches
roussâlres qui s'harmonisent ensemble sans se confondre. Le plu-
mage de cet oiseau devient de plus en plus blane à mesure qu'il
vieillit. La plupart des naturalistes modernes donnent au catharte le
nom de Néophron, en mémoire des inforlunes du fils de Tymandre,
changé en vaulour par Jupiter. Le mot alimoche, qui servait à le
désigner ordinairement, parait abandonné des savants modernes. De
tous les noms du catharthe, celui d'alimoche est cependant le plus
convenable. Composé de г et хисс, trés affamé , ou de 2, хосс, faim et
‘xa, avoir, il représente trés exactement les habitudes d'un oiseau
qui est assez affamé pour accepter comme nourriture les immondices
et les cadavres en pulréfaction.
Le catharte est le plus pelit et le plus sale de tous les vautours.
Méfiant et rusé, il vit principalement de cadavres et d'immondices et
quelquefois de tétras, de rats et de taupes. Il niche dans des endroits
inaccessibles, pose son aire dans les crevasses des rochers. Celle
aire est formée de petiles branches, garnie de mousse et défendue
sur les bords par des épines. La femelle pond un ou deux œufs dont
la longueur el le diamètre varient beaucoup ainsi que la forme et la
couleur. Ils ont ordinairement 0" 064 de longueur et 0" 052 de dia-
metre. La plupart sont d'un blane sale pointillé de rougeatre ou de
violet pale. Quelquefois les taches forment une couronne ou une ca-
lotte vers le gros bout; d'autres fois le rouge est d'une couleur si pro-
noncée qu'il couvre entièrement la coquille el la fail ressembler aux
œufs de Pâques. Quelques-uns enfin sont moitié rouges et moilié
blancs
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Le deuxième genre des Accipitrins comprend les faucons propre-
ment dits.
L'étude de ces oiseaux présente de graves difficultés, parce qu'il
exisle de grandes variations dans leur plumage ct dans leurs propor-
lions selon l’âge, le sexe et la mue. Ces variations ont trompé beau-
coup de naturalistes qui ont multiplié les espèces avec d'autant plus
de facilité que les faucons , par leur vol hardi et rapide, et l'escarpe-
ment des lieux où ils se réfugient ordinairement, laissent à peine
aux naluralistes le temps d'étudier leurs mœurs. Quelques remarques
préliminaires pourront aider à distinguer et à classer les faucons.
Les jeunes ressemblent presque toujours à la femelle qui est beau-
coup plus grosse que le mále; tous les faucons ont des taches assez
prononcées sur les plumes du ventre; ces taches s'effacent avec l'âge
el disparaissent presque entièrement chez les vieux sujets. Lorsque
les adultes portent les taches dans le sens horizontal les jeunes les
ont dans le sens perpendiculaire. Les jeunes enfin sont toujours plus
fauves que les vieux; c'est celle parlicularité qui a fait donner aux
premiers le nom de faucons sors, saures, vieux mot qui signifie de
couleur jaune. Les faucons sont de tous les rapaces ceux dont le
courage est le plus franc et le plus grand relativement à leurs forces.
Ils fondent presque tous perpendiculairement sur leur proie sans
reculer devant aucun ennemi. Leur courage les avail fait remarquer
des chevaliers du moyen-âge, juges compétents en bravoure et
méme en témérité. Ceux-ci avaient utilisé les instincts des faucons
en les soumellant à une éducalion longue et pénible qui les rendait
aples à une chasse dont le produit revenait à leurs maîtres. L'art
d'élever le faucon prit bientôt de grandes proportions et constilua la
fauconnerie, étude à laquelle se livrèrent les seigneurs et les vilains
pendanl une longue série d'années. L'amour de la fauconnerie
devint si vif que les seigneurs et les rois de France se livrérent à cet
amusement, même en Palestine, pendant les Croisades. Ces expé-
dilions nous rappellent un fait curieux transmis par un historien de
ces lemps de ferveur chevaleresque : « Parmi les faucons du roi de
» France, il s'en trouvait un de couleur blanche et d'une espèce
> rare. Le roi айтай beaucoup cet oiseau et cet oiseau aimait le roi
» de méme. Ce faucon s'étant échappé, alla se percher sur les rem-
> parts de Ptolémais ; toute l'armée chrétienne fut en mouvement
> pour rattraper l'oiseau fugitif. Comme il fut pris раг les musul-
» mans et porté à Saladin, Philippe envoya un ambassadeur au sultan
> pour le racheter, et fit offrir une somme d'or qui eûl suffi à la
> rançon de plusieurs guerriers chréliens. >
Les faucons les plus propres à la chasse sont le gerfault, le pelerin ,
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9
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le hobereau el l'émérillon. Tous ont le bec échancré de chaque côté
n forme de dent, particularité qui leur est d'une grande utilité pour
dépécer leurs victimes el sert en méme temps à les distinguer des
autres oiseaux de proie. Les faucons présentent une singularité qui
n'a pu être expliquée jusqu'à ce moment-ci d'une manière satisfai-
sante et qui se retrouve aussi chez les autres rapaces, mais avec un
caractère moins prononcé. La femelle est beaucoup plus grosse que
le mâle, circonstance qui a fait donner à un certain nombre de ces
accipitrins le nom de Tiercelels, parce que la différence entre le
mâle et la femelle est souvent du tiers de la grosseur totale. Deux
raisons me paraissent justifier celte disposition : La grosseur des
femelles peut-être attribuée au cecum qui est double chez elles el simple
dans les mâles (le coecum est une branche des intestins placée
entre l'intestin grêle et le colon), ou plutôt à l'allention de la Provi-
dence qui a départi plus de forces à la femelle. Elle est presque seule
chargée de pourvoir à la nourriture de ses pelits, el elle ne peut la
leur procurer que par des courses pénibles et des combals incessants.
Celle supériorité de courage et de forces dans la femelle est confir-
mée par l'Histoire de la Fauconnerie. Le mâle étail consacré à prendre
les perdrix, les geais, les merles, les alouettes, et la femelle à la
chasse du lièvre, du milan et méme de la grue.
Cinq de ces faucons habitent ou visitent l'Anjou.
FAUCON-FELERIN. — Falco peregrinus.
Ce bel oiseau, qui chaque année traverse deux fois l'Anjou en
immolant bon nombre de victimes, doit son nom à son amour et à
son besoin des excursions, des pérégrinations: peregrinare, voyager,
qui dérive lui-même de per agros, à travers les champs. Celle dernière
élymologie fait connaitre exaclement la maniere de chasser de ce
faucon qui vole en rasant la surface des champs avec une grande
rapidité pour faire lever et saisir les oiseaux cachés dans l'herbe et
derrière les motles de terre. Cel oiseau pond sur une aire plate
formée de petites branches recouvertes de racines et de mousse, trois
ou cinq œufs un peu arrondis, d'un rouge de brique plus ou moins
vif, sur lequel on apercoit des taches de brun qui forment en quelque
sorte une deuxième couche irrégulière plus foncée que la première.
Ces œufs pourraient êlre confondus avec ceux de la buse bondrée,
mais ils sont généralement plus gros el ont deux caractères com-
muns à tous les faucons. La coquille est plus légère que celle des
autres rapaces, puis elle est blanche à l'intérieur tandis que celle
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des buses est d'un vert plus ou moins foncé. Les œufs du faucon
pèlerin ont ordinairement 0" 054 de longueur et 0" 040 de diamètre.
L'aire de ce rapaee est confiée aux anfracluosités des rochers ou
aux buissons touffus qui se trouvent sur le versant des montagnes
exposées au midi. Le faucon pèlerin, comme lous les oiseaux dont
quelques couples nichent indifféremment dans les forêts ou sur les
montagnes, varie dans le temps de sa ponte. Ceux qui choisissent
les rochers escarpés pour y élever leurs pelils, pondent presque
loujours un mois plus tard que ceux qui nichent dans les foréls. Le
vol du pèlerin est si puissant qu'il visite chaqüe année presque
toutes les contrées de l'Europe. Plusieurs fois, depuis 1850, quelques-
uns de ces rapaces se sont arrêlés sur la tour de la Trinité et sur les
flèches de la Cathédrale pour y séjourner pendant plusieurs jours.
De ces points culminants ils se précipilaient sur les pigeons qui
volligeaient autour des maisons de la ville, les enlevaient avec la
rapidité de l'éclair el les mangeaient après les avoir plumés à loisir,
malgré les cris des curieux témoins de ce spectacle.
FAUCON HOBEREAU. — Falco subbuleo.
L'épithèle donnée à ce rapace peul venir du vieux mol francais
hober, voyager souvent, géner ses voisins, ou de hobe, oiseau de
proie du genre milan, d'où hobereau, petit milan, Ce faucon chasse
souvent et son voisinage est peu agréable à bien des oiseaux. C'est
lui qui avait donné son nom aux pelils scigneurs du moyen-âge,
désignés sous le пот de hobereaux, parce qu'ils étaient les tyrans de
leurs voisins ou de leurs serfs. Quelques auteurs pensent que l'on
avail appelé ainsi les seigneurs qui, n'ayant pas les ressources
nécessaires pour avoir une fauconnerie complète, se bornaient à
élever quelques hobereaux qu'ils porlaient sur le poing. Subbuteo
signifie soubuse, nom donné autrefois à un cerlain nombre de ra-
paces, mal classés, mal déterminés; élail-ce parce que ces oiseaux
sont inférieurs à la buse par les dimensions de leur taille et par la
puissance de leur voix? Quoiqu'il en soit, le hobereau l'emporte sur
la buse par l'énergie et le courage. Ce rapace parait ne pas connaître
el ne pas craindre l'effet des armes à feu. Quand il aperçoit un
chasseur accompagné de son chien, i! le suit ou le précède, saisit Je
gibier que le chien a fait lever soit avant qu'il ait été liré, soit après,
el souvent il presse avec une telle ardeur la proie que le chien a
lancée, que le chasseur abat d'un méme coup de fusil le hobereau
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el sa victime. Ce faucon, que l'on confond quelquefois avec l'éme-
rillon, s'en distingue par des proportions plus fortes, une moustache
plus prononcée, des ailes plus longues et la couleur des plumes du
ventre qui sont blanchâtres chez le hobereau et de couleur fauve
chez l'émerillon. Le hobereau pond dans le mois de mai quatre ou
cinq œufs d'un blanc sale pointillé de rouge et de petites taches
noirâtres ou olivatres qui forment quelquefois une couronne vers le
gros bout. Ces œufs sont un peu plus oblongs que ceux des autres
faucons et ont ordinairement 0" 035 de longueur et O" 027 de dia-
mètre. L'aire de ce rapace est construile comme celle du pèlerin,
mais il la confie à la cime des arbres les plus élevés. Quelques-uns
de ces nids ont été trouvés en Anjou, et J'ai recu cette année des
œufs de hobereau dénichés dans 1а forêt de Brissac.
FAUCON ÉMERILLON. — Falco OEsalon.
Si l’on fait dériver la dénominalion émerillon du verbe émerillon-
ner, qui signifie être gai, vif, éveillé, elle conviendrait parfaitement
au faucon qu'elle désigne et dont le nom savant cesalon a la même
signification el est composé de 2, «, toujours el czar, agiter,
dont Ја racine zz»« , mer, indique d'une manière expressive les mou-
vements incessants el rapides de ce rapace. M. Bouillet, dans son
Dictionnaire des Sciences, dit qu'émerillon vient de la particule e et
du mot merle, parce que ce faucon chasse les merles. Dans cette
hypothèse le mot émerillon conviendrait beaucoup mieux à l'éper-
vier que les gens de la campagne appellent, dans leur langue expres-
sive, fesse-merle. Dans plusieurs ornithologies on le nomme Rochier el
Litofalco, faucon des rochers, parce qu'il aime à construire son aire
dans les fentes des rochers des régions froides el boisées du nord de
la Russie. L'émerillon, par sa légèreté et ses formes gracieuses,
élail recherché des jeunes pages el des dames qui accompagnaient
les seigneurs dans leurs chasses. Ce pelit rapace a un vol trés rapide
et l'on cile un fait remarquable de sa puissance. Un émerillon
appartenant à Henri П, s'emporta aprés une canepetiere dans une
chasse aux environs de Paris, et fut pris le lendemain dans l'ile de
Malte où il ful reconnu à l'anneau royal qu'il portait au tarse. La
femelle de celle espèce n'est guère plus grosse que le mâle; elle pond
vers le mois de mai, dans un nid suspendu à la cime des arbres,
cinq ou six œufs moins gros que ceux du hobereau, plus ronds et
d'un rouge pàle parsemé de taches d'une couleur plus foncée.
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FAUCON A PIEDS ROUGES, KOBEZ. — Falco rufipes.
Ce faucon, un des plus petits et un des plus gracieux du genre,
doit son nom à la couleur des pieds du male. L'adjectif vespertinus,
sous lequel il est classé dans plusieurs musées, peut lui avoir été
donné à cause de la couleur des plumes du mâle qui sont d'un noir
pâle et sombre comme les premières ténèbres de la nuit, ou à cause
de son habitude à rechercher les endroits les plus obscurs des forêts
pour se cacher sous le feuillage et y guelter sa proie. Cet oiseau
niche dans le nord de la Russie, et dépose dans une aire placée à
l'extrémilé des arbres, trois ou cinq œufs un peu plus petits que
ceux de l'émerillon et dont le fond plus blanc est parsemé de petits
points rouges. L'épithéte de kober ou kobez sous laquelle ce rapace
est connu généralement, est le nom populaire qui lui est donné en
Russie où il est très commun. Ce faucon visile très rarement
l'Anjou.
FAUCON CRESSERELLE. — Falco tinnunculus.
Le nom de cresserelle vient de х2, soc, criard , et désigne le
rapace dont Ja voix a quelque chose de strident et de répété, assez
semblable au son de l'instrument qui, dans les communautés, rem-
place les cloches aux jours de deuil. Tinnunculus peut dériver de
"wes, darder, agiter et ow£, angle. Cette étymologie serait alors
fondée sur une habitude particulière à ce faucon qui, pour chasser
sa proie, s'éléve à des hauteurs prodigieuses, se soulient en l'air sans
changer de place, en agitant ses ailes et ses serres avec une trés
grande rapidité jusqu'à ce qu'il ait apereu une viclime. Alors il se
laisse tomber avec la rapidilé de la fleche pour se relever perpendi-
culairement en emportant sa proie dans ses serres. Une autre expli-
calion peut-étre plus naturelle ferait dériver tinnunculus de tenuis,
petit, faible et uncus, crochet, serres, étymologie que confirmeraient
la terminaison ulus, qui indique presque toujours un diminulif, et
la nature de ce faucon qui, sous le double rapport du bec et des
serres, est le moins bien armé de tous les faucons proprement dits.
Ce rapace, autrefois très commun en Anjou, est devenu rare à cause
de la guerre incessante qu'on lui fait. H niche ordinairement dans
les vieilles mâsures, surlout lorsque l'ouverture des crevasses est
70
dérobée aux regards par des festons de lierre; d'autres fois il choisit
quelque vieux nid abandonné par les pies ou les corneilles. Souvent
un couple revient plusieurs années de suile dans le même nid. Les
œufs, au nombre de cinq à sept, sont déposés sur des débris de ra-
cines, de mousse ou de feuilles desséchées, et ont O" 035 de lon-
gueur et 0" 026 de diamétre. Leur couleur d'un rouge plus ou moins
foncé est striée de taches d'un brun rougeâtre. Les œufs des jeunes
femelles sont moins chargés de taches et d'une couleur plus pâle
que ceux des vieilles. La cresserelle vil moins solitaire que ses con-
génères, et il n'est pas rare de voir quatre ou cinq couples composer,
en quelque sorte, une pelite société dont les membres vivent en
bonne intelligence et se soutiennent. mutuellement dans leurs
chasses et à l'approche du danger.
Le troisième genre des Rapaces diurnes comprend les aigles qui
se distinguent des autres oiseaux de proie par leur têle aplalie, le
bec droit dont la mandibule supérieure est plus longue que l'infé-
rieure el trés recourbée à son extrémilé. Les aigles tiennent le pre-
mier rang parmi les Rapaces par leur force musculaire, leur énergie
et la puissance de leurs serres. Ils vivent lous de proie vivante,
dédaignent les insultes des oiseaux plus pelils qu'eux, enlèvent dans
leurs serres les victimes qu'ils ont choisies pour les dépécer sur les
rochers escarpés. Quand leur proie est trop pesante, ils la mangent
sur place en abandonnant les débris aux autres rapaces. Quelquefois
ils l'enlévent dans leurs serres pour la laisser relomber sur les mon-
lagnes, afin de la briser el de l'emporler ensuile avec plus de facililé
el moins de résistance. Leur aire est composée de perches de 1" 50
à 2 metres de longueur, recouvertes de plusieurs couches de racines
ef de mousse grossière. Ces perches sont appuyées par leurs extré-
milés sur les rochers dans un lieu sec et inaccessible. Ce nid n'est
abrité que par lavancement des parlies supérieures du rocher.
Quelques-uns de ces rapaces nichent à la cime des arbres, dans les
buissons touffus suspendus aux flancs escarpés des montagnes ou
enfin au milieu des roseaux des marais impralicables. L'aire des
aigles sert au méme couple pendant un grand nombre d'années.
C'est dans ces nids que les femelles pondent un, deux ou trois œufs,
el une seule fois par an. Cinq, sept et méme dix jours s'écoulent
entre la ponte de chacun de ces œufs. Le plus souvent un seul esl
fécond. La Providence a limité le nombre de ces terribles rapaces
71
daus leur intérêt el dans celui de la propagation des autres oiseaux.
Plus nombreux, les aigles exerceraient trop de ravages et ne pour-
raient se procurer assez de victimes pour leur subsistance. Ordinaire-
ment, quand deux œufs se sont trouvés féconds, on n'apercoit qu'un
seul aiglon vivant, l'autre a été tué par le mâle et est étendu sans
vie sur les bords du nid. Ce n'est pas un molif de cruauté qui a
poussé l'aigle à immoler son petit , mais l'impossibilité dans laquelle
il s'était trouvé de pouvoir suffire à en nourrir plusieurs. Les aiglons
restent en effet dans leur nid jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour
vivre de leur propre chasse, et plusieurs faits arrivés dans les Alpes
el dans les Pyrénées, ont démontré la grande quantité de victimes
que ces jeunes rapaces absorbaient. Des familles entières ont vécu
pendant trois et qualre semaines des plus belles pièces de gibier
qu'un montagnard hardi allait chaque jour, au moyen d'une corde
nouée, chercher dans l'aire de ces infaligables chasseurs. Quand
l'aiglon abandonne son nid, la femelle l'accompagne pendant quelque
temps pour le protéger et bientôt elle rejoint le mâle afin de chasser
avec lui, aprés toulefois avoir éloigné son pelit, méme par la force.
Tous deux ne laissent aucun autre aigle pénétrer dans le canton
qu'ils ont choisi. L'un des deux se tient dans un lieu élevé tandis
que l'autre bat la campagne. Presque toujours dans leurs courses ils
partent et reviennent à la méme heure, parcourent la méme route;
on a pu constater celte habitude dans les deux couples de balbuzards
qui ont séjourné cette année, pendant plusieurs mois, dans l'espace
compris entre Bouchemaine et Ecouflant, qui élait le théâtre de
leur péche abondante. Une vieille femelle appartenant à un de ces
couples, a été tuée par M. Garin. C'est celle habitude qui permet
aux chasseurs de se placer cn embuscade et de les faire tomber sous
leurs balles. Les aigles chassent le plus souvent le malin el le soir,
el se reposent pendant le milieu du jour. Hs s'élèvent à des hauteurs
prodigieuses sans élre génés par les rayons du soleil dont ils dimi-
nuent l'éclat au moyen d'une deuxième paupière transparente qu'ils
abaissent ou relèvent à volonté. C'est celle puissance de vol et celle
faculté de supporter la lumiere qui ont donné lieu à toules les fables
de la mythologie et procuré à ces rapaces l'honneur d'étre consacrés
a Jupiter et de porter ses foudres. L'un deux, le balbuzard , a méme
été appelé Pandion , тг, tout, 4, de Jupiter, orné de lous les dons
de Jupiter; ce nom rappelle aussi les malheurs du roi d'Athènes
dont les filles, Progné et Philomele, furent métamorphosées en hiron-
delle et en rossignol. Les aigles vivent très longtemps et blanchissent
en vieillissant ou méme par les maladies ou par une longue diète,
Six espèces d'aigles se sont montrées en Anjou.
72
AIGLE BONNELLI. — Falco Bonnelli.
Le mot aigle est la traduction du mot latin aquila, qui lui-même
peut êlre considéré comme un adjectif ajouté à avis ou à falco. Dans
celle hypothèse il signifierail, d'après son sens ordinaire, faucon
brun et, selon Robert Étienne, faucon noir mélangé de blanc, défi-
nition la plus exacte qui puisse s'appliquer à tous ces rapaces. L'aigle
Bonnelli porte le nom du savant professeur piémontais. П a élé
décrit pour la première fois par le chevalier de la Marmora. Celui-ci
l'avait tué dans les montagnes de la Sardaigne. Cet accipilrin se dis-
lingue des autres aigles par la couleur des plumes du ventre , d'une
couleur de rouille striée de petites taches noirâtres en forme de
larmes; par la petitesse de son bec, la force de ses serres et enfin la
longueur de son tarse couvert jusqu'aux doigts, d'un poil fin. Le
Bonnelli habite quelques contrées méridionales de l'Europe ; un jeune
mâle de cette espèce a été tué dans la forêt de M. le comte Walsh de
Serrant. Cet aigle suspend son aire aux crevasses des rochers, pond
un ou deux œufs de 0" 068 de longueur et 0" 056 de diamètre; ils
sont ordinairement d'un blanc sale ou d'un brun rougeatre plus ou
moins pâle avec des taches effacées el formant des marbrures ou
une deuxième couche irrégulière et plus foncée. Cel aigle est
appelé souvent fasciata ou à queue barrée, parce que sa queue est
marquée en dessous de neuf à dix bandes transversales.
AIGLE CRIARD. — Falco nevius.
Cel aigle doit son nom vulgaire aux cris plainlifs qu'il pousse
pendant ses chasses et méme quand il est perché. Les épithéles
planga , clanga , constatent la méme habitude. On l'appelle aussi
anataria à cause de sa prédilection pour la chasse aux canards. Les
noms scientifiques nevius, maculatus font allusion à son plumage
d'un brun obscur et marquelé sur les jambes et sous les ailes de
taches blanches. Il a aussi sous la gorge une grande zône blan-
chatre. Cet aigle voyage quelquefois par bandes de quatre a six indi-
vidus. Sa présence a élé constatée plusieurs fois en Anjou, pendant
l'hiver. H suivait les bandes de canards ou d'oies sauvages qui lui
fournissent une copieuse nourriture. Cet aigle pond deux ou trois
œufs qui varient beaucoup quant à la grosseur, la couleur et l'abon-
dance des taches ou des raies. Hs ont le plus souvent 0" 064 de lon-
73
gueur el 0" 046 de diamètre. Quelques-uns sont d'un blanc sale
lacheté de gris, de violet ou de jaune effacé; d'autres ressemblent à
ceux de la buse ordinaire, mais sont plus gros et porlent des taches
plus foncées qui forment une couronne vers le gros bout. La couleur
verdatre de l'intérieur de la coquille, commune aux buses et aux
aigles, ne peut servir à les distinguer.
AIGLE BOTTE. — Falco pennatus.
Cet aigle trés petit el trés gracieux doit ses deux noms à ses tarses
emplumés jusqu'aux doigts. Plusieurs couples ont habité l'Anjou et
niché à la cime des forêts de Baugé et d'Ombrée, prés Combrée. Ce
rapace a souvent élé pris pour la buse pattue, mais en dehors des
signes caractéristiques des aigles, il s'en distingue encore par un
bouquet de plumes blanches à l'insertion des ailes et par la couleur
brune de sa queue ; celle de la buse patlue est blanche. Les œufs de
l'aigle botté ont 0" 056 de longueur et Om 042 de diamètre. Leur
couleur est d'un blanc sale sur lequel se remarquent quelquefois des
laches irrégulières et presque effacées d'un vert ou d'un jaune très
pale. Ils diffèrent de ceux de l'autour et de la buse commune par le
grain de la coquille qui est couverte de pelites aspérilés.
AIGLE PYGARGUE. — Aquila albicilla.
Quelques naturalistes ont voulu séparer les pygargues des aigles
proprement dits, mais leur opinion n'a pas élé adoplée généralement.
Cepeudant les pygargues se distinguent des aigles purs par leurs
jambes nues, leur bec blanc ou jaune et par les lieux qu'ils fré-
quentent ordinairement. lls n'habitent ni les lieux déserls, ni les
hautes montagnes. Le nom de pygargue esl formé de ruy», fesse,
queue el гру», blanche, nom qui lui convient très bien, parce que cet
aigle a les plumes de la queue d'un blanc pur quand il est adulle.
On l'appelle albicilla de album blanc et cilium cil; ses cils sont en effet
d'un blanc trés prononcé, Buffon le nomme aussi Orfraie, ossi fraga.
qui brise les os, pour indiquer la puissance de son bec. Les anciens
le désignaient sous le nom de hinnularia, de hinnulus , faon, parce
qu'ils pensaient que cet aigle était assez fort pour attaquer les jeunes
daims et les jeunes chevreuils. Sur les bords de la mer, le pygargue
se précipile avec une telle rapidilé sur les phoques, qu'il devient la
viclime de sa voracité. Ses serres se trouvent engagées dans la peau
des phoques qui le noient en entrainant au fond de la mer leur ter-
74
rible adversaire. Cet accipitrin parait en Maine et Loire de temps en
temps; il y vil principalement de poissons et de canards. Ses œufs
d'un blanc sale sont quelquefois parsemés de taches de rouille plus
ou moins prononcées ; leur coquille est assez lisse, particularité qui
les distingue de ceux du Jean-le-blanc auxquels ils ressemblent sou-
vent pour la grosseur et même pour la forme, mais qui sont couverts
de peliles aspérités. Ils ont 0" 068 de longueur et 0" 054 de dia-
mètre.
AIGLE BALBUZARD. — Aquila halieta.
Le mot balbuzard est composé des deux mots anglais bald-buzzard,
chauve el buzard, aigle, oiseau de proie chauve. Celle dénominalion
est fondée sur quelques caractères de ce rapace. П a la têle très
aplatie el recouverte de petites plumes effilées et blanchalres à ner-
vures noires et bordées, selon l’âge des sujets, d'un blanc roussatre.
Ces plumes représentent une aigrelle, une pelite perruque blanche
repliée sur un fond noiratre. L'épithèle haliætus de ал, ало, mer, злос,
marin el: aigle, indique les habitudes de cel oiseau qui vit
presque exclusivement de gros poissons qu'il saisit en se précipilant
dans l'eau avec une lelle rapidité que ses serres el la moitié de son
corps y pénètrent ordinairement. Ses pieds couverts de forles
écailles servent à relenir sa proie dans l'eau en l'empéchant de
glisser entre ses serres. Il vit aussi d'oiseaux aquatiques. On l'appelle
quelquefois fluvialis, parce qu'il aime à suivre le cours des fleuves,
dans ses chasses. Les ailes du balbuzard sont très longues cl son vol
très rapide. Il visite assez régulièrement l'Anjou, accompagnant
dans leurs émigralions les oies et les canards sauvages. Il niche dans
les marais impénétrables ou sur les rochers voisins de la mer, ou
enfin à la cime des arbres. Ses œufs ont 0" 056 de longueur el 0" 042 de
diamètre et sont d'un blanc jaunâtre, parsemés de taches rougeatres
dont le centre est plus foncé que les bords, ces taches font quelque-
fois une seconde couche presque compacte; d’autres fois elles sont
rares et se réunissent en couronne vers le gros boul, enfin quelques-
uns de ces œufs ne portent aucune lache et leur coquille semble
veloulée ou couverte d’une couche de lait.
AIGLE JEAN-LE-BLANC. — Aquila brachydactila, gallica.
Ce rapace, ainsi que le précédent, à élé longlemps éloigné du
genre des aigles dont il n'a pas toute la grace el l'énergie. Cependant
75
il en possède les caractères généraux et dès-lors il doit rester daus
celte calégorie afin de ne pas mulliplier les divisions qui ne servent
qu'à entraver l'étude de l'ornithologie. De face il ressemble à l'aigle,
el de cólé à la buse; son cou est très court et sa tête très épaisse. Il
doit son nom vulgaire Jean-le-blanc aux gens de la campagne dont il
visile souvent la basse-cour, et qui l'appelérent Maítre-Jean, parce
qu'il venait exercer sans leur consentement les droits de grand sei-
gneur el choisir à son gré les plus belles pièces parmi leurs volailles.
Puis. comme Mailre-Jean avait le ventre fauve et de couleur blan-
chátre, il fut désigné sous le nom de Jean-le-blanc. Son nom scien-
lifique brachydactylus (Bpaxve, court et 22x«v«, doigt), indique que
ses doigts sont beaucoup plus courts que ceux des autres aigles.
L’épithèle gallica fait connaitre que cet aigle est commun en France.
H vit de volailles, de lézards et de serpents; aussi ses doigts sont-ils
couverts de forles écailles, comme préservalif contre les reptiles
qu'il dévore. Cet aigle dont chaque année quelques couples nichenl
en Anjou, pond un ou deux œufs d'une grosseur presque demesurée,
affectant. ordinairement la forme ronde; ils sont d'un gris blan-
châtre sur lequel se trouvent quelquefois des taches d'un jaune sale
presque effacé. Leur longueur ordinaire est de 0" 068 et leur dia-
mètre 0" 056.
La quatrième division des rapaces diurnes comprend les autours.
Plusieurs naturalistes ne renferment dans ce genre que lautour
proprement dil; quelques-uns Pélendent à l'épervier.
L'autour se distingue des autres rapaces par son bec qui n'est pas
échancré comme celui des faucons, ni crochu comme celui des
aigles; par la longueur de ses larses, la pelilesse de ses ailes qui ne
couvrenl que les deux liers de sa queue, enfin par quelques raies
parallèles dans le sens de la longueur de sa queue. La tele de l'au-
tour est grosse et aplalie en avant. Tous ces caractères conviennent
à l'épervier qui a la queue coupée carrément, tandis que celle de
l'autour est arrondie.
AUTOUR. — As/ur palumbarius.
Le nom d’aulour me рагай attacher à cel oiseau une idée de ruse
qui est confirmée par le mot latin astur, de astus, rusé, dont la racine
prinilive est «sm, ville ; étymologie fondée sur l'opinion des anciens
76
qui pensaient que le séjour des villes était plus éloigné de la simpli-
cité que celui de la campagne. Celle explicalion s'appuie sur le
caractère de l'autour moins courageux, mais aussi adroil que les
faucons. Ce rapace se tient en embuscade sur la lisière des bois ou
sur une motte de terre, le long des haies; c'est de là qu'il poursuit
sa proie par un vol toujours oblique et cependant assez vif. Souvent
il rase la terre, en décrivant des circuits autour des champs dans
lesquels il espère découvrir une proie. Quand il l'apercoit, il l'attaque
rarement de front. L'adjectif palumbarius, de palumbus, ramier, in-
dique le goût de lautour pour les pigeons qu'il parait chasser de
préférence. La beauté de ce rapace l'avait fait rechercher pour la
chasse, mais il ne fut jamais classé dans la catégorie des oiseaux
nobles. Il fut méme généralement délaissé à cause de son caractère
sanguinaire qui le porte à tuer les oiseaux renfermés avec lui.
L'autour est sédentaire en Anjou, il établit son nid dans les forêts à
une hauteur moyenne. Ce nid plat, assez solide, mais peu façonné,
est composé de petites branches, de feuilles desséchées et de mousse.
Il contient ordinairement trois ou quatre œufs d'un blanc pâle et
dune légère teinte bleuâtre; ils peuvent facilement êlre confondus
avec ceux du héron cendré. Ces œufs ont 0" 054 de longueur et
О" 040 de diamètre.
AUTOUR OU FAUCON ÉPERVIER. — Falco sparvarius , nisus.
L'adjeclif épervier dérive du vieux mot sparvarius, qui signifie
oiseau de rapiue, et c'est encore sous ce nom qu'il est désigné dans
un graud nombre de Musées et de catalogues. Son nom scientifique
est fondé sur un fait mythologique. Nisus, roi de Mégare, avait un
cheveu d'or auquel était attachée la conservation de son royaume.
Scylla, sa fille, éprise de Minos, coupa ce cheveu d'or el livra sa
palrie et son père sans défense. Les dieux irrités changèrent Scylla
en alouette et Nisus en épervier. Sous celte forme, le malheureux
pére poursuit sans cesse sa fille pour assouvir sa vengeance.
L'épervier confie à la cime des arbres un nid construit. d'une
manière grossière comme celui de l'autour; assez souvent il pond
dans les nids abandonnés de pie ou de corneille, de cinq à sept œufs
arrondis, longs de 0" 040 et de diamètre de 0" 032. Ils ont le fond
blanchatre ou bleuátre, parsemé de taches d'un rouge noir. Les uns
sont presque entièrement couverts de ces laches, d'autres en ont
très peu, quelques-uns sont d'un Мане pâle et uniforme; enfin on
remarque sur certains de ces œufs des taches très fortes, en forme
77
de couronne, vers le gros bout; chez d'autres ces taches paraissent
semées en zig-zag.
Les milans forment le cinquième genre de l'ordre des Accipitrins.
Ils ont pour signes caractéristiques, un bec très faible, crochu dès la
base, les tarses emplumés au-dessous du genou, les ailes étroites
et très longues, ainsi que la queue qui est fourchue.
MILAN ROYAL. Falco milvus, regalis
Milan est la traduction de milvus, qui signifie oiseau de proie, et
selon Plaute, voleur de bas étage Cette signification convient par-
faitement au milan. Ce rapace est vorace, insatiable, vivant de
tout, dévorant les insectes, les reptiles, les petits mammifères, les
oiseaux sans défense, les animaux et les poissons en putréfaction. Il
se précipite sur lout, vole tout, pourvu qu'il n’y ait pas le moindre
danger à courir. A la vue du plus petit rapace, il abandonne sa proie
et s'éloigne avec la rapidité de la flèche. C'est par cette puissance de
vol et sa vue trés perçante que le milan échappe à ses nombreux
ennemis. Quoiqu'il ne pèse qu'un kilogramme il a plus d'un mètre
cinquante d'envergure. A la crainte du premier danger, il s'élève
bien au-dessus de ses adversaires et, à une hauteur de plus de quatre
kilomètres, il distingue les plus pelits oiseaux et les reptiles cachés
sous l'herbe des prairies. Il tombe sur sa proie avec la rapidité de la
foudre, pour fuir ensuite avec la méme vitesse. Le milan ne chasse
près des fermes que le malin, et dès que le danger peut apparaitre
il s'éloigne pour continuer ses courses loin de la demeure des
hommes. Dans les temps de la fauconnerie il servait aux délasse-
ments de nos rois, et c’est ce privilège qui lui a mérilé le surnom
de royal. Les princes aimaient à assister à des lulles entre les
oiseaux de proie, et le milan élait toujours choisi pour figurer dans
le combat à cause de la beauté de son vol. Ce don que la Providence
lui a départi avec tant de générosité servait à prolonger le combat et
à le rendre plus intéressant; mais le milan succombait toujours sous
les serres du plus pelit faucon et méme de l'épervier. Le milan
royal passe sa vie dans l'air; il semble y glisser en conservant ses
ailes immobiles et en se servant de sa large queue comme d'un gou-
vernail. Ce rapace est sédentaire en Anjou. Il construit son nid à la
cime des arbres. Celle aire est grossièrement faconnée; dans les
78
pays de montagnes, il la confie aux buissons suspendus aux flancs
des rochers. Les œufs, dont le nombre varie de trois à quatre, sont
ordinairement oblongs, d'un blanc sale, et portent à une des extré-
milés une couronne de pelits points noirs, plus ou moins multipliés.
Quelquefois ces œufs ont un côté beaucoup plus pointu que l'autre
et portent des taches noirâtres ou violettes qui ressemblent à des
goutles étendues avec le doigt. Leur longueur moyenne est de
0" 056 et leur diamètre 0" 042. Ils se distinguent de ceux des buses
ordinaires par leurs dimensions régulièrement plus pelites et par la
nature de leurs taches.
á MILAN NOIR, PARASITE. — Falco ater.
Ce milan doit son premier nom à la couleur de ses plumes; le
deuxième, dérivé de «px, proche el тс, blé, qui vit aux dépens des
voisins, esl une dénomination qui pourrait convenir à beaucoup
d'autres. Des études récentes ont démontré que le rapace connu
ordinairement sous le nom de Milan noir ou parasite, constituait
deux espèces distinctes. Le milan noir à le bec noir et la queue peu
fourchue. Le parasite a le bec jaune, sa queue est longue et four-
chue; son doigt externe dépasse de beaucoup le milieu du doigt
` médian ; enfin son plumage est d'une couleur plus claire en dessus
el plus rousse en dessous que celui du milan noir. Aristote appelait
ce dernier Italien, parce qu'il était très commun en Italie. Plus petit
el plus courageux que le milan royal, le milan noir préfère le pois-
son à tout autre nourriture. П détruit beaucoup de serpents et
choisit ordinairement pour lieu de résidence les bois situés prés des
élangs. C'est à la cime de ces bois qu'il construit son nid comme son
congénère. Quelquefois il profile d'une aire abandonnée pour s'y
élablir. Son vol est moins élevé que celui du milan royal. Les œufs,
au nombre de deux ou trois, ont 0" 05 de longueur et 0" 04 de dia-
mètre; quelques-uns sont d'un blanc jaunálre sans aucune tache ;
d'autres d'un blanc bleuâtre avec des taches plus ou moins nom-
breuses, mais cependant toujours plus mullipliées que celles du
milan royal.
Le sixième genre des Accipilrins est consacré aux buses que l'on
reconnait à leur cou très court, leur têle large, leur corps trapu,
leurs larses forts et trés peu allongés. Ces oiseaux ont la vue peu
79
élendue, défaut qui, joint à leur maniére d’être, les a fail regarder
comme peu intelligents el a converti leur nom en une épithèle peu
flalleuse. Les buses ne saisissent presque jamais leur proie à tire
d'ailes; elles se tiennent immobiles sur un sillon ou sur une branche
d'arbre pendant des journées entières, jusqu'à ce qu'elles apercoivent
une proie facile sur laquelle elles se précipitent avec rapidité.
La Faune de Maine et Loire comprend trois espèces de ces rapaces.
BUSE BONDRÉE. — Falco apivorus.
Le nom de buse vient de buteo, butio qui dérive lui-même de тт»,
Gula, Crier el convient à ces accipitrins dont la voix est forte et désa-
gréable. L'épithéte bondrée est fondée sur une habitude propre à
celle buse. Elle saute de branche en branche, de sillon en sillon,
comme les pies, sans se servir de ses ailes, elle piete et court comme
les oiseaux de basse-cour, elle se tient dans le voisinage de l'eau et
poursuit par bonds les repliles ou les insectes qui fuient devant elle.
L'adjeclif apivorus indique que cette buse aime beaucoup les abeilles,
les guépes et les chrysalides qui lui servent à nourrir ses petits. Elle
se distingue de ses congénères par sa téle moins grosse et d'un gris
cendré qui tourne au bleuâtre. La buse bondrée présente de très
belles variétés dont quelques- unes pourraient élre confondues avec
l'aigle boité. Un signe certain auquel on peul toujours la reconnaitre,
c'est le bouquet de petites plumes fines qui remplit, chez cette buse,
l'espace compris entre l'œil et la base du bec, et qui n'existe jamais
chez les aigles, ni chez les autres buses. Elle fait dans les forêts un
nid avec quelques morceaux de bois, recouverls de racines, de
feuilles desséchées ou de mousse grossière. Quelquefois elle pond
dans un vieux nid de corneille ou de pie, trois ou qualre œufs un
peu arrondis, parsemés de taches rouges si mullipliées qu'elles se
fondent ensemble pour représenter une couleur uniforme el pour
voiler entièrement le blanc sale de la coquille sur laquelle elles sont
élendues. Ces œufs ressemblent à ceux que les enfants appellent,
dans nolre pays, œufs de Pâques. 115 ont O" 051 de longueur et
0” 042 de diamètre.
DUSE COMMUNE OU VARIABLE. — Falco ow Buleo variabilis.
Celle buse a donné liea à bien des erreurs dans la classification
des oiseaux, à cause de la particularité à laquelle elle doit son nom.
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Tous les sujets de cette espèce varient de couleur, ils vont du noir
au blanc en présentant toutes les nuances intermédiaires. Des natu-
ralistes qui avaient pris plaisir à réunir des buses en offraient une
collection de 45 à 50, sur lesquelles on n'en trouvait pas deux de
méme couleur et de méme grosseur. On l'appelle commune, parce
qu'elle est bien plus répandue que les deux autres espèces; elle
porte aussi le nom de buse à poitrine barrée à cause des taches
qui semblent former sur sa poitrine des raies assez régulières. La
buse variable niche comme la précédente. Ses œufs, au nombre de:
trois ou quatre, sont oblongs, d'un blanc sale avec des taches d'un
gris brun ou jaunâtre plus ou moins nombreuses vers le gros bout.
Leur longueur est de 0 052 et leur diamètre de 0" 042.
Buse PATUE. — Falco ou Buteo lagopus.
Les deux adjectifs qui désignent cetle buse, indiquent son carac-
lére distinctif; patue et lagopède, à pieds gros, emplumés, velus
comme ceux du lièvre. Ce rapace a les pieds emplumés jusqu'aux
doigts (azyaos, lièvre, et тоос, modos, pieds de lièvre, pieds velus). Il vit
ordinairement dans les forêts du Nord, pond trois ou quatre œufs de
la même grosseur que ceux de la buse coramune, mais dont le fond
est strié de taches d'un brun pâle ou violet semblables à des gouttes
effacées. D'autres sont un peu plus pelits et ne portent pas de taches.
Cette buse esl moins grosse et plus féroce que ses congénères, et n'a
pas leur patience pour attendre sa proie. Les buses qui sont pour-
suivies avec un acharnement incessant par quelques chasseurs, sont
moins nuisibles au gibier qu'on ne le croit ordinairement; elles
rendent un service signalé à l’agricullure en délruisant un grand
nombre de pelils mammifères et de gros insectes qui sont le fléau
des moissons.
BUZARDS.
Les buzards forment le septième et dernier genre des rapaces
diurnes, ils s'éloignent des buses par leurs proportions beaucoup
plus pelites et plus sveltes ; par la longueur de leurs ailes el de leurs
larses entièrement nus, leur tête petite et leur cou assez dégagé.
Leur nom peut dériver du mot anglais buzzard qui désigne un
oiseau de proie, ou élre un diminulif de buse, ou enfin signifier
buse ardente, courageuse. Celle dernière étymologie ferait connaître
81
le caractère de ces accipitrins dont le courage est très grand et l'ar-
deur incessante. Ils ne craignent pas de combattre et méme d'atta-
quer les autres oiseaux de proie. Autant les buses paraissent pesantes
el stupides, aulant les buzards ont de légèreté el de grâce. Leur vol
aulour des buissons et à travers les champs a quelque chose de celui
de l'hiroadelle et de la mouette; dans leurs chasses ils paraissent
preudre plaisir à se balancer en imprimant à leurs ailes un mouve-
ment de bascule presque conlinuel. La Faune de l'Anjou compte
trois buzards.
BUZARD DES MARAIS OU HARPAYE. — Falco rufus ou Circus rufus.
Le premier de ces noms a élé donné à ce buzard à cause des lieux
qu'il affeclionne. Ce rapace chasse sur les bords des étangs, des
marais oü il vit d'oiseaux aquatiques, de grenouilles et de poissons.
L'adjeclif harpaye, du mot harper, арта, ravir, apaayan, croc, instru-
ment qui saisit fortement, qui enlève, peint tres hien l'énergie de
cel oiseau, vrai fléau des foulques et des poules d'eau. Le mol géné-
rique cireus s'applique à tous les buzards et rappelle un caractère
spécial de ces accipitrins, le cercle ou demi-collier de plumes serrées
qu'ils portent tous d'une manière plus ou moins sensible et qui
s'élend du menton aux oreilles. L'épithéle rufus, roux, représente
la couleur des plumes de ce buzard désigné aussi par les adjectifs
suisse el eruginosus , couleur de rouille. Les changements mullipliés
que ce buzard subit dans les nuances de son plumage, selon l’âge et
le sexe des individus, avaient engagé quelques naturalistes à multi-
plier des espèces, abandonnées généralement comme non fondées
sur des caractères posilifs.
Ce rapace fait son nid d'une manière grossière dans les jones des
marais ou sur une pelile éminence voisine de l'eau. Il y pond de
lrois à cing œufs d'un blanc bleuâtre pâle, ordinairement sans
laches; quand elles existent elles semblent formées par une seconde
couche irrégulière plus foncée que Та première. Ces œufs ont 0" 048 à
0% 050 de longueur et O" 036 à 0% 038 de diamètre. Tous ont une
des extrémités plus grosse que l'autre.
BUZARD SAINT-MARTIN. — Falco ou circus cyaneus.
Ge buzard doit son nom à l'époque à laquelle il a élé observé à son
passage en France, en automne, à la Saint-Martin. L'adjectif cyaneus,
6
82
bleu gris, indique la couleur du plumage de cet oiseau. Le Saint-
Marlin est plus petit que le précédent et porte une collerelle formée
de plumes fines, pressées et de couleur d'un gris bleu pâle. Il niche
à terre dans les joncs et les bois marécageux, pond quatre ou cing
œufs semblables à ceux du buzard harpaye, mais un peu plus petits;
ils ont O" 046 de longueur et 0" 036 de diamètre.
BUZARD MONTAGU. — Falco ou circus cineraceus.
Ce buzard porte le nom du savant naturaliste anglais, Montagu,
qui le premier fil connaître d’une manière précise les caractères
établissant une distinction entre le Saint-Martin et celui-ci. L’épi-
thèle cineraceus, cendré, constate la couleur du plumage de cet
accipitrin. Le Montagu est plus petit que les deux précédents, il se
distingue du Saint-Martin par les ailes qui, dans celui-ci, couvrent
la queue, tandis que dans le Montagu elles ne s'étendent qu'aux
deux tiers. Les plumes des flancs et de l'abdomen du Montagu sont
blanchâtres et portent des traits d'un roux de rouille. Ce rapace
niche dans les bois ou les landes et pond quatre ou cinq œufs sem-
blables, mais plus petits et un peu moins allongés que ceux du
Saint-Martin. Ils ont 0" 036 de longueur et 0" 032 de diamètre.
Ainsi les œufs des trois espèces de buzards ne diffèrent que par leur
grosseur qui varie selon les proportions de l'oiseau.
Les vingt-neuf rapaces que je viens d'énumérer, et dont treize
seulement sont sédentaires, forment la quinzième partie des oiseaux
de la Faune de l'Anjou. Cette proporlion est la méme que celle qui
exisle dans l’ornithologie générale. Les carnassiers composent au
contraire le tiers des mammifères. Mais afin de rétablir l'équilibre,
les oiseaux l'emportent de beaucoup en nombre sur les quadrupèdes
dans la chasse sur l'eau. Là on trouve une multitude d'oiseaux qui
suppléent aux quadrupèdes que leur nature lient éloignés des
rivières. Tous les oiseaux de celte dernière catégorie saisissent leurs
nombreuses viclimes avec un bec crochu et quelquefois dentelé.
Ainsi la Providence a tout coordonné de manière à ce que les espèces
pussent se propager sans dépasser de sages limites.
2e ORDRE. — GRIMPEURS.
Les naluralistes ont réuni sous le nom de Grimpeurs, non-seule-
ment les oiseaux dont la vie est consacrée à monter le long des
arbres pour chercher leur nourriture, mais encore ceux qui sont
organisés de manière à pouvoir se cramponner à l'écorce des bois,
le temps suffisant pour y saisir leur proie.
Les grimpeurs se distinguent des autres oiseaux par leurs doigts
dont deux sont placés en avant et deux en arrière ; le quatrième est
versatile.
PREMIERE FAMILLE.
Les Cuculides.
Le nom donné à celte première famille est la traduction de cuculus,
coucou, mot formé dans les trois langues par l'imitation du chant
des oiseaux qui la composent; хох, «v£. cuculus, coucou.
Coucoc GRIS. — Cuculus canorus.
Les coucous appartiennent aux grimpeurs par leurs doigts dont
les deux en avant sont réunis et les deux en arriére séparés. Ils
s'éloignent des pies et du torcol par la langue qui n'est pas exten-
sible.
L’épithéle donnée à ce coucou est fondée sur les nuances de son
plumage, et l'adjeclif canorus sur le cri retentissant qu'il se plait à
répéter dans les bois au commencement du printemps.
Les coucous ainsi que les pics el les oiseaux qui ne se nourrissent
pas des biens de la terre, sont condamnés à vivre solitaires moins
par inclination que par nécessité. Ces oiseaux vivent d'insecles et
surtout de chenilles velues qu'ils saisissent en se cramponnant aux
arbres et méme quelquefois aux pierres recouvertes de mousse ou
de petites plantes rampantes. Ils avalent leur proie avec une grande
voracilé et rejettent après la déglutitioa la peau des chenilles roulée
en pelolles. Les coucous vivent en polygamie. Les mâles sont beau-
84
coup plus nombreux que les femelles. Celles-ci pondent de quatre a
six œufs dans les nids des inseclivores. Quand ces nids sont en rase
campagne comme ceux des pipils, des alouetles, du proyer, cte., et
que la mère se trouve sur ses œufs, la femelle du coucou décrit
plusieurs circonférences à l'exemple des rapaces, finit par effrayer la
couveuse et par l'éloigner pendant quelque temps. Libre alors de ses
mouvements, elle s'établit sur le nid, pond un œuf et s'enfuit après
avoir mangé un de ceux de l'oiseau auquel elle abandonne les soucis
de la maternité. Quand louverture du nid est défendue par des
ronces el que la femelle du coucou ne peut en approcher facilement,
elle pond à terre, saisit l'œuf dans son bec el va le déposer ensuite
dans le berceau qu'elle a choisi. La femelle du coucou ne pond que
dans les nids dont les œufs ne sont pas encore couvés. Est-ce pour
s'assurer de leur élat qu'elle mange un de ces œufs? Est-ce pour
tromper plus facilement la pauvre mère? Cette dernière hypothèse
parait plus admissible que la première. On a constaté en effet que
deux œufs avaient disparu des nids de rouge-gorge, de pipit, de
proyer, etc., dans lesquels la femelle du coucou en avait pondu le
méme nombre. L’ceuf déposé par le coucou est couvé avec soin par
l'oiseau auquel il a été confié. Celhi-ci ignore que son nid renferme
l'ennemi de ses pelils. En effet si l'œuf du coucou éclot le premier,
le реш jette hors du nid les autres œufs; s'il ne voit le jour qu'après
les pelits de la véritable mère, il ne tarde pas à les étouffer par ses
mouvements brusques dans un nid beaucoup trop étroit pour le
contenir. Reslé seul, il devient pour son père et sa mère adoptifs, le
sujet d'un travail incessant à cause de son extrême voracité. Quel-
quefois méme il étouffe dans son large gosier le rouge-gorge qui a
porlé trop imprudemment dans l'intérieur du bec du coucou l'insecte
capturé pour la nourriture de cel ingrat. Devenu un peu grand, le
jeune coucou tombe naturellement du nid; ses parents nourriciers
veillent à ses besoins pendant quelque temps el bienlót il vil de sa
propre chasse en saisissant dans les buissons les insectes el les ver-
misseaux. Plus tard, il mangera des hannelons, puis de jeunes
grenouilles el surtout les œufs ct les pelits nouvellement éclos. Ce
dernier grief explique l'énergie el l'acharnement avec lesquels les
coucous sont repoussés par tous les oiseaux dont ils visitent les cou-
vées. La femelle du coucou met un intervalle de cinq à sept jours
entre la ponte de chacun de ses œufs. Ceux-ci sont très petits par
rapport à la grosseur de l'oiseau. Ils ont de 0" 021 à 0» 023 de lon-
gueur el de 0™ 014 à 0" 016 de diamelre. Ces œufs varient beaucoup
de teinte et de couleur, depuis le blanc verdàtre jusqu'au. bleuâtre
clair; ils sont parsemés de pelils points bruns, noirs, gris, cendrés,
85
violels ou de raies très légères. Quelques- uns ressemblent aux œufs
du bruant-proyer, d'autres à ceux des alouettes cochevis et calandres,
La Providence semble avoir permis cette variété afin que la femelle
du coucou puisse tromper plus facilement les mères auxquelles elle
confie ses œufs, en modifiant leurs couleurs selon les nids dans
lesquels elle les dépose. C'est encore le méme soin de la Providence
qui la dirige dans le choix des nids des inseclivores dont la nourri-
ture est la seule qui convienne au jeune coucou. Cette habitude de
pondre dans les nids étrangers est peut-être fondée sur Vinslinet de
la femelle qui dérobe ses œufs et ses petits à la voracité de leur père.
Les Grecs auraient dà consacrer la femelle à Cybele et le mâle
à Saturne. Quelques naturalistes pensent que cette particularité
repose sur l'incapacité de la femelle à couver ses œufs, à cause de
son extrême maigreur, devenue proverbiale. Celle excessive mai-
greur dépend de la voracité de cet oiseau et du choix de ses ali-
ments très peu nourrissants qui exigent l'absorplion d'une grande
quantité d'insectes et un travail des intestins trés pénible. Ceux-ci
en effet recoivent beaucoup et conservent peu. Enfin le temps mis
entre la ponte de chaque œuf serait un motif très suffisant pour
démontrer que la femelle ne peut couver ses œufs sans s'exposer à
un travail d'incubation et d'éducalion au-dessus de ses forces. Cet
intervalle de temps est peut-être encore le résultat du travail fati-
gant de la digestion.
Coucou ROUX. — Cuculus hepaticus.
Le plumage de cet oiseau est déterminé par les adjeclifs roux et
hepaticus. Celui-ci dérive de «лат», dont la racine est »««;, foie, de
couleur jaune brun. Cette couleur constitue-t-elle une variété, une
espèce? Esl-elle simplement le résultat de la mue?
Ce coucou ne peut être une variété, car une variélé qui se perpé-
tue toujours de la méme maniere avec des leinles si différentes du
type primilif ressemble bien à une espèce. L'opinion de ceux qui
admetlaient que le coucou roux élait le mâle ou la femelle du cou-
cou cendré, n'est pas fondée, car l'expérience a prouvé que des
máles et des femelles se trouvent dans les sujels des deux nuances.
Раі pu constater de nouveau celle vérité, sur un cerlain nombre de
coucous que M. de Baracé avail eu la bienveillance de m'adresser
celle année. Ceux qui pensent que le coucou roux est le coucou gris
dans ses premières années, assuraient que les uiis émigraient vers
le'nord et les autres vers le sud; qu'on ne trouve pas les uns et
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les autres dans la même localité, suivant la règle des oiseaux voya-
geurs dont les jeunes et les vieux visitent rarement ensemble les
mêmes pays. Ce dernier sentiment ne peut plus être soutenu sé-
rieusement. Chaque année, en Anjou et dans tous les pays de l'Eu-
rope, on rencontre les coucous émigrant ensemble avec les deux
plumages trés distincts et à l'état adulte. Malgré ces motifs, Lathée
et M. Millet sont presque les seuls à soutenir que le coucou roux est
une race distincte du coucou gris. Je pense que celte question doit
encore être étudiée et qu'on peut fortifier la dernière opinion en
faisant remarquer que si la différence de plumage est le résultat de
la mue, on devrait trouver des traces du passage d'une couleur à
l'autre; que celle mue ne peut pas s'opérer instantanément, et que
les parlisans de l'opinion contraire devraient montrer des sujets
roux n'ayant pas encore revétu la livrée complète d'adulte. On ne
voit pas ces sujets dans les Musées, ni dans les collections particu-
lières, et cependant ils devraient être très communs à cause du grand
nombre de coucous. Enfin, comment expliquer la grande dispropor-
lion qui existe entre les dimensions des coucous gris el celles des
coucous roux? Surtout lorsque généralement, dans les oiseaux, les
petils atteignent à la fin de l'année la taille des adulles.
DEUXIÈME FAMILLE.
Les Proglosses.
La dénominalion de proglosses, лрг, en avant et улт, langue, in-
dique le caractère spécial de cetle famille dont tous les individus
ont une langue très longue et extensible.
PREMIER GENRE.
Le TORCOL. — Yunx torquilla.
Yunz de wy, vyyx, signifiait chez les Grecs, la bergeronnelle, le
torcol et les sortiléges. Torquilla peut avoir pour racine torques ou
torquis, collier, el yuna torquilla signifierait alors le torcol à col-
lier, dénominalion très exacte, Le nom francais indique les singu-
lières habitudes de cet oiseau qui tourne la tête, le col d'une manière
87
bizarre. Ce grimpeur met sa queue de côté, en éventail, donne à son
corps les ondulalions d'un reptile et paraît éprouver les convulsions
d'un épileplique. Aussi inspire-t-il une telle frayeur à la plupart de
ceux qui le prennent dans des filets, qu'ils préfèrent lui rendre la
liberté que de le saisir. Ces mouvements si extraordinaires, consé-
quence d'un système nerveux très développé, sont attribués à un
sentiment de crainte ou de surprise que ressent le torcol. Ils sont
aussi un moyen dont se sert cet oiseau, d'un naturel très paresseux,
pour éloigner et effrayer ses ennemis. Les anciens le consultaient
dans leurs augures et s'en servaient pour jeter des sorliléges.
Le torcol appartient aux grimpeurs par ses doigts, diffère du cou-
cou par sa langue et des pics par sa queue. Sa langue, qui est exten-
sible et cylindrique, lui sert à saisir les fourmis et les petits insectes.
On le voit souvent cramponné aux branches sèches sur lesquelles il
paraît plutôt se reposer que chercher sa nourriture. H parcourt les
arbres sans grimper à la manière des pics el s'arréle aux cavités
nalurelles pour y plonger sa langue. Le torcol pond dans les trous
des arbres et choisit ceux dont l'ouverture est très étroite. La femelle
dépose de cinq à sept œufs sur la poussière vermoulue dans laquelle
elle a préparé un creux avec le secours de son bec el de ses doigts.
Les œufs sont d'un blanc brillant, caractère qui sert à les distinguer
de ceux de la fauvette rouge-queue auxquels ils ressemblent par la
forme et la grosseur. Ils sont ordinairement arrondis, quelquefois
pointus et ont de 0" 018 à O" 020 de longueur et de O" 013 à
0" 015 de diamètre. Lorsqu'on plonge le bras ou un baton dans le
nid du torcol, la mère, si elle s’y trouve enfermée, pousse immé-
dialement des sifflements si violents qu'on a peine à se défendre
d'un sentiment de crainte. Le plus souvent les dénicheurs s'éloi-
gnent de l'arbre croyant s'étre trompés et lutler contre un essaim
de vipères.
DEUXIÈME GENRE
LES Pics.
Се nom rappelle encore une famille d'oiseaux victimes de l'ingra-
titude des hommes. Les pics ont reçu du ciel une laborieuse mis-
sion. Dieu les a condamnés à ne vivre qu'au prix d'un travail
incessant dont le but est l'avantage réel des propriétaires. 115 doivent
parcourir les bois, les vergers, monter le long des arbres en tous
sens, sonder tous les trous, visiler toutes les fissures, inspecler
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toutes les écorces, les enlever méme si cela est nécessaire pour y
saisir et tuer les insectes et les vers rongeurs. Pour lui faciliter ce
terrible labeur, Dieu a donné au pic deux doigts en avant et
deux en arrière, armés d'ongles très forts et arqués, des pieds
courts et musculaires, un bec carré à sa base, cannelé dans sa lon-
gueur, aplali à la pointe; celui-ci repose sur un cou raccourci,
pourvu de muscles vigoureux et soutenant un cràne trés fortement
conslitué. La langue est trés longue, effilée, arrondie, terminée par
une pointe osseuse el par quelques pelits crochets: elle servira à
percer les insectes et à les retirer ensuite. Deux glandes y déversent
une espèce de liqueur visqueuse sur laquelle les fourmis viendront
s'allacher. Enfin sa queue est formée de dix pennes lronquées,
raides, d'inégale longueur, composant une espèce de miséricorde
sur laquelle le pic s'appuiera et se reposera en gravissant les arbres
el en pereant et fouillant les écorces. Armé de ces dons de la Provi-
dence, le pic visite tous les troncs et les branches des arbres, il
scrute tous les trous, plonge sa langue sous toutes les écorces, sonde
toules les plaies; si l'arbre rend un son qui trahisse la présence d'un
ver rongeur, le pic s'arréte, perce l'arbre et va chercher jusque dans
son repaire l'insecte destracteur. Le médecin qui laboure avec le fer
et le feu les membres de l'homme pour conjurer le développement
du mal, est-il coupable? rend-il un service? La réponse à cette
double question condamnera ou justifiera l'oiseau consacré à Mars.
Les anciens avaient vu dans la vie des pics l'image d'un combat
perpétuel, dans l'énergie des coups de bec de cet oiseau et dans son
adresse à alleindre et à percer ses viclimes, quelque ressemblance
avec la puissance du Dieu des batailles.
Quand les pies sonl soumis au sentiment de la crainte ou de la
colère, ils relèvent les plumes de leur tête. Cette particularité a fail
croire à quelques naturalistes que les pics avaient une huppe.
L'Anjou possède cinq espèces de pics.
Pic-VERT. — „Picus viridis.
Le nom donné au deuxième genre de la famille des Proglosses, en
francais et en latin, est fondé sur l'emploi de leur bec qui leur sert
de pic pour perforer les arbres et trouver leur nourriture. L'adjectif
vert indique la couleur dominante des plumes de la première espèce
de ce genre. Picus nous rappelle aussi des souvenirs mythologiques.
Picus, fils de Saturne, père de Faune et aieul du roi Latium, méprisa
l'amour de la magicienne Circé pour épouser Canente. Circé, vive-
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ment irritée du dédain de ce jeune prince, te changea en pic-vert.
Picus devint un des dieux champêtres el présida aux augures. L'in-
fortunée Canente ful entièrement consumée par le chagrin el il ne
resta d'elle que le souvenir de son malheur. Les anciens aimaient
beaucoup à consulter le vol du pic-vert et ce fut avec plaisir qu'ils
le virent, en grimpant à l'arbre qui protégeait le berceau de Remus
et de Romulus pendant que la louve les allaitail, prédire la grandeur
future des deux fils du dieu auquel il était consacré. Maintenant
encore, les modifications du cri du pic-vert annoncent aux habitants
de la campagne les varialions de la température. C'est pour cette
raison qu'il est appelé le procureur, le pourvoyeur des moulins, le
meunier. Les Anglais le nomment l'oiseau de pluie. Le pic-vert
grimpe le long des arbres en décrivant une suite de spirales. Quand
il ne trouve rien dans ses pénibles investigalions, il descend à
lerre, se couche immobile auprès d'une fourmillière au milieu de
laquelle il plonge sa langue. Il la relire ensuile toutes les fois qu'elle
est chargée de fourmis prises à la glu qui l'humecte sans cesse. Quand
le soleil ne favorise pas celte chasse el que les fourmis sont engour-
dies par le froid, il renverse de fond en comble la fourmilliere et fait
une véritable razzia sur les insectes et sur leurs œufs. Dans les
régions glaciales où les insectes el les vers manquent au pic, pen-
dant l'hiver, cet oiseau réunit des provisions dans le cours de l'été,
et confie au creux des arbres, des graines sèches, des noix, des noi-
settes qu'il relrouvera aux jours de disette. Pour briser les noix, il
les place dans un petit trou où il les maintient avec ses doigts pen-
dant quil les frappe avec son bec. Daus notre département qui
offre au pic-vert des ressources suffisantes, en tout temps, cel oiseau
fait peu ou point de provisions. Quelquefois on aperçoit le pie, après
avoir frappé quelques coups de bec, tourner avec rapidité du cóté
opposé, non pour voir s'il a percé l'arbre, mais pour saisir les in-
sectes que le conlre-conp a chassés de leur retraite H ne fait
celle visite que lorsqu'il a reconnu au son rendu par l'arbre que
celui-ci récèle quelque cavilé. Cet oiseau passe les nuits dans un trou
d'arbre ou de muraille où il se relire chaque soir, de très bonne
heure. On voit à Chaloché, à l'angle du batiment principal de l'ancien
monastère, un trou qui a servi de chambre à coucher au même pic
pendant plusieurs années. Cet oiseau, qui offre dans son plumage
une des plus belles variétés connues, a élé tué par un garde malgré
la défense de M. Gaignard de la Ranloue, et se trouve maintenant
dans le cabinet de M. Raoul de Baracé.
Pour se dérober au plomb des chasseurs, le pic tourne autour de
l'arbre el se tient toujours du cólé opposé à sou adversaire. Si par
90
crainte, ou de lui- méme il se dirige vers d’autres arbres, son vol est
toujours saccadé et accompagné d'un cri plaintif.
Le pie-vert creuse son nid ordinairement dans les troncs des
arbres; rarement dans les branches; dans ce dernier cas, l'ouver-
ture est toujours tournée vers la terre, afin que la pluie n'y puisse
pénétrer et que l'entrée soit plus facilement dérobée aux petits ron-
geurs qui courent sur les branches. Ici se présente naturellement le
grief le plus sérieux que fassent les adversaires des pics en objectant
les ravages que ces oiseaux exercent dans les forêts en préparant un
nid à leurs petits. Ce reproche, quelque grave qu'il paraisse, peut
encore être combattu victoricusement. D'abord, les pics ne sont pas
si nombreux que l'admet l'imagination de quelques bons proprié-
taires. Puis ce nid ne se prépare qu'une fois chaque année et encore
sert-il plusieurs années au méme couple. Enfin, l'arbre choisi par
les pics est toujours rongé inlérieurement par les vers et les insecles.
Quand, au moment de la nidification, le pic a trouvé dans ses
courses un arbre dont la cavilé lui a été révélée par les coups de son
bec, il se met à l'ouvrage et bientôt il parvient à gagner l'intérieur
qui lui offre un asile pour ses pelits el un salaire pour prix de ses
travaux. Son premier soin est de dévorer les vers rongeurs. Quel
est son crime? Celui d'avoir mis à jour un cancer intérieur et d'en
avoir arrété les progrés en délruisant le mal dans son principe. Si
l'arbré n'est pas gâté, le pic abandonne son travail, car autrement
comment parviendrail-il à creuser un nid perpendiculaire avec les
ressources d'un trou qui ne laisse au corps qu'une faible partie de
l'usage de ses mouvements ? Le male se distingue de la femelle par
les taches rouges de ses moustaches. Les œufs du pic-vert sont
oblongs, d'un blanc lustré et le plus souvent piriformes, leur nombre
varie de cinq à sept. Leur longueur moyenne est de 0" 030 et leur
diamelre de 0" 02. La femelle, lorsqu'elle est surprise sur ses œufs,
fait entendre les mêmes sifflements que le torcol.
PIc-CENDRE. — Picus canus.
L'épithete francaise et latine , donnée à ce pic, est fondée sur les
nuances de son plumage. Le pic-cendré est un peu plus pelit que
le pic-vert, sa tête et son cou sont d'un cendré pale. Quelques taches
noires longitudinales accompagnent le rouge cramoisi qui se trouve
sur le sommet de la têle el servent à le distinguer du pic- vert. La
femelle n'a pas de rouge sur l'occiput, et les moustaches du male en
sont aussi dépourvues. Le pic-cendré, rare en Europe, creuse son
91
nid dans les arbres; ses habiludes sont les mêmes que celles du
précédent. Il pond de cinq à sept œufs un peu moins gros que ceux
de son congénère, mais plus allongés en proportion de leur diamètre
qui est de 0™ 016 à 0% 017 ; leur longueur ordinaire est de 0" 028.
Pic-ÉPEICHE. — Picus major, Picus varius major.
La dénomination épeiche est composée de deux mots allemands,
elster et specht, qui signifient pic varié. Le nom latin varius indique
le même sens; major fail connaître les dimensions de cet oiseau
comparé aux deux suivants qui sont aussi des pics variés.
L'épeiche vit comme les pics précédentes, cependant son vol est
plus facile que celui du pic-vert, et il poursuit el saisit au vol les
insectes. Il se tient de préférence dans les vergers; il a l'habitude de
frapper à coups précipités et trés violents l'extrémité des branches
sèches qu'il rencontre dans ses courses. Ce grimpeur, dont le plu-
mage esl composé de noir pro'ond, de blanc pur, de rouge trés vif,
niche dans des trous naturels, ou dans les nids abandonnés du pic-
vert. Rarement l'épeiche creuse un nid, dès-lors il devrail trouver
grâce aux yeux des propriélaires. L'épeiche pond cinq ou six œufs
dont la longueur moyenne est de 0,024 et le diamètre de 0,018. La
forme des œufs de ce pic est la méme que celle des deux précédents,
cependant ils sont généralement un peu plus arrondis. Le mâle seul
a du rouge cramoisi sur occiput. On constate d'une manière régu-
lière deux races dans celle espèce ; l'une est beaucoup plus forle que
l'autre.
Pic MAR. — Picus medius.
Le nom de mar est une abréviation de Mars, auquel le pic élail
consacré comme Ovide l'a consigné dans ses vers. On lui donne
indifféremment l'épithète martius ou medius. Ce dernier adjectif indi-
que qu'il tient le milieu pour les dimensions entre l'épeiche et lé-
peichelte nommée picus minor. Le pic mar ou moyen épeiche est
rare dans tous les pays. Ses couleurs sont moins vives que celles de
l'épeiche. Il visile comme celui-ci les troncs el les branches des arbres
en tous sens, monte et descend en décrivant des spirales. Ce pic
pond de trois à cinq œufs dans un trou naturel ou dans un vieux nid
abandonné par ses congénères, ou dans une branche qu'il a per-
forée. Les œufs ont 0,022 de longueur et 0,016 de diamètre. La fe-
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melle ressemble au mâle, mais les plumes rouges de sa lêle sont
moins développées et d’une couleur moins vive.
Pic ÉPEICHETTE OU PETIT ÉPEICHE. — Picus minor.
Les différents noms donnés à ce pic, sont basés sur sa taille; il est
le plus petit de la famille. L'épeichette vil de vers, de chenilles, d'in-
secles, de pelites baies, et comme il peut trouver beaucoup plus
facilement sa nourriture que les autres pics, on le voit assez souvent
en société. Nouvelle preuve que la solitude à laquelle se condamnent
les grands pies provient de la difficulté qu'ils éprouvent à se procu-
rer une proie suffisante pour vivre. L’épeichelte pond quelquefois
dans un vieux nid de mésange, de silelle ou dans une cavilé natu-
relle, quatre ou cinq œufs semblables à ceux des autres pics. D’autres
fois elle perfore une vieille branche vermoulue pour y déposer ses
œufs. Leur longueur moyenne est de 0,018 et leur diamètre de 0,014.
La femelle n'a pas de rouge sur la tête qui est entièrement noire.
Ici se termine l'ordre des grimpeurs comprenant, pour l'Anjou,
sept espèces qui, toutes, travaillent incessamment à préserver les
arbres des ravages des insectes et des vers rongeurs, el dont deux ,
le pic vert et le pic cendré , perforent les arbres pour chercher leur
nourriture ou préparer leur nid; les autres allaquent quelquefois les
branches vermoulues, mais le plus souvent se servent de vieux nids
abandonnés.
L'ABBÉ VINCELOT ,
chanoine Honoraire, directeur du pensionnat S'-Julien.
NOTES
SUR
LE MAGILE ANTIQUE
MAGILUS ANTIQUUS (Monrrorr).
Messieurs,
Encouragé par l'accueil favorable que vous avez bien voulu accor-
der à la communication que j'ai eu l'honneur de vous faire, il y a
deux mois, au sujet des Pholades comme coquilles perforantes, j'ai
pensé que la vue d'une autre coquille encore peu répandue dans les
colleclions et dont l'existence et les habitudes offrent des particula-
rités assez remarquables, ne serait pas sans intérêt pour plusieurs
d'entre vous et j'ai pris la liberté d'en soumeltre un échantillon à
volre examen.
Cette coquille, Messieurs, est le Magile antique, Magilus antiquus
de Monfort, classé par Cuvier dans la famille des Tubulibranches,
seplième ordre des Gastéropodes. Elle est encore la seule espèce de
ce genre qui soit bien connue.
Les lieux qu'elle adople exclusivement pour résidence sont les
excavalions de ces admirables végélalions sous-marines, de ces
Madrépores, en un mot, qui sont, comme vous le savez, œuvre et
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la demeure d'une quantité innombrable de petits animaux nommés
Polypes.
La coquille, qui n'a jamais plus de trois ou quatre tours de spire,
est héliciforme, d'environ deux centimètres de hauteur et autant de
largeur, quand elle est adulte. Elle est blanche, ventrue, mince dans
le jeune âge, sans aucun prolongement tubiforme, et ne prend de la
consistance qu'avec l'accroissement de l'animal.
Les Magiles passent leur existence tout entière dans les cavités
des Madrépores où le hazard les a placés, et où ils ont, peut-étre,
pris naissance. Mais cette vie serait de bien courte durée et ils
seraient bienlót étouffés par les constructions incessantes nécessi-
tées par la grande multiplication des Polypes, si le Créateur, dont la
sagesse a pourvu à la conservalion de tous les êlres vivants qu'il a
mis dans ce monde, ne leur avait donné des moyens de défendre
cette faible existence. C'est donc pour se soustraire à une mort cer-
laine que les Magiles, avec une matière glutino-calcaire qu'ils tirent
de leur corps, prolongent leur dernier tour de spire en un tube
allongé et irrégulièrement sinueux dont ils maintiennent toujours
l'ouverture par des accroissements successifs au niveau de la surface
des Madrépores el pour recevoirainsi librement les différents aliments
que la mer leur apporte.
Ce singulier tube d'un blanc jaunâtre est épais, conique, com-
primé latéralement, arrondi du cóté de la base, carené en dessus;
l'ouverture est ovale et à bords continus, l'extrémité de la carène
dépassant l'ouverture ou bouche d'environ un centimètre ; la cavité
lisse et unie; la surface extérieure est sillonnée dans le sens de la
longueur des tours et lamelleuse dans le sens contraire, par le rap-
prochement des anneaux d'aecroissements. Le tout est de méme
nature, de méme couleur, de méme consistance et de méme fragi-
lité que le Madrépore dans lequel il est construit; ce qui pourrait
faire croire que les Magiles auraient la faculté de dissoudre les parois
des Madrépores et de s'en servir pour la confeclion de leur tube. Ce
fait n'ayant pu étre observé, je ue le donne que comme une simple
supposition de ma parl. Toujours est-il que, pour ce travail, les
Magiles abandonnent successivement la parlie spirale pour se porter
en avant dans la parlie tubuleuse, remplissant petit à pelit celle
qu'ils laissent derrière eux avec la méme matière qu'ils emploient à
la formalion de leur tube.
Vous auriez sans doule le désir, Messieurs, de connaître cet habile
ouvrier habitant des mers; mais malheureusement mon ignorance:
en anatomie ne me permet pas de vous donner les détails de son
organisalion. Je crois vous dire, néanmoins, que, sous ce rapport, je
95
suis presque à la hauteur de № plupart des savants naturalistes; car
cet animal qui n'était pas connu du temps du célèbre Cuvier, est
encore aujourd'hui trés peu éludié, et c’est pour salisfaire votre
curiosité que j'en expose ici deux exemplaires pris vivants l'année
dernière à l'IHe-Bourbon el conservés dans l'esprit de vin. L'un est
encore dans sa coquille : l'autre, plus facile à observer, dans un frag-
ment du tube de prolongement, porte un pelit opercule corné qui
ne ferme pas hermétiquement l'ouverture. Dans le méme bocal,
vous pouvez voir des œufs dont il s'est débarrassé au moment de
l'immersion dans l'alcool.
Rarement ces mollusques ont été recueillis vivants; sans doute
parce qu'on ne relire pas habituellement les Madrépores du fond des
mers pour les briser immédiatement et y chercher les Magiles
vivants qu'ils peuvent renfermer. Je dois ceux que vous avez devant
les yeux à un capitaine de vaisseau qui croit être le premier à avoir
importé l'année dernière cet animal vivant, en France.
Les Magiles habitent la mer des Indes, sur les côtes de l'Ile-de-
France et de l'He-Bourbon et dans la mer Rouge.
Il me reste maintenant, Messieurs, à vous parler de leur origine,
c'est-à-dire de l'époque à laquelle ils ont été découverts. I! me serait
bien difficile de préciser au juste l'année dans laquelle ces remar-
quables coquilles ont été trouvées, d'autant plus que l'étymologie
du mot Magile étant tout à fait inconnue, il est impossible d'atla-
cher quelque idée à celle dénomination. Cependant, à défaut de
certitude, aprés avoir feuilleté plusieurs ouvrages sur l'histoire
naturelle, je crois pouvoir vous désigner un intervalle de temps très
peu éloigné de celui que nous cherchons.
D'abord, parmi les traités d'histoire naturelle du siècle dernier, il
existe un Dictionnaire universel d'histoire naturelle, par M. Valmont de
Bomare, qui a paru en 1775. Cel ouvrage ne fait nullement mention
des Magiles.
Un Manuel du naturaliste, par M. D****, daté de 1797, n'en parle
pas davantage.
Dans le siècle où nous vivons, en 1816, Georges Cuvier publiait la
première édition de son Règne animal dans lequel il indique en très
peu de mots la coquille des Magiles ; mais non l'animal qu'il dil posili-
vement être inconnu et qu'il croit devoir être rangé près des Vernets.
En 1823, le Dictionnaire des Sciences naturelles, rédigé par plu-
sieurs professeurs du jardin du Roi, au mot Magile, donnait la défi-
nition de celle coquille dont l'animal, disait-il, appartenait proba-
blement à la classe des Chétopodes à tuyaux, établie par Denis de
Monfort.
96
D'Orbigny n'a pas rencontré de Magiles dans l'Amérique méridio-
nale où il a voyagé de 1826 à 1833. Il n'en fait aucune mention dans
les relations qu'il en a publiées de 1835 à 1843, et dit, au contraire,
que la famille des Vermétidées, vermelidæ, parmi lesquelles il aurait
certainement placé les Magiles, ne contenait à celte époque que les
genres Vermetus et Siliquaria qui formaient tous les Gastéropodes
fixes qui, néanmoins, sont pourvus d'une têle munie de tentacules
et d'un opercule corné; mais dont le pied est pour ainsi dire inutile,
puisqu'il n'est pas employé à la locomotion.
Enfin, en 1847, M. J.-C. Chenu, dans ses Lecons élémentaires
d'histoire nalurelle, donne une description détaillée de la coquille
des Magiles et ajoute que l'animal est connu , mais peu étudié.
De tous ces documents, Messieurs, la conclusion est facile à tirer.
En 1797, les Magiles étaient ignorés des naturalistes. Georges Cu-
vier est un des premiers à les avoir fait connaitre, en 1816. C'est
donc dans cet intervalle de 19 ans qu'a dû être faite la découverte
des Magiles; c'est-à-dire, dans les premières années de ce siècle.
Quant à l'animal , il paraitrait qu'il n'a été remarqué que bien des
années aprés, puisque aujourd'hui méme il n'a encore élé qu'à peine
étudié.
Tels sont, Messieurs, les renseignements bien incomplets, sans
doute, que j'ai pu me procurer sur les Magiles. J'espère que de plus
habiles que moi viendront dans quelque temps nous fixer sur des
faits dont je regrette de n'avoir pu vous présenler qu'une bien faible
ébauche.
Lupovic LE Gris.
DESCRIPTION
DE L'AQUARIUM
DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS.
Lorsque l'état de vétusté des vieilles serres, bâties autrefois par
Buffon au Muséum d'histoire naturelle de Paris, a forcé à ne pas les
conserver plus longtemps, on a construit devant les nouvelles
serres courbes une belle el vaste serre, et dans une de ses divisions
on a élabli un aquarium, à l'imitation de ce qui existait déjà de-
puis plusieurs années en Belgique el en Angleterre. On pouvait
ainsi espérer cultiver à Paris, les plantes, nombreuses et intéres-
santes, qui habitent les eaux des contrées équatoriales, et pouvoir
connaitre et étudier les Nymphéacées si curieuses el si rares encore
dans les collections. On désirait élever surtout la Victoria regia, qui
embellit de ses fleurs blanches et pourpres les rivières de l'Amé-
rique méridionale, cette géante de la flore aquatique, qui dans son
pays natal vit et fleurit auprès de la plus petite phanérogame connue,
le Wolffia Brasiliensis Weddel (1).
Malheureusement celle année, on n'a pu installer les plantes
que bien tard (25 juillet) dans leur nouvelle demeure, el par con-
séquent, on n'a pu obtenir encore tous les résullats qu'on est en
(1) M. Н. A. Veddell. Observ. sur une esp. nouv. de Wolfia ( Lemnacées ).
(Апп. des se. natur. Эте série, tome XI, sept. 1849.)
98
droit de désirer. Cependant une riche végélalion déjà remplit le
bassin où nous voyons nager le Pistia Stratiotes, Y Eichornia crassipes,
à cólé de Nympheeas aux corolles blanches comme le lait, teintes
de pourpre, ou colorées d'un azur céleste.
Parmi les espèces à fleurs blanches, nous avons vu fleurir le
Nymphea dentata Thon-et-Schum ; le Nymphæa Ortjiesiano-dentata
Planch. , qui vivent tous deux dans les eaux de l'Afrique occidentale
et qui offrent une telle ressemblance que nous n'avons pu trouver
de caractères vraiment distinctifs ; le Nymphea edulis D C., origi-
naire des Indes orientales , etle Nymphæa thermalis D C., qui croit
en Hongrie, el qui nous paraissent devoir élre réunis, bien que le
premier ait été adressé à M. Van-Houte, comme différent du second,
opinion que ne pourra conserver aucun de ceux qui ont assislé à
leur floraison.
Le Nymphea cerulea Savigny, originaire du Nil, le Nymphea
scutifolia D C., dont la patrie est l'Afrique australe, et le Nymphwa
stellata Willd., qu'on rencontre dans les eaux de l'Asie tropicale,
représentent les espèces à fleurs bleues. A côté d'elles cilons Y Eu-
ryale ferox Lindl., aux feuilles immenses el aux fleurs petites, mais
dont les pétales, si riches de ton, viennent apparaître à la surface
des lacs du Népaul et de l'Inde.
Le Nymphea Ortjiesiano -rubra Planch., hybride probable des
Nymphæa dentata et rubra, a représenté dans l'Aquarium les espèces
à fleurs pourpres.
Parmi les plantes de la même famille qui n'ont pas encore fleuri,
nous citerons en premiere ligne la Victoria regia, les Nymphea rubra
var. Devoniana et Gigantea Hook. (1), ainsi que plusieurs hybrides
déjà oblenues par les horticulteurs.
A cólé de ces plantes , qui allirent immédiatement les US par
l'éclat de leurs fleurs ou les dimensions exagérées de leurs feuilles,
une riche collection de végétaux aqualiques des diverses contrées du
globe, fixera l'attention du botaniste : le Neptunia oleracea ( Desman-
thus natans), qu'on peut nommer à bon droit la sensitive des eaux,
car ses feuilles au moindre choc rapprochent immédiatement leurs
folioles les unes des autres, sans cependant se fermer complétement,
comme le fait la Mimosa pudica ; planle, qui n'est pas moins remar-
quable par la formation aulour de ses liges d'une sorte de liège, que
(1) Le Nymphea gigantea a commencé sa floraison vers les premiers jours de
juin 1856 et est encore en fleurs aujourd'hui (15 octobre 1856). C'est une des
Nymphéacées les plus charmantes par la dimension de ses fleurs et surtout par leur
riche teinte du plus beau bleu cobalt
LE
99
traversent les racines, el qui la rend assez légère pour flotter à la
surface de l'eau. Le Nelumbium speciosum, originaire du Nil, et qu'on
a cru longtemps être le Lotos des Anciens, prospère à cólé d'une
fougère aquatique de la Guyane, le Ceratopteris thalictroides, et de son
congénère le Cyperus Papyrus, dout le nom seul rappelle l'usage
qu'en faisait l'antiquité. Dans le méme bassin on aperçoit les Cyperus
alternifolius et Iria , Y Andropogon citriodorus , VOryza sativa, et une
belle variélé latifolia, V Hydrocleis Humboldti Rich., le Pontederia
cordata, le Thalia dealbata, le Saccharum officinarum , et le Cyperus
Vegetus, qui, originaire de l'Amérique septenlionale, s'est natara-
lisé dans ces dernières années , sur les bords de la Gironde , el que
nous trouvons ici à côlé de la Vallisneria spiralis, dont les touffes
nombreuses entravent par leur profusion la marche des baleaux sur
le canal du Languedoc.
Telle est la Flore, si nous pouvons employer une expression
aussi ambitieuse, de l'aquarium que nous venons aujourd'hui
essayer de vous dépeindre. Mais qu'il nous soit permis, avant de
donner quelques délails que nous pensons intéressants sur quelques
espèces de Nymphæa, qu'il nous soit permis de tracer rapidement la
description du bassin, et des moyens employés pour arriver aux
résullats que nous indiquons.
Le bassin, long d'environ treize mètres sur sept de large, est un
parallélogramme à huit faces inégales, au lieu d’être rond comme
tous ceux établis jusqu'ici en Angleterre ; il est construit en pierre
de taille et ciment romain, et ses bords sont formés de tables d'ar-
doise , réunies ensemble par des pièces de cuivre. Au centre sa pro-
fondeur est d'un mètre, mais sur tout le pourtour règne une galerie
d'environ soixante centimètres de large, et qui ne donne plus qu'une
hauteur de trente cinq centimètres. A la partie moyenne et in-
férieure du bassin, sont six tuyaux de fonte, d'un diamètre de douze
centimètres, el parcourus par une colonne d'eau chaude destinée à
élever la température du milieu où doivent vivre les plantes (1). L'eau,
apres avoir donné le degré convenable au bassin relombe dans la
chaudière, où elle est de nouveau chauffée el renvoyée dans les
tuyaux. On doit maintenir l'eau de l'aquarium à une température
constante de + 25° à + 26°, bien qu'on ait prétendu qu'il était né-
cessaire, pour avoir des résultats avantageux, de ne pas descendre
au-dessous de + 28° à + 30°. L'expérience nous a démontré qu'une
telle température n'était indiquée, que lorsqu'il se formait une
(1) On fait usage du système de chauflage Burbidge and Healy, à chaudière
conique.
100 x
quantilé considérable de conferves dans le bassin, parce que l'éléva-
lion de température empêche la production trop abondante de ces
végélaux, terreur de l'horliculteur : on peut du reste obvier à cette
végélalion luxurianle, en mellant dans l'aquarium un certain
nombre de cyprins dorés, qui conlrebalancent l'action des plantes
sur l'eau d'une part, et qui en outre détruisent une grande quantité
de ces conferves. En général, il arrive que ces cryptogames, lors-
qu'on maintient la température de l'eau entre 4- 25? et + 26, com-
mencent à se former, mais ne prennent pas de développement,
surlout si on a soin de proporlionner le nombre des poissons à celui
des végélaux et à l'élendue du bassin. Il faut avoir soin de maintenir
un courant d'eau continu, pour empêcher toute altération , mais il
n'est pas nécessaire qu'il soit rapide. Au Muséum on fait usage d'un
mélange d'eau de Seine et du canal de l'Oureq, bien qu'on ait
recommandé l'emploi exclusif de l'eau de pluie ; pour faire arriver
celle eau dans l'aquarium, on élait obligé de pomper au moyen d'ap-
pareils assez incommodes; aussi essaya t-on de mêler à l’eau pluviale
primilivement employée, d'abord une faible quantité d'eau de Seine,
puis une quantité plus considérable et peu à peu on est arrivé à
remplacer complétement l'eau de pluie, comme nous l'avons indi-
qué, car on s’est aperçu que cela n'avait aucune influence sur les
plantes ni sur leur végélation.
On avait d'abord pris des terres provenant des îlots de la Seine,
pensant, qu'étant bien lavées, elles seraient moins susceptibles de
se corrompre dans le bassin ; mais elles étaient beaucoup trop com-
pactes pour la Victoria el pour l'Euryale : alors on a employé de la terre
normale de Massy (environs de Paris), et on en a reconnu l'avantage:
celle terre, très sableuse et très légère, mélangée à une cerlaine
quantité de charbon de bois pour l'assainir, a été déposée au fond
de l'aquarium ; puis on a mis dessus quelques barres de terre franche,
mélangées de silex volumineux, el on a couronné le tout de terre
de bruyère, pour favoriser la pousse de la jeune plante. On a observé
que les jeunes pieds devaient être plantés au sommet de monli-
cules, de telle sorle qu'ils fussent recouverts par neuf centimetres
d'eau seulement.
Notons que la température de l'air de la serre, doit ètre maintenue
entre + 20° et 25°, el que le système employé permet de chauffer
à volonté la serre ou le bassin, ou les deux en méme temps.
La Victoria regia Lindley, originaire de l'Amerique méridionale, et
qui par sa magnificence précipita à genoux Haenke, le contraignant
à exprimer son enthousiasme scientifique et religieux par des excla-
malions passionnées et des élans d'adoralion vers le Créateur , n'a
101
été plantée que vers le 25 juillet, et cependant déjà elle se fait
remarquer par la vigueur de sa végélalion. Ses feuilles ne présen-
lent aujourd'hui (25 octobre) pas moins de un mètre quinze ; leur
surface presque unie, ou seulement avec quelques légers mamelons
arrondis intermédiaires aux nervures, est d'un beau vert éclatant,
nuancé de teintes plus claires, disposées suivant le trajel des ner-
vures. Au deux extrémilés de la nervure médiane, leur périphérie
porte une échancrure, manifeste toujours, mais surtout dans le
jeune âge. La page inférieure, rouge violàtre, est épineuse, à épi-
nes fortes et droites; elle est parcourue par des nervures, rouge vif,
s'anastomosant entre elles pour former des quadrilaléres presque
réguliers et qui font une saillie considérable sous le limbe. Lors-
qu'elles sont encore jeunes, lorsqu'elles ne font que commencer à
se développer, les feuilles sont très crispées et présentent à l'inté-
rieur leur face inférieure, de couleur brunátre. Elles sortent de l'eau
sous forme d'une masse épineuse, qui bientôt s'ouvre el prend
l'apparence d'un de ces sacs, qu'autrefois les femmes portaient sous
le nom de ridicule; puis elles s'étalent davantage pour prendre la
forme d'une coupe, et en méme temps la teinte brunátre de leur
face iuférieure tend à disparaître : la coupe, s'évasant de plus en
plus, prend la forme d'une de ces assieltes à bord brusquement re-
levé, comme on en voit encore dans les campagnes ; puis les bords
eux-mémes se recourbent en dehors et finissent par n'étre plus qu'à
peine sensibles. Il ne faut pas plus de sept à huit jours à une feuille
pour acquérir un mètre dix de diamètre. Les pélioles d'un brun
rougeâtre, armés d'épines nombreuses droites et très fortes, longs
de deux à trois mètres, parlent du milieu de belles bractées roses,
en général au nombre de quatre, et destinés à protéger les jeunes
feuilles. Les pétioles de la Victoria et de l'Euryale, d'abord assez
longs seulement pour porter la jeune feuille à la surface de l'eau et
un peu au-dessus, ne prennent d’accroissement considérable que
quand celle-ci est déjà développée, vers le troisième ou quatrième
jour en général, et ce phénomène coincide avec l'apparition d'une
nouvelle jeune feuille au dehors des bractées. Les dimensions que
peuvent prendre les feuilles de la Victoria sont colossales : un de
nous celle année, en a vu au jardin de Kiew el dans l'établissement
de Veitch à Chelsea, qui arrivaient à deux mètres dix de diamètre.
Et ces dimensions ne sont rien encore auprès de ce qui se présente
dans les eaux de sa patrie, puisqu'en 1845 Bridge eu trouva, dans
un lac du Yacouma prés de Santa-Anna, qui avaient de trois à
quatre metres, et dont le développement était tel qu'il ne pul en
charger que deux à la fois dans son canot.
102
La Victoria n'a pas encore fleuri au Muséum, et ne fleurira peut-
élre pas cette année (4), parce que les Nymphéacées ont une certaine
saison pour effectuer leur végétalion, du mois d'avril à la fin de
juillet, époque qui a été passée de beaucoup (cependant la floraison
de la Victoria en novembre 1849 dans les serres de Chatsworth nous
permet d'espérer encore.) L'influence de l'époque est telle que la
plante donnera des fleurs, méme si elle s'est trouvée dans des condi-
lions défavorables à sa végélalion, qui l'ont empéchée de prendre
tout son développement (2); c'est ainsi que M. Weddell a pu recueillir
et sécher pour son herbier un pied de Victoria regia , qui est contenu
lout entier, tige, feuilles et fleur dans une feuille de papier
(M. Houlet).
Les fleurs très odorantes ont un parfum qui rappelle la Tubéreuse;
leur épanouissement ne s'effectue que la nuit, pour durer jusqu'à
dix ou onze heures du matin : chacune d'elles s'épanouit trois fois,
puis s'enfonce sous l'eau pour murir son fruit, comme le font toutes
les Nymphéacées. Au premier épanouissement les élamines sont
cachées par plusieurs rangs de pétales , et ce n'est que le second soir
que l'on peut apercevoir leurs filets pourpres qui supportent des
anthères jaunâlres réunies par un conneclif du plus riche carmin.
Les pélales, d'un blane de lait à l'extérieur, sont colorées du plus
beau pourpre dans les rangs intérieurs et offrent toutes les nuances
intermédiaires. Les sépales, soudés à leur base en un tube épineux,
ont leur limbe blanc à l'intérieur et d'un rouge carmin très foncé à
l'extérieur. Le fruit, gros comme la lêle d'un enfant, müril sous
l'eau ses graines féeulentes.
A Riew et à Chelsea, nous avons vu des fleurs qui n'avaient pas
moins de trente à quarante centimètres, et depuis plusieurs années
(1) La Victoria a fleuri, comme nous l'avions espéré, dans le mois de novembre
1854; l'an dernier elle nous a donné ses fleurs en juin et juillet. Depuis l'envoi de
cette note à la Société Linnéenne , nous avons reconnu qu'on peut faire vivre la
Vietoria pendant plusieurs aunées successives, sans qu'elle perde de sa végétation
luxuriante : mais, pour obtenir ce résultat, il est nécessaire , tous les six mois, de
buter (sil est permis d'employer cette expression) les pieds comme on le fait pour
les pommes de terre. On favorise ainsi le développement de racines adventives qui
resteraient latentes. — (Note ajoutée en 1856).
(2) Un auteur a indiqué que la Victoria et en général toutes les Nymphéacées
paraissent suivre dans leur accroissement l'élévation du soleil sur l'horizon , et qu'une
fois que l'époque de végétation est passée , il est impossible avec les moyens artifi-
cicls, qui sont au pouvoir des jardimers, d'agir sur leur développement, c'est-à-dire
de le hàter ou de le retarder.
103
déjà nous avons pu examiner un modèle admirable en cire, qui fut
envoyé d'Angleterre au Banks Francais, à M. Benjamin Delessert.
Heureusement tout nous fait espérer que nous pourrons dans un
avenir prochain admirer celle reine des eaux dans l'aquarium du
Muséum, ainsi que dans un cerlain nombre de serres dirigées par
des horticulteurs passionnés. Ха t-on pas vu déjà, en Belgique, un
amateur utiliser l'eau chaude d'une usine pour cultiver la Victoria, et
obtenir ainsi de beaux résullals. Il nous a été du moins donné de voir
fleurir cette année l’Euryale ferox Roxburg, dont les feuilles, au moins
aussi développées que celles de la Victoria regia , ont alteint dans
l'aquarium, un mètre dix environ de diamètre; el nous avons tout
lieu de penser que, si elles n'ont pas pris de dimensions plus con-
sidérables, c'est que leur saison de végélation est de beaucoup
dépassée. En effet, nous ne voyons plus guere à présent les feuilles
acquérir au delà de quarante à cinquante cenlimètres, comme si la
plante épuisée n'avait plus la force de fournir à une telle expansion.
Trèsépineusessurleurs deux faces, mais surtout àl'inférieure, à épines
nombreuses, jaune rougealre , recourbées en hameçon , fortes mais
cependant moins que dans la Victoria, les feuilles оп! la page
inférieure immédiatement appliquée sur l'eau et teinte d'une couleur
violette bien marquée : elle est parcourue par des nervures jaunes
verdâtres, anaslomosées entre elles, el pouvant faire une saillie
d'environ trois centimètres. Le parenchyme offre des inégalités, in-
lermédiaires aux nervures, inégalités qui se faisant sentir sur la face
supérieure des feuilles, leur donne l'aspect de ces carles, ou les
montagnes sont figurées en relief et les vallées par des dépressions.
Le développement des feuilles s'effectue de la méme manière que
pour la Victoria; d'abord trés foncées et crispées, elles s'étalent rapi-
dement à la surface de l'eau, mais sans jamais montrer de rebord.
A l'une des extrémités de la nervure médiane est une échancrure,
à l'autre une pointe petite, ce qui donne aux feuilles l'aspect d'un
cœur : celle disposilion, et la teinte verte foncée presque noiratre de
leur limbe distingue l Euryale immédiatement de la Victoria, dont
les feuilles n'offrent jamais qu'une surface lisse el sans inégalités.
Les fleurs trés petites, deux à trois centimètres seulement de
diamètre, ne s'épanouissent qu'une seule fois et pendant le jour. Du
milieu de leurs sépales très épineux, qui leur donnent l'aspect de
petits arlichauls brunâtres, sortent des pélales d'une coloration bleue
violelte inlense. Les graines, vert-brunes, rappellent par leur forme
et leurs dimensions trés minimes celles du Stramonium, et sont ren-
fermées dans un fruit extrémement épineux, à épines plus longues
que sur tous les autres organes, et qui ne laissent aucun doule sur
10%
la cause qui fil imposer à notre plante par les botanistes le nom
d'Euryale féroce, Euryale ferox.
Porlées sur un péliole qui peat acquérir jusqu'à deux mètres de
longueur, les feuilles du Nymphæa dentata Thon. et Schum, se rap-
prochent beaucoup de celles de nos espèces indigènes, mais leur
bord a des dentelures assez prononcées, et si leur page supérieure
est verl clair, les nervures trés marquées et la teinte verte violacée
de la face inférieure tendrait plutót à les réunir aux Victoria et
aux Euryale : elles n'offrent pas plus de vingt-cinq ceatimètres de
diamètre. Les fleurs aux sépales verts et doublés de blanc, aux
pélales blancs , en général disposés sur quatre rangs, aux élamines
à filets carminés, sont portés sur un pédoncule rouge brun, d'environ
vingt centimètres. Comme la Victoria elles ne s’ouvrent que trois
fois, le soir entre sept et huit heures, pour se refermer le lendemain
vers dix el onze heures, et exhalent pendant que leur pélales sont
élalés, une odeur faible et suave de jacinthe mélée de tubéreuse.
Nolons que le premier épanouissement est toujours incomplet,
les élamines restent cachées par un ou plusieurs rangs de pièces
corollaires , еі que le troisième se fait presque à la surface de
l'eau.
Auprès du Nymphea dentata, nous devons citer le Nymphea Lotus
L.? dont les fleurs offrent avec lui les ressemblances les plus grandes,
el permettraient facilement à un observateur inaltenlif de les con-
fondre, mais qui s'en distinguent par la coloralion rose des sépales,
el celle moins prononcée du rang le plus extérieur des pélales.
Si nous trouvons de grandes analogies entre le Nymphea Lotus et
le Nymphea dentata, il en existe encore de trés marquées avec le
Nymphea Ortjiesiano-rubra Planch., qui selon toutes probabilités
est un hybride des Nymphea dentata et rubra. En effet la forme et
les dimensions de ces fleurs el de ces feuilles permettent de le rappro-
cher du Nymphea dentata, mais la teinte rouge lilacée de ses pélales,
l'échancrure plus prononcée de ses feuilles, leur couleur brouzée à
la page supérieure, cuivreuse à la page inférieure, ne permellent
pas l'erreur. Ici encore les pélioles s'allongent et alleignent jusqu'à
deux mètres, les feuilles ont les nervures saillantes, mais de même
que les fleurs, leurs dimensions sont plus grandes. L'épanouisse-
ment noclurne se répèle trois fois et chaque jour les pédoncules,
longs d'environ trente centimètres, s'inclinenl davantage vers la
surface de l'eau, pour mürir au-dessous le fruit alors que la fécon-
dalion sera opérée.
Les sépales verls, bronzés à leur face externe, parcourus par des
veines longiludinales, translucides et rosatres, entourent des pélales
105
inodores, d'un rouge lilacé vif el pur : les anthères sont réunis par
un connectif carminé sur des filets rose purpurin.
Parmi les Nymphea à fleurs bleues, deux espèces semblent très
voisines et offrent de certaines difficultés à être distinguées, nous
voulons parler des Nymphea caerulea, Sevigny, et Dentifolia , D C.,
le premier originaire des eaux du Nil, l'autre de l'Afrique Australe.
Des dimensions plus petites dans les feuilles et les fleurs, sont le
caractère le plus saillant qui. pour nous, sépare ces deux espèces.
Car, si nous trouvons sur le calice du Nymphæa caerulea de fines
marbrures noires, nous ne devons pas oublier l'observation faite par
M. Raffeneau-Delile , auquel on doit des essais d'acclimalalion , en
France, d'un grand nombre de plantes, d'Égypte principalement.
Toujours en Égypte (1), le calice du Nymphea cerulea est tacheté
de noir, mais des rhizómes, cullivés.au jardin de Montpellier, ont
donné, la première année seulement, des fleurs à sépales ainsi
marbrés; depuis ils ont fleuri avec des calices verts, uniformes,
sans aucune tache. Comme nous n'avons pu observer que des pieds
cultivés depuis plusieurs années peut-être, loin de leur pays natal,
nous ne pouvons décider si nous avons réellement deux espèces ou
une seule, dont un pied aurait déjà été modifié par la culture, et
l'autre ne le serait pas encore. Nous nous contenterons de décrire
ce que nous avons observé sur le Nymphaa scutifolia , D C., qui ne
différait sensiblement du Nymphea cerulea que par l'absence des
marbrures el des dimensions plus considérables. Ses feuilles, dont
la forme générale rappelle celles de notre lys des eaux, ont en-
viron 20 centimètres de diamètre et sont irrégulièrement dentelées,
comme mordillées : d'un vert clair à leur face supérieure, elles sont
jaunes brunâtres au dessous. Les fleurs trés odorantes à parfum
mixte de lilas et de jacinthe, ont environ 20 centimètres et sont por-
tées au-dessus de l’eau par un pédoncule rougeâlre de 35 cenli-
metres. Leur épanouissement qui commence à onze heures du
malin pour se terminer vers cinq à six heures, laisse voir les pétales,
bleu clair, rarement disposés sur plus de deux rangs, enfermés dans
un verlicille de sépales verls foncés, mais blancs à l'inlérieur, et
formant une collerette autour d'élamines nombreuses à filets jau-
natres et portant les anthères sur un connectif bleu céleste.
La Nymphaea stellata, Willd., originaire de l'Asie tropicale, a des
feuilles d'environ 10 centimètres de diamètre, ondulées sur les bords,
d'une couleur verle foncée à leur page supérieure, verle cuivreuse
(1) Ralfeneau-Delile, essai @acelim., Bull. de la Soc. d'expér. de l'Hérault,
oct. et nov. 1836, p. 207.
106
à leur page inférieure, qui offre çà et là de pelits points violacés.
Ses fleurs, portées au-dessus de l'eau par un pédoncule rougeâtre
d'environ 20 centimetres, s'ouvrent pendant le jour pour se refermer
le soir, et exhalent pendant toute la durée de leur épanouissement
une odeur parfumée de jacinthe. Leurs dimensions sont d'environ
10 centimètres de diamètre; leurs sépales, verts à l'intérieur, sont
blanchâtres à leur face interne; les pélales, d'un bleu très clair
à la base, prennent une légère teinte violacée à leur pointe; les filets,
jaunes safranés, portent de larges anthères réunis par un conneclif
d'un beau bleu foncé.
La premiere fleur qui s'est développée sur le pied, soumise à nolre
observalion, a présenlé une anomalie assez remarquable : les pre-
mières pièces de l'enveloppe florale se trouvaient séparées des sui-
vantes par un prolongement anormal de l'axe, long d'environ 7 à
8 centimètres. Les premières pièces florales des sépales, au nombre
de cinq, ainsi séparées, porlaient seules des traces de coloration en
vert pur par la chlorophylle, tandis que les autres pièces élaient
loutes colorées en un bleu tendre parfait. Leur longueur ct leur
épaisseur plus considérables les rapprochaient davantage de la struc-
ture des organes foliacés normaux, et on observail que ces sépales
élaient d'autant plus délicats, qu'ils offraient d'autant plus d'analogie
de structure avec les pélales, qu'ils étaient plus intérieurs.
Laxe, dont l'élongalion anormale avail ainsi séparé les premières
pièces florales des suivantes, portait des cóles ou cannelures, au
nombre de cinq, dont trois beaucoup plus marquées, qui correspon-
daient à chacune des pièces corollaires externes el supérieures ; elles
semblaient être leur prolongement, et avoir élé entrainées avec
l'axe, sans pouvoir s'en détacher. Ces cannelures élaient allernes
avec les pièces calicinales, développées avant l'élongation de l'axe.
Les autres parties de la fleur ne présentaient rien d'anormal. Nous
pouvons remarquer, du reste, que rien n'est plus fréquent que de
voir les premières fleurs des Nymphéacées offrir quelques anomalies,
surtout lorsque les plantes sont encore peu avancées en âge.
Au milieu de presque toutes les feuilles du Nymphea stellata,
c'est-à-dire au point où les fibres constitutives du péliole se sépa-
rent, et divergent en tous sens dans le limbe, nous avons trouvé un
développement anormal de bourgeons adventifs, analogues à ceux
qui, dans cerlains cas, se produisent par l'influence du froissement
ou de l'humidité. Peut-être est-ce à celle dernière cause qu'il faut
rapporter le fail tératologique dont nous avons l'honneur de vous
entretenir; car, malgré les soins minulieux et extrêmes que pren-
nent les jardiniers de maintenir les plantes confiées à leur soin,
107
dans le plus grand état de nellelé, presque toujours il s'amasse, au
point d'épanouissement des fibres, un peu de limon humide, qui est
retenu par une sorte de dépression de la feuille, et qui peut agir ici
de méme que dans l'opération du marcottage l'humidité de la terre
enveloppante sur la branche. Cependant, ce n'est qu'avec doute que
nous émettons celle opinion, car, à côté méme de ce Nymphaa , se
trouvent d'autres espèces (Nymphea dentata et thermalis), dont les
feuilles présentent les mémes disposilions, sans offrir toutefois le
méme phénomène tératologique.
D'abord il se fait une sorte de petit bourrelet de filaments non
bifurqués, qui, examinés avec un verre grossissanl , nous ont offert
Paspect de conferves. Ces filaments sont composés de cellules très
allongées, placées bout à bout, et ne renfermant rien dans leur in-
lérieur, si ce n’est quelquefois des granules amorphes et jaunes
brunálres. En écartant ces filaments, nous avons trouvé un petit
corps central arrondi, plus ou moins aplati sur son sommet, et pre-
nant naissance sur le limbe, à sa partie médiane, au point méme où
le pétiole s'y réunit. En observant au microscope une tranche mince
et perpendiculaire de ce pelit corps, nous avons vu qu'il élait formé
d'un tissu làche de cellules arrondies, remplies de granules incolores
el amorphes. Ces cellules renferment une proporlion beaucoup plus
considérable de granules vers la périphérie du bourgeon que vers le
cenlre. Nous n'avons pu découvrir trace d'organes, cependant il
nous a semblé que quelques faisceaux fibreux du pétiole tendaient
à s'infléchir pour pénétrer dans l'intérieur de celle masse cellulaire.
En prenant un de ces bourgeons plus développé, nous y avons
aperçu quelques faisceaux fibreux qui commencaient à se former,
et à la partie supérieure, de pelils mamelons proéminents, consti-
tués exclusivement par du tissu cellulaire et vers lesquels semblait
se diriger le faisceau fibreux. Ce sont là les rudiments de petites
feuilles qui se développent assez rapidement et donnent ainsi nais-
sance à une pelile plante fixée sur un limbe foliacé. Au moment où
elles commencent à être bien nettement visibles, le pelit corps
arrondi qui les supporte s'est allongé pour former une tige el émet,
par sa base, quelques filaments radiculaires. Les pelites feuilles sont
à préfoliation convolulive, c'est-à-dire que les pièces du limbe sont
entourées parallèlement à la nervure médiane de facon à se rappro-
eher l'une de l'autre et à mettre le dessous de la feuille à l'extérieur.
Elles offrent d'abord la forme et la figure des premières feuilles qui
se développent par germination du Nymphea stellata, puis elles chan-
genl un peu pour se rapprocher de la forme des feuilles normales de
la plante adulte. En méme temps que le pelit bourgeon s'est ainsi
108
accru, le limbe qui l'a formé et lui a donné naissance se flétrit et se
décompose : aussi avons-nous trouvé, flottant dans l'eau, de pelits
pieds qui sans doule auraient continué à prospérer, si on les eût
mis dans des conditions favorables à leur développement: c'est du
reste ce que nous comptons vérifier plus tard, et tout nous fail espé-
rer que nous verrons nos prévisions confirmées, surtout quand nous
nous rappelons l'observalion faite par Picard (1), sur le Nasturtium
officinale : сі cet observateur a remarqué que le cresson se mulliplie
par un phénomène analogue à celui que nous avons observé dans le
Nympha stellata, plus souvent que par la germination des graines,
comme on aurait pu le croire.
Nous pensons devoir arrêter ici les observations que nous avons
eu lieu de faire sur Г Aquarium du Jardin des Plantes, et remettre à
une époque plus reculée l'exposilion de divers phénoménes qui
méritent de fixer l'altention de la Société. Trop heureux serons-
nous, si aujourd'hui nous n'avons pas abusé de sa patience et si
nous n'avons rempli pour elle
Pocula letheos ducentia somnos.
Louis NEUMANN ET J.-L. SOUBEIRAN.
(1) Note sur la reprod. anorm. des plantes. Bullet. de la Soc. Linn. du nord de
la France, p. 194, 1840.
Nymphea Stellata
Figure | Fleur anormale de Nympheea stellata .
A. Pedoncule de la fleur
B. Pieces calicinales
C. Elongation de l'entre-neud ou mérithalle , intermediaire au calice et a la corolle, on voit les
traces des côtes qu sont le prolongement des petales exterieurs
D. Pétales
Figurell Fragment de feuille avec bourgeon adventif encore peu developpe
Figure Ill Poul portant un bourgeon plus developpe. ДУ
Figure WV Petit bourSeon séparé de la feuille mère et trouvé flottant dans l'eau
Lith Comer of Lachese
du bourgeon
Nymphæa Stellata
fibreux dans linteneur
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&
.
"
T OTEC
SUR
LE STERNE MOUSTAC
STERNA LEUCOPAREIA.
Messieurs,
Le 1° juillet 1855, étant à la recherche des oiseaux de rivage,
Japereus sur la Maine, vis-à-vis le baignoir de la Blancheraie, plu-
sieurs Slernes, que je pris d'abord pour le Sterna Minuta; mon
erreur fut bientôt dissipée lorsque j'entendis le cri de ces oiseaux,
mais ce qui me frappa le plus encore, c'était la quantité considérable
de ces Sternes qui s'étaient aballus sur la prairie de la Baumelte,
alors submergée, où ils étaient trés-occupés, comme je pus m'en
convaincre, à manger des larves d'insecles aquatiques dont ils se
nourrissent spécialement.
A mon approche, toute la bande ailée prit la volée, je fus assez
heureux de tuer trois de ces jolis oiseaux ; en les ramassant, j'avais
cru reconnaitre le Sterna Artica; nouvelle déceplion! Je dois le
dire, je suis resté dans une espèce d'incerlitude jusqu'au moment
où notre savant collègue, M. l'abbé Vincelot, vint me faire une
visile. Je m'empressai de lui montrer les oiseaux que j'avais préparés
el apres les avoir bien examinés, il me dit qu'il n'était pas de mon
avis.
Peu de jours apres celle visite, je reçus de M. Vincelol, une
aimable lettre dans laquelle il me faisait part de ses judicieuses re-
110
cherches; alors je reconnus, comme il paraissait le croire lui-même,
le Sterna Leucopareia , espèce nouvelle pour notre département.
C'est cette heureuse découverte qui m'a engagé, Messieurs, à
vous rendre compte aujourd'hui et en méme temps à vous donner,
d'après Temminck, la description de ces oiseaux en plumage de
noces.
« Un capuchon d'un noir profond couvre la lête, engage la région
» des yeux el se prolonge sur la nuque; du blanc pur forme au-
» dessous des yeux une large moustache qui vient recouvrir l'orifice
> des oreilles; gorge d'un blanc cendré qui se nuance par demi-
» teinte en ceudré pur sur la poitrine, et en cendré noirâtre sur le
» ventre el sur les flancs; toutes les parlies supérieures, les ailes et
»la queue d'une seule nuance de cendré foncé; couverture in-
» lérieure des ailes el couverture du dessous de la queue d'un blanc
» pur; bec et pieds d'un rouge vif, doigt du milieu avec l'ongle
» beaucoup plus long que le tarse; queue trés peu fourchue; les
» ailes s'élendent de un demi pouce au delà de son extrémité.
» Remarque. — Cette espèce est nouvelle; elle a élé découverte par
> M. Natterer de Vienne, dans une des parties méridionales de la
» Hongrie; je l'ai aussi trouvée dans les marais prés de Capo d'Istria
» et sur les cótes de Dalmatie. M. de la Molte d'Abbeville vil une
» seule fois quelques individus dans un marais sur les cótes de
» Picardie, el en tua trois. »
Enfin M. Temminck termine ainsi :
« Assez commun dans les grands marais des parlies orientales du
» Midi de l'Europe; l'apparition de ces oiseaux sur les côtes de l'Océan
» me parail accidentelle. »
Deux années auparavant j'avais déniché dans les marais de la
Baumelte, au milieu de nids du Sterne épouvantail, deux œufs qui
m'étaienl complétement inconnus; mais M. l'abbé Vincelot possédant
une nombreuse collection oologique, et, dans ce cas, plus à méme
que personne de pouvoir nous fournir des documents précieux ,
serait tenté de croire que ces œufs appartiendraient à ce méme
oiseau (Sterna Leucopareia), qui, présume-t-il, aurait bien pu nicher
dans ce marais, puisque la ressemblance est identique à ceux qu'il
possède, ce qui prouve maintenant que cet oiseau a eu son passage
dans notre département et dans les mêmes lieux.
Tels sont, Messieurs, les observalions que j'avais à vous soumettre
dans l'intérêt de la faune.
F. BLAIN.
Angers, le 20 février 1856.
ORFILA.
VERS COMPOSÉS LÉ LENDEMAIN DE LA MORT DE L'ILLUSTRE DOYEN.
Ainsi l'instinct caché dans la nature entière
Marit pour l'immortalité.
La perle au fond des mers, l'or au sein de la pierre,
Le diamant dans l'ombre où languit sa lumière,
La gloire dans l'obscurité !
La gloire , oiseau divin, phénix né de lui-même,
Qui vient tous les cent ans, nouveau,
Se poser sur la terre et sur un nom qu'il aime
Et qu'on y voit mourir ainsi que son embléme
Et dont nul ne sait le berceau !
LAMARTINE.
Hier, hier encor, si l’on eût dil : « Cet homme
» Plein d'âme, de vigueur, de force et de santé,
» Que jamais sans orgueil la science ne nomme,
> Dans le monde aussi grand que dans la Faculté ;
=
» Ce front dont la beauté jaillit de son génie,
» Ce regard à la fois majestueux et doux,
» Ce cœur encor gonflé de puissance el de vie
» Vont s'éteindre demain... > Qui Petit pensé de nous?
412
Qui n’etit pas repoussé comme un lâche blasphéme ,
Ce redoulable accent qui nous révolle encor ;
Elle-même, en dépit de celle voix suprême
Ta lèvre, ô grand doyen, se fût ri de la mort.
Et le voilà qui tombe ; il semble que la foudre
L’ait frappé dans sa gloire; il tombe, il n’est plus là :
Un corps que le néant d’un mot réduit en poudre,
C’est tout en ce moment ce qui fut Orfila !
En vain tu reviendras, jeunesse de l'École,
Vers cette chaire en deuil pour l'entendre et le voir;
A ses fils sa brillante et féconde parole
Ne dispensera plus la manne du savoir.
La chaire est vide, hélas! et le poste est immense:
Qui viendra l'occuper? quel homme et quelle voix
Viendront combler ce vide et rompre ce silence?
Quelle autre majesté vous diclera ses lois?
Quel autre souverain, car ce siége est un trône :
Un roi tient le pouvoir de la force ou du sang;
Le génie en tout temps de ses mains se couronne
Et fait du plus petit parfois le plus puissant.
De lauriers immortels tout en couvrant leurs tétes
Des héros le destin borne l'ambition ,
Mais Dieu lui préparail d'incessantes conquéles
Dans l'empire oit régnait son érudilion.
Qui de nous l'eüt pensé, quand la mort elle-méme
Lui laissait dérober sa trace et ses secrets
Et sous son doigt vengeur quand le crime au teint bléme
Sentait tomber tremblant le masque de ses traits?
Qui de nous l'eût prévu quand il ornait la France
Des splendides trésors de ses colleclions,
Adoré de son siècle et songeant à l'avance
Aux besoins à venir des générations ?
113
Quand sa raison sévère el sa grave éloquence
A la source du vrai remontaient chaque jour,
Quand son âme, à travers l'éternelle science
Entrevoyait les feux de l'éternel amour ;
Dans ses loisirs du soir quand sa noble pensée
Des muses qu'il aimait favorisait l'essor,
Quand des arts sa maison devenait l'Élysée
Où sa charmante voix hier vibrait encor ;
Quand son cœur... mais, ici que pourrions-nous apprendre
Des bienfaits dont hier il comblail ce pays ,
De crainte que la mort ne vint à Je surprendre ,
Pour en jouir lui-méme?..... Et la mort l'a permis.
Et puis le lendemain, ó grand homme, ó grand maitre,
Comme s'il lui tardait de l'enlever aux cieux ,
Sur ton seuil éploré tu la vis apparaître
Pour délier ton àme et clore tes beaux yeux.
De ses dotalions nous savons tous le nombre,
Qui le sait mieux surlout que les fils d’Orfila ?
Mais le fiel, mais les pleurs qu'il essuya dans l'ombre,
Le bien qu'il a caché, Dieu seul nous le dira !
L’infortune, les arts, l'Europe et la science
De stériles regrets longtemps se flélriront ,
Mais son âme a déjà recu sa récompense :
Des lauriers toujours verts vont ombrager son front.
A son intelligence ardente et magnifique
Un empire sans borne aujourd'hui va s'ouvrir,
Son chant va retrouver son éclat séraphique :
Tout va renaitre en lui pour ne plus se flétrir.
On n'a point vu du moins vaciller et s'éteindre
Cette vive lumière et ce brillant esprit
Et sous la main du temps chaque jour se restreindre
Sa pensée épuisée en son corps décrépit.
114
Et sur le seuil ouvert déjà de l’autre vie,
Pour paraître, au départ, il ne lui manque rien.
Eloquence, pouvoir, amour, vertu, génie,
Il sut tout abriter sous la foi du chrétien !
Ainsi grandit chez nous cet enfant de l'Espagne
Pauvre et nud dans nos champs descendu des Sierras.
Tel 'humble voyageur qu'une étoile accompagne
Sur de nouveaux sommets pour éclairer ses pas.
Portons sans désespoir le deuil qui nous dévore :
Qui sait si l'un de nous ne le verra demain?
Heureux qui le connut et plus heureux encore
L'hóte aimé dont la main a pu serrer sa main.
PAUL BELLEUVRE.
OBSERVATIONS
SUR
LES ARMES ET LES CAMPEMENS
DES PREMIERS HABITANTS DE NOS CONTREES.
L'étude des événements qui se sont passés loin de nous a de tout
temps excilé la curiosité de l'homme observateur, et plus les faits
ont semblé difficiles à reconnaître, plus l'imagination а fail d'efforts
pour s'en rendre comple. On peut classer parmi ces faits, les mœurs
el les habitudes des races humaines qui ont précédé la civilisation
dans notre pays, et dont les traces se retrouvent encore, malgré le
long espace de temps qui s'est passé depuis celte époque jusqu'à nos
jours. Pendant longtemps les dolmens, les pierres levées, etc., ont
élé les seuls témoins apparents de leur passage sur notre terre ;
monuments gigantesques, souvent incompréhensibles, qui nous
sont restés comme preuve de ce que peut la volonté de l'homme,
sans l'aide des moyens qu'a pu lui apporter la civilisation. Un exa-
men plus approfondi a fait découvrir souvent méme, au milieu de
ces monuments, les armes dont se servaient ces populalions ; armes
simples comme les habitudes et les besoins de ceux qui en faisaient
116
usage. Qu’a dû faire l'homme abandonné sur celte terre, sans moyens
naturels d'attaque et de défense? Regardant autour de lui, il a dà
ramasser une pierre, une branche d'arbre, et ayant seul parmi les
élres créés, la faculté de combiner deux idées, il a réuni la pierre à
la branche et en a fait sa première arme; arme d'instinct si l'on
peut dire, car elle se trouve répandue sur toute la terre, sur tous les
points que l'homme a habités primitivement. Des os longs et effilés,
des denls de sangliers emmanchées dans d'autres portions d'os, des
morceaux de bois de cerf, des pierres taillées en coin par un frotte-
ment prolongé, de longs éclats de silex. d'autres morceaux taillés
avec un soin remarquable en forme de bout de fléche, mais placés à
l'extrémilé d'une poignée en bois, pour frapper et percer, sont les
premiers objets dont il se soit servi et qui lui suffisaient. La vie sau-
vage a peu d'exigence, et les hommes de celle époque devaient
beaucoup ressembler à ceux qui, de nos jours, vivent encore dans
le méme état.
Je n'ai pas eutendu dire qu'on ail jusqu'à ce moment observé,
chez nous, les lieux qu'ils avaient pu chosir comme points de réu-
nion, ou comme campements. Le simple raisonnement doit les
faire placer prés des endroits oü ils trouvaient plus facilement les
moyens de vivre; le bord des rivières el la lisière des foréls, qui
n'étaient pas rares à celle époque, devaient donc leur convenir de
préférence.
H y a plusieurs années, un de mes amis, propriétaire dans la com-
mune de Saint-Lambert-des-Levées, me prévint que dans un champ
qu'il faisait défricher, il y avait plusieurs points où la terre élait
noire et comme brülée. Ce champ, qui fait partie de la ferme de
la Pelouse, se trouve placé sur un léger monticule, ou plutôt sur
une ondulation du sol, assez élevée cependant pour étre à l'abri
des inondations de la Loire, qui n'élaut pas relenue par les digues
qui lui servent aujourd'hui de limite, pouvait se répandre dans
tout l'espace formant aujourd'hui la vallée. De légères fouilles
eurent bientót mis à découvert le sol primilif, et il fut facile de re-
connaitre la place de plusieurs foyers. Nous pûmes en compter
vingl-cinq à trente réunis dans un espace assez restreint, chacun
n'élant éloigné de l’autre que de quelques mètres. Chaque empla-
cement, large d'environ soixante-dix à quatre-vingt centimètres,
était entouré de grosses pierres rangées en cercle et encore noircies
par le feu. On pouvait encore distinguer, mêlés dans la terre envi-
ronnante, un grand nombre d'éclats de silex blond, étranger au sol,
el qui étaient évidemment le produit des armes qu'ils avaient fabri-
quées dans ce lieu de repos. П n'y avait donc aucun doute que là
ARMES EN OS.
P
117
avail existé un campement. Le lieu était merveilleusement choisi,
car poisson et gibier devaient abonder autour d'eux.
La commune de Saint-Cyr-en-Bourg, est presque entièrement
placée sur un pelit embranchement de coteau qui prend naissance
à l’est, près la lisière de la forêt de Fontevrault, et va, en s'élevant
insensiblement pendant l'espace d'environ deux kilomètres en se
dirigeant à l'ouest, se terminer au hameau de Saumoussay; là finit
d'une manière abruple le coleau, pour laisser couler le Thouet à ses
pieds. Sur la partie sud de ce coteau, dans le cauton appelé les Roches,
près le pont de Saint-Just, qui traverse la Dive, le tuffeau qui forme
ce coleau, se trouve dans sa parlie supérieure coupé droit, sur une
élévalion.d'à peu prés six ou sept mèlres, puis au-dessous une pente
douce descend jusqu'aux prairies de la Dive. Dans cette partie droite
on voit creusées dans le tuffeau vingt et quelques cases placées pres
et à la suite les unes des autres, dont l'entrée demi-circulaire peut
avoir deux à trois mètres d'élévalion, autant de largeur dans le bas
et terminées intérieurement en forme de four. Ce sont évidemment
d'anciens logements primilifs. Ce qui peut servir ale prouver, c'est
que ces mémes formes de cases se relrouvent à l'extrémilé du co-
leau, au hameau de Saumoussay et que le sommet du coleau, cou-
pé à pic, comme je l'ai fait observer, est couronné par un tumulus
ou plutót un galgal (1) exactement placé comme ceux qu'on ob-
serve en Bretagne, dans l'ile de Gavrr-innis, ou les autres iles voi-
sines. Il est évident que ces cases ont dû servir d'abri aux peuplades
de ces contrées : leur position prés de la Dive et du Thouet, le voi-
sinage des prairies et des forêts, tout contribuait à réunir sur ce
point tout ce qui devenait de première nécessité pour elle.
Espérons que de nouvelles observations feront trouver de nou-
veaux faits, et que leur réunion formera un ensemble qui pour a
faire connaitre la manière d'être des premiers habitants de nolre
pays. Les monuments de cette époque ne nous font pas défaut, et
un examen attentif en fera encore rencontrer d'aulres. Nous avons
dans le dolmen de Bagneux, le plus grand et le plus beau dolmen
connu : le bois de Possé renferme un galgal formé de blocs de gres
énormes, et placé entre deux dolmen, réunion qui est unique, chez
nous au moins. On pourrait encore retrouver les restes d'allées do
pierres, bien moins considérables, mais semblables à celles de Car-
nac ou d'Ardeven. Les tumulus sont également nombreux dans nos
environs, et les énormes élévalions de sable des Monteaux, commune
(1) Une partie des pierres vient d’être employée à macadamiser une route nou-
velle, de Saumoussay à Chacé.
118
de Vivy, si peu connues etsi remarquables, ne sont peut-être qu'une
suile de tumulus de ces temps reculés : des fouilles faites avec soin
pourraient seules nous éclairer.
П est un autre fait qu'il est peut-être bon de consigner ici. Dans
une exploitation de grès, au bois Brard, près Saumur, on décou-
vrit un dolmen souterrain, rempli en grande partie d'ossements
humains et d'ossements d'animaux. (On dit qu'à la mort d'un chef,
on sacrifiait tout ce qui lui avait appartenu). Il fut presqu’enliére-
ment détruit, pour avoir les pierres qui le composaient, et lorsque
nous fümes prévenus, à peine restait-il un mètre cube de terre qui
n'avait pas été bouleversée. Fouillant avec altention ce qui reslait,
nous trouvàmes la parlie supérieure d'un squelette humain. Autour
de la tête encore assez bien conservée, se trouvaient plusieurs des
armes en os et ensilex dont j'ai parlé, et dans la bouche une grande
poignée d'éclats de silex, dont plusieurs étaient ébauchés pour for-
mer ces pointes en forme de fer de flèche. Ces hommes simples
avaient donc eux aussi l'espoir d'une vie meilleure et croyaient né-
cessaire d’emporter avec eux leurs armes dans le pays du grand es-
prit. Rapprochement remarquable avec les idées des hommes qui
vivent encore de nos jours à l'état sauvage.
Plus tard, les Celtes sont venus se mêler à ces races primitives et
leur apporter les premiers degrés de civilisation en changeant en
bronze les armes grossiéres dont ils se servaient, mais en en conser-
vant souvent les formes.
COURTILLER.
Saumur, janvier 1855.
UNE HERBORISATION
INTRA - MUROS.
Il y a dans le Voyage sentimental de Sterne, un pauvre sansonnet
qui dit à chaque instant : Je ne peux pas sortir! et ce cri, si bien en
situation, fait mal à entendre , tant il semble naturel au captif qui
se heurte contre les barreaux de sa cage. Un certain personnage
comique qui se trouve dans une circonstance embarrassante, s'écrie :
Je voudrais bien m'en aller! et le talent de l'acteur et la manière dont
il la dit, ont rendu cette phrase presque proverbiale. Hélas, l'artiste
et l'oiseau sont des types dont la copie n’est pas rare; le médecin,
comme eux, redit souvent je ne peux pas sortir ! je voudrais bien m'en
aller! Mais la douce liberté lui est refusée, il doit son temps, ses soins
au public, et quand celui-ci veut bien l'honorer d'un peu de con-
fiance, c'est aux dépens de ses plaisirs les plus doux. Les projels de
voyage les mieux combinés avortent au moment où l'heure du
départ allait sonner; le passeport devient inutile ; la petite malle si
ingénieusement construite, est remise au garde-meuble, et le pri-
sonnier, bien que prisonnier sur parole, regarde en soupirant , les
nuages qui roulent librement dans l'air et s'en vont vers les lieux
qu'il voulait visiter.
Si par hazard ce médecin joint à son goüt pour les voyages, un
autre goût non moins vif, une pelite passion méme, une élincelle
de ce feu secret qui brûle lentement, mais sans cesse, une goutte
120
de ce ferment divin qui réagit sur le sang et les nerfs, qui réchauffe
le cerveau et fait battre le cœur, oh! alors, celte réclusion devient
un supplice, à moins toutefois que la susdite passion comprimée
ne rencontre une soupape de sûrelé, un moyen de se satisfaire, et
l'on peut toujours s'en rapporter aux gens passionnés pour trouver
un moyen d'arriver à ce but essentiel,
Or, à ne vous rien dissimuler, c'est un peu là mon histoire, j'aime
les promenades lointaines, au travers d'un pays nouveau, j'aime à
courir le monde, à regarder pour savoir, à étudier pour connaître,
el au milieu de cette fête de tous les sens, de ces émotions qui se
renouvellent toujours, il n'en est guère de plus vives, de plus char-
mantes que celles qui se rattachent à la botanique. Tout comme un
autre j'ai monté au Capitole, et le monument éternel m'a laissé pour
souvenir une petite labiée, un nepela rabougri qui croissait au pied
de la statue dorée de Marc Auréle; j'ai gravi la roche Tarpéienne et
un joli medicago, au fruit en spirale denticulée, me rappelle en-
core aujourd'hui ces hauteurs poétiques ; une arthémisia sur le Vé-
suve, un crambe au Lido, une petite fougère à Bude, telles sont mes
richesses, mes dépouilles opimes ; mon herbier renferme les élé-
ments d'une mnémonique singulière et je me trouve heureux de
grossir de temps en temps ce trésor de souvenirs et de joies.
Mais l'année 1855 n'a pas eu pour moi son printemps habituel.
L'exposition universelle appelant tout le monde à Paris, a créé des
devoirs impérieux aux médecins, ou du moins à quelques-uns; j'ai
dû rester à mon poste, el j'en aurais gémi si je n'avais pu donner le
change à mes instincls; je me suis rappelé le conseil de Mahomet ;
la montagne ne vient pasà nous, allons vers la montagne, et j'en ai
profilé à ce point que ne pouvant aller au loin en quéle de la bola-
nique, j'ai laissé la botanique venir à moi, j'ai herborisé à domicile,
tirant ainsi le meilleur parli possible de circonstances tout excep-
lionnelles.
Paris, persoune ne s'en étonnera, renferme un grand nombre d'a-
mateurs de plantes, les quinze cents membres dela Sociélé impériale
d'horticulture en sont une preuve péremploire, mais ce qui ne pa-
railra pas moins naturel, c'est que parmi ces amateurs, on trouve
toutes les variétés de cette passion horticole. Les jardiniers-fleuristes
les plus en vogue, en savent long sur les goûts singuliers de ces
Messieurs, sur les objets de leur prédilection ; celui-ci ne veut que
des plantes à bulbes, celui-là n'aime que les fougères ; un autre adore
les cactées, un autre ne cullive que les arbustes dociles à la taille
pilloresque ; il en est pour qui les espèces alpines ont seules quel-
que prix, tandis que d'autres sont passionnés pour les plantes aqua-
121
tiques; à défaut de la Victoria et du nelumbium ils soignent le lotus
du Nil, le neptunia du Sénégal; enfin il en est qui préfèrent les orchi-
dées exoliques. Dans celle variété infinie de goûts, il y a ample ma-
liere à étude, et celui qui, comme moi, veut chercher pâlure à ses
appétits, rencontre bientôt le champ où il peut moissonner.
J'ai dans mon voisinage plusieurs jardins où l'on peut herboriser
avec fruil. Celui de la faculté de médecine est riche en espèces qui
me plaisent, par exemple en orchidées de pleine terre, el puisque
ce nom s'est trouvé sous ma plume, il faut bien que je fasse un
aveu. Les orchidées sont l’objet de toutes mes sympathies, je les
cherche partout, je les poursuis sans cesse, je connais tous les ama-
leurs qui en possédent, je les étudie, je les dessine sur le vivant et
déjà plus de huit cents figures qui ont du moins le mérite de l'exac-
litude, forment une collection qui s'accroît tous les jours.
La privation de vacances a tourné au profit de mes études favo-
riles, j'ai vu au jardin des Champs-Elysées une masse d'orchidées
exoliques venant des serres de M. Pescatore, de M. Guibert, de
MM. Thibault et Ketleer, Chantin, Lhomme, Legay, etc., c'est par
centaines qu'il faut compter les échantillons des plus rares espèces,
des plus belles, des plus singulières. J'ai recueilli des trésors, mais je
ne pourrais vous les raconter ici, ce travail appartient à la Société
impériale d'horliculture ; mais il vous reviendra, je vous le pro-
mels. En attendant je veux seulement vous parler des orchi-
dées indigènes, de celles que cultivent avec tant de succès un bon
nombre d'amateurs parisiens, en tète desquels il faut placer
MM. Boisduval, Lhomme, Rouillard, Pelé et Boutard. J'ai véritable-
ment herborisé chez chacun d'eux, mais tout ce qu'ilsont élevé avec
lant de soin a figuré dans le local de l'exposition permaaente d'hor-
liculture ; ces belles espèces, couvertes de fleurs, me rappelaieut les
échantillons récollés dans nos promenades de Montmorency, de
Saint-Germain, de Fontainebleau et de Nemours. J’admirais ces pro-
duils d'une culture patiente et laborieuse, je rendais graces aux
hommes qui savent transporter dans leurs jardins ces végétaux si
longtemps rebelles à l'action du jardinier et j'étais enchanté de pou-
voir étudier tout à mon aise des plantes qu'une heureuse circons-
lance avail réunies sous ma main.
L'Exposition universelle de 1855 n'a pas été une gloire seulement
pour les industriels, pour les artistes; les sciences naturelles y ont
joué un rôle important, et la botanique peul revendiquer une belle
place parmi celles que la reconnaissance publique a consacrées aux
choses les plus utiles à l'humanité. Des hommes parfaitement com-
pétents ont pris à tâche d'exposer les produils fournis par le règne
199
an
végétal ; M. le professeur Parlatore, de Florence, a signalé des bois
nouveaux, des racines médicamenteuses ou industrielles, des gom-
mes, des resines, une foule de substances réservées à de grands
succès. M. le comte Jaubert a publié des notes fort détaillées sur
une foule d'objets de méme nature, et nul doute que nous ne possé-
dions bientôt des documents d'un haut intérêt sur toutes les subs-
tances végélales qui ont figuré dans le palais de l'Exposition.
Il ne m'apparlient pas d'effleurer un sujet qui sera trailé à fond
par des savants éprouvés, une tâche plus facile convient mieux à
ma faiblesse, je laisse les hauteurs de la science pour le terre à terre
d'un jardin, les produits de l'Inde, de la Nouvelle-Hollande, de la
Calédonie, de Taiti et tant d'autres régions lointaines pour la flore
de nos environs; et bien qu'il fût aisé de trouver dans le jardin de
l'exposilion permanente de la Société impériale d'horticulture, des
plantes appartenant à toutes les parties du monde connu, je dois me
borner à de plus modestes horizons: je parlerai donc seulement d'une
collection d'orchidées de pleine terre qui est venue se montrer dans
le voisinage des plus magnifiques spécimens des orchidées exoliques,
rapprochement instructif, démontrant à quel point sont naturels les
caractères d'une famille qui compte aujourd'hui plus de trois mille
espèces répandues sur les deux hémisphères.
Il y a déjà longtemps que l'on s'est occupé de la culture des orchi-
dées indigènes; le jardin de la facullé de médecine de Paris, il y a
20 ans, offrait aux amateurs, des plates-bandes où ces singuliers vé-
gélaux fleurissaient en abondance et se perpétuaienta l’aide de soins
bien entendus. Depuis, de nombreux essais ont été tentés et au-
jourd'hui, par une faveur nouvelle, les orchidées de nos environs se
sont trouvées réunies en grand nombre dans le jardin des Champs-
Elysées.
Pour mettre un peu d'ordre dans ce pelit travail, je suivrai la clas-
sificalion méthodique du docteur Lindley. Sa monographie, bien
qu'un peu ancienne, est encore le meilleur guide en pareille ma-
пеге. Voyons donc ce que les horticulteurs de Paris et des environs
ont fait pour l'illustration des orchidées de pleine terre.
Les Malaxidées forment la première des sept grandes tribus de
la famille, celle dans laquelle le pollen en masse grasse n'a pas de
candicule ou de glande se détachant du slygmale. Les espèces ap-
partenant à celle première catégorie sont peu nombreuses, si peu
méme, que l'Europe n'en compte que trois sur trois cent quatre-
vingt décrites dans l'ouvrage du professeur Lindley.
Le Malaxis paludosa qui habite les marais tourbeux de la Loire-
Intérieure, a été transplanté à Paris dans le jardin de M. le docteur
123
Boisduval, et il a figuré à la grande exposition des Champs-Elysées.
C'est une pelite espèce ayant beaucoup d'analogie avec le Liparis
Loselii, qui croît comme ce dernier, dans des aggrégations de spha-
gnum, sans pénélrer dans le sol, el à l'état semi-parasite; mode de
végétalion trés commun dans les orchidées et qui établit une gra-
dalion presque insensible entre les espèces purement terrestres et
celles qui sont épiphytes. Le Malaxis paludosa n'a pas en tout plus
de 12 à 15 centimètres ; sa racine pivotante garnie d'un chevelu lé-
ger, fournit une tige un peu renflée, à nœuds charnus ; puis vient
un renflement avec deux feuilles ovalaires, en cuiller, enlre les-
quelles on voit un pseudo-bulbe ovale, comprimé latéralement, au
sommet duquel il y a une feuille plus longue, plus aigue, lancéolée,
el aussi en cuiller; de l'intérieur de cette feuille sort un scape min-
ce, filiforme, avec des nœuds rares et quelques bractées rudimen-
laires, puis l'épi terminal formé de 8 à 10 fleurs renversées, c'est-à-
dire ayant le labelle en haut.
Je ne pousserai pas plus loin celle description. Peut-être doit-on
s'élonner que celle espèce si intéressante, signalée par M. Lloyd,
à peu de distance de l'Anjou, n'ait pas été rencontrée dans notre dé-
parlement de Maine-et-Loire oü il se trouve des condilions de végé-
lation trés analogues. Les tourbiéres de Chaloché, explorées dans
un but spécial, donneront peut-être ce Malaxis qui ferait un bon
effet, il faut en convenir, dans notre Flore déjà si riche en plantes
analogues. J'ajoute que cette plante existe en abondance près de la
Trappe, département de l'Orne, oü elle a été recueillie par M. Lubin,
pharmacien à Laigle.
Le genre liparis que l'on rencontrait assez facilement aux envi-
rons de Paris, ne se trouve plus guère qu'à Moret, et grâce à M. le
docteur Guépin, le Liparis Leselii appartient aussi à la Flore de Maine
et Loire. M. le docteur Boisduval a exposé au jardin des Champs-
Elysées une terrine dans laquelle une douzaine d'exemplaires de
cetle jolie malaxidée, ont parcouru toutes les phases d'une végéla-
lion vigoureuse. Je ne puis que renvoyer à la description de notre
irés honoré maitre, M. Guépin, et j'ajoute que, suivant toute proba-
bilité, les amateurs de plantes rares et intéressantes qui voudront
parcourir les localités où les tourbières envahissent le sol, rencon-
treront le Malazis et le Liparis, deux genres trés voisins, ayant le
méme habilat et le méme port, et tous deux fort dignes de ces re-
cherches passionnées que le succés couronne et qui sont une source
de plaisir pour ceux qui s'en sont rendus dignes.
Vient la seconde tribu, celle des Epidendrées dont le pollen en
masse cireuse présente un candicule distinct mais adhérent au styg-
124
mate. On en connait cent cinquante-lrois espèces, mais aucune
d'elles n'appartient à l'Europe centrale, aussi n'avons-nous pas à
nous en occuper.
Les Vandées qui forment la troisième tribu, se distinguent des
deux classes précédentes par le candicule qui est caduc. On en
compte un trés grand nombre, prés de cinq cents, parmi lesquels
se trouvent les plus belles espèces exoliques, les merveilles de la
végétation tropicale, mais une seule appartient à l'Europe, et nous
ne l'avons pas dans notre zóne tempérée, c'est le genre Calypso qui
croil dans tout le nord de l'ancien et du nouveau continent et que
l'on a désigné sous les noms de Cypripedium bulbosum, limodorum ,
boreale , cymbidium ou Orchidium boreale , etc.
La quatriéme tribu, celle des Ophrydées, a le pollen pulvérulent,
granulé, l'anthére est terminale, dressée. Celle tribu riche en espè-
ces, quatre cent cinquante au moins, occupe dans la géographie bo-
lani queles régions que dédaignent les Vaudées, ou, pour mieux dire,
ces deux grandes classes d'orchidées sont en opposition, elles s'ex-
cluent et se font mutuellement compensation. L'Europe compte une
centaine d'Ophrydées et c'est parmi ces plantes que nous lrouvons
nos principales richesses.
Le genre Orchis, proprement dit, si nombreux en espéces, a subi
bien des démembrements et, par malheur, les botanisles descrip-
leurs n'ont pas dit leur dernier mot sur ce point. Dans le but de
simplifier ce travail, j'ai cru devoir suivre l'ordre établi dans la
monographie du docteur Lindley, afin d'avoir un texte précis, des
numéros d'ordre bien posilifs, auxquels on puisse facilement se
reporler.
L'Orchis latifolia avec toutes ses variétés, est commun aux envi-
rons de Paris ; le sambucina qui vient de l'Auvergne est cultivé dans
nos jardins et a figuré à l'exposition d'horliculture; mais je n'ai
jamais vu sa variété àfleurs pourpres que l'on trouve en Allemagne
et en Suisse; l'Orchis pallens et le mascula sont vulgaires, ainsi que le
laxiflora et le maculata. Ces espèces, bien qu'appartenant à des loca-
lités très différentes , S'accommodent assez bien des divers procédés
que les horticulleurs emploient pour les conserver; la terre de
bruyère, un terreau beaucoup moins riche, et enfin des couches
profondes de sphagnum rendent leur végélalion facile et prouvent
que ces plantes sont beaucoup plus rustiques qu'on ne l'avait cru
jusqu'ici.
L'Orchis coriophora, le morio avec sa variété blanche, garnissent
les pelouses séches des environs de Paris; le militaris est trés abon-
dant, ainsi que le fusca qui, d’après Jacquin, n'est qu'une variélé
du précédent, à moins que le militaris ne soit lui-même une variélé
du fusca, ce qui me plairait mieux, mais en tout cas, ces deux plan-
les sont superbes, et dignes à tous égards d’être cultivées dans nos
jardins. L'Orchis tephrosanthos que nous avons vu à l'exposilion, res-
semble beaucoup au militaris. Le simia, le galeata, le divaricata,
sont de belles espèces dont on nous a montré de nombreux échan-
lillons. L'ustulata termine cette liste des vrais Orchis; voyons main-
tenant les espèces qui ont élé distraites de ce genre et élevées à la
dignité de genres nouveaux.
L'Anacamptis pyramidalis qui offre de petites lames à la base du
labelle, est une belle plante qui a donné de grands épis abondam-
ment garnis de fleurs; le gymnadenia conopsea et l'odoratissima, ce
dernier de la Suisse, ont paru au milieu de nos richesses, mais une
Nigritella, Vangustifolia, due aux soins de M. le docleur Boisduval,
l'a emporlé sur les espèces précédentes. Est-ce l'Orchis nigra de
Swartz, le miniata de Crantz, un habenaria ou un satyrium, je ne
me charge pas de trancher la difficulté. Toujours est-il que cette
pelite plante alpine, bien développée, bien fleurie dans le jardin de
nolre trés honoré confrère, n'élait pas une des moindres raretés of-
ferles aux curieux de la grande exposition des Champs-Elysées.
L'Orchis hircina est devenu un Aceras entre les mains de M. R.
Brown, aprés avoir élé un Loroglossum, un Hematoglossum , un Sa-
tyrium el que sais-je encore? Restera-t-il un Aceras ? je le désire
pour lui et pour nous, car ces synonymies surchargées sont un
vrai supplice pour les amateurs. Il en est de méme de l’Aceras an-
thropophora qui est un véritable Ophrys.
Deux espèces de Platanthera, le bifolia et le chlorantha, très com-
munes aux environs de Paris, ont tenu leur place dans le groupe
des orchidées indigènes, el l'on se demande comment nous en pos-
sédons si peu, tandis que les régions du nord en fournissent plus de
cinquante espèces décrites par M. Lindley.
Les Ophrys myodes, aranifera, arachnites, apifera. araneola, espèces
ou variétés plus ou moins intéressantes, ont figuré en grand nombre
à l'exposilion ; la beauté de ces plantes, leurs fleurs singulières jus-
lifient la faveur dont elles jouissent ; l'Ophrys alpina dont on fait un
Herminium est encore une heureuse importation du docteur Bois-
duval. Deux vrais Herminium, le monorchis qui a élé un Orchis, un
Ophrys, un Satyrium, un Arachnites, et qui est très abondamment
cullivé par tous nos amateurs parisiens, el un autre, l Herminium
reptans, ont représenté ce genre intéressant dans la collection des
Champs-Elysées. Ce dernier provenant de l'ile de Jersey est du à l'i-
126
niliative de M. Boisduval, et montre tout ce qu'on peut allendre de
son zéle pour la science.
Un dernier genre, parmi les Ophrydées, nous a fourni plusieurs
espèces curieuses. Les Serapias cordigera, triloba et surtout l'oxy-
glottis, celui-ci venant de la Dalmatie, ont donné des fleurs d'un dé-
veloppement parfait et montré des échantillons bien dignes d'exciler
la curiosité des amateurs d'Orchidées. Le cordigera trouvé dans les
environs de Saumur, n'est peut-élre pas aussi isolé qu'on le pense ;
les calcaires de cette partie de Maine et Loire recèlent sans doute
des espéces voisines. La chance heureuse de M. le docteur
Toché est un encouragement à ceux qui désirent illustrer la Flore
de l'Anjou.
La cinquième tribu, celle des Arelhusées, ne diffère de la précé-
dente qu'en ce que l’anthére porte un opercule. Elle n'est pas trés
nombreuse et nous présente d'abord un genre, le Limodorum aborti-
vum qui est assez commun aux environs de Paris; nos horticul-
leurs amateurs enlévent celte plante à l'aide d'une tranchée pro-
fonde et la cullivent avec plus ou moins de succés. Nous en avons
vu deux beaux exemplaires à l'exposition des Champs-Elysées; il y
en a d'autres en bon état dans le jardin de la Faculté de Médecine,
et ceux-là sont conservés dans des pots remplis de sphagnum , mais
comme celle tentalive est nouvelle, il faut attendre afin de savoir
quelles en seront les suites.
Les Cephalanthera de Richard sont un groupe intéressant de belles
espèces qui ne sont pas rares aux environs de Paris. Mais notre dé-
parlement de Maine et Loire est plus riche encore, les Cephalanthera
pallens, rubra, ensifolia, ne sont peut-être pas tous des enfants bien
légitimes de notre cher pays; il y a là des litres sujels à révision,
mais on en peut diretout autant des espèces indiquées près de la ca-
pitale; la culture qui envahit lout fait peu à peu disparaître ces es-
pèces charmantes que les amateurs regreltent.
Les Neottiées qui constituent la sixième tribu, ont l’anthère dor-
sale, et c'est là leur caractère diagnostique. Voyons d'abord les Epi-
pactis qui sont assez communs, le palustris qui a été assez longtemps
un Serapias, puis un Helleborine; le microphylla que M. le docteur
Boisduval nous a fait connaître; le latifolia, l'atrorubens, et quel-
ques autres encore confondus avec les Cephalanthera ; ces espèces
que l'on a placées successivement dans les Malaxidées , dans les
Arethusées, sont assez rares chez nos collecteurs d’orchidées vivan-
tes, mais elles supportent assez bien la transplantation. |
Les deux Spiranthes parisiens, l'estivalis et l'autumnalis ont fi-
guré en grand nombre à l'exposition des Champs-Elysées; la pre-
127
mière espèce, surtout, qui est la plus rare, remplissait un vase de
grande dimension et son élat florissant prouvait avec quel succès
M. Boisduval a recherché les condilions les plus favorables à son
développement.
Il est une autre espèce de Neottiée le Goodiera repens qui se ren-
contre aujourd'hui chez tous les amateurs d'orchidées. Au prin-
temps de 1855, elle a été trouvée en abondance près de Fontaine-
bleau par le professeur Chatin, dans une herborisation publique, et
celle belle espèce s'est montrée tout-à-coup dans une localité bien
connue, où certainement elle n’existait pas les années précédentes.
Cet événement a fait rechercher avec soin les causes de celte appa-
rilion; il a élé démontré que le Goodiera repens, ancien Satyrium de
Linné, Tussaca secunda de Rafinesque, Peranium repens de Salisbury,
n'avait jamais été nolé par aucun des bolanisles qui, depuis des
siècles, ont herborisé aux environs de Paris, et que, par conséquent,
la présence de cette orchidée devait tenir à quelque circonstance
exceptionnelle. Or, on a constaté que cette plante croissaif en abon-
dance sur un sol composé de feuilles de pin; ces feuilles provenant
d'une plantalion de ces arbres déjà ancienne, leur accumulation
successive a formé un terreau d'une nature spéciale, et quand les
arbres ont été grands, quand toutes les conditions favorables se sont
trouvées remplies, les germes du Goodiera, jusque-là inertes, se sont
développés spontanément et ont fourni celte moisson extraordinaire.
C'est par milliers que les échantillons ont été enlevés et celte année
ils n'ont pas fait défaut à la curiosité des persounes qui ont herbo-
risé à Fontainebleau.
L'Anjou renferme des plantations de pins, le sol se recouvre an-
nuellement de feuilles tombées qui composent un élément propre à
des apparitions de plantes nouvelles, cela est fort encourageant pour
les amateurs ; les défrichements de landes jusque-là incultes, les
mouvements de terrain que nécessitent les chemins de fer, tout cela
provoque la germination de graines longtemps enfouies et qui n'at-
tendent qu'une occasion favorable pour éclore, végéter et fleurir, à
la grande joie de nos amis, de nos flores locales. C'est ainsi que tout
récemment, M. Bureau, de Nanles, jeune candidal en médecine, a
trouvé à Bellevue, près Paris, dans une localité banale, une plante
nouvelle pour la Flore parisienne, l’ Utricularia media croissant en
abondance dans des trous résultant de l'arrachement de quelques
grands arbres.
Jusque-là, toutes les tribus d'orchidées passées en revue n'avaient
qu'une anthère placée au sommet du stygmale ou sur son côté dor-
sal ; la septième tribu, celle des Cypripediées, a deux anthères situées
128
latéralement, il y en a même une troisième, stérile, qui prend une
forme particulière. Celle dernière classe se compose d’un seul genre,
et parmi les vingt-cinq Cypripedium connus, un seul est européen ,
le calceolus, à moins qu'on ne comple le ventricosum qui est de la
Sibérie. MM. Boisduval et Pelé ont présenté à l'exposilion de beaux
exemplaires du calceolus ; celle plante qui a une tendance à remonter
vers le nord, supporte bien nos hivers, et cependant on la trouve
bien plus au sud que notre climat parisien. La plante que nous con-
naissons semble bien pâle auprès des espèces américaines que nous
avons vues à notre exposition , et qui sont cullivées en pleine terre
par M. Pelé. Les Cypripedium humile, insignis et spectabile sont d'ad-
mirables espèces qui appartiennent à l'Amérique du nord et dont la
conquéte serait facile.
Arrélons-nous ici, il en est temps, peut-être suis-je allé trop loin.
Il y a un grand charme dans ces éludes légères; on Га dit el avec
raison : le bonheur, c'est l'intérét dans le calme, c'est un sentiment pas-
sionné pour des choses honnéles et faciles; et quel moyen plus as-
suré d’être heureux que de s'occuper des plus charmantes œuvres de
la création, que de consacrer à des contemplations si douces les mo-
ments qu'on peut dérober aux exigences sociales, à des devoirs im-
périeux ?
P. MENIÈRE.
Paris, le 6 novembre 1855.
ADDITIONS
A LA
FLORE DE MAINE ET LOIRE.
Vous me fites l'honneur, Messieurs, d'insérer dans le premier
numéro des Annales de notre Société Linnéenne ce que j'avais pu
recueillir en plantes variées, et en localités des espèces déjà connues.
Ma notice vous montra de nouvelles richesses végétales récoltées par
nos jeunes botanistes. Permettez-moi de vous donner aujourd'hui la
preuve que le zèle continue depuis 1854 dans notre département, et
qu'il est possible de glaner encore dans des localités éloignées du
chef-lieu, et d'y rencontrer de loin en loin des espèces, sinon nou-
velles pour la science, du moins ignorées jusqu'à ce jour dans
l'Anjou.
Il est nécessaire, en outre, de nous tenir au niveau de la science
et de faire connaître les études des savants francais et étrangers; de
consigner les rectifications qu'ils ont cru nécessaires dans les fa-
milles et dans les genres des plantes françaises. C'est ce que je me
propose de faire dans ce troisième supplément à ma florule de Maine
et Loire. Mon seul désir est de rendre à chacun ce qui lui est dû , et
de prouver ma gralitude pour toutes les communications que les
amis de la science n'ont pas cessé de me faire.
Je suivrai, comme par le passé, la paginalion de ma Flore, et de
cette manière je pourrai exposer, dans l'ordre des familles que j'ai
Q
D
130
adopté, les augmentations ou les changements indispensables. Je
terminerai ce pelit travail par l'indicalion des localités où se sont
rencontrées quelques-unes de nos plantes rares.
Parmi les nombreuses espèces cryptogames trouvées en Maine et
Loire depuis deux ans, je citerai les suivantes : Protococcus coccoma,
Kutz. — Polyporus cinerascens. -— Coniophora cuticularis. — Peziza
confluens. — Р. (cyphella) ampla, Lév. — Capula, Mont. — Patellaria
convallarie, Mont. — Spheria inclinata, conglomerata , ligustrina ,
Mont. — Mazzantia guepini. Mont. — Phoma araucarie , Mont.,
Samarorum, ilicis. — Septoria lepidii. — Phyllosticta ligustri, Mont,
rhamni, Mont. — Gloosporium dryadearum, guepini, Mont. —
Ptegonosporiumelevatum — Hymenula guepini, Mont. — Fusarium late-
ritium. — Epicoccum neglectum , Desm. — Aspergillus aurantiacus,
Mont. — Perenospora stellata, plantaginis, de Lacr. — Sporidesmium
polymorphum. — Stilbospora pæoniæ.
Page 8. N° 22. Obs. Le Lemna arhiza, dont je donnais la descrip-
lion, a été trouvé par moi et par plusieurs autres botanistes en difté-
rentes localités.
P. 40. N° 25. TYPHA LATIFOLIA.
Obs. Le T. media, Déc., ne me semble, ainsi qu'à Bertoloni, qu'une
variation du T. angustifolia, offrant une tige plus courte et les deux chatons
séparés l'un de l'autre; feu Bastard l'indique à Pouancé, à Vétang des
Rochettes et dans la forêt d’Ombree.
P. 22. N° 67, CAREX RIPARIA.
Obs. Le C. Nutans, host., se rapproche du C. riparia; il en diffère par
sa tige plus gréle, à peu prés lisse; par la couleur verte de ses feuilles; par
son fruit marqué de cótes fines et terminé par deux longues pointes. M. Lloyd
l'indique sur les bords de la Loire.
P. 24. Obs. Scirpus uniglumis. Je ne connais encore aucune localité à cette espèce
dans notre Anjou ; je n'en avais donné la description que pour mettre sur
sa vole.
P. 30. № 96. ANTHOXANTHUM opoRATUM, L.
Obs. La var. Nanum que j'avais établie dans mon premier supplément ,
en lui donnant pour synonyme A. aristatum, Boissier?, est, d'aprés M. Du-
rieu, une espèce particulière que je décris ainsi :
N° 96 bis. A. PUELLIT, Lecog et Lamolte, non A. aristatum,
Bois. (2. f. de Puel.) Racine annuelle, à chevelu court et fin;
chaume de 6-20 cent., glabre, parfois pubescent-cilié, géniculé
à la base, puis ascendant, à rameaux gréles, fasciculés, ligule
P. 40.
P. 42.
131
oblongue-lacérée. Fleurs en long épi lâche, espacé. Glumelle
des fleurs neutres dépassant du double la fleur hermaphrodite,
et portant une arêle saillante, qui est plus longue que la
glume. An. E. R. Terrains incultes, secs et siliceux de nos
landes et pelouses rases de Beaulieu, Tiercé au Tertre Mont-
Chaud.
№ 131. MELICA MAGNoOLIr, Grenier et God. — M. ciliata, nobis,
non L. (2. M. de Magnol.) Racine rampante. Chaume de 4-8 dé-
cimètres, dressé, lisse. Feuilles linéaires, larges de 4 milli-
mètres, pubescentes en dessus, rudes en dessous, striées,
d'abord planes, puis enroulées à gaine striée et à ligule longue
de 4 ruillimètres. Fleurs d'abord verdatres, puis blanches,
brillantes, en panicale spiciforme, longue de 8-18 centimètres,
lobée, à rameaux nombreux, inégaux, dressés, les inf. verti-
cillés. Epilets triflores, Glumes à valves ponctuées, inégales,
à 5 nervures fines; l'inf. plus courte, lancéolée; la sup. plus
étroite. Glumelle à valvule inf. de la fleur fertile lancéolée,
tuberculeuse, bordée de la base au sommet de cils longs,»
blanes, étalés; la sup. plus courte, échanerée à la pointe et
ciliée sur les bords. Cariopse brun, lisse, ovale-oblong. W.
E. С. Sur nos coteaux schisteux, au midi.
N° 142. AVENA STRIGOSA, L.
Obs. M. Durigu pense que cette espèce n'est pas francaise et qu'elle nous
est apportée dans les grains étrangers. Beaucoup la prennent pour А. hir-
suta. Ses fleurs ne sont pas articulées avec le rachis; l'inf. est stipitée et
la sup. offre un faisceau de poils courts.
. N° 143. AVENA FATUA, L.
Obs. 1re. Ses deux ou trois fleurs sont toutes articulées avec le rachis par
une fossette arrondie. La valve inf. de la glume est seulement bidentée.
M. Durieu ne la croit pas, comme la précédente, indigéne dans nos con-
trées de l'Ouest; il pense qu'on prend souvent pour elle l'Avena Ludovi-
ciana qu'il a décrite dans les Annales de la Société Linnéenne de Bordeaux.
Obs. 2e. L' Avena hirsuta, trouvée à Thouars par M. Révelliére, se dis-
lingue du fatua par son chaume moins robuste; sa panicule unilatérale ;
par la fossette articulaire des fleurs fertiles ovale-oblongue, et enfin par sa
glumelle qui égale à peu prés la glume et qui se termine par deux soies ou
arétes prolongées.
P. 62. № 222. JUNCUS syzvaricus, Reichard. — J. acutiflorus, Ehrh.
— J. articulatus, Var. L. (7. у. des forêts.) Suit la description :
132
P. 62. № 224. JUNCUS ULIGINOSUS, Meyer.
Var. Nigra. J. nigritellus, Don., J. multicapitatus, Schulles.
Fleurs noirâtres. Lobes du périanthe tous acuminés. Angers,
Candé. L'espèce 225 sera ainsi supprimée.
P. 63. N° 229. JUNCUS BULBOSUS, L.
Obs. Le J. tenuis, Wild., a le chaume de 3 décimètres de hauteur; les
feuilles sont linéaires; sa panicule ou cyme est surmontée par des bractées
foliacées. Les lobes du périanthe sont acuminés, trinervés, et dépassent la
capsule qui est ovale-arrondie. Etamines 6.
P. 66. N° 237. TRIGLOCHIN PALUSTRE.
Obs. Sa racine est fibreuse, émettant à son collet des stolons horizon-
taux reproducteurs, très fragiles, comme articulés; vrais bourgeons, comme
ceux que Minter a observés dans le Sagittaria.
P. 67. N° 238. COLCHICUM AUTUMNALE, et 2e supplément, p. 14. —
C. OEstivale. Boreau.
Obs. Malgré l'extrait de la lettre de M. Boreau, consigné dans le 3* vol.
de ja Flore francaise de MM. Grenier et Godron, p. 174, je persiste à
croire que le C. estivale, Boreau, est une espèce francaise. Les feuilles ne
naissent pas avec les fleurs, ainsi que le dit la Flore, mais bien plus tard,
vers la fin de novembre; elles sont beaucoup plus développées que dans le
C. autumnale. En outre, si l'avortement des capsules est constant, ainsi que
l'aflirment ces Messieurs, comment donnent-ils donc pour caractère que les
capsules, plusieurs réunies, paraissent au printemps de l'année suivante?
M. Courtiller jeune, trés bon observateur, qui l'avait cultivé longtemps avant
de me l'avoir communiqué, ainsi qu'à M. Boreau, me l'avait signalé comme
une plante nouvelle pour notre pays. Je l'ai retrouvé à Saint-Remy-sur-
Loire. On le déplante au commencement d'aoüt pour jouir, sur les cheminées
ou les tables de marbre, de ses fleurs qui se développent sans terre ni
arrosements.
P. 74. N° 261. ORNITHOGALUM PyRENAICUM, L. — О. Sulfureum,
Schultes. (1. O. des Pyrénées.) Suit la description.
P. 76. No 267. ALLIUM SPHOEROCEPHALON, L. — 4A. deseglisei, Bo-
reau, etc. Les feuilles sonl demi-cylindriques, fistuleuses, ca-
naliculées en dessus à leur parlie inf., cylindriques au som-
met. L'ovaire est oblong-pyramidal. Etamines peu saillantes,
égalant presque le style.
Var. A. parviflorum, A. parviflorum, Desvaux?, non Lin.
— A. arvense, Gussone? Pédicelles plus courts. Périanthe
blanc, à lobes lisses à l'extérieur. Bulbe simple. Feu Desvaux
ne donne pas de localité.
133
P. 76. N° 267 bis. ALLIUM APPROXIMATUM, Gr. God. — A. sphero-
P 291.
cephalon, Boreau, non L. (5 bis. A. rapproché).
Celte espèce ne diffère de la précédente que par ses feuilles
d'un vert clair, cylindracées, légèrement comprimées, fistu-
leuses, à sillon peu marqué supérieurement et seulement près
du sommet: et enfin par son ovaire ovoide.
2. Ne 279 bis. ORCHIS ODORATISSIMA, L. — Gymnadenia, —
Rich. (2 bis. O. odorante). Tubercules palmés. Tige droite,
grêle, haule de 3 décimètres. Feuilles lancéolées-linéaires,
aiguës, carénées, redressées. Fleurs pelites, purpurines, à
odeur trés prononcée de vanille, en épi grêle, serré, allongé.
Lobes sup. du périanthe oblus, très étalés. Label à 3 lobes
presque égaux, ovales-oblus, entiers, concolores. Eperon
arqué, aigu, égalant l'ovaire. Bractées très nervées, lancéolées,
égalant ou dépassant un peu l'ovaire. W. juin, T. R. Les
prés autour de Pontigné (M. Baudouin); feu M. Bastard l'avait
indiqué à Chaloché, Chaumont, Saumur où on ne l'a jamais
observé jusqu'à ce jour.
HYDROCHARIDÉES.
Ajouter ce qui suit à la description de cette famille : Fleurs
dioiques, rarement polygames. Périanthe à 6 lobes, les 3 ext.,
ou calicinaux, plus courts; les 3 int. plus longs; pétaloïdes,
corollins. Etam. 6, monadelphes, à filels partagés en 2 bran-
ches, dont l'antérieure dans les étam. corollines, est plus courte,
vourbée et anthérifère au-dessous de son sommet, tandis que
les 2 branches staminales sont anthérifères dans les étam. ext.
ou calicinales. Les fleurs sont alors ou héxandriques ou en-
néandriques. Fleurs femelles offrant des rudiments d'éla-
mines avortées opposées aux lobes du périanthe.
P. 96. № 322. POLYGONUM pvusium, Stein. — P. Laxiflorum,
E299.
Weihe. (3. r. douteuse). Suit la description.
Obs. D’après MM. Gr. God., le P. mite Schranck, serait un hybride des
P. hydropiper et minus (P. hydropiperi dubium).
Ne 335. RUMEX FRIESII, Gr. God. — А. obtusifolius, Dec. non
Lin. (6. P. de fries). Modifier ainsi la descriplion : Feuilles cor-
diformes à la base, papilleuses en dessous, sur les nervures,
ovales-obtuses ou lancéolées. Périanthe à valves triangulaires-
oblongues, offrant à la base 3-5 dents.
P. 105. № 355. — AMARANTHUS витом, L. Flora suecica el aucto-
p
134
rum, non herb. — A. ascendens, Lois. — Euxolus viridis,
Moquin. — Suit la description.
. 105. № 356. AMARANTHUS DEFLEXUS, L., A. prostratus, Balbis
(2. A. couchée). Suit la descriplion. Le péricarpe est indéhis-
cent, monosperme, enveloppé par le périanthe.
. 105. № 357. AMARANTHUS SYLVESTRIS, Desf. — A. blitum, L. her-
bier. — non fl. suecica. Suit la description.
. 110. N° 391 bis. OROBANCHE терски, Schultz, — (5 bis. О. du
teucrium). Suit la description du haut de la page. Pontigné
(M. Baudouin).
. 135. LABIÉES.
Obs. Le fruit est formé de 2 carpelles divisés en deux loges, contenant
chacune un ovule et simulant un ovaire quadrilobé.
. 143. N° 442. EUPHRASIA ODONTITES, L.
Obs. Cette espèce rangée par quelques botanistes dans le genre Odontites
de Haller, sous le nom d'O. rubra, Pers., O. verna, Reich., offre une var.
serotina, O. serotina, Reich., qui ne se développe qu'en septembre. Elle
est caractérisée par des feuilles linéaires-lancéolées, atténuées à la base;
par des bractées linéaires, plus courtes que les fleurs; enfin par ses rameaux
étalés. Une sous-variété à rameaux très divariqués (О. divergens, Jordan) a
été trouvée prés de Baugé, à la Bouquetière, par M. Baudouin.
. 151. № 513. JASMINUM OFFICINALE.
Obs. Le J. fruticans, presque naturalisé à Thouars, d'aprés M. Révelliére,
ales rameaux verts, anguleux; les feuilles simples ou à 3 folioles vertes,
luisantes; les dents du calice linéaires; la corolle jaune, à 2 étamines ; le
stigmate bilamellé et le fruit en baie à 2 loges.
. 157. N° 529. DATURA STRAMONIUM.
Obs. Cette plante qui nous a été apportée, dit-on, du Canada. en 1618,
et que Vaillant n'avait pas encore trouvée en 1722 dans le rayon de Paris,
est devenue une de nos espéces les plus communes sur les bords de nos ri-
viéres et surtout sur ceux de la Loire.
159. BORRAGINÉES.
Obs. Ce que j'ai dit pour l'ovaire des Labiées peut s'appliquer aussi aux
Borraginées. Le disque proéminent est surmonté par deux carpelles divisés
en 2 loges contenant chacune un ovule, et simulant un ovaire quadrilobé.
. 171. N° 570. CICENDIA FILIFORMIS.
Obs. Quelques botanistes mettent cette espèce dans le genre Microcala,
Liuk, dont le calice est monosépale, et la corolle à 4 lobes étalés, etc.
135
P. 172. № 189. VINCETOXICUM, Mænch. — Cynanchum, Rob. Br.
(Dompte-venin). Calice à 5 divisions profondes et étroites.
Corolle 1-pétale, rotacée, à 5 divisions obliques. Couronne
staminale en bouclier, charnue, à 5-10 lobes, simple à Vint.
Anthères terminées par un appendice membraneux. Stigmate
en pointe courte, entière. Capsules (follicules), ventrues, lisses,
Graines nombreuses, à hyle soyeux.
№ 573. V. OFFICINALE, Moench. — Asclepias vincetoxicum, L.
— Cynanchum vincetoxicum, R. Br.- nobis. (Dompte-venin
officinal). Ajouter aux caractères : Couronne staminale divisée
en 5 lobes épais, rapprochés, ovales-arrondis, non émarginés,
réunis par une membrane pellucide, étroite.
Obs. Le V. Laxum, Bartling, pouvant se trouver dans notre département,
jen donne ici la description : Tige gréle, redressée. Feuilles petites,
étroites, acuminées, pubescentes sur les bords et sur les nervures , les in-
termédiaires légèrement cordiformes. Corolles blanches, verdàtre à la base,
parfois pubescente à l'ext., à lobes souvent réfléchis au sommet et sur les
bords. Couronne staminale campanulée, petite, à 5 lobes jusqu'à son
milieu; lobes gréles, ovales-arrondis obtus, émarginés, distants les uns
des autres et rattachés entre eux par une large membrane pellucide. Stigmate
orbiculaire, plane , ponctué.
P. 184. № 600. CICHORIUM INTYBUS. — Ajouter que l'aigretle est
courte, à 2 rangées trés inegales. W. E. T. C.
P. 202. N° 667. SILYBUM MARIANUM.
Obs. Cette espéce dont l'origine est douteuse, selon M. Decandole, est
extrémement commune autour d'Angers où elle acquiert deux mètres de
hauteur. On est loin de la cultiver, car elle infeste tous nos champs des ter-
rains schisteux.
P. 209. N° 689 bis. BIDENS PILOSA, Kerneria dubia, Cass. (Bident
velu.) Tige tétragone, haute de 3-6 décimètres, velue-hérissée
aux articulations, à rameaux velus, divariqués. Feuilles
opposées, pétiolées, vertes en dessus, plus pâles en dessous;
les inf. imparipennées, les sup. à 3 folioles ovales-aigües,
dentées , parfois décurrentes, à péliole cilié à la base. Fleurs
petites, jaunes, discoides, rarement radiées, en corymbe.
Involucre simple à lobes à peu prés égaux, ciliés de poils
blaucs, quelques-uns scarieux sur les bords, disque conique.
Akénes linéaires anguleux, offrant au sommet quelques
poils redressés et couronnés par 2-3 aréles hérissées de poils
dirigés en bas, divergentes, plus courtes dans les achénes,
136
ext. et droites et plus longues dans les int. An. E. T. R. trouvé
sur les bords de l'Aubance à Mürs , par M. A de Soland.
Obs. Cette plante, originaire de l'Amérique du Nord, sera-t-elle pour
nous comme l'Érigeron canadensis , qui infecte tous nos champs ? Comment
a-t-elle été apportée sur les bords de notre petite rivière où elle est assez
abondante et loin de toute habitation ?
P. 211. N° 699. CALENDULA ARVENSIS.
Obs. M. Trouillard, banquier à Saumur, ayant trouvé à Thouars, tout
prés de nos limites, le Calendula parviflora, Raf. — C. sicula, Willd.,
plante que n'indique pas la Flore francaise de MM. Grenier et Godron, j'en
donne ici la description, parce que nous pouvons la retrouver sur les coteaux
qui bordent le Thouet. Tige herbacée. Кеш. inf. oblongues-lancéolées, atté-
nuces en pétiole; les caulinaires ovales-lancéolées, amplexicaules, mucro-
nées. Fleurs jaunes, plus grandes que dans l'espéce précédente, à pétales
ligulés, une fois plus longs que l'involuere. Graines marginales courbées en
arc, muriquées sur le dos et entourées en leur rebord d'une membrane large,
dentée. An. Juin, juillet. Sur les coteaux.
P. 243. CCLXXVI bis BIFORA, Hoffm. (Bifore). Calice presque nul.
Pétales obovés, émarginés, avec une languette infléchie.
Fruit didyme. Méricarpes sub globuleux- ventrus, granuleux-
rugeux, à 5 stries. Commissure biperforée. Carpophore bipar-
lite. Graine concave. Involucre et involucelle nuls ou mono-
phylles.
N° 809. bis. B. TESTICULATA, Dec. — Coriandrum. — L. (B.
à [ruit didyme). Plante à odeur vireuse. Tige droite, gréle, an-
guleuse-striée, haute de 2-3 décimètres, glabre. Feuil. pinnées,
à lobes linéaires, triparliles, divariqués, incisés-dentés. Fleurs
blanches, en ombelle à 2-3 rayons et à ombellules 2-3 flores.
Involucre et involucelle à 1 foliole linéaire, courte. Pétales
presque égaux. Anthères purpurines. Slyles courts, arqués.
Fruit rugueux, échancré à la base, Lerminé au sommet par un
mamelon court. An. juin. T. R. Trouvé à Montreuil-Bellay,
d'abord par M. Ducoudray-Bourganet, puis par MM. Révellière,
Courtiller et Trouillard.
P. 261. N° 866. CALTHA PALUSTRIS. Ajouler à la description :
Feuilles légèrement dentées-crénelées sur les bords. Fleurs
grandes, d'un jaune clair. Lobes du périanthe obovales-arron-
dis, à base peu rétrécie. Anthères d'abord oblongues, puis
linéaires, Sligmales jaunátres. presque sessiles. Carpelles à
bec court.
Obs. 1". M. Boreau décrit une nouvelle espèce de Caltha, sous le nom
137
de C. Guerangeri, qu'il caractérise ainsi : Tige d'un brun rougeâtre, en
touffes laches. Feuil. sup. réniformes, fortement crénelées dentées. Lobes
du périanthe d'un jaune d'or, d'abord ovales, puis oblongs, rétrécis à la base
et espacés entre eux. Anthères ovales. Stigmates longs, jaunatres. Carpelles
d'un brun rougeatre, à bec long, divergent. Les prés humides.
Obs. 2e. ГАсіса spicata, etc.
P. 267. BALSAMINÉES.
Ajouter aux caractères de la famille : Calice irrégulier,
caduc, pétaloide, à 5 sépales dont les 2 ext. latéraux opposés;
les 2 antérieurs tres petits; le postérieur très grand, embras-
sant la corolle et prolongé a sa base en cornet ou éperon
recourbé. Pélales 5, l'antérieur grand, concave; les 2 posté-
rieurs soudés avec les 2 latéraux. Anthères 5 dont 3 bilocu-
laires et 2 uuiloculaires. Stigmates cohérents.
P. 970. MALVACÉES.
Ajouter ainsi aux caractères de la famille : Calice monosé-
pale, semi quinquéfide, offrant au-dessous une collerelte de
3-9 slipules réunies à la base en forme de calicule.
P. 294. N° 969. NASTURTIUM SYLVESTRE.
Obs. Ajouter aux caractères du N. Anceps : Pétales de couleur plus fon-
cée. Siliques longues de 4-6 millimètres, ancipitées, à stigmate épais.
Quoique Bertoloni et plusieurs autres botanistes reconnaissent cette va-
riation comme une espéce, j'ai des doutes sur elle. M. Lloyd, Flore de
l'Ouest, p. 39, dit que par la culture, il a vu les siliques d'abord ancipi-
tées, redevenir cylindriques-arrondies.
P. 302. CCCLXXI bis. cRAMBE, L. (Crambé). Calice égal à la base,
élalé. Pétales obovales. Filels staminaux simples ou le plus
souvent bidentés au sommet. Style nul, à stigmale oblus.
Silicule biarticulée; l’article sup. globuleux, lisse, indéhisceni,
l'inf. cylindrique, pédicelliforme, stérile.
№ 1,000 bis. С. HISPANICA, L. (C. d'Espagne). Racine fusi-
forme, blanchátre. Tige velue-hispide iuférieurement , sil-
lonnée-anguleuse, haute de 4-6décim.,à rameaux élalés. Feuill.
hispides, longuement péliolées, pinnées, à 3 lobes, les 2 inf.
pelits, obovales-oblongs, en forme d'oreillelles; le sup. ou
terminal orbiculaire, trés grand, denté-crénelé. Fleurs nom-
breuses, petites, en corymbe. Sépales jaunálres. Pétales
égaux, blancs, dépassant peu le calice. Les filets slaminaux
plus longs, bifurqués au sommet. Silicule lisse, orbiculaire,
indéhiscente, trés glabre. An. juillet. T. R. Les haies. Trouvé
138
par M. A. de Soland а Murs, où il y en avait un bon nombre
d'échantillons.
P. 304. CISTINEES.
Ajouter aux caractères de la famille : Calice de 5, rarement
de 3 sépales persistants avec deux bractées stipulaires plus
pelites. (Stipulion, Clos), etc.
P. 309. N» 1019. VIOLA CANINA.
Obs. On rencontre assez souvent une variation de cette espéce qui offre
un éperon allongé, canaliculé en dessous, et recourbé en hamecon au som-
met; je l'ai observée à Montreuil-sur- Loir, et M. Millet l'a vue aussi à
Soucelles.
P. 309. N» 1020. VIOLA LUSITANA, Brotero, Sec., Billot. — V. lan-
cifolia, Thore. (5. V. de Portugal). Suit la descriplion.
P. 313. N° 1028. SAGINA APETALA.
4er supplément, p. 31. Sagina ciliata, Fries. — S. Patula,
Jordan. (3. S. à feuil. ciliées). Suit la description.
Obs. On peut en distinguer deux variations : l'une, S. glabra, Schultz, à
tige glabre; la seconde, Ciliifolia, à feuilles ciliées, à la base, à tige velue-
glanduleuse.
La première, sur les rochers Saint-Nicolas, rive droite, à la Garenne.
L'autre en Saint-Laud, dans les terrains argileux.
P. 322. N° 1064. SILENE cnETICA, L. — S. annulata, Thore. (3. S.
de Créte). Suit la description : Les fleurs sont souvent apétales.
Па été trouvé en abondance, par M. Gaston Genevier, dans
les champs de lin, en mai 1855, à Saint-Sylvain, devant la
maison de Monplaisir.
P. 331. ADOXA. Les élamines sont au nombre de 4-5, à filet, à
2 lobes dont chacun porte une loge peltée de l'anthére.
Obs. D'aprés Schnizlein, le périanthe de la fleur terminale est bipartite, et
celui des fl. latérales est tripartite.
P. 336. CUCURBITACÉES.
Ajouter aux caracléres de la famille : Fleurs unisexuées
par suite d’avortement. Etamines 3 dont 2 complètes et une
à moilié développée. Ovaire invaginé dans le pédoncule.
Vrilles axillaires par suite de transformation des feuilles.
P. 340. CALLITRICHE.
Obs. Ce genre est le type de la famille des Callitrichinées, de Link.
MM. Pouchet fils et Chatin ont observé que la tige et les feuilles des espéces
de ce genre, mais surtout la face inf. des dernières, offrent sur l'épiderme
139
grand nombre de petits points blancs et brillants que le dernier de ces natu-
ralistes nomme Cysties. Chacune de ces cysties, formée de 6-8 cellules, est
un appareil utriculaire contenant de l'air au moment de l'anthése pour faire
surnager la plante lorsqu'a lieu la fécondation.
P. 343. No 1131. OENOTHERA BIENNIS.
Obs. Si, comme le dit M. A. de Candolle, dans sa géographie botanique,
p. 725, cette espéce est d'origine américaine. et nous est venue du Canada
eu 1618, elle peut passer pour grandement naturalisée, car les bords de la
Loire en sont couverts.
P. 397. ILEX. Corriger ainsi les caractères du genre : Fleurs poly-
games ou dioiques par avorlement. Calice petit, à 4-6 dents.
Corolle 4-6 partite, rotacée, à lobes élargis et rapprochés à
leur base. Etamines 4-6, insérées à la base des péla.es et al-
lernes avec eux.
P. 398. N° 1302. EUPHORBIA EsurA, L. — E. salicifolia, Dec. —
E. mosana, Lejeune. — E. lucida, auctorum, non W. Kitt.
(4. E. ésule). Ajouter à la description : Feuilles linéaires-lan-
céolées. Involucelles jaunâtres, à folioles реШеѕ, ovales ou
trapézoïdes, mucronées.
Effacer la var. pubescens, et la remplacer par la suivante.
Var. A. Tenuifolia. E. pinifolia, Dec., Bastard. Plante gréle,
à rayons de l'ombelle peu nombreux et à feuil. presque li-
néaires.
W. E. C. Le type sur les bords de nos rivières où il abonde;
la var. rare sur les coteaux secs (feu Bastard).
P. 399. № 1309. EUPHORBIA AMYGDALOIDES, L.
Obs. MM. Gr. et God. regardent comme moi l'Ewphorbia ligulata ,
Chaubard, que j'ai décrit dans mon premier supplément, comme une simple
variation de ГЕ. amgdaloides.
P. 405. № 1326. ULMUS campestris, L.
Obs. La var. Glabra, U. Glabra, Miller, ne peut avoir pour synonyme
U. nitens, Moench, qui se rapporte à PU. montana dont les feuilles sont
trés grandes, tandis que la var. Glabra, trouvée à Pruniers par feu Huard,
les a petites.
P. 414. N° 1350. SALIX FRAGILIS, L.
Obs. On indique sur les bords de la Loire le S. russeliana, Smith, regardé
par beaucoup de botanistes comme variété du précédent. Voici sa descrip-
tion : Arbre assez élevé, à rameaux fragiles. Feuilles lancéolées, aigües,
glabres, dentées-glanduleuses sur les bords; les plus jeunes, soyeuses en
140
dessous. Stipules cordiformes. Etam. 2. Capsule conique-lancéolée, à pédi-
celle 2 fois plus long que la glande. Stigmate 2-fide. Vulgt Saule noir.
P. 417. N° 1360. SALIX SMITHIANA. Wild. — S. seringeana, Gaudin.
(11. S. de Smith). Suit la description.
LOCALITÉS NOUVELLES
dans le département de Maine et Loire (1).
P. xcvi. LYCOPODIUM INUNDATUM, Courléon, M. T.
D
. суш. POLYSTICHUM CALLIPTERIS, forêt de Chandelais, M. B.
P. 8. LEMNA annua, Angers, M. Boreau, d’après MM. Grenier et Godron.
p.
—
з тэ Wie Do оо кае чо ы 8р
17. CAREX tomentosa, Vivy, М. Т.
24. SCIRPUS cæspiTosus, Courleon, M. T.
25. SCIRPUS TABERNŒMONTANI, Echemiré, M. В.
26. SCHŒNUS ALBUS, Courléon, M. T.
40. AIRA CANESCENS, Vivy, M. T.
43. AVENA SULCATA, Lasse, M. B. — Montreuil-Bellay, M. T.
47. KŒLERIA CRISTATA, Pontigné, M. A.
50. FESTUCA myuros, Montreuil-Bellay, M. T.
61. JUNCUS capitatus, Brézé, M. T.
62. JUNCUS acutiFLorus, Courléon, M. T.
66. TRIGLOCHIN PALUSTRE, Courléon, M. T.
70. TULIPA svLvEsTRIS, Angers, au Chaumineau, M. Clavier.
71. MUSCARI RACEMOSUM, Saint-Remy-la-Varenne, N.
73. SCILLA BIFOLIA, var. Flore albo, Saumur, bois d'Auré. M. T.
74. ORNITHOGALUM PYRENAICUM, Blou, Vivy, M. T.
75. ALLIUM oLERACEUM. Montreuil-Bellay, M. T.
78. NARCISSUS BirLorus, Marcé, M. B.
85. ORCHIS rusca, Vivy, M. T.
86. ORCHIS cERCOPITHECA, Pontigné, MM. А. B. — T.
87. OPHRYS wvopzs, Vivy, M. T.
. 87. OPHRYS APIFERA, Vivy, M. T.
(1) Les lettres initiales M. D. — M. T. indiquent les noms de MM. A. Baudouin et 'Trouillard .
o pte te е о ts кошы шр چ э ت ا
кө ТӘ Peewee fd шр
141
. SPIRANTHES GSTIVALIS, Courléon, M. T.
. LISTERA (EPIPACTIS) OVATA, Vivy, M. T.
. EPIPACTIS nipus Avis, Milon, Lué, M. de Crochard.
. EPIPACTIS MICROPHYLLA, Pontigné, M. B. — Courléon, M. T.
. ANAGALLIS CERULEA, Suetle, M. Bardin.
. ANDROSACE maxima, le Puy-Notre-Dame, M. Révelliére.
. PINGUICULA VULGARIS, Echemire, M. B.
. PINGUICULA, Lusitanica, Courléon, M. T.
. OROBANCHE cRUENTA, Vernoil-le-Fourier, M. Т.
— PICRIDIS, Vivy, M. T.
— MINOR, sur les Xanthium et Glechoma, Saum., M. d'Espinay.
— HEDERÆ, Vivy, M. T.
— COLOMBARLE, Angers, N.
. VERONICA SCUTELLATA, var. velutina, Courléon, M. T.
. VERONICA spicata, Courléon, M. T.
. SCROPHULARIA CANINA, Saumur, M. T.
. SALVIA OFFICINALIS, naturalisé à Vernantes M. T.
— SCLAREA, Seiches, M. Bardin.
j. LEONURUS CARDIACA, Vivy, Brain-sur-Alonnes, M. T.
. THYMUS, CHAMEDRIS, Vernoil-le-Fourier, M. T.
— NEPETA, Saumur, M. T.
. MELISSA OFFICINALIS, Courléon, M. T.
. BRÜNELLA LACINIATA, Vivy, M. T.
. SCUTELLARIA GALERICULATA, Marson, M. T.
. ATROPA BELLADONA, Brain-sur-Allonnes, M. d'Espinay.
. PHYSALIS ALKEKENGI, Cantenay-Epinard, M. le dr Farges. — Brézé,
M. T. — Lasse, M. B.
. CUSCUTA EPITHYMUM, sur le Sucisa pratensis, Vernoil-le-Fourier, M. T.
. ERICA TETRALIX, var. Flore albo, Courléon, M. T.
. VACCINIUM MYRTILLUS, le Vieil-Baugé, M. B.
. CAMPANULA RAPUNCULOIDES, Baugé, M. В.
. CENTAUREA NIGRA, Courléon, M. T.
. XERANTHEMUM CYLINDRAGEUM, Vivy, M. T.
. INULA HELENIUM, Vivy, M. T.
— SALICINA, Vivy, Courléon, M. T.
. SENECIO ERUCIFOLIUS, Vivy, M. T.
. ANTHEMIS mixta, Montreuil-sur-Loir, M. Bardin.
. DIPSACUS pitosus, Brain-sur-Alonnes, M. T.
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322
142
. BUPLEVRUM anistatum, Pontigne, M. B.
. SMYRNIUM OLUSATRUM , Saint-Georges-Chatelaison, M. T.
. RANUNCULUS cæspirosus, Vivy, M. T.
— NEMOROSUS, (R. polyanthemos, var.), Forét de Chandelais,
M. B. — Forét de Pont-Ménard, M. T.
. ISOPYRUM THALICTROIDES, Pontigne, M. В.
. MALVA NICŒENSIS, Montreuil- Bellay, M. T.
. ELODES patustis, Courleon, M. T.
. GLAUCIUM Luteum, Saumur, ile Maffray, M. T.
. DIPLOTAXIS VIMINEA, Jarzé, M. B.
2. ARABIS HIRSUTA, Courléon, M. T.
. CARDAMINE PRATENSIS, var. dentata, étang du Bouchet, à Lasse, M. A. B.
— IMPATIENS, forét de Pont-Menard, M. T.
— SYLVATICA, forét de Pont-Ménard, M. T.
. LEPIDIUM (HUTCHINSIA) PETRŒUM, Champigny-le-Sec, MM. Révellière et T.
. CALEPINA corvini. Vivy, Saint-Georges-Chatelaison, M. T.
. DROSERA INTERMEDIA, Courléon, M. T.
. SPERGULA morisonil, (S. pentandre, var.), Courléon, M. T.
318.
. 320 SAPONARIA vaccariA, Brain-sur-Alonnes, M. T.
. SILENE ARMERIA, Newillé, bois de la Vache, M. T.
323.
324.
330.
299.
361.
362.
367.
370.
379.
383.
385.
386.
CERASTIUM ANoMALUM, Saumur, M. T.
— CONICA, Marson, M. T.
LYCHNIS pruna, forêt de Pont-Ménard, M. T.
RIBES RUBRUM, forét de Pont-Ménard, M. T.
ROSA ALBA, Champigné, butte de la Saudiere.
POTENTILLA SPLENDENS, Blou, M. T.
FRAGARIA coLLINA, Montreuil-Bellay, M. T.
SANGUISORBA OFFICINALIS, Courléon, M. T.
GENISTA PiLosA, Chartrené, butte de Montrond, N.
MELILOTUS macroruiza, bords du Layon, N.
LUPINUS LINIFOLIUS, Ушу, M. T.
ORNITHOPUS EBRACTEATUS, Courléon, М. T.
CORONILLA varia, Neuillé, M. T.
J. GUÉPIN,
d.-m. p.
NOTICE SUR LA DÉTERMINATION
DU
VÉRITABLE CONVOLVULUS JALAPA.
On a longtemps ignoré à quelle plante il fallait attribuer la racine
de Jalap (Convolvulus Jalapa, L. Pentandrie monogynie; Dycotyle-
dones monopetales hypogynes, famille des Convolvulacées) employée
em médecine comme un purgalif fort connu.
Objet d'un trafic assez aclif sur les places de commerce du Mexi-
que, et notamment sur celle de Jalapa (Xalapa), qui lui a donué
son пот, elle est apportée par les indigènes (los Indianos), de lin-
térieur des vastes forêts de ce pays.
« Se fondant, dit Guibour dans son histoire abrégée des drogues
simples, sur des analogies plus ou moins spécieuses, plusieurs bo-
lanistes la considérèrent successivement comme une espèce de
Bryone, de Rhubarbe, où de Mechoacan. Plus tard, on l'a regardée
comme appartenant au Mirabilis jalapa, L. puis au Mirabilis lon-
giflora , enfin au Mirabilis dichotoma , bien que Roy. Houston,
Sloane et Miller eussent déjà dit avec vérité que le Jalap était une
espèce de Liseron. »
Quoiqu'il en fat de la divergence des opinions, cette plante était
peu ou point connue en France lorsqu'il en fut apporté de Charles-
144
Town une racine fraiche qui vécüt assez longtemps au jardin des
plantes à Paris, pour qu'on en vit deux fois sortir, se développer et
fleurir le nouveau liseron dont ou s'empressa d'enrichir notre her-
bier national.
La question d'authenticité en était 1a, lorsque dans les premiers
jours de 1825, M. Ledanois, mon collégue à la pharmacie des Tui-
leries, quilta le service du Roi, pour aller ouvrir une officine à Ory-
saba au Mexique.
Cet élablissement, qui rencontra de grandes difficullés, ne put
s'accomplir qu'aprés avoir surmonté à force d'énergie des fatigues
et des tracasseries locales de toute espéce. Quelque chose comme
un préjugé de sorcellerie qu'il eut bien de la peine à vaincre, s'op-
posa méme longtemps à ce qu'il pút voir ce singulier public, aborder
sans défiance une pharmacie à l'Européenne dont il n'avait pas
méme l'idée (1). Force lui fut bien alors de chercher autour de lui
des moyens d'existence qui lui permissent de vivre, en atlendant
qu'il s'apprivoisàt ; il les trouva dans le commerce de la Salsepa-
reille, de la Vanille et du Jalap, qu'il organisa sur une assez grande
échelle.
Il n'ignorait pas de quelles incertitudes avait été accompagnée la
détermination de la plante qui donne la racine de Jalap, et se trou-
vant au milieu du champ de constatation, 1 s'était bien promis
d'éclaircir définitivement cette controverse ; en conséquence, il pria
ses Indiens de lui apporter quelques plantes fraîches, mais, sous di-
vers prétexles, sa demande fut constamment éludée; il en voulut
savoir la raison et il la demanda à une autorité compétente du pays,
qui lui apprit que, dans le but de se conserver le monopole du com-
merce de la racine de Jalap, et d'empécher qu'il ne passat aux mains
des Européens, jamais les indigènes ne l’apportaient de l'intérieur
des forêts que dans un état de siccité parfaite. Celle raison incon-
nue en Europe, qui élait révélée pour la première fois, expliquait
alors facilement, comment il se fesait qu'on eüt connu si tard une
plante dont la racine était depuis si longtemps répandue dans le
commerce de la droguerie. Il est donc probable que, sans la circons-
tance de l'habitation d'un Européen qui s'intéressait en connais-
sance de cause à la solution de cetle intéressante question de bota-
nique, nous en serions peut-être encore aux anciens échantillons
de l'herbier national, recueillis sur la plante de Charles-Town.
Cependant M. Ledanois ne désespérait pas de la réussile de sa
(1) Les médecins du pays fournissant les quelques rares substances simples qu'ils
appliquaient sans poids ni mesures au traitement de toutes les maladies.
145
recherche, mais faute de mieux, il ne l'attendait plus que du hazard,
lorsqu'un jour il reçut une charge de racine de Jalap, dont plu-
sieurs ne lui semblèrent pas entièrement privées d'humidité. Son
vendeur parti, il se hata de les mettre en terre et altendil. La saison
des pluies qui arriva bientôt, délermina la végélation de ces racines
el il eut enfin le plaisir de voir ces plantes sortir de terre et se déve-
lopper sous ses yeux. C'était bien un Convolvulus, mais à sa grande
surprise, ce n'élait pas du tout celui du jardin des plantes. Les
feuilles qui lui apparaissaient, étaient bien plus oblongues ; les fleurs
différaient encore davantage. Leur pédoncule plus allongé, le tube
long et délié de leurs charmantes corolles roses bien plus largement
évasées que dans l’autre, donnaient à l'ensemble de la plante un
aspect dont l'élégance contrastail entièrement avec le facies de celle
qu'il avait vue à Paris. Les feuilles de celle-ci remarquablement plus
larges, ses corolles d'un rouge vif, peu évasées, au tube épais el ren-
flé, éloignaient tout rapport de similitude entre les deux plantes, et
conslituaient l'espèce à part, dans laquelle il lui fut alors facile de
reconnaitre le faux Jalapa (pseudo Jalapa) trés commun aux envi-
rons de Xalapa, d'Oxara et d'Orizaba.
M. Ledanois prépara el sécha avec soin un assez grand nombre
de tiges, avec feuilles et fleurs, qu'il rapporta en France vers la fin
de 1829, el sur ses indications et d’après la comparaison des pièces
du procés qu'il mit sous les yeux des professeurs du Jardin des
plantes, le vrai Convolvulus Jalapa prit dans l'herbier national la
place du pseudo Jalapa de Charles Town, et il continue de l'occuper
sans avoir désormais à redouter une nouvelle déchéance.
DELAGENEVRAYE,
ancien pharmacien aux Tuileries.
SUR LES SEMIS DE VIGNE.
Lorsque le comice agricole de Saumur fonda l’école de vigne
dont il me donna la direction, je pensai que des essais sur les se-
mis pourraient arriver à des résullats heureux, malgré l'opinion
généralement accréditée alors, que la vigne dégénérait toujours
lorsqu'elle se renouvelait par ce moyen. Je n'avais aucunes obser-
valions antérieures pour me diriger, je fus donc obligé de m'en rap-
porler au hazard, ce grand-maitre en bien des choses. Je choisis
seulement les raisins de belle apparence, je semai avec toules les
précautions que j'indiquerai et j'attendis. ГаЦепаіѕ longtemps, car
maintenant encore une grande quantilé de sujets semés depuis
quinze aus n'ont pas encore donné fruit, et je n'ai jamais obtenu
de fruclificalion avant la cinquiéme année. Avis, soit dit en pas-
sant, à ceux qui publient dans les journaux que pour préserver la
vigne de la maladie, il faut la renouveler de semis. Sans compterl'in-
convénient des mauvaises variétés, beaucoup plus nombreuses que
les bonnes, j'ai la preuve que l'oidium attaque tout aulant les jeunes
sujets de semis que les autres. `
Comme la vigne gèle presque toujours la première année, il faut
avoir soin de faire ses semis dans des caisses ayant au moins trente
centimètres de profondeur, soit à l'air libre, soit, ce qui est beau-
coup mieux, sous chássis ou daris une serre. On obtient ainsi une
végétation plus aclive et des sujets plus vigoureux. On les rentre à
l'époque des gelées, et on peul au mois de mars suivant les livrer
147
sans crainte à la pleine terre en les espaçant convenablement. On
ne donne plus alors que les façons ordinaires à la cullure en grand.
La vigne comme toutes les autres plantes cultivées depuis longues
années, varie considérablement renouvelée de semis ; ces varialions
portent sur toutes les parties de la plante. Les feuilles présentent
loules les formes, depuis la feuille entière ressemblant à la feuille
de tilleul, jusqu'à celle offrant les découpures les plus profondes.
Elles sont ou lisses ou fortement cloquées ; ces dernières, d’après
mes observations, donnent rarement de bons raisins. J'en ai obtenu
de panachées de blanc, d’autres trés petites ressemblant à des feuil-
les de groseiller, elc... Les tiges varient également pour leur cou-
leur du rouge brun au {rouge assez vif et par la longueur de leurs
entrenceuds. Le fruil éprouve également de profondes modifications ;
de semis de la méme espéce, vous obtenez des fruils de nuances
diverses et de goüt trés différent. Si, par exemple, vous semez un
raisin rouge, voilà à peu près ce qui arrive: une petile parlie repro-
duit assez exaclement l'espéce que vous avez semée el souvent,
chose fort importante, avec une amélioralion seusible dans la pré-
cocité. Vous trouverez quelquefois l'espèce ayant perdu sa couleur
et vous donnant exactement le méme goüt mais en blanc. Assez
souvent il se produit des chasselas, quelquefois des muscats, plus
rarement une espèce remarquable bonne à conserver et la plus
grande partie est médiocre ou mauvaise. On voit par cet exemple
que la vigne suit exactement la marche des autres fruils dont on
veut obtenir des variétés. Il faut done beaucoup semer pour obtenir
un peu. J'ai semé environ soixante espèces de raisins; j'ai deux mille
pieds de vigne qui en proviennent, le tiers tout au plus a fructifié et
je ne pourrais encore compter qu'un pelit nombre d'espèces remar-
quables, et dignes de figurer à côté des meilleurs raisins.
Comme je l'ai dit en commençant, j'ai trop laissé au hasard. Si
j'avais à recommencer une expérience qui demande tant de temps,
voilà ce que je ferais : je chercherais toujours à hybrider une espèce
très précoce avec une espèce remarquable par le goût, hâtive ou
non; je ne choisirais pour livrer à la terre que les pepins provenant
des grains les plus beaux, ceux par exemple des épaules du raisin ;
je les ferais germer dans un terreau trés subslantiel, el je crois que
par ce moyen on obtiendrait plus souvent des variétés remarquables.
Lorsqu'on verrail dans un jeune sujet toutes les apparences d'un cé-
page distingué, c'est-à-dire une bonne végétation, un feuillage assez
ample et lisse, un bois à nœuds bien espacés, on pourrait alors le
greffer sur un cep vigoureux ; c'est un moyen certain de le faire
fructifier promptement, mais qui porte aussi quelquefois un peu
148
de modification dans le goût. On serait alors plus promptement édifié
sur la qualité du fruit qu'on espère. Il faut, dit-on, une grande pa-
tience pour faire des semis de vigne, altendre douze ans, quinze
ans! C’est vrai, mais il n'est pas plus long de mettre en terre les
semences de la vigne, qu'une autre semence ; le temps fait le reste,
il passe vite, et si vous avez pu par vos découvertes contribuer à
rendre l'existence commune plus agréable, n'avez-vous pas aussi
contribué au bonheur de la vôtre et placé sur le sillon si vite effacé
de la vie, quelques jalons pour en marquer la trace?
A. COURTILLER.
HORTICULTURE ANGEVINE.
Parmi les anciennes provinces de France, l'Anjou tient le pre-
mier rang pour les produits horticoles. Chaque année les amateurs
de botanique appliquée et les jardiniers obliennent d'excellents ré-
sultats et cullivent de nouvelles plantes.
Sur nos marchés aux fleurs, ne se trouvent pas seulement les
plantes vulgaires deslinées à orner la mansarde de l'ouvriére ou l'é-
choppe du cordonnier ; à chaque époque de floraison, nos horlicul-
leurs exhibent aux regards des amateurs ce qu'ils ont de plus rare
dans leurs serres et jardins : c’est ainsi que, depuis une viuglaine
d'années se sont propagés les Camelia, les Pelargonium, les Petunia,
et les Verveines.
Ce n'est pas de nos jours que dale la célébrité horticole de l'An-
jou; le poirier de Messire Jehan élait connu à Angers, lorsque le
ministre de Louis X, Enguerrand de Marigny, le faisait. planter
comme un arbre curieux dans ses magnifiques jardins d'Issy.
A une époque l'on ne songeait qu'à guerroyer, pour délivrer la
France de la domination anglaise, le roi René recevait de la Provence
et autres lieux pour ses nombreux jardins, les arbres et arbustes les
plus remarquables. C'est à René qu'on doit dans l'Anjou l'introduc-
lion des Muscals, des Chasselas, des Roses musquées, de Provins et
des OEillets de Provence.
Chacun des jardins de ce bon prince était un jardin modèle; nou
150
avons vu plusieurs lettres de René, où il donne à ses concierges les
instructions les plus minulieuses sur le soin qu'on devait apporter
à la culture de ses fleurs et de ses arbres, ainsi qu'à l'éducation des
animaux qu'il élevait dans ses manoirs et châteaux d'Angers, de
Reculée, de la Rive des Rivettes, d'Epluchard, de Baugé, de Beaufort,
de la Menitré, de Launay, de Chanzé, des Ponts-de-Gé, etc.
Apres la mort de René, Jehanne de Laval continua d'entretenir et
d'orner de fleurs les demeures de son royal époux.
Au xv siècle, on connaissait déjà un grand nombre de poires ;
nous trouvons à celle époque, dans les lettres de Jean Bourré et
dans les censifs des abbayes de l'Anjou, les noms des poires de
Pepin et de Gergonelle.
L'élan élait donné, les seigneurs de la cour de René (1) avaient
adoplé ses goûts et dépensaient des sommes énormes pour embellir
les jardins de leurs châteaux.
En 1607, on cullivait à Augers, le poirier de Besy d' Heri, sous le
nom de poirier d' Hieric.
Bruneau de Tartiliime, dans son Philandinopolis, donne le pas-
sage suivant sur l’horticullure d'Anjou en 1626 :
« La beauté d'un lieu consiste au doux air en sa situation et en
> son accompagnement. Le pais d'Anjou, sis el placé en la Gaule
> Cellique, a au septentrion le Maine, au midi le Poitou, en l'orient
> le Ladonnais, et en l'occident la Brelagne. La température de l'air
» y est si modérée, qu'à bon droit Ronsard a dict que l'Anjou estoit
> le paradis de France, comme nous le montrerons су-аргеѕ. Le
» printemps, l'esté, l'automne et l'hyver ny sont jamais sans fleurs.
» Le printemps, oullre l'OEillet et la Rose qui y croissent en
» toutes saisons, s'y pare de diverses sortes d'Anemones : soient
» d'Anemones pavols, slellaria, suave-rubens , double soucy, grises
(1) M. Marchegay nous communique la lettre suivante adressée à Jean Bourré,
par René de Laval, seigneur de la Faigne et de Pontbelain.
« Mons" mon compère, je me recommande a vous tant fort comme je puys, en
vous remersiant bien fort des bonnes poyres que me avés anvoyés, lesquelles sont
les meilleures que mangé de cest an.
» Je vous an anvoye d'aultres que on me a données. Sy les trouvés bonnes, vous
ап anvoyré des greffes; més elle ne hont point de hault goust comme les vostres. J'an
ay quelque une an ung jeune arbre : sy la puys sauver des oiseaulx et frelons, et elle
ce trouve bonne, vous an anvoyré. On la me a fort louée, més je ne en mangé ja-
més... Eseript au Lion, le vue jour de aoust.
» Vostre serviteur et compère
» RENÉ DE LAVAL. »
151
» communes, violettes, calcedoniques, superiers et coccinées ; s'em-
» bellit de Couronnes impérialles, d'Epatiques, Botroides, Narcisses,
» Jonquilles, Jacinthes, Gladioles, Renuncules et Ornithogales ; s'y
» glorifie en Tulipes précosses, duchesses, comlesses, blanches,
» olièses, bleues, pourprées, orangées, de drap d'or, suisses, variées,
» verdes, jaulnes el rouges ; s'y finit paré de Liz blancs, asfodeles,
» cruentes, phenicées et de Perse, de Roses de Provins, Guenelle
» sans espine, pommées, de Gueldres, de Warmond, Batavi et Mi-
> parlies; davantage on y cueille la Camomille, l'Ancolie, les Bellides
» ou Margueriles, les Peones, le Muguet, les Violetles de mars, le
» Romarin, le Satirion, la Parthenie, le Sceau de Salomon, la Pilo-
> selle, les Chamædries et la Chrysantéme.
» L'esté y a diverses sorles de Passeroses, appelées d'Outre-Mer,
»le Nasturlium indicum, les Jacea blancs et pourpres, les Iris,
> soient glorieux, Chame-tris, Iris de luxe, Iris bulbeux, les Eme-
> rocalles, les Marlagons, les Pavols de toules couleurs , les Lysi-
> machia, les OEillels des Indes, les Campanelles, les Griroflées, les
> Cicados, Anis, l'Arthemise, l'Acanthe, l'Amaranthe, l'Angelique,
» l'Eaulne, le Serpylle, l'Helxine, la Cissampelle, les Betoniques, les
» Aubepines, les Melilols, le Basilic, le Bassamin, l'Hypericum, le
» Spic, la Lavande et plusieurs aultres.
» L'automne faict paroilre ses Narcisses, ses Crocus, ses Osiris,
» ses Cantabrica, ses Colchiques, sa Coriandre, son Romarin et ses
» aultres diverses fleurs.
» L'hyver, encore que glacé, nageux et couvert de frimals, se re-
» lient l'Hellebore noire, le petit Leucoyon de Theophraste, ou fleur
» de febvrier, el le plus souvent prend les fleurs du printemps qu'il
» faicl avancer par son tempérament. »
La répulalion que s'était faite notre province, s'amoindril sous
les règnes de Louis XIV et de Louis XV; quatre roses seulementétaient
connues; aujourd'hui nos horliculteurs comptent cinquante espèces
et plus de dix-huit cents variélés.
Orléans tenait alors le sceptre de l'arboriculture, et lorsqu'il s'agit
en 1703, de replanter le mail d'Angers, on eul recours aux pépi-
niéristes d'Orléans; cent cinquante pieds d'ormeaux furent livrés
par eux, à raison de soixanle-quinze livres le cent rendu au port
d'Angers.
La supériorilé de l'Orléóanais fut passagère; en 1796, le mail fut
encore replanté; les pépinières du Grand-Jardin, tenues par M.
Symphorien Leroy, fournirent des arbres magnifiques. Depuis ce
temps l'arboriculture et l'horticulture ont toujours été en progressant.
L'Agave d'Amérique, qui fleurit au Jardin des plantes, au mois de
152
=
seplembre 1850, avait élé prise dans les serres de M. Restaut, ama-
teur très distingué d’horticullure, sous le premier Empire.
Lorsque Celse et Audibert eurent fait connailre le moyen de cul-
liver el propager P Hortensia, M. Leroy père fut le premier à intro-
duire en Anjou celle belle plante. Les soins que cet horticulteur distin-
gué apporla pour multiplier l Hortensia, ne furent point perdus. L'en-
gouement qui s'allacha à la nouvelle fleur lui fournit l'occasion de
réaliser de grands bénéfices. Aussi l'Hortensia fut-il toujours pour
M. Leroy, un objet de prédilection ; et quand il quitta son élablisse-
ment du Grand-Jardin, il voulut emporler avec lui le premier pied
d" Hortensia qu'il avait cullivé, comme souvenir de ses beaux jours
d'horticulleur.
Angers ful une des villes qui connurent de bonne heure la Rose de
Bengale. En 1792, M. Merlet de la Boulaye introduisit le Magnolia en
Anjou. Le Magnolia planté au jardin des Plantes, par ce savant
professeur de botanique, existe encore. Il se trouve près des marches
qui conduisent à la terrasse des Magnolias.
Sous Empire, les Hyacinthes, les Tulipes (1), les Anémones etles Re-
noncules, faisaient l'ornement des moindres jardins. Le pelit rentier
économisait tous les ans, pour pouvoir faire un voyage en Hol-
lande, afin de rapporter de nouvelles variétés. Les splerdide;jardins
de Rosny, appartenant à Madame la duchesse de Berry, renfermaient
un grand nombre d'arbres et d'arbustes sortis des pépinières eL des
(1) Au хупе siècle, l'horticulture était surtout en honneur dans la maison de
la Trémoille, l'une des familles les plus justement renommées de l'Ouest de la France,
et de l'Anjou.
Charlotte- Brabantine de Nassau, fille de Guillaume le Taciturne, donna une nou-
velle impulsion à la culture des fleurs, en créant à Thouars et à Louzy des jardins
dignes de rivaliser avec ceux de la Haye et de Harlem. M. Marchegay nous com-
munique la lettre suivante, récemment découverte dans le chartrier du château de
Serrant. Francois d'Aerssen, qui l'a écrite, était ambassadeur des Provinces-Unies
prés la cour de France.
A Madame de la Trémoille duchesse de Thauars.
Madame, voicy desormais la saison, jusque bien avant en septembre, pour trans-
planter de fleurs; aussy ay je faict sommer Swertz de se souvenir de vostre memoire,
mais je crains qu'en serez mal servye, car il est lent, que je ne die pas par trop
nonchalant, en toutes ses affaires, siennes et celles d'autruy. Cependant je m'ac-
quitte maintenant de la promesse que j'ay faicte a Vostre Excellence, et vous envoye
cent cinquante oignons, tous tulipes de diverses coulleurs, sans aucun rouge my
jaulne ; et sy mon jeune frère revient a temps, j'espere vous en faire avoir encor
autant. П en a de très rares, mais је doibz attendre qu'ilz aient provigné, et lors
155
orangeries de l'Anjou. Lors du passage de celle princesse à Angers,
le 22 juin 1828, la visite qu'elle fit à Serrant lui fournit l'occasion
d'admirer l'orangerie du chateau. Quelque temps après, S. A. R.
recevail du chateau de Serrant, pour la délicieuse résidence de Rosny,
deux magnifiques orangers, dont l’un portait plus de six cents
oranges.
De nos jours, le Jardin d'hiver de Paris doit beaucoup à l'horti-
culture angevine.
Le 25 juin 1855, fleuril pour la première fois en France dans le
jardin de M. Cachet, le lys de l'Himalaya, Lilium Giganteum ,
Wallich (1). C'est chez le méme horticulteur que fructifia pour la
première fois, à Angers, il y a trois ans, le Palmier d'Afrique, Cha-
marops humilis, L.
Les succès obtenus par les Angevins, à l'exposition d'horticulture
de Paris, en 1855, prouvent assez quelle est la supériorité de l'Anjou
sur les aulres pays.
De nombreuses publications onl été faites sur les plantes et les
arbres cullivés en Anjou.
Nous avons fait paraîlre dans le premier volume des Annales de
la Société Linnéenne de Maine et Loire, le calalogue des végétaux
composant le jardin des botanistes-chimisles, fondé en 1777.
Dans l'année 1810, M. Bastard publia une notice sur les végétaux
les plus intéressants du Jardin des plautes d'Angers. En 1842, le Co-
Vostre Excellence connoistra le soin que je porte de vous servir. D'autres fleurs n'ont
ils point; aussy observé je qu'on ne faict estat que de tulipes, qui s'acheptent au
poids de l'or quand ilz se rencontrent de quelque nouvelle coulleur. Mon puisné a
refusé quatre mil escus des siens. Vostre Excellence, sy luy plaist, prendra mon devoir
en gré, acceptant ces tulipes, et ceux que j'envoyray cy aprés, comme evre de ma
tres humble devotion a vostre service ; attendant que m'lionorerez de quelque autre
commandement, le quel je recevray toujours avec pareille affection que j'ay accous-
tumé de recercher l'honneur de voz bonnes graces et celles de. Monseigneur de la
Tremoille.
Je prie Dieu, Madame, qu'il duint a Vostre Excellence prosperité et longue vie.
De la Haye ce 2e d'aoust 1614.
Vostre trés humble et trés obeyssant serviteur
FRANCOYS D'AERSSEN.
(1) Dans le méme temps fleurit à Paris un individu avorté du Lilium Giganteum.
Cette floraison ne peut être comparée à celle qui eut lieu à Angers. La hampe du
lys de M. Cachet, d’après les renseignements qu'il a bien voulu nous donner, avait
2 mètres 50e de haut et portait onze magnifiques fleurons , qui restèrent épanouis
pendant huit jours.
154
mice horticole de Maine et Loire dressa la statistique des arbres à
fruits et d'ornement, ainsi que celle des plantes herbacées de pleine
terre el de serre cullivés en Anjou.
M. André Leroy, en 1855, fit imprimer le catalogue descriptif et
raisonné des arbres fruiliers et d'ornement cultivés dans son vasle
établissement fondé en 1780. Son catalogue sort des règles ordinaires
affectées à ce genre de publication. C'est un livre, et un trés bon livre
dans toute l'acception du mot : la classificalion des arbres n'est
point donnée au hasard, les noms scientifiques ont été vérifiés avec
le plus grand soin.
Le catalogue de M. André Leroy est une nomenclature complète
de l'arboriculture angevine, et ce serait témérité de vouloir actuel-
lement entreprendre un nouveau travail sur pareille malière : aussi,
pour bien connaître les noms des arbres et la qualité des fruils, nous
renverrons nos lecleurs à cet ouvrage. Quant à nous, nous allons
donner, autant que possible, la liste des plantes vivaces, et des
plantes de pleine terre, des plantes annuelles et bisannuelles, de
serre, qui n'ont encore été signalées dans aucun ouvrage d'hor-
licullure angevine.
PLANTES DE PLEINE TERRE.
ACHILLEA , L. ANDROSACE, L.
A. macrophylla, L. A. carnea, L.
moschata, D. C. vitaliana, Lap.
ALSTR(EMERIA , L. AQUILEGIA , L. (ANCOLIE).
A. Skinneri, Paxt.
| ARENARIA, L.
A. balearica, L.
laricifolia, L.
A. pulchella, L.
ALYSSUM, L.
A. deltoideum, L.
incanum, L.
montanum, L. ASTER, L.
V. Viersbecku. A. decorus, Desf.
ANCHUSA, L. (Восіоѕе). ASTRANTIA, L.
A. sempervirens , L. МЕГА minor, L.
CAMPANULA, L. CUPHEA, P. Br.
C. barbata, L. C. platycentra, Benth.
bononiensis, L. purpurea, Hort.
cervicaria, L. strigulosa, H. B.
grandis , Fisch. DIANTHUS, L. (@ILLET).
lamiifolia, Bieb.
peregrina, L.
spicata, L.
thyrsoidea , L.
CANNA , L. (BauisiER).
C. aurantiaca, Rosc.
flaccida, Rosc.
V. Warscewieszii.
D. alpestris, Sternb.
collinus, W. K.
gardneri , Hort.
V. Scoticus.
DALHIA, Cav.
Tous les ans de nouvelles variétés du
Dalhia variabilis, D. C. sont obtenues
de semis.
CARLINA , L.
C. acaulis, L.
CENTAUREA, L.
C. montana, L.
V. alba.
rosea.
C. phrygia, L.
CINERARIA, L.
C. hybrida, Wild.
V nana.
CHELONE, L.
C. barbata, Cav.
V. coccinea.
CODONOPSIS, Wall.
C. lurida, Wal.
COMMELINA, L.
C. tuberosa, L.
V. alba.
variegala.
CRUCIANELLA, L.
C. stylosa, Trin.
DELPHINIUM, L.
D. triste, Fisch.
pictum, Wild.
V. hyacinthifolium.
DIGITALIS, L.
D. grandiflora, Lam.
DORONICUM, L
D. bellidiastrum , L.
DRABA, L.
D. aizoides, L.
DRACOCEPHALUM, L.
D. canariense, L.
DRYAS, L.
D. octopetala, L.
EPILOBIUM.
E. rosmarinifolium, Haenk.
ERYNGIUM, L.
E. alpinum, L.
ESCHOLTZIA , Cham.
E. californica , Cham.
V. alba.
156
FERULA, L. HIBISCUS, L.
F. neapolitana , Tenor. H. palustris, L.
V. tingitana. IPOMGA, L.
GAILLARDIA, Fougr. I. coccinea.
G. perennis, Lois. I. V. alhæoides.
V. stellata. IRIS, L.
GARDOQUIA, Ruiz. P. I. hybrida, Retz.
G. betonicoides , Benth. ISOSTOMA, Edw.
GAURA, L. I. axillaris, Edw.
G. lendheimeri, Engl. B. V. petræa.
GENTIANA, Lam. IXIA, L.
G. alpina, Will. Un très grand nombre de nouvelles
variétés de l’ixia bulbocodium, L. sont
bavarica, L. i
2 actuellement cultivées.
campestris, L.
nivalis, L. LATHYRUS, L.
punctata , L. L. heterophyllus, L.
purpurea , L.
SERE. de LAVATERA, L.
utriculosa, L. L. olbia, L.
GEUM, L. LEUCOPSIDIUM. D. C.
G. chiloense, Balb. L. arkansanum, D. C.
montanum, L. LIGUSTICUM, L. (Livecue).
reptans, L. (
E P. peloponesiacum, L.
GLADIOLUS, L. LILIUM, L.
(ramosus P L. rubrum, Lam.
V. floribundus. LINUM, L.
hybridus. L. montanum, Schl.
GOSSYPIUM, L. LOBELIA, L.
G. herbaceum, L. L. grandiflora, Gand.
V. fulvum. V. Queen Victoria.
GYPSOPHILA, L. LUNARIA, L.
G. steveni, Fisch. L. rediviva, L.
HELIANTHEMUM, L. LUPINUS, L.
H. pulverulentum, L. L. Hartwegi, D. К.
macrophyllus, Benth.
tristis, Benth.
rivularis, Dougl.
variegatus, Fisch.
LYCHNIS, L.
L. chalcedonica, L.
V. carnea.
MATRICARIA, L.
M. camomilla, L
V. eximia.
MAURANDIA, Jacq.
M. antirrhinifolia, H. B.
V. alba.
luceyana.
rosea.
MIMULUS, L.
M. maculatus, D. C.
V. Hudsoni.
Kermesinus.
pictus.
rubinus.
speciosus.
MIRABILIS, L.
M. hybrida, Lepl.
V. violacea.
MULGEDIUM, H. Cass.
M. alpinum, Cass.
MYOSOTIS, L.
M. alpestris, Schm.
azorica, Stend.
palustris, L.
NYCTERINIA, Don.
N. capensis, Don.
selaginoides, Benth.
PENTSTEMON. L'her.
P. atropurpureum, G. D.
pulchellum, Lindl.
Richardsoni, Dougl.
roseum, G. Don.
venustum, Dougl.
V. album.
atroviolaceum.
coccineum.
majus.
perfoliatum.
purpureum.
PEDICULARIS, L.
P. verticillata, L.
PHYTOLACCA, L.
P. decandra, L.
PORTULACA, L.
P. oleracea, L.
V. aurantiaca.
aurea.
striata.
POTENTILLA, L.
P. aurea, L.
caulescens, L.
grandiflora, L.
PYRETHRUM, Geert.
P. carneum, Bieb.
Depuis cing ans un trés grand nom-
bre de variétés nouvelles du pyrethrum
indicum D. C. sont cultivées en Anjou.
RANUNCULUS, L.
R. parnassifolius, L.
RESEDA. L.
R. alba, L.
RHAPONTICUM, Scop.
R. scariosum, Lam.
RICINUS, L. (Ricin).
R. rutilans, Н. B.
V. minor.
RUDBECKIA , L.
R. fulgida, Ait.
V. bicolor.
SAPONARIA, L.
S. ocimoides, L.
SAXIFRAGA, L.
S. aizoides, L.
SCABIOSA, L.
S. graminifolia, L,
alpina, L.
SCYPHANTHUS , Don.
S. elegans, Don.
SENECIO, L.
S. elegans, L.
V. lilacea plena.
alba.
plena.
candida.
cinerea.
SILENE, L.
S. acaulis, L.
schafta, Gmel.
SOLANUM, L.
S. laciniatum. Fors.
158
STENACTIS, Cassin.
S. pulicaria, Wolla.
STEVIA, cav.
S. serrata, cav.
THUNBERGIA, L.
T. alata, Curt.
T. V. alba.
Fryeri.
Backeri.
lutea.
TWEEDIA, Hook.
T. cerulea, G. Dom.
VALERIANA, L.
V. alliaricefolia, Vahll.
VERONICA, L.
V. lindleyana, Wall.
multifida, L.
pulchella, Bast.
V. agrestis.
salicifolia, Forst.
VICIA, L.
V. pisiformis, L.
VITTADINIA, Rich. L.
V. triloba, D. C.
ZAUSCHERIA, Presl.
Z. californica, Presl.
PLANTES ANNUELLES.
AGERATUM, L.
A. mexicanum, Sw.
ALONZOA, R. et P.
A. elegans, hort.
V. Warscewiczii.
ALYSSUM, L.
A. maritimum, Lam.
AMARANTHUS, L.
A. tricolor, L.
sanguineus, L.
A. melancholicus.
V. bicolor.
albus.
flore luteo.
cristatus.
nana.
ANTHEMIS, L.
A. arabica, L.
ARCTOTIS, L.
A. breviscapa. Thunb.
ARGÉMONE, L.
A. Baresvena, Pen.
alba, H. B.
ASTRAGALUS, L.
A. hamosus, L.
ASTER, L.
A. tenellus, L.
BAERIA, F. M.
B. chrysostoma, F. M.
BECKMANNIA, Hort.
B. erucceformis, Hort.
BIDENS, L.
D. parviflora, L.
BISCUTELLA, L.
D. auriculata, L.
BRACHYCOME, D. C.
B. iberidifolia, Benth.
V. alba.
BRIZA, L.
B. maxima, L.
V. gracilis
BROWALLIA, L.
B. elata.
V. alba.
cerulea.
|
|
CACALIA L.
C. aurantiaca, Bleun.
CALANDRINIA , Humb.
C. compressa, D. C.
V. Burridgii.
CALCEOLARIA, L.
C. scabiosæfolia, Sims.
CALLICHROA, Fic. May.
C. platyglossa, F. M.
CALLIOPSIS, Reich.
C. Drummondii, Hort.
CALENDULA, L.
C. hybrida, L.
CAMPANULA, L.
C. pentagonia, L.
speculum, L.
vincæflora, Vent.
V. alba.
liliacea.
CAPSICUM, L.
C. grossum, L.
longum, D. C.
luteum, Lam.
quitense, W.
violaceum, H. B.
V. lycopersicoides.
CENTAUREA, L.
C. alba, L.
amberboa, D. C.
americana, Nutt.
depressa, Bieberst.
odorata, D. C.
variegata, Lam.
CENTRANTHUS, D. C.
C. macrosypho , Bois.
V. carnea.
nana.
160
CHENOPODIUM, L.
C. atriplicis, L.
botrys, L.
scoparium, L.
CHRYSANTHEMUM, L.
C. carinatum, Schous.
V. album.
aureum.
lutewm.
CICER, L.
C. arietinum, L.
CLARKIA, Pursch.
C. elegans, Pursch.
V. alba.
carnea.
flore pleno.
CLEOME, L.
C. spinosa, L.
CLINTONIA, Dougl.
C. pulchella.
COLLINSIA, Nutt.
C. bicolor, Don.
V. bartsiefolia.
multicolor.
CONVOLVULUS, L.
Tous les ans on obtient par la culture
de nouvelles variétés du Convolvulus tri-
color L.
C. siculus, L.
COREOPSIS. L.
C. diversifolia, D. C.
purpurea, Moc.
V. filiformis.
fistulosa.
marmorata.
pumila.
COSMOS, Cav.
C. bipinnatus, Cav.
V. grandiflorus,
purpureus.
CREMOCEPHALUM, Cass.
C. cernuum, Cass.
CUPHEA, P. B.
C. selenoides, Neis.
CYCLANTHERA , Schrad.
C. pedata, Schrad.
CUCUMIS MELO, L.
V. melon maraïcher.
sucrin à chair blanche.
de Langeais.
de Coulommiers.
muscade des Etats-Unis.
de Malte d'été à chair verte.
de Malte d'été à chair rouge.
de Chypre.
vert hátif du Japon.
melon d'Odessa.
cantaloup orange.
— fin hâtif d'Angleterre.
— Prescott argenté.
— du Mogol.
CUCURBITA, L.
C. citrulus, L.
DATURA, L.
D. metel, L.
tatula, L.
V. alba.
violacea.
DELPHINIUM, L. (PIED p'ALOUETTE.)
D. Ajacis, L.
V. ornatum.
nanum.
161
DIANTHUS, L. HELIANTHUS, L. (Soren).
D. latifolius, Wild. Н. annuus, L.
V. Alba. flore pleno.
Pumila. argophyllus.
Var egata.
HELICHRYSUM, D. C.
ECHIUM, L. Н. bracteatum, Wild.
E. creticum, L. V. album.
Borussorum rex.
ERAGROSTIS, P. Beauv. macranthum, Benth.
E. elegans, Nees. V. brachyrhindium.
ETHULIA, L. HELIOPHILA, L.
E. conizoides, L. H. trifida, Thunb.
LER DU HESPERIS, L. (JULIENNE.)
EUCHARIDIUM, Fisch. Mey. H. maritima, De (D
E. concinum, F. M. V. flore albo.
prandium M: HIBISCUS, L. (Кетмв).
EUPHORBIA, L H. Africanus, Mill.
E. variegata, Cell. V. thunbergit.
FEDIA, Mœnch. IMPATIENS, L. (BALSAMINE.)
F. grandiflora, Wallich. J. glandulifera, Roya.
V. alba.
GAMOLEPIS, Less. noli tangere, L.
G. annua, Less. tricornis, Wall.
GILIA, Ruiz. Vingt variétés cee Balza-
mina, L. sont cultivées en Anjou.
G. millefoliata, Fisch. et Mey.
V. Rosea. IBERIS.
Cerulea. I. nana, All.
Fae irt | Lagascana, D. C.
GDDETIA, Lindl. Umbellata, L.
G. lepida, Lindl. V. flore violaceo.
HEBENSTREITIA , L. IONOPSIDIUM, D. C.
H. tenuifolia, Schrad. I. acaule, D. C.
‹ ll € {а LE
PONES IPOMEA, L.
HEDYZARUM , L. (Hérisson). I. purpurea, Lam.
H. crista galli, L. V. pharbitis.
162
V. variegata.
kermesina.
hederacea.
bona nox.
althaoides.
limbata.
KAULFUSSIA, N.
K. Amelloides, Nees.
LAMARCKIA, Mœnch.
L. aurea, Moench.
LATHYRUS, L. (GEssE).
L. sativus, L.
V. azureus.
LAVATERA, L.
L. trimestris, L.
V. alba.
olbia, L.
LOBELIA.
L. ramosa, Benth.
V. nana.
LUPINUS, L.
L. hirsutus, L.
V. roseus.
leucospermus.
guatimalensis.
pubescens.
subramosus.
venustus.
MIRABILIS, L. (BELLE DE хот.)
M. jalapa, L.
De nombreuses variétés du Mirabilis
Jalapa sent livrées à la culture.
MALCOMIA, R. Br.
M. maritima, D. C.
V. bicolor.
MARTYNIA, L. (ConNARET.)
M. fragrans, Dcain.
lutea, Lindl.
MOMORDICA, L.
M. balsamina, L.
V. charantia.
MORNA, Lind.
M. nitida, L.
NEMESIA, Vent.
N. floribunda, Lehm.
NEMOPHILA, Вагі. (NÉMOPHILE.)
N. insignis, Benth.
V. alba.
albo marginata.
albo variegata.
discoidalis.
maculata.
atomaria, Fisch.
caerulea.
NICOTIANA, L.
N. glutinosa, L.
glauca, Grahm.
longiflora, Cav.
plumbaginifolia, Vivian.
V. guatemalensis.
NOLANA, L.
N. paradoxa, Lindl.
(ENOTHERA, L. (OxAGRE.)
(E. romansowii, Ledeb.
undulata, Ait.
OXYURA, D. C.
0. chrysanthemoides, D. C.
PAPAVER, L. (Pavor.)
P. commutatum, Fiesch.
163
PHACELIA, Mich. SCORPIURUS, L. (CHENILLE.)
P. congesta, Hooker. S. muricata, L.
PENNISETUM. Rich. vermiculata, L.
sulcata, L.
subvillosa, L.
SEDUM, L. (Оврїх.)
P. villosum, R. Br.
PICRIDIUM, Desf. (SCORSONERE).
P. tingitanum, Desf. |
S. azureum, L.
PODOLEPSIS, Labil.
P. auriculata, D. C. ie L.
gracilis, Grah. S. angulatus, L.
V. chrysantha. SUCCOWIA, D. C.
QUAMOCLIT, Moench.
Q. vulgaris, Chois.
S. balearica, D. C.
SILENE (MonELLE.)
V. coccinea. А
S. armeria, L.
lutea. pue
ipartita, Desf.
RAGADIOLUS, Neck. hispida, Desf.
R. edulis, Gertn. V. carnea.
RUDBEGKIA. L. integripetala, Schoub.
hirsuta, Presl.
h. amplexicaulis, Vahl. longicaulis, Pourr.
SALPIGLOSSIS, R. et P. V. flore albo.
$. straminea, Hook. . ornata, Ait.
V. hybrida. P 1
sulphurea.
SANVITALIA, Lam. ABRE
S. procumbens, Law. Š. speciosa, Maund.
SAPONARIA, L. TAGETES (ŒILLET D'INDE.)
S. calabrica, Guss. T. erecta, L.
SALVIA, L. (SAUGE.) P m
S. purpurea, Cav.
pumila, Hort.
V. remeriana.
patula, L.
SCABIOSA, L. V. nana.
S. maritima, L. minuta L.
sicula, L. signata, Dart.
SCHIZOPETALUM, Sims. TELOXIS, Moquin. (TELoxis.)
S. Walkeri, Sims. | T. aristata, Moq.
164
TITHONIA, Desf. VERBENA, L.
T. tagetiflora, Def. V. aubletia, L.
TRICHOSANTHES, Lindl. V. pulcherrima.
erinoides, Lam.
V. Drummondii.
VICIA, L. (Vesce.)
T. colubrina, Jacq.
TROP(EOLUM, L. (CAPUCINE.)
T. majus, L.
V. minuscoccineum. V. onobrichyoides, L.
scheueruanum. VISCARIA, Lindl.
VENIDIUM , Less.
V. occulata, Lindl.
V. calenduloides, Less. V. nana.
PLANTES . BISANNUELLES.
ALYSSUM, L. I. lutea, Mich.
А. edentulum, W. К. V. superba.
CAMPANULA, L. JURINEA, Cass. (JURINÉE).
C. medium, L. J. Alata, Cass.
V. flore pleno.
COREOPSIS, L. (ConroPkE).
C. Atkinsonnia, Hook. Sahan HOE
V. Ackermanni. y. imme
IPOMOPSIS, Mich. ([pomopsis). liliacea.
I. aggregata, Mich.
SCHIZANTHUS, R. et P.
S. retusus Hook.
PLANTES DE SERRE.
ABELIA, R. B. ACACIA, Neck.
A. floribunda, Decsn. A asparagoides, Cunning.
triflora, R. Br.
/. argyrophylla.
uniflora, R. Br. агур Шш
| calamifolia, Lindl.
ABUTILON, Geertn. celastrifolia, A.
A. venosum, Paxt. cultriformis, Hook.
V. insigne. V. Douglasii.
V. grandis.
ixtophylla.
petiolaris.
platyptera.
prostrata, Lod.
rotundifolia, B. M.
ADAMIA, Vall.
A. cyanea, Vall.
V. versicolor,
ALSTRŒMERIA, L
A. Brasiliensis, Sell.
Chilensis, S. Cr.
AMARYLLIS, L.
A. longifolia, Curt.
V. Johnsonii.
miniata, R. P.
pulverulenta, Herb.
ANDROMEDA, L.
A. buxifolia, Pers.
V. dentata.
ARALIA, L.
A. trifoliata, Meyen.
V. crassifolia.
pinnata.
quinquefolia.
ARAUCARIA, Juss.
A. Cunninghammi, Steud.
AZALEA, L.
A. indica, L.
V. alba perfecta.
alba striata.
Alexandrina.
amæna.
Apollo.
Astonii.
Augustissima.
V. barbata.
Bealii.
Broughtonii.
Chelsoni.
colorans.
cruenta.
decora.
delicata.
Diana.
Duke of Devonshire.
egerstonia.
elata flore pleno.
emperor.
exquisita.
extranei.
forstii.
glory.
Juliana.
iveryana.
magnifica plena.
magnificens.
Melbournii.
mirabilis.
modesta.
multiflora.
Murrayana.
narcissiflora.
nitida.
optima.
Perryana.
preslantissima.
refulgens.
rosea elegans.
rosea magna.
rubella suprema.
semi-duplex, maculata.
symmetry.
tenella.
Trottheriana.
Vittata.
Watsonii.
Wellingtoni.
B(ECKEA, L.
B. camphorosmiæ, Eudl.
BANKSIA, L.
B. macrostachya.
serrata, L.
V. macrostachya.
BEAUFORTIA.
B. sparsa, R. Br.
V. purpurea.
BIGNONIA. L.
B. chamberlaynii, Sims.
V. marmora.
venusta, Ker.
BLANDFORDIA, Smith.
B. nobilis, Smith.
BORONIA, Smith.
B. crenulata, Sm.
polygalæfolia, Sm.
tetrandra, Labil.
V. viminea.
Drummondiüi.
BOSSICEA, Vent.
D. Andersonii, V.
BOUVARDIA, Salisb.
D. angustifolia, H. B.
hirtella, H. В.
leiantha, Benth.
longiflora, H. B.
mollis, Hort.
BURCHELLIA, R. Br.
B. major, R. B.
V. speciosa.
CALCEOLARIA, L.
C. nana, Smith.
166
C. rugosa, R. P.
V. aurantia multiflora.
Kintish hero.
resplendens.
sulphurea.
violacea.
CALLICOMA, R. Br.
C. serratifolia, R. D.
CALOTHAMNUS, Labill.
C. sanguinea, Lab.
CAMELIA, L.
Une centaine de nouvelles variétés du
Camelia japonica, D. C., sont livrées à la
culture depuis douze ans.
CAMPANULA, L. (CAMPANULE.)
C. vidali, Wat.
CANNA, L.
C. angustifolia, L.
V. liliflora.
Warscewiczii.
CANTUA, Juss.
C. dependens, Pers.
V. bicolor.
CASSIA, L.
C. magnifica, Mart.
CEANOTHUS, L.
C. dentatus, Torr.
V. rigidus.
CEDRONELLA, Moench.
C. cana, Moench.
CERATOPETALUM, Smith.
C. gummiferum, S.
CERATOSTEMMA, Juss.
C. longiflorum, Juss,
CESTRUM, L.
C. aurantiacum, Nug.
CHEIRANTHERA, Cun.
C. linearis, Cun.
CHORIZEMA, Labill.
(CHORIZEMA.)
C. varium, Benth.
V. chandleriüi.
ericoides.
Andersonii.
Hugelii.
CINERARIA, L.
C. amelloides.
Tous les ans de nouvelles variétés sont
obtenues des semis.
CISTUS.
C. lusitanicus, Stend.
V. lucidus
CEREUS, Miller. (CiERGE.)
C. geometrizans, Mart.
V. gladiatus,
Maynardii, Paxt.
marginatus, D. C.
variabilis, Pfeiffer.
virens, D. C.
CLERODENDRUM, L.
C. foetidum, Don.
CLETHRA, L.
C. arborea, L.
V. macrophylla.
CLIANTHUS, Soland.
C. magnificus, S.
CORREA, Smith.
C. speciosa, Andr.
V. Alexandrina.
bicolor.
harissii.
multiflora.
tricolor.
triumphans, Miller.
CROWEA, Smith.
C. latifolia, Hort.
CUMMINGIA, Don.
C. trimaculata, D.
CYCLAMEN, L.
C. europeum, L.
V. roseum.
DACRYDIUM, Banks.
D. Cupressinum, Bancks.
V. Franklinii.
DATURA, L. (STRAMOINE.)
D. arborea Hort.
V. bicolor.
DESFONTAINIA, R. P.
D. spinosa, R. P.
DILLWINIA, Smith.
D. floribunda, S.
glyciniflora, S.
Drummondii, S.
DIPLACUS, Nutt.
D. grandiflorus, Lindl.
DIPLOL.ENA, Desf.
D. Dampierrii, D.
DORYANTHES, R. Br.
D. excelsa, R. Br.
ECHEVERIA, D. C.
E. grandiflora, Haw.
V. pulverulenta.
EPACRIS, Forst.
E. grandiflora, Smith.
V. corruscans.
elegans.
hyacinthina.
miniala.
refulgens.
Vilmoreana.
ERICA, L. (BnvvEnE.)
E. campanulata, Andr
V. Cavendishit.
cylindrica, Andr.
V. hyemalis.
intermedia.
mirabilis, Hort.
propendens, Andr.
translucens, Vendl.
V. rubra.
transparens, Andr.
tricolor, H. B.
V. Vilmoreana.
ERIOSTEMUM, Smith.
E. buxifolium, Sm.
cuspidatum, Cun.
myoparoides, Sm.
V. scabrum.
ECHINOCACTUS, Lalm.
E. acuatus, Link.
V. cachetianus.
concinnus.
corynodes, H. D.
denudatus , Liuk.
V. Linkii.
macrodiscus, Mart.
V. martinii.
obvallatus, D. C.
Pfeifferii, Zucc.
V. pumilus.
168
ECHINOPSIS, Zucc,
E. Eyriesii, Zucc.
multiplex, Zucc.
V. decaisniana.
EPIPHYLLUM, Haw.
E. truncatum, H.
V. salmoneum.
violaceum.
ruckerianum.
rubrum.
superbum.
ESCALLONIA, L.
E. floribunda.
densa.
macrantha.
organensis.
EURYBIA, H. Cass.
E. illicifolia, H. C.
EVONYMUS, L. (Fusain).
E. fimbriatus, Wall.
FABIANA, R. et P.
F. imbricata, R. P.
V. violacea.
FUCHSIA, Plum.
F. hibrida, Hort.
GASTROLOBIUM, R. В.
G. spinosum, R. В.
GAYLUSSACCIA, Pohl.
G. pulchra, Pohl.
GENETHYLLIS, D. C.
G. tulipifera, D. C.
GNIDIA, L.
G. lævigata, thunb.
GOMPHOLOBIUM, Smith,
G. multiflorum, S.
V. speciosum.
GREVILLEA, R. Br.
G. acanthifolia, Sieb.
V. flexuosa.
longifolia, R. D.
robusta.
thelemonniana, Hug.
HABROTHAMNUS.
H. cyaneus, Benth.
elegans, Brogn.
V. hugelii.
bondouxii.
HELICHRYSUM, W.
H. macranthum, Benth.
HELIOTROPIUM.
H. peruvianum, L.
V. azureum.
voltaireanum, Hort,
V. azureum.
nanum.
HIBBERTIA, Andr.
H. perfoliata, Hug.
HOVEA, R. Br.
H. latifolia, Lad.
HYPOCALYPTUS, Thunb.
H. cordatus, Thunb.
ILLICIUM, L. (BADIANE.)
I. religiosum, Zuc.
INDIGOFERA, L. (INDIGOTIER.)
I. decora, Lind.
purpurea, P.
V. speciosa.
KENNEDYA, Vent.
K. bimaculata, Hort.
V. andomariensis.
inophylla, Lind.
macrophylla, Benth.
V. rotundifolia.
LABICHEA, Gaud.
L. heterophylla, Gaud.
LACHENALIA, Jacq.
L. pendula, Ait.
tricolor, Thunb.
LACHEN(EA, L.
L. eriocephala, L.
purpurea, Andr.
LALAGE, Lind.
L. ornata, Lind.
LANTANA, L. (CAMARA.)
L. crocea, Jacq.
V. florida.
purpurea, Horn.
V. barnesiana.
delicatissima.
florida.
lutea.
LECHENAULTIA, R. Br.
L. splendens, В. M.
LEUCOPOGON, R. D.
L. Cunninghami, R. B.
LOBELIA, L.
L. Ghiesbreghtii, Decsn.
LEPISMIUM, Pfeiff.
L. paradoxum, Saluc.
MACLEANIA, Hook.
M. longiflora, H.
MAHONIA, D.C.
M. nepalensis, D. C.
MANDEVILLEA, Lind.
M. suaveolens, Lind.
MAMMILLARIA, Haw.
M. caput Medusæ, Ott.
dolichocentra, Lehm.
grandiflora, Ott.
hystrix, Mart.
neumanniana, Lem.
odieriana, Lem.
picturata.
procera.
schiedeana, Hort.
sphacelata, Mart.
uberiformis, Zucc.
V. arietina.
eximia.
gracilis.
niqra.
picturata,
procera,
MELALEUCA, L.
M. armillaris, Smith.
MESEMBRYANTHENIUM, L.
(FicoiDE.)
M. maximum, Haw.
METROSIDEROS, Smith.
M. buxifolia, Cun.
crassifolia, Dum.
florida, Dum.
V. robusta.
MIRBELIA, Smith.
M. baxterii, В. R.
dilatata, R. B.
MITRARIA, Cav.
M. coccinea, Cav.
170
MYRTUS, L.
M. bullata, Salisb.
NIEREMBERGIA, R. P.
N. filicaulis, Lind
V. gracilis.
OPUNTIA, Andr. (RAQUETTE.)
O. crinifera, Salm.
ficus indica, Mill.
OXYLOBTUM, Andr.
O. capitatum, Benth.
PASSIFLORA, L.
P. edulis, Sims.
V. maryatti.
beloti.
palmata, Lod.
PHILESIA, Juss.
P. buxifolia, Willd.
PHLOX, L.
P. Drummondii, Hook.
PIMELEA, Forst.
P. intermedia, Lind.
V. Andersonii.
macrocephala, Hook.
rosea, R. Б.
V. verschaffeltii.
PITTOSPORUM, Soland.
P. Sinensis, Desf.
PLEROMA, Dois.
P. elegans, B. M.
V. Rougieri.
macrophyllus, Walb.
PRIMULA, L. (PRIMEVÈRE.)
P. prenitens, L.
V. fimbriata.
PRONAYA, Hug.
P. elegans, Hug.
PROTEA, L.
P. coccinea, R. B.
grandiflora, Thunb.
levis, R. Br.
PULTENÆA, Smith.
P. stipularis, Smith.
stricta, Sims,
RIPSALIS, Geertn.
R. funalis, Salin.
RHYNCHOSPERMUM, Reinv.
R. jasminoides, Reinv.
SALVIA, L. (SAUGE).
S. azurea, Lam.
V. lilleana.
SCUTELLARIA, L.
S. pulchella, Bung.
SKIMMIA, Thunb.
S. japonica, T.
SOLLYA, Lindl.
S. Drummondii, L.
V. linearis.
STADMANNIA, Lam.
S. australis, R. Br.
STATICE, L.
S. grandiflora, her.
V. holfordii.
SWAINSONIA, Salisb.
Š. grayana, Hook.
171
V. alba.
Osbornii
SWAMMERDAMIA, D. C.
S. antenaria, D. C.
TACSONIA, Juss.
T. mollissima, H. D.
sanguinea, D. €.
TASMANIA, R. B.
T. aromatica, R. D.
TEMPLETONIA, Ait.
T. glauca, D. C.
retusa, D. C.
THIBAUDIA.
T. pulcherrima, Wall.
V. floribunda.
macrophylla.
TRISTANIA, R. Br.
T. conferta, R. Br.
TROP(EOLUM, L. (CAPUCINE.)
T. pentaphyllum, Lam.
V. azureum.
VERONICA, L.
V. Andersonii.
hybrida, Bieb.
V. speciosa.
lurnerii.
variegata.
WESTRINGIA, Smith.
W. longifolia, R. B.
ZIERIA, Smith.
Z. macrophylla, Boupl.
AIMÉ DE SOLAND,
NOTICES SCIENTIFIQUES.
BRUNEAU DE TARTIFUME,
Parmi les écrivains de l'Anjou, il est un homme qui, par une
modestie très mal fondée, n’osa jamais faire imprimer ses travaux.
Son nom sera toujours connu des personnes qui aiment les récits
de l'histoire angevine. Cet historien est Bruneau de Tartifume.
Bruneau a été tourné en ridicule par les auteurs qui vinrent après
lui. Sans contester le mérite des contempleurs, il nous est impos-
sible de ne pas faire remarquer que leurs œuvres ne sont qu'une
suite de compilations prises dans les Recherches de Bruneau.
Jacques Bruneau naquit à Angers à la fin du xir siècle. Sa famille
appartenait au barreau. Le nom de Tartifume qu'il prend est celui
d'un petit logis dont il était propriétaire, sis prés Cantenay-Epinard.
П avait le tilre d'avocat; mais comme il aimait peu cette profession,
et qu'il ne l'exereait qu'à contre-cœur, on lui avait donné le surnom
d'avocal de Pilate. Le blason de Bruneau portait : de gueules orné de
deux quartefeuilles d'or posées en chef, au cœur non massif d'or posé
en face, et au croissant d'argent posé en pointe.
Le 28 avril 1608, il épousa la demoiselle Claude Guillonneau de
Launay dont il eut trois enfants. Deux qu'il perdit en bas âge, lui
173
inspirèrent ces vers gravés jadis sur une tombe de l'ancien cimetière
Sainte-Trinilé :
Passant jette les veux dessus ce petit coing ,
ll y a deux enfants qui n'eurent jamais vices ;
Que tu pries pour eulx, ils n'en ont pas besoing ;
Ils sont deux angelots qui te seront propices.
Bruneau et Guillonneau les ont nourris trois ans,
Dieu les a retirés pour admirer sa gloire ;
Un long âge ne rend nos esprits plus contants,
Assez vit qui peut vivre au temple de mémoire,
Une partie des œuvres de Bruneau sont détruites, il nous reste
encore les manuserils suivants :
ANGIERS, contenant ce qui est remarquable en tout ce qui estoil
antiennement dict la ville d An jiers, 1623.
TRINITE, contenant ce qui est digne d'étre veu en toute la paroisse
de la Trinité d Angiers.
PHILANDINOPOLIS ou plus clairement les fidèles amitiés, contenant
une partie de ce qui a esté, de ce qui peult estre et de ce qui peult se dire
et rapporter de la ville d' Angiers et pays d'Anjou, 1626.
Ces divers opuscules, longtemps la propriété de M. Toussaint
Grille, furent achetés par la ville, lors de la vente de ce bibliophile.
Ces manuscrits sont une des bonnes acquisitions dont s’est enri-
chie à celle époque la Bibliotheque publique d'Angers. On y trouve
une foule de renseignements précieux pour histoire du pays. Bru-
neau ne faisait jamais d'excursion dans les églises d'Angers sans
relever une inscription, calquer une épitaphe, dessiner une tombe. Le
crayon de Bruneau est un peu naïf; il ne connaissait guère les règles
de la perspective, cl pour prévenir ceux appelés à juger ces dessins,
il a soin d'apprendre par une phrase laline de quelle manière il a
pris l’objet reproduit.
C'est ainsi qu'on trouve en tête de plusieurs vues, ces mots : In-
tuenti ex longinquo, intuenti ex propinquo. AVESQUES UN BEAU RIS esl
sa signalure artistique; ces mots ne sont autres que l'anagramme
des noms de Jacques Bruneau.
Maintenant que l'esprit de restauration s'est introduit parlout, les
œuvres de Bruneau seront de la plus grande utilité pour réparer nos
vieux monuments. Si on ne rencontre pas chez ce dessinaleur de
grandes qualités arlistiques, on y trouve une scrupuleuse fidélité
- qui ne mettra jamais le sculpteur en défaut.
174
Le manuscrit capital de Bruneau est son Philandinopolis ; dans
cet ouvrage il traite tous les sujets possibles de l'histoire d'Anjou.
Un savant, d'une petite ville circonscrite par l'Océan, entreprit un
jour d'écrire l'histoire de son ile. Après avoir narré les événements
qui s'y étaient passés , il décril les oiseaux , les animaux , les plantes
de la contrée. Les poissons de l'Océan furent énumérés avec une
scrupuleuse exaclitude. La plume, suivant le cours de son imagina-
поп, lui fit donner la description de la baleine, pensant que si cel
énorme célacée n'avait pas visité ces lieux, il pourrait bien y venir
un jour.
Bruneau de Tartifume, sans tomber dans l'exagération du savant
dont nous venons de parler, aime de temps en temps à se livrer à
amplification.
Nous allons publier le chapitre de son Philandinopolis intitulé :
Des commodilez du pays d Anjou.
« L’abondance des fleurs ne sert que pour témoigner la commo-
dilé qui doit venir des fruits qu'elles promettent, aussi le pays d'An-
jou ne peult avoir tant de fleurs, je dis tant de beautés, qu'il ne re-
gorge en mille et mille commodités ; le Virgile tient que :
Tout terroir a grand peine
Se plait à toute graine (1).
» L'Anjou pourtant, comme les esprits qu'il produit, est propre à
toutes sortes de semences; à cetle cause, Ronsard, l'Homère, le
Virgile et le Pétrarque des Francois, disoit que les pays de Bordeaux
et d'Orléans estoient le cellier de la France pour l'abondance des
bons vins qu'ils apporlent ; que la Beausse, à cause de la quantité
des bledz, froments, seigles et aulres graines, estoit le grenier; que
la Touraine en estoit le jardin, d'autant qu'elle abonde en toutes sorles
de jardinages, choux-cabus, asperges, melons et divers légumes,
mais que l'Anjou estoit le paradis de France pour ne manquer de
tout ce que dessus, mais pour foisonner en plusieurs aullres chozes.
L'Anjou est fertile, non-seulement en froments, bledz, seigles, horges,
bledz noirs, avoines, lins, chanvres, milz, pois, febves, lentilles,
serres еі aultres grains propres à la conservation de la vye humaine,
mais aussi en bons vins, qui en délicalesse remportent le prix sur
tous les meilleurs vins de l'Europe, vins, dis-je, si excellents, qu'ils
ont contrainct ledict Ronsard de dire :
(1) Non omnis fert omnia tellus.
175
Car volontiers le vin
Qui a senti l'humeur du terroir Angevin
Suit les bouches friandes,
voulant dire que les vins d'Anjou sont seuls dignes d'estre offerts aux
rois, princes et grands seigneurs, et d'estre préférés aux vins de
Bordeaux, d'Orléans, d'Yrancy, à toule sorte de Mausac, de Muscat,
de Blanguetle de Limoux et aux vins blancs de Bar-sur-Aube. Mesmes
les vins du Rhin, d'Espaigne, et toute sorte de Malvoisie, п'епігепі
en comparaison avec les vins d'Anjou, qui peuvent estre dictz véri-
lablement le pur neclar des dieux pour estre fortia, formosa, fra-
grantia, frigida, frisca.
> Les jardins d'Anjou font qu'on ne manque en tout temps de po-
lages comme de choux de diverses sorles, de porée, de cives, de ci-
bots, d'ambroises, d'oignons, de beltes blanches et rouges, de cicou-
rées, de bouroches, de bugloses, de vinette, d'espinards, d'arolles,
de laitues blanches, rouges, mignonnes, pommées, de chicons, de
pimprenelle, de persil, de thin, de marjolaine, grosse et menue, de
soucy, d'hysoppe, d'asperges, de paslenargues (1) et de mille aultres
herbes bonnes en fards, consommez et salades; d'arlichauds, de
melons, tant sucrins qu'aultres, de concombres, de polirons, de pa-
lourdes et citrouilles.
» Quant aux fruits, l'Anjou abonde au prinlemps en fraises,
framboises, cerises, prunes, poires el pommes de jouannet de di-
verses sorles. En eslé on y trouve la caslille, la groseille, la prune
de fromenteau, de damas violet, de damas noir, de damas blanc, de
lisle verte, de Saincle-Catherine, de la royne, de Castalonne; la
poire de muscadel, de Magdelaine, de monsieur, de Rosard, de Bi-
gaillon, de chair à dame, d'esluffé, de Lichefrion, de Bonnissel, de
rossignol, de pucelle el la vinelle.
» En automne se cueillenten Anjou la noix, la pesche, la presse, le
persille, la poire de fin or, de mesnage, de bon chrétien, de poupin,
de verdet, de Rigault, de rougeaull, de safran, de grain d'or, de
fusce, de gravelle, de gros argent, le coing, la pomme de Richard,
de Robillard, de Blandureau, de Pomognée, de Calville, de fenouillet,
de Rembur, de livre, de Pelisson , de Martrauge, de renette, de drap
d'or, de Cousture, d'Aiguillon, la nousille, l'amande, la nèfle, l'alli-
sier, la figue, la grenade, la corme, la chalaigne.
» Y ayant en Anjou tant de prairies el communes cy-dessus men-
lionnées et abondance de bestiaux , on ne peut doubler que les An-
(1) L'auteur désigne sous ce nom le pourpier.
176
gevins ne foisonnent en beurre, laictage el fromages de toutes
sortes, en viandes de Јаісі comme veaux, aigneaux el chevreaux,
en bœufs gras, moulons, pores; en volailles, sçavoir : en poulets,
chapons, poulels, pigeons, pigeonneaux, ramiers, oyes, oysons,
cannes, canards, plongeons, coqs d'Inde, dindons, paons et plusieurs
aultres.
» Ils mangent encore aussi peu de toutes sortes de venaisons, car
ils ont le cerf, la biche, le daim, le chevreuil et le sanglier. Ils n'ont
faulle de gibier pour abonder en lièvres, lepvraulls, counils, cailles, -
bécasses, bécassines, tourterelles , faisans, rales, butorts, trayes,
merles, mauvifs, hérons, cinnes, jodéles, sarcelles, perdrix.
» Sien Anjou se rencontre abondamment ce que dessus pour le
contentement des bouches plus friandes, les fleuves rivières, estangs,
lacs et pescheries qui y sont, salisfont encore davantaige à cel at-
trayant appélit, que délicieusement el insensiblement enchante les
plus sensibles sentiments des plus irréguliéres langues. D’autant
que dans le mois décembre l'Angevin peut fournir de la lamproye,
combien qu'elles sont encore bien rares, dès le mois de février de
l'alose et en tous temps de l'abletle, du gardon, de la perche, du
brochet, du barbeau, du lamprion (1), de l'anguille, de la carpe, du
carpeau, de la tanche, du cornau, de la bréme.
» Et d'autant que les choses estrangères, bien que moindres, sem-
blent toujours avoir je ne say quoy de plus particulier, l'Anjou ne
manque de toule sorte de marée, qui lui vient de Nantes, de Saint-
Malo, de Cancale et de plusieurs autres lieux, de sorte que si la déli-
calesse du poisson angevin ennuye, оп y rencontre aussitôt la raye,
le papillon, le marsouin, le saulmon, l'esturgeon, les huîtres, les
harengs blanes el sorets, les sardines, les anchoyes, la seche, la
moule verte el parée, le maquereau, la balaine (2).
» De facon que la province d'Anjou ne cède à la Beausse en bledz
et froments, à la Guyenne et à l'Orléanois en vins, à la Touraine en
jardinages, à la Normandie ni à la Provence en fruits, au Berry en
troupeaux, au Mayne en toiles, à la Bretagne en beurre, au Poitou
(1) Tous les ans il se fait en Loire, près le Marillais, dans le mois de mars, une
pêche abondante du poisson appelé vulgairement Lamprion et connu dans la science
sous les noms de Petromyzon planeri, Bloch.
(2) Jehan Meschinal, eseuyer en son vivant, grand maitre d'hótel de la royne de
France, en ses Luneltes des princes, est contraint de reconnaitre cette fertilité d'An-
jou en ees termes :
Par compagnie au pays d'Anjou yront
Et aultres lieux ou bien se nourriront.
177
en abondance, à Blois au doux air, à la Brye en ses boccages ni
à l'Auvergne en ses fromages; mais les surpasse, communiquant
tous les jours à ses voisins ce qu'elle a de plus, comme les bledz ou
les vins que les marchands de toutes parts viennent enlever tous les
ans.
» Ses pruneaux cuits, dont est sorli pour une année Ja valeur de
plus de dix-huit cent mille francs environ. L'an 1550 y avoit à Angers
un marchand nommé Jehan Baffer (1), mari de Renée Bruneau, qui
ne trafiquoil que des pruneaux, soit en Angleterre, Flandre, Espa-
gne el Italie. Il amassa lant de biens en ce traffic, qu'on disoit lors
pour assurer qu'un homme étoit très riche : Il est riche comme Baffer,
mais il wa pas tant de pruneaux.
» Les toiles d'Anjou, les laines et les cuirs sont recherchés de tous
endroils.
» Davantage se nourrissent en Anjou plusieurs ruchées d'abeilles
dont on faict un très grand profit, d'autant que les Angevins ont l'a-
dresse d'en extraire le miel et la cire, qu'ils savent si bien blanchir
(l'air d'Anjou y estant aussi disposé qu'en aucun autre endroit), ne
se peut trouver cire plus blanche.
» Finallement l'Anjou a un trésor parliculier qui sert à enrichir
el embellir tous les plus beaux édifices de France. Ce trésor est l'a-
bondance des ardoises, qui se tirent à une lieue près d'Angers ès
paroisses de Saint-Barthélemy et de Saint-Léonard. C'est un par-
fait conlentement que de voir ces belles perrières d'ardoises: les uns
y vont taillant la roche, selon le conduit de ses veines, les aultres у
vont faisant l'ardoise , les aullres vont l'escarant, et les aultres vont
l'arrangeant par centaines et milliers; on lire l'eau de ces perrières
jours et nuils, sans aucune disconlinualion, de peur qu'elles se
noyenl; le tout у va par un lel ordre et symétrie, que c'est mer-
veille. L'arlifice avec lequel on tire l'eau de ces perrieres est admi-
rable el sans arrest. Un seul cheval encore qu'aveugle est capable
de ce faire. Il prend ses temps, fait ses détours et reconnoit de celte
facon ses arrels, que l'étranger devant en demeure tout étonné.
» De crayonner toutes les commodités el richesses d'Anjou, ce
seroit entreprendre sur l'abondance même, c'est pourquoi je laisse-
rai à penser à celui qui voudra savoir davantage quelles sont les
commoditez et richesses des Angevins, sur Ce que j'ai cy-dessus à la
laconique et comme en courant escript, et fidellement représenté. »
(1) Le nom de Baffler se trouve dans des chartes angevines de la fin du xue
siecle.
178
Depuis que le bon Bruneau a écrit sa statistique, horticulture et
l'arboriculture ont fait d'immenses progrès en Anjou. Ainsi, actuel-
lement on compte 27 espèces d'abricoliers, 17 d'amandiers, 22 de
châtaigniers, 95 de cerisiers, 7 de cognassiers, 6 de cormiers, 5 de
cornouillers, 7 d'épines-vinettes, 12 de figuiers, 25 de framboisiers, 6
de grenadiers, 27 de groseilliers à grappes, 32 de groseilliers épineux,
4 de müriers, 8 de néfliers, 18 de noiseliers, 9 de noyers, 79 de pê-
chers, 592 de poiriers, 268 de pommiers, 95 de pruniers, 165 de vi-
gnes, 79 de fraisiers.
Voir pour plus de détails le catalogue raisonné de M. André
Leroy.
If.
PIERRE BERTHELOT DU PASTY, GENTILHOMME ANGEVIN.
Pierre Berthelot Du Pasly, gentilhomme Angevin, docteur régent
de la Facullé de médecine d'Angers, professeur de physiologie et de
botanique, élail issu d'une ancienne famille qui tenait à Saumur
au xvi° siècle un rang très dislingué.
Du Pasty fut, comme chacun sait, le créateur du Jardin scientifi-
que établi a Angers, en 1745, sur le lerlre Saint-Laurent.
Ce ful lui qui organisa des excursions botaniques pour faciliter les
éludes des élèves de l'hôpital Saint-Jean l'Évangelisle.
Les nombreux travaux de Du Pasty ne nous sont connus que par
les éloges qui en furent faits à l'Académie royale d'Angers, dont il
était membre. Nous avons élé assez heureux pour nous procurer le
discours sur l'utilité de l'histoire naturelle d'Anjou, qu'il prononca le
jour de son admission à celle savanle assemblée.
Pendant longtemps nous avions cru que la premiere Flore de la
province d'Anjou élait celle du baron de la Richerie. Des recherches
que nous avons failes nous ont appris que Du Pasly, après avoir,
pendant de longues années, exploré en lout sens notre riche pays,
composa un travail sur les plantes phanérogames qu'il avail re-
cueillies.
Nous ne croyons point à la perle de ce manuscrit de Du Pasty ;
nous sommes persuadé qu'un jour l'ouvrage de ce savant natura-
lisle sera, comme naguere celui du baron de la Richerie, remis en
des mains habiles, qui sauront en tirer un heureux parli pour la
science.
Voici le discours de Du Pasly :
« L'histoire de la nature a des utilités immenses. Elle y joint des
charmes réels dont le privilége sur le cœur des hommes fut ressenti
dans tous les temps.
» Le spectacle de l'Anjou formerait donc l'objet d'un travail aussi
imporlant, que capable de piquer la plus sage curiosité. Il serait digne
du savant el du bon ciloyen de seconder les vues de ces hommes il-
lustres, qui ont médité le projet d'une histoire naturelle de tout le
royaume ; ce serail une entreprise gloricuse à notre province, avan-
lageuse à ses habilants, disons mieux, à toute la France.
» En effet, si chaque pays a ses richesses, nous pouvons l'assurer,
l'Anjou a droit de le disputer à bien d’autres par l'abondance des
siennes.
» Les découvrir, les connaitre, c'est le premier degré de sagesse ;
rechercher pour soi, pour ses voisins, les avantages dont elles sont
susceplibles, c'est le second objet des zélés physiciens. Est-il une
plus noble occupation ? Serail-il un succès plus flatteur ?
» Voyons ce que notre terre lient en réserve dans son sein; visi-
tons ses bancs el ses cavernes. Que de malières précieuses à la so-
ciélé ! Nous y lrouvons des pierres simples, des pierres composées....
d'une infinilé de sortes, el si elles sont moins brillantes que les dia-
mants, elles nous sont d'un service plus essentiel ; si le marbre,
les pierres à chaux, l'ardoise, les pierres à aiguiser.... et la cadmie (1)
sont plus communes en Anjou que la cornaline (2), assurément
nous en retirons des avantages plus grands et plus réels.
» Les pierres d'ardoises sont sans doute une des plus uliles bran-
ches de notre commerce. Ne pourrions-nous pas le rendre plus pro-
filable et plus florissant, en multipliant nos observations sur leurs
éléments, leurs grains, leurs mélanges, leurs positions et ce qui
nous assurerait les meilleurs lits, qui préviendraient des dépenses
considérables et quelquefois inutiles ?
» Quelles sources d'ulilités renfermées dans les sels nitreux.....
les matières sulphureuses, les charbons de terre, les pyriles mar-
liales, eL les mines de fer! Notre province en est abondamment
pourvue.
» Qu'esl-ce qui ignore les biens immenses qu'apporlent à la so-
ciélé les différentes pierres d'argile, de bols (3) et de concrétions (4)?
(1) On trouve aux environs de Saumur de la cadmie ou de Ја calamine rougeatre,
qui entre dans la composition du cuivre jaune, dans celle de plusieurs remèdes, etc.
(2) Aux confins du Poitou.
(3) Nous avons prés de Saumur du bol aussi bon que celui de l'Arménie.
(4) Les tufs, les pierres de Meuliére... sont au nombre des concrétions
180
» Nous pouvons encore nous dire riches en ce point : rendons-
nous de plus habiles dans leur emploi; imilons, surpassons même
jusqu'aux ouvrages asiatiques.
» Les pétrifications, ces monuments divins du plus mémorable de tous
les événements, ne sont-elles pas un vrai ornement de notre province
où elles se trouvent plus abondamment qu'en aucune autre? Ne
sont-elles pas les délices des savauls et dignes d'être placées dans
notre histoire naturelle ?
» Les fontaines pétrifiantes (1), sans fond..... (2), mériteraient de
n'étre pas oubliées : souvent ce qui ne parail que curieux devient
dans la suite très utile.
» Mais les eaux minérales, ces sources sacrées des anciens, ces
présents de la divinilé, occuperaient le premier rang. Où sont-elles en
effet plus salutaires et plus communes qu'en Anjou ? S'imaginerait-
on que la fontaine de Chavagne (3) et celle de l'Éperviere fussent
les seules où l'on eût à puiser un breuvage souverain, pour terminer
nos langueurs et nos infirmités? Il en est d'autres (4) déjà connues,
ne pouvons-nous pas accroître ces découvertes au grand avantage
de toute la province? Ne devons-nous pas examiner les sources et la
nature de ces fontaines précieuses, estimer surtout les différences
de l'esprit minéral qui fait l'àme de leurs propriétés, la diversité de
leurs mélanges, de leur poids, et élablir enfin sur ces principes les
occasions et les plus utiles manières d'en faire usage ?
> On ne peut sans doute trop estimer les biens que nous procu-
rent les différentes classes des animaux : ils nous offrent des re-
mèdes, ils contribuent à l'excellence de nos tables, à nos vêlements,
nos parures, nos ornements, elc.
» Tout le monde sait la plupart de ces services admirables que
nous en lirons tous les jours, mais tout le monde ne sait pas com-
bien on peut les augmenter. Si dans cetle partie la plus noble de
l'histoire nalurelle nous n'envisageons que les usages les plus ab-
jecls en apparence, il sera aisé de convenir jusqu'où peuvent con-
duire de nouvelles recherches en ce point.
» N'est-ce pas l’industrie d'une espèce de mouche apprivoisée qui
nous procure la cire et le miel? N'est-ce pas une chenille qui nous
(1) Auprés de Beaufort.
(2). Auprés de Sablé.
(9) Dite vulgairement Jouannette.
(4) A Chalonnes, à Blaison, dans la forêt de Chambiers, aux Persillaires, en
celte ville méme.
181
donne la soie? Ne sont-ce pas des fourmis ailées dont on tire la
laque (1)?
» Ce sont pareillement ‘des insectes qui nous fournissent la plus
éclatante des couleurs (2). Ce sont des insectes qui font naitre la
noix de galle, si utile pour nos teintures noires et pour la composi-
lion de l'enere. Ce sont eux (3) encore qui ont la matière de plu-
sieurs remèdes très estimés en médecine : ils nous procurent mille
autres ulilités réelles; à quel prix les apprécier toutes ensemble ?
Jusqu'où et dans quel genre peut-on les étendre ?
» Si l'auteur de la nature nous fait trouver tant de commodités
el d'avantages dans les animaux, il ne nous offre pas moins de se-
cours dans les plantes dont il a orné la surface de la terre. Combien
serail-il important de nous occuper davantage de l'état de ces pre-
mieres richesses et de l'usage qu'il en faut faire?
» Serait-il nécessaire de faire connaitre que l'Anjou est une de ces
lerres chéries et privilégiées oü les plantes se trouvent libéralement
répandues, qu'elle en nourrit des plus rares dont nous embellissons
le jardin de nos rois, que les plantes sont les vrais et les plus sürs
instruments de la guérison de nos maladies; enfin que la connais-
sance de leurs propriétés peut s'accroitre tous les jours par l'obser-
valion de leurs principaux caractères (4) ?
» Non sans doute, sans le secours de ces vérilés on est suffisam-
ment convaincu des avantages qui résulteraient d'une histoire com-
pléte el raisonnée des plantes dont notre province est richement em-
bellie. Qui ne voit méme bien au-delà de ces vérités? Je me promets
d'ailleurs de les rassembler toutes dans un ouvrage sur les plantes
(mon objet favori), et c'est par là que j'espere contribuer à l'histoire
naturelle d'Anjou. Je n'offre pour le présent à ma palrie que mon
zèle et mes travaux; puissé-je bientôt lui présenter des succès ! »
(1) La laque nous sert pour les vernis, pour la cire à cacheter, pour teindre en
rouge les maroquins, etc.
(2) La cochenille et le kermés donnent la teinture pourpre.
(3) Les cloportes, les mouches cantharides, les proscarabés, les sangsues, les vers
de terre, etc.
(4) Les plantes semblables ou de méme structure dans les parties de la fructifica-
tion (savoir : la fleur, le fruit, la graine), sont ordinairement de méme vertu.
Ш.
BERNARD DE PONTOISE.
Au commencement du seizième siècle vivail à Angers un méde-
cin d'une très grande réputation. Ce médecin, nommé Bernard de
Pontoise, est toujours désigné dans les archives de la Faculté, par
Poquet de Livonnière, ele , sous la qualification de célèbre médecin.
Sa renommée parvint jusqu'au pape Alexandre VI qui l'attacha à sa
cour et se lia intimement avec lui. Malgré la haute position et les
honneurs qu'il avait acquis, le séjour de la ville éternelle était peu
agréable à Bernard, il songeait toujours à cette riante Loire et aux
ferliles vallées de l'Anjou; il quitta donc Alexandre VI qui le vit par-
lir avec tristesse. Bernard de Pontoise exerça encore après son re-
tour de Rome quelque temps la médecine à Angers où il mourut.
Il fut enterré à Saint-Michel-la-Palud, auprès de sa femme; sur
sa tombe. étaient gravées ses armes d'argent, à la croix de gueules
cantonnée de quatre vannels de méme el celles de sa femme, portant
d'argent, au chef d'azur, à l'aigle de sable éployé à deux têtes, avec
celle inscriplion :
Par Atropos à nul courtoisie,
Cy gist la fleur de médecine
Feu maistre Bernard de Pontoise
Qui cognoissant.........
Graine, feuille, racine,
A tous soulfrans prolongeoit vye,
Autant que l'art peut et assigne,
Son àme soit en cieux ravie
Amen. 10 juin 1522.
Son fils, Jean de Pontoise, curé de la Jumeliére , dont il avait fait
bâtir le presbytère, en 1521, curé de Saint-Aubin-de-Luigné, archi-
prêtre de Vion, chanoine de Saint-Julien, construisit en l'honneur de
son père une trés riche chapelle dans l'église Saint-Michel-la-Palud
où il avait élé baptisé. Sur les vitraux se trouvait le portrait en pied
de Bernard de Pontoise et de ses deux fils, porlant le costume ecclé-
183
siastique; celui de sa femme accompagné de ses cing filles, deux
élaient religieuses. Au-dessus de l'autel on voyait le portrait du pape
Alexandre VI, l'ami constant de Bernard de Pontoise; le retable ren-
fermait un magnifique tableau représentant la Vierge tenant dans
ses bras l'Enfant Jésus.
hichelieu passant à Angers vint visiler l'église Saint-Michel-la-
Palud; il fut frappé de la beauté du lableau donné par Jean de
Pontoise et voulut l'avoir pour la chapelle de son château.
La fabrique était peu désireuse de se défaire d'une toile si pré-
cieuse, mais la demande du cardinal-ministre était un ordre et le
tableau fut envoyé au château de Richelieu où il y resta jusqu'à la
démolition de ce splendide édifice.
Jean de Pontoise habita peu l'Anjou, il fut presque toujours à Rome
auprès du pape Alexandre VI, qui reporta sur lui la vive amitié qu'il
avait donnée à son pere.
Avant de quitter l'Anjou il fit placer dans la chapelle connue sous
le nom de chapelle Pontoise, son portrait au bas duquel on lisail se
distique :
Patris Alexandri de commensalibus unus
Johannes jacet hic Pontesianus erat.
IV:
DENYS PAPIN.
L'habile physicien dont s'honore la ville de Blois, Denys Papin,
se fit recevoir docteur en médecine à la Faculté d'Angers. Cette cir-
constance de la vie de Denys Papin est complétement ignorée de ses
biographes qui tous lui donnent le titre de médecin, mais qui lous
aussi, ne sont pas d'accord sur la ville où il prit ses grades.
Les archives de la Faculté nous apprennent l'année de sa récep-
tion et nous pouvons produire l'engagement écrit que contracta
Denys Papin, conformément aux usages prescrils pour obtenir le
litre de docteur.
« Moi, Denys Papin, je reconnais devoir à MM. les docteurs de la
Faculté de médecine d'Angers tous les droits de bourse qui leur ap-
184
рагііеппепі et qu'il est d'usage de payer pour prendre les grades en
médecine et recevoir le doctorat; lesquels droits fixés par lesdits
docteurs agissant bienveillamment avec moi, je jure et promets de
bonne foi d'acquitter, suivant leurs stipulations, aussi longtemps que
je demeurerai dans cette ville et que j'y exercerai la médecine; je
m'engage en outre à répondre publiquement, à revétir les insignes
du doctorat, selon la coutume de ladite Facullé, et à supporter tous
les frais à ce nécessaires , nonobstant ce que lesdits docteurs m'ont
accordé, dans l'examen particulier et approuvé que j'ai subi; en foi
de quoi j'ai signé les présentes lettres de ma propre main. Donné à
Angers. le onze juillet 1669.
« Signé DENYS PAPIN » (1).
Entre les intervalles des cours de la Faculté d'Angers, Denys Papin
consacrait ses loisirs à l'étude dela physique. Recu médecin, il pra-
liqua quelque temps avec succès, parlit pour Paris où il fit la con-
naissance d'Huygens, passa en Angleterre, fut accueilli avec joie
par les savants dont il s'était déjà fait connaître, et Boyle l'associa à
ses belles expériences sur la nature de l'air; il fut admis en 1681 à
la Société royale de Londres et, en 1687, l'Université de Marbourg
lui offrit une chaire de mathématiques qu'il remplit avec distinc-
lion; enfin il fut recu en 1699 correspondant de l'Académie des
sciences. Ce savant laborieux qui, le premier, connut l'emploi de la
vapeur appliquée au mouvement des machines, mourut en 1710,
laissant un grand nombre d'ouvrages. C'est une gloire pour la Fa-
cullé de médecine d'Angers d'avoir ouvert le domaine de la science
à un homme dont la réputation devint si populaire, et maintenant
que l'esprit d'invesligation règne parlout, que de tous côtés les bi-
bliothéques, les manuscrits sont consultés avec ardeur, nous
(1) « Ego Dionysius Papinus volens fateor doctoribus Facultatis medicine An-
degavensis omnia jura bursarum illis debita et persolvi solita pro adeptione gra-
duum medicine et doctoratus, que jura mihi a dictis dominis doctoribus henigne
mecum agentibus eredita sunt, quæque juratus spondeo et bona fide promitto me,
illis stipulantibus, persoluturum quandocumque in hac civitatè immorari et medici-
nam facere voluero; in quo insuper polliceor publice respondere et insignia docto-
ratus pro more dictæ Academie assumere et omnes sumptus ad eam rem бегі solitos
sustinere, non obstantibus ceteris quas mihi predicti domini doctores habito prius
privato examine et comprobato concesserunt in cujus rei fidem præsentes litteras
propria manu subscripsi. Datum Andegavi die undecima julii 1669.
» Signé DIONYSIUS PAPIN. >
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sommes heureux d'avoir pu offrir à la Société Liunéeune de Maine
el Loire le fac simile d'un aulographe de Denys Papin (1).
AIMÉ DE SOLAND.
(1) Guy Patin, dans ses lettres à Charles Spon, nous donne d'intéressants détails
sur Papin père, Denys Papin, et sur le fils de Saumaise qui était étudiant à Saumur,
sous Le Févre.
Voici des extraits de ces lettres :
PAPIN PÈRE, — DENYS PAPIN.
« Je pense que vous vous souvenez bien ici d’un certain médecin de Blois, nommé
Papin, qui de Blois vint demeurer ici, d'ici à Alençon, puis revint ici où il pré-
» tendit être employé sous les auspices de l'étendard de Valot, aujourd'hui premier mé-
» десіп, sed spes illa statim decollavit. Voyant qu'il n'y réussissait point, il vendit
» tous ses meubles et ses livres et s'en alla à Nantes, pour être d'un embarquement
» que Гоп y faisait pour l'Amérique, où quelque argent lui fut avancé ; de là querelle
» et procès; il en fut emprisonné, il en sortit et s'en alla pour être hors des at-
» teintes de ces gens-là à Neufchâtel, en Suisse, où il est mort. Sa femme est à
» Saumur, avec trois enfants. »
С. Patin, lett. 272 à Ch. Spon, 24 juin 1655.
=
SAUMAISE LE FILS, ETUDIANT A SAUMUR, SOUS LE FEVRE.
« Le fils de M. Saumaise, âgé d'environ 24 ans, m'est aujourd'hui venu voir
céans.... J'ai pris grand plaisir à regarder ce jeune homme, il ressemble à feu
s M. son père de visage, hormis qu'il est blond, le père était noir..... Il est gentil
» et éveillé, sage et honnête. П m'a dit qu'il a un petit frère qui étudie à Saumur,
» sous M. Le Févre, qui est un des régents de ce collége , fort savant homme qui a
» fait quelque chose sur Lucien et qui travaille sur le Pindare, c'est-à-dire qu'il est
» græcè doctissimus. C'est ce Faber qui a fait un petit discours latin par lequel il
» veut prouver que le passage de Christo qui est aujourd'hui dans Flave Josephe,
» au 18* livre des Antiquités judaïques, y a été ajouté par quelqu'un des premiers
» chrétiens, timide pietatis... Origenes contra Celsum, en trois endroits, se plaint
» que Josephe le Juif avait écrit quelque chose contra Christum , quod hodie non
» apparet in ejus scriptis. »
G. PATIN, lett. 332, à Ch. Spon, juillet 1658.
NOTICE SUR WARTIGNE-BRIAND,
Comme le passé de tous les lieux qui ne datent pas dans l'histoire
par quelque fait célèbre, ou qui n’ont pas eu le rare bonheur de
compter parmi leurs habitants quelqu'illustration, le passé de Mar-
ligné-Briand reste enseveli dans la nuit des temps. Mais son sol qui
conserve les traces de fouilles profondes, les souterrains nombreux
el prolongés qu'on y rencontre, avec preuves d’habilation, attestent
que dans des temps bien reculés Martigné-Briand avait de nombreux
habilants. L'étymologie toute romaine de son nom parait incontes-
table (Mars ignis). A ce sujet il est une remarque digne de fixer
l'attention : les chefs-lieux des quatre communes limitrophes, Mar-
ligné, Tigné, Brigné, Aubigné, ayant toutes la méme terminaison,
forment les quatre angles d'un carré ап milieu duquel coule le
Layon; chose plus remarquable encore, ces qualre bourgs sont
placés aux quatre points cardinaux de ce parallélogramme, Marligné
au nord, Tigné au midi, Brigné au levant , Aubigné au couchant.
Tout le monde sait que les Romains désignaient leurs camps ou
stations par des feux ; de là la terminaison en igné (ignis). Ni dans
les fouilles, ni dans les constructions qui existent sur les lieux on
ne trouve de vertiges romains; mais, dans le voisinage, les restes du
cirque de Doué prouvent que les illustres envahisseurs avaient dans
ce pays de grands élablissements : n'en pourrait-on pas conclure
que l'espace compris entre les qualre bourgs cilés élait pendant la
domination romaine un posle imporlant?
187
Les constructions les plus anciennes sont Jes contreforts ou piliers
carrés couronnés autrefois de machicoulis, dont il reste trace, qui
servent d'appui à l'arrétier nord de l'église; évidemment cette an-
cienne chapelle du chátean d'alors était reliée aux forlifications el
en faisait parlie. Le châleau actuel, bien moins ancien que ces pi-
liers, date du seizième siècle; sa construction est élégante et impo-
sante tout à la fois. A l'extérieur, la maconnerie est entierement re-
couverle de pierres de taille, elles sont d'égale dimension en
hauteur et posées avec une précision, une justesse admirables ; les
joints larges et parfaitement réguliers ont été fails avec un ciment
que le temps et les injures de l'air n'ont pu altérer. Ces joints qui
semblent terminés d'hier font tellement corps avec la pierre que, vu
à distance, l'ensemble de la construction a l'aspect d'un gigantesque
monolithe dans lequel on aurait taillé des tours, des croisées , des
lucarnes. Ce qui fait surtout l'adruiration des visiteurs ce sont les
dessins et le fini des sculptures : répétées au dehors, autour des croi-
sées, dans les architrades et aux lucarnes; à l'intérieur, le long des
jambages et des manteaux des cheminées, elles sont partout exécu-
lées avec une perfection, une variété de délails que l'on rencontre
rarement. Ces dentelles de pierre sont tellement refouillées et déta-
chées de la muraille que non-seulement les effets de lumière et
d'ombre s'y trouvent naturellement reproduits , mais les petits oi-
seaux se cachent aisément derrière ces guirlandes grisátres, et lan-
dis que l'épervier s'élance d'une meurtrière pour planer sur la cam-
pagne et chercher une proie, le moineau et l'hirondelle, à moins
d'un mètre, ont fait leurs nids et placé leurs jeunes couvées entre la
muraille et les chardons sculptés, s'abritant ainsi sous ce feuillage
de pierre contre leur redoutable voisin. Tels autrefois les vassaux
venaient chercher asile dans l'enceinte fortifiée tandis que le rude
chevalier, suivi de ses hommes d'armes, partait pour les combats.
Au-dessous des tours et les dominant de dix à douze mètres, s'é-
lèvent quatre énormes cheminées bâties en briques ; la plus grosse
a trois metres sur deux côtés et deux mètres sur chacun des deux
aulres, ce qui donne un développement de dix metres de tour.
Vingt mille briques environ sont entrées dans la construction
de cette seule cheminée. Lorsque le vent souffle avec violence il im-
prime à cetle gigantesque construction, si élevée au-dessus du sol,
un mouvement d'oscillation trés marqué. Реп ai jugó moi-même :
me placant un jour d'ouragan à l'angle d'un vieux mur qui me ser-
vait de jalon, je voyais parfaitement le sommet de la cheminée céder
aux coups.de vent et revenir aussitól aprés à son aplomb accou-
tumé.
158
Ce château qui souvent changea de тайге a appartenu à la puis-
sante famille de Cossé Brissac, elle le posséda longtemps. En dehors
de l'église où le châtelain avait la place d'honneur et l'encens, ses
droits étaient peu étendus, et au-delà des douves du château, les pri-
viléges féodaux devenaient la propriété de divers seigneurs; aussi,
comme les recolleurs des rentes et dimes de ces derniers venaient
jusqu'aux fossés et sur la place de l'église exercer les droits de leurs
maîtres, un vieil usage du lieu disait : Pour le seigneur de Martigné
hors l'église point de salut.
Parmi les familles possédant fief à Marligné on comptait les de
Maillé, les de La Gabiloniére, les de Sales. La terre de Fline avait des
droits féodaux bien plus importants que son territoire ; ses fiefs du
petit Lingué, de Perray et de Boussicault s'étendaient sur les pa-
roisses de Tigné, Thouarcé, Chavagnes. Cetle terre, ainsi que celle
des Noyers, méme commune de Marligné, appartenaient à la famille
Chevrier. En 1659, elles passèrent à la famille de Romans, par le
mariage de dame Marie Chevrier et de messire Francois de Romans.
Celle dernière famille n'est pas angevine, elle est originaire de la
Bourgogne, où une branche possède encore le château et la terre
dudit lieu de Romans, situé prés Dracy-sur-Arroux.
Le château et la seigneurie de Marligné furent au 18° siècle vendus
à noble homme Parent. Ce Parent était un argentier de Normandie;
il était venu se fixer à Marligné par suile de l'acquisition qu'il avait
faite sur Marie-Madeleine-Henrietle de Romans, du château des
Noyers. M. Parent n'eut qu'un fils qui ne se maria pas; devenu fou,
il a laissé dans le pays une longue tradition de trails de bizarrerie et
de folie : il se persuadait entre autres folies qu'il avait été transformé
en oiseau, aussi s'élait-il fail ajuster un vêtement qu'il engluail et
couvrait de plumes; ainsi accoulré, il courait les champs, se placait
sur les arbres des jours entiers el souvent on l'a vu dans la basse-
cour du château rester plusieurs heures accroupi sur des œufs qu'il
avail Ja prétention de faire éclore. M. Boreau de La Besnardière
acheta tous les biens possédés par les Parent à Marligné, et M. le ba-
ron de Monticourt, leur propriélaire actuel, est par sa mère pelil-
fils de M. de La Besnardière.
Le château de Maligné, situé méme commune de Martigné, a ap-
partenu à la famille de Sales ; il est méme de tradition dans le pays
que saint Francois de Sales a dit la messe dans la chapelle de ce
lieu. Une circonstance semblerait justifier cette tradilion, c'est que
les croix paltées de la consécration se voient sur les murs de cette
chapelle, privilége trés rare pour les chapelles privées, qui d'ordi-
naire ne sont que bénites.
189
A l'extrémité opposée de la commune se trouve une autre chapelle
en grande vénération; elle a déjà fixé l'attention du savant et zélé
président de la Société Linnéenne. Cet hermilage est bali sur les
bords du Layon, dans un creux de rocher calcaire qui le couvre
en parlie et le prolége. Le site est des plus pittoresques : à quelques
mèlres une chaussée de moulin relient les eaux de la rivière qui
s'échappent en bruyantes cascades el dominent le murmure d'une
source qui coule abondante et claire des fondements mêmes du pieux
et modeste édifice. Depuis quelques années des fours à chaux ont
été construits si prés que le passage continuel des acheteurs et des
ouvriers, les chants profanes des charreliers ont détruit la mysté-
rieuse solitude de ce lieu de prière qui s'alliail si bien au recueille-
ment des pèlerins. Celle chapelle est dédiée à saint Marlin de Tours;
il y a quelques années, la vieille statue équestre du saint, grossière-
ment sculptée, plus grossièrement peinte et toute mutilée, fut rem-
placée au-dessus de l'autel par une aulre statue du méme saint,
revélue des ornements épiscopaux. L'ancienne ful reléguée dans
une niche obscure, mais la confiance des pèlerins a suivi dans son
exil la pauvre image, et tandis que le prêtre offre le saint sacrifice
en face du. saint évéque porlant crosse et mitre dorées, eux vont
s'agenouiller au pied du charitable cavalier qui partage son man-
leau avec le mendiant, et c'est non prés de l'autel mais au-dessous
de la niche humide que sont suspendus tous les ex-voto. Bâlie sur
les dépendances du chateau des Noyers, la chapelle fut construite
par les soins des anciens seigneurs de ce lieu; la pierre qui servait de
clé à l'ogive de la porte portail l'écu d'azur au chef d'argent, chargé
des trois croix pallées de gueule. En 1832 des réparalions furent
faites à celte porte, l'ogive détruite, el la pierre armoriée fut placée
par les ouvriers dans un mur de soulénement, à l'encontre du ro-
cher oit on la voit encore.
D'autres chapelles existent dans les différents villages de Marli-
gné, elles étaient desservies par les chanoines du chapitre de ladite
église. Ces chanoines élaient au nombre de trois, leur nomination
apparlenait à l'évêque d'Angers, ils avaient droit de dime sur une
parlie de la paroisse; des lerres, des rentes et des redevances étaient
attachées à chacune des chapelles desservies par eux.
Marligné possède un hospice fondé en 1712, par Mes Marie
Morna et Jeanne Airault. La prospérité de cet établissement chari-
table s'est successivement développée, grâce aux fondations pieuses
et aux legs faits en sa faveur. Pendant un demi siècle, trois sœurs,
Mes Leteul ont été successivement supérieures de cette maison à la-
quelle elles ont légué toute leur fortune. Les revenus maintenant
190
suffisent largement aux dépenses sans qu'il soil besoin d'avoir re-
cours au budget communal. Des constructions nouvelles ont été
disposées pour seize malades et seize vieillards infirmes des deux
sexes. Les bonnes sœurs auxquelles sont confiés ces soins sont de
l'ordre des Filles de la Sagesse.
C'est dans celle commune que se trouve la fontaine minérale de
Jouannelte. A l'époque où on allait aux eaux pour chercher la santé,
Jouannette jouissait d'une vogue légitimement due à ses vertus cu-
ralives; mais maintenant que c’est le besoin des distractions el des
plaisirs qui conduit à ces établissements, Jouannette ne voit plus d'é-
légants équipages, sa source bienfaisante ne distribue la santé et la
vie qu'à de modestes visiteurs.
Nous l'avons dit en commençant, Marligné n'a pas de passé dans
l'histoire, cependant deux combats sanglants s'y livrèrent à la fin du
siècle dernier. Dans ces temps malheureux, sa posilion géogra-
phique entre la Vendée militaire el le pays Saumurois forca les ha-
bitanls à choisir un parli ou à se réfugier dans les villes plus éloi-
gnées du théâtre de la guerre. Plusieurs familles se relirérenl à
Poitiers, d'autres à Tours, à Orléans; l'amour du foyer l'emporlant
chez beaucoup d'autres, elles restèrent, fuyant seulement à l'ap-
proche de l'une ou l'autre armée. Quelques rares individus suivirent
les républicains; un bien plus grand nombre d'autres prirent les
armes et furent rejoindre les Vendéens. Les gars de Marligné élaient
{гёз connus dans l'armée, où ils avaient acquis une réputation bien
élablie d'intrépidité; mais entre tous, les quatre frères Gamichon,
dont trois périrent dans les combats, avaient mérité le surnom de
braves! Le survivant, qui était le cadel, revint criblé de blessures
s'établir au pays; il y esl mort dans un âge avancé, aimé et estimé
de tout le monde. Dans les dernieres aunées de sa vie ce vieillard,
qui ne marchait plus qu'à l'aide de deux batons, avait conservé toute
son intelligence; il élait causeur, raconlait bien, chacun l'interro-
geait avec intérêt; sa lêle blanche el courbée se relevait, ses yeux
prena ent un éclat inaccoulumé , au récil des épisodes de la grande
guerre, el il ne manquait jamais de se découvrir lorsqu'il prononçait
le nom de ses anciens chefs.
Le territoire de Marligné renferme peu de monuments druidiques,
cependant sur le coleau (dil Grouas des Noyers) on remarque cinq
peulvans qui font partie d'un cromlech. Ces monolithes sont inéga-
lement espacés; qualre sont couchés sur le sol, un est debout;
les dimensions de ce dernier, hors de terre, sont de quatre mètres
de hauteur, trois de largeur el un mètre d'épaisseur. La présence
insolite de ces blocs de quartz sur un coteau de roches coquillières
191
a nécessairement fixé l'attention des habitants de ce lieu, dont l'i-
magination encline au merveilleux devait donner une origine de
celte sorte à ces pierres remarquables; aussi ont-elles leur légende
particulière, la voici :
Gargantua, le héros de tous les contes populaires du pays, était un
géant dont la haute taille dépassait la cime des arbres les plus éle-
vés, comme sa force et sa voracilé dépassaient toute imagination.
Gargantua dans ses moments de loisir aimait (parait-il) le jeu du
petit palet; or, un jour que comme un simple bambin revenant de
l'école, il poussait devant lui des pierres ramassées bien loin dans
son chemin, il s'arréta sur le Grouas des Noyers et plantant debout,
comme un bouchon de liége, la plus grosse des pierres, le monolithe
dont nous avons donné la dimension, il se recula de quelques pas,
chacun de ces pas étaient plusieurs centaines de mètres, puis il
lança vers le but, avec plus ou moins d'adresse ou de bonheur, les
quatre rochers que l'on voil à plat. Sur l'un d'eux on remarque des
excavalions oblongues, ce sont, dit toujours la légende, l'empreinte
des doigts du géant dans les mains duquel le quartz le plus dur n'é-
tail que pâle malléable. Ainsi se trouvent expliqués tous les détails
qui se ratiachent à ce cromlech. Dans le pays ces monuments drui-
diques ne sont connus que sous le nom de palets de Gargantua.
L'étendue de la commune de Marligné est de deux mille sept cents
hectares; les deux tiers environ sont en terres labourables, l'autre
liers est en vignes el en prairies. Incliné vers le midi, son sol fertile
esl propice à toutes les cultures, le vin est la principale source de
richesse de ses habitants. Autrefois, les vins blancs des coteaux du
Layon avaient un placement assuré en Hollande et en Belgique. C'é-
tail l'époque des profils pour nos vignerous qui se rappellent cel
âge d'or avec regrel el envie. Depuis bien des années ces vins ne
servent plus qu'à la consommation des départements voisins, les
prix sont moins élevés el la vente moins assurée.
Le seul cours d'eau important est le Layon. Il limite la commune
au midi, ses eaux s'écoulent vers l'ouest, où elles vont se méler à
Chalonnes avec celles de la Loire, aprés avoir franchi les nombreuses
écluses des anciennes porles marines.
Dans le siecle dernier, le Layon fut canalisé; les mines de houille
de Saint-Georges-Chalelaison, habilement et largement exploitées
par M. Pauli, leur propriétaire d'alors, avaient besoin d'un moyen
d'exportation en harmonie avec leur importance. Les chemins, à
celle époque, n’élaient qu'une suite de fondrières impralicables ; on
canalisa le Layon depuis Saint-Georges- Chatelaison jusqu'à Cha-
lonnes. Le pays fut doté de cet important travail, grâce à l'influence
192
de la famille de M. Pauli dont plusieurs membres étaient attachés à
la cour de Louis XVI; l'un était lecteur de la reine Marie-Antoinelte,
un autre, M. Hue, a élé immortalisé par la mention si honorable de
sa fidélité , contenue dans le testament du roi martyr.
Les filons houillers de Saint-Georges s'étendent sous le territoire
de Marligné, mais arrivés là ils ne sont plus qu'une authracite mé-
lée d'alliage. Le naturaliste aurait à faire à Marligné des recherches
ferliles en découvertes sur nos rochers calcaires; il y trouverait des
plantes rares et des insectes peu connus ; ces roches elles-mémes ne
sont qu'un amas de débris de mollusques, de végélaux el d'animaux
antédiluviens. Malheureusement nos carriers, qui n'ont en vue que
le gain de la journée, ne ménagent pas ces curieux vestiges qui sont
brisés par la sape, les mines et les coins de fer.
Ces noles, fort incompléles, qui ne sont que des indicalions, ne
devaient êlre communiquées qu'à M. le Président de la Société Lin-
néenne; j'ai cédé à ses instances, en les lisant en séance publique.
L'histoire de Marligué offrirait cerlainement des détails pleins d'in-
térét, mais il faudrait savoir l'écrire el je n'ai pas pareille prétention.
LE BARON DE ROMANS.
LES ORCHIDÉES EXOTIQUES
QUI ONT FIGURE A PARIS, EN 1855,
a PExposition permanente de la Société impériale et
centrale d'horticulture
Le magnifique local qui, pendant six mois, est devenu, dans les
Champs-Elysées, la promenade favorite de la foule immense accou-
rue à Paris, pour visiler le Palais de l'Exposilion universelle de l'in-
dustrie et des arts; ce jardin que le zèle et le dévouement de tous les
horliculteurs ont rempli des plus éclatantes merveilles empruntées
au règne végétal, n'a pas élé l'objet d'un travail d'ensemble destiné
à perpéluer le souvenir de ce congrès admirable, sans précédents et
peul-élre aussi sans imilaleurs. Jamais plus étonnant assemblage
des richesses de nos jardins n'avait récréé la vue, flallé l'esprit et les
seus d'un public enchanté; l'horlicullure avait aussi son palais de
l'industrie, nous aussi nous élalions aux yeux du monde entier les
produits d'un arl dans lequel la France compte peu de rivaux.
Redire ici tout ce qui a été fail pour glorifier, pour. ennoblir la
science des jardins, pour montrer ses triomphes, pour prouver quel
rôle elle peut jouer dans la vie de l'homme el dans le bonheur des
13
194
nalions, serait un projel trop ambitieux; il aurait fallu qu'un certain
nombre d'hommes spéciaux consacrassent leurs efforts à remplir
celte tâche immense. Pour moi qui ne peux aspirer à Ja gloire d'un
pareil travail, j'ai voulu me faire une part modeste, et j'ai résolu de
ne m'occuper que d'une seule famille de plantes, pour laquelle je
me sens une prédilection toute particulière, el qui a joué un rôle
brillant dans ce concours de toutes les merveilles de la vie végétative.
Les Orchidées exotiques, à peine connues au commencement de
ce siècle, si ce n’est par les botanistes de profession, ont promptement
conquis un rang distingué parmi les plantes d'ornement ; les serres
des plus riches amaleurs se sont remplies de ces espèces si riches
en couleurs étranges, si variées de forme el d'aspect, et aujourd'hui
l'on compte en Angleterre, en Hollande, en Belgique el dans l'Alle-
magne un grand nombre de collections qui ont puissamment con-
couru à faire connaître celle famille. Les travaux de Lindley et sur-
tout sa monographie résument les recherches des deux Richard, de
R. Brown et de tant d'autres qui ont décrit ces nouvelles espèces,
brillantes conquêtes des voyageurs aux régions tropicales. Depuis
1840, le zèle pour celte famille s'est encore accru. M. Reichenbach
fils, publie des illustrations qui achéveront de populariser les Orchi-
dées, et les serres de nos florimanes s'enrichissent chaque jour d'es-
péces que vont chercher à grands frais des collecteurs habiles.
Il est résullé de ces communs efforts un accroissement prodigieux
de la famille des Orchidées. Linnée en comptait à peine une cen-
laine, appartenant à neuf genres. Antoine-Laurent de Jussieu , en
1789, avait doublé ces nombres ; M. Endlicker, dans son Genera, pu-
blié en 1840, a décrit 342 genres, et aujourd'hui le nombre des es-
pèces dépasse probablement 3,000. Il n’est guère de groupes dans la
série végétale qui ait offert un pareil accroissement.
Nolez qu'il ne s'agit pas ici de ces variélés oblenues par des se-
mis, des croisements et autres arlifices d'une culture perfeclionnée,
nous ne parlons pas d'horliculture, mais bien de bolanique, nous
n’admettons à l'honneur de cet examen que des espèces authentiques
réguliérement classées dans la science , ayant rang dans les flores
classiques. Nous laissons aux catalogues du commerce ces produc-
lions éphémères d'un art, charmant sans doule , mais qui n'a pas le.
droit de nous occuper ici.
Il résulte des procès-verbaux du jury central de l'Exposilion d'hor-
liculture que plus de 400 espèces d'Orchidées ont rempli les serres
des Champs-Elysées. Nous avons parlé, dans une précédente com-
municalion, des espèces de pleine terre qui ont si bien répondu aux
efforts de quelques amateurs pour les naturaliser dans nos jardins,
195
pour en faire à la fois un sujet d'ornement et. d'étude, nous n'y re-
viendrons pas. Disons seulement que les Orchidées indigenes, celles
qui sont spontanées dans la zóne lempérée de l'ancien continent, ne
consliluent qu'une faible part dans l'ensemble de celte famille, 150
espèces, un vingliéme environ du nombre total, el sous ce rapport,
les premiers collecteurs de ces plantes bizarres étaient loin de se dou-
ler de l'avenir qui leur était réservé.
Rappelons d'abord que cette immense familie qui est on ne peut
plus naturelle par tous ses caractères, a eu le singulier avantage de
rester intaclesous la main de Linnéeet de Jussieu : la Gynandrie a passé
tout entière dans les Orchidées, de sorte que cette double épreuve
est une garantie de la valeur des caractères qui constituent ce groupe
de plantes si remarquables. Ainsi la soudure des élamines et du
pistil constitue le fait spécifique des Orchidées; le plus souvent, les
étamines qui devraient élre au nombre de trois, sont réduites par
avortement primilif à une seule; le genre Cypripedium en offre
deux, el pour établir des divisions indispensables dans cette mulli-
tude d’espéces, il a fallu chercher des caractères assez génériques, as-
sez stables, pour servir de base à une classificalion régulière et mé-
thodique.
Un de nos maîtres les plus savants, les plus révérés, Achille
Richard a dit, avec raison : « La source la meilleure des caractères
» des genres dans la famille des Orchidées, c'est, sans contredit, le
» pollen. Quand on étudie cette famille avec soin, on est frappé des
» variations extrêmes de cet organe, soit dans la texture , soit dans
» le nombre, soit dans la disposition et l'agencement des masses pol-
> liniques qui le constituent. Dans toutes les espèces d'un genre,
» quand il a été bien établi, le pollen offre constamment les mêmes
» caractères, c'est-à-dire il conserve ses caractères fondamentaux,
> comme la texture solide, pulvérulente ou textile, le nombre et
» l'arrangement des masses polliniques, tandis que les parlies qui les
> supportent, la lamelle ou caudicule, la forme ou la grandeur de
» la glande ou rétinacle, peuvent varier à l'infini saus que le genre
» soil moins naturel, »
C’est donc à la nature du pollen qu'il faul prendre garde, à son
caraclere gras ou pulvérulent, à la forme et au nombre des masses,
et en tenant compte de ces diverses particularités, on arrive à divi-
ser ainsi la famile des Orchidées :
1" UNE SEULE ANTHÈRE.
А. — Pollen en masse grasse ou cireuse.
1° Pas de caudicule, pollen distinct du stygmate.
196
Tribu des Malaxidées.
2 Caudicule distinct, pollen adhérent au stygmale.
Tribu des Epidendrées.
3° Caudicule distinct, pollen uni au stygmale caduc.
Tribu des Vandées.
B. — Pollen pulvérulent, granulé, textile.
4° Anthère terminale, dressée.
Tribu des Ophrydées.
5° Anthère terminale, operculée.
Tribu des Aréthuscées.
6° Anthère dorsale.
Tribu des Neottiées.
20 DEUX ANTHERES.
7° Tribu des Cypripédiées.
Ce tableau synoptique trés simple , emprunté à Lindley, n'a pas,
que nous sachions, été modifié par les auteurs plus modernes qui
s'occupent des Orchidées ; nous le suivrons donc de point en point,
comme un guide fidèle, dans celle étude sommaire des espèces que
nous avons pu étudier pendant l'exposition, et qui appartiennent en
proportion variable à chacune des sections de ce tableau.
Les Malaxidées complent 47 genres el 380 espèces; deux de ces
genres comprennent des espèces qu'on trouve en Europe, les Micro-
stylis et les Malaxis, tandis que le plus grand nombre croil dans
l'Archipel indien, dans les régions tropicales.
Le Malaxis Claussceniana, si remarquable par la forme ombelloide
de son inflorescence, ouvre la série de ces espèces singulières qui
semblent prendre а tàche de s'éloigner de la forme typique. Mais,
dans cetle premiere seclion des Malaxidées, les Pleurothallées sont
celles qui offrent les anomalies les plus curieuses. Malheureusement
leurs fleurs ont peu d'éclat, les amateurs les recherchent peu, aussi
ne les trouve-1-on guère que dans les serres des jardins consacrés à
la science. Notons cependant le Restrepia vittata dont l'élégante lour-
nure a mérilé une exceplion en sa faveur.
197
La seconde section des Malaxidées prend son nom d’un genre à
grandes fleurs, les Dendrobiées, dont les espèces magnifiques sont
cultivées avec soin. Aussi élaient-elles nombreuses à l'exposition
d'horticulture. Les Dendrobium calceolare, sulcatum , chrysanthum ,
transparens, Farmerti, Cambridgeanum, cerulescens, fimbriatum, no-
bile, cupreum, ont attiré les regards de la foule, et cependant leur
port n'est pas toujours fort élégant. Les fleurs sont quelquefois en
grappes terminales, plus souvent groupées en pelits bouquets Је
long d’une tige unie, assez semblable à quelques grands Equisetum,
mais la dimension du périanthe. ses couleurs éclatantes justifient la
faveur dont elles jouissent partout.
Dans la méme seclion se rencontrent les Bolbophyllum qui offrent
un singulier phénomène: le labelle est élastique, trés irritable, agité
de mouvements subits, bel exemple d'une mobilité déjà signalée dans
plusieurs autres plantes. Les Bolbophyllum barbigerum et calamaria
présentent celte particularité à un haut degré. Nous avons vu à
l'exposition un Cirrhopetalum , le radiatum, dont l'inflorescence en
soleil de feu d'arlifice s'éloigne considérablement de la forme ordi-
naire des Orchidées. Enfin, on doit à la collection Pescatore un Eria
non décrit, dont les fleurs en épis nombreux sont d'un effet char-
mant et rappellent en petit le Cerasus padus.
On voit que les Malaxidées ne figurent que pour un petit nombre
dans cet inventaire de nos richesses en Orchidées; cela lient,
comme je l'ai fait pressentir, au goût des horliculleurs pour les es-
pèces aux couleurs éclatantes, aux fleurs de grande dimension.
La seconde tribu, celle des Épidendrées, comptait, dans la mono-
graphie de M. Lindley, environ 150 espèces appartenant à 23 genres,
mais ce même auteur, qui publie de temps en temps un travail nou-
veau sur cerlains genres qui s'enrichissent le plus par des décou-
verles nouvelles, M. Lindley dans ses Folia Orchidacea vient de
décrire tont récemment plus de 300 Epidendrum, de sorle que celte
tribu s'est considérablement accrue. Les Epidendrées appartiennent
surtout à l'Amérique tropicale; l'Archipel indien vient ensuite, et à
peine en rencontre-t-on quelques espèces à Calcutta et à Ceylan.
Nous n'en avons vu qu'un très pelit nombre d'exemplaires à l'Ex-
posilion. J'ai pu, dans mes recherches bornées aux serres de Paris,
dessiner ét décrire sur le vivant plus de 60 Epidendrum. Le jardin
botanique de la Faculté en a exposé 15 espèces, le macrochilum, le
radiatum, Valatum, le floribundum et le Stamfordianum, mais encore
une fois, ce ne sont pas les espèces favorites des florimanes, et l'on
ne se donne pas la peine de cultiver une plante dont la fleur n'inlé-
resse que le botaniste.
198
Il est un genre très voisin, le Barkeria, qui a fait sensation parmi
les amateurs. Guatemala nous a fourni une vraie merveille, le Bar-
keria spectabilis, qui n'est peut-élre qu'une variété du B. elegans,
mais variété du plus grand éclat, de la forme la plus charmante et
d'une richesse de nuances à défier le pinceau le plus habile. Le B.
Skinneri est déjà fort beau et ce genre nous promet des conquéles
capables de récompenser dignement les collecteurs d'Orchidées.
Les Brassavola venosa et appendiculata sont de jolies plantes à
fleurs gracieuses et durables, deux belles qualités; on peut en dire
autant du Lelia cinnabarina, dont les hampes paniculées portent une
multitude de fleurs d'un rouge vif, grandes el persislantes.
Viennent ensuite les Cattleya, ces favoris des plus riches collec-
lions d'Orchidées. Tous les exposants ont fourni des groupes de Cat-
ileya plus ou moins nombreux, chargés de fleurs bariolées des
nuances les plus brillantes ; nous avons vu en masse les Cattleya
crispa, Mossiæ, Skinneri, bicolor, amethystina , Harrisoni, Forbesii,
tigrina, granulosa, Loddigesii , Acklandiæ , intermedia, en un mot, le
genre presque complet de ces espéces si recommandables par la di-
mension de leur périanthe, l'éclat de leurs couleurs et l'extréme
élégance de leur porl. On rencontre ici, nous en convenons volon-
liers, un ensemble des plus séduisants, tiges robustes, pas trop éle-
vées, garnies de belles feuilles , hampe bien distincle, relevée, por-
lant des fleurs énormes, à nuances riches, harmonieusement
fondues, et dont le labelle tubuleux, terminé en manchettes frisées,
brille d'un éclat merveilleux. Si, dans une armée, il y a des corps
d'élile, des grenadiers, des tambours-majors que la foule admire;
aux yeux de l'homme sage, du philosophe, tout soldat, méme dans
les rangsles plus obscurs, a les mémes droits à son eslime et l'hu-
manité ne se reconnait pas а la taille, à la splendeur de l'habit.
Le Broughtonia sanguinea est encore une charmante espèce de la
tribu des Épidendrées ; nous en dirons autant des Blelia et des Bletilla,
orchidées élégantes, découvertes au Mexique et à la Havane par Ruiz
et Pavon, el dont les fleurs violacées porlées sur des hampes minces
el flexibles, se balancent au moindre souffle dela brise. Les Phajus al-
bus et maculatus, les deux seules espèces qui aient figuré à l'Exposi-
tion représentaient assez mal un genre superbe, le plus anciennement
cultivé en France, car, à la fin du 18* siècle, les frères Cels firent
voir un bel exemplaire du Ph. grandifolius, au professeur Ventenat
qui l’a décrit avec soin.
Le genre Sophronitis est charmant, nous n'avons rencontré dans
la serre de l'Exposilion que le 5. pterocarpa, qui n'est pas le plus in-
léressant. Nous aurions voulu revoir là le Dinema polybulbon et
199
l'Isochilus linearis, appartenant à la même tribu des Epidendrées ,
mais ces petites espèces ne sont pas dignes des soins de nos grands
amateurs de Cattleya, aussi faut-il aller chercher ces charmantes
espèces dans des serres où l'on préfère la science à l'éclat, l'étude à
la mode, le goût au plaisir.
Nous arrivons à la 3* tribu, celle des Vandées, la site nombreuse,
la plus importante, la plus riche en espèces, environ 500 appartenant
à une cenlaine de genres. C'est le plus bel ornement des régions in-
lertropicales; leurs pseudo-bulbes couvrent en parasites les troncs
d'arbres, les rochers, le sol ; une végétation luxuriante, émaillée de
fleurs , appelle l'œil et la main du botaniste. C'est au Mexique, au
Brésil, que MM. Galeotti , Linden , Houllet et tant d’autres, ont ré-
colté ces espèces admirables qui font l'ornement, non pas seulement
des serres, mais des recueils de dessins comme ceux de Balemann,
de R. Brown et de Roxburgh. C'est aux Vandées que doivent leurs
plus beaux ornements les publications de Van Houtte et surtout le
grand ouvrage de M. Reichenbach fils, c'est à celte source inépui-
sable que l'on peut demander en toute confiance les plus éclatants
spécimens de cetle flore tropicale; mais voyons si la grande exposi-
lion d'horticulture n'a pas réalisé ce beau programme.
Les 400 espèces d'Orchidées que nous avons pu examiner appar-
tiennent à 60 genres trés inégalement répartis dans les sept tribus
de cette famille, six Malaxidées, dix Epidendrées el trente-six Van-
dées. Les autres ne comptent en quelque sorte que pour mémoire.
Cela prouve tout d'abord la faveur dont jouit cette 3° tribu, puis-
qu'elle compte pour plus de moilié dans le nombre total.
Les Aspasia lunata et epidendroides ouvrent la marche de celle
brillante cohorte ; l'Ornithidium coccineum avec ses pelites fleurs en
grelot, semblables à un grain de corail suspendu à un pédicule,
vient ensuite, avec Г Acriopsis picta, jolie petite espèce des serres du
Muséum, fleurs charmantes que dédaignent les amateurs de Cattleya
el de Dendrobium. Tout au plus acceptent-ils le genre Macillaria
qui semble cependant remplir les condilions voulues pour briller
dans les calalogues officiels el enlever des prix dans les concours
des sociétés horticoles. Mais il y a Mazillaria et Maxillaria, les es-
péces se complent par centaines, et pour se reconnaitre au milieu
de celle foule il a fallu introduire des coupes mélhodiques qui ont
fort arrangé les amateurs. Les Lycaste et les Bifrenaria sont
des Maxillaires à grandes fleurs qui ont figuré avantageusement à
l'Exposilion, le Lycaste Deppei est superbe ; l Harrisonii ne lui cède
eu rien, et les variétés alba et ochroleuca sont justement admirées,
de méme que les Lycaste balsamea el macrophylla, venant du jardin
200
de la Faculté. Parmi les Bifrenaria, on remarque surtout l'auran-
tiaca, Vaureo-fulva , le tetragona et l'Harrisoni qui sont de belles
espèces, puis vient le Houlletia Brocklehurstiana dont la physionomie
est presque aussi étrange que le nom, et qui rappelle deux zélés col-
lecteurs de ces Orchidées du Mexique et du Brésil.
Quant aux Mazillaria proprement dits, il faut noter d'abord le
venusta, à grandes fleurs blanches, venant de la collection Pesca-
lore, puis les ochroleuca et rufescens; notons aussi le foveata et le
vanille odora, le viridis ; M. Chantin a exposé le picta qui doit à la
culture un développement considérable, des couleurs trés variées et
très brillantes et enfin un parfum délicieux. Plaçons ici un certain
Warscewiczella candida, création nouvelle de M. Reichenbach fils,
emprunt fait au genre Huntleya, lequel était lui-même un démem-
brement des Mazillaria. Qu'on nous permette ici une réflexion que
nous croyons utile.
On avait reproché à M. Lindley de donner à des Orchidées nou-
velles les noms de certains membres de la haute aristocratie anglaise,
mais presque toujours les choix du savant botaniste sont justifiés par
les services qu'ont rendus à la science ces personnages dont la for-
tune et le goût patronent hautement ceux qui s'occupent de plan-
les. Personne ne trouvera mauvais qu'un Dendrobium soit appelé
Devonianum, qu'un Oncidium Russelianum figure dans la liste des
espèces de ce genre si nombreux; on comprend le Coryanthes Alber-
tine, comme on aime le genre Miltonia; ces dénominations sont
d'ailleurs consacrées par l'usage, elles sont de droit commun, et
nous avons vu le professeur Ach. Richard dédier à M. Galeotti des
espèces découvertes par ce voyageur; on a fait un Oncidium Guiber-
tianum, rappelant le nom d'un amateur éclairé et généreux, M. Gui-
bert de Passy. M. Luddemann a célébré son excellent patron, en lui
dédiant l’ Odontoglossum Pescatorei; un Angrecum a reçu la méme
désignation et tout le monde y applaudit. Mais M. Reichenbach fils,
novateur un peu trop radical, supprime des noms adoptés pour y
substituer des illustrations allemandes moins admirées en deçà qu'au
delà du Rhin. Tout cela vient à propos du Warscewiczella qui aurait
pu resler un Huntleya ou un Warrea, sans le moindre inconvénient.
Le genre Trichopilia est fort remarquable , et l'on admire surtout
les T. tortilis, candida el suavis des serres de MM. Thibaut et Kete-
leer. Les Trigonidium, les Govenia , et méme le Batemannia Colleyi,
que nous avons vu fleurir dans plusieurs serres parisiennes n'ont
pas paru dignes des regards du public amateur, mais on a mis en re-
lief un magnifique Cycnoches, le chlorochilon, dont les dimensions et
la forme étrange allirérent tous les regards.
201
Parmi les Vandées les plus curieuses, il en est peu qui offrent une
configuralion plus tourmentée et plus bizarre que les Catasetum. Ce
nom leur a été donné parce qu'à la base du gynosléme se trouvent
deux appendices séliformes qui descendent dans la cavilé du labelle
et consliluent un caractère unique parmi les Orchidées. Six Catase-
tum venant des jardins de la Faculté ont paru dignes d'attention,
plusieurs d'entre eux sont inédits, mais la palme apparlient aux
serres de la Celle Saint-Cloud, pour le Catasetum sanguineum, ma-
enifique espèce qui dépasse tout ce que l'on peut imaginer de plus
extraordinaire comme forme el comme coloris. N'oublions pas que
ce genre conslilue une sorle de monstre en végétation, qu'il est le
résullat probable de certaines hybridations spontanées, frappées de
stérilité congénitale, el présentant des différences élonnantes dans
la forme de la fleur, dans sa couleur, dans la plupart de ses carac-
léres, sur des individus qui sout bien réellement les mémes et que
l'on croirait devoir considérer comme des espèces différentes.
Nous en dirons presque aulant des Mormodes, qui affectent des
formes singulières et revêtent des nuances obscures, à l'exception
de l'Odieri qui est d'un beau jaune. Ces fleurs, dont toutes les parties
sont soumises à un système de torsion autour de leur axe, simulant
une hélice incomplète, sont, par cela même, intéressantes à élu-
dier. La disposition. spiroïde qui se remarque souvent dans l'ovaire
des Orchidées se propage ici jusqu'au gynostème, jusqu'au labelle, el
les cing divisions du périanthe y participent également. Le Mormodes
aromatica offre une réunion notable de toutes ces particularités.
Les Stanhopa ont tenu une grande el belle place dans notre Ex-
position; MM. Pescalore et Guibert se sont disputé l'honneur de
montrer des corbeilles resplendissantes de fleurs gigantesques, sur-
chargées de couleurs admirables, allirant tous les regards par l'é-
lrangelé de leur physionomie, mais offensant quelquefois l'odorat
par des senteurs d'une inlensilé extrême. Le genre Stanhopea réunit
à un point excessif les qualités qu'ou recherche dans les Orchidées.
Quoi de plus singulier que ces corbeilles aériennes remplies de
pseudo-bulbes pyriformes , cannelés, porlant de longues feuilles
lanceolées? Du milieu des fils de fer entre-croisés, sort bientôt un
scape qui descend, s'allonge el se couvre de fleurs énormes , revé-
tues de nuances éclatantes; le blanc, le jaune, le violet, le rouge se
mêlent harmonieusement sur des sépales largement développés, le
labelle aux formes lourmentées élale ses appendices, ses excava-
tions, que les plus habiles dessinateurs imileraient à peine, el si l'on
ajoute à cela un parfum délicieux ou une odeur beaucoup moins
202
charmante, on aura un ensemble qui juslifie pleinement la prédilec-
lion des amateurs.
Dix espèces de Stanhopées ont élé exposées, mais ici il faut s'en-
tendre. Les plus belles fleurs, surtout dans ce genre, sont sujettes à
des variations de nuances qui réjouissent les horticulteurs, qui
constituent à leurs yeux charmés des espèces distinctes, et qui, en
conséquence, reçoivent les honneurs d'un baptême officiel, mais
caduc, et dont la durée ne dépasse guère celle de la fleur elle-
même.
C'est surtout à l'égard des Stanhopées que nous voyons apparaître
le goût des variétés, la recherche des légères différences qui résul-
tent d'une coloration plus ou moins abondante, distribuée capri-
cieusement sur telle ou telle partie de la fleur. Le Stanhopea insi-
gnis, suivant la peinture, devient pallida, fulva, atropurpurea, obs-
cura, flava, lutea, etc. Le Stanhopea oculata fournit les Wardii, les
venusta, les purpurea, les inodora, les guttulata; enfin, on constate des
dégradations de teinte qui ne demandent pas mieux que de se multi-
plier à l'exemple des Dahlia, des Dianthus, et de tant d'autres es-
peces si obéissantes aux ordres de nos habiles horticulteurs. Il y a là
sans doute un beau sujet d'éludes, d'expériences; à Dieu ne plaise
que nous critiquions une industrie qui fournit de si merveilleux ré-
sultats, mais on nons permettra de préférer une espèce bien déter-
minée, représentant un individu classé, nommé, ayant droit de cilé
dans le royaume des fleurs et ne devant rien au hasard d'une nais-
sance accidentelle. Le véritable inconvénient de ces espèces apocry-
phes, de ces personnalités douteuses, c'est l'impossibilité de les per-
péluer, et l'ennui de voir sans cesse remise en question celle exis-
tence éphémère des variétés les plus vantées.
Le genre Gongora vient ensuite et nous fournit des remarques
{гёз analogues aux précédentes. Nous en avons admiré trois espèces
sous les noms de Gongora stenoglossa, quinquenervis et vitellina,
toutes trois sans autre moyen de diagnose spéciale que des variélés
de couleur qui ne peuvent suffire pour les caractériser. Toutes ces
fleurs ont la même conformation; toutes, comme dans le maculata,
ont des taches plus ou moins marquées sur les diverses parties du
périanthe; aussi trouve-t-on dans les catalogues les variélés alba,
citrina , fulgens , grisea, pallida, tricolor et méme Ruckeriana, sans
qu'aucune d'elles présente des différences assez notables, assez per-
sévérantes pour légitimer ces dénominations. Quoi qu'il en soit, les
amateurs d'Orchidées devront placer les Gongora dans leurs serres ;
ces longs épis tombant en girandoles, ces fleurs si extraordinaires
203
produisent un excellent effet au milieu des Stanhopées et autres
espèces qui affectent celle singulière forme.
A plus forle raison donnera-t-on une belle place aux Corianthes,
qui se distinguent par des caractères bien plus excentriques. On a
vu dans la serre de l'Exposition deux belles espèces, d'abord le spe-
ciosa venant de MM. Lhomme et Thibaut et Keteleer, puis le macu-
lata, venant de l'établissement de ces deux derniers horticulteurs.
L'étrange tournure de ces fleurs a vivement piqué la curiosité pu-
blique ; on a constaté la présence d'un liquide qui tombe goutte à
goutte de l'appareil qui le sécréte, dans la cavité terminale du la-
belle qui le reçoit, phénomène unique dans l'ordre végétal et sur le-
quel nous avons fait des recherches servant de base à un travail lu
à la Société botanique de France.
MM. Lhomme et Chantin ont exposé chacun un exemplaire du
Peristeria elata , originaire de Panama , magnifique espece cullivée
depuis 1839 au jardin de la Facullé de médecine, et d'oit viennent
la plupart des individus qu'on trouve dans les serres de Paris et des
environs. Le genre Acineta, qu'on a dislrait des Peristeria, s'est mon-
tré avanlageusement, grâce à MM. Thibaut et Keteleer. L'Acineta
Humboldtii est une plante superbe; nous en dirons autant de l'An-
guloa Clowesii, des mêmes horliculteurs; ce sont 1а de belles espèces
ct que l'on devrait s'allacher à multiplier davantage.
Un beau Cymbidium , Valoéfolium a longtemps figuré à l'Exposi-
Поп; ses longues hampes penchées, amplement garnies de belles fleurs,
ont prouvé le parti qu'on pouvait lirer de ces espèces si riches en
beau feuillage, fournissant des épis à floraison persistante; nous en
avons vu à Paris quatre autres espèces qui ne sont pas moins dignes
de figurer au milieu des plus riches collections d'Orchidées.
Un Galeandra, le Devoniana, ne vaut pas, pour l'élégance de Ja fleur,
le Baneri ou Blanchetti que j'ai observé au jardin de la Faculté de
médecine. Je n'en dirai pas autant du Chysis bractescens , admirable
espèce due à MM. Thibaut et Keteleer, et que j'ai revue dans presque
toutes les serres où l'on cullive les Orchidées. Сеце espèce justifie
les soins dont elle est l'objet; ses fleurs épaisses, charnues, d'un
blanc de lait, conservent tout leur éclat pendant plusieurs semaines,
mais moins encore que le Chysis aurea qui a fleuri en juillet dernier
dans la belle serre du Jardin des Plantes.
Le genre Zygopetalum est encore un de ceux qui s'enrichissent de
variétés nombreuses. Ainsi le Zygopetalum Mackayi prend différents
noms, suivant la coloration: album quand il est pâle, atroviolaceum,
crinitum , minus, pallidum , intermedium , suivanl diverses nuances
fugilives; mais il y a des espèces remarquables, par exemple, le
bictoniense que j'ai vu chez M. Chantin, le rostratum et le mazil-
lare, qui sont assez beaux pour mériler une mention très honorable.
Le Murrayanum west pas indigne des précédents.
Nous regretlons que les magnifiques Cyrtopodium qui ont fleuri
au premier printemps dans plusieurs de nos serres d'amateurs ,
n'aient pu se montrer avec loul leur éclat aux Champs-Élysées ; les
espèces maculatum, punctatum et speciosissimum auraient pu soute-
nir la comparaison avec les plus brillants échantillons venus de
Passy el de la Celle Saint-Cloud.
Les Notylia sont de petites espèces que le botaniste seul prise à
leur juste valeur; cependant ces jolies plantes, d'un feuillage léger
et gracieux, fournissant des épis lombants, chargés de fleurs élé-
gantes, sont un ornement bon à suspendre aux vitrines des serres
chaudes. Le Notylia Guyanensis de la collection de M. Lhomme,
comparé avec le sagillifera et Vincurva, ne nous a pas offert des ca-
ractères diagnostiques suffisants pour constiluer une espèce bien
distincte. On doit à M. Leguay un Comparettia falcata qui est assez
intéressant.
MM. Thibaut et Keteleer nous ont fail voir le Burlingtonia venusta,
M. Chantin le decora, les deux seuls qui aient fleuri pendant le
lemps de l'Exposilion. Ces espèces sont remarquables en ce que, exa-
gérant encore les irrégularités el la lorsion des Mormodes , elles of-
frent un type fortement dévié de l’état normal el qui peut servir de
base à des études profilables à la science.
Deux Rodriquezia , le secunda et le planifolia, venant du jardin de
la Facullé, ont attiré notre attention, le premier surlout, dont le long
épi formé de fleurs rouges, porlées en panache horizontal, a une
tournure fort pittoresque.
Viennent ensuite les Oncidium, groupe nombreux d'espèces assez
prisées des amateurs; il y en a pour tous les goûts, tant l'infinie va-
riété de forme, d'aspect, semble propre à salisfaire les plus exigeants.
Ceux qui ont été exposés ne sont pas nombreux, une vingtaine tout
au plus, et parmi ceux-ci ne se trouvent pas les plus remarquables.
Cependant le lanceanum, le leucochilum , le papilio, le volubile ont
un mérite incontestable, le microchilum, le Harrisonii, le pubes et le
Wentworthianum, Vincurvum, le roseum et Vintermedium ne sont pas
moins recommandables. Les Oncidium ont, le plus souvent, un ma-
gnifique feuillage ; leur inflorescence , quelquefois gigantesque , est
très durable et constitue un des plus riches ornements de nos serres
chaudes; les couleurs du périanthe sonl trés variées, de sorle que,
sous beaucoup de rapports, il est difficile de trouver des plantes
plus agréables.
205
Les Cyrtochilum sont presque une simple section des Oncidium ;
le jardin de la Facullé nous en a envoyé deux belles espèces : le has-
tatum el stellatum, mais leur mérite cède le pas aux Miltonia, qui,
pour la grandeur et l'éclat des fleurs, prennent rang parmi les plus
belles Orchidées connues. Pourquoi le Miltonia spectabilis exposé
par M. Guibert et par d'autres horticulteurs est-il atteint de chlorose,
pourquoi les feuilles prennent-elles celle teinte pâle si désagréable?
Nous laissons le soin d'éclaircir ce probléme à ceux qui l'ont vu nai-
tre, espérant qu'ils réussiront à guérir cette maladie. Le Clowesii
est superbe, le Moreliana ne mérite pas moins d'éloges, le bicolor
nous a semblé une simple variété, sans beaucoup d'éclat, mais on
peut dire que ce genre tout entier, déjà nombreux, est digne de l'at-
tention des vrais amateurs.
Les mémes réflexions s'appliquent aux Odontoglossum , bien qu'ils
aient paru en pelit nombre à notre Exposilion. On a pu voir com-
bien ils sont intéressanls , sous le rapport de la beaulé de la forme
et de l'éclat des couleurs. Une espèce dédiée à l'honorable maitre
des serres de la Celle Saint-Cloud, l'Odontoglossum Pescatorei, est un
modèle d'élégance; les nuances les plus délicates donnent à son la-
belle un aspect séduisant et qui le devient encore plus dans la va-
riélé provenant de la serre de M. Linden. Désignée sous le nom de
splendens, elle montre des couleurs plus brillantes, plus étendues ;
la fleur a pris un notable développement, et telle que nous l'avons
vue, elle constitue un des plus beaux spécimens d'Orchidées. L'O-
dontoglossum grande est encore une de ces merveilles de beauté qui
séduisent tous les regards; le maculatum, le citrosmum, le hastila-
bium et surlout le nevium, doués d'autres qualités, n'en brillent pas
moins el prouvent quel parti l'on peut tirer de ce genre déjà nom-
breux el qui teud à le devenir chaque jour davantage.
Le genre Brassia est encore un de ceux qu'on ne peut dédaigner ;
nous en avons vu à l'Exposilion cinq espèces remarquables : le cau-
data, le lanceana, le Josstiana, le maculata et une autre non décrile,
venant de Guatemala.
MM. Thibaut et Keleleer ont envoyé le Brassia odorata, moins
beau que les précédents, M. Pescatore aexposé le Brassia brachiata un
des plus remarquables, el M. Chantin un guttata peu brillant; mais
celle série présente encore bien des lacunes que les horliculleurs
devront s'efforcer de remplir, car il y a là des individus qui sont
très dignes de figurer dans les plus belles collections.
Pourrions-nous oublier le genre Phalænopsis qui, par l'élrangeté
de sa forme, par la splendeur de son périanthe, par la rare élégance
de son panicule jeté au vent, mérile peut-être la première place
206
parmi les Vandées les plus merveilleuses ? MM. Pescalore el Leguay
nous ont offeri en ce genre de vrais modèles de beauté, des indivi-
dus réunissant toutes les condilions les plus désirables : vigueur de
la plante , floraison nombreuse et opulente , scape élastique , balan-
cant une masse de fleurs dont la blancheur éblouissante défiait le
pinceau le plus habile. Le Phalaenopsis grandiflora de MM. Thibault
et Keteleer et Chantin, moins riche, moins vigoureux, n’élail pas
moins intéressant et justifiait pleinement les éloges les plus vifs qu'on
puisse adresser à cette admirable Orchidée.
Nous arrivons au genre Vanda, le plus recherché des amateurs, le
plus riche en nuances éclatantes, celui dont les fleurs sont à la fois
de la forme la plus gracieuse, de l'aspect le plus saisissant. Presque
tous les exposants d'Orchidées ont fourni de beaux exemplaires de
Vanda, et le public s’extasiait devant le suavis ainsi que devant le
tricolor, le Roxburghii et insignis, et cela avec juste raison, car l'i-
maginalion la plus capricieuse inventerail difficilement une réunion
de mérites plus rares. Mais ces mériles ont été surpassés par le
Vanda cerula, el surlout par le Vanda teres, deux espèces qui fleu-
rissent rarement dans nos serres, et que, par une chance heureuse,
le jardin de la Faculté de médecine a pu montrer dans ie cours de
notre Exposition. Le Vanda teres, moins vigoureux, moins chargé de
fleurs que celui envoyé par M. Pescatore, a eu l'honneur d'ouvrir la
marche des espèces rares et précieuses; il a élé admiré par les horti-
culleurs parisiens , qui, pour la plupart, ne l'avaient jamais vu en
fleur. Je crois méme qu'il n'avait pas encore fleuri dans les serres
de Paris; on l'avail signalé à Rouen, au Hâvre, mais cet événement
recueilli par la tradilion devait faire place aux réalilés d'une culture
favorable. Plus tard, le magnifique échantillon de M. Pescalore a
comblé les vœux de ceux qui n'avaient pu examiner celui de
M. Lhomme, et l'on s'est convaincu que les Orchidées ne peuvent
rien offrir de plus beau.
La vivacité de nos éloges ne surprendra pas ceux qui ont vu ces
belles espèces; on peut les renouveler en faveur du Vanda cerula,
qui fleurit bien plus rarement que les autres, à l'exception du teres,
bien entendu. Le Vanda insignis est aussi une admirable chose ; le
multiflora, beaucoup plus modeste, est cependant une belle plante
dont le feuillage opulent forme des massifs à grand effet, et dont les
fleurs en épi flattent l'œil par la bizarrerie de leurs nuances. Nous
avons vu ailleurs les espèces congesta et rigida, dont les fleurs pe-
lites et sans éclat montrent que, dans celle brillante famille, à côté
des plus splendides corolles, il s'en trouve d'obscures que le bola-
nisle seul ne dédaigne pas, car, aux yeux de la science, toules les
207
fleurs sont égales, le privilége de la beauté disparaît, le droit d'ai-
nesse est supprimé, el chaque individu tient sa place dans l'ordre
légal d'une flore bien faite.
On doit à M. Pescatore un bel exemplaire de Renanthera, le matu-
lina, dont le vaste pédicule, bien garni de fleurs d'un rouge sombre,
a brillé pendant plus d'un mois dans notre serre aux Orchidées. Le
Renanthera coccinea, que nous avons vu fleurir au jardin de la Fa-
cullé de médecine, n'a pu se montrer à notre exposition, et cela
est facheux, car il est difficile de voir une espèce plus magnifique.
Les Saccolabium, comme les Vanda, sont des genres favoris; tous
les horticulleurs sen occupent et nous en avons vu de nombreux
exemplaires. MM. Pescatore, Guibert, Thibaut el Keteleer et Chantin
ont exposé le Blumei et le guttatum, deux belles espèces, d'une vé-
gétalion vigoureuse, le dernier surtout, avec ses 11 liges à fleur,
échantillon hors ligne, sous tous les rapports.
Sous le nom de Rhyncostylis retusa, M. Luddemann nous a offert
le vrai Saccolabium retusum , avec quelques nuances de coloration
diverse, mais pas assez pour légitimer une individualité spéciale.
Les deux Sarcanthus, le rostratus et le teretifolius, sont dignes d'intérêt,
botaniquement parlant, car ils montrent la transition entre les
Vanda et les Aerides; la parenté est évidente, l'analogie trés marquée,
aussi devons-nous leur en tenir compte el les mentionner ici. Nous
regrellons meme les Æceoclades et les Cleisostoma, qui, au méme
litre, auraient pu figurer près des espèces les plus favorisées de
la nalure. Mais laissons là ces obscures alliées de nos orgueilleux
palriciens, et arrivons aux ZErides, qui onl si bien justifié la faveur
dont on les entoure.
On comprend l'enthousiasme des amateurs d'Orchidées en voyant
les inflorescences si admirables de ce genre; admirables par leur
forme élégante en épi cylindrique, légèrement courbé en panache
retlombant; admirables par la merveilleuse disposition de la fleur,
son abondance, la richesse de ses couleurs; admirables par un par-
fum délicieux ; réunissant enfin, comme à plaisir, toutes les perfec-
lions que l'on peut désirer dans une plante d'ornement. Tous nos
amaleurs ont rivalisé de zèle dans l'envoi de ces espèces si char-
mantes; nous avons vu successivement les Ærides crispum, odo-
ratum et sa belle variété purpurascens; le roseum, Vaffine et sa
variélé Fox Brush, puis le virens qui diffère nolablement d'un
exemplaire type observé par nous dans les serres du Jardin des
plantes; le quinquevulnerum est superbe, ainsi que le maculatum,
mais il faul dire que quelques-unes de ces espèces ne résisle-
raient pas à un examen un peu rigoureux. Nous ne voulons pas
208
ici critiquer des dénominations qui, pour ёге adoptées dans les ca-
lalogues marchands, n'en ont pas plus de réalilé scientifique; con-
tentons-nous de dire que ce groupe d'/Erides a excité l'admiralion
de Ја foule qui circulait chaque jour dans notre serre chaude, et que
jamais les Orchidées n'ont été représentées d'une manière plus bril-
lante. Il est presque inutile d'ajouter que M. Pescatore el M. Guibert
tiennent le premier rang dans celle brillante exhibition qui fait
honneur aux soins de leurs jardiniers, MM. Luddemann et Leroy.
Les Angracum ont failli ne figurer chez nous que pour mémoire ;
un seul individu, le ciliatilabium, venant du jardin de la Faculté de
médecine, aurait été chargé de représenter ce groupe intéressant,
mais une belle espèce, dédiée à M. Pescalore, Angraecum Pescato-
reum, est venue nous révéler une forme nouvelle, des épis portant des
fleurs innombrables, disposées sur deux rangs adossés, le labelle en
dehors, en sens contraire de ce qui s'observe dans les Megaclinium.
Nous avons regrelté l'Angrecum eburneum , dont la lige presque ar-
borescente et les fleurs en épis énormes ont un aspect saisissant,
montrant tout ce que peuvent faire sur les Orchidées un soleil tro-
pical et des conditions de végélalion si difficiles à remplir dans nos
serres. Cependant, les exemplaires observés par nous au Jardin des
Plantes et chez M. Guiberl donnent une juste idée de ce développe-
ment excepliounel dans la famille des Orchidées.
Celle tribu si nombreuse des Vandées se termine par un seul in-
dividu apparlenant au genre Calanthe. M. Chantin a envoyé le Ca-
lanthe Masuca , belle espèce qui vient de la Chine, el dont les
fleurs très persistantes offrent le phénomène d'une variation
successive des nuances primilives; le périanthe, d’abord rouge-rose
passe au violel, au bleuâtre, au jaune, véritable transformation qu'on
observe du reste dans un certain nombre d'Orchidées.
J'ai hale d'arriver à la fin de cetle énumération, déjà trop longue,
sans doule, mais bien incomplèle encore; el cependant, je ne puis
passer sous silence la tribu des Ophrydées, qui, indépendamment des
nombreuses espèces indigènes que nous avons signalées dans un
aulre travail, nous a offert un genre des plus remarquables. On
connait, par les récils des voyageurs el par les ouvrages de botani-
que, la flore du Cap, si riche en Orchidées de la plus belle apparence.
Le genre Disa, fécond en espèces dont les caractères différentiels
sont un élernel sujet de discussion entre les botanistes descripteurs,
figure au premier rang, el nous en avons vu un superbe échantillon
sous le nom Disa insignis, exposé par M. Eugene Pinel, de Rouen.
Esl-ce une espéce nouvelle ou une simple variété de l'un des qua-
ranle Disa décrits dans la monographie du docteur Lindley? La ques-
209
tion ne me paraîl pas facile à décider, mais en tout cas la plante est
charmante, et l'on ne peut rien voir de plus élégant quant à la forme,
de plus gracieux quant à la couleur ; aussi le jury de l'Exposition a-
t-il mentionné trés honorablement ce beau produit d'une culture
exceplionnelle.
La tribu des Aréthusées qui vient ensuite tient peu de place dans
le catalogue de nos amaleurs parisiens. Le Limodorum abortivum,
qui croit aux environs de Pariset que l'on conserve avec peine dans
nos jardins, appartient à ce groupe et n'est pas un des moins singu-
liers genres d'Orchidées indigènes. Les Cephalanthera, dont la sy-
nonymie est si embrouillée, sonl encore dans les Aréthusées , mais
nous n'y reviendrons pas.
Parlons de ces magnifiques Sobralia que le Pérou nous envoie, et
qui jouent un si beau róle dans nos serres chaudes. Des Orchidées
s'élevant à deux et trois mètres de hauteur, balançant au sommet de
ces tiges arundinacées des fleurs d'une énorme dimension, sont un
ornement précieux, aussi retrouve-t-on des Sobralia chez lous nos
amateurs. MM. Pescatore, Thibaut et Keleleer en ont envoyé de
beaux spécimens et on doit les féliciler de ce succès, car dans quel-
ques serres, et des mieux tenues, ces plantes végèlent mal et ne
fleurissent pas. Nous en avons vu d’admirables à Passy, chez M. Gui-
bert; ceux du Jardin des Plantes sont superbes et prennent l'aspect
que leur donne le soleil de l'Amérique du Sud. '
Un intérêt bien vif s'attache aux deux Vanilles exposées раг
M. Lhomme. L’espéce ordinaire, le Vanilla planifolia, dont les cap-
sules odorantes sont si connues, a fleuri dans le jardin de la Fa-
cullé et a donné des fruits de bonne qualité. Une autre espèce, qui
est originaire de la Guayra, et qui, non décrite jusqu'ici, a recu de
M. le professeur Moquin-Tandon le nom de Vanilla lutescens, s'est
couverte de fleurs en bouquets abondants, le périanthe a pris des
dimensions considérables, et nous avons vu un de ces phénomènes
de végétation qui viennent de temps en temps récompenser les ef-
foris des horticulteurs. Des portions considérables de ces deux va-
nilles ont figuré dans la serre de nolre exposilion et montré au
public des espèces dont tout le monde connait les produits singu-
liers.
La sixième tribu, celle des Néoliées n'a eu des représentants que
parmi les plantes de nos environs, je n'y reviendrai pas. Il est à re-
grelter que le public n'ait pu admirer comme nous le Stenorhynchus
speciosus qui a fleuri au premier printemps dans la serre du jardin
de Ja Faculté et dans celle de MM. Thibaut et Keleleer. Le méme
regret s'applique à quelques Goodyera exoliques, et surlout aux
11
210
Anœctochilus, dont le feuillage, aux brillantes couleurs, excite l'at-
tention des personnes les moins disposées à admirer les merveilles
de la végétation tropicale.
Viennent enfin les Cypripédiés qui composent la dernière tribu de
la grande famille des Orchidées. Après le Cypripedium calceolus de
notre pays, les Cypripedium humile et spectabile de l'Amérique du
Nord, dus aux bons soins de M. Pelé, et un quatrième inédit, nous
devons une belle place au Cypripedium barbatum, qui se trouve dans
toutes les serres, et au villosum de MM. Thibaut et Keteleer. Il est
facheux qu'aucun de nos amateurs n'ait eu la chance heureuse de
voir fleurir et d'exposer le Cypripedium caudatum et V Uropedium
Lindenii, espèces tout à fait excentriques par le singulier dévelop-
pement de cerlaines parties de leur périanthe.
Nous avons sans doute passé sous silence quelques plantes remar-
quables, mais ces omissions, impossibles à éviter dans un travail
comme celui-ci, ne nous seront pas reprochées par ceux qui con-
naissent notre zéle pour les intéréts des horticulteurs et le désir de
rendre justice à tant d'efforts et de soins. Nous avons voulu expri-
mer autant qu'il est en nous nos sympathies en faveur de ces
hommes laborieux et intelligents qui ne reculent devant aucun sa-
crifice pour enrichir l'horticulture d'espèces précieuses, nouvelles,
qui poursuivent saus relàche l'étude souvent pénible des moyens les
plus propres à multiplier les Orchidées, à les faire adopter par le
puhlic amateur, à populariser les méthodes à l'aide desquelles on
s'assure la conquéte de ces charmants végélaux. Puissions-nous
avoir atteint le but que nous nous sommes proposé en nous livrant
à cel examen des richesses de nolre Exposilion.
Jamais jusqu'ici l'on n'avait vu réunis en si grand nombre les plus
beaux spécimens de la famille des Orchidées, jamais pareil concours
ne s'élait ouvert au zèle de ces rivaux généreux; leurs serres se
vidaient au profil de celle du jardin des Champs-Elysées ; admirable
exemple de cette générosilé familière à notre pays; on n'était retenu
par aucune de ces considérations élroites, égoisles, qui sont presque
légilimées раг la délicatesse de ces plantes, par leur rareté, leur
prix ; on ne se bornait pas à les faire voir pendant un jour; les plus
beaux échantillons ont orné des semaines entières celle serre où se
pressait la foule, et l'on semblait oublier que, dans ces condilions
nouvelles et parfois bien moins favorables, ces végétaux précieux
pouvaient souffrir сі méme se perdre tout à fait.
Les Orchidées exoliques, réunissant, comme nous l'avons dit,
tous les genres de beauté qu'on admire dans les productions végé-
lales, occupent aujourd'hui le premier rang parmi les plantes d'or-
211
nement. Elles sont recueillies avec soin par des hommes compétents;
on note les lieux où on les trouve, l'altitude à laquelle elles fleuris-
sent, le genre de culture qui leur convient le mieux, et, grâces à
ces renseignements, on peut voir fleurir dans les serres les espèces
les plus rares, les plus magnifiques. A côlé de ces merveilles, quel-
ques esprits plus sérieux ne craignent pas de donner asile à des
plantes plus modestes, et la science y gagne, si bien que dans nos
collections de Paris et de la banlieue j'ai pu, dans l'espace de deux
ans, décrire sur le vivant et dessiner plus de 800 Orchidées en fleur.
Le professeur Ach. Richard a laissé un travail semblable, exécuté
dans les mémes conditions, et que son fils, le docleur Gustave Ri-
chard, publiera sans doute quelque jour.
Les Orchidées dont on veut s'occuper ainsi ont éminemment be-
soin d'un dessin qui supplée les descriptions. La langue botanique,
si riche qu'elle soit, laisse toujours quelque chose à désirer , il n'y
a pas de phrase technique qui remplace un dessin exact; les varié-
tés de forme zont si grandes dans celte famille, il y a de si étranges
déviations du type originel, que le crayon est absolument indispen-
sable. M. Reichenbach fils l'a bien senti, les diagnoses fort étendues
ne suffisent pas pour tout dire, il faul un trail à cóté de celte des-
cription, et c'est ce que j'ai compris dès que je me suis occupé de
cet inventaire des richesses du jardin de la Faculté de médecine. Il
ne faut pas être un dessinateur habile, il ne s'agit pas ici d'embellir
la nature, de donner à ces fleurs une tournure artistique, le simple
trait suffit, mais il faut qu'il soit exact, précis; il faul surtout qu'il
retrace les diverses parties de la fleur, qu'il fasse comprendre à pre-
mière vue la position respective des organes, leur volume relatif,
leur forme, etc. En sorte que le bolaniste, pour cette besogne, con-
vient mieux qu'un dessinateur de profession, parce qu'il sait la va-
leur des choses, parce qu'il indique justement la disposition du
gynosléme, du labelle, la forme el la place de l'opercule, du styg-
male, le nombre des pollinia, leur volume, leur arrangement, l'in-
serlion du caudicule, la grandeur du rétinacle et une foule de
particularilés caractéristiques. On acquiert promptement le coup
d'œil et le coup de main, la plume qui écrit peut bientôt tracer un
portrait assez ressemblant de ces fleurs charmantes, la phrase ex-
plique le trait, celui-ci complète la phrase, et l'on finit par avoir en
portefeuille une collection considérable de ces espèces que les plus
riches amateurs n'admirent dans leurs serres que de temps en
lemps et qu'ils regreltent de ne pouvoir conserver.
Il faut noter que les plus belles Orchidées, les plus rares, sont ce-
pendant les plus communes, les plus faciles à rencontrer, justement
parce que tout le monde veut les avoir. Les Cattleya, les Dendro-
bium, les Phalænopsis, les Vanda, les Ærides, les Saccolabium, dont
ia valeur commerciale est souvent considérable, ornent toutes les
serres, tandis que les petites espèces, les Pleurothallis, les Pholidota,
les Bolbophyllum , les Eria et tant d'autres, dont les inflorescences
obscures ne révèlent leurs merveilles qu'au botaniste patient et cu-
rieux, sont reléguées dans les jardins consacrés à la science et font
la joie de ceux qui les observent.
J'ai voulu, dans celle étude rapide, montrer que les Orchidées des
régions tropicales peuvent aisément fleurir dans notre pays à l’aide
de soins à la portée de tous; que celte culture, entrée aujourd'hui
dans le domaine public, permet aux bolanistes d'étudier sur le vivant
des plantes qu'on croyait réservées aux pays équaloriaux et que la
science, méme superficielle, comme celle qu'il m'est permis de re-
vendiquer, gagne à ces travaux qui ne sont que l'heureuse distrac-
lion des hommes dont la vie, consacrée à des devoirs sérieux,
comporte cependant des occupations agréables. Puisse la Société
Linnéenne d'Angers accueillir avec bienveillance ces pages trop
nombreuses sans doute, mais qui, apportant dans son enceinte un
élément étranger, jelteront quelque diversion dans ses travaux ha-
biluels !
P. MÉNIERE.
M. DE LAMARTINE
HISTORIEN DE L'EMPIRE RUSSE.
M. de Lamarline a récemment complété son histoire de la Turquie,
par un tableau de l'empire Russe. Il y a peu de livres qui manquent
autant qu'une bonne histoire de Russie. Karamzin a commencé à éle-
ver un monument à sa patrie ; la mort le surprit au drame, dont s'est
occupée il y a quelque temps une plume élégante (1). Depuis cetle
époque confuse, plus les événemens se rapprochent de nous, plus
ils sont traités avec adulation ou aigreur. J'ai donc élé bien joyeux,
quand jai appris qu'un homme, dont tout le monde admire le ta-
lent et estime le caractère personnel, consacrait ses loisirs à combler
celle lacune; j'ai ouvert son livre avec une double émotion et, je
l'avoue, je n'ai éprouvé qu'une déception cruelle. Je n'hésilerai pas
à moliver l'impression pénible qu'il m'a causée : aujourd'hui comme
hier, ma pensée intime ne peut être revétue que des formes les plus
respectueuses en soumellant quelques observations à Villustre au-
leur des Méditations.
Et d'abord, quelle est la genèse du peuple russe? Les lectures
auxquelles s'est condamné M. de Lamartine, ont pour résullat de
(1) V. le faux Démétrius, par M. Mérimée
214
lui faire dire humblement le mot du vulgaire qui est aussi le mot
des philosophes: j'ignore! » Cependant, s’il abandonne < ces
poètes des ténèbres qu'on appelle les érudits, » s'il. n'approfondit
pas cette question fondamentale, que les belles leçons de M. Cyprien
Robert ont mise à la portée de tous, il l'orne de ces détails dans les-
quels il excelle en nous apprenant que, « sous Trajan les Scythes
> lisaient déjà Platon, récitaient de mémoire les poèmes d'Homère,
> chantaient ses vers en combattant, avaient un roi qui résidait
» prés d'Odessa, dans une vaste maison décorée de sculptures, de
» sphynx, de griffons en marbre et immolaient les étrangers à
» leur Dieux, sur le promontoire de Sébastopol. » Cette teinte d'ac-
tualité, que l'historien applique avec un rare bonheur à tous les
épisodes de sa narralion, est précisément ce qui la rend une ceuvre
trop hâlive, pas assez sérieuse. Quelques pages lui suffisent pour
encadrer dans un cadre doré, les annales de cet Empire que l'Eu-
rope n'appelait barbare, que parce qu'il lui était inconnu, de-
puis l'an 500 avant Notre-Seigueur, jusqu'au хуш“ siècle. П a hate
d'arriver des exploits de Pierre-le-Grand, à ses conséquences con-
lemporaines; c'estlà son vrai but, et, pour essayer de le suivre,
nous sommes obligé de renvoyer ceux qui seraienl tenlés de con-
naitre les origines et la jeunesse vigoureuse du peuple qui occupe
la neuvième partie du monde, à l'éloquent Karamzin, que cite M. de
Lamarline dans un ravissant passage de son premier livre trop
abrégé (p. 46).
En arrière de l'Occident par sa situation géographique, par les
traces profondes que les Tatars y avaient laissées, surlout par sa reli-
gion puisée à une source troublée par l'orgueil, la Russie ne dale
cependant pas de Pierre I*. De grandes figures l'ont personnifiée
avant lui; de grandealliances l'avaient déjà mise en communication
avec la chrétienté. En 1044, le premier roi de France du nom
de Henry, envoya l'évéque de Meaux au grand prince Jaroslaf, avec
un magnifique et pompeux appareil d'ambassade, lui faire la de-
mande de sa fille qui fût: « la moult souève Royne Anne, » mère
de Philippe 1° (1). Monomaque, génie tutélaire de la Russie, eut pour
épouse Gydda, fille d'Harold. Le Tzar Alexis prenait une place glo-
rieuse parmi les souverains, en protestant seul devant l'échafaud de
Charles Ier, tandis que l'on prenait au Louvre le deuil du protecteur;
(1) Icèle dame, disent les vieilles chroniques, pensoit plus aux choses à venir que
aux choses présentes ; dont il avint quele fit estorer à Senlis une yglise en l'enor
saint Vincent. — V. Rerum gallicarum et franciscarum scriptores , X1, 157 et la
Gallia christiana, VII et Ix.
215
et la régence douce, régulière et bienfaisante de Sophie, à laquelle
M. de Lamartine rend justice, s'annoncait sous les auspices les plus
favorables pour la civilisation. Cette princesse infortunée, < à qui la
Russie doit des années de bonheur, à qui Pierre lui-même a dû le
trône et la vie, » tout en jouant Molière aux Kremlin, envoyait à
Louis XIV la première ambassade Russe qui parut brillamment
dans les cours de l'Europe, commença à conquérir la Crimée par
l'épée de son Ministre, servit habilement par un traité de paix,
« Ja haine trop mérilée des Russes contre les Polonais, fauteurs de
la honte et de la servitude de leur pays. » Son Ministre élait un
homme supérieur, d'après le rapport de Neuville, n'ayant que de
grands desseins, instruit, d'un génie au-dessus de son siècle, capable
de changer son pays s'il en avait eu le temps et le pouvoir, comme
il en avait la volonté. Mais ce trône, sur lequel élaient assis deux
adolescents, que deux voix dirigeaient derrière un rideau de soie,
élait desliné à être renversé, car l'autorité est quelque chose qui ne
se parlage guère. Pierre s'en rendit maitre par la violence, avec
le concours de soldats étrangers commandés par Gordon, et les cir-
constances orageuses qui présidèrent à son existence, en influen-
cerent amèrement le cours. Son âme ne fut plus jamais acces-
sible à la douceur de ce privilége, qui rapproche le plus les souve-
rains de la Divinité, celui de pouvoir pardonner f Il fût implacable,
méme pour son épouse, méme pour son fils unique, dont il ne tran-
cha cependant pas la tète. Au point de vue moral, qui est le plus
élevé, Phistorien n'est en demeure que de lui déverser plus de
blàme que d'éloge. Pourtant, n'est-il pas trop rigoureux en disant :
il fut grand peut-être, mais un grand bourreau ? La vérité est entre
celle condamnation et l'apothéose de Voltaire.
Pierre eût la chance d'avoir à lutter contre un antagoniste de pro-
portions collossales. Grand dans les défaites que Charles XII com-
mença par lui faire subir, ille devint réellement dans les revanches
qu'il prit sur lui. M. de Lamartine donne à Charles XI] le titre de
héros, celui de conquérant seulement à Pierre.
« En guerre avec la France, la Russie n'éprouve aucune animo-
silé contre elle (1). » On me pardonnera d'étre fier de ces paroles et
d’être également convaincu que la France est assez généreusement
puissante, pour honorer sans courir fortune, les héros qui ne sont
plus les ennnemis de personne.
M. de Lamartine consacre plusieurs paragraphes aux distractions
(1) Journal de Saint- Pétersbourg du 12 juin 1855, inséré dans le Moniteur du 22
juin.
216
de Pierre-le-Grand avec sa maîtresse polonaise, quelques lignes
seulement à l'avénement au trône de cette dernière, sur lequel les
mémoires de l'époque révèlent de curieuses particularités. — Cette
omission m'encourage à en parler.
IE.
Vers le milieu de janvier 1725, l'état de l'Empereur se manifesta
sans espoir. Malgré sa constitution robuste et son stoicisme habi-
tucl, il ne pouvait s'empêcher de pousser des cris percants, et da-
dresser d’effrayants reproches aux maîtres de l’art impuissants,
Le 26 janvier, il reçut les derniers Sacrements. On ne put récol-
ter de sa couche funèbre, que les gémissemens que lui arrachaient
de vives douleurs. Un moment, il demanda une plume et écrivit :
remettez tout d..... mais sa main tremblante ne put en tracer davan-
tage ; il fit appeler sa fille favorite Anne, quand elle vint il n'était
plus temps.
Pierre avait aboli la loi héréditaire de l'Empire ; il s'était arrogé le
droit de choisir son successeur. Cette présomption se comprend,
mais ce qui ne s'explique pas, c'est qu'il ne se soit pas donné la
peine de profiter de ce droit. Son successeur légitime était le grand
duc Pierre, fils du malheureux Alexis. L'élite de la noblesse avait
les yeux sur cet enfant, mais Menschikof ambitionnait de gouver-
ner sous le nom de son ancienne obligée, et Catherine elle-même
avait deux filles: Anne, fiancée au duc de Holstein, que la rumeur
publique désignait comme ayant fixé le choix de son père, et Eli-
zabeth, fiancée à l'évéque de Lubeck. Le parti le plus fort élait celui
de Menschikof. Par sa position militaire, il tenait en main toute
l'armée, généralement et funestement composée d'officiers étran-
gers, préparés à agir dans un moment donné d’après ses vues.
Les partisans du Grand-Duc n'étaient pas d'accord entr'eux. Les
uns voulaient profiter de la minorité du souverain, pour établir une
monarchie tempérée ; d’autres voulaient jeler Catherine avec ses
filles dans uu monaslére, et rétablir les antiques priviléges de la
noblesse que Pierre lui avait enlevés. |
Pendant que les Galilzin, les Troubetzkoi, les Dolgorouki discu-
taient sur les bases du gouvernement parlementaire à créer, se dis-
pulaient peut-être les charges à venir, le général Jagouchinsky les
quitta furlivement, pour aller réveiller le Ministre de Holstein, le
comte Bassewilz, et l'averlir de songer promptement à sa sécurité,
217
s'il ne voulait pas êlre pendu le lendemain sur la même potence que
Menschikof. Bassewilz se précipite à demi vétu au palais, entraine
de force l'Impératrice de la chambre du moribond, en lui disant :
la présence de Votre Majesté est désormais inutile ici, et nous ne
pouvons rien faire là-bas sans vous: votre époux a mis une cou-
ronne sur votre tête, pour que vous régniez el non pour que vous
versiez des larmes. Catherine confia la garde de son époux à Théo-
phane, évêque de Pskof, el, rassemblant tous les dignitaires qui se
trouvaient en ce moment au palais, elle leur rappela en peu de mots
ses droits au trône, basés sur ce qu'elle avait élé couronnée par son
époux ; elle peignit les malheurs qui pouvaient résulter pour l'Em-
pire de la minorité d'un adolescent; elle jura non-seulement de ne
pas lui enlever la couronne, mais de la lui conserver comme un
précieux dépôt, pour la lui remettre fidèlement quand il plairait à
Dieu de la réunir à son époux. Elle promit à tous mille grâces,
mille récompenses. Ces promesses jointes aux larmes, celle grande
ressource des femmes, émurent l'assemblée. Boultourlin, colonel de
Préobrajenski, qui montait la garde au palais, ne se rendait pas aisé-
ment ; mais on parvint à le séduire à force de menaces et de ruses.
Menschikof ne perdit pas un moment pour donner le mot d'ordre
à ses nombreux affidés, et transporter le trésor de la couronne à la
forteresse dont le commandant lui était dévoué ; puis, il profita de
l'agonie de l'Empereur pour appréler la liste des nouvelles faveurs
ot des proscriptions sur lesquelles le nouveau règne devait s'élever.
Le lendemain 28 janvier, l'Empereur expira. Aussilôt les sénateurs
accoururent au palais, Bassewitz en était maitre et faisait battre le
tambour aux champs. L'Impératrice, précédée par Menschikof, sou-
tenue par le duc de Holstein, se présenta au Sénat avec ces paroles :
faisant trève à ma douleur, je viens vous tranquilliser et dissiper
l'inquiétude dans laquelle vous dever vous trouver. Je vous déclare
que, conformément aux intentions de mon époux, je suis prête à
consacrer ma vie à l'adminislralion pénible du gouvernement, jus-
qu'à ce qu'il plaise au Seigneur de me réunir à lui dans la vie éler-
nelle. Si le Grand-Duc veut profiler de mes instruclions, je pourrai
avoir la consolalion dans mon douloureux veuvage, de vous pré-
parer un souverain digne du nom et du rang de celui que vous
venez de perdre. — Le prince Menschikof prit la parole pour tous
et lui répondit: que les circonstances élaient si graves, qu'elles exi-
geaient d'ètre mürement considérées; qu'il demandait la permission
d'en délibérer librement, afin de ne pas mériler le blame du peuple
et de la postérité. — L'Impératrice lui répartit humblement que:
plaçant le bien de l'Etat avant son avantage, elle ne redoulail pas le
218
jugement équilable du conseil de l'Empire ; que non-seulement elle
l'autorisait à s'assembler, mais lui ordonnait de juger celte affaire
avec maturité, lui promeltant d'avance de n'agir que d’après sa dé-
cision.
Réunis en un simulacre de conseil dans une salle d’où on pouvait
déjà entendre les cris salariés de la foule qui élevait Catherine sur
le tróne, Menschikof ouvrit la séance en demandant au secrétaire
d'État Makarof si l'Empereur avait laissé par écrit ses dernières vo-
lontés. Makarofayant répondu négativement, quelques membres vou-
lurent présenter leurs opinions, mais Menschikof, aidé par l'intriguant
évêque Théophane, soutint qu'il était bien évident que l'intention de
l'Empereur en faisant couronner son épouse, était de l'appeler à lui
succéder el mit un terme à la chaleur de la discussion qui commen-
çait en s'écriant : Vive notre auguste Impératrice Catherine! Et
aussitôt il alla lui dire : Au nom de tous, nous te reconnaissons pour
notre gracieuse souveraine, nous te consacrons nos biens et nos
ехіѕіепсеѕ! — Puis, la menant à un balcon du palais, il la présenta à
l'armée en jelant dans les rangs des soldals des poignées d'argent
pour stimuler leur enthousiasme.
Pendant ce temps, dans une autre salle du palais, le parti opposé
discutail sur ce qu'il aurait dà faire la veille. Menschikof, avec Bou-
tourlin, enfoncérent les portes de cette salle et déclarèrent au conci-
liabule intimidé , que Catherine était élue Impératrice de toutes les
Russies. Pris au dépourvu, comme le sont habituellement les hon-
nêles gens pour lesquels tous les moyens ne sont pas bons, tous
fléchirent.
Et c'est ainsi que se font les commotions politiques! H ne faut
qu'un seul qui soit bien hardi, quelques autres qui se soient laissés
corrompre; le reste demeure facilement stupéfait ou ébloui, et la jus-
lice divine, qui n'a pas comme nous un jour à vivre, laisse souvent
durer la prévarication pour la châtier à son heure et la réparer d'une
manière plus manifeste et efficace.
Voici ce que M. Lamartine ne dil pas, et le récit, auquel nous nous
sommes laissé entrainer, ne devra que le faire regretter davantage.
IIl.
Pierre II succéda à Catherine. Au lieu de retracer son court règne
aristocratique, M. de Lamartine préfère nous montrer, avec grand
charme, Menschikof« souriant d'expier ici bas ce que l'excessive pros-
219
périlé porte d'enivrement et de crime avec elle.» Il est aussi laconique
touchant le règne de dix ans de l'Impératrice Anne, dont les pre-
miers jours furent signalés par un nouvel effort de la Noblesse pour
limiter l'autocratie, et les derniers par le martyre d'un de ses mem-
bres (1). Il aime mieux parler de la tyrannie de Biren (qui n'était
pas Russe) de son arrestation nocturne, du plan de la hutte que Mu-
nich lui dessina avec un raffinement de cruelle ironie pour son éter-
nel exil (comme s'il y a quelque chose d'éternel ici bas !) Ces détails
sont authentiques, mais pourquoi faire complaisamment ressortir
ce qui est plus digne de l'anecdole que de l'histoire? Pourquoi ne
pas se placer plus haut en jugeant des passions des hommes qui, au
demeurant, ont dans tous les pays leurs funestes jours ? Le chantre
des Girondins le sait bien. Ilest plus étendu et impartial à l'égard de
l'Impératrice Elisabeth qui, aidée par la Chétardie, eut le malheur
d'enlever la couronne à un enfant au berceau, mais qui était douce,
malgré cela, d'un cceur sensible et s'était juré à elle-méme qu'au-
cune goutte de sang, méme criminel, ne tacherait l'échafaud pen-
dant sa vie. Beau serment, quoiqu'on en dise ! « Sa bonté, dit-il, ne
se démentail jamais, et le peuple, qui ne voyait Elisabeth qu'à tra-
vers le prestige de la mémoire de Pierre-le-Grand et qui n'en recevail
que des bienfaits, vénérait en elle la mère de l'Empire, ou jelait sur
ces scènes scandaleuses le manteau de la compassion et du respect. »
Mais la fin de son règne faisait pressentir d'imminenles secousses,
plusieurs partis ourdissaient autour de son lit de mort des trames se-
crèles; voici comment l’auteur apprécie avec justesse celles qui
élaient le plus sagement combinées : « Panin conçut un plan qui
consistait à réconcilier dansle même intérêt politique le Grand-Duc et
sa femme (Catherine II), à enlever pour jamais l'éleclion turbulente
el capricieuse des tzars à l'armée, à attribuer au Sénat le droit de ra-
lifier l'avénement régulier à la couronne, à limiter le despotisme des
empereurs par une conslitulion aristocratique, et à imporler en
Russie les inslitulions de l'Anglelerre comme un élément d'ordre,
de liberté et de civilisation. » Cette tentative salulaire ne réussit pas
mieux que les précédentes. Pierre III, aprés le denier soupir de sa
tante, écarta l'idée de limiter par des lois écrites la loi vivanle en sa
personne; il monta à cheval, se présenta au peuple et aux troupes,
qui le saluèrent sans hésitation el sans murmure de leurs acclama-
lions. On sait que bientót Catherine monta à cheval à son tour et fut
proclamée impératrice. M. de Lamartine le raconte supérieurement
apres Rulhière, en opposilion avec ce qu'il appelle la plus grande
(1) V. Mémoires du général Manstein, 11, 72.
990)
<
faiblesse de Voltaire. Sa passion de Pierre Ш est une page émouvante.
Tout est peinture dans son style, personne n'est plus heureux dans
le choix de termes propres à frapper l'imagination ; mais cet éclat
méme d'un génie poétique qui déborde n'est pas sans nuire parfois
à l'exaclitude, à la modération de l'histoire. Je ne me ferai pas le
chevalier de l'amie de Diderot, — elle n'en a eu que trop de son vi-
vant, — mais je ne crois pas qu'on puisse la soupconner d'en avoir
eu au détriment de la légitimité de toute une génération respectée
et respectable, car l'auteur lui-même dit que < Paul I* était l'image
vivante de Pierre III, et que c'est à celte ressemblance sans doute
qu'il devait la haine de sa mère. » — N'exagére-t-il pas aussi la com-
plicité de la traductrice de Bélisaire dans l'assassinat de l'empereur
Jean ? C'est de Riga, dit-il, qu'elle envoya l'ordre impitoyable d'im-
moler dans sa prison l'innocent Ivan. —- On se confond devant le
défi à toute conscience el à tout remord dans les écrivains francais,
et dans Voltaire surlout, exaltant pendant trente ans, au nom de
l'humanité et de la vertu, une femme qui venait de commander
froidement un meurtre si atrocesur un enfant désarméet sans crime.
L'adulation, quand elle descend si bas, n'est plus seulement lâche, elle
est complice. Or, après avoir raconté, comme il sait raconter, celte
autre passion navrante, M. de Lamarline conclut : < Qu'il n'y eut
d'avéré et d'historique que le meurtre d'Ivan dans son cachot par les
deux officiers munis d'un ordre éventuel de Catherine. » Il y a incon-
lestablement dans le fait une circonstance allénuante que l'esprit, à
défaut de preuves, doit saisir avec bonheur. On est fort incliné à ne
voir en Russie que noirs mystères, sauvages iniquilés. M. de La-
marline met des ombres méme au portrait qu'il trace du gracieux
monarque, complétement innocent de la fin de son père, < qui laissa
la Russie à l'apogée de l'estime du monde, ainsi qu'un long et affec-
tueux souvenir de son nom et de sa nation au peuple qu'il avait res-
peclé jusque dans ses revers. > Il abonde en délails touchants sur
l'événement qui a fatalement inauguré le règne qui vient de finir,
événement fidèlement décrit, avant le choc qui vient de nous ébran-
ler, par E. Schnitzler (1). Mais je ne m'étendrai pas sur celte se-
conde parlie de l'ouvrage où le célèbre auteur traile plus longue-
ment des régnes que nous touchons encore de la main, parce qu'elle
est tissue, soit de pensées brillantes précédemment émises dans ses
travaux historiques (parmi lesquelles se détache admirablement celle
que la mort du dernier des Condés lui inspire), soit de faits évidem-
ment récollés avec art dans la masse des écrits publiés récemment
(4) V. Histoire intime de la Russie.
99 1
hi تہ
el bien à l'aise sur ou contre la Russie. Je n'y trouve aucune trace
de documens russes. En conscience, il est cependant difficile d'é-
crire une Histoire de Russie sans en prendre quelques-uns en consi-
déralion : c'est comme si on voulait parler de la Révolulion sans
relire Histoire des Girondins. Je ne chercherai pas dispute à M. de
Lamartine pour des fautes d'une orthographe qu'il n'est pas tenu de
connaitre, ou pour une légère confusion de noms et de dales. Je me
bornerai à gémir sur son épilogue, qui aurait pu êlre son préambule.
IV:
L'éminent membre du gouvernement provisoire reproche à S. M.
l'Empereur Nicolas sa politique d'immobilité. Si par immobilité on
entend la résistance à l'esprit d'agitation et de révolulion, son re-
proche est parfaitement juste ; il fera la gloire de l'Empereur expiré.
Mais ce que je regrelte, et ce que j'oserai dire, c'est qu'il croit devoir
ne tracer qu'une épitaphe de sang sur sa tombe à peine fermée.
Le lendemain de son décès, l'organe officiel du gouvernement
francais disait :
« Plus inviolable dans son cercueil que sur son tróne, sa mémoire
commande la vérité bien plus que son aulocratie n'inspirait naguère
l'obéissance. L’injuslice qui s’allaquerait à lui par delà la tombe, ne
serait qu'un sacrilége, et la vengeance qui le poursuivrait ne serait
qu'une làcheté. П nous sera facile d’être juste pour un souverain
que nous devons d'autant plus respecler aprés sa mort, qu'il est
lombé en quelque sorte l'épée à la main. » — « Ce prince avait en
lui toutes les qualités robustes de sa race. La nature, le sang, la tra-
dilion, l'éducation, l'avaient fait dominaleur. Sa taille gigantesque,
sa léte orgueilleuse, les lignes droites et hardies de son visage, son
regard sévère, froid et scrulateur, dans lequel ne brillait jamais un
éclair de l'âme et dont Vimpassibililé ne laissait jamais voir une
émotion du cœur; sa voix sonore et pleine, son geste de commande-
ment, sa démarche ferme et rapide comme sa volonté, tout en lui
révélait son rang, sa souveraineté, sa mission. La dignité lui était si
habituelle et si facile qu'il était partout le méme, toujours souve-
rain, dans les pompes de sa cour, à la téle de ses troupes, comme
dans les familiarités de la vie intime. En le voyant ainsi, calme,
simple et fier, recevoir les hommages des ambassadeurs et des cour-
lisans, ou passer sur le front des régiments, ou courir sur les roules
de ses capitales, il semblait que le génie de la royauté, épuisé et
vieilli dans certaines races d'Occident, eût retrouvé sa sève, son
prestige et sa virilité dans la jeunesse d'un peuple nouveau né d'hier
à la civilisation. > — < La grandeur historique de l'Empereur Nico-
las est incontestable et nous ne craignons pas de la reconnaître ;
mais la Russie est tirée uniquement de l'esprit russe. Elle a quelque
chose de slave comme son origine. »
D’après ces nobles paroles, j'ai lieu d'espérer que tous ne partage-
ront pas le mépris que M. de Lamartine jette trop facilement sur les
tzars de Moscou, depuis saint Olga jusqu'à celui dont elle porte
presque le deuil.
M. de Lamartine sera le premier à excuser ma susceptibilité, —
c'est encore lui rendre hommage que d'étre sensible au moindre
trait qui part de sa plume, — et je n'aurai assurément pas trop pré-
sumé de l'aménilé et de la générosité françaises en réclamant im-
parlialité et indulgence.
PRINCE GALITZIN.
l'amour conjugal est-il plus fort chez les Oiseaux
que l'amour paternel ?
Cet été, j'eus le bonheur de passer un mois ou deux au point le
plus admirable du lac de Genève, entre Clarens et Chillon , à Mon-
treux, dans une maison aimable et hospitalière. Les oiseaux y
étaient nombreux, et ils l'eussent été davantage, si ce beau lieu
adossé à de trés apres collines n'eut recélé dans ses bois de redou-
lables légions de pics, de corbeaux, d'éperviers.
L'inquiétude des oiseaux était de ce cóté-là, et ils se rapprochaient
de nous. Sous nos fenétres, dans un grenadier assez bas, avail élu
domicile un joli ménage de pinsons qui élevaient deux petits, trop
jeunes pour prendre la volée. Les parents étaient toutefois prudents
dans leur confiance et ce fut cette prudence qui nous révéla le ber-
ceau. Ils n'y entraient jamais sans de nombreux détours , attendant
méme assez longtemps s'ils se croyaient regardés. Bientôt nous de-
vinmes amis, et ils ne se générent plus.
Les choses allaient ainsi quand des pics de mauvais augure vin-
rent un matin faire tapage el menacer le pauvre couple. Les pinsons
firent bonne contenance, se parlant beaucoup, affectant plus de
fermelé que peut-être ils n'en avaient. Tout à coup un grand si-
lence... Vers deux heures après-midi la mère disparut. La profonde
douleur de l'époux fut un cruel spectacle. H n'entendit plus ses en-
fants; ils avaient beau s'agiter quand il passait à leur portée, jeter
de pelits cris plaintifs, il semblait devenu fou. Tout entier à son
994
a سے
malheur, il appelait, appelait toujours. Sa pantomine, plus expres-
sive encore que son cri, le montrait désespéré. Jele vois encore sur
un berceau de vigne, lancant la voix el le regard avec une véhé-
тепсе pathétique qui perçail le cœur. Tous les oiseaux du voisinage
vinrent se percher sur le toit, et regardèrent celle scène de désola-
lion. La nuit venue, et tous les bruits cessant, nous l'entendimes
encore longlemps se plaindre et errer autour de la chère demeure.
Le lendemain il n'y eut plus personne, ni père, ni pelits. Pendant
quelques jours se fut un profond silence.
Celle scène m'instruisit sur un point. C'est qu'on se trompe en
croyant que l'attachement aux pelits domine chez les oiseaux le
sentiment de l'amour
J. MICHELET.
LE GRILLON.
Je suis le compagnon
Du pauvre bucheron.
Je le suis en automne
Au vent des premiers froids
Et c’est moi qui lui donne
Le dernier chant des bois.
Mme MICHELET.
Soil, las de bruit ou d'étude,
Qu'au crépuscule d'été,
Je cherche la solitude
Loin des murs de la cité;
Soit que la main de décembre
Plus tard vienne en grelolant,
Meltre son chiffre d'argent
A la vitre de ma chambre,
Au foyer comme au sillon
Jaime le chant du grillon.
Qui peut savoir ce qu'il chante ?
Qui sait au déclin du jour
Si sa cantate touchante
N'est pas un hymne d'amour,
Et si trouvère fidèle
Il ne revient pas pour voir
Aux sérénades du soir
La cigale qui l'appelle ?
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
996
Nul ne pourrait-il me dire
Le secret de sa chanson?
Certains pensant qu'il soupire
Prés de la fleur du gazon,
En son habit de poète
Disent qu'il doit parler mieux
Au cœur sensible qu'aux yeux
. De la tendre pâquerette.
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
D'autres voient dans cette flamme
Un plus subtil élément :
Ils prétendent que son ame
Se recueille en ce moment ;
Et qu'à cette heure, en prière,
Quand tout est silencieux,
Il joint son hymne pieux
A l'hymne de Ја chaumière.
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
Quoiqu'il en soil, quand il passe
Sur la cendre de mon feu,
Bien loin que ma main le chasse,
En secret j'en bénis Dieu;
Sa douce voix me pénètre :
Toule chose a sa raison
Et s'il entre en ma maison,
C'est pour m'éprouver peut-être.
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
En lui je trouve l'embléme
Du faible et du suppliant,
On doit quelque chose même
A l'insecte mendiant.
J'écoute sa peine : il pleure,
H veut l'hospitalité...
Qu'importe à ma charilé
227
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
J'aime sa mélancolie,
Tous deux nous sympathisons,
Je mêle ma rêverie
A ses plainlives chansons ;
Qui sait si le scarabée
Chez moi caché dans un coin,
Quand je compose un quatrain,
Ne fait pas une épopée ?
Au foyer comme au sillon
J'aime le chant du grillon.
PAUL BELLEUVRE.
DESCRIPTION DES ШЕШ
DE
LA NOCTUELLE double oméga. du BOMBYX du peuplier
et du LIPARIS V noir.
NOCTUELLE DOUBLE OMEGA.
Chenille à 16 pattes, longue de quatre centimètres et large de six
millimètres, au milieu du corps qui est un peu plus étroit, à la téle
et à la queue.
Neuf stygmates de chaque côté, noirs et situés sur les tubercules
des flancs.
Les anneaux sont étranglés dans leur milieu, ce qui leur donne
Yair ridés, ils sont en outre scrobiculés de chaque côté du dos, de
manière que les flancs semblent élargis en forme de tubercule.
La robe générale est d'un joli vert tendre. Au milieu du dos règne
une bande jaune, interrompue à la commissure des anneaux; cette
bande jaune ne part que de la partie postérieure du 3° anneau, où
il y a un gros point jaune, et elle finit au 11e anneau, où elle s'élar-
git. Le 12° anneau n'a point de jaune en dessus. Sur les deux pre-
miers anneaux il y a deux points tuberculeux jaunes en place de la
bande; ces premiers anneaux portent en outre plusieurs pelits
points noirs. Sur les 5*, бе, 7°, 8e, 9* et 10e anneaux on voit, sur le
dos, à cheval sur la bande jaune, quatre points noirs disposés en
trapèze régulier. Sur le 11° anneau, les quatre points forment un
carré, sur le 12* enfin, ils sont placés deux par deux au-dessus les
uns des autres.
Au bas du flanc, de chaque côté, se voit une bande jaune qui suit
la sinuosité des anneaux. Celle bande jaune part de la têle, entoure
la queue sans se prolonger sur les pattes molles, et est parsemée de
méme que sur les bords de petits points noirs, portant chacun un
poil noir raide et court. C'est au-dessus de cette bande jaune des flancs
que sont situés les Lubercules qui portent les stygmates.
La téle est d'un vert blanchâtre et porte quatre taches noires,
deux sur la nuque qui sont triangulaires et deux sur les joues qui
sont arrondies; elle est en outre recouverte d'un assez grand nombre
de poils blanchâtres.
Les pattes molles sont vertes comme le fond de la robe, el mar-
quées de plusieurs pelits points noirs. Les palles cornées sont noi-
râlres.
Le ventre de la chenille est d'un vert uni à peu près pareil au
reste du corps.
Cette chenille ne marche pas très vite. Quand on l'inquiete elle se
contracte sur elle-même et se raccourcit, mais elle ne se roule pas
ou du moins très difticilement.
Elle vit sur l'aubépine el le pommier. Elle file un pelit cocon
oblong , assez régulier , qu'elle agglutine fortement contre le corps
où elle l'altache, et qu'elle compose avec des débris de végétaux et
de la soie.
La chrysalide est violette.
La chenille se chrysalide en juin et éclot en juillet.
Elle donne la Noctuelle double oméga.
BOMBYX DU PEUPLIER.
Chenille à 16 pattes, longue de six centimètres, large de 7 millimè-
tres au milieu du corps, 10 stygmates de chaque côté, à fond jaune
el entourés d'un ovale noir.
La téte et surtout la queue sont plus étroites que le reste du corps
qui est à peu près cylindrique.
Chaque anneau porte sur les flancs un mamelon hérissé de poils
noirs, fins et courts; c'est en avant de ces mamelons que sont si-
tués les stygmates.
L'anneau qui porte la téte est marqué en dessus de pelils trails
rougeâtres. Le fond de la robe est blanc sale, le dos porte dix lo-
sanges noirs ou plutót composés de poinls noirs, fort prés les uns
des autres, lesquels renferment dans le centre des losanges de pe-
lits dessins jaunâtres réguliers et symétriques.
Les flancs sont marqués de festons formés de pelits points noirs,
groupés de dislance en distance en taches quarrées,
230
Le cinquième anneau est plus chargé de points noirs sur les
flancs que les autres anneaux.
Au-dessous des mamelons qui chargent les flancs, tout le côté du
ventre et des pattes est garni de poils blancs, fins et courts.
La tête est jaunâtre, marquée de points noirs petits et gros, et re-
couverte de poils blancs assez fournis.
L’anneau qui porte la tête est muni, de chaque côté et en avant,
d'un mamelon noir saillant, portant un pinceau de poils noirs et
assez longs, dirigés en avant.
Le ventre est jaune d'ocre, marqué au centre de dix taches noi-
rátres, rondes et plus petites à mesure qu'on se rapproche des extré-
mités.
Celte chenille est fort timide, et c’est avec grande peine qu'on
parvient à lui faire quitter son immobilité.
Elle vit sur le peuplier et le cerisier.
Elle file une coque mince, rose et noirâtre, qu'elle adosse contre
quelque corps présentant une concavité.
Cette chenille se chrysalide en juin et éclot en octobre.
La chrysalide est rougeatre, pointue, mais renflée au milieu.
Elle donne le Bombyx du peuplier.
LIPARIS V NOIR.
Chenille à 16 pattes, longue de quatre centimetres, large de six
millimétres au milieu du corps, qui est presque d'une égale lar-
geur dans toute son étendue, la queue est seulement un peu plus
étroite.
Cette chenille porte neuf stygmates de chaque côté, ils sont noirs
et ovales.
Les barils des anneaux sont courts, déprimés et portent chacun
dix mamelons, ornés de poils longs , raides et disposés en gerbe sur
les flancs et en pinceaux sur le dos, à l'exception toutefois des trois
premiers anneaux qui n'ont que huit de ces mamelons et le 12e que
Six.
Ces mamelons ne sont pas tous égaux, il y en a de gros et de pe-
lits sur les flancs ; voici comme ils sont disposés : deux sont sur le
dos, deux sur les flancs et deux au-dessus de la base des pattes, de
chaque cóté.
Tous les mamelons des flancs ct des pattes, à l'exception de ceux
des 2* et 3* anneaux , portent des poils blancs, ainsi que tous ceux
du dos sur les 1*, 4°. 5°, 9°, 10° et 11° anneaux. Les poils des ma-
melons latéraux des 2* et 3* anneaux, ainsi que ceux du dos, sur les
231
2e, 3°, 6°, 7°, 8° et 12° anneaux sont d'un roux ardent. De telle sorte
que les pinceaux du dos sont réparlis ainsi qu'il suit, en parlant de
la tête : un blanc, deux roux, deux blancs, trois roux, trois blancs et
un roux.
Le fond de la robe de ce:te chenille est d'un jaune doré, pur au
bas des flancs, où il forme une bande festonnée dans toute la lon-
gueur du corps, chargé de points noirs espacés sur les flancs el de
points noirs trés rapprochés sur le dos, surlout sur les anneaux qui
portent des pinceaux blancs.
On voit en outre, de chaque côté du dos, deux jolies lignes jaune
doré vif, régnant dans toute la longueur de la chenille, jusqu'aux
trois premiers anneaux, qui n'y parlicipent pas.
La lêle, assez grosse, est jaune comme le reste du corps, et est
marquée de pelits points noirs et d'un gros V noir renversé sur le
milieu.
Les trois anneaux antérieurs semblent plus larges que les autres,
parce qu'étant déprimés, les mamelons dont ils sont recouverts sont
plus étalés et rendent les cótés des anneaux plus anguleux.
La peau intermédiaire est d'un vert tendre.
Les paltes membraneuses sont noires, profondément bilobées et à
lobes pointus dirigés devant el derriere.
Les palles cornées sont jaunes, pointillées de noir, avec la base
verle en dessous.
Le dessous du ventre est d'un noir verdâtre, en avant, et d'un
jaune brunátre en arriere.
Celte chenille n'est point timide, ne se roule que fort difficilement,
marche rapidement et presque constamment quand elle est séparée
de son lieu habituel de séjour. Elle vit sur l'ormeau. La chrysalide
est d'un vert tendre, portant deux raies jaunes longiludinales sur le
dos, sur la poitrine et au-dessous des yeux un réseau noir en forme
de cœur.
La chrysalide porte de chaque côté six stygmales jaunes el très
oblongs.
Cette chenille ne file point de cocon fermé, mais suspend sa chry-
salide dans un hamac de soies blanches entrelacées, assez peu ser-
rées pour qu'on puisse la voir au travers.
La chrysalide devient jaune au moment d'éclore.
Cette chenille se chrysalide vers la mi-juin el éclot 15 jours après.
Elle donne le Liparis V noir.
L. DE JOANNIS.
NOTE STATISTIQUE
SUR
LES ANIMAUX A FOURRURE
DE L’ANJOU.
Messieurs,
Tout en se consacrant à l'histoire naturelle en général, la Société
Linnéenne de Maine et Loire a compris que la tâche qui lui était
plus particulièrement imposée était l'étude du sol et des productions
au milieu desquelles elle vivait. L'histoire, l'archéologie méme ne
lui ont point paru étrangères à ses recherches quand elles pouvaient
constater dans le passé la gloire ou l'imporlance de notre pays. Grou-
pés ainsi par l'unité du but, agrandis par l'idée générale qui préside
à leur collection, les plus humbles travaux, les moindres faits de dé-
tail acquièrent une utilité et forment de véritables pierres d'at-
tente apportées sur le sol où l'édifice de la science doit se bâtir.
C'est à ce litre, Messieurs, que je me permets de vous offrir une
nole bien incomplete et bien courte sur les animaux à fourrure de
Anjou et de ses environs. Que ce titre, un peu utilitaire, n'effraie
point les naturalistes purs; si la science peut se glorifier à bon
droit des enseignements et des secours qu'elle donue chaque jour
au commerce et à l'industrie, l'industrie et le commerce sont sou-
233
vent une source féconde pour la science, même la plus spéculative.
L'appàt du gain sollicite sans doute des intelligences d'un ordre
moins élevé que celles qu'enflamme l'amour de la science, mais
elle les entraine en plus grand nombre et leur fait souvent sur-
monter des obstacles devant lesquels le savant isolé eût été forcé de
s'arrêter. Mais c'est trop de préambule pour vous dire que l'espoir de
gagner quelques francs fail parcourir au patient Auvergnat tous les
coins et recoins de notre département, et que le rusé marchand de
peaux de lapin m’a paru plus renseigné que maint chasseur sur bon
nombre de fails zoologiques de notrepays.
L'industrie si minime et si précaire en apparence dont nous par-
Jons, a en effet une organisation qui permet une certaine générali-
salion de la plupart des efforls isolés. C'est dans la boutique à peu
près unique d'un de leurs compatriotes, qui sert de courtier et
d'intermédiaire aux fourreurs de la capitale, que chaque ramoneur,
au relour de ses courses laborieuses, vient déposer sa récolte et ra-
conter les chances plus ou moins favorables de la saison ou de telle
ou telle contrée. En prenant la moyenne du nombre des peaux ven-
dues et achetées pendant plusieurs années, on peut se faire une idée
approximalive du rendement des sauvagines dans notre Anjou.
Malgré sa situation dans une zóne trés tempérée, notre pays con-
lient encore une assez grande surface de forêts, d'étangs et de ma-
rais, el les maxima de température froide descendent assez bas pour
que quelques animaux sauvages y trouvent un refuge, et que dans
la saison d'hiver le jar et le duvet se développent en vêtement moel-
leux sur leur enveloppe.
Les foréts ne couvrent pas moins de 50 mille hectares, les landes
encore 18 à 20 mille. Et la superficie des eaux permanentes n'est
pas moindre de 6 mille hectares. Enfin, le maxima des hivers froids
a plusieurs fois alleint 13 el 14° centig. sous 0.
Toutefois, nous devons établir dès Vabord que nos sauvagines,
bien que cotées dans le commerce de la fourrure, ne viennent que
bien loin après les produits du Nord, el qu'à espèces semblables
ou analogues elles n'oceupent en général que la quatrième caté-
gorie, les pelleteries de Sibérie formant la première, et celles du
Canada la seconde presque ex aquo.
Les genres qui fournissent les animaux à fourrure sont peu nom-
breux el se rencontrent presque tous parmi les carnassiers digili-
grades. Un planligrade, deux rongeurs el quelques ruminants par
exceplion, tel est le cercle dans lequel tourne la récolle et le com-
inerce de l'Anjou.
Le premier et le plus fécond de tous apparlient aux mammifères
234
digitigrades de la tribu des vermiformes ; il embrasse les nombreuses
espèces des genres mustela et une du genre lutra.
1° La marte, mustela martes, celle fourrure aux effets chatoyants
et dorés qui orne et enrichit les parures d'hiver de nos dames, ne se
montre que rarement dans le commerce, à peine les plus froids hi-
vers en amènent-ils cinq ou six à l'entrepót.
2° Il n'en est pas de méme de la fouine, mustela foina, elle est au
contraire fort abondante, et l'Anjou n'en fournit pas moins de 400
peaux, hiver commun, aux fourreurs parisiens. Elles portent le nom
de martes une fois passées. Vous voyez, Messieurs, que plus d'un
tour de cou ou d'un manchon prétendu canadien, n'a souvent d'au-
tre origine que le pays ou la propriété méme de celles qui le por-
lent.
3° La vérité deviendra plus patente si on y ajoute un nombre a
peu près égal, 350 à 400 de l'espèce suivante, moins belle et moins
estimée, le putois, mustela putorius. Ce grand destructeur des
basses-cours, est chassé avec acharnement et diminuerait assez vite
sans les nombreuses ruines qui lui servent de repuire.
La belette est trop petite et son poil trop ras pour faire objet de
commerce. La même cause exclut la véritable hermine, nos fourreurs
ayant plus de profit a faire huit hermines avec la peau d’un lapin
albinos. Ces animaux, assez fréquemment pris cependant, peuplent
seulement les cabinets d'amaleurs.
4° Mais il est une espèce dont le nombre nousa tellement surpris,
qu'il a fallu mettre les pièces de conviction sous nos yeux pour nous
engager à porter celle approximation dans notre statistique. Vous
vous rappelez, Messieurs, la communication intéressante qui signala
comme un fait étrange la rencontre de deux visons sur les bords de
l'Authion. Eh bien ! Messieurs, c'est ici que l'ardeur commerciale
prime l'ardeur scientifique ; uu bon hiver n'améne pas à l'entrepót
moins de cinquante visons du pays. L'Authion en fournit toujours
la plus grande partie. Trelazé seul en donna plusieurs l'année der-
nière, mais il en vint aussi une assez bonne parlie des environs de
Cholet. Inutile d'ajouter que ces pauvres Angevins perdent leur droit
de cité en entrant chez nos marchands de nouveautés, et se dissi-
mulent au naturaliste sous le nom de visons d'Amérique.
5? La loutre (lutra vulgaris) était autrefois rangée dans le genre
mustela (m. lutra); dont pourtant sa taille, sa queue, ses pieds palmés
surtout et ses mœurs la dislinguent suffisamment.
Nos étangs poissonneux nourrissent d'assez nombreux. individus
de cette remarquable espèce, 15 à 20 sont livrés au commerce cha-
que année, Mais depuis que la casquelte de loutre ne couvre plus le
239
chef des rois de la finance , la moelleuse fourrure est bien déchue
de son antique splendeur et parlant de son prix.
Les autres carnassiers digiligrades ne nous offrent guère que deux
espèces du genre canis, le renard et le loup.
Les peaux de renard sont presque toutes préparées en descentes
de lit pour le compte des chasseurs eux-mêmes, et c'est un cadeau
d'assez bon goût qu'on offre volontiers à ses amis comme une dé-
pouille opime. Cela réduit de moitié environ, c'est à dire à cent et
quelques peaux par hiver, le commerce du renard indigène.
Quant au loup, il n'existe que pour mention ; nos officiers de lou-
veterie conservent ce irophée. D'ailleurs, si tout bon fourreur ne
peut offrir que du renard de Virginie, à fortiori n'avouerait-il pas la `
moindre parcelle de loup, si elle n'arrive de Russie pour le moins.
Le commerce qui se rattache à l'élevage et l'exploitation du genre
felis étant quelque peu clandestin, je n'ai pu pousser aussi hardi-
ment et avec autant de confiance mes investigalions à ce sujet. Je
ne suppose pas d'ailleurs que notre cité renferme un seul être assez
dénaturé pour ravir ce cher compagnon de la vieille fille , un seul
restaurateur... Je m'arréte, car il est temps d'arriver au point ca-
pital de la question commerciale, à celui qui domine toutes les autres
et les couvre de son nom :
La peau de lapin.
Je ne sais, Messieurs, si bon nombre d'Angevins s'efforcent de ré-
soudre le probléme qui consiste à se faire avec les lapins 3,000 francs
de rente, mais en voyant que les peaux de lapins tués en Anjou s'é-
lèvent au moins à 50 mille, on voit qu'à 0,20 centimes la peau, cette
seule espèce fournit un produit de 10,000 francs. Dans ce nombre
les lapins domestiques figurent pour deux liers, et l'on ne peut
guère estimer les produits sauvages à plus de 15 mille par an. A ce
nombre doivent s'ajouter d'une part 2,000 peaux de lièvres mangés
dans le pays. Mais un nombre au moins égal étant expédié directe-
met en chair et en peau, nous arrivons à 4,000 lièvres pour l'Anjou.
Ce chiffre, je l'avoue, m'a d'abord surpris, el quelques recherches
ultérieures m'ont appris qu'il fallait en défalquer 5 à 600 peaux pour
la partie de la Loire-Inférieure qui avoisine l'Anjou et qui fournit
à notre place sa contribution. Le nombre ainsi réduit, 3,500 lièvres,
ne doit plus nous surprendre quand, rappelant la surface totale du
département, 700,000 hectares, nous verrons que celle moyenne
équivaut seulement à un lièvre pour 200 hectares de superficie; ou,
prenant un autre point de comparaison, un lièvre pour 159 ha-
bitants.
Celte dernière moyenne, Messieurs, m'amene naturellement à une
236
considération économique assez importante, qui élève cette pelite
famille de rongeur à une valeur bien supérieure à celle des carnas-
siers dont nous nous occupions tout à l'heure.
Les carnassiers ne sont recherchés que pour leur peau, et leur
chair, le plus souvent abandonnée, ne reçoit pas même comme en-
grais la seule application ulile à laquelle elle convient absolument.
Il n’en est pas de même de la chair délicate et savoureuse du
lapin et du lièvre; voilà ce qui révèle dans cette étude peut-être un
peu fastidieuse tout un côté de notre alimentation.
Chaque lapin, eu égard à la grand proportion des lapins de maison,
peut être estimé à un kilogr., et chaque lièvre à 2 kilog. Ce seul
genre fournit donc à l’Anjou un contingent annuel de 60,000 kilog.
de chair parfaitement saine et très nutritive. En présence de Fali-
mentation encore trop peu animalisée des classes laborieuses de
notre pays, cette proportion n'est point à dédaigner ; elle attire notre
attention vers la conservation et l'amélioration de cette féconde es-
pèce, et fournit un premier chiffre pour la statistique des ressources
alimentaires animales de ce pays sur lesquelles nous aurons peut-
être occasion de revenir.
Dr E. FARGE.
ORFILA ET LES ANGEVINS.
Messieurs,
Je ne viens pas vous présenter une biographie de M. le professeur
Orfila; je viens encore moins vous parler des œuvres de ce savant
qui, après avoir professé avec un égal succès la physique, la chimie,
Ja botanique, l'histoire naturelle, la médecine légale, est parvenu, à
force d'observations et d'expériences souvent dangereuses pour lui-
même, à fonder, sous le nom de toxicologie, une science nouvelle,
celle des poisons. Mais admis à l'honneur de siéger dans une société
angevine spécialement consacrée à l'étude des sciences naturelles,
jai espéré vous intéresser quelques instants, en vous disant par
suile de quelles circonstances l'Anjou et plusieurs Angevins ont eu
pendant 36 ans une part importante dans la vie, dans les affections
d'un des hommes les plus célébres dans l'étude de ces mémes
sciences naturelles.
M. Orfila, vous le savez peut-étre, Messieurs, est né dans les iles
Baléares. Aprés s'étre distingué à Valence, à Barcelone, à Madrid, il
fut envoyé par le gouvernement espagnol en France, pour y suivre
les cours de nos premiers professeurs de chimie, et aprés un cer-
tain nombre d'années, il se trouva fixé à Paris avec le titre de doc-
leur, mais sans autres ressources que son travail el l'emploi de son
immense intelligence. Au nombre des familles qui l'accueillirent
alors qu'il en avait le plus besoin, se trouva celle d'un de nos com-
patriotes, M. le colonel Dubignon ; puis bientôt M. Orfila se lia avec
un autre Angevin pour lequel il a toujours professé une amitié fra-
ternelle; c'était M. Béclard.
238
Nommés presqu'en même temps professeurs d'anatomie et de mé-
decine légale à la Faculté de médecine, MM. Béclard et Orfila furent
chargés en 1820, et en remplacement de MM. Chaussier et Leroux,
de présider dans les départements les jurys chargés de la réception
des officiers de santé et des sages-femmes.
M. Orfila, qui s'était fait à Paris une magnifique position, s’inquiéla,
le croirait-on, de celte présidence des jurys de province. Il par-
lait dans le monde et dans ses lecons le francais le plus correct,
quoiqu'avec un accent trés prononcé; il conversait aussi facilement
en latin, en italien qu'en espagnol, mais dans ce voyage à travers
des contrées qui lui étaient complétement inconnues, rencontrant
chaque jour des hommes nouveaux, il craignait de manquer à quel-
qu'un de nos usages, d'employer quelqu'ex pression peu usitée, quel-
qu'un de ces mots qu'il est souvent difficile à un étranger d'éviter,
et qui prêtent tout de suite à la plaisanterie et méme au ridicule. En
partant de Paris, M. Orfila attachait donc une grande importance à
la manière plus ou moins heureuse dont il ferait ses premiers pas
dans la carrière qui s'ouvrait devant lui.
Comme pour l'éprouver, lorsqu'il arriva à Angers, ville par la-
quelle il commençait sa tournée, сі où un des membres du jury lui
avait offert une simple mais cordiale hospitalilé, la première per-
sonne qu'on lui présenta fut un vieux chirurgien, trés habile patri-
cien, mais qui, par suite d'un vice naturel de prononcialion, donna
aux quelques mols qu'il répondit à la queslion banale qui lui était
adressée, des consonnances tellement bizarres, que M. Orfila en fut
stupéfait; un nuage couvrit son front; il hésita, car il sentait que si
une seconde personne lui parlait de la méme facon il lui serait im-
possible de faire bonne et digne contenance. Mais heureusement le
second interlocuteur se trouva être l'aimable et spirituel M. Chevreul,
alors doyen de notre école de médecine, et M. Orfila, en saluant le
père d'un de ses amis, retrouva toute sa présence d'esprit, toute la li-
berlé de sa pensée et de ses expressions. La conversation devint
générale et tout aussitôt M. Orfila surprit et charma par la sûreté,
l'étendue de ses connaissances comme professeur, autant que par la
finesse, l'originalité, la distinclion de sa parole comme homme du
monde. Il acquit en quelques inslants la certitude que les craintes
qu'il avait en parlant de Paris élaient chimériques, qu'on saurait
l'applaudir au moins aussi bien en province que dans la capitale, et
il en éprouva un sentiment de bien-étre dont il a toujours conservé le
souvenir, me disait-il vingt-huit ans plus tard. De plus il ne voyageait
pas seul, et Ме Orfila sut bien vile par sa grâce et la vivacité de son
esprit, par son talent aussi délicieux que celui de son mari, devenir le
239
centre des plus agréables réunions. De ce moment Angers fut pour
M. Orfila une ville de prédilection, et elle n'a jamais cessé de l'être. П
y est toujours revenu avec plaisir; aussitôt ses examens terminés il
visilait nos monuments, nos environs, et c'est dans ces longues et
précieuses promenades qu'il se plaisait à nous dire non pas ce qu'il
avail fail, mais ce qu'il était en train de faire, car toute sa vie il
a travaillé pour marcher en avant de la science et non pour la
suivre. Il était surtout heureux lorsqu'on lui demandait Ја solution
d'une question difficile de chimie ou de médecine légale, et sous ce
rapport Angers s'élait encore placé dans les meilleurs souvenirs de
M. Orfila en lui fournissant l’occasion de compléter, pour ainsi dire,
ses travaux sur l'analyse des substances empoisonnées par l'arsenic.
Voici à quelle occasion :
Le 24 juillet 1832, les époux Moreau, demeurant au village des
sonnes, commune d'Andard , arrondissement d'Angers, reçurent la
visite de leur frère et beau-frère, le nommé Plançonneau, qui venait
leur demander à diner, et qui s'entretenant de la qualité de leur blé
nouveau demanda à le voir. La femme Moreau, qui devait boulanger
le lendemain pour tout le village, avait mis quatre boisseaux de
farine dans la huche. Elle montra cette farine à Planconneau qui
en prit une poignée qu'il rejeta quelques instants aprés, en disant
que celte farine était plus belle que la sienne.
Le 26, vers midi, 13 personnes mangèrent du pain fait par la
femme Moreau et éprouvèrent à la suite de ce repas, avec plus ou
moins d'intensité, les principaux symplómes d'un empoisonnement
par une substance irritante. Aucune ne suecomba.
Prévenu de ce fait, M. le Procureur du roi d'Angers se rendit le
1°" août à Andard, et le médecin qui accompagnait coustata des fails
dont l'ensemble lui permit de conclure : que tout portait à croire à
un empoisonnement; que trés probablement c'était dans le pain que
la substance délétère avait été déposée; qu'il était urgent d'en confier
une partie à des experts chimistes, pour qu'ils pussent immédiate-
ment en faire l'analyse.
Après 15 jours de recherches, faites avec l'habilelé dont ils ont si
souvent donné la preuve, MM. les experts rédigèrent un rapport qui
se terminait par ces conclusions :
1° H n'y a dans ce pain aucune trace de sels de mercure, d'arsenic,
de zinc, d'antimoine, elc.
2» Le pain contient des alómes de cuivre et de fer, des phosphates
de chaux et de magnésie.
Toutefois, avant de se prononcer définilivement sur l'absence
d'une substance vénéneuse dans le pain, ils en firent manger à un
240
chien qui éprouva des symptômes tels, qu'ils ajoutèrent que si le
pain ne contenait aucune substance vénéneuse minérale, il pourrait
bien contenir un poison végétal; qu'en conséquence ils priaient
M. le Procureur général d'avoir recours à d'autres lumières.
Sur leur demande , deux chimistes très distingués de Paris,
MM. Chevallier et Lassaigne , furent désignés pour procéder à une
nouvelle analyse et surtout pour rechercher si le pain contenait un
poison végétal. Il résulta de leur travail que le pain ne contenait ni
arsenic ni aucun autre poison minéral; quant à la présence d'un
poison végétal il n'en était pas parlé, la moisissure du pain avait
sans doute empéché de faire des expériences sur ce point.
Nonobstant ces deux rapports négatifs, les preuves morales étaient
bien plus que suffisantes pour faire suivre l'accusation contre Plan-
conneau; il fut renvoyé devant les assises et comparut le 4 décembre,
accusé non pas seulement d'avoir voulu empoisonner le 26 juillet
1832 les époux Moreau, ses beau-frère et belle-sceur, mais de plus
d'avoir empoisonné, en août 1830, les époux Terrier et la veuve
Tesnier, leur mère, au moyen d'une soupe aux choux et d'un pot
de prunes cuites. Terrier et la veuve Tesnier avaient succombé au
bout de quelques semaines, et la femme Terrier était restée horrible-
ment estropiée par suile de l'action du poison ; on l'apporta devant
MM. les jurés, car elle ne pouvait marcher, mais ses facultés intel-
lectuelles étaient parfaitement saines et elle fit connaitre avec cette
assurance que donne une conviction intime, tous les détails des
crimes du mois d'août 1830.
Un grand nombre d'autres témoins avaient élé entendus sur les
circonstances de ces mêmes crimes el de celui du mois de juillet
1832. Ils firent savoir méme que quelques années auparavant Plan-
conneau avait acheté une livre d'arsenic; mais au milieu de toutes ces
preuves morales la preuve principale manquait, la présence du
poison. — On ne s'est livré à aucun examen, disait l'avocat de Plan-
conneau, sur la soupe et sur les prunes, auxquelles on a attri-
bué Ја mort de Terrier, celle de la veuve Tesnier et l'état affreux
dans lequel végète la femme Terrier; les deux rapports rédigés à
Angers et à Paris, par les hommes les plus compétents, déclarent
que le pain saisi à Andard ne contient aucune substance vénéneuse
minérale, et n'établissent en rien la possibilité d'un empoisonnement
à l'aide d'une substance végélale ; il est donc impossible de démon-
trer qu'il exislait un poison dans le pain et dans les autres subs-
lances soupconnées ; on ne peut donc affirmer qu'il y a eu empoi-
sonnement. — Sur ce terrain la défense était bien forte et paraissait
devoir triompher. C'est alors que M. le substitut du procureur gé-
241
néral, M. P. Geunevraye, se leva pour soutenir l'accusation, Il avait
a peine prononcé la moilié de son discours, lorsqu'on remit à M. le
Président une lettre et un rapport de M. Orfila qui donnèrent aux
débals une face loule nouvelle. La leltre se lerminail ainsi :
« J'aurais désiré, M. le procureur général, pouvoir vous trans-
» mettre plus tot le résullal de mes expériences, mais je n'aurais pu
» le faire sans m'exposer à perdre des produits importants qui don-
^ neront à mon travail un certain degré d'utilité dont vous serez à
› méme de juger par la lecture du rapport ci-joint, dont voici un
> extrait :
> 1° Le pain suspect contient un poison arsenical, malgré l'asser-
> lion des experts qui l'ont analysé avant moi. Ce poison peut êlre
» l'acide arsenieux ou la poudre aux mouches, dile vulgairement Co-
» bolt. M. Lassaigue, l’un des chimistes qui avaient conclu à la non-
> existence d'un poison minéral dans cet aliment, élait présent à lo-
» pération la plus décisive de mon travail el a pu se convaincre de
» la vérité du fait que j'annonce el que j'affirme sur l'honneur.
» D'ailleurs, je mettrai quand vous le désirerez à volre disposition
» del'arsenic métallique obtenu dans celle opération.
» Je n'hésile pas à rapporter les accidents éprouvés par les hommes
» el les animaux qui ont mangé de cel aliment à la préparation ar-
» senicale dont j'ai démontré l'existence... »
x
x
x
=
C'élait la foudre qui frappait Plançonneau au moment où il se
croyail presque sauvé; déclaré coupable sans circonstances allé-
nuantes el sur lous les chefs d'accusation, il ful condamné à mort et
exécuté le 18 février suivant; il mourut en avouanl ses crimes : il
avail jeté une poignée d'arsenic dans la huche de sa belle-sœur.
Revenons en quelques mols sur la parlie scientifique de celle af-
faire. MM. les chimistes d'Angers qui bien des fois déjà avaient fail
les expériences les plus concluantes sur les préparations arsenicales,
avaient eu facilement par l'acide hydro-sulfurique un précipité
jaune qui est du sulfure @’arsenic, mais ils n'avaient pu ni le préci-
piter ni le décomposer et obtenir l'arsenic métallique. C'est apres
avoir employé en vain pendant plusieurs jours, avec les précautions
les plus grandes, tous les moyens, tous les réaclifs indiqués par les
auleurs et par M. Orfila surlout, qu'ils furent obligés de rédiger le
rapport dont nous avons donné plus haut les conclusions. Il en eût
élé bien autrement, Messieurs, s'ils avaient pu faire connailre la
difficulté qui les arré;ait à M. Orfila, et lui demander conseil. Mal-
heureusement, le 26 juillet 1832, à l'heure méme où le crime de
Planconneau s'aecomplissait, il étail alleint du choléra le plus
16
949
ata
grave. Le lendemain il était expirant, et le bruit de sa mort se ré-
pandit dans tout Paris. « J'ai veillé celle nuit un moribond, m'écri-
» vait Ollivier, ce soir je ne veillerai plus qu'un cadavre. » Quoi-
qu'arrivé aux limites extrêmes du mal, il conservail toute son intel-
ligence, à ce point qu'il enlendit les professeurs de la Faculté qui
élaient venus lui faire leurs derniers adieux (il élait alors doyen),
disculer dans un appartement voisin quel serait l'orateur qui porte-
rait la parole sur la tombe et régler les principales dispositions du
convoi. « Non-seulement je me suis vu mort, mais j'ai assisté à mon
enterrement, disait-il depuis en riant; » car il résista el survécul à
l'affeclion terrible qui l'avail frappé.
Aprés une aussi rude attaque, M. Orfila fut quelque temps dans
l'impossibilité de se livrer à aucun travail, mais au mois de no-
vembre il élait arrivé au (егте de sa longue et pénible convales-
cence el, dans l'intérêt de la science plutôt que dans celui de Ја
justice, car on croyait qu'il élait trop tard pour en faire usage dans
l'affaire Planconneau, on lui adressa copie du rapport du médecin
qui avait accompagné la justice à Andard, et celle des deux rapports
d'experts, en lui faisant connaitre toutes les circonstances qui ren-
daient plus que probable la présence de l'arsenic dans le pain. « Il
y a de l'arsenic, tout le prouve, lui disait-on, c'est vous seul, notre
cher maitre, qui pouvez découvrir ie poison, s'il exisle. »
M. Orfila accepta; le 22 novembre il se mit à l'œuvre, et le 2 dé-
cembre au soir il pouvail rédiger son rapport qui contenait la solu-
lion la plus complète et la plus évidente du probléme qu'on lui avait
soumis. Qu'avail fail M. Orfila pour arriver à un pareil résullat? Rien
de nouveau quant à l'emploi des réaclifs, mais il avait attendu lrois
jours entiers que le sulfure d'arsenic se précipilat par l'addition de
quelques gouttes d'acide hydro-chlorique. S'il n'avait attendu que
24 ou 48 heures, il пей pas plus obtenu de précipité que les pre-
miers experts. Mais il calcula que l'acide arsenieux mêlé à de la farine
el soumis à toutes les opérations de la panificalion, devait se com-
porter tout autrement que lorsqu'il est dissous dans de l'eau , que
l'effet des réaclifs doit êlre beaucoup plus lent, et il attendit.
Celle affaire fil sur M. Ortila une grande impression, non-seule-
ment à cause du fait médico-légal, mais surlout à cause de l'effet
produit par la lecture de son rapport et de Pexpiation terrible qui en
avail élé le résultat. Il en inséra de suite les détails dans les Annales
d'hygiène et de médecine légale, el Lous les ans, dans son cours de
chimie médicale, il la citail avec complaisance et en lirait celle con-
clusion : que lorsque l'acide arsenical est mélangé avec des matières
[éculentes, gélatineuses, albumineuses, etc., il peut étre tellement retenu
243
qu'il ne se comporte pas à beaucoup prés comme il le ferait dans une
solution aqueuse.
Telles sont, Messieurs, quelques-unes des principales circons-
tances, grâce auxquelles de cordiales relalions se sont établies entre
la famille Orfila el plusieurs familles angevines; elles n'ont jamais
été inlerrompues depuis trente-six ans, et dureront longlemps en-
core, je l'espère, malgré la mort récente du savant professeur. M. Or-
fila a eu jusqu'à sa mort une sincère affeclion pour nolre ville,
affeclion dont il a donné une preuve éclatante en 1853. Après avoir
distribué avec une haute munificence des sommes considérables au
musée Orfila (analomie comparée), à l'académie de médecine, à
l'école de pharmacie, à l'associalion des médecins du département
de la Seine, il n'a nommé qu'une école secondaire de médecine,
celle d'Angers, à qui il a envoyé une collection de pièces anato-
miques, valant plus de 2,000 fr.
Enfin, Messieurs, depuis longues années M. Orfila a recu dans la
plus grande inlimilé trois Angevius, anciens éludianls de notre
école de médecine, Ollivier, Meniére et Bérard. Après avoir élé ses
élèves, ils sont devenus ses amis, je dirais presque ses enfants d’a-
doption; Ollivier est mort il y a longtemps déjà, mais Meniere a
fermé les yeux de son bienfaiteur el a élé chargé par lui de l'hono-
rable mission de faire exéculer ses volonlés dernieres; Bérard enfin,
parlant au nom de la Faculté, au nom de la science, au nom des
amis de M. Orfila, a fait entendre, au moment du supréme adieu,
les dernieres paroles d'hommage, de regrels, d'affeclion el de recon-
naissance.
AD. LACHÈSE.
DE L'ORIGINE
DE
LA CULTURE DU SORGHO
DANS LE DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
Depuis quelques années, la culture du sorgho ou grand millet a
pris une extension remarquable, et chaque jour celle plante semble
prendre un nouveau degré d'imporlance. J'ai donc pensé que les
membres de celle Sociélé, et peut-être aussi plusieurs autres per-
sonnes, ne seraient pas fachées de connaitre l'origine de sa culture
dans notre déparlement.
Il y a trente-cinq à quarante ans environ, un voyageur, un habi-
lant des bords de la Garonne, vint souper et prendre gite dans une
auberge située sur le bord de la grande route de Paris à Angers, а
un kilometre du pelit bourg de Corzé.
Le lendemain, aprés boire et maintes questions adressées à ses
hôtes, sur la situation el la nature des terres du pays, il se rendit au
village.
Chemin faisant, il s'était arrêté, avail regardé, observé, queslionné
les gens qu'il rencontrail. Les réponses à ses diverses demandes
élaient conformes à ses désirs; l'aspect de la contrée lui avail plu ;
il résolut de s'y fixer.
245
Son projet bien arrêté. il se mit aussitôt en quête d'un logis el
de quelques morceanx de terre, deux choses qu'il parvint non sans
peine à se procurer, bien qu'il en offrit un fermage fort élevé. Son
accent gascon contribuait encore à augmenter la défiance si natu-
relle aux habilants de la campagne, surtout envers un étranger.
Enfin il oblint ce qu'il cherchait et bientôt il se mil à la besogne.
Qu'allait-il faire, que prétendait il récoller sur celle terre qu'il avail
eu l'imprudence de louer à un prix si exorbilant? chacun se le de-
mandait, d'avance le taxait de folie, el riait de le voir se donner tant
de peines et de soins.
Cependant la curiosité étail éveillée, on voulait savoir ce qu'il avail
semé, car ceux à qui il avait bien voulu montrer ses graines n'en
avaient jamais vu de semblables, et les rires et les quolibets de re-
commencer comme de plus bel à pleuvoir sur le pauvre diable.
Mais le temps avait marché, la graine confiée à la lerre avail
germé. Chaque matin notre homme se rendait à ses champs dès la
pointe du jour, la bèche sur l'épaule ; toute sa journée se passait à
bécheter, à sarcler, à nettoyer et la terre el ses semis, il ne renirail
au village que longlemps aprés le coucher du soleil. Ah! lui disait-
on à son relour, si vous êtes récompensé de vos longues journées, en
vérilé vous serez bien heureux! mais lui, sans s'inquiéter, laissait
dire el continuait.
De temps en temps on lui adressait bien quelques paroles indis-
crèles, auxquelles il se gardait de répondre, et comme il n'avait pas
seulement fait dans son pays provision de graines de sorgho, il esqui-
vail la bolle, et souvent par ses spirituelles reparties, il savait mettre
les rieurs de son côté.
Vers le mois de jnin, temps où les tiges du sorgho commencent a
s'élancer, il eut la salisfaction de voir que sa récolte s'annoncailt bien,
et dans les mois d'août et de septembre, lorsqu'elles curent acquis leur
enlier accroissement, que les panicules se développèrent et s'épanoui-
renten beaux е longs faisceaux chargés de graines, les raill-riesavaient
cessé. On fut méme jusqu'à le féliciter; seulement il n'était pas sans
s'apercevoir que des compliments si tardifs n'élaient pas entièrement
purs d'arriére-pensée, el bien décidé qu'il élait de ne pas s'y laisser
prendre, il fit bonne garde, ne permit pas que, sous prétexte d'exa-
men, on délachât la plus faible tige, el toujours réservé, il saisit à
point le moment de la maturation, coupa el rentra sa récolle, avant
qu'on pûl lui faire le moindre larcin.
Oui, mes amis, oui, je vous gralifierai d'une pelile quantité de
graines de mes jolies plantes, chacun en aura, soyez tranquilles, je
vous le promets, disail-il à ceux dont il avait excilé la convoilise, el
246
sa parole était empreinte d'un tel accent de bonhomie qu'on ne dou-
lait pas de sa sincérilé. C'est ainsi qu'en entretenant la confiance il
cut la chance de faire lui-même la distribution de ses largesses. Ce-
pendant il ne distribuait pas ces présents sans prendre la précaution
d'ajouter : Je ne sais, mais je crains bien qu'en passant dans vos
mains celte graine ne perde sa verlu germinalive. Elle me connait, moi,
depuis le lemps que je la cultive avec amour. Quant à vous elle n'a pas
encore fait volre connaissance, prenez bien garde de travailler pour le
roi de Prusse. Loin de décourager, ce ton railleur excitail l'émulation
et d'ailleurs l'on ue se doutait pas encore à quel тайге compère l'on
avail affaire.
On le suivit donc lorsqu'il se mit de nouveau au travail, bien sür
qu'en l'imitant en tout, l'on déjouerait ses prévisions. Eh bien,
demandait-il quelque temps après les semailles, les graines lévent-
elles, camarades, le temps a élé propice pour la germination... — Non
pas encore... — Comment pas encore? vraiment vous m'étonnez. Eh!
les miennes sont toules sorlies de lerre, tenez, voyez! — Et on allait
voir el vérifier ce qu'il annoncail. — Ah! je vous l'avais bien dil,
vous faisiez mine de ne pas me croire, eh! que diable, chacun a ses
secrels, et en bonne conscience, si je vous ai fait le cadeau de mes
graines, je n'élais pas obligé de vous enseigner ce qu'il faut savoir
pour les faire lever. Allons, l'année prochaine vous serez plus savants
el lout ira mieux. Il avail raison de prendre sa revanche et de se faire
un jeu de leur désappointement.
Dépilés de leur mésaventure, jaloux de voir le gascon, comme ils
l'appelaient, non-seulement payer sans retard le fermage de ses
lerres, mais réaliser un assez joli bénéfice sur la vente de ses balais,
plusieurs se coalisèrent et conspirèrent pour lui arracher son secret,
ou conjurer le maléfice, et malheureusement pour le malin gascon ils
l'épiérent avec tant de constance et d'adresse, qu'un jour ils le sur-
prirent au moment où il sorlail dun four encore chaud deux ou
trois boisseaux de graines dont il devait leur faire la gracieuseté. I1
n'en fallut pas davantage pour donner l'éveil, le tour était connu.
On se tnt cependant, se promellant de jouer encore le rôle de dupes
el d'aecepler avec force remerciments les graines dont il avail tué le
germe en les soumeltant à un degré de chaleur toul à fait suffisant.
П eut l'espoir d'avoir dégoüté les envieux et de rester désormais
unique possesseur de son trésor: car celle année il ful seul à semer
el à vendre le produit de sa récolte... Mais l'année suivante son illu-
sion tomba. Il fallut se rendre, el reconnailre qu'on avait fait trop
bonne connaissance avec les graines de son cher millet. Il n'ignora
pas le moyen mis en pratique pour arriver à ce résultat; il en rit el
247
fit bien. — A parlir de ce moment, la culture du sorgho s’est éten-
due peu à peu dans toutes les communes du canton de Seiches, et
sur un petit nombre d'autres, mais Corzé a toujours été celle où la
plus grande partie de terrain lui a été consacrée, c'est là par consé-
quent encore que celle industrie emploie une quantité plus considé-
rable de bras, el nous savons qu'elle a été pour quelques familles
aulrefois misérables la source d'une petite fortune.
Telle est, je l'affirme, l'histoire véritable de l'origine de la culture
du sorgho, dans la partie nord-est de notre département où elle
semblait devoir se concentrer. Mais il est présumable qu'elle ne tar-
dera pas à se porter sur d'autres points de notre territoire, surtout si
la maladie des pommes de terre continue à exercer ses ravages, car
si la graine de celle plante a été d'abord entièrement employée à la
nourrilure des volailles, l'on donne aujourd'hui la farine qu'on en
extrait a toute sorle de bélail qui s'en trouve bien, et dont elle faci-
lite l'engraissement, et il faul espérer que les travaux de nos chi-
mistes actuellement à la recherche d’un procédé qui permettra d'en
faire l'application à la nourriture de l'homme ne resteront pas im-
puissants.
CH. GIRAUD.
RÉSIDENCE A LA CAMPAGNE,
SON INFLUENCE SUR L'ÉTAT SOCIAL ET SUR LES PROGRES
DE L'AGRICULTURE.
Les bras et les capitaux manquent de plus en plus à l'agriculture;
les populations rurales, appelées par les travaux publics et l'industrie,
émigrent vers les villes; elles y contractent de mauvaises habi-
tudes, elles s'y démoralisent. L'équilibre entre la consommation el
la production esl rompu. Les années de disette qui se succèdent nous
averlissent qu'il est temps de modifier cel élal de chose, si nous vou-
lons conjurer le danger dont nous sommes menacés.
Telles sont, en abrégé, les critiques et les craintes, à tout moment
renouvelées par ceux qui portent un regard attentif sur notre si
luation agricole.
Mais si les causes du mal sont connues, zuffit-il de les signaler
pour le détruire? A-t-on un remède pour calmer les souffrances,
peut-on et veut-on l'appliquer? Si cela n'est pas, à quoi bon ces do-
léances !
Nous nous proposons d'éludier sérieusement celle question.
Voyons donc ce que nous avons fail jusqu'ici pour alleindre ce but.
Les encouragements divers pour l'amélioration et les progrès de
l'agriculture ont-ils été proportionnels à l'importance de celle grande
industrie ? Si tous les aas des récompenses honorifiques el pécuniai-
res sont distribuées aux agriculleurs, si l'instilulion des concours
d'animaux domestiques, des comices, des fermes-écoles rend de
vrais services; si dans quelques contrées, la race de notre bétail
249
s'est améliorée d'une manière sensible: si un grand nombre de bons
instruments sont aujourd'hui mis en usage, eh bien ! je le demande,
toutes ces mesures d'une utilité incontestable ont-elles suffi, et
croil-on qu'elles suffiront pour donner cette impulsion puissante el
féconde réclamée au nom des besoins urgents du pays, el produire
dans les mœurs el les habitudes des populations rurales Jes heureux
changements, si justement el si ardemment invoqués. Et nos cultiva-
leurs, nos fermiers, pense-t-on qu'abandonnés à eux-mêmes ils
aient ce pouvoir ? Le faible capilal dont la plupart d'entre eux dispo-
sent, leurs légitimes appréhensions pour les innovalions et les essais,
le médiocre inlérét qu'ils apportent aux améliorations d'un sol dont
ils n'ont qu'une jouissance très restreinte, toules ces raisons per-
mellent-elles de penser qu'ils puissent jamais jouer un rôle aussi
important ? Assurément non. EL d'ailleurs, la preuve de leur insuf-
fisance n'est-elle pas évidemment démontrée par les dépenses el les
avances considérables qu'exigent les travaux du drainage, des irri-
gations, de la fabricalion des engrais, dont la nécessilé est aujour-
d'hui constatée et reconnue comme la base de tout progrès.
Il y a plus. La plupart d'entre eux montrent une répugnance in-
vincible quand on les sollicite de faire partie d'un comice. Une as-
socialion d'encouragement mutuel est pour eux un leurre, s'ils
doivent s'imposer le moindre sacrifice, Aussi, à part le jour du соп ~
cours, que dit-on, et que se fait-il d'intéressant et d'utile pour l'a-
mélioration de l'agriculture, dans la majeure partie des comices ?
On peut dire que l'office de ces associations se résume dans les féli-
. citations du fonctionnaire , de quelques notables de l'endroit et du
président, adressées aux lauréals du concours.
Quand le discours obligé a élé lu ou récité, lorsqu'on a recueilli
les applaudissements en répélant à l'assistance : Que les agriculteurs
mérilent bien de leur pays; que les enfants des laboureurs sont les meil-
leurs défenseurs du sol de la patrie, qu'ils arrosent de leurs sueurs ; que
l'agriculture est une des mamelles de l'Etat, et autres lieux communs,
on s'empresse de regagner la ville d'où l'on était venu, tout joyeux
d'avoir à raconter, dans les salons, les incidents de la journée, et
surtout l'effet qu'a produit la harangue. Qu'on me pardonne celle
critique, en considéralion de mon zèle pour la vérité. Cependant
je ne veux pas nier les avantages de ces réunions agricoles, au con-
traire, el je me suis hâté de le dire : elles méritent. d'étre encoura-
gées et mainlennes ; elles font du bien. Gardons-nous seulement de
leur demander plus qu'elles ne peuvent donner. Jusqu'à ce jour,
l'institulion des comices n'a pas modifié le nioins du monde le pen-
chant des populalions rurales à se porter vers les villes; pas plus
qué les comices, les fermes-écoles n'ont eu ce pouvoir, et pas plus
qu'eux elles n'ont décidé les propriétaires à résider sur leurs domai-
nes. Et pourlant c'est là, n'en doutons pas, c'est dans ce défaut de
résidence qu'est la racine du malaise et du péril dont nous sommes
menacés. Que les possesseurs du sol le sachent donc bien : d'eux
seuls et du parli qu'ils sauront prendre doil venir la solution du
problème. Rien de durable, rien de vraiment efficace ne se fera sans
leur active el persévérante coopération.
Dans un de ses meilleurs écrits, publié il y a plus de vingt ans,
un illustre agronome signalait, parmi les causes les plus nuisibles
au progrès de l'agriculture, la non résidence des propriélaires ; et il
avail grandement raison, puisqu'elle est encore actuellement le point
capital aux yeux des écrivains et des hommes expérimentés qui, par
une persévérance el un zèle patriotique qu'on ne saurait trop louer,
cherchent à nous ramener vers les mœurs rurales et à nous faire
aimer la vie des champs.
Je voudrais citer en enlier l'intéressant chapitre intitulé : Rési-
dence à la campagne; mœurs rurales, dans lequel Mathieu de Dom-
basle développe cette thèse : que l'habitude contractée par un grand
nombre de propriétaires de passer dans la capitale ou dans d'autres
villes des environs leur hiver, est un des plus grands obstacles qui
arrêtent le progrès de l'art agricole en France. Dans cette œuvre,
où l'auteur se montre aussi habile écrivain qu'éminent agronome,
le passé, le présent et l'avenir de notre agriculture sonl analysés
avec un soin, une juslesse el une hauteur de vues qui ne laissent
rien à désirer. Je dois me contenter d'en recommander la lecture
aux personnes qui ne le connaissent pas ou l'auraient oublié; elles
y trouveront la réfutation viclorieuse d'un grand nombre d'objec-
lions, et, j'aime à le croire, le charme d'une lecture séduisante.
Mais, dira-t-on, lorsque vous réclamez de la parl des propriétaires
celte résidence, objel de vos désirs, comment n'étes-vous pas arrété
par les difficultés et peut-être l'impossibilité de sa réalisation ? Volre
espérance n'est qu'une pure illusion, une vraie chimère? En effet,
votre prétention ne tend à rien moins qu'à changer nos goüls, nos
habitudes, nos inslitulions, que le temps a développés el consa-
crés ?
Ce que le temps a fait, peut-être le temps seul peut et doit-il le
modifier, en France surtout, où plus que partout ailleurs, les an-
ciens usages, les anciennes tradilions ont disparu. Chez nous, cha-
que époque a ses entraînement et ses tendances ; inconstants el lé-
gers comme nos aieux, élevant aujourd'hui avec enthousiasme ce
que nous renverserons demain avec fureur, l'esprit de persévérance,
si indispensablement nécessaire aux spéculations et aux travaux de
l'agricullure, est incompatible avec notre nalure, avec notre origine,
mélange des diverses races dont nous sommes les enfants,
Et puis n'auriez-vous pas oublié de compter avec celle maladie
morale dont nous sommes alteints, et qu'il faut croire incurable : la
vanilé ! qui a engendré l'amour de légalité, sentiments auxquels
nous devons une appélence excessive pour la satisfaction des plaisirs
sensuels, une avidilé insatiable pour la gloriole, et enfin, un besoin
de luxe inutile et sans bornes dont nous serons un jour ou l'autre
les viclimes.
Et c'est au moment où plus que jamais nous sommes impérieu-
sement dominés par de tels sentiments que vous voudriez nous ra-
mener aux champs, et nous faire vivre de la vie calme el sans éclal
de la campagne! Renoncez à faire remonter le torrent vers sa
source.
Ainsi donc de par nos mœurs, nos habitudes et nos penchants, il
ne sera pas méme permis d'espérer que le dévergondage el les dan-
gereuses préoccupations des esprils dont chacun est frappé seront
d'uliles averlissements, el que nous persisterons à envenimer le
mal dont nous sentons les étreintes, plutôt que de remédier à notre
propre incurie.
Comment! chaque jour et de tout côté l'on entendra dire : le blé,
la viande des animaux et leurs toisons sont les éléments indispensables
à l'entretien et au développement de la vie humaine; on ne saurait trop
en encourager la production. Et par une déplorable inconséquence des
hommes, tandis que parlout retentiraient ces vérités, ceux-là mêmes
qui les proclameraient encourageraient par leur condescendance les
progres d'un luxe désordonné. Non, je n'accepte pas comme accon-
plis ou sur le point de s'accomplir, de sinistres pressentiments, cl
d'ailleurs, quoi qu'il en soit, combattons le mal sans relâche, ne dé-
sespérons jamais de la bonne cause, el rappelons-nous que déjà
plusieurs fois sur celle terre les mêmes maux se sont reproduils
el qu'il a fallu les combattre par les mêmes armes. A nos économistes
qui préconisent le déploiement du luxe comme une ulile nécessité,
il faul opposer l'opinion d'un écrivain grand par les qualilés du cœur
et de l'esprit el véritablement homme de bien.
« Souvenez-vous, 6 Télémaque, qu'il y a deux choses peruicieuses
> dans le gouvernement des peuples, auxquelles on n'apporte pres-
» que jamais aucun remède. La première est une autorilé injuste et
» trop violente; la seconde est le luxe qui corrompt les mœurs.
» Comme la trop grande aulorilé empoisonne les rois, le luxe em-
> poisonne toute une nalion; on dit que le luxe sert à nourrir les
252
» pauvres aux dépens des riches : comme si les panvres ne pouvaient
» pas gagner leur vie plus utilement en multipliant les fruits de la
» terre, sans amollir les riches par des raffinements de voluplé, Toute
» nne nation s'accoulume à regarder comme les nécessités de la vie
» les choses les plus superflues. Ce sont tous les jours de nouvelles
» nécessilés qu'on invente, et on ne peut plus se passer de choses
» quon ne connaissait point trente aus auparavant. Ce luxe s'ap-
» pelle bon goût, perfection des arts et politesse de la nation. Ce vice
» qui en allire tant d'autres est loué comme une verlu, il répand la
» contagion depuis le roi jusqu'au dernier de la lie du peuple. Les
> proches parents du roi veulent imiter sa magnificence, les grands
» celle des parents du roi, les gens médiocres veulent égaler les
» grands, car qui est-ce qui se fait justice? les pelits veulent passer
» pour médiocres. Tout le monde fait plus qu'il ne peut, les uns par
» faste et pour se prévaloir de leurs richesses, les autres par mau-
> vaise honte el pour cacher leur pauvreté. Ceux mêmes qui sont
» assez sages pour condamner un si grand désordre, ne le sont pas
» assez pour oser lever la léle les premiers et pour donner des exem-
> ples contraires. Тоше une nalion se ruine, toules les conditions se
» confondent, la passion d'acquérir du bien pour une vaine dépense
» corrompt les àmes les plus pures. Il n'est plus question que d'élre
» riche, la pauvrelé est une infamie... Ceux mémes qui n'ont pas de
» bien veulent parailre en avoir, ils dépensent comme s'ils en
» avaient; on emprunte, on trompe, on use de mille artifices indi-
» gnes pour parvenir. »
Quelle peinture frappante de vérité, ne dirail-on pas qu'elle est
d'hier, et cependant quels coups de pinceau y eüt ajoulé l'auteur,
si de son lemps eussent existé les spéculations déplorables, où la for-
lune scandaleuse d'un jour disparail dans l'espace du lendemain?
Jusques à quand la sollise el la folie prévaudront-elles contre les
lecons de l'expérience, contre les conseils de la sagesse et du génie?
L'amour du lucre a-l-il chassé pour longlemps encore le sens com-
mun el surtout le sens moral; el devous-nous donc allendre pour
nous corriger que nous soyons frappés par le malheur? Pour notre
honneur il n'en sera point ainsi, je l'espére du moins, grace aux ef-
forls généreux et mullipliés des vrais amis de leur pays. Déjà denx
écrivains de notre temps, l'un jeune encore, dont l'intelligence vive
el profonde guide une plume élégante et facile; l'autre orateur célè-
bre que la France placera au rang de ses plus nobles caractères,
nous onl montré sous des aspecls divers el dont les nombreux points
de contact se prêlent un mutuel appui, que ce n'est pas aux besoins
malériels qu'il convient de faire appel, mais qu'il faut s'adresser
253
avant tout aux affections d'un ordre supérieur, si nous voulons
triompher des obstacles.
On se tromperait étrangement en effet si l'on altribuait an seul
désir d'angmenter la jouissance des sens, le goût de quelques peu-
ples, et surtout du peuple anglais pour le séjour des champs. Pour
les Auglais, la campagne n'est pas seulement une source de bien-
élre matériel, ils y trouvent et puisent dans la contemplation des
scènes de la nalure le besoin indomptable d'indépendance qui les
élève au sentiment de leur propre dignilé. Ce speclacle entretient
l'énergie de leur ame, el c'est là enfin qu'ils reçoivent l'enseignement
sans cesse renouvelé, sous des formes variées, de cette fière el noble
maxime, empreinte dans leurs attitudes: Dieuet mon droit. Aussi voit-
оп les Anglais de toute classe et de toule condition s'allacher à la
propriété du sol, comme à une ancre de salut; elle est à leurs yeux
la base la plus sûre de l'ordre, de la richesse, de la puissance et de
la liberté, el c'est merveille de voir les soins qu'ils lui prodiguent.
L'étranger qui parcourt l'Anglelerre ne peut contempler sans
élonnement l'ordre et le confort qui éclatent partout, depuis le chà-
teau du grand seigneur el de l'industriel opulent, jusqu'au plus
mince héritage. La nalion lout entière semble concourir à l'embel-
lissement et à l'amélioralion de son territoire. — A cela je sais qu'on
peut répondre : si le goût des Anglais pour la campagne est la con-
séquence d'un besoiu moral, vous conviendrez au moins qu'il est
puissamment encouragé par les inslitulions, car, vous ne l'iguorez
pas, nulle part, en Europe, le régime féodal n'a imprimé de traces
plus profondes el plus durables que dans la Grande-Bretagne. Chez
nous, en est-il de même, reste-t-il veslige de ce régime? N'avons-
nous pas fait table газе! EL si la nation anglaise veut faire ses propres
affaires; nous, nous aimons qu'on fasse les nôtres. Le sol de la
France, déjà si divisé, si émietté, le sera chaque jour de plus en
plus: nos préjugés, nos lois le veulent ainsi. Ces considéralions sur
les mœurs des Anglais peuvent tout au plus piquer notre curiosité.
Trop différeuts d'humeur , de caractère et d'origine, ce qui con-
vient et plaît aux uns ne convient pas et déplail aux autres. Le
temps est loin, bien loin peut-être, où l'on verra les modifications
profondes sans lesquelles, croyez-le, vous n'arriverez jamais au ré-
sullal que vous désirez. Ah! sans doute il y a du vrai dans ces objec-
lions, je ne le nie pas, mais n'y a-t-il pas aussi de l'exagéralion?
Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble que le jour où nous
ferons un relour sur nous-mêmes n'est pas si éloigné. D'uliles
exemples parlent de haul; les noms de ceux qui les donnent sont
ігор connus pour qu'il soit nécessaire de les ciler. Celle impulsion
254
porlera ses fruits, el leurs vœux ne seront pas stériles. D'heureux
symplômes se manifestent depuis quelques années; de nouvelles et
magnifiques habitalions rurales ont élé édifiées sur divers points; des
jardins élégamment dessinés ornent el eaibellissent les demeures ;
le goût des fleurs el des plantations se répand parlout, ce goût sup-
pose que l'on a point cessé d'aimer la nalure ou qu'on y revicut. Ce
penchant est un pas vers la résidence, il importe de l'encourager ;
nul doute qu'avec de la bonne volonté, il ne soit facile de trouver
une de ces mesures donl l'applicalion serait pour les propriétaires un
puissant molif de prolonger leur séjour au milieu de leurs domaines.
Comme beaucoup d'autres, j'ai cherché ce moyen; longtemps il a
élé l'objel de mes réflexions. Je n'ai pas la prétention de l'avoir
trouvé; cependant je vais m'expliquer, el si ce que je propose
semble impossible, ou que cela ne dût en rien faciliter notre marche
vers ce but, l'on m'excusera sur l'intention.
Pendant plusieurs années, la suppression de l'impôt du sel fut un
champ de bataille ou à ehaque session venaient s'exercer bon nombre
de champions.
C'élail à qui se surpasserail dans les éloges donnés à l'emploi du
sel, soil comme aliment propre à faciliter Vengraissement et l'élève
du bétail, soil comme excellent engrais pour le sol. Ecrils, discours,
tous les moyens de publicité en usage furent épuisés pour faire
triompher celle opinion, et parmi les arguments de toute sorte, ou
se gardail bien d'oublier l'inlérét des populations rurales, en démon-
trant de quelle importance élait pour elles l'emploi du sel, dont elles
font un si fréquent usage.
Sous des allaques si vives et si réilérées l'impôt du sel succomba,
el déjà un long lemps s'est écoulé depuis celle suppression.
Eh bien! nous sommes à nous demander, nous agriculteurs qui
n'avons jamais eru aux merveilleuses prédictions des adversaires de
cel impôt, quels sont les résultats avaniageux de celle abolition. Le
nombre des animaux engraissés esl-il plus grand ? Nos populations
rurales ont-elles augmenté leur ralion? Mangent-elles plus de viande
que par le passé? Fail-on sérieusement usage du sel comme engrais?
Qu'on réponde! Tant et de si belles promesses n’élaient-elles donc
que de vaines illusions , el peul-étre aussi le calcul misérable d'une
popularité follement ambilionnée. Disons-le hardiment, la suppres-
sion de cet impôt, si chaudement réclamée, n'a élé, n'est encore
qu'un myslère pour les progrès de l'agriculture , et, pourrait-on
ajouter, d'une trés mince imporlance pour l'alimentation publique ;
car si une famille de pauvres cultivateurs paye aujourd'hui dix francs
de moins par an pour l'achat de sa provision de sel, qu'elle ne payait
s
-
255
avant la suppression de cet impôt, ce léger bénéfice est à coup sûr
largement et tristement balancé par les nouvelles charges devenues
nécessaires pour combler le déficit résultant de celle suppression.
Au point de vue de l'intérét général , je crois fermement qu'une ad-
ministration sage et judicieuse ne devrail pas hésiter à rétablir la
iaxe sur le sel dont la suppression ne peut êlre altribuée, comme
l'expérience le prouve, qu'à une fausse ou aveugle philanthropie.
L'impót du sel n'est ni plus injusle ni plus préjudiciable que tout
aulre, quoi qu'on en ail dil, et sa perceplion sur le lieu de la fabri-
cation le rend moius vexaloire.
Maintenant, en admellant que cet impôt fût rétabli, ne serait-il pas
équitable el certainement d'une haule importance, d'en réserver le
produit pour en faire l'applicalion enliëre et spéciale au développe-
ment de l'industrie agricole, puisqu'il a été supprimé en vue des
progres de l’agriculture el du soulagement des populations rurales
qui en supportaient la plus large part. El puisque, aux yeux de lous,
parmi les mesures favorables à ce développement, il n'y en a pas de
plus uliles que d'ouvrir des débouchés au produit du sol, la confec-
tion el l'entrelien des voies de communicalion ne se présentent-elles
pas naturellement pour recevoir cel emploi?
Sur les 36,000 communes environ dont se compose le terriloire de
la France, 25,000 au moins manquent de ressources suffisantes
à la confection et à l'entrelien de leurs chemins. Dans toutes
ces communes, la plupart des chemins nécessaires au transport des
engrais et des marchandises restent inachevés, ou tout au moins
difficiles en tout lemps, et souvent impraticables durant l'hiver. Que
de terres mal cultivées, pour ainsi dire abandonnées ! que de terrains,
que de landes incultes, faute d'en pouvoir extraire les récolles !
Si on les améliorait ces chemins, si on les rendait pralicables en
loule saison, n'est-il pas certain que l'on donnerait ainsi un nouvel
essor à la production? Nous n'irons pas loin chercher la preuve évi-
dente de notre asserlion. Tout le monde sait, en effel, que la valeur
el les produils de la culture du sol de la Vendée ont tout au moins
doublé, depuis que celte contrée est sillonnée par les routes stralé-
giques.
Serait-elle donc à dédaigner la mesure qui aurait pour résullat in-
faillible la réalisation de pareils avanlages sur une immense porlion
de notre territoire, et les propriétaires, s'ils redoulent à bon droit les
accidents el les ennuis des voyages sur de mauvaises roules, ne se
décideronl-ils pas plus volonliers à prolonger leur séjour à la cam-
pagne, ou loul au moins à abréger leur absence, lorsqu'ils auront
en tout temps la facilité d'en sorlir, de se voir et de se rapprocher?
256
Ainsi disparaitrait l'élat d'isolement forcé où se trouvent les habi-
lants des campagnes pendant plusieurs mois, el ceux qui recom-
mandent depuis si longtemps la résidence n'auraient plus à redouter
de trop justes récriminations. On ne leur dirait plus : vous vous plai-
gnez du trop court séjour des propriélaires sur leurs terres, vous
voulez donc nous séquestrer, nous emprisonner dans les boues du-
rant l'hiver. Votre prétention est vraiment dérisoire. Comment! vous
voulez nous imposer le sacrifice de nos rapports sociaux. La condi-
lion de sauvage ne plait pas à tout le monde. Entre un exces de civi-
lisalion el la sauvagerie s'il faul choisir, peut-on balancer? Non, et
jusqu'à ce que nous ayons les moyens de vivre aux champs comme
il convient aux hommes d'un pays civilisé, qui n'ont poinl renoncé
au commerce de leurs semblables et au noble plaisir de cultiver leur
intelligence, suspendez vos suppliques ou résignez-vous à précher
dans le désert.
H serait superflu d'insister davantage sur la nécessité d'un vaste
sysiéme de bonnes voies de communication. Ce que je vieus de dire
suffil je crois pour en démontrer les heureuses conséquences. Voyons
maintenant si dans le cas où le produit de la laxe du sel fut appli-
que ainsi que je l'ai expliqué, nous parviendrions à l'aecomplisse-
ment de nos espérances.
Lorsqu'il a élé supprimé, le rendement de cel impôt variail , je
crois, entre 45 à 50 millions. Si nous prenons une moyenne, soit
45 millions, nous voyons de suile que pour 30,000 communes, cha-
cune d'elles recevrail une somme de 1,500 fr. par année. El bien est-
il une commune, quelle que soil d'ailleurs son étendue, où celle
somme, judicieusement appliquée, ne produisit un excellent effet?
personne assurément ne le conleslera. Nous voilà donc par ce
simple calcul bien assurés que nolre opinion n'est point un rêve, el
que celle mesure aurail une salutaire influence sur les habitudes des
possesseurs du sol.
J'en ai la ferme confiance, car la pralique me l'enseigne chaque
jour. Le long séjour dans les champs éveillera, fortificra le goût des
améliorations; les capitaux. considérables fatalement engagés dans
des spéculations hasardeuses reviendraient encourager et développer
des travaux d'une ulililé réelle et profitable à tous. Un nombre
considérable de constructions rurales actuellement eu ruines ou
trop reslreintes , au grand délriment des hommes et des animaux
qui les habilent, seraient accrues, reconstruiles et réparées. De
grands espaces de terrain jusqu'ici reslés sans culture seraient dé-
frichés; le drainage, les irrigalions seraient pratiqués sur une plus
vasle échelle. D'innombrables pièces de terre ne seraient plus,
257
comme aujourd'hui, relevées à leurs extrémités et creusées vers le
centre, de manière que les eaux pluviales y séjournent sans pouvoir
s'écouler, et аггеіепі dans leur développement toutes les plantes
dont les racines et les tiges sont affaiblies par une trop grande abon-
dance d'humidité. Enfin des opéralions indispensables au dévelop-
pement de la richesse du sol et impossibles aux cullivateurs seraient
cerlainement exéculées avec le temps, et l'observation enseignerait
à un plus grand nombre de personnes à porlée de juger par elles-
mêmes, que dans la pratique il y a trois points capilaux sur lesquels
il importe d'avoir toujours les yeux ouverts, si l'on ne veul s'égarer
dans les théories el les systèmes d'améliorations agricoles : à savoir
le nettoiement du sol des plantes parasites dont il est si fréquemment
infecté, de bons et profonds labours, el avant tout une quantité tou-
jours suffisante d'engrais.
Dans l'état actuel des choses, pour réunir ces trois éléments es-
senliels, il faul que les trois quarls au moins des fermiers soient
secondés par leurs propriélaires, car, nous le répéterons, les moyens
dont ils disposent ne leur permellent pas de les obtenir.
Dans les localités où cet appui leur est venu en aide, les produils
de la culture ont considérablement augmenté, les races des bestianx
ont aequis un degré d'amélioration vraiment remarquable; pour
s'en convaincre, il suffit de visiler, entre autres départements, celui
dela Mayenne. Là, les propriétaires ont eu le bon esprit d'encoura-
ger les fermiers de leur bourse et de leurs conseils. Les progres ont
répondu aux avances, el les étables de leurs fermes contiennent au-
jourd'hui les pius beaux animaux de race bovine qu'il y ait en
France. Cel exemple doil nous servir de lecon.
Je me résume, el je dis: Au point de vue de l'intérêt matériel, Ја
résidence à la campagne, de la part des propriétaires, est une cause
évidente de bien-être el de prospérité pour tous; au point de vue
moral. un puissant élément d'ordre, de dignilé el d'indépendance
personnelle, le premier des biens; lous les esprils sages el sérieux,
jaloux du bonheur et de la considération de leur palrie, doivent re-
doubler d'efforls afin de développer les sentiments qui déterminent
les propriélaires à résider sur leurs lerres.
CH. GIRAUD.
ÉTUDE SUR LES CARABES
el en particulier
SUR LE CARABUS CYANEUS.
Si mes occupations m'eussenl permis d'assister à l'une des inté-
ressantes séances qui signalent chacune de vos réunions, је me serais
fait un devoir de vous remercier, Messieurs, de l'honneur que vous
m'avez accordé en donnant place, dans le magnifique recueil de nos
annales, aux deux petites notices que j'avais soumises à votre in-
dulgence. Daignez en agréer mes sincères remerciements.
Aujourd'hui, pour payer ma delle de reconnaissance, je vous
soumets ces quelques observalions sur une famille de la section des
Peutamères, sur les carabiques.
Linné a donné le nom de carabiques à une des grandes divisious
des coléopléres, et dans celle famille, le genre carabe, qui a con-
servé le nom spécial, se distingue entre tous les autres par ses ca-
racléres parliculiers, surlout par ses appélits carnassiers.
Il me semble que M. le docteur Chénu s'est trompé en traduisant
dans son Encyclopédie d'histoire naturelle ««;2€« par insecte. Ce mot
veut dire crabe, écrevisse de mer. Sans doute Linné en désignant
celle famille sous le nom de carabe, aura trouvé dans les habitudes
de l'animal marin quelque analogie avec le despole des insecles de
nos foréts.
En effet, dit le Dictionnaire d'histoire naturelle (article crabe), ce
crustacée est généralement carnassier. Il se nourrit indistinctement
d'animaux marins privés de vie; or, telles sont les mœurs des ca-
rabes qui, comme lui, se nourrissent de tous les insectes qu'ils
rencontrent. Au resle, quelque ait élé le motif qui porta Linné à
appliquer ce nom à la famille des carabiques, el à ce genre Je nom
carabe, la dénominalion ne me paraitrait pas assez rigoureuse
puisque le mot insecle s'emploie pour désigner bien des animaux
qui n'apparliennent pas aux Coléoptères.
M. Géoffroy, voulant remplacer le nom de carabes, adopté dans
le Species nature, donna aux insectes de ce genre la dénomination
de buprestis (qui fait crever les boeufs), parce que l'animal sécrete
par la bouche et par le pygidium une humeur de couleur rousse,
très acre et souvent très caustique.
Les anciens, il est vrai, avaient attribué à certains coléoptères,
probablement les méloé ou les mylabres, la funeste propriété dont
il est ici question. Eux aussi, lorsqu'ils sont touchés, laissent échap-
per une espèce de bave rouge. Mais la plus grande partie des nalu-
ralistes, prétendant que l'humeur sécrétée par les carabes ne peut
produire cet effet, ont maintenu le nom de carabe.
L'entomologiste Latreille, dans une judicieuse dissertation, a dé-
montré celle vérité. De plus, M. le docteur Brelonneau, de Tours,
(Encyclopédie du 19° siècle) délruit par une foule d'expériences
l'opinion de Géoffroy el de quelques autres naturalistes qui attri-
buaient aux carabes la propriété vésicanle des cantharides.
Sans doule cette supposition venait de ce que les anciens, Hip-
pocrate, Pline et quelques autres, concédaienl aux carabes des vertus
médicales, el de ce qu'ils faisaienl usage de ces insecles, réduils en
poudre, pour guérir cerlaines maladies.
Quoiqu'il en soit, les insectes de ce genre exhalent une odeur fort
désagréable. Leur toucher laisse aux doigts des laches noiratres
assez lélides; el il est prudent d'éviter de porter la main aux yeux
où celle liqueur cause une démangeaison trés irrilanle pendant
quelques minutes.
La famille des carabiques a été l'objel des travaux parliculiers de
M. le comte Dejean (Monographie et histoire naturelle des coléop-
léres d'Europe).
MM. Tinguy et Guérin, dans les Suites de Buffon, ont donné de
précieux renseignements sur les diverses espèces qu'avail signalées
le naturalisle suédois, Vimmortel Linné. Enfin Latreille, dont les tra-
vaux enlomologiques ont jeté tant de clarté dans les études de l'his-
toire naturelle, Gyllenhal (Insecta suecia), Fischer de Waldheim
260
(Entomographie de la Russie), Sturm, Lacordaire et Boisduval ,
(Mémoires de la Société entomologique de Liége), Heer (Observations
entomologiques) , Blanchard (Histoire des insecles), Léon Dufour
(Annales des sciences naturelles), et bien d'autres savants qui, après
Fabricius, Schoennher, Weber, ont complété les recherches les plus
intéressantes, permeltent de classer d'une manière cerlaine ces
deux cent cinquante et quelques espèces qui composent le genre
carabe.
Quoiqu'il semble que tout ait été dit sur celle famille par les
éminents naturalistes que je viens de vous citer, permettez-moi,
Messieurs, d'ajouter quelques petites observations à leurs judicieuses
descriplions.
Le carabe se distingue très promptement des autres coléoptères.
Il porte, sur une tête allongée, deux antennes filiformes , compo-
sées de onze articles ; ses yeux sont vifs el toujours en mouvement
pour découvrir la proie qu'il convoite, ou pour fuir le danger qui
pourrait le menacer.
Comme il est le tyran des chenilles et des autres insectes dont il
fait sa nourriture, il est pourvu de deux mandibules fortes et armées
de dents sécuriformes ; elles sont trés aiguës, arquées, el se rappro-
chent comme deux faucilles superposées, pour saisir sa viclime.
L’insecte a beau se débattre, les terribles tenailles qui l'étreignent
ne le lacheront plus, el en peu d'instants il sera dévoré.
Parmi les carnassiers, le genre qui a conservé lé nom de carabe
possede des caractères bien distincts dans son corselet.
Le corselet, dit l'auteur des Suites de Buffon, est trés peu convexe,
en dessus il est marqué d'une ligne assez profonde; il est termiué
latéralement par un rebord élevé et tranchant; il esl coupé carré-
ment dans sa parlie postérieure; dans quelques espèces, il esl
presque droit, tandis que dans les autres il forme une légère échan-
crures les angles sont saillants, et celte conformation lui donne
souvent la figure d'un cœur tronqué. Dans ce genre l'écusson esl
très pelil.
Dans les carabes, les élylres, quoique non soudées, ne couvrent
point d'ailes propres au vol. Elles s’allongent sur le corps de l'insecte
qu'elles cachent entièrement par dessus. Leur bord latéral, qui le
plus souvent se relève en bourrelet, est, dans beaucoup d'espèces,
orné de reflets cuivrés qui donnent à ce coléoplère un aspect des
plus élégants. Les élylres sont presque toujours marquées de stries
profondes qui s'étendent de la base à l'exirémilé; et ces stries sont
dessinées par des points ou des chainons très apparents, surtout dans
le carabus catenulatus, l'alternans, le granulatus et le clathratus.
261
Vous le Savez, Messieurs, le carabe fait partie de la section des
репіотегеѕ ; ainsi, chaque tarse est divisé en cing parties. Le der-
nier arlicle est armé de deux forts crochets aigus et recourbés. Les
pattes sont longues, gréles, souvent sélacées et aecompagnées de
deux épines d'inégale grandeur à leur intersection avec les tarses.
Sa démarche vive et aclive le dérobe promptement à la main qui
veut le saisir, et s'il n'a pas recu de la nalure des ailes pour s'envo-
ler, il se cache rapidement sous les pierres, dans les mousses ou dans
les trous qu'il rencontre sur son passage.
A celle description générale du genre carabe. permettez-moi,
Messieurs, d'ajouter quelques notions particulières sur une des es-
pèces qui a plus altentivement attiré mes regards, le carabus cya-
neus. Quelques redites seront nécessaires dans celle monographie
pour bien caractériser cet insecte.
Le carabus cyaneus est d'une longueur qui varie de 25 à 35 mil-
limètres, et sa largeur de 9 à 11 mill. Son corps est beaucoup plus
ovalement allongé que dans les autres carabes. H est moins con-
vexe que les insecles de la méme famille qui se rencontrent dans
notre département. La lêle est longue, marquée sur le vertex d'un
fort bourrelet rugueux, noir, qui laisse tracés deux sillons régnant
entre les yeux. Cet intervalle est pointillé trés finement, et d'un bleu
irisé. Les mandibules sont cornées, armées chacune de deux dents
intérieures trés aiguës, faconnées en forme de croissant; elles se
superposent, et les deux mâchoires, également cornées el pointues,
leur viennent en aide pour retenir la proie qu'elles saisissent.
Lorsque l'animal est vivant, les yeux sont vifs, saillants, transpa-
rents el rouges surtout au bord externe, mais cette couleur disparail
lorsqu'il est morl; il ne reste plus qu'une transparence blanchâtre.
Dans les antennes filiformes, les 4 premiers articles sont noirs, el
les 7 autres d'une couleur cendrée. Le corselet, à peu prés cordi-
forme et aussi long que large, est marqué dans son milieu par un
sillon plus finement pointillé. La partie anlérieure se relève assez
sensiblement. M. le comte Dejean, dans son Iconographie, ajoute :
Le corselet du carabus cyaneus est plus fortement ponctué sur les
bords, un peu échancré antérieurement, avec les bords latéraux un
peu déprimés et relevés vers les angles postérieurs.
Les élytres sont moilié moins larges à la base que dans leur mi-
lieu, s'allongent en ovale el sont moins convexes que dans les autres
carabes. Dans toute leur longueur elles sont chargées de gros points,
jetés sans symétrie. Cependant à l'œil nu on aperçoit trois lignes de
points oblongs qui, comme dil encore le savant entomologiste, for-
ment des lignes interrompues plus ou moius régulières. La couleur
262
de la têle, du corselet et des élytres est d'un bleu brillant, relevé sur
les côtés d'un violet irisé très joli. L'auteur des Suites de Buffon
donne, dans sa Monographie, à la tête la couleur noire; dans tous
les cyaneus que j'ai pu recueillir, j'ai toujours trouvé la couleur
bleue. Le dessous du corps ainsi que les pattes sont d'un noir bril-
lant. Sur les cuisses on voit quelques poils, mais les jambes et les
tarses sont couverts de soies raides et épineuses.
Ce magnifique carabe qui se trouve, dit le comte Dejean, en Alle-
magne, en Suède, en Pologne, dans le nord et dans les parties
orientales de la France, est trés rare aux environs de Paris. M. l'abbé
Dupuis, professeur d'histoire naturelle à Auch, et auteur d'une sa-
vante monographie sur les mollusques, m'a dit, il y a quelques an-
nées, qu'il était également rare dans le midi. D’après les renseigne-
ments que j'ai pris, notre département ne le posséderait pas
communément, car Mme de Buzelet met en note dans son catalogue,
qu'elle tient celle espèce de l'obligeance de M. l'abbé Lelièvre. Ce-
pendant dans la forêt d'Ombrée, on le trouve assez fréquemment à
l'aulomine et au printemps, sous les mousses, au pied des chênes et
des hétres, sous les pierres ou sous les mottes de terre placées par
les paysans sur les talus des fossés.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu'à vous présenter quelques ob-
servations sur la larve du carabus cyaneus que je crois avoir ren-
contrée.
La forêt d'Ombrée renfermait, il y a quelques années, un assez
grand nombre de chênes à haute tige, dont le pied était couvert
d'une mousse longue et épaisse. C'est là que j'ai recueilli plusieurs
larves de carabes. Je n’ose pas assurer que celle dont je vais vous
parler soit réellement la larve du carabus cyaneus, car, malgré mes
soins, je n'ai pu parvenir à obtenir un insecte parfait. Mais comme
je les ai trouvées dans les mêmes lieux, dans les mêmes circonstances
que les carabes eux-mêmes, et que d'un autre côté leur description
ne se rapporte pas en tout avec celle qu'a décrite M. le D" Heer,
dans ses observations entomologiques, ou M. Blanchard , dans son
histoire des insecles, je suis fortement porté à croire que ces
notions pourront nous amener à la connaissance parfaile de cetle
larve.
La larve que j'ai observée est de 30 à 31 centimètres de longueur,
plutôt brune que noire, luisante ; la tête est un peu en ovale, d'une
couleur moins foncée. La bouche est armée de deux mandibules
couleur marron, en forme d'arc, trés aigues. Les deux palpes labiaux
exlernes sont fort solides, et les deux autres, fixés sur une lan-
guelte, me semblent moins longs et plus mous que les précédents.
263
Les antennes qui ont un peu moins dequatre centimètres de longueur,
sont composées de cing arlicles el placées devant les yeux. Celle
larve se divise en 12 anneaux ou segments; les trois premiers por-
tent chacun deux pattes écailleuses terminées par deux crochets
aigus.
J'avais remarqué, dans des chasses, au mois d'oclobre, que toutes
les fois que je rencontrais sous les mousses des helops, des hanne-
tons et surtout certaines espèces de fourmis ailées, je découvrais
aussitôt un ou deux carabus cyaneus qui trouvaient là le gite et le
couvert. J'examinai plus attentivement el je parvins à trouver une
larve qui, elle aussi, se nourrissail des mêmes insectes. Dès qu'il me
sera possible de recueillir de nouvelles larves et surtout l'insecte
produit par elles, je me hâterai de vous les adresser, et de soumettre
l'un et l'autre à vos judicieuses observations.
G.-T. ROCHARD.
AUX CYGNES DU LAC LEMAN,
Sur le bord du lae, 17 septembre 1850.
Voyez dans son bassin l'eau d'une source vive
S'arrondir comme un lac sous son étroite rive,
Bleue et claire, à l'abri du vent qui va courir
Et du rayon brûlant qui pourrait la tarir!
Un cygne blanc nageant sur la nappe limpide,
En y plongeant son cou qu'enveloppe la ride,
Orne sans le ternir le liquide miroir
Et s'y berce au milieu des étoiles du soir....
LAMARTINE.
Harmonies ; Le premier regret.
Jygnes du lac Léman, que je vous porle envie!
Sous tant de ciels divers quand je traine ma vie,
Sans parents, sans amis, vagabond, exilé,
Quand je poursuis sans but ma course solilaire,
Et que je cherche en vain un écho sur la terre,
A qui jeter le cri de mon cœur isolé ;
De vous voir, vous si blancs, dans cette onde si pure
Dont le sein vous tient lieu de tout dans la nature,
De mère, de berceau, de tombe et d'univers,
Vous nourrir d'un bonheur qui пе peul êlre un songe,
Soit qu'en l'azur du lac votre aile en paix se plonge,
Soit qu'en l'azur des cieux elle fende les airs!
265
Tandis, pauvres humains, que nolre âme incertaine,
De chimère en chimère, en sa course lointaine,
Avide d'autres biens et de nouveaux climats,
Brise tous les liens les plus saints de la vie,
Pour trouver loin des siens et loin de la patrie
Un bonheur que le sort lui refuse ici-bas ;
Le deslin en bienfaits pour vous se fit prodigue :
Sans ennuis, sans remords, sans guerre, sans intrigue,
Plus simples vous savez êlre meilleurs que nous;
Vous ne songez jamais à chercher d'autres plages :
Vous êles si bien faits pour orner ces rivages,
Et le beau lac Léman est si bien fait pour vous!
Si vous aimez un jour c'est pour toute la vie.
Allachés à ces bords ainsi qu'à volre amie,
La méme chaine unit vos destins et vos cœurs;
Vous ne savez jamais vous servir de volre aile
Que pour vous caresser; de l'amour infidèle
Vous ne connaissez point les tourments el les pleurs.
Si, quillant volre lac, vos nids, volre conipagne,
On vous a vus parfois aulour de la montagne, .
Planer au-dessus d'eux, en un joyeux essor,
On ne vous vit jamais en dépasser la crèle,
Mais vers ces flots bientôt vous délouruez la lêle
Et revenez lremblants de changer votre sort.
La plume que vos becs jettent au flot qui passe
Ne vous enlève rien, une aulre la remplace ;
Vous vous faites un jeu de ses légers flocons ;
Mais lorsque nous semons sur le lac de la vie,
Nos rêves, vain duvet dont l'âme élait remplie,
Rien ne nous rend les biens qu'avec eux nous perdons.
Les rides qui se font autour de vous sur Ponde
N'y laisseront jamais une trace profonde ;
Le plaisir les imprime, un instant de repos
Voit au cristal des eaux renaître votre image.
Vous, vous ne comprenez pas même leur langage,
Mais les rides, hélas! creusent jusqu'à nos os.
266
En merveilles pour vous la nature s'épuise,
Des Alpes à la grève où votre bec s'aiguise,
Des cristaux du glacier à vos lits de gazon.
Dans quel lieu, dévorés d'une fièvre secrète,
Oiseaux, vous feriez-vous jamais une retraite
Plus charmante, au milieu d'un plus noble horizon?
Lorsque l'astre du jour sur les monts étincelle,
Comme un fleuve doré sa lave qui ruisselle
Vient se joindre à vos jeux entre les flots tiédis ;
Et pour votre repos rafraichissant les ondes,
La lune sur le lac sème ses clartés blondes,
Et berce du regard vos membres engourdis ;
Pour éloigner de vous la foudre et la tempête,
Quand sous votre aile en paix sommeille votre tête,
Afin que prolégés par son rayon jaloux,
Vous puissiez, éveillés par le chant de l'aurore,
Aux mêmes voluptés vous préparer encore,
Et voir le méme azur naitre el mourir sur vous.
Jusque sur votre mort le ciel versant ses grâces,
De son amour pour vous nous montre encor les traces,
Et lorsque l'homme hélas! le soir du dernier jour,
Au fond de son orgueil trouve encor un blasphème
Pour disputer, ingrat, cette heure au Dieu qui l'aime,
Votre dernier soupir est un hymne d'amour.
PAuL BELLEUVRE.
DESCRIPTION
DE
DEUX CAS DE MONSTRUOSITES COMPARES
OBSERVES
l'un sur un jeune canard, l'autre sur un jeune poulet
Les monstres complexes qui font l'objel des observations sui-
vanles, offrent entre eux beaucoup d'analogie; l'un n'est, pour ainsi
dire, qu'un degré de l’autre et réciproquement. Il n'était done pas
sans intérêt d'avoir pu rapprocher leurs descriptions. Ils appartien-
nent tous deux à la classe des monstres doubles autositaires et vien-
nent se ranger dans deux familles trés voisines : l'un. parmi les
monocéphaliens, l'autre parmiles sycéphaliens. Sans insister davan -
lage sur le classement léralologique de ces phénomènes, nous allons
en donner successivement l'histoire.
1. — Monstruosité double observée sur un fœtus de canard.
(Autositaires monocéphaliens.)
Cet èlre phénoménal , avant d'être soumis à la dissection , a élé
présenté à Ja Sociélé de Biologie, vers le mois de juin dernier. Pour
compléter son étude, la disposition des organes intérieurs a dû être
268
examinée avec soin; c'est се qui a été fail, et voici aujourd'hui le
résultat de ce travail :
L'animal provient de la commune de Farges, près Ribeyrac (Dor-
dogne), oü il est né au mois de mai 1855. On ignore quelles étaient
les dimensions el le volume de l'œuf d’où il est sorti el si cet œuf a
élé couvé par une cane ou par une poule. Il parait seulement à peu
près certain qu'après l'éclosion , les deux jeunes oiseaux soudés en-
semble ont vécu pendant quelques minules.
Ils ont été conservés avec soin dans l'alcool, et aprés une macé-
ration assez prolongée, leur poids a élé trouvé de 22 grammes. Il
devait étre nécessairement plus considérable à la naissance. Sans
connaîlre au juste le poids que doit avoir un jeune canard naissant,
il est facile de voir, d’après le volume général du canard double, que
l'œuf qui l'a contenu ne devait pas avoir une grosseur sensiblement
supérieure à celle d'un ceuf ordinaire de canard. De telle sorle que
le développement des jeunes oiseaux, assez parfait sous le rapport
de la forme, a dü se faire aux dépens de leur volume et de leur
masse.
La forme extérieure générale de cet étre complexe s'apprécie bien
facilement, et on s'en rend bienlót compte par un examen méme
superficiel. On voit deux paires d'ailes, deux paires de paítes, deux
axes verlébraux et une seule lêle. On reconnait qu'on a affaire à
deux individus entre lesquels s'est établi une fusion partielle. L’u-
nion est antéro-latérale et n’a pas lieu exactement par la face ven-
trale. L'axe d'union et les deux axes vertébraux convergent vers la
tête commune. Les deux corps sont parfaitement symétriques, par
rapport à son axe verlébral. En effet, les côtés par lesquels les deux
êtres se correspondent sont rétrécis et comme atrophiés; tandis que
les deux autres cótés qui sont libres ont pris une large expansion et
sont venus former une paroi lalérale et antérieure à une vaste cavilé
viscérale commune aux deux individus. La soudure existe dans
loute la portion sus-ombilicale des deux êtres ; au-dessous de l'ombi-
lic, la séparation est complete. Une large ouverture ombilicale
existe dans l'angle méme de la bifurcation ; il y a donc deux coccyx
el deux anus.
Les huit membres sont remarquables par leur développement
parfait et bien symétrique. Dans chaque membre on constate l'exis-
tence de chaque segment avec ses dimensions relatives normales.
Les ailes se terminent par des plumes déjà assez longues. Les pattes
sont bien palmées et présentent quatre doigls dont un plus court el
opposé aux trois autres.
Les deux axes verlébraux existent bien individuellement depuis la
269
pointe du coccyæ jusqu'à la base du crâne. Dans toute la partie qui
correspond au lronc, les axes sont presque opposés el séparés l'un
de l’autre par toute la largeur de la cavilé viscérale commune, bien
que cependant ils soient un peu rejetés en arriere. Au cou, le con-
lact devient immédiat; les deux colonnes vertébrales sont juxtapo-
sées el se correspondent par leur partie latérale. Au-devant se
trouvent les organes ,viscéraux du cou, dont nous délerminerons
plus tard le nombre et les espèces.
H n'y a qu'une têle commune aux deux individus, avons-nous
dit. En effet, malgré l'examen le plus attentif, on n’est conduit à
ne soupçonner ici aucune dualité. Il est vrai de dire que celle
léte unique a subi des altéralions dont nous ignorons la cause. La
voûte cranienne manque entièrement; on ne voit à sa place que des
anfracluosilés remplies Gune masse páteuse , qui рагай êlre la ma-
liére cérébrale durcie par l'alcool. Lorsque cette matière a élé déta-
chée, on a pu voir les deux orifices supérieurs des deux canaux
verlébraux qui venaient déboucher dans l'unique cavilé crânienne ,
juxtaposés comme deux canons de fusil.
ll existe deux yeux, disposés bien symétriquement de chaque côté
de la lêle. П y a aussi deux orifices extérieurs pour l'organe de louie,
silués au-dessous et en arrière de l'œil. Il n'y a qu'un bec, dont la
lame supérieure est réduite à un pelit bourgeon corné, incompléte-
ment développé, el surmonté de deux narines. La lame inférieure
du bee est large et bien conformée. Il n'y a qu'un seul orifice buccal.
Malgré tous ces caracléres qui semblent démontrer l'unité de l'ex-
trémilé commune aux deux individus, on ne peul s'empêcher de
supposer que celle têle est complexe et formée de parlies apparte-
nant à chacun des individus. Eu effet, la dualité est si parfaile par-
tout ailleurs dans les organes de la vie de relalion, Гахе nerveux
central de chaque èlre est si longtemps indépendant, puisqu'on le
suit isolément jusque dans la cavilé crânienne commune, qu'on peul
légitimement admettre que celle lêle résulte de la fusion de deux
têtes. Du reste, toul s'explique très bien dans celle maniere de voir.
Les parties situées à droile apparliennent au canard de droite, celles
qui sont à gauche dépendent du canard de gauche. L'œil droit n'ap-
partient pas au méme individu que l'œil gauche, de même pour l'o-
reille, pour la narine et pour chaque moilié du bec, de la cavité
buccale et de la langue. Toutes les parties symétriques les plus rap-
prochées de l'axe d'union se sont donc fondues ensemble et ont dis-
paru méme. Il faut rejeler l'idée ипие pour la lêle, ou bien ad-
mettre que l'un des deux individus élait acéphale. Celle dernière
supposilion esl moins vraisemblable que la première, Sans doute
270
notre explication aurait beaucoup plus de valeur, si par une dissec-
lion minulieuse, on ейі pu reconnaître des traces des parlies mé-
dianes qui auraient échappé à une fusion , dont le dernier terme est
l'absence complète des moiliés les plus rapprochées de l'axe d'union.
Nous l'avons déjà dit, cette conslalation n'a pas élé possible.
Appareil digestif. — Il n'existe qu'un orifice buccal, et qu'une seule
langue. Cette unité se poursuit jusqu'au gosier, car il n'y a qu'un
cesophage ; mais au gésier la dualité reparait. Au lieu de voir un
tube membraneux tangent à un renflement musculeux, qui consti-
lue l'estomac de certains oiseaux, et entre aulres du canard, on trouve
un large œsophage, s'ouvrant au sommel d'une poche à parois épais-
ses el ayant la forme d'un cœur de carte a jouer. L'échancrure de ce
cœur est tourné en bas; il en пай un inteslin unique. L'unité per-
sisle jusque vers le premier tiers de la longueur totale de ce canal;
puis celui-ci se bifurque, el chaque branche de bifurcation aboutit à
un anus parliculier,
En effet, nous avons vu que la séparalion des deux individus était
absolue au-dessous de l'ombilic. Quant au point précis oü a lieu la
séparalion des inleslius, il est supérieur aux ccecums; car оп re-
lrouve ceux-ci sur chacune des portions pelviennes ou anales du
lube digestif.
Il est difficile de dire s'il y a deux foies, ou s'il n'y en a qu'un. En
effet il y a des lobes hépaliques se touchant et remplissant toute la
parlie supérieure de la cavité abdominale commune. Ils sont situés
en arriere el de chaque cólé de l'estomac unique. Probablement la
dualité de l'appareil hépalique existe, mais la fusion par rapproche -
ment s'esl opérée plus ou moins complétement.
Les rales et les pancréas onl échappé à l'examen.
Il exis:ail des reins pour chaque individu; les reins étaient situés
de chaque côté de chacun des deux axes vertébraux et appliqués
contre la paroi postérieure de la cavilé viscérale commune.
Il n'a pas élé possible de relrouver d'organes génilaux, par consé-
quent le sexe de ces élres resle indéterminé.
La cavilé abdominale commune élait loin d’être remplie par les
organes que nous venons de décrire. Elle élait encore occupée par
une masse considérable de vilellus, qui comblail les moindres espaces
laissés libres au milieu des viscères abdominaux. Le foie, malgré
son volume, était comme pendu derrière ces amas de jaune. Les gra-
nulalions de celle malière élaienl retenues par une mince membrane
сі consliluaient deux gros lobes principaux, correspondant à chacun
des deux élres. Il ne parait donc pas douleux que le vitellus en fül
double; par conséquent, l'œuf contenait deux jaunes, comme cela
271
se rencontre quelquefois du reste. D'une autre рагі la présence de
deux gros inleslins et les larges dimensions de l'anneau ombilical
doivent faire admettre une double allantoide et un double chorion,
qui en dehors des fœtus se sont peut-être réunis par fusion dans l'in-
térieur de l'œuf.
Appareil circulatoire. — Il n'existe qu'un seul cœur, ce cœur n'a
que ses qualre cavilés normales. Une aorte unique naissait du ven-
tricule gauche; mais bientôt cette aorte se bifurquait et chaque
branche allait se porter sur la partie antérieure de l'axe vertébral des
deux individus. Des deux courbures naissaient les branches du cou
et du membre supérieur. Il n'y avail que deux arléres carotides
primitives.
L'existence d'un seul cœur esl ici un fait bien remarquable.
Faut-il admettre qu'il y a eu fusion des deux systèmes arlériels au
niveau méme du centre d'impulsion , en supposant une disposition
semblable pour le système veineux? Ou bien n'y a-t-il réellement
qu'un seul cœur qui primilivement, grâce a des anaslomoses con-
sidérables entre les gros vaisseaux des individus, aurail suffi et au-
rait rendu inutile l'autre cœur et arrêté son développement. Nous
serions tentés d'admettre plutôt la première hypothèse, à cause de
la double crosse aorlique et de l'union de ces deux crosses sur un
point trés rapproché du cœur, en un mol à cause de la symétrie
méme des gros troncs vasculaires. La disposilion du système vei-
neux élait analogue à celle du sysleme artériel et donne lieu aux
mêmes réflexions.
Appareil respiratoire. — La cavilé thoracique commune est for-
mée en arriére par la ligne d'union des deux moiliés des sternums
appartenant respeclivement à chacun des deux individus; sur les
cólés on voyailles deux axes verlébraux séparant chacune des deux
profondes goullières coslo-verlébrales; les sillons inlercoslaux of-
fraient eux-mêmes une cerlaine profondeur ; en avant, les bords des
deux aulres moiliés respeclives des slernums reslaient à distance el
étaient reliées par une paroi membraneuse. Les goullières inter-
costales élaient remplies par du tissu pulmonaire; mais il n'y avail
qu'un seul poumon qui offrit un volume apparent el qui méme sem-
Шаг avoir respiré : c'élail le poumon droit du canard, situé à droite
de l'axe d'union. Au cou, au-devant de l'eesophage unique, une tra-
chée-arlére bien développée, qui plus bas se bifurquail el semblait
uniquement deslinée au canard de droite. Pour le canard de gauche,
c'est avec peine qu'on a pu constater une trachée d'un trés pelit ca-
libre, complétement aplalie et rejelée à gauche et en arrière de
l'esophage. L'existence de qualre espaces normalement destinés
272
aux poumons rendait beaucoup plus indispensable la présence des
deux trachées el l'indépendance des deux appareils respiratoires ,
que celle de deux cesophages pour l'appareil digestif; car ici la fu-
sion était beancoup plus naturelle et beaucoup plus facile.
Telle est la description de ce canard monstrueux. Remetlant après
l'étude du poulet qui offre une monstruosité analogne, les réflexions
que nous suggerent ces élres complexes résultant de la fusion plus
ou moins complete de deux individus, nous dirons que rien n'est
plus facile maintenant, que d'assigner à ce monstre la place qui lui
convient dans les classifications lératologiques.
Il appartient à la classe des monstres composés ;
A l'ordre des aulositaires ;
A la tribu des aulosites unis par toutes leurs portions sus-ombi-
cales;
A la famille des monocéphaliens ;
Au genre déradelphe ;
Enfin , d'après la remarque de Geoffroy Saint-Hilaire, l'espèce est
consliluée par l'existence méme de cel être phénoménal.
lI. — Monstruosité double observée sur un fœtus de poulet.
(Aulosilaires sycéphaliens).
Nous avons encore moins de détails sur l'origine de cet être mons.
Irueux que pour celui qui fail l'objel de la description précédente.
Toutefois, les caractères de la monstruosilé sont tellement tranchés
qu'il suffil, pour notre but, de les constater; en voici le récit suc-
cinct.
C'est une monstruosité par conjugaison anléro-latérale. La son-
dure a lieu dans. toute Ја portion sus-ombilicale des deux êtres ; leur
indépendance est complete dans leur partie pelvienne ou sous-om-
bilicale. Il y a un axe d'union par rapport auquel les deux individus
offrent la symétrie la plus parfaite. Il y a deux axes verlébraux à
peu près opposés dans loule l'élendue du tronc. Ces deux axes con-
vergent vers le cou et viennent se toucher par leur face antérieure ;
puis ils se séparent et vont aboutir à deux léles réunies entre elles
d'une manière trés inlime, mais cependant trés évidente. Le rapport
de ces têtes est extrêmement remarquable. Au lieu de se toucher
naturellement par les deux faces qui devaienl se correspondre
lorsque les deux individus se sont rapprochés latéralement, elles ont
éprouvé un mouvement de torsion d'arrière en avant el de dehors
en dedans; de telle sorte que les deux occipuls regardent en avant
TS
273
et que le bee complexe est dirigé en haut et en arrière. Ainsi le côté
droit de la face du poulet, situé à droite de l'axe d'union, répond au
cólé gauche du poulet de gauche.
Mais ces deux téles sont loin d'étre completes. La fusion, bien
que moins avancée que chez le canard double, a néanmoins fail
disparaître quelques-unes des parties les plus rapprochées de Гахе
d'union. Vers le bec la fusion est complète, au point que celui-ci
parait unique. La fusion ici n'a pas eu lieu par rapprochement la-
léral, comme dans l'autre observation, mais bien par convergence
angulaire. Aussi la dualité perd successivement ses caractères de-
puis l'occipul jusqu'au sommet du bec. En се point méme le croi-
sement est de telle nature, qu'on est dans le doute pour savoir si
chez l'un des poulets, le développement de ce prolongement de la
face n'aurait pas manqué, et si le bec qui existe n'apparliendrait
pas à l'autre exclusivement. En effet il semble que le poulet de
gauche soil venu se souder, par la parlie antérieure de sa face, sur
la partic latérale droite de la face du poulet de droite. L'arrêt de dé-
veloppement parail n'avoir porlé que sur la mâchoire supérieure,
car la lame inférieure du bec a une de ses moiliés qui appartient
assez manifestement au poulet dont nous parlons. De toules ma-
uières la lame supérieure du bec est mal conformée; elle est grosse
el taberculeuse; il ne serait pas impossible qu'elle fût double. La
symétlrie a donc disparu en partie ici. Il faut expliquer ce fail par
l'existence de celle torsion singulière des deux téles qui se sont
unies d'une manière inverse à celle des deux corps. Du reste ici la
lame inférieure du bec est supérieure el. postérieure relativement à
la face ombilicale de l'être; la lame supérieure est devenue infé-
rieure par conséquent.
On retrouve latéralement deux yeux, ou, pour mieux dire, deux
fentes palpébrales. L'un est l'œil droit du poulet de gauche, l'autre
est l'œil gauche du poulet de droite. Sur la ligne médiane, près de
l'axe апор, on voit d'abord à droite de cel axe une autre ouver-
ture qui semble être l'œil gauche du poulet de gauche. A gauche de
l'axe, est une large ouverture qui communique avec la cavilé сга-
nienne cl qui correspondrait assez bien à Voeil droit du poulel de
droite. Mais il semble plutôt que la conjugaison des deux leles
a eu lieu précisément au niveau de cet ceil et qu'il aura disparu par
ce fail.
Les autres organes des sens ont échappé à l'examen.
En résumé il y a donc deux colounes verlébrales dislinctes el deux
cranes ; par conséquent il y a deux moëlles épinières el deux encé-
phales, Ceux-ci étaient plus ou moins indépendants, car il a été
18
274
impossible d'opérer naturellement la séparalion des deux cranes.
Tous les membres sont bien développés el surlout leur dévelop-
pement est parfaitement symétrique.
Appareils digestif et génito-urinaire. — Il n'y a qu'une seule ou-
verlure buccale, qu'une seule langue et qu'un très large cesophage
inlerposé à deux trachées, ainsi que nous le verrons. Cet œsophage
aboutit à un gésier trés évidemment double. En effet ici la duplicité
est encore plus accusée que dans le cas précédent; les gésiers
existent indépendamment l'un de l'autre, seulement l'eesophage
unique s'interpose entre eux el. s'ouvre simultanément dans cha-
cune de leurs cavilés : c'est que cel cesophage lui-même résulte de
la fusion de deux cesophages; la paroi de contact a disparu dans
toute son étendue, mais l'individualilé s'est mieux conservée pour
chacun des estomaes. Il résulte de là que les gésiers semblent com-
muniquer entre eux à l'aide d'une poche intermédiaire, à parois
minces, qui contraste avec la poche slomacale à parois fortement
musculaires; un seul intestin succède à ces deux estomacs et naît
de la poche intermédiaire ; mais il ne conserve pas longlemps son
unilé. Aprés une longueur de deux centimètres au plus, il se
bifurque. Il y a donc ensuite deux inleslins gréles et deux gros in-
leslins, chacun avec les deux coecums. Enfin il y a deux anus tres
éloignés l'un de l'autre et trés indépendants, puisque nous avons
vu que la soudure des deux êtres n'exislail pas au-dessous de l'om-
bilic.
Le foie est très volumineux el à plusieurs lobes; il рагай évi-
demment double. La rale et le pancréas ont échappé à l'examen ;
les reins sont doubles pour chaque individu. On n'a pas trouvé de
trace d'organes génilaux.
Appareil circulatoire. — Le cœur parait unique el les vaisseaux
qui eu naissent offrent la plus grande ressemblance dans leur dis-
posilion avec ceux du canard double. Cependant nous devons avouer
qu'il reste quelques doutes sur la nalure du mode de conjugaison
des deux cœurs, si nous tenons à admellre naturellement la dualité
du cœur unique. Au milieu de l'inlricalion de vaisseaux et de par-
lies depuis longtemps décolorées par l'alcool, il n'a pas élé facile de
bien distinguer les artères des veines el les rapports des cavités du
cœur. Il semble ici que la fusion soit moins intime que dans le cas
précédent. En effet, la séparation en deux moiliés du cœur com-
plexe s'est faile très naturellement et sans rompre autre chose que
des liens cellulaires. H a paru qu'il existait quatre cavités ventricu-
laires et que les ventricules aortiques élaient en contact trés intime
el s'inlerposaient aux deux ventricules pulmonaires.
275
Appareil respiratoire. — Il y avail deux lrachées : l'une plus appa-
rente que l’autre passait au-devant de l'eesophage et appartenait au
poulet de droile ; l’autre, plus étroite et comme aplatie, appartenait
au ponlel de gauche et passait derriere l'aesophage commun. Du
reste les quatre goullières costo-vertéhrales sont trés bien ménagées
et supposent l'existence de quatre poumons ; mais nous n'avons pas
pu reconnailre le lissu pulmonaire à cause de la macéralion dans
l'alcool.
Des différents détails d'organisation que nous venons de signaler,
nous pouvons en déduire, pour ce monstre, le classement térato-
logique suivant.
П apparlient à la classe des monstres composés ;
A l'ordre des aulosilaires ;
A la tribu des aulosites unis par toutes leurs portions sus-ombi-
licales ;
A la famille des sycéphaliens ;
Au genre iniope.
Même réflexion au sujet de l'espèce que dans le cas précédent.
Ш. — Réflexions sur les monstruosités doubles.
Lorsque deux élres viennent à s'unir à une période quelconque
de la vie embryonnaire, on peut se demander si la fusion plus ou
moins complele, qui en résulte alors, se fail d’après certaines règles,
ou bien si elle reconnait le hasard pour seule loi.
Il est certain que dans beaucoup de cas l'union est régulièrement
et symélriquement opérée, c'est ce que l'on observe le plus souvent
pour les monstres autositaires. Dans d’autres circonstances au con-
lraire, loul veslige de symétrie a disparu, il n'y a plus d'axe
d'union, ainsi que cela exisle pour les monstres parasilaires.
En jelant un coup-d’ceil sur toutes les observalions de monstruo-
silé double, on peul voir que tous les degrés de ce phénomène ont
été constatés. Les jumeaux, dans les espèces animales qui ne portent
habituellement qu'un produil, sont pour ainsi dire le premier terme
de celle série, de méme la présence de deux jaunes indépendants
dans un œuf. Puis viennent les monstres unis par un point tres
restreint de leur corps, et ayant chacun leur ombilic el une vie in-
dépendanle (ensomphaliens). Ensuile nous lrouvons successive-
ment : les monomphaliens, les monosomiens, les monocéphaliens,
el nous finissons par les parasilaires.
276
A mesure que l'union simple el partielle est rempiacée par une
fusion de plus en plus intime des deux êtres, nous voyons les ca-
racléres des individualités s'affaiblir et même disparaitre, au moins
pour l'un des deux animaux conjugués. Mais à quel terme l'une des
individualités est-elle contestable? Est-ce quand il n’y a plus qu'un
seul ombilic, qu'un seul cœur, qu'une seule lêle, et que quelques-
uns des membres ont disparu? Les considéralions lirées de l'ombilic
unique ou de l'unité du centre circulaloire, n'ont aucune valeur.
Quand méme, en effet, l'analyse anatomique ne viendrait pas dé-
montrer la dualité dans ces parties et que l'esprit ne l'admettrail
pas au moins virluellement, il n'en faudrait pas moins reconnaitre
l'existence de deux individualités, si d’autres raisons les démontrent.
Ne voit-on pas chez certains polypiers une mullitude d'individus
puiser les malériaux de leur organisalion à une source commune?
Même réflexion dans le cas où le monstre n'a qu'une seule têle, en
supposant méme que l'un de ces deux élres est acéphale.
Ce qui paraît surtout constituer l'individualilé, c'est la présence
d'un axe verlébral. Celle existence méme de deux axes verlébraux,
chez les monstres doubles aulosilaires , enlraine avec elle des con-
séquences trés importantes : telle est, par exemple , la dualité dans
la plupart des appareils de la vie de relation. La dualilé existe d'une
maniere évidente ou bien elle est remplacée par une symétrie par-
faite par rapport à l'axe d'union. Si des membres viennent à man-
quer, méme symétrie dans ceux qui persistent; à moins que l'un
des élres ne soil individuellement monsirueux et n'ail éprouvé cer-
tains arréls de développement. C'est la un premier degré de mons-
truosilé parasilaire.
Celle symétrie, que nous signalons ici, a élé invoquée comme
l'un des grands caractères des organes de la vie de relation; il est
assez remarquable que la symétrie par duplicalion monstrueuse
soil aussi tranchée que la symétrie individuelle. C'est pourquoi on
a dit que les animaux verlébrés, considérés organiquement dans la
vie de relation, élaient doubles. Ces appareils de la vie organique
ont, en général, des caractères opposés ; aussi doil-il sembler moins
singulier que la fusion s'opère plus facilement entre ces appareils,
dans les cas de monstruosité double, que pour les organes de la vie
de relation; et ici, bien évidemment, l'analyse anatomique doil
poursuivre avec moins de confiance la démonstralion de la dualité
des organes confondus ensemble.
Quant à la cause première de ces monslruosités, elle nous échappe
complètement. Pour ne parler que des deux cas que nous avons
rapportés, faut-il admettre que l'union des deux élres n'a eu lieu
277
qu'à une époque quelconque du développement embryonnaire ? Ou
bien la fusion date-t-elle de la formation des ovules par la fusion
méme des deux jaunes; ou dépend-elle de l'apparition de deux
lignes primilives dans un seul jaune? On comprend bien que ces
questions, malgré l'intérêt qu'elles présentent, resteront longtemps
sans réponse.
J.-L. SouBEIRAN et A. LUTON.
21 décembre 1855.
NOTE
SUR
LA RÉCOLTE DE LA GOMME ADRAGANTHE
EN ASIE MINEURE,
Un des produits les plus importants que l'Asie Mineure soit en
possession de nous fournir exclusivement, est certainement la
gomme adraganthe, dont le commerce fait un trés grand usage pour
diverses industries el pour l'usage pharmaceulique. Je profile de
renseignements trés précieux que je dois à l'amitié d'un de nos plus
ardenls et habiles naturalistes voyageurs, M. Balansa, pour faire
connaitre l'histoire de la récolte de ce produit. Déjà, dans le courant
de l'anuée derniere, j'ai indiqué (1) quelques-unes des parlicularilés
de celle récolte, mais dans le couraut de celle année, M. Balansa a
profité d'une nouvelle exploration scientifique qu'il a failte en Asie
Mineure, pour étudier plus complétement la question, et méme il a
pris soin de me rapporter un pied d' Astragalus, qui porte une plaque
de gomme adraganthe ; et celle précaution me permellra de sou-
mettre à la Société Linnéenne de Maine el Loire une histoire com-
pléte du produil qui nous occupe.
(4) Journal de Pharmacie.
279
En 1553, dans ses Observations en Grèce, Asie, elc., Pierre Bélon
écrivait (p. 205) :
« Estat de séjour en la ville de Bource, iay apperceu que l'vsage
» de la gome qu'on appelle Tragachant est tellement en vsage qu'on
» y en consomme plus de quatre mille liures par an, pour donner
» lustre à la soye. Les paisants de Nalolie, aduerliz du gaing, la vont
» amassant par les pays de Mysie, Phrygie, Gallogrèce et Paphla-
gonie, el la apporlét vendre en Bource, dont ils recoiuent inconti-
nent leur argent comptant. Ceulx qui ont escrit qu'on l'apportoil
de Créte à Venise, sont grandement trompez. » L'opinion émise
par Bélon est aujourd'hui connue de tout le monde conime par-
faitement exacte, mais les détails de la récolle n'ont jamais, que je
sache, été donnés avec assez de développement, et c'est le vide que
je viens aujourd’hui tàcher de remplir.
Les Astragalus, qui sont mis en exploitation à cause du suc vis-
queux qu'ils concrèlent, se trouvent en trés grande abondance dans
l'Asie Mineure, dont ils habitent presque exclusivement les régions
alpines et sous-alpines. Ils appartiennent tous à la section des Tra-
gacanthe et constituent plusieurs espèces extrêmement voisines de
l Astragalus Creticus, Lamark, et qui en sont tellement rapprochées
par l'ensemble de leurs caractères, que très probablement on devra
les rapporter toutes à une seule et unique espèce. Il est vraisem-
blable que cette ressemblance si prononcée fait opérer indifférem-
ment par les Turcs sur les unes ou les autres Tragacanthe.
Les Astragali Tragacanthæ forment, en Asie Mineure, des touffes
épineuses et arrondies de quinze à trente centimètres de hauteur
el offrent des ramifications extrêmement nombreuses, ce qui ne
permet qu'avec la plus grande difficulté d'arriver à leur lige
moyenne, dont le volume dépasse rarement celui du pouce. La tex-
ture de celte tige est entièrement ligneuse, el quand on vient à en
opérer la section, elle laisse exsuder quelques goullelelles de ma-
tière visqueuse et très épaisse qui fournit, par sa dessiccation à l'air,
la gomme adraganthe.
Bien que les Tragacanthæ soient très abondants dans toules les
montagnes alpines de l'Asie Mineure, les Turcs des environs de
Tarsous ne se livrent à la récolle de la gomme adraganthe que dans
la chaine de l'anti- Taurus (4la-Dagh des Turcs), au moins à la con-
naissance de M. Balansa. Ce sont les habilants des petits villages qui
avoisinent la pelite ville de Bareketly, à moilié chemin entre Tar-
sous et Césarée, qui se livrent à celle industrie.
A une certaine époque de l'année, vers la fin de juin ou le com-
mencement de juillet, au moment où la végélalion des Astragalus
У
=
=
x
280
arrive à sa terminaison, quand les fruits sont proches de leur ma-
turité, les habitants de ces villages vont sur la montagne et là, avec
leur couteau, ils font à la base des Astragalus une incision perpen-
diculaire à l'axe de la tige. Avant de pratiquer celle incision, ils ont
soin de déchausser la base de la tige. L'incision doil être assez pro-
fonde pour atteindre la moëlle de la plante, car c'est seulement dans
les parties centrales de la lige que se trouve la matière visqueuse.
Le suc ne sort de la plaie qu'avec lenteur, en raison de sa viscosilé
considérable, el par suile, ce n'est qu'une quinzaine de jours après
celte opéralion que les Tures récollent la gomme qui provient des
incisions.
Active pendant la nuit (c'est surtout vers le soir qu'on incise la
lige), l'exsudation s'arrête ou tout au moins se ralentit le jour, sous
l'influence de l'élévation de la température et de l'évaporation plus
rapide du suc, pour reprendre lorsque reviennent, avec l'obscurité,
la fraicheur et l'humidité.
Les plaques de gomme adraganthe, de consistance cornée, sont
de dimensions trés variables, mais toujours elles présentent des
lignes prolubérantes plus ou moins longues qui, au dire des gens
du pays, correspondent chacune à l'écoulement d'une journée. Les
dimensions des plaques paraissent en rapport avec l'état de l'almos-
phère : ce serait dans les années sèches que les incisions donneraient
surtout la gomme adraganthe, dite en filets, tandis que dans les an-
nées plus humides on obliendrail plus habituellement la sorte dite
en plaques. Quant aux variations de teintes que présente ce produit,
elles semblent lenir de l’âge des plantes exploitées, de leur exposi-
tion différente, plus qu'aux soins donnés à la récolte.
L'exsudation qui donne ainsi une plaque pour chaque pied d'As-
tragalus, fatigue la plante au point qu'il faut la laisser reposer au
moins deux ou trois ans avant de la remettre de nouveau en exploi-
lalion.
J.-L. SOUBEIRAN.
20 janvier 1857.
MARAIS A SANGNUES DE CLAIREFONTAINE '
ÉTABLISSEMENT DE M. BORNE.
Le marais de Clairefontaine, près de Rambouillet (Seine-et-Oise),
où M. Borne, depuis plusieurs années déjà, élève et reproduit avec
succès les sangsues, est situé au fond d’une petite vallée lourbeuse
qui présente les meilleures conditions pour une heureuse exploila-
lion. En effet, l’eau se trouvait naturellement au niveau du sol et
élait seulement cachée par les herbes ; aussi a-t-il suffi d'un travail
extrêmement simple pour disposer les lieux dans létat auquel ils se
trouvent aujourd'hui.
Le terrain n'est pas uniquement conslilué par de la tourbe, mais
il offre eu méme temps une certaine proporlion de glaise et de sable
qui lui donnent les qualités les meilleures et les plus à la convenance
des sangsues. Car on sail que celles-ci choisissent toujours pour s'y
enfoncer un fond de sable noir, mêlé de toarbe ct d'argile, de préfé-
rence à tout autre fond, el paraissent s'y trouver beaucoup mieux
que lorsqu'un de ces trois corps vient à manquer.
L'exposition du marais est celle du sud el du levant et c'est aussi
celle que l'expérience a démontré étre la plus convenable pour les
sangsues.
(1) M. E. Soubeiran a lu à l'Académie impériale de Médecine , dans la séance
du 13 décembre 1853, une Notice sur le marais à sangsues de Clairefontaine, qu
donnait les renseignements sur les travaux de M. Borne jusqu'à cette époque, et que
le travail actuel est destiné à compléter.
282
Les bassins, auxquels on peut donner la forme et la grandeur que
l'on vent, sans qu'il y ait d'inconvénients graves pour les animaux,
ont six mètres de longueur environ sur trois de largeur el un de
profondeur. M. Borne a choisi cette disposilion parce qu'il rend la
surveillance beaucoup plus facile, permet d'en examiner commodé-
ment toutes les parties et de s'emparer avec plus de certitude des en-
nemis des sangsues dés qu'on s'apercoit de leur présence. Dans ces
derniers temps, M. Borne a réduit la largeur de ses bassins à un mé-
tre et demi environ, et il paraît les trouver plus avantageux que ceux
qu'il avait établis auparavant.
Les berges, formées au moyen de moltes de tourbe enlevées pour
creuser les bassins, excèdent de toute leur hauteur le niveau de l'eau,
lequel se trouve à la superficie du sol.
La profondeur est calculée de telle sorle qu'il y ait de trente à
quarante centimètres d'eau sur toute la longueur du bassin; on a
ainsi l'avantage précieux de pouvoir atteindre plus facilement les
ennemis des sangsues, dont beaucoup se tiennent au fond de l'eau,
et d'autre part cela n'a pas d'inconvénient pour les sangsues, qui
s'enfoncent dans la vase à une profondeur qu'il est assez difficile de
préciser exactement et d'où elles ne sortent guère que lorsque quel-
que appât de nourriture les attire au dehors. Celte habitude même
qu'elles ont de s'enfoncer dans la vase a indiqué à M. Borne qu'il
élait avantageux de remuer et de pétrir les terres qui doivent cons-
lituer le fond des bassins pour augmenter la proporlion de vase, el
donuer ainsi aux sangsues plus de facilité de s'y enfoncer.
Les bassins présentent une notable quantité d'herbes aquatiques,
car dés qu'elles manquent, l'heureuse exploitation en sangsues esl
singulièrement diminuée, quand méme elle n'est pas complétement
rendue impossible.
Il n'en est pas de méme des berges qui doivent êlre en lalus unis
el ne pas présenter une végétation trop abondante, car elle aurait
principalement pour résultat de donner asile el de recéler une mul-
litude d'insecles qui font une guerre acharnée aux sangsues el à
leurs cocons. M. Borne a reconnu que le meilleur moyen pour
former les berges etait de prendre les terres mêmes qu'on relire en
creusant les bassins.
M. Borne s'est parfaitement trouvé de la présence 41015 au milieu
des bassins, ilots qui peuvent présenter toutes les formes que l'on
désire sans que cela influe sur le résullat : la seule condilion à rem-
plir c'est qu'ils s'élèvent de quinze à vingt centimètres au-dessus du
niveau de l'eau, et qu'ils soient faits d'un terrain mou, sur un fond
ferme, pour permettre leur facile pénétration par les sangsues. Leur
283
nombre doit toujours être assez restreint, et, de même que les ber-
ges, ils ne doivent pas être couverts de plantes, non pas que les
sangsues le préfèrent, au contraire; mais les grandes herbes et les
roseaux qui sont au-dessus de l’eau ont l'inconvénient insigne de
servir de repaire aux musaraignes et aux autres ennemis des sang-
sues, inconvénient qui compense et au-delà l'avantage de donner
aux sangsues les îlots couverts d'herbes qu'elles préfèrent.
Lorsque la température s'abaisse, les sangsues s'enfoncent davan-
lage dans la vase et n'en sortent qu'avec une extreme difficullé,
landis que si la température devient assez élevée, elles quittent l'eau
qui est tiède pour chercher de l'ombre sous les herbes aquatiques,
el par les plus chaudes nuits d'été, ainsi que l'a observé M. Borne,
elles aiment à se reposer sur les herbes.
L'eau stagnante, qui remplit les bassins de Clairefontaine, exsude
de tout le terrain et est légèrement ferrugineuse. Dans certains bas-
sins elle est limpide, dans d'autres elle est vaseuse, mais cela ne
parait pas influer sur les sangsues, qui semblent se plaire autant
dans les uns que dans les autres.
L'eau des bassins a un niveau qui est toujours sensiblement égal ;
cependant quand la ponte des cocons correspond à une période de
sécheresse peu intense, il y a avantage pour les résullats obtenus,
au lieu qu'une crue de l'eau offre alors de graves inconvénients. En
ayant ainsi des bassins à niveau constant, on a l'avantage de ne pas
noyer les cocons et par suite de ne pas les détruire, et les jeunes
sangsues peuvent aller en pleine eau dés qu'elles se sentent assez
robusles pour cela. Leur élevage se fait ainsi, moitié à sec, moilié
en pleine eau, sans qu'il y ait dans les marais des allernalives de
mise en eau el de mise à sec; ce qui est certainement le meilleur
mode d'opérer pour tirer de l'exploitation des marais tous les béné-
fices qu'on est en droit d'en exiger.
Les sangsues des marais de Clairefontaine sont nourries par les
soins de M. Borne, qui y trouve l'avantage d'assurer la reproduction
d'une part, et de faire arriver plus rapidement ses élèves à l'état de
sangsues marchandes ou de propres à être livrées à la consomma-
lion. En effet, il a reconnu avec tous les hirudiculteurs, que quand on
abandonne à elles-mêmes les sangsues pour trouver leur nourriture,
elles ne rencontrent qu'uu pelit nombre d'animaux qui puissent
leur servir de viclimes, et que d'aillenrs elles ont rapidement épuisé
celle mine nutrilive. N'ayant pas une nourriture suffisamment abon-
danle, elles ne prennent leur accroissement qu'avec une extrême
lenteur, el donnent au producteur des résullals moins avantageux
que quand il les nourrit lui-même,
284
À Clairefontaine on se sert pour l'alimentation des sangsues du
sang des abattoirs, qu'on a complétement défibriné par le battage
avec la main, alors qu'il est encore chaud. Chaque fois qu'il peut
avoir du sang de veau pour nourrir ses jeunes sangsues, M. Borne
préfère l'employer comme moins nutrilif que le sang de bœuf ou de
monton, mais cependant il ne s'est pas aperçu qu'il y eût d’inconvé-
nient à leur donner ce dernier et dans le cas où ayant à nourrir des
filets il n'a pas de sang de veau, il leur donne sans hésiter la méme
nourriture qu'à ses autres sangsues. Lorsque l'on a défibriné le sang,
ce qui du reste est la seule opération préalable, on y plonge im-
médiatement des sacs qui renferment les sangsues que l'on veut
nourrir, et qui ne doivent pas être trop nombreuses dans chaque
sac, trois cents sangsues de moyenne grosseur environ, ce qui leur
permet de se gorger tout à leur aise, sans se gêner les unes les
autres.
S'agit-il des plus petites sangsues, celles qui sortent depuis quel-
ques jours à peine du cocon ou qui n'ont pas encore atteint leur
premiére année, M. Borne se sert de sacs de flanelle, de coton ou de
mousseline qu'on laisse pendant douze minutes dans le sang.
Pour toutes les autres sangsues plus grosses, il fait usage de sacs
de toile claire, mais le temps de l'immersion varie suivant les âges;
car il laisse dans le sang les sangsues de deux ans pendant dix mi-
nules, celles de trois ans désignées ordinairement sous le nom de
petites moyennes, pendant huit minutes, les moyennes, et les grosses
du commerce pendant qualre à six minutes environ.
Aprés ce temps plus ou moins long, M. Borne relire ses sangsues,
les lave avec de l'eau tiède, puis les remet dans de l'eau fraiche el
les reporte dans les bassins. Mais avant de les y abandonner pour
qu'elles puissent opérer leur digestion, il les passe en revue el mel
à рагі toules les sangsues qui ne se sont pas décidées à prendre de
la nourriture et qu'il réserve pour un autre festin; car il pourrait
arriver que l'appétit leur revenant dans le bassin, elles ne cher-
chassent à rattraper l'occasion perdue, en percant la paroi du corps
des autres, et en allant y chercher ainsi le sang qu'elles ont refusé
d'abord.
Au point de vue de l'alimentation on peut ranger les sangsues en
deux calégories , celles qui sont destinées à la réproduclion et celles
qui ne le sont pas. A ces dernieres, M. Borne donne de la nourriture
pendant tout le cours de l'été, en ayant soin d'en régler la quantité
suivant la température el de тейге entre chaque repas au moins
deux mois d'intervalle, temps que l'on a reconnu nécessaire pour la
digestion complète des sangsues. Notons qu'on doit mettre à la diète
285
M
toute sangsue mal porlante, car une mortalité considérable serait le
résullat de leur gorgement dans ces conditions.
Il est très important de ne pas plonger les sangsues dans de l'eau
très froide au sorlir du sang tiède, quand on les lave, de méme qu'il
est facheux de procéder à la nourriture des sangsues pendant que le
temps est lourd el orageux. Car l'observation a démontré à M. Borne
quil y avail alors des résullats moins avantageux et qu'il valait
beaucoup mieux opérer par un temps frais que par les grandes cha-
leurs : il a remarqué aussi que les sangsues se trouvent toujours
mieux de la nourriture qu'elles prennent au printemps, que de celle
qu'elles prennent au milieu de l'élé à l'époque des grandes chaleurs.
Quant aux sangsues de reproduclion, qui sont soumises, comme
les autres, aux influences que nous venons d'énumérer , on ne leur
donne de nourriture que des premiers jours de mars à la fin d'avril,
parce qu'après celle époque commence l'accouplement, suivi de la
geslalion, el pendant toule la période qui s'écoule depuis l'apparialion
jusqu'à la ponte, il serait extrêmement nuisible de nourrir les sang-
sues. Apres la ponte, c'est-à-dire depuis la fin d'août jusqu'aux pre-
miers froids, M. Borne donne de nouveau de la nourriture aux
sangsues de reproduction pour leur permeltre de prendre des forces
et de l'accroissement, la plus grande partie du premier repas ayant
été élaborée par elles pour servir au développement des œufs.
Un des avanlages de lalimentation des sangsues par le produc-
leur est de rendre leur accouplement plus précoce, en méme temps
que les pelites sangsues se produisent en plus grand nombre dans
les cocons, el sont beaucoup plus vives el plus vigoureuses.
H est essentiel de mesurer avec grand soin la quantité de nour-
rilure que l'on donne aux sangsues de reproduclion, pour ne pas
en donner uue proporlion trop considérable, ou une trop minime et
par suile insuffisante. Car, dans ces deux cas, les sangsues ne rendent
pas tout ce qu'on est en droil d'en attendre, au double point de vue
deleur mulliplicalion el de leur accroissement. Si les orages onl
l'influence dont nous avons parlé plus haut, l'élévation ou l'abaisse-
ment de la température n'ont pas paru à M. Borne avoir une in-
fluence bien nolable en bien ou en mal sur les produils des sangsues
ou sur leur accroissement. Lorsqu'on a donné aux sangsues desli-
nées à la reproduction la quantité de nourriture qui leur est néces-
saire, elles restent pendant quelque lemps à digérer, puis elles s'ac-
couplent et donnent leurs produils, c'est-à-dire déposent leurs
cocons depuis environ la fin du mois de juin jusque vers le milieu
du mois d'août.
e 256
Les cocons déposés par les sangsues dans des galeries qu'on a eu
soin de leur tracer dans les berges (voir plus bas), ne renferment
d'abord qu'une sorte de matière albumineuse , où il est impossible à
l'œil nu de distinguer trace des germes; mais à une époque plus
avancée de leur exislence, on y trouve un cerlain nombre de pelites
sangsues. Leur nombre moyen est de douze à quatorze, mais, dans
quelques cas, rares il est vrai, M. Borne a trouvé jusqu'à vingt-six
pelites sangsues dans un seul cocon.
Si les cocons sont abandonnés à eux-mémes, il peut arriver que
la sécheresse les atteigne et les détruise; or s'ils sont enfoncés dans
la terre au lieu d'étre rapprochés de sa surface, ils peuvent étre
pourris par l'humidité. П y a inconvénient à les laisser aux points
où les sangsues les ont déposés, sans en prendre plus de soin, car
on esl assuré d'en perdre un nombre considérable en raison méme
de la grande quantité d'insectes qui leur font une guerre incessante.
Pour obvier à ces diverses causes de destruction, M. Borne a eu re-
cours dans le marais de Clairefontaine au procédé suivant :
D'abord pour trouver plus facilement les cocons et les recueillir
plus sûrement, au lieu d'abandonner aux sangsues le soin de se
creuser les galeries oü elles doivent déposer leurs cocons, M. Borne
leur en prépare d'avance. Pour cela, au moment de l'accouplement
de ses sangsues, il enlève sur le terrain de la vallée des plaques de
gazon lourbeux qui peuvent avoir de 15 à 20 centimètres, et après
avoir ballu ses berges pour en niveler la superficie, il y creuse avec
le doigt des pelits sillons assez rapprochés, profonds d'environ
5 à 10 centimètres, et qui viennent déboucher au dessous du niveau
de l'eau ; leur longueur varie de 20 à 25 centimetres. Il place sur ces
sillons les plaques de gazon préparées à l'avance, el par ce moyen
il fournit aux sangsues de peliles galeries souterraines, dans les-
quelles elles pénètrent pour monter aussi haut qu'il leur convient.
C'est là qu'elles déposent leurs cocons, que fréquemment on ren-
contre placés à la suite les uns des autres comme les grains d'un
chapelet. M. Borne, de temps à autre, soulève les mottes de tourbe
qui recouvrent les sillons, pour en relirer les cocons el ne pas per-
mellre ainsi aux jeunes sangsues de prendre naissance dans les bas-
sins qu'habile les grosses; car il a reconnu que, le cas échéant, la
majeure parlie en serait perdue. Il faul en outre avoir le soin d'ex-
plorer les touffes d'herbes qui couvrent le bord des ilols et des berges;
car souvent il arrive que des sangsues dédaignant le logis qu'on leur
avait préparé, y déposent un nombre assez considérable de cocons.
Pour garder les cocons jusqu'à l'éclosion des jeunes sangsues ,
287
pour recevoir les jeunes animaux dès leur naissance, M. Borne a
imaginé un bassin parliculier auquel il donne les disposilions sui-
vantes :
Ce bassin, creusé dans la tourbe, el disposé comme les autres
bassins , au moins d'une manière générale, est garni sur ses bords
de boiles reclangulaires, en bois, sans fond; sur la partie inférieure
formée par le sol et qui représente le fond de ces boiles, M. Borne
fait de peliles galeries praliquées comme celles des bassins de ponte.
Il y place les cocons au fur el à mesure de leur récolte, de facon
qu'ils forment comme une espèce de chapelet. Il recouvre ces cocons
de mousse, il établit un second rang de cocons, puis une nouvelle
couche de mousse, recouvre le tout d'une planche pour empécher
les rayons du soleil de dessécher le tout, puis enfin par dessus il
pose de grandes plaques de gazon tourbeux , deslinées à maintenir
la fraicheur nécessaire. Il a soin de visiter fréquemment ces boites
pour donner aux cocons les soius qu'ils réclament el délruire tous
ceux de leurs nombreux ennemis qui auraient tenté de s'y intro-
duire.
Quand les sangsues de chaque cocon sont arrivées au moment de
leur naissance, c’est-à-dire environ vers le quarantième jour, elles
passent a travers les couches de mousse, arrivent aux galeries el
descendent dans l'eau pour arriver jusqu'à la vase. Mais cependant,
quand rien ne vient les forcer à sorlir, beaucoup y restent plus
longtemps, y passent méme l'hiver et n'en sortent gnére de leurs
cocons qu'au printemps. Ces dernières sont presque toujours les plus
belles. Pour proléger ces sangsues relardalaires contre l'aclion de la
gelée, M. Borne a soin de recouvrir ses boiles à incubation d'une
couche de gazon tourbeux , qui a de 30 à 40 centimètres d'épaisseur.
Si la température est trés élevée , l'éclosion des pelites sangsues est
avancée; si au contraire elle est très basse, celle-ci est retardée ;
mais dans l'un el l'autre cas, on n'obtient jamais de produils aussi
beaux que par une éclosion naturelle.
Comme l'observation lui a démontré que les berges des bassins
exposés au sud et au levant, sont celles que choisissent en général
de préférence les sangsues pour déposer leurs cocons, M. Borne
a élabli surloul ses galeries dans ces berges, el c'est à une ex-
position identique qu'il organise ses boiles d'incubalion. H faut
chercher les cocons dans toutes les berges, car il y a toujours des
sangsues qui ne suivent pas les habitudes générales, et c'est ainsi
que dans le courant de l'année dernière, M. Borne a trouve un grand
nombre de cocons dans une berge exposée au nord d'un de ces bas-
sins, Jusqu'à présent il n'en a jamais observé de quantités nolables
288
dans les berges exposées à l’ouest, sans que rien ail pu lui expliquer
celle particularité.
Aussilôt que les peliles sangsues paraissent, on les pèche et on
leur donne leur premier repas, puis on les remel dans des bassins
séparés, car il est trés imporlant de ne pas les mêler aux autres
sangsues. On doit les garder et les nourrir pendant quatre ans avant
qu'elles aient atleint les dimensions commerciales, et qu'elles ne
soient parfaitement aptes à l'usage médical.
Mille sangsues à jeun d'un an pèsent so:xanle grammes; à deux
aus un méme nombre pèsent deux cents grammes, à trois ans quatre
cent soixante grammes, el à qualre ans onze cent vingl grammes.
Un nombre infini d'animaux parmi lesquels nous cilerous les rats
d'eau, les canards sauvages, les Hydrophiles, les Dyliques, les
Naulonecles , les Courlillières, etc., font une guerre incessante aux
sangsues, quel que soil leur âge. Quant aux cocons, les boites d’in-
cubalion les metlent à l'abri de leurs ennemis qui ne sont pas moins
nombreux. Une surveillance active, continue el de lous les instants
peut seule débarrasser les sangsues des ennemis qu'elles ont à re-
douter, el c'esl pour rendre plus facile celte surveillance que M. Borne
donne la préférence aux bassins longs el étroits, sur ceux qui sont
plus vastes el plus larges.
Jusqu'ici M. Borne a été assez heureux pour n'avoir remarqué au-
cune morlalilé abondante dans son marais el pour n'avoir pas
observé de maladies sévissanl sur ces animaux. Tout au moins son
altenlion n'a pas élé allirée sur celle queslion par des ravages qu'au-
raienl exercés quelques affections qui fussent venu alleindre les
sangsues.
La pèche des sangsues ne peut s'opérer que pendant la belle saison,
puisque pendant l'hiver elles s'enferment dans la vase, d'où elles ne
sorlent qu'aux premières chaleurs du printemps. M. Borne ne pèche
ses sangsues que pour les nourrir, ou pour les faire voyager, si elles
sonl livrées au commerce. Le moyen employé consiste à ballre et à
remuer l'eau au moyen d'un bâlon : les sangsues allirées par l'espoir
de trouver une proie à laquelle elles puissent s'allacher, sortent ra-
pidement de la vase et sont prises par les pècheurs au moyen de
pelils filets, ou pécAetles , fixés au bout d'un manche assez long.
Comme pendant l'hiver la pèche est impossible, M. Borne met ses
sangsues deslinées à la venle, dans des caisses renfermées dans la
terre et qui offrent autanl que possible les conditions que les ani-
maux auraient Lrouvées dans le marais. Ces caisses conservent parfai-
lement les sangsues presque sans aucune morlalilé, et rendent ainsi
de grands services.
e.
289
Quand on veut faire voyager des sangsues, il faut éviler avec le
plus grand soin d'exposer les animaux à l’action des grands froids et
des fortes chaleurs. et en prenant ces précautions on peut les faire
voyager, sans perte, à toutes les époques de l’année. C'est ainsi que
M. Borne, ayant envoyé à deux cents lieues, quatre mille sangsues
dans une boîte à compartiments de son invention, celle-ci est arrivée
ne renfermant qu'une seule sangsue morte.
J.-LEON SOUBEIRAN.
PRÉCIS HISTORIQUE SUR L'ENTOMOLOGIE.
1
Apres les généralités que nous avons eu l'honneur de vous pré-
senter, je viens, Messieurs, vous offrir un précis historique sur l'en-
lomologie. Cet aperçu me permeltra de m'arrêler à l'élude spé-
ciale des insectes qui ornent nos campagnes et qui forment le
cabinet de l'entomolozoogisle angevin.
Le mot d'entomologie, formé de deux mols grecs (+750, insecle,
reyes, discours), fut consacré pour désigner tous les insectes articulés
el annelés. C'est une des branches de la zoologie.
La connaissance de l'entomologie remonte assurément à l'origine
des temps. Les hommes, accoulumés à voir dans les œuvres de la
créalion le doigt de Dieu, durent considérer avec admiralion les
nombreux insectes qui passaient et repassaient sans cesse sous leurs
yeux.
Frappés par l'éclat brillant de leurs couleurs, ils durent élever
leur cœur vers l’auteur el le créateur de toutes choses, el s'écrier,
comme les jeunes Hébreux : Louez le Seigneur, vous tous, insectes
el animaux qui rampez sur la terre. De plus, ils durent nécessaire-
ment observer ces pelils animaux qui souvent dévastèrent des
pays entiers et transformèrent en désert les plus riches contrées.
Personne de vous, Messieurs , n'ignore le culte que les Égyptiens
rendaient à l Ateuchus saccer d'Olivier ; ce peuple regardait ce lamel-
licorne à cause de son apparilion au commencement du printemps,
comme le symbole de la renaissance de la nature. Ce scarabée était
représenté sur tous les monuments. Si mes souvenirs ne sont pas en
défaut, je crois que sur une des faces de l'obélisque de Louqsor qui
a
291
décore la place de la Concorde, à Paris, il est gravé en trois endroits.
La figure de cet insecte se relrouve sur les médailles, les amulettes
et tous objets du culte égyptien. L'or, l'argent, le jaspe, l'émeraude,
le porphyre, le marbre étaient consacrés pour le montrer à tous les
yeux. C'élait, pour ainsi dire, un talisman; parce que le peuple pour
qui tout est réalité, et qui dans un symbole ne voit que l'objet lui-
méme, croyait voir son réveil futur, l'immortalité de l'âme, dans la
reproduction de l'Ateuchus sacer. C'est encore pour ce motif que les
Egypliens l'appelerent sacer, sacré, parce qu'ils le regardaient comme
l'emblème de la divinité, de l'Elre qui s'engendre soi-même. Ce co-
léoplére habite encore spécialement la contrée qui lui avait voué ces
honneurs divins.
S'il faut par induction faire ici des conjeclures bien vraisemblables,
les Hébreux devaient avoir sur l’enlomologie des notions assez
exactes. Car Moise, dans le chapitre onzième du Lévilique, leur pré-
sente une nombreuse série d'animaux et d'insectes dont ils devaient
faire choix pour leurs aliments.
L'écrivain sacré leur permet l'usage des Bruchus, des Attacus, des
Ophiomacus, des saulerelles, etc. et leur défend tous les animaux qui
volent et qui n'ont que quatre pieds.
Vous le voyez, Messieurs, dès la plus haute antiquité, les connais-
sances entomologiques avaient fixé les regards des législaleurs ; mais
ce n'est que sous le règne d'Alexandre que nous pouvons déterminer
d'une manière un peu précise quelques fails en rapport avec la zoo-
logie.
Aristote, le précepteur du conquérant de l'Asie, vient de donner
aux sciences leur véritable direclion. Le royal disciple, pour secon-
der les vastes conceptions de son mailre, met à sa disposilion la
somme énorme de 800 talents et plus de mille chasseurs pour col-
lecler dans toute l'Asie et une partie de l'Europe les insectes et les
animaux que le philosophe naluraliste consigue dans son ouvrage :
Histoire des Animaux.
Sans doute, l'histoire naturelle devait être en ce temps-là dans une
bien grande imperfection ; cependant Aristote lui avait fait faire des
progrès inconteslables. D’après M. Milne-Edwards (Encyclopédie
du 19e siècle), Aristote indique le régime de ces animaux et la struc-
ture de leur bouche. H classe les coléoptères dans les groupes les
plus importants qui figurent dans nos classifications entomologiques.
Aussi ajoulerons-nous avec le méme naturaliste : Aristote fut le père
de l'entomologie, et à juste litre le fondaleur de la zoologie géné-
rale, l'inventeur des classifications, el le créateur du grand art d'ob-
server.
292
Chez les Grecs existait un usage que nous retrouvons méme au-
jourd’hui dans les mœurs ou les dictons des gens de la campagne,
Ils suspendaient au cou des enfants les cornes d'un insecle vulgai-
rement appelé cerf ( Lucanus cervus Fabricius); c'était un signe de
réussite et de bonneur. Ils renfermaient encore dans la farine les
Cossus, les Lucanus, les Oryctès parce que les larves de ces insectes
étaient pour eux un mels des plus friands.
La mouche cantharide ( Lytta vesicatoria Fab.) était parfaitement
connue, ainsi que les propriétés médicales que la science reconnait
à cet insecte. Quelques anciens avaient pensé que ce coléoptère était
le Buprestis qui avait la propriété de faire enfler les bœufs (Cus
лри8® j'enfle bœuf) : mais il est plus probable que l'insecte désigné
par Aristote, appartenail aux genres appelés aujourd'hui Mylabris
ou Méloé.
Laissons maintenant s'écouler quaire siècles. Alors apparut Pline
l'ancien, surnommé par la postérilé Pline le Naturaliste. Son traité
de l'histoire nalurelle formait 37 livres. Cel ouvrage, dit Pline le
Jeune, son neveu, est d'une étendue d'érudition infinie, et presque
aussi varié que la nature elle-méme. Dans son travail, le savant
peintre de la nature décrit avec une rare exaclitude notre hanneton-
foulon ( Mellolontha fullo Fab.). Il signale le Lampuris Luciola (ver-lui-
sant) dont il admire la lumière phosphorique. Cet insecte, dit-il,
écarte ses ailes et répand une clarté lumineuse.
Cependant l'Histoire naturelle de Pline renfermait bien des erreurs,
car le Père Hardouin fut obligé, dans l'édition qu'il publia en 1725,
ad usum Delphini, de l'enrichir de notes savantes qui corrigent
souvent ce qu'il y a de défectueux dans le texte, el dans ces der-
niers temps une autre édition a paru, accompagnée de notes
et de reclificalions de MM. Beudaal, Brongniard, Cuvier, Dau-
nou, etc.
Je n'ai pas l'intenlion , Messieurs, de parcourir avec vous la série
des savants qui se sont occupés de l'Entomologie dans les siècles
qui se sont succédé depuis le naturaliste romain, victime déplorable
de son amour pour la science.
Albert le Grand ne donna que de faibles apercus sur la zoologie ,
encore les puisa-t-il dans l'Histoire des animaux d'Arislole. Seule-
ment il fut le premier à désigner les insecles, par le mot d'animaux
annelés
Le seizième siècle vit paraître Gilles d'Alby et le célèbre médecin
Loncière de Francfort, qui, dans son traité d'histoire nalurelle,
porta les savants à observer la nalure dans tous les êtres qui l'ani-
ment.
293
Tout ce qu'ont fail Salviani, médecin du pape Jules Ш, Rondelet
el Bélon, a plutôt rapport aux poissons et aux mollusques qu'aux
autres branches de l'entomologie.
Hâtons-nous, Messieurs, d'arriver au grand naturaliste dont
les travaux ont pu enfin délerminer une véritable classification.
Linné naquil à Roeshull, village de Smolande, en Suède, vers le
commencement du 18° siècle. Après avoir éprouvé les plus tristes
privalions, après avoir essuyé la jalousie de bien des gens à qui son
mérite faisait ombrage, il ful nommé médecin du roi el professeur
de botanique à Stockolm, puis à Upsal oit, pendant 57 ans, il s'appli-
qua à composer ses immortels ouvrages. Ils vous sont connus
Messieurs, je n'aurai pas la témérilé de les signaler devant vous.
Linné, avec les seules forces de son génie et son infaligable acli-
vilé, s'élanee dans le vaste champ ouvert devant ses yeux. Les na-
turalistes qui l'ont précédé ont enseigné des méthodes, ont donné
des descriptions, mais lui, il va créer pour l'élude des sciences natu-
relles, des régles qui vont servir de base à un véritable enseignement.
De méme qu'il soumel les plantes à un examen organique, à une
analyse caractéristique, de méme va-t-il faire passer l'insecte devant
l'œil observateur pour le soumeltre à une véritable démonstration
anatomique.
Le service important que Linné rendit aux sciences naturelles
dans son Systema nature fut de réformer les méthodes en usage avant
lui. H assigna un nom commun à tous les insectes formant un
méme genre, el un nom caracléristique pour désigner tel insecte en
parliculier. Ainsi, les cinq grandes sections furent divisées en fa-
milles, en tribus, en genres et en espèces. Par là, la lumière était
porlée dans le vaste champ des études naturelles.
Linné soumet chaque insecte à une analyse, afin que, par l'énoncé
des caractères distinctifs , il fût distribué dans chacune des calégo-
ries dont il donne la nomenclature. Ces caractères devaient êlre, se-
lon lui, tirés du mode de conformalion des animaux ; et celle im-
mense réunion de coléopléres se parlage en divisions et subdivi-
sions, les uneset les autres bien déterminées et bien définies.
Cependant la méthode de Linné, pour Pentomoiogie, eût été peut-
être incomplète, dit M. Milne Edwards, si son élève el son compa-
triole de Géer, dans ses mémoires pour servir à l'histoire des in-
secles, n'eüt ajoulé à la classification inventée par son mailre, sa
spécification de caracléres imporlanls que ce dernier avait né-
gligés.
Fabricius , autre élève du naluraliste suédois, qui avail établi des
monographies sur la structure des diverses parties de la bouche,
294
rendit d'immenses services en faisant connaître une foule d'espèces
jusqu'alors inconnues ou imparfaitement caractérisées. Mais comme
dans une foule d'insectes ces parlies ne sont pas apparentes, même
à la loupe, il devenait impossible de distinguer les diverses parties
des palpes; la science a dû rejeter les méthodes dont nous venons de
parler.
Rendons néanmoins hommage à Linné, à Géer, surtout à Fabri-
cius, pour ses immenses recherches. Dans son ouvrage Philosophia
entomologia, il avait préparé les résultats que nous admirons aujour-
d'hui. H passait sa vie à collecter, à analyser et à décrire ces nom-
breuses familles dont les espèces étaient encore inconnues.
Nous arrivons, Messieurs, à la fin du 18° siècle et au commence-
ment du 19° siècle. La, se déroule sous nos yeux le tableau des pro-
grès immenses que l'histoire naturelle va conquérir. Ce ne sera plus
seulement un délassement pour quelques savants isolés, l'entomo-
logie va devenir une science. Et chaque ville de France se modelant
sur la capitale, voudra à côlé de sa bibliothèque, à côlé de ses mu-
sées de peinture ou d'antiquités, à côté de son jardin botanique,
voudra, dis-je, voir se dresser des cadres renfermant des milliers de
coléoptères , d'himénoptéres, de névroptères, de tous les êtres enfin
qui composent la grande famille des insectes.
Buffon, dans son Histoire naturelle, Lacépède dans son Museum, le
baron Cuvier dans son Règne animal, tous les professeurs dans leurs
cours publics, vont développer toutes les richesses de leur talent
d'observation. Leurs travaux vont pénétrer jusqu'aux entrailles de
la terre pour révéler aux yeux étonnés les merveilleux secrets qu'elle
renfermail dans son sein. Toutes les sciences vont trouver d'infali-
gables interprètes.
Cuvier, la gloire de la France, a qui Geoffroi Saint-Hilaire, profes-
seur au Jardin des Plantes avail dit: « Venez parmi nous jouer le rôle
d'un autre Linné, d'un autre législateur de l'histoire naturelle, » Cu-
vier voit autour de sa chaire ёе de la société, étonnée de trouver
du plaisir dans des dissertations anatomiques. Bien des titres doivent
nous rendre cher le savant auteur du Règne animal, mais nous, qui
nous sommes adonnés à l'élude de l'entomologie en particulier, nous
vouons une plus grande reconnaissance à l'auleur de la classifica-
lion entomologique, à Lalreille, le continuateur du travail de Cuvier,
dans l'Iconographie des insectes coléoptères d'Europe.
L'abbé Latreille, dans les jours mauvais de la terreur, est ren-
fermé au fort de Ha, à Bordeaux, et condamné à la déporlalion. Au
milieu de ses infortunes il chercha dans la science ses consolations,
el elle fut pour lui une occasion de salut.
295
Permettez-moi, Messieurs, ce petit récit.
Le médecin de la prison de Bordeaux, s'étonnant un jour de voir
un prisonnier absorbé dans la contemplation d'un insecte, quand
sa lêle est menacée : C'est un insecte très rare, répond Latreille, aux
questions qu'il lui adresse. L'insecle est demandé par un naturaliste
de Bordeaux, M. Bory de Saint-Vincent ; celui-ci flatté de tenir ce
don d'un entomologiste, ami des Cuvier, des Olivier, des Lamark,
auquel il doit succéder, et déjà connu par d'honorables travaux,
s'empresse de soustraire Latreille au danger qui le menace, et bien-
101, malgré les obstacles qu'offrait celle noble tentative, le prêtre na-
turalisle est rendu à la liberté.
Dans un autre ouvrage, Genre des insectes, Latreille a suivi à peu
prés la méthode d'Olivier, c'est-à-dire qu'il a pris pour base de sa
classification le nombre d'articles qui accompagnent les tarses de
chaque coléoplére. Mais il l'a perfectionnée en divisant davantage
les apléres, et en établissant un plus grand nombre de genres.
Quelques entomologistes lui reprochent cependant de les avoir
trop mullipliés, en sorte que dans cerlains cas les caractères devien-
nent moins distinclifs. Jusqu'à ces derniers temps, c'est encore la
méthode Latreille qui a prévalu.
Je termine ici, Messieurs , ce faible apereu historique. Le demi-
siècle qui vient de s'écouler demanderait lui seul un volume pour
faire connaitre les travaux entomologiques des Sociétés savantes qui,
en France, en Allemagne, en Suède, en Russie, en Angleterre, ont
fait faire à celte branche de l'histoire naturelle des progrès si élon-
nants. Qui pourrait analyser les immenses recherches des Réanmur,
des Reesel, des Scheenherr, des Gyllenhall, des Germar, des Déjean,
des Boisduval, des Lacordaire, des Erichson, des Aubé, des Mulsant,
des Blanchard, des Desmarest?
Ajoutons , en finissant, avec M. Guérin, dans son ouvrage des
Suites à Buffon : < L'entomologie conduit l'homme, sans qu'il s'en
» apercoive, à des éludes plus sérieuses et plus importantes. Elle
» fait nailre dans les jeunes gens le goût de la méditation et de
> l'observalion ; et , par suite , celle douce et simple philosophie le
» conduit au bonheur, en lui faisant adorer le Dieu qui est admi-
» rable dans toules ses ceuvres. »
G.-T. ROCHARD.
COMPTE-RENDU
DES
EXCURSIONS DE LA SOCIETE LINNÉENNE
DE MAINE ET LOIRE.
UNE EXCURSION AU BOIS DE LA HAYE.
Lorsque les bourgeons des arbres commencent à poindre, lorsque
les prairies verdoient et s'émaillent de fleurs, l'homme de la cité
ressent malgré lui le désir d'explorer les campagnes et de suivre, de
temps à autre, les progrès de la végétation.
A peine avril arrivé, Angers devient peu à peu désert. L'un
voyage, l’autrese relire dans son château, dans sa villa, elc. ; le soiret
les dimanches, l'ouvrier préfère les promenades des pâlis de Beuzon,
ces prés St-Gervais de l'Anjou, aux allées poudreuses el sableuses
du Mail et des Boulevards.
Ce besoin de villégiature que chacun éprouve aux premiers jours
du printemps est parlagé, comme on peut le croire, par les natura-
listes; aussi était-ce avec une vive impatience qu'ils supportaient
le froid intempestif, et dès qu'il fut possible de quitter le chaud
297
paletot pour prendre le léger vêtement d'été, une excursion fut
organisée. Le lieu choisi fut le bois de la Haye.
Vendredi 20 avril 1855, à 11 heures du matin , les membres de la
Société Linuéenne, sous la conduite de leur Président, commencè-
rent leur première pérégrination. Déjà des courses individuelles
avaient élé faites par quelques botanistes , et M. le docteur Guépin
avait recu de MM Langlois fils et Clavier, horticulteur chez M. Leroy,
le Vaccinium Myrtillus, L., récollé à Montreuil-sur-Loir, et la Tulipa
Sylvestris, L., croissant à la ferme de Chaumineau, près la route de
Paris
Les coleaux de St-Nicolas et les bois de la Haye élaient jadis peu-
plés de plantes rares. Il est un grand nombre de végétaux indiqués
dans ces lieux par les auteurs des Herborisations de M. Merlet de la
Boulaye, qu'on chercherait en vain actuellement, et en l'année 1809
où ce volume fut publié (1), on peut dire que les trois quarts de la
flore angevine croissaient dans celle riante contrée. Aujourd'hui il
en est autrement, et depuis un certain nombre d'années elle a perdu
de sa luxuriante végétation.
Quoi qu'il en soit, une riche récolte a pu cependant êlre faite ;
ainsi nous pouvons citer une jolie variélé de Muscari Racemosum,
Dc., aux feuilles largement caniculées; la clandestine, Lathræa
Clandestina, L.; la renoncule à téte d'or, Ranunculus Auricomus, L.;
l'Asplenium septentrionale, Hoffm., fougère trés rare, découverte par
M. le docteur Guépin, sur un mur de clóture; l'Uredo Muscari; le
Grimmia Crinita, cryplogame aux urnes rougeátres , d'une finesse
et d'une extrême légèreté, elc.
Le paon de jour a plusieurs fois élé rencontré dans cette journée,
ainsi que la couleuvre lisse, Coluber Levis, Lacep., et le lézard а
deux raies, Lacerta Bilineata , Cuv. Arrivé à la Haye-des-Bons-
Hommes, limite de l'excursion, une visile a été faite à l'ancien
prieuré de l'ordre de Grammont, où Pierre Roger, quatrième fils de
Guillaume, comte de Beaufort-en-Vallée, neveu du pape Clément VI,
était prieur. Pierre Roger fut nommé évéque de Beauvais, ensuite
cardinal, puis élu pape, le 30 décembre 1370, sous le nom de Gré-
goire XI.
La chapelle de l'ancien prieuré, datant du XIIe siècle, existe en-
core. Elle sert d'écurie et de magasin à fourrages; elle est entière-
ment peinte. Les peintures sont très frustes ; cependant, outre les
(1) Les naturalistes et les élèves de M. Merlet de la Boulaye qui concoururent à
cet ouvrage furent MM. Cauvin, Davy de la Roche, Ménard-la-Groie, Millet, Pantin
du Plessis, ete,
298
sujets qu'on rencontre ordinairement dans les monuments hiérali-
ques, tels que la Vierge et l'Enfant Jésus, le Christ entouré des
quatre signes apocalypliques, les signes du zodiaque, etc., un grand
nombre d'animaux réels et chimériques , et de plantes sont [figurés
sur les parois.
La flore et la faune murales sont trés curieuses à étudier ; c'est
vraiment dans cette chapelle qu'on peut se convaincre combien l'é-
tude de l'histoire naturelle est utile à l'archéologie.
Au premier coup d'œil, les bolanistes reconnurent le Narcissus
pseudo-narcissus, L., indiqué par M. Merlet de la Boulaye, à la mé-
lairie du Préau, située au dessus du couvent de la Haye; la frilillaire
dans ses diverses phases de floraison, des branches de chêne brosse
chargées de glands et de cupules. la ficaire, l'anémone sylvie, l'ail
des ours, etc. Au moyen âge, les arlistes, évidant, sculptant la
pierre et le bois , tapissant les voûtes de fleurs, prenaient presque
toujours leurs modèles sur les lieux; aussi ne sommes-nous pas
élonnés d'avoir vu les arlistes de celle chapelle reproduire les plus
jolies plantes qui croissent aux alentours du monastère.
Nous ne signalerons pas tous les oiseaux et animaux peints sur la
frise et la voûte de la chapelle de la Haye-des-Bons-Hommes ; notre
érudit collègue, M. Béclard, en ayant donné l'analyse, nous dirons
seulement que parmi les oiseaux symboliques on disliugue la Ca-
landre. Cet oiseau possédait, selon la légende, le don de connaitre
toutes les infirmités. Lorsque la Calandre passait devant une per-
sonne souffrante, dit Hugues de Saint-Viclor, si elle s'éloignait avec
rapidité du malade il devait succomber; si au contraire il devait re-
couvrer la santé, l'oiseau se précipitait sur lui, placait son bec sur
sa bouche et enlevait à l'homme sa maladie, puis la Calandre pre-
nait son essor et perdait dans les airs le germe de la souffrance
qu'elle venait d'arracher (1).
(1) On lit dans le Bestiaire rimé de la Bibliothèque impériale ees vers sur la Ca-
landre :
Quant hom esl en grant maladie
Que l'en despeire de sa vie,
Done est cist oisel aporlé
Seil deit être conforté
Et trespasse de cel malage,
L'oisel li tourne le visage,
Et treit à sei l'enfermelé ;
Et s'il ne deit aveir santé,
L'oisel se torne d'autre part,
La licorne,
299
Si ceste merveillose beste
Qui a une corne en la teste
Senefie nostre Seignor
Jehesucrist nostre Sauveor.
Ces lieux et la chapelle dont nous venons de parler sont connus de
tous, et cependant toujours visités avec plaisir. Chaque fois que nous
les parcourons , nous nous rappelons ce passage de notre conscien-
cieux historien Bodin :
»
x
x
x
Y
Y
« Vous qui vivez sur les bords riants et fertiles de la Maine, vous
qui savez vous contenter du produil de vos champs, de vos ver-
gers, qui goütez , dans un modeste asile, les douceurs de la paix
et d'une honnéle médiocrilé, allez visiter les bords de l'étang de
Saint-Nicolas et le joli bois de la Haye-des-Bons-Hommes, si quel-
que jour l'ambition vient troubler volre bonheur. »
IL.
UNE FÊTE LINNÉENNE.
Mai etla plus grande partic de juin ont vraiment élé un lemps
d'affliclion pour les naturalistes : pas une journée ne permellail
d'explorer nos campagnes, puis les plantes se développaient mal, les
Ја ne fera vers lui regart,
Ore est reson que je vos die
Que c’est blanc oisel senelie.
Il senefie sans error,
Jhesucrist notre Sauveur
Qui unques neires penes n'out
Cius fut tot Шапе si comme lı ploul
En lui ne out unques nerlé
Cil certes qui est verité
Dit en l'évangile de sei :
Li prince, dist-il, vint à mei
De cest mont mes riens n'y trova
Ne en lui ne fu ung trovee
Nule tricherie provée.
300
insectes transis par le froid se cachaient sous l'herbe et dans les fis-
sures des rochers. Impossible de saisir, à travers les prairies émail-
lées de fleurs, les lépidoptères aux ailes diaprées de vives couleurs.
Chacun restail chez soi allendant les beaux jours; enfin ils arrivèrent
avec la Saint-Jean, et, dès le lendemain, les géologues et les bola-
nistes de la Sociélé Linnéenne de Maine et Loire prenaient le che-
min de fer, pour rejoindre leurs collègues de Saumur qui devaient
les guider dans excursion de Montreuil-Bellay.
La route de Saumur a Montreuil offre à chaque instant des sujets
d'élude pour tous. C'est dans ce champ, non loin de Мапу, que
croit le Calepina Corvini Desv. Ici, c'est Bagneux et sa remarquable
allée couverte ; là, Pocé et son pittoresque château, puis, un bois où
domine le Quercus Cerris L.; plus loin, le clocher roman de Distré;
enfin Montreuil, cette belle cité aux maisons irrégulières, sur plu-
sieurs desquelles se trouvent sculptés dans le tuf les Nautiles et les
Ammonites des terrains jurassiques.
Montreuil, avec son enceinte, ses portes, son château et son église
de la fin du XV: siècle, a conservé toute la physionomie d'une ville
moyen-age.
Les recherches commencèrent sur les hauteurs des carrières de
roches jurassiques, élage bajocien. Les botanistes ne tardèrent pas,
guidés par MM. Courtiller jeune et Trouillard, à remplir leurs boîtes
de plantes rares, telles que le Crepis pulchra L., le Linaria pelisse-
riana DC, une trés curieuse variété du Rosa rubiginosa, avena sul-
cata, Gay, le Vicia Serratifolia Jacquin, etc., etc. Cette plante fut dé-
couverte, il y a quelques années, par MM. Toché el Chedeau, et
c'est la seule localité de notre département où croît celte légumi-
neuse.
En descendant les coteaux, les géologues cherchérent dans les
excavalions des fossiles, el furent assez heureux pour trouver plu-
sicurs échantillons du genre turbo, un magnifique nautilus gravesia-
nus d'Orb., la chemnitzia normaniana et une grande quantité de
Belemniles, de Plerotomaires, de Térébratules et d Ammonites.
Une découverte importante pour l'entomologie et utile à l'agricul
ture, ful faite par M. Courtiller jeune. Ce naturaliste en passant son
filet sur le Medicago sativa L., saisit en abondance des larves de
l'Eumolpus Marginella, et put constater l'individualilé de cet insecte
ravageur qui dévore les luzernes.
L'heure du déjeuner vint faire une agréable diversion aux plaisirs
(1) Dans les rares intervalles où il ne tomba pas de pluie, quelques courses ont
élé faites. MM. Trouillard et Revelliére ont récolté à Saint-Cyr le lepidium petrum, L.
——— ———— w
301
de la journée, puis on se mit de nouveau en voyage. L'étude des
sciences naturelles fut un instant interrompue par l'examen du
château et de l'église Notre-Dame. Sur la litre de l'église on remarqua
les armes des Berlay, premiers seigneurs de Montreuil, des de Melun
et des la Trémouille.
Dans la vaste enceinte du chateau, on vit la fameuse cheminée
dont l'àtre a trente pieds de long et vingt-huit de large. Celle che-
minée, véritable fourraise, eût pu faire cuire toul à la fois les nom-
breux mets des noces de Gamache.
La plaine de Montreuil est pour le naturaliste une terre promise.
Les membres de la Société, divisés par groupes, parcouraient lente-
mentlessillons. A chaque instant ils voyaient des végétaux inconnus
aux lerrains du bas Anjou. M. le docteur Guépin, avec celle aménité
que chacun sait, nommaii aux commencants les plantes, signalait
les différences entre les divers genres, etc. C'était un vrai cours en
plein champ, c'était comprendre l'étude de cette agréable science
comme lont si bien entendue les Linné, les de Jussieu et les Jean-
Jacques Rousseau. Signaler toutes les richesses botaniques récol-
tées dans celte journée serait trop long; qu'il nous suffise de citer
le Bifora testiculata Sprengel, plante nouvelle pour notre Flore et
découverle celle année par uu bolanisle nantais, M. du Coudray-
Bourgault ; l Échinaria capitala Desf., le Podospermum laciniatum DC,
les Adonis autumnalis L. et Flammea Jacquin, le Prismatocarpus hy-
bridus L'her., la Valerianella coronata DC, Crucianella angustifolia, L.
Euphorbia gerardiana Jacq.
En avancant dans la plaine, l'on remarqua deux monticules très
allongés, couverts de vignes. Ces deux élévalions sont deux énormes
tumulus, les plus beaux que nous avons remarqués en Anjou.
M. Courtiller jeune donna sur ces monuments gallo-romains des
explications trés intéressantes.
M. Ackerman qui, dans ce moment, travaille avec M. Courliller au
calalogue des Coléoptères du Saumurois, captura deux insectes tres
rares, l'Agapanthia Marginella et l’ Agapanthia Suturalis.
Les ornithologues constalèrent la présence de l'ortolan, du tra-
quet-motteux et de l'allouette calandrelle.
(1) Plusieurs naturalistes d'Angers et du Mans ont constaté, l'année dernière, la
présence de deux insectes dévorant les tigés des pins et des cèdres. L'Hylésine du pin
(Hylesinus piniperda, L.) a causé dans nos sapiniéres d'énormes ravages, et les
cèdres ont beaucoup souffert des attaques d'un Rhyncophore connu sous le nom de
Curculio pini. L.
302
La Rana Punctata Daud. et le Bufo Viridis Daud. furent plusieurs
fois rencontrés.
L'heure du départ arriva (гор tôt; il fallut regagner Montreuil,
chacun emportant un riche butin de fleurs, de fossiles et d'in-
secles.
En passant sur le pont, on s'arréla un moment pour contempler
le magnifique paysage qui s'offre aux regards. Le Thouet, retenu
aux pieds des murs d’enceinte par un barrage, el dont le trop plein
se déverse en formant un cylindre écumeux, remit en mémoire
l'histoire de la cérémonie de l'abbé dans l'eau, diversement racontée
et qui peut se résumer ainsi :
Les moines bénédictins de Montreuil voyant chaque année leurs
jardins submergés grâce à une chaussée construite par le seigneur,
afin d'alimenter ses moulins, tinrent conseil, et l'abbé décida qu'il
ferait rompre la chaussée, ce qu'il fit en effel. Mais le seigneur in-
lenta un procès et l'abbé fut condamné à rétablir l'écluse et à être
jelé lui el ses successeurs, chaque année, le jour de la sainte Trinité,
dans le Thouet, après avoir parcouru les rues de Montreuil, monté
a reculons sur un âne, dont il devait tenir là queue à la main. Cette
ridicule sentence ne fut jamais exéculée. Seulement, tous les ans à
l'époque fixée, un vigneron, affublé en abbé et placé sur un coursier
d'Arcadie, élait promené dans la ville aux grands ébahissements de la
foule et baigné dans un endroit peu profond de la rivière. Celle cé-
rémonie fut appelée la satisfaction de l'abbé. La punition devint une
véritable fêle, elle se terminait toujours par des jeux et des danses.
Le monastère donnait pour celte journée une pipe de vin.
Par une association d'idées, les clercs de Montreuil, qui buvaient
mieux qu'ils n’écrivaient, revinrent en mémoire, et on se rappela
ces vers saliriques écrils sur un curé de Montreuil, ayant la manie
de rimer à faux. Celle mauvaise poésie est reslée trés populaire à
Montreuil.
Vous me demandez mon suffrage
Sur les vers de mon curé,
Dien volontiers sans persifllage,
Mes amis je vous le dirai.
Ah! bien loin que je blesse
Le moins du monde son orgueil,
Pour bénir l'eau, pour chanter la erand' messe,
Vive le curé de Montreuil.
Pendant le repos nécessaire aprés celle longue course, plusieurs
lectures furent faites. M, le docteur Guépin prit la parole et lut une
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303
biographie de M. Leroy , du grand jardin, doyen des horliculteurs
angevins, mort celle année au mois d'avril. Tous les travaux de
cet arboriculleur dislingué sont retracés avec soin dans celle no-
lice, et chacun a pu suivre avec plaisir M. le docteur Guépin, dans
l'exposé de l'hisloire de la botanique appliquée de Anjou et des pro-
grès que lui fit faire M. Leroy, à qui nous devons la plantation du
Mail el celle d'une partie de nos boulevards.
M. de Joannis, pendant vingt-six années de navigation, a été té-
moin de beaucoup d'événements, et son goût pour l'histoire natu-
relle lui a fait observer une foule de particularités. L'anecdote qu'il
raconla (un téte-a-léle avec un serpent) est un récit palpitant d'in
térêt el dont la lecture a impressionné tout l'auditoire. Nous laisse-
rons parler notre savant collègue.
UN TÉTE-A-TÉTE AVEC UN SERPENT.
« C'était par une de ses ravissantes matinées du mois de mai si
communes sous le beau ciel du Brésil. La frégate francaise la Néréide,
en slation à Rio-Janeiro, venait de faire son branle-bas du malin et
un coup de sifflet bien cadencé faisait en méme temps embarquer
le canot-major. Les hommes avaient recu ordre de prendre des vi-
vres pour la journée; bientôt chaque malelot fut à son poste dans
le canot, l'aviron debout dans une des mains, le chapeau de l'autre.
L'état-major de la frégate s'embarquait pour répondre à l'invitation
qu'un des plus riches habitants de la ville lui avait adressée.
» On devait se rendre de l'autre côté de la rade pour y débarquer et
de là s'acheminer vers une charmante villa où la journée allait se
passer dans les promenades, la course à cheval, la chasse, la péche,
en un mot, tout ce qui peut dislraire de jeunes officiers plus ca-
pables que qui que ce soit d'apprécier ces délassements offrant un
si heureux contrasle avec la vie monolone du bord.
» Au nombre de ces officiers était le chirurgien-major de la fré-
gale, mon vieux camarade Bonneau, habile médecin, aussi habile
naluraliste et qui, de son côté, se promettait une ample moisson
d'objets curieux et de noles intéressantes. L'occasion ne se fil pas
altendre, un nègre arriva bientôt à la maison de campagne où l'on
se trouvait réuni; il élait tout triomphant, tenant par le cou et por-
lant sur son épaule un énorme serpent qu'il venail de tuer, non
sans toutefois avoir livré combat, car l'animal dont il s'était rendu
тайге était si forl, si hardi el si venimeux qu'il y a dix piastres
304
fortes (54 fr. de notre monnaie) pour celui qui en détruil un, pelil
ou gros.
> Chacun entoura bientôt le nègre, et Bonneau le naluraliste
s'empressa de lui demander ce que c'était que cet animal. C'est 10
piastres forles lui répondit le nègre en cherchant des yeux le maitre
de la maison. — Cominent, lui dit Bonneau, ce n'est pas là son nom,
il n'est pas possible qu'un serpent porte le nom de 10 piastres fortes!
— Si! si! répartit le nègre, c'est bien 10 piastres fortes et vous allez
le voir. Puis il s'avanca vers le logis, demandant à parler à son
maitre. M. Senigo parut bientôt, et à la vue de l'horrible bête, invo-
lontairement il recula, puis courant à son secrélaire, il en rapporta
10 piastres qu'il donna au nègre, lequel les prit en lui baisant la
main, el, se tournant vers Bonneau, lui dit : Voyez-vous que c'est
bien 10 piastres fortes. Mon vieil ami vit bien qu'il n'y avait point à
faire entendre raison au nègre, et il se relourna vers le terrible rep-
lile qui était là par terre étendu dans toute sa longueur. Ce fut alors
qu'on put contempler à son aise les dimensions du monstre qu'on
venait de détruire. Il avail huit pieds de long, le corps gros comme
une bouteille de Bordeaux, et portait une tête ronde et énorme qui
le rendait reconnaissable parmi tous les autres serpents qui ont,
comme l'on sait, la téte mince et effilée.
» M. Senigo donna alors tous les détails qu'on désira sur son
comple et apprit à ces messieurs que ce serpent portait au Brésil le
nom de агага, de Геѕрёсе de son qu'il fait entendre quand il est
irrilé; puis il leur raconta une série de légendes toutes plus ef-
frayantes les unes que les autres, des troupeaux enliers, des familles
enliéres détruites par un seul de ces animaux, qui dés lors n'exista
plus dans l'esprit de ces messieurs que comme un des êtres les plus
redoutables de la créalion.
» Bonneau était dans la joie de son âme; il voyait pour la pre-
mière fois un être nouveau, fort difficile à rencontrer et des plus fa-
meux parmi ses congénères. Aussi en fit-il une description délaillée
el se regarda-t-il, non sans raison, comme déposilaire d'un docu-
ment des plus précieux dont il espérait bien régaler la Sociélé Lin-
néenne de Toulon, aussitôt qu'il rentrerait en France.
» Au bout d'un certain temps, quand on eut bien vu, bien relourné,
bien mesuré la vilaine bête, et qu'on eut bien écouté tous les récits
de M. Senigo, chacun retourna à ses plaisirs, bien rassuré par lui
sur l'extréme rareté du Jarara, dont on lue à peine un individu tous
les ans aux environs de Rio.
» Le soir venu, on songea à rejoindre le bord, on se mit donc en
marche en fumant, en causant et en faisant la guerre aux jolis
305
oiseaux de couleur qui de temps en temps s'approchaient par trop
de la route.
» Arrivé à 500 pas du canot, Bonneau vit un admirable oiseau
tout bleu se poser sur un arbre à une centaine de pas de lui; il prend
le fusil de Brunet, enseigne de vaisseau du bord, court vers l'arbre,
s'en approche suffisamment malgré les broussailles qui l'entouraient
et abat l'oiseau.
> Restait à l'avoir, car il élait tombé au milieu d'un fourré qui, pour
tout autre qu'un naturaliste, eût certainement paru impénétrable.
Bonneau baisse la tête, et s'aidant du canon de son fusil pour écarter
les branches, finit par traverser une haie d'une douzaine de pieds
d'épaisseur, qui enlourail un espace rond el vide d'environ dix pas
de large, au milieu duquel étaient l'arbre et l'oiseau mort; mais Bon-
neau devait y trouver autre chose encore. A peine il était sorli des
broussailles, qu'il voit, au poinl opposé du rond, se dresser devant
lui un énorme serpent, qui, troublé dans sa solitude, fit entendre ce
terrible eri charara ou jarara, dont on lui avait lant parlé le matin.
Puis, d'un coup d'œil, il eut bientôt reconnu qu'il était véritable-
ment en présence d'un être identique à celui qu'avail tué le nègre
aux dix piaslres. A celte vue, il me l'a souvent dit, il se sentit
comme fasciné, comme magnélisé, et resta comme glacé d'épou-
vanle. Il lui restait bien un coup de fusil à petit plomb, mais le
moyen de tirer juste, aussi ému qu'il l'élait, et la chance de tuer un
animal aussi gros, d'aussi loin et avec d'aussi pelils projectiles !
Faire retraite élait cependant impossible, car, engagé dans le fourré,
le serpent eût élé à coup sûr maître de sa viclime; le plus sûr et le
plus praticable, vu l'état de Bonneau, élait donc de rester en place
et d’atlendre la suite de ce qui devait arriver, c'est ce qu'il fil.
» Cependant au bout d'un moment, le serpent faisant toujours
entendre son cri de guerre et voyant l'immobilité de Bonneau, se
décida à faire un bond vers lui el s'en approcha d'environ six pieds.
Bonneau tenait son fusil prêt à faire feu, mais n'osait pas tirer, se
trouvant encore trop loin et se voyant mort à coup sûr s'il manquait
son ennemi, il résolut done d'attendre. Une minule se passe el le
Jarara fait un second saut; celui-là le mit à environ quinze pieds de
lui; c'était encore trop loin, et puis Bonneau élait tellement ému
qu'il était bien sûr de le manquer, s'il se fût hasardé à le tirer. Ce-
pendant Je serpent s'animail; ses yeux, que Bonneau dislinguait
déjà très clairement, étaient horribles à voir, sa gueule entr'ouverte
dardait une énorme langue fourchue, et de son gosier impur sorlail
une espèce de rire infernal qui faisait frissonner mon pauvre ami
jusqu'à la moelle des os. Que de choses effectivement apparaissent
20
306
aux yeux de l'àme, dans ces moments où l'élernité semble si rap-
prochée! Bonneau pensa rapidement à tout dans ce moment ter-
rible, à Dieu, à sa femme, a ses enfants et à ses amis! mais un
dernier saut du serpent le tira bientôt de sa préoccupation et presque
de sa léthargie ; l'animal n'était plus de Jui qu'à six ou sept pieds,
el il se trouvait déjà tellement sür de sa victime, qu'il agilait sa téte
à droite et à gauche comme pour faire une feinte et atteindre plus
sürement sa proie. Bonneau alors n'hésila plus, et retrouvant toute
son énergie, il ajusta quoique en tremblant et pressa la détente; le
coup partit el le serpent, de debout qu'il était, tomba sur le ventre.
Cependant il s’agilait violemment à terre, mais Bonneau vit bien
vite que cette agitalion n'avait pas pour but de progresser, mais
était causée par la douleur; il en conclut donc avoir blessé l'animal
et s'enhardil jusqu'à chercher à lui mettre la crosse de son fusil sur
le cou. Il y parvint, puis se rapprochant du serpent et mettant son
fusil verlical, il put exercer une forle pression, qui lui fit lever la
léte en l'air; ce fut dans celte posilion que le frappant contre la
crosse de son fusil avec le derrière du talon de sa bolte, il parvint à
l'étourdir, puis, sitôt qu'il le vit hors d'élat de nuire, il fut ramasser
son oiseau bleu et s'enfuit à toutes jambes.
» Tout cela s'élail passé en assez peu de temps pour que les offi-
ciers déjà arrivés au canol n'eussent pas attendu fort longtemps.
Pourtant Bonneau courait toujours de toules ses forces, regardant
de temps en temps en arrière, puis, arrivant à l'embarcalion pâle
comme un mort, il s'y assit el s'y évanouil. L'émotion avait été
trop forte, il y succombail.
» Toute espèce de conjectures vinrent alors à Vimagination de
ces messieurs, ils supposérent que son dernier coup de fusil avait
été liré sur quelqu'assassin. On le visita afin de voir s'il n’était pas
blessé, mais ne trouvanl rien, on ne s'occupa plus que de l'allonger
à terre, afin de lui faire reprendre ses sens; on y parvint bientôt, et
ce fut seulement alors qu'on apprit de lui à quel danger il venait
d'échapper.
» Bonneau m'a répélé bien des fois que le regard de ce serpent
le fascinait, le magnélisait, le forcail, en quelque sorte, à rester im-
mobile, et qu'il avail eu là une preuve palpable que l'action fascina-
trice, attribuée à certains serpents, élait bien réelle, et qu'on devait
la ranger au nombre des phénoménes naturels les plus curieux
comme les plus positifs. »
Arrivés à Saumur, à six heures moins un quart, les membres de
Ja Société Linnéenne se rendirent au musée. Déjà nous avons donné
un aperçu de ce bel établissement; depuis notre dernière visile il
307
s'est considérablement augmenté, tant en antiquités qu'en objets
d'histoire naturelle.
Nons avons surtout admiré de magnifiques ammonites peramplus,
depuis le premier âge jusqu'au dernier développement. Cet établis-
sement, peut-étre le plus complet qui soit en province, renferme tout
ce qui a été trouvé et observé dans le Saumurois : il fait le plus grand
honneur à M. Courtiller, et, dussions-nous blesser la modestie de
cet excellent collègue, nous dirons que nul autre n'eüt pu arriver à
un résultat aussi complet; grace à son savoir et à son aclivilé,
Saumur possède un trés beau Jardin des Plantes et une collection
de vignes unique en France. Les salles du musée de Saumur vont
élre agrandies et bientót de nouvelles richesses seront offertes à l'é-
tude des naturalistes et des archéologues.
A six heures et demie le cri aigu de la locomotive se fit entendre,
on prit congé des Saumurois en se donnant rendez-vous pour le
mois de juillet dans les environs de Chinon; pendant les quelques
moments d'attente, avant de monter en wagons, les botanisles au-
raient pu récolter dans la gare méme, une plante très rare, le trifo-
lium resupinatum, L. La graine de ce trèfle se loge dans le sabot des
bétes à cornes, et est semée ainsi par les animaux le long des roules
et méme dans les embarcadères.
A sept heures et demie les membres de la Sociélé Linnéenne ar-
rivaient à Angers, heureux d'avoir pu, grâce aux chemins de fer,
explorer dans une seule journée une contrée éloignée si fertile, et
n'adoptant point l'opinion du poete qui, dans un moment de fureur
conire la vapeur, s'est écrié :
Aller plus vite est un progrés en somme
Pour un paquet, mais non pas pour un homme,
Au moment oü nous terminions ce compte-rendu, M. le docteur
Guépin nous fit savoir qu'il venait de recevoir de M. l'abbé Baudoin,
membre de la Société Linnéenne de Maine et Loire, plusieurs plantes
nouvellement découvertes à Pontigné par ce botaniste, telles que
l'orchis odoratissima, L.; avena sulcata , Gay; le cardamine amara,
L., et le nymphea alba, variété minor, Bauhin, plante qui croit aussi
dans les étangs de Malaguet où nous l'avons recueillie l'année der-
nière.
Les nombreux botanistes angevins, dispersés sur les divers points
de notre .déparlement, augmentent chaque année, comme on le
voit, par leurs découvertes, la Flore, déjà si riche, de Maine el Loire.
La botanique appliquée de l'Anjou a eu le le plus grand succés à
l'Exposition horticole de Paris; les cultures de notre pays s'y sont
308
fait remarquer par leurs camélias, magnolias, araucarias et par une
très belle collection de conifères. M. Cachet est le premier horticul-
teur de France qui a pu faire fleurir, en pleine terre, le lys de
l'Hymalaya, lilium-giganteum, Wallich.
HI.
UNE EXCURSION A CHINON ET DANS SES ENVIRONS.
CHYNON,
Petite ville, grand renom
Assise dessus pierre ancienne,
Au haut le bois, au pied la Vienne.
RABELAIS.
Le 23 juillet 1856, la Société Linnéenne de Maine et Loire diri-
geait son exploration mensuelle vers Chinon. Partis par le convoi de
5 heures 45 minules du matin, les membres de l'excursion, après
avoir traversé les ferliles terrains alluvionnaires des bords de la
Loire, se trouvérent bientót en face du cháteau de Boumois, situé
sur la commune de Saint-Martin-de-la -Place.
Boumois fut, comme on le sait, le berceau de la famille du Petit-
Thouars. Il n'est aucun Angevin, lorsqu'il aperçoit les vestiges de
cette demeure, le lac oü le jeune Aristide s'essayait dans l'art de la
navigalion, qui n'ait présent à la pensée les glorieux combals du
héros d'Aboukir, et au nom d’Arislide du Petit-Thouars , vient se
joindre celui de l'amiral, à qui la France doit la conquête des iles
Marquises.
Boumois rappelle aux naturalistes un nom cher à la science; c'est
celui d'Auberl, frère d'Arislide. Pendant que le train parcourt des
contrées connues de tous, donnons quelques délails sur ce savant,
qui fit parlie de la Société des Bolanistes-Chimisles de Anjou, dont
la Société Linnéenne essaie de continuer les travaux.
Aubert du Petit-Thouars naquit à Boumois le 5 novembre de l'année
1758 (1). Il fit ses classes au collége de La Flèche et eut le bonheur
d'étre guidé dans ses études d'histoire naturelle par Dolomieu.
(1) On lit dans les registres du greffe de Saumur: « Le cinquième jour de no-
vembre 1758 a été baptisé par nous curé soussigné, Aubert né de ce jour à neuf
heures et demie du matin, fils de messire Gilles-Louis-Antoine-Aubert du Petit-
Thouars, seigneur de Boumois, chevalier capitaine au régiment de Rouergue, et de
309
A seize ans, Aubert entrait en qualité de lieutenant dans le régi-
ment de la Couronne. De temps à autre, il venait au pays natal, et
c'est à lui qu'on doit d'excellentes découvertes bolaniques, faites dans
les environs de Saumur et de Chinon.
Aristide du Petit-Thouars avait entrepris une expédition aventu-
reuse; il voulait aller à la recherche de La Peyrouse dont on ignorait
le sort. Il fit part de son projet à son frère Aubert qui s'y associa et
donna, pour accomplir ce voyage, sa démission d'officier.
Pendant qu'Arislide s'occupait des préparatifs, achetait deux bâti-
ments, son frère explorait à petites journées la Bretagne, et se dirigeait
sur Brest où était le rendez-vous. La France élait arrivée à une des
époques les plus calamiteuses de son histoire. Parlout les comités
révolulionnaires, ces pourvoyeurs de l'échafaud, étaient organisés.
Dans une petite ville des environs de Quimper, Aubert fut rencontré
la boite sur l'épaule, la pioche en main, colligeaut les plantes qui
croissent dans ce pays.
Du Petit-Thouars, généralement, comme toul homme de science,
s'occupail peu de politique, il gémissait des malheurs de la patrie et
cherchait dans l'étude à oublier le présent.
L’accoutrement du jeune naturaliste, sa marche à pas comptés
dans les plaines, la rapidité avec laquelle il gravissait les coteaux,
les heures qu'il passait à chercher dans les plus petits fossés, tout
cela parut suspect aux patriotes du lieu, et une députation des plus
éprouvés ful chargée de l'arréter.
— Eh! citoyen, lui dit en l'abordant le chef de la troupe, qu'est-
ce que tu fais ici?
— Mais vous le voyez, répondit Aubert, j'herborise.
— Ah! tu es harboriste, je m'en défiais, tu conspires; voyons, re-
mets-nous tes papiers, ajoula-t-il en lui montrant la boite de bota-
nique.
— Mais, Monsieur, je n'ai pas de papiers dans cette boite; ce
sont des plantes qui y sont renfermées. Vous pouvez vous en
assurer.
— Nous savons notre histoire de France, répondit le démocrate.
Combien de scélérats comme toi ont empoisonné de palrioles en
dame Marie Gohin de Boumois, son épouse; ont été : parrain messire Anne Boilesve
du Plantys, seigneur de la Motelais et autres lieux, parent au troisiéme degré de
l'enfant: marraine Marie-Madeleine-Suzanne Aubert du Petit-Thouars, demoiselle
parente de l'enfant du premier au secorid degré, pére présent; lesquels ont signé
avec nous : Marie-Madeleine-Suzanne Aubert du Petit-Thouars; Boilesve du Plan-
tys; Aubert du Petit-Thouars ; Auger, curé de Saint-Martin.
310
leur faisant ouvrir des machines de ce genre! Allons, tais-toi et suis-
nous.
Malgré ses réponses franches, Aubert fut incarcéré, sa boîte mise
sous le scellé; il ne recouvra la liberté qu'après six semaines de dé-
tention.
Aubert ne put rejoindre son frère. П sembarqua pour l'Ile de
France et de là se rendit à Madagascar. Un séjour de dix années loin
de la mère-patrie, lui permit de composer un herbier de plus de deux
mille plantes.
Nous ne suivrons point Aubert du Petit-Thouars dans les travaux
de culture qu'il fit opérer à la pépinière du Roule dont il fut direc-
teur. Nous ne parlerons pas de tous ses nombreux ouvrages publiés
de 1778 à 1829 qui lui firent ouvrir à juste titre les portes de l'Ins-
lilut. Nous renverrons nos lecteurs au bel éloge d'Aubert du Petit-
Thouars, prononcé le 6 janvier 1845, à l'Académie des sciences, par
M. Flourens. Nous parlerons, en terminant, de la liaison de notre
célèbre compatriole avec Merlet de la Boulaye, secrétaire de la
Société des Botanistes-Chimistes de l'Anjou et, depuis, directeur et
créateur du jardin Botanique d'Angers. Aubert tenait en haute estime
les connaissances de M. Merlet de la Boulaye. Jamais il n'herborisait
dans l'Anjou sans faire participer son ami à sa riche moisson. Au
moment de quitter la France, il légua à M. Merlet sa colleclion de
végétaux , parmi lesquels se trouvait un grand nombre des plantes
des environs de Chinon. Dans l'ouvrage intitulé Herborisations de feu
M. Merlet de la Boulaye, se trouve la lisle des plantes récollées à
Chinon par du Petit-Thouars. Cette liste élail pour la Société un
guide excellent; puis, l'abbé Coqueray, bolaniste distingué, membre
correspondant de la Société Linnéenne , à qui la Flore dela Tou-
raine doit un grand nombre d'espèces, devait servir de guide; enfin
M. le docteur Guépin, président de la Société, mettait comme tou-
jours sa science et son expérience au service de ses collègues qui
sont pour la plupart ses élèves. D’après cet exposé, la course du 25
juillet ne pouvait manquer d'être ce qu'elle a été en effet, une course
agréable et fructueuse.
Reprenons le récit de notre voyage. Nous arrivàmes devant le cha-
teau de Launay, où René d'Anjou culliva avec succès Voeillet, la
rose de Provence el organisa ses magnifiques ménageries.
Nous voici à Varennes-sous-Montsoreau. A droite apparaît le castel
imbriqué des Réaulx ayant appartenu à Tallemant, dont les histo-
rieltes galantes ouvrirent à cet auteur, en 1666, nous ne savons trop
pourquoi, les portes de l'Académie. A peine avions-nous regardé
celle. originale construction, qu'un bruit de tampon et de chaînes
SP
311
se fit entendre, le convoi s'arrête, nous élions au Port- Boulet.
C'était là que devaient commencer les pérégrinations de la journée.
Du Port-Boulet à Chinon, la route est bordée d'aulnes d'une ad-
mirable végétation. Au milieu des moissons, l'œil observateur du
botaniste distingue la Centaurea scabiosa , le Crepis nicæensis, le Tra-
gopogon major, etc., elc.
A mi-côle, sur le territoire de la commune de Beaumont-en-Ver-
ron, est le charmant castel de Coulaines (XVI: siècle). Le pare de
celte riante demeure est très riche en plantes vernales, surtout en
orchidées.
Bientôt se dessina devant nous Chinon avec son cháteau aux tours
éventrées, dominant toule Ja vallée de la Vienne, la belle flèche
(XIIe siècle) de St-Maurice, sur laquelle se trouvent sculptés un Janus
et la grappe de la lerre promise, les tours et la facade réliculée de
St-Mexme, le clocher de St-Etienne, etc.
Si Rabelais revenait dans sa patrie, il reconnaitrait parfaitement
les lieux où se passa son enfance. Les ravages du temps et le vanda-
lisme ont peu changé Chinon. C'est la ville aux toils aigus, aux
constructions en torchis, aux maisons dentelées, aux manoirs im-
briqués, aux fenétres à meneaux géminés, où se montrent de gra-
cieux visages. Le pont lortueux, dont une arche emportée par Satan
n'avait , d'aprés la légende , jamais pu étre reconstruile, a fait place
a un pont neuf. Mais à quelques modificalions prés, Chinon est tou-
jours la vieille cilé de Rabelais (1).
Deux choses sont à étudier à Chinon, la curieuse végétation des
environs el le château féodal.
Nous gravissons la rue du château et nous nous arrêtons devant
le fort St-Georges, protégeant le donjon : là se trouvait fleuri, en
grande abondance, l'ceillet-giroflée, Dianthus caryophyllus (œillet qui
a produit les nombreuses variétés cullivées par nos horticulteurs) ;
le Diplotaxis muralis . le Bromus maximus . le Sysimbrium irio, elc.
Nous traversons un pont bâti en 1758, remplaçant l'ancien pont-
levis; la porte de la tour de l'horloge s'ouvre, et nous pénétrons dans
(1) Rabelais, au livre V, chapitre XXXV de Pantagruel, s'exprime en ces
termes :
« Ainsi descendismes soubs terre par un arceau incrusté de plastre painct au de-
hors rudement d’une danse de femmes et satyres, accompagnant le vieux Silenus,
riant sur son asne. Là, je disois à Pantagruel : Cette entrée me révoque en soub-
venir de la première ville du monde... — Où est, demanda Pantagruel, qui est cette
première ville que dites? — Chinon. dis-je, ou Caynon en Tourraine. — Je scay,
répondit Pantagruel où est Chinon, et la cave painele aussi. J'y ai bu maints voyrres
312
les ruines de l'antique château, construit sur les débris d'une forte-
resse romaine par Thibaud le Tricheur, en 953.
Peu de monuments rappellent autant de souvenirs. Ce fut là que
mourut Henri II d'Angleterre et Richard Cœur-de-Lion. Philippe-
Auguste, St-Louis y séjournèrent. Celte large chambre, dont le
linteau de la cheminée conserve encore de délicates sculptures, fut
la chambre où le roi Charles VII reçut pour la première fois la vierge
de Vaucouleurs. Louis XI, Charles VIII, Louis XII et ses successeurs,
jusqu’au roi Henri IV, vinrent souvent demeurer dans celle en-
ceinte. r
Les cachots où furent enfermés la femme de Robert, comle d’Ar-
lois ; Geoffroy-le-Barbu ; le grand-maitre des Templiers, Jacques de
Molay, René d'Alencon. comte du Perche existent encore et sont
converlis en frais celliers remplis de vins, confiés aux soins d'un
gardien à face rubiconde. Au milieu de ces ruines, le naturaliste peut
faire, aux diverses époques de l'année, une ample moisson de fleurs.
Sur celle courline végèle T Hutchinsia petrea. Dans les fissures de
celte tour tombe, en formant d'élégantes guirlandes de feuillages et
de fleurs, le caprier, sous les feuilles duquel se cache la cigale ar-
gentée. Le caprier est tellement abondant daus les environs , qu'on
pourrait supposer qu'il est indigène. Le Buplevre ligneux, la Poten-
tilla fruticosa, elc., sont naturalisés dans ces lieux. Sous ce bastion
dominant la Vienne, croit ou plutôt croissait l Eruca sativa, cruci-
fère tres rare, à peu près détruite. Trois échantillons en graines furent
remarqués; aucun d'eux ne fut récolté, malgré les offres faites par
le concierge de nous placer une écheile pour descendre à la plate-
forme.
Ce n'est point aimer les plantes que de détruire les localités où
elles croissent. Un herbier doit être l'histoire de la végélation pré-
sente et non celle du passé.
de vin frais et ne fais doubte aulcun que Chinon ne soit ville antique, son blason
l'atieste, auquel est dict deux ou trois fois :
Chynon,
Petite ville grand renom
Assise dessus pierre ancienne
Au haut le bois, au bas la Vienne.
Mais comment seroit-elle la première du monde? où le trouverez-vous par escript?
quelle conjecture en avez? — J’ay, dis-je , trouvé dans l'eseripture sacrée que Cain
fut le premier bâtisseur de villes; vray donc semblable est que la première, il de son
nom nomma Caynon, comme depuis ont, à son imitation, tous autres fondateurs et
instaurateurs de villes imposé lenr nom à icelles. »
313
Dans les parties du château livrées à la cullure, le Delphinium
Ajacis fleurit dans les blés, ainsi que la saponaire des vaches. La
visite du chateau terminée, chacun s'élanca dans la plaine. L'un se
placa sur un monticule et se mit à dessiner. L'autre rechercha des
repliles, celui-là des fossiles, le conchyologue collecta sur les tiges
du Dianthus Carthusianorum et du Torrilis nodosa, le Bulimus acutus
et l'Heliz ericetorum. Les lieux frais, les fossés sous les pierres,
renferment des richesses dans les genres Clausinie, Limnée, Mail-
lot, etc.
Les botanistes fouillérent les moindres petits coins de terre, oü la
charrue n'a pas fait invasion. Heureusement pour l'étude des plantes.
il s'en trouve un assez grand nombre dans ces terrains calcaires.
Pendant le printemps et l'été on peut toujours faire riche récolte. П
nous suffira d'indiquer les plantes suivantes, pour montrer ce qu'est
la répulation de ce ferlile pays, oü il reste encore beaucoup à dé-
couvrir. Une partie de ces plantes a pu être récoltée en pleine flo-
raison, par M. l'abbé Coqueray et sur ses indications.
Silene armeria, Otites, Phleum Bohemeri, Arenaria setacea , triflora ,
Carex nitida, Sedum anopetalum , Euphorbia Gerardiana, Veronica
prostrata , Helianthemum fumana , Canum , Apenninum, Biscutella
laevigata, Alyssum montanum, Fumaria Vaillantii, Phalangium ramo-
sum, elc., etc.
Pendant les moments de repos, M. le docteur Guépin nous fit part
du mouvement scientifique qui s'opère surtout en Allemagne et des
nouvelles découvertes qui lui sont annoncées par ses nombreux cor-
respondants. Nous allons donner en quelques lignes l'analyse de ces
intéressanles communications :
Schleinden a examiné au microscope une ficelle au moyen de la-
quelle une cruche de vin ou amphore de Pompée, avail été fermée ;
ila constaté qu'elle avait été faite des fibres d'une asclepiadée (le
Calotropis gigantea); il est donc évident que c'est la plante en
question qui a fourni la matière premiere des ficelles.
Un mémoire de Martins, sur le genre Agave, ouvrage parfailement
fait, conslale que dans l'Agave Americana, un pied fleurissant offre
242,589 organes foliacés (feuilles braclées, pétales , élamines ,
feuilles, carpellaires), dont le plus grand nombre se développent dans
un espace de temps excessivement restreint. Là où la plante se cul-
tive pour la sève qu'elle fournit à l'époque où elle doit développer sa
hampe florale, on a trouvé que le produit de ce liquide, dans l'es-
pace de quatre à cinq mois, s'élève au chiffre énorme de 1,100
litres. |
lizigsohu annonce dans le Botanical. Zeitung que la sexualité des
314
conserves (Vaucheria, Mougeotia, OEdogonium) cst maintenant un fait
acquis à la science. Un mémoire détaillé ne tardera pas à parailre sur
ce sujet nouveau et curieux. La promenade lerminée, nous ren-
trâmes en ville, par une ancienne porte, nous parcourûmes de nou-
veau ces rues où les maisons et même les bornes sont ornées de
rinceaux délicals. Un des plus gracieux logis de Chinon est la mai-
son Roberdeau, habitée autrefois par Agnès Sorel.
Chinon possede deux objets trés remarquables : l'un est la chape
de saint Mexme, du XI* siècle, si bien décrite par notre collègue
M. Victor Luzarche ; l'autre, une des plus belles toiles de P.-P. Ru-
bens; ce tableau a été donné à l'église de Chinon par l'avocat Cré -
mieux, à l'époque oü ce citoyen élait au pouvoir.
Pour faire diversion avec l'aridité d'un compte-rendu scientifique,
nous raconterons une pelile anecdote qui semble ici pouvoir prendre
place.
Rabelais est le personnage le plus célèbre qui soit né à Chinon ; la
maison de son père, maison des fenêtres de laquelle le jeune Rabe-
lais péchait à la ligne, existe encore. Curieux de voir ce logis du XV*
siècle, nous nous mimes à sa recherche; mais il était difficile de le
découvrir, n'ayant aucune indicalion. Un monsieur, mis avec pré-
tention, la canne à pomme d'or en main, vint à passer; les nom-
breux saluts qu'il recevait nous firent penzer que ce personnage
devait être une nolabililé, et par conséquent pouvait donner sur la
demeure de Rabelais des renseignements exacts.
— Monsieur, lui dit l'un de nous en l'abordant, pourriez-vous nous
indiquer la maison où esl né Rabelais?
— D'abord, permettez, reprit l'inconnu , je vous demanderai ce
que c'est que Rabelais?
— Monsieur, Rabelais est une de vos célébrités; il naquit à Chinon
en 1483.
— En fait de célébrités, Monsieur, nous n'en connaissons qu'une
ici, ajouta l'interlocuteur, c'est Monsieur Crémieux.
Spectatum admissi, risum teneatis amici!
Après cet échec, il était difficile de songer à trouver l’ancienne
officine du père Rabelais. Heureusement un étranger vint à nolre
secours, et nous indiqua le coin de Ja rue Basse-de-la-Lamproye, où,
effectivement, nous vimes la maison tant cherchée.
A quatre heures et demie nous quillames Chinon, en jetant un
dernier regard sur les ruines imposanles du château, qui nous rap-
pelaient les Burgs de la vieille Allemagne.
A huit heures, les membres de l'excursion rentraient à Angers,
emportant leur album plein de notes et leurs boites remplies de fleurs.
w vF
315
IV.
UNE EXCURSION A MONTREUIL-BELFROY.
La Société Linnéenne de Maine et Loire a commencé ses excur-
sions scientifiques de l'année 1857, par visiter les coteaux de Mon-
treuil-Belfroy.
Montreuil a souvent été exploré par les touristes et les natura-
listes.
Il est peu de pays plus accidentés et plus pittoresques. Les coteaux
elles vallons de Montreuil sont abondants en plantes rares. C'est sur
les rochers de ce lieu que croit la lunaire, Lunaria Biennis, L., vul-
gairement appelée Clef de montre, Monnaie du Pape, etc. Cette jolie
crucifere bisannuelle fait 'ornement de nos jardins. Sa présence à
Montreuil avait donné à penser qu'elle s'était naturalisée par des
graines échappées des propriétés voisines. Quelle que soit la véracité
de celle opinion, il est cerlain qu'en 1758, les docteurs régents de la
Faculté de médecine d'Angers amenaient à Montreuil les élèves her-
boriser et y faisaient récolter la Lunaire, fait que nous avons
constaté par l'examen d'un herbier daté de l'époque que nous venons
de ciler.
Il est curieux de connaitre comment les étudiants en médecine
d'Angers composaient, au XVIII* siecle, leurs collections de plantes.
Loin de recueillir comme mainlenant, autant que possible, la plante
avec ses racines, ses feuilles et ses fleurs, on se contentait alors d'une
simple tige d'une fleur, d'une feuille. C'élait seulement un souvenir
qu'on voulail conserver de la plante dont l'analyse et les propriétés
avaient élé faites el expliquées par les professeurs (1).
Montreuil conserve un logis du XVI: siècle, nommé la Déablère.
Cet ancien manoir élait autrefois habité par les religieux dépendant
du prieuré de Ja Haye-aux-Bons-Hommes, ordre de Grammont. Ces
cénobiles étaient chargés de desservir l'église de Moutreuil-Belfroy.
Les recherches de la Société Linnéenne s’élendirent jusqu'à Jui-
gné-Béné où se trouve un charmant chateau du XV: siècle, restauré
avec intelligence et conservant encore son ancienne splendeur.
(1) Pierre Berthelot du Pasty, docteur régent de la Faculté de médecine de l'U-
niversité d'Angers, était en 1758 chargé du cours de botanique, et de diriger les
herborisations. Ce savant naturaliste mourut le 16 février 1775; il fut inhumé dans
l'église Saint-Michel-la-Palud.
316
Juigné comme Montreuil est riche en plantes vernales, et les bo-
tanisles ne pouvaient mieux faire leurs premières périgrinations
qu'en parcourant ces belles contrées traversées par les sinueux cou-
tours de la Mayenne.
UNE EXCURSION A CHAMPTOCE.
Le 2 juillet 1857, les membres de la Société Linnéenne de Maine
et Loire parlirent à sept heures du matin, par le bateau à vapeur Le
Courrier, pour faire une exploration scientifique. Débarqués à Mont-
jean, ils parcoururent avec soin les fertiles coteaux des environs et
commencèrent leur récolte de plantes. Le château de Montjean, do-
minant toute la Loire, occupa un inslant les naturalistes d'Angers;
ils ne voulurent point quitter ce pays sans arrêter leurs regards sur
cet imposant édifice.
L'ancien château fut possédé, en 924, par Raynaud, chef des
Normands, qui fut chassé de ce lieu, dans la même année, par le roi
Charles-le-Chauve.
Du manoir féodal du X* siècle, il ne reste plus que les rudiments ;
sur sa base s'est élevé, au XVIe, un château qui successivement s'a-
grandit, et dont la seule parlie curieuse est un pan de muraille de
la chapelle, où se voit encore en bas-relief la salamandre du roi
François I.
En quittant les ruines si pittoresques du chateau de Monljean pour
prendre la jolie roule stratégique de Champlocé, émaillée des plus
jolies fleurs que produisent les terrains alluvionnaires des bords de
la Loire, nous songions à l'histoire des seigneurs de Montjean.
Branlóme nous apprend que < René de Montjean qui avait épousé
» la fille unique de Philippe de Montespedon, baron de Beaupreau,
» fut comparé au maréchal de Lautrec, pour la présomption et la
» gloire, lesquelles furent telles, qu'élant lieutenant du roi en Pié-
» mont, il se permit de traiter les affaires dont il était chargé par
> des ambassadeurs, voulant contrefaire le roi, ce que François l°,
» à qui on en parla, trouva fort sol. »
Ce maréchal mourut en 1538; en lui finil la maison de Monljean.
Champtocé est un des points de notre département les plus cu-
rieux à tous égards. Le vaste élang silué au pied du vieux burg de
Gilles de Relz, est une mine féconde pour les naturalistes ; les om-
bellifères, dont l'étang abonde, sont couvertes d'insectes, et dans
317
les eaux habite un grand nombre d’anodontes recherchées par les
malacologistes.
Dans la cour d'enceinte du chateau, un mollusque bien rare a élé
rencontré, le Bulimus-acutus. Celle espèce est essentiellement mari-
time, et sa présence à Champtocé est assez difficile à expliquer.
Les souterrains du château sont habités par presque toutes les
espèces de cheiroptéres connues en Anjou. `
Décrire les mollusques, les insectes, les plantes qui se trouvent
dans l'étang à moilié comblé, serait chose fastidieuse; qu'il nous
suffise de dire que jamais un botaniste ne visitera celle fertile loca-
lilé sans faire une riche moisson, soit à l'époque vernale, soit pen-
dant l'été au moment où les eaux sont retirées.
Jamais un touriste ne vient à Champtocé sans s'informer du sé-
jour qu'y fit l'empereur Joseph II; à tous les curieux méme réponse,
l'hótelier complaisant, nourri de la lecture de Bodin, raconte le plus
longuement possible le récit de l'historien angevin, récit qui a
pour but, en élant agréable au voyageur, de lui faire trouver la carte
légère.
Il existe encore à Champtocé une femme au chef branlant, à la
démarche pénible, témoin du passage du comle Falkeinstein.
Si le corps de la pauvre vieille est usé, sa mémoire est fraiche;
elle se rappelle tout, le nom du mailre de posle, Lacroix , celui de
l'hotelier , Mahaut, l'enseigne, le Pigcon blanc. Voici le récit inédit
qu'elle nous a transmis.
Le roi Joseph vint incognito, il avait voulu d'abord s'arrêter à An-
cenis, mais reconnu en entrant dans celle ville il l'avait brülée et
était arrivé à fond de train à Champtocé. L'aubergisle et sa femme
étaient à la foire de Liré. L'empereur fut reçu par la maritorne du
Pigeon Blanc, fort intimidée de voir chez son mailre un si grand
seigneur. L'empereur Joseph fit descendre par ses gens d'une de ses
voilures, un matelas en peau, qu'il fit enfler à l'aide d'un soufflet,
le fit porter dans la chambre qu'il devail occuper; jamais en voyage
il ne couchait dans un lit. Ces préparalifs terminés, il descendit,
puis se mil au lieu et place de l'hótelier, faisail servir les voyageurs,
causait avec les gens altablés, buvait avec eux, etc., puis sortit un ins-
tant pour dessiner les ruines du château de Gilles de Retz. Le soir
venu, Joseph ordonna de fermer toutes les issues et fut ainsi que
tout le monde de la maison prendre du repos. A une heure assez
avancée de la nuit, on entendit des coups redoublés frappés à la
porte de l'hôtel, Joseph se lève et va ouvrir. L'aubergisle en voyant
son Sosie, car Joseph portait un des accoutrements du gargollier, se
met en colère et est sur le point de l'injurier, lorsque la servante
318
donna au tavernier la clef de l'énigme, el à la colère succéda la
confusion à laquelle la bonté de l'empereur mit bientôt fin.
Le lendemain, avant son départ, Joseph II remit à l'hótelier 25
louis, c'était toujours la somme qu'il donnait lorsqu'il faisait séjour
dans une hôtel de village.
L’aubergiste, pour perpétuer le souvenir du passage de l'empereur
d'Allemagne à Champtocé, fil inscrire sur la facade de la maison :
Ici logea, en 1777, l'empereur d'Allemagne Joseph II.
Lorsque vint la révolution, Champtocé comme la Vendée fut ra-
vagé. Tout monument rappelant les souvenirs de la monarchie fut
anéanti. Personne ne songea, même les patriotes les plus fougueux,
à faire disparaitre l'inscriplion de l'hótel du Pigeon. L'empereur Jo-
seph, pendant les quelques instants passés à Champtocé, s'était rendu
populaire, et son souvenir élait encore présent.
Cependant un jour, au plus fort de la terreur, des soldats républi-
cains vinrent à l'hótel du Pigeon Blanc. En voyant l'inscription, ils
entrent en fureur, traitent l'hótelier de ci-devant, le saisissent et
s'apprétent à lui faire subir de mauvais traitements. Ce dernier, sans
se déconcerter, leur dit : « Mais, citoyens, il est fort inulile de vous
» fâcher, je n'avais gardé celle inscription que pour conserver la
» date d'un fait qui s'élail passé ici; du moment que vous croyez
» qu'elle peut porter atteinte à mon civisme , nous allons l'effacer
» et boire un coup à notre belle république. » Aussilót, prenant un
badigeon , il fit disparaitre l'inscription commémoralive. Les sol-
dats enchantés de la conduite du marchand de vin s’attablérent et
quiltèrent l'auberge le cœur ému et les jambes vacillantes.
Quelques semaines après cet événement, l'hôtelier se croyait à
l'abri de toute inquiétude, lorsque des Vendéens ayant appris la dis-
parition de l'inseriplion vinrent lui en demander la raison « Mes
» enfants, leur dit-il, mes opinions vous sont connues; si j'ai fait
» enlever celle inscriplion, ce n'est point pour plaire aux patauds,
> mais c'est parce qu'elle était tracée en caractères trop modestes
» pour rappeler ici la mémoire d'un prince tel que l'empereur
> Joseph II; je veux en faire graver une en lettres d’or.» Cette ex-
plication parut suffisante. L'hótelier resta ami avec tout le monde,
el on peut lui appliquer ces vers que le bon La Fontaine met dans
la bouche de la chauve-souris :
ы
Je suis oiseau : voyez mes ailes,
Je suis souris : vivent les rats.
AIMÉ DE SOLAND.
——__. s MÀ
TABLE DES MATIÈRES
contenues dans le 2° volume
DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE
DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
Pages.
Liste des membres de la Société Linnéenne du département de Maine et Loire. I
MENG ILE ON a SAS se mes R Sa S oie e eee DO EE aE VII
Le médecin voyageur, par M. le dr P. MENIERE........ GUB ORE dk 1
Développement des appendices filiformes et décoloration des loges extrémes
dans le genre Pestalozzia (de Nts), et les sporidies de plusieurs autres
genres de Micromycètes, par M. S. DE LACROIX,
Notice sur le tatouage, par М. L. DE JoANNIS,.....................
Notice sur les mollusques térébrants, par M. L. DE JOANNIS...............
Faune saumuroise. — Catalogue des Coléoptères, par MM. A. COURTILLER et
IP; ILIA TRE es eee crc 5080002000 he SE IEE EEE
Maître Richard, clerc et physicien du tertre Saint-Laurent d'Angers. — Com-
munication adressée à la Société Linnéenne, par M. PAUL MARCHEGAY,
archiviste paléographe........ ааа ОИ
Notice sur une chaux sulfatée produite par double décomposition dans un fer
sulfüré de Saumur (Maine et Loire), par M. DE LA GENEVRAYE..........
Une excursion botanique au Grand Saint-Bernard, par M. CH. TROUILLARD. .
Etudes ornithologiques et oologiques, par M. l'abbé VINCELOT..............
Notes sur le magile antique, magilus antiquus (Montfort), par M. LUDOVIC LE
CRISE E ose UJ sm Saa ete ae
Description de l'Aquarium du muséum d'Histoire naturelle de Paris, par
MMA Cours NEUMANN. cb. sb: SOUBEIRAN: "cosmos
Notice sur le Sterne moustac, Sterna leucopareia, par M. F. BLAIN.........
Orfila. — Vers composés le lendemain de la mort de Villustre doyen, par
МАРАВ ЕО ВЕ O а. л. Е ЕСО
320
Observations sur les armes et les campements des premiers habitants de nos
contrées, par M- COURTILLER =. . 22) Gia POLISH PROS
Une herborisation intra-muros, par M. le d" P. MENIÈRE...... .........
Additions à la Flore de Maine et Loire, par M. le dr J. GUÉPIN............
Notice sur la détermination du véritable Convolvulus Jalapa, par M. DE LA
GENEVRAYE е "UD Ae КСЕРКС ЛЕ:
Sur les semis de viene, par М. A COURTILLER-- Еш УГ
Horticulture angevine , par M. AIMÉ DE SOLAND ...............,........
Notices scientifiques, par M. AIMÉ DE SOLAND......................... .
Notice sur Martigné-Briand, par M. le baron DE ROMANS .................
Note sur les Orchidées exotiques qui ont figuré à Paris, en 1855, à l'Exposition
permanente de la Société impériale et centrale d'horticulture, par M. le
dP USN) WoL S eere E SE
M. De Lamartine historien de l'empire Russe, par M. le prince GALITZIN.....
L'amour conjugal est-il plus fort chez les oiseaux que l'amour paternel? par
M. J. MICHELET.. ... noue аы ыер ЫН дануы дою dad ooco
Le grillon, par M. PAUL BELLEUVRE........... .....................
Description des chenilles de la Noctuelle double oméga, du Bombyx du peuplier
et du Liparis V noir, par М. L. DE JOANNIS................... se
Note statistique sur les animaux à fourrure de l'Anjou, par M. le dr E. Farce
Orfila et les Angevins , par M. AD. LACHÈSE.,.........................
De l'origine de la culture du sorgho dans le département de Maine et Loire,
par. M CEH GIRAUD, LR. ies singulis D a
Résidence à la campagne, son influence sur l'état social et sur les progrès de
l'agriculture, par M. CH. GIRAUD...,.............................
Etude sur les carabes et en particulier sur le Carabus cyaneus , par M. G.-T.
ROGHARD E 35 jaldodcdcdeosed Позов осоо оо gt
Aux cygnes du Јас Léman, par M. PAUL BELLEUVRE....................
Description de deux cas de monstruosités comparés, observés l'un sur un jeune
canard, l'autre sur un jeune poulet, par MM. J.-L. SoUBEIRAN et A. LUTON.
Note sur la récolte de la gomme adraganthe en Asie Mineure, par M. J.-L.
SOUBEIRAN = Ay MR ER RER Lecce ОО ооо усу оа оодо CELL
Marais à sangsues de Clairefontaine, établissement de M. Borne, par M. J.-
IL. SOUBEIRAN E a e a E RE SE POS AHO O S aaa
Précis historique sur l'entomologie, par M. G.-T. ROCHARD..............
Compte-rendu des excursions de la Société Linnéenne de Maine et Loire, par
M. AIMÉ DE SOLAND. ..... dcc Xa d EEE crepe sooo Q609d8c
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“Angers Imp. de Cosnier et Lachèse.
Pages.
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