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Full text of "Annales des sciences naturelles"

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ANNALES 


SCIENCES NATURELLES 


QUATRIÈME SÉRIE 


LOOLOGIE 


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Paris, — Imprimerie de L. MARTINET, rue Mignon, 2, 


4-l. 
ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


COMPRENANT 


LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, 
L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÈGNES 
ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES 
RÉDIGÉES 
POUR LA ZOOLOGIE 


PAR M. MILNE EDWARDS 


POUR LA BOTANIQUE 


PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE 


QUATRIÈME SÉRIE 


LOOLOGIE 


TOME Y 


LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON 


PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE 


1556 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


PARTIE ZOOLOGIQUE 


MÉMOIRE 
SUR 
LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES 


DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LAMELLIBRANCHES, 


Par le D" H. LACAZE-DUTHIERS. 


I. 
HISTORIQUE. 


L'embryogénie des Mollusques, considérée dans l’ensemble de 
l'embranchement, est encore peu avancée; celle des Acéphales en 
particulier est surtout en retard. Quelques mémoires peu nombreux 
ont fait connaître des faits importants, mais aucun d’eux ne présente 
l'histoire entière d’un organe depuis l’origine jusqu’au développe- 
ment complet. 

Rien cependant n’est utile en zoologie comme les connaissances 
d'embryogénie ; chaque jour on voit de plus en plus l'importance 
des recherches qui se rapportent à cette branche de la physiologie. 
On peut même, sans être taxé d’exagération , affirmer que tout 
l'avenir de la science des animaux est maintenant dans la connais- 
sance des transformations embryonnaires (4). 

Ne voyons-nous pas, en effet, non-seulement des espèces, des 
genres, mais encore des ordres, des classes, disparaître des cadres 

(1) Voyez Considérations sur quelques principes relatifs à la classification na- 


turelle des animaux, par M. Milne Edwards (Ann. des sc, nat., 3° série, 4844, 
t. Ier, p. 65). 


6 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


zoologiques depuis les laborieuses et savantes recherches des Van 
Beneden, Siebold, Leukart, Küchenmeister, Phillippi, etce., ete. 
Il est permis de dire qu'il arrivera un moment où il ne sera plus 
possible d’assigner une position zoologique à un animal, sans 
connaître les formes qu'il a dù présenter depuis l'œuf qui l’a pro- 
duit; alors seulement on aura une idée exacte des rapports zoolo- 
giques dans toute leur étendue. 

Heureusement il faut le reconnaitre, la science semble entrer 
dans une voie nouvelle, et tout fait espérer qu’elle arrivera à des 
résultats bien autrement importants que ceux qu’elle a déjà fournis 
par l’énumération de caractères qui ne sont que la somme d’un 
compte bien fait et patiemment fait de toutes les particularités 
observées sur les diverses parties du corps d’un animal. 

Le classificateur ne peut plus se contenter des formes que pré- 
sente un seul individu à un moment donné de son existence ; il doit 
baser ses divisions sue l’ensemble des formes correspondant aux 
différentes phases de la vie. C’est là ce qu'ont senti les zoologistes 
modernes, et ce qui explique l’ardeur avec laquelle ils se livrent à 
l'étude si difficile du développement des animaux. 

C’est aussi ce qui m'a conduit à faire les recherches, objet de ce 
mémoire. 


Monintention était et est encore d'étudier l’embryogénie compa- 
rée aussi complétement que possible de l'embranchement des Mol- 
lusques. Déjà j'ai réuni des matériaux nombreux ; mais une posi- 
tion nouvelle m'a détourné, peut-être pour longtemps, de ces 
études ; il m'a paru intéressant cependant de faire connaître quel- 
ques points de mon travail. Ils sont entièrement nouveaux. 

J'ai eu le désir de faire voir comment naissait ou apparaissait un 
organe; par quelles transformations successives il passait pour 
arriver à son état parfait, J'ai voulu montrer aussi que l'étude 
de l’évolution génésique d’une partie explique facilement cer- 
taines formes ou dispositions dont rien ne peut faire apprécier la 
cause et l’origine chez l'adulte. 

Ce travail, déjà fait pour bien des organes chez les animaux qui 
se rapprochent le plus de l’homme, n’a pas été entrepris pour les 


SÛR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 7 
Mollusques. Là, en effet, l'embryogénie, peu avancée , se borne 
à des généralités ; elle s’en tient à peu près exclusivement à des 
données générales sur les premières phases de la vie. J'ai donc 
eru devoir faire pour chaque appareil une étude spéciale, et aujour- 
d’hui je veux m'occuper de celui de la respiration. 

Sans avoir une application zoologique aussi directe que semble- 
raient le faire croire les lignes qui précèdent, les faits qui suivent 
montreront, je l'espère, comment se constitue l'appareil de la 
respiration. 


Nos connaissances, qui sont déjà très bornées en ce qui touche 
l’embryogénie générale des Lamellibranches, le deviennent encore 
davantage quand il s'agit du développement d’un organe, et en 
particulier de celui de la respiration. 

Les seuls travaux sérieux que nous trouvions sur cette partie de 
l'histoire des Mollusques sont ceux de MM. Carus, Lüven et de 
Quatrefages. Ils nous font connaître le développement de quelques 
Acéphales seulement pendant les premières périodes. 

On trouve bien encore dans les Mémoires de la Société biolo- 
gique de Paris un travail sur le développement de l’Huître; ce 
qui se rapporte dans cet opuscule aux organes de la respiration ne 
mérite guère d’être considéré comme étant sérieux. 

Carus (4) avait déjà depuis longtemps fait connaître quelques 
faits sur le développement des Naïades (Anodontes) ; il faut le 
dire, les résultats d’alors ne sont plus guère en rapport avec les 
progrès de la science d'aujourd'hui. 

M. de Quatrefages avait aussi étudié l’embryogénie de l’Ano- 
donte (2); mais son travail le plus moderne est celui qu’il a publié 
sur le Taret. N'ayant pu continuer ses observations si curieuses et 
si habilement conduites, le savant académicien n’a pas dû trouver 
la signification de quelques parties, qui, sans aucun doute, sont les 
premiers rudiments des branchies. « I s’est développé dans ce 
» point, dit-il (dans l’amas de globules placés dans ce voisinage de 
» la charnière), deux organes très singuliers : ce sont deux ouver- 

(4) Voyez Carus, dans les Actes des curieux de la nature , XVI, 1832. 


(2) Voyez de Quatrefages, Sur la vie intrabranchiale des jeunes Anodontes 
(Ann, des sc. nat., 3° série, t. IV et V). 


L2 
8 H. LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


» tures placées à côté l’une de l’autre, et garnies d’un fort bourre- 
» let cilié. Les cils de l’une en s’agitant produisent exactement 
» l’effet d’une roue dentée en mouvement; ceux de l’autre ouver- 
» ture n’offrent dans leur aspect rien de particulier. J'ai répété 
» cette observation sur plusieurs larves, et toujours j'ai trouvé 
» cette différence (1). » On le voit, les organes de la respiration 
sont indiqués dans ce travail , sans que leur signification soit assi- 
gnée : elle ne pouvait l’être, puisque ce n’est que plus tard, long- 
temps après probablement l’époque à laquelle M. de Quatrefages 
cessait ses observations, que se termine le développement. 

M. Lôüvena publié dans les Mémoires de l Académie de Stockholm 
un travail fort étendu sur le développement des Acéphales la- 
mellibranches. Ce travail a une grande importance, et mériterait 
d’être connu ; il est fâcheux que sa traduction n’ait point paru dans 
un recueil périodique français. On y trouve décrite l’origine des 
branchies, qui correspondent aux fentes en boutonnière ciliées, 
indiquées par M. de Quatrefages ; mais, après avoir constaté l’appa- 
rition de l'organe, le savant suédois ne cherche pas à en suivre 
les progrès jusqu’à la constitution complète; il s'arrête, et ne 
pousse pas assez loin ses observations pour avoir une idée complète 
du développement; s’il hasarde quelques explications, on voit 
que c’est d'une manière dubitative, et que les faits semblables à 
ceux qui font l’objet du travail que je publie lui ont manqué com- | 
plétement. 

Je citerai le passage entier où il est question de ce développe- 
ment (2) : 

« Les branchies sont chez tous (les embryons des acéphales 
» Jamellibranches) plus ou moins développées, nous avons remar- 
» qué chez les Montacuta (3) qu'un cordon délié offrant trois ren- 
» flements sensibles sort de la paroi postérieure du manteau, et se 

(1) De Quatrefages, Ann. des sc. nat., 3° série, t. IL, p. 247, Études 
embryologiques, Mémoire sur l'embryogénie du Taret. 

(2) Voyez Mémoires de l'Académie de Stockholm , 1848. — Kongl. ventenskaps 
akademiens Handlingar fo ar 1848, p. 349. — Titre du mémoire : Bidrag Lill 
K ännedomen om utvecklingen af mollusca acephala Lamellibranchiala, af Lüven 


Hartill, tab. X-XV. 
(3) Genre créé par l'auteur. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 9 

» perd bientôt sur le foie (fig. 104, 105, 107 et 108, y) ; et je 
» présume que ce sont là les premiers rudiments des branchies. 
» Dans la figure 116, elles manquent entièrement ; ear il est diffi- 
» cile de les retrouver dans ce corps oblong, transparent, presque 
» vésiculeux, qui paraît derrière la bouche, et dont la nature m'est 
» restée inconnue jusqu’à présent. Mais dans la figure 113, y, on 
» voit sortir du manteau, en faisant des anses, un cordon allongé, 
» renflé par intervalles (peut-être creux), et qui est régulièrement 
» contourné en quatre arcades, dont la dernière va se perdre con- 
» fusément derrière l’œsophage. Dans la figure 411, y, on voit le 
» même organe, mais il est ramassé en anses arrondies. Si nous 
» passons à la figure 107, y, nous voyons ces anses sortir du bord 
» du manteau, et gagner ou augmenter de volume. Peut-être les 
» lobes arrondis sortant des bords du manteau ne sont-ils qu'une 
» anse imparfaite ; quant aux anses suivantes, elles sont distinctes, 
» mais disposées de telle sorte que leur ouverture ne parait pas 
» complète. Les troisième et quatrième sont très évidentes; ces 
» dernières se perdent dans un pliau-dessous de la bouche. On les 
» voit de même dans les figures 412 et 115, y, et plus développées, 
» sortant du bord postérieur du manteau jusqu'aux environs de la 
» tête où ellesse fixent. Dans cette partie, leur ouverture est mani- 
» feste au centre; elle est garnie intérieurement de cils, serrés, 
» développés, ressemblant à un repli quand ils sont en repos, ou 
» déterminant des nuages onduleux, comme des vagues, quand ils 
» sont en mouvement... On ne peut pas douter que ces grands 
»organes ne soient des branchies , quoique cependant je n’aie 
» jamais pu me convaincre qu'il y en eût de chaque côté ; car je 
» n'ai jamais distingué qu'un seul pli, bien que j'aie cherché les cils 
» internes pour découvrir la série interne des branchies. 

» On doit remarquer ici qu'il existe des Mollusques qui n'ont 
» qu'un seul feuillet de chaque côté ; celui-ci se sépare peut-être 
» en deux très longtemps après. 

» Les anses ne sont pas libres en haut; une ligne très fine, un 
» peu onduleuse, indique une membrane (fig. 412, y), qui parait 
» limiter le canal par lequel la branchie se réunit avec le vaisseau 
» de la circulation. 


10 MH. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 

» Nous avons, si je ne me trompe, vu la première formation des - 
» branchies; nous en savons assez pour être sûr qu'elles se mon- 
» trent sous la forme d’un cordon fin, renflé à certains intervalles ; 
»que ces renflements se contournent plus tard en anses, qui 
» s’allongent de plus en plus, et sur lesquelles se développent les 
» cils vibratiles régulièrement disposés, et d’une forme particulière. 

» Ce sont ces anses, si ouvertes et si arrondies, qui s’allongent , 
» plus tard, en se développant, et restent grêles, étroitement unies 
»etserrées; ce qui fait qu'on peut à peine reconnaitre leur ancienne 
» forme. C’est ainsi qu’elles produisent ces feuillets considérables 
» qui, fixés dans la partie antérieure et interne des lobes du man- 
» (eau, constituent une portion très grande de l'animal. 

» Quand les organes de la respiration sont parvenus au déve- 
» Joppement que nous voyons ici, le cœur ne tarde pas à se former 
» rapidement; mais je n'ai jamais été assez heureux pour l'observer 
» chez aucun des Acéphales que j'ai examinés, et je désespère même 
» de le faire (4). » 

Ainsi il n’est pas douteux que M. Lüven n'ait vu l’origine des 
appareils respiratoires ; mais aussi qu'il n’a pas observé les trans- 
formations diverses qui conduisent aux différents feuillets ; je pense 
même que la supposition qu'il fait pour expliquer leur produetion 
n’est pas entièrement conforme à ce que l'on va voir chez la Moule. 

Ainsi la partie historique est très restreinte, et nous n’au- 
rons pas à expliquer et à accorder entre elles les différentes opi- 
nions, puisqu'elles se réduisent à celles de M. Lüven, M. de Qua- 
trefages n'ayant pas assigné de fonctions aux fentes ciliées qu'il 
avait vues. 

Quant à celles du recueil de la Société de biologie, ellesn’ont de 
rapport avee rien de ce qui a été vu par les auteurs ; leur inexaeti- 
tude me parait telle, que c’est à peine si elles doivent trouver place 
dans une critique sérieuse. 


(1) Cette traduction du mémoire a été faite par M. Yung, employé du labora- 
toire d'entomologie du jardin des plantes de Paris. Je le prie de recevoir mes 
remerciments pour l'obligeance qu'il a bien voulu mettre à me fournir le passage 
que je viens de citer. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 11 


II. 


BRANCHIE DE LA MOULE ADULTE. 


Pour bien s'entendre dans la description de l'organe naissant de 
la respiration, il est nécessaire de voir quelle est la composition de 
la branchie d'une Moule adulte (Mytilus edulis des marchés de 
France), et de fixer la valeur de quelques expressions; sans cela, 
il est difficile de désigner les parties dont on entend parler. Ce sont 
même les observations qui m'ont été faites par des personnes fort 
au courant de l'anatomie des Mollusques qui m'engagent à faire 
précéder les faits d'embryogénie que j'ai à présenter par quelques 
considérations d'anatomie descriptive. 

Les branchies, complétement développées, se composent de 
chaque côté du corps de quatre feuillets disposés près les uns des 
autres, et parallèles au plan médian qui partage, en deux par- 
ties latérales semblables et symétriques , le corps de l'animal. Les 
choses étant identiques des deux côtés, ce n’est qu'un seul qui 
nous occupera. 

De ces feuillets, deux sont moyens, et placés entre les autres 
qui sont extrêmes dans cette série composée de quatre éléments ; 
eu égard à la ligne médiane du corps, les uns sont internes, les 
autres externes. 

Les deux moyens sont unis par leurs bords supérieurs avec le 
corps entre le pied, la masse viscérale et le manteau: les autres 
sont, au contraire, libres par le même bord. 

[On n'oublie pas que lorsqu'on regarde un Mollusque acéphale 
en le posant sur la partie qui correspond à la charnière, on le 
place sur le dos, que par conséquent on renverse l'animal , et 
que ce qui doit être en bas parait en haut; après cet avertissement, 
il ne pourra plus désormais y avoir de doute, La description qui va 
suivre se rapporte à l'animal supposé en place et non à l'animal 
en préparation, ouvert et renversé.) 

Les deux feuillets extrêmes, placés en dedans et en dehors des 
moyens restant libres par leurs bords supérieurs, se soudent avec 
les moyens par leurs bords inférieurs. 

On peut se représenter ces quatre feuillets ainsi soudés deux à 


42 M. LACAZE-DUTHIERS. —- MÉMOIRE 
deux comme n'étant autre chose que deux lames ployées sur le 
milieu de leur longueur , l’une en dedans, l’autre en dehors. 

De telle sorte que les branchies seraient composées de lames 
directes où descendantes (feuillets moyens adhérents au corps par le 
bord supérieur) et de lames réfléchies où ascendantes (feuillets 
extrêmes, l’un interne, l’autre externe, libres par leurs bords supé- 
rieurs, adhérents aux deux précédents par leurs bords inférieurs). 

Il n'y aurait done que deux branchies de chaque côté, l’une 
interne, l’autre externe, représentées chacune par un fewllet 
ascendant à bord supérieur libre, et un fewillet descendant à bord 
supérieur adhérent. 

Les feuillets moyens seraient les feuillets descendants, directs, 
adhérents. Les feuillets extrêmes seraient les feuillets réfléchis, 
ascendants, libres. 

Il nous arrivera donc, dans la description, de dire la branchie 
interne ou la branchie externe pour désigner deux feuillets ; puis, 
ponr l’une ou l’autre, nous emploierons les épithètes de lame 
directe, lame réfléchie, ou encore lame adhérente , lame libre, ou 
bien enfin lame descendante, lame ascendante. 

Cette sorte de glossologie est nécessaire; fixer la valeur des 
termes est indispensable soit pour abréger les descriptions, soit 
enfin pour s'entendre et désigner suffisamment les objets dont il 
est question. 

Les lames sont constituées par des filaments cylindriques, qui 
dirigés parallèlement les uns aux autres descendent directement, 
et se placent perpendiculairement à l'axe du corps. Ces filaments 
sont tenus en rapportles uns avec les autres par des traverses peu 
nombreuses, perpendiculaires à leur direction, qui, du reste, n’ont 
pas pour nous un grand intérêt, et par de véritables articulations 
ciliaires mobiles qui peuvent être rompues , mais qui se reprodui- 
sent bientôt. 

Ce dernier fait est assez curieux, et je ne le vois point signalé. 

Le long des baguettes qui forment les lames, on rencontre des 
tubercules hérissés de cils vibratiles courts, dont les mouvements 
ne sont point semblables à ceux du reste des filaments, et ne déter- 
minent pas de courant. Ces tubercules se correspondent sur les 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 13 


divers filaments, ils se font face, de telle sorte que les cils, 
qui les couvrent en s’agitant, s’enchevêtrent les uns les autres, et 
restent unis par leurs ondulations. Lorsqu'un effort vient àéloigner 
deux filaments voisins, les cils sont séparés, et les articulations 
mobiles ciliaires sont détruites; mais quand l'effort a cessé, on 
voit bientôt les houppes de cils se pénétrer de nouveau, et refor- 
mer ces singuliers moyens d'union. 

La disposition de l’appareil respiratoire est loin d’être toujours 
aussi simple dans toute la classe des Acéphales lamellibranches. 
Il y a même des cas où l’on ne reconnaitrait plus les branchies à la 
description qui vient d’être donnée ; mais, avec un peu d'attention, 
on voit bien vile que le plan d'organisation est cependant le même. 
Dans beaucoup d’espèces, les Unio , les Anodontes, les Bucardes, 
les Huitres , ete, ete., les bords supérieurs des feuillets réfléchis 
sont soudés , l’interne avec celui du côté opposé les externes avec 
le manteau. De telle sorte que l’on ne voit plus les branchies sépa- 
rées des deux côtés, et que la masse viscérale semble enfermée 
dans l'organe de la respiration , lequel se présente alors comme 
formé de plis étendus d’un lobe du manteau à l’autre. 

Mais ces soudures, qui sont quelquefois très solides et très résis- 
tantes, comme dans l’Huïtre, l'Anodonte, etc., sont à peine mar- 
quées dans quelques espèces, et il est des Bucardes sur lesquelles 
on peut très facilement, par une légère traction, rompre l’adhé- 
rence des feuillets réfléchis externes avec le manteau ; on replace 
alors celte partie de l'appareil de la respiration dans les condi- 
tions que l’on vient de voir dans Ja Moule. 

La lame réfléchie interne se soude par son bord supérieur avec 
celle du côté opposé, et forme un sillon sur la ligne médiane. 
Souvent cette soudure ne se voit qu’en arrière de la masse viscé- 
rale, comme dans les Bucardes , les Unio; dans ce cas, on ren- 
contre quelquefois les bords supérieurs unis avec le côté de la 
masse viscérale en avant ; mais bien souvent cette soudure est si 
peu solide que la moindre traction peut la rompre. C'est ce qu’on 
peut observer dans les Bucardes. 

La soudure des deux bords supérieurs des deux lames réfléchies 
internes existe sur toute la largeur dans les Anomies, et on la 


Al H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


détruit assez facilement; mais, au premier abord , quand on con- 
sidère les branchies de cet Acéphale irrégulier (1), on éprouve une 
certaine difficulté à reconnaître ce même plan que dans les autres 
animaux. Cependant toutes les adhérences élant rompues, les 
branchies se retrouvent constituées comme dans la Moule. Ce fait 
est important, car il permet de supposer que le développement doit 
être sinon entièrement semblable, du moins à peu près le même 
dans tous les cas. 

Dans l’Anodonte , l'Unio, l'Huître, etc., les branchies semblent 
bien plus résistantes que dans les espèces que je viens d’indiquér ; 
c’est que des filaments transversaux, unissant et tenant rapprochés 
les filaments verticaux , sont très nombreux et plus résistants que 
dans les espèces précédentes, que dans la Moule, où ils sont assez 
rares , et que dans la coquille de Saint-Jacques , où ils sont si peu 
nombreux, s'ils existent, et si faibles, que la branchie peut à peine 
être touchée sans se décomposer en une mullitude de filaments. 
Dans celle espèce , du reste, on trouve les feuillets réfléchis avec 
leurs bords supérieurs complétement libres, et avec une disposition 
tout à fait semblable à celle que l’on observe dans la Moule. 


III. 


MŒURS DES EMBRYONS. 


Les branchies n'apparaissent dans la Moule que lorsque l'animal 
a acquis déjà un certain degré de développement. Leur présence 
doit certainement marquer une période de la vie embryonnaire. 
Dans quelques cas, sur les Huîtres par exemple, j'ai en vain 
cherché à voir cette période ; tous mes efforts ont été vains et 
inutiles. C’est qu'évidemment elle ne commence que lorsque cer: 
taines conditions se présentent. Quelles sont-elles ? Je n’en sais 
rien; je n'ai pas pu encore les saisir; mais à coup sûr personne 
n’a vu sur cet animal le développement de la branchie. Je le 
montrerai surabondamment. 

Quant à la Moule il n’en est pas de même ; des circonstances 


(1) Voir le travail que j'ai publié sur l'Anomie, Ann. des sc. nat., 4° série, 
t. Al, p. 4. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 15 


heureuses m'ont permis de me procurer en grand nombre, et à 
des degrés très divers, les embryons. Aussi ai-je pu suivre lap- 
pareil de la respiration depuis son commencement jusqu'à son 
entier développement. 


J'avais été frappé, et tout le monde l’a été, sans doute, par l’in- 
nombrable quantité de jeunes Moules qui, dans certaines localités, 
viennent se placer sur les bords de la mer presque à fleur d’eau, 
quand les rochers leur fournissent un lieu abrité où elles peuvent 
vivre sûrement et tranquillement. Il suffit d’avoir fait une prome- 
nade sur les jetées qui servent de cales dans différents ports, dans 
celui de la Joliette, par exemple, à Marseille (4), pour avoir vu un 
liséré noirâtre presque à fleur d’eau composé de Moules prodi- 
gieusement nombreuses, et serrées les unes contre les autres. 

Je me demandais, dans une excursion que de Marseille j'avais 
faite à la Venise provençale, aux Martigues, si je trouverais sur les 
bords de la petite mer de Berres la même chose, et je ne tardai pas, 
en suivant les berges qui sont derrière la ville, près de la route 
de Marseille, à trouver les Moules en nombre vraiment con- 
sidérable; mais, en continuant mon excursion, j'arrivai à un 
endroit où les fucus, sous forme d’un duvet fin, couvraient les 
pierres. Je cherchai au milieu de ces plantes , et je ne trouvai plus 
les Moules. Elles semblaient avoir abandonné le bord, gênées 
qu'elles étaient par la végétation ; elles reparaissaient dès que le 
rocher devenait de nouveau à nu. Il me parut évident que, dans 
les points les plus voisins de la surface de l’eau , il y avait une 
grande quantité d'animaux toujours jeunes, alors qu’on n’en 
trouvait pas de grande taille; qu’il devait y avoir une émigration 
des individus les plus forts vers des régions plus profondes, et que, 
à un certain moment, les jeunes Moules, avant de se fixer, venaient 
vivre à la surface de l’eau, portées instinctivement vers un milieu 
où l'air et la lumière étaient en rapport avec les besoins de leur 
activité vilale. Je pensai donc qu'on pourrait trouver des larves où 
des embryons sur les bords des berges, et je me mis résolüment 


(4) L'observation dont il est ici question a été faite dans le mois de septembre 
1853 ; je ne sais si les faits que j'indique ont cessé d'exister, 


16 M. LACAZE-DUTHIERS.— MÉMOIRE 

à leur recherche. M. Lüven n’avait-il pas été la loupe à la main 
recueillir des embryons sur les fucus , en suivant la marée dans 
les petites flaques d’eau que laissait la mer? 

J'explorai donc avec soin les anfractuosités des rochers qui 
avoisinent le bord de l’eau et qui sont remplies, quand la mer de 
Berres agitée vient se briser sur le rivage. 

Dans ces sortes de petites mares, la faune et la flore présentent 
les mêmes caractères que dans la mer même , et je pensai que là, 
si je devais le rencontrer, je trouverais plus facilement ce que je 
cherchais. J'examinai toutes les plantes, et bientôt je rencon- 
trai sur un fucus filamenteux transparent, d'un gris jaunâtre , 
des petits points brunâtres qui me parurent être des animaux 
fixés. J'avoue que j'étais loin de penser que j'avais atteint mon 
but. Quand j’observai les brins de fucus que j'avais récoltés tous 
chargés de ces points noirs, je ne tardai pas à reconnaître de 
jeunes Moules ; car sur une même touffe je rencontrai bientôt des 
individus de tout âge, et faisant le passage entre l'adulte et l’em- 
bryon. 

Ceux qui ont exploré les bords de la mer se feront seuls une 
idée exacte du plaisir que j’éprouvai en trouvant ainsi une mine 
aussi riche et inépuisable, qui , à la porte même des Martigues , 
pouvait me fournir un sujet de travail sans perte de temps. Je fus 
donc bientôt installé et à l'œuvre. 

Je n’avais garde de laisser échapper une telle occasion ; dans 
l'étude de l’embryogénie des Acéphales comme dans celle des 
autres Mollusques, toute la question est d’avoir des embryons. Car 
rien n’est difficile comme de les élever ; pour beaucoup d'espèces 
même c’est la seule cause du retard qu'éprouvent nos connais- 
sances. 

Je me plais à signaler aux naturalistes la circonstance heureuse, 
dont je me hâtai de profiter autant que le temps me le permettait ; 
car, pour les autres points de l’histoire embryogénique de la 
Moule, on trouvera à coup sûr, dans la localité que j'indique, tous 
les matériaux nécessaires. Il suffit en effet, du moins dans l’année 
et à l’époque dont je parle, de chercher à l’est des Martigues , en 
se dirigeant vers Saint-Médard , pour rencontrer des quantités 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES, 47 
innombrables d'embryons de 1/4 à 1/5° de millimètre de diamètre, 
et de toutes les grandeurs au-dessus. 

Mes observations ont été faites dans la première quinzaine de 
septembre , une année où la saison, pluvieuse et froide, avait fort 
retardé le printemps. Il serait curieux de faire des observations 
dans le courant de l’été, pour voir à quel moment les jeunes Moules 
se fixent aux fucus, et en quel état elles sont quand elles viennent 
ainsi à la surface de l’eau. 

Serai-je assez heureux pour pouvoir moi-même faire les recher- 
ches que j'indique ? Si mes occupations me le permettent, à coup 
sûr je reverrai les Martigues, et j’exploiterai de nouveau les heu- 
reuses conditions dont je viens de parler. 

On ne saurait trop multiplier les indications qui, plus tard, 
peuvent être d’un précieux secours aux naturalistes. Les auteurs 
qui écrivent, ou qui écriront sur l’embryogénie des animaux ma- 
rins, ne doivent rien négliger pour faire connaître les moindres 
parlicularités de mœurs. On ne saurait croire combien , pour le 
zoologiste voyageur, sont utiles et importantes les plus simples 
indications. 

Aujourd'hui que les études d'anatomie physiologique sur les 
bords de la mer sont poussées avec tant d'activité, il y aurait tout 
un livre à entreprendre pour faire connaître la géographie z0olo- 
gique marine, non-seulement pour des pays éloignés, mais encore 
pour une même localité. 

Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, il n’est pas douteux que sur 
les plages que découvre la marée basse, on ne trouve des ani- 
maux à des profondeurs diverses. La Moule n’atteint pas de grandes 
profondeurs ; c’est ce que l’on peut constater sur toutes les côtes 
de la France avec la plus grande facilité. 

Les pêcheurs riverains, je dirais mieux les populations côtières 
qui suivent la marée pour butiner après elle, savent très bien qu'ils 
ne trouveront tel ou tel animal quelorsque la grève découvrira jus- 
qu'à telle ou telle profondeur. Ils se préparent d'avance pour telle 
marée, parce que c’est alors qu'ils feront une plus riche prise. 

Je pourrais citer des exemples nombreux. Des animaux qui 
m'ont fourni des sujets d'étude se trouvaient seulement à certaines 


4° série. Zoos. T. V. (Cahier n° 4.) ? 2 


18 H. LACAZE-DUTHIERS. -— MÉMOIRE 


profondeurs et non pas à d’autres ; je connaissais sur des bancs de 
sable des zones où à coup sûr je rencontrais des Dentales , et si je 
les trouvais ailleurs, c’est que la mer les avait roulés et déplacés. 

Les animaux des côtes habitent donc comme des zones spéciales. 
On sait aussi que beaucoup n’abandonnent jamais la haute mer; 
enfin que ces zones peuvent changer avec l’âge : c’est ce qui 
arrive en particulier pour la Moule. Sans aucun doute elle vient à 
la surface de l’eau quand elle est encore embryon , et c’est là ce 
qui explique ces bancs de Moules qui, dans la Méditerranée, bor- 
dent les rochers à fleur d’eau. 

Des observations directes m'ont encore fourni la preuve de ce 
dernier fait. Quand je plaçais, dans de l’eau très pure et parfaite- 
ment renouvelée , les fucus chargés de petites Moules, constam- 
ment les embryons gagnaient le haut du vase, et formaient à la 
surface de l’eau comme une couche noirâtre. Il y a donc dans cette 
étude des mœurs des animaux d’intéressants sujets de recherches 
qui serviraient plus lard de guides précieux pour les excursions 
marines de physiologie et d'anatomie. 

Je n’ai point observé les jeunes Moules avant qu’elles fussent 
fixées; mais je crois que par analogie on pourrait , d’après ce que 
M. Lüven , M. de Quatrefages et moi-même avons vu sur d’autres 
espèces , admettre que la Moule vient ainsi à la surface , portée 
qu’elle est par son appareil locomoteur ciliaire , son disque mo- 
teur, comme dans les autres espèces d’Acéphales lamellibranches, 
et qu'alors son byssus, trop délicat encore, ne suffit pas pour la 
fixer sur les rochers où les mouvements des vagues sont trop forts. 
Aussi , sur le bord de l’étang de Berres, je reconnaissais , guidé 
par ces données, les points abrités où je rencontrerais de jeunes 
embryons en grande quantité. Je m'explique pourquoi aussi, sur 
la jetée du sud du port de la Joliette , les Moules abondent : elles 
ont pu s’y fixer à l’abri des coups de mer. 

Ce voisinage de la surface est évidemment en rapport avec les 
besoins de l'animal ; car dans les moments d’agitation de l’eau, 
quand la jeune Moule est fixée, soit aux fucus , soit aux rochers , 
les vagues en se retirant la laissent à découvert ; elle est exposée à 
l'air, condition qui évidemment ne lui est pas défavorable. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 19 


J'ai fait, disais-je, mes observations au commencement de sep- 
tembre ; bien que cette année-là la saison fût retardée, il est peu 
probable que les embryons de 1/4 de millimètre, les plus petits 
qu'il m'ait été donné de rencontrer, fussent du mois d'avril. Il me 
semble qu'ils devaient être moins âgés. On sait que Baster (1) et 
Poli (2) étaient en désaccord sur le moment de la ponte des Moules. 
Le premier assignait les mois d'avril et de mai , le second le mois 
d'octobre jusqu’en décembre. Ces deux observateurs entendaient 
parler des Moules des côtes de la Hollande et de la mer de Tarente, 
et je crois qu’ils devaient l’un et l’autre être dans la vérité (3). Ne 
serait-on pas tenté de croire , d’après la taille des jeunes embryons 
que j'observai aux Martigues, qu'il peut, pour des points intermé- 
diaires aux localités précédentes, y avoir aussi des époques inter- 
médiaires pour la ponte? 

Je n’ai pas observé l’embryon à partir de l'œuf; c’est done là 
une nouvelle recherche à faire pour reconnaître l’époque de la 
fraie dans la localité dont il est ici question. Cette époque, du reste, 
doit être bien connue des pêcheurs (4) de Moules des Martigues, 
où ce Mollusque, très abondant, donne lieu à une pêche fort active, 
qui fournit des bénéfices considérables, car il est éstimé. 


IV. 


ORGANISATION DES EMBRYONS. 


Voyons maintenant quelle était l’organisation des jeunes Moules 
au moment où j'ai commencé les observations. 
Sur les plus jeunes embryons, l'anatomie peut se faire par trans- 


(4) Poli (Xav.-dol.). Testacea utriusque Sicilie. Paris, 1791-1795. 

(2) Baster (Job.). Opuscula subseciva, continentia observationes miscella- 
meas de animalculis et plantis quibusdam marinis eorumque ovariisque et semini- 
bus, 2 vol. in-4. Harlemi, 1759-1765. 

(3) Voir les observations que j'ai publiées sur les organes de la reproduction 
des Mollusques acéphales lamellibranches. — Considérations générales et histo- 
riques, (Ann. des sc, nat., t. II, 4° série, p. 155.) 

(4) Je vois que, dans les notes prises dans la localité, j'ai omis de signaler 
exactement le moment de la ponte; je préfère donc m'abstenir plutôt que dé me 
confier à mes souvenirs, 


20 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


parence ; mais, dès que les appareils ont pris quelque développe- 
ment, il faut arriver à des dissections très minutieuses, le plus sou- 
vent fort laborieuses, que j'ai cependant pu conduire à bonne fin, 
sous l'excellent microscope à dissection de M. Nachet, avec le 
trépied mobile à miroir qui sert de table. 


Test. 


La coquille dans les jeunes Moules est entièrement différente 
de ce qu’elle sera plus tard chez l'adulte, puisqu'elle est presque 
ovale, et que la charnière ainsi que le ligament se trouvent vers le 
milieu du grand diamètre. À ce moment, on pourrait comparer sa 
forme à celle d’une Mactre, en petit toutefois (4). En avant et en 
arrière du ligament élastique (2) sont des dents très nettement 
dessinées, et l’engrènement qu’elles forment(3) est toujours facile à 
constater. 

On remarque sur les deux valves des stries circulaires peu nom- 
breuses, qui, dans les individus de très petite taille, sont d'autant 
plus rapprochées d’une circonférence régulière qu’elles sont plus 
centrales, et voisines du crochet. Cela montre évidemment que, 
dans le commencement, les valves du test étaient arrondies, et 
que leur forme ne s’est allongée que parles progrès du développe- 
ment; et plus lard, quand la coquille sera piriforme, on ne pourra 
expliquer cette nouvelle apparence que par l'accroissement dispro- 
portionné que prend le diamètre longitudinal antéro-postérieur, 
comparativement au diamètre transverse ou vertical, surtout en 
arrière de la charnière, Il semble, sur la coquille d’un adulte, que 
le sommet des crochets qui se trouve presque au-dessus de la 
bouche soit formé par les premières couches testacées de l’em- 
bryon. 

Du côté du dos, les valves présentent les deux crochets , qui 
peu à peu portés en avant, laissent en arrière la portion posté- 
rieure du test, et logent les deux lobes du foie. 


(1) Voyez t. V, pl. 2, fig. 2, 3, 4. 
(2) Idem, fig. 2 (l). 
(3) Idem, fig. 2 (ch, ch}. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 21 

En regardant l'animal de champ (1), on aperçoit la charnière, 
qui, rectiligne dans toute la parie moyenne correspondant aux 
crochets des valves , devient sinueuse en avant et en arrière. 
On y remarque (3) cinq dents du côté de la bouche et trois seule- 
ment en arrière, s'engrenant les unes les autres avec une grande 
précision. La réunion des deux valves est complétée par un liga- 
ment élastique bien évident, qui semble formé de deux moitiés 
semi-lunaires (4), et qui est plus rapproché des dents postérieures 
que des antérieures. 

Un fait qui m'a paru singulier est celui-ci : Les dentelures 
s’effacent de plus en plus, à mesure que les progrès du développe- 
ment avancent davantage, et lorsque les branchies sont compléte- 
ment constituées, il m'a été impossible de les distinguer. L'épaissis- 
sement des parties les aurait-il cachées et dérobées à l'observation ? 

Il n'est pas possible de comparer complétement les jeunes 
Moules dont il vient d’être question aux larves des Huitres, même 
les plus développées, et dont j'ai présenté ailleurs une partie de 
l'histoire (5) ; car on établirait un parallèle entre des êtres qui ne 
sont point dans des périodes correspondantes de leur développe- 
ment. Mais dans les jeunes Huitres cependant, on trouve une 
charnière qui présente beaucoup d’analogie avec celle-ci. 

Les valves de la jeune Moule sont tenues rapprochées , par un 
muscle (6) bien développé situé en arrière ; on voit autour de lui 
le rectum, et dans son voisinage l'anus. Le muscle correspond 
évidemment à celui qui, dans l'adulte, est postérieur. N'ayant pas 
observé celui qui est du côté de la bouche en avant, mais M. Lüven 
l'ayant indiqué dans les figures des jeunes Acéphales dont il a fait 
l'histoire, je crois qu'on peut admettre que le muscle postérieur est 
le premier à se développer, et que par conséquent les Moules qui 


(1) Voyez pl. 2, fig. (3, 4). 

(2) Voyez pl. 2, fig. (2). 

(3) Voyez pl. 2, fig. (ch, ch). 

(4) Voyez pl. 2, fig. (1). 

(5) Voyez Comptes rendus de l'Académie des sciences de l'Institut de France, 
t. XXXIX, année 1854, p. 4497. 

(6) Voyez pl. 2, fig. 3 et 4, dans le voisinage d'un organe marqué r. 


= 


29 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


sont dimyaires commencent par être d’abord monomyaires ; fait 
qui pourrait expliquer, par lathéorie des arêtes de développement, 
comment cerlains Mollusques, tels que l’Huitre, la Coquille de 
Saint-Jacques , le Spondyle , etc., restent toujours monomyaires. 


Manteau. 


A l’époque où nous étudions la Moule, son manteau présente 
déjà la disposition que plus tard il aura chez l'adulte, mais cepen- 
dant à un degrémoindre. Les deux moitiés, ou lobes, sont soudées 
sur la ligne médiane, en arrière, du côté opposé à la bouche (4). 

La soudure, dans les plus jeunes individus, remonte assez haut ; 
elle embrasse la base du pied qui semble sortir de son intérieur (2) 
par une ouverture spéciale. En arrière, l'union des deux lobes est 
interrompue à la hauteur de l'anus : c'est le commencement du 
tube postérieur respiratoire. Restée à peu près la même pendant que 
les autres parties croissent, la soudure devient relativement plus 
petite, et s'éloigne de la base du pied; aussi présente-t-elle une 
ouverture antérieure d'autant plus grande, que l'animal est plus 
avancé en âge. On voit au travers de cette fente les filets bran- 
chiaux (3); en arrière d'elle, vers la base, on remarque aussi une 
languette qui, en se rabattant, peut jouer le rôle de valvule ; c’est 
le rudiment de ce qui existesur l'adulte, et qui est si prononcé dans 
quelques espèces : les Lithodomes, les Bucardes, ete. 

Est-il besoin de dire que le manteau est très sensible, très con- 
tractile, et qu'il est couvert de cils vibratiles nombreux que l’on 
distingue facilement ? 

Pied. 


Cet organe, destiné spécialement à la locomotion, présente déjà 
un développement considérable au moment de l'apparition des 
branchies, et, pendant la formation de celles-ci, il continue son 
accroissement. 

Quoiquecylindroïde, il mérite bien cependant son nom, car ilsert 

{1} Voyez pl. 2, fig. 4 (m). 


(2) Voyez pl. 2, fig. 4 (p). 
(3) Voyez pl. 2, fig. 4 (br.). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 923 


beaucoup à l'animal ; recourbé habituellement en avant, il se porte 
dans tous les sens ; son extrémité libre est un peu évasée, sur- 
tout dans les moments où l'animal l’applique sur les corps en 
manière de ventouse. Cette extrémité présente, en effet, une exca- 
vation , qui se continue en forme de sillon tout le long de la face 
inférieure, comme, du reste, dans l’adulte (4). 

Le jeune animal s’en sert à peu près comme les Sangsues se ser- 
vent de tout leur corps pour la locomotion ; il le porte au loin dans 
tousles sens, et semble täter, palper les objets ; puis ille fixe dans le 
point choisi, et alors, en se contractant, il peut rapporter, attirer 
et ramener son corps vers le point où avait eu lieu l’adhérence de 
la ventouse. J'ai suivi bien souvent, sous le microscope, les jeunes 
Moules rampant ainsi sur les brins de fucus. Quand je les plaçais 
dans des vases de verre, je les voyais, à l’aide d'une bonne loupe, 
avancer sur les parois à la manière qui vient d’être indiquée. La 
locomotilité de ces jeunes larves est encore assez grande, et l’on 
peut ainsi les voir se déplacer jusqu’au moment où elles se fixent 
par leur byssus. 

Du reste, ce mode de progression n'appartient pas seulement aux 
jeunes Moules. La Cyclas (Cyclas cornea), que l’on rencontre en 
quantité prodigieuse dans les environs de Lille, se déplace avec 
une très grande facilité au moyen de son pied, qu’elle étend et fixe 
en manière de ventouse. On n’a qu’à placer dans un vase de verre 
ces Acéphales pour les voir ramper (l’expression est très juste), 
et monter jusqu'à la surface du liquide, et si, dans le vase, se trou- 
vent quelques filaments de Conferves, on les voit bientôt s’y atta- 
cher et s’y suspendre toujours à l’aide de leur pied. 

C’est à ce mode de locomotion que je dois d’avoir pu examiner 
l'animal de face. En plaçant la jeune Moule dans des cuvettes 
à faces planes, parallèles, formées de lames de verre excessivement 
minces, et spécialement disposées pour l'examen des petits êtres, 
on la voyait ramper tantôt sur la face inférieure, tantôt sur la face 
supérieure, et présenter dans un cas le dos, dans l'autre Ja partie 
inférieure. 


(1) Voyez pl. 2, fig. 4 (p). 


24 H, LACAZE-DUFIHIERS, — MÉMOIRE 

Le pied est couvert de cils vibratiles très vifs, au milieu des- 
quels on rencontre des cirrhes ou cils plus grands, également fort 
mobiles ; tous servent à la locomotion. Quand l'animal veut nager, 
il étend son pied, et il avance par les mouvements seuls des cils. 
Ce moyen est employé de moins en moins, à mesure que l'animal 
est de plus en plus développé. 

On voit dans le pied une cavité générale, où les contractions 
agitent des globules. 

Byssus. 


Quand on place dans un vase de verre une touffe de fucus 
chargée de petites Moules, bientôt les parois se couvrent d’une 
quantité considérable d’embryons. Alors on peut changer l’eau, 
renverser le vase, sans que ceux-ci se détachent. L'adhérence 
a lieu au moyen d’un byssus, qui ne peut être mis en doute sur 
des individus de 4/2 millimètre, mais qui est plus difficile à consta- 
ter sur les individus de plus petite taille. Dans ces derniers , il 
faut apporter toute son attention pour reconnaitre l'organe fila- 
menteux qui sert à les fixer. Il n’est composé que de deux, trois 
ou quatre fils transparents hyalins, parfois ramifiés, et qui naissent 
de la face inférieure du pied, tout près de sa base, dans la fente 
ou scissure même que l'on voit sur la face inférieure (4). 

I m'a semblé, mais je dois avouer que l'observation offre de 
grandes difficultés, que les filaments du byssus étaient de petits 
lubes, dans l’intérieur desquels était comme une matière plastique 
qui, lorsque le filament venait à être rompu, s’échappait à l’extré- 
mité, et y faisaitun petit bourrelet; ce serait cette matière plastique 
qui se fixerait aux parois. 

Plus tard, j'ai eu occasion d'observer les mœurs d’une Moule 
rose que j'avais trouvée sur les côtes du Bretagne, et j'ai pu voir 
comme une sorte d’épanouissement de tubercule blanchâtre termi- 
nant chaque filament. J'avais placé la Moule dans un vase de terre 
verni en noir; elle avait changé plusieurs fois de place en cassant 
les tubes de son byssus, on voyait de petits disques qui venaient se 
former à l'extrémité de chacun de ces filaments, à mesure qu’elle 


(4) Voyez pl. 2, fig. 1. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 25 


se fixait de nouveau. On pourrait done avoir l'idée du rôle de l’or- 
gane qui nous occupe, en le considérant tout simplement comme 
un faisceau de tubes destinés à porter dans le point, où doit se 
fixer l'animal , la matière plastique destinée à cet usage. 


Organes internes. 


A part les branchies que je laisse de côté, il n’y a que l'appareil 
digestif de formé dans les jeunes Moules dont il vient d’être ques- 
tion. Des organes qui servent à la conservation de l'individu, c’est, 
en effet, celui de la digestion qui se développe le premier après 
celui de la locomotion. 

Nous devons étudier la bouche, l'estomac, l'intestin, l'anus, 
le foie. 


La première est fort difficile à voir, et cela s'explique. En avant 
du corps (1), il y a une sorte de dépression, où bien certainement 
estla bouche, mais qui est remplie le plus souvent, quand l'animal 
est en repos, par le pied qui s’y retire comme dans une loge ou 
un abri. Aussi n'ai-je jamais pu observer nettement cet orifice, 
dont la position dans un point de cette partie antérieure ne peut 
être douteuse. 


Comme, dans presque tous les Acéphales lamellibranches, l’esto- 
mac est placé dans le voisinage de l’orificed'entrée, c’est à peine si 
le tube qui y conduit peut recevoir le nom d'æsophage. On recon- 
naît bien vite l'estomac à ses parois épaisses, écartées, limitant une 
cavité étendue, au milieu de laquelle paraissent tourbillonner des 
globules plus ou moins colorés, qui sont tantôt de petits corps avalés 
par l'animal , tantôt des particules de matière colorante fournie 
par le foie. Les mouvements de ces petites masses sont très évi- 
dents, tant que l’animal est bien portant; ils cessent dès que la 
vitalité paraît un peu se ralentir , et alors il n’y a plus cette ligne 
bien nette et transparente entre les parois et le milieu de la ca- 


(1) Voyez V, pl. 2, fig. 2 et 4. On voit le pied qui se recourbe en haut, 
et dont la pointe est rapprochée du crochet et du foie, — De même dans la 
figure 3. 


26 H. LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


vité (1). Dans les jeunes Huîtres, ce phénomène me guidait tou- 
jours dans l'appréciation que j'avais à porter sur la durée de 
l’existence des jeunes animaux que j'élevais. 

L’estomac se contracte aussi de temps en temps, comme, du 
reste, les autres parties de l’organisme. 


L'inteslin offre les mêmes caractères que chez l'adulte ; mais 
ces caractères sout d'autant plus marqués que l’on avance davan- 
tage ; ainsi, à mesure que les branchies se développent, on vait 
les circonvolutions intestinales plus nettement dessinées. 

L’estomac se rétrécit vers son extrémité postérieure dans un 
point voisin du muscle postérieur des valves, et à son rétrécisse- 
ment fait suite l'intestin qui remonte vers le dos, pour se diriger 
d’arrière en avant, un peu sur le côté de l'estomac. A gauche, 
après être arrivé en avant, presque à la naissance de la cavité sto- 
macale, il redescend en longeant la première anse et restant à son 
côté gauche ; puis se rapprochant de nouveau de la ligne médiane, 
il gagne la face dorsale du muscle des valves, se contourne pour 
venir s'ouvrir, comme dans tous les Acéphales , au-dessus et en 
arrière de lui. 

Quand on peut arriver à fixer l'animal ou à l'empêcher de se 
mouvoir trop librement, on distingue {rès nettement les cils vibra- 
tiles dans l’intérieur du tube intestinal où ils déterminent un cou- 
rant assez rapide. 


Enfin le foie est de tous les organes celui que l’on aperçoit le 
plus promptement et avec le plus de facilité ; car il frappe immé- 
diatement par sa couleur brunâtre à la fois jaune et un peu ver- 
dâtre. Il est formé de deux masses , l’une droite, l’autre gauche, 
dont le volume est très différent; l’un et l’autre occupent les 
crochets de la coquille, mais dans des proportions variables. Le 
côté droit (2) s'étend beaucoup moins en arrière; il semble sphé- 
roïdal ; celui de gauche, au contraire, est comme bilobé (3). Plus 

(1) Zoo!., pl. 2, fig. 2 (g), fig. 3 (g). 

(2) Voyez pl. 2, fig. 8 (f), fig. 2 (f). 

(3) Voyez pl. 2, fig. 4 (f), fg. 2, où l'on peut bien apprécier la différence 
des formes des deux lobes. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 97 


tard, l'estomac et l'intestin seront perdus pour ainsi dire au milieu 
de la masse glandulaire, qui s’étendra toujours davantage à gauche 
qu’à droite. La position de l’estomae, plus de ce côté que de l’autre, 
explique certainement la prédominance du lobe droit relativement 
au lobe gauche. 

On distingue dans le milieu de ces lobes comme un éclairci ; la 
substance glandulaire semble moins épaisse en ce point; cela tient 
uniquement à la position du microscope. Quand on place les pour- 
tours au foyer, le centre parait transparent, parce qu'il y a une 
cavité au milieu de la masse glandulaire qui communique avec 
l'estomac; ces cavités plus tard, en suivant l'accroissement de la 
glande, s’allongent et finissent par former des canaux biliaires, 
toujours extrêmement larges, et dilatés dans les Mollusques Acé- 
phales. 

On voit même dans cette cavité les mouvements ciliaires; c’est 
qu’en effet, comme je le montrerai plus tard dans un travail que je 
me propose de publier bientôt sur la structure du foie des Acéphales, 
les canaux biliaires, qui sont tapissés par la substance glandulaire 
elle-même, sont revêtus par un épithélium vibratile, qui s'étend 
jusque dans le fond des culs-de-sac sécréteurs. 


Tels sont les principaux organes de la digestion ; on voit qu’à 
l’époque où nous allons prendre le développement de la jeune 
Moule , ils sont assez nettement dessinés. Eux et les organes de 


la locomotion sont les plus parfaits ; ils ne peuvent être confondus 
avec aucun autre. 


Il est encore deux choses que j'ai observées non pas dans les 
embryons ayant déjà des rudiments de branchies, mais dans ceux 
qui avaient déjà pris un peu plus de taille, bien que cependant ils 
n’eussent pas encore un grand nombre de filaments respiratoires. 

En avant de la première baguette des branchies, en arrière de la 
partie antérieure du lobe gauche du foie, et à la base du pied, j'ai 
aperçu une petite vésicule()sphérique, dans l’intérieur de laquelle 


(4) Voyez Zoo!., pl. 7, fig. 4 (0). 


28 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


s’agitaient, d'un mouvement analogue à celui que l’on appelle 
mouvement brownien, de tout petits corpuscules toujours placés au 
centre. M. Lôüven a vu et dessiné cette même capsule dans la 
Moule plus développée ; c’est, à n’en pas douter , une capsule 
auditive; ce sont les otolithes de M. Von Siebold. La position à la 
base du pied avec les autres dispositions la caractérise suffisam- 
ment. 

Enfin dans le point où l’on rencontre habituellement le cœur et 
les organes de Bojanus chez l'adulte, on voit une vésicule transpa- 
rente , hyaline , à peine appréciable par un contour léger. Elle a 
été vue aussi par M. Lüven, qui a signalé, même dans son inté- 
rieur, l’existence de cellules, ce qui ne permet guère de ne pas 
reconnaitre en elle l’origine du sac de Bojanus. Cette vésicule paraît 
entre le lobule postérieur du foie, le muscle postérieur des valves 
en dessous du tube digestif (1). Je dois me ranger à l'opinion de 
M. Lôven; car dans les jeunes Cyclas j'ai vu la même chose; et 
déjà dans cet Acéphale la substance caractéristique se fait recon- 
naître. Il est vrai de dire aussi que dans ces derniers embryons 
le cœur battait. 

J'avais eu une autre opinion, je dois l'avouer ; car j'avais vu 
ces vésicules se contracter à de très longs intervalles, il est vrai ; 
j'avais d’abord pensé qu’elles devaient représenter les oreillettes. 
Mais comme, sur des individus beaucoup plus développés, il m’a 
été impossible de voir le cœur, j'ai dû abandonner cette opinion , 
surtout quand plus tard j'ai connu ce que disait M. Lôven dans 
son remarquable Mémoire : « Je n’ai jamais été assez heureux 
» pour l’observer (le cœur) chez aucun Acéphale examiné , et je 
» désespère même de le faire. » 

Si j'insiste sur ce développement du cœur, c’est que personne 
n'a encore vu naître cet organe dans les Acéphales. Les larves de 
jeunes Huïtres, que j'aiélevées et conservées pendant quarante-trois 
jours après les avoir extraites du manteau de leur mère , ne m'ont 
pas fourni l’occasion de voir se former l'organe central de la circu- 
lation, et elles n'avaient point de branchies. 


(1) Voyez pl. 7, fig. 3 et 4 (r). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 29 


En résumé, la jeune Moule, quand ses branchies vont paraître, 
ne possède que des organes de la locomotion et de la digestion. 
Quand l'appareil de la respiration se montre, le pied est nettement 
dessiné ; il est pourvu d'un byssus. Les otolithes sont appréciables 
ainsi que les rudiments de ce que M. Lüven considère comme 
l'organe de Bojanus. Le tube digeslif se compose d’un estomac et 
d'un intestin forts distincts , et le foie est nettement divisé en deux 
lobes, qui sont chacun creusés d’une cavité débouchant dans 
l'estomac. 

Il n'y a, comme on le voit, ni cœur, ni système nerveux pro- 
prement dit, ni à plus forte raison de glandes génitales. 


YV. 


DÉVELOPPEMENT. 


Malgré tous mes soins, toute l’assiduité de mes recherches, je 
n'ai pu, à l’époque où je les observais, rencontrer des individus 
portant moins de trois à quatre rayons branchiaux. Je ne puis done 
ici indiquer l’origine de ces premiers éléments de l'organe respi- 
ratoire; mais, sans forcer beaucoup l’analogie , il est permis de 
penser que ceux-ci ont été produits absolument comme ceux qui 
viennent plus lard, et qui se rangent à côté d’eux. 

M. Lüven n'a pas dépassé le nombre de neuf ou dix rayons; 
d’après ce qu'il ditmême, on croirait qu'il ne s’est préoccupé que 
d’une chose: qu'iln’a voulu montrer quelapremière phase du déve- 
loppement : car il affirme que ce qu'ila vu est bien organe de la 
respiration représenté par des baguettes nées sur les côtés du 
corps. 

Voici ce que nous devons chercher à reconnaitre. D'abord dans 
quel ordre apparaissent chacun des feuillets, et par quelle série de 
transformations les trois ou quatre filaments qui ont été observés 
se sont trouvés remplacés par des lamelles et des feuillets, comme 
cela a lieu chez l'adulte? En répondant à toutes ces questions , 
on le voit, le mode de développement des branchies sera complé- 
tement démontré. 


30 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


Branchie interne. 


Feuillet moyen, direct ou descendant. 


Je viens de dire qu'il m'avait été impossible de rencontrer 
moins de trois rayons. Dans deux des dessins qui accompagnent ce 
mémoire, on voit (4) des baguettes qui, de chaque côté du corps , 
s'avancent à l'opposé de la charnière vers le bord libre du manteau 
et des valves. Ce sont, les premières parties de l’appareil, celles 
qui constitueront la lame moyenne ou directe de la branchie interne 
de droite ou de gauche ; on voit done que d’abord cette lame com- 
mence par être une grille composée de quelques baguettes très 
distinctes et non soudées entre elles. 

On voit aussi, pour m'en tenir à ces exemples, que pour for- 
mer les fentes ciliées du Taret indiquées par M. de Quatrefages, il 
suffirait de raccourcir ici beaucoup les parties, et de rapprocher 
leurs extrémités jusqu'au contact. 

Remarquons aussi que l'extrémité des rayons est plus grosse, et 
semble renflée en une sorte de tête, qui devient bientôt, quand 
le nombre est plus grand , comme vaguement trilobée. 

M. Lôven, je l’ai dit, pense que, chez la Montacuta, un cordon, 
offrant trois renflements sensibles, sort de la paroi postérieure du 
manteau. Je ne puis apprécier et juger cette opinion, les observa- 
tions me faisant défaut; mais pour les autres filaments, la nature 
suit une marche que je crois avoir reconnue, et qui me paraît être 
la véritable, car elle rend trop bien compte de certaines dispo- 
sitions. 

Voici quelle elle est : 

Dans le point où le manteau, le muscle des valves et les viscères, 
sont unis, un bourgeonnement des lissus a heu, et produit de 
chaque côté un tubercule qui, en s’allongeant, forme bientôt une 
baguette. Le premier de cestubercules a dû se former, sans aucun 
doute, tout à fait à la base du pied, tandis que ceux qui viennent 
après naissent et se disposent en arrière, en ligne droite, et dans 


(1) Voyez fig. (3) (4) (1) (br). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 31 
un plan parallèle à celui qui partage le corps de l’animal en deux 
moitiés symétriques. 

C'est là une supposition, mais tout porte à croire que cette 
origine est bien réellement la véritable, si l’on en juge par ce 
qui se passera plus tard. 

A partir du troisième rayon branchial , on voit successivement 
apparaitre les nouveaux éléments de la branchie sous forme de 
tubercule, de petites élévations, qui peu à peu s’allongent et s’éloi- 
gnent de celui qui les précède. 

La dépression qui sépare ces tubercules ou bourgeons est 
d’abord marquée en avant (1) ; plus tard une dépression se forme 
en arrière ; celle-ci isole le bourgeon du manteau, tandis que la 
première l'avait isolé du filament antérieur (2). Ainsi séparé, 
le tubercule s’allonge, et de bourgeon qu'il était (3), devient 
rayon ; alors il se place à côté des précédents, et le nombre des 
éléments de la branchie se trouve porté de trois à quatre ; en arrière 
du quatrième s'opère un travail semblable : un tubercule se montre 
isolé en avant d'abord, confondu avec le manteau encore en 
arrière ; bientôt une dépression le sépare de ce dernier, et le 
nombre des rayons s'accroît ; il est porté de quatre à cinq. Ainsi 
de suite, le nombre augmente rapidement. 

Je ne saurais dire si primitivement il y a un cordon produisant 
ces tubercules, comme le dit M. Lôüven ; mais quand ils se sont 
multipliés, leurs bases, unies entre elles, forment un bourrelet lon- 
gitudinal, qui alors mérite en effet le nom de cordon. Cela devient 
très évident quand le nombre des rayons branchiaux est porté à 
neuf ou dix (4); alors aussi les rapports sont tels, entre ceux qui 
sont les plus anciens el ceux qui paraissent de nouveau, que l’ori- 
gine par le bourgeonnement ne peut plus faire de doute. 

Ainsi les premiers phénomènes, en partant du quatrième rayon 
branchial, consistent en un bourgeonnement, qui étend la branchie 


(4) Voyez pl. 2, fig. 3 (a). 

(2) Voyez pl. 2, fig. 4 (a). 

(3) Voyez pl. 2, fig. 3 (a). 

(4) Voyez pl. 2, fig. 5. — Au bas de cette figure on voit les bourgeonne- 
ments de taille différente qui doivent augmenter le nombre des rayons. 


32 H. LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


d’avant en arrière en lui ajoutant postérieurement toujours de nou- 
veaux éléments. N’est-il pas naturel de penser que les trois premiers 
que je n’ai pu voir naître se sont développés de la même manière ? 

Pendant ce travail, les tubercules en s’isolant se couvrent aussi 
de cils vibratiles. Ceux-ci se disposent sur deux séries ou lignes 
doubles, l’une antérieure, l’autre postérieure. Les différents rayons 
se portent en bas en se courbant en dedans , et forment par leur 
rapprochement et leur position dans un même plan une sorte de 
lamelle percée de longues fentes. Les extrémités se touchent toutes, 
mais sans être encore soudées ; leur union a lieu plus tardivement. 

Les rayons un peu courbés en are vers la ligne médiane rencon- 
trent ceux du côté opposé; aussi quand on observe les embryons 
en dessous, une apparence analogue à celle de la cage thoracique 
se fait-elle remarquer (1). 

Les extrémités des rayons des deux côtes ainsi rapprochées 
alternent les unes avec les autres sans qu’il y ait soudure, et quand 
l'animal sort ou rentre son pied, on voit cet organe s’enfermer sous 
le grillage, ou s'en débarrasser en écartant les baguettes qui le 
forment. 

A mesure que les rayons déviennent de plus en plus longs, et 
qu'ils se dessinent mieux , les cils qu'ils portent se disposent aussi 
plus régulièrement ; ils se placent sur le côté antérieur et le côté 
postérieur en deux rangées , en tout quatre , deux internes , deux 
externes. Les mouvements sont inverses sur les côtés de deux 
rayons voisins. Ainsi supposons que, dans une baguette bran- 
chiale, sur son côté postérieur, le courant soit dirigé de la base d’in- 
sertion à son sommet libre, celui que présentera le côté antérieur 
du filament suivant, sera dirigé inversement de l'extrémité libre à 
la base d'insertion ; il en résultera que les particules paraîtraient 
marcher sur les bords d'un rayon dans un sens, tandis qu’elles 
s’avanceront en sens inverse sur le bord de l’autre. Quand les mou- 
vements ciliaires sont dans un état convenable, on croirait voir tout 
autour de la fente les dents d’une roue dentée d’engrenage; c’est 
ce que M. de Quatrefages a très bien décrit dans le Taret, et rendu 
très exactement dans ses dessins. 


(1) Vovez pl. 2, fig. 4 (br). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 33 


On distingue dans ces filaments un milieu qui semble opaque, 
plus obseur , entouré d’une couche finement granuleuse , qui se 
continue avec l'enveloppe du corps. L'une forme le tissu mou de 
la branchie, l’autre en est la charpente ; au milieu se creuse plus 
tard un vaisseau, qui entre en communication avec l'appareil de 
la circulation. 


Feuillet interne réfléchi ou ascendant. 


Je dois anticiper sur ce qui sera démontré plus tard; je dois dire 
que la branchie, qui se développe la première, est la branchie 
interne. Chaque branchie est considérée, on se le rappelle, 
comme ayant deux feuillets; le second feuillet de la première 
branchie, de celle dont nous étudions le développement, se forme 
avant que la branchie externe ait commencé à paraître. Aïnsi 
donc, l’ordre de succession est celui-ci : 

4° Le premier feuillet ou feuillet direct descendant de la branchie 
interne ; 

2% Le deuxième feuillet ou feuillet réfléchi, ascendant, de la 
même branchie. 

On verra plus loin quelle conséquence remarquable on peut 
tirer de cette sorte de retard. 

Dans le développement que nous allons étudier maintenant, 
nous trouvons une marche toute différente de celle que nous ve- 
nons de voir, car le deuxième feuillet s'accroît en sens inverse 
du premier. 

Il ne commence à être appréciable que vers le moment où la 
première lame présente de neuf à onze rayons branchiaux bien 
développés, sans y comprendre les bourgeons ou tubercules en 
voie de formation, toujours au nombre de trois ou quatre (2). 

Jusque à, on pouvait observer les jeunes Moules par transpa- 
rence el sans préparation. Maintenant il n’en est plus de même, et 
l'on doit avoir recours à des dissections, qui deviennent d’une 
grande difficulté, Elles consistent à séparer avec deux aiguilles, 


(1) Loc. cit., Embryogénie du Taret. 
(2) Voyez pl. 2. fig. 5. 
4° série. Zooz. T. V. (Cahier n° 4.) 3 


äl IH. LACAZE-DUTHIERS. —- MÉMOIRE 


sous la loupe , les deux valves de la coquille, puis à dissocier les 
parties molles, respectant autant que possible les branchies déjà 
formées. Quand on peut arriver à ce résultat, on voit sur le côté 
interne que les extrémités renflées des rayons, qui avaient été 
d’abord libres , se sont soudées, et ont formé une lame, mais une 
lame percée de longues boutonnières. Cette soudure des extrémi- 
tés inférieures des rayons branchiaux produit comme un bourrelet, 
comme un cordon (1), qui limite en bas la branchie, comme nous 
avions vu un cordon la terminer en haut vers son insertion au 
corps. 

Ce dernier cordon est le résultat de l’aceroissement des têtes des 
rayons qui, en s'étendant latéralement, jettent comme un pont 
entre elles; c’est ce pont qui, en augmentant à son tour, forme une 
sorte de repli membraneux (2); pour voir cela, il est nécessaire 
d’une étude attentive. 

La soudure, on doit le prévoir, ne peut commencer sur les 
rayons les moins développés ; aussi ce sont les têtes des rayons 
les plus anciens qui se réunissent les premières , et sur les bran- 
chies de neuf à dix rayons, on voit très nettement les six ou sept 
têtes antérieures parfaitement unies, tandis que les trois posté- 
rieures sont rapprochées sans être soudées; quoique cependant 
elles se préparent à la réunion. Sur des exemples , dans ces con- 
ditions, on voit bien nettement que la lamelle, qui est la consé- 
quence de la soudure, est d'autant plus large, qu'elle estplusrappro- 
chée du côté antérieur. J'ai pu voir ces faits sur des branchies qui 
n'avaient de soudés que les trois on quatre rayons antérieurs. Les 
lames s'étendent naturellement dans des sens différents en largeur 
et en hauteur. Dans le premier sens, l'accroissement est semblable 
pour les deux lames ; dans le second, il est inverse. L'une, en effet, 
descend de haut en bas, l’autre s'élève de bas en haut. Le mode 
d’accroissement des deux lames est donc en partie le même, en 
partie différent. 

Je laisse de côté pour un instant le mode, suivant lequel les 
fentes en boutonnière s'effectuent. Il est le même pour les deux 

(1) Voyez pl. 2, fig. 5 (b, b!, b). 

(2) Voyez pl. 2, fig. 5 (c). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 39 


feuillets réfléchis, pour les feuillets externe et interne. On n'aura 
qu’à appliquer au feuillet interne ce qui sera dit dans un instant 
pour le feuillet externe. Pour le moment, on peut considérer ce 
feuillet interne comme une lamelle s'étendant de bas en haut, dou- 
blant pour ainsi dire la première, et s’allongeant d'avant en arrière 
par la soudure des têtes des nouveaux rayons branchiaux qui se 
forment. Ainsi se trouve formé le feuillet réfléchi, qu'il serait 
mieux d'appeler, on le voit, le feuillet interne de la branchie 
interne ; car il n’est pas le résultat d’une flexion, d’une réflexion 
de la première lamelle , mais bien d'un bourgeonnement de son 
bord inférieur, c’est-à-dire d’une production nouvelle et sur- 
ajoutée. 
Branchie externe. 


Feuillet moyen direct ou descendant. 


Pour déterminer le moment de l'apparition des différentes parties 
de l'appareil respiratoire , il faut trouver et prendre des points de 
repaire dans l'appareil lui-même. Ainsi nous avons déjà vu que le 
deuxième feuillet ne commencait à paraître que lorsque le premier 
portait près de douze rayons bien développés; la deuxième branchie 
ou, Si l’on veut, le {troisième feuillet, en allant de dedans en dehors, 
ne se montre que bien plus tard, c’est-à-dire quand les deux pre- 
miers, parfaitement constitués, ont déjà vingt rayons. À ce mo- 
ment, la partie développée de l'appareil a tout à fait l'apparence 
d’une branchie, telle qu’elle se présente dans l'adulte, et le bord 
libre du feuillet interne, c’est-à-dire le bord supérieur, atteint 
presque le bord adhérent du feuillet direct ou moyen interne. 

Alors les dissections deviennent indispensables , et elles sont 
bien plus laborieuses encore que lorsqu'il n'y avait qu'une seulé 
lame. ; 

On voit sur le bord externe de l'insertion du feuillet moyen 
interne, ou de la première lame directe de la branchie interne, vers 
son extrémilé postérieure, naître une série de tubercules, d'abord 
à peine sensibles , mais qui bientôt sont séparés par des dépres- 
sions qui les éloignent, les limitent, et en forment de noûveaux 
filaments isolés comme ceux de la première lame aù début de son 


36 H. LACAZE-DUTHIERS. — MÉMOIRE 


développement. On voit leur multiplication avoir lieu sur le bord 
externe du cordon, résultat de la réunion des bases des filaments de 
la première rangée. 

Les nouveaux filaments se développent d’abord (4) à l'extré- 
mité postérieure de la branchie; ils s'étendent en avant (2) pour 
regagner l'extrémité antérieure de la première partie de l'appareil. 
Mais comme celle-ci continue toujours son développement en 
arrière, la nouvelle lame naissante se trouve bientôt dépassée par 
la première; aussi pour la suivre doit-elle s'étendre en arrière, de 
sorte qu'elle va s’allongeant par ses deux extrémités, en avant et 
en arrière. 

Les bourgeons, du reste, prennent naissance, ets’étendent abso- 
lument comme dans les premiers cas ; "les plus anciens se trou- 
vant au milieu (3) quand ils sont tout à fait transformés en 
rayons , on s'explique facilement la forme de cette lame bran- 
chiale (4) qui, large au milieu, est rétrécie en pointe à ses deux 
extrémités. 

Ces filaments commencent par être libres ; ils ont une position 
à peu près parallèle avec ceux de l’autre lame, contre laquelle ils 
s'appliquent. Leur développement, leur forme, sont sensiblement 
les mêmes que pour la première lame dont nous avons donné la 
description en détail. Il n’y a donc rien à ajouter. Les cils et les 
autres choses ont la même disposition. 


Feuillet externe réfléchi ou ascendant. 


Celui-ci parait quand le premier a déjà pris un certain développe- 
ment (5); il en est ici encore comme, du feuillet réfléchi de la pre- 
mière branchie ; aussi, quoique je n'aie point compté le nombre de 
rayons existant au moment où le feuillet qui nous occupe apparaît , 
je ne serais pas éloigné de penser que c’est quand il ÿ à à peu près 
un nombre semblable à celui que présente la première lame directe, 


(1) Voyez Zoo. pl. 2, fig. 6 (m'). 
(2) Voyez Zool., pl. 2, fig. 6 (m’). 
(3) Voyez Zoo!., pl. 2, fig. 6 (m). 
(4) Voyez Zool., pl. 2, fig. 7 (g-m). 
(5) Voyez Zool., pl. 2, fig. 8. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES, 97 
que commence à se développer le feuillet réfléchi. En tout cas, ce 
développement se passe absolument de la même manière que pour 
le feuillet réfléchi de la branchie interne. Les têtes des rayons pren- 
nent un accroissement considérable, se rapprochent, se soudent en 
dehors. La soudure semble former un pont (4) entre les têtes voi- 
sines, et bientôt une lanelle est produite ; celle-ci s'accroît forcé- 
ment par ses deux extrémités, puisque la branchie, sur laquelle 
elle prend naissance, s'étend par les deux bouts; mais comme c’est 
surlout en arrière que la lame réfléchie a commencé son déve- 
loppement, les parties les mieux formées sont-elles tout près de 
l'extrémité postérieure (2). 


Voilà comment naissent les lames, les feuillets réfléchis indirects 
ou ascendants. 

Comment, maintenant, se forment sur eux les fentes bran- 
chiales? 1 y a ici un mode de développement tout différent de 
celui que nous ont offert les lames directes; celles-ci ont com- 
mencé par n'être point des lames; elles ne le sont devenues 
que lorsque, par une soudure de leur extrémité, les rayons ont été 
fixés dans un même plan. Si l’on veut, les premiers feuillets ont 
commencé par être déchiquetés en lanières ; la soudure en a formé 
plus tard une lame ; ici, au contraire, la lame commence par être 
pleine. Comment sera-t-elle divisée en bandelettes ? 

Les têtes des rayons (3) sont toujours comme terminées par trois 
lobes qui rappellent un trèfle, dont les divisions seraient larges et 
empâlées. Les ponts de soudure s’établissent entre les lobes laté- 
raux , fandis que les lobes médians font saillie sur le bord libre, en 
s’effaçant de plus en plus sur la face de la lame; il en résulte des 
ondulations, des dépressions et intervalles , qui correspondent aux 
espaces placés entre les rayons. 

Dans ces points, on voit une dépression qui, d’abord ova- 


(4) Voyez Zool., pl. 2, fig. 8 (a, b, c). 

(2) Voyez Zool., pl. 2, fig. 8 (b). 

(3) Voyez cette même figure 8 de cette planche 2. En suivant du sommet à 
la base, on peut reconnaître tous les intermédiaires entre les premiers rayons à 
peine soudés et ceux où le pont est complet, 


98 H. LACAZE-DUTRIERS. — MÉMOIRE 


laire et en continuité avec la dépression générale, s’élargit de plus 
en plus, et prend une transparence qui indique un amincissement 
de la lamelle ; bientôt on distingue un véritable orifice, terminé 
en pointe aiguë du côté du bord libre ; des cils viennent en garnir 
le pourtour, et une fente se trouve ainsi formée par érosion sur la 
branchie externe, dont la lame directe a de dix-huit à vingt 
rayons (1). On voit tous les passages entre une fente branchiale 
bien nette et une simple dépression dans la lamelle qui n’est pas 
formée complétement partout, et qui se prolonge encore en nais- 
sant par voie de bourgeonnement, ainsi qu'il a été dit. 

On le voit, il y a une grande différence entre ce qui a lieu dans 
les feuillets réfléchis et les feuillets directs. 

Il ne faut pas croire que la lamelle réfléchie de la seconde 
branchie ne se forme que lorsque la première est bien développée ; 
non, elle commence avant que les baguettes ou rayons soient 
très allongées (2). Il y a, en effet, cette différence entre elle et la 
première, que dans celle-ci la partie réfléchie ne se développe que 
beaucoup plus tard lorsqu'un grand allongement des rayons s’est 
déjà produit, tandis qu'ici le nombre des rayons est déjà considé- 
rable; et leur longueur cependant très médiocre quand déjà leur 
tête se soude. 


Si nous résumons ce que nous venons de voir, nous trouvons 
les quatre feuillets se succédant dans l'ordre suivant : Feuillet 
moyen interne, ou feuillet direct de la branchie interne ; feuillet 
réfléchi interne de la première branchie ; apparition du deuxième 
feuillet moyen externe ou feuillet direct de la seconde branchie ; 
enfin quatrième feuillet, ou feuillet réfléchi externe. 

En d’autres termes, d'abord la branchie interne, feuillet direct, 
puis feuillet réfléchi; ensuite la branchie externe , feuillet direct , 
feuillet réfléchi. 

Voilà l'ordre d’apparition des feuillets. Quant à la direction et 
au mode d’accroissement, on a vu que toujours les deux feuillets 


(1) Voyez Zoo!., t. IV, pl. 7, fig. 8 (a, b, c, c'). 
(2) Voyez Zoo!., t. IV, pl. 7 (m, q). 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 39 


moyens ou directs commençaient l'interne en avant, l’externe en 
arrière ; ce qui conduit à l'extension de l’un d'avant en arrière, 
tandis que pour l'autre elle est d’arrière en avant. Toutefois ce 
mode d’accroissement pour ce dernier est limité aux premiers mo- 
ments de l'apparition; car la première lame continuant à s’accroître 
d’avant en arrière, et celle-ci la suivant dans son développement, 
il en résulte qu'elle doit aussi s'étendre d'avant en arrière. 

Les feuillets réfléchis naissent toujours dans le point le plus 
développé de la lame à laquelle ils appartiennent. Il devait en être 
forcément ainsi. 

On voit même d’après cela quelle doit être la marche de leur 
accroissement, puisque l’une a commencé en avant , l’autre en 
arrière; ce doit être en avant et en arrière que commencent les 
feuillets réfléchis internes et externes. Mais tandis que le premier 
va toujours en s’acéroissant d'avant en arrière, le second s'étend 
de deux manières, d'avant en arrière et d’arrière en avant ; ce qui 
entraine un développement analogue dans les feuillets réfléchis. 

Il suffit, je pense, d’opposer ces résultats à ceux que M. Lüven 
a fait connaître, pour voir que le savant malacologiste du Nord n’a 
pas suivi complétement la formation des organes de la respiration ; 
que l'opinion hypothétique qu’il émet avec doute, il est vrai, né 
s'accorde pas entièrement avec ce qui vient d’être indiqué ici. 

Il dit, en effet : « On ne peut plus douter que ces grands organes 
» ne soient des branchies, quoique je n’aie jamais pu me convaincre 
» qu'il y en ait deux de chaque côté ; car je n'ai jamais distingué 
» qu'un seul pli. » Et plus loin : « On doit remarquer qu'il existe 
» des Mollusques qui n’ont qu'un feuillet de chaque côté, qui se 
» sépare en deux, peut-être longtemps après (4). » On est, en effet, 
porté à croire à un dédoublement, à une division du feuillet bran- 
chial ; mais quand on a suivi le développement , il n’y a plus de 
doute possible. 

Il reste enfin à examiner si l’on doit considérer comme des 
branchies les deux lignes ciliées, parallèles aux bords de la 
coquille, que l’on trouve indiquées dans un Mémoire inséré dans 


(4) Académie de Stockholm, 1848. Citation précédente. 


L0 HI. LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 
les Actes de la Société de biologie, et qui sont regardés par l’auteur 
comme les branchies des jeunes Huitres. 

Sans doute, je n’ai pas la prétention de dire que, dans tout le 
groupe des Acéphales lamellibranches, les branchies se développent 
comme dans la Moule. Je me hâte moins dans mes généralisations ; 
mais quand je considère ce qui a été vu par M. Lüven sur un 
grand nombre d'espèces, sur le Taret par M. de Quatrefages, par 
moi-même sur les Huitres, les Moules, les Cyclas , ete., je dois 
l'avouer, j'ai peine à croire que la nature développe les branchies 
en partant de choses complétement différentes ; et pendant que les 
savants que je viens de nommer, si habitués aux recherches d’'em- 
bryogénie et d'anatomie comparées, trouvent une disposition con- 
stante, alors même qu'ils ne peuvent encore reconnaitre l’organe 
qui se développe, il me paraît impossible d'abandonner ma manière 
de voir, qui est en tout conforme avec ce qui à été vu, pour 
embrasser une opinion nouvelle, présentée par un homme dont 
les travaux ne semblent pas indiquer une grande habitude de l’ana- 
tomie comparée, surtout de celle des animaux inférieurs. 

« Voir venir les choses, à dit Turpin, est le meilleur moyen de 
» les connaitre. » Cela sera vrai, à la condition de les suivre 
jusqu'à ce qu'il n’y ait plus aucun doute sur leur nature. Or, je le 
demande, dans les deux lignes ciliées, qui sont l’une parallèle au 
bord du manteau, l’autre voisine de la charnière, comment voir les 
rudiments des branchies ? M. Davaine à pris tout simplement les 
cils vibratiles du bord du manteau pour l'une des branchies, et 
peut-être ceux de l'estomac pour l’autre. 

Je sais bien qu'on me dira que les branchies de l'Huitre sont 
autrement construites que celles de la Moule ; cela est vrai, mais 
l'origine de l’organe de la respiration est si éloignée, dans le 
Mémoire que je cite, de ce qui a été vu par MM. Lüven, de 
Quatrefages et moi-même, qu'il me parait impossible de ne pas 
trouver cela une grossière erreur. 

D'ailleurs en embryogénie il ne suflit pas de dire : Ceci est tel 
organe qui commence | Une assertion semblable n’a de valeur et ne 
devient positive que lorsqu'on l’a démontrée en suivant le déve- 
loppementultérieur. Or ce n'est pas ce qui a été fait; dans ce même 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. LL 


travail, les organes de la cireulation sont aussi décrits, le nombre 
des pulsations du cœur est même compté, et il suffit de voir les 
dessins qui l'accompagnent, de les comparer à ceux publiés non 
par moi, mais par M. Lôven, pour reconnaitre la valeur de pa- 
reilles recherches, et pour voir que c'est à peine si elles méritent 
d'être prises au sérieux. 


On a vu que, dans l'adulte, les filaments des branchies restaient 
rapprochés par l’enchevêtrement , l'intrication des cils vibratiles 
disposés en houppes, et mus de mouvements ondulatoires, qui ne 
prenaient aucune part à la formation des courants. Ce mode d'union 
s’est présenté dans l’étude du développement. J'ai vu, en effet, 
paraître de loin en loin sur les jeunes branchies des tubercules, 
dont la transformation m'a montré ce que j'ai décrit en commen- 
çant. Ils se sont couverts d’un duvet d’une finesse extrême; les 
cils se sont peu à peu allongés, et agités de mouvements ondu- 
latoires. 

En face de chaque tubercule , il s’en développe un autre sur le 
rayon voisin, et les deux tubercules, par le progrès du développe- 
ment, s’approchant de plus en plus, finissent par produire l'effet 
dont il est question, par mêler les cils qui les couvrent. 

Un examen rapide ferait croire à des travées tendues entre les 
rayons ; mais, avec un grossissement suffisant, on ne tarde pas à 
s’apercevoir que le mode d’union est bien tel que je viens de l’in- 
diquer. 

Faut-il voir ici dans ces tubercules le commencement de ces 
bandes transversales, qui, dans l’Huitre et dans l’Anodonte , la 
Pholade, la Lutraire, etc., transforment les lames branchiales en 
un réseau à mailles quadrilatères? S'il en était ainsi, la nature 
s'arrêterait en route , et au lieu d’un filament transversal plein , il 
n’y aurait que les tubercules ciliés formant une union qui peut être 
interrompue momentanément, et se rétablir ensuite. 

Il faut ajouter que dans la branchie des Moules on trouve cepen- 
dant de loin en loin de véritables baguettes transversales assez 
longues qui unissent les rayons, et consolident ainsi les lames, 
dont les éléments sont si facilement dissociables. 


12 H. LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


Quant aux cils vibratiles, ils sont de plusieurs sortes sur la bran- 
chie arrivée à son entier développement. Sur chaque rayon, ils 
forment quatre séries régulières, linéaires, placées deux en dedans, 
deux en dehors, sur les côtés antérieur et postérieur. Si l’on se 
représentait ces rayons comme étant prismatiques, deux des faces 
étant dirigées, l’une en avant et l’autre en arrière, les rangées des 
cils occuperaient exactement les arêtes; ce sont là les cils de la 
respiration, et qui agitent et renouvellent l’eau à la surface de 
l'organe. 

Mais ilen est d’une autre espèce et plus rares, placées de loin en 
loin, isolément, plus longs, dont les mouvements sont moins rapides 
et moins réguliers , et qui semblent destinés à balayer la surface 
des branchies , à la débarrasser des petits corpuscules qui reste- 
raient mêlés aux rayons, bien plutôt qu'ils ne paraissent destinés 
à agiter l’eau. 

Plus tard enfin, une nouvelle rangée de cils très fins vient se 
placer à côté des quatre premières et en dedans d'elles, non pas 
par rapport à l’axe de l'animal, mais par rapport à l'axe même du 
rayon. Ceux-ci ne paraissent pas prendre un accroissement consi- 
dérable ; ils restent sous forme d'un fin duvet. 

La structure de l'organe mériterait une étude attentive. En 
partant de celle que présente l’adalte, j'en indiquerai les traits 
principaux. 

On trouve au centre des rayons un tube résistant qui forme 
comme une charpente, plus solide, plus forte, qui semble corres- 
pondre aux vaisseaux. Quand on fait les préparations nécessaires 
pour l'étude, la partie qui entoure cette charpente est enlevée sur 
un grand nombre de points, car elle est cellulaire, et facile à 
déchirer. On a souvent le tube central isolé entouré encore dans 
quelques points par le tissu dont je parle, qui porte les cellules 
épithéliales à cils vibratiles. 

Mais je dois signaler ici une lacune. À quel moment se for- 
ment les vaisseaux de la branchie? C’est là une chose que 
je ne pourrais dire. Jamais je n’ai vu de mouvement dans les 
jeunes branchies, même dans celles qui avaient déjà quatre feuillets. 
L'apparition tardive du cœur expliquerait peut-être cela; eepen- 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 13 


dant, il faut le dire, pour prendre une détermination, on doit être 
plein de réserve , car les préparations sont d’une telle délicatesse 
que l’on pourrait bien facilement faire erreur. M. Lüven lui- 
même se borne à quelques mots, dans lesquels il déclare n’avoir 
jamais élé assez heureux pour voir naître le cœur. Ce qu’on peut 
affirmer , c'est que l'organe de la respiration existe déjà avant 
le cœur, et que l’un précède l’autre. Je parle toujours de la 
Moule. 

Si, dans l’Huitre, les choses se passent comme dans la Moule, 
on ne comprend pas comment M. Davaine a pu étudier le cœur ; 
il est évident qu'il n’a pas vu les branchies ; et dès lors il semble 
difficile que le prétendu cœur, dont il a cependant compté avec 
soin les pulsations, puisqu'il en fixe le nombre par minute, soit 
bien le véritable organe central de la circulation. Il est probable 
qu'un bouquet de poils vibratiles a été pris pour le cœur sur quel- 
que animal rentré dans sa petite coquille. 


Y. 


CONCLUSION. 


Je crois, ainsi que je l’annonçai, avoir pris un organe à son 
origine , en avoir suivi toutes les modifications , et être arrivé à la 
forme qu'il a daos l'animal parfait ; c’est done plus que de l’em- 
bryogénie générale, c’est lembryogénie particulière d’un organe 
que je me proposais de faire. Me serais-je trompé en croyant avoir 
atteint le but ? 

Mais je n'ai fait, je n’ai pu faire l'étude du développement des 
branchies que d’un seul animal ; je n’ai donc point de comparaison 
à élablir, puisque les éléments manqueraient pour cela. Cependant 
il y a des rapprochements qui ne peuvent être passés sous silence, 
etil me semble même que, sans trop se hasarder, on peut cher- 
cher à se faire, à priori, une idée générale de quelques dispositions 
principales de l'organe respiratoire dans les Acéphales lamelli- 
branches , sauf à les confirmer ou les abandonner ensuite à poste- 
riori. 

Les branchies présentent des différences qui tiennent à la sou- 


Li I, LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


dure des lames réfléchies , et au plus ou moins grand développe- 
ment de l’une des deux. 

Ainsi, dans les Huïitres, les Anodontes, les Pholades, les Lu- 
traires, et tousles Acéphales (2) qui vivent plus ou moins ensablés ou 
enfermés, on trouve que les feuillets réfléchis externes sont soudés 
avec le manteau par les bords que nous avons vu être libres dans 
la Moule ; que les feuillets réfléchis internes sont soudés entre eux 
par leur bord supérieur ; de telle sorte qu’en ouvrant ces animaux, 
les branchies apparaissent comme une lame plusieurs fois ployée 
sur elle-même. Mais en y regardant de près, en cherchant surtout 
à disséquer , on ne farde pas à trouver les traces des soudures. 
C’est ainsi que dans les Cardium, les bords des feuillets réfléchis 
internes sont soudés en partie entre eux, en partie avec la masse 
viscérale. Les plus légères tractions détruisent ces soudures; ainsi 
que dans beaucoup d’autres exemples, les Mactres, les Vénus, ete., 
où une disposition tout à fait analogue se présente. 

Il était nécessaire pour ces animaux que l’eau, entrant par un 
des tubes, dût forcément traverser le grillage branchial pour sortir 
par l’autre ; ainsi se trouvait assuré l’accomplissement de l'acte de 
la respiration. 

En trouvant dans cette disposition, si différente en apparence, 
une même chose, on peut croire à un développement semblable à 
celui qui vient d’être indiqué. Les soudures ne fourniraient point 
des raisons suffisantes pour écarter une telle opinion ; car la faci- 
lité avec laquelle on détache les bords internes et externes des 
branchies de l’Anomie, de la Bucarde, etc., prouverait assez que 
ces soudures, au moins dans ce cas, ne se sonteffectuées qu'après 
ce développement. Qu'on essaie, au contraire, d'enlever les lames 
directes, et l’on verra quelle différence il y a dans la manière 
dont s'accomplit la séparation dans les deux cas. 

Mais il faut convenir que dans l’Huitre, les Anodontes, les 
Unio, ete., il y a une soudure bien autrement solide et résistante. 


(1) Je renvoie pour la détermination des espèces, dont je donne seulement les 
noms français, à un travail que j'ai publié sur les Acéphales lamellibranches, et 
où j'ai soigneusement indiqué la spécification. (Ann des sc. nat., t. IT, 4° série, 
p. 15%.) 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 45 


Cependant je crois qu'ici encore les soudures doivent s’effectuer 
secondairement, et, sans pouvoir affirmer que le développement 
suive une marche identiquement la même, je ne puis m'empêcher 
d'admettre qu'il se fait d’après un plan général, à peu près le 
même aux détails près. Il y a évidemment bien des particularités 
qui doivent encore être étudiées, et qui nous feront connaître com- 
ment se forment tous ces filaments transverses, qui transfor- 
ment la branchie en un véritable grillage à mailles quadrilatères ; 
mais ces détails ne suffisent pas pour faire supposer un plan com- 
plétement différent. 

Sidonc on admet une même marche dans le développement des 
branchies, on s’expliquera très nettement et très simplement quel- 
ques variétés de forme el de disposition del’organe de la respiration. 

Ainsi, dans quelques cas, on ne trouve qu'une seule branchie 
de chaque côté ; dans d’autres, on en trouve bien deux, mais l’une 
d'elles est très petite, relativement à l’autre qui est très développée. 

Comment expliquer cette absence de l’une, cette inégalité de 
l'autre ? 

On a vu que la seconde branchie ne paraissait que lorsque 
la première était déjà développée, et que son feuillet réfléchi 
atleignait presque le point de départ de la lame directe. 

Si donc le développement s'arrête en chemin , la seconde bran- 
chie aura une moins grande largeur que la première, puisqu'elle 
est arrivée plus tard. 

On se rappelle aussi que cette même seconde branchie doit s’ac- 
croître d’arrière en avant, puisqu'elle commence à l'extrémité posté- 
rieure de la première; done, si le développement s'arrête, celle-ci 
devra être plus courte, moins longue que la première. 

La même raison peut expliquer comment la hauteur est moindre. 

A un certain moment (4), labranchie de la Moule doit donc repré- 
senter la disposition des Mollusques auxquels je fais allusion. Dans 
beaucoup de Cardium , on sait combien est courte la deuxième 
branchie ou branchie externe, de même dans la Cardita suleata , 

(4) Voy. Zoo, pl. 2, fig. 7. Cette figure peut donner une idée de la 


comparaison que je veux établir; mais il faut dire que la branchie externe(m, g), 
plus développée, serait plus rapprochée de la vérité, 


16 H, LACAZE-DUTHIERS, — MÉMOIRE 


la Petricola ruperella, la Chama gryphoïdes. Dans la Pandora 
rostrata, on croirait au premier abord que la branchie externe, 
ressemblant à un bourrelet, est formée d’un seul feuillet, tant son 
développement est peu considérable, Ainsi un arrêt de développe- 
ment suffit pour expliquer celle disposition. Quand la première 
branchie de la Moule est bien développée, et que la seconde com- 
mence à avoir ses deux feuillets, on a tout à fait l'apparence des 
branchies irrégulières. À 

Enfin il est des espèces auxquelles il manque une branchie de 
chaque côté; les Lucines sont dans ce cas. Il était curieux et intéres- 
sant de reconnaitre laquelle des deux branchies manquait ; était-ce 
celle qui se développe la première ou celle qui apparait la seconde? 
En examinant les Lucines (Lucina lacta) de l'étang de Thau , j'ai 
bientôt trouvé que la branchie unique portait un repli en dedans, 
et que par conséquent elle devait être la branchie interne , c’est-à- 
dire la première développée. Tei l'arrêt de développement ne por- 
lerait pas seulement sur l'étendue de la branchie externe, mais sur 
la totalité de cette portion de l'organe. 

Ici encore, à un certain moment, la branchie de la Moule rappelle 
tout à fait la branchie de la Lucine (4); c’est lorsque les deux pre- 
mières lames sont seules développées, avant que les secondes 
paraissent. 

Ces exemples suflisent, je crois, pour montrer que le développe- 
ment doit se faire d’après un même plan dans les Acéphales, etpour 
prouver surtout combien l’embryogénie est utile et nécessaire, 
dans l’appréciation des formes, qui, sans elle, ne peuvent être 
rapportées à rien de précis; elle nous sert à montrer l'unité de 
plan de composilion, principe si fécond , quand il est convena- 
blement appliqué dans les groupes du règne animal, où son 
existence ne saurait être mise en doute. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 2. 


Fig. 1. Petite Moule, plus avancée que la suivante, vue de face, du côté des 
bords libres des valves, montrant la soudure du manteau (m) et la languette 


(1) Voy. pl. 2, fig. 6. La branchie interne, débarrassée des tubercules 
m,m',nV', représente tout à fait celle d’une Lucine adulte. 


SUR LE DÉVELOPPEMENT DES BRANCHIES. 47 


qui la termine en arrière; les branchies qui forment une cage, ressemblant 
au thorax (br): le pied (p) couvert de cils vibratiles, et parcouru par une fente 
longitudinale, le byssus (b}. 

Fig. 2. La même vue par le dos; elle est contractée. (ch, ch) charnière dente- 
lée , (1) ligament élastique, (/) foie {g) estomac dans lequel paraissent les 
granulations rejetées au centre par les mouvements des cils vibratiles de la 
paroi. On distingue très nettement les deux lobes du foie; celui de gauche, 
plus étendu, semble bilobé. 


Fig. 3. Jeune Moule, vue de profil par le côté droit. (p) pied, (f) foie, (g) esto- 
mac. L'intestin, qui paraît du côté de la charnière, se termine en arrière et en 
dessous du muscle postérieur des valves, que l’on voit en arrière de la vésicule 
transparente (r) ; celle-ci doit être considérée avec M. Lüven comme l'origine 
du corps de Bojanus. Trois rayons branchiaux sont complets (e, b) ; l'un nou- 
veau (a), qui formera le quatrième, est séparé en avant des trois autres, et 
commence à s'isoler en arrière. 


Fig. 4. Une Moule un peu plus avancée, vue sur le côté gauche, Mêmes lettres 
désignant mêmes choses. On y voit de plus (0) les otolithes, et un paquet 
musculaire rétracteur du pied qui se rend auprès du muscle postérieur des 
valves en croisant le corps de Bojanus (r). Le rayon (a), qui, dans la figure 
précédente, est à peine saillant, ici au contraire est bien détaché. Les Lêtes 
de tous les rayons commencent à devenir trilobées. 


Fig. 5. Branchie interne; feuillet moyen direct, de gauche, vu par le côté interne 
en (a). Les nouveaux rayons paraissent comme des bourgeons; c'est par celte 
extrémité postérieure que la branchie s'accroît. — Cette figure montre aussi 
le développement du feuillet réfléchi, qui naît par l'accolement et la soudure 
des têtes des rayons encore libres en (a), mais rapprochés en {b) et soudés 
en (b'). Le pont qui a été jeté entre les têtes, et dont on peut suivre les pro- 
grès de l'extrémité postérieure à l'extrémité antérieure, forme déjà une véri- 
table lamelle en c. 

Fig. 6. Branchie gauche, interne, vue par son côté externe : elle montre le déve- 
loppement tres grand du feuillet réfléchi interne (k), et le commencement de la 
seconde branchie {m) qui bourgeonne en (m’) et en (m’'). Cette rangée de tu- 
bereules commence en arrière, et sur le cordon (n) qui représente la base 
d'insertion des rayons de la première lame. 


Fig. 7. La même branchie plus avancée en développement. La deuxième, qui ne 
paraissait qu'à l'état de rudiment dans la figure précédente; est ici déjà con- 
stituée ; elle à un feuillet direct (m) et un feuillet réfléchi (q). 

Fig. 8. Deuxième branchie séparée de la première, et plus fortement grossie, 
montrant l'origine des fentes branchiales de la lame réfléchie ; c'est la bran- 
chie gauche externe. On voit que en (a) il n'y a pas encore d'orifice, mais que 
en (b) déjà des fentes bordées de cils vibratiles sont complétement percées. On 
les voit de moins en moins grandes à mesure que l'on s'avance davantage du 
côlé de {c) et en (e). Le pont jeté en forme de lamelle, entre les têtes de 
rayons, est de moins en moins net, et même la soudure finit par être quelque 
peu confuse. 

Fig. 9. Tubercules qui se développent sur les faces des rayons, et qui enchevé- 
trant les touffes de cils qu'ils portent, maintiennent les filaments en rapport 
les uns avec les autres. 


NOTE 
SUR L’'ENCÉPHALE DE L'APTÉRYX (1), 


Par M. Camille DARESTE. 


La galerie d'anatomie comparée du Muséum possède deux cer- 
veaux d’Aptéryx provenant de la mémorable expédition de Dumont 
d'Urville au pôle austral. 

Ces cerveaux, qui n’ont pas encore été décrits, m'ont présenté 
une particularité fort remarquable. Les lobes optiques, organes 
dont la conformation et la position forment le trait le plus remar- 
quable du type encéphalique des Oiseaux, sont rudimentaires chez 
l’Aptéryx, et à peine visibles à l’extérieur ; tandis que dans toutes 
les autres espèces ils ont un très grand volume, el se présentent 
sous l'aspect de deux grosses éminences occupant les parties laté- 
rales et inférieures de l’encéphale (2). 

Cette modification du type primitif, très remarquable dans une 
classe dont toutes les espèces sont liées entre elles par les affinités 
les plus intimes, trouve son explication dans les conditions toutes 
spéciales des organes des sens chez l’Aptéryx. 

Cet Oiseau, que nous ne connaissons encore que d’une manière 
très imparfaile, a, comme un certain nombre d’autres espèces de 
la même classe, des habitudes nocturnes, mais qui sont le résultat 
d’une disposition des organes des sens très différente à beaucoup 
d’égards. 

L'organe de la vue, très développé chez les Oiseaux, est surtout 
considérable chez les Oiseaux de nuit, tels que les Hiboux, les 
Engoulevents, etc. Dans l’Aptéryx, au contraire, l'œil est très petit, 

(1) Présentée à l'Académie des sciences le 5 mai 1856. 

(2) La modification de l'encéphale que j'indique chez l'Aptéryx n'est point 
la seule modification que nous présente la classe des Oiseaux. Le pont de Varole 
existe chez l'Autruche d'une manière évidente, quoiqu'à l'état rudimentaire 
J'ignore si ce fait a été signalé : je ne l'ai trouvé indiqué nulle part ; mais il me 
paraît difficile qu'il ait échappé aux anatomistes, car les occasions de disséquer 
des cerveaux d’Autruche ne sont point rares. Je n'ai pu voir d’ailleurs sur le cer 
veau de l’Autruche les quatre éminences mamillaires que Duvernoy y indique 
(Comptes rendus , 1. XXXVIIT, p. 39), et je comprendrais difficilement leur 
existence, parce qu'elle est liée à celle de la voûte, et que la voûte manque chez 
les Oiseaux. 


SUR L'ENCÉPHALE DE L'APTÉRYX. L9 


beaucoup plus que dans aucun autre Oiseau. Il est de plus moins 
complétement organisé. D'après M. Owen, qui nous a donné, dans 
deux de ses plus beaux Mémoires (1), les seuls détails anatomiques 
que nous possédions aujourd'hui sur l’Aptéryx, il manque du 
peigne , organe qui se retrouve dans {ous les autres Oiseaux , et 
même aussi dans certains Reptiles (2). Cette imperfection de l’or- 
gane de la vue est compensée par le développement considérable 
de l’organe de l’odorat. Tandis que dans la plupart des Oiseaux , 
de ceux même dont le bec est le plus long, les narines n’occupent 
qu'une très petite portion du bec supérieur, elles s'étendent , chez 
l’Aptéryx, dans toute cette région qui est, comme on le sait, très 
développée , et viennent s'ouvrir à son extrémité antérieure. L’or- 
ganisation des narines est d’ailleurs plus complexe que dans les 
autres Oiseaux ; l'ethmoïde, au lieu d’un simple canal pour la sortie 
du nerf olfactif, y présente une véritable lame criblée comme 
l’ethmoïde de la plupart des Mammifères. 

M. Flourens a prouvé depuis longtemps qu’il existe chez les 
Oiseaux une liaison physiologique entre les lobes optiques et l’organe 
de la vue, et que la vision est détruite par les lésions du lobe op- 
tique. Mayer a confirmé les résultats obtenus par M. Flourens, en 
montrant que l’atrophie du lobe optique se produit fréquemment 
après l’ablation de l'œil ; que, par conséquent, ces deux organes ne 
sont pas uniquement liés par les fonctions qu’ils remplissent, et qu'il 
y a de plus entre eux une relation anatomique, puisque la destruc- 
tion de l'organe de la vue détermine des altérations consécutives 
dans les lobes optiques (3). La disposition anatomique que je signale 
dans l'Aptéryx nous conduit, par une voie très différente, à un 
résultat semblable, et nous montre le même fait sous une autre 
forme (4). 


(4) R. Owen, On the anatomy of the southern Apteryæ, dans les Transactions 
of the zoological Society, t. LI et HIT. 

(2) Les parties osseuses de l'orbite sont également modifiées; le trou optique 
est percé dans le frontal et non dans le sphénoïde. 

(3) Flourens, Recherches expérimentales sur le système nerveux el passim, 
— Magendie, Journal de physiologie expérimentale, t. IL, p. 380. 

(4) Cette relation, si manifeste chez les Oiseaux, existe-t-elle dans les autres 

4° série, Zooz. T. V. (Cahier n° 4.) # 4 


50 C. DARESTE. — SUR L'ENCÉPHALE BE L'APTÉRYX, 


Il serait fort intéressant de savoir si cette diminution de volume 
des lobes optiques s'accompagne chez! Aptéryx d’une augmentation 
de volume des parties de l’encéphale qui sont en rapport avec les 
organes de l’olfaction ; mais il aurait fallu pour cela des dissections 
que je n’ai pu faire. J’appelle sur cette question l'attention des ana- 
tomistes qui seront assez heureux pour pouvoir disposer de cerveaux 
d’Aptéryx. 


J'aurais désiré pouvoir compléter ce travail. Le cerveau de 
l'Aptéryx, tel que je l’ai entrevu au travers de ses membranes, 
m'a paru présenter des particularités intéressantes. Malheureuse- 
ment je n’ai pu obtenir l’autorisation de le disséquer, ou même seu- 
lement de le dépouiller de ses membranes. Je regrette vivement 
d’être obligé de m’en tenir à des observations incomplètes ; mais 
il n’a pas été en mon pouvoir d’agir autrement. 

Nous devons espérer d’ailleurs que ce travail sera complété pro- 
chainement. Le jardin zoologique de Regent’'s Park possède un 
Aptéryx vivant, qui est, dit-on , dans un assez mauvais état de 
santé. Il fournira bientôt, selon toute apparence, à M. Owen, les 
éléments d’un troisième Mémoire, où la névrologie de l’Aptéryx 
sera traitée d’une manière complète. Nous regretterons seulement, 
bien que les travaux scientifiques soient la propriété non de tel ou 
tel pays, mais de l'espèce humaine tout entière , que l’Angleterre 
ait le mérite d’un travail qui aurait pu s’accomplir, au moins en 
partie, en France (1). 
classes du type des Vertébrés, entre l'appareil de la vue et les parties de l’en- 
céphale qui correspondent aux lobes optiques des Oiseaux? C'est l'opinion de 
plusieurs physiologistes modernes, et particulièrement de M. Longet (Anatomie 
et physiologie du système nerveux, t. I, p. 455, et Trailé de physiologie, t. IX, 
fase. 2, p. 23 et 320). Toutefois, si cette relation paraît exister dans le plus 
grand nombre des cas, il y a cependant quelques exceptions dont on n’a pas, 
jusqu'à présent, donné des explications satisfaisantes. J'étudie actuellement cette 
question; quand j'aurai pu réunir un nombre de matériaux suffisants, je publie- 
rai mes idées à ce sujet. 

(1) Je dois prévenir ici que dans mon troisième Mémoire sur les circonvolu- 
tions du cerveau chez les Mammifères, il s'est glissé une erreur qui m'a échappé, 
lors de la correction des épreuves. Je dis, p. 97 : Le cerveau du Rhinocéros est le 
méme que celui de l'Éléphant ; il faut lire est le méme que celui des Chevaux, 


SYNOPSIS 


DES 


FORMICIDES DE FRANCE ET D’ALGÉRIE, 


Par M. WILLIAM NYLANDER, Dr M. 


Depuis la publication de l'Histoire naturelle des Fourmis par 
Latreille, un des ouvrages classiques et des plus remarquables pour 
son époque dans la littérature entomologique, l'étude de ces 
insectes, pourtant si dignes de l'intérêt des observateurs, a été 
presque complétement négligée jusqu’en 1846, année dans laquelle 
je publiai mon essai d’une monographie des Formicides du nord 
de l’Europe. Fabricius, quoique écrivant postérieurement à La- 
treille (1), ne connaissait même pas, par exemple, le Formica 
cunicularia, une des espèces les plus vulgaires, et n’avait aucune 
idée précise des différences sexuelles, si bien saisies par Latreille, 
et qui ne peuvent échapper à un observateur qui a dirigé avec 
quelque attention ses recherches de ce côté. Mais il est évident que 
ni Fabricius, ni les auteurs s’occupant des Fourmis après lui, n’ont 
étudié in vivo, n'ont observé les différents individus de chaque 
espèce dans leurs nids, seul moyen d'apprendre à les bien con- 
naître et à voir les caractères essentiels propres à chacune d'elles. 
La synonymie des espèces montre que le même manque d’études 
attentives à continué jusqu’à ces derniers temps. Ma petite mono- 
graphie, quoique très peu répandue, paraît avoir réveillé l'attention 
de plusieurs entomologistes sur cette famille, la plus intéressante, 
sous beaucoup de rapports, parmi les insectes, en exposant un 
certain nombre de nouveautés, surtout dans le genre Myrmica, en 
donnant aux définitions des espèces plus de précision qu'aupa- 
ravant, et en cherchant à les compléter par la connaissance de 
tous les sexes appartenant à chaque espèce. Les travaux monogra- 

(4) L'histoire des Fourmis de Latreille parut deux ans (1802) avant la publi- 
cation du Systema Piesatorum (1804). 


52 W. NYLANDER, — SYNOPSIS 


phiques de Foerster, Smith, Schenck, Curtis, Mayr, se succédant 
rapidement, prouvent assez que la famille des Formicides est 
devenue, en Allemagne et en Angleterre , l’objet de recherches 
sérieuses et approfondies. Parmi les différentes publications de ces 
auteurs, le dernier ouvrage de M. le docteur Mayr, Formicina 
austriaca (1), se distingue surtout par le nombre de nouveaux 
faits qu'il renferme et par une critique soignée et consciencieuse. 

La Scandinavie, l'Allemagne, l'Angleterre, possédant ainsi 
déjà leurs faunes formicines , celle de la France restait un desi- 
deratum . 

Les excellentes indications de Latreille sur les Fourmis de 
France qui lui étaient connues ne peuvent plus, dans l’état actuel 
de la science, satisfaire l’entomologiste qui veut exactement déter- 
miner ses espèces ; celles-ci, notablement augmentées en nombre, 
ayant besoin, pour être suffisamment délimitées, de caractères 
distinctifs bien autrement minutieux et précis qu'on ne le soupçon- 
nait aux temps du vénérable Latreille. Quoi qu’il en soit, son histoire 
des Fourmis offre encore une exposition admirable de la plupart 
des espèces connues de la France. Quelques autres se trouvent 
mentionnées dans des publications plus récentes ; d’autres espèces 
encore ont été observées par nous-même, soit à Paris, soit pen- 
dant un voyage dans le midi de la France et aux Pyrénées. 
L'étude des riches collections de M. le docteur Sichel et de 
M. Léon Fairmaire nous a, en outre, donné l’occasion de voir un 
bon nombre de ces insectes de tous les points de la France, et celle 
de M. Roussel nous a fait connaître les Formicides qu'il a rappor- 
tées de l’Algérie. 

Dans ce travail, ne nous occupant principalement que de la 
partie descriptive de la science, nous renvoyons pour l’histoire des 
mœurs si curieuses des Fourmis aux ouvrages de Huber, Latreille, 
Lepeletier et Mayr, et à notre monographie. Nous avons essayé de 
rendre les définitions des espèces aussi simples et concises qu'il 


(1) Je demande bien pardon à M. Mayr de cette observation, mais il semble 
qu'on ne peut guère traduire le mot Formicide par Formicinum, et qu'on doit 


dire en latin ou Formicida ou Formicinea. Formicinum est décidément trop 
neutre. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D’ALGÉRIE, 53 
nous a été possible, et nous croyons qu’à mesure que la science 
avance réellement dans une partie, il y est moins besoin de longues 
descriptions , et qu’au contraire celles-ci doivent se résumer par 
des formules de plus en plus simplifiées. 


Fa. FORMICIDÆ. 


Differunt Formicidæ ab aliis Hymenopteris : antennis fractis, 
structura petioli abdominis et vita sociali. 

In tres (cum cel. Mayr) tribus dividi potest, si placet, hæc 
familia : 

1. Tribus Formicineæ vel Formicidæ sensu strictiori. Petio- 
lus abdominalis uni-articulatus ; abdomen inter segmenta 1 et 2 
non constrictum. Genera Formica, Polyergus , Odontomachus 
(ex. c. O. chelifer Lep.). 

2, Tribus Ponerineæ. Petiolus uni-articulatus; abdomen 
longius, inter segmenta 1 et 2 saltem obsolete constrictum. Genera 
Ponera, T'yphlopona. 

8. Tribus Myrmicineæ. Petiolus bi-articulatus, bmodis. 
Genera Myrmica, Strongylognathus, Eciton (ex. c. E. gulosum), 
Ecodoma, Daceton (Orectoynathus Sm.), Cryptocerus, etc. 


I. FORMICA (L.), 


Latr., Zett., Los., Nyl., Fœrst., Sm. 


Petiolus squamam h. e. lobum transversum gerit plus minus 
compressum. Mandibulæ saltem in operaria et femina plus minus 
latæ, pluri-dentatæ. Palpi maxillares 6-, labiales 4-articulati. Acu- 
leus nullus. — Pupæ folliculo seu sacco papyraceo laxo (cocon) 
circumtextæ. 


Sugprvis10 1. — Operaria feminaque in hoc genere sæpe magnitu- 
dinis maxime , capite illius magnitudine variante, Operaria ocellis 
nullis (velvix ullis), thoracis lateribus valde compressis, dorso æquali. 
Alæ magnæ area discoidali nulla (fig. 1). Mas genitalibus satis par- 
vis, — Spec. 1-10. 


À. Mandibulæ 7-dentatæ. Clypeus carinatus, infra angulo utrin- 


54 è W. NYLANDER. — SYNOPSIS 


que emarginato, medio lobum latum descendentem exhibens (fig. 16). 
— Spec. 1-4. 


1. FormicA MARGINATA Latr. Fourm. p. 103 ; Los. Piem. p. 313; 
Mayr Austr. p. A2. 6 


Operaria : nigra parum nitidiuseula mandibulis, flagellis pedibusque 
rubido-rufescentibus (vel fusco-nigra mandibulis, flagellis thorace infra 
cum coxis, trochanteribus, femoribus, saltem ad partem, basique abdo- 
minis, vel adhuc capite postice et infra obscure rubido-rufescentibus) ; 
caput subtiliter coriaceum, clypeus margine antico (infero) obtuse angu- 
latim emarginatus. — Long. 7-1À millim. 

Femina : nigra nitida, mandibulis, flagellis et pedibus (interdum adhuc 
thorace et basi abdominis) rufescentibus ; abdomen politum. Long. 
41-14 millim.; ala ant. 10-13 millim. hyalina vel leviter lutescens, nervis 
(costis) et stigmate fuscis. ; 

Mas : niger nitidus, flagellis antennarum, articulationibus pedum tar- 
sisque obscure rufescentibus, squama humilis (latior quam alta) supra late 
emarginata; scapus tibiæque absque omni fere pilositate; clypeus non 
carinatus, de cetero ut in operaria. — Long. 7-9 millim. s 

Habitat in Gallia meridionali passim ; nidificans sub lapidibus. Etiam in 
Algeria, ubi magnitudinem Formicæ ligniperdæ attingit eique colore 
sæpe similis evadit, exceptis flagellis pallidis, Vix specie diversa. 

Semblable au suivant, dont il ne diffère guère que par la coloration roussâtre 
des pattes. La variété de l'Algérie constitue, à mon avis, le F. thoracica Fabr. 
Piez., p. 397 (F. ligniperda Luc. Algér. I, p. 302). 


2. Formica æruiops Latr. Fourm. p. 101; Los. Piem. p. 312; 
Lep. Hymén. T, p. 212; Mayr. Austr. p. 41; F. nigrata Nyl. 
Addit. alter. p. 35. 


Operaria : nigra nitidiuscula parce pilosa, mandibulis, articulationibus 
pedum tarsisque obscure rufescentibus, tibiis interdum quoque piceis æque 
ac antennis; abdomen nitidum. — Long. 6-9 millim. 

Femina : nigra nitida articulationibus pedum et tarsis rufo-piceis ; 
squama subquadrata. — Long. 8-9 millim.; ala ant. 9 millim. albo- 
hyalina nervis et stigmate dilute flavo-fuscescentibus. 

Mas : totus niger, angustus, subnitidus ; pedes pilosi ; squama parva 
humilis superne concaviuscula. — Long. 6 millim.; ala ant. æqui- 
longa. \ 

* ‘In Gallia meridionali rarius. Nidulans ut præcedens. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 55 


3. Formica opaca Duf. mscrpt.; Savign. At. Ægypt. X, 20,f. 7. 


Operaria : nigra opaca creberrime coriaceo-punctata, metathorace 
postice, petiolo, segmentis abdominis 1-2 (vel 1-3) et femoribus plus mi- 
nus rufescentibus (qui color in basi abdominis, a tergo situ certo visus, ali- 
quid ignei offert); setulæ adpressæ albidæ crebre adspersæ, præter pilos 
flavidos erectos solitos abdominis ; lobus descendens clypei late parum 
emarginatus ; squama oblonga. — Long. 9-14 millim. 

Habitat in Gallia meridionali et in Algeria. 


Fi. 16. Clypeus operariæ. | 


h. ForMica MicaNs, n. sp. 


Operaria : nigra opaca pilis adpressis argenteis, in abdomine præci- 
pue confertis, obsita, præter pilos longiores erectos parce sparsos tenues, 
mandibulis tarsisque obscure rufis; clypeus lobo descendente truncata ; 
squama mediocris superne convexa. (Long. speciminis unici hucusque 
visi 8 millim., sed forsan est individuum minus.) 

Algeria (collectio cel. L. Fairmaire). 

Le Formica sericea Fabr., Latr, Fourm., p. 117, du Sénégal, diffère par des 
antennes d'un brun rougeâtre et le métathorax presque taillé cubiquement. Dans 
le F. micans le métathorax est conformé comme dans le F. marginata. 


B. Mandibulæ 5-dentatæ, clypeus (fig. 17) non vel obsolete carina- 
tus, infra non descendens , nec utrinque emarginatus. -— Spec. 5-9. 


5. FormicAa LiGNiPERDA Latr. Fourm. p. 88, t. 1, f. 1; Lepel. 
Hymén. p. 209, t. 2, f. 1, 2; Nyl. Form. bor. p. 898, et Addi- 
tam. p. 1045; Foerst. Hym. Stud. p. 11; Schenck. Nass Ameis. 
p. 20; Mayr. Austr. p. 32. 


Operaria : nigra nitida, thorace, pedibus, petiolo basique (sæpissime) 
abdominis nitidiusculi truncata rufo-rubida, tibiis tarsisque paullo obscu- 
rioribus ; squama ovata supra obtusa. — Long. 7-14 millim. 

Femina : nigra nitida, thorace rubido supra plus minus nigrescente , 
pedibus, petiolo et dimidio antico segmenti primi abdominis quoque plus 
minus rubidis, tibiis tarsisque obscurioribus ; Squama ovata apice leviter 
obtuse vel obsolete emarginata; abdomen nitidum. — Long. 16-18 mil- 
lim.; ala ant. 17 millim. luteo-brunnescens fere tota. 

Mas : ater subnitidus, apicibus mandibularum, flagellis antennarum 
saltem versus eorum apices, articulationibus pedum anguste tarsisque 


06 AV. NYLANDER, — SYNOPSIS 


pallescentibus , metatarsis paullo obscurioribus ; squama oblonga obtuse 
leviter emarginata. — Long. 10-12 millim., ala ant. 10-11 millim. 
lutescens. 

In Gallia tota, exceptis forte regionibus alpinis , frequens. Nidificat in 
truncis putrescentibus, etiam in terra. Examinat fine mensis juni et 
julii. 

Fic. 1. Ala antica feminæ. — Fig. 17. Clypeus operariæ. 


6. FoRMIGA HERCGULEANA Linn. Fn. Suec. 1720, ©; Zett. Ins. 
Lapp. p. 448, @; Nyl. Form. bor. p. 894, et Addit. p. 1044; 
Foerst. Hym. Stud. p. 9; Mayr. Austr. p. 36; F. rufa Linn. Fn. 
Suec. 1721, $; Zett., L. c., ead.: K.intermedia Lett., l. c., &; 
F. atra Zett., l. c., p. 450, ;. 


Operaria : nigra, thorace, pedibus, petiolo maculaque sæpius parva 
baseos abdominis obscure rubidis ; abdomen opacum e pilis adpressis mi- 
nutissimis (præter alios longiores parciores erectos), —Long. 7-13 milim. 

Femina : nigra nitida, mesopleuris, metanoto, pedibus petiolo macu- 
laque antica baseos abdominis obscure vel piceo-ruhidis, tibüs tarsisque 
obseurioribus ; abdomen subopacum; alæ hyalinæ, ad costam præsertim 
lutescentes. — Long. 15-17 millim.; ala ant. 16 millim. 

Mas : ater opacus, articulationibus pedum et tarsis obscure pallescen- 
tibus; metanotum, pedes, squama marginesque segmentorum nitida; alæ 
hyalinæ albescentes. — Long. 9-11 millim. 

In Pyrenæis elevatioribus et in Alpibus. Mores et affinitas summa præ- 
cedentis. 


Cette espèce, très voisine de la précédente, en diffère par son abdomen plus 
mat, moins coloré en roussâtre à la base. Les individus ailés différent, en outre, 
par des ailes plus hyalines. 


7. FoRMICA PUBESCENS Fabr. Ent. Syst. 2, p. 359 ; Oliv. Enc. 
hist. nat. 6, p. 492; Latr. Fourm. p. 96; Los. Piem. p. 312 ; 
Lepel. Hymén. I, p. 211; Nyl. Form. bor. p. 899; Luc. Alger. 
p. 302; Mayr. Austr. p. 38. 


Operaria : nigra subopaca, mandibulis tarsisque piceis; abdomen e 
pilis minutis adpressis et aliis erectis longioribus leviter cinerascens. — 
Long. 8-13 millim. 

Femina : nigra tota, vix nitida, articulationibus pedum tarsisque inter- 
dum obscure piceo-rufescentibus ; abdomen opacum.—Long. 14-16 mil- 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 57 


lim.; ala ant. 14-15 millim. hyalina, ultra medium fuscescens, nervis et 
stigmate fuscis. 

Mas : niger nitidiusculus, tarsis piceis; squama humilis late lunatim 
emarginata. — Long. 9-10 millim. 

In Gallia passim, frequentior in meridionali. Nidificatut Formica ligni- 
perda. Etiam in Algeria occurrit. 


Il se distingue du F. ligniperda par sa coloration toute noire et par son abdo- 
men plus velu. L'écaille du mâle est plus basse et échancrée sur toute sa lar- 
geur. — M. Mayr s'étonne que cette espèce méridionale se rencontre en Suède, 
Je ferai observer, à cet égard, qu'elle ne s'y trouve qu'à l’île de Gottland, dont 
la formation géologique d'un calcaire silurien et la situation maritime sont favo- 
rables à quelques plantes et insectes qu'on cherche en vain sur le continent scan- 
dinave essentiellement granitique. Le Formica erratica (Sm.) a aussi été observé 
à cette île par M. Boheman. 


8. FORMICA FALLAX, n. sp. 


Operaria : nigra, capite thoraceque subopacis, abdomine sat nitido, 
mandibulis antennis (saltem flagellis) et pedibus fusco-rufescentibus, arti- 
culationibus pedum (interdum dilutiorum) rufis; abdomen subtiliter co- 
riaceum nudum, modo pilis breviusculis paucis serie ante margines sca- 
riosos cujusvis segmenti dispositis. — Long. 7-8,5 millim. 

Ad Monspelium Galliæ meridionalis. 


Elle ressemble extrêmement au F. marginata, mais l'abdomen est plus dé- 
nudé, les poils marginaux des segments sont plus courts, le chaperon et les 
mandibules autrement conformés. Celles-ci sont épaisses, ponctuées, sans 
stries, garnies de cinq dents noirâtres. Le chaperon non descendant est légère- 
ment érodé au milieu de son bord inférieur, et dépourvu de carène médiane. 
L'écaille est plus haute que dans le F. marginata. 


9. ForMmicA FusciPESs Mayr. Austr.p. 45. 


Operaria : fusca, mandibulis, scapis, articulationibus pedum et tarsis 
pallidis, apex flagellorum, frons, petiolus et abdomen nitidum fusco-nigra, 
vel thorace pedibusque sordide pallescentibus; squama Asie emarginala.— 
Long. 3,5 4- millim. 

E Gallia meridionali (Fonscolomb, Perris), in collect, DD. Sichel et 
Fairmaire 

Nous n'avons vu que des ouvrières de cette espèce rare et peu connue, beau- 
coup plus petite que le F, ligniperda ou herculeana, avec lesquels il offre à la pre- 
mière vue une certaine ressemblance. Le F, austriaca Mayr Austr, p. 47, 


58 W. NYLANDER, — SYNOPSIS 

observé en Autriche et en Italie, paraît être assez voisin de cette espèce, dont il 
se distingue par un abdomen velu et d’un gris soyeux; mais il est probable que 
ces deux espèces doivent être rapportées à un groupe distinct. 


40. FormIcA TRUNCATA Spin. Ins. Liqur. I, p. 244 ; Duf. et Perr. 
© Ann. Soc. entom. IX (1840), p. 49, t. 3, f. 52-55; Mayr. Austr. 
p. A7. 


Operaria : obscure rufa, abdomine nitido nigro, caput antrorsum 
granulato-rugosum, antice truncatum, pars truncata lineis 3 longitudina- 
libus impressis, parallelis; squama emarginata.— Long. 5-6 millim. 

Femina : obscure rufa nitida abdomen nigrum, segmento secundo 
fascia basali pallescente; caput antice truncatum ; mandibulæ 4-dentatæ ; 
Squamua crassa emarginata. — Long. 7-8 millim. 

€ Hospitatur in ramis exsiceatis Rubi fruticosi, nec non in galla mespili- 
fbrmi quercus » (Duf. et Perr., L. c.). 

In Gallia meridionali. 


La grosse tête tronquée distingue cette Fourmi de toutes ses congénères. 


SUBDIVISIO 2.— Species minoris vel mediæ magnitudinis. Operaria 
melanoto subrectangulari, metathorax postice abrupte truncatus. 
Alæ ut in subdivisione prima. — Spec. 10. 


11. Formica LATERALIS Oliv. Encycl. Hist. nat. VI, p. 497; 
Latr. Fourm. p. 172; Lepel. Hym. I, p. 217; Mayr. Austr. 
p. 50; F. bicolor Latr. Ess. Fourm. Fr. p. 43; F. melano- 
gaster Latr. Fourm. p. 171; F. aæillaris Spin. {ns. Ligur. I, 
p. 243; F. atricolor Nyl. Addit. alter. p. 36; F. dalmatica Nyl. 
äbid. p. 37 (alia forma); F. foveolata Mayr. Beschreib. einig. n. 
Ames. 


Operaria : nitida abdomine nigro vel piceo-nigro, cetero corpore 
piceo-nigro vel rufo; pedes subnudi; squama supra convexa, — Long. 
3-6 millim. 

Femina : nitida, caput rufo-rubens vel piceo-nigrum, thorax piceus, 
abdomen piceo-nigrum ; metathorax postice truncatus, sed angulis rotun- 
datis; squama subquadrata supra interdum leviter emarginata ; alæ albo- 
hyalinæ nervis dilute pallidis.— Long. 9-10 millim.; ala ant. 9,5 millim. 

Mas : niger nitidus pilosus, mandibulis, flagellis tarsisque obscure 
rufescentibus; metanotum breve postice convexe declive; tibiæ evidentius 
pilosæ. — Long. 6-7 millim. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 59 


Habitat sub lapidibus in Gallia meridionali. In Algeria (Lucas, 
Roussel ). 


L'ouvrière de cette espèce est facile à reconnaître par le métanotum rectangu- 
laire et tronqué. La coloration se distribue chez elle d'une manière très variable ; 
de là les nombreux synonymes appartenant à ses différentes modifications. 


SuBpivisio 8.— Formicæ majoris vel mediæ magnitudinis. Nodus 
petiolaris crassus, abdomen operariæ saltem apicem versus compres- 
siusculum, thorax pone scutellum impressus. Femina et mas alis satis 
brevibus, nervis crassis, area discoidali integra vel nulla (fig. 2), hic 
ventre postice piloso, valvulis genitalium lateralibus angustis. Mo- 
nocombus Mayr., Cataglyphis Foerst. — Spec. 12-13. 


42. Formica viaTicA Fabr. Mant. Ins. I, p. 308; Oliv. En- 
cycl. Hist. nat. NI, p. 495; Latr. Fourm., p. 173; F. bicolor 
Fabr. Ent. syst. I, p. 351, ; Latr. Fourm. p. 119, id., 
F. megalocola Foerst. Verh. d. naturh. Ver. d. Rheinl. NII, 
p. 485; Cataglyphis Fairmairei Foerst., tbid., f ; Monocombus 
viaticus Mayr. Austr. p.110. 


Operaria : læte rufa subtilissime coriacea, opaca, antennæ, pedes et 
interdum petiolus plus minus fuscescentes, abdomen fusco-nigrum, caput 
thorace latius; venter nitidiusculus. — Long. 8-10-13 millim. 

Femina : læte rufa, subtiliter coriacee-insculpta, abdomen fusco-ni- 
grum; nodus petiolaris crassus, ut in operaria. — Long. 13 milli m.; ala 
antica modo 10 millim., leviter versus costam et circa nervos infuscata, 
area discoidalis fere triangularis, parva, nervus costalis usque ad stigma 
pallidus. 

Mas : rufus, pro- et mesothorace nigricantibus (mesonoto late rufo) 
abdomen segmentis convexiusculis , venter versus apicem pilis mollibus 
crebre obsitus. — Long. 10-11 millim.; ala ant. 9 millim. 

In Algeria, locis aridis, velocissime currens. Attæ capitatæ bellum gerit 
(vide infra sub hac specie observationes huc respicientes clarissimi Rous- 
sel (1) locis, ubi simul obveniunt. 


Belle, grande espèce, l'abdomen d'un noir presque bronzé, le reste du corps 


(4) « Le Formica viatica Fabr., dont l'existence semble, en Algérie, liée à celle 
de l'Atta capitata Fabr., vit dans les mêmes lieux. On le voit courir dans les 
chemins secs et âpres, et pendant la plus grande chaleur du soleil, avec une vélo- 
cité remarquable, en relevant son abdomen. » Rouss., mscrpt. 


60 W. NYLANDER. — SYNOPSIS 

d'un roux ferrugineux, la tête plus volumineuse que l'abdomen. L'élévation an- 
térieure du corselet, de la même hauteur que l'élévation postérieure formée par le 
métanotum ; le corselet est proportionnellement plus long que dans l'espèce sui- 
vante. 


13. Formica cursor Fonscol. Ann. Soc. Ent. 2, IV (1846), p. 41, 

CELE 

Operaria : nigra nitida subænescens, sat nudla, mandibulis, antennis 
tarsisque rufescentibus ; area frontalis absque nitore; squama petiola- 
ris crassa supra obtusa; abdomen (magis nitidum quam ceterum corpus) 
ventre compressiusculo. — Long. 6-7 millim. 

Mas : niger paullo ænescens, mandibulis, antennis, pedibus et abdo- 
mine fuscis. — Long. 7,5 millim.; ala ant. 6 millim. areola discoidali 
parva. 

Habitat in terra locis campestribus aridis Galliæ meridionalis frequen- 
ter, eximie agilis. 

Espèce plus petite que la précédente et d'un noir luisant un peu bronzé. La 
tête est de la grosseur de l'abdomen. L'élévation antérieure du corselet, consti- 
tuée par le mésonotum et l'écusson, est plus haute que le métanotum. Le mâle 
est conformé comme le mâle du F. viatica, mais plus petit, noirâtre ; l'aile anté- 
rieure à peine de la longueur de 6 millimètres, légèrement brunâtre , à nervures 
foncées, épaisses. 

Fic. 2. Ala antica maris. 


SUBDIVISIO 4. — Species mediæ vel minoris vel parvæ magnitudi- 
nis. Squama verticalis compressa. Operaria capite minore quam 
abdomen, thorace inter scutellum et metanotum impresso. Femina et 
mas alis area discoidali præditis (fig. 3), corpore longioribus vel 
saltem fere æquilongis. — Spec. 14-30. 

A. Snires Formicæ rufæ. Color saltem thoracis in operaria 
in speciebus plerisque dominans rufus. Operariæ ocellis qaudent. 
Plurimæ acervicolæ. — Spec. 13-22. 


44. Formica RUFA Linn. Faun. Suec. 1721, ; ©; Latr. Fourm. 
p- 143, t. 5, f. 28; Nyl. Form. bor. p. 902; Foerst. Hym. Stud. 
p.13; Schenck Nass. Am. p. 28; Smith. Brit. Form. p. 100 ; 
Mayr. Austr. p. 56; Formica polyctena Foerst., L. c., p. 15; 
Schenck, L. c., p. 25; F. truncicola Foerst., L. c., p. 21; F. pini- 
phila Schenck , L. c., p. 28; F. obsoleta Zett. Ins. Lapp. p. 449, 
@ Ÿ; FE. lugubris Lett., L. c., p. 449, g. 


Operaria : rufo-ferruginea sat nuda, caput supra et abdomen fusco- 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. GL 


nigra, macula sæpius mesonoti æque ac antennis et pedibus fuscescentibus ; 
area frontalis nitida; squama sursum rotundatim latior, integra vel in 
majoribus obtuse emarginatula. — Long. 6-8 millim. 

Femina : ferrugineo-rufa nuda, fronte cum occipite, thorace superne 
{præter metanotum) et abdomine polito (præter maculam basalem et sæpe 
ventrem anumque plus minus rufo-pallescentes) fusco-nigris, antennis 
tibiis et tarsis fuscescentibus; area frontalis nitida.—Long. 10-11 millim.; 
ala ant. 10-114 millim. albescenti-hyalina, a basi ultra medium leviter 
brunnescens, stigmate fusco. 

Mas : niger opacus, sparse pubescens, pedibus sæpe plus minus geni- 
talibusque rufescentibus; area frontalis nitidiuscula ; oculi parce miero- 
scopice pilosuli; squama subquadrata supra concaviuscula. — Long. 
7-41 millim., ala ant. fere 10 millim. 

In Galliæ sylvis valde frequens, præsertim forma major (Nyl. Addit. 
alter. p.29). Mares feminæque mensibus majo etjunio obveniunt. 

Fi. 3. Ala ant. feminæ. 


45. Fonmica coNGERENS Nyl. Form. bor. p. 906, Addit. alter. 
p. 30; Foerst. Hym. Stud. p. 17; Schenck Nass. Am. p. 30; 
Mayr. Austr. p. 60. 


Operaria : ferrugineo-rufa pilosa, caput supra, dorsum thoracis et 
abdomen fusco-nigra, area frontalis nitida; oculi microscopice parce pilo- 
suli; squama supra integra vel leviter emarginata. — Long. 6-9 millim. 

Femina : ferrugineo-rufa nuda leviter cinereo-micans, caput supra, 
dorsum thoracis (præter metanotum) et abdomen (præter maculam basa- 
lem et sæpe ventrem anumque plus minus rufo-pallescentes) fusco-nigra, 
antennis, tibiis et tarsis fuscescentibus ; area frontalis nitida punetulata; 
oculi parce pilosuli.— Long. 10-11 millim.; ala ant. fere æquilonga. 

Mas : niger levissime cinereo-micans, capite thoraceque crebre piloso- 
pubescentibus, genitalibus et pedibus ad partem rufescentibus ; area fron- 
talis nitida; oculi pilosuli, squama petiolaris integra vel superne conca- 
viuscula.— Long. 9-11 millim.; ala ant. fere æquilonga. 

lisdem locis sylvaticis Galliæ ac præcedens , cui omni respectu affinis. 
Acervos similes construit. Odor acidus forte adhue acerbior. Examinat 
mense junio. 


Cette espèce se distingue assez facilement du F, rufa : l'ouvrière et le mâle, 
par la pilosité de Ja tête et du thorax ; la femelle, par son abdomen moins lui- 
sant et d'un reflet cendré, L'abdomen de la femelle du F, rufa est d'un noir 
brillant. 


62 WW. NYLANDER. — SYNOPSIS 

Le Formica truncicola Nyl., Form. bor., p. 907 (Schenck Nass, Am. p. 33, 
Mayr Austr. p. 62), n'a pas encore, que je sache, été trouvé en France, quoi- 
que, selon toute probabilité, on doive le rencontrer dans les régions monta 
gneuses, comme, par exemple, dans les Vosges. C’est une espèce très voisine du 
F. congerens, et diffère seulement par la coloration toute ferrugineuse de la tête 
et par des poils encore plus serrés, distribués surtout sur la tête et le corselet , 
autant chez la femelle que chez l'’ouvrière, et sur l'abdomen chez le mâle. 
Il niche dans des troncs d’arbres creux. On l'a observé dans le nord de l'Eu- 
rope, en Allemagne, en Suisse, en Piémont, en Lombardie (Mayr Austr. 
p_ 15). Le F. truncorum Fabr. Piez., p. 403, en est peut-être la femelle. 


16. ForMicA SANGUINEA Latr. Fourm. p. 150; Lepel. Hymen. 
I, p. 203 ; Foerst. Hym. Stud. p. 20; Schenck Nass. Am. p. 36; 
Sm. Brit. Form. p. 101; Mayr. Austr. p. 64; Formica domi- 
nula Nyl. Form. bor. p.905. 


Operaria : ferrugineo-rufa, abdomine levissime cinereo-micante fusco- 
nigro, capite supra flagellis, tibiis tarsisque fuscis; clypeus medio mar- 
ginis inferi emarginato: area frontalis absque nilore; squama integra vel 
parum emarginata. — Long. 6-9 millim. 

Femina : ferrugineo-rufa paullo cinereo-micans, fronte cum occipite 
et adomine fusco-nigris, flagellis, tibiis tarsisque fuscis; clypeus medio 
marginis inferi emarginato; area frontalis absque nitore vel nitidiuscula ; 
squama sursum subtriangulariter rotundata, parum medio emarginata. — 
Long. 9-10 millim.; ala ant. æquilonga, hyalino-albescens a basi ultra 
medium leviter brunnescens, stigmate brunneo. 

Mas : niger sat nudus pedibus et genitalibus rufo-pallescentibus ; man- 
dibulæ 3-5 denticulatæ ; clypeus medio emarginatus ; area frontalis absque 
nitore. — Long. 8-10 millim.; ala ant. fere æquilonga. 

Nidulatur in terra, verisimiliter sæpe nidos aliarum specierum occu- 
pans. In acervis et in truncis eam vidi. Servas socielati suæ adjungit 
operarias Formicæ fuscæ, rarius Formice cuniculariæ ; passim tamen 
absque his auxiliariis viget. Mares feminæque æstate media occurrunt. 


Cette espèce se reconnaît facilement par son chaperon échancré et l'absence 
de la pilosité propre au Æ. trun cicola. Dans la collection de M. le docteur Sichel! 
j'ai eu occasion de voir une espèce de l'Amérique du Nord semblable au F. san- 
guinea, mais dépourvu de toute échancrure du chaperon; je proposerai de l'ap- 
peler, par cette raison, Formica integra. Il se distingue du F. truncicola par son 
corps encore plus nu que celui du F. sanguinea. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D’ALGÉRIE. 63 


47. Formica ExSECTA Nyl. Form. bor. p. 909; Foerst. Hym. 
Stud. p. 23; Schenck Nass. Ameis. p. 38; Mayr. Austr. p. 68. 


Operaria : ferrugineo-rufa parum nitida, abdomine fusco-nigro, flagel- 
lis et vertice fuscescentibus; palpi satis longi;, occiput late emarginatum; 
squama supra profunde exsecta, cordata.—Long. 6-7 millim. 

Femina : testaceo-rufa nitida, antennis, capite supra, dorso thoracis et 
abdomine fusco-nigris, clypei disco, mesosterno et mesopleuris fuscescen- 
tibus ; occiput et squama emarginata. — Long. 8 millim.; ala ant. obso- 
lete fuscedine tincta, stigmate brunneo. 

Mas : niger parum nitidus brevius pubescens, genitalibus pedibusque 
vel totis vel ad partem testaceo-pallescentibus ; occiput parum emargina- 
tum. — Long. 6-7 millim. 

In Gallia rarius obvenit. Loca magis aprica amare videtur quam F. rufa. 
Acervos minores, supra plerumque planos, construit. Nec marem, nec 
feminam in Gallia adhuc observavimus , at in Europa boreali et orientali 
media æstate examinant. 


L'échancrure profonde de l'occiput et de l’écaille pétiolaire offrent un caractère 
qui distingue facilement cette espèce des autres acervicoles, compris autrefois 
sous le nom collectif de F. rufa. Le F. pressilabris Nyl., qui lui ressemble beau- 
coup, est un peuplus petit, ses palpes maxillaires plus courts, quelquefois n'ayant 
que cinq articles, l'écaille pétiolaire moins échancrée. Le dernier n’a pas encore 
été trouvé en France (1). Les palpes maxillaires du F. eæsecta sont à peu près de 
la longueur de 0,9 millimètres, ceux du F. pressilabris 0,7 millimètres ; les 
labiaux n'offrent aucune différence. 

Fic. 18. Palpi operariæ. 


(4) Fonwica ressiLanis Nyl. Form. bor. p. 911; Mayr Austr. p. 907. 
Operaria : Ferrugineo-rufa parum nitida, abdomine fusco nigro, flagellis et ver- 
tice fuscescentibus ; palpi breves, clypeus ante marginem inferiorem depressus 
occiput emarginatum; squama leviter emarginata. — Long. #,5—6,5 millim. 

Femina : Nigra nitidissima, ore, pronoto, metanoli apice, petiolo, trochante- 
ribus el summo ano pallescentibus; palpi breves ; clypeus margine infero trans- 
versim depressus ; occiput et squama emarginata. — Long., 6-5 millim.; ala 
ant. fere æquilonga, byalina nervis stigmateque fuscescentibus. 

Mas : Niger nitidus metatarsis posticis genitalibusque pallescentibus, palpi 
breves ; occiput obsolete concaviusculum. —- Long. 5-6 millim.; ala ant, æqui- 
longa. 

Nidificat in lucis et pratis, acervum parvum , sæpissime supra depressum, 
conficiens e frustulis culmorum gramineorum etc. In Scandinavia ; in Austria et 
Hungaria ex Mayr, L. c. Examinat mense julio, — Fic. 49. Palpi operariæ, 


64 XV. NYXLANDER. — SYNOPSIS 


18. FormicA CUNiGULARIA Latr. Fourm. p. 151; Hub. Rech. 
Fourm. t. 2, f. 11-13; Los. Piem. p. 316; Lepel. Hymen. I, 
p. 203; Nyl. Form. bor. p. 913 ; Foerst. Hym. Stud. T, p. 25; 
Schenck Nass. Am. p. 40; Smith Brit. Form. p. 103; Formica 
stenoptera Foerst. Hym. Stud. p. 26. 


Operaria : ferrugineo-rufa vel obscure rufescens , leviter cinereo- 
micans, parce flavido-pilosula, capite supra ad partem maximam, anten- 
narum flagellis et abdomine fusco-nigris ; dorsum sæpe thoracis et pedibus 
fuscescentibus, his interdum femoribus vel totis pallidioribus; area fron- 
talis opaca ; squama integra vel paullo emarginata.—Long. 5-7,5 millim. 

Femina : ferrugineo-rufa, leviter cinereo-micans, parce pilosula, capite 
supra, flagellis et abdomine fusco-nigris ; mesonoto maculis tribus longi- 
tudinalibus, scutello cum postscutello, mesopleuris cum mesosterno 
fuscis; squama lata vel subcordata vel supra truncata, tantum leviter 
inæqualis. — Long. 8-9 millim.; ala ant. fere æquilonga hyalina, nervis 
et stigmate fuscis. E 

Mas : niger sparse pubescens, abdomine cinereo-micante, genitalibus 
et pedibus (exceptis coxis fuscis et tarsis leviter obscuratis) testaceis vel 
his sæpius fuscis tantum femorum apicibus, tibiis tarsisque pallescentibus 
(his paullo obscurioribus); oculi nudi, squama late emarginata. — 
Long. 8-9 millim.; ala ant. fere æquilonga. 

Habitat in Gallia frequentissime, in terra cuniculos effodiens, nullum 
vero acervum sibi construit. Mares feminæque mense julio proveniunt. 


Quoique à peu près de la grandeur et la couleur du Formica rufa , et de quel- 
ques autres parmi les espèces précédentes, il se distingue facilement par le reflet 
cendré du corps, l'aréole frontale mate, les scapes un peu plus longs, et enfin 
son habitat dans la terre. 


19. FORMICA CINEREA Mayr. Austr. p. 72. 


Operaria : fusco nigra pilosa, insigniter cinereo-micans, antennis, ar- 
ticulationibus pedum tarsisque rufis, area frontalis opaca. — Long. 
5-6 millim. 

Femina : « fusco-nigra, dense pilosa ac cinereo-micans ; mandibulæ, 
antennæ, anus pedesque rufo-brunnei; area frontalis opaca. — Long. 
40-11 millim. » Mayr., 2. c. 

Mas : « nigro-fuscus dense pilosus ac cinereo-micans;, mandibulæ, 
scapus antennarum, genitalia ac pedes flava aut ochracea; area frontalis 
opaca. — Long. 10 millim. » Mayr., L. c. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 65 


Rara in Gallia (collectio cel. Sichel). In Germania, Hungaria, Italia ex 
Mayr.!. c. Nec feminas, nec mares adhuc vidi. 


C'est une espèce très voisine de la suivante, dont elle diffère seulement par 
ses poils plus serrés et le reflet cendré plus prononcé, surtout sur l'abdomen. 


20. Formica FusCA Linn. F. Suec. 1722; Latr. Fourm. p. 159, 
t. 6, f. 32; Fabr. Piez. p. 392; Huber. Rech. Fourm. t. 2, 
f. 8-10; Zett. Zns. Lapp. p. 448; Los. Piem. p. 317; Lepel. 
Hymen. I, p. 205; Nyl. Form. bor. p. 919, Addit. alter. p. 30; 
Schenck Nass. Am. p. 43; Mayr. Austr. p. 74; Formica gleba- 
ria Nyl. Form. bor. p. 917; Foerst. Hym. Stud. p. 31. 


Operaria : nigra vel fusco-nigra parce pilosa, cinereo-micans, mandi- 
bulis antennis et pedibus obscure rufis totis vel femoribus obscurioribus , 
area frontalis absque nitore ; squama triangulariter rotundata. — Long. 
5-6,5 millim. 

Femina : nigra nitida, parce pilosa, mandibulis, scapis et pedibus 
obscure rufis, femoribus plerumque obscuratis, abdomine fere ænescente. 
— Long. 9-10 millim.; ala ant. fere æquilonga hyalina nervis et stigmate 
fuscis. 

Mas : niger leviter cinereo-micans, antennarum scapis sæpissime, 
pedibus genitalibusque testaceo-pallescentibus, femoribus raro basi fusce- 
scentibus, tarsis tibiis concoloribus (testaceis); squama integra vel late levi- 
ter emarginata; abdomen sat nudum fere ænescens. — Long. 8-10 millim, 

In Gallia admodum est frequens, nidulans in terra similiter ac F. cuni- 
cularia affinis. Examinat mensibus augusto et septembri. 


Les ouvrières de celte espèce sont quelquefois difficiles à distinguer des indi- 
vidus plus foncés du Formica cunicularia. 


21. Fonmica GaGarEes Latr. Fourm. p. 138; Los. Piem. p. 315; 
Lepel. Hymén. 1, p. 200; Mayr. Austr. p. 75; Formica capsincola 
Schill. Schles. p. 54; F. picea Nyl. Form. bor. p. 917, Addit. 
p. 1059; Foerst. Hym. Stud. p. 30. 


Operaria : nigra vel piceo-nigra nitida, mandibulis, antennis, articu- 
lationibus pedum et tarsis rufescentibus, femoribus tibiisque piceis, abdo- 
men sparse pilosum squama sursum latior, superne truncata vel leviter 
emarginata, — Long. 5-7 millim. 

Femina : nigra nitida, mandibulis, antennis pedibusque piceis ; area 
frontalis nitida; squama, ut in operaria , integra vel leviter emarginata ; 

ke série, Zoos. T. V, (Cahier n° 2.) ! 5 


66 WW. NYLANDER. — SYNOPSIS 


abdomen pilosum nitidissimum. — Long. 9-10 millim., ala ant. fere æqui- 
longa leviter fuscescens. 

Mas : niger, mandibulis apice, genitalibus, pedibus, sæpe adhuc scapis 
rufo-pallescentibus ; mandibulæ 1-2 dentatæ.- Long. fere 10 millim. 

In Gallia rarius. Feminæ maresque mensibus julio et augusto. Nidificat 
verisimiliter ut præcedens. 

Il est plus noir, plus luisant que le précédent, et à petits poils roides hérissés, 
plus nombreux, surtout sur l'abdomen. 


22, FORMICA NASUTA, n. Sp. 


Operaria : nigra gracilis nitidiuscula, nuda (pili modo pauci in clypeo 
antice), mandibulis, geniculis et tarsis pallidis ; facies producta antice visa 
subrectangularis; elypeus ohsolete carinatus; ocelli minutissimi ; antennæ 
pedesque graciles; dorsum thoracis subæquale; squama oblonga integra. 
— Long. 3-3,5 millim. 

Ad rupes calcareas prope Beaucaire Galliæ meridionalis. 


Fourmi petite et élégante, facilement reconnaissable à la singulière conforma- 
tion de la tête, présentant une face allongée el rectangulaire, aussi large près de la 
bouche qu'au sommet. Les palpes sont obscurs, et l'impression du corselet, der- 
rière l'écusson, est peu marquée. 


B. Ses Formicæ nigræ. Species minores vel parvæ. Color 
varius. Area frontalis obsoleta. Alæ maris feminæquecorpore longiores. 
Mares sæpius parvi comparata magnitudine feminarum.—Sp. 23-30. 


23. Formica FuLIGINOSA Latr. Fourm. p. 140; Los. Piem. 
p. 315; Lepel. Hym. I, p. 200; Schill. Schles. p. 55; Nyl. Form. 
bor. p. 915; Foerst. Hym. Stud. 1, p. 28; Schenck Nass. Ameis. 
p. 45; Smith. Brit. Form. p. 105; Mayr. Austr. p. 79. 


Operaria : nigra nitidissima , mandibulis flagellisque rufescentibus , 
tarsis rufs ; caput subcordatum (occipite late emarginato), thorace latius, 
magnitudine saltem abdominis ; squama parva subovata, marginibus late- 
ralibus parallelis, supero subtiliter setuloso. — Long. 4-5 millim. 

Femina : nigra nitidissima sparse pilosula, mandibulis, antennis pedi- 
busque rufescentibus, tarsis rufis ; caput subcordatum; squama parva sub- 
ovata. — Long. 6 millim.; ala ant. 8 millim. albescenti-hyalina a basi ad 
medium fuscescens, nervis et stigmate obscuris. 

M as : Niger nitidus, flagellis, articulationibus pedum et tarsis obscure 
pallescentibus ; occiput concaviusculum ; squama parva subquadrata, non- 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 67 


nibil rotundata. — Long. 4-5 millim.; ala ant. 5,5 millim., de cetero ut 
in feminæ, sed plerumque dilutior. 

Habitat in truncis vetustis putrescentibus , in coloniis maximis. Spirat 
odorem aromaticum gravem, oleosi aliquid habentem ( comparandum eum 
odore Myrmicæ scutellaris). Examinat in Gallia versus finem mensis junii. 


La couleur d'un noir brillant, la grosse tête échancrée en arrière, et les 
tarses d'un roux pâle, constituent les principaux caractères distinctifs de cette 
espèce. C'est un des types les plus distincts parmi les espèces européennes, et 
qu'on ne pourrait confondre avec aucun autre. 


2h. Formica NiGRA Linn. Fn. Suec. 1723 ; Latr. Fourm. p. 136; 
Los. Piem. p. 317; Lepel. Hymén. T1, p. 206; Nyl. Form. bor. 
p. 920; Schenck Nass. Ameis. p. 49; Sm. Brit. Form. p. 409; 
Mayr Austr. p. 83; Formica fusca Foerst. Hym. Stud. p. 33; 
Lasius niger Fabr. Piez. p. 115, d. 


Operaria : fusco-nigricans vel obscure fusca nitida, sparse pilosa, 
mandibulis et scapis rufescentibus , flagellis et pedibus obscure pallescen- 
tibus , Larsis testaceo-pallidis; scapi et tibiæ pilis sparsis ; squama sub- 
reclangularis parum emarginata vel integra. — Long. 3-4 millim. 

Femina : fusco-nigricans nitida , cinereo-micans, mandibulis antennis 
(vel solum scapis), arliculationibus pedum obscure pallentium tarsisque 
pallide rufescentibus ; caput thorace angustius ; scapi et tibiæ pilis spar- 
sis; squama subrectangularis, supra medio fere angulatim late emarginata. 
— Long. 8-10 millim.; ala ant. 10-12 millim. albo-hyalina nervis et 
sligmate dilutis, nervo scapulari obscuriore. 

Mas : niger vel fusco-niger nitidus, antennis , pedibus et tarsis obscure 
pallescentibus ; linea frontalis distincte impressa; scapi et tibiæ pilis 
sparsis obsiti ; squama parya supra parum concaviuscula.—Long. 4-5 mil- 
lim. ; ala ant, 4,5-5,5 millim., area discoidalis aut parva subquadrata vel 
nulla. 

Est species maxime vulgaris Galliæ, in terra, sub lapidibus, in arena, in 
truncis putrescentibus nidulans. Mares feminæque mense augusto occur- 
runt. Ab Italia in Lapponiam procedit; verisimiliter in Algeria non deset. 


Très ressemblant au suivant, dont il ne diffère guère que par les quelques 
poils fins et dressés, qui, outre la pubescence, s’observent sur les scapes et les 
jambes. 


68 WW. NYLANDER.— SYNOPSIS 


95. FormicA ALIENA Foerst. Hym. Stud. p. 36; Schenck Nass. 
Am. p. 51; Mayr Austr. p. 88. 


Operaria : similis operariæ præcedentis, modo scapis tibiisque denu- 
datis. Femina et mas similiter ab üis ejusdem distinguuntur. 

In Gallia vulgaris, in similibus habitans nidis in terra ac præcedens , a 
‘qua forte non bene sit separanda , nisi ut varietas. Etiam in Algeria obvenit 
(Mus. Paris). 


26. FORMICA EMARGINATA Latr. Fourm. p.163 ; Los. Piem. p. 319; 
Lepel. Hym. I, p. 207; Formica brunnea Mayr. Austr. p.86 (exclus. 
synon.). 

Operaria : pallide vel cinerascenti-rufa, tenuiter pilosa , capite supra 
pedibus (exceptis eorum articulationibus et tarsis) et abdomine parum 
cinereo-micante infuscatis, abdomine tamen obseurius fusco ; scapi et tibiæ 
pilis tenuibus ; linea frontalis obsoleta ; squama integra vel parum emargi- 
nata. — Long. 3-4 millim. 

Femina : obscure rufo-pallescens cinereo-micans , supra (præsertim 
capite et abdomine) obseurior, segmento abdominis primo plus minus sor- 
dide-pallescente , scapis et pedibus pallidioribus pilis tenuibus obsitis ; 
caput thorace angustius ; linea frontalis obsoleta ; squama emarginata. — 
8-9 millim. ; ala ant. 10 millim. albescenti-hyalina. 

Mas : fusco-niger, mandibulis , antennarum flagellis, articulationibus 
pedum et tarsis pallescentibus, capite abdomineque nitido obseurius nigri- 
cantibus, linea frontalis sat distincte impressa ; frons nonnihil opaca ; scapi 
et ibiæ pilis subtilibus muniti.—Long. fere 4 millim.; ala ant. 5 millim. 

In Gallia haud rara, plerumque Jocis cultis obvia, in muris, terra et 
arboribus vetustis nidos faciens. Individua omnium sexuum odorem infe- 
statæ exhalant moschi. Etiam in domos penetrat, cibos saccharinos avide 
comedens. Fine mensis julii fel augusto examinat. 

Cette Fourmi, assez commune en France, se distingue du Formica nigra, 
avec lequel il offre les plus grandes affinités, par son corselet d’un rougeâtre pâle 
dans l'ouvrière, et par l'odeur de musc qui lui est propre , ainsi qu'à la femelle 
et au mâle ; celui-ci a le front plus mat que le mâle du F. nigra. 


27. Formica BRUNNEA Latr. Fourm. p. 168; Los. Piem. p. 319 ; 
Formica timida Foerst. Hym. Stud. p. 35; Schenck Nass. Am. 
p. 53; Mayr. Austr. p. 89. 


Operaria : pallide vel cinerascenti-rufa , abdomine obscure infuscato ; 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 69 
linea frontalis conspicua , elongata ; scapi et tibiæ denudati. — Long. 
2,5-3,5 millim. 


Femina : fusco-nigricans cinereo-micans, antennis pedibusque testaceo- 
pallescentibus, flagellis et femoribus paullo obscurioribus ; caput latitudine 
thoracis ; scapi et tibiæ denudati; squama leviter emarginata. — Long. 
8-9 millim.; ala ant. 9 millim. hyalina, ad vel ultra medium leviter 
infuscata, nervis et stigmale sordide luteis. 

M as : fusco-niger scapis et pedibus dilute fuscis, flagellis articulatio- 
nibus pedum et tarsis pallidis; mandibulæ unidentatæ ; linea frontalis 
impres-a ; oculi nudi; squama angulatim emarginala ; scapi et tibiæ denu- 
dati. — Long. 4-5 millim.; ala ant. 5 millim. ad medium leviter infuscata. 

In Gallia passim, longe minus frequens quam præcedens. 


Cette espèce diffère de la précédente à peu près comme le Formica aliena du 
F. nigra. L'ouvrière a la tête plus pâle que le F. emarginata ; la tête de la fe- 
melle est plus large que celle de la femelle de la même espèce, et les ailes, en 
outre, comme dans le mâle, ont la moitié basilaire distinctement obscurcie 
d'une teinte brunâtre. — Elle a une distribution géographique très large ; nous 
l'avons vue même de la Géorgie au pied du Caucase. 


28. Formica FLAVA Fabr. Ent. Syst. 2, p. 375; Latr. Fourm. 
p. 166 ; Los. Piem. p. 331 ; Lepel. Hymén. I, p. 208 ; Nyl. Form. 
bor. p. 922; Foerst. Hym. Stud. TI, p. 38 ; Schenck Nass. Amets. 
p. 56; Smith Brit. Form. p. 108; Mayr Austr. p. 91. 


Operaria : flava tota, leviter albido-micans , sparse pilosa (pilis pluri- 
bus in dorso thoracis) ; oculi parvi ; squama sat parva supra fere truncata 
vel leviter emarginatula ; scapi tibiæque denudati.—Long. 2-4 millim. 

Femina : fusca nitida flavido-micans, dorso thoracis magis nigricante, 
antennis pedibusque pallidis, ventre sordide pallescente ; caput thorace 
angustius ; squama obtuse angulatim late emarginata; scapi tibiæque 
denudati. — Long. 7-9 millim., ala ant. 9-10 millim. ad medium fere 
dilute infuscata. 

Mas : fusco-niger nitidus , flagellis, articulationibus pedum et tarsis 
pallidis; mandibulæ 1-2 dentatæ ; linea frontalis sæ&pe nulla (vel impres- 
sione substitula longitudinali, accedente altera transversa) ; oculi prominuli 
subtiliter microscopice parce pilosuli; scapi tibiæque denudati. — Long. 
3-4 millim.; ala ant. circa 4,9 millim. versus basin levissime vel vix 
infuscata. 


70 XV. NYLANDER, — SYNOPSIS 


In Gallia frequentissima ; iisdem locis et moribus ac Formica nigra. 
Mares feminæque mensibus septembri et octobri obveniunt. 


Le scape et les jambes glabres distinguent l’ouvrière de celle de l'espèce sui- 
vante. La femelle et le mäle offrent également d'autres caractères différents et 
faciles; les ailes sont moins obscures vers leur base, la femelle a la tête moins 
large et le mäle les mandibules avec une ou deux dents (dans le F. umbrata elles 
en ont cinq). 


29. ForMIcaA umBRaTA Nyl. Addit. Form. bor. p. 1048 ; Schenck 
Nass. Am. p. 59; Smith Brit. Form. p. 106 ; Mayr. Austr. p. 93; 
Formica mixta Fœrst. Hym. Stud. p. 41 et 72. 


Operaria : flaya tota leviter albido-micans, sat æqualiter fere undique 
(etiam scapis et libiis) pilosa, oculi parvi ; squama mediocris, supra integra 
vel emarginatula. — Long. circa 4 millim. 

Femina : fusca breviter undique pilosa, albido-micans, capite antice , 
antennis pedibusque sordide pallescentibus; caput thorace latius ; oculi 
pilosuli; squama obtuse angulatim emarginata. — Long. 7-8 millim.; ala 
ant. -circiter 8 millim. a basi ad medium infuscata. 

Mas : fusco-niger nitidiusculus, breviter pilosus, mandibulis, antennis 
pedibusque plus minus sordide pallescentibus, tarsis pallidis ; mandibulæ 
5-denticulatæ ; linea frontalis distincte impressa; oculi pilosuli. — Long. 
3,5-4,5 millim.; ala ant. 5-5,5 millim. a basi ad medium infuscata. 

In Gallia satis frequens, habitans in terra, ut præcedens. Volat mensibus 
augusto et septembri. 


Les petits poils jaunes sont beaucoup plus abondamment distribués sur toutes 
les parties du corps, et plus longs dans cette espèce que dans la suivante, La 
femelle diffère , en outre, par son écaille pétiolaire échancrée, le mäle par ses 
yeux finement poilus; mais il est probable que le Formica affinis Schenck Nass. 
Ameis, p. 62, Mayr Austr. p.96, n'est qu'une variété de notre umbrata, à 
l'écaille un peu plus profondément échancrée. — Le Formica incisa Schenck, 
1. c., p. 63, semble se rapprocher beaucoup du F. flava, dont il diffère, selon la 
description, par une écaille plus haute et fortement échancrée ; et l'auteur pré- 
sume que le F. bicornis FϾrst. Hym. Stud., p. #1 (squama circulatim exsecta), 
en constitue la femelle. C'est une Fourmi à rechercher en France. 


30. Formica mixTA Nyl. Form. bor. p. 1050; Schenck Nass. 
Ameis. p. 64; Mayr Austr. p. 95. 


Operaria : flava, pilis thoracis abdominisqu? brevibus, parce sparsis, 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 71 


tibiis denudatis ; squama parva plerumque leviter emarginatula. — Long. 
fere 4 millim. 

Femina : fusca cinereo-micans, fere nuda, mandibulis, antennis et pedi- 
bus pallescentibus, femoribus plerumque paullo obscurioribus, tibiis nudis, 
oculis pilosulis; squama integra (vel obsolete emarginatula). — Long. 
7-8 millim.; ala ant. 8 millim., a basi ad medium infuscata. 

Mas : similis mari præcedentis et vix distinguendus nisi oculis (et cor- 
pore) nudioribus. Mandibulæ obsolete denticulatæ. 

Etiam in Gallia adest, sed parce, multo rarior quam duæ præcedentes. 


Le corps plus dénudé, à poils rares et très petits, distingue l’ouvrière de cette 
espèce des deux précédentes ; l'écaille entière et les jambes dépourvues de poils 
séparent la femelle de celle du F. umbrata. — Le F. rubiginosa Latr. Fourm. 
p- 170 paraît être un nom appartenant à une des femelles de ce groupe, mais il 
nous est impossib'e de dire à laquelle. 


SUBDIVISIO 5. — Squama petioli parva antrorsum nutans (declivi- 
tate posteriore saltem duplo plerumque longiore quam latere antico) 
vel fere incumbens. Ocelli et linea frontis in operaria nulli. Thorax 
in operaria superne pone scutellum impressum. Alæ ut in subdivisione 
precedente, area discoidali interdum clausa nulla.-—Tapinoma Foerst. 
— Spec. 31-34. 


31. FORMICA NIGERRIMA, n. sp. 


Operaria : nigra tota , levissime cinereo-micans , nuda (ventre modo 
sparse piloso), mandibulis kævibus 9-denticu'atis et apice summo scaporum 
(interdum adhuc articulationibus pedum obscure et anguste) piceo-rufe- 
scentibus; caput sæpe abdomine majus subcordatum; clypeus margine 
infero sinu angusto exsectus, pilis 2 longis munitus. — Long. 3-4 millim. 

Locis aridis prope Monspelium. — In Algeria inquirenda. 


Plus grand et à pattes plus noires que l'espèce suivante; les tarses sont noi- 
râtres. L'aréole frontale est à peine indiquée. 


32. Fonmica eRnRarTicA Latr. Fourm. p. 182; T'apinoma erratica 
Smith Brit. Form. p. A1 ; Mayr Austr. p. 401 (erratieum); For- 
mica glubrella Nyl. Addit. alter. p. 38, not., el in Ann. Magaz. 
Nat. Hist. NU, ser. 2, aug. 1851 ; T'apinoma collina Fœrst. Hym. 
Stud. p. 43; Schenck Nass. Ameis. p. 67. 


Operaria : nigra nitida nuda obsolete cinereo-micans. articulationibus 


12 WW. NYLANDER, — SYNOPSIS 
pedum tarsisque pallidis ; mandibulæ 9-denticulatæ ; clypeus margine infero 
sinu angusto exsectus, pilis 2 longis munitus. — Long. 2,5-8 millim. 

Femina : nigra leviter cinereo-micans, thorace nitidiuseulo, articulatio- 
nibus pedum et tarsis pallidis ; clypeus exsectus, ut in operaria. — Long. 
5 millim. ; ala ant. æquilonga paullo fuscescens, nervis et stigmate dilute 
fuscis. 

Mas : niger nitidiusculus, pedibus fuscis (femoribus obscurioribus ) 
articulationibus anguste et tarsis pallidis , vel etiam tibiis pallescentibus ; 
clypeus margine infero medio emarginatus; valvula analis ventralis bifidus 
lobos 2? distantes formans. — Long. 4 millim.; ala ant. æquilonga leviter 
fuscescens, nervis et stigmate dilute fuscis, area discoidali haud raro non 
clausa. 

Habitat in Gallia frequenter nidis maximis in terra variis locis, ut in 
arenosis et muscosis , agilitate et odore suavi nectareo insignis. Examinat 
mense junio. Feminæ alas facillime amittunt, nisi cautissime capiantur. 


La description donnée par Latreille de son FÆ. erratica (I. c., p. 482), de 
Brives, ne convient pas bien à cette espèce ; je n'admets par conséquent, qu'âvec 
réserve, que mon Formica glabrella soit la Fourmi désignée primitivement sous 
le nom d'erratica, qui devrait être d'un noir brun ou brun noirâtre, peu luisant, 
presque glabre, et avoir la tête grande, les pattes courtes, assez fortes, d'un 
brun jaunâtre pâle, plus foncé aux cuisses, excepté à leur extrémité. Ces carac- 
tères, et d'autres encore, ne s'appliquent guère au F. erratica Sm., Mayr. 


33. Formica PYGMÆA Latr. Fourm. p. 183; Lepel. Hymén. I, 
p. 209; T'apinoma pygmæa Schenck Nass. Ameis. p. 68; Mayr 
Austr. p. 103 (pygmæum). 


Operaria : fusca nitida nuda, pilis in abdomine parcis, antennis et 
pedibus dilutius fuscis vel fusco-pallescentibus, mandibulis, scapis, articulo 
primo flagellorum (hic fere longitudinem 3 sequentium adtingens), articu- 
lationibus pedum et tarsis pallidis; clypeus infra integer ; mandibulæ den- 
tibus validiuseulis 6, inter se inæqualibus ; antennæ 11-articulatæ (præter 
radiculam scapi); dorsum thoracis subæquale. — Long. 1,5-2 millim. et 
interdum pauxillum ultra. 

Femina (ex Mayr 1. c.) : « brunnea nitida, mandibulæ , antennarum 
scapus ac funiculi articulus.primus, articulationes pedum, tibiæ atque tarsi 
flava; antennæ 11 articulatæ ; abdomen thorace longius.—Long. 3-4 mil- 
lim. » Area discoidalis alæ anticæ clausa nulla. 

Mas : brunneus, antennarum scapo cum articulo primo flagellorum et 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 73 
pedibus pallidis ; antennæ 12 articulatæ.— Long. 1,5-2 millim.; ala ant. 
æquilonga hyalina. 

In Gallia passim frequens, in regionibus calcareïs apricis. Habitat in 
rimis rupium vel murorum, vivida, agilissime cursitans. 


La plus petite espèce du genre Formica , et qu'on ne peut confondre avec 
aucune autre. 
Fiç. 6. Ala ant. maris. — Fi6. 22. Antenna operariæ. 


3h. FORMICA GRACILESCENS, n. Sp. 


Operaria : fusco-nigra vel fusco-lurida sparse flavide et sat longe 
pilosa (vel setosa), antennis gracilibus (longitudine corporis), articulatio- 
nibus pedum tarsisque pallescentibus; mandibulæ 5-dentatæ; clypeus 
convexus infra integer ; area frontalis nulla; oculi prominuli; thorax sub- 
linearis, superne fere æqualis, impressione transversa levi.—Long. 8 millim. 

In calidarüs horti botanici Parisiensis, agilissime currens, Coccos avide 
emulgens. Absque odore. Nec mares, nec feminæ adhuc visi. E terra qua- 

* dam exotica sine dubio cum plantis immigrata. 


Quoiqu'àa la première vue il soit assez semblable au Formica vividula Nyi. 
Form. bor. p. 900, il en diffère notablement par la couleur plus foncée, les 
antennes plus longues, plus grêles et à scape plus dénudé, et par le dos du 
corselet plus allongé et uni. Les antennes ont 3 millimètres (dans le vividula, 
comme le corps, seulement 2) ; elles ont 42 articles (ou 43 avec le radiculu), les 
palpes maxillaires 6, les labiaux 4. Les pattes sont grêles. Le F. longicornis Latr. 
Fourm. p.113 paraît être une espèce assez voisine. Les mandibules du F. vivi- 
dula Nyl. sont à six dents. Le Tapinoma nitens Mayr Austr. p. 105 lui ressemble 
sous plusieurs rapports, mais est beaucoup plus grand (3—3,5 millimètres), 
plus foncé et à scapes plus poilus. 


Fic. 20, Antenna Formicæ gracilescentis ®,— Fic. 24. Antenna F. vivi- 
dulæ %. — Fi. 5. Ala ant. F. vividulæ {. 


Sugpivisio 6. — Metathorazx postice verticalis et excavalus, meta- 
nolo horizontali. Squama antrorsum nutans. (Mas petiolo nodiformi, 
ale cellulis cubitalibus clausis 2, ex Mayr). Mypoclinea Færst., Mayr. 
— Spec. 35. 


35. FonmicA QuADRIPUNCTATA Linn. Mantiss. 1, 540: Fabr. 
Syst. Ent. p. 392; Oliv. Enc. hist. nat. 6, p. 494; Latr. Fourm. 
p. 179, t. 6, f. 37; Los. Piem., p. 322; Hypoclinca quadripun- 


7h W. NYLANDER. — SYNOPSIS 


ctata Fœrst., Mayr Austr. p. 107; T'apinoma Schenck Nass. Am. 
p. 129. 


Operaria : nigra nuda mandibulis, antennis , thorace cum pedibus et 
petiolo rufis vel rufo-pallescentibus, coxis et femoribus fusco-nigris, ma- 
eulis 4 favidis parvis in basi abdominis nitidi ; caput posterius et thorax 
rugoso-punctata ; clypeus inferne margine depressus; scutellum a melanoto 
postice parum bidentato impressione profunda diseretum; squama crassa 
subquadrata supernetruncata velleviter concaviuseula.—Long. 3-4 millim. 

Mas (ex Mayr L. c.) : « niger nitidus, mandibulæ, scapus antennaruñh 
ac articulus primus funiculi, articulationes pedum, tibiæ, tarsi atque geni- 
talia rufo-testacea ; antennæ 13-articulatæ, scapus brevissimus. — Long. 
4,5 millim. » 

Habitat in silvis ( quercetis) Galliæ rarius. Nec feminam , nec marem 
hic vidi. 

D'après Latreille, L. c., p. 481, la femelle est « presque semblable au mulet ; 
la tête.est de la longueur du corselet; celui-ci est ovoïde, prolongé au bout 
postérieur, qui est tronqué et faiblement bidenté ; la partie du dos venant après 
le premier segment est noir, moins ponctué; le milieu est rouge, ainsi que le 
resie du corselet ; l'écusson à peu près noir; le bord supérieur de l'écaille est 
noirâtre ; les ailes sont transparentes, avec le stigmale d'un brun jaunâtre ; les 
cuisses sont lésèrement plus obscures au milieu. Longueur, près de 5 milli- 
mètres. » 


II. POLYERGUS Latr., 
Lepel., Schenck, Mayr. 


Mandibulæ angustatæ arcuatæ, apice acutinseulo. Palpi maxilla- 
res 4-articulati, labiales 2-articulati. Ala antica area discoidali 
clausa. Squama peliolaris erecta. Operaria feminaque aculeatæ. 


1. PoLYERGUS RUFESCENS Latr. Hist. nat. Ins. et Crust. XIII, 
p. 256; Hymén. 1, p. 198; Schenck Nass. Ameis. p. 70 et 137; 
Mayr Austr. p. 112; Formica rufescens Latr. Fourm. p. 186 ; Los. 
Piem. p. 324. 


Operaria : rufa tota, subopaca, mandibulis et area frontali triangulari 
nilidis, abdomine cinereo-micante piloso nitidiuseulo ; caput abdominis 
magnitudine ; clypeus superne tumidulus ; linea frontalis distineta ; ocelli 
mediocres; dorsum thoracis pone medium depressum, metathorace pro- 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 75 


tuberante, postice sat abrupte descendente ; squama crassa oblonga supra 
obtusa. — Long. 6-7 millim. 

Femina (ex Mayr L. c.) : « rufa, post scutellum ac sæpe margines seg- 
mentorum thoracis nigra ; abdomen flavido - micans ; alæ infuscatæ. — 
Long. 9,5-10 millim. » 

Mas (ex Mayr L. c.) : « nigro-fuseus , antennæ fuscæ , mandibularum 
apex , articulationes scapi antennarum , genitalia ac pedes testacea ; alæ 
fere hyalinæ.—Long. 7 millim. » 

Habitat in Gallia raro, Lamen certis annis, ut videtur, frequentior; nidos 
in terra faciens. Tamquam servos sibi subjicit operarias Formicæ fuscæ 
etcuniculariæ, quas tamquam pupas verisimiliter colonüs earum natalibus 
eripuit. 

Je ne doute pas que le F. testacea Fabr. Piez., p. 400, ne soit l'ouvrière de 
cette espèce. 


III. PONERA [Latr., 
Lepel., Færst., Schenck, Smith, Mayr. 


Mandibulæ antice dilatatæ, pluri-dentatæ. Palpi maxillares et 
labiales bi-articulati. Operaria speciei gallicæ oculis obsoletis vel 
vix ullis (in exoticis oculis distinctis), ocellis nullis. Squama petio- 
laris crassa, nodiformis. Thoracis dorsum suturis binis. Abdomen 
pone segmentum primum saltem leviter constrictum. Operaria 
feminaque aculeatæ. Ala antica area discoidali et cubitalibus dua- 
bus clausis. 


4. Ponera conrracrTa Latr. Crust. Ins. XIII, p. 257; Lepel. 
Hymén. 1, p. 195; Fœrst. Hym. Stud. p. 45; Schenck Nass. 
Ameis. p. 72; Smith Brit. Form. p. 113; Mayr Austr. p. 116; 
Formica contracta Latr. Fourm. p. 195 ; Fabr. Piez. p. 410. 


Operaria : fusca vel fusco-brunnea, capite obscuriore, hoc antice cum 
mandibulis, antennis pedibusque (et sæpe adhuc margine segmenti primi et 
apice abdominis) rufo-pallidis, corpore e pube adpressa subtili leviter 
cinereo-micante ; caput subopacum ; mandibule obsolete pluri- (circa 12-) 
denticulatæ vel crenulatæ, dente externo sat magno acuto. — Long. fere 
3 millim. 

Femina : fusca pube adpressa subtili leviter cinereo-micans, ore, an- 
tennis pedibusque rufo-pallidis.— Long. 3,5-4 millim. ; ala ant. 3 millim. 
hyalina. 


76 W. NYLANDER. — SYNOPSIS 

Mas : niger nitidus, pedibus fuscis, mandibulis tarsisque pallidis ; 
scapus brevissimus, pauxillum longior quam primus articulus flagelli ; 
oculi majusculi prominuli ad os approximati ; squama et abdomen forma- 
tione fere ut in operaria, sed nigra vel fusco-nigra, nudiora. — Long. fere 
3 millim.; ala ant. 2,5 millim. hyalina. 

Habitat rarius in apricis, sub lapidibus, individuis paucis consociatis se 
latens ; lucem quasi fugere videtur operaria, quæ ut insectum cæcum, cum 
Latreilleo, considerari debeat. Numquam plura quam 8 individua simul 
prope Parisios vidimus in eadem latebra. Mares feminæque raro mense 
septembri observantur. 


Les deux autres espèces connues, pour l'Europe, de ce genre, le Ponera qua- 
drinotata (Los.) Mayr, à quatre points noirs sur l'abdomen, et le P. ochracea 
Mayr, L. c., p. 118, n'ont été rencontrées qu'en Ilalie. Le premier paraît être 
dépourvu d'yeux ; et du second M. Mayr ne connaît que la femelle. 

Fi. 23. Poneræ contractæ : a. antenna; b. palpus maxillaris: c. palpus 
labialis ; d. labium; e. mandibula. 


IV. TYPHLOPONA Westw., Lucas. 


Mandibulæ sublineares areuatæ, apice bidentatæ, dente poste- 
riore multoties minore. Palpi maxillares valde minuti bi-articu- 
jati, Jabiales etiam bi-articulali, sed multoties longiores, articulis 
cylindricis. Oculi (saltem operariæ) et ocelli nulli. Pedes medio- 
cres. Squama petiolaris crassa nodiformis. Abdomen oblongo- 
cylindricum, inter segmentum 4 et 2 obsolete vel vix constrictum. 
—- Genus arcte affine Poneræ. 


1. TyPHLOPONA oRANIENSIS Luc. Explor. Alger. Il, p. 302, 
t. AG PEML, 


Operaria : pallide rufa glabra nitida, sparse subtiliter punctata, man- 
dibulis infuscatis ; clypeus brevis tubereulis munitus binis cariniformibus ; 
caput ad os paullo latius quam verlice ; antennæ validæ (2,5 millim. 
longæ), ad os inserlæ, 41-articulatæ (non computata radicula scapi gio- 
bulari), scapo sursum dilatato robusto, depresso (longitudine articulorum 
7 insequentium }), flagellis fuscescentibus pubescentibus ; thorax dorso 
æqualis, sutura unica in medio visibili, metanoto linea longitudinali poste- 
rius impresso; nodus petiolaris altitudine thoracis abdominisque, eylindri- 
cus. — Long. 5-11 millim. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 74 


Insectum singulare, cæcum (1). Moribus cum Poneris convenire videtur. 
In Algeria primo a cel. Lucas observatum fuit sub lapidibus et interdum 
in nidis Atæ capitatæ. Dein D. centurio Blanchard, in Misserghin , tur- 
bam vidit hujus speciei e trabe egressam (vide Ann. Soc. Entomol. 3, I, 
Bullet. p. xxxvir, 1853). Individua sexualia ignola. — Ejusdem 
individua ex Abyssinia in Mus. Paris. mihi etiam benigne ostendit cel. 
Lucas. — Dorylus juvenculus Shuck., Luc. Explor. Algér. Ins. I, 
p. 299, quoque in Algeria a D. Lucas inventus, Ponerineis etiam referen- 
dus videtur, sed modo mas ejusdem a me examinatus. 

Fic. 24. Antennæ. — Fic. 25. Palpus maxillaris. — Fi. 26. Palpus labialis. 


V. MYRMICA Latr., 
Zett., Lepel., Los., Nyl. 

Mandibulæ dilatatæ. Palpi varie in diversis sürpibus vel subdi- 
visionibus articulati, maxillares articulis 6-1, labiales articulis 
4-2 (2). Oculi mediocres , rarius parvi; ocelli in operaria nalli. 
Petiolus abdominis ovoidei binodis. Femina operariaque aculeatæ. 
Pupæ nudæ, cuticula tantum subtili membranacea, omnia corporis 
membra arcte includente, obductæ. 


Sugpivisi0 1. — Species mediocres in hoc genere. Palpi maxillares 
6-, labiales h-articulati. Antennæ apice clavatæ. Area cubitalis prima 
alæ anticæ nervo dividente ad medium extenso, itaque incomplete 
(dimidiatim) longitudinaliter divisa (fig. 6). — Spec. 1-7. 


4. Mynuica nRugipA Latr. Fourm. p. 267 ; Schilling Schles. p. 56; 
Mayr Austr. p. 128. 
Operaria : pallide rufa, abdomine supra medio leviter fuscescente 


(1) Myrmica cœca Latr. Fourm., p. 270, t. IX, fig. 56, offre encore un 
exemple d'une espèce de cette famille privée d'yeux. 

{2) M. Mayr a le mérite d'avoir le premier exactement indiqué le nombre 
variable des articles des palpes dans les divers Myrmicinés; mais on a tort, à 
mon avis, de voir dans ces différences des raisons suffisantes pour établir des 
genres légitimes. Les subdivisions du genre Formica présentent certainement 
des différences plus considérables ; mais la science n'aurait rien à gagner, il me 
semble, à une telle multiplication de noms génériques , fondés sur des distinc- 
tions peu naturelles et trop subtiles, et lorsque , au point de vue systématique, 
on peut les remplacer par des sections où des subdivisions (Cf. Nyl. Addit. 
Form. bor., p. 1059). 


78 W. NYLANDER. — SYNOPSIS 


(æ@que ac interdum caput antice), tenuiter pilosa; caput et thorax (hic sal- 
tém lateribus) longitudinaliter striatula, metathorax inermis vel tuberculis 
2 obtusis angularibus, postice striis transversis, sæpe obsoletis insculptus ; 
mandibulæ fere 15-denticulatæ, dentibus 2 externis majoribus ; nodi pe- 
tiolares læves. — Long. 7-8 millim. 

Femina : pallide rufa , tenuiter pilosa , fascia abdominis fusca (inter- 
dum quoque dorso thoracis posterius et capite antice fuscescentibus), 
capite thoraceque striatis; mandibulæ magnæ apice incurvæ ; scapi basi 
* curvata ; metathorax tubereulo angulari obtuso utrinque, postice transver- 
sim Striatus. — Long. circa 11 millim.; ala ant. 10 millim. leviter lute- 
scens, stigmale fuscescente. 

Mas : niger nitidiuseulus tenuiter pilosus, flagellis apice et pedibus 
fuseis tarsis et ano pallescentibus, capite striato-opaco; mandibulæ magnæ 
apice decurvæ, intus piceæ ; scapus brevis, longitudine fere articulorum 
2 sequentium flagelli; metanotum pulvinatum subopacum transversim 
striatulum; nodi elongati.— Long. 9-10 millim.; ala ant. fere æquilonga, 
tota paullo lutescens, stigmate dilute fuscescente. 

In montanis Galliæ orientalis rarius, habitans in terra sub lapidibus. 
Adhuc in montibus Italiæ borealis, Helvetiæ, Germaniæ, Hungariæ et in 
Caucaso hæc species occurrit, sat alle interdum procedens ; sed in Europa 
boreali omnino deest limitesque distributionis suæ geographicæ vix ultra 
Prussiam septentrionem versus extendit. 


Ce Myrmica est plus grand que les espèces suivantes, et le seul de la première 
subdivision dont le métathorax n'a pas d'épines postérieurement. M. Færster a 
nommé le mâle, dans la collection de M. Fairmaire, Myrm. rhynchophora. 

Fie. 7. Ala antica feminæ. 


2. Myruica LæviNopis Nyl. Form. bor. p. 927; Fœrst. Hym. 
Stud. p. 64; Schenck Nass. Ameis. p. 75; Smith Brit. Form. 
p. 118 ; Mayr Austr. p. 130. 


Operaria : pallide rufa tenuiter pilosa, capite supra dorsoque abdomi- 
nis in medio saltem leviter fuscescentibus ; capite thoraceque longitudina- 
liter striatim rugulosis ; scapus antennarum leviter arcuatim flexus, meta- 
notum subtransversim rugulosum, spinis postice binis validiusculis ; nodi 
sublæves., — Long. 4,5-% millim. 

Femina : sordidius pallide rufa , capite superne , pronoto , scutello et 
medio abdominis sallem leviter fuscescentibus, capite thoraceque longitu- 
dinaliter striatim rugulosis ; mandibulæ (ut in operaria) dentibus 6 vel 8; 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 79 


metanotum spinis brevibus validiusculis ; nodi sublæves, obsolete rugu- 
losi. — Long. 6-7 millim.; ala ant. fere æquilonga hyalina, stigmate 
pallido. 

Mas : niger vel fusco-niger nitidus sparse tenuiter pilosus, mandibulis, 
flagellis, articulationibus pedum fuscorum, tarsis et apice abdominis pal- 
lescentibus ; caput sat parvum subtiliter striato-rugulosum subopacum, 
mandibulæ 7-dentatæ ; metathorax dentibus binis angularibus ; tibiæ te- 
nuiter pilosæ. — Long. 5,5 millim.; ala ant. æquilonga. 

Habitat in Gallia frequentissime in arena, sub lapidibus, muscis, in trun- 
cisque putrescentibus. Mares feminque mensibus augusto et septembri. 
Est, ut sequens, species latissime distributa ; in Sibiria quoque ambæ 
obveniunt. 


Très voisin du suivant, dont il diffère par ses épines thoraciques moins fortes 
et des nœuds pétiolaires plus lisses. Le mâle a la tête plus petite et les jambes 
plus velues: son scape égale en longueur les sept premiers articles du flagellum. 
L'aréole frontale est luisante dans l'ouvrière et la femelle. 


3. Myruica RUGINODIS Nyÿl. Form. bor. p. 929; Fœrst. Hym. 
Stud. p. 66; Schenck Nass. Ameis. p. 77; Smith Brit. Form. 
p. 116; Mayr Austr. p. 185; Myrmica vagans Fabr., Curt. Myrm. 
p. 243 (1). 


Operaria : simillima præcedenti, sed sæpe pauxillum major , rudius 
fere rugosa, metanoto ante spinas validiusculas longas longitudinaliter 
rugoso et nodis longitrorsum confuse (sed non profunde) rugosis.—Long. 
4,5-5,5 millim. 

Femina : similis feminæ præcedentis, sed spinis metathoracis fere 
duplo longioribus, nodis rugosioribus. — Long. 6,5-7 millim. 

M as : simillimus mari præcedentis, sæpe paullo major, robustior, capite 
distinctius majore, tibiis nudioribus, stigmate alarum plerumque fusciore. 
— Long. 5,5-6 millim. (scapus antennarum 4,25 millim.). 


(1) Dans la collection de Fabricius , à Kiel, il ne reste que des fragments du 
M. vagans (Ent. syst. 2, p. 358), et qui m'ont paru réellement appartenir à 
l'ouvrière de mon M. ruginodis ; mais il est plus que douteux que Fabricius ait 
compris sous le premier nom une espèce bien définie, J'ai vu dans sa collec- 
tion la femelle du M. ruginodis sous le nom de M. rubra, le mâle sous celui de 
M. cœspitum. C'est abuser, ce me semble, des principes de la nomenclature que 
de vouloir attribuer une signification déterminée à des dénominations tout à fait 
vagues et incertaines. 


80 W. NYLANDER, — SYNOPSIS 


Habitat iisdem locis ac præcedens , sed adhuc copiosior. Mares femi- 
næque mensibus auguslo et septembri. 


A. Myrmica RuGULOSA Nyl. Addit. alter. Form. bor. p. 32; Mayr 
Austr. p.133 ; M. clandestina Fœrst. Hym. Stud. p. 63 ; Schenck 
Nass. Ameis. p. 81. 


Operaria : similis præcedenti, sed minor, magis opaca, pallidior, area 
frontali indistincta. — Long. 3,5-4,5 millim. 

Femina : similiter distincta a femina præcedentis; area frontalis incon- 
spicua, nodi minus rugosi ; spinæ metathoracis fere æque longæ ac in opera- 
ria.—Long. 5,5-6 millim.; ala ant. 5 millim., a basi ad medium levissime 
lutescens. 

Mas simillimus mari M. scabrinodis, pilis modo tibiarum brevioribus 
magisque decumbentibus ; mandibulæ sub-5-dentatæ ; scapus longitudine 
articulorum 3 primorum flagelli: — Long. 4,5-5 millim. 

In Gallia parcius. Nidificans ut præcedentes. 


Les caractères différentiels donnés dans la diagnose suffisent pour distinguer 
cette espèce de la précédente. Le M. sulcinodis est plus grand, d'un roux plus 
foncé, et plus rudement strié. 


5. Myrmica suLciNoDis Nyl. Form. bor. p. 934; Smith Brit. 
Form. p. 119 ; Mayr Austr. p. 136; M. perelegans Curt. Myrmn. 
p. 214. 


Operaria : rufa vel rufo-rubida tenuiter pilosa, capite supra et abdo- 
mine infuscatis vel fuscescentibus ; caput thorax et petiolus striis profundis 
longitudinaliter exarata ; area frontalis striis percurrentibus ; scapus ad 
basin subgeniculatim curvatus ; spinæ metanoti longæ.—Long. 5,5 millim. 

Femina : sordide rufo-rubida capite supra et abdomine fusco-nigre- 
scentibus, pedibus rufis, seulptura et spinis operariæ. — Long. fere 
6,5 millim. 

Mas (ex Mayr) : « nigro-fuscus, mandibulæ (5-dentatæ), antennæ, abdo- 
minis apex ac pedes pallescentes; antennarum scapus dimidio funiculi ; 
area frontalis longitudinaliter striata ; metanotum dentibus obtusissimis. 
— Long. 5,5-6 millim. » 

Licet nondum in Gallia detecta, hanc speciem bonam hic omittere nolui, 
quia verisimiliter in subalpinis montium, Pyrenæorum vel Vogesorum, non 
desideratur. In Scandinavia, Austria, Helvetia et Scotia jam observata fuit. 
Etiam in Sibiria et in China boreali adest. Sub lapidibus habitat, ut præ- 
cedentes. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 81 
Cette espèce se distingue du M. ruginodis par sa couleur plus foncée, sa 
rugosité plus forte, présentant sur la tête, le corselet et les nœuds pétio- 
laires des sillons profonds. L'aréole frontale est aussi parcourue par quelques 
stries ; elle se distingue des deux suivantes par son scape simplement courbé à 
la base. Le mâle, que j'ai vu au musée de l'Académie de Stockholm, est plus 
rugueux que celui du M. lævinodis, et présente une courbure plus prononcée à 
la base du scape. 


6. Myrmica scaBriNoDis Nyl. Form. bor. p. 930 ; Fæœrst. Hym. 
Stud. p. 67; Schenck Nass. Ameis. p. 78; Smith Brit. Form. 
p. 115; Mayr Austr. p. 138 ; M. cœspitum Lett. Ins. Lapp. p. 150, 
mas; M. rubra Curt. Myrm. p. 213. 


Operaria : pallide rufa sparse pilosa, capite supra et abdominis dorso 
medio parum fuscescentibus ; caput, thorax et nodi petioli longitudinaliter 
striato-rugosa ; scapus antennarum basi geniculatim flexus, hoc geniculo 
antice concaviusculo nitido, superne angulum rectum vel acutiusculum 
formante; spinæ metanoti longæ. — Long. 3,5-5 millim. 

Femina : similis operariæ , exceptis notis sexualibus. — Long. 5,5- 
6,5 millim.; ala ant. 6 millim., a basi ad medium leviter lutescens. 

Mas : niger nitidus, mandibularum apicibus articulationibus pedum , 
tarsis et ano rufo-pallescentibus, flagellis antennarum obscure rufescenti- 
bus ; scapus brevis (parum ultra 0,5 millim.), longitudine vix articulorum 
A sequentium; tibiæ et tarsi pilosi. — Long. 5,5-6 millim.; ala ant. 
5 millim. et paullo ultra. 

In Gallia vulgatissima, locis similibus ac M. lævinodis et ruginodis. 
Mas et femina mensibus augusto et septembri obvii. Ex Armenia eam 
eliam vidi. 


Le scape coudé à sa base distingue cette Fourmi de toutes les espèces fran- 
çaises de ce genre. Le Myrmica denticornis Curt. Myrm., p. 215, fig. 48-30, 
semble avoir un scape conformé à peu près de la même manière, mais il est 
d'un brun foncé (castaneous black) et finement strié ; le scape du mâle est 
allongé (d'après la figure, L. c.), comme dans le M. ruginodis ou lævinodis (1). 


(4) Le Myrmica granulinodis Nyl. Addit, Form. bor., de la Sibérie, se rap- 
proche aussi beaucoup du M. scabrinodis ; seulement le coude du scape n'est 
pas excavé en avant dans la femelle, et le mâle a le scape plus long et les pattes 
presque glabres. Elle est peut-être identique avec le M. denticornis Curt. 


4 série, Zoor., T, V. (Cahier n° 2 ) 2 ô 


82 XV. NYLANDER. — SYNOPSIS 


7. Myrmica Logicornis Nyl. Form. bor. p. 932 et Addit. alter 
p. 31; Fœrst. Hym. Stud. p. 69; Schenck Mass. Ameis. p. 82 ; 
Mayr Austr. p. 140. 


Operaria : similis operarie Myrmicæ sulcinodis, sed scapus anten- 
narum omnino alius, ad basin curvatus, geniculo superne lobo (vel pro- 
cessu lobiformi) transversim posito munito. — Long. 5-5,5 millim. 

Femina : itidem similis feminæ ejusdem , sed scapo ut operariæ lobi- 
fero. — Long. 5-6 millim.; ala ant. 5 millim. et pauxillum ultra, a basi 
ad medium levissime lutescens. 

Mas : fusco-niger nitidus, capite subopaca et pleuris striatulis, mandi- 
bulis antennis et pedibus pallidis, scapis, femoribus tibiisque plus minus 
obseuratis ; scapi basi geniculatim curvati, longitudine tertiæ partis (1 mil- 
lim. ) otius antennæ ; pedes tenuiter pubescentes.—Long. 5-5,5 millim.; 
ala 4,5 et paullo ultra. 

Habitat in Galliæ montanis, saltem in Pyrenæis, ubi eam ad Barèges 
legi. Nidificatio et mores præcedentium. Usque in Sibiriam orientalem 
procedit. 


Le singulier lobe aplati, placé transversalement sur la base du scape, consti- 
tue un excellent caractère distinctif de l’ouvrière et de la femelle. Le scape du 
mâle ne présente au même endroit qu'un coude. Je ne puis affirmer que le mâle 
décrit par M. Mayr (4. c.) soit parfaitement le même que j'ai souvent pris, avec 
sa femelle, dans les nids de cette espèce (1). 

Fi. 27. Antennæ operariæ. — 28. Basis scapi ejusdem. — 29. Mandibula. 
— 30. Palpus maxillaris, — 31. P. labialis. — 32. Antenna maris. 


(1) Qu'il me soit permis d'ajouter ici la diagnose d'une nouvelle espèce exo- 
tique appartenant à la première subdivision de ce genre. 

MyRMicA RUSSULA, 1. Sp. — Operaria læte rufa, dense pilosa flagellis abdu- 
mineque fuscis, capite thoraceque striato-rugosis, nodis sublævibus ; scapus basi 
leviter curvatus, pilosus æque ac pedes ; metanotum spinis 2 longis divergen- 
tibus. Long. fere 5 millim.— Femina similis operariæ, paullo major et quoque 
basi abdominis (Lertia parte segmenli ejus primi) thorace capiteque læte rufis 
concolore. Ala antica long. 6 millim., tota albo-hyalina. — Santo Domingo 
(voil. Sichel.). 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 83 


SuBprvisio 2. — Species sæpius majores vel magnæ in hoc genere. 
Palpi mazxillares A- (in unica 5-) articulati, labiales 3-articulatæ. 
Thorax operariæ saltem postice angustatus , medio constrictus. Ala 
antica longa, nervo dividente (vide definitionem subdivisions primæ) 
usque ad aream discoidalem protenso, inde areæ cubitales ortæ clausæ 
binæ. Antennæ maris articulis 13, prœæter radiculam scapi. — Atta 
Auctor. et Aphænogaster Mayr.—Spec. 8-12. 


8. MYRMICA SCALPTURATA, Nn. Sp. 


Operaria : nigra opaca, sparse pilosa, capite majusculo, capite thorace 
et nodis coriaceo-rugulosis et longitudinaliter striatis, temporibus vix striis 
ullis, æque ac sæpe pleuræ , abdomine nitidiusculæ subtiliter coriaceo , 
gula crebrius pilosa. — Long. 43-14 millim. 

Ex Algeria et Egypto in collect. cel. doctoris Sichel. Magnitudo For- 
micæ ligniperdæ vel herculeanæ, quibuscum quoad habitum certam 
habet similitudinem. In collectione cel, L. Fairmaire adest ex Algeria 
femina exalata, quæ forsan sit hujus speciei : nigra nitidiuscula breviter 
flavido-pilosa, mandibulis, flagellis et tarsis obscure rufis, capite, thorace 
et nodis strialis, Striis nodi primi postice, ut metathoracis bidentati, distincte 
transversis , iis nodi posterioris subtilioribus magisque confusis; abdo- 
men segmento primo coriaceo subopaco, ceteris nitidis.—Long. 17 millim. 


9. Myrmica caprTATA Los. Piem. p. 325; Formica Latr, Fourm. 
p.234; Atta Lep. Hymén. \, p. 173 ; Luc. Alger. II, p. 300; Mavr 
Austr. p. 190; Form. barbara Linn. Syst. Nat. I, p. 962; Latr, 
L. c. p. 262 (var. cap. rufo); F. binodis Fabr. Piez. p. 405; F. juve- 
nilis Fabr. Piez. p. 105. 


Operaria : nigra vel piceo-nigra, nitida, flagellis, articulationibus 
pedum et tarsis rufescentibus , sæpe capite (in majoribus latit. 4 millim. 
adtingente) vel etiam thorace rubro-rufescentibus; caput et pleuræ sub+ 
tiliter striata, metanotum inerme vel leviter bituberculatum. — Long. 
5-12 millim, 

Femina : nigra vel piceo-nigra, nitida, sparse pilosa (mandibulis sæpe 
eliam capite obscure rufescente), flagellis, articulationibus pedum et tarsis 
rufis; pronotum leve vel leviter striatum ; metanotum inerme aut utrinque 
tubereulo dentiformi.— Long. 13-15 millim. ; ala ant, 16 millim. hyalina 
nervis et stigmate fuscis. 

Mas : niger nilidus, sparse flavido-pilosus, mandibulis apice, articula- 


8h W. NYLANDER. — SYNOPSIS 


tionibus pedum , tarsis et sæpe adhuc flagellis rufescentibus ; metanotum 
inerme.—Long. 10 millim.; ala ant. æquilonga. 

In Gallia meridionali et in Algeria frequens , nidificans in terra. Clar. 
Roussel (1) feminas maresque mensibus septembri et octobri in Algeria 
observavit. 


ll ressemble beaucoup à l'espèce suivante, mais sa tête est plus lisse, 
plus luisante. La femelle est plus grande que eelle de la suivante, le mâle moins 
poilu. 

Fi. 8. Ala ant. feminæ. - 


(1) M. Roussel a eu l'obligeance de nous communiquer ses observations , 
faites en Algérie, sur cette espèce ; nous en extrayons le passage suivant : 

« Elle vit en sociétés nombreuses, et creuse sur le bord des chemins des gale- 
ries assez profondes. On la rencontre dans toutes les saisons; mais à la fin de 
mai, ou vers le commencement de juin, à un jour fixé pour toutes les fourmi- 
lières du même canton, on ne voit plus que des cadavres à l'entrée de l'habita- 
tion , des cadavres coupés par morceaux : la tête, l'abdomen , les pattes de ces 
insectes gisent çà et là en monceaux élevés auprès de la fourmilière. Quel est 
l'auteur de cet attentat? Qui a pu détruire dans l'espace d’une nuit une société 
si nombreuse que l'on voyait encore la veille travailler avec tant de persévé- 
rance ! La première fois que je rencontrai une fourmilière ainsi dévastée, je me 
perdis en conjectures ; cependant, après avoir reconnu qu'une autre espèce vivait 
dans son voisinage, plus agile, plus active qu'elle, n'ayant pas cette lourde tête 
qui doit tant la gêner dans ses mouvements, je crus reconnaître la cause de sa 
destruction. En effet, quelques individus échappés au massacre général se pré- 
sentèrent à moi, en guerre avec le Formica viutica Fabr. qui est ici toujours 
victorieux. Mais dans quel but la nature lui a-t-elle donné cet esprit de des- 
truction? je l'ignore.…. Il ne m'a pas paru qu'il réduisit en esclavage le M. ca- 
pitata. — Pendant les premiers jours qui suivent ce massacre, on ne voit sur 
la terre aucun M. capilata ; quelques semaines après, il en reparaît çà et là quel- 
ques-unes qui s'étaient probablement réfugiées dans les réduits les plus profonds 
de la fourmilière pendant la mêlée. A mesure que l'on avance vers l'automne 
elles deviennent plus nombreuses, soit que plusieurs aient échappé à la ruine de 
la société, soit que quelques nymphes aient acquis leur entier développement. 
Dans cet état de choses, l'aspect extérieur de la fourmilière change complé- 
tement; des chaînes de travailleurs s'établissent et vont chercher au loin de fai- 
bles débris de plantes sèches, parmi lesquels on reconnaît une grande quantité 
de calices du Trifolium stellatum , des aigrettes de composées, de petites brac- 
tées, etc. Tout cela est accumulé en grande quantité autour de la fourmilière, 
et, lorsque la première pluie d'hiver vient à tomber, ces matériaux sont disposés 
pour en fermer l'entrée et protéger ses habitants des rigueurs de la saison. » 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET L'ALGÉRIE, 85 


10. Myrmica STRUCTOR (Latr. Fourm. p. 236) ; Atta Lep. Hymén. 
I, p. 174; Mayr Austr. p. 192; Form. lapidum Fabr., %; 
F. rufitarsis Fabr., ©; M. mutica Nyl. Addit. alter. p. 39. 


Operaria : fusca vel fusco-nigra , vel fusco-rufescens , ore , flagellis, 
articulationibus pedum et præsertim tarsis magis rufescentibus; caput 
sæpius magnum et thorax subopaca striata ; metanotum inerme vel leviter 
bituberculatum. — Long. 4-9 millim. 

Femina : nigra nitidiuscula crebre pilosa, mandibulis, medio antenna- 
rum , articulationibus pedum fuscorum et tarsis rufis ; caput subopacum 
et pronotum striala ; metanotum inerme vel tuberculis binis oblusis angu- 
laribus. — Long. 9-10 millim.; ala ant. circa 9 millim. levissime fusce- 
scens, nervis el stigmale fuscis. 

Mas : niger sat nitidus, dense pilosus, apicibus flagellorum, articula- 
tionibus pedum et tarsis rufescentibus. — Long. 7,5-8 millim.; ala ant, 
8 millim. 

Habitat in terra , in rimis rupium calcarearum et murorum. In Gallia 
meridionali frequens, at in regionibus frigidioribus etiam occurrit, ex gr. 
ad Luchon Pyrenæorum. Ad Parisios prope Moret, simul cum Form. 
pygmeæa. 


11. MyRMICA SUBTERRANEA Schenck Nass. Ameis. p. 110; For- 
mica Latr. Fourm. p. 219 ; Schilling Schles. p. 55; Alta subter- 
ranea Mayr Austr. p. 188. 


Operaria : sordide rufescens , nitida, capite supra et dorso abdominis 
obsolete obseurioribus, pleuris leviter strialis ; metanotum spinis 2 parvis; 
articulus petiolaris primus ante nodum elongatus. — Long. 4-4,5 millim. 

Femina : sordide rufa nitida, abdomine supra fuscescente ; caput sub- 
opacum striato-rugulosum ; metathorax transversim striatus spinis 2 vali- 
diusculis armatus ; nodi sublæves ; abdomen mox basi dilatatum.—Long. 
1-8 millim.; ala ant, saltem æquilonga albo-hyalina, nervis et stigmate 
pallidis. 

Mas : sordide pallescens nitidus, capite supra et abdominis dorso levi- 
ter fuscesceutibus antennis et pedibus pallidis; scapus longitudine articu- 
lorumn à sequentium flagelli; metanotum utrinque dente valido. — Long. 
&-4,5millim.; ala ant, saltem æquilonga. 

In Gallia rarius , nidificans in terra ambulacrorum et silvularum , sub 
lapidibus. 


86 W. NYLANDER. — SYNOPSIS 
Plus petit que les précédents et à métanotum muni de deux épines dis- 


tinctes; le premier article du pétiole est allongé. 
Fi, 9. Ala antica feminæ. 


12, Myrmica rEsTaAcEo-PILOSA Luc. Explor. Alger., I, p. 300; 
Aphænogaster senilis Mayr Austr. p. 194. 


Operaria : nigra vel piceo-nigra.opaca indique albido-setulosa, man- 
dibulis, antennis, articulationibus pedum nitidorum tarsisque rufescentibus; 
caput thoraxque tenuiter granulata et striata, mandibulæ 6-dentatæ et 
scapi antennarum longitudinaliter striata ; palpi maxillares articulis 5 
(mediis 3 oblique acuminatis), labiales articulis 3 ; metanotum bispinosum ; 
nodi rugulosi; sesmentum primum abdominis subtiliter rugosulum, sericeo- 
opaeum.— Long. 6-7,5 millim. 

In Algeria lecta a DD. Lucas et Roussel. — Variat ibi rufescens et 
vix vel parum striata (Aphænogaster sardous Mayr L. e. p. 196). — In 
Sicilia vero capta est a cel. Zeller species valde affinis et similis huic 
varietati, sed paullulum minor et abdomine toto nitido, lævissimo. Dicatur 
M. semi-polita. 


On reconnaît aisément le M. testaceo-pilosa à son scape finement strié, et à 
son premier segment abdominal d'un velouté mat (1). 
Fic. 34. Palpi. 


Sunivisio 3.— Species minores vel parvæ. Palpi maxillares A-, 
labiales 3-articulati. Antennæ apice clavatæ, articulis 3 ultimis ma- 
joribus, in cperaria et femina. Femina et mas (in specie primaria) 
ratione operariæ magni, alis magnis , nervis (coslis) ut in subdivis. 
h et 5 generis Formicæ, area discoidali elausa.—Tetramorium Mayr. 
— Spec. 13-15. 


43. Myrmica cÆsPITUM Latr. Crust. [ns. XIII, p. 259; Los. Piem. 
p. 327; Curt. Myrm. p. 215; Smith Brit. Form. p. 122; Mayr 


(4) A cette subdivision (Acta) appartient encore le Myruica pazzina Nyl., Add. 
alter., p. 42, trouvé en Sicile par M. Zeller. Voici sa diagnose : 

Operaria : pallide testacea tota, lævis, nitida, sparse pilosa; mandibulæ 
dentibus acutiusculis 9; palpi maxill. 4- labiales 3-articulati ; antennæ 12-arti- 
culatæ, articulis 4 ultimis paullo longioribus quam ceteris flagelli ; pedes decum- 
benti-pilosi. — Long. # millim.; scapus 4,5, flagellum 2 millim. — In colle- 
ctione L. Fairmaire adest sub nomine M. rufotestacea Færst. 

Fic. 33. Palpi. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 87 


Austr. p. 154; Formica cæspitum Latr. Fourm. p. 251; Myrm. 
fuscula Nyl. Form. bor. p. 935, fig. 36; Addit. p. 1053 ; Fœrst. 
Hym. Stud. p. 56; Schenck Nass. Ameis. p. 86; Myrm. impura 
Fœærst. L. e. p. AS; M. modesta Fœrst, L. c. p. 49. 


Operaria : fusco nigra, mandibulis, antennis, articulationibus pedum 
et tarsis rufescentibus (vel tota dilulior sordide rufescens capite supra et 
medio abdominis fuscescentibus); caput (supra visum subrectangulare) et 
thorax longitudinaliter striatula ; metanotum spinis parvis; nodi petiolares 
sublæves, posterior (supra visus) transversim ovalis. —Long. 2-3,5 millim. 

Femina : fusco-nigra, nilida, capite sat opaco et pleuris striatis, anten- 
nis (vel saltem flagellis), articulationibus pedum dilute fuscorum et tarsis 
(haud raro simul tibüis) pallide rufescentibus; antennæ 12-articulatæ ; 
melanotum spinis parvis. — Long. 7-8 millim.; ala ant. 8,5 millim. 
albo hyalina, nervis et stigmate dilutis. 

Mas : niger nitidiusculus, capite parvo sat opaco, antennis et pedibus 
plus minus dilute pallescentibus; mandibulæ subsex-denticulatæ ; antennæ 
10-articulatæ ; articulo secundo flagelli elongato, longitudine saltem 
h sequentium (4-7 antennæ).—Long. 6-7 millim.; ala ant. circa 5 millim. 
albo-hyalina. 

In Gallia vulgatissima. Habitat in terra locis arenosis vel in pascuis, æque 
ac Form. nigra. Feminæ maresque mense julio volant. 


Fic. 35. Antenna maris. 


Aisément reconnaissable à sa tête presque rectangulaire, un peu dilatée, fine- 
ment striée, et à son nœud pétiolaire postérieur oblong et transversal. Le scape 
du mäle est grêle , cylindrique, droit , et presque de la longueur du deuxième 
article du funicule, Les M, impura et modesta Fœrst. ne constituent que des 
modifications pâles de cette espèce (4). J'ai observé dans le midi de la France, à 
Beaucaire, une de ces variétés pâles, dont l'ouvrière, longue à peine de 2 milli- 
mètres, a le front presque lisse ou à stries peu visibles. M. Mayr décrit, L c., 
p.157, sous le nom de Tetramorium atratulum, une espèce très voisine et diffi- 
cile à distinguer des formes plus noirâtres du M. cæspitum. L'ouvrière est 


(1) Le Tetramorium Kollari Mayr, L. c., p. 153, qui se trouve dans les serres 
chaudes de Vienne, en.Autriche, ne me paraît pas différent du Myrm. bicari- 
nata Nyl. Addit., p. 464. II est d'un fauve ferrugineux avec l'abdomen noirâtre, 
Ja Lète striée sur le front, à deux côtes latérales plus saillantes , chacune d'elles 
ayant à son côté extérieur un sillon se prolongeant jusqu'au sommet, et servant 
à loger le scape de l'antenne. Ce sillon est cependant moins excavé que dans le 
Myrm. sublævis Nyl., Addit. alter,, p. 33, parasite du Myrm, acervorum. 


88 WW. NYLANDER, —— SYNOPSIS 
plus fortement striée, longue de 3-3,5 millimètres ; la femelle à peu pres de la 
même longueur, à antennes de 11 articles, à chaperon échancré. 


14. MYRMICA ANGUSTULA, n. Sp. 


Operaria : fusco-nigra sparse clavato-setuloso mandibulis, antennarum 
medio (saltem obsolete), articulationibus pedum et tarsis rufis vel rufe- 
scentibus , capite supra (thorace et petiolo opacis, crebre rugulosis, fronte 
indistincte subtilissime striatula; metanotum spinulis acutis ascendenti- 
bus; pedes subnudi.— Long. 2 millim. vel parum ultra. 

Habitat in Gallia meridionali (Monspelii, Agde) iisdem locis ac præ 
cedens. 


Les petits poils raides , blanchätres, claviformes, répandus sur les parties 
supérieures du corps, distinguent surtout cette espèce de la précédente. Les 
antennes sont quelquefois presque entièrement ferrugineuses; malheureuse 
ment ni la femelle, ni le mâle, ne sont connus, 

Fic. 36. Setula pronoti operariæ. 


15. Myrmica LippuLA Nyl. Addit. alter. Form. bor. p. A1; 
Myrm. Minkii Fœrst. Hym. Stud. p. 63; Schenck Nass. Ameis. 
p. 142; Mayr Austr. p. 143. 


Operaria : fusco-nigricans ore antennis, pedibus et abdomine infra 
pallide rufescentibus , vel sordide pallescens (tum dorso abdominis obs- 
curo); capite thoraceque confuse confertim regularis ; mandibulæ 9-den- 
tatæ ; area frontalis angusta æque ac clypeus superne nitidiuscula ; oculi 
minuti (diam. fere 0,06 millim.); antennæ 12-articulatæ ; impressio tergi 
thoracis transversa distincta; spinulæ metanoti paullo sursum oblique 
versæ ; nodi læviusculi, anterior basi elongata, posterior supra visus lon- 
gitudinaliter ovato-rotundatus. — Long. 3 millim. 

Habitat in muscosis rupium sylvæ Fontainebleau. Formam pallidiorem 


(W. Minkii Foerst.) legit clar. L. Fairmaire ad la Teste. 


Quoique assez semblable, à la première vue, au Myrm. cœæspitum , le M. lip- 
pula s'en distingue, sans aucune difficulté, par ses yeux très petits et son pétiole 
abdominal plus allongé. Les palpes maxillaires ont quatre articles, les labiau 
trois. 

Fig, 37. Palpi. — Fic. 38. Antenna operariæ. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 89 


SuBpivisio 4. — Species parvæ. Palpi maæillares articulis 5, la- 
biales articulis 3. Femina vix operaria major. Mandibulæ dentatæ. 
Alæ albo-hyalinæ mediocres , nervis ut in subdivisione prœæcedente. 
Corpus superne selulis subclavatis, microscopice examinatis triangu- 
lato-prismaticis, in $ et & (fig. 39). —Leptothorax Mayr.—Spec.16-21. 

A. Species clava antennarum infuscata vel nigricante. — Spec. 
16-19. 


16. MyrMICA ACERVORUM Fabr. Piez. p. 407 (1) (Latr. Fourm. 
p. 255, ut var. M. graminicolæ); Lett. Ins. Lapp. p. A51; Nyl. 
Form. bor. p. 936, et Additam. p. 1057; Foerst. Æym. Stud. 
p. 61; Schenck ass. Ameis. p. 97; Smith Brit. Form. p. 124; 
Leptothorax acervorum Mayr Austr. p. 164; M. lacteipennis Lett. 
L. c. p. 452, . 


Operaria : rufa, capite supra, clava antennarum 11-articulatarum et 
dorso abdominis (sæpeque adhuc nodis superne) fusco-nigris ; caput stria- 
tum , thorax nodique rugosuli, clypeus medio plagula impressiuscula ni- 
tida; metanotum spinis mediocribus ; tibiæ setulis tenuibus munitæ. — 
Long. 3,5-4 millim. 

Femina : sordide rufa, capitis thoracis et abdominis partibus superio- 
ribus fusco- ngris, mandibulis, scapis cum basi flagellorum et pedibus pal- 
lidis, femoribus medio paullo obseuris; sculptura fere ut in operaria ; 
spinæ metanoti mediocres. — Long. 4 millim.; ala ant. 3,5 millim., ner- 
vis et stigmate incoloribus, area radiali aperta. 

Mas : niger nitidiusculus, capite opaco piloso, pedibus fuscis, tarsis 
pallidis ; antennæ articulis 12, scapus crassus longitudine vix articuli 
2 flagelli; metathorax postice utrinque obtuse augulatus. — Long. 4- 
4,5 millim.; ala ant. fere 4 millim. 

Habitat in truncis putrescentibus, sub muscis et in terra, coloniis mi- 
noribus quam Myrm. scabrinodis et aflines hujus generis species. In 
Gallia hanc Myrmicam nondum nisi in Pyrenæis ad Barèges inveni, sed ve- 
risimiliter ad omnes pertinet regiones alpinas vel elevatiores. Nec forsan 
frustra ibi simul quærenda socia ejus vel parasita singularis Myrm. sub- 
lϾvis, cujus notas eo proposito infra breviter exponere liceat, ut attentioni 
commendetur lectoris. 


(4) Tamen observandum sub hoc nomine in collectione Fabricii etiam com- 
mixta adesse specimina Myrmicæ ruginodis et lævinodis. 


90 WW. NYLANDER, — SYNOPSIS 


Le Myrm. acervorum différe par sa laille et par ses jambes hérissées de 
‘quelques petits poils roides de toutes les autres espèces de cette subdivision. 
Latreille le rapporte, comme variété, à son M. graminicola (1), mais il m'est 
impossible de savoir ce qu'il faut entendre par l'ouvrière décrite sous ce dernier 
nom, à moins que ce ne soit le Leptothoraæ clypeatus Mayr, L. c., p. 164, carac- 
térisé par sa tête fauve comme le corselet, deux légères proéminences denti- 
formes au chaperon, des antennes à deux articles et des jambes glabres. Je ne 
l'ai cependant pas vu en France, ni non plus le Leptothorax Gredleri Mayr, L. c., 
p. 166 (M. muscorum Schenck Nass. Am.,p 98), qui, par sa coloration et ses 
antennes à onze articles, se rapproche encore davantage du M. acervorum , 
dont il paraît se distinguer principalement par ses pattes dépourvues de petits 
poils hérissés. Ces deux espèces, M. clypeata et M. Gredleri, n'ont encore été 
observées qu'en Allemagne. — Qu'il nous soit permis de mentionner ici l'espèce 
suivante, qu'on rencontre assez fréquemment sous des mousses dans le nord 
scandinave , et que M. Mayr indique aussi pour le Tyrol. Il est probable , vu la 
large distribution géographique qu'ont, en général, les Fourmis, qu'elle ne 
manque pas dans les régions montagneuses de France. 


Myrmica muscorum Nyl. Addit. Form. bor. p. 1054; Lepto- 
thorax Mayr. Austr. p. 167. 


Operaria : pallide rufa, capite superne, clava antennarum 11-articu- 
latarum et dorso abdominis infuscatis; clypeus, frons (striis longitudinali- 
bus subtilibus) et thorax ruguloso-opacis, hic impressione transversa 
distincta; metanotum spinis mediocribus; tibiæ nudæ. — Long. fere 
3 millim. 

Femina : pallide rufa capitis, thoracis et abdominis partibus superio- 
ribus, et clava antennarum infuscatis; caput oblongum et dorsum thoracis 
longitudinaliter striatula; spinulæ metanoli mediocres. — Long. fere 
3 millim.; ala ant. prope æquilonga hyalina stigmate pallide fusco. 

M as : niger capite opaco ruguloso piloso, pedibus sordide pallescentibus, 
tarsis dilutioribus ; antennæ articulis 12, scapo et metanoto ut in præce- 


(1) M. craminicora, ouvrière: corps fauve clair; tête et corselet très 
finement striés ; le corselet a un enfoncement peu marqué sur le dos, les épines 
bien plus courtes que dans le A. rubra; les nœuds légèrement chagrinés ; 
l'abdomen avec le premier segment noir. Longueur, # millimètres, — Femelle: 
les épines du corselet courtes; l'abdomen entièrement d'un fauve clair ; les ailes 
blanches, pas tout à fait diaphanes, avec les nervures d'un jaunâtre clair. Dans 
les bois des environs de Paris. Latr., {. ce. — La description de la femelle 
semble se rattacher au M. rugulosa ; mais le mâle, dont les ailes sont entière- 
ment noirâtres, avec les nervures noires, appartient indubitablement à une autre 
espèce, le M. graminicola Fœrst., M. Latreillei Curt. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D’ALGÉRIE. 91 


dente, tibiæ nudiores. — Long. 3 millim.; ala ant. fere æquilonga , sti- 
gmate obscuro, nervis ut in præcedente. 


Plus petit que les M. acervorum et M. Gredleri, et à chaperon finement strié. 
Le mâle ressemble beaucoup au mâle du premier, seulement il est plus petit 
et a un stigmate obscur aux ailes antérieures. C’est dans un nid de celte espèce 
que j'ai rencontré le M. hirtula (Nyl. Addit. alter., p. 45), espèce parasite et 
analogue au M. sublævis. 

Fi. 40. Ala antica feminæ. 


47. Myrmica TUBERUM Fabr. Piez. p. 407; Zett. ns. Lapp. 
p. 452; Nyl. Form. bor. p. 939, et Addit. p. 1057; Leptothorax 
tuberum Mayr. Austr. p. 170. 


Operaria : pallide rufa, capite supra, clava antennarum 12-articulata- 
rur et dorso abdominis (hoc sæpe subfasciatim) fuscescentibus ; clypeus et 
frons longitudinaliter striatuli; thorax superne continuus, absque impres- 
sione transversa, spinæ metanoti parvæ, tibiæ nudæ.—Long. fere 3 millim. 

Femina : fusca, mandibulis, antennis (præter elavam), pedibus et pe- 
tiolo infra pallidis, ventre sordide pallescente ; caput supra visum subro- 
tundum et thorax tumidulus longitudinaliter striata ; spinæ metanoti parvæ ; 
nodi rugosuli fuscescentes. — Long. fere 4 millim.; ala ant. 4,5 millim. 
albo-hyalina, area radiali clausa. 

Mas : niger, antennis pallidis. Long. 3 millim. Nervi alarum ut in fe- 
mina, solum area radialis interdum paullo aperta. 

Habitat locis aridis sub muscis et lapidibus in terra. ‘In Gallia mihi tan- 
tum obvia fuit in Pyrenæis, ad Barèges. ° 


L'ouvrière diffère de celle du M. muscorum par ses antennes composées de 
douze articles et le dos du corselet continu, la femelle par sa tête plus arrondie 
et le corselet plus ramassé et plus foncé. — Le M. tuberosa Latr. Fourm., 
p. 259 (1) (Lepel. Hymén., I, p. 483), ne convient bien à aucune espèce de ma 
connaissance; mais je présume que ce nom doit se rapporter à un Tetramorium, 
c'est-à-dire un Myrmica de notre troisième subdivision. Les principaux carac- 
tères de la description de Latreille sont pour l'ouvrière: longueur, 3 milli- 
mètres ; la tête d'un brun noirâtre, très large, presque carrée, déprimée, forte- 
ment concave postérieurement et striée ; le dos du corselet continu ; épines très 
courtes, La femelle: d'un noirâtre mat, avec les antennes, les mandibules, 
le bout du ventre et les pattes fauves , la tête déprimée, striée, fortement échan- 


(4) « PF. tuberosa : dilute ferruginea , capite lato fusco, margine postico con- 
cavo, thorace bidentato, abdomine fascia nigra. » 


92 W. NYLANDER. — SYNOPSIS 

crée, de la largeur du corselet, qui est arrondi, strié, et dont les épines ne 
consistent que dans la saillie des deux angles latéraux; les ailes blanches, le 
stigmate d'un jaunâtre clair. Latreille ajoute qu'on le trouve dans les fentes des 
murailles et sous les écorces des arbres. — Le Leptothoraæ nigriceps Mayr. 
Austr., p. 169, excessivement voisin du M. tuberum, présente des stries lon- 
gitudinales sur le corselet: sa lête est noirâtre en dessus et en dessous, et 
l'abdomen est brun en dessus. M. Mayr ne l'a observé qu'une seule fois en 
Autriche. 


18. MYRMICA UNIFASCIATA Latr. Fourm. p. 257 (pr. p.); Los. 
Piem. p. 332; Schenck Mass. Ameis. p. 101 ; Smith Brit. Form. 
p. 128; Zeptothorax unifasciatus Mayr Austr. p. 172 ; Stenamma 
albipennis Curt. Myrmic. p. 218. 


Operaria : pallide rufa, elava antennarum 12-articulatarum et fascia 
lata abdominis fuscis; area frontalis nitidiuscula ; frons longitudinaliter 
subtiliter striatula ; metanotum spinis sat parvis ; tibiæ denudatæ.—Long. 
2,5-3,5 millim. 

Femina : pallide rufa, clava antennarum, fasciisque segmentorum abdo- 
minis (primi dilatata) fusco-nigris, capite superne et scutello leviter fu- 
scescentibus ; metanotum bidentatum. — Long. 4-4,5 millim.; ala ant. fere 
æquilonga, stigmate incolore. 

Mas : (ex Mayr L. ce.) : « fusco-niger, mandibulæ, antennarum 41 3-arti- 
culatarum scapus pedesque fusci, funiculus, articulationes pedum tarsique 
lividi; metanotum antice dense rugulosum.—Long. 3-3,5 millim. » 

Habitat sub lapidibus in pascuis, sub muscisque, passim in Gallia. 


Latreille confondait probablement cette espèce avec’ le M. cingulata Schenck, 
qui n'en diffère que par ses antennes entièrement fauves (4). 
Fi6. 39. Setula pronoti operariæ. 


19. MYRMICA SIMPLICIUSCULA, n. Sp. 


Operaria : pallide rufa, elava antennarum fusca, capite antice pauxil- 
lum fuscescente ; frons striis obsoletis vel subtilissimis; metanotum spi- 
nulis mediocribus ; tibiæ denudatæ. — Long. 2,5 millim. 

In Gallio hanc speciem modo prope Versalias (Trappes) et Fontaine- 
bleau in terra nidificantem inveni. 


Il ressemble tout à fait au M. unifasciata, mais l'abdomen, entièrement 


(1) Latreille dit de son M. unifasciatu , qu'il diffère du M. tuberosa en ce 
que la tête n’est ni noire, ni échancrée fortement au bord postérieur. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 93 
fauve, n'a aucune bande foncée ; on voit seulement quelquefois les bords laté- 
raux du premier segment légèrement obscurcis d'une manière vague. Néan- 
moins il se peut que le M. simpliciusculu ne soit qu'une variété à bande abdomi- 
nale effacée du M. interrupta Schenck Nass. Am., p. 106 et 440 (Mayr 
Austr., p. 174). Cela paraît douteux cependant, car celui-ci est décrit comme 
ayant un fascia interrupla abdominis supra nigro-fusca (À), et les nombreux indi- 
vidus que j'ai vus du M, simpliciuscula ne m'ont rien présenté de semblable. 

Fi. 40. Mandibula, palpi et antenna operariæ. 


B. tenne clava rufa vel flagello concolore. — Spec. 20-21. 


20. MyrMica cINGULATA Schenck Mass. Ameis. p. 104; M. uni- 
fasciata (Latr., verisimiliter primitiva) Nyl. Addit. alter. p. A4; 
M. Nylanderi Fœrst. Hym. Stud. p. 53, S'; Leptothoraxz Ny- 
landeri Mayr Austr. p. 175 ; Myrm. parvula Schenck Nass. Ameis. 
p. 103 et 140 ; Leptothorax parvulus Mayr Austr. p. 176. 


Operaria : similis operariæ M yrmicæ unifasciatæ, solum clava anten- 
narum pallida et interdum fascia abdominis latiore, ut abdomen contractum 
supra fere totum, excepta basi, fusco-nigrum appareat. — Long. circa 
3 millim. 

Femina : similis quoque feminæ M. unifascialæ eodemque modo 
diversa. — Long. A-4,5 millim. 

Mas (ex Mayr L. c.): « fusco-niger, thorax obscure fuscus, mandi- 
bulæ, antennæ 13-articulatæ pedesque lividi aut rufescentes ; thorax petio- 
lusque sublæves nitidi. — Long. 3 millim. » 

Prope Parisios saltem passim obvenit. Nomen à cel. Schenck datum, 
utpote operariam h. e. formam polissime typicam el maxime distinctam 
individuorum speciei designans, præferendum existimare liceat nomini a 
Domino Færster mari soli attributum h. e. sexui formicarum sæpius æger- 
rime definito separatoque ab individuis speciei cujuslibet affinis. Dein ex 
mea sententia, nomina personalia evitanda ; meliora sunt quæ notam 
quandam speciei exprimunt vel in memoriam revocant. 


Le M. corticalis Schenk Nass. Am. p. 4100 (Leplothorax Mayr Austr., 


(4) Voici, d'après M. Mayr, L. c., les diagnoses de la femelle et du mâle du 
M. ixremnuprA : Femina fusca, mandibula, antennæ 12-articulalæ, excepta 
clava, pedesque flavi, abdomen flavum supra fasciis latis nigro fuscis, metano- 
tum spinis mediocribus ; long 3,7 — 4% millim. — Mas fusco-niger, antennæ 
43 articulatæ pedesque fusci, mandibulæ , articulationes pedum tarsique palle- 
scentes ; long, 2-3 millim. 


94 WW. NYLANDER. — SYNOPSIS 

p.168), est une espèce voisine, plus foncée à la tête, avec l'abdomen en dessus 
d’un brun noirâtre, les pattes brunes, et les dents du mélanotum horizontales. 
— Le Leptothoraæ affinis Mayr, L. c., p. 170, également voisin, ne me paraît 
pas bien distinct du M. simillima Nyl. (1), Sm. Br. Mus. Hym., p.118, caracté- 
risé surtout par son corselet plus rugueux et strié. 


21. MYRMICA RECEDENS, n. sp. 


Operaria : pallida capite et fasciis 2 abdominis dilute sordidis (prima 
dilatata), corpus leve nitidum, superne pilis setiformibus adspersum albi- 
dis, mandibulæ 5-dentatæ ; clypeus carina subtilissima inferius munitus ; 
dorsum thoracis loco scutelli impressum , meso- et metapleuræ ruguloso- 
opacæ, metanotum utrinque dente oblique sursum verso; tibiæ absque 
pilis ullis erectis. — Long. 3 millim. 

Habitat in Gallia meridionali, ubi eam prope Beaucaire inveni. 


Il ne ressemble à aucune espèce de cette subdivision, et l'on serait plutôt 
tenté de le rapprocher du M. pullidula, si la conformation des palpes ne l'en 
éloignait tout à fait. Le M. recedens ressemble au M. pallidulapar son 
corps lisse, mais il est moins poilu, les jambes et les scapes sont dépourvus 
de poils hérissés, le dos du corselet est plus égal, le métlanotum bidenté. La 
tête et le corselet lisses la distinguent des autres espèces de cette subdivision. 

Le M. (?) lævigata Smith, Brit. Form., p. 130, m'est inconnu. La diagnose 
«rufo-testacea, lævis, tota nitidissima nuda, mandibulis, an- 
tennis, pedum articulationibus tarsisque pallescentibus, nodo 
primo angusto, metathoracis spinis angustissimis, » semble indiquer 
des différences évidentes de notre M. recedens. 

Fic. #1. Palpi, antenna et mandibula operariæ Myrmicæ recedentis. 


SUBDIVISIO 5. — Species parva, parasita nidorum Formicæ rufæ et 
congerentis. Corpus nilidum, lœve. Pulpi maxillares articulis 4, labia- 
les articulis 3. Mandibulæ dentatæ. Operaria feminaque spinula 
munilæ sub nodo petioli posteriore, antennis apice clava 3-articulata, 
ut in subdivisione præcedente.—Formicoxenus Mayr (nomen male com- 
positum); Stenamma Wesho. — Spec. 22. 


22. MyrMica NiTIDULA Nyjl. Form. bor. p. 4058 et Addit. alter. 


(1) Mynu. simiLzima : Operaria valde similis Myrmicæ tuberum eadem- 
que magnitudine et eodem colore exceplis antennis Lotis pallidis et abdomine 
obscuriore , toto infuscato; sculptura paullo rudior, in capite regulariter striata 
(absque ullo spatio longitudinal lævigato); dorsum thoracis æquale nulla sutura 
transversa impressum; spinulæ melanoli parvæ oblique sursum versæ ; tibiæ 
denudatæ. — In Dorsetshire Angliæ (Coll. amici Fr. Smith). 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D’ALGÉRIE. 95 
p. 34; Fœrst. Hym. Stud. p. 55; Formicoxenus nitidulus Mayr 
Austr. p. 146; M. lœviuscula Fœrst. Hym. Stud. p. 54 et 73; 
M. debilis Færst. Hym. Stud. p. 52, mas. 


Operartia : palliderufa lævis, nitida, abdomine saltem supra fusco (excepta 
basi et apice pallescentibus) ; antennæ articulis 12 ; metanotum a scutello 
suturo leviter impressa discretum dentibus postice 2 validis horizontalibus ; 
nodus petioli anterior infra processu cariniformi , posterior infra antice 
spinula valida antrorsum versa. — Long. 2,5-3 millim. 

Femina : pallide vel sordide rufa lævis, nitida, capitis thoracis et abdo- 
minis parlibus superis fuscescentibus, hoc obscuriore, capite interdum toto 
pallido, ventre plus minus infuscato ; mandibulæ dentibus 5 ; metanotum 
processu denliformi utrinque.—Long. 33,5 millim.; ala ant. 2,7-3 mil- 
lim. hyalina stigmate fuscescente , area discoidali parva ( raro deficiente ), 
radiali aperta. 

Mas : fusco-niger, mandibulis 3-dentatis, antennis 13-articulatis pedi- 
busque pallescentibus, femoribus obscurioribus; metanotum dentibus 
2 brevibus sursum versis.—Long. 3,5 millim.; alæ levissime vel obsolete 
fuscescentes, stigmate et nervis dilutis. 

Habitat sparsa in acervis Formicæ rufæ et congerentis, e quibus 
numquam egressæ visæ sunt saltem operariæ. E Gallia adest in collectione 
amici Léon Fairmaire. 

Son singulier habitat dans les nids des Fourmis acervicoles, et son corps 
entièrement lisse, luisant et dénudé, font facilement distinguer cette belle petite 
espèce de toutes ses congénères. Sa forme est celle des espèces de la subdivi- 
sion précédente. L'ouvrière est le plus souvent dépourvue de stemmates. Le 
mâle constitue le Stenammu Westwoodii Steph., Westw. Introd. class. Ins. I, 
p.83 et 2, p. 226, fig. 86, 11 (male); Curt. Myrmic. p. 217, fig. 24 (ala 


bene). 
Fic. 41. Ala antica feminæ. —- Fig. #2. Antenna operariæ. 


Susmrvisio 6 (forte non separanda a subdivis. 4). — Species minores 
vel fere mediocres parasitæ nidorum Myrmicarum subdivisionis quartæ. 
Palpi maxillares articulis 5, labiales articulis 3. Mandibulæ mar- 
gine apicali truncatæ , concaviusculæ , inermes. Scapi antennarum 
M-articulatarum deplanati. — Spec. 28. 


23. Mynuica SUBLÆ VIS Nyl. Additam. alter. p. 33. 


Operaria : pallide rufa sat erebre setulosa , abdomine supra (excepta 
basi } fuscum vel fuscescens ; caput majusculum subrectangulare et thorax 


96 W. NYLANDER, — SYNOPSIS 


longitudinaliter striatula, frons utrinque fovea longitudinali profunde exca- 
vata pro scapis antennarum ; sutura ante metanotum profunde constricta ; 
spinæ metanoti mediocres ; nodus petioli posterior infra dente valido. — 
Long. 4,5 millim. 

In Finlandia modo hanc speciem inveni in nidis Myrmicæ acervorum, 
semel sub cortice trunci betulini (in limitibus Lapponiæ), dein ad Helsing- 
fors sub lapide, numero individuorum in nido altero 10, in alteroque 
circa 30. In Gallia verisimiliter olim detegenda, ut forsan quoque M. hir- 
tula Nyl. Addit. alter. p. 45, simillima M. sublævi, sed minor long. 
3,5 millim., setulis paullo longioribus , abdomine pallidiore , et inquilina 
Myrmicæ muscorum. Forsan tamen M. hirtula non rite specie differat 
a M. sublœvr. 


Les caractères différentiels principaux du M. sublævis sont : les mandibules 
larges et tronquées , sans traces de dents; les scapes des antennes dilatés et 
déprimés; une fossette longitudinale profonde de chaque côté du front. 

Fic. #3. Maxilla et labium operariæ. — Fiç. 44. Palpi ejusdem. — Fic. 45. 
Mandibula ejusdem (extus intusque visa).—F16 46. Antenna ejusdem ; b. scapus 
latere dilatato visus. 


SUBDIVISIO 7. — Species parva. Palpi mazillares urticularis A, 
labiales articulis 3. Clypeus bidentatus. Ala antica area radiali 
clausa apice apiculata, area discoidali clausa nulla (fig. 12). — 
Myrmecina Curt. — Spec. 24. 


2h. MyrMica LATREILLEI mihi; Myrmecina Latreillei Curt. Brit. 
Ent. 6, pl. 265, Myrmic. p. 218, f. 22-26; Smith Brit. Form. 
p. 132; Mayr Austr. p. 149 ; M. striatula Nyl. Addit. alter. Form. 
bor. p. AO ; M. bidens Fœrst. Hym. Stud. p. 50; Schenck Nass. 
Ameis. p. 94; M. graminicola Færst. [. c. p. 58. 


Operaria : nigra, ore, antennis et pedibus rufis, capite, thorace nodis- 
que petioli longitudinaliter striatis; clypeus infra bidentatus , dentibus 
deorsum versis ; antennæ articulis 12 ; metanotum spinis 2 horizonta- 
liter porrectis. — Long. 2,5-8 millim. 

Femina : nigra sparse pilosa (pilis tenuibus), capite antice, antennis et 
pedibus rufis, sæpeque adhuc thorace saltem pleuris, nodis petioli, lateri- 
bus et apice abdominis rufescentibus ; caput striato-rugulosum ; metano- 
tum spinulis horizontalibus ; scapus et tibiæ tenuiter pilosi. — Long. 
3,5 millim.; ala ant. æquilonga dilute fusco-umbrata. 

Mas : niger nitidus, flagellis tarsisque sordide pallidis ; antennæ 1 3-ar- 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIF. 97 


ticulatæ, scapus brevis vix longitudine articuli ultimi flagellaris; metanotum 
dente parvo utrinque. — Long. 3-3,5 millim.; ala ant. æquilonga. 

Habitat in Gallia tota (Monspelii æque ac Parisiüis) passim, exceptis for- 
san regionibus alpinis, unde hanc non vidi. In Belgia ( Wesmael) et Hel- 
velia (Saussure) quoque adest. Mas et femina mensibus augusto et septembri 
adparent. 


L'ouvrière ressemble un peu au M. cæspitum ©, mais elle est plus foncée, avec 
la sculpture plus profonde, la tête et le corselet plus courts, le chaperon bidenté, 
les épines du métanotum horizontales. Le mâle et la femelleoffrent des différences 
encore plus considérables. Le chaperon de l'ouvrière et de la femelle a souvent 
une carinule médiane , simulant une troisième dent intermédiaire plus petite; 
leurs mandibules ont neuf dents, dont les deux externes seulement sont dis- 
tinctes; les mandibules du mâle en présentent trois assez fortes. 

Fic. 12. Ala ant. feminæ. — Fic, 47. Palpi operariæ ; b. clypeus; c. mandi= 
bula, — Fic. 48. Antenna ejusdem. 


SuBprvisio 8. — Species parveæ, lœves, libenter in domos intrantes, 
devastationibus variis molestæ. Palpi marillares et labiales bi-arti- 
culati. Clava antennarum 3-articulata. Corpus operariæ gracile- 
scens. Ala ant. (in specie primaria) area discoidali et cubitalibus binis 
clausis, radiali aperta. — Œcophthora Heer. — Spec. 25-26. 


25. Myrmica PALLIDULA Nyl. Addit, alter, Form. bor., p. 42; 
OEcophthora pallidula Mayr Austr. p.183 ; OEc. subdentata Mayr 
neue Ameis. 


Operaria : pallide rufa vel paullo fuscescens lævis nitida, tota pilosa 
vel setulis longis tenuibus adspersa ; antennæ A2-articulatæ , scapo elon- 
gato ; dorsum thoracis loco scutelli impressum metanotum tuberculo den- 
tiformi utrinque obsoleto vel nullo ; tibiæ æque ac scapus pilosi.— Long. 
2-2,5 millim. 

Miles : similis operariæ , major, capite maximo latit, 1 millim. inter- 
dum adtingente, mandibulis obscurioribus, abdomine interdum fuscescente, 
capite antice striatulo, occipite emarginato vertice finea impressa, melanoto 
bidentato. — Long. 4-4,5 millim. (Pili corporis sursum attenuati, non 
seliformes). 

Femina : rufa, capitis, thoracis et abdominis parlibus superis plus 
minus infuscatis; caput leviter striatum ; metanotum tuberculo dentiformi 
utrinque ; tibiæ pilosulæ., — Long. 7-7,5 millim.; ala ant. fere æquilonga 
albo-hyalina, nervis dilute flavidis dispositione ut in M, subterranea. 

4" série. Zooz. T, V. (Cahier n° 2.) 5 7 


98 WW. NYLANDEB. — SYNOPSIS 


Mas (ex Mayr L. c. p. 484): « fusco-niger, nitidus, mandibulæ, an- 
tennæ 13-articulatæ, margines segmentorum thoracis, genitalia pedesque 
testacea. — Long. 4,5-5 millim. » 

Locis campestribus aridis in Gallia meridionali (Beaucaire, Monspelii), 
in terra sub lapidibus. Unica est hujus familiæ species europæa, quæ for- 
mam quartam individuorum offert. Milites, ut hæc individua dicuntur, non 
omnibus in nidis observavi ; litulo suo parum sunt digni, nam ut animad- 
vertit jam cel. Mayr, domicilium commune vix defendere videntur. In 


Algeria lecta est a D. Roussel, qui ibi in domo etiam feminam mense junio 
cepit. 


Le corps, les scapes et les pattes sont beauconp plus poilus dans cette espèce 
que dans le M. recedens, qui lui ressemble au premier abord. Les mandibules 


ont dix à douze dents, et chez le mâle quatre (d'après M. Mayr). Les mandibules 
du M. recedens n'ont que cinq dents. 


Fiç. 49, Palpus maxillaris operariæ. — Fi. 50, P. labialis ejusdem. — 
Fic. 51. Antenna ejusdem. — Fiç. 52. Mandibula ejusdem. 


26. Myrmica DomEsTICA Shuck. Ann. Mag. Nat. Hist. 1838 
p. 628, Trans. Ent. Soc. 2, p. 65 ; Daniell Proceed. Linn. Soc., 
2, p. 472; Smith List. of Br. Mus. p. 119 et Brit. Form. p. 130. 


Operaria : pallida subnuda lævis opaca, abdomen nitidum parte poste- 
riore fuscescente ; mandibulæ A-dentatæ ; scapus fere longitudine flagelli 
Al-articulali, articulis 3 ultimis majoribus ; metanotum inerme ; scapus 
et tibiæ nudi. — Long. 2 millim, 

Femina : ex clar. Smith, long. circa 4,5 millim. pallida, thorace ma- 
culis fuscescentibus , fascia fusca in segmento primo abdominis lata ante 
marginem, et sequentibus fusco-marginalis. 

Mas : fusco-niger subopacus , abdomine nitido, antennis pedibusque 
pallidis ; scapus brevis vix longitudine articulorum 2 sequentium flagelli. 
— Long. fere $ millim., ala ant. hyalina prope æquilonga, nervis dilutis- 
simis, area discoidali nulla clausa. (Collect. cel. doctoris Sichel.) 

Habitat Parisis in domibus rarius, Species primitus exotica, immigrata. 

Très petite espèce, d'un fauve pâle, presque mat, sans rugosilés, à scape 
allongé et dénudé. Les mandibules et les palpes sont à peu près comme dans le 


M. fugaæ. Elle est redoutable pour les dégâts considérables qu'elle peut causer 
dans les maisons où elle s’est établie en colonies nombreuses. 


Fic. 53, a. Palpus maxillaris operariæ ; b. P. labialis. — Fic, 546. Antenna 
ejusdem. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 99 


SUBDIVISIO 9. — Operaria staturæ minulæ. Palpi maxillares et 
labiales bi-articulati. Operaria et femina antennis clava bi-articu- 
lata. Femina et mas ratione operariæ magni. Ala ant, area discoi- 
dali et unica cubitali clausis (fig. 13). — Diplorhoptrum Mayr. 
— Spec. 27 


27. MyrMica FUGAX Lat. Fourm. p. 265; Lepel. Hymén., 1, 
p. 184 ; Schenck Mass. Ameis. p. 107; Smith Brit. Form. p. 127; 
Diplorhoptrum fugax Mayr Austr. p.178; M. flavidula Nyl. Addi- 
tam. alter. p. 33. 


Operaria : pallide flavida lævis nitida, pilosula, abdomine interdum 
obsolete sordide-fasciato ; mandibulæ 4-dentatæ ; antennæ 10-articulatæ, 
clava bi-articulata, articulo ultimo longitudine articulorum 7 primorum 
flagelli simul sumtorum ; oculi valde minuti ; thorax loco scutelli constri- 
ctus, metanotum muticum; tibiæ et scapus pilosuli. —Long. 1,5-2,5 millim. 

Femina : fusco-nigra nitidiuscula tenuiter pilosa, mandibulis, antennis 
et pedibus pallide rufescentibus; caput (supra visum rotundatum ) pun- 
clatum ; clypeus margine infero bidentatus (æque ac in operaria); oculi me- 
diocres thorax brevis (2 millim.); nodus petiolaris primus supra plerumque 
levier concaviusculus. —Long, 6-6,5 millim.; ala ant, pure hyalina æqui- 
longa stigmate dilute brunneo, 

Mas : niger nitidus pilosulus, antennis pedibusque fuscis, mandibulis et 
tarsis pallescentibus; mandibulæ dentibus 3 ; antennæ 12-articulatæ, sca- 
pus brevissimus et pedicellus (articulus primus flagelli) rotundatus, æque 
crassus, nilidi, ille vix longior articulo secundo flagelli filiformis. — 
Long. circa 4,5 millim.; ala antica æquilonga vel pauxillum longior, 
nervis ut in femina. 

Habitat coloniis sæpe maximis in terra sub lapidibus, locis præsertim 
campestribus in Gallia haud rara, Operariæ ferociter sese defendunt. Mares 
feminæque ad Parisios mense septembri proveniunt. 


L'ouvrière diffère de la précédente par son corps poilu, ses antennes à dix 
articles seulement et terminées par une massue bi-articulée, ses veux beaucoup 
plus petits, etc.; la tête est légèrement ponctuée, 

Fic, 43, Ala antica feminæ, — Fic. 55. Antenna operariæ. — Fi. 56. Palpi 
ejusdem : a. P, labialis; b. P. maxillaris; c. clypeus ; d. mandibula. — Fo. 67. 
Antenna maris, 


100 WW, NYLANDER. —— SYNOPSIS 


Sognivisio A0.—. Species mediocres vel parvæ. Palpi maxillares 
articulis 5, labiales articulis 3. Operaria abdomine subtriangulart, 
supra cujus basin adfigitur petiolus. Clava antennarum 3-articulata. 
Ala ant. area discoidali et unica cübitali clausis, area radiali an- 
gusta apice aperta (fig. 14). — Acrocælia Mayr, Crematogaster Lund. 
— Spec. 28-29. $ 


28. Myrmica ScuTELLARIS(l'ormicaOliv. Encycl. Hist. natur. 6, 
p- 497; Latr. Fourm. p. 261); Crematogaster scutellaris Mayr 
Austr. p. 198; Myrm. Rediana Duf. Rech. anat. Hymén. (1834) 
in Mém. Acad. Science. VII (1841), p. 477, &9J ; Géné in Mém. 
Soc. ital. sc., p. fis. XXII (1842); m. algirica Luc. Alger. p. 300 ; 
m. rubriceps Nyl. Additam. alter. p. 4h; Acrocælia ruficeps Mayr 
Ein. n. Ameis.; Acroc. Schmidti Mayr Ein. n. Ameis. 


Operaria : tota nigra vel fusco-nigra capite rufo-rubente, vel etiam 
thorace rufescente, rarius tota sordide infuscata vel denigrata modo man- 
dibulis rufescentibus ; caput (supra visum) rotundatum ; thorax dorso lon- 
gitudinaliter rugulosus, loco seutelli profunde constrictus, metanotum breve 
spinis 2 acutis ; nodus posterior suleu longitudinali divisus, anterior antice 
Jatior depressus ; pedes subnudi. — Long. 3,5-5 millim. 

Femina : fusco-rufescens, nitidiuscula, thorace supra obscuriore, capite 
dilutiore vel rufo-rubente, abdomine fusco-nigro ; caput striatum, mandi- 
bulæ 5-dentatæ, linea frontis impressa ; metathorax spinulis validis. — 
Long. 9-10 millim.; ala ant. cirea 9,5 millim. pure hyalina , nervis et 
stigmate fuscescentibus. 

Mas : a DD. Dufour et Géné describitur niger nitidus, ore, antennis et 
pedibus flavidis, scapo brevi cylindrico, long. 5 millim. 

Halitat frequenter in Gallia meridionali, in muris vetustis ruderum 
nidificans. In arboribus variis, ut in oleis, ficis et populis, catervis maximis 
ascendens descendensque conspicitur operaria, aphides avide inquirens. 
Odor, ni fallor, fere idem ac Formicæ fuliginosæ. — Ad la Teste obser- 
vata est a D, Fairmaire. In Algeria quoque frequenter adest (Lucas, 
Roussel). Mensibus septembri et octobri cel. Dufour mares feminasque 
examinantes deprehendit ad St-Sever, ubi hæc species abundat. 


La forme triangulaire de l'abdomen, pointu postérieurement, distingue aisé- 
ment cette espèce de toutes les précédentes, et sa taille plus grande, avec le 
nœud pétiolaire postérieur partagé par un sillon, des deux suivantes, 

Fig. 14. Ala antica feminæ. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 101 


29. Myrmica sorDiDuLA Nyl. Addit. alter. p. Ah; Cremat. Mayr 
Austr. p. 200 ; Acroc. Mayri Schmidt in Mayr Beitr. z. Kenntn. d. 
Ameis. p. 14. 


Operaria : pallide fusca lævis nitida , sparse pilosa abdomine postice 
obseuriore, vel tota fusco-brunnea abdomine concolore mandibulæ 4-den- 
tatæ ; thorax supra paullulum longitudinaliter rugulosus , loco scutelli 
constrictus, metanotum brevissimum spinulis validiusculis paullo oblique 
sursum versis ; nodus posterior superne integer nitidus ; tibiæ æque ac 
scapus pilosi. — Long. 2,5-3 millim. 

Habitat ïisdem locis ac præcedens in Gallia maxime meridionali, ubi 
saltem ad Beaucaire eam passim observavi. Occurrit similiter in Dalmatia 
et in Sicilia. 

Il ressemble à la variété à tête foncée de l'espèce précédente, mais il est 
plus petit, poilu, et son nœud postérieur est arrondi et uni en dessus. — A cet 
endroit il faudrait ajouter une 41° subdivision du genre Myrmica, si le Monomo- 
rium minutum Mayr Austr., p. 184 (1), avait élé trouvé en France; mais jus- 
qu’à présent il semble que cette curieuse petite formicide, à palpes maxillaires 
et labiaux uni-articulés, ne soit connue que de l'Italie (Lombardie, etc., d'après 
Mayr, 1. c.). 

Fic. 58. Antenna operariæ, — Fic. 59. Mandibula ejusdem, — Fic, 60. Palpi 
ejusdem. 


VI STRONGYLOGNATHUS Mayr. 


Species parva. Corpus ut in genere Myrmica, sed mandibulæ 
(analogiam offerentes illis Polyergi) angustatæ, teretes, apice atte- 
nuato-acutiuseulæ. Palpi maxillares articulis 4, labiales articulis 8. 
Nervi alarum ut in Myrm. cœspilum dispositi (fig. 45). 


2. STRONGYLOGNATHUS TESTACEUS Mayr Myrmicid. p. 4; Austr. 
p. 158; Eciton? testaceum Schenck Nass. Ameis. p. 117 (cum ico- 
nib. 59); Myrmus emarginatus Schenck in ÆEntomol. Zeit. 
1853, p. 299. 


Operaria : pallida vel sordide pallide rufa, sparse tenuiter setulosa , 
abdomen rotundatum obscure indistincte fasciatum ; caput (supra visum 
subquadratum) striatum, occipite profunde emarginato ; thorax rugulosus, 


(4) Mynwica sixura (Mayr), « operaria: picea nitidissima lævis, sparse pilo- 
sula, mandibulæ, antennarum funiculus, clava excepta , articulationes pedum 
tarsique pallescentes, Long, 4,5—1,7 millim. » 


102 W. NELANDER. — SYNOPSIS 


loco scutelli leviter impressus, metanotum dentibus 2 obsoletis ; nodus po- 
sterior transversus ; pedes subnudi. — Long. 3-3,5 millim. 

Femina : fusca vel fusco-rufescens spare pilosa, corpore infra cum 
pedibus et antennis pallide rufis; caput thoraxque striata, clypeus lævis, 
occiput profunde emarginatum ; metathorax bidentatus ; pedes subnudi. — 
Long. 3,9- fere 4 millim. ; ala ant, albo-hyalina fere 4,5 millim. longa, 
nervis et stigmate incoloribus, area radiali aperta, discoidali majuscula. 

Mas : fusco-niger sparse pilosus, ore, antennis pedibusque pallidis, 
fasciis ante margines segmentorum abdominis pallescentibus ; articulus 
secundus flagelli longitudine saltem scapi ; occiput emarginatum utrinque 
postice dentem formans; mesonotum striatulum, metathorax utrinque 
dente obtuso, obsoleto. — Long. 4 millim.; ala ant. 4,5 millim. 

In Gallia hæc species capta est a D. Léon Fairmaire ad la Teste (feminæ 
maresque mense julio) consociata cum operariis, obiter visis subsimilibus, 
Myrmice cϾspitum, quas servarum loco sibi adjungere videtur. Differt 
igitur genus Strongylognathus a Myrmica, æque ac Polyerqus à For- 
mica, non solum vilæ genere, operarias ita auxiliarias alienas assumendo, 
sed etiam forma analoga mandibularum. Quamvis alter horum characte- 
rum, seu subjectio servarum instar operiarum speciei alius, non sufficiat 
ad genera, de quibus agitur, separanda (ut exemplum sistit Formica san- 
guinea Latr.), tamen ambis his differentiis simul obviis distinctio generica 
legitima certe abunde probatur. Atque animadvertendum, nullo absque 
dubio differentias systematicas Strongylognathi longe majoris esse pon- 
deris dignationisque quam notas subdivisionum generis Myrmicæ nostra- 
rum, quibus perperam, ut existimo, generum sensum adtribuit cel. Mayr. 
Licet Strongylognathus testaceus duobus tantum locis (Nassau, la Teste) 
adhue observatus sit, verisimiliter, quando attente inquiratur, frequentius 
latiusque distributus invenietur. 


On ne saurait confondre cette intéressante espèce, découverte par M. le profes- 
seur Schenck, à Nassau, et qui est la seule du genre, avec aucune autre Fourmi. 
Elle offre une certaine ressemblance de port avec le M, cæspitum ; maïs ses man- 
dibules sont étroites et courbées, sa tête est échancrée postérieurement, son mé- 
tathorax presque inerme, ete. Par une singulière analogie. les antennes du mâle 
ressemblent aussi extrêmement à celles du mâle de la M. cæspitum ; ni l'ouvrière, 
ni la femelle, n'offrent non plus aucune différence de cette dernière espèce 
sous ce rapport. Il est probable (comme l'ont dit déja MM. Schenck et Mayr) que 
le Strongylognathus s'empare des nymphes de l'ouvrière du Myrm. cæspitum de 
la même manière que le Polyerqus de celles du Form. cunicularia ou fusca. 

Fié. 45. Ala antica feminæ. — F1c. 64. Antenna maris, 


4. F. marginata Latr. — France mér. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 


103 


DISPOSITION SYSTÉMATIQUE 


ET 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES. 


I. — FORMICA Latr. 


Sugnivis. 4. — Page 53. 


Var. thoracica(Fabr.). — Algérie. 


2. F. œthiops Latr. — Fr. mér. 
3. F. opaca Duf. — Fr. mér., Algér. 
4. F. micans Nyl. — Algér. 
5. F. ligniperda Lat. — Fr. 
6. F. herculeana Linn. — Fr. alp. 
7. F. pubescens Fabr. — Fr., Algér. 
8. F. fallax Nyl. — Fr, mér. 
9. F. fuscipes Mayr. — Fr. mér. 
10. F, truncata Spin. — Fr, mér. 
Sunivis. 2. — Page 58. 
41. F. lateralis Oliy, — Fr. mér., Algér, 
Susnivis. 3, — Page 59. 
412. F. vialica Fabr, — Algér. 
43. F. cursor Fonsc, — Fr. mér. 
Sonivis. 4, — Page 60. 
44. F. rufa L., Nyl. — Fr. 
45. F. congerens Nyl. — Fr, 
16. F. sanguinea Latr. — Fr. 
17. PF. exsecta Nyl. — Fr. 
18. F. cunicularia Latr, — Fr. 
49. F. cinerea Mavyr, — Fr. 
20, F. fusca L, — Fr. 
21. F, gagates Latr. — Fr. 
22. F, nasuta Nyl. — Fr. mér. 
23. F, fuliginosa Latr, — Fr. 
24. F. nigra Linn. — Fr. 
25. F, aliena Foerst, — Fr... Algér. 
26. F. emarginata Latr, — Fr. 
27. F, brunnea Latr, — Fr. 
28, F. flava Fabr. — Fr 


29. FE. umbrata Nyl. — Fr. 
30. F. mivta Nyl. — Fr, 


Sunnivis. 5, — Page 71. 


. F. nigerrima Nyl. — Fr, 

. F, erratica Latr, — Fr. 

. F. pygmæa Latr, — Fr. 

+ F. gracilescens Nyl, — Paris. 


Susnivis. 6. — Page 73. 


35. F. quadripunctata L. — Fr. 


IL. — POLYERGUS Latr. 


36. P, rufescens Latr, — Fr. 


IT. — PONERA Latr. 


7. P. contracta Latr. — Fr. 


| 


IV. — TYPHLOPONA Westw. 


38. T. oraniensis Luc. — Algér. 
V. — MYRMICA Latr. 
Sunivis. A. — Pago 77. 
39. M. rubida Latr. — Fr. 
40. M. lœvinodis Nyl. — Fr. 
41. M. ruginodis Nyl. — Fr. 
42. M. rugulosa Nyl. — Fr, 
43. M. sulcinodis Nyl. — Fr.? 
44. M. scabrinodis Nyl. — Fr. 
45. A. lobicornis Nyl. — Fr. 
Supnivis. 2. — Page 83. 
46. M. scalpturala Nyl. — Algér. 
47. M. capitata Los. — Fr., Algér. 
48. M. structor Latr, — Fr. 
49. M. subterranea Schenck. — Fr. 


50. M. testaceo-pilosa Luc, — Algér, 


104 W. NYLANDER, — SYNOPSIS 


Susprvis. 3. — Page 87. Suanivis. 7. — Page 96. 

54. M. cæspitum Latr. — Fr. 62. M. Latreillei Curt, — Fr. 

52. M. angustula Nyl, — Fr. mér. 

53. M. lippula Nyl. — Fr. Suspivis. 8. — Page 97, 
Susnivis. 4. — Page 89. 63. M. pallidula Nyl.—Fr.mér., Algér, 

6%. M. acervorum Fabr. — Fr. 1 Qu nt Co + 

55. M. tuberum Fabr. — Fr. Susnivis. 9. — Page 99. 

66. M. unifasciata Latr. — Fr. 

67. M. simpliciuscula Nyl. — Fr. 65. M. fugax Latr. — Fr. 

68. M. cingulata Schenck. — Fr. 


69. M. recedens Nyl. — Fr. mér, MU: vte ERA 


66. M. scutellaris Oliv.—Fr. mér. Algér. 


S) . 5, — 94. 
A Far 67. M. sordidula Nyl. — Fr. mér. 


60. M. nitidula Nyl. — Fr. 
Suavrms, 6. — Page 95. VI. — STRONGYLOGNATHUS Mayr. 


64. JL. sublævis Nyl. — Fr.? 68. Str. lestaceus Mayr. — Fr. 


Sur environ 100 espèces de Fourmis que renferme la Faune européenne entière, 
la France avec l'Algérie en compte ainsi 68, c’est-à-dire le même nombre que 
l'Allemagne, y compris l'Autriche, avec la Hongrie et la Lombardie, Le 
nombre des espèces de cette famille d'insectes diminue vers le nord. La 
Scandinavie n’en possède que 32, la Laponie seulement 20, et l'Angleterre 27; 
il y en a à peine 10 dans les régions alpines , et aucune ne leur est particulière. 
Des 68 espèces de la Faune française, 20 sont propres à la France méridionale 
et l'Algérie; mais ce nombre d'espèces exclusivement méridionales sera pro- 
bablement augmenté par la découverte de plusieurs autres encore inconnues dans 
ces régions peu explorées sous le rapport hyménoptérologique. Certains groupes 
y prédominent, tandis que d'autres, comme celui du Formica rufa et la pre- 
mière subdivision du genre Myrmica, appartiennent essentiellement aux forêts de 
l'Europe tempérée et boréale ; il résulte de là que la physionomie de la Faune 
formicine s'offre sous un aspect très différent dans le midi et dans le reste de la 
France. Aux environs de Paris on trouve 31 espèces de Fourmis, dont 19 au 
moins s'étendent jusque dans les régions méridionales, et dont 21 se rencontrent 
également dans l'Europe boréale. Quelques espèces du nord n'habitent que les 
parties montagneuses de la France, 

La Faune algérienne, qui ressemble beaucoup à celle du midi de Ja France, 
présente quelques espèces particulières, dont une appartenant à un genre étran- 
ger à l'Europe, le Typhlopona oraniensis. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 105 
BIBLIOGRAPHIE. 


Conris, On the genus Myrmica and other indigenous Ants (Transactions of the 
Linneun Society of London, vol. 24 , III, 1854). 

Fœnsrer, Hymenopterologische Studien, 1, 1850. 

Heer, Ueber die Hausameise Madeira's, 1852. 

Jenpox, Catalogue of the species of Ants in Southern India (Annals and Magazine 
of natural History, Jan. and Febr., 1852). 

Larreizze, Essai sur l'histoire des Fourmis de la France. 

— Histoire naturelle des Fourmis, Paris, 4802. 

Losaxa, Saggio sopra le Formiche indigene del Piemonte (Memorie della Reala 
Academia delle scienze di Torino, XXXVII, 1834). 

Mave, Beiträge zur Kenntniss der Ameisen (Verhandlungen des z0ologisch- 
botanischen Vereines in Wien, III, 1853, Abhandlungen, p. 404). 

— Einige neue Ameisen (Jbid., 11, 4852, Abh., p. 143). 

— Beschreibungen einiger neuer Ameisen (Jbid., LIL, Abh., p. 277). 

— Formicina austriaca (Ibid., 1855). 

Nyzaxoer, Adnotationes in Monographiam Formicarum borealium (Acta socielatis 
scientiarum fennicæ , 2, IL, 1846). 

— Additamenturm Adnotationum in Monographiam Formicarum borealium 
(Ibid., 4846). 

— Additamentum alterum Adnotationum in Monographiam Formicarum borea- 
lium (/bid., 1847). 

— Fôrsük att bestämma Linnés Svenska arter af slägtet Formica (Sallskapets 
pro Fauna et Flora fennica Fürhandlingar, X, p. 289, 4847). 

— Remarks on Hymenopterologische Studien by Arn. Fœrster (Annals and 
Magazine of natural History, VIT, ser. 2, Aug. 1851). 

Rarzesunc, Ueber Entwickelung der fusslosen Hymenopteren-Larven, mit 
besonderer Rücksicht auf die Gattung Formica, 4832, 

Scaexcx, Beschreibung nassauischer Ameisen-Arten (Jahrbücher des Vereins für 
Naturkunde im Herzogthum Nassau, von Sandberger, VIT, Wiesbade, 1852). 

Scmizuxe, Bemerkungen üeber die in Schlesien und der Grafschaft Glatz vorge- 
fundenen Arten der Ameisen (Uebersicht der Arbeiten und Veränderungen der 
schlesischen Gesellschaft fur vaterlandische Cultur, Breslau, 1838). 

Suiru, Essay on the genera and species of British Formicidæ (Transactions of the 
entomological Society. vol. 3, new ser. III, 1854). 

— Monograph of the genus Cryptocerus belonging to the group Cryptoceridæ 
(Ibid, vol. 2, new ser. VI). 


106 WW. NYLANDER. — SYNOPSIS 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS. 


Les noms spécifiques adoptés dans ce travail sont imprimés en caractères 


ilaliques. 

Pages. Pages. 
Acervorum Fabr, . . . . . 89 |Emarginatus Schenck . . . . 404 
Acrocælia Maya CODE rTa NC PAT UN ENT 
Æthiops Late 0e LR DEN ESC ta iN y]: 0 nr FOMOME MEME 3 
Affinis Mayer... … .. à (498) FalariNyli ls Pre 7 
Albipennis Curt. . . . . . 92 | Fairmairei Foerst. . . . . , 59 
Aleirica Due Eee 0100! ÉFAu@ IE ADR. 00. 0 DOG 
AUENGNEGEES EME CN RG Pa TON ENYE, "OO 99 
Angustula/Nyle ., Qosstos 4 881/Formica Late." : 15° 12 10 COVeON53 
Aphænogaster Mayr . . . . 86 | Formicoxenus Mayr . . . ,. 94 
Atra ZAR. nn EU set ce BG | Foveolata May. ts Nan 
Afratniasihencie er. cie. cn: CNP EUDET Lait. à : - ce Ie 0 
ATCOION NY OR CO 068) Füuginost LAW. : L. "ER 00 
AttasFabras. di 2 0068 Mu 00 SSNUUIFUSES LENS MES ARR ORER 6 D: 
Austriaca Mayr . 2. cut 671 Eusca. Foerstos aunodatot 67 
Axillaris Spin, + . + - .:. O8 Fuscipes Mayr 4. 0-57 
Barbara nt 0. = %<0 nu CSS NPUSCUIAINVI, © 54. GUEST 
BURN TL NN EN 87 MG uqntes Eat EU NN 60 
Bicolon Late-s 2e 0, 2.0 58 (GaBrelaiNyl:: Re AE 7 
Bionlon Faber, 4. saute. 150 180 Glebaria,. Nul. ossven, 050265 
Bicornis Foerst. - . : .”, .. 70 | Gracilescens Nyl.  ., 2 Os 
Bidens/Foerst "2" "0096 |'Graminicola/Latr: "ma 9 
Bmodis" Fabre MM, 85" Granulinodis NyI "CEE SI 
BrunnenLatrs Mes... 1168 | Gredieni Mayr. LORIE 00 
Brunnea Mayr ,. . . . . . 68) Herculeanu L,, ,  , 1,0 … 56 
Cæspitum Latr. . . . . . . 86 | Hirtula Nÿl. . Yauu mul 0 
CapitataLatr. 2. LOS NH ypoclinea Foersts. " 0, Sn 73 
Capaincole Semi 065 impUura. Foerst. st RE SR RT 
Cataglyphis Foerst.  . . . . b9 | Incisa Schenck. . . . . . . 70 
Cinerea Mayr.-.. . . . . +. . 64 |nterrupla Schenck, . 1, «0 93 
Cingulata Schenck . . . . . 93 | Juvenculus Sbuck, , . . . . "77 
Clandestina Foerst. . . . . . 80 | Juvenilis Fabr. . . . . . . 83 
CPE LUS MAY EURO MAYENNE ST 
Collina Foerst. . . :. . :. . #74 | Lacteipennis Zett + . . .:/. 89 
Congerens Nyl: . . . ... . 61 | Lævigata Sm. 4. «+ . ...,.40 94 
Contracigi bain) "+4 0 + 79) EeniotieNyl. ©." 00 
Corticalis Schenck. . . . . . 93 | Læviuscula Foerst, . . . . . 95 
Crematogaster Lund. . . . . 400 | Lapidum Fabr. . . . . . . 85 
Gunicularie Latr: "2 in 0 64h Lateralis Olivs: +: 01 .INOBS 
Cürsor Fonsc..  : .- 1244 60 atreilleii(Gurt.)., 0.194280 196 
Dalmatica Nyl. . .!. . . ,. 58 MLeptothorax Mayr . . . .".,89 
Debilis Foerse ne... NS" NLiqniperda Latr. . . NEO 
Diplorhoptrum Mayr . . . . 99 | Ligniperda Luc, . . . . . . 54 
Domeslica Shuck,. nn... 0 98) 'ZippulaNyl. + : .1 .. "288 
Dominula Nyl. . . 1.00006211RLoPiconnisiNvI CNE 
Dorylus Westw.. "29. . 77 | ugubris Zett. . . . . ..1060 


Emarginata Latr. , , . . . 68|MarginataLatr., . . . . . 54 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 


Mayri Schm. . 


Megalocola Foerst. . 
Melanogaster Latr. . 


Micans Nyl. . . 
Minkü Foerst. 
Minuta (Mayr). 
Mixta Nyl. 

Mixta Foerst. 
Modesta Foerst. . 


Monocombus Foert. . 


Monomorium Mayr 
Muscorum Nyl. 
Mutica Nyl. . 
Myrmecina Curt. 
Myrmica Latr. . 
Myrmus Schenck 
Nasuta Nyl. . 
Nigerrima Nyl. . 
Nigra L. . 
Nigrata Nyl. . 
Nigriceps Mayr 
Nitens Mayr 
Nitidula Nyl. 
Nylanderi Foerst. 
Obsoleta Zett. 
Ochracea Mayr . 
ŒEcophthora Heer 
Opaca Duf. 
Oraniensis Luc. . 
Pallida Nyl. . 
Pallidula Nyl. 
Parvula Schenck 
Perelegans Curt. 
Picea Nyl. 
Polyctena Foerst. 
Polyergus Latr. . 
Ponera Latr. . 
Pressilabris Nyl. 
Pubescens Fabr. . 
Pygmeæa Latr. 
Quadrinotata Los. 


Quadripunctata L. 


Recedens Nyl. 

Rediana Duf. . 
Rubida Latr. . 
Rubra Curt. 


Rubriceps Mali à : 
Rufa L. 

Rufescens Latr, . 
Ruficeps Mayr . 
Rufitarsis Fabr. , 
Ruginodis Nyl. 
Rugulosa Nyl. 
Russula Nyl. . 4 
Sanguinea Lat. .. 
Sardous Mayr . . 
Scabrinodis Nyl. . 
Scalpturata Nyl. . 
Schmidti Mayr 
Scutellaris Nyl. . 
Semipolita Nyl. . 
Senilis Mayr . . . 
Simillima Nyl. . 
Simpliciuscula Nyl 
Sordidula Nyl. 
Stenamma Westw. 
Stenoptera Foerst. 
Structor. 

Striatula Nyl. 


Strongylognathus Mayr 


Subdentata Mayr 
Sublævis Nyl. 
Subterranea Latr. 
Sulcinodis Nyl. 
Tapinoma Foerst. 
Testaceus Mayr 
Testaceupilosa Luc. . 
Thoracica Fabr. . 
Thoracica Zett. 
Timida Foerst. 
Truncata Spin. 
Truncicola Nyl. . 
Truncicola Foerst. 
Tuberosa Latr. . . 
Tuberum Fabr. 
Typhlopona Westw. 
Umbrata Nyl 
Unifasciata Latr. 
Vagans Curt. 
Viatica Fabr. 
Vividula Nyl. . . 
Westwoodii Steph. . 


108 


WW. NXLANDER. — SYNOPSIS 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 9. 


. Aile antérieure du Formica ligniperda Q. 
- Aile antérieure du Formica cursor {. 
. Aile antérieure du Formica rufa @. 


- Aile antérieure du Formica vividula j 
. Aile antérieure du Formica pygmæa +. 
7, Aile antérieure du Myrmica rubida Q@. 


ll 
2 
3 
. 4. Aile antérieure du Formica erralica &. 
5 
6 


. 8. Aile antérieure du Myrmica apitata ®. 

. 9. Aïle antérieure du Myrmica sublerranea Q. 
. 10. Aile antérieure du Myrmica acervorum Q. 
ig. 41. Aile antérieure du Myrmica nilidula Q. 

. 12. Aile antérieure du Myrmica Latreillei @. 

. 43. Aile antérieure du Myrmica fugax Q. 

. 14. Aile antérieure du Myrmica scutellaris @. 


15. Aïle antérieure du Strongylognathus testaceus Q. 


+ 16. Chaperon du Formica opaca &. 

+ 17. Chaperon du Formica ligniperda % . 

- 18. Palpes du Formica exsccta ©. 

g. 19. Palpes du Formica pressilabris ©. 

- 20. Antenne du Formica g'acilescens ©. 

. 21. Antenne du Formica vividula Ÿ. 

- 22. a. Antenne du Formica pygmæa ®. b. Mandibule. 
. 23. a. Antenne du Panera contracta $. b. Palpe maxillaire. c. Palpe labial. 
. Lèvre (grossie 45 fois). e. Mandibule. 

. 24. Antenne du Typhlopona oraniensis ©. 

. 25. Palpe maxillaire du Typhlopona oraniensis &. 

. 26. Palpe labial du Typlopona orunensis &. 

g. 27. Antenne du Myrmica lobicornis &. 

g. 28.Base de son scape, vue de côté. 

. 29. Mandibule du Myrmica lobicornis Ÿ. 

. 30. Palpe maxillaire du Myrmica lobicornis Ÿ. 

. 31. Palpe labial du Myrmica lobicornis Ÿ. 

. 32. Antenne du Myrmica lobicornis d'. 


33. Palpes du Myrmida pallida ©. 


. 34. Palpes du Myrmica testaceo-pilosa Ÿ. 

. 35. Antenne du Myrmica cæspitum Latr. «‘. 

. 36. Poil du pronotum du Myrmica angustula &. 
. 37. Palpes du Myrmica lippula Ÿ. 


DES FORMICIDES DE FRANCE ET D'ALGÉRIE. 109 


. Antenne du Wyrmica lippula ©. 

. Poil du pronotum du Myrmica munifasciata %. 

- Mandibule, palpes et antenne du Myrmica simpliciuseula Ÿ. 
. Palpes , antenne et mandibule du Myrmica recedens %. 


- Antenne du #Wyrmica nitidula &. 


. Maxille et lèvre du Myrmica subl@vis ®. 

. Palpes du Myrmica levis ©. 

. Mandibule du Myrmica sublœvis Ÿ. 

. a. Antenne du Myrmica subl@vis. b. Le scape vu de côté. 

. a. Palpes de Myrmica Latreillei ÿ. b. Chaperon. c. Mandibule. 
. Antennedu Myrmica Latreillei 5. 


Fig. 49. Palpe maxillaire du Myrmica pallidula ©. 


Fig. 55. 
Fig. 56. 


. Palpe labial du Myrmica pallidula ©. 

. Antenne du Myrmica pallidula ©. 

. Mandibule du Myrmica palhidula &. 

. Pelpes du Myrmica domestica @. a. Palpe maxillaire. b. Palpe labial. 

. Antenne du Myrmica domestica ©. 

Antenne du Myrmica fugax ©. 

Palpes du Myrmica fugux ®. a. Palpe labial. b. Palpe maxillaire. 


c. Chaperon d Mandibule. 


Fig. 57 
Fig. 58 
Fig. 59 
Fig. 60 
Fig. 61 


Ons. 


. Antenne du Myrmica fugax {. 

. Antenne du Myrmica sordidula ©. 

. Mandibule du Myrmica sordidula &. 

. Palpes du Myrmica sordidula ©. 

. Antenne du Strongylognathus lestaceus 


Le grossissement des figures des antennes et des mandibules est de 


25 diamètres ; celui des palpes de 130 (excepté les figures 48 et 19, qui, ainsi 


que les 


23 d et 43, sont grossies seulement 45 fois). 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


À Monograph of the British Nudibranchiate Mollusca (Monogra- 
phie des Mollusques nudibranches de l'Angleterre), par MM. Arner 
et HANcoCK. 


Las eptième et dernière livraison de ce bel ouvrage vient d’être publiée par les 
soins de la société Ray, de Londres. On y trouve le complément des descriptions 
spécifiques, des considérations générales sur l'anatomie, la physiologie, et la 
classification de ces Gastéropodes, un appendice sur l'appareil lingual des Éolidiens, 
et sur les spicules des téguments des Doris, etc. Les planches coloriées, qui 
représentent les diverses espèces sont exécutées avec une rare élégance, et 
sont accompagnées de nombreuses figures relatives à l'organisation. En résumé, 
cet ouvrage est une des monographies les plus importantes dont la Malacologie 
ait été enrichie depuis quelques années. 


Researches on the Foraminifera, by W. Carpenter, in-4, 1855. 


Dans ce Mémoire sur les Foraminifères, publié dans les Transactions philoso- 
phiques de la Société royale de Londres, M. Carpenter s'occupe de la structure, 
du mode de développement, et des caractères zoologiques des Orbitolithes. Ce tra- 
vail important est accompagné de six planches, représentant l'organisation de 
ces Rhizopodes. 


Untersuchung , ete. — Recherches sur la distribution géographique 
des Tigres, et les rapports de ces animaux avec l'Homme, par 
M. Branpr. 


Dans ce travail, tiré des Mémoires de l'Académie de Suint-Pétersbourg, actuel- 
lement en publication , l’auteur traite la question historiquement aussi bien que 
sous le rapport de l'état actuel des choses I fait voir que les Tigres sont répan- 
dus depuis les contrées brülantes de l'Inde jusque dans les parties de la Sibérie, 
où la température moyenne est de 17 degrés au-dessous de zéro. 


Die entwicklung des Cestoden. — Sur le développement des Cestoïdes, 
par M. G. WaGNEn. 


L'auteur fait connaître le résultat de ses nombreuses recherches sur l'anato- 
mie des Cestoïdes et sur les diverses formes que ces animaux affectent. Son 
mémoire est accompagné de 22 planches, et constitue un appendice au 24° volume 
du Recueil de la Sociélé des curieux de la nature. 


Vraagpunter des Tijds (questions du jour), par MM. MeuBorN et VROLIK, 
in-8. Harlem, 1856. 


Dans cet opuscule , le professeur Vrolik examine, au point de vue de la science 
les doctrines matérialistes qui semblent prendre faveur dans diverses écoles de 
l'Allemagne, et s'élève contre l'emploi exagéré des théories chimiques et phy- 
siques dans l'étude des phénomènes de la vie. 


RECHERCHES 
SUR 
LES PLEXUS VASCULAIRES 
CHEZ DIFFÉRENTS ANIMAUX, 


PAR MM, 
J.-L.-C, SCHRŒDER van der KOLK ct W. VROLIK (i). 


Dans l’automne de 1847 , l’un de nous (2) présenta à l’Insti- 
tut royal des Pays-Bas la première partie d’une monographie du 
Paresseux à trois doigls, dans laquelle il décrivait le système 
vasculaire si remarquable de ce singulier animal. Le commissaire, 
chargé de faire un rapport sur l'admission de ce travail dans les 
publications de la classe (3), fit connaître à cette occasion un plexus 
veineux qu'il venait de découvrir dans les membres antérieurs 
d’une Grue. Il est résullé de la communication de ce fait impor- 
tant, et jusqu'à présent inédit, une série de recherches faites en 
commun par l’auteur et le rapporteur du mémoire en question ; 
les sujets nous ont été fournis avec la plus grande libéralité par 
la direction de la Société zoologique d'Amsterdam, et le premier 
travail déjà cité a été entrepris dans ces circonstances. L'ensemble 
de nos investigations constitue , sous celte nouvelle forme, un 
travail spécial, que nous offrons aux anatomistes, comme le pre- 
mier Mémoire publié par la Société zoologique d'Amsterdam. 

Nous divisons notre travail en deux parties , dont la première 
est consacrée aux plexus vasculaires artériels et veineux du Pares- 
seux , et la seconde aux plexus veineux que nous avons découverts 
dans les membres des Oiseaux. 


(1) Mémoire publié par la Société zoologique d'Amsterdam , traduit du hol- 
landais par M. A. Brullé, de Dijon. 

(2) M. W. Vrolik. 

(3) M. Schrœder van der Kolk, 


112 s.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 
I. Plexus vasculaires artériels et veineux del’Aï(Bradypus tridactylus). 


Avant de passer à la description de ces plexus vasculaires, nous 
croyons qu'il ne sera pas inutile de donner un aperçu historique 
de ce qui a été fait auparavant sur ce sujet. Carlisle fut le premier 
qui, dès 1800, décrivit les plexus comme étant formés par 
les artères dans le Bradypus et le Stenops. Leur existence fut 
acceptée dans les Manuels d'anatomie comparée , et ils furent 
aussi mentionnés par von Baer (1). Cependant, en 1823, ils 
furent sur le point de perdre leur droit de cité dans la science, par 
suite d'une fausse interprétation de la description qu’en a donnée 
Gaimard, célèbre naturaliste-voyageur français. Ils ne furent admis 
qu'en partie et avec une addition arbitraire, dans un ouvrage 
périodique de cette époque. 

Voiei la description de Gaimard : « Dans une injection que nous 
fimes à la mer, et que le mouvement du navire rendit imparfaite , 
nous ne vimes pas dans le système sanguin les particularités dont 
parle M. Carlisle ; seulement nous remarquämes une foule de 
pelits vaisseaux déliés, pénétrés par l'injection, accompagnant le 
tronc des artères crurales et brachiales. » 

Cette dernière partie, qui, à vrai dire , est une confirmation de 
l'observation de Carlisle, fut omise par le rapporteur du Bulletin de 
Férussac (2); la première partie fut seule mentionnée, avec une 
addition qui dit précisément le contraire de ce qu'avait avancé Gai- 
mard. Elle contient ce qui suit : « L'injection, quoique imparfaite , 
des vaisseaux cruraux et brachiaux , a prouvé à M. Gaimard qu'ils 
sont conformés comme ceux des autres Mammifères, et qu'ils ne 
présentent point la subdivision extrême que M. Carlisle a observée 
dans ceux du Loris paresseux du Bengale ou Nycticèbe. » 

Ce fut cependant sur celte citation , incomplète et fautive, que 
S’appuya Oken pour nier l’existence de plexus vasculaires dans le 
Bradype, ainsi qu’on peut le voir par les Mémoires sur l’histoire 
naturelle du Brésil par le prince Maximilien (3). Ces plexus cou- 

(1) Meckel's Archiv., 1823, 354. 

(2) T. IL, p. 57, 4823. 

(3) Baitrege zur naturg. von Brasilien. Weimar, 4826, II, 496. 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. A13 


raient donc le danger d’être rayés de la science , lorsque l'un de 
nous publia, en 1826, quelques observations dont certaines parties 
nous étaient déjà communes , et qui confirment l’existence de 
plexus vasculaires artériels dans le Bradype et quelques autres 
animaux (1). 

On crut alors de nouveau à leur existence, et déjà même Barkow 
semblait avoir épuisé le sujet (2), lorsque Mayer en 1839 (3), l'un 
de nous en 1841, à l’occasion de l’Unau (4), et Otto en 1843 (5), 
sans qu’ils en eussent rien appris, suivant toute apparence, les uns 
par les autres, ouvrirent une voie nouvelle, en reconnaissant, qu'il 
entrait aussi des veines dans la composition des plexus vasculaires. 

Otto a éclairei la chose par une figure , mais il doute lui-même 
si Ja disposition qu'il donne à l'artère est exacte. Suivant lui, elle 
pénètre, sans se diviser, au milieu du plexus veineux. Toutefois il 
a été conduit à douter, d’après son propre aveu, par les prépara- 
tions qu’il eut l’occasion de voir à Amsterdam et à Londres, et par 
les dessins qui lui avaient été envoyés d'Amsterdam. Nous sommes 
heureux de pouvoir démontrer qu’il doute avec raison. La figure 
que nous publions aujourd’hui fait voir que les plexus sont formés 
à la fois de vaisseaux artériels et de vaisseaux veineux. C’est un 
complément de la figure que l'un de nous a donnée il y a mainte- 
nant vingt et un ans, et en même temps une confirmation de nos 
observations mutuelles sur le Stenops. Cette figure a peut-être le 
mérite d'être la seule exacte qui ait été donnée jusqu’à ce jour, au 
sujet de ces plexus vasculaires. Les figures publiées par Carlisle , 
par nous, par Rapp et par Otto, doivent donc toutes être fautives , 
quoique dans un sens différent. Les ramifications artérielles seules 
furent représentées par Carlisle, par Rapp et par nous, et les rami- 
fications veineuses par Otto. Ainsi, ce n’est qu'après un laps de 


(4) W. Vrolik, Disq. de peculiari arteriarum ectremitatum in nonnullis ani- 
malibus dispositione. Amstelodami , 1826. 

(2) Meckel's Archiv., 1830, 1. 

(3) Analect. für vergl. Anat. Bonn , 1839, 52. 

(4) Schræder van der Kolk. Tijdschrift voor nat. gesch., de Vander Hoeven 
et de Vriese, VIII, 277, 

(5) Zrlaeut, Taf. von Curus and Ouo, t, VIN, p. 4. 

#” série, Zoo. T, V, (Cahier n° 2.) 8 


A1  s.-L1.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


temps de près d’un demi-siècle, que nous avons une idée juste et 
une représentation exacte d’un fait zootomique , dont la première 
observation remonte À l’an 1800. Ces vicissitudés , étranges d’ail- 
leurs, s'expliquent par l’imperfection des moyens, à l’aide desquels 
Carlisle a dû effectuer sa première découverte. S'il eût pu faire 
passer, dans les artères et dans les veines à la fois, une injection de 
cire colorée ou de gélatine, assurément sa première détermination 
eüt été aussi exacte que celle que l’on peut obtenir aujourd'hui; 
après beaucoup d’incertitudes et un intervalle de quarante-sept ans. 

Nous décrirons d’abord le plexus vasculaire des membres anté- 
rieurs (pl. 4, fig. 2). On trouve à la fois, dans le creux de l’ais- 
selle, la veine, l'artère et le plexus nerveux. La veine e est située 
plus superficiellement et plus en dehors. Derrière elle est placée 
l'artère b, et derrière celle-ci encore le plexus nerveux a La veine 
axillaire, aussitôt après sa séparation de la veine sous-clavière, se 
partage en une infinité de branches, qui forment un plexus super- 
ficiel et disposé, comme une sorte de gaine, autour du plexus 
artériel. Au milieu des ramifications veineuses du plexus apparais- 
sent celles de l'artère , de telle manière qu'entre deux branches 
veineuses, il paraît y avoir une branche artérielle. —Un faisceau de 
vaisseaux g, composé aussi bien d’artères que de veines , suit le 
bord antérieur ou externe de l’omoplate, et occupe ainsi la place 
des vaisseaux circonflexes de l’omoplate. Le reste du faisceau vas- 
culaire entrelacé descend, à la manière de l'artère et de la veine 
brachiale, entre le fléchisseur de l’avant-bras et la tête interne du 
triceps ; le nerf médian e est situé à la face externe du faisceau, et 
le nerf cubital f à sa face interne. On voit sortir du faisceau vas- 
culaire, au-dessous de l’attache du grand pectoral, une branche d 
qui se loge d'abord dans une rainure, à la surface de ce faiscéau, 
pour y rentrer ensuite, au-dessus de l'articulation interne de l'os 
du bras. En écartant les branches veineuses, il nous à semblé, que 
le trone de l'artère axillaire se partageait en trois grosses Branches. 
L'une d'elles paraît indivise et forme la continuation du tronc, dont 
le trajet sur le bras est décrit ci-dessus ; les deux autres consti- 
tuent la portion artérielle du faisceau vasculaire, dans lequel elles 
se divisent en rameaux de plus en plus grêles, et s’envoient réci- 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 4115 


proquement des anastomoses. Arrivé dans le pli du coude, le fais- 
ceau vasculaire se recourbe derrière le pronateur grêle et le flé- 
chisseur de la main. Le prolongement du tronc principal passe 
entre le pronateur grêle et le radial interne, accompagné du nerf 
médian, et entouré d’un faisceau vasculaire de rameaux artériels et 
veineux d’un moindre diamètre. C’est, par conséquent, l'artère 
radiale. Le reste du faisceau vasculaire s’écarte en rayonnant, et 
donne lés artères cubitale et interosseuse ; on peut y reconnaitre 
aussi les artères récurrentes du radius et du cubitus. Quant au trajet 
des nerfs médian, radial et cubital, il ne nous a rien offert de 
particulier 

Dans les membres postérieurs, dont nous avons supprimé la 
figure faute de place, les artères et veines iliaques externes , les 
artères et véines sacrées moyennes, el les artères et veines iliaques 
internes où hypogastriques, offrent à peu près le même mode de 
ramification. La veine iliaque externe forme un réseau de fortes 
branches, qui s’anastomosent entre elles, autour de l'artère iliaque 
externe ; au milieu de ces branches veineuses entrelacées, qui for- 
ment comme une véritable gaine, apparaissent des rameaux grêles, 
provenant de la division de l'artère iliaque externe. Le faisceau 
vasculairé commun, artériel et veineux, descend le long de la 
cuisse, et donne d’abord à la partie antérieure du tibia un plexus, 
qui tient lieu de l'artère et de la veine iliaques circonflexes ; de son 
bord interne partent l'artère honteuse externe et une veine qui 
l'accompagne ; enfin, un peu plus bas ; le faisceau vasculaire se 
divise en deux. 

La partie la plus épaisse du faisceau , formant la continuation 
du tronc de l'artère fémorale superficielle, passe derrière le sarto- 
rius, et pénètre près de la fosse poplitée, dans une fente située 
entre les deux faisceaux, par lesquels la première tête du triceps 
s'attache au bord interne de la cuisse ; le petit faisceau de l'artère 
fémorale profonde passe le long du muscle grêle et des adduc- 
teurs. Le tronc du nerf erural est placé au côté extérieur du fais- 
ceau vasculaire, et longe le bord externe du psoas; en sorte que ce 
muscle forme, éomme d'ordinaire, la séparation entre le tronc 
nerveux et le faisceau vasculaire. Au côté interne du fais- 


116 3.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 

ceau vaseulaire il s’en détache une veine qui se contourne sur 
la crête horizontale du pubis, passe sur l’obturateur externe , et 
s'engage ensuite entre les têtes du triceps , pour reparaître plus 
bas entre le triceps et le demi-membraneux; elle se réfléchit 
alors vers le übia, et tient lieu , par conséquent , de veine saphène 
interne. Si l’on écarte les branches veineuses du faisceau vaseu- 
laire, on reconnait que le trone de l'artère crurale s’avance entre 
les branches et au milieu du faisceau vasculaire , et que de même 
les artères tibiales, antérieure et postérieure, sont indivises et 
entourées de faisceaux vasculaires. 

Pensant que cette descriplion générale du trajet des plexus vas- 
culaires ne pouvait suffire , nous avons voulu éclairer leur struc- 
ture par l'examen microscopique. Il résulte des recherches que le 
second d’entre nous a faites, que chaque ramuscule du plexus est 
entouré d’une enveloppe de tissu cellulaire, formée par l'enveloppe 
générale du faisceau vasculaire. L'acide acétique dissout presque 
tous les faisceaux de ce tissu cellulaire; il ne renferme, par consé- 
quent, que peu de fibres élastiques. 

Outre cette membrane extérieure des vaisseaux , on trouve au- 
dessous d’elle une couche de fibres transversales en dehors, et de 
fibres longitudinales en dedans, qui résistent à l’action dissolvante 
de l'acide acétique. 

I n'a pas été possible d'isoler la membrane interne des vais- 
seaux pour l'examen microscopique, et encore moins de trouver 
quelque différence de structure entre les vaisseaux artériels et les 
vaisseaux veineux du faisceau. La coupe transversale du faisceau 
tout entier a montré que l'artère, qui en oceupe le milieu, est 
entourée d’une gaine spéciale, composée de tissu connectif ou cel- 
lulaire. Elle est tout à fait isolée, et environnée par le faisceau vas- 
culaire artériel et veineux, qui forme autour d'elle une espèce 
de corps caverneux. 

Jei se terminent nos recherches récentes au sujet des plexus 
vasculaires du Bradype. Elles démontrent suffisamment que ces 
plexus appartiennent à l’espèce à laquelle J. Müller a donné le nom 
de réseaux admirables diffus ou unipolaires. Pour le moment, 
nous laisserons de côté les considérations physiologiques. Avant de 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 117 
les aborder, nous croyons qu'il est préférable de donner la description 
anatomique des plexus veineux , que nous avons découverts dans 
les Oiseaux. 


IT, Plexus veineux des membres des Oiseaux. 


Sinous nous sommes crus forcés, dans la description des plexus 
du Bradype, de céder d’abord la place à nos devanciers, nous pou- 
vons, au contraire, être très concis dans l’exposé des faits qu'il 
nous reste à examiner. Ces faits nous paraissent entièrement nou- 
veaux, car nous ne les trouvons mentionnés ni dans les fraités 
d'anatomie comparée , ni même dans les {travaux récents de Bar- 
kow (4) et de Neugebauer (2). Ce dernier a donné une description 
étendue des veines de quelques Oiseaux, dont les principaux sont : 
le Dindon, la Poule domestique, la Pie, le Canard, l'Oie, ete. I y a 
remarqué quelques plexus veineux, tels que celui qui entoure los 
carré du Dindon (rete mirabile venosum quadrato-pterygoideum) ; 
le rete mirabile venosum temporale de lOie; un plexus veineux 
autour du masséter dans le Dindon, ete. Quant aux plexus que 
nous avons observés autour des artères de l'extrémité supérieure 
ou antérieure, il n’en est rien dit, à moins que l’on ne doive inter- 
préler dans ce sens Ja phrase suivante : « in Ansere domestico et 
in Anale bosschade pars ulterior venarum profundæ radialis internæ 
etprofundæulnaris, simulcum parte priore venæ brachialis efficiunt 
rele mirabile, quo nervus etarteriæ includuntur. » Par là toutefois, 
l'auteur ne doit avoir eu en vue que les anastomoses transversales 
que nous avons trouvées aussi dans le pli du coude etdans la partie 
supérieure de l'aile d’un Canard , mais qui sont tout autre chose 
que les plexus découverts par nous , bien que, à vrai dire, elles 
en constituent le premier indice. Ce qui vient surtout à l'appui 
de notre supposition, c’est la manière dont l’auteur représente le 
réseau admirable de la veine céphalique postérieure dans le Dindon 
(pl. 36, fig. 1v, 2, 2, et 48, 18). D'ailleurs, Neugcbauer ne parait 


(4) Disquisitiones recentiores de arteriis mammalium et uvium (Nova acta Ac. 
nat, cur. XX, 609, 1844), 

(2) Systema venosum avium cum eo mammalium et imprimis hominis collatum 
(Nova actu Ac. nat. cur,, XXI, 524, 1845). 


418 s3.-L.-C. SUMRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


pas tenir compte de ce que, dans la Poule, outre les doubles veines 
profondes du radius et du cubitus , qu'il décrit et figure convena- 
blement, l'artère brachiale a aussi une double veine. Il en résulte 
qu'il ne figure pas les anastomoses transversales des deux veines 
brachiales profondes qui s'étendent sur l'artère brachiale , aussi 
bien que sur les artères radiale et cubitale, ce qui rend inexacte 
la figure Æ de la planche 41. Nous devons d’ailleurs faire remar- 
quer que le plexus veineux découvert par nous ne renferme pas le 
nerf, mais qu'il marche parallèlement avec lui. 


Oiseaux de proie. 


Depuis la découverte du plexus veineux, faite préalablement dans 
une Grue , le premier oiseau que nous pûmes examiner fut un très 
beau Condor (Sarcoramphus gryphus). I nous montra l'existence 
du plexus dans son plus grand et son plus complet développement. 
Aussi le représentons-nous, dans la planche 4, comme le véritable 
type de ce plexus. On y reconnait que l'artère radiale v et l'artère 
cubitale w naissent, dans la partie la plus élevée du bras, de la 
division de l'artère brachiale. Dès le pli du coude, autour de ces 
deux artères, on voit se produire un plexus veineux formé par les 
branches transversales des veines profondes, veines qui, au nombre 
de deux, accompagnent l'artère à la manière ordinaire. Chacune 
des artères, jusqu'à l'artère brachiale, est ainsi enfermée dans un 
réseau très serré de mailles veineuses qui, au moyen du tissu cel- 
lulaire interposé, constitue une sorte de gaine. Un réseau sem- 
blable se voit aussi autour de l'artère brachiale profonde s, et il se 
continue autour de l'artère axillaire jusqu’à l'endroit où celle-ai ; 
faisant suite à l'artère sous-clavière , s'infléchit sur la première 
côte. Là le plexus veineux se réduit à deux branches, qui abou- 
tissent à la veine sous-clavière, Une disposition remarquable, c'est 
l'existence d’un grand nombre de branches qui, à la partie supé- 
rieure du bras , se rendent du plexus dans la veine basilique w. 
Cette veine sous-cutanée est d'ailleurs sans division , et provient 
d’une branche qui suit le bord cubital de l'avant-bras. Les rapports 
de l'artère avec les plexus veineux et les parties voisines sont 
indiqués dans la figure dont nous donnons plus loin l'explication 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 119 


détaillée. 11 nous suffira de faire remarquer que les artères, avec 
l'espèce de gaine formée par le plexus veineux, longent le bord 
interne du biceps , et qu’elles sont accompagnées de la branche 
commune des nerfs médian et cubital. 

Le deuxième oiseau du même ordre que nous ayons exa- 
miné est l’Aigle de mer commun (Falco [Haliætos] albicilla), 
dont un individu, tué dernièrement à Wassenaar, a été donné, 
par le baron Gyselaar, à la Société zoologique d'Amsterdam. 
Son plexus veineux est moins étendu et plus développé que ce- 
lui du Condor, en sorte que nous pouvons le donner comme le 
type d’un plexus imparfait. L'artère radiale et l'artère cubitale 
naissent un peu au-dessus du pli du coude, et elles sont accompa- 
gnées chacune de deux veines profondes, qui les enveloppent. 
D'un côté à l’autre et à sa face supérieure de chaque artère, 
ces veines s’anastomosent par des branches transversales, dont 
quatre sont situées plus bas que le pli du coude, en travers de 
l'artère cubitale. Dans le pli même du coude, la plus forte de ces 
deux veines profondes sé rend à la basilique, et celte dernière 
veine monte, comme dans le Condor, le long du bras, sans former 
de plexus, et elle reçoit des branches du plexus veineux. La veine 
profonde , au contraire, qui se trouve au côté radial de l’artère 
cubitale, débute en formant un réseau d'abord très lâche, et dont 
les mailles, en haut du pli du coude, deviennent petites et angu- 
leuses. Le dernier réseau ainsi formé, semblable d’ailleurs à celui 
du Condor, ne s’étend que sur la face antérieure de l'artère, sans 
l'envelopper lout à fait dans une sorte de gaine. La face exté- 
rieure de l'artère est accompagnée du tronc commun des nerfs 
médian et cubital, et au côté opposé se voit une branche vei- 
neuse, dans laquelle débouchent les vaisseaux du plexus. On voit, 
en outre, environ six branches de communication entre le plexus 
veineux el la veine basilique indivise qui se trouve dans son voisi- 
nage. C'est au milieu du bras que le plexus est le plus serré, tandis 
que ses mailles sont plus larges vers le pli du coude et dans le creux 
de l’aisselle. Ici les deux veines basilique et brachiale se réunissent 
pour former l’axillaire, et celle-ci, à son tour, s’unit à Ja très 
large veine thoracique ‘externe pour donner naissance à la sous- 


120 J.-L.=C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W,. VROLIK, 


clavière. L’artère brachiale profonde est cachée, et accompagnée 
simplement par la veine brachiale profonde qui ne forme point de 
réseau. Sous ce rapport encore, le plexus est ici beaucoup moins 
développé que dans le Condor. Au bord inférieur du long prona- 
teur, on voit apparaître l’artère radiale , enveloppée de ses deux 
veines, qui ne forment point de réseau , mais qui s’anastomosent 
simplement dans le pli du coude, par des branches transversales, 
premier indice du plexus veineux sur l'artère. Ce sont les troncs des 
veines elles-mêmes qui se continuent ensuite sur l'artère brachiale. 
On remarque de plus une branche veineuse indépendante w, qui 
vient de la profondeur, en arrière des deux pronateurs, et qui, 
située d’abord en dehors, puis derrière le tendon du biceps, vient 
se jeter dans la veine basilique. 

Dans le roi des Vautours (Sarcoramphus papa) et dans l'Éper- 
vier commun (Falco nisus), nous avons observé une disposition à 
peu près semblable à l'égard du plexus veineux; mais il formait, 
dans le second de ces deux oiseaux, un réseau à très larges mailles. 
L'un de nous l’a trouvé également dans le Hibou (Striæ otus). 


Omnivores, 


Dans ce deuxième ordre d'oiseaux, nous n'avons examiné que 
deux espèces. la Pie (Corvus pica) et le Corbeau (Corvus corone). 
Nous n’y avons pas trouvé la moindre trace de plexus veineux au- 
tour des artères des ailes. IT faut ajouter, comme particularité re- 
marquable, qu'il n’y a ici qu'une seule veine profonde et très * 
grêle, tout près de l'artère, au lieu des deux qui s’y trouvent ordi- 
nairement. La simplification du système veineux est donc plus 
grande ici, que dans quelques autres espèces d'oiseaux que nous 


avons examinées. 
Grimpeurs. 


Parmi les Oiseaux grimpeurs, nous n'avons examiné que le 
Kakatoës blanc (Psittacus rosaceus). La seule trace de plexus qu'il 
présente consiste en un réseau à larges mailles ; il est situé sur la 
portion inférieure de l'artère brachiale, à l'endroit où naît l’artère 
cubitale. L'autre partie de l'artère brachiale est simplement logée 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 121 
entre deux veines profondes, qui ne sont reliées entre elles, à la 
partie supérieure et inférieure du bras, que par des branches trans- 
versales ; elles ne se ramifient plus ensuite dans le reste de leur 
trajet le long de l'artère. 


Gallinacés. 


Parmi les Gallinacés, nous n’avons examiné la disposition vascu- 
laire que dans le Coq (Gallus domesticus), le Tetrao tetrix, le 
Pigeon commun et le Dindon (Meleagris gallopavo). On trouve 
dans le Coq, à la partie supérieure du bras, un rudiment de plexus, 
qui consiste en cinq branches, dont quatre transversales grêles et 
une cinquième plus grosse ; ces branches passent de l’une à l’autre 
des veines profondes au-dessus de l'artère. Un deuxième rudiment 
de plexus, situé au milieu du bras, se compose de deux branches 
superposées qui se croisent. Enfin une branche transversale, qui 
se rend de la veine profonde externe dans la basilique, représente 
un troisième rudiment dans le pli du coude. Les veines cubitales 
profondes émettent plusieurs branches transversales au-dessus de 
l'artère du même nom qu'elles accompagnent. Dans le T'etrao et le 
Pigeon, il n’y a point de plexus véritable autour de l’artère bra- 
chiale. Cette artère ainsi que la radiale et la cubitale sont toutes 
trois accompagnées de deux veines, qui s’anastomosent avec la 
basilique. Ce n’est que vers le milieu du bras et dans le pli du coude 
que l’on observe un rudiment de plexus, dû à des branches anasto- 
motiques des deux veines, qui forment vers le milieu du bras un 
réseau isolé, composé seulement de deux grandes mailles. Une 
disposition à peu près semblable se montre dans le pli du coude, 
où les anastomoses avec la basilique sont multipliées. La disposition 
plexiforme est un peu plus développée dans le Dindon, où l’on 
voit sur l'artère de très fortes anastomoses veineuses disposées 
deux à deux, ce qui indique une véritable tendance à la forma- 
fion d’un plexus. 

Échassiers. 


Parmi les Oiseaux de cet ordre, nous avons recherché la réticu- 
lation vasculaire dans le Héron (Ardea purpurea) el dans la Grue 


4192  s.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


(Grus cinerea). L'un et l’autre offre un réseau veineux à mailles 
serrées, qui constitue en quelque sorte une tunique autour de l’ar- 
tère brachiale. 

Palmipèdes. 


Parmi les Palmipèdes que nous avons pu examiner, nous avons 
remarqué une grande variété dans la disposition vasculaire de 
leurs ailes. 

Le Canard musqué (Anas moschata) , le Cereopsis Novæ Hol- 
landiæ et l’Anser gambiensis, ne présentent d’autres traces de 
plexus que les anastomoses, disposées deux à deux, des veines 
satellites de l'artère. Il en résulte deux réseaux à larges mailles, 
situés l’un vers le milieu du bras et l’autre au pli du coude. 

Dans l’Anas nigra, la disposition réticulée est un peu plus pro- 
noncée. Elle consiste en un réseau à larges mailles, qui s'étend 
autour de l'artère brachiale, depuis l’aisselle jusqu'au pli du coude, 
et s’anastomose par un grand nombre de branches avec la veine 
basilique. Le Podiceps cristatus , au contraire, présente à la partie 
supérieure du bras, autour de l'artère brachiale a, un véritable 
réseau veineux à mailles serrées, que remplacent, à la partie infé= 
rieure , de larges mailles formées par les branches anastomotiques 
des veines satellites de l'artère. 

Le plexus se montre encore plus développé dans le Cormoran. 
On retrouve ici, dans les ramifications artérielles, la même singu- 
larité que dans le Condor; c’est-à-dire que l’artère brachiale se 
divise, dans le haut du bras, en artère radiale et cubitale. Chacune 
de ces artères est accompagnée de deux veines, qui commencent 
à former, sur le milieu du bras, un réseau à très larges mailles, 
Ce réseau, qui s'étend ensuite jusque sur l'artère brachiale, se met 
en communication avec la basilique e par une disposition déjà dé- 
crite plusieurs fois ; toutefois, il ne se continue pas jusque dans la 
cavité de l’aisselle, mais se termine un peu au-dessus de la bifur- 
cation de l’artère brachiale. 

Le plexus veineux est remarquable aussi dans la Mouette à tête 
noire (Larus ridibundus). I est dû, comme à l'ordinaire, à deux 
veines profondes, qui marchent le long de artère cubitale, et 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS YASCULAIRES. 123 
reçoit ensuite les deux veines satellites de l'artère radiale. Ses 
mailles sont si rapprochées, et il s'étend si loin sur le trajet de l’ar- 
tère, qu'il semble former autour d'elle un fourreau complet. 

Dans le Cygne domestique (Cygnus olor), le plexus veineux 
commence un peu au-dessous de la portion tendineuse du bi- 
ceps, et se continue jusque dans l’aisselle où il débouche dans 
la veine axillaire, au même endroit que la veine basilique. La 
portion de l'artère qu'entoure le plexus est si rapprochée du 
bord interne de la portion charnue du biceps, qu’elle est cachée 
en partie par ce muscle. La partie inférieure de cette même ar- 
tère est couverte plus complétement encore par le tendon du 
biceps ; on n’y voit plus de plexus, mais bien les deux veines pro- 
fondes qui montrent en haut seulement quelques traces de plexus, 
eten bas ne communiquent que par des branches transversales. 

Tel est jusqu’à présent l'état de nos recherches concernant la 
disposition remarquable des plexus veineux de l'extrémité anté- 
rieure des Oiseaux. En les résumant brièvement, on voit que nous 
avons trouvé le plexus veineux observé par nous autour de l'artère 
brachiale, et quelquefois aussi autour de ses divisions, dans cinq 
espèces d'Oiseaux de proie : le Condor, la Pygargue, le roi des Vau- 
tours, l'Épervier et le Hibou; dans deux espèces d'Échassiers, le 
Héron et la Grue; et enfin, dans cinq espèces de Palmipèdes, le 
Podiceps cristatus, le Carbo cormoranus. le Larus ridibundus, le 
Cygnus olor et V Anas nigra. 

Nous avons cru devoir examiner aussi, dans quelques-uns des 
Oiseaux déjà cités, la disposition vasculaire de l'extrémité infé- 
rieure, et nous avons choisi le Condor, le Podiceps cristatus, le 
Carbo cormoranus et le Larus ridibundus. Dans le Condor, les 
vaisseaux et le nerf de la cuisse passent par le trou obturateur, au 
lieu de se rendre sur la branche horizontale du pubis. De l'artère 
poplitée nait l’artère tibiale antérieure, qui passe directement sous 
la tête du tibia, au travers du ligament interosseux , et se distribue 
à la face antérieure de cet os. Elle est accompagnée de deux veines, 
dont les anastomoses transversales forment un plexus incomplet 
sur la face antérieure du trajet de l’artère, L’extrémité intérieure 
du Podiceps cristatus ne nous a pas offert la moindre trace de 


AÂ24  s3.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


plexus veineux ; toutefois, le retour du sang veineux paraît se pro- 
duire d’une manière remarquable, car il y a là trois grosses 
branches veineuses qui débouchent dans la veine crurale. Encore 
moins trouvâmes-nous de plexus dans le Larus ridibundus ; mais 
il en fut tout autrement dans le Carbo cormoranus. Dans cet Oiseau 
remarquable, l'artère tibiale antérieure est enveloppée d’un plexus 
veineux, dont la partie supérieure seule forme un réseau ; la partie 
inférieure ne se compose que de petites branches grêles, paral- 
lèles, et réunies çà et 1 par des branches transversales. Le nerf, 
l'artère et le plexus veineux, sont recouverts par le tibial antérieur 
et par l’extenseur commun des doigts, dont les tendons sont réuni 
par un cordon ligamenteux propre, au travers duquel passent aussi 
l'artère et son plexus. Le plexus et l'artère sont donc comprimés 
par le tendon. Le plexus repose sur l'articulation du farse , ainsi 
que sur la face antérieure du métatarse. A l'endroit où l'artère 
üibiale antérieure, faisant suite à l'artère poplitée, passe au tra- 
vers du ligament interosseux, le plexus veineux est réduit à une 
branche courte que l’on retrouve à la face postérieure du tibia. Le 
vaisseau qui provient de cette branche s'étend jusqu'au genou, le 
long de l’artère de cette partie, pour s'ouvrir dans la veine crurale, 
à peu près à l'endroit où l'artère libiale antérieure nait de l'artère 
popiitée, entre les chefs du gastrocnémien. C’est donc une dispo- 
sition toute spéciale que celle par laquelle un vaisseau veineux, un 
vaisseau artériel et un tronc nerveux, sortent au travers d’un cor- 
don ligamenteux de l'extrémité inférieure du gastrocnémien. Nous 
avons trouvé dans le Cygnus olor un plexus tout à fait sem- 
blable (fig. 3). Si l'on rejette le tibial antérieur a et l’extenseur com- 
mun des doigts b sur le bord du tibia , et le péronier c sur le bord 
du péroné, on reconnait que ces muscles recouvrent un réseau 
veineux à larges mailles e, dans lequel se trouve enveloppée 
l'artère tibiale antérieure, comme dans une véritable gaine. Au 
milieu de la jambe, ce réseau se divise en deux parties, dont l’une 
forme une rétieulation plus che autour de l'artère, et descend 
jusqu'à l'articulation du tarse ; l’autre partie, située plus en de- 
dans, fournit des branches plus grêles, plus droites et moins 
entrelacées, aux artères qui se répandent dans les muscles. De son! 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 195 


côlé, l'artère, avec une partie du plexus veineux et les tendons du 
tibial antérieur et de l’extenseur commun des doigts, passe sous le 
ligament transversal, et reparait ensuite, au côté interne du 
tendon du tibial antérieur, dégagée du plexus. Elle n’est plus 
accompagnée alors que d’un simple cordon vasculaire, et elle s’in- 
fléchit sous le tendon du tibial antérieur pour se porter au pied, en 
longeant le métatarse et la partie extérieure du tendon de l’exten- 
seur commun des doigts. A la face antérieure de l'articulation in- 
terne du übia, on voit s’infléchir la veine , à laquelle Neugebauer 
donne le nom de Fena metatarsea interna seu magna. Elle con- 
stitue, à la face interne du métatarse, une veine cutanée qui se 
rend au tibia, et devient, en passant à la face postérieure de cet 
os, la veine tibiale postérieure h. Il s’en détache une branche 
anastomotique, qui se rend dans la veine tbiale antérieure, en 
passant surJe tendon de l’extenseur commun. De semblables plexus 
vasculaires des membres inférieurs ont été décrits précédemment 
dans les Gallinacés (par exemple, dans le Coq, le T'etrao et le Din- 
don) et dans les Palmipèdes (par exemple, dans le Cygne et l'Oie), 
par Cuvier, Van der Boon-Mesch, Rapp, Tiedemann et par l’un de 
nous (4), et l’un de nous vient encore de les découvrir dans le 
Cereopsis Novæ Hollandiæ. On les a regardés toutefois comme 
des plexus artériels; mais il est évident, pour ne parler que du 
Carbo cormoranus, du Cereopsis Novæ Hollandiæ et du Cygne, 
qu'il existe aussi là un réseau veineux. 

Si nous examinons comme il convient cet ensemble de faits , il 
est évident que nous avons fait connaître deux sortes de plexus 
vasculaires. Les uns se composent à la fois de veines et d’artères , 
les autres de veines seulement. On observe dans tous cette parti- 
cularité remarquable, que les veines sont dépourvues de valvules, 
etque, par conséquent, on peut les injecter par le tronc , comme 
le démontrent nos préparations. La description anatomique se 
frouve maintenant, nous l’espérons, développée d’une manière 
suffisante, et nous avons fait en sorte de perfectionner ce qui 
laissait à désirer dans les descriptions antérieures, S'il nous eût 

(4) W. Vrolik, Disquisitio peculiari arteriarum extremitatum, elc, Amstel. 
1826. 


196 s.-L.-C. SCHRŒDER YAN DER KOLK ET W. VROLIK, 


élé possible, en même temps, de jeter quelque lumière sur la des: 
tination physiologique des plexus vasculaires, certes ce progrès de 
la science anatomique eût été pour nous doublement agréable. 
Mais à mesure que nos connaissances sur la structure des animaux 
s’augmentent, nous voyons en même femps que nous marchons 
trop vite dans nos spéculations téléologiques. Le second d’entre 
nous S'en accuse lui-même tout d’abord, et il pense mériter d’au- 
tant mieux ce reproche qu'il n’a pas encore pu, en 1844, s’affran- 
chir entièrement de l'interprétation inexacte que tant d’années 
auparavant il avait publiée à ce sujet. Cette interprétation répose 
sur des données mécaniques. Les plexus vasculaires auraient pour 
effet, dans le Bradypus, le Stenops, le Tarsius et le Myrmecophaga, 
de ralentir le cours du sang qui se porte dans les musclés; d’où 
s’expliqueraient les mouvements si lents, mais én même temps si 
prolongés, de la contraction musculaire. En outre, le-danger de 
la compression des vaisseaux, par la tension des muscles où par 
les branches des arbres, se trouverait ainsi écarté. 

Ce fut avec raison que von Baer s'éleva contre l’inexactitudée et 
contre la partie toute mécanique de cette explication ; ét nous 
devons reconnaître que , depuis que nous voyons les veinés aussi 
former des plexus, et depuis que nous connaissons ces plexus dans 
tant d’autres animaux, elle nous paraît inadmissible. Toutefois, 
nous n’entendons pas pour cela être forcés d'accepter l'explication 
singulière et difficile à saisir de von Baer, qui pense que la cause dés 
plexus vasculaires réside dans la conformation dés parties, et que, 
moins celle-ci est parfaite, plus doit être grande la tendancé des 
artères à se partager en branches plexiformes. Entre les plexus êt 
la disposition imparfaite des membres du Bradypus et autres ani: 
maux, il doit y avoir, par conséquent, un rapport déterminé. 2 
Cette explication, dont on à peine à se rendre compté, a déjà été 
combattue par Barkow avec tant de justesse, que nous n'avons 
pas besoin de nous arrêter à la réfuter. 

Avant d'aborder la recherche plus directe du but de ces plexus 
vasculaires, il ne sera peut-être pas inutile de passer en revue ceux 
que l’on connait aujourd’hui chez les animaux, et auxquels on a 
donné en général le nom de réseaux admirables. 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASOULAIRES. 127 


Les plexus des artères cérébrales ont été décrits par Stannius 
dans le Marsouin (1) ; par Otto et Cuvier dans le Bœuf (2); ceux 
de l'artère ophthalmique, par Otto et Carus, dans le Chat (3); 
ceux de l'artère cœliaque, dans les T'hymnus, Alopias, Lamna, 
par Barth, Müller et Eschricht (4); ceux des pseudo-branchies 
et de la vessie natatoire des Poissons, par Müller (5); ceux des 
vaisseaux intercostaux, des vaisseaux de la queue , de la cavité 
abdominale et autres, dans les Cétacés, par Breschet (6) et von 
Baer (7); ceux des veines du bassin dans les Phoques, par Bu- 
row (8) ; ceux des vaisseaux des glandes de la joue dans l’Éléphant, 
par Otto et Carus (9); ceux des vaisseaux des membres dans les 
genres Bradypus, Myrmecophaga, Stenops, T'arsius, Dasypus(10), 
les Oiseaux gallinacés et palmipèdes , par Carlisle, Gaimard, 
W. Vrolik, Schræder van der Kolk, von Baer, J.-F. Meckel, 
FE. Tiedemann, Rapp, Allman (11), Burmeister ; ceux des vaisseaux 
de l'Ornithorhynque, par Carus (42); ceux des vaisseaux des mem- 
bres dans les Myrmecophaga jubata et tamandua , dans le Pore, le 
Morse , le Lamantin et le Delphinus phocana , par Barkow (13) et 


{1) Muller's Archiv., 1841, 379. 

(2) Erlaeuter. Taf., t. VI, p. 2. 

(3) Z6., t. VIX, fig. 4. 

(%) Barth, De retibus mirabilibus, Berolini, 1837. — Eschricht and Muller 
(Thymnus vulgaris), Physik Abhandl. der Akad. zu Berlin fuer 1835, Berlin, 
4837. — Muller, ib., fuer 4839, Berlin, 4841, 271. 

(5) 1b., 243. 

(6) Ann. des sc. nat., 2° série, IL , 376. 

(7) Nova acta Acad. nat. cur., XVII, 395. 

(8) Muller's Archiv., 1838, 230. 

(9) Erlueuter. Taf., L. VIN, p. 3. 

(10) Récemment encore, l'un de nous a trouvé dans le Dasypus un plexus arté- 
riel et veineux, partant de l'artère et de la veine iliaques externes, et dont les 
branches se rendent en ligne droite sur le pubis, pour arriver aux muscles droits 
de l'abdomen. Les branches veineuses sont très grosses, les artérielles grêles ; elles 
ne forment , pour ainsi dire, pas de réseau. 

(1 1) Note sur certaines particularités du système vasculaire de l'Armandillo à 
si bandes (L'Institut, 4844, 118, n° 536). 

(1 2) England und Schotland im Jahre 1844, p. 120. 

(43) Nova acta Ac, nat, cur., XX, L. 28, p. 2. 


198 3.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 
von Baer (1); ceux de l'artère et de la veine mésentériques supé- 
rieures du Pore, par Gurlt (9). 

Dans toutes ces observations on s’est occupé des plexus vaseu- 
laires, tant artériels que veineux. Si l’on prête maintenant attention 
à ce fait, que ces réseaux appelés admirables ont été observés dans 
tant d'êtres organisés différents, dans des parties du corps Si 
diverses, et dans des animaux d’une nature si variée , il paraîtra 
évident que leurs usages ne peuvent être aussi exclusivement mé- 
caniques qu'on l'avait pensé jusqu’à présent. Que le cours du sang 
en soit ralenti, on ne saurait, comme Henle le fait remarquer avec 
raison (3), méconnaître ce résultat. Le passage du sang, en effet, 
dans un aussi grand nombre de vaisseaux, doit se faire plus lente- 
ment, ne füt-ce que par suite de l'augmentation du frottement. 
C’est ainsi que fonctionnent les réseaux admirables dans les cor- 
puseules de Malpighi des reins, et ceux des amas vasculaires glan- 
duliformes que l’on nomme glandes carotidiennes dans les Gre- 
nouilles, glandes choroïdiennes dans les Poissons, etc. Si cette 
interprétation est exacte, les réseaux doivent fournir plus abon- 
danment à l'échange des matériaux nutritifs, ce que rend très vrai- 
semblable l'existence des vaisseaux veineux dans ces réseaux. Des 
courants artériels et veineux longtemps en présence, et séparés 
seulement par des membranes minces, ne peuvent que produire 
cet échange. ILse passe 1à quelque chose d’à peu près semblable à ce 
qui à lieu dans le placenta, entre les vaisseaux de la mère et ceux du 
fœtus. C’est ainsi que les réseaux admirables, comme le démontrent 
suffisamment les exemples déjà cités, se rencontrent surtout là où 
l'échange des matériaux est le plus nécessaire. Nulle part peut- 
ètre cela n’est plas évident que dans le beau plexus que for- 
ment, dans le mésentère du Cochon, les artères et les veines. Dans 


(1) Mém. présentés à l'Ac. de Saint-Pétersbourg, IT, 199, 1835. 

(2) Anat. Abbild. der Haussauegethiere , t. 145, p. 1. — L'auteur le plus 
ancien pour les plexus vasculaires est J.-C. Peyer, De rete mirabili cerebri, 
ejusque descriplione el usu (Miscell. Ac. nat. cur., D. 2, ann. 5, 355, 1686). — 
Ce serait encore le cas de citer ici une dissertation qui ne nous est connue que 
de nom, par A.-G. Fræling, De retibus mirubilibus, Berolini, 1842. 

(3) Allgem. Anat , Leipzig, 4481, p. 533, etc. 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES. 4129 


ce cas, les branches qui proviennent des troncs constituent immé- 
diatement un réseau très fin, étroitement entrelacé , large et bien 
développé, qui, plus loin, se transforme en vaisseaux parallèles 
pour se porter vers les intestins. Des lymphatiques paraissent 
encore traverser ce réseau , et ce n’est pas là, à coup sûr, une 
circonstance insignifiante pour l'échange des matériaux. Dans le 
Bradype, il y a pourtant encore un autre usage à assigner aux 
plexus vasculaires. Lorsqu'on examine le mode d'insertion des 
muscles des membres, et qu'on le compare avec la disposition 
générale de ces membres, on ne saurait méconnaître, comme l’un 
de nous se propose de le démontrer prochainement dans une myo- 
logie comparée du Bradype, un emploi si avantageux de tous les 
moyens mécaniques, qu'il n’exige qu'une faible dépense de forces, 
pendant cette longue suspension par les membres, le dos en bas, 
qui est habituelle à cet animal. Quoi qu'il en soit, il paraît certain, 
que la durée des contractions musculaires exige quelque disposition 
protectrice, pour contrebalancer l'obstacle qu'oppose au cours du 
sang la compression prolongée des muscles. L'un de nous a émis 
précédemment l'idée que nous adoptons volontiers aujourd'hui, 
savoir : que les plexus vasculaires du Bradype, en maintenant le 
cours du sang libre et indépendant de la compression , s’oppose- 
raient à cet état d'engourdissement, suivi d’impuissance , que l’on 
observe dans les muscles de l’homme, alors qu'ils sont restés long- 
temps dans une immobilité soutenue.— On pourrait peut-être, et 
cela a déjà été fait, nous opposer l'exemple des Chevaux, qui res- 
tent toute la journée debout sur leurs membres, sans qu’une dispo- 
sition particulière des vaisseaux sanguins nous en fournisse l’expli- 
calion. Cependant , si nous ne nous trompons pas, cetle objection 
a peu de valeur. La station des Chevaux n’est pour eux autre 
chose, jusqu'à un certain point, qu'un moyen incomplet de repos ; 
s'ils veulent se reposer complétement, ilsse couchent en s'étendant 
sur le sol. Qui ne sait d’ailleurs que le Cheval, mêmele plus patient, 
agite continuellement ses pieds , ranimant ainsi involontairement 
la circulation , qui se ralentit dans ses membres. Ce qu'on appelle 
son immobilité est donc tout autre chose que la suspension, pendant 
des heures entières, du Bradype, au moyen de ses membres. Il 
4" série. Zooz. T, V. (Cahier n° 3.) ! 9 


430 s.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


fallait done, dans les vaisseaux de ce dernier, une disposition 
protectrice qui n’est pas exigée chez le Cheval. 

Ici se terminent nos considérations au sujet des plexus à la fois 
artériels et veineux. Il est peut-être plus difficile encore d'expliquer 
l'usage des plexus simplement veineux ; cependant, si nous consi- 
dérons ceux qui existent dans les Oiseaux, et la place qu'ils occu- 
pent dans ces animaux, nous les trouvons partout formés par les 
veincs brachiales, à l'endroit où ces veines, accompagnées de 
l'artère brachiale, passent sous le muscle biceps. Au contraire, la 
veine basilique, située librement en dehors, ne forme jamais de 
plexus. L'existence du plexus vasculaire, dans les seules veines 
qui sont situées profondément et qui sont comprimées par les 
muscles voisins, est un fait trop frappant pour qu’on n’en tienne 
pas comple. Déjà même l'indication n’en existe-t-elle pas dans 
l'Homme , où pareillement la veine basilique est toujours simple , 
tandis que les veines profondes sont doubles et liées par des 
anastomoses ? C’est une opinion généralement adoptée que la com- 
pression alternative exercée par les muscles se fait sentir sur ces 
veines, et accélère la circulation. On peuten avoir la preuve dans 
la saignée, lors des mouvements alternatifs d'extension et de 
flexion des doigts. — Les muscles sont-ils, au contraire, maintenus 
dans un relàchement prolongé, la circulalion se ralentit alors, 
comme on peut s’en convaincre dans Ja saignée, en laissant immo- 
biles les doigts écartés. Appliquons maintenant aux plexus veineux 
des Oiseaux cette donnée, d’après laquelle la compression alterna- 
tive des muscles accélère le mouvement du sang dans les veines, 
tandis que la contraction persistante le ralentit; nous voyons que 
ces plexus sont toujours situés contre le biceps, et comprimés par 
ses contractions. L'un de nous a même cru remarquer que, dans 
les Oiseaux où il n’y a pas de plexus , les veines brachiales sont 
plus libres, et moins en contact avec le biceps. Peut-être même 
est-ce là la raison pour laquelle il n’y a, dans la Pie et dans le Cor- 
beau, qu’une seule veine brachiale profonde. 

C’est dans les Oiseaux qui volent haut et longtemps que nous 
avons trouvé le plexus veineux de l'extrémité antérieure le plus 
complétement développé. Plus l'aile est grande, plus la force 


RECHERCHES SUR LES PBEXUS VASCULAIRES. 131 


musculaire est nécessaire ; et plus aussi il doit se rendre de sang 
aux muscles. Le retour du sang veineux doit nécessairement suivre 
la même loi, ce qui nécessite chez ces Oiseaux la présence de gros 
troncs veineux. Ceux-ci comprimés alors par la contraction pro- 
longée des muscles, le cours du sang veineux serait suspendu. 
Pour obvier à cet inconvénient, il se forme des voies nouvelles, 
par une cause à peu près semblable à celle de la circulation colla- 
térale, après la ligature de quelque gros tronc artériel, De là aussi 
l'utilité évidente des anastomoses transversales , lorsqu'il n'existe 
pas de plexus, et encore de la duplication des veines profondes 
dans presque tous les Oiseaux. 

Dans les veines cutanées, de même que daas la basilique, qui ne 
peuvent être comprimées par les muscles, il n'existe pas de plexus. 
Ce fait démontre suffisamment le lien qui existe entre l’action 
musculaire et la présence d’un plexus. À quoi il faut ajouter encore 
que les valvules manquent dans les veines des plexus, ce qui parait 
avoir lieu dans tous les cas. L'Homme lui-même n'a pas de val- 
vules dans le plexus veineux de ses muscles ptérygoïdiens (2). 
Cette absence de valvules est une cause de plus qui rend le plexus 
nécessaire ; par le défaut de valvules , le cours du sang dans les 
veines eût été plus facilement suspendu, si un passage assuré ne 
lui était livré par un plexus. 

La valeur de notre hypothèse, à l'égard du rôle que joue le 
plexus veineux en rendant libre le cours du sang, qui pourrait 
être suspendu par la compression musculaire , s’aceroit beaucoup 
par la remarque suivante : Les plexus, ainsi que le montrent toutes 
nos figures, sont plus développés là où les contractions du muscle 
exercent leur pression : c'est-à-dire vers la portion fibreuse. En 
outre, dans certains Oiseaux, il existe un plexus veineux aux 
membres inférieurs. Le plexus est couvert, dans ce cas, par le 


(1) Ce plexus à été examiné attentivement par l'un de nous; il est situé au 
milieu des muscles ptérygoïdiens, et se compose de mailles oblongues et placées 
en Lravers, qui ne sont pas très différentes do celles que nous avons figurées 
dans l'Aigle de mer (Falco albicilla), — Breschèt en a donné une très bonne 
figure dans son ouvrage inachevé, Recherches sur le système veineux, 3° livrai- 
son, pl. 3, M, 


132 3.-L.-C. SCHRŒDER VAN DER KOLK ET W. VROLIK. 


muscle très fort appelé fibial antérieur , et par son tendon. S'il se 
fût trouvé là une simple veine , au lieu d’un plexus, elle eût été 
certainement comprimée entre le tibia et le muscle, et par suite le 
passage du sang veineux eût été empêché. 

Quel que soit le mérite de cette hypothèse, le fait anatomique 
n'en restera pas moins important, Nous espérons avoir servi la 
science en le publiant. 


; EXPLICATION DES FIGURES (1). 
PLANCHE /. 


Cettefigure 4 représente unepartiede l'aile droite du Condor, préparée pour mon- 
trer le système veineux, qui s’appliqueen manière de gaine autour des artères. Les 
vaisseaux, les nerfs et les muscles sont mis à nu, pour faire voir ce lacis vascu- 
laire. — a, portion brachiale du grand pectoral rejetée en dehors ; b, muscle 
biceps ; e, muscle triceps ; d, union du grand dorsal avec le triceps ; f, exten- 
seur long radial du métacarpe; g, long fléchisseur postérieur et supérieur; à, 
court fléchisseur antérieur et supérieur; {, long palmaire; m, muscle cubital 
interne; 0, tronc commun du nerf médian et du nerf cubital p. — En gq se 
montre le plexus veineux, qui entoure l'artère axillaire de manière à la cacher 
complétement; ce n'est qu'entre les mailles du plexus qu'on aperçoit les parois de 
l'artère, En r la même disposition autour de l'artère brachiale. En s l'artère bra- 
chiale profonde, entourée de son plexus veineux, cachant le nerf radial t. On 
voit en « et v que la division de l'artère bracbiale en artères radiale v et cubi- 
tale u se fait très haut dans le bras. Ces deux artères sont entourées de plexus 
veineux et ne s'en dégagent que dans le pli du coude, ainsi qu'on le voit en y 
pour l'artère cubitale, qui n'est plus accompagnée ici que de ses deux veines 
profondes. En w se voit la veine basilique, qui s'anastomose par des branches 
nombreuses avec le plexus veineux, autour des artères, et recoit en æ la veine 
cutanée de Ja portion extérieure du bras. 


Fig. 4,— Extrémité supérieure gauche du Bradypus tridactylus, dans laquelle les 
vaisseaux injectés sont mis à nu, dans leurs rapports avec les parties voisines, 
afin de faire voir le plexus vasculaire, qui se compose à la fois de l'artère 
e! de la veine. Dans le creux de l’aisselle sont situés, les uns adossés aux 
autres, le plexus nerveux a, l'artère axillaire b et la veine axillaire c, la veine 


(1) Le mémoire hollandais est accompagné de quatre planches, dont nous 
reproduisons ici les figures les plus importantes; les autres se rapportent à l'aile 
du Falco albicilla, du Corbo cormoranus, du Podiceps crislalus, de l'Anas 
nigra, du Corvus pica, ete, 


RECHERCHES SUR LES PLEXUS VASCULAIRES, 133 


c en avant, l'artère b en arrière, et derrière celle-ci encore le plexus nerveux 
brachial. On voit que l'artère, dès son origine, se divise en une infinité de 
branches grêles, qui forment un plexus autour duquel s'applique, comme une 
sorte de gaîne, le plexus veineux ; ce dernier débouche ensuite par des bran- 
ches plus fortes, dans la veine axillaire. Entre deux branches veineuses, il 
semble qu'il y ait chaque fois une petite branche artérielle. On voit, 
en outre, le prolongement tout à fait distinct de l'artère, en d. Il est placé 
superfciellement dans un sillon du faisceau vasculaire et pénètre de nouveau 
dans le faisceau, au-dessus de l'articulation interne de l'humérus. Sur le côté 
extérieur du faisceau vasculaire passe le nerf médian e, et, sur le côté inté- 
rieur, le nerf cubital f. Autour du côté antérieur ou extérieur de l'omoplate 
s'applique un faisceau vasculaire g, composé aussi de branches artérielles et 
veineuses, qui tient lieu d'artère et de veine circonflexe de l'omoplate. — 
a, plexus nerveux brachial ; b, artère axillaire; e, veine axillaire; d, prolonge- 
ment du tronc de l'artère brachiale, situé superfciellement dans un sillon 
du faisceau vasculaire, où il pénètre à la partie inférieure; e, nerf médian ; f, 
nerf cubital ; g, faisceau artériel et veineux, qui remplace l'artère et la veine 
circonflexe de l'omoplate. 

Fic. 2. — Jambe droite du cygne domestique, pour faire voir que l'artère tibiale, 
fort courte, est environnée d'un plexus veineux formé d'un lacis vasculaire à 
larges mailles. Pour montrer plus clairement cette disposition, on a écarté le 
tibial antérieur a, l'extenseur commun des doigts b, le péronien c et le chef 
interne du gastrocnémien d. On met ainsi à nu le plexus veineux e, entre les 
mailles duquel on aperçoit l'artère tibiale antérieure. Le plexus passe avec 
l'artère au-dessous du ligament transverse i, et plus bas, à la surface anté- 
rieure du métatarse, on voit paraître l'artère tibiale f tout à fait libre. Auprès 
d'elle se trouve la veine interne du métatarse g, qui devient en À la veine 
tibiale postérieure. 


RECHERCHES 


SUR LA 


VOIE PAR LAQUELLE DE PETITS CORPUSCULES SOLIDES 


PASSENT DE L’INTESTIN DANS L'INTÉRIEUR DES VAISSEAUX CHYLIFÈRES 
ET SANGUINS, 


Par M. Ferdinand MARFELS (1). 


Dans ce moment où les savants se préoccupent à juste titre de 
la résorption de la graisse et attendent une théorie exacte de ce 
phénomène, la publication de ces expériences et de ces recherches, 
faites par Moleschott et par nous, pourra avoir quelque intérêt en 
appuyant la théorie de MM. Gruby et Delafond ; théorie que notre 
savant physiologiste Brücke a accepté et éclairci de ses lumineuses 
observations. 

L'absorption de la graisse , sur laquelle on a déjà fait de nom- 
breuses recherches, n’est pas encore tout à fait bien connue. On 
croyait autrefois que des matières solubles entraient seules dans 
les voies chylifères et sanguines ; mais aujourd’hui une pareille 
opinion n’est plus admissible. La présence des molécules de graisse 
dans les cellules épithéliques des villosités qui a été microsco- 
piquement observée , prouve l'existence d’un autre mode d’ab- 
sorption, qui jusqu’à présent n'a pas encore été bien éclairei. 

Divers travaux distingués ont été publiés dans ces derniers 
temps, et même il y a peu de jours, pour expliquer le passage de la 
graisse dans les cellules des villosités, et les débats sur cette ques- 
lion durent encore : Adhuc sub judice lis est. 

On l’a dit souvent, la nature procède toujours avec la plus 
grande simplicité ; cette opération du passage de Ja graisse en est 


(1) L'auteur se propose de publier prochainement ce mémoire en allemand. 
Un extrait en a été inséré dans le Journal hebdomadaire de médecine de Vienne, 
en décembre 1854. — Voyez aussi une note sur le même sujet publiée par 
MM. Marfels et Moleschott dans le Compte rendu de l'Académie des sciences, 4854, 
t. XXXIX, p. 4173. 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 135 


une nouvelle preuve, comme nous allons le démontrer dans ce 
travail. 

Avant d'exposer les résultats de nos recherches , nous rappelle- 
rons les travaux antérieurs qui servent de point de départ au nôtre. 

En 1843, Herbst (1) croyait avoir prouvé par ses recherches que 
des molécules de lait et de farine d’amidon pouvaient se trouver 
dans le chyle, et être portées avec le chyle dans le sang. I fit plu- 
sieurs expériences sur des petits Chiens non encore sevrés aux- 
quels il avait lié le canal thoracique ; et par un examen microsco- 
pique minutieux , il crut apercevoir des molécules de lait dans le 
chyle. Il voulut aussi constater leur présence dans le sang de la 
veine jugulaire et de la veine cave. Cette preuve, qu'il croyait 
avoir donnée de la présence des molécules de lait, il chercha aussi 
à l'obtenir pour la farine d’amidon, tant mieroscopiquement qu'à 
l'aide de réactions. I introduisit à l’aide d’une seringue, dans l’esto- 
mac de plusieurs Chiens, de la farine d’amidon délayée dans de 
l'eau; et après avoir tué les Chiens il lia le canal thoracique, et en 
observa microscopiquement le contenu. Il y trouva : « quelques 
agglomérations de molécules transparentes, avec une enveloppe 
obscure, qui se distinguaient des molécules de lymphe par leur 
grosseur et leur enveloppe obscure. Et leur apparence, ajoute-t-il, 
était si différente de celle des molécules de lymphe, que je crus 
devoir les prendre pour des molécules d'amidon. » Herbst prit aussi 
du sang de l'oreillette droite du cœur, le versa dans un verre, et 
lit des réactions avec de la teinture d’iode. Il avait mêlé un peu 
d’eau au liquide sanguin, et quand le mélange se produisit, on vit 
des nuages bleuâtres y apparaitre. Cependant il ne se forma aucun 
dépôt. I obtint également un nuage bleuâtre en versant de la 
teinture d'iode sur le chyle. 

Les nombreuses recherches consignées dans le traité de Herbst 
ont été faites avec le plus grand soin; elles ne démontrent pas 
cependant, d'une manière irréfutable , le passage des molécules de 
lait et d'amidon par les canaux lymphatiques et sanguins. Si t'on 
remarque, en effet, avec quelle facilité les molécules de graisse, 

(4) G. Herbst. Das Lymphgefäszsystem und seine Verrichtungen (le système 
lymphatique et ses opérations), Gættingue, 4844, p. 470, 336, 


136 F, MARFELS, 


entourées d’une enveloppe albumineuse, peuvent présenter l’appa- 
rence des globules de lait, sans qu’on ait aucun moyen sûr de 
les en distinguer, on conviendra qu'il est difficile de se servir de 
ces globules pour démontrer le mode de passage de la graisse. 
On sera encore plus éloigné de s’en servir quand nous aurons dit 
que , chez des Grenouilles nourries avec du sang de Brebis , nous 
avons plusieurs fois trouvé dans le sang des molécules de graissede 
toutes les grandeurs, qu'il élait impossible de distinguer des 
globules de lait. La résorption des molécules de farine d’amidon 
n'est pas prouvée davantage par les recherches de Herbst; car les 
nuages bleuâtres, qui se produisent par la réaction de la teinture 
d'iode, ne peuvent, dans un liquide aussi composé que le sang, 
servir de preuve irréfutable de la présence de ces molécules. 

Quoique ces recherches de Herbst n'eussent point abouti à une 
preuve définitive du passage des molécules insolubles dans les 
canaux chylifères et sanguins, cependant elles avaient soulevé une 
question jusqu'alors laissée de côté, et elles ouvraient une voie 
dans laquelle les esprits investigateurs allaient le suivre. Nous 
verrons plus loin que le passage des molécules de farine d’amidon 
a été prouvé par Donders et Mensonides ; cependant je crois que 
l'on doit attribuer à Herbst le premier mérite de cette découverte. 
C’est lui qui s’en est occupé le premier, et dans son Traité on peut 
lire ce passage : « Le nombre des matières qui peuvent être absor- 
» bées est considérable. Qu’elles doivent être entièrement liquides, 
» sans contenir aucune espèce de molécules insolubles, c’est ce 
» qui n’est ni prouvé, ni vrai, comme je l'ai montré par mes obser- 
» vations précédentes. L'entrée de nombreuses molécules de lait, 
» et d’autres de différentes grosseurs , dans les canaux chylifères 
» du duodénum, prouve le contraire avec une évidence irrésistible. 
» La limite de ce pouvoir d'absorption n’est pas encore connue , 
» mais des molécules , plus grosses que les corpuscules de sang , 
» peuvent être absorbées. » Ces paroles sont une savante prévision 
dés vérités que je prouverai dans ce Mémoire. 

Deux ans plus tard OEsterlen (1), qui n'avait probablement pas con- 


(1) Docteur OEsterlen, dans les Annales de Henle et Pfeufer pour la méde- 
cine rationnelle, &. V, p. #34 (Zeitschrift für rationelle Medicin). 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 137 


naissance des travaux de Herbst, chercha à démontrer le passage 
de matières insolubles des intestins dans le sang. Au commence- 
ment de son ouvrage, il demande pardon de son audace de croire 
à la possibilité de ce passage , tant était grande la puissance des 
principes qui jusque-là régnaient dans la science. Disons comment 
il a été conduit à faire des recherches, cédons-lui la parole : « Il 
existe de nombreux faits physiologiques et pathologiques qui ne 
peuvent pas être ramenés aux principes actuels, et qu'il est néces- 
saire de rapporter à un {out autre système. » S'appuyant sur ces 
faits, il cherche à prouver la possibilité du passage dans le chyle , 
et dans le sang de matières insolubles sans déchirement du tissu 
intestinal et des vaisseaux. Après avoir frictionné plusieurs ani- 
maux avec de l’onguent mercuriel, il trouva constamment dans 
leur sang des molécules de mercure. Il prit cinq Lapins, un petit 
Chat et deux jeunes Coqs, et les nourrit pendant cinq à six jours 
avec du charbon réduit en une poussière aussi fine que possible , 
et délayée dans de l’eau. Les premiers sujets en prirent envi- 
ron une once, les derniers un peu moins. Ces animaux tués , il 
ouvrit avec le plus grand soin quelques veines du mésentère , et 
retira avec la pointe du scalpel un goutte de sang qu'il posa sur 
un verre objectif, de la propreté duquel il s’était d’abord assuré. 
Il y découvrit chaque fois des molécules de charbon parfaitement 
identiques avec celles dont il avait nourri les animaux sans qu’elles 
fussent toutefois en grande quantité. Les La qui étaient 
les plus nombreuses, avaient seulement de 4 à == de ” de dia- 
mètre ; d’autres encore, en assez grand nombre, avaient de + à 
+ de longueur : Hi; tuées: unes avaient 
même de + à £ de” et plis de longueur, et étaient presque aussi 
larges que Loges: ; d’autres étaient aiguës et triangulaires ; plu- 
sieurs enfin avaient l'apparence de prismes allongés, se terminant 
obliquement en pointes, en fourches, en aiguilles ou en excrois- 
sances courbes. IT trouva des molécules en assez grande quantité 
dans le sang de veine porte, ainsi que dans le coagulum du ven- 
ticule droit du cœur, dans le foie, dans les poumons, dans la rate, 
ais plus rarement dans les reins et dans le sang de la veine cave 

I fut moins heureux dans ses recherches sur le contenn du pañel 


138 F. MARFELS, 


thoracique d’un petit Chat, où il ne découvrit rien. Tous ces 
organes, de même que les vaisseaux sanguins, ne montraient au- 
cune altération à l'œil nu , et les endroits qu’il examina au micros- 
cope avaient ces villosités et l’épithélium intacts. 

OEsterlen chercha de plus à constater sur deux Lapins et un 
jeune Coq le passage du bleu de Prusse. Il trouva une assez grande 
quantité de corpuscules ronds et obseurs qui ressemblaient à des 
parlicules de bleu de Prusse ; mais il était impossible à leur seule 
couleur de les constater comme tels. 

Ces recherches d'OEsterlen , faites sur des matières parfaite- 
ment reconnaissables sous le microscope, ébranlèrent les opinions 
régnantes. Elles ne tendaient , en effet, à rien moins qu'à prou- 
ver qu'il n’y avait pas seulement des matières solubles, subissant 
dans l'intestin une décomposition chimique, qui pussent être 
absorbées. Mais la grosseur énorme des molécules de charbon, 
les pointes et les fourches qu'on y remarquait , firent naître l'opi- 
nion que le passage avait pu s’opérer non par absorption, mais par 
déchirement. 

Des recherches postérieures , que je vais rapporter, ont prouvé 
qu'il n’en était pas ainsi , et qu'OEsterlen était bien dans la vérité. 

Éberhard (1), répétant, en 1847, lesexpériences d'OEsterlen, alla 
plus loin que lui, et opéra sur de nouveaux sujets. Comme OEsterlen 
il se servit de mercure et de charbon, et fit de plus usage de soufre 
sublimé. Mais tandis qu'OEsterlen avait fait principalement ses 
recherches sur le sang et le parenchyme des organes, Éberhard 
crut devoir porter principalement ses investigations sur les veines 
et les canaux lymphatiques des parties du corps sur lesquelles il 
opérait. 

A dix heures du matin il prit un Lapin , lui rasa le côte gauche, 
et frotta ensuile la partie avee de l’onguent gris. A quatre heures de 
l'après midi, il tuale Lapin. La peau fut détachée à environ un demi- 
pouce au-dessus de l'endroit frictionné, rabattue sur le côté gauche, 


(1) Docteur F. Eberhard, Recherches sur le passage des matières insolubles de 

l'intestin et de la peau dans le sang, Dissertation inaugurale, Zurich, 1847 

(Versuche über den Untergang fester Stoffe vom Darm und Haut in die Säftemasse 
des Kürpers) 


RECHERCHES. SUR L'ABSORPTION. 139 


et fixée à ses deux extrémités sur un petit morceau de bois, de 
façon que la plaie frictionnée reposait sur ce bois. Il lia une veine 
principale, et ouvrit les pelites veines avec un instrument tout neuf 
et très propre. Le sang qu'il obtint ainsi fut observé goulte à 
goutte , et dans presque la moitié de ce sang apparurent quelques 
molécules de mercure qu'il était impossible de méconnaitre ; tandis 
que dans le sang d'une veine du côté droit, ouverte peu de temps 
avant la mort de l'animal, malgré un examen minutieux, on ne 
trouva aucune apparence de mercure. Dans une autre expé- 
rience, faite vers quatre heures du soir, Éberhard nourrit un 
Lapin avec des pilules de farine et de charbon pulvérisé. Le len- 
demain matin à neuf heures il en fit autant. Le Lapin avait 
pris deux drachmes de charbon : à quatre heures du soir il 
fut tué, L'examen de la lymphe, du sang de quelques veines du 
mésentère et de la veine porte, constata la présence dans les trois 
cas de molécules de charbon. A onze heures du matin il fit prendre 
à un Chien du lait dans lequel il avait délayé un drachme de fleurs 
de soufre, et il le tua le même jour à quatre heures du soir. Le 
résultat de l'expérience produisit une foule de grains de soufre dis- 
persés ou agglomérés dans le chyle des canaux du mésentère et du 
canal thoracique, dans les veines mésentériques et dans le sang de 
la veine porte ; mais Éberhard ne put en découvrir aucune trace 
dans le sang des artères. Les corpuscules de charbon ainsi décou- 
verts par Éberhard offraient les mêmes formes que ceux décrits 
précédemment par OEsterlen. Le soufre sublimé montra sous le 
microscope des molécules régulièrement noires, d'un diamètre 
de + à + de ligne, mais sans fourches ni pointes. 
Éberhard, par ses propres recherches et celles d'OEsterlen , 
arrive à cetle conclusion : Que des matières insolubles peuvent 
pénétrer dans la masse du sang par les intestins et la peau. 
Mensonides et Donders répétérent soigneusement les expériences 
de ces deux savants (1). Ils opérèrent avec du mercure, de la fleur 
de soufre, du charbon végétal pulvérisé, et enfin avec de la farine 
d'amidon. Ils rasérent trois Lapins, et leur frictionnèrent le corps 


(4) Mensonides et Donders, Nederlandsch Lancet, deel V., p. 152. 


440 F. MARFELS. 


avec de l’onguent mercuriel ; après leur mort ils ne purent consta= 
ter rien de certain, si ce n’est que dans le sang de ces animaux ils 
trouvèrent des molécules qui avaient tout à fait l'apparence du 
mercure. 

Leurs expériences avec le soufre leur parurent moins con- 
cluantes encore, parce que sous le microscope le soufre leur pré- 
sentait l'apparence de molécules où d’ellipsoïdes plus ou moins 
pointus, petits ou obscurs. 

Du reste, ils ne furent guère plus heureux dans leurs essais avec 
cette substance, faits sur un Lapin et trois Grenouilles. Le lendemain 
de l'opération ils trouvèrent sur le Lapin quelques corpuscules, qui 
pouvaient être regardés comme des grains de soufre, mais dont ils 
ne purent toutefois reconnaitre la nature par des réactifs à cause de 
leur petite quantité. Les Grenouilles ne donnèrent aucun résultat. 

Pour troisième expérience, Donders et Mensonides choisirent 
du charbon de bois réduit en poussière très fine, et comme , sous 
le microscope, ils en reconnurent les molécules à leur apparence 
noire, opaque, et à leur forme plus ou moins pointus à leurs extré- 
mités, triangulaire ou allongée, et parfaitement caractéristique , 
ils crurent pouvoir obtenir avec ce charbon des résultats certains. 
Mais avant d'entreprendre ces nouvelles expériences , ils exami- 
nèrent avec soin leur propre sang, celui de divers animaux qui 
n'avaient point pris de charbon, et découvrirent çà et là des cor- 
puseules qui pouvaient être pris pour des molécules de charbon. 
Loin de se laisser rebuter par cette découverte, ils tentérent cepen- 
dant des expériences avec ce charbon pulvérisé. Ils nourrirent done 
des Lapins avec cette substance, et ils découvrirent, il est vrai, dans 
le sang et dans des parties du poumon et du foie des corpuscules 
qui avaient toute l'apparence de molécules de charbon ; mais il ne 
leur fut pas possible de les constater comme tels à l’aide des réac- 
tifs. Cette particularité déjà signalée que, dans le sang d’animaux 
qui n'ont pas été nourris avec ce charbon, on trouve aussi des 
moléeules noires, fit naître le soupçon que, dans ces expériences, 
malgré tous les soins, ces particules noires avaient pu s'être intro- 
duites dans les parties observées après leur séparation , ou que 
même elles existaient déjà antérieurement dans le sang. Le nombre 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. Ali 


des molécules de charbon fut cependant toujours beaucoup plus 
considérable dans le sang des animaux qui avaient été nourris avec 
cette substance que dans celui des animaux qui n’en avaient pas 
pris. Pour se rendre un compte plus exact de ces diverses cir- 
constances, on prit des parties de poumon et de foie , eton chercha 
à constater par des réactifs sur des sections très minces la nature 
de ces molécules et leur position dans ces sections. Dans des Lapins 
qui avaient été nourris pendant quelque temps avec du charbon, 
on remarqua les molécules noires dans le tissu des poumons, prin- 
cipalement dans le tissu cellulaire situé ehtre les vésicules. Elles 
ne subirent aucune altération soit au contact de l’eau, soit par 
l'emploi de réactifs, comme la macération dans des alcalis et des 
acides concentrés, 

C’est ainsi que Donders et Mensonides crurent avoir acquis la 
preuve que les molécules de charbon s'étaient déposées dans Je 
tissu des poumons. Ils tentèrent aussi de prouver la présence de 
ces molécules dans le sang qui cireulait dans les veines des Lapins 
soumis à la nourriture du charbon pulvérisé. Is observèrent par= 
fois quelques molécules noires passant dans les canaux sanguins ; 
mais ils ne purent avec les réactifs les reconnaitre pour du charbon. 
Is résolurent alors d'employer une substance plus facilement et plus 
sûrement reconnaissable par les réactifs ; et comme Herbst s'était 
servi précédemment de farine d’amidon, ils s’en servirent aussi , 
certains de la pouvoir reconnaitre au contact de l’iode. Is sou- 
mirent donc à cette expérience des Grenouilles, dans lesquelles ils 
introduisirent, au moyen de la seringue, du charbon pulvérisé et 
de la farine d’amidon délayée dans de l'eau. Une Grenouille, dans 
laquelle on avait ainsi introduit cette préparation , présenta , six 
heures après, à l'examen d’une des petites veines du mésentère, 
des molécules de farine d'amidon de grosseur moyenne, que l’on 
remarqua dans la partie inférieure du vaisseau. Une dissolution 
d'iode arréta le sang ; puis, par une pression sur le bord du verre 
superposé à l'objectif, ils réussirent à faire monter et descendre 
le sang dans le vaisseau, et les molécules d'amidon participèrent à 
ce mouvement, Une autre fois une molécule d'amidon apparut en- 
core dans une veine du mésentère, dans laquelle l'emploi de l'iode 


142 F. MARFELS. 


avait également arrêté le sang. La pression ne causa aucun mouve- 
ment dans le vaisseau: Ils cherchèrent ensuite par la rotation du 
verre supérposé à tourner le vaisseau de manière à pouvoir l’exa- 
miner suivant son axe de longueur. Cela oblenu, ils virent la mo- 
lécule d’amidon adhérenté à la paroi du vaisseau, de telle façon 
qu'elle en était entourée extérieurement. Puis, à l'aide d’une épingle 
fine, ils produisirent un mouvement dans le vaisseau; alors la 
molécule d’amidon fut tantôt recouverte de molécules de sang, et 
tantôt resta dégagée toujours sous la paroi. Les molécules de farine 
d’amidon perdirent leur couleur pendant les quelques heures que 
dura l'expérience; mais elles reprirent la couleur bleue sous 
l'influence de l’iode. 

Donders et Mensonides , s'appuyant alors sur les expériences 
faites par OEsterlen , Éberhard et par eux-mêmes , demeurèrent 
convaincus que non-seulement des liquides et des substances 
solubles, mais aussi des molécules solides et insolubles, pouvaient 
pénétrer dans le courant du sang. Mais comment, de quelle ma- 
fière et par quelle influence ? Ce sont des questions qu'ils n’ont pas 
encore résolues. 

Sans vouloir amoïindrir l'importance des résultats oblenus par 
les savants que nous venons de nommer, qu'il nous soit permis 
de penser que les substances dont ils ont fait usage, et dont nous 
avons décrit, dans les termes qu'ils ont employés eux-mêmes , 
l'apparence au microscope, pouvaient donner lieu à cette objection, 
que l'introduction s'était produite par un déchirement des parois 
des vaisseaux, produit par les pinces et les pointes aiguës que 
nous avons signalées. Au reste, la résorption de ces substances 
fût-ellé prouvée, une foule d'opinions différentes pourraient encore 
exister sur le mode du passage. 

Bruch, qui répéta les expériences décrites plus haut, obtint les 
mêmes résultats , et découvrit comme Éberhard les molécules de 
charbon dans le chyle (1). Il trouva aussi, dans de petits Chats et 
Chiens non sevrés, le sang des veines du mésentère presque rempli 
de lait, et il assure qu'une grande quantité de molécules de lait 


(5) Bruch, dans les Annales de la zoologie scientifique de C. Th. de Siebold 
et Kælliker, t. IV, p. 290, 4853 (Zeitschrift für wissenschaflliche Zooloÿie). 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 143 


passe souvent dans le sang , et s’y agglomère sans avoir subi de 
décomposition. À ce propos, nous renverrons à Ce que nous avons 
dit à l’occasion des recherches de Herbst sur la difficulté de recon- 
naître le lait. 

C.-E. Hoffmann (4), qui a remporté le prix proposée par la Faculté 
de médecine de Würtzhourg sur cette question : « Si du mercure 
et de la graisse peuvent entrer en substance dans le courant du 
sang? » Hoffmann contredit les expériences faites avec du mercure 
par OEsterlen et Éberhard. Après douze expériences , qui consis- 
tèrent à introduire dans le corps de Lapins du mercure métallique 
en substance, puis du mercure extrêmement divisé comme dans 

_l’onguent gris, il n’obtint aucun résultat. 

Il ne trouva rien, ni dans le sang du cœur, ni dans le chyle, 
pas plus que dans le sang de la veine porte et des vaisseaux des 
plaies friclionnées ; mais il prétend avoir extrait du chyle des molé- 
cules de graisse en substance, qu'il prit pour de la stéarine. 

Toutes ces recherches avaient fait faire de grands pas à cette 
importante question en général , mais elles n'étaient point assez 
concluantes pour servir de base à une théorie complète et inatta- 
quable sur la résorplion de la graisse. 

C’est alors que, sollicité par Moleschott et sous sa direction , 
nous avons entrepris ce travail. 

Pour éviter toutes les objections auxquelles peut donner lieu 
l'emploi des substances dont se sont servi les savants que nous 
avons cilés, nous cherchämes, dans l'organisme même , une sub- 
slance qui, le passage une fois opéré , ne püt faire naître le soupcon 
qu'il s'était opéré par le déchirement des parois des vaisseaux. Et 
alors même que le mode de passage ne serait pas encore parfaite- 
ment éclairci, le fait même du passage de cette substance consti- 
tuera déjà un phénomène physiologique. 

Dans ce but, les corpuscules de sang et le pigment nous ont paru 
les substances les plus convenables. En premier lieu nous opé- 
râmes avec du sang de Brebis, parce que c’est entre tous ceux des 

(6) Docteur C.-E. Hoffmann, Sur le passage du mercure et de la graisse dans 


Le courant du sang, dissertation inaugurale. Wurtzbourg, 1854 (Ueber die Auf- 
name des Quecksilbers und der Felte in den Kreislauf ). 


Anh F. MARFELS. 
Mammifères qu’on peut facilement se procurer celui qui a les 
corpuscules les plus petits. 

Avant d'entrer dans une exposition détaillée de nos recherches, 
nous dirons que nous n'avons rien admis que quand le doute 
n'était plus possible, et chacun des résultats que nous donnons a été 
contrôlé et vérifié par Moleschott. Pour prévenir toutes objections, 
nous dirons aussi, une fois pour toutes, que dans nos expériences, 
aucun verre n’a été placé sous le microscope sans avoir été 
nettoyé avec le plus grand soin, et que chaque instrument n’a 
jamais été employé après avoir servi à un autre usage : en un mot, 
toutes nos expériences ont été faites avec le plus grand soin et la 
plus minutieuse exactitude. 

Pour prouver que du sang de Brebis mêlé avec du sang de Gre- 
nouille ne subit aucun changement, le 21 novembre 1853, à deux 
heures de l’après midi, je fis un mélange de sang de Brebis et de 
sang de Grenouille : du premier À gramme 8/10° de gramme; du 
dernier 10 grammes 4/2. La proportion était done de 4 à 5,8/10<. 
Après avoir bien secoué ce mélange, je soumis plusieurs gouttes au 
microscope. Il était très facile de distinguer avec certitude les cor- 
puseules du sang de Brebis à leur apparence claire, brillante et 
souvent ridée. Les corpuscules du sang de Brebis étaient plus nom- 
breux que ceux du sang de Grenouille, Vingt- quatre heures 
après je me livrai à un nouvel examen du mélange. Les couches 
supérieures étaient entièrement composées de corpuscules de sang 
de Brebis; celles de Grenouille se trouvaient sans mélange au fond 
du vase. Quatre jours après, le mélange, examiné de nouveau, me 
montra, au milieu d’un liquide déjà décomposé et putréié, les mo- 
lécules de sang de Brebis tout à fait intactes , tandis que toutes les 
molécules colorées de sang de Grenouille avaient disparu. J’en dé- 
couvris seulement quelques-unes non colorées. Nous concluons de 
ce qui précède que le poids spécifique des corpuscules de sang de 
Grenouile est plus grand que celui des corpuscules de sang de 
Brebis ; landis que, d'un autre côté, ces derniers sont bien plus 
nombreux, même quand on prend six fois moins de sang de Brebis 
que de sang de Grenouille (4). 


(1) Marfels et Moleschott, Sur la durée de la vie des corpuscules de sang, dans 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 4145 


Sûrs désormais que du sang de Mammifère, mêlé avec du sang 
de Grenouille, ne subit aucune modification, et que ses corpus- 
cules peuvent être reconnus, même après plusieurs jours, nous 
introduisimes , au moyen d’une seringue, du sang de Brebis dans 
la bouche d’une Grenouille. Nous ne découvrimes rien, et ce résul- 
tat négatif se reproduisit plusieurs fois quand nous examinâmes la 
membrane des pattes de la Grenouille. Après avoir tué une Gre- 
nouille dans laquelle on avait introduit du sang de Brebis, je soumis 
à l'examen une goutte de sang tirée du cœur, sans avoir au premier 
abord aucun résultat. Pour me livrer à un examen plus approfondi, 
je préparai avec un grand soin le mésentère de ce Batracien. 
Dans différents vaisseaux que je pouvais bien observer, je trouvai 
des corpuscules de sang de Brebis à côté de ceux de sang de Gre- 
nouille. Il était impossible de penser que ces molécules de sang de 
Brebis avaient pu s’introduire extérieurement dans notre prépara- 
tion; et en pressant avec une épingle sur les vaisseaux examinés, 
nous avons vu ces corpuscules circuler selon le cours du sang. 
Elles avaient, à n’en pouvoir douter, tous les caractères des cor- 
puscules de sang de Brebis. Un examen du sang du cœur de l’a- 
nimal, tué un heure et quart avant, nous offrit, à côté des corpus- 
cules de sang de Grenouille, d’autres plus grosses et plus petites 
qui, selon que l’on faisait monter ou descendre l'objectif, prenaient 
une apparence tantôt lumineuse et brillante, et tantôt un peu colo- 
rée. Nous fimes une réaction avec de l’éther sur ce sang de cœur. 
Beaucoup de ces molécules disparurent; toutefois nous en aper- 
çûmes encore qui élaient en assez grande quantité proportionnel- 
lement aux corpuscules de sang de Grenouille, et que nous dûmes 
reconnaitre pour des corpuscules de sang de Brebis. 

Le 13 janvier 1854 , nous commençcämes à introduire du sang 
de Brebis dans cinq Grenouilles , appartenant en partie à l'espèce 
appelée À. esculenta , en partie à la R. lemporaria, et nous répé- 
tâmes la même opération chaque jour à la même heure. Le 17 jan- 
vier, on tua une Grenouille qu'on avait ainsi préparée pendant 
les Recherches sur la nature de l'homme el des animaux, édits par Moleschott, 
1. 1, 4856 (Ueber die Lebensdauer der Blutkürperchen in Moleschott's Unter- 


suchungen zur Naturlehre der Menschen und der Thiere), 
4° série, Zoo, T. V. (Cahier n° 3,) ? 10 


116 F. MARFELS. 


cinq jours; le mésentère fut détaché, examiné , et les vaisseaux 
sanguins parfaitement reconnus, mais il ne nous fut pas possible 
de produire de circulation. Les vaisseaux éfaient pleins de sang, 
et nous pümes reconnaitre les corpuscules de sang de Grenouille ; 
mais la recherche de ceux du sang de Brebis fut si difficile que 
nous l’abandonnâmes. A une place qui pouvait être plus faci- 
lement examinée apparurent quelques corpuscules de différentes 
grosseurs, mais que nous ne pümes reconnaître avec certitude 
pour des corpuscules de sang de Brebis. Voulant examiner 
plus minutieusement, je coupai le cœur; j’en pris une partie, 
dont j'exprimai une goutte de sang sur un objectif que je plaçai 
sous le microscope. Alors apparurent avec évidence, à côté 
des corpuscules de sang de Grenouille, des corpuscules de sang de 
Brebis, puis une grande quantité d’autres de différente grosseur 
jusqu’à la grosseur des corpuscules élémentaires. Les corpuscules 
de sang de Brebis étaient la plupart un peu pâles, quelques-uns 
ridées, et offraient une apparence tout à fait semblable à celle des 
corpuseules contenus dans le ventre , et que nous avions exami- 
nés. Le 19 janvier nous tuâmes deux Grenouilles , et le mésentère 
fut soumis à nos observations. Nous ne pümes rien y découvrir. 
L'examen du sang du cœur, dans ses diverses parties, nous fournit 
encore des corpuseules de sang de Brebis en quantité plus ou 
moins grande. Le 21 janvier nous tuâmes encore deux Grenouilles, 
préparées jusqu’à ce jour de la manière que nous avons indi- 
quée. Nous ne pümes encore rien reconnaître avec certitude 
dans le mésentère; mais dans le sang du cœur, nous apercevions 
toujours les mêmes corpuscules de sang de Brebis. Nous remar- 
quâmes aussi une fois avec beaucoup d'intérêt des Infusoires, dans 
le sang du cœur de l’une des Grenouilles , comme nous en avions 
déjà vu dans du sang de Brebis conservé depuis longtemps. 
Nous avions réussi à trouver des corpuscules de sang de Brebis 
dans le sang de diverses Grenouilles, et nous ne voulûmes point 
nous contenter de ce résultat; mais , comme nous l’avions fait en 
commençant pour la membrane des pattes, nous cherchâmes si 
nous découvririons les corpuscules de sang de Brebis dans le cou- 
rant sanguin du mésentère des Grenouilles vivantes. A cet effet, 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 447 


je construisis un objectif avec un plateau de verre entouré d’un 
cadre, mais seulement sur trois côtés ; je le plaçai sur l'objectif 
ordinaire, en appuyant sur deux pieds les côtés non soutenus. Sur 
ce nouveau verre objectif, j’étendis la Grenouille de la manière 
suivante : 

D'abord je liai ensemble les pattes inférieures au-dessus du 
genou. Une semblable ligature fut faite à chaque patte supérieure, 
de manière que les fils avaient encore une longueur de 4 pouces. 
La Grenouille, ainsi liée et placée sur l'objectif, fut attachée à un 
clou sur un des côtés du cadre par le fil des pattes inférieures , de 
telle façon qu'après avoir été ensuite attachée par les fils des pattes 
supérieures au côté opposé du cadre, elle présentait le flanc. La 
peau de l’abdomen fut soigneusement coupée. Une hémorrhagie 
assez considérable, de temps à autre, nous gêna beaucoup dans 
nos recherches. Enfin, nous soumimes au microscope les intestins 
avec le mésentère mis à découvert. Ce fut le 9 février 1854 qu'une 
Grenouille, remplie la veille de sang de Brebis , fut attachée sur 
l’objectif de la manière décrite, et la cireulation examinée dans les 
vaisséaux du mésentère. Nous nous posàmes comme règle de 
n’examiner que les vaisseaux dont le volume ne laissait passer les 
molécules de sang que les unes après les autres. Aïnsi fixés sur 
nôtre manière de procéder, nous ne fümes pas longtemps sans voir 
dans le courant du sang des corpuscules de sang de Grenouille, et 
des corpuscules de sang de Brebis se succéder alternativement. 
Et dans ces différents vaisseaux nous en distinguâmes plusieurs, 
pendant les deux heures que dura notre examen. Le sang du cœur 
dé la même Grenouille contenait aussi une assez grande quantité 
dé corpuscules de sang de Brebis. Le lendemain je plaçai sous le 
microscope, de la manière indiquée, une Grenouille, dans laquelle 
nous avions introduit pendant deux jours du sang de Brebis. J'ob- 
servai le mésentère, et cette fois encore je vis dans un vaisseau cir- 
culer les corpuscules de sang de Grenouille, alternativement avec 
les corpuscules de sang de Brebis. Plus tard, nous observames 
éncore deux fois des corpuscules de sang de Brebis dans les vais- 
seaux du mésentère de Grenouilles vivantes. 

Nous voulümes chercher si, en répétant plusieurs fois l'opération 


148 F. MARFELS. 

sur une même Grenouille, le nombre des corpuscules de sang 
augmenterait. À partir du 9 février, nous introduisimes chaque 
jour du sang de Brebis dans plusieurs Grenouilles. Le 16 février, 
c’est-à-dire huit jours après le commencement de cette opération, 
je tuai une des Grenouilles. Après avoir disséqué soigneusement 
le cœur je le serrai avec une pincette, de façon que Je sang ne püt 
sortir, je le lavai soigneusement dans de l’eau, et l’essuyai avec 
un linge; puis je soumis au microscope une goutte de sang con- 
tenu dans le cœur, et, à ma grande surprise , je trouvai que les 
corpuscules de sang de Brebis étaient aux corpuscules de sang de 
Grenouille comme 5 est à 4. Nous n'avions pas encore eu l'occa- 
sion de voir des corpuscules de sang de Brebis aussi beaux , aussi 
intacts dans les vaisseaux des Grenouilles. On remarquait la dépres- 
sion centrale dans presque tous les corpuscules, et chaque goutte 
que j'examinai donna le même résultat. Je continuai à introduire 
chaque jour du sang de Brebis dans les Grenouilles encore vivantes, 
jusqu'au 27 février. Je dois remarquer ici que la plupart de ces 
animaux ne supportent pas facilement l'introduction du sang de 
Brebis, et finissent par périr. Les unes, auxquelles nous en avions 
introduit par la bouche, le vomissaient, et quand c’était pas l'anus, 
elles l’évacuaient avec la force d’un jet de seringue. Ces évacua- 
tions peuvent nous donner l'explication de l’inutilité de nos pre- 
mières recherches, quand nous examinions s’il y avait du sang de 
Brebis dans le cœur peu de temps après en avoir introduit dans la 
Grenouille, Plus tard nous réussissions à trouver du sang de Brebis 
presque dans toutes nos Grenouilles, lors même que nous n’en 
avions introduit qu'une seule fois. Je dirai en passant que nous 
avons pu apprécier la durée normale du passage du sang de Brebis 
de l'intestin dans le cœur. Nous l’avons évalué à une heure et 
demie. En employant l'appareil d’induction électro-magnétique 
de Dubois-Reymond, nous parvinmes même à conslater sur les 
intestins de plusieurs Grenouilles, sortis de l’abdomen, que le 
passage du sang de Brebis dans le sang du cœur et dans les vais- 
seaux du mésentère s’effectuait en vingt-cinq minutes. Cela prouve 
quelle action exercent les contractions intestinales sur l'introduction 
des corpuscules. Une des Grenouilles, préparées, comme nous 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 149 
l'avons dit, jusqu’au 27 février, fut tuée ce jour-là, c’est-à-dire 
après dix-huit jours d’ingestion quotidienne de sang de Brebis. 
Son cœur fut soigneusement disséqué et lavé comme dans les pré- 
cédentes opérations. Nous y frouvämes la proportion extraordi- 
naire de trente corpuseules de sang de Brebis sur une de sang de 
Grenouille. Toutes avaient la plus belle apparence. Une seconde fut 
tuée et donna le même résultat, seulement les corpuscules de sang 
de Brebis étaient un peu moins nombreuses. Comme nous nous 
étions servi pendant treize jours du même sang de Brebis, nous 
nous attendions à trouver des Infusoires dans les Grenouilles, mais 
il n’en fut pas ainsi. L'examen de ce sang de Brebis qui nous restait 
encore ne nous en donna pas non plus. 

Pour ne pas entrer dans de trop longs détails, nous nous conten- 
terons de dire que, quatre fois, nous avons vu circuler des cor- 
puscules de sang de Brebis dans le sang des vaisseaux du mésen- 
tère de Grenouilles vivantes. Seize fois pendant la première partie 
de nos observations , et plus de deux cents fois dans la seconde, 
nous en avons trouvé dans le sang du cœur en quantités variables. 

Nous introduisimes aussi dans le tube digestif des Grenouilles du 
sang de Veau et de Bœuf, dont les corpuscules sont un peu plus gros; 
mais comme vingt-quatre heures environ après l’ingestion nous 
n’en remarquâmes aucune trace ni dans le sang du cœur, ni dans 
le mésentère , nous crûmes d’abord que la grosseur des corpus- 
cules de sang de Brebis était la limite des matières qui pouvaient 
opérer leur passage. Des recherches subséquentes nous firent 
changer d'opinion, car, après plusieurs introductions nouvelles, 
nous pümes voir dans le sang du cœur des corpuscules de sang de 
Veau et de Bœuf. À côté des corpuscules de sang de Veau, nous 
remarquâmes d’autres corpuscules, dont la grosseur variait jusqu’à 
celle des corpuseules élémentaires. Dans nos expériences faites 
avec du sang de Brebis , il a été déjà question de corpuscules de 
différentes grosseurs, dont quelques-unes ne surpassent pas les 
corpuscules élémentaires. 

Comme nous avons dû faire plus tard des recherches sur la 
durée des corpuscules de sang de Brebis dans le sang de Grenouille, 
il nous est arrivé de trouver très souvent de ces corpuseules de 


150 F. MARFELS. 


différentes grosseurs dans des gouttes de sang exprimées de la 
substance du cœur. D’après nos expériences, nous croyons pouvoir 
assurer que dans le sang du cœur de Grenouilles, soit préparées 
comme les nôtres , soit même à l’état naturel , on doit trouver con- 
stamment de ces corpuscules de différentes grosseurs. Ce sont en 
partie des molécules de graisse du plus petit diamètre, en partie des 
molécules de sang non colorées qui atteignent à peine la grosseur 
des corpuscules de sang de Brebis, et enfin des corpuseules qui 
ont la grosseur de ceux de ce sang, quelques-uns même un peu 
plus gros. Ces derniers, de la grandeur des corpuscules de sang 
de Brebis, diffèrent de ces corpuscules quand ils sont sur le point 
de disparaître , et qu'ils n’offrent plus qu’une faible coloration et 
une faible dépression médiane, en ce qu’elles sont sans éclat, 
transparentes , incolores et tout à fait sphériques. 

Ayant ainsi réussi à constater le passage de molécules de sang 
de Brebis, de Veau et de Bœuf, dans le courant du sang de Gre- 
nouille, je cherchai à arriver à la démonstration de cette absorption 
par l'emploi de l’autre matière organique. Il s’agit, comme nous 
l'avons dit plus haut, de corpuscules de pigments. Nous le tirâmes 
de la choroïde des yeux de Bœuf en délayant l’épithélium dans de 
l’eau. 

Le 5 décembre 1853, nous introduisimes de ce pigment dans 
quatre Grenouilles; nous en tumes une, un quart d'heure après 
l'introduction. L'examen du sang du cœur ne nous donna aucun 
résultat. Le mésentère fut découpé environ une heure après, et 
soumis au microscope. J'examinai un vaisseau, dans lequel je par- 
vins à faire circuler le sang par l'application d'une pointe d’épingle 
sur le verre. Il était facile de constater la présence des corpuscules 
de pigment à côté de ceux de sang ; ils étaient seuls ou agglomé- 
rés, et continuaient à se mouvoir, suivant le courant du sang. Le 
lendemain, nous introduisimes encore du pigment dans les Gre- 
nouilles déjà opérées la veille, et nous fimes la même expérience 
sur deux nouvelles Rana esculenta. Après midi, je tuai une des 
Grenouilles de la veille. Le sang du cœur contenait des corpuscules 
de pigment , les uns isolés, les autres agglomérés. Les molécules 
isolées avaient le mouvement moléculaire. L’estomac etles intestins 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 151 


avaient l'apparence ordinaire; on remarquait seulement au pylore 
une place un peu noire. Le mésentère fut séparé des intestins et 
examiné ; là encore nous vimes plusieurs vaisseaux sanguins, dans 
lesquels les corpuscules de sang cireulaient un à un, et à côté 
d’eux cireulaient des molécules de pigment en assez grande quan- 
lité : nous pouvions toujours produire le mouvement par l’appli- 
cation d’une épingle. Je fuai aussi le soir les deux R. esculenta, 
dans lesquelles j'avais introduit le matin du pigment. Dans le cœur, 
je trouvai le pigment, comme chez les autres, lantôt isolé, tantôt 
aggloméré. Je l’observai encore dans le courant des vaisseaux du 
mésentère, mais seulement en molécules. Je voulus aussi, comme 
dans nos expériences avec le sang de Brebis, examiner des Gre- 
nouilles vivantes. Le 44 février 1854, je pris une Grenouille, dans 
laquelle j'avais introduit du pigment vingt-quatre heures aupara- 
vant, et je l’étendis sur mon verre objectif de la manière décrite 
plus haut. Le ventre fut ouvert, et j'examinai le mésentère qui était 
adhérent aux intestins, et sans la moindre lésion. J'y apercus dans 
un vaisseau une agglomération de pigment, qui cireulait pai- 
siblement entre les corpuseules de sang. Puis pendant un exa- 
men assez long, je vis passer aussi des molécules isolées de pig- 
ment. Le sang du cœur fournit quelques molécules de pigment 
isolées ou agglomérées comme dans les cas précédents. Le lende- 
main ; j'étendis sous le microscope une Grenouille , dans laquelle 
j'avais introduit du pigment à deux reprises différentes, et j'aper- 
çus dans le courant du sang d’un vaisseau du mésentère quelques 
molécules de pigment à une place que je pouvais facilement obser- 
ver. Comme la Grenouille avait été laissé sur l'objectif, et vivait 
encore le lendemain après-midi, je lexaminai de nouveau, et, dans 
différents vaisseaux, je vis des molécules de pigment ; il y en avait 
jusqu'à dix dans un seul vaisseau. Le sang du cœur en contenait 
d’agglomérées, fort peu d'isolées. Une Grenouille, dans laquelle 
j'avais introduit du pigment à deux reprises différentes, fut étendue 
sous le microscope cinq heures après la dernière introduction. 
Dans un des vaisseaux du mésentère , une agglomération de pig- 
ment se trouvant contre la paroi ne put être mise en mouvement 
pendant tout le temps que dura notre observation, Dans cette agglo- 


152 F. MARFEIS. 


mération, je pouvais parfaitement distinguer les différentes molé- 
eules de pigment. Une Grenouille, dans laquelle nous avions trois 
fois introduit du pigment, fut étendue sous le microscope, etnous 
offrit la plus belle apparence des vaisseaux du mésentère que nous 
ayons encore trouvée. À une place extrêmement claire, dans un 
vaisseau que nous pouvions observer entièrement , je remarquai , 
au milieu d'un courant assez paisible d’abord, une agglomération 
de six à sept molécules de pigment qui suivait le courant du sang, 
puis différents corpuscules de pigment isolés et plus ou moins 
gros, et enfin une agglomération considérable que nous pûmes 
voir circuler comme la première pendant tout son trajet à travers 
le vaisseau. Dans la suite, nous recommençâmes cette expérience , 
et je pus voir circuler jusqu’à dix fois du pigment avec le sang 
dans le mésentère de Grenouilles vivantes ; j'en trouvai onze fois 
dans le sang du cœur. Je cherchai aussi à constater la présence du 
pigment et du sang de Brebis dans la membrane des pattes des 
Grenouilles ; mais je n’y parvins jamais, soit parce que le courant 
du sang y est trop rapide, soit pour toute autre raison. Au moyen du 
verre superposé à l'objectif, je pouvais cependant ralentir la cir- 
culation dans les vaisseaux capillaires d’une manière assez sensible 
pour examiner ce qu'ils contenaient, Il était impossible de croire 
que ces molécules de pigment observées dans le sang s’y trouvas- 
sent comme partie essentielle du sang, ou y eussent été introduites 
de l'extérieur et sans avoir été absorbées, Il est vrai qu'on peut 
nous dire que l’on trouve quelques-unes de ces molécules obscures 
et noires dans des Grenouilles, chez lesquelles on n’a pas introduit 
de pigment; c'est ce que Donders et Mensonides et nous-mêmes 
avons observé. Tout en tenant compte de cette objection, nous 
croyons qu’elle ne peut en rien infirmer l'opinion de l'absorption 
du pigment trouvé dans les Grenouilles , dans lesquelles nous en 
avions introduit. Nous abandonnerons, si l’on veut, à cette objec- 
tion les corpuseules isolés que nous avons vus en assez grande 
quantité dans le sang du cœur ; mais restent toujours les agglo- 
méralions de pigment aperçues par nous dans les vaisseaux et 
dans le cœur, et seulement dans des Grenouilles dans lesquelles 
nous avions introduit du pigment. 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 153 


Pendant l'hiver de 1853 à 1854, je fis une préparation de chlo- 
rophylle avec des feuilles d'Épinards et d’Hyacinthes. Les expé- 
riences ne donnèrent pas un résultat certain, parce que la coloration 
n’était pas assez intense. Comme nous ne pouvions pas en tirer 
des inductions sûres, nous cessàmes de l’employer. Quatre fois 
cependant nous crûmes reconnaître la chlorophylle à la grosseur 
et à la couleur de ses molécules; mais cela ne nous suffisait pas. 

Bien que plusieurs observations ne nous donnèrent pas de 
résultat, nous n’en sommes pas moins autorisé, par le nombre 
considérable des résultats positifs, à conclure que le passage de 
molécules insolubles des intestins dans les canaux sanguins est un 
fait physiologique normal. 

Si la preuve du passage de molécules insolubles de l'intestin 
dans les vaisseaux sanguins, d’abord recherchée par Herbst, Don- 
ders, Mensonides et Éberhard , est enfin acquise comme résultat 
des différentes expériences que nous venons de raconter, et si ce 
passage peut être regardé comme un fait physiologique normal , 
alors se pose une autre question : Comment, par quel moyen et 
sous l'influence de quelle force ce passage s’opère-t-l? C'est ce 
que nous croyons avoir éclairei par les recherches suivantes. Avant 
de raconter nos expériences , nous parlerons d’abord d’un travail 
du célèbre physiologiste Brücke , et de quelques autres ouvrages 
sur le même sujet, afin de comparer avec nos résultats les diverses 
observations qui ont été faites , et les différentes opinions qui ont 
eu cours dans ces derniers temps sur cette question. 

En 1842 et 1843, Gruby et Delafond soumirent à l’Académie 
de Paris plusieurs observations, et entre autres la thèse suivante : 
« Chaque cellule de l’épithélium est pourvue d’une cavité dont l’ou- 
verture externe est parfois béante, et d’autres fois plus ou moins 
exactement fermée. » S'appuyant là-dessus Brücke se livra à des 
recherches plus approfondies , et nia la saponification de la graisse 
admise par plusieurs savants, attendu qu'il avait vu dans ses 
recherches de l'épithélinm tout rempli de graisse (4). 

(4) Docteur E. Brücke, Sur les canaux chylifères et la résorption du chyle, 


dans les Annales des sciences de la classe mathématique de l'Académie impériale , 
1. VI, Vienne, 4853 (Ueber die Chylusgefäsze und die Resorption der Chylus. Aus 


454 F. MARFELS. 


D'un autre côté, de Wistingshausen (1) a cru voir la graisse pé- 
nétrer par filtration et diffusion en émulsion, après avoir employé 
des alcalis tantôt purs et tantôt bilieux. Ce fait engagea Brücke à 
examiner avec plus de soin sile passage d’une émulsion de graisse 
à travers un corps poreux était possible. Dans ses expériences, de 
Wislingshausen s'était servi d'intestins de Veau secs et frais , et, 
dans ces derniers, il assure avoir trouvé l’épithélium intact après 
le passage de la graisse à travers l'intestin. Il en tire cette consé- 
quence : « que si la bile peut faire pénétrer l'huile à travers des 
membranes entières, à plus forte raison peut-elle le faire encore 
plus facilement à travers les parois très minces des cellules de 
l'épithélium. » Brücke soutint alors que l’on doit se figurer que la 
surface d’un liquide dont les molécules se trouvent, les unes par 
rapport aux autres, dans une espèce d'équilibre mobile, se trouvent 
vis-à-vis des autres corps que le liquide mouille difficilement, exae- 
tement comme si elle était recouverte d’une petite peau mince. 
Chaque goutte de graisse qui nage dans une émulsion , et qui est 
en contact avec un corpsde la surface duquel elle ne peut pas s’éloi- 
gner à cause du liquide de cette émulsion qui la mouille, est alors 
comme entourée d’une mince enveloppe solide. Plus la goutte est 
petite, dit-il, plus grande doit être la force qui la déplace, et si l'on 
ne veut pas employer cette force, on doit recourir à ce moyen qui 
diminue la solidité de l’enveloppe. Il admet que la graisse, réduite, 
par l’un ou l’autre de ces moyens, en parties plus petites, puisse 
pénétrer à travers les pores d’une membrane cellulaire homogène; 
mais il déclare invraisemblable que cette réduction de la graisse 
ait lieu pour le passage à travers les membranes cellulaires de l’in- 
testin. Et d’abord la membrane cellulaire ne peut être reconnue 
comme telle au microscope par le plus fort grossissement, mais 
seulement au moyen de Ja séparation de deux liquides qui réfractent 
différemment la lumière. Après avoir donné la mesure de son mi- 


dem 6. Bande der Denkschriften der mathematisch naturwissenschaftlichen Klasse 
der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften). 

(1) De Wislingshausen, Recherches endosmotiques sur le rôle de la bile dans 
l'absorption de la graisse, dissertation inaugurale. Dorpat, 1851 (Endosmotische 
Versuche über die Wirksamkeit der Galle bei der Absorption der Fette). 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 155 


croscope sur quelques particules microscopiques, il arrive en se- 
cond lieu à cette conclusion : Puisque, dit-il, cette membrane cel- 
lulaire a un indice de réfraction semblable à celui que présentent 
plusieurs matières animales humides, la cornée transparente, par 
exemple, on peut ne pas regarder comme invraisemblable la possi- 
bilité d’apercevoir une partie d’une membrane qui n’aurait que 
2/10,000 de millimètre. Nous aurions done, dit M. Brücke, l’opi- 
nion la plus extravagante sur la grosseur des pores de la membrane 
dont il s’agit, si nous croyions que leur diamètre est égal au dia- 
mêtre de la membrane. C’est par ces pores que devraient pénétrer 
les molécules de graisse qui pourtant, dans les cellules de l’épithé- 
lium, ont une tout autre grandeur , les remplissant souvent presque 
complétement. Tout cela bien considéré , Brücke en arrive à dire 
que les cellules cylindriques de l'intestin ne sont pas fermées vers 
la cavité par une membrane homogène, mais par une enveloppe 
qui se referme après avoir laissé passer les corps étrangers. Cette 
enveloppe consiste donc évidemment en un mélange de parties 
solides et liquides dont la mobilité est tempérée par l’adhésion, et 
dont la consistance peut être comparée , selon les circonstances, à 
celle de la bouillie ou de la pâte. 

Il prétend avoir acquis , par une observation directe , la preuve 
de ce que nous avons dit à priori. Ayant, en effet, plusieurs fois 
humecté les cellules avec de l’eau , il a vu sortir le contenu des cel- 
lules de l’extrémité antérieure des cellules cylindriques qui était 
ouverte dans toute sa largeur. Relativement à la question de savoir 
comment les molécules de graisse ont pu parvenir des cellules dans 
les cavités intérieures des villosités , il est de l'avis de Gruby et 
Delafond, qui croient à une petite ouverture à l'extrémité aiguë des 
cellules. Il suppose aussi des ouvertures correspondant dans les 
villosités, à travers lesquelles la graisse pénètre dans le stroma des 
villosités, et passe comme à travers de petits canaux sans parois 
naturelles , jusque dans les extrémités ouvertes des canaux chyli- 
fères. Il croit que les vaisseaux chylifères capillaires n'ont pas de 
membrane. 

Ces déductions et ces observations de Brücke ont été réfutées 
par plusieurs savants distingués; bien que la plupart des phy- 


156 F. MARFELS. 


siologistes aient accepté celte théorie, ils ne veulent pas suivre 
Brücke dans les conséquences qu'il en tire. Même les observa- 
tions de Donders , qui a vu comme Brücke la sortie du contenu 
des cellules, ne les empêche pas de persister dans l'opinion con- 
traire. Ce sont principalement Kôlliker et Funke, qui réfutent cette 
théorie, et, dans ces derniers temps, ils ont observé chez des 
Lapins des cellules dans lesquelles ils crurent pouvoir constater 
l'existence de pores (1). Des recherches faites par nous consta- 
tèrent une telle apparence ; mais il ne s’agit pas de pores, ce 
sont des impressions faites dans l'enveloppe basilaire de l’épithé- 
lium par la force avec laquelle les molécules de graisse passent 
dans l’intérieur des cellules , et cette force consiste dans la con- 
traction de l'intestin. Funke dit même qu'il ne voit pas quel avan- 
tage peuvent avoir pour la résorption de la graisse sur des cel- 
lules fermées, les cellules telles que les a décrites Brücke. Si 
l’on pouvait résoudre la question du passage de la graisse à travers 
les épithèles par le moyen indiqué, on rencontrerait encore dans 
l'hypothèse des cellules ouvertes, des difficultés que Wistings- 
hausen croyait avoir levées. Qui pousse la graisse dans les cel- 
lules? Qui la mêle avec le contenu aqueux des cellules? Quelle 
force fait entrer la graisse à travers les ouvertures étroites des extré- 
mités aiguës des cellules dans le parenchyme de la muqueuse, tan- 
dis que l’évacuation du contenu des cellules à travers l'ouverture 
antérieure plus large n’a pas lieu ? Ce sont autant de questions qu'il 
oppose à la théorie de Brücke. Brücke a répondu d'avance à ces 
objections, et comme il a fait de nombreuses recherches au sujet 
des forces qui concourent au passage de la graisse, nous résume- 
rons ici son opinion : Il part de ce principe qu’un liquide se dirige 
du lieu où la pression est la plus forte vers le lieu où elle est 
moindre. Il en tire la conclusion suivante : qu’en comparant le lieu 
de l'embouchure du canal thoracique avec le lieu de réception du 
chyle dans les villosités, on découvre qu'il s'exerce une plus grande 


(1) O. Funke, dans les Annales de la zoologie scientifique de Siebold et 
Külliker, t. VI, p. 310, 1854, et t. VIT, 4855. 

Kôlliker, Annales de la Société physique et médicale de Wurtzbourg, t. VI, 
1856 (Verhandlungen der physikalisch medicinischen Gesellschaft in Würzburg). 


RECHERCHES SUR L’ABSORPTION. 157 
pression sur le chyle par l'inspiration et la pression de l'intestin 
dans ce dernier endroit que dans la poitrine. Le chyle a pourtant à 
vaincre un obstacle avant d'arriver dans les villosités , et de cette 
façon il comprime les villosités de telle sorte qu'elles ne peuvent plus 
le recevoir. Brücke chercha alors une autre force qui maintient les 
villosités étendues, et cette force il la trouva dans les vaisseaux 
capillaires qui entourent les villosités. Ces vaisseaux capillaires 
agissent avec une force d'autant plus grande que la pression venant 
du cœur est augmentée par la résistance de la circulation de la 
veine porte. Chaque villosité se ride parla contraction de ses 
fibres musculaires, et pousse ainsi le chyle dans les canaux desti- 
nés à le recevoir, et dans lesquels il est amené par une pression 
qui se renouvelle continuellement. 

Comme nous avions très souvent observé du pigment dans le 
sang du cœur et dans les vaisseaux , nous cherchâmes à examiner 
sur des Grenouilles dans lesquelles nous en avions introduit quel 
chemin il prendrait afin de nous ranger à l’une ou l’autre des opi- 
nions que nous venons de rapporter. Beaucoup d'expériences ne 
nous réussirent pas d’abord, et ce ne fut qu'après de longues 
observations que nous pümes arriver à notre but. 

Le 14 juin 1854, je tuai une Grenouille, dans laquelle j'avais 
introduit du pigment. A l'ouverture du ventre, l'intestin m’appa- 
rut avec sa couleur ordinaire; je l’ouvris avec un scalpel très 
propre, et j'enlevai une partie de l'épithélium. L’épithèle de l'in- 
testin grêle affectait des formes assez différentes ; plusieurs avaient 
la forme des reins ; d’autres étaient plus coniques, et chez quel- 
ques-unes le bord supérieur était un peu tendu dans le sens de sa 
largeur, tandis que l'extrémité aiguë paraissait formée comme dans 
l'épithélium cylindrique. J'ouvris l'estomac; j'enlevai aussi une 
portion de l’épithèle, que j'examinai au microscope. Dans le liquide 
qui baignait les cellules, je trouvai fort peu de molécules de pig- 
ment ; mais je fus très surpris de voir des cellules qui paraissaient 
presque loutes remplies de pigment. Comme on pouvait croire ou 
que ces molécules étaient seulement adhérentes à la membrane 
extérieure des cellules, ou qu’elles étaient simplement des molé- 
cules obscures de graisse, il fallait employer des soins minutieux, 


158 F. MARFELS. 


si l’on voulait constater d’abord que ces molécules éfaient vraiment 
contenues dans l’intérieur des cellules , ensuite prouver qu'elles 
étaient bien des molécules de pigment. Pour savoir si ces molécules 
était ou non de la graisse, je versai dessus quelques gouttes 
d’éther ; alors quelques cellules devinrent plus claires et plus faci- 
lement reconnaissables. Funke avait vu sur un homme guillotiné 
des épithèles cylindriques isolées ou groupées en espèce de co- 
lonne , remplies de petites gouttes de graisse qui se trouvaient 
presque constamment à l'extrémité inférieure aiguë des cellules, 
derrière le nueléus. Nous observâmes aussi dans notre expérience 
des cellules isolées ou rassemblées, qui contenaient principalement 
de ces corpuscules noires à l'extrémité inférieure. Je vis une cellule 
que je pouvais facilement observer et faire couler à volonté, après 
avoir versé dessus, une dissolution de natron très étendue. Dans 
cette cellule, derrière le nueléus, se trouvaient quatre molécules 
de pigment en colonne allongée, qu'on pouvait reconnaître dans 
chaque position de la cellule. J'observai ces molécules de pigment 
pendant plus d’une demi-heure , sans qu'il me fut possible de les 
faire sortir même par une pression répétée sur la cellule. Nous 
étions alors fondés à croire que ces molécules de pigment se trou- 
vaient dans la cellule. Ce résultat nous parut positif. 

Le lendemain nous parvinmes à constater sur une Grenouille, 
dans laquelle on avait introduit du pigment à deux reprises diffé- 
rentes, la présence de cette matière dans l’épithélium de l'intestin, 
rendue évidente par l'emploi de différents réactifs. Nous obtinmes 
ces résultats par trois fois, et en dernier lieu le 12 seplém- 
bre 1854. 

Dans celte dernière expérience faite sur une Grenouille long- 
temps nourrie avec du pigment et du lait, nous trouvâmes aussi 
évidemment du pigment dans les cellules de l’épithélium intesti- 
nal. Cette fois nous apercûmes un corpuscule de pigment très 
brillant et très long qui ne pouvait être extrait de la cellule, pas 
plus que les autres, ni par pression, ni par la communication d'un 
mouvement. Nous en trouvâmes aussi derrière le nucléus à l'extré- 
mité inférieure, et nous reconnûmes parfaitement des corpuscules 
de pigment , et d’autres ressemblaient à des molécules de lait, 


RECHERCHES SUR L’ABSORPTION. 159 


L'emploi des réactifs était pour nous un moyen très sûr de recon- 
naître le pigment ; car nous fûmes assurés de ne plus pouvoir con- 
fondre d’autres matières avec les corpuscules de pigment, et par 
le gonflement que les réactifs produisirent dans les cellules, nous 
pûmes toujours facilement en constater le contenu; toutefois ces 
recherches exigent beaucoup de patience. 

Nous ne saurions trop recommander à ceux qui voudront s’y 
livrer de le faire avec un grand soin , et surtout de ne pas oublier 
que c’est au moyen des pressions et des mouvements imprimés 
aux corpuscules que l’on peut éviter les erreurs, car le pigment se 
fixe assez solidement contre la paroi de la membrane. 

J'ai aussi cherché à découvrir des molécules de pigment dans 
les cellules des intestins d’animaux morts. Dans ce but, je pris une 
partie longue de 15 centimètres de l'intestin d’un Bœuf tué depuis 
peu de temps; je le liai autour d’un bouchon traversé par un tube 
de verre de 6 millimètres de diamètre ; j'enduisis les bords d’un 
maslice composé de résine et de cire. L'extrémité inférieure de 
l'intestin fut liée, et une dissolution saline du poids spécifique de 
4,125, mêlée de beaucoup de pigment, fut versée dans le tube. Le 
liquide remplissait le tube jusqu’à son extrémité supérieure, de 
telle facon que sur la muqueuse de l’intestin il s’exerçait une 
pression de 125 centimètres qui correspond à une pression d’en- 
viron 10 centimètres de mercure. L’intestin resta sous celle pres- 
sion, durant vingt-quatre heures, à la température ordinaire; puis 
les cellules furent examinées. Cette expérience, trois fois répétée à 
la témpérature ordinaire, ne nous donna aucun résultat, etil fallut 
recourir à d’autres moyens. Nous opérâmes alors à une tempéra- 
ture plus élevée. Cette seconde expérience se fit comme la pre- 
mière, à l'exception que nous plaçämes l'intestin dans un fourneau à 
révérbère, à la température de 34 degrés centigrades. Vingt-quatre 
heures après, je trouvai des molécules de pigment plus ou moins 
grosses en assez grande quantité dans plusieurs cellules, et, malgré 
{ous nos essais, nous ne pümes Les enlever ni par pression, ni par 
un mouvement imprimé aux cellules. C'était la preuve qu’elles 
faisaient partie du contenu des cellules. Considérées sous le rap- 

ort de leur position, leur diamètre en longueur, était ordnaire- 


160 F, MARFELS,. 


ment perpendiculaire à l’axe des cellules, quelquefois même 
parallèle, et alors elles paraissaient allongées. 

Dans une cellule, un de ces corpuscules se trouvait au-dessus, 
et un autre au-dessous du nucléus. Dans d’autres cellules, ils 
avaient diverses positions. Une seconde expérience faite dans les 
mêmes circonstances, mais avec une pression de mercure de plus 
de 9 centimètres, eut le même résultat, Des molécules de pigment 
se trouvaient encore dans les cellules. 

Par ces recherches sur l'entrée des corpuscules de pigment dans 
les cellules, comme par les observations que nous avons faites sur 
des Grenouilles , nous {arrivions naturellement à nous poser cette 
question : Comment et par où les *orpuscules pénètrent-ils dans les 
cellules ? Comme il est impossible de croire qu'ils soient produits 
dans les cellules, il faut nécessairement qu'il y ait un passage 
au moyen duquel ils puissent pénétrer dans l’intérieur de ces 
corps. Et ce passage ne peut être autre que celui que Brucke a 
décrit, en s'appuyant sur l'opinion de Gruby et Delafond. On ne 
peut songer pour les molécules de pigment à une introduction par 
déchirement de la membrane, parce que cette substance n'offre 
pas de pointes avec lesquelles elle puisse déchirer les cellules. 

La théorie de Wissingshausen, qui prétesd que c’est la bile qui 
est la cause du passage de la graisse dans les cellules et plus loin, 
ne nous parait pas assez fondée, attendu que, dans nos recherches, 
nous n'avons point vu quela force capillaire jouàt une rôle dans cette 
opération. Nous ne conteslons pas toutefois que la bile ne puisse 
intervenir puissamment en opérant une division très grande entre 
les molécules de graisse. 

Nous avons aussi recherché si les molécules de pigment pou- 
vaient pénétrer dans d’autres cellules que les cellules cylindriques 
de l'intestin. Nos observations nous ont conduit à nier cette possi- 
bilité pour deux espèces de cellules. Un mélange de corpuseules 
de sang de Grenouille et de pigment fut secoué à plusieurs reprises 
de temps en temps, puis examiné, sans que nous ayons pu constater 
que les corpuscules de pigment aient penécré dans les corpuscules 
de sang. Nous fimes aussi un mélange des cellules polygonales 
épithéliques dela Janguehumaine, de pigmentet d’une dissolution de 


RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 161 


sel. Nous fimes reposer sur ce mélange un tube rempli de cette 
dissolution de sel et de pigment avec une pression d’une colonne 
de mercure de 9 centimètres. Le mélange fut maintenu à la tem- 
pérature voulue, et quoique nous ayons répété cette expérience plu- 
sieurs fois , nous n’avons jamais trouvé de molécules de pigment 
dans l'intérieur des cellules polygonales. 

Il ressort de nos recherches que la constitution de l’épithélium 
cylindrique doit être considérée en premier lieu, pour arriver à 
résoudre cette question du passage de petites molécules dans le 
système des canaux sanguins. Nous croyons que la chaleur joue 
un très grand rôle dans ce passage ; car, ainsi que nous l'avons dit 
plus haut, nous n’avons pas obtenu de résultat à une température 
peu élevée. La température a certainement exercée de l’influence 
dans lés recherches dont il va être question ; elles ont été faites au 
milieu des plus grandes chaleurs de l'été, tandis que celles dontnous 
venons de parler avaient lieu vers la fin de l'automne. Quant à la 
pression de 9 à 40 centimètres de mercure exercée par nous dans 
ces expériences, je ne puis décider si elle est nécessaire ou non. Je 
penche plutôt vers la négative. Il nous est arrivé, en effet, pen- 
dant les chaleurs de l'été, et en n’usant d'autre pression que de 
celle propre du mélange introduit dans l'intestin des animaux 
tués, d'obtenir les résultats suivants. 

L’assistant de M. Chelius eut l’obligeance de me donner une por- 
tion de l'intestin grêle d’une femme morte, quatorze heures aupa- 
ravant, à la suite de l'opération d’un cancer du sein. L’épithélium 
était à l’état normal, et rempli de graisse. L'intestin fut lié à son 
extrémité inférieure, et rempli de pigment délayé dans de l’eau ; 
puis je divisai l'intestin par des ligatures éloignées de deux pouces 
les unes des autres. Je le suspendis ensuite par les deux extrémités, 
de façon à lui donner une position semi-cireulaire. Une demi-heure 
après, j'examinai une des divisions de l'intestin sans y trouver de 
pigment; les cellules étaient intactes. Le lendemain, nouvel exa- 
men ; mais je netrouvai plus d'épithélium ; je vis dans certains en- 
droits des villosités remplies de graisse. J'en fis bouillir quelques- 
unes dans de l’éther ; maisnous ne pûmes faire sortir complétement 
la graisse, et nous ne pouvions plus alors, ce jour là, espérer aucun 

4° série, Zoou, T, V. (Cahier n° 3.) % 11 


162 F. MARFELS. 


résultat. De nouvelles préparations furent mises dans de l’éther. 
Nous sortimes de ce bain une de ces préparations; au toucher, 
nous pouvions constater l’état de sécheresse où elle se trouvait, et 
il diminua beaucoup de volume sur le verre objectif. Je l’humectai 
avec une dissolution d’albumine avant de la soumettre à l’observa- 
tion microscopique. Pour extraire tout à fait la graisse qui pouvait 
s’y trouver encore , jy versai quelques gouttes d’éther; mais en 
examinant l’effetproduit, je vis qu'il ne pouvait plus y avoir de réac- 
tion , les villosités ne contenant plus de graisse, étant seulement 
remplies de molécules de pigment parfaitement reconnaissables. 
Elles se trouvaient en différentes quantités à la partie inférieure, 
sur les côtés et au milieu, jusqu'à l’extrémité supérieure des diffé- 
rentes villosités. Une comparaison avec la préparation de pigment 
introduite dans l'intestin ne nous laissa aucun doute sur l'identité 
des corpuscules. Afin de rendre notre cerlitude encore plus com- 
plète, nous y versämes du natron, dans lequel les molécules dé 
pigment ne subirent aucune dissolution, et il ne nous resta aucun 
doute sur la nature de ces corpuscules. Dans le parenchyme de la 
muqueuse de l'intestin, j'examinai un vaisseau, que je pouvais 
obsérver dans toute sa longueur. À son extrémité inférieure, il 
communiquait avéc un autre vaisseau ; il contenait également du 
pigment. Dans toute son étendue, on pouvait voir les corpuscules 
de pigment en grand nombre; la plupart touchaient les parois. 
Les autres préparations furent examinées le lendemain , et leurs 
villosités présentèrent la même apparence décrite plus haut. 

Plus tard, nous fimes les mêmes expériences sur une portion 
d’intestin de Bœuf qui était remplie de pigment. L'observation 
faite le lendemain ne nous donna pas de résultat certain. L’épithé- 
lium n'existait plus; les villosités paraissaient contenir des molé- 
cules de pigment, dont nous ne pûmes cependant constater l’iden- 
tité par des réactions chimiques. Plusieurs préparations furent de 
nouveau mises dans l’éther, et examinées sept jours après. Comme 
nous l’avions observé dans l'intestin humain, nous aperçûmes des 
molécules de pigment dans les villosités. vers le milieu de l’am- 
poule qui s’y trouve. Elles étaient placées à la file ou bien à 
côté les unes des autres; je ne pus les séparer ni par pression, 
ni par le contact du natron. Je vis même dans cetté ampoule 


RECHERCHES SUR L’ABSORPTION. 163 


quelques molécules de pigment; la partie inférieure était vide, et 
au milieu se trouvait le pigment, mêlé au contenu de l’ampoule. 
Les préparations examinées le lendemain confirmérent les obser- 
valions faites la veille. 

Ainsi j'avais trouvé le pigment dans l’épithélium de l'intestin, et 
même dans les villosités; je continuai à le chercher plus loin, et 
jusque dans les canaux ehylifères les plus étroits de la muqueuse 
de l'intestin. C'était un travail extrèmement difficile, parce que ces 
vaisseaux ne sont pas encore bien connus. Je fis tous mes efforts 
pour y bien réussir. D'abord, dans des vaisseaux que je crus de- 
voir regarder comme des vaisseaux chylifères , je découvris du 
pigment à l'entrée. Ils étaient très allongés, serpentaient de temps 
en temps, mais ils couraient principalement en ligne directe. 
A de grands intervalles , d’autres vaisseaux venaient s’y embou- 
cher; leurs parois n'avaient pas de nucléus, et quoique nous neles 
éussions pas traités avec de l’eau, nous n’y remarquions pas de 
corpuscules de sang colorés, mais une grande quantité de corpus- 
cules élémentaires, et cà et là des corpuscules de chyle. Nous 
aperçümes à différentes reprises de semblables vaisseaux qui con- 
tenaient toujours du pigment. Les différents réactifs que nous 
employâmes ne nous laissérent pas de doute à cet égard. Si nos 
observations et nos opinions sur ces vaisseaux sont admises, le 
passage du pigment dans ces vaisseaux est aussi démontré. Deux 
fois nous trouvâmes du pigment dans des vaisseaux du mésentère 
dé Grenouilles; c'étaient sûrement des vaisseaux lymphatiques. 
Le pigment se trouvait à côté de corpuscules de sang colorés. 
L'emploi de différents réactifs n’y produisit aucun changement. 

Mais nous ne pouvions, malgré toutes ces apparences, être cer- 
lains que ces vaisseaux microscopiques étaient réellement des 
vaisseaux chylifères : nous voulûmes alors rechercher le pigment 
dans les vaisseaux chylifères plus grands de Mammifères, à Ja 
nourriture desquels on aurait mêlé du pigment. Dans ce but, je 
pris trois Chiens , dont deux nous donnèrent un résultat certain. 

Je tuai un Chien nourri pendant {oute une semaine avec du lait 
et de la viande mélés de pigment. Le canal thoracique fat lié à 
l'embouchure de la veine subclaviaire et à plusieurs autres places ; 
ainsi divisé, le tout avait à peu près 6 pouces de longueur. Je cou- 


164 F. MARFELS, — RECHERCHES SUR L'ABSORPTION. 


pai alors quelques-unes de ces divisions, et je plaçai sur l'objectif 
une goutie du contenu, Dans toutes les gouttes que j'observai, 
j'aperçus des molécules isolées et des agglomérations de pigment, 
Dans ces agglomérations , je pouvais parfaitement distinguer les 
différents corpuscules ; ils se trouvaient dans un liquide qui con- 
tenait des corpuscules de chyle et des corpuscules de graisse plus 
ou moins petits. Les canaux chylifères du mésentère, d’après leur 
apparence extérieure, étaient peu remplis. Pourtant quelques 
vaisseaux que je coupai contenaient comme le canal thoracique des 
corpuseules de chyle et de graisse, et à côté quelques molécules 
isolées de pigment, Il n'y avait pas d'agglomération de pigment 
dans ces vaisseaux. Un autre Chien, auquel on avait donné, pen- 
dant cinq jours, du pigment mêlé à sa nourriture, fut tué vers neuf 
heures du matin ; il avait mangé la dernière fois vers cinq heures 
du matin. Le corps ouvert montra le canal thoracique rempli de 
chyle. I fut lié en plusieurs parties , et diverses préparations furent 
examinées. Dans toutes nous constatâmes des corpuscules de pig- 
ment; mais nous ne vimes pas d'agelomérations. L'observation du 
chyle des canaux du mésentère nous donna le même résultat. 

Par ces recherches, nous avons fait connaître la voie que suivent 
les matières absorbées , et nous avons démontré que même des 
matières insolubles passent par ces parties jusque dans le sang. Si 
cela s'opère enfin comme nous l'avons observé, alors la résorption 
de la graisse est tont à fait éclairée. La théorie de Brucke sur la 
construction de l’épithélium de la muqueuse de l'intestin, le mode 
de passage fondé sur des lois physiques, est, comme nous croyons, 
suffisamment prouvé par nos recherches, et par cela la résorption 
de la graisse réduite à un procédé simple et physique. 

Enfin, je dois remarquer que des expériences endosmo- 
tiques que nous fimes avec le sang et le pigment ne nous donnèrent 
pas de résultat, Nous expérimentfämes sous une pression aug- 
mentée, mais, aux liquides dans lesquels ces matières devaient 
passer, nous avions mêlé de la bile. Quand nous opérâmes avec 
des corpuscules de sang, nous avions eu soin que le liquide, dans 
lequel ils devaient passer, füt une dissolution de sel qui n'aurait 
pas chang les corpuseules de sang, 


—— 


NOTE 


SUR 


LES DIMENSIONS DES GLOBULES DU SANG 
CHEZ QUELQUES VERTÉBRÉS A SANG FROID, 


Par M. Alphonse MILNE EDWARDS. 


Depuis que les travaux de MM. Prevost et Dumas ont appelé 
l'attention des physiologistes sur les différences de volume des 
globules du sang chez les divers animaux, on a beaucoup multiplié 
ces observations micrométriques sur les Mammifères et les Oiseaux; 
mais on ne possède que peu de renseignements sur les dimensions 
de ces corpuscules chez les Reptiles, les Batraciens et les Poissons ; 
j'ai donc pensé qu’il pourrait êlre utile de faire connaître les me- 
sures que j'ai prises chez un certain nombre d'animaux de ces trois 
classes. M. Milne Edwards (mon père) s’est assuré de l’exacti- 
tude du procédé, employé dans des observations de ce genre par 
M. Schmidt de Dorpat, qui consiste à faire sécher rapidement sur 
une lame de verre une couche extrêmement mince du sang qu'on 
veut examiner, et j'en ai fait usage aussi non-seulement parce qu'il 
est très commode, mais encore parce qu'il permet de soumettre 
les résultats obtenus à toutes les vérifications désirables. Cela per- 
met également de varier davantage les observations , d'étudier les 
globules d'animaux qui ne se (rouvent pas dans nos ménageries ; 
car le sang ainsi préparé peut se conserver très longtemps, et mon 
père en a recu des échantillons en très bon état, qu'à sa demande 
on lui avait envoyés de divers pays lointains. 

C'est grâce à cette circonstance que j'ai pu prendre la mesure du 
sang de l’Axolotl. On sait déjà, par les observations de MM. Wa- 
gner, Mandl et Gulliver, que, chez le Protée et la Sirène, les glo- 
bules sanguins sont beaucoup plus gros que chez la Grenouille, et 
méme que chez le Triton; il était done intéressant de voir si ce 
caractère hématologique se retrouverait chez tous les Batraciens 
pérennibranches. M. Henri de Saussure ayant recueilli, de la 
manière ci-dessus indiquée, des échantillons de sang de l’Aæolott 


166 A. MILNE EDWARDS. — GLOBULES DU SANG 


Humboldtii , aux environs de la ville de Mexico, où ce Batracien 
vit dans la vase, j'ai été mis à même de résoudre cette question. 

Les globules rouges de l’Axolotl sont de grandeurs très inégales, 
mais sont tous remarquables par leur volume considérable. La plu- 
part ont environ 4/25 de millimètre de long sur 1/40 de millimètre 
de large; mais il s'en trouvait dont le grand diamètre était de 1/23 
de millimètre, et d’autres qui étaient au contraire beaucoup plus pe- 
tits. J'ai trouvé tous les intermédiaires entre 1/23 et 1/32 de milli- 
mètre; mais la dimension la plus générale était d'environ 1/25 de 
millimètre. 

On voit donc que ces globules, tout en étant très grands, le sont 
un peu moins que ceux des autres Batraciens pérennibranches ; 
car M. Wagner a constaté que, chez le Protée, ils ont1/18de mil- 
limêtre , et M. Gulliver leur a trouvé chez la Sirène 1/16 de milli- 
mètre. Or j'insiste sur cette circonstance, parce que mon père, 
dans ses leçons à la Faculté des sciences, a fait voir que la nature 
semble tendre à diminuer le volume des globules sanguins, à me- 
sure que l’activité respiratoire augmente. Or l’Axolotl étant un ani- 
mal plus petit que la Sirène, et vivant dans une région plus chaude, 
doit probablement, à poids égaux, consommer plus d'oxygène que 
les autres Pérennibranches. 

Les Salamandres terrestres, comme on le sait, mènent une vie 
très sédentaire , et n’ont que des mouvements lents comparés 
même à ceux des Salamandres aquatiques. On sait aussi que, chez 
ces derniers, les globules sanguins ont environ 1/33 de millimètre 
de long. 

Chez la Salamandre terrestre (S. maculata), j'ai trouvé que ces 
corpuseules ont de 1/28 à 1/25 de millimètre de long sur environ 
1/45 de millimètre de large. Chez la Grenouille rousse (R. tempo- 
raria), les globules rouges m'ont paru avoir les mêmes dimen- 
sions que chez la Grenouille commune (R. esculenta), c’est-à-dire 
environ 1/46 sur 1/70 de millimètre ; mais , chez la Rainette des 
arbres, ils m'ont paru être généralement plus petits. Quelques-uns 
de ces corpuscules mesuraient dans leur grand axe 1/50 de milli- 
mètre; mais la plupart n'avaient qu'environ 1/55 sur 1/80 de mil- 
limètre. 


CHEZ QUELQUES VERTÉBRÉS A SANG FROID, 167 


On sait que, dans la classe des Reptiles, les globules du sang 
sont plus petits que chez les Batraciens. Les mesures que j'ai eu 
l'occasion de prendre confirment cette règle , et il est aussi à noter 
que, chez ces animaux, il y a beaucoup moins de variations dans 
la grosseur des globules d’un même individu que chez les Batra- 
ciens. 

Caïman à lunettes (Alligator sclerops). . G.d. 1/42 p. d. 1/75 


Caiman à museau de Brochet (Alligator Lucius). 4/48 1/90 
Yaran du déserte 2400.30 ne stuss 41 04/56 1/90 
Lézard ocellé. sum moitantts lotir 0 1/125 
Scheltopusik (Psodopsus Pallasii) . . . . . 4/55 1/100 
Couleuvre Vipérine. « . . , 4 . .. . . :14/58 1/85 
Costode d'ENRODR cu sp es gcntte ns à 4/55 1/75 
Emyde à ventre rouge. . . . ... . . . 4/52 1/90 
MATIN NE + 4. 0 IE 1/90 


Sous le rapport des dimensions des globules sanguins, les Pois- 
sons plagiosiomes se rapprochent des Batraciens beaucoup plus 
que ne le font les Poissons osseux ; cela se déduit des mesures 
déjà publiées par MM. Wagner et J. Davy, et se voit également 
dans les observalions suivantes : 


Poissons plagioslomes. 


Squatina Angelus. . . . . . . . . . 41/40 1/50 
RM RE AS ue de nenne. ns vd Se 1/63 
LÉ ETS SNS SENIOR » » 
Eÿgœna Malleus : . . . . . . : . . 4/58 1/66 
Poissons osseux. 

Pabraginpns Ets dust Cubes fit «00 1/135 
Moliusibachames ns. …… on... A110P 1/135 
Seranns Cabrilla.  .  .  < : . 0 (0/00 1/122 
MN ENRIDR, Le 2 2. 2. ce + > à 1IO0 11130 
ANVIDONE VHIBAMB. + … eme le er 0 200) DO 1/120 
Rhombus maximus. . . . . . . . . . 4/80 1/105 
OPEN COR E EN M voute lmisiteit/80 1/00 


J'ajouterai que , chez les Poissons, les globules sanguins sont 
moins chargés de matière colorante que chez les Reptiles ; de plus, 
leur pellicule utriculaire se détruit avec beaucoup plus de facilité. 


EXTRAIT 
D'UNE 
LETTRE AU SUJET DU GENRE STO4A, 
En réponse à celle de M. SHUTTLEWORTH, 


Par M. MARCEL DE SERRES. 


Je remercie monsieur Shuttleworth pour les observations que lui a 
suggérées ma Note sur le genre Stoa. [lme permettra seulement de penser 
qu'il est préférable d'attirer l'attention sur un genre non pas superficielle- 
ment, mais complétement perforant, puisqu'il perce parfois le test des 
coquilles sur lesquelles il s'applique, que de le laisser dans l’oubli. Or je 
ne connais pas d'autre moyen d'arriver à ce but que de donner à ce corps 
particulier un nom, ainsi que je l'ai fait. 

J'ignore s’il y a quelques rapports entre le genre Spiroglyphus de 
MM. H. et À. Adams et notre nouveau genre ; mais ce qu'il y a de 
certain, c’est que leurs habitudes sont complétement différentes. Il en se- 
rait de même si l’on voulait comparer les Stoa avec les Vermetus, en 
supposant que les deux genres appartinssent à la même classe, ce qui est 
tout au moins incertain. Sans doute, il est fächeux de n’avoir pas pu dé- 
crire les animaux des Stoa; mais est-ce une raison de passer leurs tubes 
sous silence ? Je ne puis le croire , d’autant que j’ai quelque espoir de les 
découvrir à l’état fossile. 

C’est sans doute une distraction d’avoir dit que M. Reeve avait admis 
récemment le genre Phorus, car les travaux de ce conchyliologiste ne 
datent que de 18/41 ou de 1843 (1). Denis de Montfort avait, en 1810, dé- 
signé sous ce nom de Phorus les Troques qui agglutinent autour de leurs 
coquilles des pierres et d’autres objets, parmi lesquels on découvre aussi 
des fragments de coquilles (2). 

Quant aux mots Helix agglutinans, au lieu d’Helicina agglutinans, 
c’est sans doute une faute qui s’est glissée dans la copie du manuscrit, et 
qui s’est perpétuée à l'impression. 


(1) Proceedings zoo. Society, 1841, p. 76; et Conch. icon. monogr., 1843. 
— M. Reeve en a décrit neuf espèces vivantes ; il y en a plusieurs de fossiles. 
(2) Conchyliologie systématique de M. Denis de Montfort, 1. IL, p. 158; 1840. 


OBSERVATIONS 


SUR DES 


STAPHYLINS VIVIPARES QUI HABITENT CHEZ LES TERMITES, 


A LA MANIÈRE DES ANIMAUX DOMESTIQUES, 


Par M. SCHIODTE, de Copenhague. 


Extrait (1). 


A la prière de l’auteur de ce Mémoire, M. le professeur Rein- 
hardt a recueilli, pendant son voyage au Brésil , les divers ani- 
maux qui se trouvaient dans l’intérieur des nids de Termites dont 
il pouvait s'emparer ; et ce sont les collections formées de la sorte 
qui ont fourni à M. Schiodte les matériaux pour le travail dont 
nous donnerons ici la substance. 

Les Termites dont cet entomologiste s’est occupé habitent le voi- 
sinage de Santa-Lagoa, dans la province de Minas-Geraes au 
Brésil , et appartiennent à un petit groupe zoologique, qui sera 
probablement élevé au rang de genre, lorsque l'attention des clas- 
sificateurs se portera sérieusement sur l'arrangement systématique 
de ces Insectes. Elles construisent leur demeure avec une terre 
gluante ; les galeries y constituent un lacis uniforme, sans cellule 
spéciale pour la femelle, et sont fixées autour des branches d'arbres 
à une hauteur souvent assez considérable. La conformation des 
Soldats est surtout remarquable; ces individus ne sont pas plus 
gros que les travailleurs, et sont à peu près aussi nombreux que 
ces derniers ; ils ont la tête à peu près de même grosseur que chez 
ceux-ci, mais d’une forme très différente. En effet, son plus grand 


(1) Tiré d'un Mémoire intitulé : Corotocha og Spirachtha, Staphyliner som 
füde levende Unger, og ere Huusdyr hos en Termit, el inséré dans le Recueil des 
actes de l'Académie de Copenhague, 4854, &. IV, pl. 4 et 2, traduit du danois 
par M. Young, préparateur au laboratoire d'entomologie du Muséum d'histoire 
naturelle de Paris, 


170 SCHIODTE. 


développement est de bas en haut ; le front est vertical, et se pro- 
longe en une corne aiguë ; les mandibules ne sont pas allongées, 
mais très élargies ; enfin le bord interne de ces organes est cré- 
nelé, et leur bord externe garni d’une grande corne. 

Des Termites appartenant au même groupe se trouvent dans 
l'Amérique centrale et dans l'Amérique méridionale. M. Reinhardt 
les a rencontrées pour la première fois aux environs d’un petit vil- 
lage nommé Contagem das Abobaras , à 6 ou 7 lieues au sud de 
Lagoa-San{a, et en partant de ce point pour se diriger vers le nord, 
il les a trouvéesdans toutes les localités qu’il a visitées, c’est-à-dire 
sur une étendue de 10 à 12 milles géographiques. Mais les nids 
de ces Termites sont particulièrement communs autour de Lagoa- 
Santa , dans les Campos Serrados , et il n’en a jamais vu dans les 
forêts. 

M. Schiodte pense que les Soldats dont il vient d’être question, 
ainsi que ceux des autres espèces du genre Termite , ne sont pas 
des larves, comme le supposent quelques entomologistes, mais des 
individus d’une forme particulière, comparables aux Abeilles 
noires dont Huber a parlé, et il s’appuie sur diverses considéra- 
tions puisées dans les écrits de Daniel Rolander et de quelques 
autres voyageurs (1). 

Les nids de ces Termites ne sont pas occupés par leurs proprié- 
taires légitimes seulement. On y trouve aussi d’autres habitants qui 
appartiennent à la famille des Staphyliniens, et qui ont été décrits 
par M. Schiodte sous le nom de Corotoca Melantho , de Coroloca 
Phylo etde Spirachtha Eurymedusa. Ces intrus sont remarquables 
par le grand développement de leur abdomen, qu'ils portent relevé 
et reployé en avant au-dessus du thorax. Mais ce qui les rend sur- 
tout intéressants pour les physiologistes, c’est leur mode de repro- 
duction, car au lieu de pondre des œufs comme les Insectes ordi- 
naires, ils sont vivipares. En effet, en disséquant ces Staphyliniens, 
M. Schiodte a trouvé dans l’intérieur, dans leurs organes généra- 
teurs, non-seulement des œufs renfermant des embryons à divers 

(4) Daniel Rolander a visité Surinam il y a un siècle; et le récit de son voyage, 


mtitulé : Diarium Surinamium , se trouve , en manuscrit, à la Bibliothèque du 
jardin botanique de Copenhague. M. Schiodte en donne un long extrait. 


SUR DES STAPHYLINS : VIVIPARES. 171 


degrés de développement , mais des jeunes individus qui possé- 
daient déjà tous les caractères de larves bien constituées. 
Voici la description que M. Schiodte donne de ces singuliers 
Coléoptères : 
COROTOCA. 


Fam. Staphylini. — Trib. Aleocharini. 


Maxille mala interiori cornea, uncinata. 

Palpi maxillares A-articulati. 

Ligula lata, rotundata, paraglossis obsoletis. 

Palpi labiales 3-articulati. 

Tarsi 4-articulati, posteriores articulo primo valde elongato. 

Abdomen membranaceum, fractum : parte posteriori fixa, maxima , 
globosa, dorso anteriori animalis superposita. 


Képn, tixrw. 


Caput globosum, subdeflexum. Oculi medii, reniformes, magni, pro- 
minuli. Labrum transversum, truncatum, selis marginalibus elongatis, 
discoidalibus nullis. Mandibulæ edentulæ, apice tenui, acuto, dorso ante 
apicem et in medio sinuto : membrana lata, nuda : mola minuta lævi. 
Malamazxillarum interior tota cornea, pectine denso, Palpi maxillares 
articulo primo minuto, subcylindrico, sutura tantum spuria ab articulo 
sequente disjuncto; secundo clavato, tertioque globoso ejusdem ferme 
longitudinis, setis longis crassisque dense obsilis; quarto minutissimo , 
cylindrico, palpario hoc duplo longiore, cylindrico, apice obtuso. Men- 
tum parvum, transversum, brevissimum ; fulcrum obtectum ; ligula me- 
dio subemarginata, margine obsolete crenulato ; stipites palporum labia- 
lium horum articulo primo haud longiores. Palpi labiales articulo primo 
terlioque longitudine subæqualibus, hoc tenui, acuminato, secundo paullo 
breviore. Antenne validiuseulæ , filiformes, elongatæ, scapo forti, cla- 
xato, articulo secundo brevissimo, reliquis cylindricis elongatis, longi- 
tudine sensim decrescentibus, ultimo subelongato, ohlongo-ovato, acumi- 
nato. Pronotum gibbulum foveolatum et tuberculatum, transyersum , 
angulis rotundatis. Scutellum breve, triangulum, Elytra prothorace bre- 
xiora, depressa membranea, apice conjunctim emarginata, angulo exteriori 
acuminalo. Alæ ample, gracillimæ, margine parce ciliatæ, stigmate mem- 
braneo, venis obsoletis. Pedes elongati,robusti, posteriores late distantes; 
trochantini conspieui ; tibiæ pubescentes, parce spinulosæ ; articulus pri- 


472 SCHIODTE. 


mus tarsorum primi paris articulos sequentes longitudine æquans , se- 
cundi tertiique paris dimidio superans. Abdomen membranaceum, scutis 
dorsalibus brevissimis, ventralibus membraneis aut obsoletis : segmento 
dorsali secundo tertioque concretis : gastero-thorace appendice utrin- 
que instructo conica membranacea. 

Caput et thorax subtilissime reticulosa punctisque obsoletis parce im- 
pressa, glabra. Differentia sexûs externa, nisi magniludine maris paullo 
inferiori, vix ulla. 

I. Cororoca MELANTHO. 


Tab. I ; fig. 1. 


Fusca, fronte foveolata, pronoto multifoveolata , disco bitubercu- 
lato : tibis posterioribus fusiformibus, fuscis : scutis ventralibus 
segmenti quart quintique transversis. — Mas, Fem. 

Long. a fronte ad apicem segmenti secundi abdominis 2 1/2-3 millim. 


IT. CoroToca PyLo. 
Tab. I, fig. 47. 


Fusca , vertice foveolato, pronoto multifoveolato, disco trituber- 
culato : tibiis posterioribus linearibus, nigro-fuscis : scutis ventrali- 
bus segmenti quarti, quintique subquadratis. — Fem. 

Long. a fronte ad apicem segmenti secundi abdominis 2 1/2-3 millim. 

La structure des parties de la bouche et des pieds est tout à fait parti- 
culière dans ce genre, et suffit pour distinguer les Corotoca de tous les 
autres genres connus des Staphylins du groupe des Aleocharini. La struc- 
ture des parties de la bouche ne ressemble qu’à celle des Lomechusa, 
surtout en ce qui regarde les mächoires et le labre; mais les tarses tétra- 
mères ne se trouvent que chez les Hygronoma, les Oligota et les 
Diglossa, lesquels, à d’autres égards, s’éloignent beaucoup des Corotoca, 
qui, de leur côté, se tiennent à part, parmi ces Insectes, par un allonge- 
ment considérable du premier article des tarses. Cette affinité des Coro- 
toca avec les Lomechusa correspond aux mœurs de ces animaux ; mais 
elle n’est pas soutenue par l’aspect qui se rapproche plus encore de 
celui des Calodera et des Tachyusa. 

La grande mobilité de l'abdomen vers le haut dans les deux genres qui 
viennent d’être nommés, chez les Lomechusa et chez une partie des autres 
Aleocharini ; sa position élevée pendant la course, et la dépression pro- 
fonde qui existe au premier anneau dorsal de l'abdomen, et qui rend les 
mouvements de cette partie possibles, paraissent être les premiers indices 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES. 173 


du développement remarquable qui se voit chez les Corotoca, où l’abdo- 
men est littéralement fixé dans cette position élevée, la seule possible. Les 
figures des deux espèces vues de côté, et les figures de toutes les deux 
vues de dos (les animaux étant représentés, dans ces deux dernières figures, 
après que l'abdomen eut été détaché du thorax), donneront une idée plus 
exacte de celte conformation que ne le feraient de longsdétails. On observera 
que, quandle thorax s’élève un peu, le prothorax doit venir toucher l’extré- 
milé de l'abdomen, et l'animal en entier, vu alors de côté, aura un contour 
oyalaire à peu près parfait, dont l'arc supérieur en entier est formé par la 
moitié environ de la face inférieure ou ventrale de l'abdomen, tandis que la 
face dorsale du thorax et la face dorsale de l’abdomen, appliquées l’une sur 
l’autre, forment une ligne transversale située dans la moitié inférieure de 
l'ovule. Ajoutez à cela deux autres conditions anomales de l'abdomen ainsi 
fixé, sa mollesse produite par un état plus ou moins rudimentaire de Ja 
parlie cornée des anneaux , et le développement monstrueux que prenaient 
les cinq derniers anneaux, ce qui fait que l’ensemble forme une masse ova- 
laire considérable posée sur le thorax, un peu courbé de l'animal, comme 
un sac sur le dos d’une bête de somme. 

Ainsi l'abdomen est divisé en deux parties : la première composée 
des deux premiers segments; la seconde formée par les cinq autres. Les 
pièces dorsales des deuxième et troisième anneaux sont soudées par leurs 
bords. 

Les plaques ventrales ont la consistance de parchemin, à l’exception du 
dernier et de la moitié extérieure de l’avant-dernier segment qui offre une 
dépression transversale ; il y a plusieurs dépôts de chitine, qui en diversifie 
la couleur en la rendant plus foncée. 

Les plaques ventrales de la première partie de l'abdomen sont tout à fait 
rudimentaires, et n’offrent aucune trace de segmentation. Le premier seg- 
ment offre deux petites plaques entre les deux hanches postérieures, et le 
second une grande plaque profondément incisée en avant. 

Les plaques ventrales de la partie élevée de l'abdomen ont une forme 
segmentaire. Les deux derniers segments occupent la presque totalité de 
cette surface ; le dernier est entier, et le pénultième est divisé au milieu 
par une impression transversale profonde; les troisième, quatrième et 
cinquième segments ont leurs plaques ventrales sillonnées transversale- 
ment, de manière à diviser chaque segment en trois parties, dont la 
moyenne, un peu élevée, représente la partie principale du segment ; la 
parlie antérieure représente le bord postérieur du segment, et la partie 
postérieure, un peu plus large, représente son bord antérieur. 


47h SCHIODTE. 


Les plaques dorsales de la partie antérieure de l'abdomen sont petites 
et fortes ; elles forment des arcs transversaux d’une couleur plus foncée 
que les parties environnantes, et donnent attache à des muscles et à des 
ligaments puissants qui assurent l'abdomen dans sa position. 

Les plaques dorsales de la partie élevée de l'abdomen ont la consistance 
de parchemin. Les bords latéraux du deuxième et du troisième segment 
sont soutenus par une bande de même consistance qui est réunie forte- 
ment en avant à l’arc dorsal du troisième anneau. Les plaques dorsales du 
quatrième, du cinquième et du sixième anneau, sont petites, à bord 
antérieur élevé; elles sont fortement pressées les unes contre les autres, et 
se trouvent dans la dépression qui résulte de la forme voüûtée des côtés de 
ces anneaux; la dernière plaque dorsale correspondant à la dernière 
plaque ventrale. 

Tous les anneaux abdominaux sont à peu près immobiles, à l’exception 
du dernier ; les stigmates sont extrêmement petits (ce qui les rend diffi- 
ciles à apercevoir, et manquent de péritrime; les canaux trachéens 
sont situés à la force dorsale de l'animal, immédiatement derrière les 
plaques dorsales ; mais la dernière paire est située plus extérieurement 
en dehors des parties membraneuses, qui donnent au dernier segment 
l'apparence d’une grande tache ovalaire, dont les parties latérales sont 
d’une couleur plus claire. 

Les deux espèces sont très rapprochées entre elles, mais on les distingue 
facilement. 

Chez la Corotoca Melantho, la tête est proportionnellement plus grande ; 
lé front offre entre les antennes une impression dont l’étendue et la pro- 
fondeur varient un peu, et cette partie est parfois divisée en deux par une 
saillie qui règne le long de la ligne moyenne. Le prothorax offre la plus 
grande largeur dans sa moilié postérieure ; son bord antérieur présente une 
petite dépression à son milieu, et un peu plus en arrière, de chaque côté, 
se trouve une dépression transversale courte, mais profonde ; enfin un 
peu plus en arrière encore, vers le milieu de la plaque, existent deux 
grandes éminences arrondies, entre lesquelles il y a une surface plane 
inclinée en arrière. Au milieu de son bord postérieur existe une dé- 
pression , de chaque côté de laquelle, et en arrière des éminences arron- 
dies mentionnées , il y a une autre éminence un peu plus volumineuse, 
et au côté externe de celle-ci, sur les parties latérales du pronotum, 
une autre encore de la même grandeur; enfin on voit souvent une petite 
impression sur l’angle postérieur et latéral recourbé en bas, et tout 
auprès du bord antérieur, derrière les yeux, un enfoncement profond et 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES. 175 


arrondi. Les antennes sont grêles, un peu plus allongées que la tête et le 
thorax pris ensemble. La partie élevée de l'abdomen est, vue en dessus, 
d’une forme ovoïde renversée; mais vue de côlé, son contour est à peu près 
elliptique. Les plaques ventrales sont garnies d’un assez grand nombre de 
soies courtes, rangées en partie en séries transversales. 

La Corotoca Phylo est un peu plus grande , et elle est un peu plus 
renflée dans toute sa structure. Au sommet de la tête, il y a une dépression 
longitudinale ; mais l'impression entre les antennes manque. Le pronotum 
a sa plus grande largeur au devant de son milieu. Le bord antérieur n’a 
aucune dépression à son milieu ; au contraire, l’espace qui existe en avant 
des deux éminences arrondies s'élève pour former une nodosité qui devient 
très proéminente , et se trouve séparée des deux côtés des éminences 
arrondies par une dépression profonde. Les dépressions au devant du 
milieu du bord postérieur sont très considérables et plus profondes que 
chez les Corotoca Melantho, mais la petite fossette profonde située 
au dehors de l’œil manque ; les antennes ne sont pas plus longues que la 
tête et le thorax pris ensemble ; tous les anneaux sont plus courts et plus 
avancés que chez le Corotoca Melantho. Du reste, on y trouve les mêmes 
excavations. [Il est aussi à noter que le contour des boucliers moyens de la 
partie ventrale, reployée en haut, paraît plus ovale quand on le voit en 
dessus, et d’une forme irrégulière quand on le voit par les côtés. Enfin le 
pénultième anneau est incliné presque verticalement , et le nombre des 
soies qui garnissent l’abdomen est bien moins considérable que dans 
l'espèce précédente. 

Du reste, je renvoie le lecteur aux figures pour se faire une idée plus 
exacte de petites particularités qui distinguent ces deux espèces entre 
elles. - 

La C. Phylo paraît être beaucoup plus rare que la C. Melantho; car, 
dans une collection assez considérable des Corotoca, je n’en ai trouvé 
que trois individus. Par conséquent, ce que le professeur Reinhardt 
m'a communiqué se rapporte principalement à la C. Melantho. Depuis 
que son attention $’est fixée sur ces Insectes , il les a trouvés constamment 
et pendant toute l’année dans les nids des Termites bâtis dans les arbres. 
Dans des nids nouveaux et petits, il n’a trouvé que deux ou trois individus; 
mais dans des nids plus anciens, souvent un bien plus grand nombre. Dans 
un nid qu'il ouvrit le 17 février 4852, il en a trouvé trente et un, et il en 
a extrait d’un autre, le 15 mars de la même année, quarante-quatre in- 
dividus. 


176 SCHIODTE. 


SPIRACHTHA. 
Fam. Staphylini. — Trib. Aleocharini. 


Mazxillæ mala interiori cornea, uncinata. 

Palpi maxillares 3-articulati. 

Ligula ampla, integra, rotundata, paraglossis obsoletis. 

Palpi labiales 3-articulati, minutissimi, verruciformes, liqula 
supertecti. 

Tarsi 4-articulati, articulis anterioribus tribus æqualibus. 

Abdomen (in femina saltem) membranaceum, maximum fractum : parte 
anteriori globosa, posteriori fixa, conica , anterius ascendente tribusque 
utrinque munita appendicibus membranaceis, filiformibus biarticulatis : 


ErupoyOns. 


Caput subdepressum subovale, nutans. Oculi anteriores, rotundati, 
parvi, subprominuli. Labrum transversum, rotundatum, margine repando, 
setis marginalibus et discoidalibus, omnibus brevissimis. Mandibulæ 
edentulæ, apice tenui, acuto, dorso ante apicem et in medio sinuato; 
membrana lata, nuda ; mola minuta, lævi. Mala maxillarum interior 
tota cornea, pectine raro. Palpi maxillares articulo primo nullo, se- 
cundo tertioque crassis , setis coronatis brevibus singulaque instructis 
exteriori longissima, validissima; secundo subclavato, incurvo, tertio hoc 
dimidio breviore, subeylindrico; ultimo angusto, conico, longitudine 
præcedentis, palpario parvo, conico. Mentum magnum, subquadratum ; 
fulerum apertum; ligula apice medio sinualo, margine obsolete crenulato ; 
stipites palporum labialium elongati, palpis duplo longiores. Palpi la- 
biales dimidiam longitudinem ultimi palporum maxillarium articuli vix 
complentes, conici, articulis magnitudine sensim decrescentibus, wltimo 
ægre observando. Antennæ graciliores, filiformes. Thorax angustus, 
elongatus, depressus; prothorax membranaceus, scuto pronoti parvo, 
transverse rotundato, dimidium prothoracis dorsum vix complente. Scu- 
tellum breve, triangulum. ÆElytra prothorace paullo breviora , depressa 
membranea, angulo exteriori obtuse acuminato. Alæ amplæ, gracillimæ, 
margine parce ciliatæ, stigmate membraneo, vents obsoletis. Pedes bre- 
viusculi, graciles, omnes late distantes. 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES. 177 


SPIRACHTHA EURYMEDUSA. 


Tab. 1, fig. 2. 


. Albissima, membranacea, antennis, capite, scutis thoracicis et abdomr 
nalibus pedibusque corneo-membraneis, pallide fuscis, coxis, femorum 
basi, tibiis trochanteribusque posticis fuscis, ceulis fusco-nigris. 

Long. a fronte ad finem segmenti secundi abdominis 2 millim. 

Lat. segmenti secundi abdominis 1 millim. 

Ici déjà les caractères génériques ne sont plus les mêmes ; la structure 
se modifie, et s’éloigne beaucoup de la forme fondamentale des Staphylins; 
ce sont des formes qui s’isolent, et ces Insectes peuvent être considérés 
comme un exemple frappant d’un développement anomal, avec conserva- 
tion parfaite de ce qu’il y a de typique de l’organisme. Des parties buccales, 
il n’y a que la langue et le lobe interne des mâchoires qui se rapprochent 
de la structure des Lomechusa ; au contraire, la petitesse extraordinaire 
des palpes labiaux, la forme des palpes maxillaires et le défaut de l’article 
basilaire de ces derniers, sont des caractères étrangers au groupe des 
Aleocharini. La partie antérieure du corps s'éloigne tout à fait de ce qu'on 
observe chezle Corotoca , mais rappelle plus , par sa forme aplatie, dé- 
primée et l'égalité de la largeur de tout le corps, par ses petits yeux très 
saillants et par ses pattes courtes et grêles, ce qu’on observe dans un assez 
grand nombre d'espèces d’Homalota. 

Même à la tête et au thorax, la mollesse est aussi grande que possible, 
toutefois sans que les muscles perdent les points d’attache nécessaires. 
Le test de la tête est si mou le long de la ligne moyenne, en dessus et 
en dessous, qu’il est à peu près membraneux. Le petit bouclier du prono- 
tum n'occupe pas la moitié de la face dorsale du prothorax; le proster- 
num est si court, qu'il ressemble à une bande transversale étroite , et les 
parois des cavités coxales sont membraneuses au point que les trochan- 
tins paraissent comme s'ils étaient à nu. 

La structure de l’abdomen de ces Insectes diffère à beaucoup d'égards 
de ce qui se voit chez les Corotoca; en effet, sa partie antérieure offre un 
repflement globuleux énorme du deuxième article, qui est plus gros que 
toute la partie postérieure de cette région du corps. Par suite de cette 
disposition , l'abdomen est plus fortement attaché et reste plus éloigné du 
thorax, sur lequel il ne repose pas. Sur le premier et le second anneau de 
l'abdomen, les plaques ont presque disparu ; il existe sur le troisième, le 
quatrième et le cinquième anneau, des bandes transversales grêles et li- 

%" série. Zooz. T. V, (Cahier n° 3.) * 42 


178 SCHIODTE. 


néaires. Sur le sixième anneau, la dépression transversale, indiquée seule- 
ment chez la Corotoca, est plus fortement marquée, de sorte que la plaque 
ventrale est formée par une étroite bande transversale, séparée de la partie 
antérieure par un espace membraneux. Même les plaques dorsales sont 
grêles, et ont la forme de bandes transversales éloignées les unes des autres, 
à l’exception de la dernière qui se rapproche plus de la plaque ventrale 
correspondante. 

De la sorte, le développement de ces plaques est moins avancé que chez 
les Corotoca , et par cela même les parties membraneuses sont bien plus 
marquées ; la partie antérieure (celle qui est tournée en arrière) du 
troisième , du quatrième, du cinquième et du sixième anneau ventral 
est très développée, et si saillante, que la portion relevée de l’abdomen 
semble offrir des côtes quand on la regarde de profil. Déjà chez les Coro- 
toca , les parties latérales bombées du troisième, du quatrième , du cin- 
quième et du sixième segment dorsal sont développées à un tel point, 
qu’elles ont une apparence vésiculaire. 

La différence essentielle de la structure de l'abdomen dans les deux 
genres consiste en ce que; dans les Corotoca, les arcs dorsaux et ventraux 
se continuent latéralement les uns avec les autres sans interruption, 
tandis que chez les Spirachtha (au moins chez la femelle) ils sont, dans 
le troisième, le quatrième et le cinquième anneau , réunis par une partie 
membraneuse dont le développement est très remarquable. Efféctivement, 
il en naît un prolongement conique, soutenu antérieurement par un bord 
de chitine, qui porte un long organe appendiculaire cylindrique, à deux 
articles. On voit aussi un renflement pyriforme, à la base du prolongement 
conique des quatrième et cinquième anneaux. 

Tout l'abdomen ést parsemé de points de chitine et de poils courts, fins 
et blancs, disséminés. Les stigmates et lés trachées sont conformés comme 
chez les Corotoca. 

La Spirachtha Eurymedusa paraît être plus rare que les Corotoca. 
Je l'ai trouvée, dit M. le professeur Reinhardt, dans deux nids de Ter- 
mites qué j’examinai en juin 1851 ; plus tard, je lai cherchée en vain 
jusqu’à mon départ de Lagoa-Santa, à la fin d'avril 1852. Dans chacun de 
ces deux nids, je trouvai cinq ou six individus ; mais, comme je mis alors 
peu de zèle dans la recherche de ces animaux, il est probable que je n'ai 
pris qu’une petite partie des individus qui Sy trouvaient. 

Le peu de fermeté du squelette tégumentaire, la langue arrondie, le 
lobe interne de la mächoire se terminant en crochet, les hanches fixées sur 
les côtés du thorax et se prolongeant sur l’abdomen , les trochanters libres, 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES, 179 


le peu de développement des stigmates , le défaut de péritrèmes, les rami- 
fications trachéennes très peu abondantes, témoignant d’une respiration 
peu active, et la conformation remarquable de l'abdomen, démontrent une 
parenté intime entre ces deux genres. 

Cet abdomen est à peu près immobile ; sa grosseur est monstrueuse ; il 
est membraneux, ployé en haut par-dessus le thorax de l'animal, et soudé 
dans cette position. 

Il est manifeste que la première, la troisième et la quatrième condi- 
tion dépendent de la seconde. En effet, c’est le volume qui détermine ici 
la disposition ; la seule qui ait pu préserver ces animaux de la condition 
d'impuissance absolue qu’on rencontre chez les reines des Termites, en 
portant le centre de gravité du corps tellement en avant, que l’animal 
porte une partie plus ou moins considérable de son propre poids sur le 
dos , et par conséquent n’a pas besoin de le traîner après lui; de cette 
disposition, et de l’assujettissement nécessaire et de la soudure des parties 
aux deux segments du corps résulteune mobilité très bornéenon-seulement 
de l’ensemble de l'abdomen, mais de toutes ses parties en particulier ; de là 
vient encore son état de mollesse : les muscles, devenus moins nécessaires, 
se développant peu , leurs points d'appui, les plaques, restent molles ou 
disparaissent même, w’étant plus nécessaires pour la protection de l’ani- 
mal qui vit dans l’intérieur d’un nid de Termite, et qui n’est pas organisé 
pour sortir au grand jour ; de sorte que, sous ces points de vue et d’autres 
encore, on dirait que ces animaux se rapprochent des Termites. Le der- 
nier anneau de l’abdomen conserve des mouvements libres, naturellement 
à cause du cloaque. 

La signification de la grosseur excessive ne peut pas être expliquée 
actuellement d’une manière satisfaisante. Il faut se souvenir toutefois que 
les Staphylins , en général, ont l'abdomen grand et lourd ; mais cette par- 
ticularité est surtout prononcée chez ces Aleocharini, qui sont les con- 
vives ou animaux domestiques des Fourmis (les Lomechusa, Dinarda et 
Myrmedonia ; par exemple). Mais il reste , pour des recherches futures, 
à déterminer comment cette structure se lie aux mœurs de ces animaux ; 
et pourquoi ces Aleocharini domestiques des Termites ont l'abdomen 
si développé ; comparé à celui des Aleocharini myrmécophiles. Comme 
lés individus que j'avais à ma disposition étaient restés pendant long- 
temps dans l’esprit-de-vin, les parties intérieures de leur corps avaient 
perdu leur forme, et étaient devenues une masse friable, L'examen ana- 
tomique de ces petits animaux n’a pu me fournir aucune donnée à ce 


sujet. 


180 SCHIODTÉ. 


Mais, d’un autre côté, ces recherches m'ont conduit à un résultat im- 
portant qui est celui-ci : Ces animaux sont vivipares. En effet, au mi- 
lieu de la masse friable renfermée dans la partie relevée de l'abdomen de 
la Corotoca, et dans le deuxième segment globuleux de la Spirachtha , 
j'ai trouvé des œufs dans les divers états de développement de l'embryon, 
et, en outre, chez la Corotoca , à deux reprises différentes, des larves 
développées si complétement, que j'ai pu y reconnaître tous les traits 
essentiels de la structure extraordinaire de ces insectes. 

Cette larve (pl. 4, fig. 10) s’éloigne, à certains égards, du type le plus 
connu des larves des Staphylins; cependant elle se rapproche, par ses 
caractères, d’autres larves d’Aleocharini qui me sont connues. Dans 
l'anneau pigmentaire irrégulier qui se trouve de chaque côté de la tête, on 
ne pouvait encore distinguer la structure de l'œil. Les antennes courtes et 
épaisses sont garnies de quelques soies longues et disséminées ; elles sont 
de trois articles, dont le second est le plus long, et le dernier, très petit, 
ne se détache de l’article précédent que par son extrémité nue et conique ; 
sa courte branche latérale est cylindrique, garnie de deux épines et 
d’une longue soie à son extrémité (fig. 11). On reconnaît le type de l’In- 
secte parfait dans la lèvre triangulaire et dans les mandibules. Le tronc des 
mächoires est épais, et son appendice élargi et dentelé en scie aux bords, 
chaque denticule étant garnie d’une épine courte, forte, et un peu courbée 
(fig. 14). Les palpes sont épais, coniques, à trois articles, dont le dernier 
pointu avec un petit palparium. Dans la lèvre inférieure aussi, on peut 
reconnaître le type de l’Insecte parfait, à la langue formée par un repli de 
la peau saillante, arrondie et nue, et aux palpes coniques à deux articles 
(fig. 15). L’abdomen à sa terminaison offre un creux sans aucun appendice. 
Cette jeune larve à 2 1/2 millimètres de longueur ; elle est représentée 
dans la figure, telle qu’elle est tombée de l'abdomen de la mère sur le 
verre objectif et dans une position courbée. 

Voilà le premier exemple de Colévptères vivipares, si l’on ne veut pas 
admettre que les Strepsiptères sont des Coléoptères , ce que j'ai cherché à 
établir il y a déjà plus de trente ans (1) ; si l’on admet cette manière de 
voir, cet exemple serait le second. On peut jusqu’à un certain point se faire 
une idée générale de la structure de l’abdomen de ces animaux ; en effet, 
j'ai reconnu, par l’examen des parties sexuelles internes et externes, le 
mäle de la Corotoca Melantho, et j'ai trouvé qu’il n’y a rien de bien 
différent dans l’aspect extérieur de l’abdomen dans les deux sexes. La 


(1) Danm. Eleuth., p. 24, en note. 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES. 181 


grosseur de cette partie chez la femelle dépend peut-être principalement 
ou uniquement du développement des larves dans son intérieur. 

Les recherches anatomiques faites sur des individus de Spirachtha, si 
longtemps conservés dans l’esprit-de-vin, n’ont pu me fournir que peu 
d’éclaircissements sur la nature des appendices abdominaux si remarquables 
de ces insectes. Il y a une paire de muscles dans ces organes, à leur racine, 
et ils sont par conséquent mobiles. Ils sont formés, en outre, par des pro- 
longements de la peau de l'abdomen, parsemée de points de chitine et de 
poils rares et fins. Ils ont une paroi épaisse ; leur structure paraît être 
homogène , et leur contenu se compose d’une foule de granules clairs, 
d’une forme globuleuse irrégulière. 

Bien que nous n’ayons aucun moyen de nous éclairer complétement sur 
ce point, la disposition de ces appendices, à défaut de renseignements po- 
sitifs, les rapproche des organes garnis de pinceaux de poils qui sont situés 
sur les côtés de l’abdomen des Lomechusa. En effet, les uns et les autres 
sont des organes insolites existant chez des insectes vivant en domesticité 
chez d’autres animaux; ils occupent, en outre, la même position, et 
woffrent pas de grandes différences de structure; ces considérations 
nous conduisent donc naturellement à supposer que ces organes ont un 
rapport intime avec des mœurs particulières, et nous nous souvenons que 
P.-W.-J. Müller a observé que les Fourmis prennent dans leur bouche les 
faisceaux de poils que les Claviger (qui sont des Myrmécophiles) portent 
sur le dos. 

Enfin il y a un fait qui mérite une grande attention, c’est que ces ani- 
maux, ayant un abdomen si grand, si épais et si mou, demeurant dans 
l'intérieur obscur des nids des Termites, soient pourvus d’ailes et d'yeux. 
Nous savons que les nids des Termites sont complétement fermés, de 
sorte que la Inmière ne peut y entrer, à moins qu’on n’enlève l’enveloppe. 
Les habitants de ces nids ne peuvent donc y voir même à une petite 
distance. On sait aussi que ces animaux construisent, pour leurs allées et 
venues, des conduits clos ou des galeries autour des troncs, et descendent 
ainsi du haut des arbres , sur lesquels le nid est construit, jusqu’à terre 
et même sous terre. Dans une circonstance unique, les travailleurs percent 
les enveloppes du nid : c’est quand le mâle et la femelle l’abandonnent pour 
s’accoupler dans l'air, Mais le mâle et la femelle sont les seuls individus 
du nid des Termites qui aient des ailes et des yeux, comme les animaux 
domestiques que nous venons de décrire ; les autres formes d'individus 
sont aptères et aveugles. Cette circonstance nous fait supposer que la 
présence d'ailes et d’yeux chez ces animaux domestiques se rapporte aux 


182 . SCHIODTE. 


mêmes conditions biologiques que chez les Termites, c’est-à-dire que ces 
organes sont destinés à leur permettre de quitter le nid avec Ja même 
facilité et dans le même but. Si nous prenons en considération l’organisa- 
tion de ces Staphylins, qui est très peu appropriée à une demeure et à des 
mouvements à l’air libre, on peut penser que peut-être ils sont ramenés au 
nid de la même manière que la femelle des Termites fécondée , c’est-à- 
dire par les soins des travailleurs. Mais actuellement, je le répète, nous 
ignorons complétement les mœurs de ces animaux domestiques, et nous 
n'avons que peu de renseignements positifs sur lesquels nous puissions 
baser des conjectures; car même la biologie des animaux domestiques 
des Fourmis nous fournirait peu de chose qui s’y rapportât compléte- 
ment. Du reste, les mœurs des Fourmis ont-elles été suflisamment appro- 
fondies ? Pouvons-nous dire avec certitude que les espèces de Claviger 
sont nourries par les Fourmis? 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE À. 


Fig. 4. Corotoca Melantho femelle, vue de côté. 

Fig. 2. Lèvre supérieure vue en dessus. 

Fig. 3. Mandibule droite vue en dessus. Au côté droit interne se voit la dent 
(mola), et en avant la membrane marginale (membrana mandibulæ). 

Fig. 4. La mâchoire droite vue en dessous. 

Fig. 5. Les franges de la branche de la mâchoire, vues en dessous. 

Fig. 6. La lèvre inférieure vue en dessous, et portée sur la partie basilaire 
garnie de quatre longues épines. 

Fig, 7. L'animal vu en dessus, les antennes et les membres étant enlevés; la 
partie relevée de l'abdomen est représentée comme détachée de la partie anté- 
rieure et dans le même plan qu'elle, de sorte que la face dorsale de cette 
dernière est rendue visible. 

Fig. 8. Les extrémités du métasternum avec les hanches et les deux premiers 
segments de l'abdomen. 

Fig. 9. La partie relevée de l'abdomen vue en dessus , et par conséquent par sa 
face ventrale. 

Fig. 10. Larve vue de côté. 

Fig. 11, Antenne de la larve, vue de côté. 

Fig. 12. Labre. 

Fig. 13. Mandibule gauche de la larve vue en dessous, 

Fig. 44. Mâchoire d'une Larve. 

Fig. 45. Lèvre inférieure de la larve. 

Fig, 16. Patte antérieure gauche de Ja larve, 


SUR DES STAPHYLINS VIVIPARES. 183 


Fig. 17. Corotoca Phylo femelle, vue de côté. 

Fig. 18. La partie relevée de l'abdomen vue par dessus, par conséquent par le 
côté ventral. 

Fig. 19. La Spirachtha Eurymedusa femelle, vue de côté. 

Fig. 20. Labre vu en dessus. 

Fig. 21. Mandibule gauche vue en dessus. 

Fig. 22 et 23. Mächoire gauche et lèvre inférieure vues en dessous. 

Fig. 24. Tête et thorax vus en dessous. Les angles les plus postérieurs fixés aux 
parties du squelette sont le scuta jugularia; au milieu des hanches anté- 
rieures se voit le prosternum sous la forme d'une bande, et au-devant des 
hanches les trochanters libres; dans le grand espace cutané en arrière des 
hanches, on voit les petits stigmates thoraciques. 

Fig. 25. La partie élevée de l'abdomen vue par le dos, par conséquent en 
dessus. 


N. B. Toutes ces figures sont considérablement grossies. 


NOTES 


SUR 
LE CŒUR, LE FOIE ET LES POUMONS D'UN ÉLÉPHANT (FEMELLE), 
Par MM. VULPIAN et PHILIPEAUX. 


(Mémoire lu à la Sociélé de biologie en décembre 1855.) 


Un Éléphant femelle est mort à la ménagerie du Muséum d’his- 


A 


toire naturelle l’année dernière , à l’âge de trente-trois ans ; nous 


avons pris les notes (4) suivantes sur le cœur, les poumons et le 
foie de cet animal. 


(4) Nous avons pu prendre ces notes, grâce à l'obligeance de M. P. Gratiolet, 
qui nous a confié le cœur, les poumons et le foie de cet Éléphant. Des occupa- 
tions pressantes nous empêchèrent alors de faire une description complète de ces 
viscères ; el, quoique tout récemment M. Gratiolet ait remis le cœur à notre 
disposition , l'altération qu'ont fait subir à cet organe l'injection primitive de 
chlorure de zinc et un séjour d'un an dans l'alcool nous a mis dans l'impossi- 
bilité de combler les lacunes de notre travail, et d'y ajouter le détail de ja struc- 
ture intime des diverses parties, Si l'on joint à cela la crainte où nous étions de 
détériorer le cœur par des dissections profondes, on reconnailra que nous ayons 
dû forcément passer sous silence plusieurs points importants ; c'est pour cela que 


nous avons rédigé notre travail sous forme de notes, et non point sous forme de 
mémoire. 


184 VULPIAN ET PHILIPEAUX. 
CŒUR, 
Péricarde. — Le péricarde est épais et résistant; il contient 
plusieurs onces d’un liquide aqueux et légèrement trouble. Au 
sommet du cœur le péricarde se termine en pointe obtuse , et se 


continue directement en ce point avec un fort cordon fibreux qui , 
par son autre extrémité, va s’insérer au centre phrénique du dia- 


phragme. 
Cœur. — Le cœur et les gros vaisseaux sont pleins de sang 


coagulé mélangé à l'injection de chlorure de zine, qui pénètre 
aussi les parois de cet organe. Il faut done tenir compte de ces 
deux conditions pour apprécier le résultat des pesées auxquelles 
nous avons soumis. le cœur. 


Poids du cœur séparé des poumons, non préparé et non vidé. . 36 kilogr. 
Poids du cœur vidé et préparé avec les origines des vaisseaux. 19 kilogr. 1/2 


Nous n'avons pas pu mesurer la capacité totale du cœur et celle 
de ses différentes cavités ; le sang mélangé au chlorure de zine 
s'était tellement solidifié, qu'il nous a été impossible de vider le 
cœur sans ouvrir ses oreillettes et ses ventricules. 

Forme. — Le cœur est assez semblable pour la forme au cœur 
humain ; cependant on doit faire les remarques suivantes : 

IL est plus ramassé et plus globuleux. La pointe est assez obtuse. 
Le bord antérieur (4) des ventricules, à la face inférieure, est très 
obliquement dirigé de droite à gauche et d'avant en arrière ; de 
telle sorte que le bord antérieur du ventricule droit est plus en 
avant que le bord correspondant du ventricule gauche. 

La pointe du cœur est formée en totalité par le ventricule gauche. 

Vu par la face supérieure, le cœur offre la même disposition des 


(4) Nous avons décrit le cœur dans la situation qu'il occupe chez l'animal, et 
qui est différente de celle que l’on observe chez l'homme. La face, qui, chez 
j'homme, est antérieure, est inférieure chez l'Éléphant : ce qui est en arrière 
dans un cœur humain, se trouvera ici en haut; ce qui est en haut, se trouve, 
chez l'Éléphant, en avant: et ce qui est en bas sera en arrière. Les parties 
droite et gauche conservent seules la même position chez l'homme et chez l'Élé- 
phant, et seront par conséquent désignées de même. 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 185 


ventricules, le droit étant appliqué sur le gauche, mais ayant aussi 
comme glissé sur celui-ci de la pointe vers la base, et se trouvant, 
par conséquent, plus en avant que lui. Le bord antérieur des ven- 
tricules en haut ne peut plus être représenté comme une ligne 
oblique ; il constitue une ligne en forme de V : une des branches 
est plus courte, moinsinelinée, c'est le bord du ventricule gauche ; 
l’autre est plus longue, beaucoup plus oblique d’arrière en avant, 
c’est le bord du ventricule droit. Le sommet du V se trouve assez 
exactement au point de réunion des deux bords. 

A la face inférieure du cœur on ne voit pas l'oreillette droite ; 
on n’aperçoit que l'oreillette gauche , qui s’avance jusqu’au bord 
gauche de l'artère pulmonaire. Cette oreillette se termine là par 
une extrémité assez volumineuse , et ne présentant qu'un rapport 
éloigné avec l’auricule gauche du cœur de l’homme. 

Ce n’est qu’à la face supérieure du cœur qu'on peut voir l’oreil- 

lette droite. Elle est accolée à l'oreillette gauche, et son bord externe 
ne s’avance pas jusqu'au bord droit du cœur. Elle en est séparée 
par toute la partie la plus saillante en avant du ventricule droit, et 
cette partie est très considérable. 
… Les artères pulmonaire et aorte sortent de la base du cœur dis- 
posées à peu près comme chez l’homme ; l'artère pulmonaire, à 
son origine, couvre presque entièrement l’origine de l'aorte, et 
l'extrémité inférieure de l'oreillette gauche achève de cacher cette 
origine. 

I n'y a pas de sillon inférieur inter-ventriculaire nettement 
dessiné. Il y a, au contraire, un sillon supérieur très profond, 
qui, du milieu de la base du cœur, se porte au voisinage de la 
pointe. 

Une grande quantité de graisse se trouve accumulée à la base du 
cœur, à la partie antérieure des ventricules. Cette graisse, revêtue 
du feuillet viscéral du péricarde, se prolonge en avant de la sub- 
stance propre des ventricules en saillies plus où moins découpées, 
de formes diverses, mais toujours à bords arrondis. 

Elle est, dans la plupart des points où elle siége, d’une couleur 
june rougeätre, et semble déposée dans les mailles d’un tissu 
cellulaire fin et réticulé. 


186 VULPIAN ET PHILIPEAUX. 


Dimensions. — Le cœur a été mesuré avant qu’on l’eût vidé du 
sang et du liquide injecté qu'il contenait. 


Largeur la plus grande du cœur, face inférieure . . . 0,45 
Longueur de la pointe du ventricule gauche au bord Sumo dE ie: 

reillette gauche (face inférieure) . . . . . . . . . . . 0,42 
Id. du ventricule gauche (face inférieure) . . . . . . . . . 0,29 
Id. de l'oreillette gauche (face inférieure) . . . . . . . . . 0,3 
Longueur la plus grande du cœur (face supérieure). . . 0,44 
Id. de la partie ventriculaire eu supérieure) au niveau du sillon inter- 

ventriculaire. . . ! + PA MERE GANT  PENEUST BR ANR 0,25 
Id. des oreillettes au EPA niveau . . . 0,19 
Id. du bord gauche du cœur de la pointe sue au Ed antérieur 

de l'oreillette gauche. . . . Ne ORS 
Id. du bord droit (l'oreillette trs ne ConCourt pas à ce déttr 3 4.4 SU7AD 
Distance du milieu de la face inférieure au milieu du sillon interventri- 

culaire supérieur (épaisseur de la masse ventriculaire . . . . . 0,34 


Les dimensions de chaque partie du cœur trouveront leur place 
dans les descriptions spéciales. 

Ventricules. — Nous avons déjà indiqué leur forme générale , 
leur position relative : nous allons examiner chacun d’eux, et noter 
les particularités qu'il présente. 

A. Ventricule droit. — Les parois de ce ventricule sont assez 
minces. 


m,. 
da laipnintostes. te at ent TMD 
2° au milieu de la partie supérieure. . . 0,045 
Épaisseur des parois | 3° au milieu de la partie inférieure. . . 0,020 
| 4° supérieure à sa partie antérieure . . 0,025 
\ 5° inférieure à sa partie antérieure. . . 0,025 


Si on laisse de côté la couche de graisse appliquée sur le tissu 
musculaire, couche dont l'épaisseur va en augmentant de la partie 
médiane à la partie antérieure , on trouve que les parois ont, dans 
toute l'étendue du ventricule, une épaisseur moyenne de 4 centi- 
mètre. 

La cavité du ventricule droit est spacieuse; elle est divisée en 
deux chambres : une inférieure ou artérielle, et une supérieure ou 
auriculaire, et la séparation est parfaitement marquée par un repli 
très épais en forme d’arche, très saillant à l’intérieur du ventricule, 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 187 
et qui, de la cloison interventriculaire, va se terminer à la paroi 
externe. Cette arche a un bord antérieur, adhérent, étalé, se con- 
fondant avec la paroi antérieure du ventricule, ou plutôt formant 
cette paroi , et un bord postérieur comprimé , quoique encore très 
massif, et légèrement compacte. 

La chambre inférieure n'offre pas de colonnes charnues ; ses 
parois sont lisses : ce n’est que dans la chambre auriculaire nes on 
trouve de ces colonnes, qui deviennent beaucoup plus nombreuses 
vers la pointe. Elles affectent les mêmes formes que chez l’homme: 
Les unes, adhérentes dans toute leur étendue, ne se trahissent 
que par une saillie plus ou moins grande : ce sont les moins nom- 
breuses; d’autres sont fixées par leurs deux extrémités , et libres 
dans toute la partie intermédiaire : ce sont les plus nombreuses , 
etleurs dimensions sont très variables ; une d’elles, aplatie, courte, 
et ayant à centimètres de largeur, unit la cloison interventriculaire 
à la paroi externe du ventricule, à 5 centimètres de la pointe. Enfin 
il y a les piliers charnus de la valvule tricuspide, qui sont au 
nombre de trois. 


D'après les mesures qui ont été données plus baut, et qui mon- 
traient que les ventricules, en général, ont une longueur plus 
grande en bas qu’en haut, on pouvait prévoir ce que l'examen de 
la cavité ventriculaire droite a fait voir, c’est-à-dire la différence 
de longueur entre la chambre inférieure et la chambre supérieure 
du ventricule, Celle-ci est notablement moins longue, comme on 
peut s'en convaincre en consultant le tableau subséquent. 

IL suit aussi de ce que nous venons de dire, que l’orifice de 
l'artère pulmonaire est sur un plan antérieur au plan de l’orifice 
auriculo-ventriculaire. 

L'orifice aurieulo-ventriculaire droit est muni de valvules , dont 
l’ensemble représente la valvule tricuspide de l'homme. Cette val- 
vule forme un anneau membraneux complet, mais peut cependant 
être considérée comme constituée par quatre valves réunies les 
unes aux autres par leurs bords voisins. Il y en a une inférieure , 
une supérieure, une externe et une interne. Entre l’inférieure et 
l'arche musculeuse qui sépare les deux chambres, se trouve un 
eul-de-sac dont la profondeur est déterminée par la hauteur de 


188 VULPIAN ET PHILIPEAUX. 


cette valve. L'interne est en rapport avec la cloison interventrieu- 
laire. Le bord libre de chaque valve ne reçoit aucun tendon dans 
son milieu; tous les cordons tendineux viennent s'attacher aux 
extrémités du bord libre de chaque valve, de telle sorte qu'il y a 
quatre faisceaux de tendons (1); chacun des faisceaux venant se 
fixer au point de réunion de deux valves voisines, et sur une assez 
grande étendue des bords libres auprès de ces points de jonction. 
Ces faisceaux qui, par une de leurs extrémités, viennent se fixer au 
bord libre de la valvule auriculo-ventriculaire, par l’autre extrémité 
partent des piliers charnus, un seul excepté. Nous avons dit qu'il 
n'y a que trois piliers charnus : deux reposent par leur base sur la 
paroi externe, l’un en haut, et l’autre vers le milieu de cette 
paroi ; le troisième naît de la cloison interventriculaire. Ces piliers 
charnus sont aplatis, et terminés par une extrémité conoïde , com- 
primée, d'où se détachent les tendons. Ces tendons , au nombre de 
six à dix environ pour chaque pilier, se divisent en se dirigeant 
vers les valvules en branches qui se subdivisent elles-mêmes , de 
manière que, par suite de cette ramification à la façon des artères, 
les cordons tendineux vont s'attacher aux valvules par des filaments 
souvent grêles, et sur une longueur assez considérable. A la réu- 
nion de la valve inférieure avec l’interne il y a aussi des filaments 
tendineux ; mais les tendons qui les ont fournis ne prennent point 
origine sur un pilier charnu, mais sur la cloison interventriculaire, 
qui, à ce niveau, n'offre aucune saillie. 

Les valvules auriculo-ventriculaires ‘ont une face auriculaire 
lisse, tandis que la face qui regarde les parois ventriculaires 
est inégale, ridée parallèlement aux bords libres. Quelques-unes 
de ces rides semblent formées par l'épanouissement des petits cor- 
dons qui, comme cela a été dit, viennent s’insérer sur la face 
ventriculaire des valves; d’autres paraissent constituées par le 
relief de faisceaux fibreux sans relation avec les tendons. 

L’orifice de l'artère pulmonaire présente trois valvules semi- 
lunaires assez résistantes ; elles sont tellement semblables à celles 
du cœur humain, que la description en est inutile. Les bords libres 


(4) Tous les cordons tendineux ne s’attachent pas au bord libre des valves; 
un grand nombre d’entre eux vont se fixer à leur face ventriculaire. 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 159 
n'ont point à leur partie moyenne les épaississements qu'on désigne 
sous Je nom de nodules d’Arantius. La face ventriculaire de ces val- 
vules est lisse; mais la face artérielle présente des saillies tout à fait 
analogues à celles que nous venons de mentionner à propos de la 
valvule auriculo - ventriculaire. Ces saillies sont très nombreuses 
et rapprochées ; elles s’anastomosent les unes aux autres, mais 
leur direction générale est parallèle au bord libre des valves. 


Dimensions de différentes parties du ventricule droit. 


Longueur de la cavité, de la pointe au bord adhérent de la valvule m. 

auriculo-ventriculaire. M MU . (022 
Id. de la cavité, de la pointe au bord adhérent des re semi- 

lunaires. . . Rae SN NSP A RM RÉ Re ER ES 0,26 
Largeur moyenne de la CANLE AT deg na 7 
Circonférence intérieure de l'orifice de l'artère Subatlaité) AUTRE 170;392(4) 
Hauteur des valvules semi-lunaires à leur partie moyenne. . . 0,055 
Diamètre de l'orifice auriculo-ventriculaire. . . . . . . . 0,125 
Hauteur des valvules auriculo-ventriculaires . . . . . . . 0,06 
Longueur des tendons des valvules. . . . . . . . . . 0,04 
Id. de la partie libre des piliers charnus, . . . NE A REU 025 
Largeur moyenne des piliers au milieu de leur peus libre A AUS 
Épaisseur moyenne des piliers dans leur partie libre. . . . . 0,01 


B. Ventricule gauche. — Les parois de ce ventricule ont une 
épaisseur considérable, en rapport avec le volume du cœur et avec 
l'étendue de l'arbre circulatoire aortique. 


AS la pointe. ”. 17. à ri Er 0,628 
2° au milieu de la partie supérieure . . . 0,065 
Épaisseur des parois { 3° au milieu de la partie inférieure. . . . 9,06 
4° à la partie antérieure de la paroi supérieure. 0,075 
5° à la partie antérieure de la paroi inférieure. 0,09 


Cette dernière mesure s'applique en même temps et au tissu 
musculaire du cœur, et à la couche graisseuse qui le recouvre à sa 


(1) Quoique les mesures des orifices aient été relevées avec soin et à plu- 
sieurs reprises, nous croyons qu'on ne doit pas accepter ces chiffres comme 
certains, à cause des difficullés qui ont pu nous faire commettre quelques inexac- 
litudes ; en tout cas, ils approchent beaucoup de la réalité. 


190 VULPIAN ET PHILIPEAUX, 


partie antérieure. La couche de graisse a une épaisseur de 0",03, 
ce qui réduit l'épaisseur de la paroi musculaire inférieure en avant 
à 0".06. 

Dans ce ventricule, on peutencore reconnaitre deux chambres , 
une auriculaire à gauche ou en dehors , l’autre aortique qui est 
Située à droite ou en dedans ; mais la séparation n’est plus indiquée 
ici par une cloison incomplète, comme dans le ventrieule droit ; sa 
limite est formée par la valve interne de la valvule mitrale. Les 
colonnes charnues , les saillies de différentes sortes, les enfonce- 
ments et pertuis , Sont en nombre moins grand dans la chambre 
aortique que dans la chambre auriculaire. C’est surtout vers la 
pointe et sur la paroi supérieure et externe que l'on rencontre ces 
diverses inégalités, et cette paroi appartient entièrement à la 
chambre auriculaire. La pointe offre un tissu caverneux largement 
taillé. 

Dans le ventricule gauche, l'orifice auriculo-ventrieulaire paraît 
à peu près sur le même niveau que l’orifice artériel. Il présente 
une valvule mitrale formant un anneau membraneux complet, mais 
pouvant être considéré comme constitué par deux valves, une 
interne, l’autre externe. C’est aux endroits où ces deux valves se 
réunissent que viennent s'attacher les petites cordes tendineuses 
résultant de la décomposition des tendons vasculaires. Plusieurs 
de ces tendons dépassent le bord libre des valves, et viennent, soit 
encore entiers, soit déjà divisés, se fixer sur les faces ventricu- 
laires des valves. I n'y a qu’une très petite étendue du bord libre 
des valvules qui soit dépourvue de tendons d'attache : 2 centi- 
mètres sur la valve interne, et un seul sur la valve externe. 

Il y a donc deux faisceaux de tendons, et chacun d’eux fournit 
à une partie des deux valves voisines. Au moment où ils quittent 
les piliers charnus, les tendons sont au nombre de dix ou douze, et 
Sont plus ou moins distants les uns des autres. Quant aux piliers 
charnus, ils sont seulement au nombre de deux, très larges, apla- 
tis, et libres dans une très petite étendue. L'un d'eux est situé en 
bas, et l'autre en haut. 

La valve interne est en continuité avec les valvules sigmoïdes. 
Le tissu de la valvule mitrale est blanchâtre ; il offre une épaisseur 


L À 
SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 191 


ét une résistance bien plus grandes que celles du tissu de la valvule 
auriculo-ventriculaire droite, dont les valves minces et grisâtres 
ont une analogie frappante avec les veines. De même, l’endocarde 
du ventricule gauche est plus épais et plus blanc que l’endocarde 
du ventricule droit, de même aussi les tendons vasculaires sont 
plus forts dans le ventricule gauche que dans le droit. 

La face ventriculaire des valves de la valvule mitrale, dans la 
partie la plus voisine de leurs bords libres, offre des saillies 
fibreuses, parallèles au bord libre, engendrées par l’épanouisse- 
ment des tendons valvulaires. 

D’après la disposition des valves et des chambres , il est aisé de 
voir, même en laissant de côté l’action des piliers charnus, que le 
sang peut affluer facilement de l’oreillette dans le ventricule ; mais 
que, lors de la systole ventriculaire, les deux valves sont poussées 
l’une contre l’autre par l'effort du sang qui forme ainsi l’orifice 
auriculo-ventriculaire, et s’élance au travers de l’orifice aortique. 

L'orifice aortique est muni de trois valvules sigmoïdes, d’un 
tissu plus ferme, plus blanc et plus épais que celui des valvules dé 
Vartère pulmonaire; comme celles-ci, elles sont revêtues à leur 
face artérielle de saillies fibreuses , parallèles au bord libre. L'en- 
docarde voisin de ces valvules est plus épais et plus blanc dans une 
étendue de quelques centimètres. 


Dimensions de différentes parties du ventricule gauche. 


Longueur dé la cavité ventriculaire gauche, de la pointe au bord m, 
adhérent de la valvule mitrale.  . : . . . . . . . 0,23 
Largeur moyenne de la cavité. . . . ab ab so7dre 0,155 
Circonférence intérieure de l'orifice Con since 101501240732 
Hauteur des valvules sigmoïdes à leur partie moyenne, , . . 0,05 
Diamètre de l'orifice auriculo-ventriculaire gauche. . . . . 0,41 
Hauteur des valves de la valvule mitrale. . , . . . . . 0,05 à 0.06 
Longueur des tendons des valvules . . . . . . ,. . . 0,05 à 0,07 
Id. de la partie libre des piliers charnus. . . : 4 . . . 0,008 
Largeur du pilier!inférieur:, 4 1...) sell « lo jé 0,065 
Id, du pilier supérieur, . . PRET € 0,085 
Épaisseur moyenne des piliers ds F<, ee ‘libre iv LE 0,024 


Les deux ventricules sont séparés l’un de l’autre par une cloison 


192 VULPIAN ET PHILIPEAUX. 


musculaire qui, à sa partie moyenne, a une épaisseur de 0,06. 
Oreillettes. — Les deux oreillettes sont rejetées tout à fait à la 
partie supérieure du cœur, et coiffent la partie antérieure, supé- 
rieure et gauche de la masse ventriculaire. Comme cela aété dit 
plus haut, l'oreillette gauche est seule visible, lorsqu'on regarde le 
cœur par sa face inférieure. Ces deux cavités paraissent avoir une 
capacité beaucoup moins grande que celle des ventricules. 

À. Oreillette droite. — Cette oreillette est irrégulièrement glo- 
buleuse, et offre un prolongement obtus et assez court qui s’avance 
vers l’artère pulmonaire, à droite. Les parois sont minces, et leur 
épaisseur varie, suivant qu'elles sont doublées de colonnes char- 
nues ou qu'elles n’en présentent pas. 


m, 
Points les plus minces, non doublés de colonnes charnues. . . 0,002 
Points les plus épais, doublés de colonnes charnues. . . . . 0,044 


Les colonnes charnues traversent le prolongement auriculaire 
en allant d'une paroi à l’autre, ou bien demeurent appliquées sur 
ces parois, et forment un tissu aréolaire à larges aréoles. Ces 
colonnes deviennent bien plus nombreuses, plus variées comme 
dimensions, dans la partie de l'oreillette la plus voisine des embou- 
chures des veines caves. Là elles sont superposées les unes surles 
autres, les plus minces en contact avec la paroi, les plus grosses 
recouvrent celles-ci, et elles se croisent en divers sens. Il n’y en 
a pas sur la cloison inter-auriculaire proprement dite. 

Les orifices de l’oreillette droite sont au nombre de six: 4° lori- 
fice auriculo-ventriculaire ; 2 l’orifice de la veine cave postérieure ; 
3° et 4° les orifices des deux veines caves antérieures ; 5° et 6° les 
orifices des veines coronaires. 

1° L'orifice auriculo-ventriculaire est situé à la partie postérieure 
et externe de l'oreillette. Nous avons donné plus haut ses dimen- 
sions, el nous n'avons rien à ajouter à ce que nous en avons dit. 

2° Orifice de la veine cave postérieure. — Cet orifice est situé à 
la partie supérieure de l'oreillette, vers le milieu de la paroï. A son 
emboutbure, il a une circonférence de 26 centimètres ; il regarde 
la cloison interauriculaire et la paroi inférieure de l'oreillette. A la 
partie externe de cet orifice se trouve un repli membraneux mince, 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 193 


mais assez résistant, formé par l’endocarde. Ce repli commence à 
la partie antérieure de l’orifice par une pointe, et se dirige en arrière 
en suivant le bord externe, et en devenant plus saillant ; à son mi- 
lieu, il a environ 5 centimètres de son bord adhérent à son bord 
libre. Arrivé près de l'arc postérieur de la circonférence de l’ori- 
fice, il s’en éloigne, et, prenant une marche rectiligne, il va s'in- 
sérer par une extrémité aiguë à la cloison interauriculaire. Ce 
repli, d’une extrémité à l’autre, a une longueur de 18 à 19 centi- 
mètres ; il va en s’amincissant de son bord adhérent à son bord 
libre. 

3° Orifice de la veine cave antérieure gauche. — Le repli sail- 
lant qui vient d’être indiqué nous conduit naturellement à parler de 
cet orilice qui se trouve au-dessous de la moitié rectiligne de ce 
repli. La veine cave antérieure gauche, qu’on retrouve chez d’au- 
tres animaux, mais qui n'a pas son analogue chez l’homme, sera 
décrite plus loin; nous ne nous occupons ici que de son orifice. 
Nous venons de dire où il est situé ; ajoutons, comme complé- 
ment, qu'il est placé à la partie supérieure et postérieure de la 
cloison interauriculaire, et que le plan de cet orifice regarde à 
peu près directement à droite. Il a une circonférence de 14 cen- 
timètres. 

L° Orifice de la veine cave antérieure droite. — Cette veine, qui, 
comme posilion, représente la veine cave supérieure de l’homme, 
s'ouvre à la partie antérieure de l'oreillette, au voisinage de la 
cloison interauriculaire; son orifice regarde presque directement 
en arrière. Dans sa moilié interne, cet orifice est entouré d'un 
repli valvulaire qui parait formé de deux parties, parce que, vers 
son milieu, il est épais et peu saillant. Ce repli naît de la partie 
antérieure de l’orifice de la veine cave postérieure , à une petite 
distance du point où nait le repli que nous avons déjà décrit. Son 
extrémité mince et effilée pénètre même à À ou 2 centimètres dans 
la veine cave au delà de son orifice ; il part de là en suivant la cir- 
conférence interne de la veine cave inférieure , dont il s’éloigne 
ensuite pour gagner, par un trajet courbe, le bord interne de la 
veine cave antérieure, dont il entoure la demi-circonférence in- 
terne et inférieure, La figure de ce repli est celle d’un $ couché , 

#* série. Zooz. T, V, (Cahier n° 4.) 13 


194 VULPIAN ET PGELIPPEAUX. 


tordu sur lui-même, de telle sorte que la branche appartenant à la 
veine cave postérieure soit dans un plan horizontal, et celle appar- 
tenant à la veine cave antérieure dans un plan vertical. Ce repli 
est très peu saillant au niveau de la veine cave postérieure ; il de- 
vient assez saillant quand il atteint le bord de l’orifice de Ja veine 
cave antérieure. Cet orifice a une circonférence de 17 centimètres. 

Nous venons de voir que les orifices des veines caves antérieures 
sont en rapport avec des replis valvulaires résistants, qui circon- 
serivent aussi une partie de l’orifice de la veine cave postérieure. 
Après avoir bien examiné la disposition de ces replis, nous sommes 
arrivés à penser que la veine cave postérieure ne trouve dans ces 
replis aucune arme défensive contre le reflux qui coïncide avec la 
systole auriculaire; au contraire, le repli de la veine cave anté- 
rieure droite forme à ce moment, en se relevant, une valvule, 
mais une valvule bien incomplète , qui ne ferme certainement pas 
le tiers de l’orifice; enfin le repli de la veine cave antérieure 
gauche doit s'opposer avec plus d'efficacité au reflux veineux, sur- 
tout à eause de l’obliquité du trajet que suit cette veine pour venir 
se jeter dans l'oreillette. 

5° et6° Orifices des veines coronaires. — Il y a dans l'oreillette 
deux orifices pour les veines propres du cœur. L'un d'eux se 
trouve à la partie supérieure du plancher de l’oreillette, au niveau 
de la partie antérieure de la cloison inter-ventriculaire. Il a près 
de 8 centimètres de circonférence. Le doigt pénètre avec une 
grande facilité dans cet orifice. A la partie externe, le tissu du cœur 
se prolonge en forme d’éperon, et il est facile de voir que, lors de 
la systole auriculaire, cet éperon doit s'appliquer sur lorilice et le 
fermer complétement. 

Un autre orifice, qui, à première vue, semble un cul-de-sac, 
mais que la dissection fait reconnaitre pour un orifice veineux, se 
trouve plus en dedans, à une distance de 4 centimètre, et au niveau 
même de l'embouchure de la veine cave antérieure gauche. Cet 
orifice est plus petit que le précédent, et, dans la suite , nous les 
distinguerons l'un de l’autre par les noms de grand et de petit ori- 
fice des veines coronaires. 

B. Oreillette gauche, — Cette oreillette n’a pas de plancher 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 195 
comme la précédente ; dans celle-ci, le plancher était formé par la 
cloison interventriculaire qui ne fait aucune saillie dans l'oreillette 
gauche. La paroi postérieure de l'oreillette gauche est percée dans 
son entier par l'orilice auriculo-ventriculaire. Il y a des colonnes 
charnues de différentes dimensions et de différentes sortes, surtout 
dans la moitié de l'oreiliette qui s'approche de l’auricule , et dans 
cette auricule elle-même. Plusieurs de ces colonnes traversent 
l'auricule d'une paroi à l’autre ; une d’elles a2 centimètres d’épais- 
seur. 

Cette oreillette, à proprement parler, ne présente que trois ori- 
fices, dont l'un est orifice auriculo-ventriculaire , et dont les deux 
autres sont les orifices des veines pulmonaires. Nous avons parlé 
du premier à propos du ventricule gauche. 

I n'y à que deux orifices pour les veines pulmonaires ; ces deux 
orifices sont placés à la partie antérieure et interne de l'oreillette. 
Le plus interne est le plus petit, et il sert d'embouchure à une 
seule veine qui a environ 44 centimètres de circonférence. L'autre 
a environ 28 centimètres de circonférence : c’est un golfe où dé- 
bouchent {rois grosses veines. Il est séparé du petit orifice par un 
éperon musculaire, qui n’a pas plus de 4/2 centimètre d'épaisseur. 
Du reste, aucun de ces orifices ne présente de replis valvulaires. 

L'endocarde de cette oreillette est blanc, opaque, et plus épais 
et plus résistant que l’endocarde de l'oreillette droite qui est mince, 
el semble grisätre, parce qu'il laisse voir par demi-transparence le 
tissu musculaire. 

Cloison interauriculaire. — Cette cloison est complète, et a 
une épaisseur moyenne de 2 millimètres. La fosse ovale est peu 
marquée ; cependant, en tendant fortement la cloison, nous avons 
pu constater une légère transparence, indice de cette fosse. En 
arrière de l’orifice de la veine cave supérieure droite, il y a un 
repli antéro-postérieur sur la cloison interauriculaire dans l’oreil- 
lette droite , et le doigt peut facilement s'engager de haut en bas 
sous celle saillie; loute la première phalange de l'index y peut 
pénétrer, On introduit un stylet, et on le conduit doucement jus- 
qu'à une profondeur de 5 centimètres 4/2; mais on ne peut aller 
au delà, l'extrémité du stylet n’est alors séparée de la cavité de 


196 VULPIAN ET PHELIPPEAUX. 


l'oreillette gauche que par une très mince lame de tissu muscu- 
laire. Dans l'oreillette gauche, il y a sur la paroi inférieure, prèsde 
la cloison, un repli semi-lunaire, dont la convexité regarde la cloi- 
son, et, sous ce repli, on peut introduire un autre stylet; mais il 
est arrêté après un trajet de 2 ou à millimètres, et ne peut rejoindre 
le premier. Quoi qu’il en soit, il est clair que nous avons là les 
vestiges du canal oblique qui a fait, dans les premiers temps de la 
vie, communiquer l'oreillette droite avec l'oreillette gauche, etque 
ce canal n’est fermé que dans une petite partie de son étendue, 


VAISSEAUX, 
I. Artères. 


A. Artère pulmonaire. —— Cette artère naît du ventricule droit, 
etnous n'avons pas à parler ici de son origine ; nous l'avons dé- 
crite plus haut. Elle se dirige d’arrière en avant, de bas en haut et 
de droite à gauche, pour aller gagner la face gauche de l'aorte ; 
elle se divise alors, et sa branche droite embrasse l'aorte par un 
trajet courbe pour aller se porter au poumon droit. Avant de se 
bifurquer, elle donne naissance au cordon ligamenteux qui a rem- 
placé le canal artériel, et qui va par l’autre extrémité gagner l'aorte. 
A son origine , elle est comme renflée, et elle diminue peu à peu 
jusqu’à sa bifurcation. 


Dimensions de l'artère pulmonaire el de ses branches. 


Longueur depuis l'origine jusqu'à la bifurcation. . . . . . 0.26 
Id. depuis l'origine jusqu'au cordon ligamenteux qui a remplacé 
EEE ENONCE 0,20 
Cronterence près de l'OUSine. 0 . . (0HUAl00 
Id. au niveau du cordon ligamenteux. . . . . . . . . 0,25 
Id. de chacune des branches de bifurcation. . . . . . . 0,12 
Épaisseur des parois près de l'origine. . . : : . . . . 0,005 
B. Aorte. — L'aorle a une direction analogue à celle que suit 


l'aorte chez l'homme. Elle se dirige d’arrière en avant et de bas en 
haut, et gagne la colonne vertébrale, sur laquelle elle se recourbe 
en forme de crosse. Elle est d’abord extrêmement large, puis elle 
diminue beaucoup , dès qu’elle a donné les troncs artériels du cou 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 197 
et des membres antérieurs. Ces troncs sont au nombre de deux, un 
à droite et l’autre à gauche. Le tronc droit est le trone brachio- 
céphalique ; ce tronc, qui est très court, donne naissance à trois 
branches, deux inférieures, et une troisième située au-dessus et à 
droite des deux autres. Les deux premières paraissent être les deux 
carotides primitives; la troisième, qui est plus volumineuse, est 
probablement l'artère sous-clavière droite. Le tronc gauche est 
l'artère sous-clavière gauche. 

Le ligament fibreux (canal artériel oblitéré) se rend à l'aorte, et 
se termine en pénétrant dans sa paroi au niveau du bord gauche 
de l'artère sous-clavière gauche, et par conséquent immédiate- 
megt au delà des gros troncs artériels du cou et des membres 
antérieurs. 

Dimensions de l'aorte et de ses branches. 


LA 


Circonférence au niveau de l'origine. . . . 0,30 à 0,32 
Id. immédiatement au-delà des troncs du cou et ke ombres 

antérieurs. . . . : ED PT OA E 0,49 
Id. à 0®,25 de l'artère sous- re el sr PT 0,145 
Distance de l'origine de l'aorte à l'origine du tronc Lace “ar 

lique . . . ét Res het 0,15 
Circonférence du tronc rahie-cépaiqe. CHU de EN 0,18 
Longueur de ce tronc . . . LAS URSS RAA 0,06 
Circonférence de chacune des artères toi. ATOME 0,084 
Id. de l'artère sous-clavière droite. . . . . 4, . . . . 0,11 
Id. de l'artère sous-clavière gauche.  . . . . . 0,084 
Épaisseur des parois de l'aorte en decà du tronc ee dl 

Lionel 3 1e FTP ts 0,01 
Id. au niveau de lo origine FF la sous- ane bi (0. 59.2 0,048 
Id. à 0,25 au delà de l'artère sous-clavière gauche. . . . 0,05 


Le ligament fibreux, vestige du canal artériel oblitéré, a une 
longueur de 0",04 ; il est dirigé très obliquement de droite à 
gauche, de l'artère pulmonaire vers l'aorte. 

Artères coronaires. — Les artères coronaires sont au nombre 
de deux; elles naissent de l'aorte, l'une à gauche et l’autre à droite 
de l'artère pulmonaire. Leur orifice aortique est dans de tels rap- 


(4) Il y a un épaississement , une sorte de bourrelet, autour de l'origine des 
gros vaisseaux, 


198 VULPIAN ET PHELIPPEAUX. 


ports avec les valvules sigmoïdes , que ces valvules doivent, en 
s'appliquant sur les parois de l'aorte, fermer la moitié de cet ori- 
fice. Cette disposition, jointe à la direction récurrente des artères 
coronaires, semble indiquer que le sang n’y est pas lancé au mo- 
ment de la systole ventriculaire, mais au moment de la systole 
aortique. 

L'artère cardiaque gauche, après un trajet de 2 centimètres, se 
divise en deux branches qui se séparent à angle presque droit : 
l’une descend dans la cloison interventriculaire ; l’autre se porte de 
droite à gauche, fournit un gros rameau, qui est probablement (4) 
destiné aux parois épaisses du ventricule gauche, et un rameau 
moins volumineux qui paraît suivre le bord supérieur de ce même 
ventricule. 

L'artère cardiaque droite naît à peu près au niveau du milieu 
d’une des valvules sigmoïdes; l'artère gauche nait auprès de l’ex- 
trémité d’une autre de ces valvules. Cette artère droite se dirige 
aussitôt après son origine de bas en haut, et va, sans doute, gagner 
le sillon interventriculaire supérieur à sa partie antérieure. 


m. 
Circonférence de l'artère cardiaque gauche à son origine. . . 0,07 
Id. de l'artère cardiaque droite à son origine, . . . . . 0,057. 
II. Veines. 
À. Veine cave postérieure. — Nous n'avons rien à ajouter à ce 


que nous en avons dit plus haut (voy. Orifice de la veine cave 
postérieure). 

B. Veines caves antérieures. — Ces veines sont au nomore de 
deux, que nousdistinguons sous les noms de veine cave antérieure 
droite et de veine cave antérieure gauche. 

a. Veine cave antérieure droite. — Celle veine est tout à fait 
analogue à la veine cave supérieure de l’homme ; elle s'ouvre de 
même dans l'oreillette droite , et nous supposons qu’elle reçoit les 
veines de la moitié droite de la tête et du cou, et du membre anté- 

(1) Nous ne pouvons rien affirmer sur la distribution ultérieure des artères 
cardiaques : le désir de respecter la pièce anatomique qui nous a été confiée 


nous empêche de poursuivre par la dissection les différentes divisions de ces 
artères. 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 199 
rieur droit. À une distance de 16 centimètres de son orifice, ce 
vaisseau, quoiqu'il n'ait pas encore reçu toutes ses branches , a 
déjà uve circonférence de 15 à 16 centimètres. 

b. Veine cave antérieure gauche. — Cette veine, qui probable- 
ment recoit le sang veineux de la moitié gauche de la tête et du 
membre antérieur gauche, et qui par conséquent représente le 
tronc brachio-céphalique gauche, vient obliquement de gauche à 
droite gagner le système auriculaire du cœur ; elle l’atteint à peu 
près au milieu de l'oreillette gauche, à 4 ou 2 centimètres en de- 
hors des trones veineux pulmonaires , et, à première vue, elle 
semblerait là s'ouvrir dans l'oreillette gauche. Mais par la dissec- 
tion il est facile de voir que cette veine ne fait que s’accoler à 
l'oreillette gauche, ou, pour mieux dire, pénétrer dans sa paroi, au 
milieu de laquelle elle se creuse un trajetoblique de gauche à droite 
et d'avant en arrière , trajet long de 15 centimètres , pour aller 
s'ouvrir dans l'oreillette droite, en arrière de la veine cave posté- 
rieure. 

C. eines coronaires. — Ces veines, comme nous l'avons dit, 
s'ouvrent par deux orifices dans l'oreillette droite. Une autre veine 
coronaire débouche dans la veine cave antérieure gauche, à un 
certain point de son trajet au milieu de la paroi auriculaire. 

a. Grande veine coronaire. — Cette veine, dans toute son éten- 
due, doit être considérée plutôt comme un sinus veineux que 
comme une veine ordinaire, Nous n’avons pas pu nous rendre un 
compte exact de son origine ; mais ce qu’une dissection, telle que 
nous pouvions nous la permettre, nous a montré, c’est qu'elle 
entoure la masse ventriculaire du cœur, et que son trajet peut être 
représenté par une ligne courbe qui suivrait la ligne médiane du 
eœur en bas, contournerait la pointe, et remonterait sur la face 
supérieure , où la veine occupe le sillon interventriculaire, pour 
aller se jeter dans l'oreillette droite. A la face supérieure, le sinus 
veineux est superficiel ; sa paroi se rencontre immédiatement au 
fond du sillon interventriculaire ; vers la pointe du cœur, il est 
caché dans le tissu musculaire, et, à la partie inférieure, elle s’en- 
fonce de plus en plus, et est d'autant plus profondément située 
qu'on l’examine plus en avant. 


200 VULPIAN ET PIHELIPPEAUX. 

La largeur de ce sinus varie aussi; à l'endroit où nous avons 
cessé de le suivre , c’est-à-dire à 6 ou 7 centimètres de l’origine 
de l'artère pulmonaire, le sinus, placé dans le tissu de la cloison 
interventriculaire à 6 centimètres de profondeur , a une cireonfé- 
rence de près de 5 centimètres; vers la pointe du cœur, cette cir- 
conférence atteint 5 centimètres 1/2 ; au milieu du sillon interven- 
triculaire supérieur, elle a 7 centimètres 1/2, et à son embouchure 
8 centimètres. 

A 12 centimètres de son embouchure dans l'oreillette, le sinus 
veineux cardiaque présente un repli valvulaire formant un dia- 
phragme. Ce repli a un bord supérieur convexe adhérent, et un 
bord inférieur légèrement concave et libre. Ses dimensions et sa 
disposition sont telles, qu'il pouvait oblitérer complétement ou à 
peu près la cavité du sinus, lorsque le sang tendait à refluer de 
l'embouchure du sinus vers la pointe du cœur, et qu’il n’opposait 
qu'une barrière très incomplète, lorsque le sang suivait son cours 
naturel de la pointe du cœur vers l'embouchure. En effet, le cœur 
étant placé verticalement sur sa pointe et sa face inférieure en 
avant, le plan de ce diaphragme valvulaire est oblique de bas en 
haut, et de la face postérieure du sinus à sa face antérieure. Dans 
toute l'étendue du sinus que nous avons mise à découvert, il nya 
pas d'autre valvule que celle que nous venons d'indiquer. 

Le sinus veineux coronaire reçoit un très grand nombre de 
branches dans son parcours Les plus petits rameaux qui se jettent 
dans la portion inférieure du sinus n’offrent point de valvules à 
leur embouchure; mais les branches plus volumineuses qui dé- 
bouchent dans cette même portion, et toutes les branches qui se 
rendent à la portion supérieure, ont leur orifice muni de valvules. 
Ces valvules consistent, pour certains orifices, en un éperon mem- 
braneux et semi-lunaire qui, montant au devant de l’orifice , 
s'oppose entièrement aux reflux. Pour d'autres orifices, les valvules 
se composent de deux lames membraneuses, qui, adhérentes aux 
bords de l’orifice, viennent à la rencontre l’une de l’autre par leurs 
bords libres, formant ainsi un toit plus ou moins oblique, saillant 
dans le sinus, toit dont le sommet dièdre s'ouvre lorsque le sang 
pénètre de la veine dans le sinus veineux, mais ne peut s'ouvrir 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT. 204 


que dans ce seul sens (1). Une assez grosse branche , garnie à son 
orifice de valvules de cette espèce, vient se jeter dans le sinus vei- 
neux, tout près de l'embouchure de ce sinus. 

b. Petites veines coronaires.—Nous avons mentionné (page 194) 
un orifice où viennent déboucher d'autres veines coronaires. Cet 
orifice est un eul-de-sac peu profond ; en le distendant autant que 
possible, on voit sur ses parois deux orifices , munis de valvules 
tectiformes, dans lesquels on peut faire pénétrer un stylet à une 
profondeur de 3 ou 3 centimètres. Ces orifices appartiennent à des 
veines coronaires de pelites dimensions. 

c. Peine coronaire transversale gauche. — Cette veine volumi- 
neuse s'ouvre dans la veine cave antérieure gauche, à 5 1/2 cen- 
timètres de l'embouchure de ce vaisseau dans l'oreillette droite. 
C'est sur la paroi postérieure de la veine cave, paroi qui repose 
sur le bord antérieur de la paroi supérieure du ventricule gauche , 
que l’on découvre cet orifice, muni d’une valvule formée d’une 
seule lame assez forte, adhérente dans la moitié ou les deux tiers 
de son bord , à la partie supérieure de l’orifice. Cette valvule est 
très étendue, et bouche complétement, lorsqu'elle est déployée, la 
lumière de l’orifice. A partir de cet orifice, en remontant vers 
l'origine dela veine, elle aune direction transversale, et contourne de 
haut en bas le bord antérieur du ventricule gauche, un peu en ar- 
rière de ce bord, jusqu’à 26 centimètres de son embouchure : arri- 
vée là elle change de direction, et l’on peut la suivre sur la paroi in- 
férieure du ventricule gauche, à une petite distance de la cloison 
interventriculaire, où elle a une marche postéro-antérieure, et où 
elle naît par plusieurs racines superficielles et profondes. Cette veine 
est logée dans un sillon de la base du ventricule gauche pendant son 
trajet transversal, et elle est tout à fait superficielle, au moins pour 
quelques-unes de ses racines, pendant son trajet postéro-antérieur. 
Dans sa partie transversale, elle a une circonférence de 5 à 6 cen- 
timètres : elle a un calibre très inférieur dans sa partie postéro- 
antérieure, car sa circonférence, près du point où elle fait un coude 

(1) Nous avons pu voir dans plusieurs veines de différents points du corps 


de cet Éléphant, que cette disposition tectiforme des valvales à l'embouchure 
des veines les unes dans les autres, était extrêmement commune, 


202 VULPIAN El PRELIPPEAUX. 

pour prendre une direction transversale, est 2 1/2 centimètres. 
A 3 centimètres de l’orifice de celte veine on constate la présence 
d’une valvule , formée de deux valves , l’une supérieure , l’autre 
inférieure, pouvant s’adosser l’une à l’autre, et empêcher complé- 
tement le reflux sanguin. Entre cette valvule et celle qui se trouve 
à l'embouchure, très près de la première, s'ouvre une assez grosse 
branche, dont l’orifice est aussi défendu par une valvule. Au 
niveau du coude indiqué plus haut, vient déboucher une branche 
volumineuse ; et son orifice est aussi muni d’une valvule. Cette 
disposition se retrouve d’ailleurs encore pour plusieurs rameaux 
plus petits qui s'ouvrent dans la portion postéro-antérieure de la 
veine. D’autres petites branches n'ont point de valvule à leur 
embouchure. 

Plusieurs branches d’un petit calibre viennent de la cloison 
interventriculaire, où nous n'avons pas pu les suivre : sont-elles 
en communication directe avec les branches d’origine du grand 
sinus veineux coronaire ? 

Le cœur, à sa surface externe ou à la surface interne de ses 
cavités, présente un très grand nombre de vaisseaux de dimen- 
sions variables, qui forment des réseaux superficiels. 

D. Veines pulmonaires (voy. page 195). — Nous n'avons fait 
aucune recherche spéciale sur les nerfs cardiaques. En préparant 
l'aorte, nous avons vu un filet nerveux qui s'enfonce dans ses 
parois , à la partie antérieure de l'aorte , entre le tronc brachio- 
céphalique et l'artère sous-clavière gauche. 

— Nous n'avons pas trouvé d'os au voisinage de l’origine de 
l'aorte, dans le tissu ventriculaire. 


FOIE. 


Le foie a la forme d’un disque irrégulier, offrant une scissure 
sur son bord inférieur, et une autre sur son bord supérieur. Ces 
deux scissures divisent très incomplétement le foie en deux lobes, 
un gauche et un droit. Cet organe est plus large transversalement 
que de haut en bas. Voici les différentes mesures que nous avons 
prises : 


SUR LES VISCÈRES DE L'ÉLÉPHANT, 203 


Diamètre transversal le plus large . . . . . . . . 0,76 
TE NeERCal A 108 TOP ee me em on Mel ee 0 CE 
Id. vertical du lobe gauche. = 4. . #1 +. mes. 0h00 10,59 
Distance du bord gauche au hile. . . . . . . . . 0,39 
Ta @B' bord droit awbilesse 5 se. aniotit.phadir ut. ve-m00,:34 
Épaissenr la plusigrande.… .sie0be 08 aura h 40-00: nl .0l) 002020 
Circonférence de la veine porte . : . . . . . . . 0,45 
Id-Ah/vanalhépatique, …. . - meet to otonioot nl 40,15 
Circonférence de la veine cave. . . . . «+ 2 . . . 0,7 
Id. d’une artère hépatique (4). . : . . . . . . . 0,01 
ASS CUS Ga nr steve cUaneipe Liu SBtlogr: 
POUMONS. 


Les deux poumons étaient adhérents dans presque toute leur 
périphérie : dans quelques points limités, la plèvre viscérale et la 
plèvre pariétale n'étaient point réunies. Les adhérences étaient 
assez difficiles à rompre. 

Le poumon droit présente : 4° un lobe supérieur très petit; 2° un 
lobe triangulaire interne montant vers la trachée; 3° un lobe très 
considérable qui est constitué par le reste du poumon. Le poumon 
gauche n'offre pas de lobes naturellement séparés ; mais on le 
divise facilement, ainsi que le poumon droit, en un grand nombre 
de lobes et lobules , qui sont unis les uns aux autres par un tissu 
cellulaire che et peu résistant. 


Dimensions el poids des poumons. 
POUMON DROIT. 


m,. 
Longueur du sommet à la base. . . . . 4,02 
Largeur la plus grande (bord supérieur au Hérd inférieur). 0,55 


Longueur en arrière de la racine. dt. Mot 016€ 
Id. en avant de la racine . . . machin ithe chef 0,26 
Épaisseur de la racine d'avant en Arbre. etat. 0 12 
Circonférence la plus grande. . . . . . . . . 1,17 
ÉDESESeNr IN DIUB TAN AM Ne 1 0,27 
Poids avec une partie de la trachée + 38 kilogr. 


(1) Nous n'avons rencontré que deux branches artérielles hépatiques, entrant 


séparément dans le foie, et dont chacune avait la dimension que nous indiquons 
dans le tableau. 


204 P. GERVAIS. 


POUMON GAUCHE, 


Longueur du sommet à la base. . . . . . . . . 1:00 
Largeur la,plus:grande "59. LRO Re ee 0/52 
Longueur en arrière de la racine. . . . . . . . 0,60 
Épaisseur de la racine d'avant en arrière. . . . . . 0,10 
Distance de la racine au bord supérieur. ,. ,. . . . 0,13 
Id: de la racine au bord inférieur. . . . . . . . 0,29 
Circonférence la plus grande . . . = 1... 1. . 4,08 
Épaisseur/la plus grande. 0e Pl NÉ 022 
BD En de to ee MERE MODEMS: CONS 6 Gone 
Diamètre de la trachée. abs PRESS ea UM007e 
Id. de la bronche gauche à son entrée dans le poumon. . 0,06 


DOCUMENTS ZOOLOGIQUES 
: 
POUR SERVIR À LA MONOGRAPHIE 


DES CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS, 


Par M. Paul GERVAIS,. 


Les Mammifères doués de la propriété de voler, que l’on dé- 
signe par le nom vulgaire de Chauves-Souris, et qui constituent 
l'ordre des Chéiroptères dans les ouvrages des naturalistes, sont 
beaucoup plus nombreux en espèces qu'on ne le croit générale- 
ment. Les recherches suivies dont ils ont été l'objet de la part de 
Daubenton, de Pallas, d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire , de Fré- 
déric Cuvier, de M. Temminck, de M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, 
de M. J.-E. Gray et de beaucoup d’autres naturalistes, nous ont 
montré qu'ils différaient les uns des autres par des caractères aussi 
importants que variés, et elles ont permis d'en caractériser plus 
de trois cents espèces, qui conslituent elles-mêmes un grand 
nombre de genres et plusieurs familles bien distinctes. 

Parmi les diverses familles qu'une étude approfondie a permis 
de reconnaitre dans la série de ces animaux, celle des Ptéropodidés, 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 205 


qui comprend les Roussettes, est l’une des plus faciles à caractéri- 
ser. Les espèces qui s’y rapportent sont toutes de l’ancien conti- 
nent ou de l'Australie. C’est cette famille qui doit occuper le pre- 
mier rang dans l’ordre dont nous parlons , ses espèces étant, en 
effet, supérieures à toutes les autres par l’ensemble de leurs parti- 
cularités organiques , et en même temps celles qui acquièrent le 
volume le plus considérable, 

D'autres Chéiroptères sont remarquables par la présence d’une 
feuille nasale , sorte de caroncule membraneuse qui entoure ou 
surmonte les orifices de leur appareil olfacteur. Il y en a dans 
l’ancien continent et en Australie, aussi bien qu’en Amérique ; mais 
ils n'y sont pas irrégulièrement répartis, ainsi qu’on pourrait le 
croire. Non-seulement leurs espèces sont distinctes suivant qu’on 
les observe dans l’un et l’autre continent, mais encore elles dif- 
fèrent par leur genre et même par leur famille. Ce n’est qu’en 
Amérique qu'existent les Chéiroptères , dont nous parlons dans ce 
Mémoire sous les noms de Phyllostomidés. Au contraire, les Rhi- 
nolophidés , qui sont aussi des Chauves-Souris à feuille, n’ont en- 
core été vus que dans l’ancien continent et en Australie. 

Une autre grande catégorie des Chéiroptères est celle des ani- 
maux de cet ordre que nous réunissons sous le nom commun de 
V'espertilionidés. H y en a des espèces sur tous les points du globe. 
J'en décris quelques-unes qui sont nouvelles ; elles vivent en Amé- 
rique. En outre, je rappelle les faits généraux de la répartition 
géographique des Vespertilionidés que l’on a recueillis dans les 
autres pays, ainsi que les règles de leur classification méthodique. 

Les matériaux dont j'ai disposé pour ce travail sont assez nom- 
breux. Les principaux sont les Chauves-Souris , soit Phyllostomi- 
dés , soit Vespertilionidés, que M. Francis de Castelnau et son 
compagnon, feu M. Émile Deville, ont recueillies dans plusieurs 
régions du bassin de l’Amazone, durant leur longue et périlleuse 
expédition dans les parties centrales de l'Amérique du Sud (4). 


(4) Expédition dans les parties centrales de l'Amérique du Sud , de Rio-Janeiro 
à Lima et de Lima au Para, exécutée par ordre du gouvernement français pen- 
dant les années 4843 à 4847, sous la direction de M. Francis de Castelnau, 
Histoire du voyage, 6 vol. in-8, Paris, 4850. 


206 P. GERVAIS. 


M. de Castelnau s’est procuré d’autres Chauves-Souris, non moins 
curieuses, pendant le séjour qu'il a fait à Bahia, où il a représenté 
la France en qualité de consul. Cette seconde collection, qu'il m'a 
également communiquée, a été offerte par lui au Muséum de 
Paris, ainsi que tous les exemplaires réunis pendant son grand 
voyage. Une troisième série de Chauves-Souris sud-américaines 
m'a été remise par mon collègue à l’Académie des sciences de 
Montpellier, M. Westphal-Castelnau ; elle provient de la province 
de Bahia, comme la précedente, et est présentement déposée dans 
le cabinet de la Faculté des sciences de Montpellier. 

Mon but n’a pas été de rédiger une monographie des Chéiroptères 
propres à l'Amérique méridionale, mais simplement d'exposer, de 
la manière la plus utile possible, les nombreuses observations 
scientifiques auxquelles l’étude des matériaux que j'ai eus à ma 
disposition pouvait donner lieu. 

Pallas, E. Geoffroy, F. Cuvier et de Blainville, avaient déjà tiré 
un excellent parti des caractères que fournit le système dentaire 
pour la détermination et la classification des Chauves-Souris. En 
poussant un peu plus loin cette analyse, commencée par Dauben- 
ton (1), j'ai pu arriver à quelques résultats nouveaux, que d’autres 
auteurs auraient assurément obtenus, s'ils n'avaient négligé, pour 
ainsi dire systématiquement, de consulter le même ordre de carac- 
tères. C’està décrire et à représenter des dentitions de Chéiroptères 
sud-américains que j'ai consacré la plus grande partie de mon 
Mémoire. Envisagée de cette manière, l’ostéologie de ces animaux 
n’est pas moins utile à la zoologie proprement dite que celle des 
Mammifères qui constituent les autres ordres. 

Mon travail est à la fois descriptif et zooclassique. J'y parle 
d’une soixantaine d'espèces, Phyllostomidés ou Vespertilionidés , 
toutes propres à l'Amérique méridionale, et je donne en même 
temps des détails sur leur classification naturelle, ainsi que sur leurs 
caractères génériques. 


(1) Daubenton, Mémoire sur les Chauves-Souris (Histoire de l'Académie des 
sciences pour AT59). 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 207 


I. 


CHÉIROPTÈRES PHYLLOSTOMIDÉS. 


Les Phyllostomidés, appelés aussi Vampyridés, se distinguent , 
au premier abord, des autres Chéiroptères, parce que leurs narines 
sont ouvertes dans un écusson membraneux ayant assez habituel- 
lement la forme d’un fer à cheval, et surmonté, dans la majorité 
des cas, par un appendice foliacé, nommé la feuille, qui ressemble 
à un fer de lance. C’est à cause de cet appendice nasal que l’on a 
donné à certains Phyllostomidés le nom de fer de lance, et la déno- 
mination sous laquelle nous en parlons ici rappelle elle-même que 
leur orifice buceal est surmonté d’une feuille. Le Dezsmode seul a 
cette seconde partie de la caroncule olfactive, surbaissée et réduite 
à une sorle de verrue ; mais son oreillon est de petite dimension, 
comme celui des autres Phyllostomidés, et, de même, un peu den- 
ticulé sur son bord externe, 

Les Chauves-Souris de cette famille sont exclusivement améri- 
caines; elles peuvent être distinguées, aussi bien par la forme de 
leur feuille et par celle de leur oreillon que par la disposition de 
leurs dents incisives, des espèces propres à l’ancien continent et à 
l'Australie, qui ont aussi le nez entouré d’une caroncule foliacée. 

Ce sont des animaux moins gros que les Roussettes, mais assez 
souvent supérieurs aux Vespertilionidés par leurs dimensions, et 
qui présentent dans leur régime, ainsi que dans leur système den- 
taire, des différences assez considérables. Leurs incisives sont le 
plus habituellement au nombre de deux paires à chaque mâchoire ; 
leurs canines sont fortes, et leurs molaires sont tantôt assez sem- 
blables à celles des Vespertilionidés etdes Rhinolophidés par l’appa- 
rence générale, tantôt, au contraire, tout autrement conformées 
que chez ces animaux, et même que chez les Rousseltes, C’est ce 
que nous verrons chez les Sténodermins, dont les molaires sont 
lranchantes à la manière de celles des Carnassiers , ou, au con- 
lraire, émoussées à leur couronne et entièrement comparables à 
celles des animaux frugivores. Le genre Desmode, qui constitue 
à lui seul une tribu particulière, s'éloigne aussi du reste des Phyllo- 


208 P. GERVAIS. 


stomidés non-seulement par la forme de sa feuille, mais aussi par 
la disposition tout à fait particulière de ses dents, et quelques 
zoologistes en ont fait le type d’une famille à part. Nous croyons 
néanmoins qu'il ne doit pas être séparé des autres Phyllostomidés, 
et qu'il suffit d’en faire une tribu dans cette famille, aussi bien que 
des Sténodermes et des Glossophages, qui, de leur côté, ne dif- 
fèrent pas moins des espèces rentrant dans la {tribu des Vampyres. 
Dans l’état actuel de la science, ce mode de classification nous a 
paru préférable à celui qui ferait de ces quatre tribus autant de 
familles à part. 

Daubenton et Pallas n’ont décrit qu'un petit nombre de Phyllo- 
stomidés. Buffon nous a fait connaitre , d’après les auteurs qui 
l'avaient précédé, les habitudes sanguisugues de ces Chauves- 
Souris. Des observations analogues ont été faites depuis lors par 
les naturalistes qui ont visité l'Amérique méridionale : d’Azara, 
M. de Neuwied, M. Tschudi et d’autres encore. 

Les quatre tribus de Phyllostomidés peuvent être appelées Des- 
modins, Sténodermins, Glossophagins et F’ampyrins. Les obser- 
vations que nous avons failes au sujet de chacune d'elles vont 
maintenant nous occuper. 


Tribu des Desmodins (1). 


La première tribu des Phyllostomidés ne comprend que le seul 
genre des Desmodes, dont l’unique espèce, ou le Desmodus ru- 
fus, est si remarquable par la singulière disposition de son système 
dentaire. 

Pendant la première dentition, les incisives supérieures du Des- 
mode sont au nombre de deux paires, comme c’est le cas pour la 
seconde dentition et sans doute aussi pour la première, chez la 
plupart des animaux de la même famille, et leur forme est alors 
très différente de celle que prendra la paire unique des incisives 
propre à la seconde dentition. Il est probable que celle-ci repré- 
sente la paire interne, toujours plus forte que l’externe chez les 
animaux de la famille des Phyllostomidés. 


(1) Desmodina, Famille des Desmodidés, Isid. Geof. 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 209 
Tribu des Sténodermins (1). 


Un certain nombre de Phyllostomidés diffèrent des autres Chéi- 
roptères de cette famille, par quelques caractères assez tranchés 
pour qu’on les place dans une tribu particulière : leur tête est 
grosse, raccourcie dans sa partie faciale, et comme hémisphérique 
dans sa portion cérébrale ; leur membrane interfémorale est en 
général moins étendue que celle des Phyllostomes , et quelquefois 
elle reste tellement rudimentaire, qu'elle ne forme plus qu’une très 
faible bordure placée à la face interne des cuisses. Elle est alors si 
courte, qu'elle ne se continuepas surla partie postérieure du trone, 
et qu'elle s'interrompt en approchant de celui-ci. La queue est 
réduite , ou même tout à fait nulle à l'extérieur. 

Les dents de ces animaux ne sont jamais en nombre supérieur 
à trente-deux, du moins dans les espèces actuellement connues, et 
il n'y en à que trente ou même vingt-huit dans certains d’entre 
eux. Il y a, du reste, deux paires d’incisives à chaque mâchoire, 
une paire de canines supérieure et une paire inférieure, et toujours 
deux avant-molaires, suivies de trois arrière-molaires de chaque 
côté, ou seulement de deux à chaque mâchoire. Ces arriére-mo- 
laires ont une forme très différente de celles des Vampyres, n'ayant 
point supérieurement les pyramides et inférieurement les doubles 
collines en forme dev qui caractérisent les arrière-molaires de ces 
derniers. La troisième arrière-molaire, qui manque souvent, n’est 
jamais disposée transversalement en bande étroite, comme celle 
des Phyllostomes et autres genres de la même tribu; elle est, au 
contraire, fort petite et subarrondie. Les première et seconde 
arrière-molaires ont leur couronne émoussée ou bien oblique , et 
très relevée par le bord externe, qui est plus ou moins tranchant. 

C'est à celle division qu'appartiennent les Phyllostomidés frugi- 
vores. Le nom de Sténodermins , par lequel nous les désignons, 
est tiré de celui du genre Sténoderme, qui est le plus ancienne- 
ment établi parmi ceux du même groupe. Il a en même temps 
l'avantage de rappeler l’un des principaux caractères des animaux 


(1) Stenodermina. 


4° série, Zoo. T. V. (Cahier n° 4.) ? 15 


210 P, GERVAIS. 


auxquels nous l'appliquons : le peu d’étendue de la membrane 
interfémorale. 

D’autres genres de Sténodermins ont été proposés depuis lors, 
et il faut rapprocher du Sténoderme roux d’E. Geoffroy une partie 
des Chéiroptères qui ont été décrits sous le nom de Phyllostomes. 
De Blainville et moi avons quelquefois réuni ces espèces au Sténo- 
derme véritable, sous le nom générique de Stenoderma (1). Toutes 
ont d’ailleurs beaucoup d’affinités entre elles et avec les Sténo- 
dermes roux, et, si l’on tient à ne pas multiplier les divisions 
génériques , on doit incontestablement les laisser dans un même 
genre linnéen. Mais, dans un travail d'analyse comme celui-ci, il 
était convenable de distinguer ces animaux les uns des autres, tout 
en les rangeant dans une mêmesérie, de manière à tenir compte des 
affinités qu'ils ont entre eux. En effet, si l’on apporte une plus 
grande attention dans l'étude de leurs caractères secondaires, on 
ne tarde pas à constater qu'ils sont parfaitement susceptibles d’être 
partagés en plusieurs petits groupes analogues à ceux que les natu - 
ralistes actuels nomment des genres. Nous indiquons même parmi 
eux deux coupes nouvelles (2), ce qui porte à six le nombre de 
celles que nous avons pu étudier en nature. 

Voici les noms sous lesquels ces divers petits genres sont décrits 
dans notre travail : 

Brachyphylla, Gray; Pteroderma, P. Gery.; Artibeus, Leach; 
Dermanura, P. Gerv.; Stenoderma, E. Geoflr., el Séurnira, 
Gray. 

C’est sans doute à la même tribu que doivent également être 
réunis trois autres genres de Phyllostomidés que nous ne connais- 
sons que par les descriptions qu'on en a données, savoir : les 
Nyctiplanus de M. Gray; les Trachops du même auteur , et les 
Diphylla de Spix. Ces derniers ne se distinguent peut-être pas du 
genre des Sténodermes proprement dits. 

Je donne les caractères de ces différents genres de Sténoder- 
mins , et je traite en particulier de plusieurs des espèces qui s’y 

(4) De Blainville, Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. V; Ostéogr, 


des Chéiroptères, p. 16 et 35.— P. Gervais, Hist, des Mamm., t. I, p. 197. 
(2) Les Pteroderma et les Dermanura, 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMMÉRICAINS. YA1 


rapportent : Stenoderma perspicillatum (le Phyllostoma persp. des 
auteurs), Arlibeus lineatus, Artibeus undatus, Dermanura cine- 
reum, Slenoderina rufum, Sturnira lilium et Sturnira chilense. 

On devra aussi rapporter à la tribu des Sténodermins, le Cen- 
turio flavogularis, curieuse espèce propre à l’île de Cuba, que 
MM. Lichtenstein et Peters viennent de faire connaitre (1). 


Tribu des Glossophagins (2). 


Une autre tribu des Phyllostomidés nous est fournie par le genre 
Glossophaga d'El. Geoffroy (3). Les espèces qui s’y rapportent sont 
moins nombreuses que celles dont il est question dans ce travail 
sous les noms de Sténodermins et de Fampyrins, el il est assez 
facile de les caractériser. Ce sont des Chauves-Souris à feuille na- 
sale hastiforme, ayant la tête allongée, la langue très longue, 
exsertile et garnie, sur une partie de sa surface, de papilles pili- 
formes. Leurs dents diffèrent assez notablement de celles des 
autres Chéiroptères de la même famille : les incisives y sont petites 
et quelquelois caduques ; les canines, au contraire, sont longues 
et aiguës, et les molaires petites. Les arrière-molaires supérieures 
affectent une forme assez particulière, et les inférieures une forme 
comprimée ; les deux premières des trois arrière-molaires supé- 
rieures ont un fort talon émoussé à leur base interne, et une crête 
longitudinale sur leur bord externe, mais sans montrer les doubles 
pyramides qui caractérisent ces dents chez les Phyllostomes ; la 
coupe en est plus régulièrement {triangulaire que celle des mêmes 
molaires chez les Sténodermins, et l’on retrouve, dans la disposi- 
tion de leur couronne, une certaine analogie avec les arrière- 
molaires supérieures de plusieurs Viverridés ; la dernière molaire 
supérieure est plus évidemment intermédiaire par sa forme à celle 
des Sténodermins, qui est arrondie lorsqu'elle existe, et à celle des 


{4) Abhandlungen der kün. Acad. der Wissench. zu Berlin, 1855, pour 4854, 
p. 81, pl. 4. Il n'est pas démontré que ce Centurio appartienne au même genre 
ni même à la même tribu que le Centurio senex de M. Gray, qui est un Chéi- 
roplère de l'fle de Bornéo, et par conséquent un Chéiroptère de l'ancien monde. 

(2) Glossophagina. 

(3) Glossophaga, Ët. Geof., Mém, du Mus. d'histoire nat, t, LV. 


212 P. GERVAIS. 
Vampyrins qui est toujours transverse, comme l’est celle des Féli- 
dés et de certains autres Carnivores. 

Ainsi qu'on l'a vu plus haut, Ét. Geoffroy réunissait sous un seul 
nom générique les espèces qu'il connaissait dans ce groupe. 
M. Gray les a réparties dans plusieurs genres différents, en tenant 
compte des caractères fournis par la présence ou l’absence de la 
queue , ainsi que par l'étendue de la membrane interfémorale. 
Chacun de ces nouveaux genres répond à l’une des espèces dé- 
crites par le naturaliste français : le genre Phyllophora, au Glosso- 
phaga ampleæicaudata ; le genre Glossophaga, au G. soricinum ; 
le genre Monophyllus, Leach, au G. caudifera, et le genre Anoura, 
Gray, où Chæronycteris, Lichtenstein, au G. ecaudata. 

A propos des Glossophagins , j'ai parlé du Phyllostoma brevi- 
caudum du prince de Neuwied , qui se rattache à la fois, par ses 
affinités, aux Sténodermins, aux Glossophagins et aux Vampyrins, 
et j'en ai fait l'objet d’une nouvelle distinction générique sous le 
nom d’Hemiderma. 


Tribu des Vampyrins (1). 


La dernière tribu des Phyllostomidés comprend le genre Phyl- 
lostoma , tel qu'il a dû être modifié par suite des progrès de la 
science. Plusieurs autres divisions, de valeur également géné- 
rique, doivent y être pareillement rapportées : tels sont les 7am- 
pyrus de Leach, qui donneront leur nom à la tribu ; les Lopho- 
stomes de M. d'Orbieny et les Macrophylles de M. Gray; tels sont 
encore les genres T'ylosloma et Schizosloma que nous avons nous- 
même établis, et qui sont décrits pour la première fois dans ce 
travail. 

Tous les Vampyrins ont pour caractères communs d’avoir, en 
arrière de deux ou trois paires de prémolaires , trois postmolaires 
de chaque côté et pour chaque mâchoire. Les deux premières 
d'en haut sont élargies par un fort talon interne, et relevées sur 
leur bord externe par une double pyramide fortement excavée en 
gouttière sur sa face externe. Chacune de ces pyramides répond à 


(4) Vampyrina. 


CHÉIROPTÈRES SUD- AMÉRICAINS, A5 
lun des lobes de la dent, et donne à sa couronne une apparence 
assez semblable à celle qu'ont les deux dents correspondantes 
chez les Vespertilionidés. Au contraire, les Sténodermins et les 
Roussettes s’éloignent beaucoup de ces animaux sous le même 
rapport. Quant à la troisième arrière-molaire des Vampyrins , elle 
est aussi fort semblable à celle des Vespertilionidés par sa disposi- 
tion transverse , et, en même temps, très différente de celle des 
Sténodermins. En outre, sa présence est constante chez les Vam- 
pyrins, tandis qu'elle ne l’est pas chez les Sténodermins. Les trois 
paires de vraies molaires inférieures ressemblent aussi beaucoup à 
celles des Vespertilionidés ; elles sont à deux lobes, surmontés 
chacun par une crête en forme de v. Le second lobe de la troi- 
sième molaire est toujours plus ou moins rudimentaire. 

Aux caractères importants que je viens de signaler, on peut 
encore en ajouter plusieurs autres. Ainsi, le crâne des Vampyrins 
est rarement aussi raccourci el aussi large que celui des Sténo- 
dermins , et leur membrane interfémorale est toujours plus ample, 
s'étendant au moins jusqu'aux talons ou étant même plus allon- 
gée. La queue manque quelquefois ; dans les cas où elle existe, elle 
peut être courte, comme celle des Sténodermins , ou bien entière 
et complétement incluse dans la membrane, ce qui établit une 
nouvelle ressemblance entre les animaux qui nous occupent et les 
Chauves-Souris de la tribu des Vespertilionins. Quant à la feuille 
nasale, elle ne manque dans aucune espèce, et elle est, comme 
c’est l'ordinaire dans les Phyllostomidés, composée de la partie 
bastiforme , dite fer de lance , et de la partie basilaire en demi- 
cercle , que nous appelons le fer à cheval. Toutefois cette seconde 
partie n’est pas loujours parfaitement développée. 

Les six genres sur lesquels nous avons constaté la présence des 
caractères qui viennent d'être énumérés, sont ceux des Vampy- 
rus, Leach; Phyllostoma, Êt. Geoffr.; Lophostoma, d'Orb. et 
P. Gerv.; Tylostoma, P. Gerv.; Schizostoma, P. Gerv., et Macro- 
pyllum , Gray. 

Quelques autres genres devront peut-être leur être associés ; 
mais , comme nous ne les avons pas observés par nous-mêmes, et 
comme leur dentition n'a pas encore été décrite, il nous est impos- 


21! P. GERVAIS. 


sible d'assurer s’ils doivent réellement être classés ici. Nous en 
trouvons quatre dans les publications de M. Gray. Voici l'indica- 
tion des noms qui leur ont été imposés par ce naturaliste : Macro- 
tus, Phyllodia, Mimon et Carollia. 

Les espèces de cette tribu qui m'ont surtout occupé, sont les 
suivantes : Phyllostoma hastatum, Phyllostoma elongatum, Phyllo- 
soma angusticeps (esp. nouv.), Lophostoma sylvicolum, Schizo- 
soma minutum (esp. nouv.), Macrophyllum Newwviedii , espèces 
qui sont toutes remarquables à plusieurs égards. 

Comme addition à la famille des Phyllostomidés , j'ai parlé d’un 
genre nouveau que j'élablis sous le nom de Spectrellum (A), el qui 
se rattache aux animaux de cette catégorie par ses caractères prin- 
cipaux, quoiqu'il paraisse dépourvu de feuille nasale ; je n’en con- 
nais qu'une espèce, le Spectrellum macrurum , que je ne trouve 
décrit dans aucun ouvrage de mammalogie. Le seul exemplaire 
que j'en aie encore observé à été pris au Brésil, dans la province 
de Bahia. Je le dois à M. Westphal. 


IL. 
CHÉIROPTÈRES VESPERTILIONIDÉS. 


La famille des Vespertilionidés est la plus nombreuse de toutes 
celles qui composent l’ordre des Chéiroptères. Ses espèces, qui 
ont servi à l'établissement d'un grand nombre de genres, for- 
ment plusieurs tribus bien distinctes. Je parle successivement de 
celles qui représentent en Amérique les Noctilins , les Molossins , 
les Emballonurins et les Fespertilionins. 


Tribu des Noctilionins (2). 


Le genre des Noctilions (Woctilio, Linné), dont on ne possède 
que deux ou trois espèces, forme à lui seul la tribu des Noctilio- 


(1) Le genre Spectrellum, dont nous parlons ici, est un genre nouveau. L'es- 
pèce inédite sur l'examen de laquelle je l'établis, tient des Vampyrins par ses 
proportions et par son système dentaire, mais elle paraît manquer entièrement 
de feuille nasale. Sa queue est complète comme celle des Macrophylles, mais les 
trois vertèbres intermédiaires y sont beaucoup plus grêles et beaucoup plus 
longues que dans ces derniers, 

(2) Noctilionina. 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 25 
nins, faciles à reconnaitre à la singulière bizarrerie de leur face , 
qu'on à comparée à la monstruosité dite bec-de-lièvre, ainsi qu'à 
la forme de leur crâne et à la disposition de leurs dents. 


Tribu des Molossins (4). 


Les Chéiroptères qui composent cette tribu sont très différents 
de lous les autres par leur aspect extérieur, et ils s’en distinguent, 
en outre, par quelques caractères intérieurs assez importants. 
Ce sont tous des animaux hideux, à corps lrapu, à ailes étroites , 
et dont la queue n’est qu'incomplétément comprise dans la 
mernbrane interfémorale , qui cesse vers son deuxième tiers 
environ (2). Leurs oreilles sont grandes, arrondies, toujours plus 
où moins rapprochées où même réunies sur la ligne médiane, 
quelquefois comme gaufrées et pourvues d’un oreillon si rudi- 
mentaire que les auteurs ont jusqu'ici méconnu sa présence. Ils 
ont pris pour lui le lobe inférieur de la conque elle-même (3), qui 
est grand, arrondi et assez bien en forme d’oreillon discoïde. On 
ne connait aucun Molossin qui ait plus de cinq paires de molaires, 
même à la mâchoire inférieure, et la plupart n’en ont même que 
quatre à la supérieure. Toutes leurs molaires ont la couronne rele- 
vée par une ou plusieurs pointes ou par des pyramides saillantes, 
et elles sont appropriées au régime insectivore. Les canines sont 
fortes, celles d'en bas étant parfois contiguës sur la ligne médiane, 
ce qui rejette alors les incisives au-devant d'elles. Ces incisives 
n'ont pas la même forme à l’une ou à l’autre mâchoire; leur 
nombre n’est que de deux, en une paire, à la supérieure; mais il 
y en a une, deux ou même trois paires à l'inférieure. Celles-ci ont 
toujours leur couronne bilobée , ce qui peut servir à distinguer les 
Molossins des Vespertilionins , dont les incisives inférieures sont 
habituellement lrilobées. Les incisives supérieures des Molossins 
ne laissent jamais entre elles un aussi grand intervalle que celles 


(1) Molossina. 

(2) Le Molossus amplevicaudatus, établi par Ét. Geoffroy sur la Chauve-Souris 
de la Guyane décrite par Buffon, fait exception, en ce sens qu'elle a presque toute 
la queue enveloppée par la membrane interfémorale. 

(3) Répondant sans doute à l'antitragus de l'oreille humaine. 


216 P. GERVAIS. 

de la plupart des Vespertilionins, et l'os incisiflui-mêéme y est com- 
plet et sans échancrure médiane comme chez ces derniers. M. Tem- 
minck , qui a réuni tous les Molossins , dont il a fait la monogra- 
phie, dans un seul et même genre, a pensé que l’on pouvait attri- 
buer à tous les animaux de ce groupe une même série de formules 
pour les dents incisives : ?, 4, 4, 1, et même 6, en prenant dans 
chaque espèce des sujets aux différents âges. Les jeunes auraient, 
suivant lui, plus d'incisives que les adultes, et ceux-ci plus que 
les vieux. Cependant une étude attentive des divers groupes d’es- 
pèces qui forment la tribu des Molossins parait donner des résul- 
tats assez différents. Quoique cette étude ne nous ait pas encore 
permis de constater ce qu’il peut y avoir de commun entre les 
différents genres de cette tribu , envisagés dans leur première den- 
tition , elle nous montre que, lors de la seconde dentition de ces 
animaux, certaines de leurs espèces ont normalement + incisives 
(Dinops Cestoni ); d’autres ? (Myoptères, N'yctinomes ct Promops); 
d’autres enfin ? (Molosses et Chéiromèles, sans pourtant que ceux 
qui ont moins d’incisives que les Dinops passent préalablement 
par la formule qui caractérise ces derniers. Les exceptions que 
semblent présenter certains exemplaires appartenant à des espèces 
de la dernière catégorie peuvent être facilement ramenées à la 
régle , si l’on examine quelles dents ils portent réellement. Ainsi, 
les vrais Molosses, auxquels en trouve ? i. au lieu de ?, sont des 
sujets encore jeunes, et chez lesquels deux incisives de lait, qui ne 
sont pas encore tombées, se voient en même temps que les deux 
incisives de la seconde dentition. Il est inutile d'ajouter que les 
Nyctinomes et les Dinops peuvent également présenter, dans des 
cas analogues , plus de dents que ne le comporte leur formule nor- 
male. La diversité du nombre des incisives que M. Temminek 
attribue à tous les Molossins s’observe d’ailleurs chez ces Chéi- 
roptères, mais dans la série de leurs espèces , et non dans la série 
des âges de chacune de ces espèces prise séparément. 

Le cräne de ces animaux montre quelques différences de forme 
qui peuvent être avantageusement consultées , lorsqu'on veut éta- 
blir parmi eux des coupes génériques, Dans aucun cas, il ne nous à 
montré l’échancrure incisive qui est caractéristique des Vesperti- 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. A7 
lionins. Le squelette présente quelques autres particularités, dont 
la principale consiste dans le développement considérable du pé- 
roné qui est complet, presque aussi gros que le tibia, et notable- 
ment distant de lui dans toute sa longueur. Cette disposition parait 
être en rapport avec les habitudes plus terrestres des Molossins. 
Le Desmode, parmi les Chéiroptères, a seul le péroné plus fort que 
le leur, mais il l’a en même temps moins écarté du tibia. 

Daubenton est le premier naturaliste qui ait signalé des Chéiro- 
ptères de la tribu des Molossins. Dans le mémoire remarquable 
qu'il a publié sur les Chauves-Souris (1), il décrit deux espèces de 
ce groupe : le Rat volant, dont Ét. Geoffroy à fait plus tard le genre 
Myopterus; et le Mulot volant (F'espertilio molossus, L.), qui a 
servi de type au genre Molossus du même naturaliste. Daubenton 
a fait connaitre avec soin les caractères extérieurs de ces animaux, 
ef il a indiqué en même temps les particularités que pente leur 
système dentaire. 

Dans l'Histoire naturelle de Buffon, Daubenton a parlé de nou- 
veau du Mulot volant, en décrivant les objets alors conservés au 
Cabinet du roi. Il y a joint quelques détails sur une autre Chauve- 
Souris qui lui paraissait être de la même espèce que celle décritesous 
le nom précédent, quoiqu'elle en différât à certains égards. Le 
tome VII des Suppléments au même ouvrage donne, en outre, la 
figure et la description d’un troisième Molosse , sous le nom de 
Chauve-Souris de la Guyane. 

D'autres renseignements furent successivement publiés au sujet 
de certains Molosses. La Chauve-Souris sixième, ou Chauve-Souris 
châtaine, etlaChauve-Souris dixième, ou Chauve-Souris brun can - 
nelle de d’Azara, sont aussi des animaux de ce genre (2). De même 
la Chauve-Souris huitième, ou Chauve-Souris obscure, et la 
Chauve-Souris neuvième, ou petile Chauve-Souris obscure, sont 
des Molossins; mais, quoiqu'on en ait fait jusqu'à présent des 
Molosses véritables (3), je crois plus convenable de les rapporter 


(1) Histoire de | Académie des sciences , année 1759. 

(2) Ét. Geoffroy en a fait deux nouvelles espèces, sous les noms de Molossus 
caslaneus el crassicaudatus. 

(3) Ét. Geoffroy a nommé Molossus laticaudatus la Chauve-Souris huitième 


918 P. GERVAIS 


à un autre genre de cette tribu, à cause des grandes dimensions 
que d’Azara donne à leurs oreilles , et des plis verticaux qu'il si- 
gnale sur leur lèvre supérieure. 

Cet autre genre, dans lequel il convient de réunir une partie des 
Molossins propres à l'Amérique méridionale, est aussi l’un de ceux 
qu'Ét. Geoffroy a définis le premier ; c’est son genre Nyctinomus, 
qui, au lieu d’être exclusivement américain à la manière des Mo- 
losses véritables, fournit en même temps des espèces à l’ancien 
monde et au nouveau. Le Molossus nasatus, décrit par Spix 
en 1823, est encore un Nyctinome et non un vrai Molosse; et, 
en 1824, M. Is. Geoffroy a publié une autre espèce de la même 
tribu, dans laquelle il a reconnu les caractères des Nyctinoïies, 
animaux que jusqu'alors on avait considérés comme confinés dans 
l'ancien continent, quoique, en réalité, d’Azara et Spix en eussent 
décrit des espèces américaines. De notre côté, nous avons étudié 
trois espèces de Nyelinomes américains (4). 

Ét. Geoffroy, en élablissant le genre Molosse, en avait déjà si- 
gnalé neuf espèces ; mais il y comprenait, il est vrai, les Chauves- 
Souris huitième et neuvième de d’Azara. Les naturalistes qui se 
sont occupés de ces animaux depuis lors, tels que MM. Temminek, 
Maximilien de Neuwied, Gray, d'Orbigny et Tschudi, en ont en- 
core augmenté la liste ; mais ils sont loin d’en avoir arrêté, dans 
tous les cas, les caractères avec une précision suffisante; et, comme 
chacun de ces auteurs n’a pas toujours connu les publications faites 
avant lui, où du moins n'a pas réussi à y retrouver les espèces qu'il 
déerivait à son tour, il en est résulté une certaine confusion dans 
li nomenclature et dans la diagnose ; aussi le nombre des espèces 
que l’on admet présentement dans ce groupe paraît-il devoir être 
notablement réduit. Nous avons cherché à triompher de toutes cés 
difficultés, mais sans y réussir davantage, et nous avons dû nous 
borner à l'exposition de quelques faits, nouveaux pour la plupart, 
qui jetteront peut-être un peu de jour sur ce sujet difficile. 

M. Temminck a cru devoir réunir dans un même genre toutes 


de l’auteur espagnol, et il a réuni à son M. obscuris la Chauve-Soüris neuvième. 
Celle-ci est plus particulièrement le M. cæcus de M. Rengger. 
(1) Nyctinomus brasiliensis, N. nasutus et N. macrolis. 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 9219 


les espèces de la tribu actuelle des Molossins, quels que soient leur 
patrie, leur formule dentaire et leurs caractères extérieurs. Nous 
avons tiré de l’examen que nous avons fait du crâne de ces ani- 
maux, ainsi que de leur système dentaire, plusieurs caractères ser- 
vant à justifier les genres qu'on avait établis parmi eux d’après 
l'inspection de leurs incisives et de leur physionomie extérieure. 
Les NVyctinomes, en particulier , nous semblent pouvoir être très 
nettement séparés des Molosses, et nous établissons, parmi les ani- 
maux américains de la même tribu, un nouveau genre qui prendra 
le nom de Promops (1). Ces trois genres, joints à celui des Thyro- 
ptera de Spix, que nous n'avons pas vu en nature, forment l’en- 
semble des Molossins présentement observés en Amérique. Trois 
des paragraphes de notre mémoire sont consacrés à leur des- 
criplion. 
Tribu des Emballonurins (2). 


Le genre Emballonura de Kubl, dont nous parlons dans cet ar- 
ticle, nous parait devoir servir de type à une tribu disüncte parmi 
les Vespertilionidés. M. Gray l’a réuni à ses Noctilionins, ainsi 
que les Molosses; néanmoins il semble assez facile de l’en distin- 
guer, et il en est de même de quelques genres que nous lui asso- 
cions. Les Emballonurins ont la membrane interfémorale de gran- 
deur ordinaire, habituellement coupée carrément entre les éperons, 
ct leur queue , toujours plus courte que cette membrane, y reste 
incluse comme celle de certains Vampyrins et de la plupart des 
Sténodermins, sans jamais en atteindre le bord libre. Les dents de 
ces animaux sont éminemment insectivores ; leurs canines sont 
habituellement bicuspidées à leur base antérieurement et postérieu- 
rement. Ils n'ont, dans la majorité des cas, qu'une seule paire 
d'incisives supérieure qui est petite et simple. Leur crâne offre aussi 
des caractères particuliers : il est aplati ou déprimé au chanfrein, 
souvent renflé sur la région latérale des os maxillaires, et pourvu, 
en arrière de l'orbite , d’une sorte d’apophyse styloïde de forme 
recourbée. 


(4) Il a pour type le Molossus ursinus de Spix et de Blainville, 
(2) Emballonurina, 


220 P. GERVAIS. 

Les genres Diclidurus, Max. de Neuwied ; Urocryptus, Temm. ; 
Saccopteryæ, Iliger, et Proboscidea, Spix, à la suite desquels nous 
décrivons celui que F. Cuvier a nommé Furia, représentent cette 
tribu dans les parties chaudes de l'Amérique. Le genre Emballo- 
nura de Kubl, qui lui appartient aussi et qui lui a même donné son 
nom, a pour type une espèce des iles dela Sonde; on l’a également 
trouvé en Afrique, et il parait avoir aussi des représentants en Amé- 
rique,le Vespertilio caninus par exemple, et une autre espèce à la- 
quelle nous donnons le nom d’£mballonura brunnea ; enfin, c’est à 
la même tribu qu'il faut sans doute rapporter aussi le genre T'aphien 
(T'aphozous, El. Geoffroy), qui fournit des espèces à l'Asie et à 
l'Afrique. Son caractère essentiel consisté surtout dans la grande 
longueur de la partie libre de sa queue, qui s'étend au-dessus de la 
membrane interfémorale ; mais ce n’est pas là une différence suf- 
fisante pour faire des Taphiensle type d’une tribu à part, leur crâne 
et leur dentition étant semblables à ceux des Emballonures. Il est 
également probable que le genre Mystacina, établi par M. Gray 
pour une espèce de la Nouvelle-Zélande (M. tuberculata) , devra 
être placé avec les Emballonurins. Cependant je dois faire remar- 
quer que je n’en ai pas observé le crâne. La même remarque s'ap- 
plique au genre OEllo de Leach, ayant pour type l'OŒEllo Cuvieri 
dont on ignore la patrie. 

La Furie(Furia horrens, F. Cuv.) s'éloigne des autres Emballo- 
nurins par plusieurs caractères importants ; nous lui avons con- 
sacré un paragraphe spécial. 

Il ne nous a pas été possible de classer avec précision les genres 
Chilonycteris, Gray ; Mormoops, Leach; et Pteronotus, Gray, dont 
nos collections ne renferment encore aucun exemplaire. 


Tribu des Nycticéins (1). 


D’autres Vespertilionidés ont la membrane interfémorale longue, 
terminée à pointe et soutenue dans toute sa longueur par la queue, 
qui estde grandeur ordinaire. Sous ce rapport, ils ressemblent aux 
Vespertilionins ou Chauves-Souris proprement dites. Ils se distin- 


(1) Nycticeina. 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 291 
guent toutefois de ces derniers, parce qu’ils n’ont jamais qu’une 
seule paire d’incisives à la mâchoire supérieure , tandis que les 
Vespertilionins en ont deux paires. Les incisives supérieures des 
Nycticéins sont appliquées contre la canine avoisinan{e, et séparées 
l’une de l’autre sur la ligne médiane par un large intervalle, occupé 
lui-même dans le squelette de la tête par une forte échancrure. 
Leur crâne est assez raccourci, dépourvu d’apophyse post-orbitaire 
et élargi au palais. Leurs mâchoires ne portent, dans les espèces 
présentement connues , que trente ou trente-deux dents, les mo- 
laires étant au nombre de © ou de 4 seulement. Dans le second cas, 
la première molaire d’en haut est petite et placée hors de rang, dans 
l'angle formé par la canine et par la deuxième molaire. En tenant 
compte, non pas de la présence ou de l’absence de la petite fausse 
molaire dont nous venons de parler, et qui paraît avoir ici fort peu 
d'importance, mais bien de la disposition nue, ou au contraire 
velue, de la membrane interfémorale, on peut distinguer deux 
genres parmi les Nycticéins : les Atalapha, Rafinesque, et les 
Nyclicejus du même auteur. 

Je décris sous le nom de Nycticejus Eqa une espèce de ce der- 
nier genre : c’est la première qu'on ait signalée dans l'Amérique 
méridionale. 

Tribu des Vespertilionins. 


Elle comprend les espèces à ? incisives et à queue longue soute- 
nant, dans toute sa longueur, la membrane interfémorale, qui est 
elle-même plus ou moins appointie et dépasse le niveau des talons. 
Ses différents genres peuvent être aisément caractérisés, si l’on a 
égard au système dentaire et à quelques autres particularités. Nous 
plaçons en première ligne, pour la classification des espèces de cette 
tribu, les caractères tirés du nombre des dents. Ces caractères nous 
donnent cinq petits groupes. 

Presque tousles genres de Vespertilionins fournissent des espèces 
aux différents continents. Nous en rappelons les caractères dans 
notre mémoire, et nous signalons les principales espèces de chacun 
d'eux. 

Le défaut de renseignements sur la formule dentaire des Vesper- 


299 P. GERVAIS. 
tilionins de l'Australie, qui ont été décrits dans ces derniers temps, 
nous a empêché de leur assigner leur véritable place dans l'énu- 
mération méthodique des animaux de eette tribu. 

Il ya cinq divisions parmi les Vespertilionins : 


1. Vespertilionins qui sont pourvus de trente dents. 


Genre Scotophilus, Leach. 


2. Vespertilionins qui sont pourvus de trente-deux dents. 


Genre Vesperus, Keyserling et Blasius. Il fournit des espèces aux 
deux continents; celles de l'Amérique du Sud sont les : F'espertilio 
Dutertreus, P. Gerv. (synonyme de W. caroliniensis, Êt. Geoffr. ); 
V. innoæius, P. Gerv.; F. furinalis, P. Gerv. et d'Orb.; Ÿ, fer- 
rugineus, Temm. 

Genre Histiotus, P, Gerv. Ce genre a pour type le Plecotus 
velatus, Is. Geoflr.. qui vit dans l'Amérique méridionale. 

Genre Harpiocephalus, Gray, espèce unique : F’espertilio har- 
pia, Temm. (de Java). 


3. Vespertilionins qui sont pourvus de trente-quatre dents. 


Genre Murina, Gray. I ne comprend que le F'espertilio suillus, 
Temm. (de Java et Sumatra). 

Genre Synotus, Keyserling et Blasius, Espèce unique : la Bar- 
bastelle (7. Barbastellus) d'Europe. Nous avons signalé ailleurs (1) 
la présence de celte Chauve-Souris aux îles Canaries. 

Genre Fesperugo, Keyserling et Blasius. Ce genre est cosmo- 
polite; il est représenté dans l'Amérique du Sud par le #. leuco- 
gaster de M. Temminck. Le V.ruber, Ét. Geoffroy, s’en rapproche 
à divers égards, mais il n'a qu'une seule paire d’incisives supé- 
rieures. Cette espèce devra peut-être former un genre à part. 


4. Vespertilionins qui sont pourvus de trente-six dents. 


Cette division comprend deux genres : les Plecotus, Ét. Geoff., 
ou les Oreillards, qui vivent en Europe, en Asie et dans l'Amérique 
septentrionale; etles Miniopterus, Ch. Bonap., dont nous ne con- 
naissons pas non plus de représentants dans l'Amérique du Sud. 


(1) Hist, des Canaries, par MM. Webb et Berthelot, 


CHÉIROPTÈRES SUD-AMÉRICAINS. 9293 
5. Vespertilionins pourvus de trente-huit dents, ou les Murinoïdes, F. Cuvier. 

Cette catégorie est aussi nombreuse que celles des Vesperus ou 
des Yesperugo, et ses espèces appartiennent également à des ré- 
gions fort éloignées les unes des autres. Aucune de celles que l’on 
connait ne parait égaler, par la grandeur de ses oreilles, les 
Chauves-Souris de l’ancien genre Plecotus, que nous avons répar- 
ties dans plusieurs des groupes précédents, sous les noms géné- 
riques d'Histiotes, de Synotes et de Plécotes. Cependant il en est, 
comme le Kirivoula (Ÿ°. pictus, Linné), dont les oreilles sont déjà 
plus grandes qu'à l'ordinaire. M. Gray a établi parmi les Muri- 
noïdes plusieurs genres que nous réunissons sous le nom commun 
de Myotis, proposé par M. Kaup. 

Le lespertilio lepidus, P. Gerv., petite espèce propre à l’île 
de Cuba, nous à paru, à cause de la forme particulière de son crâne 
et de ses dents, mériter d’être séparé des Myotis. Nous en faisons 
le genre Nyctiellus. 

Indépendamment du Nyctiellus lepidus, V’ Amérique méridionale 
a fourni àlacinquièmedivision de nos Vespertilioninsles ’espertilio 
polythriæ, Xs. Geoff.; chilænsis, Waterhouse ; Aypothriæ, P. Gery. 
et d'Orb.; Zsidori, id.; et Kinnamon, P. Gerv., qui sont des 
Myolis. 

Tout dernièrement, MM. Lichtenstein et Peters viennent de faire 
connaître , sous le nom d’Hyonycleris discifera, une nouvelle 
espèce entrant dans la même division; elle a été découverte à 
Porto-Caballo. 

Les caractères de plusieurs des Vespertilionidés sud-américains 
ne sont pas encore connus d'une manière aussi complète ; j'ajoute 
cependant quelques documents nouveaux à ceux que l'on avait déjà 
réunis à leur égard. 


NOTICES SOMMAIRES 


SUR LES OUVRAGES ADRESSÉS AUX RÉDACTEURS. 


Zverrer BERICHT. — Deuxième compte rendu des recherches faites en 
1854 et 1855 dans l'institution physiologique de l’université de 
Wärzburg, par MM. Kôzuer et H. Muzcer (extrait du Verhandlun- 
gen der Physikalisch-Medicinischen Geselschaft im Würzhourg , 
1856). 


On y trouve : 1° une série nombreuse d'expériences sur la sécrétion biliaire, 
dans laquelle les auteurs s'occupent successivement de la quantité de bile pro- 
duite en un temps donné; de l'influence de l'alimentation sur celle quantité ; de 
la production de l'ictère par l'obstruction des fistules biliaires accidentelles, etc; 
2 des expériences relatives à l'existence de la leucine dans le suc pancréatique, 
et aux effets des fistules pancréatiques; 3° des expériences sur l'action que les 
liquides du canal intestinal exercent sur les matières protéiques ; 4° des expé- 
riences sur la salicine, sur l'absorption des sels de fer, sur la décomposition de 
l'amygdaline et sa transformation en acide cyanhydrique dans l'économie ani- 
male, et sur les courants électriques des muscles. 


Essai sur les substances albuminoïdes et sur leur transformation en 
urée, par M. BéÉcHamp, thèse inaugurale à la Faculté de médecine de 
Strasbourg, 1856. - 


Dans ce travail remarquable, l'auteur fait voir que, par l'action oxydante de 
l'hypermanganale de potasse, on transforme en urée l'albumine des œufs et du 
sérum, la fibrine du sang et le gluten. Ainsi se trouve réalisé dans le laboratoire 
du chimiste un des phénomènes les plus remarquables de cette espèce de com- 
bustion physiologique que la respiration entretient dans l'intérieur des orga- 
nismes vivants, et que la théorie nous conduisait à considérer comme étant la 
source de l’urée, ainsi que de beaucoup d'autres produits. La découverte de 
M. Béchamp fera époque dans l'histoire de cette partie de la science physio- 
logique. 


De la présence de l'urée dans le sang et de sa diffusion dans l'orga- 
nisme à l'état pathologique, par M. Picarp ( Thèse). Strasbourg, 
1856. 


En se servant du procédé de M. Liebig, fondé sur la propriété que possède 
l'urée d'être précipitée par le nitrate mercurique, M. Picard a dosé la quantité de 
cette matière qui se trouve dans le sang à l’état normal et à l’état pathologique. 
La moyenne de cinq expériences, faites sur trois hommes et deux femmes dans 
l'état normal, a été de 0,046 d’urée pour 400. Dans les cas d'aménorrhée, cette 
proportion parait devenir plus considérable. Le sang du placenta contient un 
excès d'urée, et celui de la femme enceinte paraît en contenir moins que le sang 
normal. M. Picard a constaté aussi que le sang artériel n'en contient pas plus 
que le sang veineux, mais probablement un peu moins, ce qui est contraire à 
l'opinion des physiologistes qui placent dans le poumon le siége de la transfor- 
mation des matières albuminoïdes en urée. L'auteur a constaté aussi que le sang 


NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES. 9295 


de l'artère rénale contient deux fois autant d'urée que le sang de la veine, et il 
arrive à cette conclusion que l’urée est le résultat des phénomènes de désassimi- 
lation qui se passent dans l'intimité des tissus, et notamment de la fibre muscu- 
laire. Dans la seconde partie de sa thèse, l'auteur s'occupe du dosage de l'urée 
dans le sang des malades, et constate une augmentation dans les affections fé- 
briles , le choléra, et surtout la maladie de Bright. Ce travail offre beaucoup 
d'intérêt. 


On the Arrangement of the Biliary Ducts.-— Sur le mode de terminai- 
son des canaux biliaires et sur quelques autres points de l'anatomie 
du foie des animaux vertébrés, par M. L. BEALE,in-A, avec 3 planches 

_ (extrait des Philos. trans., 1855 , 2° partie). 


L'auteur se propose d'établir : 1° que les cellules hépatiques sont renfermées 
dans un lacis très délicat formé par une membrane basilaire; 2° que les plus 
petits canaux biliaires sont en continuité directe avec ce lacis; 3° que les injec- 
tions peuvent passer de ces canaux dans toules les parties du réseau tubulaire 
en queslion jusqu'au centre des lobules , et que le réseau capillaire peut être 
rempli dans la même préparation. 


REPORT, etc. — Rapport sur la vingt-cinquième réunion de lAssocia- 
tion britannique pour l'avancement des sciences , tenue à Glascow 
en septembre 1555, 1 vol. in-8. 


* 


On trouve dans ce volume un mémoire très étendu sur les Crustacés édrioph- 
thalmes de la Grande-Bretagne, par M. Spence Bate, et un grand nombre de 
notes relatives aux communications faites aux sections d'histoire naturelle et de 
physiologie, parmi lesquelles nous citerons les articles suivants : 


Sur les Brachiopodes des côtes de la Norwége, par M. Barrett (p. 406). 


Description d'une nouvelle espèce de Trématode (Fasciola gigantea) trouvée dans 
le foie de la Girafe, par M. Cobbold (p. 408). 

Sur une Truite monstrueuse, par le même (p. 109). 

Sur les homologies des. Lépismiens, par M. Dickee (p. 110). 

Sur le développement des sexes chez les Insectes, par M. Leitch(p. 444). 

Sur un cas de mortalité remarquable parmi les Hirondelles, par M. Lowe 
(p. 412). 

Sur des additions récentes faites à la faune de l'Afrique occidentale, par M. Mur- 
ray (p. 144). 

Sur la physiologie des Spermatozoïdes, le Trichomonas vaginalis, les cellules épi- 
théliques, etc , par M. Kælliker (p. 425). 

Sur l'homologiedes Vertébrés, par M Macdonald (p. 128). 

Sur l'antrum pylori, le développement de Vers dans le cerveau d'un Albatros; sur 
la structure du cerveuu; sur l'os épiscapheïide, chez un homme de la race Gua- 
räni, etc., par M Retzius (p. 1232): 

Sur les Spermalozoïdes el la fécondation de l'Ascaris myxtax, etc., par M, Allen 
Thompson (p. 138). 

Sur la forme du crâne chez les anciens Romains, par M. Davies (p. 142), 


4" série Zoo. T. Y. (Cahier n° #.) 3 ; 15 


296 NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES. 


Versuom. , ete. — Recherches sur la distribution méthodique des 
Méduses, avec description d’espèces nouvelles ou peu connues, 
par M. Gecengauer, avec À planches in-A, 1856. 


Dans ce Mémoire, tiré du 8° volume du Zeitschrift de MM. Siebold et Kælliker, 
l'auteur divise les Médusaires en deux sections et en onze familles, savoir : 
Acrasrena [Rhyzostomidæ , Medusidæ, Pelagide, Curybdidæ), et CrasPenora 
(Oceanide, Thaumantidæ, Æquaride, Eucopidæ, Trachynemidæ, Geryonidæ et 
Æginidæ). Ses observations portent essentiellement sur diverses espèces de la 
seconde section, et ont fourni plusieurs résultats intéressants pour la physiolo- 
gie, aussi bien que pour la taxonomie zoologique. 


Asre-Mineure. — Description physique, statistique ct archéologique 
de cette contrée, par M. P. ne Tominarcuerr. Paris, 1856. 


. Dans le deuxième volume qui vient de paraître, on trouve plusieurs chapitres 
consacrés à la 20ologie. L'auteur traite avec beaucoup de détails des principaux 
‘animaux domestiques de cette région, el rapporte aussi plusieurs observations 
intéressantes sur divers oiseaux, les Vers à soie, les Sauterelles, les Sangsues, et 
sur la faune ichthyologique des grands fleuves de la Russie méridionale. 


Essai monographique sur la tribu des Psychides, par M. Th. Bruann. 


Dans ce travail, extrait des Comptes rendus de la Société libre d'émulation du 
Doubs, l'auteur a consigné diverses observations sur les mœurs de ces curieux 
Lépidoptères; mais il s'occupe principalement de leurs caractères zoologiques et 
de leur classification. Il est d'avis que ce groupe doit être placé dans la grande 
division des Tinéides. 


Introduction à l'histoire naturelle des Brachiopodes vivants et fos- 
siles, ou Considérations générales sur la classification de ces êtres 
en familles et en genres, par M. Davinsow, traduit de l'anglais par 
MM. Eunes-Desconcuawps, 1 vol. in-4. Caen, 1856, avec 12 planches 
lithographiées. 

Ce travail, extrait du 10° volume des Mémoires de la Société linnéenne de Nor- 
mandie, est une traduction de la Monographie publiée par M. Davidson dans le 


Recueil de la Société paléontographique de Londres, ouvrage dont les zoologistes 
connaissent la haute importance. 


RECHERCHES 


SUR 


L'ORGANISATION ET LES MŒURS DU TERMITE LUCIFUGE, 


Par M. Ch. LESPÉS, 


Dr ès-sciences haturelles. 


Mémoire lu à l'Académie des sciences de Paris le 25 août 4856. 


INTRODUCTION. — HISTORIQUE. 


L'étude approfondie des sociétés d’Insectes nous a révélé jus- 
qu'ici des faits tellement remarquables et si inattendus, que l’on 
peut considérer ces réunions comme l’une des choses les plus 
surprenantes que la nature nous ail offertes. Pourtant les sociétés 
d'Hyménoptères ont seules été convenablement étudiées, et encore 
les mœurs de la plupart des genres exotiques sont inconnus. 
Quelles magniliques découvertes ne sont pas réservées au natura- 
liste qui pourra observer ces Insectes dans les régions tropicales ! 
En outre de ces industrieux Hyménoptères qui font notre admira- 
tion, d’autres Insectes vivent en société ; depuis bien longtemps 
les voyageurs nous ont parlé des constructions gigantesques des 
Termites d'Afrique, et des dégâts sans nombre que des Insectes du 
même genre occasionnent dans une foule de lieux. 

L'étude de leurs sociétés s'est malheureusement bornée à celle 
des pertes qu'ils font subir ; de sorte que , excepté le remarquable 
Mémoire de Smeathman, nous ne savons à peu près rien de leurs 
mœurs. 

Depuis lors, des Insectes du même genre ont été trouvés en 
France, d’abord aux environs de Bordeaux, par Latreille, puis à 
Rochefort, La Rochelle, et la plus grande partie de la Charente- 
Inférieure, où ils occasionnent des pertes immenses. 

Plusieurs naturalistes les ont étudiés, mais pendant trop peu de 
temps, pour pouvoir nous les faire connaitre complétement. Peux 


9298 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


observateurs ont publié sur ces Insectes des Mémoires qui mal- 
heureusement ne nous apprennent rien de nouveau. 

Les seules connaissances anatomiques que nous possédions sont 
les résultats des travaux de MM. Léon Dufour et Joly, et encore 
sont-elles très incomplètes. 

Dès mon arrivée à Bordeaux, en novembre 1855, j'ai commencé à 
étudier ces êtres si peu brillants, mais qui semblaient me promettre 
des faits curieux. Je ne suis pas arrivé à les connaître parfaitement, 
mais j'ai la conviction que mon travail ne laisse qu'un petit nombre 
de lacunes. Il n’a pas tenu à moi qu'il fût plus complet, mes occu- 
pations m'ont souvent empêché d'aller au loin les examiner. C’est 
ainsi que je n'ai pu voir la sortie des individus ailés. 

J'ai pensé que dans un travail du genre de celui-ci, l’anatomie 
devait tenir une grande place; aussi mes dissections ont-elles été 
très nombreuses : je n’exagère pas en avançant que plusieurs mil- 
liers de ces Insectes ont été examinés scrupuleusement par moi. 
Il me semblait surtout important de déterminer, d’une manière 
rigoureuse, la nature des divers individus qui composent les socié- 
tés de ces insectes; et, sous ce rapport, je suis arrivé à une 
cerlilude complète. 

Ainsi qu'on le verra, cette société est loin de ressembler à celles 
des Hyménoptères. 

On pense bien que la dissection d'animaux à peine longs de 3 
où 4 millimètres n'est pas chose facile, surtout quand il s’agit 
d'isoler des organes qui, comme les rudiments d’ovaires et de tes- 
ticules des ouvriers et des soldats, ont à peine 4/4 ou 1/5° de milli- 
mètre ; ce n’est non plus qu'avec beaucoup de difficultés que je suis 
parvenu à bien voir la partie céphalique du système nerveux. Jai 
souvent, pour ces dissections, fait macérer pendant quelque temps 
les Insectes dans le chloroforme, Ce liquide dissout complétement 
la graisse, et donne aux nerfs et aux muscles une opacité très 
utile; ilest, au contraire, fort incommode dans la dissection de l’in- 
testin et des appareils reprocucteurs, qu'il rend trop transparents. 
Après son emploi les organes ne changent en rien de volume ou 
de forme, ainsi que je m'en suis plusieurs fois assuré. 

Les dessins qui accompagnent cette partie de mon travail sont 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 229 
faits smon avec élégance, du moins avec une scrupuleuse exacti- 
tude. Je n'ai jamais dessiné que ce que j'ai vu. 

J'ai adopté pour eux une échelle de proportion assez simple : 
ils représentent les divers objets avec des grossissements linéaires 
de 15, 30 et 60 fois. 

La deuxième partie de ce Mémoire contient ce que j'ai pu obser- 
ver des mœurs de ces Insectes. 

L'Insecte qui fait le sujet de ce travail est le Termes lucifugum, 
Rossi; ainsi que j'aurai occasion de le dire , il est commun dans 
les landes de Bordeaux, où il habite les vieilles souches de Pin. 
Quoique je n’aie pu me procurer le Termite de La Rochelle, je 
pense, comme M. de Quatrefages, qu'il n'appartient pas à la même 
espèce. Aux raisons que ce savant naturaliste en a données, et qui 
me paraissent concluantes, j'en joins deux autres : le Termite des 
environs de Bordeaux attaque quelquefois les charpentes des mai- 
sous ; les dégats qu'il occasionne alors sont insignifians , si on les 
compare à ceux dont son congénère se rend coupable dans la Cha- 
rente; bien souvent j'ai eu chez moi des sociétés de ces Insectes 
enfermées dans des bocaux : ils ont alors travaillé avec une len- 
teur bien différente de ce que M. de Quatrefages décrit chez le 
Termite de Rochefort, et jamais leurs galeries n’ont eu qu’un très 
petit développement. 

Ainsi que je l'ai déjà dit, les Termites ont surtout été étudiés 
dans les pays chauds. Le nombre des naturalistes et des voyageurs 
qui ont parlé de ces Insectes est très considérable ,; mais tous les 
ont vus en passant; et, depuis le Mémoire si remarquable de 
Smeathman (1), bien peu de faits nouveaux ont été découverts. Cet 
habile observateur avait trouvé dans les nids de la côte de Guinée 
quatre formes appartenant à l'espèce qu'il a le plus étudiée : 4° les 
jeunes larves ; 2° les ouvriers qu'il considère comme des larves 
développées; 3° les soldats qu'il regarde comme des nymphes ; 
k° des mâles et femelles qui sortent du nid, et dont quelques rares 
couples, après avoir perdu les ailes, fondent des sociétés nouvelles. 


(4) Mémoire pour servir à l'histoire de quelques Insectes connus sous le nom de 
Termès ou Fourmis blanches, ete., lraduit par C, Rigaud. La Rochelle, 4786, 
avec 7 planches. 


230 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


Latreille (1), qui découvrit aux environs de Bordeaux l’Insecte 
que j'étudie , trouva dans les nids une einquième forme : les 
nymphes. Pour lui la société se compose : 1° des larves (ouvriers); 
2 des nymphes ; 5° des individus ailés issus de ces deux formes, 
qui, plus tard, perdent leurs ailes et rentrent dans le nid, les 

‘femelles au moins; et enfin, 4° des soldats qu'il considère 
comme des neutres. 

Deux Mémoires ont été publiés sur les Termites de La Rochelle : 
le premier par M. Boffinet, en 1849 (2), a été depuis, en 1853, 
couronné et imprimé de nouveau sans aucune addition ni modifica- 
tion par la Société linnéenne de Bordeaux (3). Ce travail ne contient 
aucune dissection , et renferme des descriptions on ne peut plus 
inexactes : les femelles y sont indiquées comme « sans corselet et 
sans ailes; ..….. tête paraissant inoffensive. » Pour M. Boffinet les 
ouvriers et les soldats sont des neutres, ce qu’il avance sans autre 
preuve que l’analogie avec les Fourmis, et il existe un grand nombre 
de femelles dans chaque nid. Il est probable que l’auteur confond 
ici, avec les femelles qu'il n’a jamais vues , de grosses nymphes 
que je décrirai sous le nom de nymphes de la deuxième forme ou 
à fourreaux courts. A la fin de son Mémoire, il assure gravement 
que ces Insectes supportent sans aucun mal la chaleur d’un four 
dont on vient de retirer le pain. 

Le second Mémoire, celui de M. Bobe-Moreau (4), quoique d'un 
volume considérable, ne nous apprend rien de nouveau. Ces deux 
observateurs se sont surtout préoceupés des dégâts occasionnés 
par les Termites, ce qui éfait beaucoup plus facile que d'étudier 
les sociétés de ces Insectes. 


(1) Latreille, Bull. de la Soc. philomatique de Paris, nivôse et pluviôse an nr, 
p. 84!. — Dict. d'hist. nat. (Bory de Saint-Vincent), 1830,t. XVI, p. 127; 
— Diet. d'hist. nat. (Deterville), 1804, &. XXII, p. 49. 

(2) Boffinet père, de Saint-Sayinien, Rech. sur le Termès de la Charente-Infé- 
rieure, in Recueil périodique de la Société d'agriculture de Saint-Jean d'Angély, 
1842, n° 1. 

(3) Ann. Soc, linn. Bordeaux, 2° série, t. IX, 1853, p. 145. 

(4) Mémoire sur les Termès observés à Rochefort, etc., par M. Bobe-Moreau. 
Saintes, 1843. 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 231 


Nos Névroptères ont eu un historien plussérieux dans M. Joly (1), 
qui n’a malheureusement pu les étudier que pendant peu de jours. 
Son travail renferme des recherches anatomiques sur lesquelles je 
reviendrai plus loin. 

Plusieurs naturalistes ont vu en passant les Termites de La 
Rochelle, dont les dégâts et les habitudes ont trouvé enfin un obser- 
vateur habile (2), auquel la brièveté de son séjour à Rochefort n’a 
malheureusement pas permis de nous faire complétement connaître 
leurs mœurs. 

Enfin tout récernment à paru la première partie d’une mono- 
graphie du genre Termes (3). Ce travail, dont la vaste érudition 
effraie l'esprit, ne contient qu’un petit nombre de faits nouveaux, 
mais pourtant m'a été d’une grande utilité par les extraits de 
divers auteurs qu'il renferme, et que sans cela je n'aurais pu me 
procurer. M. Hagen paraît, du reste, n'avoir jamais observé 
de Termites vivants, et la seconde partie sera réservée aux 
descriptions spécifiques. Je n’ai rien trouvé de neuf dans son 
mémoire sur le Termite de Bordeaux. 

Les connaissances anatomiques que nous possédons sur les 
Termites sont bien incomplètes. 

John Hunter aurait disséqué (4) deux jeunes femelles, et trouvé 
dans leur abdomen deux ovaires composés d’un grand nombre 
de tubes. 

M. Léon Dufour a décrit et figuré (5) l'appareil digestif d’une 
nymphe. Depuis, dans une note annexée au Mémoire de M. Joly (6), 

(1) Recherches pour servir à l'histoire naturelle et à l'anatomie des Termites, 
in Mém. Acad. sc., insc. el belles-lettres de Toulouse, A849, p. À à 37. 

(2) A. de Quatrefages. Souvenirs d'un naturaliste, in Revue des Deux-Mondes, 
1853, L. XVIII, nouvelle série, p. 779 à 798. — Mém. sur la destr. des Ter- 
mites (Ann. des sc. nat., 3° sér., Zuol., t. XX, p. 5). — Note sur les Termites 
de La Rochelle (Ann. des se. nat., 3° sér., Zool., p. 16). 

(3) H. Hagen, Monographie der Termilen, in Linnea entomologica ; Zeitschrift 
herausgegeben von dem entomologischen Vereine in Slettin; zehnter Band., 1855, 
p.1à 144 et 270 à 325. 

(4) Smeathman, loc. cit. 

(5) L. Dufour, in Mém. sav, étrangers Ac. sc. de Paris, 1841, t. VII, 
p. 608, pl. 13, fig. 496, 497. 

(6) Dufour in Joly. 


232 CH. LESPÉS, —— ORGANISATION 
il est revenu sur l’appareil digestif, et a donné quelques détails sur 
les ovaires de la femelle, 

Dans son Mémoire publié en 1849, M. Joly (4) a-fait connaître 
en partie l'anatomie de l’Insecte dont j'ai entrepris l’histoire. Le 
tube digestif, le système nerveux et les ovaires d'une nymphe ont 
été figurés et décrits par ce naturaliste ; malheureusement ses dis- 
sections sont trop peu nombreuses : le système nerveux surtout 
laisse à désirer. 

Burmeister (2) a décrit rapidement l'anatomie des Termites. Je 
n'ai pu voir son livre, éloigné que je suis de tout centre scienti- 
fique, et je suis réduit aux extraits de MM. Westwood et Hagen. Ce 
savant naturaliste n’a pu trouver les organes mâles chez les indivi- 
dus ailés , et a vu les organes femelles composés de deux ovaires 
verticillés, formés chacun d’une trentaine de gaines. 

On le voit : ce que nous savons sur les Termites est bien peu 
de chose. En étudiant celui de Bordeaux, j'ai surtout fait en sorte 
de bien connaitre la constitution de ses sociétés. Mes études, diri- 
gées uniquement vers ce but, ne m'ont pas permis d'examiner les 
dégâts que cet Insecte occasionne, ni les moyens que l’on pourrait 
employer pour le détruire. 


ORGANISATION DES TERMITES. 
I. — Des divers individus qui habitent le même nid. 


Quand on ouvre un nid de Termites, ordinairement creusé dans 
une vieille souche de Pin, à la première vue on aperçoit deux 
formes bien différentes , les ouvriers (fig. 2) et les soldats (fig. 2). 

Les premiers sont d’un blanc légèrement jaunâtre, à tête ronde, 
très vifs si la température est élevée; les seconds frappent immé- 
diatement la vue par leur énorme tête allongée, et armée de fortes 
mandibules. Ainsi que je l'établirai plus tard, ces Insectes sont 
des neutres. On les trouve dans tous les points du nid et dans 
toutes les saisons. 

Si l'on pénètre plus profondément dans le bois, on ne tarde pas 


(4) N. Joly, loc. cit. 
(2) Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. IL, p. 762. 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 233 
à trouver des Insectes d’une forme différente. Ce sont d’abord des 
individus très jeunes se mouvant à peine (fig. 3), puis d’autres un 
peu plus grands qui offrent déjà des différences sensibles : les uns 
ressemblent aux ouvriers, sauf la taille ; les autres présentent des 
traces d’ailes plus (fig. 5) ou moins (fig. 4) marquées ; ceux-là, com- 
muns en été, commencent déjà à offrir dans le développement de 
ces fourreaux une différence bien plus marquée chez les nymphes. 
Je considère toutes ces formes comme des larves : les très jeunes 
larves, les larves de neutres, les larves qui donneront des individus 
SeXUÉS. 

Depuis le mois de juillet, en automne et en hiver, on trouve un 
grand nombre de nymphes remarquables par leurs fourreaux et 
leur taille plus considérable. Les unes (fig. 6), plus allongées et 
plus actives, ont ces fourreaux plus grands ; dans la première 
quinzaine de mai elles se métamorphosent en individus ailés, qui 
émigrent une vingtaine de jours plus tard; les autres (fig. 7) sont 
plus volumineuses et plus lourdes, surtout celles qui doivent deve- 
nir des femelles; elles commencent à se colorer en juillet pour se 
métamorphoser probablement en août , ainsi que je le dirai plus 
loin ; mais elles deviennent de plus en plus rares à mesure qu’on 
s'approche de l’époque de leur transformation. 

Ces nymphes , qui proviennent des larves dont j'ai déjà parlé , 
offrent des rudiments d'organes mâles et femelles ; les secondes 
sont toujours plus rares que les premières. 

En mai, et pendant vingt ou vingt-cinq jours seulement, on 
trouve des individus ailés (fig. 8) qui émigrent au commencement 
de juin. 

Enfin, quand on peut examiner {out l’intérieur du nid, on trouve 
la reine (fig. 40) et le roi toujours ensemble, et jamais qu'un 
seul couple dans chaque nid. 

Une seule fois, en novembre, j'ai trouvé dans une société très 
peu nombreuse, et dont le nid était fort petit, deux individus pri- 
vés d'ailes, et provenant, à n’en pas douter, d'individus ailés du 
mois de mai. L'un était un mâle, l’autre une femelle, J'ai trouvé 
une autre fois, en juillet, deux couples semblables dans un même 
nid : je reviendrai sur ce point. Je réserverai les noms de roi et 


23h CH. LESPÉS. — ORGANISATION 
reine donnés par Smeathman aux grands mâles et aux grandes 
femelles, désignant les seconds par les noms de petit roi et petite 
reine : ce dernier employé déjà pour les Abeilles ouvrières qui 
pondent des œufs de mâles. 

Il existe done deux formes d'individus sexués : les premiers , 
provenant des nymphes à longs fourreaux, émigrent au commen- 
cement de juin; les seconds, qui sont produits par les nymphes de 
la deuxième forme, éclosent probablement en août. Ils offrent, 
dans le développement des organes reproducteurs , une énorme 
différence. Ces individus ailés perdent plus tard leurs ailes. 

En résumé, je considère la société comme formée : 

4° D'un couple fécond : roi et reine, ou petit roi et petite reine; 

2% De neutres de deux formes : ouvriers et soldats ; 

3° De larves de deux formes : celles des sexués, celles des 
neutres ; 

k° De nymphes de deux formes; 

5° D’individus sexués, seuls ailés, de deux formes, qui doivent 
émigrer : ceux de mai, qui deviennent les petits rois et les petites 
reines ; ceux d'août, destinés à devenir les rois el les reines. 


IT. — Organisation de l’ouvrier. 


La taille des ouvriers est un peu variable dans le même nid, et 
cetle différence de volume est surtout remarquable si l’on examine 
des Insectes pris dans des nids différents. C’est, en général , dans 
les sociétés nombreuses, établies dans une souche bien pourrie, 
que l’on trouve les plus développés. La variation extrême m'a paru 
être de À millimètre : les plus petits ayant environ 3°*,5 de long ; 
les plus gros 4"",5. C'est surtout Pabdomen sur lequel porte 
cette différence. Il est bien entendu que je parle ici des ouvriers 
adultes. 

Leur couleur est d'un blanc légèrement ambré et presque dia- 
phane, qu'il est bien facile de distinguer du blanc mat des larves 
et des nymphes. Le plus souvent on aperçoit par transparence la 
matière brune qui remplit leur renflement intestinal. L'extrémité 
des mandibules ainsi que leur condyle est d’un brun clair. 

La tête arrondie (fig. , 2) parfaitement lisse, et sans trace d’yeux, 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 235 
présente en avant les pièces de la bouche à découvert ; les quatre 
palpes sont ordinairement dirigées en avant pendant la vie de l’ani- 
mal. Les antennes sont insérées dans une légère fossette qui résulte 
de la saillie du front. Elles sont presque toujours en mouvement, 
et servent à coup sûr à lâler le chemin, fonction qu’elles rem- 
plissent chez bien peu d’Insectes. Elles se composent d’un nombre 
d'articles différent chez les divers individus : le minimum est de 
quatorze, ainsi que je l'ai représenté figure 13, le maximum de 
dix-sept, comme le montre le dessin de l’Insecte entier figure 1. 
Mais cette différence porte uniquement sur les articles qui suivent 
le second au nombre de quatre ou de sept, et qui sont peu distincts 
dans tous les cas. 

Le prothorax est en avant plus étroit que la tête ; sa partie posté- 
rieure est encore rétrécie, de sorte qu'il est trapézoïde. Il est plane 
au-dessus et ordinairement marqué d’une ligne enfoncée longitu- 
dinale, et de deux lignes semi-circulaires des deux côtés. Ses angles 
antérieurs et postérieurs sont largement arrondis. Il porte en 
dessous la première paire de pattes. 

Le mésothorax et le métathorax ne diffèrent en rien des anneaux 
de l'abdomen , si ce n’est qu'ils portent les deux dernières paires 
de pattes. Ces caractères thoraciques sont propres aux ouvriers, 
aux soldats et à leurs larves ; ils sont bien différents de ceux des 
larves de sexués. 

L'abdomen , plus où moins aplati suivant ce que contient l'in- 
testin, est formé de dix anneaux en dessus; le dixième n’est guère 
visible que lorsqu'on presse un peu l’Insecte. En dessous il ne 
présente que huit plaques; la dernière, très courte, est terminée 
par deux dents aiguës parallèles quel que soit le sexe de l'Insecte. 
La huitième plaque dorsale porte latéralement deux appendices 
courts, composés de trois articles. 

Les pieds offrent bien peu d'intérêt; ils sont composés (fig. 12) 
comme chez tous les Insectes : la hanche est assez allongée et 
mobile, le trochanter petit, la cuisse et la jambe cylindriques et 
minces ; le larse formé de quatre articles, dont trois fort courts 
presque cylindriques, et un quatrième plus long , dont l'extrémité 
porté deux ongles simples très mobiles. 


236 CH. LESPÉS, — ORGANISATION 


Tout le corps est couvert de poils jaunâtres assez longs : seules 
les mandibules sont glabres. 


Appareil digestif. 


Les pièces de la bouche (fig. 44) sont toutes d’une solidité assez 
grande, et admirablement organisées pour ronger le bois. 

Le labre arrondi et fort mobile ( fig. 11, a) recouvre compléte- 
ment la bouche en dessus , et dans l'extension dépasse même les 
mandibules ; il se compose de deux pièces articulées sous l’épistome. 
Les deux mandibules (fig. 11, b), mues par des museles puissants, 
sont fortes et dentées en dedans. Un peu en arrière elles sont recou- 
vertes d’une brosse de poils courts et roides. La mandibule droïte 
présente deux dents et ane sorte de lame tranchante ; la gauche est 
munie de cinq fortes pointes. Cette différence des deux mandibules 
se représente chez tous les Termites ; mais chez les soldats la forme 
de ces organes est complétement changée. Les mächoires (fig. L1, c), 
situées au-dessous et en arrière des mandibules , sont formées à 
l'extrémité d’une pièce cornée, bidentée , et d’une sorte de galette 
mince, membraneuse ettransparente, qui vient recouvrir les pointes 
comme un capuchon. Cette galette, bien vue par M. Joly, établit 
un caractère de plus, qui rapproche notre Névroptère des Ortho- 
ptères. Le palpe maxillaire est composé de cinqarticles cylindriques. 
La lèvre inférieure (fig. 11, d) est d’une texture extrêmement 
délicate ; séparée du menton par une membrane assez longue, elle 
est très mobile. À sa partie antérieure , on voit facilement quatre 
petits appendices mous (les paraglosses et les lobes de la languette) ; 
enfin sur les côtés elle porte les palpes labiaux, composés chacun 
de trois articles cylindriques. 

Le tube digestif commence (fig 15) par un œsophage étroit, 
ordinairement attaché d’une manière solide au labre. Ce canal, 
transparent et fort grêle , arrive sans changer de volume jusqu’au 
mésothorax. En ce point commence un renflement musculeux 
pyriforme, et dont l'intérieur est garni d’un cercle corné, 

Douze lames constituent l'armature interne du gésier dans lequel 
elles forment un cercle visible souvent par transparence. Chacune 
de ces lames (fig. 38 ) se compose d’une pièce pliée en deux, et 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 937 


d’une autre placée dans l’angle arrondi ainsi formé. Ces lames sont 
portées par paires sur six tubercules mous. La plus grande partie de 
leur surface libre est hérissée de poils courts et roides, 

Au gésier succède un tube extrêmement grêle , qui s’invagine 
dans le ventricule chylifique. Ce dernier est gros, cylindrique, et 
couvert de rugosités ; il décrit dans l’abdomen un cercle entier, et 
se termine au-dessous du gésier par une portion plus rétrécie dans 
laquelle s'ouvrent huit vaisseaux hépatiques. Dans la figure 15 où 
tous ces organes sont en place, on ne peut voir distinctement l’in- 
serlion de ces vaisseaux. 

Au ventricule fait suite une poche volumineuse, courbe, 
boursouflée , et pleine d’une matière brune dans laquelle four- 
millent les nombreux Infusoires dont j'aurai à m'occuper plus 
tard. D’après la nomenclature généralement adoptée, ce devrait 
être l'intestin grêle. Dans les mâles et les femelles elle n’existe 
presque pas, et n’est représentée que par une légère boursouflure. 
On la trouve dans les larves ef les nymphes:; mais elle est moins 
volumineuse que chez les ouvriers. Son extrémité supérieure , 
celle où se termine le ventricule, est, ainsi que je l’ai dit, située 
au-dessous du gésier ; le ventricule la recouvre, mais son extrémité 
inférieure est visible au milieu du circuit que décrit ce dernier 
organe, En ce point commence un véritable intestin grêle qui, plus 
bas, présente un renflement (rectum), et enfin s'ouvre à l'extérieur. 
L'intestin est ordinairement rempli d’une sorte de bouillie brune , 
vivante agglomération d’'Infusoires; le ventricule est vide le plus 
Souvent, Quant au gésier, ordinairement vide, il est quelquefois 
distendu par une bulle gazeuse. Les organes sécréteurs annexes 
de l'appareil digestif sont les glandes salivaires et les vaisseaux 
biliaires. Les glandes salivaires ont été décrites par M. Léon 
Dufour (1); son dessin et la description qu'il en donne ne sont pas 
parfaitement d'accord. D'après le premier le canal excréteur de la 
glande déboucherait dans l'œsophage au niveau du prothorax, et 
le tube d'une longue vésicule (réservoir salivaire ) arriverait dans 
la bouche. 


4) L, Dufour, loc, cit, 


238 CH. LESPÉS., — ORGANISATION 


Le résultat de mes dissections me conduit loin de ces idées ; il 
existe pour moi deux paires de glandes salivaires : la paire infé- 
rieure, formée d’un tissu granuleux à lobes très gros, que la dissee- 
tion permet de séparer Fun de l’autre ; produit un long canal qui 
s'ouvre dans la bouche, ou dans la partie tout à fait antérieure de 
l’æsophage en avant des ganglions cérébroïdes, après avoir tra- 
versé le collier nerveux; c’est cette glande que M. L. Dufour con- 
sidère comme la vraie glande salivaire. Au-dessus on voit, d’une 
manière très nette, une longue vésicule (réservoir salivaire de 
M. L. Dufour), dont le col très allongé vient aussi s'ouvrir dans la 
bouche ; ce tube très grêle est immédiatement appliqué sur le eanal 
excréteur de la glande inférieure, et peut être soudé ou confondu 
antérieurement avec lui; de sorte qu'ils paraissent ne former qu’un 
seul tube. La vésicule est elle-même formée par uu tissu glanduleux 
bien manifeste avec un grossissement suffisant. 

Les vaisseaux hépatiques sont au nombre de huit , ainsi que l’a 
bien vu M. Joly, et que M. L. Dufour l’a retrouvé dans la femelle. 
Ils s'ouvrent isolément dans la partie inférieure du ventrieule, 
A partir de ce point ils sont flottants dans l'abdomen , et forment 
autour du canal digestif un lacis presque imextricable ; leur extré- 
mité libre se termine en un cæcum arrondi, ordinairement placé 
à une petite distance du rectum. 

Appareil respiratoire. 

L'appareil respiratoire est fort peu développé dans l’ouvrier. 
Toutes les trachées qui le composent sont tubuleuses et fort ténues ; 
celles qui partent des stigmates abdominaux, les seules que j'aie 
bien vues , forment immédiatement des bouquets de filaments très 
fins, destinés pour la plupart à l'appareil digestif. Il m'a semblé 
que les ovaires ne reçoivent les leurs que du thorax, et que ce sont 
elles surtout qui forment leur ligament suspenseur. Je n'ai pas 
réussi, malgré des recherches fréquentes, à bien voir les stig+ 
males de l’ouvrier qui doivent ressembler à ceux des individus 
ailés. 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 239 
Appareil circulatoire. 


L'appareil circulatoire est ici, comme chez tous les Insectes , 
réduit à un état rudimentaire : le vaisseau dorsal que l’on aperçoit 
à travers la peau de l'abdomen , et qu'il est facile d'isoler , com- 
mence postérieurement vers le huitième anneau du dos ; j'ai pu 
le suivre jusque dans la tête : il se compose d’une série de pièces 
plus étroites en avant, plus larges en arrière , placées à la suite 
lune de l’autre; chaque anneau du corps paraît correspondre à 
une des pièces. Il y a, je crois, deux ouvertures latérales à la partie 
postérieure de celles de l'abdomen. Je ne suis pas sûr que ces 
ouvertures existent au thorax. 

L'abdomen et les deux derniers anneaux du thorax contiennent 
une grande quantité de tissu cellulaire graisseux, d'autant plus que 
l’Insecte appartient à une société plus florissante; jamais, du reste, 
ce tissu n’est comparable à celui dont les larves et les nymphes 
Sont én quelque sorte remplies. 


Appareils reproducteurs. 


La dissection de l'appareil reproducteur des ouvriers est 
extrêmement difficile; bien souvent je n’ai pu rien trouver; pour- 
lant je suis arrivé à une connaissance, je crois assez complète, de 
cés organes rudimentaires. 

Chez les uns, ce sont des débris d’ovaires; chez d’autres, des 
testicules à peine développés. Les ovaires (fig. 16) sont oblongs, 
transparents, terminés en avant par un filament grêle attaché dans 
lé thorax (ligamnent suspenseur). On peut distinguer dans leur tissu 
douzé ou quinze gaines mal séparées l'une de l’autre; ces gaines 
finissent par déboucher dans un oviducte assez large ; les deux 
oviductes réunis sur la ligne médiane forment un vagin court, que 
jé n'ai jamais pu suivre jusqu'à sa (erminaison., Aucun débris de 
poche copulatrice ou de réservoir séminal n'existe sur ce vagin. 

La texture de tout cet appareil est d’une extrême finesse ; il est 
fort difficile de l'isoler complétement du tissu graisseux splanch- 
nique. Le degré de développement est très différent chez les divers 
individus, J'ai représentéces organes dans leur volume le plus con- 


210 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


sidérable; mais chez certains ouvriers, c’est à peine si les ovaires 
peuvent être reconnus ; ils sont alors presque uniquement consti- 
tués par un faisceau de trachées; les gaines ne sont pas visibles, 
Examinées avec un grossissement très fort, les gaines de l'ovaire 
ne présentent aucune trace d'œufs; on y voit seulement des glo- 
bules de graisse liquide souvent très volumineux. 

Les organes mâles sont extrêmement peu développés dans les 
ouvriers ; on lestrouveà l'extrémité de l'abdomen correspondant au 
rectum. [Isse composent de deux testicules (fig. 17) à peine visibles, 
dans la texture desquels on ne peut distinguer de capsule spermi- 
fique. De chacun de ces organes sort un tube extrèmement grêle 
(canal déférent), qui, réuni à celui du côté opposé, constitue un 
canal éjaculateur {rès court, à la partie supérieure duquel on peut 
voir deux débris de vésicules séminales. La dissection de cet appa- 
reil est difficile, à canse de son peu de développement et de son 
extrême transparence. Chez quelques individus, il est bien moins 
développé encore que je ne l’ai dessiné. 


Système nerveux. 


Les ganglions nerveux forment dans l’ouvrier une chaîne, qui 
s'étend de la tête au sixième anneau de l'abdomen ; elle se com- 
pose de dix masses : une pour la tête , trois pour le thorax et six 
pour l'abdomen (fig. 36). 

Les ganglions cérébroïdes, situés presque immédiatement au- 
dessous de la convexité du front, forment une masse bilobée assez 
volumineuse, qu'il est fort difficile de bien isoler ; je n’y suis par- 
venu qu'après un grand nombre d'essais, et après avoir fait macé- 
rer les Insectes dans le chloroforme. Si l’on enlève avec soin 
l’æsophage , on voit distinetement le ganglion sous-æsophagien, 
avec lequel ils sont en communication par des commissures fort 
courtes, de sorte que le collier œsophagien est très serré; il 
embrasse néanmoins non seulement le conduit alimentaire, mais 
encore, ainsi que je l'ai dit, les canaux excréteurs des glandes sali- 
vaires. 

Des ganglions cérébroïdes prennent naissance les nerfs anten- 
naux seuls. À son origine, chaeun de ces nerfs est simple , mais 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE, 241 
il se bifurque dès son entrée dans l’article inférieur de l'antenne. 
Ce caractère commun à tous les Insectes est bien visible chez le 
Termite, surtout quand il a macéré quelques jours dans le chloro- 
forme ; les deux filets nerveux marchent côte à côte, et j'ai pu les 
suivre jusqu'aux derniers articles. 

Le ganglion sous-æsophagien est très volumineux ; il dépasse 
notablement en avant les ganglions cérébroïdes, avec lesquels il 
communique par des commissures courtes que mon dessin ne pou- 
vait montrer. J'ai vu sortir de ce ganglion deux paires (peut-être 
trois) de nerfs, dont je n'ai pu distinctement voir la terminaison; 
en arrière, je n'ai pu trouver trace de nerfs qui doivent probable- 
ment exister. 

Deux commissures longues et parallèles font communiquer le 
ganglion sous-æsophagien avec le ganglion prothoracique. 

Cetle seconde masse nerveuse est aussi très volumineuse, ova- 
laire, légèrement bilobée, et plus large en arrière; elle fournit de 
chaque côté deux nerfs grêles aux muscles du prothorax , et entre 
ces deux filets un nerf plus volumineux qui pénètre dans la patte, 
et que j'ai pu suivre jusqu'au tarse. 

Les ganglions mésothoraciques et métathoraciques ont à peu de 
chose près le même volume. Situés chacun au niveau de l'anneau 
auquel ils sont destinés , ils fournissent aussi de chaque côté trois 
nerfs : deux très grêles pour l’intérieur de l'anneau, un plus volu- 
mineux pour le membre correspondant. 

La partie abdominale de la chaine se compose de six ganglions 
reliés par des commissures très grèles. Chacun des cinq premiers 
correspond à un anneau abdominal, et n’envoie de rameaux qu'à 
lui; le sixième fournit au moins quatre paires nerveuses, dont les 
deux dernières surtout destinées aux organes génitaux, ou plutôt 
aux débris de ces organes. 

Tous ces nerfs sont, je n'ai pas besoin de ledire, d'une extrême 
lénuité ; je suis pourtant parvenu à les bien voir, et je n'ai dessiné 
que ce que j'ai observé. 

Malgré toutes mes lentatives, je n'ai réussi à voir rien qui 
ressemnb:e aux ganglions stomalo-gastriques ; je me l'explique par 
le faible volume de l’Insecte qui fait le sujet de mes études, 

4° série, Zooz. T, V, (Cahier n° £.) 4 16 


19 
Si 
Lo 


CH. LESPÉS, — ORGANISATION 


III. — Organisation du soldat. 


Au premier aspect, le soldat diffère notablement de l’ouvrier , 
mais un examen attentif fait voir de nombreuses ressemblances 
(fig. 2). 

La taille est un peu moins variable que dans les ouvriers ; elle 
est ordinairement de 4°*,5 à 5 millimètres. En général, ces Insectes 
sont maigres, et leur couleur ambrée est encore plus marquée que 
dans les précédents. La tête tout entière est légèrement brune , et 
les mandibules sont encore plus colorées. 

La tête est extrêmement volumineuse, presque cylindrique, lisse 
et brillante, à peine velue, sans trace d’yeux; elle porte en 
avant deux grandes mandibules crochues, incomplétement recou- 
vertes par le labre. Le plus souvent, ainsi que l’a fait observer 
M. Bobe-Moreau, elles sont légèrement entr'ouvertes pendant 
la vie de l'animal, croisées au contraire après sa mort; mais 
ceci n’est pas aussi exact que le croyait cet observateur Souvent 
les soldats portent les mandibules croisées quand rien ne les 
inquiète. 

Le front présente une forte saillie transversale , échancrée sur 
les côtés pour former deux fossettes, dans lesquelles sont insérées 
les antennes. 

Ces dernières sont droites, filiformes, et composées de 45 à 
47 articles ; je pourrais faire ici la même observation que pour les 
antennes de l’ouvrier : ce sont à coup sûr des organes de toucher ; 
l’animal s'en sert comme un aveugle de son bâton. 

Le thorax et l'abdomen ont en dessus la plus grande ressem- 
blance avec ceux de l’ouvrier ; l'abdomen est ordinairement moins 
large ; il se compose dedix articles, dont le dernier à peine visible ; 
le huitième porte deux appendices courts, composés de trois ar- 
ticles ; en dessous , il présente les mêmes caractères que celui de 
l’ouvrier, quel que soit le sexe de l’Insecte. Les pieds sont un 
peu plus longs, mais du reste en tout semblables. 


EF MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 2,5 
Appareil digestif. 


Les pièces de la bouche sont profondément modifiées chez ces 
Insectes ; mais c’est plus particulièrement sur les mandibules et le 
labre que porte le changement de forme, 

Ce dernier (fig. 14, a), articulé sous un épistome peu développé 
ordinairement, se compose de deux pièces : la basilaire presque 
carrée, la seconde avalaire et pointue. 

Les deux mandibules (fig. 14, bb) sont fort différentes : la droite 
est un crochet simple; très tranchante, au côté interne, elle est 
fortement élargie à la base ; la gauche présente en dedans, vers le 
tiers postérieur, une forte dent , et de ce point jusqu'à l’extrémité 
upe série de dentelures. Quand l'Insecte croise ces organes, elle 
passe sur la droite. 

Les mâchoires (fig. 14, c), de même que dans l’ouvrier, sont 
composées d'une galette mince et transparente, qui recouvre les 
dents terminales ; elles portent un palpe de cinq articles, dont 
l'extrémité libre, ordinairement dirigée en avant, ne dépasse pas la 
pointe des mandibules, 

La lèvre inférieure (fig. 44, d), articulee avec le menton par une 
membrane che, ne diffère en rien de celle de l’ouvrier; elle se 
compose d’une pièce presque carrée , portant en avant les para- 
glosses et les lobes de la languette, et de chaque côté un palpe de 
trois articles. 

Ainsi qu'on le voit, sauf les mandibules et le labre qui les re- 
couvre, les pièces de la bouche du soldat sontidentiques avec celles 
de l'ouvrier. Les mandibules, mises en mouvement par des masses 
musculaires considérables qui remplissent presque en entier la 
tête, sont des armes puissantes, que malheureusement pour notre 
Insecte le manque de la vue rend peu dangereuses ; car c’est au 
hasard, ainsi que je le dirai, qu'il porte ses coups. 

L'æsophage, le gésier, le ventricule chylifique et l'intestin pro- 
prement dit, ne présentent rien de remarquable, el ressemblent à 
Les 1êmes organes dans l'ouvrir ; la poche intestinale seule offre 
une forme un peu différente, et ordinairement elle n'est pas bour- 


9hh CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


souflée. Les glandes salivaires et les vaisseaux biliaires sont sem- 
blables à ceux de l’ouvrier. 


Appareils circulatoire et respiratoire. 


Le vaisseau dorsal est chez le soldat constitué comme chez 
l'ouvrier ; il est seulement plus visible, à cause de la maigreur 
habituelle de l’Insecte. 

Je n'ai pu distinctement découvrir la disposition des trachées 
toutes tubuleuses et très fines, ni voir les stigmates. 

Quant au tissu graisseux, il est fort rare. 


Appareils reproducteurs. 


Nous trouvons chez le soldat les mêmes faits que chez l’ouvrier : 
les organes reproducteurs sont, les uns, des débris d’ovaires, les 
autres des rudiments de testicules. 

Les organes femelles (fig. 19) sont encore moins développés 
que dans la forme précédente; ce sont deux ovaires fusiformes , 
très minces et transparents , attachés dans le thorax par un liga- 
ment suspenseur filiforme ; ils débouchent chacun par un oviduete 
extrêmement grêle dans un vagin étroit, qui ne présente aucune 
trace d'organes annexes. 

Les organes mâles (fig. 18) sont deux testicules encore moins 
développés que dans l’ouvrier, dont les canaux déférents réunis 
forment un canal éjaculateur à peine visible, qui présente en haut 
deux rudiments de vésicules séminales. 


Système nerveux, 


Dix masses constituent la chaine nerveuse du soldat ; la pre- 
mière se compose des ganglions cérébroïdes et du ganglion sous- 
œsophagien. 

Les ganglions cérébroïdes forment une masse bilobée (fig. 37), 
un peu plus volumineuse que celle de l'ouvrier ; ils donnent nais- 
sance aux seuls nerfs antennaux, qui affectent absolument la même 
disposition que dans les ouvriers. Les commissures très courtes 
qui partent de ces ganglions forment un anneau étroit, dans lequel 
passent l’œsophage et les conduits salivaires, 


ET MOEURS DU TÉRMITE LUCIFUGE. 245 
Le ganglion sous-æsophagien, gros el ovalaire, m'a paru fournir 
en avant trois paires nerveuses, dont la distribution ne m'a pas été 
visible. Les commissures qu'il envoie au ganglion thoracique son 
très longues. Les trois ganglions (horaciques fournissent, comme 
dans l’ouvrier, deux nerfs de chaque côté, aux muscles et à l’in- 
térieur de l'anneau, el un nerf à chaque pied. Le ganglion pro- 
thoracique est un peu moins développé. 
La partie abdominale de la chaine ressemble à celle de l’ouvrier. 
Les ganglions stomalo-gastriques, que j'ai cherchés avec un soin 
minutieux, m'ont toujours échappé. Je crois pourtant avoir vu deux 
fois un petit ganglion triangulaire situé en avant de la commissure 
des ganglions cérébroïdes; ce serait le ganglion frontal, mais je 
suis loin d’être sûr de lavoir bien vu. 


IV. — Organisation des larves. 


Ainsi que je l'ai déjà dit, les larves sont loin de présenter toutes 
la même forme ; les plus petites que j'aie pu voir avaient environ 
À millimètre de long ; elles venaient de sortir de l'œuf. Chez elles, 
il est impossible de distinguer plusieurs formes; les caractères 
thoraciques ne sont pas distincts ; elles grandissent sans change- 
ment, et parviennent à 2 millimètres environ : ce sont, pour moi, 
les larves du premier âge (fig. 3). 

D’autres larves ont de 2 à 3 millimètres de long. Parmi elles, 
on voit se dessiner deux formes : les unes prennent les caractères 
thoraciques des ouvriers, dont la taille, la lenteur de mouvements, 
le volume un peu moindre de la tête et la couleur d’un blane mat, 
les distinguent facilement: en juin, elles se transforment en ouvriers 
et en soldats ; les autres (fig. 4) présentent des caractères qui ten- 
dent à se rapprocher de ceux des individus ailés : le prothorax est 
plus large, et ne présente pas la même disposition dans les lignes 
enfoncées de son disque ; il est, en outre, à peu près aussi large en 
arrière qu'en avant. Le mésothorax et le métathorax commencent 
à montrer en arrière des expansions qui deviendront les four- 
reaux des ailes; quant à l'abdomen , il offre des caractères peu 
importants, et qui le distinguent à peine de celui des larves plus 


2/6 CH. LESPÉS. — URGANISATION 


âgées et des nymphes. Je donne à l’Insecte parvenu à ce point le 
iüm de larve du deuxième âge. 

Enfin d'autres larves, qui ont de 4 à 6 millimètres, offrent des 
caractères thoraciques plus marqués encore (fig. 5); chez elles; 
les fourreaux d'ailes sont bien visibles. En grandissant, elles 
prennent les caractères des nymphes ; chez les unes, les fourreatix 
grandissent beaucoup ; chez les autres, ils restent presque sta- 
tionnaires. Je les nommerai larves du troisième âge. 

Chez les larves du premier âge, les antennes ont dix artieles ; 
on en compte douze à quatorze chez celles du deuxième , et seize 
chez celles du troisième. 

On voit donc que, dans le premier âge, il est impossible de 
distinguer les larves de neutres de celles de sexués ; que, dès le 
deuxième, les neutres prennent une forme analogue à celle de 
l'ouvrier; mais qu'avant de passer à l’état de nympbhe, les larves 
de sexués ont des ailes qui grandissent de plus en plus. Ce n’est 
pas que je eroie les transformations des neutres terminées dès le 
deuxième âge , ils changent probablement de peau plusieurs fois, 
mais jusqu’à la dernière mue, la seule que j'aie bien observée, ils 
ne changent pas de forme. 


Appareil digestif. 


Dans les larves, les pièces de la bouche ressemblent à celles de 
l’ouvrier, et, sauf le volume, il est impossible de trouver un carac- 
tère pour les en distinguer. 

Le tube digestif est aussi à peine différent de ce que nous avons 
vu jusqu'ici et de ce que nous trouverons dans les nymphes. Les 
larves du premier àge ont une poche intestinale petite et non bour- 
souflée. 

Les glandes salivaires ne m'ont rien présenté de remarquable. 

Quant aux vaisseaux biliaires, j'ai observé un fait curieux. En 
disséquant une larve du premier âge, on ne trouve que quatre de 
ces tubes , ils sont ordinairement courts. Dans celles de ces larves 
qui sont un peu plus âgées, on aperçoit deux autres vaisseaux 
extrémement peu développés. Plus tard, on trouve six tubes déve- 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 217 


loppés et deux rudimentaires ; enfin, dans les larves du deuxième 
âge, on découvre toujours huit canaux biliaires. 


Appareils respiraloire et circulatoire. 


Je n'ai étudié ni le vaisseau dorsal, ni les trachées des larves. 
Le tissu cellulaire graisseux est extrêmement abondant, et rend 
les dissections fort pénibles , car il enveloppe exactement tous les 
organes. 
ppareils reproducteurs. 


Je n'ai trouvé les traces des appareils reproducteurs que dans 
les larves du deuxième âge. 

Dans les larves de neutres de cet âge, je n’ai vu que des ovaires 
très peu développés, et présentant, sauf le volume, le même état 
que dans les ouvriers et les soldats. Cette dissection est fort difficile. 
Jamais je n’ai pu voir les organes mâles. 

Dans les larves de sexués du deuxième âge, l'appareil femelle 
consiste (fig. 20) en deux ovaires fusiformes résultant de la réunion 
d’un grand nombre de gaines peu distinctes , et attachés dans le 
thorax par un ligament suspenseuf filiforme. De chaque ovaire 
part un oviducte assez grêle, qui, réuni à celui du côté opposé, 
constitue un vagin court; celui-ci ne présente pas d’annexes. Cet 
appareil ressemble à ce que l’on trouve chez le soldat et l'ouvrier 
adultes ; mais les ovaires sont bien autrement volumineux. 

Dans ces mêmes larves, je n'ai réussi à voir de l'appareil mâle 
que le testicule et le canal déférent. La glande est fort peu déve- 
loppée, à peine aussi volumineuse que dans le soldat , car elle n’a 
que 0%",1 ; toutefois les capsules spermifiques sont déjà un peu 
distinctes ; le canal est droit et très grêle. 

Si l’on examine le développement des organes reproducteurs 
dans la larve du troisième âge, on trouve des progrès considérables; 
l'ovaire, bien plus volumineux, offre des gaines plus distinctes; 
il a presque doublé de volume (fig. 21). Le testicule a aussi pris 
un assez grand développement ; ila presque doublé, et ses capsules 
sont bien distinctes, il y en a huit. 


248 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 
Système nerveux. 


Jai vu seulement la chaine ventrale dans la larve du premier 
âge. Les ganglions qui la composent, et qui sont comme partout 
ailleurs au nombre de neuf, sont proportionnellement plus gros; 
leurs commissures, au contraire, sont extrêmement courtes. 

Dans les larves de neutres, le système nerveux ressemble à celui 
de l’ouvrier. 

Dans les larves de sexués du deuxième et du troisième âge, le 
système nerveux ressemble davantage à celui de l'adulte ; toute la 
partie ventrale de la chaine est exactement ce qu'elle sera plus 
tard. Les ganglions cérébroïdes seuls offrent une certaine diffé- 
rence qui provient de l'absence des yeux ; toutefois le nerf optique 
existe, au moins dans la partie qui touche au ganglion. C'est la 
même organisation que nous trouverons dans les nymphes. 


V. — Organisation des nymphes. 


Les nymphes, ainsi que je l'ai déjà dit, appartiennent à deux 
formes. Les unes (fig. 6) ont des fourreaux d'ailes longs et larges, 
qui recouvrent toute la partie antérieure de l'abdomen : je leur 
donne le nom de nympbhes de la première forme ou à longs étuis. 

Les secondes (fig. 7), moins nombreuses, plus grosses et plus 
lourdes, ont des fourreaux très courts, étroits, et rejetés sur les 
côtés de l’abdomen ; je les désigne sous le nom de nymphes de la 
deuxième forme ou à étuis courts. 


A. Nymphes de la première forme. 


Elles ont de 7 à 8 millimètres de long, et sont, par conséquent, 
bien plus grandes que les ouvriers (fig. 6) et les larves ; leur cou- 
leur, d’un blare mat, branit un peu vers la fin d'avril. La tête est 
plus allongée proportionnellement que dans les ouvriers ; elle a, du 
reste, une grande analogie avec celle de ces derniers. Les antennes 
sont longues et filiformes ; on peut leur compter dix-sept où dix- 
huit articles. Si l’on examine ces Insectes en hiver ou au premier 
printemps, on ne voit pas trace d’yeux , c’est ainsi que mon dessin 
est fait; mais plus fard on voit paraître, petit à petit, une tache 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 219 
brune au point que l'œil doit occuper. Cette tache, très visible en 
avril, soulève la peau, de sorte que l’Insecte paraît avoir des yeux 
noirs sur une tête blanche. 

Le prothorax offre les caractères qu'il conservera plus tard ; il 
paraît seulement un peu plus grand que chez les individus ailés. 
Aplati en dessus il est presque carré, avec les angles antérieurs et 
postérieurs fortement arrondis. La base est légèrement échancrée, 
Le disque porte des lignes enfoncées , dont le dessin est assez 
variable. Jai représenté sur celte nymphe, de même qu'aux 
figures 4 et 8, la disposition la plus commune ; les figures 5, 7, 
10, représentent au contraire des dispositions un peu plus rares. 

Le mésothorax et le métathorax portent chacun en dessus les 
étuis des ailes , leur disque est glabre. Les fourreaux sont grands, 
ovalaires , épais, et marqués de lignes qui représentent les ner 
vures des ailes ; ils sont immobiles. 

L’abdomen , long et parallèle , se compose en dessus de dix 
articles, le dernier à peine visible. Le huitième porte latéralement 
deux courts appendices de trois articles. En dessous l'abdomen 
présente huit arceaux cornés , le dernier terminé par deux pointes 
chez les mâles, privé de ces appendices chez les femelles. 

Les pieds ne présentent rien de remarquable ; ils sont médio- 
crement allongés, et composés, comme chez tous les autres, d'une 
hanche mobile, d’un fémur et d’un tibia cylindriques, et d’un tarse 


de trois articles. 
Appareil digestif. 


Les pièces de la bouche sont conformées comme celles de 
l’ouvrier, sauf le labre qui est plus étroit. 

L'œsophage, le gésier et ses pièces cornées , le ventricule et 
toute la portion inférieure de l'intestin , sont exactement confor- 
més comme dans l'individu ailé ; je renvoie donc pour leur des- 
criplon à celle de l'appareil digestif chez ces derniers. 

La poche intestinale présente un volume un peu plus considé- 
rable, et des boursouflures plus marquées. 

Les glandes salivaires et les vaisseaux biliaires sont exactement 
pareils à ceux de l'adulte. 


250 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 
Appareils circulatoire et respiratoire. 


[Le vaisseau dorsal est dans cette nymphe moins visible que dans 
l'ouvrier et le soldat; c’est toujours un filament, peut-être tubu- 
laire, que l’on voit par transparence à la face dorsale de l'abdomen. 

Les trachées sont fort nombreuses , mais difficiles à voir à cause 
de la grande quantité de tissu graisseux qui les environne; on 
Commence à distinguer un peu mieux leur disposition. 

Le tissu graisseux splanchnique est extrêmement abondant, et 
rend les dissections fort difficiles; il remplit exactement les inter- 
valles que laissent entre eux les organes. Il est, du reste, d’une très 
faible consistance, et se rompt avec la plus grande facilité. 


Appareils reproducteurs. 


Les nymples à longs étuis sont, ainsi que je l'ai déjà fait obser- 
ver, les unes mâles, les autres femelles. 

Les organes femelles ont pris un grand développement depuis 
l'état de larve ; ils y parviennent petit à petit. Vers la fin de mars, 
c’est-à-dire un peu plus d’un mois avant la dernière mue, ils con- 
sistent (fig. 22) en deux ovaires fusiformes d'un blanc laiteux com- 
posés d’une douzaine de gaines : quelques-unes seulement (deux 
ou trois par ovaire) semblent complétement développées ; elles 
présentent vers le bas deux renflements successifs dans lesquels 
Sont contenues des masses granuleuses qui deviendront des œufs. 
Les autres gaînes sont d’une même grosseur dans leurs divers 
points, el ne me paraissent pas fécondes. De chaque ovaire part 
un oviducte très large, qui, réuni à celui du côté opposé, forme 
le vagin. 

Celui-ci, placé au-dessous du renflement rectal, porte déjà deux 
organes annexes , qui n'ont pourtant pas le développement qu’ils 
doivent acquérir plus tard. Ce sont le réservoir séminal et la 
glande sébifique. Le premier est une poche pyriforme placée au- 
dessus du vagin , dans lequel elle s'ouvre par un canal court, La 
glande sébifique constitue un paquet de tubes très difficile à dé- 
brouiller, et qui ont déjà acquis, à très peu près, la longueur qu'ils 
auront plus tard. Quand on a déployé ce lacis, on le trouve formé 


ET MUEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 251 


de trois cæcums assez gros, et de longueur différente, qui débou- 
chent dans un canal très fin et court. Celui-ci se rend à la partie 
inférieure du vagin. 

L'appareil mâle (fig. 32) est très peu volumineux ; il est formé 
de deux testicules arrondis composés chacun de huit capsules assez 
peu distinctes, et de chacun desquels sort un canal déférent grêle, 
qui , réuni à celui du côté opposé, constitue un gros canal éjaeu- 
lateur. Au point où les deux canaux déférents se réunissent, on 
aperçoit deux vésicules séminales légèrement courbées. C'est ainsi 
que se présente l'appareil en hiver; plus tard les testicules gros- 
sissent, et les vésicules, en s’allongeant, se courbent, pour prendre 
la disposition que nous trouverons dans le mâle adulte. 


Système nerveux. 


Le système nerveux présente la plus grande analogie avec celui 
de l'adulte et de la larve ; seuls, les ganglions cérébroïdes offrent 
des différences. Nous avons vu que, dans les larves, ils présentent 
la première trace des nerfs optiques , dont l'extrémité n'arrive pas 
à la surface de la tête. Lei (fig. 39), ils sont plus distincts et plus 
longs, surtout si on les examine dans les nymphes, dont les yeux 
sont presque complétement développés. Le ganglion sous-æso- 
phagien et la chaine ventrale ressemblent en tout à ce que nous 
trouverons chez l'adulte ailé. Je remets donc à l’article de cet 
Insecte la description de ces organes. 

J'ai cru voir une fois le ganglion frontal du système stomato- 
gastrique comme une petite masse triangulaire placée en avänt de 
la commissure des #ainglions cérébroïdes. 


B. Nymphes de la deuxième forme. 


Ces nymphes, que j'ai trouvées pour la première fois en février, 
avaient alors la taille des précédentes, c'est-à-dire de 6 à 7 milli- 
mètres. Plus tard, elles ont grandi, de manière à acquérir de 8 à 
10 millimètres; inais l'abdomen seul a pris part à cet accroisse- 
ment, chez les femelles surtout, il est devenu énorme. Les plaques 
dorsales ne l'ont plus couvert sur les côtés, et même ont été sépa- 
rées en dessus par l'extension de la membrane qui les réunit. 


2592 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


Elles ont conservé jusqu’en juillet leur couleur d’un blane mat, 
un peu jaunâtre ; mais, à cette époque, leurs téguments ont pris 
une teinte de plus en plus brune. 

Par la plupart de leurs caractères, elles ressemblent beaucoup 
aux précédentes. 

La tête (fig. 7) est peut-être un peu plus large ; elle ne porte pas 
d’yeux jusqu’en mars environ ; mais à partir de cette époque , ils 
deviennent de plus en plus visibles, et soulèvent la peau. 

Le prothorax est en tout semblable à celui de la nymphe à longs 
rudiments. 

Le mésothorax et le métathorax portent en dessus les étuis 
des ailes, bien différents de ce qu'ils sont dans les précédentes 
nymphes. Ces organes, étroits et courts, sont rejetés sur les côtés , 
et ne couvrent point la base de l'abdomen comme dans les précé- 
dentes. 

L'abdomen ne présente aucun caractère important; il est cou- 
vert en dessus par dix plaques solides, en dessous il en porte huit. 
Le huitième arceau dorsal porte deux appendices courts, composés 
de trois articles, dont le point d'attache est sur la membrane qui 
sépare le huitième du neuvième segment. Quand les plaques se 
séparent par la distension de la membrane , ces appendices ont 
l'air d’être portés par le neuvième arceau, dont ils sont plus près 
que du huitième. 

Appareil digestif. 


Les pièces de la bouche, le tube digestif etses annexes, ressem- 
blent dans ces nymphes à ce qu'ils sont dans les précédentes; 
toutefois, à mesure que l’abdomen des femelles grandit , l'intestin 
prend une longueur de plus en plus grande en conservant le même 
volume. 

Appareils respiratoire et circulatoire. 


Les trachées sont encore iei très nombreuses, mais difficiles à 
isoler ; toutes sont fines et tubuleuses. 

Le vaisseau dorsal et le tissu graisseux splanchnique sont sem- 
blables à ce que nous avons vu chez les nymphes de la première 
forme. Pourtant, quand les ovaires se développent, le lissu splanch- 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 253 


nique devient de plus en plus rare, et l’abdomen est presque trans- 
parent, au lieu d’être blanc et opaque comme avant. 


Appareils reproducleurs. 


Les organes femelles sont, chez les nymphes à étuis courts, 
beaucoup plus développés que chez les précédentes ; ils arrivent 
petit à petit à un volume énorme. Ils se composent comme toujours 
des ovaires, des oviductes et du vagin avec ses annexes. 

Les ovaires sont composés d’un nombre considérable de gaines ; 
j'en ai compté cinquante-six dans tous ceux que j'ai examinés. 
Quand les nymphes sont blanches, et que leur abdomen est encore 
peu développé, ils sont eux-mêmes assez peu volumineux (fig. 25). 
Plus tard, quand leur développement a fait distendre l'abdomen, 
ils sont très gros (fig. 26); leurs gaînes sont alors très distinctes, 
et présentent déjà des traces d'œufs. 

Les oviductes sont deux tubes assez gros et d’une texture 
presque transparente, tant elle est légère; ils se continuent au 
centre de l'ovaire en un canal, sur lequel débouchent toutes les 
gaines ; disposition bien différente de celle que nous ont offerte les 
ovaires des nymphes à étuis longs, dont les gaines, réduites à une 
douzaine, débouchent presque uniquement à l'extrémité de l’ovi- 
ducte. 

Le vagin est un gros tube résultant de la réunion des deux ovi- 
ductes ; il porte deux organes annexes : la poche séminale et Ja 
glande sébifique. 

La première offre nn développement toujours en rapport avec 
celui des ovaires. C’est un simple sac pyriforme réuni au vagin par 
un tube étroit, quand l'ovaire est peu développé (fig. 25); mais 
elle prend une forme différente en se courbant, quand l'ovaire 
s’accroit d’une manière si remarquable (fig. 26). 

La glande sébifique se compose toujours de trois cæcums, qui 
débouchent dans un tube très grêle; ils forment à la partie infé- 
rieure du vagin une pelote , qu'il est difficile d’étaler. Leur lon- 
gueur et leurs circonvolutions sont en rapport avec le développe- 
ment des ovaires (fig. 25 et 26). 

Les organes mâles (fig, 34) se présentent chez les nymphes de la 


954 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


deuxième forme avec un développement comparable à celui des 
femelles ; ils se composent encore des testicules, des canaux défé- 
rents et éjaculateurs, et des vésicules séminales, mais ces organes 
sont bien plus volumineux que dans les précédentes nymphes ; 
tous ces dessins étant faits sur la même échelle de 30 diamètres, 
il est facile de le voir au premier coup d'œil. 

Les testicules sont formés de huit capsules bien distinctes ; le 
canal déférent est bien plus volumineux ; les vésicules séminales , 
beaucoup plus longues, décrivent un cercle complet. 


Système nerveux. 


Les ganglions nerveux forment dans ces nymphes une chaine 
en tout semblable à celle des nymphes à longs étuis. 

Les ganglions cérébroïdes présentent la même disposition. 

La chaîne ventrale subit une élongation considérable pendant le 
développement; cet allongement porte uniquement sur les commis- 
sures ; de sorte que le dernier ganglion abdominal, qui donne ses 
branches aux organes reproducteurs, ne s’en éloigne jamais ; en 
un mot, ce sont les commissures qui s’allongent et non les nerfs. 

L'organisation de ces deux formes de nymphes est done sem- 
blable en tout, excepté dans les appareils reproducteurs : les 
nymphes à longs étuis les ont fort peu développés; les secondes, 
au contraire, les présentent avec un volume considérable et une 
organisation beaucoup plus parfaite, surlout chez les femelles. 

Cette différence dans les organes reproducteurs est encore exa- 
gérée dans les individus parfaits. 


VI. — Organisation des insectes parfaits. 


Les nymphes des deux formes ne subissent pas en même temps 
leur dernière transformation. Celles dont les étuis sont longs com- 
mencent à se colorer dans les premiers jours de mai, et prennent 
des ailes vers le 45 ou le 20 de ce mois ; les secondes ne commen- 
cent à devenir un peubrunes que dans le mois de juillet; elles subis- 
sent probablement leur dernière métamorphose en août; mais je 
n'ai pu les voir immédiatement après , de sorte que je ne connais 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 255 


les individus parfaits de la deuxième forme que lorsque leurs ailes 
sont déjà tombées. 


A. Individus parfaits de la première forme. 


Les individus ailés qui proviennent des nymphes de la première 
forme sortent du nid dans la première quinzaine de juin; avant ce 
moment, on les trouve en grand nombre dans les galeries les plus 
profondes; mais dèsle 45 juin, je n’en ai plus vu. Je les ai trouvés, 
après la chute de leurs ailes (petits rois et pelites reines), en juillet 
et en novembre. Je les nommerai individus parfaits de la première 
forme (fig. 8 et 9) ou petits rois et peliles reines. 

Ces insectes sont remarquables par leur couleur d’un noir de 
poix très foncé , excepté les pièces de la bouche et les tarses qui 
sont d'un jaune testacé. 

Les mâles ont le corps long de 7 millimètres, les femelles de 
8 millimètres environ; cette différence porte sur l'abdomen. Les 
ailes ont 9 millimètres de long, et dépassent de beaucoup le corps 
en arrière (fig. 8). 

La tête a la même forme à peu près que chez les nymphes ; elle 
est presque quadrangulaire , un peu aplatie en dessus. En avant, 
le front présente une saillie assez forte, qui se recourbe de chaque 
côté pour former la fossette dans laquelle sont inséréesles antennes. 
En arrière du point d'attache de ces organes sont les veux ; ils se 
présentent sous la forme de deux demi-sphères noires, composées 
chacune d’une trentaine de facettes. La tête porte, en outre, trois 
ocelles : un médian placé presque au centre, et deux latéraux situés 
près des yeux, presque au-dessus du point d'insertion des an- 
tennes. “a 

Ces derniers organes sont filiformes , et composés de dix-sept 
où dix-huit articles, dont les troisième, quatrième et cinquième 
beaucoup plus petits que les autres ; les antennes sont hérissées de 
poils roides, et portent, en outre, un duvet extrêmement serré. 

Le prothorax est plane en dessus , quadrilatère, à angles forte- 
ment arrondis, un peu rétréci en arrière, où il est légèrement 
échancré. Sur le disque il présente des lignes enfoncées dont la 
disposition est assez variable ; il y a ordinairement une fossette 


256 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


médiane postérieure quelquefois très grande, et deux lignes enfon- 
cées : l’une postérieure courbée en avant, l’autre antérieure , qui 
présente deux sinuosités de chaque côté; celles-ci seules sont quel- 
quefois visibles , et deviennent très profondes. Le prothorax porte 
en dessous la première paire de pattes. 

Le mésothorax et le métathorax sont complétement cachés par 
les ailes; mais après leur chute il est très facile de les voir (fig. 9). 
Is ne présentent, du reste, rien de remarquable, et sont toujours 
en partie couverts par la base des ailes. Ils portent en dessus les 
deux paires d'ailes, et en dessous les deux dernières paires de pattes. 

L'abdomen , dont le volume est un peu différent chez le mâle et 
chez la femelle, est assez long, un peu aplati en dessus, et composé 
de dix arceaux dont le dernier à peine visible. Le huitième porte 
deux appendices courts, formés chacun de trois articles; mais, vus 
par dessus, ces appendices paraissent appartenir au neuvième 
arceau. En dessous l'abdomen du mâle (fig. 31) se compose de 
huit anneaux ; le dernier est terminé par deux pointes aiguës paral- 
lèles, qui dépassent un peu en arrière le dixième arceau dorsal. 

Chez la femelle il nous offre huit plaques (fig. 23), dont la der- 
nière ne présente aucune pointe ; c’est au-dessus de cette plaque 
que s'ouvre le vagin , tandis que l'anus débouche à l'extrémité de 
l'abdomen ; mais en outre on voit, de chaque côté, une plaque 
régulièrement triangulaire. 

Il est donc extrêmement facile de distinguer les deux sexes par 
les caractères de l'abdomen. En outre, chez la femelle, il est 
ordinairement un peu distendu. 

Les pieds ne présentent rien de remarquable, et offrent exacte- 
ment la même composition que chez les Insectes déjà examinés, 
Les tibias sont, en général, un peu plus larges. 

Les ailes sont grandes, planes , et d’un noir presque opaque. 
L'Insecte les porte couchées sur le dos, et disposées de sorte que 
l'aile supérieure droite recouvre toutes les autres, excepté tout: à 
fait à l'extrémité. Elles présentent dans leur organisation un fait 
très remarquable , déjà signalé par divers naturalistes. C'est leur 
division très nette en deux portions , la partie basilaire et l'aile pro- 
prement dite : la partie basilaire, qui doit rester toujours adhérente, 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 9257 


est beaucoup plus solide et velue (fig. 8, 9); la lame, au con- 
traire , est mince, et ne porte que (rès peu de poils placés seule- 
ment le long de son bord antérieur. 

L'aile supérieure (fig. 8) présente une portion basilaire presque 
triangulaire, munie en dedans d’une expansion un peu plas mince, 
etterminée par une ligne légèrement sinueuse. On voit distinctement 
à sa surface quatre nervures solides. La lame s'élargit, et acquiert 
bientôt tout son développement; vers le dernier tiers elle se ré- 
trécit, etse termine enfin en s'arrondissant un peu. Les nervures 
qui la couvrent en entier présentent deux formes différentes : les 
unes , fortes et bien marquées, sont toutes au bord antérieur ; les 
autres , représentées par un épaississement mal défini, couvrent 
la partie postérieure. Toutes sont la continuation de celles de la 
partie basilaire. 

Au point d'attache l'aile n'offre que trois nervures, mais la 
seconde se bifurque immédiatement ; de sorte qu’à l'extrémité de 
la partie basilaire il y en a quatre, qui se continuent dans toute la 
longueur de la lame ; la première (nervure radiale ou costale) suit 
tout le bord de l'aile jusqu'à l'extrémité. Un peu au delà de la moitié 
elle communique, par un grand nombre d’anastomoses, avec la 
sous-costale où cubitale. Vers l'extrémité ces anastomoses forment 
ün empâtement assez solide. La seconde (sous-costale ou cubitale) 
est aussi très forte et solide ; elle s’anastomose avec la première, 
ainsi que je l'ai dit, et envoie à Ja troisième ou médiane des 
rameaux qui prennent la forme des nervures faibles. 

La troisième n'est forte qu'à la base ; parallèle aux précédentes, 
elle communique avec la seconde et avec la quatrième. Celle-ci 
{sous-médiane), faible dans toute sa longueur, fournit des rameaux 
presqué uniquement du côté postérieur ; ces branches sont au 
nombre de onze, dont plusieurs se ramifient encore. 

L'aile inférieure, un peu moins longue que la supérieure, pré- 
dente les mêmes caractères ; conne la première elle se compose 
d'une portion bagilaite et d'une laine. Sur la partie basilaire on ne 
trouve que trois nervures , la seconde ne se bifurquant que sur la 
lime. La nervure costale est forte et droite, elle suit d’un bout à 
Pautré le bord de l'aile, s'anastomose par des nervures fortes avec 

$" série. Zoo T. V. (Cahier n° 5.) ! 17 


9258 CH. LESPÉS. —- ORGANISATION 


la seconde un peu au delà du milieu, et finit par se confondre avec 
elle. La nervure sous-costale, parallèle à la précédente, ne s’anas- 
tomose qu'avec elle. La médiane, forte à la base seulement, ne 
s’anastomose directement avec aucune autre ; enfin la sous-mé- 
diane, faible dans toute son étendue, donne des rameaux au nombre 
de six, et se bifurque au delà du milieu de l’aile ; les deux branches 
de la bifurcation se réunissent bientôt, et de la convexité de leur 
anastomose partent trois branches, dont deux, réunies de nouveau, 
en fournissent encore (rois. 

Tout le corps est couvert de poils roux assez serrés , à l’excep- 
tion des mandibules , de la portion dorsale du méso et du méta- 
thorax , et des ailes qui n’en portent que sur leur partie basilaire , 
et quelques-uns, très rares, sur la nervure costale. 


Appareil digestif. 


Les pièces de la bouche ne diffèrent en rien de ce que nous 
avons vu dans les ouvriers. 

Le tube digestif ressemble, pour la plupart de ses parties, à 
celui de l’ouvrier. À un æsophage grêle succède le gésier pyri- 
forme, qui contient douze pièces cornées. A celui-ci fait suite un 
tube grêle, qui s'invagine dans le ventrieule chylifique. 

Ce deuxième renflement, couvert de papilles molles, décrit un 
cercle entier dans l'abdomen; de sorte que son extrémilé infé- 
rieure est située à droite et au-dessous de son ouverture supérieure. 
Il recoit, un peu avant sa terminaison, les huit vaisseaux biliaires, 
qui débouchent directement dans son intérieur. La poche intestinale 
est moins renflée que dans la nymphe ; fortement recourbée surelle- 
même, elle se montre au milieu du circuit décrit par le ventricule, 
dont son extrémité inférieure recouvre même une partie; je l'ai 
trouvée quelquefois renflée , et pleine d'une masse brune presque 
comme chez l'ouvrier; l'intestin, qui lui fait suite, offre un renfle- 
ment rectal peu marqué. Le tube digestif contient rarement la 
bouillie brune que nous avons trouvée chez les ouvriers et les sol- 
dats ; c’est une matière de couleur beaucoup moins foncée qui le 
remplit. Il fourmille toujours d’animaleules que je décrirai plus tard. 

Les glandes salivaires sont constituées comme chez l’ouvrier ; 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 259 
il est encore plus évident ici que les vésicules ont une membrane 
glanduleuse. Les vaisseaux biliaires, flottants dans l'abdomen et 
libres à l'extrémité, sont au nombre de huit ; ils s'ouvrent isolé- 
ment dans la partie inférieure du ventricule chylifique. 

Appareils circulatoire et respiratoire. 


Je n'ai vu le vaisseau dorsal que dans la partie abdominale , et 
encore d’une manière très incomplète. 

Le tissu cellulaire graisseux est abondant, surtout dans les 
femelles. 

Les stigmates sont placés sur les arceaux du dos, près de leur 
bord externe ; ils sont très difficiles à bien voir. 

Chacun d’eux consisle en un groupe de petites ouvertures 
rondes, très voisines les unesdes autres ; de chacun part un bouquet 
de trachées. 

Dans l’abdomen ces faisceaux sont au nombre de sept , qui cor- 
respondent aux anneaux suivants : 1, 2,3, 4,5, 6,8. Ils sont 
situés en dessus vers la partie externe des arceaux du dos. Dans le 
thorax il y a , je crois, un autre stigmate que je n’ai pu voir, mais 
qui est représenté par des trachées nombreuses partant de l’inter- 
valle qui sépare le mésothorax du métathorax. 

Les tubes respiratoires de chaque faisceau abdominal se dirigent 
en divergeant vers l’intérieur du corps ; les deux groupes voisins 
communiquent seulement par quelques rares trachées très fines. 
Le stigmate thoracique doit être très grand; il fournit au moins des 
trachées nombreuses , qui se comportent comme celles de l'abdo- 
men, à l'exception d’une grosse branche, de chaque côté, qui re- 
monte dans le prothorax et la tête , et se termine par des filets 
nombreux destinés à tout l'intérieur de ces deux parties. 

Appareils reproducteurs. 

Les organes femelles (fig. 24) sont composés des ovaires , des 
oviductes, et du vagin avec ses annexes. 

Les ovaires sont deux masses oyalaires assez peu volumineuses, 
qui sont formées par une douzaine de gaines, dont à peine deux 
ou trois paraissent fécondes, Celles-ci sont renflées à la base, et 
présentent les rudiments de deux ou trois œufs; mais les autres ont 


260 CH. LESPÉS, — ORGANISATION 


la même grosseur presque d’un bout à l’autre, et n’offrent aucuné 
trace d'œufs. Toutes ces gaines débouchent à l’extrémité de l’ovi- 
ducte, qui s’effile en se continuant dans l’ovaire, mais qui est loin 
de former un tube médian à cette glande. 

L'oviducte est un tube très gros, d’une texture fort délicate, qui 
se réunit à celui du côté opposé pour former le vagin ; il présente 
au milieu un renflement souvent assez sensible. 

Le vagin estun canal assez court, droit et cylindrique ; il s'ouvre, 
ainsi que je l'ai déjà dit, au-dessus de la huitième plaque ventrale. 
Ses annexes sont le réservoir séminal et la glande sébifique. 

La première est une poche à peu près réniforme qui s'ouvre 
par un canal légèrement contourné à la face supérieure du vagin. 
La glande se compose de trois tubes enroulés irrégulièrement au- 
dessus de l'extrémité postérieure du vagin. Ces trois tubes s'ou- 
vrent au sommet d'un canal très grêle qui débouche lui-mème 
dans ce conduit. Le dessin (fig. 24) de cet organe n’est pas très 
exact; les tubes sont un peu plus gros et moins longs. J'aurai, du 
reste, l’occasion de démontrer que cet appareil peut être considéré 
comme n'ayant acquis qu’une partie du développement dont il est 
susceptible. Il n’y a qu'à comparer ce dessin à celui des mêmes 
organes dans une reine (fig. 24 et 27). 

Malgré mes recherches, je n'ai pu voir la moindre trace d’ar- 
mure génitale. 

L'appareil génital mâle est très peu volumineux ; je ne suis pas 
surpris que Burmeister n'ait pu le trouver (1) dans une espèce 
américaine. Il est formé (fig. 33) de deux testicules arrondis com- 
posés de huit capsules, de chacun desquels part un canal déférent 
très grêle; le canal éjaculateur qui résulte de leur réunion porte à 
la partie supérieure deux vésicules enroulées. Je n'ai pu trouver 
trace d'armure génitale : le canal éjaculateur s'ouvre directement 
au-dessus de la huitième plaque ventrale, entre tes deux pointes 
qui la terminent. 

C’est inutilement que j'ai cherché à voir les zoospermes; je ne 
les ai jamais trouvés ni dans les testicules, ni dans la poche sémi- 
nale de la femelle; c'est de même mutilement que Je les ai cher- 

(1) Burmeister, Handbuch, t. IT, p. 762. 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 261 
chés dans le même organe d'une petite reine au mois de janvier , 
et, depuis le 28 juillet, dans un petit roi et une petite reine. 


Syslème nerveux, 


Les centres nerveux se composent, chez ces individus, comme 
chez les neutres, les larves et les nymphes, des ganglions céré- 
broïdes et du sous-æsophagien situés dans la tête, et de la chaîne 
ventrale composée de neuf masses distinctes (fig. 40). 

Les ganglions cérébroïdes sont très volumineux, ovalaires, 
allongés, et réunis par une commissure {rès large. J'en ai vu sortir 
deux paires nerveuses; le nerf antennal, gros à la base, se bifurque 
à son entrée dans le premier article de l'antenne; les deux branches 
marchent alors parallèlement jusqu'à son extrémité; le nerf 
optique, beaucoup plus gros, se dirige vers l'œil. 

Le ganglion sous-æsophagien dépasse un peu en avant et en 
arrière les ganglions cérébroïdes, avec lesquels il est réuni par 
des commissures courtes qui forment un collier très étroit. En 
avant, il fournit au moins deux paires de nerfs très grêles ; je n'ai 
pas vu les nerfs qu'il doit donner en arrière. 

Les trois ganglions thoraciques sont très volumineux , encore 
plus que dans l'ouvrier; 1ls fournissent trois nerfs de chaque côté ; 
deux petits, et immédiatement ramifiés, se distribuent à l’intérieur 
de l'anneau. 

Le troisième sort du ganglion entre les deux précédents, se rend 
au pied correspondant, dans lequel il est possible de le suivre jus- 
qu'au tarse. 

La partie abdominale de la chaîne se compose, comme dans les 
autres formes, de six ganglions; les cinq premiers, petits et presque 
égaux, donnent latéralement deux nerfs à chaque anneau corres- 
pondant; le sixième , beaucoup plus gros et ovalaire , distribue les 
siens non-seulement à la partie terminale de l’abdomen, mais sur- 
tout aux organes génitaux avec lesquels on l’enlève presque toujours 
dans la dissection. 

Je n'ai jamais réussi à voir distinctement les ganglions stomato- 
gastriques. 

Les individus parfaits de la première forme sortent du nid vers 


269 CH. LESPÉS. —— ORGANISATION 


le commencement de juin. Leurs ailes tombent avee la plus grande 
facilité en se rompant sur la ligne qui sépare les deux parties. Ces 
Insectes , que j'ai pu trouver jusqu’en novembre dans un nid , y 
sont réunis par couples. La perte des ailes les rend méconnais- 
sables (fig. 9); mais l’abdomen de la femelle n’augmente pas de 
volume d’une manière sensible. 

Le résultat des dissections faites sur le mâle et la femelle , en 
mai et juillet, est le même; en décembre seulement les œufs sont 
plus nettement caractérisés. Mon dessin (fig. 24 ) est fait sur une 
pétite réine trouvée en novembre, et conservée vivante pendant 
uïé douzaine de jours jusqu’au commencement de décembre. 


B. Individus parfaits de la deuxième forme. 


Ces individus, qui proviennent des nymphes à courts étuis, 
subissent leur dernière transformation probablement en août ou 
dans les premiers jours de septembre. Je n'ai pu les voir qu'après 
la chute des ailes; mais leur existence, comme individus ailés , est 
évidente. 

Hs sont longs de 8 à 10 millimètres; la différence porte prin- 
cipalement sur l'abdomen, qui prend chez les femelles un énorme 
développement : leur couleur est généralement d’un noir foncé, les 
pièces de la bouche et les tarses d’un testacé clair. 

La tête présente absolüment la même forme que celle des indi- 
vidus parfaits déjà examinés ; elle porte de même trois ocelles et 
deux yeux. Les antennes, disposées de la même manière ; n’ont 
ordinairement que dix-sept articles. 

Le prothorax ne présente aucun caractère qui permette de le 
distinguer de celui des individus parfaits de la première forme. 

Le mésothorax et le métathorax sont dans le même cas. Comme 
toujours, les pieds sont médiocrement longs. Les ailes réssémblent 
probablement beaucoup à celles des individus parfaits que j'ai déjà 
décrits ; la portion basilaire , la seule que j'ai vue, est absolument 
semblable. 11 est pourtant probable que l'ailé est plus pétile; au 
moins l’étui d’où elle doit sortir l'est infiniment plus. | 

L'abdomen est recouvert de dix plaques en dessus , et en offre 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 9263 


seulement huit en dessous. Chez le mâle il est peu volumineux ; 
mais chez la femelle (fig. 10) il prend des dimensions énormes. 
Ainsi que je l’ai dit, cet accroissement, en rapport avec celui des 
ovaires, commence déjà, d'une manière notable, chez la nymphe. 

L’extrémité de l'abdomen offre, comme toujours, les deux appen- 
dices courts portés par le huitième segment. Ses caractères , dans 
le mâle et la femelle, sont les mêmes que dans les individus par- 
faits déjà examinés. 

Sous l’influence de l’énorme dilatation qui se produit chez la 
femelle, les plaques abdominales sont toutes séparées par une mem- 
brane transparente et blanche : les deux dérnières en dessus restent 
seules unies. Aux mois de juin et juillet, chez les femelles, la dilata- 
tion de l'abdomen est encore plus forte que dans celle qui a servi 
à mon dessin. Cette partie du corps, suivant la remarque de 
Smeathman, est continuellement agitée d’un mouvement vermi- 
forme. 

Après la chute des ailes, qui se fait probablement comme chez 
les individus de la première forme, ces Insectes deviennent le roi et 
la reine d’un nid peuplé : c'est seulement à cet état que je les ai vus. 


Appareils digestif, circulatoire et respiratoire. 


Le tube digestif et ses annexes sont en tout semblables à ceux 
des individus parfaits de la première forme. Le canal digestif s’al- 
longe sans se dérouler, dans les femelles. Les organes respiratoires 
et circulatoires n’offrent non plus aucune différence. 


Appareils reproducteurs. 


Les organes reproducteurs prennent dans ces Insectes un déve- 
loppement remarquable, J'ai déjà fait observer leur volume dans 
la nymphe à courts étuis, qui répond à l'individu parfait de la 
deuxième forme. 

Chez la femelle, les ovaires (fig. 27) sont très : ros, composés 
d'un grand nombre de gaines (cinquante-six au moins) plurilocu- 
laires, et dont la forme est très différente de ce que nous avons vu 
jusqu'ici. Chacun de ces organes forme dans l'abdomen un paquet 
énorme , dont la texture extrêmement délicate rend la dissection 


26/4 CH, LESPÉS. —- ORGANISATION 


difficile. On voit distinctement que le milieu de chaque ovaire est 
occupé par l'oviducte sur lequel les gaines débouchent isolé- 
ment. Chacun de ces tubes renferme un nombre considérable 
d'œufs en cours de développement d'autant plus avancé qu'on se 
rapproche de l’époque de la ponte : ordinairement on en distingue 
huit ou dix. L’extrémité libre du tube se termine en pointe mousse ; 
l'extrémité adhérente offre un renflement très remarquable , dont 
la couleur, d’un brun clair, est produite par la membrane interne 
cornée, et marquée d’un grand nombre de petits plis. Les deux 
œufs qui sont placés le plus bas , et dont le développement est le 
plus avancé, sont enfermés dans des poches qui résultent de 
l'agrandissement du tube ovigère. 

Les oviductes, ainsi que je l’ai dit, se continuent au centre de 
l'ovaire (fig. 27) ; leur partie libre est très courte, de sorte que les 
ovaires sont presque en contact. 

Le vagin est un tube assez large, qui vient s'ouvrir au-dessus 
de la huitième plaque ventrale. Ses annexes sont plus volumineux 
que dans les femelles de la première forme, et en rapport avec le 
plus grand développement des ovaires. 

Le réservoir séminal (fig. 27 et 28), qui est situé à la partie 
moyenne supérieure du vagin, consiste en une vésicule allongée 
dont le canal rappelle le col des cornues employées dans les labo- 
ratoires de chimie : ses parois sont fort épaisses. On voit par trans- 
parence , à l’intérieur, une cavité extrêmement petite doublée par 
une membrane plissée. 

La glande sébifique (fig. 27 et 29) est formée de trois cæcums, 
de longueur différente, pelotonnés , qui débouchent à l'extrémité 
d’un tube grêle et court qui, lui-même, s'ouvre à la partie infé- 
rieure du vagin. Je n’ai rien trouvé qui ressemble à une armure 
génitale. Je n'ai réussi à voir de zoospermes dans aucune partie de 
cet appareil ; ma dissection a été faite sur une reine au mois d'avril. 

L'appareil mâle est constitué des mêmes parties que dans les in- 
dividus de la forme précédente, mais leur développement est beau- 
coup plus considérable (fig. 35). Les testicules sont deux glandes 
presque sphériques composées chacune de huit capsules, dont 
l'extrémité est légèrement recourbée; le canal déférent est d’un 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 265 


volume assez considérable en rapport avec celui des testicules. Il 
en est de même du canal éjaculateur, qui est beaucoup plus large 
que dans la forme déjà étudiée. Les vésicules séminales, énormes, 
sont constituées par deux tubes, qui décrivent un tour et demi. Je 
n'ai jamais pu trouver de zoospermes dans aucune des parties de 
cet appareil. Je ne suis pas non plus parvenu à voir trace d’ar- 
mure génitale, qui n’exisle nullement, 


Système nerveux. 


I ne diffère de celui des Insectes précédents que par sa plus 
grande élongation. Ainsi que je l’ai dit, cet allongement commence 
dans la nymphe, et ne porte que sur les commissures abdominales. 


OEufs. 


Je n’ai vu des œufs qu'au mois de juillet; je ne crois pas qu'ils 
proviennent des petites reines , car celle que j'ai trouvée et dissé- 
quée à celte époque n’en contenait aucun qui fût voisin de sa ma- 
turité, tant s’en faut. Au contraire, les reines que j'ai examinées 
en avril et en juin avaient l'abdomen de plus en plus développé. Je 
pense que ces œufs provenaient de femelles de l’année précédente, 
qui seraient restées un an sans faire leur ponte. Je reviendrai sur ce 
point 

Les œufs (fig. 30)ontune forme un peu allongée qui représente 
un cylindre terminé par deux hémisphères; leur surface est par- 
faitement polie et sans aucun dessin ; ils sont lengs de 0°",65 à 
0,70; leur grosseur est environ la moitié de leur longueur ; la 
coque qui les enveloppe est solide et élastique. 

On les trouve par petits tas, qui doivent en renfermer plusieurs 
centaines, dans les galeries les plus grandes ou plutôt dans des 
chambres , ordinairement dans la partie supérieure du nid, dans 
les points qui doivent être les plus chauds ; ils sont disposés sans 
ordre, et légèrement agglutinés ; les petits qui viennent d’en sortir 
sont souvent mêlés avec eux, 


VIT. — De la nature des divers individus. 


Après avoir étudié, cormme je viens de le faire , l'organisation 


266 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


des individus si différents qui constituent uné société de Térmés 
Lucifugum, il est indispensable de rechercher la signification de 
chacun d'eux, S'il m'est pérmis de m’éxprimét ainsi. Il est bien 
entendu que c’est d'une seulé espèce que je m'occupe; celles des 
pays chauds me sont parfaitement inconnués , ét je ne sais pas si 
les sociétés qu’elles forment sont composées de la même manière. 

M. Lacordaire (1) assure que les ñeutres (soldats) des Térmites 
américains qu'il a observés ont des ailes caduques. La même 
observation a été faite au Gabon par M. Savages (2). Ce fait peut 
être vrai pour les Termites que ces savants naturalistes ont obser- 
vés ; ais pour celui de Bordeaux , il ne l’est pas à coup Sûr ; 
jamais les soldats n’ont trace d'ailes. 

Burmeister (3) assure que la seule femelle trouvée à Schænbrunn, 
dans une serre chaude où ces Insectes avaient occasionné beaucoup 
dé dégâts, n'avait aucune trace d'ailes. 

M. Joly m'a assuré la même chose pour la grosse femelle ayant 
appartenu à Dugès, et dont il a donné le dessin dans son mémoire. 
Tout cela peut encore être vrai pour ces différéhtés espèces ; mais 
j'ai trouvé là portion basilaire dé l’aile dans les sept femelles qué 
j'ai observées, et dont quatre étaient des reines très développées, 
et les trois autres de ces femelles dé la première forme que j'ai 
nommées des petites reines. J'ai pu, depuis que mon mémoire à 
été lu à l’Académie, nl'assurer que toutes les grosses reinés de la 
collection du Muséum ont la partie basilaire de l’ailé comie celles 
que j'ai vues à Bordeaux; ces reines appartenaient À plusiéurs 
espèces différentes. 

M. Bates (4) assuré que certains Termites américains gardent 
dans leur nid plusieurs couples, jusqu’à cinquänte ou cent, que 
d’autres n’en conservent qu'un seul. M. Savages (5) a vu, dans 
un nid de Termes bellicosus , deux femelles fécondes séparées par 


(1) Lacordaire, Introduction à l'entomologie , Suites à Buffon, +. XX, p- 522: 

(2) T -S. Savages, Observations on the Species of Termitidæ of West Africa, 
describ. by Smeathman as T. bellicosus, etc., cité par Hagen. 

(3) Burmeister, Handbuch. 

(#) Bates, in Zoologist, janvier 1855, cité par Hagen. 

(5) Savages, loc. cit. | 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 967 


une cloison. Quant à l’assertion de M. Boffinet (1), ellé n’a guère 
dé valeur pour moi, tant est singulière la description qu'il donné 
de ces prétendues femelles. Je n’ai jamais trouvé, sauf une excep- 
tion sur laquelle je reviendrai, qu'une seule femelle dans chaque 
nid où j'ai pu en découvrir; le plus souvent, j'ai trouvé tin mâle à 
côté ou à une très petite distance. 

Je le répète doné , mes observations , uniquement faites sur lé 
Termes lucifugum, peuvent ne pas S’appliquer éxactéement à toutes 
les autres espècés. 

Les ouvriers et les soldats ont , ainsi qu'il est facile de le voir ; 
une organisation presque identique ; où pourrait dire que cés deux 
formes ne diffèrent que par les mandibules ét leurs muscles; dé 
plus, ils subissent én même temps leur dernière métarnorphose 
depuis le 20 juin jusqu’au 20 juillet. Ainsi que je le dirai plus loin, 
j'ai vu cétte transformation s'effectuer sous mes yeux ; avant qu’éllé 
soit terminée, il est impossible de savoir s'il va naître un soldat 
ou un ouvrier. La nympheé qui leur donne naissance est en toût 
semblable à un ouvrier, sauf la taille ; elle a pris cette forme dès lé 
second âge de la larve. Il est évident, en outre, que ces Inséetes ont 
leur forme définitive ; car les larves qui doivent plus tard acquérir 
des ailes commencent à en montrer des rudiments dès le deuxième 
âge, quand elles ont à peine la moitié du volume d’un ouvrier. 

Personne, je crois, ne douterait que ces Insectes sont des neutres; 
si parmi eux les uns n'étaient mâles, les autres femelles. La seule 
objection sérieuse est done celle-ci : chez les Hyménoptères s0- 
ciaux, les neutres sont des femelles à ovaires avortés ; donc il est 
peu probable que, chez lés Térmites , ces mêmes neutres appar: 
tiennent aux deux sexes. Je répondrai d’abord qu'il n’est pas pru- 
dent dé conclure ainsi du connu à l'inconnu ; que si les Hyimé- 
nôplères neutres sont femellés, rien n'empêche que les Terinités 
néütres soient mâles 6t femelles. 

Puis le nombre des dissections est-il assez considérable pour 
que l'on puisse assurer que tous lés Hyÿménoptères neutres sont des 
femelles ? Je ne le pense pas. Les Abeilles élèvént dans des cel: 


U) Boffinet, loc. cit, 


268 CN. LESPÉS, — ORGANISATION 

lules de mâles certaines ouvrières qui deviennent plus grandes, et 
offrent quelques caractères exceptionnels ; plusieurs espèces de 
Formicites, l’Atta cephalotes surtout, ont deux formes de neutres : 
les uns à petite tête, les autres à tête énorme qui ne travaillent 
jamais, mais qui dirigent les travailleurs et les défendent au 
besoin; est-on bien sûr que ces individus singuliers sont des 
femelles? Personne peut-être ne les a examinés le scalpel à la main. 

Les organes mâles de l’ouvrier, ceux du soldat surtout sont 
extrêmement petits ; je ne les ai pas vus à la première dissection ; 
les organes femelles eux-mêmes sont fort peu développés. Ce ne 
sont là que des débris, des rudiments, et les Insectes qui les 
portent sont des neutres. 

Du reste, les caractères extérieurs seuls auraient déjà une grande 
valeur. Le prothorax est beaucoup plus resserré postérieurement 
que dans les adultes et les larves; mais le caractère , fourni par la 
dernière ou huitième plaque inférieure de l'abdomen, est très 
important. En effet, dans les individus sexués et leurs larves, 
même les plus jeunes, cette plaque est bidentée dans le mâle, mu- 
tique dans la femelle ; chez l'ouvrier et le soldat, au contraire, 
elle est toujours bidentée. Je pense que ces raisons sont plus que 
suffisantes pour convaincre tout le monde. Quant à l'opinion de 
M. Guérin-Méneville, qui veut voir dans les soldats des larves de 
mâles, elle tombe devant la dissection qui montre des ovaires dans 
certains de ces Insectes. 

Nous trouverons dans l'étude des individus féconds encore quel- 
ques difficultés : les uns nousoffrent un développement bien différent 
de celui que les autres nous présentent. Il y a deux formes : chacune 
comprend des mâles et des femelles , qui ne diffèrent que par les or- 
ganes reproducteurs. Les individus ailés du printemps, qui sont en 
plus grand nombre ; ont ces organes très peu développés, et leur 
amoindrissement se retrouve chez les deux sexes. Au contraire, les 
Insectes de l'automne ont des organes reproducteurs relativement 
énormes, et les deux sexes présentent sous ce rapport une parfaite 
analogie. Lei il n’y a plus de doute possible, mais rien d’analogue 
n'existe chez les Hyménoptères. 

Ces deux formes d'individus sexués, si différents à l'état de 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 269 


nymphe, c’est à peine s’il est possible de les distinguer chez les 
larves du troisième âge, et c’est tout à fait impossible chez celles 
du second. 

Ainsi tous les Termites se ressemblent pendant le premier âge. 
La différence des neutres et des sexués commence au second ; les 
neutres n’ont pas de moignons d'ailes , les autres en ont déjà. Au 
troisième âge la différence entre les deux formes de sexués com- 
mence un peu pour devenir sensible au quatrième (nymphe), et 
plus marquée à l’état parfait. 

En résumant tout ce qui précède, je erois que l’on doit admettre 
l'existence de deux formes principales dans les sociétés du Termite 
lucifuge : les neutres aptères , les sexués ailés; chacune de ces 
formes offrant deux types différents ; de sorte qu’on peut les dis- 
tribuer ainsi. 


AT€ FORME, — SEXUÉS, 2e FORME. — NEUTRES. 
ne A, EE 
AT type. 2° type. A‘ type. 2° type. 
Petits rois, Rois Ouvriers. Soldats. 
petites reines. et reines. 


Quoique je n’aie pas vu Jes individus du deuxième type de la 
première forme portant leurs ailes, personne ne peut mettre leur 
existence en doute. Ce sont eux probablement que M. Blanchard a 
trouvés en septembre. 

MOEURS DES TERMITES. 


Ainsi que je l’ai déjà dit, chaque société de Termites se compose 
d'individus de formes différentes ; je dois m'occuper à présent de la 
conslitulion de ces sociétés, et du rôle de leurs différents habitants, 

Dans toutes les saisons il existe des ouvriers et des soldats; mais 
vers le mois de juin ils deviennent de plus en plus rares, les sole 
dats d’abord, les ouvriers ensuite : leur vigueur et leur activité 
sont moins grandes, et, presque toujours, ils sont très maigres. 
C’est le moment où ils vont mourir pour faire place à une nouvelle 
génération. Is paraissent donc vivre un an après leur dernière 
métamorphose. 

Les larves du premier âge, communes en hiver jusqu'en mars, 
deviennent alors plus rares ; déjà en hiver se montrent des larves 


270 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 

du deuxième, celles du troisième sont communes au printemps. 
Enfin, dans le courant de juillet, les nymphes des deux formes 
commencent à se montrer. Cet état persiste près d’un an pour les 
nymphes de la première forme, qui subissent leur dernière méta- 
morphose en mai ; pour celles de la deuxième forme, il dure un peu 
plus d’un an. Avant d'arriver à leur forme définitive, les individus 
parfaits vivent done environ vingt mois. Je crois que les neutres 
ont besoin du même temps à peu près pour se développer. 

Les individus parfaits paraissent, les uns en mai, les autres pro- 
bablement à la fin d'août ou en septembre; après un petitnombre de 
jours, les uns et les autres perdent leurs ailes , qui se rompent sur 
la ligne légèrement sinueuse qui sépare la lame de la portion 
basilaire. 

Les ouvriers sur lesquels reposent à peu près uniquement tous 
les soins de la société sont extrêmement remarquables dans leur 
manière de travailler : leurs galeries sont toujours couvertes, 
jamais ils ne sortent à l'air. Quand ils sont obligés de passer d’une 
pièce de bois à une autre, c’est toujours sous terre qu'ils se diri- 
gent, ou bien ils construisent des tubes quelquefois très longs. 
Ordinairement les sociétés sont établies dans une vieille souche de 
Pin ; j'en ai vu dans plusieurs autres espèces de bois (Chêne, Sureau, 
Tamarin ), mais loujours dans la partie morte et humide située ou 
sous terre où à une petite distance du sol. Les Termites ont pour- 
tant établi leur demeure dans quelques maisons de Bordeaux. J'en 
ai vu une société, probablement très peu nombreuse, dans la partie 
des bâtiments de la mairie occupée par la Faculté des sciences. 

Dans les landes, quand un Pin à acquis tout son développement, 
on le coupe à une petite distance au-dessus du sol, mais la souche 
est {rès rarement arrachée ; la valeur du bois ne représente pas les 
frais que cette opération occasionne. Le Pin ne repousse jamais du 
pied, de sorte que la souche, ainsi abandonnée, devient l'habitation 
d’une foule d'Insectes. Il est difficile de se faire une idée du nombre 
d’espèces qui se disputent cette riche pâture. Dans l’espace’ de 
quatre , cinq ou six ans tout au plus, le bois est perforé dans tous 
les sens, et quelquefois la coque seule demeure entière ; les Fourmis 
et les Termites ne sont pas les moins acharnés à cette œuvre de 


ET MOEURS DU TERMIRE LUCIFUGE. 9271 


destruetion. On comprend que tous les ans de nouveau bois étant 
ainsi livré aux Insectes, ils n'aient pas besoin d'aller au loin cher- 
cher une habitation. A celte cause, on doit, je crois, principalement 
attribuer l'innocuité des Termites de Bordeaux. 

Les petites sociétés, celles qui paraissent exister depuis un ou 
deux ans tout au plus, sont nichées dans l'écorce ; un peu plus tard 
celle-ci est abandonnée, et le bois commence à être attaqué à me- 
sure que l'humidité rend moins solides les couches de l’aubier. 
Les galeries sont ainsi conduites de la périphérie au centre de la 
souche; en même temps les racines principales sont alfaquées , 
surtout celles qui se dirigent horizontalement à une petite profon- 
deur sous terre. Les galeries, du reste, n’ont rien de régulier; le 
plus souvent des larves lignivores sont les pionniers de nos Ter- 
mites : parmi elles, je dois citer en première ligne celles des 
Bostrichus. Les Longicornes, au contraire, creusent des cavités 
énormes qui deviennent les grandes chambres des habitations. 
Mais quand les ouvriers ne profitent pas pour leurs travaux d’ou- 
vertures déjà faites , ils travaillent avec une certaine régularité. 
Leurs galeries, qui méritent plutôt le nom de chambres, sont pla- 
cées entre deux couches de bois, la couche intermédiaire ayant été 
enlevée. Elles sont donc très étroites, et fort élevées dans la partie 
verticale du bois; très larges et surbaissées dans les portions hori- 
zonlales, ordinairement les grosses racines ; aucun ordre ne pré- 
side à leur distribution. Des ouvertures rondes établissent la com- 
munication entre les diverses galeries. Elles sont suffisantes pour 
laisser passer un ou rarement deux ouvriers. 

Toute la surface interne de cette habitation est recouverte d'une 
couche d’un brun clair parfaitement polie, produite par les exeré- 
ments des Insectes ; ceux que je conservais dans des vases de verre 
ne tardaient pas à couvrir la paroi interne d’une couche analogue, 
et comme je les ai vu faire très souvent, je me suis assuré que ce 
sont bien leurs excréments qui les forment. Jamais je n'ai pu 
trouver ces champignons microscopiques indiqués par plusieurs 
auteurs. 

Les ouvriers soni aussi souvent occupés à élever une barrière 
qui ferme leurs galeries, surtout si l’on détruit plus ou moins leur 


212 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


nid, ce qui leur arrivait souvent chez moi; ils vont alors chercher 
à une petite distance les matières les plus différentes , les broient 
un moment en les imbibant de salive, et viennent-les poser dans le 
point détruit; toutes ces actions sont faites avec un ordre parfait, 
et sans que les soldats s’en occupent le moins du monde; car ces 
derniers Insectes ne jouent jamais le rôle de surveillants qu’on leur 
a attribué, probablement par analogie avec les Fourmis. 

Jl'est rare que l’on ne trouve pas dans le nid des galeries plus 
ou moins considérables bouchées par ces matières d’un brun clair 
employées à tapisser les parois du nid, et le plus souvent à réparer 
les brèches : ce sont les excréments de nos Insectes. 

Ainsi que je l'ai dit, j'ai pu observer les Termites dans une 
maison de Bordeaux ; mais il m'a été impossible de trouver le nid 
lui-même; j'ai vu seulement quelques galeries , les unes , placées 
entre une pièce de bois et l'écorce qui la recouvrait encore en par- 
tie, ne contenaient aucun Insecte ; une autre, d’une longueur de 
plusieurs mètres, serpentait sur une muraille; elle était en grande 
partie creusée dans le plâtre. Le papier avait été enlevé dans les 
points correspondants, et la galerie recouverte par une sorte de 
demi-voüte composée en grande partie de ses débris. 

Au mois de septembre 1855, un plancher s’est rompu après un 
orage qui avait produit une forte gouttière : mais l’éboulement n’a 
porté que sur une longueur de 1",50 environ. Les charpentiers ont 
trouvé le bout des poutrelles complétement rongé ; j'ai pu m'en 
procurer un qui présentait un grand nombre de galeries, en tout 
semblables à celles des Termites; voilà le plus énorme de leurs 
dégâts à Bordeaux ; on m'a pourtant assuré qu’une maison ayant 
été envahie par eux, le propriétaire s'était vu obligé de remplacer 
par une charpente de fer les pièces de bois attaquées. Dans les mai- 
sons des Landes , dont la charpente est toujours construite en bois 
de Pin, on voit souvent des poutres rongées par les Insectes , 
comme me l'ont assuré les habitants. Mais quels sont ces Insectes? 

Pour observer les Termites , j'en ai toujours eu chez moi des 
sociétés plus où moins nombreuses ; il est très facile de les con< 
server quelque temps, mais j'ai rarement réussi à les avoir pendant 
plus de deux mois. Je les mettais ordinairement dans des poudriers 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 275 
avec une partie de leur nid , et je pouvais observer leurs mouve- 
ments d’une manière très commode. 

Peu de temps après qu’ils sont dans le bocal, les ouvriers com- 
mencent à travailler : c’est de creuser des galeries qu'ils s’occu- 
pent, et comme il y a toujours dans le bocal des détritus de bois, 
c’est dans cetle substance molle qu'ils ouvrent les premières. 
Quand ils arrivent ainsi à l'extérieur , ils élèvent immédiatement 
une barrière qui ferme leur nid ; on peut alors les voir màcher et 
imbiber de salive une petite pelote qu'ils viennent poser dans le 
point à fermer. Ce n’est pas pour se mettre à l'abri de la lumière , 
ainsi qu’on l’a peusé , qu'ils ferment toules les issues, c’est pour 
se soustraire à l'air. Ceux que j'avais chez moi construisaient sou- 
vent leurs galeries contre le verre, et la lumière directe du soleil 
ne les faisait mème pas fuir. 

Lorsque le nid est creusé dans une souche un peu putréfiée, il 
est continuellement maintenu à un état convenable d'humidité ; 
souvent il est arrivé chez moi que les Insectes ont souffert du 
manque d’eau , qui parait leur être extrêmement fàcheux : car au 
bout d’un certain temps, la colonie tout entière est morte. L’excès 
d'humidité parait aussi leur faire beaucoup de mal ; deux fois dans 
des bocaux trop humides, j'ai vu se développer en nombre consi- 
dérable un Nématoïde, que je décrirai plus tard sous le nom d’Zsa- 
kis migrans. Dans les deux cas, la sociélé fout entière a été 
détruite. 

Je suis porté à penser que nos Insectes ne ferment si exactement 
leur nid que pour y maintenir une humidité convenable. 

J'ai déjà dit que c’est sur les ouvriers que repose tout le travail 
de la communauté ; non-seulement ils construisent les nids, mais 
encore ils soignent les larves, les nymphes, et probablement les 
rois et les reines. Smeathman assure qu'il les a vus donner à man- 
ger à une reine ; je les ai vus pour ma part donner aux nymphes 
de la nourriture, comme les Fourmis s'en donnent entre elles : les 
deux Insectes étant placés en face l'un de l’autre, la nymphe pre- 
nait sur les pièces de la bouche de l’ouvrier une matière à peu près 
liquide que celui-ci dégorgeait. Mais je crois qu'en général tous 
ces Insectes prennent directement leur nourriture , et que ce n’est 

#° série, Zoo. T. V. (Cahier n° 5.) ? 18 


27 CH. LESPÉS, — ORGANISATION 


qu'exceptionnellement que se passent les faits dont je viens de par- 
ler. Jamais , du reste, je n’ai pu trouver aucune espèce de pro- 
visions. 

Les œufs sont de la part des ouvriers l’objet de soins très em= 
pressés; quand on ouvre une galerie qui en contient, on voit immé- 
diatement tous les Insectes voisins les enlever, chaque ouvrier en 
emporte cinq ou six en même temps. Ce n’est pas seulement pour 
ceux de leur nid qu'ils agissent ainsi : j'avais trouvé à la campagne 
un grand nombre de ces œufs ; revenu chez moi, je les ai donnés 
à une société depuis longtemps établie dans un de mes bocaux ; 
sur-le-champ les ouvriers ont commencé à les emporter, et, dans 
moins d’un quart d'heure , tous étaient enlevés et portés au centre 
du bocal. 

Les nymphes sont aussi soignées par les ouvriers ; j'ai vu sou- 
vent ceux-ci les nettoyer avec grand soin, et pendant fort longtemps ; 
ils leur prenaient doucement les pieds et les antennes dans la 
bouche, et paraissaient les lécher; surtout si une nymphe avait 
recu quelques blessures , ce qui leur arrivait souvent dans mes 
bocaux , les ouvriers paraissaient en prendre un soin tout partieu- 
lier; souvent deux ou trois étaient ainsi occupés autour d’une 
seule. 

Mais c’est au moment des métamorphoses que toute l’activité 
des ouvriers se déploie. Quand les nymphes passent à l’état d’in- 
sectes parfaits, la colonie tout entière est debout : les ouvriers, les 
soldats, les larves ; mais je n’ai pas vu les ouvriers aider aux trans- 
formations. La même chose se passe quand les ouvriers et les sol- 
dats subissent leur dernière métamorphose. Alors j'ai vu plusieurs 
fois les vieux ouvriers et même les larves aider l’Insecte à se dé- 
barrasser de sa peau ; je pense que la même chose a lieu lors de la 
transformation des individus ailés. Ainsi que je le dirai plus loin, 
cette mue paraît très diflicile, comme celle des ouvriers et des 
soldats. 

C’est vers la fin de juin et dans le courant de juillet que les 
neutres subissent leur dernière transformation ; leurs nymphes, 
qui ont exactement la forme de l’ouvrier et presque son volume, 
sont alors fort nombreuses; mais quelques jours plus tard, il n°y 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 975 


en a plus. Quand ils viennent d'acquérir leur forme définitive, les 
ouvriers sont blanes et extrêmement mous ; la tête et les mandi- 
bules ne présentent aucune consistance. Cet état dure un ou deux 
jours, après lesquels l’Insecte commence à prendre part aux tra- 
vaux de la société. 

Vers le mois de mai et le commencement de juin, les ouvriers 
meurent ; ils commencent par maigrir beaucoup; leur abdomen 
est plat; la tête paraît plus grosse et plus fortement colorée; les 
mouvements sont lents. Pourtant quelques-uns vivent encore au 
moment de la naissance des nouveaux ; mais pendant quelques 
jours il y en a bien peu. 

Les ouvriers et aussi les autres individus, quoique moins sou- 
vent, ont l’habitude d’un mouvement saccadé très singulier, dont 
le but ne m'est pas connu; ils l’exécutent pendant leurs travaux, et 
même quand ils sont sans rien faire. Au moment où ils veulent le 
produire, ils se soulèvent sur leurs pieds, puis donnent une dou- 
zaine de coups précipités sur le sol avec leur abdomen; souvent ils 
répètent le même manége un grand nombre de fois. M. Boffinet 
suppose qu'ils versent alors sur le bois un liquide qui le ramollit, 
et leur permet plus tard de le ronger. C’est une hypothèse que rien 
ne justifie : ils n’ont pas d'appareil sécréteur à l'extrémité de 
l'abdomen, et, après les avoir examinés avec grand soin, je suis 
sûr que jamais ils ne produisent aucun liquide à la suite de ces 
mouvements singuliers. 

Quoique les ouvriers soient plus spécialement chargés du tra- 
vail, il n'en est pas moins vrai que, dans quelques circonstances , 
ils se défendent avec leurs mandibules; ils donnent alors au hasard 
des coups dans le vide, avec un courage semblable à celui que 
montrent les soldats. 

Ceux-ci sont chargés de la défense de la société ; mais, malgré 
leur ardeur et leur courage, ee sont de tristes défenseurs que des 
aveugles. Bien différents en cela de ceux que Smeathman a décrits, 
ils sont à peu près de la taille d'un ouvrier, et leurs morsures ne 
sont jamais à craindre que pour des Insectes bien petits. C’est inu- 
tilement que j'ai essayé de me faire mordre par eux ; jamais ils 
n'ouvraient les mandibules assez pour prendre la peau. 


276 CH, LESPÉS, — ORGANISATION 


Ils se tiennent le plus souvent immobiles dans les galeries, près 
des passages; mais si le nid est ouvert, ils courent au hasard à 
droite et à gauche les mandibules écartées. Souvent un nid de 
Fourmis a élé ouvert en même temps que celui des Termites; nos 
soldats montrent alors leur courage; malheur à la Fourmi qui 
tombe sous leurs mandibules , elle est bientôt mise littéralement 
en pièces. Quand il a mordu , un soldat ne lâche plus prise que le 
morceau ne soit coupé. Malheureusement ce courage lui sert à peu 
de chose ; le plus souvent, s'il est attaqué par plusieurs Fourmis , 
il succombe. 

Quand ils sont ainsi irrilés, les soldats prennent une posture 
singulière; leur tête posée à terre présente en avant les mandi- 
bules écartées ; l'abdomen , au contraire, est fortement relevé. A 
tout instant, ils lancent la iête en avant, cherchant à prendre leur 
ennemi; quand ils ont réussi, ils ne le Richent plus. Après avoir 
ainsi cherché à atteindre leur adversaire, s'ils n'ont pu y réussir, 
ils frappent brusquement à terre, quatre ou cinq fois de suite avec 
la tête, en produisant un petit bruit sec ; leurs mouvements préci- 
pités, leur position singulière et l'aspect de la colère qui les agite, 
sont vraiment un spectacle curieux. 

De même que les ouvriers, les soldats deviennent de plus en 
plus rares en mai el juin ; vers le milieu de ce mois, on n’en trouve 
presque plus, et ceux qui vivent encore sont faibles et très maigres; 
mais il ne tarde pas à s’en produire une nouvelle génération. Ceux 
qui viennent de naitre sont blanes, presque transparents, et mar- 
chent avec peine ; mais, pelit à pelit, ils prennent leur forme défi- 
nitive et tout leur développement, toutefois avec une certaine len- 
teur. Au moment de leur éclosion, leur tête n’a pas tout son vo- 
lume ; elle est presque ronde. Quoique grandes, les mandibules le 
sont bien moins que plus tard; elles sontencore blanches et molles. 
Petit à petit, la tête s’allonge, se colore; les mandibules se déve- 
loppent, et l'animal est parvenu à son élat parfait; il doit encore 
vivre un an. 

Ainsi que je l’ai déjà dit, les nymphes de neutres ne diffèrent 
en rien de leurs larves ; la taille seule et les habitudes permettent 
de les distinguer de l’ouvrier. Leur dernière métamorphose a lieu 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE, 277 


du 20 juin à la fin de juillet. La peau se fend au niveau du thorax, 
et l'Insecte, en se pliant en are, parvient à rendre libre d’abord 
le prothorax, puis les deux autres segments et les pattes; la tête et 
l'extrémité de l'abdomen restent seuls couverts par la dépouille, 
et l’Insecte est plié en arc : en se redressant un certain nombre de 
fois , il finit par dégager la tête, les pièces de la bouche et les an- 
tennes. Quant à l'abdomen, il lui est très facile de le retirer de 
l'enveloppe. Pendant cette difficile opération il est aidé, par les 
ouvriers et les larves, même celles de sexués, qui retirent l’en- 
veloppe et l’enlèvent en la tiraillant. À peine la mue est-elle ter- 
minée, que lInsecte va se placer dans un endroit écarté pour 
attendre le durcissement de ses mandibules et la consolidation de 
ses téguments. 

Les jeunes larves du premier âge ont des mouvements très 
lents ; elles se tiennent presque toujours immobiles sur les parois 
verticales, et n'ont pas l'habitude de s’entasser comme le font les 
larves plus âgées. Ze n’ai pas vu qu'elles soient l’objet d’aucun soin 
de la part des ouvriers. 

Les larves des deuxième et troisième âges sont beaucoup plus 
actives. Elles se tiennent ordinairement en grand nombre dans des 
galeries étroites qui en sont remplies, au point qu'il serait impos - 
sible d'y en faire entrer une de plus. Quand on ouvre ces cham- 
bres, les larves s'échappent aussi vite que possible dans {ous les 
sens ; avec elles il se trouve quelquefois des ouvriers. Les sol- 
dats sont ordinairement postés aux issues de ces galeries. Leslarves 
ne prennent aucune part aux (travaux de la société ; je les ai pour- 
tant vues , celles du troisième âge au moins, aider les ouvriers et 
les soldats dans leur dernière mue. 

C'est au printemps qu'on les trouve en grand nombre. A la fin 
de juillet, elles se transforment en nymphes. En hiver il n’y a dans 
les nids que des ouvriers, des soldats, des nymphes, le roi et la 
reine, el des larves très jeunes. 

Les nymphes sont ordinairement entassées et immobiles dans les 
galeries ; mais quand on les dérange elles s’enfuient très vite : je 
crois que quand leurs yeux sont développés elles voient fort bien , 
quoique ces organes soient recouverts. Elles sont, de la part des 


278 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 
ouvriers, l’objet d’une affection qui parait très vive, et de soins 
continuels dont j'ai déjà parlé. 

A la fin d'avril, les nymphes de la première forme présentent 
des caractères qui annoncent leur prochaine transformation : les 
yeux paraissent comme deux taches noires sur la tête, le thorax 
prend une teinte brune, et les étuis des ailes paraissent plus épais. 
Si on les coupe, l’aile parait dans le fourreau ; on peut même 
l'étendre avec la plus grande facilité. 

Lors de la transformation, vers le 20 mai, la peau se fend sur 
le dos dans les portions qui correspondent au thorax, et l’Insecte, 
en se courbant en avant, relire successivement de leurs gaines les 
ailes et les pieds : les ailes sont alors ramenées en avant. Il ne 
reste plus que la tête et l'abdomen qui soient encore enfermés dans 
la vieille peau; en se courbant fortement en avant, puis en se 
détendant, l’Insecte parvient à dépouiller les pièces de la bouche et 
les antennes. La peau qui recouvre l'abdomen tombe seule. Je n’ai 
pas vu que dans cette difficile métamorphose il soit aidé par les ou- 
vriers ou les larves. Pendant qu'elle s'effectue il demeure, gisant à 
terre ; mais à peine est-elle terminée, qu’il cherche une position qui 
permette à ses ailes de se déployer. 

Une heure après la transformation les ailes ont pris toute leur 
longueur, mais elles sont blanches ainsi que le corps ; bientôt elles 
prennent une teinte grise, puis noire; l’Insecte est alors complé- 
tement développé. 

Les individus ailés restent dans le nid jusqu’au mois de juin ; on 
les trouve dans les galeries intérieures serrés les-uns contre les 
autres. Leur vol est peu rapide , il rappelle celui des Perles. Je ne 
les ai vu voler que quand j'ai ouvert le nid, ear je n'ai pas vus la 
sorties qui doit avoir lieu dans le courant de juin. 

Ceux que je conservais chez moi ont perdu les ailes, qui sont 
tombées au point d'union de la portion basilaire à la lame. Quelques- 
uns en ont conservé longtemps des lambeaux. Je les ai vus alors 
devenir très vifs. Un jour que j'avais mis au soleil le bocal qui les 
contenait, ils sont sortis à la surface du nid ; les femelles étaient 
suivies par les mâles, qui paraissaient très ardents. Pourtant il n’y 
avait pas de zoospermes dans leurs testicules. Chaque femelle était 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 279 


suivie immédiatement par un seul, ou rarement par deux mâles , de 
si près, que j'ai cru un moment que le mâle tenait dans ses mandi- 
bules l’extrémité de l’abdomen de la femelle. Jamais pourtant je 
n'ai vu l’accouplement. 

Dans le courant de juin, j'ai trouvé à la campagne, très loin (au 
moins 40 kilomètres ) des bois de Pins, un Termite femelle qui 
avait perdu ses ailes. [l avait, sans doute, été porté aussi loin par 
le vent. Ceux que j'avais chez moi sont {ous morts dans le com- 
mencement de juillet. 

Je n'avais plus trouvé de ces Insectes, malgré mes recherches 
jusqu'à la fin de juillet. Le 25 j'en ai trouvé deux couples dans la 
même souche de Pin, et peut-être dans le même nid ; chacun était 
dans une galerie distincte; il m'a même semblé que ces chambres 
très éloignées n'avaient aucune communication : de sorte qu'il y 
aurait eu deux nids dans la même souche, ce qui arrive , du reste, 
assez souvent, surtout quand ils sont peu habités, comme dans ce 
eas-ci. Mais, quoique j'aie complétement arraché tout le morceau 
de bois, je ne puis donner le fait comme parfaitement certain. 
Avec ces deux couples, il y avait dans le nid des ouvriers, des sol- 
dats et des larves, point de nymphes à courts étuis ni de nymphes 
de l’année. Dans quelques galeries il y avait des œufs. 

J'ai disséqué le mâle et la femelle. Leurs organes n'étaient pas 
plus développés que dans ceux qui avaient encore leurs ailes. Dans 
les ovaires dont peu de gaines paraissaient fécondes, les œufs se 
montraient sous la forme d’une vésicule avec un nucléus (vésicule 
germinative ) entourée de granules mal définis et sans coquille. Ce 
n'étaient donc pas ces femelles qui avaient pondu les œufs. 

En novembre j'ai aussi trouvé dans un petit nid un couple de la 
même espèce. Les organes génitaux n'élaient pas plus développés ; 
mais, dans les gaines fécondes de l'ovaire, il y avait des œufs dont 
la coquille était bien distincte, 

Ainsi que je l'ai déjà dit, j'ai trouvé des reines en décembre, 
mars el juillet, Avec elles j'ai trouvé des rois; mais, d’autres fois, 
j'ai pris l’un sans l'autre. 

L'abdomen de la reine est toujours énorme et trainant à terre. 
En dessus 11 offre les plaques dorsales séparées, excepté les deux 


280 CH. LESPÉS. — ORGANISATION 


dernières. Je n’ai disséqué qu’une de ces reines, celle qui m’a servi 
à faire le dessin des ovaires ; mais j'ai observé que leur abdomen 
présentait un développement d'autant plus grand que je les exami- 
nais plus tard : la dernière que j'ai prise l'avait beaucoup plus volu- 
mineux que celles que j'avais déjà vues. Il est évident pour moi 
que les œufs mürissaient dans leurs ovaires. La ponte a dû avoir 
lieu du 20 au 25 juillet. Les nids contenaient alors un grand 
nombre d'œufs, mais je n’ai pu y trouver de femelle : elle était 
probablement morte après la ponte. Quant au roi, je ne l’ai disséqué 
qu'en janvier; il n'avait pas de zoospermes dans les testicules. 

La reine est ordinairement dans une des galeries profondes du 
nid; ce n’est pas une cellule spéciale qu’elle habite. Le mâle est le 
plus souvent avec elle. Quoique très embarrassée de son énorme 
ventre, la reine marche pourtant assez bien : le roi est toujours 
très vif. Je n’ai pas observé que les ouvriers aient pour eux des 
soins d’aucun genre ; pourtant une femelle a vécu près d’un mois 
dans un de mes bocaux. Il est probable que la ponte doit se faire 
dans un temps très court, et seulement au mois de juillet, près 
d’un an après que le roi et la reine ont pris leur forme définitive. 

Aïnsi qu'on le voit, les mœurs du Termes lucifugum sont loin 
d’être comparables à celles des Hyménoptères, et rien jusqu'ici ne 
pouvait nous donner une idée de pareilles sociétés. 

Pour achever leur histoire, je dois dire quelques mots de leurs 
ennemis, car je n'ai trouvé aucun Insecte qui remplisse le rôle que 
certains Staphylins jouent dans les nids des Termites de l'Amérique 
tropicale. 

Tous les Oiseaux qui vivent d’Insectes font la guerre à nos Ter- 
mites ; souvent en hiver, les Pies, les Geais, et surtout les Pics , 
vont fouiller leurs nids, mais ces ennemis ne diminuent pas con- 
sidérablement leur nombre; car, excepté la superficie, le nid est 
ordinairement creusé dans un bois trop solide pour être attaqué 
par ces Oiseaux. 

Les Fourmis paraissent leur faire une guerre acharnée. M. Lund (4) 


(1) Lettre sur les habitudes de quelques Fourmis du Brésil, in Ann. des sc. 
nat., A'e série, 4834, t. XXIIT, p. 143. 


ET MOEURS DU TERMITE LUCIFUGE. 284 


a décrit celle qu’un petit Insecte de cette famille (Myrmica paleata) 
leur fait au Brésil. ; 

Souvent j'ai vu une société de Fourmis établie dans la même 
souche qu’un nid de Termites; les galeries des deux espèces sont 
toujours fermées, elles ne communiquent jamais. Si je venais à 
produire une brèche qui mit les deux nids en communication , le 
combat commençait aussitôt. Toujours j'ai vu les Fourmis en sortir 
vainqueurs, et emporter les larves, les nymphes, et souvent les 
ouvriers des Termites. Ceux-si se bornent à se défendre; les sol- 
dats surtout deviennent le centre d’un combat très acharné. Quand 
un d’eux réussit à prendre une Fourmi , il la met en pièces; mais 
ses ennemis le prennent par les pieds , le mordent plusieurs à la 
fois, et il finit par succomber sous leurs efforts. Plusieurs espèces 
de Fourmis agissent de la même manière. 

En ouvrant une souche qui contenait un nid de Termites à une 
de ses extrémités, et un autre de Fourmis du côté opposé, je vis 
avec surprise chez ces dernières un grand nombre d’ouvriers et 
de larves de Termites dans les galeries qui contenaient leurs larves ; 
mais ils étaient morts, et destinés à la provision de leurs ennemis. 
La Fourmi qui m'a présenté ce fait est, je crois, le Formica cuni- 
cularia. La guerre qu'elle fait aux Termites est done sérieuse, 
puisqu'elle en approvisionne son nid. 

M. de Quatrefages (1) nous apprend qu’à Rochefort on a inuti- 
lement essayé de faire la guerre aux Termites par les Fourmis ; 
elles ont été détruites elles-mêmes. Peut-être réussirait-on mieux 
avec l'espèce dont je viens de parler. 

Plus tard je m'occuperai de quelques ennemis des Termites, 
dont l'étude ne peut trouver place ici. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHES D , 6 ET 7. 
N. B. Le chiffre placé entre parenthèses indique l'échelle du dessin. 


Fig. 4. Ouvrier adulte (45). 
Fig. 2. Soldat (45). 


(1) Quatrefages, note, loc. cit. 


282 CH. LESPÉS, — ORGANISATION, ETC. 


Fig. 3. Larve du premier âge (15). 

Fig. 4. Larve du deuxième âge. Les rudiments d'ailes apparaissent (15). 

Fig, 5. Larve du troisième âge (45). 

Fig. 6. Nymphe de la première forme (15). 

Fig. 7. Nymphe de la seconde forme (15). 

8. Individu parfait de la première forme (15). 

Fig. 9, Petite reine (15). 

Fig. 10. Reine (15). d 

Fig. 11. Pièces de la bouche de l'ouvrier : a, labre ; bb, mandibules; c, mâ- 
choire ; d, lèvre inférieure (30). 

Fig. 12. Pied moyen d'un ouvrier (30). 

Fig. 13. Antenne d'un ouvrier (30). 

Fig. 14: Pièces de la bouche du soldat: a, labre; bb, mandibules|; c, mà- 
choire; d, lèvre inférieure. 

Fig. 45. Appareil digestif de l’ouvrier. Les canaux salivaires sont un peu écartés. 

Fig. 16. Appareil reproducteur femelle d'un ouvrier (30). 

Fig. 17. Appareil reproducteur mâle du même (30). 

Fig. 18. Le même appareil dans le soldat (30). 

Fig. 19. Appareil reproducteur femelle d'un soldat (30). 

Fig, 20. Appareil reproducteur femelle d'une larve de sexué du deuxième 
âge (30). 

Fig. 21, Le même, pris dans une larve de sexué du troisième âge (30). 

Fig. 22. Le même, pris dans une nymphe de la première forme (30). 

Fig. 23. Extrémité de l'abdomen d'une petite reine, vue en dessous (30). 

Fig. 24. Appareil reproducteur de la même (30). 

Fig. 25. Appareil reproducteur femelle d'une nymphe de Ja deuxième forme (30). 

Fig. 26. Le même plus avancé en développement (30). 

Fig. 27. Appareil reproducteur femelle d'une reine (30). 

Fig. 28. Réservoir séminal de la même, isolé (60). 

Fig. 29. Glande sébifique de la même, déroulée (30). 

Fig. 30. Un œuf pris dans un nid (30). 

Fig. 31. Extrémité de l'abdomen d'un mâle ailé, vue en dessous (60). 

Fig. 32. Appareil reproducteur mâle d'une nymphe de la première forme (30). 

Fig. 33. Appareil reproducteur mâle d'un petit roi (30). 

Fig. 34. Appareil reprodueteur mâle d'une nymphe.de la deuxième forme (30). 

Fig. 35. Le même, pris dans un roi (30). ñ 

Fig. 36. Système nerveux de l'ouvrier (30). 

Fig. 37, Partie céphalique du système nerveux d'un soldat (30). 

Fig. 38. Pieces solides du gésier de l'ouvrier (60). 

Fig. 39. Partie céphalique du système nerveux d’une nymphe (30). 

Fig. 40. Système nerveux d'un petit roi (30). 


MÉMOIRE 


SUR 


LA MENSURATION DE L'ANGLE FACIAL, 


LES GONIOMÈTRES FACIAUX , 
ET UN NOUVEAU GONIOMÈTRE FACIAL, 


Par le D° Henri JACQUART,. 
Aide d'anthropologie au Muséum d'histoire naturelle. 


Pour obtenir l’angle facial d’après Camper , on tire une ligne, 
nommée faciale, depuis l’angle antérieur de la mâchoire supé- 
rieure, au, si les dents font saillie au delà de la mâchoire, depuis les 
dents mêmes jusqu'à la partie la plus saillante du front, qui est 
constituée ordinairement par l’espace compris entre les arcades 
sourcilières. On mène une seconde ligne, ou ligne horizontale, à 
travers l'ouverture du conduit auditif, jusqu’à la rencontre de la 
base des narines, entre les sommets des racines des incisives 
moyennes , et de ce point on la prolonge jusqu’à ce qu'elle coupe 
la ligne faciale. 

Mais afin d’avoir un point fixe pour -la terminaison antérieure 
de cette ligne horizontale , le docteur Morton la dirige toujours 
au-dessous de l’épine nasale inférieure, au-dessus et entre les 
racines des dents incisives. L’intersection de ces deux lignes est 
pour lui le sommet de l’angle facial : « Jusqu'à quel point, comme 
le fait observer l'auteur américain , l'angle facial est-il ua crité- 
rium du degré d'intelligence ? N'indique-t-il pas surtout les rap- 
ports qui existent entre les saillies de la face et de la tête, sans 
donner la moindre idée de la capacité crânienne, qui est souvenbla 
méme avec des diamètres différents ? » Ce sont à des questions à 
examiner. En effet, l’obliquité seule des dents suffit pour dimiouer 
l'angle facial, et la saillie exagérée de la bosse nasale l’agrandit, et 
peut le porter à 90 degrés centigrades, tandis que parfois le front, 
au-dessus de cette bosse, est promptement fuyant ; et que, si l’on 


284 H. JACQUART. —- MÉMOIRE 


faisait passer la ligne faciale au-äessus de eette éminence,. on ver- 
rait sur la même tête l'angle redescendre d’une dizaine de degrés. 

Je me propose d'établir plus tard la valeur et la signification de 
l'angle facial dans un travail plus étendu et plus approfondi. Pour 
le moment, je me bornerai à rechercher quels ont été les moyens 
employés jusqu'ici pour le trouver. 

Comment procédait Camper , lui dont le nom est attaché à ce 
mode d’examen ? Profitant de la supériorité de son habile crayon, 
il traçait les profils des têtes soumises à son observation, et pour 
cela il se servait de fils verticaux, horizontaux et obliques; en un 
mot, c’étaient des moyens graphiques analogues à ceux que 
mettent en usage les artistes, quand ils ont recours à de petits 
carrés, pour reproduire des objets plus grands ou plus petits que 
nature, ou de grandeur naturelle. 

Ainsi il lui fallait esquisser d’abord les profils ; puis il menait 
sur le dessin la ligne horizontale et la ligne faciale. Si le diagraphe 
ou le daguerréotype eût été inventé, il est probable qu'il en eût 
préféré emploi à son procédé; et je ne doute pas que les figures 
exécutées ainsi ne surpassent en exactitude celles qui sont dessi- 
nées par les mains les plus habiles, sans le secours de ces instru- 
ments. 

Tous ceux qui, après lui, se sont occupés de l'angle facial ne s'y 
sont pas pris autrement. Un quart de cerele gradué, porté sur 
l'angle formé par les deux lignes, leur en donnait la valeur. 

Le savant crayon de Camper a pu approcher de la vérité. Mais 
est-il besoin de faire sentir la lenteur et l'insuffisance d’une mé- 
thode qui exigeait un trait préalable, et qui, confiée à des dessina- 
leurs moins consommés ou moins attentifs, devait traduire des 
inexactitudes dans l’esquisse par des erreurs dans l’évaluation de 
l'angle facial ? Surtout si, comme il arrivele plus souvent, ces pro- 
fils sont réduits. Veul-on, pour ne pas se donner la peine de des- 
siner, prendre directement l’angle facial sur un crâne sans un 
instrument particulier : si on le mesure plusieurs fois de suite sur 
la même tête, el qu'agissant avec sincérité, on ne retiénne pas le 
premier chiffre trouvé pour le donner invariablement à chaque 
mensuration , on trouvera des résultats qui pourront différer de 


SUR LA MENSURATION DE L'ANGLE FACIAL. 285 
3, k et même 5 degrés. On restera convaincu que ce procédé 
approximatif , et en quelque sorte à vue d'œil, ne peut inspirer 
aucune sécurité pour l’apprécialion des différences individuelles. 

La seule manière précise de mesurer l’angle facial, c'est d'éva- 
luer l'angle plan que forment entre eux le plan frontal et le plan 
qui, passant par lemilieu des deux conduits auriculaires et l’un des 
points déjà indiqués ci-dessus, soit le bord alvéolaire du maxillaire 
supérieur, soil au-dessous de l’épine nasale inférieure, ou enfin 
même le tranchant des incisives, forme le plan horizontal. 

C’est sur ce principe que le docteur Morton a construit son go- 
niomètre, dont je joins ici la figure et la description prises dans son 
ouvrage, intitulé : Crania americana, p. 250, et que j'ai établi le 
mien, qui en est un perfectionnement, comme je le démontrerai * 
plus loin. 

En poursuivant mes recherches, j'ai trouvé, dans le Magasin 
encyclopédique, première année, t. HT, p. 454, à l'Histoire natu- 
relle des Orangs-Outangs par Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, 
dans une note à la page 459, un procédé adopté par ces illustres 
anatomistes pour trouver l'angle facial. 

Voici dans quels termes ils s'expriment : « Nous avons à peu 
près suivi la même voie que Camper dans ses recherches sur les 
physionomies des différentes races d'hommes. Nous avons seule- 
ment cherché à décrire d’une manière plus rigoureuse les lignes 
principales : l’une, nommée horizontale , est censée passer par le 
milieu de celle qui va d’un trou auditif à l'autre, et par le tran- 
chant des dents incisives ; l’autre, ou faciale, va de ce dernier 
point à la saillie, que los frontal fait entre les sourcils où sur la 
racine du nez. L'angle intercepté entre ces deux lignes est l'angle 
facial. » 

Je ne puis, faute d'espace, donner ici les figures géométriques 
qu'ils ont tracées. Je fâcherai cependant d'exposer leur procédé 
aussi clairement que possible, Hs joignent les milieux des orilices 
auriculaires par une ligne; ils construisent un triangle isocèle sur 
cette ligne comme base, et en prenant pour coté double de ce 
triangle la distance d’un conduit auriculaire au tranchant des in- 
cisives, Une perpendiculaire est abaissée du sommet sur la base ; 


286 H. JACQUART. — MÉMOIRE 


un autre triangle isocèle est construit avec cette même base, et a 
pour côté double la distance du conduit auriculaire au point le plus 
saillant du front; une perpendiculaire joint le milieu de cette base 
au sommet du triangle. I] s’agit dès lors de construire un triangle 
sur la perpendiculaire du premier triangle isocèle avec la distance 
des incisives à la partie la plus saillante du front, et la perpendi- 
culaire du second triangle ; l'angle compris entre les deux pre- 
mières lignes est l'angle facial adopté par Cuvier et Geoffroy 
Saint-Hilaire. Si ce n'est pas celui de Camper, il me sera facile de 
démontrer dans un instant, qu'ainsi que l'instrument du docteur 
Morton et le mien, il donne des résultats et plus sûrs et plus précis. 

Pour avoir celui de Camper , je propose une opération géomé- 
trique des plus simples, dont le procédé indiqué ci-dessus m'a 
suggéré l’idée, et qui consiste également à construire un triangle 
connaissant les trois côtés, savoir : 

4° La distance du milieu de orifice auriculaire au tranchant des 
incisives , pour me servir du même point que les savants auteurs 
cités plus haut. 

2° La distance de ce dernier point au point le plus saillant du 
front. 

3° La distance de ce point proéminent du front au milieu de 
Porifice externe du conduit auditif. 

L'angle compris entre les deux premières lignes, une fois le 
triangle construit, donne l'angle facial de Camper. Je ne croïs pas 
qu'aucun auteur ait indiqué avant moi celte manière de le trouver. 

Cet angle, obtenu même par ee procédé et supposé à l'abri de 
toute erreur dans l'exécution, est loin cependant d'être le moyen le 
plus précis et le plus sensible pour mesurer les rapports des saillies 
de la face avec celles du crâne. 

Je ferai remarquer en passant que Camper est beaucoup plus 
occupé de la ligne faciale que de l'angle facial , qu'il n'indique que 
d’une manière accessoire. A la vérité, il n’y a pas de ligne faciale 
sans l'angle du même nom qui en donne l'inclinaison ; mais enfin, 
dans la pensée de ce dessinateur consommé, la ligne faciale est 
tout ; c’est à elle que les races doivent les caractères de leurs phy- 
sionomies. Depuis Camper, on fait le contraire ; l’angle facial est 


SUR LA MENSURATION DE L'ANGEE PACIAL, 287 
placé en première ligne , la ligne faciale n’est mentionnée que 
comme l’un de ses côtés. 

Qu'est-ce done après tout que l’angle facial de Camper ? C’est un 
compas dont une branche est formée par la ligne faciale, et l’autre 
par la ligne horizontale, menée du milieu du conduit auriculaire à 
un des points du sus-maxillaire déjà indiqués. Or, c’est sur le tra- 
jet d'un plan médian vertical antéro-postérieur que se manifestent 
surtout les variations de la face par rapport au crâne. Ne voit-on 
pas alors que Camper a mal placé la branche inférieure de son 
compas, ou la ligne horizontale : que ce n’est pas obliquement, et 
sur les côtés de la face, qu'elle doit être appliquée, mais bien dans 
le plan vertical médian antéro-postérieur; c’est précisément ce 
qu'ont fait Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire. Mais je vais plus loin ; 
et je ne crains pas d'avancer que Camper n’a tiré différemment la 
ligne horizontale que parce qu'il traçait cette ligne sur un dessin ; 
là, en effet, elle tend à se confondre avec la perpendiculaire me- 
née du milieu de la ligne inter-auriculaire au maxillaire. Camper 
n'y voyait, je pense, que l'horizon qui correspond au plan de la 
base de nos goniomètres faciaux. 

Les deux grands anatomistes qui sont venus après lui ont été ame- 
nés à la découverte de l'angle facial, qu'ils ont adopté par l'examen de 
têtes sciées verticalement d'avant en arrière, etsur la ligne médiane. 

La ligne faciale pour eux reste la même que pour Camper , et 
correspond au plan frontal de nos goniomètres ; la ligne horizon- 
tale, rattachée aux données de Camper, est menée perpendiculai- 
rement du milieu de Ja ligne inter-auriculaire au point choisi du 
maxillaire ; voici leur premier triangle isocèle qui correspond au 
plan horizontal de nos instruments. 

Comme il leur fallait un triangle, et partant un troisième côté 
pour déterminer l'angle facial, ils ont pris la ligne menée du milieu 
de l'espace inter-auriculaire à la saillie du front. 

Comme on le voit, c’est sur le plan médian vertical antéro- 
postérieur qu'ils appliquent la branche inférieure de leur compas ; 
bien sûrs d'avoir des résultats mathématiques , en supposant que , 
dans l'exécution compliquée de leurs trois triangles dont les élé- 
ments viennent se combiner, il ne se glisse pas d'erreur. 


288 H. JACQUART. — MÉMOIRE 

Je n'ai pas à examiner ici jusqu’à quel point la facilité d’un pro- 
cédé au moyen duquel on n’obtenait qu'une mesure imparfaite a 
popularisé la méthode de Camper. Je doute que la mensuration 
précise et géométrique de Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire ait 
obtenu le même succès; cependant elle doit seule rester dans la 
science. 

Si je suis parvenu à démontrer que les goniomètres faciaux sont 
basés sur les principes adoptés par Cuvier et Geoffroy Saint- 
Hilaire, comme leur emploi est plus facile et cent fois plus prompt, 
ils devront être préférés. 

Revenons done à l'instrument de Morton d’abord, puis au mien, 
ettàchons d'apprécier leur valeur respective. 

Nous traduisons textuellement ici l'explication que l’auteur donne 
du sien (ouvrage cité). 


Instrument du docteur MorToN. 


Cet instrument, dont l’idée première appartient au docteur Morton, et à 
son ami le docteur Turpenny, a été soumis ensuite à de nombreuses modi- 
fications ; le voici tel qu’il a été définitivement établi, et tel que l’emploie 
l'auteur. 

Les lettres AAA représentent les bords de la base de l’instrument (qui 
est de cuivre). 

Le bord antérieur est divisé en B en deux parties qui glissent l’une sur 
l'autre, de manière à pouvoir augmenter ou diminuer la distance entre les 
branches latérales gauche et droite. 

Afin de fixer le goniomètre au crâne, on adapte à chacune des branches 


put Le 


SUR LA MENSURATION DE L'ANGLE FACIAL. 289 


latérales un coulant plat (1). Il est muni d’un pivot conique qui pénètre 
dans le conduit auriculaire; la branche DD est fixée à la base à l’aide 
d’une charnière, et peut être amenée à former un angle avec elle. 

G est une échelle de 100 degrés fixée en I par une charnière, et qui 
traverse la branche DD en H. 

E est une branche horizontale à angle droit avec la branche DD, sur 
laquelle elle glisse en F. 

La règle de bois R K a une ouverture en L pour laisser passer les os du nez. 
Or cette règle touche nécessairement les parties les plus saillantes du front 
etde la mächoiresupérieure, etreprésente, par conséquent, la ligne faciale. 

Pour mesurer l'angle facial, on place la surface supérieure de la branche 
antérieure de la base de l'instrument sur un plan horizontal et de niveau 
avec l’épine nasale inférieure; puis on ineline DD jusqu’à ce que la branche 
latérale F touche la règle ou plan facial RK, et l’angle facial sera de suite 
indiqué par l'échelle graduée. k 

Pour plus d’exactitude , la branche latérale de la base de l'instrument 
est graduée en pouces, et ses divisions (ce que nous n’avons pas figuré 
dans la planche), et les parties de la branche antérieure qui glissent l’une 
sur l’autre, sont fixées de chaque côté par des écrous en A. 

Lorsque l'instrument est convenablement ajusté, on obtient ainsi l’angle 
facial d’un crâne quelconque, avec exactitude et facilité, en deux ou trois 
minutes. 


Instrument du docteur JACQUART. 


Fee _ 
ou 4) 
Un QUE V 
"a T v L 


Cet instrument est formé essentiellement par deux plans : l’un, dit fron- 


{1} Ce coulant glisse, d'avant en arrière, sur la branche correspondante, 
mais peut être rendu fixe par une vis. 
s" série, Zoo, T, V, (Cahier n° 5.) 5 19 


290 H. JACQUART. — MÉMOIRE 


tal, s’appliquant sur la saillie du front, et sur le bord alvéolaire du maxil- 
laire supérieur, le tranchant des incisives ou l’apophyse nasale inférieure ; 
l’autre horizontal passant par le milieu des orifices des conduits auditifs 
externes, et par le point du maxillaire déjà choisi pour l’autre plan. 

Ces deux plans sont joints par des charnières, et l’angle qu’ils com- 
prennent entre eux donne l'angle facial. Indiquons maintenant les diffé- 
rentes pièces qui entrent dans la composition de cet instrument. 


FIGURE 2. 


Cette figure représente le goniomètre replié, c’est-à-dire le plan frontal 
et le plan horizontal formant un angle très aigu. 

AA, pièce dont la face supérieure fait partie du plan horizontal. 

Deux charnières KK’ unissent l’un des bords fortement taillé en biseau; 
de cette pièce aux deux pièces EE, E’E’, qui correspondent par leur face 
antérieure à la face postérieure de la pièce mobile D, laquelle est dans le 
plan frontal. D est échancré en M pour donner passage à la saillie du nez 
ou à la bosse nasale ; elle glisse à l’aide de deux coulisses et d’une vis à 
crémaillère T sur les montants EE, EE’ : sa course est bornée en haut par 
la traverse G, qui est destinée à donner plus de fixité aux deux montants , 
et en bas elle est arrêtée par la rencontre des deux petites pièces #m', qui 
recouvrent la moitié correspondante des deux charnières. 

Dans la pièce À A est une coulisse , dans laquelle glissent à frottement 
les deux règles I, l’ soudées en équerre, avec les règles F,F’. Des vis de 
pression v' v' servent au besoin à fixer les deux premières. 

Quatre vis de pression V permettent de dresser la portion du cadre 
FIF'T' sur le plan qui supporte l'instrument. 

B et B' sont deux coulants aplatis glissant à frottement sur les deux 
règles F F’. Deux vis v, » servent à les arrêter en place. G et C' sont deux 
pièces moulées dans les conduits auditifs externes, et qui sont destinées à 
entrer dans ces conduits dont elles ont la forme et la direction , tournées 
qu’elles sont d’arrière en avant, de dehors en dedans , et de bas en haut. 
Elles sont fixées sur les coulants B et B’, de telle manière que le plan supé- 
rieur de ces coulants, qui est le même que celui de AA , étant prolongé 
passe par les axes de ces pivots une fois introduits. 

I, demi-cercle divisé en dehors en 180 degrés, et en 200 degrés en 
dedans, offrant ainsi réunies, d’après le conseil de M. Serres, la nouvelle 
graduation et l’ancienne. Ce demi-cercle correspond, centre pour centre , 
avec l’axe des charnières qui unissent les deux plans horizontal et frontal. 

H, traverse aplatie correspondant, par sa face antérieure, à la face pos- 


SUR LA MENSURATION DE L'ANGLE FACIAL. 291 


térieure de D ou au plan frontal. C’est sur cette face que repose le côté 
postérieur d’une aiguille ou petite règle, qui est fixée par une de ses extré- 
milés aff centre du demi-cercle , et doublement coudée à l’autre, de ma- 
nière à marquer à la fois sur les deux faces du cadran, et à indiquer ainsi 
l'angle facial évalué en degrés centigrades, et suivant l’ancienne graduation. 

Si donc on veut appliquer Pinstrument sur un crâne, il faut commencer 
par relever le cadre EGE, tirer sur les deux règles F F' afin de les écar- 
ter, et de recevoir la tête dans leur écartement, la face tournée vers la pièce 
AA; faire pénétrer dans les conduits auditifs externes les pivots GC’, en 
rapprochant les deux règles parallèles autant qu’il est possible ; puis rame- 
ner la tête ainsi fixée, jusqu'à ce que le bord alvéolaire du maxillaire 
supérieur, par exemple, si l’on choisit ce point, vienne se mettre en contact 
et de niveau avec la pièce AA. 

Il faut s’assurer que les deux coulants se trouvent également éloignés 
du bord fortement taillé en biseau par la pièce A A, par l'examen des divi- 
sions des deux règles parallèles; autrement l'instrument pourrait ne pas 
être appliqué symétriquement, ce qui amènerait des erreurs. On relève 
ensuite, à l’aide de la vis à crémaillère T, la pièce D, jusqu'à ce qu’elle 
réponde à la partie la plus saillante du front; c’est ordinairement la bosse 
nasale : on rabat la pièce D sur cette éminence , et on regarde le nombre 
de degrés. Telle est la manière la plus ordinaire de procéder ; mais je pro- 
pose, outre l’angle facial ainsi obtenu, d’en prendre un autre, en portant 
le bord inférieur de la traverse M de la pièce D, à centimètres au-dessus 
de la suture fronto-nasale; car là seulement la face postérieure de D sera 
en rapport avec la saillie du frontal moulée sur le lobe antérieur du 
cerveau. Il résulte, en effet, de l'examen d’une vingtaine de crànes 
sur lesquels M. le professeur Serres, pour des recherches particulières, a 
fait sculpter les sinus frontaux, que la limite supérieure de ces chambres 
aériennes est située en moyenne à à centimètres au-dessus de la suture 
fronto-nasale. On obtient ainsi un angle un peu plus aigu, mais plus vrai, 
et dégagé d’une cause d’erreur. 


299 H. JACQUART, — MÉMOIRE 


Instrument du docteur JacquarT appliqué (tête caucasique). 


La figure 3 représente le même goniomètre appliqué sur une tête de la 
race caucasique : c'est une lête de soldat corse, le plan horizontal passant 
par le bord alvéolaire du maxillaire supérieur, et la traverse de la pièce D 
correspondant à la bosse nasale. Je ne donnerai pas la description détaillée 
de cette planche, l'instrument ayant été complétement décrit à la figure 2. 

L'invention du goniomètre du docteur Morton a fait faire un pas immense 
à la mensuration de l'angle facial. Je ne l'ai pas vu fonctionner ; je ne le 
connais que par la figure assez incomplète qu’il en donne dans son ouvrage; 
j'ai tâché, en la rectifiant un peu, de la rendre plus intelligible. Son instru- 
ment ne me paraît avoir été construit que pour des têtes osseuses. 

L’échancrure L de la pièce du plan frontal ne semble guère susceptible 
de s’appliquer sur le vivant. Ni la figure, ni le texte explicatif n’indiquent 
comment cette pièce est maintenue en rapport avec la base de l’instrument, 
et peut se mouvoir sur elle pour abaisser ou élever l’échancrure suivant 
les sujets. S'il n’y a pas de vis de pression pour équilibrer cette base, c’est 
plutôt une imperfection qu’une simplification. Son goniomètre adapte inva- 
riablement la partie supérieure de l’échancrure du plan facial sur la su- 
ture fronto-nasale. Il me paraît impossible d'opérer avec lui tel qu’il est 
sur une tête de fœtus de très jeune enfant ou d’un petit animal; pour un 
animal de forte taille , il serait en entier à reconstruire. Mais, ce qui est 
plus grave, je soupçonne un vice dans sa structure. 

En effet, une condition essentielle pour bien établir le plan horizontal , 
c’est que ce plan prolongé coupe par le milieu, au niveau des orifices 
externes des conduits auditifs, les pivots introduits dans ces conduits. Or 
l’auteur américain garde un silence complet sur ce point; n’aurait-il pas senti 
toute l'importance de cette condition ? La face supérieure de chaque coulant 


SUR LA MENSURATION DE L'ANGLE FACIAL. 293 
sur lequel est soudé chaque pivot n’est pas dans le plan de la base de son 
goniomètre; on a donc tout lieu de craindre que les pièces qui s’introdui- 
sent dans les conduits auditifs externes ne soient pas avec cette base dans 
les rapports voulus pour que l’instrument soit exact. Le mien me paraît 
plus précis et plus simple, Il peut non-seulement s'adapter sur des têtes 
d'adultes, mais aussi de très jeunes enfants, et même de fœtus ou de pelits 
animaux. Il suffit pour les trois derniers d’avoir des coulants de rechange 
avec des embouts plus longs; et comme chez eux le conduit auditif externe 
est très raccourci, ces embouts sont dirigés transversalement par rapport 
aux coulants. 

Pour s’en servir sur de grands animaux, il ne faut que donner à l’instru- 
ment de plus grandes dimensions. Il peut s’appliquer sur le vivant sans 
inconvénient , en se servant de pivots auriculaires beaucoup plus courts et 
plus gros, arrondis et transversalement dirigés, et revêtus de fourreaux de 
caoutchouc. 

La manière la plus commode de procéder dans ce cas, c’est de faire passer 
le plan horizontal immédiatement au-dessous du nez et par-dessus la lèvre 
supérieure. 

Enfin, ce qu’on ne saurait faire avec l'instrument de l’auteur précité, et 
ce qui cependant est très important, il permet de prendre l'angle facial au- 
dessus de la bosse nasale et de Ja saillie des sinus frontaux. Il est temps , 
en effet, de dégager la mensuration de cet angle de cette cause d’erreur, ou 
du moins, si on continue à l’effectuer comme par le passé, de noter aussi 
l'angle qu’on obtient en plaçant le bord inférieur‘de la traverse M de mon 
instrument sur la limite supérieure des sinus frontaux, comme je l'ai indi- 
qué précédemment. Il me paraît , en outre, possible, en laissant parcourir 
à la traverse mobile de mon goniomètre un trajet plus ou moins étendu, et 
notant à diverses hauteurs les différents angles faciaux obtenus, de tracer, 
en s’aidant d’autres données que je, ne possède pas encore, la courbure du 
front soumis à l'observation. 

Maintenant que l’habile ouvrier qui a exécuté mon goniomètre vient d'y 
mettre la dernière main , et Jui a donné toute la précision dont il est sus- 
ceplüble, je me propose de faire connaître les résultats que m’aura fournis 
son application sur les nombreux cränes et bustes de la galerie anthropo- 
logique du Muséum que M. Serres a la gloire d’avoir fondée. Déjà les obser- 
vations faites sur un certain nombre de médecins mes confrères , qui ont 
bien voulu se prêter à cet examen, m'ont donné, en prenant les deux limites 
extrêmes des angles faciaux trouvés sur eux, une différence de 20 degrés 
sentigrades : 20 degrés de différence dans une même race ! Quels seront 


110 # [PFLA ts 


294 H. JACQUART. — MÉMOIRE, ETC. 


donc les résultats auxquels la suite de nos recherches nous conduira ! En 
terminant, je ferai remarquer que le point du maxillaire , choisi en avant 
pour le passage du plan horizontal, est loin d’être indifférent. Vous obtien- 
drez un angle d’autant plus aigu que vous choisirez un point plus inférieur 
du maxillaire supérieur. Si, sur une même tête, vous portez comme le doc- 
teur Morton la base de l'instrument au-dessous de l’épine nasale inférieure, 
vous aurez le maximum de l'angle facial ; vous le verrez diminuer, au con- 
traire, si vous choisissez le bord alvéolaire. Si vous partez du tranchant des 
incisives, vous aurez son minimum. Enfin il descendra aussi de plusieurs 
degrés si, comme je l’ai proposé, vous faites passer votre plan facial au- 
dessus de la bosse nasale, quel que soit l’endroit de la mâchoire supérieure 
que vous ayez choisi pour point de départ. J’aurais voulu parler de l’angle 
palatin de Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier, dont il est traité à l’endroit cité 
précédemment, de l’angle métafacial exposé par M. Serres dans ses leçons, 
et dont j'ai moi-même présenté quelques applications à l'étude des races , 
il y a quelques années, dans la Gazette médicale; et aussi dire quelques 
mots d’une nouvelle mensuration de l’angle antérieur et de l’angle posté- 
rieur du sus-maxillaire. Mais je réserve ces questions pour les traiter ail- 
leurs avec des développements suffisants. En résumé, l’angle facial de Cam- 
per ne peut guère être pris que sur des dessins exécutés par des artistes 
très habiles et très consciencieux, et de préférence à l’aide du diagraphe 
où du daguerréotype. 

Cette méthode longue et difficile, et, par cela même, impraticable le plus 
souvent, ne fournit que des résultats approximatifs. Celle que j’ai proposée, 
et qui consiste dans la construction d’un triangle connaissant les trois côtés, 
est assez simple, mais elle ne donne que l’angle facial selon Camper. Or 
nous avons montré pourquoi nous devons le délaisser, et lui préférer le pro- 
cédé de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, comme plus sensible et plus 
précis. Mais ce dernier procédé demande trop de temps pour être journelle- 
ment employé. Restent donc les goniomètres faciaux, celui du docteur 
Morton et le mien. Puisse ce dernier, par la précision des résultats qu’il 
fournit, et la facilité de son application , paraître digne de fixer les suf- 
frages des anthropologistes ! 


DE 
L'HERMAPHODISME CHEZ CERTAINS VERTÉBRÉS, 


Par M. le Dr DUFOSSE, 


Professeur suppléant à l'École de médecine de Marseille, 


re 


La plupart des traités de physiologie générale ou comparée , 
publiés dans ces derniers temps, établissent en principe qu'aucun 
animal vertébré n’est, à l’état normal, hermaphrodile. 

Nous pourrions citer, à l'appui de cette assertion, un grand 
nombre de passages tirés d'ouvrages qui font autorité dans la 
science; mais nous nous bornerons à rapporter ici quelques mots 
insérés dans le Traité de physiologie de Burdach, et dans le Manuel 
de physiologie de M. Jean Müller. Le premier de ces célèbres natu- 
ralistes résume ainsi qu'il suit son opinion sur la seœualité indivi- 
duelle (4) : « Dans le règne animal , la sexualité individuelle n’est 
développée que d'une manière passagère et incomplète chez les 
êtres placés aux échelons inférieurs ; parmi les Entozoaires : chez 
les Nématoïdes et les Acanthocéphales ; parmi les Mollusques : chez 
les Gastéropodes pectinibranches etles Céphalopodes. Elle devient 
permanente dans la classe des Insectes, des Arachnides, des Crus- 
tacés, et dans toutes les classes des Vertébrés. » La manière de 
voir du même auteur sur le point en question n’est pas énoncée 
moins explicitement dans plusieurs autres endroits de son traité, 
entre autres dans celui-ci : « C’est seulement par anomalie, et 
comme rétrogradation versdes formes inférieures, que l’hermaphro- 
dismese rencontre encorechez des Vertébrés et chez l'Homme (2). » 

Quant au physiologiste de Berlin, après avoir exposé, dans plu- 
sieurs paragraphes , les connaissances nouvellement acquises au 
sujet de la séparation des organes mäles et femelles sur des indi- 


(1) Traité de physiologie, de Burdach, t. 1, p. 275, traduit par Jourdan. 
Paris, 4837. 
(2) Voyez même ouvrage, p. 272, t. I. 


296 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 

vidus différents ou de leur réunion sur le même individu, il réca- 
pilule (4) le contenu de ces paragraphes dans les termes suivants : 
« Les Insectes, les Arachnoïdes, les Crustacés et tous les Vertébrés 
ont toujours les sexes séparés. On n’a admis des hermaphrodites , 
ou des espèces uniquement femelles, que par suite d'illusions gros- 
sières produites par la ressemblance générale des organes sexuels, 
comme chez divers Poissons, ou par la rareté proportionnelle des 
mâles, comme chez les Pucerons. » Dans une autre partie du même 
chapitre, M. Müller explique encore plus nettement qu'il n’admet 
pas d'exception à la proposition générale qu'il vient de formuler : 
« La séparation des sexes, dit-il, a été réglée de telle manière, que 
les Vertébrés et les Articulés n’offrent aucune trace d’hermaphro- 
disme normal. » 

Ces citations, empruntées à des œuvres d’un haut mérite, à des 
livres qui se trouvent, pour ainsi dire , dans toutes les bibliothè- 
ques , dans celle de l'étudiant aussi bien que dans celle du savant, 
prouvent combien les notions qu'elles reproduisent sont accrédi- 
tées , et l’on nous accordera sans contestation, nous le croyons, 
qu'elles expriment exactement l’état actuel de nos connaissances 
sur ce point de physiologie. Nous avions besoin d'établir que telle 
est la généralité de la proposition par laquelle on affirme que tous 
les Vertébrés sans exception ont les sexes séparés , avant d’entre- 
prendre de démontrer que cette généralité n’est pas parfaitement 
exacte. 

Il existe, en effet, dans l’'embranchement des Vertébrés, un genre 
dont les individus les plus communs sont, à l’état normal, herma- 
phrodites. On est d’abord porté à supposer qu'il s’agit ici d’un 
genre créé tout exprès pour y reléguer un des types les plus dé- 
gradés de l’'embranchement ou de l'ordre auquel il appartient. IL 
n’en est pourtant point ainsi, et ce n’est pas le trait le moins 
piquant de la démonstration qui va suivre que de montrer l’herma- 
phrodisme normal se révélant , avec une éclatante évidence , dans 
une famille dont les individus ont l’organisation aussi complète que 
le comporte l’ordre dans lequel on la comprend. Ce n’est pas moins 


(1) Manuel de physiologie, de Jean Müller, traduit par Jourdan, sur la 4° édi- 
tion, page 5984, t, II. 


CHEZ LE SERRAN. 297 
que dans la famille des Percoïdes, que Cuvier a placée dans l’ordre 
des Acanthoptérygiens et dans la sous-elasse des Poissons osseux, 
que l’on trouve le genre auquel nous avons fait allusion : c’est le 
genre Serranus deCuvier, démembrement du genre Perca de Linné. 


$ IE. — Historique. 


Depuis l'époque où vivait Aristote jusqu’à nos jours , nous ne 
connaissons que sept naturalistes qui se soient occupés de l’orga- 
nisation des parties génitales et de la fécondation des Serrans. Le 
philosophe que nous venons de nommer pensait (1) que le yœvvn 
(nom par lequel les anciens désignaient le Serranus cabrilla, et 
peut-être le Serranus scriba) pouvait concevoir de lui-même, et que 
parmi les individus de l'espèce, il est douteux qu’il y ait des mâles 
et des femelles, parce que tous ceux que l’on pêche ont des œufs. 

Pline n'a fait que répéter ces deux assertions d'Aristote en attri- 
buant, par erreur, l'initialive de la première à Ovide (2). Rondelet, 
après avoir rapporté le sentiment du philosophe de Stagyre et celui 
de Pline à ce sujet, allègue que la Canna (Serran) est peut-être à 
la fois mâle et femelle ; mais le culte que cet illustre fondateur de 
l'ichthyologie moderne professait pour l'opinion des anciens, et sur- 
tout pour celle d’Aristote, ne lui a pas permis d'aller plus loin que 
ce doute; aussi s’empresse-t-il d'ajouter (3) : Ferum de hâc re 
nihil slatuo, sed liberum cuique indicium relinquo. 

Nous arrivons à l'écrit le plus important, le plus étendu sur cette 
matière, aux cinq ou six pages que Cavolini, dans son Mémoire sur 
la Génération des Poissons (k), a consacrées à l'exposition de ses 
recherches sur le Serran écriture et le Serran commun. Cet auteur 


(1) Aristotelis opera omnia, De animalibus historiæ , lib. VI, cap. 43, édition 
Firmin Didot, 1854. 
(2) Ovide, poëme des Halieutiques, vers 107: 
OR QE SN pe M de 4 MOD EXTES 
» Concipiens Channe gemino frondata parente. » 
(3) Guillaumi Rondeletti, etce., libri De piscibus marinis, ete, Lugduni, 1654, 
liber IV, p. 485. 
(4) Memoria sulla generazione dei pesci, di Filippo Cavolini, in-4. In Napoli, 
4787, p. 97. 


298 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


est le premier qui, aux incertaines indications anatomiques qu’a- 
vaient données ses devanciers sur les parties génitales de ces ani- 
maux, a substitué des notions qui , bien que superficielles , ont le 
mérite de signaler la découverte d’un organe en forme de bande, 
ayant l'apparence des laitances de poissons. Si l’on prend en consi- 
dération l’état de la science à l’époque où il a publié son Mémoire, 
el l’imperfection des instruments d'optique dont il pouvait disposer, 
on ne s’étonnera pas des nombreuses omissions et des erreurs qu'il 
a commises. Par exemple, il n’a vu que la partie la plus apparente 
de cette laitance , et n’a pas même soupçonné l’existence de l’autre 
moitié de cet organe, pas plus que celle de leurs conduits excré- 
teurs. Dans cette esquisse descriptive, le passage qui a rapport aux 
sacs ovariens est moins imparfait, mais ce qu'il dit de l’oviducte est 
tout à fait inexact, et nulle part il n’est question du reste des parties 
sexuelles. Les résultats de son examen, fait à l’aide des verres les 
plus grossissants qu'il employait, est, comme on doit bien s’y 
attendre, la portion de son travail qui laisse le plus à désirer. Quoi- 
qu’il connüt les observations de Leeuwenhoek sur la semence de 
plusieurs animaux, ainsi que les expériences de Buffon sur le 
sperme de la Carpe, et qu'il fût parvenu à entrevoir vaguement 
qu'un mouvement avait lieu dans la matière qu’il soupçonnait être 
de la laitance, non-seulement il n’a pas cherché à rapporter l’agi- 
tation qu'il a observée à la présence de zoospermes analogues à 
ceux que Leeuwenhoek avait reconnus chez l'Homme et chez d’au- 
tres Mammifères, mais encore il n’a pu se former une idée assez 
nette de ce mouvement pour le décrire avec quelque précision. Il 
suit de là qu'il est impossible de savoir s’il a voulu parler des oscil- 
lations moléculaires semblables à celles que Brown a fait connaître 
aux micrographes, ou bien s'il a eu l'intention de dépeindre de 
petits ébranlements dus à d’autres causes. D'après de pareils faits, 
il conclut, avec une assurance intuitive plutôt que logique, que 
l'organe en forme de bande est une véritable laitance , et que les 
Poissons sont hermaphrodites. 

L'analyse complète, quoique succincte, que nous venons de faire 
de son travail, suffit pour montrer que l’auteur a approché autant 
du but que pouvaient le lui permettre les moyens d'étude qu’il avait à 


cb 


CHEZ LE SERRAN. 299 


son service, mais qu’il est loin d’avoir appuyé ses assertions sur des 
preuves capables de convaincre les zoologistes nos contemporains. 

Parmi ceux-ci, il n’y a guère que Cuvier et M. Valenciennes qui 
aient apprécié à leur juste valeur les recherches du physiologiste 
italien. Cuvier les a citées, à plusieurs reprises, dans ses diverses 
publications, et a adopté, dans son Histoire naturelle des Poissons, 
la vérification que son savant collaborateur a faite des deux prin- 
cipales proposilions du Mémoire dont nous nous occupons. M. Va- 
lenciennes a tiré le meilleur parti possible des Serrans , morts déjà 
depuis plusieurs jours, qu'il a pu se procurer , et malgré les circon- 
stances si défavorables au but des investigations qu'il entreprenait, 
il a constaté très judicieusement que l'organe en forme de bande 
découvert par Cavolini est tel (A), « que si, dit-il, je l’avais observé 
seul et sans les ovaires qui adhéraïent un peu au-dessus , il m’au- 
rait paru une véritable laitance. » Plus loin il ajoute : « Son déve- 
loppement paraît donc suivre celui de l’ovaire, et être en rapport 
avee le temps du frai. » 

Un an après avoir publié cette vérification , Cuvier, dans la se- 
conde édition du Règne animal, cite encore le même ouvrage na- 
politain; mais, cette fois, il parait douter plus que jamais de la 
vérité des allégations qu'il relate : car, sans laisser entrevoir sa 
conviction à leur égard, il en renvoie toute la responsabilité à leur 
auteur. 

Enfin voici en quels termes Duvernoy exprime, dans la seconde 
édition des Lecons d'anatomie comparée , les conséquences qu'il 
déduit de ses observations sur un Serran écriture et sur un Serran 
commun (2) : 

« [n’y avait, dans l’un ni dans l’autre exemplaire, deux sortes 
d'organes qui aient pu me faire soupconner, le moins du monde, 
l'existence simultanée, dans le même individu, des organes de la 
génération mâles et femelles, et conséquemment l’hermaphrodi- 
tisme. » 


(4) Hist. nat. des Poissons, par MM. Cuvier et Valenciennes, édition in-8 , 
p. 220 

(2) Leçons d'anatomie comparée, par Georges Cuvier et J.-L. Duvernoy, 
t. VII, p.193, 2° édition, 1846, 


200 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


Observations; zoologie. —En présence des documents dont le ré- 
sumé précède, etdes cas d'hermaphrodisme tératologique que l'on 
croit moins rares qu'ils ne le sont effectivement chez les Mammifères 
en général et chez les Poissons en particulier, en vue aussi des dé- 
monstrations péremptoires que réclame l’état actuel des sciences , 
nous avons senti qu'il était nécessaire d'élargir la base des recher- 
ches, sur lesquelles nous voulions étayer les conclusions da travail 
quenous allions commencer. Pour atteindre ce but, nous avons fait, 
dans chaque saison, l'examen anatomique d’un grand nombre de 
Serrans. Dansune étude préliminaire, nous avions, en deux années, 
ouvert cent quatre-vingt-quinze Percoïdes des espèces Serranus 
Scriba et Cabrilla. Depuis lors, nous avons découvert que les indi- 
vidus de l'espèce Serranus hepatus (Cuv. et Val.)sont aussi herma- 
phrodites, et avons continué notre examen sur les Poissons de ces 
trois espèces désignés vulgairement sous le nom collectif de Perches 
de mer ; en sorte que nous pouvons maintenant tenir compte de trois 
cents soixante-huit autopsies, nombre de faits assurément suffisants 
pour établir incontestablement quel est, aux diverses époques de 
l’année , l'état normal des parties sexuelles de ces animaux. La 
première conséquence que nous inférerons de cette inspection 
anatomique est la suivante : tous les individus des espèces Serranus 
Scriba, S. Cabrilla et S. hepatus, sans aucune exception, ont les 
organes génitaux conformés de même, à la différence près du degré 
de développement relatif à l’âge et au temps du frai. 

Avant de passer outre, nous devons consigner ici les quelques 
remarques de zoologie proprement dite que nous avons faites sur 
les sujets de nos dissections. Nous n’avons pas négligé de préciser 
la place que chaque Poisson, sur lequel a porté notre scalpel, doit 
occuper, comme espèce, dans la série générique des Serrans, et 
nos déterminations ont confirmé une fois de plus les coupes spéci- 
fiques fondées par Cuvier et M. Valenciennes. 

Il résulte de nos observations que toute Perche de mer, dans 
laquelle on compte de dix à quinze œufs libres et à maturité , doit 
être regardée comme étant en plein frai. D’après ces données, nous 
avons reconnu que, dans les eaux de Marseille et dans celles de la 
Ciotat, le temps du frai des individus de l'espèce Serranus Sceriba 


CHEZ LE SERRAN, 301 
dure, en général, depuis les derniers jours du mois de juin jusqu’à 
la mi-septembre. On prend de ces Serrans en toutes saisons, et on 
les trouve au milieu des Algues recouvertes de 12 à 15 mètres 
d’eau. Ils résistent mieux que nos autres hermaphrodites à la pri- 
valion momentanée de leur habitat. Nous avons pu en faire vivre 
pendant six à sept heures dans des vases pleins d’eau de mer que 
nous renouvelions continuellement. Ceux de l'espèce Serranus 
hepatus sont plus précoces; leur ponte commence dans les pre- 
niers jours du mois d'avril, et finit dans la première quinzaine du 
mois d'août. Parmi les Poissons qui présentent exactement tous les 
caractères de l'espèce Serranus Cabrilla, les uns fraient d'avril en 
juin, el les autres de juillet en septembre (4). 


$ IT. — Anatomie (2). 
Chez les Perches de mer , l’orifice anal, celui de l’oviducte et 


(1) Les seuls naturalistes qui puissent, à notre avis, faire avancer la science 
en créant de nouvelles divisions dans les classifications zoologiques, sont ceux 
qui ont à leur disposition de vastes collections ; aussi leur laisserons-nous le soin 
de juger l'importance de la différence que nous signalons ici. Nous diroïs, de 
plus, que si cette différence servait à former deux groupes dans l'espèce Serra- 
nus Cabrilla, l’un d'eux comprendrait des individus de grande taille (nous en 
avons disséqué un ayant 32 centimètres de longueur), dont les couleurs sont 
très pâles, qui vivent sur des fonds de vase et de rochers, à la profondeur de 
vingt brasses au moins, chez lesquels, au temps du frai, on trouve presque con- 
stamment les produits des organes génitaux à maturité. L'autre groupe réunirait 
des Serrans qui ont le corps un peu moins plat, de dimensions beaucoup plus 
petites ; les couleurs vives, où le rouge vermillon et quelquefois le rouge brun 
foncé dominent, couleurs distribuées, du reste, en lignes et taches en tout sem- 
blables à celles des Serrans du premier groupe, qui fréquentent les fonds her- 
beux, entrecoupés de roches, sons dix brasses d’eau seulement, et chez lesquels, 
durant le laps de temps que nous avons noté comme étant celui de la ponte, on 
rencontre très rarement les parties sexuelles en état d'accomplir les fonctions 
génératrices. 

Les traits distinctifs de ce groupe le rapprochent des variétés I et IT de Risso, 
de la Perca marina de Rondelet, enfin de la variété d'âge et de saison de Cuvier 
et M. Valenciennes. 

(2) Cette description suppose le poisson placé comme il l'est en nageant; et 
ces détails anatomiques sont applicables à la structure du corps de tous nos 
Serrans , quand nous n'énonçons pas explicitement que tel ou tel arrangement 
organique n'est pas le même chez tous. 


302 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


celui de l’urètre , sont compris dans une dépression peu profonde 
de la peau de l'abdomen , dans un eloaque superficiel, dont l’ou- 
verture arrondie, assez pelite, paraît être, par suite de la saillie des 
écailles qui en bordent la moitié antérieure, plus étroite qu'elle ne 
l'est en effet. Il est à remarquer que ce cloaque n’est pas situé sur 
la ligne médiane du corps, mais bien un peu à gauche de cette 
ligne chez le Serran commun (L), tandis que ses deux congénères 
ont cette ouverture placée comme elle l’est chez la plupart des 
Poissons. L’anus en occupe toujours le quart antérieur. La mem- 
brane muqueuse de la moitié supérieure du rectum se prolonge au 
delà de l’orifice anal en un segment de cerele qui constitue une 
espèce de voile membraneux , dont le bord offre ordinairement 
quatre festons inégaux lisérés de rouge (2). Ce voile sépare la par- 
tie anale du eloaque de celle réservée aux deux autres ouvertures 
que nous allons dépeindre. La premiére, qui occupe toujours le 
milieu du eloaque, est infundibuliforme quand l’oviducte est ré- 
tracté. Cette petite cavité est remplacée , dans l’état d'extension 
de l’oviducte, par la portion externe de cet organe qui y forme une 
saillie conique, pereée à son sommet (à). 

La seconde ouverture se trouve aussi au bout d’une éminence 
conique, maistrès pelile, non rétractile, et dont la position n’estpas 
la même chez nos trois Percoïdes. Chez le Cabrilla, elle est placée 
un peu en arrière , à la droite de l'ouverture de l’oviduete. Cette 
petite élévation est soutenue de chaque côté par une bride mem- 
braneuse mince, dont le bord supérieur est adhérent, et dont le 
bord inférieur libre s'étend comme la moitié d’une corde jusqu’à 
la circonférence du eloaque (4). 

L'éminence urétrale du Seriba est dépourvue de brides , et se 
trouve exactement sur la ligne médiane, derrière l’orifice de Povi- 
ducte. Cette position est aussi celle de l’appendice conique de 
l'urètre du Serranus hepatus ; mais, chez celui-ci, cet appendice 
est muni d’un rudiment de bride , et son ouverture n’occupe pas 


(1) Voyez pl. 8, fig. 2. 

(2) Voyez fig. 1 ee, et fig.2 e. 
(3) Voyez fig. 2, 00, et fig. 2 00. 
(4) Voyez fig. 4 p, et fig. 2 p. 


CHEZ LE SERRAN. 303 
le sommet du cône; elle est située en dessous de ce sommet, à la 
face inférieure de l'organe. 

Lorsqu'on à ouvert l'abdomen , on reconnaît tout d’abord la 
portion interne des organes de la génération , situés comme ils le 
sont chez presque {ous les Poissons osseux, d'une part, entre le 
rectum qui longe leur surface inférieure, et ne leur est adhérent 
que tout à fait en arrière, près du cloaque, et, d’autre part, entre 
l'appareil urinaire qui s’attache à leur surface supérieure dans une 
plus grande étendue de leur ligne médiane : 4° par le bout posté- 
rieur de l’uretère ; 2° par la vessie urinaire, prolongée en une 
espèce de cæcum vésical ; 3 enfin par l’urètre, jusqu'auprès de 
son extrémité (1). 

La plus grande partie de la surface antérieure et latérale de ces 
organes génitaux est libre, contiguë en haut el en avant à la vessie 
aérienne, et en bas aux intestins et aux parois de l'abdomen ; ils 
ne font corps avec toute l'épaisseur de ces dernires qu'aux envi- 
rons du eloaque. 

Dégagées de ces adhérences, et quand l’oviducte est dans l’état 
d'extension, les parties sexuelles des Serrans ont, à l'extérieur, 
une forme très simple : celle de deux sacs se réunissant en un 
conduit unique qui se rétrécit brusquement, et est terminé par un 
petit cône. De prime abord, on prendrait ces organes pour les 
ovaires d'un Poisson osseux pourvu d’un oviducte extensible ; 
mais une comparaison {ant soit peu attentive de ces diverses pièces 
anatomiques suffit pour reconnaître que les organes de nos Per- 
coïdes diffèrent principalement de ces ovaires, en ce que les pre- 
miers offrent une bandelette annulaire , peu saillante à la vérité, 
si ce n’est au temps du frai, qui ceint de ses contours sinueux le 
conduit unique , à l'embouchure même des deux sacs ; tandis que 
les ovaires ne présentent aucune trace de saillie irrégulièrement 
circulaire, aucun vestige même d’un pli, d’une raie qui lui soit 
comparable. Cette première donnée sur la conformation extérieure 
de ces organes génitaux nous permet d’en distinguer les princi- 
pales parties et de les définir; les deux sacs ne sont autre chose 


(4) Voyez fig. 4. 


30! DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


que l'ovaire (1); la bandelette est la laitance (2) qui se trouve 
comprise dans les parois du conduit unique, auquel nous donne- 
rons le nom de canal commun (3); enfin le petit cône terminal est 


l’oviducte. 
Oviducte (4). 


L'oviducte a la forme d’un cône tronqué, creux , ouvert à ses 
deux extrémités. Une petite partie de sa base adhère par son côté 
externe au pourtour postérieur et terminal du canal commun ; le 
reste de son étendue est libre. Dans l’état de complète extension, 
toute la portion non adhérente de cet organe traverse le eloaque, 
et montre sa surface externe au dehors; pendant la rétraction , 
celte portion rentre tout entière dans le canal commun. Pour exa- 
miner l'intérieur de l’oviducte, il convient , en le maintenant en 
extension, de le fendre longitudinalement. On voit alors que sa 
surface interne est tapissée par une membrane muqueuse percée 
de petites ouvertures de dimensions très différentes ; elles condui- 
sent dans des cavités qui ont toute l'apparence de celles des eryptes 
mucipares. 

La structure des téguments de l’oviducte les rapproche plus de 
la peau que des membranes muqueuses, et doit les faire mettre au 
rang des membranes mixtes. 

Les parois de l’oviducte ne peuvent être confondues avec celles 
du canal commun ; elles s'en distinguent nettement, au premier 
aspect, par leur plus grande épaisseur, par leur couleur d’un blane 
opalin et par leur opacité. Abstraction faite des téguments , elles 
sont parfaitement homogènes ; nous n'avons pu, du moins, les sé- 
parer en couches superposées, et toutes les parcelles que nous en 
avons détachées, en sens divers, ne présentaient nullement une 
disposition lamellaire. On met facilement en évidence les éléments 
histologiques de cet organe, qui sont des fibres arrondies, ondu- 
leuses , courbées en anses nombreuses , anastomosées entre elles 
de mille façons, et ressemblant aux fibres élastiques des artères 

(1) Voyez fig. 4 ff. 

(2) Voyez fig. 4 £4. 

(3) Voyez fig. 1 z. 

(4) Voyez fig. 1 00! et fig. 2 00. 


CHEZ LE SERPAN, 305 


des Ruminants ; celles dont l’assemblage compose le sommet, le 
pourtour de l’orifice, sont beaucoup plus minces, plus serrées, 
plus courtes que les autres ; les plus épaisses et les plus longues 
sont à Ja base. Tout autour du tissu formé par ces dernières, nous 
avons vu des fibres rayées en travers , qui indiquent l'endroit où 
quelques faisceaux des muscles analogues aux rétracteurs du 
cloaque s’attachent à l’oviducte. 


Canal commun et appareil spermatique (1). 


Le canal commun est une cavité résullant du prolongement des 
membranes de l'ovaire proprement dit, entre lesquelles est placé 
l'appareil spermatique , dont la description méthodique ne peut 
être séparée de celle de ses enveloppes. 

Le canal commun est plus large en avant qu’en arrière (2) ; il est 
limité postérieurement par l’oviducte, et antérieurement par les 
bouts des lames ovigères. Ces bouts sont disposés suivant une 
ligne continue en tous ses points, et très irrégulièrement circulaire, 
qui décrit deux ares de cercle, dont les courbures , à convexité 
postérieure, se correspondent, et dont les extrémités sont réunies 
en avant, sous des angles plus ou moins aigus. Dans sa continuité, 
elle offre donc quatre courbures : deux arrondies en arc alternant 
avec deux angulaires. 

Les parois du canal commun sont composées, comme les enve- 
Joppes des sacs ovariens, de trois tuniques : l’externe est un pro- 
longement du péritoine , la moyenne une membrane musculeuse 
et l’interne une muqueuse. La texture de ces {uniques ne présente, 
du reste, aucune particularité notable. 

C’est entre ces membranes muqueuse et musculeuse qu'est situé 
l'appareil spermatique. I peut être d'autant plus facilement étudié 
par la surface interne du canal commun que les trois tuniques de 
ce dernier sont, nous venons de le voir, assez diaphanes. Cepen- 
dant pour connaître dans ses moindres détails la configuration de 
cet appareil, il convient d’injecter par le canal éjaculateur les voies 


(1) Voyez fig. 4 z,etttetæ;fig. 3 232, 10"; æ; fig. & et Mig. 5, 


(2) Voyez fig. 3 333'; fig. 4 3. 
4° série, Zoou, T. V. (Cahier n° 5.) # 20 


306 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 
qui, chez nos Percoïdes, remplacent Pépididyme et les vésicules 
spermafiques. 

Observée dans ces conditions, la laitance, qui, à l'extérieur, n’a 
que l'apparence d’une bandelette (0), se présente alors sous la 
forme d’un bourrelet annulaire, en haut relief, presque cylin- 
drique, variqueux, qui est silué au bord antérieur du canal com- 
mun, ét qui suit exactement les quatre courbures de la ligne que 
nous venons de décrire. Dans l’étendue de cette laitance annulaire 
si singulièrement contournée, nous pouvons done distinguer aussi 
quatre courbures : deux arrondies en ares, que nous désignerons 
désormais sous le nom d’ares testiculaires (2); et deux angulaires, 
que nous appellerons angles testiculaires (3). 

Il importe de remarquer ici que ces deux ares occupent, l’un la 
partie supérieure , l’autre la partie inférieure du canal commun, 
et que ces deux angles sont situés l’un au côté droit, l’antre au côté 
gauche de cette cavité. 

L’are testiculaire inférieur est deux fois plus épais que l’are su- 
périeur ; mais le rayon de ce dernier est environ d’un quinzième 
plus grand que celui du premier (4). La laitance est recouverte en 
dedans par la seule membrane muqueuse, et en dehors immédia- 
tement par les conduits de la semence (5), et médiatement par la 
tunique musculeuse et le péritoine. 

La mollesse et la fragilité de la tunique propre du testicule 
empêchent d'isoler complétement cet organe des membranes qui 
l’environnent. Cette enveloppe est de plus excessivement mince ; 
nous n'avons pu en apercevoir que quelques lambeaux à moitié 
adhérents à la muqueuse. 

La substance du testicule est composée d’un nombre considé- 
rable de cæcums , presque tous rameux , rapprochés longitudina- 
lement les uns des autres ou unis entre eux, dont la configuration 
et les dimensions varient suivant les saisons. Pendant les mois de 


(1) Voyez fig. 3 444”. 
(2) Voyez fig. 3 1. 

(3) Voyez fig. 3 1/1". 

(&) Voyez fig. 3 t. 

(5) Voyez fig. 4 cec, ee. 


CHEZ LE SERRAN. 307 
novembre et décembre, ces cæcums sont en partie oblitérés et 
tellement courts, que ceux qui sont simples ressemblent à des 
cryptes, et que chacun de ceux qui ont des rameaux a l'aspect 
d'un groupe de follicules. Dans les mois suivants , ils prennent 
successivement de l’accroissement. Aux approches du frai, et pen- 
dant toute sa durée, ils constituent des tubes (1), qui conservent à 
peu près le même diamètre dans leur portion non ramifiée, et 
leurs extrémités produisent à la surface de l'organe des inégalités 
assez semblables à celles que présentent les circonvolutions céré- 
brales. 

Leurs parois transparentes sont épaisses dans certains points et 
très minces dans d’autres; elles ont en général plus d'épaisseur 
aux environs de l'ouverture. La cavité des tubes est aussi généra- 
lement très étroite à l’orifice, et s’élargit à quelque distance de 
cette embouchure. L 

Les cæcums sont formés d’un tissu , dont la consistance est à 
peu près celle de la matière cérébrale des Poissons osseux ; il est si 
transparent qu’on ne peut en apercevoir les éléments organiques 
à un très fort grossissement (800 diamètres). Lorsqu'on le soumet 
à l’action de l’iode, de l'acide acétique ou de l'essence de térében- 
thine , ou seulement quand on le laisse macérer dans l’eau , il de- 
vient plus consistant, mais complétement opaque, et si, dans cet 
état, on l’examine pendant qu’on le comprime méthodiquement, il 
se divise en petits fragments , de facon à faire soupçonner, qu'il a 
pour base un réseau à mailles multiformes contenant une matière 
amorphe. 

En résumé, la structure de ce testicule serait peu différente de 
celle des laitances des autres Acanthoptérygiens, si les cæcums que 
nous venons d'étudier aboutissaient à un nombre restreint de con- 
duits excréteurs ; car, suivant les auteurs, il n’y a dans les laitances 
des poissons de cet ordre que deux à quatre conduits, sur lesquels 
s'insèérent tous les cæcums pour y déverser leurs produits. Chez 
nos Serrans, au contraire, la quantité de ces conduits est presque 
égale à celle des cæcums. 


M) Voyez fig. 5. 


308 DUFOSSÈ, — DE L'HERMAPHRODISME 


Le système de canaux excréteurs, dont ces conduits sont les der- 
nières ramifications, est, du reste, une disposition anatomique in- 
connue jusqu’à présent, et sans analogue rigoureusement constaté 
dans l’organisation de la sous-elasse des Poissons osseux. Aussi , 
pour mieux en faire saisir l’ensemble, déerirons-nous d’abord ces 
canaux comme un système de conduits excréteurs à part, et les 
relierons-nous ensuite à l'organe dont ils dépendent. 


Voies séminales (1). 


La configuration singulière, quoique simple, la position ano- 
male, et surtout les minimes dimensions des voies séminales, ont 
contribué à les dérober jusqu’à ce jour à la connaissance des ana- 
tomistes. 

Elles sont situées, comme le testicule, entre la membrane mu- 
queuse et la tunique musculeuse du canal commun dont elles 
occupent une grande partie de la paroi supérieure, et se prolongent 
en arrière, d’abord sur l’oviduete, puis sur le canal de l’urètre, 
jusqu’auprès de son orifice. Elles consistent en un conduit excré- 
teur, un vrai conduit éjaculateur, auquel personne ne refusera ce 
nom , et en un grand nombre de petites cavités communiquant les 
unes avec les autres, sur l'appellation desquelles les physiologistes 
pourraient n'être pas d'accord. Quant à présent, sans rien préjuger 
à l'égard de leur analogie, nous lesnommerons vacuoles réticulées. 

Le conduit éjaculateur a si peu de longueur, un si petit diamètre 
et des parois si minces, qu’on ne peul l’apercevoir qu'à l’aide 
d’une forte loupe (2). Il a la forme d’un cône, dont la base est en 
avant ; il s'ouvre dans le canal de l’urètre, ordinairement au niveau 
du fond du cloaque et à la base de l’éminence urétrale ; il ne reste 
en connexion avec l’urètre que dans une très petite portion de son 
trajet. Un peu plus en avant, il adhère à l’oviducte, et se termine 
en s’évasant de plus en plus en entonnoir, un peu au delà de l’en- 
droit où cet organe forme, par la duplicature habituelle de son 
extrémité antérieure, un renflement circulaire très marqué, qui 


(4) Voyez fig. 3 vux; fig. 1 x, et fig. 4. 
(2) Voyez figure 1 #, et fig. 3 æ. 


CHEZ LE SERRAN. 309 
nous à paru jouer un certain rôle dans l’éjaculation. Nous revien- 
drons bientôt sur les conséquences de ce rapport anatomique. 

La surface interne de ce canal est revêtue d’une membrane 
muqueuse dont la partie antérieure est criblée de trous, qui sont 
les orifices de quelques vacuoles; cette enveloppe tégumentaire 
offre encore beaucoup de plis longitudinaux , dans la plupart des- 
quels se prolongent d’autres vacuoles qui finissent par s'ouvrir 
comme les précédentes, mais plus en arrière, dans la même cavité 
excrétoire. 

C’est à la circonférence de la base de l’évasement infundi- 
buliforme de ce conduit, et aux ouvertures dont il vient d’être 
question , que commencent les vacuoles réticulées. À partir de ces 
différents points, leur réseau (1), marchant d’arrière en avant, 
s'étale en éventail, atteint bientôt le bord postérieur de l'arc testi- 
eulaire supérieur, qu'il contourne sur les parties latérales, pour 
envahir, en avançant toujours, les deux espaces triangulaires 
compris entre les côtés des angles testiculaires. Il gagne enfin la 
surface externe de la laitance, et lui fournit dans tout son pourtour 
un revêtement à claire-voie (2). 

Les vacuoles réticulées (3) ont une forme et une disposition gé- 
nérale si irrégulières, qu’au premier abord on les prendrait pour 
des mailles du tissu connectif ordinaire ; mais en les examinant 
avec plus de soin, on reconnait qu'elles diffèrent de ces dernières 
sous plusieurs rapports. Leurs cavités sont en général beaucoup 
plus étendues d’avant en arrière que dans toule autre direction, et 
leurs ouvertures antérieure et postérieure sont aussi beaucoup plus 
larges que les multiples orifices qu’elles présentent latéralement. 
Cet arrangement est tellement prononcé dans les grandes va- 
cuoles (4) situées au centre du réseau , aux environs de la ligne 
médiane du canal commun, qu'elles constituent de vrais canaux 
prolongés d’arrière en avant, rapprochés dans le sens de leur lon- 
gueur, et qui ont, au lieu de parois latérales continues, une grande 


(1) Voyez lig. 3 vo. 

(2) Voyez fig. kccc,ve. 
(3) Voyez fig. 4. 

(#) Voyez fig. # hhh. 


310 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


quantité de simples piliers de diverses dimensions, laissant entre 
eux des ouvertures de communication (1). Sur les côtés de ces 
grandes vacuoles, il y en a d’autres (2) dont la direction principale 
tend à devenir transversale, et qui se terminent chacune par une 
utricule allongée. Le bout fermé de celle-ci vient saillir comme un 
feston sur l’un des bords latéraux de ce réseau. Les grandes va- 
cuoles centrales se continuent en avant dans d’autres vacuoles pla- 
cées les unes au-devant des autres, et d'autant plus petites qu'elles 
sont plus près du testicule. À mesure qu’elles diminuent de gran- 
deur, elles deviennent de plus en plus comparables à des tubes 
réunis à angles ouverts (3). Les pénultièmes finissent par être 
semblables à des vaisseaux d’un très petit diamètre (4). 

Enfin les dernières ramifications sont capillaires, et chacune 
d'elles s’abouche avec l’orifice d’un seul cæcum, ou avec les ouver- 
tures d’un très petit nombre de ces tubes (5). 

Les parois de ces vacuoles sont minces, et tellement adhérentes 
aux membranes qui les entourent, qu’on ne parvient à en arracher 
quelques parcelles qu'après les avoir fait macérer dans de l’eau 
pendant quarante-huit heures. On reconnait alors que leur tissu 
diffère très peu de celui de la tunique musculeuse de l'ovaire, et 
qu'il peut être considéré comme un appendice de cette enveloppe 
des organes génitaux. Il est composé de fibres de cellules du tissu 
cellulaire mêlées à un grand nombre de fibres musculaires lisses. 
Ces éléments organiques sont surtout bien visibles dans les piliers 
des grandes vacuoles, où la quantité des fibres musculaires lisses 
est plus considérable que dans les autres parties du réseau. Nous 
avons aperçu très distinctement dans ces grandes cavités , et prin- 
cipalement sur les piliers, la membrane qui leur sert de tégument ; 
elle nous à paru dépourvue de structure, et analogue à celle qui 
lapisse les vaisseaux capillaires ou l’intérieur des tubes sécréteurs 
de certaines glandes. 


(1) Voyez fig. 4 ppp. 

(2) Voyez fig. 4 ii. 

(3) Voyez fig. # gg. 

(4) Voyez fig. # ddd, ff. 

(5) Voyez fig. 4 cecee, et fig. 5 rrr 


CHEZ LE SERRAN. 311 


Toutes les cavités de l’appareil spermatique contiennent con- 
stamment un liquide qui varie dans sa quantité et dans sa compo- 
sition , non-seulement suivant les périodes annuelles d’atrophie et 
de développement de ces organes , mais encore suivant le lieu de 
cet appareil où on le recueille. 

A la fin de l'automne et au commencement de l'hiver, on n’en 
rencontre qu'une petite quantité d’une teinte pâle, et qui est répan- 
due assez uniformément dans les courts cæcums testiculaires. 
L'inspection microscopique y fait distinguer un petit nombre de 
granules, et des globulins extrêmement ténus. 

A une époque moins éloignée de la saison de la ponte, ce liquide 
a moins de fluidité, sa couleur est blanchâtre, et les granules y 
sont beaucoup plus nombreux. Ce n’est que dans les cæcums qu’on 
voit des groupes de particules qui sont très rapprochés entre eux 
vers le bout des ramifications , et inégalement répartis dans le 
rèste de l'étendue de ces tubes Ces particules contiennent des glo- 
bules bien limités, d’une forme régulière, un peu moins gros que 
le corps des spermatozoïdes , et dont les propriétés optiques sont 
exactement les mêmes que celles de la partie globuleuse de ces 
pseudozoaires. Quelque temps avant le commencement du frai , 
quand on écrase avec précaution le bout fermé d’un de ces cæcumis, 
il en sort des granulalions , des globulins , et, ee qu'il importe de 
noter, un petit nombre de spermatozoïdes dont la plupart sont unis 
entre eux, comme agglutinés par un ou plusieurs points de leur 
petite masse individuelle. Si l’on répète plusieurs fois la même 
expérience , en choisissant pour procéder à chacune d'elles un 
jour de plus en plus rapproché de celui où les premiers œufs se 
détachent des lames ovariennes, on pourra facilement s'assurer que 
le nombre total des spermatozoïdes augmente promplement, et que 
là quantité relative de ceux qui sont joints ensemble diminuant très 
vite, landis que le nombre relatif de ceux qui sont exempts de toute 
adhérence s'accroissant rapidement , il arrive bientôt un moment 
où l'on n’en rencontre plus que quelques-uns agglutinés. 

Enfin, durant tout le cours de la ponte, le liquide assez abon- 
dant pour distendre tous les conduits excréteurs, aussi bien que les 
cæcums, et principalement les extrémités des rameaux de ces der- 


912 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 
niers, revêt tous les caractères du sperme dont nous allons d’abord 
observer une gouttelette à sa sortie de ces rameaux. 

Quand on prend, dans le testicule d’un Serran qu'on vient d’ou- 
vrir pendant qu'il était encore vivant, ou peu d’instants après sa 
mort, quelques-uns de ces rameaux , et qu’on les place sous le mi- 
croscope, en les mettant entre deux verres, le poids de celui qui 
les recouvre en fait sortir le contenu. 

On voit alors se répandre sur le porte-objet une très petite quan- 
lité de liquide tenant en suspension des myriades de granules et de 
elobulins au milieu desquels s’agite une multitude de sperma- 
tozoïdes, qui sont, de tous ces pelits corps, les seuls à la description 
desquels nous nous arrêterons. 

Les spermatozoïdes sont au nombre de ceux qui ont une partie 
elobuleuse munie d’un appendice filiforme, ou, comme on dit, qui 
ont un corps et une queue (1). Ils ont des dimensions extrêmement 
petites. Le corps a 42 dix-millièmes de millimètre de diamètre chez 
ceux du Serranus Hepatus, 0,0016 de millimètre chez ceux du 
Serranus Cabrilla, et 0,0095 de millimètre chez ceux du Serranus 
Seriba. Ce qui frappe le plus à la première vue de ces filaments sper- 
matiques, c’est la disproportion qui existe entre le volume de leur 
corps et la minceur excessive de leur appendice caudal. L'épaisseur 
de la base de la queue est contenue au moins huit fois dans l'étendue 
du diamètre de la partie globuleuse. Cette base ainsi que la portion 
posterieure du corps sont, chez presque tous ces pseudozoaires sper- 
matiques, entourées d'une espèce de coiffe plus large à son milieu 
qu’à ses deux extrémités, dont l’antérieure a un peu plus d’ampleur 
que la circonférence de la partie du corps qu’elle entoure à distance, 
et dont l'extrémité postérieure est assez étroite pour serrer le pour- 
tour de la queue auquel elle adhère (2). La souplesse, la transpa- 
rence et l'instabilité de la forme de cette espèce de coiffe nous 
portent à penser qu'elle n’est qu'une pellicule analogue à cette 
parcelle de matière hyaloïde qui environne le commencement de 
la queue de beaucoup de spermatozoïdes de l’homme , et dans la- 
quelle M. Pouchet croit avoir reconnu un lambeau de l’épithé- 


(1) Voyez 5 abd. 
(2) Voyez fig, 6 c. 


CHEZ LE SERRAN. 313 
lium détaché du corps de l’animalcule et rejeté en arrière. Quoi 
qu'il en soit, le corps des spermatozoïdes des Serrans est rond ; il 
est brillant, ses bords sont clairs. Chez quelques-uns, nous avons 
vu un noyau central assez obscur, qui conservait cette teinte quand 
on approchait ou qu'on éloignait de lui la lentille objective du 
microscope. 

A partir de son point d'insertion, la queue diminue rapidement 
d'épaisseur, et devient un filament tellement fin qu'il est très probable 
qu'on n’en distingue pas souvent toute la longueur. La portion la 
plus étendue que nous ayons mesurée approximativement con- 
tenait quinze ou seize fois le diamètre du corps. 

Sans entrer dans les détails des expériences que nous avons 
faites sur la durée de la propriété motrice, et sur les déformations 
que subissent ces filaments spermatiques , nous voulons au moins 
indiquer, en passant , les principales différences qui existent entre 
le résultat de nos observations , et ce qui a été publié sur les sper- 
matozoïdes de la Carpe dans les Annales des sciences naturelles. 

Les spermatozoïdes de nos Serrans ne restent pas immobiles 
dans le liquide que renferment les cæcums ; seulement ils ne s’y 
meuvent pas avec prestesse. Ils n’augmentent pas sensiblement de 
volume quand on ajoute à ce liquide une grande quantité d’eau 
de mer ; mais dans ce mélange ils semblent acquérir la plénitude 
de leur force motrice, et se déplacent avec une célérité comparable 
à celle de certaines Monades qui traversent le champ du microscope 
si rapidement qu'on peut à peine les suivre des yeux. 

La durée du pouvoir moteur des pseudozoaires spermatiques de 
nos Serrans est bien plus longue que celle dont seraient doués les 
spermatozoaires des Cyprins, et les déformations de la queue de ces 
premiers s'opèrent plus lentement qu'elles n'auraient lieu chez les 
filaments spermatiques de ces Malacoptérygiens. Nous avons eu 
souvent sous les yeux les mêmes pseudozoaires durant une heure, 
el nous les avons vus se mouvoir pendant tout ce temps sans rien 
perdre des dimensions qu'ils avaient d’abord. En général, chez 
ceux qui sont demeurés immobiles, durant à peu près une demi- 
heure, on observe que la queue se courbe en demi-cerele (4) à son 

(1) Voyez lig. 6 b, 


314 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


extrémité, et tortueusement dans le reste de son étendue; qu’elle 
devient rigide, se déforme, et n’offre plus, au bout de vingt minutes 
environ, qu'un moignon (4). Enfin nous en avons remarqué d’au- 
tres qui, dès leur sortie du cæcum, ne présentaient pour tout fila- 
ment caudal qu'un moignon de queue, et qui, du reste, étaient et 
sont reslés privés de mouvement. 

Que la laitance ait été laissée dans le corps du poisson, ou qu’elle 
en ait été retirée et abandonnée à la température de l'air atmosphé- 
rique, au mois d'août par exemple (20 ou 23 degrés Réaumur ), 
elle contient, plus de deux heures après la mort du Serran , des 
pseudozoaires spermatiques dont la plupart sont pourvus de qualité 
motrice, et dont les autres, qui n’ont pas cette puissance, ne 
différent, du reste, en rien des premiers. 

Toutes choses étant égales d’ailleurs, quand l’animal a cessé de 
vivre depuis cinq ou six heures, on ne peut plus extraire des cæcums, 
ou des autres parties des organes génitaux , des spermatozoïdes 
conformés doués d’un pouvoir moteur et comme ceux qué nous 
venons de dépeindre ; on n’en obtient, avec les granules dont plus 
haut il a été question, que des corpuscules arrondis, identiques par 
leur volume et leurs propriétés optiques avec les corps de ces 
filaments spermatiques , mais qui demeurent sans mouvement, et 
n'ont, au lieu de queue, qu’un très petit globule à peine aperce- 
vable, ou manquent dé tout appendice. 

A ces caractères physiques ce sperme en réunit deux autres : sa 
couleur laiteuse est d’un blane bien pur, et sa consistance con- 
traste avec son peu de viscosité. 

Le liquide séminal, pris dans les ramifications capillaires des 
vacuoles , est fort semblable à celui qu’on trouve dans les cæcums. 

Enfin le sperme qu’on exprime des grandes vacuoles centrales 
est notablement plus fluide, et sa couleur blanche vire au verdâtre ; 
il offre, en outre, cette circonstance : que parmi les spermato- 
zoïdes qu'il contient, on n’en voit plus qu'un petit nombre ayant 
une sorte de coiffe à l’origine de la queue. Ces trois dernières par- 
ticularités sont identiquement celles que présente la semence qui 
sort naturellement ou par pression du conduit éjaculateur, et, par 


(1) Voyez fig. 6 bet d. 


CHEZ LE SERRAN. 315 


conséquent, ce sont elles qui doivent servir à caractériser le 
sperme complétement élaboré. 


Ovaire et œufs (1). 


L'ovaire forme à lui seul les quatre cinquièmes antérieurs de Ja 
masse des organes génitaux. Il est borné en arrière par le bord 
antérieur de la laitance. Ia la configuration de deux doigts de gant. 

Cet ovaire se bifurque très près de sa base où s’unissent, sur la 
ligne médiane, quelques-uns des plis membraneux, ou, comme on 
les nomme, des lames ovigères qui garnissent toute la surface 
interne de ses parois. Le nombre et la texture de ses enveloppes, 
ainsi que la structure des lames ovigères, étant presque semblables 
à celles qui ont été décrites par plusieurs auteurs, chez la plu- 
part des autres Acanthoptérygiens , nous ne nous en occuperons 
point ici. 

Il n’en sera pas de même de l’arrangement des lames ovigères 
qui pourrait servir à distinguer l'ovaire de nos hermaphrodites de 
tous les organes analogues. Dans chaque sac ovarien, ces lames , 
en nombre variable , sont alignées sur douze à quinze rangées 
interrompues dans deux endroits de leur trajet : en arrière et en 
bas, par les côtés de la saillie angulaire du testicule ; puis, plus en 
avant et en haut, par un espace vide et très étroit, de la surface 
des parois ovariennes. Ainsi encaissé entre les extrémités assez éle- 
vées de ces rangées, cet espace a l'aspect d’une cannelure linéaire 
qui s'étend longitudinalement depuis le sommet de l'angle testieu- 
laire jusqu'au bout du sac dont, en montant, elle contourne le 
fond ; et, parvenue au côté supérieur et interne de celui-ci, elle le 
suit dans toute sa longueur en revenant en arrière jusqu’à son em- 
bouchure ; à quelque distance de ce point, elle s’unit avec la canne- 
lure symétriquement identique de l’autre cavité sacciforme (2). Ces 
rangées sont disposées comme les nervures d’une feuille pinnée 
sur le pétiole commun, représenté ici par la saillie angulaire du tes- 
ücule, et par la portion de la cannelure comprise entre le sommet 


(1) Voyez fig. 4 ff, et fig. 3aa, el fig. 4 ef. 
(2) Voyez fig. 3 bb 


916 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


de cet angle et le fond du sac. Outre les rangées contenues dans 
chaque sac ovarien, on en compte encore cinq à sept autres courtes 
et irrégulières, occupant l'aire circulaire de chaque arc testiculaire, 
aux rayons duquel elles peuvent être comparées, et dont l’une 
d'elles est placée dans la ligne médiane du corps de l'animal. 
L'ovaire se compose donc en tout de trente-quatre à quarante- 
quatre rangées de lames ovigères. 

Nous avons observé la formation des œufs depuis le moment où 
ils commencent à être visiblement distincts du stroma, jusqu’à 
l'époque où, arrivés à maturité, ils se détachent des lames ovigères, 
et nous avons reconnu que les phénomènes génésiques qu'ils pré- 
sentent diffèrent peu de ceux que M. Lereboullet a étudiés avec tant 
de soin etde talent dans les œufs de la Perca fluviatilis (A). Si nous 
voulions énoncer les différences que nous avons remarquées dans 
celte circonstance, il nous faudrait entrer dans de longs détails qui 
nous éloigneraient trop du but auquel nous tendons. Aussi nous 
n'en parlerons pas. 

Au moment où les œufs viennent d’être pondus , ils sont ordi- 
nairement rapprochés en petits amas, et unis entre eux par une 
mucosité blanchâtre si peu cohérente, que la moindre agitation de 
l’eau suffit pour les séparer les uns des autres , et qu’ainsi isolés ils 
ne conservent qu'un enduit très mince de cette matière muqueuse. 
Vas à l’œil nu, leur couleur blanche n’a rien de remarquable ; 
mais, quand on les regarde à la loupe, cette couleur brille d’un 
éclat métallique semblable à celui d’un réflecteur d'argent le plus 
poli. Gardant encore l'empreinte des pressions auxquelles ils ont 
été soumis dans l’ovaire, ils ont une forme, en général, très irré- 
gulièrement ovale (2). Leur grand diamètre varie de 1,14 milli- 
mètres à 0,86 millimètres , et leur petit de 0,80 à 0,72 millimètres. 
Les dimensions des œufs provenant d’une même Perche de mer 
sont trop variables pour servir de caractère propre à distinguer, 
soit l'individu qui les a pondus, soit l'espèce à laquelle cet individu 
appartient. Pourtant on peut admettre d’une manière générale que 
les œufs des Serrans de l'espèce Cabrilla sont les plus gros de tous, 


(1) Voyez Annales des sciences naturelles, etc., 3° série, t. I. 
(2) Voyez fig. 6e, 


CHEZ LE SERRAN. 317 
que ceux des individus de l'espèce Scriba sont les plus petits, et que 
ceux des Serrans de l’espèce Hepatus sont d’une grosseur inter- 
médiaire. 

Les plis des enveloppes membraneuses de ces œufs aident à 
reconnaitre qu’elles sont au nombre de deux. L’extérieure , celle 
qui tient lieu de coque, est assez épaisse; l’interne est beaucoup 
plus mince, et n’adhère pas à la première. Celle-là est remplie par 
le vitellus qui, d’une transparence parfaite dans quelques œufs, 
contient, dans la plupart, de très fins granules répandus par places, 
où ils produisent l'effet de taches brunâtres (1). On trouve constam- 
ment dans tous les œufs d’un à trois globules graisseux ou huileux, 
assez gros, que leur pesanteur spécifique maintient toujours vers 
les parties les plus élevées de la membrane interne. Parmi les œufs 
qui sont restés durant douze heures dans de l’eau de mer, quelques- 
uns demeurent tels qu'ils étaient avant leur immersion ; les autres 
se gonflent (2), deviennent sphériques en absorbant une certaine 
quantité d’eau, qui vient se loger entre les deux membranes, et les 
distend assez pour que leurs plis s’effacent, Néanmoins nous avons 
vu des œufs dont la coque conservait, après avoir été ainsi disten- 
due, des rides qui figuraient un réseau assez régulier et même assez 
élégant. 

Nous sommes parvenu au terme de la partie anatomique de notre 
travail. 

En la considérant dans son ensemble, on se convaincra qu'elle 
contient toutes les données nécessaires à démontrer : d’une part, 
qu'il y a, chez chaque Perche de mer, deux appareils reproducteurs, 
l’un mâle et l’autre femelle, réunissant toutes les conditions zooto- 
miques de ceux qui, séparés sur des individus différents, exercent 
chez les autres Poissons osseux les fonctions de la génération ; 
d'autre part, qu'on peut suivre dans ces appareils toutes les phases 
du développement des ovules et quelques-unes de celles de l’évo- 
lution des spermatozoïdes, et que, dans toutes ces circonstances, 
ces produits présentent aussi les caractères des ovules et des fila- 


(1) Voyez fig. 6 f. 
(2) Voyez fig. 6 f. 


318 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


ments spermaliques qui se forment dans les organes analogues ou 
semblables des autres Acanthoptérygiens. 

Les conséquences qui se déduisent d’une {elle réunion de faits 
et d'analogiesse corroborent mutuellement, et prouvent avec toute 
la certitude qu’on peut fonder sur l'anatomie, que les individus des 
trois espèces Serranus Scriba , Cabrilla-et Hepatus, sont à l’état 
normal hermaphrodites. 


$ IV. — Physiologie. 


Nous commencerons l'exposition des phénomènes physiolo- 
giques qui sont propres à nos hermaphrodites, où du moins qui 
présentent chez eux des particularités remarquables, par l'examen 
du mécanisme à l’aide duquel l’oviducte sort de l’abdomen, et 
vient ensuite y reprendre sa place. 

Il n’est pas commun de rencontrer dans la dynamique animale 
des mouvements, à l’accomplissement desquels l’élasticité du tissu 
d'un organe prenne autant de part qu’elle en a en effet dans ceux 
d'extension et de contraction de cet oviducte. Pour se rendre aisé- 
ment et complétement compte de leur mécanisme , il faut avoir 
remarqué : 

4e Que , dans sa position habituelle , cet organe est retiré en 
dedans du canal commun, au milieu duquel la plus grande partie 
de sa portion libre fait saillie, tandis que la base de cette portion, 
repliée sur elle-même, forme une duplicature cireulaire (L) ; 

2 Que, pour le mettre en extension, il suffit de comprimer 
l'abdomen du poisson ; 

3 Qu'en poussant très lentement l’oviducte soit de dedans en 
dehors, soit en sens contraire, sur une préparation anatomique 
convenablement faite, on voit que ses parois se renversent sur 
elles-mêmes, comme celles d’un doigt de gant qu'on retourne, et 
qu'il ne peut s'étendre sans que ce renversement s’effectue(2). On 
observe, en outre, que, lorsque les parois de l’organe sont par- 
venues à un certain point du trajet qu’on leur fait parcourir, elles 


(1) Voyez fig. 4 y. 
(2) Voyez fig. 2 00'. 


CHEZ LE SERRAN. 319 
se déploient d’elles-mêmes tout entières , et s’allongent tout d’un 
coup, à l'instar d’un ressort qui se débande. 

On comprend alors facilement que l’action des faisceaux museu- 
laires , qui adhèrent au pourtour basilaire de l’oviducte , doit être 
très restreinte dans les mouvements dont nous nous occupons, 
puisque, d’une part, elle n’est indispensable que pour attirer un 
peu en dedans la base de cet organe, et commencer par cela même 
la rétraction, qui est continuée et achevée par l'élasticité du tissu, 
et que, d’autre part, son intervention est tout à fait inutile pour 
étendre l’oviducte, puisque toutes les causes qui peuvent compri- 
mer les viscères abdominaux ou rétrécir la cavité du ventre sont 
capables, avec l’aide de l’élasticité, de porter cet organe au maxi- 
mum de son extension. 

C’est en scrutant le jeu de cet organe que nous avons été mis 
sur la voie des observations que nous avons faites, surtout au point 
de vue physiologique, sur la ponte des Serrans. Tandis que, pour 
étudier le mode de sortie de l’oviducte, nous appuyions légère- 
ment un seul doigt sur les parois abdominales d’un Serran écri- 
ture , nous en vimes jaillir une liqueur blanche , qui, au lieu de 
couler sur la peau du poisson, avait été projetée à une petite 
distance. L'instantanéité et la longueur du jet étaient si peu en 
rapport avec la lente et faible pression exercée par notre doigt, que 
ce fait attira notre attention. Nous répétâmes l'expérience en pla- 
ant l'animal dans l’eau de mer, et nous vimes encore un liquide 
s’élancer à la distance d’un décimètre sous forme d’une traînée 
blanchâtre. Nous reconnumes de plus que des œufs étaient sortis 
en même temps par l'ouverture de l'oviducte. Comme il était ra- 
tionnel de supposer que ce liquide n’était autre que de la semence 
poussée par la légère pression que nous avions produite , et qu'il 
nous paraissait probable que l'expulsion des œufs et l'émission de 
la semence seraient encore simultanées , quand les organes exécu- 
teraïent naturellement leurs fonctions, nous pensâmes tout de suite 
au parti qu'on pourrait lirer de cette éjaculation , qu’on aperçoit si 
facilement d'assez loin : elle pourrait servir de signal au moment 
où des œufs qui, par leur petitesse, échappent souvent à la vue de 
l'observateur, franchiraient l’oviducte. 


320 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


Nos supposilions étaient bien fondées. 

En effet, dans des expériences préparatoires, quelques pontes 
artificielles opérées comme la dernière que nous venons de dé- 
crire , et pratiquées sur des Perches de mer vivantes, nous ont 
appris : 4° que la substance blanche éjaculée en pareil cas est 
réellement du sperme qui se mêle immédiatement avec les œufs; 
de qu'il est facile de distinguer l'espèce de nuage que la semence 
forme dans l’eau, des divers troubles qu'y font fréquemment naître 
des matières de même couleur provenant de la défécation; 3° que 
la direction suivie par cette espèce de nuage, en descendant lente- 
ment dans une eau parfaitement tranquille , peut devenir un pré- 
cieux indice du trajet que les œufs parcourent pour gagner le fond. 

Après avoir fait connaître ces données préliminaires , disons 
dans quelles circonstances nous avons placé les poissons que nous 
avons observés : elles sont si simples, elles peuvent être repro- 
duites de tant de façons différentes, qu'il ne s’agit que de les indi- 
quer sommairement pour que chaque naturaliste puisse imaginer 
un appareil mieux approprié à ces recherches que l'assemblage 
des grossiers instruments de pêche dont nous nous sommes servi 
pour arriver à notre but. Dans un vase où l’eau de mer sera sans 
cesse renouvelée par un courant assez lent, qu'on suspende des 
touffes de fucus bien frais, bien verts, arrangées de telle manière 
qu'il y ait au milieu d'elles un espace vide assez grand pour que 
l'animal qu'on y mettra ne s’y trouve pas trop à l’étroit; que le 
fond de ce vase, nullement encombré, soit bien éclairé, bien acces- 
sible aux regards de l'observateur ; qu’enfin, ce dernier se dérobe 
à la vue du poisson, et l'on aura réalisé les seules conditions que 
nous croyons nécessaires pour parvenir à être témoin de faits 
semblables à ceux dont nous allons en peu de mots rapporter les 
principales particularités. 

Sur un assez grand nombre d'individus du genre Serranus 
Seriba, qui sont demeurés successivement dans notre appareil, aussi 
longtemps qu'ils ont pu y vivre, quatre seulement nous ont présente 
des phénomènes intéressants. De ces quatre Acanthoplérygiens , 
deux sont restés cinq heures dans le vase à expériences : l’un au 
bout de la quatrième heure , l’autre à la fin de la troisième, com- 


CHEZ LE SERRAN. 321 
mencaient à nager renversés sur le côté, ouvrant largement leurs 
ouïes qu'ils ne refermaient qu'à moilié. Ils étaient dès lors évidem- 
ment dans un état de grande gène. De temps en temps ils s'agi- 
laient beaucoup , puis retombaient dans un calme complet. C'est 
dans un de ces intervalles de repos ou d’affaissement que nous 
vimes l’un de ces poissons lancer, sans effort apparent, une éjacu- 
lation dont la direction ultérieure nous servit à retrouver au fond 
du vase les œufs que nous avions cru entrevoir au moment où ils 
sortaient de l’oviducte, mais dont assurément nous aurions perdu 
la trace, si le nuage spermatique ne nous eût pas guidé dans la 
quête que nous en faisions. Les œufs que nous avons recueillis 
étaient réunis, par une mucosité transparente sans consistance, en 
cinq ou six petits amas un peu éloignés les uns des autres. L'au- 
topsie de ce poisson, qui vécut encore une demi-heure après la 
ponte, nous a prouvé qu'il avait rejeté presque tous les œufs qui 
étaient détachés des lames ovariennes ; nous n’en avons compté 
que cinq ou six libres dans les cavités excréloires de l'ovaire. 
L'autre poisson affaibli pondit deux fois , dans un court espace de 
temps, et chaque ponte fut accompagnée d’une éjaculation. Du 
resle, ces phénomènes s’accomplirent presque exactement comme 
ceux que nous venons de dépeindre. À compter de la dernière éva- 
cualion spermatique, la faiblesse de l'animal s’accrut sensiblement, 
mais il ne s’éteignit que bien lentement, puisqu'il ne cessa de vivre 
qu'au bout de trois heures. L'examen anatomique de son ovaire 
nous montra que cet organe ne contenait plus que deux ou trois 
œufs entièrement mürs. 

Les deux autres Serrans paraissaient vigoureux, ils nageaient avec 
aplomb , s'enfoncaient souvent entre les algues, puis en sortaientet 
venaient, dans l’espace libre, battre avec force de leurs nageoires 
et de leur queue le fond de l’eau. Toutefois l'un d’eux s’arrêtait de 
temps en temps, et exéculait des mouvements singuliers qui 
semblaient être le résultat de la contraction spasmodique de cer- 
tains muscles ; l’autre n'avait dans ses allures rien qui décelàt le 
moindre trouble de Ja motilité, et jouissait, en apparence du moins, 
de l'intégrité de ses fonctions physiologiques. Durant les premières 
heures de leur séjour dans le vase, et pendant qu'ils battaient l'eau 

4° série, Zooz, T, V, (Cahier n° 6.)1 21 


322 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 


avec intensité, chez chacun d'eux une seule éjaculation eut lieu. 
Toutes deux étaient faibles, peu copieuses ; une surtout était très 
peu prononcée, pourtant assez sensible pour que nous n’ayons con- 
servé aucun doute sur son existence. Il est à remarquer qu’elle 
s’est manifestée chez le Serranus Scriba, qui avait des mouvements 
insolites. Ainsi que dans les cas précédents , chaque éjaculation 
coïneida avec la ponte d'œufs dont nous avons reconnu la présence 
au fond du vase. Ils y étaient épars en très petit nombre, et pres- 
que tous isolés. Placés de nouveau dans l'appareil, ces deux pois- 
sons y vécurent encore quatre à cinq heures, pendant lesquelles il 
ne survint aucun incident notable. Ils moururent presque tout à 
coup. L'un d’eux , avant de mouvoir pour la dernière fois ses 
ouies, eut bien une ou deux convulsions, mais elles furent de très 
courte durée. Nouspratiquâmes l'ouverture cadavérique de ces deux 
Percoïdes : nous vimes que leur canal commun était rempli d'œufs 
libres et parfaitement mürs, et que leurs vacuoles réticulées étaient 
gorgées de semence. 

En terminant ce précis de nos observations, nous ajouterons 
qu'après chaque ponte l'appareil a été vidé et nettoyé de façon 
que les produits du frai d’un individu n’ont pu être mêlés à ceux 
provenant d’un autre poisson. 

La fin du temps de la ponte des individus de l'espèce Serranus 
Seriba, que bien des motifs nous avaient fait choisir pour sujet de nos 
recherches, est venue, à notre grand regret, nous empêcher de les 
compléter, et depuis lors il nous à été impossible de les continuer. 

Connaissant maintenant tous les faits observés, essayons de nous 
rendre compte des actes physiologiques dont nous venons de suivre 
les phénomènes les plus apparents. 

La structure de lappareil reproducteur femelle des Perches de 
mer est si semblable à celle des ovaires de la plupart des Acan- 
thoptérygiens, qu'on pouvait prévoir que, chez ces hermaphrodites, 
les phénomènes de la ponte seraient identiques avec eeux qu'on 
observe dans la presque totalité des Poissons ordinaires. C’est, en 
effet, ce que nous avons constaté. Aussi, sans nous y arrêter da- 
vantage, nous allons examiner, avec tout l'intérêt qui s'attache aux 
fonctions d’un appareil organique dont l'anatomie a tout l'attrait 


CHEZ LE SERRAN. 323 
d’une nouveauté scientifique, la physiologie de l’organe mâle des 
Serrans. 

Parlons d’abord de la sécrétion du sperme, et prouvons que ce 
liquide est produit par le tissu que nous avons nommé substance 
du testicule. Sans revenir sur les détails anatomiques que nous 
avons donnés relativement à la substance dont il s’agit ici et du 
sperme ; sans répéter ces notions qui suffisent à démontrer que la 
semence se forme dans l'appareil reproducteur mâle des Perches 
de mer, ajoutons quelques considérations qui préciseront davantage 
le lieu où cette sécrétion s’effectue. 

{re À l’intérieur des cæcums, et surtout à l’extrémité de leurs 
ramilications , nous avons vu des groupes de particules d’une na- 
ture toute spéciale, dont on ne retrouve les pareilles dans aucune 
autre partie de l'organe mâle. | 

2. L'évolution de ces particules est en rapport avec celle de ces 
ramifications cæcales. 

9". Dès que ces particules ont atteint certaines dimensions, elles 
renferment des globules qui ont tous les caractères du corps des 
Spermalozoïdes , mais qui sont dépourvus de queue, ou du moins 
aucun de ceux que nous avons observés ne paraissait avoir un 
appendice caudal. 

h°. La ténuité extrême de l’appendice filiforme de ces sperma- 
tozoïdes ; son défaut de consistance, dont nous pouvons juger par 
les déformations accidentelles qu’il subit, et par celles qu'il éprouve 
ordinairement; enfin la brièveté du temps pendant lequel il est 
apparent , impliquent qu'il n'est pas visible plus longtemps avant 
la malurité parfaite du Pseudozoaire spermatique , qu'il ne l’est 
deux heures après le moment où il est devenu manifeste pour 
l'observateur. 

5°. Tant qu'on ne peut extraire des cæcums que des spermato- 
zoïdes, dont presque tous, agglutinés les uns avec les autres, sont, 
de toute évidence, incomplétement conformés, ce n’est qu'après de 
minutieuses recherches qu’on parvient à trouver quelques rares 
filaments spermatiques dans les petites vacuoles réticulées ; encore 
sont-ils libres, et par cela même à un degré de formation plus 
avancée que ceux qui sont contenus dans ces tubes aveugles. 


22! DUFOSSÉ, —— DE L'HERMAPHRODISME 

6°. Enfin, au temps du frai, c'est presque toujours dans le sperme 
qu'on a fait sortir des cæcums, et non dans celui qu’on a recueilli 
dans les autres cavités de l'appareil reproducteur , que l’on ren- 
contre, par exception alors, deux ou trois amas de filaments sper- 
matiques, au milieu d’une quantité innombrable de pseudozoaires, 
bien séparés les uns des autres, et conséquemment à leur état par- 
fait de développement. 

Nous ne croyons pas nécessaire d’insister sur les preuves dé- 
monstratives qui ressortent des considérations précédentes , pour 
qu'on en conclue avec nous que le sperme est sécrété, chez nos 
Percoïdes, par la matière tubuleuse que nous avons décrite sous le 
nom de substance du testicule. 

Suivons maintenant la marche du sperme dans les conduits 
excréteurs. 

En s’échappant des cæeums, ce liquide passe par la longue filière 
des plus petites ramifications réticulées , puis traverse ensuite des 
vacuoles de plus en plus étendues, jusqu’à ce qu'enfin il parvienne 
dans les plus grandes , où il s’accumule en quantité suffisante au 
besoin des éjaculations. 

Remarquons que, chez nos hermaphrodites, le sperme parcourt 
un bien long trajet avant d’être évacué , et que son contact pro- 
longé avec la surface des nombreuses mais très petites vacuoles 
qu'il a à franchir, le modifie, puisqu'il devient de plus en plus 
fluide, et que sa couleur change également. 

Jusqu'à présent nous nous sommes abstenu de donner aux di- 
verses portions de l'organe générateur mâle des Perches de mer 
des noms déterminant l’analogie qui nous semble exister entre ces 
portions et celles des parties sexuelles, soit des autres Poissons 
osseux ou cartilagineux, soit des autres Vertébrés, parce que nous 
nous réservions d'exprimer notre sentiment à cel égard, au moment 
où nous traiterions des phénomènes physiologiques qu’elles pré- 
sentent. C’est done ici que nous devons énoncer notre manière de 
voir sur Ce point. 

Nous pensons d’abord qu’on ne saurait contester que les cæcums 
des Serrans sont des vaisseaux séminifères qui diffèrent principa- 
lement de ceux des divers autres Acanthoptérygiens par leur mode 


CHEZ LE SERRAN. 325 
de terminaison ; plusieurs d’entre eux aboutissant chacun à un seul 
conduit excréleur (1}, ou, en d’autres termes, se continuant sous 
forme d’une ramification capillaire du réseau des vacuoles. Cher- 
chons maintenant les analogues de ces ramifications capillaires. 

En considérant la place qu’elles occupent dans les voies sémi- 
nales, leur abouchement avec les vaisseaux séminifères, et surtout 
leur forme réticulée (2), nous n’hésitons pas à les comparer aux 
conduits composant le rete testis découvert par Lauth (3) dans le 
corps d'Highmore. Si l’on examine , sans préoccupation systéma- 
tique , la configuration toute spéciale de ces ramifications réticu- 
lées qui revêtent, d’une enveloppe à claire-voie, toute la surface 
externe du testicule du Serran, absolument comme se comporte le 
rele lestis, en constituant, dans une petite étendue du bord supé- 
rieur testiculaire, le réseau auquel adhèrent en convergeant tous 
les lobes du testicule de l’homme, on ne repoussera pas sans exa- 
men l'assimilation que nous proposons ici, en nous objectant que 
cette disposition organique n’a pas encore élé vue chez les Verté- 
brés, dont les classes sont intermédiaires entre les Poissons et les 
Mammifères, et même chez aucun de ces derniers, si ce n’est dans 
l'ordre des Bimanes. 

A la suite de ces ramifications réticulées se trouvent les vacuoles 
que nous avons comparées à des vaisseaux d’un très petit calibre, 
et qui sont situées dans les intervalles des deux côtés des angles 
testiculaires (4); nous les rapprochons analogiquement des con- 
duits efférents des Vertébrés pourvus de vésicules séminales. 

Il reste encore entre les vacuoles dont nous venons de parler et 
les vacuoles centrales une série de cavités (5) bien plus semblables 
à des vaisseaux qu'aux mailles d’un réseau , et que leur situation , 
dans la série des conduits excréteurs dont ils font partie désigne 
comme les représentants de l’épididyme et des canaux déférents 


(1) Voyez fig. 5 c. 

(2) Voyez fig. &ccc, ee. 

(3) Voyez Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, t. A, 
livre 1. 

(4) Voyez fig. 4 ddd, ff. 

(5) Voyez fig. 4 49. 


326 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 

des autres Veriébrés. Ces vacuoles tiennent effectivement lieu de 
ces organes , et l’on peut établir que leur grand nombre est en 
rapport avec la multiplicité des dernières ramifications réticulées. 
Malgré ce rapport, nous convenons que, par leur grande quantité, 
ces vacuoles s’éloignent du seul épididyme et de l’unique conduit 
déférent qui suffisent constamment à l'évacuation du produit d’un 
testicule , et conséquemment nous ne reconnaissons entre ces va- 
euoles et ces canaux excréteurs qu’une analogie peu prononcée, 

Si cette relation analogique est faible, il y en a, suivant nous , 
une des plus marquées, des plus intimes , entre les vacuoles cen- 
trales réunies aux vacuoles formant des festons (1), et les vésicules 
séminales des autres Vertébrés. On sait que, chezun grand nombre 
de Mammifères, ces réservoirs spermatiques sont ou cloisonnés , 
ou réticulés, d’une façon fort variée. Parmi les nombreuses modi- 
fications que présentent ces vésicules, il y en a quelques-unes qui 
sont assez semblables à l’arrangement de l’ensemble du réseau des 
vacuoles centrales, jointes aux vacuoles en festons, pour qu'on 
admette qu’il existe une analogie allant jusqu’à la ressemblance 
entre ces vacuoles et les vésicules séminales de certains Mammi- 
fères. 

On ne saurait méconnaitre les analogues du conduit éjaculateur 
des Perches de mer : sa position à l'extrémité externe des voies 
spermaliques, sa terminaison dans l’urètre , rendent si évidente 
lanalogie qu’il a avec les portions finales des conduits excréteurs 
de la semence chez les autres Poissons osseux, qu'il serait superflu 
d'en dire davantage à ce sujet. 

Considérons maintenant ce conduit sous d’autres rapports. No- 
tons d’abord que la situation de son ouverture, la brièveté de la 
papille urétrale, le défaut d’extensibilité de cette éminence et ses 
brides membraneuses, tendent à prouver, à priori, que l’accou- 
plement serait aussi impossible chez nos Percoïdes qu'il l’est chez 
la plupart des autres Acanthoptérygiens. 

Toutefois si ce conduit ressemble par les conditions organiques 
que nous venons d’énoncer à ses analogues, il s’en distingue par 
sa configuration infundibuliforme, par l'étroitesse et le peu de dila- 


(1) Voyez fig. 4 hhh, ii. 


CHEZ LE SERRAN. 327 


tabilité de son orifice, trois circonstances anatomiques dont nous 
allons apprécier l'influence, en essayant d'expliquer l’acte de l’éja- 
culation , et comment le jet de la semence peut acquérir une inten- 
sité si remarquable. 

Le milieu de l’espèce d’entonnoir que représente la partie éva- 
sée du conduit éjaculateur répond exactement, point pour point, 
par son côté supérieur à l’interépineuæ du premier rayon de la 
nageoire anale, et par son côté inférieur à la portion supérieure de 
la base de l’oviducte, où cet organe replié sur lui-même , dans 
l’état de contraction, forme un bourrelet circulaire saillant. Ainsi 
compris entre le plan résistant que présente cet os etle bourrelet, le 
conduit éjaculateur peut être comprimé , et sa lumière compléte- 
ment bouchée, quand des œufs s’introduisent dans le pli circulaire 
de l’oviducte, et augmentent conséquemment le volume du bour- 
relet. 

Lorsque le Serran fait effort pour pousser les œufs au dehors , 
un nombre plus ou moins grand de ceux-ci s’accumulant dans le 
pli de l’oviducte, grossissent considérablement le bourrelet qui, 
par Ja compression qu'il exerce sur le conduit éjaculateur, le ferme 
entièrement; tandis que, par suite de l’effort, toutes les forces qui 
tendent à expulser le sperme entrent en jeu, et sont surexcitées 
par l'obstacle qui clôt le conduit. 

Si l’on se rappelle ce que nous avons dit à l’égard du mécanisme 
de l'extension de l’oviducte, on comprendra que l'effort continuant 
et devenant progressivement plus intense, il doit arriver un mo- 
ment où, tout d’un coup, les parois de l'oviducte se déploient, son 
pli circulaire s’efface en même temps que les œufs traversent sa 
base; de sorte que le conduit éjaculateur, débarrassé de toute pres- 
sion instantanément, comme par une espèce de détente, livre pas- 
sage à la semence qui, animée déjà d’une grande vitesse, en 
acquiert une plus grande encore en raison de la configuration infun- 
dibuliforme du conduit éjaculateur, ainsi que de la petitesse et de 
la résistance de son ouverture. 

Nous n'avons pas la prétention de croire que cette tentative 
d'explication soit à l'abri de loute contestation ; aussi ne la présen- 
lons-nous qu'avec la réserve que doivent nous imposer les diffi- 


328 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 
cultés inhérentes à tout problème d'hydrodynamique physiolo- 
gique. 

Les faits que nous avons découverts en observant la ponte des 
Perches de mer vont être soumis à un dernier examen pour mettre 
chacun d’eux dans son jour, et pour en tirer les conséquences qui 
en dérivent. 

Les pontes des deux Percoïdes dont l’affaiblissement était si 
notable pourraient être rapportées, avec grande apparence de 
vérité, à la cause, quelle qu'elle soit, qui fait que les femelles 
d'animaux de différentes classes, etnotammentles Insectes femelles, 
se débarrassent de leurs œufs aux approches de la mort. C’est pour- 
quoi, allant au-devant de l’objection qu'on ne manquerait pas de 
nous adresser à ce sujet, nous ne considérerons ces pontes que 
comme des accidents morbides, et nous nous contenterons d’en 
inférer que l'évacuation du sperme et celle des œufs ont entre 
elles, chez nos Serrans, un tel rapport de coexistence, qu'elles ont 
été encore simultanées dans des cas pathologiques. Nous prévien- 
drons, en outre, la critique sur un autre point L’unique ponte du 
Serranus Scriba , dont la motilité était légèrement troublée, pou- 
vant aussi être attribuée spécieusement à une contraction spasmo- 
dique des organes génitaux, nous accorderons qu'elle n’a pas tous 
les caractères d'un acte physiologique ; mais il n’en sera pas moins 
bien constaté que, dans cette occasion, l’éjaculation et l'émission 
des œufs coïncidèrent encore. Enfin , comme nous n’entrevoyons 
pas une raison plausible sur laquelle on voudrait s'appuyer pour 
soutenir que le double frai ( ponte et éjaculation ) du poisson , qui 
paraissait vigoureux et plein de santé , n’était pas naturel, nous 
pensons qu’on admettra, en partageant notre opinion à cet égard , 
qu'il était bien réellement normal, 

De ces faits ainsi discutés, nous déduirons : 

4° Que, chez les Perches de mer, la ponte et l’éjaculation sont 
des phénomènes qui restent constamment concomitants, qu'ils 
soient physiologiques ou morbides ; 

2 Que ces Acanthoptérygiens doivent être rangés parmi les 
hermaphrodites dont le sperme ne peut féconder les œufs qu'en 
dehors du corps de l'animal où ces produits sont mis en contact, 


CHEZ LE SEBRAN. 329 
après avoir été expulsés simultanément par chaque individu, sans 
qu'il ait été provoqué à pondre ou à éjaculer sa semence, soit par 
un véritable accouplement , soit par l'approche d’un individu de 
son espèce , soit enfin par la présence d'œufs provenant d’un autre 
hermaphrodite ; 

3 Que la simultanéité de la ponte et de l’éjaculation , dans les 
circonstances d'isolement que nous venons de préciser , implique 
nécessairement que chacun de ces hermaphrodites féconde les œufs 
qu'il produit. 

Nous avions dessein d'ajouter ici un chapitre dans lequel nous 
avons mis en parallèle les deux appareils reproducteurs de nos 
Serrans, et établi la comparaison entre les cas d’hermaphrodisme 
observés chez les Vertébrés et les organes de la génération de nos 
Percoïdes. Reconnaissant actuellement que nous dépasserions trop 
les limites que nous devons imposer à cet écrit, si nous y donnions 
place à ce chapitre, nous extrairons de l'étude comparative qu’il 
contient les principales conséquences dont nous rapporterons le 
sommaire dans les propositions que voici : 

Are. Il existe de plus profondes différences entre les organes 
mâles et les organes femelles des Poissons osseux, qu’on n’en avait 
soupçonné jusqu’à ces derniers temps. 

2°, Lorsque, par exception, chez les Poissons ordinaires, le vo- 
lume de l'ovaire est considérablement plus grand que celui du 
testicule, et que le poids de ce dernier organe est au poids du pre- 
mier , par exemple, :: 14 :5 2% (il en est ainsi chez nos Ser- 
rans), cette dissemblance est en rapport, d’une part, avec la quan- 
tité différente de matière que chaque organe doit fournir pour 
coopérer à la reproduction, et, d’autre part, avec les conditions 
dans lesquelles a lieu la fécondation. 

3°. Dans tous les cas d’hermaphrodisme anomal bien constatés 
chez les Poissons, on a toujours trouvé les appareils générateurs 
disposés suivant un ordre essentiellement différent de celui qui a 
présidé à l’arrangement des organes de la génération des Perches 
de mer. 

Ces parties sexuelles atteintes de déviation organique diffèrent, 
par leur conformation, beaucoup moins des organes de la propa- 


330 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME 
galon de la plupart des autres Acanthoptérygiens que des appa- 
reils générateurs de nos Percoïdes. 

k°. Les dissemblances qui séparent les appareils de la repro- 
duction de nos Serrans de tous les cas d’hermaphrodisme térato- 
logique qu’on a rencontrés jusqu’à nos jours chez les Vertébrés, 
réfutent  péremptoirement l'invraisemblable conjecture d’après 
laquelle on considérerait les Perches de mer comme des herma- 
phrodites par anomalie. 

9°. Les dissemblances précédentes contredisent plusieurs asser- 
lions hasardées sur les conditions qui , suivant quelques auteurs , 
Meckel entre autres, s’opposeraient à la réalisation de l’her- 
maphrodisme complet comme cas tératologique, ou la favori- 
seraient. 

Enfin elles montrent ce que l’on doit penser descauses mé- 
taphysiques et physiques qui, selon le sentiment de certains 
savants, rendent impossible l’hermaphrodisme parfait chez les 
Vertébrés. 

La portée de plusieurs des propositions qu’on vient de lire dé- 
passe le cerele dans lequel nous avons dü circonscrire le sujet que 
nous traitons ici; mais le sens de la troisième et de la quatrième 
s'applique directement à la question qui est l'objet de ce travail, et 
en confirme la solution. C’est en constatant cette confirmation que 
nous terminerons ce mémoire; son ensemble conduit aux résul- 
tats que nous résumerons dans les conclusions suivantes : 

4° Contrairement à l'opinion généralement accréditée, il y a des 
Vertébrés qui, à l’état normal, sont hermaphrodites, et ce ne sont 
pas ceux dont l’organisation est considérée comme étant la plus 
dégradée. 

2° Les individus des espèces Serranus Scriba, Serranus Cabrilla 
et Serranus Hepatus, sont au nombre de ces hermaphrodites. 

3 Chaque individu de ces trois espèces produit des œufs qu'il 
féconde dès qu'il les a pondus. 


CHEZ LE SERRAN. 331 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE 8. 


Fig 4. Organes de la reproduction d'un Serran commun avant le temps du frai, 
et organes adjacents vus par le côté droit. Le poisson a été fendu en deux 
longitudinalement , suivant un plan parallèle à la ligne médiane, à une petite 
distance à droite de cette ligne. Tous les organes ont été un peu écartés les 
uns des autres. (Grossissement, 3 fois le diamètre.) — aa, parois abdo- 
minales ; bbbb, rayons de la nageoire anale et les os interépineux qui les 
soutiennent; c, rectum ; d, anus ; ee, voile anal ou portion supérieure des 
membranes du rectum prolongée en un segment de cercle offrant quatre 
festons sur son bord ; ff, les sacs ovariens ; 3, Canal commun ; 00/, oviducte 
maintenu dans une demi-extension : la portion 0! est vue à travers les parois 
du canal commun ; y, bourrelet circulaire formé par les parois de l’oviducte 
repliées sur elles-mêmes; 14, angle testiculaire du côté droit; æ, bout du 
conduit éjaculateur s'ouvrant dans l’urètre ; r, rein droit ; à, urètre; j, vessie 
urinaire; k, cæcum vésico-urétral ; 1, canal de l’urètre; p, papille urétrale. 

Fig. 2. Cloaque d'un Serranus Cabrilla en plein frai, avec l'oviduete compléte- 
ment étendu. (Grossissement, 5 fois le diamètre.) — aaa, parois abdo- 
minales ; b, ligne médiane: cc, ouverture du cloaque; d, anus; e, voile 
anal; 0 0, oviducte au maximum de son extension ; p, papille urétrale et ses 
deux brides membraneuses: q, petites écailles. 

Fig. 3. Surface interne des organes générateurs d'un individu de l'espèce Serra- 
nus Cabrilla, en plein frai. Ces organes sont ouverts par leur côté inférieur 
sur la ligne médiane, depuis le bout postérieur de l'oviducte jusqu'au point où 
l'ovaire se bifurque; et, à partir de là, chaque sac ovarien a été aussi fendu en 
dessous dans toute sa longueur ; enfin, toutes les parties ont été étalées sur 
leur surface externe pour laisser voir l'ensemble de leur surface interne. (Gros- 
sissement, deux fois le diamètre. — a a , sacs ovariens dans lesquels les ovules 
semblent ne former qu'une seule masse, quoiqu'ils soient contenus dans les 
lames ovigères; celles-ci sont si inégalement distendues par ces ovules, que les 
limites de chacune d'elles ne sont pas distinctes; on voit seulement en bb les 
traces de l'espace étroit , ou de la cannelure qui, dans chaque sac, sépare les 
rangées des lames ovigères; t1' 1", le testicule; £, arc testiculaire supérieur ; 
L', angle testiculaire droit; 4, angle testiculaire gauche; vv, réseau des 
vacuoles réticulées ; & , conduit éjaculateur caché par l'oviducte : aussi a-t-on 
indiqué sa forme par des lignes de points ; 00, oviducte; z z, parois du canal 
commun ne contenant pas de vacuoles entre les membranes dont elles sont 
composées ; z/, limite antérieure du canal commun à laquelle adhère le testicule 
qui la recouvre dans toute son étendue, 

Fig. #. Couche inférieure d'une portion du côté gauche du réseau des vacuoles 


392 DUFOSSÉ. — DE L'HERMAPHRODISME CHEZ LE SERRAN. 


provenant d’un Serranus Cabrilla. On a ouvert les vacuoles postérieures en 
enlevant leur paroi inférieure ; on a également ouvert par leur côté inférieur 
les vacuoles antérieures, après en avoir détaché les cæcums qui recouvraient 
leurs ramifications capillaires. La pièce anatomique est vue par transparence à 
fort grossissement. — aa a, lambeau du canal commun; bb, paroi du canal 
commun ne contenant pas de vacuoles entre les membranes qui la constituent ; 
ccc, portion du lambeau qui était recouverte par les cæcums du testicule 
faisant partie de l'arc testiculaire supérieur ; ee; ramificalions capillaires des 
vacuoles; ddd, portion du lambeau comprise entre la partie postérieure des 
deux côtés de l'angle testiculaire gauche; ff, vacuoles que nous avons com- 
parées à des vaisseaux d’un petit calibre; gg, portion du lambeau dans lequel 
sont contenues les vacuoles tenant lieu d’épididyme et de conduit déférent ; 
hhh, vacuoles centrales ; ii, vacuoles en festons; ppp, piliers ou lanières 
cellulo-musculeuses séparant les vacuoles. 

Fig. 5. Paquet de cæcums en partie déformés par la pression des verres entre 
lesquels ils ont été serrés, vus à un très fort grossissement. Ces cæcums sont 
ceux d’un Serranus Cabrilla. — aa a, cæcums repliés sur eux-mêmes, de 
manière à ne laisser voir que leurs extrémités fermées; bbb, trois cæcums 
dont les extrémités ouvertes et une portion de leurs tubes non ramifiée sont 
visibles; c, ouverture d’un cæcum ; rr r, ramifcations capillaires des vacuoles. 

Fig. 6. Spermalozoïdes et œufs produits par le même Serranus Cabrilla. Les 
spermatozoïdes sont représentés excessivement grossis; le grossissement des 
œufs est de 13 fois et demie le diamètre. — a, Spermatozoïde dessiné sitôt 
après la cessation définitive de ses mouvements: il provenait d’une éjaculation 
naturelle; b, spermatozoïde extrait d'un cæcum; c, pellicule en forme de 
coiffe; sa queue est tortillée comme elle l’est chez ces pseudozoaires quand 
elle commence à devenir rigide; d, spermatozoïde dont l’appendice caudal 
déformé n'est plus qu'un moignon de queue; e, un œuf à sa sortie de l'ovi- 
ducte; f, autre œuf après vingt-quatre heures de séjour dans l'eau de mer. 
Les gouttes huileuses qu'il contenait étaient d’une grosseur remarquable. 


BIBLIOGRAPHIE. 
NOTICES SOMMAIRES SUR LES OUVRAGES ADRESSÉS AUX RÉDACTEURS. 


Fauna littoralis Norvegicæ, par MM. Sans, KOREN et DANIELSEN, 
seconde livraison , in-folio. Bergen, 1856. 


Cette seconde partie de la Faune maritime de la Norwége est publiée en fran- 
çais aussi bien qu'en danois, et est accompagnée de 12 planches gravées avec 
soin. Les principaux articles que l'on y trouve sont : 4° Nouvelles Annélides, dé- 
crites par M. Sars ; savoir : le Spiochætoplerus typus, qui a beaucoup d'affinité 
avec le genre Chétoptère, et relie celui-ci aux Spio ; le Notomastus latericeus, qui 
ressemble à un Arénicole, mais manque de branchies rameuses ; Lrois espèces 
du genre Clymene de Savigny, et quatre espèces du genre Sabellides de Milne 


PUBLICATIONS NOUVELLES,. 339 


Edwards. 2° Recherches sur le développement des Pectinibranches, par MM. Koren 
et Danielsen, faisant suite au travail sur le même sujet, dont une traduction a 
été insérée dans la 3° série de ces Annales, t. XVIII et XIX. 3° Observalions 
sur le développement des Holothuries faites avant et après l'éclosion, par les mêmes. 
4° Observations sur le développement des Astéries, par les mêmes. 5° Description 
d'une nouvelle espèce d'Etoile de mer (Astropecten articus), et de quelques nou- 
veaux Polypes, par M. Sars. 6° Description du Kophobelemnon Mülleri, de la 
famille des Pennatulides, et d’un nouveau genre d’Astérie, par M. Abjoernsen. 
7° Description de quelques Aclinies nouvelles et de la Virgularia Christis, par 
MM. Koren et Danielsen. 


Anatomische Beiträge zur Ophthalmologie.— Recherches anatomiques 
sur l’ophthalmologie, par M. Henri MüzzEr (avec 2 planches). 


Dans la première partie de ce travail, qui porte essentiellement sur l'anato- 
mie pathologique de l'œil, l’auteur fait connaître certaines altérations de la cho- 
roïde, qui paraissent être l'état normal dans la vieillesse : c’est la formation de 
petites excroissances pisiformes sur la partie périphérique de cette membrane, 
qui déterminent la destruction de la rétine dans les points correspondants. 

Dans un second mémoire, M. H. Müller décrit un muscle annulaire 
qui se trouve dans le corps ciliaire de l'œil de l'homme, et il expose ses idées 
touchant le rôle de cet organe dans l’adaptation de l'œil pour vision distincte, 
quand la distance des objets varie. (Extr. des Archiv für Ophthalmologie, 
t. Il et JIL.) 


Die Normalverhältnisse, — Sur les relations normales des proportions 
chimiques et morphologiques, par M. ZEisinG, in-8. Leipsick , 1856. 


L'auteur de cet opuscule, après avoir cherché à déterminer les proportions 
qui existent entre les diverses parties du corps humain, s'applique à établir que 
des harmonies numériques du même ordre se rencontrent dans le règne inorga- 
nique, aussi bien que chez les êtres vivants. 


Zwôlf Arten von Acanthocephalen. — Description de douze espèces 
d’Acanthocéphales, par M. DiesiG, in-4, 1856. 


Dans ce Mémoire, extrait du Recueil de l'Acudémie des sciences de Vienne 
(t. XI), et accompagné de 3 planches, l’auteur décrit une série d'espèces nou- 
velles ou peu connues d'Échinorhynques, dont la plupart avaient été trouvées par 
M. Natterer chez des animaux du Brésil. 


On the Anatomy of the Great Anteater. — Sur l'anatomie du grand 
Fourmilier, par M. Owen. 


M. Owen ne néglige aucune des occasions que la magnifique ménagerie du 
Jardin zoologique de Londres lui procure, pour enrichir la science de nouvelles 
observations anatomiques sur la structure des animaux rares qui ont vécu dans 
cet établissement. Dans le travail dont nous annonçons ici la publication, il rend 
compte de ses observations sur le grand Fourmilier de l'Amérique méridionale 
qui y mourut il y à quelque temps , et s'étend principalement sur la structure 
des glandes salivaires, de la langue et des muscles de la face. Ce Mémoire est 
extrait du quatrième volume des Transactions de la Société zoologique de Londres, 
el est accompagné de 4 planches très belles. 


33 PUBLICATIONS NOUVELLES. 


M.Owen a donné dans le même volume la suite de ses recherches sur l'ostéolo- 
gie des Chimpanzés et des Orangs, et la sixième partie de son travail sur les 
Dinornis. 

Nous recevons aussi à l'instant un Mémoire du même auteur sur les affinités 
zoologiques du grand Oiseau fossile découvert aux environs de Paris, et désigné 
par M. Hébert sous le nom de Gastornis parisiensis; une Note sur quelques 
Mammifères fossiles du crag rouge du comté de Suffolk en Angleterre, et la 
description d'un crâne fossile du Bos moschatus. Ces trois brochures sont tirées 
du Journal de lu Société géologique de Londres, 1855 et août 1856. 


Paléontologie de l'étage inférieur de la formation liasique de la pro- 
vince de Luxembourg et de Hettange, par M. TERQUEN. 


Ce travail, tiré du cinquième volume des Mémoires de la Société géologique, 
contient la description d'un grand nombre d'espèces nouvelles, principalement 
de coquilles de Gastéropodes et d'Acéphales. Il est accompagné de 15 planches 
in-#. 


Résumé des travaux les plus récents sur la génération alternante et 
sur les métamorphoses des animaux inférieurs, par M. E. CLAPARÈDE. 


Ce Mémoire, publié dans la Bibliothèque universelle de Genève (mai et août 185 4) 
contient un exposé très intéressant des travaux dont la multiplication des Hel- 
minthes a été l’objet depuis quelques années. 


Sur la théorie de la fécondation de l'œuf, par le même. (Extrait de la 
Bibl. univ. de Genève, 1855.) 


M. Claparède reud compte ici des diverses observations faites récemment sur 
l'introduction des spermatozoïdes dans l'intérieur de l'œuf. 


De la reproduction des Trématodes endo-parasites, par M. Mouzinié, 
in-4. Genève, 1856. 


Dans la première partie .de ce volume, l'auteur expose, suivant leur ordre 
naturel de succession, les divers faits relatifs au développement des Trématodes, 
qui se trouvent disséminés dans les nombreux travaux partiels dont ce point 
de la zoologie physiologique a été l’objet. L'auteur y a placé aussi des observa- 
tions nouvelles sur la formation de l'embryon dans l'œuf du Distoma lanceolatum. 
La seconde partie contient la description détaillée de quelques formes nouvelles 
qui se rattachent au développement des Trématodes. 


First Report. — Premier rapport sur les Insectes nuisibles ou utiles 
de l'État de New-York, par M. Asa Frrcn, in-8. Albany, 1855. 


Ce travail, tiré du quatorzième volume des Transactions de la Société d'agri+ 
culture de New-York, est consacré principalement à l'histoire des Insectes qui 
attaquent les arbres fruitiers, la vigne et le choux. Il est accompagné de gra- 
vures sur bois intercalées dans le texte, et sera bientôt suivi d'un second 
volume. 


NOTE 
SUR UN NÉMATOÏDE PARASITE DES TERMITES, 


Par M. Ch. LESPÉS, 


Dr ès sciences naturelles. 


Dans le cours de mes observations sur les Termites, j'ai vu deux 
fois des nids nombreux , et qui semblaient en grande prospérité , 
mourir entièrement en peu de jours. Ces deux sociétés étaient éta- 
blies chez moi dans de grands bocaux, mais la terre du nid était 
trop humide; j'ai pu voir alors fourmiller dans cetle terre un 
nombre énorme de petits Vers blanes : en les examinant avec soin 
et en disséquant les Termites de ces sociétés, j'ai pu faire l’histoire 
du parasite. Les caractères de ce Nématoïde le rapprochent beau- 
coup du genre Leptodera de M. Dujardin ; mais il doit constituer 
une coupe générique distincte, car plusieurs de ses caractères sont 
différents de ceux du Leptodera : sa bouche est armée de trois 
tubercules, le cou est court et gros; enfin il est ovipare, et le 
Leptodera est vivipare. Les caractères de l’armure génitale du 
mäle sont identiques ; mais les expansions aliformes si remar- 
quables chez le Nématoïde de M. Dujardin manquent chez le mien. 

G. Isakis. 


Corpus fusiforme extremitate caudali longe subulatàä haud alatä. Caput 
corpore continuum, trunçatum. Os trilabiatum. Penis vagina spiculisque 
duobus æqualibus instructus (fig. 11 et 12). Feminæ apertura genitalis in 
corporis medio. Ovipara. 

Isakis migrans (Mihi). 


Corpus fusiforme album : longit. maris 1"%,8; feminæ 2,5, 

Ovulus elliptica : longit. 0"w,06 ; lat. Omm,0/. 

Individua juniora, organis genitalibus nullis (e corpore Termitum) : 
long. fere 0",3, O"",A, usque ad 0"",8. 

Le mâle et la femelle adultes de cette petite espèce sont communs 
dans la terre des deux nids. Is m'ont offert la propriété remar- 
quable de pouvoir être rappelés à la vie après une dessiecation com- 
plète qui a duré plus d'un mois. Les mâles sont un peu plus rares 
que les femelles. 

On distingue parfaitement dans ces petits êtres le tube digestif, 
qui commence par un pharynx musculeux , auquel fait suite un 
intestin droit chez le mâle, enroulé en spirale chez la femelle. 


330  C. LESPÉS. — NÉMATOIDE PARASITE DES TERMITES. 


Le premier (pl. 8, fig. 10) offre un léger mamelon un peu au- 
dessus de la queue; on voit dans la partie correspondante (fig. 44 
et 12) les deux spicules longs de 0°",05, et la gaine de 0"",09, qui 
est placée au-dessous. L'ouverture génitale de la femelle est placée 
vers le milieu de la longueur (fig. 9); on voit par transparence un 
assez grand nombre d'œufs qui remplissent le corps. 

Avec ces animaux, j'ai trouvé un nombre énorme d'œufs libres 
à divers degrés de développement (fig. 13 et 14). Les plus avancés 
contiennent un embryon extrêmement mobile. Quelques-uns de 
ces derniers sont sortis, mais 1l y a une lacune entre les individus 
adultes ou presque adultes et les jeunes ; pour la remplir, il suffit 
de disséquer un Termite du nid infecté : dans l’abdomen, autour de 
l'intestin , mais jamais dans l’intérieur, on trouve des Nématoïdes 
très courts et minces si on les compare aux adultes (fig. 45, f) ; 
ils sont arrivés à divers degrés de développement, mais toujours les 
organes reproducteurs manquent. J’en ai trouvé de un jusqu’à six, 
mais seulement dans les individus d’une certaine taille (ouvrier, 
soldat , nymphes ). Toutes mes observations ont été faites dans le 
commencement de mai. J'ai pu dans le second nid les vérifier 
en juin. Les insectes infectés ne tardent pas à languir et finissent par 
suecomber ; si on les examine alors, on voit les Nématoïdes déve- 
loppés sortir de leur corps, qui est tombé en putréfaction. 

D'après ces faits , je pense que tous les naturalistes admettront 
avec moi que le parasite dont je viens de faire l’histoire acquiert 
ses organes génitaux et se reproduit dans la terre humide ; que 
les jeunes pénètrent dans le corps des Termites , s’y développent, 
finissent par tuer leur victime , et sortent alors pour achever leur 
accroissement. 

L'étude des Vers, probablement nombreux, que l’on a réunis 
sous le nom de Filaires des Insectes, a été commencée par le remar- 
quable travail de M. von Siebold sur le Mermis albicans. Les faits 
que je viens de décrire semblent une copie de ceux que ce savant 
naturaliste a fait connaitre. 

J'ai trouvé dans le tube digestif des Termites un assez grand 
nombre de parasites, sur lesquels je me promets de revenir avant 
longtemps. 


ÉTUDES 


SUR 


L'HISTOLOGIE COMPARÉE DU SYSTÈME NERVEUX 
CHEZ QUELQUES ANNÉIDES, 


Par le D" Ernest FAIVRE, 


Nous avons entrepris, depuis quelques années, l'étude analo. 
mique et physiologique du système nerveux chez certains animaux 
invertébrés. 

Nous avons pensé que les observations, faites avec une rigou- 
reuse exactitude sur des êtres simples , serviraient à rendre plus 
intelligibles les phénomènes complexes que nous présentent les 
organismes élevés. 

Avant d'aborder les questions physiologiques, nous avons cher- 
ché à pénétrer les détails de texture sans lesquels les vivisections 
sont incertaines et les résultats incomplets. 

Nous exposerons aujourd’hui la partie anatomique de nos recher- 
ches, celles du moins qui concernent les éléments et les tissus ner- 
veux examinés dans la Sangsue médicinale et le Lombric terrestre. 

Nous parlerons dans un autre travail des principes immédiats ; 
quant au système nerveux envisagé d’une manière descriptive, nous 
renvoyons aux auteurs qui en ont donné tant et de si exactes des- 
criptions. 

Notre travail se divise en trois parties : 

La première est une revue de toutes les études entreprises déjà 
sur le sujet qui nous occupe. 

La seconde renferme tous les détails de nos observations. 

Dans la troisième partie nous essaierons de grouper les faits 
épars ; et de comparer, autant qu'il est possible dans l’état actuel 
de la science, les nerfs des Invertébrés , soit entre eux, soit avec 
ceux des animaux supérieurs. 

4° série, Zooz, T, V, (Cahier n° 6.) 2 22 


338 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


PREMIÈRE PARTIE. 


HISTORIQUE. 


Il est peu de sujets scientifiques qui n'aient leurs antécédents 
dans l’histoire. Si le monde des organismes est vaste , si les pro- 
blèmes de la vie semblent n'avoir pas de limites, il faut avouer que 
le génie observateur de l’homme est aussi étendu que la nature est 
féconde, et qu’il met autant d’ardeur à rechercher la vérité que la 
nature déploie de puissante pour lui en offrir les moyens. 

En prenant pour objet de nos études l'anatomie et la physiologie 
du système nerveux des animaux inférieurs, nous pensions que la 
voie que nous allions suivre avait été à peine explorée avant nous ; 
mais en feuilletant l’histoire de la science, nous avons été bientôt 
désabusé. 

Nous avons reconnu que des observations nombreuses avaient 
été faites sur les mêmes animaux, mais non au même point de vue ; 
avec les mêmes moyens, mais non avec la même méthode. 

C'est un devoir pour nous d'enregistrer les tentatives de nos 
devanciers, en les appréciant avec toute impartialité ; e’est d’ail- 
leurs un moyen de réunir un grand nombre de résultats qui nous 
conduiront plus sûrement et plus vite à la vérité. 

En nous bornant aux études anatomiques entreprises sur le sys- 
tème nerveux des animaux annelés , notre sujet sera encore bien 
vaste, et les limites en seront difficiles à circonscrire. 

Il est possible néanmoins de rapporter à trois périodes lout l’en- 
semble des travaux qui ont pour objet l’anatomie des nerfs chez les 
Annelés, et, en particulier, chez les Vers. Ces périodes sont éta- 
blies en prenant pour base les découvertes les plus importantes, 
et les directions nouvelles dans lesquelles elles ont entraîné les 
observateurs. é 

Nous pensons, par exemple, que les études d’Audoin et de 
Milne Edwards en France, de Brandt en Allemagne, sur le sto- 
mato-gastrique, sont comme le point de départ d’un nouveau 
groupe de travaux, et qu'il en a été de même, plus tard, lors des 
recherches mémorables de Newport sur la texture intime des nerfs. 

Nous n'avons pas l'intention de passer en revue les innombra- 


+ 


DU SYSTÈME NERVEUX. 399 


bles ouvrages ou mémoires qui ont été composés à une époque où 
l'on ne connaissait pas encore ces nerfs organiques, et où l’on se 
bornait à disséquer minutieusement les ganglions , les connectifs 
el les nerfs. 

Il n'entre pas non plus directement dans notre sujet d’exposer 
les études de Brandt et de ses successeurs sur le stomato-gastrique. 
Nous rappellerons seulement que ce système est déjà bien connu 
dans un grand nombre d'animaux. Outre les travaux généraux de 
Brandt (1) et de J. Müller (2), nous mentionnerons : pour les In- 
sectes, les études spéciales de Swammerdam (3), Lyonnet (4), 
Treviranus (5), Strauss (6), Suckow (7), Dufour (8), Newport (9), 
Burmeister (10), Lacordaire (44), Blanchard (42) ; pour les Ara- 
chnides, celles de Grübe (13), Dugès (44), Treviranus (15), Blan- 
chard (16); pour les Myriapodes et les Crustacés, celles de 
Krobhn (17), Suckow (18), Newport (19), Audouin et Milne 
Edwards (20); enfin pour les Vers, les observations de Grube , 
et surtout celles de Quatrefages (21). 


(1) Brandt, Ann. des sc. nat., V, 1836, ou Isis, 1835. 
(2) 3. Müller, Nov. Act. nat. curios., XIV, 1828. 
(3) Biblia natura, p. 132, pl. 28. 
(4) Trailé anatomique de la Chenille du saule, p. 98 et 201, pl. 4 et 9. 
(5) Treviranus , Verm. Schrift, II, p. 59. 
(6)*Straus-Durckheim , Traité d'anat. comparative, 4842, t. II, p. 351. 
(7) Suckow., Anat. physiol. Untersuch., p. 40, pl. 7. 
(8) L. Dufour, Recherches sur les Orthoptères, p. 285, el aussi Ann. des 
sc. nat., 1845. 
(9) Encyclop., art. Ixsecres, p. 957. 
(10) Burmeister, Handb. d. Ent., I, p. 340. 
(14) Lacordaire, {ntrod. à l’'Entomol., 11, p. 214. 
(12) Blanchard, Ann. des sc. nat., t. XIV, 1850. 
(13) Müller's Archiv, 1842 (Grübe). 
(44) Ann. des sc, nat., VI (Dugès). 
(15) Treviranus, loc. cit., p. 38. 
(16) Blanchard, Comptes rendus, 4845, p..1384, 
(47) Krobn, Isis, 4834, p. 529. 
(18) Suckow, loc. cit., p. 62. 
(19) Newport, Phil. Trans., 1834. 
(20) Audouin et Milne Edwards, Ann. des sc. nat., 1828. 
(21) Ann. des sc. nat., XAV, 1850. 


340 E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE 


Après avoir cherché dans tous les sens la distribution des nerfs, 
il était naturel que les observateurs en vinssent à étudier la structure 
intime des filets et des ganglions , et la nature des éléments qui les 
composent : l'anatomie descriptive allait être suivie par l’histologie. 

C'est surtout à George Newport que revient l'honneur d’avoir 
abordé , le premier, le difficile problème de la texture intime des 
nerfs chez les Invertébrés , et d’avoir jeté les plus vives lumières 
sur cette branche de la science encore mal connue jusqu’à lui. Ces 
travaux , bien qu'entachés de plus d’une imperfection , n’en sont 
pas moins les plus remarquables qui aient été publiés sur cette 
malière ; ils ont ouvert une admirable voie que plusieurs anato- 
mistes ont déjà suivie, et que nous suivons après eux. Newport a 
commencé ce que nous pouvons appeler la troisième phase des 
études sur le système nerveux des Invertébrés, la phase des études 
histologiques. Il a donné l'impulsion, il a fait connaître d’impor- 
tantes vérités : il est légitime d’honorer ses travaux. Aussi nous 
sommes heureux de consacrer cet essai à la mémoire du célèbre 
naturaliste anglais. 

Tous les travaux relatifs à la texture n’ont pas commencé avec 
Newport ; il serait injuste d’en omettre quelques-uns, qui ont 
d’ailleurs un rapport assez direct avec notre sujet : nous voulons 
signaler surtout les belles recherches de M. Serres , et les obser- 
vations de Roth et de Morren sur le Lombric terrestre. 

Dans l’ouvrage de M. Serres , la question du système nerveux 
des Invertébrés est traitée à un point de vue général , et tout le 
monde connaît les conclusions du savant auteur. Il soutient que 
l'axe nerveux des Articulés représente les ganglions interverté- 
braux des animaux supérieurs, et que les ganglions céphaliques 
sontles analogues de la cinquième paire ; les détails manquent sur 
les éléments et sur les tissus (4). 

Si Roth a publié ses recherches en 1895, la question de texture 
n'y occupe pas une grande place. Après avoir rappelé l'opinion de 
Della Torre, de Home, de Treviranus, l’auteur expose brièvement 
l'idée qu’il s’est faite sur la texture des nerfs chez le Lombric. On 


(1) Serres, Anatomie comparée du cerveau, 4824, t. IT. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 341 
trouve dans ses nerfs deux substances : l’une grise, périphérique, 
composée d’une infinité de globules allongés, disposés sans ordre ; 
l’autre blanche, centrale, formée des mêmes globules, mais régu- 
lièrement disposés (1). Les figures 5 et 6 représentent grossière- 
ment cette disposition. 

Morren, dans son Histoire des Lombrics, a consacré aussi un 
paragraphe à l'examen histologique du système nerveux (2). Ses 
recherches sur ce point sont presque dépourvues de valeur, et les 
figures qu'il donne sont tout à fait imparfaites. Morren adopte 
d’ailleurs l'opinion de Roth, et conclut ainsi : « Neque ullum 
» histologicum invenire potuerimus discrimen substantiæ ner- 
» vosæ, Cum illa comparatæ quam in animalibus excelsioris vitæ 
» evolutione animadvertas ; unde fit ut substantia incremento diffe- 
» rat tantummodo. » 

Ebrenberg est le premier auteur dont les travaux histologiques 
sur les nerfs ont une valeur incontestable ; sans doute, avant lui, 
Leuwenhoeck, Della Torre, Monro, Prochaska, Fontana, avaient 
soigneusement étudié les nerfs, mais seulement sur les animaux 
élevés, et sans songer à éclairer leurs recherches par des investi- 
gations sur des êtres plus simples. Ehrenberg aborda la question 
dans toute son étendue, et fit ses recherches sur sept Invertébrés, 
parmi lesquels étaient cinq Annelés : l’Astacus marinus, \ Astacus 
[luviatilis, le Palæmon Squillus, le Geotrupes nasicornis, V Hirudo 
medicinalis (3). Chez tous ces animaux, et chez la Sangsue en par- 
ticulier, Ehrenberg a très bien représenté les cellules, leur texture, 
leurs prolongements en des tubes allongés et l'aspect de certains 
ganglions ; mais il s’est trompé sur une foule de détails : ainsi il 
ne distingue pas les faces et les extrémités différentes de chaque 
ganglion (fig. 6); il n'indique pas les cloisons ; il représente 
inexactement l'orientation des cellules par rapport aux bords et 


(1) Roth, De animalium invertebratorum systemate nervoso, dissertatio inau- 
gural, Wiceburgi, 4825 (p. 10, $ 9), fig. 5 et 6. 

(2) Morren, Histoire du Lombric terrestre. Bruxelles, 4829, p.416, tab, xxi, 
fig. 6 et 7, et lab. xx, fig. 6. 

(3) Ebrenberg , dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, 1834, p. 605 à 
636, tab. vi et vu. 


812 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


au centre des renflements ; il signale souvent plusieurs noyaux 
dans les cellules, tandis qu'il n’y en a qu’un seul en réalité. Mais 
ce sont là des points de détail, de minutieuses particularités qui 
s’effacent, si l’on considère l'importance et les résultats définitifs 
d’un travail, qui a donné le premier essor à toute une suite de 
recherches. 

On signale partout, après le mémoire d’'Ehrenberg, un travail 
étendu, que Valentin a publié dans les Nova Acta, et dontune par- 
tie est consacrée à l’examen histologique des nerfs et des ganglions 
de l’Astacus fluviatilis et de l’Hirudo medicinalis (À). 

Il y a des critiques fondées à présenter sur ce travail, critiques 
qui, du reste, n’ont pas échappé à Ch. Bruch. Un seul coup d'œil 
jeté sur les planches suffit pour motiver bien des observations. 
Tantôt Valentin représente, comme émanant d’un ganglion, trois 
paires nerveuses (fig. 62-69) ; tantôt il représente (toujours chez 
la Sangsue) un ganglion, qui émet deux trones nerveux à droite 
et trois à gauche (fig. 63); tantôt enfin il figure seulement deux 
paires nerveuses prenant naissance de chaque ganglion, ce qui est 
la règle (fig. 65). Les figures 67 et 68 représentant le premier et 
le dernier ganglion sont fort inexactes ; quant à la figure 69 qui 
retrace la marche des fibres , elle est inintelligible pour nous, du 
moins. 

Si nous signalons des détails erronés, nous devons aussi recon- 
naître que Valentin a saisi le premier, avec netteté, une foule de 
dispositions importantes, que son travail est parfaitement conçu, et 
que les conclusions suivantes qu'il en tire sont bien fondées : 

4° Chez les Invertébrés, comme chez les Vertébrés, les nerfs 
se composent de fibres primitives distinctes les unes des autres, 
et constituées par une enveloppe transparente et un contenu fine- 
ment granuleux. 

9° Les cellules nerveuses des Invertébrés se montrent, comme 
celles des Vertébrés, composées d’une enveloppe, d’un contenu 
granuleux et d’un noyau ; on les trouve au centre et à la périphérie 
du système. 


(1) Valentin, Nova Acta Acad. nat. cur., t. XVIII, 1836, p. 202, pl. 8. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 343 

8° Quant à la constitution générale, les centres des Invertébrés 

sont analogues à ceux des Vertébrés ; mais les éléments des nerfs 

chez les êtres inférieurs se rapprochent surtout de ceux du grand 
sympathique des animaux les plus parfaits. 

Depuis le mémoire que nous venons d'analyser, Valentin a pu- 
blié un ouvrage dans lequel il revient sur la question de texture (1). 
Il expose les recherches qu'il a faites sur lAstacus marinus, et 
qui lui ont démontré, comme à Newport, deax parties dans le 
système nerveux de cet animal : l’une inférieure, ganglionnaire, 
sensitive ; l’autre supérieure, fibreuse et motrice. Il est vrai que ce 
dernier travail que nous mentionnons est plutôt physiologique 
qu'anatomique ; mais enfin il est juste d’en tenir compte. 

Nous arrivons maintenant aux travaux de Newport. Ehrenberg 
et Valentin s'étaient surtout occupés des éléments nerveux et de 
leur disposition dans les nerfs et dans les ganglions ; mais ils 
avaient négligé la recherche de la distribution des fibres, ou plutôt 
ils ne s’en étaient préoccupés qu'accessoirement, Newport reprit 
cette question, et la traita avec un admirable talent dans une suite 
demémoires publiés en 1832, 1834 et 1843. Les deux premiers 
sont consacrés à la texture et au développement des nerfs chez le 
Sphinx liqustri (2); ils traitent aussi, mais secondairement, de 
quelques autres Insectes et d’un Crustacé. Voici les résultats les 
plus saillants obtenus par l’anatomiste anglais : 

Chaque cordon interganglionnaire et chaque lobe de ganglion 
se composent de deux couches ou colonnes : l’une sensitive, l’autre 
motrice. Les colonnes sensitives inférieures renferment un noyau 
gris, les supérieures en sont dépourvues; les deux colonnes con- 
tribuent souvent à la formation d’un même nerf, comme il est 
facile de l’observer sur les troncs nerveux qui donnent des filets 
aux ailes. Newport a signalé aussi un système spécial superposé à 
la chaine ventrale dans toute sa longueur : ee système est constitué 
par un nerf qui va d’un ganglion aux ganglions suivants, et émet 
plusieurs filets, dont les uns s’anastomosent avec les nerfs moteurs, 


(4) Valentin, De functionibus nervorum cerebralium et nervi symphatici. Bernæ, 
4839, livre 1, chap. 4, p. 8. 
(2) Philos. Trans., 1832, 1834. 


BUT E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE 


tandis que d’autres se rendent aux muscles et aux organes respi- 
ratoires. Les changements de cette chaîne, que Newport désigne 
sous le nom de système des nerfs respiratoires ou transverses, sont 
indépendants des modifications de la chaîne ventrale; c’est pro- 
bablement à cet ensemble de nerfs respiratoires qu'il faut rappor- 
ter, comme le fait remarquer Lacordaire, ces filaments que Bur- 
meister a décrits dans la larve du Calostoma, sous le nom de nerfs 
auæiliaires de connexion. 

Il n'entre pas dans notre sujet d'exposer ici les détails que 
Newport a donnés tant sur le stomato-gastrique du Sphynæ li- 
gustri, que sur les modifications importantes que subit l’ensemble 
du système nerveux aux diverses périodes des transformations de 
l’Insecte. 

Dans l’Astacus marinus, Newport a également reconnu les 
colonnes motrices et sensitives, et le nerf respiratoire dont les 
filets thoraciques se rendent aux branchies. 

En 1844, le même anatomiste a publié ses études sur la texture 
du système nerveux des Myriapodes (1). Dans les ganglions de 
l’Iule, il distingue quatre séries de fibres : la série supérieure, déjà 
décrite chez les Insectes et les Crustacés comme colonne motrice ; 
la série inférieure ou colonne sensitive, dont les fibres ont une 
direction curviligne entre ces deux colonnes; un ensemble de 
fibres dirigées d’un côté du ganglion au côté opposé; enfin des 
fibres de renforcement du cordon, dirigées du bord postérieur 
d’un ganglion au bord antérieur du renflement qui lui fait suite. 

Chaque nerf, à sa sortie.d’un ganglion, est composé de ces 
quatre ordres de fibres, savoir : les séries supérieures et infé- 
rieures établissant la communication avec les ganglions cépha- 
liques; une série transverse ou de commissure mettant les nerfs 
d’un côlé en communication avec ceux du côté opposé; enfin une 
série latérale qui ne communique qu'avec les nerfs situés d’un 
même côté dans un renflement postérieur, et qui fait partie des 
cordons dans les intervalles des ganglions. 

(4) Philos. Trans., 1844. On trouvera aussi toutes les observations de New- 


port, sur les nerfs des Insectes, exposées par lui à l’article Ixsecres de la Cyclo- 
pœdia of Anatomy, vol. II (p. 942 à 960), 4839. 


DU SYSTÈME NERVEUX, 245 


A l’aide des directions précédentes, on pent se rendre compte 
de divers mouvements. Newport ne se figure pas chez les Myria- 
podes le système intermédiaire, etil n’insiste pas sur les fibres qui 
joignent les deux nerfs d'un même côté ; il parait ne les avoir 
entrevues que vaguement. 

Voilà en quelques mots les résultats obtenus par Newport sur la 
texture des nerfs. Ces résultats importants ne sont pas à l’abri de 
la critique. Pourquoi le savant anatomiste s'est-il laissé guider par 
des idées préconçues, en voulant appliquer au système nerveux 
des êtres inférieurs les doctrines de Charles Bell et de Marshall 
Hall? Pourquoi surtout n’a-t-il pas fait servir à ses recherches le 
microscope, qui pouvait lui rendre de si précieux services ? 

Tandis que Newport publait ses travaux, Carpenter, suivantune 
direction semblable, et guidé par les théories de Marshall- Hall sur 
le mouvement réflexe, faisait connaitre ses vues dans une disser- 
tation inaugurale (4). Le travail de Carpenter est plus physiolo- 
gique qu’anatomique, et il enrichit la science plutôt de vues géné- 
rales que de faits nouvellement acquis. Seize propositions résument 
toute sa doctrine, et la formulent ainsi : Chez les animaux les plus 
simples, il existe un système nerveux gastrique indépendant, pré- 
sidant aux mouvements réflexes qui déterminent la propulsion des 
aliments dans l’æsophage ; si l’on considère des animaux plus par- 
faits, on y reconnait l’existence d’un système nerveux respiratoire, 
fonctionnant en dehors de Ja volonté; et enfin l’existence d’une 
série de centres, lieu des actions réflexes du mouvement de loco - 
motion volontaire et involontaire. Ces divers systèmes offrent une 
harmonie d'autant plus intime que la perfection des organismes est 
plus grande ; ils sont tous groupés dans la moelle des Vertébrés , 
qui en est l’expression la plus élevée. 

Avant de terminer l'énuméralion des travaux entrepris en Angle- 
terre sur la question qui nous occupe, nous citerons encore l’ou- 
vrage de Grant (2), où l’on trouvera de nouveaux faits confirmatifs 

(1) Carpenter, Dissertation on the PhysiologicalInferences, to be deduced from 
the Structure of the Nervous System in the Invertebrated Classes of Animals. Edin- 
burgh, 1839). 

(2) Grant, Outlines of Comparative Anatomy, A841, p. 185 à 204, 


346 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


des idées de Newport sur les colonnes motrices et sensitives; et 
nous mentionnerons le nom de Leuckart Clark , très habile obser- 
vateur, qui fait en ce moment des études sur la texture des nerfs 
du Lombric terrestre. 

Nous avons essayé de faire connaître une première série de 
travaux publiés sur la texture des nerfs chez les animaux vertébrés 
de 1830 à 1841 et 1842. À partir de ces années, les études histo- 
logiques ayant fait en Allemagne de remarquables progrès , il en 
est résulté qu'une foule d’observateurs ont abordé directement ou 
indirectement la question de texture du système nerveux chez les 
êtres les plus dégradés; nous essaierons de donner l’analyse des 
résultats qui nous ont le plus frappés. 

Nous passerons rapidement sur les quelques faits recueillis par 
Pappenheim (4) et Henle (2), en nous bornant à dire que ce der- 
nier auteur a trouvé, autour de l’orifice génital de l’Échinorhynque 
et dans le pharynx du Distome, des corps analogues aux fibres 
nerveuses et aux cellules ganglionnaires. 

Nous nous arrêterons spécialement sur le travail très important 
d'Helmholtz (3); l'auteur à fait une étude distincte des éléments et 
des tissus. Les éléments nerveux, envisagés chez les Arachnides, 
les Insectes, les Vers, les Mollusques, se réduisent à deux, le tube 
et la cellule. Le tube se compose d’une enveloppe et d’un contenu, 
et la cellule d’une enveloppe , d’un contenu diversement coloré , 
d’un noyau et de nucléoles ; l’auteur a très bien distingué les cel- 
lules nerveuses avec prolongements des cellules apolaires. 

En examinant le mode de disposition des éléments , Helmol{z a 
constaté chez la Sangsue la texture suivante : Des fibres nerveuses, 
dont une partie traverse le ganglion ; une autre se dégage au ni- 
veau des cloisons de la masse fibreuse pour aller se porter aux 
nerfs latéraux; et la troisième se rend des connectifs et des nerfs 
latéraux vers les cellules ganglionnaires. Helmholtz a exactement 


(1) Pappenhein, Die specielle Gewebelehre des Gehürorgans nach Struc- 
tur, etc. Breslau , 4840. 

(2) Anatomie générale, dans Encycl. anat., trad. franç., t. IN, p. 334. 

(3) Helmholtz, De fabrica systematis nervosi evertebratorum. Berolini, 4842. 
Consultez aussi Siebold et Reïchert (Arch. de Müller, 4843, p. 414, et CXCVII). 


DU SYSTÈME NERVEUX. 917 
figuré les cloisons. Dans l’Écrevisse, le même auteur a reconnu 
une structure très complexe, et spécialement des fibres qui ne vont 
que d’un ganglion au ganglion suivant; d’autres qui se dirigent 
d’une extrémité à l’autre de la chaîne; d’autres, enfin, qui vont 
d’un ganglion au tronc nerveux latéral : la distinction entre les 
nerfs moteurs et sensitifs, telle que Newport l’a comprise, ne paraît 
pas fondée à Helmholtz. 

Hannover, Will et Remak, ont publié, dans le cours de l’an- 
née 1844, des travaux qui touchent intimement au sujet de ces 
Essais, et dont la valeur est incontestable. 

Hannover (1), dans ses études sur les nerfs de lA4stacus fluvia- 
tilis et de l’Hirudo medicinalis, a bien reconnu le rapport des 
cellules et des tubes ; il a bien noté l’analogie des tubes de certains 
Invertébrés avec les tubes du grand sympathique des Vertébrés , 
mais il n’est entré dans aucun détail relativement à la texture. 

Will (2) a décrit plus exactement que ses prédécesseurs les élé- 
ments nerveux , et spécialement les cellules; il en reconnaît de 
deux sortes. Dans les unes, l’espace compris entre l'enveloppe et 
le noyau est toujours rempli d’une matière hyaline, que l’action de 
l’eau fait paraître grenue. Ces cellules ne sont pourvues que d’un 
seul prolongement qui reste indivis. 

Dans la seconde forme, la masse hyaline renferme une multi- 
tude de petites vésicules rondes ; de chaque cellule partiraient, 
d'après l'auteur, des appendices de forme allongée, composés de 
fibres déliées. Ces appendices se diviseraient en branches don- 
nant naissance à des rameaux plus grêles. Les grosses branches 
sont variqueuses; les petites se réunissent en renflements gan- 
glionnaires, d'où partent de nouyelles fibres. 

Will nous donne aussi des détails sur la texture des ganglions 
de la Sangsue ;il en décrit exactement les faces, les extrémités, 
les enveloppes, les cloisons, à l'égard desquelles il fait remarquer, 
en s'appuyant sur les observations qu'il a faites chez la Téthys, 
qu'elles interceptent autant de ganglions distinets. Les autres par- 

(1) Hannover, fecherches microscopiques sur le système nerveux (Copenhague, 


Paris et Leipsik, 1844), pl. 6 et 7. 
(2) Archives de Müller, 1844, p. 77. 


348 E, FAIVBE, — SUR L'HISTOLOGIE 


ties du mémoire de Will ne se rapportent qu'indirectement au sujet 
que nous traitons. 

Remak à publié dans les Archives de Müller (4) quelques recher- 
ches sur le contenu des tubes nerveux chez les Écrevisses ; il dé- 
crit dans chaque tube couvert de noyaux une réunion de filaments 
déliés : ces filaments sont très fins, parallèles, sans anastomoses , 
et réunis en un faisceau qui peut faire saillie au dehors de l’enve- 
loppe, soit par suite d’une pression, soit par l’action de l’eau. Aus- 
sitôt après sa sortie du tube, le filament se réduit en une matière 
granuleusé. Entre le faisceau central et l'enveloppe , Remak a vu 
aussi une couche de matière dans laquelle se développent, par 
suite de la coagulation, d'innombrables vésicules hyalines. 

Quelle est la signification du faisceau central ? Constitue-t-il une 
partie spéciale, ou représente-t-il un cylindre d’axe ? Remak adopte 
cette dernière opinion en se basant sur des observations antérieures. 
Depuis le travail de Remak jusqu’en 1848, on n’a rien écrit, que 
nous sachions, d’important sur le sujet qui nous occupe. 

En 1848, Ch. Bruch, professeur à Heidelberg, a publié ses 
observations sur le système nerveux de la Sangsue considéré dans 
sa structure intime (2). Nous ne connaissons aucun travail plus 
soigné, plus exact et plus conforme aux faits que le sien. Nous en 
présenterons une succincte mais rigoureuse analyse. Bruch étudie 
à part les centres nerveux et les filets qui en partent. Relativement 
aux centres nerveux , il insiste sur la forme et l’aspect des deux 
faces ganglionnaires et de leurs prolongements. Il établit la con- 
striction du connectif supérieur à son entrée, et celle des nerfs 
latéraux à leur sortie ; il démontre que les fibres du connectif su- 
périeur se partagent en deux groupes : les unes traversent directe- 
ment le ganglion, les autres forment une partie des faisceaux laté- 
raux du même côté. En employant l'acide acétique, l’auteur 
parvient à distinguer l’entrecroisement des tubes venant des cel- 
lules de la région supérieure gauche avec les tubes émanant des 
cellules de la partie supérieure droite ; les recherches de Bruch ne 

(1) Remak, Müller's Arch., 4843, p.197 à 201. 

(2) Ch. Bruch, dans Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, herausgegeben 
von Siebold und Külliker, 1848-49, p. 64, avec une planche. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 319 
l'ont conduit à aucun résultat sur la marche des fibres dans la moitié 
inférieure des ganglions. En jetant les yeux sur les figures 2, 3, 
hk, 5 de la planche, on comprendra facilement les détails que nous 
donnons ici, détails sur lesquels nous aurons d’ailleurs à revenir 
longuement. 

Ehrenberg , Valentin et Will s'étaient occupés , comme nous 
l'avons vu, de la texture des ganglions de la Sangsue ; mais aucun 
d'eux n'avait porté son attention sur la structure des nerfs. Bruch 
a traité ce sujet avec soin ; il a bien reconnu que chaque rameau 
antérieur présentait, à peu de distance de son point d’émergence , 
un renflement ganglionnaire ; il a aussi constaté qu’un pareil ren- 
flement, avec des cellules apolaires, se reproduisait à chaque bifur- 
cation importante du tronc nerveux antérieur. 

Les branches postérieures ne présentent jamais de renflements 
ganglionnaires, mais elles ont, dit Bruch, un caractère particulier. 
Le long des rameaux se distinguent des cellules ganglionnaires 
bipolaires, formant comme des renflements sur le trajet des tubes 
primitifs. Ces cellules intercurrentes, comme Henle les appelle, 
sont situées dans le cours du nerf, et jamais au point où il se 
divise ; on les trouve fréquemment sur les plus petites branches 
du nerf latéral postérieur, rarement sur les rameaux du tronc an- 
térieur : elles n’ont jamais été rencontrées dans les filets nerveux 
du premier et du dernier ganglion. 

Bruch résume de la manière suivante toutes ses observations : 

1° Il existe des cellules ganglionnaires libres, sans prolonge- 
ments , sans rapports avec les filets nerveux ; on les trouve dans 
tous les ganglions médians, dans les troncs antérieurs et leurs 
branches. 

> Les cellules , à un seul prolongement, se trouvent dans les 
ganglions eux-mêmes où elles sont abondantes. 

3 Les cellules à deux prolongements, l’un central et l’autre 
périphérique, se trouvent spécialement sur le trajet de la branche 
nerveuse postérieure de chaque ganglion. 

Nous regrettons que le beau travail de Bruch n'ait pas été plus 
étendu, L'auteur n'a point parlé de la texture intime des cellules 
ni des tubes ; il ne s’est point occupé de la disposition du premier 


350 É. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


et du dernier ganglion, non plus que de la marche et de la termi- 
naison des nerfs. Il est vrai de dire aussi qu'il ne nous a donné 
son travail que comme une suite d'observations incomplètes. 

Si nous nous bornions à ne parler des travaux histologiques 
qu’autant qu'ils se rapportent au Lombrie et à la Sangsue, les no- 
tions historiques seraient bientôt épuisées ; mais nous croyons 
devoir envisager notre sujet d’une manière plus générale. Il nous 
semble done utile d'y rattacher diverses observations faites sur la 
texture intime des nerfs chez quelques autres invertébrés. Ces faits 
épars gagneront à être rapprochés, et nous serviront de base pour 
établir plus loin quelques déductions générales. 

Faisons d’abord connaitre les découvertes partielles dues à 
Leydig, 

De 1848 jusqu'à ce jour, Leydig a publié, dans le journal de 
Külliker et de Siebold, de précieuses monographies zoologiques ; 
ses travaux, comme ceux de M. de Quatrefages en France, ont sur- 
tout porté sur les Annélides ; et, tout en faisant avancer la zoolo- 
gie, ils ont souvent éclairé l'anatomie et la physiologie comparées. 
Dans toutes ces publications, Leydig a traité avee soin du système 
nerveux : c’est à cet ordre de faits que nous devons nous arrêler. 

Dans la Piscicola geometrica, la Sanguisuga et | Hæmopis (4), 
Leydig distingue deux formes dans les cellules ganglionnaires. 
Dans la première forme le contenu est finement granuleux, séparé 
de l’enveloppe par un espace marqué. Dans la seconde, qui parait 
se rattacher à celle que Will a décrite, le contenu renferme, outre 
une masse granuleuse, des vésicules transparentes, et semblables 
à des gouttes visqueuses irrégulièrement disposées. Cette espèce de 
cellules offre rarement des prolongements ; on la trouve surtout 
dans le voisinage des connectifs du cerveau. 

En observant le Branchypus stagnalis, la larve du Corethra 
plumicornis , Leydig a reconnu une disposition histologique par- 
faitement en rapport avec ce que Bruch a vu chez la Sangsue : à 
savoir, des renflements ganglionnaires disposés sur le trajet, eb 
surtout vers les extrémités terminales des tubes primitifs, 


(1) Voyez Zeitschrift, etc., 4848, p. 429 (pl. 10, fig. 69 et 74). 


DU SYSTÈME NERVEUX. 351 


Dans les antennes du Branchypus (1), du mâle comme de la 
femelle, les tubes primitifs se dilatent plusieurs fois, etse terminent 
d’une manière insensible ; chaque renflement est une cellule bipo- 
laire présentant à l’intérieur des noyaux très visibles, au milieu 
d’une masse finement grenue. 

Dans les branches antérieures émanant des ganglions de la larve 
du Corethra (2), Leydig a signalé des renflements ganglionnaires 
pourvus de noyaux, et en continuité avec les tubes primitifs sur le 
trajet desquelsils sont situés : un seul tube peut présenter plusieurs 
de ces renflements successifs. 

Les racines postérieures sont aussi renflées à leur extrémité ; 
mais, dans ce cas, chaque renflement, au lieu d’être en rapport avec 
un tube isolé, paraît résulter de la fusion d’un ensemble de tubes. 

Leydig a encore observé dans la peau de la Carinaire (3) les ren- 
flements placés vers la terminaison des tubes nerveux, et en con- 
tinuité avec ces tubes. Les renflements sont nombreux et consistent 
en cellules, contenant, au centre d’une masse granuleuse, un 
noyau et un nucléole. 

En réunissant cette dernière observation à celles qu'il a faites 
sur le Branchypus, Leydig pense que celte terminaison de tubes en 
renflements est un des caractères des nerfs sensitifs de la peau. 

De nombreux détails sur le système nerveux sont aussi ren- 
fermés dans ses belles observations sur les animaux rotateurs. 

Le système nerveux de la Lacinulaire sociale (4) consiste en deux 
masses : la première, située derrière le pharynx, est composée de 
quatre cellules bipolaires avec leurs prolongements , qui peuvent 
être suivis très loin ; la seconde masse , placée près de la queue , 
est formée par quatre cellules ganglionnaires bipolaires, très volu- 
mineuses, renfermant, outre la matière granuleuse, un ou plu- 
sieurs noyaux. Ces tubes, qui prolongent les cellules, sont renflés 
de distance en distance. 

Chez les Hydatines , les Brachions (3), le cerveau est également 

(4) Voyez Zeitschrift, t. IX, p. 292. 

(2) Zd., 1852, p. 438 (taf. xvr, fig. 4). 

(3) Zd., 4854. 

(4) 1d., 4854, p. 452 (fig. 4, pl. 47). 


392 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


composé de cellules d’où émanent des tubes , lesquels vont se ter- 
miner à la peau par des renflements analogues à ceux des nerfs 
dans les antennes du Branchypus. D'après Leydig, les nerfs à ren- 
flements présidant à la sensibilité , on doit considérer les organes 
auxquels ils se distribuent comme les vrais organes du tact. Dans 
la Notommala Sieboldii , les mêmes renflements se constatent sur 
les tubes qui émanent du cerveau (1). 

Nous ne terminerons pas l'analyse des travaux de Leydig sans 
parler de ses études sur l'anatomie d’un Insecte, le Coccus Hespe- 
ridium (2). 

Son cerveau consiste en une masse finement granuleuse au sein 
de laquelle sont, comme plongés, trois noyaux sphériques d'aspect 
graisseux renfermant des nucléoles. On ne distingue aucune trace 
d’enveloppes cellulaires. A propos de cette observation, Leydig se 
livre à des considérations générales qui font ressortir ses vues sur 
l'histologie des éléments nerveux chez les Invertébrés. Il conclut 
ainsi : 

1° Il y a des Invertébrés chez lesquels le nerf se compose d’une 
enveloppe homogène et d’un contenu homogène. Exemple : les 
Rotateurs, les Échinodermes, les Polypes. 

2 Chez d’autres, le nerf se compose d’une enveloppe homogène 
et d'un contenu finement granuleux, d’ailleurs sans séparation sub- 
séquente. Exemple : tous les Mollusques et quelques Crustacés. 

8 Ailleurs le nerf est constitué par une enveloppe homogène , 
et un contenu finement granuleux, partagé en faisceaux ; ceux-ci 
entourés en partie d’une enveloppe claire parsemée de noyaux. 
Exemple : quelques Annélides, certains Mollusques. 

k° Enfin le nerf peut être constitué comme précédemment ; seu- 
lement , entre le contenu granuleux et la gaine , on distingue une 
couche de substance claire, qui a une certaine analogie, par sa con- 
sistance graisseuse, avec la moelle des fibres à double contour chez 
les Vertébrés : les nerfs de l’Écrevisse seraient conformés de cette 
manière. 

(4) Zeïtschrift, 1854 : Ueber den Bau und die syslematische Stellung der 
Räderthiere, p. 87 à 99 (taf. 1, fig. 12, 16, 47). 

(2) Id, 4853, t, V (taf, r, pl, 6 et 7). 


DU SYSTÈME NERVEUX. 393 

Passant des tubes aux cellules, Leydig en reconnait de deux 
espèces chez les Invertébrés : les unes, pourvues d’une membrane, 
d’un contenu granuleux et d’un noyau ; les autres, dont le contenu 
est grossièrement grenu, et dont la membrane d’enveloppe n'existe 
pas. Exemple : le Coccus ITesperidium. 

L'exposition sommaire des travaux de Leydig suffit pour mon- 
trer combien l’histologie des nerfs est redevable à cet excellent 
observateur ; aussi est-ce avec regret que nous y signalons quel- 
ques lacunes. Rien sur les principes immédiats, rien sur les tissus, 
peu de considérations destinées à établir un parallèle entre les Ver- 
tébrés et les Invertébrés. Il aurait été à désirer que Leydig se fût 
aussi proposé d’éclaircir ces questions. 

Nous allons retrouver la même manière de procéder, le même 
esprit zoologique dans un autre auteur dont les travaux ne sont pas 
nombreux , mais qui sont tous marqués au coin de la plus scrupu- 
leuse exactitude, et du talent d'observation poussé à ses dernières 
limites. Nous voulons parler des monographies classiques de 
Meissner sur les Vers de l’ordre des Gordiacés , et en particulier 
sur le Mermis albicans. 

Dans le Mermis albicans (1), Meissner a décrit un système ner- 
veux dont il aurait été impossible de prévoir d'avance la complexité. 

Un anneau œsophagien avec deux ganglions, des masses mé- 
dullaires avec de nombreux filets périphériques , un grand sympa- 
thique, caractérisent cette forme complexe du système nerveux ; 
la description histologique doit seule nous occuper, et Meissner 
lui a accordé une place suffisamment étendue. 

Tous les ganglions, spécialement les six renflements céphaliques 
et les trois renflements de la queue, se composent de cellules gan- 
glionnaires parfaitement visibles. Chaque cellule offre une enve- 
loppe mince, un contenu granuleux et un noyau : ce contenu peut 
être plus ou moins séparé de l'enveloppe. Celle-ci se prolonge 
souvent en un tube, et le contenu de la cellule est en rapport direct 
avec celui du tube. 

Tandis que ces cellules unipolaires et bipolaires sont très fré- 

UM) Meissner, Beiträge zur Anatomie und Physiologie von Mermis albicans 
(Hierzu Tafel x1-xv), dans Zeitschrift, 4853, p. 208 à 279. 

4° série, Zooz, T, V, (Cahier n° 6.) % 23 


354 E. FAIVRE. —— SUR L'HISTOLOGIE 

quentes , il est remarquable qu'on:ne constate jamais la présence 
d'aucune cellule apolaire. Il est de toute évidence chez le Merms 
que les cellules se prolongent en tubes; seulement la question de 
savoir comment ces tubes se terminent n’est pas du lout résolue. 

Les masses sus et sous-æsophagiennes sont formées presque 
uniquement de cellules unipolaires ; les tubes qui en partent pré- 
sentent, à une certaine distance, des renflements (celleles bipo- 
laires) ; et l’ensemble de ceux-ci produit de nouvelles masses gan- 
glionnaires d’où s’échappent également des tubes. Meissner a done 
constaté dans ee cas le même fait que Leydig nous a tant de fois 
indiqué, et que nous avons constaté nous -même. 

Meissner n’a jamais vu aucun rapport direct entre une cellule 
et une autre cellule ; il signale et représente des cellules ganglion- 
naires pourvues de deux noyaux (fig. 43 rr, fig. 16 d, taf. xn). 
Dans ce cas, les noyaux sont obliques, lun par rapport à l’autre, 
et la masse granuleuse semble partagée en deux masses secon- 
daires ; n’est-on pas dès lors porté à supposer qu'on à sous les 
yeux deux renflements réunis sous une seule enveloppe ? 

Si, dans les ganglions antérieurs et postérieurs, on voit netle- 
ment les cellules et leurs prolongements, il n’en est pas de même 
dans les trois masses médullaires prineipales : ici les fibres , loin 
d’être distinctes, paraissent confondues, ou plutôt leurs enveloppes 
ont disparu, et la matière granuleuse seule constitue l’ensemble du 
cordon. Dans les points de ce cordon, d’où partent les filets, l'en- 
veloppe reparaît de nouveau autour de la matière homogène. 

Les filets émanés des cordons centraux se divisent en branches 
de plus en plus fines jusqu'à leur terminaison : celle-ci à été bien 
comprise par Meissner. Après avoir atleint le bord d’une bande 
musculaire, le tube nerveux s’élargit sensiblement ; il forme une 
surface triangulaire, dont la base se soude intimement avec les fais- 
ceaux primitifs, de façon qu'on peut affirmer qu'il y a connexion 
intime entre la matière nerveuse et la substance musculaire ; par- 
fois l’attache du nerf sur le musele se fait par deux petites bandes 
(fig. 17, cd). Meissner, en examinant le grand sympathique du 
Mermis, n’a signalé aucune différence notable entre la constitution 
de ce nerf et celle du système de la vie animale. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 399 

Eu définitive, les dispositions qui nous intéressent principale- 
ment dans le travail de l’habile anatomiste sont les deux suivantes : 
dans la moelle, il y a un simple mélange de la matière granuleuse, 
et, au sortir de cette partie, les tubes primitifs se reconstituent ; 
en second lieu, les tubes se terminent sur les fibres musculaires 
en s’y réunissant d’une manière intime. 

En continuant ses recherches sur les Gordiacés, Meissner 2 
ajouté quelques nouveaux détails sur la texture de leurs nerfs : 
c'est ainsi que, chez le Mermis nigrescens, il a observé la termi- 
naison directe des tubes nerveux sur les fibres musculaires, et qu’il 
a de nouveau reconnu la même disposition chez l’Ascaris Mys- 
traxæ, V Ascaris triquetra et V'Ascaris commutata (À). En s’occu- 
pant du Gordius aquaticus, et à propos de son système nerveux, 
il est entré dans des considérations d'histologie générale que nous 
ne pouvons reproduire ici (2). 

Meissner termine pour nous la série des études les plus impor- 
tantes qui aient été faites en Allemagne sur la structure du système 
nerveux des Invertébrés. Toutefois nous n’ignorons pas que des 
savants bien connus par l'exactitude de leurs travaux, comme 
Wagner, Kôlliker, ont traité incidemment la question ; mais nous 
avons cru devoir nous altacher aux observations les plus claires, 
les plus étendues et les plus récentes. 

Si cette branche de la science n’a pas été aussi féconde en 1esul- 
tats en France qu’en Allemagne, néanmoins une grande impulsion 
a été donnée à l'anatomie descriptive et philosophique par les tra- 
vaux de Cuvier, Audouin, Serres, Milne Edwards, Quatrefages, 
Léon Dufour, Blanchard; mais jusqu’à présent on ne s’est pas 
assez sérieusement intéressé à l'étude des principes immédiats , 
des éléments, des tissus. Ce que Mandl et, par-dessus tous, M. Ro- 
bin, ont si bien fait pour les animaux supérieurs, on ne l'a point 
encore tenté pour les Invertébrés. Consignons toutefois les détails 
qui, à notre connaissance, ont été donnés incidemment par divers 
analomistes bien connus dans divers travaux monographiques. 

En 1540, M. Doyère signale chez les Tardigrades les rasses 

(1) Zeitschrift, 4855, p. 24 (taf. 1, fig. 4 et 6). 

(2) 1d., p. 99. 


356 E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE 


nerveuses, au centre desquelles on distingue des corps arrondis ; 
il indique la terminaison des nerfs sur les muscles par une espèce 
de soudure des deux tissus (1). 

Dans ses nombreux travaux, M. de Quatrefages a insisté souvent 
aussi sur les faits de texture : ainsi, en 1843, chez l'Éolidine, il 
signale de nouveau le mode de terminaison des nerfs par soudure, 
observé par M. Doyère sur le Malnesium tardigradum (2). En 
1845 , il représente le même fait chez l'Amphioxus , en ajoutant 
sur le système nerveux de ce singulier animal des détails fort im- 
portants qui auraient échappé à Retzius et à Müller (3); en 1846, 
il décrit la coloration du cerveau des Némertes, et le mode de ter- 
minaison par épatement des nerfs qui en sortent (4). Il démontre, 
en 1850, ce fait inattendu que, chez le Polyophthalme, il naît de 
chaque ganglion, outre les deux paires nerveuses ordinaires, une 
paire de nerfs optiques qui se rend à de véritables veux, dont 
chaque anneau du corps de l'animal est latéralement pourvu (5). 
En 1850, nouvelles études sur le système nerveux des Annélides 
en général (6). Ce long et remarquable travail ne rentre malheu - 
reusement pas dans notre sujet; il y est à peine fait mention de la 
texture intime des ganglions ; l’auteur toutefois a très bien remar- 
qué la tendance aux renflements ganglionnaires que présentent soit 
les connectifs, soit les troncs qui partent des axes médullaires. 

Dans une note publiée depuis sur le système nerveux des 
Albiones, M. de Quatrefages a insisté de nouveau sur les renfle- 
ments des connectifs et des nerfs qui partent du cerveau (7); il a 
vérifié le même fait chez les Branchellions. 

Toutes les observations sont bien d'accord avec celles de Leydig 
que nous avons signalées précédemment. 

Nous ne passerons pas sous silence cette opinion émise en 1850 


Id., 3° série, 1850 , t, XIV. 
Id., 1852, p. 328, 


DU SYSTÈME NERVEUX. 397 
par M. Dujardin, que le cerveau des Insectes se compose d’une 
substance pulpeuse et de corps pédonculés, développés en raison 
de l'intelligence des animaux (1). 

Les nombreux ouvrages qui traitent de la Sangsue médicinale, et 
notamment celui de M. Moquin-Tandon , ne nous paraissent avoir 
apporté aucun fait de quelque valeur pour l'étude de la texture des 
ganglions ou des nerfs (2). 

Quelques réflexions encore avant de terminer cet historique. 
La liste des auteurs qui se sont occupés de la texture des nerfs chez 
les Invertébrés est déjà longue, et cependant les résultats généraux 
qui ont jusqu'ici enrichi la science sont peu nombreux et peu im- 
portants. 

D'où vient ce résultat, simon de la variété des méthodes et de 
la diversité des points de vue? 

Un anatomiste dissèque avec soin les filets nerveux, il en suit 
partout les ramuscules ; mais il néglige l'emploi du microscope 
pour en connaitre la texture. Un autre fait usage du microscope, 
mais d’une manière incomplète, soit qu'il s’en tienne aux tissus , 
soit même qu'il n’étudie que les tissus d’un seul ganglion. 

Quelques observateurs s’attachent aux éléments avec un soin 
extrême; mais, pour vouloir les suivre chez tous les types des 
invertébrés , ils les comprennent mal. D’autres se bornent à un 
seul être ; mais, faute de termes de comparaison, ils n'éclairent pas 
assez leurs sujets. Ajoutons que c’est presque loujours fortuitement 
que les études sur le système nerveux ont été faites au point de 
vue histologique, du moins. 

Nous avons cru convenable, en abordant la question, de ne pas 
choisir trop de types, mais aussi de ne pas nous renfermer dans un 
seul : nous avons dû examiner, à part les principes immédiats, les 
éléments et les lissus, en suivant la même marche pour chacun 
des organes importants de la chaine nerveuse. 

Telles sont les indications que nous avons puisées dans l'histoire 
même de notre sujet. 


(1) Ann, sc. nat., 1850,t, XIV, p, 195 à 205. 
(2) Monographie des Hirudinées. 


308 E. FAIVRE. — SUR L'’HISTOLOGIE 


DEUXIÈME PARTIE. 


OBSERVATIONS. 


Pour donner à nos études sur le système nerveux des Inverté- 
brés toute la précision dont elles sont susceptibles, nous avons cru 
devoir adopter le plan qu'on a suivi, dans ces dernières années , 
pour l’histologie des animaux supérieurs. Ce plan consiste à étu- 
dier, à part les principes immédiats, les éléments, les tissus et les 
systèmes, et à envisager, sous chacun de ces quatre points de vue, 
le système nerveux chez quelques êtres d’une organisation déjà 
dégradée. 

Cette manière d'étudier nous paraît conforme aux procédés que 
la nature emploie lors du développement des parties chez les em- 
bryons. Les éléments , qui supposent les principes immédiats , se 
montrent d’abord; les organes s’ébauchent presque en même 
temps : peu après, on voit les éléments s'unir pour constituer les 
tissus, et les organes se rapprocher et se grouper pour former les 
appareils et les systèmes. L'évolution du système nerveux paraît 
suivre aussi cette marche simple et générale. 

Nous devrions, pour être logique, commencer par l'examen des 
principes immédiats du Lombric et de la Sangsue, et terminer par 
l'étude du système nerveux : tel ne sera point pourtant l’ordre que 
nous suivrons. L'étude des principes immédiats est longue et dif- 
ficile; elle sera l’objet d’un travail spécial que nous préparons. 

Quant à l'examen du système nerveux proprement dit , il n’est 
pas nécessaire que nous nous étendions longuement sur ce point. 
Tant d’anatomistes ont traité cette question si exactement, si minu- 
tieusement même, qu'il nous suffira de renvoyer à leurs travaux, 
nous réservant de faire connaitre certains détails qui ont pu échap- 
per à leur attention. 

L'étude des éléments et des tissus nerveux de la Sangsue et du 
Lombric terrestre formera done l'unique objet de ce Mémoire. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 399 


CHAPITRE I. 
DE LA SANGSUE MÉDICINALE. 


1° Système nerveux de la vie animale. 


SECTION I. 


Éléments anatomiques. 


Dès qu’on étudie les éléments anatomiques à un point de vue 
d'ensemble, on y trouve comme un reflet de ce plan général, qui , 
se reproduisant partout, nous initie aux secrets de la composition 
si simple des organismes. 

En effet, si l’on envisage un animal entièrement développé, on 
trouve les éléments anatomiques variables dans les diverses régions 
d’un même système, mais réductibles cependant à des caractères 
déterminés et à des formes fondamentales. Si l’on en considère le 
développement, on voit se dérouler encore une série de formes 
dont l'étude attentive donne bientôt la clef, en faisant saisir les 
évolutions anatomiques d’un même élément suivi aux divers âges 
de l'animal. 

Si enfin (et il n’est guère possible à l’esprit de se soustraire à 
cette préoccupation) on compare les éléments nerveux d’un Inver- 
tébré à ceux d’un autre Invertébré, ou d’un Vertébré , soit adulte, 
soit à l'état embryonnaire, on saisit encore, en envisageant le sujet 
sous celle face nouvelle, d’autres rapports, d’autres harmonies. 

L'exposition rigoureuse dans laquelle nous allons entrer justi- 
fiera les aperçus qui précèdent. 

Dans la Sangsue médicinale , nous distinguons deux éléments 
anatomiques principaux , la cellule et la fibre : nous en traiterons 
séparément. 

A. Cellules. 

Les cellules nerveuses offrent des caractères d'ordre physique , 
chimique , histologique , que nous passerons successivement en 
revue. 

On rencontre les cellules : 4° dans tous les ganglions qui consti- 
tuent le système nerveux de la vie animale, elles y sont très abon- 
dantes ; 2° dans le système nerveux de la vie organique ; 3° dans 


960 E. FAIVRE, — SUR L HISTOLOGIE 
les renflements placés sur le trajet des connectifs , des troncs et 
des branches nerveuses. 

Les cellules sont surtout abondantes dans les ganglions, et spé- 
cialement dans le premier , le second et le vingt-troisième ; elles 
sont moins nombreuses sur les ganglions des troncs antérieurs , 
elles le sont moins encore sur les filets qui partent de ces troncs ; 
enfin elles sont rares sur les branches diverses des nerfs postérieurs. 

La forme des cellules est variable ; néanmoins , et le plus sou- 
vent, elles sont elliptiques : tantôt l’une des extrémités se termine 
en tube, c’est le cas des cellules dites unipolaires ; tantôt les deux 
extrémités s'allongent en deux tubes : on les appelle alors bipo- 
laires. Les formes sphériques et polygonales sont plus ou moins 
régulières ; les dispositions rameuses n’y sont pas très rares. 

Les dimensions n'offrent pas moins de variétés que les formes ; 
les cellules les plus volumineuses, situées dans les ganglions , 
occupent, soit les régions moyennes de la face inférieure , soit 
l'espace compris entre les faisceaux des connectifs et des troncs 
nerveux. Elles ont plus de 0°",06 ; la plupart des autres cellules 
au contraire, celles des parties latérales du ganglion, ont de 0"",02 
à 0°*,03. Il est bien difficile de donner des chiffres précis, car on 
trouve toutes les dimensions : il faut se borner à quelques 
moyennes. 

Les cellules considérées à l'état normal, sans pression, sans 
intervention d’aucun réactif, n’ont qu'une médiocre consistance. 
Cette consistance ou résistance à la rupture appartient spécialement 
à la membrane d’enveloppe , et c’est également à cette membrane 
qu'il faut rapporter l'élasticité dont les cellules sont quelquefois 
douées. Les diverses parties de la cellule n’ont pas le même état 
physique : l'enveloppe est solide et consistante ; le contenu granu- 
leux, semi-fluide ; et le noyau paraît formé d’une enveloppe mem- 
braneuse et d’un contenu également fluide. 

Ajoutons, pour compléter cette esquisse des principales pro- 
priétés physiques, que les parois des cellules se laissent facilement 
distendre par certains liquides, de même qu'elles se rétractent faci- 
lement aussi sous l'influence de certains autres agents que nous 
ferons connaitre, 


DU SYSTÉME NERVEUX. 361 


Nous n'avons qu'un mot à dire sur la couleur : avec une forte 
loupe, le cerveau et les ganglions offrent une forte coloration 
blanche dans leur centre, et une zone moins foncée à la péri- 
phérie. À un grossissement moyen, l'ensemble des renflements 
offre une nuance jaune, qui est visiblement due aux teintes spéciales 
de la matière granuleuse des cellules ; cette teinte, si pâle chez la 
Sangsue, peut devenir très foncée chez d’autres Invertébrés : c’est 
ainsi que nous en avons rapporté des exemples dans notre histo- 
rique. 

Caractères d'ordre chimique. 

Nous abordons les caractères chimiques, et ce point offre une 
grande difficulté. On peut, en effet, se proposer d'employer les 
réactifs pour déterminer la texture intime des diverses parties de 
la cellule , ou bien on peut rechercher, en comparant les réactifs 
entre eux , quels sont ceux qui se rapprochent ou qui diffèrent en 
agissant sur l'élément nerveux, suivant tel ou tel mode déterminé : 
c’est ce dernier point de vue que nous envisageons. Si l’on essaie, 
sur différentes cellules placées dans les mêmes conditions, une 
série de réactifs employés de la même manière et pendant le même 
temps , on obtient des résultats comparables et réguliers ; mais , 
pour peu qu'on fasse varier l’une de ces conditions, des modifica- 
tions notables se traduisent dans les résultats, et les rendent invé- 
rifiables. 

Un réactif n’agira pas de la même manière s’il est concentré ou 
étendu d'eau, s’il est froid ou s'il est bouillant, s'il est pur ou 
impur. Un même réactif n'agira pas non plus de la même manière 
sur un ganglion qui n’est pas comprimé ou qui est pressé entre 
deux plaques, qui est fraîchement préparé, ou préparé depuis plu- 
sieurs jours. La durée de l’action du réactif a aussi une grande 
influence. 

Si nous mettons tant de soin à indiquer toutes les modifications 
qui, au premier aperçu, paraissent si naturelles, c’est afin que les 
personnes qui désirent répéter ces expériences ne soient pas sur- 
prises des différences qu'elles constateront, pour peu que leurs 
conditions varient. 

Nous avons étudié l’action de quelques réactifs choisis parmi les 


362 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


acides , les bases, les sels neutres ou alcalins, les agents les plus 
actifs de la chimie organique , et les liquides complexes de notre 
” . L 

économie. 

Voici nos résultats généraux : 

1° Les acides nitrique, sulfurique, chromique, gallique étendus, 
augmentent la consistance de la cellule, ils diminuent peu sensi- 
blement le volume des éléments, mais ils donnent au contenu une 
coloration d’un jaune intense. 

20 Les acides acétique et arsénieux rendent le contenu de la 
cellule plus clair, et, en diminuant la consistance de la membrane 
d’enveloppe, la prédisposent à une rupture facile. 

3 Le phosphate de soude et le carbonate de potasse désa- 
grégent, pâlissent le contenu, chassé le plus souvent de l’enve- 
loppe qui vient à se rompre. La soude et surtout la potasse agissent 
dans le même sens, mais plus énergiquement, et sans rien 
dissoudre. 

4° L'alcool et le bichlorure de mercure durcissent les cellules, 
les rétractent, et donnent plus de consistance à l’enveloppe, et une 
coloration plus foncée au contenu. 

5° La glycérine agit de la même manière, en ce sens qu’elle 
rétracte les éléments; mais elle les rend beaucoup plus pâles et 
plus transparents. 

6° Le suc gastrique gonfle, ramollit l'enveloppe, et condense le 
contenu granuleux en lui donnant une couleur foncée. 

La bile de chien et de mouton, l’urine, la salive et le mucus de 
l’homme et de quelques animaux, ne nous ont paru offrir aucune 
modification appréciable. 

Toutes les expériences qui précèdent ont été faites en laissant 
des ganglions en contact pendant deux heures dans les réactifs, et 
en les examinant ensuite, entre deux plaques, à un grossissement 
de 300 diamètres ; les ganglions étaient, autant que possible, pré- 
parés dans les mêmes conditions et sur le même animal. 

Signalons maintenant quelques réactions obtenues dans des cir- 
constances différentes : 

Si l’on place une goutte deglycérine sur un ganglion , la glycé- 
rine rétracte immédiatement les cellules, et leur donne une colora- 


DU SYSTÈME NERVEUX. | 363 
tion foncée. Si l’on comprime le ganglion, le contenu des cellules 
se projette au dehors, et la préparation devient d’une extrême 
transparence. L’acide acétique pur, sans pression, agit de la même 
manière, s’il est étendu à 1/20: ; il éclaircit les cellules sans les 
rompre. 

Que peuvent nous apprendre les réactifs touchant la nature in- 
time des éléments divers qui constituent les cellules? Nous n’abor- 
dons dans ce travail que la question générale, et non celle des 
principes immédiats. 

On sait que, chez les Vertébrés, les cellules se composent d’une 
enveloppe et d’un contenu, et que les tubes sont formés d’une en- 
veloppe, d’une moelle et d’un cylinder axis. 

Les réactions chimiques ont fait voir : 4° que la membrane 
d’enveloppe différait chimiquement des autres parties, et qu’elle 
n'était ni du tissu cellulaire, ni du tissu élastique ; qu'on ne pou- 
vait même, à cause de sa difficile solubilité dans les acides et les 
bases, la faire rentrer qu'incomplétement dans le groupe des ma- 
tières albuminoïdes (4); 2 que le cylindre central est une matière 
albuminoïde, différente de la fibrine ordinaire et de la fibrine 
musculaire (synthonine); 3° qu’enfin la moelle nerveuse était for- 
mée de matières grasses. 

Ces trois parties existent-elles chez les Invertébrés? Les réactions 
chimiques conduisent-elles sous ce rapport à des OP ou à 
des différences ? 

Des expériences soigneusement répétées sur la Sangsue nous 
ont appris que la membrane d’enveloppe des cellules et des tubes 
représente complétement celles des Vertébrés , et que le contenu 
granuleux offre l’ensemble des caractères chimiques applicables au 
eylinder axis. 

Voici les réactifs qui nous ont amené aux conclusions précé- 
dentes : 

L’acide acétique, à froid et même à chaud, dissout difficilement 
le contenu des cellules et des tubes : ee contenu reste granuleux. 

Traité par l'acide nitrique d’abord, puis par la potasse, le con- 


(1) Lebmann, Précis de chimie physiologique, p. 280 , etc, 


264 E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE 


tenu jaunit et se rétracte sans se dissoudre. Il est coloré en jaune 
orangé, très vif, et, dans certains cas, en rose, par l'acide sulfu- 
rique concentré; l’acide nitrique, peu concentré, donne un jaune 
moins vif; la potasse et les autres alcalis caustiques dissolvent très 
difficilement cette matière granuleuse; le sublimé, l'acide chro- 
mique, la ratatinent sans la dissoudre davantage ; l’eau bouillante 
la laisse intacte. 

Toutes les réactions précédentes sont également celles que pro- 
duit le cylinder axis des Vertébrés et de l'Homme ; de ce point de 
vue, par conséquent, nous pouvons déjà conclure que la matière 
granuleuse renfermée dans les cellules et les tubes de la Sangsue 
se rapproche du cylinder axis et du contenu des cellules chez les 
Vertébrés. Nous verrons plus loin si l’étude histologique confirme 
complétement cette première et importante donnée. 

Les réactions de la membrane d’enveloppe sont les suivantes : 
Chez la Sangsue, cette membrane ne fait pas gelée avec l'acide 
acétique, et ne se dissout ni dans l’eau bouillante, ni dans les alca- 
lis concentrés à froid ; elle se distingue ainsi du tissu cellulaire. 
Elle nous a paru soluble, bien que difficilement, dans l'acide sul- 
furique concentré à froid et dans les alcalis concentrés à chaud, ce 
qui la distingue de la substance des tissus élastiques. L’acide azo- 
tique la colore à peine en jaune; l'acide chlorhydrique ne la colore 
pas en violet, ni l’acide sulfurique en rose, ce qui l’éloigne des pro- 
priétés des substances albuminoïdes. 

Cette enveloppe, toujours de structure apparente, peut être sé- 
parée du contenu par plusieurs procédés : par exemple, en trai- 
tant par acide nitrique bouillant et en ajoutant de la potasse, le 
contenu s'écoule, et il ne reste plus que l’enveloppe susceptible 
d’être étudiée séparément. 

L'étude des actions chimiques nous conduit bien à reconnaitre 
l'analogie de l'enveloppe et du contenu granuleux des éléments 
de la Sangsue, avec les parties analogues chez les Vertébrés ; mais 
que nous apprend-elle touchant la matière grasse médullaire ? 
Y a-t-il chez la Sangsue quelques réactions qui indiquent cette 
présence de la moelle? Il en existe quelques-unes en effet. Si l’on 
traite les cellules par le suc gastrique ou l'acide chromique, il se 


DU SYSTÈME NERVEUX. 365 
forme une zone granuleuse particulière, sur laquelle nous revien- 
drons. Les globules de cette zone ont un aspect graisseux ; l'acide 
chlorhydrique fait apparaître aussi dans les ganglions et les tubes 
des globules dont l'aspect et la consistance sont ceux des graisses; 
l'acide azotique fumant produit de nombreux et petits globules de 
nature analogue. Nous avancons tous ces faits avec une extrême 
réserve, car leur interprétation est loin d'être certaine. 

Pour nous résumer , nous dirons : L’enveloppe des cellules et 
des tubes a offert les mêmes réactions que chez les Vertébrés. Le 
contenu granuleux s’est comporté d’une manière générale comme 
le cylinder axis. Quant à la question de savoir s’il existe chez la 
Sangsue des matières grasses mélangées à la matière granuleuse, 
cette question est encore douteuse pour nous, bien que plusieurs 
réactions tendent à nous faire penser que les analogies s'étendent 
jusque-là. 

Caractères d'ordre histologique. 

Dans les cellules nerveuses, on distingue très nettement, et sans 
l'emploi d'aucun réactif, une enveloppe , un contenu granuleux et 
un noyau. 

L’enveloppe est très fine, très mince, pâle, netæment délimitée, 
sans aucune apparence de structure : nous en avons fait connaître 
les caractères chimiques. 

Le contenu granuleux se présente sous plusieurs états : tantôt il 
remplit entièrement la cellule, et tapisse exactement la face interne 
de l’enveloppe ; tantôt il s’en écarte, de manière à laisser un inter- 
valle très appréciable; on peut voir cet aspect sans aucune prépa- 
ration dans les cellules cérébrales , et quelquefois dans celles des 
ganglions. Quoi qu'il en soit, le contenu paraît constitué par une 
foule de grains très petits, irréguliers, d’une consistance demi- 
molle, d’un aspect graisseux, d’une couleur un peu grise ou jaune, 
Ces grains sont agglutinés, et paraissent d'autant plus petits qu'ils 
sont plus extérieurs ; ils sont si mobiles, que la moindre pression 
suffit pour les déplacer : on les dirait reliés par une substance 
amorphe, épaisse, qui échappe aux observations. Au centre de 
celte masse , dont on connaît les caractères chimiques , est logé le 
noyau : c'est un corps sphérique à contours nets, et réfraclant 


366 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 

fortement la lumière, à la façon d’une matière grasse ; il renferme 
souvent dans son intérieur des petits points noirs, qu’on peut re- 
garder comme des nucléoles. Les noyaux occupent le plus souvent 
le centre des cellules , surtout lorsqu'elles sont apolaires ; il n’est 
pas rare de les voir du côté d’où s'échappe le tube dans les cellules 
unipolaires. 

Les noyaux les plus petits peuvent se trouver dans les plus 
grosses cellules , comme les plus volumineuses dans les cellules 
les plus petites. Les diverses espèces de cellules que nous avons 
signalées en contiennent toutes. Le diamètre des noyaux varie 
de 0”",006 à 0"",010. 

Indiquons enfin dans les connectifs l'existence de noyaux volu- 
mineux indépendants de cellules, et plongés au sein de la matière 
granuleuse. 

L'étude de la cellule conduit à plusieurs questions d’une solution 
difficile. En premier lieu , on se demande quelle est la nature des 
substances diverses qui composent cet élément. 

Nous avons dit que souvent, sans aucune préparation, on trouve 
dans les cellules cérébrales un espace compris entre la membrane 
d’enveloppe et le contenu granuleux. Cette disposition devient très 
évidente après l'emploi de certains réactifs, et spécialement du sue 
gastrique et de l’acide chromique. En effet, traitées par le suc 
gastrique, les cellules, qu’elles appartiennent au cerveau ou à tout 
autre ganglion, se partagent en trois zones : l'enveloppe interne 
plus pâle, quoique distincte; la masse granuleuse interne à grains 
fins, distante très sensiblement de la membrane d’enveloppe ; 
enfin , dans l’espace laissé libre par cette rétraction , c’est-à-dire 
entre la paroi interne de la membrane celluleuse et les contours 
de la masse granuleuse , une substance également granuleuse , 
mais à grains plus grossiers , plus isolés, et très fortement colorés 
en noir. Sur une cellule laissée deux heures dans le suc gastrique, 
l'espace dont nous parlons avait 0"",005 de large. 

Les cellules traitées par l'acide chromique étendu , ou par un 
mélange d'acide chromique et de sue gastrique, présentent régu- 
lièrement la même apparence. Nous devons ajouter, ef ceci est 
très important, que la masse granuleuse centrale se continue dans 


DU SYSTÈME NERVEUX. 367 
le tube auquel la cellule donne naissance , et que la zone des gra- 
nulations foncées s’y continue également. 

La description que nous venons de donner s'applique à un cer- 
tain nombre de cellules nerveuses chez les animaux supérieurs : 
on s’en convainera si l’on jette les yeux sur les ouvrages de Kol- 
liker, le mémoire de Robin, et le travail de Leydig sur les éléments 
nerveux de la Chimère. Même disposition générale de la membrane 
d’enveloppe, de la matière granuleuse , de l’espace compris entre 
les deux parties. Nous ne parlons pas de la zone de granulations 
foncées , car nous ne connaissons rien d’analogue chez les Ver- 
tébrés. 

Or, chez les animaux supérieurs , on ne peut contester, comme 
Leydig le fait si justement remarquer à propos de la Chimère, que 
la matière granuleuse de la cellule ne soit son cylinder aæis en 
continuité directe avec le cylindre d’axe du tube qui émane de cette 
cellule. Il est done bien naturel de supposer qu'il en est aussi de 
même chez la Sangsue. 

Nous nous bornons ici à démontrer l'extrême analogie de la 
cellule chez la Sangsue et les Invertébrés. 

On a annoncé, dans ces derniers temps , que les cellules ner- 
veuses, chez les Mammifères el les Poissons , avaient une texture 
très complexe. 

M. Stilling de Cassel (1) prétend, en effet, que lamembrane d’en- 
veloppe et le parenchyme interne sont constitués par d’innombra- 
bles tubes entrecroisés ; le noyau à double contour présente des 
tubes flexueux, dont les uns se perdent dans le parenchyme, et 
d’autres dans le nucléole. Ce nucléole enfin paraît consister en 
trois couches également tubuleuses : une centrale rouge, une 
moyenne bleue, et une intérieure jaune orangé. D’après M. Stil- 
ling, Harless aurait constaté des faits analogues chez la Torpille , 
etRemak dans les cellules nerveuses de la Raie fraiche (2). 

Dès que nous avons eu connaissance de ces recherches , nous 
nous sommes émpressé d'appliquer aux Invertébrés les procédés 
d'investigation signalés par les auteurs. Nous avons fait usage de 

(1) Comptes rendus Acad. des sciences, 1855, p. 898. 

(2) Cons. Külliker, Éléments d'histologie, p. 309. 


368 E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOCIE 


l'acide chromique ; nous avons praliqué, autant que possible , sur 
des nerfs aussi délicats que ceux de la Sangsue, des coupes en sens 
divers ; nous avons employé des grossissements considérables , et 
nous n'avons rien vu d’analogue à ce qui a été décrit. La mem- 
brane d’enveloppe nous a toujours semblé anhiste, le contenu 
granuleux , absence de (ubes dans l’une et dans l’autre de ces par- 
ties. Nous ne contestons pas la justesse des observations de Sül- 
ling, nos études sur les éléments des Mammifèrès ne sont pas assez 
approfondies ; mais nous déclarons , en passant , que les quelques 
Invertébrés que nous avons examinés ne nous ont rien offert de 
semblable. : 

Une dernière question nous reste à examiner. Quel est le rapport 
des cellules et des tubes? Cette question , qui fut autrefois une des 
plus controversées, tend à s’élucider aujourd'hui. On s’accorde 
maintenant à reconnaître que chez les Vertébrés les cellules ner- 
veuses sont en rapport avec les tubes ; le même fait est déjà signalé 
pour les Invertébrés dans les travaux de Will, Bruch , Hannover, 
Leydig, Meissner ; mais il l’est sans détails suffisants. 

Pour être clair sur ce point, nous distinguerons les cellules 
d’après les tubes qui en sortent. 

Sous ce rapport, on trouve chez les Sangsues quatre groupes de 
cellules : | 

4 Les cellules apolaires, qui ne donnent naissance à aucun tube ; 

2% Les cellules unipolaires ; 

& Les cellules bipolaires ; 

k° Et les cellules multipolaires. 

4° Les cellules apolaires se rencontrent : A. dans les centres 
ganglionnaires, elles occupent invariablement la face ventrale de 
chaque ganglion ; les plus volumineuses sont incluses dans l’es- 
pace triangulaire dont nous aurons à parler : quelques cellules apo- 
laires se voient à la face dorsale. On trouve encore ces cellules : 
B. dans les ganglions cérébroïdes ; C. dans le renflement du trone 
nerveux antérieur, et dans les points de bifureation des branches 
de ce tronc. Presque toujours les cellules apolaires sont associées 
à des cellules unipolaires ou bipolaires, ce qui nous porte à penser 
qu'elles forment un état de développement antérieur à celles-ci. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 369 


Les nuances variées qu'affectent ces cellules, dans leurs formes et 
leur mode de développement, confirment cette manière de voir : 
les observations prises chez le Lombric terrestre ne laissent pas 
de doute sur ce point. 

2% Les cellules unipolaires forment essentiellement la masse des 
ganglions principaux, depuis le premier jusqu'au vingt-troisième. 
Si les préparations sont heureuses, on peut suivre les tubes qu'elles 
émettent dans une très grande longueur : on voit alors aisément 
que l'enveloppe de la cellule et du tube est la même , et qu'il en 
est ainsi du contenu. Ce sont là deux formes d'éléments constitués 
sur un même plan et de la manière la plus simple. 

3 Les cellules bipolaires ont aussi une place à part. On les 
trouve : À, entre les troncs antérieurs et postérieurs droits et 
gauches de chaque ganglion ; un des tubes se dirige dans la racine 
antérieure, l'autre dans la racine postérieure. Ces cellules singu- 
lières n'avaient pas été observées avant nous. B. Bruch aaussi 
déerit des cellules bipolaires très communes sur les branches du 
tronc nerveux postérieur. Nous n'avons point trouvé de ces cel- 
Jules dans l’intérieur des ganglions. 

Les cellules mullipolaires , si remarquables sous tous les rap- 
ports, appartiennent presque exclusivement au grand sympathique ; 
ce n’est que très exceplionnellement qu'il nous est arrivé d'en 
noter, soit dans le cerveau, soit dans les ganglions. 

Les faits qui précèdent prouvent que le plus grand nombre des 
tubes nerveux naissent des cellules situées dans les ganglions ; 
mais nous ne prétendons pas dire pour cela que tous les tubes 
naissent ou dérivent des cellules : ce dernier point sera traité spé- 
cialement lorsque nous nous occuperons de la formation des tubes 
nerveux. Nous regardons toutefois comme très probable que tontes 
les cellules, même les apolaires, sont destinées à s’ailonger et à 
émettre des tubes. Cependant il en est qui restent loujours apo- 
laires, et, en ce sens, nous ne saurions partager l'opinion de 
Wagner, qui va jusqu'à nier, chez les Vertébrés, l'existence 
de cellules nerveuses sans prolongements. 


4° série, Zoou T. V. (Cahier n° 6.) # 24 


270 E. FAIVRE. — SUR L'HISTOLOGIE 


B. Tubes nerveux. 


Les tubes nerveux existent chez la Sangsue ; mais jusqu'ici ils 
ont été décrits d’une manière insuffisante. Pour bien voir les tubes, 
il faut avoir recours à plusieurs moyens : à l'acide chromique, qui 
les durcit et les conserve ; à l'acide acétique, qui les pâlit et les 
sépare; aux alcalis étendus qui en expulsent le contenu ; mais le 
meilleur de tous les réactifs est certainement le suc gastrique pur, 
qui rend visible et sépare chaque tube des tubes voisins, en dissol- 
vant la gangue celluleuse qui les entoure. 

Les tubes nerveux parfaits sont très variables dans leur dia- 
mètre, dans leur forme, dans leur aspect. Le diamètre, générale- 
ment plus petit que celui des tubes nerveux de la vie organique, 
est représenté en moyenne par 0"",004 ; il peut varier d'ailleurs 
entre 0"",002 et 0"*,006 ; un même lube peut présenter dans 
diverses portions de son étendue des diamètres variables. 

Bien que les tubes se rapprochent plus spécialement du cylindre, 
ils ont rarement cette forme régulière : ils paraissent au contraire, 
suivant les réactifs, tantôt alternativement renflés et dilatés, tantôt 
plissés sur eux-mêmes et onduleux. Ces divers aspects prouvent 
du moins l’extensibilité des parties qui les composent. 

L'enveloppe des tubes est consistante et élastique ; le contenu 
granuleux est coloré comme le contenu des ganglions. Nous 
n'avons plus à revenir sur les caractères chimiques de ces parties 
dont nous avons déjà parlé; fixons plus spécialement notre atten- 
tion sur les caractères de texture. 

Un tube nerveux de Sangsue se compose de deux parties : l'en- 
veloppe et le contenu. L'enveloppe est anhiste, sans structure 
appréciable, sans noyaux ; on peut la suivre jusque dans les filets 
les plus ténus : nous avons déjà décrit la continuité de ces enve- 
loppes avec celles des cellules. 

Le contenu des tubes est formé par une substance finement gra- 
nuleuse et d’une consistance molle, même à l’état frais. Aux plus 
forts grossissements , celle malière nous apparaît constituée par 
des grains {rès petits, très nombreux, très irréguliers, agelutinés 
par une sorte de substance intermédiaire amorphe On ne peut 


DU SYSTÈME NERVEUX. 971 
distinguer ni les tubes, ni les trois couches que Remak et Stilling 
ont admises dans les tubes des Vertébrés. Nous savons que ce 
magma granuleux , qui remplit les lubes, se continue avec le pa- 
renchyme des cellules. 

Quelle est la signification de ce contenu particulier des tubes 
nerveux ? 

Représente-t-il seulement le cylinder aæis des tubes chez les ani- 
maux vertébrés ? 

Ne représente til pas à la fois le cylinder aæis et la matière 
médullaire ? 

Ou enfin doit-on le regarder comme une partie spéciale aux 
animaux inférieurs ? 

A n'envisager la question qu'au point de vue chimique , il faut 
cerlainement admeltre que ce contenu se rapproche essentielle- 
nent du eylinder axis dont il présente les principales propriétés, 
comine nous l'avons démontré. Mais les difficultés surgissent, si 
l’on caractérise le cylindre de l'axe par ses propriétés physiques. 
Chez les Vertébrés en effet, et en particulier chez l'Homme, le 
cylindre de l'axe est une partie arrondie, pleine, d’une structure 
homogène, solide et élastique comme de l’albumine eoagulée, sans 
granulations, et apparaissant à l'extrémité des tubes soumis à cer- 
laines réactions, surtout aux acides chromique, gallique, à la so- 
lution iodée d'acide iodhydrique, et au sublimé corrosif. 

Sont-ce là des caractères qui appartiennent au contenu des tubes 
chez les Sangsues ? Evidemment non. I faut donc admettre que la 
malière granuleuse des tubes de la Sangsue ne représente pas le 
cylinder axis, parce qu'elle n’en a ni la texture, ni la consistance, 
ou bien que celle manière d’être physique n’est pas absolument 
nécessaire pour caractériser le cylindre de l'axe? Cette dernière opi- 
nion ne peut rester douteuse, si l’on examine les modifications que 
peut présenter le eylindre de l'axechezles Vertébrés, et surtout chez 
leurs embryons. On doit toujours avoir présent à l'esprit l'histo- 
logie embryonnaire des animaux supérieurs, lorsqu'il s'agit de 
diseuter des questions qui peuvent éclairer la texture des animaux 
dégradés. 

Les auteurs ont distingué chez les Mammifères des fibres mé- 


372 E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE 


dullaires et des fibres sans moelle ou fibres pâles. Parmi ces der- 
nières, il faut comprendre : les fibres pâles des nerfs olfactifs ; des 
corpuseules de Pacini ; les fibres des embryons étudiées par Swann, 
Ecker, Kolliker, ete.; et les tubes des Invertébrés, d’après 
Külliker. 

Nous adoptons complétement cette dernière manière de voir, et 
nous considérons les tubes de la Sangsue, en particulier, comme 
représentant une forme des tubes pâles des Vertébrés. Cette 
considération ne résout pas la question que nous nous sommes 
posée, à savoir : la signification du contenu des tubes; mais elle 
la simplifie. 

Personne ne doute, en effet, que le contenu des tubes pâles ne 
représente le cylindre de l'axe : or ce cylindre est là sous un état 
physique tout différent de l’état ordinaire ; il n’y a done aucune 
difficulté à admettre que, chez les Sangsues , la matière contenue 
dans les tubes puisse représenter le cylindre de l’axe, bien qu’elle 
n’en ait pas l'aspect physique. 

Ce qui caractérise le cylinder, ce sont les réactions chimiques, 
plus encore que son aspect physique. 

Si le cylinder aæis a son analogue dans la substance granuleuse 
des tubes de la Sangsue, doit-on admettre que cette substance tout 
entière représente le cylindre de l'axe ; où bien peut-on penser 
qu'elle représente à Ja fois ce cylindre et la matière médullaire ? 
Dans le premier cas, la couche médullaire manquerait compléte- 
ment chez la Sangsue ; dans le second, elle y existerait, mais dans 
un état particulier. 

Nous admettons que la substance granuleuse représente à la fois 
le cylindre de l'axe et la moelle ; seulement, cette dernière partie 
est dans un état particulier ; peut-être résulte-telle d’une modifi- 
cation de la matière azotée primitive. 

Nous appuyons notre assertion sur les faits suivants : 

Dans diverses circonstances , on peut faire apparaître des vési- 
cules, d’nature graisseuse, au sein de la matière granuleuse que les 
tubes renferment. Au moyen de l'acide cblorhydrique, de l'acide 
azotique, on obtient souvent ce résultat. 

En coupant un conneelif sur une Sangsue vivante, et en exa- 


DU SYSTÈME NERVEUX. 373 


minant un certain nombre de jours après l’altération des bouts 
coupés , nous avons vu de grosses vésicules graisseuses mêlées à 
la matière grenue; nous les avons figurées. 

En étudiant les allérations que la macération prolongée fait 
subir aux tubes, on constate encore l'apparition de globules, dont 
l'aspect rappelle beaucoup celui de la moelle. 

Enfin, dans les cellules si curieuses du grand sympathique, les 
éléments gras se montrent, dans la plupart des cas, avec richesse, 
à l’état normal, tandis que, dans d’autres cellules, la matière gra- 
nuleuse existe seule. 

Les faits qui précèdent nous démontrent qu'il existe certaine- 
ment dans l’intérieur des tubes non-seulement une matière azotée 
normale, mais une matière d'aspect graisseux comme la moelle, 
matière que, dans certaines circonstances, on voit se former au 
sein de la précédente, et peut-être à ses dépens. 

Nous croyons done, et de nouveaux faits viendront bientôt 
appuyer notre assertion, que la matière granuleuse représente ee 
premier état, danslequelle cylindre de l’axe et la matière médullaire 
sont confondus ; état qui aurait son analogue dans les tubes pâles 
embryonnaires des Vertébrés. 

Peut-être saisira-t-on plus tard les phases d’un développement 
ultérieur qui aménerait la séparation successive de la moelle et de 
la matière azolée, prenant dès lors tons les aspects du cylindre 
de l'axe le mieux marqué. 

De ce que, dans les tubes nerveux de la Sangsue, la couche 
médullaire n’est pas distincte, il suit que ces tubes n’offrent pas le 
double contour , et qu'ils ne présentent ni le phénomène de la 
coagulation, ni l'aspect variqueux. 

I nous reste à signaler un fait général et très important, c’est la 
fréquente bifurcation des tubes nerveux, constituant soit les troncs, 
soil les filets les plus déliés qui en naissent. 

Nous devons à l’action isolatrice du sue gastrique celte intéres- 
sante découverte. 

Un tube peut se bifurquer non pas seulement une fois, mais 
deux, trois, et même jusqu’à huit fois, comme nous l'avons fait 
représenter. 


37h E. FAIVRE, — SUR L'HISTOLOGIE, ETC. 

Les tubes nerveux, comme les cellules, peuvent offrir plusieurs 
espèces suivant leur origine, leur forme. Nous pouvons jusqu'à 
préseut en distinguer {rois : 

A. Les lubes qui portent manifestement des cellules, et qu'on 
peut suivre dans une certaine longueur. Is sont réguliers, de 
même diamètre à peu près; ils ne présentent que rarement des 
bifurcations. Nous ignorons leur mode de connexion avec les 
tubes de la seconde espèce. 

B. Le plus grand nombre des tubes ne parait pas en connexion 
directe avec les cellules. Les tubes sont alors irréguliers, souvent 
divisés, avec les caractères que nous avons déjà fait connaître. 

C. A l’aide du sue gastrique, nous avons pu distinguer, le long 
des troncs antérieurs , des tubes qui présentaient, de distance en 
distance , des noyaux granuleux ; ils se rapprochaient de l’une des 
formes que nous avons distinguées chez le Lombric, 

Telles sont les observations minulieuses que nous avons faites 
avec tout le soin possible sur les tubes nerveux de la Sangsue offi- 


cinale. 
(La suite à un prochain numéro.) 


NOTE 
SUR LE DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES, 


Par M, Auguste MULLER (1). 


La présence de la petite Lamproie (2) dans nos eaux m'offrait la per- 
spective de suivre le développement d’un Cyclostome,ce qui me paraissait 
désirable pour comprendre cette forme si originale ; c’est pourquoi je 
commençai par observer dans son habitat ordinaire celte espèce , la plus 
pelite de tout le groupe. 

Ces animaux apparaissent tout d’un coup à l’époque du frai; on les 
trouve alors, comme on sait, dans les ruisseaux limpides où ils glissent 
entre les pierres, et, s’y attachant au moyen de leur suçoir, flottent dans 
le plus fort du courant. Après le frai, ils disparaissent, de sorte qu’il me 
fut impossible d'en découvrir aucune trace malgré toutes mes recherches; 
je ne vis que quelques cadavres flotter à la surface. Tous les individus que 
j'observais paraissaient être arrivés au terme de leur croissance. Gepen- 
dant on voit et l’on prend d’autres animaux, des Grenouilles et des Pois- 
sons, par exemple, de toutes les dimensions. C’est en vain que je cher- 
chais les jeunes Lamproies, personne ne les connaissait. Je pensais à des 
poissons voyageurs ; et cependant, dans de si petits ruisseaux ! D'où vien- 
nent-ils ? où vont-ils? Comment se propagent-ils? 

Ces phénomènes singuliers me préoccupèrent et me firent consacrer 
mon temps à l’éclaircissement de ce mystère en négligeant d’autres tra- 
Vaux, 

Les Ammocètes se trouvent dans la même eau , et partout elles sont 
associées aux Lamproies. Elles ont des œufs transparents; ceux des Lam- 
proies sont opaques. J'espérai découvrir dans les unes ce qui m’échappe- 
rait dans les autres, et pensai donner l’histoire du développement de deux 
espèces; elle est devenue l’histoire d’une seule. 

Un jour , j'aperçus dé petites Lamproies rassemblées par groupes de 
dix individus et davantage. Je n’observais pas ces groupes depuis long- 


(4) Ueber die Entoickelung der Neunauÿen (Archiv für Anat. und Physiol., 
von Müller, 1856, n° #, p. 321). 
(2) Petromyzon Planeri Bloch. 


376 A. MULLER. 


temps, lorsque je vis un individu s’élancer sur un autre, se fixer à sa 
nuque, puis se retourner du côté de la face ventrale pour s’accoupler 
avec lui. 

Dans ce cas, je réussis plusieurs fois à recueillir dans ma main les 
œufs qui ne sortent toujours que par portion. Je n’ai pu observer d’intro- 
duction._ Il n’est pas probable en effet qu'il y en ait chez un animal où la 
fécondation a lieu au moment même de l'émission des œufs. 

Quand la femelle a lâché tous ses œufs, on remarque parfois la trace de 
Padhérence du mâle se marquer comme une tache immédiatement en 
arrière des yeux. Les deux sexes ont rempli maintenant leur mission ; ils 
sont «effætus » (impropres à la reproduction). 

Les œufs récemment pondus n’ont guère moins d’un millimètre de dia- 
mètre ; ils sont blancs , légèrement jaunâtres et revêtus d’une enveloppe 
mince mucilagineuse , que l’on ne peut apercevoir , même lorsqu'elle s’est 
renflée dans l'eau, que par une observation attentive. Le fractionnement 
s'opère dans l'œuf entier de même que chez les Amphibies nus, et com- 
mence environ dix heures après la fécondation. Les divisions sont bien 
apparentes tant que dure leur formation , mais lorsque le fractionnement 
s’est achevé, l'œuf reprend une surface presque sphérique, et paraît 
demeurer en repos jusqu’à l’époque où commence un nouveau fractionne- 
ment. Alors, non-seulement une nouvelle ligne de séparation commence 
à partager l'œuf, mais les anciennes aussi reparaissent avec leur pre- 
mière netteté; car chaque partie tend à prendre la forme sphérique et se 
ramasse autour de son nouveau centre (1). 

Le troisième sillon, qui se forme généralement vers la fin du premier 
jour, est sensiblement plus rapproché de celui des pôles dans lequel 


(1) Pour durcir les œufs de Lamproie et de Grenouille en voie de fractionne- 
ment (j'examinai ces derniers par comparaison ), et pour quelques préparations 
ultérieures, j'ai trouvé des dissolutions de sulfate de cuivre de différentes concen- 
trations, d'un emploi très commode, autant pour la netteté des contours qu'elles 
donnent que parce qu'elles permettent de crever facilement l'enveloppe de l'œuf. 
J'y ai été conduit par l'efficacité connue du blanc d'œuf dans les empoisonne- 
ments par le cuivre. Je l'ai immédiatement communiqué au docteur Remak, 
parce que je désirais qu'il profitàt de ce moyen pour des recherches sur les 
œufs de Grenouille auxquelles il se livrait alors : aussi en fit-il grand cas. — Je 
fais celte observation uniquement parce que l'origine du procédé n'est pas indi- 
quée dans le mémoire de M. Remak{Arch. für Anat., 1854, p.375) ; il se prête, 
sans doute, à bien des modifications (entre autres le mélange avec l'acide chro- 
mique) qui doivent être déterminées par des essais pour chaque cas particulier. 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. 371 


les deux premiers sillons se croisent. La plus petite portion développe 
l'embryon, mais elle ne se distingue pas de la plus grande par du pig- 
ment. 

Les cellules de fractionnement de la petite portion supérieure sont d’une 
dimension moindre que celles de la portion inférieure tout autant que chez 
les Grenouilles. Il se forme une cavité intérieure ; la portion supérieure, 
qui est la partie essentielle de l’embryon, est revêtue de petites pièces 
formant voûte ; elle recouvre bientôt la cavité comme une lame mince, 
tandis que la partie inférieure consiste en grosses masses. La cavité inté- 
rieure se rétrécit et se retire de plus en plus du côté de la tête. 

Cependant, le bout postérieur de l'œuf s’aplatit et laisse voir une 
ouverture (l'anus) à la partie supérieure de cet aplatissement. Cette 
ouverture, accessible d’en bas par un plan, est entourée latéralement et 
en haut par un bourrelet en fer à cheval. On parvient bientôt alors à 
distinguer un canal étroit depuis l'ouverture anale jusqu’au delà du milieu 
de l’œuf au-dessous de la région vertébrale, où les parties centrales du 
système nerveux commencent à surgir. 

Le cerveau et la moelle épinière se développent maintenant d’une ma- 
nière plus sensible, ils sont séparés sur la ligne moyenne par le sillon que 
Von connaît, qui bientôt s’efface de nouveau : à sa place s’élève une arête 
assez saillante, La corde vertébrale ne dépasse à aucune époque les laby- 
rinthes de l'oreille. Son contenu , au moment de l’éclosion des petits, est 
d’un aspect rayé, comme je l’ai observé dans quelques embryons de Pois- 
sons osseux ; mais chez les Lamproies, ces stries se composent de cellules 
placées en séries qui pourraient bien être partiellement ou entièrement 
isolées. 

La tête fait saillie et montre sur les côtés deux turgescences ; ce ne 
sont pas les yeux, mais les premiers prolongements viscéraux. Une fente 
les sépare encore sur la ligne médiane. La bouche s’enfonce au-dessus 
d'eux ; un peu au-dessus on remarque plus tard , dans le même plan, 
l'ouverture nasale. Le plan dans lequel elle est située se recourbe en avant, 
puis vers le haut, de sorte que l'ouverture nasale s’avance graduellement 
de la face ventrale vers le côté dorsal. 

La partie postérieure du corps est démesurément grosse, comme le 
ventre d’un très jeune oiseau; il contient l'intestin qui est vésiculaire et 
rempli encore de cellules de fractionnement. Il n’y a jamais de sac vitellin. 

Les mouvements du long cou commencent; on trouve à sa base le 
cœur toujours dépourvu de bulbe pulsatile, et environ dix-huit jours 
après la fécondation l'animal sort de l'œuf, 


378 A. MULLER. 


Le fœtus est encore blanc et opaque ; peu à peu sa masse s’éclaircit, 
de sorte que l’on reconnaît le mouvement du sang ; cependant il se forme 
aussi du pigment. Le cerveau et la moelle épinière ont l’aspect d’un fil 
renflé antérieurement, élranglé de distance en distance. Les yeux se 
montrent comme des points obscurs sur les côtés du cerveau. 

Le cou présente huit fentes viscérales dont l’antérieure , qui se distin- 
gue déjà par sa direction, s’oblitère bientôt. 

Le cartilage de Meckel, qui les limite antérieurement , ne développe 
jamais de mâchoire inférieure, partie dont Jean Müller a déjà démontré 
anatomiquement l'absence chez les Cyclostomes. La cavité buccale se 
creuse profondément et communique avec la cavité branchiale par une 
ouverture d’abord très petite. 

L’intestin demeure le plus longtemps obseur et opaque; lorsqu'il est 
devenu plus transparent, il consiste, comme celui des Grenouilles, en une 
membrane fine bordée d’un très long épithélium bacillaire. 

Dans la coupe transversale, on aperçoit un repli large et plat s’enfoncer 
le long de la face dorsale de l'intestin et recevoir un vaisseau comme une 
rigole. Les uretères s'élèvent à la partie dorsale de l'intestin et ne forment 
que peu de ramifcalions dans lesquelles on observe un mouvement ciliaire. 
Deux turgescences papillaires, et dans la suite un plus grand nombre, 
surgissent dans la bouche sur la paroi supérieure en avant du voile buccal. 

À présent, l'attention est attirée par un organe situé dans l'épaisseur 
du corps au devant du cœur dans la région du larynx. Il se montre sous la 
forme d’un ovale allongé nettement accusé. ressemblant à une vésicule 
séparée sur la ligne médiane ; il devient l'appareil musculaire de succion 
qui distingue les Lamproies des Ammocètes. 

L'animal est constitué maintenant dans ses parties fondamentales ; les 
yeux restent petits comme des points; dans la bouche se développe un 
voile musculaire qui laisse pénétrer l'eau, mais ne la laisse pas sortir. Ces 
papilles de la partie supérieure de la bouche augmentent en nombre et 
poussent des ramifications ; elles forment un treillis qui, de même que les 
soies des stigmates des insectes , el semblable au treillis dans la bouche 
des branchiostomes, empêche l'entrée des corps étrangers. 

A cette période, je fus surpris par la grande ressemblance avec les 
Ammocètes. Je fus frappé de voir que ces fœtus de Lamproie ressemblaient 
si complétement, à une époque de leur vie, à l'animal voisin, que.je m’ef- 
forçais en vain de trouver une différence réelle. Elle viendra cette diffé- 
rence, pensais-je, mais elle ne vint pas. Le fait me chagrinait, car je me . 
l'expliquais par ma maladresse. Mais lorsque l'automne arriva, accompagné 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. 379 


de son mauvais temps, sans que mes animaux eussent fait mine seulement 
de se prêter à mon attente, je ne sus rien de mieux que de leur accommo- 
der ma manière de voir, et j’admis la pensée qu’ils fussent de vraies el véri- 
tables Ammocètles. Cependant, les Ammocètes ont de beaux œufs transpa- 
rents que je me réjouissais déjà d'observer dans leur développement. — 
Eh bien! mes jeunes Lamproies, obtenues par fécondation artificielle, en 
avaient également , et quant aux spermatozoïdes, je n'avais pu en trouver 
ni dans les Ammocètes fécondées artificiellement ni chez celles prises à 
l'état de nature, Ainsi cette difficulté se trouvait écartée. 

Puis, je m'objectais que siles Ammocètes étaient les larves de la Lam- 
proie, il devrait y avoir autant d'’Ammocètes que de Lamproies, et cepen- 
dant je n’en trouvais mentionnée qu’une seule. 

Comme les Lamproies fluviatiles abondent dans nos grands fleuves, je fis 
un voyage, en 1854, pour chercher l’'Ammocète de la Lamproie fluviatile. 
Je la découvris effectivement le lendemain de mon arrivée, guidé par la 
connaissance intime de son congénère. 

Ces Ammocètes se ressemblent tellement , que je pus comprendre com- 
ment un animal si commun n'avait pas élé enregistré dans le système. 
Toutes les deux ont la vésicule biliaire, bien qu’elle ne se trouve que 
chez la petite Lamproie, et nullement dans la Lamproie fluviatile. Elles 
diffèrent par la forme de l’orifice buccal. 

Les deux Ammocètes ont aussi les otholites, qui ne persistent égale- 
ment que chez la petite Lamproie. Ils font effervescence avec les acides. 
Quant aux Lamproies marines, je fus moins heureux, elles ne se trouvent 
chez nous que très rarement. 

Cependant , j'avais acquis maintenant une certitude absolue, car mes 
Lamproies obtenues et élevées artificiellement avaient vécu deux ans en 
caplivité sans se transformer. Elles ressemblaient en tout aux Ammocètes à 
l'état de nature, seulement elles étaient plus petites et étiolées comme des 
plantes de serre, Elles moururent par un accident durant le vingt-cin- 
quième mois. 

Il me restait encore à envisager la question du côté opposé et à sur- 
prendre les Ammocètes dans leur transformation. C'est à quoi je suis 
parvenu cette année après beaucoup de peine. 

Les Ammocètes que je surpris dans leur métamorphose étaient déjà 
avancées, cependant elles laissaient voir clairement l’élat intermédiaire. 

Le reflet argenté de la peau, qui distingue la Lamproie de l'Ammocète 
élait déjà sensible, on voyait s’allonger la nageoire dorsale. L’œil se décou- 
vrait du premier coup, car il avait 3/9° du diamètre de l'œil de la petite 


380 A. MULLER. 


Lamproie. Cependant, il était encore terne dans quelques individus, de 
sorte que l’on ne distinguait pas bien nettement l'iris à travers ; dans 
d’autres individus, il était déjà parfaitement limpide. 

L'orifice buccal s'était rétréci et prolongé en pointe émoussée. Le 
diamètre vertical de l’orifice buccal avait 3 ./2 millimètres chez l’'Ammo- 
cète ; pendant la métamorphose 3 millimètres ; chez l'animal adulte du 
printemps 5 1/2 millimètres. 

Le développement rétrograde d’abord et progressif par la suite de la 
dimension de l’orifice s’explique par le fait que l'élargissement cratéri- 
forme qui occupe la dernière extrémité antérieure chez la Lamproie, 
résultant du développement des cartilages labiaux, n’existait pas encore, et 
que par conséquent le rétrécissement de l’ouverture buccale répond par 
la dimension à l’isthme situé derrière le cratère. La distance de la narine 
du bord antérieur de l’orifice buccal nous fournit au contraire des nombres 
en progression directe avec le développement. Cette distance est de 4 1/2 
millimètres dans l’Ammocète, 6 à 7 millimètres pendant la métamor- 
phose et 9 dans la Lamproie développée. La fissure qui, dans l'Ammocète, 
sépare la lèvre supérieure de la lèvre inférieure, se dessinait encore très 
nettement chez quelques individus ; dans d’autres , elle avait entièrement 
disparu, de sorte que l'extrémité buccale était parfaitement arrondie. 

Le treillis de la bouche s’était réduit à des papilles allongées ne pré- 
sentant encore aucune armature cornée. Le voile buccal, qui manque aux 
Lamproies, comme on sait, existait encore chez quelques individus, il 
était le plus développé chez ceux qui avaient la fissure entre la lèvre supé- 
rieure et inférieure la plus apparente. Quand l’orifice buccal s’était par- 
faitement arrondi, il ne restait qu'une petite trace du voile buccal. 

L’organe ovale-oblong des embryons au fond de la cavité branchiale, 
mentionné plus haut, qui donne naissance à l’appareil de succion, a déjà 
été observé dans les Ammocètes adultes par Rathke (Beitrage zur 
Geschichte der Thierwelt, IN, p. 79), qui l’a assez bien interprété; il 
le compare au grand muscle qui entoure chez les Lamproïies le car- 
tilage ensiforme de la langue. Get organe ne fonctionnait pas encore 
chez ces animaux dans l’état de métamorphose, puisque aucun indi- 
vidu ne se fixait par succion. Aux orifices extérieurs des branchies, 
les valvules des Ammocètes, qui ne permettent que l'issue de l’eau, 
avaient disparu , et le sillon qui réunissait ces orifices s’était presque 
oblitéré. Chez les individus plus développés, les trous branchiaux exté- 
rieurs étaient garnis d’un ourlet comme une boutonnière. Les trous 
branchiaux intérieurs s'étaient rétrécis , mais ils étaient plus larges que 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. o81 


ceux des Lamproies. Chez l'Ammocète, l'ouverture branchiale intérieure 
du quatrième sac branchial a 2 millimètres d'avant en arrière, 1 1/3 mil- 
limètre pendant la métamorphose, 1 millimètre chez la Lamproie. 

L’œsophage, comme on sait,a son entrée en avant à la naissance du tube 
bronchique, et se prolonge en arrière au-dessus de celui-ci et au-dessous 
de la corde. Cette portion, qui est placée au-dessus du tube bronchique, 
manque chez l'Ammocèle; car, chez lui, l'ouverture pharyngienne se trouve 
à la partie postérieure de la cavité branchiale, comme chez les poissons 
osseux. Elle y est entourée par deux lèvres et consiste en une fissure dirigée 
du côté dorsal au côté ventral. À partir de là, l'œsophage se rétrécit en 
forme d’entonnoir raccourci. Un fil décrit par Rathke (Z. c., p. 584), qui 
s'étend sur le côté dorsal, le long de la ligne médiane de toute la cavité 
branchiale, se prolonge en arrière jusque dans l’ouverture longitudinale du 
pharynx, dans laquelle il entre par le côté dorsal pour se perdre ici 
dans la paroi du pharynx. J'aperçois, chez les animaux en métamorphose, 
l’œsophage placé exactement de la même manière que ce fil. Je ne pou- 
vais plus distinguer clairement de trace de fente pharyngienne. 

Est-ce le fil de Rathke qui a fourni les matériaux pour cette nouvelle 
partie ? Je l’ai conclu par sa posilion , mais je ne le sais pas, parce que 
je n’ai pas encore observé les périodes précédentes. Ce qui paraissait 
s'opposer à cette conjecture , c’est que le fil en question est renflé vers le 
plan ventral aux endroits où il se trouve placé entre deux trous bran- 
chiaux. Cependant, je trouve chez les animaux en métamorphose, aux 
endroits correspondants de l’œsophage, des renflements d’un tiers du 
diamètre qui s’effacent de nouveau chez l'animal développé, ce qui con- 
firme celte supposition. 

Le péricarde s’est formé, mais il est tréstendre et se déchire facilement, 
comparativement à celui de l'animal parfait. Les cartilages antérieurs de 
la bouche, que Jean Müller désigne comme des cartilages labiaux, man- 
quaient également encore de solidité; cependant ils laissaient déjà voir 
clairement les cellules cartilagineuses que je distinguais à peine dans le 
péricarde d'individus conservés dans l’esprit-de-vin, tandis qu’elles s’a- 
percevaient très facilement dans les deux cas chez les animaux adultes, 
comme cela se conçoit. 

Les œufs des ovaires, par un dépôt de graisse, avaient déjà blanchi et 
étaient devenus opaques comme une émulsion; ils laissaient apercevoir 
aisément la vésicule primitive. Dans les testicules, des cellules s'étaient 
formées pour le développement des spermatozoïdes. L’intestin s'était sen- 


siblement rétréci. 


382 A. MULLER. 


La métamorphose avance rapidement. Plusieurs individus furent con- 
servés dans une caisse criblée de trous, et déjà, au bout de dix jours , on 
distinguait à peine une trace de la fissure qui séparait la lèvre inférieure 
de la lèvre supérieure, et les yeux de tous étaient devenus limpides. 
Encore seize jours, et l’on apercevait les dents jaunes chez plusieurs indi- 
dividus , et l’appareiïl de succion fonctionnait; cependant encore, sans 
l'énergie ordinaire que je cherchais en vain, même quatre semaines plus 
lard. 

Après le changement de forme, l'animal change son genre de vie. Les 
yeux faibles des Ammocètes craignent la lumière, car les animaux con- 
servés dans un bassin y cherchent toujours l'endroit le plus obscur; si le 
fond est recouvert de sable, ils s’y enfouissent, comme ils le font à l'état de 
nature, de manière à ne rester visibles qu'en partie, ou même à $’en- 
terrer tout à fait; ils respirent l’eau, protégés par leur treillis. Ils vivent 
de ce qui leur vient à la bouche, comme le Branchiostome , et ont le go- 
sier tapissé d’un épithélium vibratile. Je trouvais des carapaces de bacil- 
laires dans toutes les Ammocètes que j’examinais dans ce but. 

Les animaux adultes recherchent au contraire la lumière avec leurs 
gros yeux ; ils nagent dans l’eau la plus pure, se réfugiant cependant par 
les mauvais temps. C’est au moyen de l'appareil de succion qu'ils se fixent 
dans le courant, de même qu'ils s’en servent pour s'attacher pendant l’ac- 
couplement. 

On se fera une idée de l'effet produit par le changement de place de 
l'orifice pharyngien, qui, dans la Lamproie, s’est avancé de toute la 
longueur du bronchus , si l’on considère que ces animaux vivent de cor- 
puseules solides, d’infusoires, etc., que le courant entraine, Ces particules 
sont déposées par le courant et restent stationnaires aux endroits où le 
courant côtoie une eau tranquille, où sa force est amoïindrie. 

Le courant d’eau qui doit servir à la respiration entre par l’orifice buc- 
cal de l'Ammocète, se partage sur la ligne médiane et sort de droite et de 
gauche par les sept ouvertures. 

L'endroit où les corpuscules en suspension se déposent est situé en 
arrière dans l'angle de partage des courants des derniers trous branchiaux 
de droite et de gauche. C’est là que se trouve l’orifice pharyngien. Les 
Lamproies, au contraire, ferment leur ouverture buccale par l'appareil de 
succion, c’est pourquoi l’eau entre et sort par les trous branchiaux qui 
ont perdu leurs soupapes. Îl reste au devant du premier trou branchial un 
sac aveugle dans lequel l’eau se heurte avec force, parce que les trous 
branchiaux sont percés obliquement d’arrière en avant et de dehors en 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. 383 
dedans, et c’est là que commence l’œsophage de la Lamproie, qui dirige 
son entonnoir en avant. Ainsi, c’est le développement du suçoir qui oblige 
le déplacement de l'entrée de l’'æsophage. 

Il est donc démontré que les Ammocètes proviennent des Lamproies, et 
que les Ammocètes deviennent Lamproies. 

Ainsi done , ces animaux doivent être exclus du système, comme ayant 
usurpé un faux nom, et rendus à leurs parents respectifs comme des 
mineurs. Le nom d’Ammocète ne peut désigner désormais que les larves 
des Lamproies, comme Têtard celles des Grenouilles. 

L'essentiel de la mélamorphose des animaux me paraît consister dans 
la naissance d'appareils transitoires qui mellent l'animal en état, bien 
avant d’avoir alleint sa forme définitive , de végéter indépendamment et 
de se nourrir d’une manière indépendante. La grandeur et l'importance 
d’une métamorphose doivent être mesurées d’après le degré de différence 
dans les deux formes propres à l'animal et d’après la durée de l’état transi- 
toire. 

Quant au changement de forme que la Lamproie subit par la métamor- 
phose, il est bien moins considérable que chez les Grenouilles ; car chez 
ces dernières, il affecte très essentiellement les appareils de la respiration, 
de la digestion et de Ja locomotion , et la forme extérieure de l'animal se 
modifie totalement. On ne compterait pas les Tétards parmi les Batraciens, 
si l’on ne connaissait pas leur métamorphose, on n’y reconnaîtrait que des 
amphibies nus. Déjà, chez les Salamandrines, le changement de forme 
est bien moins considérable, el les Amphibies dipnoës, comparés aux Gre- 
nouilles , s'arrêtent dans la métamorphose. La larve de la Lamproie, au 
contraire, a de tout temps été placée dans le système tout près de ses pa- 
rents, quoique les transformations internes fussent très importantes, 
comme nous l'avons rapidement indiqué plus haut. 

Quant à la durée de la vie de larve, il est à remarquer que la métamor- 
phose de la petite Lamproie ne commence que tard, comme je puis le sou- 
tenir sans baser mes conclusions sur les individus que je conservais en 
captivité. L'époque du frai qui a lieu au printemps, et seulement une fois 
par an, sert ici de point d'appui. 

En mai, je pris six Ammocètes, trois petites de 5,8 ; 6,3 et 6,0 centi- 
mètres de long ; toutes les trois ensemble pesaient 28 grains; ainsi, en 
moyenne, 9 grains 1/3. Les trois plus grandes mesuraient 15,3, 15,4, 
14,0, et pesaient 86, 88, 87 grains. J'ai pu conclure que les trois petites 
devaient être de l’année passée, par l'accroissement de celles que j'avais te- 
nues caplives, par celles en liberté que je prenais de temps en temps, et sur- 


381 A. MULLER. 


tout par la comparaison avec celles de l’année courante. On conviendra, en 
outre, que les trois plus grandes, qui ont au moins neuf fois le volume des 
petites, doivent aussi être plus âgées. Il faut donc qu’elles aient au moins 
un an de plus, c’est-à-dire deux ans; cependant elles ne montraient encore 
aucune trace de métamorphose; ce n’est pas avant la troisième année au 
plus tôt qu’elles peuvent la commencer. J’ai trouvé, en outre, après l’époque 
de la métamorphose, de très grandes Ammocètes de 16,2 et 19,3 de long, 
pesant 101 et 142 grains. Celle de ce dernier volume est la plus grande 
que j'aie jamais vue. On me concédera que ces Ammocètes avaient au moins 
le même âge que les trois plus grosses que je viens de citer , c’est-à-dire 
qu’elles avaient plus de deux ans, et comme l’époque de la métamorphose 
était passée, elles ne pouvaient pas se transformer avant trois ans révolus, 
c’est-à-dire, pas avant la quatrième année. 

La durée de la vie de l'animal parfait ne peut, au contraire, être que 
courte. Quelques semaines après l’accouplement, toutes mes recherches 
pour rencontrer des Lamproies adultes restèrent sans résultat, bien que je 
sache trouver maintenant tous les degrés de développement depuis l'œuf; 
cependant j'en rencontrais souvent de mortes dans les derniers temps de leur 
existence. Ajoutez à cela que les ovaires ne contiennent jamais des œufs de 
différents degrés de développement, comme chez d’autres animaux, où une 
propagation future se trouve préparée d’avance. Tout au contraire, on 
ne trouve après l’époque du frai que des loges vides dans l'ovaire. Je 
ne voudrais pas encore me prononcer d'une manière précise sur les 
Lamproies marine et fluviatile ; cependant on aperçoit des rapports ana- 
logues (1). 


(1) J'ai vu depuis, dans la collection zoologique de Berlin, deux jeunes Lam- 
proies de 16 et 18 centimètres de long , déterminées comme P. marinus ; aussi 
s'arcordaient-elles assez bien avec cette espèce par la forme de leurs dents; l'une 
proviendrait de Helgoland, dans la mer du Nord. l'autre de la Méditerranée. 
D'après cela, les jeunes Lamproiïes vivraient dans la mer ; mais comme la même 
espèce a été observée souvent dans lesrivières chargées de frai mûr (par exemple, 
par J. Müller dans la Havel, par Meyer dans le Rhin), il est probable que les 
Ammocètes se développent dans les rivières, comme c'est là que les Lamproies 
fraient, qu'elles y achèvent leurs métamorphoses , et qu'après elles descendent 
dans la mer : car il n’est guère probable que l'Ammocète, qui est un animal 
presque aveugle, entreprenne ce voyage. De plus, il paraît, d'après les dimen- 
sions signalées de ces jeunes Lamproies (en supposant que la détermination soil 
exacte), qu'au contraire de ce qui à lieu pour le P. Planeri, la métamorphose 
s'effectue chez elles bien avant le (erme de leur accroissement , car elles sont 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. 385 


Par rapport à la durée de l’état de larve , cette métamorphose surpasse 
donc tout ce qu’on connaît dans ce genre chez les Vertébrés. L'état transi- 


toire est l’époque principale : la vie de la petite Lamproie a, comme chez 


beaucoup d’Insectes, son centre de gravité dans l’état de larve ; elle cesse 
avec l’acte de la fécondation. 

On peut considérer l'égalité de volume de la larve et de sa mère comme 
étant la suite et le caractère d’un tel rapport. Les Ammocètes sont assez 
fréquemment plus grandes que les Lamproies. Ici.aussi, c’est la larve qui 
est chargée de manger et d’assimiler la matière, car l’intestin se rétrécit 
d’une manière surprenante pendant la métamorphose. A cette époque, 
dans le tempus climactericum, V'assimilation des matières paraît diminuer 
chez tous les animaux. La Grenouille vit évidemment à ses propres dépens, 
et subsiste, entre autre, de sa queue. 

Beaucoup d’Insectes s’isolent complétement du monde extérieur, et 
passent cette période dans une capsule. Mais c’est alors que la différence 
se déclare : les uns réparent maintenant ce retard de leur développement, 
et augmentent considérablement leur corps; les autres, sans s’accroitre , 
achèvent leur courte existence aux dépens de ce qu'ils avaient acquis préala- 
blement. Telles sont les Lamproies. 

D’après cela, des doutes doivent s’élever sur la place systématique de 
Ja Lamproie. Les Amphibies nus sont les seuls Vertébrés que l’on savait 
subir une véritable métamorphose; mais la métamorphose à elle seule ne 
fait pas encore l’'Amphibie nu. On peut donc dire seulement que ces ani- 
maux ont ce caractère en commun ; du reste, la métamorphose n’est peut- 
êlre pas complétement étrangère aux Poissons, car les branchies pré- 
cèdent toujours les poumons dans les Vertébrés inférieurs ; elles sont 
l'organe transitoire qui disparaît dans la métamorphose complète : aussi 
les Poissons pulmonés, de même que les Amphibies à branchies, font un 
premier pas en ce sens, quoiqu’on ne connaisse pas de Poissons pulmonés 
parfaits qui correspondraient aux Salamandres. 

Mais l'absence de poumons à elle seule ne peut pas prouver non plus 


déjà complétement métamorphosées , et bien qu'elles n'aient guère encore que le 
quart de la longueur qu'elles doivent acquérir. 

Ne connaissant pas encore le P. (Ammocète) rouge de Lacépède, je ne puis dé- 
terminer s'il diffère essentiellement de l'A. branchialis (l' Ammocète du P. Pla- 

Les Ammocètes que j'ai trouvées dans l'Oder, et que j'attribue au P. fluvia- 
lilis, sont aussi plus petites que celles du P, Planeri, quoique les animaux adultes 
aient des proportions inverses, 

4e série, Zoo1. T. V. (Cahier n° 6.) ® 25 


386 A. MULLER. 


ques les Lamproies soient des Poissons; car on trouve, en descendant de- 
puis les Grenouilles jusqu'aux Protées, que les poumons perdent, et que 
les branchies gagnent en importance. Les Dérotrètes déjà conservent tou- 
jours les trous branchiaux ; chez les Protéides, les branchies persistent, et 
partagent les fonctions avec le poumon. Maintenant est-il invraisemblable 
que la nature, allant encore un pas plus loin, donne aux branchies toute 
leur importance, même chez les Amphibies, et réduise à rien celle des 
poumons? Ceci pourrait être tout aussi possible que la disparition totale 
des branchies dans un Poisson. Une répétition de semblables séries dans 
différents groupes me paraît tout à fait dans le sens du système naturel. 
Jen e crois nullement que la présence du poumon dans un Vertébré inférieur 
en fasse un Amphibie ; mais je ne crois pas non plus que l'absence du 
poumon le rende impossible ; dans tous les cas , il sera important de voir 
ici une métamorphose qui ne conduit pas aux poumons , mais qui s’arrête 
aux branchies ; car elle implique nécessairement ou l'existence d’un Poisson 
à métamorphose, ou d’un Amphibie sans poumons. Voyons alors comment 
les autres caractères principaux se groupent. 

Les caractères les plus certains pour grouper les animaux nous sont 
fournis par le cœur dans ses maintes modifications. Les Amphibies nus 
ont un bulbus arteriosus musculeux qui manque complétement aux 
Cyclostomes, de même qu'aux Lamproies, au moins dans leur première 
période. Ainsi les Cyclostomes s’éloignent déjà par le caractère le plus 
essentiel des Amphibies nus. 

Ceci n'implique cependant pas encore la nécessité d’adjoindre ce groupe 
aux Poissons ; car j’ai observé dans leur bulbe un appareil qui les sépare 
aussi des Poissons, et qui pourrait à la rigueur caractériser un groupe par- 
ticulier d’Amphibies. 

Les Ammocètes de la petite Lamproie et de la Lamproïie de rivière, 
ainsi que leurs parents, ont immédiatement au-dessous des deux valvules 
semi-lunaires une pelote en forme de segment de sphère. Les coupes des 
deux pelotes se confondent avec la paroi artérielle : les surfaces sphériques 
sont tournées l’une vers l’autre. La paroi interne du bulbe artériel est 
parfaitement lisse, et se distingue par là du bulbe non musculeux des 
Poissons, qui est garni intérieurement , peut-être sans exception, par les 
entrelacements multiples du système trabéculaire. Ces deux appareils sont 
très élastiques , et doivent amoindrir le choc du sang. Chez les individus 
conservés dans l’esprit-de-vin, ces pelotes ne sont pas bien distinctes, 
parce qu’on les trouve fréquemment affaissées et souvent détruites, ce qui 
fait qu'on ne les avait pas encore observées. Dans une Lamproie marine, 


DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES. 387 
je les vis assez distinctement pour me convaincre deleur existence. Je n’ai 
pas encore eu l’occasion d'examiner de Myxinoïde sous ce rapport. 

Jean Müller fut le premier qui se servit de la colonne vertébrale pour 
différencier les Amphibies des Poissons. Mais les caractères qu’il a donnés 
à l’occasion de la classification des poissons pulmonés ne se rapportent 
qu’à la charpente solide, qui n'appartient pas aux Cyclostomes. Dans un tra- 
vail récent sur la colonne vertébrale des Poissons (voy. ses Archives 1853), 
j'ai cherché à démontrer la différence entre les côtes des Poissons et 
celles des Amphibies nus et des Vertébrés supérieurs, et à prouver que, 
chez les Poissons seulement , le rayon ventral de la colonne vertébrale 
fonctionne comme côte ; que dans les classes supérieures, c’est toujours le 
rayon latéral, mais que les rayons vertébraux doivent être considérés 
comme des formations osseuses et cartilagineuses des cloisons longitudi- 
nales des animaux, c’est-à-dire des membranes qui réunissent les rayons 
vertébraux homologues, lorsque ces derniers sont développés. 

Souvent, lorsque les rayons vertébraux n’existent pas, ces tissus mem- 
braneux sont néanmoins parfaitement visibles comme dans le cas actuel, 
Dans la coupe transversale d’une Lamproie fluviatile, je vois sous la chorde 
ce tissu fibreux embrasser les vaisseaux, et se prolonger sans interruption 
(en continuant les coupes de plus en plus en arrière) dans le côté ventral 
de la queue, où il embrasse les vaisseaux de la même manière. C’est donc 
le septum longitudinale ventrale qui enlace généralement le rayon ven- 
tral. 11 produit mème à la partie antérieure de la chorde, chez le P. mari- 
nus, des rudiments de rayons vertébraux que Jean Müller a figurés. S’ilen 
existait de 1ème à la partie postérieure, ils s’adapteraient à ce tissu situé 
au-dessous de la chorde, le long des vaisseaux, et se prolongeraient dans 
les côtés des arcs inférieurs de la queue, comme les rayons dorsaux de 
la moelle épinière qui existent effectivement dans ce même tissu. Le rayon 
latéral n’est développé qu’en avant, où il forme les arcs branchiaux carti- 
lagineux; plus en arrière, je n’en aperçois aucune trace, non plus que du 
septum laterale. HN n’y a donc de possible pour les Lamproies que des côtes 
de poisson, et ce caractère me paraît décisif dans l’état actuel. 

Par rapport à la structure du cerveau, j’observerai seulement que les 
Lamproies ont un troisième ventricule séparé des quadrijumeaux. Par ce 
caractère, ils s’éloignent de tous les Poissons, et s'accordent avec tous les 
Amphibies; de plus, les Lamproies se placent très naturellement à la suite 
des Amphibies nus par leur cervelet rudimentaire. 

Ce qui doit rendre suspecte la sûreté de ces caractères, c’est que le 
cerveau des Myxinoïdes diffère déjà tellement par toute sa structure de ce- 


388 A. MULLER. —— DÉVELOPPEMENT DES LAMPROIES, 


lui des Lamproies, et que, parmi les Amphibies nus, le Ménopome est 
pourvu d’un cervelet bien développé. (Meyer, Analecten zur vergleichen- 
den Anatomie, p. 80.) 

Ce furent les rapports avec les Amphibies nus fournis par le développe- 
ment qui me frappèrent le plus. L’apparence de l’œuf, son fractionnement, 
la formation des cavités internes, et particulièrement la formation de l’in- 
testin qui n’a jamais de sac vilellin, se rapproche entièrement des Gre- 
nouilles. (Voyez Remak, Entwickelung der Wirbelthiere, 1. TL.) Il ne 
faut cependant pas perdre de vue que la portée de ces caractères emprun- 
tés à l’histoire du développement, qui ne peut être déterminée à priori, 
est tout à fait incertaine, parce qu'on ne connait le développement que 
d’un petit nombre de Poissons. Les Myxinoïdes, malgré d'importantes dif- 
férences, sont néanmoins trop rapprochés des Lamproies pour qu’une sé- 
paration paraisse imminente. Je ne doute pas non plus qu’ils ne subissent 
également une métamorphose, d'autant plus que Jean Müller y a observé 
deux ares aortiques oblitérés. Par cette même raison, on doit s'attendre à 
voir ces caractères atteindre leur fin dans les Cyclostomes; car les Myxi- 
noïdes ont de grands œufs ovales, indiqués et figurés par Jean Müller, qui 
n’ont plus d’analogie avec ceux des Lamproïies ; il pourrait bien être qu’un 
germe seulement se fractionnät dans ces œufs, et qu’il s’y développât un 
sac vitellin. 

Le résultat de cette comparaison, après tout, sera donc que les Lamproies 
resteront des Poissons, malgré la métamorphose. Je réserve une compa- 
raison plus ample et l'exposition des détails à un mémoire spécial, pour 
lequel les dessins sont déjà achevés en grande partie. 


FIN DU CINQUIÈME VOLUME. 


—————_—————————— 


TABLE DES ARTICLES 


CONTENUS DANS CE VOLUME. 


ANATOMIE, PHYSIOLOGIE ET CLASSIFICATION DES ANIMAUX 


VERTÉBRÉS. 
Mémoire sur la mensuration de l'angle facial, par M. Jacquarr. . . , 283 
Note sur l'encéphale de l'Apleryæ, par M. DarestTe. . . . . . . 48 


Recherches sur la voie par laquelle de petits corpuscules solides passent nn 
l'intestin dans l'intérieur des vaisseaux chylifères et sanguins, par M. Mar- 


DES dE 45 134 
Note sur les FREE A ne db, sang 4 es Yertébrés, r 

par M. Alphonse Mixne Enwanps. … «sb. lionel — 41.488 
Recherches sur les plemus vasculaires chez différents animaux, par 

MM. Scunonen van Der Koux et Vroux, , . = . an 
Notes sur le cœur, le foie et les poumons d'un État par MM. Fur 

PEAUX @t VULPIAN, , . dot} ds ange 83 
De l'hermaphrodisme chez cnrs Vertbbrés, par M. Dorossé. . . . 295 
Documents zoologiques pour servir à la FOR des Chéiroptères 

sud-américains, par M. Gervais. , . , EE . 201 


Note sur le développement des Lamproies, par M, Auguste Nytss. « 374 


ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 


Recherches sur l’organisation et les mœurs du Termite lucifuge, par 


M. Lesrès. . , . sous |. : énoaniy 2927 
Observations sur des Staphylins vivipares qui i habitent és les Termites 
à la manière des animaux domestiques , par M Semionre. . , . . 168 


Synopsis des Formicides de France et d'Algérie, par M. Nxzanper. . . 57 
Études sur l'histologie comparée du système nerveux de quelques Anné- 


lides, par M. Favre. , . EURE 7 A) OUT 
Note sur un Nématoïde parasite, par M. Lis, UE NID DA « 335 
Mémoire sur le développement des branchies chez les Mollusques jamellé 

branches , par M. Lacaze-Durmiens. . . . . . . . , . . 5 


Notices bibliographiques, , : . . . . . . . . 410, 224 et 332 


EEE — 


TABLE DES MATIÈRES 


PAR NOMS D'AUTEURS. 


Auper et Hancock. — Monogra- 
phie des Mollusques nudi- 
branches (Annonce). 

Beace. — Sur la structure du 
foie (Annonce). 

Bécraup., — Essai sur les sub- 
stances albuminoïdes et leur 
transformation en urée (An- 
nonce). . . 

BRANDT. — Recherches sur r la ‘di= 


tribution géographique des 
* Tigres ( Annonce ). 5 
Bauaño. — Monographie des 


Psychides (Annonce). 

Carpenrer.— Recherches sur les 
Foraminifères ( Annonce ). 

CLaparÈDE. — Sur la génération 
alternante, etc. (Annonce). 

Danesre — Note sur l'encéphale 
de l'Aptéryx. 

Davinson. — Histoire naturelle 
des Brachiopodes (Annonce). 

Diese — Sur les Acantho- 
céphales. 

Durossé. —De l' hermaphrodisme 
chez certains Vertébrés. 

Enwanos (Alphonse).—Note sur 
les dimensions des globules 
du sang chez quelques Verté- 
brés à sang froid. 

Favre. — Études sur l’ histologie 
comparée du système nerveux 
de quelques Annélides. 

Fireu (Asa). — Rapport sur les 
Insectes nuisibles (Annonce). 

Gecensauer.— Classification des 
Méduses (Annonce). 

Gervais. — Documents 200logi- 
ques pour servir à la mono- 
graphie des nn sud- 
américains. 

Jacquarr.— Mémoiresur lan men- 
suration de l'angle facial. . 

Kœzuxer el H. MERE —Re- 
cherches physiologiques cg 
ONCE). ON. 

Lacarr-Dormens, Mémoire sur 


410 


225 


le développement des bran- 
chies des Maasques | lamelli- 
branches. 

Lesps. — Recherches sur l'or 
ganisation et les mœurs du 
Termite lucifuge. 5 

— Note sur un Nématoïde pa- 
rasite des Termites. 

Mancez DE SERRes. — Extrait 
d'une lettre au sujet du genre 
Stoa. . 

MarFeLs. — Recherches sur la 
voie par laquelle de petits 
corpuscules solides passent de 
l'intestin dans l’intérieur des 
vaisseaux chylifères et san- 
guins. . . 

Mouuexté.— Sur la reproduction 
des Trématodes (Annonce). 
Muccer (Auguste).— Note sur le 

développement des Lamproies. 

Mocer (H.). — Recherches oph- 
thalmologiques (Annonce). 

NyLanper. — Synopsis des For- 
micides de France etd'Algérie. 

Owen.— Anatomie du Fourmi- 
lier, etc. (Annonce). 

Paitireaux et VusPran. — Notes 
sur le cœur, le foie et les pou- 
mons d'un Éléphant. . 

Picann. — Sur la présence de 
l'urée dans le sang humain 
(Annonce). . . . . 

Sans, Koren et DanIELsON. 
Faune maritime de la Nor- 
wége (Annonce). 

Sémôvre. — Observations sur 
des Staphylins vivipares qui 
habitent chez les Termites à la 
manière des animaux domesti- 
ques. : 

SCHROEDER VAN DER Lois et EE 
Lx. — Recherches sur les 
plexus vasculaires chez diffé- 
renis animaux. . 

TomiATCHErF. — Sur l'Asie ‘Mi- 
neure (Annonce). . . 


335 


163 


168 


LEE] 


226 


TABLE DES PLANCHES. 391 


Terquem. — Paléontologie du Voix. Voy. SCHROŒDER. 
Lias ( Annonce). : 334 | Vucprax. Voy. Paiipeaux. 
Vroux et Meissonx.— Questions Wacxer.— Sur le développement 
du jour ( Annonce). . . . 410 des Cestoïdes (Annonce). . . 140 


TABLE DES PLANCHES 


RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 


- Staphyliniens vivipares. 

. Développement des branchies. 

. Formicides de France et d'Algérie. 

. Plexus vasculaires. 

. Termites. 

- Anatomie des Termites. 

. Système nerveux des Termites. 

. Organes génitaux du Serran (/sakis migrans). 


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FIN DE LA TABLE. 


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