ANNALES
SCIENCES NATURELLES.
T K» I M À: Il I sikh:.
ZOOLOGIE.
Paris» — lUPimir.niR i»f. noi Rr.oor kt mautinkt,
ru» J.iiob .IJ
7i-D.
ANNALES
SCIENCES
DES
NATURELLES
COMPRENANT
I.A ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE,
l’an vtomie et la physiologie comparées des deux règnes ,
ET l’histoire DES CORPS ORGANISES FOSSILES;
RÉDIGÉES
TOUR LA ZOOLOGIE
PAR NI. NI II. AK EDAVARDS,
ET POUR LA BOTANIQUE
PAR NI NI. AU. liROVGMAItl ET J. I)I(AIS\E
«troisième Série.
ZOOLOGIE.
TOME CINQUIÈME.
PARIS.
VICTOR MASSON,
LIBRAIRE DES SOCIÉTÉS SAVANTES PRÈS LE MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE,
PLACE DE I.’ÉCOI.E-DE-Mt'DECINE, 1.
18i|G
'
*
- ■ ■ j}
• I >lï I l'j ;
1 ■ '.Il 1 t
■
ANNALES
UES
SCIENCES NATURELLES.
PARTIE ZOOLOGIQUE.
UKSCBIPTION
UES GALLES DU VERBASCUM ET DU SCROPHVLARIA , El i)ES INSECTES
QUI LES HABITENT,
POl'R SERVIR A l’histoire du parasitisme;
Far M. LÉON DUFOUR.
Lue a I Académie des Sciences, le 2i novembre I8I0.
C’est un fait très singulier, mais un fait très positif, que la plu-
part des larves d’insectes sont décimées par d'autres larves
parasites, comme si , dans le but des harmonies de la nature,
une loi de destruction devait contrebalancer une loi de produc-
tion.
Le parasitisme, considéré de haut, semble donc un correctif
pour équilibrer les races ou les espèces. L’histoire des galles et de
leurs hôtes , tant légitimes qu’usurpateurs , est appelée à former
un des épisodes les plus curieux , les plus piquants de la science
entomologique. Des investigations dirigées avec intelligence vers
cette étude mettront en relief des faits si extraordinaires, que des
esprits peu sérieux ou superficiels pourraient les prendre pour le
6 LÉON m FOUR. — SL 11 LES I.XSECTES des galles
roman de la science. Voici un spécimen de ces curieuses super-
positions d’existences, de ces inévitables dépendances.
Une fleur est piquée par un frêle Moucheron pressé d’v déposer
un œuf. Cette action , si simple , devient l’occasion d’une pertur-
bation nutritive dans la corolle et les étamines de cette fleur ; ces
organes prennent un développement exubérant, anormal; ils
s’hypertrophient , se déforment, et il en résulte une (/aile d’une
configuration déterminée et constante. Cette galle , à peine de la
grosseur d’une petite aveline, devient le berceau de quatre
Insectes génériquement différents , sans mettre en ligne clc
compte les usurpations éventuelles de domicile par de très petits
nomades. Essayons de dérouler les manœuvres mystérieuses de
ce quadruple habitat.
Le fondateur de cette intumescence morbide, de cette fleur hy-
pertrophiée , est un Diptère de la famille des Tipulaires , un Ceci-
domyia. Sa larve , malgré son incarcération dans le creux d’un
sphéroïde fermé de toutes parts , n’est pas pour cela à l’abri des
incursions, des attaques de trois cruels ennemis, pour lesquels sa
propriété et sa vie deviennent des conditions d’existence ; ce sont
trois Insectes de l’ordre des Hyménoptères , mais de trois genres
différents : un Misocampus, un Jiulophus , un Stomoctea.
Le Misocampe, guidé par un merveilleux instinct, obéissant à
une mission irrévocable , sent , devine qu’une larve , condamnée
à devenir le réceptacle vivant de sa progéniture , est à une distance
suffisante de la surface de la galle , pour que la longueur de sa
fine tarière abdominale ou de son oviscapte lui permette d’in-
sérer dans le corps de cette larve un œuf solitaire. Et remarquez,
je vous prie, que l’ovaire du Misocampe, que, malgré sa petitesse,
j’ai pu disséquer , a environ une quinzaine de gaines ovigères
multiloculaires pouvant fournir è une ponte successive d’une cin-
quantaine d’œufs, destinés, par conséquent, à cinquante victimes.
Il faut donc que cette habile et industrieuse mère aille pondre un
œut isolément dans chaque galle. Ce n’est pas tout encore ;
admirez ce concours de difficultés vaincues : le Misocampe doit
avoir acquis la certitude, c’est presque une prescience, qu’aucun
autre individu de son espèce ne l’a précédé dans cette inocula-
DU VERBASCUM El Dli SCKOPUltUIUA. 7
tion d’un œuf : car il est écrit là-haut que le parasite du Ver de
la Cécidomyie doit être seul aux prises avec sa victime. Je vous
le demande, où résident dans ce myrmidon d’insecte cette per-
fection de l’odorat, cette subtilité de l’ouïe, qui, dans ce cas,
pourraient influencer ses déterminations ? Aurait-il ce don de
seconde vue dont les illuminés du magnétisme nous parlent par-
fois? ou bien n’est-ce encore qu’un simple instinct, comme on
dit?... Mais rentrons dans le positif. De l’œuf implanté parle
Misocampe doit éclore un Ver , l’ennemi personnel du légitime
possesseur de la galle , condamné à devenir son inévitable proie.
L’Eulophe , qui ne doit pas avoir , comme lo Misocampe , des
enfants carnassiers et assassins , mais qui n’en est pas moins re-
doutable pour la Cécidomyie , est instruit , par une faculté innée ,
que le domicile de la Tipulaire renferme des provisions de bouche,
dont il a pressenti et la qualité et la quantité. Il sait que la tur-
gescence des étamines est au degré convenable pour alimenter le
premier âge de sa postérité ; il a mission d’envahir , d’usurper cet
asile, et d’y introduire , non pas un seul œuf, comme le Miso-
campe , mais une douzaine d'œufs, d’où naîtra une tribu de Vers
avides qui vont réaliser le sic vos non vobis de Virgile.
Quant au Stomoctée, dont la taille surpasse celle de l’Eulophe,
et qui pullule moins que lui , je l’ai obtenu des mêmes galles sans
être encore lïxé ni sur ses métamorphoses , ni sur son parasitisme
du Misocampe ou de l’Eulophe. J’avais retardé d’un an la publi-
cation de ce Mémoire, espérant que , en 1845, je pourrais éclairer
cette question ; mais la constitution météorologique de l’année
désastreuse qui tire à sa fin a été telle, que là où les étés précé-
dents, j’aurais eu à mon service des milliers de nos galles, je n’en
ai pas découvert une seule. L’entomologie a eu, en 1845, ses
déceptions , comme l’agriculture ses calamités.
Le fondateur de la galle se trouve donc dans l’atïreuse alterna-
tive ou d’être dévoré vivant par son parasite direct le Misocampe ,
ou de mourir d’inanition par son parasite indirect l’Eulophe
Mais rassurez-vous, le type de l’espèce de la Cécidomyie ne dis-
paraîtra pas de ce monde ; les harmonies de la nature auxquelles
le faible Diptère prête son atome d'influence ne sont pas à même
s
LÉO* Dl'FOLR. SLK LUS 1NSKCTES DUS (.ALLES
de se troubler. Le créateur , qui veut que tout ce qui a vie la con-
serve , a donné à cet Insecte une prodigieuse fécondité , et la
majeure partie de ses larves, au milieu des dangers qui l’envi-
ronnent , subissent leurs complètes métamorphoses.
Si j’ai souvent trouvé le cadavre du Ver de la Cécidomyie
gisant au milieu de la prospérité des larves de l’Eulophe , j’ai
vu aussi dans d’autres circonstances la Nymphe de celte Tipu-
laire parfaitement viable, lorsque les Chrysalides de l’Hvmé-
noptère n’étaient qu’au nombre de. cinq ou six. Dans le premier
cas, ou le Misocampe avait tué la larve de la Cécidomyie , ou
celle-ci était morte de faim par la voracité des larves de l’Eu-
lophe. Dans le second cas , n’est-il pas probable que la prévoyance
maternelle de PEulophe, pour proportionner le nombre de ses
petits à la quantité présumée de nourriture, n’aura placé dans la
galle que la moitié de sa couvée ordinaire ? 11 peut se faire aussi
que la larve de la Cécidomyie , ayant déjà pris un certain dévelop-
pement lorsque l’Eulophe a colloqué dans la galle ses douze œufs,
une partie des Vers issus de ces derniers aura péri d’inanition ;
ou bien encore la tribu des Eulophes aura pu être partiellement
victime du parasitisme du Stomoctée.
Le sujet de ce Mémoire , quoique ne traitant que de fort petites
choses, est pourtant assez vaste pour comporter plusieurs divi-
sions. Je consacrerai donc un premier chapitre aux galles, et un
second aux habitants de ces galles.
(HAPITBE 1.
U ALLES.
Une galle est une production complexe , puisqu’elle résulte du
concours simultané, de l’action combinée d’un végétal et d’un
Insecte. Je ne puis donc pas isoler dans cette étude ces deux élé-
ments; je ne puis pas séparer la cause de l’effet. Tout en circon-
scrivant mon sujet dans les limites de l’entomologie , je serai irré-
sistiblement entraîné à quelques considérations de physiologie
végétale qui découlent de ces aberrations des lois normales ; mais
j’y mettrai une grande réserve.
Dl VEIUSASCUI Kl 1)1 SKR^PHLLAHIA. !)
Le Verbascum pulverulenlum et le Scrophularia canina crois-
sent abondamment l’un et l’autre sur les chaussées graveleuses de
l’Adour, près Saint-Sever , el fleurissent en mai et juin. C’est à
cette époque que ces plantes sont plus ou moins chargées de galles ;
mais cetles-ci se rencontrent en quantité beaucoup plus considé-
rable dans les rameaux du thyrse pyramidal du / erbascum que
dans ceux plus rares , plus divergents , de la Serophulaire.
On est surpris tout d’abord que la même espèce d'insecte éta-
blisse indifféremment sa progéniture dans deux plantes qui appar-
tiennent à deux familles différentes, et dont la structure extérieure
est si dissemblable. Ainsi le / erbascum , de la famille des Sola-
nées, a ses larges feuilles, ses tiges , son intlorescence , couvertes
d’un duvet abondant, floconneux, et n’est point aromatique;
tandis que la Serophulaire, de la famille des Personnées , est
glabre dans toutes ses parties, et odorante. Cependant, en y por-
tant quelque attention , nous retrouverons encore dans cette ché-
tive Cécidomyie un certain instinct botanique analogue à celui
dont le célèbre De Candolle a consigné plusieurs exemples dans
sa Thèse inaugurale , publiée en 1804, sur les propriétés médi-
cales des plantes (p. 18). Ici le cas est encore plus remar-
quable ; car ce n’est pas dans les espèces d’un même genre que
notre Tipulaire doit fixer son choix : elle passe du genre d’une
famille dans le genre d’une autre famille. Mais cet Insecte fait
preuve d’un tact, je dirais presque d’un discernement, qui ne
viole pas autant qu’on pourrait le croire d’abord la série natu-
relle des genres: car, d’une part, les deux familles sont contiguës
dans le cadre de la classification , et , d’autre part , le genre Ver-
bascum termine les Solanées, tandis que la Serophulaire est peu
éloignée du commencement des Personnées ; peut-être même pour-
rait-elle revendiquer, par sa corolle mal bilabiée (qui se rapproche
par là de celle légèrement irrégulière du Verbascum) et surtout
par sa capsule , un poste à la tète de cette dernière famille (L).
Quant à l’indication fournie par le choix de notre Cécidomyie ,
je suis loin de la regarder comme indifférente : elle est à mes yeux
(I Aujourd’hui les Botanistes placent cçs deux genres dans la même famille ,
colle des Scroplmlarmées, H
SL K I.KS INSECTES DES GAI. LES
J 0 ii:oa ni Foi'B. —
un témoignage de l'analogie de composition intime, de l’identité
des sucs que le même Insecte retire, pour sa nourriture, des
organes correspondants ou similaires de ces deux plantes. Je vais
m’expliquer :
Ces galles, irrégulièrement arrondies ou ovalaires, varient
pour leur grandeur , et ont de 8 à l'i millimètres de diamètre ;
elles sont plus grandes dans le / 'erbascum que dans la Scrophu-
laire , ce qui tient à la différence de densité ou d’extensibilité des
textures respectives. Dans la première de ces plantes , elles ont
une couleur d’un vert pâle ou jaunâtre, avec un fin duvet coton-
neux , qu’une loupe attentive constate aussi dans la corolle nor-
male ; dans la seconde, elles sont glabres, verdâtres, avec une
teinte violacée; dans les unes comme dans les autres , elles sont
exclusivement formées aux dépens de la corolle et des étamines :
l’ovaire , le calice et le pédoncule n’y participent en rien.
C’est lorsque la fleur est encore en bouton que la Cécidomyie
perce celui-ci avec son oviscapte, et loge dans son intérieur un
seul œuf. Est-ce la présence seule de ce dernier qui détermine le
développement anormal et monstrueux de la ileur? ou bien l’In-
secte en pondant l’œuf y instille-t-il quelque humeur âcre qui
pourrait être sécrétée par l’appareil compliqué situé sur le trajet
de l’oviducte, et dont une partie porte le nom de glande sébi-
fique? La question me semble d’une solution difficile; toutefois
ce n’est pas à la larve qui sort de cet œuf qu’il faut attribuer l’hy-
pertrophie ; celle-ci doit nécessairement précéder sa naissance,
car sans cela elle serait condamnée à mourir de faim , puisque
c’est le suc du tissu turgescent qui peut seul faire la nourriture
de la larve.
Quoi qu’il en puisse être, la corolle, par l’effet d’une irritation
nutritive, devient exubérante; ses lobes s’infléchissent, se recro-
quevillent en dedans, et, loin de prendre dans le J erbascum leur
belle couleur jaune, deviennent d’un gris verdâtre, et acquièrent
une consistance subcoriacée. Mais admirez comme , dans les plus
petites choses , la nature a tout calculé avec soin ; cette condition
d’uiio consistance coriacée rend évidemment ce tissu impropre à
la nourriture d’une larve délicate et tendre , et est devenue une
DU VERMSCUM ET DU SCROl’lIUr. ARIA.
11
nécessité pour protéger la cavité de la galle , le berceau de la
larve, sinon contre les attaques de tous ses ennemis, du moins
contre les injures du temps. Ainsi la corolle, qui, pour la fleur ,
est le rideau nuptial des organes reproducteurs , devient ici la
tente tutélaire de l’existence de la larve. Les filaments des éta-
mines, considérablement grossis par l’hypertrophie, ont éprouvé
dans leur texture intime d’étonnantes modifications physiolo-
giques ; ils sont devenus tendres , succulents , et la loupe y
distingue des papilles granuleuses qui rappellent la glaciale
( Mesembryanthemum crystallimm !.. ) , et où se trouvent entre-
mêlés , dans le 1 erbascutn , des poils , les uns atrophiés , ara-
néeux ; les autres épaissis , terminés par un capitule glanduleux,
cristallin. Ces filaments succulents sont essentiellement destinés à
la nourriture de la larve ou des larves , comme l’observation
directe me l’a démontré. Les anthères tantôt suivent l’impulsion
du développement morbide , et leurs valves , plus ou moins défor-
mées , renferment un pollen mal élaboré ; tantôt s’étiolent et
avortent. Le pistil échappe à la turgescence des organes mâles ,
mais il subit souvent le sort de l’infécondité ; il n’est pas rare, sur-
tout dans la Scrophulaire, qu’il se courbe irrégulièrement en
hameçon.
Je ne saurais passer sous silence une observation qui , sans
être étrangère à mon sujet , se rattache plus particulièrement à
la pathologie végétale. Il arrive parfois que , par des influences
météorologiques ou par une autre cause peu appréciable , la larve
meurt peu après sa sortie de l’œuf. Alors les parties en voie d’hy-
pertrophie tendent à se guérir ; l’excitation fondamentale , qui se
serait continuée par l’action de sucer, s’atténue, s’efface ; les tissus
turgescents, de nouveau soumis à l’action normale des lois phy-
siologiques, se serrent, se condensent; la sève perd son exubé-
rance morbide, reprend son cours naturel ; enfin , quoique tardi-
vement , les étamines rentrent dans leurs fonctions génératrices
en meme temps que les lobes de la corolle se déploient, et s’é-
talent dans le Ferbascum en ravivant leur couleur jaune. Dans
d’autres circonstances où la mort do la larve survient aussi , les
efforts de la nature se trouvant impuissants pour remédier â la
12 LÉO* DUFOUR. — SI 11 UiS INSECTES DES li ALLES
turgescence pathologique , il se déclare une véritable atrophie ;
les étamines se dessèchent, et la galle inhabitée languit et meurt.
y ota. Réaumur, dans la préface du tome Y de ses Mémoires,
mentionne simplement les fleurs monstrueuses du Bouillon blanc
( Ferbascum) que lui avait envoyées Bernard de Jussieu , et qu’il
croyait habitées par le Ver d’une Tipule (ce que mes observations
ont justifié) ; mais il ne décrit nulle part ni la galle ni le Ver.
M. le docteur Vallot de Dijon , fort habile observateur, a donné
le signalement succinct et de cette galle et de laCécidomyie qui
la produit, et d’un des Parasites cjui l’habitent. ( Actes de l’Acad.
de Dijon, 1827, pag. i)2.)
CHAPITRE II.
HAfilTANTS DES GALLES ET LELRS MÉTAMORPHOSES.
Article 1". — Métamorphoses de la Cécidonn ic.
1° Larve (PI. 2, fig. 5-8).
Larva apoda, pseudocepliala , ovato-oblonga, lutea, ylabra ;
palpis (?) laleralibus bi-articulalis. Long. 3“"".
II ab. in gallis / erbasci et Scrophulariæ.
Pour bien saisir la composition et la structure de cette petite
larve , il convient de l’étudier immergée vivante dans l’eau , et
sous le microscope. Les individus qui ont servi à ma description
et à mes dessins étaient adultes , et à même d’entrer en travail de
nymphe.
Le corps se compose , comme celui de beaucoup de larves de
Diptères , de douze segments , le pseudocéphale non compris.
Celui-ci , fort rétractile et difficile à bien constater , semble formé
de deux pièces invaginées, dont la postérieure, étroite et rudimen-
taire, reçoit l’antérieure, qui est subtriangulaire et munie de
chaque côté, avant son extrémité, d’un palpe (ou si L’on veut
d’une antenne) bi-articulé. In trait linéaire médian, brunâtre,
DI VHRMSCCM ET DI SCROPHII. U1IA.
13
s’observe à la région dorsale de cette pièce ; je n’ai pas aperçu
les crocs ou mandibules. Le premier des segments thoraciques est
largement et légèrement échancré en avant; le segment anal est
fort petit , comme rudimentaire , et tronqué.
Cette larve a , comme ses congénères , neuf paires de stigmates
placés sur les côtés des segments dorsaux. La première paire se
voit au segment qui représente le prothorax ; les deux segments
suivants n’en ont pas; les huit autres paires occupent les huit
segments qui suivent ceux du thorax.
2° Nïmphe (PI. 2, fig. 9-14).
Aympha nuda , obvoluta , oblonga, [usco-brunnea , subeoriacea ;
antice attenuata, acute biftda, poslice obtusa ; Ihoracis linea dor-
sali impressa carinataque; segmentis abdominis punctato aspe-
rulis. Long. 5"“".
IJab. in gallis Verbasci et Scrophulariœ.
La seconde morphose de notre Cécidomyie , ou celle qui suc-
cède à la larve , est une véritable .Xymphe ou Chrysalide, et non
une Pvpe.
Elle est d’un châtain vif. Vue en dessus , sa partie antérieure
ressemble à une hure aiguë terminée en une pointe finement
bifide , et sa base oftre de chaque côté une saillie arrondie qui
n’est pas un œil , ainsi qu’on pourrait le croire à la simple inspec-
tion du dessin. Le microscope met en éxidence près de cette
saillie un poil roide , une sorte do spinule. Les véritables yeux se
voient en dessous; ils sont grands, ovales, noirâtres, et, entre
eux , il y a deux dents aiguës , dirigées en avant , et comme cro-
chues. L’étui des antennes borde le contour externe des yeux.
Premier segment du thorax grand, convexe, lisse, luisant,
glabre , avec une ligne médiane dorsale , canaliculée et caré-
née; le second, rudimentaire; le troisième, ou métathorax, en
carré transversal , et plus grand que le précédent.
Abdomen à sept segments parallèles à peu près égaux ; l’avant-
dernier un peu plus large , et le dernier fort petit. Région dorsale
de tous ces segments garnie d’aspérités ou de petites spinules
l/l l.ÉONi DUFOfR. — SUR LES INSECTES DES GALLES
serrées, disposées en séries transversales assez régulières: une
bande inerme sépare , les uns des autres , les cinq premiers seg-
ments. Région inférieure, offrant le relief des ailes rabattues et
des pattes emmaillotées ; celles-ci contiguës sur un même plan
atteignant le bord de l'antépénultième segment.
Croyez-vous que cette hure, ces épines, ces aspérités soient
tout simplement des traits distinctifs de l’espèce, une vaine confi-
guration? Détrompez-vous; il en est bien autrement. Si la frêle
Cécidomyie eût été destinée à naître dans la cavité sans issue de
sa galle , la fragilité de ses longues pattes , la faiblesse de toutes
ses parties , la structure de sa bouche , ne lui auraient pas permis
de pratiquer une brèche à la voûte de sa demeure pour s’envoler,
et son berceau fût infailliblement devenu son tombeau. Mais le
créateur de la Cécidomyie devait être conséquent au principe de
la perpétuité de l’espèce : les organismes les plus inaperçus sont
empreints de son incessante sollicitude. Pour bien comprendre
celle-ci , il faut se livrer à l’étude consciencieuse des moindres
détails de structure extérieure , pour en pénétrer le but fonc-
tionnel.
La hure bifide de notre Nymphe est en même temps un coin
et une tarière destinés à perforer l’enveloppe coriacéede la galle.
Lors de l’éclosion du Diptère, vous trouvez en effet la Nymphe
engagée jusqu’à l’abdomen dans un trou de son cachot où elle se
tient, pour ainsi dire, à la fenêtre. Et comment cette Nymphe
revêtue d’une coque inerte , dépourvue de tout organe de loco-
motion , puisque ses membres ne sont qu’un relief immobile , a-
t-ellc pu opérer cette perforation ? C’est ici un instinct providen-
tiel , un mystère dont la révélation défie le témoignage de nos
sens et presque de notre intelligence. Toutefois il est probable
que la Larve , avant sa définitive métamorphose en Nymphe, a
reçu mission de s’approcher, par son bout antérieur, du point
prédestiné à être perforé. La Nymphe , par des mouvements suc-
cessifs, insaisissables mais réels, met en exercice et la pointe bifide
de sa hure et les deux crochets inférieurs placés entre les yeux.
Rappelons-nous que j’ai signalé au thorax une ligne médiane ea-
naliculée et carénée. Cette ligne n’est qu’une symphyse destinée
111 VERBASCUM ET 1)1 SCROI’III I.ARIA.
15
à se dessouder et à s’entr’ouvrir par les mouvements expulsifs du
Diptère inclus, lorsque l’heure de sa naissance, de son évasion
est sonnée. 11 fallait donc , pour le succès de cette manœuvre ,
que le thorax , dans toute l’étendue de la ligne qui le pourfend ,
se plaçât hors de la galle , en plein air, et c’est là ce qui a lieu.
La surface lisse, polie et presque glissante de cette partie du corps
favorise on ne peut mieux son exsertion par le trou pratiqué
au moyen de la vrille ou tarière cunéiforme dont j’ai parlé ;
tandis que les aspérités spinuleuses de l'alxlomen tendent, et à
limiter l’exsertion et à fixer la Nymphe à l’ouverture, afin de
fournir un point d’appui aux mouvements expansifs de l’Insecte,
qui se dégage de ses langes pour prendre son essor et voler à ses
amours.
T" Insecte ailé (PI. '2. lig. 12-15).
Cecidomijia Verbasci Vallot (I. r.).
Cécidomyie du Verbascum.
Migra, antennis Ih-articulis ; oculis in utroquesexu coadunatis ;
Ihorace einereo-plumbeo; collo, thoracis lateribus, alarumque
basi rubescentibus ; abdomine pubescente squamoso , lateribus
pedisbusque lividis; alis diaphanis. Long. 5""".
Jiab. in sterilibus. (Saint-Sever).
Tête arrondie, mais non hémisphérique, ainsi qu’on le dit des
Cécidomyies en général , sensiblement déprimée , envahie par
les yeux, qui, dans les deux sexes, sont, non pas contigus en
arrière , mais soudés , continus , de manière que leur ensemble
représente un grand fer à cheval dont les branches ne sont sépa-
rées que par un espace étroit et pâle qui constitue la face. Sa
région inférieure, d’un blanc soyeux, débordée par quelques poils.
Nulle trace d’ocelles. Antennes moins longues que le corps, de
quatorze articles dans les deux sexes ; le premier conoïde . le
deuxième court , urcéolé , les trois derniers ovales-arrondis dans
la femelle . avec le dernier rudimentaire enchatonné ; ces trois
articles , dans le mâle , de la longueur de ceux qui les précèdent.
Palpes pâles, de deux articles seulement ; le premier, gros,
]()
LÉO\ l»l FOI K.
St P. I.ES INSECTES DES CAI. I. ES
conoïde ; l’autre, long, cylindroïde, à peine arqué, hérissé. Cette
composition des palpes, insolite dans la famille des Tipulaires,
m’a fait multiplier mes explorations microscopiques ; et cepen-
dant je n’ai pu constater dans ces organes que deux articles. ï en
aurait-il deux autres qui m’auraient échappé? Dans l’Insecte
vivant, un cou bien marqué, rougeâtre , conoïde.
Corselet ovalaire , glabre ou presque glabre . gris-plombé ,
avec deux lignes enfoncées presque parallèles. Écusson demi-
circulaire, convexe. Balanciers grands, conoïdes, blanchâtres.
Abdomen à duvet gris-blanchâtre, caduc ; tantôt uniformément
lavé de rougeâtre, tantôt de cette dernière couleur sur les lianes
seulement , ce qui dépend de la naissance plus ou moins récente.
Oviscapte pouvant s’allonger par le désemboîtement des tuyaux
qui le constituent, et mettant alors en évidence une tarière pili—
forme qui permet à la Cécidomyie d’insérer profondément les
œufs dans les boutons des fleurs. Armure copulatrice du mâle
se présentant sous la forme d’un corps arrondi , corné, d’un gris
brun, qui n’est qu’un forceps, dont chaque branche se termine
par une pointe aigue.
Pattes paraissant glabres, même à une loupe simple, mais
évidemment velues au microscope.
Ailes subdiaphanes , velues , avec leur bord postérieur frangé.
Ces poils et ces franges tombent au moindre frottement, et on
croirait souvenl qu’ils n’ont pas existé.
C’est en mai et en juin que les Cécidomvies piquent les bou-
tons; mais j’ai souvent constaté une seconde product ion de galles,
au mois d’aoùt, sur des rejets fleuris du Verbascum.
\ lîTici.E 11. — Métamorphoses du Misocmnpm.
I" I.ahve (PI. 2. tig. 16-19).
iMrva apoda , cephala, pilosa , ovato-oblonga, supra convexa ,
subtus plana; capite minuta rotundalo , subtus bipapillato ; seg-
menta cor poris ultirno subemarginalo. Long. 3 -li““".
JJab. parasitica in Lorca Cecidonujuv I erbasci.
On la reconnaît à l’instant aux poils assez longs qui hérissent
IH VKKIUSCIM HT 1)1 SCItOI’IIl I.MIH.
17
sa région dorsale. Tète ayant en dessous, de chaque côté de son
bord antérieur, une papille qui flanquerait un très petit suçoir
proéminent. En dehors de cette papille est une pièce antenni-
forme , qui m’a semblé terminée par une courte soie; enfin il y a
deux mandibules brunes, cornées, simples, qui ont l’air d’être
collées sur le tégument. Dernier segment abdominal , petit , ou
tronqué , ou échancré. Je me suis assuré que les angles de cette
échancrure servent de pseudopodes pour que la larve se fixe sur
celle de la Céc.idomvie.
J'ai bien souvent constaté , par la pellucidité des téguments , le
passage de l’humeur jaune de cette dernière Larve dans les en-
trailles de celle du Misocampe. C’est au moment où la J.arve de
la Cécidomyie va subir sa métamorphose en nymphe qu’elle suc-
combe aux attaques de son parasite.
D'innombrables ouvertures des galles m’ont appris qu'une
teinte noire de leurs parois internes annonçait positivement la
présence de la Larve du Misocampe, soit suçant le Ver de la Cé-
cidomyie , soit reléguée dans quelque coin de la galle. Ce signe
ne me trompait jamais.
2° Nvmpiie (PI. 2, fig. 20, 21).
,\ ymplia nuda, obvoluta, oblonga, glaberrina , nid J a , rufesicens ;
abdominis oviscapto dorso incumbenle. Long, h
il ah. in gai la T'erbasci.
La tarière ou oviscapte est réfléchie sur le dos de l’abdomen ,
comme celle du I^eucospis , et ce n’est qu’à la naissance de fin-
secte ailé qu’elle se détache du dos pour demeurer au bout de
l’abdomen comme une queue. I.cs pattes postérieures se prolon-
gent jusqu’à l’extrémité du ventre.
3" ÎMSECTF. AILÉ-
Misoca m p us n i g ricorn is .
Misocampe nigricorne.
Diplolepis nigricornis Fabr. Ent. Syst II. p. 185.
Oblojujus , viriilis , nitidus (inlerduin cœrulescens) abdonune sub-
3e série. Zodl. T. V. (Janvier 1840.) 3 -
18 Ï.ÉOX DL'FOFR. — SUR LES INSECTES DES GALLES
triquetro ; antennarum nigrarum articulo primo subtus, palpis,
pedibusque flavis; oviscapto nigro, abdominis longiludine.
Long.
Mas minor, antennis brevioribus subcrassioribusque , scapo bre-
viore nigro.
Hab. in incultis.
La couleur jaune du dessous du scape de l’antenne , dans la
femelle , a échappé à Fabricius , et est sujette à s'effacer par la
dessiccation. L’article terminal est olivâtre et deux fois plus long
que celui qui le précède. Hanches jaunes aussi. Cuisses posté-
rieures vertes au milieu , parfois seulement noires à leur base ,
ainsi que le dit Fabricius. Ailes diaphanes, avec la nervure cos-
tale et la callosité pâles. Celle-ci atténuée vers son insertion. Ab-
domen plus lisse , plus luisant que le corselet. Lame intermédiaire
de Poviscapte roussâtre.
Le Misocampe nigricorne ne s’obtient pas seulement des galles
du Verbascum et de la Scrophulaire , mais aussi de la galle de
YEryngium fondée par un Lasioptera , dont je donnerai plus tard
l’histoire, et de la galle fongueuse pomi forme du chêne produite
par le Diplolepis quercus terminait s. Ces divers habitats prouvent
que notre Misocampe attaque des Larves d’ordres différents. Je
l’ai aussi recueilli abondamment en fauchant sur les plantes aqua-
tiques.
Observations sur le genre Misocaiiipus.
C’est, en histoire naturelle , un principe d’équité et une ques-
tion d’ordre que de respecter les dénominations techniques de nos
devanciers. Dès 1818 Latreille avait fondé le genre M isocampus
sur un démembrement des Cynipsàe Geoffroy (1). Plus de vingt
ans après , sans égard pour la priorité , on a donné le nom de
Callimome à ce même groupe d’Hyménoptères.
Les caractères essentiels des Misocampus se réduisent , suivant
moi , à ceux-ci :
Antennes filiformes ou à peine en massue , coudées , de onze
(I) Nouv. Dtcl ri'Ihst. «ni., 2' édit article Misocampe.
1)1 MiltlHSClilI ET 1)1 SCROPHELAiUA.
l'J
articles, dont le troisième très petit, rudimentaire, les suivants
serrés entre eux, peu distincts, le terminal plus grand que ceux
qui le précèdent.
Ocelles presque en ligne droite sur la tranche occipitale.
Ailes velues , sans nervures discoïdales.
Oviscapte plus long que l’abdomen.
Abdomen comprimé , avec une saillie ventrale.
\ nricr.E lit. — Métamorphoses de VEuloplms.
I” Larve (PI. 2, fig. 22-21).
J.arva a poilu, eephala , oblonga , postice allen nalu , ylabra , ope
microscopii yranulala - colliculosa ; capite piinulo , honiispliœ-
rico : prothorace majore, vltimo segmenta angusliwe , rétrac-
tile. Long. 2'"ra.
If ab. in gallis Verbasci et Scrophulariœ.
Les plus fortes lentilles amplifiantes ne m’ont fait découvrir
aucune trace ni d’antennes ni d’organes manducateurs ; je n’ai pu
constater au -dessous de la tète qu’un point enfoncé contractile ,
oui semble faire l’otlice de suçoir. La même lentille , qui met en
évidence la texture granuleuse , chagrinée , des segments du
corps, fait voir la tète unie et lisse. Le segment terminal ou
caudal est cylindroïde, lisse, susceptible de s’allonger ou de se
raccourcir au gré de l’animal , et j’ai souvent vu la Larve s’en
servir comme d’un pseudopode, pour s’accrocher et exécuter
quelques mouvements brusques , en même temps que ses tégu-
ments chagrinés favorisent sa progression ou plutôt sa rep-
tation.
Les Larves de l’Eulophe sont au nombre de sept ou huit, de dix
à douze dans une même galle. Nous avons vu que la Larve soli-
taire du Misocampe est le parasite direct , l’assassin du Ver de la
Cécidomyie. Le troupeau de celles de l’Eulophe non seulement
usurpe le domicile de cette dernière , mais consomme sa nourri-
ture et l’oblige souvent à mourir de faim. .T’ai bien distinctement
vu ce troupeau brouter les granules succulents des étamines hy-
20 LÉO\ Dl'FOCR. — - SUR lilïS INSECTES IMÎS GALLES
pértrophiées. Ce fait du régime herbivore de cette Larve , fait
que j’ai constaté vingt fois , est nouveau pour la science , et con-
tredit la dénomination de Pupivores affectée à la famille où elle
est comprise.
2° Nymphe (PI. 2, fig. 23).
.\ymphanuda, obvolula , oblonga, subincurva, glaberrima, ni-
tida , pallicle rufescens. Long. 1 1/2. 2n,m.
Il ah. ingallis J'erbasci.
Ces Nymphes sont à nu dans la galle, et un peu variables pour
leur longueur, suivant les sexes. Entre les segments dorsaux et
ventraux de l’abdomen se voit un trait latéral brun , comme cal-
leux. L’abdomen est en cône effilé, sans oviscapte apparent ; yeux
bruns; deux des tarses atteignant le bout de l’abdomen.
3° Insecte aii,é (PI. 2, fig. 27-30).
Eulophus Verbasci Vallot (l. c. I 827, p. 92).
Euloplie du l'erbasciim. — Dut1., Mcm. de l’Arad. des Se . vol. VII p. 239,
1841.
Luteo-rufescens , subglaber, hinc Inde macullulalus ; antennis ai-
gris; alis hyalinis , costa nigra; abdomine conico acuminato,
nigro, nitido, basi plus minusve pallido. Long. 1 1/2, 2 1/2"”“.
Nascitur e gallis J erbasci et Scrop/udariæ.
Ce petit insecte , quoique fort eom’mun , est peu connu et n’a-
vait pas été figuré.
Tête un peu plus large que le corselet , subverticale , pressée
contre celui-ci , roussâtre , à occiput noir. Antennes coudées , at-
teignant le milieu du corselet ; celles de la femelle , de sept arti-
cles simplement pubescents, dont le troisième fort petit, rudi-
mentaire (1), les trois suivants arrondis, moniliformes ; le ter-
(I) Cel article , qui existe aussi dans le tlisocampus , est une sorte de ru/tile
destinée a favoriser les mouvements du fouet de l'antenne sur le scupe. 11 ne sau-
rai; être bien mis en évidence que par la macération.
DI VERBASCUM El DI SCROJ'IILL AllIA.
•21
minai en bouton ovale , oblong , plus grand que les précédents ,
dont il est bien distinct; celles du mâle , de huit ou neuf articles,
tous allongés et longuement ciliés au dos, le terminal plus long ,
mais non plus gros, offrant vers son tiers postérieur l’indice d’une
division. l’alpes à dernier article grêle, terminé par deux soies
roides. Mandibules assez fortes, bidentées; yeux el ocelles d’un
brun rougeâtre ; ceux-ci sur une ligne droite noircie.
Corselet ayant , le plus souvent , un gros point mésothoracique,
des taches sur les flancs , et le métathorax noirs. Écusson pâle ,
convexe , arrondi , avec une impression linéaire de chaque côté.
Abdomen sessile et contigu au corselet, pâle à sa base, avec une
bande au segment. Oviscapte logé, comme dans les Chalcis,
dans une rainure sous-ventrale et ne dépassant pas le bout de
l’abdomen.
Observations critiques sur le genre 'Eulophus.
Il est des auteurs qui, bravant d’avance toute critique et
usurpant une sorte d’omnipotence , trouvent tout simple de faire
table rase des antécédents sur la matière qu’ils traitent. Ils ne se
font aucun scrupule de baptiser, au nom de leur autorité arbi-
traire et avec une technologie plus ou moins rude et énigma-
tique , tout ce qui passe sous leurs yeux. En procédant ainsi , non
seulement ils se dispensent de recherches difftcul tueuses : mais,
sans respect pour les droits acquis, ils éludent toute érudition,
toute synonymie ; ils altèrent sans pitié jusqu’au texte du petit
nombre de citations qu’ils font. J’appelle cela un délit scientifique,
un dangereux exemple. Ces réflexions me sont suggérées par la
Monographia Chalciditum de Francis Walker (1839).
Je ne vois dans cette Monographie que le genre Eulophus dont
les antennes aient neuf articles, et ce nombre serait le même
dans les deux sexes. L’auteur anglais , avec la prétention d'a-
dopter le genre Eulophus, fondé par Geoffroy, donne neuf articles
à ses antennes, tandis que Geoffroy dit textuellement quelles sont
composées de sept pièces (1), et il n’avait connu que le mâle. De
(I) Ihst. lu s., II, j). 313, pl. 13, |ig. 3,
22 LÉON DIFOLR. — SUR LES INSECTES DES GALLES
Géer, postérieurement à Geoffroy , a aussi décrit et figuré exac-
tement (1) le même Eulophus , et , plus heureux que son prédé-
cesseur, il a fait connaître la femelle. Or, de Géer dit positive-
ment. que les antennes du mâle sont divisées en sept articulât ions ,
et celles de la femelle en six. Latreille , dans son immortel Gé-
néra , n’avait, pas , je le présume , des observations qui lui fus-
sent propres sur YEulophus de Geoffroy , et appréciant à leur
juste valeur les assertions des deux auteurs précités, il assigna
aux Eulophus des antennes de six ou sept articles.
Ainsi le caractère principal du genre Eulophus , fondé sur le
nombre des articles des antennes , exclurait formellement , d'a-
près le signalement de M. Walker, l’espèce qui a servi de type à
Geoffroy, à de Géer et h Latreille. L’entomologiste britannique,
en inscrivant en première ligne cette espèce et en citant cette
triple synonymie, aurait donc commis une erreur grave, je dirais
presque une inconséquence.
Venons maintenant à l’espèce. M. Boyer de Fous-Colombe ,
dans sa Monographia Chalcïdilum Gallo-provinciœ , etc. (2), cite
comme provenue e calycibus inflatis Ferbasci nigri , et sous le
nom de Cynips Quercus ramuli? une espèce qui semble avoir de
très grands rapports avec notre petit Eulophus. Mais peut-on
supposer, malgré l’analogie de l’habitat , que cet excellent obser-
vateur ait compris dans le genre Cynips de Latreille, adopté par
lui, un Chalcidite dont les antennes n’ont que sept ou huit arti-
cles, mais bien distincts, tandis que les véritables Cynips de La-
treille , de Geoffroy et d’Olivier en ont dix ou onze serrés et peu
distincts? Comment l’entomologiste cl’Aix rapporterait-il à son
espèce, même avec le signe du doute, le Cynips Quercus ramuli
de Eabricius, lorsque le genre Cynips de celui-ci correspond ,
ainsi que tout le monde sait, au Diplolepis de Geoffroy et Latreille,
dont les antennes, filiformes et plus longues que le corselet, ne
sont pas coudées comme celles du Cynips Latr.?La synonymie
d’Olivier (Encycl. méth.), citée par M. Boyer, ne saurait convenir
non plus à notre Eulophe ; car Olivier donne au Cynips Quercus
(1) Mcm., t. Il, p. 899, pl. 31, fig. 14-17.
(2) Ann. des Si'. nat.. 1" série, t. XXVI, p. 296.
Dl VEllBASCÜM El 1U SCnOrill'LADlA.
•23
ramuli des antennes aussi longues que l’abdomen , ce qui prouve
encore que c’est un Diplolepis Geoffr.
Article IV. — Stomoctca pnllipes, Nob.
Viridi-aurea , anlennarum nigrarum articula primo, tibiarum
apice larsisque pallidis ; abdomine brevi subtriquetro nigro-vio-
laceo, nitido ; alis diaphanis ; callo longe pedicellato, apice orbi-
culatim dilatato. Long. 2"”". Sic fernina. E gallis Scrophvlariœ.
Observation.
Le défaut de documents relatifs aux métamorphoses de ce petit
Chalcidite m’oblige, à regret , à laisser ici une lacune que je
remplirai peut-être un jour.
En attendant , voici le signalement de ce genre nouveau :
Antennes coudées , de la longueur de la moitié du corps , in-
sérées au centre de la face, de neuf articles; premier, grêle,
allongé; deuxième, court, conoïde, courbé ; troisième, fort petit,
rudimentaire ; les suivants forman t une masse cylindroïde pubes-
cente ; le terminal à peine plus grand , subacuminé.
Tète assez grosse, à face large, unie, non déprimée. Mandibules
saillantes, presque en promuscide, pectinées ou a quatre dents
profondes , très acérées (d’où leur dénomination générique). Ab-
domen court , sessile. Oviscr)pte non saillant. Ailes sans nervures
discoïdales. Callosité grêle, allongée, terminée par une dilata-
tion orbiculaire.
Aucun des signalements des quatre-vingt-huit espèces décrites
dans les Eulophus de M. Walker ne peut convenir à la nôtre.
EXPLICATION DES FIGCKES ( presque toutes fort grossies)
PLANCHE 2.
Fig. I . Brandie du Vcrbascum pulvérulent um avec des galles; de grandeur nat.
Fig. 2. Étamine avec son filament velu, dans l'état normal, mais grossie.
Fig. a. Étamine hypertrophiée et grossie , avec une larve de Cécidomvie sur le
filament.
'2!l LÊOX DUFOUR. — Slilt LES INSECTES JJI VERIUSCTM , ETC.
Fig. 4. Branche de Scrophularia cuniiia avec des galles ; de grandeur naturelle.
Fig. 5. Larve de Cecidomyia Verbasci, fort grossie.
Fig. 6. Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 7. Portion antérieure détachée, de cette larve.
a, tête ou pseudocéphale ; b, b, palpes? ou antennes?; c,r, les deux stig-
mates prothoraciques.
Fig. 8. Cette larve vue de profil, pour faire voir les neuf stigmates.
Fig. 9. Nymphe de cette larve très grossie, vue par le dos.
Fig. 10. La même, par sa région ventrale.
Fig. I I . Portion antérieure vue de profil , et un peu en dessous , pour mettre en
évidence les deux dents aiguës d'entre les yeux.
Fig. '12. Cecidomyia Verbasri fort grossie.
Fig. 13. Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 1 4. Tête du mêle, vue par dessus , pour faire voir les palpes et I antenne de
ce sexe.
Fig. 13. Antenne de la femelle.
Fig. 16. Larve de Misocumpits nigricornis fort grossie.
Fig. 17. Tète détachée, vue en dessous, pour faire voir les papilles, les pièces
antenniformes, les mandibules.
Fig. 1 8. Mesure de la longueur naturelle de cette larve.
Fig. 19. Bout postérieur de cette larve, pour mettre en évidence l'échancrure du
dernier segment.
Fig. 20. Nymphe de cette larve, vue de côté, fort grossie.
Fig. 21 . Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 22. Larve d'Ealuplius Verbasci , fort grossie.
Fig. 23. Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 24. Portion antérieure détachée, pour mettre en évidence la texture cha-
grinée des segments du corps et la tête lisse.
Fig. 25. Nymphe ÜEulophus Verbasci, vue de profil, et fort grossie.
Fig. 26. Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 27. Eulophus Verbasci femelle.
Fig. 28. Mesure de sa longueur naturelle.
Fig. 29. Antenne de la femelle.
Fig. 30. Antenne du mâle.
MEMOIRE
25
sir l’appareil de la respiration dans les oiseaux;
Far M. NATALIS GUILLOT
( Présenté a l' Academie des Sciences, le i février 1816-
I II IPI I RE I.
CONSI mil! ATI O. N SRI! ÉMU 1 NA I R ES.
1/ appareil de la respiration des oiseaux, étudié successivement
par Borelli (1), Harvey (2), Perrault (,’>), Hunter 4), Camper (5),
M. Girardi (0), Malacarne (7), Cuvier, Jacquemin, et par d’au-
tres savants, a déjà été l’objet de recherches intéressantes. Malgré
l’autorité des écrits de plusieurs de ces anatomistes, il est cepen-
dant permis de croire que cet ensemble d’organes n’est pas assez
connu, que les dispositions particulières de ce curieux assem-
blage d’instruments ne sont point exactement appréciées. On a
bien pu comprendre d’une manière très générale le jeu de ces
parties; mais, à cause de l’interprétation équivoque des faits les
plus saillants, on a dù accepter certaines erreurs comme des vérités
incontestables. D’autre part, les descriptions répétées des formes
les plus apparentes peuvent faire penser que nos connaissances
sont complètes, tandis que, restreintes, au contraire, elles laissent
encore à désirer de nouvelles études.
(4) Burelii, De mulu aniinaiium
(2) Harvey, De (jeneralione .
. :i) Perrault, Mëm. pour servir u Vhixloire inilurellc des mihmmx.
(!) Hunter, \nimal œcononttj.
(.->) Camper (Œuvres), De lu sirncLure des os dons les Oiseaux
U ») M. Girardi, Osserv analom inlornolu respirulioncdegli uccelli.
il] Malacarno . Conférant di ossvrvaiioni inlorno atjli ortjuni délia nespirazipnc
dey U vçvolli
26
1MATAI.1S GUILLOT. — SI R L’APPAREIL
S’il convient d’abord d’étudier avec précision un assez grand
nombre de détails anatomiques, parmi lesquels il en est qui sont
assez mal décrits pour qu’on puisse les regarder comme ignorés,
il est également nécessaire d’élucider plusieurs opinions physio-
logiques déduites d’observations superficielles. Telle est précisé-
ment la tâche que je me suis imposée. Je n’ai certes pas la préten-
tion de l’avoir complètement remplie, car le nombre des espèces
animales que j’ai disséquées a été restreint ; mais s’il ne m’a pas
été permis de beaucoup voir, j’ai cherché du moins à bien con-
naître ce que j’ai pu regarder.
J’ai répété mes observations à plusieurs reprises, quelques unes
sur des Oiseaux que les anatomistes ont rarement l’occasion d’é-
tudier, mais le plus souvent sur des animaux communs, dans
lesquels il sera facile de rechercher les détails indiqués, et de dé-
couvrir de nouvelles particularités dans le nombre infini de celles
que j’ignore.
On a généralement désigné , dans l’appareil respiratoire des
Oiseaux , deux groupes d’organes distincts par la structure et la
situation propres à chacun d’eux. Le premier groupe renferme
les poumons , dans lesquels se divisent et se subdivisent les rami-
fications de la trachée. Le second est constitué par un ensemble
de cellules dans lesquelles pénètre l’air, au moyen de certaines
ouvertures permanentes des bronches.
Ces dispositions générales, communes à tous les Oiseaux, ont
conduit, depuis fort longtemps, les anatomistes à croire que ces
singuliers orifices des bronches faisaient passer l’air inspiré, non
pas seulement dans des cellules capables de le renfermer, mais
dans la plèvre, mais dans l’intérieur de la cavité péritonéale, et
de plus encore dans toutes les parties du corps.
Cette manière de voir, fondée sur une assertion de Harvey (1),
(l) G. Harvey, De gcneratione. Ilibl. anal. Mangeli. Genève, 1685, p. 603. — -
a Quinetiam (quod a nemine hactenus observatum memini) earum bronchia
(avium) sive asperæ arteriæ fines in abdomen perforantur, aerenique inspiratum
intra cavitates illarum membranarum recondunt. Quemadmodum pisces et ser-
pentes intra amplas vesicas in abdomine positas eundem atlrahunt et reservant,
eoquc facilius natare existimantur : et ut ratifc ac bufones, cum æstate vehemen-
DE I.A RESPIRATION DANS LÊS OISEAI \.
•27
qui ne considérait pas les poumons des Oiseaux comme les organes
de la respiration, dut encore paraître plus exacte après les cu-
rieuses recherches de Hunter, de M. Girardi, de Camper, sur les
communications des organes respirateurs des Oiseaux avec l’in-
térieur des os des membres et du tronc. Les citations suivantes
pourront faire penser que tous les savants l’admettent aujour-
d’hui.
Cloquet (IJ s'exprime en ces termes : « La respiration domine
toutes les autres fonctions des Oiseaux , imprime son énergie à
toute leur constitution : la grande extension des poumons , l’ab-
sence d’un diaphragme , l’existence de cellules sacciformes, d’ap-
pendices membraneux , de réservoirs supplémentaires à ces vis-
cères, et de conduits propres à distribuer l’air dans toute l'habitude
du corps, dans l’intérieur même des os, dans le tissu cellulaire,
sous la peau , dans les plumes mêmes , conduits si bien vus et dé-
crits par P. Camper, par Ilunter, par Malacarne, par Michèle
Girardi, par Méry, par M. Cuvier, et une foule d’autres anato-
mistes, peuvent faire dire d’eux, à juste titre, qu’ils sont embrasés
et comme consumés du feu de la vie. »
Selon Jacquemin (2), « le fluide respiratoire, après avoir rem-
pli les mailles nombreuses du poumon , sort de ces organes par
des trous, dont le nombre et la disposition sont variables. A me-
sure que le jeune Oiseau exerce son corps, l’air se fait jour entre
les organes respiratoires , digestifs et génitaux qui remplissent
la cavité pêctoro -ventrale. Les membranes séreuses qu'il ren-
contre sur son passage sont percées de trous dans des points dé-
terminés. De là résultent huit poches ou sacs, situées de telle ma-
nière qu’elles entourent les organes les plus volumineux de la
cavité interne du corps, lesquelles poches, communiquant les
tius respirant, aeris plus solito in vesiculas numerosissimas absorbent (unde
earum tam ingens tumor) quo eundem postea in coaxatione liberaliter expirent :
ita in pennatis pulmones polius transitus et via ad respirationem videntur quam
hujus adnequatum organum. »
(1) H. Cloque!, Dicl. des Sc. nul., 1837, t. XLV, p. 238, art. Respiration.
(2) Jacquemin, Sur la pneumatiçilc des Oiseaux (/Icud. des Cur. de la Nature,
t XIX, p 286. 1836)
'2 S VHAI.1S GlILLOT. — SLR I.’ALT.UIKIL
unes avec les autres , permettent à l’air d’accomplir une sorte de
circulation lente dans tout l’intérieur du corps. Lorsque l’air est
arrivé dans ces poches, l’Oiseau approche de l'époque où il com-
mence à voler. La pression atmosphérique , pendant cette loco-
motion, devient plus énergique; l’air, dans l’intérieur du corps,
prend un nouvel essor, et lorsque nous avons examiné le corps
d’un jeune Oiseau, quelques semaines après qu'il eut commencé
à voler, nous avons vu que l 'air s était avancé dans le tissu cellu-
laire placé entre les muscles, qu il avait percé les os, et qu’il était
entré dans leur intérieur. Par l’intermédiaire des sacs aériens,
sous-scapulaires et sous-fémoraux, l’air pénètre aussi dans les
cellules sous-cutanées, s’introduit dans le tuyau des plumes , si ce
n’est par ces cellules , du moins par le trou qui est à la base des
barbules. De toutes ces cavités, l’air revient aux poumons pour
être expulsé au dehors par la trachée-artère. »
« La bronche de chaque poumon, dit Cuvier (1), et ses dix ou
onze rameaux, aboutissent à la surface des poumons, d’où l’air
passe dans de grandes cellules qui communiquent les unes dans
les autres, le conduisent dans toutes les parties du corps de l’Oiseau,
et forment une sorte de poumon accessoire très étendu et très
compliqué. »
Les observateurs qui décrivent les réceptacles membraneux où
l’on voit les orifices des bronches, diffèrent sur des particularités
importantes, telles que la situation et le nombre des cellules indi-
quées par les uns et par les autres. Jacquemin (2) en décrit huit,
sous les noms de poches pneumatiques sous-claviculaires, sous-
scapulaires, pectorales, sternales, sous-costales, sous-fémorales,
abdominales et sacrées. Deux de ces poches, l’une pectorale,
l’autre sternale, seraient impaires.
G. Cuvier (3) indique quatre cellules aériennes étendues d’a-
vant en arrière sur les régions latérales du tronc, puis quatre
autres cavités de même nature et de même usage, situées les unes
après les autres sur la ligne médiane, et renfermant avec l’air,
(t) G. Cuvier, .incu. comp., 2’ édit., 1 840, t, VU, p. 123.
(2) Jacquemin, /. c., p. 288 etsuiv,
(3) U. Cuvier, i r., vu!. VU. p. tîa et suiv,
DIÎ LA RESPIRATION DW'S LPS OISEUX. 29
d’abord le cœur (cellule du cœur), puis le foie (cellule du foie),
ensuite les estomacs (cellule des estomacs) , puis enfin les intes-
tins (cellule des intestins).
M. Richard Owen, dans un excellent travail sur l’anatomie des
Oiseaux (1), reproduit , avec peu de variations, les divisions ac-
ceptées par Cuvier, et plus anciennement encore par Perrault.
Cet anatomiste décrit, dans les régions antérieures du corps de
l'Oiseau , des cellules aériennes interclaviculaires , des cellules
thoraciques antérieures, thoraciques latérales, subdivisées en
axillaires, sous-scapulaires et cardiaque postérieure, des cellules
hépatiques. Dans la région postérieure, il indique des cellules
abdominales droites et gauches , des cellules pyloriques et duo-
dénales, et des cellules fémorales placées dans le voisinage de
l’articulation du fémur avec le bassin.
Mais si ces observations relatives au nombre et à la situation
des cellules aériennes ne sont point exactement concordantes ,
elles ne diffèrent plus sur d’autres points, et elles conduisent les
observateurs à conclure à la pénétration de l’air dans l’intérieur
de la plèvre , et même de la cavité péritonéale des Oiseaux , et à
la confusion de ces membranes séreuses avec l’enveloppe des cel-
lules aériennes.
On pense, en effet, que non seulement les lobes du foie sont
enveloppés par les replis d’une ou de deux de ces cellules (2),
mais encore que toute la masse intestinale est elle-même renfer-
mée dans l’intérieur de ces cavités ajoutées à l’organe principal
de la respiration : inexactitudes bien grandes, qu’il importe tout
d’abord de rappeler, parce qu’elles ont été émises et acceptées
comme reproduisant un détail caractéristique propre à la classe
des Oiseaux.
Quelques citations, empruntées à des ouvrages importants, vont
montrer que les savants les plus habiles n’ont pas encore pensé
que ces assertions dussent être inacceptables.
fl) R. Owen, Cyclopeilia of anatomy London. 1839, art. Aves, p. 342.
2' col.
(2) G. Cuvier, /. c , t. VII. 2' éd., p. 1 2fi. — R. Owen. /. r., t I, p. 3*3
Jacquemin, /. c., p. 28G 1. 20
3»
WTAI.IS GlILLOT. — SUR l’aPPAREH.
G. Cuvier (I) dit que la cellule des intestins se prolonge sur
le canal digestif, l’ovaire, l’oviducte, etc., pour former les mé-
sentères , et qu’elle est en partie comparable au péritoine des
Mammifères. M. R. Owen (2) décrit l’intestin renfermé dans les
poches aériennes de l’abdomen des Oiseaux; il représente cette
opinion par une figure. M. Duvernoy (3) désigne le péritoine et
la membrane des poches abdominales comme une seule et même
chose, et je reproduis le texte des additions à l’ouvrage éminem-
ment classique de G. Cuvier, de manière à ne laisser aucun doute
sur l’existence des opinions acceptées aujourd’hui. « Le péritoine
et la plèvre paraissent confondus, ainsi que les cavités thoraciques
et abdominales (dans les Oiseaux et les Reptiles), et ne forment
qu’une seule membrane. La disposition de cette membrane com-
mune a quelque chose de particulier dans les Oiseaux. Elle y
forme de grandes cellules, dont une partie sont vides, et les autres
remplies par des viscères; ces cellules communiquent avec les
poumons, et se remplissent ou se vident d’air dans l’inspiration
et l’expiration... Ce péritoine communique d’une part avec les
bronches, recevant par ces canaux l’air des poumons, commu-
niquant d’autre part avec les cavités des os dans lesquelles cet
air pénètre. »
Des assertions aussi affirmatiyes ne sauraient être admises plus
longtemps sans un contrôle sérieux ; quelle que puisse être l’au-
torité des anatomistes qui les ont émises, elles doivent être
jugées ; des détails nombreux, faciles à apprécier, s’élèvent contre
elles, et tendent à les faire regarder comme entièrement dépour-
vues de fondement.
Si l’observation anatomique ne fournit, aucun appui capable de
les maintenir, l’expérimentation sur les animaux vivants force
également de comprendre l’organisation des Oiseaux d’une tout
autre manière.
Avant d’avoir commencé les études que je reproduis, je n’au-
(1) G. Cuvier, l.c, p. 328.
(2) R. Owen, I. c., p. 342, 2' col.
(3) G. Cuvier, Anal, comp., additions de M. Duvernoy, t. IV, 2e part , p. CSO,
1. 13, et 651, 1. 28.
DIi LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX.
31
rais certainement pas pu croire que plusieurs des parties d’un
aussi important sujet , surtout celles qui sont relatives aux réser-
voirs de l’abdomen, eussent été aussi complètement négligées. Les
descriptions des cellules abdominales de quelques auteurs sem-
blent être si bien tracées d’après la nature , les affirmations sont
si précises, qu’il m’a fallu le témoignage de dissections et d’expé-
rimentations multipliées pour appeler de nouveau l’attention sur
des parties que l’on croit bien connaître, et dont l'organisation
est cependant encore cachée par une trop grande obscurité.
J’ai dû m’attacher non seulement à connaître les objets sur
lesquels l’attention a déjà clé fixée, tels que les poumons, les
bronches et les cellules aériennes des Oiseaux; mais il m’a paru
de plus nécessaire d’étudier le rapport des réservoirs aériens avec
les nerfs, avec les vaisseaux lymphatiques et sanguins, et même
avec l’appareil musculaire; non pour dire tout ce que ces rap-
ports ont de curieux et tout ce qu’ils fournissent d’aperçus nou-
veaux , mais pour indiquer seulement une voie d’études intéres-
santes dans laquelle les anatomistes pourront, en contrôlant ces
recherches, découvrir encore plus de détails que je n’en ai pu
voir.
Les Oiseaux que j’ai choisis pour mes études ont été pris à
différents âges dans les deux sexes. Les Gallinacés, quelques Oi-
seaux de proie, tels que le Faucon, la Buse, l’Emouchet, des
Passereaux, Serins, Tarins, Pigeons, etc., des Palmipèdes,
Canards, Mauves, Sarcelles, ont été les principaux sujets de
mes dissections.
L’insufflation est le seul procédé convenable pour préparer
avantageusement l’examen des organes accessoires de la respi-
ration des Oiseaux; elle pourrait peut-être même servir à aider
une dessiccation complète , et par conséquent à une conservation
plus longue des parties ; mais cette conservation entraîne trop de
soins et de chances fâcheuses. Les membranes distendues s’af-
faissent ou se déchirent facilement, dès qu’elles perdent leur
humidité; il vaut donc mieux étudier immédiatement et dessiner
les objets aussi rapidement que possible.
On peut, avant l’insufflation , qui doit être pratiquée surtout
32 WT1MS GIILLOT. SI R I.’ W'I’ARIilf.
par la trachée, ouvrir d’abord la cavité péritonéale.; on peut
aussi conserver les parois de l’abdomen. 11 n’importe pas de
laisser la peau de l’animal; l’absence de ce tégument ne change
en rien les résultats que l’on se propose d’obtenir. Les vaisseaux
artériels et veineux de quelques Oiseaux doivent avoir été remplis
par une matière colorante avant l’insufflation des réservoirs
aériens; les études deviennent alors plus intéressantes encore.
Quoi qu’il en puisse être , l’insufflation devra être lente et modé-
rée; si le péritoine est ouvert, on soulèvera lentement les intestins
avec le manche mouillé d’un scalpel , afin de bien les séparer des
vessies aériennes qui apparaîtront rapidement. 11 faudra se garder
de souffler trop fort et trop longtemps, car on détruirait bien vite
ce que l’on doit chercher à mettre en évidence.
Lorsque l’on voudra connaître les particularités relatives à la
disposition des vaisseaux lymphatiques étendus à la surface des
réservoirs aériens, il ne faudra pas chercher à les voir sur des
animaux qui auront jeûné depuis quelque temps; on devra tout
au contraire choisir des Oiseaux que l’on aura nourris abondam-
ment , et attendre alors que les aliments aient été entièrement
ramollis dans le jabot. On devra même examiner cet organe à
l’aide d’une pression convenable avant de faire périr l’animal ,
afin d’avoir autant que possible la certitude du passage de la plus
grande partie des matières alimentaires dans le gésier et dans
l’intestin. Lorsque la tuméfaction du jabot produite par les
matières alimentaires aura presque disparu , on pourra inciser le
ventre, et l’on trouvera tous les vaisseaux chylifères gonflés par les
liquides; on distinguera très nettement alors les plexus nombreux
qu’ils forment à la surface du mésentère, et les vaisseaux lympha-
tiques tout autour des réservoirs aériens ; on suivra tous les dé-
tails sur lesquels je me propose d’appeler l’attention. J’ai tenté
maintes fois de faire pénétrer des injections mercurielles dans l’in-
térieur de ces conduits délicats , mais sans pouvoir réussir dans
mes tentatives ; je préfère donc les rendre apparents en nourris-
sant convenablement un animal, quoique cependant ce moyen
même ne produise pas toujours des résultats satisfaisants. Tant de
circonstances indépendantes de la volonté de l’observateur sont
DF. LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. 33
capables de troubler la digestion des oiseaux, qu’on n’obtient pas
toujours à volonté la manifestation des phénomènes intéressants
qui seront décrits; mais , en ceci comme en tant d’autres recher-
ches , la patience vaincra les difficultés.
CHAPITRE II.
DE L’APPAREIL PULMONAIRE.
Les poumons, dans lesquels pénètre l’air introduit par la
trachée , sont les premiers organes que je me propose d’exa-
miner : ils sont doubles, comme on le sait, placés de chaque côté
de la colonne vertébrale , depuis la seconde vertèbre dorsale jus-
qu’à la dernière côte ; ils ne sont pas libres comme dans les autres
animaux vertébrés ; ils sont, au contraire , fixés aux parois supé-
rieures de la poitrine par des adhérences légères des plèvres, que
toutefois on peut faire disparaître par une insufflation convenable.
Éloignés des parois inférieures de la poitrine par un large espace
occupé par les cellules du réservoir thoracique , ils offrent une
surface unie de ce côté , tandis que la surface supérieure ou dor-
sale, moulée sur les inégalités du thorax , présente une série suc-
cessive de sillons correspondant aux élévations des côtes.
Entre les deux poumons sont placés d’avant en arrière le cœur
et le foie , et au-dessus de ces organes , dans l’intervalle qui les
sépare de la colonne vertébrale , se prolonge le ventricule succen-
turié depuis la fin du jabot jusqu’au gésier.
Un examen superficiel pourrait faire penser que les poumons
ne sont recouverts d’aucune membrane séreuse ; qu’en un mot ,
il n’existerait point de plèvres chez les Oiseaux. On l’a dit plu-
sieurs fois, et quelques uns le pensent encore. Lorsqu’on ouvre
en effet le thorax , les cavités des cellules que l’on rencontre sem-
blent recouvrir immédiatement les organes de la respiration , et
ne laissent pas supposer d’abord qu’il y ait autre chose au-dessous
de la membrane que l’on aperçoit.
Rien donc ne semble plus acceptable au premier aperçu que
l’assertion qui nie la plèvre pulmonaire, ou que l’opinion affirmant
3* série Zool. T. Y (Janvier 1816.) 3 3
34 N AT A MS GITLLOT. — SUR I.’ APPAREIL
que cette membrane est perforée chez les Oiseaux (1) ; cependant
ces deux manières de voir sont erronées.
La plèvre des Oiseaux existe tout autour de chacun des pou-
mons: elle est séparée des parois des cellules aériennes en bas
par l’aponévrose très mince dans laquelle se terminent les lan-
guettes musculaires du diaphragme: en arrière, elle s’adosse
exactement , soit aux côtes , soit , dans quelques animaux , à la
membrane des petites cellules aériennes placées dans le voisinage
de chaque ganglion du nerf intercostal.
Pour voir ces plèvres et en apprécier la disposition, on doit,
après avoir ouvert les réservoirs aériens thoraciques, inciser la
membrane qui revêt l’intérieur des cellules aériennes , inciser éga-
lement la couche musculaire que je nomme diaphragme, depuis
longtemps déjà désignée sous le même nom (2). On aperçoit alors
la plèvre; on peut en ouvrir la cavité, y introduire l’extrémité
d’un tube, et, par le souffle, en séparer aussitôt les deux feuillets
appliqués auparavant l’un contre l’autre.
L’un de ces feuillets recouvre toute la surface de chaque
organe , l’autre s'étend à l’opposé sur toutes les parties voisines ,
c’est-à-dire sur les cellules aériennes, sur les os, jttr le muscle
diaphragme ou sur l’aponévrose qui en dérive. Dans les endroits
où les bronches communiquent avec les cellules aériennes, la
plèvre n’est point percée, comme on l’a dit , mais elle recouvre
exactement les contours des orifices des bronches , si bien qu’on
peut insuffler la cavité des plèvres et la distendre sans pouvoir
.faire pénétrer l’air ou toute autre substance dans les cellules
aériennes.
C’est entre la cavité de ces plèvres et la membrane du réservoir
aérien thoracique que s’étend de chaque côté du corps une couche
musculaire et aponévrotique , désignée par Aristote sous le nom
de diaphragme, et décrite successivement par J. Hunter (3),
(1) Jacquemin, l. c., p. 286, lig. 6.
(2) Aristote, Hist. animalmni, lib. vi, chap. 2.
(3) Hunter, Animal œconomxj , p. 90 (London, 1792), trad. par Richelot. Paris,
1841, t. IV, p. 231 . — « On dit que les Oiseaux n ont pas de diaphragme. Celte
opinion doit avoir pour point de départ ou un défaut d'observation . ou une idée
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. 35
M. Girardi (1), Perrault (2), Cuvier (3) , Meckel (4), et par R.
Owen ( 5 ). Les insertions de ce muscle très plat et très mince ,
semblables à de petites languettes, peuvent être observées succes-
sivement , et en nombre variable suivant les espèces , sur la face
interne des seconde , troisième , quatrième et cinquième côtes.
De là ce muscle s’étend à la surface inférieure de chaque poumon,
dont il recouvre en bas les parties les plus voisines des côtes ; il
en est séparé par la plèvre d’un côté , et de l’autre il est recouvert
par la membrane du réservoir aérien. Il vient se terminer dans
une aponévrose très mince qui recouvre la face inférieure de
trop étroite qu'on s'est faite de ce que l'on doit entendre par diaphragme : car il
y a une membrane assez forte , mais mince et transparente , qui recouvre la sur-
face inférieure des poumons et y adhère , et qui donne insertion a plusieurs mus-
cles minces qui naissent de la surface interne des côtes. La fonction de cette mem-
brane parait être de diminuer la concavité du poumon du côté de l'abdomen, au
moment de l'inspiration , et de concourir par là à la dilatation des cellules aérien-
nes; par conséquent on doit la considérer comme répondant à un des principaux
usages propres à un diaphragme.
(1) Michèle Girardi, Saggio di osservalioni anatomic/ie (Jfem. délia Societa Un -
liana , t. II, p. 739. Yerona , 1784). — Cet anatomiste décrit le diaphragme
autrement que.!. Hunter: il se trompe évidemment ; mais il reconnaît, néanmoins
l’existence d'un diaphragme chez les Oiseaux.
(2) Perrault [Mém. pour servir à l'histoire des animaux, p 1 43. Paris, 167 0
décrit fort bien et sans aucune obscurité le diaphragme des oiseaux, et en indique
les usages.
(3) Cuvier, /. c., t. VII, p. 264.
(4) J. -F Meckel, Anat. comp., trad. par liiester. t. VI, p. 21. Paris, 1829-33.
(o) K. Owen, Cijclopedia of analomy, art. Ayes, t. I. p. 293, col. I. —
u The diaphragm arises by üeshy digitations from tlie sternal ribs; in the
ostrich these digitations are five in number of etlher side : the earneous fasci-
culi do not, however, extend so far upon the central aponeurosis as even to be
united to one another, and consequently tliis muscle bas frequentlv been denied
to birds From the lungs heing confined to the back part of the thorax, the dia-
phragmatic aponeurosis attached to their inferior surface is not extended as a
transverse septum betvveen the chest and abdomen . but ailows the heart to en-
croach upon the inter espace of the lobes of the liver, as in reptiles. The contrac-
tion of the muscle tends directly to dilate the lungs , but is less perfect as an in-
spiratory action from the aponeurosis or central tendon being perforated by large
cribriform apertures for the passage of the air into the abdominal air cells. »
36 MTALIS Cl'ILI.OT. — SLR l’aPPAPEII.
chaque poumon , et qu’il n’est bientôt plus possible de séparer
soit de la plèvre , soit de la membrane propre des réservoirs
aériens ; c’est par le centre de cette aponévrose que passent le
ventricule succenturié, l’aorte et la veine cave. L’aponévrose
légère qui termine ce large muscle , ou bien les languettes mus-
culaires apparentes dans quelques Oiseaux, rencontre néces-
sairement plusieurs des ouvertures par lesquelles l’air sort des
poumons pour entrer dans les cellules aériennes, surtout dans
celles qui constituent les parties latérales du réservoir aérien tho-
racique. Les fibres de cette aponévrose s’écartent au niveau même
de ces orifices, et les enceignent d’un double repli très manifeste ,
surtout lorsque les ouvertures des bronches sont considérables.
La disposition de ces fibres est telle qu’elles représentent, autour
de l’orifice le plus large de la surface antérieure des poumons,
comme une sorte d’appareil valvulaire , dans lequel on pourrait
soupçonner des fibres musculaires chez quelques Oiseaux , tels
que le Paon , la Cresserelle, la Pintade et même le Coq.
Si donc la superficie des poumons des Oiseaux est bien diffé-
rente de ce que l’on remarque dans les Mammifères , on ne doit
point aller aussi loin que plusieurs observateurs, qui dénient aux
premiers de ces animaux toute apparence de plèvre ; on ne doit
pas davantage accepter les assertions de ceux qui osent affirmer
que le diaphragme des Oiseaux n’a jamais été décrit.
L’intérieur des poumons des Oiseaux est surtout constitué par
un assemblage de canaux aériens , de vaisseaux sanguins , et par
un tissu élastique particulier (t).
L' 'étude des canaux aériens a déjà prouvé que les canaux car-
tilagineux de la trachée-artère disparaissent rapidement aussitôt
que les conduits bronchiques ont pénétré dans les poumons (2).
Ces conduits, très souvent dilatés dans le voisinage de leur
origine , comme oh peut surtout le remarquer dans la Pintade ,
dans le Paon, dans le Dindon, etc., se divisent ordinairement
( I ) G . Cuvier cl Duvernov, l.c., t. VII, p. 120. — Lereboullet, Anal, des org.
de Li respiration. Strasbourg. — II. Owen, /. c.t p. 341, 2e col.
^2' Mcckel. Anal, comp ., trad. par Schuster, t. X, 1838, p. 345.
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. 3"
en quatre , cinq ou six , et même en un plus grand nombre de
bronches principales (1). Ils divergent en s’éloignant les uns des
autres jusqu’à ce qu’ils soient parvenus dans la profondeur ou
bien à la surface des poumons ; là ils s’ouvrent par un nombre
variable de trous dans les réservoirs aériens (2). Ces ouvertures
ont été figurées par plusieurs anatomistes.
Dans le trajet qu’elles suivent , ces bronches croisent générale-
ment la direction des artères et des veines pulmonaires , disposi-
tion qui paraît être constante dans toute l’épaisseur des organes
depuis les conduits les plus volumineux de l’air jusqu’aux plus
petits.
Les tuyaux bronchiques les plus considérables se rendent aux
réservoirs aériens ; d’autres bronches secondaires en naissent
sous un angle à peu près droit; elles fournissent d’autres con-
duits nés de la même manière , jusqu’à ce qu’ enfin les plus
petits de ces canaux aériens se terminent par des anastomoses
communes apparentes à l’extérieur des organes comme des sortes
de cannelures. Ce n’est donc pas , à proprement parler, dans des
cellules pulmonaires que se terminent les bronches des Oiseaux ;
les poumons de ces animaux résultent, comme un l’a très bien
fait remarquer (3), de l’assemblage des conduits anastomosés
formés par les divisions successives des bronches.
Tout autour de ces conduits aériens, soit des plus gros, soit
des plus petits , s’étendent les vaisseaux sanguins et le réseau très
curieux formé par le tissu élastique.
Pour étudier les détails de ces parties, il faut d’abord avoir coloré
les vaisseaux artériels et veineux des poumons à l’aide d’une
injection très fine , puis examiner les tissus frais ou desséchés
avec le microscope. On peut cependant tout aussi bien , après
avoir plongé l’animal dans une solution de chlorure de zinc, lancer
ce liquide par la trachée dans les bronches, puis laisser les tissus
se dessécher. Le sang qui reste dans les tissus se noircit alors ,
(t) G. Cuvier, I. c., 1. Vit, p. 125, indique dix ou onze ramifications princi-
pales des bronches.
(2) R Ovvcn, I. c , p. 311. — Meckel, t. c.. p. 345.
(3) G. Cuvier, 2' édit., add. de Duvernov, t VU, p, 116.
38 NATALIS «U1LLOT. SÜU l’API'ARIÎII,
permet d’examiner les plus petits vaisseaux avec le secours du
microscope , et les fait très facilement distinguer du tissu élas-
tique.
En coupant des tranches du poumon, frais ou desséché, ou en
étudiant la surface de l’organe avec des grossissements variables,
de manière avoir, de toutes les manières possibles, la superficie
des canaux aériens les plus larges ou les plus étroits , on remarque
toujours que les parois de ces conduits sont soutenues par un ré-
seau constitué par un tissu non injectable, souvent distinct par
une grande blancheur.
Les mailles de ce réseau enceignent les bronches , depuis les
plus grosses jusqu’aux plus petites, et c’est au-dessous d’elles
qu’apparaissent les vaisseaux sanguins.
Comme on injecte toujours les veines par les artères, et vice
versâ , il n’est plus possible de distinguer autour des conduits aé-
riens ce qui appartient aux artères pulmonaires ou ce qui est le
commencement des veines; on ne voit plus qu’un amas de vais-
seaux anastomosés les uns avec les autres dans tous les sens.
Ces dispositions, déjà fort bien appréciées par Retzius (i), par
MM. Lereboulet (‘2) et Duvernoy (3), offriraient encore une autre
sorte d’intérêt, si on les comparait à ce que l’on voit à la super-
ficie des deux poumons vésiculcux de certains Reptiles.
Une analogie déjà signalée rapproche la structure de ces or-
ganes dans des animaux si différents. Une petite portion d’un pou-
mon de Lézard injectée [Lacer ta teguixin ) , comparée , sous le
microscope, à un fragment de poumon d’Oiseau, présente à peu
près les mêmes caractères. Mêmes dispositions des vaisseaux san-
guins autour d’espèces d’enfoncements infundibuliformes , der-
nière apparence de tuyaux bronchiques; même apparence du
tissu élastique, étendu sous la forme d’un réseau très distinct.
Rapports curieux qui retracent encore, dans les profondeurs les
(1) Retzius, Froliep a Notisen, 1832.
(2) Lereboulet, Anat. comp. de l'app. resp. dans les onfm. vert. Strasbourg,
1838. ‘
(3) G, Cuvier, I, c., vol. VU.
DE LA KKSPIUATION DANS LES OISEAUX. 39
plus cachées de l’organisation, les ressemblances si fréquemment
signalées des deux classes d’animaux.
Une partie seule de l’air respiré par les Oiseaux pénètre jusque
dans toutes les parties du poumon ; l’autre suit les divisions bron-
chiques les plus amples, et vient pénétrer dans les réservoirs aé-
riens du ventre et de la poitrine.
Les orifices par lesquels l’air peut sortir sont multiples, et ont
déjà fait l’objet de plusieurs remarques. Aucun d’eux n’est situé
à la partie supérieure ou costale des poumons ; tous apparaissent,
soit à l’endroit où les bronches s’enfoncent dans les tissus , soit à
la face inférieure du diaphragme , soit à l’extrémité des organes la
plus rapprochée de la cavité abdominale.
Les plus antérieurs de ces orifices sont voisins des bronches
les plus voisines du larynx inférieur (1): les uns sont inférieurs
et conduisent l'air dans la portion du réservoir thoracique placée
autour du larynx ; les autres sont supérieurs et laissent pénétrer
l’air dans la partie du réservoir située au-dessus du larynx.
Deux autres orifices des bronches sont apparents à la face in-
férieure ou diaphragmatique du poumon; ils ont été, ainsi que
les précédents, décrits ou figurés (2).
Ceux-là principalement offrent autour de la circonférence qui
les entoure deux espèces de lèvres membraneuses , formées par
les fibres de l’aponévrose diaphragmatique.
Les uns appartiennent à la plus antérieure des deux cavités
aériennes, placée au-dedans et au-dessusde l’arc des côtes (cellule
hépatique, 1L Owen) ; ils sont au nombre de deux, quelquefois
de trois. Le premier offre un diamètre considérable ; souvent un
autre orifice plus petit , et couvert par un repli membraneux , se
trouve placé plus en dedans que l’ouverture principale, dont le
niveau est à peu près le même que celui de la seconde côte.
Cette ouverture des bronches est limitée, en avant, par la cour-
bure de l’artère pulmonaire, en arrière, par la veine qui rapporte
au cœur le sang du poumon.
(1) II. Owen, l. c., p. 311. — Id., Anatomie de l' Aptéryx.
(2) H. Owen, I. c., p. 341. — Jlilne Edwards, Elémente de zoologie, t. II,
p. 23. — 1341.
40
VtTAMS «IILLOT. — SUR l’APPAREII.
En dehors de l’ouverture ou des ouvertures que je viens d’in-
diquer, on en voit d’autres à peu près sur le même niveau , mais
plus éloignées de l’axe du cœur ; elles sont également bridées par
un repli de l’aponévrose diaphragmatique.
Une autre ouverture transmet aussi l’air à la cavité aérienne
placée sous les côtes, en arrière de la précédente (cellules abdo-
minales, R. Ovven); elle est située à peu près au niveau de la
troisième côte, et souvent encore double ; elle est, comme le der-
nier des orifices de la cavité précédente , fort éloignée de l’axe du
corps. On la découvre à l’endroit même où une cloison membra-
neuse sépare les deux cavités aériennes l’une de l'autre.
Le dernier des orifices des bronches est celui qui permet à l’air
de s’introduire dans les réservoirs aériens de l’abdomen. 11 a déjà
été décrit par Harvey, limiter, etc., et représenté, de même que
les orifices précédents (1). Il est situé au-dessus du niveau de
l’avant-dernière côte , dans un point plus ou moins éloigné de la
colonne vertébrale, suivant les espèces, immédiatement au-dessus
de l’extrémité supérieure des reins.
Il est très facile de le voir en ouvrant la cavité abdominale ,
lorsqu’on a déchiré l’enveloppe délicate du réservoir aérien. On
voit qu’il est bordé par un ou deux replis membraneux, entre les-
quels on aperçoit le tissu pulmonaire recouvert par la plèvre,
ainsi que l’orifice simple et souvent double par lequel l’air peut
entrer dans les réservoirs de l’abdomen.
Un habile anatomiste , l’un des plus compétents sur l’anatomie
des Oiseaux, M. Richard Ovven ("2), a figuré, déplus, quelques
autres petites ouvertures situées au sommet de chaque poumon :
elles m’ont paru exister même dans les animaux domestiques;
mais ce sont principalement les ouvertures les plus larges qui ont
fixé l’attention des observateurs (3).
Chacun de ces orifices constitue l’ouverture des réservoirs aé-
riens des Oiseaux, organes considérés par Meckel (4) comme étant
(1) R. Ovven, I. c., p. 341.
(2) R. Ovven, Anatomie Je V Aptéryx.
(3) Milne Edwards, 1. c.
(i) Meckel, Anal, camp., trait, de Schuster, l X, p. 317 Paris, 1838.
DE IA RESPIRATION D VAS I.ES OISEAUX.
41
analogues aux trachées des Insectes, regardées également comme
étant formées par la plèvre, par le péritoine, même par le tissu
cellulaire du corps, ce qui a pu faire dire à Carus que tous les
viscères de l’Oiseau étaient renfermés dans le poumon lui-même.
La disposition de celles de ces parties accessoires qui existent
dans la poitrine a été généralement indiquée; mais celles qui sont
renfermées dans le ventre sont moins connues : aucune ligure
n’en a donné jusqu’ici une représentation intelligible. Je pense
donc qu’après avoir fait connaître les premières, il sera utile de
faire apprécier en détail les particularités de l’organisation que
possèdent les secondes.
C'UAPITRK III.
DES RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAl \.
Les réservoirs aériens des Oiseaux sont composés par de larges
espaces limités par des membranes transparentes. Ils sont situés
dans la région thoracique, ainsi que dans la cavité de l’abdomen,
sur la ligne médiane, ou sur les parties latérales du corps. Ils re-
çoivent l’air qui a traversé les poumons par les orifices précédem-
ment indiqués; cet air ne peut suivre d’autre voie, pour sortir de
ces réceptables, que celles par lesquelles il a été introduit.
Ces réservoirs sont naturellement divisés en deux groupes dis-
tincts par la situation des ouvertures des bronches, par la région
dans laquelle chacun est placé , et même par la configuration
générale.
Le premier groupe comprend les réservoirs aériens thoraci-
ques (1), le second renferme les réservoirs aériens abdominaux (2).
Dans la région thoracique , les réservoirs sont disposés de ma-
nière à occuper non seulement la région antérieure et médiane du
tronc de l’animal , mais encore les deux côtés de la colonne ver-
tébrale, soit en dedans, -oit en dehors du thorax; ils s’étendent
même dans le creux de l’aisselle, ainsi que le long de l’omo-
plate.
(t) Pi. 3. PI. î. il J . x/2, r/3 a t i/o.
(2) PI. 3; PI. i. 61, 62.
VV1AI.1N (.1 II. 1.0 r.
SIUl l’.UTAIIEIL
Ù2
Dans la région du ventre, les réservoirs se prolongent entre
les reins et la colonne vertébrale d’une part, de l’autre, au-des-
sous des organes sécréteurs de l’urine , formant alors deux énor-
mes vessies aériennes communes à tous les Oiseaux.
Ces réservoirs aériens du ventre et de la poitrine peuvent être
en général regardés comme indépendants l’un de l’autre, quoique
certains pertuis, ouverts à la région moyenne de la colonne verté-
brale , puissent permettre à l’air de sortir des premiers pour
pénétrer lentement dans les seconds , par le moyen des canaux
aériens des vertèbres.
§ I. Réservoirs aériens thoraciques.
La disposition générale des réservoirs aériens du thorax n’est
pas facile à exprimer : peut-être serait-il possible de l’indiquer en
disant qu’ils résultent de l’agglomération de cavités séparées par
des cloisons membraneuses transparentes, généralement com-
plètes.
Ces cavités sont mises en évidence après l’ablation du sternum
et des côtes ; mais alors on a détruit les parois destinées à les pro-
téger. Si l’on veut conserver les os et entreprendre l’examen
d’une autre manière, il faut disséquer les téguments du cou,
éloigner le jabot de l’animal , enlever le tissu cellulaire qui en-
toure la trachée à l’endroit oii ce conduit pénètre dans la poitrine.
La partie antérieure du réservoir thoracique est mise alors ii dé-
couvert.
Pour apercevoir les régions latérales, il est seulement néces-
saire de séparer le muscle pectoral de ses attaches et de ses inser-
tions : les cavités aériennes s’élèveront alors comme des saillies
quelquefois énormes, dès qu’elles seront insufflées par la trachée.
La dessiccation régulière de la poitrine, privée des muscles qui
la recouvrent , servira à faire reconnaître la forme générale des
parties des réservoirs aériens placées sous les côtes; une incision
des parois de l’abdomen , soit avant , soit après la dessiccation ,
montrera les prolongements abdominaux qui appartiennent à ces
parties sous-costales.
Ces préparations seront les plus faciles ; mais pour comprendre
DE l.V HESl’lllATION DANS LUS OISEAUX.
43
la manière dont le réservoir thoracique s’étend le long du rachis,
dans quelques animaux, on devra extraire les poumons de la
poitrine. Elles ne sont pas certainement les seules que l’on
entreprendra : les coupes multipliées du thorax , les dissections
attentives des animaux frais ou desséchés, devront être prati-
quées par l’anatomiste ; car, sans le secours de ces études , on ne
reconnaîtrait pas toujours, au premier aperçu, l’existence des
détails qui vont être indiqués.
Les réservoirs aériens du thorax se présentent d’abord comme
un ensemble de parties renfermées dans l’intérieur de la poitrine.
Cependant elles en dépassent les limites dans plusieurs endroits :
quelques unes des cavités qui les composent s’étendent , en effet,
non seulement en dehors jusqu’à l’omoplate , mais encore dans
l’intérieur même de la cavité abdominale, au-dessus des muscles
de la paroi antérieure du ventre.
Les réservoirs du thorax sont limités, en avant, par les tégu-
ments du cou ; en haut, par la colonne vertébrale ; de ce côté, ils
s’étendent jusqu’à la base de la poitrine; au-dessus de la convexité
des côtes , ils font une saillie plus ou moins volumineuse , suivant
les espèces, au travers de l’espace limité , à droite et à gauche ,
par les os coracoïdiens, la colonne vertébrale , la première côte et
l’omoplate. Le cœur, le ventricule succenturié , le foie , séparent
plus nettement encore que partout ailleurs les portions droites
des réservoirs aériens d’avec les portions gauches, et ne sont point
renfermés dans les cavités aériennes, comme l’ont cru Jacque-
min (1) , G. Cuvier (2) et plusieurs autres.
Lorsqu’ils sont ouverts par l’ablation des côtes ou du sternum,
ils paraissent constitués par un ensemble de cellules plus ou moins
larges, formées par des membranes repliées autour des troncs vas-
culaires et des nerfs, tendues pour former des cloisons, et dirigées
en plusieurs sens. De ces espaces celluleux, les uns sont latéraux,
soit en dehors , soit en dedans du thorax ; les autres , situés sur
la ligne médiane, s’étendent en avant de la base du cœur.
(1) Jacqucmin, I. c., p. 286.
(2) (L Cuvier, I. c., t. VII, p. 126.
!lli MIALIS «11LLOT. — SUR L’APPAREIL
Ces parties, diversement disposées, ont reçu , jusqu’à présent,
de nombreuses dénominations.
Loin de conserver une nomenclature incertaine , souvent con-
tradictoire, et de multiplier, à mon tour, des termes qui ne pour-
raient aider en aucune manière l’intelligence des anatomistes, je
m’efforcerai seulement de chercher à faire comprendre les dispo-
sitions principales de cette organisation compliquée , me conten-
tant de rappeler les noms par lequels les organes que je décris ont
été désignés avec plus ou moins de précision.
Je distingue dans les réservoirs aériens du thorax quatre ordres
de cavités : la première peut être considérée comme impaire ; les
trois autres sont paires ; elles ne sont pas toutes symétriques.
A. Première cavité des réservoirs aériens thoraciques , ou réservoir infra-la-
ryngien (poche pneumatique sous-claviculaire , J acqoemin ; cellule thoracique
antérieure, Owen).
Cette cavité est composée de deux parties inégalement dévelop-
pées dans les diverses espèces d’animaux : l’une est placée sur la
ligne médiane du corps (poche sous-claviculaire, Jacquemin; cellule
thoracique antérieure, R. Owen) (l); l’autre est située de chaque
côté du thorax en dehors des os coracoïdiens et des côtes, le long
du bord antérieur de l’omoplate et de l’extrémité supérieure de
l’humérus (poche sous-scapulaire, Jacquemin ; cellules axillaires,
1\. Owen (2).
Ces deux parties d'un réservoir commun paraissent être tota-
lement séparées , lorsque l’on ne considère que la situation et les
reliefs extérieurs de chacune d’elles; mais un examen plus appro-
fondi démontre qu’elles communiquent largement ensemble , et
qu’elles ne forment que deux dépendances distinctes d’un même
groupe.
La première cavité du réservoir infra-laryngien est placée au
sommet de la poitrine en avant de la base du cœur, sous l’extré-
mité antérieure du sternum , dans l’espace limité de chaque côté
(1) PI. 3; PI i, «I.
(2) PI. 3; PI. I, «2.
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. /j5
par les veines jugulaires et les os coracoïdiens , et en avant par
les téguments du cou (1).
Elle ne repose pas sur la colonne vertébrale ; elle en est séparée
par le conduit œsophagien du ventricule succenturié , par les
artères carotides , et par un autre réceptacle d’air que l’on doit
insuffler pour en bien connaître la situation.
La cavité infra- laryngienne est impaire; aucune cloison mé-
diane ne la sépare en deux parties.
J.a forme qu’elle présente, lorsque les membranes qui la limi-
tent n’ont point été incisées, est difficile à définir ; cependant , à
l’extérieur ainsi qu'à l’intérieur, on peut décrire une face supé-
rieure , une face inférieure, une face postérieure , une autre anté-
rieure et deux latérales.
La face supérieure est bornée par une cloison membraneuse ,
qui sépare la cavité infra-laryngienne d’avec un réservoir d’air
placé au-dessous de la colonne vertébrale ; elle est en rapport en
dehors avec l’œsophage du ventricule succenturié, sur les côtés
avec les veines jugulaires et les artères carotides; toute l’extré-
mité inférieure de la trachée , le larynx inférieur et ses muscles
sont placés au contact de cette face supérieure. Ces organes s’é-
tendent au-dessous d’elle, sur elle, lorsque l’animal est couché
sur le dos.
La face inférieure s’étend entre les deux os coracoïdiens; elle
est représentée en avant par une membrane tendue entre ces deux
os et le sternum , en arrière par l’extrémité antérieure du ster-
num et les deux articulations sterno-coracoïdiennes.
La face postérieure ne peut être vue que lorsque le réservoir
infra-laryngien est ouvert ; on y remarque la base du cœur ,
l’aorte et les gros vaisseaux qui en émanent, l'artère pulmonaire,
à l’origine de ces vaisseaux, le péricarde; plus en dehors se
trouve une cloison qui sépare le réservoir infra-laryngien des
cavités aériennes situées sur les côtés de la poitrine en dedans des
côtes.
La face antérieure s’élève en avant du sternum, entre les deux
(I) PL 3; PI. i, al.
/[(> VV1AI.1H (.LU. 1.01. — SUR L’APPAREIL
os coracoïdiens et les muscles coracoïdiens internes, sous la forme
de trois renflements généralement distincts, mais de volume très
variable dans les diverses espèces. Deux de ces prolongements
sont latéraux ou coracoïdiens ; le troisième est médian , on le
distingue entre les deux autres dans le Paon , le Coq, etc.
La face latérale de ce réservoir infra-laryngien est encore plus
difficile à apprécier que les précédentes ; elle s’étend dans l’inter-
valle compris sur les squelettes entre les os coracoïdiens, la pre-
mière côte , le bord antérieur de l’omoplate , et les apophyses
transverses des vertèbres cervicales : non que je veuille dire que
le plan de cette face s’étend entre toutes ces parties osseuses ; je
désire seulement faire comprendre que c’est de ce côté, rempli
de muscles, de nerfs et de vaisseaux, que peut être placée la face
externe du réservoir infra-laryngien.
C’est par cette face que, à l’aide de communications qui seront
tout-à-l’heure décrites , le réservoir infra-laryngien se prolonge
au-dehors de la poitrine en arrière du membre antérieur.
Mais examinons d’abord l’intérieur de la cavité qui nous occupe.
Il est tapissé par une membrane dense, destinée à l’isoler de tous
côtés ; elle se replie sur toutes les parties voisines du réservoir,
et enveloppe tous les organes renfermés dans la cavité infra-
laryngienne.
L’intérieur du réservoir infra-laryngien offre encore , à con-
sidérer la trachée-artère , le larynx inférieur placé sur la ligne
médiane , ainsi que les muscles qui les meuvent.
Cette première partie du réservoir infra-laryngien communique
avec une autre cavité aérienne placée de chaque côté du thorax des
Oiseaux , en dehors des os coracoïdiens , en arrière de l’articula-
tion de l’épaule, et le long du bord inférieur de l’omoplate.
Cette cavité extérieure, rattachée intimement au réservoir infra-
laryngien, a été jusqu'ici isolément étudiée par la majorité des
observateurs ; on s’est probablement fondé pour cette considération
sur la situation des parties que l’on a désignées sous les noms de
poches ou cellules axillaires (Jacquemin , Cuvier, R. Owen) ;
mais comme ces organes ne reçoivent l’air des poumons que par
le moyen du réservoir infra-laryngien , comme ils communiquent
DE r./V RESPIRATION DANS LES OISEAUX.
47
avec lui par une large ouverture , il me semble que , s’ils méri-
tent une étude distincte , ils ne doivent point être entièrement sé-
parés de la cavité dans laquelle ils puisent l’air qui les distend.
B. Prolongements axillaires ou sous-scapulaires du réservoir infra-laryngien
(poche sous-scapulaire, Jacqi kmin: poche sous-axillaire, Owen).
Le réservoir infra-laryngien s’étend au-delà des limites laté-
rales de la poitrine par une ouverture placée entre le muscle
coracc-brachial et le muscle troisième pectoral , dans le voisinage
des vaisseaux et des nerfs qui se rendent au membre antérieur et
au thorax. Cette ouverture , bordée par un repli membraneux ,
offre des diamètres très variables chez les divers Oiseaux : il m’a
paru que , dans le Coq, elle était assez large pour laisser facile-
ment pénétrer une grosse plume au travers d’elle. C’est par ce
trou que l’air vient remplir la portion sous-scapulaire ou axillaire
du réservoir infra-laryngien (1).
De forme généralement globuleuse , cette partie accessoire
du réservoir infra-laryngien se présente à l’extérieur sous l'ap-
parence d’une série plus ou moins nombreuse de renflements
arrondis transparents , séparés les uns des autres par plusieurs
sillons , dans lesquels se replient les membranes celluleuses pla-
cées à l’intérieur. La superficie de ces renflements est limitée par
une membrane très délicate attachée à toutes les parties osseuses,
formant sur le squelette l’orifice antéro-latéral de la poitrine.
Cette membrane adhère , en arrière , à la première côte ;
en haut, à l’aponévrose qui naît des apophyses transverses; en
avant, et en dedans , elle se confond avec celle qui revêt le second
réservoir de la poitrine ; en avant, et en dehors , elle s’attache à
tout le bord externe de l’os coracoïdien; plus en avant, elle
adhère à l’humérus , au-devant de la membrane de l’articulation ;
puis elle s’insère en dehors du trou, qui permet à l’air de pénétrer
dans l’intérieur de l’os du bras : de là cette membrane quitte l’hu-
mérus , et se porte sur le bord interne de l’omoplate jusqu’à la
partie moyenne de cet os, où elle se termine le plus généralement.
Les renflements que limite cette expansion membraneuse sont
(i) fl. 3: Pl. 4, «2.
\\T\ IIS GtlI.I.OT.
SI II I. \PPAREU.
18
multiples , mais on peut les diviser en trois parties presque tou-
jours distinctes.
L’une s’étend jusqu’au niveau de l’attache humérale du muscle
pectoral, et elle est le plus souvent proportionnelle au volume
du muscle qui la recouvre. Je l’ai toujours observée dans tous les
Oiseaux que j’ai étudiés; si elle est faible , le développement du
muscle pectoral est peu considérable (1) : le Coq et le Faucon
offrent à cet égard un curieux sujet de comparaison.
Un autre renflement est situé en arrière du précédent ; il four-
nit un point d’attache solide aux fibres musculaires d’une portion
du muscle pectoral , distincte surtout dans les Gallinacés, et prin-
cipalement dans le Coq. Dans d’autres espèces, telles que le
Faucon , la Buse , la Cresserelle , ce renflement acquiert de telles
dimensions qu’il peut parvenir sous le muscle pectoral jusqu’à la
base de la poitrine.
Le renflement postérieur est placé au-dessus et en arrière des
précédents ; il s’étend généralement au-dessous du muscle sca-
pulaire ou sus-épineux , dont les fibres s’épanouissent en partie
dans une aponévrose assez dense , fortifiant la poche aérienne
d’une manière notable. Dans le Paon , ce renflement donne nais-
sance à une série de cellules accessoires, étendues, comme un
chapelet, les unes après les autres jusque par dessus l’épaule,
qu’elles contournent ; elles viennent s’ouvrir par un orifice large
dans la vaste dilatation située à la base du cou de cet oiseau , la-
( I) Je signale à cette occasion la différence de coloration qui caractérise les
muscles des Oiseaux dont le vol est actif ou puissant, et les muscles des Oiseaux
qui ne volent que très peu : le Faucon , la Buse , les Moineaux , les Pigeons , ont
les muscles pectoraux extrêmement colorés, d'une nuance d'un rouge très foncé,
due à la quantité de sang qui les pénètre; les Coqs et les Poules présentent au
contraire des muscles d'une pâleur qu'on peut apprécier facilement. Ce défaut de
coloration cesse aux membres postérieurs dans les Gallinacés : les muscles des
cuisses, qui exercent incessamment leur action, sont très rouges, et n’ont aucune
ressemblance de couleur avec les muscles du membre antérieur. Cette différence,
qui n'est plus observable dans les animaux bons voiliers, correspond à des varia-
tions manifestes dans la densité des organes musculaires : ceux qui sont pâles
sont mous et fiasques; ceux qui sont très colorés par le sang sont au contraire
fermes ou même durs.
DE I. V ItESI'in \TTü\ D\.NS i.F.S OISEALX. /(<)
quelle dilatation appartient à la partie principale du réceptacle,
dont je décris actuellement les cavités accessoires.
Lorsqu’on incise ces dilatations membraneuses, et que l’on en
examine l’intérieur, elles apparaissent comme un ensemble de
plusieurs cellules séparées par des cloisons incomplètes, dans
l’épaisseur desquelles se prolongent les nerfs et les vaisseaux san-
guins du membre antérieur et de la surface de la poitrine. Ces
conduits sont partout revêtus d’une membrane extérieure , tout
aussi bien que dans les autres cavités aériennes.
C’est dans l’intérieur de l’une des cellules placées en dehors de
la poitrine, auprès de l’humérus, au-dessous de l’articulation
huméro-scapulaire , près de la membrane qui revêt les surfaces
articulaires, isolées comme partout ailleurs du contact de l’air,
qu’apparaît l’orifice plus ou moins large par le moyen duquel
l’air peut entrer dans l’humérus : disposition curieuse, signalée
depuis longtemps par limiter, Camper, etc. (1), dont les usages
ont suggéré tant d’expériences intéressantes qui mériteraient
encore aujourd’hui d’être remises en évidence.
L’ensemble formé par les deux vastes cavités aériennes que je
viens de décrire ne possède qu’un moyen de communication pro-
pre à laisser sortir l’air des poumons.
Ces orifices décrits, quoique mal figurés, par plusieurs anato-
mistes, sont distincts en arrière de chacune des divisions de la
trachée , à l'endroit même où chaque bronche pénètre dans les
poumons. Au premier coup d’œil, on ne voit qu’une ouverture
de chaque côté, bordée, à droite et à gauche, par un repli mem-
braneux fixé par un ligament étendu sur la ligne médiane du
corps, et attaché à la base du larynx inférieur; mais, avec plus
d’attention, on découvre sous ces lèvres membraneuses plusieurs
pertuis placés précisément au sommet des poumons, à l’endroit
même où la bronche s’y introduit.
C’est par cette ouverture seule que l’air s’introduit au travers
du réservoir infra-laryngien jusque dans les cavités aériennes
sous-maxillaires, les distend tantôt plus, tantôt moins, suivant les
(I) Hanter. I. r
3' série. Zoor. T V. (Janvier 18-45.) <
50 AATALIS GUILLOT. — SUR l’appareh.
espèces, et va pénétrer non seulement jusque dans l’os du bras,
mais encore dans le sternum, par plusieurs trous placés à la partie
antérieure de cet os (1).
Il me reste encore à indiquer quelques unes des modifications
subies par cette double cavité du réservoir aérien thoracique dans
plusieurs des Oiseaux soumis à mon examen. Je regrette toute-
fois que cet objet intéressant d’étude ait été forcément restreint à
un petit nombre d’animaux (2).
La première partie, ou le réservoir infra-laryngien proprement
dit, existe dans tous les Oiseaux ; mais les dimensions en parais-
sent surtout considérables dans le Coq, le Dindon, le Paon, dans
le Rossignol , dans le Tarin : elles décroissent chez le Faucon ,
elles décroissent également dans le Francolin, dans la Perdrix.
Dans les premiers de ces animaux, l’extérieur du réservoir pro-
duit plusieurs renflements très considérables, en général au nom-
bre de trois, en dedans des deux os coracoïdiens, renflements qui
peuvent s’étendre même jusqu’au niveau des os claviculaires. On
les remarque dans le Dindon, dans les Rossignols, dans les
Alouettes. Ils m’ont toujours paru considérables chez les mâles,
et faibles sur les femelles. Le Tarin et le Serin offrent desexem-
(1) Les usages des communications de l'appareil respiratoire avec l’intérieur
des os ont été l'objet d'études multipliées, dont on peut trouver les détails dans
l'ouvrage de Hunier (*) et dans Camper (**). Elles ont été étudiées dans toutes les
classes d'Oiseaux ou à peu près. Hunter a gonflé les cellules aériennes en soufllant
par les os; il a injesté ces os en poussant des liquides dans la trachée. Les expé-
riences de Hunter et ses travaux devraient être présents à la mémoire de toutes
les personnes qui s'occupent de l'anatomie et de la physiologie des organes res-
piratoires des Oiseaux.
(2) Les variations de l'étendue des cavités osseuses de l'humérus et des os de
l'avant-bras, destinées a renfermer l'air, aux différents âges et dans les diverses
espèces, ont été étudiées avec détail par Hunter, Camper, et plus récemment par
Jacquemin (/. c., p. 314). Ces anatomistes s'occupent tous des variations dues
à l'absence ou à la présence de l'air dans les ns des membres antérieurs et pos-
térieurs des Oiseaux.
(*) Hunter, Animal leconomu, p. 80 passim.
(**) Camper, Olïucrcs complètes, t. lit, p. ilil Paris, an xi.
DE LA RESHBATTON DANS LES OISEAUX.
51
pies de ces particularités. Me pourra-t-on étendre ultérieurement
ces recherches, et apprécier mieux que je n’ai pu le faire , tous
les décroissements et les accroissements alternatifs du réservoir
laryngien , dans les diverses espèces, et chercher à reconnaître si
ces organes s’augmentent aux époques de l’année où les animaux
mâles chantent avec le plus de force? Ne peut-on déjà en déduire
quelques opinions sur le mécanisme de la production de la voix
chez les Oiseaux . et sur les causes de l’énergie plus grande du
chant des mâles, opinions qui tendraient à confirmer une manière
de voir de limiter (1), reproduite par M. Girardi (2) et par Jac-
quemin, au sujet des fonctions des réservoirs aériens?
Ces anatomistes pensent que les cellules aériennes servent à
renfermer l’air destiné à produire et à renforcer le chant des Oi-
seaux; mais ils attribuent cette fonction à toutes les cellules aé-
riennes, tandis qu’elle ne me paraît dépendre que de l'influence
du réservoir laryngien.
L’ensemble offre une disposition du réservoir infra-laryngien
fort curieuse à étudier dans le l’aon ; elle a été indiquée déjà par
Jacquemin (o). Ce réservoir est composé, comme dans les autres
Oiseaux , des deux parties que je viens de décrire d’une manière
générale ; mais il offre une extension si considérable des proion -
gements membraneux du cou et de l’aisselle, que je ne saurais les
passer sous silence.
Les prolongements du cou s’étendent , à droite et à gauche ,
comme deux énormes vessies placées de chaque côté du jabot, éten-
dues même jusqu’au-devant des muscles pectoraux. Celle qui est
à droite est moins volumineuse que l’autre ; elle est cependant fort
ample ; mais, probablement en raison de la présence du jabot,
elle n’acquiert jamais le volume de celle qui est à gauche de cet
organe.
Celle-ci atteint la grosseur d’une orange , et lorsqu’elle est
insufflée, elle forme une tuméfaction énorme au sommet de la poi-
trine.
(1) Hunier, Animal œconomy.
(2) M. Girardi, I. c.
(3) Jacriuemin, /. c
ô2
V4TAI.IS «XIILOT. — Sir. l.’APPARr.ir
La portion axillaire du réservoir infra -laryngien s’étend, de
son côté, en arrière du bras, et vient former tout autour de l’é-
paule une série de cavités membraneuses remplies d’air, sous-
cutanées, qui s’abouchent largement en arrière du dos, au-dessus
de l’extrémité antérieure de l’omoplate, avec l’énorme dilatation
antérieure.
Je ne connais aucun Oiseau chez lequel les deux portions du
réservoir infra-laryngien offrent une disposition aussi irrégulière,
jointe à de pareilles dimensions.
C. Seconde cavité des réservoirs aériens du thorax ou réservoir supra-laryngien
(poche pneumatique pectorale Jacquemix).
Ce réceptacle d’air est pair et symétrique. Chacune de ses par-
ties, droites et gauches, sont indépendantes l’une de l’autre. Il
présente un arrangement simple dans plusieurs Oiseaux , mais
compliqué dans d’autres espèces, à cause du nombre de certaines
cavités secondaires. C’est par le moyen de ces cavités accessoires
que l’air peut entrer dans le corps des vertèbres , de manière à
être introduit jusque dans la cavité du tympan, et même, comme
on l’a démontré, jusque dans la mâchoire inférieure (1).
Pour en bien faire comprendre la disposition , je le divise en
deux parties : l’une principale, dont l’existence m’a paru être
générale; l’autre, accessoire, qui me semble plus ou moins déve-
loppée, suivant les espèces. Ce développement est souvent peu
considérable.
1° La première est placée au-dessus du réservoir infra-laryn-
gien , et le recouvre; lorsque l’animal est placé dans la situation
naturelle, on la voit au-devant de la colonne vertébrale, au sommet
de la poitrine, à la base du cou (2).
C’est entre ce réservoir supra-laryngien et le réservoir infra-
laryngien que l’œsophage du ventricule succenturié s’introduit
dans l’intérieur du thorax.
Celte cavité est double, symétrique , et ses deux portions droite
(I) Hunier, /. r. — Canipor, /. r.
(2; PI. 3 . PI. 4. a ).
Dli I.A KESiUHATIOK DA AS LES OISEAUX. 53
et. gauche sont séparées l’une de l’autre, sur la ligne médiane
du corps, par l’œsophage et par une cloison verticale médiane.
Chacune d’elles est bornée par une membrane commençant en
avant et au-dessus des deux grosses bronches, s’étendant au-dev ant
et au-dessus du sommet de chaque poumon, formant un prolon-
gement replié verticalement en haut, pour s’attacher à la partie
moyenne du corps des vertèbres du cou, d’oii résulte la cloison
médiane. Cette membrane recouvre aussi l’œsophage, et va s’at-
tacher au bord interne des os coracoïdiens, et au bord antérieur
et interne de l'omoplate , le long de la colonne vertébrale ; elle pé-
nètre dans plusieurs ouvertures qui servent à conduire l’air dans
d’autre cavités aériennes des vertèbres cervicales, de là jusque
dans les os du crâne et de la face , dans la cavité du tympan , et
même dans le pharynx , par le moyen du conduit guttural de
l’oreille ; de sorte que les liquides injectés dans cette cavité des ré-
servoirs thoraciques peuvent s’écouler facilement par le pharynx,
lorsqu’on place en bas la tète de l’animal. A la rigueur, on pour-
rait dire, en considérant cette disposition, que les Oiseaux peu-
vent expirer et inspirer l’air par le conduit guttural de l'oreille.
La membrane qui limite le réservoir supra-laryngien enceint
une cavité limitée en haut par la colonne vertébrale et les muscles
qui la recouvrent , bornée sur son côté interne par l’œsophage et
la cloison qui isole la cavité droite de la cavité gauche. En bas ,
elle est séparée du réceptacle infra-laryngiën décrit en premier
lieu par une autre cloison membraneuse, entre les feuillets de
laquelle se prolongent les deux artères carotides et les veines jugu-
laires. L’œsophage correspond également à la région inférieure ,
et sépare aussi plus ou moins la cavité aérienne droite d’avec celle
qui est placée du côté gauche du corps.
En dehors , cette cavité est en rapport avec les sommets de
chaque poumon, séparée de ces organes par les deux feuillets
des plèvres, que l’on peut démontrer par l’insufllation ; de plus .
elle est contiguë aux nerfs du plexus brachial, isolés du contact
de l’air par la membrane qui les recouvre.
Il serait fort difficile d’assigner une figure à ce réceptacle d’air ;
otf peut tout au plus indiquer la forme des parties étendues de
vitaïjs Gi ii.i.or.
sir, l’appareil
54
chaque côté, le long du cou. Elles représentent deux prolonge-
ments; celui de droite disparaît souvent, celui du côté gauche
est toujours le plus long; il fait une saillie remarquable sur le cou
de quelques Oiseaux.
C’est à l’endroit où les bronches entrent dans les poumons que
l’on aperçoit les orifices capables de laisser passer l’air dans le
réservoir supra-laryngien ; ils sont voisins de ceux que j’ai décrits
précédemment , mais placés au-dessus d’eux. Dans le Paon , un
seul large orifice de la bronche sert de moyen de communication ;
mais il n’en est pas ainsi dans d’autres espèces : ces ouvertures
y sont multipliées.
L’étude de cette cavité aérienne est intéressante, non pas seu-
lement parce qu’on l’a confondue avec le réservoir précédemment
décrit , mais de plus encore parce qu’elle sert principalement
à conduire l’air dans l’intérieur des os, des vertèbres et de la tête.
2° La portion accessoire du réservoir supra-laryngien résulte
de la présence d’un nombre plus ou moins considérable de cel-
lules placées entre chacune des côtes, au-dessous des apophyses
transverses des vertèbres.
On ne la distingue pas dans toutes les espèces ; cependant on
en trouve encore des traces au niveau de l’avant-dernière côte
dans le Coq (1). Dans le Paon , au contraire , ces cavités acces-
soires m’ont, semblé très nettement, prononcées. Je vais essayer
de faire comprendre la disposition qu’elles offrent chez le Paon.
Vers la paroi supérieure des prolongements cervicaux du se-
cond réceptacle aérien de la poitrine , on découvre aisément
quatre ou cinq trous placés au-dessous des apophyses transverses
des quatre ou cinq dernières vertèbres cervicales. Ces trous ,
bordés par un repli membraneux, conduisent dans l’intérieur
même du corps des vertèbres, et permettent à l’air de se pro-
pager en haut jusque dans les os du crâne ; ils en facilitent égale-
ment l’introduction au travers de toute la colonne vertébrale : tous
conduisent à des cavités résultant de la présence d’un canal cel-
luleux placé au-devant des apophyses transverses des vertèbres
dorsales.
(i) pi. t. o3’.
DE LA RESPIRATION DANS LES OISE VL \.
55
On constate très facilement le passage de l’air et le trajet qu’il
peut suivre dans ce canal , soit en injectant des liquides ou du
mercure , soit en insufflant l’animal et en le laissant sécher : c’est
alors surtout que l’on peut distinguer les détails suivants.
Les trous qui conduisent l’air dans les vertèbres cervicales
servent à le transmettre de vertèbre en vertèbre jusque dans toute
la longueur du rachis. Le cinquième, ou le plus inférieur de ces
orifices , car le nombre doit être variable , pénètre à la fois dans
le corps de la première vertèbre dorsale et dans un petit canal
placé au-devant de la première cote sur l’articulation costo-ver-
tébrale : de là, il s’ouvre dans une petite cellule placée sous cette
articulation, laquelle offre une pelitc ouverture communiquant
avec le corps de la seconde vertèbre dorsale. Depuis cet endroit ,
sous toutes les côtes , au-devant des apophyses transverses des
vertèbres dorsales , on remarque un espace plus ou moins grand,
mais toujours plein d’air, et pourvu d’un orifice qui doit per-
mettre à cet air de sortir du corps de la vertèbre ou d’y rentrer.
Au-dessus de la septième côte , ces cellules aériennes s’agran-
dissent ordinairement plus encore que dans les régions supé-
rieures de la poitrine ; mais c’est, surtout au-dessus de l'avant-
dernière côte qu’elles offrent une dilatation plus appréciable.
On verra bientôt comment, par ces passages ménagés au tra-
vers des os de la colonne vertébrale , l’air peut être introduit
jusque dans l’intérieur des réservoirs abdominaux , et comment
par cette voie étroite et indirecte il peut être reporté dans les réser-
voirs aériens de la poitrine.
D. Troisièmes cavités aériennes du réservoir thoracique ou réceptacles sous-costaux
( poclie pneumatique sous-costale, cellules hépatiques, It Owen — Jacqi-ewii.)
La disposition de ces cavités aériennes sous-costales n’est plus
dillicile à connaître.
Klles sont au nombre de deux de chaque côté du corps, placées
l’une en avant de l’autre; les deux premières sont symétriques :
les deux autres ne le sont point absolument, quoiqu’elles se res-
semblent beaucoup. Klles sont indépendantes, c’est-à-dire qu’elles
56 WIAl.IS GlILLOl. SUK -U’.Vl’I'AUlill.
sont limitées par des enveloppes qui les séparent complètement
les unes des autres.
On distingue l’ensemble complet de chacun de ces réceptacles
sur des animaux récemment tués ou desséchés ; ils se présentent
alors avec les rapports suivants :
Le premier ou le plus antérieur est limité, en avant, par la pre-
mière côte et par l’artère pulmonaire; en liait! , par le poumon ;
en bas , par les côtes ; en dedans , par le foie ; en arrière, par la
cloison qui le sépare du réceptacle suivant. Toutes les laces de
la cavité aérienne sont tapissées par une membrane qui n’est pas
la plèvre, et qui est séparée d’elle en haut par l’épaisseur des
languettes diaphragmatiques et par l’aponévrose très mince qui
en dérive. C’est entre cette aponévrose et le poumon que se
trouve la cavité de la plèvre si facile à insuffler (1).
Trois orifices plus ou moins larges , bordés par une double
lèvre membraneuse, sont apparents au fond de ce réceptacle
aérien. Ces orifices des bronches , dont l’un surtout a été décrit
et figuré par de nombreux observateurs, sont situés à peu près
au niveau de la seconde côte dans le voisinage de la veine pulmo-
naire (2).
Le second réceptacle sous-costal du réservoir aérien thora-
cique est étendu en arrière du précédent , une cloison membra-
neuse l’en sépare. 11 lui est analogue sous plusieurs rapports;
sous d’autres , il en diffère : car il est plus considérable , et se
prolonge même dans l’intérieur de l’abdomen au-delà de la limite
de la dernière côte. La partie gauche de ce réservoir descend bien
plus loin dans le ventre que celle qui est située à droite ; elle
peut même se prolonger jusqu’à la limite inférieure de la cavité
abdominale. Ce détail, qui dérange l’arrangement symétrique du
réservoir aérien thoracique, m’a paru constant dans tous les ani-
maux (3).
Si les rapports de cette seconde portion des réceptacles sous-
costaux varient à droite et à gauche , ils diffèrent encore dans la
poitrine et dans le ventre.
(1) PI. 3; PI i. ai. — (3) l’I i c.d.f — (3) PI 3; PI t, o3.
l)li LV lll-.Sl’lIl.WIOX UXXS LKS UlSn.UA.
57
Dans la poitrine, la limite supérieure est la surface pulmo-
naire séparée de la membrane aérienne par la plèvre. Une cloi-
son membraneuse , étendue des poumons à la première côte ,
forme la limite antérieure; les côtes la bornent en dessous; en
dedans, le foie adhère à la surface extérieure de la membrane qui
est en contact avec l’air.
Dans l’abdomen , celte portion du réservoir aérien thoracique
se prolonge à droite sous l’apparence d’un renflement cylindrique,
en rapport avec les parties que renferme le ventre (1).
A gauche, un prolongement analogue existe, mais il est plus
long que le précédent ; la forme en est modifiée par la présence
du gésier, auquel il adhère, et sur lequel il s’étend en partie; la
limite inférieure de ce prolongement parvient souvent jusqu’à
l’extrémité postérieure de l’abdomen.
L'intérieur de cette cavité aérienne est de toutes parts tapissé
par une membrane transparente, sur laquelle on remarque, du
côté du poumon , une ou deux ouvertures , suivant les espèces.
Elles sont situées au niveau de la troisième côte , plus en dehors
de l’axe du corps que l’orifice de la cavité précédente (2).
Ces descriptions rappellent des particularités , sinon parfaite-
ment connues, du moins indiquées en majeure partie par la plu-
part des observateurs. Celles qui vont suivre concernent des
détails encore inaperçus, si je ne me trompe; car je ne trouve
aucune figure, aucune espèce de description capable d’en faire
soupçonner l’existence.
S II. Des réservoirs aériens de l’abdomen des Oiseaux.
On a décrit , je l’ai dit plus haut , des cellules abdominales
recevant l’air des cellules de la poitrine et leur faisant suite; on a
non seulement multiplié le nombre de ces cellules , mais encore
on a voulu qu’elles ne fissent avec le péritoine et la plèvre qu’une
seule et même chose. Quant à la Véritable disposition des réser-
voirs abdominaux , elle n’a point, encore été signalée ; je n’ai en-
core trouvé dans les auteurs anciens ou modernes aucune indica-
tl) VI. 3, «3. - £) PI. i, !/.
58 XATW.IS (IIILI.OT. — SUR L’APPAREIL
lion capable de faire soupçonner l’existence ou l’arrangement de
ces parties.
Les descriptions suivantes donneront, je l’espère, une tout
autre idée de ces réservoirs abdominaux, et fourniront peut-être
aux physiologistes l 'occasion de plusieurs recherches intéressantes.
Ils ne sauraient être aperçus après la mort de l’animal sans avoir
été préalablement remplis d’air ; les membranes qui les limitent
sont si faibles que , lorsqu’elles sont abandonnées à elles-mêmes,
elles disparaissent derrière les reins d’une part, de l’autre entre
les circonvolutions intestinales. Il est donc nécessaire ou d’exa-
miner un Oiseau vivant , ou mieux d’insulller un cadavre par la
trachée , pour bien voir ce que je décris.
Ces réservoirs sont au nombre de deux de chaque côté du
corps. L’un est situé entre le rein et les apophyses transverses des
vertèbres sacrées ; on le découvre en soulevant la masse de l'or-
gane de la sécrétion urinaire: c’est le moins étendu des réservoirs
abdominaux (1).
L’autre , dont les dimensions sont extrêmement considérables ,
s’étend au-devant du rein , séparé du précédent par toute l’épais-
seur de cet organe (2).
J’appelle le premier réservoir supérieur de l’abdomen ; je
désignerai le second sous le nom de réservoir inférieur : l’un et
l’autre existaient dans tous ies Oiseaux qu’il m’a été possible d’exa-
miner.
A. Le réservoir supérieur ou supra-rénal de l’abdomen pourrait
être considéré comme faisant suite au réservoir supra-laryngien ,
destiné à faire pénétrer l’air dans les os des vertèbres et dans les
os des membres ; mais sa situation , et de plus la présence de l’ou-
verture très large par laquelle il communique avec les vastes
vessies aériennes, constituant le réservoir inférieur ou infra-rénal
de l’abdomen, autorisent à le décrire séparément (3).
11 s’étend depuis la dernière côte jusqu’il la limite inférieure de
chaque rein. De forme irrégulière , à peu près indiquée par les
contours du rein , il est en rapport , en haut, avec les apophyses
(I) PI. 4, 62, — (2) l’I. 3; I»l. 4, 61. — (3) IM. 4, 6f.
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. 59
transverses des vertèbres lombaires, avec les surfaces osseuses de
la cavité intérieure du bassin ; en dedans , il est borné par les
parties latérales du corps des vertèbres ; en avant, , sur toute l’é-
tendue qu’il parcourt, il est appuyé sur la face supérieure du
rein.
line membrane très line enveloppe de toutes parts cette cavité
aérienne , dont les dimensions sont généralement proportionnelles
à celles du bassin. Lorsqu’on l’insuffle , on écarte le rein de la
paroi supérieure de l’abdomen.
Ce réservoir n’est pas placé dans le péritoine ; il est en dehors
des surfaces que tapisse cette membrane.
Dans l’intérieur de la cavité dans laquelle pénètre l’air au-des-
sus du rein s’étend une délicate membrane qui recouvre toutes
les éminences et toutes les anfractuosités des organes ; elle entoure
les nerfs du plexus lombo-abdominal , les apophyses transverses
des vertèbres lombaires, et s’introduit jusque dans l’intérieur du
corps des vertèbres lombaires.
Ce réservoir supérieur de l’abdomen communique d’une part
avec les os de la colonne vertébrale ; de l’autre , il se prolonge au
travers du trou obturateur jusqu’à la région supérieure de la
cuisse , où il donne naissance à une poche aérienne accessoire ,
placée entre la tête du fémur et l’os des iles, dans le voisinage de
l’articulation coxo-fémorale.
C’est dans l’intérieur de cette cellule que l’on distingue un trou
par lequel l’air peut pénétrer dans l’os de la cuisse (1).
L’air qui sort du réservoir supérieur du ventre arrive à celte
cellule, soit en suivant les nerfs, qui , du plexus lombo-abdomi-
nal, se rendent au membre inférieur, soit en suivant l’artère
iliaque.
Si l’air qui parvient à ce réservoir supérieur du ventre peut y
être transmis par le moyen des conduits intérieurs du corps des
(1 ) Je rappelle encore ici les nombreuses observations de limiter et de Camper
sur l'absence de l'air dans les os du'membre inférieur des Oiseaux domestiques ou
coureurs , et sur la présence de ce gaz ainsi que l'absence de graisse dans le fémur
des Oiseaux bons voiliers. Ces remarques ont été plus récemment étudiées avee
détail par Jacquemin (I. c.).
60 VVI'AI.IS «IILLOT. — suit l.’.Vl’l’ VI1EII.
vertèbres , avec lesquels communique le réservoir thoracique , il
y pénètre , et plus facilement encore , par un large orifice qui
forme une très remarquable communication entre les réservoirs
supérieurs et inférieurs du ventre.
Cet orifice, situé à peu près au niveau de l’apophyse transverse
de la première vertèbre lombaire , est bordé par de larges replis
membraneux, derrière lesquels apparaissent les ouvertures des
conduits aériens du rachis. La description des réservoirs inférieurs
du ventre fera mieux comprendre la disposition de cette ouver-
ture (1).
13. Réservoirs abdominaux inférieurs.
On ne pourrait apercevoir ces organes avant de les avoir in-
sufflés; ils flottent alors dans 1‘ intérieur de la cavité péritonéale ,
appliqués sur le péritoine, semblables à des lambeaux irréguliers
de fausses membranes. Dans cet état , il est très facile de les in-
ciser ou de les déchirer, et, par conséquent, on risque fort de ne
pouvoir en comprendre la disposition.
Quelquefois une certaine quantité d’air les remplit encore après
la mort de l’animal, et produit, par une inégale répartition, l’appa-
rence de plusieurs cellules isolées là où une investigation plus at-
tentive ne démontre qu'un réservoir unique.
Préparés par une insufflation convenable , qu’on ne doit point
exagérer de peur de briser des enveloppes fragiles , ces réservoirs
offrent l’apparence de deux énormes vessies symétriquement dé-
veloppées à droite et à gauche de la colonne vertébrale (!2).
Elles occupent alors non seulement toute l’étendue de la ca-
vité abdominale, mais elles en dépassent les limites, leur circon-
férence parvient au niveau même de la partie moyenne de la
cuisse.
Le volume qu’elles offrent est partout considérable ; les dia-
mètres de ces vessies peuvent être supérieurs à un décimètre dans
les Oiseaux tels que le Coq , le Faucon , la Cresserellc , etc.
11 est de plus de trois centimètres dans les petits Oiseaux, comme
les Serins, les Tarins, les Fauvettes, etc., etc.
(i) ri 4,oi' — (2) fi. :t. ri. i. m
DE I.\ RESPIRATION DANS I.ES OISEAUX.
fil
La transparence et la régularité des contours de ces organes
sont admirables, et cette diaphanéité est telle, que je ne saurais
comparer ces vessies à autre chose qu’à d’énormes bulles de
savon; elles en ont toute la fragilité.
La figure qui les distingue est régulièrement globuleuse après
l'insufflation ; dès qu’elles se vident, elles s’affaissent et disparais-
sent aussitôt.
Les rapports tangentiels de ces vessies aériennes distendues
sont les suivants : en bas, elles touchent de tous côtés aux parois
de l’abdomen, au gésier, aux bords inférieurs du foie, aux pro-
longements latéraux du réservoir aérien thoracique.
En dedans, du côté de la ligne médiane, elles sont séparées
par toute la masse du canal digestif et par l’épaisseur du mésen-
tère. Entre chacune d’elles et ce mésentère longitudinal, on voit
les testicules, les conduits déférents chez le mâle , et du côté gau-
che, chez la femelle, on remarque l’oviducte.
En haut , elles s’étendent au-dessous de la masse de chaque
rein qui les sépare du réservoir abdominal supérieur; la surface
inférieure du rein constitue donc la limite qui borne supérieure-
ment l’intérieur de chacune de ces vessies aériennes.
La membrane qui constitue ces vastes vessies doit être formée
de deux feuillets : l’un est le feuillet propre, qui parcourt toute
I étendue de la cavité aérienne , sur les reins, sur l’artère iliaque,
sur les veines rénales, et qui va se continuer sur tous les contours
intérieurs; l’autre est extérieur : c’est le péritoine appliqué sur la
membrane précédente, et la doublant tout autour des vessies aé-
riennes. Mais il n’est pas possible de séparer ces deux feuillets
l’un de l’autre; on ne peut en constater l’existence qu'à l’endroit
où le péritoine quitte la surface du réservoir aérien , pour aller
couvrir toutes les autres parties placées dans l’intérieur de l’ab-
domen.
Quoique recouvertes par la membrane péritonéale, ces vessies
aériennes n’ont aucune espèce de communication avec la cavité
du péritoine : on peut insuffler cette cavité, la distendre par un
liquide , sans remplir, en aucune manière , les organes destinés à
renfermer l’air. 11 est même possible d’enlever en totalité le canal
VATAMS ei’lUOT.
G2
— sir l’appareil
digestif, et de conserver le réservoir aérien dans toute son inté-
grité. Il en serait autrement si, comme on l’affirme, l'air était
contenu dans l’intérieur de la cavité tapissée par la membrane
séreuse.
Le point de départ de la membrane qui sert à former ces vessies
aériennes se découvre dans la profondeur de la région antérieure
du ventre, au-dessus et en dehors de la face supérieure du foie.
Là, cette membrane circonscrit un orifice par lequel l’air sort
des poumons (1); elle s'attache ensuite en haut, d’une part en
dehors, tout autour du bord mousse du petit bassin, de l’autre à
tout le bord externe du canal déférent ou à la base du repli péri-
tonéal de l’oviducte. Elle tapisse la surface antérieure du rein ;
elle s’accole également à la membrane du second réservoir sus-
costal, et la double : c’est au moment où disparaissent ces con-
tacts, soit sur le rein, soit sur l’os des iles, soit sur le réservoir
thoracique , que la membrane des vessies aériennes commence à
être recouverte par le péritoine. C’est aussi à partir de ces points
d’adhérence qu’elle s’élève, lorsqu'elle est insufflée, pour s’étendre
jusqu’ au-dehors de la cavité de l’abdomen.
L'examen de l’intérieur des vessies aériennes démontre , dans
la région antérieure de l’abdomen, l’existence de deux orifices de
communication qui rattachent ces réservoirs, d'une part aux bron-
ches , de l’autre aux réservoirs abdominaux supérieurs ou supra-
rénaux (2).
L’orifice par lequel l’air sort des bronches se découvre à la
base de la poitrine, au-dessus du niveau de la dernière côte,
dans un endroit plus ou moins rapproché de la colonne vertébrale,
suivant les espèces.
Il est bordé par un repli membraneux au travers duquel on
voit un prolongement du poumon, à la surface duquel on distingue
un ou plusieurs pertuis donnant passage à l’air.
Au-dessous de cet orifice , on en voit un autre dont le niveau
est à peu près celui de la première apophyse transverse des ver-
tèbres lombaires. Celui-là fait communiquer les deux réservoirs
fl) PI. 4, /i. — PI. 4, Ml'.
I)F, FA RESPIRATION DANS FF,S OISEAUX.
63
aériens du ventre. Il est, de même que le précédent, entouré par
un seul ou par plusieurs replis membraneux, dans l’épaisseur
desquels se répandent quelques ramifications nerveuses nées des
ganglions du nerf intercostal.
A partir de ces orifices, la surface interne des vessies aériennes
s’étend sur la veine cave, sur la veine rénale, sur l’artère iliaque,
sur une partie de la circonférence de chaque rein , limitée par la
veine rénale.
Les organes dont je signale l’existence n’ont aucune sorle de
rapport avec les prétendues cellules indiquées sous le nom de
cellules vides et de cellules pleines, de cellules du cloaque et de
l’intestin, etc. Rien de ce qui a été décrit ne ressemble à l’état
naturel des choses.
Le regard pénètre si facilement au-delà des enveloppes de ces
réservoirs, que l’on peut voir aisément qu’ils ne résultent en au-
cune manière d’un amas de cellules. Ce sont de larges vessies
aériennes, dont les enveloppes sont excessivement minces, et rien
de plus.
La considération de ces organes montre donc quelles erreurs
ont été commises par ceux qui ont attribué à l’air introduit dans le
ventre des Oiseaux des routes et un séjour que la nature ne lui a
point assignés.
L’énorme capacité des réservoirs aériens abdominaux complète
l'ensemble des organes accessoires du poumon des Oiseaux.
On a dû comprendre, par ce que j’ai dit précédemment du
passage de l’air dans les conduits aériens des vertèbres, par le
moyen du réservoir supra-laryngien, que ce réservoir peut servir
à conduire l’air jusque dans l’intérieur du ventre, et que, d’autre
part, à l’aide des mêmes conduits vertébraux, l’air peut trouver
une issue qui l’aide à sortir du ventre par les trous situés entre
les apophyses transverses des os du sacrum ou des lombes.
Ces orifices reçoivent d’abord l’air qui provient du réservoir
supra-rénal ; mais ils le reçoivent également des vessies aériennes
du ventre, puisque les deux réservoirs abdominaux s’abouchent
l’un dans l’autre à l’endroit même où commence chacun d’eux.
Si les descriptions précédentes des réservoirs thoraciques et
VVI U.IS M IM AT.
SI R I APPAREIL
64
abdominaux peuvent faire comprendre l’étendue des surfaces en
contact avec l’air, et même faire soupçonner, jusqu’à un certain
point, le degré d’utilité de ces organes, d’autres détails sont ce-
pendant encore utiles à connaître, afin que le degré d’utilité de
ces parties puisse être un jour convenablement apprécié.
CHAPITRE IV.
RAPPORT DES RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX AVEC I.ES MUSCLES
ET I.ES APONÉVROSES.
On a déjà cherché à signaler les rapports des cavités aériennes
et des organes musculaires.
G. Cuvier (1) admit avec raison que les parois musculaires de
l’abdomen devaient resserrer les cellules abdominales qu’il dé-
crivait. li ajouta même que les parois de plusieurs de ces cellules
sont évidemment musculeuses et capables de se contracter. !l est
possible qu’il en soit ainsi chez l’Autruche, animal indiqué par
Cuvier comme l’objet de ses investigations; mais il est toutefois
très permis de n’accepter cette assertion qu’avec une grande
réserve.
Les deux vessies aériennes des Oiseaux ne m’ont jamais offert
la moindre apparence d’une fibre musculaire ; j’ai vainement cher-
ché cette disposition. Elles sont élastiques ; cette propriété est fort
évidente, car elles reviennent sur elles-mêmes lorsque l’air s’en
échappe.
Tout en tenant compte des resserrements des vessies dus à l’é-
lasticité dont elles jouissent, on peut croire qu'elles doivent être
principalement soumises à l’influence des mouvements de con-
traction des divers muscles de l’abdomen. Cette action doit sur-
tout servir à expulser l'air qu’elles renferment , et à le refouler
dans chaque poumon.
On comprendra sans peine, en examinant la poitrine d’un Oi-
seau , que les muscles qui servent à agrandir le thorax pendant
l’inspiration doivent également aider l’air à sortir des bronches,
(I) G. Cuvier, I. r., t IV. an siv. p 365 I. 20.
DF. I.\ RESPIRATION DANS I.FS OTSFAIX.
(35
à distendre les cellules aériennes ; mais il est plus difficile de se
rendre compte des forces capables de le chasser entièrement de
ces mêmes cavités, de le faire passer des unes dans les autres,
jusque dans les tuyaux bronchiques. Dans la poitrine, de même
que dans l’abdomen, aucun organe musculaire n’agit encore sur
le réservoir aérien, en s’attachant directement sur l’enveloppe
qui le limite.
Ce n’est que dans un point particulier du corps des Oiseaux
que l’action des organes musculaires sur le réservoir aérien paraît
être directe ; les muscles non seulement y protègent et soutiennent
les cellules aériennes par un contact immédiat, mais quelques
uns d’entre eux encore s’attachent aux parois du réservoir aérien,
soit directement, soit par le moyen de bandelettes aponévrotiques.
Ils sont tellement disposés, qu’ils pourraient être considérés
comme des organes tenseurs des enveloppes de ces parties.
C’est seulement à la surface de la poche axillaire que ces dis-
positions des organes musculaires peuvent être étudiées.
Je vais essayer de les faire comprendre en indiquant successi-
vement les muscles qui me semblent, en partie du moins, insérés
directement sur l’enveloppe propre des cellules aériennes du
creux de l’aisselle.
Ces muscles sont :
1" Un muscle peaucier, irrégulièrement quadrilatère, aplati ,
très faible dans les animaux jeunes , très appréciable dans la
vieillesse, inséré à la surface adhérente du tégument externe d’une
part , de l’autre attaché solidement à l’aponévrose qui adhère à la
poche axillaire. Cette aponévrose est le résultat de plusieurs ex-
pansions fibreuses nées des muscles pectoraux , scapulaires, et de
deux portions du muscle grand dorsal. La partie antérieure des
fibres de ce muscle peaucier se confond avec les fibres du muscle
pectoral.
■2“ Le muscle grand pectoral. Sur les Gallinacés , ce muscle
peut être facilement divisé en deux parties : l’une principale ser-
vant à abaisser l’humérus , étendue depuis le sternum et la clavi-
cule jusqu’à la crête humérale ; l’autre accessoire placée en dehors
de la précédente, séparée d’elle par une longue expansion fibreuse.
3e série. Zool. T. V. (Février 1 8 46.) i 5
66 NATALIS CàUILiLOT. — SL' R L’APPAREIL
Cette portion accessoire s’attache k la surface externe des côtes ;
elle se dirige en avant, s’unit à la partie la plus reculée du
réservoir axillaire , qu’elle recouvre , et sur lequel ses fibres s’im-
plantent, dès que cette portion musculaire distincte s’est unie par
une aponévrose commune au muscle scapulaire et au muscle
peaucier.
Après s’être implantées sur toute l’étendue du réservoir axil-
laire , ces fibres du muscle pectoral accessoire donnent, naissance
k une double expansion aponévrotique née d’une base commune :
l’une de ces expansions se porte k la membrane de l’aile , s’y
divise en plusieurs prolongements et sert k la tendre ; l’autre suit
la direction du bras, et va s’attacher k l’extrémité interne et infé-
rieure de l’humérus.
On ne saurait douter, en disséquant ce muscle, qu’il ne s’at-
tache k la membrane du réservoir aérien , et qu’il n’ait une action
directe sur elle.
3° Le double faisceau musculaire désigné sous le nom de
rhomboïde (Meckel) , et que Cuvier désigne comme étant l’ana-
logue du grand dorsal de l’Homme.
La partie la plus antérieure de ces faisceaux musculaires , in-
sérée d’abord aux apophyses épineuses des premières vertèbres
dorsales, marche vers le bras sous la forme d’une languette très
mince, et vient s’attacher k la ligne âpre de l’humérus. Avant son
insertion , elle se confond , par plusieurs prolongements , avec
l’aponévrose qui provient du pectoral accessoire. La tension de
ces parties membraneuses peut concourir k maintenir l’air dans
l’intérieur de la poche aérienne.
Le second faisceau, que l’on a considéré comme une portion du
muscle grand dorsal, naît en arrière du précédent, marche comme
lui vers l’épaule , et se transforme rapidement en une même apo-
névrose qui vient se perdre k la surface du réservoir axillaire. On
peut considérer encore ce faisceau musculaire comme un agent
énergique de dilatation.
4“ Le muscle , désigné sous le nom de sus-épineux , que je
nomme muscle scapulaire , né de la surface supérieure de l’omo-
plate. se dirige vers l’épaule en embrassant une partie du ré-
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX.
67.
servoir aérien qui pénètre même au milieu des fibres muscu-
laires qui l’enceignent. L’une des portions de ce muscle est supé-
rieure ; ses fibres adhèrent à la membrane du réservoir aérien ,
concourent à former l’aponévrose commune qui la recouvre et en
fortifie les parois , pénètre ensuite dans l’intérieur de la cavité
aérienne, et, recouverte par une membrane très fine, va s’atta-
cher à la tubérosité interne de l’humérus.
5° Quelques fibres musculaires distinctes se rendent encore,
dans les Oiseaux de proie , à l’extrémité inférieure du réservoir
axillaire ; on les distingue très bien sous la forme d’un petit fais-
ceau irrégulièrement quadrilatéral dans le Faucon, la Buse et
l’Émouchet.
Il est encore nécessaire d’ajouter à la nomenclature de tous ces
muscles l’indication d’un petit faisceau musculaire singulièrement
disposé ; il naît de la quatrième et de la cinquième côte , monte
obliquement en arrière , et perfore le muscle que j’appelle scapu-
laire (sus-épineux, teckel); puis, s’élevant toujours vers la
région antérieure sous la forme d’un cylindre très grêle , il par-
vient à la peau entre l’épaule et le cou, et se fixe à ce tégument.
Cet organe ne semble-t-il pas être destiné à fortifier encore l’ac-
tion de toutes les parties musculaires étalées à la surface du réser-
voir aérien ?
Tous les détails dans lesquels je viens d’entrer peuvent-ils faire
penser que ces muscles n’ont aucune influence sur le développe-
ment de la capacité des réservoirs aériens de l’aisselle? Je ne
saurais adopter cette manière de voir ; il me semble, au contraire,
qu’ils sont disposés de manière à en accroître les dimensions, et
à favoriser l’entrée de l’air dans ces régions éloignées du centre
du corps , et largement comprimées toutes les fois que la portion
interne du muscle grand pectoral exécute un mouvement violent.
68
XATAMS GUILI.OT.
SUP, I.’APPAREir.
CHAPITRIi V.
DU RAPPORT des vaisseaux sanguins AVEC i.es réservoirs
AÉRIENS DES OISEAUX.
Si l’on considère l’ensemble de l’appareil respiratoire des
Oiseaux sur un animal dont les vaisseaux sanguins ont été péné-
trés par une injection très fine, il est facile de voir que le nombre
des vaisseaux des réservoirs aériens ne saurait être comparé à
l’énorme proportion d’artères et de veines divisées à l’infini dans
chacun des poumons. Ces organes conservent toujours le carac-
tère important de vascularité qui leur est propre dans toutes les
espèces, quelle que soit l’étendue des réservoirs avec lesquels les
bronches communiquent.
Au premier aperçu, sur un animal non injecté, les membranes
des réservoirs aériens semblent généralement privées de vais-
seaux ; il faut alors quelque attention pour en découvrir les traces,
car ils s’effacent rapidement après la mort. Il n’en est pas de même
lorsque des injections convenables ont pénétré jusqu’aux ramifi-
cations les plus délicates des vaisseaux sanguins du corps. Ces
veines et ces artères, inaperçues dans le premier cas, apparaissent
alors, remplies par les matières colorantes, et peuvent être l’objet
de quelques observations.
Aucun de ces vaisseaux des réservoirs aériens ne provient
de l’artère pulmonaire ; aucun d’eux ne paraît verser le sang
dans les veines pulmonaires : ils sont donc entièrement distincts
des conduits ordinaires de la circulation des poumons. Les artères
naissent des troncs du système aortique les plus rapprochés de la
surface membraneuse sur laquelle elles se répandent. Les veines
sc jettent en général dans les branches veineuses les plus voisines.
Les artères qui se rendent aux membranes des renflements du
réservoir infra-laryngien se répandent à la surface de ces poches,
le long des cloisons des cellules ; on les aperçoit très bien après
avoir disséqué la peau du cou et après avoir enlevé le jabot.
Elles ne sont pas assez nombreuses pour indiquer une grande
UE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX.
69
vascularité de ces poches, mais on en distingue parfaitement
l’existence ; elles naissent des deux branches de la carotide , que
Barkow a désignées sous le nom de rameaux cutanés du cou.
Toutes les veinules qui correspondent à ces branches vont se
terminer dans chacune des veines jugulaires.
.le ne saurais passer sous silence quelques particularités rela-
tives aux petits organes décrits de chaque côté du cou par Meckd
etM. Magendie (1), auprès de la partie du réservoir aérien supra-
laryngien qui se prolonge le long du cou , en avant et sur les
côtés de la colonne vertébrale. Ces petits organes forment quel-
ques masses du volume d’un pois, irrégulièrement arrondies; le
nombre en est variable. 11 en existe trois ou cinq de chaque côté ;
ils sont rougeâtres dans l’état ordinaire ; lorsque les veines sont
injectées , ils ressemblent au contraire à un amas de petites vei-
nules ayant la couleur de la matière lancée dans les veines; lors-
qu’on les examine avec le microscope, on peut reconnaître qu’ils
sont presque entièrement composés d’un lacis très multiplié de
veinules, dont les rameaux principaux vont se jeter dans les veines
jugulaires. J’ignore absolument quels peuvent être les usages de
ces petits ganglions veineux ; mais j’ai voulu les rappeler à l’at-
tention des observateurs, parce qu’on les a comparés au thymus ,
et qu’ils font réellement partie du système veineux du réservoir
aérien.
Toutes les cellules membraneuses latérales du thorax , inté-
rieures ou extérieures , reçoivent des artérioles qui se répandent
à la superficie des enveloppes de ces réservoirs.
Ces artérioles proviennent des artères humérales et pectorales
pour les réservoirs sous-axillaires ; d’autres rameaux naissent de
chacune des artères thoraciques intérieures , de l’artère pectorale
ou thoracique extérieure, de chacune des artères intercostales,
et même des rameaux de l’artère cœliaque répandus sur le gé-
sier. Toutes ces artères forment des plexus très évidents sur les
surfaces du réservoir aérien voisines des parois de la poitrine, et
(I) Meckêl, Anal, cump., irait, par Riesler, t. I, p. 252. 1 828. — Magendie,
Ment, sur plusieurs organes particuliers qui existent dans les Oiseaux (l dans les
Ilcplilcs[llull. delà Soc. philomatique, 1519),
7V4TILIS GlILLOT.
sur l’appareil
70
donnent naissance à un nombre très considérable de petites vei-
nules. Ces vaisseaux veineux , sortant d’un plexus commun , se
dirigent, sous l’apparence d’une foule de petites branches, vers
chacun des bords externes des lobes du foie, et pénètrent dans l’in-
térieur de cet organe. Ce sont de petites veines qui , sur une très
médiocre échelle, ont tout-à-fait le caractère de petites veines
portes, puisque le sang qui les traverse ne parvient au cœur qu’a-
près avoir traversé l’organe de la sécrétion biliaire.
Les ramifications artérielles et veineuses répandues à la sur-
face des vessies aériennes abdominales sont bien moins nom-
breuses ; on en constate l’existence , cependant on les injecte diffi-
cilement.
Jamais elles ne forment à la superficie de ces vastes réservoirs
des plexus aussi distincts que les plexus des réservoirs thora-
ciques. Les artères viennent de quelques petits rameaux produits
par l’artère iliaque ou fémorale voisine de la courbure postérieure
des vessies aériennes ; elles se propagent , sous l’apparence de
ramifications très grêles , tout autour de la circonférence de ces
organes.
Les veines suivent le même trajet , et marchent de plus en plus
parallèlement aux artères à mesure qu’elles s’éloignent de leur
origine; elles se terminent à la veine iliaque ou crurale.
Telles sont les dispositions les plus générales de ces vaisseaux
veineux et artériels. Si elles indiquent un rapport constant entre
les réservoirs aériens et l’appareil de la circulation ; si elles
peuvent faire préjuger quelques uns des usages de ces réservoirs,
elles autorisent en même temps à penser que ces fonctions sont
loin d’être actives ; car , dans tous les endroits du corps des ani-
maux où une fonction active est opérée , le nombre des voies de
la circulation est manifestement multiplié.
Si donc ces réservoirs aériens peuvent être considérés comme
des appareils d'hématose, cette opinion ne saurait être acceptée
qu’en admettant que la fonction ne peut avoir ni une activité ni
une importance bien grandes.
DE LA RESIMKVriON DANS LES OISEAl \.
71
CHAPITRi; VI.
DI RAPPORT DES RÉSERVOIRS AÉRIENS AVEC I.ES VAISSEAUX
LYMPHATIQUES.
L’étude des vaisseaux lymphatiques répandus à la superficie
des réservoirs aériens est extrêmement intéressante; mais elle est
loin d’être facile. Lorsque les animaux ont jeûné longtemps, on
ne voit point ces conduits ; il est donc indispensable de nourrir les
Oiseaux avant de les sacrifier.
Lorsqu’on a insulïlé les réservoirs aériens des Oiseaux que l’on
a tués pendant la digestion , on trouve la majeure partie des sur-
faces couverte de vaisseaux lymphatiques, dont on reconnaît la
présence non seulement autour des diverses cavités du réservoir
thoracique, mais encore sur les réservoirs aériens du ventre.
Ils existent à la superficie des réservoirs thoraciques sous-cos-
taux, entre lesquels passe le ventricule succenturié.
On les distingue également sur les deux prolongements abdo-
minaux de ces mêmes réservoirs thoraciques. Le nombre en est
très appréciable sur les deux énormes vessies aériennes du ventre;
mais si on distend ces derniers organes avec trop de force , on
fait disparaître les vaisseaux lymphatiques, parce qu’ils se vident
alors.
Ces vaisseaux forment partout une série très appréciable d’a-
nastomoses, desquelles résulte un lacis étendu à la surface des
membranes placées au contact de l’air.
Je ne connais nulle part, dans les autres animaux , même chez
l’Homme , une disposition des conduits lymphatiques capable de
rappeler celle que j’indique. Elle est ici tellement caractérisée, et
le nombre des anastomoses est si multiplié, que je concevrais
parfaitement bien que l’on pût regarder ces vaisseaux comme les
agents d’une respiration particulière. Dans les réservoirs, l’air
aurait donc , sur les liquides contenus dans les parties que je dé-
signe, une action analogue à celle qu’il exerce sur le sang de l’ar-
tère pulmonaire. Quoi qu’il en soit, il ne me paraît pas possible
que ces détails puissent être insignifiants.
72
\AT\MS «l'ILLOT. — SUIS 1,’APl'ARlilL
Il est certain que les vaisseaux observés ne sont point des con-
duits sanguins ; ces derniers se remplissent très bien par des in-
jections fines, que les animaux aient mangé ou qu’ils aient été
affamés. Les autres nesc découvrent, au contraire, que pendant
la digestion , et les injections lancées dans les artères ou les veines
n’y pénètrent qu’ après avoir été poussées au-delà de leurs der-
nières limites.
On ne peut les injecter avec le mercure: j’ai essayé maintes
fois de le faire , sans obtenir aucun résultat , parce que je les ai
constamment rompus. Ce n’est donc , je le répète , que pendant
la digestion seule qu’on peut les apercevoir, les liquides venant
alors affluer de toutes parts à la superficie du réservoir aérien.
Je ne doute pas que, dans les régions les plus antérieures des
réservoirs aériens, loin du canal digestif, ces liquides ne soient
entièrement analogues à la lymphe ; mais il ne paraît pas en être
ainsi dans le voisinage du ventricule succenturié, du gésier, et
dans l’intérieur de l’abdomen. Là, ce sont véritablement des con-
duits qui ont la plus grande analogie avec les vaisseaux chyli-
fères.
Le liquide charrié par ces vaisseaux est trouble, opalin, et ab-
solument le même que celui cpii parcourt les conduits lactés du
mésentère. La comparaison est certes bien facile, puisque, sur le
même animal , le mésentère et les réservoirs aériens sont égale-
ment tapissés par des ramifications et des anastomoses formées
par des vaisseaux de même apparence.
J’ai dû chercher à savoir comment cette circulation du chyle
pouvait être opérée; il m’a paru qu’il fallait prendre en consi-
dération la disposition des principaux vaisseaux destinés à porter
ce liquide jusque dans les veines. Je n’insisterai point sur ce sujet,
à l’occasion duquel j’entreprends en ce moment de nouvelles
études: mais je signale seulement les remarques suivantes k l’at-
tention des anatomistes.
L’appareil de la circulation de la lymphe et du chyle se com-
pose, dans l’abdomen des Oiseaux, de vaisseaux principaux et de
conduits secondaires.
Les vaisseaux principaux sont au nombre de trois. Les deux
DE LA IIESI’IUATION DANS LES OISEAL'A.
73
premiers sont pairs; il en existe un à droite et un à gauche, de
chaque côté de la colonne vertébrale. Us sont étendus symétri-
quement sur toute la longueur des reins, au dedans du canal défé-
rent chez le mâle, et de l’oviducte chez la femelle. Ces vaisseaux
sont ceux qui ont été décrits par Lauth et par l’ohmann. Us re-
çoivent les vaisseaux lymphatiques du membre inférieur.
L’autre canal est le canal principal des vaisseaux chylifères; il
est étendu tout le long du mésentère, et reçoit deux canaux égale-
ment volumineux qui proviennent, en bas, des cæcums, en haut,
de la courbure du duodénum. II a été également indiqué par
l’olnnann et par Lauth.
Ces deux ordres de vaisseaux aboutissent à un endroit placé
au-devant de la veine cave , dans les régions supérieures de l’ab-
domen, entre les deux testicules, entre les deux ouvertures qui
font communiquer les vessies aériennes du ventre avec les pou-
mons. Là, ils se confondent les uns avec les autres, non seule-
ment en formant des plexus multipliés autour de la veine cave ,
mais encore en produisant une ou deux dilatations , difficiles à
apercevoir dans la plupart des Oiseaux, mais dont l’on parvient
cependant à constater l’existence en multipliant les recherches.
11 faut cependant reconnaître que ces dissections sont fort diffi-
ciles, et que l’erreur est à craindre.
U est possible qu’à cet endroit les vaisseaux chylifères aient
des communications avec la veine , mais je ne saurais l’affirmer :
ce que je puis dire, c’est que , lorsqu’on injecte avec du mercure
dans ces gros troncs de lymphatiques , on pénètre souvent dans
la veine cave.
C’est dans les deux troncs latéraux des vaisseaux lymphati-
ques du ventre que se terminent les rameaux secondaires étendus
à la surface interne des membranes des réservoirs abdominaux.
On peut facilement vérifier l’existence de cette particularité sur
des animaux qui ont pris des aliments.
Les vaisseaux lymphatiques, de la présence desquels résultent
les plexus multipliés à la superficie des prolongements abdomi-
naux du réservoir thoracique, se réunissent en troncs de plus en
plus volumineux , à mesure qu’ils sc rapprochent du ventricule
74 VVI'AI.IS (.IIIJWI. — sun l'apparkil
succenturié. Ils passent au-dessus de lui, et ils viennent, si je
ne me trompe, aboutir au confluent des deux troncs désignés, dans
le voisinage de la veine porte; ils m’ont paru s’anastomoser avec
les vaisseaux lymphatiques du réservoir infra-rénal de l’abdo-
men. Ces vastes vessies touchent, en ellét, de fort près les pro-
longements abdominaux du réservoir thoracique , puisque , dans
la région antérieure du ventre , ces cavités ne sont séparées que
par une cloison commune.
On expliquerait difficilement la présence du chyle autour des
réservoirs aériens, si l’on perdait de vue le rapport de contiguïté
qui rapproche le ventricule succenturié et le gésier des réservoirs
latéraux de la poitrine et même des réservoirs abdominaux. Ces
deux parties du canal alimentaire n’ont point de mésentère : les
vaisseaux chylifères qui en dérivent sont donc nécessairement obli-
gés de suivre les parois des parties les plus voisines, formées par
les membranes des réservoirs aériens.
C’est par l’action très énergique du ventricule succenturié que
paraissent être produits les liquides destinés à parcourir les vais-
seaux lymphatiques répandus sur le pourtour des prolongements
abdominaux du réservoir thoracique; on n’en saurait douter en
examinant des animaux tués pendant la digestion. Ces vaisseaux
se dessinent sur toute la surface des cavités aériennes en formant
un lacis de vaisseaux rarement volumineux, le plus souvent extrê-
mement fins , et anastomosés les uns avec les autres ; on les
reconnaît à la couche blanche qu’ils possèdent ; elle est tout-à-lait
analogue à la couleur des vaisseaux chylifères répandus à la su-
perficie du mésentère. J’aurais voulu en extraire le liquide pour
l’analyser et en reconnaître la nature, mais il m’a été impossible
de le faire.
La maladie, si fréquente chez les Oiseaux . à laquelle on donne
vulgairement le nom d'avctlvre, doit tenir probablement à des alté-
rations particulières des liquides charriés par ces vaisseaux. Dans
cette affection, tous les réservoirs aériens, et surtout les réservoirs
qui reçoivent les vaisseaux chylifères du ventricule succenturié,
sont couverts d’une couenne jaunâtre, souvent épaisse de plusieurs
millimètres, Celte maladie ne permet plus que l'air soit en contact
DE |,\ RESPIRATION DANS I.ES OISEAUX.
75
avec les membranes délicates au milieu desquelles il doit péné-
trer, et force l’animal à respirer, comme les autres vertébrés , à
l’aide des poumons seuls.
Plusieurs remarques intéressantes résultent encore de l’examen
du rapport de chacun des réservoirs aériens avec les ramifications
du système nerveux. Elles exigent le secours de dissections multi-
pliées, et elles conduisent à faire penser que ce ne sont pas seule-
ment les nerfs de la huitième paire et les nerfs du grand sympa-
thique qui se répandent dans les membranes destinées au contact
de l’air, mais encore que des nerfs de la vie animale viennent se
prolonger jusqu’aux membranes des cavités aériennes. L’appa-
reil respiratoire des Oiseaux aurait donc avec le centre nerveux
un rapport que l’on ne saurait apprécier dans les autres classes
de Vertébrés.
On peut très facilement suivre les rameaux du plexus cervical
qui, dans le Paon, dans le Dindon, même dans le Coq, se répandent
à la superficie des réservoirs infra et supra-laryngien : on peut
disséquer des ramifications analogues qui proviennent plus loin
du plexus axillaire, et qui s’étendent à la surface des cavités
aériennes situées au dehors de la poitrine , au-dessous de l’omo-
plate. Dans la région la plus antérieure de l’abdomen, auprès des
orifices communs des deux réservoirs abdominaux, quelques ra-
meaux des nerfs vertébraux parcourent également les replis mem-
braneux qui bordent ces ouvertures.
Des filets plus ou moins nombreux du nerf pneumo-gastrique
s’écartent à droite et à gauche de chacun des troncs principaux
de ce nerf, et se divisent dans les parois de chacun des réservoirs
thoraciques. On les perd rapidement de vue; mais enfin on peut
en constater l’existence.
C’est principalement en arrière des deux poumons, auprès des
articulations costo-vertébrales et des apophyses transverses des
vertèbres dorsales et lombaires, que le rapport des réservoirs
aériens avec le système nerveux est le plus curieux à étudier,
mais seulement dans quelques Oiseaux. Dans le Paon surtout,
on remarque à cet endroit du corps les ganglions du nerf grand
sympathique, placés les uns après les autres entre chaque espace
76 NATALIS Gl II. 1.01. SUR L'APPAREIL
intercostal. Ils sont très apparents , et la dissection n’en est pas
difficile. Chacun de ces ganglions repose sur une petite cavité
aérienne environnée par les filets nerveux émanés du ganglion.
L’ensemble de toutes ces cavités aériennes réunies constitue la
seconde partie du réservoir supra-laryngien destiné à transmettre
l’air aux vertèbres dorsales et au membre antérieur.
Dans l’animal que je signale, les plexus formés sur les mem-
branes de ces cavités aériennes sont très appréciables dans toute
la longueur de la poitrine ; mais on les remarque surtout dans le
voisinage de la première et de la dernière côte.
Dans tous les Oiseaux, on peut constater, sur une échelle plus ou
moins étendue , l’existence de ces plexus nerveux : tantôt ils sont
très appréciables dans le voisinage de l’articulation de chaque
côte, comme dans le Paon ; d’a*utres fois, on ne les distingue que
vers le sommet et à la base de la poitrine , ainsi que cela se voit
sur le Coq. Mais que d’études nécessaires avant que toutes ces
variations puissent être convenablement appréciées !
La considération de l’ensemble et des détails offerts par les
réservoirs aériens des Oiseaux ne doit pas être seulement res-
treinte aux descriptions anatomiques du genre de celles qui pré-
cèdent; un autre sujet d’ctude également intéressant doit être
entrepris et continué sur une échelle étendue. Lorsque ces obser-
vations auront été complètes, il sera possible de se faire une idée
exacte du rôle que doit jouer cet étrange appareil : jusque là , les
affirmations ne devront être émises qu’avec réserve , et les tra-
vaux même les plus exacts n’auront pour résultat que de pré-
parer les anatomistes à d’autres investigations.
Curieux de connaître les changements subis par les réservoirs
aériens dans les différentes périodes de la vie, j’ai dû entreprendre
quelques recherches sur la famille des Gallinacés , où l’àge est
facile à déterminer d’une manière approximative. Les autres ani-
maux, excepté toutefois les Pigeons, ne pouvaient me fournir que
de grandes incertitudes.
Les résultats suivants m’ont paru très prononcés lorsque l’on
compare un jeune Coq à un vieux Coq, moins précis peut-être,
DE LA RESPIRATION DANS LES OISEAUX. 77
mais cependant très acceptables, lorsque l'on met en regard deux
Poules, dont l’une est adulte, et l'autre très âgée.
La capacité des réservoirs aériens, indiquée par l'insufflation
de la trachée et par le degré de distension des enveloppes mem-
braneuses, paraît sensiblement modifiée aux deux âges extrêmes,
mais non pas de la même manière , dans le réservoir thoracique
et dans le réservoir abdominal.
Les deux vessies aériennes du ventre m’ont semblé plus vastes
dans les Coqs les plus âgés que dans les jeunes Coqs nés depuis
moins d’un an; j’oserais même assurer que ces organes n’ont pas
acquis , dans le courant de cette première année, tout le dévelop-
pement auquel ils peuvent atteindre par la suite. Mais en est-il
de même dans les autres espèces? Je n’ai point assez sacrifié d’a-
nimaux pour avoir le droit d’exprimer une opinion aflirmative à
cet égard.
Les réservoirs infra et supra-laryngiens semblent plus déve-
loppés dans les Coqs de deux années que dans les animaux très
jeunes ; ils m’ont paru moins étendus sur quelques animaux
dont j’ignorais l’âge , parce qu’ils avaient été achetés sur les
marchés, mais chez lesquels la dureté , la coloration des os, l’os-
sification des cartilages, la couleur de la peau , des muscles et
la résistance des aponévroses semblaient annoncer que la nais-
sance datait de plusieurs années. Mais, je le répète encore, ce
sont plutôt des aperçus que je soumets à l’expérience que des
assertions que j’émets.
Des remarques plus précises peuvent résulter de la comparai-
son du Coq et de la Poule ; il me semble qu’elles autorisent à ad-
mettre l’influence du sexe sur le développement des réservoirs
aériens.
Les deux vessies abdominales de la Poule sont, en général,
moins étendues que celles du Coq ; l’insufflation semble bien le
démontrer. Il en est de même du réservoir aérien thoracique,
dont on peut juger les dimensions dans les deux sexes, en com-
parant les prolongements qui s’étendent jusque dans l'abdomen,
les deux parties latérales sus-costales du réservoir aérien thora-
cique, ainsi que les poches axillaires de ce même réservoir. Tout
78 NATAI.18 GLILLOT. SLIP. L’APPAREIL
est plus restreint dans la Poule que dans le Coq. Les particula-
rités relatives aux expansions aponévrotiques et aux muscles de la
poche axillaire apparaissent également tracées sur un plan moins
étendu.
Des différences analogues se présentent dans les Pigeons mâles
et femelles, chez les Serins et les Tarins des deux sexes : le déve-
loppement du réservoir infra-laryngien , c’est-à-dire de la portion
la plus externe du réservoir thoracique, offre, dans les mâles, un
volume plus considérable que celui que l’on remarque dans le sexe
femelle.
De grandes difficultés s’opposent à la précision de ces remar-
ques; mais des obstacles plus nombreux encore empêchent de
déterminer toutes les variations de ces réservoirs aériens dans les
familles nombreuses d’Oiseaux.
Le plus grand développement des réservoirs thoraciques m’a
paru propre aux animaux qui se soutiennent longtemps au milieu
de l’air. Je confirme par cette assertion ce qu’ont déjà dit les
observateurs. Le Faucon, la Buse, la Cresserelle, les Mouettes
peuvent être, à cet égard, facilement comparés à nos animaux de
basse-cour.
Mais il ne m'a pas paru en être de même pour les deux vessies
aériennes de l’abdomen. Quoique volumineuses et très étendues
chez le Faucon , la Buse, la Cresserelle , etc., elles n’y acquièrent
point encore le volume énorme des mêmes organes dans le Coq
et dans le Dindon. A cet égard , il me semble qu’on ne doit point
généraliser ce qui est relatif au réservoir aérien de la poitrine.
Tel est l’ensemble des études anatomiques auxquelles je me
suis livré; peut-être paraîtront-elles déjà capables de modifier
quelques unes des assertions connues : cependant il me reste
encore un autre examen à entreprendre , sans lequel je ne ferais
qu’ imparfaitement comprendre les erreurs physiologiques que je
désire voir effacer de la science.
La généralité des physiologistes et des anatomistes qui ont étu-
dié les Oiseaux pense : 1" que l’air des poumons pénètre dans une
cavité thoraco-abdominale commune séparée par des cellules for-
mant plusieurs divisions; que, dans cette cavité, le péritoine et les
DE I,A H INSPIRATION DANS LES OISEAI
79
cellules aériennes ne constituent qu'un seul et même espace au
milieu duquel l’air circule librement; 2“ que l'air sort des réser-
voirs aériens, se répand dans le tissu cellulaire, et parvient jusque
dans toutes les parties du corps de l’animal (1),
Pour m’éclairer sur ces assertions autrement que par des dis-
sections, j’ai dû entreprendre et répéter à plusieurs reprises les
expériences suivantes.
.l'ai d’abord injecté des liquides , tels que l’eau, l’essence de
térébenthine, le suif fondu, par la trachée-artère, dans les réser-
voirs aériens, et je n’ai jamais vu que ces substances aient pu dé-
passer la limite des membranes que j’ai décrites. J’ai disséqué des
animaux ainsi injectés: j’ai enlevé la peau, ainsi que les muscles
des membres ou du tronc, et, tant que les réservoirs aériens ont
été intacts, jamais les liquides ne se sont écoulés au dehors,
comme cela aurait dû se faire s’il y avait eu quelque moyen de
communication entre les réservoirs aériens et les autres parties
du corps.
11 était cependant possible qu’il y eût encore quelque disposi-
tion cachée par la mort de l’animal, en vertu de laquelle les
choses auraient pu se présenter d’une tout autre manière pen-
dant la vie. Pour éclairer davantage encore ce sujet, M. Milne
Edwards me donna le conseil d’expérimenter sur des animaux
vivants, et je dois à cette heureuse idée d’avoir pu démontrer
d’une manière péremptoire les erreurs dans lesquelles on est
tombé jusqu’ici. C’est donc un devoir pour moi de ne point m'at-
tribuer le mérite des expériences suivantes.
Il est facile de placer des Oiseaux sous l'eau et de maintenir la
têteau-dehors du liquide. Je suppose que l’on a préalablement
coupé les plumes aussi près que possible de leur insertion.
Si le tissu cellulaire contient de l’air pendant la vie. il est cer-
tain que cet air doit s’échapper sous l'apparence de bulles plus
ou moins nombreuses, dès que la peau est coupée.
Or, l’expérience démontre le contraire : on peut inciser les
téguments d’un Oiseau, les enlever même en grande partie, sé-
t)ti Cuvier I c — Jacquemin. I c
80 AIATALIS Gt'IIXOT. — Sl'Ii I.’APPARCTr.
parer les muscles les uns des autres, les couper dans tous les sens,
sans qu’une seule bulle d’air s’échappe. J’ai répété de semblables
tentatives dans le voisinage du tronc , aussi bien que dans la con-
tinuité des membres, même à la base du tuyau des plumes. Les
résultats ont toujours été les mêmes : je n’ai pu constater nulle
part la présence de l’air.
Pour savoir si les réservoirs aériens communiquent avec le pé-
ritoine, j’ai dû ouvrir la cavité tapissée par cette membrane : en
apparence, rien n’est plus facile ; en réalité, une telle tentative ofl're
de grandes difficultés, parce que les vessies aériennes, tendues
par la respiration de l’animal , viennent appuyer sur les parois du
ventre. Or, la ténuité des membranes est telle, que le moindre
contact des instruments les déchire: cependant, avec un peu d’a-
dresse et quelque patience, on parvient toujours à un bon résultat.
Lorsque la cavité péritonéale a été ouverte et que les muscles
abdominaux ont été rejetés à droite et à gauche du corps , aucune
bulle d’air ne s’est encore échappée; mais les vessies aériennes,
n’éprouvant plus aucun obstacle de la part des muscles abdomi-
naux , se distendent à chaque mouvement du thorax, et se gonflent
au milieu de l’eau qui les supporte de toutes parts, mais sans
jamais acquérir le volume auquel elles peuvent parvenir lorsqu’on
les insuffle artificiellement.
On a donc alors sous les yeux la preuve la plus évidente de
l’absence de toute communication entre les voies aériennes et le
péritoine.
Dès que l’on perfore les vessies aériennes, elles se vident, l’air
s’échappe, et elles disparaissent : à chaque mouvement inspiratoire
ou expiratoire de l’animal , de nombreuses bulles d’air sortent
avec force et traversent la masse du liquide.
Un phénomène particulier indirectement rattaché au sujet qui
m’occupe se manifeste pendant que l’on pratique les expériences !
précédentes. On en suit d’instant en instant les progrès, et au
premier aperçu , il pourrait faire croire à la présence de l’air au
milieu des liquides issus des vaisseaux sanguins, coupés sur l’a-
nimal vivant.
Le sang qui s’échappe se divise en deux parties; l’une colore
T)K I.A nF.Sl’IIUTIOK DANS T.F.S OISKAUX. 81
l'eau en s’y dissolvant : c’est le cruor ; l’autre est rapidement pré-
cipitée : c’est la fibrine.
Cette dernière substance se coagule en niasses irrégulières ,
tremblantes , qui ne renferment aucune apparence de bulles aéri-
formes au moment où elle se dépose. Mais , à mesure que la
coagulation s’accroît , on voit des globules aériens , remarqua-
bles par une transparence très grande , naître et se multiplier
dans l’épaisseur de ces amas fibrineux. Ils s’accumulent près
les uns des autres, et finissent enfin par être si nombreux , qu’on
pourrait croire, avant d’avoir suivi les phases de ce phénomène ,
qu’il est l’indice de la présence de l’air dans le tissu cellulaire.
Mais cette production d’un gaz , dont j'ignore la nature , ne
semble autre chose que le résultat de la séparation de l’air dissous
dans le sang; elle n’infirme en aucune manière l'opinion que j'a-
dopte, de laquelle il résulte que l’air ne traverse jamais, pendant
la vie , le tissu cellulaire des Oiseaux, et qu’il ne saurait dépasser
la limite des réservoirs aériens.
Sur des Oiseaux vivants placés sous l’eau, on ne rencontre d’air
que dans le tuyau des plumes; l’incision de ces organes le dé-
montre; mais il n’y est introduit que par l’extérieur du corps, et
non par l’intérieur.
On arrive à le croire, en disséquant attentivement sous l’eau le
tissu cellulaire de la base des plumes ; on peut même isoler ces or-
ganes des tissus auxquels ils adhèrent, sans qu’il sorte une bulle
d’air. D’autres expériences conduisent aux mêmes résultats.
Oue l’on prenne l’aile d’un Oiseau, qu’on isole l’humérus, scié
en travers à son tiers supérieur; qu’on attache cet os, à l'aide d’un
conduit de caoutchouc, à un tube long d’un mètre, et plus long
encore; lorsque cet ajutage est fixé solidement, que l'on rem-
plisse le tube de mercure ; on verra que , malgré l’énorme pres-
sion , les tuyaux des plumes resteront vides, et que pas une par-
celle du métal ne les aura pénétrés.
Ce résultat exclut donc formellement l’idée d’une communica-
tion des plumes avec les réservoirs aériens , par le moyen des os.
L’air que l’on rencontre dans les plumes n’y apparaît point a
toutes les époques du développement ; lorsque la plume est jeune,
3'[série T V. (Févri*r 'Sifi.,1 i ®
8‘2 , XATAI.IS MULOT. — SUR r.’APPARIÎII.
il n’y en a point encore dans le tuyau de cet organe : on ne dis-
tingue alors qu’une substance grasse qui s’élève à la surface de
l’eau. Ce n’est que dans les plumes déjà desséchées, où la matière
spongieuse et grasse a disparu , que l’on peut observer l’air entre
les membranes placées les unes après les autres dans toute la
longueur du cylindre corné de l’organe. On a déjà dit que cet air
pénétrait aussi par un trou placé à la partie intérieure de la plume,
dans le voisinage de l’endroit où naissent les barbules. Cette as-
sertion appartient à Jacquemin (1).
Dès que les anatomistes ont eu connaissance des dispositions
singulières de l’appareil respiratoire des Oiseaux, ils ont été na-
turellement conduits aussitôt à en rechercher les effets : aussi
trouve-t-on dans la science maintes opinions plus ou moins pro-
bables sur l’utilité possible des réservoirs aériens. L’une des opi-
nions admet qu’ils servent à la respiration en conduisant l’air, et
par conséquent l’oxygène, sur des surfaces dont les dimensions
sont plus considérables que celles des surfaces pulmonaires.
D’autres ont vu dans ces réservoirs des organes destinés à
aider mécaniquement la respiration, en faisant, à chaque inspi-
ration, revenir l’air du ventre jusque dans les poumons, et en
permettant à un air nouveau de retourner dans l’abdomen pen-
dant chaque expiration. Car on sait que l’air qui entre dans l’ab-
domen des Oiseaux, pour remplir les réservoirs aériens, y pénètre
pendant l’expiration , en sort pendant l’inspiration , tandis que
des mouvements contraires et opposés s’exécutent au même in-
stant dans le réservoir thoracique (2).
(1) Jacquemin, l. r. p. Jsti — Par l'intermédiaire des sacs aériens sous-
scapulaires et sous-fémorau\ , Pair pénètre aussi dans les cellules sous-cutanées,
et s'introduit dans le tuyau des plumes, si ce n'est par ces cellules , du moin9
par le trou qui est. à la base des barbules.
(2) R. Owen, I. c., p. 344 — » During the act of inspiration... the air then
rushes into the lungs and into the thoracic réceptacles; while those of the
abdomen become flaccid : when the sternum is raised on approximated towards
spine, part of the air is expelled from the lungs and thoracic cells by the trachea,
and part driven into the abdominal receptaeles , winch are tlius alternately en-
larged and diminished with those of the thorax »
DF. r.A RESPIRATION DANS I.ES OISEAUX. 83
D’autres observateurs, et Borelli le plus ancien de tous (1),
ont cru que ces réservoirs étaient destinés à rendre le corps de
l’oiseau plus léger , soit par la différente densité de l’air introduit
dans l’intérieur du corps et des os , soit par la dessiccation des
liquides médullaires contenus dans le squelette. 11 est vrai que les
travaux de Hunter, de Jacquemin et de plusieurs autres anato-
mistes , ont prouvé que nulle part la capacité des canaux des
membres et des vertèbres osseux n’était aussi étendue que dans
les Oiseaux dont le vol est rapide, et que nulle part cet air ne peut
être plus raréfié par la chaleur animale , et par conséquent plus
léger que dans l’intérieur de ces animaux.
On a cru de même que les réservoirs aériens étaient capables
de donner aux muscles et aux aponévroses un soutien énergique ,
propre à aider les mouvements et à favoriser la facilité du vol (2).
Hunter et plus tard Jacquemin ont supposé qu’ils aident beau-
coup la force et la durée du chant des Oiseaux. Beaucoup de
preuves viennent à l’appui de cette manière de voir.
Jacquemin (3) leur attribue plusieurs usages : « L’oxydation du
sang , l’augmentation de la surface du corps, afin que des muscles
vigoureux , tels que le vol en exige, trouvent des points d’attache
assez étendus ; la diminution de la pesanteur spécifique par la
dilatation de l’air, et le dessèchement des liquides de la moelle
dans les cavités osseuses; et dans l’élasticité que ces réservoirs
pneumatiques donnent au corps pour seconder concurremment
avec l’élasticité de l’air le vol des Oiseaux. »
Il est difficile, en présence de tant d’opinions contraires, d’en
(1) J. -A. Borelli, De motu animalium in Bibl. anut. Mangeli, t. II, 1685,
p. 895. — ci Augetur actio alarum ob diminutionem resistentiæ , quia corpora
avium minus ponderosa sunt in specie quant corpora hontinum et quadrupedum ,
scilicet pondus illarum ad horum pondus minorent proportionem habet quant moles
ad ntolem Hoc palet quia ossa avium fistulosa valde excavata et subtilia sunt ad
instar radicum pennarum ; scapulæ, costæ et brachia parum carnosa sunt, pectus
et abdomen amplas cavilates aereplenas habent, pennæ tamen et palmæ levissimæ
sunt ; unde duplici nomine augetur potentia alarunt ob virtutis motivæ ntusculo-
rum incremenlum, et ob diminutionem ponderis resislentis. »
(2) II. Owen, l. c., p. 34i.
(3) Jacquemin, I. c., p. .333.
%ll XATAMS «.(11,1.01. — SUR I.’APPAWTir.
admettre encore une de plus, analogue ou nouvelle. 11 vaut mieux
peut-être se taire longtemps encore sur des fondions que nous
ignorons , et ne pas se hâter de produire des idées antérieures à
toute espèce d’expérimentation. Que d’études restent encore à
entreprendre sur la densité, sur les variations de la température
et sur la composition chimique de l’air contenu dans les réser-
voirs aériens ! Que de conditions, que d’influences variées dont
l’action doit être étudiée , et qui malheureusement restent encore
en dehors des limites de nos connaissances !
Si d’autres devaient entreprendre ces recherches délicates , ils
ne pourraient arriver à des résultats précis qu’ après avoir compris
nettement l’arrangement général, et les détails de l’instrument
soumis à leur examen. C’est dans cette intention de préparer des
études physiologiques, de les rendre précises et plus intéressantes,
que j’ai tenté de faire mieux connaître quelques parties trop
vaguement indiquées , et dont plusieurs même peuvent être re-
gardées comme inconnues.
BÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
Les détails anatomiques et physiologiques exposés dans les
pages précédentes peuvent être indiqués par les propositions sui-
vantes :
1° L’air qui pénètre parla trachée-artère dans les poumons des
Oiseaux se rend par des orifices particuliers des bronches, non
dans une cavité thoraco-abdominale commune formée par la
plèvre et le péritoine , et de là dans toutes les parties du corps ,
mais dans des réservoirs distincts.
2° Les premiers de ces réservoirs sont, en majeure partie , si-
tués dans le thorax, les seconds sont renfermés dans l’abdomen.
3° Les réservoirs aériens thoraciques sont au nombre de quatre ;
l’un peut être considéré comme impair, les trois autres sont pairs
et généralement symétriques.
k° Je nomme le premier réservoir thoracique, réservoir infra-
laryngien; il conduit l’air du larynx dans le sternum et dans l’hu-
mérus. 11 est composé de trois cavités : l’une est placée en avant
LIE LA llliSl'lll.UlON DANS LES OISEAUX. 85
du cœur, sur la ligne médiane; les deux autres s’étendent et se
prolongent sur les parties latérales de la poitrine à l’extérieur.
5° Je désigne le second réservoir du thorax sous le nom de ré-
servoir supra-laryngien ; il conduit l’air dans l’intérieur des ver-
tèbres cervicales jusque dans les os de la lace , du crâne, dans la
caisse du tympan , et même dans le pharynx, par le conduit gut-
tural de l’oreille. 11 peut être, de chaque côté, composé de deux
parties, dont la dernière est souvent peu développée. La première
est située au-dessus du larynx inférieur, la seconde peut s’étendre
au-dessous des apophyses transverses des vertèbres dorsales.
G” Les troisième , quatrième réservoirs thoraciques sont placés
des deux côtés de la poitrine , entre le cœur, le foie et les côtes ;
le dernier d’entre eux se prolonge dans l’abdomen.
7° Les réservoirs aériens de l’abdomen sont au nombre de deux
de chaque côté.
8° L’un , réservoir supra-rénal , est placé au-dessus du rein ,
entre cet organe et la colonne vertébrale ; il conduit l’air dans les
vertèbres lombaires, dans les os du bassin , et dans un prolonge-
ment ampullaire placé près de la partie supérieure et interne de l’os
de la cuisse.
9' L’autre , réservoir infra-rénal , est représenté , de chaque
côté du ventre , par une énorme vessie aérienne transparente et
fort mince.
10“ Ces réservoirs thoraciques et abdominaux sont développés
au-dehors de la plèvre et du péritoine, membranes existantes
sans aucune perforation chez les Oiseaux , de même que chez les
Mammifères.
1 1’ Des artères, des veines, des vaisseaux lymphatiques et chy -
lifères, des nerfs, se répandent à la surface des réservoirs aériens.
12* L’air ne peut sortir de ces cavités aériennes pour se ré-
pandre dans la plèvre , dans le péritoine ou dans le tissu cellu-
laire du corps de l’Oiseau ; il parvient seulement dans l'intérieur
des os, mais il n’en dépasse jamais les limites.
86 NATALIS UlULOÏ. — APPAREIL RESPIRATOIRE DES OISEAUX.
EXPLICATION DES FIGURES
PLANCHE 3.
( Cette figure est destinée à représenter l'ensemble des réservoirs aériens des
Oiseaux, insufflés et placés dans la situation naturelle qu’ils occupent.)
al, a2. n3, ni, a5, réservoirs aériens thoraciques.
(, 1 , 62, réservoirs aériens abdominaux.
al , réservoir infra-laryngien ; partie médiane.
ai, réservoir infra-laryngien ; partie accessoire ou axillaire.
a3, réservoir supra-laryngien.
ai, réservoir sus-costal antérieur.
aS, réservoir sus-costal postérieur. 11 se prolonge des deux côtés dans 1 in-
térieur de l’abdomen; celui du côté gauche s'étend sur le gésier, et
descend plus en arrière que le précédent.
61, réservoir abdominal inférieur ou infra-rénal. Il est formé par d'énormes
vessies: l'une d'elles est complètement insufflée ; elle est située à
gauche
62, réservoir abdominal supérieur ou supra-rénal.
PLANCHE k.
(Cette figure est destinée à représenter les réservoirs aériens du thorax et de l'ab-
domen , ouverts, ainsi que la disposition du réservoir supra-rénal.)
al , réservoir infra-laryngien ouvert , et dont la cavité renferme le larynx ; il
est incisé en i pour laisser voir l'intérieur du réservoir supra-larvngien.
a2, prolongements axillaires du réservoir infra-laryngien.
k, ouverture de communication entre les deux parties du réservoir infra-
Jaryngien , c'est-à-dire entre la portion médiane et la portion axillaire
ou sous-scapulaire.
a3, réservoir supra laryngien, dont on n'aperçoit que l'extrémité supérieure.
Cette cavité est ouverte en i par une section de la paroi qui la sépare
du réservoir infra-laryngien.
«3', cellule aérienne placée à la base de la poitrine, et recevant l'air du réser-
voir supra-laryngien par le moyen des conduits aériens des vertèbres.
«4, réservoir sous-costal antérieur ouvert. La face supérieure de ce réservoir
est séparée du poumon par le diaphragme, et les deux feuillets de la
plèvre placés au-dessus de ce muscle.
c,d,f, ouvertures bordées de quelques replis membraneux qui permettent à
l'air de sortir des bronches,
no, réservoir sous-costal postérieur.
g, ouverture par laquelle l'air entre dans cette cavité.
«AT ET P. GEICYAIS. — SUR UES CERFS UE l’AMÉR. MÉRID. 87
61 , limites supérieures du réservoir infra-rénal ouvert dans toute son étendus.
h, ouverture par laquelle il reçoit l'air des poumons.
61', ouverture par laquelle il communique avec le réservoir supra-rénal placé
au-dessus du rein.
j), veines i’iaques et rénales situées à la face supérieure du réservoir infra-
rénal.
62 , réservoir supra-rénal étendu depuis la base de la poitrine jusqu'à l'extré-
mité du bassin.
62', prolongement fémoral de ce réservoir.
q, artère iliaque qui est séparée du réservoir supra-rénal par l'épaisseur du
rein.
/, aorte.
n, n, artères pulmonaires.
m,m, veines sous-clavières.
o, o, veines pulmonaires.
REMARQUES
sir ue CAPE l PUDU et h'EQUUS BISfLCUS de Mouina;
Par MM. GAY et PAUL G ER VAIS (I
Les auteurs qui ont écrit sur la mammalogie depuis Molina
ont fréquemment critiqué les renseignements qu’il nous a laissés
sur les Mammifères du Chili, et malheureusement on doit avouer
que, dans bien des cas , les documents publiés par ce naturaliste
sont si incomplets, et même d’une inexactitude si évidente, qu’ils
justifient la défiance générale avec laquelle ils ont été accueillis,
et la sévérité des critiques qu’ils ont fait naître. Mais ce peu de
confiance des naturalistes dans les écrits de Molina a fait oublier
trop souvent ce qu’ils renferment de bon et de positif. Dans plu-
sieurs circonstances, on a donné comme nouvelles des espèces qui
ne diffèrent point des siennes; et, parmi ces espèces, il en est
qu’on aurait aisément reconnues , si l’on avait pu tenir quelque
compte de ses descriptions. L’étude que nous venons de faire des
Mammifères du Chili, étude dont nous publierons prochainement
(1) Ce travail est destiné à la partie mammalogique de 1 Histoire du Chili, que
M. Gay publie en langue espagnole.
SL U LUS ESPECES L)li CEKl'S
88 U4f ET F. «EKVAIS.
les résultats, nous a montré plusieurs fois la justesse de cette
remarque, et l’animal dont nous parlerons d’abord dans cette
note est un des plus remarquables parmi ceux auxquels elle est
applicable.
Cervus pudu. — Molina a fait connaître sous le nom de Pudu
un petit Ruminant du Chili, appelé Venado par les Espagnols,
c’est-à-dire Chevreuil; mais, comme il le rapporte au genre des
Chèvres, sous le nom d eCaprapudu, la plupart des naturalistes qui
ont voulu le classer ont dù éprouver de véritables difficultés. C’est
pour cette raison, sans doute, que beaucoup d’entre eux l’ont
complètement passé sous silence, tandis que d’autres en ont fait
successivement une Chèvre, à l’exemple de Molina, un Mouton,
ou même une Antilope.
Nous nous proposons de démontrer que le Pudu est, au con-
traire, une espèce du genre Cerf fort rapprochée des Cervus rufus
et nemorivagus , et qu’il a été décrit, depuis Molina, comme un
animal d'espcce nouvelle, erreur qu’il était peut-être bien difficile
d’éviter, à cause du petit nombre de documents qu’on avait pu
recueillir lorsqu’on en fit la publication.
Yoici ce que Molina rapporte au sujet de son Pudu :
a C’est une espèce de Chèvre sauvage de la grandeur d’un Che-
vreau de six mois, de poil brun; le mâle seul a des cornes, qui
sont très petites. Les Espagnols le nomment Venado ou Chevreuil ;
mais c’est à tort, car il ne lui ressemble point du tout; il a, au
contraire, le caractère de la Chèvre, à l’exception de la barbe ,
qui lui manque entièrement. Le Pudu a, en outre, des cornes
rondes, lisses et tournées en dehors. Les animaux de cette espèce
descendent des Andes au commencement de l’hiver, en troupes
très nombreuses, pour paître dans les plaines des provinces aus-
trales. Les Chiliens les prennent alors en quantité, tant pour les
manger que pour les élever chez eux , ce qui réussit très bien ;
car les Pudu sont naturellement fort doux, et ils se font prompte-
ment à l’état de domesticité. »
Nous avons pu étudier les caractères de ces Venado du Chili
sur deux exemplaires, et il est incontestable que ces animaux ap-
81»
DIS I.’.UIlÎRlQUJi MÉRIDIONALE.
partiennent à la famille des Cerfs. Malheureusement, ces deux
exemplaires ne sont pas encore adultes. Voici la description que
nous en avons faite :
Couleur générale rousse, finement tiquetée, sur la plus grande
partie du corps, de roux plus ou moins vif. Le front et le sinciput
ne sont pas tiquetés ; les poils de cette partie, un peu plus longs
que ceux d’alentour, sont en manière de petite houppe , à peu
près comme-dans les Antilopes nommées Grimms. Sur les oreilles,
le menton, les canons et les quatre pattes, les poils sont d’un
roux cannelle ; ils n’y sont pas tiquetés. Le devant du cou, la poi-
trine et le ventre, ainsi que la face interne des bras et des cuisses,
sont d’un roux plus grisâtre. La région nasale , la base du cou ,
en dessus et l’origine de la queue passent au roux noir. Les poils
ne sont pas très forts ni bien longs; mais ils sont cassants, de
longueur médiocre , et n’affectent point la disposition spirale
propre à ceux de beaucoup d’animaux du genre Cerf. A la région
dorsale, ils sont cendrés vers leur base, c’est-à-dire dans la por-
tion cachée, qui occupe plus de la moitié de leur longueur; le
reste est marqué d’un large anneau noir luisant, et d’une annelure
de couleur roux-cannelle assez vif, placée près de la pointe. (Quel-
ques uns n’ont point de roux.
Ces animaux sont peu élevés sur jambes ; leurs proportions
sont assez trapues; leur tète est forte et raccourcie, mais leurs
jambes sont assez faibles. Voici leurs dimensions :
Longueur du corps et delà tète 0,73
— des oreilles 0,07
Hauteur au garrot 0,3i
Le seul crâne que nous ayons vu est celui du mâle. Ainsi que
nous l’avons déjà dit , cet exemplaire n’a point encore les carac-
tères de l’adulte. Comparé à celui d’un Cervus simplicicornis
[Cerv. rufusel nemorivagus, F. Cuv.) de môme âge, le crâne du
Pudu montre diverses particularités qui ont évidemment une va-
leur spécifique. Il est moins allongé, plus élevé dans sa partie
frontale, et pourvu d’un enfoncement considérable subcirculaire
pour le larmier, tandis que le Cervus simplicicornis n’a point d’en-
90 «AT ET P. SERVAIS. — SUR LES ESPÈCES DE CERFS
foncement distinct pour cet organe. Contrairement encore à ce
qui a lieu dans ce dernier, l’os incisif ne se joint qu’au maxil-
laire, sans remonter jusqu’au nasal. Comme dans les Gouazou-bira
(Cerv. nemorivagus) , il y a ici de petites canines à la mâchoire
supérieure. 11 n’y a encore qu’un faible indice des bois.
Le petit Ruminant du Chili , que les habitants de ce pays nom-
ment Venado, est donc une espèce fort voisine du Cervus simpli-
cornis ( C . rufus et nemorivagus) , mais néanmoins distincte. Ce
n’est pas une Chèvre, comme le pensait Molina, et nous devons
changer son nom en celui de Cervus pudu. Ainsi s’explique le
caractère qu’il présente de manquer de barbe , et les cornes très
petites, rondes et lisses, qui surmontent son front, d’après l’au-
teur chilien.
Voyons quels renseignements publiés par des naturalistes ré-
cents peuvent lui être appliqués.
M. Pœppig (1), qui a donné de très bons documents sur le
Chili, parle d’un petit Cerf de ce pays qui nous paraît être le
prétendu Capra pudu. Voici ce qu’il en dit :
« Chevreuil non signalé par Molina. 11 habite les parties les plus
élevées du Chili. Cet animal, qui doit s’y trouver en grand nombre,
n’a guère que deux pieds de hauteur, et égale un chien de moyenne
taille. Comme je n’en ai vu qu’une femelle apprivoisée, je ne puis
rien dire de décisif sur l’espèce : cependant il se pourrait qu’elle
lut déjà mentionnée parmi celles qu’a décrites Azara. »
Il nous semble inutile d’insister sur la similitude presque com-
plète de cette note de M. Pœppig avec ce que Molina rapporte au
sujet du Venado.
Il paraîtra plus évident encore que c’est la même espèce que
feu M. Bennett a décrite sous le nom de Cervus humilis, et dont
il n'a vu, comme M. Pœppig, qu’une femelle domestique. Celle-ci
a vécu à la ménagerie de la Société zoologique de Londres , qui
l’avait reçue du Chili. M. Bennett en établissait ainsi provisoire-
ment la diagnose :
. fl) Froriep's Notisen , 1829 . — BulUlin unir, de Férussac, t. XIX, p. 95
(1829).
91
PE l’amérique méridionale.
Cervus parvus, obesus, breviceps; facie lata, brevi, obtusa;
fissura infra-orbitali mediocri ; cauda subnulla ; corpore toto rufo,
antice nigrescenti ; postice, fronte, pedibusque inferioribus satu-
ratioribus; infra-dilution; altituda ad humeros vix 1 1/2 ped. ;
longitudo caudæ unciam superans.
A cette caractéristique, facilement applicable aux individus que
nous avons observés, Bennett ajoutait, d’après le capitaine king,
qu’une peau de la même espèce avait été rapportée par ce navi-
gateur en Angleterre, et que le jeune âge de l’espèce est tacheté
de jaunâtre , et présente une bande de même couleur de chaque
côté du dos. D’après M. king, ces petits Cerfs sont abondants à
la Conception, et on les rencontre dans des régions aussi australes
que l’archipel de Chiloë. Ils vivent par petites bandes.
Ainsi le Venado ou Pudu est un Cerf, et non une Chèvre ; ce
Cerf se rapproche du Cervus simplicicornis, mais il n’est pas de la
même espèce; M. Pœppig en a parlé depuis IWolina ; feu Bennett
l’a décrit d’une manière plus reconnaissable ; mais la science ne
possède point encore tous les renseignements nécessaires à son
égard; la dénomination de Cervus humilis conviendrait bien à
cette espèce: cependant les règles suivies dans la nomenclature
zoologique veulent qu’on l’appelle Cervus pudu, le nom spéci-
fique donné par Molina devant être préféré à tout autre, comme
plus ancien.
M. Pœppig avait bien jugé des affinités de cette espèce en la
rapprochant des petits Cerfs de d’Azara. Ses caractères extérieurs
et anatomiques montrent néanmoins qu’elle ne doit être confondue
ni avec le Gouazou-bira ni avec le Gouazou-pita.
Cervus cuilensis. — Une autre espèce de Ruminant du Chili,
bien distincte de la précédente, de taille plus forte, et vivant dans
les régions les plus élevées, appartient aussi au genre Cerf, et
l’un de nous en a déjà fait paraître une figure dans son ouvrage
sur le Chili, sous le nom de Cervus cuilensis. D’après les ren-
seignements qu’il a pu se procurer, ce Cerf, dont l’espèce est
également distincte de toutes celles qui vivent dans les autres par-
92 «Aï ET P. «EKÏAIS. SL U I.ES ESPÈCES DE CEIU'S
ties de l’Amérique méridionale, serait le Gemul (Equus bisulcus)
de Molina.
Comme l 'Equus bisulcus est un des animaux décrits par ce
naturaliste qui ont le plus embarrassé les savants , c’est par ses
caractères zoologiques que nous devons commencer.
Le Guamul des Chiliens, ou Cervus chilensis, dont nous n’a-
vons vu qu’un seul individu, actuellement déposé dans les gale-
ries du Muséum de Paris , est une espèce très rapprochée , par
sa taille , par son crâne , et même par son pelage , du Cervus
antisensis découvert dans les Andes boliviennes et dénommé par
M. Alcide d’Orbigny. Nous ne pouvons dire, néanmoins, jusqu’à
quel point il s’en rapprochait par la forme des bois : l’exemplaire
dont nous venons de parler était encore trop jeune.
Son pelage est brun fauve , et rappelle , de même que celui du
Cervus antisensis , le Chevreuil d’Europe en habit d’hiver. Ses
poils sont également longs et cassants ; ils sont de même flexueux
ou ondulés en spirale dans leur partie cachée. Tout le corps est
tiqueté de fauve plus ou moins doré. Chaque poil est brun en-
fumé dans sa plus grande longueur, et montre, près de sa pointe,
un anneau plus vif de la même couleur, et ensuite l’anneau jaune-
paille ou jaune doré qui occupe une longueur de 2 lignes environ,
et qui est suivi d’une petite portion noire placée tout- à-fait à la
pointe du poil , mais dans une étendue qui excède un peu celle
de la portion jaune. La tête , la face externe des oreilles , le cou ,
en dessus et en dessous, le dessous de la gorge, le dos, les lianes,
la poitrine, la région fessière, les membres (en un mot, presque
tout le corps) , sont garnis de poils ainsi colorés, c’est-à-dire
tiquetés. La queue est brune en dessus et blanchâtre en dessous,
et à la pointe , ainsi que la région anale , qui est entourée de poils
plus longs et se redressant probablement comme ceux du Che-
vreuil, sous l'action du peaucier. Il y a du blanc, lavé d’un peu
de fauve, aux régions inguinale et mammaire, ainsi qu’à la face
interne des cuisses et de l’avant-bras. La portion moustachière
de la lèvre supérieure et la face interne des oreilles ont des poils
également blanchâtres ; mais la partie de la lèvre la plus voisine
du mufllé est noirâtre, ce qui n’a pas lieu dans le Cervus anli-
DF. I.’ AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. 93
semis. Le menton est fauve-blanchâtre. Il y a du brun sur le bord
de la conque auditive, et une ligne de la même couleur borde les
sabots. La poitrine et le ventre sont plus bruns que le reste du
corps; les canons sont de couleur fuligineuse. Les poils, longs
partout, le sont davantage à la région fessière et aux lianes.
Longueur de la tête et du corps 1 ,20
— de l'oreille 0,17
— de la queue 0,10
Hauteur au garrot 0,70
Le Cervus chilensis est trapu. Le crâne de l'individu que nous
décrivons n’a encore , à la place où devaient s'élever les bois ,
c’est-à-dire au-dessus et un peu en arrière des orbites, qu’une
faible saillie. Quatre paires de molaires seulement sont sorties
hors des alvéoles : trois de lait , et la quatrième d’adulte. La mâ-
choire supérieure a de petites canines. Le crâne est de la gros-
seur de celui du Gouazou-ti ( Cervus campestris ) ; mais il en dif-
fère par plus d’aplatissement au chanfrein , par sa région inter-
oculaire plus carrée , par plus de saillie du bord externe de la
région supra-oculaire du frontal. L’enfoncement du larmier est
aussi plus considérable sur ce crâne , au contraire du foramen
naso-maxillaire, qui est un peu moins grand. Les dents incisives
du Cervus chilensis ont la même proportion que celles du Cervus
anlisensis, mais elles sont un peu plus petites. L’espace inter-
orbitaire est plus large que dans ce dernier. L’os incisif remonte
jusqu’aux os du nez et se joint à eux dans une longueur de 0'", 020 ;
chaque os nasal est un peu échancré à son bord antérieur; la su-
ture maxillo-palatine est transverse ; le crâne a 0‘", 21 de longueur
totale.
Voici donc une deuxième espèce de Cerf à ajouter à la liste de
celles qui vivent dans l’Amérique méridionale. Il est probable que
le nombre en sera encore augmenté, et les collections possèdent
déjà quelques pièces qui pourraient mettre les naturalistes sur la
voie de ces découvertes. Ainsi G. Cuvier fait connaître , comme
se rapportant au Cervus virginianus , des bois envoyés de Cayenne
par M. Poiteau ; mais il est évident qu’ils sont d’une aulre espèce.
SI T. LES ORGANES
Ç)/i j. ni'um —
Ces bois sont petits, épineux, à un seul andouiller, etc. Nous
signalerons cette espèce à l’attention des zoologistes, sous le nom
de Cervus spinosus. Une autre , qu’on pourrait appeler Cervus
Goudotii, vit dans les régions élevées de la Nouvelle-Grenade.
M. Justin Goudot, qui nous l’a indiquée, en a rapporté un bois
aujourd’hui déposé au Muséum de Paris. Ce bois est de forme
lyrée, de moitié moins grand que celui d’un Axis, et pourvu d’un
seul andouiller basilaire postérieur. Ces deux espèces, celles que
nous venons de décrire et le Cervus antisensis de M. d’Orbigny,
portent à cinq le nombre de celles qu’on a découvertes depuis
assez peu de temps dans l’Amérique méridionale, et dont il n’est
point encore question dans la plupart des ouvrages usuels de
mammalogie.
MÉMOIRE SUR LES DIFFÉRENCES TYPIQUES,
INCONNUES JUSQU'A PRÉSENT,
DES ORGANES DE LA VOIX DES PASSEREAUX;
Par M. J. MULLER (I).
Jusqu’à ce jour, on s’en est toujours rapporté aux recherches
de Cuvier sur le larynx des oiseaux chanteurs.
D’après ce travail , l’appareil multi-musculaire servant au
chant est composé de cinq muscles qui soulèvent les demi-cer-
ceaux les plus mobiles des bronches, le second et le troisième, par
leur périphérie antérieure et postérieure , et modifient leur posi-
tion , ainsi que celle du ligament vocal , par rapport au courant
d’air. Cuvier trouva généralement ces muscles chez les Moineaux,
les Pinsons, les Mésanges, les Merles, les Grives, les Embérises,
les Alouettes, les Corbeaux, les Corneilles, les Casse-Noix et les
Pies, et il déclare qu’ils sont communs à tous les Passereaux,
à l’exception des Cypselus, Caprimulgus et Coracias, qui n’ont
(I ) Extrait du Rapport mensuel de l'Académie des Sciences de Berlin , séance
du 26 juin 185-ü. Traduit de l'allemand par Vf H. Lebert.
DE I.A VOIX DES PASSEREAUX.
95
qu’un muscle simple de chaque côté du larynx inférieur, comme
beaucoup d’Oiseaux, que l’on n’a jamais comptés parmi les Passe-
reaux, mais qui appartiennent aux ordres des A ccipitres, Scansores
et Palmipèdes. Savart confirma ces observations sur tous les points
essentiels ; il décrivit six muscles , trois paires antérieures et trois
postérieures chez les Corbeaux, les Laniers et les Étourneaux,
cinq (dont deux antérieures) chez les Grives et les Alouettes.
Nitzsch a signalé, dans l’ouvrage de Naumann sur les Oiseaux,
la présence de l’appareil multi-musculaire servant au chant dans
tous les genres d’Oiseaux chanteurs européens qu’il a pu examiner.
Il voulut, dans ses divers Mémoires ornithologiques, séparer
les Oiseaux privés de cet appareil, des Oiseaux chanteurs ou Pas-
sereaux. Il chercha avec ardeur pour les Oiseaux chanteurs
d’autres caractères ostéologiques , splanchnologiques et angiolo-
giques ; il en est résulté des particularités et des différences orni-
thologiques fort intéressantes ; mais aucun de ces caractères n’a de
valeur absolue, et pour chacun d’eux il y a de notables exceptions.
Beaucoup d’Oiseaux , auxquels l’appareil multi-musculaire man-
que , ont pourtant l’apophyse épisternale fourchue [yabelforlsalz)
à la partie antérieure du sternum et l’échancrure simple de cet
os, comme les A mpelis, Gymnocephalus , Rupicola, Pipra, Opetior-
rhynchus, T hamnophilus , Tyrannus, Elœnia, etc. Toutes ces dif-
férences ostéologiques des Passereaux deviennent insignifiantes,
aussi bien que celles des Gallinacés ; de même qu’il y a chez ces
derniers des genres avec une et avec deux échancrures ( Cryp -
taras, Hemipodivs) , de même on rencontre parmi les Passereaux
desOiseaux à une et à deux échancrures ( Pteroplochus , Colins ); et
tandis que quelquefois cette échancrure se réduit à un trou [A mpe-
lis) , le sternum devient dans quelques cas tout-à-fait solide ( Tro -
chilus, Cypselus). Nitsch désignait comme étrangers au type des
Passereaux les genres Trochilus, Cypselus, qui, avec YHémi-
proene, forment pour lui la famille des Macrochires ; les genres
Vpupa, Buceros, Epimachus , Alcedo , qu’il réunit avec la famille
des IÀpoglossœ ; et les genres Caprimulgus, Ayctornis, Podaryus,
Coracias, Merops, Calbula, Cuculus , Phœnicophœus, Coceyyius,
Ceidropus, Crotophaya , Scythrops, /.eptosomatus , Indirator,
J. Ml I. LP.lt.
SUR LES ORGANES
90
Trogon , qui forment la famille des Cuculinœ. Viennent ensuite
les Psittacinœ , et enfin les Amphibolœ : Musophaga, Clusio .
Opisthocomus. Nitsch exposa sa classification d’une manière plus
étendue dans son système de Ptérulographie , dans lequel il prit
en considération la distribution des plumes ( Federfluren ) , ce qui
du reste n’est pas une donnée très fertile. Dans son travail , la
tribu des Picariœ renferme les Macrochires , Capromulginœ ,
Todhlce , Cuculinœ, Picinœ, Psittacinœ, Lipoglossœ, Amphiboles.
Le mérite des travaux de Nitsch devait donner un grand poids
à ses vues systématiques : aussi ces dernières ont-elles été appré-
ciées et adoptées par des zoologistes distingués d’Allemagne.
Prenant pour définitives et bien constatées les différences entre
les Oiseaux chanteurs et les Picariœ , plusieurs ornithologistes
s’efforcaient de constater, surtout pour cette tribu, des différences
extérieures. Dernièrement , M. Sundevall a trouvé une différence
dans l’arrangement des pennes-tectrices des ailes, et il en a fait
une application qui conservera sa ' valeur pour caractériser les
genres et les familles, sans qu’on en puisse faire un caractère
universel. Mais la distinction entre les Oiseaux chanteurs et les
Picariœ, d’après une différence interne constante, supposée par
Nitsch, est tout-à-fait insuffisante, d’après mes recherches ana-
tomiques sur les organes de la voix, recherches faites sur un
grand nombre de genres. L’organe de la voix des Passereaux
n’offre nullement une structure aussi concordante. Les différences
typiques les plus importantes sont restées inconnues jusqu’à pré-
sent. Le larynx avec un seul muscle, tel qu’il doit être chez les
Picariœ particulièrement, se retrouve chez de nombreux genres
américains classés parmi les Oiseaux chanteurs. Il existe , en
outre , d’autres configurations plus complexes du larynx avec un
ou plus d’un muscle , basées sur de tout autres principes, et dif-
férant complètement du larynx typique , regardé comme propre
aux Oiseaux chanteurs. La musculature la plus compliquée, quant
au nombre des muscles, est, il est vrai, l’appareil des muscles canta-
teurs. Mais il existe une forme de l’organe vocal bien plus muscu-
laire, qui est mise en jeu pour produire les tons les plus sonores,
ceux qui sont aussi susceptibles de modulation ; cette forme
DF. LA VOIX DES PASSEREAUX. 97
qui se rencontre chez les C hasmarliynchits , n’a pas le moindre
rapport avec la construction de l’appareil ordinaire du chant.
La plupart des Ampelines de Swainson ou de Nitsch, connue
les Cephalopterus, n’ont (d’après la description de Tschudi) qu’un
seul muscle mince, conforme au type des Picariœ de Nitsch, et,
par conséquent, ne seraient pas des Oiseaux chanteurs; ils sont
aussi organisés comme le Gymnocephalus (G. calvus ), Ampelis ou
Cotinga [A. pompadora) , R upicola [II. cayana);\e Gymnocephalus
ressemble aussi au Cephalopterus par la dilatation de sa trachée.
Tous ces Oiseaux n’ont au larynx qu’un seul muscle très mince,
qui se montre comme le prolongement des muscles latéraux de la
trachée. Ceux-ci devraient être, d’après les principes de Nitsch ,
classés parmi les Picariæ , comme déjà l’avaient été, par la même
raison, les genres Coracias, l papa, Caprimulgus, Cypselus ,
Merops, Alcedo, Prionitis, Todus et Buceros.
La famille des Ampelines S\v. et Nitsch., composée d’éléments
assez hétérogènes, contient aussi des Oiseaux qui possèdent un
appareil musculaire servant au chant , ce sont les Bombycilla ; en
outre, on y rencontre le plus fort développement musculaire du
larynx qu’on puisse trouver parmi tous les Oiseaux, mais con-
struit d’après un modèle différent de l’appareil du chant : je veux
parler de l’appareil propre aux Chasmarhynchus.
Mais une élimination des Oiseaux étrangers devient déjà tout-
à-fait impossible dans une autre tribu. Dans la famille des Laniades,
parmi \esLanius Cu v. , il y a des Oiseaux à appareil musculaire ser-
vant au chant, ce sont les Lanius européens et africains, et les Bari-
las australiens; les types de l’Amérique du Midi , Thamnophilus,
Vieill., n’ont point de larynx multi-musculaire, et n’ont qu’un seul
muscle. D'après cela, la sous- division de la famille les Tliamno-
phili S\v. n’est point fondée; car les Malaconotus S\v. concordent
tout— à-fait avec les J.anius pour l’appareil du chant ; et ce genre
Malaconotus est, en général, peu admissible, comme bien d’autres
genres, qui ne sont pas établis d’après des recherches anatomi-
ques. On retrouve, par contre, le muscle simple et le larynx par-
ticulier des Tlnimnnphilus dans les Myiothères, que l'on a classés
ailleurs.
3" série Znm T V ( Février 1846.' r* 7
J. IHCLLER.
Sl’R I.ES ORGANES
98
Les Opêtiorhynchus n’ont point l'appareil du chant ; ils ont, de
chaque côté, deux muscles, et leur larynx particulier se rapproche
surtout de celui des Thamnophilus et des Myiothera.
Le genre Muscicapa Cuv. offre des différences encore plus
grandes que les Lanius Cuv. Les Muscicapa, dans le sens le plus
strict, parmi les Oiseaux de l'Europe et de l’Afrique , les Musci-
peta africains Sw. et le Platyssora Jard. , Selb. , ont seuls l’appa-
reil multi-musculaire des Oiseaux chanteurs européens. Les Mus-
cicapides américains n’ont qu’un seul muscle, parfois épais comme
dans les Tyrannus, Elœnia, Platyrhyncus , et parfois très mince,
comme dans les Myiobius, Myonectes, Pyrocephalus.
Les Piprides n’ont point d’appareil multi-musculaire; ils n’ont
qu’un seul muscle servant au chant, tantôt épais, tantôt mince.
Plus de la moitié des Passereaux américains examinés n’ont
point l’appareil musculaire particulier du chant qui, en Amérique,
se retrouve dans les familles ou genres Fringilla, Tanagra,
Sylvia, llirundo, Cassicus, Tardas, Dolichonyx, Sturnella , Nec-
tarinia, et leurs sous-genres.
D’un autre côté, l’appareil musculaire du larynx devient plus
compliqué dans plusieurs des Picariæ de Nitsch , ou des Cor-
cyges Sundevall , dans les Colins, encore plus dans les Trochilus
et Psitlacus , même les Alccdo , dans lesquels Nitsch n’a pas
trouvé trace d’un muscle; ils se rapprochent des Tyrannus par
leur muscle cantateur large, mais simple.
Ce muscle unique, qui, dans quelques Passereaux de Nitsch,
s’est déjà notablement aminci, disparaît tout-à-fait dans quelques
Picariæ, dans les Prionites, les Trogon, Rhamphastos, Corythaix.
Description de formes nouvelles du larynx.
Organes de la voix du Chasmarynchus. — La forme extérieure,
représentée dans une planche du prince Max de Yied , fait déjà
voir que le larynx inférieur du C ' kasmarhynchus nudicoUis est très
charnu; mais elle laisse douter si cet appareil est. celui du chant
ou non.
On sait que ces oiseaux se distinguent par leur voix sonore, que
f)E LA VOIX DES PASSEREAUX.
•99 .
le prince Max compare au son clair d’une cloche; les sons sont
isolés, soutenus, quelquefois assez rapprochés, comme lorsqu’un
forgeron frappe à coups réitérés sur son enclume. D’après M. Rich.
Schomburgk , qui observa surtout le Chaitnarhynehus caruncu-
latus , ces tons sont aussi modulés. J’ai examiné l’organe de la
voix des deux genres. Au dehors , il paraît sous la forme d’un
manteau uni et charnu, qui couvre toutes les parties du larynx,
depuis la ligne médiane antérieure jusqu’à la postérieure, se
jette même encore, inférieurement, entre les bronches et sur le
tambour (Buegel), et se renforce sur le tambour, dont la moitié
est encore couverte de chair à sa partie antérieure. De cette ma-
nière, la masse charnue qui recouvre le larynx forme avec celui-ci
deux sphères unies dans leur milieu. Toutes les fibres antérieures,
latérales et postérieures ont le même trajet de haut en bas, et on
ne peut pas les séparer en plusieurs muscles distincts. Il est très
singulier, et même sans exemple, que la plus grande partie de
cette chair musculaire ne soit pas destinée au mouvement des demi-
cerceaux des bronches, mais s’insère entre le bord inférieur du
larynx et le premier demi-cerceau, sur la membrane muqueuse;
les fibres musculaires descendent en arc, et leurs extrémités sont
implantées verticalement sur la membrane muqueuse. Ainsi se
forme un labium musculeux à la paroi externe des organes vo-
caux , à l’entrée de chaque bronche. Ce labium a deux faces, une
descendante plus grande, et une inférieure plus petite, qui se
tourne vers le premier demi -cerceau. Sur l’arête qui forme ce
point de jonction des faces du labium se trouve une expansion
élastique, le ligament vocal externe.
La masse musculaire du labium forme la partie épaisse et pro-
fonde de la masse charnue. La partie superficielle des fibres mus-
culaires forme tous les faisceaux charnus qui se rendent au
labium, et sert à mouvoir le premier et le second demi-cerceau
des bronches. Le premier demi-cerceau en est complètement en-
veloppé, ainsi que la partie antérieure et postérieure du second.
Il n’v a point de séparation entre les couches superficielle et pro-
fonde du muscle, qui est tout-à-fait uni. Près des lignes médianes
antérieures et postérieures, les fibres musculaires provenant du
J. MILI.KK. — sur. LUS OUGAiSES
100
larynx se contournent vers l’interstice , entre les deux bronches,
et en arrière, vers une extrémité cartilagineuse du larynx, au
moyen de laquelle la membrane tympaniforme peut être tendue,
et se tournent enfin vers cette membrane elle-même.
Dans le Chasmarhynchus carunculatus , une longue bande mus-
culaire se dirigeant d’arrière vers la membrane tympaniforme,
fournit quelques faisceaux élastiques qui s’étalent dans cette mem-
brane même. La partie antérieure du tambour (Buegel) est recou-
verte d’un muscle transversal particulier, qui tend cette mem-
brane. Le Ch. carunculatus n’a point un ligament vocal interne,
qui existe dans le Chasmarhynchus nudicollis, où il est même très
fort et très épais; il est situé latéralement à côté clu tambour? fixé
en arrière à l’extrémité cartilagineuse qui , du larynx , va au bout
du premier cerceau, et antérieurement à un muscle qui embrasse
le ligament, comme lorsqu’on saisit et attire une corde à pleine
main. Cette couche musculaire, située sur le tambour, provient
en partie de la face antérieure du larynx, et en partie elle con-
tinue à prendre origine dans le tambour, de manière que les fibres
vont obliquement du dedans au dehors.
Le larynx du Ch. nudicollis est encore plus musculeux que
celui du Ch. carunculatus. Chez l’un et l’autre, le nerf de ces
masses charnues, branche des pneumogastriques, est très fort.
Le muscle sternotrachéal prend son origine antérieurement, et,
comme dans beaucoup d’autres Passereaux, il n’a point de con-
nexion avec les muscles latéraux de la trachée.
Organes clu chant du Tliamnophilus , Myiothera, Opetiorhyn-
chus. — Ces trois genres offrent, une structure des organes de la
voix, dont aucun exemple n’est connu jusqu’à présent parmi les
Oiseaux. Les demi -cerceaux des bronches ne vibrent pas sous
l’action de muscles; la partie vibrante se trouve dans la trachée
elle-même. Les anneaux ordinaires et larges de la trachée cessent
brusquement avant la division , puis vient une portion de la tra-
chée finement membraneuse, aussi longue que large, aplatie d’a-
vant en arrière, se terminant avec un anneau de la trachée, à la-
quelle se joignent les bronches. La partie membraneuse de la
trachée renferme cinq, six on sept anneaux très délicats, appa-
UE l.\ \UI\ UES l’ASSEKKAlX.
101
l aissant comme des lignes, fixés sur les côtés, là où ils sont inter-
rompus, par un ligament longitudinal; ce sont ces demi-cerceaux
qui vibrent dans la trachée, avec une membrane intermédiaire
qui les unit. La paroi membraneuse de la trachée, dans le C. tham-
nophilm et dans le Myiolhera, est raccourcie, de chaque côté,
par un muscle qui va de l’extrémité solide au dernier anneau de
la trachée, au-dessus de la division. Les Thamnophilm se dis-
tinguent encore en ce que le muscle sterno-trachealis a deux chefs,
dont l’un naît à la surface solide de la trachée, au-dessus de la
partie membraneuse , et l’autre provient de cette partie elle-
même, près du ligament qui contient les anneaux vibrants, au-
dessus de la division de la trachée en bronches. Ont été examinés :
Thamnophilm nævius ( Lanius nœvim L. , Gm.), Thamnopliilus
guttatm Spix [Lanius meleager Licht, Doubl., Ver. , /i91 ) , Tham-
nophilm cri status Pr. , M.
J’ai examiné, du genre Myiolhera , le M. margaritacea Mus.
Berol. (près du Thamnophilm gularis Spix). Ces deux genres, de
Swainson et Gray, sont mal placés; ils se rapprochent beaucoup,
tant par leurs caractères internes qu’externes, et doivent se trouver
dans une famille de T hamnophilini ou de Myiotherini , quoique
suffisamment figurés comme genres par les jambes (Làufe), qui,
dans le Thamnophilm , portent de grandes plaques en arrière.
Les Fnrnarii, dont les types sont le F urnarius Vieill. . Opetio-
rhynchus Temm. , Figulus Spix , ont aussi à la trachée m e partie
inférieure plate et membraneuse, munie d’anneaux vibrants très
fins. La structure diffère sur plusieurs points importants, et offre
des rapports particuliers. La partie membraneuse, comme le liga-
ment latéral, n’est plus raccourcie par un seul muscle, mais par
deux, se fixant à un os vocal particulier, et non pas au dernier an-
neau de la trachée. Cet os vocal, très singulier, long, pyramidal,
fait une saillie libre dans sa cavité; sa base est fixée sur le der-
nier anneau trachéal et le premier demi-cerceau bronchique, et
à côté de la partie membraneuse de la trachée ; il s’étend libre-
ment dans la cavité jusqu’au-dessus de la trachée membraneuse,
sans cependant y adhérer. Les muscles qui raccourcissent la
partie vibrante de la trachée se fixent aux bords antérieur et pos-
J. MULLER.
SUR LES ORGANES
102
térieur de l’os vocal, près de sa base. Il est encore à remarquer
que le muscle sterno-trachéal ne provient pas de la trachée, mais
de l’extrémité pointue de ce même os. Il n’a donc pas de connexion
avec le long muscle latéral de la trachée. Ont été examinés : Fur-
narius rufus Yieill. [Turdus badins Licht. , Donb. , Verz. , hhl),
Furnarius brachyurus Mus. Berol. , Cillurus nigrofumosus Caban.
Voyez Tschudi, Wiegm. Arch. f. Naturh, 1844 (Upucerlhia ni-
grofumosa d'Orb.).
Organe de la voix du Trochilus. — L’organe de la voix, situé
au cou, est le même dans les sous-genres des Trochilus, savoir,
Campylopterus, Phaetornis, Lampornis, Otorhynchus, Onysmia.
Il a deux muscles. Le premier demi-cerceau des bronches est très
petit, comme avorté, enclavé entre le second grand demi-cerceau
et le larynx inférieur ; les extrémités du second demi-cerceau sont
fixées au larynx lui-même; l’extrémité postérieure est très grande
et triangulaire ; deux de ses faces servent à recevoir la masse
musculaire provenant antérieurement du larynx, qui va oblique-
ment en dehors, et enfin se tourne en arrière et en bas. Un se-
cond muscle provient de cette extrémité du second demi-cerceau,
et se dirige dans le sens opposé, en avant et en bas, se fixant aux
deux anneaux suivants, ainsi qu’au troisième, qui est déjà un an-
neau complet. La petite membrane tympaniforme renferme un
cartilage rond.
Organe de la voix du Colins. — Il a un muscle cantateui* épais ,
et offre cela de particulier que le premier anneau bronchique
forme un bouclier osseux , triangulaire, s’étendant sur le second
et le troisième. C’est à ce bouclier ([lie s’insère le muscle, qui
donne aussi de petits fascicules à la partie antérieure du second
ef du troisième demi- cerceau ; le ligament vocal est situé au
bord supérieur du premier demi-cerceau osseux. Ont été exa-
minés : ('olitts capensis et guiritea , Less.
Organe de la voix des Piprides, — La structure du larynx diffère
dans les diverses espèces de Pipra. Aucun ne possède l’appareil
multi-musculaire servant au chant. Le Pipra pareola a un muscle
particulier épais et large; dans les Pipra à courte queue . P.
auricapilla , Licht., et P. leucocilla, ce muscle n’est pas plus
DE LA VOIX DES l'ASSEUEADX. 103
épais que le muscle latéral de la trachée, et, chez le dernier, il
n’en est même que la continuation.
Le premier et le second anneau des bronches du leucocilla
sont des anneaux entiers ; le troisième est très grand , osseux, et
presque entier. C’est à lui qu’est fixé le ligament vocal , et il reçoit
le muscle , qui se divise en une partie antérieure et une posté-
rieure. Depuis le troisième , tous les anneaux ne sont que des
demi-cerceaux ; dans le P. aurinapilla , les deux premiers an-
neaux sont aussi entiers; le troisième est une plaque osseuse,
large , sur laquelle se fixe le muscle du chant. Les bronches du
P. pareola sont encore différentes. Aucun des Piprides n’a de
cartilage aryténoïde dans la membrane tympaniforme , comme
elle existe généralement dans les Muscicapides américaines.
Organe de la voix de s Muscicapides du Nouveau Monde. — 11
s’y trouve plusieurs formes différentes , qui n’ont de commun que
l’absence de l’appareil musculaire propre au chant. Il n’y a
qu’un seul muscle, parfois très épais et très long, mais si petit
chez quelques uns qu’il ne paraît être qu’un prolongement du
muscle latéral de la trachée. Elles ont toutes un cartilage aryté-
noïde dans la membrane tympaniforme , et, chez la plupart, les
premiers anneaux des bronches sont complets , de façon qu’ils
constituent pour ainsi dire une continuation de la trachée. Une de
ces formes qui se rencontrent parmi les Muscicapides améri-
caines a été observée par Audubon. Dans son Ornitliological Ilio-
yraphg des Muscicapides de l’Amérique du Nord, cet auteur dit
que les Muscicapides américaines n’ont qu’un seul muscle fort ,
servant au chant: c’est cette forme que j’ai observée dans les
Tyrannus , lilænia et Platyrhynchus. Le muscle forme une masse
épaisse , mais toutes les fibres sont parallèles ; la partie posté-
rieure du larynx et des anneaux bronchiques ne sont pas recou-
verts par la masse musculaire.
Chez le Tyrannus sulpliuralus , Cuv. ( Saurophagus sulphu-
ratus, S\v.), les cinq premiers anneaux bronchiques ne sont
presque pas mobiles ; les trois premiers sont des anneaux com-
plets ; les demi-cerceaux commencent après le troisième ; le muscle
s’insère au quatrième et à la partie postérieure du cinquième
J. Ml I.I.BOU. — SI U I.KS OUÜAXKS
104
anneau. C’est avec le sixième que commencent les demi- cerceaux
mobiles : entre celui-ci et le suivant se trouve la membrane tym-
paniforme; il n’y a point de ligaments vocaux particuliers. Le
Tyrannus ferox n’a qu’un seul anneau bronchique complet; le
muscle s’insère au suivant. Le cartilage aryténoïdien est très
grand ; il est formé d’un grand et d’un petit cartilage réunis par
de petits ligaments.
L 'Elœnia brcvirostris (voy. Tschudi, Wiegm. Arch., 18îi4) et
\' Elœnia pagana, Sund. (Muscicapa pagana, Licht. ; Plalyrhyn-
clnis pagamts ) offrent une conformation semblable ; la dernière n’a
point d’anneau bronchique complet. Un Platyrhynchus du Pérou
avait de deux à trois anneaux bronchiques complets.
11 y a une autre forme de Muscicapides qui, pour l’organe de
la voix, diffère tout-à-fait des Tyrannus, Elœnia et Platyrhynchus :
c’est un nouveau genre distinct et facile à reconnaître ; car les
trois ou quatre premières pennes rémiges ( Schwungfeclern ) sont
plus petites que les suivantes. Dans le genre Coloplerus, Cab. ,
et les deux espèces décrites par Cabanis dans le Voyage de Rich.
Schomburgk , la partie inférieure de la trachée est aplatie laté-
ralement sur les douze derniers anneaux, qui sont fendus posté-
rieurement; une lisière osseuse en connexion avec le tambour
s’insère dans cette fente longitudinale. Les quatre premiers demi-
cerceaux sont très larges; au quatrième s’insère un muscle, qui
prend une direction oblique de haut en bas et en arrière , et qui
devient pointu à sa partie inférieure. Il y a , en outre, un muscle
impair, considérable, fort singulier, qui raccourcit antérieure-
ment la partie inférieure de la trachée, et va jusqu’au tambour.
Le genre Pyrocephalus , Gould. ( Muscicapa coronata , Cuv.)
se distingue en ce que les muscles latéraux de la trachée se tour-
nent en avant dans leur partie inférieure , en confluant en une
pointe musculeuse qui se termine au dernier anneau de la tra-
chée. Les muscles qui meuvent les anneaux bronchiques sont
réduits à leur minimum ; un vestige musculaire va du dernier
anneau de la trachée à la circonférence antérieure du second
cerceau bronchique.
Dans les genres Myiobus, Gray, et Mionectes, Cabanis, le
1ÏK I.V VOIX 1)158 l’ASSlilli: U
S 05
muscle latéral de la trachée reste simple jusqu'aux bronches, et
il n’y a pas d’autres muscles servant au chant. Ont été examinés :
1 lyobius crythrurus , Mus. Berol., et Mionectes leucocephalvs ,
Cabanis (Museicapa leucocephala , Tenu».; Todus lencocephalus .
Gm.).
Les Fluvicolines américaines aussi,ne sont que des Passereaux
à muscle vocal simple, à peu près comme on le trouve dans le
Tyrannus et YElœnia; les muscles latéraux de la trachée se ter-
minent antérieurement. Ont été examinés : Fluvicola bicolor (.1/ us-
cicapa bicolor, L. Gm. ; 1 /. albiventris, Spix) et Y. Honda rvfa oui
genus Centrophanes , Caban., qui appartient aussi à cette famille.
Les autres Oiseaux à muscles vocaux simples ont été men-
tionnés plus haut; il faut y ranger encore le Steatornis. Le Croto-
pbaga lui ressemble, en ce que la voix ne se forme point à la
division de la trachée, mais plus bas dans les bronches; le (’roto-
phaga major a huit anneaux complets des bronches ; le muscle s’in-
sère au dixième.
Les conséquences systématiques de ces recherches anatomiques
sont faciles à déduire; il suffit, pour le moment, d’insister sur les
points de vue généraux. Il résulte incontestablement de ce qui a
été dit qu’on ne peut pas séparer les Oiseaux chanteurs des autres
Passereaux. 11 n’v a qu’une seule grande tribu des Inccssores ou
Passereaux, qui doit même aussi embrasser les Syndactyli et
les Scansores. Le larynx des Perroquets est bien plus haut placé,
quant à l’organisation, que l’organe de la voix de beaucoup d’Oi-
seaux appelés chanteurs. Cette tribu des Jneessores contiendra
des Oiseaux à appareil musculaire vocalisateur compliqué, et des
Oiseaux qui n’ont plus du tout de muscles pour le chant.
La transition de l’un à l’autre se fait d’une manière insensible.
Dans VUpupa, le muscle latéral de la trachée s’insère au premier
demi-cerceau peu mobile des bronches; de celte disposition il n’y
a plus qu’un passage presque imperceptible à celle où il n’atteint
plus du tout les bronches, comme dans les Prionitis, Trogon,
Hamphastos, Corythaix. Pourtant ces Oiseaux ne sont pas privés
des conditions générales pour la formation de la voix, étant munis
de plis membraneux vibrants entre les demi-cerceaux mobiles.
J. MULLER. — SLR LES ORGANES
106
Quelques uns ont encore d’autres éléments; c’est ainsi que le
Prionitis a un cartilage aryténoïdien de la membrane tympani-
forme très grand fixé au larynx inférieur.
Quelques tribus se distinguent par une conformation du larynx
semblable, concordante dans tous les genres, tels sont les Syndac-
tyli ; dans d’autres , il y a diverses formes de larynx , de simples
et de plus compliquées : c’est ainsi que , parmi les Scansores, se
font remarquer les Psittacus. 11 faut sans doute placer différem-
ment les Ampelis , liupicola, Cephalopterus , Gymmcephalus , et
les rapprocher des Coracias, Upupa, Alceda, Buceros, Prionitis et
Merops; le liupicola est même un Syndactylus. Mais nous ne pou-
vons pas non plus étendre tellement loin la domination delà con-
figuration du larynx , que tous les Oiseaux à larynx semblables
dussent être rapportés à une seule et môme division, renfermant ^
par exemple tous les Oiseaux munis de l'appareil musculaire ser-
vant au chant; il faudrait mettre alors dans la même division les
Lanins rapaces avec les Fringilla granivores. Les Thamnophilus
et Myiothera se rapprochent davantage des Lanius par leur genre
de vie que des Fringilla, lors même qu’ils diffèrent des deux par
leur larynx ; ils sont sans doute le typé d’une famille propre , donL
les autres membres restent à chercher. Le genre C inclus, muni de
l’appareil musculaire pour le chant, rapporté par Swainson aux
Uyiotheriæ, ne doit pas y être classé; eu général, les familles
d’Oiseaux établis par Swainson et par O ray ne doivent être regar-
dées que comme des dispositions provisoires qui ne sont pas tou-
jours très heureuses. Les vraies familles et sous-familles des Passe-
reaux restent encore à déterminer d’après l’anatomie. Parmi les
Muscicapides, si semblables par leur exlérieur, il faut séparer les
formes de l’ancien et du nouveau monde , tout-à-fait différentes
par le larynx ; on pourrait appeler les premières M uscicapides , les
autres Tyrannides ; mais ce ne seraient pas les Muscicapinœ et
les Tyranninœ de Swainson et de Gray , classification fautive.
Swainson a séparé les Tyrannus et oiseaux semblables des Mnsci-
capides américaines , et, par contre , les Muscicapides africaines
avec les américaines ont été mises ensemble dans ses Muscica-
pinœ, ce qui est tout-à-fait contre les affinités intérieures aujour-
DU LA V0!\ DUS DASSUKUAUX.
107
d’hui bien démontrées. Tous les genres examinés des Muscicapides
européennes et africaines ont l’appareil musculaire compliqué
l>our le chant. Ont été examinés : Muscicapa atricapilla, L. ;
Muscicapa g r isola , L. (Europe); Muscicapa atronilens , Mus.
lierai. (Afrique, Mozambique) ; Muscipeta parailisi, S\v. ; Pla-
tystera succincta, Mus. Bcrol. (Afrique). Tous les genres de
Muscicapides américaines n’avaient pas d’appareil musculaire
pour le chant. Ont été examinés les genres T yrannus , Cuv. ; et
encore de plus près: Saurophagus , Sw. ; Tyrannula , Sw. ; Pla-
tyrhynchus , Sw. ; Pyroceplialus , Gould; Myionecles , Cabanis;
Myiobius, Gray ; Coloplerus, Cabanis. Ce genre Culicivora, Sw. ,
muni d’un seul appareil musculaire pour le chant (a été examiné
le Sylvia ( culicivora ) bivittala. Mus. Berol.), ferait une excep-
tion si ce genre appartenait aux Muscicapinæ, où Gray les place.
Swainson , s’appuyant sur ce caractère , paraît avoir rangé avec
raison les Culicivora parmi les Sylvianœ.
L7 lirundo et le Cypsehis ont pour le larynx à peu près les
mêmes rapports que ceux qui existent entre les Muscicapides de
l’ancien et du nouveau monde. On ne peut pas les réunir en une
seule famille ; mais ils ne sont pas tellement éloignés l’un de l’autre
qu’on ne puisse les classer dans des ordres différents. Il existe un
rapport tout-à-fait analogue entre les Xectarima elle Trochilus ,
ainsi qu’entre les Fringilles et les Colins.
C’appareil musculaire pour le chant proprement dit, et la forme
avec un seul muscle plus ou moins épais, sont les formes de la-
rynx les plus répandues. La première de ces deux formes prédo-
mine en Europe et en Afrique; la seconde compte, dans l’ancien
monde, les genres Alcedo, Colins, Coracias, Eurystomus, Capri-
mulgus , Cypselus, Upupa, Merops, Buceros, Picus, Yunx, Cu-
culus,Centropus,Malcoha, Pogonias. Les formes de l'appareil mus-
culaire pour le chant ont été examinées sur les oiseaux d’Afrique
qui suivent: Malaconolus Sw., Dryoscopus Boie, Dicrurus Vieill. ,
l.umprotornis Temm., Icos T., Putrocossyplius Boie, Cralero-
pus Sw. , Campephaga Vieill., Cracula Cuv., Muscipeta Sw. ,
Platystera Jard. , Zosterops Horfs. , Vig , Te.vtorV. , Ploceus Cuv. ,
A madina Sw. , Crithagra Sw., Estielda Sw. , Macronyx Sw. ,
108 J. HliLLCR. — SUl LUS OllüAMiS DE LA VOIX, ETC.
Euplectes Svv., Cimyris Cuv. , Philedon Cuv. Dans le nouveau
monde, les formes simples prédominent sur les compliquées :
aussi les cris, bien plus que les chants, retentissent dans les forêts
de l’Amérique.
Des formes particulières et peu répandues du larynx sont celles
des Psittacines, des Thamnophilus , des Opethiorliynchus, des Tro-
chilus, des Chasmarhynclius, qui aussi, pour la plupart, se rap-
portent au nouveau monde. Les Psittacus , Alcedo, Hirundo,
Cypselus, Caprimulgus, Picus, Cuculus, Fringilla, Sylvia, T ar-
dus, Neclarinia, montrent, dans l’ancien et dans le nouveau
monde, des caractères concordants pour chaque genre.
Les matériaux employés sont des Oiseaux conservés dans l’es-
prit de vin. Ce sont plusieurs centaines de Passereaux apparte-
nant à cent genres et sous-genres différents. Les Passereaux aus-
traliens y manquent encore pour la plupart. Les formes améri-
caines proviennent des voyages de MM. de Olfers, Sello, Deppe,
Rich. Schomburgk de Winterfeld; les africaines, des voyages
de MM. Krebs et Peters; beaucoup ont été acquises par achats, et
depuis longtemps on a collecté, dans ce but, les animaux entiers
et non disséqués, conservés dans de l’alcool , étant bien plus inté-
ressants pour la science que des préparations anatomiques de
parties isolées. Nous désirons vivement qu’on soit généralement
convaincu que la peau seule, sans conservation d’exemplaires cor-
respondants dans de l’alcool, n’offrent que peu d’instruction, et
que ces derniers ont une plus grande valeur que la première
seule.
La détermination des espèces devait être exacte pour le but de
ce travail, tant par rapporté l’espèce qu’au sous-genre et à la
synonymie. L’auteur ne pouvait pas, pour cela, se fier à ses pro-
pres études et connaissances ornithologiques ; c’est pour cela que
les exemplaires conservés dans de l’alcool ont été comparés avec
les Oiseaux secs du Musée zoologique^et déterminés par un orni-
thologiste de profession, M. Cabanis, aide-naturaliste du Musée
zoologique; c’est lui aussi qui fournira la description des Oiseaux
nouveaux du voyage de Rich. Schomburgk.
ESSAI
109
n’iNE MONOGRAPHIE Dl' T IC ItG IP F S EDWAIWSII;
Par M. ALEX. DE NORDMANN,
l’iiiffsscni ù Odessa (IJ.
PREMIERE PARTIE.
ZOOLOGIE ET ANATOMIE.
La mer Noire est extrêmement pauvre en animaux inférieurs.
On ne trouve dans les environs d’Odessa que deux espèces très
petites de Nudibranches, que je range dans le genre Tergipes,
en me fondant sur la figure que M. de Blainville a donnée de ce
genre dans sa Malacologie (1*1. 40, fig. 0).
TERGIPES.
Character generis :
Corpus oblongum , elongatum , pallio discreto nullo , in caudam pro-
cessu lanceolato attenuatum.
Tenlacula 2 filiformia, elongata, aille duos oculos in verlice posila.
Caput discrétion , processu frontali filifornii vel triangulari utrinque in-
structum. Dorsum appendicibus lurgidis , clavatis , per paria seriebus
duabus longitudinalibus dispositis; ano inter prinium et secundum par
sito. Aperturæ sexuales in latere dextro anteriore.
(I ) Remarques du traducteur. — Le Mémoire de M. Nordmann a paru trop
étendu pour pouvoir être traduit m extenso. J'ai donc cru devoir me borner à
une analyse détaillée , en conservant cependant, partout où cela était possible ,
l'expression de l'auteur, et en ne retranchant que des digressions qui quelquefois
m'ont paru étrangères au sujet, et qui, dansd autres cas, reposent sur des faits et
des opinions modifiés dans ces derniers temps. Les recherches de M. Nordmann ont
été commencées en 1 840, achevées en I 843 ; elles ont été soumises à l'Académie
de Saint-Pétersbourg en février 18 44. Il résulte de là que les recherches si mul-
tipliées qui ont été faites dans cesderniers temps, sur l'ordre des Nudibranches,
étaient entièrement inconnues à M. Nordmann, cl je ne doute pas que ce célèbre
observateur n'eût modifié en bien des points ses opinions s'il avait pu tenir
compte des lumières qui ont jailli des discussions soulevées à propos de l'anatomie
de ces Mollusques. Voc.t,
I 1 0 UE KORDMANIV.
SUR LE TERGIPES EDWARDSII.
1. TERGIPES Edwadrsii , N.
T. corpore albido , processible frontalibus etongalis, filiformibus, ap-
peudicibus ilorsalibus clavatis, simplicibus 8. Long. 2 lin.
2. TERGIPES ADSPERSUS, N.
T. corpore albido supra maculis cærulescenlibus adsperso : processible
frontalibus brevioribus triangularibus; appendicibus dorsalibus cla-
vatis 10, quorum 3, anteriora paria ad basin furcata. Long. 1 2/3 lin.
Le Tergipes Edwardsii a un corps allongé, conique, pointu
en arrière. Les deux véritables tentacules, placés dans la nuque,
au-devant des yeux, sont, dans l’état d’expansion, à peine un peti
plus courts que le corps, non compris l’appendice caudal; ces
tentacules sont filiformes , ronds , un peu plus épais à la base , et
arrondis aux extrémités. La tète est assez distincte , arrondie en
avant , et pourvue de deux prolongements filiformes assez courts
qui sont placés sur le front , et avec lesquels l’animal tâtonne en
rampant. La peau est si serrée autour du corps qu’on ne peut pas
parler d’un manteau. Quatre, rarement cinq paires d’appen-
dices simples en forme de massue sont placées le long du corps ;
ces appendices, que l’on a regardés généralement comme des
branchies, sont épais , étranglés un peu au-dessous de leur extré-
mité , et peuvent s’allonger et se rétracter comme les tentacules.
L’extrémité postérieure du corps a un petit appendice transparent
en forme de lancette, qui est pourvu de bords faiblement crispés.
Le pied est un peu plus large que le corps ; la couleur de l’animal
est d’un blanc bleuâtre, le pied est jaunâtre surtout le long dé
scs bords ; les extrémités des appendices dorsaux sont d'un blanc
de neige.
Le Tergipes adspersus a des processus frontaux beaucoup
plus courts, d’une forme triangulaire, et placés latéralement;
le dos porte quatre ou cinq paires d’appendices en forme de
massue, dont les trois premières sont fendues longitudinalement,
et par conséquent doubles. Le corps est aussi d’un blanc laiteux ,
mais peu transparent; il est marqué, surtout sur le dos, aux
environs des capsules auditives, de nombreuses lâches irrégu-
B»E \«K»Nm. — sur. II! TKRGII’KS l'DWAHDSlL M l
Hères et bleuâtres : les yeux sont d’un bleu sombre, comme dans
l’espèce précédente.
La vie du Tergipes Edwardsii dure au moins deux ans ; on
le trouve surtout sur les plantes marines couvertes de divers
Zoophytes, tels que les Corynes, les Campanulaires, les Bower-
bankies, etc.
En observant journellement ces animaux, j’ai été étonné de-
voir qu’ils étaient soumis à un renouvellement temporaire *de
l’épiderme de tout le corps.
Les cils vibratilesde la surface du corps ne suivent pas la dé-
pouille transparente et sans structure de l’ancien épiderme , ce
qui paraît être en contradiction avec la régénération et la des-
quamation continuelle de l’épithélium vibratile des vertébrés. Je.
croyais d’abord m’ètrc trompé; mais, après avoir vu plusieurs
fois ce renouvellement de la peau s’opérer sous le microscope ,
je ne puis plus avoir de doute sur l’exactitude de mon observa-
tion. Les cils de la peau nouvelle ne commencent à vibrer que
lorsque le nouvel épiderme entre en contact avec l’eau; la des-
quamation se répète toutes les deux ou trois semaines, sans qu’il y
ait une périodicité fixe.
Les résultats suivants se rapportent uniquement au Tergipes
Edwardsii, dont j’ai disséqué plus de deux cents individus;
l’autre espèce, dont je n’ai pu trouver en tout que six indi-
vidus, montre absolument les mêmes traits d’organisation et de
développement.
La peau.
La peau ou le manteau peut être considérée comme composée
de quatre couches différentes. La couche la plus externe, l’épi-
derme, ne se voit qu’à la desquamation. C’est une membrane
extrêmement mince, transparente, sans structure, qui est si bien
appliquée contre la seconde couche, qu’on ne l’observe pas dans
les circonstances ordinaires. Elle doit être perforée par les fais-
ceaux des cils vibratiles, puisque ces derniers ne se détachent point
lors de la desquamation.
La seconde couche, plus épaisse, est formée par un tissu mou,
112 DF, NORDM4XX. — SU K LE TEItGIl’ES EDVVA11DSII.
gélatineux, composé d’une quantité innombrable de cellules irré-
gulières, arrondies ou polygonales, qui constituent un réseau
fin que l’on voit surtout très bien sur les appendices dorsaux ,
lorsque ces derniers sont à l’état d’expansion. On remarque dans
les mailles de ces réseaux des cellules de grandeurs difi’érentes,
avec des noyaux et des masses grenues; on y trouve aussi les
cellules vibratiles avec leurs noyaux. Les cils très fins et très
courts de ces cellules forment des faisceaux qui se trouvent sur
toutes les parties du corps, et qui sont probablement disposés par
séries plus ou moins irrégulières.
La troisième couche tégumentaire forme une couche plus épaisse
de faisceaux et de fibres musculaires très apparents, dont la direc-
tion est différente, d’après les différents endroits du corps. Dans
la partie postérieure du corps, ces fibres se dirigent obliquement
de haut en bas, et paraissent se croiser transversalement avec
d’autres fibres plus profondes. Sur les appendices dorsaux, au
contraire, et surtout sur les tentacules, ces fibres forment des an-
neaux transverses qui , en s’éloignant ou en se rapprochant, peu-
vent allonger ou contracter ces organes. Le pied est entièrement
musculaire.
On trouve, au-dessous de celte couche musculaire, une ou plu-
sieurs strates de cellules transparentes ou de corps concrétion-
naires de forme diverse , sur lesquels je reviendrai plus tard. Ces
corps sont surtout répandus sur toute la face interne du pied , où
ils présentent les dimensions les plus considérables et des con-
tours angulaires qui les font ressembler à des cristaux. Ils se dis-
tinguent des ganglions nerveux du voisinage seulement par leurs
contours anguleux et par leur non-continuité.
Ces corps sont plus petits et plus ovalaires dans les tentacules,
plus grands et anguleux sous la peau des appendices dorsaux. Ils
remplissent l’espace entre la peau et les viscères , et contiennent
encore assez souvent d’autres granules plus petits. On les voit
glisser en avant et en arrière, lors des mouvements de l’animal.
DE \ORI>VIA\X. — SIR LF. TERG1PES EDWARDSII. 113
Système digestif.
La bouche forme une lente verticale placée sous l’extrémité
antérieure et inférieure (le la tête, entre les deux tentacules fron-
taux.
La masse buccale (l’I. 1, fig. 1, ü) a la forme d’une poire
rétrécie en arrière, arrondie à la base, large au milieu, voûtée
sur les côtés, plus mince et arrondie de nouveau en avant.
L’ouverture buccale est couverte en haut par une masse épaisse,
molle, échancrée au milieu de son bord antérieur; je considère
cette masse comme la lèvre supérieure. Son bord est recourbé de
haut en bas, de manière à pendre un peu par-dessus l’ouverture
buccale. La lèvre supérieure est revêtue, à l’intérieur de la
cavité buccale, d’une petite plaque faible, cartilagineuse, trian-
gulaire, qui est la mâchoire supérieure. Cette mâchoire supérieure
est presque libre et se distingue seulement au dedans par deux
saillies cornées d'une couleur jaunâtre*
Les deux mâchoires latérales sont fortes, musculeuses et dis-
posées en ogive allongée. Elles sont larges en arrière, plus minces
en avant; leurs extrémités antérieures sont cornées et finement
dentelées. Cette substance cornée des pièces terminales se con-
tinue dans la masse musculaire des mâchoires, en suivant leur
contour interne et externe , sous forme de filet mince. Le filet in-
terne forme deux arcs concaves distants de la langue, qui se rap-
prochent ensuite, et se perdent après dans la masse musculaire,
en se tournant vers la périphérie. Les filets externes ne peuvent
être suivis que jusque vers le milieu du plus grand diamètre trans-
versal de la masse buccale.
Ces parties sont couvertes d’en bas pap deux coussins très mus-
culaires, très épais, que l’on peut regarder comme la lèvre infé-
rieure. Elles forment la plus grande partie de la masse buccale
compacte, sont arrondies à leur extrémité antérieure, et se meu-
vent très souvent pendant que l’animal mange. Leurs contours
antérieurs se perdent, vers le milieu, dans le coussin musculaire.
3' sérié. Zool. T. V. ( Février tSlti. 4
8
•H »K VOKIinAW. — SU H LU TËltGU’ISS LDWABDSII.
La langue.
Cet organe (lig. 1, D) , situé dans la cavité buccale , peut être
comparé à une bandelette ou à une plaque allongée, étroite et mince.
La langue se confond, par sa base élargie, avec la masse mus-
culaire de la cavité buccale postérieure, se replie d’abord de bas en
haut, et à son extrémité, d’avant en arrière et en bas, de manière
à, former, comme dans la Paludine, un S couché. Sa largeur dimi-
nue d’arrière vers la pointe. Je ne l’ai trouvée revêtue d’aucune
enveloppe qui empêcherait d’ailleurs l’action des dents dont
elle est garnie. Un anneau cartilagineux , qui est attaché à la
substance musculaire de la cavité buccale, sert de point d’appui à
la base de la langue, sur la surface de laquelle se trouve une série
de plaques semi-circulaires, au nombre de dix-huit à vingt-deux.
La structure de ces plaques est partout la même; elles diminuent
seulement de grandeur vers la pointe de la langue. Chacune de
ces plaques porte plusieurs dents rapprochées, triangulaires et
acérées au sommet. La dent du milieu est toujours la plus grande,
tandis que celles de côté diminuent progressivement. Ces plaques se
régénèrent sans doute, progressivement, d’arrière en avant ; car les
plaques antérieures sont souvent très distinctement usées, tandis
que les plaques postérieures , par leur consistance molle et leurs
contours peu avancés, témoignent d’un développement moins
avancé. Toute la langue est d’ailleurs transparente; les plaques
et les dentelures se composent d’une substance dure et cassante.
L’animal emploie sa langue pour gratter, l’un après l’autre, les
Polypiers qu’il mange. Souvent alors on voit la langue sortir de
la cavité buccale ; car ce sont surtout la pointe de la langue ainsi
que les lèvres supérieure et inférieure qui sont employées dans
l’acte de la mastication.
Le système musculaire de la langue, qui est très mobile, est
composé d’abord de deux muscles divergents qui s’attachent au
milieu de cet organe, et qui sont les rétracteurs de la langue.
D’autres muscles venant de directions opposées s’insèrent sur les
plaques linguales postérieures et servent d’antagonistes aux pre -
miers. Le pharynx a une forme ovalaire et des parois épaisses ;
nu ixuKimtitv. — s (j u le tergipks kdwardsii. -115
il est suivi d’un œsophage court qui monte dans l’estomac , et qui
est garni de cils vibratiles dont le courant va, non pas de dehors
en dedans, comme on pourrait le soupçonner, mais de dedans
en dehors.
La cavité digestive.
L’estomac (iig. 1, G) est situé immédiatement sous la peau dor-
sale, entre les ganglions nerveux et la première paire d’appendices
dorsaux ; il est entouré en partie par les circonvolutions du foie. 11
est assez spacieux , voûté en haut , et d’une forme irrégulièrement
ovalaire. Ses parois sont tellement minces , que l’on distingue le
mouvement des aliments avalés, même sans le concours du com-
presseur. Le tissu de l’estomac est très particulier; il a l’air d’être
composé d’une multitude innombrable de petites pointes dis-
posées à des intervalles réguliers. Ces pointes sont tellement
petites, que l’on ne peut déterminer si ce sont réellement des
saillies ou des enfoncements ; l’épithélium interne de l’estomac
est en outre garni de cils longs et mous, dont le mouvement
ondulatoire communique aux aliments une rotation continuelle, et
qui continue même après la dissection et le déchirement des pa-
rois stomacales.
L’intestin (fig. l,J),qui fait suite à l’estomac, est aussi spacieux,
mais très mince de parois. Il s’étend en serpentant, sans diminuer
beaucoup en largeur, au-dessous de la peau dorsale, jusque vers
l’appendice caudal foliacé , oii il devient plus mince et tortueux.
Les aliments retournent par le même chemin ; l’intestin forme
deux diverticules assez larges des deux côtés de l’estomac, et finit
par un retour qui conduit vers l’anus, situé un peu à droite de la
ligne médiane, entre la première et la seconde paire d’appen-
dices dorsaux.
Les appendices dorsaux contiennent des cæcums distinctement
limités par une membrane en forme de sac (fig. 1 , K). On voit, dans
l’intérieur de ces cæcums, des ombrelles de Campanulaires, des
Infusoires, des tentacules ciliés de Membranipores , des vésicules
d’air, que l’animal avale quelquefois, et que l’on voit émigrer
souvent d’un cæcum dans l’autre, jusqu’à ce qu’ils soient enfin ex-
116 DE ItOR»M*K\. — SliK Mi TEUG1PKS JiüWARDSIl.
pulsés par la bouche. L’intestin est donc ramifié, et le nombre des
cæcums dépend du nombre des appendices dorsaux. Tout le canal
intestinal, aussi bien que les cæcums, exercent des contractions
péristaltiques, par lesquelles les aliments sont poussés d’avant en
arrière , et vice versâ , jusqu’à ce que le reste en soit expulsé par
l’anus.
On ne trouve, dans tout le trajet du canal intestinal jusque
vers le rectum, aucune trace de cils vibratiles ; le rectum (fig. 1 , M)
seul en est pourvu, et ses cils produisent l’aspect d’un courant
ondulatoire qui marche de dehors en dedans. L’anus (fig. 1, 2V),
situé immédiatement derrière le cœur, présente une petite saillie
en forme de mamelon, par laquelle sont expulsés les excréments ,
sous forme de masses allongées et fusiformes. L’intestin s’élargit
un peu avant le commencement du rectum, et présente ici un
étranglement en formant les diverticules mentionnés (fig. 1 , L) des
deux côtés de l’estomac.
Le foie (t ) est très grand (fig. 1.0), tortueux et membraneux. Cet
organe est situé, pour sa plus grande masse, au dessous de l’esto-
mac, à gauche, dans la partie antérieure du corps, entre les ovaires
et les orifices génitaux, plus rapprochée du pied que de la peau
dorsale. 11 forme un paquet de lobes et d’anses , dont l’une court
parallèlement au pied et se replie subitement en avant de la partie
supérieure de la glande qui est en communication avec le vais-
seau déférent. Trois autres lobes embrassent l’origine du rectum
et se plient en travers, tandis que la plus grande masse du foie
s’étend au-dessous de l’estomac en contournant le testicule. Le foie
débouche par un canal étroit dans la partie postérieure de l’es-
tomac, à gauche, immédiatement avant le commencement de l’in-
testin. A l’origine de ce canal se trouve un sac ovale, enfoncé dans
la substance du foie, et d’un jaune intense, que l’on doit envi-
sager comme la vésicule biliaire (fig. 1, P). Cette vessie biliaire
est pourvue d’un canal excréteur étroit qui se dirige en arrière,
j Il La détermination de cet organe nous paraît assez contestable, et nous croyons
que l'examen des autres Nudibranches prouve jusqu'à l'évidence que les organes
glandulaires décrits ici sous le nom de foie, par M. Nordmann , font réellement
partie des organes génitaux. (Note tlu traducteur .)
DE %OKD>I\W. — SlIH LE TERG1PES EDWARDS». 117
vers la face dorsale, mais dont je n’ai pu suivre tout le trajet ;
elle se trouve déjà dans les larves du Tergipes, et se remarque
dans les adultes à l’extérieur. C’est sur le côté gauche, vis-à-vis de
l’orifice génital , qu’il faut la chercher.
J’ai trouvé deux glandes, probablement salivaires (fig. 1 ,F),
qui sont situées des deux côtés, sur la face dorsale de l’estomac, et
qui sont composées d’une substance très molle, celluleuse, formant
plusieurs lobes allongés, étroits, à contour très peu accusé. Ces
glandes s’ouvrent dans le fond de la cavité buccale ; on les aper-
çoit surtout en arrêtant les mouvements de la masse buccale
qu’elles suivent continuellement.
Je dois mentionner encore un organe glandaire très particulier
(fig. 1 , ()) situé entre l’estomac, le foie et le rectum. Cet organe,
qui a la forme d’une bandelette allongée, se rétrécit petit à petit :
il est composé d’une quantité de corps sphériques et jaunâtres
pourvus de longs cils vibratiles, qui sont disposés en séries sur
quatre , trois ou deux rangs successivement. Les cils continuent
à vibrer encore plusieurs heures après l’extraction de ce corps,
que je crois pouvoir envisager comme une glande urinaire, quoique
je n’aie pas trouvé de canal excréteur.
Système circulatoire.
• Le cœur (fig. 1. T) est situé, dans notre animal, exactement dans
la ligne médiane du corps, immédiatement au-dessous de la peau
du dos, derrière l’estomac , entre la première et la seconde paire
d’appendices dorsaux : il n’est pas percé par le rectum. Je n’ai
pu savoir au juste s’il est enfermé ou non dans un péricarde par-
ticulier. Quand on examine le cœur d’en haut , il est de forme
triangulaire et composé de deux parties, d’un ventricule et d’une
oreillette, qui, pendant la dilatation, sont fortement bombés, et
montrent une différence sensible dans leur structure. J,e ventri-
cule (fig. 1 , 7’1) situé en avant est extrêmement tendre et transpa-
rent comme du verre ; il est cordiforme , et séparé par un fort
étranglement de l’oreillette (T12) qui est plus petite , arrondie
dans une certaine position, et composée d’un tissu beaucoup plus
fort et beaucoup plus consistant.
SUR LE TE RG 1RES EDWARDSII.
118 DE \OIt DMA \\. —
J’ai vu sur des individus adultes que la partie la plus grande
du cœur , ou le ventricule , montre un étranglement très appa-
rent, à l’endroit où elle est contiguë à la plus petite, de sorte
qu’elle paraît composée de deux segments de sphère. Le cœur
est retenu dans sa position par des ligaments particuliers , cpii se
fixent d’un côté sur le point de réunion des deux moitiés du cœur ,
et de l’autre côté dans les environs de l’intestin , de telle manière
que tout le cœur est séparé en deux moitiés par ces ligaments
transverses, qui indiquent déjà à eux seuls la séparation en
oreillette et en ventricule. Le cœur est attaché en haut à la face
interne de la peau du dos, où l’on n’aperçoit point de ligament ,
tandis qu’il s’en trouve dans l’axe longitudinal, sur les extré-
mités antérieure et postérieure du cœur, qui, en courant
parallèlement à l’aorte, se fixent à la peau dorsale. Les parois
des deux moitiés du cœur sont de nature musculaire , et pourvues
en outre de muscles à part qui fonctionnent lors des contractions.
On trouve, sur les parois extérieures du ventricule, quatre ou
six faisceaux musculaires, disposés de telle façon que deux de ces
faisceaux se croisent en avant, et que de la partie supérieure du
faisceau interne descendent quatre fibres plus minces qui vont se
fixer sur le point d’insertion de l’oreillette ; celle-ci a un faisceau
musculaire principal qui descend au-dessous de la ligne médiane
depuis le point d’insertion , et qui envoie latéralement deux fibres
qui partent de son milieu.
On remarque en outre des fibres plus fines , dont plusieurs se
croisent , et qui sont disposées dans une direction transver-
sale et oblique. Tous ces muscles sont situés à la face externe du
cœur, et n’ont point de stries transversales, comme c’est aussi le
cas chez les Polypes.
Une valvule très mobile en forme de langue se trouve sur l’em-
bouchure de l’aorte, à l’extrémité antérieure du ventricule; elle
ferme cette ouverture à chaque contraction , et la rouvre à la dila-
tation.
On compte soixante-dix à quatre-vingts pulsations du cœur à
la minute , lesquelles se font de la manière suivante : le ventri-
cule en se dilatant est poussé en avant, tandis que l’oreillette se
DE ItORDMAIVN. — SDK LE TERGIPES EDWARDSII. 119
contracte sur la moitié de son volume; il recule pendant que
l’oreillette se dilate, et s’avance sur un espace beaucoup moindre,
il y a donc alternance entre les mouvements des deux moitiés
du cœur , dont les muscles se contractent et se relâchent suc-
cessivement. J’ai cherché en vain des valvules entre l’oreillette et
le ventricule.
Meckel croit qu’il ne peut y avoir de doute sur la nature de
la circulation chez les Mollusques. L’aorte, dit- il, conduit le
sang vers tous les organes , à l’exception des organes respira-
toires ; le sang retourne vers ces derniers par la veine cave ,
qui est identique avec l’artère pulmonaire. Les organes respi-
ratoires rendent le sang immédiatement à l’oreillette par un tronc
très court.
On pourrait croire qu’une structure semblable existe dans les
Tergipes, quoiqu’il ne soit point facile de suivre le trajet des
vaisseaux ; mais nous verrons de suite que le système veineux
éprouve une modification importante.
On ne peut suivre qu’à une très courte distance les deux vais-
seaux élargis en entonnoir (Ts) qui entrent dans la portion posté-
rieure du cœur ou dans l’oreillette, bien qu’ils aient un diamètre
assez considérable ; mais le contenu opaque de l’intestin et des
appendices dorsaux empêche tout examen , et l’on ne peut songer
à une dissection par le scalpel.
Les parois de ces vaisseaux , les seuls dont on peut prétendre
avec certitude qu’ils appartiennent au système veineux , sont
extrêmement minces , et tout-à-fait dénuées des fibres longitudi-
nales et transversales, que doivent avoir, d’après M. Delle Chiaje,
les veines respiratoires des Aplysies, avant qu’elles se soient
réunies en un seul tronc. Je n’ai jamais vu que ces deux troncs
veineux dans le Tergipes, tandis que, dans le Thétys, leur
nombre égale celui des feuillets branchiaux, et que l’on n’attribue
que deux veines récurrentes au Tritonia Hombergi.
M. de Quatrefages a trouvé des entonnoirs semblables sur le
cœur de l’Éolidine, mais il les compare aux oreillettes. L’aorte,
dont la longueur dépend chez les Mollusques de la position du
cœur , est très courte, puisque le cœur du Tergipes a une posi-
120 DE XOKDMAXX. — SUR LE TERGIPES EDWARDSII.
tion très avancée ; elle s’étend le long du dos, et se sépare en
deux branches peu de temps après sa sortie du cœur , au-dessus
du diverticule droit de l’estomac. Ces deux branches se subdi-
visent de nouveau en deux rameaux, dont deux se dirigent en
avant, tandis cpie les deux autres se dirigent en arrière, ha paroi
interne de l’aorte est couverte de cils vibratiles , mais qui ne pé-
nètrent pas jusque dans le cœur.
Les i leu r troncs veineux courts que nous venons île mentionner ,
le cœur et les artères qui partent du cœur , sont les seules parties
du système circulatoire qui possèdent îles parois propres. Cette
assertion paraîtra peut-être singulière; mais elle est vraie. Tous
les intestins sont entourés par le sang ou le chyle, sans que ce liquide
soit contenu dans des vaisseaux propres. On n’a qu’à regarder
l’espace compris entre l’estomac , la masse buccale et le pied ,
en fixant des corpuscules sanguins isolés, pour se convaincre de la
vérité de ce que j’avance. On verra alors distinctement les corpus-
cules sanguins changer de trajet à chaque ondée de sang , et cela
tout-à-fait indépendamment des contractions de l’intestin, d’où il
résulte que les corpuscules ne suivent pas une voie limitée. On croit
quelquefois voir des vaisseaux dans des parties qui offrent moins
d’espace libre pour le mouvement du sang, par exemple dans les
tentacules et dans les appendices dorsaux ; mais on ne tarde pas à
se convaincre par une observation plus attentive que ce ne sont que
des lacunes ou des canaux sans parois, situés entre les différents
organes, et dans lesquels se meut la masse du sang. I,e nombre de
ces canaux sans parois est au moins de trois, sinon davantage; ils
existent dans les grands tentacules , entre les fibres nerveuses et
le tissu cellulaire ; et de plus, entre les parois des cæcums, le tissu
cellulaire et la peau des appendices dorsaux.
Le liquide sanguin avec les corpuscules qui y sont suspendus
est reçu dans un réservoir continu , le long du pied , entre les cir-
convolutions du foie , les parties sexuelles et les concrétions cris-
tallines du pied ; toute la masse sanguine se meut avec rapidité
dans ce réservoir, comme cela est aussi le cas dans les Bryozoaires,
les Isopodes, les Daphnies et les Crustacés inférieurs parasitiques.
Le sang lui-même est composé , comme dans d’autres Inver-
DE XOHDMW. — SUR I.F. TERGIPES KDWARDSII. 121
tébrés, de deux parties : d’un liquide transparent, blanchâtre,
et de corpuscules sanguins. Ces derniers, qui se trouvent en
quantité , sont à peu près tous de la même grandeur , plutôt petits
que grands, d’une forme entièrement sphérique , et d’une couleur
jaune claire. On peut donc dire qu’ils ont une forme constante
et uniforme. Les concrétions floconneuses qui se trouvent dans le
sang des Polypes et des Crustacés parasites manquent ici. Le
mouvement des corpuscules est très rapide , surtout de ceux qui
sont poussés des sinus de la cavité générale , situés à la base des
tentacules, dans les canaux des tentacules mêmes. Ces corpus-
cules sanguins avancent, avec la rapidité de l’éclair jusque dans
les extrémités terminales des tentacules, et reviennent par le
même chemin ou par une autre direction sans qu’on puisse voir
un courant régulier. Un corpuscule sanguin retourne souvent à
moitié chemin pour être poussé , dans le prochain moment , en
un autre endroit. La direction dominante du courant sanguin le
long du pied est cependant en général d’avant en arrière.
Le mouvement du liquide sanguin,' qui n’est pas enfermé dans
des parois propres, n’est en aucune façon dù à des cils vibratiles :
il est tout aussi certain que ceux-ci manquent sur tous les intestins
qui nagent dans le sang, qu’il est facile de prouver leur existence
sur les parois des vaisseaux qui sortent du cœur. Il me paraît
donc parfaitement vraisemblable , comme je l’ai d’ailleurs déjà dit
dans un autre endroit , que la circulation peut se faire indépen-
damment de tout moyen mécanique.
Je fais la remarque expresse , pour prévenir toute interpréta-
tion erronée, que je suis arrivé aux résultats que je viens d’exposer,
sans me servir du compresseur. La moindre pression qui écarte
les intestins arrête immédiatement le mouvement du sang.
Pour en revenir au mouvement vibratile , que nous trouvons si
généralement répandu dans les vaisseaux et les conduits excré-
teurs des animaux inférieurs , tels que les Entozoaires , les Aca-
lèphes , les Actinies , etc. , il est fort remarquable que la direction
du mouvement ciliaire est justement opposée à celle que l’on sup-
pose naturellement, de sorte quelle devrait plutôt s’opposer à l’ex-
crétion ou à l’ingestion des liquides et des substances d’une autre
122 DE NORDMANN. — SUR UE TERGIPES EDWARDSII.
nature. Pourquoi les extrémités des cils vibratiles de l’œsopliage
se courbent-elles, non pas de dehors en dedans, mais dans la
direction inverse? Et pourquoi les cils du rectum, du vaisseau
déférent et de l’aorte, vibrent-ils, non pas de dedans en dehors,
mais de dehors en dedans?
Des prétendues branchies.
On a pris jusqu’ici les appendices si variés des Nudibranches,
qui se trouvent disposés symétriquement sur le dos ou sur les côtés
du corps, pour des organes respiratoires ; cette manière de voir
est fortement ébranlée depuis que j’ai vu que l’espace intérieur
de ces appendices dorsaux contient un cæcum de la cavité diges-
tive, et qu’il enferme en même temps une organe d’excrétion.
On trouve ordinairement quatre, rarement cinq paires de ces
branchies sur le Tergipes Edwardsii; elles sont placées sur deux
séries parallèles , un peu latéralement , de manière que la ligne
moyenne du dos reste libre; les séries sont quelquefois un peu
obliques , de sorte qu’elles ne se répondent pas entièrement.
L’animal les porte dirigées verticalement lorsqu’il rampe, ou bien
si c’est un animal adulte, où elles ont une longueur considérable ,
elles pendent un peu sur le côté du corps. La première paire est
toujours la plus longue ; les autres deviennent de plus en plus
courtes. Ces appendices sont beaucoup plus petits sur les jeunes
animaux; souvent ils sont seulement indiqués sous forme de
mamelon ou de bouton ; leur nombre est aussi moins considé-
rable; ils manquent entièrement sur les larves, qui sont encore
enfermées dans la coquille nautiloïde. La cinquième paire, qui se
trouve seulement sur des animaux très âgés, est toujours la plus
petite , et placée près de l’appendice caudal. Nous lisons dans
quelques manuels, comme chez Cuvier et Oken , que les Tergipes
ont deux tentacules et deux séries de branchies en forme de mas-
sue, pourvues d’une ventouse à l’extrémité, au moyen desquelles
l’animal peut se fixer et ramper sur le dos. Tout est faux dans
cette description , sauf le nombre des branchies : car il n’y a pas
une trace de ventouse sur les appendices. Ces animaux rampent
DE !VOn»MAI\;V. SUR I.E TERGIPES BDWARDSII. 123
comme tous les autres Gastéropodes , toujours sur le pied , et ne
peuvent jamais se servir des branchies comme organe de fixat ion.
L’animal peut mouvoir ces parties épaisses et massives, qui
sont susceptibles d’une turgescence plus ou moins grande, et
peuvent s’allonger et se raccourcir. Leur mobilité est due en
partie aux mouvements péristaltiques des cæcums. L’animal avale
souvent de l’air lorsqu’il rampe à la surface de l’eau le pied en
haut; cet air est poussé souvent jusque dans les cæcums, et fait
distendre alors les appendices dorsaux. Ces branchies sont cou-
vertes , comme , du reste , toute la surface du corps , de fais-
ceaux de cils courts qui vibrent sans interruption. Je n’ai jamais
remarqué sur notre animal que ces branchies fussent susceptibles
de tomber, comme on l’a observé sur d’autres genres voisins ;
au contraire, une lésion de ces parties entraînait toujours à sa
suite la mort de l’animal dans quelques jours. La force reproduc-
trice des parties perdues du corps paraît manquer, en général ,
au genre Tergipes.
La structure intime de ces parties offre les détails suivants, que
l’on observe surtout bien lorsque les appendices dorsaux sont en
tergescence et comme insufflés , ce qui leur donne une grande
transparence. Une branche épaisse du canal intestinal se continue
dans la cavité de chaque appendice dorsal, et se termine en s’é-
largissant en forme de massue, un peu avant l’extrémité de l’ap-
pendice, oùse trouve une cloison transversale. Cette cloison, com-
posée d’une substance celluleuse et séreuse, sépare l’extrémité
branchiale du cæcum en s’attachant par des ligaments ou des
fibres musculaires à la paroi interne des branchies. Dans l’espace
ainsi séparé du cæcum est situé un organe tout-à-fait particulier,
blanc, ovalaire et glanduleux, une vessie dont l’enveloppe est
très épaisse, et qui possède une consistance considérable (fig. 1 , /i).
La limite sur laquelle cet organe rencontre l’extrémité du cæcum
s’aperçoit souvent du dehors par un étranglement plus ou moins
considérable de l’appendice dorsal. Le contenu de la vessie est
toujours opaque sur des individus adultes; il est composé d’une
quantité de petits corpuscules transparents, inégaux, et de forme
ovalaire, ressemblant assez ù. ceux qui se trouvent en grande quan-
124 DE XORDMANN. — SUR LF, TERGIPES EDWARDSIF.
tité dans la cavité générale de certains Entozoaires, tels que les
Diplostomes, les Holostomes, les Tétrarhynques, etc.
Cette vessie ou glande est susceptible de contractions et de db
latations qui , très souvent , se font en même temps que les mou-
vements péristaltiques du cæcum, quoiqu’il n’y ait pas de commu-
nication visible.
On voit distinctement , en employant une compression légère,
que celte glande est séparée du cæcum par la cloison que nous
avons mentionnée; la glande manque entièrement sur de jeunes
individus, ou bien elle est si petite, que le cæcum s’avance jusque
dans l'extrémité de l’espace intérieur de la branchie. Le contenu
de la glande, une sorte de mucus, est expulsé, de temps en temps,
par une petite ouverture située à l’extrémité de chaque branchie.
Cette expulsion se fait toujours convulsivement, et les muscles de
la cloison, en se contractant, contribuent à cet acte.
Deux ou quatre séries de corpuscules en rosaires s’étendent
depuis la cloison de la glande, en bas, entre les parois internes
de chaque branchie. Ces organes sont composés de cellules ova-
laires ou quadrangulaines , non contiguës , cristalloïdes , telles
qu’on les trouve partout sous la peau, et surtout en grande quan-
tité sur la masse musculaire du pied. On cherchera en vain des
troncs vasculaires.
Pourra-t-on , dorénavant , envisager ces appendices dorsaux
comme de véritables branchies? je ne le crois pas. On pourrait,
à la rigueur, considérer les lacunes qui se trouvent entre la peau
et les corps cristalloïdes comme des cavités respiratoires; mais ces
cavités n’auraient, aucune organisation particulière qui les distin-
guât des autres cavités qui se trouvent entre les intestins et la
peau, et dans lesquelles le sang circule aussi librement. Je n’ai
pas pu trouver non plus des ouvertures particulières, telles qu’elles
se trouvent dans les pieds de beaucoup de Mollusques, et qui
conduisent à des canaux par lesquels l’eau pénètre entre la peau
et les intestins.
Système nerveux.
L’étude du système nerveux est sans doute plus difticile dans
un animal qui, comme noti-e Tergipes, est trop petit pour être
DK NOKDMAVV — S LU Lli TKHGIPKS liOH AHUSI1. l'25
disséqué convenablement, et dont le corps, d’un autre côté, est
trop opaque, pour que le microscope puisse donner une idée com-
plète de la structure et de la disposition des organes intérieurs.
Ce que je donne ici est donc le fruit d’études qui ont exigé beau-
coup de temps , et dans lesquelles je n’ai pas pu m’aider du
compresseur. De jeunes individus, devenus transparents par une
abstinence d’aliments prolongée pendant quelque temps, m’ont
principalement servi pour l’étude de ce système. On ne verra ja-
mais, par exemple, les trajets des nerfs dans les tentacules longs,
quand ceux-ci sont le moins du monde contractés; ils sont alors
rendus opaques par les plis, tandis qu’au moment de la plus grande
extension, leur structure celluleuse interne, les canaux vasculaires
et les branches nerveuses dichotomisées se présentent de la ma-
nière la plus complète. La substance sans structure qui forme les
parois des vaisseaux, là où il y en a, ressemble partout à celle des
libres musculaires et nerveuses; mais la lumière réfléchie, blan-
châtre, le reflet nacré et les contours légers donnent un aspect
si particulier au système nerveux , que je crois ne m’être jamais
trompé sur la nature des fibres nerveuses.
Le système nerveux central est composé de quatre paires de
grands ganglions, qui sont, dans une paire, presque confondus
ensemble, tandis que les autres sont réunies par de courtes com-
missures. Le système nerv eux central forme , de cette manière ,
un anneau qui embrasse de tous côtés l’œsophage.
.Te crois qu’on peut partager le système central, avec .VL de
Siebold, en trois portions : deux paires de ganglions appartien-
nent à la portion supérieure, une autre paire à la portion latérale,
et la quatrième paire enfin à la portion inférieure. Je ferai remar-
quer, en outre, que l’organe auditif est en communication avec la
portion supérieure, dont la paire antérieure (fig. 1, W), qui repose
immédiatement sur l’œsophage, est un peu plus grande que les au-
tres ganglions. Chacun de cesganglions a une forme complètement
ovalaire et une couleur blanchâtre légèrement teintée en jaune.
Ces ganglions sont considérablement distants l’un de l’autre. Une
autre paire (fig. 1 , X ) est accolée , en arrière , à cette première, de
telle manière que les deux paires paraissent confondues au point de
126 DE — SUR LE TERGIPÜS EDWARDSII.
réunion ; au moins ne remarque-t-on pas distinctement une com-
missure. Ces deux ganglions postérieurs sont presque aussi grands
que les antérieurs , un peu rétrécis à la base , où ils sont contigus
à ces derniers, arrondis du côté opposé et tournés en dedans, de
sorte qu’ils se touchent presque sur la ligne médiane.
La paire latérale de ganglions (fig. 1, Y) s’accole à la paire
précédente , en descendant obliquement en bas et en arrière.
Chacun de ces ganglions latéraux est considérablement allongé,
rétréci en avant , un peu courbé et boursouflé en arrière en forme
de cornue. La moitié antérieure peut être considérée comme une
commissure. Ces ganglions, en entourant l’œsophage et la partie
postérieure de la masse buccale , s’écartent considérablement en
arrière, et leur distance est encore augmentée par les mouvements
des mâchoires , qui les poussent souvent d’avant en arrière. Au
moyen de cette paire de ganglions la partie supérieure du système
nerveux central se trouve liée à la partie inférieure des ganglions,
et cela de telle manière que les commissures sont peu marquées.
Chacun des ganglions inférieurs (fig. 1, Z) a une forme allongée,
rétrécie au milieu et renflée aux deux extrémités , de manière à
ressembler à une semelle; il peut doue être considéré comme
formé par la réunion de deux ganglions confondus ensemble.
La paire supérieure et antérieure des ganglions est celle qui
envoie le plus de nerfs. De son bord antérieur naît , de chaque
côté, un fil nerveux très court qui, immédiatement après son ori-
gine , forme un ganglion considérable , et envoie des branches
dans les deux appendices tentaculaires du front , ainsi que dans
les tentacules longs.
A. La première paire de nerfs (fig. 1 , 1), qui se distribue dans les
tentacules longs , a un diamètre considérable, et se divise im-
médiatement après son entrée dans le tentacule en trois bran-
ches égales , qui sont d’abord assez distantes, mais se rapprochent
plus tard, et se divisent de nouveau, à peu près au milieu de la lon-
gueur du tentacule, en trois ou quatre branches, que l’on peut
suivre presque jusqu’à l’extrémité du tentacule. Pour bien voir
ces nerfs, il faut que les tentacules soient étendus volontaire-
ment par l’animal.
de \ok».ha\^. — sun le tekgii'es edwaudsii. 127
B. La seconde paire de nerfs (fig. I, 2) prend son origine dans
les ganglions que je viens de mentionner, et, en décrivant un arc
d’abord en dehors, puis en dedans, ils se perdent dans la masse
des tentacules frontaux.
C. Les troisième (fig. 1 , 3) et quatrième (4) paires de nerfs nais-
sent immédiatement du ganglion oculifère, près de la base de
l’intumescence d’où partent les nerfs tentaculaires. Ces nerfs,
dont la paire intérieure montre un petit ganglion allongé non loin
de son origine, se ramifient dans la masse musculaire des mâ-
choires et de la langue.
D. La cinquième paire (fig. 1, 5) forme un filet très fin, étroit,
qui prend son origine dans le grand ganglion oculifère, et finit
dans la lèvre supérieure.
E. La même paire de ganglions envoie encore, depuis son bord
externe, un filet, la sixième paire (fig. 1,6), qui, en embrassant
d’abord la masse buccale, se rapproche du pied, et se continue en
arrière. J’ai pu suivre ce filet, du côté droit, jusque derrière l’ou-
verture génitale, où il se ramifie; mais je suis incertain si le filet
du côté gauche qui se cache dans le repli du foie lui correspond
exactement.
F. La septième paire de nerfs enfin (fig. 1, 7) naît du bord pos-
térieur de la même paire de ganglions, immédiatement derrière
les organes auditifs; il court droit en arrière pour se cacher dans
les environs du cœur et du rectum, après avoir longé l’estomac.
La seconde paire de ganglions, qui est contiguë au ganglion
oculifère, envoie de chaque côté un filet nerveux qui forme un arc
autour de la base de la masse buccale, et qui se voit très bien,
lorsqu’on observe les parties buccales d’en bas. Je n’ai pas pu
suivre les trajets ultérieurs de ces filets, pas plus que celui des
filets qui naissent de la partie inférieure du système nerveux cen-
tral , et dont une paire se répartit dans le pied , et un autre filet
impair dans le testicule et les ovaires.
On trouve un peu en dessous et en arrière de l’ouverture buc-
cale, entre les corps cristalloïdes et la partie antérieure du pied,
quatre corps arrondis, que j’envisage comme des ganglions.
Un filet très mince les met en communication avec la paire de
SLU LU TElUill’IÏS EDWARDS1I.
128 DE \ORDMAW —
ganglions oculifères du système nerveux central. De ces ganglions
se détachent trois filets courts qui, en longeant la ligne médiane, sc
confondent en un seul tilet, au-dessous de la vessie biliaire. On peut
suivre ce filet, le long du pied jusque vers l’extrémité du canal in-
testinal ; il donne, sur tout ce trajet , des branches à la glande du
vaisseau déférent, aux replis du foie et aux ovaires. On ne peut
douter que ces ganglions et ces nerfs n’appartiennent au système
nerveux intestinal.
L'organe île la vue.
On voit, immédiatement au-dessous de la base des tentacules
longs, deux petits points noirs qui ne sont autre chose que les yeux
(lig. 1, a). Ces organes, plutôt petits que grands, ne sont pas con-
formés aussi simplement que l’on pourrait le croire, puisqu’on
leur trouve toutes les parties principales : enveloppe externe cho-
roïde, pigment, pupilles, cristallins, et substance nerveuse.
Les yeux , vus d’en haut , sont ronds dans le T ergipes Edwardsü,
ovalaires et pointus en arrière chez l’autre espèce. Cependant
leurs contours subissent quelquefois des variations assez sensi-
bles. C’est ainsi que l’œil du Tergipes Edivardsii montre quel-
quefois une forme irrégulière, lorsqu’on le voit de côté. 11 pré-
sente alors un bourrelet arrondi muni de quelques petits prolon-
gements, qui se rétrécit considérablement vers la base, et qui est
coupé carrément en arrière.
L’enveloppe qui, à ce. qu’il parait, est en communication im-
médiate avec l’épiderme, est une membrane mince, vitrée, qui ne
montre aucune trace de pigment. Elle est suivie d’une seconde
membrane isolée qui est aussi mince, mais plus molle, et qui est
couverte d’un amas de pigment d’une couleur très intense. Ce
pigment est noir là oii il se trouve en masse considérable ; il paraît
d’une belle teinte violette foncée, lorsqu’on le rend plus trans-
parent par la compression. Cette seconde membrane pigmen-
taire est la choroïde; en procédant avec précaution, on réussit
assez bien à isoler le pigment de la membrane incolore.
Il y a en avant , au milieu du bulbe, un endroit plus clair,
allongé dans la direction longitudinale, qui, sous la pression.
DE XOKIMIA.W. — suit LE lEKGU'ES EDWAKÜSJI. 129
prend une forme ronde. C'est la pupille, derrière laquelle est situé
le cristallin sphérique. Je n'ai pas vu distinctement le corps
vitré. Le nerf optique manque, à moins qu’on ne le cherche dans
la base rétrécie du bulbe oculifère, qui est appliqué immédiate-
ment à la paire supérieure des ganglions qui composent le sys-
tème nerveux central. On ne trouve pas de muscles propres à
l’œil, l’épiderme musculaire et le mouvement de l’animal per-
mettant aux yeux de prendre des positions très dix erses. Conservés
dans un bocal , ces animaux recherchent le côté de la lumière ;
et quand je changeais la position du bocal , ils rampaient de nou-
veau vers la lumière , pour\ u toutefois qu’ils trouvassent quel que
chose à manger. Toutes les autres expériences sur la sensation de
la lumière ne m’ont donné aucun résultat, et c’est plutôt le tact
résidant dans les tentacules qui paraît guider les mouvements.
Les yeux se développent de très bonne heure dans les em-
bryons; ils sont déjà très apparents lorsque les intestins ne for-
ment encore qu’une agglomération chaotique. Maisle pigment n’est
pas alors bleu, il est, au contraire, d’un rose clair, et les contours
sont très indistincts, ce qui fait un contraste très frappant avec
les grandes capsules auditives, qui sont très nettement limitées
I. 'organe auditif.
•le connaissais déjà cet organe, et je iavais reconnu pour
tel avant que l’excellenl Mémoire de M. vie Siebold eut paru.
Maintenant, les observations se sont si souvent multipliées, que
l’on peut affirmer que tous les Mollusques sont pourvus d’un
organe auditif.
Ces organes (fig. 1,6) sont situés immédiatement derrière les
yeux, sur la partie postérieure des deux ganglions antérieurs. Ils
se font reconnaître de suite par leurs contours très accusés et
par leur volume encore plus considérable que celui des yeux. Les
nerfs spécifiques de l’ouïe manquent ; les vésiculessont logées dans
de petites excavations des ganglions.
Ces capsules ont une forme allongée dans les adultes, arrondie
dans les embryons; elles sont bombées en haut comme en bas,
et formées d’une enveloppe mince et vitrée qui résiste considéra-
V série. Zool T. V. (Mars 1816.) i !•
SUU LE TlilUiU’liS EDVVAHDSII.
130 DE XORDMAXX. —
blement à la pression. Ces capsules forment ainsi deux vésicules
dont la cavité interne est sans doute partiellement remplie par
un liquide clair et aqueux. Un petit otolitlie arrondi nage dans
cette capsule sur le liquide. L’otolithe n’est visible dans les
embryons que peu de temps avant l’éclosion ; dans son milieu se
trouve une petite tache claire. L’otolithe ne touche pas les parois
de la capsule auditive; il se maintient dans une oscillation conti-
nuelle, causée par des vibrations. Je crois pouvoir confirmer, par
l’observation directe, l’opinion énoncée parM. de Siebold, savoir,
que les parois vibrent réellemeut, ce qui a été confirmé aussi
depuis. Je croyais autrefois pouvoir expliquer les mouvements
vibratoires des otolithes , en supposant que les capsules ne sont
pas entièrement remplies de liquide, et que les otolithes nagent
à la surface de ce liquide, continuellement influencée par les
vibrations des parois capsulaires.
Organes sexuels.
Je trouve la disposition suivante dans les organes génitaux du
Tergipes. L’orifice génital commun ^fig. 1 , f) est situé , comme je
l’ai déjà mentionné, sur le côté droit du corps, entre le tentacule
long et la première paire des appendices dorsaux. Cet orifice
forme une verrue sensiblement saillante, conique et tronquée à son
sommet, dont le bord supérieur est un peu allongé, de manière
à pouvoir fermer presque complètement l’orifice comme une val-
vule. La cavité génitale commune est assez spacieuse, arrondie,
tapissée d’une membrane musculeuse , et perforée au fond par
trois ouvertures, celles des canaux excrétoires des organes mâles
et femelles , et celle d’une grande vésicule particulière que
j’appelle la vessie muqueuse.
Des organes sexuels mâles.
Le testicule (fig. 1, c , qui est proportionnellement assez grand,
se fait déjà remarquer, à la simple inspection avec la loupe, par sa
couleur verdâtre ; il est situé à peu près au milieu du corps , un
peu plus rapproché de la tète , en arrière du foie , et entouré en
partie par les lobes de cet organe.
UK VIlilDIAW. — Sl li LK TlilllSII'IiS KDW USDS1I. J 31
Il touche en haut au canal intestinal, en arrière aux organes
sexuels femelles. On peut comparer sa forme à celle d’un boudin
courbe fortement rempli ; son extrémité postérieure est arrondie,
recourbée en bas; son extrémité antérieure diminue petit à petit
en volume, et se termine en pointe; les parois sont formées par
une membrane très épaisse et lisse , et par une seconde enveloppe
assez mince.
Deux canaux sont en communication avec le testicule ; celui
qui est le plus court débouche, en venant du foie et en décrivant
un arc, au-dessous de la partie recourbée du testicule, dans le
milieu de cet organe. Cë canal court est ordinairement si bien
caché sous la masse du testicule qu’il échappe à la vue; mais on
le remarque chaque fois que l’on réussit à isoler complètement
le testicule. J’ai vu la première preuve de l’existence de ce canal
dans un mouvement vibratile assez fort qui se trouvait à cet
endroit ; car , excepté l’estomac et le rein, tous les autres organes
prennent un épithélium vibratile en approchant de leur orifice à la
surface externe. L’intestin , par exemple , vibre seulement dans la
partie rectale ; le canal déférent, seulement là où il quitte le testi-
cule, et à son extrémité qui débouche dans la vessie ; la glande
muqueuse , seulement à son embouchure ; le foie, dans le canal
biliaire; l’oviducte, à la sortie de l’ovaire, et près de l’orifice
génital ; le cœur, au passage dans les vaisseaux.
Je n’ai pas pu m’assurer ni de la marche ni du mode de termi-
naison du canal court dont je viens de parler ; peut-être est-il en
communication directe avec les organes femelles ; mais je crois
plutôt qu’il se termine en cæcum. On pourrait le regarder dans
ce cas comme un épididyme.
Un long canal serpentant entre les replis du foie , un véritable
canal déférent (fig. \ ,rf , est en communication avec l’extrémité
pointue du testicule. D’abord plus large, puis se rétrécissant con-
sidérablement , ce canal s’étend vers la cavité sexuelle générale
pour déboucher dans la verge très courte, qui quelquefois est un
peu saillante. Ce petit organe est du reste entièrement différent
de celui que Cuvier et les autres naturalistes ont désigné comme
tel dans la majorité des Mollusques.
SI II LE lEKGJl'ES mm VIIDS1I.
DE MIItUHIW.
Cette verge a une tonne conique courte et un petit orifice qui
est formé par une membrane très dure d’une texture cartilagi-
neuse. Comme on ne peut voir à la fois que ces deux parois
opposées, le pénis a l’air de se terminer par deux courtes pointes ;
j’ai déjà fait remarquer que l’on trouve un mouvement vibratile
en cet endroit. Ce col de la verge et du conduit éjaculateur est
en rapport avec une grande glande ovale , qui est souvent élargie
en forme de massue vers son extrémité en apparence fermée,
tandis qu’elle se rétrécit en avant. Cette vésicule (fig. 1 , e) contient
dans son intérieur une quantité de petites vésicules rondes, une
masse mucilagineuse remplie de granules ; elle s’étend le long du
pied , dont elle se rapproche plus que tous les autres viscères.
Son épithélium interne vibre vers l’orifice; son extrémité posté-
rieure arrondie reçoit un canal court un peu tlexueux , qui paraît
venir de la région des corps cristalloïdes du pied. Quatre à six
fibres très fines prennent encore leur insertion sur la paroi externe
postérieure, et paraissent pouvoir fonctionner pour l’expulsion
du contenu. Les parois de cette vésicule sont d’une nature muscu-
leuse; elles se contractent et se dilatent sous le compresseur
tout-à-fait indépendamment des mouvements des autres organes.
Cette vésicule , si on ne veut pas la comparer à la prostate , est ,
dans tous les cas, une glande muqueuse de laquelle provient la
mucosité par laquelle l’animal se colle à des objets divers comme
par un fil.
Le pénis n’est pour ainsi dire qu’un prolongement du cette
vésicule ; je n’ai pourtant jamais remarqué qu’il contînt des
zoospermes (1).
Le testicule de l’animal adulte est rempli de zoospermes tel-
lement serrés qu’ils peuvent à peine se mouvoir. Leur forme
se rapproche de celle que montrent les petits zoospermes de la
Paludine, mais leurs mouvements paraissent plus vivaces. L’une
de leurs extrémités ‘est allongée en forme do cheveu ; l’autre
est plus épaisse et en forme de vis , quoique se terminant éga-
(t ) Nous croyons, au contraire, que toute la vessie contractile n'est autre cliose
que le pénis, qui, clans les autres Nudibranches, jouit aussi de mouvements tout-
a -fait indépendants. * (iXote du traducteur.)
DE NOBD9MNK. — SLR LE TERGIPES EDWARDSII. 133
lement en pointe. Les zoospermes sont très longs par rapport à
l’animal ; ils mesurent île 10 à 16 centièmes de ligne ; le tour de
la vis embrasse un tiers de leur longueur. Ils sont situés pêle-
mêle dans le testicule et forment, en sortant, des faisceaux sem-
blables à des boucles. 1 Is serpentent très vite en tournoyant sur leur
extrémité renflée; ils ne se roidissent pas de suite dans l’eau de la
mer, mais continuent à se mouvoir, tandis que l’eau douce produit
le phénomène connu de la formation des anses. On trouve aussi
dans le testicule de petits corpuscules et de petites vésicules qui
sont en rapport avec la formation des zoospermes. Je passe outre
sur cet objet, me réservant de démontrer plus tard que les zoo-
spermes se forment aussi spontanément dans les organes sexuels
femelles. L’organe désigné comme testicule est un organe pure-
ment mâle ; je n'y ai jamais vu de corps vésiculaires qui eussent la
moindre ressemblance avec des œufs en voie de développement.
Nous décrirons bientôt l’analogue de l’organe hermaphrodite des
autres Gastéropodes.
Organes sexuels femelles.
Les organes femelles occupent la plus grande partie de la cavité
générale; car les ovaires, ainsi que les autres parties, s’étendent
depuis le foie jusque vers l’appendice caudal du corps. Cet appa-
reil si compliqué est composé, 1° des ovaires; 2° des canaux
excréteurs des ovaires ; 3° des réceptacles particuliers, dans les-
quels les œufs primitifs sont fécondés, et que j’appelle avec M. de
Siebold les poches spermatiques ou fécondatrices ; 4° des canaux
excréteurs de ces poches ; 5° d’un autre réceptacle qui correspond
en quelque sorte à la matrice.
Les ovaires (fig. 1, m sont des boyaux ovales ou arrondis, dont
le nombre est très variable, d’après la taille et l’âge de l’animal, et
d’après le nombre de poches spermatiques. Chacune de ces der-
nières poches, dont j’ai compté de dix-huit à vingt-quatre dans les
animaux adultes, est en communication avec trois à six ovaires,
dont les canaux excréteurs très courts , mais capables d’une très
grande extension, s’ouvrent, surtout dans la partie antérieure de
la poche spermatique. Chacune de ces poches ressemble ainsi à
Sl lt I.E TlillUIPES Em\ ARDSII.
1:ï(| »F. KORD9MNN.
une grappe de raisin. La formation des œufs a lieu partout dans
la cavité des ovaires, qui sont remplis par des amas de granules
élémentaires plus ou moins petits, par des quantités d’œufs plus
ou moins formés, arrondis et nettement circonscrits, qui sont tous
pourvus de taches et de vésicules germinatives. On distingue
entre autres des vésicules germinatives plus grandes et entourées
déjà de masses vitellaires, opaques. Les œufs qui sent mûrs pour
la fécondation passent, par les canaux excréteurs des ovaires,
dans les poches séminales, pour se rendre de là dans l’oviducte,
dont l’extrémité postérieure peut être regardée comme l’analogue
de l’utérus.
Les poches séminales (fig. l,.v) quoiqu'en relation intime avec
les organes femelles, méritent une attention toute particulière ,
en ce qu’on y trouve un développement indépendant de zoospermes.
Le nombre de ces poches, arrondies et un peu aplaties des deux
côtés, varie, chez les différents individus, entre quatre et huit ;
elles remplissent l’espace compris entre le testicule proprement dit
et la partie postérieure de l’intestin, en se plaçant les unes à la suite
des autres. Les parois assez épaisses de ces organes sont glandu-
leuses. Leurs bords inférieurs sont bordés de jaune, quelquefois
même, dans des individus plus âgés, d’un orangé assez vif. Les
éléments que l'on trouve dans ces organes, et qui, à mon avis,
sont tous liés au développement de zoospernies, sont les suivants.
A. On trouve d’abord de petits granules opaques qui présen-
tent un mouvement moléculaire, et. qui remplissent l’espace que
laissent entre eux les autres éléments, en formant probablement
la matière dont ces derniers se constituent ;
B. De petites vésicules arrondies et qui sont surtout appli-
quées contre les parois des poches séminales. Quelques unes de
ces vésicules sont parfaitement transparentes ; d’autres sont rem-
plies d’un contenu granuleux ; les plus grandes ont souvent un
noyau distinct ;
C. Des cellules plus grandes, allongées, sans noyaux, mais
remplies de granules très petits, disposés en séries parallèles, ce
qui donne aux cellules un aspect finement strié, qui est caracté-
ristique de la formation des zoospermes ;
DE iVORDMAiW. Sl’R I.E T EI\E IPES EDWARDSIT. 135
D. D’autres éléments encore plus longs, fusiformes, plus ou
moins tortueux et sans enveloppe distincte, mais ayant un con-
tenu semblable; ce sont des faisceaux de fibres spermatiques;
E. Des zoospermes développés, ayant des têtes renflées et quel-
ques tours en spirale. Les faisceaux les plus grands se laissent
diviser, à l’aide du compresseur, en plusieurs faisceaux plus
petits et rayonnants, dans lesquels les extrémités renflées des
zoospermes se trouvent toujours du même côté. Ces têtes des
zoospermes étaient entourées immédiatement de petites vésicules
ovalaires et transparentes qui paraissaient en communication
avec les têtes, tandis que les extrémités minces et pointues des
zoospermes étaient collées ensemble par une masse glutineuse et
granulée ;
F. Enfin, des zoospermes libres parfaitement développés , sans
vésicules. Ce sont les seuls qui présentent des indices de vie,
tels qu’on les connaît chez les zoospermes. En les comparant avec
ceux qu’on extrait du testicule, on trouve toujours une petite diffé-
rence , qui consiste en ce que les zoospermes des vésicules sé-
minales ont une forme plus allongée, la tête moins grosse, et un
nombre de tours de spire moins considérable.
Il y aurait donc chez le Tergipes deux formes de zoospermes
un peu différentes.
Tout cela prouve sans doute que les zoospermes se développent
dans l’intérieur des organes femelles (1).
Il est plus difficile de savoir si la matière première de ces
corps, surtout les cellules désignées sous ia lettre H, proviennent
seulement du testicule par éjaculation. Je suis porté à croire que
(t ) Il me semble évident, d'après ces observations de M. Nordmann lui-même,
que les organes nommés par lui poches spermatiques , et dans lesquels se déve-
loppent les zoospermes, sont réellement les testicules multiples, tandis que l’or-
gane appelé par lui testicule ne parait être qu'un diverticule du canal déférent,
une espèce de vésicule séminale. Si le caractère du testicule, dans toute la série
animale. est de servir d'organe pour la production des zoospermes, je ne sais
pourquoi M Nordmann refuse ce nom a de- organes dans lesquels il trouve
tous les degrés de ce développement, d'autant plus qu'd n'y a jamais découvert
des éléments appartenant aux organes femelles. (.Voir du traducteur.)
13(3 dk xonmiwv — si r, i.i: tergipes edwardsii.
ces vésicules ou cellules peuvent aussi être produites par les parois
glanduleuses des poches séminales. Je n’ai jamais trouvé, dans
ces poches, des éléments qu’on aurait pu prendre pour des œufs
en voie de formation , comme je n’ai pas trouvé non plus de
zoospermes en contact avec des vésicules germinatives. Les zoo-
spermes ne pénètrent jamais dans les ovaires, oii il aurait été
facile de les reconnaître à leur longueur considérable et à leur
aspect particulier ; ils restent, au contraire, dans les poches sémi-
nales, où ils sont réunis en faisceaux.
La structure que nous venons de décrire prouve que le Ter •
gipes, ainsi que d’autres animaux d'une conformation semblable,
peut produire des oeufs fécondés sans copulation préalable. Pour
avoir une certitude absolue sur ce fait , j’ai fait des expé-
riences directes en nourrissant isolément, pendant des mois
entiers, des individus que j’avais pris lorsqu’ils étaient encore
d’une petitesse extrême. Presque tous ont pondu des œufs qui
se sont développés.
Les poches séminales du Tergipes débouchent par des canaux
très courts et assez larges dans un grand boyau médian, l’utérus,
qui diminue petit à petit en volume , et se termine dans le sac
générateur commun, en formant un vagin allongé et un peu
llexueux.
DEIXIÈIIE PARTIE.
EMlilîYOGÉNlF..
L’œuf dans l’ox aire.
On ne peut distinguer les organes sexuels aussi longtemps que
les jeunes Tergipes sont encore enfermés dans leur coquille
nautiloïde ; mais aussitôt qu’ils se sont séparés de la coquille, et
qu’ils ont atteint une longueur de 1/4 à 1/3 de ligne, on trouve
déjà indiqués le testicule . ainsi que le contour de l’utérus. Les
œufs se développent même beaucoup plus tôt que le contenu
testiculaire ; mais ce qui frappe surtout , c’est le manque de tur-
gescence de l’enveloppe extérieure de l’utérus et des parties con-
tiguës. La configuration des ovaires, quoique en général arrondie,
I»K \OIIIMItW. — sur. LE TEROIPES EDWARDS». 137
montre pourtant des coins et des entailles qui so présentent sous
forme de sillons assez réguliers , formant tantôt des carrés , tantôt
des polygones ou des figures croisées. Les œufs en voie de for-
mation , et qui sont trop peu élastiques pour pouvoir distendre
les parois des ovaires , sont entassés les uns sur les autres , com-
primés extérieurement, et présentent ainsi des formes polyé-
driques.
En soumettant ces œufs à une pression graduée , on les voit
affecter la forme de pentagones ou d’hexagones, dont chacun con-
tient dans son intérieur une vésicule arrondie et un noyau plus
transparent.
L’enveloppe polygonale est la membrane vitellaire ; la vésicule
transparente est la vésicule germinative ayant la tache de Wagner.
On y découvre en outre des éléments clairs et transparents com-
posés seulement de deux contours concentriques, savoir, de la vési-
cule germinative et de son noyau ; puis des corps transparents ,
arrondis , très nettement circonscrits , que je regarde comme des
taches germinatives , et enfin une quantité de granules molécu-
laires qui forment la grande masse, de l’ovaire. S’il est vrai que
les corps transparents , arrondis , à contours très accusés , que je
viens de mentionner, sont réellement des taches germinatives
isolées, il s’ensuivrait que cette tache serait le premier élément de
l’œuf qui se forme, l ue pareille tache germinative paraît toute
homogène ; elle ne contient pas , pendant cette première période ,
de ces granulations que l’on pourrait envisager comme des nu-
cléoles. La tache germinative se retrouve dans les œufs les plus
petits des individus les plus jeunes ; elle est toujours parfaitement
arrondie, et l’on peut distinguer sur la tache, dès qu’elle est
entourée par la vésicule germinative et par le vitellu.s, une enve-
loppe très mince et un contenu.
L’enveloppe ne présente aucune structure appréciable ; dans
l’origine, ses contours sont plus accusés que plus tard. J’ai plu-
sieurs fois réussi à faire sortir la vésicule germinative et la tache
germinative par une fente de la membrane vitellaire ; ces deux élé-
ments s’allongeaient pour trouver un chemin entre la substance
vitellaire , et redevenaient sphériques plus tard après leur sortie ,
138 DE NOKDMANN. — SUR LE TERGIPES EDWARDSII.
ce qui prouve que ce sont des vésicules , dont l’enveloppe jouit
d’une élasticité considérable.
La tache germinative augmente en volume: son contenu est
tout-à-fait sans structure aussi longtemps que dure cet accroisse-
ment.
La tache atteint le terme de sa croissance beaucoup plus tôt
que la vésicule germinative, de manière qu’il n’est pas rare de
rencontrer des taches de grandeur égale dans des vésicules ger-
minatives très inégales.
Chaque vésicule germinative ne contient qu’une seule tache,
située ordinairement au centre , mais qui plus tard se rapproche
un peu de la périphérie. Je ne crois pas que la tache soit toujours
accolée à la paroi interne de la vésicule germinative, car elle
change facilement de place lorsqu’on fait glisser avec précaution
les lames du compresseur. Les granulations manquent aussi long-
temps que la vésicule germinative est encore isolée; mais il se
forme un précipité granulé du moment que le vitellus vient s’a-
jouter et que l’ovule approche de sa maturité.
Je crois donc pouvoir établir avec une pleine certitude que la
vésicule germinative existe avant le vitellus , puisqu’on trouve
dans les ovaires du Tergipes des vésicules avec leur tache germi-
native, et sans la moindre trace de substance vitellaire.
La vésicule germinative a une forme sphérique et entoure la
tache germinative, d’abord assez étroitement, puis elle s’étend
et s’accroît pendant longtemps, même après que la tache germi-
native est parvenue à son volume définitif. Elle ne paraît atteindre
le terme de sa croissance que lorsqu’une partie du vitellus s’est
déjà déposée autour d’elle.
La vésicule germinative est donc relativement d’autant plus
grande que le vitellus est plus petit.
L’enveloppe de la vésicule ne montre d’abord aucune structure,
ainsi que son contenu liquide et albumineux ; mais ce dernier de-
vient bientôt granuleux et forme de petits globules qui se collent
à la paroi interne de la vésicule, et ressemblent un peu à des glo-
bules graisseux.
Nous distinguons dans le vitellus deux substances : la couche
I»E XORDM.VVÎV. — sim LE TEllGIlUiS EDWABDSII. 1 39
primitive, assez mince, et une couche secondaire qui s’y ajoute
plus tard.
La couche primitive se présente sous la forme d’un disque, au
milieu duquel sont enfermées la vésicule et la tache germinative.
Celte couche est composée d’un liquide transparent, et parsemée
de molécules très petites; elle est entourée manifestement d’une
fine membrane cellulaire, d’une espèce de membrane vitellaire.
Les corpuscules moléculaires sont d’abord de simples granules
qui n’ont pas la forme de vésicules ou de cellules. La membrane
vitellaire augmente tout aussi bien autour de la vésicule germi-
native que celle-ci s’élargit autour de sa tache centrale.
Parmi les œufs en voie de développement, on en trouve dans
lesquels la vésicule germinative occupe plus de la moitié de l’œuf
tout entier. Le caractère le plus saillant de l’œuf non mur est sa
transparence et l’existence d’une membrane vitellaire distincte,
tandis que celui de l’œuf mûr réside dans l’opacité , dans la com-
position cellulaire de la masse vitellaire et dans la disparition de
la membrane vitellaire.
La masse vitellaire primitive est entourée, lorsqu’elle a atteint
à peu près la moitié du volume de l’œuf tout entier, par les gra-
nules brillants, plus accusés et plus grands, de la masse vitellaire
secondaire, ou, en d’autres mots, une couche plus épaisse de
substance vitellaire se dépose autour de la membrane vitellaire.
Le vitellus primitif éprouve, bientôt après le dépôt de la sub-
stance vitellaire secondaire, un changement, en ce sens que les
molécules qui se trouvent en dedans de la membrane vitellaire
s’accumulent pour former d’abord des granules, et plus tard des
vésicules, dans lesquelles on aperçoit des noyaux plus petits. La
membrane vitellaire disparaît dès que la transformation de la sub-
stance vitellaire primitive est assez avancée pour qu’il devienne
difficile de trouver une différence entre les deux substances vitel-
laires, qui se pénètrent maintenant et se confondent mutuelle-
ment. On peut encore quelquefois réussir à séparer les deux
couches par une pression habilement ménagée, et faire voir la
membrane vitellaire , ainsi que la différence des couches qu’elle
sépare.
1/jO nu xorimiaxv — Slip, i.i: tergipes edwardsii.
L’œuf mûr.
L’œuf, parvenu à sa maturité, passe de l’ovaire, par le canal
excréteur rpii se distend considérablement à cette occasion , dans
la poche séminale remplie de zoospermes, où il est fécondé, et de là
dans la matrice. L’utérus, rempli quelquefois de trente à qua-
rante œufs à la fois, est très distendu dans ce cas; les œufs sont
accumulés depuis l’orifice sexuel jusque vers l’appendice caudal,
et il arrive assez fréquemment que les parois élastiques de l’utérus
poussent des diverticules qui s’étendent jusque dans les cavités
des appendices branchiaux, de manière que des œufs isolés sont
quelquefois poussés à côté des cæcums intestinaux, jusque vers
les extrémités des appendices. Le plus grand nombre d’œufs se
trouve toujours plus rapproché du dos que du pied.
L’œuf mûr a une forme parfaitement sphérique; son vitellus
est enfermé dans une enveloppe mince, transparente et sans struc-
ture, le chorion. Cette enveloppe entoure étroitement le vitellus,
dont la masse, d’abord blanchâtre, a pris une teinte rose assez
claire, teinte qui se voit à travers les téguments extérieurs du
corps. Le diamètre d’un pareil ouifest de 0,06 de ligne. Le cho-
rion résiste d’abord un peu à la compression et se fend ensuite,
après une dilatation peu considérable.
Le contenu de l’œuf est composé d’un liquide albumineux et
transparent , dans lequel sont dispersés divers autres éléments
qui sont au nombre de trois, savoir, des sphères assez grandes,
transparentes, luisantes et très nettement circonscrites, qui sont
manifestement des cellules, et dont l’intérieur est rempli par d’au-
tres éléments globulaires peu distincts et par des granules. Ces
sphères brillantes forment la grande partie du contenu vitellaire ;
elles mesurent presque 0,006 de ligne. Elles deviennent surtout
visibles par la compression, et leur éclat, par la lumière trans-
mise, est tel, que leur aspect fatigue même l’œil exercé. A cela
s’ajoutent des granules plus petits, moins nettement circonscrits,
qui s’accolent ensemble, et qui sont entourés d’une masse gra-
nuleuse très One, dont les molécules, ainsi que les contours des
DE \OKHMAXV — sut LE II IIGII’ES EDWAKDSII. 1ÙI
petites sphères, sont doués d’un mouvement très animé lorsqu’on
écrase les œufs.
La vésicule germinative, avec son noyau, ne montre pas de
modification importante ; on remarque pourtant qu’elle appro-
che davantage de la périphérie, et qu’elle est remplie de nom-
breux granules opaques.. On remarque aussi quelquefois dans
la substance vitellaire des globules plus grands et nettement
accusés, qui sont probablement des gouttelettes d’huile. Le con-
tenu vitellaire n’est pas sensible à l’eau de mer; le mouve-
ment moléculaire devient seulement d’abord plus vif, pour se
ralentir après, et s’arrêter définitivement après quelque temps.
I.a ponte des œufs.
La copulation, si toutefois elle a toujours lieu, non plus que la
ponte de notre animal , n’est liée à une certaine saison ; car on
trouve une quantité de capsules d’œufs depuis le printemps jus-
qu’à l’époque où la mer gèle, et j’ai eu même des œufs qui furent
pris en décembre, par une température de h degrés, dans la mer.
La capsule dans laquelle les œufs du Tergipes sont enfermés est
arrondie ou réniforme; elle constitue une vésicule d’une transpa-
rence vitrée, qui est composée de deux enveloppes, une externe
et une interne. Cette dernière entoure légèrement les œufs, et
laisse apercevoir un espace considérable entre elle et l’enveloppe
externe. La capsule a une ligne de diamètre; elle est fixée, par
une tige courte et en forme d’entonnoir, à la face inférieure d’une
feuille d’Algue ou à un Polypier quelconque, tels que des Cam-
panulaires, des Corynes ou des Bow erbankies. L’espace externe,
comme l’espace interne de la capsule , est rempli par un liquide
gélatineux, dans lequel les petits, qui portent encore des coquilles,
tourbillonnent pendant quelque temps après leur sortie de l’œuf.
On remarque à la face de la vésicule, située vis-à-vis de la lige,
un cercle dans lequel se montre une fente, vers la fin du dévelop-
pement des petits. Celte fente donne aux petits une issue dans
l’eau.
Le nombre des œufs contenus dans les capsules varie beaucoup
d’après la grandeur et l’àge de l’animal , et chacun d’eux répète
1 /p2 ni: vonn'i i\v — sois i.e ïeugipes edwardsij.
plusieurs fois la ponte, sans que chaque ponte soit précédée né-
cessairement d’un accouplement. J’ai retiré de douze individus,
que j’isolais pendant dix jours, après les avoir conservés ensemble,
le nombre suivant d’œufs.
Du N" 1 La première fois. . . 9 La seconde fois. 6 » »
2 18 9.4
3 18 7 8 »
4 8 ...... 4 0 » »
5. ........18 13 » »
6 16 3 7 .
7 8
8 3
9 1
10 .52
H 64
12 80 30 26 1*
Ce dernier animal était extraordinairement grand ; il vécut
pendant plus de trois mois, changea plusieurs fois de peau, et
se nourrissait, en dernier lieu seulement, d’infusoires, après avoir
dévoré tous les faisceaux de Campanulaires qui étaient à sa portée.
Il pondit plus tard encore des œufs que je ne comptais plus.
Les œufs forment un amas irrégulier, mais qui n’est jamais
serré au point qu’ils puissent se comprimer mutuellement, de ma-
nière à prendre une forme polyédrique. Je n’ai pas vu non plus
de coques vides sans vitellus , telles que M. Sars en mentionne
dansiez N udibranches examinés par Iqi. Mes animaux pondaient
de nuit , et quelquefois plusieurs capsules à la fois. Je n’ai pas
vu une véritable immission du pénis, quoique j’eusse observé
plusieurs couples en contact immédiat.
Développement de l’embryon
Les points suivants me paraissent surtout importants dans les
modifications que subissent le vitellus et l’embryon. 1“ L’œuf
devient oval; le chorion s’étend d’un cinquième de son axe lon-
gitudinal. Un liquide transparent et albumineux se sépare
en même temps du vitellus. 3“ Le vitellus perd sa forme sphé-
DE XORDM.IW — SLK LE TEltGIl’ES EDM \UDS1I. 143
rique; sa masse devient moins compacte; ses contours se ri-
dent. 4° La vésicule germinative et la tache de \\ agner dispa-
raissent. 5° Les couches supérieures du vitellus perdent leur cou-
leur rougeâtre; l’œuf devient blanc. 6" Des cellules vitellaires se
séparent, dans la majorité des cas, du reste de la masse vitel-
laire, et déterminent des formations parasitiques. 7“ Le vitellus
est séparé en deux sphères par un sillon. 8" Le fractionnement se
continue dans une progression régulière. 9“ Le vitellus a la
forme d’une mûre. 10° Une vésicule- d’air (?) se sépare du
vitellus. 11° La surface du vitellus devient grenue. 12° Pre-
mière formation de l’embryon : le vitellus prend une forme al-
longée qui passe bientôt à celle d’un triangle mal défini. 13° Ap-
parition distincte du système animal, du système cutané; con-
figuration de l’embryon. 14” La partie antérieure de l’embryon,
les organes moteurs futurs sont indiqués par un étranglement.
15° Le bord antérieur, élargi, montre des rides qui se trans-
forment bientôt en deux saillies arrondies latérales. 16° Les sail-
lies se transforment en lambeaux, et entre eux parait un troisième
prolongement, le pied. 17° Commencement de. la formation du
manteau et de la coquille. 18° Des cils poussent sur les lambeaux.
19° Premier mouvement oscillatoire de l’embryon. 20° Le pied,
accolé à la coquille, reçoit des cils vibratiles, 21" Les lambeaux
(voiles) prennent la forme d’un disque; mouvement rotatoire de
l’embryon. 22° Les cellules qui ont contribué à la formation du
manteau se dissolvent et disparaissent. 23" La coquille s’est
accrue considérablement. 24° Des rangées de cellules isolées
indiquent le muscle suspenseur. 25° Formation des viscères, dont
on ne peut distinguer d'abord que l’intestin isolé ; capsules audi-
I i v es. 26° Le foie et d’autres corps glanduleux deviennent distincts,
ainsi que l’anus, les ganglions. 27° Les cellules formant le muscle
suspenseur disparaissent. 28° Dépôt pigmentaire des yeux. 29° Les
parasites si curieux paraissent entre le chorion et l’embryon en-
core enfermé dans sa coquille. 30° L’embryon, définitivement
formé, ou la larve, ouvre et referme sa coquille, moyennant un
opercule. 31° Plus grande dilatation du chorion. 32° La larve
144 DE Mlltlin\N\. — SL K LE HilU.ll'LS EDWAKDSII.
crève le chorion. 33° Séjour des larves dans la capsule commune
des œufs. 34° Les petits quittent la capsule.
Le temps nécessaire au développement complet des œufs du
Tergipes est très différent, d’après les saisons, et j’ai observé
qu’il faut, en général , de seize à vingt jours pour l’accomplisse-
ment de toutes les phases. Le changement trop souvent répété
de l’eau de mer, dans la saison froide, retarde de beaucoup le
développement.
La première modification que l’on aperçoit consiste dans la di-
latation de l’enveloppe externe , qui prend une forme ovale. Il
se trouve même des œufs qui sont plus larges à l'une des extré-
mités, et pointus à l’autre. Le vitellus, encore complètement glo-
bulaire, d’une teinte rose parla lumière réfléchie, et nettement
circonscrit, occupe à peu près les deux tiers dé l’espace du cho-
rion. 11 est impossible de prouver l’existence d’une membrane
vitellaire; le vitellus, par la compression, s’étend d’une manière
uniforme, et coule hors du chorion déchiré, sans laisser de traces
d’une enveloppe particulière.
Pendant que le chorion augmente de volume, il se fait entre
lui et le vitellus un espace assez considérable, qui se remplit
d’un liquide albumineux et transparent. On sait que beaucoup
d’œufs de Mollusques se tuméfient lorsqu’on les met dans l’eau;
mais je crois que, dans le cas qui nous occupe , le liquide ne pé-
nètre pas seulement par imbibition , mais qu’il provient aussi de
la masse vitellaire elle même, entre les granules de laquelle il était
contenu.
Le vitellus s’agrandit peu de temps (six à dix heures) après la
ponte; il perd en même temps sa forme sphérique et montre des
contours ridés, qui proviennent de l’accumulation des cellules
et des granules , entre lesquels il y a des espaces plus transpa-
rents. Cette liquéfaction pénètre toute la masse vitellaire, et dé-
truit aussi la vésicule germinative et la tache de Wagner, parties
qui se montrent toujours dans les œufs contenus dans la matrice,
en sorte que leur disparition n’est pas une conséquence immédiate de
la fécondation. Je ne puis dire avec certitude si c’est la tache
in: !V«KD1U\\. — SUR LE TERGIPES EDWARDSII. 1 h 5
ou la vésicule germinative qui disparaît la première ; leur place
est occupée maintenant par des granules et des cellules grandes
et petites. La teinte rosâtre du vitellus disparaît en même temps;
l’œuf devient blanc.
Avant le commencement du fractionnement se montre un phé-
nomène tout-à-fait particulier, qui n’est qu’en rapport indirect
avec le développement de l’embryon. De petites particules ,
quelquefois au nombre de deux à huit , commencent à se séparer
du vitellus au moment où celui-ci se ride. Ces agglomérations
sont d’abord collées à la surface du vitellus; mais bientôt elles se
séparent complètement pour nager dans le liquide albumineux.
Ces agglomérations ne sont pas différentes des éléments vitel-
laires; elles contiennent toujours quelques cellules plus grandes,
arrondies et transparentes, dans lesquelles se trouvent emboîtées
d’autres cellules plus petites et pourvues de noyaux. J’ai pour-
suivi attentivement les phases diverses de ces agglomérations,
et j’ai vu qu’elles se transformaient en des animaux parasites d’une
forme particulière. Ce fait me paraît de la plus haute importance ;
il peut donner lieu à une quantité de questions et d’hypothèses.
11 s’agit d’abord de savoir si mes observations sont réellement
fondées, et si je n’ai pas été trompé en prétendant que ces agglo-
mérations proviennent réellement du vitellus , puis si les mem-
branes et les enveloppes des œufs étaient réellement intactes , et
si , «11 général , il y avait possibilité de suivre le développement
de ces animaux parasites. On peut faire la réponse suivante à
ces objections. Une quantité de parasites se trouve dans les par-
ties internes des Mollusques; l’observation ne pouvait reposer sur
une erreur, puisque , sur la grande quantité d’œufs qui se sont
développés sous mes yeux, èi des saisons différentes, il n’y en
avait que fort peu sur lesquels je n’eusse pas observé ce phéno-
mène. Ni l’embryon ni les parasites ne se développaient lorsque les
enveloppes du vitellus avaient une lésion quelconque qui laissait
libre accès à l’eau. Toute la masse se décomposait alors par
pourriture. Des germes de parasites peuvent se trouver tout aussi
bien dans les ovaires que dans d’autres organes; ces germes peu-
3* série. Zoul. T. V. ( Mars -1846.) -j 10
146 DE NORDMANN. — SUR IÆ TERGII'ES EDWARDSII.
vent être englobés par les enveloppes des œufs qui se forment.
J’ai, d’ailleurs, déjà communiqué d’autres observations analogues
qui constatent des faits semblables. Mais les rapports si intimes
de ces agglomérations avec le reste du vitellus, leur développe-
ment dans l’intérieur du chorion , sont toujours quelque chose de
surprenant ; car, s’il y avait une membrane vitellaire particulière,
les germes des parasites devraient être enfermés par cette mem-
brane. D’autres naturalistes confirmeront sans doute mes obser-
vations, pourvu que d’autres Mollusques présentent des cas ana-
logues. La transformation des agglomérations séparées pour for-
mer des animaux isolés n’est pas difficile à suivre , malgré la
petitesse de ces dernières; mais, comme elle ne se fait qu’ après
la fin du développement embryonnaire du Tergipes, je ne revien-
drai sur cet objet que plus tard.
Le premier sillon du fractionnement paraît, en général, qua-
torze à seize heures après la ponte. D’abord à peine marqué , il
devient de plus en plus profond, et finit par séparer le vitellus en
deux sphères plus ou moins grandes, qui paraissent à peine acco-
lées l’une à l’autre. Ce premier sillon a une direction très variable ;
quelquefois il ne passe pas même dans le centre de l’œuf, de
sorte qu’il se forme deux sphères d’une grandeur fort inégale.
Je m’attendais à voir distinctement la membrane vitellaire pen-
dant le fractionnement, ce qui n’est pas arrivé; comme cette
membrane ne prend point part à la formation des sillons, elle
aui'ait dû apparaître en formant des ponts à travers.
Le premier sillon est bientôt coupé par un autre, qui partage
alors le vitellus en quatre parties égales. Celles-ci se fendent en
huit sphères, et ainsi de suite... Mais, quoiqu’il y ait une tendance
à un sillonnement progressif et régulier, je dois pourtant faire
observer que le vitellus est souvent très irrégulièrement frac-
tionné avant qu’il prenne la forme d’une mûre. Les sphères
vitellaires s’aplatissent mutuellement sur les points de contact;
elles sont complètement séparées ; mais lorsqu’elles se désagrè-
gent les unes des autres, l’embryon ne se développe pas; les
sphères pourrissent , et des Monades se forment dans l’intérieur
MU XOKMMAW. — SUtt l.li TliKüll’liS EDWAJRDSU. 147
du chorion intact, comme je l’ai déjà démontré, du reste , sur des
œul's pourris de Lernées (1).
Les taches circulaires et transparentes qui se trouvent dans
l’intérieur des sphères de fractionnement manquent entièrement
dans notre mollusque.
Le volume du vitellus augmente fort peu pendant le fractionne-
ment ; les sphères qui résultent de ce fractionnement ont toutes
la même grandeur lorsque l’œuf est à l’état de mûre ; les sphères
se subdivisent alors de nouveau jusqu’à ce que la surface de l’œuf
ait cet aspect finement granulé qu’on lui connaît. Je dois avouer
que je n’ai pu trouver de membranes propres autour des sphères,
([ue dans les dernières périodes du fractionnement. Néanmoins
je ne veux pas nier leur présence dès le commencement.
Je trouve que les sphères contiennent alors deux cellules em-
boîtées les unes dans les autres , rarement davantage.
Un phénomène particulier, sur lequel je voudrais appeler l’at-
tention des observateurs futurs, se présente lorsque le vitellus a
pris la forme d’une mûre. Une petite vésicule ronde est excrétée
pendant ce temps par le vitellus. Cette vésicule, qui d’abord est
attachée à la surface de l’une des sphères de fractionnement, dis-
paraît plus tard sans laisser de traces. Ce n’est pas une goutte-
lette d’huile, à en juger par ses contours opaques et son pouvoir
de réfraction , mais plutôt une vésicule remplie d’un liquide lim-
pide, ou peut-être même une vésicule d’air (?). Je regrette
maintenant de n’avoir pas déterminé la nature de cette vési-
cule, ce qui n’aurait pas été difficile.
Elle est sans doute dans un rapport intime avec le fractionne-
ment, puisqu’elle s’observe dans tous les œufs, et, à ce qu’il pa-
raît, en un point déterminé. Je ne suis, d’ailleurs, pas le seul
qui ait observe cette vésicule ; MM. Dumortier etPouchet l’ont vue
sur les œufs des Lymnécs, etM. Van Beneden sur ceux des Aplysies.
Cette vésicule ne peut pas être identique avec la tache germina-
(I) ifikrographische Beilrœgc, II. — Les Infusoires qui se trouvent dans les
œufs pourris des Tergipessont très petits, pointus en avant et surtout en arrière,
et rappellent les formes de certaines espèces d'Euglènes. Ils nagent assez rapide-
ment par des mouvements ondulatoires de la queue.
148 DE XOKDMAW. — Sl'll Lli TEKGIPJKS EDWAIIÜSII.
tive, puisqu’il y a un intervalle d’au moins quatre jours entre
son apparition et la disparition de la tache germinative.
Le développement de l’embryon commence du moment où la
surface du vitellus a reçu l’aspect granulé. Nous savons déjà, par
le développement d’animaux de certaines classes de vertébrés, que
le vitellus tout entier se transforme en embryon ; mais les Mol-
lusques ne me paraissent pas, en général, très propres à fournir des
notions sur les premiers germes de l’embryon.
Je n’ose pas décider, faute d’observations directes, si les cel-
lules des tissus deviennent libres par la destruction des cellules-
mères et par la formation de générations nouvelles dans l’inté-
rieur de ces dernières , ni si les cellules des tissus doivent leur
origine aux cellules primaires détruites et redevenues informes.
Ce qui est sûr, c’est que l’emboîtement des cellules m’est devenu
parfaitement clair pendant le fractionnement, et que les cel-
lules des tissus sont des éléments que l’on ne trouve pas dans les
cellules primitives de fractionnement. J’ai cherché en vain à
rattacher le développement à une cellule dite embryonnaire, d’a-
près M. Kœlliker ; je n’ai pas pu non plus voir avec précision
une enveloppe primitive , comme la veut M. Reichert. La couche
superficielle du vitellus n’a pas une couleur différente , et je puis
seulement rapporter qu’il existe un point plus clair, comme pre-
mier indice des parties animales de l’embryon.
Faute de pouvoir suivre les métamorphoses internes des cellules
vitellaires, nous devons nous rattacher surtout à celle des contours
que montre le vitellus , et dont le but est d’abord le développe-
ment d’organes qui impriment un mouvement particulier à l’em-
bryon.
Avant que ces organes se montrent manifestement, il se forme
une petite saillie sur le vitellus, dont la forme sphérique est de-
venue plus allongée. Cette saillie est séparée en deux mamelons
arrondis par un sillon d’abord peu marqué , mais qui devient de
plus en plus large et profond. Les mamelons eux -mêmes sont
également réunis par une espèce de pont saillant.
Au-dessous dé ce mamelon se forme un peu plus tard un autre
sillon, et au-dessus de ce sillon une troisième saillie arrondie, à la-
DK XORDH.WV — SUR LE TERGIPES EDWARDSII. l/j9
quelle correspond, du côté opposé, la face ventrale de l’embryon,
qui, vue de côté, se présente comme concave ou courbée en dedans.
On remarque maintenant aussi sur les deux mamelons mentionnés
des cils vibratiles très courts, qui impriment un mouvement trem-
blotant à l’embryon. Ces cils sont d’abord si petits , qu’ils sont
impuissants pour mouvoir l’embryon en entier. Leur présence est
trahie par les petites particules nageant dans l’albumine, avec
lesquelles ils viennent en contact. Le reste de la surface embryon-
naire ne montre pas de cils vibratiles ; mais toute la masse est
douée de très bonne heure de contractions et d’expansions très
faibles.
La troisième saillie, que nous avons mentionnée (le pied), s’ac-
croît avant que les cils des mamelons aient atteint leur lon-
gueur définitive. Les mamelons s’agrandissent, les cils s’allon-
gent, les mouvements deviennent plus marqués. Ce sont d’abord
des mouvements de va-et-vient, qui se changent bientôt en un
tournoiement autour de l’axe. Quoique ces mouvements parais-
sent tout-à-fait mécaniques, il y a pourtant des moments de repos
oii les cils et l’embryon s’arrêtent. On remarque souvent, avant
que les deux mamelons s’écartent, que le bord situé entre eux
paraît comme frangé. Le bord de l’embryon est aussi, en avant
comme en arrière, beaucoup plus transparent que le centre.
Les deux mamelons ou les organes moteurs particuliers des-
sinent la partie céphalique , l’extrémité opposée est la partie pos-
térieure. L’embryon a, à cette époque, une forme à peu près qua-
drangulaire, un peu plus large en avant, et arrondie en arrière.
Cette forme de l’embryon se convertit bientôt en un triangle
mal défini. A mesure que le bord postérieur transparent, en
devenant plus distinct, trahit les rudiments d’une coquille en
voie de formation, il se forme une espèce d’opposition entre le
corps de l’embryon et le manteau qui l’enveloppe. Le centre opa-
que se présente, vu de côté, à peu près sous la forme d’une croix.
La partie antérieure , avec les cils vibratiles , est posée sur une
base large comme une saillie très considérable, qui est coupée
carrément en avant. Un bourrelet du manteau , qui est situé sur
la paroi interne de la coquille, embrasse la bosse du dos. Le pied,
'150 DU XOKDMAXX. Si; II le tergites edwardsii.
en forme de saillie arrondie , se trouve vis-à-vis de cette bosse.
La partie postérieure de l’embryon est ainsi enveloppée comme
dans un sac double , le manteau et la coquille , tandis que la
partie antérieure du corps n’a point d’enveloppe.
Nous avons donc maintenant à distinguer trois parties diffé-
rentes dans le corps de l’embryon : la coquille mince, transpa-
rente et gélatineuse, le manteau moins transparent et formé de
plusieurs couches de cellules élémentaires qui lui donnent un
aspect vésiculeux , et enfin le vitellus opaque, composé aussi de
cellules et comprenant l’agrégation des organes internes.
Ce n’est donc pas la coquille qui empêche l’observateur de
voir les parties internes, comme le croit M. Sars, mais plutôt le
manteau.
Les cellules qui composent ce dernier ne sont pas globulaires ,
mais plutôt allongées ou ovales, transparentes, sans noyau dis-
tinct, et toutes à peu près d’égale grandeur.
Elles sont disséminées, sans ordre apparent, dans un cyto-
blastème grenu ; elles se confondent plus tard , de manière à
rendre le manteau plus transparent. Je n’ai pas pu voir de cellules
dans la coquille en voie de formation ; celle-ci se développe de
bas en haut, et, tandis qu’en arrière elle devient de plus en plus
apparente, son embouchure supérieure est tellement adhérente au
manteau, qu’on ne peut pas lui assigner une limite distincte. Les
cils vibratiles font toujours saillie sur les contours supérieurs de
la coquille; le chorion s’est distendu en même temps, de manière
à donner plus d’espace au mouvement de l’embryon.
Les deux mamelons de la partie céphalique se transforment
bientôt en deux lambeaux arrondis pourvus de longscils vibratiles.
rendant les moments de repos, ces lambeaux sont appliqués l’un
contre l’autre, et les cils étendus en ligne droite. Tous ces mouve-
ments dépendent manifestement de la volonté de l’embryon. La
coquille s’est agrandie pendant ce temps ; les cellules qui compo-
saient le manteau ont disparu ; le pied a reçu une forme de langue,
et on voit sur sa surface, qui est tournée contre les lambeaux, des
cils vibratiles assez courts. Le manteau, devenu transparent, per-
met d’apercevoir des séries isolées de cellules destinées à la for-
DE NOBDIUm — SUR LE TERCIPES EDWARDSII. 1 51
mation du muscle suspenseur. On distingue maintenant l’estomac
arrondi en forme de sac, composé entièrement de cellules ovales,
qui paraissent être en communication avec les lambeaux vibrants,
par un corps plus grand, opaque et cellulaire. On voit à côté de
l’estomac une autre partie arrondie et grenue , le foie, et il existe
une trace du canal intestinal, sans qu’il soit possible d’en suivre
le trajet.
On remarque de très bonne heure, et avant que l’opercule de
la coquille , collée sur le pied , commence à s’ouvrir et à se
fermer, avant même que les autres organes internes soient devenus
apparents, on remarque, dis-je, à la base des lambeaux vibrants,
que je nommerai dorénavant vibracules ou voiles, deux corps
arrondis et nettement circonscrits, qui sont les capsules auditives.
Les parois de ces capsules, qui ont déjà une certaine consistance,
résistent , sans perdre leur forme , à une forte pression du com-
presseur qui fait diftluer toutes les autres parties molles ; et lors-
que, par un hasard quelconque, les embryons se décomposent,
ces capsules cartilagineuses résistent à la dissolution générale, et
se retrouvent sans changement parmi les parties décomposées.
J’ai vu, quelques jours plus tard, les yeux de mes embryons
à côté et au-dessus des vésicules auditives. Ils auraient peut-être
échappé à mon observation , si un pigment à teinte rose ne les
avait trahis. Ils sont beaucoup plus petits et moins nettement
accusés que les capsules auditives, et leur pigment se confond
avec la masse du corps environnant. Je n’ai pu voir aucune sub-
stance capable de réfracter la lumière. Ces yeux , sans contours
arrêtés, ressemblent beaucoup aux parties correspondantes dans
les Infusoires et d’autres animaux inférieurs (1).
(1 ) Me trouvant en 1 823 , avec M. Milne Edwards , sur les côtes de la Nor-
mandie, j'ai vu et dessiné deux espèces d' Ascidies composées, qui se distinguent
par des yeux rouges magnifiques. On n'a pas encore démontré l'existence d'veux
chez des Polypaires, a l'exception du genre Syncoryne ; mais je peux communiquer
dés à présent les détails suivants surl'organe auditif. J'ai déjà publié que l'animal
complètement formé d'une Campanulaire se détache souvent et nage librement,
après la transformation de quelques unes de ces parties, sous forme d une petite
Méduse : dix-huit a vingt tentacules articulés sont pendus à la périphérie du corps,
si r. l.li TERGIPIÎS EDWAUDSII.
152 DE NORDMAMV. —
Des cellules rangées obliquement depuis le fond de la coquille
jusque vers le pied sont restées seules de toutes celles qui ont
formé les intestins et le manteau; ces cellules, accumuléesd’ abord
sans ordre , s’appliquent bientôt l’une à la suite de l’autre par
leur plus grand diamètre. Les cloisons transversales disparais-
sent , et il se forme un simple faisceau musculaire allongé , dont
la transformation s’opère de haut en bas , c’est-à-dire du pied ,
vers la paroi interne de la coquille, oii le faisceau montre encore
quelques groupes cellulaires isolés qui se confondent bientôt avec
lui. On pourrait croire que ce faisceau musculaire s’attache immé-
diatement à la paroi interne de la coquille, parce qu'un lambeau
du manteau s’applique ici étroitement à la paroi interne de la
coquille. Le manteau se sépare plus tard de la coquille en entou-
rant les intestins , ce qui produit un espace vide entre l’insertion
inférieure du muscle et la coquille : ce muscle est le seul organe
par lequel le manteau soit en rapport avec les intestins.
Le jeune animal , maintenant complètement formé , ouvre
l’opercule de sa coquille , avance le voile vibrant , et s’agite
longtemps dans sa prison jusqu’à ce que le chorion se déchire.
Nous essaierons maintenant de décrire notre animal aussi complè-
tement que possible.
La coquille, plus longue que large, est nautiloïde ; elle n’a
qu’un seul tour de spire. Un opercule très mince s’applique
sur l’ouverture assez grande de la coquille , de manière à pouvoir
pénétrer quelque peu dans l’intérieur de la coquille lorsque le pied
s’y retire. Les bords Supérieurs de la coquille sont lisses et à peine
bombés sur les côtés. La coquille est un peu aplatie latéralement,
ce qui fait qu’elle se couche sur le côté dans les moments de repos.
L’animal nage dans l’eau, les voiles étendues et dirigées en
qui a la forme d'une cloche. L'ouverture buccale, en forme de rosette, se trouve au
milieu du disque, sur une saillie carrée dont quatre faisceaux musculaires rayon-
nent vers les bords de la cloche. Les tentacules sont liés ensemble par une mem-
brane extrêmement mince, comme dans les Plumatelles. On remarque, à la base
des tentacules, des corps ronds nettement accusés, qui sont formés, comme les
capsules auditives des jeunes Tergipes, et qui contiennent au centre un otolithe
rond et vibrant. On a donc raison de prendre ces organes pour des organes auditifs.
DE NORDIHANK. — SUR F,F. TFRC.IPES EDWARDSII. 153
avant; il sc meut assez rapidement en décrivant des cercles plus
ou moins grands. Dans les bocaux on les trouve souvent en quan-
tité tout près de la surface. Une vésicule d’air pénètre assez sou-
vent dans la coquille lorsque l’animal se rapproche trop de la sur-
face ; alors il ne peut plus plonger, et continue à tourner à la
surface. Dans les vases, les animaux se tiennent surtout du côté
de la lumière.
A la voûte interne de la coquille est adaptée une membrane
mince , le manteau , qui est épaissi sur le bord , de manière à
former une espèce de bourrelet. Ce manteau est composé d’une
seule enveloppe mince et sans structure apparente, de manière
qu’on ne remarque aucune trace ni de l’épiderme vibrant, ni de
la couche cutanée sous-jacente de l’animal adulte. Le manteau
ne s’applique pas pourtant immédiatement à la paroi interne
de la coquille; il en est souvent distant, et, dans ce cas, le
muscle s’attache au coin le plus profond du manteau. L’animal
n’est donc attaché à la coquille que par le bourrelet du manteau
et par le pied adhérent k l’opercule ; cette circonstance explique
déjà la facilité avec laquelle il se débarrasse de la coquille.
Les voiles qui se trouvent à la partie antérieure de l’animal
ont une forme arrondie ou plutôt ovale qui rappelle celle d’une
oreille humaine ; leurs bords sont épaissis en bourrelet, mais elles
ne sont pas fermées en dedans, en sorte qu’elles donnent lieu aune
excavation, pourvue de larges ailes latérales ressemblant à un 8,
et au milieu de laquelle se trouve l’ouverture buccale allongée et
entourée de saillies mamelonnaires. Ouoique cette ouverture ne
soit pas petite, je n’ai pourtant réussi à la voir que lorsque, par un
hasard particulier, ses bords étaient écartés par le compresseur.
Les cils , qui sont fixés en série simple sur les bords des voiles,
ont une longueur considérable ; ils sont épaissis à leur base et
pointus à leur extrémité. Leurs mouvements sont très rapides ;
ils consistent dans une flexion de leur extrémité . qui se courbe
en crochet pour se redresser immédiatement après. Le mouve-
ment devient indécis lorsque l’animal est épuisé ; il est indépen-
dant à la fois et de l’intégrité des organes sur lesquels se trou-
vent les cils, et du système nerveux. Je l’ai vu se conti-
I5ll DE INORDMAIVN. — SUR LE TERGIPIÏS EDWARDSII.
nuer pendant des journées entières sur des particules séparées des
voiles ; mais malgré cela, il y a pourtant des moments où l’ani-
mal fait cesser le mouvement pour le recommencer. J’ai observé
des phénomènes contradictoires semblables chez beaucoup de
Bryozoaires. On peut rendre évidentes les parties cellulaires
sur lesquelles sont fixés les cils, quoique l’objet soit très déli-
cat. Chaque cellule ne porte qu’un seul cil, tandis que les cils
courts de l’épiderme de l’animal adulte sont réunis en faisceau.
Les cils continuent leur jeu en fléchissant leur longue pointe ,
même lorsque l’animal est retiré dans sa coquille. Les cils, con-
sidérablement plus courts , qui sont placés sur le pied , vibrent du
dehors en dedans , et tous les petits objets qui se trouvent dans
les environs sont saisis par le tourbillon et amenés vers l’ouver-
ture buccale.
Le pied forme à la base de l’opercule , là où il est contigu aux
voiles, une petite pointe que l’on voit seulement en plaçant l’em-
bryon de profil. Les yeux, placés immédiatement derrière les voiles
sur la nuque, sont d’un rouge clair, et se trouvent au-devant des
grandes capsules auditives, dont chacune enferme un otolithe
arrondi et vibrant. Je n’ai pas pu découvrir de cils sur la face
interne des capsules auditives ; mais il est facile de se tromper sur
la position réciproque de ces organes , lorsque l’animal est retiré
dans sa coquille; ils sont en tout cas plus écartés latéralement
que ce n’est le cas dans l’animal adulte.
If œsophage, assez mince, est situé dans la ligne médiane
du corps ; il n’existe pas trace de la langue si compliquée de
l’animal adulte.
L’estomac a la forme d’un sac; son extrémité postérieure , qui
est un peu rétrécie, est courbée latéralement et en haut; ses I
parois sont plus épaisses que dans l’animal adulte ; sa face interne
est garnie de cils vibratiles qui impriment un mouvement tourbil-
lonnant aux aliments avalés. L’intestin, étroit, naît de l’extrémité
recourbée de l’estomac, se tourne en haut, et conduit vers l’anus,
qui est situé près de la capsule auditive droite. La partie supé-
rieure de l’estomac est en rapport avec le foie, qui est grand,
arrondi , jaunâtre , et composé déjà maintenant de deux lam-
DE NORDMANN. — SÛR LE TERGII'ES EDWARDSII. 155
beaux , dont le plus grand est situé du côté gauche. On remarque
dans les environs du foie deux autres corps glandulaires , qui ,
peut-être , sont les premières traces des organes sexuels. Je n’ai
pu trouver le cœur, pas plus que MM. Sars et Loven; peut-être
est-il caché dans la niasse compacte du corps, située entre l'es-
tomac et les voiles. 11 n’y a pas trace de tentacules.
Le muscle d’attache se montre très différent dans sa configu-
ration, ainsi que dans le nombre de fils qui le composent, suivant
les différents individus. J’ai reconnu quatre ou cinq fils, qui tantôt
sont très serrés, se confondent même, et tantôt se divisent en deux
faisceaux dans la partie antérieure, c’est-à-dire vers le coin du
pied. Une autre fois, j’ai vu deux faisceaux distants , dont le plus
mince s’attachait à la base des voiles. Lorsque ces dernières sont
rétractées, toutes les fibres du muscle paraissent comme tordues
ensemble. J’ai vu jusqu’ici presque toujours deux ou trois autres
corps tortueux et filiformes, composés de plusieurs nœuds gan-
glionnaires qui paraissaient naître du milieu du faisceau muscu-
laire, et qui couraient vers la face dorsale des voiles. J’ai des doutes
sur la signification de ces parties, qui ne paraissent pas appartenir
au système nerveux , parce qu’elles sont isolées des autres viscè-
res : ce sont peut-être des fibres musculaires en voie de forma-
tion. On trouve aussi quelques fils musculaires déliés par lesquels
les coins de l’estomac s’attachent à la paroi inférieure du man-
teau.
Les petits , après avoir déchiré le chorion , se meuvent sans
repos dans la capsule commune, dont le contenu albumineux leur
sert de première nourriture. Je ne saurais dire exactement com-
bien de temps ils restent dans cette capsule. Je les y ai vus demeu-
rer jusqu’à dix-huit jours, après quoi je les ai enfin délivrés au
moyen d’une petite incision.
En comparant la jeune larve avec l’animal adulte , nous trou-
vons les différences suivantes. Elle a d’abord une coquille qui lui
donne un aspect nautiloïde ; au lieu de tentacules , elle possède des
voiles en forme d’oreilles, qui la rendent capable d’un mouvement
rapide, et qui disparaissent plus tard sans laisser de t races. Destinée
à se nourrir de petits animaux mous nageant dans l’eau , notre
SUR r.E TERGIPES EDWARDSTI,
156 DE XORDJUm. —
larve est dépourvue des organes buccaux si compliqués de l’animal
adulte. L’intestin diffère en ce que l’estomac est situé beaucoup
plus en arrière. Les branchies et les cæcums manquent. La pré-
sence d’un opercule nécessite celle d’un muscle d’attache parti-
culier. Les yeux, les oreilles, le foie du côté gauche, et l’anus à
droite, sont comme dans l’animal adulte.
Des parasites qui se développent dans le choriou.
Nous avons eu occasion plus haut d’observer que des particules
(cellules granuleuses) se séparent quelquefois du vitellus avant
que le fractionnement commence.
On ne remarque d’abord aucune modification dans ces corpus-
cules, si ce n’est qu’ils augmentent un peu de volume lorsque
les intestins apparaissent. Les membranes cellulaires se con-
fondent et forment des corps vésiculaires, au milieu desquels on
observe un espace plus clair. Bientôt apparaît, à, la surface de
cette vésicule, une petite saillie, de laquelle poussent des fils assez
fins, qui se courbent et embrassent la périphérie de la vésicule.
Ces fils s’allongent de plus en plus, deviennent saillants par leurs
extrémités, et atteignent à la fin sept à neuf fois le diamètre de
la vésicule. En s’étendant en éventail et en se courbant vers le
même côté, ces fils représentent à peu près l’image d’une queue
d’oiseau. Chaque fil commence à trembloter; la vessie se met en
mouvement et tourne bientôt rapidement en cercle autour de son
axe, comme une roue. Peu à peu les fils s’écartent entièrement et se
séparent en deux faisceaux opposés; et cet être bizarre se promène
maintenant, comme une araignée, lentement, sur ses longs pieds
écartés , tournoie autour de son axe , ou bien se jette vivement
d’un côté ou de l’autre.
On trouve ordinairement quatre à huit de ces parasites dans
chaque œuf de Tergipes. Ils augmentent en nombre par scission,
vers la fin du développement embryonnaire. Le corps vésiculaire
se fend , dans le sens de son axe longitudinal , en deux parties qui
poussent à leur partie inférieure des fils nouveaux, formant, par
la suite , deux faisceaux en éventail. On voit ainsi souvent deux
vésicules encore accolées avec quatre faisceaux de fils. Chaque
DE IXOltmiAW — SUIi LE TERGIPES EDWAltDSll. 157
faisceau est composé de six à huit lils , qui , d’ailleurs , sont des
organes très caduques, et se détachent souvent en laissantle corps
vésiculaire sans mouvement. Si par hasard un de ces parasites
est entraîné dans le tourbillon des voiles et vers l’ouverture buc-
cale, la larve se retire dans sa coquille, et le parasite se sauve ,
en laissant souvent quelques unes de ses jambes en arrière.
Outre quelques vésicules plus claires dans l’intérieur, j’ai vu
quelquefois une partie pointue à la surface de ces parasites, dont
le corps vésiculaire n’a que 0,009 de ligne. Je nommerai cet
animal, dont les mouvements ont quelque chose de commun avec
ceux des Cercaires, Cosmella hydrachnoides , faisant allusion en
même temps à la ressemblance de ces mouvements avec ceux de
quelques Hydrachnes (1).
Développement ultérieur des jeunes Tergipes.
Je ne sais pas combien de temps la jeune larve reste dans sa
coquille ; tous mes animaux sont morts en trois ou quatre se-
maines, malgré tous les soins que je leur donnais. 11 ne me res-
tait donc qu’un seul moyen pour connaître les phases transitoires ;
celui de rechercher dans la mer les petits animalcules nageant
librement ou rampant sur des Polypiers. La rareté de ces ani-
maux m’a fait perdre beaucoup de temps; mais j’avais l’avantage
(1)11 n'est pas rare de voir se désagréger certaines parties dans les embryons
des animaux inférieurs, qui n'en continuent pas moins de se développer. Les par-
ties désagrégées elles-mêmes jouissent pendant quelque temps d'une vie en quel-
que sorte indépendante. J'ai observé, sur des embryons d'Actéons, que. les cils
des voiles (pour me servir des expressions de M. Nordmann) se détachaient sou-
vent lorsque l'animal commençait à souffrir; les cils détachés présentaient abso-
lument les mêmes formes, les mêmes mouvements que les prétendus parasites de
M. Nordmann. La seule différence qui existe entre mes observations et les siennes,
c'est que dans les Actéons les cils ne se détachent qu'accidentellement après leur
développement accompli , tandis que dans les Tergipes ce seraient des éléments
détachés depuis le commencement du développement embryonnaire qui se déve-
lopperaient pour former des cellules vibraliles complètes. Ce fait est certainement
une belle confirmation de la doctrine qui veut que les éléments cellulaires des
embryons jouissent d'une certaine indépendance de développement; mais il ne
me parait pas prouver davantage, et je ne crois pas que M. Nordmann soit dans
le vrai en prétendant que ces cellules vibraliles détachées sont des animaux
parasites formés aux dépens de la substance vitellaire. (Note du traducteur .)
158 DE NOBDMANN. — SUK LIS TEllGU'JJS BDWA11DSII.
que, dans la mer si pauvre des environs d’Odessa, il ne se trouve
que cinq petits Mollusques qui auraient pu être confondus dans
leur jeune âge, savoir : les deux Tergipes, une Rissoa, une Pha-
sianelle et une Littorine. Toutes ces espèces s’étant développées
chez moi , je reconnaissais sans peine la Rissoa à ses voiles rela-
tivement très grandes, la Littorine à son pied large, et la Pha-
sianelle à une coquille autrement formée et à des dimensions diffé-
rentes.
J’ai réussi enfin à me procurer un certain nombre d’individus
qui m’ont montré les six formes détaillées ci-après, formes qui
nous donneront, j’espère, la clef du cercle de développement.
Seconde forme. L’animal est encore enfermé dans sa coquille ;
le manteau s’est détaché de cette dernière et entoure étroitement
la masse des viscères. Le pied, attaché à l’opercule, s’est tellement
agrandi , qu’il forme une saillie considérable sur le bord de l’oper-
cule, par dessus lequel il se retrouve en bas. Les voiles ont grandi,
les yeux sont devenus violets. La tête porte deux tentacules coni-
ques et courts, qui sont pourvus d’un épithélium vibratile. L’animal
nageait avec une vitesse étonnante; mais dès qu’il venait en
contact avec l’air, il se contractait et empêchait tout examen ulté-
rieur. Grandeur, 0,11 de ligne. Trouvé une seule fois.
Troisième forme. La coquille est détachée ; la configuration
générale est celle de l’animal adulte ; le corps est court et conique,
pointu en arrière, mais sans appendice caudal. Les tentacules
sont allongés et pointus; les voiles ciliées existent encore; l'es-
tomac s’est placé en avant, et on voit un intestin court en arrière.
Grandeur, 0,14 de ligne.
Quatrième forme. En général , comme le n° 3. L’animal nage
et rampe. 11 s’est formé deux appendices dorsaux derrière les
capsules auditives; l’intestin a donc maintenant deux cæcums.
Pulsations du cœur manifestes. Une langue compliquée, formée de
quelques plaques dentaires dans la cavité buccale. Le corps s’est
allongé ; le testicule, d’un vert blanchâtre, avec un contenu vési-
culeux, est très apparent. Grandeur, 0,13 de ligne.
Ginquième forme. Les voiles ont disparu et sont remplacées
par deux tentacules frontaux arrondis et recouverts de cils vibra-
tilcs. Les appendices dorsaux se sont allongés. J’ai trouvé plusieurs
DE KORDMANN, — SUR LE TERGIPES EDWARDSI1, 159
individus de cette forme, et j’ai souvent eu l’occasion d’observer un
changement de peau , absolument comme dans j’animai adulte.
Les animaux paraissaient souffrants pendant ce temps ; ils ne pre-
naient pas de nourriture, et l’épiderme les entourait comme une
gaine transparente. De ces changements de peaux résulte
La sixième forme. Celle-ci s’accorde tout— à— fait avec l’animal
adulte.
La première paire d’appendices dorsaux s’est allongée, et on
remarque la seconde paire sous forme d’une petite verrue; l’in-
testin a donc deux diverticules longs et deux autres plus courts.
Septième et dernière forme. Celle-ci se trouvait souvent sur
des Campanulaires ; et, comme elle est très transparente, elle m’a
montré beaucoup de détails sur sa structure. Il ne manque que
la dernière paire d’appendices dorsaux ; les deux antérieurs mon-
trent un petit sillon vers leur extrémité , au travers de laquelle
on voit le corps glandulaire. Les zoospermes manquent encore
dans le testicule. Il y a des œufs de différentes dimensions dans
les ovaires. Toutes ces transformations ont lieu pendant que les
animaux sont encore très petits , car la dernière forme ne mesu-
rait pas plus de 0,1(3 à 0,19 de ligne de long.
EXPLICATION DES FIGURES
rLANCUE t.
Fig. I . Lo Tergipes Edwarthtii vu du dos, et considérablement grossi. On a tenu
le dessin beaucoup plus transparent que l'animal ne l’est réellement
A, les grands tentacules.
H, les processus frontaux.
C, C,C , les trois premières paires d'appendices dorsaux.
D, la masse buccale, avec la mâchoire et la langue.
E, le pharynx ; l'œsophage, qui fait une courbe vers le haut, est recouvert
par l'estomac.
F, les glandes salivaires.
G, l'estomac pourvu , sur sa paroi interne, de cils vibratiles qui impriment
un mouvement rotatoire aux aliments.
Il, le pylore.
I, 1, le tronc moyen de l’intestin , rétréci d'espace en espace par des fibres
musculaires contractées.
160 UK XOIUIMAIW.
SI R LE 1 ERGiPES EDWARDSII.
Ii, K, les cæcums intestinaux, pénétrant dans les appendices dorsaux.
L,L, les deux diverticules de l’intestin.
il, le rectum mince, naissant du diverticule gauche.
N, l'anus.
O, le foie, de couleur jaunâtre.
P, la vessie biliaire.
Q , la glande urinaire (?), composée de globules.
T, le cœur.
V, le ventricule. — T-, l’oreillette. — T3, les deux veines en entonnoirs,
qui reçoivent le sang circulant librement dans le corps.
Kr, première paire de ganglions du système nerveux central.
X seconde paire.
V, troisième paire.
/, quatrième paire.
I — 7, les troncs nerveux, numérotés d'apres leur succession
», les yeux.
b, les capsules auditives.
c, le testicule, de couleur verdâtre.
d, le vaisseau déférent.
e, la glande muqueuse, dans laquelle s ouvre le vaisseau déférent.
f, l’orifice génital commun.
ij, l'utérus rempli d’œufs rougeâtres.
h, l'oviducle.
i, i, les œufs
l, 1, les poches séminales.
m, m, les ovaires.
n, n, les glandes muqueuses situées à l’extrémité des appendices dorsaux.
Fig "2. Un embryon près d'éclore, vu du côté du ventre, ayant les voiles déve-
loppées. On voit les parasites enfermés avec lui dans la coque.
Fig. 3. Deuxième forme de la larve encore enfermée dans sa coquille, vue du
dos : les tentacules se sont développés.
Fig. I. Troisième forme : la larve a quitté la coquille.
Fig. o. Quatrième forme : la première paire d’appendices dorsaux a paru.
Fig. 6. Cinquième forme : l’animal, après avoir remplacé les voiles par les appen-
dices frontaux, rampe ; il change de peau.
Fig. 7. Sixième forme, à deux paires d’appendices dorsaux.
Fig. 8. Septième forme : il ne manque plus que la dernière paire d'appendices.
Fig. 9-11. Le parasite, Cosmclla hydrachnoides , en différents états de dévelop-
pement :
Fig. 9. Le corps, arrondi, commence ; pousser des cils. — Fig. 10. Les cils
commencent a s’étaler en éventail. — ■ Fig I I . L ■ même, avec un appendice
en pointe et des cils plus allongés. — Fig. 12. Le même en voie de fissuration.
11)1
NOTICE PRÉLIMINAIRE
SUR I.F DÉVELOPPE .U K N T DES CHÉLONI E N S ;
Par M H. RATHKE
Depuis neuf ans je travaille à réunir des matériaux pour une
histoire du développement des Chéloniens , et je songe à publier
bientôt le résultat de mes recherches. .l’ai pu examiner l’embryon
dans un nombre assez considérable d’œufs frais d'Emys europœa,
depuis sa première apparition jusqu’à la période dans laquelle
on aurait vu bientôt apparaître les doigts des pieds. Pour la con-
naissance des périodes suivantes du développement, j’avais à ma
disposition deux embryons presque mûrs de Clielonia et Testudo,
et dix Chéloniens très jeunes d’espèces différentes ( Cheloniu
Mydas , Sphargis coriacea , Trionyx gangeticus , Tr. oceüatm,
Emys europœa, Em. mauritanien , Cinosternum scorpioides, Gin.
pensylvanicum, Plalemys Spiæii, Penlony.e...).
I.e développement des embryons reste quelque temps toul-à-
fait en accord avec le type général du développement des animaux
vertébrés plus parfaits. C’est surtout la position respective des
lames ventrales et dorsales et de la moelle épinière qui ne dif-
fère en rien , ni au commencement ni plus tard , de celle qu’on
observe chez les animaux vertébrés supérieurs. La remarque de
M. de Baër, « que, chez les embryons jeunes d 'Emys europœa, les
« lames ventrales sont attachées aux lames dorsales , au point où
» celles-ci sont réunies en haut pour fermer le sillon dorsal , et que
» le dos même se trouve ainsi assez enfoncé , » est une erreur
d’ailleurs très pardonnable, parce que l’embryon est attaché très
fortement au jaune , assez tenace chez cette espèce. On ne peut
non plus constater la présomption de mon savant ami , « que ,
» chez les Chéloniens, les extrémités ne se détachent point de la
» surface supérieure (ou externe) des lames ventrales et dorsales,
» comme chez les autres vertébrés, mais de leur surface inférieure
» (ou interne). » ( Dans bei den Schildkrœten , die Grundlage
3" série. Zool. T. V. (Mars ISifi.) - 11
162 IMTDiKE. — SUR T, R DÉVELOPPEMENT
fur die Extremilaeten sicli niclit von der oberen ( oder aeusseren ),
Flaeche der Bauch und Rückenplatten ablœst une in anderen
Wirbellhieren , sondera von der unteren (■ inneren ) Flaeche). J’ai
trouvé , au contraire , chez des embryons plus jeunes d 'Emys eu-
ropéen j les extrémités situées extérieurement, dans les mêmes
endroits du corps, et de la même manière que chez les embryons
des Mammifères , des Oiseaux et des Sauriens.
Les embryons F Emys européen s dont les extrémités se trouvent
déjà tellement développées, que les doigts auraient dû bientôt se
montrer, mais dont les côtes ne sont pas encore apparues, ressem-
blent excessivement aux embryons très jeunes des Sauriens et des
Mammifères. Alors surtout leur corps n'est ni aplati de dessus en
dessous , ni trop élargi pour sa longueur, et sa partie dorsale se
continue insensiblement (sans arête, sans bord prolongé, comme
chez les Chéloniens adultes) avec le cou, avec les parties latérales
et avec la queue. Partant de l’examen de ces jeunes embryons et
des observations faites chez d’autres Chéloniens qui n’étaient pas
encore entièrement développés, je chercherai à résumer provi-
soirement en substance comment se fait en général le développe-
ment du corps chez les Chéloniens.
Après un développement un peu avancé des extrémités chez
les embryons, les surfaces dorsale et ventrale du corps s’aplatissent
peu à peu , plus ou moins , selon les espèces différentes de Ché-
loniens , et deux apophyses latérales commencent à pousser de
toutes les douze ou treize vertèbres du corps. La plupart de ces
apophyses, se développant comme les huit paires intermédiaires
des côtes, acquièrent en peu de temps une longueur très considé-
rable. Comme elles se courbent peu en général, leurs extrémités
sont tournées plus en dehors qu’en dessous. Ainsi , par l’élon-
gation très rapide et très considérable de ces côtes , les parois du
corps, contenant leurs extrémités tournées en dehors, sont poussées
bien en avant de chaque côté, et le tronc devient très large entre
les pieds antérieurs et postérieurs, situés à son commencement
et à sa fin.
Un fait aussi singulier que caractéristique pour les Chéloniens,
DES CHELONIENS.
163
c’est que de leurs eûtes, remarquables par leur croissance en
longueur, les deux dernières, c’est-à-dire en général la huitième
et la neuvième paire, se dressentdirectement en arrière, tandis que
la deuxième paire (mais non chez tous les Chéloniens) se tourne
assez en avant. Ensuite le chorion fait un pli de chaque côté , à
l’endroit où se trouvent situées dans les parois du corps les extrér
mités des côtes très prolongées (deuxième ou huitième paire). Ce
pli, en s’étendant, dépasse en avant le pied antérieur pour arriver
au cou , en arrière le pied postérieur pour arriver à la queue ;
enfin il rencontre, sur le cou et sur la racine de la queue, le pli
semblable du côté opposé , et tous les deux s’unissent pour for-
mer un seul pli circulaire , qui sépare alors le dos des côtés du
corps. Chez quelques Chéloniens , surtout les marins, ce pli s’é-
largit médiocrement pendant le développement ; chez d’autres ,
principalement chez les Trionyx, il devient extrêmement large,
surtout la partie située au-dessus de la queue. Beaucoup plus tard,
c’est-à-dire après l'éclosion des embryons, les côtes, déjà aupara-
vant remarquables par leur longueur, mais, jusqu’à cette époque ,
toutes ou presque toutes d’une forme cylindrique, deviennent
aussi beaucoup plus larges. Cette croissance en largeur com-
mence de l’endroit où le cou se réunit avec le corps, et s’avance
de là plus ou moins vers les extrémités ; elle devient si considérable,
que les corps de toutes les côtes, à cause de l’absence complète de
muscles intercostaux, arrivent de chaque côté à un état de contact
et d’attouchement, ou tout-à-fait parfait, c’est-à-dire dans toute
leur longueur, comme dans les genres Ernys, Terapene, Testudo.,
Trionyx, ou presque parfait, c’est-à-dire dans la plus grande par-
tie de leur longueur, comme chez les Chelonia. Alors les nerfs inter-
costaux et quelques vaisseaux situés d’abord entre les côtes, passent
en dessous d’elles. En revanche, la première et la dernière côte
deviennent beaucoup moins longues que les autres, et restent pour
toujours très étroites et très minces. Aussi leurs relations avec les
côtes voisines diffèrent assez de celles des côles intermédiaires;
car, comme celles-ci croissent fortement en largeur, la deuxième
dépasse la première, et la pénultième dépasse tellemem la dernière
1G/| RATHKE. — SUR I.E DÉVELOPPEMENT
quelle la couvre d’une manière plus ou moins complète. I n peu
après que les huit paires de côtes intermédiaires ont, commencé
à s’élargir, une branche pousse de chaque côte, près de la colonne
vertébrale, en dessus. Cette branche toujours croissante dépasse
les rares et minces muscles dorsaux , les deux muscles sacro-
spinaux (situés sur le col des côtes, dans toute la longueur du
corps), s’unit avec l’apophyse épineuse de la vertèbre de la même
côte , et devient tout-à-fait aussi large que le corps même de sa
côte. Les apophyses épineuses naissent déjà avant l’éclosion sur
laseconde vertèbre jusqu’à la hi.vtième. Elles restent assez courtes;
mais, contrairement aux lois générales du développement des ani-
maux vertébrés , elles croissent tellement en largeur, après leur
ossification , qu’elles forment enfin une série de plaques horizon-
tales d’une grandeur moyenne.
Je ne puis pas adopter comme exacte l’opinion suivant laquelle
ces plaques se formeraient dans le tissu cellulaire sous-cutané,
indépendamment de la colonne vertébrale , dans le chorion lui-
même ou en dessous ; quelles s’uniraient plus tard avec les ver-
tèbres, et que la largeur remarquable des huit paires de côtes
intermédiaires serait aussi le résultat d’un contact, et après, d’une
réunion avec des plaques osseuses, formées en dessus de ces côtes.
Au contraire , ces présomptions se trouvent réfutées par mes
observations.
Après l’élargissement successif des corps des huit paires de côtes
intermédiaires, de leur rameau ou branche supérieure, exclusive-
ment propre aux Chéloniens, et des apophyses épineuses des mêmes
vertèbres, il se forme enfin , du contact et de l’attouchement des
bords correspondants de toutes ces parties, une table osseuse
composée de pièces assez nombreuses , qui s’étend en carapace ,
en dessus , et couvre les viscères. Pour agrandir et compléter
cette carapace , déjà bien considérable, nous voyons se joindre à
elle d’autres plaques osseuses. Elles se forment sur le dos, tout-à-
fait indépendantes de la colonne vertébrale et des côtes, dans une
couche très épaisse et bien solide du tissu cellulaire sous-cutané ,
etdoivent être prises pour le squelette interne (squelette cutané) des
DSS CHÉLOMEINS.
165
animaux (1). Leur nombre est différent, selon les espèces diffé-
rentes de Chéloniens. Dans le genre Trionyx, on trouve seulement
une plaque; elle est située sur le cou, immédiatement avant les
vertèbres dorsales. 11 y a encore quelques plaques dans le bord
postérieur de la carapace chez quelques espèces de Trionyx ; mais
elles restent cartilagineuses. Outre cette plaque nucale , toujours
très grande, plusieurs petites plaques sous-cutanées se dévelop-
pent encore chez la plupart des Chéloniens. Parmi celles-ci , un
petit nombre seulement naissent en dessus des dernières vertè-
bres dorsales et des vertèbres sacrées , tout le reste se développe
dans les parties postérieures et latérales du pli cutané circulaire
(limbus), dont la portion antérieure se trouve en grande partie
remplie par la moitié antérieure de la plaque nucale, qui entre
progressivement dans cette portion du pli circulaire.
Après l’aplatissement du côté ventral , il se fait aussi , entre les
téguments et les muscles, dans la couche d’un tissu cellulaire
épais et solide qui joint ces parties différentes , un développement
de quelques pièces cartilagineuses, dont le plastron se doit for-
mer. Je n’ai pu déterminer le moment où leur formation commence.
Le développement peu considérable du plastron chez les embryons
plus âgés, et chez les individus à peine éclos, fait deviner qu'il
ne se forme guère avant le milieu de la vie embryonnaire, et en
tout cas relativement plus tard que le sternum des Oiseaux et des
Mammifères. Les pièces cartilagineuses mêmes, apparaissant
comme fondement du plastron , sont d’abord , pour la plupart ,
des bandes simples très étroites et très minces, formant deux
paires, situées, l’une en avant, l’autre en arrière de l’ouverture
ombilicale. Entre ces deux paires , existe encore au moment de
l’éclosion un espace très considérable. En outre , il se forme gé-
néralement, ou au moins chez la plupart des Chéloniens (excepté
les Sphargis?), entre les extrémités antérieures des deux pièces
antérieures paires , une petite plaque cartilagineuse impaire ou
cinquième. Plus tard se développent , dans ces différents carti-
lages , des pièces osseuses plus nombreuses , ordinairement ou
I Os dénominations sont empruntées à la nomenclature de M. Carus. K.
RV1UKC.
166
SDK LE DÉVELOPPEMENT
peut-être toujours au nombre de neuf. Leur grandeur respective
est très variable, selon les différentes espèces de Chéloniens; car,
ou elles croissent tellement les unes au-devant des autres qu’elles
se rencontrent par leurs bords correspondants, dans toute leur
longueur, de manière à constituer un plastron tout uni , ou bien
leur croissance reste plus bornée, et alors elles forment un plastron
ouvert au milieu, ou seulement un anneau étroit, comme c’est pro-
bablement le cas pour les Sphargis. D'ailleurs le développement
du plastron diffère encore en ce que sa circonférence et surtout sa
longueur deviennent relativement beaucoup plus grandes chez
quelques espèces de Chéloniens. 11 dépasse alors le cou et la queue
en dessous pour former un prolongement revêtu par le chorion seul ,
tandis que ce prolongement manque chez d’autres espèces. Cette
différence dépend probablement de ce qu’il existait déjà ou non
au côté ventral du corps , en dessous et en avant des pieds anté-
rieurs, et en dessous et en arrière des pieds postérieurs, un pli
transversal du chorion, dans lequel le plastron croissant pouvait
entrer. Ainsi il est vraisemblable que les espèces qui montrent
le prolongement qui vient d’être décrit, sont celles chez lesquelles
existait déjà un pli semblable. Ce fait devient surtout bien pro-
bable par l’examen des Chéloniens du genre Trionyx, chez lesquels
on trouve en effet ce pli : mais il n’est guère rempli par les parties
du plastron, peu développées dans ce genre.
Tout-à-fait spécifique, et très remarquable pour les Chéloniens,
est plus tard la relation de leur os du tronc avec le tissu cellulaire
sous-cutané très solide, formant une couche un peu épaisse, et ordi-
nairement pris pour cartilagineux. Toutes les pièces osseuses con-
tiguës à cette couche, savoir, les apophyses épineuses des vertè-
bres, de la deuxième jusqu’à la huitième, les huit paires de côtes
intermédiaires, les plaques supplémentaires de la carapace, et sou-
vent aussi toutes les pièces du plastron, après avoir perdu sur leur
surface extérieure le périoste par résorption , viennent en contact
avec le tissu cellulaire sous-cutané. C’est ce qui arrive après l’é-
closion de l’embryon et principalement sur les côtes, de manière,
que le périoste disparaît peu à peu, de l’extrémité supérieure (plus
DES CI1KL0MENS.
1 07
près des vertèbres), vers l’extrémité inférieure. Chez les Chélo-
niens marins, elle ne disparaît pas tout-à-fait sur l’extrémité
inférieure, mais seulement jusqu’à la partie des côtes qui ne
s’élargit jamais d’une manière considérable. Dès que la sub-
stance osseuse de cette partie vient en contact immédiat avec
le tissu cellulaire sous-cutané , on voit apparaître vers ce tissu
des cellules médullaires nombreuses , qui , au moins dans le com-
mencement, doivent être ouvertes en dehors. Peu à peu leur
nombre s’accroît considérablement, et les os que je viens de nom-
mer deviennent ainsi en même temps plus forts et très poreux ,
quoiqu’il y ait, selon les espèces, une différence assez marquée
dans leur porosité. Les cellules ne sont pas remplies principale-
ment par la graisse , comme cela a lieu chez les animaux verté-
brés plus parfaits et même, chez les Chéloniens, dans les os plus
éloignés du chorion ; elles sont remplies, mais par le tissu cellu-
laire sous-cutané. Ce tissu entre peu à peu par les ouvertures des
cellules comme par un rayonnement de petites racines nom-
breuses, et s’y amasse toujours en proportion de leur crois-
sance. Cependant la couche de ce tissu située entre les os et le
chorion diminue toujours, non seulement relativement , mais aussi
en partie d’une manière absolue, en sorte qu’il semble man-
quer tout-à-fait sur la carapace et le plastron chez quelques Ché-
loniens, notamment dans 1 ’Emys europæa.
Prend-on, comme à l’ordinaire, le plastron des Chéloniens pour
une partie du squelette nerveux et pour l’analogue du sternum des
autres animaux vertébrés; on doit aussi admettre que les os com-
posant l’épaule et le bassin sont situés d’une manière tout-à-fait
contraire à la disposition générale de ces parties (quand elles exis-
tent) chez les autres animaux vertébrés. Ils seraient situés de telle
sorte qu'ils resteraient tout-à-fait inexplicables, selon notre con-
naissance actuelle du développement des animaux. Mais on peut,
je crois, en se fondantsurquelquesfaits, démontrer avec évidence
que le plastron n’est rien autre chose qu’une partie du squelette
cutané, et qu’il n’a rien de commun, au point de vue anatomique,
avec le sternum des autres animaux. Cette supposition' une fois
168 i:\iiike. — sus le dévuloiteviem
admise connue vraie, on peut ramener la situation des os de l’é-
paule et du bassin des Chéloniens adultes aux relations qu’on trouve
chez d’autres animaux. Alors il n’y a plus rien d’extraordinaire
dans la disposition de ces parties, mais seulement quelque chose de
spécifique produit par le développement curieux des parties dor-
sales du corps. Quant à la position des omoplates, elles sont situées
en avant des côtes chez des embryons plus âgés et chez de jeunes
Chéloniens, et il est plus que probable qu’elles occupaient déjà
cette position avant que le développement des côtes fit des progrès
sensibles, et qu’elles n’étaient point seulement poussées en avant
par les côtes, par suite de la rapide croissance du corps en
largeur. Effectivement, la première paire de côtes, près et un peu
en avant de laquelle elles sont situées chez des embryons plus
âgés et des individus jeunes, n’est guère remarquable ni par sa
longueur très grande, ni par sa largeur; on la trouve au contraire
extrêmement courte et mince, si bien qu’un déplacement des omo-
plates devient impossible. En outre , nous voyons chez quelques
Poissons, quelques Sauriens ( Titigna sincoides ) et même chez un
Mammifère ( Ornithorhynchus ) , les omoplates occuper une posi-
tion semblable, en avant des côtes. Chez le Didelphis virgi-
niana, toute l’omoplate, ou du moins la partie inférieure avec, l’ar-
ticulation scapulaire, est située en avant des côtes, et il devient ainsi
probable qu’ aussi chez ces animaux , au moins dans une période
antérieure de leur développement, toute l’omoplate, avant qu’elle
prenne sa position oblique et sa largeur considérable , est située
en avant des côtes. Chez d’autres Mammifères , les omoplates
(quoique jamais elles ne soient aussi avancées que chez les Ché-
loniens et les Ornithorhynques) se rencontrent dans le premier
temps de leur développement beaucoup plus en avant que dans les
périodes postérieures. Chez le Cochon, nommément, l’omoplate,
un peu après la formation du pied antérieur, couvre les deux
côtes antérieures du côté correspondant. Quand il devient impos-
sible de la voir comme partie séparée, elle ne dépasse point au
commencement la première côte, tandis qu’elle s’étend de la pre-
mière jusqu’à la septième chez les Cochons adultes.
DES CIIELOMEVS.
169
Enfin la direction des omoplates chez les Chéloniens ne diffère
pas beaucoup de celle qu’on observe chez les Ornithorhynques et
plusieurs Sauriens, chez lesquels elles se trouvent aussi dans une
direction perpendiculaire. Leur situation en dessous des parties
osseuses du dos chez les Chéloniens adultes est produite plus
tard par l’effet du développement successif, car, même chez des
embryons plus âgés, elles touchent immédiatement , par leurs
extrémités supérieures, la couche du tissu cellulaire sous-cutané.
La métamorphose que je viens de décrire est l’effet de l’élar-
gissement considérable de la seconde paire de côtes , débordant
en voûte les parties voisines du squelette , la première paire de
côtes et les omoplates.
La position et l’articulation du bassin des Chéloniens ne diffère
absolument en rien du type normal que présentent les animaux
vertébrés pour les relations de position des os pelviens ; car les os
coxaux des Chéloniens sont joints à l’os sacrum comme chez les
Mammifères et chez les Sauriens en général. Ainsi ils n’offrent
rien de particulier, sinon qu’ils sont couverts par d’autres parties
osseuses. Cette couverture , que nous trouvons sur tout le bassin
des Chéloniens, résulte pour une petite partie d’un élargissement
de la paire pénultième des côtes, et en plus grande partie du
développement du squelette cutané, car presque toute la partie pos-
térieure de la carapace , formant chez la plupart des Chéloniens
un toit au-dessus et après le bassin, est composée de pièces
osseuses, développées près du chorion et indépendamment de la
colonne vertébrale et des côtes.
Ouant à ce qu’on trouve les fémurs des quatre pieds des Ché-
loniens recouverts en dessus, et chez quelques espèces aussi plus
ou moins en dessous, c’est en général la conséquence des plis laté-
raux plus ou moins longs du chorion, dans lesquels se sont déve-
loppées des pièces osseuses particulières appartenant au squelette
cutané. D’ailleurs la cause en est aussi que des huit paires de
côtes intermédiaires très prolongées et dirigées en dehors, les
deux dernières sont en outre tournées fortement en arrière, et
chez plusieurs Chéloniens, mais non chez tous, les deux an té-
170 RATHKE. — DÉVELOPPEMENT DES CHÉLOMENS.
Heures en avant; celles-là débordent l’articulation coxale, celles-
ci l’articulation scapulaire.
L’exposé de ces faits me semble bien démontrer l’erreur
de la remarque si souvent répétée, que chez les Chéloniens les os
composant l’épaule et le bassin sont ramenés en dedans du
corps. La disposition du péritoine chez les Chéloniens le prouve
même d’une manière assez positive, car il n’enveloppe des deux
côtés aucune des parties osseuses de l’épaule ni du bassin avec
leurs muscles ; il les revêt seulement d’un seul côté, à savoir, celui
qui est tourné vers les intestins. En arrière, il entre, comme chez
les Mammifères, assez loin dans la cavité du bassin supérieur, revêt
en partie sa surface interne et les muscles qui y sont fixés, et passe
de là sur les viscères placés dans ce bassin. Ensuite il longe en
dessous la partie dorsale du corps jusqu’aux omoplates (situées,
comme je l’ai dit, très en avant) en enveloppant la surface infé-
rieure des reins, les parties génitales internes, la surface infé-
rieure et le bord externe des poumons, presque avec toute leur
surface supérieure adhérente aux côtes , et la partie des côtes
débordant latéralement les poumons et les organes urinaires.
Après avoir passé des poumons, qui atteignent en avant les omo-
plates , sur les omoplates et la surface postérieure de quelques
uns de leurs muscles , il les longe en descendant et se tourne en
arrière pour envelopper en partie la surface supérieure du péri-
carde et surtout , de chaque côté et en arrière du péricarde, la
surface supérieure des deux paires de clavicules avec leurs mus-
cles. De là il passe enfin sur les muscles abdominaux. Un pli
très grand du péritoine , partant du côté dorsal et du côté anté-
rieur du corps, enveloppe l’intestin, en lui formant un mésentère
très large , puis l’estomac, le foie, la rate et le pancréas.
171
OBSERVATIONS
«CR LE DEVELOPPEMENT DE» SPERMATOZOÏDES DES RAIES ET DES TORPILLES.
Far M. DE MARTINO (de Naples) (1).
J’ai eu ces jours-ci l’occasion de faire des observations sur le
développement des Spermatozoïdes dans le testicule des Raies et
des Torpilles ; elles ne me semblent pas sans intérêt, et je m’em-
presse de vous les communiquer. Par ces recherches je crois pou-
voir éclaircir quelques faits relatifs à la structure intime du tes-
ticule de ces Poissons , et au développement de leurs infusoires.
M. Rathke avait observé que le testicule de quelques Poissons,
surtout celui des cartilagineux , présente une substance composée
d’un grand nombre de vésicules parfaitement closes , lesquelles
ne peuvent verser le sperme dans la cavité abdominale que par
leur rupture, car le testicule manque de canal déférent. M. Muller
découvrait ensuite dans les Raies la communication immédiate
entre le testicule et l’épididymc, et remarquait que les vésicules de
l’organe génital mâle de ces Poissons ont le volume d’une tète d’é-
pingle et sont remplies d’une matière dense et consistante. M. Delle
Chiaje confirmait ces observations, et poussait ses recherches jus-
qu’à suivre les ramifications délicates des vaisseaux spermatiques
sur la substance du testicule.
Or, quoique les connaissances anatomiques sur la structure du
testicule des Raies et des Torpilles ne laissent rien à désirer,
cependant, afin que l’exposé des résultats sur le développement
des Spermatozoïdes soit plus précis, nous croyons devoir ad-
mettre que :
1° Le testicule des Raies est formé de deux parties: de l’organe
proprement sécréteur du sperme, et d’une espèce de réservoir
en forme de sac, situé sur son bord interne. Ce réservoir manque
au testicule des Torpilles ;
fl) Extrait (tune leltro adressée par l’auteur à M. Milne Edwards.
172 DK DARTIXO. — SIR LES SPERMATOZOÏDES
2° La tunique albuginée qui enveloppe le testicule partage, au
moyen de prolongements internes, la substance de cet organe en
plusieurs lobules irréguliers et de grandeur différente;
3° Si l’on prend avec une pince une parcelle très petite de la
substance d’un de ces lobules et qu’on la fasse tremper dans une
goutte d’eau , sur une petite lame de verre , on observera très
aisément que la substance du testicule est composée d’un nombre
immense de petites vésicules sphériques et closes, qui sont tenues
unies par une espèce de stroma ou de tissu cellulaire gélatineux ,
qui absorbe l’eau ;
ti° Les vésicules n’ont pas toujours la même grandeur, car
elles sont très petites hors la saison des amours, et lorsque la
matière spermatique qu’elles renferment n’est pas encore mûre :
au contraire, dans l’époque de la maturité du sperme, on les
trouve dévoloppées jusqu’au double de leur grandeur ; nous avons
vu les plus petites de 1/8 de ligne et les plus grandes de 1/3;
5” Les vésicules du testicule des Torpilles sont presque de
moitié plus petites que celles des Raies;
6° Les vésicules sont toujours formées par une membrane
pariétale très mince , close de toute part , et sont remplies de la
matière spermatique. La vésicule aussi bien que son contenu sont,
jusqu’à un certain point, transparents;
7° Le réservoir du testicule des Raies ne contient pas de vési-
cules semblables , mais seulement une substance dense et lai-
teuse , comme une espèce de crème.
La substance spermatique, depuissa sécrétion jusqu’à l’éclosion
des Spermatozoïdes, nous a présenté une série de phénomènes
très curieux et importants, et presque en tout analogue? à ceux
qui avaient été découverts par M. Wagner.
Sous ce point de vue, on peut suivre le développement des
vésicules depuis l’époque de leur immaturité jusqu’à celle où I
elles sont devenues parfaitement mûres, et en conséquence près I
d’éclater et de donner issue à la semence fourmillante de Sper-
matozoïdes. Les degrés de la maturité sont les suivants :
/. Les vésicules qui ne sont pas mûres et qui sont en consé-
DES HAIES ET DES TORPILLES. 4 73
quence très petites, renferment une substance presque transpa-
rente et à peine granuleuse.
B. Ces granulations, fort déliées, se développent peu à peu,
grandissent et se disposent ordinairement en séries , qui pren-
nent l’apparence de ramifications. En même temps les vésicules
augmentent de volume.
C. Les granulations spermatiques, en se développant tou-
jours, se montrent comme des cellules remplies de granules très
fins et un peu transparents.
I). Enfin ces granules mêmes croissent et restent enfermés dans
la granulation-mère.
Or, c’est dans ces granules que la génération des Spermato-
zoïdes a lieu. En effet, dans chaque granule, comme il nous a sem-
blé le voir en répétant plusieurs fois les observations , ne s’en-
gendre jamais plus d’un seul Spermatozoïde. Nous n’avons pas
encore suivi la génération de l’animalcule : seulement, nous avons
vu que, lorsque le Spermatozoïde est arrivé au terme de son
développement , il est enroulé au-dedans de son ovule. Deux fois
nous avons vu ces ovules spermatozoïques se mouvoir en roulant
très rapidement pendant que nous l’observions au microscope. Ils
renfermaient le Spermatozoïde déjà développé, aux oscillations
duquel était dû le mouvement rotatoire de l’ovule.
La substance du réservoir du testicule des Raies, observée
sous le microscope, consiste en un grand nombre de granulations-
mères , très semblables à celles qui sont contenues dans les vési-
cules-mères et renfermant les mêmes granules générateurs des
Spermatozoïdes. Ces granulations du réservoir lui parviennent de
la rupture des vésicules spermatiques mûres des testicules. II est
certain que les Spermatozoïdes éclosent de plusieurs granules dans
le testicule même , avant que les vésicules se rompent. Alors les
Spermatozoïdes de tous les granules d’une granulation-mère res-
tent unis par la tête, et représentent des faisceaux de filaments
avec les queues libres et oscillantes, ainsi que M. Wagner les a
parfaitement décrites et dessinées dans le Certhia familiaris.
L’épididyme est un canalicule blanc, plus ou moins dilaté et
I7/| DE MARTINO. — SPERMATOZOÏDES DES RAIES, ETC.
gonflé de sperme, qui sort du sommet du testicule chez les Raies,
et presque de son milieu chez les Torpilles. Il fait dès son
origine d’innombrables circonvolutions sur lui-même , dont toute
la masse est renfermée dans une gaine fibreuse et très résis-
tante. 11 se dilate à mesure qu’il descend ; enfin le canal défé-
rent est le même canal de l’épididyme beaucoup dilaté, surtout
chez les Torpilles, et moins tortueux. Chez celles-ci principalement
on voit très bien que la membrane du canal spermatophore résulte
de deux couches , l’une musculaire fibreuse extérieure et l’autre
muqueuse interne, qui, dans l’extension plus grande du canal
fibreux , se plisse en formant des espèces de valvules conniventes,
qu’on voit encore par transparence.
De tous les points de l’épididyme ou du canal déférent des
Raies et des Torpilles, si l'on tire une pelite goutte de sperme
(lorsque les vésicules des testicules sont déjà parvenues à leurs
maturité) , elle fourmille de Spermatozoïdes libres et oscillants,
Le Spermatozoïde des Raies et des Torpilles, comme celui des
Squales décrit par M. Muller, a un corps spiral , qui, à l’extrémité
antérieure, est formé d’un petit renflement ou tète, et, à l’extré-
mité postérieure , d’une queue très déliée.
J. es mouvements de ce petit animalcule, très vifs et rapides,
sont vermiculaires dans le corps et oscillatoires dans la queue.
La vie des Spermatozoïdes des Raies et des Torpilles est fort
tenace; car de l’épididyme de ces Poissons, morts deux jours
auparavant, nous avons retiré des gouttes de sperme dont les
Spermatozoïdes étaient presque fous vivants.
175
NOTE
Slüi UE MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS;
Par M. A LEREEOU11ET, D. M.,
Professeur à la Faculté des sciences
de Strasbourg.
( Lue à la Société de médecine de Strasbourg , le 5 mars 1846.)
L’influence du microscope sur nos connaissances anatomiques
et physiologiques est un fait aujourd’hui reconnu ; et si ce pré-
cieux moyen d’investigation trouve encore des incrédules ou même
quelques détracteurs , ce ne peut être que par ignorance ou par
cette singulière erreur de raisonnement qui nous fait oublier,
pour un résultat douteux, des services nombreux et réels. Bornons-
nous à rappeler que ce n’est que depuis les perfectionnements ap-
portés au microscope que l’anatomie générale, ce point de départ
de toute bonne physiologie , repose sur des bases certaines ; c’est
cet instrument qui a détruit une foule d’erreurs grossières qui
nous donnaient les idées les plus fausses sur la manière dont s’ac-
complissent certaines fonctions : l’existence des pores organiques,
les prétendus parenchymes des viscères, la triple terminaison des
artères en capillaires nutritifs, en capillaires sécréteurs et en
capillaires exhalants ou absorbants , etc.
Parmi les fonctions sur lesquelles nous n’avons des connaissances
un peu positives que depuis que le microscope est venu à notre
aide , nous devons ranger les sécrétions. Le temps est encore
bien rapproché de nous où l’on admettait une continuation directe
entre les vaisseaux sanguins et les canaux des glandes , et où l’on
disait que le sang , arrivé dans les ramuscules les plus fins des
artères , se changeait en produits sécrétés. Lisez , pour vous en
convaincre, l’article Sécrétion du Dictionnaire de médecine, article
publié en 1844, et signé par un physiologiste bien connu de l’an-
cienne école. Vous y trouverez répété à satiété, qu’il y a « con-
„ tinuité entre le système vasculaire sanguin qui apporte les ma-
%. I I HI ItOI MET. — SL T. r.E MÉCANISME
176
» tériaux de la sécrétion et le système vasculaire sécréteur qui
« fabrique et exporte l’humeur sécrétée. « Vous y trouverez ces
assertions singulières : « qu’on ne peut rien connaître de la struc-
» ture intime des organes exhalants ; » que « la texture des follicules
» sécréteurs est aussi peu connue que celle de tout autre organe ; »
que « c’est entre les deux systèmes vasculaires qui constituent
» l’organe sécréteur à leur point d’abouchement que se fait vrai-
» ment la sécrétion ; » et comme on n’est jamais parvenu jusqu’à
ce point d’abouchement , on se tire d’affaire en désignant par le
mot de parenchyme ou système capillaire de l’organe sécréteur le
lieu où se fait la sécrétion (1)
Aujourd’hui la composition et la structure intime des glandes
sont assez bien connues pour ce qu’elles ont d’essentiel. On sait
que tout organe sécréteur est formé par des capsules simples ou
multiples , ou par des tubes de longueur variable , et qui peuvent
aussi se trouver isolés ou réunis en masse plus ou moins compacte ;
les formes des glandes sont extrêmement variées , leur composi-
tion est au contraire remarquable par son uniformité. Les vais-
seaux sanguins , chargés d’apporter les matériaux de la sécrétion,
sont disposés autour de ces éléments sécréteurs , de manière à les
accompagner dans toutes leurs divisions ; ils forment des réseaux
à mailles plus ou moins lâches, suivant l’arrangement des capsules
ou des tubes sécréteurs. Ces vaisseaux n’ont que des rapports de
contiguïté avec ces derniers; il est bien certain, et clairement
démontré , qu’il n’existe aucune continuité entre les vaisseaux et
les tubes. Les tubes sécréteurs sont toujours terminés en cul-de-
sac à leur extrémité ; on ne doit plus faire d’exception pour le rein
ni pour le testicule.
11 ne reste donc plus qu’à étudier la structure propre de ces
tubes sécréteurs; dès lors il sera possible d’asseoir sur ces données
anatomiques une théorie, sinon rigoureuse, du moins assez vrai-
semblable de la sécrétion.
(1 ) L'article dont il est ici question n’est que ta reproduction littérale des deux
articles Sécréteur et Secrétion de l'ancien Dictionnaire de médecine en 21 vo-
lumes. par le même auteur Cet article aurait du être entièrement refondu.
DES SÉCRÉTIONS. 177
llurkinjo(l). Meule (2), Valentin (3), Muller (4), en Allemagne;
Mandl (5), en France; Goodsir (6) et Bowmann (7), en Angle-
terre, ont étudié avec soin , sous ce rapport, la structure des
glandes, et ont été conduits à envisager la sécrétion sous des
points de vue qui différent plus ou moins des idées généralement
reçues.
Ilenle, dans son remarquable travail sur l'épithélium, dit que
les canaux glanduleux sont revêtus d’une couche de cellules épi-
théliales; ces cellules renferment un noyau très développé , rela-
tivement à la cellule elle-même ; les contours de celle-ci se voient
difficilement; ce n’est que lorsque plusieurs cellules sont rappro-
chées les unes des autres qu’on distingue les intervalles plus pâles
qui les séparent. Ces cellules se produisent en abondance , se
pressent au dehors, et forment , dans plusieurs glandes, une par-
tie du produit sécrété. La membrane qui les soutient est homo-
gène. L’auteur fait remarquer l’analogie qui existe entre certains
produits provenant des sécrétions (les corpuscules du mucus,
par exemple) et les cellules épithéliales elles-mêmes.
Dans son grand ouvrage d’anatomie générale , AL Ilenle entre
dans beaucoup plus de détails sur la structure des glandes, et
particulièrement des canalicules sécréteurs. Il signale le contenu
de ces organes comme des noyaux de cellules nucléées ou des
granules élémentaires. 11 croit que ces derniers se réunissent deux
à deux, trois à trois, s’entourent d’une cellule et finissent par
représenter d’assez gros corpuscules muqueux qu’on peut faire
sortir des glandes par la pression , et qui , pendant la digestion ,
enveloppent le contenu de l’estomac d’une couche épaisse et
comme membraneuse. Mais Ilenle ne s’explique pas sur les usages
présumés de ces cellules , et il paraît ne faire jouer aucun rôle à
(1) Bericht liber die Versammlung der Naturforscher in Prag. 1837.
(2) Millier’ 8 Archiv , p. 4 03. — 1838.
(3) Hondwœrterbuch der Phys., t. I — Absonderung Ceirebe.
(4) Physiologie , trad. française.
(5) Anatomie générale et Anatomie microscopique.
(6) Transacl. of Edinb. Soc., XV, 295.
(7) Philos. Trans., 1842, 1re partie. — Ann. des Se nul 2' série t XIX.
p 108.
3* série Zoo ». TV. (Mars 1840 ) 4 12
178 A. LEREBOULLET. — SUR LE MÉCANISME
la membrane propre du tube sécréteur ; loin de là, cette mem-
brane manquerait même dans plusieurs glandes (le foie et les
glandes des follicules pileux), en sorte que les organes sécréteurs
seraient ici simplement formés de cellules réunies en amas ar-
rondis et lobuleux ou disposées en séries linéaires.
Quant à la théorie de la sécrétion, M. Henle admet que les
matières sécrétées se produisent dans le sang, et que les glandes
les reçoivent toutes formées de ce dernier; il considère ainsi les
glandes comme des espèces de liltres, sans nier, toutefois, que
les cellules endogènes ne puissent aussi prendre part à la sé-
crétion.
Valentin décrit les extrémités des canalicules sécréteurs comme
renfermant des cellules complètes , des noyaux globuleux , et une
masse plus claire interposée. Les cellules ont souvent un contenu
qui est peut-être en rapport avec le produit sécrété.
Déjà l’urkinje, avant Valentin , avait émis la même opinion sur
le rôle des cellules; il comparait ces dernières aux parties élé-
mentaires des végétaux , où chaque petite cellule a sa vie propre
et se fabrique un contenu spécial (1).
Cette opinion sur le rôle spécial que jouent dans les sécré-
tions les cellules épithéliales des glandes, a été aussi exprimée
par Bowmann , dans son beau travail sur la structure des reins (2),
et surtout par Goodsir. Ce dernier a cherché à démontrer
par l’étude des organes sécréteurs d’un grand nombre d’ani-
maux que les matières caractéristiques des produits des sécré-
tions se trouvent dans les cellules qui revêtent les canaux glan-
duleux.
M. Mandl, entin , comme les auteurs que je viens de citer , re-
garde les glandes comme composées de canalicules sécréteurs ,
renfermant une masse de cellules d’autant plus compacte et ad-
hérente aux parois des canalicules, que l’on s’approche du bout
fermé en cul-de-sac ; il appelle cette masse cellulaire le paren-
chyme de la glande, à l’imitation de Purkinje , qui lui donnait le
nom d’enchyme. Ce parenchyme occupe toute l’épaisseur du ca-
(4) Physiologie de Millier, t. 1, p. .337.
(2) Lnc. rit., p. | 3 à
DES SÉCRÉTIONS. 179
nalicule; il est composé de cellules à divers degrés de dévelop-
pement; les plus imparfaites occupent la circonférence de ce cy-
lindre intérieur , tandis que l’axe du canalicule est occupé par les
cellules les plus parfaites. Ce cylindre de cellules est entouré im-
médiatement par la tunique propre glandulaire , et celle-ci peut
être revêtue d’un épithélium ou en être privée.
\1. Mandl, comme on le voit, regarde les cellules de ce qu’il
appelle le parenchyme , comme indépendantes des cellules de
I épithélium : «Ce dernier, dit-il, manque tout-à-fait dans les
vésicules les plus petites des glandes agglomérées. Les corpus-
cules primitifs et les cellules les moins développées du paren-
chyme sont adhérentes à la tunique propre glandulaire à l’aide
de la matière organisatrice ou du blastème ; mais à mesure que
ces cellules se développent et se rapprochent de l’axe du cana-
licule , elles se détachent du blastème et deviennent libres. «
Ainsi, tous les micrographes s’accordent sur l’existence des
cellules ou des noyaux de cellules qui tapissent les parois internes
îles canalicules sécréteurs, et remplissent plus ou moins leurs
cavités ; mais ils diffèrent d’opinion sur la valeur morphologique
de ces cellules et sur leurs fonctions présumables.
Ouelques recherches que j’ai faites sur la structure intime des
glandes et l’étude comparative des travaux particuliers publiés
dans ces derniers temps, m’ont conduit à une théorie de la sécré-
tion qui diffère sous plusieurs rapports de celles dont je viens de
présenter l’analyse.
Pour acquérir une notion exacte sur la disposition anatomique
des organes sécréteurs , il faut procéder avec une grande précau-
tion, et observer non seulement des pièces conservées dans l’alcool,
muisaussi des glandes fraîches, séparéesde l’animal peu d’instants
après la mort.
Si l’on écarte les uns des autres, à l’aide de fines aiguilles et
sous le microscope, les petits lobules dont la réunion constitue
une glande en grappe , et qu’on examine ensuite par transpa-
rence un de ses petits grains ainsi préparés , on voit très nette-
ment que ce petit grain se compose décapsulés entassées les unes
sur les autres, et groupées autour d’un ou de plusieurs conduits
180 I.EREBOELLET. — SIR LE MÉCANISME
excréteurs. Sous un grossissement médioere, ces sortes de petits
sacs paraissent granulés ; mais à l’aide d’un grossissement de 250
à .‘{00 diamètres, on distingue, au milieu des granulations, de
petites vésicules sphériques, transparentes, renfermant elles-
mêmes un contenu granuleux pâle. Que l’on déchire ensuite quel-
ques unes de ces capsules glandulaires, on verra leur contenu
s’écouler sous la forme de vésicules et de granules élémentaires ;
et si l’on agite la pièce sous l’eau , on débarrassera entièrement les
capsules de leur contenu , et les parois de ces capsules resteront
étalées sur la lame de verre. Ces parois offrent , mais d’une ma-
nière plus distincte , le même aspect que présentait la capsule
avant qu’elle fût ouverte. Elles sont, en effet, tapissées d'une
couche de vésicules granuleuses de différente grandeur , qui
adhèrent à la membrane propre de la capsule , et entre lesquelles
sont déposés des corpuscules élémentaires. Les vésicules adhé-
rentes ont le même diamètre et le même aspect que celles qui
étaient libresdans l’intérieur de la capsule; on peut donc admettre
que ces dernières se sont détachées des parois du petit sac glan-
dulaire. Ces vésicules ne sont pas encore des cellules complètes ;
je n’ai jamais pu distinguer d’intervalle entre leur enveloppe et les
granulations qu’elles renferment; d’un autre côté, elles sont sphé-
riques et ne contiennent pas de noyau ; ou peut donc les regarder
elles-mêmes comme de véritables noyaux de cellules envoie de
formation.
J’ai reconnu la disposition dont je viens de parler dans les
glandes salivaires, le pancréas, les glandes rectales et les folli-
cules inguinaux du lapin.
La même structure s'observe dans les glandes utriculaires et
dans celles qui sont formées de tubes. Si l’on étudie, par exemple,
les utricules dont l’agglomération constitue la muqueuse gastrique
de la caillette du veau , on voit que ces espèces de petits boyaux,
terminés en cul-de-sac, sont aussi composés d’une membrane
propre, tapissée de vésicules granuleuses semblables à des noyaux
de cellules. Les vésicules qui remplissent le fond du cul-de-sac
sont toujours simples : ce sont des noyaux proprement dits; mais
à. mesure qu'on approche de l’orifice de l’ntricule, on voit que ces
UES siiciiihioîss. 1 81
noyaux sont entourés d’une cellule distincte: ce sont des forma-
tions plus avancées. Cette observation , que j’ai répétée plusieurs
fois, confirme ce qu’ont dit Valentin et d’autres micrographes. à
savoir, que les cellules sont d’autant plus développées qu’on ap-
proche davantage de l’orifice de l’organe sécréteur.
Les glandes tubuleuses ne font pas exception à cette composi-
tion élémentaire. Les tubes urinaires-, du moins ceux de la sub-
stance corticale, offrent le même aspect que les capsules terminales
des glandes conglomérées , tandis que les tubes droits de la
substance mamelonnée sont revêtus intérieurement d’un épithé-
lium en pavé , composé de cellules dont le noyau occupe à peu
près la moitié du diamètre de la cellule entière. Quant aux tubes
séminifères, les corpuscules sphériques et granuleux qui adhèrent
à leurs parois sont identiquement les mêmes que ceux qui rem-
plissent la cavité de ces tubes.
Ainsi, en résumé, des formations nucléaires obstruent la
lumière des organes sécréteurs et se trouvent surtout accumulées
vers les extrémités en cul-de-sac de ces organes ; des formations
en tout semblables tapissent les parois internes de ces mêmes
organes et adhèrent à ces parois : tels sont les faits que chacun
peut vérifier ; cherchons maintenant à nous en rendre compte.
ht d’abord , ces vésicules granulées qui affectent une forme et
une disposition si constantes appartiennent, sans aucun doute,
aux formations épithéliales ; notre opinion diffère totalement, sous
ce rapport , de celle de M. Mandl. Mais elles n’appartiennent en-
core ni à l’épithélium en pavé ni à l’épithélium cylindrique; elles
ne constituent pas encore de véritables cellules ; ce sont , comme
on l’a dit et comme nous l’avons vu, ce sont de jeunes cellules
dans lesquelles le noyau est tellement développé et la cellule si
rudimentaire , que les deux enveloppes se confondent , et qu’on ne
peut les distinguer l’une de l’autre. On peut les comparer à ces
jeunes cellules globuleuses qui végètent à la surface du derme , et
dont la réunion constitue la membrane granulée qui recouvre la
tunique fibreuse de la peau. Cependant il existe des différences
entre ces deux ordres d’organes : les jeunes cellules de la peau
sont disposées sur plusieurs plans superposés ; les nouvelles cel-
182
IFItlIEOI 1,111.
SLit LE MECANISME
Iules formées à la surface du derme repoussent vers le dehors les
cellules anciennes; celles-ci s’aplatissent; en même temps, l’en-
veloppe du noyau, ou la cellule proprement dite, s’agrandit,
tandis que le noyau reste stationnaire ou même diminue de dimen-
sion ; en sorte qu’on trouve entre les cellules vésiculeuses qui re-
couvrent immédiatement le derme et les cellules squameuses qui
forment la surface extérieure de la peau, tous les degrés intermé-
diaires de développement.
Dans les glandes, au contraire, du moins dans leurs extrémi-
tés terminales , les jeunes cellules sont disposées sur un seul plan
et tapissent intérieurement la tunique propre de la glande, tunique
qu’on peut très bien regarder comme l’analogue du derme. D’abord
très petites , elles grossissent peu à peu et se détachent de la paroi
de la tunique propre, quand elles ont atteint une certaine dimen-
sion, mais le plus souvent avant que la cellule soit distincte du
noyau. Cette végétation est tellement active à l’extrémité des tubes
sécréteurs, que l’on trouve toujours, comme nous l’avons dit, la
lumière de ces tubes obstruée par les noyaux vésiculeux qui les
remplissent. A mesure que l’on s’approche de l’orifice excréteur
du tube , les couches de cellules adhérentes à la membrane propre
de ce dernier deviennent plus épaisses, et les cellules les plus
superficielles prennent peu <à peu le caractère de celles qui tapis-
sent la cavité destinée à recevoir le produit sécrété. Il y a donc ,
comme on le voit , un passage insensible des formes élémentaires
que présentent les cellules des extrémités en cul-de-sac des glandes,
aux formes achevées des cellules complètes qui constituent l’épi-
thélium des tubes excréteurs ; et cette gradation dans le dévelop-
pement des cellules n’est pas une vue théorique , c’est un fait
d’observation que nous avons vérifié sur plusieurs glandes, et dont
parlent, du reste, la plupart des micrographes. Nous sommes
donc en droit de regarder les vésicules granuleuses en question
comme des formations épithéliales rudimentaires, et chargées
d’accomplir, sous cette forme, des fonctions spéciales.
Examinons maintenant quelle peut être la nature de ces fonc-
tions.
L’épithélium ordinaire est un organe de protection, d’absorp-
DKS SKCKKT10XS.
183
tion ou d’exhalation , suivant les surfaces qu’il recouvre et suivant
la forme et l’étendue des cellules qui le composent. On comprend,
en elfet, qu’une lamelle d’une épaisseur inappréciable ne peut
que laisser transsuder les liquides, tandis qu’une cellule cylin-
drique ou une vésicule globuleuse, recevant un liquide dans sa
cavité, peut faire éprouver à ce liquide des modifications quel-
conques; en un mot, l’élaborer ou même en changer la nature.
La sécrétion proprement dite, c’est-à-dire la métamorphose des
éléments constitutifs du sang, pourra donc très bien s’opérer dans
des organes vésiculeux comme ceux qui remplissent les tubes
sécréteurs. Or, nous avons vu une différence capitale dans le
mode de développement des cellules des tubes sécréteurs : les
unes, celles du fond, se détachent sous la forme d’organes vési-
culeux ; les autres , celles qui avoisinent l’orifice du tube excréteur,
végètent à la manière des cellules de l’épiderme; ces dernières
semblent acquérir de plus en plus les caractères d’organes pro-
tecteurs ou d’organes d’exhalation ou d’absorption , tandis que les
premières, par leur forme globuleuse, et surtout par leur repro-
duction abondante et continue , semblent plutôt réunir les condi-
tions nécessaires à l’élaboration des principes du sang.
Nous pensons donc que les vésicules granuleuses qui tapissent
les parois des tubes sécréteurs et qui se trouvent surtout accumu-
lées vers l’extrémité en cul-de-sac de ces tubes, remplissent une
autre fonction que les cellules qui revêtent intérieurement le reste
du tube , et qui se modifient peu à peu pour prendre les caractères
de l’épithélium de la surface libre de la muqueuse ou de la peau ;
et nous ne croyons pas trop nous hasarder en regardant ces vési-
cules comme les organes chargés d’élaborer la substance parti-
culière à chaque sécrétion (salivine, biline, urée, etc.), tandis
que les cellules épithéliales proprement dites laisseraient passer
l’eau , les sels et les autres substances dissoutes dans la partie
liquide du sang, et qu’on retrouve en plus ou moins grande pro-
portion dans tous les liquides sécrétés. On sait , en effet , que l’eau
entre pour une immense proportion dans les produits des sécré-
tions : or. la surface des tubes sécréteurs est infiniment plus
grande que celle qui résulterait de la somme de toutes les extré-
I. UillEIIOlLLKT.
SL U I.E MECANISME
184
mités terminales de ces tubes. De plus, la séparation du sang de
ses éléments liquides n’entraîne aucune action particulière de la
cellule : c’est un simple effet d’endosmose, et cet effet s’opérerait
au moyen des cellules rangées en séries continues le long des pa-
rois internes du tube sécréteur. Les vésicules, au contraire, se
chargeraient soit d’extraire du sang les principes immédiats des
sécrétions qui s’y trouvent déjà , soit de faire subir aux éléments
du sang les transformations nécessaires à la production de ces
principes. Elles verseraient leur contenu dans la cavité du cana-
licule, et par conséquent au milieu du liquide que renferme ce
dernier, soit par déhiscence , soit par dissolution de leurs parois.
Ces vésicules formeraient donc la partie essentielle de chaque
glande, sa partie en quelque sorte spécifique.
Sans doute ce n’est là qu’une hypothèse, mais celle hypothèse
n’est pas dénuée de fondement, et la science possède déjà plusieurs
faits qui viennent militer en sa faveur : ainsi Goodsir a trouvé
dans la poche à encre des seiches des cellules pigmentaires dont
le contenu est en rapport avec la .sépia elle-même; le foie de plu-
sieurs mollusques se composait de vésicules dont le contenu brun
était en rapport avec la bile ; dans le rein d’un colimaçon ( hélix
adspersa) , le même anatomiste a rencontré des cellules remplies
de granules d’acide urique ; le manteau de l’aplysic , où se sépare
un liquide pourpré , contient des cellules dans lesquelles se trouve
un liquide de la même couleur.
karslen (1) a fait des observations analogues sur le foie des
crustacés et des mollusques. Henri Meckel , neveu du célèbre ana-
tomiste de ce nom, vient de publier dans les Archives de Muller
(1846, cah. 1, p. 1) un excellent travail , dans lequel il s’attache
à représenter les cellules épithéliales des glandes comme les en-
droits où s’opèrent les actions chimiques ; il s’est assuré que , dans
l’écrevisse , le travail de formation de la bile est réparti entre deux
sortes de vésicules, ayant chacune leur attribution particulière :
les unes fabriquent de la bilinc, tandis que les autres ne renfer-
ment que de la graisse. Enlin ne savons- nous pas que les cor-
puscules solides que nous désignons sous h' nom de globules du
: I' ;Vot’ «et. ji/ij/s met I. XXI, lr' parti'' , p J 9 5
DES SECRETIONS.
185
mucus ont la même tonne , la même composition et le même
diamètre < pie les noyaux des cellules des glandes qui les sécrètent,
et ne pouvons -nous pas, d’après cela, les regarder comme des
noyaux qui ne sont pas encore arrivés à leur développement cel-
lulaire?
11 nous reste encore à examiner le rôle que peut jouer la mem-
brane propre du tube sécréteur. Tous les anatomistes sont à peu
près d’accord pour envisager cette tunique comme un simple
support, comme une sorte de squelette destiné à donner au tube sa
forme et sa consistance, et à diriger au dehors les fluides sécrétés.
Nous ne saurions nous ranger de cet avis, et nous ne craignons
pas de dire que cette manière de voir nous semble peu physio-
logique, à peu près comme si l’on voulait regarder le derme comme
lecaput mortuum de la peau.
Si nous étudions la structure de l'ovaire , non pas dans les ver-
tébrés supérieurs, mais dans les reptiles et les poissons, nous
voyons que cette glande se compose d’une enveloppe membra-
neuse excessivement mince dans quelques groupes; c’est cette
membrane fibro -grenue qui sécrète les ovules; on les voit se dé-
velopper peu à peu , faire saillie à la surface interne du sac mem-
braneux. et tomber ensuite dans sa cavité quand ils sont arrivés
à leur complète évolution. Or, ce tpie nous pouvons voir dans la
sécrétion des ovules se passe sans doute dans les autres sécrétions.
Pour nous , la tunique propre des tubes sécréteurs est la membrane
proligère de ces tubes; généralement regardée comme sans
structure, elle a cependant été reconnue comme fibreuse par
(juelques anatomistes; c’est à sa surface que végètent sans inter-
ruption les vésicules sécrétoires , comme c’est à la surface des
sacs ovariens que végètent les ovules. La structure particu-
lière des glandes des animaux articulés nous semble une preuve
en faveur de cette théorie. Dans ces glandes, en effet, les vési-
cules ne sont pas à découvert dans la cavité du tube sécréteur ;
elles sont elles-mêmes recouvertes par une membrane très fine,
continue , en sorte que le développement des vésicules se fait
entre cette membrane et la tunique propre , absolument comme
dans les ovaires dont nous venons de parler.
186 A. EEKEItOI EL ET. — SUE Lli MÉCANISME DES SÉCRÉTIONS.
On nous objectera sans doute que la tunique propre des or-
ganes sécréteurs n’est pas indispensable à ces organes , puisqu’elle
manque dans le foie des vertébrés. A cela nous répondrons que
cette absence de la membrane propre des glandules sécrétoires
du foie est loin d’être prouvée. Valentin est porté à admettre cette
membrane, et krause l’admet positivement, et affirme qu’il est
parvenu à la démontrer (1). D’ailleurs, il suffit de se rappeler
combien sont difficiles les recherches sur la structure intime du
foie, pour concevoir comment une membrane aussi délicate que
la tunique propre des glandes a pu échapper aux recherches des
meilleurs micrographes.
Nous résumerons ainsi qu’il suit nos idées sur la sécrétion , en-
visagée d’une manière générale :
1° Les glandes ont pour éléments sécréteurs des sacs ou des
tubes, composés, en allant de dehors en dedans, d’un réseau
vasculaire sanguin , d’une membrane propre et d’une couche de
cellules.
2° La cavité des sacs ou des tubes est remplie de cellules libres,
semblables à celles qui en tapissent les parois.
3° Les cellules qui tapissent les extrémités en cul-de-sac des
organes sécréteurs ne se composent encore que du noyau ; celui-ci
est sphérique , creux et rempli de granulations.
h" Les cellules qui recouvrent les tubes dans leur continuité
prennent de plus en plus le caractère de cellules achevées, à me-
sure qu’on approche de l'orifice du tube; le noyau est alors par-
faitement distinct de la cellule, et celle-ci finit par prendre la
forme de lamelle (épithélium en pavé) ou celle de cylindre (épi-
thélium cylindrique), se confondant ainsi peu à peu avec l’épithé-
lium de la surface libre , à laquelle aboutit là glande.
3° Les jeunes cellules ou vésicules granuleuses (noyaux de cel-
lules) qui remplissent les canalicules proviennent des parois de
l’extrémité en cul-de-sac de ces canalicules : il se fait dans ces
culs-de-sac une végétation abondante qui a pour effet de pro-
duire sans cesse de nouvelles vésicules qui finissent par obstruer la
lumière du tube.
(I) Ueberden feinern /limiter Lebcr (Muller s Archic, I8ià, p. oJi).
C. VltKTINS. SUR LA TEMPÉRATURE DES OURSINS. 187
(>' Ces vésicules paraissent être les organes sécréteurs propre-
ment dits; elles élaborent les principes du sang, et les versent
au dehors, soit en crevant, soit par une dissolution de leur en-
veloppe; il est très probable que les produits qu’elles fournissent
constituent les principes immédiats particuliers à chaque sécrétion.
7" L’eau, les sels et les autres substances que l’eau tient en
dissolution proviendraient, dans cette hypothèse , des cellules qui
tapissent les canalicules ; on s’expliquerait ainsi l’abondante quan-
tité d’eau que renferment, en général, les liquides sécrétés.
S" La membrane propre des canicules ou des petits sacs sécré-
teurs est une membrane proligère analogue à celle qui constitue
l’ovaire des vertébrés inférieurs et de la plupart des invertébrés.
Nous soumettons les réflexions qui précèdent à l’appréciation
de nos collègues de la Société de médecine. Sans doute elles au-
raient besoin de reposer sur des faits plus nombreux encore ; mais
telles qu’elles sont , elles peuvent déjà laisser entrevoir les pro-
grès que le microscope a fait faire à la question importante de la
sécrétion , et les résultats futurs que la science est en droit d’en
espérer.
SUR LA TEMPÉRATURE
des
, Spalanÿiis purpureus , O. -F. Muller, Trigla hirtmdo, L. , et
Gadus œglefinus, L. , des mers du Nord;
Par M CH. MARTINS.
Le 20 juin 1839, la corvette la Recherche était en calme sur le
Doger-Bank, dans la mer du Nord, par 53° 48' de latitude
boréale, et 1° 2' de longitude orientale. La drague ramena un
nombre prodigieux d’Oursins ( Spatangus purpureus, M.). Je
m’empressai de prendre leur température dès qu’ils furent hissés
sur le pont du navire. J’employai pour cela un excellent thermo-
mètre à mercure construit par M. Walferdin. 11 porte 170 divi-
sions ayant 0"’,5 d’écartement; son parcours total est de — 7" à
-f- 33" centigrades. Le point de glace fondante correspond à la
trentième division, et la valeur moyenne de chacune d’elles est
188 C. MüRTIKS. — SUR LA TEMl’KRATCRE
de 0°,221 centigrade. On peut par conséquent apprécier facile-
ment avec la loupe 0\0/i de degré. En outre, l’instrument est très
sensible et prend rapidement la température de l’animal dans
lequel il est plongé. J’enfonçais profondément le thermomètre
dans la bouche des Oursins, et le laissais jusqu’à ce que le mer-
cure restât stationnaire. Voici les résultats que j’ai obtenus sur
quarante-huit d’entre eux :
Température de 68 Oursins (Spatangux purpureus, M.).
1.
Dr p lés.
10,12^
25.
De p rés.
12,32\
2.
9,46
26.
11,9? j
3.
9,90
Moy. 10°, 16.
27.
13,09 (
4.
10,34
28.
12,10 i
5.
10,78
29.
12,10 1
6.
10,34,
30.
12,98 '
7.
10, 46
31.
12,54
8.
1 0,-45
32.
13,42 I
9.
40,46
Moy. I0°,60.
33.
13,421
10.
1 1,33
34.
13,71 i
11.
10,78
35.
12,76 ’
12.
10,12
36.
1 3,20 /
13.
10,46
37.
15,29
14.
10,78
38.
14,37 .
15.
1 1,00
Moy ! 1 °, 0 2 .
39.
14,74 1
16.
1 1,44
40.
1 3,42 (
17.
1 1,00
41.
15,40
18.
11,4 4
12.
13,64'
19.
10,78
43.
14,41
20.
1 1,44
1
44.
13,64
21.
1 1,66
Muv. Il", 37.
45.
13,96
22.
1 1.04
1 '
46.
15,18 j
23.
1 1,62
47.
14,96
24.
1 1,66
48.
15,40
Moy. 12°, 4 2.
Moy. 13°, 18
Moy. 14°,48.
Mov, I 4°,39
l n simple coup d’œil jeté sur ces chiffres fait voir que la tem-
pérature de ces animaux a été constamment en croissant. La loi
devient évidente si l’on prend, comme je l’ai fait, les moyennes de
DES OURSINS DES MERS Dl NORD.
189
six en six, parce que toutes les anomalies individuelles et celles
qui tiennent à des circonstances fortuites se trouvent ainsi élimi-
nées. Cet échauffeinent graduel s’explique très bien , si l’on a
égard à la température des milieux dans lesquels ces animaux ont
été successivement placés. Je voulus faire une sonde thermomé-
trique pour connaître la température du fond ; mais le vent se leva
et la corvette reprit sa marche. Heureusement , des expériences
sous-marines faites l’année précédente, avec M. Bravais, à la
même époque et sur le même banc, me permettent d’estimer cette
température avec une exactitude suffisante : ces expériences nous
avaient appris que les températures du fond, par A3 et 58 mè-
tres , étaient de 5°, 95 et A°,80, la température de la surface étant
10°, 6 et 10°, 7.
Les deux premiers nombres avaient été obtenus au moyen de
plusieurs thermomètres à minima de M. Walferdin (1), garantis
de la pression par un tube de cristal ; les deux derniers à l’aide de
thermomètre plongeur (2). Or, le 20 juin 1839, la température de
la mer à sa surface était de 12°, 23. Les Oursins reposaient sur un
fond de vase à 38 mètres de profondeur. La température du fond
devait donc être de 8°, G environ. La chaleur moyenne des six pre-
miers Oursins que j’ai expérimentés était de 10°, IG, et supérieure
par conséquent de 1°,55 à celle de la couche d’eau dans laquelle ils
étaient plongés. Si l’on réfléchit maintenant qu’avant d’arriver sur
le pont les Spatangues ont traversé des couches de liquide de plus
en plus chaudes, et que la température de l’air était de 16°,1 à
l'ombre, on m’accordera qu'ils ont dû s’échauffer dans le trajet
qu’ils ont fait du fond de la mer sur le pont du navire. On sera d’au-
tant plus porté à me faire cette concession, que la rapidité avec
laquelle ces animaux se mettent en équilibre de température avec
les milieux ambiants ressort de la manière la plus évidente du ta-
bleau précédent. En effet, les expériences ont duré une demi-heure
en tout, et ce temps a suffi pour que la température moyenne des
Oursins s’élevât de 10", 16 à 14°, 59, c’est-à-dire de A°,A3 ; chan-
(1) Voyez Pouillet, Truité fie physique, 3' édit., t II, p. B03,
(2) Voyage en Scandinavie de la Commission dn Xurd (Météorologie), 1 I.
p 1 3
190 C. MAKTIINS. — - Sim LA TEMPÉRATURE DES OURSINS,
gement très notable, si l’on considère que l’air est un milieu moins
dense que l’eau, et que sa température n’était supérieure à celle de
la mer à sa surface que de 3°, 87 seulement. Toutes ces considé-
rations me permettent, je crois, de conclure que non seulement ces
Échinodermes ont une chaleur fort peu différente de celle de l’eau
dans laquelle ils sont plongés, mais encore qu’ils prennent très
rapidement la température des milieux qui les entourent.
Une heure avant que les Oursins fussent pêchés, un Grondin
gris (Trigla hirundo, L.) avait mordu à la ligne qui était à la
traîne derrière le navire. A cet instant, la température de la mer
à la surface était de 12 VI. Le même thermomètre qui m’a servi
pour ces Oursins, enfoncé tout entier dans l’anus du poisson,
marqua invariablement 12 ',75, température supérieure de 0°,P>5
seulement à celle de l’eau dans laquelle il se mouvait.
Le 20 juillet 1838. j’eus une occasion encore plus favorable
de vérifier combien la température des poissons diffère peu
de celle de la mer. La corvette était encalmée sur les côtes du
Spitzberg par le travers de Bellsound , et par latitude 77’ 21' N.,
et longitude 9° 15' E. Je venais de faire une sonde pour déter-
miner la température sous-marine, et j’avais trouvé 1°,8 par
100 mètres de profondeur, et 5°,0 à la surface; la température de
l’air était de 4\ 9. I ne Morue (Gadus œglefiuus, L.), de 0“‘,67 de
long, sur 0"',37 de circonférence derrière les branchies et pesant
3 kilogrammes , fut prise avec une ligne de fond qui avait 47
mètres de longueur. A cette profondeur, la température de l’eau
devait être nécessairement de 3°, 50; celle de la Morue (le ther-
momètre étant plongé dans l’anus jusqu’à l’affleurement de la co-
lonne mercurielle) ne dépassait pas 3°, 15. Elles ne différaient
donc l’une de l’autre que de 0°,35. Cette observation me paraît
assez curieuse en ce qu’elle montre que ces animaux peuvent avoir
une température très basse sans perdre en rien de leur vivacité ;
car cette Morue se débattait avec la plus grande violence. Dans
ses branchies, la température était plus élevée que dans le ventre;
le thermomètre y oscillait entre 3°, 39 et 4", 48. Mais ces nombres
sont moins dignes de confiance que le premier, parce que l’afflux
saccadé du sang veineux , l’engorgement du réseau capillaire des
I.F.RFRT ET KOltl Y.
TESTICULES DES PATELLES. 19 L
branchies, suite de leur adhérence (1), et le mouvement inter-
mittent des opercules , faisaient varier la température à chaque
instant.
En résumé, on peut, je crois, conclure de ces expériences que
les Oursins et les Poissons des mers du Nord ont une température
peu différente de celle du liquide dans laquelle ils sont plongés ,
et qu’elle change assez rapidement quand l’animal traverse des
couches de température différente, ce qui justifie au plus haut
degré la dénomination d’animaux à température variable, qui
doit remplacer celle moins exacte d’animaux à sang froid.
NOTE Sim LES TESTICULES ET LES SPERMATOZOÏDES DES PATELLES,
Far MM. LEBERT et ROBIN.
(Présentée ii l’Académie des Sciences le 1" décembre I 84 5.)
Les Patelles, comme on le sait, ont été considérées pendant longtemps
comme étant des animaux hermaphrodites, ou plutôt comme pouvant se
reproduire sans le concours d’orgaues mâles, et .AJ. de Blainville, se fon-
dant sur cette considération, a désigné sous le nom de Gastéropodes uui-
sexués la division dont ces Mollusques font partie. AI. Milne Edwards con-
stata il y a quelques années l’existence de Patelles mâles aussi bien que
d’individus femelles (2) ; mais jusqu’ici on n’a donné aucune description
anatomique de ces animaux, et nous avons profité de notre séjour sur les
côtes de la Manche, au printemps dernier, pour remplir cette petite lacune.
Le testicule des Patelles est situé sur le côté gauche du corps, entre la
masse du foie et des intestins en dedans, l’enveloppe du corps en dehors.
Il se détache facilement de cette dernière, difficilement de la première;
il se recourbe un peu derrière la masse viscérale, à la partie postérieure
du corps, et se présente sous forme d une masse aplatie latéralement,
épaisse de 2 â 3 millimètres , longue de 2 centimètres et demi. Terminé
en arrière par une extrémité ovale, il montre une légère échancrure à
son extrémité postérieure, qui se termine près de la masse pharyngienne.
Son bord inférieur s’interpose entre la masse des viscères et la langue ,
qu’il sépare ainsi des organes précédents. Le bord supérieur se trouve
vers le milieu de la face latérale du corps.
La couleur du testicule est d’un jaune pâle légèrement rosé; il est con-
(1) Voy. les expériences sur le mécanisme de la respiration des Poissons par
M. plonrens, dans ses Mémoires d'anatomie et de physiologie comparée, p. 8 2
(2) Voyez Ann. des Sc. nnt., 2e série, t. XIII.
1<)‘2 i.ebkht f.t nomv — ■ testicules df.s r vtelles.
stitué par des tubes d’im cinquième de millimètre de diamètre, repliés
un grand nombre de fois sur eux- mêmes. Les interstices des replis sont
pleins d’une substance granuleuse, de couleur plus foncée que celle des
tubes. A la coupe de cet organe, il s’en écoule en assez grande quantité un
liquide légèrement visqueux, blanchâtre, lactescent, d’un aspect particu-
lier, très analogue a celui du sperme des animaux supérieurs. Ce liquide,
examiné au microscope, se montre formé de spermatozoïdes très nom-
breux qui sont formés de deux parties : l’une, plus large et plus courte,
d’un aspect foncé, a en moyenne 5 millièmes de millimètre de long, et
2 millièmes de large: l’autre partie, beaucoup moins visible, très pfde,
constitue une sorte de queue, en forme de 111 très mince, ayant à peine un
millième de millimètre de largeur, et 7 ou 8 de longueur. Cette queue
Tonne, avec le corps, tantôt une ligne droite, tantôt un angle obtus. Les
mouvements des spermatozoïdes sont assez vifs lorsque le sperme est
frais; ils consistent en inclinaisons de la queue sur les côtés.
L 'ovaire des Patelles est aussi situé sur le côté gauche du corps; mais
il s’avance beaucoup plus que le testicule sous les viscères, et ne remonte
pas si liant sur les côtés du corps ; sa face inférieure est en rapport avec
la partie musculaire du pied. Il nés’ engage pas, comme le testicule, entre
les viscères et la langue, et repousse celle-ci au côté droit du corps. Il
a à peu près la même forme que le testicule chez les individus où il ne
prend pas un volume plus considérable; mais, ainsi que le dit Cuvier,
sa forme varie suivant (pie les ovules sont plus ou moins développés.
Les ovules, étudiés à la période de développement où nous les avons
trouvés, ont un cinquième de millimètre de diamètre.
Le vitcllus est d’un blanc jaunâtre, formé de granules graisseux. On
aperçoit dans le vitcllus la vésicule germinative, qui n’est jamais située
exactement ni au centre ni à la surface duvitellus; elle est finement gra-
nuleuse , mais plus claire et plus transparente que le vitcllus. Au contact
de l’eau, une membrane très fine, sans structure apparente, se sépare du
vitcllus, puis elle se rompt ; alors les granules vitellins s’échappent, entraî-
nant avec eux la vésicule germinative, qu’il est facile d’en séparer. Cette
vésicule germinative est ronde, formée d’une membrane transparente, sans
structure : elle est remplie d’un liquide incolore contenant des granules
très fins, toujours agglomérés en plus grand nombre dans un point que
dans les autres : il n’y a pas encore de tache germinative proprement dite.
Il nous a été impossible de trouver un canal excréteur, tant pour le
testicule que pour l’ovaire. A l’époque où nous disséquions ces animaux
(fin d’avril) , près de la moitié d’entre eux manquaient d’ovaire et de
testicule; il n’y avait aucun organe à la place qu’ils occupent habituelle-
ment. Quant aux autres, nous trouvions trois individus munis de testi-
cules sur huit ou dix munis d’ovaires.
DE LA COMPOSITION ET DE LA STRUCTURE
DES ENVELOPPES DES TUNICIERS;
Far MM. LOWIG et A. KÔLLIK.ER.
Plus la science fait de progrès dans la connaissance desani*
maux sans vertèbres et des plantes inférieures , plus aussi il paraît
difficile de trouver, entre les formes les plus simples des deux
règnes, des marques distinctives essentielles et générales, puisque
presque tous les caractères qui ont été présentés pour leurs formes
et leurs fonctions, ou pour leur composition , ont dû céder à une
critique sévère, comme n’étant pas universels, et par conséquent
comme inadmissibles. Un des meilleurs caractères distinctifs qui
ont été proposés dans les temps modernes était que les membranes
cellulaires des plantes étaient d'une composition exempte d’azote
(gélatine, cellulose), tandis que celles des animaux consistaient
dans une substance azotée (protéine , colle), ou autrement , que
la cellulose, qui fait la base de toutes les plantes, manque abso-
lument dans le règne animal. Mais ce caractère même paraît de-
voir disparaître après un examen rigoureux, puisque Schmidt (1)
a prétendu, l’année dernière, avoir trouvé dans l’enveloppe du
Phallusia inamillaris une substance ternaire et identique à la
cellulose (2). Certainement, il semble permis de douter d’un tel
rapport; car il paraît impossible d’admettre que l’enveloppe du
Phalusia , qui , à elle seule, forme plus des trois quarts du tout,
soit composée de cellules avec une membrane sans azote, ce qui
serait une exception d’une loi reconnue jusqu’ici universelle,
d’autant plus frappante que la substance en question contient
même une grande quantité de vaisseaux sanguins.
Cependant les renseignements fournis par Schmidt ne sont
(1j Z ur vergleichenden Physiologie der wirbellosen Thitir. Braunschweig, 1845
(2) Schmidt fait aussi mention du Frustalia satina comme d’un animal con-
tenant de la cellulose; mais le Frustalia doit sans doute, comme tous les Diato-
macées , être compté parmi les plantes : c'est aussi l'opinion presque unanime
des botanistes modernes.
3' série 7.ool T V. (Avril 1 8 46.) t 13
194 I.ŒM'IG ET KffilXIKEK. — STRUCTURE ET COMPOSITION
])as de simples conjectures; ils se fondent sur des recherches
chimiques qui paraissent avoir été faites avec beaucoup de soin ,
et ils ne peuvent donc être jugés que parle moyen des expériences.
Quant à nous , nous l’avouons franchement , nous n’avons pu nous
défendre de certains doutes; mais, nous gardant de tout juge-
ment préventif, nous avons résolu d’examiner la question soulevée,
avec tout le soin que réclame l’importance du sujet, afin de rendre
un service à la science , sinon par la découverte de faits nouveaux,
du moins par la confirmation des expériences de Schmidt. Les
résultats de nos recherches sont les suivants :
I. Recherches chimiques.
1 . Dans tous les animaux de l’ordre des Tuniciers qui étaient à
notre disposition , savoir :
Phalhma intestinaiis.
— monachus.
— gelatinosa.
— mamillaris.
— sulcata.
Cia vellina lepadifurmis .
Cynthia papillata.
— canopus.
— pomaria
une partie très considérable du corps consiste en une substance
absolument insoluble dans les acides et les alcalis. Elle con-
stitue, dans les Ascidies simples, l’enveloppe extérieure cartila-
gineuse (Clavellina , PhaUwtia ) ou coriace ( Cynthia ) du corps ;
dans les Ascidies composées, la base plus ou moins gélatineuse
qui renferme les groupes d’individus; dans les Salpa , tout le tube
extérieur, qui renferme les muscles, les intestins, les vais-
seaux , etc.
11 y a bien , dans les parties mentionnées , des parties solubles,
dont nous parlerons plus tard ; mais les parties insolubles sont si
prépondérantes que , même après en avoir séparé les parties so- |
lubies , les enveloppes de ces animaux conservent leur forme in-
Diazona violacea .
Botryllus polycyclus.
— violaeeus.
Didemnum candidum .
Apli di u m y ibbulosu m .
Pyrosoma yiganteum.
Salpa maxima.
— bicaudata ;
DLS ENVELOPPES DES TIMCIERS.
195
(acte. Après avoir traité les Salpes, les Pyrosomes, les Ascidies
entières, pendant quatre, cinq et six jours à la chaleur, avec une
solution de soude des plus concentrées, nous les avons retrouvées
sans aucun changement quant à la forme , si bien que tous les
bords aigus, les protubérances, les pointes, etc., étaient aussi
parfaitement conservés que dans un individu intact; mais quant
à la couleur, la consistance et la diaphanéité, il s’opère des
changements notables : ainsi les téguments de tous les animaux
nommés, excepté l’enveloppe du Cynthia, deviennent de plus en
plus transparents, jusqu’à ce qu’ils atteignent la transparence du
verre, quand ils sont traités successivement avec de l’acide muria-
tique et une solution de soude; de petits morceaux carrés de l’en-
veloppe du Phallusia, par exemple, ressemblent, pendant cette
manipulation , à peu près aux dés d’albumine qu’on expose à une
digestion artificielle , et deviennent d’abord transparents aux
bords, puis perdent peu à peu complètement leur opacité, avec
la seule différence qu’ils ne s’altèrent point du tout quant à leur
forme , mais qu’ils conservent au contraire leurs arêtes les plus
aiguës. Quant à la couleur, les nuances violettes et jaunes dispa-
raissent chez les Diazona, Botryllus , Phallusia, etc., et chez les
Cynthia, la couleur jaune fait place à un blanc de craie; chez
tous , la consistance se modifie un peu ; cependant cette modifica-
tion n’est bien sensible que chez les Cynthia, dont l’enveloppe,
roide et solide, devient tendre et flexible.
2. La partie insoluble de l’enveloppe desTuniciers mentionnés,
celle qui reste après une manipulation opérée avec de l’acide mu-
riatique et une solution de soude, consiste dans une substance ab-
solument exempte d’azote , ce dont nous nous sommes persuadés
en chauffant avec un mélange de chaux et de natron (potasse)
certaines quantités de cette partie insoluble lirée du Phallusia
et du Cynthia, et en calcinant avec de l’hydrate de soude ces
mêmes parties tirées des Phallusia , Cynthia , Salpa , Pijrosoma ,
Botryllus et Diazona. Nous avertissons ici que, pour exécuter ces
examens avec succès , il est absolument nécessaire d’extraire avec
de la soude , aussi complètement que possible, les parties que
l’on veut examiner ; si l’on néglige cette précaution , il restera des
19G LOEWIG F.T hdl.IlKIK. STRUCTURE ET COMPOSITION
parties chargées d’azote, qui induiront dans plus d’une erreur.
Faute de matériaux , nous avons dû nous contenter de deux ana-
lyses élémentaires pour le Cynthia et le Phallusia; les résultats
en ont été les suivants :
u. 0»' ,391 de la substance sèche et exempte d'azote, tirée de l'enveloppe du
Phallusia mamillaris , ont donné , sur 1 00 parties :
Carbone i3,40
Hydrogène 5,68
Oxygène 51,32.
h OR1 ,130 de la substance sèche et exempte d'azote, tirée de l'enveloppe du
Cynthia papillota, ont rendu, sur 100 parties :
Carbone 43,20
Hydrogène 6,16
Oxygène 50,64
Ces chiffres correspondent, non seulement à ceux de Schmidt,
cjui , dans 100 parties de l’enveloppe de Phallusia, privée aupa-
ravant de toute matière inorganique, a obtenu :
Carbone. ... 45,38
Hydrogène 6,47;
mais aussi aux valeurs trouvées pour la cellulose des plantes.
Ainsi donc, puisque la cellulose est aussi presque insoluble dans
une solution de soude , nous n’hésitons pas à prétendre que dans
les Phallusia et Cynthia, et probablement aussi dans tout l’ordre
des Tuniciers, une partie considérable du corps animal est formée
par la cellulose.
Après être parvenus au point de pouvoir confirmer l’observa-
tion de Schmidt, et l'étendre sur tout un ordre d’animaux , ce ne
fut pas sans un vif intérêt que nous procédâmes à l’examen d’autres
animaux pour trouver, si cela était possible, de nouvelles preuves
de l’existence intéressante de la cellulose dans le règne animal ,
mais nous nous vîmes trompés dans nos espérances , car ce fut
en vain que nous cherchâmes, même dans les parties ligneuses ,
cartilagineuses, gélatineuses, des polypes, méduses, mollus- |
DUS ENVELOPPES DUS TUMCIERS.
197
ques, etc., une substance insoluble dans une solution de soude,
et qui, chauffée avec de l’hydrate de soude, ne développât aucun
azote. Un seul animal fait exception, c’est le Doliolum mediler-
raneum Otto, animal énigmatique pour les naturalistes, que la
plupart mettent au nombre des Béroïdes, et quelques uns au
nombre des Salpes, Quoique ne pouvant donner sur l’organisation
de cet animal des détails plus précis que nos prédécesseurs, nous
croyons cependant devoir l’envisager , d’après sa composition
chimique, comme ressemblant plutôt aux Salpes; du moins il
présente, dans une solution de soude des plus concentrées, abso-
lument les mêmes caractères que les Tuniciers, et même, après
plusieurs jours, il paraît aussi intact quant à sa structure que
quant à sa forme.
Le manque de matériaux nous empêche malheureusement
d’examiner si l’enveloppe de cet animal est exempte d’azote ; c’est
pourquoi nous ne nous exprimons pas sur la place qu’il doit oc-
cuper dans la série des animaux d’une manière aussi positive
que nous serions peut-être en droit de le faire. Quant aux autres
animaux dans lesquels nous avons cherché inutilement de la cel-
lulose , nous indiquerons brièvement leurs noms et les caractères
qu’ils présentent dans une solution de soude , afin de faciliter la
voie aux observateurs qui dorénavant entreprendront un examen
analogue. Ce sont :
EPONGES.
Alcy onium domuncula ....
1 se dissout très vite dans une solution
t de soude.
POLYPES.
Axe du Gorgonia verrucosa.
, \
— — vrminea .
— Antipathes scoparia.
— Pennatula grisea.
: t
( se dissolvent facilement
— — phosphorea .
\
Polypier de Y Alcyonidium palmatum
— du Pennaria Covolini.
I
198 jLŒWICi ET KŒLLIHLU. —
MÉDUSES.
lihisQStoma Âldrovandi (tout l'animal).
Pelagia noctiluca. . (id.)
Beroë Forskhalii. . . (id.)
Diphyes ?... (id.J
Cartilage du l'plelh f limbosa .
H ADI AIRES.
Peau et axe de Y Astheracanthion violaceus
Peau de Y Holothuria tubulosa.
VERS.
Ascaris lombricoides
Meckelia annula ta .....
MOLLUSQUES.
Çarmaria Mediterranea (tout l’animal).
Pterotrachea coronata. . (id ) .
Doris argo (id.) .
Cymbulia Peronii ( la coquille).
ANIMAUX ARTICULÉS.
Sipunculus verrucosus
Sabclla unispira (animal et enveloppe).
\ephthys Hombergi
flermione hystrix. . . .
$colopei\dra morsilans
POISSONS.
Amphioxus lanceolalus
STRUCTURE ET COMPOSITION
se dissolvent facilement.
\
résiste longtemps, mais se dissout
enfin; chauffé avec de l’hydrate de
soude, il s'en dégage de l’ammo-
niaque.
se dissolvent facilement, apres avoir
été fortement manipulés avec de
l'acide.
se dissolvent facilement.
se dissolvent facilement
résiste longtemps.
\ se dissolvent facilement , et ne sont
( donc pas composés en partie de
(chitine, comme les autres Arti-
culés.
| La peau ne se dissout pas ; elle est
. azotée, et par conséquent composée
' probablement de chitine.
se dissout facilement.
II. Recherches microscopiques.
L'existence de la cellulose dans les Tuniciers une fois prouvée,
il nous restait à rechercher les éléments des parties qu’elle con-
stitue. Pour cela, nous avons examiné avec le microscope les enve-
loppes des animaux mentionnés, avant et après leur manipulation
DUS U.WUI.01TUS DLS TU.MC1UKS.
199
avec de l'acide muriatique et de la soude ; et par la comparaison
des éléments qui se trouvaient dans l’un et l’autre cas, nous
avons été à même de pouvoir décider quelles parties étaient com-
posées d’une substance azotée, et quelles autres d’une substance
exempte de ce corps. Voici les résultats que nous avons obtenus
par cette opération.
1. Autant que nous avons pu le distinguer aux échantillons
conservés dans l’esprit de vin , l’enveloppe cartilagineuse du
Pliallusia mamillaris est composée de trois couches de différentes
épaisseurs. La couche intérieure (1), simplement formée de cel-
lules d’épitélium, polygonales, pourvues de nucléus, et mesurant
0,005'", couvre toute la superficie intérieure de l’enveloppe car-
tilagineuse, et se joint aux deux ouvertures de cette enveloppe, et
là, où celle-ci reçoit ses vaisseaux, à un autre épitélium, couvrant
le sac membraneux qui contient les viscères. La seconde cou-
che (2), considérablement plus épaisse, est composée d’une sub -
stance homogène contenant des cristaux et des nucléus. Ces pre-
miers ne se trouvent pas partout, et manquent peut-être absolu-
ment dans les animaux frais; là où ils se présentent, ils sont déjà
visibles à l’œil nu, et ressemblent à des stries blanches; vus au
moyen d’une lentille grossissant moyennement, ce sont des cris-
taux réunis en forme d’étoile, ou des concrétions terminées irré-
gulièrement et de formes différentes. Les nucléus se trouvent par-
tout en assez grand nombre , et sous des formes différentes ; ceux
situés le plus à l’intérieur sont ronds, de 0,0015'" — 0,002"',
avec un ou deux granules opaques, ressemblant à des grains adi-
peux ; les nucléus extérieurs sont plus grands, ronds ou pourvus
de prolongements plus ou moins longs, contenant une substance
claire ou grenue, et ordinairement quelques granules opaques.
Enfin la troisième couche (3) forme la masse principale de
l’enveloppe du Pliallusia mamillaris. Celle-ci est le siège de ces
artères si nombreuses et si fortes (4) qui viennent immédiatement
du cœur, le traversent dans tous les sens , se ramifiant à peu
près en forme de pinceau, pénètrent presque jusqu’à la super-
fs) Fig. 1 , — n.
O) Fig. C —
200 EŒ1V1G ET KŒLLIKER. STRUCTURE ET COMPOSITION
ficie extérieure, et alors paraissent passer dans d'autres vaisseaux
qui les accompagnent dans leur cours. Les éléments qui forment
cette couche sont des cellules grandes et élégantes, puis une sub-
stance claire, homogène, qui est la continuation immédiate de la
substance principale de la couche intermédiaire; outre cela, on
trouve à certaines places des cristaux , des nucléus et des cellules
pigmentées. Les grandes cellules (i), que déjà R. Wagner a vues,
et, comme il n’en avait pas fait d’analyse, a déclaré être des cel-
lules cartilagineuses, sont d’une nature toute particulière, et ne res-
semblent à aucune autre cellule animale connue jusqu’ici, excepté
peut-être à celles de la corde dorsale de quelques animaux. Ce qu’il
y a de plus remarquable dans ces cellules, c’est leur grandeur,
qui varie de 0,008"'-0,05"', et dont la moyenne est de 0,02"'-
0,03"'. Elles se distinguent moins par leur forme, qui peut être
sphérique , pyriforme, elliptique même, que par leur contenu dia-
phane et absolument sans granules ni nucléus et par leurs mem-
branes cellulaires délicates, unies et partout d’une égale épaisseur.
La disposition de ces cellules est telle que les plus petitesse trou-
vent dans la substance fondamentale , homogène et commune aux
couches moyennes et extérieures, tout-à-fait dispersées, sans
limite précise; puis suivent des cellules toujours plus grandes et
plus rapprochées les unes des autres, jusqu’à ce qu’elles nous pré-
sentent l’image d’un tissu cellulaire régulier avec fort peu de sub-
stance intermédiaire. Cette couche reste ainsi jusqu’à la partie ex-
térieure de l’enveloppe, excepté seulement que les cellules se rappe-
tissent de nouveau peu à peu et qu’il paraît de même un peu plus
de substance intermédiaire à la partie la plus extérieure. Les cris-
taux et les cellules pigmentées dont nous avons déjà fait men-
tion ne se trouvent que dans les parties extérieures de cette troi-
sième couche ; les premiers (2), de forme aciculaire, mesurant au
plus 0,0015"' en longueur, remplissent en masses compactes l’in-
tervalle intercellulaire de la superficie; les dernières (3) . jaunes
et remplies de granules assez gros, entourent particulièrement les
dernières ramifications des vaisseaux. Les nucléi enfin (4) sont
(I) Fig- La; fig- 2, b; fig. 3, b. (3) Fig. 4,6; fig- 2. t-
(?) Fig. 4, d, fig 2, d. (4) Fig. 2, 3, c,c, d,d.
DES ENVELOPPES DES TISMC1KRS,
201
de même nature que les gros nucléi de la couche intermédiaire ,
et se trouvent partout en assez grande quantité entre les grandes
cellules.
En conséquence de la manipulation chimique, la composition
de l’enveloppe du Phallusia mamillaris se modifie de la manière
suivante (1) :
a), au moyen de l’acide muriatique, les cristaux de la seconde
couche et de la couche extérieure se dissolvent en peu de temps ;
b), au moyen de la solution de soude disparaissent les cellules
d’épithélium, les nucléi, les cellules pigmentées et les vais-
seaux. Ne se dissolvent pas et ne souffrent aucune modification .
la substance fondamentale homogène des couches intermédiaires
et extérieures (2) et les grandes cellules (3).
Quant au temps après lequel on peut remarquer ces résultats,
nous ferons observer qu’il varie beaucoup suivant les circon-
stances, par exemple suivant que la solution de soude est con-
centrée ou faible , appliquée chaude ou froide , sur un morceau
épais ou mince de la substance à étudier. Sur un segment conve-
nable pour une observation microscopique , les parties nommées
disparaissent déjà après une coction de 10-15"', dans une solution
de soude médiocrement concentrée, tandis que, pour atteindre le
même résultat avec des enveloppes entières ou des morceaux d’en-
veloppe assez considérables, il faut une manipulation d’un, deux et
plusieurs jours, avec une solution concentrée à la chaleur. Nous
concluons des résultats communiqués que. dans le Phallusia ma-
millaris seulement, la substance fondamentale et les grandes
cellules sont formées de cellulose : que les autres parties , au con-
traire, nucléi, cellules d’épithélium , cellules pigmentées, vais-
seaux, sont composés d’une substance fortement azotée, à laquelle
probablement est aussi mêlée une légère quantité de graisse.
2. Le Phallusia monachus (II) ressemble sous plusieurs rap-
ports au Phallusia mamillaris. L’épithélium intérieur de l’enve-
loppe manque, il est vrai, dans les échantillons conservés dans
l’esprit de vin, mais nous y trouvons une couche intérieure ho-
(t) Fig 4.
(2) F, g 4, n
(3) Fig. 4, h.
\i) Fig 3, 6, 7.
202 I. (i:\VII. ET hlin.lklli. — STRUCTURE ET COMPOSITION
mogène , avec des îiucléi , et une couche semblable extérieure ,
beaucoup plus épaisse, avec de grandes cellules , des vaisseaux,
des cellules pigmentées, des cristaux et des nucléi , comme dans
le Phallusia mamillaris. Quoi qu’il en soit, les éléments montrent
souvent des caractères distinctifs qui méritent d’être mentionnés
spécialement. Les grandes cellules (1) ne mesurent que 0,01"'-
0,02"', et ne se trouvent serrées les unes contre les autres qu’à la
superficie extérieure ; partout ailleurs elles sont séparées les unes
des autres par une substance intermédiaire abondante (2) , et
possèdent des membranes extrêmement délicates, de sorte qu’il
n’est pas toujours facile de les reconnaître , surtout là où elles
sont très éparses. Les nucléi (3) de la substance homogène
sont rares, et, presque sans exception , allongés en forme de fu-
seau , ou même ramifiés. A la superficie extérieure de l’enve-
loppe, ils sont mêlés d’un très grand nombre de petites cellules
pigmentées jaunes, de granules pigmentés, et aussi de cristaux
aciculaires et de concrétions cristallines très petites (4), qui,
dans ce cas aussi , sont prépondérants là où les vaisseaux se ter-
minent en plus grand nombre.
Nous avons trouvé dans un échantillon du même Phallusia
une anomalie assez intéressante de cette composition normale.
Sur cet échantillon on ne pouvait reconnaître distinctement des
cellules qu’à la superficie extérieure et aux parties voisines;
niais à l’intérieur nous n’en pûmes d’abord apercevoir aucune ,
malgré tous nos soins. Cependant , en examinant les objets
avec une extrême attention, il se présentait çà et là, dans la
masse homogène et pâle qui constitue la partie intérieure de
l’enveloppe , des places ou lacunes plus ou moins régulières ,
claires , qui ne se dessinaient presque jamais tout alentour , mais
ordinairement seulement d’un côté ou d’un autre, par un contour
semi-lunaire, extrêmement délicat, et qu’on ne pouvait distin-
guer qu’avec beaucoup de peine. A quelques endroits nous avons
distingué ces lacunes avec plus de netteté (5), surtout là où
(1) Fig. 5, 6, b. (4) Fig. 6, d.
(2) Fig. 5, 6, a. (a) Fig. 7, h.
(31 Fig. 5, 6, c.
DES ENVELOPPES DES TUNICIEUS,
203
de petits granules jaunâtres étaient déposés à leur circonférence,
ce qui se rencontrait quelquefois. Or, ces lacunes ne sont autre
chose que des restes de cellules , semblables à celle de la couche
extérieure, des cellules dont la membrane s’est plus ou moins
dissoute, ou s’est perdue par une fusion plus ou moins complète
dans la substance intermédiaire homogène ; cela ressort évidem-
ment de ce que, à mesure qu’on s’éloigne du centre de l’enve-
loppe de ce Phallusia, en s’approchant de l’extérieur, les rudi-
ments de cellules deviennent plus nets , et font enfin place à des
cellules distinctes.
Traitée avec de l’acide muriatique et de la soude , l’enveloppe
du Phallusia monachus donne les mêmes résultats que celle du
Phallusia mamillaris, c’est-à-dire que les nucléi, les cellules
pigmentées, les cristaux et les vaisseaux disparaissent, mais la
substance fondamentale claire et les grandes cellules diaphanes
restent sans se dissoudre et intactes.
3. La mince enveloppe du Phallusia sulcata est pourvue au
côté intérieur d’un épithélium formé par une couche simple de
petites cellules, contenant des nucléi. Tout le reste est composé :
a) , d’une substance homogène (1) avec quelques nucléi (2) à
peu près ronds, des cristaux aciculair.es (3) situés dans les parties
extérieures , et des vaisseaux ;
b) , de cellules rondes et elliptiques (4) , sans nucléus, munies
de parois délicates, et mesurant en diamètre de 0,01"'-0,15'".
L’observation chimique, qui ne consistait que dans une simple
coction de fins segments avec de la soude et de l’acide muriatique,
donna pour résultat l’insolubilité de la substance fondamentale
et des grandes cellules incolores,
h. Enfin nous avons encore étudié le Phallusia gelalinosa, que
nous avons trouvé d’une formation toute particulière. Dans un
premier échantillon (5), la substance tendre, gélatineuse, de l’en-
veloppe ne possédait dans toute son épaisseur aucune trace de
cellules, mais sa masse principale était composée de la même
(4) Fig. 10, ii.
(3) Fig. 8
(1) Fig. 10, a.
(2) Fig. 10, o.
(3) Fig. 10, d.
204 Ili:\VI(. ET KUI.I.IHDIl. — STRUCTURE ET COMPOSITION
substance homogène que nous avons décrite en parlant des au-
tres Phallusia. Dans un autre individu, nous avons découvert
quelques restes de cellules extrêmement rares et peu distinctes.
De plus, nous avons trouvé dans la substance homogène des
deux échantillons , comme dans les autres espèces , des vais-
seaux, des nucléi (1), pour la plupart ronds et de 0,002"';
dans l’échantillon sans cellules, il y avait aussi dans les parties
extérieures une très grande quantité de cristaux aciculaires (2)
et de granules jaunes, ressemblant souvent à des nucléi avec de
grands nucléoles colorés. Lors de la manipulation de petites par-
ticules avec de l’acide muriatique et de la soude , la substance
homogène resta insoluble et parfaitement intacte , et tout le reste
disparut.
5. La composition de l’enveloppe du Clavellina lepadifor-
inis (3) correspond , sous plus d’un rapport , à celle des es-
pèces mentionnées de Phallusia, en remarquant cependant que,
dans le même individu, certaines parties ressemblent plutôt à.
une espèce , et d’autres parties à une autre espèce , et que l’en-
veloppe manque absolument de vaisseaux sanguins. La tige
de la Clavelline (4), qui contient notamment un prolongement
des parties molles du corps, offre, aussi bien que les excroissances
qu’on y trouve, une composition que des segments transversaux
faits dans toutes leurs parties , présentent comme un tissu élé-
gant de cellules rondes ou allongées, sans nucléus, mesurant
0,ül'"-0,0J 4"' en diamètre, presque sans substance intermé-
diaire , et placés très près les uns des autres. Quand , en suivant
la tige, on approche de l’extrémité supérieure, on est surpris de
voir, seulement alors, les cellules se séparer de plus en plus ,
disparaître même peu à peu, comme cela arrive chez quelques
espèces de Phallusia, et faire place à une substance intermé-
diaire homogène , et pourvue d’une quantité de nucléi. Enfin ,
l’on trouve dans la plus grande portion du devant de l’enveloppe
une structure assez particulière. A l’extérieur (5), on aperçoit
(1) Fig. 8, 9, b.
(2) Fig. 8, c.
(S) Fig. It, 12, 13.
(4) Fig 12.
(5) Fig. Il,
DES ENVELOPPES DES TLNICIERS.
205
une couche serrée, mais peu épaisse, de cellules infiniment dé-
licates , et souvent difficiles à reconnaître , et entre les cellules
qui mesurent jusqu’à 0,02"', et s’étendent jusqu’à la superficie,
des cristaux de carbonate de chaux (1) et des nucléi épars (2)
mesurant jusqu’à 0,002"', avec de gros granules adipeux ronds.
Puis, se dirigeant de l’extérieur à l’intérieur, vient une lame
encore plus mince (3), composée d’une substance homogène
transparente , incolore , avec des granules infiniment petits , pâles.
En troisième lieu, on remarque une couche de grains ronds (à),
ou des vésicules , dont nous n’avons pu reconnaître la nature
d’une manière très certaine dans les échantillons conservés dans
l’esprit de vin. Ces grains sont sphériques, à superficie lisse ou
granulée, mesurent 0,0005"', 0,004"', et même 0,005'"; les
plus gros déposés au milieu , les plus petits à l’extérieur : ils pa-
raissent opaques , et ressemblent à des granules d’amidon ou à
des granules adipeux. Par une solution d’iode , ils sont devenus
jaunâtres , sans présenter aucune trace de bleu ; c’est pourquoi,
sans vouloir toutefois nous prononcer là-dessus , nous serions
portés à les prendre pour des grains adipeux.
Après ces grains vient une lame épaisse (5) d’une substance
homogène, diaphane, avec quelques petits nucléi sphériques assez
rares , et qui contient d’autant plus de légers granules incolores
qu’on approche davantage de l’intérienr; enfin, tout à l’intérieur se
trouve une substance complètement diaphane (6), partout égale et
peu épaisse, avec des nucléi sphériques granulés, et plus grands
que 0,003'".
Après avoir traité l’enveloppe du Clavellina avec de la soude
et de l’acide muriatique, les cristaux, les nucléi et les grains
adipeux en disparaissent aussi; au contraire, les grandes cellules
et la substance homogène , avec ses granulations dispersées ,
restent parfaitement intactes, ce qui prouve l’identité de la com-
position chimique du Phallusia et du Clavellina.
(4) Fig. Il, — r,.
(o) Fig. 1 1 , -2.
(6) Fig. 4 1,— i
(4) Fig. 43, d.
(2) Fig. 4 3, c.
(3) Fig. il,-
4-
STRUCTURE ET COMl’OSITIOX
20G LŒUlCi ET KŒLL1KER.
6. Le Salpa maxima (1) ne contient, dans toute son enveloppe
gélatineuse, aucune trace de cellules semblables à celles du
Phallusia et du Clavellina . Elle est plutôt composée dans toute
son épaisseur d’une substance homogène, claire, diaphane (2).
A l’intérieur, on ne trouve pas d’éléments particuliers déposés
dans cette substance , mais bien dans les couches intermédiaires
et extérieures. Dans les premières, on trouve une quantité de très
petits granules; dans les autres, de petits nucléi ronds (3), des
cellules à noyaux (Z|) et des concrétions cristallines de forme sphé-
rique ou étoilée. Ces dernières sont très régulières (5) et formées
de 3-7 rayons droits, partant d’un centre ou quelquefois d’une
concrétion sphérique ; ils sont composés d’une série , simple
ou multiple, de granules plus ou moins gros , dont le nombre, en
s’approchant de l’extérieur, augmente ou diminue , mais qui de-
viennent toujours plus petits. La nature de ces concrétions est
difficile à préciser. Elles ne se dissolvent pas dans l’acide muria-
tique, et ne sont donc pas composées de carbonate ou de phos-
phate de chaux ; leur manipulation avec du muriate de baryte a
aussi prouvé qu’elles ne contenaient aucun sulfate de chaux. Ce
sont probablement des concrétions d’acide silicique. Quant aux
autres éléments, les grains et les nucléi se dissolvent par une
onction dans une solution de soude; mais la masse homogène, qui
donne à l’enveloppe sa forme . reste sans changement.
7. Le Salpa bicauclata , Q. et G. (G) (qu’on trouve assez facile-
ment à Naples et à Messine) ressemble essentiellement , quant à
la nature de sa composition, au Salpa maxima. puisque la masse
fondamentale de l’enveloppe gélatineuse est composée d’une sub-
stance homogène ; il en diffère cependant par les éléments con-
tenus dans cette substance, et par une simple couche de cellules
d’épithélium (7) qui la recouvre à l’intérieur. Quant aux premiers,
on trouve dans la couche intérieure de la substance homogène, des
(1) Fig. 34.
(2) Fig. 34. ».
(3) Fig. 34, 6.
(4) Fig 3 4, c
(3) Fig. 32.
(6) Fig. 25.
(7) Fig. 25, a
DES ENVELOPPES DES TUMClERS. 207
vésicules granulées (1 ) de 0,0Ü3'"-0,004'" de diamètre, qui tantôt
ont l’aspect de noyaux, tantôt celui de cellules; puis, dans la
partie du milieu, çà et là des nucléi ronds ou fusiformes (2), et
enfin, dans la couche extérieure, de petits cristaux, des nucléi
ronds et des concrétions particulières , semblables à celles du
Salpamaxima. Pour ces dernières, elles sont, les unes petites (3),
élégamment ramifiées et disposées horizontalement ; les autres (h),
plus grandes , ramifiées en forme de pinceaux , et paraissant à
l’œil nu comme des touffes blanches; ces dernières commencent
à la surface, descendent de là verticalement à l’intérieur, et for-
ment enfin une touffe de fins rayons ramifiés. Grossies 350 fois,
ces deux espèces de concrétions paraissent composées de gra-
nules opaques de grandeur différente.
La composition chimique de l’enveloppe de ce Salpa est abso-
lument la même que celle de l’autre espèce, c’est-à-dire qu’a-
près la manipulation avec de la soude et de l’acide muriatique ,
il ne reste que la substance fondamentale homogène et les con-
crétions ramifiées.
8. Dans le Pyrosoma giganteum , l’enveloppe commune des
individus est aussi formée d’une substance homogène et sans
structure, qui résiste tout-à-fait à l’influence de la soude. Son in-
térieur possède çà et là des nucléi ronds et quelques cellules
ramifiées semblables à celles du tissu cellulaire lâche des embryons
des Mammifères , par exemple à celle de la gélatine de Whar-
ton. Ces deux éléments disparaissent tout-à-fait par la manipula-
tion avec de la soude, tandis que la substance homogène reste
intacte.
9. Le Diazonaviolcicea , Sav. (5), qu’on trouve aussi à Naples,
quoique assez rarement, possède, dans la masse gélatineuse de
l’enveloppe commune à tous les individus, une substance dia-
phane et sans structure, totalement dépourvue de cellules (6).
On trouve , dispersés dans cette substance , de nombreux prolon-
(1) Fig. 25, c.
(2) Fig. 25, il
(3) Fig. 30, 31.
(4) Fig. 25, f.
(5) Fig. 47.
(6) Fig 47, a.
'208 LŒWI« ET UaXI.lKF.R. — STRUCTURE ET COMPOSITIOX
gements de l’enveloppe charnue des individus (1), qui se rami-
fient et finissent ou simplement en cul-de-sac (2), ou par un
gonflement ( germe) (3). Savigny fait déjà mention de ces rami-
fications ( Mém. sur les animaux sans vert. , sec. part. , fasc. ,
p. 36) ; mais c’est à tort qu’il les déclare être des vaisseaux. De
plus, on trouve dans les couches extérieures, des vésicules avec
des granules violets, des grains adipeux, des cristaux aciculaires
et des concrétions de carbonate de chaux (4) , et surtout , vers
l’intérieur, une grande quantité de petites vésicules rondes (5)
(noyaux). Par suite de la manipulation avec l’acide muriatique et
la soude, les cristaux, nucléi et cellules pigmentées se dissol-
vent; mais la substance homogène reste sans changement. Ce-
pendant il faut observer que , même après avoir été très longtemps
sous l’influence de l’alcali, et quoique les cellules pigmentées
aient disparu , les parties extérieures conservent à quelques places
une teinte d’un violet pâle , qui provient et de particules colo-
rantes non dissoutes et d’une substance colorante amorphe , dont
toute la masse est pénétrée.
tO. La structure du Didemnum candidum (6) est, au premier
coup d’œil, toute particulière et absolument différente de celle
des Tuniciers dont nous avons parlé jusqu’ici. La substance
blanche qui contient les individus semble ne montrer que de pe-
tits corps blancs étoilés (7), de 0,006"'-0,015"', semblables à
ceux du Leploclinum stellatum que M. Milne Edwards a décrits (8)
dans son ouvrage classique sur les Ascidies composées, excepté
seulement que ceux-là sont plus ronds, pourvus de pointes plus
courtes et plus nombreuses; mais si l’on place cette substance
sous l’influence de l’acide muriatique, alors on a tout un autre
aspect. La couleur blanche disparaît en peu de temps, tandis qu’il
se dégage une grande quantité de bulles gazeuses; et lors de
l’observation microscopique, on trouve dans la membrane jau-
(4) Fig. 47. d.
(2) Fig. 47, e
(3) Fig. 47, f.
(4) Fig. 47, c.
fSl Fig 47, b.
(6) Fig. 27.
(7) Fig. 26, a.
(8) Obsen:. sur les Ascidies rninp, des
tdles de la Manche, pl. 8, fig. 2.
DES ENVELOPPES DES TL'XICIEES. 200
nàtre, transparente, qui reste, une substance fondamentale homo-
gène, parsemée de cellules (1) rondes et allongées, de 0,005"'-
0,013"' de diamètre, et de quelques petits amas granuleux. En
observant ces cellules* nous crûmes d’abord avoir devant nous
l’analogue des grandes cellules des Phallusia et Clavellina; car,
comme celles-ci* elles étaient sans nucléus, à peine marquées
par un contour pâle, délicat, et pourvues d’un contenu parfaite-
ment liquide; mais une analyse plus attentive nous apprit qu’il en
était tout autrement ; car dans une coction avec de la soude dans
un verre réactif, leur dissolution fut complète, tandis que la sub-
stance homogène ne se changea nullement; et, en observant
attentivement l’influence de l’acide muriatique, nous fîmes lare-
marque que chacun des corpuscules étoilés, qui n’étaient donc
pas de simples concrétions, perdit peu à peu tous ses rayons,
devint une cellule remplie de chaux (2), et prit enfin la forme
d’une cellule incolore, vide, absolument semblable îi celles que
nous avons décrites. Nous n’avons pu découvrir comment se for-
ment ces cellules curieuses remplies de chaux au dedans, et gar-
nies à l’extérieur de rayons calcaires ; mais d’après ce que nous
avons vu chez d’autres Tunieiers, il serait permis de dire qu’il y
a premièrement de grandes cellules pleines d’un liquide qui se
remplissent peu à peu de chaux, jusqu’à ce qu’enfin la membrane
cellulaire même soit incrustée, et que la chaux se soit déposée à
l’extérieur de cette membrane,
11. L 'Aplidium gibbulosum présente dans son enveloppe une
substance homogène avec quelques nucléi dispersés et une grande
quantité de cellules rondes, à membranes très délicates, et me-
surant de 0,005'" à 0,013'", et même jusqu’à 0,02"'. Celles de l’in-
térieur (3) ne contiennent qu’un liquide; mais plus on avance vers
l’extérieur, plus aussi elles contiennent de concrétions calcaires ;
et, enfin, ce sont des cellules parfaitement incrustées, quoique
sans appendices (1). Dans une manipulation avec de la soude et
de l’acide muriatique, la substance homogène seule résiste, le
reste se dissout. Nous ne pouvons nous empêcher ici d’appeler l’at-
(4) Fig. 27 r. (3) Fig. 33, b.
(î) Fig. 26, b. (4) Fig 33, a.
3* série Zom T V (Avril ISICj.j
14
210 LŒWIU ET Kffil.l.hlKIl. — STRUCTURE ET COMPOSITION
tention du lecteur sur une forme remarquable de cellules incrus-
tées , que l’un de nous observa , il y a déjà quelques années , dans
la substance du Botryllus violaceus (1), et qui ressemblent, sous
quelques rapports, aux cellules incrustées du Didemnum. Ces
cellules sont . les unes parfaitement rondes (2), avec un diamètre
de 0,009'", et, comme celles de l’Aplidium, remplies de concré-
tions calcaires; d’autres (3), plutôt piriformes ou fusiformes , pos-
sèdent un ou deux prolongements pointus, incolores, longs de
O.OOG"'-O,009"', et de substance organique ; d’autres, enfin (h\
qui paraissent rondes ou tétraédriques , présentent même trois ou
quatre de ces prolongements , qui souvent ont la même longueur
et une disposition tout-à-fait régulière, mais souvent aussi dp
grandeur différente et sans symétrie. Ces cellules à prolongements
sont probablement analogues aux cellules rondes du Didem-
num , contenant de la chaux à l’intérieur et des dépôts calcaires
à l’extérieur, et pourraient de même être comparées à beaucoup
de cellules végétales (les granules du pollen, spores, etc.) qui
possèdent des dépôts à leur extérieur. Si de tels prolongements
s’incrustaient, ce que nous n’avons pu observer, alors il se for-
merait des corpuscules étoilés, semblables à ceux du Didemnum.
12. Le Botryllus polycyclus (5) commence, par sa structure
toute particulière, une série nouvelle. Dans les parties extérieures
de la masse commune , qui renferment les groupes d’individus,
on trouve la structure ordinaire des Ascidies-Composées, c’est-
à-dire une substance claire et homogène, avec quelques nucléi
et cristaux ; mais dans les parties intérieures on rencontre, à côte*
desnoyaux , des fibres, qui , comme nous osons l’affirmer, ne sont
pas le produit d’une préparation fautive, mais existent naturelle-
ment et se présentent aussi dans des particules préparées avec le
plus grand soin. Ces fibres sont de deux espèces : les unes (6), qui
sont les plus nombreuses, sont longues, extrêmement pâles et
délicates, trop fines pour pouvoir être mesurées, ut se croisent
(0 Fig 28.
(2) Fig. 28, a.
(3) Fig M.r.fc
(4) Fig. 28, c.d.
(5) Fig. 29, 46.
(6) Fig 29, «.
DES EWEI.OPI'KS DES TlMCIEItS.
*211
dans tous les sens en formant d'élégantes sinuosités ; les autres ; 1 .
moins nombreuses, sont courtes (0,01"'-0,03"'), plus larges, opa-
ques et courbées de différentes manières ; en un mot, elles res-
semblent à certains noyaux transformés en fibres ( Kernfasern ).
11 nous est impossible de donner aucun renseignement sur le dé-
veloppement de ces fibres ; mais ce qui nous paraît être d’une
importance majeure, c’est qu’ainsi que la substance homogène
des parties extérieures et intérieures, elles résistent à la manipu-
lation par l’acide muriatiqueet la soude , et que, par conséquent,
puisque leur nature organique est incontestable , elles sont com-
posées d’une substance sans azote. Nous ferons encore mention de
points ronds,- visibles à l’œil nu, qui apparaissent dispersés dans
les particules intérieures et extérieures de la masse commune de
ce Botrylle. Les uns (2) sont blancs, plutôt situés à l’intérieur
et paraissent sous le microscope comme des amas de granules ou
d’aiguillettes ; ils sont insolubles dans une solution de soude et
d’acide muriatique , et probablement formés par la même sub-
stance qui constitue les concrétions de l’enveloppe des Salpa,
c’est-à-dire d’acide silicique. Les autres (3) sont violets ou rou-
geâtres , et se trouvent particulièrement dans les couches exté-
rieures, près des groupes d’individus; cependant, quelquefois
aussi, dans les parties intérieures de la masse commune. Une
observation microscopique montre que ce sont des vésicules piri-
formes, rondes ou allongées qui contiennent une substance colo-
rante rougeâtre, probablement contenue dans des cellules et qui
s'appliquent aux extrémités de canaux longs (4), délicats et ra-
mifiés dans plusieurs sens. Quand on poursuit ces canaux , on
trouve que ce ne sont pas des vaisseaux, mais bien plutôt des pro-
longements de l’enveloppe charnue des individus, et que les vési-
cules ne sont autre chose que des germes. Les canaux ramifiés ,
avec leurs gonflements , ne sont autre chose que les parties décou-
vertes par Savigny (/. c. , pag. 56) dans tous les Botrvlles, et qu'il
a pris à tort pour des « rameaux vasculaires » ( à d’autres endroits
il les nomme « tubes marginaux»). M. Milne Edwards les a
(1) Fig. 29, fc. (3) Fig, 46, e.
(2) Fig 46, c (4) Fig 46, d.
212 in.W II. ET KUIIlKIlt, — STRUCTURE ET COMPOSITION'
reconnus pour ce qu’ils sont (/. c. , pag. 42 , pi. 7, fig. 1, lb, 1<\
et 5n ). M. Edwards fit aussi à propos de ces prolongements l’ob-
servation intéressante que le sang qui , notamment d’après sa dé-
couverte et celle d’Audouin , coule en partie libre dans la cavité
du corps des Ascidies , pénètre aussi dans ces prolongements et
les parcourt dans toute leur longueur par un courant ascendant
et descendant. Notre observation ne saurait donc apprendre rien
de nouveau, sinon que le nombre de ces prolongements est
très grand et qu’ils sont extrêmement ramifiés. Nous rappelle-
rons encore que D. Chiaje, dans la deuxième édition de ses Mé-
moires (tom. I, pag. 34, tabl. 83, fig. 13 et 15) , en traitant
des Polyclinum, dessine et décrit des « vaisseaux » qui probable-
ment ne sont autre chose que des développements de l’enveloppe ,
comme ceux que nous avons décrits à propos des Diazones et des
Botrylles,
13. L’enveloppe coriace des différentes espèces de Cynthia ,
parmi lesquelles nous choisirons d’abord le Cynthia papillata (1),
comme ayant été le mieux étudié, nous présente une composition
encore plus remarquable que celle des Botrylles. Dans cette
espèce, les fibres qui s’y trouvent aussi constituent la plus grande
partie de l’enveloppe, et sont à quelques endroits si développées ,
qu’elles peuvent supporter la comparaison avec les plus belles
fibrilles de tissu fibreux qu’on trouve chez les animaux vértébrés.
Voici la description de la structure de l’enveloppe telle qu’elle se
présente là où celle-ci ne possède pas une épaisseur très considé-
rable (2). La lame simple, qui se trouve tout-à-fait à l’intérieur,
forme un épithélium à cellules polygonales, qui a ceci de remar-
quable, savoir, qu’il est joint à l’enveloppe proprement dite de l’ani-
mal par des fibres musculaires dispersées qui se croisent. Suit une
('■paisse couche de fibres, parsemées de cellules et de tiucléi. Les
fibres mêmes (3) sont incolores, ondulées, ressemblant aux fibrilles
de tissu fibreux des animaux vertébrés, mais plus étroites ; elles
(1) Fig. 14, 16, 23.
(2) Voyez la figure 16, qui représente la structure analogue de l'enveloppe du
Cynthia pomaria
(3) Fig. 17 : fig. 23. a.
DliS EMIiLOlTKS DES TUNJCJERS. '21 3
mesurent 0, 0002"'-0,000/i"', ne sont jamais ramifiées ni réunies
en faisceaux. Quant à leur direction , elles sont en partie paral-
lèles au grand axe de l’animal, ce qui est surtout le cas dans les
lames intérieures, et en partie différemment entrelacées , de sorte
que les unes soient disposées en longueur, les autres en largeur
( fibres circulaires et fibres longitudinales) ; dans les deux cas leur
disposition est telle que l’enveloppe peut très facilement être fen-
due en lamelles, quelquefois très délicates. Ces fibres n’admettent
entre elles aucune substance intermédiaire, du moins nous n’en
avons aperçu aucune trace, mais elles reçoivent dans des lacunes
plus ou moins grandes formées par leur divergence, une quantité
de grains et de vésicules de formes diverses. On distingue : a) de
tout petits granules moléculaires incolores qui se trouvent à de
certaines places en si grand nombre, qu’ils rendent les fibres diffi-
ciles à distinguer et donnent à des couches un peu plus épaisses
un aspect finement granulé; b) des cristaux qu’on ne trouve que
dans les couches extérieures; c), des nucléi (1) de la grandeur de
0001"'-0003"', souvent avec de gros grains de la nature des grains
adipeux; cl), des cellules de formes différentes. Les unes (2) con-
tiennent des nucléi et des granules bruns, pigmentés, et sont
rondes avec un diamètre de 0,005"'t0,01 ", ou allongées avec un
diamètre de 0,006"'-0,008"'; les autres (3) sont de couleur pâle,
et ressemblent d’une manière frappante, par les doubles nucléi
et par les cellules incluses qu’on trouve en quantité variable (2-7)
dans quelques unes d’elles , aux cellules qui forment les carti-
lages des animaux supérieurs. Cette ressemblance est rendue
plus frappante encore par la forme ronde ou allongée de ces cel-
lules, par la disposition particulière des cellules incluses et par
la réunion de quelques unes de ces cellules-mères, généralement
rondes et moins grandes, en groupes de deux ou quatre. Elle n’est
cependant qu’extérieure et ne repose que sur le fait qu’il se trouve
ici une augmentation de cellules par formation intérieure comme
dans les cartilages; car une observation plus exacte montre que
ces cellules deviennent, par plusieurs transitions, identiques avec
(I) Fig. 21,6. .'a' Fig. 23, r.
fs) fig. 6, fig 21, a.
STUUCTLiili ET COMPOSITION
‘214 i.n: u ii. et hd ii iiti i:. —
les cellulespigmentées, plus simples, décrites plus haut, et ne sont
autre chose que des formes plus développées de celles-là, mais
chez lesquelles le pigment a disparu peu à peu à cause des for-
mations intérieures. La troisième couche (1) est formée d’un épi-
derme jaunâtre , corné, dont la structure, que nous n’avons pu
déterminer dans les individus conservés dans l’esprit de vin,
est probablement celluleuse. Les aiguillons qui recouvrent la sur-
face extérieure du Cynthia papillata sont formés par cette couche
et par la couche fibreuse, de telle sorte qu’à certains endroits il
s’élève de la surface plane de la couche fibreuse extérieure un
faisceau de fibres qui se couvre d’une couche de l’épiderme
corné, laquelle fait encore saillir de petits aiguillons. Là ou l’en-
veloppe du Cynthia atteint une épaisseur de 1/2-1 1/2"' et plus,
sa composition change souvent d’une manière remarquable.
Dans ce cas, l’épithélium (2j est suivi à l’extérieur d’une masse
claire (3), homogène , sans structure , d’épaisseur moyenne , par-
semée de cellules pigmentées et de nucléi , puis vient un élégant
l issu fibreux (4) qui , composé d’un grand nombre de minces cou-
ches de fibres circulaires (5) sans cellules ni nucléi, et de fibres
rayonnantes (6) réunissant ces couches , passe tout à l’extérieur
à un tissu fibreux irrégulier (7) qui se couvre d’un épiderme
corné (8). Partout où se trouve une telle stratification des fibres,
l’enveloppe du Cynthia ne peut être fendue en lamelles, parce que
les fibres rayonnantes joignent très solidement les minces couches
de fibres circulaires ; dans ce cas il n’y a d’autre moyen de déter-
miner la structure de l’enveloppe que d’en dessécher une partie,
de s’en procurer avec un rasoir de fins segments transversaux
ou longitudinaux et de les étudier après les avoir ramollis.
Une solution d’acide muriatique et de soude rend l’enveloppe
du Cynthia toute blanche. En effet, les cellules pigmentées, l’é-
piderme coloré, les cellules-mères, les cristaux, l’épithélium, les
nucléi et les grains se dissolvent, de sorte qu’il ne reste que les
(0 Fig. 14.
(2) Fig. 14, — i.
(3) Fig. U, — ..
(4) Fig. 14, — a-
(5) Fig. 18, b.
(6) Fig 1 8, a.
(7) Fig. 14, — 4.
(S) Fig 14, — ÿ, a
LH-.S liMKI.OlUMiS DUS TL'.MCIEKS.
215
libre» et la substance homogène (1) qui se trouve en quelques
endroits. Ce sont donc ces deux éléments qui sont composés de
cellulose.
14. La structure de l’enveloppe épaisse du Cynthia canopus est
semblable à celle que nous venons de dépeindre. On trouve à l’in-
térieur un épithélium, puis une couche épaisse de fibres longitu-
dinales et circulaires, stratifiées assez indistinctement, dans les-
quelles sont parsemés à l’extérieur des cristaux et des corps ronds
assez grands, d’après toute apparence composés d’amas de cel-
lules; enfin une couche mince d’un épiderme plus solide, blan-
châtre, qui forme de petites papilles coniques ordinairement avec
des appendices de la couche fibreuse. La couche épaisse, fibreuse
seulement, résiste à l’influence de la soude et de l’acide muria-
tique ; tout le reste se dissout sans aucun résidu.
15. Le Cynthia pomaria (2), enfin, le dernier des Tuniciers
que nous avons analysés, offre comme partie prédominante de son
enveloppe une couche de fibres (3) semblables à celles que nous
venons de décrire , et dirigées la plupart longitudinalement , et ,
entre les fibres des cristaux, des cellules pigmentées (4), rondes,
de 0,004"'-0,006'", et de plus, çà et là, des cellules particu-
lières (5), allongées, remplies de granules jaunes, mesurant
0,008"' et plus. A l’intérieur, et collé à la couche fibreuse , on
trouve un simple épithélium (6) à cellules polygonales de 0,006 "-
0m,008"', lequel est aussi joint à la partie charnue de l’enveloppe
par des fibres musculaires; à l’extérieur, la couche fibreuse est
couverte par une couche jaunâtre , solide, dont nous n’avons pu
déterminer la structure. Nous devons encore faire mention de cer-
taines cellules (7) qui se trouvent en assez grand nombre dans
les parties intérieures de la couche fibreuse , et dont nous ne con-
naissons d’analogue ni dans les Tuniciers, ni dans d’autres ani-
maux , ni même dans les plantes. Ces cellules sont primitivement
semblables à des cellules pigmentées, rondes , mais possèdent une
(1) Fig. 1 6. (5) Fig. 22.
(2) Fig. \ 5. (6) Fig. 15, u.
(3) Fig. 15. r (7) Fig. 24.
(4) Fig. 15, b.
216 1XEWI6 ET KŒLL1KEK, — STKKCTLKK ET COMPOSITION
membrane plus épaisse et sans nucléus apparent (1). Plus tard ,
comme la comparaison d’un grand nombre de ces cellules se trou-
vant dans des états différents le prouve , elles croissent en conser-
vant leur forme jusqu’à la grandeur de 0,01"', et leur membrane
devient en même temps plus épaisse ; si bien que, la cavité (2)
des cellules n’augmentant que fort peu , les membranes atteignent
l’épaisseur de 0,004"'. Enfin, la grandeur de ces cellules augmente
jusqu’à 0,02"', et l’épaisseur de leur membrane jusqu’à 0,006"';
et pendant que ce développement s’opère, on aperçoit de fines raies
dans la membrane cellulaire épaissie (3), et, à la fin, on trouve la
membrane transformée en fibres (4), de sorte qu’on a sous les yeux
des cellules moyennement agrandies dans leur cavité et contenant
encore du pigment , ou aussi des granules pâles , et qui ont pour
enveloppe un élégant peloton de fibres également rondes , fines ,
mais opaques , qu’on peut isoler par la compression (5). Nous ne
savons nullement si ces fibres forment des anneaux ou des spi-
rales ; mais puisque nous ne leur' avons jamais vu d’extrémités
libres, nous serions portés à croire quelles sont circulaires ou
quelles forment de grandes spirales. Quant à la manière dont
cette curieuse transformation des cellules pigmentées s’opère, nous
remarquerons que l’augmentation en épaisseur de la membrane
cellulaire pourrait avoir lieu par accroissement ou par un dévelop-
pement semblable à celui qui se trouve dans beaucoup de cellules
végétales dont la membrane se compose de plusieurs couches , ou
par le dépôt d’une substance qui s’appliquerait extérieurement.
Nous ne pouvons dire d’une manière décisive laquelle de ces sup-
positions est la bonne ; mais comme on ne trouve aucun vestige
d’une substance déposée soit extérieurement , soit intérieurement,
et comme la cavité cellulaire ne diminue pas pendant que l’enve-
loppe devient plus épaisse, les deux dernières suppositions nous
paraissent moins admissibles que la première , qui cependant ne
saurait être établie pour la vraie à cause de cette circonstance
seulement. Quoi qu’il en soit, ce qu’il y a de sur, c’est qu’à la fin les
(1) Fig. 24, a.
(2) Fig 23, h.
(.3) Fig. 23, r.
(4) Fig. 23, rf.
v's) Fig- ”, <-
DES EiNVELori'ES DES TUMCIERS.
217
cellules en question possèdent une enveloppe épaisse absolument
homogène qui se divise en fibres. Il serait difficile de dire au juste
comment ces fibres se forment ; mais l’analogie avec d’autres déve-
loppements semblables permet d’admettre que les membranes cel-
lulaires se solidifient partiellement, de telle sorte qu’à la fin elles
se séparent en de fines fibres. La manipulation de l’enveloppe du
Cynthia pomaria par de l’acide muriatique et par la soude est im-
puissante contre les fibres de la couche intermédiaire et les enve-
loppes cellulaires fibreuses ; tout le reste disparaît.
Après cette description de la structure et de la composition chi-
mique des Tuniciers adultes, il serait utile de jeter aussi un coup
d’œil sur les caractères des embryons de ces animaux, et d’appren-
dre, si cela est possible, quelque chose sur l’état primitif des enve-
loppes contenant la cellulose. Depuis que MM. Milne Edwards et
Audouin nous ont fait connaître, en 1828 (1), les curieux embryons
des Ascidies composées ressemblant aux Cercaria, les observations
des premiers développements des Tuniciers deviennent de plus en
plus nombreuses. Sars, Dalyelle et Van Beneden (2) nous ont livré
des notes précieuses ; mais M. Milne Edw ards surtout a traité le
développement des Ascidies Composées dans son nouvel ouvrage si
distingué, d’une manière qui ne laisse plus rien à désirer, surtout
pour ce qui concerne la forme extérieure du corps et des organes.
Quant à la structure microscopique , l’un de nous a fait , du
moins pour les tout premiers développements, quelques observa-
tions dont on peut tirer plusieurs conclusions d’une certaine im-
portance; les caractères chimiques des premières époques seule-
ment sont tout-à-fait dans le vague , et nous les recommandons
à l’analyse des observateurs. Nous extrayons de l’analyse indiquée
ce qui peut avoir de l’intérêt pour l’objet dont nous nous occupons
ici spécialement.
Dans toutes les Ascidies Composées étudiées par l’un de nous,
savoir : Botryllus violaceus, aureus , Aplidium yibbulusum et
Iniauroucium Nordmanni, Edw. , on remarque, dans les pre-
mières époques du développement, une division du vitellus sein-
( I ) A un . dsx Sc. nul. , I " série, t. XV p 10
(2) ttull de l'ÀcoU. royalede BruxeUe».
‘218 LKHI« El KtELLIHER. — STRUCTURE ET COMPOSITION
blable à celle qu’on trouve dans l’œuf des grenouilles , fait au-
quel déjà M. Milne Edwards fait évidemment allusion , quand il
dit (1) : « On remarque d’abord que les granules dont la masse
vitelline est composée se pelotonnent , pour ainsi dire , et donnent
à la surface de cette masse une apparence bosselée et framboi-
sée,»ce queVan Beneden aussi vient de constater pour les Ascidies
simples. Cette division (2) a lieu comme dans les vers intestinaux,
c’est-à-dire que les simples nucléi contenus dans les globules
qui , comme partout, ne sont que des agrégations de granules (3),
se doublent toujours avant que les globules se divisent en deux.
Sitôt que la division est parvenue à un certain degré, la forme
sphérique de l’amas de globules devient allongée, et prend de
plus en plus la forme d’un embryon dont la queue fait un demi-
contour à l’entour du corps (A). Avant toute autre partie, on dis-
tingue la queue , qui se forme évidemment , non pas comme
prolongement de l’embryon , mais par la séparation d’une certaine
partie des globules de la superficie, ce qui ressort surtout du fait
que l’analyse la plus minutieuse ne présente jamais la queue au-
trement que formée dans toute sa longueur. On pourrait objecter
;i cette supposition que , lorsque la queue se présente pour la pre-
mière fois, elle est composée de cellules différemment grandes,
et que, par conséquent, elle doit avoir subi quelques modifica-
tions; mais nous ferons observer que, dans les dernières époques
de la division, les globules ne sont pas tous également gros comme
auparavant , mais d'une grandeur très variable. En même temps
que la forme extérieure des embryons , et de très bonne heure ,
apparaissent chez X Amauroucium et VAplidium , les deux points
oculaires (5) remarqués déjà par M. Edwards, même dans d’autres
espèces; tandis qu’au cou traire de tels embryons ne montrent encore
aucune trace d’une enveloppe ou de nodules à la partie antérieure :
seulement, plus tard , il se forme tout à l’entour de l’embryon un
limbe transparent incolore (6), qui, dans Y Amauroucium et
VAplidium, se développe de plus en plus, et représente, surtout à
(1) L. c., p. 26.
(2) Fig. 35, 36, U.
(3) il
!
(*) Fig. 37.
(5) Fig. 42, 45, c.c.
(6) Fig. 38, d; fig. 12, 45, a, a.
DUS ENVELOPPES DES TUNICIEKS.
219
l’extrémité épaisse du corps, une lame très forte, mais reste sans
structure pendant tout le temps que les embryons sont contenus
dans les enveloppes de l’œuf. En même temps que les enveloppes
se forment, les embryons eux-mêmes commencent aussi à subir
une suite de changements. Premièrement on voit apparaître, vers
la partie antérieure, trois appendices de forme particulière (1) ;
puis la substance jaunâtre dans l’intérieur du corps se sépare en
deux lames, dont l’une, externe (2), reste diaphane; l’autre,
interne (3), devient opaque, et se divise, chez les Botrylles , en
huit corpuscules coniques (4) qui entourent un mamelon (5) assez
grand, rond et pourvu d’un orifice; enfin, il s’opère aussi un
grand nombre de modifications dans la structure. La description
suivante des embryons à terme des espèces mentionnées donnera
une idée plus exacte de toutes les modifications qu’ils subissent
pendant leur développement.
Les embryons à terme du Botryllus aureus (6) sont formés d’un
corps sphérique large de 0,28"' et long de 0,38"', qui possède un
orifice entouré de trois lobules à la partie antérieure (7), et, à la
partie postérieure, une queue mince et finissant en pointe , longue
de 0,72'". Ces embryons présentent extérieurement une couche
mince de la substance diaphane (8), sans structure, dont nous
avons déjà parlé , qui forme presque à elle seule les lobes ou ap-
pendices lancéolés de la tête (9), et qui finit à l’extrémité opposée
en une pointe assez longue qui outrepasse les parties intérieures
de la queue. A l’intérieur de cette enveloppe, on trouve, dans la
partie antérieure du corps, un second tégument délicat (1 0) formé
de cellules rondes ou transformées en fibres , lequel n’entre pas
dans la composition des lobes de la tête, mais enveloppe comme
un fourreau la saillie mamelonnée dont nous avons parlé plus haut,
de même que les huit corpuscules sphériques qui entourent cette
saillie et s’adapte d’un côté au bord du mamelon et de l’autre à
(1) Fig. 39, i. h; fig. 42, 15, c,c. (6) Fig. 39.
(2) Fig. 42, 45. b. (7) Fig. 39, k.
(3) Fig. 42, 45, d. (8) Fig. 39. d.
(4) Fig. 38 39, f (9) Fig. 39, h.
(5) Fig 38, 39, c (10) Fig. 39, )
220 LŒW1C* ET hŒI.IIhl». STRUCTUllE ET COMPOSITION
l’origine de la partie interne de la queue. Les formations in-
ternes dont la substance constitue la partie la plus considérable des
embryons, ne sont évidemment autre chose qu’un groupe d’indi-
vidus, comme l’a déjà indiqué Sars, qui a découvert ces curieux
embryons du Botryllus ; les huit corpuscules sphériques (1) ,
dont les bases se confondent et qui sont pourvus comme d’une
tige commune , sont tout autant d’individus , et la saillie mame-
lonnée (2) qui est au milieu d’eux représente le tube excréteur
commun. Quant aux caractères plus subtils de ces parties, il faut
remarquer que le tube excréteur possède à son extrémité pointue
trois lobules (3) qui saillent dans la base des lobes de l’enveloppe
extérieure, et que de son extrémité inferieure trois fils (nerfs?) (4)
s’élèvent verticalement qui se bifurquent chacun en deux filaments,
dont l’un va aboutir à l’orifice du tube , le second aux lobules, les
dépasse après avoir atteint leur sommet, et, s’étendant en cinq ou
six rameaux, atteint presque le bord des lobes de l’enveloppe
extérieure. Quant aux huit embryons, on ne leur aperçoit encore
aucun orifice, ni d’autres organes internes que des canaux (intestin)
indistinctement pelotonnés; les éléments microscopiques, au con-
traire, sont tout-à-fait distincts, savoir : des cellules de gran-
deur différente pourvues de nucléus et remplies de grains d’un
rouge pâle et des fibres en voie de formation ; les premières consti-
tuent la masse principale du tube excréteur. La partie interne (5)
de la queue, enfin, qui paraît être la continuation immédiate de la
substance des embryons, possède une cavité intérieure (6) et des
parois, dont les éléments celluleux composent deux lames. La
lame intérieure est composée de cellules (7) de 0,012"' de dia-
mètre, quadrangulaires ou rectangulaires, à angles arrondis,
pourvues de nucléi distincts et de grains fins et jaunâtres ; elles
sont disposées avec une grande régularité les unes à côté des au-
tres en séries transversales, de sorte que la cavité de la queue se
trouve toujours entourée de dix à douze cellules. La lame externe
(1) Fig. 39, /
(2) Fig. 39, e
(3) Fig. 39, i.
(i) Fig- 39, »
(5) Fig. 39, c: fig. 40
(6) Fig. 40, il.
(7) Fig 40, c.
DES ENVELOPPES DES TL'MCIEltS.
221
est formée par une couche continue , simple et composée de petites
cellules (1) mesurant 0,003"'-0,Ü0/i"', chez lesquelles on ne dis-
tingue aucune disposition régulière. Nous remarquons en passant
que la queue, quoique composée seulement des cellules indiquées
et de l’enveloppe homogène, accomplit des mouvements très vifs,
ce qui est une nouvelle preuve qu’il existe des parties contractiles
formées de simples cellules.
Les embryons à terme de YAplidium (2) et de YAmauruucium
Nordmanni (3) ressemblent d’une manière si frappante aux larves
<Y yimau rou ciurnprol ifer uni que M. Milne Edwards a représentées,
que nous renvoyons pour leur forme extérieure aux figures jointes
à ce mémoire, en nous contentant de remarquer quelques carac-
tères microscopiques.
Le corps des embryons des deux genres est formé par une
couche externe , épaisse , d’une substance homogène , et par une
masse jaunâtre renfermée dans cette couche. Dans la partie sphé-
rique du corps , cette masse est apparemment composée en
totalité de cellules rondes de différentes grandeurs et contenant
des nucléi, à l’intérieur même, très probablement, de globules
inaltérés provenant de la division du vitellus; ces deux éléments
ne composent aucun organe distinct, mais forment seulement
deux couches, l’une, interne, opaque, et l’autre, externe, dia-
phane. Dans l’espèce indiquée d 'Amauruucium, on ne trouve pas
de canal dans la queue, mais, au centre, une simple série de
grandes cellules rectangulaires (4) avec des nucléi qui produi-
sent cet aspect transversalement rayé, visible même avec un
grossissement moyen , et une couche extérieure simple de petites
cellules (5) semblables à celles des Botrylles.
De ces quelques observations portées sur les caractères histolo-
giques des embryons d’ Ascidies composés , ressortent deux vérités
qui ne sont pas sans importance ; premièrement , que l'enveloppe
extérieure sans structure des embryons, qui , comme nous l’ap-
prennent les études faites par M. Edwards sur les dernières méta-
(1 ) Fig. 40. h
( 2 ) Pig 4-V
(3) Fig. 42.
(4) Fig. 43, c.
(5) Fig. 43. 6.
l'-l'l IQ H K. ET KIELLIKER. — STRUCTURE ET COMPOSITION
morphoses des embryons eclos , n’est autre chose que l’enveloppe
externe des adultes, d’après notre analyse, formée de cellulose ;
que cette enveloppe , disons-nous , ne se constitue que lorsque la
division du vitellus est accomplie , et que même la forme exté-
rieure des embryons est indiquée. 11 ressort secondement que cette
enveloppe , contenant plus tard , chez les Botryllvs et Aplidium ,
outre une substance sans structure, des fibres, des nucléi et des
cristaux , est primitivement tout-à-fait homogène el inorganisée.
Nous croyons de plus pouvoir déduire de ces deux faits , que l’en-
veloppe de ces Tuniciers est un produit de l’activité des cellules
formées en suite du procédé de division, et qu’elle n’est primitive-
ment autre chose qu’une masse qui est sécrétée par ces cellules ,
dont l’organisation ultérieure ne peut pas encore être expliquée.
Au lieu de nous lancer dans le domaine de l’hypothèse, nous ob-
serverons seulement qu’il serait intéressant, surtout dans les Asci-
dies simples, dont l’enveloppe contient, outre les vaisseaux , des
cellules et des fibres si particulières , d’e'tudier leur première appa-
rition et leur transformation ultérieure, surtout afin d’apprendre
si, comme l’analogie porte à le croire, et il serait difficile de le
supposer autrement, l’enveloppe est aussi primitivement sans
structure, ou du moins si elle contient beaucoup de parties sans
structure , et , de plus , afin de déterminer le mode de formation
des cellules et des fibres. Il est aussi possible que, même chez
VAmauroucmm , il se forme plus tard des cellules dans la masse
homogène, qui, en se multipliant par elles-mêmes, pourraient
être la cause de l’accroissement rapide qui, d'après les observa-
tions de M. Milne Edwards, s’opère dans l’enveloppe des larves
(Y Amanroucium proliferum. Dans ce cas, le manque de struc-
ture qu’on observe plus tard dans cette enveloppe pourrait provenir
d’une destruction ultérieure des cellules constituant ces parties ,
pareille à celle que nous avons observée dans le Phallusia et le
( ’lavellina .
Après avoir exposé les résultats de nos analyses chimiques
et microscopiques concernant les enveloppes des Tuniciers, il nous
DES ENVELOPPES DF.S TUNICIEnS.
223
sera permis d'ajouter encore quelques observations générales.
L’existence de la cellulose dans le P halusia mamillaris, décou-
verte par Schmidt, que nous avons confirmée et étendue sur beau-
coup de genres et d’espèces de Tuniciers , promet de devenir très
importante pour plus d’une question. Ce serait surtout le cas si ,
comme le prétend Schmidt , il résultait de ce fait qu’il n’existe
aucune différence chimique entre les plantes et les animaux ; de
cette proposition l’on pourrait encore déduire que la forme et
même la plupart des fonctions, surtout celles qui sont accompa-
gnées de procédés chimiques ( assimilation des substances nutri-
tives), ne fournissent non plus aucun caractère distinctif pour ces
deux règnes. C’est bien aussi ce que prétend Schmidt , qui se
fonde sur une suite d'inductions théoriques contenant des propo-
sitions très hardies , comme , par exemple , que le Spore à cils
vibratiles du Vaucheria clavata a une complète ressemblance
morphologique et chimique avec un embryon de Méduse se mou-
vant par ses cils ; que l’embryon d’une Campanulaire est une cel-
lule-mère complète , telle qu’on en trouve dans les algues, etc.,
et arrive à la conclusion (1) que la psychologie seule est com-
pétente pour tracer une limite entre les plantes et les animaux , cl
que la seule différence admissible, c’est que l'animal possède,
outre la forme végétale (cellule), la't'uyz ( Seenelatom ). Cependant
nous ne croyons pas cette nouvelle découverte concluante au point
d’effacer tout caractère distinctif entre les deux règnes organisés,
et donner une décision si vague des caractères des animaux et des
plantes. Il est facile de montrer que Schmidt s’est trompé dans
plusieurs de ses prémisses. Nous relèverons avant tout la supposi-
tion que les Polypes et les Méduses contiennent aussi de la cellu-
lose , ce qui n’est, pas vrai , ainsi que le prouvent nos expériences
faites sur onze espèces prises dans toutes les divisions des deux
classes. C’est à tort aussi qu’il prend le Frustulia salina pour
un animal , puisque beaucoup de botanistes d’autorité, tels que
Meyen, Nagueli, Kiitzing, etc., et presque tous les zoologistes,
excepté Ehrenberg , classent ce genre , de même que les autres
(1) 1. c . , p. 79.
Hl l LflËWICi ET KŒXLIKER. STRUCTURE ET COMPOSITION
Diatomacées , au nombre des plantes. Nous citerons enfin comme
très invraisemblable l’hypothèse de Schmidt, d’après laquelle les
cellules des embryons d’ Ascidies seraient pourvues d’une enveloppe
de cellulose, puisque les observations d’autres observateurs n’ont,
encore donné aucun résultat à ce sujet, et puisque nos expériences,
qui démontrent que les parties composées de cellulose sont primi-
tivement sans aucune structure, ne sont pas faites pour venir à son
appui. Comme toutes ces prémisses , ainsi que beaucoup d’autres,
ne sont pas valables, il est clair que les inductions que Schmidt
en tire ne sont pas admissibles : ainsi donc , le parallèle qu’il pose
entre l’animal et la plante s’évanouit. Il n’en est pas moins vrai
que la découverte de la cellulose dans les animaux a d’importants
résultats , et donne à la science des données toutes nouvelles ,
comme nous allons le faire voir en peu de mots.
Avant tout nous rappellerons, sous le point de vue chimique, le
fait qu’il y a des animaux chez lesquels il se forme de la cellulose.
Ce fait serait on ne peut plus énigmatique si , comme on l’admet
généralement , les Tuniciers se nourrissaient d’infusoires ou d’au-
tres animalcules microscopiques (Vers, Crustacés, etc.); car, ce
cas supposé, comment se représenter que ces animaux se nour-
rissant seulement de différentes matières grasses et de substances
azotées, la cellulose put se former? Dans ce cas, la supposition
qu’un corps de la série de substances à laquelle appartient la
cellulose puisse se former de graisse par oxydation serait tout aussi
inadmissible que celle qui ferait provenir une telle substance
de la décomposition de corps azotés, car elle serait contraire à
toute analogie. Heureusement il nous reste encore une manière
de résoudre cette énigme , la voici : la nourriture des Tuniciers
ne se borne pas aux substances animales , mais elle consiste aussi
dans des organismes végétaux. Une analyse microscopique du
contenu de l’estomac et des intestins du Phallusia, du Clavel-
lina et du Diazona a prouvé qu’il s’y trouvait, outre des parti-
cules de Floridées, lesquelles y étaient probablement par hasard,
une grande quantité de petites plantes des classes inférieures (plu-
sieurs espèces de \avicula.Frustulia, Baccilaria ,Closlerium ,et.c.)
DES ENVELOPPES DES TUNIC1ERS.
225
qui , d’après la découverte de Nàgeli (1) et de Schmidt (2), con-
tiennent réellement de la cellulose. Celle-ci est probablement dis-
soute par le suc digestif, c’est-à-dire se change en sucre ou en
gomme, circule ainsi avec le sang, puis est introduite dans les en-
veloppes soit directement par les canaux sanguins ( Phallusia ) ou
par les prolongements ramifiés de la paroi du corps ( Diazona ,
Botrylhis), qui, ainsique le remarque M. Milne Edwards, con-
tiennent aussi du sang dans leur cavité, soit en pénétrant par im-
bibition là où les enveloppes ne possèdent pas de canaux sanguins.
Quoique ces conjectures soient certainement très plausibles et
qu’elles soient aussi justifiées par la circonstance qu’on trouve beau-
coup de cuirasses vides de Diatomacées parmi les substances con-
tenues dans les intestins des Tuniciers , il n’en sera pas moins très
intéressant de faire des analyses du sang des Tuniciers, afin d'ob-
tenir, s’il est possible , de nouveaux faits plus explicites , concer-
nant le mode de formation de la cellulose. 11 sera plus difficile à ex-
pliquer chez les embryons que chez les adultes, comment se forment
les enveloppes, supposé qu’elles contiennent de la cellulose déjà à
leur première apparition, ce qui est prouvé par l’analyse microsco-
pique. Nous ne cachons pas que nous sommes assez portés à croire
que le vitellus des Tuniciers contient aussi du sucre ou de la
gomme qui se métamorphose en cellulose pendant le développe-
ment de l’embryon , et que nous ne pouvons pas croire que la
cellulose se forme des parties composant généralement le vitellus
des animaux, savoir, de graisse et d’albumine : cependant nous
croyons devoir plutôt nous abstenir de tout jugement dans cette
question , aussi long-temps que les analyses chimiques des œufs
et des embryons des Ascidies n’auront pas été faites.
Sous le point de vue morphologique, d’abord la réunion cu-
rieuse d’éléments et d’organes portant un caractère animal avec
d’autres d’une nature végétale décidée , comme elle se trouve dans
les enveloppes des Tuniciers, ensuite la forme des parties com-
posées de cellulose, semblent mériter toute notre attention. Quant
(1) Zeitschrift fiir wissenschaftliche Botanik von Schieiflon und Nageli. Hefl II ,
p H.
(2 ) L. c. , p. 67.
V série. Zom.. T. V. (Avril 1 846.) 3
15
'220 LŒWIU ET ÜŒLLIKCR. — STRUCTURE ET COMPOSITIOX
au premier point, l’enveloppe du Phallusia, qui , quoique essen-
tiellement composée de cellules et d’une substance fondamentale
formée de cellulose , contient cependant de nombreux vaisseaux ,
est seule dans son genre, d’autant plus que ces vaisseaux , vu le
nombre proportionnellement très peu considérable des parties azo-
tées dans cette enveloppe , sont évidemment destinées avant tout
à en nourrir les éléments non azotés à caractère végétal. Il faut
aussi remarquer la curieuse structure des Botryllesetdes Diazona,
chez lesquels la masse commune, formée de cellulose , possède de
très nombreux prolongements de l’enveloppe charnue des indi-
vidus qui, comme nous l’avons déjà indiqué , servent non seule-
ment à nourrir la masse commune par le sang qui coule dans leur
cavité, mais encore à former des germes. En dernier lieu nous ci-
terons le Clavellina et Y Amauroucium proliferum Edw. , qui
ont cela de curieux que l’enveloppe et la masse charnue du corps,
([unique n’étant réunis ni par des vaisseaux ni par des prolonge-
ments, se développent en même temps en bourgeons, qui se trans-
forment par un égal accroissement de leurs deux parties consti-
tuantes ou en un seul individu , ou en une colonie d’individus.
Ce qu’il y a enfin de moins remarquable, c’est le mélange d’élé-
ments à caractère animal et d’éléments à caractère végétal dans
l’enveloppe des Salpes , Pyrosomes , Cynthies et Clavellines , dont
les parties formées par de la cellulose ne possèdent ni vaisseaux
ni prolongements du corps, mais seulement des cellules plus ou
moins rares ayant un caractère animal , savoir, une membrane
azotée; c’est pourquoi ces enveloppes possèdent un caractère par-
ticulièrement végétal, et sont sous ce rapport bien supérieurs aux
parties des animaux supérieurs, qu’on appelle de préférence
végétales.
La forme des éléments des Tuniciers composés de cellulose
diffère sous plusieurs rapports de ce que nous montrent les plan-
tes, puisque, à l’exception des grandes cellules du Phallusia
et du Clai'ellina, qui ressemblent d’une manière frappante à
cellesde plusieurs parenchymes végétaux , tous les autres éléments
et rapports morphologiques sont certainement tout particuliers.
Nous signalerons:
PUS KNVUI.OI’l'l.S DUS I I MCllîltS.
•227
a) l 'existence île tiucléi dans la substance inter-cellulaire. Dans
les plantes, chez lesquelles les cellules ne se forment jamais dans
les parties situées entre les cellules, les noyaux ne se trouvent que
dans les cellules ;
b ) la fusion des grandes cellules composées de cellulose dans le
Clavellina et linéiques l’hallusia, avec la substance inter-cellulaire
en une masse homogène , fusion qui rappelle tout-à-fait certains
procédés qu’on voit dans les cartilages, mais qui ne sont pas
connus chez les plantes ;
c) V existence de la cellulose sous forme d'un tissu fibreux comme
le montrent les Cinthiae t les Botrylles.
De plus, nous mentionnerons encore la métamorphose des mem-
branes non azotées de certaines cellules du Cinthia pomaria en
un peloton de fibres et l’apparition de la cellulose en masses com-
pactes inorganisées , parsemées de nucléi et de cellules à mem -
brane azotée , comme le montrent les Salpes , Pyrosomes , etc. .
deux faits pour lesquels on ne trouve pas d’analogie chez les
plantes , mais bien parmi les animaux.
Enfin le fait que la cellulose existe chez les animaux sous forme
de cellules, fibres, etc., est aussi d’une grande importance géné-
rale quant à la question de la différence entre les animaux et les
plantes. Comme nous l'avons dit dans l'introduction , le manque
de cellulose dans le règne animal et l’existence universelle de ce
corps dans le règne végétal ont passé jusqu’ici pour le meilleur
caractère distinctif de ces deux règnes, surtout après que Mul-
der(l), Nageli (2) et l’un de nous avaient défini cette différence
plus spécialement en disant que les membranes cellulaires sans
exception étaient azotées chez les animaux et exemptes d’azote
chez les plantes. Mais cette distinction aussi est tombée devant
les analyses de Schmidt et les nôtres , comme déjà mainte autre
distinction , puisqu’il est maintenant prouvé que la cellulose existe
aussi chez les animaux, et qu’elle y prend , de même que chez les
plantes , la forme de membranes cellulaires, de sorte que la ques-
(1) Versuch einer Physiohgischen Chemie iihersent v Moleschott. Hpidplhprg,
1844, p. 104.
(2) L. c., p. 22 et suiv
228 uewui et kuxliker. — structure et composition
tion de savoir s’il y a une différence universelle entre les plantes
et les animaux est maintenant plus douteuse que jamais. Certai-
nement kützing et d’autres s’empareront de ce fait pour le faire
servir à l’appui de leur opinion d’après laquelle il n’existerait pas
de limite entre les animaux et les plantes; d’autres, il est vrai,
n’iront pas si loin ; mais, se fondant aussi sur la nouvelle décou-
verte , nieront avec Schmidt toute distinction quant à la forme et
à la composition chimique et n’admettront que l’absence ou la
présence de la tj/uy/i ( « Seelenatom » ) pour différence réelle.
Les uns et les autres feraient faire , il nous semble , un grand
pas en arrière à la science; c’est pourquoi , quoique comprenant
très bien toute la difficulté de la question , nous essaierons ce-
pendant, de notre côté, d’indiquer du moins comment nous
croyons que l’on doit saisir maintenant la différence entre les
plantes et les animaux.
Avant tout nous avouons franchement que, quant à la forme,
nous ne connaissons pasde différence universelle entre les planteset
les animaux. En effet, les animaux les moins parfaits ne sont ,
comme l’un (1) de nous l’a montré à l’égard du genre Grégarine,
et comme Siebold (2) et Barry (3) l’ont montré à l’égard des In-
fusoires, que de simples cellules avec nucléus et un contenu parais-
sant, dans tous les points essentiels, semblables aux plus simples
Cryptogames formés d'une seule cellule (Protococcus, Saccharo-
myces, Diatomacées ). 11 faut donc abandonner l’ancienne -ma-
nière de distinguer les animaux des plantes, en ce que ces pre-
miers ont tous une bouche et un estomac, et avouer que, malgré les
énormes différences qui existent entre les formes plus parfaites des
deux règnes, on n’en connaît jusqu’à présent aucune pntre leurs
genres les plus simples.
Il en est autrement, il nous semble, de la composition chimi-
que et des fonctions. Quant à la première , elle n’offre pas, il est
vrai , de caractère distinctif général , puisque l’existence de la cel-
(1) Schleulen et Nügeli , Zeitschrift fur tvissenscha/jiiclie Botcinik. Hefl II-
p 97.
(2) Lehrbuch der vergleichenden Anatomie, Erste Abtli., p. 7 et suiv.
(3) Voyez Ovven, Lectures on comparative analomy, p. 24, 2o
DES ENVEI.OPI'ES DES TUMCIERS. 220
lulose chez les animaux est prouvée, et que même l’opinion que la
substance prépondérante est azotée chez les animaux et sans azote
chez les plantes , est réfutée par l’analyse de plusieurs Tuniciers
(Botrijllus , Salpa , Diazona), dans lesquels environ les trois
quarts du corps sont formés d’une masse exempte d’azote ; mais, si
désirables que puissent être de telles différences aussi générales, la
science n’en a pas besoin pour tracer une limite entre les animaux
et les plantes. Lors même qu’il y aurait encore beaucoup de sub-
stances communes aux deux règnes , beaucoup plus que nous n’en
connaissons avec certitude, savoir, la protéine, les matières gras-
ses et la cellulose, elles ne prouveraient nullement l'identité de
la composition. La chose principale est de savoir si les mêmes sub-
stances se trouvent aussi dans les deux règnes dans les mêmes
proportions entre elles , sous la même forme et pour la même fonc-
tion des organes; en d’autres termes, s’il y a quelque plante et
quelque animal qui se ressemblent, dans tous les points essentiels
de leur composition chimique. Si cela n’est pas , il n’y a pas de
transition possible sous le rapport chimique, mais bien une limite.
L’expérience donne à croire qu’il en est réellement ainsi. Entre les
animaux plus parfaits ( en commençant par les articulés] et les
plantes plus parfaites, il y a tant de différence concernant d’un
côté la présence ou l’absence de certaines substances ( la colle , la
chitine, l’hématine , la biline, l’urée, manquent aux plantes sans
exception, et se trouvent la plupart dans tous les animaux plus par-
faits; la cellulose, l’amidon, la gomme, la chlorophylle, se trou-
vent chez les premières et manquent aux derniers), et, de l’autre,
l’emploi des deux substances communes ( la protéine ne forme
jamais de membranes cellulaires dans les plantes mentionnées ) .
que l’on ne peut nullement douter de l’existence d’une limite pré-
cise. Quant aux organismes les plus imparfaits des deux règnes .
il serait difficile de nier que les substances qui les constituent dif-
fèrent moins les unes des autres , puisque , dans les animaux , les
substances animales azotées qui leur sont propres disparaissent
peu à peu, et semblent enfin , dans les formes les plus imparfaites,
faire place à la protéine qui se trouve aussi dans les plantes, et qu’en
même temps on trouve , du moins chez les Tuniciers, de la crllu-
230 LffilVIU ET KIELLKIEB. — STKUCTL'KE ET COMPOSITION
Iose accompagnée sans cloute d’amidon et de gomme , et peut-être
de chlorophylle chez plusieurs Infusoires, par exemple 1 ’Euglena
viridis, qui notamment exhale de l’oxygène , comme les plantes
c ertes. Mais, d’après nos connaissances actuelles , l’identité de la
composition n’en est pas moins inadmissible. On ne connaît encore
aucun animal composé de cellulose dans toutes ses parties, ou en
possédant seulement dans toutes ses membranes cellulaires , et
de l’autre côté , nous ne connaissons non plus aucune plante à
membranes cellulaires contenant de la protéine. C’est précisément
chez les êtres les plus élémentaires , chez lesquels on croit pouvoir
supposer une analogie dans la composition à cause de la ressem-
blance dans lesformes, qu’on trouve une distance immense, puis-
que dans toutes les plantes moins parfaites, formées seulement
d’une ou de peu de cellules , comme, par exemple, les Diatoniacées
et les Algues, les membranes cellulaires sont composées de cel-
lulose, et qu’elles sont, au contraire, composées de substance
azotée dans les Infusoires à une ou plusieurs cellules, et dans les
Hydres , Vers, etc.
On peut aussi dire des fonctions ce qui a été dit de la compo-
sition. Du moins les fonctions nommées végétatives , qui reposent
sur des procédés chimiques ( assimilation , nutrition , excrétion)
sont , il est vrai , semblables sous plusieurs rapports dans les deux
règnes , mais on ne saurait néanmoins trouver deux de leurs re-
présentants dans lesquels elles se ressemblassent d’une manière
quelconque; au contraire, les fonctions durèrent toujours autant
que la composition. Il serait sans doute tout-à-fait superflu de dé-
velopper cette différence pour les organismes plus parfaits ; nous
observerons seulement que les Tuniciers, quoique formant de la
cellulose , comme les plantes, possèdent un procédé de respiration
tout— à— fait animal, une assimilation, sécrétion animale, etc., et
qu’ aussi les animaux à une cellule, ne formant pas de cellulose ,
sont bien différents des plantes à une cellule qui se composent de.
cette substance, en combinant des matières plus simples, savoir, de
l’acide carbonique, de l’eau et de l’ammoniaque. Quant à une autre,
série de fonctions, savoir, la sensation et le mouvement, qu’on
nomme animales , parce que plusieurs ne les attribuent qu’aux ani-
DES ENVELOPPES DES TUMC1E11S.
231
maux , les différences paraissent moins considérables. 11 est sans
doute évident et généralement connu que des animaux quelque
peu parfaits , c’est-à-dire ceux possédant un système nerveux et des
muscles ( ainsi donc aussi les Tuniciers) ne peuvent pas être com-
parés aux plantes , avec lesquelles ils n’ont pas la moindre ana-
logie. Mais la distinction est plus difficile chez les animaux qui ne
possèdent pas de système nerveux , au nombre desquels il faut
compter en tout cas les animaux à une cellule et en général tous
les Infusoires, excepté les rotatoires, car il est impossibledesupposer
à ces animaux si imparfaits une sensation et un mouvement ana-
logues à ceux des animaux plus parfaits. Ce qu’ils possèdent
d’analogue en quelque sorte à la sensation des animaux plus par-
faits n’est autre chose qu’une perception vague des influences
extérieures ( mécaniques, chimiques, physiques) dont ils n’ont
pas conscience, et qui nous est si complètement inconnue que per-
sonne ne s’est encore hasardé de dire si elle différait ou non de
la réaction des plantes contre les mêmes influences. Leur mou-
vement aussi ne peut évidemment non plus être nommé volontaire,
c’est-à-dire dépendant d’une idée dont ils auraient conscience,
mais tout au plus provenant d’un instinct; c’est aussi pourquoi il
est fort difficile de dire avec certitude en quoi il diffère de celui
des spores d’Algues, des Oscillatoires, etc. On ne peut cependant
se dissimuler que les mouvements des animaux , même les plus
imparfaits , sont infiniment plus compliqués que ceux mêmes
des spores ciliés du Vaucheria, c’est pourquoi nous croyons per-
mis de leur supposer une cause motrice toute différente. Quoi-
que reconnaissant ainsi fort bien l’impossibilité d’établir avec cer-
titude une différence entre les mouvements des plantes et ceux
des animaux , nous croyons cependant que la limite qui , d’après
notre opinion, existe entre les organismes des deux règnes, n’est
point du tout effacée par cela, puisque précisément dans les plantes
susceptibles de mouvement, les autres fonctions, les rapports des
formes et la composition , diffèrent absolument de celles des ani-
maux, et que, d’un autre côté , les plantes dont la forme ne dif-
fère pas de celle de certains animaux, c’est-à-dire les plantes à
unecellule, n’accomplissent aucun mouvement, ou, comme certains
232 LCEWICI ET kUll.lkIK. — STRUCTURE ET COMPOSITION
Diatomacés, un mouvement tout-à-fait différent, et présentent une
composition chimique toute différente.
Si nous jetons enfin un coup d’œil en arrière sur tout ce qui
précède , nous voyons que la découverte de l’existence de la cel-
lulose dans les Tuniciers ne nous force nullement à supprimer la
limite entre les animaux et les plantes pour admettre qu’ils sont
identiques dans leurs formes les plus simples, et ne s’éloignent les
uns des autres que dans leurs formes plus développées. C’eût été
le cas , du moins d’après l’état actuel de nos connaissances , si les
animaux et plantes à une cellule , semblables entre eux quant à la
forme , eussent présenté une même composition chimique et de
mêmes fonctions ; mais comme nous avons vu qu’il en est autre-
ment ; que, par exemple, les Infusoires ne possèdent aucune mem-
brane cellulaire sans azote , et que les plantes les moins parfaites
n’accomplissent aucun mouvement, ou n’exécutent qu’un mouve-
ment tout particulier, nous dûmes refuser au nouveau fait décou-
vert de telles conséquences. 11 n’en est pas moins très important,
puisqu’il nous oblige à chercher entre les animaux et les plantes
d’autres différences que celles admises jusqu’à présent, et à aban-
donner l’absence ou la présence de la cellulose comme caractère
chimique distinctif.
Quant aux différences qu’on doit maintenant établir entre les
plantes et les animaux , nous croyons pouvoir dire avec la plus
grande probabilité qu’une analyse plus exacte du mouvement et
de la composition chimique des deux règnes donnera pour résultat
que les animaux possèdent sous plusieurs rapports , il est vrai ,
une nature végétale, et qu’ils répètent en quelque sorte les formes ,
la composition et les fonctions des plantes , mais qu’ils s’en distin-
guent essentiellement et sans exception par la présence de mem-
branes cellulaires, fibres , tubes composés d une substance azotée et
par un mouvement particulier accompli par ces organes élé-
mentaires.
DES ENVELOPPES DES TUN1CIERS.
233
EXPLICATION DES EIG11HES
PLANCHE 5.
Fig. I. Segment transversal de l'enveloppe du Pliullusia mamillaris, grossi
30 fois.
t, couche interne de cellules d'épithélium.
2, couche intermédiaire d’une masse homogène . parsemée de noyaux
(nucléus).
a, couche externe, composée de la masse fondamentale et de cellules.
a, cellules composées de cellulose.
b, cellules pigmentaires.
c, noyaux.
d, cristaux aciculaires. (Les cristaux-et les cellules pigmentaires ont été omis
sur le côté droit, pour faire voir les grandes cellules.)
e, vaisseaux.
Fig 2. Une particule du côté extérieur du segment fig. 1 , grossie 350 fois
а, masse fondamentale.
б, cellules composées de cellulose.
c, noyaux, les uns ronds, les autres étoilés.
d, cristaux aciculaires de carbonate de chaux
e, extrémité d'un vaisseau
f, cellules pigmentaires.
Fig. 3. Une particule de l'intérieur du segment fig. I grossie 350 fois
a, masse fondamentale.
b, cellules à membrane non azotée.
c, nucléi ronds.
d, nucléi ramifiés.
Fig. i La même particule que celle représentée dans la figure 2, mais après
avoir été fortement traitée avec de l'acide muriatique et une solution de soude.
a. substance fondamentale.
b, cellules à membrane non azotée.
Fig. 5. Une particule de l'enveloppe du Phallusia monacbus , grossie 350 fois.
a, substance fondamentale.
b, cellules composées de cellulose
c, noyaux.
Fig 6. Segment transversal de l'enveloppe du Pliallusia monacbus, grossi 30 fois
a, substance fondamentale.
b, cellules composées de cellulose
c, noyaux.
d, cristaux de carbonate de chaux
Fig 7. Une particule du milieu du segment, fig 6, grossie 350 fois.
STRUCTURE ET COMPOSITION
234 LCEWICÏ ET KŒLLIKER. —
a, substance fondamentale.
b, restes de cellules, indiqués par la disposition circulaire de petits granules
et par une membrane cellulaire très mince, visible encore en partie.
c, noyaux ramifiés.
Fig. 8. Segment transversal de l'enveloppe du Phallusia gelatinosa, grossi 30 fois
a, substance fondamentale.
b, noyaux.
c, cristaux.
Fig. 9. Une particule de l’intérieur du segment fig, 8, grossie 350 fois.
a, substance fondamentale.
b, noyaux.
Fig. 10. Segment transversal de l'enveloppe du Phallusia sulcata, grossi 200 fois
0, substance fondamentale.
b, cellules à membrane non azotée.
c, noyaux.
d, cristaux.
Fig. 1 I. Segment transversal de l'enveloppe du Clavellina lepudiformis , grossi
50 fois.
1, première couche : masse diaphane pourvue de noyaux. — a, noyaux.
i, seconde couche : masse plus dense, pourvue de noyaux. — a, noyaux.
s, troisième couche : cellules adipeuses.
r, quatrième couche : substance homogène dépourvue de noyaux.
!\ cinquièmecouche: cellules à membrane non azotée. -a, cristaux et noyaux.
PLANCHE 6.
Fig. 1 2. Segment transversal de la tige du Clavellina lepudiformis, grossi 20 fois.
a, cellules formées de cellulose.
b, canal dans l’intérieur de la tige.
Fig. 1 3. Une particule de la partie extérieure du segment fig. 11, grossie 350 f.
a, substance fondamentale.
b, cellules à membrane non azotée.
c, noyaux.
d, cristaux.
Fig. 1 4. Segment transversal de l'enveloppe du Cynlhia papillota, grossi I 00 f
i, lame intérieure : cellules d'épithélium.
», deuxième lame : substance homogène pourvue de cellules pigmentaires —
o, cellules pigmentaires.
x, troisième lame : couches alternantes de fibres rayonnantes et de fibres
parallèles à la surface de l’enveloppe.
t, quatrième lame : fibres parallèles à la surface.
s, épines. — a, leur tégument jaunâtre ; b, noyau fibreux.
Fig 15. Segment transversal de l'enveloppe du Cynthia pomaria, grossi 30 fois
DES ENVELOPPES DES TEMCIEBS.
235
u. cellules d'épithélium.
b, cellules pigmentaires.
c, masse fibreuse.
Fig. 16. Une particule de la surface extérieure du segment fig. I 4 , apres avoir
été fortement traitée avec l’acide muriatique et la soude.
a, fibres parallèles à la surface
b, noyau fibreux des aiguillons.
Fig. 17. Fibres de la masse fondamentale du Cynthia pomaria, grossies 350 fois.
F'ig. 18. Une partie de la troisième lame du Cynihia papillata, grossie 350 fois.
a, fibres rayonnantes.
b, fibres parallèles à la surface.
Fig. 19, Fibres du tissu fibreux de l'enveloppe charnue du Cynlliia pomaria,
grossies 350 fois.
Fig. 20 Trois fibres musculaires de l’enveloppe charnue du Cynihia pomaria ,
grossies 350 fois.
Fig. 21 . Cellules pigmentaires de l’enveloppe du Cynihia papillala.
a, cellules allongées, grandes.
b, vésicules rondes, petites (noyaux?).
Fig. 22. Cellules pigmentaires de l’enveloppe du Cynthia pomaria
Fig- 23. Une partie des couches internes fibreuses de l'enveloppe du Cynihia
papillala, grossie 350 fois.
a, masse fibreuse.
b, cellules pigmentaires.
c, cellules incolores :
a, à un nucléus; (3, à deux nucléi ; y à deux cellules incluses; <S, a
quatre cellules incluses; e, à sept cellules incluses.
Fig. 24. Cellules pigmentaires des lames internes de l'enveloppe du Cynihia
pomaria, pourvues d'une membrane épaissie et contenant une matière granu-
leuse.
a, petites cellules à membrane peu épaissie.
b, cellule plus grande, à membrane homogène plus épaisse.
c, cellule encore plus grande, dans la membrane de laquelle on distingue
des fibres.
ri, grandes cellules à fibres très distinctes.
e, une grande cellule, dont une partie des fibres est déplacée par la pression
Fig. 25. Segment transversal de l’enveloppe du Salpa bkaudata, grossi 30 fois
a, cellules d'épithélium.
b, masse homogène
c, cellules.
d, noyaux allongés
e, cristaux aciculaires et concrétion
f, grandes concrétions calcaires, en forme de pinceau.
236 LIEWIti ET K4ELLIKBR. — STRUCTURE ET COMPOSITION
Pig. 26. Cellules incrustées de la masse fondamentale du Didemnum candidum.
a, cellules inaltérées.
b, cellule dont la chaux a été extraite presque complètement au moyen de
l’acide muriatique.
Fig. 27. Une partie de la masse du Didemnum candidum , après avoir été traitée
avec de l’acide muriatique.
а, masse homogène.
б, petits amas de grains.
c, cellules incrustées, après extraction de la chaux
Fig. 28. Cellules incrustées du Botryllus violuceus.
a, cellules sphériques.
b, cellule avec deux prolongements incolores au côté.
c, — trois — —
d — quatre — —
e, — un — —
Fig. 29. Une particule de la masse commune du Botryluspolycyclus, grossie 350 f
o, fibres incolores, longues, sinueuses.
b, fibres foncées, courtes, sinueuses.
c, noyaux.
PLANCHE 7.
Fig. 30. Concrétions de l'enveloppe du Salpa bicaudata, grossies 60 fois.
Fig 31. Un ratnicule de la même concrétion, grossi 350 fois.
Fig. 32 Concrétion de l'enveloppe du Sulpa maxima, grossie 350 fois
Fig. 33. Cellules de la masse commune de Y Aplidium gibbulosum.
a, cellules renfermant de la chaux.
b, cellules sans chaux.
Fig. 34. Segmentde l'enveloppe du Salpa maxima, grossi 350 fois
o, substance homogène fondamentale.
b, noyau.
c, cellules.
Fig. 35-41. Développement du Botryllus au reus.
Fig. 35. Œuf avec un vitellus divisé.
a, membrane vitelline.
b, globules de division.
Fig. 36. Œuf à vitellus divisé, dans une période, plus avancée
a, membrane vitelline.
b, globules de division.
Fig 37. Jeune embryon.
a, membrane vitelline
b, corps de l'embryon
e, queue
DES lîNVEI.OPl'ES DES TUNICIERS.
237
l-'ig. 38 Embryon plus avancé, avec les premières traces (le l'enveloppe
a, membrane vitelline.
b, corps de l'embryon.
c, queue de l'embryon.
d, enveloppe de l'embryon.
e, mamelon intérieur ou tube excréteur.
f, corpuscules coniques en groupe d'individus entourant le mamelon
Fig. 39. Embryon à terme ou larve de Botryllus.
b-f (comme dans la figure 38)
g, nerfs (?) du mamelon, avec leur épanouissement dans les lobules de l’en-
veloppe.
A, lobules de l'enveloppe,
i, lobules du mamelon.
k, ouverture du tube.
l, enveloppe interne charnue.
Fig 40. Une partie de la queue de l'embryon précédent, grossie 350 fois
a, enveloppe externe homogène.
b, couche.de petites cellules.
c, grandes cellules à noyaux, entourant :
d, canal intérieur.
Fig. 41 . Globules d'un vitellus divisé, tels qu'ils se présentent lorsqu'ils sont en
contact avec l'eau; dessinés sur un fond noir
a, granules.
b, noyau du globule.
Fig. 42. Embryon a terme de V Amauroucium Nordmanni, Edw
A, partie antérieure du corps.
a, enveloppe externe.
b, partie jaunâtre.
c, lobules provenant de celte partie.
d, masse centrale brune.
e, points oculaires.
Il, queue.
a, enveloppe.
b. masse centrale jaunâtre.
Fig 43. Une partie de la queue de cet embryon, grossie 350 fois
h, enveloppe extérieure homogène.
b, couche de petites cellules.
c, série de grandes cellules.
Fig 44. Œuf de VAplydium gibbulosum, a vitellus divisé
a, membrane vitelline.
b, globules de vitellus.
Fig 45. Embryon éclos du même animal
A et B (voyez fig 42).
•238 i>a vi:v — rapport sur i.e mémoire précédent.
Kig 46. Segment de l'enveloppe du Bolryllus pnlycyclut, grossi ! 00 fois.
а, masse fondamentale fibreuse (voyez fig. 29).
б, noyaux.
c, concrétions anorganiques.
d, ramifications de l'enveloppe de ces individus.
e, germes situés à l'extrémité de ces ramifications.
Fig. 47. Segment delà masse fondamentale du Diasona violacea, grossi 30 fois
a, substance homogène.
b, noyaux. •
r, cellules ou concrétions.
d, ramifications de l’enveloppe des individus.
e, terminaisons de ces ramifications , non développées
f, terminaisons développées en germes.
g, granulations d'une couleur bleuâtre, contenues dans les ramifications.
RAPPORT SUR LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT.
Par M FAYIN
L’Académie nous a chargés , MM. Dumas, Milne Edwards, Boussingault et
moi, d'examiner une Note de MM Lœwig et Kœlliker , qui annoncent avoir
constaté la présence de la cellulose dans une classe tout entière d'animaux sans
vertèbres , les Tuniciers.
La cellulose , comme on le sait , pure ou injectée de substances organiques ou
minérales, forme les parois des cellules, des divers tubes et des vaisseaux propres
de toutes les plantes ; elle renferme , dans ces cavités , des matières organiques
ternaires et azotées, sans que celles-ci fassent partie de sa composition intime ;
elle enveloppe ou recèle dans l'épaisseur de ses parois divers principes immé-
diats , des sels et des oxydes ; en un mot, cette substance à composition ternaire,
souple, plus ou moins tenace et résistante suivant les degrés de sa cohésion,
constitue la trame de tout l'édifice végétal.
Tantôt assez faiblement agrégée pour être attaquée durant la digestion des ani-
maux supérieurs, et remplir, sans doute alors , le même rôle que l'amidon , la
dextrine, l’inuline, isomériques avec elle, ou que les sucres ses congénères; tan-
tôt assez résistante pour être retrouvée intacte dans les'déjections des herbivores.
Parmi plusieurs lichens, et dans le parenchyme de certaines feuilles, la cellu-
lose se montre avec une agrégation si faible , qu'elle affecte quelquefois les pro-
priétés de l'amidon , et peut , comme ce principe immédiat , se teindre en violet
lorsqu'elle est hydratée et mise en présence de l'iode
!
PAÏEN. — RAPPORT SIR LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT. 239
On peut même toujours, lorsque la cellulose est pure et douée d'une forte
cohésion , la désagréger au point de lui donner cette propriété caractéristique de
l'amidon, devenue ainsi la propriété distinctive de la cellulose elle-même.
Nous avons cru devoir rappeler au souvenir de l'Académie ces données , dont
nous avons fait usage, afin de vérifier le fait important qui lui était annoncé
Déjà, l'an dernier, 11. Schmidt avait signalé la présence d’une substance ter-
naire voisine de la cellulose chez la Phallusia mamitlaris et la Frustulia satina ;
le travail de MM. Lœwig et Kœlliker fut entrepris dans la vue de décider s’il
existe réellement dans le règne animal une substance ternaire identique avec la
cellulose.
Les auteurs ont retrouvé chez tous les animaux de la classe des Tuniciers,
qu'ils ont pu se procurer , une substance insoluble dans les solutions de potasse
caustique , blanche , souple , dépourvue d'azote lorsqu'elle est complètement
épurée.
Ils l'ont reconnue parmi les Phallusia mamitlaris, intestinales et monachus ; les
Cynthia papillota, Clavellina lepadiformis, Diazona violacea, Botryllus polycyclus,
Pyrosoma giganteum, Salpa maxima.
Cette substance forme , chez les Ascidies simples et agrégées , la couche exté-
rieure d'apparence cartilagineuse; chez les Ascidies composées , la masse molle
dans les cavités de laquelle les groupes d'individus sont logés, et chez les Salpa,
toute l'enveloppe résistante dans laquelle sont contenus les muscles , les viscères,
les nerfs; en sorte que tous ces organes se dissolvent dans la potasse, tandis que
l'enveloppe résiste .
MM. Lœwig et Kœlliker, ayant d’ailleurs soumis à l'analyse élémentaire l'en-
veloppe de la Phallusia mamillaris et celle de la Cynthia papillota , ont trouvé ,
pour le carbone , l'hydrogène et l'oxygène , des nombres qui s’accordent avec la
composition élémentaire de la cellulose. En conséquence, ils n’hésitent pas à sou-
tenir que cette substance est identique avec la cellulose des plantes.
Vos commissaires ont pu de leur côté entreprendre quelques essais sur des
Phallusia intestinalis , que l'un deux, M. Milne Edwards, avait rapportés des
côtes de la Bretagne.
En faisant réagir successivement la solution de potasse caustique, l'eau aigui-
sée d'acide chlorhydrique, puis leau pure, ils sont parvenus à dissoudre et
extraire des enveloppes , sans déchirer celles-ci , tous les organes quelles renfer-
maient.
Alors ces enveloppes étaient blanches , translucides , un peu nacrées, et très
souples
Agglomérées mécaniquement, divisées à la lime, puis analysées , elles don-
nent 3 pour 100 d'azote, c'est-à-dire le tiers seulement de la proportion conte-
nue dans la chitine , enveloppe des Insectes et des Crustacés , et moins du
-ixierne des quantités que recèle la peau privée de graisse des animaux supé-
rieurs
2ftÜ PAÏEN. — RAPPORT SUR LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT-.
Celte faible dose d azote eût été réduite encore si la minime quantité de sub-
stance mise à notre disposition eût permis de pousser plus loin l'épuration en divi-
sant beaucoup les enveloppes examinées ; mais dès lors la composition de celles-ci
était évidemment distincte de celle des différentes membranes animales , comme
des téguments propres aux Insectes et aux Crustacés : enfin, les résultats des
analyses élémentaires faites par les auteurs de la Note ne semblaient pouvoir
convenir à aucun autre principe immédiat qu'à la cellulose.
Cependant , plusieurs réactions décisives à cet égard n'ayant pas été mention-
nées dans la communication , nous avons cru devoir les essayer ; trois petites
enveloppes que nous avions réservées à cet effet pouvant suffire, l’une d'elles
préalablement desséchée , fut plongée dans l'acide azotique concentré , et elle
résista comme l'aurait fait la cellulose fortement agrégée ; la chitine, placée dans
le même réactif, fut bientôt attaquée et dissoute.
La substance essayée pouvait donc être comparée à de la cellulose très résistante,
mais alors elle devait reproduire aussi les mêmes phénomènes , si on la faisait
passer graduellement par des états d une agrégation moindre. Tels furent effec-
tivement les résultats des expériences suivantes , à la fois simples et démonstra-
tives : une des enveloppes . bien hydratée , fut plongée et foulée avec un tube
dans une solution aqueuse d iode légèrement alcoolisée; elle prit une teinte jau-
nâtre très faible ; étendue alors sur la paroi d'un verre , on la toucha sur plu-
sieurs points avec de l'acide sulfurique monohydraté ; bientôt la désagrégation fut
manifeste , et dès ce moment apparut le phénomène de la coloration violette in-
tense appartenant , d'une façon exclusive jusqu'ici, aux particules de l'amidon ou
de la cellulose désagrégée, teinte par l’iode.
Dans de semblables circonstances , un tégument de sauterelle prit une colo-
ration jaune-orangé qui persista seule sous l'influence dissolvante de l'acide sul- :
furique concentré.
En examinant, sous le microscope, la réaction de l'acide sulfurique sur un lam-
beau d’enveloppe iodée de Phatlusia . on voyait succéder à la coloration violette !
une dissolution plus avancée détruisant l’effet de teinture , et laissant apercevoir
de nombreux corpuscules de matière azotée colorée en jaune , et qui étaient restés ,
interposés entre les fibres du tissu
Cet état de désagrégation de la cellulose correspondant aux groupes des parti- |
cules amylacées aune notable stabilité. Telle est aussi l'une des propriétés de la |
cellulose des Tuniciers Afin que l'Académie puisse en juger , nous avons Thon- ■
neur de lui présenter une des enveloppes mises en cet état où la coloration spé- I 1
c.iale s'est prononcée depuis plus de trente jours , et qui se peut prolonger encore i
D un autre côté, nous avons pu reconnaître que les mêmes tuniques, traitées i
humides par l'acide sulfurique , se désagrègent et se dissolvent en un liquide
mucilagineux , diaphane , incolore, d’apparence semblable à la dextrine.
Le travail de vos commissaires en était à ce point lorsque leur confrère ,
M Valenciennes , eut l’obligeance de mettre a leur disposition une quantité de
P*¥EV — RAPPORT SÜR LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT. 2(| I
Tuniciers égale a peu près à celle employée déjà , ce qui leur permit de répéter
et de compléter les analyses.
Le tableau suivant présente les résultats obtenus dans les deux séries de re-
cherches.
DÉTERMINATION
DE L’AZOTE.
POIDS
POI DS
INDICATION DES SUBSTANCES.
substances
.lu g..z
TUBE.
l’aiote
CES DUES
pour ioo.
millig.
mm
'Enveloppes des Tuniciers lavées à 1 eau.
277
10,75 75,5
16
4.49
12,66
Ici. épurées par la potasse à O 02 et
rucide chlorhydrique à U,OI .
127
5,50 75,6
16
5.19
"
Id. Id. ld. 2e série.
555
11 00 75.5
16
5.80
»
Id. Id. deux fois pur la pot. à 0.02
et 0,2b. et l’ac. chlurhyd. àtl,Ul
50b
n
*
•
*
DÉTERMINATION
DU CARBONE ET DE L’HYDROGÈNE.
Substance employée. 58! milligr.
Carbone
. . . 44,5
Acide cm bonique . 622
Composition .
Hydrogène .
6.4
Eau 220
Oxygène
. . . 49.1
1UO.O
On voit qu'à l'état normal les enveloppes analysées contenaient des matières
azotées interposées dans les fibres de cellulose, etformant les vingt-sept centièmes
du poids total , en supposant leur composition semblable à la moyenne environ
des substances animales organisées ; une partie de ces matières paraissent résister
a la solution faible de potasse caustique , et se dissoudre dans la solution concen-
trée. Le procédé d'épuration complète de la cellulose des Tuniciers est donc , en
définitive , le même que celui au moyen duquel on extrait la cellulose pure du
bois et des autres tissus végétaux ; dans ce dernier cas , on élimine à la fois les
substances azotées , les matières grasses et les principes ligneux.
On pourrait représenter ainsi la composition immédiate des enveloppes des
Tuniciers :
Cellulose 00,34
Substances azotées 27,00
Matières inorganiques. . . 12,66
•100,00
On peut encore remarquer que les proportions des matières azotées interposées,
ainsi que des substances minérales (phosphates, silice, etc ), sont au moins deux
3* série Zooi. T V (Avril 1846 ) 4 IG
2/|2 PAÏEN. — RAPPORT SUR LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT,
fois plus considérables que celles observées dans les épidermes des plantes : par-
faitement épurées , ces enveloppes ne renferment plus d'azote.
Enfin, notre analyse élémentaire s'est rapprochée plus encore de la composi-
tion théorique de la cellulose que l’analyse de MM. Lœwig et Kœlliker.
La cellulose , depuis qu'on a démontré sa présence dans les diverses espèces
végétales dont elle relie et consolide toute la structure , a fourni l'un des princi-
paux caractères distinctifs de ce règne : si l'on admet, cependant, qu'aucune
règle de ce genre n'est absolue dans la nature, que toute distinction s'efface au-
près des limites de nos classifications , on pourra conserver cette distinction elle-
même en présence d'une exception semblable.
Effectivement , les faits introduits dans la science sous le patronage de l'Aca-
rlémie ont fait disparaître une ligne de démarcation autrefois admise entre la
composition élémentaire des végétaux et celle des animaux ; d’un autre côté, on
a rendu plus précises les distinctions entre les deux règnes en indiquant certaines
relations entre la composition des substances organiques et le rôle qu elles parais-
sent accomplir.
La découverte soumise au jugement de l'Académie et vérifiée par ses commis-
saires offre, avec les faits précédents, des analogies remarquables.
Ainsi, dans les plantes, les cellules les plus jeunes soit à l’extrémité des spon-
gioles radicellaires , soit au centre des bourgeons aériens, ces cellules, douées
d une grande énergie vitale , présentent à l'analyse . comme à l'observation sous
le microscope , une enveloppe très mince de cellulose renfermant en abondance ,
dans sa cavité, des corps qui ressemblent, par leur composition élémentaire,
aux animaux eux-mêmes; et ce sont précisément ces corps, inaperçus autrefois ,
que l'on est porté à considérer aujourd'hui comme doués des principales fondions
accomplies par les êtres vivants.
Ne semble-t-il pas que la science vienne de trouver maintenant une confirma-
tion des vues nouvelles , en rencontrant dans la série des êtres toute une classe
d'animaux qui seraient comparables à dejeunes cellules végétales par l'enveloppe
de cellulose qui les entoure ?
Après un examen aussi approfondi qu'il lui était possible de le faire, votre
commission est, à l'unanimité, d avis que l’existence de la cellulose chez les
Tumciersa été mise hors de doute par MM. Lœwig et Kœlliker. C'est un fait capi-
tal dans la science, et dont profiteront les études ultérieures relatives à la physio-
logie comparée des deux règnes.
Vos commissaires ont , en conséquence , l'honneur de vous proposer d'accorder
à la communication de MM Lœwig et. Kœlliker une place dans le Recueil ries
Suçants étrangers .
RECHERCHES SCR CES POI.VPES!
m
Par M. DANA (IJ.
Dans un ouvrage intitulé Structure et classification des Zoophxj-
tes, M. Dana a présenté une histoire générale de la classe des
Polypes proprement dits et une distribution nouvelle de ces ani-
maux. L’auteur, déjà connu par des Mémoires intéressants sur
les Caliges , les Apus, etc., a été attaché comme naturaliste à
l’expédition scientifique faite par la marine nationale des États-
Unis pendant les années 1838 à 1842, dans les régions polaires
australes , et il paraît avoir rassemblé ainsi d’immenses matériaux
dont la publication ne tardera pas à avoir lieu. Le volume qui
vient de paraître est destiné à servir d’introduction au travail des-
criptif que M. Dana se propose de donner prochainement sur les
Polypes; l’auteur y traite de la structure de ces animaux, en
général, mais il s’étend principalement sur les Actinoïdiens, dont
il a eu l’occasion d’étudier un grand nombre d’espèces nouvelles.
Enfin il propose pour ces Radiaires une classification particulière
qui , à plusieurs égards , nous semble préférable à celles précé-
demment proposées. Ce travail étant fort peu connu en Europe ,
nous croyons utile d’en extraire, pour les lecteurs des Annales, le
tableau dans lequel M. Dana expose sa méthode.
COXSPECTLS DISTRIBETIOMS 7.00PIIÏT0RHW (2)
ZOOPHTTA.
Animaux radiata sæpius basi afiixa, superné tentaculis co-
ronata cum ore centrali edentato , et intus , tubo cibario uniforo:
androgyna; ovipara et gemmipara: nervis inconspicuis (?) : cir-
culatione excorde laxissima : sensùs organis specialibus nullis.
(1) Structure and classification of Zoophytes, byJ.-D. Dana. Philadelphia, I 846
in-4.
(2) Nous ferons remarquer ici que M. Dana ne donne pas au mot Zoophyte
son acception ordinaire, et ne l'applique qu’aux Polypes proprement dits
DAVt.
CLASSIFICATION L'ES POLYPES.
2/|/|
Ordo I. — ACTINOIDEA.
Yentriculo stomachum includente lamellis radiatis generativis
septato ; ovulis ore ejectis.
Subordo I. — ACTINARIA.
Tentacuüs 6, 12, aut pluribus, sæpissimè non papillosis et
apice perforatis : sæpe coralligena; corallis calcareis (rarissime
corneis) cellis radiatis.
■Tribus i. — ASTRÆACEA.
Multitentaculata, tentacuüs subseriatis aut sparsis; sæpe gem-
mipara, gemmatione superiore, polypis supernè lateraliter pro-
iatantibus: sæpe coralligena, corallis calcareis, cellis multira-
diatis, lamellis ultra cellas productis, itaque superficie corallorum
aggregatorum lamello-striatâ.
Familia 1 . — Actinidæ.
Animalia non coralligena, sæpius aflixa.
Généra : Actinia, Anlhea, Adamsia , Edwardsia, Ilyantlius , C.apnea ,
Artinecta, Epicystis, Actinodendrum , I.ucernaria , Metridium, Actine-
ria, Ileterodaclyla , Epicladia.
Familia 2. — Astr.eidæ.
Calcareo- coralligena ; tentacuüs margine disci dispositis, discis inter-
dum seriatim tantunnnodo confluentibus : corallorum cellis excavatis ,
stellis circumscriptis , interdum lobalis aut lineatis; lamellis corallorum
aggregatorum in niedio septo sæpius interruptis.
Généra : Euphyllia , Ctenophyllia , Mussa , Manicina , Caulastræa , Tri-
dacophyllia, Astræa, Meandrina, Monticularia, Phyllastræa, Merulina ,
F.chinopora.
Familia 3. — Fusgide.
Coralligena-, discis non circumscriptis, tentacuüs sparsis, brevibus et
sæpe obsoletis : simpücissima et aggregalo-geinmata ; aggregatis, discis,
undique confluentibus, interstitiis nullis : corallis superficie lamello-striatis
et sæpius stellatis , cellis veris nullis; lamellis, aggregatis, ex uno ad
alium centrum productis.
Généra: Fungia, Cyclolites, Herpetoülbus , Halomitra, Polyphylüa ,
Zoopilus, Pavonia, Agaricia, Psammocora.
utvt.
CLASSIFICATION UES POLYPES.
245
Tribus II. — CARYOPHYLLACEA.
Multitentaculata; sæpissimè gemmipara, gemmatione infe-
riore, gemmis lateralibus, raro (sicut in quibusdam Cyathophyl-
lidis ) sursum crescentibus , polypis supernè non prolatantibus :
sæpa coralligena , corallis calcareis, cellis rnultiradiatis, super-
ficie interstitiali non lamello-striatâ.
Familia 1 . — Cïathopbvllidæ.
Coralligena ; polyporum singulorum corallo interné ad medium sæpius
transversè obliquève septato et celluloso.
Généra : Cyathophyllum , Calophyllum, Amplexus, Caninia, Araclmo-
phyllum, Acervularia, Cystiophyllum, Clisiophyllum, Michelinia, Colum-
naria, Sarcinula.
Familia 2. — Carvopbyllidæ.
Coralligena ; tentaculis confertis , elongatis ; oribus longé exsertis :
corallo interné non transversè septato , cellis rnultiradiatis ( radiis duo-
decim superantibus), caliculis margine tenuibus ; interstitiis nunquam
laïuello-striatis. (Lamellis fere integris.)
Généra : Ecmesus , Cyathina , Stephanophyllia , Turbinalia , Desmo-
phyllum, Culicia, Caryophyllia, Uendrophyllia, Oculina, Anlhophvllum ,
Stylina , Aslroitis.
Familia 3. — Gemmiporid.e.
Coralligena; tentaculis brevibus, marginalibus, 2-3 seriatis, disco lato ,
paulo convexo; corallis porosis, caliculis margine crassis , lamellis fere
æqualibus, non exsertis.
Généra: Gemmipora, Astræopora (?)
Familia 4. — Zoantbide.
Non coralligena, extussubcoriacea; tentaculis brevibus, marginalibus,
2-3 seriatis, disco sæpe convexo, margine radiatè striato et interdum
valde reflexo.
Généra : Isaura, Zoanlha, Polythoa.
Tribus ni. — JlADREPORACEA.
Tentaculis uniseriatis , duodecini ( raro pluribus) , interdum
obsoletis; gemmipara, gemmatione laterali : coralligena, corallis
calcareis, cellis parvulis, radiis 6-12 aut obsoletis; superficie
interstitiali non lamello-striatà.
UAM.
CLASSIFICATION DES POLYPES.
2/iG
Familia 1 . — Madbeporidæ.
Polypis 12-tentaculatis, basi medio non coralligenis; itaque cellis pro-
fundissimis , ad medium corallum usque productis.
Généra : Madrepora , Manopora.
Familia 2. — Favositidæ
Polypis 12-tentaculatis , basi seriatirn coralligenis, itaque cellis fundo
calcareis, et medio corallo transversè septatis , raro solidis.
Généra : Alveopora ( Alveoporinœ ) ; Sideropora, Seriatopora , Pocillo-
pora , Stenopora, Coustellaria, Favosites, Catenipora ( Favositinœ ) ; He-
opora, Heliolites, Millepora ( Helioporinœ ).
Familia 3. — Poritidæ.
Polypis tentaculis interdum duodecim superantibus, totà basi omnino
porosè coralligenis; corallis undique æqualiter porosis, cellis paulo pro-
fundis aut superficialibus et medio corallo vi.\ dispiciendis , radiis fere
obsoletis.
Généra : Porites , Goniopora.
Tribus IV. — AnTIPATHACEA.
Animalia 6-tentaculata , secretiones corneas basi elaborantia.
Familia 1 . — Antipathidæ.
Animalia caruosa , axein corneum spinulosum tegentia.
SunoRDO II. — ALCYONARIA.
Animalia 8-tentaculata , tentaculis papillosis, papillis apice
perforatis : sæpa coralligena , corallis calcareis aut corneis , raro
siliceis , cellis nunquam radiatis.
Familia 1 . — Pennatulidæ.
Nunquam aCBxa, aut libéra, aut basi defossa.
Généra : Renilla, Pennatula, Veretillum, Funiculina, Virgularia (Peu-
natulinee) ; Pavonaria, Umbellularia ( Pavomrinœ ).
Famtlia 2. — Alctonidæ.
Carnosa, penitus sæpe calcareo-spiculigera.
Généra : Rhizoxenia , Anthelia, Xenia ( Xeninæ ) ; Ammothea , Sympo-
dium, Nephthya, Alcvonium (A/ei/oninte) ; Spoggodia (Spoggorlinœ) .
I)IM.
CLASSIFICATION DLS POLTPIiS.
247
Familia 3. — Cornularidæ.
Corallis tubulatis, corneis.
Genus : Cornularia.
Familia 4. — Tcbipuridæ
Corallis tubulatis, calcareis.
Généra: Aulopora, Telesto, Tubipora, Syringopora.
Familia 5. — Gorgonidæ
Secretiones epidermicas basi elaborantia , et sæpissimè alias quoque
calcareas internas.
Généra : Corallium ( Coralliinœ ) ; Hyalonema , Briareum , Gorgonia ,
Prinmoa, Bebryce (Gorgoninœ) ; Isis , Mopsea, Melitæa ( Isinæ )
Ordo II. — HYDROIDEA.
Ventriculo tubuliformi, simplicissimo ; ovulis e lateribus ex-
ternè enascentibus.
Familia 1. — Hvdrid.e.
Ovulis singulis ; gemmis lateralibus, et pullis niaturis deciduis : corallis
nullis.
Genus : Hydra.
Familia 2. — Sertdlarid.s.
Ovulis in vesiculo inclusis, gemmis lateralibus persistenlibus ; corallis
corneis, caliculis sessilibus.
Généra : Antennularia, Plumularia , Sertularia , Thuiaria , Thoa , Pa-
sytbea.
Familia 3. — Campasülaridæ.
Ovulis in vesiculo inclusis, gemmis lateralibus persistenlibus; corallis
corneis, caliculis pedicellatis.
Généra : Laomedea, Campanularia.
Familia 4. — Tcbclaridæ
Gemmulisnudis caduceis, juxta tentaculos enascentibus; auitnalia sæpe
coralligena, corallis corneis, tubulatis.
Généra : Pennaria, Tubularia, Syncoryna, Corydendrium, Eudendrium,
Coryna, Hydractinia.
OBSERVATIONS
SLR DIVERSES ESPÈCES DE MAMMIFÈRES FOSSILES DU MIDI DE LA FRANCE;
Par M PAUL G ER VAIS
§ I.
Remarques sur la classification des Mammifères vivants et fossiles,
L’étude des Mammifères fossiles paraît appelée à fournir des
données précieuses à la classification, et déjà les magnifiques tra-
vaux de G. Cuvier, de M. de Blainville et de M. Piichard Owen
sur les espèces éteintes de cette classe d’animaux ont eu la plus
heureuse influence en appelant l’attention des zoologistes sur des
particularités qu’on avait jusqu’ alors ignorées ou négligées. 11 sem-
ble évident que , dans l’état actuel de la science , la classification
doit se servir non seulement des caractères qu’on observe sur les
espèces vivantes, mais qu’elle doitrecourirencore aux particularités
que présentent les espèces perdues. Elle doit aussi s’inspirer des
faits les plus importants de la distribution géographique et paléon-
tologique de ces animaux.
Puisque les Mammifères présentent à l’observation des faits
analogues à ceux qu’on a remarqués récemment dans les diffé-
rentes classes des Reptiles, des Poissons, des Céphalopodes
et des Échinodermes, il est indispensable de fonder la clas-
sification du groupe entier sur la connaissance de toutes ses frac-
tions. Les lois de l'apparition des Mammifères aux divers âges
de la création , les particularités qu’ils ont présentées suivant les
différentes époques pendant lesquelles ils ont vécu , doivent donc
éclairer la méthode aussi bien que les caractères des espèces
actuelles envisagées à l’état adulte ou dans la série de leurs
développements.
Tous les naturalistes ont remarqué que, plus nous nous rappro-
chons de la méthode naturelle , plus nous voyons concourir à sa
démonstration les particularités fournies par l’étude dudévelop-
P. «SERVAIS. — CLASSIFICATION DES MAMMIFÈRES. 2/|9
peinent, par l’organisation envisagée à l’àge adulte , par le mode
d’existence et même par la répartition géographique et paléonto-
logique des espèces. Il semble alors que nous soyons sur la trace
du principe commun de toutes ces particularités. Les beaux tra-
vaux de M. Agassiz et de quelques autres zoologistes ne laissent
plus de doute à cet égard. La voie nouvelle qu’ils ont ouverte
a rendu de trop grands services à la zoologie pour qu’on ne la
suive pas toutes les fois qu’on le peut.
Le besoin le plus pressant de la mammalogie actuelle, le désir
le plus vif des mammalogistes, ce n’est plus la distinction des dif-
férents ordres de la classe des Mammifères, car les travaux des
naturalistes modernes en ont parfaitement établi la caractéris-
tique; c’est la répartition de ces ordres eux-mêmes dans les diffé-
rentes séries principales que l’on entrevoit déjà parmi les Mammi-
fères, et dont chacune comprend des familles supérieures en orga-
nisation , qui en sont pour ainsi dire les Primatès , des familles
d’une élévation moyenne et d’autres qui sont inférieures même à
celles-ci ou qui sont des termes pour ainsi dire dégradés , qu’on
les compare aux premières espèces de la série dont ils font partie
ou à celles qui commencent la série suivante.
La classification des Mammifères en séries multiples, mais su-
bordonnées les unes aux autres comme le sont les ordres ou les
familles naturelles comprises dans chacune d’elles , n’est point un
fait particulier à cette classe d’animaux. C’est l’application d’un
principe que l’on peut considérer comme général en zoologie , et
dont l’emploi doit conduire aux meilleurs résultats pour la connais-
sance de tous les groupes du règne animal. Ajoutons que beau-
coup de zoologistes en reconnaissent aujourd’hui la valeur et que
la science lui doit déjà de précieuses découvertes.
Les zoologistes les plus célèbres se sont occupés de la classifi-
cation méthodique des Mammifères, et bien que les résultats aux-
quels ils sont arrivés diffèrent sous quelques rapports , on peut
aisément reconnaître que leurs travaux ont successivement per-
fectionné cette branche importante de la zoologie. Ce n’est donc
pas sans une grande réserve que nous nous permettrons de pro-
poser quelques modifications aux classificationsqu’ils ont adoptées.
P. SERVAIS. — CLASSIFICATION DES MAMMIFÈRES.
Il nous semble que dans l’état actuel de nos connaissances en
mannnalogie on peut admettre quatre séries primordiales ou sous-
classes de Mammifères dans chacune desquelles les familles prin-
cipales ou les ordres doivent être disposés sur deux lignes distinctes
suivant que leurs espèces sont organisées pour vivre à terre ou
dans les eaux de la mer. Nous nommerons 6’éo//iénen.v les Mammi-
fères de la terre ou des eaux douces et T halassothériens ceux des
eaux salées, qui sont les Lamantins, les Phoques et les Cétacés (1).
Les quatre sous-classes sont celles des Primates, des Ongulés,
des Carnassiers , tels que les comprenait G. Cuvier dans la pre-
mière édition du Règne animal, et des Homodontes, qui répondent
à peu près aux mal-dentés de M. de Blainville,
Chaque sous-classe peut comprendre des Géothériens et des
Thalassothériens. Cependant les Primatès n’ont point encore
fourni d’animaux qui appartiennent à cette dernière catégorie ,
car on ne peut encore admettre l’opinion récemment émise que les
Phoques sont des Quadrumanes aquatiques.
Il est digne de remarque qu’en tête de chaque sous-classe nous
avons des animaux terrestres que l’on a souvent rapprochés ou
comparés entre eux , à cause de la supériorité évidente de leur
organisme , principalement sous le rapport du cerveau et de l’in -
telligence (Quadrumanes, Phoques, Éléphant, Cétacés) , tandis
que les familles qui terminent ces sous-classes (Chéiroptères,
Insectivores, Rongeurs, Marsupiaux, Édentés et Monotrèmes)
ont été relégués par beaucoup d’auteurs à la fin de toute la classe
sous les noms d ' Ineducabilia , Diclelphida et Monotremata. Et ce-
pendant les affinités des Chéiroptères, des Insectivores et même
des Rongeurs avec les Primatès ne sont pas contestables ; celles
des Didelphes avec les Carnivores paraissent également indubi-
(I) L tnia boliviensis, qui est un Dauphin d'eau douce découvert dans l'Amé-
rique méridionale par M. Alcide d'Orbigny, et l’Enhtjdra marina, qui est une
Loutre essentiellement marine de la côte nord-ouest d'Amérique, sont les prin-
cipales exceptions que l'on puisse signaler à celte grande règle de la répartition
géographique des Mammifères. Nous croyons néanmoins que les dénominations
de Géothériens et Thalassothériens peuvent être employées utilement en géogra-
phie zoologique et en paléontologie comme aussi en zoologie méthodique.
P. SERVAIS. — CLASSIFICATION DES MAMMIFÈRES. 251
tables, et il semble qu’il en soit de même des Monotrèmes par
rapport aux Édentés.
Voici le tableau de cette classification :
1° Primata.
2° Fera.
U AMM ALI A. . . .
3° Unguia la .
4° Homodonta.
a) Geotheria.
^)Thalassotheria.
Quadrumana. ,
^ Chiroptera . . .
) Insectivora . . .
\ Rodentia. . . .
) Carnivora . . .
1 Marsupialia . .
. Phocœa .
/ Proboscidia. . .
. Sirenia
) Pachydermata .
i Pecora
(
. Cetacea.
1 Tardigrada . .
I Brûla
1 Monolremata. .
au total, quinze ordres , sans comprendre l’Homme. Voici les
noms vulgaires de chacun d’eux ;
1. Primâtes : Quadrumanes, Chéiroptères, Insectivores,
Rongeurs (1) ;
2. Carnassiers (2) : Phoques ou Amphibies, Carnivores,
Marsupiaux ou Didelphes.
3. Ongulés: Prohoscidiens , Siréniens, Pachydermes, Ru-
minants;
l\. Homodontes: Cétacés, Tardigrades, Édentés, Monotrèmes.
Cette classification des Mammifères, d’après le principe de la
dégradation multisériale des animaux et la considération de leur
séjour, s’éloigne h quelques égards de celles qu’on a établies d’après
le cerveau, les organes générateurs, le placenta et les membres
(1) M. Milne Edwards, daDS son Mémoire sur la classification des animaux
(Ann. Sc. nul., 3' série), a mis hors de doute les rapports des Rongeurs avec les
premiers Mammifères.
(2) Une autre dénomination serait préférable, car beaucoup de Didelphes ne pcu-
><>ni être appelés des animaux carnassiers
252 P. GERVA1S. — CLASSIFICATION DES MAMMIFÈRES,
envisagés séparément; mais elle tient compte des caractères four-
nis par ces différents systèmesd’organes dans la subordination des
familles de chaque sous-classe. Seulement elle leur refuse la qua-
lité de caractères dominateurs qu’on leur a successivement attri-
buée et retirée. La classification d’après le système dentaire s’en
éloignerait moins si les auteurs qui l’ont préférée, F. Cuvier entre
autres, avaient suivi plus rigoureusement les indications fournies
par les organes dont ils se sont servis. Je ne puis que répéter ici
ce que j’ai écrit ailleurs: « 11 y a dans toutes les variations du
système dentaire, danscette foule de dispositions au premierabord
si disparates , un ordre réel dont les zoologistes commencent à se
rendre compte, et dont on entrevoit le plus souvent la raison dans
quelque particularité des mœurs des animaux ou dans le rang
qu’ils occupent dans la série des êtres créés. »
Les Mammifères Thalassothériens (1) sont peu nombreux si on
les compare à ceux qui sont organisés pour vivre à terre ou dans
les eaux douces; mais tout le monde sait que nos connaissances
à leur égard sont bien moins avancées que celles relatives aux
espèces terrestres. Les animaux marins de l’époque actuelle sont
d’une observation dillicile, et la science ne possède encore qu’un
petit nombre de documents certains sur ceux des mers australes.
Les Mammifères des mers tertiaires ne sont encore décrits que
fort incomplètement, et on ne connaît point encore ceux qui ont
vécu au commencement de cette époque. Qui donc oserait
dire que l’on n’en recueillera pas, même en Europe, qui nous ont
échappé jusqu’ici? Comment croire que les dépôts également
marins qui composent une partie du sol des autres continents ne
fourniront pas des formes encore inconnues? Le Zeuglodon ou
Basilosaure découvert dans l’Amérique septentrionale est bien une
preuve du contraire, et il semble nous offrir un terme encore mal
connu , mais fort curieux, de la chaîne aujourd’hui interrompue
(l) MM. Duvernoy et de Selys-Longehamps font aussi des Mammifères marins
un groupe à part. Le premier les intercale entre les Édentés et les Marsupiaux
(Mém. Soc. d'hist. nul. de Strasbourg ); le second les relègue à la lin de toute la
classe, ce qui se rapproche davantage de notre manière de voir mais néanmoins
en accordant plus à la nature aquatique que nous ne le faisons
P. SERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSII.ES DE MIDI. '2.V)
des Mammifères marins, chaîne qui doit avoir été considérable
si l’on en juge par l’importance que les mers ont eue aux diverses
époques de la création animale.
En terminant cette introduction déjà bien longue, pour arriver
à la description de quelques Mammifères fossiles du midi de la
France, je ferai la remarque suivante :
Dans les savantes dissertations qui ont été imprimées au sujet
des animaux de Stonesfield , supposés Didelphes, on ne s’est pas
assez préoccupé, ce me semble, d’une opinion de M. de Blainville
sur les affinités zoologiques de ces curieux fossiles de l’époque
oolitique. « Si l’on croyait, dit M. de Blainville, devoir les consi-
dérer comme de la classe des Mammifères, leur système dentaire
molaire les rapprocherait des Phoques plus que d’aucun autre
groupe. » En effet, si l’on étudie ces fossiles d’après les belles
figures qu’en a publiées M. Richard Owen , on est frappé de
l’analogie de leurs dents molaires , toutes de l’ordre des avant-
molaires, à double racine et à couronne denticulée avec celles
des Phoques. La mandibule elle-même a dans son apophyse coro-
noïde une certaine ressemblance avec celle de ces animaux. Les
Amphithérium , c’est-à-dire les Mammifères de l’oolite que (1.
Cuvier a le premier considérés comme des Didelphes, formeraient -
ils donc un groupe nouveau qui serait inférieur aux Phoques,
comme les Didelphes le sont eux- mêmes aux Carnivores? C’est
un rapprochement que je livre à la critique des naturalistes qui
possèdent les mâchoires de Stonesfield , ou qui pourront étudier
de nouveaux ossements appartenant à ces curieux animaux.
§ II.
Kpoques auxquelles appartiennent les Mammifères fossiles dans le midi
de la France.
La détermination de l’âge des terrains marins repose essen-
tiellement sur la connaissance des coquilles fossiles. Les ossements
des Mammifères, dont les débris sont mêlés à ceux des Mollusques
marins, lui fournissent aussi de bons documents ; mais c’est surtout
pour la connaissance des dépôts lacustres qu’il importe de recou-
^5/t V. SERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES DU MIDI,
rir à l’étude des Mammifères fossiles. Les Mammifères marins ou
Thalassothériens caractérisent donc les terrains qui se sont formés
sous la seule influence des eaux de la mer ; les restes des Géo-
thériens se rencontrent seuls dans les dépôts qui se sont faits plus
ou moins loin des mers, sous les eaux douces; et, dans d’autres
cas, le mélange des Géothériens avec les Thalassothériens dé-
montre que les cours d’eau tluviatiles amenaient du sol exondé les
restes des animaux terrestres pour les ensevelir pêle-mêle sous les
eaux de la mer, avec les cadavres des espèces marines, dans des
lieux plus ou moins circonscrits.
Ces trois conditions, qui se rencontrent également aujourd’hui
sur divers points du globe, ont aussi existé à des époques anté-
rieures dans le midi de la France. Certaines couches ne contien-
nent que des débris marins, certaines autres n’ont que des débris
terrestres , et il en est dont les fossiles sont un mélange d’ani-
maux marins avec des espèces terrestres ou tluviatiles.
A cette dernière sorte de dépôts appartiennent les sables de
Montpellier, dont les Mammifères, déjàétudiés par MM. Marcel de
Serres et de Christol, l’ont été de nouveau tout récemment par
nous et le premier de ces naturalistes. Nous donnerons plus bas
la notice que nous avons publiée sur ce sujet.
Dans le calcaire-moellon de Saint-Jean de Védas , tout près de
Montpellier, on n’a encore trouvé que des animaux marins. Nous
décrirons une dent que nous avons obtenue de cette localité , et
que nous rapportons au Squalodon de M. Grateloup, singulier
genre de Dauphins fossiles qu’on n’avait point encore observé
en Languedoc. A Vendargues, autre localité du département
de l’Hérault, les sédiments aussi ont enfoui des débris de
Mammifères marins. La Faculté des Sciences possède une belle
coupe de la tête d’un Dauphin enveloppée dans ce calcaire. Cette
tête indique une espèce voisine du Delphinus delphis , mais néan-
moins différente. Auprès de Pézénas on trouve des argiles dans
lesquelles il y a aussi des débris de Dauphins. Nous en avons
quelques vertèbres à la Faculté des Sciences de Montpellier pro-
venant de la collection de feu M. Reboul. Enfin nous devons citer
un atlas et une vertèbre caudale d’un Cétacé assez grand , que
P. GEKVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES 1)1 MIDI. 255
possède M. Eugène Raspail, à Avignon, et qu’il a recueillis dans
un terrain bien plus récent du département de Vaucluse.
A Issel (département de l'Aude), dans la molasse d’Auchc,
de Sansans, de Semorre, etc. (département du Gers), dans les
dépôts d’Apt, de Cucuron, etc. (département de Vaucluse) ,
dans les cavernes du Gard et de l’Hérault, les Mammifères sont
tous des Mammifères Géothériens.
Nous avons donc dans le midi de la France comme dans l’ouest
et ailleurs des formations mastozoïques de trois sortes : marines ,
terrestres et mixtes. Les époques auxquelles ces formations appar-
tiennent sont aussi fort différentes :
Le dépôt d’Issel est principalement caractérisé par la présence
de Lophiodons et paraît du même âge que ceux d’Argenton (dé-
partement de l’Indre) et de Buschweiller (département du Rhin).
G’est un des plus anciens dépôts d’ossements de Mammifères.
Les fossiles trouvés à Gargas, près d’Apt ( Vaucluse), dont
nous décrirons une nouvelle espèce appartenant au genre Pte-
rodon , sont d’une époque analogue à celles des Gypses de Paris.
11 y a d’ailleurs dans le même département quelques formations
gypseuses, et M. Rénaux, architecte de la ville d’Avignon, y a
recueilli des débris de Palæothérium. Le dépôt terrestre d’Apt se
rattache aussi par ses fossiles à ceux de la Grave, près Bordeaux,
et de l’île de Wight.
Les terrains tertiaires moyens sont représentés en grand dans le
départementdu Gerset dans quelques localités voisines. Les nom-
breux ossements découverts par M. Lartet, dans ces localités,
ont rendu célèbres les gisements qu’a si bien explorés cet habile
naturaliste.
Cucuron, qui nous a fourni une espèce d’Hyène encore inconnue
jusqu’ici, et qui est la localité principale des Hipparions, paraît
appartenir à l’époque tertiaire supérieure , c’est-à-dire au Plio-
cène, ainsi que les sables de Montpellier, mais on n’y a encore
découvert que des espèces terrestres, tandis qu’à Montpellier ce
sont des animaux marins mêlés à des genres terrestres. Les plus
importants parmi ces derniers sont sans contredit un Rhinocéros
et un Mastodonte différents de ceux du Gers.
•25(5 P. «EKVAIS. — M fVMMIPÈUKS FOSSII.ES DU MIDI.
Au-dessus encore , dans les environs de Montpellier, viennent
les terres qui renferment des restes d’IIippopotames; mais c'est
surtout auprès de Pézénas qu’on observe les plus riches en fossiles,
et M. de Christol leur a consacré un de ses mémoires. Les fossiles
de Pézénas se rapprochent davantage de ceux des cavernes. On
y trouve l’Éléphant, l’Hippopotame, divers Ruminants, parmi
lesquels nous signalerons l’Élan , mais on n’y a pas encore con-
staté d’une manière positive VHyœna spelœa ni le Rhinocéros ti-
chorinus, qui sont deux des Mammifères caractéristiques du dilu-
vium et de la plupart des cavernes. Ces deux espèces , au con-
traire , ont laissé des débris dans les cavernes du midi comme dans
celles du nord , et tout récemment nous avons vu chez M. Émilien
Dumas, à Sommières, des restes de l’une et de l’autre recueillis
par lui dans la caverne de Pondres (Gard).
Toutefois les cavernes du Languedoc devront donner lieu à une
distinction fort importante et qu’on n’avait point encore faite.
La plupart , en se remplissant, ont enfoui des animaux de même
espèce que ceux des cavernes de kirkdale, de Liège, de Gay-
lenreuth (en Angleterre, en Belgique et en Allemagne) , et des
dépôts diluviens d’Abbeville , de Paris , etc., ainsi que des prin-
cipales cavernes de France, celles d’Échenoz et de I’ouvent (dé-
partement de la Ilaute-Saône), de Brengus ( département du
Lot) , etc. ; mais celles de Lunel-Viel ne sont pas complètement
dans le même cas. Contrairement à ce qu’on a reconnu pour la
caverne de Torquay, dans le Kent (Angleterre), qui est d’un âge
antérieur au dépôt diluvien , celles de Lunel-Viel renferment au
contraire des animaux ayant une analogie remarquable avec ceux
qui vivent encore en Afrique , en Barbarie et même en Europe.
Ce qu’il y a de plus remarquable à Lunel-Viel, ce sont une Hyène,
(Uyœna prisca) , une Genette , un Lion et un Rhinocéros, qu’il
nous paraît bien difficile de distinguer spécifiquement de l’Hyène
rayée, de la Genette (europæo-barbaresque), du Lion et du Rhi-
nocéros africanus. Lunel-Viel paraît manquer du Felisspelœa, du
Rhinocéros lichorhinus et de quelques autres fossiles des dépôts
diluviens. Malheureusement parmi les débris d’Éléphanl en très
petit nombre qu’on y a rencontrés, on n’a signalé aucun morceau
P. IlERUIOi. — MAMMIFÈRES FOSSILES DE VAUCLUSE. 25"
de dent qui puisse décider de l’espèce (africaine ou plus semblable
à. celle d’Asie) K laquelle appartenait l’Éléphant enseveli dans
ces cavernes.
Ces dépôts d’âges fort divers ne sont pas les seuls que nous
pourrions signaler, mais nous manquons encore de documents re-
lativement à ceux dont il nous resterait à parler. On peut voir
néanmoins qu’ils appartiennent aux différentes époques éocène ,
miocène et pliocène que l’on a distinguées dans la période tertiaire,
et que les terrains diluviens et l’époque actuelle que l’on sépare
souvent des formations tertiaires, quoiqu’ils n’en diffèrent pas plus
que ceux-ci ne diffèrent entre eux, y sont aussi représentés par les
fossiles caractéristiques du diluvium du nord et du centre de,
l’Europe, et de plus par des animaux que leur analogie avec ceux
de l’Afrique rend extrêmement curieux.
Rappelons aussi que plusieurs brèches osseuses ont été observées
sur la côte du Languedoc et particulièrement à Cette.
§ Ht.
Sur une nouvelle espère de Ptérodon du terrain tertiaire inferieur.
Pendant le courant de l’année dernière, VI. Marcel de Serres
m’avait communiqué un morceau fossile de mâchoire supérieure
encore pourvu de deux molaires , qui fait partie de son intéres-
sante collection. Ce morceau, qu’il jugeait être de Palæothérium,
et qui appartient en effet à ce genre , avait attiré mon attention,
parce qu’il était pour moi un premier indice de l’existence, dans
le midi de la France , de terrains tertiaires de lage des plâtres
de Paris.
Ce curieux fossile avait été recueilli dans le département de
Vaucluse; je l’emportai à Paris pour en déterminer l’espèce d’une
manière précise; et comme M. de Blainville s’occupait alors de la
révision des Palæothérium , d’après les pièces mêmes observées
par G. Cuvier, et d’après celles qu’il a lui -même réunies, je le
lui laissai en communication avec d’autres ossements du Midi.
.l’ai su à mon retour de Paris , en passant à Lyon , que beau-
coup d’autres débris du genre Palæothérium avaient été rencon-
3' série . Zool T V. (Mai 1 846 ), 4 7
‘258 P. GERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES DE VAUCLUSE,
très dans une localité du département de Vaucluse voisine d’Apt.
à Gargas , et qu’avec eux on trouvait d’autres Mammifères dont
les genres sont également analogues aux genres des Mammi-
fères enfouis dans les plâtrièresde Paris. M. Jourdan, professeur
à la Faculté des Sciences de Lyon, et directeur du Musée d’his-
toire naturelle de cette ville , au palais Saint-Pierre , me fit voir
une belle collection de ces fossiles d’Apt qu’il avait réunie , et il
me fit remarquer parmi eux plusieurs espèces de Palæothé-
rium , divers Anoplothérium , d’autres Mammifères , qui parais-
sent être un Cochon et un Chæropotame, et des Reptiles chélo-
niens et crocodiliens. M. Jourdan avait considéré ces fossiles
comme de l’époque éocène , ce qui concorde parfaitement avec
notre manière de voir Depuis lors , nous avons pu voir au musée
d’ Avign on une suite également fort intéressai! te des fossiles du dépôt
éocène d’Apt recueillie par M. Requien , et parmi eux une espèce
qui manque à la collection formée par M. Jourdan. Comme ce
dernier naturaliste doit publier très prochainement le résultat de
ses recherches, nous nous abstiendrons de parler des fossiles du
musée d’Avignon qui sont analogues aux siens et même de ceux
que nous possédons actuellement à Montpellier, mais nous don-
nerons quelques détails sur l’espèce que M. Requien possède seul
jusqu’à présent. Celle-ci est un Carnassier que nous croyons du
même genre que le Pleroclon parisiemè. Mammifère fort sin-
gulier qui avait été indiqué d’abord par Cuvier comme une
espèce de Dasyure. Ce genre Ptérodon est aussi un fossile des
plâtres de Montmartre , et sa découverte à Apt vient confirmer
notre opinion et celle de M. Jourdan sur l’âge du dépôt dont il
provient.
Ce point n’est pas le seul dans le Midi où l’on trouve des fos-
siles de la même époque. Le terrain d' Apt paraît être une sorte de
lignite : un dépôt semblable existe à Digne ( Gard ) , et renferme
aussi des débris de Palæotbérium ; nous en avons vu quelques os
dans l’intéressante collection de M. Émilien Dumas, à Sommières ;
et d’après ce que nous a dit ce savant géologue , M. d’Hombres
Firmas a recueilli des débris analogues auprès d’Alais.
Ajoutons que si le dépôt d’Apt paraît contemporain de celui
P. CRR VAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES D2 VAUCLUSE. 250
desgypses de Paris, ses espèces et telles de cette localité ne sont
pas toutes identiques, mais plutôt congénères. Elles ont aussi une
grande analogie avec celles du terrain éocène de Bordeaux douta
parlé G. Cuvier, et avec celles de l’ile de Wight, que M. Owen
vient de décrire dans son ouvrage sur les Mammifères et les
Oiseaux fossiles de l’Angleterre. Nous donnerons à l’espèce de
Pterodcm d’Apt le nom de Pterodox Reqi iem.
Deux fragments recueillis par M. Requien nous paraissent
appartenir à cette espèce. L’un est un morceau de maxillaire
supérieur qui porte encore une dent molaire à peu près entière .
et les racines de deux autres dans leurs alvéoles ; le second est
une dent carnassière d’une forme toute spéciale , et que nous
croyons être la dernière molaire supérieure droite du même
animal.
La dent implantée dans le morceau de maxillaire supérieur a
sa principale pointe cassée , et en avant et en arrière de celle-ci
une autre pointe surbaissée, l’antérieure étant la plus forte. Elle a
aussi un talon interne placé sous sa grande pointe. Elle ne ressem-
ble à aucune dent des Hyènes, desFelis ni desCanis, maison pour-
rait, jusqu’à un certain point , la comparer à la carnassière supé-
rieure des Ours et des Ratons, bien qu’il soit assez facile de l’en
distinguer par lacomparaison.il est impossible de ne pas la trouver
fort semblable à la dent moyenne de la figure du Ptérodon, publiée
par M. de Blainville dans son Osléograpltie des Subursus , pl. 1 2.
Cependant , on peut juger par les racines restées en place que les
deux dents antérieures à celle-là devaient avoir le talon interne
plus saillant que dans le Pterodon parisien se. La dent en place ou
celle décrite ci-dessus a 0,015 dans son diamètre antéro-posté-
rieur, et 0,012 de diamètre transversal au talon. Le morceau
dans lequel cette dent est implantée est un fragment de maxil-
laire supérieur gauche. La longueur de l’espace occupé par la
dent et par les deux alvéoles de la dent qui la précèdent , est de
0,030. La place occupée par la racine de la dent la plus anté-
rieure mesure 0,006 transversalement , et l’autre ou la plus forte
des deux 0,011 .
L’autre dent dont nous pouvons parler est isolée , cassée au
260 F. «ERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES l>F. VAUCLUSE.
collet, mais à couronne entière. C’est une carnassière qu'on ne
peut confondre , ainsi que nous l’avons dit , avec celle d’aucun
Carnivore.
Elle se distingue de la carnassière des Hyènes et des Felis en
ce quelle manque du talon antéro-interne qui caractérise celle-
ci , et du denticule surbaissé qu’elle porte en avant. Une pointe
tranchante , étroite , à sommet aigu , répond au denticule prin-
cipal de la carnassière supérieure des Felis et des Hyènes ; et le
denticule postérieur , ou plutôt l’aile de la carnassière des mêmes
animaux , qui n’est séparée de la pointe antérieure que par une
faible échancrure, est presque deux fois aussi longue qu’elle, cou-
pée obliquement suivant une ligne qui va de la partie posté-
rieure de son collet au sommet de la pointe antérieure. Cette dent
ne ressemble pas non plus à la carnassière des Canis ; mais elle
rappelle davantage la dent postérieure de la figure du Ptérodon ,
publiée dans l’ouvrage de M. de Blainville. Toutefois ce n’est pas
cette dent elle-même , car sa forme diffère à quelques égards, et
nous la croyons une molaire carnassière qui manquerait dans le
fragment observé par Cuvier et M. de Blainville. Ceci donnerait
aux Ptérodons plusieurs dents carnassières, comme Fr. Cuvier l’a
admis pour les genres Thylacyne et Sarcophile de la famille des
Didelphes dasyuriens , et comme on le voit à la mâchoire infé-
rieure de l’Hycenodon. Le Ptérodon d’Apt , cet éocène animal
que nous donnons cependant comme un Carnivore , et non comme
un Didelphe . jusqu’à ce qu’il soit mieux connu , aurait donc une
véritable analogie sous le rapport de son système dentaire avec
certains Didelphes carnassiers. La face antérieure de ht dent
qui nous occupe est plane et verticale.
Voici les dimensions de cette dent :
Diamètre antéro-postérieur , 0,022 : diamètre transverse en
avant . près le collet , 0,010 : hauteur verticale à la même face,
0,016 ; plus grande hauteur à la face externe , 0,018 ; hauteur à
la séparation du grand denticule antérieur et de l’aile , 0,016 ;
longueur antéro-postérieure de l’aile, 0,016; hauteur à son
extrémité postérieure , 0,003.
P. SERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSII.ES UE VAUCI.USE. 261
§ iv.
Sur une espèce non décriie d’Hyène fossile du terrain supérieur
de Cucuron.
MM. de Christol et Matheron (1) ont signalé à Cucuron, petite
localité du département de Vaucluse , un gisement remarquable
de Mammifères fossiles, dont la principale espèce est une sorte
de Cheval tridactyle ; le premier de ces naturalistes a fait de cette
espèce remarquable de la famille des Chevaux un genre particulier
sous le nom à' H ippar ion ; il donne la détermination suivante des
autres fossiles enfouis avec rilipparion : un Mouton, un Bœuf,
un Cerf de la taille de l’Élaphe et une Hyène.
En passant dernièrement à Avignon , j’ai cherché à voir des
débris de ces différents animaux , et je me suis naturellement
adressé, pour y parvenir, à41. Requien,qui est vraiment, par son
obligeance et son savoir, la providence des naturalistes et des ar-
tistes qui visitent le département de Vaucluse. M. Requien, qui a
fondé et qui dirige le musée d’Avignon , m’a communiqué les
fossiles de Cucuron qu’il avait déposés dans ce bel établissement.
J’en dois aussi quelques uns à M. Eugène Raspail, auteur d’une
monographie très bien faite des montagnes de Gigondas et de la
description du singulier Reptile des terrains néocorniens qu’il a
découvert et nommé N eustosaurns Gigondarum.
Je ne parlerai point ici des débris d’IIipparion que j’ai vus à
Avignon ou que je dois à la générosité de MM. Requien et Ras-
pail ; car M. Jourdan , professeur à Lyon , m’a aussi montré un
très beau pied du même animal, et il se propose d’en publier pro-
chainement la description.
Le Mouton signalé à Cucuron l’a été d’après des cornes qui
doivent avoir 0,10 environ de longueur, et d’après des dents et
quelques os. Nous ne saurions préciser encore ses caractères.
Le Cerf etje Bœuf nous sont encore inconnus en nature ; mais
nous avons observé le Sanglier d’après un morceau de maxillaire
supérieur portant encore la dernière molaire du côté droit. Cette
I innales des Sciences et de I Industrie du midi de Ui Fiance, l lit (1R32;
262 P. «EKt'AI». — MAMMIFÈRES FOSSILES LUS VAUCLUSE,
dent est plus grosse que sa correspondante dans les Sangliers des
sables marins de Montpellier et des cavernes de Lunel-Viel.
Voici ses dimensions : diamètre antéro-postérieur, U, 045 ; dia-
mètre transverse à la colline antérieure, 0,030 ; à laseconde col-
line, 0,025; à la dernière ou talon, 0,015.
Le morceau le plus intéressant parmi ceux que nous a prêtés
M. Requien appartient à Y Hyène, et il nous permettra de démon-
trer que l’espèce de ce genre qui est enfouie avec les Ilipparions
de Cucuron n’est ni Y Ilyœna spelcea des cavernes, ni l’Hyène si
semblable à l’Hyène rayée ( Ilyœna vulgaris) qu’on trouve dans
les cavernes de Lunel-Viel ( Hérault) et dans quelques terrains
supérieurs de l’Auvergne. C’est une espèce tout-à-fait distincte
de celles qu’on a décrites jusqu’ici, soit à l’état fossile, soit à l’état
vivant; nous la nommerons IIyæna uiimmrionum.
La pièce fossile sur laquelle nous nous fondons est un fragment
de mâchoire supérieure droite ayant encore quatre molaires. Au
premier aspect on reconnaît ce morceau pour appartenir au genre
Hyène, quoique la dernière dent, qui est d’ailleurs, comme chez
les Hyènes, une tuberculeuse transverse, soit plus forte que sa cor-
respondante dans les Hyènes rayée et brune ( Ilyœna vulgaris
et fusca ) , et beaucoup moins rentrée à la partie postéro-interne
de la carnassière que dans cette espèce et dans ses analogues
fossiles (Ilyœna prisca de Lunel-Viel et //. arvernensis de la
montagne de Perrier). La grosseur de la première des quatre
molaires restantes et sa forme montrent bien qu’elle n’était pas
l’analogue de la première fausse-molaire des Felis , et qu’il exis-
tait en avant d’elle une autre molaire comme dans les Hyènes.
La molaire carnassière a aussi la forme de celle des Hyènes, et
fait bien voir que le fragment dont nous parlons n’appartient pas
non plus à un Canis. C’était une Hyène ayant sans doute, comme
les Hyènes, cinq molaires supérieures, ou bien ayant au moins les
cinq dents de ces dernières, avec cette différence que la posté- j
rieure était sur la même ligne que les autres au 'lieu d 'être en
dedans de lagrande aile de la carnassière. Les autres dents restées
à notre morceau fossile répondent aux deuxième, troisième et qua-
trième molaires des Hyènes et sont presque entièrement sem-
P. «SERVAIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES DE l.’ilÉRAULT. 263
blables à celles de ces carnivores , mais leur talon postérieur est
plus fort et subtranchant. L’aile postérieure de la dent carnas-
sière est un peu plus grande et subbilobée : un bourrelet règne
sur la partie interne de son collet depuis le talon antéro-interne
usqu’auprès de l’extrémité postérieure de l’aile; ce bourrelet est
plus senti que dans l’Hyène rayée.
Mais ce qui distingue surtout notre nouvelle espèce fossile de
l’Hyène rayée, et à plus forte raison de l’Hyène tachetée, ainsi que
des correspondantes fossiles de l’une et de l’autre, c’est la forme
et la grandeur de la molaire tuberculeuse , qui est d’un volume
bien plus considérable que celle de l’Hyène rayée, plus grande
même que celle-ci dans la dentition de lait. Elle n’a cependant
qu’un seul lobe au lieu de deux comme dans les Canis; sa coupe
est prismatique triangulaire, avec un rudiment de bourrelet anté-
rieur et postérieur au collet de la partie interne ; la partie élevée
du lobe interne étant subtranchante, celle de l’externe au con-
traire mousse.Voici les dimensions de la carnassière et de la
tuberculeuse :
Longueur de la carnassière, 0,026; largeurau talon antérieur,
0,015.
Longueur de la tuberculeuse, 0,009 ; largeur, 0,015.
Un crâne d'Hyène rayée provenant de Barbarie nous a donné,
pour la même dent tuberculeuse les dimensions 0,006 et 0,015.
§ v.
Sur une dent de Squalodon Grateloupfi recueillie à Saint-Jean de Védas .
près Montpellier.
Le calcaire de Saint-Jean de Védas, tout près de Montpellier,
appartient aux couches nommées calcaire moellon par M. Marcel
deSerres, et l’on en tire depuis fort longtemps la plupart des pier-
res de taille employées à la construction. C’est un dépôt marin à
couches inclinées, fort riche en débris de coquilles ou de polypiers,
pt dans lequel on observe aussi un grand nombre de dents de
Squales, des dents de Daurades et d’autres débris d’animaux
'264 P. CibUVAl**. — MAMMIFÈRES FOSSILES UE l’hÉRAULT.
marins. Nous avions vu dans la collection de M. Marcel de Serres
un fragment de côte de Métaxythérium provenant d'un terrain qui
dépend de celui-ci.
Après une course que nous avions faite à Saint Jean de Yédas,
M. Paul Lichtenstein et moi , des ouvriers nous apportèrent avec
des dents de Squales d’espèces diverses une dent crénelée qui me
parut appartenir à l’animal singulier que 4L Grateloup a découvert
à Léognan, près Bordeaux, et qu’il a décrit sous le nom de
Squalodon.
Voici la description de cette dent :
Elle est comprimée, plus longue que haute, à surface rugueuse
et comme chagrinée sur la calotte d’émail qui enveloppe sa cou-
ronne. Elle est denticulée sur une partie de son bord tranchant, et
le serait sans doute sur tout le contour de ce bord sans l’usure
assez avancée à laquelle elle a été soumise, principalement au som-
met et sur un des côtés du contour. La longueur de la grande
partie usée est de 0,0 19. On voit par les plis qui la bordent qu’elle
a dû résulter de la confluence de plusieurs tubercules ou denti-
cules usés jusqu’à sa base. A sa partie inférieure est encore une
petite île d’ivoire entourée d’émail qui est un autre decesdenticules.
Le bord opposé en présente trois semblables . mais plus considé-
rables et dont les deux supérieures sont déjà joints par un isthme
de manière à représenter le chiffre 8. Une des faces de la dent est
plus convexe que l’autre et montre une série oblique de six très
petits tubercules inéquidistants usés de manière à simuler de très
petites îles. Le plus rapproché de l'angle de la dent est sous la pre-
mière des petites îles que nous avons indiquées.
Hauteur de la partie coronale de cette dent, 0,010 ou 0,01 1 ,
du collet au sommet usé. Longueur d’avant en arrière, 0,025;
celles de l’individu observé par M. Grateloup sont plus entières.
La racine de la nôtre est cassée ; on voit par ce qu’il en reste et
par la forme du trou du bulbe qui est unique, mais à double
canal très fin, qu’elle était subdidyme.
L’animal auquel nous attribuons cette dent, et que nous nom-
merons Sqijai.ouon Grateloupii, ad’abordété considérécommeun
P. «.l it» IIS. — MAMMIFÈRES FOSSILES DE l’hÉRAL LT. 265
Keptile saurien , mais c’est bien un Mammifère , et, comme le fait
remarquer M. Van Beneden d’après l’inspection de la tête même
découverte par M. Grateloup, il appartient à la famille des Dau-
phins. M. Laurillard (1) a proposé de remplacer son nom de Squa-
lodon par celui de Crenidelphinus , et plus récemment M Pedroni
a employé celui de Delphinoides.
Sans contredit, le Squalodon diffère beaucoup, par la forme de
ses dents, des Dauphins actuels, et le seul Plataniste du Gange peut
lui être comparé sous ce rapport. En effet , les dents postérieures
de celui-ci prennent avec l’âge une apparence palmée que nous
avons surtout vue d’une manière évidente sur des mâchoires con-
servées au Collège des chirurgiens, à Londres.
Dans son Ostéographie (genre Phoca, pag. 51), M. de Blain-
ville a émis, d’après une indication dont nous lui avions fourni
l’idée, que le Squalodon pourrait bien être l’animal dont Scilla
a figuré des dents et que M. Agassiz a proposé de rapporter à la
famille des Phoques. M. de Blainville lui-même nomme cet ani-
mal Phoca melitensis antigua. La présence du Squalodon du Lan-
guedoc nous semble donner plus de probabilité à ce rapproche-
ment, si l’on remarque combien les dents figurées par Scilla et
par M. Grateloup paraissent se ressembler, et si l’on se rappelle
que le fossile de Scilla provenait de l’ile de Malte, île qui paraît
avoir un dépôt de Mammifères fossiles du même âge que ceux de
Montpellier et de Bordeaux.
Avec la dent de Squalodon de Saint-Jean de Védas étaient deux
fragments de côtes ayant la structure de celles des Dauphins.
(1) Dict univ d’Hint nal de d'Orbigny, art Dauphin, t IV, p 636
2()6 P. GERV4K ET MARCEL DE SERRES.
§ VI.
Sur les Mammifères dont on a trouvé les restes fossiles dans la caverne de
Lunel-Viel et dans les sables de Montpellier (1),
Far MM. PAUL CERVAIS et MARCEL DE SERRES.
Le midi de la France, et en particulier le département de l'Hé-
rault , sont souvent cités dans les ouvrages de paléontologie pour
leurs nombreux ossements fossiles. On trouve, en effet, dans plu-
sieurs points de ce département des débris osseux enfouis dans les
formations tertiaires supérieures, et ces débris appartiennent aux
diverses classes des animaux vertébrés. Ceux des Mammifères y
sont les plus fréquents , et comme ils peuvent fournir à la géo-
logie des données plus importantes, il nous a paru préférable de
commencer par eux la série des mémoires que nous avons entre-
prise sur les fossiles du midi de la France. Nous ferons connaître
.ultérieurement les espèces perdues qui rentrent dans les autres
classes du même embranchement.
G. Cuvier avait déjà indiqué ou même figuré dans ses recher-
ches plusieurs de ces débris de Mammifères. Il les rapporte aux
genres Hippopotame, Rhinocéros, Palœothérium et Lophiodon.
Mais ces ossements et les espèces qu’ils ont fait reconnaître étaient
en bien petit nombre si on les compare à ceux que l’un de nous a
signalés depuis , soit dans la formation tertiaire, soit dans les ca-
vernes à ossements du Languedoc et du Roussillon.
1° Mammifères des cavernes. — Les cavernes dont nous vou-
lons parler sont celles de Bize , de Mialet, d’Argon, de Fauzan et
surtout de Lunel-Viel.
Les ossements qu’on a recueillis à Bize , à Mialet , etc. , sont
ceux des espèces caractéristiques de la faune diluvienne; ils res-
semblent à ceux des cavernes du Centre et du Nord. Mais dans la
dernière de ces localités, c’est-à-dire à Lunel-Viel , certaines des
espèces enfouies sont bien différentes. On y remarque un mélange
(1 ) Un extrait de ce travail a paru dans les Comptes-rendus de l'Académie des
Sciences, I. XXII, p 295 (16 février 1 8 46).
MAMMIFÈRES FOSSILES UE L’HÉRAULT. 267
d’animaux actuellement éteints avec d’autres qui sont fort sem-
blables , sinon identiques , à ceux qui vivent encore en Europe
ou en Afrique. Ainsi le Blaireau , le Putois, la Genette, la Loutre,
le Castor, etc., y représentent la faune europæo - barbaresque ,
tandis que plusieurs Felis ( le Lion au lieu du Felis spelœa), la
Panthère, une Hyène, qu’il semble bien difficile de distinguer
de l’Hyène rayée, et un Rhinocéros très peu différent du Rhino-
céros africanus (1), établissent, entre les animaux aujourd’hui
fossiles à Lunel-Viel et ceux qui habitent la Barbarie et d’autres
parties de l’Afrique , une analogie qui nous paraît toui-à-fait
digne d’attention. Les fossiles recueillis à Lunel-Viel sont pour
la plupart conservés à la Faculté des sciences de Montpellier dans
les collections de géologie, et ils en forment la principale richesse.
2“ Mammifères dessables marins. — Les Mammifères conser-
vés à l’état fossile dans les sables fluvio- marins du département
de l’Hérault ne sont pas moins intéressants. Ils ont déjà fait le
sujet de plusieurs notices publiées par l’un de nous , et ils ont
aussi fourni à M. Jules de Christol, professeur à la Faculté des
Sciences de Dijon , divers mémoires importants (2). Ils nous ont
encore offert quelques sujets nouveaux d'observation. La petite
faune mammalogique que leur étude permettra de reconstruire ,
diffère, sous plusieurs rapports importants, de celle de Lunel-Viel,
qui appartient d’ailleurs à une époque bien plus récente.
On y voit un mélange d’espèces marines qui fréquentaient sans
(I ) Celte espèce avait été considérée, à cause de la taille des ossements qu'on
en a recueillis, comme étant la même que le Rhinocéros minutus de G. Cuvier,
dont les seules parties connues proviennent de Moissac (Lot-et-Garonne); mais
elle en différé . ainsi que des autres Rhinocéros fossiles de France (RI i. tichorinus,
magarhinus et incisions). Le fragment de mâchoire supérieure figuré dans les
Recherches sur les ossements humaliles de Lunel-Viel ( pl. 12 , fig I ) appartient a
un individu assez jeune; il ne diffère que fort peu de la même partie dans le Rh.
africanus, ainsi que l’un de nous s'en est récemment assuré par la comparaison de
ce fragment avec un crâne d'Afrique appartenant au Muséum de Paris. Nous
devons ajouter que M . de Blainville , a qui dons avons communiqué ce fossile pour
son grand travail sur les Rhinocéros (Ostéographie , fascicule 20, I 846), ne croit
pas devoir le distinguer du Rli leptorliinus ou megarhinus de nos sables marins
(2) Innales des Sciences naturelles , 2r série.
P. UtUVIK ET MARCEL UE SERRES.
268
doute la petite baie dans laquelle les sables se sont accumulés ,
et d’espèces terrestres dont les cours d’eau y déposaient les débris
en même temps que le sable qui les recouvre. Avec ces espèces de
Mammifères sont des ossements d’Oiseaux , de Chéloniens , de
Crocodiles et de Poissons marins. 11 y a aussi des coquilles ter-
restres et marines, et parmi ces dernières, qui sont les plus répan-
dues , des Huîtres, quelquefois disposées en bancs qui ont une
assez grande étendue.
a) Les espèces terrestres de Mammifères , dont on a reconnu la
présence au milieu des sables dont il est ici question, appartiennent
aux genres suivants :
Ours, Ursus. — Une espèce indéterminée. Le genre en a été constaté
d'une manière certaine d’après une arrière-molaire tuberculeuse , dé-
couverte dans les sables sur lesquels est bâtie la citadelle de Montpel-
lier (1).
Fklis. — Une espèce à peu près grande comme le Serval. Nous en
avons un fragment de mâchoire encore garni de ses trois molaires.
Mastodonte , Mastodon. — L’espèce que nous nommerons Mastodon
brevirostre (2) nous paraît différer de celle du Gers, de l’Orléanais , de
la Hesse , etc. ; ses molaires étaient plus larges ; sa mâchoire inférieure
avait une symphyse courte, et non prolongée en gouttière allongée et
armée de défenses : caractères que fl M. Kaup et de Blainville ont reconnus
à la mâchoire inférieure du Mastodon angustidens ou longirostre. I.es inci-
sives supérieures étaient néanmoins en forme de défenses , et garnies
d une bande étroite d’émail, comme chez le Mastodon angustidens. Les
os de ce Mastodonte de l’Hérault sont assez fréquents ; on les a pris quel-
quefois pour ceux de l’Éléphant, auxquels ils paraissent ressembler plus
que ceux du Mastodonte miocène.
(1) Le genre Hyène a été supposé plutôt que démontré ; l'un de nous lui a
provisoirement attribué , dans une publication antérieure , des canines et des pe-
lotes d'album grœcum. On ne saurait encore en indiquer l'espèce.
(2) L un de nous (Jl. Gervais) vient de constater dans la riche collection de
M. Bravard qu'il y aussi en Auvergne un Mastodonte d'espèce particulière , ainsi
que l'ont pensé les paléontologistes de ce pays. Un squelette presque entier, que
M Bravard vient de découvrir aux environs dlssoire, ne permet plus le doute a,
cet égard. Le Mastodonte d’Auvergne se rapproche , par la forme de ses mo-
laires et quelques autres particularités, que M. Bravard fera sans doute con-
naître prochainement , du Mastodon tapi roules de MM Lartet et de Blainville,
du Mast. giganleum et même, jusqu'à un certain point, du Dinothérium .
MAMMIFÈRES FOSSILES I)E I. HÉRAULT. 1269
Rhinocéros. — Espèce intermédiaire aux Rhinocéros tichorhinus ci
incisivus de Cuvier, mais distincte néanmoins de l’un et de l’autre ,
comme M. de Christol l'a démontré. Ce Rhinocéros, qui est également
différent de celui de Lunel-Viel, a d’abord été nommé l Viinocéros de
Montpellier (Marcel de Serres, Journal de physique ) ; Cuvier l’a considéré
R tort comme le Rh. tichorhinus, d’après le dessin qui lui fut envoyé d’un
crâne encore conservé à l’évêché de Montpellier; M. de Christol l’a dé-
crit sous le nom de Ithinoceros megarhinus. Il est possible, ainsi qu’on en
a déjà fait la remarque , qu’il ne diffère pas de celui d’Italie, dont Cuvier
a parlé sous le nom de Rh. leptorhinus , et dont M. Owen vient de re-
trouver des traces assez nombreuses en Angleterre , dans un terrain qui
est aussi de l’époque pliocène. Le Rhinocéros de Montpellier avait à la
mâchoire inférieure deux incisives à peu près semblables pour la forme à
celles qu’on voit entre les dents cauiniformes des Rhinocéros de l’Inde,
delà Sonde et incisivus. Ces deux dents sont en place dans une des man-
dibules appartenant à la Faculté. Une autre mandibule en montre les al-
véoles et entre elles deux alvéoles plus petites. La symphyse mandibu-
laire de ce Rhinocéros a une forme très caractéristique.
Tapir , Tapiras. — Des fragments de mâchoire inférieure et des mo-
laires établissent une grande analogie entre l’espèce de ce Tapir et celle
d’Auvergne ; mais la taille du nôtre est un peu moindre.
Cheval , Equus. — On en trouve des dents et des os dans les assises
supérieures des sables fluvio-marins.
Sanglier , Sus. — Parait différer un peu du Sus prisais de Lunel-Viel ;
il a été reconnu sur l’inspection de dents molaires.
A ces sept genres, il faut en ajouter plusieurs de l’ordre des Rumi-
nants fRuiuinants à bois et à étuis cornés), mais dont il nous est encore
impossible de définir les espèces d’une manière suffisante.
Une molaire de Castor a été recueillie dans le sol même sur lequel est
bâtie la Faculté des Sciences, dans une marne à coquilles terrestres
à une faible distance de la terre végétale (1), mais cependant au-dessous
de quelques lits de sables.
Nous manquons encore de pièces pour démontrer d’une manière cer-
taine la présence dans les sa' les fluvio-marins des genres Éléphant ,
Hipoarion , Anthracotherium , I.ophiodon , J'alœolherium , Hippopotame ,
et de quelques autres qu’on y a signalés 2) et nous ne serions pas éton-
nés que plusieurs d’entre eux n’y existassent réellement pas.
( I j Tout récemment on a trouvé sous lePalais-de-Justice, dans un terrain qui est
la continuation de celui-ci, une mandibule inférieure gauche de Castor, quelques
fragments de Rhinocéros et de Bœuf, ainsi que des coquilles terrestreset Ou viables.
(ï, M de Christol (Ann. Sc. et Industr du midi de ta France t II, p 15 : —
'210 P. GERVAIS ET MARCEL DE SERRES.
b) Passons maintenant à l’énumération des espèces marines ,
dont on trouve les débris dans les sables marins mêlés à ceux des
animaux terrestres dont il vient d’être question. Elles appartien-
nent à quatre genres différents : Balœna , Physeter, Delphinus et
Metaxytherium.
Une moitié de mâchoire inférieure , déterrée depuis fort longtemps ,
démontre la présence d'une espèce de Baleine ou de Rorqual dans les
eaux au fond desquelles les sables se sont déposés. Plusieurs dents y
signalent un Cachalot ( Physeter ) d’une taille moins grande que le Ca-
chalot actuel. I.e genre Dauphin (Delphinus) y est indiqué par quelques
vertèbres.
Quant au quatrième, le genre Metaxytherium de M. de Christol, les
débris qu'il a fournis sont nombreux. I.es rapports des Metaxylheriums
avec le Dugong, déjà établis par les recherches de ce naturaliste et de
M. de Blainville, sont pleinement confirmées par nos observations. Nous
nous contenterons d’indiquer entre ces deux genres d’animaux deux nou-
veaux traits de ressemblance qui viennent s'ajouter à ceux que l’on a
précédemment observés : t" bes os incisifs , que nous possédons entiers,
avaient la même forme que ceux du Dugong et la même direction. Ils
logeaient également une paire de fortes dents comparables à des dé-
t 832) cite on canon de son Hipparion dans les sables marins supérieurs de Mont-
pellier: il mentionne aussi (ibid., p. 17) le petit Hippopotame de Cuvier.
Le Palœotherium de l’Hérault, signalé par Faujas Saint-Fond et G. Cuvier, est
de Saint-Geniez , où il a été recueilli en 1780 : c'est un fragment de mâchoire
inférieure. Cuvier le rapporte au Palœotherium aureliense (t. lit, p. 256, pl 63.
fig. 17).
L'indication des Lophiodon a aussi été donnée par Cuvier (t. Il, p. 217), mais
d'après quelques dents du faubourg Boutonnet , à Montpellier. L'auteur ne les
avait plus sous les yeux lorsqu'il en parla; il les avait vues en I 809, chez G. -A
Deluc.
L’ Anlhracotherium ne nous parait pas mieux démontré.
Quant à V Hippopotame (Cuvier, t. I, p. 311, pl. 1, fig 2), il n'est pas dou-
teux comme genre. On peut même dire , avec Cuvier, que c'est l'espèce ordinaire
d'Europe; mais il n'est pas certain qu'il soit des environs de Montpellier Cuvier
le suppose des bords de la Mosson simplement par induction On pourrait aussi ,
en s'appuyant sur les raisons qu’il allègue, croire que ce fragment vient de Pézé-
nas. Et en effet, nous avons des restes d' Hippopotame qui ont été recueillis auprès
de cette ville Cuvier cite néanmoins Antoine de Jussieu comme ayant eu des dé-
bris d'Hippopotame trouvés sur les bords de la Mosson
OWEX. Slîlï LE DICVXODON. 271
f dises. Ces dents, que nous ne connaissons encore qne par leurs alvéoles,
(levaient être semblables â celles du fossile des bords du Pô, décrit par
MM. Bruno et de Blainville sous le nom de Cheirotherium ou I fanatus
Brochii. 2" Lasympbysedelamàcboireinférieure présentait aussi la même
forme que dans le Dugong. A sa face antéro-supérieure était également
un long aplatissement sur lequel reposait , par sa face inférieure et pos-
térieure , la partie descendante des os incisifs. Sur cette surface aplatie
de la symphyse menlonnière , on aperçoit encore les traces de cinq
paires d’alvéoles rudimentaires , qui rappellent très bien celles que
recouvre la plaque cornée du Dugong.
Le Metaxytherium de Montpellier ressemble beaucoup par sa taille et
par la forme de ses dents molaires h ceux de Blaye et d’Etrichy, près
d’Étampes ( les Manatus dubius et Guettardi , Blainv.).
Nous avons entrepris sur les fossiles d’espèces terrestres et
aquatiques que l’on trouve dans les sables fluvio-marins de l’Hé-
rault un ouvrage descriptif. Dans cet ouvrage les principales piè-
ces sur lesquelles repose la distinction de nos espèces seront fi-
gurées avec soin. 11 sera conçu d’après le même plan que celui
qu’a publié l’un de nous sur les fossiles de Lunel-Viel avec la col-
laboration de MM. le professeur Dubreuil et le docteur Jeanjean.
Cet ouvrage ne tardera pas à paraître. Quatre planches, qui doi-
vent en faire partie , sont déjà lithographiées et ont été déposées
sur le bureau de l’Académie des Sciences de Paris (1) , en même,
temps que le mémoire que nous imprimons aujourd’hui.
Description de quelques crânes fossiles trouvés par M. Bain dans une couche
DE GRÈS A L EXTRÉMITÉ SUD-EST DE L’AFRIQUE, ET CONSTITUANT UN NOUVEAU GENRE
de Reptiles (le Dictnodos). dass l’ordre des Sauriens, par M. Owen ( Trans .
de la Soc. tjéol de Londres, V série, t. II. 2- partie. — Extrait).
Les Reptiles dont ces crânes démontrent l'existence ne sont point encore
connus par l’ensemble de leur squelette d'une manière qui permette de fixer dé-
finitivement leurs rapports zoologiques; mais les crânes ont été étudiés par
M. Owen avec la sagacité et le soin qui caractérisent tous les travaux de cel
éminent paléontologiste, et leur examen fournit des données précieuses sur les
affinités et les formes probables de ces animaux.
Ils ne présentent complètement les caractères d’aucun des ordres dans les-
quels on divise aujourd hui les Reptiles, et ils semblent devoir former un groupe
nouveau. Toutefois, si on les compare à chacun de ces ordres, on trouvera des
(I) Séance du 16 février 1846
nni:\.
SL H LE I>ICVNODO\.
272
différences d une importance inégale, qui semblent démontrer une analogie plus
grande avec les Sauriens qu'avec les autres.
Leurs os maxillaires supérieurs grands et immobiles , et leurs arcades zygo-
matiques complètes et fortes qui s'étendent jusqu’à Los tympanique, empêchent
de les rapprocher des Ophidienset des Batraciens. Leurs rapports avec les autres
ordres sont moins éloignés, ils se rapprochent des Croc.odiliens par la forme des
parties occipitales du crâne, et en particulier par la large surface continue que
forment les pariétaux et les occipitaux au-dessus du condyle et du trou occipital.
Leur tête courte et arrondie leur donne quelques rapports de forme avec les
Chéloniens , dont ils se rapprochaient peut-être aussi par la forme dés parties an-
térieures du museau . qui étaient probablement revêtues de corne. Mais , à côté de
c.ps analogies, ces Reptiles fossiles diffèrent de tous les Crocodiliens et Chélo-
niens connus par des caractères d une haute importance, et en particulier par
l'ouverture nasale, qui pst double, par la réunion des os intermaxillaires en un
seul , et par le peu de largeur des parties antérieures de la boite crânienne.
Leurs rapports paraissent plus réels avec la division si nombreuse et si variée
des Lacertiens. Ce n’est, en effet, que chez ces derniers que I on trouve aujour-
d’hui la réunion des intermaxillaires , les narines distantes l'une de l’autre, la
boite crânienne comprimée en avant, etc. La forme du condyle et quelques autres
caractères de détail confirment d'ailleurs cette analogie . que M. Ovven résume en
disant que ces crânes sont formés sur un type lacertien avec quelques modifica -
lions chéloniennes et crocodiliennes, et plusieurs caractères spéciaux.
Mais ce qui distingue le plus complètement ces Reptiles de tous ceux que I on
connaît , c’est la présence de deux grandes dents a la partie postérieure de la
mâchoire supérieure , tandis que le reste de la bouche en est dépourvu. Ces dents
sont en forme de défenses, semblables à de grandes canines de Mammifères,
longues, arquées et pointues ; elles rappellent un peu celles du Musc , du Morse
et du Machairodus. Un tiers de leur longueur environ est enchâssé dans l’alvéole,
et elles présentent à leur base une cavité pulpeuse conique.
L’examen microscopique de ces dents montre qu elles n ont aucune analogie
avec celles des Reptiles inférieurs , et. en particulier, avec celles des Labyrintlio-
dontes. Elles ressemblent, au contraire, à celles des Crocodiliens, et ont même les
tubes de la denline encore plus serrés, ce qui les rapproche des canines des Car-
nassiers. La forme de ces dents, leur direction et leur pointe aigue peuvent faire
penser qu’elles ont servi à l'animal d'armes offensives et défensives, et qu’elles
n’ont pas été employées à creuser la terre ou à arracher des végétaux.
De tous les Reptiles connus , celui auquel on peut peut-être le mieux comparer
ces crânes est le Rhynchosaurus du nouveau grès rouge, qui a des mâchoires sans
dents, dont l’extrémité était probablement revêtue de corne, et qui présente
avec eux des rapports nombreux dans la disposition des os de la tête. Mais l'ab-
sence des deux canines et la séparation des intermaxillaires sont des caractères
importants qui rendent cette analogie peu intime.
M. Owen a donné à ces fossiles africains le nom de Dicvnodon , qui est formé
de <3iç , deux, et de xuviôou; , mot appliqué par Hippocrate aux dents canines. On
en connaît déjà quatre espèces. Le savant paléontologiste anglais annonce la pro-
chaine publication d’un Mémoire sur quelques os du corps; les vertèbres sont sub-
biconcaves, comme dans la plupart des Reptiles fossiles; ce caractère, qui
rappelle la classe des Poissons , peut faire présumer que les Dicynodons étaient
aquatiques. ( sibl. nniv. Cm. s.ippl , m> s. ir> »i„r> isus
RECHERCH ES
273
ANATOMIQl' ES ET ZOOLOGISTES
St T, LE SYSTÈME NERVEUX DES ANIMAUX SANS VERTÈBRES:
Par M. ÉMILE BLANCHARD
IU; SYSTÈME NERVEUX I>ES INSECTES.
MEMOIRE SUR LES COLÉOPTÈRES.
CHAPITRE I.
Considérations générales.
Dans certains groupes du règne animal, particulièrement chpz
les animaux les plus inférieurs, on ne tarde pas à reconnaître
combien il est nécessaire d’étudier leur organisation pour ne pas
se méprendre sur leurs affinités naturelles.
Dans d’autres groupes, au contraire , les formes générales du
type étant plus caractéristiques, toutes les modifications de l’en-
veloppe extérieure pouvant être saisies et formulées de manière à
caractériser chaque type, l’étude de l’organisation considérée
entre des types voisins ne semble pas, au premier abord , devoir
être d’une utilité aussi immédiate.
C’est ainsi que la classe des Insectes , objet de tant de travaux .
de tant de classifications , a pu être disposée de mille manières sans
que jusqu’ici les caractères fournis par l’organisation intérieure
soient venus jeter quelque lumière sur ces diverses méthodes.
Les Insectes en général fournissent, dans leur système appen-
diculaire , des caractères propres à faire reconnaître et à délimi-
ter les genres et les familles d’une manière plus ou moins na-
turelle.
Jusqu’à présent , les modifications offertes par les pièces de la
bouche , par les pattes et les antennes , ont été seules prises en
considération pour faire apprécier les affinités existant à un plus
3* série. Zool T V. (Mai < 846 J 9 <8
'llh e. m.vvniAiti» — sur i.ü système nerveux
ou moins haut degré entre les êtres composant cette grande classe
du règne animal.
Pour les divisions principales, comme les ordres, depuis long-
temps on a tenu compte dans leurs caractères et des métamorphoses
et des formes de l’animal dans son premier âge. Pour les divisions
secondaires, comme les tribus et les familles, on s’est parfois
occupé de l’aspect général des larves, jamais de leurs caractères,
encore bien moins de leur structure anatomique.
Néanmoins , si les formes extérieures dans la classe des Insectes
permettent de grouper ces animaux d’une manière assez naturelle,
si ces formes suffisent pour limiter nettement quelques groupes et
faire apprécier, jusqu’à un certain point , leurs affinités diverses,
il n’en est pas moins très vrai que bien des difficultés ne peuvent
être résolues avec le secours seul des caractères extérieurs.
La comparaison du système appendiculaire chez les Insectes a
été poussée assez loin de nos jours : aussi , nous savons mainte-
nant qu’il ne sortira plus de cette étude aucun fait bien important.
Il faut donc se jeter dans une voie nouvelle pour espérer de
nouveaux résultats. Pour perfectionner cette branche de la zoolo-
gie , il est nécessaire de chercher des caractères dans l’organisa-
tion ; il est nécessaire aussi que les observations anatomiques
portent à la fois sur les Insectes parfaits et sur leurs larves. Consi-
dérée de cette manière, l’embryogénie des Insectes conduira sans
nul doute à la découverte de faits vraiment dignes d’attention.
Ce que l’on avait négligé de faire jusqu’à présent, j'ai essayé
de l’entreprendre ; et aujourd’hui , après d’assez nombreuses
recherches, je suis demeuré convaincu qu’à l’avenir on n’arri-
verait pas à modifier avec avantage un point important de la
classification entomologique , sans s’appuyer sur des caractères
anatomiques.
Les recherches sur l’organisation des Insectes sont , à la vérité,
déjà assez nombreuses. Après les travaux de Swammerdamm .
de Treviranus, de Ramdorh, de M. Serres, de M. Marcel de
Serres , etc. , M. Léon Dufour a enrichi la science de ses observa-
tions sur l’anatomie des Insectes.
Mais ce savant n’en a jamais fait une application bien directe
DUS INSECTES.- 275
à la zoologie. C’est au point (Je vue fie l'anatomie comparée plus
spécialement que ses recherches ont été dirigées.
Quelquefois seulement il a signalé diverses particularités ana-
tomiques comme venant à l’appui de certains rapprochements ,
ou comme venant, au contraire, montrer combien diverses
familles sont composées d’éléments hétérogènes ; sans cependant
en tirer aucune conclusion plus générale.
11 faut d’ailleurs remarquer que les travaux de M. Léon Dufour, »
comme ceux de ses prédécesseurs, ont porté spécialement sur
l’appareil alimentaire et sur les organes de la génération. Le sys-
tème nerveux n’a presque point été l’objet des études de cet ana-
tomiste : aussi . jusqu’à présent , cet appareil n’avait-il été repré-
senté que pour un bien petit nombre de types de la classe des
Insectes. Swammerdam, Cuvier, M. Serres l’ont fait connaître
chez YOryctes rmsicornis et sa larve. M. Straus, chez les Melo-
lontha vulgaris. M. Léon Dufour, chez la Cetonia aurata, le Lu-
ranus parallelipipedus et le Pyrochroa coccinea. MM. Newport et.
Léon Dufour l’ont représenté inexactement dans les Carabes. Au-
douin a étudié le système nerveux de laCantharide(6\ vesica/oria ),
MM. Brandt et Ratzeburg outre ce dernier, celui du Mylabris ciclto-
rii et du M eloe proscarabeus. On doit encore à M. Newport la des-
cription et la figure du système nerveux chez le Lucanus cervuse t le
Timarcha tenebricosa, à M. Joly, chez le Colaspis atra et à M. Bur-
meister chez la Calandra Sonimeri et la larve du Calosoma syco-
phanla. C’était là tout ce qui était connu plus ou moins parfaite-
ment dans un ordre aussi considérable que celui des Coléoptères.
On sait combien plusieurs zoologistes attachent d’importance à
la disposition du système nerveux. Quelques uns y voient la partie
fondamentale de l’animal. Les recherches anatomiques que j’ai
entreprises sur les Insectes et sur les Mollusques m’ont démontré
en grande partie la justesse de cette opinion. Cependant on ne peut
regarder les caractères tirés de la disposition du système nerveux
comme dominateurs et entraînant à leur suite une série d’autres
caractères. On doit seulement les considérer comme ayant une
prédominance incontestable sur ceux qui sont fournis par les
autres parties de l’organisme.
276 E. BEANCU,1RD. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
Dans la classe des Insectes , les grandes divisions ne paraissent
pas pouvoir reposer sur des modifications de cet appareil. Entre
chacun des ordres , le système nerveux semble moins modifié
qu’il ne l’est entre les diverses familles d’un même ordre.
Les nerfs se distribuent toujours aux organes dans les mêmes
rapports. Les grandes différences dans la disposition du système
nerveux consistent donc particulièrement dans le rapprochement
ou dans l’écartement des centres médullaires.
Or, dans la plupart des ordres de la classe des Insectes , on
observe des séries de modifications qui sont à peu près de la même
nature.
Il semble que chaque disposition analogue du système nerveux
se retrouve sous des formes extérieures assez différentes, cor-
respondant les unes aux autres entre les divers types. Quelques
exemples feront mieux comprendre ce fait : ainsi, parmi les Co-
léoptères , les uns nous offriront une chaîne ganglionnaire dont
lescentres nerveux seront tous écartés; les autres nous présente-
ront certains ganglions rapprochés ou même confondus sur un
point. Chez d’autres encore , ils seront tous agglomérés dans la
cavité thoracique. Ces divers degrés de centralisation que nous
voyons dans les Coléoptères, nous les retrouverons dans les Hy-
ménoptères, les Hémiptères, etc.
Dans plusieurs ordres , nous trouverons toute la gradation ,
depuis la forme la plus centralisée jusqu’à celle qui l’est le moins
chez les Insectes. Chez d’autres , au contraire , nous verrons con-
stamment dominer une même forme ou seulement quelques unes
d’entre elles.
La conclusion générale de mes recherches sur l'organisation ,
et particulièrement sur le système nerveux . sera donc le tableau
exprimant toutes ces analogies parfois masquées sous des aspects
différents, et exprimant aussi toutes les affinités entre tous les
types de la classe des Insectes.
Avant d’arriver à ce but , l’anatomie doit être poussée assez loin
dans chacun des ordres pour servir de base à sa classification in-
térieure. Il est donc nécessaire de porter d’abord son attention
sur tous les types des tribus , des familles et des groupes d’un
DES INSECTES.
277
ordre, pour passer ensuite aux divisions d’un autre. J’ai choisi
pour le premier sujet de ces recherches les Coléoptères , qui , à
raison de leur nombre , de la grande variété de leurs formes et de
la difficulté de reconnaître dans l'état actuel leurs diverses affinités,
réclamaient de plus nombreuses observations.
Dans l’ordre des Coléoptères, plus peut-être que dans aucun
autre ordre de la classe des Insectes, on remarque certaines formes
bien tranchées, ayant un nombre de représentants extrêmement
considérable ; mais on observe en même temps une foule d’autres
formes dont les représentants sont peu nombreux comparative-
ment, et n’offrent pas cet ensemble de caractères tranchés qu’on
trouve pour les premiers. Ceux-là se rapprochent souvent des
autres à plusieurs égards ; ils paraissent en être en quelque sorte
les satellites (1). D’autres fois, ce sont des intermédiaires, des liens
qui unissent certains groupes. Ils indiquent alors des affinités.
Jusqu’à présent , à l’aide des caractères fournis par les appen-
dices, il a été totalement impossible d’apprécier les valeurs rela-
tives et les rapports des differents caractères entre eux. Ensuite ,
l’enchaînement successif des groupes , auquel on est forcé de s’as*
treindre dans l’énumération des ordres , des tribus et des familles,
a conduit à négliger certaines affinités bien évidentes qui n’ont
pas toujours échappé.
Chaque type ne devrait ressembler qu’à celui qui le précède et
à celui qui le suit pour que cette série soit naturelle. Mais en re-
connaissant , comme le font la plupart des zoologistes , qu’dn type
peut présenter avec d’autres des points d’analogie beaucoup plus
nombreux , un tableau seul est capable de les représenter. Aussi
je suivrai en cela la méthode adoptée par M. Milne Edwards pour
résumer la classification des animaux vertébrés (2).
Les animaux vertébrés étant peu nombreux comparativement
aux invertébrés, si l’on place les types de chaque classe ou de
( I ) Cette expression, souvent employée par M. Milne Edwards dans ses cours
au Muséum d'histoire naturelle et il la Faculté des Sciences, paraît plus que toute
autre donner une idée juste des rapports de divers petits groupes avec des divi-
sions d'un ordre plus élevé.
(2) Annales des Scienres naturelles. V série, t. I. p 98 (I8ii).
278 E. BUM'IMR». — SUIS LIS SYSTÈME INERVEUX
chaque ordre sur deux , trois ou quatre séries parallèles , dont les
termes se correspondent d’une manière plus ou moins satisfai-
sante, on réussit à indiquer au moins les rapports les plus ma-
nifestes.
Les animaux invertébrés ayant des formes plus variées et sur-
tout incomparablement plus nombreuses dans chaque grande
division, ces sortes de classifications n’amènent aucun résultat
vraiment digne d’attention. Chez les Insectes, par exemple, on
voit presque constamment une forme principale se lier à la fois ,
de la manière la plus évidente, avec quatre, six ou dix autres for-
mes , s’en rapprochant à divers degrés. On voit mieux peut-être
que dans la plupart des autres classes du règne animal des formes
tenant de près à une famille et s’écartant en quelque sorte de toutes
les autres.
Un entomologiste anglais, M. Mac-Leay, en désignant certains
groupes par l’épithète d'aberrants , a voulu indiquer la nature de
ces types qui paraissent pour ainsi dire sortir du cadre formé par
les autres. Malheureusement cette dénomination n’a pas toute la
justesse possible. Elle semble devoir s’appliquer à quelque chose
d’anomal , à des particularités tout-à-fait en dehors de celles qui
nous sont offertes par l'ensemble des représentants d’une classe
ou d’un ordre. Or cette idée ne serait pas exacte, il ne faut en-
tendre ici par le mot de groupes aberrants que des divisions s’éloi-
gnant de la plupart des autres divisions par un ou plusieurs de
leurs èaractères , sans toutefois présenter aucune particularité qui
pourrait les séparer de la classe ou de l’ordre auquel elles appar-
tiennent.
En zoologie, on est bien loin encore d’être arrivé pour chaque
classe à reconnaître la valeur relative des caractères fournis par
les divers organes. Presque toujours , ceux qui sont en apparence
les plus saillants dans tel ou tel groupe, viennent à disparaître plus
ou moins chez certaines espèces. Ainsi les divisions les plus natu-
relles perdent leurs limites tranchées. Ainsi l’on est amené à crain-
dre ordinairement d’attacher trop d’importance à ces caractères
qui tendent si facilement à s’effacer.
Cependant ce n’est parfois qu’une apparence trompeuse ; le ca-
DES INSECTES.
279
ractère extérieur a disparu , mais toutes les particularités fonda-
mentales d’organisation ont persisté. J’aurai lieu dans le cours de
pe travail d’en citer plus d'un exemple.
L’étude de la structure organique aux différentes périodes de
la vie des êtres, comparée aux formes extérieures, paraît devoir
seule conduire à des résultats satisfaisants. Tous les types étant
parfaitement connus ; la comparaison la plus rigoureuse pouvant
être établie entre chacun de leurs organes , alors seulement il de-
viendra facile d’en déduire l’expression des affinités que nous
offrent tous les êtres entre eux. Alors seulement les rapports qui
unissent tous les types pourront être nettement appréciés.
A ce point de vue nous obtiendrons du système nerveux des ré-
sultats considérables. On l’avait étudié dans un si petit nombre
d’insectes, qu’il était totalement impossible d’avoir une idée même
un peu générale des modifications que présente cet appareil dans
un même ordre entre les diverses tribus, entre les diverses fa-
milles qui le composent. On ignorait complètement si ces modi-
fications correspondaient avec des groupes naturels.
Au point de vue purement anatomique et physiologique, le sys-
tème nerveux des Insectes était déjà assez bien connu par suite
des travaux de M. Newport. Les recherches antérieures d’Hérold
et de M. Serres avaient déjà montré la manière dont se modifient
les groupements des centres nerveux dans certains Coléoptères et
Lépidoptères. M. Newport a agrandi sur ce point le cercle de nos
connaissances par de nouvelles observations sur plusieurs autres
Insectes du même ordre.
Néanmoins il restait encore divers points à éclaircir.
La nécessité de connaître d’une manière approfondie, dans
chaque groupe du règne animal, l’organisation des espèces con-
sidérées comme types des grandes divisions est bien reconnue. Il
n’est donc plus besoin de s’attacher à montrer l’utilité d’une des-
cription anatomique faite avec détails.
En effet , c’est seulement lorsque la position de chaque organe
aussi bien que tous ses caractères de forme et de structure sont
bien décrits chez le type, qu’il devient facile d’apprécier à leur
justp valeur les différences et les ressemblances qu’offrent avec
280 E. BI.AMUAKII. — SUK LE SYSTÈME NERVEUX
lui les êtres s’en rapprochant ou s’en éloignant à certains
égards.
C'est pour cette raison que je crois devoir donner une descrip-
tion détaillée du système nerveux des Coléoptères en prenant pour
exemple un Insecte très vulgaire, le Hanneton. Ayant d’abord
observé sur ce type diverses particularités qui n’ont pas été si-
gnalées par M, Straus-Durckheim , il m’a semblé utile de m’ar-
rêter à ce Coléoptère.
J’ai cherché à étudier le système nerveux du Hanneton dans
tous ses détails; mais comme- un type n’est bien connu que si ou
l’a comparé avec d’autres types , j’ai examiné les analogies exis-
tant entre le système nerveux du Hanneton et celui de bien d’au-
tres Insectes.
Afin d’établir une comparaison plus rigoureuse, j’ai choisi
dans le même ordre un Insecte qui, sous le rapport de cet appa-
reil , s’éloigne extrêmement du Hanneton. J'ai choisi le Carabe
doré. Insecte des plus répandus dans notre pays, ayant une taille
assez considérable , sur lequel, par conséquent , on pourra vérifier
ines observations, aussi facilement qu’on peut le faire sur le
Hanneton.
Le système nerveux étanl bien connu dans ces deux types éloi-
gnés, on verra de suife sur quels points on doit surtout porter son
attention pour l’appréciation des caractères zoologiques.
Il y a environ dix à douze ans que M. Nevvport a publié ses
Recherches sur le système nerveux des Insectes (1). Cet anato-
miste s’est occupé de la structure intime des ganglions et des fi-
lets nerveux. Comme cette structure ne diffère pas sensiblement
d’un type à l’autre, je n’aurai rien de bien important à ajouter
ici sur ce point.
Mais M. Nevvport s’est occupé également de la disposition du
système nerveux dans plusieurs Coléoptères et surtout dans des
Lépidoptères considérés aux divers états de leur vie. Ces recher-
ches si bien exécutées ont montré non seulement des particularités
dignes d’intérêt dans chacun des types étudiés , mais aussi des
faits généraux propres à la classe entière des Insectes.
M) Philosophienl Transite tinm, 1832, part. 2, 1 834. pari. 2. 1836. part. 2
DES INSECTES.
281
Cependant, malgré ces travaux considérables, je n'aurai peut-
être pas seulement à signaler la disposition particulière du sys-
tème nerveux dans le type Hanneton et dans le type Carabe. J’au-
rai en outre à mentionner, touchant ce qui est général à tous les
Insectes, certains détails qui ne me paraissent pas tout-à-faitsans
importance et qu’on n’a pas signalés jusqu’à présent ou qui l’ont
été trop incomplètement.
Pour les nerfs de l’abdomen , pour ceux venant se rendre aux
organes de la génération , pour la disposition des nerfs propres
aux différentes parties de la bouche , mes observations pourront
ajouter quelque chose à celles de mes devanciers.
Mais c’est plus particulièrement pour la partie susintestinale du
système nerveux que l’on compare au grand sympathique des
animaux vertébrés, que mes observations me paraissent devoir
offrir un intérêt plus réel.
J’ai étendu ensuite mes recherches autant que possible à tous
les types dans l’ordre des Coléoptères. 11 était nécessaire pour
l’anatomie comparée que le nombre et le mode de groupement
des ganglions fussent connus dans chaque famille, quel que dût
être le résultat auquel conduiraient ces observations.
Elles ne tardèrent pas à me convaincre que la zoologie, que la
connaissance des rapports naturels unissant entre eux les êtres
d’une même classe , que l’appréciation des limites à poser à cha-
que groupe avait considérablement à s’éclairer par la considé-
ration du système nerveux.
Je vis bientôt que chaque forme dans la disposition de l’appareil
nerveux correspondait à un groupe naturel. Je reconnus en même
temps que cette disposition ne variait pas entre des types voisins,
même quand la forme générale du corps différait beaucoup.
Au premier abord , on pouvait être porté à présumer qu’un
insecte court et élargi aurait un système nerveux dont les gan-
glions seraient très rapprochés les uns des autres ou même
réunis ; en un mot , un système nerveux très centralisé. On pou-
vait croire aussi que cet appareil dans un Insecte long serait
également allongé ; que ses ganglions seraient très écartés les uns
des autres.
282 E. BLANCHARD. — SUR I.E SYSTÈME NERVEUX
Or, c’est ce qui n’est point. 11 n’y a aucune coïncidence appa-
rente entre la forme extérieure et la disposition du système ner-
veux. Chez tel Insecte allongé il est très centralisé sur un point
de l’économie. Chez tel autre Insecte court ou même orbiculaire,
les ganglions demeurent nombreux et espacés.
Depuis la forme la plus centralisée jusqu’à celle qui l’est le
moins , on trouvera une série d'intermédiaires. C’est le cas pour
les Coléoptères. Les travaux d’IIérold , de M. Newport , etc. ,
ont déjà appris que la forme la plus simple du système nerveux
se trouvait chez la larve , et que cet appareil se centralisait de plus
en plus quand l’Insecte passait par l’état de nymphe et devenait
adulte.
Le système nerveux ne parvenant pas au même degré de cen-
tralisation chez tous les Insectes, il demeure constant que tous
n’atteignent pas le même degré de perfection. On observe donc à
l’égard de cette classe d’animaux ce qui a été observé il y a près
de vingt ans à l'égard de la classe des Crustacés par MM. Au-
douin et Milne Edwards fl).
Aussi l’examen anatomique des larves comparées aux Insectes
parfaits est-il d’un haut intérêt; car on découvre alors telle forme
dans un animal adulte correspondant ici à telle forme dans une
larve, là dans une nymphe.
On tirera encore d’autres avantages de cette étude compa-
rative. Tous les animaux ayant une tendance plus grande à l’ana-
logie à l’état embryonnaire qu’à l’état adulte, quand des différences
observées chez les Insectes parfaits entre des groupes ou des fa-
milles ne seront pas encore saisissables chez les larves , leurs ca-
ractères généraux s’étendront souvent alors à des tribus entières.
Par conséquent les affinités qui semblent s’effacer chez les In-
sectes parfaits, paraîtront souvent bien évidentes chez leurs larves.
Ayant remarqué l’importance que le système nerveux pouvait
avoir dans la classification , j’ai dû rechercher si le degré de cen-
tralisation plus ou moins complet ne coïnciderait pas avec d’autres
particularités d’organisation.
(I) Recherches anatomiques sur le système nerveux des C ntslacés ( Annales des
Sciences naturelles. Ir*' série, I XIV, p 77 — 1828)
DES INSECTES.
2S3
Jusqu’ici le résultat a été négatif, je n’ai observé aucune coïn-
cidence à cet égard. Ce sont les ganglions abdominaux qui pré-
sentent le plus de différences d’une famille à l’autre. Depuis long-
tempsles zoologistes, contrairement àl’opinion émise parM.Straus-
Durckheim, ont reconnu que la soudure plus ou moins complète
des anneaux de l’abdomen n’était nullement en rapport avec le
nombre des ganglions. Mais d’autre part on ne découvre pas de
correspondance plus manifeste.
On peut considérer les types offrant le système nerveux le
plus centralisé comme les plus parfaits. C’est au reste un prin-
cipe admis et qui est indiqué chez les Insectes par les changements
que subit cet appareil pendant leur accroissement. On doit re-
garder les types chez lesquels les ganglions sont les plus sépa-
rés, comme étant parvenus à un degré de perfection moins com-
plet ; comme étant en quelque sorte devenus adultes plus tôt que
les autres. Entre ces deux extrêmes se trouvent dès lors tous les
intermédiaires. 11 est à regretter que l’observation des œufs soit
si difficile à cause de leur petitesse et surtout de l’opacité de leur
enveloppe. Les jeunes larves qui éclosent n’étant pas toutes par-
venues au même degré de développement, il y aurait sans doute
plus d’un fait intéressant à observer sur les développements de
l’animal pendant son état d’œuf.
Parmi les larves , toutes n’offrant pas un degré de développe-
ment comparable, les unes sont beaucoup moins éloignées que les
autres de la forme de l’Insecte parfait. Celles dont l’état embryon-
naire est moins avancé à la sortie de l’œuf, subissent par consé-
quent des changements plus considérables pendant leur état de
nymphe, car les organes ne se modifient pas sensiblement durant
la vie des larves : ils s’accroissent seulement.
C’est en scrutant à la fois l’organisation des Insectes aux di-
verses phases de leur vie qu’on arrivera sans nul doute à pou-
voir les grouper d’une manière satisfaisante, en indiquant nette-
ment leurs diverses relations. Mes efforts ont tendu vers ce
but , en me livrant à ces recherches sur le système nerveux des
Insectes. Je crois, dès aujourd’hui, être à même d’en tirer un
parti avantageux pour caractériser les groupes naturels. Malheu-
284 E. BLANCHARD. SUR LE SYSTÈME .NERVEUX
reusement il devait rester, et il restera un certain nombre de la-
cunes. Plusieurs familles n’ont pas de représentants dans notre
pays, et l’on se procure toujours difficilement les espèces exotiques
dans l’alcool. Souvent, d’ailleurs, il est impossible de tirer parti
des animaux conservés de cette manière quand leur séjour dans la
liqueur a été trop prolongé. Pour les espèces indigènes des divers
genres, les unes sont d’une exiguïté telle que leur dissection est
loin d’être toujours possible ; les autres sont assez rares pour qu’on
se les procure seulement par hasard.
Les larves surtout échappent facilement, et comme on ne con-
naît pas les métamorphoses de tous les Coléoptères, on est encore
fréquemment arrêté de ce côté. C’est seulement à l’aide du temps
qu'on parviendra à combler les lacunes que je viens d’indiquer.
Mais une fois la voie ouverte , de nouveaux matériaux viennent
facilement s’ajouter à un ensemble déjà considérable.
En résumé , les divisions en tribus et en familles ne peuvent
être considérées comme bien établies et bien connues dans leurs
rapports entre elles qu’autant qu’elles reposent principalement sur
des caractères organiques.
Le système nerveux offrant plus que toute autre partie de l’or-
ganisme des modifications coïncidant avec des divisions assez im-
portantes , cet appareil doit jouer un grand rôle dans l’apprécia-
tion des affinités naturelles.
Les divisions très secondaires trouveront plus facilement alors
des caractères dans la forme du canal alimentaire , des organes
de la génération et du système appendiculaire.
CHAPITRE II.
De la description anatomique du système nerveux des Coléoptères. — Le
Hanneton commun ( Melolontha vulgaris. Lin.) et le Carabe doré [Cor a -
bus auratus. Lin.) considérés comme types dans cet ordre.
Le système nerveux des Insectes, on le sait, est composé d’une
série de ganglions unis par des cordons de communication. On
compte d’abord deux ganglions cérébroïdes , souvent désignés par
les anatomistes sous la dénomination de cerveau. A ces centres
DES INSECTES.
285
nerveux toujours situés dans la tète au-dessus de l'œsophage ,
vient s’anastomoser le système nerveux splanchnique dont les gan-
glions et les nerfs se distribuent plus particulièrement aux sys-
tèmes de la vie organique.
Les deux ganglions cérébroïdes , au moyen de deux cordons ,
formant un collier autour de l’oesophage , sont en connexion di-
recte avec deux autres centres médullaires constituant toujours
une seule masse située également dans la tète , au-dessous de la
partie antérieure du tube digestif. A cette première paire de centres
nerveux sous-intestinaux , succède une double chaîne de ganglions
plus ou moins rapprochés, plus ou moins centralisés sur un point
de l’économie, suivant les familles et les genres.
Ces faits généraux sont trop connus et sont énoncés trop clai-
rement dans nombre d'ouvrages sur l’anatomie comparée ou seu-
lement sur l'anatomie spéciale des Insectes, pour qu’il soit utile
de les développer ici
Je me contenterai donc de décrire isolément chaque partie du
système nerveux des Insectes coléoptères, en faisant surtout con-
naître avec détails la disposition qu’affecte cet appareil dans les
deux types éloignés que j’ai choisis : le Hanneton commun et le
Carabe doré.
§ I Les ganglions cérébroïdes et les nerfs auxquels ils donnent naissance.
Les ganglions cérébroïdes, généralement désignés par les ana-
tomistes sous la dénomination de cerveau, reposent toujours
directement sur l’œsophage, et constituent une seule masse bilo—
bée. Chez le Hanneton commun , les ganglions cérébroïdes ont en
dessus la forme de deux corps parfaitement sphériques qui seraient
accolés l’un à l’autre (l) ; c’est ce que n’indique ni la figure ni la
description données par M. Straus.
Chez beaucoup d’autres insectes, tels que les Carabes, les
Dytiques, les Hydrophiles, les deux ganglions sont plus confondus
ensemble. Néanmoins on distingue toujours nettement les deux
lobes (2).
(1) Règne animal, nouvelle édition, pl. 3, a
(2) M., pl. 3 bis, fig. t— t.
286 E. iiuvinmi. — sur i.k système nerveux
La grosseur de ces centres nerveux, par rapport à la dimen-
sion de la tète , varie beaucoup suivant les groupes. Dans le
Hanneton , les ganglions cérébroïdes occupent près de la moitié
de la largeur de la tête. Dans les Ateuchus, qui appartiennent à
la même tribu , ces masses sont déjà proportionnellement moins
volumineuses ; dans les Carabes et les Dytiques , elles le sont
moins encore; dans les Hydrophiles, elles n’occupent guère plus
du quart de la largeur de la tète.
On remarque en général que le cerveau devient d’autant plus
étroit que la tête de l’insecte est plus allongée, ou que les muscles
des mandibules occupent un plus grand espace. On observe déjà
cette diminution dans les Carabes; elle devient plus manifeste
encore dans certains Cérambyciens, et surtout chez les Lucanes (t).
I.a première paire de nerfs partant des ganglions cérébroïdes
se rend aux antennes; ces nerfs antennaires, dont le volume est
toujours assez considérable , ont leur origine à la face antérieure
et inférieure des centres médullaires cérébroïdes. Ils se dirigent
obliquement en passant sur le muscle adducteur des mandi-
bules (2).
Comme l’a remarqué M. Straus , ces nerfs se divisent en deux
branches chez le Hanneton, et j’ai observé qu’il en était de même
chez la plupart des Coléoptères. Le Carabe doré m’a présenté cette
même division dans les nerfs des antennes et à leur base ; j’ai re-
connu dans cet insecte l’existence d’un petit renflement ganglion-
naire , analogue à celui qui a été observé dans le Hanneton (3).
Il est plus ou moins volumineux ; mais on le retrouve néanmoins
dans tous les Coléoptères.
Les nerfs de la seconde paire sont les nerfs optiques. En géné-
ral , ils ont une grosseur très considérable ; souvent même ils
semblent n’être que la continuation des ganglions cérébroïdes.
C’est le cas pour le Hanneton (h) , mais non pas pour tous les
Insectes , comme le dit M. Straus. En effet , dans les Ateuchus,
(<) PI 8, fig. I — t.
(■ l Règne animal, nouvelle édition, pl. 4, fig. t — 6
(3) ld., pl. 3 bis, fig. t — la.
(4) ld., pl. 4, fig. 1— c.
DES INSECTES.
287
dans les Carabes (1) , etc., ils sont déjà un peu moins gros pro-
portionnellement ; dans les Dytiques (2), ils le sont un peu moins
encore. Chez les Hydrophiles, par exemple (Hydrophilus piceus
Lin.) , où les ganglions cérébroïdes sont déjà très petits par rap-
port à la grande taille de l’Insecte, les nerfs optiques sont grêles,
presque aussi grêles que les nerfs des antennes (3). Il n’y a donc
rien de tout-à-fait général à cet égard.
Une paire de nerfs d’un volume assez considérable , que
M. Newport regarde comme la troisième paire, prend naissance
à la face inférieure du cerveau , et descend de chaque côté de
l’œsophage. Ces nerfs sont les connectifs unissant les centres
nerveux cérébroïdes avec les ganglions sous-œsophagiens, et for-
mant ainsi un véritable collier. En outre , à la partie antérieure
et inférieure , les ganglions cérébroïdes donnent naissance à deux
nerfs, l’un allant s’anastomoser avec le ganglion frontal (4),
l’autre distribuant ses filets à la lèvre supérieure (3). M. Straus
n’a point aperçu ces nerfs ; ceux du labre ont du reste échappé à
la plupart des anatomistes.
M. Burmeister (6) est le seul disant avoir vu des nerfs partant
de la face inférieure du cerveau, et pénétrant dans la lèvre supé-
rieure. Souvent les cordons du ganglion frontal et les nerfs du
labre paraissent avoir deux insertions distinctes au cerveau ; c’est
le cas aussi pour la plupart des Coléoptères à l’état parfait, mais
il n’en est pas de même chez leurs larves.
Il naît un seul tronc nerveux se divisant en deux branches.
C’est ce que j’ai représenté dans la larve du Hanneton (7).
Quant au rôle physiologique que remplissent les centres ner-
veux, cérébroïdes des Insectes, on ne saurait le comparer entière-
ment à celui que remplit le cerveau des animaux vertébrés. Chez
(t) Règne animal, nouvelle édition, pl 3 bis, fig. I — t b.
(2j Pl. 10, fig. 1 — 1 6.
(3) PI 11, fig. 1—16.
(4) Règne animal, nouvelle édition, pl. 4, fig. 1 e. 3e. 4e, etc
(5) Id , fig. 1 d, 3d, etc.
(6) Hundbuch der Entomologie, t. I, p 309 (1832).
(7) Règne animal, pl. 4, fig. 3, e,d
’288 E. Ull\(ll 1BII. — SL il LE SYSTÈME NERVEUX
les Insectes, des facultés appartenant à ces ganglions cérébroïdes
paraissent se retrouver jusqu’à un certain point dans les ganglions
sous-intestinaux. Si , par exemple , on enlève la tète d’un Hanne-
ton, d’une Abeille ou d'un Insecte quelconque, en ayant soin au
moyen d’un peu de cire d’empêcher le liquide sanguin de s’écouler,
l’animal peut non seulement vivre encore assez longtemps , mais
même demeurer susceptible de mouvements réfléchis. Si l’on vient
à lui frotter l’abdomen, on le voit aussitôt y porter la patte et gratter
l’endroit qui a été touché. Certaines facultés propres seulement
au cerveau chez les animaux vertébrés, ne sont pas localisées au
même degré chez les Insectes. Néanmoins les ganglions céré-
broïdes ont évidemment une. prédominance bien marquée sur les
ganglions sous-intestinaux. Us fournissent les nerfs optiques et
les nerfs des antennes qui paraissent être le siège d’un sens, pro-
bablement celui de l’ouïe , par conséquent aux organes des sens
qui mettent le mieux l’animal en relation avec le monde exté-
rieur. Considérons en outre que ces masses médullaires cérébroï-
des constituent le centre principal de l’appareil nerveux; car la
chaîne ganglionnaire sous-intestinale vient s’y insérer de même
que le système nerveux splanchnique.
§ II. Le système nerveux des appareils de la vie organique
Cette partie du système nerveux des animaux articulés a été
l’objet d'observations intéressantes et toutes spéciales de la part
de divers anatomistes. D’abord découverte chez les Insectes par
Svvammerdam (1), qui appliqua au nerf principal le nom de ré-
current, ce système nerveux sus-intestinal a été décrit avec plus
de détails dans la chenille du Cossus par Lyonnet. (2). Depuis,
MM. Serres (3) et Muller (ft) , qui le comparent au grand sympa-
thique des animaux vertébrés, l’ont étudié dans divers Insectes.
(1) Biblia nalurœ , t. I, p. 316 et 317, et pl. 28, fig. 2 et 3 g.
(2) Lyonnet, Traité anatomique de la Chenille du Saule (1762).
(3< Latreille, Règne animal de Cuvier, t. IV, p. 23 (1829).
(4) Ueber ein eigenthümliches dem nervus sympathicus analoges nerveusystem
der Engeweide bei den Insecten ; in Nova Acta phys. med. Nat. Curios.., t. XIV,
p. 71 , pl. vu (1 828).
DUS INSF.CTFS.
289
M. Brandt (1) l’a décrit et représenté dans un plus grand nombre.
Il l’a même examiné comparativement dans les Mollusques ainsi
que dans les Crustacés , oit MM. Audouin et Milne Edwards l’a-
vaient signalé pour la première fois (2).
M. Newport a aussi apporté quelques observations sur ce sujet.
A l’égard du Hanneton , M. Straus en a fait une étude moins
approfondie. Il a considéré une portion de ce système nerveux
comme des ganglions collatéraux ou accessoires du cerveau.
Quant à l’autre portion , qu’il appelle système nerveux des organes
vitaux, il en a seulement aperçu les deux ganglions antérieurs.
Leurs connexions avec les centres nerveux cérébroïdes lui ont
même totalement échappé (3).
Dans un ouvrage postérieur (4), le même anatomiste paraît
toutefois avoir en partie reconnu ce qu’il y a d’incomplet à cet
égard dans son travail sur le Hanneton. Il dit s’être aperçu
dans le Bradypore que les ganglions, considérés par lui, d’abord,
comme des dépendances du cerveau , font partie du sympathique.
C’est ce que MM. Brandt et Newport avaient fait remarquer long-
temps auparavant.
On pourra s’étonner que le système nerveux sus - œsophagien
des Insectes soit demeuré bien peu connu . sous un certain point
de vue , après les recherches que je viens de signaler.
Cependant un fait important a échappé, les anatomistes ayant
reconnu tous que les ganglions impairs ont pour fonction de
distribuer leurs nerfs au canal alimentaire, lis paraissent s’être
beaucoup moins occupés du mode de distribution des nerfs pro-
venant des autres ganglions.
(•1) Mémoires de l'Académie imp. des Sciences de Saint-Pétersbourg , et Annales
des Sciences naturelles , 2e série, t. V, p. 81 , pl. 4 et 5 (1836],
(2) Mémoire sur le système nerveux des Crustacés ( Annales des Sciences natu-
relles, \rt série, t. XIV, p. 77).
(3) Je n'ai pu apercevoir de ce système nerveux que deux ganglions impairs
placés sur l'œsophage, auquel ils distribuent leurs nerfs. Il serait cependant pos-
sible qu’il en existât d'autres, dans le tronc et dans l'abdomen, qui m'aient
échappé (Straus-Durckheim, Considérations générales sur i anatomie comparée des
animaux articulés, p. 406).
(4) Traité d'anatomiepralique, t. II, p 351 (1842).
3r série Zool- T V. (Mai 1 846 ) 3
19
290 E. BI,l\(niRD. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
Toutefois la dénomination de nerfs stomatogastriques donnée
par M. Brandt, celle de nerfs pharyngiens donnée par M. Bur-
meister, nous montrent que cet ensemble de ganglions et de nerfs
a été regardé comme étant affecté plus spécialement au canal
alimentaire.
Or l’usage de ces ganglions antérieurs latéraux , comme les
appelle M. iNewport , m’avait semblé au premier abord une
chose essentielle à rechercher. Par des dissections faites avec un
grand soin , je parvins à m’assurer parfaitement, d’abord dans
le Hanneton, puis dans le Carabe et le Dytique, puis dans des
Charançons et des Cérambyx, puis enfin dans beaucoup d’autres
Coléoptères, qu’une paire de ces petits ganglions donnait ses
principaux nerfs au vaisseau dorsal , tandis que ceux de l’autre
paire distribuaient les leurs aux trachées.
Ainsi s’explique l’existence de ces petits ganglions toujours
placés de la même manière les uns par rapport aux autres. Ainsi
l’on voit que chaque appareil de la vie organique reçoit des nerfs
de ganglions particuliers. Cette division du travail physiologique
ne paraît pas même avoir été soupçonnée. Cependant, une fois le
fait connu , on le comprend si bien , il semble si évident , il est en
même temps si facile à constater , qu’on est surpris en voyant
comment on a négligé de rechercher si l’appareil de la circula-
tion et l’appareil de la respiration n’avaient point leurs ganglions
et leurs nerfs particuliers comme l’appareil alimentaire.
Dans l’ordre des Coléoptères, j’ai trouvé constamment ces cen-
tres médullaires disposés d’une manière identique chez les groupes
les plus différents. Dans plusieurs autres ordres de la classe des
Insectes, on a observé au contraire certaines différences. Je me
bornerai ici à décrire cette portion du système nerveux dans les
Coléoptères, me réservant de signaler les modifications qu’on y
rencontre dans les autres ordres lorsque j’aurai examiné compa-
rativement. tous les types de ces divers autres ordres. Il ne serait
pas impossible qu’on y découvrît certains caractères correspon-
dant avec les grandes divisions de la classe des Insectes.
Chez tous ces animaux, on peut distinguer dans le système ner-
veux sympathique ou de la vie organique trois portions parfaite-
DES INSECTES. 291
ment distinctes : 1° les ganglions et les nerfs intestinaux ; 2* les
ganglions et les nerfs du vaisseau dorsal : 3° les ganglions et les
nerfs trachéens.
Dans les Coléoptères , on compte trois ganglions intestinaux :
c’est le système nerveux impair situé sur la ligne médiane du tube
digestif. On peut considérer chacun de ces ganglions comme étant
formé par la réunion de deux parties, ainsi qu’on l’admet pour
la chaîne ganglionnaire sous-intestinale. Dans l’embryon très
jeune ces parties sont peut-être réellement distinctes , mais la dif-
ficulté est bien grande pour s’en assurer. Au reste , les ganglions
intestinaux paraissent même exister par paire dans d’autres ordres,
chez plusieurs Orthoptères, par exemple.
Tous les anatomistes ont nommé avec Lyonrtët le premier de
ces petits centres médullaires ganglion frontal. Sa position donne
l’explication de ce nom.
Le ganglion frontal (1) est toujours placé en avant du cerveau.
Il offre de chaque côté un cordon nerveux , se recourbant et ve-
nant s’insérer à la partie inférieure de chacun des ganglions céré-
broïdes. A leur point d’insertion , on remarque ordinairement un
petit renflement. Ces deux cordons de communication , obser-
vés depuis longtemps par tant d’anatomistes, ont complètement
échappé à M. Straus chez le Hanneton.
Dans cet Insecte , ils sont assez longs et décrivent un arc très
prolongé , car le ganglion frontal est plus rapproché du cerveau
que dans beaucoup d’autres Coléoptères, comme ceux particuliè-
rement dont la tète est allongée , le Carabe , par exemple. (>
ganglion est en forme de triangle renversé plus ou moins élargi.
Antérieurement il émet un petit filet nerveux , qui se divise en
plusieurs branches sur les muscles du pharynx. Dans le Hanneton
il est très petit et un peu difficile à voir: au contraire chez le Ca-
rabe , il est assez facile à mettre en évidence.
Les cordons de communication entre le ganglion frontal et le
cerveau offrent encore sur leur trajet une branche très faible
dont les divisions se perdent dans les muscles du pharynx. F.u
(l ) Règne animal, pl . 4, fip le. 3e. fig. 4e; pl. 3 bis. fig. 1 — te, 2 — le.ptr
292 F. BLANCHARD. — SLR I.E SYSTÈME NERVEUX
arrière le ganglion frontal émet un seul nerf, se dirigeant en
droite ligne sur l’œsophage en passant sous les ganglions céré-
broïdes. C’est le récurrent de Swammerdam et de Lyonnet ; c’est
le vagus pour M. New port , qui le compare au nerf vague des
animaux vertébrés. Ce nerf récurrent en arrière du cerveau se
renfle en un très petit ganglion allongé (1) en connexion au
moyen de deux petits filets, avec les centres médullaires du vais-
seau dorsal. Au-delà le nerf récurrent se prolonge jusqu’à l’ex-
trémité du jabot , où l’on observe un troisième ganglion intesti-
nal (2). Le plus ordinairement le nerf récurrent est simple : il en
est ainsi dans le Carabe (3). Chez le Hanneton, il est au contraire
double (A). Sa longueur, il est inutile de le dire, est toujours celle
de l’œsophage et du jabot réunis. Le ganglion du jabot (5) , que
M. Straus n’est point parvenu à découvrir dans le Hanneton , est
un peu triangulaire chez cet insecte ; mais le plus souvent il estde
forme un peu ovalaire , comme dans le Carabe. Il émet deux ou
trois branches, qui s’étendent sur le gésier et le ventricule chyli-
fique, en se subdivisant en (ilets extrêmement déliés. On parvient
quelquefois à les suivre jusque sur l’intestin , mais là on en perd
la trace. Le nerf récurrent offre de nombreuses branches sur son
trajet ; ces filets nerveux , cpii sont extrêmement fins, se ramifient
tout autour de l’œsophage et du jabot. Ils sont surtout très dis-
tincts chez les Dytiques.
Les ganglions du vaisseau dorsal (6) sont situés de chaque côté
de l’œsophage et à sa partie supérieure, appliqués contre le vais-
seau dorsal. Ils adhèrent directement au cerveau : une commissure
plus ou moins longue les unit l’un à l'autre. Dans le Hanneton,
ces renflements médullaires sont beaucoup plus gros que dans la
plupart des autres Coléoptères ; ils fournissent chacun un filet se
rendant au vaisseau dorsal, où j’ai pu le suivre jusqu’au-delà du
(4) Règne animal, pl. 4, fig. 1.
(2) ld pl 4, fig. I b, fig i(i. pl 3 (iis, fig I — \ g
(3) ld.. pl 3 bis, fig. 1 — 1 h.
(i) ld., pl. 4, fig. 1 g.
(5) ld., pl. 4, fig. I r.
(6) ld , pl 4 fig. 1 h.
DES INSECTES.
393
thorax (1). Ces deux ganglions émettent encore un ou deux petits
filets latéraux, dont l’un suit le nerf optique, et donne une branche
s’anastomosant avec une division du nerf mandibulaire. Ces cen-
tres nerveux de l’appareil circulatoire doivent acquérir un déve-
loppement plus considérable avec une circulation plus parfaite ;
c’est peut-être la raison pour laquelle on leur trouve une plus
grande dimension chez les Myriapodes que chez les Insectes.
Les ganglions trachéens (2) sont unis aux ganglions angéiens
par un cordon assez court se courbant autour de l’œsophage. Ces
deux petits centres médullaires se trouvent ainsi très rapprochés
par leur partie inférieure, où l’on observe entre eux une commis-
sure extrêmement grêle. Ils fournissent plusieurs filets nerveux
d’une finesse extrême, que j’ai réussi à suivre assez loin sur les
troncs trachéens qui pénètrent dans la tête. Dès lors je n’ai pu
douter de l’usage particulier de ces centres nerveux, car j’ai suivi
leurs filets sur les trachées non seulement dans le Hanneton, mais
dans le Carabe, dans divers Charançons, dans plusieurs Longi-
cornes , etc. Chez les Dytiques , on les aperçoit aussi assez facile-
ment : d’ailleurs ces ganglions reposent directement sur leurs
troncs trachéens.
§ III. La chaîne ganglionnaire sous-inteslinale.
Celte partie considérable du système nerveux des Insectes,
que les anatomistes ont souvent comparée à la moelle épinière des
animaux vertébrés, peut être distinguée en trois portions : celle
de la tcte, celle du thorax , celle de l’abdomen. Je ne m’arrêterai
nullement à cette comparaison , qui a été faite entre le système
nerveux des invertébrés et celui des vertébrés, bien n’indique
réellement cette analogie. Il n’y a aucun avantage à l’admettre,
car elle ne saurait être démontrée d’une manière bien péremp-
toire.
On sait que M. Serres (3) compare au contraire les centres ner-
veux sous-intestinaux des Insectes aux ganglions intervertébraux
'I Règne animal, pl t, fig I . i
(2) Id , pl. 4, fig I k, fig. 3 /(, pl. 3 bis, fig. 2 — I 6, fig 3 — I b, elc.
f3) Anatomie itu cerveau , I I , p 234, 253. cl i II p 45 et, sim (1823)
*29Û E. BI;l\(lltltP. — Sun LE SYSTÈME NE11VEUX
Je l’homme et des animaux supérieurs. Ce savant dès lors con-
sidère les Insectes comme étant dépourvus d'une moelle épi-
nière.
§ IV’. Le ganglion sous-œsophagien.
Je désignerai ainsi le centre nerveux , qu’un naturaliste alle-
mand , M. Burmeister, a comparé au cervelet , sans que je puisse
m’expliquer comment il a trouvé une semblable analogie. Cette
masse médullaire est toujours située à la partie postérieure de la
tète, exactement au-dessous de l’œsophage 1). Ses deux angles
antérieurs offrent deux sortes de bras , se redressant contre les
parties latérales de l’œsophage (2) : ce sont les connectifs qui l’u-
nissent aux ganglions cérébroïdes. lin arrière elle se prolonge un
peu , de manière à former les cuisses , qui se continuent avec les
connectifs du ganglion prothoracique. Le centre médullaire sous-
œsophagien est en général assez allongé. Son volume n’égale pas
celui de la moitié du cerveau , surtout chez le Hanneton , où ce
dernier est très volumineux. C’est du ganglion sous-œsophagien
que toutes les pièces de la bouche , en en exceptant toutefois la
lèvre supérieure , reçoivent leurs nerfs.
La plupart des anatomistes ont vu seulement les nerfs des man-
dibules et des mâchoires , bien plus rarement ceux de la lèvre
inférieure (3).
Ces derniers , en effet, ont échappé à M. Straus ; ce qui a pu
faire croire que chez le Hanneton la lèvre inférieure ne recevait
que des filets nerveux provenant des branches des nerfs maxil-
laires (h).
(1) Règne animal, pl i, fig 2a. fig. 3—1. fig. I — 1 : pl 3, fig 1-3.
(2) ld., pl. i, fig. 2 b.
(3) La lèvre, la langue et les palpes labiaux doivent nécessairement recevoir
un tronc nerveux, lequel formerait proprement la troisième paire ; mais je n'ai pu
le découvrir, vu I extrême petitesse des parties. — Straus-Durckheim , Considé-
rations générales sur l'anatomie comparée des animaux articulés , auxquelles on a
puni l'anatomie du Melolontha vulgaris (Hanneton).
( I) Der nerve der Unterlippe ( nervus lahii). . Wo dieser nerve feblt (Z. B bei
Melolontha da vertrelen .Emo der unterkiefer nerven seine nielle, und dies ist
DES INSECTES.
295
A l’égard de la position de ceux-ci par rapport aux nerfs man-
dibulaires, il ne l’a pas indiquée avec exactitude, et cette erreur
a fait penser à M. Burmeister qu’il existait une différence, quant
à l’insertion des nerfs buccaux, entre le Hanneton et la larve du
Calosome. J’ai observé au contraire que cette différence n’existait
pas. Les nerfs les plus internes du ganglion sous-œsophagien sont
les nerfs labiaux(l . Ils prennent naissance à la partie médiane et
un peu inférieure de ce centre nerveux. Ils sont extrêmement
grêles, se dirigent directement jusqu’à la base de la lèvre infé-
rieure, où l’on observe leur division en plusieurs branches. L’une
des principales divisions pénètre dans chacun des palpes.
Les nerfs maxillaires (2) ont leur origine un peu au-dessus et
légèrement en dehors des nerfs labiaux ; leur grosseur est plus con-
sidérable; leur direction aussi est un peu oblique. Sur leur trajet
ils fournissent une branche qui se rend aux muscles adducteurs
des mâchoires. A la base de ces appendices, ils se subdivisent eq
plusieurs branches dont deux principales, l’une se rendant au
corps même de la mâchoire, l’autre à son palpe.
Les nerfs mandibulaires (3) constituent la paire externe , ils ont
leur origine en dehors des nerfs maxillaires et un peu au-dessus.
Ils se dirigent obliquement, ce qui, du reste, est indiqué par la
position des mandibules relativement à celle du ganglion sous-
œsophagien. Ces nerfs , à la base des mandibules , se divisent en
plusieurs branches, dont trois plus fortes que les autres. Les nerfs
mandibulaires offrent encore sur leur trajet une branche qui se
contourne en arrière et se divise en nombreux filaments dans les
muscles adducteurs des mandibules (Zi). Cette branche , de même
grade da besonders der fait, \vo die zûnge klein, harl und kuorpelig ist — Bur-
meister. Handbuch der Entomologie , t. I , p. 298 (1832).
Ainsi, dans la chenille du Cossus Hgniperda. les nerfs des mandibules ne sont,
suivant Lvonnet. que des rameaux des nerfs labiaux. Quand ceux-ci manquent ,
comme dans le Melolontha vulgaris, ils sont remplacés par une branche des.
maxillaires. — Lacordaire, Introduction à l'Entomologie, I II, p. 196 (1838)
(1) Règne animal, pl. 4, fig. 2 g.
(2) Id , pl. 4, fig 2 b.
13) Id., pl. 4. fig. 2 c
(41 Id , pl. 7, fig 2 d.
"296 E. BLANCHARD. SUR LE SYSTÈME NERVEUX
que les nerfs mandibulaires tout entiers, ont un volume assez con-
sidérable chez le Hanneton ; ils l’ont également dans le Carabe ,
dont les pièces de la bouche sont très robustes. Ils ont un déve-
loppement beaucoup plus grand dans les Lucanes (1 ), où les man-
dibules deviennent énormes. Mais ils perdent considérablement de
leur volume dans les Insectes, où ces appendices sont plus faibles.
Dans tous les Coléoptères soumis à mes dissections, aussi bien
que dans leurs larves, j’ai trouvé constamment l’origine de ces trois
paires de nerfs buccaux entre les bras du ganglion sous-œsopha-
gien. Leur insertion , par rapport les uns aux autres, m’a paru
parfaitement constante. La position relative des diverses pièces de
la bouche ne semble pas permettre qu’il en soit autrement. Cepen-
dant, dans les descriptions anatomiques de ces parties telles qu’on
les a données jusqu’ici, on trouve toute incertitude à cet égard.
Sur les parties latérales du même centre médullaire on observe
encore un fdet très délié se rendant aussi aux muscles rétracteurs
des mandibules (2) : c’est la quatrième paire. Plus en arrière on
découvre une cinquième paire; ce sont des filets nerveux (3) qui
se rendent aux muscles rétracteurs de la tète. Dans les Insectes
oii la tète est peu mobile , comme chez le Hanneton , par exemple,
ces filets ne sont pas fort gros. Dans ceux au contraire où la tête
est très mobile, où ses muscles rétracteurs sont très puissants ,
comme dans le Carabe, ces nerfs sont plus forts ; ils se divisent
d’abord en deux branches dont l’extrémité est elle-même subdi-
visée en plusieurs autres dans le prothorax.
§ V Los ganglions el les nerfs thoraciques et abominaux.
Dans le thorax de tous les Insectes , il existe fondamentalement
trois centres médullaires. Je les nommerai d’après chacune
des portions du thorax à laquelle ils appartiennent : ganglions
prothoracique , mésothoracique et métathoracique.
Le premier (h) , uni par deux connectifs au ganglion sous-
(1) PI 8, fig- 1—2 ij.
(2) Replie animal, pl 1, f.g. ï r
(3) Id., pl. i, fig. 2 h
(4) Id . pl :t, fig. I :t. pl i bis, fig. 1—3, fig 2 — 3, fig 3—3, etc
DES INSECTES.
297
œsophagien, demeure chez les Coléoptères constamment distinct
des deux autres. Il est situé dans le prothorax, un peu plus près de
l’extrémité postérieure que du bord antérieur. Les formes qu’il
affecte sont assez variables suivant les groupes. Dans le Hanneton
commun , il a l’aspect d’un cône renversé. Chez le Carabe , il est à
peu près arrondi, en offrant néanmoins quelques angles à l’origine
des nerfs. En général , le centre médullaire prothoracique varie de
forme suivant le point d’origine des nerfs. Toujours il paraît plus
dilaté à leurs insertions. On peut compter trois paires de nerfs pro-
thoraciques. Ordinairement elles ont chacune leur origine distincte
'dans le ganglion , mais souvent aussi elles naissent d’un seul tronc
commun ou quelquefois de deux, pour se séparer ensuite. La pre-
mière distribue ses branches plus particulièrement aux muscles
rétracteurs de la tète, la seconde aux muscles latéraux et supérieurs
du prothorax, et la troisième aux pattes antérieures de l’Insecte.
Chez le Hanneton , ces trois paires naissent d’un tronc commun,
qui se sépare immédiatement en deux autres. Le premier est
formé par la réunion des nerfs de la première et de la seconde
paire (1), et leur séparation n’a lieu que vers le tiers de leur lon-
gueur. Le nerf antérieur se dirige vers le bord latéral antérieur
du prothorax , mais sur son trajet il présente trois branches qui
se divisent en plusieurs ramifications dans les muscles rétracteurs
de la tête. Inférieurement il donne une branche se divisant aus-
sitôt en deux filets dans les muscles latéraux du prothorax. Le
second nerf (2) chez le Hanneton semble n’être qu’une branche
du premier; elle se rend au muscle extenseur de la hanche, en
offrant néanmoins quelques petites ramifications qui se perdent
dans les muscles latéraux du corselet.
Le nerf des pattes (3) est toujours le plus puissant ; il pénètre
dans la hanche, traverse le trochanter et la cuisse, oii il fournit
une branche très forte qui s’étend jusqu’à l’extrémité de la
jambe (4). Le nerf principal seul pénètre dans le tarse jusqu’à la
(t) Règne animal, pl 3, fig I — 3 a, b.
(a) Id , pl. 3, fig. 1—3 b
(3) H., pl 3, lig I — 3 r
t) H , pl 3, fig I —3 r
298 E. BEVXCUARO. — SUR I.E SYSTÈME NERVEUX
base de leurs crochets. Dans la première partie de son trajet , le
nerf crural donne naissance à deux branches : l’une, plus forte (1 ),
se divise en deux rameaux : l’un se rend aux muscles fléchisseurs
de la hanche et le second aux muscles rétracteurs du corselet. La
seconde branche , très petite comparativement, pénètre aussi dans
les muscles de la hanche.
A l’égard du mode d’insertion des nerfs du prothorax, à l’égard
aussi de la grosseur et de l’étendue de leurs branches, on observe
des différences très considérables entre les divers types de l’ordre
des Coléoptères.
Sous ce rapport le Carabe s’éloigne notablement du Han-
neton. Chacune des trois paires de nerfs prothoraciques a son
origine parfaitement distincte, et de plus elle se divise en plusieurs
branches, presque dès son origine. Ainsi le nerf antérieur (2) naît
de l’angle supérieur du ganglion et se sépare aussitôt en deux
branches. La plus forte donne encore naissance à un rameau dont
les filets se distribuent aux muscles latéraux du corselet, tandis
que la branche elle-même se bifurque entre les muscles rétrac-
teurs de la tête. La seconde branche se divise en plusieurs ra-
meaux dans les muscles du corselet, de même que les nerfs de la
seconde paire (3).
Ceux de la troisième (4) , dont l’origine est à l’angle inférieur
du ganglion, se recourbent un peu comme dans tous les Insectes,
pénètrent dans la hanche et ensuite dans toute la longueur des
pattes, comme chez le Hanneton et comme dans tous les Coléop-
tères que j’ai examinés; ils fournissent avant l’extrémité de la
cuisse une branche qui aboutit seulement au bout de la jambe à
la terminaison du muscle. Dès son origine le nerf crural émet une
très forte branche dont les principales divisions se perdent dans
les muscles extenseurs de la hanche; il en est de même d’une
seconde branche beaucoup plus faible. Il fournit aussi inférieu-
rement un très petit filet aux muscles rétracteurs du corselet.
(1) Règne animal, pl. 3, fig. I — 3 d
(2) Id., pl. 3 bis, fig. 1— 3 a.
(3) Id., pl. 3 bis, fig. 1 — 3 6.
(4) ld.t pl 3 bis, fig. I — 3 c.
DES INSECTES.
299
Ou trouve donc, quant à l’insertion des nerfs prothoraciques
entre les Coléoptères , des différences considérables selon les grou-
pes auxquels ils appartiennent. Souvent les nerfs de la première
et de la seconde paire sont soudés dans une partie de leur lon-
gueur, et le second, dans beaucoup de cas, étant plus faible que
le premier, semble n’en être qu’une branche. Il en est ainsi dans
beaucoup de types, chez les Blaps, chez les Nécrophores (1) ,
par exemple, où les nerfs antérieurs sont très gros et leurs bran-
ches propres aux muscles rétracteurs de tête fort nombreuses.
Chez les Hydrophiles, cette tendance est plus marquée encore (2).
Dans les Lucanes (3), les trois paires de nerfs sont bien distinctes;
cependant elles naissent d’un tronc commun se divisant après
un court trajet en trois nerfs, presque d’égale grosseur.
Souvent un filet très grêle prenant naissance sur le trajet des
connectifs qui unissent le centre médullaire sous-œsophagien avec
le prothoracique , vient s’anastomoser avec le nerf antérieur. On
aperçoit facilement cette disposition chez les Cérambyciens (4).
Dans les Hydrophiles (5) , ce cordon de renforcement naît de la
base du ganglion sous-œsophagien et vient s’anastomoser avec le
centremédullaire prothoracique, près de l’origine de sa première
paire de nerfs. Dans la plupart des Coléoptères on ne distingue
pas cependant ce nerf. Nous verrons plus loin la nature de cette
différence.
Les ganglions mésothoracique et métathoracique sont complè-
tement séparés l’un de l’autre dans la très grande majorité des
Coléoptères. Chez les larves, ils le sont toujours. Néanmoins chez
certains types on les trouve complètement réunis ; il y a une sou-
dure, une fusion complète entre ces deux centres* nerveux. Ordi-
nairement alors, c’est à peine si une légère dépression l’indique.
C’est le cas pour le Hanneton (6) ; malgré cela, les nerfs se
(1) PI. 10. fig. 3, et PI. 9, fig. I a.b c.
(i) PI tt, fig. 1.
(3) PI. 8, fig. 1—3 a.b,c
(b) Règne animal, pl. 3 bit, fig 2 — 3a'.
;s) pi. ii, fig. i.
/fi l Régné animal, pl 3, fig. 1—4 et 5
300 E. BLANCHARD. — SUR UE SYSTÈME NERVEUX
trouvent toujours insérés dans les mêmes rapports, et il n’y a là
aucune modification fondamentale. Les centres médullaires méso-
thoracique et métathoracique , de même que le prothoracique ,
fournissent trois paires de nerfs. Les antérieurs sont les nerfs des
ailes, les postérieurs sont ceux des pattes, et les intermédiaires
sont ceux des muscles latéraux et supérieurs du thorax. Parfois le
nerf intermédiaire naît d’un tronc commun avec celui des pattes,
mais ce n’est pas ordinaire pour la plupart des Coléoptères.
Dans le Hanneton, avons-nous dit, les centres nerveux du
méso et du métathorax constituent une seule masse. Cette masse
est d’un tiers plus longue que large et arrondie en avant comme
en arrière. Une dépression transversale et une sorte de petite fos-
sette médiane indique la réunion des deux ganglions (1). Mais il
n’existe point là de perforation , et cette masse médullaire n’est
point arrondie, comme M. Straus l’a décrite et représentée. Il ne
pouvait y avoir aucune incertitude à cet égard sur aucun des
nombreux individus de cette espèce que j’ai examinés.
Le plus fréquemment chez les Coléoptères les connectifs entre
les ganglions prothoracique et mésothoracique sont fort longs ;
au contraire, dans le Hanneton, ils sont très courts.
Les nerfs alaires, ceux qui se rendent directement aux élytres,
s’insèrent aux angles antérieurs du ganglion mésothoracique , et
se dirigent un peu obliquement jusqu’à la base des élytres. Avant
d’atteindre l’apophyse de l’élytre , ils se divisent en trois bran-
ches, chacune d’elles se rendant aux trois nervures principales des
ailes en se subdivisant en plusieurs rameaux (2).
Sur son trajet, le nerf alaire antérieur donne quelques petits
lilets aux muscles rétracteurs du corselet.
Le nerf intermédiaire naît du même tronc que le nerf des pattes ;
il est assez grêle, et se sépare en trois branches se divisant elles-
mêmes dans les muscles latéraux et supérieurs du thorax.
Le nerf crural mésothoracique pénètre comme celui du prothorax
dans la hanche, et nous offre aussi deux petits lilets pour ses mus-
cles extenseurs. Les nerfs métathoraciques offrenl peu de dilTé-
(1) Règne (mimai, nouvelle édition pi :t fig. I i
(2) Ici . |.l. .1, fig. 1 — 1.
DIÎS INSF.CTF.S.
301
rcnces avec ceux du mésothorax. Les nerfs alaires présentent avant
leur extrémité la même division en trois branches (1). llsdonnent
postérieurement une branche très forte dont les ramifications se
perdent dans les muscles supérieurs du thorax , et surtout dans
ceux des ailes.
Le nerf moyen est soudé également à son origine avec le nerf cru-
ral (2). Il se divise en deux branches principales ; les ramifications
de l’une se distribuent particulièrement aux muscles alaires, celles
de l’autre aux muscles de la hanche. Près de son origine le nerf
moyen donne une branche considérable passant sous le nerf crural
et venant se ramifier sur les muscles de l’insertion des pattes. Le
nerf crural (3) descend directement jusqu’à l’apophyse de lahanche,
où il se recourbe ensuite pour pénétrer dans son intérieur. Plu-
sieurs branches du nerf crural se subdivisent sur les muscles de la
hanche.
Dans le Carabe , les ganglions mésothoraciques et métathora-
ciques sont assez éloignés l'un de l'autre. Leurs trois paires de
nerfs ont leur origine séparée l’une de l’autre. Au reste dans leur
mode de division les différences ne sont pas grandes avec ce qu’on
observe dans le Hanneton. La branche du nerf alaire antérieur
qui se ramifie dans les muscles rétracteurs du corselet est ici seu-
lement plus forte proportionnellement. Le nerf moyen est aussi
plus gros, et presque dès sa base il se sépare en deux branches
principales.
Le nerf alaire métathoracique devient très grêle dans le Ca-
rabe (11). L’absence des ailes en est la cause. Il reste alors tel
qu’on le trouve dans les larves, où il se perd également entre les
muscles latéraux du thorax.
Le mode d’insertion des nerfs , mais bien plus encore leurs di-
visions sous le rapport de leur volume et même de leur nombre,
varient très notablement entre les divers types de l’ordre des
Coléoptères. Mais ce sont là desmodificationsau fond assez légères
qui ne détruisent en aucune manière le principe fondamental.
f I ) Règne animal, nouvelle édition, pl. 3 — S b’
(2) Id . pl 3—5
(3) l<l , pl 3 — 5 c
( i) /</ , pl 3,fig. 1— Su
302 E. BLANCHARD. — SUR I.E SYSTÈME NERVEUX
En général il paraît exister primitivement dans chaque anneau
de l’abdomen comme dans celui du thorax un ganglion formé de
deux noyaux médullaires. Si l’abdomen offre neuf anneaux on
trouve une chaîne composée de neuf centres nerveux. Le plus ordi-
nairement cependant on compte dix anneaux à l’abdomen dans
les larves , et jusqu’ici on n’a jamais observé plus de neuf centres
médullaires. Peut-être le dernier est-il déjà la réunion de plu-
sieurs. L’observation de l’animal au premier temps de sa vie
pourrait conduire à reconnaître ce fait.
Quoi qu’il en soit , les larves ne nous ont jamais présenté plus
de neuf ganglions, souvent moins, selon que leur état embryon-
naire est plus ou moins avancé.
Dans les Coléoptères parfaits, nous n'avons jamais trouvé ce
nombre de neuf centres médullaires distincts, bien rarement de
huit, plus souvent de sept, de six , de quatre, de moins encore.
M. Newport a montré comment ces ganglions se confondaient
quand l’animal avançait en âge II y a ainsi chez ces Insectes un
plus ou moins grand nombre de ganglions confondus ensemble;
mais certains centres médullaires ne s’atrophient pas, comme le
pensait Ilcrold (1).
il est donc tout-à-fait inexact de dire « La variabilité du nom-
» bre des ganglions de la chaîne ventrale est due principalement
» à la présence ou à l’absence de quelques uns ou même de tous
» les ganglions abdominaux. Ceux du thorax peuvent aussi être
.> réduits de trois qu’ils sont , comme dans la plupart des Coléo-
» ptères, des Orthoptères, des Névroptères, à deux, comme dans
>■ le plus grand nombre des Hémiptères, et à un, comme dans les
x Diptères et dans quelques Hémiptères (2). »
Il faut répéter, au contraire, à l’égard des Insectes ce qui a été
dit à l’égard des Crustacés par MM. Audouin et Milne Edwards :
« En dernier résultat , le système nerveux nous présente partout
> une uniformité de composition remarquable, et toutes lesdiffé-
» rences importantes que nous avons rencontrées en parcourant la
• série de ces animaux ne sont évidemment que des modifications
(1) Entwickelunasgesehichte der Schmetterlinge (1815).
(2) Leçons d'anatomie comparée, par G. Cuvier, 2’’ édition, t. III, p. 367.
DES INSECTES. 303
» dépendantes d’un degré plus ou moins grand du rapprochement
» et de centralisation des noyaux médullaires. » ( 1)
Ce sont surtout les premiers et les derniers de l’abdomên qui ten-
dent à se confondre. Le premier et le second très fréquemment
viennent se réunir et former une seule masse avec le ganglion
métathoracique. C’est ce qui a conduit M. New port à regarder le
premier ganglion , après le métathoracique, comme appartenant
aussi au thorax. Dans certains cas, le premier anneau abdominal
de la larve vient à se souder également avec les anneaux du thorax.
Le ganglion réuni au centre médullaire du métathorax donne ses
nerfs à cette portion devenue thoracique. D’après cela doit-on
adopter la distinction faite par M. Newport? Je ne le pense pas, car
souvent ce sont deux anneaux de l’abdomen qui sont devenus tho-
raciques ; ne pourrait-on pas trouver d’exemples d’une fusion plus
grande encore? Alors la distinction entre les centres nerveux du
thorax et ceux de l’abdomen n’existerait pas réellement. Il me
semble préférable et en même temps plus rationnel de considérer
tous les ganglions en arrière de ceux dont les principaux nerfs se
distribuent aux organes de la locomotion comme des centres mé-
dullaires abdominaux. Dans les descriptions anatomiques on y
gagnera plus de clarté ; car certainement , si la limite entre le tho-
rax et l’abdomen n’est pas bien définie d’après la considération
de l'enveloppe extérieure, elle ne l’est pas davantage d’après le
système nerveux Les soudures entre les divers segments en sont
la preuve. C’est ce qui me porte du reste à attacher peu d’impor-
tance à cette distinction des centres médullaires, en thoraciques
et en abdominaux. Les derniers ganglions abdominaux chez les
Coléoptères ont une tendance très grande à se réunir. Le dernier
est toujours constitué par la fusion de plusieurs autres en plus ou
moins grande quantité suivant les groupes.
Quelquefois tous les centres médullaires de l’abdomen sont en-
tièrement confondus et ne forment alors qu’une seule masse , tou-
jours dans ce cas refoulée dans le thorax , immédiatement contre
( 1 ) Troisième Mémoire sur innalomie et lu physiologie des Crustacés — Recher-
ches anatomiques sur le système nerveux [lunules des Sciences nut., t. XIV, p. 98
— I 828)
3t)/l E. — SUIS LE SYSTÈME NERVEUX
le ganglion métathoracique. 11 en est ainsi pour le Hanneton. Ou
ne distingue même dans cette masse aucune division (1).
Deux nerfs chez cet Insecte prennent naissance à la partie pos-
térieure du centre nerveux métathoracique et viennent se ramifier
à la base de l’abdomen ; c’est évidemment le résultat de la fusion
de deux ganglions abdominaux avec le centre médullaire du mé-
tathorax. Ces deux ganglions s’étant séparés des autres qui se
sont seulement réunis entre eux , ceci est indiqué par l’embryo-
génie. On peut s’en assurer en suivant les modifications qu’é-
prouve l’animal par les progrès de l’âge.
Le premier de ces nerfs inséré à l’extrémité postérieure du gan-
glion métathoracique descend en passant sur l’entothorax et donne
d’abord une branche se divisant en plusieurs rameaux qui se por-
tent sur les muscles d’insertion des pattes et sur les rétracteurs
de l’abdomen. Ce nerf se recourbe ensuite en fournissant deux
autres branches dont l’une se rend aux muscles de l’entothorax ,
et les autres à ceux de la base de l’abdomen.
Le second nerf suit la même direction que le précédent et se
divise en deux grandes branches sur un premier anneau rudi-
mentaire.
Tous les autres sont échelonnés sur les parties latérales de la
masse constituée par la réunion de tous les ganglions abdomi-
naux. Nous en comptons six paires qui forment un faisceau pas-
sant dans la gouttière que forme l’entothorax. La plus externe se
rend au premier anneau de l’abdomen et ainsi de suite, au second,
au troisième, jusqu’au dernier. Tous ces nerfs, parvenus dans
leur anneau respectif, se divisent en deux grandes branches pres-
que égales (2) ; l’une suit le point de jonction du segment abdomi-
nal avec le suivant en produisant des filets qui se distribuent plus
particulièrement aux muscles moteurs des anneaux de l’abdomen.
L’autre branche, au contraire, se dirige vers les parties latérales
et donne ses filets surtout aux muscles des stigmates. Le qua-
trième de ces nerfs fournit une branche aux testicules chez les
mâles, aux ovaires chez les femelles.
(1) Règne animal, nouvelle édition, pl. T, fig I — fi.
(2) /(/.. pl. 3 — 6 u,b,c,d,e,f,g,h
T)IîS INSECTES.
305
La masse médullaire abdominale chez le Hanneton se prolonge
postérieurement en deux cuisses d’où naît une paire de nerfs beau-
coup plus gros que les autres nerfs de l’abdomen. M. Straus dit
que leurs diverses branches lui ont paru aboutir aux organes de la
génération. On n’a pas décrit davantage dans d’autres Insectes la
manière dont ces nerfs se divisent et distribuent leurs rameaux.
Cependant chez tous les Coléoptères leur mode de distribution
est très analogue.
Dans le Hanneton ces grands cordons nerveux descendent d’a-
bord en ligne directe ; mais dans les mâles ils se contournent sur
la verge, pénètrent dans ses muscles où ils se divisent en branches
nombreuses, les unes remontant, les autres descendant (1). Chez
les femelles, ces nerfs ne se contournent pas , ils aboutissent direc-
tement à l’oviducte. Sur leur trajet ils fournissent d’abord deux
branches qui se rendent aux testicules ou aux ovaires , puis une
autre aux conduits déférents, et enfin une dernière beaucoup plus
grande remonte sur le rectum, où l’on distingue plusieurs ramifi-
cations.
Dans le Carabe , les ganglions abdominaux forment une
longue chaîne (2). Ils sont au nombre de sept plus ou moins es-
pacés les un- des autres ; le premier de ces centres nerveux est
assez gros et appliqué contre le ganglion métathoracique ; les cinq
suivants sont plus petits et presque d’égale grosseur entre eux; le
dernier seul est notablement plus volumineux et séparé du précé-
dent par des connectifs très courts. Chacun de ces centres médul-
laires abdominaux produit des nerfs ayant leur origine distincte,
mais se distribuant comme les deux branches de chaque nerf de
l’abdomen du Hanneton. Les nerfs du dernier ganglion, qu’on
pourrait appeler les nerfs sacrés, sans cependant vouloir les com-
parer anatomiquement à ceux qii’on nomme ainsi chez les verté-
brés, se contournent également autour de la verge chez le Carabe
en se ramifiant dans ses muscles; ils fournissent aussi des bran-
ches aux testicules et une plus considérable au rectum (3).
(1) Itiyne animal, nouvelle édition, pl. 3, fig. I — 6 o.
(2) ld., pl. 4, fig. I.
(3) ld., pl. 4, fig. 1,
3' série. Zooi,. T. V. (Mai 1846.) t 20
E. BI.IN4 H lItD.
SI It UC SYSTEM IC NEItVKl \
300
s vi. Du système nerveux des larves, comparé a celui des Insectes parfaits
On sait comment llérold, M. Serres, M. Newport ensuite,
ont suivi de jour en jour les modifications que présente le sys-
tème nerveux des Lépidoptères, en passant de l’état de chenille
à celui de chrysalide ; de l’état de chrysalide à celui d’insecte par-
fait. Ils ont vu les connectifs se raccourcir de plus en plus et cer-
tains ganglions se confondre entièrement.
Dans la plupart des Coléoptères on remarque la centralisation
du système nerveux, s’effectuant de la même manière. Pour ceux-
là, je n’ai donc pas besoin de m’y arrêter. Mais les Scarabéiens ,
les Curculioniens , peut-être quelques autres encore, présentent
dans l’accroissement de leur système nerveux certaines particu-
larités que je dois noter comparativement.
La règle générale reste cependant la même. Dans les larves
appartenant aux deux grandes tribus que je viens de citer, on ob-
serve une disposition assez particulière de leur système nerveux.
Pour leur grande taille , il est très réduit et occupe seulement la
partie antérieure du corps.
Le ganglion sous-œsophagien, les trois ganglions thoraciques,
les ganglions abdominaux , au nombre de huit ou neuf, sont très
distincts les uns des autres ; mais leurs connectifs sont si courts que
ces centres médullaires sont tous appliqués les uns à la suite des
autres et paraissent ne former qu’une masse allongée et étranglée
d’espace en espace (1 ). La règle générale reste cependant la même,
disons-nous. La centralisation deviendra également- plus onsidé-
rable quand l’animal passera par l’état de nymphe et deviendra
adulte. En effet, les ganglions mésothoracique et métathoracique,
séparés dans la larve, seront entièrement confondus chez l’Insecte
parfait. Les ganglions abdominaux, distincts dans la larve, pré-
senteront une fusion complète dans l’Insecte adulte. Ce rappro-
chement, cette fusion des centres médullaires entre eux est ana-
logue ici à. celle observée par llérold et par M. Newport, chez
les Lépidoptères et certains Coléoptères.
' i Hétjni' animal, pl. 4, tiir . -1, ('t pl 14, lig I
I»KS IVSKCTKS.
307
Seulement, tandis qu'on remarque dans ces derniers un rac-
courcissement des connectifs, on observe pour les Scarabéiens,
les Curculioniens, etc., un allongement sur certains points. Entre
le ganglion sous-œsophagien et le ganglion prothoracique; entre
le ganglion prothoracique et le mésothoracique , il existe chez
le Hanneton et le Charançon des connectifs assez longs (1) ; chez
leurs larves, au contraire, on ne les distingue point (2).
Je tenais à rappeler ce fait que si les centres nerveux tendent
toujours à la centralisation sur certains points quand l’Insecte
abandonne la forme de larve , les connectifs ne se raccourcissent
pas toujours, mais s’allongent aussi quelquefois.
C’est ce qui a été bien démontré par M. Serres. Ce savant a
indiqué l’écartement des centres nerveux par les progrès de l’âge
chez le Scarabée nasicorne et surtout chez la larve d’un Di-
ptère du genre Asile (3).
Il est. encore un autre changement du système nerveux dans un
même individu aux diverses périodes de sa vie auquel on ne s’est
pas arrêté : c’est celui qui a lieu à i’égard des ganglions céré-
broïdes. On a vu leur augmentation de volume; mais on n’a pas
observé que leur partie antérieure tendait toujours à se recourber
en dessous quand l’animal avançait en âge. Il est assez facile ce-
pendant de suivre ce refoulement ; car il est indiqué par l’insertion
des nerfs du labre et du ganglion frontal. Si l’on examine la larve
du Hanneton, on trouvera ces deux nerfs naissant d’un tronc com-
mun, dont l’origine est à l’extrémité antérieure de chacun des gan-
glions cérébroïdes(A). Ceux-ci sont alors un peupointusen avant.
Si l’on examine la nymphe du Hanneton ou du Scarabée nasicorne,
on trouvera les ganglions cérébroïdes plus arrondis antérieu-
rement, le tronc commun des deux nerfs plus court et ayant déjà
son insertion en dessous. Enfin si l’on examine le Hanneton adulte,
ces deux nerfs paraîtront alors avoir deux origines distinctes pres-
(t j Règne animal, pl. 3, fig. 1 — 2 à 3 et 3 à 4 ; pl. 3 bis. fig. 2 — 2 a 3 et 3 a »
(2) ld., pl. 4, fig. 3. et pl. t4, fig. 1
{3) Anatomie comparée du cerveau dans les quatre classes des animaux verté-
brés. t II, p. 39 (1826).
(4/ Règne animal, pl. 4. fig 3 e,d
308 E. BLANCHARD. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
que au milieu de la partie inférieure des ganglions cérébroïdes(l).
On suit aussi ce refoulement progressif non seulement chez le
Hanneton , mais dans tous les autres Coléoptères.
§ VII. De la structure des nerfs et des ganglions.
M. Newport est le premier qui se soit occupé sérieusement de
la structure des nerfs et des ganglions chez les Insectes. Il nous
a fait voir qu’il existait dans chaque nerf deux colonnes de fibres
comme on 1 observe dans les racines des nerfs spinaux chez les
animaux vertébrés.
If une supérieure, qu’il regarde comme dévolue aux organes
du 'mouvement ; l’autre inférieure, se confondant entièrement
avec les ganglions, et qu’il considère comme dévolue à la sen-
sibilité.
Outre ces deux ordres de fibres, le même anatomiste a reconnu
l’existence de nerfs particuliers déjà entrevus et nommés par
Lyonnet brides épinières. Il les désigne sous le nom de nerfs
transversaux d’après la direction de leurs branches principales ,
ou surajoutés, parce qu’ils fourniraient des branches à des muscles
qui en reçoivent déjà de la chaîne ganglionnaire (2). Ces nerfs se
distribueraient plus particulièrement aux trachées et aux muscles
des mouvements involontaires comme ceux qui sont mis en jeu
par le fait de la respiration.
A chaque segment du corps on observerait un plexus de ces nerfs
transversaux , correspondant avec celui du segment suivant au
moyen de deux libres qui passent diagonalement sur le ganglion,
se rapprochent ensuite et descendent le long des connectifs (3).
Ces nerfs transversaux s’anastomosant plus ou moins, ou même
se réunissant complètement avec les nerfs de la chaîne ganglion-
(1) Règne animal, pl. 4. fig. 1 .
(2) 1 hâve c.alled these nerves transverse from the direction of tbeir principal
branches ; superailded , from their being nerves given lo muscles , in addition to
nerves from the moto-sensitive or spinal cords, and respiratory from their distri-
bution being chiefly lo muscles which appear lo be most concerned in respiration.
— Newport, On the respiration of Insects (in Pliilosophical Transactions, part u
— 1 83b).
(."!) Voy. toc cil., pl. xxxvn.
UES INSECTES, 30'J
naire, M. Newport leur attribue une fonction analogue à celle
du système nerveux sus-intestinal.
Quelque ingénieuse que soit la distinction faite par M. Newport
en ce qui concerne les fonctions attribuées aux diverses libres des
nerfs des Insectes, sans vouloir en aucune manière la rejeter, je
ne crois pas non plus devoir l’admettre comme positive, car elle
n’est appuyée sur aucune preuve physiologique.
Chez les larves, particulièrement dans certaines Chenilles, qui
ont été le sujet des observations de M. Newport, les nerfs trans-
versaux sont souvent très distincts, car chez plusieurs Lépi-
doptères ils ont une coloration particulière, et les ganglions eux-
mêmes sont souvent bruns ou rougeâtres. On les observe aussi
assez facilement dans plusieurs larves de Coléoptères ; je les ai vus
nettement, surtout dans les larves de Dytiques. Chez les insectes
parfaits ils se confondent souvent avec la substance des ganglions,
et alors on les distingue difficilement. Toutefois, ceux dont les
ganglions sont espacés, comme les Carabes, les Staphylins, sont
les plus favorables pour les observer. Toujours est-il que dans la
plupart des nerfs , ils s’associent entièrement aux autres fibres.
Du reste , il paraît évident que dans plusieurs circonstances
au moins on a décrit et représenté des filets trachéens comme
des portions de ce système surajouté.
Les fibres nerveuses , regardées par M. Newport comme mo-
trices, et qui passent sur les ganglions, restent au contraire pres-
que toujours faciles à apercevoir chez les Insectes parfaits. On
les rend surtout bien visibles en les plongeant pendant quelque
temps dans l’alcool , ou mieux encore dans l’essence de térében-
thine. Dans plusieurs larves, les trois cordes qui concourent à
former les nerfs alaires sont très apparentes ; mais chez les
Coléoptères à l’état parfait , on distingue difficilement les fibres
transverses, et le filet nerveux qui naît du connectif n’est pas
isolé chez tous, comme dans les Hydrophiles, lesCérambyx, etc.
Dans le Hanneton, par exemple, le rapprochement est tel
qu’on aperçoit assez difficilement à la base des nerfs alaires les
trois ordres de fibres; on isole cependant le filet des connectifs en
détruisant le névrilème, au moyen d’acide nitrique étendu d’eau.
310 F.. BLtMUARD. SUK LE SiSTÈME .\EKVKl.X
En examinant les ganglions des Insectes sous le microscope ,
on aperçoit au centre deux nodules assez faciles à voir, surtout
dans les ganglions abdominaux. M. Newport regarde cette partie
centrale comme l’analogue de la matière grise dans les animaux
vertébrés.
§ VIII De l'emploi des modifications du système nerveux en zoologie.
La description anatomique du système nerveux des Coléoptères
montre suffisamment sur quels points on doit particulièrement
porter son attention pour les caractères zoologiques. Les groupe-
ments des ganglions, de l’abdomen et du thorax doivent surtout
nous arrêter. On tiendra compte encore d’autres modifications ,
sans cependant y attacher une valeur aussi grande. Ce sera d’a-
bord le mode d’insertion des principaux nerfs, puis la forme par-
ticulière des ganglions. Les subdivisions des nerfs , la grosseur
et le nombre plus ou moins grand de leurs branches dans les
organes où elles se rendent, ne semblent pas mériter au même
degré d’être prises en considération , pour l’application de l’ana-
tomie à cette partie de la zoologie. Le travail nécessaire pour
reconnaître la disposition du système nerveux dans un Insecte de
manière à pouvoir apprécier ses affinités naturelles , demeure
donc , par cela même , moins considérable.
CHAPITRE III.
L><; la disposition du système nerveux dans les tribus, familles et groupes
de l’ordre des Coléoptères.
Je dois faire connaître maintenant la disposition particulière
qu’affecte le système nerveux dans chaque tribu et dans chaque
famille de l’ordre des Coléoptères. N’est-il pas utile auparavant
d’examiner d’une manière comparative la valeur des caractères
tirés des autres parties de l’organisme? Il sera plus facile alors
d’apprécier l’importance du système nerveux.
Les métamorphoses complètes ou incomplètes et la structure
générale des ailes , sont les bases sur lesquelles repose la division
de la classe des Insectes en plusieurs ordres. Les pattes fournis-
Dl;s IXSliCTES.
31 1
sent des caractères propres à des tribus ou à des familles , par le
nombre d’articles que présentent leurs tarses. Dans certains or-
dres, ce caractère est nul. Tous les Hyménoptères, tous les Lépi-
doptères , tous les Diptères , ont leurs tarses composés de cinq
articles ; mais ce nombre de divisions descendant souvent à quatre,
à trois, à deux, même à une seule , dans diverses familles, comme
parmi les Coléoptères, les Orthoptères , les Hémiptères, etc., on
s'en est servi avec avantage pour former des groupes plus ou
moins considérables.
Autrefois , à l’égard des Coléoptères , les entomologistes met-
taient ce caractère en première ligne. Depuis, les rapprochements
forcés qui en devenaient la cause n’ayant échappé à personne , on
a cessé d’y attacher plus d’importance qu’on n’en attache aux
modifications offertes par les antennes et par les parties de la
bouche.
Les antennes sont souvent des indices assez sûrs pour recon-
naître des familles et même des tribus. Pour quelques unes d’entre
elles, ce caractère suffit pour les faire reconnaître avec toute cer-
titude ; mais néanmoins, il est bien loin de s’étendre à tous les
groupes. Les plus petites modifications de ces appendices , dans
un grand nombre de cas , servent avec avantage pour appuyer de
petites divisions, comme les genres, par exemple.
Les parties de la bouche paraissent avoir une valeur tout-à-
fait comparable à celle des antennes ; tantôt donnant des carac-
tères propres à des ordres entiers; tantôt seulement à des tribus :
beaucoup plus ordinairement à des groupes plus limités encore.
Les ailes fournissent des caractères précieux pour la séparation
des ordres; mais elles présentent aussi des modifications nom-
breuses dans la disposition de leurs nervures , correspondant à
des divisions secondaires plus ou moins naturelles.
Pour les Hyménoptères, pour les Diptères, un peu pour les
Lépidoptères et les Névroptères , on a fait usage des caractères
fournis par les nervures des ailes. Pour les autres ordres, comme
les Coléoptères, les Hémiptères et même les Orthoptères, on le>
a totalement négliges. On aura donc encore des faits de détails
intéressants à tirer de cette étude.
312 E. BLWCIIARD. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
Les appendices cornés et extérieurs dépendant des organes de
la génération semblent aussi devoir présenter des caractères sur
lesquels les entomologistes auront à porter leur attention. Jus-
qu’ici , cependant , on les a négligés constamment.
De ce qui précède il résulte que les modifications offertes,
soit par les antennes, soit par les pièces de la bouche , soit par
le tarses, ne peuvent suffire à caractériser tous les groupes. Il
en résulte aussi que les modifications offertes par les antennes,
les pièces de la bouche et les tarses, sont bien loin de se cor-
respondre.
Les ordres, les tribus, les familles, les groupes, les genres
mêmes, ne peuvent donc souvent être caractérisés que par une
réunion de caractères. Si les modifications d’un appendice suffi-
sent pour la distinction d’un groupe, elles deviennent insuffisantes
pour la plupart de ceux qui l’entourent. Dès lors il faut recourir
à la fois à quatre, cinq, six ou dix caractères. Encore on ne par-
vient pas toujours à caractériser avec précision tous les types
appartenant à une même grande division.
Toutefois , les plus grandes difficultés 11e se présentent pas là.
Quand il s’agit de rapprocher les tribus et les familles , de ma-
nière à placer près les uns des autres les êtres qui se ressemblent
le plus , on s’aperçoit alors que les légères modifications de forme
dans le système appendiculaire ne permettent pas de faire recon-
naître de nombreuses affinités.
Souvent, comme j’aurai lieu de le faire remarquer par la
suite , il est tel genre paraissant , d’après la seule inspection des
caractères extérieurs, pouvoir être placé indifféremment dans
une famille ou dans une autre. Il est tel groupe ou telle famille
qu’on ne sait parfois à quelle tribu rattacher.
Aussi maintenant il s’agit de savoir dans quelle mesure les
organes intérieurs viendront éclairer ce qui est resté douteux.
Il s’agit encore de voir si les premiers états ne fourniront pas
de précieuses données à cet égard ; si l’étude comparative des
caractères intérieurs et extérieurs fournis par les larves ne con-
duira pas à l’appréciation exacte des affinités relatives des In-
sectes entre eux.
DES INSECTES.
313
Jusqu’à présent , ces questions avaient trop peu fixé l’attention
des zoologistes pour pouvoir être résolues sans le secours de re-
cherches nombreuses.
Je vais indiquer sommairement les faits connus touchant l’or-
ganisation des Insectes , de manière à faire voir clairement mon
point de départ.
Les observations anatomiques sur les Insectes, je l’ai dit, sont
déjà assez multipliées. Ramdorh , M. Marcel de Serres, et surtout
M. Léon Dufour, ont fait connaître l’appareil alimentaire et l'ap-
pareil reproducteur de l’un et l’autre sexe , dans la plupart des
types importants de la classe des Insectes.
L’ordre des Coléoptères , en particulier, a été sous ce rapport
l’objet de nombreuses investigations.
Les recherches des anatomistes que je viens de citer, jointes à
mes propres observations sur un grand nombre de types dont ils
ne se sont pas occupés , m’ont démontré que la connaissance des
rapports naturels aurait peu à gagner , d’après la considération
du tube alimentaire.
En effet , nous voyons varier non seulement sa longueur totale,
mais aussi les proportions de l’œsophage avec le jabot , du jabot
avec le ventricule chylifique, du jabot et du ventricule chy lifique
avec l’intestin , et ainsi de suite. Nous observons cela non seule-
ment entre les types constituant de petits groupes ou des genres ,
mais même assez souvent entre des espèces d’un même genre.
Les expansions qu’on remarque parfois dans une grande partie
du tube digestif de certains Insectes ne se retrouvent plus chez les
types voisins , au moins dans la plupart des cas.
Cependant les différences dans le nombre des vaisseaux biliaires
correspondent assez fréquemment à des groupes naturels, comme
M. Léon Dufour l’a bien fait observer.
Il est nécessaire de tenir compte de cette différence dans le
nombre des vaisseaux biliaires. 11 est même nécessaire de tenir
compte des caractères fournis par tout l’appareil alimentaire.
Dans certains cas . on pourra le faire avec avantage pour des
groupes très limités, surtout si l’on ne s’en tient -pas à la considé-
ration de l’insecte parfait.
SDK LU SYSTEME NERVEUX
31/| E. UI.WtUtKI).
Mais bien certainement , comme base de classification , la con-
figuration du canal intestinal n’a qu’une importance bien secon-
daire.
Après l’appareil alimentaire, l’appareil de la reproduction est
celui dont on s’est le plus occupé.
Ce que nous avons dit du tube digestif, nous pouvons le répéter
pour les organes de la génération. Les organes mâles aussi bien
que les organes femelles n’offrent aucune constance de formes
dans les groupes les plus naturels.
Nos connaissances touchant l’appareil respiratoire sont moins
avancées que celles concernant les organes dont j’ai déjà parlé.
Mes recherches m’ont démontré que les modifications offertes par
les organes de la respiration étant peu nombreuses ne pourraient
pas être extrêmement utiles à la classification. Un exemple suffira
pour le montrer : tous les Coléoptères sont pourvus de trachées
tubuleuses très semblables dans tous les types. Il faut en excepter
seulement deux tribus : les Scarabéiens et les Lucaniens , qui tous
sont pourvus de trachées vésiculeuses. Ceci prouve au reste que
l’on doit tenir compte des différences que présente l’appareil res-
piratoire. Ailleurs, dans les Hyménoptères et dans quelques autres
ordres , on voit certaines modifications correspondant à certains
groupes naturels. Mais néanmoins, avec la considération des tra-
chées seulement , on obtiendrait fort peu de résultats.
M. Newport pense que les trachées vésiculeuses, contenant plus
d’air que les trachées tubuleuses , sont nécessaires aux Scara-
béiens. Leur corps étant très volumineux , ils auraient besoin de
plus d’air que les autres pour s’envoler. Au premier abord, celle
opinion paraît fondée ; mais si l’on observe d’autres Coléoptères
dont le corps est également très lourd, on ne comprend pas com-
ment ce qui est nécessaire pour les Scarabéiens ne l’est pas éga-
lement pour ceux-là. Il faut nécessairement en conclure que ce
n’est pas là la raison , ou au moins que ce n’est pas la seule.
Les larves des Scarabéiens n’ont que des trachées tubuleuses ,
comme les autres Coléoptères. Elles deviennent vésiculeuses quand
l’animal devient adulte.
Remarquons que ces trachées vésiculeuses appartiennent aux
UES INSECTES. 315
Coléoptères dont l’organisation nous paraît la plus parfaite ,
d’après le degré de centralisation de leur système nerveux.
Les Hyménoptères ont la plupart, comme les Coléoptères, des
trachées tubuleuses ; plusieurs d'entre eux cependant en ont de
vésiculeuses. Or ce sont surtout les Abeilles et les autres Apiens
dont les trachées forment dans l’abdomen ces grandes poches aéri-
fères. Ce sont donc les Hyménoptères les plus parfaits qui seuls
en sont pourvus.
Ceci ne conduit-il pas à montrer que les trachées vésiculeuses
sont, chez les Insectes, un indice de perfection?
On remarquera sans doute que les Lucaniens , dont le système
nerveux est moins parfait que celui des Scarabéiens, ont des tra-
chées semblables.
Mais les Lucaniens constituent une petite tribu , sous beaucoup
de rapports, bien voisine , et en quelque sorte satellite de celle des
Scarabéiens. Ne peut-on pas admettre, comme on l’observé sou-
vent dans divers groupes du règne animal , qu'ici un appareil est
resté moins parfait , tandis qu’un autre a cependant acquis sa
plus grande perfection?
Examinons donc à présent , dans chaque tribu et dans chaque
famille, les données qui nous sont offertes par le système nerveux
en ce qui concerne la méthode naturelle.
I r* Tribu. — Les Scarabéiens (Scarabœii).
( Lamellicornes , Lalr. )
Peu de tribus dans l’ordre des Coléoptères sont à la fois aussi
naturelles et aussi nombreuses que celle des Scarabéiens. Les
formes extérieures de tous ses représentants sont très variées ,
mais on leur trouve des caractères communs assez tranchés pour
ne pas les méconnaître. Extérieurement, leurs antennes courtes,
non coudées, et terminées par une massue perfoliée, permettent
de les distinguer de tous les autres Coléoptères. Rien à la vérité
n’indique que ce caractère ait une valeur bien considérable. On
sait même qu’il disparaît jusqu’à un certain point dans un genre
de cette tribu, dans le genre l.elhrus ; mais des pai ticulai ités
31(3
E. BLAMIMRO. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
organiques propres à l’ensemble des Scarabéiens donnent à cette
tribu une base plus solide.
Nous admettons la division des Scarabéiens en huit familles,
elles-mêmes subdivisées en plusieurs groupes (1).
Ce sont les Cétoniides, les Glaphyrides, les Mélolonthides , les
Scarabéides, les Géolrupides, les Euchirides, les Coprides et les
Passalides. On distingue facilement entre elles ces diverses fa-
milles à l'aide des modifications fournies surtout par les pièces de
la bouche , et quelquefois par le nombre d’articles aux antennes.
11 est même plus facile de trouver des caractères pour les séparer
les unes des autres que d’en rencontrer qui soient généraux à
toutes, c’est-à-dire à la tribu entière des Scarabéiens. Après celui
qui nous est offert par les antennes , on en cherche vainement un
autre propre à la fois à tous , mais exclusivement à tous les Sca-
rabéiens. Néanmoins nous observons dans ces Coléoptères des
trachées dont la forme leur est particulière seulement avec celles
des Lucaniens. J’exposerai plus loin les motifs qui m’ont fait sépa-
rer ces derniers des Scarabéiens. Ceux-ci ont tous des trachées
vésiculeuses, telles que M. Straus les a représentées chez le Han-
neton. Je n’ai observé à cet égard aucune différence essentielle
entre les Cétoines , les Hannetons , les Scarabées , les Géo-
trupes, etc.
Dans la disposition du système nerveux , j’ai rencontré une
similitude non moins frappante; tel j’ai décrit cet appareil dans
le Hanneton , tel je l’ai observé dans les Cétoines ( Cetonia aurata
Lin.) et dans les Trichius ( Gnorimus nobiliset Trichius fasciatus
Fab.), principaux représentants de la tribu des Cétoniides. Les
Glaphyrides m’ont présenté une disposition tout-à-fait analogue.
J’ai examiné leur système nerveux dans un type du groupe des
Amphicomites (Psilodema melis) et dans un insecte du Chili appar-
tenant au groupe des Pachycnémites, le Cratoscelis vulpina Erichs.
Les Mélolonthides étudiés non seulement dans le Hanneton, mais
encore dans divers autres représentants (\es Rhizotrogus ers tiens
(I) Voyez pour les divisions des tribus en familles, groupes et genres, mon
Histoire des Insectes (Paris, F Didot, ISIS, 2 vol.), où se trouvent énoncés
leurs principaux caractères, tirés du système appendiculaire.
DES INSECTES.
317
et citer Fabr. , l 'Anisoplia horlicola Lin., les Hoplia farinosa
Fabr., et Decantera pulverulenla, Fabr.), de même que les Sca-
rabéides (Scarabœus hercules et Orycles nasicornis Lin.), les Géo-
trnpides ( Geotrupes stercorarius et vernalis Lin. et les Coprides
(Copris lunaris Lin. , Ateuchus sacor J. in. ), sont également sem-
blables sous ce rapport. Chez quelques uns de ces derniers , les
Ateuchus principalement , j’ai observé une légère tendance vers
une autre forme. Les ganglions thoraciques et abdominaux n’of-
frent aucune modification vraiment appréciable; mais les gan-
glions cérébroïdes sont un peu plus petits que dans les autres
Scarabéiens proportionnellement au développement de la tète, et
les nerfs optiques n’ont pas la même grosseur. C’est là une modi-
fication bien légère toutefois ; mais rapprochée de ce qu’on voit
dans une famille voisine, on reconnaît véritablement une tendance.
La famille très peu nombreuse des Euchirides n’ayant pas de
représentants dans notre pays , je n’ai pu l’étudier ; mais elle
paraît si voisine des Scarabéides et des Géotrupides , que vrai-
semblablement les espèces de cette famille ne feront pas exception
avec les autres représentants de leur tribu.
Je suis donc conduit à regarder les Cétoniides, Glaphyrides,
Mélolontbides , Scarabéides , Géotrupides et Coprides , comme
constituant un ensemble parfaitement homogène. Le degré de cen-
tralisation de leur système nerveux doit aussi les faire considérer
comme les Coléoptères dont l’organisation est la plus élevée.
Les Aphodius dans la famille des Coprides (A. fimetarius et
rufipes Fabr.), ainsi que les Géotrupides, tout en offrant les ca-
ractères des autres Scarabéiens , nous présentent néanmoins une
centralisation un peu moins prononcée. Les ganglions méso et
métathoraciques sont réunis comme chez les autres représentants
de la tribu ; seulement, leur réunion. est indiquée par une dépres-
sion plus profonde que chez les Hannetons , les Cétoines et les
Scarabées. La masse médullaire abdominale est aussi un tant soit
peu plus oblongue ; mais ce sont là des différences à peine sen-
sibles.
Jusqu’ici je n’ai encore rien dit d’une huitième famille, dans
la tribu des Scarabéiens, les Passalides, qui constituent un tvne
318 E. BUM'MM. — SUli i.li SYSTEME \KHVliljX
un peu aberrant. Pour les Passâtes, je n'ai pu étudier que des
individus ayant fait un long séjour dans l’alcool ( Passalus inter-
rvptus Fabr. et distinctus Chev.). J'ai trouvé leur système ner-
veux très analogue à celui des autres Scarabéiens; cependant
j’ai remarqué la séparation du ganglion mésothoracique d’avec le
métathoracique , et les ganglions abdominaux m’ont offert une
masse plus allongée que celle des autres Insectes de la même
tribu. Cette légère modification nous montre la famille des Pas-
salides comme s’éloignant un peu du type principal de la tribu des
Scarabéiens. Elle constitue un lien entre cette tribu et celle des
Histériens. Au moins, d’après la considération des Insectes par-
faits, elle indique en même temps, de la manière la plus évidente,
des affinités beaucoup plus grandes entre les Passalides et les au-
tres Scarabéiens qu’entre les Passalides et les Lucaniens. Cepen-
dant tous les entomologistes qui avaient séparé ces derniers de la
grande tribu des Scarabéiens leur avaient rattaché les Passalides,
en considérant particulièrement la forme des derniers articles des
antennes. On le voit ici , l’anatomie vient éclairer manifestement
un point dont la solution ne pouvait être trouvée d’après l'inspec-
tion seule des caractères extérieurs.
Dans la tribu des Scarabéiens nous trouvons le genre Chiron ,
dont nous avons formé un groupe particulier sous la dénomination
de Chironites. Ce groupe, qui a seulement quelques représentants
propres à l’Afrique et aux Indes orientales, est considéré par cer-
tains entomologistes comme appartenant à la famille des Géotru-
pides , par d’autres à la famille des Passalides , par d’autres enfin
à la tribu des Lucaniens.
Les caractères zoologiques ne permettent pas de résoudre la
question. Le secours de l’anatomie , la considération du système
nerveux, ne pourrait probablement laisser aucun doute sur ses
rapports.
Ce serait peut-être un lien entre le groupe des Aphodiites et la
famille des Passalides.
Si les formes extérieures des Scarabéiens à leur état parfait
sont extrêmement variées . elles le sont fort peu pendant leur état
de larve. Nous devons à M. Dehaan un mémoire intéressant sur
m:s iN’SUCTJiS.
319
les métamorphoses de ces Coléoptères (1) , où l’un peut facile-
ment s’en convaincre. En effet , si l’on observe des différences
très considérables entre les parties de la bouche d’un Mélolon-
thide , d’un Scarabéide, d’un Cétoniide à leur état adulte , on en
trouve seulement de très légères entre ces mêmes types à leur
état de larve. Le canal intestinal des larves paraît néanmoins être
encore assez variable , même entre les genres les plus voisins ;
les observations sur ce sujet ne sont pas assez nombreuses pour
qu’on sache si ces petites modifications du tube digestif seront
des caractères pour des groupes très limités. Les larves des Sca-
rabéiens rappellent considérablement la forme des Chenilles :
leur tête arrondie et cornée, l’absence d’ocelles, leurs antennes de
quatre articles insérées à la base des mandibules , leurs mâchoires
dentelées et munies de palpes de trois ou quatre articles , et leurs
pattes assez développées, les font reconnaître aisément (2). Leur
système nerveux affecte une disposition qui n’appartient bien
exactement à aucune autre tribu dans l’ordre des Coléoptères.
Tel j’ai décrit cet appareil dans le Hanneton , tel je l’ai retrouvé
dans la Cétoine et dans l’Oryctes. M. Léon Dufour a déjà décrit
le système nerveux de la Cétoine dorée (3). On avait déjà une re-
présentation grossière de celui de la larve de VOryctes nasicornis,
dans l’ouvrage de Swammerdam (/i). J’ai comparé attentive-
ment cette disposition dans ces deux derniers types avec celle
qu’on observe dans le Hanneton , j’y ai reconnu une similitude
complète. Ceci nous fournit une preuve bien évidente de l’homo-
généité de la tribu des Scarabéiens.
Chez les larves d’Aphodius (5) (famille des Coprides , groupe
des Aphodiites), le système nerveux est très analogue à celui des
Cétoines, des Hannetons et des Scarabées : néanmoins il est pro-
(I) De Haan. Mémoires sur les métamorphoses (les Coléoptères. — 1er Mémoire :
Les Lamellicornes ( Nouvelles Annales du Muséum, t IV, p. 125. — 1835).
(3) Voyez pour leurs caractères (outre le Mémoire de M de Haan) Erichson,
Archiv filr Naturgeschiclite, vol. VI 1 1 , p. 363 |1842).
(3) Annales des Sciences naturelles, 2' série. I. XVIII p. 162. pl 4 (1 842).
(4) Hibliu naturœ, pl 28.
(K) J'ai étudié particulièrement la larve de \ Iphadius rufipes Eabr
320 E. BLANCHARD. — SLR LE SYSTÈME NERVEUX
portionnellement un peu plus allongé. Ceci indique , à n’en pas
douter, que ce groupe établit le passage entre les Scarabéiens
proprement dits et cette petite famille des Passalides, qui nous
semble s’en éloigner un peu, à quelques égards , et former ainsi
un lien avec la tribu des Histériens.
Les premiers états des Passales nous présentent des particula-
rités fort curieuses. C’est tout récemment que nous avons pu les
étudier , grâce à M. Sallé , entomologiste instruit et très zélé , qui
a rapporté de la Nouvelle-Orléans plusieurs individus de la larve
du Passalus distinclus. Cette larve ressemble d’une manière géné-
rale à celles des autres Scarabéiens ; cependant elle est plus cylin-
drique et moins recourbée ; ses mâchoires et ses mandibules sont
plus fortement dentelées. Ce n’est pas toutefois ce qu’elle nous
offre de plus singulier : elle se fait surtout remarquer par ses
pattes, dont il n’existe que deux paires bien développées : celles
du métathorax se montrant seulement sous l’apparence de deux
très petits tubercules. On se rappellera qu’en 1838, M. West-
wood (1) a décrit , comme appartenant au Bupreskis attenuata,
une larve, n’ayant aussi que quatre pattes bien développées. Dans
une note publiée en 1843 , j’ai signalé cette détermination comme
inexacte , sans être toutefois à même d’indiquer la véritable.
Aujourd’hui , il me paraît certain que cette prétendue larve du
Buprestis attenuata appartient bien réellement au genre Passale.
Nous ne pouvons douter en aucune manière de l’exactitude de
l’observation faite par M. Sallé , cet entomologiste ayant élevé
plusieurs fois ces insectes, et, de plus, nous ayant aussi rap-
porté la nymphe qui suffirait , à mon avis , pour lever toute incer-
titude. Le système nerveux de la larve du Passalus clistinctus
nous a présenté une disposition des plus intéressantes à constater.
On l’a vu, cet appareil, chez les Passales à l’état adulte, res-
semble presque complètement à celui de tous les Scarabéiens : à
leur état de larve, il ressemble, au contraire, extrêmement à
celui des larves de Lucaniens. Après les trois centres nerveux
thoraciques, notablement espacés, on trouve une chaîne abdo-
(I) Introduction io the modem classification of Insects, t. I, p 221.
DKS INSECTES.
A-2i
minale s’étendant jusqu’aux trois quarts de la longueur du corps.
On compte huit ganglions abdominaux tous écartés les uns des
autres, et dont le dernier est plus volumineux que les précédents :
c’est une disposition semblable à celle observée pour la première
fois par M. Léon Dufour chez la larve du Lucanus parallelipipedus.
Ainsi, les Passalides constituent bien évidemment un type de
transition entre les Scarabéiens et les Lucaniens. La considéra-
tion des Insectes parfaits nous les montre comme très voisins
des premiers; la considération des larves comme très voisins des
seconds. Pendant leur état de nymphe, les Passalides éprouvent
par conséquent des changements beaucoup plus considérables.
A l’aide du système nerveux , nous saisissons donc non seule-
ment les caractères les plus importants de la tribu des Scara-
béiens , mais encore les plus légères dégradations du type. La
considération de l’appareil alimentaire et des organes de la géné-
ration ne fournissent aucun résultat à beaucoup près aussi géné-
ral ; car ils présentent des différences extrêmement grandes entre
les représentants des groupes d’une valeur très secondaire. Peut-
être quand les faits observés seront plus nombreux, en tirera-t-on
des caractères propres à limiter les petites divisions, et venant à
l'appui de ceux qui sont offerts par les parties de la bouche.
2" Tribu — Les Licaniess (Liiainii).
Dans ses premiers ouvrages, Latreil le avait séparé complète-
ment ces Insectes des Scarabéiens. Plus tard il les plaça dans la
même tribu, et cet exemple fut suivi pendant longtemps par la
plupart des entomologistes. Danscesdernières années, cependant,
plusieurs d’entre eux, prenant en considération la longueur des an-
tennes et dans la plupart leur forme coudée, les en séparèrent de
nouveau. D’abord je regardai cette séparation comme inutile , et
je ne l’adoptai pas dans mon H istoire des Insectes. Maintenant ,
au contraire, elle me paraît devoir être adoptée. M. Léon Dufour,
dans un mémoire sur les métamorphoses de la Cétoine et du Dor-
cus, s’est prononcé aussi pour cette opinion (1).
(1 J Léon Dufour, Histoire comparative des métamorphoses et de /’ anatomie des
V série. Zool. T. V. (Juin 18 46.) t 21
322 E. BUMUtR». — SUIS l.li SYSTÈME- .NERVEUX
Les Lucaniens sont pourvus de trachées vésiculeuses entière-
ment analogues à celles des Scarabéiens. Mais la disposition de
leur système nerveux est extrêmement différente. Chez les larves,
où cet appareil a été observé par M. Léon Dufour, on remarque
des différences non moins grandes que chez les Insectes par-
faits.
.l’ai étudié plus spécialement les Lucanes cerf volant ( Lvcanus
cervus , Lin.), L. parallelipipedus, Lin. (Dorcus parallelipipedus
de plusieurs entomologistes modernes), et I ePlatycerus earaboides.
VI. Newport a aussi donné une figure (1) du premier. Chez le Lu-
cane (2), les ganglions cérébroïdes sont petits comparativement
au développement de la tête. Ils s’amincissent de manière à se
confondre graduellement avec les nerfs optiques ('3). Ceux-ci ont
une longueur très considérable qui augmente ou diminue avec la
dimension de la têle. Le ganglion sous-œsophagien est plus petit
et plus éloigné du cerveau que dans la plupart des autres Coléop-
tères ; sa forme est aussi plus ovoïde (/i).
Les ganglions thoraciques diffèrent considérablement de ceux
des Scarabéiens. Le prothoracique, au lieu d’être presque en forme
de cône renversé, est au contraire chez les Lucanes plus élargi au
milieu et graduellement aminci aux deux extrémités (5). 11 en naît
un seul tronc nerveux, se divisant bientôt en trois nerfs. Le pre-
mier, dirigé en avant, présente deux branches latérales se sub-
divisant bientôt en plusieurs filaments. Le second nerf s’étend di-
rectement vers la partie latérale et médiane du prothorax, et le
troisième, le nerf crural, redescend en formant un angle obtus
avec le tronc nerveux commun. Les centres médullaires mésotho-
racique et métathoracique sont séparés et même déjà assez éloi-
gnés l’un de l’autre. Le premier (6) est gros et presque arrondi.
( elonia aurata rt Dorcus parallelipipedus (.Un. des Sc nat , 2 série, t. XVIII,
p. 162, pl. Vet o. — 1842).
(1) Cyclopedia of Anatomy nnd Phijsinlogij, art. Insecte, t II, p. 954 et 959
(1889).
(2) PI. 8, fig. t.
(3) PI. 8. fig. t — l h.
(4) PI. 8, fig. 1—2.
(3) PI- 8, fig. I.
(6) PI. 8, fig I —4.
m:s insectes.
323
Les branches principales des nerfs de la troisième paire sonl très
fortes.
Le ganglion métathoracique (1) est beaucoup plus petit et
plus allongé.
Les ganglions abdominaux, très petits comparativement à ceux
du thorax et surtout à la grande dimension de l’Insecte, sont
très écartés les uns des autres. On en compte six dont la forme est
ovalaire (2).
Le dernier seul est un peu plus gros , et outre les nerfs des or-
ganes de la génération, il fournit des filets aux deux derniers an-
neaux de l’abdomen.
Les autres ganglions produisent une seule paire de nerfs qui
se divisent en deux branches principales dans chaque anneau
abdominal.
Entre les Lucanus cervus et paraUelipipedus, je n’ai constaté
aucune différence.
J’ai pu examiner aussi le système nerveux d’un type de la
tribu des. Lucaniens propre à la Nouvelle-Hollande, le Lam-
prime bronzé ( Lamprima œnea Lat.) sur des individus bien con-
servés. J’ai reconnu chez cet Insecte une organisation tout à-fait
semblable à celle des Lucanes; mais je regrette de ne pas avoir
pu étudier un type plus éloigné , appartenant à la même tribu, le
genre Sinodendron.
A l’égard de cet Insecte , par exemple , M. Westwood a signalé
une affinité avec les Bostrichiens. L’observation anatomique nous
apprendrait si les rapports un peu éloignés existant entre les Lu-
caniens et les Bostrichiens ne sont pas réellement mieux établis
par l’organisation des Sinodendrons que par celle des Lucanes.
L’analogie entre ces derniers et les Cérambyciens , comme les
Trictenotomides et les Prionides, a déjà été aperçue; c’est une
analogie très réelle, mais elle n’est bien intime ni d’après la con-
sidération du système nerveux ni d’après celle des caractères
extérieurs.
Les larves des Lucanes présentent extérieurement la ressein-
. (i) PI. 8, fig. t— 5.
(2) PI. 8. fig. 1—6, 7. 8, 9, 10. 11.
;V2/| e. BL.mii4K». — sim i.k système nerveux
blance la plus grande avec celles des Scarabéiens. Comme ces der-
niers, elles ont le corps contourné et les pattes assez dévelop-
pées (i . M. Dehaan a remarqué cependant qu’elles en différaient
en ce qu’elles ont l’anus longitudinal , tandis qu’il est transversal
chez les Scarabéiens. Il faut noter en outre que l’extrémité de
leur corps est généralement moins épaissie.
M. Léon Dufour (2), rpii a étudié anatomiquement la larve du
Lucane parallélipipède ( Lucanus parallelipipedus Lin.), nous a
montré que cette larve offrait une disposition de son système nerveux
très différente de celle de la Cétoine, du Hanneton ou du Scarabée.
En effet, les ganglions thoraciques et abdominaux, loin d’être ra-
massés comme chez ces derniers, forment au contraire une longue
chaîne qui s’étend dans presque toute la longueur du corps. On
compte huit ganglions abdominaux Le premier est très rapproché
du centre nerveux métathoracique , et les deux derniers sont con-
tigus l’un à l’autre. Tous les intermédiaires ont entre eux des
connectifs à peu près d’égale longueur, c’est-à-dire de la longueur
d’un des anneaux du corps. Il existe donc, comme on le voit, des
différences très importantes dans l’organisation des Scarabéiens
et des Lucaniens. Si ces types se lient l’un à l’autre par certains
points tels que la constitution générale des larves , la présence des
trachées vésiculeuses dans tout le corps chez les Insectes parfaits,
ils s’éloignent notablement sous le rapport du système nerveux et
des caractères fournis par le système appendiculaire.
3e Tribu. — Les Historiens ( Histerii ).
Cette tribu se rapproche à beaucoup d’égards de celle des Sca-
rabéiens; elle a comparativement peu de représentants : mais telle
que je la considère aujourd’hui , elle offre un ensemble assez ho-
mogène. Dans mon Histoire des Insectes, j’avais placé dans une
même tribu avec les Misters et les Nitidules, les Silphes et les
Nécrophores. D’après la considération des caractères extérieurs
Jlj Voyez Rœsel, Inseckt Belustig, t. Il, pi. 4. — Ratzeburg die Forst. Insect.,
1, I, pi- 3, fig- 19-
(2) Ilisl. cnmpar. des métam. et de l'anal, des Cetonia aurata et Dorcus paral-
leiipipedus (Ann. des Sc. nat., 2e série, t. XVIII, p. I 6'2 , pl . 5 A, fig. 17 — 1842).
DES INSECTES.
325
seuls, on paraissait conduit à ce rapprochement. L’examen ana-
tomique n’a pas lardé à me convaincre que les Silphes et les Né-
crophores ne devaient pas prendre place parmi les llistériens. Au-
jourd’hui cette tribu me paraît donc devoir être composée seule-
ment des trois familles suivantes, les Histérides, les Nitidulides
et les Scaphidides.
Dans la disposition du système nerveux, j’ai trouvé la plus
grande analogie entre ces divers types.
J’ai étudié parmi les premiers trois des espèces les plus communes
dans notre pays ( Hister quad rimacula tus Lin., cadaverinus et
saprinus speculifer l’ayk. ). Chez ces Insectes, le système nerveux
offre un degré de centralisation déjà très avancé, mais moins pro-
noncé toutefois que chez les Scarabéiens.
Les trois centres médullaires thoraciques sont très gros compa-
rativement à la dimension du corps (1). Ils sont séparés par des
connectifs très courts; et la distance entre le prothoracique et le
mésothoracique n’est pas notablement plus grande qu’entre le
mésothoracique et le métathoracique. Les ganglions abdominaux
constituent une seule niasse (2) un peu allongée et pyriforme d’où
naissent tous les nerfs, et à sa base on remarque deux sillons
transversaux indiquant des ganglions dont la fusion avec les autres
n’est pas complète.
Les Nitidules, dont j’ai examiné plusieurs espèces, et surtout la
Nitidula amea, m’ont présenté une disposition dans leur système
nerveux très semblable à celle des Histers (3). Le centre médullaire
prothoracique est seulement plus écarté des autres centres médul-
laires du thorax. Ce fait étant connu, on remarque facilement qu’il
existe une ressemblance très grande dans la forme des antennes
et des parties de la bouche (4) chez ces deux types que les ento-
mologistes éloignent plus ou moins l’un de l’autre.
La troisième famille de la tribu des llistériens est très voisine
ries précédentes; cependant elle offre quelques particularités. Dans;
(1) PI. 8, lig. <2-8. i, s.
(2) PI 8, fig. 2—6.
(3) PI. 8, lig. 3.
f i Voyez Ih nouvelle édition du Régne animal de Cuvier, pli 33 el 36.
32G E. BLINGIARU. — SU U LE SYSTÈME M.RVEIX
les Scaphidiums (Scaphidium quadrimaculatum Fabr,)i 1), lesgan-
glions mésothoracique et inétathoracique sont rapprochés comme
chez les Histérides et les Nitidulides, mais le ganglion prothora-
cique en est plus éloigné. La principale différence consiste, au reste,
dans la forme de la masse médullaire abdominale. Elle est aussi
un peu pvriforme , mais ici elle se termine par une sorte de pointe
d’où naissent les deux nerfs nacrés qui chez ce type demeurent
soudés dans une partie de leur longueur.
La forme de la masse médullaire abdominale des Scaphidies
semble conduire à celle qu’on observe dans les Gyrinides.
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’étudier anatomiquement les
larves des Histériens.
D’après leur forme extérieure, les larves des Nitidules et des
llisters paraissent se rapprocher de celles des Silphes.
Les larves de Scaphidium , dont je dois la connaissance à
Al. Chevrolat, sont remarquables par leurs antennes déjà fort lon-
gues. Elles ont beaucoup l'aspect des larves des Alycétophages
et des Dermestes ; malheureusement je n’ai pu les obtenir vivantes,
de manière à m’assurer si les caractères anatomiques ne vien-
draient pas réellement indiquer là un lien entre les Histériens et les
Dermestiens.
4' Tribu. Les Silpuieks (SüplUi').
Cette tribu a été rapprochée des Nitidules par la plupart des
entomologistes. AL Erichson la regarde au contraire comme plus
voisine des Staphyliniens. L’organisation vient à l’appui de ce der-
nier rapprochement.
Deux types principaux appartiennent à cette tribu ; ce sont les
Nécrophores et les Silphes.
Chez les premiers (2) ( Xecrophorus vespillo Lin. , mortuorum
Fab.}, les nerfs prothoraciques antérieurs se divisent en trois
branches principales assez fortes. Les nerfs intermédiaires nais-
sent du même tronc que ceux de la première paire (3).
(1) PL 8, fig. 4
(2) l’I. 9, (îp. I
(S) PI. 9, lîp. I —4, S
DES INSECTES.
327
Les centres nerveux méso et métathoracique sont très distincts
l’un de l’autre, mais tout-à-fait contigus (1). Le filet nerveux des
connectifs qui s’unit au nerf alaire antérieur est long et facile
à voir.
Les ganglions abdominaux forment une chaîne allongée. On ne
compte distinctement sept (2). Le premier est accolé au centre mé-
dullaire du métathorax. Les quatre suivants, de forme ovalaire, sont
séparés les uns des autres par de longs connectifs. Enfin les deux
derniers, séparés par un léger étranglement, constituent une seule
masse ovoïde. Chacun de ces ganglions émet une seule paire de
nerfs qui se séparent, comme chez lesScarabéiens, en deux bran-
ches principales. Le système nerveux des Silphes (3) diffère peu de
celui des Nécrophores; cependant les centres médullaires du mé-
sothorax et du métathorax sont un peu plus écartés (i). Le pre-
mier ganglion abdominal , accolé au métathoracique chez les Né-
crophores, est ici presque entièrement confondu avec lui (5). Les
suivants, au contraire, sont dans les mêmes rapports.
Dans la larve des Silphes ( Silplia obscurci Lin. ) (6) , les gan-
glions cérébroïdes forment une masse presque carrée , d’où nais-
sent antérieurement les nerfs optiques et les nerfs des anten-
nes (7). Les centres nerveux thoraciques sont tous les trois très
espacés (8).
J, es ganglions abdominaux, au nombre de deux, sont presque
arrondis, très petits et tous à peu près d’égale grosseur (9). Le
premier est séparé du ganglion métathoracique par deux connectifs
très courts. Les six suivants sont espacés à peu près également.
Le dernier seul, déjà formé par la réunion de plusieurs, comme
l’indique le nombre des filets qu'il produit, est assez rapproché
du précédent.
Le système nerveux des larves des Silphes, comparé à celui des
(1) I’I 9, ag. 2 [Silplm obscurci)
(2) PI. 9, lig. 3 u, b.
(3) PI. 9, fig. 1—6, 7, S, 9, 10, Il
et 12.
(i) PI. 9, fig. 2 l, ■>.
(5) PI. 9, fig. 2-6.
(6) PI 9, fig. 3.
(7) PI. 9, fig. 3—1 n.fc.
(8) PI. 9. fig. 3—3, i, o.
(9) PI. 9, fig. 3 — 6, 7, 8, 9, 10., 1 1,.
12 et 13.
328
F.. ISI.AM HAItl».
sut LE SYSTEME \Kli\EI \
Insectes parfaits, nous montre certaines différences bien apprécia-
bles. Le premier ganglion abdominal, très distinct chez la larve,
s’est confondu dans l’Insecte adulte avec le centre nerveux du
métathorax. En outre les trois derniers ganglions de la larve se
sont réunis chez l’Insecte parfait , de manière à ne plus constituer
qu’une seule masse.
D’après la considération de leur système nerveux, les Silphiens
se rapprochent notablement des Staphyliniens et des Carabiens,
en même temps qu’on observe aussi certains rapports entre eux
et les Dermestiens. Leur chaîne ganglionnaire abdominale , sans
présenter une disposition tout-à-fait analogue, ne s’en éloigne pas
considérableme n t,.
Ce rapprochement entre les Silphiens et les Staphyliniens esv
encore démontré par les caractères extérieurs , par les antennes
moniliformes, les mandibules robustes, etc.
Mais les larves indiquent mieux encore ce rapport. Elles ont
des pattes et des appendices buccaux bien développés comme
ceux des Carabes; leur corps est également aplati.
La considération du système nerveux nous conduit encore à re-
connaître un rapport plus évident; comme chez les Carabes et les
larves de Staphyliniens, les larves de Silphes ont des ganglions
abdominaux très petits et disposés d’une manière très analogue
les uns par rapport aux autres.
Les affinités des Silphiens avec les Staphyliniens et les Cara-
biens semblent bien manifestes quand on examine les Silphes.
Avec les Dermestiens elles ne paraissent pas moins évidentes
quand on examine surtout les Nécrophores.
L’organisation interne indique nettement ces rapports. Les ca-
ractères des larves les montrent également. La forme des mâ-
choires et des articles des antennes chez les Insectes parfaits les
confirme encore (I).
(1 ) Voyez à cet égard les détails que nous avons donnés dans la nouvelle édi-
tion du Règne animal de Cuvier. Pour la comparaison des Silphes avec les Stapln-
liniens, les pl. 35, tig. 5", 6. 6,6, et pl 27, fig. 1», 3'; pl. 28, fig. 1", 9'\ etc.
Pour la comparaison des Nécrophores avec les Dermestiens, les pl 35, lig 3",
4". pl. 36. lig. », 10", Il etc
DUS INSECTES.
329
M. 1 „éon Dufour a reconnu aussi une analogie frappante , dit-
il , entre les Silphes , les Carabes et les Staphylins , sous le rap-
port de la structure du ventricule chylifique (1).
Ce sont donc des affinités dont on peut reconnaître l’évidence
d’après la considération de la plupart des organes.
5' Tribu. — Les Staphtlimens ( Slaphylinit).
( Brachélytres Latr )
Les Insectes composant cette tribu sont bien reconnaissables à
leurs élytres, beaucoup plus courtes que le corps. Ils ont été regar-
dés par certains entomologistes comme établissant un passage
entre les Coléoptères et les Orthoptères, dont les élytres sont éga-
lement courtes, c’est-à-dire les Forficules. C'est, en effet, un trait
d’analogie ; cependant , dans leur organisation , rien n’indique
une affinité bien intime entre ces deux types.
Le système nerveux desStaphvliniens forme une longue chaîne.
Je prends pour premier exemple les Staphylinus olens et maxil-
losus Lin. (2 . Les centres médullaires thoraciques sont presque
également espacés (3) : les deux premiers sont un peu en forme de
losange ; celui du métathorax, au contraire, est presque ovalaire.
La chaîne ganglionnaire abdominale , tout en se rapprochant
beaucoup de ce qu’on observe dans les Carabiens, présente néan-
moins des caractères particuliers. Dans les Staphylinites on dis-
tingue nettement sept ganglions , comme chez les Carabes (h) :
mais ils sont groupés autrement. Le premier, séparé du centre
nerveux métathoracique par des connectifs très courts, n’est pas
séparé davantage du second ganglion ; le troisième est au con-
traire éloigné, ainsi que les quatrième et cinquième. Enfin ce der-
nier, avec les sixième et septième , forme une seule masse dans
laquelle les trois ganglions demeurent très distincts.
Tous les Staphyliniens que j’ai examinés (Staphylinus olens
I) Leon Dufour, Itecherches anatomiques sur les Carabiques et plusieurs mitres
Insectes Coléoptères (Ann. (les Sc mit., ("série, 1 826 ; tirage à part, p. 34).
(2) PL 0, fig. i.
(3) PI B, lig i— 3. 4, 3.
(4) PI. », fig 1 — fi 7, 8,9. 10 I I , I i.
330 E. BLANCHARD. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX
Lin., maxillosus Lin., erythropterus Fab. , nebulosus I'ab., les
Philonthes, P. polilus Fab. , œneus Crav. et splendens Fab.)
m’ont présenté une disposition très semblable. Toutefois je dois
ajouter que, dans les Philonthes, les trois derniers noyaux médul-
laires de l’abdomen sont plus intimement unis que dans les Sla-
phylins proprement dits. Il en est de même des Xantholins (Xan-
tlwlinus linearis Oliv.
Dans les Quedius (Ç. fulgidus Fabr. ) et les Pédères ( Pœderus
riparius l'ab.), le premier ganglion abdominal se rapproche ou se
confond même avec le centre nerveux du métathorax ; les autres
restent disposés exactement, comme chez les Staphylins.
La disposition du système nerveux , tout en indiquant une
étroite analogie entre les Silphiens et les Staphyliniens, en indique
une non moins réelle entre ces derniers et les Carabiens : celle-ci
est même plus manifeste.
A l’égard du canal intestinal , M. Léon Dufour a signalé de
grands rapports entre les Staphyliniens et les Carabiens.
La forme de leurs antennes et de leurs pattes vient aussi à
l’appui de ce rapprochement.
Parmi les Staphyliniens , les plus petites espèces ( Omalides),
notamment les Micropeplus, paraissent se lier avec les Nitidulides.
Jusqu’à présent je n’ai pas pu en réunir suffisamment pour m'as-
surer si ceux-ci présentaient dans leur système nerveux une dis-
position qui indiquerait un passage entre ces Insectes et ceux de
la tribu des Histériens.
Les larves des Staphyliniens nous offrent un exemple bien
manifeste de ces Coléoptères dont l’état embryonnaire , à leur
sortie de l’œuf, est déjà très avancé. Ces larves, en effet, comme
celles des Carabiens , sont remarquables non seulement par le
développement de leurs appendices et par leur allure, qui les fait
ressembler déjà aux Insectes parfaits, mais aussi par le dévelop-
pement du système nerveux , considéré d’une manière compara-
tive ; car celui de la larve (1) (St. olens Lin.) diffère seulement do
celui de l’insecte adulte par l’écartement des trois derniers gan-
(i) pi. 9. tip.
DES INSECTES. 331
glions abdominaux (1) et par le volume moins considérable des
centres médullaires thoraciques.
On reconnaît bien les affinités des Staphyliniens avec les Ca-
rabiens (2) par leurs larves. Elles ont des mandibules et des mâ-
choires très grandes , comme celles des Carabes ; elles ont aussi
des pattes propres à la course , et un tubercule anal pédiforme.
Leur tête et leurs anneaux thoraciques sont d’apparence cornée ,
tandis que leur abdomen est mou : ce dernier caractère les dis-
tingue au premier abord des larves des Carabes ; elles sont aussi
moins aplaties et en général plus amincies vers l’extrémité posté-
rieure.
6' Tribu. — Les Psélapuiens ( Pselapliii )
Je ne mentionne ici cette tribu que pour mémoire. Nous lui
rattachons deux familles : celle des Psélaphides et celle des Scyd-
ménides. Les premiers sont considérés par la plupart des entomo-
logistes , et probablement avec raison , comme très voisins des
Staphyliniens. Ces Coléoptères sont d'une extrême exiguïté, et je
n’ai pas pu jusqu’à présent en étudier un assez grand nombre
pour bien connaître la disposition de leur système nerveux.
Je n’ai pas été plus heureux à l’égard des Scydménides , qui
peut-être s’éloignent beaucoup des Psélaphides. Leurs caractères
extérieurs paraissent devoir les en faire rapprocher ; mais déjà
nous avons eu l’occasion de voir combien on pouvait être ainsi
induit en erreur. Je n’ose donc encore rien préjuger à l’égard des
affinités de ces Coléoptères. M. Stephens pense (3) que les Scyd-
ménides établissent un lien entre les Psélaphides et les Anthicides
de la tribu des Cantharidiens.
Les premiers états de ces petits Insectes étant inconnus , c’est
encore une raison pour se tenir sur la réserve touchant l’appré-
ciation de leurs affinités.
(1) PI 9, fig. 3 — 10, 11, 12.
(2) Voyez le Magasin de zoologie (1835). — Heer, Observai, entum — Jiatze-
burg, Die Forst Insecl, 1. 1, pl. 1 (1837! — La nouvelle édition du /ligne ani-
mal de Cuvier (Insectes), pl 15, etc.
(3) Marna ! of Itritish Coh'optera, p 342 (1837)
332
K. BI.IMIMKU
suit 1.1. SYSTEME NEHVEUX
7'1 Tribu. — Les Dcruestiens (Dcrmcslii) .
J’ai considéré cette tribu comme pouvant former quatre fa-
milles : les Mycétophagides, les Dermestides, les Byrrhides et les
Agathidiides. Il existe parmi nos Dermcstiens des types dont la
taille est tellement exiguë, que les observations anatomiques sont
loin d’être toujours faciles.
Mes recherches n’ont encore porté que sur les Mycétophagides,
les Dermestides et les Byrrhides. A la première de ces deux fa-
milles , je rattache maintenant le genre Byturus. A l’exemple de
la plupart des entomologistes, j’avais placé , dans mon Histoire
îles Insectes, ce genre parmi les Nitidulides : l’examen anatomique
m’a montré d’une manière évidente que sa place était parmi les
Dermestiens.
En effet, les Byturus diffèrent bien peu des Mycétophagides;
leurs ganglions abdominaux sont seulement un peu plus gros :
leur disposition est à fort peu de chose près la» même. Les Bytu-
rus me paraissent donc devoir former un simple groupe dans la
famille des Mycétophagides. L’organisation nous ayant conduit à
reconnaître , de la manière la plus évidente , ce point d’affinité ,
on reconnaît sans peine que les Byturus et les Mycétophages dif-
fèrent fort peu , également sous le rapport de la forme de leurs
antennes et des pièces de leur bouche (I).
Dans les Byturus (B. tomenlosus Payk.), les centres médul-
laires thoraciques sont fort gros (2) ; le dernier est ovalaire et mé-
diocrement éloigné du précédent. On distingue postérieurement
la trace d’un ganglion abdominal qui s’est, réuni à lui. En outre ,
on compte six ganglions formant une chaîne ne dépassant pas
beaucoup la base de l’abdomen (3). Ils sont séparés les uns des
autres par des connectifs très courts ; les deux derniers sont même
réunis, et forment une masse allongée : tous les autres ont une
(I ) Règne animal de Cuvier nouvelle édition Insectes), pl 36, lis <>", et
pl 62, fig. 12, I l I I
(2) ri. 12, fig 1—3, i,
(3) 1*1 12, fig 1—6. 7, 8, 91, 10, Il
DES INSECTES. 533
forme ovalaire. On voit d’après cette description combien les By-
turus diffèrent des Nitidules par leur organisation.
Les Mycétophages s’en éloignent au contraire fort peu (M. qua-
drimaculatus Fab.) ; les premiers ganglions abdominaux (1) sont
seulement un peu plus espacés et un peu plus petits, le quatrième
est plus rapproché du cinquième (2), et le dernier est le résultat
d’une réunion un peu plus intime entre les deux ganglions pos-
térieurs encore distincts chez les Byturus (3). On n'observe pas
entre ces deux types de différences plus importantes à signaler.
Dans les Dermestides ( Uermestes lardarius et vulpinus Lin), le
ganglion abdominal , qui , chez les précédents , est presque com-
plètement confondu avec le centre nerveux du métathorax, est ici
beaucoup plus gros et plus distinct (4). Les larves de ces Der-
mestes offrent une chaîne ganglionnaire abdominale composée de
huit centres nerveux espacés à peu près également. Par les pro-
grès de l’âge, le premier se rapproche du ganglion métathora-
cique, le septième et le huitième se confondent (5) et se rappro-
chent du sixième. Il existe alors une ressemblance très notable
entre le système nerveux de ces Insectes et celui des Néc rophores.
Chez les Byrrhides ( Byrrhus pilula Lin.), l’appareil de la sensi-
bilité ne diffère notablement de celui des Uermestes qu’en ce que
le premier ganglion abdominal est à peu près totalement confondu
avec le métathoracique.
Les Insectes de cette tribu , par les caractères de leur organi-
sation aussi bien que par ceux des larves, offrent un ensemble
homogène. Les larves des Mycétophages, comme celles des Der-
mestes, sont hérissées de poils roides, leurs antennes sont assez
allongées, leurs mandibules et leurs mâchoires petites.
Quant aux Byturus, je n’ai pas eu l’occasion de les étudier pen-
dant leurs premiers états. Il serait intéressant de les observer,
pour apprécier mieux encore que nous ne pouvons le faire main-
tenant tous les rapports de ce type avec les Dermestides et les
Mycétophagides.
(1) PI. 12, fig. 2—9. 10 (4) PI. 12, fig. 1 — 10, 1 1
(2) PI. 12, fig 3—6 (5) PI. 12, fig 2—12.
(3) PI 12, fig. 2
'.Yàk K. HlWdltltl). — SI'. B I.E SYSTEM K Mil! VEUX
Les Dermestiens ont des affinités très diverses ; comme on l’a
déjà vu , ils se rapprochent à beaucoup d’égards des Silphiens
par les Nécrophores. Leurs rapports avec les Érotyliens sont des
plus étroits. Ils paraissent en même temps offrir une certaine ana-
logie avec les Cucujiens. Leurs affinités avec les Bostrichiens sont
aussi évidentes d’après leur organisation que d’après leurs carac-
tères fournis par les antennes et les parties de la bouche. Elles
ne le sont pas moins avec les Clériens.
Tant que les parties les plus essentielles de l’organisation sont
demeurées inconnues, il était complètement impossible d’appré-
cier ces divers rapports, qui , aujourd’hui , ressortent jusqu’à la
dernière évidence , car aucun caractère important ne vient les
combattre.
8' Tribu. — Les Cucujiens ICucujiiy
N’ayant pu examiner anatomiquement quelques uns des repré-
sentants de cette tribu , ses affinités ne me paraissent pas pouvoir
être bien reconnues. L’aspect extérieur semble devoir faire rap-
procher les Gucujides des Dermestiens par le groupe des Sylva-
nites. D’après la ligure de la larve du Cucujus spartii donné par
M. Westwood (I), on pourrait croire ce rapprochement fondé.
Les l’assandrides , que nous avons considérées comme formant
une seconde famille dans la tribu des Cucujiens , se lient aussi
aux Cérambyciens. Ces Coléoptères étant étrangers à notre pays,
je n’ai pu étudier leur organisation. Leurs métamorphoses sont
demeurées inconnues jusqu’à présent : aussi toute incertitude
règne-t-elle à l’égard de leurs affinités naturelles.
9f Tribu. — Les Erotyliens iEvolylii).
( ('la vipalpes Latr. )
Il serait nécessaire de connaître dans cette tribu l’organisation
de tous les types principaux , pour reconnaître tous ses liens de
parenté. On arriverait même alors certainement à modifier ses
limites. Les Erotyliens, en effet, sont loin de former un ensemble
(I) /In [nlroduct. o' lhe modem classif. oflnsecls, I I p 166, fig. 12-19.
nus ivsneriis.
335
homogène. On peut déjà s’en convaincre ; mes observations sur
le système nerveux de quelques uns d’entre eux le prouveront.
Mais ce sont encore des données trop peu nombreuses pour arri-
ver à des résultats complets.
Nous rattachons trois familles à cette tribu : les Érotylides, les
Endomychides et les lpsides.
Dans la première , on compte un nombre d’espèces considé-
rable : seulement, la plupart étant exotiques, les formes les plus ty-
piques, les formes les plus particulières appartenant à ces espèces
exotiques, il est impossible aujourd’hui d’arriver à une solution.
J’ai étudié le genre Triplax ( T . russica Fab.) ; là j’ai observé
une disposition du système nerveux très analogue à celle des Der-
mestiens (1). S’il en est de même pour tous les autres Érotylides,
il n’y aura aucune raison pour les en séparer.
Dans les Triplax , on observe une chaîne ganglionnaire abdo-
minale "uigée. Un premier ganglion est accolé au centre mé-
dullaire nîétathoracique (2), en en demeurant très distinct, comme
chez les Dermestes. On compte ensuite encore , comme chez ces
derniers, quatre ganglions espacés presque également, et enfin
une masse médullaire terminale dans laquelle on en distingue
deux (3).
Le système nerveux des Tritomes ( Tritoma bipustulata) m’a
offert quelques différences avec celui des Triplax , les quatre der-
niers ganglions abdominaux étant plus rapprochés les uns des
autres.
Les larves des Triplax, extérieurement, ressemblent beaucoup à
celles des Dermestiens. Elles ont, comme ces dernières, des pattes
assez courtes , une enveloppe hérissée de poils assez roides , et
elle-même d’une consistance assez solide. Ces larves, déjà décrites
par MM. Léon Dufour (4) et Westwood (5), m’ont présenté un
(1) PI. 1 2, fig 4.
(2) PI. 12, fig. 4—6.
(3) PI. 44, fig. 4—11, 12
(4) Annules i le la Société Entomoloijique de France, t. XI, p. 1 91 . pl. 7 (1842).
(j) \\ estwood , An fntrod. lo lhe modem classif of Insecte, t. I. p. 393. et
fig 49 — G
330 lî. BLANCHARD. — SI: U l.li SYSTEME NERVEUX
système nerveux très analogue à celui des larves de Dermestes.
Les ganglions abdominaux , au nombre de huit , sont presque
aussi gros que ceux du thorax. Les connectifs qui les séparent
les uns des autres sont aussi assez courts.
Ainsi , d’après la considération des Triplax , tant à l’état de
larve qu’à celui d’insecte parfait, on serait conduit à les réunir
à la tribu des Derinestiens. Les caractères intérieurs sont d’accord
en cela avec les caractères extérieurs.
Mais les Érotyles proprement dits sont-ils conformés sur un
plan bien analogue à celui des Triplax ? L’observation directe peut
seule nous l’apprendre , et actuellement elle nous manque.
D’après la description de la larve de l’ Erotylus (Ægythus) su-
rinamensis Fab. donnée par M. Lacordaire , nous ne pouvons pas
savoir jusqu’à quel point elle ressemble beaucoup à celles des
Triplax.
Pour les Endomychides, j’ai étudié le système nerveux d’un
des principaux représentants de cette tribu, l’Endomychus rouge
( Endomychm coccineus Fab. ).
Dans ce Coléoptère (1), les trois ganglions thoraciques sont à
peu près également espacés et de la même grosseur. Les ganglion^
abdominaux sont beaucoup plus rapprochés les uns des autres que
chez les Triplax. On en distingue seulement quatre (2). Le premier
accolé au centre médullaire métathoracique ; le troisième et le
quatrième réunis formant une masse médullaire allongée et un
peu pyriforme. Le deuxième ganglion est juste situé à égale dis-
tance entre le premier et le troisième. Les connectifs sont courts
et réunis l’un à l’autre.
Par la disposition du système nerveux les Endomychus se rap-
prochent considérablement des Coccinclliens.
Leurs larves ont été observées en Angleterre , mais les descrip-
tions et les figures qu’on en a données sont insuffisantes pour les
faire bien connaître (3).
(1) PI. 12, fig. 5.
(2) PI. 12, fig. 5-6, 7, 8, 9.
(3) Voyez Curtis , British Entomology , et Westwood , An Int. ta thv modem
class. of Ins., t. I, p. 394, fig. 49 — I I
l)liS INSECTES.
La famille des Ipsides est composée d’une série de genres qui
certainement par la suite ne resteront pas ensemble. Les Colydies,
tant à leur état de larve qu’à leur état d’insecte parfait, paraissent
se lier étroitement avec certains Éroty liens comme les ïriplax et avec
les Dermestiens. Quant aux Ipsides, ils ont beaucoup l’aspect des
Nitidules. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’étudier le système
nerveux dans ces types intéressants : aussi leurs affinités me sem ■
blent encore impossibles à apprécier.
J’ai observé anatomiquement un seul genre réuni à la famille
des Ipsides par plusieurs entomologistes. Il devra certainement
en être séparé.
Les Trogossites ( Trogossila maurilanica Lin.) ont un système
nerveux remarquable (1). Leur chaîne ganglionnaire est fort
longue. Les centres nerveux thoraciques sont également espacés ;
le prothoracique est le plus gros, et ses trois paires de nerfs nais-
sent d’un tronc commun.
Les ganglions abdominaux sont au nombre de huit (’2). Le pre-
mier est réuni au métathoracique par deux connectifs très courts.
11 distribue ses filets nerveux dans les muscles du thorax. Les
deuxième , troisième et quatrième ganglions sont séparés les uns
des autres par des connectifs assez longs. Au contraire les qua-
trième, cinquième, sixième, septième et huitième n’ont entre
eux que des connectifs extrêmement courts. Ces ganglions sont
de forme ovalaire, le dernier seul est plus élargi. Ils produisent
une seule paire de nerfs qui se divisent en deux grandes branches.
Si la forme extérieure des Trogossites, si leur corps long et
aplati, leurs mandibules très robustes , leur abdomen fort court
par rapport à la longueur du thorax leur donnent un aspect tout
particulier , il en est de même de leur système nerveux. Cet appa-
reil , chez les Trogossites , diffère beaucoup de celui de tous les
autres Coléoptères soumis à mes investigations. Néanmoins on
est conduit à le comparer au système nerveux des Carabes plutôt
qu’à tout autre. Il présente un ganglion abdominal de plus que
(Q PI. 13, fig. 1.
(2) PI. 13. fig. 1 — 6. 7, 8. 9, 10, 11. 12, 13
3r série. Zool T. V (Juin 1816.) a
SllB I.li SV ST K MK .NERVEUX
338 E. HI.IX(HIRI). —
chez ces derniers, mais il y a une analogie très notable dans la
disposition des centres nerveux.
Les Trogossites constituent réellement un de ces types aber-
rants, comme les appelle M. Mac-Leay. Certainement il existe une
relation entre lui et les Carabiens. Aussi peut-être sera-t-on con-
duit par la suite à regarder les Trogossites comme un intermé-
diaire entre les ïps et les Carabiens par les Siagones, et entre
ceux-ci et lesCucujes, et peut-être les Ténébrionides.
D’après ce qui précède on voit combien la tribu des Érotyliens
serait hétérogène. La constance dans la disposition du système
nerveux qu’on remarque en général dans toutes les tribus natu-
relles, alors même que les formes extérieures sont différentes, en
est la meilleure preuve.
Si dès à présent je ne change pas ses limites ou si je ne répartis
point ses divers groupes dans plusieurs autres tribus, c’est qu’il
n’est pas possible actuellement d’avoir des idées bien arrêtées à
l’égard des affinités de tous les types qui les composent ; car les
observations anatomiques nous manquent sur beaucoup de points.
Je sais parfaitement que les Trogossites ne pourront rester dans
une même tribu avec les Érotylides et les Endomychides. Cepen-
dant je ne les en éloignerai pas maintenant ; car oit les p'acerait-
no d’une manière convenable? devront-ils former une tribu par-
ticulière à eux seuls? devront-ils constituer une tribu , réunis
avec les lpsides, ou bien encore devront-ils être placés parmi les
Cucujiens? L’observation nous manque pour résoudre ces ques-
tions, il faut nécessairement l’attendre.
C’est déjà un point essentiel de connaître l’intérêt qui s’atta-
chera à leur solution et de savoir sur quels points on devra
diriger son attention.
10* Tribu. — Les Cocci.nelliens [Coccinellii).
Les Coccinelles proprement dites sont les principaux représen-
tants de cette petite tribu. J'ai étudié le système nerveux de plu-
sieurs espèces. Elles m’ont paru toutes très semblables au type
du genre, au type de toute la tribu , à la Coccinelle à sept points
( Coccinella septempunctata Lin.).
DUS INSECTES.
339
Les centres médullaires du thorax sont à peu près d'égale gros-
seur (1); le prothoracique est notablement plus éloigné du méso-
thoracique que celui-ci ne l’est du métathoracique. Les ganglions
abdominaux forment une chaîne qui n’atteint pas même la moitié
de la longueur de l’abdomen ("2). On en compte d’abord un assez
gros accolé au centre nerveux du métathorax, puis un second
séparé du premier par des connectifs assez longs; puis un troi-
sième ayant entre lui et le second à peu près la même distance
qu’entre le second et le premier : seulement, ce troisième ganglion
forme qne seule masse médullaire avec les suivants, qui semblent
être au nombre de trois. De légères dépressions transversales
indiquent aussi quatre ganglions dans cette masse médullaire.
On reconnaîtra ici une analogie avec le système nerveux des
Endomychus. Mais on observera en même temps certaines dilfé-
rences qui permettent de séparer les Coccinellienset les Endomy-
chides, comme, par exemple, la brièveté de la chaîne abdominale
chez ces derniers. Les caractères fournis par les appendices condui-
sent aussi à ce résultat, mais sans autre indice il serait peu certain.
lin fait que je m’explique maintenant est l’analogie très positive
existant entre les Coccinelliens et les Sphæridides. Sous le rap-
port de leur système nerveux il y a une ressemblance très réelle.
Au premier abord j’en fus surpris; mais en examinant ensuite la
forme du corps, celle des antennes, même des pièces de la bou-
che, j'ai reconnu que l’analogie entre ces deux types n’existait
pas seulement dans la disposition de leur système nerveux (3). Un
indice était toutefois nécessaire pour la reconnaître. L’observation
anatomique ne peut plus laisser de doute.
Les Coccinelliens se rapprochent, se lient aussi à certains égards
aux Chrysoméliens; la disposition de leur système nerveux les
rapproche de certaines Chrysomèles , surtout du genre Lina. Entre
les larves, la ressemblance est plus grande encore (4). Le système
fi) 1*1. il, fig 2.
(2) PI 13, fig. 2—6, 7, 8, 9, 10.
(3) Vovez les pl. 38 et 74 bis de la nouvelle édition du Règne animal de Cuvier.
(i) M. Ratzeburg a donné une très bonne figure de la larve de la C 'nrcinclla
septempunclala (Die For st-fnscctm . I I pl I . fig. 1 -»)
SL K LH SYSTEME NERVEUX
340 F,. KLXNlHXRn.
nerveux des larves des Coccinelles diffère à peine de celui des lar-
ves de Chrysomèles.
Il" Tribu — Les HYDRoruiutss ( Hydrophilii ).
(Palpicornes Lair.)
Cette tribu paraît assez naturelle, tout en renfermant des types
qui s’éloignent du type principal à quelques égards; les familles
qui la composent sont au nombre de cinq : les Sphæridiides , les
Hydrophilides, les Hélophorides, les Parnides et les Hété-
rocérides.
J’ai plus particulièrement étudié les deux premières.
Les Sphæridiides ( Sphæridium scarabœnides ) ont leur système
nerveux un peu plus centralisé que celui des Hydrophilides. A ce
point de vue, il est plus semblable à celui des Coccinelliens. Chez
les Sphæridies, les centres nerveux du mésothorax et du méta-
thorax sont très rapprochés l’un de l’autre, mais non pas accolés
l'un à l’autre (1). Les ganglions abdominaux forment une chaîne
assez courte (2 : le premier est extrêmement petit et accolé au
centre médullaire métalhoracique ; le second en est éloigné, et les
suivants, qui sont séparés du second par des connectifs assez
courts , forment une seule masse. On y distingue nettement trois
ganglions. La chaîne ganglionnaire abdominale n’atteint que la
base de l’abdomen.
J’ai examiné le système nerveux dans plusieurs Hydrophiles
( H ydrophilus piceus Lin. , llydrous coraboidcs Lin. ). j’y ai trouvé
une ressemblance complète. Dans le grand Hydrophile, où je l’ai
représenté avec détails, on remarque que les ganglions céré-
broïdes sont très petits comparativement à la grosseur de la tête
de l’Insecte (3).
Les nerfs optiques, comme j’ai eu l’occasion de le dire précé-
demment , sont ici extrêmement grêles comparativement à ceux
qu’on observe ailleurs (4). Le centre médullaire prothoracique
émet des nerfs antérieurs très gros et divisés en branches fort
(1) PI. 13, fig. 3— i, S.
(2) ri. 13, lig. 3— s 7. 8.9. 10
(3) PI. 11, fig 1 — 1
(1) PI. I I, lig 1 — 1 b
DES INSECTES.
341
nombreuses (1). Les intermédiaires naissent du même tronc et
sont aussi très grêles. Les connectifs qui unissent les centres ner-
veux du prothorax avec ceux du mésothorax sont extrêmement
longs. Les connectifs qui unissent ce dernier avec le ganglion du
métathorax sont au contraire fort courts (2). Chez les Hydrophiles,
la chaîne ganglionnaire abdominale est allongée (3). On compte
cinq ganglions espacés presque également; le dernier, beaucoup
plus gros que les autres, ne présente pas cependant de divisions
apparentes. Le premier est accolé au centre médullaire métatho-
racique. De chacun des ganglions de l’abdomen il naît une seule
paire de nerfs qui se divisent d’abord en deux branches princi-
pales, se subdivisant elles-mêmes en plusieurs autres branches
encore très fortes. Le dernier centre médullaire donne seul trois
paires de nerfs.
Cuvier a donné une description succincte du système nerveux
de ('Hydrophile dans ses leçons sur l’anatomie comparée (4).
Si l’on compare maintenant le système nerveux des Sphæridies
avec celui des Hydrophiles , on reconnaîtra que la principale dif-
férence consiste dans l’écartement des trois derniers centres mé-
dullaires. Chez les Sphæridies , ils sont contigus. Chez les Hydro-
philes, ils sont aussi espacés que les deux premiers. 11 existe par
conséquent une différence, non pas très considérable, mais néan-
moins assez importante entre les Sphæridiides et les Hydrophili—
des. Leurs caractères extérieurs ne pouvaient en donner qu’une
idée imparfaite. Peut-être eût-on été conduit d’après cela seul à les
regarder comme plus semblables qu’ils ne le sont en effet.
Les Hydrophiles ont un tube alimentaire très long , formant de
nombreuses circonvolutions. Ceci paraîtrait au premier abord in-
diquer un rapprochement entre ces Insectes et les Scarabéiens;
mais l’analogie consiste seulement dans la longueur, nullement
dans la forme de chacune de ses parties. Ces Coléoptères ont
aussi à la base de leur abdomen , comme les Dyticiens, un com-
mencement de trachées vésiculeuses.
lîien donc ne nous semble devoir venir à l’appui du rapproche-,
(1)PI ) 1 . fig. I — 3a,6,c. (3) PI. 11, (!g. 1— 6, 7, 8, 9, H)
f 2 ' l’I . H, fig. I — i a 5. (I) Tome II, page 339 (an vin).
342 E. BI./IIVCH.IRU. 8l)K LE SYSTÈME MîltVEUX
ment des Scarabéiens et des Hydrophiliens. I.atreille plaçait ces
deux tribus près l’une de l’autre; il y était conduit uniquement
par la forme desanlennes, car les parties de la bouche n’indiquent
pas une ressemblance bien grande entre ces deux tribus.
L’organisation intérieure montre bien mieux qu’elles sont assez
éloignées l'une de l’autre. La considération des larves conduit au
même résultat. Comme plusieurs entomologistes l’ont pensé dans
ces derniers temps, les Hydrophiliens se rapprochent, des Dyti-
ciens, tout en oITranl de grandes différences avec eux.. Leur sys-
tème nerveux en est une preuve; car malgré ses caractères par-
ticuliers dans chacune de ces deux tribus , il présente aussi plu-
sieurs points d’analogie.
Par la considération de cet appareil on reconnaît un rapport
réel entre les Hydrophiliens et les Silphiens. Par les Sphæridiides,
comme je l’ai déjà dit , le type se modifie pour former un lien entre
les Ilydrophilides et les Coccinelliens. Les larves d’ Hydrophiles
ressemblent beaucoup à celles des Dyticiens par la forme générale
de leur corps et surtout par la longueur de leurs pattes, le déve-
loppement de leurs mandibules et de leurs mâchoires (1). Elles
leur ressemblent aussi par leur système nerveux. Chez les larves
d’ Hydrophiles (//. piceus Lin.), on compte sept ganglions abdo-
minaux, dont le premier rapproché du centre nerveux métatho-
racique. Il en est de mèmedansles larves de Dytiques: seulement,
chez celles-ci, ils sont très rapprochés les uns des autres, et ne
forment qu’une chaîne très courte. Chez les premières, au con-
traire, ils sont fort espacés, et constituent ainsi une chaîne s’éten-
dant presque jusqu’à l’extrémité du corps. Les rapports de ces
deux tribus sont donc pleinement démontrés par l’organisation
et par l’embryogénie : cependant ces rapports ne sont pas in-
times.
Je n’ai pu encore étudier suffisamment les Hélophorides, Parni-
des , Hétérocérides , pour avoir des idées bien arrêtées à l’égard
de leurs affinités. Les premiers cependant me paraissent très voi-
sins des Hydrophilides. Les Parnides et les Hétérocérides , con-
(l) Voyez la nouvelle édition du /ti'yne animal de Cuvier (Insectes), pl 15,
lig. 2 et i .
I>KS INSECTES.
343
sidérés par quelques entomologistes comme un lien vers lesGyri-
nides à cause de la forme de leurs antennes, me semblent au con-
traire former plutôt un lien entre les Hydrophiliens proprement
dits et les Dermestiens.
12e Tribu — Les Dyticiens (Dyticii).
( llydrocanlhares l.atr.)
Cette tribu comprend deux familles : les Dvticides et les Gyri-
nides.
J'ai disséqué plusieurs types de la première Dyticus rnargi-
nalis Lin. , A cilius sulcatus , Colymbetes fuscus, etc.); ils m’ont
paru tous conformés sur un plan général très analogue. Dans les
Dytiques ( Dyticus marginalis Lin.), les ganglions cérébroïdes
sont de médiocre grosseur, et les nerfs optiques sont moins volu-
mineux que dans la plupart des autres types (1). Peu de Coléop-
tères sont aussi favorables à l’observation du système nerveux de
la vie organique que les Dytiques; leur nerf récurrent est assez
gros , et l’on aperçoit même aisément ses branches latérales. Le
ganglion gastrique se distingue facilement , de même que ses
branches, qui se partagent sur le gésier et le ventricule chylifique.
Les centres médullaires du thorax sont à peu près d’égale gros-
seur (2) ; les trois paires de nerfs prothoraciques ont leurs ori-
gines distinctes (3) ; les antérieurs se divisent en plusieurs bran-
ches très fortes. Les centres nerveux du mésothorax et du méta-
thoraxsont peu éloignés l’un de l’autre.
Les ganglions abdominaux constituent une chaîne assez courte,
qui n’atteint même pas la base de l’abdomen. On en compte six (4) :
le premier accolé au centre médullaire métathoracique , le se-
cond assez éloigné du premier , et les trois suivants séparés les
uns des autres par des connectifs fort courts ; le cinquième et le
sixième sont même intimement unis , et ne forment qu’une seule
masse ovoïde. Les Dyticides ont un système nerveux qui se rap-
proche beaucoup de celui des Carabiens , mais avec une centra-
lisation plus grande.
(1) PI. io, fig i — I . i
(2) PI io, fig i— :» i.
(3) PI. 10, fig. 1—3 a,b,c.
(S) PI 10, fig 1—6. 7, 8, 9, 10, H
344 K. BUM'URD. — SLR I.E SYSTÈME NERVEUX
Le système nerveux des larves de Dytiques (1 : a aussi une dis-
position particulière; les ganglions cérébroïdes sont presque sépa-
rée, et ressemblent à deux petites masses ovalaires accolées (2).
Les nerfs optiques consistent d’abord en une sorte de gros tuber-
cule qui se divise bientôt en un nombre de branches égal au nombre
des yeux de la larve (3). Les ganglions du thorax sont séparés du
ganglion sous-œsophagien par deux connectifs extrêmement longs.
Les centres médullaires thoraciques sont presque d’égal vo-
lume (4) ; les connectifs qui séparent le premier du second et le
second du troisième , sont de même longueur et écartés l’un de
l’autre. Ils produisent par deux racines le filet nerveux qui vient
s’anastomoser avec les nerfs alaires.
On compte chez les larves de Dytiques sept ganglions abdomi-
naux très rapprochés les uns des autres (5) : le premier, le plus
gros de tous, est séparé du centre nerveux métathoracique par deux
connectifs très courts; le second en est un peu plus éloigné, mais
tous les suivants sont fort peu séparés. La chaîne ganglionnaire
ainsi ramassée se termine dans le troisième anneau abdominal ; les
nerfs de chacun des ganglions descendent parallèlement jusqu’à
leur anneau respectif, où ils se divisent et se subdivisent. Le
premier centre nerveux abdominal fournit deux paires de nerfs se
rendant aussi à deux anneaux, qui deviendront partie thoracique
dans l’insecte parfait.
Les caractères fournis par les mâchoires et leurs palpes n’ont
jamais pu laisser de doute sur les affinités très grandes des Dvti-
ciens avec les Carabiens.
La considération du système nerveux chez les insectes parfaits
et les larves prouve manifestement cette analogie. On reconnaît
dans les Dytiques une tendance vers une plus grande centrali-
sation que dans les Carabes : c’est en quelque sorte la même
forme plus perfectionnée.
Les larves des Dyticiens ressemblent considérablement à celles
des Carabiens et des Staphyliniens : le canal intestinal des üyti-
(4) PI. 10, fig. 2—3, 4, 5.
(3) PI I 0, fig. 2—6, T, 8.9,10, Il
et 12
(1) PI 10, lig 2.
(2) PI. 10, fig 2—1
(3) PI 10, fig 2— I, 8
DUS INSECTES.
345
ques se rapproche aussi de celui des Carabes (I). Les affinités
entre ces divers groupes ressortent jusqu’à la dernière évi-
dence.
Les Gyrinides, qu’on désigne vulgairement sous le nom de Tour-
niquets , s’éloignent beaucoup du type principal des Dyticiens.
Le système nerveux des Gyrins (*2) (G. natator et urinator Fab.)
représenterait celui des Dytiques , parvenu à un degré de centra-
lisation plus élevé. Les centres médullaires du mésothorax et du
métathorax (3), chez ces Coléoptères, sont contigus. Tous les gan-
glions abdominaux forment une seule masse allongée et accolée
au ganglion métathoraciquc (4). On y distingue même difficile-
ment les indices de la soudure des ganglions. Chez les Gyrins ,
les nerfs optiques se continuent en ligne droite avec les ganglions
cérébroïdes (5), ce qui donne un aspect particulier à cette portion
du système nerveux.
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’étudier les larves des Gyrins.
Elles méritent d’être examinées , car elles conduiront à recon-
naître si ces Coléoptères diffèrent beaucoup des Dytiques dans
leur premier âge , ou si les insectes parfaits n’offrent qu’un degré
de développement plus avancé. Par la configuration de leurs gan-
glions abdominaux , les Gyrinides paraissent former un lien entre
les Dyticides et les Scaphidides, et les llistériens en général.
13' Tribu. — Les Carabiens (Carabii ;
(('arabiques Latr. )
Cette tribu, l’une des plus naturelles de tout l’ordre des Co-
léoptères, est en même temps l’une des plus nombreuses.
Tous ses représentants ont dans la forme des parties de leur
bouche, de leurs antennes et de leurs pattes, des caractères géné-
raux qui ne permettent pas de les confondre avec des groupes
voisins.
Nous divisons cette tribu en deux familles : lesCarabides et les
(1) Voyez Léon Dufour, Recherches anatomiques sur les Coléoptères, p 22
(2) PL 8, fig. S. (4) PI. 8, fig. 5— 6.
(3) PI 8, (ig 5—4,5. (3) PI. 8, fig. 5 — I , H.
3/lG E. BI.WtHAKII. — SUR I.E SYSTÈME NERVEUX
Cicindélides. Pour les premiers , mes observations ont porté sur
un assez grand nombre de genres.
J’ai décrit le système nerveux du Carabe doré (1) au chap. 1 1 ;
je n’y reviendrai pas ici. Je me contenterai d’indiquer les diffé-
rences que j’ai observées entre ce type et les autres représentants
de sa tribu. Dans le Carabe, on le sait , les sept ganglions abdo-
minaux sont tous séparés les uns des autres.
J’ai reconnu cette disposition , non seulement chez le Carabus
auratus, mais aussi dans les ( '. monilis et purpurascens, et dans
les Calosomes ( Calosoma inquisitor Lin.). Chez les Nébries (JS.
brevicollis Fab.), le premier ganglion abdominal s'unit davantage
avec le centre médullaire du métathorax. Dans les Elaphres (Ela-
phrus uliginosus et riparius Fab.), il se confond presque entiè-
rement avec le centre nerveux métathoracique , et les six autres
ganglions abdominaux restent espacés dans les mêmes rapports
que chez les Carabes. Les Elaphres ressemblent à cet égard aux
Cicindèles. 11 y a donc bien évidemment une affinité très étroite
entre ces deux types, et non pas seulement une analogie dans l’as-
pect général, comme l’ont cru la plupart des entomologistes.
Chez tous les Féronites qüe j’ai examinés ( Zabrus gibbus, Splw-
drus planus, Pristonychus terricola, Calathus cisteloides. Platynus
( A nchomenus ) prasinus et ( Agonum ) marginatus, Feronia nigra,
melanaria, etc.), de même que chez les Chlænies ( Chlænius ves-
titus I’ab.), le premier ganglion abdominal est complètement
rapproché du centre médullaire du métathorax, dont il demeure
toutefois très distinct ; le deuxième et le troisième ganglion de
l'abdomen sont espacés comme dans les Carabes, mais le qua-
trième en est un peu plus écarté. Celui-ci et les trois derniers
sont séparés les uns des autres par des connectifs si courts, qu’ils
semblent au premier abord former une simple masse allongée ;
mais avec un peu d’attention on distingue encore très nettement
les quatre ganglions.
Dans les Bembidionites ( Bembidionustulatum Lin., B. undu-
latum Sturm. et B. ( Loplia ) quadrimaculatum Fab.), il y a une
disposition tout-à-fait semblable, montrant d’une manière certaine
(t) Règne animal , nouvelle édition, |>l 3 bis, fiix I
DES INSECTES.
347
que ces Carabiens sont surtout voisins des Féronites et plus parti-
culièrement des Platynes (sous-genres Anchomenus et Agonum),
dont ils ont la forme générale et les habitudes.
J’ai pu observer le système nerveux dans le genre Antliia (A.
decimmaculata ), du groupe des Graphiptérites, sur un individu
conservé dans l’alcool, et y reconnaître exactement le même grou-
pement des ganglions abdominaux que dans les Féronites.
Chez les Brachinites ( Il rue h in us crepitans et une espèce des
Philippines, B. Catoirei Dej.) et les Harpalites (fl ar palus rufi-
cornis, œneus et bipunctatus ), on trouve une petite différence avec
les précédents en ce que le troisième ganglion abdominal est rap-
proché du quatrième , comme celui-ci l’est par rapport aux sui-
vants.
Dans la famille des Cicindélides ( Cicindela campestris Lin. ),
le premier centre nerveux de l’abdomen se confond avec le gan-
glion du métathorax ; tous les centres nerveux sont au contraire
un peu plus espacés et un peu plus petits proportionnellement que
dans les Carabes.
Le système nerveux des Carabiens offre ainsi une grande uni-
formité dans sa disposition générale, tout en présentant de petites
différences , dues simplement à la longueur ou à la brièveté des
connectifs. On peut encore se servir avec avantage de ces légères
modifications pour caractériser les groupes secondaires et appré-
cier les affinités qu’ils présentent entre eux ; mais , pour en tirer
tout le parti possible dans une tribu dont les collections renferment
plus de quatre mille espèces, on le comprend sans peine, il faudra
multiplier les observations beaucoup plus encore que je n’ai été à
même de le faire.
Plusieurs larves de Carabiens ont été décrites dans ces der-
niers temps (1).
M. Burmeister a décrit et en partie représenté le système ner-
veux de la larve du Calosoma sycophanla (2). Il lui a trouvé huit
ganglions abdominaux espacés. Il y a là une ressemblance très
(1) Voyez Heer, Observa tiones entomol. — Ratzeburg, De Forsl-Insecl, I I
— Wcstwood, Inlroducl. to the modem Classif of Insecte, t. I, p 67 (1840)
('2' Traits, of the Enl. Soc. of fond I I, et Handb. der Entom. Allas.
3/|8 E. BI.AXC1IARD. — SIR LE SYSTÈME NERVEUX
grande avec la disposition que j’ai signalée dans la larve des
Silphes.
Les Carabiens offrent entre eux encore un trait d’ homogé-
néité dans le tube alimentaire , en ce que leur ventricule chy-
liiïque est presque constamment garni de papilles : seulement ,
comme il arrive en général pour la plupart des caractères fournis
par le canal intestinal , celui-ci est loin d’être exclusif.
Les affinités des Carabiens sont surtout très grandes avec les
Dyticiens ; elles le sont presque autant avec les Silphiens et les
Staphyliniens. Cette tribu se lie encore à celle des Piméliens :
mais ici les ressemblances sont moins manifestes. Ces analogies
sont bien démontrées par la disposition des centres nerveux : elles
ne le sont pas moins par les caractères embryogéniques.
U* Tribu — Les Pimelieks ( Pimctii ).
(Mélasomes Latr. )
Ceux-ci constituent une tribu très considérable qui me semble
très naturelle, telle que je la circonscris aujourd’hui. Dans mon
Histoire des Insectes , à l’exemple de la plupart des entomologistes,
j’avais considéré les Hélopiens comme formant une tribu distincte
de celle des Piméliens, tout en remarquant que les caractères ex-
térieurs rendaient difficile cette séparation. Aujourd’hui, d’après
leur organisation , je me trouve conduit à réunir aux Piméliens
la famille des Hélopiides et à en séparer les Cistélides , qui peu-
vent en être éloignées aussi d’après la considération de leurs
caractères extérieurs.
A la tribu des Piméliens, je rattache quatre familles : les Pi-
méliides, les Blapsides, les Ténébrionides et les Hélopiides. Dans
la disposition de leur système nerveux, j’ai observé la plus grande
analogie entre tous les principaux représentants de cette tribu.
J’ai observé cet appareil dans les Pimélies ( Pimelia bipunctata
Fab. et barbara Sol.), les Praocis (P. Spinolœ Sol. du Chili), les
Blaps ( B. mortisatja Lin. ), les Pédines , les Opatres ( Opatrum
subutosum Lin.), les Hélops (Ilelops caraboüles et lanipes Lin.).
La chaîne ganglionnaire diffère à peine de l’un à l’autre de ces
divers types.
bus insectes.
3/pJ
Dans les Blaps (1) ( B. mortisaga Lin.), les ganglions céré-
broïdes sont assez petits, et les deux lobes sont peu marqués. Les
nerfs optiques, dans la plus grande partie de leur longueur, sont
divisés en nombreux filets aboutissant à chaque facette, comme
on l’observe dans les larves (2).
(l’est là un fait vraiment curieux de trouver chez un insecte
parfait des nerfs optiques analogues à ceux des larves. Cette por-
tion n’a pas acquis ici toute sa perfection : on s’explique cet arrêt
de développement. Les Blaps vivant constamment dans l’obscu-
rité, leurs yeux demeurent dans un état rudimentaire comparable
en quelque sorte à ceux des larves.
Chez ces Insectes , les centres médullaires du thorax sont très
espacés (3). Les nerfs prothoraciques naissent de deux troncs (4).
La chaîne ganglionnaire abdominale est assez allongée (5), et
se termine vers le milieu de la longueur de l’abdomen. On observe
d’abord un premier ganglion accolé au centre nerveux du méta
thorax ; puis quatre autres à peu près également espacés, et enfin
trois derniers réunis en une seule masse : les deux derniers sur-
tout sont peu distincts l’un de l’autre (6). Les ganglions de l’abdo-
men , dont la forme est un peu ovalaire , ont chacun deux paires
de nerfs ayant leur origine séparément. Chez les Pimélies (Pi-
vnelia bipunctata et barbara) et les Praocis ( /'. Spinolœ), c’est
exactement la même disposition.
Chez les Crypticus (C. glaber Fabr.), les derniers ganglions
abdominaux se rapprochent davantage, et alors la ressemblance
devient extrême avec le système nerveux des Carabiens.
Dans les Ténébrions ( T. molitor Lin. ) et les Opatres, le sys-
tème nerveux est aussi très semblable à celui des Blaps ; mais
on distingue plus nettement les trois derniers ganglions abdomi-
naux, et en outre tous les précédents sont séparés les uns desau-
tres par des connectifs plus longs (7).
(1) PI. 10, fig 3.
(2) PI. 18, fig. 3—1 b.
(3) PI. 10, fig. 3—3, 4. 5
(4; PI 10, fig. 3—3 u.b,c
(5) PI 10, fig. 3—6, 7, 8, 9, 10 11
et 12.
(6) PI. 10, fig 3—12
(7) PI. 10. fig 4—6, 7, 8, 9. Kl.
H . 1 2 al 13
350 K. IIUKCIURU. — SUR i.u SYSTÈME NERVEUX
il en est de même chez les Hélops. Dans ceux-ci, le premier
ganglion abdominal se confond un peu plus avec le centre médul-
laire du métathorax.
Ainsi , entre les Piméliides, Blapsideset Hélopiides , il n’existe
aucune différence importante dans la disposition du système ner-
veux. Ceci nous montre que la tribu des Piméliens est vraiment
homogène. 11 faut dire cependant que deux types assez anomaux,
à en juger par leurs formes extérieures , les Cossyphus et les
Phrenapates, n’ont pu être examinés anatomiquement.
Malgré les différences que les Piméliens et les Carabiens offrent
dans la forme de leurs mâchoires et dans le nombre d’articles de
leurs tarses, on est conduit à regarder ces deux tribus comme
très voisines l’une de l’autre. La forme de leurs antennes et de
leurs pattes* indique déjà ce rapport ; c’est cela seul qui , dans
mon Histoire des Insectes , m’avait conduit à ce rapprochement.
Alors je doutais encore qu’il soit vraiment naturel. Aujourd’hui
les caractères tirés de l’organisation ne peuvent me laisser aucun
doute.
Les larves des Ténébrionides et des Hélopiides sont bien con-
* nues. Tout le monde a vu le Ver de farine, cette larve allongée,
cylindrique, ayant une enveloppe luisante d’apparence cornée.
Toutes les larves de Piméliens , à quelques légères différences
près, ressemblent au Ver de farine, à la larve du Tenebrio mo -
litor. J’ai observé en Sicile les larves des Pimélies ; leur corps est
un peu plus aplati , mais elles présentent les mêmes caractères
généraux.
Dans la larve du Ténébrion , les centres nerveux forment une
chaîne qui s’étend dans presque toute la longueur du corps (1).
On compte trois ganglions thoraciques et huit abdominaux, ayant
tous à peu près la même grosseur. Ils sont aussi espacés presque
également. A l’extrémité du huitième ganglion abdominal , on
observe un petit prolongement, qui n’est autre chose certaine-
ment qu’un centre médullaire déjà réuni au précédent (2).
Par leurs larves et même par leur organisation , les Piméliens
(1) Pt. 10, fig. 5.
(2) PI. 10. fig 5—13, H
nus INSECTES. 351
ont certaines at'linités avec les Klatériens ; ils en ont aussi, d’autre
part, avec les Diapériens et les Cantharidiens.
15° Tribu. — Les Diapériens ( Diaperii ).
Les principaux représentants de cette tribu, à en juger par
leurs formes extérieures, semblent se rapprocher considérable-
ment îles Hélopiides. Leurs antennes perfoliées fournissent le
seul caractère zoologique qui permette de les en séparer ; mais
par la considération de leur organisation aux diverses phases de
la vie de l’animal , même par les formes extérieures des larves ,
on ne tarde pas à reconnaître que les Diapères constituent un
type assez éloigné de celui des Hélops.
Chez les Diapères (D. boleli Lin.) (1), le centre médullaire du
prothorax est éloigné de ceux du mésothorax et du métathorax ,
qui sont au contraire fort rapprochés l’un de l’autre (2). La chaîne
abdominale n’atteint guère que le milieu de l’abdomen. On dis-
tingue à peine un premier ganglion confondu avec le métathora-
cique ; ensuite on en observe un second (3), qui en est séparé par
des connectifs très courts , puis un troisième et un quatrième au
contraire très espacés : le quatrième forme une seule masse avec
le suivant ; il en demeure même médiocrement distinct A).
Les larves de Diapères (5), molles, allongées, s’élargissant
postérieurement , ont un cerveau remarquable. Les deux gan-
glions cérébroïdes sont avancés en pointe , et séparés l’un de
l’autre dans la plus grande partie de leur étendue (6). Le gan-
glion sous-œsophagien est ovoïde ; les trois centres nerveux tho-
raciques sont à peu près de même grosseur et également espacés.
Les ganglions abdominaux, au nombre de huit, très semblables
les uns aux autres , sont fort petits , comparativement à ceux du
thorax (7). Ainsi les Diapériens diffèrent beaucoup des Hélo-
(1) PI. M, fig. 3. (3) PI. Il, fig. 3—6
(2) PI. I l, lig. 3—3, 4. S. (4) PI. 11, fig. 3-8 et 9.
(3) Représentées par M. Léon Dufour, Annales ries Sciences mit., 1' série ,
t. XX, p. 290, pl. 12 (1843).
(6) Pl. 11, fig 4—1.
(7) Pl II, fig 4 — 6, 7, 8, 9, 10 II 12, 13.
352 iî. bu\CüaHd. — suu i.e système nerveux
jiiitles , non pas seulement à leur état parfait , mais aussi à leur
état de larve. Comme l’indique le développement des centres mé-
dullaires du thorax , ces larves de Diapères sont à un état em-
bryonnaire beaucoup plus avancé que celles des Ténébrions.
La disposition du système nerveux les rapproche notablement
des Érotyliens. A ce point de vue , ils nous offrent encore une
certaine analogie avec les Chrysoméliens. On aperçoit surtout
ce rapport en examinant la nymphe des Diapères , car alors on
compte , comme chez les Chrysomèles , trois ganglions abdomi-
naux isolés , et un quatrième formé par la réunion de plusieurs
autres (1).
Les recherches de M. Léon Dufour sur les métamorphoses de
1 ’Eledona agaricicola (2) montrent que les Bolitophages sont très
voisins des Diapères.
Dans mon Histoire des Insectes , j’ai placé , d’après quelques
ressemblances extérieures , les Trachyscélides et les Phalériides
dans la tribu des Diapériens. Comme je n’ai pu étudier l’organi-
sation de ces types , et comme leurs métamorphoses me sont
inconnues, je ne saurais me prononcer pour leur réunion ou pour
leur séparation. Toutefois je suis porté à croire que les Phalé-
ries doivent différer beaucoup des Diapères.
16" Tribu. — Les Cantharidif.ns ( Canlharidii ).
A cette tribu nous rattachons plusieurs familles : ce sont les
Cistélides y les Pyrochroïdes, les Lagriides , les Mordellides, les
Mélandryides, les OEdémérides, les Iloriides et les Canthari-
dides. Cette réunion est loin de former un ensemble homogène,
et nul doute que ses limites ne doivent changer. Mais dans l’état
actuel il reste à observer l’organisation dans trop de types pour
pouvoir prendre un parti.
Le système nerveux chez les Cistèles (('. sulpliurea Lin.) offre
une disposition particulière (3). Les trois centres médullaires tho-
raciques sont très espacés. Les ganglions abdominaux sont au
(1) PI 11 , fig. 5—6, 7, 8, 9. 10, 1 1.
(2) Ann. des Sc. mil.. 2' série, t XX. p 28i, pl. 12 (1843).
(3) Pl 13, fig. 7,
uns i \m < 1 1 >.
353
nombre de cinc] en apparence ; le premier est séparé du centre
nerveux du métathorax par des connectifs très longs; les trois
suivants sont presque également espacés : mais le quatrième est
réuni de manière à former une seule masse avec le cinquième.
Celui-ci est très grand et terminé carrément. Les deux paires de
nerfs de chaque ganglion naissent séparément.
Dans la famille des Lagriides , j’ai examiné les espèces les plus
répandues dans notre pays. Dans la Lagria hirla Lin. (1), le centre
médullaire prothoracique est très éloigné du mésothoracique ;
celui-ci l’est médiocrement du métathoracique. La chaîne gan-
glionnaire abdominale s’étend jusqu’aux deux tiers environ de la
longueur de l’abdomen ; on compte sept ganglions très petits (2) :
le premier accolé au centre nerveux du métathorax, les quatre sui-
vants écartés les uns des autres , mais le sixième beaucoup plus
rapproché du précédent, et le septième presque réuni au sixième.
Je n’ai pas trouvé dans d’autres Coléoptères de système nerveux
très analogue à celui des Lagries; cependant il s’éloigne à peine
de celui des Ténébrionides , et se rapproche un peu de celui des
Clairons.
Ne connaissant pas suffisamment les caractères des larves de
Lagriides, et n’ayant pas étudié leur organisation intérieure, je
n’ose encore me prononcer d’une manière définitive relativement
aux affinités de la famille des Lagriides. Cependant, d’après la
considération du système nerveux des Insectes parfaits, on devrait
la placer dans la tribu des Piméliens, à la suite de la famille des
Hélopiides. Mais, avant de démembrer cette tribu des Canthari-
diens, il me semble préférable d’attendre que les divers types qui
la composent actuellement soient mieux connus, puisque nous
avons déjà la certitude que plusieurs d’entre eux devront en être
séparés.
Les Pyrochroïdes , que je n’ai pas eu l’occasion d’étudier, me
paraissent , d’après les figures et les descriptions données par
M. Léon Dufour, se rapprocher extrêmement des Cistèles (3).
(t) PI. 14, fig. 6
(2) PI. 14, lig. 6 — 6, 7, 8, 9, 10, lt, 12.
(3) Ann. îles Sc. nul., 2” série, t. XIII, p 321 , pl. 3 el 6 (1840
i' série Zoul T V. (Juin 1846.) 5 23
35A U. BLANCHARD. — SIR l.E SYSTEM il .NERVEUX
Les Anthicides ne semblent pas s’éloigner considérablement des
Cistélides. Dans leur système nerveux il existe cependant des dif-
férences assez importantes. Là chaîne ganglionnaire abdominale
est beaucoup plus courte, et le premier ganglion se trouve accolé
au centre médullaire du métathorax. Si on le regarde comme cor-
respondant à celui qui en est si éloigné chez les Cistèles, on
trouvera les autres centres nerveux disposés dans ies mêmes
rapports (1).
J’ai examiné diverses espèces d’OEdémérides [OEdemera pocla-
arica , lurida , etc.) ; plusieurs auteurs ont regardé cette petite fa-
mille comme appartenant peut-être à la tribu des Cérambvciens.
L'organisation des Insectes parfaits vient témoigner de cette
analogie. On compte chez les OEdémères (OE. lurida Fab.),
comme chez les Cérambycides, cinq ganglions abdominaux, dont
le premier un peu éloigné du centre médullaire métathoracique ,
et le dernier plus gros que les autres et pyriforme “2). C’est la
séparation du premier ganglion abdominal et du centre nerveux
du métathorax qui constitue la principale différence entre les
OEdémères et les Cérambycides.
D’après l’aspect extérieur, leurs larves me paraissent conduire
au même rapprochement ; cependant elles sont caractérisées par
la présence de petites pattes et par leur- corps plus renflé.
Les Cantharidides forment une petite famille bien délimitée.
Leur système nerveux a déjà été étudié par Audouin dans la
Cantharide des boutiques (3) ( Cantharis vesicatoria ) et par
MM. Brandt et Ratzeburg (ù) dans les Cantharides, les Mylabres
et les Méloés. Tous ces Coléoptères ont une chaîne abdominale
composée de quatre ganglions à peu près également espacés; le
dernier est plus gros que les précédents, et ne présente pas de
divisions distinctes. Sous ce rapport les Cantharides ont une cer-
taine analogie avec les Chrysoméliens. Déjà les antennes et les
parties de la bouche m’avaient paru indiquer ce rapport.
(IJ PI 13, fig 15
(2) PI, 14, fig. 5.
(:ij .In». d/‘s Sr. nul . I Tt série, t IX, pi. 4 *2 (1826).
4) Mnlizinvsclic Xuolmjie, lid. Il, s. 103, n I 13, lu b xvii et xix
nus insectes.
555
La même disposition existe chez les Cantharides (('. vesicatoria
Lin.), les Méloés [M. proscarabeus Un., scabrosus et autumnalis
Fabr.), les M y la lires (M . cichorii Lin.).
MM. Brandt et Ratzeburg, qui ont obtenu les jeunes larves de
ces Insectes, ont observé leur système nerveux sous le compres-
seur; et d’après la figure qu’ils en ont donnée, on reconnaît une
très grande ressemblance avec celui des larves rie Chrysomèles.
Néanmoins il existe des différences assez considérables entre ces
types.
Chez les Cantharidides, les ganglions thoraciques sont beau-
coup plus espacés que dans les Chrysoméliens, et plus petits com-
parativement aux ganglions abdominaux.
Les types sur lesquels j’ai surtout porté mon attention doivent
appartenir certainement à des tribus différentes. Les descriptions
anatomiques elles figures que j’en ai données ne laisseront aucun
doute sur ce point. Mais comme il me reste k étudier d’autres
types qu’on rattache encore à la tribu des Cantharidiens, et à ob-
server les larves plus qu'on ne l'a fait jusqu’à présent . les limites
ne sauraient être, quant à présent, posées avec certitude.
17" Tribu. — Les Lamptriess ( hnnpi/iii
Les Lampyriens n’ont pas un très grand nombre de repré-
sentants, mais ils forment un ensemble assez homogène. J'en
retrancherai cependant les Malachiites, que j’avais placés d’abord
près des Téléphores. Aujourd hui je suis conduit à les replacer
près des Dasytes. comme le faisait Latreille.
Tous les Lampyriens que j’ai étudiés ( Telephorus fuscus Lin. et
melanurus Fabr. , Lampyris nocliluca Lin. , Seirtes hemisphœricus
Fab. , Cebrio xanthomerus Fab.) m’ont paru conformés sur un
plan général très analogue.
Le système nerveux des Téléphores (T. melanurus Fab.) (1),
comme celui des Lampyres, est extrêmement allongé. Le centre
nerveux du prothorax est très écarté de celui du mésothorax,
mais ce dernier l’est très médiocrement de celui du métathorax.
(1) t’I 14, fig. 4
356 E. BLANCHARD. Sl'll I.K SYSTÈME MÎRVEUX
Tous les trois sont à peu près d’égale grosseur. Les ganglions
abdominaux sont fort petits comparativement (1 ) ; le premier est
peu éloigné du centre médullaire métathoracique ; les suivants
sont presque également espacés les uns des autres, le dernier seul
est un peu plus rapproché du précédent; du reste, il n’est guère
plus gros et ne donne de nerfs qu’à deux anneaux. Les nerfs de
chacun des autres ganglions abdominaux naissent d’un seul tronc.
Les Lampyres’ proprement dits, les Téléphores et les genres
qui en sont voisins forment dans la tribu des Lampyriens une pre-
mière famille, celle des Lampyrides. Une seconde, celle des Cé-
brionides , renferme les Cébrions et plusieurs petits genres dont
l’aspect est très différent.
Les Cébrions (C. xanthomcrus Fab.) sont, sous le rapport de
leur système nerveux, très semblables aux Téléphores.
J’ai pu observer aussi un genre singulier de la même fa-
mille, le genre Scirtes. La forme arrondie du corps, les cuisses
très renflées, semblent au premier abord contraster tellement
avec les formes extérieures des autres Lampyriens , que j’avais
supposé que le groupe des Scirtites devait s’en éloigner par l’or-
ganisation intérieure. Il n’en est rien cependant; les Scirtes (S.
hemisphœricus Fab.) offrent dans leur système nerveux une dispo-
sition analogue à celle qu’on observe chez les Lampyres et les Té-
léphores (Ü) : seulement, les connectifs entre les divers ganglions
sont moins longs proportionnellement. Ildevaiten être ainsi, l’In-
secte étant très court; mais les rapports restent les mêmes. On
compte également chez ces petits Coléoptères sept ganglions abdo-
minaux isolés les uns des autres (3).
Ceci est un des meilleurs exemples qu’on puisse citer pour mon-
trer que la forme extérieure ne traduit pas toujours les particula-
rités d’organisation : car chez les Cyphons (('. pallùlus Fab.) il y
a une petite différence, les deux derniers ganglions de l’abdomen
ne formant plus qu’une seule masse.
l.es Lampyriens se rapprochent un peu des Piméliens, mais
(1) PI. H. fig. 4—6. 7, 8. 9, 10, 11, 42.
(2) PI, 13. fifr. 5.
(3) PI 13. fis o— fi, 7, 8, 9. 10, H 12
nr.s insectes. 357
leurs aflinités ne sont bien évidentes qu’avec les Clériens et les
Élatériens.
18° Tribu. — Les Élatériens ( Eluterii'y
•l’avais considéré, à l’exemple de presque tous les entomolo-
gistes, les Ëlatérides et les Buprestides comme devant appar-
tenir à la même tribu.
M. Milne Edwards, qui avait observé dans ces deux types des
différences très grandes dans les nervures des ailes , était conduit
par cela même à les éloigner.
Les larves d’ailleurs confirmaient cette séparation. Cependant,
sans reconnaître un rapport bien manifeste dans les formes exté-
rieures des Buprestides et des Ëlatérides , je pensais encore que
ces familles ne pouvaient être éloignées l’une de l’autre. Aujour-
d’hui que j’ai étudié l’organisation dans plusieurs représentants
de ces deux familles, je suis convaincu qu’elles ont fort peu de
rapports entre elles.
J’ai observé le système nerveux dans plusieurs Ëlatérides
{A thons liirtus, Diacanthustatus,Chalcolepicliusstriatus, Pyroplio-
rusnoctilucus, etc.). Il est au moins aussi allongé que celui des Lam-
pyrides(l). Le ganglion prothoracique est très écarté du mésotho-
racique , et celui-ci est encore notablement éloigné du métatho-
racique. Les connectifs qui unissent ces deux derniers sont très
écartés , parce que la pointe sternale propre aux Ëlatérides s’élève
entre eux.
On compte chez les Ëlaters huit petits ganglions abdomi-
naux (2), le premier accolé au centre médullaire du métathorax,
les suivants très espacés les uns des autres , excepté toutefois les
deux derniers , qui sont tout-à-fait rapprochés et peu éloignés du
précédent.
Nous plaçons encore dans la tribu des Élatériens la famille des
Kucnémides. Je n’ai pas pu me procurer encore de ces Insectes
vivants pour les étudier.
Par leur forme extérieure, on sait que les larves d’Klatérides
(I) PI. 14, Ii{î 3.
fi) Pt I i fif;. :t— fi, 7, 8. 9, Ht, tl t i
SU; l.lî SYSTEME NERVEUX
,158 E. BI.AM'IIIKD.
ressemblent considérablement à celles des Ténébrionides et des
Hélopiides. Leur organisation interne indique une analogie aussi
grande. Au reste, d’après la disposition du système nerveux, il
est facile de s’apercevoir que les Êlatérides se rapprochent sensi-
blement des Piméliens. Chez ces derniers, cependant, la chaîne
abdominale est beaucoup plus ramassée, et les derniers ganglions
particulièrement sont beaucoup plus rapprochés. Les Elatérides
sont surtout voisins des Lampyriens ; avec ceux-ci la différence
est légère, elle consiste principalement dans le nombre de huit
ganglions abdominaux distincts au lieu de sept.
19'" Tribu. — Les Clébiens ( Clerii ).
Cette tribu nous semble devoir se composer des trois familles
suivantes : les Clérides, les Mélyrides et les Lymexylonides.
Chez les premiers, Trichodes alvearius e t apiarius, Clerus for-
micarius et mutillarius Fab. , le système nerveux est très al-
longé (1). Les centres médullaires du prothorax et ceux du méta-
tliorax sont espacés. Celui du prothorax l’est une fois plus. Avec
le centre nerveux métathoracique s’est confondu au moins un gan-
glion abdominal dont on trouve à peine l'indice. En outre on
compte cinq ganglions, les quatre premiers petits et très espacés
les uns des autres. Le dernier, au contraire, assez gros, est très
rapproché du précédent (2).
Les Clerus et les Trichodes m’ont offert complètement la même
disposition.
Dans les Mélyrides, auxquels je rattache maintenant le groupe
des Malachiites, on observe peu de différence. Les Malachius ( M .
œneus et bipustulatus Fab.) et les Dasytes (Z). plumbeus Oliv.)
m’ont présenté une analogie complète. Le système nerveux de
ces types ne m’a paru différer de celui des Clérides qu’en ce que
le dernier ganglion abdominal est un peu moins rapproché des
précédents.
Les larves des Trichodes ressemblent extérieurement à celles
des Téléphores ; mais leur organisation m’est inconnue.
(i) PI U, fig. 2.
(-) PI I i fig 2 6, 7 «, 9. tü, 11,12.
DES 1 INSECTES. 350
Il existe pour la famille des Lymexylonides nue lacune dans
mes recherches sur le système nerveux.
20r Tribu. — Les Bostrichiens ( Bostrichii )
Le représentant principal de celte petite tribu est celui que j’ai
étudié : le Bostriche capucin ( Boslrichus capucinus ) ; son système
nerveux (1) ressemble un peu à celui des Uermestiens et des Clé-
riens, mais il est plus allongé. Les centres médullaires du méso-
et du métathorax sont très peu séparés; la chaîne ganglionnaire
abdominale s’étend presque jusqu’à l’extrémité du corps (2). On
compte six ganglions , le premier accolé au centre nerveux du mé-
tathorax. puis un deuxième , un troisième et un quatrième sépa-
rés par des connectifs extrêmement longs ; puis un cinquième
beaucoup moins éloigné, et enfin un sixième plus gros, qui lui est
contigu.
Comparé à celui des Dermestes, le système nerveux des Bos-
trichiens en diffère par le nombre des ganglions, au nombre de six
au lieu de sept, et cependant la chaîne est plus longue. Chez les
Mycétophagus , la chaîne abdominale est plus ramassée encore;
par conséquent les différences sont encore très sensibles.
Les larves des Bostrichiens observées par M. Ratzeburg, etc.,
sont molles et munies de très petites pattes comme celles des Pti-
nides. Il y a une grande ressemblance entre ces types, et les
caractères tirés de l’organisation nous ont conduit à transporter
les Ptinides, de la tribu des Clériens, dans celle des Bostrichiens.
Les Ptinides forment une petite famille très voisine de celle des
Bostrichides. Récemment encore je croyais devoir les laisser dans
la tribu des Clériens; mais connaissant davantage aujourd’hui
leur organisation intérieure, comparant entre elles les larves des
Bostrichus, des Anobium et des l’tinus, comparant même l’en-
semble des caractères extérieurs , il est impossible de ne pas ad-
mettre que ces types appartiennent à une même tribu et diffèrent
très notablement des Clériens. Les Anobium (A. tessellatum Fab. )
et les Ptinus (P. fut Fab. ressemblent beaucoup aux Bos-
(t) PI. 12, lig fi
(2) pi. 12. lig. 6— fi, 7, 8, 9, I 1, 11.
300 K. BUMIItKII. SL H I.E SYSTÈME iNEUVELX
t richus sous le rapport de leur système nerveux. On distingue*
également six ganglions abdominaux , dont les deux derniers in-
timement unis ; mais ils forment cependant une chaîne qui ne s’é-
tend guère au-delà du milieu de l’abdomen , tous les centres ner-
veux étant séparés les uns des autres par des connectifs beaucoup
plus courts. Les larves des Ptinus et des Anobiums sont épaisses,
un peu contournées, et munies de petites pattes comme celles des
Bostrichus. Depuis longtemps je n’ai pu me procurer de ces larves
vivantes, de manière à pouvoir étudier leur système nerveux.
Par leurs premiers états , les Bostrichiens avoisinent beaucoup
les Curculioniens et les Scolytiens; mais d’après la considération
de leur système nerveux ils sont à ceux-ci ce que les Lucaniens
sont aux Scarabéiens. Ce sont des ressemblances et des diffé-
rences à peu près de la même nature.
L'appareil nerveux indique aussi un lien très étroit entre les
Bostrichiens et les Dermestiens.
Les premiers forment véritablement un groupe de transition
entre plusieurs types.
-I'' Tribu — • Lus Cubcumon>eks ( Curculicmii)
( Khynrophores L.iir )
Ces Insectes constituent une des tribus les plus nombreuses et
en même temps une des plus naturelles de tout l’ordre des Coléo-
ptères. Les Curculioniens sont remarquables en général par leur
tète prolongée en forme de museau , par les pièces de leur bouche
rudimentaires et par leurs antennes coudées et terminées en bou-
ton. Quelques uns d’entre eux , dont on forme une petite famille
particulière, les Bruchides, ne présentent plus ces caractères du
type; les antennes sont droites, les parties de la bouche d’une
forme différente, et la tète à peine prolongée. Dans ces derniers
temps plusieurs entomologistes ont pensé devoir les séparer des
autres Curculioniens et les rapprocher des Chrysoméliens.
Ce fait suffira pour montrer combien on peut être facilement
induit en erreur par ces caractères extérieurs, qui s’effacent dans
certaines espèces. En effet , les Bruchides, par leur organisation,
UES INSECTES. 3G1
ressemblent tuul-à-l'ait aux autres Curculioniens , et s’éloignent
considérablement des Chrysoméliens.
Les caractères des larves sont d’accord en cela avec ceux qui
nous sont fournis par la disposition du système nerveux. 11 faut
bien convenir que l’aspect extérieur des Bruchus semble militer
en faveur de leur rapprochement de la tribu des Chrysoméliens;
mais, on n’en saurait douter aujourd'hui, c’est là une apparence
tout-à-fait trompeuse.
Le système nerveux des Charansons nous présente une dis-
position particulière qui indique un rapport très grand entre ces
Insectes et les Scarabéiens et les Histériens.
Dans un des Charansons les plus communsde notre pays, dans
l’Otiorhynque de la Livèche ( Otiorhynchus ligustici Lin.), les
ganglions cérébroïdes forment une masse presque arrondie, et
les nerfs optiques remontent de chaque Côté vers les yeux (1).
l.es trois centres médullaires du thorax sont très rapprochés et
de forme un peu élargie ; les deuxième et troisième sont même
contigus (“2). Tous les ganglions abdominaux forment une seule
masse allongée, un peu pyriforme, à la base de laquelle on remar-
que un ou deux petits sillons transversaux. Cette masse médul-
laire (.'i) est accolée au centre nerveux du métathorax, elle produit
tous les nerfs de i abdomen. Les deux nerfs des organes de la
génération sont réunis dans une partie de leur longueur.
J'ai observé les Liparus (L. germanus Fab.), les Cléonis (C.
sulcirostris Fab.), les Pissodes (P. pini Fab.), les Cryptorhyn-
chus [C. lapathi Fab.), les Calandres (6'. palmarum Lin.), ils ne
m’ont olïert aucune modification appréciable. Les Attelabides,
qui diffèrent beaucoup des précédents par la conformation des
parties de leur bouche et des antennes, sont du reste conformés
sur le même plan. Le système nerveux est tout-à-fait semblable
à celui des autres Curculionides. J’ai constaté ce fait chez les
Apoderus coryli , Rhynchiles bacchus Fab., etc.
Comme je l’ai déjà dit, il en est de même pour les Bruchus (R.
pisi Lin.) et les Anthribus ( U . rufipes Fab.).
( I ) Bègue animal nouvelle édition pl 3 bis fig 3 — 1 b
(2) ld , pl. 3 bis. fig. 3 — 3, t 5
3) /</ pl .3 bis, fig 3 —fi, 7
362 K. BLANCHARD. — SIR l.E SYSTÈME NERVEUX
Les larves des Curculioniens , courtes, molles , assez renflées
et privées de pattes , ont un système nerveux très analogue à celui
des larves de Scarabéiens (1). Le ganglion sous-œsophagien (2),
les trois ganglions thoraciques, et les ganglions abdominaux, au
nombre de huit très distincts, comme chez ces derniers, se suc-
cèdent sans aucune séparation. Le système nerveux des larves des
Charansons forme ainsi une sorte de petite masse allongée ne s’é-
tendant pas au-delà des premiers anneaux du corps.
M. Burmeister avait observé ce fait chez la larve de la Ca-
landr a Sommer i (3). Je l’ai observé de nouveau dans celles de la
Calandra palmarum et de l 'y/poderus coryli.
La ressemblance dans l’organisation des Scarabéiens et des
Curculioniens, on le voit, est plus frappante encore chez les larves
que chez les Insectes parfaits. Ce sont deux tribus principales dans
l’ordre des Coléoptères assez voisines l’une de l’autre, et dont ce-
pendant on n’avait pas jusqu’à présent soupçonné les rapports.
C’est une chose vraiment bien remarquable et en même temps
fort importante au point de vue de la zoologie , que cette con-
stance dans la disposition du système nerveux de. tous les Curcu-
lioniens; car d’après les modifications des parties extérieures on
aurait pu s’attendre à trouver des modifications assez prononcées
dans leur organisation inférieure. 11 paraît exister des différences
assez importantes dans le canal intestinal des Bruchus, des Atte-
labus et des autres Curculioniens (4) ; mais aujourd’hui encore
nous n’avons pas sous ce rapport assez de faits observés pour
reconnaître là rien de général pour chaque petite famille ou pour
chaque groupe inférieur.
La disposition du système nerveux, avons-nous vu, ne res-
semble notablement , tout en présentant plusieurs différences
notables , qu’avec ce qui existe chez les Scarabéiens et surtout
(1) PI. U, Bg I
(2) PI. I 4, fig. 1—2.
(3) Zur .Xalurgescliichte lier GaUung Calandra (Calandra Sommeri j. Eerlin
1837
(i) Voyez Léon Dufour, Recherches anatomiques sur 1rs Carabiques et plusieurs
autres Insectes Coléoptères (Annales îles Scirnc.rs naturelles, 1re série, t. IV, pl S
(1824).
DES INSECTES.
363
chez les Historiens. Ce caractère organique donne ainsi une limite
bien nette à la tribu des Curculioniens. Les Chrysoméliens, dont
on a voulu rapprocher plusieurs d’entre eux , ayant une chaîne
ganglionnaire abdominale composée ordinairement de quatre
centres nerveux espacés, il est certain que l'affinité entre ces deux
tribus est loin d’être intime. Par conséquent , si maintenant les
entomologistes conservent encore avec raison des doutes sur la
tribu ou la famille à laquelle doivent appartenir les genres /{Im-
bus, Carpophagus , etc., et sur les groupes des Myctérites et des
Rhysodites , on ne tarderait pas à résoudre la question à l’aide des
considérations anatomiques que je viens de signaler. Il s’agit dès
lors de se trouver à même d’étudier ces types à l’état de vie.
Tribu. — Les Scolytiens ( Scolytii J.
Cette petite tribu peut réellement être considérée comme sa-
tellite de celle des Curculioniens. Ni la considération des carac-
tères extérieurs ni ceux tirés de l’organisation et de l’embryo-
génie ne permettent de l’en éloigner. Quelques différences m’em-
pêchent de les réunir.
I.e système nerveux des Scolytes est plus centralisé encore que
celui des Curculioniens. Les centres nerveux du méso- et du mé-
tathorax sont tout-à— fait confondus (1). La masse médullaire
abdominale est moins pyriforme et ressemble plus à celle des Sca-
rabéiens (2). Les nerfs des organes de la génération sont aussi
complètement séparés. J’ai étudié particulièrement les Scolytus
destrurlor et pjjgmœus Fab.
Ainsi l’analogie entre les Scarabéienset les Scolytiens est encore
plus frappante qu’avec les Curculioniens.
Ce fait étant connu, qu’on compare maintenant la forme des
pattes et surtout ci lle des antennes (3), et l’on s’apercevra que
les Scolytiens et les Scarabéiens ont des rapports très réels, sinon
bien intimes, même d’après la considération seule des caractères
extérieurs: c’est ce qu’on paraît avoir peu soupçonné jusqu'ici.
(1) PI. 13, fig. 8—4.
(2) PI. 13. fig 8—5 ’
f3) Comparez 1rs planches de la nouvelle édition du llèqur animal de Cuvier
E. IUMV4RD. — SUR LB SYSTÈME XEIIVEUX
364
Comme on le sait, les Scolytiens ont un très petit nombre do
représentants ; c’est en quelque sorte un groupe extrêmement
limité, sortant un peu du cadre si naturel formé par les Curcu-
lioniens , et qui peut-être ne devrait former qu’une famille dans
cette tribu. Les larves, contournées et privées de pattes, sont en
tout très semblables à celles des Charansons, et témoignent de la
parenté très étroite existant entre ces deux types.
23' et 24” Tribu — Les Paussiens ( Paussii ) et les H\pocÉrnAUE»s
(. Ihjpocephalii ).
•le ne cite ici ces deux tribus que pour mémoire; la première
paraît se lier très étroitement à celle des Scolytiens; l’organisation
montrera peut-être qu’elle ne doit pas en être séparée.
Quant à la seconde tribu, celle qui renferme le genre Hypo-
céphale , on s’accorde généralement à la regarder comme voisine
de la tribu des Cérambyciens. L’organisation peut seu'e nous con-
duire à apprécier les affinités de ces deux tribus. Tous leurs re-
présentantsétantexotiques, nous arriverons peut-être difficilement
à une solution.
23' Tribu — Les Bbpbestiens ( Bupreslii )
J’ai formé cette tribu, on le sait maintenant, aux dépens de
celle des Élatériens. Elle me paraît avoir des caractères qui
l’en éloignent beaucoup et la rapprochent au contraire des Cé-
rambyciens.
J’ai observé le système nerveux dans les types les plus diffé-
rents de cette tribu : les Julodis (J. onnpordi), les Buprestes (B.
fjigas Lin.), les Anthaxies (A. manca Fab.), les Agriles ( Agrilus
viridis , etc.). J’ai trouvé dans la disposition de cet appareil une
similitude complète. Les ganglions cérébroïdes des Buprestes i 1)
sont très gros et arrondis ; leurs nerfs optiques sont courts et fort
épais. Le centre médullaire du prothorax est également très
gros (2). Ceux du méso- et du métathorax sont confondus (3);
(1) PI. Il, fig. 6— I (Agrilus viridis''.
(2) PI. Il, fig. 6—3
(3) PI 1 1 , tig 6—4 ut, 3
n iis ixsixriis.
365
les ganglions abdominaux sont au nombre de quatre , séparés les
uns des autres par des connectifs très longs (1). Le premier est
rapproché du centre nerveux métathoracique , le dernier est en
forme de clochette ; on y distingue un sillon montrant uri ganglion
qui ne s’est pas entièrement confondu avec le suivant. Les gan-
glions abdominaux (2) des Buprestes sont presque semblables à
ceux de certains Cérambyciens , tels que les Saperdes. La réunion
des centres médullaires méso- et métathoracique constitue le seul
caractère particulier aux Buprestiens. Leurs larves , on le sait ,
diffèrent très peu extérieurement de celle des Cérambyciens. J’ai
examiné le système nerveux de la larve de VA nthaxia manca , et
j’ai observé, comme dans celles desCérambveiens, une chaîne gan-
glionnaire très allongée présentant huit ganglions abdominaux.
La place que doivent occuper les Buprestiens ne me paraît
aujourd’hui pouvoir être mise en doute par personne.
L'examen des caractères extérieurs ne conduit pas d’ailleurs à
les éloigner des Cérambyciens. Bien au contraire , car les collec-
tions entomologiques du Muséum renferment un Bupreste inédit
dont la ressemblance avec certains Callidies est frappante.
Pendant longtemps les entomologistes n’ont pas meme paru
soupçonner les affinités existant entre la famille des Buprestides
et la tribu des Cérambyciens ( Longicornes Lat. ). C’est seulement
il y a peu d’années, quand on fit la découverte des larves de Bu-
prestes , qu’on a pu entrevoir un rapport entre ces deux grands
groupes de l'ordre des Coléoptères. Encore cette ressemblance si
manifeste entre les larves des Buprestes et celles des Cérambyx
étonna-t-elle d’abord la plupart des entomologistes, et depuis
l’on y attacha généralement assez peu d’importance : moi-même,
jusque dans ces derniers temps , j’étais fort loin d’admettre cette
affinité qui aujourd’hui me paraît être de la plus grande évidence.
Je regardais avec la très grande majorité des entomologistes les
Buprestides comme intimement liés aux Élatérides. 11 y a trois
ans environ M. Milne Edwards s’occupait d’une étude jusqu’ici
I) PI H, fie 6—6. 7, 8, fl.
(4) PI. I I . fie 6. 7 8 fl
A6G K. RI.4MUAK». — SL K LE SYSTÈME NERVEUX
bien négligée, celle cle la disposition des nervures dans les ailes
des Coléoptères. Dans les groupes naturels M. Milne Edwards
trouvait généralement une disposition fort analogue , et dans les
familles voisines il trouvait ordinairement des différences d’une
importance très secondaire. Les ailes des Buprestides et des Éla-
tcrides lui présentèrent au contraire, dans la disposition des ner-
vures de leurs ailes, des différences extrêmement considérables.
Dès lors, ce zoologiste ne douta plus que ces deux familles dussent
prendre place dans des tribus distinctes. Il voulut bien me faire
part de son observation ; le fait était palpable , il fallait bien l’ad-
mettre. Néanmoins, malgré cette grande différence , je croyais
encore les Buprestides et les Élatérides unis sous plusieurs autres
rapports. Dans mon Histoire des Insectes, malgré les modifications
considérables que j’ai proposées touchant la classification des Co-
léoptères , je n’avais pu encore me décider à éloigner ces deux
familles l’une de l’autre. Les Eucnémides me paraissaient consti-
tuer un intermédiaire entre elles et indiquer le rapprochement
généralement admis.
Cependant aujourd’hui je suis persuadé que ce rapprochement
n’était point naturel. Aucun caractère bien important tiré des
larves ou des Insectes parfaits, soit des parties extérieures , soit
des organes intérieurs, ne vient l’appuyer. Bien loin de là, car
c’est à peine si l’on peut invoquer la forme des antennes. D’après
l’ensemble de l’organisation, les Buprestides s’éloignent considé-
rablement des Élatérides quand on les considère aussi bien à leur
état parfait qu’à leur état de larve. Ils ont au contraire de très
grandes affinités avec les Cérambyciens. Je suis donc conduit à
former avec les Buprestides une tribu particulière devant prendre
place dans le voisinage de celle des Cérambyciens.
Non seulement l’aspect général des larves, mais aussi les ca-
ractères fournis par les pièces de la bouche , indiquent ce rap-
prochement. L’organisation le montre d’une manière plus nette
encore. Tous ces caractères au contraire diffèrent beaucoup chez
les larves d’Élatérides.
Si nous passons aux Insectes parfaits, nous voyons déjà que
sous le rapport des nervures des ailes les Buprestides s’éloignent
DES INSECTES.
3G7
beaucoup de cette dernière famille (I). Les caractères de leur
bouche les rapprochent beaucoup plus des Cérambyciens. Il en
est de même de la forme de leur sternum. L'organisation nous
montre ces deux grands groupes comme très voisins : celui des
Élatérides offre des différences au contraire d'une importance qui
me paraît très réelle.
26e Tribu. — Les Cerambvciens ( Cerambycii ).
( Longicornes Latr. )
On rattache six familles à la tribu des Cérambyciens : les Spon-
dvlides, les Tricténotomides, les Prionides, les Cérambycides, les
Lamiides et les Lepturides. Je n’ai pu jusqu’à présent diriger
mes recherches que sur les trois dernières.
Dans les Cérambycides, j’ai étudié les espèces de divers genres
(i Cerambyx héros et cerilo Un., Callichroma moschata et Molor-
chus major Lin., Ch/tus arcualus, arietis , Callidium sanyuinevm
et variabile Lin. ).
Leur système nerveux chez tous est disposé exactement de la
même manière. Les ganglions cérébroïdes sont arrondis et for-
ment deux lobes bien distincts l’un de l’autre i2). Les centres mé-
dullaires du méso- et du métathorax sont peu écartés ; celui du
prothorax en est au contraire fort éloigné. Les trois paires de
nerfs principales ont leurs origines très séparées , et de plus on
distingue très facilement le filet se détachant des connectifs et s’a-
nastomosant avec le nerf prothoracique antérieur ou avec le nerf
alaire du mésothorax (3) ; la chaîne ganglionnaire abdominale ,
composée de cinq centres nerveux , s’étend presque jusqu’à l’ex-
trémité de l’abdomen (4). Le premier est accolé au ganglion mé-
tathoracique ; les suivants sont presque également espacés; le
(l ) M. .Milne Edwards a observé que ces Coléoptères manquaient d'un carac-
tère regardé comme général a t ordre entier, il a reconnu que leurs ailes ne se
repliaient jamais transversalement, mais restaient toujours étendues sous les
élytrcs.
(2) llèyne animal, nouvelle édition, pl. 3 bis, fig. 2 — t
(3) ld., pl. 3 bis , lig. 2 — 3. I, a. a', a, a'.
(4) ld pl 3 bis, fig. 2 -6, 7, 8, 9, 10.
368 E. KLtKCIMKW. — SUIS J.E SYSTÈME \ ER Y El \
dernier est en forme de clociiette : il offre antérieurement un très
léger étranglement indiquant un ganglion dont la fusion n’est pas
complète avec le suivant. Les nerfs de l’abdomen ont deux ori-
gines distinctes dans chaque centre médullaire.
J’ai représenté le système nerveux du Clytus arcuatus ; mais
dans les autres Callidies et dans les Cerambyx héros et cerdo, où
je l’ai étudié également avec le plus grand soin, je n’ai rencontré
aucune différence entré ces divers genres : les Lepturides sont
tout-à-fait semblables sous ce rapport aux Cérambycides. Dans les
Rhagium ( R . mordax et bifasciatum I'ab. , Rhamnusium salicis
Fab.) et les Leptures (/.. tomentosa Lin., calcarala Fab. , etc.),
j’ai constamment trouvé tous les ganglions espacés dans les mêmes
rapports.
C'est chez les Lamiides que le type se dégrade vers une autre
forme, celle des Chrysoméliens. Dans ces Cérambyciens, la chaîne
abdominale offre un ganglion de moins en apparence que chez
les Cérambycides. Le premier est placé de la même manière ; mais
le dernier et l’avant- dernier se rapprochent tout-à-fait l’un de
l’autre, sans cependant se confondre : c’est ce que j’ai observé
chez les Dorcadions ( U . fuliginator Lin.) et les Saperdes S. po-
pulnea , scalaris, carcharias Lin., A gapanthia suturalis Fab.).
Les larves des Cérambyciens (1), par la forme allongée de leur
corps , la mollesse de leurs téguments , par l’absence de leurs
pattes , sont très reconnaissables.
Leur système nerveux ( Clytus arcuatus Lin. ) est extrêmement al-
longé (2). Tous leurs ganglions sont très petits ; ceux du thorax (3)
sont à peine plus gros que ceux de l’abdomen. On compte huit de
ces derniers (4), tous très espacés les uns des autres , à l’excep-
tion du dernier, qui est peu éloigné du précédent. Les ganglions
cérébroïdes sont extrêmement petits et arrondis.
L’appareil de la sensibilité chez les Cérambyciens olfre encore
un degré de constance bien remarquable dans cette grande tribu.
(1) Katzeburg, Die Forst.-Insecten, t I, pi.
(2) Régne animal (Iusectes), pl. 4, fig. i.
(3) Id., pl. 4. fig 4—3. 4. 5.
(4) Id., pl. 4, fig. 4—6, 7, 8, 9. 10, M, 12.
DUS INSECTES.
369
En effet, si l’on compare cet appareil chez le Ceramby.v héros, le
Callichroma moschala, etc., le Rhagium mordax ou le Rhamnu-
sium .sali ris, les premiers appartenant à la famille des Cérambyci
des, et les derniers à celle des Eepturides, on est frappé de la si-
militude.Tous les ganglions sont espacés dans les mêmes rapports.
D’un type à l’autre, la seule différence consiste dans la longueur
des connectifs, suivant que le corps de l'animal est plus ou moins
allongé. Je n’ai observé une légère modification que chez les La-
mies et les Saperdes , où le dernier et l’avant-dernier ganglion
abdominal se rapprochant davantage viennent presque à se réunir.
C’est par cette petite famille que les Cérambyciens passent surtout
aux Chrysoméliens et même aux Buprestiens ; car, d’après la con-
sidération du système nerveux , ceux-ci ne sont nettement dis-
tingués des Cérambyciens que par la fusion des centres nerveux
du méso- et du métathorax ; mais ce caractère suffirai! pour les
séparer de tous les autres Coléoptères.
Cette fusion s’observe seulement chez les Scarabéiens, les Sco-
lytiens et les Buprestiens. Dans les deux premières tribus cette
disposition coïncide avec la réunion de tous les centres nerveux
abdominaux en une seule masse. On vient de voir qu’il en est
tout autrement à l’égard des Buprestiens , qui sont si analogues
aux Cérambyciens par la constitution de leur chaîne abdom inale.
27' Tribu. — Les Chrysoméliens [Chrysomelii).
Ceux-ci forment une tribu immensément nombreuse. Les va-
riétés dans la forme générale du corps qu’on observe entre ses
divers représentants obligeaient à étudier anatomiquement un
grand nombre de ces Insectes. Beaucoup d’entre eux étant indi-
gènes, j’ai pu facilement multiplier mes observations.
J’ai reconnu une grande analogie dans tous les Chrysoméliens ;
cependant , chez quelques uns , on voit le type se dégrader , et
indiquer ainsi un passage vers d’autres formes.
Nous adoptons dans cette tribu six familles ; ce sont les Crio-
cérides , les Clythrides , les Chrysomélides , les Cassidides , les
Hispideset les Galérucides. Dans l’organisation de ces types, on
observe des caractères généraux qui sont communs à tous ; néan-
3 *■ série Zool T V (Juin 1816 J 4 24
E. Itl.WMl 11!!>
sim LE SYSTEME NERVEUX
370
moins certaines particularités de faible importance viennent à
l’appui de la division de cette grande tribu en plusieurs petites
familles.
Dans les Donaciides, j’ai vu le système nerveux de plusieurs
Donacies ( I). lemnæ, nymphœ Fab.) et de plusieurs Criocères
( Crioceris merdigera el asparagi Fab.). Entre ces deux types, j’ai
trouvé une similitude à peu près complète. Dans les Criocères (C.
merdigera ), les centres médullaires méso- et métathoracique sont
peu éloignés l’un de l’autre ; mais le centre nerveux prothora-
cique l’est beaucoup plus (1).
Les ganglions cérébroïdes sont très gros, et forment deux
hémisphères bien marqués (2).
La chaîne ganglionnaire abdominale s’étend un peu au-delà de
la moitié de la longueur de l'abdomen (3). On distingue d’abord
l’indice d’un premier ganglion réuni au centre médullaire du méta-
thorax , puis on en compte quatre : le premier très éloigné
< lu ganglion métathoracique ; les autres assez espacés les uns des
autres , excepté le dernier, qui est un peu plus rapproché du pré-
cédent. 11 est en forme de clochette , et quatre fois plus gros que
les autres. Les nerfs abdominaux naissent d’un seul tronc se di-
visant en deux branches principales dans chaque anneau.
La seule différence qui me paraisse importante à signaler entre
les Donacies et les Criocères , c’est que chez les premiers les con-
nectifs du premier ganglion abdominal sont séparés , tandis qu’ils
sont réunis dans les Criocères ; ensuite, bien que dans les Dona-
cies les centres médullaires soient espacés dans les mêmes rap-
ports, les connectifs sont plus longs : la chaîne abdominale s’é-
tend ainsi jusqu’aux trois quarts de la longueur de l’abdomen ( l\ }.
Dans les Clythrides, j’ai examiné plusieurs espèces de Crvp-
tocéphales (C. sericeus , bipunctatus Fab., etc). Cette famille offre
les caractères généraux de la tribu des Chrysoméliens ; mais s’il
y a une analogie entre cette tribu et celle des Curculioniens , elle
se manifeste surtout dans la famille des Clythrides.
Chez les Cryptocéphales ( C . sericeus), le centre nerveux sous-
(1) PI 15. fis. 2—3. 1, 5. (3) PI. 15. fig. 2—6, 7. 8, 9
(2) PI 15. fig. 2—1 (4) PI. 15. fig I
DUS INSECTES.
371
œsophagien est plus rapproché qu’à l'ordinaire des ganglions
thoraciques (I) : ceux-ci sont aussi peu écartés entre eux (2).
Dans la chaîne ganglionnaire abdominale, on compte, comme
dans la plupart des autres Chrysoméliens , quatre ganglions bien
distincts : seulement, le premier est rapproché de celui du méta-
thorax , et le troisième et le quatrième sont presque contigus (3).
En1 un mot , les connectifs sont plus courts que chez les autres
représentants de la tribu ; c’est un acheminement , c’est une ten-
dance vers cette fusion des ganglions abdominaux qu’on observe
dans les Curculioniens ; mais il y a encore une différence très
considérable, et l’on n’en saurait douter : la considération du sys-
tème nerveux ne permet pas de séparer les Clythrides des autres
Chrysoméliens.
Dans les Chrvsomélides, j’ai observé les Kumolpes [E. ritis ) et
un grand nombre de Chrysomèles ( Chrysomela fucata, gra-
minis, sanguinea, cerealis, Gaslrcedes raphani, Timarcha tene-
bricosa, coriaria Fab. , etc.).
M. Newport ( h ) a déjà fait connaître le système nerveux du
Timarcha tenebricosa , et M. Joly (5) celui du Cnlaspis alra.
Dans lesEumolpes ( E . vitis Fab.), les quatre ganglions abdo-
minaux (6) sont très séparés les uns des autres ; le premier est
peu éloigné du centre médullaire du métathorax. A l’extrémité de
ce dernier on reconnaît l’indice d’un ganglion abdominal , mais
moins distinctement encore que dans les Donaciides.
D’après la description du système nerveux du Colaspis donnée
parM. Joly, il paraît y avoir une ressemblance complète avec ce
que j’ai observé chez les Eumolpes.
Dans les Chrysomèles (C. graminis, cerealis, sanguinea, fu-
cata , etc. ) proprement dites et les T imareha , il existe encore
quatre ganglions abdominaux très distincts (7) : seulement, ils
(t) PI. 15, fig. 4—2.
(2) Pt. 15, fig. 4—3, 4, 5.
(3) PI. 15, fig. 4—6. 7, 8, 9.
(4) Cyclopedia of analom. and physiol., art. Insects.
(5) Joly, Ann des Sc. nat , 3e série, t II, p. 5 (184 4).
(6) PI. 15, fig. 5— 6, 7, 8. 9. .
(7) Pt 15, fig. 6—6, 7, 8, 9.
E. IM W IIIMI)
SUIl l,K SV STIiMli MillVEUX
372
sont séparés par des connectifs plus courts , et le premier est ac-
colé au centre nerveux du métathorax, de manière que la chaîne
abdominale devient d'une extrême brièveté.
Dans le genre Lina (/,. populi Lin.), on observe une disposi-
tion des ganglions abdominaux (1), qui indique un passage bien
manifeste des Chrysoméliens aux Coccinelliens. On distingue un
premier ganglion presque entièrement confondu avec le métatho-
racique (2) , puis un second isolé (3) , puis les autres réunis en
une seule masse séparée du second ganglion par des connectifs
très longs, et dans laquelle on distingue encore quatre noyaux (4).
Chez les Cassidides (6’. equestris, viridis et murrœa Fab.), les
centres médullaires abdominaux sont disposés comme chez les
Chrysomèles proprement dites : seulement, les connectifs qui les
séparent les uns des autres sont proportionnellement plus longs,
en sorte que la chaîne abdominale atteint le milieu de la longueur
île l’abdomen (5).
Dans les Galérucides, le type des Chrysoméliens tend à se mo-
difier un peu; on ne distingue plus (Luperus alni , Galcruea cal-
mar iensis, Allica oleracea , etc. ) que trois ganglions isolés, le
premier s’étant presque entièrement confondu avec le centre ner-
veux du métathorax.
Les larves des Chrysoméliens sont conformées en général sur
un plan très analogue ; dans les larves de Chrysomèles ( Ch.
fucata , Lina populi), j’ai observé comme M. Joly dans la larve
du Colaspis atra, et M. Newport. dans celle du Timarcha tene-
bricosa, huit ganglions abdominaux gros comparativement à
ceux du thorax , séparés les uns des autres par des connectifs
assez courts, et formant une chaîne qui s’étend presque jusqu’à
l’extrémité du corps (6). La même disposition m’a été offerte par
les larves de Criocères (6’. merdigera ) et de Cassides ( C . murrœa).
Les petites différences que nous avons constatées chez les Insectes
parfaits ne se manifestent pas encore dans les premiers états. Par
la forme de leur corps , les larves de Clythrides ressemblent un
(t) PI. 15, fig. 8.
(2) PI. 14, fig 8—6
(3) PI. 15, fig. 8—7.
(4) PI. 15, fig. 8-8, 9, 10, 11
(5) PI 15, fig. 3—6, 7, S, 9.
(6) PI 15. fig. 7.
J tut. //es Sc/ences ntt/. 3 * serre . Zool. Tonie i. />aye 3/3
DES INSECTES.
;ra
peu à celles des Scarabéiens. J’ai étudié les larves du Clyllira
quadripunctala Fab., dont je dois la connaissance à M. Vaudoucr,
de Nantes; elle offre comme les autres Chrysoméliens huit gan-
glions abdominaux espacés dans les mêmes rapports.
L’étude du système nerveux des Chrysoméliens nous montre
donc cette tribu comme formant un ensemble très homogène, mais
établissant d’un côté un passage aux Cérambyciens par les Dona-
ciides , et d’autre part une tendance vers les Curculioniens par les
Clythrides. Mais ici ce n’est seulement qu’une tendance , tan-
dis qu’entre les Cérambyciens et les Donaciides , la limite n’est
véritablement pas tranchée.
HÉSÜM K.
A chaque tribu , à chaque modification importante dans l’orga-
nisation, je me suis attaché à indiquer les relations des divers
types ; souvent les affinités d’une famille ou d’une tribu avec les
autres se sont trouvées très nombreuses. Après les avoir passées
en revue, beaucoup de rapports échapperaient bien facilement,
ou ne seraient qu’imparfaitement saisis , si l’on ne s’efforcait de
les résumer. Dans le tableau ci-contre, j’ai cherché à représenter le
degré d’affinité, le degré de parenté en quelque sorte des types
principaux de l’ordre des Coléoptères, c’est-à-dire des tribus qui
composent cette grande division de la classe des Insectes.
Le système nerveux nous a paru fournir des caractères d’une
importance considérable, car nous les avons vus persister dans les
groupes naturels, quand tous les autres caractères se sont déjà
modifiés. Dans ces derniers temps , M. Agassiz, en étudiant l’or-
ganisation des boissons , est arrivé à reconnaître que le système
nerveux , et particulièrement le cerveau , caractérisait presque
toujours très nettement les familles naturelles. Cet accord entre
les résultats obtenus presque en même temps sur des groupes
d’animaux si différents par deux observateurs qui ne se sont rien
communiqué, est une preuve déjà bien notable que les faits sont
palpables aux yeux de ceux qui veulent les étudier. Ils tendent
aussi à montrer que, dans tout le règne animal, on trouve en
37 h E. BI.IKCUARU. — SL 1S LE SVSTÈMI! NERVEUX
général une subordination de caractères très analogue ; et , en
zoologie, il est important avant tout de s’occuper, dans les re-
cherches, de la valeur des caractères.
Or , c’est précisément parce que les caractères tirés du système
nerveux ont une grande valeur qu’ils nous indiquent si sûrement
des affinités difficiles ou même impossibles à saisir par la considé-
ration des autres organes. Ce sont ces caractères et ceux tirés des
larves qui nous permettent seuls de saisir les rapports de certains
groupes entre eux.
Comme l’indique notre tableau, il existe des groupes très im-
portants, autour desquels se placent des groupes secondaires
ou tertiaires. Nous avons la tribu des Scarabiens parfaitement
caractérisée par la disposition du système nerveux , à laquelle
appartient bien manifestement la famille des Passalides, mais
qui , toutefois , sort un peu du cadre si naturel formé par les
autres familles de cette tribu.
Nous avons auprès les Ilistériens , dont les rapports avec la
tribu précédente nous ont été indiqués si positivement par la
disposition du système nerveux. Le même appareil nous a montré
en quelle mesure les Lucaniens s’éloignaient des Scarabéiens,
avec lesquels ils ont encore de véritables affinités, et comment
ils se rapprochaient des Bostrichiens en présentant en même
temps une tendance vers la forme de certains Cérambyciens.
Les Carabiens, qui constituent un des types principaux parmi les
Coléoptères, nous ont offert aussi des caractères importants
dans leur système nerveux , et , par la comparaison méthodique
de cet appareil , il est devenu facile de constater que les Staphy-
liniens et les Dyticiensen étaient extrêmement voisins, ainsi que
les Silphiens ; et pour ces derniers , tout le monde reconnaîtra que
leurs affinités ne pouvaient être nettement saisies à l’aide des
caractèi es extérieurs.
S’il est probable et même presque certain que les Psélaphiens
avoisinent beaucoup les Staphyliniens , il n’en demeure pas moins
évident que le degré de ressemblance existant entre ces deux
types ne pourra être apprécié à sa juste valeur que par la con-
sidération du système nerveux des Insectes parfaits et des larves.
DES INSECTES.
375
L’observation de cet appareil nous a montré que les llydro-
philiens constituaient un type assez particulier ; mais elle nous a
appris aussi que ce type s’éloignait beaucoup de celui des Scara-
béiens, dont on l’avait cru voisin à cause de la forme des antennes.
Elle nous a appris que ee type, en se rapprochant des Dyticiens, en
différait plus qu’on n’était porté à le croire , d’après la forme
générale du corps ; elle nous a conduit encore à reconnaître que
ce type, se modifiant un peu, passait vers la forme des Coccinel-
liens.
Nous avons constaté que deux ou trois tribus principales, les
Dermestiens avec les Éroty liens et les Cantharidiens, n’étaient
pas homogènes, et que certains types devraient en être séparés ;
mais, pour ces derniers , nous avons établi que leur place, par
rapport aux autres groupes, ne saurait être reconnue qu'au’
moment où leur système nerveux aurait été étudié.
Il est devenu positif que les l’iméliens avoisinaient manifeste-
ment les Carabiens , ce qui était douteux par la considération
seule des caractères extérieurs; par la disposition de leur système
nerveux , il a été facile de voir que les Diapériens en différaient
notablement , et présentaient une tendance vers la forme des
Chrysoméliens.
Ces derniers nous ont présenté des caractères, dans l’appareil
de la sensibilité, qui prouvent qu’ils n’ont que des rapports éloi-
gnés avec les Curculioniens , dont on pouvait les croire plus voi-
sins. A l’aide de ces caractères , nous avons suivi les plus légères
modifications du type des Chrysoméliens , de manière à pouvoir
reconnaître positivement par que! genre il avoisinait surtout les
Coccinelliens, et par quel autre il se confondait presque avec celui
des Cérambyciens.
Les mêmes considérations anatomiques nous ont montré com-
bien ces derniers étaient voisins des Buprestiens , bien que ceux-
ci présentent dans leur système nerveux un caractère qui per-
mettrait seul de les distinguer de tous les Coléoptères. La
disposition du système nerveux montre jusqu’à quel point les
Buprestiens s’éloignent des Élatériens , dont les entomologistes
les croyaient si voisins, et combien, au contraire, les Elatériens se
lient intimement aux Lainpyriens et aux Cléricns, en sorte que ces
370
U. ICI, W('ll 1 IC ■>.
SU B LE SYSTEME XEKVEIA
trois tribus rapprochées se montrent comme constituant un
ensemble homogène, ayant d’une part un certain rapport avec
les Cantharidiens, et d’autre part avec les Bostrichiens.
Les caractères tirés du système nerveux nous ont montré que
les Ptinides devaient être séparés des Clériens , auxquels les
rattachaient tous les entomologistes, pour être placés parmi les
Bostrichiens, ce qui s’accorde parfaitement avec les caractères
fournis par les larves , et même par la plupart des caractères tirés
du système appendiculaire des Insectes parfaits.
Les mêmes observations nous ont amené à reconnaître les
Bostrichiens comme se liant un peu aux Dermestiens , et différant
notablement des Scolytiens, avec lesquels ils conservent certains
rapports dans l’ensemble de leur organisation.
Le système nerveux nous a montré d’une manière incon-
testable que les Curculioniens et les Scolytiens constituent un des
types principaux de l’ordre des Coléoptères , présentant des afii-
nités manifestes avec les Scarabéiens , ce qui est encore confirmé
par la forme contournée du corps des larves , et mieux encore par
leur organisation intérieure.
Toutes ces affinités reconnues par la considération du système
nerveux ne se trouvent en aucune manière infirmées par la consh-
dération de l’ensemble des autres caractères ; bien loin de là, car
elles sont presque toujours confirmées par les caractères des larves.
Quand les modifications les plus positives touchant les affinités
naturelles ont été saisies d’après la disposition des centres ner-
veux , on en vient le plus ordinairement à apercevoir ces mêmes
rapports indiqués par certaines formes dans le système appendi-
culaire. Ainsi, en m’efforçant de montrer que les caractères tirés
du système nerveux ont une prédominance marquée sur les carac-
tères fournis par les autres parties de l’organisme, je ne veux
être nullement exclusif. Je crois que tout doit être étudié avec le
même soin dans chaque groupe du règne animal ; mais il importe
aussi de savoir saisir F importance des caractères en accordant
naturellement plus de valeur à ceux qui offrent le plus de con-
stance. Bien que les caractères les plus importants dans chaque
division du règne animal tendent à disparaître chez certains
de leurs représentants, comme Fa bien établi M. Miine Edwards;
DES INSECTES.
377
bien que le système nerveux ne fasse pas complètement excep-
tion à cette règle , tout nous prouve aujourd'hui de plus en plus
que les caractères qu’il fournit ont plus d’importance en zoologie
que ceux tirés des autres parties de l’organisme.
EXPLICATION DES FIGEItES
PLANCHE 8.
Fig I . Lucanus cervus Lin
1, ganglions cérébroïdes. — a, nerfs antennaires ; b, nerfs optiques ; <■ gan-
glion frontal ; d, nerfs de la lèvre supérieure: g, nerfs mandibulaires; h, nerfs
maxillaires : e, ganglions angéiens : f, ganglions trachéens.
2, ganglion sous-œsophagien. — 3, ganglions prothoraciques. — a, b, c, les
trois paires de nerfs. — 4, ganglion mésothoracique. — a, nerfs alaires. —
b, nerfs médians. — c, nerfs des pattes. — 5, ganglion métathorarique. —
6, 7, 8, 9, 10, II, ganglions abdominaux.
Fig. 2 Hister cadaveïiinos Payk
1, ganglions cérébroïdes. — a , nerfs antennaires. — b, nerfs optiques. —
2, ganglion sous-œsophagien. — 3, 4, 5, les trois ganglions thoraciques. —
a, nerfs alaires. — b, nerfs médians. — c, nerfs des pattes — 6, ganglions
abdominaux.
( Dans les figures suivantes , les mêmes chiffres et les mêmes lettres indiquent
les mêmes parties. Les ganglions abdominaux sont toujours indiqués par le
numéro 6 et les suivants.)
Fig. 3. Nitidula ænea Lin.
Fig. 4. ScAPHIDIl'M QUADRIMACULATUM Fabr.
Fig. 5. Gïrinus natator Fabr
PLANCHE 9.
Fig. I . Necrophorus vespillo Lin.
Fig 2. Silpha ORscuRA Fabr.
Fig 3. Sa larve.
Fig. 4. Stapuv LiNL's vaxillosus Lin.
Fig. 5. Larve du Staphylinus ulens Lin
PLANCHE 10.
Fig. I. Dyticus harginalis Lin.
I, ganglions cérébroïdes. — c, ganglion frontal. — d, un petit ganglion
pharyngien. — e, nerfs de la lèvre supérieure. — b, ganglions angéiens. — 17,
ganglions trachéens. — h, nerfs récurrents. (Les autres lettres comme dans
les figures précédentes.)
Fig. 2. Larve du Dylicus murginalis.
I ganglions cérébroïdes. — n nerfs antennaires — b, nerfs optiques. —
378 E. BLANCHARD. — SYSTEM K NERVEUX DES INSECTES.
c, ganglion frontal.— d, nerfs de la lèvre supérieure. — e, nerfs mandibulaires,
— f, nerfs maxillaires.
Fig. 3 Blaps mortisaga Lin Fabr.
1 2, dernier centre nerveux abdominal , dans cette masse médullaire on dis-
tingue deux ganglions accolés. Il eût été peut-être préférable de mettre 12 et 1 3.
Fig. 4. Tenebrio molitor Lin.
Fig. 5. Sa larve.
PLANCHE 11.
Fig. 1. Hydrophilus piceus Lin
Fig. 2. Helops lanipes Fabr
Fig. 3. Diaperis boleti Lin.
Fig. 4. Sa larve.
Fig. 5. Sa nymphe.
Fig. 6. Agriluj viridis Fabr.
PLANCHE 12.
Fig. 1 . Byturds tomentosus Fabr.
Fig. 2. Mycetophagus quadrimaculatus Fabr.
Fig. 3. Dermkstes lakdarius Linn.
Fig. 4. Triplax russica Fabr.
Fig. 5. Endomycuus coccineus Fabr.
Fig 6. Bostricuus capucinus Fabr.
PLANCHE 13.
Fig. 1 Trogossita mauritanica Lin.
Fig. 2 Coccinella septempunctata Lin
Fig. 3. Spiiæridium scarabæoldes Fabr.
Fig. 4. Malachius bipustulatus Fabr.
Fig. 5. Scirtes hemisphæricus Fabr.
Fig. 6. Ceratoderus monoceros Fabr.
Fig. 7. Cistela sulphurea Lin. Fabr.
F'ig 8. Scolytus pygm.eus Fabr.
PLANCHE 14.
Fig. I Larve de la Calandra palmarum Lin.
I, ganglions cérébroïdes — a. nerfs antennaires. — 6, nerfs de la lèvre
supérieure. — c, ganglion frontal. — d, ganglion œsophagien. — f . ganglions
angéiens. — g, ganglions trachéens. — h, nerfs mandibulaires. — i, nerfs
maxillaires. — k, nerfs labiaux.
Fig. 2. Trichodes apiarius Fabr
1, ganglions cérébroïdes. — </, nerfs antennaires. — b, nerfs optiques. —
c, ganglion frontal. — dt ganglions angéiens. — c, ganglions trachéens.
(Dans les ligures suivantes, les mêmes lettres indiquent les mêmes parties.)
Fig 3. Atikm s iiirtus Fabr
DE QMTBEFMES. — SUR I.E SANG DES AN Mil. IDES. 379
Fig 4 Telepuorcs melanvrcs F’abr
Fig. 5. CEdlmera lurida Fabr.
Fig. 6. Lagria hirta Lin. Fabr.
PLANCHE 15.
Fig. 1 . OWACIA NVHPHEÆ Lin.
lig. 2. Crioceris merdigera Lin.
Fig. 3. Cassida equestris Lin.
Fig. 4. Cryptocephalus sericees Lui
lig 5. Eumolpis vitis Lin. Fabr.
Fig. 6. Curysumela fucata Fabr.
Fig. 7. Sa larve
Fig 8. Lina pupuli Lin. Fabr
NOTE SUR LE SANG DES ANNÉLIDES:
Par M A. DE ÇUATREFAGES.
On sait que Cuvier, en établissant la classe des Annélides, lui assigna
entre autres caractères celui d’être composé d’animaux dont le sang était
coloré en rouge. Cette caractérisation lut tout d’abord critiquée par M de
Blainville, qui lit observer que le sang était à peine coloré chez quelques
unes des plus grandes espèces de uos côtes ; mais les termes mêmes em-
ployés par M. de Blainville semblaient confirmer les vues de Cuvier, au
moins dans ce qu’elles pouvaient avoir de plus général. AI. Alilne Edwards,
en faisant connaître des Tubicoles à sang vert . démontra bien mieux le
peu d’importance réelle du caractère employé par l'illustre auteur du
Règne animal. Depuis cette époque. Al. Dujardin a signalé un fait pareil,
offert par une petite Annélide des côtes de la Manche ( Chlorema
Edwardsii , et nous- même nous avons trouvé plusieurs espèces qui pré-
sentent la même particularité, et que nous ferons connaître plus tard.
Ainsi la couleur du sang parait être de peu d’importance dans la classe
des Annélides; mais quelques naturalistes pourraient peut-être penser
que le fait essentiel consiste, non dans la teinte elle-même, mais dans la
présence d’un liquide coloré quelconque. Je ne pense pas que cette mo-
dification des idées de Cuvier fût plus vraie que la première opinion de
ce grand naturaliste: un très grand nombre d’ Annélides ont le sang par-
faitement incolore , et je crois qu’on pourrait citer en masse presque
toutes les petites espèces d’ Annélides Errantes ou Tubicoles, si communes
dans les fucus et sous les pierres de nos rivages.
AI. Oelle Cliiaje a dit avoir trouvé dans une Annélide des mers de
Naples, et chez les mêmes individus, du sang rouge dans certains vais-
seaux, et du sang cerf dans d'autres vaisseaux. J’ai fait sur quelques es-
pèces des côtes de Sicile des observations qui expliqueraient facilement
ce que ce fait a d’incroyable au premier abord pour toutes les personnes
qui connaissent le mode de circulation existant (liez les Annélides. Chez
quelques Tubicoles, le sang, en couches minces, est d’un jaune verdâtre
cl devient d'un muge /uirfaitement rnractérieé lorsqu’il est en niasse. Cer-
taines espèces de Nemertes présentent la même particularité, et l’une
380
l*E QUATREFAGES. — Sl'R I.E SANG
d’elles m’a permis de reconnaître toutes les nuances de ce phénomène,
résultant chez elle de l’accumulation de globules assez gros, llottant au
milieu d’un liquide incolore. I, 'observation du naturaliste napolitain est
donc très probablement incomplète, mais exacte d’ailleurs en ce qui
touche à la variabilité de la couleur du sang dans un même individu.
C’est lit un phénomène d'absorption de rayons lumineux , semblable
à ceux dont les physiciens, et entre autres Yoimg, ont fait connaître
toutes les circonstances.
AI. Alilue Edwards est, je crois, le premier (pii ait soumis le sang des
Annélides à l’inspection microscopique ; il a reconnu que ce sang ne con-
tenait pas de globules proprement dits, comparables à ceux que charrie
le sang des Vertébrés. On ne rencontre , en effet , dans le sang des plus
grandes espèces que j’ai observées, autre chose que des granulations in-
finiment petites et qui, autant qu’on peut en juger en employant les plus
loris grossissements, paraissent être assez irrégulières. La couleur du sang
ne me semble pas être due h la présence de ces corpuscules. I.e principe
colorant est ici dissous dans le sang lui-même, et cette circonstance éta-
blit encore une démarcation très grande entre la constitution de ce li-
quide chez les Annélides et chez les Vertébrés.
Lorsqu’on fait les observations dont je viens de parler sans y apporter
des précautions suffisantes , on peut trouver au milieu du sang des gra-
nulations irrégulières, de dimensions parfaitement appréciables, puisque
dans certaines espèces elles atteignent jusqu’à 1/100 de millimètre, et
peut-être davantage. Mais ces granulations n’appartiennent pas au sang:
elles proviennent du liquide de la cavité générale du corps.
Cette cavité et le liquide qu'elle renferme me semble jouer dans l’é-
conomie des animaux inférieurs un rôle important et auquel on ne s’est
pas suffisamment arreté jusqu’ici. Chez les Annélides Errantes, chez les
Némertes, les œufs, les spermatozoïdes, à peine ébauchés dans l’ovaire
ou le testicule, tombent dans cette cavité, et là, isolés de toutes les par-
ties solides de l’organisme, sans aucun rapport immédiat avec l’appareil
vasculaire, ils se nourrissent et parcourent toutes les principales phases
de leur développement. Il semble que le liquide qui les baigne de
toute part soit vivant , et que ce soit lui qui leur transmet les matériaux
nécessaires pour décupler quelquefois de volume : dès lors ce liquide se
comporte exactement comme un organe, comme pourraient le faire l’o-
vaire et le testicule eux-mêmes. La liqueur renfermée dans la cavité
générale du corps des Annélides est eu quelque sorte un organe fluide.
II est bien difficile de croire qu’un liquide qui joue un rôle si évident
dans l'acte de la nutrition des œufs ou des spermatozoïdes, soit entière-
ment inerte relativement aux muscles et aux viscères, qu’il baigne et en-
veloppe de toute part. Tout, au contraire, doit nous conduire à penser
qu'il remplit vis-à-vis d'eux des fonctions semblables à celles dont on
constate l’influence sur les produits de la génération. Ainsi nous sommes
conduits à regarder ce liquide comme un fluide nourricier répandu dans
tout le corps, et comme un puissant auxiliaire du sang lui-même.
Dès l’instant que le sang n’est plus chargé exclusivement des fonctions
de nutrition, son importance dans l’économie diminue, et nous serons
moins surpris de voir l’appareil chargé de le transporter dans les diverses
parties du corps subir des réductions , des dégradations considérables.
Chez certaines Annélides Errantes et Tnbicoles, on voit les ramifications
DUS \\ Mai DES.
381
vasculaires devenir très rares : e’esl là un l'ait qu’on peut constater faci-
lement chez les espèces dont le sang est richement coloré, et qui se
montre à son maximum chez les Némerles. où il n’existe plus que les
troncs principaux. Je reviendrai d'ailleurs sur ce sujet dans un travail
considérable qui s'imprime en ce moment, et où j’ai cherché à faire con-
naître en détail le groupe si remarquable des Némertiens.
Le liquide de la cavité générale du corps, chez les Annélides Erranles
et Tubicoles, est sans cesse agité, par suite des contractions et des mou-
vements généraux du corps ; chacune de ses portions peut donc être mise
en contact avec les diverses parties de l’organisme. Mais il semble dans
quelques circonstances présenter des mouvements plus réguliers et qui
ressemblent davantage à une véritable circulation : c’est du moins ce que
j’ai observé dans de très petits Siponcles, qui habitent au milieu des toulles
de Corallines et de fucus fl ). La cavité générale du corps est divisée en
chambres irrégulières, comme chez certaines Nématoïdes, et ces chambres
communiquent les unes avec les autres. J’ai \u le liquide intérieur, chargé
de globules framboises et ici de dimensions sensiblement égales, décrire
dans cet ensemble de poches une sorte d'ellipse allongée, à contours on-
dulés; en divisant la cavité eu deux par une pression transversale, le li-
quide décrivait alors deux courbes rentrantes. On voit que ce phéno-
mène rappelle, sous certains rapports, les faits si connus présentés par
le Chara.
Il est assez difficile d’assigner un rôle précis à ces granulations. Ce qu'il
y a de certain, c’est qu’elles sont dans un rapport marqué avec l’état phy-
siologique de l’animal où on les observe ; plus ce dernier est vigoureux ,
plus les globules sont nombreux et gros. Chez les Annélides microscopi-
ques, le nombre de ces corpuscules double ou triple lors de la gestation,
époque à laquelle ces animaux présentent un surcroît de vitalité des plus
prononcés.
Il est difficile de ne pas rapprocher les faits qui précèdent de ceux que
présente la classe des Insectes. Chez ces derniers, on ne trouve qu’une
seule espèce de liquide nourricier, et ce sang ressemble presque con-
stamment au liquide de In cavité générale des Annélides. Chez quelques
larves, cependant , le sang des Insectes rappelle , comme nous l’avons dit
ailleurs (2), le sang 'proprement dit de ces mêmes Annélides, en ce qu’il
est chargé, comme chez ces dernières, d’un principe colorant en disso-
lution. Comme d’ailleurs les produits de la digestion doivent , en sortant
du tube digestif, se mêler immédiatement au liquide que renferme la ca-
vité générale, n'est-il pas permis de conclure, ainsi que nous l’avons fait
plus haut , que ce liquide représente en partie , quant à son rôle physio-
logique, 1 e sang des Vertébrés, et qu’il acquiert d'autant plus d’impor-
tance que l’appareil circulatoire se restreint davantage et est plus pro-
fondément enfoncé dans l’intérieur du corps? Nous aurons, du reste,
occasion de revenir plus tard sur ces considérations, que nous ne faisons
aujourd’hui qu’indiquer.
( I ) Je regarde les Siponcles et genres voisins comme appartenant au type des
Annelés. Celte opinion repose sur les faits anatomiques que m’ont présentés les
Echiures, et dont un résumé a été publié dans la nouvelle édition illustrée du
/ligne animal (Zoophytes, 12e livraison, pl. 23)
(2) Séance de la Société Philomatique (L'Institut, 27 août f 845).
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
AX ATOJIIE ET PHYSIOLOGIE.
Note sur le mécanisme des sécrétions ; par M. A. Lereboullet 175
Sur la température des Spatangus purpureus , Tripla hirundo , et Gadus
æglefinus, des mers du Nord; par M. Ch. Martins. . ... 187
AXIMALX YERTÉRRÉS.
Remarques sur le Capra pudtt et V Equus bisulcus de Molina : par MM. Gay
et Paul Gervais 87
Observations sur diverses espèces de Mammifères fossiles du midi de la
France; par M. Paul Gervais 248
— sur les Mammifères fossiles de Vaucluse; par M. Paul Gervais . 257
— — — de l’Hérault; par M. Paul Gervais . 263
— — — de l’Hérault; par MM. Paul Gervais et
Marcel de Serres ... . . ... 266
Mémoire sur l’ appareil de la respiration dans les Oiseaux; par M. Natalis
Guillot 25
Mémoire sur les différences typiques, inconnues jusqu'à présent, dans les
organes de la voix des Passereaux; par M. J. Muller. .... 1
Notice préliminaire sur le développement des Chèloniens ; par M. H. Rathke. 161
Description de quelques crdnes fossiles trouvés par M. Bain dans une
couche de grès à l'extrémité sud-est de l’Afrique, et constituant un
nouveau genre de Reptiles (le Dicynndon), dans l’ordre des Sauriens;
par M. Owen 271
Observations sur le développement des spermatozoïdes des Raies et des
Torpilles ; par M de Martino (de Naples). ... 171
IM .II II X A A Y E LÉS.
Recherches anatomiques et zoologiques sur le système nerveux des Insectes.
— Mémoire sur les Coléoptères ; par M. Émii.e Blanchard. . . 273
Description des galles du \'erbascum et du Scrophularia , et des Insectes
qui les habitent, pour servir à l'histoire du parasitisme; par M. Léon
Dufour . 5
Note sur le sang des Annelides ; par M. de Quatrefages . . 379
MOLLUSQUES.
Note sur les testicules et les spermatozoïdes des Patelles; par MM. Lebert
et Robin . ...191
TABLE DES VI ATI EU ES. 383
Essai d'une Monographie du Teryipes Edwardsii ; par M Alex, de Nord-
mann, Professeur à Odessa . . . . 109
De la composition et de la structure des enveloppes des Tuni tiers ; par
MM. Lorvig et Kollliker. ... .193
Rapport sur le Mémoire précédent ; par M. Payen ... 238
ZOOPI11TES.
Recherches sur les Polypes ; par M. Dana. (Extrait ). ... 243
T AP. LE DES MATIÈRES
Blanchard. — Recherches anato-
miques et zoologiques sur le sys-
tème nerveux des Insectes. —
Mémoire sur les Coléoptères. . 273
Dana — Recherches sur les Polypes 227
Dufour (Léon). — Description des
galles du Verbascum et du Scro-
phularia, et des Insectes qui les
habitent, pour servir à l'histoire
du parasitisme ... 5
Gay. — Voyez Gervais.
Gervais (Paul) et Gay. — Remar-
ques sur le Capra pudu et l'£-
quus bisulcus de Molina. 87
Gervais (Paul). — Observations sur
diverses espèces de Mammifères
fossiles du midi de la France . 248
— Mammifères fossilesde Vaucluse. 257
Id. de l'Hérault. 263
Gervais (Paul) et Marcel de Ser-
res. — Mammifères fossiles de
l'Hérault 266
Guillot (Natalis). — Mémoire sur
I appareil de la respiration dans
les Oiseaux 25
Kœlliker et Loewig. — De la com-
position et de la structure des
enveloppes des Tuniciers. 193
Lehert et Robin. — Note sur les
testicules et les spermatozoïdes
des Patelles 191
Lereboullet. — Note sur le méca-
nisme des sécrétions
PAR NOMS D’AfJTF.IJRS.
Loewig. — Voyez Kœlliker.
Marcel de Serres. — V. Gervais.
Martino (de Naples). — Observa-
tions sur le développement des
spermatozoïdes des Raies et des
Torpilles . .171
Martins (Ch.). — Sur la tempéra-
ture des Spalangus purpureus ,
Triyla hirundo , et Gadus œyle-
finus, des mers du Nord. . 187
Muller (J.). — Mémoire sur les
différences typiques, inconnues
jusqu’à présent, dans les or-
ganes de la voix des Passereaux. 9 1
Nordmann (Alex. de). — Essai
d une monographie du Teryipes
Edwardsii. . .109
Owen. — Description de quel-
ques crânes fossiles trouvés par
M Bain dans une couche de grès
à l'extrémité sud-est de l’Afri-
que, et constituant un nouveau
genre de Reptiles ( le Dicyno-
don), dans l’ordre des Sauriens. 271
Payen. — Rapport sur le Mémoire
de MM Loewig et Kœlliker.
(Voyez Kœlliker ). . . . 238
Qcatrefages (De). — Note sur le
sang des Annélides 379
Rathke. — Notice préliminaire sur
le développement des Chéloniens 161
Robin. — Voyez Lebert.
175
TABLE UES PLANCHES
RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME.
Planches I . Organisation et développement du Tergipes Edwardsii.
(Fig. l-i. Galles du Verbascum pulverulenlum et du Scrophu-
laria canina.
- < Fig. 5-1 5. Métamorphoses du Cecidomyia Verbasci
I Fig. 16-21. — du Misocampus nigricans.
\ Fig. 22-30. — de F Eulophus Verbnsci.
3.
4.
]
Réservoirs aériens du Coq
5 )
6. v Structure et développement de» Tumciers
7- J
8. \
Système nerveux des Coléoptères.
1S. j
un du cinquième: volume.
Ûrqanüralwn/ et déoe/oppeme/it
du ’/erçipes Edwardsà .
JV. Rémond' cm <p
Ann des Scierie .nat S? Série
Aool .Tom ô Fl
Fii/. / - 3 Galles et étamines du \erbascum pulveriilontum
Fu/ 4 Galles du Scrophularia conina
Fit/ 6- jô Métamorphoses du Cecidomvia Yerbasci
Fù/ JÔ-Jt. - Fu Misocampus nig’ricornjs
Fil/ 23- 3o. Fe l'Eulophus Vrrbasci
Ann ries Sciences nai 3e Sene 7oo] jom 5 p| -
Eüi'e
Beau .vl nAl dfl1
Lilh d'Arlusr dclAHarpr5o
Ann des Sciences nat 3e Série
Zool Tom 5 PI
Emile Beau ad natdel'
Lilh d'Artus i,<Icja Harpe 50.
Ann . des Scienc naô 3* Série, .
Aool Tom . à PI .î .
S/ruclure (/es tépumens (/es Tun/c/ers
N. /(esnond unp
Jhn . des Scimc nat 3e Série .
Zool.Toni.o PI .6.
a 28.
Structure des tâ/umens des Tusuciers.
. I ' Msn tond unp
Arm t/tj- Jaenc turf J'.lr/ tr
Tfoof Tout 6 . J’f — .
Structure et dévetoppement des Tunécûrs.
. V Tentant/ t/np
K n dci
/ rfiru/i
S/slème nerveux r/&r Co/eop/ère.r
JV. / 'te/noru / /snp
/. eortui j't> ■
ziervez/æ
Ji'/te'snoru! â/i//
/ eùnm sc .
/;. <m
Si/, te neroet&v Cb/eo/i/rrcs
I ftciiwitd '>></>
/■ n ,m
/. euriui
St/x/ème /u’rvw/.r (/es / o/eo/i/è/ex
,1 /'ivnoru/ t/n/t
S/.r/esm' /!,■/•// m.r i/e.r Coleon/èrar
Syj-fcme nnroeuj' t/e.r 0>/e'o/> tires
A' Jtdnwnet onp
r\
l«| iX
-•o
o o