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Full text of "Annales des sciences naturelles"

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ANNALES 


SCIENCES  NATURELLES. 


T K»  I M À:  Il  I sikh:. 


ZOOLOGIE. 


Paris»  — lUPimir.niR  i»f.  noi  Rr.oor  kt  mautinkt, 

ru»  J.iiob  .IJ 


7i-D. 


ANNALES 


SCIENCES 


DES 

NATURELLES 


COMPRENANT 

I.A  ZOOLOGIE,  LA  BOTANIQUE, 

l’an  vtomie  et  la  physiologie  comparées  des  deux  règnes  , 
ET  l’histoire  DES  CORPS  ORGANISES  FOSSILES; 

RÉDIGÉES 

TOUR  LA  ZOOLOGIE 

PAR  NI.  NI II. AK  EDAVARDS, 

ET  POUR  LA  BOTANIQUE 

PAR  NI  NI.  AU.  liROVGMAItl  ET  J.  I)I(AIS\E 

«troisième  Série. 

ZOOLOGIE. 


TOME  CINQUIÈME. 


PARIS. 

VICTOR  MASSON, 

LIBRAIRE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES  PRÈS  LE  MINISTÈRE  DE  L’INSTRUCTION  PUBLIQUE, 

PLACE  DE  I.’ÉCOI.E-DE-Mt'DECINE,  1. 

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ANNALES 


UES 


SCIENCES  NATURELLES. 


PARTIE  ZOOLOGIQUE. 


UKSCBIPTION 

UES  GALLES  DU  VERBASCUM  ET  DU  SCROPHVLARIA  , El  i)ES  INSECTES 
QUI  LES  HABITENT, 

POl'R  SERVIR  A l’histoire  du  parasitisme; 

Far  M.  LÉON  DUFOUR. 

Lue  a I Académie  des  Sciences,  le  2i  novembre  I8I0. 

C’est  un  fait  très  singulier,  mais  un  fait  très  positif,  que  la  plu- 
part des  larves  d’insectes  sont  décimées  par  d'autres  larves 
parasites,  comme  si , dans  le  but  des  harmonies  de  la  nature, 
une  loi  de  destruction  devait  contrebalancer  une  loi  de  produc- 
tion. 

Le  parasitisme,  considéré  de  haut,  semble  donc  un  correctif 
pour  équilibrer  les  races  ou  les  espèces.  L’histoire  des  galles  et  de 
leurs  hôtes  , tant  légitimes  qu’usurpateurs , est  appelée  à former 
un  des  épisodes  les  plus  curieux  , les  plus  piquants  de  la  science 
entomologique.  Des  investigations  dirigées  avec  intelligence  vers 
cette  étude  mettront  en  relief  des  faits  si  extraordinaires,  que  des 
esprits  peu  sérieux  ou  superficiels  pourraient  les  prendre  pour  le 


6 LÉON  m FOUR.  — SL  11  LES  I.XSECTES  des  galles 
roman  de  la  science.  Voici  un  spécimen  de  ces  curieuses  super- 
positions d’existences,  de  ces  inévitables  dépendances. 

Une  fleur  est  piquée  par  un  frêle  Moucheron  pressé  d’v  déposer 
un  œuf.  Cette  action , si  simple , devient  l’occasion  d’une  pertur- 
bation nutritive  dans  la  corolle  et  les  étamines  de  cette  fleur  ; ces 
organes  prennent  un  développement  exubérant,  anormal;  ils 
s’hypertrophient , se  déforment,  et  il  en  résulte  une  (/aile  d’une 
configuration  déterminée  et  constante.  Cette  galle , à peine  de  la 
grosseur  d’une  petite  aveline,  devient  le  berceau  de  quatre 
Insectes  génériquement  différents , sans  mettre  en  ligne  clc 
compte  les  usurpations  éventuelles  de  domicile  par  de  très  petits 
nomades.  Essayons  de  dérouler  les  manœuvres  mystérieuses  de 
ce  quadruple  habitat. 

Le  fondateur  de  cette  intumescence  morbide,  de  cette  fleur  hy- 
pertrophiée , est  un  Diptère  de  la  famille  des  Tipulaires , un  Ceci- 
domyia.  Sa  larve , malgré  son  incarcération  dans  le  creux  d’un 
sphéroïde  fermé  de  toutes  parts  , n’est  pas  pour  cela  à l’abri  des 
incursions,  des  attaques  de  trois  cruels  ennemis,  pour  lesquels  sa 
propriété  et  sa  vie  deviennent  des  conditions  d’existence  ; ce  sont 
trois  Insectes  de  l’ordre  des  Hyménoptères  , mais  de  trois  genres 
différents  : un  Misocampus,  un  Jiulophus , un  Stomoctea. 

Le  Misocampe,  guidé  par  un  merveilleux  instinct,  obéissant  à 
une  mission  irrévocable  , sent , devine  qu’une  larve , condamnée 
à devenir  le  réceptacle  vivant  de  sa  progéniture , est  à une  distance 
suffisante  de  la  surface  de  la  galle  , pour  que  la  longueur  de  sa 
fine  tarière  abdominale  ou  de  son  oviscapte  lui  permette  d’in- 
sérer dans  le  corps  de  cette  larve  un  œuf  solitaire.  Et  remarquez, 
je  vous  prie,  que  l’ovaire  du  Misocampe,  que,  malgré  sa  petitesse, 
j’ai  pu  disséquer , a environ  une  quinzaine  de  gaines  ovigères 
multiloculaires  pouvant  fournir  è une  ponte  successive  d’une  cin- 
quantaine d’œufs,  destinés,  par  conséquent,  à cinquante  victimes. 
Il  faut  donc  que  cette  habile  et  industrieuse  mère  aille  pondre  un 
œut  isolément  dans  chaque  galle.  Ce  n’est  pas  tout  encore  ; 
admirez  ce  concours  de  difficultés  vaincues  : le  Misocampe  doit 
avoir  acquis  la  certitude,  c’est  presque  une  prescience,  qu’aucun 
autre  individu  de  son  espèce  ne  l’a  précédé  dans  cette  inocula- 


DU  VERBASCUM  El  Dli  SCKOPUltUIUA.  7 

tion  d’un  œuf  : car  il  est  écrit  là-haut  que  le  parasite  du  Ver  de 
la  Cécidomyie  doit  être  seul  aux  prises  avec  sa  victime.  Je  vous 
le  demande,  où  résident  dans  ce  myrmidon  d’insecte  cette  per- 
fection de  l’odorat,  cette  subtilité  de  l’ouïe,  qui,  dans  ce  cas, 
pourraient  influencer  ses  déterminations  ? Aurait-il  ce  don  de 
seconde  vue  dont  les  illuminés  du  magnétisme  nous  parlent  par- 
fois? ou  bien  n’est-ce  encore  qu’un  simple  instinct,  comme  on 
dit?...  Mais  rentrons  dans  le  positif.  De  l’œuf  implanté  parle 
Misocampe  doit  éclore  un  Ver , l’ennemi  personnel  du  légitime 
possesseur  de  la  galle  , condamné  à devenir  son  inévitable  proie. 

L’Eulophe  , qui  ne  doit  pas  avoir , comme  lo  Misocampe , des 
enfants  carnassiers  et  assassins , mais  qui  n’en  est  pas  moins  re- 
doutable pour  la  Cécidomyie  , est  instruit , par  une  faculté  innée , 
que  le  domicile  de  la  Tipulaire  renferme  des  provisions  de  bouche, 
dont  il  a pressenti  et  la  qualité  et  la  quantité.  Il  sait  que  la  tur- 
gescence des  étamines  est  au  degré  convenable  pour  alimenter  le 
premier  âge  de  sa  postérité  ; il  a mission  d’envahir , d’usurper  cet 
asile,  et  d’y  introduire  , non  pas  un  seul  œuf,  comme  le  Miso- 
campe , mais  une  douzaine  d'œufs,  d’où  naîtra  une  tribu  de  Vers 
avides  qui  vont  réaliser  le  sic  vos  non  vobis  de  Virgile. 

Quant  au  Stomoctée,  dont  la  taille  surpasse  celle  de  l’Eulophe, 
et  qui  pullule  moins  que  lui , je  l’ai  obtenu  des  mêmes  galles  sans 
être  encore  lïxé  ni  sur  ses  métamorphoses , ni  sur  son  parasitisme 
du  Misocampe  ou  de  l’Eulophe.  J’avais  retardé  d’un  an  la  publi- 
cation de  ce  Mémoire,  espérant  que , en  1845,  je  pourrais  éclairer 
cette  question  ; mais  la  constitution  météorologique  de  l’année 
désastreuse  qui  tire  à sa  fin  a été  telle,  que  là  où  les  étés  précé- 
dents, j’aurais  eu  à mon  service  des  milliers  de  nos  galles,  je  n’en 
ai  pas  découvert  une  seule.  L’entomologie  a eu,  en  1845,  ses 
déceptions , comme  l’agriculture  ses  calamités. 

Le  fondateur  de  la  galle  se  trouve  donc  dans  l’atïreuse  alterna- 
tive ou  d’être  dévoré  vivant  par  son  parasite  direct  le  Misocampe , 

ou  de  mourir  d’inanition  par  son  parasite  indirect  l’Eulophe 

Mais  rassurez-vous,  le  type  de  l’espèce  de  la  Cécidomyie  ne  dis- 
paraîtra pas  de  ce  monde  ; les  harmonies  de  la  nature  auxquelles 
le  faible  Diptère  prête  son  atome  d'influence  ne  sont  pas  à même 


s 


LÉO*  Dl'FOLR.  SLK  LUS  1NSKCTES  DUS  (.ALLES 


de  se  troubler.  Le  créateur , qui  veut  que  tout  ce  qui  a vie  la  con- 
serve , a donné  à cet  Insecte  une  prodigieuse  fécondité , et  la 
majeure  partie  de  ses  larves,  au  milieu  des  dangers  qui  l’envi- 
ronnent , subissent  leurs  complètes  métamorphoses. 

Si  j’ai  souvent  trouvé  le  cadavre  du  Ver  de  la  Cécidomyie 
gisant  au  milieu  de  la  prospérité  des  larves  de  l’Eulophe , j’ai 
vu  aussi  dans  d’autres  circonstances  la  Nymphe  de  celte  Tipu- 
laire  parfaitement  viable,  lorsque  les  Chrysalides  de  l’Hvmé- 
noptère  n’étaient  qu’au  nombre  de.  cinq  ou  six.  Dans  le  premier 
cas,  ou  le  Misocampe  avait  tué  la  larve  de  la  Cécidomyie , ou 
celle-ci  était  morte  de  faim  par  la  voracité  des  larves  de  l’Eu- 
lophe. Dans  le  second  cas , n’est-il  pas  probable  que  la  prévoyance 
maternelle  de  PEulophe,  pour  proportionner  le  nombre  de  ses 
petits  à la  quantité  présumée  de  nourriture,  n’aura  placé  dans  la 
galle  que  la  moitié  de  sa  couvée  ordinaire  ? 11  peut  se  faire  aussi 
que  la  larve  de  la  Cécidomyie , ayant  déjà  pris  un  certain  dévelop- 
pement lorsque  l’Eulophe  a colloqué  dans  la  galle  ses  douze  œufs, 
une  partie  des  Vers  issus  de  ces  derniers  aura  péri  d’inanition  ; 
ou  bien  encore  la  tribu  des  Eulophes  aura  pu  être  partiellement 
victime  du  parasitisme  du  Stomoctée. 

Le  sujet  de  ce  Mémoire , quoique  ne  traitant  que  de  fort  petites 
choses,  est  pourtant  assez  vaste  pour  comporter  plusieurs  divi- 
sions. Je  consacrerai  donc  un  premier  chapitre  aux  galles,  et  un 
second  aux  habitants  de  ces  galles. 

(HAPITBE  1. 

U ALLES. 

Une  galle  est  une  production  complexe  , puisqu’elle  résulte  du 
concours  simultané,  de  l’action  combinée  d’un  végétal  et  d’un 
Insecte.  Je  ne  puis  donc  pas  isoler  dans  cette  étude  ces  deux  élé- 
ments; je  ne  puis  pas  séparer  la  cause  de  l’effet.  Tout  en  circon- 
scrivant mon  sujet  dans  les  limites  de  l’entomologie , je  serai  irré- 
sistiblement entraîné  à quelques  considérations  de  physiologie 
végétale  qui  découlent  de  ces  aberrations  des  lois  normales  ; mais 
j’y  mettrai  une  grande  réserve. 


Dl  VEIUSASCUI  Kl  1)1  SKR^PHLLAHIA.  !) 

Le  Verbascum  pulverulenlum  et  le  Scrophularia  canina  crois- 
sent abondamment  l’un  et  l’autre  sur  les  chaussées  graveleuses  de 
l’Adour,  près  Saint-Sever , el  fleurissent  en  mai  et  juin.  C’est  à 
cette  époque  que  ces  plantes  sont  plus  ou  moins  chargées  de  galles  ; 
mais  cetles-ci  se  rencontrent  en  quantité  beaucoup  plus  considé- 
rable dans  les  rameaux  du  thyrse  pyramidal  du  / erbascum  que 
dans  ceux  plus  rares , plus  divergents , de  la  Serophulaire. 

On  est  surpris  tout  d’abord  que  la  même  espèce  d'insecte  éta- 
blisse indifféremment  sa  progéniture  dans  deux  plantes  qui  appar- 
tiennent à deux  familles  différentes,  et  dont  la  structure  extérieure 
est  si  dissemblable.  Ainsi  le  / erbascum , de  la  famille  des  Sola- 
nées,  a ses  larges  feuilles,  ses  tiges , son  intlorescence , couvertes 
d’un  duvet  abondant,  floconneux,  et  n’est  point  aromatique; 
tandis  que  la  Serophulaire,  de  la  famille  des  Personnées , est 
glabre  dans  toutes  ses  parties,  et  odorante.  Cependant,  en  y por- 
tant quelque  attention  , nous  retrouverons  encore  dans  cette  ché- 
tive Cécidomyie  un  certain  instinct  botanique  analogue  à celui 
dont  le  célèbre  De  Candolle  a consigné  plusieurs  exemples  dans 
sa  Thèse  inaugurale , publiée  en  1804,  sur  les  propriétés  médi- 
cales des  plantes  (p.  18).  Ici  le  cas  est  encore  plus  remar- 
quable ; car  ce  n’est  pas  dans  les  espèces  d’un  même  genre  que 
notre  Tipulaire  doit  fixer  son  choix  : elle  passe  du  genre  d’une 
famille  dans  le  genre  d’une  autre  famille.  Mais  cet  Insecte  fait 
preuve  d’un  tact,  je  dirais  presque  d’un  discernement,  qui  ne 
viole  pas  autant  qu’on  pourrait  le  croire  d’abord  la  série  natu- 
relle des  genres:  car,  d’une  part,  les  deux  familles  sont  contiguës 
dans  le  cadre  de  la  classification , et , d’autre  part , le  genre  Ver- 
bascum termine  les  Solanées,  tandis  que  la  Serophulaire  est  peu 
éloignée  du  commencement  des  Personnées  ; peut-être  même  pour- 
rait-elle revendiquer,  par  sa  corolle  mal  bilabiée  (qui  se  rapproche 
par  là  de  celle  légèrement  irrégulière  du  Verbascum)  et  surtout 
par  sa  capsule , un  poste  à la  tète  de  cette  dernière  famille  (L). 

Quant  à l’indication  fournie  par  le  choix  de  notre  Cécidomyie  , 
je  suis  loin  de  la  regarder  comme  indifférente  : elle  est  à mes  yeux 

(I  Aujourd’hui  les  Botanistes  placent  cçs  deux  genres  dans  la  même  famille  , 
colle  des  Scroplmlarmées,  H 


SL  K I.KS  INSECTES  DES  GAI. LES 


J 0 ii:oa  ni  Foi'B.  — 

un  témoignage  de  l'analogie  de  composition  intime,  de  l’identité 
des  sucs  que  le  même  Insecte  retire,  pour  sa  nourriture,  des 
organes  correspondants  ou  similaires  de  ces  deux  plantes.  Je  vais 
m’expliquer  : 

Ces  galles,  irrégulièrement  arrondies  ou  ovalaires,  varient 
pour  leur  grandeur  , et  ont  de  8 à l'i  millimètres  de  diamètre  ; 
elles  sont  plus  grandes  dans  le  / 'erbascum  que  dans  la  Scrophu- 
laire  , ce  qui  tient  à la  différence  de  densité  ou  d’extensibilité  des 
textures  respectives.  Dans  la  première  de  ces  plantes , elles  ont 
une  couleur  d’un  vert  pâle  ou  jaunâtre,  avec  un  fin  duvet  coton- 
neux , qu’une  loupe  attentive  constate  aussi  dans  la  corolle  nor- 
male ; dans  la  seconde,  elles  sont  glabres,  verdâtres,  avec  une 
teinte  violacée;  dans  les  unes  comme  dans  les  autres , elles  sont 
exclusivement  formées  aux  dépens  de  la  corolle  et  des  étamines  : 
l’ovaire  , le  calice  et  le  pédoncule  n’y  participent  en  rien. 

C’est  lorsque  la  fleur  est  encore  en  bouton  que  la  Cécidomyie 
perce  celui-ci  avec  son  oviscapte,  et  loge  dans  son  intérieur  un 
seul  œuf.  Est-ce  la  présence  seule  de  ce  dernier  qui  détermine  le 
développement  anormal  et  monstrueux  de  la  ileur?  ou  bien  l’In- 
secte en  pondant  l’œuf  y instille-t-il  quelque  humeur  âcre  qui 
pourrait  être  sécrétée  par  l’appareil  compliqué  situé  sur  le  trajet 
de  l’oviducte,  et  dont  une  partie  porte  le  nom  de  glande  sébi- 
fique?  La  question  me  semble  d’une  solution  difficile;  toutefois 
ce  n’est  pas  à la  larve  qui  sort  de  cet  œuf  qu’il  faut  attribuer  l’hy- 
pertrophie ; celle-ci  doit  nécessairement  précéder  sa  naissance, 
car  sans  cela  elle  serait  condamnée  à mourir  de  faim , puisque 
c’est  le  suc  du  tissu  turgescent  qui  peut  seul  faire  la  nourriture 
de  la  larve. 

Quoi  qu’il  en  puisse  être,  la  corolle,  par  l’effet  d’une  irritation 
nutritive,  devient  exubérante;  ses  lobes  s’infléchissent,  se  recro- 
quevillent en  dedans,  et,  loin  de  prendre  dans  le  J erbascum  leur 
belle  couleur  jaune,  deviennent  d’un  gris  verdâtre,  et  acquièrent 
une  consistance  subcoriacée.  Mais  admirez  comme , dans  les  plus 
petites  choses , la  nature  a tout  calculé  avec  soin  ; cette  condition 
d’uiio  consistance  coriacée  rend  évidemment  ce  tissu  impropre  à 
la  nourriture  d’une  larve  délicate  et  tendre , et  est  devenue  une 


DU  VERMSCUM  ET  DU  SCROl’lIUr.  ARIA. 


11 


nécessité  pour  protéger  la  cavité  de  la  galle , le  berceau  de  la 
larve,  sinon  contre  les  attaques  de  tous  ses  ennemis,  du  moins 
contre  les  injures  du  temps.  Ainsi  la  corolle,  qui,  pour  la  fleur , 
est  le  rideau  nuptial  des  organes  reproducteurs , devient  ici  la 
tente  tutélaire  de  l’existence  de  la  larve.  Les  filaments  des  éta- 
mines, considérablement  grossis  par  l’hypertrophie,  ont  éprouvé 
dans  leur  texture  intime  d’étonnantes  modifications  physiolo- 
giques ; ils  sont  devenus  tendres , succulents , et  la  loupe  y 
distingue  des  papilles  granuleuses  qui  rappellent  la  glaciale 
( Mesembryanthemum  crystallimm  !..  ) , et  où  se  trouvent  entre- 
mêlés , dans  le  1 erbascutn  , des  poils , les  uns  atrophiés , ara- 
néeux  ; les  autres  épaissis , terminés  par  un  capitule  glanduleux, 
cristallin.  Ces  filaments  succulents  sont  essentiellement  destinés  à 
la  nourriture  de  la  larve  ou  des  larves , comme  l’observation 
directe  me  l’a  démontré.  Les  anthères  tantôt  suivent  l’impulsion 
du  développement  morbide  , et  leurs  valves , plus  ou  moins  défor- 
mées , renferment  un  pollen  mal  élaboré  ; tantôt  s’étiolent  et 
avortent.  Le  pistil  échappe  à la  turgescence  des  organes  mâles , 
mais  il  subit  souvent  le  sort  de  l’infécondité  ; il  n’est  pas  rare,  sur- 
tout dans  la  Scrophulaire,  qu’il  se  courbe  irrégulièrement  en 
hameçon. 

Je  ne  saurais  passer  sous  silence  une  observation  qui , sans 
être  étrangère  à mon  sujet , se  rattache  plus  particulièrement  à 
la  pathologie  végétale.  Il  arrive  parfois  que  , par  des  influences 
météorologiques  ou  par  une  autre  cause  peu  appréciable  , la  larve 
meurt  peu  après  sa  sortie  de  l’œuf.  Alors  les  parties  en  voie  d’hy- 
pertrophie tendent  à se  guérir  ; l’excitation  fondamentale , qui  se 
serait  continuée  par  l’action  de  sucer,  s’atténue,  s’efface  ; les  tissus 
turgescents,  de  nouveau  soumis  à l’action  normale  des  lois  phy- 
siologiques, se  serrent,  se  condensent;  la  sève  perd  son  exubé- 
rance morbide,  reprend  son  cours  naturel  ; enfin  , quoique  tardi- 
vement , les  étamines  rentrent  dans  leurs  fonctions  génératrices 
en  meme  temps  que  les  lobes  de  la  corolle  se  déploient,  et  s’é- 
talent dans  le  Ferbascum  en  ravivant  leur  couleur  jaune.  Dans 
d’autres  circonstances  où  la  mort  do  la  larve  survient  aussi , les 
efforts  de  la  nature  se  trouvant  impuissants  pour  remédier  â la 


12  LÉO*  DUFOUR.  — SI  11  UiS  INSECTES  DES  li ALLES 
turgescence  pathologique , il  se  déclare  une  véritable  atrophie  ; 
les  étamines  se  dessèchent,  et  la  galle  inhabitée  languit  et  meurt. 

y ota.  Réaumur,  dans  la  préface  du  tome  Y de  ses  Mémoires, 
mentionne  simplement  les  fleurs  monstrueuses  du  Bouillon  blanc 
( Ferbascum)  que  lui  avait  envoyées  Bernard  de  Jussieu , et  qu’il 
croyait  habitées  par  le  Ver  d’une  Tipule  (ce  que  mes  observations 
ont  justifié)  ; mais  il  ne  décrit  nulle  part  ni  la  galle  ni  le  Ver. 

M.  le  docteur  Vallot  de  Dijon , fort  habile  observateur,  a donné 
le  signalement  succinct  et  de  cette  galle  et  de  laCécidomyie  qui 
la  produit,  et  d’un  des  Parasites  cjui  l’habitent.  ( Actes  de  l’Acad. 
de  Dijon,  1827,  pag.  i)2.) 


CHAPITRE  II. 

HAfilTANTS  DES  GALLES  ET  LELRS  MÉTAMORPHOSES. 


Article  1".  — Métamorphoses  de  la  Cécidonn  ic. 

1°  Larve  (PI.  2,  fig.  5-8). 

Larva  apoda,  pseudocepliala , ovato-oblonga,  lutea,  ylabra  ; 

palpis  (?)  laleralibus  bi-articulalis.  Long.  3“"". 

II ab.  in  gallis  / erbasci  et  Scrophulariæ. 

Pour  bien  saisir  la  composition  et  la  structure  de  cette  petite 
larve  , il  convient  de  l’étudier  immergée  vivante  dans  l’eau  , et 
sous  le  microscope.  Les  individus  qui  ont  servi  à ma  description 
et  à mes  dessins  étaient  adultes , et  à même  d’entrer  en  travail  de 
nymphe. 

Le  corps  se  compose , comme  celui  de  beaucoup  de  larves  de 
Diptères , de  douze  segments , le  pseudocéphale  non  compris. 
Celui-ci , fort  rétractile  et  difficile  à bien  constater , semble  formé 
de  deux  pièces  invaginées,  dont  la  postérieure,  étroite  et  rudimen- 
taire, reçoit  l’antérieure,  qui  est  subtriangulaire  et  munie  de 
chaque  côté,  avant  son  extrémité,  d’un  palpe  (ou  si  L’on  veut 
d’une  antenne)  bi-articulé.  In  trait  linéaire  médian,  brunâtre, 


DI  VHRMSCCM  ET  DI  SCROPHII.  U1IA. 


13 

s’observe  à la  région  dorsale  de  cette  pièce  ; je  n’ai  pas  aperçu 
les  crocs  ou  mandibules.  Le  premier  des  segments  thoraciques  est 
largement  et  légèrement  échancré  en  avant;  le  segment  anal  est 
fort  petit , comme  rudimentaire  , et  tronqué. 

Cette  larve  a , comme  ses  congénères , neuf  paires  de  stigmates 
placés  sur  les  côtés  des  segments  dorsaux.  La  première  paire  se 
voit  au  segment  qui  représente  le  prothorax  ; les  deux  segments 
suivants  n’en  ont  pas;  les  huit  autres  paires  occupent  les  huit 
segments  qui  suivent  ceux  du  thorax. 

2°  Nïmphe  (PI.  2,  fig.  9-14). 

Aympha  nuda , obvoluta , oblonga,  [usco-brunnea , subeoriacea  ; 
antice  attenuata,  acute  biftda,  poslice  obtusa  ; Ihoracis  linea  dor- 
sali  impressa  carinataque;  segmentis  abdominis  punctato  aspe- 
rulis.  Long.  5"“". 

IJab.  in  gallis  Verbasci  et  Scrophulariœ. 

La  seconde  morphose  de  notre  Cécidomyie  , ou  celle  qui  suc- 
cède à la  larve , est  une  véritable  .Xymphe  ou  Chrysalide,  et  non 
une  Pvpe. 

Elle  est  d’un  châtain  vif.  Vue  en  dessus  , sa  partie  antérieure 
ressemble  à une  hure  aiguë  terminée  en  une  pointe  finement 
bifide , et  sa  base  oftre  de  chaque  côté  une  saillie  arrondie  qui 
n’est  pas  un  œil , ainsi  qu’on  pourrait  le  croire  à la  simple  inspec- 
tion du  dessin.  Le  microscope  met  en  éxidence  près  de  cette 
saillie  un  poil  roide  , une  sorte  do  spinule.  Les  véritables  yeux  se 
voient  en  dessous;  ils  sont  grands,  ovales,  noirâtres,  et,  entre 
eux  , il  y a deux  dents  aiguës , dirigées  en  avant , et  comme  cro- 
chues. L’étui  des  antennes  borde  le  contour  externe  des  yeux. 

Premier  segment  du  thorax  grand,  convexe,  lisse,  luisant, 
glabre , avec  une  ligne  médiane  dorsale , canaliculée  et  caré- 
née; le  second,  rudimentaire;  le  troisième,  ou  métathorax,  en 
carré  transversal , et  plus  grand  que  le  précédent. 

Abdomen  à sept  segments  parallèles  à peu  près  égaux  ; l’avant- 
dernier  un  peu  plus  large , et  le  dernier  fort  petit.  Région  dorsale 
de  tous  ces  segments  garnie  d’aspérités  ou  de  petites  spinules 


l/l  l.ÉONi  DUFOfR.  — SUR  LES  INSECTES  DES  GALLES 

serrées,  disposées  en  séries  transversales  assez  régulières:  une 
bande  inerme  sépare  , les  uns  des  autres , les  cinq  premiers  seg- 
ments. Région  inférieure,  offrant  le  relief  des  ailes  rabattues  et 
des  pattes  emmaillotées  ; celles-ci  contiguës  sur  un  même  plan 
atteignant  le  bord  de  l'antépénultième  segment. 

Croyez-vous  que  cette  hure,  ces  épines,  ces  aspérités  soient 
tout  simplement  des  traits  distinctifs  de  l’espèce,  une  vaine  confi- 
guration? Détrompez-vous;  il  en  est  bien  autrement.  Si  la  frêle 
Cécidomyie  eût  été  destinée  à naître  dans  la  cavité  sans  issue  de 
sa  galle , la  fragilité  de  ses  longues  pattes , la  faiblesse  de  toutes 
ses  parties , la  structure  de  sa  bouche , ne  lui  auraient  pas  permis 
de  pratiquer  une  brèche  à la  voûte  de  sa  demeure  pour  s’envoler, 
et  son  berceau  fût  infailliblement  devenu  son  tombeau.  Mais  le 
créateur  de  la  Cécidomyie  devait  être  conséquent  au  principe  de 
la  perpétuité  de  l’espèce  : les  organismes  les  plus  inaperçus  sont 
empreints  de  son  incessante  sollicitude.  Pour  bien  comprendre 
celle-ci , il  faut  se  livrer  à l’étude  consciencieuse  des  moindres 
détails  de  structure  extérieure , pour  en  pénétrer  le  but  fonc- 
tionnel. 

La  hure  bifide  de  notre  Nymphe  est  en  même  temps  un  coin 
et  une  tarière  destinés  à perforer  l’enveloppe  coriacéede  la  galle. 
Lors  de  l’éclosion  du  Diptère,  vous  trouvez  en  effet  la  Nymphe 
engagée  jusqu’à  l’abdomen  dans  un  trou  de  son  cachot  où  elle  se 
tient,  pour  ainsi  dire,  à la  fenêtre.  Et  comment  cette  Nymphe 
revêtue  d’une  coque  inerte  , dépourvue  de  tout  organe  de  loco- 
motion , puisque  ses  membres  ne  sont  qu’un  relief  immobile , a- 
t-ellc  pu  opérer  cette  perforation  ? C’est  ici  un  instinct  providen- 
tiel , un  mystère  dont  la  révélation  défie  le  témoignage  de  nos 
sens  et  presque  de  notre  intelligence.  Toutefois  il  est  probable 
que  la  Larve , avant  sa  définitive  métamorphose  en  Nymphe,  a 
reçu  mission  de  s’approcher,  par  son  bout  antérieur,  du  point 
prédestiné  à être  perforé.  La  Nymphe  , par  des  mouvements  suc- 
cessifs, insaisissables  mais  réels,  met  en  exercice  et  la  pointe  bifide 
de  sa  hure  et  les  deux  crochets  inférieurs  placés  entre  les  yeux. 
Rappelons-nous  que  j’ai  signalé  au  thorax  une  ligne  médiane  ea- 
naliculée  et  carénée.  Cette  ligne  n’est  qu’une  symphyse  destinée 


111  VERBASCUM  ET  1)1  SCROI’III  I.ARIA. 


15 

à se  dessouder  et  à s’entr’ouvrir  par  les  mouvements  expulsifs  du 
Diptère  inclus,  lorsque  l’heure  de  sa  naissance,  de  son  évasion 
est  sonnée.  11  fallait  donc , pour  le  succès  de  cette  manœuvre  , 
que  le  thorax , dans  toute  l’étendue  de  la  ligne  qui  le  pourfend  , 
se  plaçât  hors  de  la  galle , en  plein  air,  et  c’est  là  ce  qui  a lieu. 
La  surface  lisse,  polie  et  presque  glissante  de  cette  partie  du  corps 
favorise  on  ne  peut  mieux  son  exsertion  par  le  trou  pratiqué 
au  moyen  de  la  vrille  ou  tarière  cunéiforme  dont  j’ai  parlé  ; 
tandis  que  les  aspérités  spinuleuses  de  l'alxlomen  tendent,  et  à 
limiter  l’exsertion  et  à fixer  la  Nymphe  à l’ouverture,  afin  de 
fournir  un  point  d’appui  aux  mouvements  expansifs  de  l’Insecte, 
qui  se  dégage  de  ses  langes  pour  prendre  son  essor  et  voler  à ses 
amours. 

T"  Insecte  ailé  (PI.  '2.  lig.  12-15). 

Cecidomijia  Verbasci  Vallot  (I.  r.). 

Cécidomyie  du  Verbascum. 

Migra,  antennis  Ih-articulis  ; oculis  in  utroquesexu  coadunatis  ; 
Ihorace  einereo-plumbeo;  collo,  thoracis  lateribus,  alarumque 
basi  rubescentibus  ; abdomine  pubescente  squamoso  , lateribus 
pedisbusque  lividis;  alis  diaphanis.  Long.  5""". 

Jiab.  in  sterilibus.  (Saint-Sever). 

Tête  arrondie,  mais  non  hémisphérique,  ainsi  qu’on  le  dit  des 
Cécidomyies  en  général , sensiblement  déprimée , envahie  par 
les  yeux,  qui,  dans  les  deux  sexes,  sont,  non  pas  contigus  en 
arrière , mais  soudés , continus , de  manière  que  leur  ensemble 
représente  un  grand  fer  à cheval  dont  les  branches  ne  sont  sépa- 
rées que  par  un  espace  étroit  et  pâle  qui  constitue  la  face.  Sa 
région  inférieure,  d’un  blanc  soyeux,  débordée  par  quelques  poils. 
Nulle  trace  d’ocelles.  Antennes  moins  longues  que  le  corps,  de 
quatorze  articles  dans  les  deux  sexes  ; le  premier  conoïde . le 
deuxième  court , urcéolé , les  trois  derniers  ovales-arrondis  dans 
la  femelle  . avec  le  dernier  rudimentaire  enchatonné  ; ces  trois 
articles , dans  le  mâle  , de  la  longueur  de  ceux  qui  les  précèdent. 
Palpes  pâles,  de  deux  articles  seulement  ; le  premier,  gros, 


]() 


LÉO\  l»l  FOI  K. 


St  P.  I.ES  INSECTES  DES  CAI. I. ES 


conoïde  ; l’autre,  long,  cylindroïde,  à peine  arqué,  hérissé.  Cette 
composition  des  palpes,  insolite  dans  la  famille  des  Tipulaires, 
m’a  fait  multiplier  mes  explorations  microscopiques  ; et  cepen- 
dant je  n’ai  pu  constater  dans  ces  organes  que  deux  articles.  ï en 
aurait-il  deux  autres  qui  m’auraient  échappé?  Dans  l’Insecte 
vivant,  un  cou  bien  marqué,  rougeâtre , conoïde. 

Corselet  ovalaire , glabre  ou  presque  glabre . gris-plombé , 
avec  deux  lignes  enfoncées  presque  parallèles.  Écusson  demi- 
circulaire,  convexe.  Balanciers  grands,  conoïdes,  blanchâtres. 

Abdomen  à duvet  gris-blanchâtre,  caduc  ; tantôt  uniformément 
lavé  de  rougeâtre,  tantôt  de  cette  dernière  couleur  sur  les  lianes 
seulement , ce  qui  dépend  de  la  naissance  plus  ou  moins  récente. 
Oviscapte  pouvant  s’allonger  par  le  désemboîtement  des  tuyaux 
qui  le  constituent,  et  mettant  alors  en  évidence  une  tarière  pili— 
forme  qui  permet  à la  Cécidomyie  d’insérer  profondément  les 
œufs  dans  les  boutons  des  fleurs.  Armure  copulatrice  du  mâle 
se  présentant  sous  la  forme  d’un  corps  arrondi , corné,  d’un  gris 
brun,  qui  n’est  qu’un  forceps,  dont  chaque  branche  se  termine 
par  une  pointe  aigue. 

Pattes  paraissant  glabres,  même  à une  loupe  simple,  mais 
évidemment  velues  au  microscope. 

Ailes  subdiaphanes , velues , avec  leur  bord  postérieur  frangé. 
Ces  poils  et  ces  franges  tombent  au  moindre  frottement,  et  on 
croirait  souvenl  qu’ils  n’ont  pas  existé. 

C’est  en  mai  et  en  juin  que  les  Cécidomvies  piquent  les  bou- 
tons; mais  j’ai  souvent  constaté  une  seconde  product  ion  de  galles, 
au  mois  d’aoùt,  sur  des  rejets  fleuris  du  Verbascum. 

\ lîTici.E  11.  — Métamorphoses  du  Misocmnpm. 

I"  I.ahve  (PI.  2.  tig.  16-19). 

iMrva  apoda , cephala,  pilosa  , ovato-oblonga,  supra  convexa , 
subtus  plana;  capite  minuta  rotundalo  , subtus  bipapillato  ; seg- 
menta cor  poris  ultirno  subemarginalo.  Long.  3 -li““". 

JJab.  parasitica  in  Lorca  Cecidonujuv  I erbasci. 

On  la  reconnaît  à l’instant  aux  poils  assez  longs  qui  hérissent 


IH  VKKIUSCIM  HT  1)1  SCItOI’IIl  I.MIH. 


17 

sa  région  dorsale.  Tète  ayant  en  dessous,  de  chaque  côté  de  son 
bord  antérieur,  une  papille  qui  flanquerait  un  très  petit  suçoir 
proéminent.  En  dehors  de  cette  papille  est  une  pièce  antenni- 
forme , qui  m’a  semblé  terminée  par  une  courte  soie;  enfin  il  y a 
deux  mandibules  brunes,  cornées,  simples,  qui  ont  l’air  d’être 
collées  sur  le  tégument.  Dernier  segment  abdominal , petit , ou 
tronqué , ou  échancré.  Je  me  suis  assuré  que  les  angles  de  cette 
échancrure  servent  de  pseudopodes  pour  que  la  larve  se  fixe  sur 
celle  de  la  Céc.idomvie. 

J'ai  bien  souvent  constaté , par  la  pellucidité  des  téguments , le 
passage  de  l’humeur  jaune  de  cette  dernière  Larve  dans  les  en- 
trailles de  celle  du  Misocampe.  C’est  au  moment  où  la  J.arve  de 
la  Cécidomyie  va  subir  sa  métamorphose  en  nymphe  qu’elle  suc- 
combe aux  attaques  de  son  parasite. 

D'innombrables  ouvertures  des  galles  m’ont  appris  qu'une 
teinte  noire  de  leurs  parois  internes  annonçait  positivement  la 
présence  de  la  Larve  du  Misocampe,  soit  suçant  le  Ver  de  la  Cé- 
cidomyie , soit  reléguée  dans  quelque  coin  de  la  galle.  Ce  signe 
ne  me  trompait  jamais. 

2°  Nvmpiie  (PI.  2,  fig.  20,  21). 

,\  ymplia  nuda,  obvoluta,  oblonga,  glaberrina  , nid  J a , rufesicens  ; 

abdominis  oviscapto  dorso  incumbenle.  Long,  h 

il  ah.  in  gai  la  T'erbasci. 

La  tarière  ou  oviscapte  est  réfléchie  sur  le  dos  de  l’abdomen  , 
comme  celle  du  I^eucospis , et  ce  n’est  qu’à  la  naissance  de  fin- 
secte  ailé  qu’elle  se  détache  du  dos  pour  demeurer  au  bout  de 
l’abdomen  comme  une  queue.  I.cs  pattes  postérieures  se  prolon- 
gent jusqu’à  l’extrémité  du  ventre. 

3"  ÎMSECTF.  AILÉ- 

Misoca m p us  n i g ricorn is . 

Misocampe  nigricorne. 

Diplolepis  nigricornis  Fabr.  Ent.  Syst II.  p.  185. 

Oblojujus  , viriilis , nitidus  (inlerduin  cœrulescens)  abdonune  sub- 
3e  série.  Zodl.  T.  V.  (Janvier  1840.)  3 - 


18  Ï.ÉOX  DL'FOFR.  — SUR  LES  INSECTES  DES  GALLES 

triquetro ; antennarum  nigrarum  articulo primo  subtus,  palpis, 
pedibusque  flavis;  oviscapto  nigro,  abdominis  longiludine. 
Long. 

Mas  minor,  antennis  brevioribus  subcrassioribusque , scapo  bre- 
viore  nigro. 

Hab.  in  incultis. 

La  couleur  jaune  du  dessous  du  scape  de  l’antenne , dans  la 
femelle  , a échappé  à Fabricius  , et  est  sujette  à s'effacer  par  la 
dessiccation.  L’article  terminal  est  olivâtre  et  deux  fois  plus  long 
que  celui  qui  le  précède.  Hanches  jaunes  aussi.  Cuisses  posté- 
rieures vertes  au  milieu , parfois  seulement  noires  à leur  base , 
ainsi  que  le  dit  Fabricius.  Ailes  diaphanes,  avec  la  nervure  cos- 
tale et  la  callosité  pâles.  Celle-ci  atténuée  vers  son  insertion.  Ab- 
domen plus  lisse , plus  luisant  que  le  corselet.  Lame  intermédiaire 
de  Poviscapte  roussâtre. 

Le  Misocampe  nigricorne  ne  s’obtient  pas  seulement  des  galles 
du  Verbascum  et  de  la  Scrophulaire  , mais  aussi  de  la  galle  de 
YEryngium  fondée  par  un  Lasioptera , dont  je  donnerai  plus  tard 
l’histoire,  et  de  la  galle  fongueuse  pomi forme  du  chêne  produite 
par  le  Diplolepis  quercus  terminait  s.  Ces  divers  habitats  prouvent 
que  notre  Misocampe  attaque  des  Larves  d’ordres  différents.  Je 
l’ai  aussi  recueilli  abondamment  en  fauchant  sur  les  plantes  aqua- 
tiques. 

Observations  sur  le  genre  Misocaiiipus. 

C’est,  en  histoire  naturelle  , un  principe  d’équité  et  une  ques- 
tion d’ordre  que  de  respecter  les  dénominations  techniques  de  nos 
devanciers.  Dès  1818  Latreille  avait  fondé  le  genre  M isocampus 
sur  un  démembrement  des  Cynipsàe  Geoffroy  (1).  Plus  de  vingt 
ans  après , sans  égard  pour  la  priorité , on  a donné  le  nom  de 
Callimome  à ce  même  groupe  d’Hyménoptères. 

Les  caractères  essentiels  des  Misocampus  se  réduisent , suivant 
moi , à ceux-ci  : 

Antennes  filiformes  ou  à peine  en  massue  , coudées , de  onze 


(I)  Nouv.  Dtcl  ri'Ihst.  «ni.,  2'  édit article  Misocampe. 


1)1  MiltlHSClilI  ET  1)1  SCROPHELAiUA. 


l'J 


articles,  dont  le  troisième  très  petit,  rudimentaire,  les  suivants 
serrés  entre  eux,  peu  distincts,  le  terminal  plus  grand  que  ceux 
qui  le  précèdent. 

Ocelles  presque  en  ligne  droite  sur  la  tranche  occipitale. 

Ailes  velues , sans  nervures  discoïdales. 

Oviscapte  plus  long  que  l’abdomen. 

Abdomen  comprimé  , avec  une  saillie  ventrale. 

\ nricr.E  lit.  — Métamorphoses  de  VEuloplms. 

I”  Larve  (PI.  2,  fig.  22-21). 

J.arva  a poilu,  eephala  , oblonga , postice  allen nalu  , ylabra , ope 
microscopii  yranulala  - colliculosa  ; capite  piinulo , honiispliœ- 
rico : prothorace  majore,  vltimo  segmenta  angusliwe , rétrac- 
tile. Long.  2'"ra. 

If  ab.  in  gallis  Verbasci  et  Scrophulariœ. 

Les  plus  fortes  lentilles  amplifiantes  ne  m’ont  fait  découvrir 
aucune  trace  ni  d’antennes  ni  d’organes  manducateurs  ; je  n’ai  pu 
constater  au  -dessous  de  la  tète  qu’un  point  enfoncé  contractile , 
oui  semble  faire  l’otlice  de  suçoir.  La  même  lentille  , qui  met  en 
évidence  la  texture  granuleuse , chagrinée , des  segments  du 
corps,  fait  voir  la  tète  unie  et  lisse.  Le  segment  terminal  ou 
caudal  est  cylindroïde,  lisse,  susceptible  de  s’allonger  ou  de  se 
raccourcir  au  gré  de  l’animal , et  j’ai  souvent  vu  la  Larve  s’en 
servir  comme  d’un  pseudopode,  pour  s’accrocher  et  exécuter 
quelques  mouvements  brusques , en  même  temps  que  ses  tégu- 
ments chagrinés  favorisent  sa  progression  ou  plutôt  sa  rep- 
tation. 

Les  Larves  de  l’Eulophe  sont  au  nombre  de  sept  ou  huit,  de  dix 
à douze  dans  une  même  galle.  Nous  avons  vu  que  la  Larve  soli- 
taire du  Misocampe  est  le  parasite  direct , l’assassin  du  Ver  de  la 
Cécidomyie.  Le  troupeau  de  celles  de  l’Eulophe  non  seulement 
usurpe  le  domicile  de  cette  dernière , mais  consomme  sa  nourri- 
ture et  l’oblige  souvent  à mourir  de  faim.  .T’ai  bien  distinctement 
vu  ce  troupeau  brouter  les  granules  succulents  des  étamines  hy- 


20  LÉO\  Dl'FOCR.  — - SUR  lilïS  INSECTES  IMÎS  GALLES 

pértrophiées.  Ce  fait  du  régime  herbivore  de  cette  Larve , fait 
que  j’ai  constaté  vingt  fois  , est  nouveau  pour  la  science , et  con- 
tredit la  dénomination  de  Pupivores  affectée  à la  famille  où  elle 
est  comprise. 

2°  Nymphe  (PI.  2,  fig.  23). 

.\ymphanuda,  obvolula , oblonga,  subincurva,  glaberrima,  ni- 
tida  , pallicle  rufescens.  Long.  1 1/2.  2n,m. 

Il  ah.  ingallis  J'erbasci. 

Ces  Nymphes  sont  à nu  dans  la  galle,  et  un  peu  variables  pour 
leur  longueur,  suivant  les  sexes.  Entre  les  segments  dorsaux  et 
ventraux  de  l’abdomen  se  voit  un  trait  latéral  brun , comme  cal- 
leux. L’abdomen  est  en  cône  effilé,  sans  oviscapte  apparent  ; yeux 
bruns;  deux  des  tarses  atteignant  le  bout  de  l’abdomen. 

3°  Insecte  aii,é  (PI.  2,  fig.  27-30). 

Eulophus  Verbasci  Vallot  (l.  c.  I 827,  p.  92). 

Euloplie  du  l'erbasciim. — Dut1.,  Mcm.  de  l’Arad.  des  Se  . vol.  VII  p.  239, 
1841. 

Luteo-rufescens , subglaber,  hinc  Inde  macullulalus  ; antennis  ai- 
gris; alis  hyalinis , costa  nigra;  abdomine  conico  acuminato, 
nigro,  nitido,  basi  plus  minusve  pallido.  Long.  1 1/2,  2 1/2"”“. 
Nascitur  e gallis  J erbasci  et  Scrop/udariæ. 

Ce  petit  insecte , quoique  fort  eom’mun  , est  peu  connu  et  n’a- 
vait pas  été  figuré. 

Tête  un  peu  plus  large  que  le  corselet , subverticale  , pressée 
contre  celui-ci , roussâtre , à occiput  noir.  Antennes  coudées , at- 
teignant le  milieu  du  corselet  ; celles  de  la  femelle , de  sept  arti- 
cles simplement  pubescents,  dont  le  troisième  fort  petit,  rudi- 
mentaire (1),  les  trois  suivants  arrondis,  moniliformes  ; le  ter- 

(I)  Cel  article , qui  existe  aussi  dans  le  tlisocampus , est  une  sorte  de  ru/tile 
destinée  a favoriser  les  mouvements  du  fouet  de  l'antenne  sur  le  scupe.  11  ne  sau- 
rai; être  bien  mis  en  évidence  que  par  la  macération. 


DI  VERBASCUM  El  DI  SCROJ'IILL AllIA. 


•21 


minai  en  bouton  ovale  , oblong  , plus  grand  que  les  précédents , 
dont  il  est  bien  distinct;  celles  du  mâle , de  huit  ou  neuf  articles, 
tous  allongés  et  longuement  ciliés  au  dos,  le  terminal  plus  long  , 
mais  non  plus  gros,  offrant  vers  son  tiers  postérieur  l’indice  d’une 
division.  l’alpes  à dernier  article  grêle,  terminé  par  deux  soies 
roides.  Mandibules  assez  fortes,  bidentées;  yeux  el  ocelles  d’un 
brun  rougeâtre  ; ceux-ci  sur  une  ligne  droite  noircie. 

Corselet  ayant , le  plus  souvent , un  gros  point  mésothoracique, 
des  taches  sur  les  flancs  , et  le  métathorax  noirs.  Écusson  pâle  , 
convexe , arrondi , avec  une  impression  linéaire  de  chaque  côté. 
Abdomen  sessile  et  contigu  au  corselet,  pâle  à sa  base,  avec  une 
bande  au  segment.  Oviscapte  logé,  comme  dans  les  Chalcis, 
dans  une  rainure  sous-ventrale  et  ne  dépassant  pas  le  bout  de 
l’abdomen. 

Observations  critiques  sur  le  genre  'Eulophus. 

Il  est  des  auteurs  qui,  bravant  d’avance  toute  critique  et 
usurpant  une  sorte  d’omnipotence , trouvent  tout  simple  de  faire 
table  rase  des  antécédents  sur  la  matière  qu’ils  traitent.  Ils  ne  se 
font  aucun  scrupule  de  baptiser,  au  nom  de  leur  autorité  arbi- 
traire et  avec  une  technologie  plus  ou  moins  rude  et  énigma- 
tique , tout  ce  qui  passe  sous  leurs  yeux.  En  procédant  ainsi , non 
seulement  ils  se  dispensent  de  recherches  difftcul tueuses  : mais, 
sans  respect  pour  les  droits  acquis,  ils  éludent  toute  érudition, 
toute  synonymie  ; ils  altèrent  sans  pitié  jusqu’au  texte  du  petit 
nombre  de  citations  qu’ils  font.  J’appelle  cela  un  délit  scientifique, 
un  dangereux  exemple.  Ces  réflexions  me  sont  suggérées  par  la 
Monographia  Chalciditum  de  Francis  Walker  (1839). 

Je  ne  vois  dans  cette  Monographie  que  le  genre  Eulophus  dont 
les  antennes  aient  neuf  articles,  et  ce  nombre  serait  le  même 
dans  les  deux  sexes.  L’auteur  anglais , avec  la  prétention  d'a- 
dopter le  genre  Eulophus,  fondé  par  Geoffroy,  donne  neuf  articles 
à ses  antennes,  tandis  que  Geoffroy  dit  textuellement  quelles  sont 
composées  de  sept  pièces  (1),  et  il  n’avait  connu  que  le  mâle.  De 


(I)  Ihst.  lu  s.,  II,  j).  313,  pl.  13,  |ig.  3, 


22  LÉON  DIFOLR.  — SUR  LES  INSECTES  DES  GALLES 
Géer,  postérieurement  à Geoffroy , a aussi  décrit  et  figuré  exac- 
tement (1)  le  même  Eulophus , et , plus  heureux  que  son  prédé- 
cesseur, il  a fait  connaître  la  femelle.  Or,  de  Géer  dit  positive- 
ment. que  les  antennes  du  mâle  sont  divisées  en  sept  articulât  ions , 
et  celles  de  la  femelle  en  six.  Latreille , dans  son  immortel  Gé- 
néra , n’avait,  pas , je  le  présume , des  observations  qui  lui  fus- 
sent propres  sur  YEulophus  de  Geoffroy , et  appréciant  à leur 
juste  valeur  les  assertions  des  deux  auteurs  précités,  il  assigna 
aux  Eulophus  des  antennes  de  six  ou  sept  articles. 

Ainsi  le  caractère  principal  du  genre  Eulophus  , fondé  sur  le 
nombre  des  articles  des  antennes , exclurait  formellement , d'a- 
près le  signalement  de  M.  Walker,  l’espèce  qui  a servi  de  type  à 
Geoffroy,  à de  Géer  et  h Latreille.  L’entomologiste  britannique, 
en  inscrivant  en  première  ligne  cette  espèce  et  en  citant  cette 
triple  synonymie,  aurait  donc  commis  une  erreur  grave,  je  dirais 
presque  une  inconséquence. 

Venons  maintenant  à l’espèce.  M.  Boyer  de  Fous-Colombe , 
dans  sa  Monographia  Chalcïdilum  Gallo-provinciœ , etc.  (2),  cite 
comme  provenue  e calycibus  inflatis  Ferbasci  nigri , et  sous  le 
nom  de  Cynips  Quercus  ramuli?  une  espèce  qui  semble  avoir  de 
très  grands  rapports  avec  notre  petit  Eulophus.  Mais  peut-on 
supposer,  malgré  l’analogie  de  l’habitat , que  cet  excellent  obser- 
vateur ait  compris  dans  le  genre  Cynips  de  Latreille,  adopté  par 
lui,  un  Chalcidite  dont  les  antennes  n’ont  que  sept  ou  huit  arti- 
cles, mais  bien  distincts,  tandis  que  les  véritables  Cynips  de  La- 
treille , de  Geoffroy  et  d’Olivier  en  ont  dix  ou  onze  serrés  et  peu 
distincts?  Comment  l’entomologiste  cl’Aix  rapporterait-il  à son 
espèce,  même  avec  le  signe  du  doute,  le  Cynips  Quercus  ramuli 
de  Eabricius,  lorsque  le  genre  Cynips  de  celui-ci  correspond  , 
ainsi  que  tout  le  monde  sait,  au  Diplolepis  de  Geoffroy  et  Latreille, 
dont  les  antennes,  filiformes  et  plus  longues  que  le  corselet,  ne 
sont  pas  coudées  comme  celles  du  Cynips  Latr.?La  synonymie 
d’Olivier  (Encycl.  méth.),  citée  par  M.  Boyer,  ne  saurait  convenir 
non  plus  à notre  Eulophe  ; car  Olivier  donne  au  Cynips  Quercus 

(1)  Mcm.,  t.  Il,  p.  899,  pl.  31,  fig.  14-17. 

(2)  Ann.  des  Si'.  nat..  1" série,  t.  XXVI,  p.  296. 


Dl  VEllBASCÜM  El  1U  SCnOrill'LADlA. 


•23 


ramuli  des  antennes  aussi  longues  que  l’abdomen  , ce  qui  prouve 
encore  que  c’est  un  Diplolepis  Geoffr. 

Article  IV.  — Stomoctca pnllipes,  Nob. 

Viridi-aurea , anlennarum  nigrarum  articula  primo,  tibiarum 
apice  larsisque pallidis ; abdomine  brevi  subtriquetro  nigro-vio- 
laceo,  nitido  ; alis  diaphanis  ; callo  longe  pedicellato,  apice  orbi- 
culatim  dilatato.  Long.  2"”".  Sic  fernina.  E gallis  Scrophvlariœ. 

Observation. 

Le  défaut  de  documents  relatifs  aux  métamorphoses  de  ce  petit 
Chalcidite  m’oblige,  à regret  , à laisser  ici  une  lacune  que  je 
remplirai  peut-être  un  jour. 

En  attendant , voici  le  signalement  de  ce  genre  nouveau  : 
Antennes  coudées  , de  la  longueur  de  la  moitié  du  corps , in- 
sérées au  centre  de  la  face,  de  neuf  articles;  premier,  grêle, 
allongé;  deuxième,  court,  conoïde,  courbé  ; troisième,  fort  petit, 
rudimentaire  ; les  suivants  forman  t une  masse  cylindroïde  pubes- 
cente  ; le  terminal  à peine  plus  grand  , subacuminé. 

Tète  assez  grosse,  à face  large,  unie,  non  déprimée.  Mandibules 
saillantes,  presque  en  promuscide,  pectinées  ou  a quatre  dents 
profondes , très  acérées  (d’où  leur  dénomination  générique).  Ab- 
domen court , sessile.  Oviscr)pte  non  saillant.  Ailes  sans  nervures 
discoïdales.  Callosité  grêle,  allongée,  terminée  par  une  dilata- 
tion orbiculaire. 

Aucun  des  signalements  des  quatre-vingt-huit  espèces  décrites 
dans  les  Eulophus  de  M.  Walker  ne  peut  convenir  à la  nôtre. 


EXPLICATION  DES  FIGCKES  ( presque  toutes  fort  grossies) 
PLANCHE  2. 

Fig.  I . Brandie  du  Vcrbascum  pulvérulent um  avec  des  galles;  de  grandeur  nat. 
Fig.  2.  Étamine  avec  son  filament  velu,  dans  l'état  normal,  mais  grossie. 

Fig.  a.  Étamine  hypertrophiée  et  grossie , avec  une  larve  de  Cécidomvie  sur  le 
filament. 


'2!l  LÊOX  DUFOUR.  — Slilt  LES  INSECTES  JJI  VERIUSCTM , ETC. 
Fig.  4.  Branche  de  Scrophularia  cuniiia  avec  des  galles  ; de  grandeur  naturelle. 
Fig.  5.  Larve  de  Cecidomyia  Verbasci,  fort  grossie. 

Fig.  6.  Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  7.  Portion  antérieure  détachée,  de  cette  larve. 

a,  tête  ou  pseudocéphale  ; b, b,  palpes?  ou  antennes?;  c,r,  les  deux  stig- 
mates prothoraciques. 

Fig.  8.  Cette  larve  vue  de  profil,  pour  faire  voir  les  neuf  stigmates. 

Fig.  9.  Nymphe  de  cette  larve  très  grossie,  vue  par  le  dos. 

Fig.  10.  La  même,  par  sa  région  ventrale. 

Fig.  I I . Portion  antérieure  vue  de  profil , et  un  peu  en  dessous  , pour  mettre  en 
évidence  les  deux  dents  aiguës  d'entre  les  yeux. 

Fig.  '12.  Cecidomyia  Verbasri  fort  grossie. 

Fig.  13.  Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  1 4.  Tête  du  mêle,  vue  par  dessus , pour  faire  voir  les  palpes  et  I antenne  de 
ce  sexe. 

Fig.  13.  Antenne  de  la  femelle. 

Fig.  16.  Larve  de  Misocumpits  nigricornis  fort  grossie. 

Fig.  17.  Tète  détachée,  vue  en  dessous,  pour  faire  voir  les  papilles,  les  pièces 
antenniformes,  les  mandibules. 

Fig.  1 8.  Mesure  de  la  longueur  naturelle  de  cette  larve. 

Fig.  19.  Bout  postérieur  de  cette  larve,  pour  mettre  en  évidence  l'échancrure  du 
dernier  segment. 

Fig.  20.  Nymphe  de  cette  larve,  vue  de  côté,  fort  grossie. 

Fig.  21 . Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  22.  Larve  d'Ealuplius  Verbasci , fort  grossie. 

Fig.  23.  Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  24.  Portion  antérieure  détachée,  pour  mettre  en  évidence  la  texture  cha- 
grinée des  segments  du  corps  et  la  tête  lisse. 

Fig.  25.  Nymphe  ÜEulophus  Verbasci,  vue  de  profil,  et  fort  grossie. 

Fig.  26.  Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  27.  Eulophus  Verbasci  femelle. 

Fig.  28.  Mesure  de  sa  longueur  naturelle. 

Fig.  29.  Antenne  de  la  femelle. 

Fig.  30.  Antenne  du  mâle. 


MEMOIRE 


25 


sir  l’appareil  de  la  respiration  dans  les  oiseaux; 

Far  M.  NATALIS  GUILLOT 

( Présenté  a l' Academie  des  Sciences,  le  i février  1816- 


I II  IPI  I RE  I. 

CONSI  mil!  ATI  O. N SRI!  ÉMU  1 NA  I R ES. 

1/ appareil  de  la  respiration  des  oiseaux,  étudié  successivement 
par  Borelli  (1),  Harvey  (2),  Perrault  (,’>),  Hunter  4),  Camper  (5), 
M.  Girardi  (0),  Malacarne  (7),  Cuvier,  Jacquemin,  et  par  d’au- 
tres savants,  a déjà  été  l’objet  de  recherches  intéressantes.  Malgré 
l’autorité  des  écrits  de  plusieurs  de  ces  anatomistes,  il  est  cepen- 
dant permis  de  croire  que  cet  ensemble  d’organes  n’est  pas  assez 
connu,  que  les  dispositions  particulières  de  ce  curieux  assem- 
blage d’instruments  ne  sont  point  exactement  appréciées.  On  a 
bien  pu  comprendre  d’une  manière  très  générale  le  jeu  de  ces 
parties;  mais,  à cause  de  l’interprétation  équivoque  des  faits  les 
plus  saillants,  on  a dù  accepter  certaines  erreurs  comme  des  vérités 
incontestables.  D’autre  part,  les  descriptions  répétées  des  formes 
les  plus  apparentes  peuvent  faire  penser  que  nos  connaissances 
sont  complètes,  tandis  que,  restreintes,  au  contraire,  elles  laissent 
encore  à désirer  de  nouvelles  études. 

(4)  Burelii,  De  mulu  aniinaiium 

(2)  Harvey,  De  (jeneralione . 

. :i)  Perrault,  Mëm.  pour  servir  u Vhixloire  inilurellc  des  mihmmx. 

(!)  Hunter,  \nimal  œcononttj. 

(.->)  Camper  (Œuvres),  De  lu  sirncLure  des  os  dons  les  Oiseaux 

U »)  M.  Girardi,  Osserv  analom  inlornolu  respirulioncdegli  uccelli. 

il]  Malacarno . Conférant  di  ossvrvaiioni  inlorno  atjli  ortjuni  délia  nespirazipnc 
dey  U vçvolli 


26 


1MATAI.1S  GUILLOT.  — SI  R L’APPAREIL 

S’il  convient  d’abord  d’étudier  avec  précision  un  assez  grand 
nombre  de  détails  anatomiques,  parmi  lesquels  il  en  est  qui  sont 
assez  mal  décrits  pour  qu’on  puisse  les  regarder  comme  ignorés, 
il  est  également  nécessaire  d’élucider  plusieurs  opinions  physio- 
logiques déduites  d’observations  superficielles.  Telle  est  précisé- 
ment la  tâche  que  je  me  suis  imposée.  Je  n’ai  certes  pas  la  préten- 
tion de  l’avoir  complètement  remplie,  car  le  nombre  des  espèces 
animales  que  j’ai  disséquées  a été  restreint  ; mais  s’il  ne  m’a  pas 
été  permis  de  beaucoup  voir,  j’ai  cherché  du  moins  à bien  con- 
naître ce  que  j’ai  pu  regarder. 

J’ai  répété  mes  observations  à plusieurs  reprises,  quelques  unes 
sur  des  Oiseaux  que  les  anatomistes  ont  rarement  l’occasion  d’é- 
tudier, mais  le  plus  souvent  sur  des  animaux  communs,  dans 
lesquels  il  sera  facile  de  rechercher  les  détails  indiqués,  et  de  dé- 
couvrir de  nouvelles  particularités  dans  le  nombre  infini  de  celles 
que  j’ignore. 

On  a généralement  désigné , dans  l’appareil  respiratoire  des 
Oiseaux , deux  groupes  d’organes  distincts  par  la  structure  et  la 
situation  propres  à chacun  d’eux.  Le  premier  groupe  renferme 
les  poumons , dans  lesquels  se  divisent  et  se  subdivisent  les  rami- 
fications de  la  trachée.  Le  second  est  constitué  par  un  ensemble 
de  cellules  dans  lesquelles  pénètre  l’air,  au  moyen  de  certaines 
ouvertures  permanentes  des  bronches. 

Ces  dispositions  générales,  communes  à tous  les  Oiseaux,  ont 
conduit,  depuis  fort  longtemps,  les  anatomistes  à croire  que  ces 
singuliers  orifices  des  bronches  faisaient  passer  l’air  inspiré,  non 
pas  seulement  dans  des  cellules  capables  de  le  renfermer,  mais 
dans  la  plèvre,  mais  dans  l’intérieur  de  la  cavité  péritonéale,  et 
de  plus  encore  dans  toutes  les  parties  du  corps. 

Cette  manière  de  voir,  fondée  sur  une  assertion  de  Harvey  (1), 

(l)  G.  Harvey,  De  gcneratione.  Ilibl.  anal.  Mangeli.  Genève,  1685,  p.  603. — - 
a Quinetiam  (quod  a nemine  hactenus  observatum  memini)  earum  bronchia 
(avium)  sive  asperæ  arteriæ  fines  in  abdomen  perforantur,  aerenique  inspiratum 
intra  cavitates  illarum  membranarum  recondunt.  Quemadmodum  pisces  et  ser- 
pentes intra  amplas  vesicas  in  abdomine  positas  eundem  atlrahunt  et  reservant, 
eoquc  facilius  natare  existimantur  : et  ut  ratifc  ac  bufones,  cum  æstate  vehemen- 


DE  I.A  RESPIRATION  DANS  LÊS  OISEAI  \. 


•27 

qui  ne  considérait  pas  les  poumons  des  Oiseaux  comme  les  organes 
de  la  respiration,  dut  encore  paraître  plus  exacte  après  les  cu- 
rieuses recherches  de  Hunter,  de  M.  Girardi,  de  Camper,  sur  les 
communications  des  organes  respirateurs  des  Oiseaux  avec  l’in- 
térieur des  os  des  membres  et  du  tronc.  Les  citations  suivantes 
pourront  faire  penser  que  tous  les  savants  l’admettent  aujour- 
d’hui. 

Cloquet  (IJ  s'exprime  en  ces  termes  : « La  respiration  domine 
toutes  les  autres  fonctions  des  Oiseaux , imprime  son  énergie  à 
toute  leur  constitution  : la  grande  extension  des  poumons , l’ab- 
sence d’un  diaphragme , l’existence  de  cellules  sacciformes,  d’ap- 
pendices membraneux , de  réservoirs  supplémentaires  à ces  vis- 
cères, et  de  conduits  propres  à distribuer  l’air  dans  toute  l'habitude 
du  corps,  dans  l’intérieur  même  des  os,  dans  le  tissu  cellulaire, 
sous  la  peau , dans  les  plumes  mêmes , conduits  si  bien  vus  et  dé- 
crits par  P.  Camper,  par  Ilunter,  par  Malacarne,  par  Michèle 
Girardi,  par  Méry,  par  M.  Cuvier,  et  une  foule  d’autres  anato- 
mistes, peuvent  faire  dire  d’eux,  à juste  titre,  qu’ils  sont  embrasés 
et  comme  consumés  du  feu  de  la  vie.  » 

Selon  Jacquemin  (2),  « le  fluide  respiratoire,  après  avoir  rem- 
pli les  mailles  nombreuses  du  poumon  , sort  de  ces  organes  par 
des  trous,  dont  le  nombre  et  la  disposition  sont  variables.  A me- 
sure que  le  jeune  Oiseau  exerce  son  corps,  l’air  se  fait  jour  entre 
les  organes  respiratoires , digestifs  et  génitaux  qui  remplissent 
la  cavité  pêctoro -ventrale.  Les  membranes  séreuses  qu'il  ren- 
contre sur  son  passage  sont  percées  de  trous  dans  des  points  dé- 
terminés. De  là  résultent  huit  poches  ou  sacs,  situées  de  telle  ma- 
nière qu’elles  entourent  les  organes  les  plus  volumineux  de  la 
cavité  interne  du  corps,  lesquelles  poches,  communiquant  les 

tius  respirant,  aeris  plus  solito  in  vesiculas  numerosissimas  absorbent  (unde 
earum  tam  ingens  tumor)  quo  eundem  postea  in  coaxatione  liberaliter  expirent  : 
ita  in  pennatis  pulmones  polius  transitus  et  via  ad  respirationem  videntur  quam 
hujus  adnequatum  organum.  » 

(1)  H.  Cloque!,  Dicl.  des  Sc.  nul.,  1837,  t.  XLV,  p.  238,  art.  Respiration. 

(2)  Jacquemin,  Sur  la  pneumatiçilc  des  Oiseaux  (/Icud.  des  Cur.  de  la  Nature, 

t XIX,  p 286.  1836) 


'2 S VHAI.1S  GlILLOT.  — SLR  I.’ALT.UIKIL 

unes  avec  les  autres , permettent  à l’air  d’accomplir  une  sorte  de 
circulation  lente  dans  tout  l’intérieur  du  corps.  Lorsque  l’air  est 
arrivé  dans  ces  poches,  l’Oiseau  approche  de  l'époque  où  il  com- 
mence à voler.  La  pression  atmosphérique , pendant  cette  loco- 
motion, devient  plus  énergique;  l’air,  dans  l’intérieur  du  corps, 
prend  un  nouvel  essor,  et  lorsque  nous  avons  examiné  le  corps 
d’un  jeune  Oiseau,  quelques  semaines  après  qu'il  eut  commencé 
à voler,  nous  avons  vu  que  l 'air  s était  avancé  dans  le  tissu  cellu- 
laire placé  entre  les  muscles,  qu  il  avait  percé  les  os,  et  qu’il  était 
entré  dans  leur  intérieur.  Par  l’intermédiaire  des  sacs  aériens, 
sous-scapulaires  et  sous-fémoraux,  l’air  pénètre  aussi  dans  les 
cellules  sous-cutanées,  s’introduit  dans  le  tuyau  des  plumes , si  ce 
n’est  par  ces  cellules , du  moins  par  le  trou  qui  est  à la  base  des 
barbules.  De  toutes  ces  cavités,  l’air  revient  aux  poumons  pour 
être  expulsé  au  dehors  par  la  trachée-artère.  » 

« La  bronche  de  chaque  poumon,  dit  Cuvier  (1),  et  ses  dix  ou 
onze  rameaux,  aboutissent  à la  surface  des  poumons,  d’où  l’air 
passe  dans  de  grandes  cellules  qui  communiquent  les  unes  dans 
les  autres,  le  conduisent  dans  toutes  les  parties  du  corps  de  l’Oiseau, 
et  forment  une  sorte  de  poumon  accessoire  très  étendu  et  très 
compliqué.  » 

Les  observateurs  qui  décrivent  les  réceptacles  membraneux  où 
l’on  voit  les  orifices  des  bronches,  diffèrent  sur  des  particularités 
importantes,  telles  que  la  situation  et  le  nombre  des  cellules  indi- 
quées par  les  uns  et  par  les  autres.  Jacquemin  (2)  en  décrit  huit, 
sous  les  noms  de  poches  pneumatiques  sous-claviculaires,  sous- 
scapulaires,  pectorales,  sternales,  sous-costales,  sous-fémorales, 
abdominales  et  sacrées.  Deux  de  ces  poches,  l’une  pectorale, 
l’autre  sternale,  seraient  impaires. 

G.  Cuvier  (3)  indique  quatre  cellules  aériennes  étendues  d’a- 
vant en  arrière  sur  les  régions  latérales  du  tronc,  puis  quatre 
autres  cavités  de  même  nature  et  de  même  usage,  situées  les  unes 
après  les  autres  sur  la  ligne  médiane,  et  renfermant  avec  l’air, 

(t)  G.  Cuvier,  .incu.  comp.,  2’  édit.,  1 840,  t,  VU,  p.  123. 

(2)  Jacquemin,  /.  c.,  p.  288  etsuiv, 

(3)  U.  Cuvier,  i r.,  vu!.  VU.  p.  tîa  et  suiv, 


DIÎ  LA  RESPIRATION  DW'S  LPS  OISEUX.  29 

d’abord  le  cœur  (cellule  du  cœur),  puis  le  foie  (cellule  du  foie), 
ensuite  les  estomacs  (cellule  des  estomacs) , puis  enfin  les  intes- 
tins (cellule  des  intestins). 

M.  Richard  Owen,  dans  un  excellent  travail  sur  l’anatomie  des 
Oiseaux  (1),  reproduit , avec  peu  de  variations,  les  divisions  ac- 
ceptées par  Cuvier,  et  plus  anciennement  encore  par  Perrault. 
Cet  anatomiste  décrit,  dans  les  régions  antérieures  du  corps  de 
l'Oiseau , des  cellules  aériennes  interclaviculaires , des  cellules 
thoraciques  antérieures,  thoraciques  latérales,  subdivisées  en 
axillaires,  sous-scapulaires  et  cardiaque  postérieure,  des  cellules 
hépatiques.  Dans  la  région  postérieure,  il  indique  des  cellules 
abdominales  droites  et  gauches , des  cellules  pyloriques  et  duo- 
dénales,  et  des  cellules  fémorales  placées  dans  le  voisinage  de 
l’articulation  du  fémur  avec  le  bassin. 

Mais  si  ces  observations  relatives  au  nombre  et  à la  situation 
des  cellules  aériennes  ne  sont  point  exactement  concordantes , 
elles  ne  diffèrent  plus  sur  d’autres  points,  et  elles  conduisent  les 
observateurs  à conclure  à la  pénétration  de  l’air  dans  l’intérieur 
de  la  plèvre , et  même  de  la  cavité  péritonéale  des  Oiseaux , et  à 
la  confusion  de  ces  membranes  séreuses  avec  l’enveloppe  des  cel- 
lules aériennes. 

On  pense,  en  effet,  que  non  seulement  les  lobes  du  foie  sont 
enveloppés  par  les  replis  d’une  ou  de  deux  de  ces  cellules  (2), 
mais  encore  que  toute  la  masse  intestinale  est  elle-même  renfer- 
mée dans  l’intérieur  de  ces  cavités  ajoutées  à l’organe  principal 
de  la  respiration  : inexactitudes  bien  grandes,  qu’il  importe  tout 
d’abord  de  rappeler,  parce  qu’elles  ont  été  émises  et  acceptées 
comme  reproduisant  un  détail  caractéristique  propre  à la  classe 
des  Oiseaux. 

Quelques  citations,  empruntées  à des  ouvrages  importants,  vont 
montrer  que  les  savants  les  plus  habiles  n’ont  pas  encore  pensé 
que  ces  assertions  dussent  être  inacceptables. 

fl)  R.  Owen,  Cyclopeilia  of  anatomy  London.  1839,  art.  Aves,  p.  342. 
2'  col. 

(2)  G.  Cuvier,  /.  c , t.  VII.  2'  éd.,  p.  1 2fi. — R.  Owen.  /.  r.,  t I,  p.  3*3 

Jacquemin,  /.  c.,  p.  28G  1.  20 


3» 


WTAI.IS  GlILLOT.  — SUR  l’aPPAREH. 

G.  Cuvier  (I)  dit  que  la  cellule  des  intestins  se  prolonge  sur 
le  canal  digestif,  l’ovaire,  l’oviducte,  etc.,  pour  former  les  mé- 
sentères , et  qu’elle  est  en  partie  comparable  au  péritoine  des 
Mammifères.  M.  R.  Owen  (2)  décrit  l’intestin  renfermé  dans  les 
poches  aériennes  de  l’abdomen  des  Oiseaux;  il  représente  cette 
opinion  par  une  figure.  M.  Duvernoy  (3)  désigne  le  péritoine  et 
la  membrane  des  poches  abdominales  comme  une  seule  et  même 
chose,  et  je  reproduis  le  texte  des  additions  à l’ouvrage  éminem- 
ment classique  de  G.  Cuvier,  de  manière  à ne  laisser  aucun  doute 
sur  l’existence  des  opinions  acceptées  aujourd’hui.  « Le  péritoine 
et  la  plèvre  paraissent  confondus,  ainsi  que  les  cavités  thoraciques 
et  abdominales  (dans  les  Oiseaux  et  les  Reptiles),  et  ne  forment 
qu’une  seule  membrane.  La  disposition  de  cette  membrane  com- 
mune a quelque  chose  de  particulier  dans  les  Oiseaux.  Elle  y 
forme  de  grandes  cellules,  dont  une  partie  sont  vides,  et  les  autres 
remplies  par  des  viscères;  ces  cellules  communiquent  avec  les 
poumons,  et  se  remplissent  ou  se  vident  d’air  dans  l’inspiration 
et  l’expiration...  Ce  péritoine  communique  d’une  part  avec  les 
bronches,  recevant  par  ces  canaux  l’air  des  poumons,  commu- 
niquant d’autre  part  avec  les  cavités  des  os  dans  lesquelles  cet 
air  pénètre.  » 

Des  assertions  aussi  affirmatiyes  ne  sauraient  être  admises  plus 
longtemps  sans  un  contrôle  sérieux  ; quelle  que  puisse  être  l’au- 
torité des  anatomistes  qui  les  ont  émises,  elles  doivent  être 
jugées  ; des  détails  nombreux,  faciles  à apprécier,  s’élèvent  contre 
elles,  et  tendent  à les  faire  regarder  comme  entièrement  dépour- 
vues de  fondement. 

Si  l’observation  anatomique  ne  fournit,  aucun  appui  capable  de 
les  maintenir,  l’expérimentation  sur  les  animaux  vivants  force 
également  de  comprendre  l’organisation  des  Oiseaux  d’une  tout 
autre  manière. 

Avant  d’avoir  commencé  les  études  que  je  reproduis,  je  n’au- 

(1)  G.  Cuvier,  l.c,  p.  328. 

(2)  R.  Owen,  I.  c.,  p.  342,  2' col. 

(3)  G.  Cuvier,  Anal,  comp.,  additions  de  M.  Duvernoy,  t.  IV,  2e  part  , p.  CSO, 

1.  13,  et  651,  1.  28. 


DIi  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX. 


31 


rais  certainement  pas  pu  croire  que  plusieurs  des  parties  d’un 
aussi  important  sujet , surtout  celles  qui  sont  relatives  aux  réser- 
voirs de  l’abdomen,  eussent  été  aussi  complètement  négligées.  Les 
descriptions  des  cellules  abdominales  de  quelques  auteurs  sem- 
blent être  si  bien  tracées  d’après  la  nature , les  affirmations  sont 
si  précises,  qu’il  m’a  fallu  le  témoignage  de  dissections  et  d’expé- 
rimentations multipliées  pour  appeler  de  nouveau  l’attention  sur 
des  parties  que  l’on  croit  bien  connaître,  et  dont  l'organisation 
est  cependant  encore  cachée  par  une  trop  grande  obscurité. 

J’ai  dû  m’attacher  non  seulement  à connaître  les  objets  sur 
lesquels  l’attention  a déjà  clé  fixée,  tels  que  les  poumons,  les 
bronches  et  les  cellules  aériennes  des  Oiseaux;  mais  il  m’a  paru 
de  plus  nécessaire  d’étudier  le  rapport  des  réservoirs  aériens  avec 
les  nerfs,  avec  les  vaisseaux  lymphatiques  et  sanguins,  et  même 
avec  l’appareil  musculaire;  non  pour  dire  tout  ce  que  ces  rap- 
ports ont  de  curieux  et  tout  ce  qu’ils  fournissent  d’aperçus  nou- 
veaux , mais  pour  indiquer  seulement  une  voie  d’études  intéres- 
santes dans  laquelle  les  anatomistes  pourront,  en  contrôlant  ces 
recherches,  découvrir  encore  plus  de  détails  que  je  n’en  ai  pu 
voir. 

Les  Oiseaux  que  j’ai  choisis  pour  mes  études  ont  été  pris  à 
différents  âges  dans  les  deux  sexes.  Les  Gallinacés,  quelques  Oi- 
seaux de  proie,  tels  que  le  Faucon,  la  Buse,  l’Emouchet,  des 
Passereaux,  Serins,  Tarins,  Pigeons,  etc.,  des  Palmipèdes, 
Canards,  Mauves,  Sarcelles,  ont  été  les  principaux  sujets  de 
mes  dissections. 

L’insufflation  est  le  seul  procédé  convenable  pour  préparer 
avantageusement  l’examen  des  organes  accessoires  de  la  respi- 
ration des  Oiseaux;  elle  pourrait  peut-être  même  servir  à aider 
une  dessiccation  complète , et  par  conséquent  à une  conservation 
plus  longue  des  parties  ; mais  cette  conservation  entraîne  trop  de 
soins  et  de  chances  fâcheuses.  Les  membranes  distendues  s’af- 
faissent ou  se  déchirent  facilement,  dès  qu’elles  perdent  leur 
humidité;  il  vaut  donc  mieux  étudier  immédiatement  et  dessiner 
les  objets  aussi  rapidement  que  possible. 

On  peut,  avant  l’insufflation  , qui  doit  être  pratiquée  surtout 


32  WT1MS  GIILLOT.  SI  R I.’  W'I’ARIilf. 

par  la  trachée,  ouvrir  d’abord  la  cavité  péritonéale.;  on  peut 
aussi  conserver  les  parois  de  l’abdomen.  11  n’importe  pas  de 
laisser  la  peau  de  l’animal;  l’absence  de  ce  tégument  ne  change 
en  rien  les  résultats  que  l’on  se  propose  d’obtenir.  Les  vaisseaux 
artériels  et  veineux  de  quelques  Oiseaux  doivent  avoir  été  remplis 
par  une  matière  colorante  avant  l’insufflation  des  réservoirs 
aériens;  les  études  deviennent  alors  plus  intéressantes  encore. 
Quoi  qu’il  en  puisse  être , l’insufflation  devra  être  lente  et  modé- 
rée; si  le  péritoine  est  ouvert,  on  soulèvera  lentement  les  intestins 
avec  le  manche  mouillé  d’un  scalpel , afin  de  bien  les  séparer  des 
vessies  aériennes  qui  apparaîtront  rapidement.  11  faudra  se  garder 
de  souffler  trop  fort  et  trop  longtemps,  car  on  détruirait  bien  vite 
ce  que  l’on  doit  chercher  à mettre  en  évidence. 

Lorsque  l’on  voudra  connaître  les  particularités  relatives  à la 
disposition  des  vaisseaux  lymphatiques  étendus  à la  surface  des 
réservoirs  aériens,  il  ne  faudra  pas  chercher  à les  voir  sur  des 
animaux  qui  auront  jeûné  depuis  quelque  temps;  on  devra  tout 
au  contraire  choisir  des  Oiseaux  que  l’on  aura  nourris  abondam- 
ment , et  attendre  alors  que  les  aliments  aient  été  entièrement 
ramollis  dans  le  jabot.  On  devra  même  examiner  cet  organe  à 
l’aide  d’une  pression  convenable  avant  de  faire  périr  l’animal , 
afin  d’avoir  autant  que  possible  la  certitude  du  passage  de  la  plus 
grande  partie  des  matières  alimentaires  dans  le  gésier  et  dans 
l’intestin.  Lorsque  la  tuméfaction  du  jabot  produite  par  les 
matières  alimentaires  aura  presque  disparu , on  pourra  inciser  le 
ventre,  et  l’on  trouvera  tous  les  vaisseaux  chylifères  gonflés  par  les 
liquides;  on  distinguera  très  nettement  alors  les  plexus  nombreux 
qu’ils  forment  à la  surface  du  mésentère,  et  les  vaisseaux  lympha- 
tiques tout  autour  des  réservoirs  aériens  ; on  suivra  tous  les  dé- 
tails sur  lesquels  je  me  propose  d’appeler  l’attention.  J’ai  tenté 
maintes  fois  de  faire  pénétrer  des  injections  mercurielles  dans  l’in- 
térieur de  ces  conduits  délicats , mais  sans  pouvoir  réussir  dans 
mes  tentatives  ; je  préfère  donc  les  rendre  apparents  en  nourris- 
sant convenablement  un  animal,  quoique  cependant  ce  moyen 
même  ne  produise  pas  toujours  des  résultats  satisfaisants.  Tant  de 
circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  l’observateur  sont 


DF.  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  33 

capables  de  troubler  la  digestion  des  oiseaux,  qu’on  n’obtient  pas 
toujours  à volonté  la  manifestation  des  phénomènes  intéressants 
qui  seront  décrits;  mais , en  ceci  comme  en  tant  d’autres  recher- 
ches , la  patience  vaincra  les  difficultés. 

CHAPITRE  II. 

DE  L’APPAREIL  PULMONAIRE. 

Les  poumons,  dans  lesquels  pénètre  l’air  introduit  par  la 
trachée , sont  les  premiers  organes  que  je  me  propose  d’exa- 
miner : ils  sont  doubles,  comme  on  le  sait,  placés  de  chaque  côté 
de  la  colonne  vertébrale  , depuis  la  seconde  vertèbre  dorsale  jus- 
qu’à la  dernière  côte  ; ils  ne  sont  pas  libres  comme  dans  les  autres 
animaux  vertébrés  ; ils  sont,  au  contraire , fixés  aux  parois  supé- 
rieures de  la  poitrine  par  des  adhérences  légères  des  plèvres,  que 
toutefois  on  peut  faire  disparaître  par  une  insufflation  convenable. 
Éloignés  des  parois  inférieures  de  la  poitrine  par  un  large  espace 
occupé  par  les  cellules  du  réservoir  thoracique , ils  offrent  une 
surface  unie  de  ce  côté  , tandis  que  la  surface  supérieure  ou  dor- 
sale, moulée  sur  les  inégalités  du  thorax  , présente  une  série  suc- 
cessive de  sillons  correspondant  aux  élévations  des  côtes. 

Entre  les  deux  poumons  sont  placés  d’avant  en  arrière  le  cœur 
et  le  foie , et  au-dessus  de  ces  organes  , dans  l’intervalle  qui  les 
sépare  de  la  colonne  vertébrale , se  prolonge  le  ventricule  succen- 
turié  depuis  la  fin  du  jabot  jusqu’au  gésier. 

Un  examen  superficiel  pourrait  faire  penser  que  les  poumons 
ne  sont  recouverts  d’aucune  membrane  séreuse  ; qu’en  un  mot , 
il  n’existerait  point  de  plèvres  chez  les  Oiseaux.  On  l’a  dit  plu- 
sieurs fois,  et  quelques  uns  le  pensent  encore.  Lorsqu’on  ouvre 
en  effet  le  thorax , les  cavités  des  cellules  que  l’on  rencontre  sem- 
blent recouvrir  immédiatement  les  organes  de  la  respiration , et 
ne  laissent  pas  supposer  d’abord  qu’il  y ait  autre  chose  au-dessous 
de  la  membrane  que  l’on  aperçoit. 

Rien  donc  ne  semble  plus  acceptable  au  premier  aperçu  que 
l’assertion  qui  nie  la  plèvre  pulmonaire,  ou  que  l’opinion  affirmant 
3*  série  Zool.  T.  Y (Janvier  1816.)  3 3 


34  N AT  A MS  GITLLOT.  — SUR  I.’ APPAREIL 

que  cette  membrane  est  perforée  chez  les  Oiseaux  (1)  ; cependant 

ces  deux  manières  de  voir  sont  erronées. 

La  plèvre  des  Oiseaux  existe  tout  autour  de  chacun  des  pou- 
mons: elle  est  séparée  des  parois  des  cellules  aériennes  en  bas 
par  l’aponévrose  très  mince  dans  laquelle  se  terminent  les  lan- 
guettes musculaires  du  diaphragme:  en  arrière,  elle  s’adosse 
exactement , soit  aux  côtes , soit , dans  quelques  animaux , à la 
membrane  des  petites  cellules  aériennes  placées  dans  le  voisinage 
de  chaque  ganglion  du  nerf  intercostal. 

Pour  voir  ces  plèvres  et  en  apprécier  la  disposition,  on  doit, 
après  avoir  ouvert  les  réservoirs  aériens  thoraciques,  inciser  la 
membrane  qui  revêt  l’intérieur  des  cellules  aériennes , inciser  éga- 
lement la  couche  musculaire  que  je  nomme  diaphragme,  depuis 
longtemps  déjà  désignée  sous  le  même  nom  (2).  On  aperçoit  alors 
la  plèvre;  on  peut  en  ouvrir  la  cavité,  y introduire  l’extrémité 
d’un  tube,  et,  par  le  souffle,  en  séparer  aussitôt  les  deux  feuillets 
appliqués  auparavant  l’un  contre  l’autre. 

L’un  de  ces  feuillets  recouvre  toute  la  surface  de  chaque 
organe  , l’autre  s'étend  à l’opposé  sur  toutes  les  parties  voisines , 
c’est-à-dire  sur  les  cellules  aériennes,  sur  les  os,  jttr  le  muscle 
diaphragme  ou  sur  l’aponévrose  qui  en  dérive.  Dans  les  endroits 
où  les  bronches  communiquent  avec  les  cellules  aériennes,  la 
plèvre  n’est  point  percée,  comme  on  l’a  dit , mais  elle  recouvre 
exactement  les  contours  des  orifices  des  bronches , si  bien  qu’on 
peut  insuffler  la  cavité  des  plèvres  et  la  distendre  sans  pouvoir 
.faire  pénétrer  l’air  ou  toute  autre  substance  dans  les  cellules 
aériennes. 

C’est  entre  la  cavité  de  ces  plèvres  et  la  membrane  du  réservoir 
aérien  thoracique  que  s’étend  de  chaque  côté  du  corps  une  couche 
musculaire  et  aponévrotique  , désignée  par  Aristote  sous  le  nom 
de  diaphragme,  et  décrite  successivement  par  J.  Hunter  (3), 

(1)  Jacquemin,  l.  c.,  p.  286,  lig.  6. 

(2)  Aristote,  Hist.  animalmni,  lib.  vi,  chap.  2. 

(3)  Hunter,  Animal œconomxj , p.  90  (London,  1792),  trad.  par  Richelot.  Paris, 
1841,  t.  IV,  p.  231 . — « On  dit  que  les  Oiseaux  n ont  pas  de  diaphragme.  Celte 
opinion  doit  avoir  pour  point  de  départ  ou  un  défaut  d'observation  . ou  une  idée 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  35 

M.  Girardi  (1),  Perrault  (2),  Cuvier  (3) , Meckel  (4),  et  par  R. 
Owen  ( 5 ).  Les  insertions  de  ce  muscle  très  plat  et  très  mince , 
semblables  à de  petites  languettes,  peuvent  être  observées  succes- 
sivement , et  en  nombre  variable  suivant  les  espèces , sur  la  face 
interne  des  seconde , troisième , quatrième  et  cinquième  côtes. 
De  là  ce  muscle  s’étend  à la  surface  inférieure  de  chaque  poumon, 
dont  il  recouvre  en  bas  les  parties  les  plus  voisines  des  côtes  ; il 
en  est  séparé  par  la  plèvre  d’un  côté , et  de  l’autre  il  est  recouvert 
par  la  membrane  du  réservoir  aérien.  Il  vient  se  terminer  dans 
une  aponévrose  très  mince  qui  recouvre  la  face  inférieure  de 

trop  étroite  qu'on  s'est  faite  de  ce  que  l'on  doit  entendre  par  diaphragme  : car  il 
y a une  membrane  assez  forte , mais  mince  et  transparente  , qui  recouvre  la  sur- 
face inférieure  des  poumons  et  y adhère  , et  qui  donne  insertion  a plusieurs  mus- 
cles minces  qui  naissent  de  la  surface  interne  des  côtes.  La  fonction  de  cette  mem- 
brane parait  être  de  diminuer  la  concavité  du  poumon  du  côté  de  l'abdomen,  au 
moment  de  l'inspiration  , et  de  concourir  par  là  à la  dilatation  des  cellules  aérien- 
nes; par  conséquent  on  doit  la  considérer  comme  répondant  à un  des  principaux 
usages  propres  à un  diaphragme. 

(1)  Michèle  Girardi,  Saggio  di  osservalioni  anatomic/ie  (Jfem.  délia Societa  Un - 
liana , t.  II,  p.  739.  Yerona , 1784).  — Cet  anatomiste  décrit  le  diaphragme 
autrement  que.!.  Hunter:  il  se  trompe  évidemment  ; mais  il  reconnaît,  néanmoins 
l’existence  d'un  diaphragme  chez  les  Oiseaux. 

(2)  Perrault  [Mém.  pour  servir  à l'histoire  des  animaux,  p 1 43.  Paris,  167  0 
décrit  fort  bien  et  sans  aucune  obscurité  le  diaphragme  des  oiseaux,  et  en  indique 
les  usages. 

(3)  Cuvier,  /.  c.,  t.  VII,  p.  264. 

(4)  J. -F  Meckel,  Anat.  comp.,  trad.  par  liiester.  t.  VI,  p.  21.  Paris,  1829-33. 

(o)  K.  Owen,  Cijclopedia  of  analomy,  art.  Ayes,  t.  I.  p.  293,  col.  I.  — 

u The  diaphragm  arises  by  üeshy  digitations  from  tlie  sternal  ribs;  in  the 
ostrich  these  digitations  are  five  in  number  of  etlher  side  : the  earneous  fasci- 
culi  do  not,  however,  extend  so  far  upon  the  central  aponeurosis  as  even  to  be 
united  to  one  another,  and  consequently  tliis  muscle  bas  frequentlv  been  denied 
to  birds  From  the  lungs  heing  confined  to  the  back  part  of  the  thorax,  the  dia- 
phragmatic  aponeurosis  attached  to  their  inferior  surface  is  not  extended  as  a 
transverse  septum  betvveen  the  chest  and  abdomen  . but  ailows  the  heart  to  en- 
croach  upon  the  inter  espace  of  the  lobes  of  the  liver,  as  in  reptiles. The  contrac- 
tion of  the  muscle  tends  directly  to  dilate  the  lungs  , but  is  less  perfect  as  an  in- 
spiratory  action  from  the  aponeurosis  or  central  tendon  being  perforated  by  large 
cribriform  apertures  for  the  passage  of  the  air  into  the  abdominal  air  cells.  » 


36  MTALIS  Cl'ILI.OT.  — SLR  l’aPPAPEII. 

chaque  poumon  , et  qu’il  n’est  bientôt  plus  possible  de  séparer 
soit  de  la  plèvre , soit  de  la  membrane  propre  des  réservoirs 
aériens  ; c’est  par  le  centre  de  cette  aponévrose  que  passent  le 
ventricule  succenturié,  l’aorte  et  la  veine  cave.  L’aponévrose 
légère  qui  termine  ce  large  muscle , ou  bien  les  languettes  mus- 
culaires apparentes  dans  quelques  Oiseaux,  rencontre  néces- 
sairement plusieurs  des  ouvertures  par  lesquelles  l’air  sort  des 
poumons  pour  entrer  dans  les  cellules  aériennes,  surtout  dans 
celles  qui  constituent  les  parties  latérales  du  réservoir  aérien  tho- 
racique. Les  fibres  de  cette  aponévrose  s’écartent  au  niveau  même 
de  ces  orifices,  et  les  enceignent  d’un  double  repli  très  manifeste , 
surtout  lorsque  les  ouvertures  des  bronches  sont  considérables. 
La  disposition  de  ces  fibres  est  telle  qu’elles  représentent,  autour 
de  l’orifice  le  plus  large  de  la  surface  antérieure  des  poumons, 
comme  une  sorte  d’appareil  valvulaire , dans  lequel  on  pourrait 
soupçonner  des  fibres  musculaires  chez  quelques  Oiseaux , tels 
que  le  Paon  , la  Cresserelle,  la  Pintade  et  même  le  Coq. 

Si  donc  la  superficie  des  poumons  des  Oiseaux  est  bien  diffé- 
rente de  ce  que  l’on  remarque  dans  les  Mammifères , on  ne  doit 
point  aller  aussi  loin  que  plusieurs  observateurs,  qui  dénient  aux 
premiers  de  ces  animaux  toute  apparence  de  plèvre  ; on  ne  doit 
pas  davantage  accepter  les  assertions  de  ceux  qui  osent  affirmer 
que  le  diaphragme  des  Oiseaux  n’a  jamais  été  décrit. 

L’intérieur  des  poumons  des  Oiseaux  est  surtout  constitué  par 
un  assemblage  de  canaux  aériens , de  vaisseaux  sanguins , et  par 
un  tissu  élastique  particulier  (t). 

L' 'étude  des  canaux  aériens  a déjà  prouvé  que  les  canaux  car- 
tilagineux de  la  trachée-artère  disparaissent  rapidement  aussitôt 
que  les  conduits  bronchiques  ont  pénétré  dans  les  poumons  (2). 

Ces  conduits,  très  souvent  dilatés  dans  le  voisinage  de  leur 
origine  , comme  oh  peut  surtout  le  remarquer  dans  la  Pintade  , 
dans  le  Paon,  dans  le  Dindon,  etc.,  se  divisent  ordinairement 

( I ) G . Cuvier  cl  Duvernov,  l.c.,  t.  VII,  p.  120. — Lereboullet,  Anal,  des  org. 
de  Li  respiration.  Strasbourg.  — II.  Owen,  /.  c.t  p.  341,  2e  col. 

^2'  Mcckel.  Anal,  comp .,  trad.  par  Schuster,  t.  X,  1838,  p.  345. 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  3" 

en  quatre , cinq  ou  six , et  même  en  un  plus  grand  nombre  de 
bronches  principales  (1).  Ils  divergent  en  s’éloignant  les  uns  des 
autres  jusqu’à  ce  qu’ils  soient  parvenus  dans  la  profondeur  ou 
bien  à la  surface  des  poumons  ; là  ils  s’ouvrent  par  un  nombre 
variable  de  trous  dans  les  réservoirs  aériens  (2).  Ces  ouvertures 
ont  été  figurées  par  plusieurs  anatomistes. 

Dans  le  trajet  qu’elles  suivent , ces  bronches  croisent  générale- 
ment la  direction  des  artères  et  des  veines  pulmonaires , disposi- 
tion qui  paraît  être  constante  dans  toute  l’épaisseur  des  organes 
depuis  les  conduits  les  plus  volumineux  de  l’air  jusqu’aux  plus 
petits. 

Les  tuyaux  bronchiques  les  plus  considérables  se  rendent  aux 
réservoirs  aériens  ; d’autres  bronches  secondaires  en  naissent 
sous  un  angle  à peu  près  droit;  elles  fournissent  d’autres  con- 
duits nés  de  la  même  manière , jusqu’à  ce  qu’ enfin  les  plus 
petits  de  ces  canaux  aériens  se  terminent  par  des  anastomoses 
communes  apparentes  à l’extérieur  des  organes  comme  des  sortes 
de  cannelures.  Ce  n’est  donc  pas , à proprement  parler,  dans  des 
cellules  pulmonaires  que  se  terminent  les  bronches  des  Oiseaux  ; 
les  poumons  de  ces  animaux  résultent,  comme  un  l’a  très  bien 
fait  remarquer  (3),  de  l’assemblage  des  conduits  anastomosés 
formés  par  les  divisions  successives  des  bronches. 

Tout  autour  de  ces  conduits  aériens,  soit  des  plus  gros,  soit 
des  plus  petits , s’étendent  les  vaisseaux  sanguins  et  le  réseau  très 
curieux  formé  par  le  tissu  élastique. 

Pour  étudier  les  détails  de  ces  parties,  il  faut  d’abord  avoir  coloré 
les  vaisseaux  artériels  et  veineux  des  poumons  à l’aide  d’une 
injection  très  fine , puis  examiner  les  tissus  frais  ou  desséchés 
avec  le  microscope.  On  peut  cependant  tout  aussi  bien , après 
avoir  plongé  l’animal  dans  une  solution  de  chlorure  de  zinc,  lancer 
ce  liquide  par  la  trachée  dans  les  bronches,  puis  laisser  les  tissus 
se  dessécher.  Le  sang  qui  reste  dans  les  tissus  se  noircit  alors , 

(t)  G.  Cuvier,  I.  c.,  1.  Vit,  p.  125,  indique  dix  ou  onze  ramifications  princi- 
pales des  bronches. 

(2)  R Ovvcn,  I.  c , p.  311.  — Meckel,  t.  c..  p.  345. 

(3)  G.  Cuvier,  2' édit.,  add.  de  Duvernov,  t VU,  p,  116. 


38  NATALIS  «U1LLOT.  SÜU  l’API'ARIÎII, 

permet  d’examiner  les  plus  petits  vaisseaux  avec  le  secours  du 
microscope , et  les  fait  très  facilement  distinguer  du  tissu  élas- 
tique. 

En  coupant  des  tranches  du  poumon,  frais  ou  desséché,  ou  en 
étudiant  la  surface  de  l’organe  avec  des  grossissements  variables, 
de  manière  avoir,  de  toutes  les  manières  possibles,  la  superficie 
des  canaux  aériens  les  plus  larges  ou  les  plus  étroits , on  remarque 
toujours  que  les  parois  de  ces  conduits  sont  soutenues  par  un  ré- 
seau constitué  par  un  tissu  non  injectable,  souvent  distinct  par 
une  grande  blancheur. 

Les  mailles  de  ce  réseau  enceignent  les  bronches , depuis  les 
plus  grosses  jusqu’aux  plus  petites,  et  c’est  au-dessous  d’elles 
qu’apparaissent  les  vaisseaux  sanguins. 

Comme  on  injecte  toujours  les  veines  par  les  artères,  et  vice 
versâ , il  n’est  plus  possible  de  distinguer  autour  des  conduits  aé- 
riens ce  qui  appartient  aux  artères  pulmonaires  ou  ce  qui  est  le 
commencement  des  veines;  on  ne  voit  plus  qu’un  amas  de  vais- 
seaux anastomosés  les  uns  avec  les  autres  dans  tous  les  sens. 

Ces  dispositions,  déjà  fort  bien  appréciées  par  Retzius  (i),  par 
MM.  Lereboulet  (‘2)  et  Duvernoy  (3),  offriraient  encore  une  autre 
sorte  d’intérêt,  si  on  les  comparait  à ce  que  l’on  voit  à la  super- 
ficie des  deux  poumons  vésiculcux  de  certains  Reptiles. 

Une  analogie  déjà  signalée  rapproche  la  structure  de  ces  or- 
ganes dans  des  animaux  si  différents.  Une  petite  portion  d’un  pou- 
mon de  Lézard  injectée  [Lacer ta  teguixin ) , comparée , sous  le 
microscope,  à un  fragment  de  poumon  d’Oiseau,  présente  à peu 
près  les  mêmes  caractères.  Mêmes  dispositions  des  vaisseaux  san- 
guins autour  d’espèces  d’enfoncements  infundibuliformes , der- 
nière apparence  de  tuyaux  bronchiques;  même  apparence  du 
tissu  élastique,  étendu  sous  la  forme  d’un  réseau  très  distinct. 
Rapports  curieux  qui  retracent  encore,  dans  les  profondeurs  les 


(1)  Retzius,  Froliep  a Notisen,  1832. 

(2)  Lereboulet,  Anat.  comp.  de  l'app.  resp.  dans  les  onfm.  vert.  Strasbourg, 

1838.  ‘ 

(3)  G,  Cuvier,  I,  c.,  vol.  VU. 


DE  LA  KKSPIUATION  DANS  LES  OISEAUX.  39 

plus  cachées  de  l’organisation,  les  ressemblances  si  fréquemment 
signalées  des  deux  classes  d’animaux. 

Une  partie  seule  de  l’air  respiré  par  les  Oiseaux  pénètre  jusque 
dans  toutes  les  parties  du  poumon  ; l’autre  suit  les  divisions  bron- 
chiques les  plus  amples,  et  vient  pénétrer  dans  les  réservoirs  aé- 
riens du  ventre  et  de  la  poitrine. 

Les  orifices  par  lesquels  l’air  peut  sortir  sont  multiples,  et  ont 
déjà  fait  l’objet  de  plusieurs  remarques.  Aucun  d’eux  n’est  situé 
à la  partie  supérieure  ou  costale  des  poumons  ; tous  apparaissent, 
soit  à l’endroit  où  les  bronches  s’enfoncent  dans  les  tissus , soit  à 
la  face  inférieure  du  diaphragme , soit  à l’extrémité  des  organes  la 
plus  rapprochée  de  la  cavité  abdominale. 

Les  plus  antérieurs  de  ces  orifices  sont  voisins  des  bronches 
les  plus  voisines  du  larynx  inférieur  (1):  les  uns  sont  inférieurs 
et  conduisent  l'air  dans  la  portion  du  réservoir  thoracique  placée 
autour  du  larynx  ; les  autres  sont  supérieurs  et  laissent  pénétrer 
l’air  dans  la  partie  du  réservoir  située  au-dessus  du  larynx. 

Deux  autres  orifices  des  bronches  sont  apparents  à la  face  in- 
férieure ou  diaphragmatique  du  poumon;  ils  ont  été,  ainsi  que 
les  précédents,  décrits  ou  figurés  (2). 

Ceux-là  principalement  offrent  autour  de  la  circonférence  qui 
les  entoure  deux  espèces  de  lèvres  membraneuses , formées  par 
les  fibres  de  l’aponévrose  diaphragmatique. 

Les  uns  appartiennent  à la  plus  antérieure  des  deux  cavités 
aériennes,  placée  au-dedans  et  au-dessusde  l’arc  des  côtes  (cellule 
hépatique,  1L  Owen)  ; ils  sont  au  nombre  de  deux,  quelquefois 
de  trois.  Le  premier  offre  un  diamètre  considérable  ; souvent  un 
autre  orifice  plus  petit , et  couvert  par  un  repli  membraneux , se 
trouve  placé  plus  en  dedans  que  l’ouverture  principale,  dont  le 
niveau  est  à peu  près  le  même  que  celui  de  la  seconde  côte. 

Cette  ouverture  des  bronches  est  limitée,  en  avant,  par  la  cour- 
bure de  l’artère  pulmonaire,  en  arrière,  par  la  veine  qui  rapporte 
au  cœur  le  sang  du  poumon. 

(1)  II.  Owen,  l.  c.,  p.  311.  — Id.,  Anatomie  de  l' Aptéryx. 

(2)  H.  Owen,  I.  c.,  p.  341.  — Jlilne  Edwards,  Elémente  de  zoologie,  t.  II, 
p.  23.  — 1341. 


40 


VtTAMS  «IILLOT.  — SUR  l’APPAREII. 


En  dehors  de  l’ouverture  ou  des  ouvertures  que  je  viens  d’in- 
diquer, on  en  voit  d’autres  à peu  près  sur  le  même  niveau , mais 
plus  éloignées  de  l’axe  du  cœur  ; elles  sont  également  bridées  par 
un  repli  de  l’aponévrose  diaphragmatique. 

Une  autre  ouverture  transmet  aussi  l’air  à la  cavité  aérienne 
placée  sous  les  côtes,  en  arrière  de  la  précédente  (cellules  abdo- 
minales, R.  Ovven);  elle  est  située  à peu  près  au  niveau  de  la 
troisième  côte,  et  souvent  encore  double  ; elle  est,  comme  le  der- 
nier des  orifices  de  la  cavité  précédente , fort  éloignée  de  l’axe  du 
corps.  On  la  découvre  à l’endroit  même  où  une  cloison  membra- 
neuse sépare  les  deux  cavités  aériennes  l’une  de  l'autre. 

Le  dernier  des  orifices  des  bronches  est  celui  qui  permet  à l’air 
de  s’introduire  dans  les  réservoirs  aériens  de  l’abdomen.  11  a déjà 
été  décrit  par  Harvey,  limiter,  etc.,  et  représenté,  de  même  que 
les  orifices  précédents  (1).  Il  est  situé  au-dessus  du  niveau  de 
l’avant-dernière  côte , dans  un  point  plus  ou  moins  éloigné  de  la 
colonne  vertébrale,  suivant  les  espèces,  immédiatement  au-dessus 
de  l’extrémité  supérieure  des  reins. 

Il  est  très  facile  de  le  voir  en  ouvrant  la  cavité  abdominale  , 
lorsqu’on  a déchiré  l’enveloppe  délicate  du  réservoir  aérien.  On 
voit  qu’il  est  bordé  par  un  ou  deux  replis  membraneux,  entre  les- 
quels on  aperçoit  le  tissu  pulmonaire  recouvert  par  la  plèvre, 
ainsi  que  l’orifice  simple  et  souvent  double  par  lequel  l’air  peut 
entrer  dans  les  réservoirs  de  l’abdomen. 

Un  habile  anatomiste , l’un  des  plus  compétents  sur  l’anatomie 
des  Oiseaux,  M.  Richard  Ovven  ("2),  a figuré,  déplus,  quelques 
autres  petites  ouvertures  situées  au  sommet  de  chaque  poumon  : 
elles  m’ont  paru  exister  même  dans  les  animaux  domestiques; 
mais  ce  sont  principalement  les  ouvertures  les  plus  larges  qui  ont 
fixé  l’attention  des  observateurs  (3). 

Chacun  de  ces  orifices  constitue  l’ouverture  des  réservoirs  aé- 
riens des  Oiseaux,  organes  considérés  par  Meckel  (4)  comme  étant 

(1)  R.  Ovven,  I.  c.,  p.  341. 

(2)  R.  Ovven,  Anatomie  Je  V Aptéryx. 

(3)  Milne  Edwards,  1.  c. 

(i)  Meckel,  Anal,  camp.,  trait,  de  Schuster,  l X,  p.  317  Paris,  1838. 


DE  IA  RESPIRATION  D VAS  I.ES  OISEAUX. 


41 

analogues  aux  trachées  des  Insectes,  regardées  également  comme 
étant  formées  par  la  plèvre,  par  le  péritoine,  même  par  le  tissu 
cellulaire  du  corps,  ce  qui  a pu  faire  dire  à Carus  que  tous  les 
viscères  de  l’Oiseau  étaient  renfermés  dans  le  poumon  lui-même. 

La  disposition  de  celles  de  ces  parties  accessoires  qui  existent 
dans  la  poitrine  a été  généralement  indiquée;  mais  celles  qui  sont 
renfermées  dans  le  ventre  sont  moins  connues  : aucune  ligure 
n’en  a donné  jusqu’ici  une  représentation  intelligible.  Je  pense 
donc  qu’après  avoir  fait  connaître  les  premières,  il  sera  utile  de 
faire  apprécier  en  détail  les  particularités  de  l’organisation  que 
possèdent  les  secondes. 

C'UAPITRK  III. 

DES  RÉSERVOIRS  AÉRIENS  DES  OISEAl \. 

Les  réservoirs  aériens  des  Oiseaux  sont  composés  par  de  larges 
espaces  limités  par  des  membranes  transparentes.  Ils  sont  situés 
dans  la  région  thoracique,  ainsi  que  dans  la  cavité  de  l’abdomen, 
sur  la  ligne  médiane,  ou  sur  les  parties  latérales  du  corps.  Ils  re- 
çoivent l’air  qui  a traversé  les  poumons  par  les  orifices  précédem- 
ment indiqués;  cet  air  ne  peut  suivre  d’autre  voie,  pour  sortir  de 
ces  réceptables,  que  celles  par  lesquelles  il  a été  introduit. 

Ces  réservoirs  sont  naturellement  divisés  en  deux  groupes  dis- 
tincts par  la  situation  des  ouvertures  des  bronches,  par  la  région 
dans  laquelle  chacun  est  placé  , et  même  par  la  configuration 
générale. 

Le  premier  groupe  comprend  les  réservoirs  aériens  thoraci- 
ques (1),  le  second  renferme  les  réservoirs  aériens  abdominaux  (2). 

Dans  la  région  thoracique , les  réservoirs  sont  disposés  de  ma- 
nière à occuper  non  seulement  la  région  antérieure  et  médiane  du 
tronc  de  l’animal , mais  encore  les  deux  côtés  de  la  colonne  ver- 
tébrale, soit  en  dedans,  -oit  en  dehors  du  thorax;  ils  s’étendent 
même  dans  le  creux  de  l’aisselle,  ainsi  que  le  long  de  l’omo- 
plate. 

(t)  Pi.  3.  PI.  î.  il  J . x/2,  r/3  a t i/o. 

(2)  PI.  3;  PI.  i.  61,  62. 


VV1AI.1N  (.1  II. 1.0  r. 


SIUl  l’.UTAIIEIL 


Ù2 

Dans  la  région  du  ventre,  les  réservoirs  se  prolongent  entre 
les  reins  et  la  colonne  vertébrale  d’une  part,  de  l’autre,  au-des- 
sous des  organes  sécréteurs  de  l’urine , formant  alors  deux  énor- 
mes vessies  aériennes  communes  à tous  les  Oiseaux. 

Ces  réservoirs  aériens  du  ventre  et  de  la  poitrine  peuvent  être 
en  général  regardés  comme  indépendants  l’un  de  l’autre,  quoique 
certains  pertuis,  ouverts  à la  région  moyenne  de  la  colonne  verté- 
brale , puissent  permettre  à l’air  de  sortir  des  premiers  pour 
pénétrer  lentement  dans  les  seconds , par  le  moyen  des  canaux 
aériens  des  vertèbres. 

§ I.  Réservoirs  aériens  thoraciques. 

La  disposition  générale  des  réservoirs  aériens  du  thorax  n’est 
pas  facile  à exprimer  : peut-être  serait-il  possible  de  l’indiquer  en 
disant  qu’ils  résultent  de  l’agglomération  de  cavités  séparées  par 
des  cloisons  membraneuses  transparentes,  généralement  com- 
plètes. 

Ces  cavités  sont  mises  en  évidence  après  l’ablation  du  sternum 
et  des  côtes  ; mais  alors  on  a détruit  les  parois  destinées  à les  pro- 
téger. Si  l’on  veut  conserver  les  os  et  entreprendre  l’examen 
d’une  autre  manière,  il  faut  disséquer  les  téguments  du  cou, 
éloigner  le  jabot  de  l’animal , enlever  le  tissu  cellulaire  qui  en- 
toure la  trachée  à l’endroit  oii  ce  conduit  pénètre  dans  la  poitrine. 
La  partie  antérieure  du  réservoir  thoracique  est  mise  alors  ii  dé- 
couvert. 

Pour  apercevoir  les  régions  latérales,  il  est  seulement  néces- 
saire de  séparer  le  muscle  pectoral  de  ses  attaches  et  de  ses  inser- 
tions : les  cavités  aériennes  s’élèveront  alors  comme  des  saillies 
quelquefois  énormes,  dès  qu’elles  seront  insufflées  par  la  trachée. 

La  dessiccation  régulière  de  la  poitrine,  privée  des  muscles  qui 
la  recouvrent , servira  à faire  reconnaître  la  forme  générale  des 
parties  des  réservoirs  aériens  placées  sous  les  côtes;  une  incision 
des  parois  de  l’abdomen  , soit  avant , soit  après  la  dessiccation , 
montrera  les  prolongements  abdominaux  qui  appartiennent  à ces 
parties  sous-costales. 

Ces  préparations  seront  les  plus  faciles  ; mais  pour  comprendre 


DE  l.V  HESl’lllATION  DANS  LUS  OISEAUX. 


43 

la  manière  dont  le  réservoir  thoracique  s’étend  le  long  du  rachis, 
dans  quelques  animaux,  on  devra  extraire  les  poumons  de  la 
poitrine.  Elles  ne  sont  pas  certainement  les  seules  que  l’on 
entreprendra  : les  coupes  multipliées  du  thorax , les  dissections 
attentives  des  animaux  frais  ou  desséchés,  devront  être  prati- 
quées par  l’anatomiste  ; car,  sans  le  secours  de  ces  études , on  ne 
reconnaîtrait  pas  toujours,  au  premier  aperçu,  l’existence  des 
détails  qui  vont  être  indiqués. 

Les  réservoirs  aériens  du  thorax  se  présentent  d’abord  comme 
un  ensemble  de  parties  renfermées  dans  l’intérieur  de  la  poitrine. 
Cependant  elles  en  dépassent  les  limites  dans  plusieurs  endroits  : 
quelques  unes  des  cavités  qui  les  composent  s’étendent , en  effet, 
non  seulement  en  dehors  jusqu’à  l’omoplate  , mais  encore  dans 
l’intérieur  même  de  la  cavité  abdominale,  au-dessus  des  muscles 
de  la  paroi  antérieure  du  ventre. 

Les  réservoirs  du  thorax  sont  limités,  en  avant,  par  les  tégu- 
ments du  cou  ; en  haut,  par  la  colonne  vertébrale  ; de  ce  côté,  ils 
s’étendent  jusqu’à  la  base  de  la  poitrine;  au-dessus  de  la  convexité 
des  côtes , ils  font  une  saillie  plus  ou  moins  volumineuse , suivant 
les  espèces,  au  travers  de  l’espace  limité , à droite  et  à gauche  , 
par  les  os  coracoïdiens,  la  colonne  vertébrale , la  première  côte  et 
l’omoplate.  Le  cœur,  le  ventricule  succenturié , le  foie , séparent 
plus  nettement  encore  que  partout  ailleurs  les  portions  droites 
des  réservoirs  aériens  d’avec  les  portions  gauches,  et  ne  sont  point 
renfermés  dans  les  cavités  aériennes,  comme  l’ont  cru  Jacque- 
min  (1) , G.  Cuvier  (2)  et  plusieurs  autres. 

Lorsqu’ils  sont  ouverts  par  l’ablation  des  côtes  ou  du  sternum, 
ils  paraissent  constitués  par  un  ensemble  de  cellules  plus  ou  moins 
larges,  formées  par  des  membranes  repliées  autour  des  troncs  vas- 
culaires et  des  nerfs,  tendues  pour  former  des  cloisons,  et  dirigées 
en  plusieurs  sens.  De  ces  espaces  celluleux,  les  uns  sont  latéraux, 
soit  en  dehors , soit  en  dedans  du  thorax  ; les  autres , situés  sur 
la  ligne  médiane,  s’étendent  en  avant  de  la  base  du  cœur. 


(1)  Jacqucmin,  I.  c.,  p.  286. 

(2)  (L  Cuvier,  I.  c.,  t.  VII,  p.  126. 


!lli  MIALIS  «11LLOT.  — SUR  L’APPAREIL 

Ces  parties,  diversement  disposées,  ont  reçu , jusqu’à  présent, 
de  nombreuses  dénominations. 

Loin  de  conserver  une  nomenclature  incertaine , souvent  con- 
tradictoire, et  de  multiplier,  à mon  tour,  des  termes  qui  ne  pour- 
raient aider  en  aucune  manière  l’intelligence  des  anatomistes,  je 
m’efforcerai  seulement  de  chercher  à faire  comprendre  les  dispo- 
sitions principales  de  cette  organisation  compliquée , me  conten- 
tant de  rappeler  les  noms  par  lequels  les  organes  que  je  décris  ont 
été  désignés  avec  plus  ou  moins  de  précision. 

Je  distingue  dans  les  réservoirs  aériens  du  thorax  quatre  ordres 
de  cavités  : la  première  peut  être  considérée  comme  impaire  ; les 
trois  autres  sont  paires  ; elles  ne  sont  pas  toutes  symétriques. 

A.  Première  cavité  des  réservoirs  aériens  thoraciques , ou  réservoir  infra-la- 
ryngien (poche  pneumatique  sous-claviculaire  , J acqoemin  ; cellule  thoracique 

antérieure,  Owen). 

Cette  cavité  est  composée  de  deux  parties  inégalement  dévelop- 
pées dans  les  diverses  espèces  d’animaux  : l’une  est  placée  sur  la 
ligne  médiane  du  corps  (poche  sous-claviculaire,  Jacquemin;  cellule 
thoracique  antérieure,  R.  Owen)  (l);  l’autre  est  située  de  chaque 
côté  du  thorax  en  dehors  des  os  coracoïdiens  et  des  côtes,  le  long 
du  bord  antérieur  de  l’omoplate  et  de  l’extrémité  supérieure  de 
l’humérus  (poche  sous-scapulaire,  Jacquemin  ; cellules  axillaires, 
1\.  Owen  (2). 

Ces  deux  parties  d'un  réservoir  commun  paraissent  être  tota- 
lement séparées , lorsque  l’on  ne  considère  que  la  situation  et  les 
reliefs  extérieurs  de  chacune  d’elles;  mais  un  examen  plus  appro- 
fondi démontre  qu’elles  communiquent  largement  ensemble  , et 
qu’elles  ne  forment  que  deux  dépendances  distinctes  d’un  même 
groupe. 

La  première  cavité  du  réservoir  infra-laryngien  est  placée  au 
sommet  de  la  poitrine  en  avant  de  la  base  du  cœur,  sous  l’extré- 
mité antérieure  du  sternum  , dans  l’espace  limité  de  chaque  côté 


(1)  PI.  3;  PI  i,  «I. 

(2)  PI.  3;  PI.  I,  «2. 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  /j5 

par  les  veines  jugulaires  et  les  os  coracoïdiens , et  en  avant  par 
les  téguments  du  cou  (1). 

Elle  ne  repose  pas  sur  la  colonne  vertébrale  ; elle  en  est  séparée 
par  le  conduit  œsophagien  du  ventricule  succenturié , par  les 
artères  carotides , et  par  un  autre  réceptacle  d’air  que  l’on  doit 
insuffler  pour  en  bien  connaître  la  situation. 

La  cavité  infra- laryngienne  est  impaire;  aucune  cloison  mé- 
diane ne  la  sépare  en  deux  parties. 

J.a  forme  qu’elle  présente,  lorsque  les  membranes  qui  la  limi- 
tent n’ont  point  été  incisées,  est  difficile  à définir  ; cependant , à 
l’extérieur  ainsi  qu'à  l’intérieur,  on  peut  décrire  une  face  supé- 
rieure , une  face  inférieure,  une  face  postérieure , une  autre  anté- 
rieure et  deux  latérales. 

La  face  supérieure  est  bornée  par  une  cloison  membraneuse , 
qui  sépare  la  cavité  infra-laryngienne  d’avec  un  réservoir  d’air 
placé  au-dessous  de  la  colonne  vertébrale  ; elle  est  en  rapport  en 
dehors  avec  l’œsophage  du  ventricule  succenturié,  sur  les  côtés 
avec  les  veines  jugulaires  et  les  artères  carotides;  toute  l’extré- 
mité inférieure  de  la  trachée , le  larynx  inférieur  et  ses  muscles 
sont  placés  au  contact  de  cette  face  supérieure.  Ces  organes  s’é- 
tendent au-dessous  d’elle,  sur  elle,  lorsque  l’animal  est  couché 
sur  le  dos. 

La  face  inférieure  s’étend  entre  les  deux  os  coracoïdiens;  elle 
est  représentée  en  avant  par  une  membrane  tendue  entre  ces  deux 
os  et  le  sternum , en  arrière  par  l’extrémité  antérieure  du  ster- 
num et  les  deux  articulations  sterno-coracoïdiennes. 

La  face  postérieure  ne  peut  être  vue  que  lorsque  le  réservoir 
infra-laryngien  est  ouvert  ; on  y remarque  la  base  du  cœur , 
l’aorte  et  les  gros  vaisseaux  qui  en  émanent,  l'artère  pulmonaire, 
à l’origine  de  ces  vaisseaux,  le  péricarde;  plus  en  dehors  se 
trouve  une  cloison  qui  sépare  le  réservoir  infra-laryngien  des 
cavités  aériennes  situées  sur  les  côtés  de  la  poitrine  en  dedans  des 
côtes. 

La  face  antérieure  s’élève  en  avant  du  sternum,  entre  les  deux 


(I)  PL  3;  PI.  i,  al. 


/[(>  VV1AI.1H  (.LU. 1.01.  — SUR  L’APPAREIL 

os  coracoïdiens  et  les  muscles  coracoïdiens  internes,  sous  la  forme 
de  trois  renflements  généralement  distincts,  mais  de  volume  très 
variable  dans  les  diverses  espèces.  Deux  de  ces  prolongements 
sont  latéraux  ou  coracoïdiens  ; le  troisième  est  médian , on  le 
distingue  entre  les  deux  autres  dans  le  Paon  , le  Coq,  etc. 

La  face  latérale  de  ce  réservoir  infra-laryngien  est  encore  plus 
difficile  à apprécier  que  les  précédentes  ; elle  s’étend  dans  l’inter- 
valle compris  sur  les  squelettes  entre  les  os  coracoïdiens,  la  pre- 
mière côte , le  bord  antérieur  de  l’omoplate , et  les  apophyses 
transverses  des  vertèbres  cervicales  : non  que  je  veuille  dire  que 
le  plan  de  cette  face  s’étend  entre  toutes  ces  parties  osseuses  ; je 
désire  seulement  faire  comprendre  que  c’est  de  ce  côté,  rempli 
de  muscles,  de  nerfs  et  de  vaisseaux,  que  peut  être  placée  la  face 
externe  du  réservoir  infra-laryngien. 

C’est  par  cette  face  que,  à l’aide  de  communications  qui  seront 
tout-à-l’heure  décrites , le  réservoir  infra-laryngien  se  prolonge 
au-dehors  de  la  poitrine  en  arrière  du  membre  antérieur. 

Mais  examinons  d’abord  l’intérieur  de  la  cavité  qui  nous  occupe. 
Il  est  tapissé  par  une  membrane  dense,  destinée  à l’isoler  de  tous 
côtés  ; elle  se  replie  sur  toutes  les  parties  voisines  du  réservoir, 
et  enveloppe  tous  les  organes  renfermés  dans  la  cavité  infra- 
laryngienne. 

L’intérieur  du  réservoir  infra-laryngien  offre  encore , à con- 
sidérer la  trachée-artère , le  larynx  inférieur  placé  sur  la  ligne 
médiane , ainsi  que  les  muscles  qui  les  meuvent. 

Cette  première  partie  du  réservoir  infra-laryngien  communique 
avec  une  autre  cavité  aérienne  placée  de  chaque  côté  du  thorax  des 
Oiseaux , en  dehors  des  os  coracoïdiens , en  arrière  de  l’articula- 
tion de  l’épaule,  et  le  long  du  bord  inférieur  de  l’omoplate. 

Cette  cavité  extérieure,  rattachée  intimement  au  réservoir  infra- 
laryngien,  a été  jusqu'ici  isolément  étudiée  par  la  majorité  des 
observateurs  ; on  s’est  probablement  fondé  pour  cette  considération 
sur  la  situation  des  parties  que  l’on  a désignées  sous  les  noms  de 
poches  ou  cellules  axillaires  (Jacquemin , Cuvier,  R.  Owen)  ; 
mais  comme  ces  organes  ne  reçoivent  l’air  des  poumons  que  par 
le  moyen  du  réservoir  infra-laryngien  , comme  ils  communiquent 


DE  r./V  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX. 


47 

avec  lui  par  une  large  ouverture , il  me  semble  que , s’ils  méri- 
tent une  étude  distincte , ils  ne  doivent  point  être  entièrement  sé- 
parés de  la  cavité  dans  laquelle  ils  puisent  l’air  qui  les  distend. 

B.  Prolongements  axillaires  ou  sous-scapulaires  du  réservoir  infra-laryngien 
(poche  sous-scapulaire,  Jacqi  kmin:  poche  sous-axillaire,  Owen). 

Le  réservoir  infra-laryngien  s’étend  au-delà  des  limites  laté- 
rales de  la  poitrine  par  une  ouverture  placée  entre  le  muscle 
coracc-brachial  et  le  muscle  troisième  pectoral , dans  le  voisinage 
des  vaisseaux  et  des  nerfs  qui  se  rendent  au  membre  antérieur  et 
au  thorax.  Cette  ouverture , bordée  par  un  repli  membraneux , 
offre  des  diamètres  très  variables  chez  les  divers  Oiseaux  : il  m’a 
paru  que , dans  le  Coq,  elle  était  assez  large  pour  laisser  facile- 
ment pénétrer  une  grosse  plume  au  travers  d’elle.  C’est  par  ce 
trou  que  l’air  vient  remplir  la  portion  sous-scapulaire  ou  axillaire 
du  réservoir  infra-laryngien  (1). 

De  forme  généralement  globuleuse , cette  partie  accessoire 
du  réservoir  infra-laryngien  se  présente  à l’extérieur  sous  l'ap- 
parence d’une  série  plus  ou  moins  nombreuse  de  renflements 
arrondis  transparents , séparés  les  uns  des  autres  par  plusieurs 
sillons , dans  lesquels  se  replient  les  membranes  celluleuses  pla- 
cées à l’intérieur.  La  superficie  de  ces  renflements  est  limitée  par 
une  membrane  très  délicate  attachée  à toutes  les  parties  osseuses, 
formant  sur  le  squelette  l’orifice  antéro-latéral  de  la  poitrine. 

Cette  membrane  adhère , en  arrière  , à la  première  côte  ; 
en  haut,  à l’aponévrose  qui  naît  des  apophyses  transverses;  en 
avant,  et  en  dedans , elle  se  confond  avec  celle  qui  revêt  le  second 
réservoir  de  la  poitrine  ; en  avant,  et  en  dehors , elle  s’attache  à 
tout  le  bord  externe  de  l’os  coracoïdien;  plus  en  avant,  elle 
adhère  à l’humérus , au-devant  de  la  membrane  de  l’articulation  ; 
puis  elle  s’insère  en  dehors  du  trou,  qui  permet  à l’air  de  pénétrer 
dans  l’intérieur  de  l’os  du  bras  : de  là  cette  membrane  quitte  l’hu- 
mérus , et  se  porte  sur  le  bord  interne  de  l’omoplate  jusqu’à  la 
partie  moyenne  de  cet  os,  où  elle  se  termine  le  plus  généralement. 

Les  renflements  que  limite  cette  expansion  membraneuse  sont 

(i)  fl.  3:  Pl.  4,  «2. 


\\T\ IIS  GtlI.I.OT. 


SI  II  I.  \PPAREU. 


18 

multiples , mais  on  peut  les  diviser  en  trois  parties  presque  tou- 
jours distinctes. 

L’une  s’étend  jusqu’au  niveau  de  l’attache  humérale  du  muscle 
pectoral,  et  elle  est  le  plus  souvent  proportionnelle  au  volume 
du  muscle  qui  la  recouvre.  Je  l’ai  toujours  observée  dans  tous  les 
Oiseaux  que  j’ai  étudiés;  si  elle  est  faible  , le  développement  du 
muscle  pectoral  est  peu  considérable  (1)  : le  Coq  et  le  Faucon 
offrent  à cet  égard  un  curieux  sujet  de  comparaison. 

Un  autre  renflement  est  situé  en  arrière  du  précédent  ; il  four- 
nit un  point  d’attache  solide  aux  fibres  musculaires  d’une  portion 
du  muscle  pectoral , distincte  surtout  dans  les  Gallinacés,  et  prin- 
cipalement dans  le  Coq.  Dans  d’autres  espèces,  telles  que  le 
Faucon , la  Buse , la  Cresserelle  , ce  renflement  acquiert  de  telles 
dimensions  qu’il  peut  parvenir  sous  le  muscle  pectoral  jusqu’à  la 
base  de  la  poitrine. 

Le  renflement  postérieur  est  placé  au-dessus  et  en  arrière  des 
précédents  ; il  s’étend  généralement  au-dessous  du  muscle  sca- 
pulaire ou  sus-épineux , dont  les  fibres  s’épanouissent  en  partie 
dans  une  aponévrose  assez  dense , fortifiant  la  poche  aérienne 
d’une  manière  notable.  Dans  le  Paon  , ce  renflement  donne  nais- 
sance à une  série  de  cellules  accessoires,  étendues,  comme  un 
chapelet,  les  unes  après  les  autres  jusque  par  dessus  l’épaule, 
qu’elles  contournent  ; elles  viennent  s’ouvrir  par  un  orifice  large 
dans  la  vaste  dilatation  située  à la  base  du  cou  de  cet  oiseau  , la- 

( I)  Je  signale  à cette  occasion  la  différence  de  coloration  qui  caractérise  les 
muscles  des  Oiseaux  dont  le  vol  est  actif  ou  puissant,  et  les  muscles  des  Oiseaux 
qui  ne  volent  que  très  peu  : le  Faucon  , la  Buse  , les  Moineaux  , les  Pigeons , ont 
les  muscles  pectoraux  extrêmement  colorés,  d'une  nuance  d'un  rouge  très  foncé, 
due  à la  quantité  de  sang  qui  les  pénètre;  les  Coqs  et  les  Poules  présentent  au 
contraire  des  muscles  d'une  pâleur  qu'on  peut  apprécier  facilement.  Ce  défaut  de 
coloration  cesse  aux  membres  postérieurs  dans  les  Gallinacés  : les  muscles  des 
cuisses,  qui  exercent  incessamment  leur  action,  sont  très  rouges,  et  n’ont  aucune 
ressemblance  de  couleur  avec  les  muscles  du  membre  antérieur.  Cette  différence, 
qui  n'est  plus  observable  dans  les  animaux  bons  voiliers,  correspond  à des  varia- 
tions manifestes  dans  la  densité  des  organes  musculaires  : ceux  qui  sont  pâles 
sont  mous  et  fiasques;  ceux  qui  sont  très  colorés  par  le  sang  sont  au  contraire 
fermes  ou  même  durs. 


DE  I.  V ItESI'in \TTü\  D\.NS  i.F.S  OISEALX.  /(<) 

quelle  dilatation  appartient  à la  partie  principale  du  réceptacle, 
dont  je  décris  actuellement  les  cavités  accessoires. 

Lorsqu’on  incise  ces  dilatations  membraneuses,  et  que  l’on  en 
examine  l’intérieur,  elles  apparaissent  comme  un  ensemble  de 
plusieurs  cellules  séparées  par  des  cloisons  incomplètes,  dans 
l’épaisseur  desquelles  se  prolongent  les  nerfs  et  les  vaisseaux  san- 
guins du  membre  antérieur  et  de  la  surface  de  la  poitrine.  Ces 
conduits  sont  partout  revêtus  d’une  membrane  extérieure , tout 
aussi  bien  que  dans  les  autres  cavités  aériennes. 

C’est  dans  l’intérieur  de  l’une  des  cellules  placées  en  dehors  de 
la  poitrine,  auprès  de  l’humérus,  au-dessous  de  l’articulation 
huméro-scapulaire , près  de  la  membrane  qui  revêt  les  surfaces 
articulaires,  isolées  comme  partout  ailleurs  du  contact  de  l’air, 
qu’apparaît  l’orifice  plus  ou  moins  large  par  le  moyen  duquel 
l’air  peut  entrer  dans  l’humérus  : disposition  curieuse,  signalée 
depuis  longtemps  par  limiter,  Camper,  etc.  (1),  dont  les  usages 
ont  suggéré  tant  d’expériences  intéressantes  qui  mériteraient 
encore  aujourd’hui  d’être  remises  en  évidence. 

L’ensemble  formé  par  les  deux  vastes  cavités  aériennes  que  je 
viens  de  décrire  ne  possède  qu’un  moyen  de  communication  pro- 
pre à laisser  sortir  l’air  des  poumons. 

Ces  orifices  décrits,  quoique  mal  figurés,  par  plusieurs  anato- 
mistes, sont  distincts  en  arrière  de  chacune  des  divisions  de  la 
trachée , à l'endroit  même  où  chaque  bronche  pénètre  dans  les 
poumons.  Au  premier  coup  d’œil,  on  ne  voit  qu’une  ouverture 
de  chaque  côté,  bordée,  à droite  et  à gauche,  par  un  repli  mem- 
braneux fixé  par  un  ligament  étendu  sur  la  ligne  médiane  du 
corps,  et  attaché  à la  base  du  larynx  inférieur;  mais,  avec  plus 
d’attention,  on  découvre  sous  ces  lèvres  membraneuses  plusieurs 
pertuis  placés  précisément  au  sommet  des  poumons,  à l’endroit 
même  où  la  bronche  s’y  introduit. 

C’est  par  cette  ouverture  seule  que  l’air  s’introduit  au  travers 
du  réservoir  infra-laryngien  jusque  dans  les  cavités  aériennes 
sous-maxillaires,  les  distend  tantôt  plus,  tantôt  moins,  suivant  les 


(I)  Hanter.  I.  r 

3'  série.  Zoor.  T V.  (Janvier  18-45.)  < 


50  AATALIS  GUILLOT.  — SUR  l’appareh. 

espèces,  et  va  pénétrer  non  seulement  jusque  dans  l’os  du  bras, 
mais  encore  dans  le  sternum,  par  plusieurs  trous  placés  à la  partie 
antérieure  de  cet  os  (1). 

Il  me  reste  encore  à indiquer  quelques  unes  des  modifications 
subies  par  cette  double  cavité  du  réservoir  aérien  thoracique  dans 
plusieurs  des  Oiseaux  soumis  à mon  examen.  Je  regrette  toute- 
fois que  cet  objet  intéressant  d’étude  ait  été  forcément  restreint  à 
un  petit  nombre  d’animaux  (2). 

La  première  partie,  ou  le  réservoir  infra-laryngien  proprement 
dit,  existe  dans  tous  les  Oiseaux  ; mais  les  dimensions  en  parais- 
sent surtout  considérables  dans  le  Coq,  le  Dindon,  le  Paon,  dans 
le  Rossignol , dans  le  Tarin  : elles  décroissent  chez  le  Faucon , 
elles  décroissent  également  dans  le  Francolin,  dans  la  Perdrix. 

Dans  les  premiers  de  ces  animaux,  l’extérieur  du  réservoir  pro- 
duit plusieurs  renflements  très  considérables,  en  général  au  nom- 
bre de  trois,  en  dedans  des  deux  os  coracoïdiens,  renflements  qui 
peuvent  s’étendre  même  jusqu’au  niveau  des  os  claviculaires.  On 
les  remarque  dans  le  Dindon,  dans  les  Rossignols,  dans  les 
Alouettes.  Ils  m’ont  toujours  paru  considérables  chez  les  mâles, 
et  faibles  sur  les  femelles.  Le  Tarin  et  le  Serin  offrent  desexem- 

(1)  Les  usages  des  communications  de  l'appareil  respiratoire  avec  l’intérieur 
des  os  ont  été  l'objet  d'études  multipliées,  dont  on  peut  trouver  les  détails  dans 
l'ouvrage  de  Hunier  (*)  et  dans  Camper  (**).  Elles  ont  été  étudiées  dans  toutes  les 
classes  d'Oiseaux  ou  à peu  près.  Hunter  a gonflé  les  cellules  aériennes  en  soufllant 
par  les  os;  il  a injesté  ces  os  en  poussant  des  liquides  dans  la  trachée.  Les  expé- 
riences de  Hunter  et  ses  travaux  devraient  être  présents  à la  mémoire  de  toutes 
les  personnes  qui  s'occupent  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie  des  organes  res- 
piratoires des  Oiseaux. 

(2)  Les  variations  de  l'étendue  des  cavités  osseuses  de  l'humérus  et  des  os  de 
l'avant-bras,  destinées  a renfermer  l'air,  aux  différents  âges  et  dans  les  diverses 
espèces,  ont  été  étudiées  avec  détail  par  Hunter,  Camper,  et  plus  récemment  par 
Jacquemin  (/.  c.,  p.  314).  Ces  anatomistes  s'occupent  tous  des  variations  dues 
à l'absence  ou  à la  présence  de  l'air  dans  les  ns  des  membres  antérieurs  et  pos- 
térieurs des  Oiseaux. 


(*)  Hunter,  Animal  leconomu,  p.  80  passim. 

(**)  Camper,  Olïucrcs  complètes,  t.  lit,  p.  ilil  Paris,  an  xi. 


DE  LA  RESHBATTON  DANS  LES  OISEAUX. 


51 

pies  de  ces  particularités.  Me  pourra-t-on  étendre  ultérieurement 
ces  recherches,  et  apprécier  mieux  que  je  n’ai  pu  le  faire , tous 
les  décroissements  et  les  accroissements  alternatifs  du  réservoir 
laryngien , dans  les  diverses  espèces,  et  chercher  à reconnaître  si 
ces  organes  s’augmentent  aux  époques  de  l’année  où  les  animaux 
mâles  chantent  avec  le  plus  de  force?  Ne  peut-on  déjà  en  déduire 
quelques  opinions  sur  le  mécanisme  de  la  production  de  la  voix 
chez  les  Oiseaux . et  sur  les  causes  de  l’énergie  plus  grande  du 
chant  des  mâles,  opinions  qui  tendraient  à confirmer  une  manière 
de  voir  de  limiter  (1),  reproduite  par  M.  Girardi  (2)  et  par  Jac- 
quemin,  au  sujet  des  fonctions  des  réservoirs  aériens? 

Ces  anatomistes  pensent  que  les  cellules  aériennes  servent  à 
renfermer  l’air  destiné  à produire  et  à renforcer  le  chant  des  Oi- 
seaux; mais  ils  attribuent  cette  fonction  à toutes  les  cellules  aé- 
riennes, tandis  qu’elle  ne  me  paraît  dépendre  que  de  l'influence 
du  réservoir  laryngien. 

L’ensemble  offre  une  disposition  du  réservoir  infra-laryngien 
fort  curieuse  à étudier  dans  le  l’aon  ; elle  a été  indiquée  déjà  par 
Jacquemin  (o).  Ce  réservoir  est  composé,  comme  dans  les  autres 
Oiseaux  , des  deux  parties  que  je  viens  de  décrire  d’une  manière 
générale  ; mais  il  offre  une  extension  si  considérable  des  proion  - 
gements  membraneux  du  cou  et  de  l’aisselle,  que  je  ne  saurais  les 
passer  sous  silence. 

Les  prolongements  du  cou  s’étendent , à droite  et  à gauche , 
comme  deux  énormes  vessies  placées  de  chaque  côté  du  jabot,  éten- 
dues même  jusqu’au-devant  des  muscles  pectoraux.  Celle  qui  est 
à droite  est  moins  volumineuse  que  l’autre  ; elle  est  cependant  fort 
ample  ; mais,  probablement  en  raison  de  la  présence  du  jabot, 
elle  n’acquiert  jamais  le  volume  de  celle  qui  est  à gauche  de  cet 
organe. 

Celle-ci  atteint  la  grosseur  d’une  orange , et  lorsqu’elle  est 
insufflée,  elle  forme  une  tuméfaction  énorme  au  sommet  de  la  poi- 
trine. 

(1)  Hunier,  Animal  œconomy. 

(2)  M.  Girardi,  I.  c. 

(3)  Jacriuemin,  /.  c 


ô2 


V4TAI.IS  «XIILOT.  — Sir.  l.’APPARr.ir 

La  portion  axillaire  du  réservoir  infra -laryngien  s’étend,  de 
son  côté,  en  arrière  du  bras,  et  vient  former  tout  autour  de  l’é- 
paule une  série  de  cavités  membraneuses  remplies  d’air,  sous- 
cutanées,  qui  s’abouchent  largement  en  arrière  du  dos,  au-dessus 
de  l’extrémité  antérieure  de  l’omoplate,  avec  l’énorme  dilatation 
antérieure. 

Je  ne  connais  aucun  Oiseau  chez  lequel  les  deux  portions  du 
réservoir  infra-laryngien  offrent  une  disposition  aussi  irrégulière, 
jointe  à de  pareilles  dimensions. 


C.  Seconde  cavité  des  réservoirs  aériens  du  thorax  ou  réservoir  supra-laryngien 
(poche  pneumatique  pectorale  Jacquemix). 

Ce  réceptacle  d’air  est  pair  et  symétrique.  Chacune  de  ses  par- 
ties, droites  et  gauches,  sont  indépendantes  l’une  de  l’autre.  Il 
présente  un  arrangement  simple  dans  plusieurs  Oiseaux , mais 
compliqué  dans  d’autres  espèces,  à cause  du  nombre  de  certaines 
cavités  secondaires.  C’est  par  le  moyen  de  ces  cavités  accessoires 
que  l’air  peut  entrer  dans  le  corps  des  vertèbres , de  manière  à 
être  introduit  jusque  dans  la  cavité  du  tympan,  et  même,  comme 
on  l’a  démontré,  jusque  dans  la  mâchoire  inférieure  (1). 

Pour  en  bien  faire  comprendre  la  disposition , je  le  divise  en 
deux  parties  : l’une  principale,  dont  l’existence  m’a  paru  être 
générale;  l’autre,  accessoire,  qui  me  semble  plus  ou  moins  déve- 
loppée, suivant  les  espèces.  Ce  développement  est  souvent  peu 
considérable. 

1°  La  première  est  placée  au-dessus  du  réservoir  infra-laryn- 
gien , et  le  recouvre;  lorsque  l’animal  est  placé  dans  la  situation 
naturelle,  on  la  voit  au-devant  de  la  colonne  vertébrale,  au  sommet 
de  la  poitrine,  à la  base  du  cou  (2). 

C’est  entre  ce  réservoir  supra-laryngien  et  le  réservoir  infra- 
laryngien  que  l’œsophage  du  ventricule  succenturié  s’introduit 
dans  l’intérieur  du  thorax. 

Celte  cavité  est  double,  symétrique , et  ses  deux  portions  droite 

(I)  Hunier,  /.  r.  — Canipor,  /.  r. 

(2;  PI.  3 . PI.  4.  a ). 


Dli  I.A  KESiUHATIOK  DA  AS  LES  OISEAUX.  53 

et.  gauche  sont  séparées  l’une  de  l’autre,  sur  la  ligne  médiane 
du  corps,  par  l’œsophage  et  par  une  cloison  verticale  médiane. 

Chacune  d’elles  est  bornée  par  une  membrane  commençant  en 
avant  et  au-dessus  des  deux  grosses  bronches,  s’étendant  au-dev  ant 
et  au-dessus  du  sommet  de  chaque  poumon,  formant  un  prolon- 
gement replié  verticalement  en  haut,  pour  s’attacher  à la  partie 
moyenne  du  corps  des  vertèbres  du  cou,  d’oii  résulte  la  cloison 
médiane.  Cette  membrane  recouvre  aussi  l’œsophage,  et  va  s’at- 
tacher au  bord  interne  des  os  coracoïdiens,  et  au  bord  antérieur 
et  interne  de  l'omoplate  , le  long  de  la  colonne  vertébrale  ; elle  pé- 
nètre dans  plusieurs  ouvertures  qui  servent  à conduire  l’air  dans 
d’autre  cavités  aériennes  des  vertèbres  cervicales,  de  là  jusque 
dans  les  os  du  crâne  et  de  la  face , dans  la  cavité  du  tympan , et 
même  dans  le  pharynx , par  le  moyen  du  conduit  guttural  de 
l’oreille  ; de  sorte  que  les  liquides  injectés  dans  cette  cavité  des  ré- 
servoirs thoraciques  peuvent  s’écouler  facilement  par  le  pharynx, 
lorsqu’on  place  en  bas  la  tète  de  l’animal.  A la  rigueur,  on  pour- 
rait dire,  en  considérant  cette  disposition,  que  les  Oiseaux  peu- 
vent expirer  et  inspirer  l’air  par  le  conduit  guttural  de  l'oreille. 

La  membrane  qui  limite  le  réservoir  supra-laryngien  enceint 
une  cavité  limitée  en  haut  par  la  colonne  vertébrale  et  les  muscles 
qui  la  recouvrent , bornée  sur  son  côté  interne  par  l’œsophage  et 
la  cloison  qui  isole  la  cavité  droite  de  la  cavité  gauche.  En  bas , 
elle  est  séparée  du  réceptacle  infra-laryngiën  décrit  en  premier 
lieu  par  une  autre  cloison  membraneuse,  entre  les  feuillets  de 
laquelle  se  prolongent  les  deux  artères  carotides  et  les  veines  jugu- 
laires. L’œsophage  correspond  également  à la  région  inférieure , 
et  sépare  aussi  plus  ou  moins  la  cavité  aérienne  droite  d’avec  celle 
qui  est  placée  du  côté  gauche  du  corps. 

En  dehors , cette  cavité  est  en  rapport  avec  les  sommets  de 
chaque  poumon,  séparée  de  ces  organes  par  les  deux  feuillets 
des  plèvres,  que  l’on  peut  démontrer  par  l’insufllation  ; de  plus . 
elle  est  contiguë  aux  nerfs  du  plexus  brachial,  isolés  du  contact 
de  l’air  par  la  membrane  qui  les  recouvre. 

Il  serait  fort  difficile  d’assigner  une  figure  à ce  réceptacle  d’air  ; 
otf  peut  tout  au  plus  indiquer  la  forme  des  parties  étendues  de 


vitaïjs  Gi  ii.i.or. 


sir,  l’appareil 


54 

chaque  côté,  le  long  du  cou.  Elles  représentent  deux  prolonge- 
ments; celui  de  droite  disparaît  souvent,  celui  du  côté  gauche 
est  toujours  le  plus  long;  il  fait  une  saillie  remarquable  sur  le  cou 
de  quelques  Oiseaux. 

C’est  à l’endroit  où  les  bronches  entrent  dans  les  poumons  que 
l’on  aperçoit  les  orifices  capables  de  laisser  passer  l’air  dans  le 
réservoir  supra-laryngien  ; ils  sont  voisins  de  ceux  que  j’ai  décrits 
précédemment , mais  placés  au-dessus  d’eux.  Dans  le  Paon , un 
seul  large  orifice  de  la  bronche  sert  de  moyen  de  communication  ; 
mais  il  n’en  est  pas  ainsi  dans  d’autres  espèces  : ces  ouvertures 
y sont  multipliées. 

L’étude  de  cette  cavité  aérienne  est  intéressante,  non  pas  seu- 
lement parce  qu’on  l’a  confondue  avec  le  réservoir  précédemment 
décrit , mais  de  plus  encore  parce  qu’elle  sert  principalement 
à conduire  l’air  dans  l’intérieur  des  os,  des  vertèbres  et  de  la  tête. 

2°  La  portion  accessoire  du  réservoir  supra-laryngien  résulte 
de  la  présence  d’un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  cel- 
lules placées  entre  chacune  des  côtes,  au-dessous  des  apophyses 
transverses  des  vertèbres. 

On  ne  la  distingue  pas  dans  toutes  les  espèces  ; cependant  on 
en  trouve  encore  des  traces  au  niveau  de  l’avant-dernière  côte 
dans  le  Coq  (1).  Dans  le  Paon  , au  contraire  , ces  cavités  acces- 
soires m’ont,  semblé  très  nettement,  prononcées.  Je  vais  essayer 
de  faire  comprendre  la  disposition  qu’elles  offrent  chez  le  Paon. 

Vers  la  paroi  supérieure  des  prolongements  cervicaux  du  se- 
cond réceptacle  aérien  de  la  poitrine , on  découvre  aisément 
quatre  ou  cinq  trous  placés  au-dessous  des  apophyses  transverses 
des  quatre  ou  cinq  dernières  vertèbres  cervicales.  Ces  trous , 
bordés  par  un  repli  membraneux,  conduisent  dans  l’intérieur 
même  du  corps  des  vertèbres,  et  permettent  à l’air  de  se  pro- 
pager en  haut  jusque  dans  les  os  du  crâne  ; ils  en  facilitent  égale- 
ment l’introduction  au  travers  de  toute  la  colonne  vertébrale  : tous 
conduisent  à des  cavités  résultant  de  la  présence  d’un  canal  cel- 
luleux placé  au-devant  des  apophyses  transverses  des  vertèbres 
dorsales. 

(i)  pi.  t.  o3’. 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISE  VL  \. 


55 


On  constate  très  facilement  le  passage  de  l’air  et  le  trajet  qu’il 
peut  suivre  dans  ce  canal , soit  en  injectant  des  liquides  ou  du 
mercure , soit  en  insufflant  l’animal  et  en  le  laissant  sécher  : c’est 
alors  surtout  que  l’on  peut  distinguer  les  détails  suivants. 

Les  trous  qui  conduisent  l’air  dans  les  vertèbres  cervicales 
servent  à le  transmettre  de  vertèbre  en  vertèbre  jusque  dans  toute 
la  longueur  du  rachis.  Le  cinquième,  ou  le  plus  inférieur  de  ces 
orifices , car  le  nombre  doit  être  variable , pénètre  à la  fois  dans 
le  corps  de  la  première  vertèbre  dorsale  et  dans  un  petit  canal 
placé  au-devant  de  la  première  cote  sur  l’articulation  costo-ver- 
tébrale : de  là,  il  s’ouvre  dans  une  petite  cellule  placée  sous  cette 
articulation,  laquelle  offre  une  pelitc  ouverture  communiquant 
avec  le  corps  de  la  seconde  vertèbre  dorsale.  Depuis  cet  endroit , 
sous  toutes  les  côtes , au-devant  des  apophyses  transverses  des 
vertèbres  dorsales , on  remarque  un  espace  plus  ou  moins  grand, 
mais  toujours  plein  d’air,  et  pourvu  d’un  orifice  qui  doit  per- 
mettre à cet  air  de  sortir  du  corps  de  la  vertèbre  ou  d’y  rentrer. 
Au-dessus  de  la  septième  côte , ces  cellules  aériennes  s’agran- 
dissent ordinairement  plus  encore  que  dans  les  régions  supé- 
rieures de  la  poitrine  ; mais  c’est,  surtout  au-dessus  de  l'avant- 
dernière  côte  qu’elles  offrent  une  dilatation  plus  appréciable. 

On  verra  bientôt  comment,  par  ces  passages  ménagés  au  tra- 
vers des  os  de  la  colonne  vertébrale , l’air  peut  être  introduit 
jusque  dans  l’intérieur  des  réservoirs  abdominaux , et  comment 
par  cette  voie  étroite  et  indirecte  il  peut  être  reporté  dans  les  réser- 
voirs aériens  de  la  poitrine. 


D.  Troisièmes  cavités  aériennes  du  réservoir  thoracique  ou  réceptacles  sous-costaux 
( poclie  pneumatique  sous-costale,  cellules  hépatiques,  It  Owen — Jacqi-ewii.) 

La  disposition  de  ces  cavités  aériennes  sous-costales  n’est  plus 
dillicile  à connaître. 

Klles  sont  au  nombre  de  deux  de  chaque  côté  du  corps,  placées 
l’une  en  avant  de  l’autre;  les  deux  premières  sont  symétriques  : 
les  deux  autres  ne  le  sont  point  absolument,  quoiqu’elles  se  res- 
semblent beaucoup.  Klles  sont  indépendantes,  c’est-à-dire  qu’elles 


56  WIAl.IS  GlILLOl.  SUK  -U’.Vl’I'AUlill. 

sont  limitées  par  des  enveloppes  qui  les  séparent  complètement 
les  unes  des  autres. 

On  distingue  l’ensemble  complet  de  chacun  de  ces  réceptacles 
sur  des  animaux  récemment  tués  ou  desséchés  ; ils  se  présentent 
alors  avec  les  rapports  suivants  : 

Le  premier  ou  le  plus  antérieur  est  limité,  en  avant,  par  la  pre- 
mière côte  et  par  l’artère  pulmonaire;  en  liait! , par  le  poumon  ; 
en  bas , par  les  côtes  ; en  dedans  , par  le  foie  ; en  arrière,  par  la 
cloison  qui  le  sépare  du  réceptacle  suivant.  Toutes  les  laces  de 
la  cavité  aérienne  sont  tapissées  par  une  membrane  qui  n’est  pas 
la  plèvre,  et  qui  est  séparée  d’elle  en  haut  par  l’épaisseur  des 
languettes  diaphragmatiques  et  par  l’aponévrose  très  mince  qui 
en  dérive.  C’est  entre  cette  aponévrose  et  le  poumon  que  se 
trouve  la  cavité  de  la  plèvre  si  facile  à insuffler  (1). 

Trois  orifices  plus  ou  moins  larges , bordés  par  une  double 
lèvre  membraneuse,  sont  apparents  au  fond  de  ce  réceptacle 
aérien.  Ces  orifices  des  bronches , dont  l’un  surtout  a été  décrit 
et  figuré  par  de  nombreux  observateurs,  sont  situés  à peu  près 
au  niveau  de  la  seconde  côte  dans  le  voisinage  de  la  veine  pulmo- 
naire (2). 

Le  second  réceptacle  sous-costal  du  réservoir  aérien  thora- 
cique est  étendu  en  arrière  du  précédent , une  cloison  membra- 
neuse l’en  sépare.  11  lui  est  analogue  sous  plusieurs  rapports; 
sous  d’autres  , il  en  diffère  : car  il  est  plus  considérable , et  se 
prolonge  même  dans  l’intérieur  de  l’abdomen  au-delà  de  la  limite 
de  la  dernière  côte.  La  partie  gauche  de  ce  réservoir  descend  bien 
plus  loin  dans  le  ventre  que  celle  qui  est  située  à droite  ; elle 
peut  même  se  prolonger  jusqu’à  la  limite  inférieure  de  la  cavité 
abdominale.  Ce  détail,  qui  dérange  l’arrangement  symétrique  du 
réservoir  aérien  thoracique,  m’a  paru  constant  dans  tous  les  ani- 
maux (3). 

Si  les  rapports  de  cette  seconde  portion  des  réceptacles  sous- 
costaux  varient  à droite  et  à gauche , ils  diffèrent  encore  dans  la 
poitrine  et  dans  le  ventre. 


(1)  PI.  3;  PI  i.  ai.  — (3)  l’I  i c.d.f  — (3)  PI  3;  PI  t,  o3. 


l)li  LV  lll-.Sl’lIl.WIOX  UXXS  LKS  UlSn.UA. 


57 

Dans  la  poitrine,  la  limite  supérieure  est  la  surface  pulmo- 
naire séparée  de  la  membrane  aérienne  par  la  plèvre.  Une  cloi- 
son membraneuse  , étendue  des  poumons  à la  première  côte  , 
forme  la  limite  antérieure;  les  côtes  la  bornent  en  dessous;  en 
dedans,  le  foie  adhère  à la  surface  extérieure  de  la  membrane  qui 
est  en  contact  avec  l’air. 

Dans  l’abdomen  , celte  portion  du  réservoir  aérien  thoracique 
se  prolonge  à droite  sous  l’apparence  d’un  renflement  cylindrique, 
en  rapport  avec  les  parties  que  renferme  le  ventre  (1). 

A gauche,  un  prolongement  analogue  existe,  mais  il  est  plus 
long  que  le  précédent  ; la  forme  en  est  modifiée  par  la  présence 
du  gésier,  auquel  il  adhère,  et  sur  lequel  il  s’étend  en  partie;  la 
limite  inférieure  de  ce  prolongement  parvient  souvent  jusqu’à 
l’extrémité  postérieure  de  l’abdomen. 

L'intérieur  de  cette  cavité  aérienne  est  de  toutes  parts  tapissé 
par  une  membrane  transparente,  sur  laquelle  on  remarque,  du 
côté  du  poumon , une  ou  deux  ouvertures , suivant  les  espèces. 
Elles  sont  situées  au  niveau  de  la  troisième  côte , plus  en  dehors 
de  l’axe  du  corps  que  l’orifice  de  la  cavité  précédente  (2). 

Ces  descriptions  rappellent  des  particularités , sinon  parfaite- 
ment connues,  du  moins  indiquées  en  majeure  partie  par  la  plu- 
part des  observateurs.  Celles  qui  vont  suivre  concernent  des 
détails  encore  inaperçus,  si  je  ne  me  trompe;  car  je  ne  trouve 
aucune  figure,  aucune  espèce  de  description  capable  d’en  faire 
soupçonner  l’existence. 

S II.  Des  réservoirs  aériens  de  l’abdomen  des  Oiseaux. 

On  a décrit , je  l’ai  dit  plus  haut , des  cellules  abdominales 
recevant  l’air  des  cellules  de  la  poitrine  et  leur  faisant  suite;  on  a 
non  seulement  multiplié  le  nombre  de  ces  cellules , mais  encore 
on  a voulu  qu’elles  ne  fissent  avec  le  péritoine  et  la  plèvre  qu’une 
seule  et  même  chose.  Quant  à la  Véritable  disposition  des  réser- 
voirs abdominaux  , elle  n’a  point,  encore  été  signalée  ; je  n’ai  en- 
core trouvé  dans  les  auteurs  anciens  ou  modernes  aucune  indica- 

tl)  VI.  3,  «3.  - £)  PI.  i,  !/. 


58  XATW.IS  (IIILI.OT.  — SUR  L’APPAREIL 

lion  capable  de  faire  soupçonner  l’existence  ou  l’arrangement  de 

ces  parties. 

Les  descriptions  suivantes  donneront,  je  l’espère,  une  tout 
autre  idée  de  ces  réservoirs  abdominaux,  et  fourniront  peut-être 
aux  physiologistes  l 'occasion  de  plusieurs  recherches  intéressantes. 
Ils  ne  sauraient  être  aperçus  après  la  mort  de  l’animal  sans  avoir 
été  préalablement  remplis  d’air  ; les  membranes  qui  les  limitent 
sont  si  faibles  que  , lorsqu’elles  sont  abandonnées  à elles-mêmes, 
elles  disparaissent  derrière  les  reins  d’une  part,  de  l’autre  entre 
les  circonvolutions  intestinales.  Il  est  donc  nécessaire  ou  d’exa- 
miner un  Oiseau  vivant , ou  mieux  d’insulller  un  cadavre  par  la 
trachée , pour  bien  voir  ce  que  je  décris. 

Ces  réservoirs  sont  au  nombre  de  deux  de  chaque  côté  du 
corps.  L’un  est  situé  entre  le  rein  et  les  apophyses  transverses  des 
vertèbres  sacrées  ; on  le  découvre  en  soulevant  la  masse  de  l'or- 
gane de  la  sécrétion  urinaire:  c’est  le  moins  étendu  des  réservoirs 
abdominaux  (1). 

L’autre , dont  les  dimensions  sont  extrêmement  considérables , 
s’étend  au-devant  du  rein  , séparé  du  précédent  par  toute  l’épais- 
seur de  cet  organe  (2). 

J’appelle  le  premier  réservoir  supérieur  de  l’abdomen  ; je 
désignerai  le  second  sous  le  nom  de  réservoir  inférieur  : l’un  et 
l’autre  existaient  dans  tous  ies  Oiseaux  qu’il  m’a  été  possible  d’exa- 
miner. 

A.  Le  réservoir  supérieur  ou  supra-rénal  de  l’abdomen  pourrait 
être  considéré  comme  faisant  suite  au  réservoir  supra-laryngien , 
destiné  à faire  pénétrer  l’air  dans  les  os  des  vertèbres  et  dans  les 
os  des  membres  ; mais  sa  situation , et  de  plus  la  présence  de  l’ou- 
verture très  large  par  laquelle  il  communique  avec  les  vastes 
vessies  aériennes,  constituant  le  réservoir  inférieur  ou  infra-rénal 
de  l’abdomen,  autorisent  à le  décrire  séparément  (3). 

11  s’étend  depuis  la  dernière  côte  jusqu’il  la  limite  inférieure  de 
chaque  rein.  De  forme  irrégulière , à peu  près  indiquée  par  les 
contours  du  rein  , il  est  en  rapport , en  haut,  avec  les  apophyses 


(I)  PI.  4,  62,  — (2)  l’I.  3;  I»l.  4,  61.  — (3)  IM.  4,  6f. 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  59 

transverses  des  vertèbres  lombaires,  avec  les  surfaces  osseuses  de 
la  cavité  intérieure  du  bassin  ; en  dedans , il  est  borné  par  les 
parties  latérales  du  corps  des  vertèbres  ; en  avant, , sur  toute  l’é- 
tendue qu’il  parcourt,  il  est  appuyé  sur  la  face  supérieure  du 
rein. 

line  membrane  très  line  enveloppe  de  toutes  parts  cette  cavité 
aérienne  , dont  les  dimensions  sont  généralement  proportionnelles 
à celles  du  bassin.  Lorsqu’on  l’insuffle , on  écarte  le  rein  de  la 
paroi  supérieure  de  l’abdomen. 

Ce  réservoir  n’est  pas  placé  dans  le  péritoine  ; il  est  en  dehors 
des  surfaces  que  tapisse  cette  membrane. 

Dans  l’intérieur  de  la  cavité  dans  laquelle  pénètre  l’air  au-des- 
sus du  rein  s’étend  une  délicate  membrane  qui  recouvre  toutes 
les  éminences  et  toutes  les  anfractuosités  des  organes  ; elle  entoure 
les  nerfs  du  plexus  lombo-abdominal , les  apophyses  transverses 
des  vertèbres  lombaires,  et  s’introduit  jusque  dans  l’intérieur  du 
corps  des  vertèbres  lombaires. 

Ce  réservoir  supérieur  de  l’abdomen  communique  d’une  part 
avec  les  os  de  la  colonne  vertébrale  ; de  l’autre , il  se  prolonge  au 
travers  du  trou  obturateur  jusqu’à  la  région  supérieure  de  la 
cuisse , où  il  donne  naissance  à une  poche  aérienne  accessoire  , 
placée  entre  la  tête  du  fémur  et  l’os  des  iles,  dans  le  voisinage  de 
l’articulation  coxo-fémorale. 

C’est  dans  l’intérieur  de  cette  cellule  que  l’on  distingue  un  trou 
par  lequel  l’air  peut  pénétrer  dans  l’os  de  la  cuisse  (1). 

L’air  qui  sort  du  réservoir  supérieur  du  ventre  arrive  à celte 
cellule,  soit  en  suivant  les  nerfs,  qui , du  plexus  lombo-abdomi- 
nal, se  rendent  au  membre  inférieur,  soit  en  suivant  l’artère 
iliaque. 

Si  l’air  qui  parvient  à ce  réservoir  supérieur  du  ventre  peut  y 
être  transmis  par  le  moyen  des  conduits  intérieurs  du  corps  des 

(1  ) Je  rappelle  encore  ici  les  nombreuses  observations  de  limiter  et  de  Camper 
sur  l'absence  de  l'air  dans  les  os  du'membre  inférieur  des  Oiseaux  domestiques  ou 
coureurs  , et  sur  la  présence  de  ce  gaz  ainsi  que  l'absence  de  graisse  dans  le  fémur 
des  Oiseaux  bons  voiliers.  Ces  remarques  ont  été  plus  récemment  étudiées  avee 
détail  par  Jacquemin  (I.  c.). 


60  VVI'AI.IS  «IILLOT.  — suit  l.’.Vl’l’  VI1EII. 

vertèbres , avec  lesquels  communique  le  réservoir  thoracique , il 
y pénètre , et  plus  facilement  encore , par  un  large  orifice  qui 
forme  une  très  remarquable  communication  entre  les  réservoirs 
supérieurs  et  inférieurs  du  ventre. 

Cet  orifice,  situé  à peu  près  au  niveau  de  l’apophyse  transverse 
de  la  première  vertèbre  lombaire , est  bordé  par  de  larges  replis 
membraneux,  derrière  lesquels  apparaissent  les  ouvertures  des 
conduits  aériens  du  rachis.  La  description  des  réservoirs  inférieurs 
du  ventre  fera  mieux  comprendre  la  disposition  de  cette  ouver- 
ture (1). 

13.  Réservoirs  abdominaux  inférieurs. 

On  ne  pourrait  apercevoir  ces  organes  avant  de  les  avoir  in- 
sufflés; ils  flottent  alors  dans  1‘ intérieur  de  la  cavité  péritonéale  , 
appliqués  sur  le  péritoine,  semblables  à des  lambeaux  irréguliers 
de  fausses  membranes.  Dans  cet  état , il  est  très  facile  de  les  in- 
ciser ou  de  les  déchirer,  et,  par  conséquent,  on  risque  fort  de  ne 
pouvoir  en  comprendre  la  disposition. 

Quelquefois  une  certaine  quantité  d’air  les  remplit  encore  après 
la  mort  de  l’animal,  et  produit,  par  une  inégale  répartition,  l’appa- 
rence de  plusieurs  cellules  isolées  là  où  une  investigation  plus  at- 
tentive ne  démontre  qu'un  réservoir  unique. 

Préparés  par  une  insufflation  convenable  , qu’on  ne  doit  point 
exagérer  de  peur  de  briser  des  enveloppes  fragiles , ces  réservoirs 
offrent  l’apparence  de  deux  énormes  vessies  symétriquement  dé- 
veloppées à droite  et  à gauche  de  la  colonne  vertébrale  (!2). 

Elles  occupent  alors  non  seulement  toute  l’étendue  de  la  ca- 
vité abdominale,  mais  elles  en  dépassent  les  limites,  leur  circon- 
férence parvient  au  niveau  même  de  la  partie  moyenne  de  la 
cuisse. 

Le  volume  qu’elles  offrent  est  partout  considérable  ; les  dia- 
mètres de  ces  vessies  peuvent  être  supérieurs  à un  décimètre  dans 
les  Oiseaux  tels  que  le  Coq , le  Faucon , la  Cresserellc , etc. 
11  est  de  plus  de  trois  centimètres  dans  les  petits  Oiseaux,  comme 
les  Serins,  les  Tarins,  les  Fauvettes,  etc.,  etc. 


(i)  ri  4,oi'  — (2)  fi.  :t.  ri.  i.  m 


DE  I.\  RESPIRATION  DANS  I.ES  OISEAUX. 


fil 

La  transparence  et  la  régularité  des  contours  de  ces  organes 
sont  admirables,  et  cette  diaphanéité  est  telle,  que  je  ne  saurais 
comparer  ces  vessies  à autre  chose  qu’à  d’énormes  bulles  de 
savon;  elles  en  ont  toute  la  fragilité. 

La  figure  qui  les  distingue  est  régulièrement  globuleuse  après 
l'insufflation  ; dès  qu’elles  se  vident,  elles  s’affaissent  et  disparais- 
sent aussitôt. 

Les  rapports  tangentiels  de  ces  vessies  aériennes  distendues 
sont  les  suivants  : en  bas,  elles  touchent  de  tous  côtés  aux  parois 
de  l’abdomen,  au  gésier,  aux  bords  inférieurs  du  foie,  aux  pro- 
longements latéraux  du  réservoir  aérien  thoracique. 

En  dedans,  du  côté  de  la  ligne  médiane,  elles  sont  séparées 
par  toute  la  masse  du  canal  digestif  et  par  l’épaisseur  du  mésen- 
tère. Entre  chacune  d’elles  et  ce  mésentère  longitudinal,  on  voit 
les  testicules,  les  conduits  déférents  chez  le  mâle , et  du  côté  gau- 
che, chez  la  femelle,  on  remarque  l’oviducte. 

En  haut , elles  s’étendent  au-dessous  de  la  masse  de  chaque 
rein  qui  les  sépare  du  réservoir  abdominal  supérieur;  la  surface 
inférieure  du  rein  constitue  donc  la  limite  qui  borne  supérieure- 
ment l’intérieur  de  chacune  de  ces  vessies  aériennes. 

La  membrane  qui  constitue  ces  vastes  vessies  doit  être  formée 
de  deux  feuillets  : l’un  est  le  feuillet  propre,  qui  parcourt  toute 
I étendue  de  la  cavité  aérienne , sur  les  reins,  sur  l’artère  iliaque, 
sur  les  veines  rénales,  et  qui  va  se  continuer  sur  tous  les  contours 
intérieurs;  l’autre  est  extérieur  : c’est  le  péritoine  appliqué  sur  la 
membrane  précédente,  et  la  doublant  tout  autour  des  vessies  aé- 
riennes. Mais  il  n’est  pas  possible  de  séparer  ces  deux  feuillets 
l’un  de  l’autre;  on  ne  peut  en  constater  l’existence  qu'à  l’endroit 
où  le  péritoine  quitte  la  surface  du  réservoir  aérien , pour  aller 
couvrir  toutes  les  autres  parties  placées  dans  l’intérieur  de  l’ab- 
domen. 

Quoique  recouvertes  par  la  membrane  péritonéale,  ces  vessies 
aériennes  n’ont  aucune  espèce  de  communication  avec  la  cavité 
du  péritoine  : on  peut  insuffler  cette  cavité,  la  distendre  par  un 
liquide , sans  remplir,  en  aucune  manière , les  organes  destinés  à 
renfermer  l’air.  11  est  même  possible  d’enlever  en  totalité  le  canal 


VATAMS  ei’lUOT. 


G2 


— sir  l’appareil 


digestif,  et  de  conserver  le  réservoir  aérien  dans  toute  son  inté- 
grité. Il  en  serait  autrement  si,  comme  on  l’affirme,  l'air  était 
contenu  dans  l’intérieur  de  la  cavité  tapissée  par  la  membrane 

séreuse. 

Le  point  de  départ  de  la  membrane  qui  sert  à former  ces  vessies 
aériennes  se  découvre  dans  la  profondeur  de  la  région  antérieure 
du  ventre,  au-dessus  et  en  dehors  de  la  face  supérieure  du  foie. 
Là,  cette  membrane  circonscrit  un  orifice  par  lequel  l’air  sort 
des  poumons  (1);  elle  s'attache  ensuite  en  haut,  d’une  part  en 
dehors,  tout  autour  du  bord  mousse  du  petit  bassin,  de  l’autre  à 
tout  le  bord  externe  du  canal  déférent  ou  à la  base  du  repli  péri- 
tonéal de  l’oviducte.  Elle  tapisse  la  surface  antérieure  du  rein  ; 
elle  s’accole  également  à la  membrane  du  second  réservoir  sus- 
costal,  et  la  double  : c’est  au  moment  où  disparaissent  ces  con- 
tacts, soit  sur  le  rein,  soit  sur  l’os  des  iles,  soit  sur  le  réservoir 
thoracique , que  la  membrane  des  vessies  aériennes  commence  à 
être  recouverte  par  le  péritoine.  C’est  aussi  à partir  de  ces  points 
d’adhérence  qu’elle  s’élève,  lorsqu'elle  est  insufflée,  pour  s’étendre 
jusqu’ au-dehors  de  la  cavité  de  l’abdomen. 

L'examen  de  l’intérieur  des  vessies  aériennes  démontre , dans 
la  région  antérieure  de  l’abdomen,  l’existence  de  deux  orifices  de 
communication  qui  rattachent  ces  réservoirs,  d'une  part  aux  bron- 
ches , de  l’autre  aux  réservoirs  abdominaux  supérieurs  ou  supra- 
rénaux (2). 

L’orifice  par  lequel  l’air  sort  des  bronches  se  découvre  à la 
base  de  la  poitrine,  au-dessus  du  niveau  de  la  dernière  côte, 
dans  un  endroit  plus  ou  moins  rapproché  de  la  colonne  vertébrale, 
suivant  les  espèces. 

Il  est  bordé  par  un  repli  membraneux  au  travers  duquel  on 
voit  un  prolongement  du  poumon,  à la  surface  duquel  on  distingue 
un  ou  plusieurs  pertuis  donnant  passage  à l’air. 

Au-dessous  de  cet  orifice , on  en  voit  un  autre  dont  le  niveau 
est  à peu  près  celui  de  la  première  apophyse  transverse  des  ver- 
tèbres lombaires.  Celui-là  fait  communiquer  les  deux  réservoirs 


fl)  PI.  4,  /i.  — PI.  4,  Ml'. 


I)F,  FA  RESPIRATION  DANS  FF,S  OISEAUX. 


63 

aériens  du  ventre.  Il  est,  de  même  que  le  précédent,  entouré  par 
un  seul  ou  par  plusieurs  replis  membraneux,  dans  l’épaisseur 
desquels  se  répandent  quelques  ramifications  nerveuses  nées  des 
ganglions  du  nerf  intercostal. 

A partir  de  ces  orifices,  la  surface  interne  des  vessies  aériennes 
s’étend  sur  la  veine  cave,  sur  la  veine  rénale,  sur  l’artère  iliaque, 
sur  une  partie  de  la  circonférence  de  chaque  rein  , limitée  par  la 
veine  rénale. 

Les  organes  dont  je  signale  l’existence  n’ont  aucune  sorle  de 
rapport  avec  les  prétendues  cellules  indiquées  sous  le  nom  de 
cellules  vides  et  de  cellules  pleines,  de  cellules  du  cloaque  et  de 
l’intestin,  etc.  Rien  de  ce  qui  a été  décrit  ne  ressemble  à l’état 
naturel  des  choses. 

Le  regard  pénètre  si  facilement  au-delà  des  enveloppes  de  ces 
réservoirs,  que  l’on  peut  voir  aisément  qu’ils  ne  résultent  en  au- 
cune manière  d’un  amas  de  cellules.  Ce  sont  de  larges  vessies 
aériennes,  dont  les  enveloppes  sont  excessivement  minces,  et  rien 
de  plus. 

La  considération  de  ces  organes  montre  donc  quelles  erreurs 
ont  été  commises  par  ceux  qui  ont  attribué  à l’air  introduit  dans  le 
ventre  des  Oiseaux  des  routes  et  un  séjour  que  la  nature  ne  lui  a 
point  assignés. 

L’énorme  capacité  des  réservoirs  aériens  abdominaux  complète 
l'ensemble  des  organes  accessoires  du  poumon  des  Oiseaux. 

On  a dû  comprendre,  par  ce  que  j’ai  dit  précédemment  du 
passage  de  l’air  dans  les  conduits  aériens  des  vertèbres,  par  le 
moyen  du  réservoir  supra-laryngien,  que  ce  réservoir  peut  servir 
à conduire  l’air  jusque  dans  l’intérieur  du  ventre,  et  que,  d’autre 
part,  à l’aide  des  mêmes  conduits  vertébraux,  l’air  peut  trouver 
une  issue  qui  l’aide  à sortir  du  ventre  par  les  trous  situés  entre 
les  apophyses  transverses  des  os  du  sacrum  ou  des  lombes. 

Ces  orifices  reçoivent  d’abord  l’air  qui  provient  du  réservoir 
supra-rénal  ; mais  ils  le  reçoivent  également  des  vessies  aériennes 
du  ventre,  puisque  les  deux  réservoirs  abdominaux  s’abouchent 
l’un  dans  l’autre  à l’endroit  même  où  commence  chacun  d’eux. 

Si  les  descriptions  précédentes  des  réservoirs  thoraciques  et 


VVI  U.IS  M IM  AT. 


SI  R I APPAREIL 


64 

abdominaux  peuvent  faire  comprendre  l’étendue  des  surfaces  en 
contact  avec  l’air,  et  même  faire  soupçonner,  jusqu’à  un  certain 
point,  le  degré  d’utilité  de  ces  organes,  d’autres  détails  sont  ce- 
pendant encore  utiles  à connaître,  afin  que  le  degré  d’utilité  de 
ces  parties  puisse  être  un  jour  convenablement  apprécié. 


CHAPITRE  IV. 

RAPPORT  DES  RÉSERVOIRS  AÉRIENS  DES  OISEAUX  AVEC  I.ES  MUSCLES 
ET  I.ES  APONÉVROSES. 

On  a déjà  cherché  à signaler  les  rapports  des  cavités  aériennes 
et  des  organes  musculaires. 

G.  Cuvier  (1)  admit  avec  raison  que  les  parois  musculaires  de 
l’abdomen  devaient  resserrer  les  cellules  abdominales  qu’il  dé- 
crivait. li  ajouta  même  que  les  parois  de  plusieurs  de  ces  cellules 
sont  évidemment  musculeuses  et  capables  de  se  contracter.  !l  est 
possible  qu’il  en  soit  ainsi  chez  l’Autruche,  animal  indiqué  par 
Cuvier  comme  l’objet  de  ses  investigations;  mais  il  est  toutefois 
très  permis  de  n’accepter  cette  assertion  qu’avec  une  grande 
réserve. 

Les  deux  vessies  aériennes  des  Oiseaux  ne  m’ont  jamais  offert 
la  moindre  apparence  d’une  fibre  musculaire  ; j’ai  vainement  cher- 
ché cette  disposition.  Elles  sont  élastiques  ; cette  propriété  est  fort 
évidente,  car  elles  reviennent  sur  elles-mêmes  lorsque  l’air  s’en 
échappe. 

Tout  en  tenant  compte  des  resserrements  des  vessies  dus  à l’é- 
lasticité dont  elles  jouissent,  on  peut  croire  qu'elles  doivent  être 
principalement  soumises  à l’influence  des  mouvements  de  con- 
traction des  divers  muscles  de  l’abdomen.  Cette  action  doit  sur- 
tout servir  à expulser  l'air  qu’elles  renferment , et  à le  refouler 
dans  chaque  poumon. 

On  comprendra  sans  peine,  en  examinant  la  poitrine  d’un  Oi- 
seau , que  les  muscles  qui  servent  à agrandir  le  thorax  pendant 
l’inspiration  doivent  également  aider  l’air  à sortir  des  bronches, 

(I)  G.  Cuvier,  I.  r.,  t IV.  an  siv.  p 365  I.  20. 


DF.  I.\  RESPIRATION  DANS  I.FS  OTSFAIX. 


(35 

à distendre  les  cellules  aériennes  ; mais  il  est  plus  difficile  de  se 
rendre  compte  des  forces  capables  de  le  chasser  entièrement  de 
ces  mêmes  cavités,  de  le  faire  passer  des  unes  dans  les  autres, 
jusque  dans  les  tuyaux  bronchiques.  Dans  la  poitrine,  de  même 
que  dans  l’abdomen,  aucun  organe  musculaire  n’agit  encore  sur 
le  réservoir  aérien,  en  s’attachant  directement  sur  l’enveloppe 
qui  le  limite. 

Ce  n’est  que  dans  un  point  particulier  du  corps  des  Oiseaux 
que  l’action  des  organes  musculaires  sur  le  réservoir  aérien  paraît 
être  directe  ; les  muscles  non  seulement  y protègent  et  soutiennent 
les  cellules  aériennes  par  un  contact  immédiat,  mais  quelques 
uns  d’entre  eux  encore  s’attachent  aux  parois  du  réservoir  aérien, 
soit  directement,  soit  par  le  moyen  de  bandelettes  aponévrotiques. 
Ils  sont  tellement  disposés,  qu’ils  pourraient  être  considérés 
comme  des  organes  tenseurs  des  enveloppes  de  ces  parties. 

C’est  seulement  à la  surface  de  la  poche  axillaire  que  ces  dis- 
positions des  organes  musculaires  peuvent  être  étudiées. 

Je  vais  essayer  de  les  faire  comprendre  en  indiquant  successi- 
vement les  muscles  qui  me  semblent,  en  partie  du  moins,  insérés 
directement  sur  l’enveloppe  propre  des  cellules  aériennes  du 
creux  de  l’aisselle. 

Ces  muscles  sont  : 

1"  Un  muscle  peaucier,  irrégulièrement  quadrilatère,  aplati , 
très  faible  dans  les  animaux  jeunes , très  appréciable  dans  la 
vieillesse,  inséré  à la  surface  adhérente  du  tégument  externe  d’une 
part , de  l’autre  attaché  solidement  à l’aponévrose  qui  adhère  à la 
poche  axillaire.  Cette  aponévrose  est  le  résultat  de  plusieurs  ex- 
pansions fibreuses  nées  des  muscles  pectoraux , scapulaires,  et  de 
deux  portions  du  muscle  grand  dorsal.  La  partie  antérieure  des 
fibres  de  ce  muscle  peaucier  se  confond  avec  les  fibres  du  muscle 
pectoral. 

■2“  Le  muscle  grand  pectoral.  Sur  les  Gallinacés  , ce  muscle 
peut  être  facilement  divisé  en  deux  parties  : l’une  principale  ser- 
vant à abaisser  l’humérus , étendue  depuis  le  sternum  et  la  clavi- 
cule jusqu’à  la  crête  humérale  ; l’autre  accessoire  placée  en  dehors 
de  la  précédente,  séparée  d’elle  par  une  longue  expansion  fibreuse. 

3e  série.  Zool.  T.  V.  (Février  1 8 46.)  i 5 


66  NATALIS  CàUILiLOT.  — SL' R L’APPAREIL 

Cette  portion  accessoire  s’attache  k la  surface  externe  des  côtes  ; 
elle  se  dirige  en  avant,  s’unit  à la  partie  la  plus  reculée  du 
réservoir  axillaire , qu’elle  recouvre  , et  sur  lequel  ses  fibres  s’im- 
plantent, dès  que  cette  portion  musculaire  distincte  s’est  unie  par 
une  aponévrose  commune  au  muscle  scapulaire  et  au  muscle 
peaucier. 

Après  s’être  implantées  sur  toute  l’étendue  du  réservoir  axil- 
laire , ces  fibres  du  muscle  pectoral  accessoire  donnent,  naissance 
k une  double  expansion  aponévrotique  née  d’une  base  commune  : 
l’une  de  ces  expansions  se  porte  k la  membrane  de  l’aile , s’y 
divise  en  plusieurs  prolongements  et  sert  k la  tendre  ; l’autre  suit 
la  direction  du  bras,  et  va  s’attacher  k l’extrémité  interne  et  infé- 
rieure de  l’humérus. 

On  ne  saurait  douter,  en  disséquant  ce  muscle,  qu’il  ne  s’at- 
tache k la  membrane  du  réservoir  aérien , et  qu’il  n’ait  une  action 
directe  sur  elle. 

3°  Le  double  faisceau  musculaire  désigné  sous  le  nom  de 
rhomboïde  (Meckel) , et  que  Cuvier  désigne  comme  étant  l’ana- 
logue du  grand  dorsal  de  l’Homme. 

La  partie  la  plus  antérieure  de  ces  faisceaux  musculaires , in- 
sérée d’abord  aux  apophyses  épineuses  des  premières  vertèbres 
dorsales,  marche  vers  le  bras  sous  la  forme  d’une  languette  très 
mince,  et  vient  s’attacher  k la  ligne  âpre  de  l’humérus.  Avant  son 
insertion  , elle  se  confond , par  plusieurs  prolongements  , avec 
l’aponévrose  qui  provient  du  pectoral  accessoire.  La  tension  de 
ces  parties  membraneuses  peut  concourir  k maintenir  l’air  dans 
l’intérieur  de  la  poche  aérienne. 

Le  second  faisceau,  que  l’on  a considéré  comme  une  portion  du 
muscle  grand  dorsal,  naît  en  arrière  du  précédent,  marche  comme 
lui  vers  l’épaule , et  se  transforme  rapidement  en  une  même  apo- 
névrose qui  vient  se  perdre  k la  surface  du  réservoir  axillaire.  On 
peut  considérer  encore  ce  faisceau  musculaire  comme  un  agent 
énergique  de  dilatation. 

4“  Le  muscle , désigné  sous  le  nom  de  sus-épineux , que  je 
nomme  muscle  scapulaire  , né  de  la  surface  supérieure  de  l’omo- 
plate. se  dirige  vers  l’épaule  en  embrassant  une  partie  du  ré- 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX. 


67. 

servoir  aérien  qui  pénètre  même  au  milieu  des  fibres  muscu- 
laires qui  l’enceignent.  L’une  des  portions  de  ce  muscle  est  supé- 
rieure ; ses  fibres  adhèrent  à la  membrane  du  réservoir  aérien  , 
concourent  à former  l’aponévrose  commune  qui  la  recouvre  et  en 
fortifie  les  parois , pénètre  ensuite  dans  l’intérieur  de  la  cavité 
aérienne,  et,  recouverte  par  une  membrane  très  fine,  va  s’atta- 
cher à la  tubérosité  interne  de  l’humérus. 

5°  Quelques  fibres  musculaires  distinctes  se  rendent  encore, 
dans  les  Oiseaux  de  proie , à l’extrémité  inférieure  du  réservoir 
axillaire  ; on  les  distingue  très  bien  sous  la  forme  d’un  petit  fais- 
ceau irrégulièrement  quadrilatéral  dans  le  Faucon,  la  Buse  et 
l’Émouchet. 

Il  est  encore  nécessaire  d’ajouter  à la  nomenclature  de  tous  ces 
muscles  l’indication  d’un  petit  faisceau  musculaire  singulièrement 
disposé  ; il  naît  de  la  quatrième  et  de  la  cinquième  côte  , monte 
obliquement  en  arrière  , et  perfore  le  muscle  que  j’appelle  scapu- 
laire (sus-épineux,  teckel);  puis,  s’élevant  toujours  vers  la 
région  antérieure  sous  la  forme  d’un  cylindre  très  grêle , il  par- 
vient à la  peau  entre  l’épaule  et  le  cou,  et  se  fixe  à ce  tégument. 
Cet  organe  ne  semble-t-il  pas  être  destiné  à fortifier  encore  l’ac- 
tion de  toutes  les  parties  musculaires  étalées  à la  surface  du  réser- 
voir aérien  ? 

Tous  les  détails  dans  lesquels  je  viens  d’entrer  peuvent-ils  faire 
penser  que  ces  muscles  n’ont  aucune  influence  sur  le  développe- 
ment de  la  capacité  des  réservoirs  aériens  de  l’aisselle?  Je  ne 
saurais  adopter  cette  manière  de  voir  ; il  me  semble,  au  contraire, 
qu’ils  sont  disposés  de  manière  à en  accroître  les  dimensions,  et 
à favoriser  l’entrée  de  l’air  dans  ces  régions  éloignées  du  centre 
du  corps , et  largement  comprimées  toutes  les  fois  que  la  portion 
interne  du  muscle  grand  pectoral  exécute  un  mouvement  violent. 


68 


XATAMS  GUILI.OT. 


SUP,  I.’APPAREir. 


CHAPITRIi  V. 

DU  RAPPORT  des  vaisseaux  sanguins  AVEC  i.es  réservoirs 

AÉRIENS  DES  OISEAUX. 


Si  l’on  considère  l’ensemble  de  l’appareil  respiratoire  des 
Oiseaux  sur  un  animal  dont  les  vaisseaux  sanguins  ont  été  péné- 
trés par  une  injection  très  fine,  il  est  facile  de  voir  que  le  nombre 
des  vaisseaux  des  réservoirs  aériens  ne  saurait  être  comparé  à 
l’énorme  proportion  d’artères  et  de  veines  divisées  à l’infini  dans 
chacun  des  poumons.  Ces  organes  conservent  toujours  le  carac- 
tère important  de  vascularité  qui  leur  est  propre  dans  toutes  les 
espèces,  quelle  que  soit  l’étendue  des  réservoirs  avec  lesquels  les 
bronches  communiquent. 

Au  premier  aperçu,  sur  un  animal  non  injecté,  les  membranes 
des  réservoirs  aériens  semblent  généralement  privées  de  vais- 
seaux ; il  faut  alors  quelque  attention  pour  en  découvrir  les  traces, 
car  ils  s’effacent  rapidement  après  la  mort.  Il  n’en  est  pas  de  même 
lorsque  des  injections  convenables  ont  pénétré  jusqu’aux  ramifi- 
cations les  plus  délicates  des  vaisseaux  sanguins  du  corps.  Ces 
veines  et  ces  artères,  inaperçues  dans  le  premier  cas,  apparaissent 
alors,  remplies  par  les  matières  colorantes,  et  peuvent  être  l’objet 
de  quelques  observations. 

Aucun  de  ces  vaisseaux  des  réservoirs  aériens  ne  provient 
de  l’artère  pulmonaire  ; aucun  d’eux  ne  paraît  verser  le  sang 
dans  les  veines  pulmonaires  : ils  sont  donc  entièrement  distincts 
des  conduits  ordinaires  de  la  circulation  des  poumons.  Les  artères 
naissent  des  troncs  du  système  aortique  les  plus  rapprochés  de  la 
surface  membraneuse  sur  laquelle  elles  se  répandent.  Les  veines 
sc  jettent  en  général  dans  les  branches  veineuses  les  plus  voisines. 

Les  artères  qui  se  rendent  aux  membranes  des  renflements  du 
réservoir  infra-laryngien  se  répandent  à la  surface  de  ces  poches, 
le  long  des  cloisons  des  cellules  ; on  les  aperçoit  très  bien  après 
avoir  disséqué  la  peau  du  cou  et  après  avoir  enlevé  le  jabot. 
Elles  ne  sont  pas  assez  nombreuses  pour  indiquer  une  grande 


UE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX. 


69 

vascularité  de  ces  poches,  mais  on  en  distingue  parfaitement 
l’existence  ; elles  naissent  des  deux  branches  de  la  carotide  , que 
Barkow  a désignées  sous  le  nom  de  rameaux  cutanés  du  cou. 

Toutes  les  veinules  qui  correspondent  à ces  branches  vont  se 
terminer  dans  chacune  des  veines  jugulaires. 

.le  ne  saurais  passer  sous  silence  quelques  particularités  rela- 
tives aux  petits  organes  décrits  de  chaque  côté  du  cou  par  Meckd 
etM.  Magendie  (1),  auprès  de  la  partie  du  réservoir  aérien  supra- 
laryngien  qui  se  prolonge  le  long  du  cou , en  avant  et  sur  les 
côtés  de  la  colonne  vertébrale.  Ces  petits  organes  forment  quel- 
ques masses  du  volume  d’un  pois,  irrégulièrement  arrondies;  le 
nombre  en  est  variable.  11  en  existe  trois  ou  cinq  de  chaque  côté  ; 
ils  sont  rougeâtres  dans  l’état  ordinaire  ; lorsque  les  veines  sont 
injectées , ils  ressemblent  au  contraire  à un  amas  de  petites  vei- 
nules ayant  la  couleur  de  la  matière  lancée  dans  les  veines;  lors- 
qu’on les  examine  avec  le  microscope,  on  peut  reconnaître  qu’ils 
sont  presque  entièrement  composés  d’un  lacis  très  multiplié  de 
veinules,  dont  les  rameaux  principaux  vont  se  jeter  dans  les  veines 
jugulaires.  J’ignore  absolument  quels  peuvent  être  les  usages  de 
ces  petits  ganglions  veineux  ; mais  j’ai  voulu  les  rappeler  à l’at- 
tention des  observateurs,  parce  qu’on  les  a comparés  au  thymus , 
et  qu’ils  font  réellement  partie  du  système  veineux  du  réservoir 
aérien. 

Toutes  les  cellules  membraneuses  latérales  du  thorax  , inté- 
rieures ou  extérieures , reçoivent  des  artérioles  qui  se  répandent 
à la  superficie  des  enveloppes  de  ces  réservoirs. 

Ces  artérioles  proviennent  des  artères  humérales  et  pectorales 
pour  les  réservoirs  sous-axillaires  ; d’autres  rameaux  naissent  de 
chacune  des  artères  thoraciques  intérieures , de  l’artère  pectorale 
ou  thoracique  extérieure,  de  chacune  des  artères  intercostales, 
et  même  des  rameaux  de  l’artère  cœliaque  répandus  sur  le  gé- 
sier. Toutes  ces  artères  forment  des  plexus  très  évidents  sur  les 
surfaces  du  réservoir  aérien  voisines  des  parois  de  la  poitrine,  et 

(I)  Meckêl,  Anal,  cump.,  irait,  par  Riesler,  t.  I,  p.  252.  1 828.  — Magendie, 
Ment,  sur  plusieurs  organes  particuliers  qui  existent  dans  les  Oiseaux  (l  dans  les 
Ilcplilcs[llull.  delà  Soc.  philomatique,  1519), 


7V4TILIS  GlILLOT. 


sur  l’appareil 


70 

donnent  naissance  à un  nombre  très  considérable  de  petites  vei- 
nules. Ces  vaisseaux  veineux , sortant  d’un  plexus  commun , se 
dirigent,  sous  l’apparence  d’une  foule  de  petites  branches,  vers 
chacun  des  bords  externes  des  lobes  du  foie,  et  pénètrent  dans  l’in- 
térieur de  cet  organe.  Ce  sont  de  petites  veines  qui , sur  une  très 
médiocre  échelle,  ont  tout-à-fait  le  caractère  de  petites  veines 
portes,  puisque  le  sang  qui  les  traverse  ne  parvient  au  cœur  qu’a- 
près  avoir  traversé  l’organe  de  la  sécrétion  biliaire. 

Les  ramifications  artérielles  et  veineuses  répandues  à la  sur- 
face des  vessies  aériennes  abdominales  sont  bien  moins  nom- 
breuses ; on  en  constate  l’existence , cependant  on  les  injecte  diffi- 
cilement. 

Jamais  elles  ne  forment  à la  superficie  de  ces  vastes  réservoirs 
des  plexus  aussi  distincts  que  les  plexus  des  réservoirs  thora- 
ciques. Les  artères  viennent  de  quelques  petits  rameaux  produits 
par  l’artère  iliaque  ou  fémorale  voisine  de  la  courbure  postérieure 
des  vessies  aériennes  ; elles  se  propagent , sous  l’apparence  de 
ramifications  très  grêles , tout  autour  de  la  circonférence  de  ces 
organes. 

Les  veines  suivent  le  même  trajet , et  marchent  de  plus  en  plus 
parallèlement  aux  artères  à mesure  qu’elles  s’éloignent  de  leur 
origine;  elles  se  terminent  à la  veine  iliaque  ou  crurale. 

Telles  sont  les  dispositions  les  plus  générales  de  ces  vaisseaux 
veineux  et  artériels.  Si  elles  indiquent  un  rapport  constant  entre 
les  réservoirs  aériens  et  l’appareil  de  la  circulation  ; si  elles 
peuvent  faire  préjuger  quelques  uns  des  usages  de  ces  réservoirs, 
elles  autorisent  en  même  temps  à penser  que  ces  fonctions  sont 
loin  d’être  actives  ; car , dans  tous  les  endroits  du  corps  des  ani- 
maux où  une  fonction  active  est  opérée , le  nombre  des  voies  de 
la  circulation  est  manifestement  multiplié. 

Si  donc  ces  réservoirs  aériens  peuvent  être  considérés  comme 
des  appareils  d'hématose,  cette  opinion  ne  saurait  être  acceptée 
qu’en  admettant  que  la  fonction  ne  peut  avoir  ni  une  activité  ni 
une  importance  bien  grandes. 


DE  LA  RESIMKVriON  DANS  LES  OISEAl  \. 


71 


CHAPITRi;  VI. 

DI  RAPPORT  DES  RÉSERVOIRS  AÉRIENS  AVEC  I.ES  VAISSEAUX 
LYMPHATIQUES. 

L’étude  des  vaisseaux  lymphatiques  répandus  à la  superficie 
des  réservoirs  aériens  est  extrêmement  intéressante;  mais  elle  est 
loin  d’être  facile.  Lorsque  les  animaux  ont  jeûné  longtemps,  on 
ne  voit  point  ces  conduits  ; il  est  donc  indispensable  de  nourrir  les 
Oiseaux  avant  de  les  sacrifier. 

Lorsqu’on  a insulïlé  les  réservoirs  aériens  des  Oiseaux  que  l’on 
a tués  pendant  la  digestion  , on  trouve  la  majeure  partie  des  sur- 
faces couverte  de  vaisseaux  lymphatiques,  dont  on  reconnaît  la 
présence  non  seulement  autour  des  diverses  cavités  du  réservoir 
thoracique,  mais  encore  sur  les  réservoirs  aériens  du  ventre. 

Ils  existent  à la  superficie  des  réservoirs  thoraciques  sous-cos- 
taux,  entre  lesquels  passe  le  ventricule  succenturié. 

On  les  distingue  également  sur  les  deux  prolongements  abdo- 
minaux de  ces  mêmes  réservoirs  thoraciques.  Le  nombre  en  est 
très  appréciable  sur  les  deux  énormes  vessies  aériennes  du  ventre; 
mais  si  on  distend  ces  derniers  organes  avec  trop  de  force , on 
fait  disparaître  les  vaisseaux  lymphatiques,  parce  qu’ils  se  vident 
alors. 

Ces  vaisseaux  forment  partout  une  série  très  appréciable  d’a- 
nastomoses, desquelles  résulte  un  lacis  étendu  à la  surface  des 
membranes  placées  au  contact  de  l’air. 

Je  ne  connais  nulle  part,  dans  les  autres  animaux  , même  chez 
l’Homme , une  disposition  des  conduits  lymphatiques  capable  de 
rappeler  celle  que  j’indique.  Elle  est  ici  tellement  caractérisée,  et 
le  nombre  des  anastomoses  est  si  multiplié,  que  je  concevrais 
parfaitement  bien  que  l’on  pût  regarder  ces  vaisseaux  comme  les 
agents  d’une  respiration  particulière.  Dans  les  réservoirs,  l’air 
aurait  donc , sur  les  liquides  contenus  dans  les  parties  que  je  dé- 
signe, une  action  analogue  à celle  qu’il  exerce  sur  le  sang  de  l’ar- 
tère pulmonaire.  Quoi  qu’il  en  soit,  il  ne  me  paraît  pas  possible 
que  ces  détails  puissent  être  insignifiants. 


72 


\AT\MS  «l'ILLOT.  — SUIS  1,’APl'ARlilL 

Il  est  certain  que  les  vaisseaux  observés  ne  sont  point  des  con- 
duits sanguins  ; ces  derniers  se  remplissent  très  bien  par  des  in- 
jections fines,  que  les  animaux  aient  mangé  ou  qu’ils  aient  été 
affamés.  Les  autres  nesc  découvrent,  au  contraire,  que  pendant 
la  digestion , et  les  injections  lancées  dans  les  artères  ou  les  veines 
n’y  pénètrent  qu’ après  avoir  été  poussées  au-delà  de  leurs  der- 
nières limites. 

On  ne  peut  les  injecter  avec  le  mercure:  j’ai  essayé  maintes 
fois  de  le  faire  , sans  obtenir  aucun  résultat , parce  que  je  les  ai 
constamment  rompus.  Ce  n’est  donc , je  le  répète , que  pendant 
la  digestion  seule  qu’on  peut  les  apercevoir,  les  liquides  venant 
alors  affluer  de  toutes  parts  à la  superficie  du  réservoir  aérien. 

Je  ne  doute  pas  que,  dans  les  régions  les  plus  antérieures  des 
réservoirs  aériens,  loin  du  canal  digestif,  ces  liquides  ne  soient 
entièrement  analogues  à la  lymphe  ; mais  il  ne  paraît  pas  en  être 
ainsi  dans  le  voisinage  du  ventricule  succenturié,  du  gésier,  et 
dans  l’intérieur  de  l’abdomen.  Là,  ce  sont  véritablement  des  con- 
duits qui  ont  la  plus  grande  analogie  avec  les  vaisseaux  chyli- 
fères. 

Le  liquide  charrié  par  ces  vaisseaux  est  trouble,  opalin,  et  ab- 
solument le  même  que  celui  cpii  parcourt  les  conduits  lactés  du 
mésentère.  La  comparaison  est  certes  bien  facile,  puisque,  sur  le 
même  animal , le  mésentère  et  les  réservoirs  aériens  sont  égale- 
ment tapissés  par  des  ramifications  et  des  anastomoses  formées 
par  des  vaisseaux  de  même  apparence. 

J’ai  dû  chercher  à savoir  comment  cette  circulation  du  chyle 
pouvait  être  opérée;  il  m’a  paru  qu’il  fallait  prendre  en  consi- 
dération la  disposition  des  principaux  vaisseaux  destinés  à porter 
ce  liquide  jusque  dans  les  veines.  Je  n’insisterai  point  sur  ce  sujet, 
à l’occasion  duquel  j’entreprends  en  ce  moment  de  nouvelles 
études:  mais  je  signale  seulement  les  remarques  suivantes  k l’at- 
tention des  anatomistes. 

L’appareil  de  la  circulation  de  la  lymphe  et  du  chyle  se  com- 
pose, dans  l’abdomen  des  Oiseaux,  de  vaisseaux  principaux  et  de 
conduits  secondaires. 

Les  vaisseaux  principaux  sont  au  nombre  de  trois.  Les  deux 


DE  LA  IIESI’IUATION  DANS  LES  OISEAL'A. 


73 

premiers  sont  pairs;  il  en  existe  un  à droite  et  un  à gauche,  de 
chaque  côté  de  la  colonne  vertébrale.  Us  sont  étendus  symétri- 
quement sur  toute  la  longueur  des  reins,  au  dedans  du  canal  défé- 
rent chez  le  mâle,  et  de  l’oviducte  chez  la  femelle.  Ces  vaisseaux 
sont  ceux  qui  ont  été  décrits  par  Lauth  et  par  l’ohmann.  Us  re- 
çoivent les  vaisseaux  lymphatiques  du  membre  inférieur. 

L’autre  canal  est  le  canal  principal  des  vaisseaux  chylifères;  il 
est  étendu  tout  le  long  du  mésentère,  et  reçoit  deux  canaux  égale- 
ment volumineux  qui  proviennent,  en  bas,  des  cæcums,  en  haut, 
de  la  courbure  du  duodénum.  II  a été  également  indiqué  par 
l’olnnann  et  par  Lauth. 

Ces  deux  ordres  de  vaisseaux  aboutissent  à un  endroit  placé 
au-devant  de  la  veine  cave , dans  les  régions  supérieures  de  l’ab- 
domen, entre  les  deux  testicules,  entre  les  deux  ouvertures  qui 
font  communiquer  les  vessies  aériennes  du  ventre  avec  les  pou- 
mons. Là,  ils  se  confondent  les  uns  avec  les  autres,  non  seule- 
ment en  formant  des  plexus  multipliés  autour  de  la  veine  cave  , 
mais  encore  en  produisant  une  ou  deux  dilatations , difficiles  à 
apercevoir  dans  la  plupart  des  Oiseaux,  mais  dont  l’on  parvient 
cependant  à constater  l’existence  en  multipliant  les  recherches. 
11  faut  cependant  reconnaître  que  ces  dissections  sont  fort  diffi- 
ciles, et  que  l’erreur  est  à craindre. 

U est  possible  qu’à  cet  endroit  les  vaisseaux  chylifères  aient 
des  communications  avec  la  veine , mais  je  ne  saurais  l’affirmer  : 
ce  que  je  puis  dire,  c’est  que , lorsqu’on  injecte  avec  du  mercure 
dans  ces  gros  troncs  de  lymphatiques , on  pénètre  souvent  dans 
la  veine  cave. 

C’est  dans  les  deux  troncs  latéraux  des  vaisseaux  lymphati- 
ques du  ventre  que  se  terminent  les  rameaux  secondaires  étendus 
à la  surface  interne  des  membranes  des  réservoirs  abdominaux. 
On  peut  facilement  vérifier  l’existence  de  cette  particularité  sur 
des  animaux  qui  ont  pris  des  aliments. 

Les  vaisseaux  lymphatiques,  de  la  présence  desquels  résultent 
les  plexus  multipliés  à la  superficie  des  prolongements  abdomi- 
naux du  réservoir  thoracique,  se  réunissent  en  troncs  de  plus  en 
plus  volumineux , à mesure  qu’ils  sc  rapprochent  du  ventricule 


74  VVI'AI.IS  (.IIIJWI.  — sun  l'apparkil 

succenturié.  Ils  passent  au-dessus  de  lui,  et  ils  viennent,  si  je 
ne  me  trompe,  aboutir  au  confluent  des  deux  troncs  désignés,  dans 
le  voisinage  de  la  veine  porte;  ils  m’ont  paru  s’anastomoser  avec 
les  vaisseaux  lymphatiques  du  réservoir  infra-rénal  de  l’abdo- 
men. Ces  vastes  vessies  touchent,  en  ellét,  de  fort  près  les  pro- 
longements abdominaux  du  réservoir  thoracique , puisque , dans 
la  région  antérieure  du  ventre , ces  cavités  ne  sont  séparées  que 
par  une  cloison  commune. 

On  expliquerait  difficilement  la  présence  du  chyle  autour  des 
réservoirs  aériens,  si  l’on  perdait  de  vue  le  rapport  de  contiguïté 
qui  rapproche  le  ventricule  succenturié  et  le  gésier  des  réservoirs 
latéraux  de  la  poitrine  et  même  des  réservoirs  abdominaux.  Ces 
deux  parties  du  canal  alimentaire  n’ont  point  de  mésentère  : les 
vaisseaux  chylifères  qui  en  dérivent  sont  donc  nécessairement  obli- 
gés de  suivre  les  parois  des  parties  les  plus  voisines,  formées  par 
les  membranes  des  réservoirs  aériens. 

C’est  par  l’action  très  énergique  du  ventricule  succenturié  que 
paraissent  être  produits  les  liquides  destinés  à parcourir  les  vais- 
seaux lymphatiques  répandus  sur  le  pourtour  des  prolongements 
abdominaux  du  réservoir  thoracique;  on  n’en  saurait  douter  en 
examinant  des  animaux  tués  pendant  la  digestion.  Ces  vaisseaux 
se  dessinent  sur  toute  la  surface  des  cavités  aériennes  en  formant 
un  lacis  de  vaisseaux  rarement  volumineux,  le  plus  souvent  extrê- 
mement fins , et  anastomosés  les  uns  avec  les  autres  ; on  les 
reconnaît  à la  couche  blanche  qu’ils  possèdent  ; elle  est  tout-à-lait 
analogue  à la  couleur  des  vaisseaux  chylifères  répandus  à la  su- 
perficie du  mésentère.  J’aurais  voulu  en  extraire  le  liquide  pour 
l’analyser  et  en  reconnaître  la  nature,  mais  il  m’a  été  impossible 
de  le  faire. 

La  maladie,  si  fréquente  chez  les  Oiseaux . à laquelle  on  donne 
vulgairement  le  nom  d'avctlvre,  doit  tenir  probablement  à des  alté- 
rations particulières  des  liquides  charriés  par  ces  vaisseaux.  Dans 
cette  affection,  tous  les  réservoirs  aériens,  et  surtout  les  réservoirs 
qui  reçoivent  les  vaisseaux  chylifères  du  ventricule  succenturié, 
sont  couverts  d’une  couenne  jaunâtre,  souvent  épaisse  de  plusieurs 
millimètres,  Celte  maladie  ne  permet  plus  que  l'air  soit  en  contact 


DE  |,\  RESPIRATION  DANS  I.ES  OISEAUX. 


75 

avec  les  membranes  délicates  au  milieu  desquelles  il  doit  péné- 
trer, et  force  l’animal  à respirer,  comme  les  autres  vertébrés , à 
l’aide  des  poumons  seuls. 

Plusieurs  remarques  intéressantes  résultent  encore  de  l’examen 
du  rapport  de  chacun  des  réservoirs  aériens  avec  les  ramifications 
du  système  nerveux.  Elles  exigent  le  secours  de  dissections  multi- 
pliées, et  elles  conduisent  à faire  penser  que  ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  nerfs  de  la  huitième  paire  et  les  nerfs  du  grand  sympa- 
thique qui  se  répandent  dans  les  membranes  destinées  au  contact 
de  l’air,  mais  encore  que  des  nerfs  de  la  vie  animale  viennent  se 
prolonger  jusqu’aux  membranes  des  cavités  aériennes.  L’appa- 
reil respiratoire  des  Oiseaux  aurait  donc  avec  le  centre  nerveux 
un  rapport  que  l’on  ne  saurait  apprécier  dans  les  autres  classes 
de  Vertébrés. 

On  peut  très  facilement  suivre  les  rameaux  du  plexus  cervical 
qui,  dans  le  Paon,  dans  le  Dindon,  même  dans  le  Coq,  se  répandent 
à la  superficie  des  réservoirs  infra  et  supra-laryngien  : on  peut 
disséquer  des  ramifications  analogues  qui  proviennent  plus  loin 
du  plexus  axillaire,  et  qui  s’étendent  à la  surface  des  cavités 
aériennes  situées  au  dehors  de  la  poitrine , au-dessous  de  l’omo- 
plate. Dans  la  région  la  plus  antérieure  de  l’abdomen,  auprès  des 
orifices  communs  des  deux  réservoirs  abdominaux,  quelques  ra- 
meaux des  nerfs  vertébraux  parcourent  également  les  replis  mem- 
braneux qui  bordent  ces  ouvertures. 

Des  filets  plus  ou  moins  nombreux  du  nerf  pneumo-gastrique 
s’écartent  à droite  et  à gauche  de  chacun  des  troncs  principaux 
de  ce  nerf,  et  se  divisent  dans  les  parois  de  chacun  des  réservoirs 
thoraciques.  On  les  perd  rapidement  de  vue;  mais  enfin  on  peut 
en  constater  l’existence. 

C’est  principalement  en  arrière  des  deux  poumons,  auprès  des 
articulations  costo-vertébrales  et  des  apophyses  transverses  des 
vertèbres  dorsales  et  lombaires,  que  le  rapport  des  réservoirs 
aériens  avec  le  système  nerveux  est  le  plus  curieux  à étudier, 
mais  seulement  dans  quelques  Oiseaux.  Dans  le  Paon  surtout, 
on  remarque  à cet  endroit  du  corps  les  ganglions  du  nerf  grand 
sympathique,  placés  les  uns  après  les  autres  entre  chaque  espace 


76  NATALIS  Gl  II.  1.01.  SUR  L'APPAREIL 

intercostal.  Ils  sont  très  apparents , et  la  dissection  n’en  est  pas 
difficile.  Chacun  de  ces  ganglions  repose  sur  une  petite  cavité 
aérienne  environnée  par  les  filets  nerveux  émanés  du  ganglion. 
L’ensemble  de  toutes  ces  cavités  aériennes  réunies  constitue  la 
seconde  partie  du  réservoir  supra-laryngien  destiné  à transmettre 
l’air  aux  vertèbres  dorsales  et  au  membre  antérieur. 

Dans  l’animal  que  je  signale,  les  plexus  formés  sur  les  mem- 
branes de  ces  cavités  aériennes  sont  très  appréciables  dans  toute 
la  longueur  de  la  poitrine  ; mais  on  les  remarque  surtout  dans  le 
voisinage  de  la  première  et  de  la  dernière  côte. 

Dans  tous  les  Oiseaux,  on  peut  constater,  sur  une  échelle  plus  ou 
moins  étendue , l’existence  de  ces  plexus  nerveux  : tantôt  ils  sont 
très  appréciables  dans  le  voisinage  de  l’articulation  de  chaque 
côte,  comme  dans  le  Paon  ; d’a*utres  fois,  on  ne  les  distingue  que 
vers  le  sommet  et  à la  base  de  la  poitrine , ainsi  que  cela  se  voit 
sur  le  Coq.  Mais  que  d’études  nécessaires  avant  que  toutes  ces 
variations  puissent  être  convenablement  appréciées  ! 

La  considération  de  l’ensemble  et  des  détails  offerts  par  les 
réservoirs  aériens  des  Oiseaux  ne  doit  pas  être  seulement  res- 
treinte aux  descriptions  anatomiques  du  genre  de  celles  qui  pré- 
cèdent; un  autre  sujet  d’ctude  également  intéressant  doit  être 
entrepris  et  continué  sur  une  échelle  étendue.  Lorsque  ces  obser- 
vations auront  été  complètes,  il  sera  possible  de  se  faire  une  idée 
exacte  du  rôle  que  doit  jouer  cet  étrange  appareil  : jusque  là , les 
affirmations  ne  devront  être  émises  qu’avec  réserve , et  les  tra- 
vaux même  les  plus  exacts  n’auront  pour  résultat  que  de  pré- 
parer les  anatomistes  à d’autres  investigations. 

Curieux  de  connaître  les  changements  subis  par  les  réservoirs 
aériens  dans  les  différentes  périodes  de  la  vie,  j’ai  dû  entreprendre 
quelques  recherches  sur  la  famille  des  Gallinacés , où  l’àge  est 
facile  à déterminer  d’une  manière  approximative.  Les  autres  ani- 
maux, excepté  toutefois  les  Pigeons,  ne  pouvaient  me  fournir  que 
de  grandes  incertitudes. 

Les  résultats  suivants  m’ont  paru  très  prononcés  lorsque  l’on 
compare  un  jeune  Coq  à un  vieux  Coq,  moins  précis  peut-être, 


DE  LA  RESPIRATION  DANS  LES  OISEAUX.  77 

mais  cependant  très  acceptables,  lorsque  l'on  met  en  regard  deux 
Poules,  dont  l’une  est  adulte,  et  l'autre  très  âgée. 

La  capacité  des  réservoirs  aériens,  indiquée  par  l'insufflation 
de  la  trachée  et  par  le  degré  de  distension  des  enveloppes  mem- 
braneuses, paraît  sensiblement  modifiée  aux  deux  âges  extrêmes, 
mais  non  pas  de  la  même  manière , dans  le  réservoir  thoracique 
et  dans  le  réservoir  abdominal. 

Les  deux  vessies  aériennes  du  ventre  m’ont  semblé  plus  vastes 
dans  les  Coqs  les  plus  âgés  que  dans  les  jeunes  Coqs  nés  depuis 
moins  d’un  an;  j’oserais  même  assurer  que  ces  organes  n’ont  pas 
acquis , dans  le  courant  de  cette  première  année,  tout  le  dévelop- 
pement auquel  ils  peuvent  atteindre  par  la  suite.  Mais  en  est-il 
de  même  dans  les  autres  espèces?  Je  n’ai  point  assez  sacrifié  d’a- 
nimaux pour  avoir  le  droit  d’exprimer  une  opinion  aflirmative  à 
cet  égard. 

Les  réservoirs  infra  et  supra-laryngiens  semblent  plus  déve- 
loppés dans  les  Coqs  de  deux  années  que  dans  les  animaux  très 
jeunes  ; ils  m’ont  paru  moins  étendus  sur  quelques  animaux 
dont  j’ignorais  l’âge , parce  qu’ils  avaient  été  achetés  sur  les 
marchés,  mais  chez  lesquels  la  dureté , la  coloration  des  os,  l’os- 
sification des  cartilages,  la  couleur  de  la  peau  , des  muscles  et 
la  résistance  des  aponévroses  semblaient  annoncer  que  la  nais- 
sance datait  de  plusieurs  années.  Mais,  je  le  répète  encore,  ce 
sont  plutôt  des  aperçus  que  je  soumets  à l’expérience  que  des 
assertions  que  j’émets. 

Des  remarques  plus  précises  peuvent  résulter  de  la  comparai- 
son du  Coq  et  de  la  Poule  ; il  me  semble  qu’elles  autorisent  à ad- 
mettre l’influence  du  sexe  sur  le  développement  des  réservoirs 
aériens. 

Les  deux  vessies  abdominales  de  la  Poule  sont,  en  général, 
moins  étendues  que  celles  du  Coq  ; l’insufflation  semble  bien  le 
démontrer.  Il  en  est  de  même  du  réservoir  aérien  thoracique, 
dont  on  peut  juger  les  dimensions  dans  les  deux  sexes,  en  com- 
parant les  prolongements  qui  s’étendent  jusque  dans  l'abdomen, 
les  deux  parties  latérales  sus-costales  du  réservoir  aérien  thora- 
cique, ainsi  que  les  poches  axillaires  de  ce  même  réservoir.  Tout 


78  NATAI.18  GLILLOT.  SLIP.  L’APPAREIL 

est  plus  restreint  dans  la  Poule  que  dans  le  Coq.  Les  particula- 
rités relatives  aux  expansions  aponévrotiques  et  aux  muscles  de  la 
poche  axillaire  apparaissent  également  tracées  sur  un  plan  moins 
étendu. 

Des  différences  analogues  se  présentent  dans  les  Pigeons  mâles 
et  femelles,  chez  les  Serins  et  les  Tarins  des  deux  sexes  : le  déve- 
loppement du  réservoir  infra-laryngien , c’est-à-dire  de  la  portion 
la  plus  externe  du  réservoir  thoracique,  offre,  dans  les  mâles,  un 
volume  plus  considérable  que  celui  que  l’on  remarque  dans  le  sexe 
femelle. 

De  grandes  difficultés  s’opposent  à la  précision  de  ces  remar- 
ques; mais  des  obstacles  plus  nombreux  encore  empêchent  de 
déterminer  toutes  les  variations  de  ces  réservoirs  aériens  dans  les 
familles  nombreuses  d’Oiseaux. 

Le  plus  grand  développement  des  réservoirs  thoraciques  m’a 
paru  propre  aux  animaux  qui  se  soutiennent  longtemps  au  milieu 
de  l’air.  Je  confirme  par  cette  assertion  ce  qu’ont  déjà  dit  les 
observateurs.  Le  Faucon,  la  Buse,  la  Cresserelle,  les  Mouettes 
peuvent  être,  à cet  égard,  facilement  comparés  à nos  animaux  de 
basse-cour. 

Mais  il  ne  m'a  pas  paru  en  être  de  même  pour  les  deux  vessies 
aériennes  de  l’abdomen.  Quoique  volumineuses  et  très  étendues 
chez  le  Faucon , la  Buse,  la  Cresserelle , etc.,  elles  n’y  acquièrent 
point  encore  le  volume  énorme  des  mêmes  organes  dans  le  Coq 
et  dans  le  Dindon.  A cet  égard , il  me  semble  qu’on  ne  doit  point 
généraliser  ce  qui  est  relatif  au  réservoir  aérien  de  la  poitrine. 

Tel  est  l’ensemble  des  études  anatomiques  auxquelles  je  me 
suis  livré;  peut-être  paraîtront-elles  déjà  capables  de  modifier 
quelques  unes  des  assertions  connues  : cependant  il  me  reste 
encore  un  autre  examen  à entreprendre , sans  lequel  je  ne  ferais 
qu’ imparfaitement  comprendre  les  erreurs  physiologiques  que  je 
désire  voir  effacer  de  la  science. 

La  généralité  des  physiologistes  et  des  anatomistes  qui  ont  étu- 
dié les  Oiseaux  pense  : 1"  que  l’air  des  poumons  pénètre  dans  une 
cavité  thoraco-abdominale  commune  séparée  par  des  cellules  for- 
mant plusieurs  divisions;  que,  dans  cette  cavité,  le  péritoine  et  les 


DE  I,A  H INSPIRATION  DANS  LES  OISEAI 


79 


cellules  aériennes  ne  constituent  qu'un  seul  et  même  espace  au 
milieu  duquel  l’air  circule  librement;  2“  que  l'air  sort  des  réser- 
voirs aériens,  se  répand  dans  le  tissu  cellulaire,  et  parvient  jusque 
dans  toutes  les  parties  du  corps  de  l’animal  (1), 

Pour  m’éclairer  sur  ces  assertions  autrement  que  par  des  dis- 
sections, j’ai  dû  entreprendre  et  répéter  à plusieurs  reprises  les 
expériences  suivantes. 

.l'ai  d’abord  injecté  des  liquides , tels  que  l’eau,  l’essence  de 
térébenthine,  le  suif  fondu,  par  la  trachée-artère,  dans  les  réser- 
voirs aériens,  et  je  n’ai  jamais  vu  que  ces  substances  aient  pu  dé- 
passer la  limite  des  membranes  que  j’ai  décrites.  J’ai  disséqué  des 
animaux  ainsi  injectés:  j’ai  enlevé  la  peau,  ainsi  que  les  muscles 
des  membres  ou  du  tronc,  et,  tant  que  les  réservoirs  aériens  ont 
été  intacts,  jamais  les  liquides  ne  se  sont  écoulés  au  dehors, 
comme  cela  aurait  dû  se  faire  s’il  y avait  eu  quelque  moyen  de 
communication  entre  les  réservoirs  aériens  et  les  autres  parties 
du  corps. 

11  était  cependant  possible  qu’il  y eût  encore  quelque  disposi- 
tion cachée  par  la  mort  de  l’animal,  en  vertu  de  laquelle  les 
choses  auraient  pu  se  présenter  d’une  tout  autre  manière  pen- 
dant la  vie.  Pour  éclairer  davantage  encore  ce  sujet,  M.  Milne 
Edwards  me  donna  le  conseil  d’expérimenter  sur  des  animaux 
vivants,  et  je  dois  à cette  heureuse  idée  d’avoir  pu  démontrer 
d’une  manière  péremptoire  les  erreurs  dans  lesquelles  on  est 
tombé  jusqu’ici.  C’est  donc  un  devoir  pour  moi  de  ne  point  m'at- 
tribuer le  mérite  des  expériences  suivantes. 

Il  est  facile  de  placer  des  Oiseaux  sous  l'eau  et  de  maintenir  la 
têteau-dehors  du  liquide.  Je  suppose  que  l’on  a préalablement 
coupé  les  plumes  aussi  près  que  possible  de  leur  insertion. 

Si  le  tissu  cellulaire  contient  de  l’air  pendant  la  vie.  il  est  cer- 
tain que  cet  air  doit  s’échapper  sous  l'apparence  de  bulles  plus 
ou  moins  nombreuses,  dès  que  la  peau  est  coupée. 

Or,  l’expérience  démontre  le  contraire  : on  peut  inciser  les 
téguments  d’un  Oiseau,  les  enlever  même  en  grande  partie,  sé- 


t)ti  Cuvier  I c — Jacquemin.  I c 


80  AIATALIS  Gt'IIXOT.  — Sl'Ii  I.’APPARCTr. 

parer  les  muscles  les  uns  des  autres,  les  couper  dans  tous  les  sens, 
sans  qu’une  seule  bulle  d’air  s’échappe.  J’ai  répété  de  semblables 
tentatives  dans  le  voisinage  du  tronc , aussi  bien  que  dans  la  con- 
tinuité des  membres,  même  à la  base  du  tuyau  des  plumes.  Les 
résultats  ont  toujours  été  les  mêmes  : je  n’ai  pu  constater  nulle 
part  la  présence  de  l’air. 

Pour  savoir  si  les  réservoirs  aériens  communiquent  avec  le  pé- 
ritoine, j’ai  dû  ouvrir  la  cavité  tapissée  par  cette  membrane  : en 
apparence,  rien  n’est  plus  facile  ; en  réalité,  une  telle  tentative  ofl're 
de  grandes  difficultés,  parce  que  les  vessies  aériennes,  tendues 
par  la  respiration  de  l’animal , viennent  appuyer  sur  les  parois  du 
ventre.  Or,  la  ténuité  des  membranes  est  telle,  que  le  moindre 
contact  des  instruments  les  déchire:  cependant,  avec  un  peu  d’a- 
dresse et  quelque  patience,  on  parvient  toujours  à un  bon  résultat. 
Lorsque  la  cavité  péritonéale  a été  ouverte  et  que  les  muscles 
abdominaux  ont  été  rejetés  à droite  et  à gauche  du  corps , aucune 
bulle  d’air  ne  s’est  encore  échappée;  mais  les  vessies  aériennes, 
n’éprouvant  plus  aucun  obstacle  de  la  part  des  muscles  abdomi- 
naux , se  distendent  à chaque  mouvement  du  thorax,  et  se  gonflent 
au  milieu  de  l’eau  qui  les  supporte  de  toutes  parts,  mais  sans 
jamais  acquérir  le  volume  auquel  elles  peuvent  parvenir  lorsqu’on 
les  insuffle  artificiellement. 

On  a donc  alors  sous  les  yeux  la  preuve  la  plus  évidente  de 
l’absence  de  toute  communication  entre  les  voies  aériennes  et  le 
péritoine. 

Dès  que  l’on  perfore  les  vessies  aériennes,  elles  se  vident,  l’air 
s’échappe,  et  elles  disparaissent  : à chaque  mouvement  inspiratoire 
ou  expiratoire  de  l’animal , de  nombreuses  bulles  d’air  sortent 
avec  force  et  traversent  la  masse  du  liquide. 

Un  phénomène  particulier  indirectement  rattaché  au  sujet  qui 
m’occupe  se  manifeste  pendant  que  l’on  pratique  les  expériences  ! 
précédentes.  On  en  suit  d’instant  en  instant  les  progrès,  et  au 
premier  aperçu , il  pourrait  faire  croire  à la  présence  de  l’air  au 
milieu  des  liquides  issus  des  vaisseaux  sanguins,  coupés  sur  l’a- 
nimal vivant. 

Le  sang  qui  s’échappe  se  divise  en  deux  parties;  l’une  colore 


T)K  I.A  nF.Sl’IIUTIOK  DANS  T.F.S  OISKAUX.  81 

l'eau  en  s’y  dissolvant  : c’est  le  cruor  ; l’autre  est  rapidement  pré- 
cipitée : c’est  la  fibrine. 

Cette  dernière  substance  se  coagule  en  niasses  irrégulières , 
tremblantes , qui  ne  renferment  aucune  apparence  de  bulles  aéri- 
formes  au  moment  où  elle  se  dépose.  Mais , à mesure  que  la 
coagulation  s’accroît , on  voit  des  globules  aériens , remarqua- 
bles par  une  transparence  très  grande , naître  et  se  multiplier 
dans  l’épaisseur  de  ces  amas  fibrineux.  Ils  s’accumulent  près 
les  uns  des  autres,  et  finissent  enfin  par  être  si  nombreux , qu’on 
pourrait  croire,  avant  d’avoir  suivi  les  phases  de  ce  phénomène , 
qu’il  est  l’indice  de  la  présence  de  l’air  dans  le  tissu  cellulaire. 

Mais  cette  production  d’un  gaz , dont  j'ignore  la  nature , ne 
semble  autre  chose  que  le  résultat  de  la  séparation  de  l’air  dissous 
dans  le  sang;  elle  n’infirme  en  aucune  manière  l'opinion  que  j'a- 
dopte, de  laquelle  il  résulte  que  l’air  ne  traverse  jamais,  pendant 
la  vie , le  tissu  cellulaire  des  Oiseaux,  et  qu’il  ne  saurait  dépasser 
la  limite  des  réservoirs  aériens. 

Sur  des  Oiseaux  vivants  placés  sous  l’eau,  on  ne  rencontre  d’air 
que  dans  le  tuyau  des  plumes;  l’incision  de  ces  organes  le  dé- 
montre; mais  il  n’y  est  introduit  que  par  l’extérieur  du  corps,  et 
non  par  l’intérieur. 

On  arrive  à le  croire,  en  disséquant  attentivement  sous  l’eau  le 
tissu  cellulaire  de  la  base  des  plumes  ; on  peut  même  isoler  ces  or- 
ganes des  tissus  auxquels  ils  adhèrent,  sans  qu’il  sorte  une  bulle 
d’air.  D’autres  expériences  conduisent  aux  mêmes  résultats. 

Oue  l’on  prenne  l’aile  d’un  Oiseau,  qu’on  isole  l’humérus,  scié 
en  travers  à son  tiers  supérieur;  qu’on  attache  cet  os,  à l'aide  d’un 
conduit  de  caoutchouc,  à un  tube  long  d’un  mètre,  et  plus  long 
encore;  lorsque  cet  ajutage  est  fixé  solidement,  que  l'on  rem- 
plisse le  tube  de  mercure  ; on  verra  que , malgré  l’énorme  pres- 
sion , les  tuyaux  des  plumes  resteront  vides,  et  que  pas  une  par- 
celle du  métal  ne  les  aura  pénétrés. 

Ce  résultat  exclut  donc  formellement  l’idée  d’une  communica- 
tion des  plumes  avec  les  réservoirs  aériens , par  le  moyen  des  os. 

L’air  que  l’on  rencontre  dans  les  plumes  n’y  apparaît  point  a 
toutes  les  époques  du  développement  ; lorsque  la  plume  est  jeune, 
3'[série  T V.  (Févri*r  'Sifi.,1  i ® 


8‘2  , XATAI.IS  MULOT.  — SUR  r.’APPARIÎII. 

il  n’y  en  a point  encore  dans  le  tuyau  de  cet  organe  : on  ne  dis- 
tingue alors  qu’une  substance  grasse  qui  s’élève  à la  surface  de 
l’eau.  Ce  n’est  que  dans  les  plumes  déjà  desséchées,  où  la  matière 
spongieuse  et  grasse  a disparu  , que  l’on  peut  observer  l’air  entre 
les  membranes  placées  les  unes  après  les  autres  dans  toute  la 
longueur  du  cylindre  corné  de  l’organe.  On  a déjà  dit  que  cet  air 
pénétrait  aussi  par  un  trou  placé  à la  partie  intérieure  de  la  plume, 
dans  le  voisinage  de  l’endroit  où  naissent  les  barbules.  Cette  as- 
sertion appartient  à Jacquemin  (1). 

Dès  que  les  anatomistes  ont  eu  connaissance  des  dispositions 
singulières  de  l’appareil  respiratoire  des  Oiseaux,  ils  ont  été  na- 
turellement conduits  aussitôt  à en  rechercher  les  effets  : aussi 
trouve-t-on  dans  la  science  maintes  opinions  plus  ou  moins  pro- 
bables sur  l’utilité  possible  des  réservoirs  aériens.  L’une  des  opi- 
nions admet  qu’ils  servent  à la  respiration  en  conduisant  l’air,  et 
par  conséquent  l’oxygène,  sur  des  surfaces  dont  les  dimensions 
sont  plus  considérables  que  celles  des  surfaces  pulmonaires. 

D’autres  ont  vu  dans  ces  réservoirs  des  organes  destinés  à 
aider  mécaniquement  la  respiration,  en  faisant,  à chaque  inspi- 
ration, revenir  l’air  du  ventre  jusque  dans  les  poumons,  et  en 
permettant  à un  air  nouveau  de  retourner  dans  l’abdomen  pen- 
dant chaque  expiration.  Car  on  sait  que  l’air  qui  entre  dans  l’ab- 
domen des  Oiseaux,  pour  remplir  les  réservoirs  aériens,  y pénètre 
pendant  l’expiration , en  sort  pendant  l’inspiration , tandis  que 
des  mouvements  contraires  et  opposés  s’exécutent  au  même  in- 
stant dans  le  réservoir  thoracique  (2). 

(1)  Jacquemin,  l.  r.  p.  Jsti  — Par  l'intermédiaire  des  sacs  aériens  sous- 
scapulaires  et  sous-fémorau\  , Pair  pénètre  aussi  dans  les  cellules  sous-cutanées, 
et  s'introduit  dans  le  tuyau  des  plumes,  si  ce  n'est  par  ces  cellules  , du  moin9 
par  le  trou  qui  est.  à la  base  des  barbules. 

(2)  R.  Owen,  I.  c.,  p.  344  — » During  the  act  of  inspiration...  the  air  then 
rushes  into  the  lungs  and  into  the  thoracic  réceptacles;  while  those  of  the 
abdomen  become  flaccid  : when  the  sternum  is  raised  on  approximated  towards 
spine,  part  of  the  air  is  expelled  from  the  lungs  and  thoracic  cells  by  the  trachea, 
and  part  driven  into  the  abdominal  receptaeles , winch  are  tlius  alternately  en- 
larged  and  diminished  with  those  of  the  thorax  » 


DF.  r.A  RESPIRATION  DANS  I.ES  OISEAUX.  83 

D’autres  observateurs,  et  Borelli  le  plus  ancien  de  tous  (1), 
ont  cru  que  ces  réservoirs  étaient  destinés  à rendre  le  corps  de 
l’oiseau  plus  léger , soit  par  la  différente  densité  de  l’air  introduit 
dans  l’intérieur  du  corps  et  des  os  , soit  par  la  dessiccation  des 
liquides  médullaires  contenus  dans  le  squelette.  11  est  vrai  que  les 
travaux  de  Hunter,  de  Jacquemin  et  de  plusieurs  autres  anato- 
mistes , ont  prouvé  que  nulle  part  la  capacité  des  canaux  des 
membres  et  des  vertèbres  osseux  n’était  aussi  étendue  que  dans 
les  Oiseaux  dont  le  vol  est  rapide,  et  que  nulle  part  cet  air  ne  peut 
être  plus  raréfié  par  la  chaleur  animale  , et  par  conséquent  plus 
léger  que  dans  l’intérieur  de  ces  animaux. 

On  a cru  de  même  que  les  réservoirs  aériens  étaient  capables 
de  donner  aux  muscles  et  aux  aponévroses  un  soutien  énergique , 
propre  à aider  les  mouvements  et  à favoriser  la  facilité  du  vol  (2). 
Hunter  et  plus  tard  Jacquemin  ont  supposé  qu’ils  aident  beau- 
coup la  force  et  la  durée  du  chant  des  Oiseaux.  Beaucoup  de 
preuves  viennent  à l’appui  de  cette  manière  de  voir. 

Jacquemin  (3)  leur  attribue  plusieurs  usages  : « L’oxydation  du 
sang , l’augmentation  de  la  surface  du  corps,  afin  que  des  muscles 
vigoureux , tels  que  le  vol  en  exige,  trouvent  des  points  d’attache 
assez  étendus  ; la  diminution  de  la  pesanteur  spécifique  par  la 
dilatation  de  l’air,  et  le  dessèchement  des  liquides  de  la  moelle 
dans  les  cavités  osseuses;  et  dans  l’élasticité  que  ces  réservoirs 
pneumatiques  donnent  au  corps  pour  seconder  concurremment 
avec  l’élasticité  de  l’air  le  vol  des  Oiseaux.  » 

Il  est  difficile,  en  présence  de  tant  d’opinions  contraires,  d’en 

(1)  J. -A.  Borelli,  De  motu  animalium  in  Bibl.  anut.  Mangeli,  t.  II,  1685, 
p.  895.  — ci  Augetur  actio  alarum  ob  diminutionem  resistentiæ , quia  corpora 
avium  minus  ponderosa  sunt  in  specie  quant  corpora  hontinum  et  quadrupedum , 
scilicet  pondus  illarum  ad  horum  pondus  minorent  proportionem  habet  quant  moles 
ad  ntolem  Hoc  palet  quia  ossa  avium  fistulosa  valde  excavata  et  subtilia  sunt  ad 
instar  radicum  pennarum  ; scapulæ,  costæ  et  brachia  parum  carnosa  sunt,  pectus 
et  abdomen  amplas  cavilates  aereplenas  habent,  pennæ  tamen  et  palmæ  levissimæ 
sunt  ; unde  duplici  nomine  augetur  potentia  alarunt  ob  virtutis  motivæ  ntusculo- 
rum  incremenlum,  et  ob  diminutionem  ponderis  resislentis.  » 

(2)  II.  Owen,  l.  c.,  p.  34i. 

(3)  Jacquemin,  I.  c.,  p.  .333. 


%ll  XATAMS  «.(11,1.01.  — SUR  I.’APPAWTir. 

admettre  encore  une  de  plus,  analogue  ou  nouvelle.  11  vaut  mieux 
peut-être  se  taire  longtemps  encore  sur  des  fondions  que  nous 
ignorons , et  ne  pas  se  hâter  de  produire  des  idées  antérieures  à 
toute  espèce  d’expérimentation.  Que  d’études  restent  encore  à 
entreprendre  sur  la  densité,  sur  les  variations  de  la  température 
et  sur  la  composition  chimique  de  l’air  contenu  dans  les  réser- 
voirs aériens  ! Que  de  conditions,  que  d’influences  variées  dont 
l’action  doit  être  étudiée , et  qui  malheureusement  restent  encore 
en  dehors  des  limites  de  nos  connaissances  ! 

Si  d’autres  devaient  entreprendre  ces  recherches  délicates  , ils 
ne  pourraient  arriver  à des  résultats  précis  qu’ après  avoir  compris 
nettement  l’arrangement  général,  et  les  détails  de  l’instrument 
soumis  à leur  examen.  C’est  dans  cette  intention  de  préparer  des 
études  physiologiques,  de  les  rendre  précises  et  plus  intéressantes, 
que  j’ai  tenté  de  faire  mieux  connaître  quelques  parties  trop 
vaguement  indiquées , et  dont  plusieurs  même  peuvent  être  re- 
gardées comme  inconnues. 

BÉSUMÉ  ET  CONCLUSIONS. 

Les  détails  anatomiques  et  physiologiques  exposés  dans  les 
pages  précédentes  peuvent  être  indiqués  par  les  propositions  sui- 
vantes : 

1°  L’air  qui  pénètre  parla  trachée-artère  dans  les  poumons  des 
Oiseaux  se  rend  par  des  orifices  particuliers  des  bronches,  non 
dans  une  cavité  thoraco-abdominale  commune  formée  par  la 
plèvre  et  le  péritoine  , et  de  là  dans  toutes  les  parties  du  corps , 
mais  dans  des  réservoirs  distincts. 

2°  Les  premiers  de  ces  réservoirs  sont,  en  majeure  partie  , si- 
tués dans  le  thorax,  les  seconds  sont  renfermés  dans  l’abdomen. 

3°  Les  réservoirs  aériens  thoraciques  sont  au  nombre  de  quatre  ; 
l’un  peut  être  considéré  comme  impair,  les  trois  autres  sont  pairs 
et  généralement  symétriques. 

k°  Je  nomme  le  premier  réservoir  thoracique,  réservoir  infra- 
laryngien;  il  conduit  l’air  du  larynx  dans  le  sternum  et  dans  l’hu- 
mérus. 11  est  composé  de  trois  cavités  : l’une  est  placée  en  avant 


LIE  LA  llliSl'lll.UlON  DANS  LES  OISEAUX.  85 

du  cœur,  sur  la  ligne  médiane;  les  deux  autres  s’étendent  et  se 
prolongent  sur  les  parties  latérales  de  la  poitrine  à l’extérieur. 

5°  Je  désigne  le  second  réservoir  du  thorax  sous  le  nom  de  ré- 
servoir supra-laryngien  ; il  conduit  l’air  dans  l’intérieur  des  ver- 
tèbres cervicales  jusque  dans  les  os  de  la  lace , du  crâne,  dans  la 
caisse  du  tympan , et  même  dans  le  pharynx,  par  le  conduit  gut- 
tural de  l’oreille.  11  peut  être,  de  chaque  côté,  composé  de  deux 
parties,  dont  la  dernière  est  souvent  peu  développée.  La  première 
est  située  au-dessus  du  larynx  inférieur,  la  seconde  peut  s’étendre 
au-dessous  des  apophyses  transverses  des  vertèbres  dorsales. 

G”  Les  troisième  , quatrième  réservoirs  thoraciques  sont  placés 
des  deux  côtés  de  la  poitrine , entre  le  cœur,  le  foie  et  les  côtes  ; 
le  dernier  d’entre  eux  se  prolonge  dans  l’abdomen. 

7°  Les  réservoirs  aériens  de  l’abdomen  sont  au  nombre  de  deux 
de  chaque  côté. 

8°  L’un , réservoir  supra-rénal , est  placé  au-dessus  du  rein , 
entre  cet  organe  et  la  colonne  vertébrale  ; il  conduit  l’air  dans  les 
vertèbres  lombaires,  dans  les  os  du  bassin , et  dans  un  prolonge- 
ment ampullaire  placé  près  de  la  partie  supérieure  et  interne  de  l’os 
de  la  cuisse. 

9'  L’autre , réservoir  infra-rénal , est  représenté , de  chaque 
côté  du  ventre , par  une  énorme  vessie  aérienne  transparente  et 
fort  mince. 

10“  Ces  réservoirs  thoraciques  et  abdominaux  sont  développés 
au-dehors  de  la  plèvre  et  du  péritoine,  membranes  existantes 
sans  aucune  perforation  chez  les  Oiseaux , de  même  que  chez  les 
Mammifères. 

1 1’  Des  artères,  des  veines,  des  vaisseaux  lymphatiques  et  chy  - 
lifères, des  nerfs,  se  répandent  à la  surface  des  réservoirs  aériens. 

12*  L’air  ne  peut  sortir  de  ces  cavités  aériennes  pour  se  ré- 
pandre dans  la  plèvre , dans  le  péritoine  ou  dans  le  tissu  cellu- 
laire du  corps  de  l’Oiseau  ; il  parvient  seulement  dans  l'intérieur 
des  os,  mais  il  n’en  dépasse  jamais  les  limites. 


86  NATALIS  UlULOÏ.  — APPAREIL  RESPIRATOIRE  DES  OISEAUX. 


EXPLICATION  DES  FIGURES 

PLANCHE  3. 

( Cette  figure  est  destinée  à représenter  l'ensemble  des  réservoirs  aériens  des 
Oiseaux,  insufflés  et  placés  dans  la  situation  naturelle  qu’ils  occupent.) 

al,  a2.  n3,  ni,  a5,  réservoirs  aériens  thoraciques. 

(,  1 , 62,  réservoirs  aériens  abdominaux. 

al , réservoir  infra-laryngien  ; partie  médiane. 
ai,  réservoir  infra-laryngien  ; partie  accessoire  ou  axillaire. 
a3,  réservoir  supra-laryngien. 
ai,  réservoir  sus-costal  antérieur. 

aS,  réservoir  sus-costal  postérieur.  11  se  prolonge  des  deux  côtés  dans  1 in- 
térieur de  l’abdomen;  celui  du  côté  gauche  s'étend  sur  le  gésier,  et 
descend  plus  en  arrière  que  le  précédent. 

61,  réservoir  abdominal  inférieur  ou  infra-rénal.  Il  est  formé  par  d'énormes 

vessies:  l'une  d'elles  est  complètement  insufflée  ; elle  est  située  à 
gauche 

62,  réservoir  abdominal  supérieur  ou  supra-rénal. 

PLANCHE  k. 

(Cette  figure  est  destinée  à représenter  les  réservoirs  aériens  du  thorax  et  de  l'ab- 
domen , ouverts,  ainsi  que  la  disposition  du  réservoir  supra-rénal.) 

al , réservoir  infra-laryngien  ouvert , et  dont  la  cavité  renferme  le  larynx  ; il 
est  incisé  en  i pour  laisser  voir  l'intérieur  du  réservoir  supra-larvngien. 
a2,  prolongements  axillaires  du  réservoir  infra-laryngien. 
k,  ouverture  de  communication  entre  les  deux  parties  du  réservoir  infra- 
Jaryngien , c'est-à-dire  entre  la  portion  médiane  et  la  portion  axillaire 
ou  sous-scapulaire. 

a3,  réservoir  supra  laryngien,  dont  on  n'aperçoit  que  l'extrémité  supérieure. 
Cette  cavité  est  ouverte  en  i par  une  section  de  la  paroi  qui  la  sépare 
du  réservoir  infra-laryngien. 

«3',  cellule  aérienne  placée  à la  base  de  la  poitrine,  et  recevant  l'air  du  réser- 
voir supra-laryngien  par  le  moyen  des  conduits  aériens  des  vertèbres. 
«4,  réservoir  sous-costal  antérieur  ouvert.  La  face  supérieure  de  ce  réservoir 
est  séparée  du  poumon  par  le  diaphragme,  et  les  deux  feuillets  de  la 
plèvre  placés  au-dessus  de  ce  muscle. 

c,d,f,  ouvertures  bordées  de  quelques  replis  membraneux  qui  permettent  à 
l'air  de  sortir  des  bronches, 
no,  réservoir  sous-costal  postérieur. 
g,  ouverture  par  laquelle  l'air  entre  dans  cette  cavité. 


«AT  ET  P.  GEICYAIS.  — SUR  UES  CERFS  UE  l’AMÉR.  MÉRID.  87 

61  , limites  supérieures  du  réservoir  infra-rénal  ouvert  dans  toute  son  étendus. 
h,  ouverture  par  laquelle  il  reçoit  l'air  des  poumons. 

61',  ouverture  par  laquelle  il  communique  avec  le  réservoir  supra-rénal  placé 
au-dessus  du  rein. 

j),  veines  i’iaques  et  rénales  situées  à la  face  supérieure  du  réservoir  infra- 
rénal. 

62  , réservoir  supra-rénal  étendu  depuis  la  base  de  la  poitrine  jusqu'à  l'extré- 

mité du  bassin. 

62',  prolongement  fémoral  de  ce  réservoir. 
q,  artère  iliaque  qui  est  séparée  du  réservoir  supra-rénal  par  l'épaisseur  du 
rein. 

/,  aorte. 

n, n,  artères  pulmonaires. 
m,m,  veines  sous-clavières. 

o, o,  veines  pulmonaires. 


REMARQUES 

sir  ue  CAPE  l PUDU  et  h'EQUUS  BISfLCUS  de  Mouina; 

Par  MM.  GAY  et  PAUL  G ER  VAIS  (I 

Les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  mammalogie  depuis  Molina 
ont  fréquemment  critiqué  les  renseignements  qu’il  nous  a laissés 
sur  les  Mammifères  du  Chili,  et  malheureusement  on  doit  avouer 
que,  dans  bien  des  cas , les  documents  publiés  par  ce  naturaliste 
sont  si  incomplets,  et  même  d’une  inexactitude  si  évidente,  qu’ils 
justifient  la  défiance  générale  avec  laquelle  ils  ont  été  accueillis, 
et  la  sévérité  des  critiques  qu’ils  ont  fait  naître.  Mais  ce  peu  de 
confiance  des  naturalistes  dans  les  écrits  de  Molina  a fait  oublier 
trop  souvent  ce  qu’ils  renferment  de  bon  et  de  positif.  Dans  plu- 
sieurs circonstances,  on  a donné  comme  nouvelles  des  espèces  qui 
ne  diffèrent  point  des  siennes;  et,  parmi  ces  espèces,  il  en  est 
qu’on  aurait  aisément  reconnues , si  l’on  avait  pu  tenir  quelque 
compte  de  ses  descriptions.  L’étude  que  nous  venons  de  faire  des 
Mammifères  du  Chili,  étude  dont  nous  publierons  prochainement 

(1)  Ce  travail  est  destiné  à la  partie  mammalogique  de  1 Histoire  du  Chili,  que 
M.  Gay  publie  en  langue  espagnole. 


SL  U LUS  ESPECES  L)li  CEKl'S 


88  U4f  ET  F.  «EKVAIS.  

les  résultats,  nous  a montré  plusieurs  fois  la  justesse  de  cette 
remarque,  et  l’animal  dont  nous  parlerons  d’abord  dans  cette 
note  est  un  des  plus  remarquables  parmi  ceux  auxquels  elle  est 
applicable. 

Cervus  pudu.  — Molina  a fait  connaître  sous  le  nom  de  Pudu 
un  petit  Ruminant  du  Chili,  appelé  Venado  par  les  Espagnols, 
c’est-à-dire  Chevreuil;  mais,  comme  il  le  rapporte  au  genre  des 
Chèvres,  sous  le  nom  d eCaprapudu,  la  plupart  des  naturalistes  qui 
ont  voulu  le  classer  ont  dù  éprouver  de  véritables  difficultés.  C’est 
pour  cette  raison,  sans  doute,  que  beaucoup  d’entre  eux  l’ont 
complètement  passé  sous  silence,  tandis  que  d’autres  en  ont  fait 
successivement  une  Chèvre,  à l’exemple  de  Molina,  un  Mouton, 
ou  même  une  Antilope. 

Nous  nous  proposons  de  démontrer  que  le  Pudu  est,  au  con- 
traire, une  espèce  du  genre  Cerf  fort  rapprochée  des  Cervus  rufus 
et  nemorivagus , et  qu’il  a été  décrit,  depuis  Molina,  comme  un 
animal  d'espcce  nouvelle,  erreur  qu’il  était  peut-être  bien  difficile 
d’éviter,  à cause  du  petit  nombre  de  documents  qu’on  avait  pu 
recueillir  lorsqu’on  en  fit  la  publication. 

Yoici  ce  que  Molina  rapporte  au  sujet  de  son  Pudu  : 

a C’est  une  espèce  de  Chèvre  sauvage  de  la  grandeur  d’un  Che- 
vreau de  six  mois,  de  poil  brun;  le  mâle  seul  a des  cornes,  qui 
sont  très  petites.  Les  Espagnols  le  nomment  Venado  ou  Chevreuil  ; 
mais  c’est  à tort,  car  il  ne  lui  ressemble  point  du  tout;  il  a,  au 
contraire,  le  caractère  de  la  Chèvre,  à l’exception  de  la  barbe  , 
qui  lui  manque  entièrement.  Le  Pudu  a,  en  outre,  des  cornes 
rondes,  lisses  et  tournées  en  dehors.  Les  animaux  de  cette  espèce 
descendent  des  Andes  au  commencement  de  l’hiver,  en  troupes 
très  nombreuses,  pour  paître  dans  les  plaines  des  provinces  aus- 
trales. Les  Chiliens  les  prennent  alors  en  quantité,  tant  pour  les 
manger  que  pour  les  élever  chez  eux , ce  qui  réussit  très  bien  ; 
car  les  Pudu  sont  naturellement  fort  doux,  et  ils  se  font  prompte- 
ment à l’état  de  domesticité.  » 

Nous  avons  pu  étudier  les  caractères  de  ces  Venado  du  Chili 
sur  deux  exemplaires,  et  il  est  incontestable  que  ces  animaux  ap- 


81» 


DIS  I.’.UIlÎRlQUJi  MÉRIDIONALE. 

partiennent  à la  famille  des  Cerfs.  Malheureusement,  ces  deux 
exemplaires  ne  sont  pas  encore  adultes.  Voici  la  description  que 
nous  en  avons  faite  : 

Couleur  générale  rousse,  finement  tiquetée,  sur  la  plus  grande 
partie  du  corps,  de  roux  plus  ou  moins  vif.  Le  front  et  le  sinciput 
ne  sont  pas  tiquetés  ; les  poils  de  cette  partie,  un  peu  plus  longs 
que  ceux  d’alentour,  sont  en  manière  de  petite  houppe , à peu 
près  comme-dans  les  Antilopes  nommées  Grimms.  Sur  les  oreilles, 
le  menton,  les  canons  et  les  quatre  pattes,  les  poils  sont  d’un 
roux  cannelle  ; ils  n’y  sont  pas  tiquetés.  Le  devant  du  cou,  la  poi- 
trine et  le  ventre,  ainsi  que  la  face  interne  des  bras  et  des  cuisses, 
sont  d’un  roux  plus  grisâtre.  La  région  nasale , la  base  du  cou , 
en  dessus  et  l’origine  de  la  queue  passent  au  roux  noir.  Les  poils 
ne  sont  pas  très  forts  ni  bien  longs;  mais  ils  sont  cassants,  de 
longueur  médiocre  , et  n’affectent  point  la  disposition  spirale 
propre  à ceux  de  beaucoup  d’animaux  du  genre  Cerf.  A la  région 
dorsale,  ils  sont  cendrés  vers  leur  base,  c’est-à-dire  dans  la  por- 
tion cachée,  qui  occupe  plus  de  la  moitié  de  leur  longueur;  le 
reste  est  marqué  d’un  large  anneau  noir  luisant,  et  d’une  annelure 
de  couleur  roux-cannelle  assez  vif,  placée  près  de  la  pointe.  (Quel- 
ques uns  n’ont  point  de  roux. 

Ces  animaux  sont  peu  élevés  sur  jambes  ; leurs  proportions 
sont  assez  trapues;  leur  tète  est  forte  et  raccourcie,  mais  leurs 
jambes  sont  assez  faibles.  Voici  leurs  dimensions  : 


Longueur  du  corps  et  delà  tète 0,73 

— des  oreilles 0,07 

Hauteur  au  garrot 0,3i 


Le  seul  crâne  que  nous  ayons  vu  est  celui  du  mâle.  Ainsi  que 
nous  l’avons  déjà  dit , cet  exemplaire  n’a  point  encore  les  carac- 
tères de  l’adulte.  Comparé  à celui  d’un  Cervus  simplicicornis 
[Cerv.  rufusel  nemorivagus,  F.  Cuv.)  de  môme  âge,  le  crâne  du 
Pudu  montre  diverses  particularités  qui  ont  évidemment  une  va- 
leur spécifique.  Il  est  moins  allongé,  plus  élevé  dans  sa  partie 
frontale,  et  pourvu  d’un  enfoncement  considérable  subcirculaire 
pour  le  larmier,  tandis  que  le  Cervus  simplicicornis  n’a  point  d’en- 


90  «AT  ET  P.  SERVAIS.  — SUR  LES  ESPÈCES  DE  CERFS 
foncement  distinct  pour  cet  organe.  Contrairement  encore  à ce 
qui  a lieu  dans  ce  dernier,  l’os  incisif  ne  se  joint  qu’au  maxil- 
laire, sans  remonter  jusqu’au  nasal.  Comme  dans  les  Gouazou-bira 
(Cerv.  nemorivagus) , il  y a ici  de  petites  canines  à la  mâchoire 
supérieure.  11  n’y  a encore  qu’un  faible  indice  des  bois. 

Le  petit  Ruminant  du  Chili , que  les  habitants  de  ce  pays  nom- 
ment Venado,  est  donc  une  espèce  fort  voisine  du  Cervus  simpli- 
cornis  ( C . rufus  et  nemorivagus) , mais  néanmoins  distincte.  Ce 
n’est  pas  une  Chèvre,  comme  le  pensait  Molina,  et  nous  devons 
changer  son  nom  en  celui  de  Cervus  pudu.  Ainsi  s’explique  le 
caractère  qu’il  présente  de  manquer  de  barbe  , et  les  cornes  très 
petites,  rondes  et  lisses,  qui  surmontent  son  front,  d’après  l’au- 
teur chilien. 

Voyons  quels  renseignements  publiés  par  des  naturalistes  ré- 
cents peuvent  lui  être  appliqués. 

M.  Pœppig  (1),  qui  a donné  de  très  bons  documents  sur  le 
Chili,  parle  d’un  petit  Cerf  de  ce  pays  qui  nous  paraît  être  le 
prétendu  Capra  pudu.  Voici  ce  qu’il  en  dit  : 

« Chevreuil  non  signalé  par  Molina.  11  habite  les  parties  les  plus 
élevées  du  Chili.  Cet  animal,  qui  doit  s’y  trouver  en  grand  nombre, 
n’a  guère  que  deux  pieds  de  hauteur,  et  égale  un  chien  de  moyenne 
taille.  Comme  je  n’en  ai  vu  qu’une  femelle  apprivoisée,  je  ne  puis 
rien  dire  de  décisif  sur  l’espèce  : cependant  il  se  pourrait  qu’elle 
lut  déjà  mentionnée  parmi  celles  qu’a  décrites  Azara.  » 

Il  nous  semble  inutile  d’insister  sur  la  similitude  presque  com- 
plète de  cette  note  de  M.  Pœppig  avec  ce  que  Molina  rapporte  au 
sujet  du  Venado. 

Il  paraîtra  plus  évident  encore  que  c’est  la  même  espèce  que 
feu  M.  Bennett  a décrite  sous  le  nom  de  Cervus  humilis,  et  dont 
il  n'a  vu,  comme  M.  Pœppig,  qu’une  femelle  domestique.  Celle-ci 
a vécu  à la  ménagerie  de  la  Société  zoologique  de  Londres , qui 
l’avait  reçue  du  Chili.  M.  Bennett  en  établissait  ainsi  provisoire- 
ment la  diagnose  : 

. fl)  Froriep's  Notisen , 1829 . — BulUlin  unir,  de  Férussac,  t.  XIX,  p.  95 
(1829). 


91 


PE  l’amérique  méridionale. 

Cervus  parvus,  obesus,  breviceps;  facie  lata,  brevi,  obtusa; 
fissura  infra-orbitali  mediocri  ; cauda  subnulla  ; corpore  toto  rufo, 
antice  nigrescenti  ; postice,  fronte,  pedibusque  inferioribus  satu- 
ratioribus;  infra-dilution;  altituda  ad  humeros  vix  1 1/2  ped.  ; 
longitudo  caudæ  unciam  superans. 

A cette  caractéristique,  facilement  applicable  aux  individus  que 
nous  avons  observés,  Bennett  ajoutait,  d’après  le  capitaine  king, 
qu’une  peau  de  la  même  espèce  avait  été  rapportée  par  ce  navi- 
gateur en  Angleterre,  et  que  le  jeune  âge  de  l’espèce  est  tacheté 
de  jaunâtre , et  présente  une  bande  de  même  couleur  de  chaque 
côté  du  dos.  D’après  M.  king,  ces  petits  Cerfs  sont  abondants  à 
la  Conception,  et  on  les  rencontre  dans  des  régions  aussi  australes 
que  l’archipel  de  Chiloë.  Ils  vivent  par  petites  bandes. 

Ainsi  le  Venado  ou  Pudu  est  un  Cerf,  et  non  une  Chèvre  ; ce 
Cerf  se  rapproche  du  Cervus  simplicicornis,  mais  il  n’est  pas  de  la 
même  espèce;  M.  Pœppig  en  a parlé  depuis  IWolina  ; feu  Bennett 
l’a  décrit  d’une  manière  plus  reconnaissable  ; mais  la  science  ne 
possède  point  encore  tous  les  renseignements  nécessaires  à son 
égard;  la  dénomination  de  Cervus  humilis  conviendrait  bien  à 
cette  espèce:  cependant  les  règles  suivies  dans  la  nomenclature 
zoologique  veulent  qu’on  l’appelle  Cervus  pudu,  le  nom  spéci- 
fique donné  par  Molina  devant  être  préféré  à tout  autre,  comme 
plus  ancien. 

M.  Pœppig  avait  bien  jugé  des  affinités  de  cette  espèce  en  la 
rapprochant  des  petits  Cerfs  de  d’Azara.  Ses  caractères  extérieurs 
et  anatomiques  montrent  néanmoins  qu’elle  ne  doit  être  confondue 
ni  avec  le  Gouazou-bira  ni  avec  le  Gouazou-pita. 


Cervus  cuilensis.  — Une  autre  espèce  de  Ruminant  du  Chili, 
bien  distincte  de  la  précédente,  de  taille  plus  forte,  et  vivant  dans 
les  régions  les  plus  élevées,  appartient  aussi  au  genre  Cerf,  et 
l’un  de  nous  en  a déjà  fait  paraître  une  figure  dans  son  ouvrage 
sur  le  Chili,  sous  le  nom  de  Cervus  cuilensis.  D’après  les  ren- 
seignements qu’il  a pu  se  procurer,  ce  Cerf,  dont  l’espèce  est 
également  distincte  de  toutes  celles  qui  vivent  dans  les  autres  par- 


92  «Aï  ET  P.  «EKÏAIS.  SL  U I.ES  ESPÈCES  DE  CEIU'S 

ties  de  l’Amérique  méridionale,  serait  le  Gemul  (Equus  bisulcus) 
de  Molina. 

Comme  l 'Equus  bisulcus  est  un  des  animaux  décrits  par  ce 
naturaliste  qui  ont  le  plus  embarrassé  les  savants , c’est  par  ses 
caractères  zoologiques  que  nous  devons  commencer. 

Le  Guamul  des  Chiliens,  ou  Cervus  chilensis,  dont  nous  n’a- 
vons vu  qu’un  seul  individu,  actuellement  déposé  dans  les  gale- 
ries du  Muséum  de  Paris , est  une  espèce  très  rapprochée , par 
sa  taille , par  son  crâne , et  même  par  son  pelage , du  Cervus 
antisensis  découvert  dans  les  Andes  boliviennes  et  dénommé  par 
M.  Alcide  d’Orbigny.  Nous  ne  pouvons  dire,  néanmoins,  jusqu’à 
quel  point  il  s’en  rapprochait  par  la  forme  des  bois  : l’exemplaire 
dont  nous  venons  de  parler  était  encore  trop  jeune. 

Son  pelage  est  brun  fauve  , et  rappelle , de  même  que  celui  du 
Cervus  antisensis , le  Chevreuil  d’Europe  en  habit  d’hiver.  Ses 
poils  sont  également  longs  et  cassants  ; ils  sont  de  même  flexueux 
ou  ondulés  en  spirale  dans  leur  partie  cachée.  Tout  le  corps  est 
tiqueté  de  fauve  plus  ou  moins  doré.  Chaque  poil  est  brun  en- 
fumé dans  sa  plus  grande  longueur,  et  montre,  près  de  sa  pointe, 
un  anneau  plus  vif  de  la  même  couleur,  et  ensuite  l’anneau  jaune- 
paille  ou  jaune  doré  qui  occupe  une  longueur  de  2 lignes  environ, 
et  qui  est  suivi  d’une  petite  portion  noire  placée  tout- à-fait  à la 
pointe  du  poil , mais  dans  une  étendue  qui  excède  un  peu  celle 
de  la  portion  jaune.  La  tête , la  face  externe  des  oreilles , le  cou  , 
en  dessus  et  en  dessous,  le  dessous  de  la  gorge,  le  dos,  les  lianes, 
la  poitrine,  la  région  fessière,  les  membres  (en  un  mot,  presque 
tout  le  corps)  , sont  garnis  de  poils  ainsi  colorés,  c’est-à-dire 
tiquetés.  La  queue  est  brune  en  dessus  et  blanchâtre  en  dessous, 
et  à la  pointe , ainsi  que  la  région  anale  , qui  est  entourée  de  poils 
plus  longs  et  se  redressant  probablement  comme  ceux  du  Che- 
vreuil, sous  l'action  du  peaucier.  Il  y a du  blanc,  lavé  d’un  peu 
de  fauve,  aux  régions  inguinale  et  mammaire,  ainsi  qu’à  la  face 
interne  des  cuisses  et  de  l’avant-bras.  La  portion  moustachière 
de  la  lèvre  supérieure  et  la  face  interne  des  oreilles  ont  des  poils 
également  blanchâtres  ; mais  la  partie  de  la  lèvre  la  plus  voisine 
du  mufllé  est  noirâtre,  ce  qui  n’a  pas  lieu  dans  le  Cervus  anli- 


DF.  I.’ AMÉRIQUE  MÉRIDIONALE.  93 

semis.  Le  menton  est  fauve-blanchâtre.  Il  y a du  brun  sur  le  bord 
de  la  conque  auditive,  et  une  ligne  de  la  même  couleur  borde  les 
sabots.  La  poitrine  et  le  ventre  sont  plus  bruns  que  le  reste  du 
corps;  les  canons  sont  de  couleur  fuligineuse.  Les  poils,  longs 
partout,  le  sont  davantage  à la  région  fessière  et  aux  lianes. 


Longueur  de  la  tête  et  du  corps 1 ,20 

— de  l'oreille 0,17 

— de  la  queue 0,10 

Hauteur  au  garrot 0,70 


Le  Cervus  chilensis  est  trapu.  Le  crâne  de  l'individu  que  nous 
décrivons  n’a  encore , à la  place  où  devaient  s'élever  les  bois , 
c’est-à-dire  au-dessus  et  un  peu  en  arrière  des  orbites,  qu’une 
faible  saillie.  Quatre  paires  de  molaires  seulement  sont  sorties 
hors  des  alvéoles  : trois  de  lait , et  la  quatrième  d’adulte.  La  mâ- 
choire supérieure  a de  petites  canines.  Le  crâne  est  de  la  gros- 
seur de  celui  du  Gouazou-ti  ( Cervus  campestris ) ; mais  il  en  dif- 
fère par  plus  d’aplatissement  au  chanfrein , par  sa  région  inter- 
oculaire plus  carrée , par  plus  de  saillie  du  bord  externe  de  la 
région  supra-oculaire  du  frontal.  L’enfoncement  du  larmier  est 
aussi  plus  considérable  sur  ce  crâne , au  contraire  du  foramen 
naso-maxillaire,  qui  est  un  peu  moins  grand.  Les  dents  incisives 
du  Cervus  chilensis  ont  la  même  proportion  que  celles  du  Cervus 
anlisensis,  mais  elles  sont  un  peu  plus  petites.  L’espace  inter- 
orbitaire est  plus  large  que  dans  ce  dernier.  L’os  incisif  remonte 
jusqu’aux  os  du  nez  et  se  joint  à eux  dans  une  longueur  de  0'", 020  ; 
chaque  os  nasal  est  un  peu  échancré  à son  bord  antérieur;  la  su- 
ture maxillo-palatine  est  transverse  ; le  crâne  a 0‘", 21  de  longueur 
totale. 

Voici  donc  une  deuxième  espèce  de  Cerf  à ajouter  à la  liste  de 
celles  qui  vivent  dans  l’Amérique  méridionale.  Il  est  probable  que 
le  nombre  en  sera  encore  augmenté,  et  les  collections  possèdent 
déjà  quelques  pièces  qui  pourraient  mettre  les  naturalistes  sur  la 
voie  de  ces  découvertes.  Ainsi  G.  Cuvier  fait  connaître , comme 
se  rapportant  au  Cervus  virginianus , des  bois  envoyés  de  Cayenne 
par  M.  Poiteau  ; mais  il  est  évident  qu’ils  sont  d’une  aulre  espèce. 


SI  T.  LES  ORGANES 


Ç)/i  j.  ni'um  — 

Ces  bois  sont  petits,  épineux,  à un  seul  andouiller,  etc.  Nous 
signalerons  cette  espèce  à l’attention  des  zoologistes,  sous  le  nom 
de  Cervus  spinosus.  Une  autre , qu’on  pourrait  appeler  Cervus 
Goudotii,  vit  dans  les  régions  élevées  de  la  Nouvelle-Grenade. 
M.  Justin  Goudot,  qui  nous  l’a  indiquée,  en  a rapporté  un  bois 
aujourd’hui  déposé  au  Muséum  de  Paris.  Ce  bois  est  de  forme 
lyrée,  de  moitié  moins  grand  que  celui  d’un  Axis,  et  pourvu  d’un 
seul  andouiller  basilaire  postérieur.  Ces  deux  espèces,  celles  que 
nous  venons  de  décrire  et  le  Cervus  antisensis  de  M.  d’Orbigny, 
portent  à cinq  le  nombre  de  celles  qu’on  a découvertes  depuis 
assez  peu  de  temps  dans  l’Amérique  méridionale,  et  dont  il  n’est 
point  encore  question  dans  la  plupart  des  ouvrages  usuels  de 
mammalogie. 


MÉMOIRE  SUR  LES  DIFFÉRENCES  TYPIQUES, 

INCONNUES  JUSQU'A  PRÉSENT, 

DES  ORGANES  DE  LA  VOIX  DES  PASSEREAUX; 

Par  M.  J.  MULLER  (I). 

Jusqu’à  ce  jour,  on  s’en  est  toujours  rapporté  aux  recherches 
de  Cuvier  sur  le  larynx  des  oiseaux  chanteurs. 

D’après  ce  travail , l’appareil  multi-musculaire  servant  au 
chant  est  composé  de  cinq  muscles  qui  soulèvent  les  demi-cer- 
ceaux les  plus  mobiles  des  bronches,  le  second  et  le  troisième,  par 
leur  périphérie  antérieure  et  postérieure , et  modifient  leur  posi- 
tion , ainsi  que  celle  du  ligament  vocal , par  rapport  au  courant 
d’air.  Cuvier  trouva  généralement  ces  muscles  chez  les  Moineaux, 
les  Pinsons,  les  Mésanges,  les  Merles,  les  Grives,  les  Embérises, 
les  Alouettes,  les  Corbeaux,  les  Corneilles,  les  Casse-Noix  et  les 
Pies,  et  il  déclare  qu’ils  sont  communs  à tous  les  Passereaux, 
à l’exception  des  Cypselus,  Caprimulgus  et  Coracias,  qui  n’ont 


(I  ) Extrait  du  Rapport  mensuel  de  l'Académie  des  Sciences  de  Berlin  , séance 
du  26  juin  185-ü.  Traduit  de  l'allemand  par  Vf  H.  Lebert. 


DE  I.A  VOIX  DES  PASSEREAUX. 


95 


qu’un  muscle  simple  de  chaque  côté  du  larynx  inférieur,  comme 
beaucoup  d’Oiseaux,  que  l’on  n’a  jamais  comptés  parmi  les  Passe- 
reaux, mais  qui  appartiennent  aux  ordres  des  A ccipitres,  Scansores 
et  Palmipèdes.  Savart  confirma  ces  observations  sur  tous  les  points 
essentiels  ; il  décrivit  six  muscles , trois  paires  antérieures  et  trois 
postérieures  chez  les  Corbeaux,  les  Laniers  et  les  Étourneaux, 
cinq  (dont  deux  antérieures)  chez  les  Grives  et  les  Alouettes. 
Nitzsch  a signalé,  dans  l’ouvrage  de  Naumann  sur  les  Oiseaux, 
la  présence  de  l’appareil  multi-musculaire  servant  au  chant  dans 
tous  les  genres  d’Oiseaux  chanteurs  européens  qu’il  a pu  examiner. 
Il  voulut,  dans  ses  divers  Mémoires  ornithologiques,  séparer 
les  Oiseaux  privés  de  cet  appareil,  des  Oiseaux  chanteurs  ou  Pas- 
sereaux. Il  chercha  avec  ardeur  pour  les  Oiseaux  chanteurs 
d’autres  caractères  ostéologiques , splanchnologiques  et  angiolo- 
giques  ; il  en  est  résulté  des  particularités  et  des  différences  orni- 
thologiques fort  intéressantes  ; mais  aucun  de  ces  caractères  n’a  de 
valeur  absolue,  et  pour  chacun  d’eux  il  y a de  notables  exceptions. 
Beaucoup  d’Oiseaux , auxquels  l’appareil  multi-musculaire  man- 
que , ont  pourtant  l’apophyse  épisternale  fourchue  [yabelforlsalz) 
à la  partie  antérieure  du  sternum  et  l’échancrure  simple  de  cet 
os,  comme  les  A mpelis,  Gymnocephalus , Rupicola,  Pipra,  Opetior- 
rhynchus,  T hamnophilus , Tyrannus,  Elœnia,  etc.  Toutes  ces  dif- 
férences ostéologiques  des  Passereaux  deviennent  insignifiantes, 
aussi  bien  que  celles  des  Gallinacés  ; de  même  qu’il  y a chez  ces 
derniers  des  genres  avec  une  et  avec  deux  échancrures  ( Cryp - 
taras,  Hemipodivs) , de  même  on  rencontre  parmi  les  Passereaux 
desOiseaux  à une  et  à deux  échancrures  ( Pteroplochus , Colins );  et 
tandis  que  quelquefois  cette  échancrure  se  réduit  à un  trou  [A mpe- 
lis) , le  sternum  devient  dans  quelques  cas  tout-à-fait  solide  ( Tro - 
chilus,  Cypselus).  Nitsch  désignait  comme  étrangers  au  type  des 
Passereaux  les  genres  Trochilus,  Cypselus,  qui,  avec  YHémi- 
proene,  forment  pour  lui  la  famille  des  Macrochires ; les  genres 
Vpupa,  Buceros,  Epimachus , Alcedo , qu’il  réunit  avec  la  famille 
des  IÀpoglossœ  ; et  les  genres  Caprimulgus,  Ayctornis,  Podaryus, 
Coracias,  Merops,  Calbula,  Cuculus , Phœnicophœus,  Coceyyius, 
Ceidropus,  Crotophaya , Scythrops,  /.eptosomatus  , Indirator, 


J.  Ml  I. LP.lt. 


SUR  LES  ORGANES 


90 


Trogon , qui  forment  la  famille  des  Cuculinœ.  Viennent  ensuite 
les  Psittacinœ , et  enfin  les  Amphibolœ  : Musophaga,  Clusio . 
Opisthocomus.  Nitsch  exposa  sa  classification  d’une  manière  plus 
étendue  dans  son  système  de  Ptérulographie , dans  lequel  il  prit 
en  considération  la  distribution  des  plumes  ( Federfluren ) , ce  qui 
du  reste  n’est  pas  une  donnée  très  fertile.  Dans  son  travail , la 
tribu  des  Picariœ  renferme  les  Macrochires , Capromulginœ , 
Todhlce , Cuculinœ,  Picinœ,  Psittacinœ,  Lipoglossœ,  Amphiboles. 

Le  mérite  des  travaux  de  Nitsch  devait  donner  un  grand  poids 
à ses  vues  systématiques  : aussi  ces  dernières  ont-elles  été  appré- 
ciées et  adoptées  par  des  zoologistes  distingués  d’Allemagne. 
Prenant  pour  définitives  et  bien  constatées  les  différences  entre 
les  Oiseaux  chanteurs  et  les  Picariœ , plusieurs  ornithologistes 
s’efforcaient  de  constater,  surtout  pour  cette  tribu,  des  différences 
extérieures.  Dernièrement , M.  Sundevall  a trouvé  une  différence 
dans  l’arrangement  des  pennes-tectrices  des  ailes,  et  il  en  a fait 
une  application  qui  conservera  sa  ' valeur  pour  caractériser  les 
genres  et  les  familles,  sans  qu’on  en  puisse  faire  un  caractère 
universel.  Mais  la  distinction  entre  les  Oiseaux  chanteurs  et  les 
Picariœ,  d’après  une  différence  interne  constante,  supposée  par 
Nitsch,  est  tout-à-fait  insuffisante,  d’après  mes  recherches  ana- 
tomiques sur  les  organes  de  la  voix,  recherches  faites  sur  un 
grand  nombre  de  genres.  L’organe  de  la  voix  des  Passereaux 
n’offre  nullement  une  structure  aussi  concordante.  Les  différences 
typiques  les  plus  importantes  sont  restées  inconnues  jusqu’à  pré- 
sent. Le  larynx  avec  un  seul  muscle,  tel  qu’il  doit  être  chez  les 
Picariœ  particulièrement,  se  retrouve  chez  de  nombreux  genres 
américains  classés  parmi  les  Oiseaux  chanteurs.  Il  existe , en 
outre , d’autres  configurations  plus  complexes  du  larynx  avec  un 
ou  plus  d’un  muscle , basées  sur  de  tout  autres  principes,  et  dif- 
férant complètement  du  larynx  typique , regardé  comme  propre 
aux  Oiseaux  chanteurs.  La  musculature  la  plus  compliquée,  quant 
au  nombre  des  muscles,  est,  il  est  vrai,  l’appareil  des  muscles canta- 
teurs.  Mais  il  existe  une  forme  de  l’organe  vocal  bien  plus  muscu- 
laire, qui  est  mise  en  jeu  pour  produire  les  tons  les  plus  sonores, 
ceux  qui  sont  aussi  susceptibles  de  modulation  ; cette  forme 


DF.  LA  VOIX  DES  PASSEREAUX.  97 

qui  se  rencontre  chez  les  C hasmarliynchits , n’a  pas  le  moindre 
rapport  avec  la  construction  de  l’appareil  ordinaire  du  chant. 

La  plupart  des  Ampelines  de  Swainson  ou  de  Nitsch,  connue 
les  Cephalopterus,  n’ont  (d’après  la  description  de  Tschudi)  qu’un 
seul  muscle  mince,  conforme  au  type  des  Picariœ  de  Nitsch,  et, 
par  conséquent,  ne  seraient  pas  des  Oiseaux  chanteurs;  ils  sont 
aussi  organisés  comme  le  Gymnocephalus  (G.  calvus ),  Ampelis  ou 
Cotinga  [A.  pompadora) , R upicola  [II.  cayana);\e  Gymnocephalus 
ressemble  aussi  au  Cephalopterus  par  la  dilatation  de  sa  trachée. 

Tous  ces  Oiseaux  n’ont  au  larynx  qu’un  seul  muscle  très  mince, 
qui  se  montre  comme  le  prolongement  des  muscles  latéraux  de  la 
trachée.  Ceux-ci  devraient  être,  d’après  les  principes  de  Nitsch , 
classés  parmi  les  Picariæ , comme  déjà  l’avaient  été,  par  la  même 
raison,  les  genres  Coracias,  l papa,  Caprimulgus,  Cypselus , 
Merops,  Alcedo,  Prionitis,  Todus  et  Buceros. 

La  famille  des  Ampelines  S\v.  et  Nitsch.,  composée  d’éléments 
assez  hétérogènes,  contient  aussi  des  Oiseaux  qui  possèdent  un 
appareil  musculaire  servant  au  chant , ce  sont  les  Bombycilla  ; en 
outre,  on  y rencontre  le  plus  fort  développement  musculaire  du 
larynx  qu’on  puisse  trouver  parmi  tous  les  Oiseaux,  mais  con- 
struit d’après  un  modèle  différent  de  l’appareil  du  chant  : je  veux 
parler  de  l’appareil  propre  aux  Chasmarhynchus. 

Mais  une  élimination  des  Oiseaux  étrangers  devient  déjà  tout- 
à-fait  impossible  dans  une  autre  tribu.  Dans  la  famille  des  Laniades, 
parmi  \esLanius  Cu v. , il  y a des  Oiseaux  à appareil  musculaire  ser- 
vant au  chant,  ce  sont  les  Lanius  européens  et  africains,  et  les  Bari- 
las  australiens;  les  types  de  l’Amérique  du  Midi , Thamnophilus, 
Vieill.,  n’ont  point  de  larynx  multi-musculaire,  et  n’ont  qu’un  seul 
muscle.  D'après  cela,  la  sous- division  de  la  famille  les  Tliamno- 
phili  S\v.  n’est  point  fondée;  car  les  Malaconotus  S\v.  concordent 
tout— à-fait  avec  les  J.anius  pour  l’appareil  du  chant  ; et  ce  genre 
Malaconotus  est,  en  général,  peu  admissible,  comme  bien  d’autres 
genres,  qui  ne  sont  pas  établis  d’après  des  recherches  anatomi- 
ques. On  retrouve,  par  contre,  le  muscle  simple  et  le  larynx  par- 
ticulier des  Tlnimnnphilus  dans  les  Myiothères,  que  l'on  a classés 
ailleurs. 

3"  série  Znm  T V ( Février  1846.' r*  7 


J.  IHCLLER. 


Sl’R  I.ES  ORGANES 


98 

Les  Opêtiorhynchus  n’ont  point  l'appareil  du  chant  ; ils  ont,  de 
chaque  côté,  deux  muscles,  et  leur  larynx  particulier  se  rapproche 
surtout  de  celui  des  Thamnophilus  et  des  Myiothera. 

Le  genre  Muscicapa  Cuv.  offre  des  différences  encore  plus 
grandes  que  les  Lanius  Cuv.  Les  Muscicapa,  dans  le  sens  le  plus 
strict,  parmi  les  Oiseaux  de  l'Europe  et  de  l’Afrique , les  Musci- 
peta  africains  Sw.  et  le  Platyssora  Jard. , Selb. , ont  seuls  l’appa- 
reil multi-musculaire  des  Oiseaux  chanteurs  européens.  Les  Mus- 
cicapides  américains  n’ont  qu’un  seul  muscle,  parfois  épais  comme 
dans  les  Tyrannus,  Elœnia,  Platyrhyncus , et  parfois  très  mince, 
comme  dans  les  Myiobius,  Myonectes,  Pyrocephalus. 

Les  Piprides  n’ont  point  d’appareil  multi-musculaire;  ils  n’ont 
qu’un  seul  muscle  servant  au  chant,  tantôt  épais,  tantôt  mince. 

Plus  de  la  moitié  des  Passereaux  américains  examinés  n’ont 
point  l’appareil  musculaire  particulier  du  chant  qui,  en  Amérique, 
se  retrouve  dans  les  familles  ou  genres  Fringilla,  Tanagra, 
Sylvia,  llirundo,  Cassicus, Tardas,  Dolichonyx,  Sturnella , Nec- 
tarinia,  et  leurs  sous-genres. 

D’un  autre  côté,  l’appareil  musculaire  du  larynx  devient  plus 
compliqué  dans  plusieurs  des  Picariæ  de  Nitsch , ou  des  Cor- 
cyges  Sundevall , dans  les  Colins,  encore  plus  dans  les  Trochilus 
et  Psitlacus , même  les  Alccdo , dans  lesquels  Nitsch  n’a  pas 
trouvé  trace  d’un  muscle;  ils  se  rapprochent  des  Tyrannus  par 
leur  muscle  cantateur  large,  mais  simple. 

Ce  muscle  unique,  qui,  dans  quelques  Passereaux  de  Nitsch, 
s’est  déjà  notablement  aminci,  disparaît  tout-à-fait  dans  quelques 
Picariæ,  dans  les  Prionites,  les  Trogon,  Rhamphastos,  Corythaix. 

Description  de  formes  nouvelles  du  larynx. 

Organes  de  la  voix  du  Chasmarynchus.  — La  forme  extérieure, 
représentée  dans  une  planche  du  prince  Max  de  Yied , fait  déjà 
voir  que  le  larynx  inférieur  du  C ' kasmarhynchus  nudicoUis  est  très 
charnu;  mais  elle  laisse  douter  si  cet  appareil  est.  celui  du  chant 
ou  non. 

On  sait  que  ces  oiseaux  se  distinguent  par  leur  voix  sonore,  que 


f)E  LA  VOIX  DES  PASSEREAUX. 


•99  . 

le  prince  Max  compare  au  son  clair  d’une  cloche;  les  sons  sont 
isolés,  soutenus,  quelquefois  assez  rapprochés,  comme  lorsqu’un 
forgeron  frappe  à coups  réitérés  sur  son  enclume.  D’après  M.  Rich. 
Schomburgk , qui  observa  surtout  le  Chaitnarhynehus  caruncu- 
latus , ces  tons  sont  aussi  modulés.  J’ai  examiné  l’organe  de  la 
voix  des  deux  genres.  Au  dehors , il  paraît  sous  la  forme  d’un 
manteau  uni  et  charnu,  qui  couvre  toutes  les  parties  du  larynx, 
depuis  la  ligne  médiane  antérieure  jusqu’à  la  postérieure,  se 
jette  même  encore,  inférieurement,  entre  les  bronches  et  sur  le 
tambour  (Buegel),  et  se  renforce  sur  le  tambour,  dont  la  moitié 
est  encore  couverte  de  chair  à sa  partie  antérieure.  De  cette  ma- 
nière, la  masse  charnue  qui  recouvre  le  larynx  forme  avec  celui-ci 
deux  sphères  unies  dans  leur  milieu.  Toutes  les  fibres  antérieures, 
latérales  et  postérieures  ont  le  même  trajet  de  haut  en  bas,  et  on 
ne  peut  pas  les  séparer  en  plusieurs  muscles  distincts.  Il  est  très 
singulier,  et  même  sans  exemple,  que  la  plus  grande  partie  de 
cette  chair  musculaire  ne  soit  pas  destinée  au  mouvement  des  demi- 
cerceaux  des  bronches,  mais  s’insère  entre  le  bord  inférieur  du 
larynx  et  le  premier  demi-cerceau,  sur  la  membrane  muqueuse; 
les  fibres  musculaires  descendent  en  arc,  et  leurs  extrémités  sont 
implantées  verticalement  sur  la  membrane  muqueuse.  Ainsi  se 
forme  un  labium  musculeux  à la  paroi  externe  des  organes  vo- 
caux , à l’entrée  de  chaque  bronche.  Ce  labium  a deux  faces,  une 
descendante  plus  grande,  et  une  inférieure  plus  petite,  qui  se 
tourne  vers  le  premier  demi -cerceau.  Sur  l’arête  qui  forme  ce 
point  de  jonction  des  faces  du  labium  se  trouve  une  expansion 
élastique,  le  ligament  vocal  externe. 

La  masse  musculaire  du  labium  forme  la  partie  épaisse  et  pro- 
fonde de  la  masse  charnue.  La  partie  superficielle  des  fibres  mus- 
culaires forme  tous  les  faisceaux  charnus  qui  se  rendent  au 
labium,  et  sert  à mouvoir  le  premier  et  le  second  demi-cerceau 
des  bronches.  Le  premier  demi-cerceau  en  est  complètement  en- 
veloppé, ainsi  que  la  partie  antérieure  et  postérieure  du  second. 

Il  n’v  a point  de  séparation  entre  les  couches  superficielle  et  pro- 
fonde du  muscle,  qui  est  tout-à-fait  uni.  Près  des  lignes  médianes 
antérieures  et  postérieures,  les  fibres  musculaires  provenant  du 


J.  MILI.KK.  — sur.  LUS  OUGAiSES 


100 

larynx  se  contournent  vers  l’interstice , entre  les  deux  bronches, 
et  en  arrière,  vers  une  extrémité  cartilagineuse  du  larynx,  au 
moyen  de  laquelle  la  membrane  tympaniforme  peut  être  tendue, 
et  se  tournent  enfin  vers  cette  membrane  elle-même. 

Dans  le  Chasmarhynchus  carunculatus , une  longue  bande  mus- 
culaire se  dirigeant  d’arrière  vers  la  membrane  tympaniforme, 
fournit  quelques  faisceaux  élastiques  qui  s’étalent  dans  cette  mem- 
brane même.  La  partie  antérieure  du  tambour  (Buegel)  est  recou- 
verte d’un  muscle  transversal  particulier,  qui  tend  cette  mem- 
brane. Le  Ch.  carunculatus  n’a  point  un  ligament  vocal  interne, 
qui  existe  dans  le  Chasmarhynchus  nudicollis,  où  il  est  même  très 
fort  et  très  épais;  il  est  situé  latéralement  à côté  clu  tambour?  fixé 
en  arrière  à l’extrémité  cartilagineuse  qui , du  larynx , va  au  bout 
du  premier  cerceau,  et  antérieurement  à un  muscle  qui  embrasse 
le  ligament,  comme  lorsqu’on  saisit  et  attire  une  corde  à pleine 
main.  Cette  couche  musculaire,  située  sur  le  tambour,  provient 
en  partie  de  la  face  antérieure  du  larynx,  et  en  partie  elle  con- 
tinue à prendre  origine  dans  le  tambour,  de  manière  que  les  fibres 
vont  obliquement  du  dedans  au  dehors. 

Le  larynx  du  Ch.  nudicollis  est  encore  plus  musculeux  que 
celui  du  Ch.  carunculatus.  Chez  l’un  et  l’autre,  le  nerf  de  ces 
masses  charnues,  branche  des  pneumogastriques,  est  très  fort. 
Le  muscle  sternotrachéal  prend  son  origine  antérieurement,  et, 
comme  dans  beaucoup  d’autres  Passereaux,  il  n’a  point  de  con- 
nexion avec  les  muscles  latéraux  de  la  trachée. 

Organes  clu  chant  du  Tliamnophilus , Myiothera,  Opetiorhyn- 
chus.  — Ces  trois  genres  offrent,  une  structure  des  organes  de  la 
voix,  dont  aucun  exemple  n’est  connu  jusqu’à  présent  parmi  les 
Oiseaux.  Les  demi -cerceaux  des  bronches  ne  vibrent  pas  sous 
l’action  de  muscles;  la  partie  vibrante  se  trouve  dans  la  trachée 
elle-même.  Les  anneaux  ordinaires  et  larges  de  la  trachée  cessent 
brusquement  avant  la  division , puis  vient  une  portion  de  la  tra- 
chée finement  membraneuse,  aussi  longue  que  large,  aplatie  d’a- 
vant en  arrière,  se  terminant  avec  un  anneau  de  la  trachée,  à la- 
quelle se  joignent  les  bronches.  La  partie  membraneuse  de  la 
trachée  renferme  cinq,  six  on  sept  anneaux  très  délicats,  appa- 


UE  l.\  \UI\  UES  l’ASSEKKAlX. 


101 

l aissant  comme  des  lignes,  fixés  sur  les  côtés,  là  où  ils  sont  inter- 
rompus, par  un  ligament  longitudinal;  ce  sont  ces  demi-cerceaux 
qui  vibrent  dans  la  trachée,  avec  une  membrane  intermédiaire 
qui  les  unit.  La  paroi  membraneuse  de  la  trachée,  dans  le  C.  tham- 
nophilm et  dans  le  Myiolhera,  est  raccourcie,  de  chaque  côté, 
par  un  muscle  qui  va  de  l’extrémité  solide  au  dernier  anneau  de 
la  trachée,  au-dessus  de  la  division.  Les  Thamnophilm  se  dis- 
tinguent encore  en  ce  que  le  muscle  sterno-trachealis  a deux  chefs, 
dont  l’un  naît  à la  surface  solide  de  la  trachée,  au-dessus  de  la 
partie  membraneuse , et  l’autre  provient  de  cette  partie  elle- 
même,  près  du  ligament  qui  contient  les  anneaux  vibrants,  au- 
dessus  de  la  division  de  la  trachée  en  bronches.  Ont  été  examinés  : 
Thamnophilm  nævius  ( Lanius  nœvim  L. , Gm.),  Thamnopliilus 
guttatm  Spix  [Lanius  meleager  Licht,  Doubl.,  Ver. , /i91  ) , Tham- 
nophilm cri  status  Pr. , M. 

J’ai  examiné,  du  genre  Myiolhera , le  M.  margaritacea  Mus. 
Berol.  (près  du  Thamnophilm  gularis  Spix).  Ces  deux  genres,  de 
Swainson  et  Gray,  sont  mal  placés;  ils  se  rapprochent  beaucoup, 
tant  par  leurs  caractères  internes  qu’externes,  et  doivent  se  trouver 
dans  une  famille  de  T hamnophilini  ou  de  Myiotherini , quoique 
suffisamment  figurés  comme  genres  par  les  jambes  (Làufe),  qui, 
dans  le  Thamnophilm , portent  de  grandes  plaques  en  arrière. 

Les  Fnrnarii,  dont  les  types  sont  le  F urnarius  Vieill. . Opetio- 
rhynchus  Temm. , Figulus  Spix , ont  aussi  à la  trachée  m e partie 
inférieure  plate  et  membraneuse,  munie  d’anneaux  vibrants  très 
fins.  La  structure  diffère  sur  plusieurs  points  importants,  et  offre 
des  rapports  particuliers.  La  partie  membraneuse,  comme  le  liga- 
ment latéral,  n’est  plus  raccourcie  par  un  seul  muscle,  mais  par 
deux,  se  fixant  à un  os  vocal  particulier,  et  non  pas  au  dernier  an- 
neau de  la  trachée.  Cet  os  vocal,  très  singulier,  long,  pyramidal, 
fait  une  saillie  libre  dans  sa  cavité;  sa  base  est  fixée  sur  le  der- 
nier anneau  trachéal  et  le  premier  demi-cerceau  bronchique,  et 
à côté  de  la  partie  membraneuse  de  la  trachée  ; il  s’étend  libre- 
ment dans  la  cavité  jusqu’au-dessus  de  la  trachée  membraneuse, 
sans  cependant  y adhérer.  Les  muscles  qui  raccourcissent  la 
partie  vibrante  de  la  trachée  se  fixent  aux  bords  antérieur  et  pos- 


J.  MULLER. 


SUR  LES  ORGANES 


102 


térieur  de  l’os  vocal,  près  de  sa  base.  Il  est  encore  à remarquer 
que  le  muscle  sterno-trachéal  ne  provient  pas  de  la  trachée,  mais 
de  l’extrémité  pointue  de  ce  même  os.  Il  n’a  donc  pas  de  connexion 
avec  le  long  muscle  latéral  de  la  trachée.  Ont  été  examinés  : Fur- 
narius  rufus  Yieill.  [Turdus  badins  Licht. , Donb. , Verz. , hhl), 
Furnarius  brachyurus  Mus.  Berol. , Cillurus  nigrofumosus  Caban. 
Voyez  Tschudi,  Wiegm.  Arch.  f.  Naturh,  1844  (Upucerlhia  ni- 
grofumosa  d'Orb.). 

Organe  de  la  voix  du  Trochilus.  — L’organe  de  la  voix,  situé 
au  cou,  est  le  même  dans  les  sous-genres  des  Trochilus,  savoir, 
Campylopterus,  Phaetornis,  Lampornis,  Otorhynchus,  Onysmia. 
Il  a deux  muscles.  Le  premier  demi-cerceau  des  bronches  est  très 
petit,  comme  avorté,  enclavé  entre  le  second  grand  demi-cerceau 
et  le  larynx  inférieur  ; les  extrémités  du  second  demi-cerceau  sont 
fixées  au  larynx  lui-même;  l’extrémité  postérieure  est  très  grande 
et  triangulaire  ; deux  de  ses  faces  servent  à recevoir  la  masse 
musculaire  provenant  antérieurement  du  larynx,  qui  va  oblique- 
ment en  dehors,  et  enfin  se  tourne  en  arrière  et  en  bas.  Un  se- 
cond muscle  provient  de  cette  extrémité  du  second  demi-cerceau, 
et  se  dirige  dans  le  sens  opposé,  en  avant  et  en  bas,  se  fixant  aux 
deux  anneaux  suivants,  ainsi  qu’au  troisième,  qui  est  déjà  un  an- 
neau complet.  La  petite  membrane  tympaniforme  renferme  un 
cartilage  rond. 

Organe  de  la  voix  du  Colins.  — Il  a un  muscle  cantateui*  épais , 
et  offre  cela  de  particulier  que  le  premier  anneau  bronchique 
forme  un  bouclier  osseux  , triangulaire,  s’étendant  sur  le  second 
et  le  troisième.  C’est  à ce  bouclier  ([lie  s’insère  le  muscle,  qui 
donne  aussi  de  petits  fascicules  à la  partie  antérieure  du  second 
ef  du  troisième  demi- cerceau  ; le  ligament  vocal  est  situé  au 
bord  supérieur  du  premier  demi-cerceau  osseux.  Ont  été  exa- 
minés : ('olitts  capensis  et  guiritea  , Less. 

Organe  de  la  voix  des  Piprides,  — La  structure  du  larynx  diffère 
dans  les  diverses  espèces  de  Pipra.  Aucun  ne  possède  l’appareil 
multi-musculaire  servant  au  chant.  Le  Pipra  pareola  a un  muscle 
particulier  épais  et  large;  dans  les  Pipra  à courte  queue . P. 
auricapilla , Licht.,  et  P.  leucocilla,  ce  muscle  n’est  pas  plus 


DE  LA  VOIX  DES  l'ASSEUEADX.  103 

épais  que  le  muscle  latéral  de  la  trachée,  et,  chez  le  dernier,  il 
n’en  est  même  que  la  continuation. 

Le  premier  et  le  second  anneau  des  bronches  du  leucocilla 
sont  des  anneaux  entiers  ; le  troisième  est  très  grand , osseux,  et 
presque  entier.  C’est  à lui  qu’est  fixé  le  ligament  vocal , et  il  reçoit 
le  muscle , qui  se  divise  en  une  partie  antérieure  et  une  posté- 
rieure. Depuis  le  troisième  , tous  les  anneaux  ne  sont  que  des 
demi-cerceaux  ; dans  le  P.  aurinapilla , les  deux  premiers  an- 
neaux sont  aussi  entiers;  le  troisième  est  une  plaque  osseuse, 
large  , sur  laquelle  se  fixe  le  muscle  du  chant.  Les  bronches  du 
P.  pareola  sont  encore  différentes.  Aucun  des  Piprides  n’a  de 
cartilage  aryténoïde  dans  la  membrane  tympaniforme , comme 
elle  existe  généralement  dans  les  Muscicapides  américaines. 

Organe  de  la  voix  de s Muscicapides  du  Nouveau  Monde.  — 11 
s’y  trouve  plusieurs  formes  différentes , qui  n’ont  de  commun  que 
l’absence  de  l’appareil  musculaire  propre  au  chant.  Il  n’y  a 
qu’un  seul  muscle,  parfois  très  épais  et  très  long,  mais  si  petit 
chez  quelques  uns  qu’il  ne  paraît  être  qu’un  prolongement  du 
muscle  latéral  de  la  trachée.  Elles  ont  toutes  un  cartilage  aryté- 
noïde dans  la  membrane  tympaniforme  , et,  chez  la  plupart,  les 
premiers  anneaux  des  bronches  sont  complets  , de  façon  qu’ils 
constituent  pour  ainsi  dire  une  continuation  de  la  trachée.  Une  de 
ces  formes  qui  se  rencontrent  parmi  les  Muscicapides  améri- 
caines a été  observée  par  Audubon.  Dans  son  Ornitliological  Ilio- 
yraphg  des  Muscicapides  de  l’Amérique  du  Nord,  cet  auteur  dit 
que  les  Muscicapides  américaines  n’ont  qu’un  seul  muscle  fort , 
servant  au  chant:  c’est  cette  forme  que  j’ai  observée  dans  les 
Tyrannus , lilænia  et  Platyrhynchus.  Le  muscle  forme  une  masse 
épaisse , mais  toutes  les  fibres  sont  parallèles  ; la  partie  posté- 
rieure du  larynx  et  des  anneaux  bronchiques  ne  sont  pas  recou- 
verts par  la  masse  musculaire. 

Chez  le  Tyrannus  sulpliuralus , Cuv.  ( Saurophagus  sulphu- 
ratus,  S\v.),  les  cinq  premiers  anneaux  bronchiques  ne  sont 
presque  pas  mobiles  ; les  trois  premiers  sont  des  anneaux  com- 
plets ; les  demi-cerceaux  commencent  après  le  troisième  ; le  muscle 
s’insère  au  quatrième  et  à la  partie  postérieure  du  cinquième 


J.  Ml  I.I.BOU.  — SI  U I.KS  OUÜAXKS 


104 

anneau.  C’est  avec  le  sixième  que  commencent  les  demi- cerceaux 
mobiles  : entre  celui-ci  et  le  suivant  se  trouve  la  membrane  tym- 
paniforme;  il  n’y  a point  de  ligaments  vocaux  particuliers.  Le 
Tyrannus  ferox  n’a  qu’un  seul  anneau  bronchique  complet;  le 
muscle  s’insère  au  suivant.  Le  cartilage  aryténoïdien  est  très 
grand  ; il  est  formé  d’un  grand  et  d’un  petit  cartilage  réunis  par 
de  petits  ligaments. 

L 'Elœnia  brcvirostris  (voy.  Tschudi,  Wiegm.  Arch.,  18îi4)  et 
\' Elœnia  pagana,  Sund.  (Muscicapa  pagana,  Licht.  ; Plalyrhyn- 
clnis  pagamts ) offrent  une  conformation  semblable  ; la  dernière  n’a 
point  d’anneau  bronchique  complet.  Un  Platyrhynchus  du  Pérou 
avait  de  deux  à trois  anneaux  bronchiques  complets. 

11  y a une  autre  forme  de  Muscicapides  qui,  pour  l’organe  de 
la  voix,  diffère  tout-à-fait  des  Tyrannus,  Elœnia  et  Platyrhynchus  : 
c’est  un  nouveau  genre  distinct  et  facile  à reconnaître  ; car  les 
trois  ou  quatre  premières  pennes  rémiges  ( Schwungfeclern ) sont 
plus  petites  que  les  suivantes.  Dans  le  genre  Coloplerus,  Cab. , 
et  les  deux  espèces  décrites  par  Cabanis  dans  le  Voyage  de  Rich. 
Schomburgk  , la  partie  inférieure  de  la  trachée  est  aplatie  laté- 
ralement sur  les  douze  derniers  anneaux,  qui  sont  fendus  posté- 
rieurement; une  lisière  osseuse  en  connexion  avec  le  tambour 
s’insère  dans  cette  fente  longitudinale.  Les  quatre  premiers  demi- 
cerceaux  sont  très  larges;  au  quatrième  s’insère  un  muscle,  qui 
prend  une  direction  oblique  de  haut  en  bas  et  en  arrière  , et  qui 
devient  pointu  à sa  partie  inférieure.  Il  y a , en  outre,  un  muscle 
impair,  considérable,  fort  singulier,  qui  raccourcit  antérieure- 
ment la  partie  inférieure  de  la  trachée,  et  va  jusqu’au  tambour. 

Le  genre  Pyrocephalus  , Gould.  ( Muscicapa  coronata , Cuv.) 
se  distingue  en  ce  que  les  muscles  latéraux  de  la  trachée  se  tour- 
nent en  avant  dans  leur  partie  inférieure , en  confluant  en  une 
pointe  musculeuse  qui  se  termine  au  dernier  anneau  de  la  tra- 
chée. Les  muscles  qui  meuvent  les  anneaux  bronchiques  sont 
réduits  à leur  minimum  ; un  vestige  musculaire  va  du  dernier 
anneau  de  la  trachée  à la  circonférence  antérieure  du  second 
cerceau  bronchique. 

Dans  les  genres  Myiobus,  Gray,  et  Mionectes,  Cabanis,  le 


1ÏK  I.V  VOIX  1)158  l’ASSlilli:  U 


S 05 


muscle  latéral  de  la  trachée  reste  simple  jusqu'aux  bronches,  et 
il  n’y  a pas  d’autres  muscles  servant  au  chant.  Ont  été  examinés  : 
1 lyobius  crythrurus , Mus.  Berol.,  et  Mionectes  leucocephalvs  , 
Cabanis  (Museicapa  leucocephala  , Tenu».;  Todus  lencocephalus . 

Gm.). 

Les  Fluvicolines  américaines  aussi,ne  sont  que  des  Passereaux 
à muscle  vocal  simple,  à peu  près  comme  on  le  trouve  dans  le 
Tyrannus  et  YElœnia;  les  muscles  latéraux  de  la  trachée  se  ter- 
minent antérieurement.  Ont  été  examinés  : Fluvicola  bicolor  (.1/ us- 
cicapa  bicolor,  L.  Gm.  ; 1 /.  albiventris,  Spix)  et  Y. Honda  rvfa  oui 
genus  Centrophanes , Caban.,  qui  appartient  aussi  à cette  famille. 

Les  autres  Oiseaux  à muscles  vocaux  simples  ont  été  men- 
tionnés plus  haut;  il  faut  y ranger  encore  le  Steatornis.  Le  Croto- 
pbaga  lui  ressemble,  en  ce  que  la  voix  ne  se  forme  point  à la 
division  de  la  trachée,  mais  plus  bas  dans  les  bronches;  le  (’roto- 
phaga  major  a huit  anneaux  complets  des  bronches  ; le  muscle  s’in- 
sère au  dixième. 

Les  conséquences  systématiques  de  ces  recherches  anatomiques 
sont  faciles  à déduire;  il  suffit,  pour  le  moment,  d’insister  sur  les 
points  de  vue  généraux.  Il  résulte  incontestablement  de  ce  qui  a 
été  dit  qu’on  ne  peut  pas  séparer  les  Oiseaux  chanteurs  des  autres 
Passereaux.  11  n’v  a qu’une  seule  grande  tribu  des  Inccssores  ou 
Passereaux,  qui  doit  même  aussi  embrasser  les  Syndactyli  et 
les  Scansores.  Le  larynx  des  Perroquets  est  bien  plus  haut  placé, 
quant  à l’organisation,  que  l’organe  de  la  voix  de  beaucoup  d’Oi- 
seaux  appelés  chanteurs.  Cette  tribu  des  Jneessores  contiendra 
des  Oiseaux  à appareil  musculaire  vocalisateur  compliqué,  et  des 
Oiseaux  qui  n’ont  plus  du  tout  de  muscles  pour  le  chant. 

La  transition  de  l’un  à l’autre  se  fait  d’une  manière  insensible. 
Dans  VUpupa,  le  muscle  latéral  de  la  trachée  s’insère  au  premier 
demi-cerceau  peu  mobile  des  bronches;  de  celte  disposition  il  n’y 
a plus  qu’un  passage  presque  imperceptible  à celle  où  il  n’atteint 
plus  du  tout  les  bronches,  comme  dans  les  Prionitis,  Trogon, 
Hamphastos,  Corythaix.  Pourtant  ces  Oiseaux  ne  sont  pas  privés 
des  conditions  générales  pour  la  formation  de  la  voix,  étant  munis 
de  plis  membraneux  vibrants  entre  les  demi-cerceaux  mobiles. 


J.  MULLER.  — SLR  LES  ORGANES 


106 

Quelques  uns  ont  encore  d’autres  éléments;  c’est  ainsi  que  le 
Prionitis  a un  cartilage  aryténoïdien  de  la  membrane  tympani- 
forme  très  grand  fixé  au  larynx  inférieur. 

Quelques  tribus  se  distinguent  par  une  conformation  du  larynx 
semblable,  concordante  dans  tous  les  genres,  tels  sont  les  Syndac- 
tyli  ; dans  d’autres , il  y a diverses  formes  de  larynx , de  simples 
et  de  plus  compliquées  : c’est  ainsi  que  , parmi  les  Scansores,  se 
font  remarquer  les  Psittacus.  11  faut  sans  doute  placer  différem- 
ment les  Ampelis , liupicola,  Cephalopterus , Gymmcephalus , et 
les  rapprocher  des Coracias,  Upupa,  Alceda,  Buceros,  Prionitis  et 
Merops;  le  liupicola  est  même  un  Syndactylus.  Mais  nous  ne  pou- 
vons pas  non  plus  étendre  tellement  loin  la  domination  delà  con- 
figuration du  larynx , que  tous  les  Oiseaux  à larynx  semblables 
dussent  être  rapportés  à une  seule  et  môme  division,  renfermant  ^ 
par  exemple  tous  les  Oiseaux  munis  de  l'appareil  musculaire  ser- 
vant au  chant;  il  faudrait  mettre  alors  dans  la  même  division  les 
Lanins  rapaces  avec  les  Fringilla  granivores.  Les  Thamnophilus 
et  Myiothera  se  rapprochent  davantage  des  Lanius  par  leur  genre 
de  vie  que  des  Fringilla,  lors  même  qu’ils  diffèrent  des  deux  par 
leur  larynx  ; ils  sont  sans  doute  le  typé  d’une  famille  propre , donL 
les  autres  membres  restent  à chercher.  Le  genre  C inclus,  muni  de 
l’appareil  musculaire  pour  le  chant,  rapporté  par  Swainson  aux 
Uyiotheriæ,  ne  doit  pas  y être  classé;  eu  général,  les  familles 
d’Oiseaux  établis  par  Swainson  et  par  O ray  ne  doivent  être  regar- 
dées que  comme  des  dispositions  provisoires  qui  ne  sont  pas  tou- 
jours très  heureuses.  Les  vraies  familles  et  sous-familles  des  Passe- 
reaux restent  encore  à déterminer  d’après  l’anatomie.  Parmi  les 
Muscicapides,  si  semblables  par  leur  exlérieur,  il  faut  séparer  les 
formes  de  l’ancien  et  du  nouveau  monde  , tout-à-fait  différentes 
par  le  larynx  ; on  pourrait  appeler  les  premières  M uscicapides  , les 
autres  Tyrannides  ; mais  ce  ne  seraient  pas  les  Muscicapinœ  et 
les  Tyranninœ  de  Swainson  et  de  Gray , classification  fautive. 
Swainson  a séparé  les  Tyrannus  et  oiseaux  semblables  des  Mnsci- 
capides  américaines , et,  par  contre  , les  Muscicapides  africaines 
avec  les  américaines  ont  été  mises  ensemble  dans  ses  Muscica- 
pinœ,  ce  qui  est  tout-à-fait  contre  les  affinités  intérieures  aujour- 


DU  LA  V0!\  DUS  DASSUKUAUX. 


107 

d’hui  bien  démontrées.  Tous  les  genres  examinés  des  Muscicapides 
européennes  et  africaines  ont  l’appareil  musculaire  compliqué 
l>our  le  chant.  Ont  été  examinés  : Muscicapa  atricapilla,  L.  ; 
Muscicapa  g r isola  , L.  (Europe);  Muscicapa  atronilens , Mus. 
lierai.  (Afrique,  Mozambique) ; Muscipeta  parailisi,  S\v. ; Pla- 
tystera  succincta,  Mus.  Bcrol.  (Afrique).  Tous  les  genres  de 
Muscicapides  américaines  n’avaient  pas  d’appareil  musculaire 
pour  le  chant.  Ont  été  examinés  les  genres  T yrannus  , Cuv.  ; et 
encore  de  plus  près:  Saurophagus , Sw.  ; Tyrannula , Sw. ; Pla- 
tyrhynchus , Sw.  ; Pyroceplialus , Gould;  Myionecles  , Cabanis; 
Myiobius,  Gray  ; Coloplerus,  Cabanis.  Ce  genre  Culicivora,  Sw. , 
muni  d’un  seul  appareil  musculaire  pour  le  chant  (a  été  examiné 
le  Sylvia  ( culicivora ) bivittala.  Mus.  Berol.),  ferait  une  excep- 
tion si  ce  genre  appartenait  aux  Muscicapinæ,  où  Gray  les  place. 
Swainson  , s’appuyant  sur  ce  caractère  , paraît  avoir  rangé  avec 
raison  les  Culicivora  parmi  les  Sylvianœ. 

L7 lirundo  et  le  Cypsehis  ont  pour  le  larynx  à peu  près  les 
mêmes  rapports  que  ceux  qui  existent  entre  les  Muscicapides  de 
l’ancien  et  du  nouveau  monde.  On  ne  peut  pas  les  réunir  en  une 
seule  famille  ; mais  ils  ne  sont  pas  tellement  éloignés  l’un  de  l’autre 
qu’on  ne  puisse  les  classer  dans  des  ordres  différents.  Il  existe  un 
rapport  tout-à-fait  analogue  entre  les  Xectarima  elle  Trochilus , 
ainsi  qu’entre  les  Fringilles  et  les  Colins. 

C’appareil  musculaire  pour  le  chant  proprement  dit,  et  la  forme 
avec  un  seul  muscle  plus  ou  moins  épais,  sont  les  formes  de  la- 
rynx les  plus  répandues.  La  première  de  ces  deux  formes  prédo- 
mine en  Europe  et  en  Afrique;  la  seconde  compte,  dans  l’ancien 
monde,  les  genres  Alcedo,  Colins,  Coracias,  Eurystomus,  Capri- 
mulgus , Cypselus,  Upupa,  Merops,  Buceros,  Picus,  Yunx,  Cu- 
culus,Centropus,Malcoha,  Pogonias.  Les  formes  de  l'appareil  mus- 
culaire pour  le  chant  ont  été  examinées  sur  les  oiseaux  d’Afrique 
qui suivent:  Malaconolus  Sw.,  Dryoscopus  Boie,  Dicrurus  Vieill. , 
l.umprotornis  Temm.,  Icos  T.,  Putrocossyplius  Boie,  Cralero- 
pus  Sw. , Campephaga  Vieill.,  Cracula  Cuv.,  Muscipeta  Sw. , 
Platystera  Jard. , Zosterops  Horfs. , Vig  , Te.vtorV. , Ploceus  Cuv. , 
A madina  Sw. , Crithagra  Sw.,  Estielda  Sw. , Macronyx  Sw. , 


108  J.  HliLLCR.  — SUl  LUS  OllüAMiS  DE  LA  VOIX,  ETC. 
Euplectes  Svv.,  Cimyris  Cuv. , Philedon  Cuv.  Dans  le  nouveau 
monde,  les  formes  simples  prédominent  sur  les  compliquées  : 
aussi  les  cris,  bien  plus  que  les  chants,  retentissent  dans  les  forêts 
de  l’Amérique. 

Des  formes  particulières  et  peu  répandues  du  larynx  sont  celles 
des  Psittacines,  des  Thamnophilus , des  Opethiorliynchus,  des  Tro- 
chilus,  des  Chasmarhynclius,  qui  aussi,  pour  la  plupart,  se  rap- 
portent au  nouveau  monde.  Les  Psittacus , Alcedo,  Hirundo, 
Cypselus,  Caprimulgus,  Picus,  Cuculus,  Fringilla,  Sylvia,  T ar- 
dus, Neclarinia,  montrent,  dans  l’ancien  et  dans  le  nouveau 
monde,  des  caractères  concordants  pour  chaque  genre. 

Les  matériaux  employés  sont  des  Oiseaux  conservés  dans  l’es- 
prit de  vin.  Ce  sont  plusieurs  centaines  de  Passereaux  apparte- 
nant à cent  genres  et  sous-genres  différents.  Les  Passereaux  aus- 
traliens y manquent  encore  pour  la  plupart.  Les  formes  améri- 
caines proviennent  des  voyages  de  MM.  de  Olfers,  Sello,  Deppe, 
Rich.  Schomburgk de  Winterfeld;  les  africaines,  des  voyages 
de  MM.  Krebs  et  Peters;  beaucoup  ont  été  acquises  par  achats,  et 
depuis  longtemps  on  a collecté,  dans  ce  but,  les  animaux  entiers 
et  non  disséqués,  conservés  dans  de  l’alcool , étant  bien  plus  inté- 
ressants pour  la  science  que  des  préparations  anatomiques  de 
parties  isolées.  Nous  désirons  vivement  qu’on  soit  généralement 
convaincu  que  la  peau  seule,  sans  conservation  d’exemplaires  cor- 
respondants dans  de  l’alcool,  n’offrent  que  peu  d’instruction,  et 
que  ces  derniers  ont  une  plus  grande  valeur  que  la  première 
seule. 

La  détermination  des  espèces  devait  être  exacte  pour  le  but  de 
ce  travail,  tant  par  rapporté  l’espèce  qu’au  sous-genre  et  à la 
synonymie.  L’auteur  ne  pouvait  pas,  pour  cela,  se  fier  à ses  pro- 
pres études  et  connaissances  ornithologiques  ; c’est  pour  cela  que 
les  exemplaires  conservés  dans  de  l’alcool  ont  été  comparés  avec 
les  Oiseaux  secs  du  Musée  zoologique^et  déterminés  par  un  orni- 
thologiste de  profession,  M.  Cabanis,  aide-naturaliste  du  Musée 
zoologique;  c’est  lui  aussi  qui  fournira  la  description  des  Oiseaux 
nouveaux  du  voyage  de  Rich.  Schomburgk. 


ESSAI 


109 


n’iNE  MONOGRAPHIE  Dl'  T IC  ItG  IP  F S EDWAIWSII; 

Par  M.  ALEX.  DE  NORDMANN, 

l’iiiffsscni  ù Odessa  (IJ. 


PREMIERE  PARTIE. 

ZOOLOGIE  ET  ANATOMIE. 

La  mer  Noire  est  extrêmement  pauvre  en  animaux  inférieurs. 
On  ne  trouve  dans  les  environs  d’Odessa  que  deux  espèces  très 
petites  de  Nudibranches,  que  je  range  dans  le  genre  Tergipes, 
en  me  fondant  sur  la  figure  que  M.  de  Blainville  a donnée  de  ce 
genre  dans  sa  Malacologie  (1*1.  40,  fig.  0). 

TERGIPES. 

Character  generis  : 

Corpus  oblongum , elongatum  , pallio  discreto  nullo , in  caudam  pro- 
cessu  lanceolato  attenuatum. 

Tenlacula  2 filiformia,  elongata,  aille  duos  oculos  in  verlice  posila. 
Caput  discrétion , processu  frontali  filifornii  vel  triangulari  utrinque  in- 
structum.  Dorsum  appendicibus  lurgidis , clavatis , per  paria  seriebus 
duabus  longitudinalibus  dispositis;  ano  inter  prinium  et  secundum  par 
sito.  Aperturæ  sexuales  in  latere  dextro  anteriore. 

(I  ) Remarques  du  traducteur.  — Le  Mémoire  de  M.  Nordmann  a paru  trop 
étendu  pour  pouvoir  être  traduit  m extenso.  J'ai  donc  cru  devoir  me  borner  à 
une  analyse  détaillée  , en  conservant  cependant,  partout  où  cela  était  possible  , 
l'expression  de  l'auteur,  et  en  ne  retranchant  que  des  digressions  qui  quelquefois 
m'ont  paru  étrangères  au  sujet,  et  qui,  dansd  autres  cas,  reposent  sur  des  faits  et 
des  opinions  modifiés  dans  ces  derniers  temps.  Les  recherches  de  M.  Nordmann  ont 
été  commencées  en  1 840,  achevées  en  I 843  ; elles  ont  été  soumises  à l'Académie 
de  Saint-Pétersbourg  en  février  18  44.  Il  résulte  de  là  que  les  recherches  si  mul- 
tipliées qui  ont  été  faites  dans  cesderniers  temps,  sur  l'ordre  des  Nudibranches, 
étaient  entièrement  inconnues  à M.  Nordmann,  cl  je  ne  doute  pas  que  ce  célèbre 
observateur  n'eût  modifié  en  bien  des  points  ses  opinions  s'il  avait  pu  tenir 
compte  des  lumières  qui  ont  jailli  des  discussions  soulevées  à propos  de  l'anatomie 
de  ces  Mollusques.  Voc.t, 


I 1 0 UE  KORDMANIV. 


SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSII. 


1.  TERGIPES  Edwadrsii  , N. 

T.  corpore  albido , processible  frontalibus  etongalis,  filiformibus,  ap- 
peudicibus  ilorsalibus  clavatis,  simplicibus  8.  Long.  2 lin. 

2.  TERGIPES  ADSPERSUS,  N. 

T.  corpore  albido  supra  maculis  cærulescenlibus  adsperso  : processible 
frontalibus  brevioribus  triangularibus;  appendicibus  dorsalibus  cla- 
vatis  10,  quorum  3,  anteriora  paria  ad  basin  furcata.  Long.  1 2/3  lin. 

Le  Tergipes  Edwardsii  a un  corps  allongé,  conique,  pointu 
en  arrière.  Les  deux  véritables  tentacules,  placés  dans  la  nuque, 
au-devant  des  yeux,  sont,  dans  l’état  d’expansion,  à peine  un  peti 
plus  courts  que  le  corps,  non  compris  l’appendice  caudal;  ces 
tentacules  sont  filiformes , ronds , un  peu  plus  épais  à la  base , et 
arrondis  aux  extrémités.  La  tète  est  assez  distincte  , arrondie  en 
avant , et  pourvue  de  deux  prolongements  filiformes  assez  courts 
qui  sont  placés  sur  le  front , et  avec  lesquels  l’animal  tâtonne  en 
rampant.  La  peau  est  si  serrée  autour  du  corps  qu’on  ne  peut  pas 
parler  d’un  manteau.  Quatre,  rarement  cinq  paires  d’appen- 
dices simples  en  forme  de  massue  sont  placées  le  long  du  corps  ; 
ces  appendices,  que  l’on  a regardés  généralement  comme  des 
branchies,  sont  épais , étranglés  un  peu  au-dessous  de  leur  extré- 
mité , et  peuvent  s’allonger  et  se  rétracter  comme  les  tentacules. 
L’extrémité  postérieure  du  corps  a un  petit  appendice  transparent 
en  forme  de  lancette,  qui  est  pourvu  de  bords  faiblement  crispés. 
Le  pied  est  un  peu  plus  large  que  le  corps  ; la  couleur  de  l’animal 
est  d’un  blanc  bleuâtre,  le  pied  est  jaunâtre  surtout  le  long  dé 
scs  bords  ; les  extrémités  des  appendices  dorsaux  sont  d'un  blanc 
de  neige. 

Le  Tergipes  adspersus  a des  processus  frontaux  beaucoup 
plus  courts,  d’une  forme  triangulaire,  et  placés  latéralement; 
le  dos  porte  quatre  ou  cinq  paires  d’appendices  en  forme  de 
massue,  dont  les  trois  premières  sont  fendues  longitudinalement, 
et  par  conséquent  doubles.  Le  corps  est  aussi  d’un  blanc  laiteux  , 
mais  peu  transparent;  il  est  marqué,  surtout  sur  le  dos,  aux 
environs  des  capsules  auditives,  de  nombreuses  lâches  irrégu- 


B»E  \«K»Nm.  — sur.  II!  TKRGII’KS  l'DWAHDSlL  M l 
Hères  et  bleuâtres  : les  yeux  sont  d’un  bleu  sombre,  comme  dans 
l’espèce  précédente. 

La  vie  du  Tergipes  Edwardsii  dure  au  moins  deux  ans  ; on 
le  trouve  surtout  sur  les  plantes  marines  couvertes  de  divers 
Zoophytes,  tels  que  les  Corynes,  les  Campanulaires,  les  Bower- 
bankies,  etc. 

En  observant  journellement  ces  animaux,  j’ai  été  étonné  de- 
voir qu’ils  étaient  soumis  à un  renouvellement  temporaire  *de 
l’épiderme  de  tout  le  corps. 

Les  cils  vibratilesde  la  surface  du  corps  ne  suivent  pas  la  dé- 
pouille transparente  et  sans  structure  de  l’ancien  épiderme , ce 
qui  paraît  être  en  contradiction  avec  la  régénération  et  la  des- 
quamation continuelle  de  l’épithélium  vibratile  des  vertébrés.  Je. 
croyais  d’abord  m’ètrc  trompé;  mais,  après  avoir  vu  plusieurs 
fois  ce  renouvellement  de  la  peau  s’opérer  sous  le  microscope , 
je  ne  puis  plus  avoir  de  doute  sur  l’exactitude  de  mon  observa- 
tion. Les  cils  de  la  peau  nouvelle  ne  commencent  à vibrer  que 
lorsque  le  nouvel  épiderme  entre  en  contact  avec  l’eau;  la  des- 
quamation se  répète  toutes  les  deux  ou  trois  semaines,  sans  qu’il  y 
ait  une  périodicité  fixe. 

Les  résultats  suivants  se  rapportent  uniquement  au  Tergipes 
Edwardsii,  dont  j’ai  disséqué  plus  de  deux  cents  individus; 
l’autre  espèce,  dont  je  n’ai  pu  trouver  en  tout  que  six  indi- 
vidus, montre  absolument  les  mêmes  traits  d’organisation  et  de 
développement. 


La  peau. 

La  peau  ou  le  manteau  peut  être  considérée  comme  composée 
de  quatre  couches  différentes.  La  couche  la  plus  externe,  l’épi- 
derme, ne  se  voit  qu’à  la  desquamation.  C’est  une  membrane 
extrêmement  mince,  transparente,  sans  structure,  qui  est  si  bien 
appliquée  contre  la  seconde  couche,  qu’on  ne  l’observe  pas  dans 
les  circonstances  ordinaires.  Elle  doit  être  perforée  par  les  fais- 
ceaux des  cils  vibratiles,  puisque  ces  derniers  ne  se  détachent  point 
lors  de  la  desquamation. 

La  seconde  couche,  plus  épaisse,  est  formée  par  un  tissu  mou, 


112  DF,  NORDM4XX.  — SU  K LE  TEItGIl’ES  EDVVA11DSII. 
gélatineux,  composé  d’une  quantité  innombrable  de  cellules  irré- 
gulières, arrondies  ou  polygonales,  qui  constituent  un  réseau 
fin  que  l’on  voit  surtout  très  bien  sur  les  appendices  dorsaux  , 
lorsque  ces  derniers  sont  à l’état  d’expansion.  On  remarque  dans 
les  mailles  de  ces  réseaux  des  cellules  de  grandeurs  difi’érentes, 
avec  des  noyaux  et  des  masses  grenues;  on  y trouve  aussi  les 
cellules  vibratiles  avec  leurs  noyaux.  Les  cils  très  fins  et  très 
courts  de  ces  cellules  forment  des  faisceaux  qui  se  trouvent  sur 
toutes  les  parties  du  corps,  et  qui  sont  probablement  disposés  par 
séries  plus  ou  moins  irrégulières. 

La  troisième  couche  tégumentaire  forme  une  couche  plus  épaisse 
de  faisceaux  et  de  fibres  musculaires  très  apparents,  dont  la  direc- 
tion est  différente,  d’après  les  différents  endroits  du  corps.  Dans 
la  partie  postérieure  du  corps,  ces  fibres  se  dirigent  obliquement 
de  haut  en  bas,  et  paraissent  se  croiser  transversalement  avec 
d’autres  fibres  plus  profondes.  Sur  les  appendices  dorsaux,  au 
contraire,  et  surtout  sur  les  tentacules,  ces  fibres  forment  des  an- 
neaux transverses  qui , en  s’éloignant  ou  en  se  rapprochant,  peu- 
vent allonger  ou  contracter  ces  organes.  Le  pied  est  entièrement 
musculaire. 

On  trouve,  au-dessous  de  celte  couche  musculaire,  une  ou  plu- 
sieurs strates  de  cellules  transparentes  ou  de  corps  concrétion- 
naires  de  forme  diverse , sur  lesquels  je  reviendrai  plus  tard.  Ces 
corps  sont  surtout  répandus  sur  toute  la  face  interne  du  pied , où 
ils  présentent  les  dimensions  les  plus  considérables  et  des  con- 
tours angulaires  qui  les  font  ressembler  à des  cristaux.  Ils  se  dis- 
tinguent des  ganglions  nerveux  du  voisinage  seulement  par  leurs 
contours  anguleux  et  par  leur  non-continuité. 

Ces  corps  sont  plus  petits  et  plus  ovalaires  dans  les  tentacules, 
plus  grands  et  anguleux  sous  la  peau  des  appendices  dorsaux.  Ils 
remplissent  l’espace  entre  la  peau  et  les  viscères , et  contiennent 
encore  assez  souvent  d’autres  granules  plus  petits.  On  les  voit 
glisser  en  avant  et  en  arrière,  lors  des  mouvements  de  l’animal. 


DE  \ORI>VIA\X.  — SIR  LF.  TERG1PES  EDWARDSII.  113 


Système  digestif. 

La  bouche  forme  une  lente  verticale  placée  sous  l’extrémité 
antérieure  et  inférieure  (le  la  tête,  entre  les  deux  tentacules  fron- 
taux. 

La  masse  buccale  (l’I.  1,  fig.  1,  ü)  a la  forme  d’une  poire 
rétrécie  en  arrière,  arrondie  à la  base,  large  au  milieu,  voûtée 
sur  les  côtés,  plus  mince  et  arrondie  de  nouveau  en  avant. 

L’ouverture  buccale  est  couverte  en  haut  par  une  masse  épaisse, 
molle,  échancrée  au  milieu  de  son  bord  antérieur;  je  considère 
cette  masse  comme  la  lèvre  supérieure.  Son  bord  est  recourbé  de 
haut  en  bas,  de  manière  à pendre  un  peu  par-dessus  l’ouverture 
buccale.  La  lèvre  supérieure  est  revêtue,  à l’intérieur  de  la 
cavité  buccale,  d’une  petite  plaque  faible,  cartilagineuse,  trian- 
gulaire, qui  est  la  mâchoire  supérieure.  Cette  mâchoire  supérieure 
est  presque  libre  et  se  distingue  seulement  au  dedans  par  deux 
saillies  cornées  d'une  couleur  jaunâtre* 

Les  deux  mâchoires  latérales  sont  fortes,  musculeuses  et  dis- 
posées en  ogive  allongée.  Elles  sont  larges  en  arrière,  plus  minces 
en  avant;  leurs  extrémités  antérieures  sont  cornées  et  finement 
dentelées.  Cette  substance  cornée  des  pièces  terminales  se  con- 
tinue dans  la  masse  musculaire  des  mâchoires,  en  suivant  leur 
contour  interne  et  externe , sous  forme  de  filet  mince.  Le  filet  in- 
terne forme  deux  arcs  concaves  distants  de  la  langue,  qui  se  rap- 
prochent ensuite,  et  se  perdent  après  dans  la  masse  musculaire, 
en  se  tournant  vers  la  périphérie.  Les  filets  externes  ne  peuvent 
être  suivis  que  jusque  vers  le  milieu  du  plus  grand  diamètre  trans- 
versal de  la  masse  buccale. 

Ces  parties  sont  couvertes  d’en  bas  pap  deux  coussins  très  mus- 
culaires, très  épais,  que  l’on  peut  regarder  comme  la  lèvre  infé- 
rieure. Elles  forment  la  plus  grande  partie  de  la  masse  buccale 
compacte,  sont  arrondies  à leur  extrémité  antérieure,  et  se  meu- 
vent très  souvent  pendant  que  l’animal  mange.  Leurs  contours 
antérieurs  se  perdent,  vers  le  milieu,  dans  le  coussin  musculaire. 


3'  sérié.  Zool.  T.  V.  ( Février  tSlti.  4 


8 


•H  »K  VOKIinAW.  — SU  H LU  TËltGU’ISS  LDWABDSII. 

La  langue. 

Cet  organe  (lig.  1,  D) , situé  dans  la  cavité  buccale , peut  être 
comparé  à une  bandelette  ou  à une  plaque  allongée,  étroite  et  mince. 
La  langue  se  confond,  par  sa  base  élargie,  avec  la  masse  mus- 
culaire de  la  cavité  buccale  postérieure,  se  replie  d’abord  de  bas  en 
haut,  et  à son  extrémité,  d’avant  en  arrière  et  en  bas,  de  manière 
à,  former,  comme  dans  la  Paludine,  un  S couché.  Sa  largeur  dimi- 
nue d’arrière  vers  la  pointe.  Je  ne  l’ai  trouvée  revêtue  d’aucune 
enveloppe  qui  empêcherait  d’ailleurs  l’action  des  dents  dont 
elle  est  garnie.  Un  anneau  cartilagineux , qui  est  attaché  à la 
substance  musculaire  de  la  cavité  buccale,  sert  de  point  d’appui  à 
la  base  de  la  langue,  sur  la  surface  de  laquelle  se  trouve  une  série 
de  plaques  semi-circulaires,  au  nombre  de  dix-huit  à vingt-deux. 
La  structure  de  ces  plaques  est  partout  la  même;  elles  diminuent 
seulement  de  grandeur  vers  la  pointe  de  la  langue.  Chacune  de 
ces  plaques  porte  plusieurs  dents  rapprochées,  triangulaires  et 
acérées  au  sommet.  La  dent  du  milieu  est  toujours  la  plus  grande, 
tandis  que  celles  de  côté  diminuent  progressivement.  Ces  plaques  se 
régénèrent  sans  doute,  progressivement,  d’arrière  en  avant  ; car  les 
plaques  antérieures  sont  souvent  très  distinctement  usées,  tandis 
que  les  plaques  postérieures , par  leur  consistance  molle  et  leurs 
contours  peu  avancés,  témoignent  d’un  développement  moins 
avancé.  Toute  la  langue  est  d’ailleurs  transparente;  les  plaques 
et  les  dentelures  se  composent  d’une  substance  dure  et  cassante. 
L’animal  emploie  sa  langue  pour  gratter,  l’un  après  l’autre,  les 
Polypiers  qu’il  mange.  Souvent  alors  on  voit  la  langue  sortir  de 
la  cavité  buccale  ; car  ce  sont  surtout  la  pointe  de  la  langue  ainsi 
que  les  lèvres  supérieure  et  inférieure  qui  sont  employées  dans 
l’acte  de  la  mastication. 

Le  système  musculaire  de  la  langue,  qui  est  très  mobile,  est 
composé  d’abord  de  deux  muscles  divergents  qui  s’attachent  au 
milieu  de  cet  organe,  et  qui  sont  les  rétracteurs  de  la  langue. 
D’autres  muscles  venant  de  directions  opposées  s’insèrent  sur  les 
plaques  linguales  postérieures  et  servent  d’antagonistes  aux  pre  - 
miers. Le  pharynx  a une  forme  ovalaire  et  des  parois  épaisses  ; 


nu  ixuKimtitv.  — s (j u le  tergipks  kdwardsii.  -115 
il  est  suivi  d’un  œsophage  court  qui  monte  dans  l’estomac  , et  qui 
est  garni  de  cils  vibratiles  dont  le  courant  va,  non  pas  de  dehors 
en  dedans,  comme  on  pourrait  le  soupçonner,  mais  de  dedans 
en  dehors. 

La  cavité  digestive. 

L’estomac  (iig.  1,  G)  est  situé  immédiatement  sous  la  peau  dor- 
sale, entre  les  ganglions  nerveux  et  la  première  paire  d’appendices 
dorsaux  ; il  est  entouré  en  partie  par  les  circonvolutions  du  foie.  11 
est  assez  spacieux , voûté  en  haut , et  d’une  forme  irrégulièrement 
ovalaire.  Ses  parois  sont  tellement  minces , que  l’on  distingue  le 
mouvement  des  aliments  avalés,  même  sans  le  concours  du  com- 
presseur. Le  tissu  de  l’estomac  est  très  particulier;  il  a l’air  d’être 
composé  d’une  multitude  innombrable  de  petites  pointes  dis- 
posées à des  intervalles  réguliers.  Ces  pointes  sont  tellement 
petites,  que  l’on  ne  peut  déterminer  si  ce  sont  réellement  des 
saillies  ou  des  enfoncements  ; l’épithélium  interne  de  l’estomac 
est  en  outre  garni  de  cils  longs  et  mous,  dont  le  mouvement 
ondulatoire  communique  aux  aliments  une  rotation  continuelle,  et 
qui  continue  même  après  la  dissection  et  le  déchirement  des  pa- 
rois stomacales. 

L’intestin  (fig.  l,J),qui  fait  suite  à l’estomac,  est  aussi  spacieux, 
mais  très  mince  de  parois.  Il  s’étend  en  serpentant,  sans  diminuer 
beaucoup  en  largeur,  au-dessous  de  la  peau  dorsale,  jusque  vers 
l’appendice  caudal  foliacé , oii  il  devient  plus  mince  et  tortueux. 
Les  aliments  retournent  par  le  même  chemin  ; l’intestin  forme 
deux  diverticules  assez  larges  des  deux  côtés  de  l’estomac,  et  finit 
par  un  retour  qui  conduit  vers  l’anus,  situé  un  peu  à droite  de  la 
ligne  médiane,  entre  la  première  et  la  seconde  paire  d’appen- 
dices dorsaux. 

Les  appendices  dorsaux  contiennent  des  cæcums  distinctement 
limités  par  une  membrane  en  forme  de  sac  (fig.  1 , K).  On  voit,  dans 
l’intérieur  de  ces  cæcums,  des  ombrelles  de  Campanulaires,  des 
Infusoires,  des  tentacules  ciliés  de  Membranipores , des  vésicules 
d’air,  que  l’animal  avale  quelquefois,  et  que  l’on  voit  émigrer 
souvent  d’un  cæcum  dans  l’autre,  jusqu’à  ce  qu’ils  soient  enfin  ex- 


116  DE  ItOR»M*K\.  — SliK  Mi  TEUG1PKS  JiüWARDSIl. 
pulsés  par  la  bouche.  L’intestin  est  donc  ramifié,  et  le  nombre  des 
cæcums  dépend  du  nombre  des  appendices  dorsaux.  Tout  le  canal 
intestinal,  aussi  bien  que  les  cæcums,  exercent  des  contractions 
péristaltiques,  par  lesquelles  les  aliments  sont  poussés  d’avant  en 
arrière , et  vice  versâ , jusqu’à  ce  que  le  reste  en  soit  expulsé  par 
l’anus. 

On  ne  trouve,  dans  tout  le  trajet  du  canal  intestinal  jusque 
vers  le  rectum,  aucune  trace  de  cils  vibratiles  ; le  rectum  (fig.  1 , M) 
seul  en  est  pourvu,  et  ses  cils  produisent  l’aspect  d’un  courant 
ondulatoire  qui  marche  de  dehors  en  dedans.  L’anus  (fig.  1,  2V), 
situé  immédiatement  derrière  le  cœur,  présente  une  petite  saillie 
en  forme  de  mamelon,  par  laquelle  sont  expulsés  les  excréments , 
sous  forme  de  masses  allongées  et  fusiformes.  L’intestin  s’élargit 
un  peu  avant  le  commencement  du  rectum,  et  présente  ici  un 
étranglement  en  formant  les  diverticules  mentionnés  (fig.  1 , L)  des 
deux  côtés  de  l’estomac. 

Le  foie  (t  ) est  très  grand  (fig.  1.0),  tortueux  et  membraneux.  Cet 
organe  est  situé,  pour  sa  plus  grande  masse,  au  dessous  de  l’esto- 
mac, à gauche,  dans  la  partie  antérieure  du  corps,  entre  les  ovaires 
et  les  orifices  génitaux,  plus  rapprochée  du  pied  que  de  la  peau 
dorsale.  11  forme  un  paquet  de  lobes  et  d’anses , dont  l’une  court 
parallèlement  au  pied  et  se  replie  subitement  en  avant  de  la  partie 
supérieure  de  la  glande  qui  est  en  communication  avec  le  vais- 
seau déférent.  Trois  autres  lobes  embrassent  l’origine  du  rectum 
et  se  plient  en  travers,  tandis  que  la  plus  grande  masse  du  foie 
s’étend  au-dessous  de  l’estomac  en  contournant  le  testicule.  Le  foie 
débouche  par  un  canal  étroit  dans  la  partie  postérieure  de  l’es- 
tomac, à gauche,  immédiatement  avant  le  commencement  de  l’in- 
testin. A l’origine  de  ce  canal  se  trouve  un  sac  ovale,  enfoncé  dans 
la  substance  du  foie,  et  d’un  jaune  intense,  que  l’on  doit  envi- 
sager comme  la  vésicule  biliaire  (fig.  1,  P).  Cette  vessie  biliaire 
est  pourvue  d’un  canal  excréteur  étroit  qui  se  dirige  en  arrière, 

j Il  La  détermination  de  cet  organe  nous  paraît  assez  contestable,  et  nous  croyons 
que  l'examen  des  autres  Nudibranches  prouve  jusqu'à  l'évidence  que  les  organes 
glandulaires  décrits  ici  sous  le  nom  de  foie,  par  M.  Nordmann  , font  réellement 
partie  des  organes  génitaux.  (Note  tlu  traducteur .) 


DE  %OKD>I\W.  — SlIH  LE  TERG1PES  EDWARDS».  117 
vers  la  face  dorsale,  mais  dont  je  n’ai  pu  suivre  tout  le  trajet  ; 
elle  se  trouve  déjà  dans  les  larves  du  Tergipes,  et  se  remarque 
dans  les  adultes  à l’extérieur.  C’est  sur  le  côté  gauche,  vis-à-vis  de 
l’orifice  génital , qu’il  faut  la  chercher. 

J’ai  trouvé  deux  glandes,  probablement  salivaires (fig.  1 ,F), 
qui  sont  situées  des  deux  côtés,  sur  la  face  dorsale  de  l’estomac,  et 
qui  sont  composées  d’une  substance  très  molle,  celluleuse,  formant 
plusieurs  lobes  allongés,  étroits,  à contour  très  peu  accusé.  Ces 
glandes  s’ouvrent  dans  le  fond  de  la  cavité  buccale  ; on  les  aper- 
çoit surtout  en  arrêtant  les  mouvements  de  la  masse  buccale 
qu’elles  suivent  continuellement. 

Je  dois  mentionner  encore  un  organe  glandaire  très  particulier 
(fig.  1 , ())  situé  entre  l’estomac,  le  foie  et  le  rectum.  Cet  organe, 
qui  a la  forme  d’une  bandelette  allongée,  se  rétrécit  petit  à petit  : 
il  est  composé  d’une  quantité  de  corps  sphériques  et  jaunâtres 
pourvus  de  longs  cils  vibratiles,  qui  sont  disposés  en  séries  sur 
quatre , trois  ou  deux  rangs  successivement.  Les  cils  continuent 
à vibrer  encore  plusieurs  heures  après  l’extraction  de  ce  corps, 
que  je  crois  pouvoir  envisager  comme  une  glande  urinaire,  quoique 
je  n’aie  pas  trouvé  de  canal  excréteur. 

Système  circulatoire. 

• Le  cœur  (fig.  1.  T)  est  situé,  dans  notre  animal,  exactement  dans 
la  ligne  médiane  du  corps,  immédiatement  au-dessous  de  la  peau 
du  dos,  derrière  l’estomac , entre  la  première  et  la  seconde  paire 
d’appendices  dorsaux  : il  n’est  pas  percé  par  le  rectum.  Je  n’ai 
pu  savoir  au  juste  s’il  est  enfermé  ou  non  dans  un  péricarde  par- 
ticulier. Quand  on  examine  le  cœur  d’en  haut , il  est  de  forme 
triangulaire  et  composé  de  deux  parties,  d’un  ventricule  et  d’une 
oreillette,  qui,  pendant  la  dilatation,  sont  fortement  bombés,  et 
montrent  une  différence  sensible  dans  leur  structure.  J,e  ventri- 
cule (fig.  1 , 7’1)  situé  en  avant  est  extrêmement  tendre  et  transpa- 
rent comme  du  verre  ; il  est  cordiforme , et  séparé  par  un  fort 
étranglement  de  l’oreillette  (T12)  qui  est  plus  petite , arrondie 
dans  une  certaine  position,  et  composée  d’un  tissu  beaucoup  plus 
fort  et  beaucoup  plus  consistant. 


SUR  LE  TE  RG  1RES  EDWARDSII. 


118  DE  \OIt  DMA \\.  — 

J’ai  vu  sur  des  individus  adultes  que  la  partie  la  plus  grande 
du  cœur , ou  le  ventricule , montre  un  étranglement  très  appa- 
rent, à l’endroit  où  elle  est  contiguë  à la  plus  petite,  de  sorte 
qu’elle  paraît  composée  de  deux  segments  de  sphère.  Le  cœur 
est  retenu  dans  sa  position  par  des  ligaments  particuliers , cpii  se 
fixent  d’un  côté  sur  le  point  de  réunion  des  deux  moitiés  du  cœur , 
et  de  l’autre  côté  dans  les  environs  de  l’intestin , de  telle  manière 
que  tout  le  cœur  est  séparé  en  deux  moitiés  par  ces  ligaments 
transverses,  qui  indiquent  déjà  à eux  seuls  la  séparation  en 
oreillette  et  en  ventricule.  Le  cœur  est  attaché  en  haut  à la  face 
interne  de  la  peau  du  dos,  où  l’on  n’aperçoit  point  de  ligament , 
tandis  qu’il  s’en  trouve  dans  l’axe  longitudinal,  sur  les  extré- 
mités antérieure  et  postérieure  du  cœur,  qui,  en  courant 
parallèlement  à l’aorte,  se  fixent  à la  peau  dorsale.  Les  parois 
des  deux  moitiés  du  cœur  sont  de  nature  musculaire , et  pourvues 
en  outre  de  muscles  à part  qui  fonctionnent  lors  des  contractions. 

On  trouve,  sur  les  parois  extérieures  du  ventricule,  quatre  ou 
six  faisceaux  musculaires,  disposés  de  telle  façon  que  deux  de  ces 
faisceaux  se  croisent  en  avant,  et  que  de  la  partie  supérieure  du 
faisceau  interne  descendent  quatre  fibres  plus  minces  qui  vont  se 
fixer  sur  le  point  d’insertion  de  l’oreillette  ; celle-ci  a un  faisceau 
musculaire  principal  qui  descend  au-dessous  de  la  ligne  médiane 
depuis  le  point  d’insertion , et  qui  envoie  latéralement  deux  fibres 
qui  partent  de  son  milieu. 

On  remarque  en  outre  des  fibres  plus  fines , dont  plusieurs  se 
croisent , et  qui  sont  disposées  dans  une  direction  transver- 
sale et  oblique.  Tous  ces  muscles  sont  situés  à la  face  externe  du 
cœur,  et  n’ont  point  de  stries  transversales,  comme  c’est  aussi  le 
cas  chez  les  Polypes. 

Une  valvule  très  mobile  en  forme  de  langue  se  trouve  sur  l’em- 
bouchure de  l’aorte,  à l’extrémité  antérieure  du  ventricule;  elle 
ferme  cette  ouverture  à chaque  contraction  , et  la  rouvre  à la  dila- 
tation. 

On  compte  soixante-dix  à quatre-vingts  pulsations  du  cœur  à 
la  minute  , lesquelles  se  font  de  la  manière  suivante  : le  ventri- 
cule en  se  dilatant  est  poussé  en  avant,  tandis  que  l’oreillette  se 


DE  ItORDMAIVN.  — SDK  LE  TERGIPES  EDWARDSII.  119 
contracte  sur  la  moitié  de  son  volume;  il  recule  pendant  que 
l’oreillette  se  dilate,  et  s’avance  sur  un  espace  beaucoup  moindre, 
il  y a donc  alternance  entre  les  mouvements  des  deux  moitiés 
du  cœur , dont  les  muscles  se  contractent  et  se  relâchent  suc- 
cessivement. J’ai  cherché  en  vain  des  valvules  entre  l’oreillette  et 
le  ventricule. 

Meckel  croit  qu’il  ne  peut  y avoir  de  doute  sur  la  nature  de 
la  circulation  chez  les  Mollusques.  L’aorte,  dit- il,  conduit  le 
sang  vers  tous  les  organes , à l’exception  des  organes  respira- 
toires ; le  sang  retourne  vers  ces  derniers  par  la  veine  cave , 
qui  est  identique  avec  l’artère  pulmonaire.  Les  organes  respi- 
ratoires rendent  le  sang  immédiatement  à l’oreillette  par  un  tronc 
très  court. 

On  pourrait  croire  qu’une  structure  semblable  existe  dans  les 
Tergipes,  quoiqu’il  ne  soit  point  facile  de  suivre  le  trajet  des 
vaisseaux  ; mais  nous  verrons  de  suite  que  le  système  veineux 
éprouve  une  modification  importante. 

On  ne  peut  suivre  qu’à  une  très  courte  distance  les  deux  vais- 
seaux élargis  en  entonnoir  (Ts)  qui  entrent  dans  la  portion  posté- 
rieure du  cœur  ou  dans  l’oreillette,  bien  qu’ils  aient  un  diamètre 
assez  considérable  ; mais  le  contenu  opaque  de  l’intestin  et  des 
appendices  dorsaux  empêche  tout  examen , et  l’on  ne  peut  songer 
à une  dissection  par  le  scalpel. 

Les  parois  de  ces  vaisseaux  , les  seuls  dont  on  peut  prétendre 
avec  certitude  qu’ils  appartiennent  au  système  veineux , sont 
extrêmement  minces , et  tout-à-fait  dénuées  des  fibres  longitudi- 
nales et  transversales,  que  doivent  avoir,  d’après  M.  Delle  Chiaje, 
les  veines  respiratoires  des  Aplysies,  avant  qu’elles  se  soient 
réunies  en  un  seul  tronc.  Je  n’ai  jamais  vu  que  ces  deux  troncs 
veineux  dans  le  Tergipes,  tandis  que,  dans  le  Thétys,  leur 
nombre  égale  celui  des  feuillets  branchiaux,  et  que  l’on  n’attribue 
que  deux  veines  récurrentes  au  Tritonia  Hombergi. 

M.  de  Quatrefages  a trouvé  des  entonnoirs  semblables  sur  le 
cœur  de  l’Éolidine,  mais  il  les  compare  aux  oreillettes.  L’aorte, 
dont  la  longueur  dépend  chez  les  Mollusques  de  la  position  du 
cœur  , est  très  courte,  puisque  le  cœur  du  Tergipes  a une  posi- 


120  DE  XOKDMAXX.  — SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSII. 

tion  très  avancée  ; elle  s’étend  le  long  du  dos,  et  se  sépare  en 
deux  branches  peu  de  temps  après  sa  sortie  du  cœur , au-dessus 
du  diverticule  droit  de  l’estomac.  Ces  deux  branches  se  subdi- 
visent de  nouveau  en  deux  rameaux,  dont  deux  se  dirigent  en 
avant,  tandis  cpie  les  deux  autres  se  dirigent  en  arrière,  ha  paroi 
interne  de  l’aorte  est  couverte  de  cils  vibratiles , mais  qui  ne  pé- 
nètrent pas  jusque  dans  le  cœur. 

Les  i leu  r troncs  veineux  courts  que  nous  venons  île  mentionner , 
le  cœur  et  les  artères  qui  partent  du  cœur , sont  les  seules  parties 
du  système  circulatoire  qui  possèdent  îles  parois  propres.  Cette 
assertion  paraîtra  peut-être  singulière;  mais  elle  est  vraie.  Tous 
les  intestins  sont  entourés  par  le  sang  ou  le  chyle,  sans  que  ce  liquide 
soit  contenu  dans  des  vaisseaux  propres.  On  n’a  qu’à  regarder 
l’espace  compris  entre  l’estomac , la  masse  buccale  et  le  pied , 
en  fixant  des  corpuscules  sanguins  isolés,  pour  se  convaincre  de  la 
vérité  de  ce  que  j’avance.  On  verra  alors  distinctement  les  corpus- 
cules sanguins  changer  de  trajet  à chaque  ondée  de  sang , et  cela 
tout-à-fait  indépendamment  des  contractions  de  l’intestin,  d’où  il 
résulte  que  les  corpuscules  ne  suivent  pas  une  voie  limitée.  On  croit 
quelquefois  voir  des  vaisseaux  dans  des  parties  qui  offrent  moins 
d’espace  libre  pour  le  mouvement  du  sang,  par  exemple  dans  les 
tentacules  et  dans  les  appendices  dorsaux  ; mais  on  ne  tarde  pas  à 
se  convaincre  par  une  observation  plus  attentive  que  ce  ne  sont  que 
des  lacunes  ou  des  canaux  sans  parois,  situés  entre  les  différents 
organes,  et  dans  lesquels  se  meut  la  masse  du  sang.  I,e  nombre  de 
ces  canaux  sans  parois  est  au  moins  de  trois,  sinon  davantage;  ils 
existent  dans  les  grands  tentacules , entre  les  fibres  nerveuses  et 
le  tissu  cellulaire  ; et  de  plus,  entre  les  parois  des  cæcums,  le  tissu 
cellulaire  et  la  peau  des  appendices  dorsaux. 

Le  liquide  sanguin  avec  les  corpuscules  qui  y sont  suspendus 
est  reçu  dans  un  réservoir  continu , le  long  du  pied , entre  les  cir- 
convolutions du  foie , les  parties  sexuelles  et  les  concrétions  cris- 
tallines du  pied  ; toute  la  masse  sanguine  se  meut  avec  rapidité 
dans  ce  réservoir,  comme  cela  est  aussi  le  cas  dans  les  Bryozoaires, 
les  Isopodes,  les  Daphnies  et  les  Crustacés  inférieurs  parasitiques. 

Le  sang  lui-même  est  composé  , comme  dans  d’autres  Inver- 


DE  XOHDMW.  — SUR  I.F.  TERGIPES  KDWARDSII.  121 
tébrés,  de  deux  parties  : d’un  liquide  transparent,  blanchâtre, 
et  de  corpuscules  sanguins.  Ces  derniers,  qui  se  trouvent  en 
quantité , sont  à peu  près  tous  de  la  même  grandeur  , plutôt  petits 
que  grands,  d’une  forme  entièrement  sphérique , et  d’une  couleur 
jaune  claire.  On  peut  donc  dire  qu’ils  ont  une  forme  constante 
et  uniforme.  Les  concrétions  floconneuses  qui  se  trouvent  dans  le 
sang  des  Polypes  et  des  Crustacés  parasites  manquent  ici.  Le 
mouvement  des  corpuscules  est  très  rapide  , surtout  de  ceux  qui 
sont  poussés  des  sinus  de  la  cavité  générale  , situés  à la  base  des 
tentacules,  dans  les  canaux  des  tentacules  mêmes.  Ces  corpus- 
cules sanguins  avancent,  avec  la  rapidité  de  l’éclair  jusque  dans 
les  extrémités  terminales  des  tentacules,  et  reviennent  par  le 
même  chemin  ou  par  une  autre  direction  sans  qu’on  puisse  voir 
un  courant  régulier.  Un  corpuscule  sanguin  retourne  souvent  à 
moitié  chemin  pour  être  poussé , dans  le  prochain  moment , en 
un  autre  endroit.  La  direction  dominante  du  courant  sanguin  le 
long  du  pied  est  cependant  en  général  d’avant  en  arrière. 

Le  mouvement  du  liquide  sanguin,'  qui  n’est  pas  enfermé  dans 
des  parois  propres,  n’est  en  aucune  façon  dù  à des  cils  vibratiles  : 
il  est  tout  aussi  certain  que  ceux-ci  manquent  sur  tous  les  intestins 
qui  nagent  dans  le  sang,  qu’il  est  facile  de  prouver  leur  existence 
sur  les  parois  des  vaisseaux  qui  sortent  du  cœur.  Il  me  paraît 
donc  parfaitement  vraisemblable , comme  je  l’ai  d’ailleurs  déjà  dit 
dans  un  autre  endroit , que  la  circulation  peut  se  faire  indépen- 
damment de  tout  moyen  mécanique. 

Je  fais  la  remarque  expresse  , pour  prévenir  toute  interpréta- 
tion erronée,  que  je  suis  arrivé  aux  résultats  que  je  viens  d’exposer, 
sans  me  servir  du  compresseur.  La  moindre  pression  qui  écarte 
les  intestins  arrête  immédiatement  le  mouvement  du  sang. 

Pour  en  revenir  au  mouvement  vibratile , que  nous  trouvons  si 
généralement  répandu  dans  les  vaisseaux  et  les  conduits  excré- 
teurs des  animaux  inférieurs , tels  que  les  Entozoaires , les  Aca- 
lèphes  , les  Actinies , etc. , il  est  fort  remarquable  que  la  direction 
du  mouvement  ciliaire  est  justement  opposée  à celle  que  l’on  sup- 
pose naturellement,  de  sorte  quelle  devrait  plutôt  s’opposer  à l’ex- 
crétion ou  à l’ingestion  des  liquides  et  des  substances  d’une  autre 


122  DE  NORDMANN.  — SUR  UE  TERGIPES  EDWARDSII. 
nature.  Pourquoi  les  extrémités  des  cils  vibratiles  de  l’œsopliage 
se  courbent-elles,  non  pas  de  dehors  en  dedans,  mais  dans  la 
direction  inverse?  Et  pourquoi  les  cils  du  rectum,  du  vaisseau 
déférent  et  de  l’aorte,  vibrent-ils,  non  pas  de  dedans  en  dehors, 
mais  de  dehors  en  dedans? 

Des  prétendues  branchies. 

On  a pris  jusqu’ici  les  appendices  si  variés  des  Nudibranches, 
qui  se  trouvent  disposés  symétriquement  sur  le  dos  ou  sur  les  côtés 
du  corps,  pour  des  organes  respiratoires  ; cette  manière  de  voir 
est  fortement  ébranlée  depuis  que  j’ai  vu  que  l’espace  intérieur 
de  ces  appendices  dorsaux  contient  un  cæcum  de  la  cavité  diges- 
tive, et  qu’il  enferme  en  même  temps  une  organe  d’excrétion. 

On  trouve  ordinairement  quatre,  rarement  cinq  paires  de  ces 
branchies  sur  le  Tergipes  Edwardsii;  elles  sont  placées  sur  deux 
séries  parallèles  , un  peu  latéralement , de  manière  que  la  ligne 
moyenne  du  dos  reste  libre;  les  séries  sont  quelquefois  un  peu 
obliques , de  sorte  qu’elles  ne  se  répondent  pas  entièrement. 
L’animal  les  porte  dirigées  verticalement  lorsqu’il  rampe,  ou  bien 
si  c’est  un  animal  adulte,  où  elles  ont  une  longueur  considérable , 
elles  pendent  un  peu  sur  le  côté  du  corps.  La  première  paire  est 
toujours  la  plus  longue  ; les  autres  deviennent  de  plus  en  plus 
courtes.  Ces  appendices  sont  beaucoup  plus  petits  sur  les  jeunes 
animaux;  souvent  ils  sont  seulement  indiqués  sous  forme  de 
mamelon  ou  de  bouton  ; leur  nombre  est  aussi  moins  considé- 
rable; ils  manquent  entièrement  sur  les  larves,  qui  sont  encore 
enfermées  dans  la  coquille  nautiloïde.  La  cinquième  paire,  qui  se 
trouve  seulement  sur  des  animaux  très  âgés,  est  toujours  la  plus 
petite , et  placée  près  de  l’appendice  caudal.  Nous  lisons  dans 
quelques  manuels,  comme  chez  Cuvier  et  Oken  , que  les  Tergipes 
ont  deux  tentacules  et  deux  séries  de  branchies  en  forme  de  mas- 
sue, pourvues  d’une  ventouse  à l’extrémité,  au  moyen  desquelles 
l’animal  peut  se  fixer  et  ramper  sur  le  dos.  Tout  est  faux  dans 
cette  description  , sauf  le  nombre  des  branchies  : car  il  n’y  a pas 
une  trace  de  ventouse  sur  les  appendices.  Ces  animaux  rampent 


DE  !VOn»MAI\;V.  SUR  I.E  TERGIPES  BDWARDSII.  123 

comme  tous  les  autres  Gastéropodes , toujours  sur  le  pied , et  ne 
peuvent  jamais  se  servir  des  branchies  comme  organe  de  fixat  ion. 

L’animal  peut  mouvoir  ces  parties  épaisses  et  massives,  qui 
sont  susceptibles  d’une  turgescence  plus  ou  moins  grande,  et 
peuvent  s’allonger  et  se  raccourcir.  Leur  mobilité  est  due  en 
partie  aux  mouvements  péristaltiques  des  cæcums.  L’animal  avale 
souvent  de  l’air  lorsqu’il  rampe  à la  surface  de  l’eau  le  pied  en 
haut;  cet  air  est  poussé  souvent  jusque  dans  les  cæcums,  et  fait 
distendre  alors  les  appendices  dorsaux.  Ces  branchies  sont  cou- 
vertes , comme , du  reste , toute  la  surface  du  corps , de  fais- 
ceaux de  cils  courts  qui  vibrent  sans  interruption.  Je  n’ai  jamais 
remarqué  sur  notre  animal  que  ces  branchies  fussent  susceptibles 
de  tomber,  comme  on  l’a  observé  sur  d’autres  genres  voisins  ; 
au  contraire,  une  lésion  de  ces  parties  entraînait  toujours  à sa 
suite  la  mort  de  l’animal  dans  quelques  jours.  La  force  reproduc- 
trice des  parties  perdues  du  corps  paraît  manquer,  en  général , 
au  genre  Tergipes. 

La  structure  intime  de  ces  parties  offre  les  détails  suivants,  que 
l’on  observe  surtout  bien  lorsque  les  appendices  dorsaux  sont  en 
tergescence  et  comme  insufflés , ce  qui  leur  donne  une  grande 
transparence.  Une  branche  épaisse  du  canal  intestinal  se  continue 
dans  la  cavité  de  chaque  appendice  dorsal,  et  se  termine  en  s’é- 
largissant en  forme  de  massue,  un  peu  avant  l’extrémité  de  l’ap- 
pendice, oùse  trouve  une  cloison  transversale.  Cette  cloison,  com- 
posée d’une  substance  celluleuse  et  séreuse,  sépare  l’extrémité 
branchiale  du  cæcum  en  s’attachant  par  des  ligaments  ou  des 
fibres  musculaires  à la  paroi  interne  des  branchies.  Dans  l’espace 
ainsi  séparé  du  cæcum  est  situé  un  organe  tout-à-fait  particulier, 
blanc,  ovalaire  et  glanduleux,  une  vessie  dont  l’enveloppe  est 
très  épaisse,  et  qui  possède  une  consistance  considérable  (fig.  1 , /i). 
La  limite  sur  laquelle  cet  organe  rencontre  l’extrémité  du  cæcum 
s’aperçoit  souvent  du  dehors  par  un  étranglement  plus  ou  moins 
considérable  de  l’appendice  dorsal.  Le  contenu  de  la  vessie  est 
toujours  opaque  sur  des  individus  adultes;  il  est  composé  d’une 
quantité  de  petits  corpuscules  transparents,  inégaux,  et  de  forme 
ovalaire,  ressemblant  assez  ù.  ceux  qui  se  trouvent  en  grande  quan- 


124  DE  XORDMANN.  — SUR  LF,  TERGIPES  EDWARDSIF. 

tité  dans  la  cavité  générale  de  certains  Entozoaires,  tels  que  les 
Diplostomes,  les  Holostomes,  les  Tétrarhynques,  etc. 

Cette  vessie  ou  glande  est  susceptible  de  contractions  et  de  db 
latations  qui , très  souvent , se  font  en  même  temps  que  les  mou- 
vements péristaltiques  du  cæcum,  quoiqu’il  n’y  ait  pas  de  commu- 
nication visible. 

On  voit  distinctement , en  employant  une  compression  légère, 
que  celte  glande  est  séparée  du  cæcum  par  la  cloison  que  nous 
avons  mentionnée;  la  glande  manque  entièrement  sur  de  jeunes 
individus,  ou  bien  elle  est  si  petite,  que  le  cæcum  s’avance  jusque 
dans  l'extrémité  de  l’espace  intérieur  de  la  branchie.  Le  contenu 
de  la  glande,  une  sorte  de  mucus,  est  expulsé,  de  temps  en  temps, 
par  une  petite  ouverture  située  à l’extrémité  de  chaque  branchie. 
Cette  expulsion  se  fait  toujours  convulsivement,  et  les  muscles  de 
la  cloison,  en  se  contractant,  contribuent  à cet  acte. 

Deux  ou  quatre  séries  de  corpuscules  en  rosaires  s’étendent 
depuis  la  cloison  de  la  glande,  en  bas,  entre  les  parois  internes 
de  chaque  branchie.  Ces  organes  sont  composés  de  cellules  ova- 
laires ou  quadrangulaines , non  contiguës , cristalloïdes , telles 
qu’on  les  trouve  partout  sous  la  peau,  et  surtout  en  grande  quan- 
tité sur  la  masse  musculaire  du  pied.  On  cherchera  en  vain  des 
troncs  vasculaires. 

Pourra-t-on , dorénavant , envisager  ces  appendices  dorsaux 
comme  de  véritables  branchies?  je  ne  le  crois  pas.  On  pourrait, 
à la  rigueur,  considérer  les  lacunes  qui  se  trouvent  entre  la  peau 
et  les  corps  cristalloïdes  comme  des  cavités  respiratoires;  mais  ces 
cavités  n’auraient,  aucune  organisation  particulière  qui  les  distin- 
guât des  autres  cavités  qui  se  trouvent  entre  les  intestins  et  la 
peau,  et  dans  lesquelles  le  sang  circule  aussi  librement.  Je  n’ai 
pas  pu  trouver  non  plus  des  ouvertures  particulières,  telles  qu’elles 
se  trouvent  dans  les  pieds  de  beaucoup  de  Mollusques,  et  qui 
conduisent  à des  canaux  par  lesquels  l’eau  pénètre  entre  la  peau 
et  les  intestins. 

Système  nerveux. 

L’étude  du  système  nerveux  est  sans  doute  plus  difticile  dans 
un  animal  qui,  comme  noti-e  Tergipes,  est  trop  petit  pour  être 


DK  NOKDMAVV  — S LU  Lli  TKHGIPKS  liOH  AHUSI1.  l'25 
disséqué  convenablement,  et  dont  le  corps,  d’un  autre  côté,  est 
trop  opaque,  pour  que  le  microscope  puisse  donner  une  idée  com- 
plète de  la  structure  et  de  la  disposition  des  organes  intérieurs. 
Ce  que  je  donne  ici  est  donc  le  fruit  d’études  qui  ont  exigé  beau- 
coup de  temps , et  dans  lesquelles  je  n’ai  pas  pu  m’aider  du 
compresseur.  De  jeunes  individus,  devenus  transparents  par  une 
abstinence  d’aliments  prolongée  pendant  quelque  temps,  m’ont 
principalement  servi  pour  l’étude  de  ce  système.  On  ne  verra  ja- 
mais, par  exemple,  les  trajets  des  nerfs  dans  les  tentacules  longs, 
quand  ceux-ci  sont  le  moins  du  monde  contractés;  ils  sont  alors 
rendus  opaques  par  les  plis,  tandis  qu’au  moment  de  la  plus  grande 
extension,  leur  structure  celluleuse  interne,  les  canaux  vasculaires 
et  les  branches  nerveuses  dichotomisées  se  présentent  de  la  ma- 
nière la  plus  complète.  La  substance  sans  structure  qui  forme  les 
parois  des  vaisseaux,  là  où  il  y en  a,  ressemble  partout  à celle  des 
libres  musculaires  et  nerveuses;  mais  la  lumière  réfléchie,  blan- 
châtre, le  reflet  nacré  et  les  contours  légers  donnent  un  aspect 
si  particulier  au  système  nerveux  , que  je  crois  ne  m’être  jamais 
trompé  sur  la  nature  des  fibres  nerveuses. 

Le  système  nerveux  central  est  composé  de  quatre  paires  de 
grands  ganglions,  qui  sont,  dans  une  paire,  presque  confondus 
ensemble,  tandis  que  les  autres  sont  réunies  par  de  courtes  com- 
missures. Le  système  nerv  eux  central  forme , de  cette  manière , 
un  anneau  qui  embrasse  de  tous  côtés  l’œsophage. 

.Te  crois  qu’on  peut  partager  le  système  central,  avec  .VL  de 
Siebold,  en  trois  portions  : deux  paires  de  ganglions  appartien- 
nent à la  portion  supérieure,  une  autre  paire  à la  portion  latérale, 
et  la  quatrième  paire  enfin  à la  portion  inférieure.  Je  ferai  remar- 
quer, en  outre,  que  l’organe  auditif  est  en  communication  avec  la 
portion  supérieure,  dont  la  paire  antérieure  (fig.  1,  W),  qui  repose 
immédiatement  sur  l’œsophage,  est  un  peu  plus  grande  que  les  au- 
tres ganglions.  Chacun  de  cesganglions  a une  forme  complètement 
ovalaire  et  une  couleur  blanchâtre  légèrement  teintée  en  jaune. 
Ces  ganglions  sont  considérablement  distants  l’un  de  l’autre.  Une 
autre  paire  (fig.  1 , X ) est  accolée , en  arrière , à cette  première,  de 
telle  manière  que  les  deux  paires  paraissent  confondues  au  point  de 


126  DE  — SUR  LE  TERGIPÜS  EDWARDSII. 

réunion  ; au  moins  ne  remarque-t-on  pas  distinctement  une  com- 
missure. Ces  deux  ganglions  postérieurs  sont  presque  aussi  grands 
que  les  antérieurs , un  peu  rétrécis  à la  base , où  ils  sont  contigus 
à ces  derniers,  arrondis  du  côté  opposé  et  tournés  en  dedans,  de 
sorte  qu’ils  se  touchent  presque  sur  la  ligne  médiane. 

La  paire  latérale  de  ganglions  (fig.  1,  Y)  s’accole  à la  paire 
précédente , en  descendant  obliquement  en  bas  et  en  arrière. 
Chacun  de  ces  ganglions  latéraux  est  considérablement  allongé, 
rétréci  en  avant , un  peu  courbé  et  boursouflé  en  arrière  en  forme 
de  cornue.  La  moitié  antérieure  peut  être  considérée  comme  une 
commissure.  Ces  ganglions,  en  entourant  l’œsophage  et  la  partie 
postérieure  de  la  masse  buccale , s’écartent  considérablement  en 
arrière,  et  leur  distance  est  encore  augmentée  par  les  mouvements 
des  mâchoires , qui  les  poussent  souvent  d’avant  en  arrière.  Au 
moyen  de  cette  paire  de  ganglions  la  partie  supérieure  du  système 
nerveux  central  se  trouve  liée  à la  partie  inférieure  des  ganglions, 
et  cela  de  telle  manière  que  les  commissures  sont  peu  marquées. 
Chacun  des  ganglions  inférieurs  (fig.  1,  Z)  a une  forme  allongée, 
rétrécie  au  milieu  et  renflée  aux  deux  extrémités , de  manière  à 
ressembler  à une  semelle;  il  peut  doue  être  considéré  comme 
formé  par  la  réunion  de  deux  ganglions  confondus  ensemble. 

La  paire  supérieure  et  antérieure  des  ganglions  est  celle  qui 
envoie  le  plus  de  nerfs.  De  son  bord  antérieur  naît , de  chaque 
côté,  un  fil  nerveux  très  court  qui,  immédiatement  après  son  ori- 
gine , forme  un  ganglion  considérable , et  envoie  des  branches 
dans  les  deux  appendices  tentaculaires  du  front , ainsi  que  dans 
les  tentacules  longs. 

A.  La  première  paire  de  nerfs  (fig.  1 , 1),  qui  se  distribue  dans  les 
tentacules  longs , a un  diamètre  considérable,  et  se  divise  im- 
médiatement après  son  entrée  dans  le  tentacule  en  trois  bran- 
ches égales , qui  sont  d’abord  assez  distantes,  mais  se  rapprochent 
plus  tard,  et  se  divisent  de  nouveau,  à peu  près  au  milieu  de  la  lon- 
gueur du  tentacule,  en  trois  ou  quatre  branches,  que  l’on  peut 
suivre  presque  jusqu’à  l’extrémité  du  tentacule.  Pour  bien  voir 
ces  nerfs,  il  faut  que  les  tentacules  soient  étendus  volontaire- 
ment par  l’animal. 


de  \ok».ha\^.  — sun  le  tekgii'es  edwaudsii.  127 

B.  La  seconde  paire  de  nerfs  (fig.  I,  2)  prend  son  origine  dans 
les  ganglions  que  je  viens  de  mentionner,  et,  en  décrivant  un  arc 
d’abord  en  dehors,  puis  en  dedans,  ils  se  perdent  dans  la  masse 
des  tentacules  frontaux. 

C.  Les  troisième  (fig.  1 , 3)  et  quatrième  (4)  paires  de  nerfs  nais- 
sent immédiatement  du  ganglion  oculifère,  près  de  la  base  de 
l’intumescence  d’où  partent  les  nerfs  tentaculaires.  Ces  nerfs, 
dont  la  paire  intérieure  montre  un  petit  ganglion  allongé  non  loin 
de  son  origine,  se  ramifient  dans  la  masse  musculaire  des  mâ- 
choires et  de  la  langue. 

D.  La  cinquième  paire  (fig.  1, 5)  forme  un  filet  très  fin,  étroit, 
qui  prend  son  origine  dans  le  grand  ganglion  oculifère,  et  finit 
dans  la  lèvre  supérieure. 

E.  La  même  paire  de  ganglions  envoie  encore,  depuis  son  bord 
externe,  un  filet,  la  sixième  paire  (fig.  1,6),  qui,  en  embrassant 
d’abord  la  masse  buccale,  se  rapproche  du  pied,  et  se  continue  en 
arrière.  J’ai  pu  suivre  ce  filet,  du  côté  droit,  jusque  derrière  l’ou- 
verture génitale,  où  il  se  ramifie;  mais  je  suis  incertain  si  le  filet 
du  côté  gauche  qui  se  cache  dans  le  repli  du  foie  lui  correspond 
exactement. 

F.  La  septième  paire  de  nerfs  enfin  (fig.  1,  7)  naît  du  bord  pos- 
térieur de  la  même  paire  de  ganglions,  immédiatement  derrière 
les  organes  auditifs;  il  court  droit  en  arrière  pour  se  cacher  dans 
les  environs  du  cœur  et  du  rectum,  après  avoir  longé  l’estomac. 

La  seconde  paire  de  ganglions,  qui  est  contiguë  au  ganglion 
oculifère,  envoie  de  chaque  côté  un  filet  nerveux  qui  forme  un  arc 
autour  de  la  base  de  la  masse  buccale,  et  qui  se  voit  très  bien, 
lorsqu’on  observe  les  parties  buccales  d’en  bas.  Je  n’ai  pas  pu 
suivre  les  trajets  ultérieurs  de  ces  filets,  pas  plus  que  celui  des 
filets  qui  naissent  de  la  partie  inférieure  du  système  nerveux  cen- 
tral , et  dont  une  paire  se  répartit  dans  le  pied , et  un  autre  filet 
impair  dans  le  testicule  et  les  ovaires. 

On  trouve  un  peu  en  dessous  et  en  arrière  de  l’ouverture  buc- 
cale, entre  les  corps  cristalloïdes  et  la  partie  antérieure  du  pied, 
quatre  corps  arrondis,  que  j’envisage  comme  des  ganglions. 
Un  filet  très  mince  les  met  en  communication  avec  la  paire  de 


SLU  LU  TElUill’IÏS  EDWARDS1I. 


128  DE  \ORDMAW  — 

ganglions  oculifères  du  système  nerveux  central.  De  ces  ganglions 
se  détachent  trois  filets  courts  qui,  en  longeant  la  ligne  médiane,  sc 
confondent  en  un  seul  tilet,  au-dessous  de  la  vessie  biliaire.  On  peut 
suivre  ce  filet,  le  long  du  pied  jusque  vers  l’extrémité  du  canal  in- 
testinal ; il  donne,  sur  tout  ce  trajet , des  branches  à la  glande  du 
vaisseau  déférent,  aux  replis  du  foie  et  aux  ovaires.  On  ne  peut 
douter  que  ces  ganglions  et  ces  nerfs  n’appartiennent  au  système 
nerveux  intestinal. 

L'organe  île  la  vue. 

On  voit,  immédiatement  au-dessous  de  la  base  des  tentacules 
longs,  deux  petits  points  noirs  qui  ne  sont  autre  chose  que  les  yeux 
(lig.  1,  a).  Ces  organes,  plutôt  petits  que  grands,  ne  sont  pas  con- 
formés aussi  simplement  que  l’on  pourrait  le  croire,  puisqu’on 
leur  trouve  toutes  les  parties  principales  : enveloppe  externe  cho- 
roïde, pigment,  pupilles,  cristallins,  et  substance  nerveuse. 

Les  yeux , vus  d’en  haut , sont  ronds  dans  le  T ergipes  Edwardsü, 
ovalaires  et  pointus  en  arrière  chez  l’autre  espèce.  Cependant 
leurs  contours  subissent  quelquefois  des  variations  assez  sensi- 
bles. C’est  ainsi  que  l’œil  du  Tergipes  Edivardsii  montre  quel- 
quefois une  forme  irrégulière,  lorsqu’on  le  voit  de  côté.  11  pré- 
sente alors  un  bourrelet  arrondi  muni  de  quelques  petits  prolon- 
gements, qui  se  rétrécit  considérablement  vers  la  base,  et  qui  est 
coupé  carrément  en  arrière. 

L’enveloppe  qui,  à ce.  qu’il  parait,  est  en  communication  im- 
médiate avec  l’épiderme,  est  une  membrane  mince,  vitrée,  qui  ne 
montre  aucune  trace  de  pigment.  Elle  est  suivie  d’une  seconde 
membrane  isolée  qui  est  aussi  mince,  mais  plus  molle,  et  qui  est 
couverte  d’un  amas  de  pigment  d’une  couleur  très  intense.  Ce 
pigment  est  noir  là  oii  il  se  trouve  en  masse  considérable  ; il  paraît 
d’une  belle  teinte  violette  foncée,  lorsqu’on  le  rend  plus  trans- 
parent par  la  compression.  Cette  seconde  membrane  pigmen- 
taire est  la  choroïde;  en  procédant  avec  précaution,  on  réussit 
assez  bien  à isoler  le  pigment  de  la  membrane  incolore. 

Il  y a en  avant , au  milieu  du  bulbe,  un  endroit  plus  clair, 
allongé  dans  la  direction  longitudinale,  qui,  sous  la  pression. 


DE  XOKIMIA.W.  — suit  LE  lEKGU'ES  EDWAKÜSJI.  129 
prend  une  forme  ronde.  C'est  la  pupille,  derrière  laquelle  est  situé 
le  cristallin  sphérique.  Je  n'ai  pas  vu  distinctement  le  corps 
vitré.  Le  nerf  optique  manque,  à moins  qu’on  ne  le  cherche  dans 
la  base  rétrécie  du  bulbe  oculifère,  qui  est  appliqué  immédiate- 
ment à la  paire  supérieure  des  ganglions  qui  composent  le  sys- 
tème nerveux  central.  On  ne  trouve  pas  de  muscles  propres  à 
l’œil,  l’épiderme  musculaire  et  le  mouvement  de  l’animal  per- 
mettant aux  yeux  de  prendre  des  positions  très  dix  erses.  Conservés 
dans  un  bocal , ces  animaux  recherchent  le  côté  de  la  lumière  ; 
et  quand  je  changeais  la  position  du  bocal , ils  rampaient  de  nou- 
veau vers  la  lumière , pour\  u toutefois  qu’ils  trouvassent  quel  que 
chose  à manger.  Toutes  les  autres  expériences  sur  la  sensation  de 
la  lumière  ne  m’ont  donné  aucun  résultat,  et  c’est  plutôt  le  tact 
résidant  dans  les  tentacules  qui  paraît  guider  les  mouvements. 

Les  yeux  se  développent  de  très  bonne  heure  dans  les  em- 
bryons; ils  sont  déjà  très  apparents  lorsque  les  intestins  ne  for- 
ment encore  qu’une  agglomération  chaotique.  Maisle  pigment  n’est 
pas  alors  bleu,  il  est,  au  contraire,  d’un  rose  clair,  et  les  contours 
sont  très  indistincts,  ce  qui  fait  un  contraste  très  frappant  avec 
les  grandes  capsules  auditives,  qui  sont  très  nettement  limitées 

I. 'organe  auditif. 

•le  connaissais  déjà  cet  organe,  et  je  iavais  reconnu  pour 
tel  avant  que  l’excellenl  Mémoire  de  M.  vie  Siebold  eut  paru. 
Maintenant,  les  observations  se  sont  si  souvent  multipliées,  que 
l’on  peut  affirmer  que  tous  les  Mollusques  sont  pourvus  d’un 
organe  auditif. 

Ces  organes  (fig.  1,6)  sont  situés  immédiatement  derrière  les 
yeux,  sur  la  partie  postérieure  des  deux  ganglions  antérieurs.  Ils 
se  font  reconnaître  de  suite  par  leurs  contours  très  accusés  et 
par  leur  volume  encore  plus  considérable  que  celui  des  yeux.  Les 
nerfs  spécifiques  de  l’ouïe  manquent  ; les  vésiculessont  logées  dans 
de  petites  excavations  des  ganglions. 

Ces  capsules  ont  une  forme  allongée  dans  les  adultes,  arrondie 
dans  les  embryons;  elles  sont  bombées  en  haut  comme  en  bas, 
et  formées  d’une  enveloppe  mince  et  vitrée  qui  résiste  considéra- 
V série.  Zool  T.  V.  (Mars  1816.)  i !• 


SUU  LE  TlilUiU’liS  EDVVAHDSII. 


130  DE  XORDMAXX.  — 

blement  à la  pression.  Ces  capsules  forment  ainsi  deux  vésicules 
dont  la  cavité  interne  est  sans  doute  partiellement  remplie  par 
un  liquide  clair  et  aqueux.  Un  petit  otolitlie  arrondi  nage  dans 
cette  capsule  sur  le  liquide.  L’otolithe  n’est  visible  dans  les 
embryons  que  peu  de  temps  avant  l’éclosion  ; dans  son  milieu  se 
trouve  une  petite  tache  claire.  L’otolithe  ne  touche  pas  les  parois 
de  la  capsule  auditive;  il  se  maintient  dans  une  oscillation  conti- 
nuelle, causée  par  des  vibrations.  Je  crois  pouvoir  confirmer,  par 
l’observation  directe,  l’opinion  énoncée  parM.  de  Siebold,  savoir, 
que  les  parois  vibrent  réellemeut,  ce  qui  a été  confirmé  aussi 
depuis.  Je  croyais  autrefois  pouvoir  expliquer  les  mouvements 
vibratoires  des  otolithes , en  supposant  que  les  capsules  ne  sont 
pas  entièrement  remplies  de  liquide,  et  que  les  otolithes  nagent 
à la  surface  de  ce  liquide,  continuellement  influencée  par  les 
vibrations  des  parois  capsulaires. 

Organes  sexuels. 

Je  trouve  la  disposition  suivante  dans  les  organes  génitaux  du 
Tergipes.  L’orifice  génital  commun  ^fig.  1 , f)  est  situé , comme  je 
l’ai  déjà  mentionné,  sur  le  côté  droit  du  corps,  entre  le  tentacule 
long  et  la  première  paire  des  appendices  dorsaux.  Cet  orifice 
forme  une  verrue  sensiblement  saillante,  conique  et  tronquée  à son 
sommet,  dont  le  bord  supérieur  est  un  peu  allongé,  de  manière 
à pouvoir  fermer  presque  complètement  l’orifice  comme  une  val- 
vule. La  cavité  génitale  commune  est  assez  spacieuse,  arrondie, 
tapissée  d’une  membrane  musculeuse , et  perforée  au  fond  par 
trois  ouvertures,  celles  des  canaux  excrétoires  des  organes  mâles 
et  femelles , et  celle  d’une  grande  vésicule  particulière  que 
j’appelle  la  vessie  muqueuse. 

Des  organes  sexuels  mâles. 

Le  testicule  (fig.  1,  c , qui  est  proportionnellement  assez  grand, 
se  fait  déjà  remarquer,  à la  simple  inspection  avec  la  loupe,  par  sa 
couleur  verdâtre  ; il  est  situé  à peu  près  au  milieu  du  corps , un 
peu  plus  rapproché  de  la  tète , en  arrière  du  foie , et  entouré  en 
partie  par  les  lobes  de  cet  organe. 


UK  VIlilDIAW.  — Sl  li  LK  TlilllSII'IiS  KDW  USDS1I.  J 31 

Il  touche  en  haut  au  canal  intestinal,  en  arrière  aux  organes 
sexuels  femelles.  On  peut  comparer  sa  forme  à celle  d’un  boudin 
courbe  fortement  rempli  ; son  extrémité  postérieure  est  arrondie, 
recourbée  en  bas;  son  extrémité  antérieure  diminue  petit  à petit 
en  volume,  et  se  termine  en  pointe;  les  parois  sont  formées  par 
une  membrane  très  épaisse  et  lisse  , et  par  une  seconde  enveloppe 
assez  mince. 

Deux  canaux  sont  en  communication  avec  le  testicule  ; celui 
qui  est  le  plus  court  débouche,  en  venant  du  foie  et  en  décrivant 
un  arc,  au-dessous  de  la  partie  recourbée  du  testicule,  dans  le 
milieu  de  cet  organe.  Cë  canal  court  est  ordinairement  si  bien 
caché  sous  la  masse  du  testicule  qu’il  échappe  à la  vue;  mais  on 
le  remarque  chaque  fois  que  l’on  réussit  à isoler  complètement 
le  testicule.  J’ai  vu  la  première  preuve  de  l’existence  de  ce  canal 
dans  un  mouvement  vibratile  assez  fort  qui  se  trouvait  à cet 
endroit  ; car , excepté  l’estomac  et  le  rein,  tous  les  autres  organes 
prennent  un  épithélium  vibratile  en  approchant  de  leur  orifice  à la 
surface  externe.  L’intestin  , par  exemple , vibre  seulement  dans  la 
partie  rectale  ; le  canal  déférent,  seulement  là  où  il  quitte  le  testi- 
cule, et  à son  extrémité  qui  débouche  dans  la  vessie  ; la  glande 
muqueuse , seulement  à son  embouchure  ; le  foie,  dans  le  canal 
biliaire;  l’oviducte,  à la  sortie  de  l’ovaire,  et  près  de  l’orifice 
génital  ; le  cœur,  au  passage  dans  les  vaisseaux. 

Je  n’ai  pas  pu  m’assurer  ni  de  la  marche  ni  du  mode  de  termi- 
naison du  canal  court  dont  je  viens  de  parler  ; peut-être  est-il  en 
communication  directe  avec  les  organes  femelles  ; mais  je  crois 
plutôt  qu’il  se  termine  en  cæcum.  On  pourrait  le  regarder  dans 
ce  cas  comme  un  épididyme. 

Un  long  canal  serpentant  entre  les  replis  du  foie  , un  véritable 
canal  déférent  (fig.  \ ,rf  , est  en  communication  avec  l’extrémité 
pointue  du  testicule.  D’abord  plus  large,  puis  se  rétrécissant  con- 
sidérablement , ce  canal  s’étend  vers  la  cavité  sexuelle  générale 
pour  déboucher  dans  la  verge  très  courte,  qui  quelquefois  est  un 
peu  saillante.  Ce  petit  organe  est  du  reste  entièrement  différent 
de  celui  que  Cuvier  et  les  autres  naturalistes  ont  désigné  comme 
tel  dans  la  majorité  des  Mollusques. 


SI  II  LE  lEKGJl'ES  mm  VIIDS1I. 


DE  MIItUHIW. 

Cette  verge  a une  tonne  conique  courte  et  un  petit  orifice  qui 
est  formé  par  une  membrane  très  dure  d’une  texture  cartilagi- 
neuse. Comme  on  ne  peut  voir  à la  fois  que  ces  deux  parois 
opposées,  le  pénis  a l’air  de  se  terminer  par  deux  courtes  pointes  ; 
j’ai  déjà  fait  remarquer  que  l’on  trouve  un  mouvement  vibratile 
en  cet  endroit.  Ce  col  de  la  verge  et  du  conduit  éjaculateur  est 
en  rapport  avec  une  grande  glande  ovale , qui  est  souvent  élargie 
en  forme  de  massue  vers  son  extrémité  en  apparence  fermée, 
tandis  qu’elle  se  rétrécit  en  avant.  Cette  vésicule  (fig.  1 , e)  contient 
dans  son  intérieur  une  quantité  de  petites  vésicules  rondes,  une 
masse  mucilagineuse  remplie  de  granules  ; elle  s’étend  le  long  du 
pied , dont  elle  se  rapproche  plus  que  tous  les  autres  viscères. 
Son  épithélium  interne  vibre  vers  l’orifice;  son  extrémité  posté- 
rieure arrondie  reçoit  un  canal  court  un  peu  tlexueux , qui  paraît 
venir  de  la  région  des  corps  cristalloïdes  du  pied.  Quatre  à six 
fibres  très  fines  prennent  encore  leur  insertion  sur  la  paroi  externe 
postérieure,  et  paraissent  pouvoir  fonctionner  pour  l’expulsion 
du  contenu.  Les  parois  de  cette  vésicule  sont  d’une  nature  muscu- 
leuse; elles  se  contractent  et  se  dilatent  sous  le  compresseur 
tout-à-fait  indépendamment  des  mouvements  des  autres  organes. 
Cette  vésicule , si  on  ne  veut  pas  la  comparer  à la  prostate , est , 
dans  tous  les  cas,  une  glande  muqueuse  de  laquelle  provient  la 
mucosité  par  laquelle  l’animal  se  colle  à des  objets  divers  comme 
par  un  fil. 

Le  pénis  n’est  pour  ainsi  dire  qu’un  prolongement  du  cette 
vésicule  ; je  n’ai  pourtant  jamais  remarqué  qu’il  contînt  des 
zoospermes  (1). 

Le  testicule  de  l’animal  adulte  est  rempli  de  zoospermes  tel- 
lement serrés  qu’ils  peuvent  à peine  se  mouvoir.  Leur  forme 
se  rapproche  de  celle  que  montrent  les  petits  zoospermes  de  la 
Paludine,  mais  leurs  mouvements  paraissent  plus  vivaces.  L’une 
de  leurs  extrémités ‘est  allongée  en  forme  do  cheveu  ; l’autre 
est  plus  épaisse  et  en  forme  de  vis , quoique  se  terminant  éga- 

(t  ) Nous  croyons,  au  contraire,  que  toute  la  vessie  contractile  n'est  autre  cliose 
que  le  pénis,  qui,  clans  les  autres  Nudibranches,  jouit  aussi  de  mouvements  tout- 
a -fait  indépendants.  * (iXote  du  traducteur.) 


DE  NOBD9MNK.  — SLR  LE  TERGIPES  EDWARDSII.  133 
lement  en  pointe.  Les  zoospermes  sont  très  longs  par  rapport  à 
l’animal  ; ils  mesurent  île  10  à 16  centièmes  de  ligne  ; le  tour  de 
la  vis  embrasse  un  tiers  de  leur  longueur.  Ils  sont  situés  pêle- 
mêle  dans  le  testicule  et  forment,  en  sortant,  des  faisceaux  sem- 
blables à des  boucles.  1 Is  serpentent  très  vite  en  tournoyant  sur  leur 
extrémité  renflée;  ils  ne  se  roidissent  pas  de  suite  dans  l’eau  de  la 
mer,  mais  continuent  à se  mouvoir,  tandis  que  l’eau  douce  produit 
le  phénomène  connu  de  la  formation  des  anses.  On  trouve  aussi 
dans  le  testicule  de  petits  corpuscules  et  de  petites  vésicules  qui 
sont  en  rapport  avec  la  formation  des  zoospermes.  Je  passe  outre 
sur  cet  objet,  me  réservant  de  démontrer  plus  tard  que  les  zoo- 
spermes se  forment  aussi  spontanément  dans  les  organes  sexuels 
femelles.  L’organe  désigné  comme  testicule  est  un  organe  pure- 
ment mâle  ; je  n'y  ai  jamais  vu  de  corps  vésiculaires  qui  eussent  la 
moindre  ressemblance  avec  des  œufs  en  voie  de  développement. 
Nous  décrirons  bientôt  l’analogue  de  l’organe  hermaphrodite  des 
autres  Gastéropodes. 

Organes  sexuels  femelles. 

Les  organes  femelles  occupent  la  plus  grande  partie  de  la  cavité 
générale;  car  les  ovaires,  ainsi  que  les  autres  parties,  s’étendent 
depuis  le  foie  jusque  vers  l’appendice  caudal  du  corps.  Cet  appa- 
reil si  compliqué  est  composé,  1°  des  ovaires;  2°  des  canaux 
excréteurs  des  ovaires  ; 3°  des  réceptacles  particuliers,  dans  les- 
quels les  œufs  primitifs  sont  fécondés,  et  que  j’appelle  avec  M.  de 
Siebold  les  poches  spermatiques  ou  fécondatrices  ; 4°  des  canaux 
excréteurs  de  ces  poches  ; 5°  d’un  autre  réceptacle  qui  correspond 
en  quelque  sorte  à la  matrice. 

Les  ovaires  (fig.  1,  m sont  des  boyaux  ovales  ou  arrondis,  dont 
le  nombre  est  très  variable,  d’après  la  taille  et  l’âge  de  l’animal,  et 
d’après  le  nombre  de  poches  spermatiques.  Chacune  de  ces  der- 
nières poches,  dont  j’ai  compté  de  dix-huit  à vingt-quatre  dans  les 
animaux  adultes,  est  en  communication  avec  trois  à six  ovaires, 
dont  les  canaux  excréteurs  très  courts , mais  capables  d’une  très 
grande  extension,  s’ouvrent,  surtout  dans  la  partie  antérieure  de 
la  poche  spermatique.  Chacune  de  ces  poches  ressemble  ainsi  à 


Sl  lt  I.E  TlillUIPES  Em\  ARDSII. 


1:ï(|  »F.  KORD9MNN. 

une  grappe  de  raisin.  La  formation  des  œufs  a lieu  partout  dans 
la  cavité  des  ovaires,  qui  sont  remplis  par  des  amas  de  granules 
élémentaires  plus  ou  moins  petits,  par  des  quantités  d’œufs  plus 
ou  moins  formés,  arrondis  et  nettement  circonscrits,  qui  sont  tous 
pourvus  de  taches  et  de  vésicules  germinatives.  On  distingue 
entre  autres  des  vésicules  germinatives  plus  grandes  et  entourées 
déjà  de  masses  vitellaires,  opaques.  Les  œufs  qui  sent  mûrs  pour 
la  fécondation  passent,  par  les  canaux  excréteurs  des  ovaires, 
dans  les  poches  séminales,  pour  se  rendre  de  là  dans  l’oviducte, 
dont  l’extrémité  postérieure  peut  être  regardée  comme  l’analogue 
de  l’utérus. 

Les  poches  séminales  (fig.  l,.v)  quoiqu'en  relation  intime  avec 
les  organes  femelles,  méritent  une  attention  toute  particulière , 
en  ce  qu’on  y trouve  un  développement  indépendant  de  zoospermes. 
Le  nombre  de  ces  poches,  arrondies  et  un  peu  aplaties  des  deux 
côtés,  varie,  chez  les  différents  individus,  entre  quatre  et  huit  ; 
elles  remplissent  l’espace  compris  entre  le  testicule  proprement  dit 
et  la  partie  postérieure  de  l’intestin,  en  se  plaçant  les  unes  à la  suite 
des  autres.  Les  parois  assez  épaisses  de  ces  organes  sont  glandu- 
leuses. Leurs  bords  inférieurs  sont  bordés  de  jaune,  quelquefois 
même,  dans  des  individus  plus  âgés,  d’un  orangé  assez  vif.  Les 
éléments  que  l'on  trouve  dans  ces  organes,  et  qui,  à mon  avis, 
sont  tous  liés  au  développement  de  zoospernies,  sont  les  suivants. 

A.  On  trouve  d’abord  de  petits  granules  opaques  qui  présen- 
tent un  mouvement  moléculaire,  et.  qui  remplissent  l’espace  que 
laissent  entre  eux  les  autres  éléments,  en  formant  probablement 
la  matière  dont  ces  derniers  se  constituent  ; 

B.  De  petites  vésicules  arrondies  et  qui  sont  surtout  appli- 
quées contre  les  parois  des  poches  séminales.  Quelques  unes  de 
ces  vésicules  sont  parfaitement  transparentes  ; d’autres  sont  rem- 
plies d’un  contenu  granuleux  ; les  plus  grandes  ont  souvent  un 
noyau  distinct  ; 

C.  Des  cellules  plus  grandes,  allongées,  sans  noyaux,  mais 
remplies  de  granules  très  petits,  disposés  en  séries  parallèles,  ce 
qui  donne  aux  cellules  un  aspect  finement  strié,  qui  est  caracté- 
ristique de  la  formation  des  zoospermes  ; 


DE  iVORDMAiW.  Sl’R  I.E  T EI\E  IPES  EDWARDSIT.  135 

D.  D’autres  éléments  encore  plus  longs,  fusiformes,  plus  ou 
moins  tortueux  et  sans  enveloppe  distincte,  mais  ayant  un  con- 
tenu semblable;  ce  sont  des  faisceaux  de  fibres  spermatiques; 

E.  Des  zoospermes  développés,  ayant  des  têtes  renflées  et  quel- 
ques tours  en  spirale.  Les  faisceaux  les  plus  grands  se  laissent 
diviser,  à l’aide  du  compresseur,  en  plusieurs  faisceaux  plus 
petits  et  rayonnants,  dans  lesquels  les  extrémités  renflées  des 
zoospermes  se  trouvent  toujours  du  même  côté.  Ces  têtes  des 
zoospermes  étaient  entourées  immédiatement  de  petites  vésicules 
ovalaires  et  transparentes  qui  paraissaient  en  communication 
avec  les  têtes,  tandis  que  les  extrémités  minces  et  pointues  des 
zoospermes  étaient  collées  ensemble  par  une  masse  glutineuse  et 
granulée  ; 

F.  Enfin,  des  zoospermes  libres  parfaitement  développés , sans 
vésicules.  Ce  sont  les  seuls  qui  présentent  des  indices  de  vie, 
tels  qu’on  les  connaît  chez  les  zoospermes.  En  les  comparant  avec 
ceux  qu’on  extrait  du  testicule,  on  trouve  toujours  une  petite  diffé- 
rence , qui  consiste  en  ce  que  les  zoospermes  des  vésicules  sé- 
minales ont  une  forme  plus  allongée,  la  tête  moins  grosse,  et  un 
nombre  de  tours  de  spire  moins  considérable. 

Il  y aurait  donc  chez  le  Tergipes  deux  formes  de  zoospermes 
un  peu  différentes. 

Tout  cela  prouve  sans  doute  que  les  zoospermes  se  développent 
dans  l’intérieur  des  organes  femelles  (1). 

Il  est  plus  difficile  de  savoir  si  la  matière  première  de  ces 
corps,  surtout  les  cellules  désignées  sous  ia  lettre  H,  proviennent 
seulement  du  testicule  par  éjaculation.  Je  suis  porté  à croire  que 


(t  ) Il  me  semble  évident,  d'après  ces  observations  de  M.  Nordmann  lui-même, 
que  les  organes  nommés  par  lui  poches  spermatiques  , et  dans  lesquels  se  déve- 
loppent les  zoospermes,  sont  réellement  les  testicules  multiples,  tandis  que  l’or- 
gane appelé  par  lui  testicule  ne  parait  être  qu'un  diverticule  du  canal  déférent, 
une  espèce  de  vésicule  séminale.  Si  le  caractère  du  testicule,  dans  toute  la  série 
animale.  est  de  servir  d'organe  pour  la  production  des  zoospermes,  je  ne  sais 
pourquoi  M Nordmann  refuse  ce  nom  a de-  organes  dans  lesquels  il  trouve 
tous  les  degrés  de  ce  développement,  d'autant  plus  qu'd  n'y  a jamais  découvert 
des  éléments  appartenant  aux  organes  femelles.  (.Voir  du  traducteur.) 


13(3  dk  xonmiwv  — si r,  i.i:  tergipes  edwardsii. 


ces  vésicules  ou  cellules  peuvent  aussi  être  produites  par  les  parois 
glanduleuses  des  poches  séminales.  Je  n’ai  jamais  trouvé,  dans 
ces  poches,  des  éléments  qu’on  aurait  pu  prendre  pour  des  œufs 
en  voie  de  formation , comme  je  n’ai  pas  trouvé  non  plus  de 
zoospermes  en  contact  avec  des  vésicules  germinatives.  Les  zoo- 
spermes  ne  pénètrent  jamais  dans  les  ovaires,  oii  il  aurait  été 
facile  de  les  reconnaître  à leur  longueur  considérable  et  à leur 
aspect  particulier  ; ils  restent,  au  contraire,  dans  les  poches  sémi- 
nales, où  ils  sont  réunis  en  faisceaux. 

La  structure  que  nous  venons  de  décrire  prouve  que  le  Ter  • 
gipes,  ainsi  que  d’autres  animaux  d'une  conformation  semblable, 
peut  produire  des  oeufs  fécondés  sans  copulation  préalable.  Pour 
avoir  une  certitude  absolue  sur  ce  fait , j’ai  fait  des  expé- 
riences directes  en  nourrissant  isolément,  pendant  des  mois 
entiers,  des  individus  que  j’avais  pris  lorsqu’ils  étaient  encore 
d’une  petitesse  extrême.  Presque  tous  ont  pondu  des  œufs  qui 
se  sont  développés. 

Les  poches  séminales  du  Tergipes  débouchent  par  des  canaux 
très  courts  et  assez  larges  dans  un  grand  boyau  médian,  l’utérus, 
qui  diminue  petit  à petit  en  volume , et  se  termine  dans  le  sac 
générateur  commun,  en  formant  un  vagin  allongé  et  un  peu 
llexueux. 

DEIXIÈIIE  PARTIE. 

EMlilîYOGÉNlF.. 

L’œuf  dans  l’ox  aire. 

On  ne  peut  distinguer  les  organes  sexuels  aussi  longtemps  que 
les  jeunes  Tergipes  sont  encore  enfermés  dans  leur  coquille 
nautiloïde  ; mais  aussitôt  qu’ils  se  sont  séparés  de  la  coquille,  et 
qu’ils  ont  atteint  une  longueur  de  1/4  à 1/3  de  ligne,  on  trouve 
déjà  indiqués  le  testicule . ainsi  que  le  contour  de  l’utérus.  Les 
œufs  se  développent  même  beaucoup  plus  tôt  que  le  contenu 
testiculaire  ; mais  ce  qui  frappe  surtout , c’est  le  manque  de  tur- 
gescence de  l’enveloppe  extérieure  de  l’utérus  et  des  parties  con- 
tiguës. La  configuration  des  ovaires,  quoique  en  général  arrondie, 


I»K  \OIIIMItW.  — sur.  LE  TEROIPES  EDWARDS».  137 
montre  pourtant  des  coins  et  des  entailles  qui  so  présentent  sous 
forme  de  sillons  assez  réguliers , formant  tantôt  des  carrés , tantôt 
des  polygones  ou  des  figures  croisées.  Les  œufs  en  voie  de  for- 
mation , et  qui  sont  trop  peu  élastiques  pour  pouvoir  distendre 
les  parois  des  ovaires , sont  entassés  les  uns  sur  les  autres  , com- 
primés extérieurement,  et  présentent  ainsi  des  formes  polyé- 
driques. 

En  soumettant  ces  œufs  à une  pression  graduée , on  les  voit 
affecter  la  forme  de  pentagones  ou  d’hexagones,  dont  chacun  con- 
tient dans  son  intérieur  une  vésicule  arrondie  et  un  noyau  plus 
transparent. 

L’enveloppe  polygonale  est  la  membrane  vitellaire  ; la  vésicule 
transparente  est  la  vésicule  germinative  ayant  la  tache  de  Wagner. 
On  y découvre  en  outre  des  éléments  clairs  et  transparents  com- 
posés seulement  de  deux  contours  concentriques,  savoir,  de  la  vési- 
cule germinative  et  de  son  noyau  ; puis  des  corps  transparents , 
arrondis , très  nettement  circonscrits  , que  je  regarde  comme  des 
taches  germinatives , et  enfin  une  quantité  de  granules  molécu- 
laires qui  forment  la  grande  masse,  de  l’ovaire.  S’il  est  vrai  que 
les  corps  transparents , arrondis , à contours  très  accusés , que  je 
viens  de  mentionner,  sont  réellement  des  taches  germinatives 
isolées,  il  s’ensuivrait  que  cette  tache  serait  le  premier  élément  de 
l’œuf  qui  se  forme,  l ue  pareille  tache  germinative  paraît  toute 
homogène  ; elle  ne  contient  pas , pendant  cette  première  période , 
de  ces  granulations  que  l’on  pourrait  envisager  comme  des  nu- 
cléoles. La  tache  germinative  se  retrouve  dans  les  œufs  les  plus 
petits  des  individus  les  plus  jeunes  ; elle  est  toujours  parfaitement 
arrondie,  et  l’on  peut  distinguer  sur  la  tache,  dès  qu’elle  est 
entourée  par  la  vésicule  germinative  et  par  le  vitellu.s,  une  enve- 
loppe très  mince  et  un  contenu. 

L’enveloppe  ne  présente  aucune  structure  appréciable  ; dans 
l’origine,  ses  contours  sont  plus  accusés  que  plus  tard.  J’ai  plu- 
sieurs fois  réussi  à faire  sortir  la  vésicule  germinative  et  la  tache 
germinative  par  une  fente  de  la  membrane  vitellaire  ; ces  deux  élé- 
ments s’allongeaient  pour  trouver  un  chemin  entre  la  substance 
vitellaire , et  redevenaient  sphériques  plus  tard  après  leur  sortie  , 


138  DE  NOKDMANN.  — SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSII. 
ce  qui  prouve  que  ce  sont  des  vésicules , dont  l’enveloppe  jouit 
d’une  élasticité  considérable. 

La  tache  germinative  augmente  en  volume:  son  contenu  est 
tout-à-fait  sans  structure  aussi  longtemps  que  dure  cet  accroisse- 
ment. 

La  tache  atteint  le  terme  de  sa  croissance  beaucoup  plus  tôt 
que  la  vésicule  germinative,  de  manière  qu’il  n’est  pas  rare  de 
rencontrer  des  taches  de  grandeur  égale  dans  des  vésicules  ger- 
minatives très  inégales. 

Chaque  vésicule  germinative  ne  contient  qu’une  seule  tache, 
située  ordinairement  au  centre , mais  qui  plus  tard  se  rapproche 
un  peu  de  la  périphérie.  Je  ne  crois  pas  que  la  tache  soit  toujours 
accolée  à la  paroi  interne  de  la  vésicule  germinative,  car  elle 
change  facilement  de  place  lorsqu’on  fait  glisser  avec  précaution 
les  lames  du  compresseur.  Les  granulations  manquent  aussi  long- 
temps que  la  vésicule  germinative  est  encore  isolée;  mais  il  se 
forme  un  précipité  granulé  du  moment  que  le  vitellus  vient  s’a- 
jouter et  que  l’ovule  approche  de  sa  maturité. 

Je  crois  donc  pouvoir  établir  avec  une  pleine  certitude  que  la 
vésicule  germinative  existe  avant  le  vitellus , puisqu’on  trouve 
dans  les  ovaires  du  Tergipes  des  vésicules  avec  leur  tache  germi- 
native, et  sans  la  moindre  trace  de  substance  vitellaire. 

La  vésicule  germinative  a une  forme  sphérique  et  entoure  la 
tache  germinative,  d’abord  assez  étroitement,  puis  elle  s’étend 
et  s’accroît  pendant  longtemps,  même  après  que  la  tache  germi- 
native est  parvenue  à son  volume  définitif.  Elle  ne  paraît  atteindre 
le  terme  de  sa  croissance  que  lorsqu’une  partie  du  vitellus  s’est 
déjà  déposée  autour  d’elle. 

La  vésicule  germinative  est  donc  relativement  d’autant  plus 
grande  que  le  vitellus  est  plus  petit. 

L’enveloppe  de  la  vésicule  ne  montre  d’abord  aucune  structure, 
ainsi  que  son  contenu  liquide  et  albumineux  ; mais  ce  dernier  de- 
vient bientôt  granuleux  et  forme  de  petits  globules  qui  se  collent 
à la  paroi  interne  de  la  vésicule,  et  ressemblent  un  peu  à des  glo- 
bules graisseux. 

Nous  distinguons  dans  le  vitellus  deux  substances  : la  couche 


I»E  XORDM.VVÎV.  — sim  LE  TEllGIlUiS  EDWABDSII.  1 39 

primitive,  assez  mince,  et  une  couche  secondaire  qui  s’y  ajoute 
plus  tard. 

La  couche  primitive  se  présente  sous  la  forme  d’un  disque,  au 
milieu  duquel  sont  enfermées  la  vésicule  et  la  tache  germinative. 
Celte  couche  est  composée  d’un  liquide  transparent,  et  parsemée 
de  molécules  très  petites;  elle  est  entourée  manifestement  d’une 
fine  membrane  cellulaire,  d’une  espèce  de  membrane  vitellaire. 

Les  corpuscules  moléculaires  sont  d’abord  de  simples  granules 
qui  n’ont  pas  la  forme  de  vésicules  ou  de  cellules.  La  membrane 
vitellaire  augmente  tout  aussi  bien  autour  de  la  vésicule  germi- 
native que  celle-ci  s’élargit  autour  de  sa  tache  centrale. 

Parmi  les  œufs  en  voie  de  développement,  on  en  trouve  dans 
lesquels  la  vésicule  germinative  occupe  plus  de  la  moitié  de  l’œuf 
tout  entier.  Le  caractère  le  plus  saillant  de  l’œuf  non  mur  est  sa 
transparence  et  l’existence  d’une  membrane  vitellaire  distincte, 
tandis  que  celui  de  l’œuf  mûr  réside  dans  l’opacité , dans  la  com- 
position cellulaire  de  la  masse  vitellaire  et  dans  la  disparition  de 
la  membrane  vitellaire. 

La  masse  vitellaire  primitive  est  entourée,  lorsqu’elle  a atteint 
à peu  près  la  moitié  du  volume  de  l’œuf  tout  entier,  par  les  gra- 
nules brillants,  plus  accusés  et  plus  grands,  de  la  masse  vitellaire 
secondaire,  ou,  en  d’autres  mots,  une  couche  plus  épaisse  de 
substance  vitellaire  se  dépose  autour  de  la  membrane  vitellaire. 

Le  vitellus  primitif  éprouve,  bientôt  après  le  dépôt  de  la  sub- 
stance vitellaire  secondaire,  un  changement,  en  ce  sens  que  les 
molécules  qui  se  trouvent  en  dedans  de  la  membrane  vitellaire 
s’accumulent  pour  former  d’abord  des  granules,  et  plus  tard  des 
vésicules,  dans  lesquelles  on  aperçoit  des  noyaux  plus  petits.  La 
membrane  vitellaire  disparaît  dès  que  la  transformation  de  la  sub- 
stance vitellaire  primitive  est  assez  avancée  pour  qu’il  devienne 
difficile  de  trouver  une  différence  entre  les  deux  substances  vitel- 
laires,  qui  se  pénètrent  maintenant  et  se  confondent  mutuelle- 
ment. On  peut  encore  quelquefois  réussir  à séparer  les  deux 
couches  par  une  pression  habilement  ménagée,  et  faire  voir  la 
membrane  vitellaire , ainsi  que  la  différence  des  couches  qu’elle 
sépare. 


1/jO  nu  xorimiaxv  — Slip,  i.i:  tergipes  edwardsii. 

L’œuf  mûr. 

L’œuf,  parvenu  à sa  maturité,  passe  de  l’ovaire,  par  le  canal 
excréteur  rpii  se  distend  considérablement  à cette  occasion  , dans 
la  poche  séminale  remplie  de  zoospermes,  où  il  est  fécondé,  et  de  là 
dans  la  matrice.  L’utérus,  rempli  quelquefois  de  trente  à qua- 
rante œufs  à la  fois,  est  très  distendu  dans  ce  cas;  les  œufs  sont 
accumulés  depuis  l’orifice  sexuel  jusque  vers  l’appendice  caudal, 
et  il  arrive  assez  fréquemment  que  les  parois  élastiques  de  l’utérus 
poussent  des  diverticules  qui  s’étendent  jusque  dans  les  cavités 
des  appendices  branchiaux,  de  manière  que  des  œufs  isolés  sont 
quelquefois  poussés  à côté  des  cæcums  intestinaux,  jusque  vers 
les  extrémités  des  appendices.  Le  plus  grand  nombre  d’œufs  se 
trouve  toujours  plus  rapproché  du  dos  que  du  pied. 

L’œuf  mûr  a une  forme  parfaitement  sphérique;  son  vitellus 
est  enfermé  dans  une  enveloppe  mince,  transparente  et  sans  struc- 
ture, le  chorion.  Cette  enveloppe  entoure  étroitement  le  vitellus, 
dont  la  masse,  d’abord  blanchâtre,  a pris  une  teinte  rose  assez 
claire,  teinte  qui  se  voit  à travers  les  téguments  extérieurs  du 
corps.  Le  diamètre  d’un  pareil  ouifest  de  0,06  de  ligne.  Le  cho- 
rion résiste  d’abord  un  peu  à la  compression  et  se  fend  ensuite, 
après  une  dilatation  peu  considérable. 

Le  contenu  de  l’œuf  est  composé  d’un  liquide  albumineux  et 
transparent , dans  lequel  sont  dispersés  divers  autres  éléments 
qui  sont  au  nombre  de  trois,  savoir,  des  sphères  assez  grandes, 
transparentes,  luisantes  et  très  nettement  circonscrites,  qui  sont 
manifestement  des  cellules,  et  dont  l’intérieur  est  rempli  par  d’au- 
tres éléments  globulaires  peu  distincts  et  par  des  granules.  Ces 
sphères  brillantes  forment  la  grande  partie  du  contenu  vitellaire  ; 
elles  mesurent  presque  0,006  de  ligne.  Elles  deviennent  surtout 
visibles  par  la  compression,  et  leur  éclat,  par  la  lumière  trans- 
mise, est  tel,  que  leur  aspect  fatigue  même  l’œil  exercé.  A cela 
s’ajoutent  des  granules  plus  petits,  moins  nettement  circonscrits, 
qui  s’accolent  ensemble,  et  qui  sont  entourés  d’une  masse  gra- 
nuleuse très  One,  dont  les  molécules,  ainsi  que  les  contours  des 


DE  \OKHMAXV  — sut  LE  II  IIGII’ES  EDWAKDSII.  1ÙI 
petites  sphères,  sont  doués  d’un  mouvement  très  animé  lorsqu’on 
écrase  les  œufs. 

La  vésicule  germinative,  avec  son  noyau,  ne  montre  pas  de 
modification  importante  ; on  remarque  pourtant  qu’elle  appro- 
che davantage  de  la  périphérie,  et  qu’elle  est  remplie  de  nom- 
breux granules  opaques..  On  remarque  aussi  quelquefois  dans 
la  substance  vitellaire  des  globules  plus  grands  et  nettement 
accusés,  qui  sont  probablement  des  gouttelettes  d’huile.  Le  con- 
tenu vitellaire  n’est  pas  sensible  à l’eau  de  mer;  le  mouve- 
ment moléculaire  devient  seulement  d’abord  plus  vif,  pour  se 
ralentir  après,  et  s’arrêter  définitivement  après  quelque  temps. 

I.a  ponte  des  œufs. 

La  copulation,  si  toutefois  elle  a toujours  lieu,  non  plus  que  la 
ponte  de  notre  animal , n’est  liée  à une  certaine  saison  ; car  on 
trouve  une  quantité  de  capsules  d’œufs  depuis  le  printemps  jus- 
qu’à l’époque  où  la  mer  gèle,  et  j’ai  eu  même  des  œufs  qui  furent 
pris  en  décembre,  par  une  température  de  h degrés,  dans  la  mer. 
La  capsule  dans  laquelle  les  œufs  du  Tergipes  sont  enfermés  est 
arrondie  ou  réniforme;  elle  constitue  une  vésicule  d’une  transpa- 
rence vitrée,  qui  est  composée  de  deux  enveloppes,  une  externe 
et  une  interne.  Cette  dernière  entoure  légèrement  les  œufs,  et 
laisse  apercevoir  un  espace  considérable  entre  elle  et  l’enveloppe 
externe.  La  capsule  a une  ligne  de  diamètre;  elle  est  fixée,  par 
une  tige  courte  et  en  forme  d’entonnoir,  à la  face  inférieure  d’une 
feuille  d’Algue  ou  à un  Polypier  quelconque,  tels  que  des  Cam- 
panulaires,  des  Corynes  ou  des  Bow  erbankies.  L’espace  externe, 
comme  l’espace  interne  de  la  capsule  , est  rempli  par  un  liquide 
gélatineux,  dans  lequel  les  petits,  qui  portent  encore  des  coquilles, 
tourbillonnent  pendant  quelque  temps  après  leur  sortie  de  l’œuf. 
On  remarque  à la  face  de  la  vésicule,  située  vis-à-vis  de  la  lige, 
un  cercle  dans  lequel  se  montre  une  fente,  vers  la  fin  du  dévelop- 
pement des  petits.  Celte  fente  donne  aux  petits  une  issue  dans 
l’eau. 

Le  nombre  des  œufs  contenus  dans  les  capsules  varie  beaucoup 
d’après  la  grandeur  et  l’àge  de  l’animal , et  chacun  d’eux  répète 


1 /p2  ni:  vonn'i i\v  — sois  i.e  ïeugipes  edwardsij. 
plusieurs  fois  la  ponte,  sans  que  chaque  ponte  soit  précédée  né- 
cessairement d’un  accouplement.  J’ai  retiré  de  douze  individus, 
que  j’isolais  pendant  dix  jours,  après  les  avoir  conservés  ensemble, 
le  nombre  suivant  d’œufs. 


Du  N"  1 La  première  fois.  . . 9 La  seconde  fois.  6 » » 

2  18 9.4 

3  18 7 8 » 

4  8 ......  4 0 » » 

5.  ........18 13  » » 

6  16 3 7 . 

7  8 

8  3 

9  1 

10 .52 

H 64 

12 80  30  26  1* 


Ce  dernier  animal  était  extraordinairement  grand  ; il  vécut 
pendant  plus  de  trois  mois,  changea  plusieurs  fois  de  peau,  et 
se  nourrissait,  en  dernier  lieu  seulement,  d’infusoires,  après  avoir 
dévoré  tous  les  faisceaux  de  Campanulaires  qui  étaient  à sa  portée. 
Il  pondit  plus  tard  encore  des  œufs  que  je  ne  comptais  plus. 

Les  œufs  forment  un  amas  irrégulier,  mais  qui  n’est  jamais 
serré  au  point  qu’ils  puissent  se  comprimer  mutuellement,  de  ma- 
nière à prendre  une  forme  polyédrique.  Je  n’ai  pas  vu  non  plus 
de  coques  vides  sans  vitellus , telles  que  M.  Sars  en  mentionne 
dansiez  N udibranches  examinés  par  Iqi.  Mes  animaux  pondaient 
de  nuit , et  quelquefois  plusieurs  capsules  à la  fois.  Je  n’ai  pas 
vu  une  véritable  immission  du  pénis,  quoique  j’eusse  observé 
plusieurs  couples  en  contact  immédiat. 

Développement  de  l’embryon 

Les  points  suivants  me  paraissent  surtout  importants  dans  les 
modifications  que  subissent  le  vitellus  et  l’embryon.  1“  L’œuf 
devient  oval;  le  chorion  s’étend  d’un  cinquième  de  son  axe  lon- 
gitudinal. Un  liquide  transparent  et  albumineux  se  sépare 
en  même  temps  du  vitellus.  3“  Le  vitellus  perd  sa  forme  sphé- 


DE  XORDM.IW  — SLK  LE  TEltGIl’ES  EDM  \UDS1I.  143 

rique;  sa  masse  devient  moins  compacte;  ses  contours  se  ri- 
dent. 4°  La  vésicule  germinative  et  la  tache  de  \\  agner  dispa- 
raissent. 5°  Les  couches  supérieures  du  vitellus  perdent  leur  cou- 
leur rougeâtre;  l’œuf  devient  blanc.  6"  Des  cellules  vitellaires  se 
séparent,  dans  la  majorité  des  cas,  du  reste  de  la  masse  vitel- 
laire,  et  déterminent  des  formations  parasitiques.  7“  Le  vitellus 
est  séparé  en  deux  sphères  par  un  sillon.  8"  Le  fractionnement  se 
continue  dans  une  progression  régulière.  9“  Le  vitellus  a la 
forme  d’une  mûre.  10°  Une  vésicule- d’air  (?)  se  sépare  du 
vitellus.  11°  La  surface  du  vitellus  devient  grenue.  12°  Pre- 
mière formation  de  l’embryon  : le  vitellus  prend  une  forme  al- 
longée qui  passe  bientôt  à celle  d’un  triangle  mal  défini.  13°  Ap- 
parition distincte  du  système  animal,  du  système  cutané;  con- 
figuration de  l’embryon.  14”  La  partie  antérieure  de  l’embryon, 
les  organes  moteurs  futurs  sont  indiqués  par  un  étranglement. 
15°  Le  bord  antérieur,  élargi,  montre  des  rides  qui  se  trans- 
forment bientôt  en  deux  saillies  arrondies  latérales.  16°  Les  sail- 
lies se  transforment  en  lambeaux,  et  entre  eux  parait  un  troisième 
prolongement,  le  pied.  17°  Commencement  de.  la  formation  du 
manteau  et  de  la  coquille.  18°  Des  cils  poussent  sur  les  lambeaux. 
19°  Premier  mouvement  oscillatoire  de  l’embryon.  20°  Le  pied, 
accolé  à la  coquille,  reçoit  des  cils  vibratiles,  21"  Les  lambeaux 
(voiles)  prennent  la  forme  d’un  disque;  mouvement  rotatoire  de 
l’embryon.  22°  Les  cellules  qui  ont  contribué  à la  formation  du 
manteau  se  dissolvent  et  disparaissent.  23"  La  coquille  s’est 
accrue  considérablement.  24°  Des  rangées  de  cellules  isolées 
indiquent  le  muscle  suspenseur.  25°  Formation  des  viscères,  dont 
on  ne  peut  distinguer  d'abord  que  l’intestin  isolé  ; capsules  audi- 
I i v es.  26°  Le  foie  et  d’autres  corps  glanduleux  deviennent  distincts, 
ainsi  que  l’anus,  les  ganglions.  27°  Les  cellules  formant  le  muscle 
suspenseur  disparaissent.  28°  Dépôt  pigmentaire  des  yeux.  29°  Les 
parasites  si  curieux  paraissent  entre  le  chorion  et  l’embryon  en- 
core enfermé  dans  sa  coquille.  30°  L’embryon,  définitivement 
formé,  ou  la  larve,  ouvre  et  referme  sa  coquille,  moyennant  un 
opercule.  31°  Plus  grande  dilatation  du  chorion.  32°  La  larve 


144  DE  Mlltlin\N\.  — SL  K LE  HilU.ll'LS  EDWAKDSII. 
crève  le  chorion.  33°  Séjour  des  larves  dans  la  capsule  commune 
des  œufs.  34°  Les  petits  quittent  la  capsule. 

Le  temps  nécessaire  au  développement  complet  des  œufs  du 
Tergipes  est  très  différent,  d’après  les  saisons,  et  j’ai  observé 
qu’il  faut,  en  général , de  seize  à vingt  jours  pour  l’accomplisse- 
ment de  toutes  les  phases.  Le  changement  trop  souvent  répété 
de  l’eau  de  mer,  dans  la  saison  froide,  retarde  de  beaucoup  le 
développement. 

La  première  modification  que  l’on  aperçoit  consiste  dans  la  di- 
latation de  l’enveloppe  externe , qui  prend  une  forme  ovale.  Il 
se  trouve  même  des  œufs  qui  sont  plus  larges  à l'une  des  extré- 
mités, et  pointus  à l’autre.  Le  vitellus,  encore  complètement  glo- 
bulaire, d’une  teinte  rose  parla  lumière  réfléchie,  et  nettement 
circonscrit,  occupe  à peu  près  les  deux  tiers  dé  l’espace  du  cho- 
rion. 11  est  impossible  de  prouver  l’existence  d’une  membrane 
vitellaire;  le  vitellus,  par  la  compression,  s’étend  d’une  manière 
uniforme,  et  coule  hors  du  chorion  déchiré,  sans  laisser  de  traces 
d’une  enveloppe  particulière. 

Pendant  que  le  chorion  augmente  de  volume,  il  se  fait  entre 
lui  et  le  vitellus  un  espace  assez  considérable,  qui  se  remplit 
d’un  liquide  albumineux  et  transparent.  On  sait  que  beaucoup 
d’œufs  de  Mollusques  se  tuméfient  lorsqu’on  les  met  dans  l’eau; 
mais  je  crois  que,  dans  le  cas  qui  nous  occupe  , le  liquide  ne  pé- 
nètre pas  seulement  par  imbibition  , mais  qu’il  provient  aussi  de 
la  masse  vitellaire  elle  même,  entre  les  granules  de  laquelle  il  était 
contenu. 

Le  vitellus  s’agrandit  peu  de  temps  (six  à dix  heures)  après  la 
ponte;  il  perd  en  même  temps  sa  forme  sphérique  et  montre  des 
contours  ridés,  qui  proviennent  de  l’accumulation  des  cellules 
et  des  granules  , entre  lesquels  il  y a des  espaces  plus  transpa- 
rents. Cette  liquéfaction  pénètre  toute  la  masse  vitellaire,  et  dé- 
truit aussi  la  vésicule  germinative  et  la  tache  de  Wagner,  parties 
qui  se  montrent  toujours  dans  les  œufs  contenus  dans  la  matrice, 
en  sorte  que  leur  disparition  n’est  pas  une  conséquence  immédiate  de 
la  fécondation.  Je  ne  puis  dire  avec  certitude  si  c’est  la  tache 


in:  !V«KD1U\\.  — SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSII.  1 h 5 
ou  la  vésicule  germinative  qui  disparaît  la  première  ; leur  place 
est  occupée  maintenant  par  des  granules  et  des  cellules  grandes 
et  petites.  La  teinte  rosâtre  du  vitellus  disparaît  en  même  temps; 
l’œuf  devient  blanc. 

Avant  le  commencement  du  fractionnement  se  montre  un  phé- 
nomène tout-à-fait  particulier,  qui  n’est  qu’en  rapport  indirect 
avec  le  développement  de  l’embryon.  De  petites  particules , 
quelquefois  au  nombre  de  deux  à huit , commencent  à se  séparer 
du  vitellus  au  moment  où  celui-ci  se  ride.  Ces  agglomérations 
sont  d’abord  collées  à la  surface  du  vitellus;  mais  bientôt  elles  se 
séparent  complètement  pour  nager  dans  le  liquide  albumineux. 
Ces  agglomérations  ne  sont  pas  différentes  des  éléments  vitel- 
laires;  elles  contiennent  toujours  quelques  cellules  plus  grandes, 
arrondies  et  transparentes,  dans  lesquelles  se  trouvent  emboîtées 
d’autres  cellules  plus  petites  et  pourvues  de  noyaux.  J’ai  pour- 
suivi attentivement  les  phases  diverses  de  ces  agglomérations, 
et  j’ai  vu  qu’elles  se  transformaient  en  des  animaux  parasites  d’une 
forme  particulière.  Ce  fait  me  paraît  de  la  plus  haute  importance  ; 
il  peut  donner  lieu  à une  quantité  de  questions  et  d’hypothèses. 

11  s’agit  d’abord  de  savoir  si  mes  observations  sont  réellement 
fondées,  et  si  je  n’ai  pas  été  trompé  en  prétendant  que  ces  agglo- 
mérations proviennent  réellement  du  vitellus  , puis  si  les  mem- 
branes et  les  enveloppes  des  œufs  étaient  réellement  intactes , et 
si , «11  général , il  y avait  possibilité  de  suivre  le  développement 
de  ces  animaux  parasites.  On  peut  faire  la  réponse  suivante  à 
ces  objections.  Une  quantité  de  parasites  se  trouve  dans  les  par- 
ties internes  des  Mollusques;  l’observation  ne  pouvait  reposer  sur 
une  erreur,  puisque , sur  la  grande  quantité  d’œufs  qui  se  sont 
développés  sous  mes  yeux,  èi  des  saisons  différentes,  il  n’y  en 
avait  que  fort  peu  sur  lesquels  je  n’eusse  pas  observé  ce  phéno- 
mène. Ni  l’embryon  ni  les  parasites  ne  se  développaient  lorsque  les 
enveloppes  du  vitellus  avaient  une  lésion  quelconque  qui  laissait 
libre  accès  à l’eau.  Toute  la  masse  se  décomposait  alors  par 
pourriture.  Des  germes  de  parasites  peuvent  se  trouver  tout  aussi 
bien  dans  les  ovaires  que  dans  d’autres  organes;  ces  germes  peu- 
3*  série.  Zoul.  T.  V.  ( Mars  -1846.)  -j  10 


146  DE  NORDMANN.  — SUR  IÆ  TERGII'ES  EDWARDSII. 
vent  être  englobés  par  les  enveloppes  des  œufs  qui  se  forment. 
J’ai,  d’ailleurs,  déjà  communiqué  d’autres  observations  analogues 
qui  constatent  des  faits  semblables.  Mais  les  rapports  si  intimes 
de  ces  agglomérations  avec  le  reste  du  vitellus,  leur  développe- 
ment dans  l’intérieur  du  chorion , sont  toujours  quelque  chose  de 
surprenant  ; car,  s’il  y avait  une  membrane  vitellaire  particulière, 
les  germes  des  parasites  devraient  être  enfermés  par  cette  mem- 
brane. D’autres  naturalistes  confirmeront  sans  doute  mes  obser- 
vations, pourvu  que  d’autres  Mollusques  présentent  des  cas  ana- 
logues. La  transformation  des  agglomérations  séparées  pour  for- 
mer des  animaux  isolés  n’est  pas  difficile  à suivre , malgré  la 
petitesse  de  ces  dernières;  mais,  comme  elle  ne  se  fait  qu’ après 
la  fin  du  développement  embryonnaire  du  Tergipes,  je  ne  revien- 
drai sur  cet  objet  que  plus  tard. 

Le  premier  sillon  du  fractionnement  paraît,  en  général,  qua- 
torze à seize  heures  après  la  ponte.  D’abord  à peine  marqué , il 
devient  de  plus  en  plus  profond,  et  finit  par  séparer  le  vitellus  en 
deux  sphères  plus  ou  moins  grandes,  qui  paraissent  à peine  acco- 
lées l’une  à l’autre.  Ce  premier  sillon  a une  direction  très  variable  ; 
quelquefois  il  ne  passe  pas  même  dans  le  centre  de  l’œuf,  de 
sorte  qu’il  se  forme  deux  sphères  d’une  grandeur  fort  inégale. 
Je  m’attendais  à voir  distinctement  la  membrane  vitellaire  pen- 
dant le  fractionnement,  ce  qui  n’est  pas  arrivé;  comme  cette 
membrane  ne  prend  point  part  à la  formation  des  sillons,  elle 
aui'ait  dû  apparaître  en  formant  des  ponts  à travers. 

Le  premier  sillon  est  bientôt  coupé  par  un  autre,  qui  partage 
alors  le  vitellus  en  quatre  parties  égales.  Celles-ci  se  fendent  en 
huit  sphères,  et  ainsi  de  suite...  Mais,  quoiqu’il  y ait  une  tendance 
à un  sillonnement  progressif  et  régulier,  je  dois  pourtant  faire 
observer  que  le  vitellus  est  souvent  très  irrégulièrement  frac- 
tionné avant  qu’il  prenne  la  forme  d’une  mûre.  Les  sphères 
vitellaires  s’aplatissent  mutuellement  sur  les  points  de  contact; 
elles  sont  complètement  séparées  ; mais  lorsqu’elles  se  désagrè- 
gent les  unes  des  autres,  l’embryon  ne  se  développe  pas;  les 
sphères  pourrissent , et  des  Monades  se  forment  dans  l’intérieur 


MU  XOKMMAW.  — SUtt  l.li  TliKüll’liS  EDWAJRDSU.  147 
du  chorion  intact,  comme  je  l’ai  déjà  démontré,  du  reste , sur  des 
œul's  pourris  de  Lernées  (1). 

Les  taches  circulaires  et  transparentes  qui  se  trouvent  dans 
l’intérieur  des  sphères  de  fractionnement  manquent  entièrement 
dans  notre  mollusque. 

Le  volume  du  vitellus  augmente  fort  peu  pendant  le  fractionne- 
ment ; les  sphères  qui  résultent  de  ce  fractionnement  ont  toutes 
la  même  grandeur  lorsque  l’œuf  est  à l’état  de  mûre  ; les  sphères 
se  subdivisent  alors  de  nouveau  jusqu’à  ce  que  la  surface  de  l’œuf 
ait  cet  aspect  finement  granulé  qu’on  lui  connaît.  Je  dois  avouer 
que  je  n’ai  pu  trouver  de  membranes  propres  autour  des  sphères, 
([ue  dans  les  dernières  périodes  du  fractionnement.  Néanmoins 
je  ne  veux  pas  nier  leur  présence  dès  le  commencement. 

Je  trouve  que  les  sphères  contiennent  alors  deux  cellules  em- 
boîtées les  unes  dans  les  autres , rarement  davantage. 

Un  phénomène  particulier,  sur  lequel  je  voudrais  appeler  l’at- 
tention des  observateurs  futurs,  se  présente  lorsque  le  vitellus  a 
pris  la  forme  d’une  mûre.  Une  petite  vésicule  ronde  est  excrétée 
pendant  ce  temps  par  le  vitellus.  Cette  vésicule,  qui  d’abord  est 
attachée  à la  surface  de  l’une  des  sphères  de  fractionnement,  dis- 
paraît plus  tard  sans  laisser  de  traces.  Ce  n’est  pas  une  goutte- 
lette d’huile,  à en  juger  par  ses  contours  opaques  et  son  pouvoir 
de  réfraction  , mais  plutôt  une  vésicule  remplie  d’un  liquide  lim- 
pide, ou  peut-être  même  une  vésicule  d’air  (?).  Je  regrette 
maintenant  de  n’avoir  pas  déterminé  la  nature  de  cette  vési- 
cule, ce  qui  n’aurait  pas  été  difficile. 

Elle  est  sans  doute  dans  un  rapport  intime  avec  le  fractionne- 
ment, puisqu’elle  s’observe  dans  tous  les  œufs,  et,  à ce  qu’il  pa- 
raît, en  un  point  déterminé.  Je  ne  suis,  d’ailleurs,  pas  le  seul 
qui  ait  observe  cette  vésicule  ; MM.  Dumortier  etPouchet  l’ont  vue 
sur  les  œufs  des  Lymnécs,  etM.  Van  Beneden  sur  ceux  des  Aplysies. 
Cette  vésicule  ne  peut  pas  être  identique  avec  la  tache  germina- 

(I)  ifikrographische  Beilrœgc,  II.  — Les  Infusoires  qui  se  trouvent  dans  les 
œufs  pourris  des  Tergipessont  très  petits,  pointus  en  avant  et  surtout  en  arrière, 
et  rappellent  les  formes  de  certaines  espèces  d'Euglènes.  Ils  nagent  assez  rapide- 
ment par  des  mouvements  ondulatoires  de  la  queue. 


148  DE  XOKDMAW.  — Sl'll  Lli  TEKGIPJKS  EDWAIIÜSII. 
tive,  puisqu’il  y a un  intervalle  d’au  moins  quatre  jours  entre 
son  apparition  et  la  disparition  de  la  tache  germinative. 

Le  développement  de  l’embryon  commence  du  moment  où  la 
surface  du  vitellus  a reçu  l’aspect  granulé.  Nous  savons  déjà,  par 
le  développement  d’animaux  de  certaines  classes  de  vertébrés,  que 
le  vitellus  tout  entier  se  transforme  en  embryon  ; mais  les  Mol- 
lusques ne  me  paraissent  pas,  en  général,  très  propres  à fournir  des 
notions  sur  les  premiers  germes  de  l’embryon. 

Je  n’ose  pas  décider,  faute  d’observations  directes,  si  les  cel- 
lules des  tissus  deviennent  libres  par  la  destruction  des  cellules- 
mères  et  par  la  formation  de  générations  nouvelles  dans  l’inté- 
rieur de  ces  dernières , ni  si  les  cellules  des  tissus  doivent  leur 
origine  aux  cellules  primaires  détruites  et  redevenues  informes. 
Ce  qui  est  sûr,  c’est  que  l’emboîtement  des  cellules  m’est  devenu 
parfaitement  clair  pendant  le  fractionnement,  et  que  les  cel- 
lules des  tissus  sont  des  éléments  que  l’on  ne  trouve  pas  dans  les 
cellules  primitives  de  fractionnement.  J’ai  cherché  en  vain  à 
rattacher  le  développement  à une  cellule  dite  embryonnaire,  d’a- 
près M.  Kœlliker  ; je  n’ai  pas  pu  non  plus  voir  avec  précision 
une  enveloppe  primitive , comme  la  veut  M.  Reichert.  La  couche 
superficielle  du  vitellus  n’a  pas  une  couleur  différente , et  je  puis 
seulement  rapporter  qu’il  existe  un  point  plus  clair,  comme  pre- 
mier indice  des  parties  animales  de  l’embryon. 

Faute  de  pouvoir  suivre  les  métamorphoses  internes  des  cellules 
vitellaires,  nous  devons  nous  rattacher  surtout  à celle  des  contours 
que  montre  le  vitellus , et  dont  le  but  est  d’abord  le  développe- 
ment d’organes  qui  impriment  un  mouvement  particulier  à l’em- 
bryon. 

Avant  que  ces  organes  se  montrent  manifestement,  il  se  forme 
une  petite  saillie  sur  le  vitellus,  dont  la  forme  sphérique  est  de- 
venue plus  allongée.  Cette  saillie  est  séparée  en  deux  mamelons 
arrondis  par  un  sillon  d’abord  peu  marqué , mais  qui  devient  de 
plus  en  plus  large  et  profond.  Les  mamelons  eux -mêmes  sont 
également  réunis  par  une  espèce  de  pont  saillant. 

Au-dessous  dé  ce  mamelon  se  forme  un  peu  plus  tard  un  autre 
sillon,  et  au-dessus  de  ce  sillon  une  troisième  saillie  arrondie,  à la- 


DK  XORDH.WV  — SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSII.  l/j9 
quelle  correspond,  du  côté  opposé,  la  face  ventrale  de  l’embryon, 
qui,  vue  de  côté,  se  présente  comme  concave  ou  courbée  en  dedans. 
On  remarque  maintenant  aussi  sur  les  deux  mamelons  mentionnés 
des  cils  vibratiles  très  courts,  qui  impriment  un  mouvement  trem- 
blotant à l’embryon.  Ces  cils  sont  d’abord  si  petits , qu’ils  sont 
impuissants  pour  mouvoir  l’embryon  en  entier.  Leur  présence  est 
trahie  par  les  petites  particules  nageant  dans  l’albumine,  avec 
lesquelles  ils  viennent  en  contact.  Le  reste  de  la  surface  embryon- 
naire ne  montre  pas  de  cils  vibratiles  ; mais  toute  la  masse  est 
douée  de  très  bonne  heure  de  contractions  et  d’expansions  très 
faibles. 

La  troisième  saillie,  que  nous  avons  mentionnée  (le  pied),  s’ac- 
croît avant  que  les  cils  des  mamelons  aient  atteint  leur  lon- 
gueur définitive.  Les  mamelons  s’agrandissent,  les  cils  s’allon- 
gent, les  mouvements  deviennent  plus  marqués.  Ce  sont  d’abord 
des  mouvements  de  va-et-vient,  qui  se  changent  bientôt  en  un 
tournoiement  autour  de  l’axe.  Quoique  ces  mouvements  parais- 
sent tout-à-fait  mécaniques,  il  y a pourtant  des  moments  de  repos 
oii  les  cils  et  l’embryon  s’arrêtent.  On  remarque  souvent,  avant 
que  les  deux  mamelons  s’écartent,  que  le  bord  situé  entre  eux 
paraît  comme  frangé.  Le  bord  de  l’embryon  est  aussi,  en  avant 
comme  en  arrière,  beaucoup  plus  transparent  que  le  centre. 

Les  deux  mamelons  ou  les  organes  moteurs  particuliers  des- 
sinent la  partie  céphalique , l’extrémité  opposée  est  la  partie  pos- 
térieure. L’embryon  a,  à cette  époque,  une  forme  à peu  près  qua- 
drangulaire,  un  peu  plus  large  en  avant,  et  arrondie  en  arrière. 

Cette  forme  de  l’embryon  se  convertit  bientôt  en  un  triangle 
mal  défini.  A mesure  que  le  bord  postérieur  transparent,  en 
devenant  plus  distinct,  trahit  les  rudiments  d’une  coquille  en 
voie  de  formation,  il  se  forme  une  espèce  d’opposition  entre  le 
corps  de  l’embryon  et  le  manteau  qui  l’enveloppe.  Le  centre  opa- 
que se  présente,  vu  de  côté,  à peu  près  sous  la  forme  d’une  croix. 
La  partie  antérieure  , avec  les  cils  vibratiles , est  posée  sur  une 
base  large  comme  une  saillie  très  considérable,  qui  est  coupée 
carrément  en  avant.  Un  bourrelet  du  manteau , qui  est  situé  sur 
la  paroi  interne  de  la  coquille,  embrasse  la  bosse  du  dos.  Le  pied, 


'150  DU  XOKDMAXX.  Si; II  le  tergites  edwardsii. 

en  forme  de  saillie  arrondie  , se  trouve  vis-à-vis  de  cette  bosse. 
La  partie  postérieure  de  l’embryon  est  ainsi  enveloppée  comme 
dans  un  sac  double , le  manteau  et  la  coquille , tandis  que  la 
partie  antérieure  du  corps  n’a  point  d’enveloppe. 

Nous  avons  donc  maintenant  à distinguer  trois  parties  diffé- 
rentes dans  le  corps  de  l’embryon  : la  coquille  mince,  transpa- 
rente et  gélatineuse,  le  manteau  moins  transparent  et  formé  de 
plusieurs  couches  de  cellules  élémentaires  qui  lui  donnent  un 
aspect  vésiculeux , et  enfin  le  vitellus  opaque,  composé  aussi  de 
cellules  et  comprenant  l’agrégation  des  organes  internes. 

Ce  n’est  donc  pas  la  coquille  qui  empêche  l’observateur  de 
voir  les  parties  internes,  comme  le  croit  M.  Sars,  mais  plutôt  le 
manteau. 

Les  cellules  qui  composent  ce  dernier  ne  sont  pas  globulaires , 
mais  plutôt  allongées  ou  ovales,  transparentes,  sans  noyau  dis- 
tinct, et  toutes  à peu  près  d’égale  grandeur. 

Elles  sont  disséminées,  sans  ordre  apparent,  dans  un  cyto- 
blastème  grenu  ; elles  se  confondent  plus  tard , de  manière  à 
rendre  le  manteau  plus  transparent.  Je  n’ai  pas  pu  voir  de  cellules 
dans  la  coquille  en  voie  de  formation  ; celle-ci  se  développe  de 
bas  en  haut,  et,  tandis  qu’en  arrière  elle  devient  de  plus  en  plus 
apparente,  son  embouchure  supérieure  est  tellement  adhérente  au 
manteau,  qu’on  ne  peut  pas  lui  assigner  une  limite  distincte.  Les 
cils  vibratiles  font  toujours  saillie  sur  les  contours  supérieurs  de 
la  coquille;  le  chorion  s’est  distendu  en  même  temps,  de  manière 
à donner  plus  d’espace  au  mouvement  de  l’embryon. 

Les  deux  mamelons  de  la  partie  céphalique  se  transforment 
bientôt  en  deux  lambeaux  arrondis  pourvus  de  longscils  vibratiles. 
rendant  les  moments  de  repos,  ces  lambeaux  sont  appliqués  l’un 
contre  l’autre,  et  les  cils  étendus  en  ligne  droite.  Tous  ces  mouve- 
ments dépendent  manifestement  de  la  volonté  de  l’embryon.  La 
coquille  s’est  agrandie  pendant  ce  temps  ; les  cellules  qui  compo- 
saient le  manteau  ont  disparu  ; le  pied  a reçu  une  forme  de  langue, 
et  on  voit  sur  sa  surface,  qui  est  tournée  contre  les  lambeaux,  des 
cils  vibratiles  assez  courts.  Le  manteau,  devenu  transparent,  per- 
met d’apercevoir  des  séries  isolées  de  cellules  destinées  à la  for- 


DE  NOBDIUm  — SUR  LE  TERCIPES  EDWARDSII.  1 51 
mation  du  muscle  suspenseur.  On  distingue  maintenant  l’estomac 
arrondi  en  forme  de  sac,  composé  entièrement  de  cellules  ovales, 
qui  paraissent  être  en  communication  avec  les  lambeaux  vibrants, 
par  un  corps  plus  grand,  opaque  et  cellulaire.  On  voit  à côté  de 
l’estomac  une  autre  partie  arrondie  et  grenue , le  foie,  et  il  existe 
une  trace  du  canal  intestinal,  sans  qu’il  soit  possible  d’en  suivre 
le  trajet. 

On  remarque  de  très  bonne  heure,  et  avant  que  l’opercule  de 
la  coquille , collée  sur  le  pied , commence  à s’ouvrir  et  à se 
fermer,  avant  même  que  les  autres  organes  internes  soient  devenus 
apparents,  on  remarque,  dis-je,  à la  base  des  lambeaux  vibrants, 
que  je  nommerai  dorénavant  vibracules  ou  voiles,  deux  corps 
arrondis  et  nettement  circonscrits,  qui  sont  les  capsules  auditives. 
Les  parois  de  ces  capsules,  qui  ont  déjà  une  certaine  consistance, 
résistent , sans  perdre  leur  forme , à une  forte  pression  du  com- 
presseur qui  fait  diftluer  toutes  les  autres  parties  molles  ; et  lors- 
que, par  un  hasard  quelconque,  les  embryons  se  décomposent, 
ces  capsules  cartilagineuses  résistent  à la  dissolution  générale,  et 
se  retrouvent  sans  changement  parmi  les  parties  décomposées. 

J’ai  vu,  quelques  jours  plus  tard,  les  yeux  de  mes  embryons 
à côté  et  au-dessus  des  vésicules  auditives.  Ils  auraient  peut-être 
échappé  à mon  observation , si  un  pigment  à teinte  rose  ne  les 
avait  trahis.  Ils  sont  beaucoup  plus  petits  et  moins  nettement 
accusés  que  les  capsules  auditives,  et  leur  pigment  se  confond 
avec  la  masse  du  corps  environnant.  Je  n’ai  pu  voir  aucune  sub- 
stance capable  de  réfracter  la  lumière.  Ces  yeux , sans  contours 
arrêtés,  ressemblent  beaucoup  aux  parties  correspondantes  dans 
les  Infusoires  et  d’autres  animaux  inférieurs  (1). 

(1  ) Me  trouvant  en  1 823  , avec  M.  Milne  Edwards  , sur  les  côtes  de  la  Nor- 
mandie, j'ai  vu  et  dessiné  deux  espèces  d' Ascidies  composées,  qui  se  distinguent 
par  des  yeux  rouges  magnifiques.  On  n'a  pas  encore  démontré  l'existence  d'veux 
chez  des  Polypaires,  a l'exception  du  genre  Syncoryne  ; mais  je  peux  communiquer 
dés  à présent  les  détails  suivants  surl'organe  auditif.  J'ai  déjà  publié  que  l'animal 
complètement  formé  d'une  Campanulaire  se  détache  souvent  et  nage  librement, 
après  la  transformation  de  quelques  unes  de  ces  parties,  sous  forme  d une  petite 
Méduse  : dix-huit  a vingt  tentacules  articulés  sont  pendus  à la  périphérie  du  corps, 


si  r.  l.li  TERGIPIÎS  EDWAUDSII. 


152  DE  NORDMAMV.  — 

Des  cellules  rangées  obliquement  depuis  le  fond  de  la  coquille 
jusque  vers  le  pied  sont  restées  seules  de  toutes  celles  qui  ont 
formé  les  intestins  et  le  manteau;  ces  cellules,  accumuléesd’  abord 
sans  ordre , s’appliquent  bientôt  l’une  à la  suite  de  l’autre  par 
leur  plus  grand  diamètre.  Les  cloisons  transversales  disparais- 
sent , et  il  se  forme  un  simple  faisceau  musculaire  allongé , dont 
la  transformation  s’opère  de  haut  en  bas , c’est-à-dire  du  pied , 
vers  la  paroi  interne  de  la  coquille,  oii  le  faisceau  montre  encore 
quelques  groupes  cellulaires  isolés  qui  se  confondent  bientôt  avec 
lui.  On  pourrait  croire  que  ce  faisceau  musculaire  s’attache  immé- 
diatement à la  paroi  interne  de  la  coquille,  parce  qu'un  lambeau 
du  manteau  s’applique  ici  étroitement  à la  paroi  interne  de  la 
coquille.  Le  manteau  se  sépare  plus  tard  de  la  coquille  en  entou- 
rant les  intestins , ce  qui  produit  un  espace  vide  entre  l’insertion 
inférieure  du  muscle  et  la  coquille  : ce  muscle  est  le  seul  organe 
par  lequel  le  manteau  soit  en  rapport  avec  les  intestins. 

Le  jeune  animal , maintenant  complètement  formé , ouvre 
l’opercule  de  sa  coquille , avance  le  voile  vibrant , et  s’agite 
longtemps  dans  sa  prison  jusqu’à  ce  que  le  chorion  se  déchire. 
Nous  essaierons  maintenant  de  décrire  notre  animal  aussi  complè- 
tement que  possible. 

La  coquille,  plus  longue  que  large,  est  nautiloïde  ; elle  n’a 
qu’un  seul  tour  de  spire.  Un  opercule  très  mince  s’applique 
sur  l’ouverture  assez  grande  de  la  coquille , de  manière  à pouvoir 
pénétrer  quelque  peu  dans  l’intérieur  de  la  coquille  lorsque  le  pied 
s’y  retire.  Les  bords  Supérieurs  de  la  coquille  sont  lisses  et  à peine 
bombés  sur  les  côtés.  La  coquille  est  un  peu  aplatie  latéralement, 
ce  qui  fait  qu’elle  se  couche  sur  le  côté  dans  les  moments  de  repos. 
L’animal  nage  dans  l’eau,  les  voiles  étendues  et  dirigées  en 

qui  a la  forme  d'une  cloche.  L'ouverture  buccale,  en  forme  de  rosette,  se  trouve  au 
milieu  du  disque,  sur  une  saillie  carrée  dont  quatre  faisceaux  musculaires  rayon- 
nent vers  les  bords  de  la  cloche.  Les  tentacules  sont  liés  ensemble  par  une  mem- 
brane extrêmement  mince,  comme  dans  les  Plumatelles.  On  remarque,  à la  base 
des  tentacules,  des  corps  ronds  nettement  accusés,  qui  sont  formés,  comme  les 
capsules  auditives  des  jeunes  Tergipes,  et  qui  contiennent  au  centre  un  otolithe 
rond  et  vibrant.  On  a donc  raison  de  prendre  ces  organes  pour  des  organes  auditifs. 


DE  NORDIHANK.  — SUR  F,F.  TFRC.IPES  EDWARDSII.  153 
avant;  il  sc  meut  assez  rapidement  en  décrivant  des  cercles  plus 
ou  moins  grands.  Dans  les  bocaux  on  les  trouve  souvent  en  quan- 
tité tout  près  de  la  surface.  Une  vésicule  d’air  pénètre  assez  sou- 
vent dans  la  coquille  lorsque  l’animal  se  rapproche  trop  de  la  sur- 
face ; alors  il  ne  peut  plus  plonger,  et  continue  à tourner  à la 
surface.  Dans  les  vases,  les  animaux  se  tiennent  surtout  du  côté 
de  la  lumière. 

A la  voûte  interne  de  la  coquille  est  adaptée  une  membrane 
mince , le  manteau , qui  est  épaissi  sur  le  bord , de  manière  à 
former  une  espèce  de  bourrelet.  Ce  manteau  est  composé  d’une 
seule  enveloppe  mince  et  sans  structure  apparente,  de  manière 
qu’on  ne  remarque  aucune  trace  ni  de  l’épiderme  vibrant,  ni  de 
la  couche  cutanée  sous-jacente  de  l’animal  adulte.  Le  manteau 
ne  s’applique  pas  pourtant  immédiatement  à la  paroi  interne 
de  la  coquille;  il  en  est  souvent  distant,  et,  dans  ce  cas,  le 
muscle  s’attache  au  coin  le  plus  profond  du  manteau.  L’animal 
n’est  donc  attaché  à la  coquille  que  par  le  bourrelet  du  manteau 
et  par  le  pied  adhérent  k l’opercule  ; cette  circonstance  explique 
déjà  la  facilité  avec  laquelle  il  se  débarrasse  de  la  coquille. 

Les  voiles  qui  se  trouvent  à la  partie  antérieure  de  l’animal 
ont  une  forme  arrondie  ou  plutôt  ovale  qui  rappelle  celle  d’une 
oreille  humaine  ; leurs  bords  sont  épaissis  en  bourrelet,  mais  elles 
ne  sont  pas  fermées  en  dedans,  en  sorte  qu’elles  donnent  lieu  aune 
excavation,  pourvue  de  larges  ailes  latérales  ressemblant  à un  8, 
et  au  milieu  de  laquelle  se  trouve  l’ouverture  buccale  allongée  et 
entourée  de  saillies  mamelonnaires.  Ouoique  cette  ouverture  ne 
soit  pas  petite,  je  n’ai  pourtant  réussi  à la  voir  que  lorsque,  par  un 
hasard  particulier,  ses  bords  étaient  écartés  par  le  compresseur. 

Les  cils , qui  sont  fixés  en  série  simple  sur  les  bords  des  voiles, 
ont  une  longueur  considérable  ; ils  sont  épaissis  à leur  base  et 
pointus  à leur  extrémité.  Leurs  mouvements  sont  très  rapides  ; 
ils  consistent  dans  une  flexion  de  leur  extrémité . qui  se  courbe 
en  crochet  pour  se  redresser  immédiatement  après.  Le  mouve- 
ment devient  indécis  lorsque  l’animal  est  épuisé  ; il  est  indépen- 
dant à la  fois  et  de  l’intégrité  des  organes  sur  lesquels  se  trou- 
vent les  cils,  et  du  système  nerveux.  Je  l’ai  vu  se  conti- 


I5ll  DE  INORDMAIVN.  — SUR  LE  TERGIPIÏS  EDWARDSII. 

nuer  pendant  des  journées  entières  sur  des  particules  séparées  des 
voiles  ; mais  malgré  cela,  il  y a pourtant  des  moments  où  l’ani- 
mal fait  cesser  le  mouvement  pour  le  recommencer.  J’ai  observé 
des  phénomènes  contradictoires  semblables  chez  beaucoup  de 
Bryozoaires.  On  peut  rendre  évidentes  les  parties  cellulaires 
sur  lesquelles  sont  fixés  les  cils,  quoique  l’objet  soit  très  déli- 
cat. Chaque  cellule  ne  porte  qu’un  seul  cil,  tandis  que  les  cils 
courts  de  l’épiderme  de  l’animal  adulte  sont  réunis  en  faisceau. 
Les  cils  continuent  leur  jeu  en  fléchissant  leur  longue  pointe , 
même  lorsque  l’animal  est  retiré  dans  sa  coquille.  Les  cils,  con- 
sidérablement plus  courts  , qui  sont  placés  sur  le  pied , vibrent  du 
dehors  en  dedans , et  tous  les  petits  objets  qui  se  trouvent  dans 
les  environs  sont  saisis  par  le  tourbillon  et  amenés  vers  l’ouver- 
ture buccale. 

Le  pied  forme  à la  base  de  l’opercule  , là  où  il  est  contigu  aux 
voiles,  une  petite  pointe  que  l’on  voit  seulement  en  plaçant  l’em- 
bryon de  profil.  Les  yeux,  placés  immédiatement  derrière  les  voiles 
sur  la  nuque,  sont  d’un  rouge  clair,  et  se  trouvent  au-devant  des 
grandes  capsules  auditives,  dont  chacune  enferme  un  otolithe 
arrondi  et  vibrant.  Je  n’ai  pas  pu  découvrir  de  cils  sur  la  face 
interne  des  capsules  auditives  ; mais  il  est  facile  de  se  tromper  sur 
la  position  réciproque  de  ces  organes , lorsque  l’animal  est  retiré 
dans  sa  coquille;  ils  sont  en  tout  cas  plus  écartés  latéralement 
que  ce  n’est  le  cas  dans  l’animal  adulte. 

If  œsophage,  assez  mince,  est  situé  dans  la  ligne  médiane 
du  corps  ; il  n’existe  pas  trace  de  la  langue  si  compliquée  de 
l’animal  adulte. 

L’estomac  a la  forme  d’un  sac;  son  extrémité  postérieure  , qui 
est  un  peu  rétrécie,  est  courbée  latéralement  et  en  haut;  ses  I 
parois  sont  plus  épaisses  que  dans  l’animal  adulte  ; sa  face  interne 
est  garnie  de  cils  vibratiles  qui  impriment  un  mouvement  tourbil- 
lonnant aux  aliments  avalés.  L’intestin,  étroit,  naît  de  l’extrémité 
recourbée  de  l’estomac,  se  tourne  en  haut,  et  conduit  vers  l’anus, 
qui  est  situé  près  de  la  capsule  auditive  droite.  La  partie  supé- 
rieure de  l’estomac  est  en  rapport  avec  le  foie,  qui  est  grand, 
arrondi , jaunâtre , et  composé  déjà  maintenant  de  deux  lam- 


DE  NORDMANN.  — SÛR  LE  TERGII'ES  EDWARDSII.  155 
beaux , dont  le  plus  grand  est  situé  du  côté  gauche.  On  remarque 
dans  les  environs  du  foie  deux  autres  corps  glandulaires , qui , 
peut-être , sont  les  premières  traces  des  organes  sexuels.  Je  n’ai 
pu  trouver  le  cœur,  pas  plus  que  MM.  Sars  et  Loven;  peut-être 
est-il  caché  dans  la  niasse  compacte  du  corps,  située  entre  l'es- 
tomac et  les  voiles.  11  n’y  a pas  trace  de  tentacules. 

Le  muscle  d’attache  se  montre  très  différent  dans  sa  configu- 
ration, ainsi  que  dans  le  nombre  de  fils  qui  le  composent,  suivant 
les  différents  individus.  J’ai  reconnu  quatre  ou  cinq  fils,  qui  tantôt 
sont  très  serrés,  se  confondent  même,  et  tantôt  se  divisent  en  deux 
faisceaux  dans  la  partie  antérieure,  c’est-à-dire  vers  le  coin  du 
pied.  Une  autre  fois,  j’ai  vu  deux  faisceaux  distants , dont  le  plus 
mince  s’attachait  à la  base  des  voiles.  Lorsque  ces  dernières  sont 
rétractées,  toutes  les  fibres  du  muscle  paraissent  comme  tordues 
ensemble.  J’ai  vu  jusqu’ici  presque  toujours  deux  ou  trois  autres 
corps  tortueux  et  filiformes,  composés  de  plusieurs  nœuds  gan- 
glionnaires qui  paraissaient  naître  du  milieu  du  faisceau  muscu- 
laire, et  qui  couraient  vers  la  face  dorsale  des  voiles.  J’ai  des  doutes 
sur  la  signification  de  ces  parties,  qui  ne  paraissent  pas  appartenir 
au  système  nerveux , parce  qu’elles  sont  isolées  des  autres  viscè- 
res : ce  sont  peut-être  des  fibres  musculaires  en  voie  de  forma- 
tion. On  trouve  aussi  quelques  fils  musculaires  déliés  par  lesquels 
les  coins  de  l’estomac  s’attachent  à la  paroi  inférieure  du  man- 
teau. 

Les  petits , après  avoir  déchiré  le  chorion , se  meuvent  sans 
repos  dans  la  capsule  commune,  dont  le  contenu  albumineux  leur 
sert  de  première  nourriture.  Je  ne  saurais  dire  exactement  com- 
bien de  temps  ils  restent  dans  cette  capsule.  Je  les  y ai  vus  demeu- 
rer jusqu’à  dix-huit  jours,  après  quoi  je  les  ai  enfin  délivrés  au 
moyen  d’une  petite  incision. 

En  comparant  la  jeune  larve  avec  l’animal  adulte , nous  trou- 
vons les  différences  suivantes.  Elle  a d’abord  une  coquille  qui  lui 
donne  un  aspect  nautiloïde  ; au  lieu  de  tentacules , elle  possède  des 
voiles  en  forme  d’oreilles,  qui  la  rendent  capable  d’un  mouvement 
rapide,  et  qui  disparaissent  plus  tard  sans  laisser  de  t races.  Destinée 
à se  nourrir  de  petits  animaux  mous  nageant  dans  l’eau , notre 


SUR  r.E  TERGIPES  EDWARDSTI, 


156  DE  XORDJUm.  — 

larve  est  dépourvue  des  organes  buccaux  si  compliqués  de  l’animal 
adulte.  L’intestin  diffère  en  ce  que  l’estomac  est  situé  beaucoup 
plus  en  arrière.  Les  branchies  et  les  cæcums  manquent.  La  pré- 
sence d’un  opercule  nécessite  celle  d’un  muscle  d’attache  parti- 
culier. Les  yeux,  les  oreilles,  le  foie  du  côté  gauche,  et  l’anus  à 
droite,  sont  comme  dans  l’animal  adulte. 

Des  parasites  qui  se  développent  dans  le  choriou. 

Nous  avons  eu  occasion  plus  haut  d’observer  que  des  particules 
(cellules  granuleuses)  se  séparent  quelquefois  du  vitellus  avant 
que  le  fractionnement  commence. 

On  ne  remarque  d’abord  aucune  modification  dans  ces  corpus- 
cules, si  ce  n’est  qu’ils  augmentent  un  peu  de  volume  lorsque 
les  intestins  apparaissent.  Les  membranes  cellulaires  se  con- 
fondent et  forment  des  corps  vésiculaires,  au  milieu  desquels  on 
observe  un  espace  plus  clair.  Bientôt  apparaît,  à,  la  surface  de 
cette  vésicule,  une  petite  saillie,  de  laquelle  poussent  des  fils  assez 
fins,  qui  se  courbent  et  embrassent  la  périphérie  de  la  vésicule. 
Ces  fils  s’allongent  de  plus  en  plus,  deviennent  saillants  par  leurs 
extrémités,  et  atteignent  à la  fin  sept  à neuf  fois  le  diamètre  de 
la  vésicule.  En  s’étendant  en  éventail  et  en  se  courbant  vers  le 
même  côté,  ces  fils  représentent  à peu  près  l’image  d’une  queue 
d’oiseau.  Chaque  fil  commence  à trembloter;  la  vessie  se  met  en 
mouvement  et  tourne  bientôt  rapidement  en  cercle  autour  de  son 
axe,  comme  une  roue.  Peu  à peu  les  fils  s’écartent  entièrement  et  se 
séparent  en  deux  faisceaux  opposés;  et  cet  être  bizarre  se  promène 
maintenant,  comme  une  araignée,  lentement,  sur  ses  longs  pieds 
écartés , tournoie  autour  de  son  axe , ou  bien  se  jette  vivement 
d’un  côté  ou  de  l’autre. 

On  trouve  ordinairement  quatre  à huit  de  ces  parasites  dans 
chaque  œuf  de  Tergipes.  Ils  augmentent  en  nombre  par  scission, 
vers  la  fin  du  développement  embryonnaire.  Le  corps  vésiculaire 
se  fend , dans  le  sens  de  son  axe  longitudinal , en  deux  parties  qui 
poussent  à leur  partie  inférieure  des  fils  nouveaux,  formant,  par 
la  suite , deux  faisceaux  en  éventail.  On  voit  ainsi  souvent  deux 
vésicules  encore  accolées  avec  quatre  faisceaux  de  fils.  Chaque 


DE  IXOltmiAW  — SUIi  LE  TERGIPES  EDWAltDSll.  157 
faisceau  est  composé  de  six  à huit  lils , qui , d’ailleurs , sont  des 
organes  très  caduques,  et  se  détachent  souvent  en  laissantle  corps 
vésiculaire  sans  mouvement.  Si  par  hasard  un  de  ces  parasites 
est  entraîné  dans  le  tourbillon  des  voiles  et  vers  l’ouverture  buc- 
cale, la  larve  se  retire  dans  sa  coquille,  et  le  parasite  se  sauve , 
en  laissant  souvent  quelques  unes  de  ses  jambes  en  arrière. 

Outre  quelques  vésicules  plus  claires  dans  l’intérieur,  j’ai  vu 
quelquefois  une  partie  pointue  à la  surface  de  ces  parasites,  dont 
le  corps  vésiculaire  n’a  que  0,009  de  ligne.  Je  nommerai  cet 
animal,  dont  les  mouvements  ont  quelque  chose  de  commun  avec 
ceux  des  Cercaires,  Cosmella  hydrachnoides , faisant  allusion  en 
même  temps  à la  ressemblance  de  ces  mouvements  avec  ceux  de 
quelques  Hydrachnes  (1). 

Développement  ultérieur  des  jeunes  Tergipes. 

Je  ne  sais  pas  combien  de  temps  la  jeune  larve  reste  dans  sa 
coquille  ; tous  mes  animaux  sont  morts  en  trois  ou  quatre  se- 
maines, malgré  tous  les  soins  que  je  leur  donnais.  11  ne  me  res- 
tait donc  qu’un  seul  moyen  pour  connaître  les  phases  transitoires  ; 
celui  de  rechercher  dans  la  mer  les  petits  animalcules  nageant 
librement  ou  rampant  sur  des  Polypiers.  La  rareté  de  ces  ani- 
maux m’a  fait  perdre  beaucoup  de  temps;  mais  j’avais  l’avantage 

(1)11  n'est  pas  rare  de  voir  se  désagréger  certaines  parties  dans  les  embryons 
des  animaux  inférieurs,  qui  n'en  continuent  pas  moins  de  se  développer.  Les  par- 
ties désagrégées  elles-mêmes  jouissent  pendant  quelque  temps  d'une  vie  en  quel- 
que sorte  indépendante.  J'ai  observé,  sur  des  embryons  d'Actéons,  que.  les  cils 
des  voiles  (pour  me  servir  des  expressions  de  M.  Nordmann)  se  détachaient  sou- 
vent lorsque  l'animal  commençait  à souffrir;  les  cils  détachés  présentaient  abso- 
lument les  mêmes  formes,  les  mêmes  mouvements  que  les  prétendus  parasites  de 
M.  Nordmann.  La  seule  différence  qui  existe  entre  mes  observations  et  les  siennes, 
c'est  que  dans  les  Actéons  les  cils  ne  se  détachent  qu'accidentellement  après  leur 
développement  accompli , tandis  que  dans  les  Tergipes  ce  seraient  des  éléments 
détachés  depuis  le  commencement  du  développement  embryonnaire  qui  se  déve- 
lopperaient pour  former  des  cellules  vibraliles  complètes.  Ce  fait  est  certainement 
une  belle  confirmation  de  la  doctrine  qui  veut  que  les  éléments  cellulaires  des 
embryons  jouissent  d'une  certaine  indépendance  de  développement;  mais  il  ne 
me  parait  pas  prouver  davantage,  et  je  ne  crois  pas  que  M.  Nordmann  soit  dans 
le  vrai  en  prétendant  que  ces  cellules  vibraliles  détachées  sont  des  animaux 
parasites  formés  aux  dépens  de  la  substance  vitellaire.  (Note  du  traducteur .) 


158  DE  NOBDMANN.  — SUK  LIS  TEllGU'JJS  BDWA11DSII. 
que,  dans  la  mer  si  pauvre  des  environs  d’Odessa,  il  ne  se  trouve 
que  cinq  petits  Mollusques  qui  auraient  pu  être  confondus  dans 
leur  jeune  âge,  savoir  : les  deux  Tergipes,  une  Rissoa,  une  Pha- 
sianelle  et  une  Littorine.  Toutes  ces  espèces  s’étant  développées 
chez  moi , je  reconnaissais  sans  peine  la  Rissoa  à ses  voiles  rela- 
tivement très  grandes,  la  Littorine  à son  pied  large,  et  la  Pha- 
sianelle  à une  coquille  autrement  formée  et  à des  dimensions  diffé- 
rentes. 

J’ai  réussi  enfin  à me  procurer  un  certain  nombre  d’individus 
qui  m’ont  montré  les  six  formes  détaillées  ci-après,  formes  qui 
nous  donneront,  j’espère,  la  clef  du  cercle  de  développement. 

Seconde  forme.  L’animal  est  encore  enfermé  dans  sa  coquille  ; 
le  manteau  s’est  détaché  de  cette  dernière  et  entoure  étroitement 
la  masse  des  viscères.  Le  pied,  attaché  à l’opercule,  s’est  tellement 
agrandi , qu’il  forme  une  saillie  considérable  sur  le  bord  de  l’oper- 
cule, par  dessus  lequel  il  se  retrouve  en  bas.  Les  voiles  ont  grandi, 
les  yeux  sont  devenus  violets.  La  tête  porte  deux  tentacules  coni- 
ques et  courts,  qui  sont  pourvus  d’un  épithélium  vibratile.  L’animal 
nageait  avec  une  vitesse  étonnante;  mais  dès  qu’il  venait  en 
contact  avec  l’air,  il  se  contractait  et  empêchait  tout  examen  ulté- 
rieur. Grandeur,  0,11  de  ligne.  Trouvé  une  seule  fois. 

Troisième  forme.  La  coquille  est  détachée  ; la  configuration 
générale  est  celle  de  l’animal  adulte  ; le  corps  est  court  et  conique, 
pointu  en  arrière,  mais  sans  appendice  caudal.  Les  tentacules 
sont  allongés  et  pointus;  les  voiles  ciliées  existent  encore;  l'es- 
tomac s’est  placé  en  avant,  et  on  voit  un  intestin  court  en  arrière. 
Grandeur,  0,14  de  ligne. 

Quatrième  forme.  En  général , comme  le  n°  3.  L’animal  nage 
et  rampe.  11  s’est  formé  deux  appendices  dorsaux  derrière  les 
capsules  auditives;  l’intestin  a donc  maintenant  deux  cæcums. 
Pulsations  du  cœur  manifestes.  Une  langue  compliquée,  formée  de 
quelques  plaques  dentaires  dans  la  cavité  buccale.  Le  corps  s’est 
allongé  ; le  testicule,  d’un  vert  blanchâtre,  avec  un  contenu  vési- 
culeux,  est  très  apparent.  Grandeur,  0,13  de  ligne. 

Ginquième  forme.  Les  voiles  ont  disparu  et  sont  remplacées 
par  deux  tentacules  frontaux  arrondis  et  recouverts  de  cils  vibra- 
tilcs.  Les  appendices  dorsaux  se  sont  allongés.  J’ai  trouvé  plusieurs 


DE  KORDMANN,  — SUR  LE  TERGIPES  EDWARDSI1,  159 
individus  de  cette  forme,  et  j’ai  souvent  eu  l’occasion  d’observer  un 
changement  de  peau , absolument  comme  dans  j’animai  adulte. 
Les  animaux  paraissaient  souffrants  pendant  ce  temps  ; ils  ne  pre- 
naient pas  de  nourriture,  et  l’épiderme  les  entourait  comme  une 
gaine  transparente.  De  ces  changements  de  peaux  résulte 

La  sixième  forme.  Celle-ci  s’accorde  tout— à— fait  avec  l’animal 
adulte. 

La  première  paire  d’appendices  dorsaux  s’est  allongée,  et  on 
remarque  la  seconde  paire  sous  forme  d’une  petite  verrue;  l’in- 
testin a donc  deux  diverticules  longs  et  deux  autres  plus  courts. 

Septième  et  dernière  forme.  Celle-ci  se  trouvait  souvent  sur 
des  Campanulaires  ; et,  comme  elle  est  très  transparente,  elle  m’a 
montré  beaucoup  de  détails  sur  sa  structure.  Il  ne  manque  que 
la  dernière  paire  d’appendices  dorsaux  ; les  deux  antérieurs  mon- 
trent un  petit  sillon  vers  leur  extrémité , au  travers  de  laquelle 
on  voit  le  corps  glandulaire.  Les  zoospermes  manquent  encore 
dans  le  testicule.  Il  y a des  œufs  de  différentes  dimensions  dans 
les  ovaires.  Toutes  ces  transformations  ont  lieu  pendant  que  les 
animaux  sont  encore  très  petits , car  la  dernière  forme  ne  mesu- 
rait pas  plus  de  0,1(3  à 0,19  de  ligne  de  long. 

EXPLICATION  DES  FIGURES 

rLANCUE  t. 

Fig.  I . Lo  Tergipes  Edwarthtii  vu  du  dos,  et  considérablement  grossi.  On  a tenu 
le  dessin  beaucoup  plus  transparent  que  l'animal  ne  l’est  réellement 

A,  les  grands  tentacules. 

H,  les  processus  frontaux. 

C, C,C , les  trois  premières  paires  d'appendices  dorsaux. 

D,  la  masse  buccale,  avec  la  mâchoire  et  la  langue. 

E,  le  pharynx  ; l'œsophage,  qui  fait  une  courbe  vers  le  haut,  est  recouvert 

par  l'estomac. 

F,  les  glandes  salivaires. 

G,  l'estomac  pourvu  , sur  sa  paroi  interne,  de  cils  vibratiles  qui  impriment 

un  mouvement  rotatoire  aux  aliments. 

Il,  le  pylore. 

I, 1,  le  tronc  moyen  de  l’intestin , rétréci  d'espace  en  espace  par  des  fibres 

musculaires  contractées. 


160  UK  XOIUIMAIW. 


SI  R LE  1 ERGiPES  EDWARDSII. 


Ii, K,  les  cæcums  intestinaux,  pénétrant  dans  les  appendices  dorsaux. 

L,L,  les  deux  diverticules  de  l’intestin. 

il,  le  rectum  mince,  naissant  du  diverticule  gauche. 

N,  l'anus. 

O,  le  foie,  de  couleur  jaunâtre. 

P,  la  vessie  biliaire. 

Q , la  glande  urinaire  (?),  composée  de  globules. 

T,  le  cœur. 

V,  le  ventricule.  — T-,  l’oreillette.  — T3,  les  deux  veines  en  entonnoirs, 
qui  reçoivent  le  sang  circulant  librement  dans  le  corps. 

Kr,  première  paire  de  ganglions  du  système  nerveux  central. 

X seconde  paire. 

V,  troisième  paire. 

/,  quatrième  paire. 

I — 7,  les  troncs  nerveux,  numérotés  d'apres  leur  succession 
»,  les  yeux. 

b,  les  capsules  auditives. 

c,  le  testicule,  de  couleur  verdâtre. 

d,  le  vaisseau  déférent. 

e,  la  glande  muqueuse,  dans  laquelle  s ouvre  le  vaisseau  déférent. 

f,  l’orifice  génital  commun. 

ij,  l'utérus  rempli  d’œufs  rougeâtres. 

h,  l'oviducle. 

i, i,  les  œufs 

l, 1,  les  poches  séminales. 

m, m,  les  ovaires. 

n, n,  les  glandes  muqueuses  situées  à l’extrémité  des  appendices  dorsaux. 
Fig  "2.  Un  embryon  près  d'éclore,  vu  du  côté  du  ventre,  ayant  les  voiles  déve- 
loppées. On  voit  les  parasites  enfermés  avec  lui  dans  la  coque. 

Fig.  3.  Deuxième  forme  de  la  larve  encore  enfermée  dans  sa  coquille,  vue  du 
dos  : les  tentacules  se  sont  développés. 

Fig.  I.  Troisième  forme  : la  larve  a quitté  la  coquille. 

Fig.  o.  Quatrième  forme  : la  première  paire  d’appendices  dorsaux  a paru. 

Fig.  6.  Cinquième  forme  : l’animal,  après  avoir  remplacé  les  voiles  par  les  appen- 
dices frontaux,  rampe  ; il  change  de  peau. 

Fig.  7.  Sixième  forme,  à deux  paires  d’appendices  dorsaux. 

Fig.  8.  Septième  forme  : il  ne  manque  plus  que  la  dernière  paire  d'appendices. 
Fig.  9-11.  Le  parasite,  Cosmclla  hydrachnoides , en  différents  états  de  dévelop- 
pement : 

Fig.  9.  Le  corps,  arrondi,  commence  ; pousser  des  cils. — Fig.  10.  Les  cils 
commencent  a s’étaler  en  éventail.  — ■ Fig  I I . L ■ même,  avec  un  appendice 
en  pointe  et  des  cils  plus  allongés. — Fig.  12.  Le  même  en  voie  de  fissuration. 


11)1 


NOTICE  PRÉLIMINAIRE 

SUR  I.F  DÉVELOPPE  .U  K N T DES  CHÉLONI E N S ; 


Par  M H.  RATHKE 


Depuis  neuf  ans  je  travaille  à réunir  des  matériaux  pour  une 
histoire  du  développement  des  Chéloniens , et  je  songe  à publier 
bientôt  le  résultat  de  mes  recherches.  .l’ai  pu  examiner  l’embryon 
dans  un  nombre  assez  considérable  d’œufs  frais  d'Emys  europœa, 
depuis  sa  première  apparition  jusqu’à  la  période  dans  laquelle 
on  aurait  vu  bientôt  apparaître  les  doigts  des  pieds.  Pour  la  con- 
naissance des  périodes  suivantes  du  développement,  j’avais  à ma 
disposition  deux  embryons  presque  mûrs  de  Clielonia  et  Testudo, 
et  dix  Chéloniens  très  jeunes  d’espèces  différentes  ( Cheloniu 
Mydas  , Sphargis  coriacea , Trionyx  gangeticus , Tr.  oceüatm, 
Emys  europœa,  Em.  mauritanien , Cinosternum  scorpioides,  Gin. 
pensylvanicum,  Plalemys  Spiæii,  Penlony.e...). 

I.e  développement  des  embryons  reste  quelque  temps  toul-à- 
fait  en  accord  avec  le  type  général  du  développement  des  animaux 
vertébrés  plus  parfaits.  C’est  surtout  la  position  respective  des 
lames  ventrales  et  dorsales  et  de  la  moelle  épinière  qui  ne  dif- 
fère en  rien  , ni  au  commencement  ni  plus  tard , de  celle  qu’on 
observe  chez  les  animaux  vertébrés  supérieurs.  La  remarque  de 
M.  de  Baër,  « que,  chez  les  embryons  jeunes  d 'Emys  europœa,  les 
« lames  ventrales  sont  attachées  aux  lames  dorsales , au  point  où 
» celles-ci  sont  réunies  en  haut  pour  fermer  le  sillon  dorsal , et  que 
» le  dos  même  se  trouve  ainsi  assez  enfoncé , » est  une  erreur 
d’ailleurs  très  pardonnable,  parce  que  l’embryon  est  attaché  très 
fortement  au  jaune , assez  tenace  chez  cette  espèce.  On  ne  peut 
non  plus  constater  la  présomption  de  mon  savant  ami , « que , 
» chez  les  Chéloniens,  les  extrémités  ne  se  détachent  point  de  la 
» surface  supérieure  (ou  externe)  des  lames  ventrales  et  dorsales, 
» comme  chez  les  autres  vertébrés,  mais  de  leur  surface  inférieure 

» (ou  interne).  » ( Dans  bei  den  Schildkrœten , die  Grundlage 

3"  série.  Zool.  T.  V.  (Mars  ISifi.)  - 11 


162  IMTDiKE.  — SUR  T, R DÉVELOPPEMENT 

fur  die  Extremilaeten  sicli  niclit  von  der  oberen  ( oder  aeusseren ), 
Flaeche  der  Bauch  und  Rückenplatten  ablœst  une  in  anderen 
Wirbellhieren , sondera  von  der  unteren  (■ inneren ) Flaeche).  J’ai 
trouvé  , au  contraire , chez  des  embryons  plus  jeunes  d 'Emys  eu- 
ropéen j les  extrémités  situées  extérieurement,  dans  les  mêmes 
endroits  du  corps,  et  de  la  même  manière  que  chez  les  embryons 
des  Mammifères , des  Oiseaux  et  des  Sauriens. 

Les  embryons  F Emys  européen  s dont  les  extrémités  se  trouvent 
déjà  tellement  développées,  que  les  doigts  auraient  dû  bientôt  se 
montrer,  mais  dont  les  côtes  ne  sont  pas  encore  apparues,  ressem- 
blent excessivement  aux  embryons  très  jeunes  des  Sauriens  et  des 
Mammifères.  Alors  surtout  leur  corps  n'est  ni  aplati  de  dessus  en 
dessous  , ni  trop  élargi  pour  sa  longueur,  et  sa  partie  dorsale  se 
continue  insensiblement  (sans  arête,  sans  bord  prolongé,  comme 
chez  les  Chéloniens  adultes)  avec  le  cou,  avec  les  parties  latérales 
et  avec  la  queue.  Partant  de  l’examen  de  ces  jeunes  embryons  et 
des  observations  faites  chez  d’autres  Chéloniens  qui  n’étaient  pas 
encore  entièrement  développés,  je  chercherai  à résumer  provi- 
soirement en  substance  comment  se  fait  en  général  le  développe- 
ment du  corps  chez  les  Chéloniens. 

Après  un  développement  un  peu  avancé  des  extrémités  chez 
les  embryons,  les  surfaces  dorsale  et  ventrale  du  corps  s’aplatissent 
peu  à peu  , plus  ou  moins  , selon  les  espèces  différentes  de  Ché- 
loniens , et  deux  apophyses  latérales  commencent  à pousser  de 
toutes  les  douze  ou  treize  vertèbres  du  corps.  La  plupart  de  ces 
apophyses,  se  développant  comme  les  huit  paires  intermédiaires 
des  côtes,  acquièrent  en  peu  de  temps  une  longueur  très  considé- 
rable. Comme  elles  se  courbent  peu  en  général,  leurs  extrémités 
sont  tournées  plus  en  dehors  qu’en  dessous.  Ainsi , par  l’élon- 
gation très  rapide  et  très  considérable  de  ces  côtes  , les  parois  du 
corps,  contenant  leurs  extrémités  tournées  en  dehors,  sont  poussées 
bien  en  avant  de  chaque  côté,  et  le  tronc  devient  très  large  entre 
les  pieds  antérieurs  et  postérieurs,  situés  à son  commencement 
et  à sa  fin. 

Un  fait  aussi  singulier  que  caractéristique  pour  les  Chéloniens, 


DES  CHELONIENS. 


163 

c’est  que  de  leurs  eûtes,  remarquables  par  leur  croissance  en 
longueur,  les  deux  dernières,  c’est-à-dire  en  général  la  huitième 
et  la  neuvième  paire,  se  dressentdirectement  en  arrière,  tandis  que 
la  deuxième  paire  (mais  non  chez  tous  les  Chéloniens)  se  tourne 
assez  en  avant.  Ensuite  le  chorion  fait  un  pli  de  chaque  côté , à 
l’endroit  où  se  trouvent  situées  dans  les  parois  du  corps  les  extrér 
mités  des  côtes  très  prolongées  (deuxième  ou  huitième  paire).  Ce 
pli,  en  s’étendant,  dépasse  en  avant  le  pied  antérieur  pour  arriver 
au  cou  , en  arrière  le  pied  postérieur  pour  arriver  à la  queue  ; 
enfin  il  rencontre,  sur  le  cou  et  sur  la  racine  de  la  queue,  le  pli 
semblable  du  côté  opposé  , et  tous  les  deux  s’unissent  pour  for- 
mer un  seul  pli  circulaire  , qui  sépare  alors  le  dos  des  côtés  du 
corps.  Chez  quelques  Chéloniens  , surtout  les  marins,  ce  pli  s’é- 
largit médiocrement  pendant  le  développement  ; chez  d’autres  , 
principalement  chez  les  Trionyx,  il  devient  extrêmement  large, 
surtout  la  partie  située  au-dessus  de  la  queue.  Beaucoup  plus  tard, 
c’est-à-dire  après  l'éclosion  des  embryons,  les  côtes,  déjà  aupara- 
vant remarquables  par  leur  longueur,  mais,  jusqu’à  cette  époque , 
toutes  ou  presque  toutes  d’une  forme  cylindrique,  deviennent 
aussi  beaucoup  plus  larges.  Cette  croissance  en  largeur  com- 
mence de  l’endroit  où  le  cou  se  réunit  avec  le  corps,  et  s’avance 
de  là  plus  ou  moins  vers  les  extrémités  ; elle  devient  si  considérable, 
que  les  corps  de  toutes  les  côtes,  à cause  de  l’absence  complète  de 
muscles  intercostaux,  arrivent  de  chaque  côté  à un  état  de  contact 
et  d’attouchement,  ou  tout-à-fait  parfait,  c’est-à-dire  dans  toute 
leur  longueur,  comme  dans  les  genres  Ernys,  Terapene,  Testudo., 
Trionyx,  ou  presque  parfait,  c’est-à-dire  dans  la  plus  grande  par- 
tie de  leur  longueur,  comme  chez  les  Chelonia.  Alors  les  nerfs  inter- 
costaux et  quelques  vaisseaux  situés  d’abord  entre  les  côtes,  passent 
en  dessous  d’elles.  En  revanche,  la  première  et  la  dernière  côte 
deviennent  beaucoup  moins  longues  que  les  autres,  et  restent  pour 
toujours  très  étroites  et  très  minces.  Aussi  leurs  relations  avec  les 
côtes  voisines  diffèrent  assez  de  celles  des  côles  intermédiaires; 
car,  comme  celles-ci  croissent  fortement  en  largeur,  la  deuxième 
dépasse  la  première,  et  la  pénultième  dépasse  tellemem  la  dernière 


1G/|  RATHKE.  — SUR  I.E  DÉVELOPPEMENT 


quelle  la  couvre  d’une  manière  plus  ou  moins  complète.  I n peu 
après  que  les  huit  paires  de  côtes  intermédiaires  ont,  commencé 
à s’élargir,  une  branche  pousse  de  chaque  côte,  près  de  la  colonne 


vertébrale,  en  dessus.  Cette  branche  toujours  croissante  dépasse 
les  rares  et  minces  muscles  dorsaux , les  deux  muscles  sacro- 
spinaux  (situés  sur  le  col  des  côtes,  dans  toute  la  longueur  du 


corps),  s’unit  avec  l’apophyse  épineuse  de  la  vertèbre  de  la  même 


côte , et  devient  tout-à-fait  aussi  large  que  le  corps  même  de  sa 
côte.  Les  apophyses  épineuses  naissent  déjà  avant  l’éclosion  sur 
laseconde  vertèbre  jusqu’à  la  hi.vtième.  Elles  restent  assez  courtes; 
mais,  contrairement  aux  lois  générales  du  développement  des  ani- 
maux vertébrés , elles  croissent  tellement  en  largeur,  après  leur 
ossification , qu’elles  forment  enfin  une  série  de  plaques  horizon- 
tales d’une  grandeur  moyenne. 

Je  ne  puis  pas  adopter  comme  exacte  l’opinion  suivant  laquelle 
ces  plaques  se  formeraient  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané, 
indépendamment  de  la  colonne  vertébrale , dans  le  chorion  lui- 
même  ou  en  dessous  ; quelles  s’uniraient  plus  tard  avec  les  ver- 
tèbres, et  que  la  largeur  remarquable  des  huit  paires  de  côtes 
intermédiaires  serait  aussi  le  résultat  d’un  contact,  et  après,  d’une 
réunion  avec  des  plaques  osseuses,  formées  en  dessus  de  ces  côtes. 
Au  contraire , ces  présomptions  se  trouvent  réfutées  par  mes 
observations. 

Après  l’élargissement  successif  des  corps  des  huit  paires  de  côtes 
intermédiaires,  de  leur  rameau  ou  branche  supérieure,  exclusive- 
ment propre  aux  Chéloniens,  et  des  apophyses  épineuses  des  mêmes 
vertèbres,  il  se  forme  enfin , du  contact  et  de  l’attouchement  des 
bords  correspondants  de  toutes  ces  parties,  une  table  osseuse 
composée  de  pièces  assez  nombreuses , qui  s’étend  en  carapace , 
en  dessus , et  couvre  les  viscères.  Pour  agrandir  et  compléter 
cette  carapace  , déjà  bien  considérable,  nous  voyons  se  joindre  à 
elle  d’autres  plaques  osseuses.  Elles  se  forment  sur  le  dos,  tout-à- 
fait  indépendantes  de  la  colonne  vertébrale  et  des  côtes,  dans  une 
couche  très  épaisse  et  bien  solide  du  tissu  cellulaire  sous-cutané  , 
etdoivent  être  prises  pour  le  squelette  interne  (squelette  cutané)  des 


DSS  CHÉLOMEINS. 


165 

animaux  (1).  Leur  nombre  est  différent,  selon  les  espèces  diffé- 
rentes de  Chéloniens.  Dans  le  genre  Trionyx,  on  trouve  seulement 
une  plaque;  elle  est  située  sur  le  cou,  immédiatement  avant  les 
vertèbres  dorsales.  11  y a encore  quelques  plaques  dans  le  bord 
postérieur  de  la  carapace  chez  quelques  espèces  de  Trionyx  ; mais 
elles  restent  cartilagineuses.  Outre  cette  plaque  nucale , toujours 
très  grande,  plusieurs  petites  plaques  sous-cutanées  se  dévelop- 
pent encore  chez  la  plupart  des  Chéloniens.  Parmi  celles-ci , un 
petit  nombre  seulement  naissent  en  dessus  des  dernières  vertè- 
bres dorsales  et  des  vertèbres  sacrées , tout  le  reste  se  développe 
dans  les  parties  postérieures  et  latérales  du  pli  cutané  circulaire 
(limbus),  dont  la  portion  antérieure  se  trouve  en  grande  partie 
remplie  par  la  moitié  antérieure  de  la  plaque  nucale,  qui  entre 
progressivement  dans  cette  portion  du  pli  circulaire. 

Après  l’aplatissement  du  côté  ventral , il  se  fait  aussi , entre  les 
téguments  et  les  muscles,  dans  la  couche  d’un  tissu  cellulaire 
épais  et  solide  qui  joint  ces  parties  différentes , un  développement 
de  quelques  pièces  cartilagineuses,  dont  le  plastron  se  doit  for- 
mer. Je  n’ai  pu  déterminer  le  moment  où  leur  formation  commence. 
Le  développement  peu  considérable  du  plastron  chez  les  embryons 
plus  âgés,  et  chez  les  individus  à peine  éclos,  fait  deviner  qu'il 
ne  se  forme  guère  avant  le  milieu  de  la  vie  embryonnaire,  et  en 
tout  cas  relativement  plus  tard  que  le  sternum  des  Oiseaux  et  des 
Mammifères.  Les  pièces  cartilagineuses  mêmes,  apparaissant 
comme  fondement  du  plastron , sont  d’abord , pour  la  plupart , 
des  bandes  simples  très  étroites  et  très  minces,  formant  deux 
paires,  situées,  l’une  en  avant,  l’autre  en  arrière  de  l’ouverture 
ombilicale.  Entre  ces  deux  paires  , existe  encore  au  moment  de 
l’éclosion  un  espace  très  considérable.  En  outre , il  se  forme  gé- 
néralement, ou  au  moins  chez  la  plupart  des  Chéloniens  (excepté 
les  Sphargis?),  entre  les  extrémités  antérieures  des  deux  pièces 
antérieures  paires , une  petite  plaque  cartilagineuse  impaire  ou 
cinquième.  Plus  tard  se  développent , dans  ces  différents  carti- 
lages , des  pièces  osseuses  plus  nombreuses , ordinairement  ou 
I Os  dénominations  sont  empruntées  à la  nomenclature  de  M.  Carus.  K. 


RV1UKC. 


166 


SDK  LE  DÉVELOPPEMENT 


peut-être  toujours  au  nombre  de  neuf.  Leur  grandeur  respective 
est  très  variable,  selon  les  différentes  espèces  de  Chéloniens;  car, 
ou  elles  croissent  tellement  les  unes  au-devant  des  autres  qu’elles 
se  rencontrent  par  leurs  bords  correspondants,  dans  toute  leur 
longueur,  de  manière  à constituer  un  plastron  tout  uni , ou  bien 
leur  croissance  reste  plus  bornée,  et  alors  elles  forment  un  plastron 
ouvert  au  milieu,  ou  seulement  un  anneau  étroit,  comme  c’est  pro- 
bablement le  cas  pour  les  Sphargis.  D'ailleurs  le  développement 
du  plastron  diffère  encore  en  ce  que  sa  circonférence  et  surtout  sa 
longueur  deviennent  relativement  beaucoup  plus  grandes  chez 
quelques  espèces  de  Chéloniens.  11  dépasse  alors  le  cou  et  la  queue 
en  dessous  pour  former  un  prolongement  revêtu  par  le  chorion  seul , 
tandis  que  ce  prolongement  manque  chez  d’autres  espèces.  Cette 
différence  dépend  probablement  de  ce  qu’il  existait  déjà  ou  non 
au  côté  ventral  du  corps , en  dessous  et  en  avant  des  pieds  anté- 
rieurs, et  en  dessous  et  en  arrière  des  pieds  postérieurs,  un  pli 
transversal  du  chorion,  dans  lequel  le  plastron  croissant  pouvait 
entrer.  Ainsi  il  est  vraisemblable  que  les  espèces  qui  montrent 
le  prolongement  qui  vient  d’être  décrit,  sont  celles  chez  lesquelles 
existait  déjà  un  pli  semblable.  Ce  fait  devient  surtout  bien  pro- 
bable par  l’examen  des  Chéloniens  du  genre  Trionyx,  chez  lesquels 
on  trouve  en  effet  ce  pli  : mais  il  n’est  guère  rempli  par  les  parties 
du  plastron,  peu  développées  dans  ce  genre. 

Tout-à-fait  spécifique,  et  très  remarquable  pour  les  Chéloniens, 
est  plus  tard  la  relation  de  leur  os  du  tronc  avec  le  tissu  cellulaire 
sous-cutané  très  solide,  formant  une  couche  un  peu  épaisse,  et  ordi- 
nairement pris  pour  cartilagineux.  Toutes  les  pièces  osseuses  con- 
tiguës à cette  couche,  savoir,  les  apophyses  épineuses  des  vertè- 
bres, de  la  deuxième  jusqu’à  la  huitième,  les  huit  paires  de  côtes 
intermédiaires,  les  plaques  supplémentaires  de  la  carapace,  et  sou- 
vent aussi  toutes  les  pièces  du  plastron,  après  avoir  perdu  sur  leur 
surface  extérieure  le  périoste  par  résorption , viennent  en  contact 
avec  le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  C’est  ce  qui  arrive  après  l’é- 
closion de  l’embryon  et  principalement  sur  les  côtes,  de  manière, 
que  le  périoste  disparaît  peu  à peu,  de  l’extrémité  supérieure  (plus 


DES  CI1KL0MENS. 


1 07 

près  des  vertèbres),  vers  l’extrémité  inférieure.  Chez  les  Chélo- 
niens  marins,  elle  ne  disparaît  pas  tout-à-fait  sur  l’extrémité 
inférieure,  mais  seulement  jusqu’à  la  partie  des  côtes  qui  ne 
s’élargit  jamais  d’une  manière  considérable.  Dès  que  la  sub- 
stance osseuse  de  cette  partie  vient  en  contact  immédiat  avec 
le  tissu  cellulaire  sous-cutané , on  voit  apparaître  vers  ce  tissu 
des  cellules  médullaires  nombreuses , qui , au  moins  dans  le  com- 
mencement, doivent  être  ouvertes  en  dehors.  Peu  à peu  leur 
nombre  s’accroît  considérablement,  et  les  os  que  je  viens  de  nom- 
mer deviennent  ainsi  en  même  temps  plus  forts  et  très  poreux  , 
quoiqu’il  y ait,  selon  les  espèces,  une  différence  assez  marquée 
dans  leur  porosité.  Les  cellules  ne  sont  pas  remplies  principale- 
ment par  la  graisse , comme  cela  a lieu  chez  les  animaux  verté- 
brés plus  parfaits  et  même,  chez  les  Chéloniens,  dans  les  os  plus 
éloignés  du  chorion  ; elles  sont  remplies,  mais  par  le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané.  Ce  tissu  entre  peu  à peu  par  les  ouvertures  des 
cellules  comme  par  un  rayonnement  de  petites  racines  nom- 
breuses, et  s’y  amasse  toujours  en  proportion  de  leur  crois- 
sance. Cependant  la  couche  de  ce  tissu  située  entre  les  os  et  le 
chorion  diminue  toujours,  non  seulement  relativement , mais  aussi 
en  partie  d’une  manière  absolue,  en  sorte  qu’il  semble  man- 
quer tout-à-fait  sur  la  carapace  et  le  plastron  chez  quelques  Ché- 
loniens, notamment  dans  1 ’Emys  europæa. 

Prend-on,  comme  à l’ordinaire,  le  plastron  des  Chéloniens  pour 
une  partie  du  squelette  nerveux  et  pour  l’analogue  du  sternum  des 
autres  animaux  vertébrés;  on  doit  aussi  admettre  que  les  os  com- 
posant l’épaule  et  le  bassin  sont  situés  d’une  manière  tout-à-fait 
contraire  à la  disposition  générale  de  ces  parties  (quand  elles  exis- 
tent) chez  les  autres  animaux  vertébrés.  Ils  seraient  situés  de  telle 
sorte  qu'ils  resteraient  tout-à-fait  inexplicables,  selon  notre  con- 
naissance actuelle  du  développement  des  animaux.  Mais  on  peut, 
je  crois,  en  se  fondantsurquelquesfaits,  démontrer  avec  évidence 
que  le  plastron  n’est  rien  autre  chose  qu’une  partie  du  squelette 
cutané,  et  qu’il  n’a  rien  de  commun,  au  point  de  vue  anatomique, 
avec  le  sternum  des  autres  animaux.  Cette  supposition' une  fois 


168  i:\iiike.  — sus  le  dévuloiteviem 

admise  connue  vraie,  on  peut  ramener  la  situation  des  os  de  l’é- 
paule et  du  bassin  des  Chéloniens  adultes  aux  relations  qu’on  trouve 
chez  d’autres  animaux.  Alors  il  n’y  a plus  rien  d’extraordinaire 
dans  la  disposition  de  ces  parties,  mais  seulement  quelque  chose  de 
spécifique  produit  par  le  développement  curieux  des  parties  dor- 
sales du  corps.  Quant  à la  position  des  omoplates,  elles  sont  situées 
en  avant  des  côtes  chez  des  embryons  plus  âgés  et  chez  de  jeunes 
Chéloniens,  et  il  est  plus  que  probable  qu’elles  occupaient  déjà 
cette  position  avant  que  le  développement  des  côtes  fit  des  progrès 
sensibles,  et  qu’elles  n’étaient  point  seulement  poussées  en  avant 
par  les  côtes,  par  suite  de  la  rapide  croissance  du  corps  en 
largeur.  Effectivement,  la  première  paire  de  côtes,  près  et  un  peu 
en  avant  de  laquelle  elles  sont  situées  chez  des  embryons  plus 
âgés  et  des  individus  jeunes,  n’est  guère  remarquable  ni  par  sa 
longueur  très  grande,  ni  par  sa  largeur;  on  la  trouve  au  contraire 
extrêmement  courte  et  mince,  si  bien  qu’un  déplacement  des  omo- 
plates devient  impossible.  En  outre , nous  voyons  chez  quelques 
Poissons,  quelques  Sauriens  ( Titigna  sincoides ) et  même  chez  un 
Mammifère  ( Ornithorhynchus ) , les  omoplates  occuper  une  posi- 
tion semblable,  en  avant  des  côtes.  Chez  le  Didelphis  virgi- 
niana,  toute  l’omoplate,  ou  du  moins  la  partie  inférieure  avec,  l’ar- 
ticulation scapulaire,  est  située  en  avant  des  côtes,  et  il  devient  ainsi 
probable  qu’ aussi  chez  ces  animaux , au  moins  dans  une  période 
antérieure  de  leur  développement,  toute  l’omoplate,  avant  qu’elle 
prenne  sa  position  oblique  et  sa  largeur  considérable , est  située 
en  avant  des  côtes.  Chez  d’autres  Mammifères , les  omoplates 
(quoique  jamais  elles  ne  soient  aussi  avancées  que  chez  les  Ché- 
loniens et  les  Ornithorhynques)  se  rencontrent  dans  le  premier 
temps  de  leur  développement  beaucoup  plus  en  avant  que  dans  les 
périodes  postérieures.  Chez  le  Cochon,  nommément,  l’omoplate, 
un  peu  après  la  formation  du  pied  antérieur,  couvre  les  deux 
côtes  antérieures  du  côté  correspondant.  Quand  il  devient  impos- 
sible de  la  voir  comme  partie  séparée,  elle  ne  dépasse  point  au 
commencement  la  première  côte,  tandis  qu’elle  s’étend  de  la  pre- 
mière jusqu’à  la  septième  chez  les  Cochons  adultes. 


DES  CIIELOMEVS. 


169 

Enfin  la  direction  des  omoplates  chez  les  Chéloniens  ne  diffère 
pas  beaucoup  de  celle  qu’on  observe  chez  les  Ornithorhynques  et 
plusieurs  Sauriens,  chez  lesquels  elles  se  trouvent  aussi  dans  une 
direction  perpendiculaire.  Leur  situation  en  dessous  des  parties 
osseuses  du  dos  chez  les  Chéloniens  adultes  est  produite  plus 
tard  par  l’effet  du  développement  successif,  car,  même  chez  des 
embryons  plus  âgés,  elles  touchent  immédiatement , par  leurs 
extrémités  supérieures,  la  couche  du  tissu  cellulaire  sous-cutané. 

La  métamorphose  que  je  viens  de  décrire  est  l’effet  de  l’élar- 
gissement considérable  de  la  seconde  paire  de  côtes , débordant 
en  voûte  les  parties  voisines  du  squelette  , la  première  paire  de 
côtes  et  les  omoplates. 

La  position  et  l’articulation  du  bassin  des  Chéloniens  ne  diffère 
absolument  en  rien  du  type  normal  que  présentent  les  animaux 
vertébrés  pour  les  relations  de  position  des  os  pelviens  ; car  les  os 
coxaux  des  Chéloniens  sont  joints  à l’os  sacrum  comme  chez  les 
Mammifères  et  chez  les  Sauriens  en  général.  Ainsi  ils  n’offrent 
rien  de  particulier,  sinon  qu’ils  sont  couverts  par  d’autres  parties 
osseuses.  Cette  couverture  , que  nous  trouvons  sur  tout  le  bassin 
des  Chéloniens,  résulte  pour  une  petite  partie  d’un  élargissement 
de  la  paire  pénultième  des  côtes,  et  en  plus  grande  partie  du 
développement  du  squelette  cutané,  car  presque  toute  la  partie  pos- 
térieure de  la  carapace , formant  chez  la  plupart  des  Chéloniens 
un  toit  au-dessus  et  après  le  bassin,  est  composée  de  pièces 
osseuses,  développées  près  du  chorion  et  indépendamment  de  la 
colonne  vertébrale  et  des  côtes. 

Ouant  à ce  qu’on  trouve  les  fémurs  des  quatre  pieds  des  Ché- 
loniens recouverts  en  dessus,  et  chez  quelques  espèces  aussi  plus 
ou  moins  en  dessous,  c’est  en  général  la  conséquence  des  plis  laté- 
raux plus  ou  moins  longs  du  chorion,  dans  lesquels  se  sont  déve- 
loppées des  pièces  osseuses  particulières  appartenant  au  squelette 
cutané.  D’ailleurs  la  cause  en  est  aussi  que  des  huit  paires  de 
côtes  intermédiaires  très  prolongées  et  dirigées  en  dehors,  les 
deux  dernières  sont  en  outre  tournées  fortement  en  arrière,  et 
chez  plusieurs  Chéloniens,  mais  non  chez  tous,  les  deux  an  té- 


170  RATHKE.  — DÉVELOPPEMENT  DES  CHÉLOMENS. 

Heures  en  avant;  celles-là  débordent  l’articulation  coxale,  celles- 
ci  l’articulation  scapulaire. 

L’exposé  de  ces  faits  me  semble  bien  démontrer  l’erreur 
de  la  remarque  si  souvent  répétée,  que  chez  les  Chéloniens  les  os 
composant  l’épaule  et  le  bassin  sont  ramenés  en  dedans  du 
corps.  La  disposition  du  péritoine  chez  les  Chéloniens  le  prouve 
même  d’une  manière  assez  positive,  car  il  n’enveloppe  des  deux 
côtés  aucune  des  parties  osseuses  de  l’épaule  ni  du  bassin  avec 
leurs  muscles  ; il  les  revêt  seulement  d’un  seul  côté,  à savoir,  celui 
qui  est  tourné  vers  les  intestins.  En  arrière,  il  entre,  comme  chez 
les  Mammifères,  assez  loin  dans  la  cavité  du  bassin  supérieur,  revêt 
en  partie  sa  surface  interne  et  les  muscles  qui  y sont  fixés,  et  passe 
de  là  sur  les  viscères  placés  dans  ce  bassin.  Ensuite  il  longe  en 
dessous  la  partie  dorsale  du  corps  jusqu’aux  omoplates  (situées, 
comme  je  l’ai  dit,  très  en  avant)  en  enveloppant  la  surface  infé- 
rieure des  reins,  les  parties  génitales  internes,  la  surface  infé- 
rieure et  le  bord  externe  des  poumons,  presque  avec  toute  leur 
surface  supérieure  adhérente  aux  côtes , et  la  partie  des  côtes 
débordant  latéralement  les  poumons  et  les  organes  urinaires. 
Après  avoir  passé  des  poumons,  qui  atteignent  en  avant  les  omo- 
plates , sur  les  omoplates  et  la  surface  postérieure  de  quelques 
uns  de  leurs  muscles , il  les  longe  en  descendant  et  se  tourne  en 
arrière  pour  envelopper  en  partie  la  surface  supérieure  du  péri- 
carde et  surtout  , de  chaque  côté  et  en  arrière  du  péricarde,  la 
surface  supérieure  des  deux  paires  de  clavicules  avec  leurs  mus- 
cles. De  là  il  passe  enfin  sur  les  muscles  abdominaux.  Un  pli 
très  grand  du  péritoine , partant  du  côté  dorsal  et  du  côté  anté- 
rieur du  corps,  enveloppe  l’intestin,  en  lui  formant  un  mésentère 
très  large , puis  l’estomac,  le  foie,  la  rate  et  le  pancréas. 


171 


OBSERVATIONS 

«CR  LE  DEVELOPPEMENT  DE»  SPERMATOZOÏDES  DES  RAIES  ET  DES  TORPILLES. 

Far  M.  DE  MARTINO  (de  Naples)  (1). 

J’ai  eu  ces  jours-ci  l’occasion  de  faire  des  observations  sur  le 
développement  des  Spermatozoïdes  dans  le  testicule  des  Raies  et 
des  Torpilles  ; elles  ne  me  semblent  pas  sans  intérêt,  et  je  m’em- 
presse  de  vous  les  communiquer.  Par  ces  recherches  je  crois  pou- 
voir éclaircir  quelques  faits  relatifs  à la  structure  intime  du  tes- 
ticule de  ces  Poissons , et  au  développement  de  leurs  infusoires. 

M.  Rathke  avait  observé  que  le  testicule  de  quelques  Poissons, 
surtout  celui  des  cartilagineux , présente  une  substance  composée 
d’un  grand  nombre  de  vésicules  parfaitement  closes , lesquelles 
ne  peuvent  verser  le  sperme  dans  la  cavité  abdominale  que  par 
leur  rupture,  car  le  testicule  manque  de  canal  déférent.  M.  Muller 
découvrait  ensuite  dans  les  Raies  la  communication  immédiate 
entre  le  testicule  et  l’épididymc,  et  remarquait  que  les  vésicules  de 
l’organe  génital  mâle  de  ces  Poissons  ont  le  volume  d’une  tète  d’é- 
pingle et  sont  remplies  d’une  matière  dense  et  consistante.  M.  Delle 
Chiaje  confirmait  ces  observations,  et  poussait  ses  recherches  jus- 
qu’à suivre  les  ramifications  délicates  des  vaisseaux  spermatiques 
sur  la  substance  du  testicule. 

Or,  quoique  les  connaissances  anatomiques  sur  la  structure  du 
testicule  des  Raies  et  des  Torpilles  ne  laissent  rien  à désirer, 
cependant,  afin  que  l’exposé  des  résultats  sur  le  développement 
des  Spermatozoïdes  soit  plus  précis,  nous  croyons  devoir  ad- 
mettre que  : 

1°  Le  testicule  des  Raies  est  formé  de  deux  parties:  de  l’organe 
proprement  sécréteur  du  sperme,  et  d’une  espèce  de  réservoir 
en  forme  de  sac,  situé  sur  son  bord  interne.  Ce  réservoir  manque 
au  testicule  des  Torpilles  ; 


fl)  Extrait  (tune  leltro  adressée  par  l’auteur  à M.  Milne  Edwards. 


172  DK  DARTIXO.  — SIR  LES  SPERMATOZOÏDES 

2°  La  tunique  albuginée  qui  enveloppe  le  testicule  partage,  au 
moyen  de  prolongements  internes,  la  substance  de  cet  organe  en 
plusieurs  lobules  irréguliers  et  de  grandeur  différente; 

3°  Si  l’on  prend  avec  une  pince  une  parcelle  très  petite  de  la 
substance  d’un  de  ces  lobules  et  qu’on  la  fasse  tremper  dans  une 
goutte  d’eau , sur  une  petite  lame  de  verre , on  observera  très 
aisément  que  la  substance  du  testicule  est  composée  d’un  nombre 
immense  de  petites  vésicules  sphériques  et  closes,  qui  sont  tenues 
unies  par  une  espèce  de  stroma  ou  de  tissu  cellulaire  gélatineux , 
qui  absorbe  l’eau  ; 

ti°  Les  vésicules  n’ont  pas  toujours  la  même  grandeur,  car 
elles  sont  très  petites  hors  la  saison  des  amours,  et  lorsque  la 
matière  spermatique  qu’elles  renferment  n’est  pas  encore  mûre  : 
au  contraire,  dans  l’époque  de  la  maturité  du  sperme,  on  les 
trouve  dévoloppées  jusqu’au  double  de  leur  grandeur  ; nous  avons 
vu  les  plus  petites  de  1/8  de  ligne  et  les  plus  grandes  de  1/3; 

5”  Les  vésicules  du  testicule  des  Torpilles  sont  presque  de 
moitié  plus  petites  que  celles  des  Raies; 

6°  Les  vésicules  sont  toujours  formées  par  une  membrane 
pariétale  très  mince , close  de  toute  part , et  sont  remplies  de  la 
matière  spermatique.  La  vésicule  aussi  bien  que  son  contenu  sont, 
jusqu’à  un  certain  point,  transparents; 

7°  Le  réservoir  du  testicule  des  Raies  ne  contient  pas  de  vési- 
cules semblables , mais  seulement  une  substance  dense  et  lai- 
teuse , comme  une  espèce  de  crème. 

La  substance  spermatique,  depuissa  sécrétion  jusqu’à  l’éclosion 
des  Spermatozoïdes,  nous  a présenté  une  série  de  phénomènes 
très  curieux  et  importants,  et  presque  en  tout  analogue?  à ceux 
qui  avaient  été  découverts  par  M.  Wagner. 

Sous  ce  point  de  vue,  on  peut  suivre  le  développement  des 
vésicules  depuis  l’époque  de  leur  immaturité  jusqu’à  celle  où  I 
elles  sont  devenues  parfaitement  mûres,  et  en  conséquence  près  I 
d’éclater  et  de  donner  issue  à la  semence  fourmillante  de  Sper- 
matozoïdes. Les  degrés  de  la  maturité  sont  les  suivants  : 

/.  Les  vésicules  qui  ne  sont  pas  mûres  et  qui  sont  en  consé- 


DES  HAIES  ET  DES  TORPILLES.  4 73 

quence  très  petites,  renferment  une  substance  presque  transpa- 
rente et  à peine  granuleuse. 

B.  Ces  granulations,  fort  déliées,  se  développent  peu  à peu, 
grandissent  et  se  disposent  ordinairement  en  séries , qui  pren- 
nent l’apparence  de  ramifications.  En  même  temps  les  vésicules 
augmentent  de  volume. 

C.  Les  granulations  spermatiques,  en  se  développant  tou- 
jours, se  montrent  comme  des  cellules  remplies  de  granules  très 
fins  et  un  peu  transparents. 

I).  Enfin  ces  granules  mêmes  croissent  et  restent  enfermés  dans 
la  granulation-mère. 

Or,  c’est  dans  ces  granules  que  la  génération  des  Spermato- 
zoïdes a lieu.  En  effet,  dans  chaque  granule,  comme  il  nous  a sem- 
blé le  voir  en  répétant  plusieurs  fois  les  observations , ne  s’en- 
gendre jamais  plus  d’un  seul  Spermatozoïde.  Nous  n’avons  pas 
encore  suivi  la  génération  de  l’animalcule  : seulement,  nous  avons 
vu  que,  lorsque  le  Spermatozoïde  est  arrivé  au  terme  de  son 
développement , il  est  enroulé  au-dedans  de  son  ovule.  Deux  fois 
nous  avons  vu  ces  ovules  spermatozoïques  se  mouvoir  en  roulant 
très  rapidement  pendant  que  nous  l’observions  au  microscope.  Ils 
renfermaient  le  Spermatozoïde  déjà  développé,  aux  oscillations 
duquel  était  dû  le  mouvement  rotatoire  de  l’ovule. 

La  substance  du  réservoir  du  testicule  des  Raies,  observée 
sous  le  microscope,  consiste  en  un  grand  nombre  de  granulations- 
mères  , très  semblables  à celles  qui  sont  contenues  dans  les  vési- 
cules-mères et  renfermant  les  mêmes  granules  générateurs  des 
Spermatozoïdes.  Ces  granulations  du  réservoir  lui  parviennent  de 
la  rupture  des  vésicules  spermatiques  mûres  des  testicules.  II  est 
certain  que  les  Spermatozoïdes  éclosent  de  plusieurs  granules  dans 
le  testicule  même , avant  que  les  vésicules  se  rompent.  Alors  les 
Spermatozoïdes  de  tous  les  granules  d’une  granulation-mère  res- 
tent unis  par  la  tête,  et  représentent  des  faisceaux  de  filaments 
avec  les  queues  libres  et  oscillantes,  ainsi  que  M.  Wagner  les  a 
parfaitement  décrites  et  dessinées  dans  le  Certhia  familiaris. 

L’épididyme  est  un  canalicule  blanc,  plus  ou  moins  dilaté  et 


I7/|  DE  MARTINO.  — SPERMATOZOÏDES  DES  RAIES,  ETC. 
gonflé  de  sperme,  qui  sort  du  sommet  du  testicule  chez  les  Raies, 
et  presque  de  son  milieu  chez  les  Torpilles.  Il  fait  dès  son 
origine  d’innombrables  circonvolutions  sur  lui-même , dont  toute 
la  masse  est  renfermée  dans  une  gaine  fibreuse  et  très  résis- 
tante. 11  se  dilate  à mesure  qu’il  descend  ; enfin  le  canal  défé- 
rent est  le  même  canal  de  l’épididyme  beaucoup  dilaté,  surtout 
chez  les  Torpilles,  et  moins  tortueux.  Chez  celles-ci  principalement 
on  voit  très  bien  que  la  membrane  du  canal  spermatophore  résulte 
de  deux  couches , l’une  musculaire  fibreuse  extérieure  et  l’autre 
muqueuse  interne,  qui,  dans  l’extension  plus  grande  du  canal 
fibreux , se  plisse  en  formant  des  espèces  de  valvules  conniventes, 
qu’on  voit  encore  par  transparence. 

De  tous  les  points  de  l’épididyme  ou  du  canal  déférent  des 
Raies  et  des  Torpilles,  si  l'on  tire  une  pelite  goutte  de  sperme 
(lorsque  les  vésicules  des  testicules  sont  déjà  parvenues  à leurs 
maturité) , elle  fourmille  de  Spermatozoïdes  libres  et  oscillants, 

Le  Spermatozoïde  des  Raies  et  des  Torpilles,  comme  celui  des 
Squales  décrit  par  M.  Muller,  a un  corps  spiral , qui,  à l’extrémité 
antérieure,  est  formé  d’un  petit  renflement  ou  tète,  et,  à l’extré- 
mité postérieure , d’une  queue  très  déliée. 

J. es  mouvements  de  ce  petit  animalcule,  très  vifs  et  rapides, 
sont  vermiculaires  dans  le  corps  et  oscillatoires  dans  la  queue. 

La  vie  des  Spermatozoïdes  des  Raies  et  des  Torpilles  est  fort 
tenace;  car  de  l’épididyme  de  ces  Poissons,  morts  deux  jours 
auparavant,  nous  avons  retiré  des  gouttes  de  sperme  dont  les 
Spermatozoïdes  étaient  presque  fous  vivants. 


175 


NOTE 

Slüi  UE  MÉCANISME  DES  SÉCRÉTIONS; 

Par  M.  A LEREEOU11ET,  D.  M., 

Professeur  à la  Faculté  des  sciences 
de  Strasbourg. 


( Lue  à la  Société  de  médecine  de  Strasbourg  , le  5 mars  1846.) 

L’influence  du  microscope  sur  nos  connaissances  anatomiques 
et  physiologiques  est  un  fait  aujourd’hui  reconnu  ; et  si  ce  pré- 
cieux moyen  d’investigation  trouve  encore  des  incrédules  ou  même 
quelques  détracteurs , ce  ne  peut  être  que  par  ignorance  ou  par 
cette  singulière  erreur  de  raisonnement  qui  nous  fait  oublier, 
pour  un  résultat  douteux,  des  services  nombreux  et  réels.  Bornons- 
nous  à rappeler  que  ce  n’est  que  depuis  les  perfectionnements  ap- 
portés au  microscope  que  l’anatomie  générale,  ce  point  de  départ 
de  toute  bonne  physiologie , repose  sur  des  bases  certaines  ; c’est 
cet  instrument  qui  a détruit  une  foule  d’erreurs  grossières  qui 
nous  donnaient  les  idées  les  plus  fausses  sur  la  manière  dont  s’ac- 
complissent certaines  fonctions  : l’existence  des  pores  organiques, 
les  prétendus  parenchymes  des  viscères,  la  triple  terminaison  des 
artères  en  capillaires  nutritifs,  en  capillaires  sécréteurs  et  en 
capillaires  exhalants  ou  absorbants , etc. 

Parmi  les  fonctions  sur  lesquelles  nous  n’avons  des  connaissances 
un  peu  positives  que  depuis  que  le  microscope  est  venu  à notre 
aide , nous  devons  ranger  les  sécrétions.  Le  temps  est  encore 
bien  rapproché  de  nous  où  l’on  admettait  une  continuation  directe 
entre  les  vaisseaux  sanguins  et  les  canaux  des  glandes , et  où  l’on 
disait  que  le  sang , arrivé  dans  les  ramuscules  les  plus  fins  des 
artères  , se  changeait  en  produits  sécrétés.  Lisez , pour  vous  en 
convaincre,  l’article  Sécrétion  du  Dictionnaire  de  médecine,  article 
publié  en  1844,  et  signé  par  un  physiologiste  bien  connu  de  l’an- 
cienne école.  Vous  y trouverez  répété  à satiété,  qu’il  y a « con- 
„ tinuité  entre  le  système  vasculaire  sanguin  qui  apporte  les  ma- 


%.  I I HI  ItOI  MET.  — SL  T.  r.E  MÉCANISME 


176 

» tériaux  de  la  sécrétion  et  le  système  vasculaire  sécréteur  qui 
« fabrique  et  exporte  l’humeur  sécrétée.  « Vous  y trouverez  ces 
assertions  singulières  : « qu’on  ne  peut  rien  connaître  de  la  struc- 
» ture  intime  des  organes  exhalants  ; » que  « la  texture  des  follicules 
» sécréteurs  est  aussi  peu  connue  que  celle  de  tout  autre  organe  ; » 
que  « c’est  entre  les  deux  systèmes  vasculaires  qui  constituent 
» l’organe  sécréteur  à leur  point  d’abouchement  que  se  fait  vrai- 
» ment  la  sécrétion  ; » et  comme  on  n’est  jamais  parvenu  jusqu’à 
ce  point  d’abouchement , on  se  tire  d’affaire  en  désignant  par  le 
mot  de  parenchyme  ou  système  capillaire  de  l’organe  sécréteur  le 
lieu  où  se  fait  la  sécrétion  (1) 

Aujourd’hui  la  composition  et  la  structure  intime  des  glandes 
sont  assez  bien  connues  pour  ce  qu’elles  ont  d’essentiel.  On  sait 
que  tout  organe  sécréteur  est  formé  par  des  capsules  simples  ou 
multiples  , ou  par  des  tubes  de  longueur  variable , et  qui  peuvent 
aussi  se  trouver  isolés  ou  réunis  en  masse  plus  ou  moins  compacte  ; 
les  formes  des  glandes  sont  extrêmement  variées , leur  composi- 
tion est  au  contraire  remarquable  par  son  uniformité.  Les  vais- 
seaux sanguins , chargés  d’apporter  les  matériaux  de  la  sécrétion, 
sont  disposés  autour  de  ces  éléments  sécréteurs , de  manière  à les 
accompagner  dans  toutes  leurs  divisions  ; ils  forment  des  réseaux 
à mailles  plus  ou  moins  lâches,  suivant  l’arrangement  des  capsules 
ou  des  tubes  sécréteurs.  Ces  vaisseaux  n’ont  que  des  rapports  de 
contiguïté  avec  ces  derniers;  il  est  bien  certain,  et  clairement 
démontré  , qu’il  n’existe  aucune  continuité  entre  les  vaisseaux  et 
les  tubes.  Les  tubes  sécréteurs  sont  toujours  terminés  en  cul-de- 
sac  à leur  extrémité  ; on  ne  doit  plus  faire  d’exception  pour  le  rein 
ni  pour  le  testicule. 

11  ne  reste  donc  plus  qu’à  étudier  la  structure  propre  de  ces 
tubes  sécréteurs;  dès  lors  il  sera  possible  d’asseoir  sur  ces  données 
anatomiques  une  théorie,  sinon  rigoureuse,  du  moins  assez  vrai- 
semblable de  la  sécrétion. 

(1  ) L'article  dont  il  est  ici  question  n’est  que  ta  reproduction  littérale  des  deux 
articles  Sécréteur  et  Secrétion  de  l'ancien  Dictionnaire  de  médecine  en  21  vo- 
lumes. par  le  même  auteur  Cet  article  aurait  du  être  entièrement  refondu. 


DES  SÉCRÉTIONS.  177 

llurkinjo(l).  Meule  (2), Valentin  (3),  Muller  (4),  en  Allemagne; 
Mandl  (5),  en  France;  Goodsir  (6)  et  Bowmann  (7),  en  Angle- 
terre, ont  étudié  avec  soin  , sous  ce  rapport,  la  structure  des 
glandes,  et  ont  été  conduits  à envisager  la  sécrétion  sous  des 
points  de  vue  qui  différent  plus  ou  moins  des  idées  généralement 
reçues. 

Ilenle,  dans  son  remarquable  travail  sur  l'épithélium,  dit  que 
les  canaux  glanduleux  sont  revêtus  d’une  couche  de  cellules  épi- 
théliales; ces  cellules  renferment  un  noyau  très  développé , rela- 
tivement à la  cellule  elle-même  ; les  contours  de  celle-ci  se  voient 
difficilement;  ce  n’est  que  lorsque  plusieurs  cellules  sont  rappro- 
chées les  unes  des  autres  qu’on  distingue  les  intervalles  plus  pâles 
qui  les  séparent.  Ces  cellules  se  produisent  en  abondance  , se 
pressent  au  dehors,  et  forment , dans  plusieurs  glandes,  une  par- 
tie du  produit  sécrété.  La  membrane  qui  les  soutient  est  homo- 
gène. L’auteur  fait  remarquer  l’analogie  qui  existe  entre  certains 
produits  provenant  des  sécrétions  (les  corpuscules  du  mucus, 
par  exemple)  et  les  cellules  épithéliales  elles-mêmes. 

Dans  son  grand  ouvrage  d’anatomie  générale , AL  Ilenle  entre 
dans  beaucoup  plus  de  détails  sur  la  structure  des  glandes,  et 
particulièrement  des  canalicules  sécréteurs.  Il  signale  le  contenu 
de  ces  organes  comme  des  noyaux  de  cellules  nucléées  ou  des 
granules  élémentaires.  11  croit  que  ces  derniers  se  réunissent  deux 
à deux,  trois  à trois,  s’entourent  d’une  cellule  et  finissent  par 
représenter  d’assez  gros  corpuscules  muqueux  qu’on  peut  faire 
sortir  des  glandes  par  la  pression  , et  qui , pendant  la  digestion  , 
enveloppent  le  contenu  de  l’estomac  d’une  couche  épaisse  et 
comme  membraneuse.  Mais  Ilenle  ne  s’explique  pas  sur  les  usages 
présumés  de  ces  cellules , et  il  paraît  ne  faire  jouer  aucun  rôle  à 

(1)  Bericht  liber  die  Versammlung  der  Naturforscher  in  Prag.  1837. 

(2)  Millier’ 8 Archiv , p.  4 03.  — 1838. 

(3)  Hondwœrterbuch  der  Phys.,  t.  I — Absonderung  Ceirebe. 

(4)  Physiologie , trad.  française. 

(5)  Anatomie  générale  et  Anatomie  microscopique. 

(6)  Transacl.  of  Edinb.  Soc.,  XV,  295. 

(7)  Philos.  Trans.,  1842,  1re  partie.  — Ann.  des  Se  nul  2'  série  t XIX. 
p 108. 

3*  série  Zoo  ».  TV.  (Mars  1840  ) 4 12 


178  A.  LEREBOULLET.  — SUR  LE  MÉCANISME 

la  membrane  propre  du  tube  sécréteur  ; loin  de  là,  cette  mem- 
brane manquerait  même  dans  plusieurs  glandes  (le  foie  et  les 
glandes  des  follicules  pileux),  en  sorte  que  les  organes  sécréteurs 
seraient  ici  simplement  formés  de  cellules  réunies  en  amas  ar- 
rondis et  lobuleux  ou  disposées  en  séries  linéaires. 

Quant  à la  théorie  de  la  sécrétion,  M.  Henle  admet  que  les 
matières  sécrétées  se  produisent  dans  le  sang,  et  que  les  glandes 
les  reçoivent  toutes  formées  de  ce  dernier;  il  considère  ainsi  les 
glandes  comme  des  espèces  de  liltres,  sans  nier,  toutefois,  que 
les  cellules  endogènes  ne  puissent  aussi  prendre  part  à la  sé- 
crétion. 

Valentin  décrit  les  extrémités  des  canalicules  sécréteurs  comme 
renfermant  des  cellules  complètes  , des  noyaux  globuleux , et  une 
masse  plus  claire  interposée.  Les  cellules  ont  souvent  un  contenu 
qui  est  peut-être  en  rapport  avec  le  produit  sécrété. 

Déjà  l’urkinje,  avant  Valentin , avait  émis  la  même  opinion  sur 
le  rôle  des  cellules;  il  comparait  ces  dernières  aux  parties  élé- 
mentaires des  végétaux , où  chaque  petite  cellule  a sa  vie  propre 
et  se  fabrique  un  contenu  spécial  (1). 

Cette  opinion  sur  le  rôle  spécial  que  jouent  dans  les  sécré- 
tions les  cellules  épithéliales  des  glandes,  a été  aussi  exprimée 
par  Bowmann , dans  son  beau  travail  sur  la  structure  des  reins  (2), 
et  surtout  par  Goodsir.  Ce  dernier  a cherché  à démontrer 
par  l’étude  des  organes  sécréteurs  d’un  grand  nombre  d’ani- 
maux que  les  matières  caractéristiques  des  produits  des  sécré- 
tions se  trouvent  dans  les  cellules  qui  revêtent  les  canaux  glan- 
duleux. 

M.  Mandl,  entin , comme  les  auteurs  que  je  viens  de  citer , re- 
garde les  glandes  comme  composées  de  canalicules  sécréteurs , 
renfermant  une  masse  de  cellules  d’autant  plus  compacte  et  ad- 
hérente aux  parois  des  canalicules,  que  l’on  s’approche  du  bout 
fermé  en  cul-de-sac  ; il  appelle  cette  masse  cellulaire  le  paren- 
chyme de  la  glande,  à l’imitation  de  Purkinje , qui  lui  donnait  le 
nom  d’enchyme.  Ce  parenchyme  occupe  toute  l’épaisseur  du  ca- 

(4)  Physiologie  de  Millier,  t.  1,  p.  .337. 

(2)  Lnc.  rit.,  p.  | 3 à 


DES  SÉCRÉTIONS.  179 

nalicule;  il  est  composé  de  cellules  à divers  degrés  de  dévelop- 
pement; les  plus  imparfaites  occupent  la  circonférence  de  ce  cy- 
lindre intérieur , tandis  que  l’axe  du  canalicule  est  occupé  par  les 
cellules  les  plus  parfaites.  Ce  cylindre  de  cellules  est  entouré  im- 
médiatement par  la  tunique  propre  glandulaire  , et  celle-ci  peut 
être  revêtue  d’un  épithélium  ou  en  être  privée. 

\1.  Mandl,  comme  on  le  voit,  regarde  les  cellules  de  ce  qu’il 
appelle  le  parenchyme , comme  indépendantes  des  cellules  de 
I épithélium  : «Ce  dernier,  dit-il,  manque  tout-à-fait  dans  les 
vésicules  les  plus  petites  des  glandes  agglomérées.  Les  corpus- 
cules primitifs  et  les  cellules  les  moins  développées  du  paren- 
chyme sont  adhérentes  à la  tunique  propre  glandulaire  à l’aide 
de  la  matière  organisatrice  ou  du  blastème  ; mais  à mesure  que 
ces  cellules  se  développent  et  se  rapprochent  de  l’axe  du  cana- 
licule , elles  se  détachent  du  blastème  et  deviennent  libres.  « 

Ainsi,  tous  les  micrographes  s’accordent  sur  l’existence  des 
cellules  ou  des  noyaux  de  cellules  qui  tapissent  les  parois  internes 
îles  canalicules  sécréteurs,  et  remplissent  plus  ou  moins  leurs 
cavités  ; mais  ils  diffèrent  d’opinion  sur  la  valeur  morphologique 
de  ces  cellules  et  sur  leurs  fonctions  présumables. 

Ouelques  recherches  que  j’ai  faites  sur  la  structure  intime  des 
glandes  et  l’étude  comparative  des  travaux  particuliers  publiés 
dans  ces  derniers  temps,  m’ont  conduit  à une  théorie  de  la  sécré- 
tion qui  diffère  sous  plusieurs  rapports  de  celles  dont  je  viens  de 
présenter  l’analyse. 

Pour  acquérir  une  notion  exacte  sur  la  disposition  anatomique 
des  organes  sécréteurs , il  faut  procéder  avec  une  grande  précau- 
tion, et  observer  non  seulement  des  pièces  conservées  dans  l’alcool, 
muisaussi  des  glandes  fraîches,  séparéesde  l’animal  peu  d’instants 
après  la  mort. 

Si  l’on  écarte  les  uns  des  autres,  à l’aide  de  fines  aiguilles  et 
sous  le  microscope,  les  petits  lobules  dont  la  réunion  constitue 
une  glande  en  grappe , et  qu’on  examine  ensuite  par  transpa- 
rence un  de  ses  petits  grains  ainsi  préparés , on  voit  très  nette- 
ment que  ce  petit  grain  se  compose  décapsulés  entassées  les  unes 
sur  les  autres,  et  groupées  autour  d’un  ou  de  plusieurs  conduits 


180  I.EREBOELLET.  — SIR  LE  MÉCANISME 

excréteurs.  Sous  un  grossissement  médioere,  ces  sortes  de  petits 
sacs  paraissent  granulés  ; mais  à l’aide  d’un  grossissement  de  250 
à .‘{00  diamètres,  on  distingue,  au  milieu  des  granulations,  de 
petites  vésicules  sphériques,  transparentes,  renfermant  elles- 
mêmes  un  contenu  granuleux  pâle.  Que  l’on  déchire  ensuite  quel- 
ques unes  de  ces  capsules  glandulaires,  on  verra  leur  contenu 
s’écouler  sous  la  forme  de  vésicules  et  de  granules  élémentaires  ; 
et  si  l’on  agite  la  pièce  sous  l’eau  , on  débarrassera  entièrement  les 
capsules  de  leur  contenu  , et  les  parois  de  ces  capsules  resteront 
étalées  sur  la  lame  de  verre.  Ces  parois  offrent , mais  d’une  ma- 
nière plus  distincte , le  même  aspect  que  présentait  la  capsule 
avant  qu’elle  fût  ouverte.  Elles  sont,  en  effet,  tapissées  d'une 
couche  de  vésicules  granuleuses  de  différente  grandeur , qui 
adhèrent  à la  membrane  propre  de  la  capsule  , et  entre  lesquelles 
sont  déposés  des  corpuscules  élémentaires.  Les  vésicules  adhé- 
rentes ont  le  même  diamètre  et  le  même  aspect  que  celles  qui 
étaient  libresdans  l’intérieur  de  la  capsule;  on  peut  donc  admettre 
que  ces  dernières  se  sont  détachées  des  parois  du  petit  sac  glan- 
dulaire. Ces  vésicules  ne  sont  pas  encore  des  cellules  complètes  ; 
je  n’ai  jamais  pu  distinguer  d’intervalle  entre  leur  enveloppe  et  les 
granulations  qu’elles  renferment;  d’un  autre  côté,  elles  sont  sphé- 
riques et  ne  contiennent  pas  de  noyau  ; ou  peut  donc  les  regarder 
elles-mêmes  comme  de  véritables  noyaux  de  cellules  envoie  de 
formation. 

J’ai  reconnu  la  disposition  dont  je  viens  de  parler  dans  les 
glandes  salivaires,  le  pancréas,  les  glandes  rectales  et  les  folli- 
cules inguinaux  du  lapin. 

La  même  structure  s'observe  dans  les  glandes  utriculaires  et 
dans  celles  qui  sont  formées  de  tubes.  Si  l’on  étudie,  par  exemple, 
les  utricules  dont  l’agglomération  constitue  la  muqueuse  gastrique 
de  la  caillette  du  veau  , on  voit  que  ces  espèces  de  petits  boyaux, 
terminés  en  cul-de-sac,  sont  aussi  composés  d’une  membrane 
propre,  tapissée  de  vésicules  granuleuses  semblables  à des  noyaux 
de  cellules.  Les  vésicules  qui  remplissent  le  fond  du  cul-de-sac 
sont  toujours  simples  : ce  sont  des  noyaux  proprement  dits;  mais 
à.  mesure  qu'on  approche  de  l’orifice  de  l’ntricule,  on  voit  que  ces 


UES  siiciiihioîss.  1 81 

noyaux  sont  entourés  d’une  cellule  distincte:  ce  sont  des  forma- 
tions plus  avancées.  Cette  observation , que  j’ai  répétée  plusieurs 
fois,  confirme  ce  qu’ont  dit  Valentin  et  d’autres  micrographes.  à 
savoir,  que  les  cellules  sont  d’autant  plus  développées  qu’on  ap- 
proche davantage  de  l’orifice  de  l’organe  sécréteur. 

Les  glandes  tubuleuses  ne  font  pas  exception  à cette  composi- 
tion élémentaire.  Les  tubes  urinaires-,  du  moins  ceux  de  la  sub- 
stance corticale,  offrent  le  même  aspect  que  les  capsules  terminales 
des  glandes  conglomérées , tandis  que  les  tubes  droits  de  la 
substance  mamelonnée  sont  revêtus  intérieurement  d’un  épithé- 
lium en  pavé , composé  de  cellules  dont  le  noyau  occupe  à peu 
près  la  moitié  du  diamètre  de  la  cellule  entière.  Quant  aux  tubes 
séminifères,  les  corpuscules  sphériques  et  granuleux  qui  adhèrent 
à leurs  parois  sont  identiquement  les  mêmes  que  ceux  qui  rem- 
plissent la  cavité  de  ces  tubes. 

Ainsi,  en  résumé,  des  formations  nucléaires  obstruent  la 
lumière  des  organes  sécréteurs  et  se  trouvent  surtout  accumulées 
vers  les  extrémités  en  cul-de-sac  de  ces  organes  ; des  formations 
en  tout  semblables  tapissent  les  parois  internes  de  ces  mêmes 
organes  et  adhèrent  à ces  parois  : tels  sont  les  faits  que  chacun 
peut  vérifier  ; cherchons  maintenant  à nous  en  rendre  compte. 

ht  d’abord , ces  vésicules  granulées  qui  affectent  une  forme  et 
une  disposition  si  constantes  appartiennent,  sans  aucun  doute, 
aux  formations  épithéliales  ; notre  opinion  diffère  totalement,  sous 
ce  rapport , de  celle  de  M.  Mandl.  Mais  elles  n’appartiennent  en- 
core ni  à l’épithélium  en  pavé  ni  à l’épithélium  cylindrique;  elles 
ne  constituent  pas  encore  de  véritables  cellules  ; ce  sont , comme 
on  l’a  dit  et  comme  nous  l’avons  vu,  ce  sont  de  jeunes  cellules 
dans  lesquelles  le  noyau  est  tellement  développé  et  la  cellule  si 
rudimentaire  , que  les  deux  enveloppes  se  confondent , et  qu’on  ne 
peut  les  distinguer  l’une  de  l’autre.  On  peut  les  comparer  à ces 
jeunes  cellules  globuleuses  qui  végètent  à la  surface  du  derme , et 
dont  la  réunion  constitue  la  membrane  granulée  qui  recouvre  la 
tunique  fibreuse  de  la  peau.  Cependant  il  existe  des  différences 
entre  ces  deux  ordres  d’organes  : les  jeunes  cellules  de  la  peau 
sont  disposées  sur  plusieurs  plans  superposés  ; les  nouvelles  cel- 


182 


IFItlIEOI  1,111. 


SLit  LE  MECANISME 


Iules  formées  à la  surface  du  derme  repoussent  vers  le  dehors  les 
cellules  anciennes;  celles-ci  s’aplatissent;  en  même  temps,  l’en- 
veloppe du  noyau,  ou  la  cellule  proprement  dite,  s’agrandit, 
tandis  que  le  noyau  reste  stationnaire  ou  même  diminue  de  dimen- 
sion ; en  sorte  qu’on  trouve  entre  les  cellules  vésiculeuses  qui  re- 
couvrent immédiatement  le  derme  et  les  cellules  squameuses  qui 
forment  la  surface  extérieure  de  la  peau,  tous  les  degrés  intermé- 
diaires de  développement. 

Dans  les  glandes,  au  contraire,  du  moins  dans  leurs  extrémi- 
tés terminales , les  jeunes  cellules  sont  disposées  sur  un  seul  plan 
et  tapissent  intérieurement  la  tunique  propre  de  la  glande,  tunique 
qu’on  peut  très  bien  regarder  comme  l’analogue  du  derme.  D’abord 
très  petites , elles  grossissent  peu  à peu  et  se  détachent  de  la  paroi 
de  la  tunique  propre,  quand  elles  ont  atteint  une  certaine  dimen- 
sion, mais  le  plus  souvent  avant  que  la  cellule  soit  distincte  du 
noyau.  Cette  végétation  est  tellement  active  à l’extrémité  des  tubes 
sécréteurs,  que  l’on  trouve  toujours,  comme  nous  l’avons  dit,  la 
lumière  de  ces  tubes  obstruée  par  les  noyaux  vésiculeux  qui  les 
remplissent.  A mesure  que  l’on  s’approche  de  l’orifice  excréteur 
du  tube , les  couches  de  cellules  adhérentes  à la  membrane  propre 
de  ce  dernier  deviennent  plus  épaisses,  et  les  cellules  les  plus 
superficielles  prennent  peu  <à  peu  le  caractère  de  celles  qui  tapis- 
sent la  cavité  destinée  à recevoir  le  produit  sécrété.  Il  y a donc  , 
comme  on  le  voit , un  passage  insensible  des  formes  élémentaires 
que  présentent  les  cellules  des  extrémités  en  cul-de-sac  des  glandes, 
aux  formes  achevées  des  cellules  complètes  qui  constituent  l’épi- 
thélium des  tubes  excréteurs  ; et  cette  gradation  dans  le  dévelop- 
pement des  cellules  n’est  pas  une  vue  théorique , c’est  un  fait 
d’observation  que  nous  avons  vérifié  sur  plusieurs  glandes,  et  dont 
parlent,  du  reste,  la  plupart  des  micrographes.  Nous  sommes 
donc  en  droit  de  regarder  les  vésicules  granuleuses  en  question 
comme  des  formations  épithéliales  rudimentaires,  et  chargées 
d’accomplir,  sous  cette  forme,  des  fonctions  spéciales. 

Examinons  maintenant  quelle  peut  être  la  nature  de  ces  fonc- 
tions. 

L’épithélium  ordinaire  est  un  organe  de  protection,  d’absorp- 


DKS  SKCKKT10XS. 


183 

tion  ou  d’exhalation  , suivant  les  surfaces  qu’il  recouvre  et  suivant 
la  forme  et  l’étendue  des  cellules  qui  le  composent.  On  comprend, 
en  elfet,  qu’une  lamelle  d’une  épaisseur  inappréciable  ne  peut 
que  laisser  transsuder  les  liquides,  tandis  qu’une  cellule  cylin- 
drique ou  une  vésicule  globuleuse,  recevant  un  liquide  dans  sa 
cavité,  peut  faire  éprouver  à ce  liquide  des  modifications  quel- 
conques; en  un  mot,  l’élaborer  ou  même  en  changer  la  nature. 
La  sécrétion  proprement  dite,  c’est-à-dire  la  métamorphose  des 
éléments  constitutifs  du  sang,  pourra  donc  très  bien  s’opérer  dans 
des  organes  vésiculeux  comme  ceux  qui  remplissent  les  tubes 
sécréteurs.  Or,  nous  avons  vu  une  différence  capitale  dans  le 
mode  de  développement  des  cellules  des  tubes  sécréteurs  : les 
unes,  celles  du  fond,  se  détachent  sous  la  forme  d’organes  vési- 
culeux ; les  autres , celles  qui  avoisinent  l’orifice  du  tube  excréteur, 
végètent  à la  manière  des  cellules  de  l’épiderme;  ces  dernières 
semblent  acquérir  de  plus  en  plus  les  caractères  d’organes  pro- 
tecteurs ou  d’organes  d’exhalation  ou  d’absorption , tandis  que  les 
premières,  par  leur  forme  globuleuse,  et  surtout  par  leur  repro- 
duction abondante  et  continue , semblent  plutôt  réunir  les  condi- 
tions nécessaires  à l’élaboration  des  principes  du  sang. 

Nous  pensons  donc  que  les  vésicules  granuleuses  qui  tapissent 
les  parois  des  tubes  sécréteurs  et  qui  se  trouvent  surtout  accumu- 
lées vers  l’extrémité  en  cul-de-sac  de  ces  tubes,  remplissent  une 
autre  fonction  que  les  cellules  qui  revêtent  intérieurement  le  reste 
du  tube , et  qui  se  modifient  peu  à peu  pour  prendre  les  caractères 
de  l’épithélium  de  la  surface  libre  de  la  muqueuse  ou  de  la  peau  ; 
et  nous  ne  croyons  pas  trop  nous  hasarder  en  regardant  ces  vési- 
cules comme  les  organes  chargés  d’élaborer  la  substance  parti- 
culière à chaque  sécrétion  (salivine,  biline,  urée,  etc.),  tandis 
que  les  cellules  épithéliales  proprement  dites  laisseraient  passer 
l’eau , les  sels  et  les  autres  substances  dissoutes  dans  la  partie 
liquide  du  sang,  et  qu’on  retrouve  en  plus  ou  moins  grande  pro- 
portion dans  tous  les  liquides  sécrétés.  On  sait , en  effet , que  l’eau 
entre  pour  une  immense  proportion  dans  les  produits  des  sécré- 
tions : or.  la  surface  des  tubes  sécréteurs  est  infiniment  plus 
grande  que  celle  qui  résulterait  de  la  somme  de  toutes  les  extré- 


I.  UillEIIOlLLKT. 


SL  U I.E  MECANISME 


184 

mités  terminales  de  ces  tubes.  De  plus,  la  séparation  du  sang  de 
ses  éléments  liquides  n’entraîne  aucune  action  particulière  de  la 
cellule  : c’est  un  simple  effet  d’endosmose,  et  cet  effet  s’opérerait 
au  moyen  des  cellules  rangées  en  séries  continues  le  long  des  pa- 
rois internes  du  tube  sécréteur.  Les  vésicules,  au  contraire,  se 
chargeraient  soit  d’extraire  du  sang  les  principes  immédiats  des 
sécrétions  qui  s’y  trouvent  déjà , soit  de  faire  subir  aux  éléments 
du  sang  les  transformations  nécessaires  à la  production  de  ces 
principes.  Elles  verseraient  leur  contenu  dans  la  cavité  du  cana- 
licule,  et  par  conséquent  au  milieu  du  liquide  que  renferme  ce 
dernier,  soit  par  déhiscence , soit  par  dissolution  de  leurs  parois. 
Ces  vésicules  formeraient  donc  la  partie  essentielle  de  chaque 
glande,  sa  partie  en  quelque  sorte  spécifique. 

Sans  doute  ce  n’est  là  qu’une  hypothèse,  mais  celle  hypothèse 
n’est  pas  dénuée  de  fondement,  et  la  science  possède  déjà  plusieurs 
faits  qui  viennent  militer  en  sa  faveur  : ainsi  Goodsir  a trouvé 
dans  la  poche  à encre  des  seiches  des  cellules  pigmentaires  dont 
le  contenu  est  en  rapport  avec  la  .sépia  elle-même;  le  foie  de  plu- 
sieurs mollusques  se  composait  de  vésicules  dont  le  contenu  brun 
était  en  rapport  avec  la  bile  ; dans  le  rein  d’un  colimaçon  ( hélix 
adspersa) , le  même  anatomiste  a rencontré  des  cellules  remplies 
de  granules  d’acide  urique  ; le  manteau  de  l’aplysic , où  se  sépare 
un  liquide  pourpré , contient  des  cellules  dans  lesquelles  se  trouve 
un  liquide  de  la  même  couleur. 

karslen  (1)  a fait  des  observations  analogues  sur  le  foie  des 
crustacés  et  des  mollusques.  Henri  Meckel , neveu  du  célèbre  ana- 
tomiste de  ce  nom,  vient  de  publier  dans  les  Archives  de  Muller 
(1846,  cah.  1,  p.  1)  un  excellent  travail , dans  lequel  il  s’attache 
à représenter  les  cellules  épithéliales  des  glandes  comme  les  en- 
droits où  s’opèrent  les  actions  chimiques  ; il  s’est  assuré  que , dans 
l’écrevisse , le  travail  de  formation  de  la  bile  est  réparti  entre  deux 
sortes  de  vésicules,  ayant  chacune  leur  attribution  particulière  : 
les  unes  fabriquent  de  la  bilinc,  tandis  que  les  autres  ne  renfer- 
ment que  de  la  graisse.  Enlin  ne  savons- nous  pas  que  les  cor- 
puscules solides  que  nous  désignons  sous  h'  nom  de  globules  du 

: I'  ;Vot’  «et.  ji/ij/s  met I.  XXI,  lr'  parti'' , p J 9 5 


DES  SECRETIONS. 


185 


mucus  ont  la  même  tonne , la  même  composition  et  le  même 
diamètre  < pie  les  noyaux  des  cellules  des  glandes  qui  les  sécrètent, 
et  ne  pouvons -nous  pas,  d’après  cela,  les  regarder  comme  des 
noyaux  qui  ne  sont  pas  encore  arrivés  à leur  développement  cel- 
lulaire? 

11  nous  reste  encore  à examiner  le  rôle  que  peut  jouer  la  mem- 
brane propre  du  tube  sécréteur.  Tous  les  anatomistes  sont  à peu 
près  d’accord  pour  envisager  cette  tunique  comme  un  simple 
support,  comme  une  sorte  de  squelette  destiné  à donner  au  tube  sa 
forme  et  sa  consistance,  et  à diriger  au  dehors  les  fluides  sécrétés. 

Nous  ne  saurions  nous  ranger  de  cet  avis,  et  nous  ne  craignons 
pas  de  dire  que  cette  manière  de  voir  nous  semble  peu  physio- 
logique, à peu  près  comme  si  l’on  voulait  regarder  le  derme  comme 
lecaput  mortuum  de  la  peau. 

Si  nous  étudions  la  structure  de  l'ovaire , non  pas  dans  les  ver- 
tébrés supérieurs,  mais  dans  les  reptiles  et  les  poissons,  nous 
voyons  que  cette  glande  se  compose  d’une  enveloppe  membra- 
neuse excessivement  mince  dans  quelques  groupes;  c’est  cette 
membrane  fibro -grenue  qui  sécrète  les  ovules;  on  les  voit  se  dé- 
velopper peu  à peu , faire  saillie  à la  surface  interne  du  sac  mem- 
braneux. et  tomber  ensuite  dans  sa  cavité  quand  ils  sont  arrivés 
à leur  complète  évolution.  Or,  ce  tpie  nous  pouvons  voir  dans  la 
sécrétion  des  ovules  se  passe  sans  doute  dans  les  autres  sécrétions. 
Pour  nous , la  tunique  propre  des  tubes  sécréteurs  est  la  membrane 
proligère  de  ces  tubes;  généralement  regardée  comme  sans 
structure,  elle  a cependant  été  reconnue  comme  fibreuse  par 
(juelques  anatomistes;  c’est  à sa  surface  que  végètent  sans  inter- 
ruption les  vésicules  sécrétoires , comme  c’est  à la  surface  des 
sacs  ovariens  que  végètent  les  ovules.  La  structure  particu- 
lière des  glandes  des  animaux  articulés  nous  semble  une  preuve 
en  faveur  de  cette  théorie.  Dans  ces  glandes,  en  effet,  les  vési- 
cules ne  sont  pas  à découvert  dans  la  cavité  du  tube  sécréteur  ; 
elles  sont  elles-mêmes  recouvertes  par  une  membrane  très  fine, 
continue , en  sorte  que  le  développement  des  vésicules  se  fait 
entre  cette  membrane  et  la  tunique  propre , absolument  comme 
dans  les  ovaires  dont  nous  venons  de  parler. 


186  A.  EEKEItOI  EL  ET.  — SUE  Lli  MÉCANISME  DES  SÉCRÉTIONS. 

On  nous  objectera  sans  doute  que  la  tunique  propre  des  or- 
ganes sécréteurs  n’est  pas  indispensable  à ces  organes , puisqu’elle 
manque  dans  le  foie  des  vertébrés.  A cela  nous  répondrons  que 
cette  absence  de  la  membrane  propre  des  glandules  sécrétoires 
du  foie  est  loin  d’être  prouvée.  Valentin  est  porté  à admettre  cette 
membrane,  et  krause  l’admet  positivement,  et  affirme  qu’il  est 
parvenu  à la  démontrer  (1).  D’ailleurs,  il  suffit  de  se  rappeler 
combien  sont  difficiles  les  recherches  sur  la  structure  intime  du 
foie,  pour  concevoir  comment  une  membrane  aussi  délicate  que 
la  tunique  propre  des  glandes  a pu  échapper  aux  recherches  des 
meilleurs  micrographes. 

Nous  résumerons  ainsi  qu’il  suit  nos  idées  sur  la  sécrétion , en- 
visagée d’une  manière  générale  : 

1°  Les  glandes  ont  pour  éléments  sécréteurs  des  sacs  ou  des 
tubes,  composés,  en  allant  de  dehors  en  dedans,  d’un  réseau 
vasculaire  sanguin  , d’une  membrane  propre  et  d’une  couche  de 
cellules. 

2°  La  cavité  des  sacs  ou  des  tubes  est  remplie  de  cellules  libres, 
semblables  à celles  qui  en  tapissent  les  parois. 

3°  Les  cellules  qui  tapissent  les  extrémités  en  cul-de-sac  des 
organes  sécréteurs  ne  se  composent  encore  que  du  noyau  ; celui-ci 
est  sphérique , creux  et  rempli  de  granulations. 

h"  Les  cellules  qui  recouvrent  les  tubes  dans  leur  continuité 
prennent  de  plus  en  plus  le  caractère  de  cellules  achevées,  à me- 
sure qu’on  approche  de  l'orifice  du  tube;  le  noyau  est  alors  par- 
faitement distinct  de  la  cellule,  et  celle-ci  finit  par  prendre  la 
forme  de  lamelle  (épithélium  en  pavé)  ou  celle  de  cylindre  (épi- 
thélium cylindrique),  se  confondant  ainsi  peu  à peu  avec  l’épithé- 
lium de  la  surface  libre , à laquelle  aboutit  là  glande. 

3°  Les  jeunes  cellules  ou  vésicules  granuleuses  (noyaux  de  cel- 
lules) qui  remplissent  les  canalicules  proviennent  des  parois  de 
l’extrémité  en  cul-de-sac  de  ces  canalicules  : il  se  fait  dans  ces 
culs-de-sac  une  végétation  abondante  qui  a pour  effet  de  pro- 
duire sans  cesse  de  nouvelles  vésicules  qui  finissent  par  obstruer  la 
lumière  du  tube. 

(I)  Ueberden  feinern  /limiter  Lebcr  (Muller  s Archic,  I8ià,  p.  oJi). 


C.  VltKTINS.  SUR  LA  TEMPÉRATURE  DES  OURSINS.  187 

(>'  Ces  vésicules  paraissent  être  les  organes  sécréteurs  propre- 
ment dits;  elles  élaborent  les  principes  du  sang,  et  les  versent 
au  dehors,  soit  en  crevant,  soit  par  une  dissolution  de  leur  en- 
veloppe; il  est  très  probable  que  les  produits  qu’elles  fournissent 
constituent  les  principes  immédiats  particuliers  à chaque  sécrétion. 

7"  L’eau,  les  sels  et  les  autres  substances  que  l’eau  tient  en 
dissolution  proviendraient,  dans  cette  hypothèse , des  cellules  qui 
tapissent  les  canalicules  ; on  s’expliquerait  ainsi  l’abondante  quan- 
tité d’eau  que  renferment,  en  général,  les  liquides  sécrétés. 

S"  La  membrane  propre  des  canicules  ou  des  petits  sacs  sécré- 
teurs est  une  membrane  proligère  analogue  à celle  qui  constitue 
l’ovaire  des  vertébrés  inférieurs  et  de  la  plupart  des  invertébrés. 

Nous  soumettons  les  réflexions  qui  précèdent  à l’appréciation 
de  nos  collègues  de  la  Société  de  médecine.  Sans  doute  elles  au- 
raient besoin  de  reposer  sur  des  faits  plus  nombreux  encore  ; mais 
telles  qu’elles  sont , elles  peuvent  déjà  laisser  entrevoir  les  pro- 
grès que  le  microscope  a fait  faire  à la  question  importante  de  la 
sécrétion , et  les  résultats  futurs  que  la  science  est  en  droit  d’en 
espérer. 


SUR  LA  TEMPÉRATURE 

des 

, Spalanÿiis purpureus , O. -F.  Muller,  Trigla  hirtmdo,  L. , et 
Gadus  œglefinus,  L. , des  mers  du  Nord; 

Par  M CH.  MARTINS. 

Le  20  juin  1839,  la  corvette  la  Recherche  était  en  calme  sur  le 
Doger-Bank,  dans  la  mer  du  Nord,  par  53°  48'  de  latitude 
boréale,  et  1°  2'  de  longitude  orientale.  La  drague  ramena  un 
nombre  prodigieux  d’Oursins  ( Spatangus  purpureus,  M.).  Je 
m’empressai  de  prendre  leur  température  dès  qu’ils  furent  hissés 
sur  le  pont  du  navire.  J’employai  pour  cela  un  excellent  thermo- 
mètre à mercure  construit  par  M.  Walferdin.  11  porte  170  divi- 
sions ayant  0"’,5  d’écartement;  son  parcours  total  est  de  — 7"  à 
-f-  33"  centigrades.  Le  point  de  glace  fondante  correspond  à la 
trentième  division,  et  la  valeur  moyenne  de  chacune  d’elles  est 


188  C.  MüRTIKS.  — SUR  LA  TEMl’KRATCRE 

de  0°,221  centigrade.  On  peut  par  conséquent  apprécier  facile- 
ment avec  la  loupe  0\0/i  de  degré.  En  outre,  l’instrument  est  très 
sensible  et  prend  rapidement  la  température  de  l’animal  dans 
lequel  il  est  plongé.  J’enfonçais  profondément  le  thermomètre 
dans  la  bouche  des  Oursins,  et  le  laissais  jusqu’à  ce  que  le  mer- 
cure restât  stationnaire.  Voici  les  résultats  que  j’ai  obtenus  sur 
quarante-huit  d’entre  eux  : 


Température  de  68  Oursins  (Spatangux  purpureus,  M.). 


1. 

Dr  p lés. 

10,12^ 

25. 

De  p rés. 

12,32\ 

2. 

9,46 

26. 

11,9? j 

3. 

9,90 

Moy.  10°,  16. 

27. 

13,09  ( 

4. 

10,34 

28. 

12,10  i 

5. 

10,78 

29. 

12,10  1 

6. 

10,34, 

30. 

12,98  ' 

7. 

10, 46 

31. 

12,54 

8. 

1 0,-45 

32. 

13,42  I 

9. 

40,46 

Moy.  I0°,60. 

33. 

13,421 

10. 

1 1,33 

34. 

13,71  i 

11. 

10,78 

35. 

12,76  ’ 

12. 

10,12 

36. 

1 3,20  / 

13. 

10,46 

37. 

15,29 

14. 

10,78 

38. 

14,37  . 

15. 

1 1,00 

Moy  ! 1 °,  0 2 . 

39. 

14,74  1 

16. 

1 1,44 

40. 

1 3,42  ( 

17. 

1 1,00 

41. 

15,40 

18. 

11,4  4 

12. 

13,64' 

19. 

10,78 

43. 

14,41 

20. 

1 1,44 

1 

44. 

13,64 

21. 

1 1,66 

Muv.  Il", 37. 

45. 

13,96 

22. 

1 1.04 

1 ' 

46. 

15,18  j 

23. 

1 1,62 

47. 

14,96 

24. 

1 1,66 

48. 

15,40 

Moy.  12°,  4 2. 


Moy.  13°,  18 


Moy.  14°,48. 


Mov,  I 4°,39 


l n simple  coup  d’œil  jeté  sur  ces  chiffres  fait  voir  que  la  tem- 
pérature de  ces  animaux  a été  constamment  en  croissant.  La  loi 
devient  évidente  si  l’on  prend,  comme  je  l’ai  fait,  les  moyennes  de 


DES  OURSINS  DES  MERS  Dl  NORD. 


189 

six  en  six,  parce  que  toutes  les  anomalies  individuelles  et  celles 
qui  tiennent  à des  circonstances  fortuites  se  trouvent  ainsi  élimi- 
nées. Cet  échauffeinent  graduel  s’explique  très  bien , si  l’on  a 
égard  à la  température  des  milieux  dans  lesquels  ces  animaux  ont 
été  successivement  placés.  Je  voulus  faire  une  sonde  thermomé- 
trique pour  connaître  la  température  du  fond  ; mais  le  vent  se  leva 
et  la  corvette  reprit  sa  marche.  Heureusement , des  expériences 
sous-marines  faites  l’année  précédente,  avec  M.  Bravais,  à la 
même  époque  et  sur  le  même  banc,  me  permettent  d’estimer  cette 
température  avec  une  exactitude  suffisante  : ces  expériences  nous 
avaient  appris  que  les  températures  du  fond,  par  A3  et  58  mè- 
tres , étaient  de  5°, 95  et  A°,80,  la  température  de  la  surface  étant 
10°, 6 et  10°, 7. 

Les  deux  premiers  nombres  avaient  été  obtenus  au  moyen  de 
plusieurs  thermomètres  à minima  de  M.  Walferdin  (1),  garantis 
de  la  pression  par  un  tube  de  cristal  ; les  deux  derniers  à l’aide  de 
thermomètre  plongeur  (2).  Or,  le  20  juin  1839,  la  température  de 
la  mer  à sa  surface  était  de  12°, 23.  Les  Oursins  reposaient  sur  un 
fond  de  vase  à 38  mètres  de  profondeur.  La  température  du  fond 
devait  donc  être  de  8°, G environ.  La  chaleur  moyenne  des  six  pre- 
miers Oursins  que  j’ai  expérimentés  était  de  10°, IG,  et  supérieure 
par  conséquent  de  1°,55  à celle  de  la  couche  d’eau  dans  laquelle  ils 
étaient  plongés.  Si  l’on  réfléchit  maintenant  qu’avant  d’arriver  sur 
le  pont  les  Spatangues  ont  traversé  des  couches  de  liquide  de  plus 
en  plus  chaudes,  et  que  la  température  de  l’air  était  de  16°,1  à 
l'ombre,  on  m’accordera  qu'ils  ont  dû  s’échauffer  dans  le  trajet 
qu’ils  ont  fait  du  fond  de  la  mer  sur  le  pont  du  navire.  On  sera  d’au- 
tant plus  porté  à me  faire  cette  concession,  que  la  rapidité  avec 
laquelle  ces  animaux  se  mettent  en  équilibre  de  température  avec 
les  milieux  ambiants  ressort  de  la  manière  la  plus  évidente  du  ta- 
bleau précédent.  En  effet,  les  expériences  ont  duré  une  demi-heure 
en  tout,  et  ce  temps  a suffi  pour  que  la  température  moyenne  des 
Oursins  s’élevât  de  10", 16  à 14°, 59,  c’est-à-dire  de  A°,A3  ; chan- 

(1)  Voyez  Pouillet,  Truité  fie  physique,  3'  édit.,  t II,  p.  B03, 

(2)  Voyage  en  Scandinavie  de  la  Commission  dn  Xurd  (Météorologie),  1 I. 
p 1 3 


190  C.  MAKTIINS.  — - Sim  LA  TEMPÉRATURE  DES  OURSINS, 
gement  très  notable,  si  l’on  considère  que  l’air  est  un  milieu  moins 
dense  que  l’eau,  et  que  sa  température  n’était  supérieure  à celle  de 
la  mer  à sa  surface  que  de  3°, 87  seulement.  Toutes  ces  considé- 
rations me  permettent,  je  crois,  de  conclure  que  non  seulement  ces 
Échinodermes  ont  une  chaleur  fort  peu  différente  de  celle  de  l’eau 
dans  laquelle  ils  sont  plongés,  mais  encore  qu’ils  prennent  très 
rapidement  la  température  des  milieux  qui  les  entourent. 

Une  heure  avant  que  les  Oursins  fussent  pêchés,  un  Grondin 
gris  (Trigla  hirundo,  L.)  avait  mordu  à la  ligne  qui  était  à la 
traîne  derrière  le  navire.  A cet  instant,  la  température  de  la  mer 
à la  surface  était  de  12 VI.  Le  même  thermomètre  qui  m’a  servi 
pour  ces  Oursins,  enfoncé  tout  entier  dans  l’anus  du  poisson, 
marqua  invariablement  12 ',75,  température  supérieure  de  0°,P>5 
seulement  à celle  de  l’eau  dans  laquelle  il  se  mouvait. 

Le  20  juillet  1838.  j’eus  une  occasion  encore  plus  favorable 
de  vérifier  combien  la  température  des  poissons  diffère  peu 
de  celle  de  la  mer.  La  corvette  était  encalmée  sur  les  côtes  du 
Spitzberg  par  le  travers  de  Bellsound  , et  par  latitude  77’  21'  N., 
et  longitude  9°  15'  E.  Je  venais  de  faire  une  sonde  pour  déter- 
miner la  température  sous-marine,  et  j’avais  trouvé  1°,8  par 
100  mètres  de  profondeur,  et  5°,0  à la  surface;  la  température  de 
l’air  était  de  4\  9.  I ne  Morue  (Gadus  œglefiuus,  L.),  de  0“‘,67  de 
long,  sur  0"',37  de  circonférence  derrière  les  branchies  et  pesant 
3 kilogrammes , fut  prise  avec  une  ligne  de  fond  qui  avait  47 
mètres  de  longueur.  A cette  profondeur,  la  température  de  l’eau 
devait  être  nécessairement  de  3°, 50;  celle  de  la  Morue  (le  ther- 
momètre étant  plongé  dans  l’anus  jusqu’à  l’affleurement  de  la  co- 
lonne mercurielle)  ne  dépassait  pas  3°, 15.  Elles  ne  différaient 
donc  l’une  de  l’autre  que  de  0°,35.  Cette  observation  me  paraît 
assez  curieuse  en  ce  qu’elle  montre  que  ces  animaux  peuvent  avoir 
une  température  très  basse  sans  perdre  en  rien  de  leur  vivacité  ; 
car  cette  Morue  se  débattait  avec  la  plus  grande  violence.  Dans 
ses  branchies,  la  température  était  plus  élevée  que  dans  le  ventre; 
le  thermomètre  y oscillait  entre  3°, 39  et  4", 48.  Mais  ces  nombres 
sont  moins  dignes  de  confiance  que  le  premier,  parce  que  l’afflux 
saccadé  du  sang  veineux , l’engorgement  du  réseau  capillaire  des 


I.F.RFRT  ET  KOltl Y. 


TESTICULES  DES  PATELLES.  19  L 


branchies,  suite  de  leur  adhérence  (1),  et  le  mouvement  inter- 
mittent des  opercules , faisaient  varier  la  température  à chaque 
instant. 

En  résumé,  on  peut,  je  crois,  conclure  de  ces  expériences  que 
les  Oursins  et  les  Poissons  des  mers  du  Nord  ont  une  température 
peu  différente  de  celle  du  liquide  dans  laquelle  ils  sont  plongés  , 
et  qu’elle  change  assez  rapidement  quand  l’animal  traverse  des 
couches  de  température  différente,  ce  qui  justifie  au  plus  haut 
degré  la  dénomination  d’animaux  à température  variable,  qui 
doit  remplacer  celle  moins  exacte  d’animaux  à sang  froid. 


NOTE  Sim  LES  TESTICULES  ET  LES  SPERMATOZOÏDES  DES  PATELLES, 

Far  MM.  LEBERT  et  ROBIN. 

(Présentée  ii  l’Académie  des  Sciences  le  1"  décembre  I 84  5.) 

Les  Patelles,  comme  on  le  sait,  ont  été  considérées  pendant  longtemps 
comme  étant  des  animaux  hermaphrodites,  ou  plutôt  comme  pouvant  se 
reproduire  sans  le  concours  d’orgaues  mâles,  et  .AJ.  de  Blainville,  se  fon- 
dant sur  cette  considération,  a désigné  sous  le  nom  de  Gastéropodes  uui- 
sexués  la  division  dont  ces  Mollusques  font  partie.  AI.  Milne  Edwards  con- 
stata il  y a quelques  années  l’existence  de  Patelles  mâles  aussi  bien  que 
d’individus  femelles  (2)  ; mais  jusqu’ici  on  n’a  donné  aucune  description 
anatomique  de  ces  animaux,  et  nous  avons  profité  de  notre  séjour  sur  les 
côtes  de  la  Manche,  au  printemps  dernier,  pour  remplir  cette  petite  lacune. 

Le  testicule  des  Patelles  est  situé  sur  le  côté  gauche  du  corps,  entre  la 
masse  du  foie  et  des  intestins  en  dedans,  l’enveloppe  du  corps  en  dehors. 
Il  se  détache  facilement  de  cette  dernière,  difficilement  de  la  première; 
il  se  recourbe  un  peu  derrière  la  masse  viscérale,  à la  partie  postérieure 
du  corps,  et  se  présente  sous  forme  d une  masse  aplatie  latéralement, 
épaisse  de  2 â 3 millimètres , longue  de  2 centimètres  et  demi.  Terminé 
en  arrière  par  une  extrémité  ovale,  il  montre  une  légère  échancrure  à 
son  extrémité  postérieure,  qui  se  termine  près  de  la  masse  pharyngienne. 
Son  bord  inférieur  s’interpose  entre  la  masse  des  viscères  et  la  langue , 
qu’il  sépare  ainsi  des  organes  précédents.  Le  bord  supérieur  se  trouve 
vers  le  milieu  de  la  face  latérale  du  corps. 

La  couleur  du  testicule  est  d’un  jaune  pâle  légèrement  rosé;  il  est  con- 

(1)  Voy.  les  expériences  sur  le  mécanisme  de  la  respiration  des  Poissons  par 
M.  plonrens,  dans  ses  Mémoires  d'anatomie  et  de  physiologie  comparée,  p.  8 2 

(2)  Voyez  Ann.  des  Sc.  nnt.,  2e  série,  t.  XIII. 


1<)‘2  i.ebkht  f.t  nomv  — ■ testicules  df.s  r vtelles. 
stitué  par  des  tubes  d’im  cinquième  de  millimètre  de  diamètre,  repliés 
un  grand  nombre  de  fois  sur  eux- mêmes.  Les  interstices  des  replis  sont 
pleins  d’une  substance  granuleuse,  de  couleur  plus  foncée  que  celle  des 
tubes.  A la  coupe  de  cet  organe,  il  s’en  écoule  en  assez  grande  quantité  un 
liquide  légèrement  visqueux,  blanchâtre,  lactescent,  d’un  aspect  particu- 
lier, très  analogue  a celui  du  sperme  des  animaux  supérieurs.  Ce  liquide, 
examiné  au  microscope,  se  montre  formé  de  spermatozoïdes  très  nom- 
breux qui  sont  formés  de  deux  parties  : l’une,  plus  large  et  plus  courte, 
d’un  aspect  foncé,  a en  moyenne  5 millièmes  de  millimètre  de  long,  et 
2 millièmes  de  large:  l’autre  partie,  beaucoup  moins  visible,  très  pfde, 
constitue  une  sorte  de  queue,  en  forme  de  111  très  mince,  ayant  à peine  un 
millième  de  millimètre  de  largeur,  et  7 ou  8 de  longueur.  Cette  queue 
Tonne,  avec  le  corps,  tantôt  une  ligne  droite,  tantôt  un  angle  obtus.  Les 
mouvements  des  spermatozoïdes  sont  assez  vifs  lorsque  le  sperme  est 
frais;  ils  consistent  en  inclinaisons  de  la  queue  sur  les  côtés. 

L 'ovaire  des  Patelles  est  aussi  situé  sur  le  côté  gauche  du  corps;  mais 
il  s’avance  beaucoup  plus  que  le  testicule  sous  les  viscères,  et  ne  remonte 
pas  si  liant  sur  les  côtés  du  corps  ; sa  face  inférieure  est  en  rapport  avec 
la  partie  musculaire  du  pied.  Il  nés’ engage  pas,  comme  le  testicule,  entre 
les  viscères  et  la  langue,  et  repousse  celle-ci  au  côté  droit  du  corps.  Il 
a à peu  près  la  même  forme  que  le  testicule  chez  les  individus  où  il  ne 
prend  pas  un  volume  plus  considérable;  mais,  ainsi  que  le  dit  Cuvier, 
sa  forme  varie  suivant  (pie  les  ovules  sont  plus  ou  moins  développés. 

Les  ovules,  étudiés  à la  période  de  développement  où  nous  les  avons 
trouvés,  ont  un  cinquième  de  millimètre  de  diamètre. 

Le  vitcllus  est  d’un  blanc  jaunâtre,  formé  de  granules  graisseux.  On 
aperçoit  dans  le  vitcllus  la  vésicule  germinative,  qui  n’est  jamais  située 
exactement  ni  au  centre  ni  à la  surface  duvitellus;  elle  est  finement  gra- 
nuleuse , mais  plus  claire  et  plus  transparente  que  le  vitcllus.  Au  contact 
de  l’eau,  une  membrane  très  fine,  sans  structure  apparente,  se  sépare  du 
vitcllus,  puis  elle  se  rompt  ; alors  les  granules  vitellins  s’échappent,  entraî- 
nant avec  eux  la  vésicule  germinative,  qu’il  est  facile  d’en  séparer.  Cette 
vésicule  germinative  est  ronde,  formée  d’une  membrane  transparente, sans 
structure  : elle  est  remplie  d’un  liquide  incolore  contenant  des  granules 
très  fins,  toujours  agglomérés  en  plus  grand  nombre  dans  un  point  que 
dans  les  autres  : il  n’y  a pas  encore  de  tache  germinative  proprement  dite. 

Il  nous  a été  impossible  de  trouver  un  canal  excréteur,  tant  pour  le 
testicule  que  pour  l’ovaire.  A l’époque  où  nous  disséquions  ces  animaux 
(fin  d’avril) , près  de  la  moitié  d’entre  eux  manquaient  d’ovaire  et  de 
testicule;  il  n’y  avait  aucun  organe  à la  place  qu’ils  occupent  habituelle- 
ment. Quant  aux  autres,  nous  trouvions  trois  individus  munis  de  testi- 
cules sur  huit  ou  dix  munis  d’ovaires. 


DE  LA  COMPOSITION  ET  DE  LA  STRUCTURE 


DES  ENVELOPPES  DES  TUNICIERS; 

Far  MM.  LOWIG  et  A.  KÔLLIK.ER. 

Plus  la  science  fait  de  progrès  dans  la  connaissance  desani* 
maux  sans  vertèbres  et  des  plantes  inférieures , plus  aussi  il  paraît 
difficile  de  trouver,  entre  les  formes  les  plus  simples  des  deux 
règnes,  des  marques  distinctives  essentielles  et  générales,  puisque 
presque  tous  les  caractères  qui  ont  été  présentés  pour  leurs  formes 
et  leurs  fonctions,  ou  pour  leur  composition , ont  dû  céder  à une 
critique  sévère,  comme  n’étant  pas  universels,  et  par  conséquent 
comme  inadmissibles.  Un  des  meilleurs  caractères  distinctifs  qui 
ont  été  proposés  dans  les  temps  modernes  était  que  les  membranes 
cellulaires  des  plantes  étaient  d'une  composition  exempte  d’azote 
(gélatine,  cellulose),  tandis  que  celles  des  animaux  consistaient 
dans  une  substance  azotée  (protéine  , colle),  ou  autrement , que 
la  cellulose,  qui  fait  la  base  de  toutes  les  plantes,  manque  abso- 
lument dans  le  règne  animal.  Mais  ce  caractère  même  paraît  de- 
voir disparaître  après  un  examen  rigoureux,  puisque  Schmidt  (1) 
a prétendu,  l’année  dernière,  avoir  trouvé  dans  l’enveloppe  du 
Phallusia  inamillaris  une  substance  ternaire  et  identique  à la 
cellulose  (2).  Certainement,  il  semble  permis  de  douter  d’un  tel 
rapport;  car  il  paraît  impossible  d’admettre  que  l’enveloppe  du 
Phalusia , qui , à elle  seule,  forme  plus  des  trois  quarts  du  tout, 
soit  composée  de  cellules  avec  une  membrane  sans  azote,  ce  qui 
serait  une  exception  d’une  loi  reconnue  jusqu’ici  universelle, 
d’autant  plus  frappante  que  la  substance  en  question  contient 
même  une  grande  quantité  de  vaisseaux  sanguins. 

Cependant  les  renseignements  fournis  par  Schmidt  ne  sont 


(1j  Z ur  vergleichenden  Physiologie  der  wirbellosen  Thitir.  Braunschweig,  1845 
(2)  Schmidt  fait  aussi  mention  du  Frustalia  satina  comme  d’un  animal  con- 
tenant de  la  cellulose;  mais  le  Frustalia  doit  sans  doute,  comme  tous  les  Diato- 
macées , être  compté  parmi  les  plantes  : c'est  aussi  l'opinion  presque  unanime 
des  botanistes  modernes. 

3' série  7.ool  T V.  (Avril  1 8 46.)  t 13 


194  I.ŒM'IG  ET  KffilXIKEK.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
])as  de  simples  conjectures;  ils  se  fondent  sur  des  recherches 
chimiques  qui  paraissent  avoir  été  faites  avec  beaucoup  de  soin , 
et  ils  ne  peuvent  donc  être  jugés  que  parle  moyen  des  expériences. 
Quant  à nous , nous  l’avouons  franchement , nous  n’avons  pu  nous 
défendre  de  certains  doutes;  mais,  nous  gardant  de  tout  juge- 
ment préventif,  nous  avons  résolu  d’examiner  la  question  soulevée, 
avec  tout  le  soin  que  réclame  l’importance  du  sujet,  afin  de  rendre 
un  service  à la  science , sinon  par  la  découverte  de  faits  nouveaux, 
du  moins  par  la  confirmation  des  expériences  de  Schmidt.  Les 
résultats  de  nos  recherches  sont  les  suivants  : 

I.  Recherches  chimiques. 

1 . Dans  tous  les  animaux  de  l’ordre  des  Tuniciers  qui  étaient  à 
notre  disposition  , savoir  : 

Phalhma  intestinaiis. 

— monachus. 

— gelatinosa. 

— mamillaris. 

— sulcata. 

Cia vellina  lepadifurmis . 

Cynthia  papillata. 

— canopus. 

— pomaria 

une  partie  très  considérable  du  corps  consiste  en  une  substance 
absolument  insoluble  dans  les  acides  et  les  alcalis.  Elle  con- 
stitue, dans  les  Ascidies  simples,  l’enveloppe  extérieure  cartila- 
gineuse (Clavellina , PhaUwtia ) ou  coriace  ( Cynthia ) du  corps  ; 
dans  les  Ascidies  composées,  la  base  plus  ou  moins  gélatineuse 
qui  renferme  les  groupes  d’individus;  dans  les  Salpa , tout  le  tube 
extérieur,  qui  renferme  les  muscles,  les  intestins,  les  vais- 
seaux , etc. 

11  y a bien , dans  les  parties  mentionnées , des  parties  solubles, 
dont  nous  parlerons  plus  tard  ; mais  les  parties  insolubles  sont  si 
prépondérantes  que , même  après  en  avoir  séparé  les  parties  so-  | 
lubies , les  enveloppes  de  ces  animaux  conservent  leur  forme  in- 


Diazona  violacea . 
Botryllus  polycyclus. 

— violaeeus. 
Didemnum  candidum . 
Apli di u m y ibbulosu m . 
Pyrosoma  yiganteum. 
Salpa  maxima. 

— bicaudata ; 


DLS  ENVELOPPES  DES  TIMCIERS. 


195 

(acte.  Après  avoir  traité  les  Salpes,  les  Pyrosomes,  les  Ascidies 
entières,  pendant  quatre,  cinq  et  six  jours  à la  chaleur,  avec  une 
solution  de  soude  des  plus  concentrées,  nous  les  avons  retrouvées 
sans  aucun  changement  quant  à la  forme , si  bien  que  tous  les 
bords  aigus,  les  protubérances,  les  pointes,  etc.,  étaient  aussi 
parfaitement  conservés  que  dans  un  individu  intact;  mais  quant 
à la  couleur,  la  consistance  et  la  diaphanéité,  il  s’opère  des 
changements  notables  : ainsi  les  téguments  de  tous  les  animaux 
nommés,  excepté  l’enveloppe  du  Cynthia,  deviennent  de  plus  en 
plus  transparents,  jusqu’à  ce  qu’ils  atteignent  la  transparence  du 
verre,  quand  ils  sont  traités  successivement  avec  de  l’acide  muria- 
tique et  une  solution  de  soude;  de  petits  morceaux  carrés  de  l’en- 
veloppe du  Phallusia,  par  exemple,  ressemblent,  pendant  cette 
manipulation  , à peu  près  aux  dés  d’albumine  qu’on  expose  à une 
digestion  artificielle , et  deviennent  d’abord  transparents  aux 
bords,  puis  perdent  peu  à peu  complètement  leur  opacité,  avec 
la  seule  différence  qu’ils  ne  s’altèrent  point  du  tout  quant  à leur 
forme , mais  qu’ils  conservent  au  contraire  leurs  arêtes  les  plus 
aiguës.  Quant  à la  couleur,  les  nuances  violettes  et  jaunes  dispa- 
raissent chez  les  Diazona,  Botryllus , Phallusia,  etc.,  et  chez  les 
Cynthia,  la  couleur  jaune  fait  place  à un  blanc  de  craie;  chez 
tous , la  consistance  se  modifie  un  peu  ; cependant  cette  modifica- 
tion n’est  bien  sensible  que  chez  les  Cynthia,  dont  l’enveloppe, 
roide  et  solide,  devient  tendre  et  flexible. 

2.  La  partie  insoluble  de  l’enveloppe  desTuniciers  mentionnés, 
celle  qui  reste  après  une  manipulation  opérée  avec  de  l’acide  mu- 
riatique et  une  solution  de  soude,  consiste  dans  une  substance  ab- 
solument exempte  d’azote , ce  dont  nous  nous  sommes  persuadés 
en  chauffant  avec  un  mélange  de  chaux  et  de  natron  (potasse) 
certaines  quantités  de  cette  partie  insoluble  lirée  du  Phallusia 
et  du  Cynthia,  et  en  calcinant  avec  de  l’hydrate  de  soude  ces 
mêmes  parties  tirées  des  Phallusia , Cynthia , Salpa , Pijrosoma  , 
Botryllus  et  Diazona.  Nous  avertissons  ici  que,  pour  exécuter  ces 
examens  avec  succès , il  est  absolument  nécessaire  d’extraire  avec 
de  la  soude , aussi  complètement  que  possible,  les  parties  que 
l’on  veut  examiner  ; si  l’on  néglige  cette  précaution , il  restera  des 


19G  LOEWIG  F.T  hdl.IlKIK.  STRUCTURE  ET  COMPOSITION 

parties  chargées  d’azote,  qui  induiront  dans  plus  d’une  erreur. 
Faute  de  matériaux , nous  avons  dû  nous  contenter  de  deux  ana- 
lyses élémentaires  pour  le  Cynthia  et  le  Phallusia;  les  résultats 
en  ont  été  les  suivants  : 

u.  0»'  ,391  de  la  substance  sèche  et  exempte  d'azote,  tirée  de  l'enveloppe  du 
Phallusia  mamillaris  , ont  donné  , sur  1 00  parties  : 


Carbone i3,40 

Hydrogène 5,68 

Oxygène  51,32. 


h OR1  ,130  de  la  substance  sèche  et  exempte  d'azote,  tirée  de  l'enveloppe  du 
Cynthia  papillota,  ont  rendu,  sur  100  parties  : 


Carbone 43,20 

Hydrogène 6,16 

Oxygène 50,64 


Ces  chiffres  correspondent,  non  seulement  à ceux  de  Schmidt, 
cjui , dans  100  parties  de  l’enveloppe  de  Phallusia,  privée  aupa- 
ravant de  toute  matière  inorganique,  a obtenu  : 


Carbone.  ...  45,38 

Hydrogène 6,47; 


mais  aussi  aux  valeurs  trouvées  pour  la  cellulose  des  plantes. 
Ainsi  donc,  puisque  la  cellulose  est  aussi  presque  insoluble  dans 
une  solution  de  soude , nous  n’hésitons  pas  à prétendre  que  dans 
les  Phallusia  et  Cynthia,  et  probablement  aussi  dans  tout  l’ordre 
des  Tuniciers,  une  partie  considérable  du  corps  animal  est  formée 
par  la  cellulose. 

Après  être  parvenus  au  point  de  pouvoir  confirmer  l’observa- 
tion de  Schmidt,  et  l'étendre  sur  tout  un  ordre  d’animaux , ce  ne 
fut  pas  sans  un  vif  intérêt  que  nous  procédâmes  à l’examen  d’autres 
animaux  pour  trouver,  si  cela  était  possible,  de  nouvelles  preuves 
de  l’existence  intéressante  de  la  cellulose  dans  le  règne  animal , 
mais  nous  nous  vîmes  trompés  dans  nos  espérances , car  ce  fut 
en  vain  que  nous  cherchâmes,  même  dans  les  parties  ligneuses , 
cartilagineuses,  gélatineuses,  des  polypes,  méduses,  mollus-  | 


DUS  ENVELOPPES  DUS  TUMCIERS. 


197 

ques,  etc.,  une  substance  insoluble  dans  une  solution  de  soude, 
et  qui,  chauffée  avec  de  l’hydrate  de  soude,  ne  développât  aucun 
azote.  Un  seul  animal  fait  exception,  c’est  le  Doliolum  mediler- 
raneum  Otto,  animal  énigmatique  pour  les  naturalistes,  que  la 
plupart  mettent  au  nombre  des  Béroïdes,  et  quelques  uns  au 
nombre  des  Salpes,  Quoique  ne  pouvant  donner  sur  l’organisation 
de  cet  animal  des  détails  plus  précis  que  nos  prédécesseurs,  nous 
croyons  cependant  devoir  l’envisager , d’après  sa  composition 
chimique,  comme  ressemblant  plutôt  aux  Salpes;  du  moins  il 
présente,  dans  une  solution  de  soude  des  plus  concentrées,  abso- 
lument les  mêmes  caractères  que  les  Tuniciers,  et  même,  après 
plusieurs  jours,  il  paraît  aussi  intact  quant  à sa  structure  que 
quant  à sa  forme. 

Le  manque  de  matériaux  nous  empêche  malheureusement 
d’examiner  si  l’enveloppe  de  cet  animal  est  exempte  d’azote  ; c’est 
pourquoi  nous  ne  nous  exprimons  pas  sur  la  place  qu’il  doit  oc- 
cuper dans  la  série  des  animaux  d’une  manière  aussi  positive 
que  nous  serions  peut-être  en  droit  de  le  faire.  Quant  aux  autres 
animaux  dans  lesquels  nous  avons  cherché  inutilement  de  la  cel- 
lulose , nous  indiquerons  brièvement  leurs  noms  et  les  caractères 
qu’ils  présentent  dans  une  solution  de  soude , afin  de  faciliter  la 
voie  aux  observateurs  qui  dorénavant  entreprendront  un  examen 


analogue.  Ce  sont  : 

EPONGES. 

Alcy onium  domuncula  .... 

1 se  dissout  très  vite  dans  une  solution 
t de  soude. 

POLYPES. 

Axe  du  Gorgonia  verrucosa. 

, \ 

— — vrminea  . 

— Antipathes  scoparia. 

— Pennatula  grisea. 

: t 

( se  dissolvent  facilement 

— — phosphorea  . 

\ 

Polypier  de  Y Alcyonidium  palmatum 


— du  Pennaria  Covolini. 


I 


198  jLŒWICi  ET  KŒLLIHLU.  — 

MÉDUSES. 

lihisQStoma Âldrovandi  (tout  l'animal). 
Pelagia  noctiluca.  . (id.) 

Beroë  Forskhalii.  . . (id.) 

Diphyes  ?...  (id.J 

Cartilage  du  l'plelh f limbosa  . 

H ADI  AIRES. 

Peau  et  axe  de  Y Astheracanthion  violaceus 
Peau  de  Y Holothuria  tubulosa. 

VERS. 

Ascaris  lombricoides 

Meckelia  annula  ta  ..... 

MOLLUSQUES. 

Çarmaria  Mediterranea  (tout  l’animal). 
Pterotrachea  coronata.  . (id  ) . 

Doris  argo (id.)  . 

Cymbulia  Peronii  ( la  coquille). 

ANIMAUX  ARTICULÉS. 

Sipunculus  verrucosus 

Sabclla  unispira  (animal  et  enveloppe). 

\ephthys  Hombergi 

flermione  hystrix.  . . . 

$colopei\dra  morsilans 

POISSONS. 

Amphioxus  lanceolalus 


STRUCTURE  ET  COMPOSITION 


se  dissolvent  facilement. 

\ 

résiste  longtemps,  mais  se  dissout 
enfin;  chauffé  avec  de  l’hydrate  de 
soude,  il  s'en  dégage  de  l’ammo- 
niaque. 

se  dissolvent  facilement,  apres  avoir 
été  fortement  manipulés  avec  de 
l'acide. 


se  dissolvent  facilement. 


se  dissolvent  facilement 
résiste  longtemps. 


\ se  dissolvent  facilement , et  ne  sont 
( donc  pas  composés  en  partie  de 

(chitine,  comme  les  autres  Arti- 
culés. 

| La  peau  ne  se  dissout  pas  ; elle  est 
. azotée,  et  par  conséquent  composée 

' probablement  de  chitine. 

se  dissout  facilement. 


II.  Recherches  microscopiques. 

L'existence  de  la  cellulose  dans  les  Tuniciers  une  fois  prouvée, 
il  nous  restait  à rechercher  les  éléments  des  parties  qu’elle  con- 
stitue. Pour  cela,  nous  avons  examiné  avec  le  microscope  les  enve- 
loppes des  animaux  mentionnés,  avant  et  après  leur  manipulation 


DUS  U.WUI.01TUS  DLS  TU.MC1UKS. 


199 

avec  de  l'acide  muriatique  et  de  la  soude  ; et  par  la  comparaison 
des  éléments  qui  se  trouvaient  dans  l’un  et  l’autre  cas,  nous 
avons  été  à même  de  pouvoir  décider  quelles  parties  étaient  com- 
posées d’une  substance  azotée,  et  quelles  autres  d’une  substance 
exempte  de  ce  corps.  Voici  les  résultats  que  nous  avons  obtenus 
par  cette  opération. 

1.  Autant  que  nous  avons  pu  le  distinguer  aux  échantillons 
conservés  dans  l’esprit  de  vin , l’enveloppe  cartilagineuse  du 
Pliallusia  mamillaris  est  composée  de  trois  couches  de  différentes 
épaisseurs.  La  couche  intérieure  (1),  simplement  formée  de  cel- 
lules d’épitélium,  polygonales,  pourvues  de  nucléus,  et  mesurant 
0,005'",  couvre  toute  la  superficie  intérieure  de  l’enveloppe  car- 
tilagineuse, et  se  joint  aux  deux  ouvertures  de  cette  enveloppe,  et 
là,  où  celle-ci  reçoit  ses  vaisseaux,  à un  autre  épitélium,  couvrant 
le  sac  membraneux  qui  contient  les  viscères.  La  seconde  cou- 
che (2),  considérablement  plus  épaisse,  est  composée  d’une  sub  - 
stance homogène  contenant  des  cristaux  et  des  nucléus.  Ces  pre- 
miers ne  se  trouvent  pas  partout,  et  manquent  peut-être  absolu- 
ment dans  les  animaux  frais;  là  où  ils  se  présentent,  ils  sont  déjà 
visibles  à l’œil  nu,  et  ressemblent  à des  stries  blanches;  vus  au 
moyen  d’une  lentille  grossissant  moyennement,  ce  sont  des  cris- 
taux réunis  en  forme  d’étoile,  ou  des  concrétions  terminées  irré- 
gulièrement et  de  formes  différentes.  Les  nucléus  se  trouvent  par- 
tout en  assez  grand  nombre , et  sous  des  formes  différentes  ; ceux 
situés  le  plus  à l’intérieur  sont  ronds,  de  0,0015'"  — 0,002"', 
avec  un  ou  deux  granules  opaques,  ressemblant  à des  grains  adi- 
peux ; les  nucléus  extérieurs  sont  plus  grands,  ronds  ou  pourvus 
de  prolongements  plus  ou  moins  longs,  contenant  une  substance 
claire  ou  grenue,  et  ordinairement  quelques  granules  opaques. 

Enfin  la  troisième  couche  (3)  forme  la  masse  principale  de 
l’enveloppe  du  Pliallusia  mamillaris.  Celle-ci  est  le  siège  de  ces 
artères  si  nombreuses  et  si  fortes  (4)  qui  viennent  immédiatement 
du  cœur,  le  traversent  dans  tous  les  sens , se  ramifiant  à peu 
près  en  forme  de  pinceau,  pénètrent  presque  jusqu’à  la  super- 

fs)  Fig.  1 , — n. 


O)  Fig.  C — 


200  EŒ1V1G  ET  KŒLLIKER.  STRUCTURE  ET  COMPOSITION 

ficie  extérieure,  et  alors  paraissent  passer  dans  d'autres  vaisseaux 
qui  les  accompagnent  dans  leur  cours.  Les  éléments  qui  forment 
cette  couche  sont  des  cellules  grandes  et  élégantes,  puis  une  sub- 
stance claire,  homogène,  qui  est  la  continuation  immédiate  de  la 
substance  principale  de  la  couche  intermédiaire;  outre  cela,  on 
trouve  à certaines  places  des  cristaux , des  nucléus  et  des  cellules 
pigmentées.  Les  grandes  cellules  (i),  que  déjà  R.  Wagner  a vues, 
et,  comme  il  n’en  avait  pas  fait  d’analyse,  a déclaré  être  des  cel- 
lules cartilagineuses,  sont  d’une  nature  toute  particulière,  et  ne  res- 
semblent à aucune  autre  cellule  animale  connue  jusqu’ici,  excepté 
peut-être  à celles  de  la  corde  dorsale  de  quelques  animaux.  Ce  qu’il 
y a de  plus  remarquable  dans  ces  cellules,  c’est  leur  grandeur, 
qui  varie  de  0,008"'-0,05"',  et  dont  la  moyenne  est  de  0,02"'- 
0,03"'.  Elles  se  distinguent  moins  par  leur  forme,  qui  peut  être 
sphérique , pyriforme,  elliptique  même,  que  par  leur  contenu  dia- 
phane et  absolument  sans  granules  ni  nucléus  et  par  leurs  mem- 
branes cellulaires  délicates,  unies  et  partout  d’une  égale  épaisseur. 
La  disposition  de  ces  cellules  est  telle  que  les  plus  petitesse  trou- 
vent dans  la  substance  fondamentale , homogène  et  commune  aux 
couches  moyennes  et  extérieures,  tout-à-fait  dispersées,  sans 
limite  précise;  puis  suivent  des  cellules  toujours  plus  grandes  et 
plus  rapprochées  les  unes  des  autres,  jusqu’à  ce  qu’elles  nous  pré- 
sentent l’image  d’un  tissu  cellulaire  régulier  avec  fort  peu  de  sub- 
stance intermédiaire.  Cette  couche  reste  ainsi  jusqu’à  la  partie  ex- 
térieure de  l’enveloppe,  excepté  seulement  que  les  cellules  se  rappe- 
tissent  de  nouveau  peu  à peu  et  qu’il  paraît  de  même  un  peu  plus 
de  substance  intermédiaire  à la  partie  la  plus  extérieure.  Les  cris- 
taux et  les  cellules  pigmentées  dont  nous  avons  déjà  fait  men- 
tion ne  se  trouvent  que  dans  les  parties  extérieures  de  cette  troi- 
sième couche  ; les  premiers  (2),  de  forme  aciculaire,  mesurant  au 
plus  0,0015"'  en  longueur,  remplissent  en  masses  compactes  l’in- 
tervalle intercellulaire  de  la  superficie;  les  dernières  (3) . jaunes 
et  remplies  de  granules  assez  gros,  entourent  particulièrement  les 
dernières  ramifications  des  vaisseaux.  Les  nucléi  enfin  (4)  sont 

(I)  Fig-  La;  fig-  2,  b;  fig.  3,  b.  (3)  Fig.  4,6;  fig-  2.  t- 

(?)  Fig.  4,  d,  fig  2,  d.  (4)  Fig.  2,  3,  c,c,  d,d. 


DES  ENVELOPPES  DES  TISMC1KRS, 


201 


de  même  nature  que  les  gros  nucléi  de  la  couche  intermédiaire  , 
et  se  trouvent  partout  en  assez  grande  quantité  entre  les  grandes 
cellules. 

En  conséquence  de  la  manipulation  chimique,  la  composition 
de  l’enveloppe  du  Phallusia  mamillaris  se  modifie  de  la  manière 
suivante  (1)  : 

a),  au  moyen  de  l’acide  muriatique,  les  cristaux  de  la  seconde 
couche  et  de  la  couche  extérieure  se  dissolvent  en  peu  de  temps  ; 
b),  au  moyen  de  la  solution  de  soude  disparaissent  les  cellules 
d’épithélium,  les  nucléi,  les  cellules  pigmentées  et  les  vais- 
seaux. Ne  se  dissolvent  pas  et  ne  souffrent  aucune  modification  . 
la  substance  fondamentale  homogène  des  couches  intermédiaires 
et  extérieures  (2)  et  les  grandes  cellules  (3). 

Quant  au  temps  après  lequel  on  peut  remarquer  ces  résultats, 
nous  ferons  observer  qu’il  varie  beaucoup  suivant  les  circon- 
stances, par  exemple  suivant  que  la  solution  de  soude  est  con- 
centrée ou  faible , appliquée  chaude  ou  froide , sur  un  morceau 
épais  ou  mince  de  la  substance  à étudier.  Sur  un  segment  conve- 
nable pour  une  observation  microscopique , les  parties  nommées 
disparaissent  déjà  après  une  coction  de  10-15"',  dans  une  solution 
de  soude  médiocrement  concentrée,  tandis  que,  pour  atteindre  le 
même  résultat  avec  des  enveloppes  entières  ou  des  morceaux  d’en- 
veloppe assez  considérables,  il  faut  une  manipulation  d’un,  deux  et 
plusieurs  jours,  avec  une  solution  concentrée  à la  chaleur.  Nous 
concluons  des  résultats  communiqués  que.  dans  le  Phallusia  ma- 
millaris seulement,  la  substance  fondamentale  et  les  grandes 
cellules  sont  formées  de  cellulose  : que  les  autres  parties , au  con- 
traire, nucléi,  cellules  d’épithélium , cellules  pigmentées,  vais- 
seaux, sont  composés  d’une  substance  fortement  azotée,  à laquelle 
probablement  est  aussi  mêlée  une  légère  quantité  de  graisse. 

2.  Le  Phallusia  monachus  (II)  ressemble  sous  plusieurs  rap- 
ports au  Phallusia  mamillaris.  L’épithélium  intérieur  de  l’enve- 
loppe manque,  il  est  vrai,  dans  les  échantillons  conservés  dans 
l’esprit  de  vin,  mais  nous  y trouvons  une  couche  intérieure  ho- 


(t)  Fig  4. 
(2)  F, g 4,  n 


(3)  Fig.  4,  h. 
\i)  Fig  3,  6,  7. 


202  I. (i:\VII.  ET  hlin.lklli.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 

mogène , avec  des  îiucléi , et  une  couche  semblable  extérieure , 
beaucoup  plus  épaisse,  avec  de  grandes  cellules , des  vaisseaux, 
des  cellules  pigmentées,  des  cristaux  et  des  nucléi , comme  dans 
le  Phallusia  mamillaris.  Quoi  qu’il  en  soit,  les  éléments  montrent 
souvent  des  caractères  distinctifs  qui  méritent  d’être  mentionnés 
spécialement.  Les  grandes  cellules  (1)  ne  mesurent  que  0,01"'- 
0,02"',  et  ne  se  trouvent  serrées  les  unes  contre  les  autres  qu’à  la 
superficie  extérieure  ; partout  ailleurs  elles  sont  séparées  les  unes 
des  autres  par  une  substance  intermédiaire  abondante  (2) , et 
possèdent  des  membranes  extrêmement  délicates,  de  sorte  qu’il 
n’est  pas  toujours  facile  de  les  reconnaître , surtout  là  où  elles 
sont  très  éparses.  Les  nucléi  (3)  de  la  substance  homogène 
sont  rares,  et,  presque  sans  exception , allongés  en  forme  de  fu- 
seau , ou  même  ramifiés.  A la  superficie  extérieure  de  l’enve- 
loppe, ils  sont  mêlés  d’un  très  grand  nombre  de  petites  cellules 
pigmentées  jaunes,  de  granules  pigmentés,  et  aussi  de  cristaux 
aciculaires  et  de  concrétions  cristallines  très  petites  (4),  qui, 
dans  ce  cas  aussi , sont  prépondérants  là  où  les  vaisseaux  se  ter- 
minent en  plus  grand  nombre. 

Nous  avons  trouvé  dans  un  échantillon  du  même  Phallusia 
une  anomalie  assez  intéressante  de  cette  composition  normale. 
Sur  cet  échantillon  on  ne  pouvait  reconnaître  distinctement  des 
cellules  qu’à  la  superficie  extérieure  et  aux  parties  voisines; 
niais  à l’intérieur  nous  n’en  pûmes  d’abord  apercevoir  aucune , 
malgré  tous  nos  soins.  Cependant , en  examinant  les  objets 
avec  une  extrême  attention,  il  se  présentait  çà  et  là,  dans  la 
masse  homogène  et  pâle  qui  constitue  la  partie  intérieure  de 
l’enveloppe , des  places  ou  lacunes  plus  ou  moins  régulières , 
claires , qui  ne  se  dessinaient  presque  jamais  tout  alentour , mais 
ordinairement  seulement  d’un  côté  ou  d’un  autre,  par  un  contour 
semi-lunaire,  extrêmement  délicat,  et  qu’on  ne  pouvait  distin- 
guer qu’avec  beaucoup  de  peine.  A quelques  endroits  nous  avons 
distingué  ces  lacunes  avec  plus  de  netteté  (5),  surtout  là  où 

(1)  Fig.  5,  6,  b.  (4)  Fig.  6,  d. 

(2)  Fig.  5,  6,  a.  (a)  Fig.  7,  h. 

(31  Fig.  5,  6,  c. 


DES  ENVELOPPES  DES  TUNICIEUS, 


203 

de  petits  granules  jaunâtres  étaient  déposés  à leur  circonférence, 
ce  qui  se  rencontrait  quelquefois.  Or,  ces  lacunes  ne  sont  autre 
chose  que  des  restes  de  cellules , semblables  à celle  de  la  couche 
extérieure,  des  cellules  dont  la  membrane  s’est  plus  ou  moins 
dissoute,  ou  s’est  perdue  par  une  fusion  plus  ou  moins  complète 
dans  la  substance  intermédiaire  homogène  ; cela  ressort  évidem- 
ment de  ce  que,  à mesure  qu’on  s’éloigne  du  centre  de  l’enve- 
loppe de  ce  Phallusia,  en  s’approchant  de  l’extérieur,  les  rudi- 
ments de  cellules  deviennent  plus  nets , et  font  enfin  place  à des 
cellules  distinctes. 

Traitée  avec  de  l’acide  muriatique  et  de  la  soude , l’enveloppe 
du  Phallusia  monachus  donne  les  mêmes  résultats  que  celle  du 
Phallusia  mamillaris,  c’est-à-dire  que  les  nucléi,  les  cellules 
pigmentées,  les  cristaux  et  les  vaisseaux  disparaissent,  mais  la 
substance  fondamentale  claire  et  les  grandes  cellules  diaphanes 
restent  sans  se  dissoudre  et  intactes. 

3.  La  mince  enveloppe  du  Phallusia  sulcata  est  pourvue  au 
côté  intérieur  d’un  épithélium  formé  par  une  couche  simple  de 
petites  cellules,  contenant  des  nucléi.  Tout  le  reste  est  composé  : 

a) ,  d’une  substance  homogène  (1)  avec  quelques  nucléi  (2)  à 
peu  près  ronds,  des  cristaux  aciculair.es  (3)  situés  dans  les  parties 
extérieures , et  des  vaisseaux  ; 

b) ,  de  cellules  rondes  et  elliptiques  (4) , sans  nucléus,  munies 
de  parois  délicates,  et  mesurant  en  diamètre  de  0,01"'-0,15'". 
L’observation  chimique,  qui  ne  consistait  que  dans  une  simple 
coction  de  fins  segments  avec  de  la  soude  et  de  l’acide  muriatique, 
donna  pour  résultat  l’insolubilité  de  la  substance  fondamentale 
et  des  grandes  cellules  incolores, 

h.  Enfin  nous  avons  encore  étudié  le  Phallusia  gelalinosa,  que 
nous  avons  trouvé  d’une  formation  toute  particulière.  Dans  un 
premier  échantillon  (5),  la  substance  tendre,  gélatineuse,  de  l’en- 
veloppe ne  possédait  dans  toute  son  épaisseur  aucune  trace  de 
cellules,  mais  sa  masse  principale  était  composée  de  la  même 

(4)  Fig.  10,  ii. 

(3)  Fig.  8 


(1)  Fig.  10,  a. 

(2)  Fig.  10,  o. 

(3)  Fig.  10,  d. 


204  Ili:\VI(.  ET  KUI.I.IHDIl.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
substance  homogène  que  nous  avons  décrite  en  parlant  des  au- 
tres Phallusia.  Dans  un  autre  individu,  nous  avons  découvert 
quelques  restes  de  cellules  extrêmement  rares  et  peu  distinctes. 
De  plus,  nous  avons  trouvé  dans  la  substance  homogène  des 
deux  échantillons , comme  dans  les  autres  espèces , des  vais- 
seaux, des  nucléi  (1),  pour  la  plupart  ronds  et  de  0,002"'; 
dans  l’échantillon  sans  cellules,  il  y avait  aussi  dans  les  parties 
extérieures  une  très  grande  quantité  de  cristaux  aciculaires  (2) 
et  de  granules  jaunes,  ressemblant  souvent  à des  nucléi  avec  de 
grands  nucléoles  colorés.  Lors  de  la  manipulation  de  petites  par- 
ticules avec  de  l’acide  muriatique  et  de  la  soude , la  substance 
homogène  resta  insoluble  et  parfaitement  intacte , et  tout  le  reste 
disparut. 

5.  La  composition  de  l’enveloppe  du  Clavellina  lepadifor- 
inis  (3)  correspond , sous  plus  d’un  rapport , à celle  des  es- 
pèces mentionnées  de  Phallusia,  en  remarquant  cependant  que, 
dans  le  même  individu,  certaines  parties  ressemblent  plutôt  à. 
une  espèce , et  d’autres  parties  à une  autre  espèce , et  que  l’en- 
veloppe manque  absolument  de  vaisseaux  sanguins.  La  tige 
de  la  Clavelline  (4),  qui  contient  notamment  un  prolongement 
des  parties  molles  du  corps,  offre,  aussi  bien  que  les  excroissances 
qu’on  y trouve,  une  composition  que  des  segments  transversaux 
faits  dans  toutes  leurs  parties , présentent  comme  un  tissu  élé- 
gant de  cellules  rondes  ou  allongées,  sans  nucléus,  mesurant 
0,ül'"-0,0J 4"'  en  diamètre,  presque  sans  substance  intermé- 
diaire , et  placés  très  près  les  uns  des  autres.  Quand , en  suivant 
la  tige,  on  approche  de  l’extrémité  supérieure,  on  est  surpris  de 
voir,  seulement  alors,  les  cellules  se  séparer  de  plus  en  plus  , 
disparaître  même  peu  à peu,  comme  cela  arrive  chez  quelques 
espèces  de  Phallusia,  et  faire  place  à une  substance  intermé- 
diaire homogène , et  pourvue  d’une  quantité  de  nucléi.  Enfin , 
l’on  trouve  dans  la  plus  grande  portion  du  devant  de  l’enveloppe 
une  structure  assez  particulière.  A l’extérieur  (5),  on  aperçoit 


(1)  Fig.  8,  9,  b. 

(2)  Fig.  8,  c. 

(S)  Fig.  It,  12,  13. 


(4)  Fig  12. 

(5)  Fig.  Il, 


DES  ENVELOPPES  DES  TLNICIERS. 


205 


une  couche  serrée,  mais  peu  épaisse,  de  cellules  infiniment  dé- 
licates , et  souvent  difficiles  à reconnaître , et  entre  les  cellules 
qui  mesurent  jusqu’à  0,02"',  et  s’étendent  jusqu’à  la  superficie, 
des  cristaux  de  carbonate  de  chaux  (1)  et  des  nucléi  épars  (2) 
mesurant  jusqu’à  0,002"',  avec  de  gros  granules  adipeux  ronds. 
Puis,  se  dirigeant  de  l’extérieur  à l’intérieur,  vient  une  lame 
encore  plus  mince  (3),  composée  d’une  substance  homogène 
transparente , incolore , avec  des  granules  infiniment  petits , pâles. 
En  troisième  lieu,  on  remarque  une  couche  de  grains  ronds  (à), 
ou  des  vésicules , dont  nous  n’avons  pu  reconnaître  la  nature 
d’une  manière  très  certaine  dans  les  échantillons  conservés  dans 
l’esprit  de  vin.  Ces  grains  sont  sphériques,  à superficie  lisse  ou 
granulée,  mesurent  0,0005"',  0,004"',  et  même  0,005'";  les 
plus  gros  déposés  au  milieu  , les  plus  petits  à l’extérieur  : ils  pa- 
raissent opaques , et  ressemblent  à des  granules  d’amidon  ou  à 
des  granules  adipeux.  Par  une  solution  d’iode , ils  sont  devenus 
jaunâtres  , sans  présenter  aucune  trace  de  bleu  ; c’est  pourquoi, 
sans  vouloir  toutefois  nous  prononcer  là-dessus , nous  serions 
portés  à les  prendre  pour  des  grains  adipeux. 

Après  ces  grains  vient  une  lame  épaisse  (5)  d’une  substance 
homogène,  diaphane,  avec  quelques  petits  nucléi  sphériques  assez 
rares , et  qui  contient  d’autant  plus  de  légers  granules  incolores 
qu’on  approche  davantage  de  l’intérienr;  enfin,  tout  à l’intérieur  se 
trouve  une  substance  complètement  diaphane  (6),  partout  égale  et 
peu  épaisse,  avec  des  nucléi  sphériques  granulés,  et  plus  grands 
que  0,003'". 

Après  avoir  traité  l’enveloppe  du  Clavellina  avec  de  la  soude 
et  de  l’acide  muriatique,  les  cristaux,  les  nucléi  et  les  grains 
adipeux  en  disparaissent  aussi;  au  contraire,  les  grandes  cellules 
et  la  substance  homogène , avec  ses  granulations  dispersées , 
restent  parfaitement  intactes,  ce  qui  prouve  l’identité  de  la  com- 
position chimique  du  Phallusia  et  du  Clavellina. 

(4)  Fig.  Il,  — r,. 

(o)  Fig.  1 1 , -2. 

(6)  Fig.  4 1,—  i 


(4)  Fig.  43,  d. 

(2)  Fig.  4 3,  c. 

(3)  Fig.  il,- 


4- 


STRUCTURE  ET  COMl’OSITIOX 


20G  LŒUlCi  ET  KŒLL1KER.  

6.  Le  Salpa  maxima  (1)  ne  contient,  dans  toute  son  enveloppe 
gélatineuse,  aucune  trace  de  cellules  semblables  à celles  du 
Phallusia  et  du  Clavellina . Elle  est  plutôt  composée  dans  toute 
son  épaisseur  d’une  substance  homogène,  claire,  diaphane  (2). 
A l’intérieur,  on  ne  trouve  pas  d’éléments  particuliers  déposés 
dans  cette  substance , mais  bien  dans  les  couches  intermédiaires 
et  extérieures.  Dans  les  premières,  on  trouve  une  quantité  de  très 
petits  granules;  dans  les  autres,  de  petits  nucléi  ronds  (3),  des 
cellules  à noyaux  (Z|)  et  des  concrétions  cristallines  de  forme  sphé- 
rique ou  étoilée.  Ces  dernières  sont  très  régulières  (5)  et  formées 
de  3-7  rayons  droits,  partant  d’un  centre  ou  quelquefois  d’une 
concrétion  sphérique  ; ils  sont  composés  d’une  série , simple 
ou  multiple,  de  granules  plus  ou  moins  gros , dont  le  nombre,  en 
s’approchant  de  l’extérieur,  augmente  ou  diminue , mais  qui  de- 
viennent toujours  plus  petits.  La  nature  de  ces  concrétions  est 
difficile  à préciser.  Elles  ne  se  dissolvent  pas  dans  l’acide  muria- 
tique, et  ne  sont  donc  pas  composées  de  carbonate  ou  de  phos- 
phate de  chaux  ; leur  manipulation  avec  du  muriate  de  baryte  a 
aussi  prouvé  qu’elles  ne  contenaient  aucun  sulfate  de  chaux.  Ce 
sont  probablement  des  concrétions  d’acide  silicique.  Quant  aux 
autres  éléments,  les  grains  et  les  nucléi  se  dissolvent  par  une 
onction  dans  une  solution  de  soude;  mais  la  masse  homogène,  qui 
donne  à l’enveloppe  sa  forme . reste  sans  changement. 

7.  Le  Salpa  bicauclata , Q.  et  G.  (G)  (qu’on  trouve  assez  facile- 
ment à Naples  et  à Messine)  ressemble  essentiellement , quant  à 
la  nature  de  sa  composition,  au  Salpa  maxima.  puisque  la  masse 
fondamentale  de  l’enveloppe  gélatineuse  est  composée  d’une  sub- 
stance homogène  ; il  en  diffère  cependant  par  les  éléments  con- 
tenus dans  cette  substance,  et  par  une  simple  couche  de  cellules 
d’épithélium  (7)  qui  la  recouvre  à l’intérieur.  Quant  aux  premiers, 
on  trouve  dans  la  couche  intérieure  de  la  substance  homogène,  des 

(1)  Fig.  34. 

(2)  Fig.  34.  ». 

(3)  Fig.  34,  6. 

(4)  Fig  3 4,  c 


(3)  Fig.  32. 

(6)  Fig.  25. 

(7)  Fig.  25,  a 


DES  ENVELOPPES  DES  TUMClERS.  207 

vésicules  granulées  (1  ) de  0,0Ü3'"-0,004'"  de  diamètre,  qui  tantôt 
ont  l’aspect  de  noyaux,  tantôt  celui  de  cellules;  puis,  dans  la 
partie  du  milieu,  çà  et  là  des  nucléi  ronds  ou  fusiformes  (2),  et 
enfin,  dans  la  couche  extérieure,  de  petits  cristaux,  des  nucléi 
ronds  et  des  concrétions  particulières , semblables  à celles  du 
Salpamaxima.  Pour  ces  dernières,  elles  sont,  les  unes  petites  (3), 
élégamment  ramifiées  et  disposées  horizontalement  ; les  autres  (h), 
plus  grandes , ramifiées  en  forme  de  pinceaux , et  paraissant  à 
l’œil  nu  comme  des  touffes  blanches;  ces  dernières  commencent 
à la  surface,  descendent  de  là  verticalement  à l’intérieur,  et  for- 
ment enfin  une  touffe  de  fins  rayons  ramifiés.  Grossies  350  fois, 
ces  deux  espèces  de  concrétions  paraissent  composées  de  gra- 
nules opaques  de  grandeur  différente. 

La  composition  chimique  de  l’enveloppe  de  ce  Salpa  est  abso- 
lument la  même  que  celle  de  l’autre  espèce,  c’est-à-dire  qu’a- 
près  la  manipulation  avec  de  la  soude  et  de  l’acide  muriatique , 
il  ne  reste  que  la  substance  fondamentale  homogène  et  les  con- 
crétions ramifiées. 

8.  Dans  le  Pyrosoma  giganteum  , l’enveloppe  commune  des 
individus  est  aussi  formée  d’une  substance  homogène  et  sans 
structure,  qui  résiste  tout-à-fait  à l’influence  de  la  soude.  Son  in- 
térieur possède  çà  et  là  des  nucléi  ronds  et  quelques  cellules 
ramifiées  semblables  à celles  du  tissu  cellulaire  lâche  des  embryons 
des  Mammifères , par  exemple  à celle  de  la  gélatine  de  Whar- 
ton.  Ces  deux  éléments  disparaissent  tout-à-fait  par  la  manipula- 
tion avec  de  la  soude,  tandis  que  la  substance  homogène  reste 
intacte. 

9.  Le  Diazonaviolcicea , Sav.  (5),  qu’on  trouve  aussi  à Naples, 
quoique  assez  rarement,  possède,  dans  la  masse  gélatineuse  de 
l’enveloppe  commune  à tous  les  individus,  une  substance  dia- 
phane et  sans  structure,  totalement  dépourvue  de  cellules  (6). 
On  trouve , dispersés  dans  cette  substance , de  nombreux  prolon- 


(1)  Fig.  25,  c. 

(2)  Fig.  25,  il 

(3)  Fig.  30,  31. 


(4)  Fig.  25,  f. 

(5)  Fig.  47. 

(6)  Fig  47,  a. 


'208  LŒWI«  ET  UaXI.lKF.R.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITIOX 
gements  de  l’enveloppe  charnue  des  individus  (1),  qui  se  rami- 
fient et  finissent  ou  simplement  en  cul-de-sac  (2),  ou  par  un 
gonflement  ( germe)  (3).  Savigny  fait  déjà  mention  de  ces  rami- 
fications ( Mém.  sur  les  animaux  sans  vert. , sec.  part. , fasc. , 
p.  36)  ; mais  c’est  à tort  qu’il  les  déclare  être  des  vaisseaux.  De 
plus,  on  trouve  dans  les  couches  extérieures,  des  vésicules  avec 
des  granules  violets,  des  grains  adipeux,  des  cristaux  aciculaires 
et  des  concrétions  de  carbonate  de  chaux  (4) , et  surtout , vers 
l’intérieur,  une  grande  quantité  de  petites  vésicules  rondes  (5) 
(noyaux).  Par  suite  de  la  manipulation  avec  l’acide  muriatique  et 
la  soude,  les  cristaux,  nucléi  et  cellules  pigmentées  se  dissol- 
vent; mais  la  substance  homogène  reste  sans  changement.  Ce- 
pendant il  faut  observer  que , même  après  avoir  été  très  longtemps 
sous  l’influence  de  l’alcali,  et  quoique  les  cellules  pigmentées 
aient  disparu , les  parties  extérieures  conservent  à quelques  places 
une  teinte  d’un  violet  pâle , qui  provient  et  de  particules  colo- 
rantes non  dissoutes  et  d’une  substance  colorante  amorphe , dont 
toute  la  masse  est  pénétrée. 

tO.  La  structure  du  Didemnum  candidum  (6)  est,  au  premier 
coup  d’œil,  toute  particulière  et  absolument  différente  de  celle 
des  Tuniciers  dont  nous  avons  parlé  jusqu’ici.  La  substance 
blanche  qui  contient  les  individus  semble  ne  montrer  que  de  pe- 
tits corps  blancs  étoilés  (7),  de  0,006"'-0,015"',  semblables  à 
ceux  du  Leploclinum  stellatum  que  M.  Milne  Edwards  a décrits  (8) 
dans  son  ouvrage  classique  sur  les  Ascidies  composées,  excepté 
seulement  que  ceux-là  sont  plus  ronds,  pourvus  de  pointes  plus 
courtes  et  plus  nombreuses;  mais  si  l’on  place  cette  substance 
sous  l’influence  de  l’acide  muriatique,  alors  on  a tout  un  autre 
aspect.  La  couleur  blanche  disparaît  en  peu  de  temps,  tandis  qu’il 
se  dégage  une  grande  quantité  de  bulles  gazeuses;  et  lors  de 
l’observation  microscopique,  on  trouve  dans  la  membrane  jau- 


(4)  Fig.  47.  d. 

(2)  Fig.  47,  e 

(3)  Fig.  47,  f. 

(4)  Fig.  47,  c. 
fSl  Fig  47,  b. 


(6)  Fig.  27. 

(7)  Fig.  26,  a. 

(8)  Obsen:.  sur  les  Ascidies  rninp,  des 
tdles  de  la  Manche,  pl.  8,  fig.  2. 


DES  ENVELOPPES  DES  TL'XICIEES.  200 

nàtre,  transparente,  qui  reste,  une  substance  fondamentale  homo- 
gène, parsemée  de  cellules  (1)  rondes  et  allongées,  de  0,005"'- 
0,013"'  de  diamètre,  et  de  quelques  petits  amas  granuleux.  En 
observant  ces  cellules*  nous  crûmes  d’abord  avoir  devant  nous 
l’analogue  des  grandes  cellules  des  Phallusia  et  Clavellina;  car, 
comme  celles-ci*  elles  étaient  sans  nucléus,  à peine  marquées 
par  un  contour  pâle,  délicat,  et  pourvues  d’un  contenu  parfaite- 
ment liquide;  mais  une  analyse  plus  attentive  nous  apprit  qu’il  en 
était  tout  autrement  ; car  dans  une  coction  avec  de  la  soude  dans 
un  verre  réactif,  leur  dissolution  fut  complète,  tandis  que  la  sub- 
stance homogène  ne  se  changea  nullement;  et,  en  observant 
attentivement  l’influence  de  l’acide  muriatique,  nous  fîmes  lare- 
marque  que  chacun  des  corpuscules  étoilés,  qui  n’étaient  donc 
pas  de  simples  concrétions,  perdit  peu  à peu  tous  ses  rayons, 
devint  une  cellule  remplie  de  chaux  (2),  et  prit  enfin  la  forme 
d’une  cellule  incolore,  vide,  absolument  semblable  îi  celles  que 
nous  avons  décrites.  Nous  n’avons  pu  découvrir  comment  se  for- 
ment ces  cellules  curieuses  remplies  de  chaux  au  dedans,  et  gar- 
nies à l’extérieur  de  rayons  calcaires  ; mais  d’après  ce  que  nous 
avons  vu  chez  d’autres  Tunieiers,  il  serait  permis  de  dire  qu’il  y 
a premièrement  de  grandes  cellules  pleines  d’un  liquide  qui  se 
remplissent  peu  à peu  de  chaux,  jusqu’à  ce  qu’enfin  la  membrane 
cellulaire  même  soit  incrustée,  et  que  la  chaux  se  soit  déposée  à 
l’extérieur  de  cette  membrane, 

11.  L 'Aplidium  gibbulosum  présente  dans  son  enveloppe  une 
substance  homogène  avec  quelques  nucléi  dispersés  et  une  grande 
quantité  de  cellules  rondes,  à membranes  très  délicates,  et  me- 
surant de  0,005'"  à 0,013'",  et  même  jusqu’à  0,02"'.  Celles  de  l’in- 
térieur (3)  ne  contiennent  qu’un  liquide;  mais  plus  on  avance  vers 
l’extérieur,  plus  aussi  elles  contiennent  de  concrétions  calcaires  ; 
et,  enfin,  ce  sont  des  cellules  parfaitement  incrustées,  quoique 
sans  appendices  (1).  Dans  une  manipulation  avec  de  la  soude  et 
de  l’acide  muriatique,  la  substance  homogène  seule  résiste,  le 
reste  se  dissout.  Nous  ne  pouvons  nous  empêcher  ici  d’appeler  l’at- 

(4)  Fig.  27  r.  (3)  Fig.  33,  b. 

(î)  Fig.  26,  b.  (4)  Fig  33,  a. 

3*  série  Zom  T V (Avril  ISICj.j 


14 


210  LŒWIU  ET  Kffil.l.hlKIl.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
tention  du  lecteur  sur  une  forme  remarquable  de  cellules  incrus- 
tées , que  l’un  de  nous  observa , il  y a déjà  quelques  années , dans 
la  substance  du  Botryllus  violaceus  (1),  et  qui  ressemblent,  sous 
quelques  rapports,  aux  cellules  incrustées  du  Didemnum.  Ces 
cellules  sont . les  unes  parfaitement  rondes  (2),  avec  un  diamètre 
de  0,009'",  et,  comme  celles  de  l’Aplidium,  remplies  de  concré- 
tions calcaires;  d’autres  (3),  plutôt  piriformes  ou  fusiformes , pos- 
sèdent un  ou  deux  prolongements  pointus,  incolores,  longs  de 
O.OOG"'-O,009"',  et  de  substance  organique  ; d’autres,  enfin  (h\ 
qui  paraissent  rondes  ou  tétraédriques , présentent  même  trois  ou 
quatre  de  ces  prolongements , qui  souvent  ont  la  même  longueur 
et  une  disposition  tout-à-fait  régulière,  mais  souvent  aussi  dp 
grandeur  différente  et  sans  symétrie.  Ces  cellules  à prolongements 
sont  probablement  analogues  aux  cellules  rondes  du  Didem- 
num , contenant  de  la  chaux  à l’intérieur  et  des  dépôts  calcaires 
à l’extérieur,  et  pourraient  de  même  être  comparées  à beaucoup 
de  cellules  végétales  (les  granules  du  pollen,  spores,  etc.)  qui 
possèdent  des  dépôts  à leur  extérieur.  Si  de  tels  prolongements 
s’incrustaient,  ce  que  nous  n’avons  pu  observer,  alors  il  se  for- 
merait des  corpuscules  étoilés,  semblables  à ceux  du  Didemnum. 

12.  Le  Botryllus  polycyclus  (5)  commence,  par  sa  structure 
toute  particulière,  une  série  nouvelle.  Dans  les  parties  extérieures 
de  la  masse  commune  , qui  renferment  les  groupes  d’individus, 
on  trouve  la  structure  ordinaire  des  Ascidies-Composées,  c’est- 
à-dire  une  substance  claire  et  homogène,  avec  quelques  nucléi 
et  cristaux  ; mais  dans  les  parties  intérieures  on  rencontre,  à côte* 
desnoyaux  , des  fibres,  qui , comme  nous  osons  l’affirmer,  ne  sont 
pas  le  produit  d’une  préparation  fautive,  mais  existent  naturelle- 
ment et  se  présentent  aussi  dans  des  particules  préparées  avec  le 
plus  grand  soin.  Ces  fibres  sont  de  deux  espèces  : les  unes  (6),  qui 
sont  les  plus  nombreuses,  sont  longues,  extrêmement  pâles  et 
délicates,  trop  fines  pour  pouvoir  être  mesurées,  ut  se  croisent 


(0  Fig  28. 

(2)  Fig.  28,  a. 

(3)  Fig  M.r.fc 


(4)  Fig.  28,  c.d. 

(5)  Fig.  29,  46. 

(6)  Fig  29,  «. 


DES  EWEI.OPI'KS  DES  TlMCIEItS. 


*211 

dans  tous  les  sens  en  formant  d'élégantes  sinuosités  ; les  autres  ; 1 . 
moins  nombreuses,  sont  courtes  (0,01"'-0,03"'),  plus  larges,  opa- 
ques et  courbées  de  différentes  manières  ; en  un  mot,  elles  res- 
semblent à certains  noyaux  transformés  en  fibres  ( Kernfasern ). 

11  nous  est  impossible  de  donner  aucun  renseignement  sur  le  dé- 
veloppement de  ces  fibres  ; mais  ce  qui  nous  paraît  être  d’une 
importance  majeure,  c’est  qu’ainsi  que  la  substance  homogène 
des  parties  extérieures  et  intérieures,  elles  résistent  à la  manipu- 
lation par  l’acide  muriatiqueet  la  soude , et  que,  par  conséquent, 
puisque  leur  nature  organique  est  incontestable  , elles  sont  com- 
posées d’une  substance  sans  azote.  Nous  ferons  encore  mention  de 
points  ronds,-  visibles  à l’œil  nu,  qui  apparaissent  dispersés  dans 
les  particules  intérieures  et  extérieures  de  la  masse  commune  de 
ce  Botrylle.  Les  uns  (2)  sont  blancs,  plutôt  situés  à l’intérieur 
et  paraissent  sous  le  microscope  comme  des  amas  de  granules  ou 
d’aiguillettes  ; ils  sont  insolubles  dans  une  solution  de  soude  et 
d’acide  muriatique  , et  probablement  formés  par  la  même  sub- 
stance qui  constitue  les  concrétions  de  l’enveloppe  des  Salpa, 
c’est-à-dire  d’acide  silicique.  Les  autres  (3)  sont  violets  ou  rou- 
geâtres , et  se  trouvent  particulièrement  dans  les  couches  exté- 
rieures, près  des  groupes  d’individus;  cependant,  quelquefois 
aussi,  dans  les  parties  intérieures  de  la  masse  commune.  Une 
observation  microscopique  montre  que  ce  sont  des  vésicules  piri- 
formes,  rondes  ou  allongées  qui  contiennent  une  substance  colo- 
rante rougeâtre,  probablement  contenue  dans  des  cellules  et  qui 
s'appliquent  aux  extrémités  de  canaux  longs  (4),  délicats  et  ra- 
mifiés dans  plusieurs  sens.  Quand  on  poursuit  ces  canaux , on 
trouve  que  ce  ne  sont  pas  des  vaisseaux,  mais  bien  plutôt  des  pro- 
longements de  l’enveloppe  charnue  des  individus,  et  que  les  vési- 
cules ne  sont  autre  chose  que  des  germes.  Les  canaux  ramifiés , 
avec  leurs  gonflements  , ne  sont  autre  chose  que  les  parties  décou- 
vertes par  Savigny  (/.  c. , pag.  56)  dans  tous  les  Botrvlles,  et  qu'il 
a pris  à tort  pour  des  « rameaux  vasculaires  » ( à d’autres  endroits 
il  les  nomme  « tubes  marginaux»).  M.  Milne  Edwards  les  a 

(1)  Fig.  29,  fc.  (3)  Fig,  46,  e. 

(2)  Fig  46,  c (4)  Fig  46,  d. 


212  in.W II.  ET  KUIIlKIlt,  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION' 
reconnus  pour  ce  qu’ils  sont  (/.  c. , pag.  42 , pi.  7,  fig.  1,  lb,  1<\ 
et  5n  ).  M.  Edwards  fit  aussi  à propos  de  ces  prolongements  l’ob- 
servation intéressante  que  le  sang  qui , notamment  d’après  sa  dé- 
couverte et  celle  d’Audouin , coule  en  partie  libre  dans  la  cavité 
du  corps  des  Ascidies , pénètre  aussi  dans  ces  prolongements  et 
les  parcourt  dans  toute  leur  longueur  par  un  courant  ascendant 
et  descendant.  Notre  observation  ne  saurait  donc  apprendre  rien 
de  nouveau,  sinon  que  le  nombre  de  ces  prolongements  est 
très  grand  et  qu’ils  sont  extrêmement  ramifiés.  Nous  rappelle- 
rons encore  que  D.  Chiaje,  dans  la  deuxième  édition  de  ses  Mé- 
moires (tom.  I,  pag.  34,  tabl.  83,  fig.  13  et  15) , en  traitant 
des  Polyclinum,  dessine  et  décrit  des  « vaisseaux  » qui  probable- 
ment ne  sont  autre  chose  que  des  développements  de  l’enveloppe , 
comme  ceux  que  nous  avons  décrits  à propos  des  Diazones  et  des 
Botrylles, 

13.  L’enveloppe  coriace  des  différentes  espèces  de  Cynthia  , 
parmi  lesquelles  nous  choisirons  d’abord  le  Cynthia  papillata  (1), 
comme  ayant  été  le  mieux  étudié,  nous  présente  une  composition 
encore  plus  remarquable  que  celle  des  Botrylles.  Dans  cette 
espèce,  les  fibres  qui  s’y  trouvent  aussi  constituent  la  plus  grande 
partie  de  l’enveloppe,  et  sont  à quelques  endroits  si  développées  , 
qu’elles  peuvent  supporter  la  comparaison  avec  les  plus  belles 
fibrilles  de  tissu  fibreux  qu’on  trouve  chez  les  animaux  vértébrés. 
Voici  la  description  de  la  structure  de  l’enveloppe  telle  qu’elle  se 
présente  là  où  celle-ci  ne  possède  pas  une  épaisseur  très  considé- 
rable (2).  La  lame  simple,  qui  se  trouve  tout-à-fait  à l’intérieur, 
forme  un  épithélium  à cellules  polygonales,  qui  a ceci  de  remar- 
quable, savoir,  qu’il  est  joint  à l’enveloppe  proprement  dite  de  l’ani- 
mal par  des  fibres  musculaires  dispersées  qui  se  croisent.  Suit  une 
('■paisse  couche  de  fibres,  parsemées  de  cellules  et  de  tiucléi.  Les 
fibres  mêmes  (3)  sont  incolores,  ondulées,  ressemblant  aux  fibrilles 
de  tissu  fibreux  des  animaux  vertébrés,  mais  plus  étroites  ; elles 

(1)  Fig.  14,  16,  23. 

(2)  Voyez  la  figure  16,  qui  représente  la  structure  analogue  de  l'enveloppe  du 
Cynthia  pomaria 

(3)  Fig.  17  : fig.  23.  a. 


DliS  EMIiLOlTKS  DES  TUNJCJERS.  '21 3 

mesurent  0, 0002"'-0,000/i"',  ne  sont  jamais  ramifiées  ni  réunies 
en  faisceaux.  Quant  à leur  direction  , elles  sont  en  partie  paral- 
lèles au  grand  axe  de  l’animal,  ce  qui  est  surtout  le  cas  dans  les 
lames  intérieures,  et  en  partie  différemment  entrelacées , de  sorte 
que  les  unes  soient  disposées  en  longueur,  les  autres  en  largeur 
( fibres  circulaires  et  fibres  longitudinales)  ; dans  les  deux  cas  leur 
disposition  est  telle  que  l’enveloppe  peut  très  facilement  être  fen- 
due en  lamelles,  quelquefois  très  délicates.  Ces  fibres  n’admettent 
entre  elles  aucune  substance  intermédiaire,  du  moins  nous  n’en 
avons  aperçu  aucune  trace,  mais  elles  reçoivent  dans  des  lacunes 
plus  ou  moins  grandes  formées  par  leur  divergence,  une  quantité 
de  grains  et  de  vésicules  de  formes  diverses.  On  distingue  : a)  de 
tout  petits  granules  moléculaires  incolores  qui  se  trouvent  à de 
certaines  places  en  si  grand  nombre,  qu’ils  rendent  les  fibres  diffi- 
ciles à distinguer  et  donnent  à des  couches  un  peu  plus  épaisses 
un  aspect  finement  granulé;  b)  des  cristaux  qu’on  ne  trouve  que 
dans  les  couches  extérieures;  c),  des  nucléi  (1)  de  la  grandeur  de 
0001"'-0003"',  souvent  avec  de  gros  grains  de  la  nature  des  grains 
adipeux;  cl),  des  cellules  de  formes  différentes.  Les  unes  (2)  con- 
tiennent des  nucléi  et  des  granules  bruns,  pigmentés,  et  sont 
rondes  avec  un  diamètre  de  0,005"'t0,01  ",  ou  allongées  avec  un 
diamètre  de  0,006"'-0,008"';  les  autres  (3)  sont  de  couleur  pâle, 
et  ressemblent  d’une  manière  frappante,  par  les  doubles  nucléi 
et  par  les  cellules  incluses  qu’on  trouve  en  quantité  variable  (2-7) 
dans  quelques  unes  d’elles , aux  cellules  qui  forment  les  carti- 
lages des  animaux  supérieurs.  Cette  ressemblance  est  rendue 
plus  frappante  encore  par  la  forme  ronde  ou  allongée  de  ces  cel- 
lules, par  la  disposition  particulière  des  cellules  incluses  et  par 
la  réunion  de  quelques  unes  de  ces  cellules-mères,  généralement 
rondes  et  moins  grandes,  en  groupes  de  deux  ou  quatre.  Elle  n’est 
cependant  qu’extérieure  et  ne  repose  que  sur  le  fait  qu’il  se  trouve 
ici  une  augmentation  de  cellules  par  formation  intérieure  comme 
dans  les  cartilages;  car  une  observation  plus  exacte  montre  que 
ces  cellules  deviennent,  par  plusieurs  transitions,  identiques  avec 

(I)  Fig.  21,6.  .'a'  Fig.  23,  r. 

fs)  fig.  6,  fig  21,  a. 


STUUCTLiili  ET  COMPOSITION 


‘214  i.n: u ii.  et  hd  ii  iiti  i:.  — 

les  cellulespigmentées,  plus  simples,  décrites  plus  haut,  et  ne  sont 
autre  chose  que  des  formes  plus  développées  de  celles-là,  mais 
chez  lesquelles  le  pigment  a disparu  peu  à peu  à cause  des  for- 
mations intérieures.  La  troisième  couche  (1)  est  formée  d’un  épi- 
derme jaunâtre , corné,  dont  la  structure,  que  nous  n’avons  pu 
déterminer  dans  les  individus  conservés  dans  l’esprit  de  vin, 
est  probablement  celluleuse.  Les  aiguillons  qui  recouvrent  la  sur- 
face extérieure  du  Cynthia  papillata  sont  formés  par  cette  couche 
et  par  la  couche  fibreuse,  de  telle  sorte  qu’à  certains  endroits  il 
s’élève  de  la  surface  plane  de  la  couche  fibreuse  extérieure  un 
faisceau  de  fibres  qui  se  couvre  d’une  couche  de  l’épiderme 
corné,  laquelle  fait  encore  saillir  de  petits  aiguillons.  Là  ou  l’en- 
veloppe du  Cynthia  atteint  une  épaisseur  de  1/2-1  1/2"'  et  plus, 
sa  composition  change  souvent  d’une  manière  remarquable. 
Dans  ce  cas,  l’épithélium  (2j  est  suivi  à l’extérieur  d’une  masse 
claire  (3),  homogène , sans  structure , d’épaisseur  moyenne , par- 
semée de  cellules  pigmentées  et  de  nucléi , puis  vient  un  élégant 
l issu  fibreux  (4)  qui , composé  d’un  grand  nombre  de  minces  cou- 
ches de  fibres  circulaires  (5)  sans  cellules  ni  nucléi,  et  de  fibres 
rayonnantes  (6)  réunissant  ces  couches , passe  tout  à l’extérieur 
à un  tissu  fibreux  irrégulier  (7)  qui  se  couvre  d’un  épiderme 
corné  (8).  Partout  où  se  trouve  une  telle  stratification  des  fibres, 
l’enveloppe  du  Cynthia  ne  peut  être  fendue  en  lamelles,  parce  que 
les  fibres  rayonnantes  joignent  très  solidement  les  minces  couches 
de  fibres  circulaires  ; dans  ce  cas  il  n’y  a d’autre  moyen  de  déter- 
miner la  structure  de  l’enveloppe  que  d’en  dessécher  une  partie, 
de  s’en  procurer  avec  un  rasoir  de  fins  segments  transversaux 
ou  longitudinaux  et  de  les  étudier  après  les  avoir  ramollis. 

Une  solution  d’acide  muriatique  et  de  soude  rend  l’enveloppe 
du  Cynthia  toute  blanche.  En  effet,  les  cellules  pigmentées,  l’é- 
piderme coloré,  les  cellules-mères,  les  cristaux,  l’épithélium,  les 
nucléi  et  les  grains  se  dissolvent,  de  sorte  qu’il  ne  reste  que  les 


(0  Fig.  14. 

(2)  Fig.  14,  — i. 

(3)  Fig.  U,  — .. 

(4)  Fig.  14,  — a- 


(5)  Fig.  18,  b. 

(6)  Fig  1 8,  a. 

(7)  Fig.  14,  — 4. 
(S)  Fig  14,  — ÿ,  a 


LH-.S  liMKI.OlUMiS  DUS  TL'.MCIEKS. 


215 

libre»  et  la  substance  homogène  (1)  qui  se  trouve  en  quelques 
endroits.  Ce  sont  donc  ces  deux  éléments  qui  sont  composés  de 
cellulose. 

14.  La  structure  de  l’enveloppe  épaisse  du Cynthia  canopus  est 
semblable  à celle  que  nous  venons  de  dépeindre.  On  trouve  à l’in- 
térieur un  épithélium,  puis  une  couche  épaisse  de  fibres  longitu- 
dinales et  circulaires,  stratifiées  assez  indistinctement,  dans  les- 
quelles sont  parsemés  à l’extérieur  des  cristaux  et  des  corps  ronds 
assez  grands,  d’après  toute  apparence  composés  d’amas  de  cel- 
lules; enfin  une  couche  mince  d’un  épiderme  plus  solide,  blan- 
châtre, qui  forme  de  petites  papilles  coniques  ordinairement  avec 
des  appendices  de  la  couche  fibreuse.  La  couche  épaisse,  fibreuse 
seulement,  résiste  à l’influence  de  la  soude  et  de  l’acide  muria- 
tique ; tout  le  reste  se  dissout  sans  aucun  résidu. 

15.  Le  Cynthia  pomaria  (2),  enfin,  le  dernier  des  Tuniciers 

que  nous  avons  analysés,  offre  comme  partie  prédominante  de  son 
enveloppe  une  couche  de  fibres  (3)  semblables  à celles  que  nous 
venons  de  décrire , et  dirigées  la  plupart  longitudinalement , et  , 
entre  les  fibres  des  cristaux,  des  cellules  pigmentées  (4),  rondes, 
de  0,004"'-0,006'",  et  de  plus,  çà  et  là,  des  cellules  particu- 
lières (5),  allongées,  remplies  de  granules  jaunes,  mesurant 
0,008"'  et  plus.  A l’intérieur,  et  collé  à la  couche  fibreuse , on 
trouve  un  simple  épithélium  (6)  à cellules  polygonales  de  0,006  "- 
0m,008"',  lequel  est  aussi  joint  à la  partie  charnue  de  l’enveloppe 
par  des  fibres  musculaires;  à l’extérieur,  la  couche  fibreuse  est 
couverte  par  une  couche  jaunâtre , solide,  dont  nous  n’avons  pu 
déterminer  la  structure.  Nous  devons  encore  faire  mention  de  cer- 
taines cellules  (7)  qui  se  trouvent  en  assez  grand  nombre  dans 
les  parties  intérieures  de  la  couche  fibreuse , et  dont  nous  ne  con- 
naissons d’analogue  ni  dans  les  Tuniciers,  ni  dans  d’autres  ani- 
maux , ni  même  dans  les  plantes.  Ces  cellules  sont  primitivement 

semblables  à des  cellules  pigmentées,  rondes , mais  possèdent  une 

(1)  Fig.  1 6.  (5)  Fig.  22. 

(2)  Fig.  \ 5.  (6)  Fig.  15,  u. 

(3)  Fig.  15.  r (7)  Fig.  24. 

(4)  Fig.  15,  b. 


216  1XEWI6  ET  KŒLL1KEK,  — STKKCTLKK  ET  COMPOSITION 
membrane  plus  épaisse  et  sans  nucléus  apparent  (1).  Plus  tard  , 
comme  la  comparaison  d’un  grand  nombre  de  ces  cellules  se  trou- 
vant dans  des  états  différents  le  prouve  , elles  croissent  en  conser- 
vant leur  forme  jusqu’à  la  grandeur  de  0,01"',  et  leur  membrane 
devient  en  même  temps  plus  épaisse  ; si  bien  que,  la  cavité  (2) 
des  cellules  n’augmentant  que  fort  peu  , les  membranes  atteignent 
l’épaisseur  de  0,004"'.  Enfin,  la  grandeur  de  ces  cellules  augmente 
jusqu’à  0,02"',  et  l’épaisseur  de  leur  membrane  jusqu’à  0,006"'; 
et  pendant  que  ce  développement  s’opère,  on  aperçoit  de  fines  raies 
dans  la  membrane  cellulaire  épaissie  (3),  et,  à la  fin,  on  trouve  la 
membrane  transformée  en  fibres  (4),  de  sorte  qu’on  a sous  les  yeux 
des  cellules  moyennement  agrandies  dans  leur  cavité  et  contenant 
encore  du  pigment , ou  aussi  des  granules  pâles , et  qui  ont  pour 
enveloppe  un  élégant  peloton  de  fibres  également  rondes , fines , 
mais  opaques  , qu’on  peut  isoler  par  la  compression  (5).  Nous  ne 
savons  nullement  si  ces  fibres  forment  des  anneaux  ou  des  spi- 
rales ; mais  puisque  nous  ne  leur'  avons  jamais  vu  d’extrémités 
libres,  nous  serions  portés  à croire  quelles  sont  circulaires  ou 
quelles  forment  de  grandes  spirales.  Quant  à la  manière  dont 
cette  curieuse  transformation  des  cellules  pigmentées  s’opère,  nous 
remarquerons  que  l’augmentation  en  épaisseur  de  la  membrane 
cellulaire  pourrait  avoir  lieu  par  accroissement  ou  par  un  dévelop- 
pement semblable  à celui  qui  se  trouve  dans  beaucoup  de  cellules 
végétales  dont  la  membrane  se  compose  de  plusieurs  couches , ou 
par  le  dépôt  d’une  substance  qui  s’appliquerait  extérieurement. 
Nous  ne  pouvons  dire  d’une  manière  décisive  laquelle  de  ces  sup- 
positions est  la  bonne  ; mais  comme  on  ne  trouve  aucun  vestige 
d’une  substance  déposée  soit  extérieurement , soit  intérieurement, 
et  comme  la  cavité  cellulaire  ne  diminue  pas  pendant  que  l’enve- 
loppe devient  plus  épaisse,  les  deux  dernières  suppositions  nous 
paraissent  moins  admissibles  que  la  première  , qui  cependant  ne 
saurait  être  établie  pour  la  vraie  à cause  de  cette  circonstance 
seulement.  Quoi  qu’il  en  soit,  ce  qu’il  y a de  sur,  c’est  qu’à  la  fin  les 


(1)  Fig.  24,  a. 

(2)  Fig  23,  h. 
(.3)  Fig.  23,  r. 


(4)  Fig.  23,  rf. 
v's)  Fig-  ”,  <- 


DES  EiNVELori'ES  DES  TUMCIERS. 


217 

cellules  en  question  possèdent  une  enveloppe  épaisse  absolument 
homogène  qui  se  divise  en  fibres.  Il  serait  difficile  de  dire  au  juste 
comment  ces  fibres  se  forment  ; mais  l’analogie  avec  d’autres  déve- 
loppements semblables  permet  d’admettre  que  les  membranes  cel- 
lulaires se  solidifient  partiellement,  de  telle  sorte  qu’à  la  fin  elles 
se  séparent  en  de  fines  fibres.  La  manipulation  de  l’enveloppe  du 
Cynthia  pomaria  par  de  l’acide  muriatique  et  par  la  soude  est  im- 
puissante contre  les  fibres  de  la  couche  intermédiaire  et  les  enve- 
loppes cellulaires  fibreuses  ; tout  le  reste  disparaît. 

Après  cette  description  de  la  structure  et  de  la  composition  chi- 
mique des  Tuniciers  adultes,  il  serait  utile  de  jeter  aussi  un  coup 
d’œil  sur  les  caractères  des  embryons  de  ces  animaux,  et  d’appren- 
dre, si  cela  est  possible,  quelque  chose  sur  l’état  primitif  des  enve- 
loppes contenant  la  cellulose.  Depuis  que  MM.  Milne  Edwards  et 
Audouin  nous  ont  fait  connaître,  en  1828  (1),  les  curieux  embryons 
des  Ascidies  composées  ressemblant  aux  Cercaria,  les  observations 
des  premiers  développements  des  Tuniciers  deviennent  de  plus  en 
plus  nombreuses.  Sars,  Dalyelle  et  Van  Beneden  (2)  nous  ont  livré 
des  notes  précieuses  ; mais  M.  Milne  Edw  ards  surtout  a traité  le 
développement  des  Ascidies  Composées  dans  son  nouvel  ouvrage  si 
distingué,  d’une  manière  qui  ne  laisse  plus  rien  à désirer,  surtout 
pour  ce  qui  concerne  la  forme  extérieure  du  corps  et  des  organes. 
Quant  à la  structure  microscopique , l’un  de  nous  a fait , du 
moins  pour  les  tout  premiers  développements,  quelques  observa- 
tions dont  on  peut  tirer  plusieurs  conclusions  d’une  certaine  im- 
portance; les  caractères  chimiques  des  premières  époques  seule- 
ment sont  tout-à-fait  dans  le  vague , et  nous  les  recommandons 
à l’analyse  des  observateurs.  Nous  extrayons  de  l’analyse  indiquée 
ce  qui  peut  avoir  de  l’intérêt  pour  l’objet  dont  nous  nous  occupons 
ici  spécialement. 

Dans  toutes  les  Ascidies  Composées  étudiées  par  l’un  de  nous, 
savoir  : Botryllus  violaceus,  aureus , Aplidium  yibbulusum  et 
Iniauroucium  Nordmanni,  Edw. , on  remarque,  dans  les  pre- 
mières époques  du  développement,  une  division  du  vitellus  sein- 

( I ) A un . dsx  Sc.  nul. , I " série,  t.  XV  p 10 

(2)  ttull  de  l'ÀcoU.  royalede  BruxeUe». 


‘218  LKHI«  El  KtELLIHER.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 


blable  à celle  qu’on  trouve  dans  l’œuf  des  grenouilles , fait  au- 
quel déjà  M.  Milne  Edwards  fait  évidemment  allusion  , quand  il 
dit  (1)  : « On  remarque  d’abord  que  les  granules  dont  la  masse 
vitelline  est  composée  se  pelotonnent , pour  ainsi  dire , et  donnent 
à la  surface  de  cette  masse  une  apparence  bosselée  et  framboi- 
sée,»ce  queVan  Beneden  aussi  vient  de  constater  pour  les  Ascidies 
simples.  Cette  division  (2)  a lieu  comme  dans  les  vers  intestinaux, 
c’est-à-dire  que  les  simples  nucléi  contenus  dans  les  globules 
qui , comme  partout,  ne  sont  que  des  agrégations  de  granules  (3), 
se  doublent  toujours  avant  que  les  globules  se  divisent  en  deux. 
Sitôt  que  la  division  est  parvenue  à un  certain  degré,  la  forme 
sphérique  de  l’amas  de  globules  devient  allongée,  et  prend  de 
plus  en  plus  la  forme  d’un  embryon  dont  la  queue  fait  un  demi- 
contour  à l’entour  du  corps  (A).  Avant  toute  autre  partie,  on  dis- 
tingue la  queue , qui  se  forme  évidemment , non  pas  comme 
prolongement  de  l’embryon , mais  par  la  séparation  d’une  certaine 
partie  des  globules  de  la  superficie,  ce  qui  ressort  surtout  du  fait 
que  l’analyse  la  plus  minutieuse  ne  présente  jamais  la  queue  au- 
trement que  formée  dans  toute  sa  longueur.  On  pourrait  objecter 
;i  cette  supposition  que , lorsque  la  queue  se  présente  pour  la  pre- 
mière fois,  elle  est  composée  de  cellules  différemment  grandes, 
et  que,  par  conséquent,  elle  doit  avoir  subi  quelques  modifica- 
tions; mais  nous  ferons  observer  que,  dans  les  dernières  époques 
de  la  division,  les  globules  ne  sont  pas  tous  également  gros  comme 
auparavant , mais  d'une  grandeur  très  variable.  En  même  temps 
que  la  forme  extérieure  des  embryons , et  de  très  bonne  heure  , 
apparaissent  chez  X Amauroucium  et  VAplidium , les  deux  points 
oculaires  (5)  remarqués  déjà  par  M.  Edwards,  même  dans  d’autres 
espèces;  tandis  qu’au  cou  traire  de  tels  embryons  ne  montrent  encore 
aucune  trace  d’une  enveloppe  ou  de  nodules  à la  partie  antérieure  : 
seulement,  plus  tard , il  se  forme  tout  à l’entour  de  l’embryon  un 
limbe  transparent  incolore  (6),  qui,  dans  Y Amauroucium  et 
VAplidium,  se  développe  de  plus  en  plus,  et  représente,  surtout  à 


(1)  L.  c.,  p.  26. 

(2)  Fig.  35,  36,  U. 

(3)  il 


! 


(*)  Fig.  37. 

(5)  Fig.  42,  45,  c.c. 

(6)  Fig.  38,  d;  fig.  12,  45,  a, a. 


DUS  ENVELOPPES  DES  TUNICIEKS. 


219 


l’extrémité  épaisse  du  corps,  une  lame  très  forte,  mais  reste  sans 
structure  pendant  tout  le  temps  que  les  embryons  sont  contenus 
dans  les  enveloppes  de  l’œuf.  En  même  temps  que  les  enveloppes 
se  forment,  les  embryons  eux-mêmes  commencent  aussi  à subir 
une  suite  de  changements.  Premièrement  on  voit  apparaître,  vers 
la  partie  antérieure,  trois  appendices  de  forme  particulière  (1)  ; 
puis  la  substance  jaunâtre  dans  l’intérieur  du  corps  se  sépare  en 
deux  lames,  dont  l’une,  externe  (2),  reste  diaphane;  l’autre, 
interne  (3),  devient  opaque,  et  se  divise,  chez  les  Botrylles  , en 
huit  corpuscules  coniques  (4)  qui  entourent  un  mamelon  (5)  assez 
grand,  rond  et  pourvu  d’un  orifice;  enfin,  il  s’opère  aussi  un 
grand  nombre  de  modifications  dans  la  structure.  La  description 
suivante  des  embryons  à terme  des  espèces  mentionnées  donnera 
une  idée  plus  exacte  de  toutes  les  modifications  qu’ils  subissent 
pendant  leur  développement. 

Les  embryons  à terme  du  Botryllus  aureus  (6)  sont  formés  d’un 
corps  sphérique  large  de  0,28"'  et  long  de  0,38"',  qui  possède  un 
orifice  entouré  de  trois  lobules  à la  partie  antérieure  (7),  et,  à la 
partie  postérieure,  une  queue  mince  et  finissant  en  pointe  , longue 
de  0,72'".  Ces  embryons  présentent  extérieurement  une  couche 
mince  de  la  substance  diaphane  (8),  sans  structure,  dont  nous 
avons  déjà  parlé , qui  forme  presque  à elle  seule  les  lobes  ou  ap- 
pendices lancéolés  de  la  tête  (9),  et  qui  finit  à l’extrémité  opposée 
en  une  pointe  assez  longue  qui  outrepasse  les  parties  intérieures 
de  la  queue.  A l’intérieur  de  cette  enveloppe,  on  trouve,  dans  la 
partie  antérieure  du  corps,  un  second  tégument  délicat  (1 0)  formé 
de  cellules  rondes  ou  transformées  en  fibres , lequel  n’entre  pas 
dans  la  composition  des  lobes  de  la  tête,  mais  enveloppe  comme 
un  fourreau  la  saillie  mamelonnée  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
de  même  que  les  huit  corpuscules  sphériques  qui  entourent  cette 
saillie  et  s’adapte  d’un  côté  au  bord  du  mamelon  et  de  l’autre  à 

(1)  Fig.  39,  i.  h;  fig.  42,  15,  c,c.  (6)  Fig.  39. 

(2)  Fig.  42,  45.  b.  (7)  Fig.  39,  k. 

(3)  Fig.  42,  45,  d.  (8)  Fig.  39.  d. 

(4)  Fig.  38  39,  f (9)  Fig.  39,  h. 

(5)  Fig  38,  39,  c (10)  Fig.  39,  ) 


220  LŒW1C*  ET  hŒI.IIhl».  STRUCTUllE  ET  COMPOSITION 

l’origine  de  la  partie  interne  de  la  queue.  Les  formations  in- 
ternes dont  la  substance  constitue  la  partie  la  plus  considérable  des 
embryons,  ne  sont  évidemment  autre  chose  qu’un  groupe  d’indi- 
vidus, comme  l’a  déjà  indiqué  Sars,  qui  a découvert  ces  curieux 
embryons  du  Botryllus  ; les  huit  corpuscules  sphériques  (1) , 
dont  les  bases  se  confondent  et  qui  sont  pourvus  comme  d’une 
tige  commune , sont  tout  autant  d’individus , et  la  saillie  mame- 
lonnée (2)  qui  est  au  milieu  d’eux  représente  le  tube  excréteur 
commun.  Quant  aux  caractères  plus  subtils  de  ces  parties,  il  faut 
remarquer  que  le  tube  excréteur  possède  à son  extrémité  pointue 
trois  lobules  (3)  qui  saillent  dans  la  base  des  lobes  de  l’enveloppe 
extérieure,  et  que  de  son  extrémité  inferieure  trois  fils  (nerfs?)  (4) 
s’élèvent  verticalement  qui  se  bifurquent  chacun  en  deux  filaments, 
dont  l’un  va  aboutir  à l’orifice  du  tube , le  second  aux  lobules,  les 
dépasse  après  avoir  atteint  leur  sommet,  et,  s’étendant  en  cinq  ou 
six  rameaux,  atteint  presque  le  bord  des  lobes  de  l’enveloppe 
extérieure.  Quant  aux  huit  embryons,  on  ne  leur  aperçoit  encore 
aucun  orifice,  ni  d’autres  organes  internes  que  des  canaux  (intestin) 
indistinctement  pelotonnés;  les  éléments  microscopiques,  au  con- 
traire, sont  tout-à-fait  distincts,  savoir  : des  cellules  de  gran- 
deur différente  pourvues  de  nucléus  et  remplies  de  grains  d’un 
rouge  pâle  et  des  fibres  en  voie  de  formation  ; les  premières  consti- 
tuent la  masse  principale  du  tube  excréteur.  La  partie  interne  (5) 
de  la  queue,  enfin,  qui  paraît  être  la  continuation  immédiate  de  la 
substance  des  embryons,  possède  une  cavité  intérieure  (6)  et  des 
parois,  dont  les  éléments  celluleux  composent  deux  lames.  La 
lame  intérieure  est  composée  de  cellules  (7)  de  0,012"'  de  dia- 
mètre, quadrangulaires  ou  rectangulaires,  à angles  arrondis, 
pourvues  de  nucléi  distincts  et  de  grains  fins  et  jaunâtres  ; elles 
sont  disposées  avec  une  grande  régularité  les  unes  à côté  des  au- 
tres en  séries  transversales,  de  sorte  que  la  cavité  de  la  queue  se 
trouve  toujours  entourée  de  dix  à douze  cellules.  La  lame  externe 

(1)  Fig.  39,  / 

(2)  Fig.  39,  e 

(3)  Fig.  39,  i. 

(i)  Fig-  39,  » 


(5)  Fig.  39,  c:  fig.  40 

(6)  Fig.  40,  il. 

(7)  Fig  40,  c. 


DES  ENVELOPPES  DES  TL'MCIEltS. 


221 

est  formée  par  une  couche  continue , simple  et  composée  de  petites 
cellules  (1)  mesurant  0,003"'-0,Ü0/i"',  chez  lesquelles  on  ne  dis- 
tingue aucune  disposition  régulière.  Nous  remarquons  en  passant 
que  la  queue,  quoique  composée  seulement  des  cellules  indiquées 
et  de  l’enveloppe  homogène,  accomplit  des  mouvements  très  vifs, 
ce  qui  est  une  nouvelle  preuve  qu’il  existe  des  parties  contractiles 
formées  de  simples  cellules. 

Les  embryons  à terme  de  YAplidium  (2)  et  de  YAmauruucium 
Nordmanni  (3)  ressemblent  d’une  manière  si  frappante  aux  larves 
<Y yimau rou ciurnprol ifer uni  que  M.  Milne  Edwards  a représentées, 
que  nous  renvoyons  pour  leur  forme  extérieure  aux  figures  jointes 
à ce  mémoire,  en  nous  contentant  de  remarquer  quelques  carac- 
tères microscopiques. 

Le  corps  des  embryons  des  deux  genres  est  formé  par  une 
couche  externe , épaisse , d’une  substance  homogène  , et  par  une 
masse  jaunâtre  renfermée  dans  cette  couche.  Dans  la  partie  sphé- 
rique du  corps , cette  masse  est  apparemment  composée  en 
totalité  de  cellules  rondes  de  différentes  grandeurs  et  contenant 
des  nucléi,  à l’intérieur  même,  très  probablement,  de  globules 
inaltérés  provenant  de  la  division  du  vitellus;  ces  deux  éléments 
ne  composent  aucun  organe  distinct,  mais  forment  seulement 
deux  couches,  l’une,  interne,  opaque,  et  l’autre,  externe,  dia- 
phane. Dans  l’espèce  indiquée  d 'Amauruucium,  on  ne  trouve  pas 
de  canal  dans  la  queue,  mais,  au  centre,  une  simple  série  de 
grandes  cellules  rectangulaires  (4)  avec  des  nucléi  qui  produi- 
sent cet  aspect  transversalement  rayé,  visible  même  avec  un 
grossissement  moyen , et  une  couche  extérieure  simple  de  petites 
cellules  (5)  semblables  à celles  des  Botrylles. 

De  ces  quelques  observations  portées  sur  les  caractères  histolo- 
giques des  embryons  d’ Ascidies  composés , ressortent  deux  vérités 
qui  ne  sont  pas  sans  importance  ; premièrement , que  l'enveloppe 
extérieure  sans  structure  des  embryons,  qui , comme  nous  l’ap- 
prennent les  études  faites  par  M.  Edwards  sur  les  dernières  méta- 


(1 ) Fig.  40.  h 

( 2 ) Pig  4-V 

(3)  Fig.  42. 


(4)  Fig.  43,  c. 

(5)  Fig.  43.  6. 


l'-l'l  IQ  H K.  ET  KIELLIKER.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
morphoses  des  embryons  eclos , n’est  autre  chose  que  l’enveloppe 
externe  des  adultes,  d’après  notre  analyse,  formée  de  cellulose  ; 
que  cette  enveloppe  , disons-nous  , ne  se  constitue  que  lorsque  la 
division  du  vitellus  est  accomplie  , et  que  même  la  forme  exté- 
rieure des  embryons  est  indiquée.  11  ressort  secondement  que  cette 
enveloppe , contenant  plus  tard , chez  les  Botryllvs  et  Aplidium  , 
outre  une  substance  sans  structure,  des  fibres,  des  nucléi  et  des 
cristaux , est  primitivement  tout-à-fait  homogène  el  inorganisée. 
Nous  croyons  de  plus  pouvoir  déduire  de  ces  deux  faits , que  l’en- 
veloppe de  ces  Tuniciers  est  un  produit  de  l’activité  des  cellules 
formées  en  suite  du  procédé  de  division,  et  qu’elle  n’est  primitive- 
ment autre  chose  qu’une  masse  qui  est  sécrétée  par  ces  cellules  , 
dont  l’organisation  ultérieure  ne  peut  pas  encore  être  expliquée. 
Au  lieu  de  nous  lancer  dans  le  domaine  de  l’hypothèse,  nous  ob- 
serverons seulement  qu’il  serait  intéressant,  surtout  dans  les  Asci- 
dies simples,  dont  l’enveloppe  contient,  outre  les  vaisseaux  , des 
cellules  et  des  fibres  si  particulières , d’e'tudier  leur  première  appa- 
rition et  leur  transformation  ultérieure,  surtout  afin  d’apprendre 
si,  comme  l’analogie  porte  à le  croire,  et  il  serait  difficile  de  le 
supposer  autrement,  l’enveloppe  est  aussi  primitivement  sans 
structure,  ou  du  moins  si  elle  contient  beaucoup  de  parties  sans 
structure  , et , de  plus , afin  de  déterminer  le  mode  de  formation 
des  cellules  et  des  fibres.  Il  est  aussi  possible  que,  même  chez 
VAmauroucmm , il  se  forme  plus  tard  des  cellules  dans  la  masse 
homogène,  qui,  en  se  multipliant  par  elles-mêmes,  pourraient 
être  la  cause  de  l’accroissement  rapide  qui,  d'après  les  observa- 
tions de  M.  Milne  Edwards,  s’opère  dans  l’enveloppe  des  larves 
(Y Amanroucium  proliferum.  Dans  ce  cas,  le  manque  de  struc- 
ture qu’on  observe  plus  tard  dans  cette  enveloppe  pourrait  provenir 
d’une  destruction  ultérieure  des  cellules  constituant  ces  parties , 
pareille  à celle  que  nous  avons  observée  dans  le  Phallusia  et  le 
( ’lavellina . 


Après  avoir  exposé  les  résultats  de  nos  analyses  chimiques 
et  microscopiques  concernant  les  enveloppes  des  Tuniciers,  il  nous 


DES  ENVELOPPES  DF.S  TUNICIEnS. 


223 

sera  permis  d'ajouter  encore  quelques  observations  générales. 
L’existence  de  la  cellulose  dans  le  P halusia  mamillaris,  décou- 
verte par  Schmidt,  que  nous  avons  confirmée  et  étendue  sur  beau- 
coup de  genres  et  d’espèces  de  Tuniciers  , promet  de  devenir  très 
importante  pour  plus  d’une  question.  Ce  serait  surtout  le  cas  si , 
comme  le  prétend  Schmidt , il  résultait  de  ce  fait  qu’il  n’existe 
aucune  différence  chimique  entre  les  plantes  et  les  animaux  ; de 
cette  proposition  l’on  pourrait  encore  déduire  que  la  forme  et 
même  la  plupart  des  fonctions,  surtout  celles  qui  sont  accompa- 
gnées de  procédés  chimiques  ( assimilation  des  substances  nutri- 
tives), ne  fournissent  non  plus  aucun  caractère  distinctif  pour  ces 
deux  règnes.  C’est  bien  aussi  ce  que  prétend  Schmidt , qui  se 
fonde  sur  une  suite  d'inductions  théoriques  contenant  des  propo- 
sitions très  hardies , comme , par  exemple , que  le  Spore  à cils 
vibratiles  du  Vaucheria  clavata  a une  complète  ressemblance 
morphologique  et  chimique  avec  un  embryon  de  Méduse  se  mou- 
vant par  ses  cils  ; que  l’embryon  d’une  Campanulaire  est  une  cel- 
lule-mère complète , telle  qu’on  en  trouve  dans  les  algues,  etc., 
et  arrive  à la  conclusion  (1)  que  la  psychologie  seule  est  com- 
pétente pour  tracer  une  limite  entre  les  plantes  et  les  animaux , cl 
que  la  seule  différence  admissible,  c’est  que  l'animal  possède, 
outre  la  forme  végétale  (cellule),  la't'uyz  ( Seenelatom ).  Cependant 
nous  ne  croyons  pas  cette  nouvelle  découverte  concluante  au  point 
d’effacer  tout  caractère  distinctif  entre  les  deux  règnes  organisés, 
et  donner  une  décision  si  vague  des  caractères  des  animaux  et  des 
plantes.  Il  est  facile  de  montrer  que  Schmidt  s’est  trompé  dans 
plusieurs  de  ses  prémisses.  Nous  relèverons  avant  tout  la  supposi- 
tion que  les  Polypes  et  les  Méduses  contiennent  aussi  de  la  cellu- 
lose , ce  qui  n’est,  pas  vrai , ainsi  que  le  prouvent  nos  expériences 
faites  sur  onze  espèces  prises  dans  toutes  les  divisions  des  deux 
classes.  C’est  à tort  aussi  qu’il  prend  le  Frustulia  salina  pour 
un  animal , puisque  beaucoup  de  botanistes  d’autorité,  tels  que 
Meyen,  Nagueli,  Kiitzing,  etc.,  et  presque  tous  les  zoologistes, 
excepté  Ehrenberg , classent  ce  genre , de  même  que  les  autres 
(1)  1.  c . , p.  79. 


Hl l LflËWICi  ET  KŒXLIKER.  STRUCTURE  ET  COMPOSITION 

Diatomacées , au  nombre  des  plantes.  Nous  citerons  enfin  comme 
très  invraisemblable  l’hypothèse  de  Schmidt,  d’après  laquelle  les 
cellules  des  embryons d’ Ascidies  seraient  pourvues  d’une  enveloppe 
de  cellulose,  puisque  les  observations  d’autres  observateurs  n’ont, 
encore  donné  aucun  résultat  à ce  sujet,  et  puisque  nos  expériences, 
qui  démontrent  que  les  parties  composées  de  cellulose  sont  primi- 
tivement sans  aucune  structure,  ne  sont  pas  faites  pour  venir  à son 
appui.  Comme  toutes  ces  prémisses  , ainsi  que  beaucoup  d’autres, 
ne  sont  pas  valables,  il  est  clair  que  les  inductions  que  Schmidt 
en  tire  ne  sont  pas  admissibles  : ainsi  donc , le  parallèle  qu’il  pose 
entre  l’animal  et  la  plante  s’évanouit.  Il  n’en  est  pas  moins  vrai 
que  la  découverte  de  la  cellulose  dans  les  animaux  a d’importants 
résultats , et  donne  à la  science  des  données  toutes  nouvelles , 
comme  nous  allons  le  faire  voir  en  peu  de  mots. 

Avant  tout  nous  rappellerons,  sous  le  point  de  vue  chimique,  le 
fait  qu’il  y a des  animaux  chez  lesquels  il  se  forme  de  la  cellulose. 
Ce  fait  serait  on  ne  peut  plus  énigmatique  si , comme  on  l’admet 
généralement , les  Tuniciers  se  nourrissaient  d’infusoires  ou  d’au- 
tres animalcules  microscopiques  (Vers,  Crustacés,  etc.);  car,  ce 
cas  supposé,  comment  se  représenter  que  ces  animaux  se  nour- 
rissant seulement  de  différentes  matières  grasses  et  de  substances 
azotées,  la  cellulose  put  se  former?  Dans  ce  cas,  la  supposition 
qu’un  corps  de  la  série  de  substances  à laquelle  appartient  la 
cellulose  puisse  se  former  de  graisse  par  oxydation  serait  tout  aussi 
inadmissible  que  celle  qui  ferait  provenir  une  telle  substance 
de  la  décomposition  de  corps  azotés,  car  elle  serait  contraire  à 
toute  analogie.  Heureusement  il  nous  reste  encore  une  manière 
de  résoudre  cette  énigme  , la  voici  : la  nourriture  des  Tuniciers 
ne  se  borne  pas  aux  substances  animales , mais  elle  consiste  aussi 
dans  des  organismes  végétaux.  Une  analyse  microscopique  du 
contenu  de  l’estomac  et  des  intestins  du  Phallusia,  du  Clavel- 
lina  et  du  Diazona  a prouvé  qu’il  s’y  trouvait,  outre  des  parti- 
cules de  Floridées,  lesquelles  y étaient  probablement  par  hasard, 
une  grande  quantité  de  petites  plantes  des  classes  inférieures  (plu- 
sieurs espèces  de  \avicula.Frustulia,  Baccilaria ,Closlerium ,et.c.) 


DES  ENVELOPPES  DES  TUNIC1ERS. 


225 


qui , d’après  la  découverte  de  Nàgeli  (1)  et  de  Schmidt  (2),  con- 
tiennent réellement  de  la  cellulose.  Celle-ci  est  probablement  dis- 
soute par  le  suc  digestif,  c’est-à-dire  se  change  en  sucre  ou  en 
gomme,  circule  ainsi  avec  le  sang,  puis  est  introduite  dans  les  en- 
veloppes soit  directement  par  les  canaux  sanguins  ( Phallusia  ) ou 
par  les  prolongements  ramifiés  de  la  paroi  du  corps  ( Diazona , 
Botrylhis),  qui,  ainsique  le  remarque  M.  Milne  Edwards,  con- 
tiennent aussi  du  sang  dans  leur  cavité,  soit  en  pénétrant  par  im- 
bibition  là  où  les  enveloppes  ne  possèdent  pas  de  canaux  sanguins. 
Quoique  ces  conjectures  soient  certainement  très  plausibles  et 
qu’elles  soient  aussi  justifiées  par  la  circonstance  qu’on  trouve  beau- 
coup de  cuirasses  vides  de  Diatomacées  parmi  les  substances  con- 
tenues dans  les  intestins  des  Tuniciers , il  n’en  sera  pas  moins  très 
intéressant  de  faire  des  analyses  du  sang  des  Tuniciers,  afin  d'ob- 
tenir, s’il  est  possible , de  nouveaux  faits  plus  explicites  , concer- 
nant le  mode  de  formation  de  la  cellulose.  11  sera  plus  difficile  à ex- 
pliquer chez  les  embryons  que  chez  les  adultes,  comment  se  forment 
les  enveloppes,  supposé  qu’elles  contiennent  de  la  cellulose  déjà  à 
leur  première  apparition,  ce  qui  est  prouvé  par  l’analyse  microsco- 
pique. Nous  ne  cachons  pas  que  nous  sommes  assez  portés  à croire 
que  le  vitellus  des  Tuniciers  contient  aussi  du  sucre  ou  de  la 
gomme  qui  se  métamorphose  en  cellulose  pendant  le  développe- 
ment de  l’embryon , et  que  nous  ne  pouvons  pas  croire  que  la 
cellulose  se  forme  des  parties  composant  généralement  le  vitellus 
des  animaux,  savoir,  de  graisse  et  d’albumine  : cependant  nous 
croyons  devoir  plutôt  nous  abstenir  de  tout  jugement  dans  cette 
question , aussi  long-temps  que  les  analyses  chimiques  des  œufs 
et  des  embryons  des  Ascidies  n’auront  pas  été  faites. 

Sous  le  point  de  vue  morphologique,  d’abord  la  réunion  cu- 
rieuse d’éléments  et  d’organes  portant  un  caractère  animal  avec 
d’autres  d’une  nature  végétale  décidée , comme  elle  se  trouve  dans 
les  enveloppes  des  Tuniciers,  ensuite  la  forme  des  parties  com- 
posées de  cellulose,  semblent  mériter  toute  notre  attention.  Quant 

(1)  Zeitschrift  fiir  wissenschaftliche  Botanik  von  Schieiflon  und  Nageli.  Hefl  II , 

p H. 

(2 ) L.  c. , p.  67. 

V série.  Zom..  T.  V.  (Avril  1 846.)  3 


15 


'220  LŒWIU  ET  ÜŒLLIKCR.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITIOX 
au  premier  point,  l’enveloppe  du  Phallusia,  qui , quoique  essen- 
tiellement composée  de  cellules  et  d’une  substance  fondamentale 
formée  de  cellulose  , contient  cependant  de  nombreux  vaisseaux , 
est  seule  dans  son  genre,  d’autant  plus  que  ces  vaisseaux  , vu  le 
nombre  proportionnellement  très  peu  considérable  des  parties  azo- 
tées dans  cette  enveloppe , sont  évidemment  destinées  avant  tout 
à en  nourrir  les  éléments  non  azotés  à caractère  végétal.  Il  faut 
aussi  remarquer  la  curieuse  structure  des  Botryllesetdes  Diazona, 
chez  lesquels  la  masse  commune,  formée  de  cellulose , possède  de 
très  nombreux  prolongements  de  l’enveloppe  charnue  des  indi- 
vidus qui,  comme  nous  l’avons  déjà  indiqué , servent  non  seule- 
ment à nourrir  la  masse  commune  par  le  sang  qui  coule  dans  leur 
cavité,  mais  encore  à former  des  germes.  En  dernier  lieu  nous  ci- 
terons le  Clavellina  et  Y Amauroucium  proliferum  Edw. , qui 
ont  cela  de  curieux  que  l’enveloppe  et  la  masse  charnue  du  corps, 
([unique  n’étant  réunis  ni  par  des  vaisseaux  ni  par  des  prolonge- 
ments, se  développent  en  même  temps  en  bourgeons,  qui  se  trans- 
forment par  un  égal  accroissement  de  leurs  deux  parties  consti- 
tuantes ou  en  un  seul  individu , ou  en  une  colonie  d’individus. 
Ce  qu’il  y a enfin  de  moins  remarquable,  c’est  le  mélange  d’élé- 
ments à caractère  animal  et  d’éléments  à caractère  végétal  dans 
l’enveloppe  des  Salpes , Pyrosomes , Cynthies  et  Clavellines , dont 
les  parties  formées  par  de  la  cellulose  ne  possèdent  ni  vaisseaux 
ni  prolongements  du  corps,  mais  seulement  des  cellules  plus  ou 
moins  rares  ayant  un  caractère  animal , savoir,  une  membrane 
azotée;  c’est  pourquoi  ces  enveloppes  possèdent  un  caractère  par- 
ticulièrement végétal,  et  sont  sous  ce  rapport  bien  supérieurs  aux 
parties  des  animaux  supérieurs,  qu’on  appelle  de  préférence 
végétales. 

La  forme  des  éléments  des  Tuniciers  composés  de  cellulose 
diffère  sous  plusieurs  rapports  de  ce  que  nous  montrent  les  plan- 
tes, puisque,  à l’exception  des  grandes  cellules  du  Phallusia 
et  du  Clai'ellina,  qui  ressemblent  d’une  manière  frappante  à 
cellesde plusieurs  parenchymes  végétaux , tous  les  autres  éléments 
et  rapports  morphologiques  sont  certainement  tout  particuliers. 
Nous  signalerons: 


PUS  KNVUI.OI’l'l.S  DUS  I I MCllîltS. 


•227 

a)  l 'existence  île  tiucléi  dans  la  substance  inter-cellulaire.  Dans 
les  plantes,  chez  lesquelles  les  cellules  ne  se  forment  jamais  dans 
les  parties  situées  entre  les  cellules,  les  noyaux  ne  se  trouvent  que 
dans  les  cellules  ; 

b ) la  fusion  des  grandes  cellules  composées  de  cellulose  dans  le 
Clavellina  et  linéiques  l’hallusia,  avec  la  substance  inter-cellulaire 
en  une  masse  homogène  , fusion  qui  rappelle  tout-à-fait  certains 
procédés  qu’on  voit  dans  les  cartilages,  mais  qui  ne  sont  pas 
connus  chez  les  plantes  ; 

c)  V existence  de  la  cellulose  sous  forme  d'un  tissu  fibreux  comme 
le  montrent  les  Cinthiae t les  Botrylles. 

De  plus,  nous  mentionnerons  encore  la  métamorphose  des  mem- 
branes non  azotées  de  certaines  cellules  du  Cinthia  pomaria  en 
un  peloton  de  fibres  et  l’apparition  de  la  cellulose  en  masses  com- 
pactes inorganisées , parsemées  de  nucléi  et  de  cellules  à mem  - 
brane  azotée , comme  le  montrent  les  Salpes , Pyrosomes , etc. . 
deux  faits  pour  lesquels  on  ne  trouve  pas  d’analogie  chez  les 
plantes , mais  bien  parmi  les  animaux. 

Enfin  le  fait  que  la  cellulose  existe  chez  les  animaux  sous  forme 
de  cellules,  fibres,  etc.,  est  aussi  d’une  grande  importance  géné- 
rale quant  à la  question  de  la  différence  entre  les  animaux  et  les 
plantes.  Comme  nous  l'avons  dit  dans  l'introduction , le  manque 
de  cellulose  dans  le  règne  animal  et  l’existence  universelle  de  ce 
corps  dans  le  règne  végétal  ont  passé  jusqu’ici  pour  le  meilleur 
caractère  distinctif  de  ces  deux  règnes,  surtout  après  que  Mul- 
der(l),  Nageli  (2)  et  l’un  de  nous  avaient  défini  cette  différence 
plus  spécialement  en  disant  que  les  membranes  cellulaires  sans 
exception  étaient  azotées  chez  les  animaux  et  exemptes  d’azote 
chez  les  plantes.  Mais  cette  distinction  aussi  est  tombée  devant 
les  analyses  de  Schmidt  et  les  nôtres , comme  déjà  mainte  autre 
distinction , puisqu’il  est  maintenant  prouvé  que  la  cellulose  existe 
aussi  chez  les  animaux,  et  qu’elle  y prend , de  même  que  chez  les 
plantes , la  forme  de  membranes  cellulaires,  de  sorte  que  la  ques- 

(1)  Versuch  einer  Physiohgischen  Chemie  iihersent  v Moleschott.  Hpidplhprg, 
1844,  p.  104. 

(2)  L.  c.,  p.  22  et  suiv 


228  uewui  et  kuxliker.  — structure  et  composition 
tion  de  savoir  s’il  y a une  différence  universelle  entre  les  plantes 
et  les  animaux  est  maintenant  plus  douteuse  que  jamais.  Certai- 
nement kützing  et  d’autres  s’empareront  de  ce  fait  pour  le  faire 
servir  à l’appui  de  leur  opinion  d’après  laquelle  il  n’existerait  pas 
de  limite  entre  les  animaux  et  les  plantes;  d’autres,  il  est  vrai, 
n’iront  pas  si  loin  ; mais,  se  fondant  aussi  sur  la  nouvelle  décou- 
verte , nieront  avec  Schmidt  toute  distinction  quant  à la  forme  et 
à la  composition  chimique  et  n’admettront  que  l’absence  ou  la 
présence  de  la  tj/uy/i  ( « Seelenatom  » ) pour  différence  réelle. 

Les  uns  et  les  autres  feraient  faire , il  nous  semble , un  grand 
pas  en  arrière  à la  science;  c’est  pourquoi , quoique  comprenant 
très  bien  toute  la  difficulté  de  la  question  , nous  essaierons  ce- 
pendant, de  notre  côté,  d’indiquer  du  moins  comment  nous 
croyons  que  l’on  doit  saisir  maintenant  la  différence  entre  les 
plantes  et  les  animaux. 

Avant  tout  nous  avouons  franchement  que,  quant  à la  forme, 
nous  ne  connaissons  pasde  différence  universelle  entre  les  planteset 
les  animaux.  En  effet,  les  animaux  les  moins  parfaits  ne  sont , 
comme  l’un  (1)  de  nous  l’a  montré  à l’égard  du  genre  Grégarine, 
et  comme  Siebold  (2)  et  Barry  (3)  l’ont  montré  à l’égard  des  In- 
fusoires, que  de  simples  cellules  avec  nucléus  et  un  contenu  parais- 
sant, dans  tous  les  points  essentiels,  semblables  aux  plus  simples 
Cryptogames  formés  d'une  seule  cellule  (Protococcus,  Saccharo- 
myces,  Diatomacées  ).  11  faut  donc  abandonner  l’ancienne -ma- 
nière de  distinguer  les  animaux  des  plantes,  en  ce  que  ces  pre- 
miers ont  tous  une  bouche  et  un  estomac,  et  avouer  que,  malgré  les 
énormes  différences  qui  existent  entre  les  formes  plus  parfaites  des 
deux  règnes,  on  n’en  connaît  jusqu’à  présent  aucune  pntre  leurs 
genres  les  plus  simples. 

Il  en  est  autrement,  il  nous  semble,  de  la  composition  chimi- 
que et  des  fonctions.  Quant  à la  première  , elle  n’offre  pas,  il  est 
vrai , de  caractère  distinctif  général , puisque  l’existence  de  la  cel- 

(1)  Schleulen  et  Nügeli , Zeitschrift  fur  tvissenscha/jiiclie  Botcinik.  Hefl  II- 
p 97. 

(2)  Lehrbuch  der  vergleichenden  Anatomie,  Erste  Abtli.,  p.  7 et  suiv. 

(3)  Voyez  Ovven,  Lectures  on  comparative  analomy,  p.  24,  2o 


DES  ENVEI.OPI'ES  DES  TUMCIERS.  220 

lulose  chez  les  animaux  est  prouvée,  et  que  même  l’opinion  que  la 
substance  prépondérante  est  azotée  chez  les  animaux  et  sans  azote 
chez  les  plantes  , est  réfutée  par  l’analyse  de  plusieurs  Tuniciers 
(Botrijllus , Salpa , Diazona),  dans  lesquels  environ  les  trois 
quarts  du  corps  sont  formés  d’une  masse  exempte  d’azote  ; mais,  si 
désirables  que  puissent  être  de  telles  différences  aussi  générales,  la 
science  n’en  a pas  besoin  pour  tracer  une  limite  entre  les  animaux 
et  les  plantes.  Lors  même  qu’il  y aurait  encore  beaucoup  de  sub- 
stances communes  aux  deux  règnes , beaucoup  plus  que  nous  n’en 
connaissons  avec  certitude,  savoir,  la  protéine,  les  matières  gras- 
ses et  la  cellulose,  elles  ne  prouveraient  nullement  l'identité  de 
la  composition.  La  chose  principale  est  de  savoir  si  les  mêmes  sub- 
stances se  trouvent  aussi  dans  les  deux  règnes  dans  les  mêmes 
proportions  entre  elles , sous  la  même  forme  et  pour  la  même  fonc- 
tion des  organes;  en  d’autres  termes,  s’il  y a quelque  plante  et 
quelque  animal  qui  se  ressemblent,  dans  tous  les  points  essentiels 
de  leur  composition  chimique.  Si  cela  n’est  pas , il  n’y  a pas  de 
transition  possible  sous  le  rapport  chimique,  mais  bien  une  limite. 
L’expérience  donne  à croire  qu’il  en  est  réellement  ainsi.  Entre  les 
animaux  plus  parfaits  ( en  commençant  par  les  articulés]  et  les 
plantes  plus  parfaites,  il  y a tant  de  différence  concernant  d’un 
côté  la  présence  ou  l’absence  de  certaines  substances  ( la  colle , la 
chitine,  l’hématine , la  biline,  l’urée,  manquent  aux  plantes  sans 
exception,  et  se  trouvent  la  plupart  dans  tous  les  animaux  plus  par- 
faits; la  cellulose,  l’amidon,  la  gomme,  la  chlorophylle,  se  trou- 
vent chez  les  premières  et  manquent  aux  derniers),  et,  de  l’autre, 
l’emploi  des  deux  substances  communes  ( la  protéine  ne  forme 
jamais  de  membranes  cellulaires  dans  les  plantes  mentionnées  ) . 
que  l’on  ne  peut  nullement  douter  de  l’existence  d’une  limite  pré- 
cise. Quant  aux  organismes  les  plus  imparfaits  des  deux  règnes . 
il  serait  difficile  de  nier  que  les  substances  qui  les  constituent  dif- 
fèrent moins  les  unes  des  autres , puisque , dans  les  animaux , les 
substances  animales  azotées  qui  leur  sont  propres  disparaissent 
peu  à peu,  et  semblent  enfin , dans  les  formes  les  plus  imparfaites, 
faire  place  à la  protéine  qui  se  trouve  aussi  dans  les  plantes,  et  qu’en 
même  temps  on  trouve  , du  moins  chez  les  Tuniciers,  de  la  crllu- 


230  LffilVIU  ET  KIELLKIEB.  — STKUCTL'KE  ET  COMPOSITION 
Iose  accompagnée  sans  cloute  d’amidon  et  de  gomme , et  peut-être 
de  chlorophylle  chez  plusieurs  Infusoires,  par  exemple  1 ’Euglena 
viridis,  qui  notamment  exhale  de  l’oxygène  , comme  les  plantes 
c ertes.  Mais,  d’après  nos  connaissances  actuelles , l’identité  de  la 
composition  n’en  est  pas  moins  inadmissible.  On  ne  connaît  encore 
aucun  animal  composé  de  cellulose  dans  toutes  ses  parties,  ou  en 
possédant  seulement  dans  toutes  ses  membranes  cellulaires  , et 
de  l’autre  côté , nous  ne  connaissons  non  plus  aucune  plante  à 
membranes  cellulaires  contenant  de  la  protéine.  C’est  précisément 
chez  les  êtres  les  plus  élémentaires  , chez  lesquels  on  croit  pouvoir 
supposer  une  analogie  dans  la  composition  à cause  de  la  ressem- 
blance dans  lesformes,  qu’on  trouve  une  distance  immense,  puis- 
que dans  toutes  les  plantes  moins  parfaites,  formées  seulement 
d’une  ou  de  peu  de  cellules , comme,  par  exemple,  les  Diatoniacées 
et  les  Algues,  les  membranes  cellulaires  sont  composées  de  cel- 
lulose, et  qu’elles  sont,  au  contraire,  composées  de  substance 
azotée  dans  les  Infusoires  à une  ou  plusieurs  cellules,  et  dans  les 
Hydres , Vers,  etc. 

On  peut  aussi  dire  des  fonctions  ce  qui  a été  dit  de  la  compo- 
sition. Du  moins  les  fonctions  nommées  végétatives  , qui  reposent 
sur  des  procédés  chimiques  ( assimilation  , nutrition  , excrétion) 
sont , il  est  vrai , semblables  sous  plusieurs  rapports  dans  les  deux 
règnes  , mais  on  ne  saurait  néanmoins  trouver  deux  de  leurs  re- 
présentants dans  lesquels  elles  se  ressemblassent  d’une  manière 
quelconque;  au  contraire,  les  fonctions  durèrent  toujours  autant 
que  la  composition.  Il  serait  sans  doute  tout-à-fait  superflu  de  dé- 
velopper cette  différence  pour  les  organismes  plus  parfaits  ; nous 
observerons  seulement  que  les  Tuniciers,  quoique  formant  de  la 
cellulose , comme  les  plantes,  possèdent  un  procédé  de  respiration 
tout— à— fait  animal,  une  assimilation,  sécrétion  animale,  etc.,  et 
qu’ aussi  les  animaux  à une  cellule,  ne  formant  pas  de  cellulose , 
sont  bien  différents  des  plantes  à une  cellule  qui  se  composent  de. 
cette  substance,  en  combinant  des  matières  plus  simples,  savoir,  de 
l’acide  carbonique,  de  l’eau  et  de  l’ammoniaque.  Quant  à une  autre, 
série  de  fonctions,  savoir,  la  sensation  et  le  mouvement,  qu’on 
nomme  animales , parce  que  plusieurs  ne  les  attribuent  qu’aux  ani- 


DES  ENVELOPPES  DES  TUMC1E11S. 


231 


maux  , les  différences  paraissent  moins  considérables.  11  est  sans 
doute  évident  et  généralement  connu  que  des  animaux  quelque 
peu  parfaits , c’est-à-dire  ceux  possédant  un  système  nerveux  et  des 
muscles  ( ainsi  donc  aussi  les  Tuniciers)  ne  peuvent  pas  être  com- 
parés aux  plantes  , avec  lesquelles  ils  n’ont  pas  la  moindre  ana- 
logie. Mais  la  distinction  est  plus  difficile  chez  les  animaux  qui  ne 
possèdent  pas  de  système  nerveux  , au  nombre  desquels  il  faut 
compter  en  tout  cas  les  animaux  à une  cellule  et  en  général  tous 
les  Infusoires,  excepté  les  rotatoires,  car  il  est  impossibledesupposer 
à ces  animaux  si  imparfaits  une  sensation  et  un  mouvement  ana- 
logues à ceux  des  animaux  plus  parfaits.  Ce  qu’ils  possèdent 
d’analogue  en  quelque  sorte  à la  sensation  des  animaux  plus  par- 
faits n’est  autre  chose  qu’une  perception  vague  des  influences 
extérieures  ( mécaniques,  chimiques,  physiques)  dont  ils  n’ont 
pas  conscience,  et  qui  nous  est  si  complètement  inconnue  que  per- 
sonne ne  s’est  encore  hasardé  de  dire  si  elle  différait  ou  non  de 
la  réaction  des  plantes  contre  les  mêmes  influences.  Leur  mou- 
vement aussi  ne  peut  évidemment  non  plus  être  nommé  volontaire, 
c’est-à-dire  dépendant  d’une  idée  dont  ils  auraient  conscience, 
mais  tout  au  plus  provenant  d’un  instinct;  c’est  aussi  pourquoi  il 
est  fort  difficile  de  dire  avec  certitude  en  quoi  il  diffère  de  celui 
des  spores  d’Algues,  des  Oscillatoires,  etc.  On  ne  peut  cependant 
se  dissimuler  que  les  mouvements  des  animaux , même  les  plus 
imparfaits , sont  infiniment  plus  compliqués  que  ceux  mêmes 
des  spores  ciliés  du  Vaucheria,  c’est  pourquoi  nous  croyons  per- 
mis de  leur  supposer  une  cause  motrice  toute  différente.  Quoi- 
que reconnaissant  ainsi  fort  bien  l’impossibilité  d’établir  avec  cer- 
titude une  différence  entre  les  mouvements  des  plantes  et  ceux 
des  animaux  , nous  croyons  cependant  que  la  limite  qui , d’après 
notre  opinion,  existe  entre  les  organismes  des  deux  règnes,  n’est 
point  du  tout  effacée  par  cela,  puisque  précisément  dans  les  plantes 
susceptibles  de  mouvement,  les  autres  fonctions,  les  rapports  des 
formes  et  la  composition  , diffèrent  absolument  de  celles  des  ani- 
maux, et  que,  d’un  autre  côté , les  plantes  dont  la  forme  ne  dif- 
fère pas  de  celle  de  certains  animaux,  c’est-à-dire  les  plantes  à 
unecellule,  n’accomplissent  aucun  mouvement,  ou,  comme  certains 


232  LCEWICI  ET  kUll.lkIK.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
Diatomacés,  un  mouvement  tout-à-fait  différent,  et  présentent  une 
composition  chimique  toute  différente. 

Si  nous  jetons  enfin  un  coup  d’œil  en  arrière  sur  tout  ce  qui 
précède  , nous  voyons  que  la  découverte  de  l’existence  de  la  cel- 
lulose dans  les  Tuniciers  ne  nous  force  nullement  à supprimer  la 
limite  entre  les  animaux  et  les  plantes  pour  admettre  qu’ils  sont 
identiques  dans  leurs  formes  les  plus  simples,  et  ne  s’éloignent  les 
uns  des  autres  que  dans  leurs  formes  plus  développées.  C’eût  été 
le  cas , du  moins  d’après  l’état  actuel  de  nos  connaissances , si  les 
animaux  et  plantes  à une  cellule , semblables  entre  eux  quant  à la 
forme , eussent  présenté  une  même  composition  chimique  et  de 
mêmes  fonctions  ; mais  comme  nous  avons  vu  qu’il  en  est  autre- 
ment ; que,  par  exemple,  les  Infusoires  ne  possèdent  aucune  mem- 
brane cellulaire  sans  azote , et  que  les  plantes  les  moins  parfaites 
n’accomplissent  aucun  mouvement,  ou  n’exécutent  qu’un  mouve- 
ment tout  particulier,  nous  dûmes  refuser  au  nouveau  fait  décou- 
vert de  telles  conséquences.  11  n’en  est  pas  moins  très  important, 
puisqu’il  nous  oblige  à chercher  entre  les  animaux  et  les  plantes 
d’autres  différences  que  celles  admises  jusqu’à  présent,  et  à aban- 
donner l’absence  ou  la  présence  de  la  cellulose  comme  caractère 
chimique  distinctif. 

Quant  aux  différences  qu’on  doit  maintenant  établir  entre  les 
plantes  et  les  animaux  , nous  croyons  pouvoir  dire  avec  la  plus 
grande  probabilité  qu’une  analyse  plus  exacte  du  mouvement  et 
de  la  composition  chimique  des  deux  règnes  donnera  pour  résultat 
que  les  animaux  possèdent  sous  plusieurs  rapports  , il  est  vrai , 
une  nature  végétale,  et  qu’ils  répètent  en  quelque  sorte  les  formes  , 
la  composition  et  les  fonctions  des  plantes , mais  qu’ils  s’en  distin- 
guent essentiellement  et  sans  exception  par  la  présence  de  mem- 
branes cellulaires,  fibres , tubes  composés  d une  substance  azotée  et 
par  un  mouvement  particulier  accompli  par  ces  organes  élé- 
mentaires. 


DES  ENVELOPPES  DES  TUN1CIERS. 


233 


EXPLICATION  DES  EIG11HES 

PLANCHE  5. 

Fig.  I.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Pliullusia  mamillaris,  grossi 
30  fois. 

t,  couche  interne  de  cellules  d'épithélium. 

2,  couche  intermédiaire  d’une  masse  homogène  . parsemée  de  noyaux 
(nucléus). 

a,  couche  externe,  composée  de  la  masse  fondamentale  et  de  cellules. 

a,  cellules  composées  de  cellulose. 

b,  cellules  pigmentaires. 

c,  noyaux. 

d,  cristaux  aciculaires.  (Les  cristaux-et  les  cellules  pigmentaires  ont  été  omis 

sur  le  côté  droit,  pour  faire  voir  les  grandes  cellules.) 

e,  vaisseaux. 

Fig  2.  Une  particule  du  côté  extérieur  du  segment  fig.  1 , grossie  350  fois 

а,  masse  fondamentale. 

б,  cellules  composées  de  cellulose. 

c,  noyaux,  les  uns  ronds,  les  autres  étoilés. 

d,  cristaux  aciculaires  de  carbonate  de  chaux 

e,  extrémité  d'un  vaisseau 

f,  cellules  pigmentaires. 

Fig.  3.  Une  particule  de  l'intérieur  du  segment  fig.  I grossie  350  fois 

a,  masse  fondamentale. 

b,  cellules  à membrane  non  azotée. 

c,  nucléi  ronds. 

d,  nucléi  ramifiés. 

Fig.  i La  même  particule  que  celle  représentée  dans  la  figure  2,  mais  après 
avoir  été  fortement  traitée  avec  de  l'acide  muriatique  et  une  solution  de  soude. 

a.  substance  fondamentale. 

b,  cellules  à membrane  non  azotée. 

Fig.  5.  Une  particule  de  l'enveloppe  du  Phallusia  monacbus  , grossie  350  fois. 

a,  substance  fondamentale. 

b,  cellules  composées  de  cellulose 

c,  noyaux. 

Fig  6.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Pliallusia  monacbus, grossi  30  fois 

a,  substance  fondamentale. 

b,  cellules  composées  de  cellulose 

c,  noyaux. 

d,  cristaux  de  carbonate  de  chaux 

Fig  7.  Une  particule  du  milieu  du  segment,  fig  6,  grossie  350  fois. 


STRUCTURE  ET  COMPOSITION 


234  LCEWICÏ  ET  KŒLLIKER.  — 

a,  substance  fondamentale. 

b,  restes  de  cellules,  indiqués  par  la  disposition  circulaire  de  petits  granules 

et  par  une  membrane  cellulaire  très  mince,  visible  encore  en  partie. 

c,  noyaux  ramifiés. 

Fig.  8.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Phallusia  gelatinosa,  grossi  30  fois 

a,  substance  fondamentale. 

b,  noyaux. 

c,  cristaux. 

Fig.  9.  Une  particule  de  l’intérieur  du  segment  fig,  8,  grossie  350  fois. 

a,  substance  fondamentale. 

b,  noyaux. 

Fig.  10.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Phallusia  sulcata,  grossi  200  fois 

0,  substance  fondamentale. 

b,  cellules  à membrane  non  azotée. 

c,  noyaux. 

d,  cristaux. 

Fig.  1 I.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Clavellina  lepudiformis , grossi 
50  fois. 

1,  première  couche  : masse  diaphane  pourvue  de  noyaux. — a,  noyaux. 
i,  seconde  couche  : masse  plus  dense,  pourvue  de  noyaux. — a,  noyaux. 

s,  troisième  couche  : cellules  adipeuses. 

r,  quatrième  couche  : substance  homogène  dépourvue  de  noyaux. 

!\  cinquièmecouche:  cellules  à membrane  non  azotée. -a,  cristaux  et  noyaux. 

PLANCHE  6. 

Fig.  1 2.  Segment  transversal  de  la  tige  du  Clavellina  lepudiformis,  grossi  20  fois. 

a,  cellules  formées  de  cellulose. 

b,  canal  dans  l’intérieur  de  la  tige. 

Fig.  1 3.  Une  particule  de  la  partie  extérieure  du  segment  fig.  11,  grossie  350  f. 

a,  substance  fondamentale. 

b,  cellules  à membrane  non  azotée. 

c,  noyaux. 

d,  cristaux. 

Fig.  1 4.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Cynlhia  papillota,  grossi  I 00  f 
i,  lame  intérieure  : cellules  d'épithélium. 

»,  deuxième  lame  : substance  homogène  pourvue  de  cellules  pigmentaires  — 
o,  cellules  pigmentaires. 

x,  troisième  lame  : couches  alternantes  de  fibres  rayonnantes  et  de  fibres 
parallèles  à la  surface  de  l’enveloppe. 

t,  quatrième  lame  : fibres  parallèles  à la  surface. 

s,  épines.  — a,  leur  tégument  jaunâtre  ; b,  noyau  fibreux. 

Fig  15.  Segment  transversal  de  l'enveloppe  du  Cynthia  pomaria,  grossi  30  fois 


DES  ENVELOPPES  DES  TEMCIEBS. 


235 


u.  cellules  d'épithélium. 

b,  cellules  pigmentaires. 

c,  masse  fibreuse. 

Fig.  16.  Une  particule  de  la  surface  extérieure  du  segment  fig.  I 4 , apres  avoir 
été  fortement  traitée  avec  l’acide  muriatique  et  la  soude. 

a,  fibres  parallèles  à la  surface 

b,  noyau  fibreux  des  aiguillons. 

Fig.  17.  Fibres  de  la  masse  fondamentale  du  Cynthia  pomaria,  grossies  350  fois. 
F'ig.  18.  Une  partie  de  la  troisième  lame  du  Cynihia  papillata,  grossie  350  fois. 

a,  fibres  rayonnantes. 

b,  fibres  parallèles  à la  surface. 

Fig.  19,  Fibres  du  tissu  fibreux  de  l'enveloppe  charnue  du  Cynlliia  pomaria, 
grossies  350  fois. 

Fig.  20  Trois  fibres  musculaires  de  l’enveloppe  charnue  du  Cynihia  pomaria  , 
grossies  350  fois. 

Fig.  21 . Cellules  pigmentaires  de  l’enveloppe  du  Cynihia  papillala. 

a,  cellules  allongées,  grandes. 

b,  vésicules  rondes,  petites  (noyaux?). 

Fig.  22.  Cellules  pigmentaires  de  l’enveloppe  du  Cynthia  pomaria 
Fig-  23.  Une  partie  des  couches  internes  fibreuses  de  l'enveloppe  du  Cynihia 
papillala,  grossie  350  fois. 

a,  masse  fibreuse. 

b,  cellules  pigmentaires. 

c,  cellules  incolores  : 

a,  à un  nucléus;  (3,  à deux  nucléi  ; y à deux  cellules  incluses;  <S,  a 
quatre  cellules  incluses;  e,  à sept  cellules  incluses. 

Fig.  24.  Cellules  pigmentaires  des  lames  internes  de  l'enveloppe  du  Cynihia 
pomaria,  pourvues  d'une  membrane  épaissie  et  contenant  une  matière  granu- 
leuse. 

a,  petites  cellules  à membrane  peu  épaissie. 

b,  cellule  plus  grande,  à membrane  homogène  plus  épaisse. 

c,  cellule  encore  plus  grande,  dans  la  membrane  de  laquelle  on  distingue 

des  fibres. 

ri,  grandes  cellules  à fibres  très  distinctes. 

e,  une  grande  cellule,  dont  une  partie  des  fibres  est  déplacée  par  la  pression 
Fig.  25.  Segment  transversal  de  l’enveloppe  du  Salpa  bkaudata,  grossi  30  fois 

a,  cellules  d'épithélium. 

b,  masse  homogène 

c,  cellules. 

d,  noyaux  allongés 

e,  cristaux  aciculaires  et  concrétion 

f,  grandes  concrétions  calcaires,  en  forme  de  pinceau. 


236  LIEWIti  ET  K4ELLIKBR.  — STRUCTURE  ET  COMPOSITION 
Pig.  26.  Cellules  incrustées  de  la  masse  fondamentale  du  Didemnum  candidum. 

a,  cellules  inaltérées. 

b,  cellule  dont  la  chaux  a été  extraite  presque  complètement  au  moyen  de 

l’acide  muriatique. 

Fig.  27.  Une  partie  de  la  masse  du  Didemnum  candidum  , après  avoir  été  traitée 
avec  de  l’acide  muriatique. 

а,  masse  homogène. 

б,  petits  amas  de  grains. 

c,  cellules  incrustées,  après  extraction  de  la  chaux 
Fig.  28.  Cellules  incrustées  du  Botryllus  violuceus. 

a,  cellules  sphériques. 

b,  cellule  avec  deux  prolongements  incolores  au  côté. 

c,  — trois  — — 

d — quatre  — — 

e,  — un  — — 

Fig.  29.  Une  particule  de  la  masse  commune  du  Botryluspolycyclus,  grossie  350  f 
o,  fibres  incolores,  longues,  sinueuses. 

b,  fibres  foncées,  courtes,  sinueuses. 

c,  noyaux. 

PLANCHE  7. 

Fig.  30.  Concrétions  de  l'enveloppe  du  Salpa  bicaudata,  grossies  60  fois. 

Fig  31.  Un  ratnicule  de  la  même  concrétion,  grossi  350  fois. 

Fig.  32  Concrétion  de  l'enveloppe  du  Sulpa  maxima,  grossie  350  fois 
Fig.  33.  Cellules  de  la  masse  commune  de  Y Aplidium  gibbulosum. 

a,  cellules  renfermant  de  la  chaux. 

b,  cellules  sans  chaux. 

Fig.  34.  Segmentde  l'enveloppe  du  Salpa  maxima,  grossi  350  fois 
o,  substance  homogène  fondamentale. 

b,  noyau. 

c,  cellules. 

Fig.  35-41.  Développement  du  Botryllus  au  reus. 

Fig.  35.  Œuf  avec  un  vitellus  divisé. 

a,  membrane  vitelline. 

b,  globules  de  division. 

Fig.  36.  Œuf  à vitellus  divisé,  dans  une  période,  plus  avancée 

a,  membrane  vitelline. 

b,  globules  de  division. 

Fig  37.  Jeune  embryon. 

a,  membrane  vitelline 

b,  corps  de  l'embryon 
e,  queue 


DES  lîNVEI.OPl'ES  DES  TUNICIERS. 


237 


l-'ig.  38  Embryon  plus  avancé,  avec  les  premières  traces  (le  l'enveloppe 

a,  membrane  vitelline. 

b,  corps  de  l'embryon. 

c,  queue  de  l'embryon. 

d,  enveloppe  de  l'embryon. 

e,  mamelon  intérieur  ou  tube  excréteur. 

f,  corpuscules  coniques  en  groupe  d'individus  entourant  le  mamelon 
Fig.  39.  Embryon  à terme  ou  larve  de  Botryllus. 

b-f  (comme  dans  la  figure  38) 

g,  nerfs  (?)  du  mamelon,  avec  leur  épanouissement  dans  les  lobules  de  l’en- 

veloppe. 

A,  lobules  de  l'enveloppe, 
i,  lobules  du  mamelon. 

k,  ouverture  du  tube. 

l,  enveloppe  interne  charnue. 

Fig  40.  Une  partie  de  la  queue  de  l'embryon  précédent,  grossie  350  fois 

a,  enveloppe  externe  homogène. 

b,  couche.de  petites  cellules. 

c,  grandes  cellules  à noyaux,  entourant  : 

d,  canal  intérieur. 

Fig.  41 . Globules  d'un  vitellus  divisé,  tels  qu'ils  se  présentent  lorsqu'ils  sont  en 
contact  avec  l'eau;  dessinés  sur  un  fond  noir 

a,  granules. 

b,  noyau  du  globule. 

Fig.  42.  Embryon  a terme  de  V Amauroucium  Nordmanni,  Edw 
A,  partie  antérieure  du  corps. 

a,  enveloppe  externe. 

b,  partie  jaunâtre. 

c,  lobules  provenant  de  celte  partie. 

d,  masse  centrale  brune. 

e,  points  oculaires. 

Il,  queue. 

a,  enveloppe. 

b.  masse  centrale  jaunâtre. 

Fig  43.  Une  partie  de  la  queue  de  cet  embryon,  grossie  350  fois 
h,  enveloppe  extérieure  homogène. 

b,  couche  de  petites  cellules. 

c,  série  de  grandes  cellules. 

Fig  44.  Œuf  de  VAplydium  gibbulosum,  a vitellus  divisé 

a,  membrane  vitelline. 

b,  globules  de  vitellus. 

Fig  45.  Embryon  éclos  du  même  animal 
A et  B (voyez  fig  42). 


•238  i>a vi:v  — rapport  sur  i.e  mémoire  précédent. 

Kig  46.  Segment  de  l'enveloppe  du  Bolryllus  pnlycyclut,  grossi  ! 00  fois. 

а,  masse  fondamentale  fibreuse  (voyez  fig.  29). 

б,  noyaux. 

c,  concrétions  anorganiques. 

d,  ramifications  de  l'enveloppe  de  ces  individus. 

e,  germes  situés  à l'extrémité  de  ces  ramifications. 

Fig.  47.  Segment  delà  masse  fondamentale  du  Diasona  violacea,  grossi  30  fois 

a,  substance  homogène. 

b,  noyaux.  • 

r,  cellules  ou  concrétions. 

d,  ramifications  de  l’enveloppe  des  individus. 

e,  terminaisons  de  ces  ramifications , non  développées 

f,  terminaisons  développées  en  germes. 

g,  granulations  d'une  couleur  bleuâtre,  contenues  dans  les  ramifications. 


RAPPORT  SUR  LE  MÉMOIRE  PRÉCÉDENT. 


Par  M FAYIN 

L’Académie  nous  a chargés , MM.  Dumas,  Milne  Edwards,  Boussingault  et 
moi,  d'examiner  une  Note  de  MM  Lœwig  et  Kœlliker , qui  annoncent  avoir 
constaté  la  présence  de  la  cellulose  dans  une  classe  tout  entière  d'animaux  sans 
vertèbres , les  Tuniciers. 

La  cellulose , comme  on  le  sait , pure  ou  injectée  de  substances  organiques  ou 
minérales,  forme  les  parois  des  cellules,  des  divers  tubes  et  des  vaisseaux  propres 
de  toutes  les  plantes  ; elle  renferme , dans  ces  cavités , des  matières  organiques 
ternaires  et  azotées,  sans  que  celles-ci  fassent  partie  de  sa  composition  intime  ; 
elle  enveloppe  ou  recèle  dans  l'épaisseur  de  ses  parois  divers  principes  immé- 
diats , des  sels  et  des  oxydes  ; en  un  mot,  cette  substance  à composition  ternaire, 
souple,  plus  ou  moins  tenace  et  résistante  suivant  les  degrés  de  sa  cohésion, 
constitue  la  trame  de  tout  l'édifice  végétal. 

Tantôt  assez  faiblement  agrégée  pour  être  attaquée  durant  la  digestion  des  ani- 
maux supérieurs,  et  remplir,  sans  doute  alors  , le  même  rôle  que  l'amidon  , la 
dextrine,  l’inuline,  isomériques  avec  elle,  ou  que  les  sucres  ses  congénères;  tan- 
tôt assez  résistante  pour  être  retrouvée  intacte  dans  les'déjections  des  herbivores. 

Parmi  plusieurs  lichens,  et  dans  le  parenchyme  de  certaines  feuilles,  la  cellu- 
lose se  montre  avec  une  agrégation  si  faible  , qu'elle  affecte  quelquefois  les  pro- 
priétés de  l'amidon  , et  peut , comme  ce  principe  immédiat , se  teindre  en  violet 
lorsqu'elle  est  hydratée  et  mise  en  présence  de  l'iode 


! 


PAÏEN.  — RAPPORT  SIR  LE  MÉMOIRE  PRÉCÉDENT.  239 

On  peut  même  toujours,  lorsque  la  cellulose  est  pure  et  douée  d'une  forte 
cohésion  , la  désagréger  au  point  de  lui  donner  cette  propriété  caractéristique  de 
l'amidon,  devenue  ainsi  la  propriété  distinctive  de  la  cellulose  elle-même. 

Nous  avons  cru  devoir  rappeler  au  souvenir  de  l'Académie  ces  données  , dont 
nous  avons  fait  usage,  afin  de  vérifier  le  fait  important  qui  lui  était  annoncé 

Déjà,  l'an  dernier,  11.  Schmidt  avait  signalé  la  présence  d’une  substance  ter- 
naire voisine  de  la  cellulose  chez  la  Phallusia  mamitlaris  et  la  Frustulia  satina  ; 
le  travail  de  MM.  Lœwig  et  Kœlliker  fut  entrepris  dans  la  vue  de  décider  s’il 
existe  réellement  dans  le  règne  animal  une  substance  ternaire  identique  avec  la 
cellulose. 

Les  auteurs  ont  retrouvé  chez  tous  les  animaux  de  la  classe  des  Tuniciers, 
qu'ils  ont  pu  se  procurer  , une  substance  insoluble  dans  les  solutions  de  potasse 
caustique  , blanche , souple , dépourvue  d'azote  lorsqu'elle  est  complètement 
épurée. 

Ils  l'ont  reconnue  parmi  les  Phallusia  mamitlaris,  intestinales  et  monachus ; les 
Cynthia  papillota,  Clavellina  lepadiformis,  Diazona  violacea,  Botryllus  polycyclus, 
Pyrosoma  giganteum,  Salpa  maxima. 

Cette  substance  forme  , chez  les  Ascidies  simples  et  agrégées , la  couche  exté- 
rieure d'apparence  cartilagineuse;  chez  les  Ascidies  composées  , la  masse  molle 
dans  les  cavités  de  laquelle  les  groupes  d'individus  sont  logés,  et  chez  les  Salpa, 
toute  l'enveloppe  résistante  dans  laquelle  sont  contenus  les  muscles  , les  viscères, 
les  nerfs;  en  sorte  que  tous  ces  organes  se  dissolvent  dans  la  potasse,  tandis  que 
l'enveloppe  résiste . 

MM.  Lœwig  et  Kœlliker,  ayant  d’ailleurs  soumis  à l'analyse  élémentaire  l'en- 
veloppe de  la  Phallusia  mamillaris  et  celle  de  la  Cynthia  papillota  , ont  trouvé  , 
pour  le  carbone  , l'hydrogène  et  l'oxygène  , des  nombres  qui  s’accordent  avec  la 
composition  élémentaire  de  la  cellulose.  En  conséquence,  ils  n’hésitent  pas  à sou- 
tenir que  cette  substance  est  identique  avec  la  cellulose  des  plantes. 

Vos  commissaires  ont  pu  de  leur  côté  entreprendre  quelques  essais  sur  des 
Phallusia  intestinalis , que  l'un  deux,  M.  Milne  Edwards,  avait  rapportés  des 
côtes  de  la  Bretagne. 

En  faisant  réagir  successivement  la  solution  de  potasse  caustique,  l'eau  aigui- 
sée d'acide  chlorhydrique,  puis  leau  pure,  ils  sont  parvenus  à dissoudre  et 
extraire  des  enveloppes  , sans  déchirer  celles-ci , tous  les  organes  quelles  renfer- 
maient. 

Alors  ces  enveloppes  étaient  blanches  , translucides  , un  peu  nacrées,  et  très 
souples 

Agglomérées  mécaniquement,  divisées  à la  lime,  puis  analysées , elles  don- 
nent 3 pour  100  d'azote,  c'est-à-dire  le  tiers  seulement  de  la  proportion  conte- 
nue dans  la  chitine  , enveloppe  des  Insectes  et  des  Crustacés  , et  moins  du 
-ixierne  des  quantités  que  recèle  la  peau  privée  de  graisse  des  animaux  supé- 


rieurs 


2ftÜ  PAÏEN.  — RAPPORT  SUR  LE  MÉMOIRE  PRÉCÉDENT-. 

Celte  faible  dose  d azote  eût  été  réduite  encore  si  la  minime  quantité  de  sub- 
stance mise  à notre  disposition  eût  permis  de  pousser  plus  loin  l'épuration  en  divi- 
sant beaucoup  les  enveloppes  examinées  ; mais  dès  lors  la  composition  de  celles-ci 
était  évidemment  distincte  de  celle  des  différentes  membranes  animales  , comme 
des  téguments  propres  aux  Insectes  et  aux  Crustacés  : enfin,  les  résultats  des 
analyses  élémentaires  faites  par  les  auteurs  de  la  Note  ne  semblaient  pouvoir 
convenir  à aucun  autre  principe  immédiat  qu'à  la  cellulose. 

Cependant , plusieurs  réactions  décisives  à cet  égard  n'ayant  pas  été  mention- 
nées dans  la  communication  , nous  avons  cru  devoir  les  essayer  ; trois  petites 
enveloppes  que  nous  avions  réservées  à cet  effet  pouvant  suffire,  l’une  d'elles 
préalablement  desséchée , fut  plongée  dans  l'acide  azotique  concentré  , et  elle 
résista  comme  l'aurait  fait  la  cellulose  fortement  agrégée  ; la  chitine,  placée  dans 
le  même  réactif,  fut  bientôt  attaquée  et  dissoute. 

La  substance  essayée  pouvait  donc  être  comparée  à de  la  cellulose  très  résistante, 
mais  alors  elle  devait  reproduire  aussi  les  mêmes  phénomènes  , si  on  la  faisait 
passer  graduellement  par  des  états  d une  agrégation  moindre.  Tels  furent  effec- 
tivement les  résultats  des  expériences  suivantes  , à la  fois  simples  et  démonstra- 
tives : une  des  enveloppes  . bien  hydratée  , fut  plongée  et  foulée  avec  un  tube 
dans  une  solution  aqueuse  d iode  légèrement  alcoolisée;  elle  prit  une  teinte  jau- 
nâtre très  faible  ; étendue  alors  sur  la  paroi  d'un  verre  , on  la  toucha  sur  plu- 
sieurs points  avec  de  l'acide  sulfurique  monohydraté  ; bientôt  la  désagrégation  fut 
manifeste  , et  dès  ce  moment  apparut  le  phénomène  de  la  coloration  violette  in- 
tense appartenant , d'une  façon  exclusive  jusqu'ici,  aux  particules  de  l'amidon  ou 
de  la  cellulose  désagrégée,  teinte  par  l’iode. 

Dans  de  semblables  circonstances  , un  tégument  de  sauterelle  prit  une  colo- 
ration jaune-orangé  qui  persista  seule  sous  l'influence  dissolvante  de  l'acide  sul-  : 
furique  concentré. 

En  examinant,  sous  le  microscope,  la  réaction  de  l'acide  sulfurique  sur  un  lam- 
beau d’enveloppe  iodée  de  Phatlusia . on  voyait  succéder  à la  coloration  violette  ! 
une  dissolution  plus  avancée  détruisant  l’effet  de  teinture , et  laissant  apercevoir 
de  nombreux  corpuscules  de  matière  azotée  colorée  en  jaune  , et  qui  étaient  restés  , 
interposés  entre  les  fibres  du  tissu 

Cet  état  de  désagrégation  de  la  cellulose  correspondant  aux  groupes  des  parti-  | 
cules  amylacées  aune  notable  stabilité.  Telle  est  aussi  l'une  des  propriétés  de  la  | 
cellulose  des  Tuniciers  Afin  que  l'Académie  puisse  en  juger  , nous  avons  Thon-  ■ 
neur  de  lui  présenter  une  des  enveloppes  mises  en  cet  état  où  la  coloration  spé-  I 1 
c.iale  s'est  prononcée  depuis  plus  de  trente  jours  , et  qui  se  peut  prolonger  encore  i 

D un  autre  côté,  nous  avons  pu  reconnaître  que  les  mêmes  tuniques,  traitées  i 
humides  par  l'acide  sulfurique , se  désagrègent  et  se  dissolvent  en  un  liquide 
mucilagineux  , diaphane  , incolore,  d’apparence  semblable  à la  dextrine. 

Le  travail  de  vos  commissaires  en  était  à ce  point  lorsque  leur  confrère  , 

M Valenciennes  , eut  l’obligeance  de  mettre  a leur  disposition  une  quantité  de 


P*¥EV  — RAPPORT  SÜR  LE  MÉMOIRE  PRÉCÉDENT.  2(|  I 
Tuniciers  égale  a peu  près  à celle  employée  déjà  , ce  qui  leur  permit  de  répéter 
et  de  compléter  les  analyses. 

Le  tableau  suivant  présente  les  résultats  obtenus  dans  les  deux  séries  de  re- 
cherches. 


DÉTERMINATION 

DE  L’AZOTE. 

POIDS 

POI  DS 

INDICATION  DES  SUBSTANCES. 

substances 

.lu  g..z 

TUBE. 

l’aiote 

CES  DUES 

pour  ioo. 

millig. 

mm 

'Enveloppes  des  Tuniciers  lavées  à 1 eau. 

277 

10,75  75,5 

16 

4.49 

12,66 

Ici.  épurées  par  la  potasse  à O 02  et 

rucide  chlorhydrique  à U,OI . 

127 

5,50  75,6 

16 

5.19 

" 

Id.  Id.  ld.  2e  série. 

555 

11  00  75.5 

16 

5.80 

» 

Id.  Id.  deux  fois  pur  la  pot.  à 0.02 

et  0,2b.  et  l’ac.  chlurhyd.  àtl,Ul 

50b 

n 

* 

• 

* 

DÉTERMINATION 

DU  CARBONE  ET  DE  L’HYDROGÈNE. 

Substance  employée.  58!  milligr. 

Carbone 

. . . 44,5 

Acide  cm  bonique  . 622 

Composition  . 

Hydrogène  . 

6.4 

Eau 220 

Oxygène 

. . . 49.1 

1UO.O 

On  voit  qu'à  l'état  normal  les  enveloppes  analysées  contenaient  des  matières 
azotées  interposées  dans  les  fibres  de  cellulose,  etformant  les  vingt-sept  centièmes 
du  poids  total , en  supposant  leur  composition  semblable  à la  moyenne  environ 
des  substances  animales  organisées  ; une  partie  de  ces  matières  paraissent  résister 
a la  solution  faible  de  potasse  caustique  , et  se  dissoudre  dans  la  solution  concen- 
trée. Le  procédé  d'épuration  complète  de  la  cellulose  des  Tuniciers  est  donc  , en 
définitive , le  même  que  celui  au  moyen  duquel  on  extrait  la  cellulose  pure  du 
bois  et  des  autres  tissus  végétaux  ; dans  ce  dernier  cas , on  élimine  à la  fois  les 
substances  azotées  , les  matières  grasses  et  les  principes  ligneux. 

On  pourrait  représenter  ainsi  la  composition  immédiate  des  enveloppes  des 
Tuniciers  : 


Cellulose 00,34 

Substances  azotées 27,00 

Matières  inorganiques.  . . 12,66 


•100,00 

On  peut  encore  remarquer  que  les  proportions  des  matières  azotées  interposées, 
ainsi  que  des  substances  minérales  (phosphates,  silice,  etc  ),  sont  au  moins  deux 
3*  série  Zooi.  T V (Avril  1846  ) 4 IG 


2/|2  PAÏEN.  — RAPPORT  SUR  LE  MÉMOIRE  PRÉCÉDENT, 
fois  plus  considérables  que  celles  observées  dans  les  épidermes  des  plantes  : par- 
faitement épurées  , ces  enveloppes  ne  renferment  plus  d'azote. 

Enfin,  notre  analyse  élémentaire  s'est  rapprochée  plus  encore  de  la  composi- 
tion théorique  de  la  cellulose  que  l’analyse  de  MM.  Lœwig  et  Kœlliker. 

La  cellulose , depuis  qu'on  a démontré  sa  présence  dans  les  diverses  espèces 
végétales  dont  elle  relie  et  consolide  toute  la  structure  , a fourni  l'un  des  princi- 
paux caractères  distinctifs  de  ce  règne  : si  l'on  admet,  cependant,  qu'aucune 
règle  de  ce  genre  n'est  absolue  dans  la  nature,  que  toute  distinction  s'efface  au- 
près des  limites  de  nos  classifications  , on  pourra  conserver  cette  distinction  elle- 
même  en  présence  d'une  exception  semblable. 

Effectivement , les  faits  introduits  dans  la  science  sous  le  patronage  de  l'Aca- 
rlémie  ont  fait  disparaître  une  ligne  de  démarcation  autrefois  admise  entre  la 
composition  élémentaire  des  végétaux  et  celle  des  animaux  ; d’un  autre  côté,  on 
a rendu  plus  précises  les  distinctions  entre  les  deux  règnes  en  indiquant  certaines 
relations  entre  la  composition  des  substances  organiques  et  le  rôle  qu  elles  parais- 
sent accomplir. 

La  découverte  soumise  au  jugement  de  l'Académie  et  vérifiée  par  ses  commis- 
saires offre,  avec  les  faits  précédents,  des  analogies  remarquables. 

Ainsi,  dans  les  plantes,  les  cellules  les  plus  jeunes  soit  à l’extrémité  des  spon- 
gioles  radicellaires , soit  au  centre  des  bourgeons  aériens,  ces  cellules,  douées 
d une  grande  énergie  vitale  , présentent  à l'analyse . comme  à l'observation  sous 
le  microscope  , une  enveloppe  très  mince  de  cellulose  renfermant  en  abondance  , 
dans  sa  cavité,  des  corps  qui  ressemblent,  par  leur  composition  élémentaire, 
aux  animaux  eux-mêmes;  et  ce  sont  précisément  ces  corps,  inaperçus  autrefois  , 
que  l'on  est  porté  à considérer  aujourd'hui  comme  doués  des  principales  fondions 
accomplies  par  les  êtres  vivants. 

Ne  semble-t-il  pas  que  la  science  vienne  de  trouver  maintenant  une  confirma- 
tion des  vues  nouvelles , en  rencontrant  dans  la  série  des  êtres  toute  une  classe 
d'animaux  qui  seraient  comparables  à dejeunes  cellules  végétales  par  l'enveloppe 
de  cellulose  qui  les  entoure  ? 

Après  un  examen  aussi  approfondi  qu'il  lui  était  possible  de  le  faire,  votre 
commission  est,  à l'unanimité,  d avis  que  l’existence  de  la  cellulose  chez  les 
Tumciersa  été  mise  hors  de  doute  par  MM.  Lœwig  et  Kœlliker.  C'est  un  fait  capi- 
tal dans  la  science,  et  dont  profiteront  les  études  ultérieures  relatives  à la  physio- 
logie comparée  des  deux  règnes. 

Vos  commissaires  ont , en  conséquence  , l'honneur  de  vous  proposer  d'accorder 
à la  communication  de  MM  Lœwig  et.  Kœlliker  une  place  dans  le  Recueil  ries 
Suçants  étrangers . 


RECHERCHES  SCR  CES  POI.VPES! 


m 


Par  M.  DANA  (IJ. 

Dans  un  ouvrage  intitulé  Structure  et  classification  des  Zoophxj- 
tes,  M.  Dana  a présenté  une  histoire  générale  de  la  classe  des 
Polypes  proprement  dits  et  une  distribution  nouvelle  de  ces  ani- 
maux. L’auteur,  déjà  connu  par  des  Mémoires  intéressants  sur 
les  Caliges , les  Apus,  etc.,  a été  attaché  comme  naturaliste  à 
l’expédition  scientifique  faite  par  la  marine  nationale  des  États- 
Unis  pendant  les  années  1838  à 1842,  dans  les  régions  polaires 
australes , et  il  paraît  avoir  rassemblé  ainsi  d’immenses  matériaux 
dont  la  publication  ne  tardera  pas  à avoir  lieu.  Le  volume  qui 
vient  de  paraître  est  destiné  à servir  d’introduction  au  travail  des- 
criptif que  M.  Dana  se  propose  de  donner  prochainement  sur  les 
Polypes;  l’auteur  y traite  de  la  structure  de  ces  animaux,  en 
général,  mais  il  s’étend  principalement  sur  les  Actinoïdiens,  dont 
il  a eu  l’occasion  d’étudier  un  grand  nombre  d’espèces  nouvelles. 
Enfin  il  propose  pour  ces  Radiaires  une  classification  particulière 
qui , à plusieurs  égards , nous  semble  préférable  à celles  précé- 
demment proposées.  Ce  travail  étant  fort  peu  connu  en  Europe , 
nous  croyons  utile  d’en  extraire,  pour  les  lecteurs  des  Annales,  le 
tableau  dans  lequel  M.  Dana  expose  sa  méthode. 

COXSPECTLS  DISTRIBETIOMS  7.00PIIÏT0RHW  (2) 

ZOOPHTTA. 

Animaux  radiata  sæpius  basi  afiixa,  superné  tentaculis  co- 
ronata  cum  ore  centrali  edentato , et  intus , tubo  cibario  uniforo: 
androgyna;  ovipara  et  gemmipara:  nervis  inconspicuis  (?)  : cir- 
culatione  excorde  laxissima  : sensùs  organis  specialibus  nullis. 


(1)  Structure  and  classification  of  Zoophytes,  byJ.-D.  Dana.  Philadelphia,  I 846 
in-4. 

(2)  Nous  ferons  remarquer  ici  que  M.  Dana  ne  donne  pas  au  mot  Zoophyte 
son  acception  ordinaire,  et  ne  l'applique  qu’aux  Polypes  proprement  dits 


DAVt. 


CLASSIFICATION  L'ES  POLYPES. 


2/|/| 


Ordo  I.  — ACTINOIDEA. 

Yentriculo  stomachum  includente  lamellis  radiatis  generativis 
septato  ; ovulis  ore  ejectis. 

Subordo  I.  — ACTINARIA. 

Tentacuüs  6,  12,  aut  pluribus,  sæpissimè  non  papillosis  et 
apice  perforatis  : sæpe  coralligena;  corallis  calcareis  (rarissime 
corneis)  cellis  radiatis. 

■Tribus  i.  — ASTRÆACEA. 

Multitentaculata,  tentacuüs  subseriatis  aut  sparsis;  sæpe  gem- 
mipara,  gemmatione  superiore,  polypis  supernè  lateraliter  pro- 
iatantibus:  sæpe  coralligena,  corallis  calcareis,  cellis  multira- 
diatis,  lamellis  ultra  cellas  productis,  itaque  superficie  corallorum 
aggregatorum  lamello-striatâ. 

Familia  1 . — Actinidæ. 

Animalia  non  coralligena,  sæpius  aflixa. 

Généra  : Actinia,  Anlhea,  Adamsia , Edwardsia,  Ilyantlius  , C.apnea  , 
Artinecta,  Epicystis,  Actinodendrum , I.ucernaria , Metridium,  Actine- 
ria,  Ileterodaclyla , Epicladia. 

Familia  2.  — Astr.eidæ. 

Calcareo- coralligena  ; tentacuüs  margine  disci  dispositis,  discis  inter- 
dum  seriatim  tantunnnodo  confluentibus  : corallorum  cellis  excavatis  , 
stellis  circumscriptis , interdum  lobalis  aut  lineatis;  lamellis  corallorum 
aggregatorum  in  niedio  septo  sæpius  interruptis. 

Généra  : Euphyllia , Ctenophyllia , Mussa  , Manicina , Caulastræa , Tri- 
dacophyllia,  Astræa,  Meandrina,  Monticularia,  Phyllastræa,  Merulina , 
F.chinopora. 

Familia  3.  — Fusgide. 

Coralligena-,  discis  non  circumscriptis,  tentacuüs  sparsis,  brevibus  et 
sæpe  obsoletis : simpücissima  et  aggregalo-geinmata  ; aggregatis,  discis, 
undique  confluentibus,  interstitiis  nullis  : corallis  superficie  lamello-striatis 
et  sæpius  stellatis , cellis  veris  nullis;  lamellis,  aggregatis,  ex  uno  ad 
alium  centrum  productis. 

Généra:  Fungia,  Cyclolites,  Herpetoülbus , Halomitra,  Polyphylüa  , 
Zoopilus,  Pavonia,  Agaricia,  Psammocora. 


utvt. 


CLASSIFICATION  UES  POLYPES. 


245 


Tribus  II.  — CARYOPHYLLACEA. 

Multitentaculata;  sæpissimè  gemmipara,  gemmatione  infe- 
riore,  gemmis  lateralibus,  raro  (sicut  in  quibusdam  Cyathophyl- 
lidis  ) sursum  crescentibus , polypis  supernè  non  prolatantibus  : 
sæpa  coralligena  , corallis  calcareis,  cellis  rnultiradiatis,  super- 
ficie interstitiali  non  lamello-striatâ. 

Familia  1 . — Cïathopbvllidæ. 

Coralligena  ; polyporum  singulorum  corallo  interné  ad  medium  sæpius 
transversè  obliquève  septato  et  celluloso. 

Généra  : Cyathophyllum , Calophyllum,  Amplexus,  Caninia,  Araclmo- 
phyllum,  Acervularia,  Cystiophyllum,  Clisiophyllum,  Michelinia,  Colum- 
naria,  Sarcinula. 

Familia  2.  — Carvopbyllidæ. 

Coralligena  ; tentaculis  confertis , elongatis  ; oribus  longé  exsertis  : 
corallo  interné  non  transversè  septato  , cellis  rnultiradiatis  ( radiis  duo- 
decim  superantibus),  caliculis  margine  tenuibus  ; interstitiis  nunquam 
laïuello-striatis.  (Lamellis  fere  integris.) 

Généra  : Ecmesus  , Cyathina  , Stephanophyllia , Turbinalia  , Desmo- 
phyllum,  Culicia,  Caryophyllia,  Uendrophyllia,  Oculina,  Anlhophvllum , 
Stylina , Aslroitis. 

Familia  3.  — Gemmiporid.e. 

Coralligena;  tentaculis  brevibus,  marginalibus,  2-3  seriatis,  disco  lato , 
paulo  convexo;  corallis  porosis,  caliculis  margine  crassis , lamellis  fere 
æqualibus,  non  exsertis. 

Généra:  Gemmipora,  Astræopora  (?) 

Familia  4.  — Zoantbide. 

Non  coralligena,  extussubcoriacea;  tentaculis  brevibus,  marginalibus, 
2-3  seriatis,  disco  sæpe  convexo,  margine  radiatè  striato  et  interdum 
valde  reflexo. 

Généra  : Isaura,  Zoanlha,  Polythoa. 

Tribus  ni.  — JlADREPORACEA. 

Tentaculis  uniseriatis , duodecini  ( raro  pluribus) , interdum 
obsoletis;  gemmipara,  gemmatione  laterali  : coralligena,  corallis 
calcareis,  cellis  parvulis,  radiis  6-12  aut  obsoletis;  superficie 
interstitiali  non  lamello-striatà. 


UAM. 


CLASSIFICATION  DES  POLYPES. 


2/iG 


Familia  1 . — Madbeporidæ. 

Polypis  12-tentaculatis,  basi  medio  non  coralligenis;  itaque  cellis  pro- 
fundissimis  , ad  medium  corallum  usque  productis. 

Généra  : Madrepora  , Manopora. 

Familia  2.  — Favositidæ 

Polypis  12-tentaculatis  , basi  seriatirn  coralligenis,  itaque  cellis  fundo 
calcareis,  et  medio  corallo  transversè  septatis , raro  solidis. 

Généra  : Alveopora  ( Alveoporinœ ) ; Sideropora,  Seriatopora , Pocillo- 
pora  , Stenopora,  Coustellaria,  Favosites,  Catenipora  ( Favositinœ ) ; He- 

opora,  Heliolites,  Millepora  ( Helioporinœ ). 

Familia  3.  — Poritidæ. 

Polypis  tentaculis  interdum  duodecim  superantibus,  totà  basi  omnino 
porosè  coralligenis;  corallis  undique  æqualiter  porosis,  cellis  paulo  pro- 
fundis  aut  superficialibus  et  medio  corallo  vi.\  dispiciendis , radiis  fere 
obsoletis. 

Généra  : Porites  , Goniopora. 

Tribus  IV.  — AnTIPATHACEA. 

Animalia  6-tentaculata , secretiones  corneas  basi  elaborantia. 

Familia  1 . — Antipathidæ. 

Animalia  caruosa , axein  corneum  spinulosum  tegentia. 

SunoRDO  II.  — ALCYONARIA. 

Animalia  8-tentaculata , tentaculis  papillosis,  papillis  apice 
perforatis  : sæpa  coralligena  , corallis  calcareis  aut  corneis , raro 
siliceis  , cellis  nunquam  radiatis. 

Familia  1 . — Pennatulidæ. 

Nunquam  aCBxa,  aut  libéra,  aut  basi  defossa. 

Généra  : Renilla,  Pennatula,  Veretillum,  Funiculina,  Virgularia  (Peu- 
natulinee)  ; Pavonaria,  Umbellularia  ( Pavomrinœ ). 

Famtlia  2.  — Alctonidæ. 

Carnosa,  penitus  sæpe  calcareo-spiculigera. 

Généra  : Rhizoxenia  , Anthelia,  Xenia  ( Xeninæ ) ; Ammothea , Sympo- 
dium,  Nephthya,  Alcvonium  (A/ei/oninte)  ; Spoggodia  (Spoggorlinœ) . 


I)IM. 


CLASSIFICATION  DLS  POLTPIiS. 


247 


Familia  3.  — Cornularidæ. 

Corallis  tubulatis,  corneis. 

Genus  : Cornularia. 

Familia  4.  — Tcbipuridæ 
Corallis  tubulatis,  calcareis. 

Généra:  Aulopora,  Telesto,  Tubipora,  Syringopora. 

Familia  5.  — Gorgonidæ 

Secretiones  epidermicas  basi  elaborantia , et  sæpissimè  alias  quoque 
calcareas  internas. 

Généra  : Corallium  ( Coralliinœ ) ; Hyalonema  , Briareum  , Gorgonia  , 
Prinmoa,  Bebryce  (Gorgoninœ)  ; Isis , Mopsea,  Melitæa  ( Isinæ ) 

Ordo  II.  — HYDROIDEA. 

Ventriculo  tubuliformi,  simplicissimo  ; ovulis  e lateribus  ex- 
ternè  enascentibus. 


Familia  1.  — Hvdrid.e. 

Ovulis  singulis  ; gemmis  lateralibus,  et  pullis  niaturis  deciduis  : corallis 
nullis. 

Genus  : Hydra. 

Familia  2.  — Sertdlarid.s. 

Ovulis  in  vesiculo  inclusis,  gemmis  lateralibus  persistenlibus  ; corallis 
corneis,  caliculis  sessilibus. 

Généra  : Antennularia,  Plumularia  , Sertularia  , Thuiaria  , Thoa  , Pa- 
sytbea. 

Familia  3.  — Campasülaridæ. 

Ovulis  in  vesiculo  inclusis,  gemmis  lateralibus  persistenlibus;  corallis 
corneis,  caliculis  pedicellatis. 

Généra  : Laomedea,  Campanularia. 

Familia  4.  — Tcbclaridæ 

Gemmulisnudis  caduceis,  juxta  tentaculos  enascentibus;  auitnalia  sæpe 
coralligena,  corallis  corneis,  tubulatis. 

Généra  : Pennaria,  Tubularia,  Syncoryna,  Corydendrium,  Eudendrium, 
Coryna,  Hydractinia. 


OBSERVATIONS 


SLR  DIVERSES  ESPÈCES  DE  MAMMIFÈRES  FOSSILES  DU  MIDI  DE  LA  FRANCE; 

Par  M PAUL  G ER  VAIS 


§ I. 

Remarques  sur  la  classification  des  Mammifères  vivants  et  fossiles, 

L’étude  des  Mammifères  fossiles  paraît  appelée  à fournir  des 
données  précieuses  à la  classification,  et  déjà  les  magnifiques  tra- 
vaux de  G.  Cuvier,  de  M.  de  Blainville  et  de  M.  Piichard  Owen 
sur  les  espèces  éteintes  de  cette  classe  d’animaux  ont  eu  la  plus 
heureuse  influence  en  appelant  l’attention  des  zoologistes  sur  des 
particularités  qu’on  avait  jusqu’ alors  ignorées  ou  négligées.  11  sem- 
ble évident  que , dans  l’état  actuel  de  la  science , la  classification 
doit  se  servir  non  seulement  des  caractères  qu’on  observe  sur  les 
espèces  vivantes,  mais  qu’elle  doitrecourirencore  aux  particularités 
que  présentent  les  espèces  perdues.  Elle  doit  aussi  s’inspirer  des 
faits  les  plus  importants  de  la  distribution  géographique  et  paléon- 
tologique  de  ces  animaux. 

Puisque  les  Mammifères  présentent  à l’observation  des  faits 
analogues  à ceux  qu’on  a remarqués  récemment  dans  les  diffé- 
rentes classes  des  Reptiles,  des  Poissons,  des  Céphalopodes 
et  des  Échinodermes,  il  est  indispensable  de  fonder  la  clas- 
sification du  groupe  entier  sur  la  connaissance  de  toutes  ses  frac- 
tions. Les  lois  de  l'apparition  des  Mammifères  aux  divers  âges 
de  la  création , les  particularités  qu’ils  ont  présentées  suivant  les 
différentes  époques  pendant  lesquelles  ils  ont  vécu  , doivent  donc 
éclairer  la  méthode  aussi  bien  que  les  caractères  des  espèces 
actuelles  envisagées  à l’état  adulte  ou  dans  la  série  de  leurs 
développements. 

Tous  les  naturalistes  ont  remarqué  que,  plus  nous  nous  rappro- 
chons de  la  méthode  naturelle , plus  nous  voyons  concourir  à sa 
démonstration  les  particularités  fournies  par  l’étude  dudévelop- 


P.  «SERVAIS.  — CLASSIFICATION  DES  MAMMIFÈRES.  2/|9 
peinent,  par  l’organisation  envisagée  à l’àge  adulte  , par  le  mode 
d’existence  et  même  par  la  répartition  géographique  et  paléonto- 
logique  des  espèces.  Il  semble  alors  que  nous  soyons  sur  la  trace 
du  principe  commun  de  toutes  ces  particularités.  Les  beaux  tra- 
vaux de  M.  Agassiz  et  de  quelques  autres  zoologistes  ne  laissent 
plus  de  doute  à cet  égard.  La  voie  nouvelle  qu’ils  ont  ouverte 
a rendu  de  trop  grands  services  à la  zoologie  pour  qu’on  ne  la 
suive  pas  toutes  les  fois  qu’on  le  peut. 

Le  besoin  le  plus  pressant  de  la  mammalogie  actuelle,  le  désir 
le  plus  vif  des  mammalogistes,  ce  n’est  plus  la  distinction  des  dif- 
férents ordres  de  la  classe  des  Mammifères,  car  les  travaux  des 
naturalistes  modernes  en  ont  parfaitement  établi  la  caractéris- 
tique; c’est  la  répartition  de  ces  ordres  eux-mêmes  dans  les  diffé- 
rentes séries  principales  que  l’on  entrevoit  déjà  parmi  les  Mammi- 
fères, et  dont  chacune  comprend  des  familles  supérieures  en  orga- 
nisation , qui  en  sont  pour  ainsi  dire  les  Primatès , des  familles 
d’une  élévation  moyenne  et  d’autres  qui  sont  inférieures  même  à 
celles-ci  ou  qui  sont  des  termes  pour  ainsi  dire  dégradés , qu’on 
les  compare  aux  premières  espèces  de  la  série  dont  ils  font  partie 
ou  à celles  qui  commencent  la  série  suivante. 

La  classification  des  Mammifères  en  séries  multiples,  mais  su- 
bordonnées les  unes  aux  autres  comme  le  sont  les  ordres  ou  les 
familles  naturelles  comprises  dans  chacune  d’elles , n’est  point  un 
fait  particulier  à cette  classe  d’animaux.  C’est  l’application  d’un 
principe  que  l’on  peut  considérer  comme  général  en  zoologie , et 
dont  l’emploi  doit  conduire  aux  meilleurs  résultats  pour  la  connais- 
sance de  tous  les  groupes  du  règne  animal.  Ajoutons  que  beau- 
coup de  zoologistes  en  reconnaissent  aujourd’hui  la  valeur  et  que 
la  science  lui  doit  déjà  de  précieuses  découvertes. 

Les  zoologistes  les  plus  célèbres  se  sont  occupés  de  la  classifi- 
cation méthodique  des  Mammifères,  et  bien  que  les  résultats  aux- 
quels ils  sont  arrivés  diffèrent  sous  quelques  rapports , on  peut 
aisément  reconnaître  que  leurs  travaux  ont  successivement  per- 
fectionné cette  branche  importante  de  la  zoologie.  Ce  n’est  donc 
pas  sans  une  grande  réserve  que  nous  nous  permettrons  de  pro- 
poser quelques  modifications  aux  classificationsqu’ils  ont  adoptées. 


P.  SERVAIS.  — CLASSIFICATION  DES  MAMMIFÈRES. 

Il  nous  semble  que  dans  l’état  actuel  de  nos  connaissances  en 
mannnalogie  on  peut  admettre  quatre  séries  primordiales  ou  sous- 
classes  de  Mammifères  dans  chacune  desquelles  les  familles  prin- 
cipales ou  les  ordres  doivent  être  disposés  sur  deux  lignes  distinctes 
suivant  que  leurs  espèces  sont  organisées  pour  vivre  à terre  ou 
dans  les  eaux  de  la  mer.  Nous  nommerons 6’éo//iénen.v  les  Mammi- 
fères de  la  terre  ou  des  eaux  douces  et  T halassothériens  ceux  des 
eaux  salées,  qui  sont  les  Lamantins,  les  Phoques  et  les  Cétacés  (1). 
Les  quatre  sous-classes  sont  celles  des  Primates,  des  Ongulés, 
des  Carnassiers , tels  que  les  comprenait  G.  Cuvier  dans  la  pre- 
mière édition  du  Règne  animal,  et  des  Homodontes,  qui  répondent 
à peu  près  aux  mal-dentés  de  M.  de  Blainville, 

Chaque  sous-classe  peut  comprendre  des  Géothériens  et  des 
Thalassothériens.  Cependant  les  Primatès  n’ont  point  encore 
fourni  d’animaux  qui  appartiennent  à cette  dernière  catégorie , 
car  on  ne  peut  encore  admettre  l’opinion  récemment  émise  que  les 
Phoques  sont  des  Quadrumanes  aquatiques. 

Il  est  digne  de  remarque  qu’en  tête  de  chaque  sous-classe  nous 
avons  des  animaux  terrestres  que  l’on  a souvent  rapprochés  ou 
comparés  entre  eux , à cause  de  la  supériorité  évidente  de  leur 
organisme , principalement  sous  le  rapport  du  cerveau  et  de  l’in  - 
telligence  (Quadrumanes,  Phoques,  Éléphant,  Cétacés) , tandis 
que  les  familles  qui  terminent  ces  sous-classes  (Chéiroptères, 
Insectivores,  Rongeurs,  Marsupiaux,  Édentés  et  Monotrèmes) 
ont  été  relégués  par  beaucoup  d’auteurs  à la  fin  de  toute  la  classe 
sous  les  noms  d ' Ineducabilia , Diclelphida  et  Monotremata.  Et  ce- 
pendant les  affinités  des  Chéiroptères,  des  Insectivores  et  même 
des  Rongeurs  avec  les  Primatès  ne  sont  pas  contestables  ; celles 
des  Didelphes  avec  les  Carnivores  paraissent  également  indubi- 


(I)  L tnia  boliviensis,  qui  est  un  Dauphin  d'eau  douce  découvert  dans  l'Amé- 
rique méridionale  par  M.  Alcide  d'Orbigny,  et  l’Enhtjdra  marina,  qui  est  une 
Loutre  essentiellement  marine  de  la  côte  nord-ouest  d'Amérique,  sont  les  prin- 
cipales exceptions  que  l'on  puisse  signaler  à celte  grande  règle  de  la  répartition 
géographique  des  Mammifères.  Nous  croyons  néanmoins  que  les  dénominations 
de  Géothériens  et  Thalassothériens  peuvent  être  employées  utilement  en  géogra- 
phie zoologique  et  en  paléontologie  comme  aussi  en  zoologie  méthodique. 


P.  SERVAIS.  — CLASSIFICATION  DES  MAMMIFÈRES.  251 
tables,  et  il  semble  qu’il  en  soit  de  même  des  Monotrèmes  par 
rapport  aux  Édentés. 

Voici  le  tableau  de  cette  classification  : 


1°  Primata. 


2°  Fera. 


U AMM  ALI  A.  . . . 


3°  Unguia  la  . 


4°  Homodonta. 


a)  Geotheria. 

^)Thalassotheria. 

Quadrumana.  , 
^ Chiroptera . . . 
) Insectivora . . . 
\ Rodentia.  . . . 

) Carnivora  . . . 

1 Marsupialia  . . 

. Phocœa . 

/ Proboscidia.  . . 

. Sirenia 

) Pachydermata  . 
i Pecora 

( 

. Cetacea. 

1 Tardigrada  . . 

I Brûla 

1 Monolremata.  . 

au  total,  quinze  ordres , sans  comprendre  l’Homme.  Voici  les 
noms  vulgaires  de  chacun  d’eux  ; 

1.  Primâtes  : Quadrumanes,  Chéiroptères,  Insectivores, 
Rongeurs  (1)  ; 

2.  Carnassiers  (2)  : Phoques  ou  Amphibies,  Carnivores, 
Marsupiaux  ou  Didelphes. 

3.  Ongulés:  Prohoscidiens , Siréniens,  Pachydermes,  Ru- 
minants; 

l\.  Homodontes:  Cétacés,  Tardigrades,  Édentés,  Monotrèmes. 

Cette  classification  des  Mammifères,  d’après  le  principe  de  la 
dégradation  multisériale  des  animaux  et  la  considération  de  leur 
séjour,  s’éloigne  h quelques  égards  de  celles  qu’on  a établies  d’après 
le  cerveau,  les  organes  générateurs,  le  placenta  et  les  membres 

(1)  M.  Milne  Edwards,  daDS  son  Mémoire  sur  la  classification  des  animaux 
(Ann.  Sc.  nul.,  3'  série),  a mis  hors  de  doute  les  rapports  des  Rongeurs  avec  les 
premiers  Mammifères. 

(2)  Une  autre  dénomination  serait  préférable,  car  beaucoup  de  Didelphes  ne  pcu- 
><>ni  être  appelés  des  animaux  carnassiers 


252  P.  GERVA1S.  — CLASSIFICATION  DES  MAMMIFÈRES, 
envisagés  séparément;  mais  elle  tient  compte  des  caractères  four- 
nis par  ces  différents  systèmesd’organes  dans  la  subordination  des 
familles  de  chaque  sous-classe.  Seulement  elle  leur  refuse  la  qua- 
lité de  caractères  dominateurs  qu’on  leur  a successivement  attri- 
buée et  retirée.  La  classification  d’après  le  système  dentaire  s’en 
éloignerait  moins  si  les  auteurs  qui  l’ont  préférée,  F.  Cuvier  entre 
autres,  avaient  suivi  plus  rigoureusement  les  indications  fournies 
par  les  organes  dont  ils  se  sont  servis.  Je  ne  puis  que  répéter  ici 
ce  que  j’ai  écrit  ailleurs:  « 11  y a dans  toutes  les  variations  du 
système  dentaire,  danscette  foule  de  dispositions  au  premierabord 
si  disparates , un  ordre  réel  dont  les  zoologistes  commencent  à se 
rendre  compte,  et  dont  on  entrevoit  le  plus  souvent  la  raison  dans 
quelque  particularité  des  mœurs  des  animaux  ou  dans  le  rang 
qu’ils  occupent  dans  la  série  des  êtres  créés.  » 

Les  Mammifères  Thalassothériens  (1)  sont  peu  nombreux  si  on 
les  compare  à ceux  qui  sont  organisés  pour  vivre  à terre  ou  dans 
les  eaux  douces;  mais  tout  le  monde  sait  que  nos  connaissances 
à leur  égard  sont  bien  moins  avancées  que  celles  relatives  aux 
espèces  terrestres.  Les  animaux  marins  de  l’époque  actuelle  sont 
d’une  observation  dillicile,  et  la  science  ne  possède  encore  qu’un 
petit  nombre  de  documents  certains  sur  ceux  des  mers  australes. 
Les  Mammifères  des  mers  tertiaires  ne  sont  encore  décrits  que 
fort  incomplètement,  et  on  ne  connaît  point  encore  ceux  qui  ont 
vécu  au  commencement  de  cette  époque.  Qui  donc  oserait 
dire  que  l’on  n’en  recueillera  pas,  même  en  Europe,  qui  nous  ont 
échappé  jusqu’ici?  Comment  croire  que  les  dépôts  également 
marins  qui  composent  une  partie  du  sol  des  autres  continents  ne 
fourniront  pas  des  formes  encore  inconnues?  Le  Zeuglodon  ou 
Basilosaure  découvert  dans  l’Amérique  septentrionale  est  bien  une 
preuve  du  contraire,  et  il  semble  nous  offrir  un  terme  encore  mal 
connu  , mais  fort  curieux,  de  la  chaîne  aujourd’hui  interrompue 

(l)  MM.  Duvernoy  et  de  Selys-Longehamps  font  aussi  des  Mammifères  marins 
un  groupe  à part.  Le  premier  les  intercale  entre  les  Édentés  et  les  Marsupiaux 
(Mém.  Soc.  d'hist.  nul.  de  Strasbourg );  le  second  les  relègue  à la  lin  de  toute  la 
classe,  ce  qui  se  rapproche  davantage  de  notre  manière  de  voir  mais  néanmoins 
en  accordant  plus  à la  nature  aquatique  que  nous  ne  le  faisons 


P.  SERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSII.ES  DE  MIDI.  '2.V) 

des  Mammifères  marins,  chaîne  qui  doit  avoir  été  considérable 
si  l’on  en  juge  par  l’importance  que  les  mers  ont  eue  aux  diverses 
époques  de  la  création  animale. 

En  terminant  cette  introduction  déjà  bien  longue,  pour  arriver 
à la  description  de  quelques  Mammifères  fossiles  du  midi  de  la 
France,  je  ferai  la  remarque  suivante  : 

Dans  les  savantes  dissertations  qui  ont  été  imprimées  au  sujet 
des  animaux  de  Stonesfield , supposés  Didelphes,  on  ne  s’est  pas 
assez  préoccupé,  ce  me  semble,  d’une  opinion  de  M.  de  Blainville 
sur  les  affinités  zoologiques  de  ces  curieux  fossiles  de  l’époque 
oolitique.  « Si  l’on  croyait,  dit  M.  de  Blainville,  devoir  les  consi- 
dérer comme  de  la  classe  des  Mammifères,  leur  système  dentaire 
molaire  les  rapprocherait  des  Phoques  plus  que  d’aucun  autre 
groupe.  » En  effet,  si  l’on  étudie  ces  fossiles  d’après  les  belles 
figures  qu’en  a publiées  M.  Richard  Owen , on  est  frappé  de 
l’analogie  de  leurs  dents  molaires  , toutes  de  l’ordre  des  avant- 
molaires,  à double  racine  et  à couronne  denticulée  avec  celles 
des  Phoques.  La  mandibule  elle-même  a dans  son  apophyse  coro- 
noïde  une  certaine  ressemblance  avec  celle  de  ces  animaux.  Les 
Amphithérium , c’est-à-dire  les  Mammifères  de  l’oolite  que  (1. 
Cuvier  a le  premier  considérés  comme  des  Didelphes,  formeraient  - 
ils  donc  un  groupe  nouveau  qui  serait  inférieur  aux  Phoques, 
comme  les  Didelphes  le  sont  eux- mêmes  aux  Carnivores?  C’est 
un  rapprochement  que  je  livre  à la  critique  des  naturalistes  qui 
possèdent  les  mâchoires  de  Stonesfield  , ou  qui  pourront  étudier 
de  nouveaux  ossements  appartenant  à ces  curieux  animaux. 

§ II. 

Kpoques  auxquelles  appartiennent  les  Mammifères  fossiles  dans  le  midi 
de  la  France. 

La  détermination  de  l’âge  des  terrains  marins  repose  essen- 
tiellement sur  la  connaissance  des  coquilles  fossiles.  Les  ossements 
des  Mammifères,  dont  les  débris  sont  mêlés  à ceux  des  Mollusques 
marins,  lui  fournissent  aussi  de  bons  documents  ; mais  c’est  surtout 
pour  la  connaissance  des  dépôts  lacustres  qu’il  importe  de  recou- 


^5/t  V.  SERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  DU  MIDI, 
rir  à l’étude  des  Mammifères  fossiles.  Les  Mammifères  marins  ou 
Thalassothériens  caractérisent  donc  les  terrains  qui  se  sont  formés 
sous  la  seule  influence  des  eaux  de  la  mer  ; les  restes  des  Géo- 
thériens  se  rencontrent  seuls  dans  les  dépôts  qui  se  sont  faits  plus 
ou  moins  loin  des  mers,  sous  les  eaux  douces;  et,  dans  d’autres 
cas,  le  mélange  des  Géothériens  avec  les  Thalassothériens  dé- 
montre que  les  cours  d’eau  tluviatiles  amenaient  du  sol  exondé  les 
restes  des  animaux  terrestres  pour  les  ensevelir  pêle-mêle  sous  les 
eaux  de  la  mer,  avec  les  cadavres  des  espèces  marines,  dans  des 
lieux  plus  ou  moins  circonscrits. 

Ces  trois  conditions,  qui  se  rencontrent  également  aujourd’hui 
sur  divers  points  du  globe,  ont  aussi  existé  à des  époques  anté- 
rieures dans  le  midi  de  la  France.  Certaines  couches  ne  contien- 
nent que  des  débris  marins,  certaines  autres  n’ont  que  des  débris 
terrestres , et  il  en  est  dont  les  fossiles  sont  un  mélange  d’ani- 
maux marins  avec  des  espèces  terrestres  ou  tluviatiles. 

A cette  dernière  sorte  de  dépôts  appartiennent  les  sables  de 
Montpellier,  dont  les  Mammifères,  déjàétudiés  par  MM.  Marcel  de 
Serres  et  de  Christol,  l’ont  été  de  nouveau  tout  récemment  par 
nous  et  le  premier  de  ces  naturalistes.  Nous  donnerons  plus  bas 
la  notice  que  nous  avons  publiée  sur  ce  sujet. 

Dans  le  calcaire-moellon  de  Saint-Jean  de  Védas  , tout  près  de 
Montpellier,  on  n’a  encore  trouvé  que  des  animaux  marins.  Nous 
décrirons  une  dent  que  nous  avons  obtenue  de  cette  localité , et 
que  nous  rapportons  au  Squalodon  de  M.  Grateloup,  singulier 
genre  de  Dauphins  fossiles  qu’on  n’avait  point  encore  observé 
en  Languedoc.  A Vendargues,  autre  localité  du  département 
de  l’Hérault,  les  sédiments  aussi  ont  enfoui  des  débris  de 
Mammifères  marins.  La  Faculté  des  Sciences  possède  une  belle 
coupe  de  la  tête  d’un  Dauphin  enveloppée  dans  ce  calcaire.  Cette 
tête  indique  une  espèce  voisine  du  Delphinus  delphis , mais  néan- 
moins différente.  Auprès  de  Pézénas  on  trouve  des  argiles  dans 
lesquelles  il  y a aussi  des  débris  de  Dauphins.  Nous  en  avons 
quelques  vertèbres  à la  Faculté  des  Sciences  de  Montpellier  pro- 
venant de  la  collection  de  feu  M.  Reboul.  Enfin  nous  devons  citer 
un  atlas  et  une  vertèbre  caudale  d’un  Cétacé  assez  grand  , que 


P.  GEKVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  1)1  MIDI.  255 
possède  M.  Eugène  Raspail,  à Avignon,  et  qu’il  a recueillis  dans 
un  terrain  bien  plus  récent  du  département  de  Vaucluse. 

A Issel  (département  de  l'Aude),  dans  la  molasse  d’Auchc, 
de  Sansans,  de  Semorre,  etc.  (département  du  Gers),  dans  les 
dépôts  d’Apt,  de  Cucuron,  etc.  (département  de  Vaucluse) , 
dans  les  cavernes  du  Gard  et  de  l’Hérault,  les  Mammifères  sont 
tous  des  Mammifères  Géothériens. 

Nous  avons  donc  dans  le  midi  de  la  France  comme  dans  l’ouest 
et  ailleurs  des  formations  mastozoïques  de  trois  sortes  : marines , 
terrestres  et  mixtes.  Les  époques  auxquelles  ces  formations  appar- 
tiennent sont  aussi  fort  différentes  : 

Le  dépôt  d’Issel  est  principalement  caractérisé  par  la  présence 
de  Lophiodons  et  paraît  du  même  âge  que  ceux  d’Argenton  (dé- 
partement de  l’Indre)  et  de  Buschweiller  (département  du  Rhin). 
G’est  un  des  plus  anciens  dépôts  d’ossements  de  Mammifères. 

Les  fossiles  trouvés  à Gargas,  près  d’Apt  ( Vaucluse),  dont 
nous  décrirons  une  nouvelle  espèce  appartenant  au  genre  Pte- 
rodon , sont  d’une  époque  analogue  à celles  des  Gypses  de  Paris. 
11  y a d’ailleurs  dans  le  même  département  quelques  formations 
gypseuses,  et  M.  Rénaux,  architecte  de  la  ville  d’Avignon,  y a 
recueilli  des  débris  de  Palæothérium.  Le  dépôt  terrestre  d’Apt  se 
rattache  aussi  par  ses  fossiles  à ceux  de  la  Grave,  près  Bordeaux, 
et  de  l’île  de  Wight. 

Les  terrains  tertiaires  moyens  sont  représentés  en  grand  dans  le 
départementdu  Gerset  dans  quelques  localités  voisines.  Les  nom- 
breux ossements  découverts  par  M.  Lartet,  dans  ces  localités, 
ont  rendu  célèbres  les  gisements  qu’a  si  bien  explorés  cet  habile 
naturaliste. 

Cucuron,  qui  nous  a fourni  une  espèce  d’Hyène  encore  inconnue 
jusqu’ici,  et  qui  est  la  localité  principale  des  Hipparions,  paraît 
appartenir  à l’époque  tertiaire  supérieure , c’est-à-dire  au  Plio- 
cène, ainsi  que  les  sables  de  Montpellier,  mais  on  n’y  a encore 
découvert  que  des  espèces  terrestres,  tandis  qu’à  Montpellier  ce 
sont  des  animaux  marins  mêlés  à des  genres  terrestres.  Les  plus 
importants  parmi  ces  derniers  sont  sans  contredit  un  Rhinocéros 
et  un  Mastodonte  différents  de  ceux  du  Gers. 


•25(5  P.  «EKVAIS.  — M fVMMIPÈUKS  FOSSII.ES  DU  MIDI. 

Au-dessus  encore  , dans  les  environs  de  Montpellier,  viennent 
les  terres  qui  renferment  des  restes  d’IIippopotames;  mais  c'est 
surtout  auprès  de  Pézénas  qu’on  observe  les  plus  riches  en  fossiles, 
et  M.  de  Christol  leur  a consacré  un  de  ses  mémoires.  Les  fossiles 
de  Pézénas  se  rapprochent  davantage  de  ceux  des  cavernes.  On 
y trouve  l’Éléphant,  l’Hippopotame,  divers  Ruminants,  parmi 
lesquels  nous  signalerons  l’Élan  , mais  on  n’y  a pas  encore  con- 
staté d’une  manière  positive  VHyœna  spelœa  ni  le  Rhinocéros  ti- 
chorinus,  qui  sont  deux  des  Mammifères  caractéristiques  du  dilu- 
vium et  de  la  plupart  des  cavernes.  Ces  deux  espèces , au  con- 
traire , ont  laissé  des  débris  dans  les  cavernes  du  midi  comme  dans 
celles  du  nord , et  tout  récemment  nous  avons  vu  chez  M.  Émilien 
Dumas,  à Sommières,  des  restes  de  l’une  et  de  l’autre  recueillis 
par  lui  dans  la  caverne  de  Pondres  (Gard). 

Toutefois  les  cavernes  du  Languedoc  devront  donner  lieu  à une 
distinction  fort  importante  et  qu’on  n’avait  point  encore  faite. 

La  plupart  , en  se  remplissant,  ont  enfoui  des  animaux  de  même 
espèce  que  ceux  des  cavernes  de  kirkdale,  de  Liège,  de  Gay- 
lenreuth  (en  Angleterre,  en  Belgique  et  en  Allemagne) , et  des 
dépôts  diluviens  d’Abbeville  , de  Paris  , etc.,  ainsi  que  des  prin- 
cipales cavernes  de  France,  celles  d’Échenoz  et  de  I’ouvent  (dé- 
partement de  la  Ilaute-Saône),  de  Brengus  ( département  du 
Lot) , etc.  ; mais  celles  de  Lunel-Viel  ne  sont  pas  complètement 
dans  le  même  cas.  Contrairement  à ce  qu’on  a reconnu  pour  la 
caverne  de  Torquay,  dans  le  Kent  (Angleterre),  qui  est  d’un  âge 
antérieur  au  dépôt  diluvien , celles  de  Lunel-Viel  renferment  au 
contraire  des  animaux  ayant  une  analogie  remarquable  avec  ceux 
qui  vivent  encore  en  Afrique , en  Barbarie  et  même  en  Europe. 
Ce  qu’il  y a de  plus  remarquable  à Lunel-Viel,  ce  sont  une  Hyène, 
(Uyœna  prisca) , une  Genette  , un  Lion  et  un  Rhinocéros,  qu’il 
nous  paraît  bien  difficile  de  distinguer  spécifiquement  de  l’Hyène 
rayée,  de  la  Genette  (europæo-barbaresque),  du  Lion  et  du  Rhi- 
nocéros africanus.  Lunel-Viel  paraît  manquer  du  Felisspelœa,  du 
Rhinocéros  lichorhinus  et  de  quelques  autres  fossiles  des  dépôts 
diluviens.  Malheureusement  parmi  les  débris  d’Éléphanl  en  très 
petit  nombre  qu’on  y a rencontrés,  on  n’a  signalé  aucun  morceau 


P.  IlERUIOi.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  DE  VAUCLUSE.  25" 
de  dent  qui  puisse  décider  de  l’espèce  (africaine  ou  plus  semblable 
à.  celle  d’Asie)  K laquelle  appartenait  l’Éléphant  enseveli  dans 
ces  cavernes. 

Ces  dépôts  d’âges  fort  divers  ne  sont  pas  les  seuls  que  nous 
pourrions  signaler,  mais  nous  manquons  encore  de  documents  re- 
lativement à ceux  dont  il  nous  resterait  à parler.  On  peut  voir 
néanmoins  qu’ils  appartiennent  aux  différentes  époques  éocène , 
miocène  et  pliocène  que  l’on  a distinguées  dans  la  période  tertiaire, 
et  que  les  terrains  diluviens  et  l’époque  actuelle  que  l’on  sépare 
souvent  des  formations  tertiaires,  quoiqu’ils  n’en  diffèrent  pas  plus 
que  ceux-ci  ne  diffèrent  entre  eux,  y sont  aussi  représentés  par  les 
fossiles  caractéristiques  du  diluvium  du  nord  et  du  centre  de, 
l’Europe,  et  de  plus  par  des  animaux  que  leur  analogie  avec  ceux 
de  l’Afrique  rend  extrêmement  curieux. 

Rappelons  aussi  que  plusieurs  brèches  osseuses  ont  été  observées 
sur  la  côte  du  Languedoc  et  particulièrement  à Cette. 

§ Ht. 

Sur  une  nouvelle  espère  de  Ptérodon  du  terrain  tertiaire  inferieur. 

Pendant  le  courant  de  l’année  dernière,  VI.  Marcel  de  Serres 
m’avait  communiqué  un  morceau  fossile  de  mâchoire  supérieure 
encore  pourvu  de  deux  molaires  , qui  fait  partie  de  son  intéres- 
sante collection.  Ce  morceau,  qu’il  jugeait  être  de  Palæothérium, 
et  qui  appartient  en  effet  à ce  genre  , avait  attiré  mon  attention, 
parce  qu’il  était  pour  moi  un  premier  indice  de  l’existence,  dans 
le  midi  de  la  France , de  terrains  tertiaires  de  lage  des  plâtres 
de  Paris. 

Ce  curieux  fossile  avait  été  recueilli  dans  le  département  de 
Vaucluse;  je  l’emportai  à Paris  pour  en  déterminer  l’espèce  d’une 
manière  précise;  et  comme  M.  de  Blainville  s’occupait  alors  de  la 
révision  des  Palæothérium  , d’après  les  pièces  mêmes  observées 
par  G.  Cuvier,  et  d’après  celles  qu’il  a lui -même  réunies,  je  le 
lui  laissai  en  communication  avec  d’autres  ossements  du  Midi. 

.l’ai  su  à mon  retour  de  Paris , en  passant  à Lyon  , que  beau- 
coup d’autres  débris  du  genre  Palæothérium  avaient  été  rencon- 
3'  série  . Zool  T V.  (Mai  1 846  ),  4 7 


‘258  P.  GERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  DE  VAUCLUSE, 
très  dans  une  localité  du  département  de  Vaucluse  voisine  d’Apt. 
à Gargas  , et  qu’avec  eux  on  trouvait  d’autres  Mammifères  dont 
les  genres  sont  également  analogues  aux  genres  des  Mammi- 
fères enfouis  dans  les  plâtrièresde  Paris.  M.  Jourdan,  professeur 
à la  Faculté  des  Sciences  de  Lyon,  et  directeur  du  Musée  d’his- 
toire naturelle  de  cette  ville , au  palais  Saint-Pierre , me  fit  voir 
une  belle  collection  de  ces  fossiles  d’Apt  qu’il  avait  réunie , et  il 
me  fit  remarquer  parmi  eux  plusieurs  espèces  de  Palæothé- 
rium  , divers  Anoplothérium  , d’autres  Mammifères  , qui  parais- 
sent être  un  Cochon  et  un  Chæropotame,  et  des  Reptiles  chélo- 
niens  et  crocodiliens.  M.  Jourdan  avait  considéré  ces  fossiles 
comme  de  l’époque  éocène , ce  qui  concorde  parfaitement  avec 
notre  manière  de  voir  Depuis  lors , nous  avons  pu  voir  au  musée 
d’ Avign  on  une  suite  également  fort  intéressai!  te  des  fossiles  du  dépôt 
éocène  d’Apt  recueillie  par  M.  Requien  , et  parmi  eux  une  espèce 
qui  manque  à la  collection  formée  par  M.  Jourdan.  Comme  ce 
dernier  naturaliste  doit  publier  très  prochainement  le  résultat  de 
ses  recherches,  nous  nous  abstiendrons  de  parler  des  fossiles  du 
musée  d’Avignon  qui  sont  analogues  aux  siens  et  même  de  ceux 
que  nous  possédons  actuellement  à Montpellier,  mais  nous  don- 
nerons quelques  détails  sur  l’espèce  que  M.  Requien  possède  seul 
jusqu’à  présent.  Celle-ci  est  un  Carnassier  que  nous  croyons  du 
même  genre  que  le  Pleroclon  parisiemè.  Mammifère  fort  sin- 
gulier qui  avait  été  indiqué  d’abord  par  Cuvier  comme  une 
espèce  de  Dasyure.  Ce  genre  Ptérodon  est  aussi  un  fossile  des 
plâtres  de  Montmartre , et  sa  découverte  à Apt  vient  confirmer 
notre  opinion  et  celle  de  M.  Jourdan  sur  l’âge  du  dépôt  dont  il 
provient. 

Ce  point  n’est  pas  le  seul  dans  le  Midi  où  l’on  trouve  des  fos- 
siles de  la  même  époque.  Le  terrain  d' Apt  paraît  être  une  sorte  de 
lignite  : un  dépôt  semblable  existe  à Digne  ( Gard  ) , et  renferme 
aussi  des  débris  de  Palæotbérium  ; nous  en  avons  vu  quelques  os 
dans  l’intéressante  collection  de  M.  Émilien  Dumas,  à Sommières  ; 
et  d’après  ce  que  nous  a dit  ce  savant  géologue , M.  d’Hombres 
Firmas  a recueilli  des  débris  analogues  auprès  d’Alais. 

Ajoutons  que  si  le  dépôt  d’Apt  paraît  contemporain  de  celui 


P.  CRR  VAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  D2  VAUCLUSE.  250 
desgypses  de  Paris,  ses  espèces  et  telles  de  cette  localité  ne  sont 
pas  toutes  identiques,  mais  plutôt  congénères.  Elles  ont  aussi  une 
grande  analogie  avec  celles  du  terrain  éocène  de  Bordeaux  douta 
parlé  G.  Cuvier,  et  avec  celles  de  l’ile  de  Wight,  que  M.  Owen 
vient  de  décrire  dans  son  ouvrage  sur  les  Mammifères  et  les 
Oiseaux  fossiles  de  l’Angleterre.  Nous  donnerons  à l’espèce  de 
Pterodcm  d’Apt  le  nom  de  Pterodox  Reqi  iem. 

Deux  fragments  recueillis  par  M.  Requien  nous  paraissent 
appartenir  à cette  espèce.  L’un  est  un  morceau  de  maxillaire 
supérieur  qui  porte  encore  une  dent  molaire  à peu  près  entière . 
et  les  racines  de  deux  autres  dans  leurs  alvéoles  ; le  second  est 
une  dent  carnassière  d’une  forme  toute  spéciale  , et  que  nous 
croyons  être  la  dernière  molaire  supérieure  droite  du  même 
animal. 

La  dent  implantée  dans  le  morceau  de  maxillaire  supérieur  a 
sa  principale  pointe  cassée  , et  en  avant  et  en  arrière  de  celle-ci 
une  autre  pointe  surbaissée,  l’antérieure  étant  la  plus  forte.  Elle  a 
aussi  un  talon  interne  placé  sous  sa  grande  pointe.  Elle  ne  ressem- 
ble à aucune  dent  des  Hyènes,  desFelis  ni  desCanis,  maison  pour- 
rait, jusqu’à  un  certain  point , la  comparer  à la  carnassière  supé- 
rieure des  Ours  et  des  Ratons,  bien  qu’il  soit  assez  facile  de  l’en 
distinguer  par  lacomparaison.il  est  impossible  de  ne  pas  la  trouver 
fort  semblable  à la  dent  moyenne  de  la  figure  du  Ptérodon,  publiée 
par  M.  de  Blainville  dans  son  Osléograpltie  des  Subursus , pl.  1 2. 
Cependant , on  peut  juger  par  les  racines  restées  en  place  que  les 
deux  dents  antérieures  à celle-là  devaient  avoir  le  talon  interne 
plus  saillant  que  dans  le  Pterodon  parisien  se.  La  dent  en  place  ou 
celle  décrite  ci-dessus  a 0,015  dans  son  diamètre  antéro-posté- 
rieur, et  0,012  de  diamètre  transversal  au  talon.  Le  morceau 
dans  lequel  cette  dent  est  implantée  est  un  fragment  de  maxil- 
laire supérieur  gauche.  La  longueur  de  l’espace  occupé  par  la 
dent  et  par  les  deux  alvéoles  de  la  dent  qui  la  précèdent , est  de 
0,030.  La  place  occupée  par  la  racine  de  la  dent  la  plus  anté- 
rieure mesure  0,006  transversalement , et  l’autre  ou  la  plus  forte 
des  deux  0,011 . 

L’autre  dent  dont  nous  pouvons  parler  est  isolée , cassée  au 


260  F.  «ERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  l>F.  VAUCLUSE. 

collet,  mais  à couronne  entière.  C’est  une  carnassière  qu'on  ne 
peut  confondre , ainsi  que  nous  l’avons  dit , avec  celle  d’aucun 
Carnivore. 

Elle  se  distingue  de  la  carnassière  des  Hyènes  et  des  Felis  en 
ce  quelle  manque  du  talon  antéro-interne  qui  caractérise  celle- 
ci  , et  du  denticule  surbaissé  qu’elle  porte  en  avant.  Une  pointe 
tranchante  , étroite  , à sommet  aigu  , répond  au  denticule  prin- 
cipal de  la  carnassière  supérieure  des  Felis  et  des  Hyènes  ; et  le 
denticule  postérieur  , ou  plutôt  l’aile  de  la  carnassière  des  mêmes 
animaux , qui  n’est  séparée  de  la  pointe  antérieure  que  par  une 
faible  échancrure,  est  presque  deux  fois  aussi  longue  qu’elle,  cou- 
pée obliquement  suivant  une  ligne  qui  va  de  la  partie  posté- 
rieure de  son  collet  au  sommet  de  la  pointe  antérieure.  Cette  dent 
ne  ressemble  pas  non  plus  à la  carnassière  des  Canis  ; mais  elle 
rappelle  davantage  la  dent  postérieure  de  la  figure  du  Ptérodon  , 
publiée  dans  l’ouvrage  de  M.  de  Blainville.  Toutefois  ce  n’est  pas 
cette  dent  elle-même , car  sa  forme  diffère  à quelques  égards,  et 
nous  la  croyons  une  molaire  carnassière  qui  manquerait  dans  le 
fragment  observé  par  Cuvier  et  M.  de  Blainville.  Ceci  donnerait 
aux  Ptérodons  plusieurs  dents  carnassières,  comme  Fr.  Cuvier  l’a 
admis  pour  les  genres  Thylacyne  et  Sarcophile  de  la  famille  des 
Didelphes  dasyuriens , et  comme  on  le  voit  à la  mâchoire  infé- 
rieure de  l’Hycenodon.  Le  Ptérodon  d’Apt , cet  éocène  animal 
que  nous  donnons  cependant  comme  un  Carnivore , et  non  comme 
un  Didelphe  . jusqu’à  ce  qu’il  soit  mieux  connu  , aurait  donc  une 
véritable  analogie  sous  le  rapport  de  son  système  dentaire  avec 
certains  Didelphes  carnassiers.  La  face  antérieure  de  ht  dent 
qui  nous  occupe  est  plane  et  verticale. 

Voici  les  dimensions  de  cette  dent  : 

Diamètre  antéro-postérieur , 0,022  : diamètre  transverse  en 
avant . près  le  collet , 0,010  : hauteur  verticale  à la  même  face, 
0,016  ; plus  grande  hauteur  à la  face  externe , 0,018  ; hauteur  à 
la  séparation  du  grand  denticule  antérieur  et  de  l’aile , 0,016  ; 
longueur  antéro-postérieure  de  l’aile,  0,016;  hauteur  à son 
extrémité  postérieure , 0,003. 


P.  SERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSII.ES  UE  VAUCI.USE.  261 

§ iv. 

Sur  une  espèce  non  décriie  d’Hyène  fossile  du  terrain  supérieur 
de  Cucuron. 

MM.  de  Christol  et  Matheron  (1)  ont  signalé  à Cucuron,  petite 
localité  du  département  de  Vaucluse , un  gisement  remarquable 
de  Mammifères  fossiles,  dont  la  principale  espèce  est  une  sorte 
de  Cheval  tridactyle  ; le  premier  de  ces  naturalistes  a fait  de  cette 
espèce  remarquable  de  la  famille  des  Chevaux  un  genre  particulier 
sous  le  nom  à' H ippar ion  ; il  donne  la  détermination  suivante  des 
autres  fossiles  enfouis  avec  rilipparion  : un  Mouton,  un  Bœuf, 
un  Cerf  de  la  taille  de  l’Élaphe  et  une  Hyène. 

En  passant  dernièrement  à Avignon  , j’ai  cherché  à voir  des 
débris  de  ces  différents  animaux  , et  je  me  suis  naturellement 
adressé,  pour  y parvenir,  à41.  Requien,qui  est  vraiment,  par  son 
obligeance  et  son  savoir,  la  providence  des  naturalistes  et  des  ar- 
tistes qui  visitent  le  département  de  Vaucluse.  M.  Requien,  qui  a 
fondé  et  qui  dirige  le  musée  d’Avignon , m’a  communiqué  les 
fossiles  de  Cucuron  qu’il  avait  déposés  dans  ce  bel  établissement. 
J’en  dois  aussi  quelques  uns  à M.  Eugène  Raspail,  auteur  d’une 
monographie  très  bien  faite  des  montagnes  de  Gigondas  et  de  la 
description  du  singulier  Reptile  des  terrains  néocorniens  qu’il  a 
découvert  et  nommé  N eustosaurns  Gigondarum. 

Je  ne  parlerai  point  ici  des  débris  d’IIipparion  que  j’ai  vus  à 
Avignon  ou  que  je  dois  à la  générosité  de  MM.  Requien  et  Ras- 
pail ; car  M.  Jourdan  , professeur  à Lyon  , m’a  aussi  montré  un 
très  beau  pied  du  même  animal,  et  il  se  propose  d’en  publier  pro- 
chainement la  description. 

Le  Mouton  signalé  à Cucuron  l’a  été  d’après  des  cornes  qui 
doivent  avoir  0,10  environ  de  longueur,  et  d’après  des  dents  et 
quelques  os.  Nous  ne  saurions  préciser  encore  ses  caractères. 

Le  Cerf  etje  Bœuf  nous  sont  encore  inconnus  en  nature  ; mais 
nous  avons  observé  le  Sanglier  d’après  un  morceau  de  maxillaire 
supérieur  portant  encore  la  dernière  molaire  du  côté  droit.  Cette 


I innales  des  Sciences  et  de  I Industrie  du  midi  de  Ui  Fiance,  l lit  (1R32; 


262  P.  «EKt'AI».  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  LUS  VAUCLUSE, 
dent  est  plus  grosse  que  sa  correspondante  dans  les  Sangliers  des 
sables  marins  de  Montpellier  et  des  cavernes  de  Lunel-Viel. 
Voici  ses  dimensions  : diamètre  antéro-postérieur,  U, 045  ; dia- 
mètre transverse  à la  colline  antérieure,  0,030  ; à laseconde  col- 
line, 0,025;  à la  dernière  ou  talon,  0,015. 

Le  morceau  le  plus  intéressant  parmi  ceux  que  nous  a prêtés 
M.  Requien  appartient  à Y Hyène,  et  il  nous  permettra  de  démon- 
trer que  l’espèce  de  ce  genre  qui  est  enfouie  avec  les  Ilipparions 
de  Cucuron  n’est  ni  Y Ilyœna  spelcea  des  cavernes,  ni  l’Hyène  si 
semblable  à l’Hyène  rayée  ( Ilyœna  vulgaris)  qu’on  trouve  dans 
les  cavernes  de  Lunel-Viel  ( Hérault)  et  dans  quelques  terrains 
supérieurs  de  l’Auvergne.  C’est  une  espèce  tout-à-fait  distincte 
de  celles  qu’on  a décrites  jusqu’ici,  soit  à l’état  fossile,  soit  à l’état 
vivant;  nous  la  nommerons  IIyæna  uiimmrionum. 

La  pièce  fossile  sur  laquelle  nous  nous  fondons  est  un  fragment 
de  mâchoire  supérieure  droite  ayant  encore  quatre  molaires.  Au 
premier  aspect  on  reconnaît  ce  morceau  pour  appartenir  au  genre 
Hyène,  quoique  la  dernière  dent,  qui  est  d’ailleurs,  comme  chez 
les  Hyènes,  une  tuberculeuse  transverse,  soit  plus  forte  que  sa  cor- 
respondante dans  les  Hyènes  rayée  et  brune  ( Ilyœna  vulgaris 
et  fusca  ) , et  beaucoup  moins  rentrée  à la  partie  postéro-interne 
de  la  carnassière  que  dans  cette  espèce  et  dans  ses  analogues 
fossiles  (Ilyœna  prisca  de  Lunel-Viel  et  //.  arvernensis  de  la 
montagne  de  Perrier).  La  grosseur  de  la  première  des  quatre 
molaires  restantes  et  sa  forme  montrent  bien  qu’elle  n’était  pas 
l’analogue  de  la  première  fausse-molaire  des  Felis , et  qu’il  exis- 
tait en  avant  d’elle  une  autre  molaire  comme  dans  les  Hyènes. 

La  molaire  carnassière  a aussi  la  forme  de  celle  des  Hyènes,  et 
fait  bien  voir  que  le  fragment  dont  nous  parlons  n’appartient  pas 
non  plus  à un  Canis.  C’était  une  Hyène  ayant  sans  doute,  comme 
les  Hyènes,  cinq  molaires  supérieures,  ou  bien  ayant  au  moins  les 
cinq  dents  de  ces  dernières,  avec  cette  différence  que  la  posté-  j 
rieure  était  sur  la  même  ligne  que  les  autres  au  'lieu  d 'être  en 
dedans  de  lagrande  aile  de  la  carnassière.  Les  autres  dents  restées 
à notre  morceau  fossile  répondent  aux  deuxième,  troisième  et  qua- 
trième molaires  des  Hyènes  et  sont  presque  entièrement  sem- 


P.  «SERVAIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  DE  l.’ilÉRAULT.  263 
blables  à celles  de  ces  carnivores , mais  leur  talon  postérieur  est 
plus  fort  et  subtranchant.  L’aile  postérieure  de  la  dent  carnas- 
sière est  un  peu  plus  grande  et  subbilobée  : un  bourrelet  règne 
sur  la  partie  interne  de  son  collet  depuis  le  talon  antéro-interne 
usqu’auprès  de  l’extrémité  postérieure  de  l’aile;  ce  bourrelet  est 
plus  senti  que  dans  l’Hyène  rayée. 

Mais  ce  qui  distingue  surtout  notre  nouvelle  espèce  fossile  de 
l’Hyène  rayée,  et  à plus  forte  raison  de  l’Hyène  tachetée,  ainsi  que 
des  correspondantes  fossiles  de  l’une  et  de  l’autre,  c’est  la  forme 
et  la  grandeur  de  la  molaire  tuberculeuse , qui  est  d’un  volume 
bien  plus  considérable  que  celle  de  l’Hyène  rayée,  plus  grande 
même  que  celle-ci  dans  la  dentition  de  lait.  Elle  n’a  cependant 
qu’un  seul  lobe  au  lieu  de  deux  comme  dans  les  Canis;  sa  coupe 
est  prismatique  triangulaire,  avec  un  rudiment  de  bourrelet  anté- 
rieur et  postérieur  au  collet  de  la  partie  interne  ; la  partie  élevée 
du  lobe  interne  étant  subtranchante,  celle  de  l’externe  au  con- 
traire mousse.Voici  les  dimensions  de  la  carnassière  et  de  la 
tuberculeuse  : 

Longueur  de  la  carnassière,  0,026;  largeurau  talon  antérieur, 
0,015. 

Longueur  de  la  tuberculeuse,  0,009  ; largeur,  0,015. 

Un  crâne  d'Hyène  rayée  provenant  de  Barbarie  nous  a donné, 
pour  la  même  dent  tuberculeuse  les  dimensions  0,006  et  0,015. 

§ v. 

Sur  une  dent  de  Squalodon  Grateloupfi  recueillie  à Saint-Jean  de  Védas  . 
près  Montpellier. 

Le  calcaire  de  Saint-Jean  de  Védas,  tout  près  de  Montpellier, 
appartient  aux  couches  nommées  calcaire  moellon  par  M.  Marcel 
deSerres,  et  l’on  en  tire  depuis  fort  longtemps  la  plupart  des  pier- 
res de  taille  employées  à la  construction.  C’est  un  dépôt  marin  à 
couches  inclinées,  fort  riche  en  débris  de  coquilles  ou  de  polypiers, 
pt  dans  lequel  on  observe  aussi  un  grand  nombre  de  dents  de 
Squales,  des  dents  de  Daurades  et  d’autres  débris  d’animaux 


'264  P.  CibUVAl**.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  UE  l’hÉRAULT. 

marins.  Nous  avions  vu  dans  la  collection  de  M.  Marcel  de  Serres 
un  fragment  de  côte  de  Métaxythérium  provenant  d'un  terrain  qui 
dépend  de  celui-ci. 

Après  une  course  que  nous  avions  faite  à Saint  Jean  de  Yédas, 
M.  Paul  Lichtenstein  et  moi , des  ouvriers  nous  apportèrent  avec 
des  dents  de  Squales  d’espèces  diverses  une  dent  crénelée  qui  me 
parut  appartenir  à l’animal  singulier  que  4L  Grateloup  a découvert 
à Léognan,  près  Bordeaux,  et  qu’il  a décrit  sous  le  nom  de 
Squalodon. 

Voici  la  description  de  cette  dent  : 

Elle  est  comprimée,  plus  longue  que  haute,  à surface  rugueuse 
et  comme  chagrinée  sur  la  calotte  d’émail  qui  enveloppe  sa  cou- 
ronne. Elle  est  denticulée  sur  une  partie  de  son  bord  tranchant,  et 
le  serait  sans  doute  sur  tout  le  contour  de  ce  bord  sans  l’usure 
assez  avancée  à laquelle  elle  a été  soumise,  principalement  au  som- 
met et  sur  un  des  côtés  du  contour.  La  longueur  de  la  grande 
partie  usée  est  de  0,0 19.  On  voit  par  les  plis  qui  la  bordent  qu’elle 
a dû  résulter  de  la  confluence  de  plusieurs  tubercules  ou  denti- 
cules  usés  jusqu’à  sa  base.  A sa  partie  inférieure  est  encore  une 
petite  île  d’ivoire  entourée  d’émail  qui  est  un  autre  decesdenticules. 
Le  bord  opposé  en  présente  trois  semblables . mais  plus  considé- 
rables et  dont  les  deux  supérieures  sont  déjà  joints  par  un  isthme 
de  manière  à représenter  le  chiffre  8.  Une  des  faces  de  la  dent  est 
plus  convexe  que  l’autre  et  montre  une  série  oblique  de  six  très 
petits  tubercules  inéquidistants  usés  de  manière  à simuler  de  très 
petites  îles.  Le  plus  rapproché  de  l'angle  de  la  dent  est  sous  la  pre- 
mière des  petites  îles  que  nous  avons  indiquées. 

Hauteur  de  la  partie  coronale  de  cette  dent,  0,010  ou  0,01 1 , 
du  collet  au  sommet  usé.  Longueur  d’avant  en  arrière,  0,025; 
celles  de  l’individu  observé  par  M.  Grateloup  sont  plus  entières. 
La  racine  de  la  nôtre  est  cassée  ; on  voit  par  ce  qu’il  en  reste  et 
par  la  forme  du  trou  du  bulbe  qui  est  unique,  mais  à double 
canal  très  fin,  qu’elle  était  subdidyme. 

L’animal  auquel  nous  attribuons  cette  dent,  et  que  nous  nom- 
merons Sqijai.ouon  Grateloupii,  ad’abordété  considérécommeun 


P.  «.l  it»  IIS.  — MAMMIFÈRES  FOSSILES  DE  l’hÉRAL LT.  265 
Keptile  saurien  , mais  c’est  bien  un  Mammifère , et,  comme  le  fait 
remarquer  M.  Van  Beneden  d’après  l’inspection  de  la  tête  même 
découverte  par  M.  Grateloup,  il  appartient  à la  famille  des  Dau- 
phins. M.  Laurillard  (1)  a proposé  de  remplacer  son  nom  de  Squa- 
lodon  par  celui  de  Crenidelphinus , et  plus  récemment  M Pedroni 
a employé  celui  de  Delphinoides. 

Sans  contredit,  le  Squalodon  diffère  beaucoup,  par  la  forme  de 
ses  dents,  des  Dauphins  actuels,  et  le  seul  Plataniste  du  Gange  peut 
lui  être  comparé  sous  ce  rapport.  En  effet , les  dents  postérieures 
de  celui-ci  prennent  avec  l’âge  une  apparence  palmée  que  nous 
avons  surtout  vue  d’une  manière  évidente  sur  des  mâchoires  con- 
servées au  Collège  des  chirurgiens,  à Londres. 

Dans  son  Ostéographie  (genre  Phoca,  pag.  51),  M.  de  Blain- 
ville  a émis,  d’après  une  indication  dont  nous  lui  avions  fourni 
l’idée,  que  le  Squalodon  pourrait  bien  être  l’animal  dont  Scilla 
a figuré  des  dents  et  que  M.  Agassiz  a proposé  de  rapporter  à la 
famille  des  Phoques.  M.  de  Blainville  lui-même  nomme  cet  ani- 
mal Phoca  melitensis  antigua.  La  présence  du  Squalodon  du  Lan- 
guedoc nous  semble  donner  plus  de  probabilité  à ce  rapproche- 
ment, si  l’on  remarque  combien  les  dents  figurées  par  Scilla  et 
par  M.  Grateloup  paraissent  se  ressembler,  et  si  l’on  se  rappelle 
que  le  fossile  de  Scilla  provenait  de  l’ile  de  Malte,  île  qui  paraît 
avoir  un  dépôt  de  Mammifères  fossiles  du  même  âge  que  ceux  de 
Montpellier  et  de  Bordeaux. 

Avec  la  dent  de  Squalodon  de  Saint-Jean  de  Védas  étaient  deux 
fragments  de  côtes  ayant  la  structure  de  celles  des  Dauphins. 

(1)  Dict  univ  d’Hint  nal  de  d'Orbigny,  art  Dauphin,  t IV,  p 636 


2()6  P.  GERV4K  ET  MARCEL  DE  SERRES. 

§ VI. 

Sur  les  Mammifères  dont  on  a trouvé  les  restes  fossiles  dans  la  caverne  de 
Lunel-Viel  et  dans  les  sables  de  Montpellier  (1), 

Far  MM.  PAUL  CERVAIS  et  MARCEL  DE  SERRES. 

Le  midi  de  la  France,  et  en  particulier  le  département  de  l'Hé- 
rault , sont  souvent  cités  dans  les  ouvrages  de  paléontologie  pour 
leurs  nombreux  ossements  fossiles.  On  trouve,  en  effet,  dans  plu- 
sieurs points  de  ce  département  des  débris  osseux  enfouis  dans  les 
formations  tertiaires  supérieures,  et  ces  débris  appartiennent  aux 
diverses  classes  des  animaux  vertébrés.  Ceux  des  Mammifères  y 
sont  les  plus  fréquents  , et  comme  ils  peuvent  fournir  à la  géo- 
logie des  données  plus  importantes,  il  nous  a paru  préférable  de 
commencer  par  eux  la  série  des  mémoires  que  nous  avons  entre- 
prise sur  les  fossiles  du  midi  de  la  France.  Nous  ferons  connaître 
.ultérieurement  les  espèces  perdues  qui  rentrent  dans  les  autres 
classes  du  même  embranchement. 

G.  Cuvier  avait  déjà  indiqué  ou  même  figuré  dans  ses  recher- 
ches plusieurs  de  ces  débris  de  Mammifères.  Il  les  rapporte  aux 
genres  Hippopotame,  Rhinocéros,  Palœothérium  et  Lophiodon. 
Mais  ces  ossements  et  les  espèces  qu’ils  ont  fait  reconnaître  étaient 
en  bien  petit  nombre  si  on  les  compare  à ceux  que  l’un  de  nous  a 
signalés  depuis , soit  dans  la  formation  tertiaire,  soit  dans  les  ca- 
vernes à ossements  du  Languedoc  et  du  Roussillon. 

1°  Mammifères  des  cavernes.  — Les  cavernes  dont  nous  vou- 
lons parler  sont  celles  de  Bize  , de  Mialet,  d’Argon,  de  Fauzan  et 
surtout  de  Lunel-Viel. 

Les  ossements  qu’on  a recueillis  à Bize , à Mialet , etc.  , sont 
ceux  des  espèces  caractéristiques  de  la  faune  diluvienne;  ils  res- 
semblent à ceux  des  cavernes  du  Centre  et  du  Nord.  Mais  dans  la 
dernière  de  ces  localités,  c’est-à-dire  à Lunel-Viel , certaines  des 
espèces  enfouies  sont  bien  différentes.  On  y remarque  un  mélange 


(1  ) Un  extrait  de  ce  travail  a paru  dans  les  Comptes-rendus  de  l'Académie  des 
Sciences,  I.  XXII,  p 295  (16  février  1 8 46). 


MAMMIFÈRES  FOSSILES  UE  L’HÉRAULT.  267 

d’animaux  actuellement  éteints  avec  d’autres  qui  sont  fort  sem- 
blables , sinon  identiques , à ceux  qui  vivent  encore  en  Europe 
ou  en  Afrique.  Ainsi  le  Blaireau  , le  Putois,  la  Genette,  la  Loutre, 
le  Castor,  etc.,  y représentent  la  faune  europæo - barbaresque  , 
tandis  que  plusieurs  Felis  ( le  Lion  au  lieu  du  Felis  spelœa),  la 
Panthère,  une  Hyène,  qu’il  semble  bien  difficile  de  distinguer 
de  l’Hyène  rayée,  et  un  Rhinocéros  très  peu  différent  du  Rhino- 
céros africanus  (1),  établissent,  entre  les  animaux  aujourd’hui 
fossiles  à Lunel-Viel  et  ceux  qui  habitent  la  Barbarie  et  d’autres 
parties  de  l’Afrique  , une  analogie  qui  nous  paraît  toui-à-fait 
digne  d’attention.  Les  fossiles  recueillis  à Lunel-Viel  sont  pour 
la  plupart  conservés  à la  Faculté  des  sciences  de  Montpellier  dans 
les  collections  de  géologie,  et  ils  en  forment  la  principale  richesse. 

2“  Mammifères  dessables  marins.  — Les  Mammifères  conser- 
vés à l’état  fossile  dans  les  sables  fluvio-  marins  du  département 
de  l’Hérault  ne  sont  pas  moins  intéressants.  Ils  ont  déjà  fait  le 
sujet  de  plusieurs  notices  publiées  par  l’un  de  nous  , et  ils  ont 
aussi  fourni  à M.  Jules  de  Christol,  professeur  à la  Faculté  des 
Sciences  de  Dijon  , divers  mémoires  importants  (2).  Ils  nous  ont 
encore  offert  quelques  sujets  nouveaux  d'observation.  La  petite 
faune  mammalogique  que  leur  étude  permettra  de  reconstruire  , 
diffère,  sous  plusieurs  rapports  importants,  de  celle  de  Lunel-Viel, 
qui  appartient  d’ailleurs  à une  époque  bien  plus  récente. 

On  y voit  un  mélange  d’espèces  marines  qui  fréquentaient  sans 

(I  ) Celte  espèce  avait  été  considérée,  à cause  de  la  taille  des  ossements  qu'on 
en  a recueillis,  comme  étant  la  même  que  le  Rhinocéros  minutus  de  G.  Cuvier, 
dont  les  seules  parties  connues  proviennent  de  Moissac  (Lot-et-Garonne);  mais 
elle  en  différé  . ainsi  que  des  autres  Rhinocéros  fossiles  de  France  (RI i.  tichorinus, 
magarhinus  et  incisions).  Le  fragment  de  mâchoire  supérieure  figuré  dans  les 
Recherches  sur  les  ossements  humaliles  de  Lunel-Viel  ( pl.  12  , fig  I ) appartient  a 
un  individu  assez  jeune;  il  ne  diffère  que  fort  peu  de  la  même  partie  dans  le  Rh. 
africanus,  ainsi  que  l’un  de  nous  s'en  est  récemment  assuré  par  la  comparaison  de 
ce  fragment  avec  un  crâne  d'Afrique  appartenant  au  Muséum  de  Paris.  Nous 
devons  ajouter  que  M . de  Blainville , a qui  dons  avons  communiqué  ce  fossile  pour 
son  grand  travail  sur  les  Rhinocéros  (Ostéographie , fascicule  20,  I 846),  ne  croit 
pas  devoir  le  distinguer  du  Rli  leptorliinus  ou  megarhinus  de  nos  sables  marins 

(2)  Innales  des  Sciences  naturelles , 2r  série. 


P.  UtUVIK  ET  MARCEL  UE  SERRES. 


268 

doute  la  petite  baie  dans  laquelle  les  sables  se  sont  accumulés  , 
et  d’espèces  terrestres  dont  les  cours  d’eau  y déposaient  les  débris 
en  même  temps  que  le  sable  qui  les  recouvre.  Avec  ces  espèces  de 
Mammifères  sont  des  ossements  d’Oiseaux , de  Chéloniens , de 
Crocodiles  et  de  Poissons  marins.  11  y a aussi  des  coquilles  ter- 
restres et  marines,  et  parmi  ces  dernières,  qui  sont  les  plus  répan- 
dues , des  Huîtres,  quelquefois  disposées  en  bancs  qui  ont  une 
assez  grande  étendue. 

a)  Les  espèces  terrestres  de  Mammifères , dont  on  a reconnu  la 
présence  au  milieu  des  sables  dont  il  est  ici  question,  appartiennent 
aux  genres  suivants  : 

Ours,  Ursus.  — Une  espèce  indéterminée.  Le  genre  en  a été  constaté 
d'une  manière  certaine  d’après  une  arrière-molaire  tuberculeuse , dé- 
couverte dans  les  sables  sur  lesquels  est  bâtie  la  citadelle  de  Montpel- 
lier (1). 

Fklis. — Une  espèce  à peu  près  grande  comme  le  Serval.  Nous  en 
avons  un  fragment  de  mâchoire  encore  garni  de  ses  trois  molaires. 

Mastodonte  , Mastodon.  — L’espèce  que  nous  nommerons  Mastodon 
brevirostre  (2)  nous  paraît  différer  de  celle  du  Gers,  de  l’Orléanais , de 
la  Hesse  , etc.  ; ses  molaires  étaient  plus  larges  ; sa  mâchoire  inférieure 
avait  une  symphyse  courte,  et  non  prolongée  en  gouttière  allongée  et 
armée  de  défenses  : caractères  que  fl  M.  Kaup  et  de  Blainville  ont  reconnus 
à la  mâchoire  inférieure  du  Mastodon  angustidens  ou  longirostre.  I.es  inci- 
sives supérieures  étaient  néanmoins  en  forme  de  défenses , et  garnies 
d une  bande  étroite  d’émail,  comme  chez  le  Mastodon  angustidens.  Les 
os  de  ce  Mastodonte  de  l’Hérault  sont  assez  fréquents  ; on  les  a pris  quel- 
quefois pour  ceux  de  l’Éléphant,  auxquels  ils  paraissent  ressembler  plus 
que  ceux  du  Mastodonte  miocène. 

(1)  Le  genre  Hyène  a été  supposé  plutôt  que  démontré  ; l'un  de  nous  lui  a 
provisoirement  attribué , dans  une  publication  antérieure , des  canines  et  des  pe- 
lotes d'album  grœcum.  On  ne  saurait  encore  en  indiquer  l'espèce. 

(2)  L un  de  nous  (Jl.  Gervais)  vient  de  constater  dans  la  riche  collection  de 
M.  Bravard  qu'il  y aussi  en  Auvergne  un  Mastodonte  d'espèce  particulière  , ainsi 
que  l'ont  pensé  les  paléontologistes  de  ce  pays.  Un  squelette  presque  entier,  que 
M Bravard  vient  de  découvrir  aux  environs  dlssoire,  ne  permet  plus  le  doute  a, 
cet  égard.  Le  Mastodonte  d’Auvergne  se  rapproche  , par  la  forme  de  ses  mo- 
laires et  quelques  autres  particularités,  que  M.  Bravard  fera  sans  doute  con- 
naître prochainement , du  Mastodon  tapi  roules  de  MM  Lartet  et  de  Blainville, 
du  Mast.  giganleum  et  même,  jusqu'à  un  certain  point,  du  Dinothérium . 


MAMMIFÈRES  FOSSILES  I)E  I.  HÉRAULT.  1269 

Rhinocéros.  — Espèce  intermédiaire  aux  Rhinocéros  tichorhinus  ci 
incisivus  de  Cuvier,  mais  distincte  néanmoins  de  l’un  et  de  l’autre  , 
comme  M.  de  Christol  l'a  démontré.  Ce  Rhinocéros,  qui  est  également 
différent  de  celui  de  Lunel-Viel,  a d’abord  été  nommé  l Viinocéros  de 
Montpellier  (Marcel  de  Serres,  Journal  de  physique ) ; Cuvier  l’a  considéré 
R tort  comme  le  Rh.  tichorhinus,  d’après  le  dessin  qui  lui  fut  envoyé  d’un 
crâne  encore  conservé  à l’évêché  de  Montpellier;  M.  de  Christol  l’a  dé- 
crit sous  le  nom  de  Ithinoceros  megarhinus.  Il  est  possible,  ainsi  qu’on  en 
a déjà  fait  la  remarque , qu’il  ne  diffère  pas  de  celui  d’Italie,  dont  Cuvier 
a parlé  sous  le  nom  de  Rh.  leptorhinus , et  dont  M.  Owen  vient  de  re- 
trouver des  traces  assez  nombreuses  en  Angleterre , dans  un  terrain  qui 
est  aussi  de  l’époque  pliocène.  Le  Rhinocéros  de  Montpellier  avait  à la 
mâchoire  inférieure  deux  incisives  à peu  près  semblables  pour  la  forme  à 
celles  qu’on  voit  entre  les  dents  cauiniformes  des  Rhinocéros  de  l’Inde, 
delà  Sonde  et  incisivus.  Ces  deux  dents  sont  en  place  dans  une  des  man- 
dibules appartenant  à la  Faculté.  Une  autre  mandibule  en  montre  les  al- 
véoles et  entre  elles  deux  alvéoles  plus  petites.  La  symphyse  mandibu- 
laire  de  ce  Rhinocéros  a une  forme  très  caractéristique. 

Tapir  , Tapiras.  — Des  fragments  de  mâchoire  inférieure  et  des  mo- 
laires établissent  une  grande  analogie  entre  l’espèce  de  ce  Tapir  et  celle 
d’Auvergne  ; mais  la  taille  du  nôtre  est  un  peu  moindre. 

Cheval  , Equus.  — On  en  trouve  des  dents  et  des  os  dans  les  assises 
supérieures  des  sables  fluvio-marins. 

Sanglier  , Sus.  — Parait  différer  un  peu  du  Sus  prisais  de  Lunel-Viel  ; 
il  a été  reconnu  sur  l’inspection  de  dents  molaires. 

A ces  sept  genres,  il  faut  en  ajouter  plusieurs  de  l’ordre  des  Rumi- 
nants fRuiuinants  à bois  et  à étuis  cornés),  mais  dont  il  nous  est  encore 
impossible  de  définir  les  espèces  d’une  manière  suffisante. 

Une  molaire  de  Castor  a été  recueillie  dans  le  sol  même  sur  lequel  est 
bâtie  la  Faculté  des  Sciences,  dans  une  marne  à coquilles  terrestres 
à une  faible  distance  de  la  terre  végétale  (1),  mais  cependant  au-dessous 
de  quelques  lits  de  sables. 

Nous  manquons  encore  de  pièces  pour  démontrer  d’une  manière  cer- 
taine la  présence  dans  les  sa' les  fluvio-marins  des  genres  Éléphant , 
Hipoarion  , Anthracotherium  , I.ophiodon  , J'alœolherium  , Hippopotame  , 
et  de  quelques  autres  qu’on  y a signalés  2)  et  nous  ne  serions  pas  éton- 
nés que  plusieurs  d’entre  eux  n’y  existassent  réellement  pas. 

( I j Tout  récemment  on  a trouvé  sous  lePalais-de-Justice,  dans  un  terrain  qui  est 
la  continuation  de  celui-ci,  une  mandibule  inférieure  gauche  de  Castor,  quelques 
fragments  de  Rhinocéros  et  de  Bœuf,  ainsi  que  des  coquilles  terrestreset  Ou  viables. 

(ï,  M de  Christol  (Ann.  Sc.  et  Industr  du  midi  de  ta  France  t II,  p 15  : — 


'210  P.  GERVAIS  ET  MARCEL  DE  SERRES. 

b)  Passons  maintenant  à l’énumération  des  espèces  marines  , 
dont  on  trouve  les  débris  dans  les  sables  marins  mêlés  à ceux  des 
animaux  terrestres  dont  il  vient  d’être  question.  Elles  appartien- 
nent à quatre  genres  différents  : Balœna , Physeter,  Delphinus  et 
Metaxytherium. 

Une  moitié  de  mâchoire  inférieure  , déterrée  depuis  fort  longtemps  , 
démontre  la  présence  d'une  espèce  de  Baleine  ou  de  Rorqual  dans  les 
eaux  au  fond  desquelles  les  sables  se  sont  déposés.  Plusieurs  dents  y 
signalent  un  Cachalot  ( Physeter ) d’une  taille  moins  grande  que  le  Ca- 
chalot actuel.  I.e  genre  Dauphin  (Delphinus)  y est  indiqué  par  quelques 
vertèbres. 

Quant  au  quatrième,  le  genre  Metaxytherium  de  M.  de  Christol,  les 
débris  qu'il  a fournis  sont  nombreux.  I.es  rapports  des  Metaxylheriums 
avec  le  Dugong,  déjà  établis  par  les  recherches  de  ce  naturaliste  et  de 
M.  de  Blainville,  sont  pleinement  confirmées  par  nos  observations.  Nous 
nous  contenterons  d’indiquer  entre  ces  deux  genres  d’animaux  deux  nou- 
veaux traits  de  ressemblance  qui  viennent  s'ajouter  à ceux  que  l’on  a 
précédemment  observés  : t"  bes  os  incisifs , que  nous  possédons  entiers, 
avaient  la  même  forme  que  ceux  du  Dugong  et  la  même  direction.  Ils 
logeaient  également  une  paire  de  fortes  dents  comparables  à des  dé- 


t 832)  cite  on  canon  de  son  Hipparion  dans  les  sables  marins  supérieurs  de  Mont- 
pellier: il  mentionne  aussi  (ibid.,  p.  17)  le  petit  Hippopotame  de  Cuvier. 

Le  Palœotherium  de  l’Hérault,  signalé  par  Faujas  Saint-Fond  et  G.  Cuvier,  est 
de  Saint-Geniez , où  il  a été  recueilli  en  1780  : c'est  un  fragment  de  mâchoire 
inférieure.  Cuvier  le  rapporte  au  Palœotherium  aureliense  (t.  lit,  p.  256,  pl  63. 
fig.  17). 

L'indication  des  Lophiodon  a aussi  été  donnée  par  Cuvier  (t.  Il,  p.  217),  mais 
d'après  quelques  dents  du  faubourg  Boutonnet , à Montpellier.  L'auteur  ne  les 
avait  plus  sous  les  yeux  lorsqu'il  en  parla;  il  les  avait  vues  en  I 809,  chez  G. -A 
Deluc. 

L’ Anlhracotherium  ne  nous  parait  pas  mieux  démontré. 

Quant  à V Hippopotame  (Cuvier,  t.  I,  p.  311,  pl.  1,  fig  2),  il  n'est  pas  dou- 
teux comme  genre.  On  peut  même  dire , avec  Cuvier,  que  c'est  l'espèce  ordinaire 
d'Europe;  mais  il  n'est  pas  certain  qu'il  soit  des  environs  de  Montpellier  Cuvier 
le  suppose  des  bords  de  la  Mosson  simplement  par  induction  On  pourrait  aussi , 
en  s'appuyant  sur  les  raisons  qu’il  allègue,  croire  que  ce  fragment  vient  de  Pézé- 
nas.  Et  en  effet,  nous  avons  des  restes  d' Hippopotame  qui  ont  été  recueillis  auprès 
de  cette  ville  Cuvier  cite  néanmoins  Antoine  de  Jussieu  comme  ayant  eu  des  dé- 
bris d'Hippopotame  trouvés  sur  les  bords  de  la  Mosson 


OWEX.  Slîlï  LE  DICVXODON.  271 

f dises.  Ces  dents,  que  nous  ne  connaissons  encore  qne  par  leurs  alvéoles, 
(levaient  être  semblables  â celles  du  fossile  des  bords  du  Pô,  décrit  par 
MM.  Bruno  et  de  Blainville  sous  le  nom  de  Cheirotherium  ou  I fanatus 
Brochii.  2"  Lasympbysedelamàcboireinférieure  présentait  aussi  la  même 
forme  que  dans  le  Dugong.  A sa  face  antéro-supérieure  était  également 
un  long  aplatissement  sur  lequel  reposait , par  sa  face  inférieure  et  pos- 
térieure , la  partie  descendante  des  os  incisifs.  Sur  cette  surface  aplatie 
de  la  symphyse  menlonnière , on  aperçoit  encore  les  traces  de  cinq 
paires  d’alvéoles  rudimentaires , qui  rappellent  très  bien  celles  que 
recouvre  la  plaque  cornée  du  Dugong. 

Le  Metaxytherium  de  Montpellier  ressemble  beaucoup  par  sa  taille  et 
par  la  forme  de  ses  dents  molaires  h ceux  de  Blaye  et  d’Etrichy,  près 
d’Étampes  ( les  Manatus  dubius  et  Guettardi , Blainv.). 

Nous  avons  entrepris  sur  les  fossiles  d’espèces  terrestres  et 
aquatiques  que  l’on  trouve  dans  les  sables  fluvio-marins  de  l’Hé- 
rault un  ouvrage  descriptif.  Dans  cet  ouvrage  les  principales  piè- 
ces sur  lesquelles  repose  la  distinction  de  nos  espèces  seront  fi- 
gurées avec  soin.  11  sera  conçu  d’après  le  même  plan  que  celui 
qu’a  publié  l’un  de  nous  sur  les  fossiles  de  Lunel-Viel  avec  la  col- 
laboration de  MM.  le  professeur  Dubreuil  et  le  docteur  Jeanjean. 
Cet  ouvrage  ne  tardera  pas  à paraître.  Quatre  planches,  qui  doi- 
vent en  faire  partie  , sont  déjà  lithographiées  et  ont  été  déposées 
sur  le  bureau  de  l’Académie  des  Sciences  de  Paris  (1) , en  même, 
temps  que  le  mémoire  que  nous  imprimons  aujourd’hui. 


Description  de  quelques  crânes  fossiles  trouvés  par  M.  Bain  dans  une  couche 

DE  GRÈS  A L EXTRÉMITÉ  SUD-EST  DE  L’AFRIQUE,  ET  CONSTITUANT  UN  NOUVEAU  GENRE 

de  Reptiles  (le  Dictnodos).  dass  l’ordre  des  Sauriens,  par  M.  Owen  ( Trans . 

de  la  Soc.  tjéol  de  Londres,  V série,  t.  II.  2-  partie.  — Extrait). 

Les  Reptiles  dont  ces  crânes  démontrent  l'existence  ne  sont  point  encore 
connus  par  l’ensemble  de  leur  squelette  d'une  manière  qui  permette  de  fixer  dé- 
finitivement leurs  rapports  zoologiques;  mais  les  crânes  ont  été  étudiés  par 
M.  Owen  avec  la  sagacité  et  le  soin  qui  caractérisent  tous  les  travaux  de  cel 
éminent  paléontologiste,  et  leur  examen  fournit  des  données  précieuses  sur  les 
affinités  et  les  formes  probables  de  ces  animaux. 

Ils  ne  présentent  complètement  les  caractères  d’aucun  des  ordres  dans  les- 
quels on  divise  aujourd  hui  les  Reptiles,  et  ils  semblent  devoir  former  un  groupe 
nouveau.  Toutefois,  si  on  les  compare  à chacun  de  ces  ordres,  on  trouvera  des 


(I)  Séance  du  16  février  1846 


nni:\. 


SL  H LE  I>ICVNODO\. 


272 

différences  d une  importance  inégale,  qui  semblent  démontrer  une  analogie  plus 
grande  avec  les  Sauriens  qu'avec  les  autres. 

Leurs  os  maxillaires  supérieurs  grands  et  immobiles , et  leurs  arcades  zygo- 
matiques complètes  et  fortes  qui  s'étendent  jusqu’à  Los  tympanique,  empêchent 
de  les  rapprocher  des  Ophidienset  des  Batraciens.  Leurs  rapports  avec  les  autres 
ordres  sont  moins  éloignés,  ils  se  rapprochent  des  Croc.odiliens  par  la  forme  des 
parties  occipitales  du  crâne,  et  en  particulier  par  la  large  surface  continue  que 
forment  les  pariétaux  et  les  occipitaux  au-dessus  du  condyle  et  du  trou  occipital. 
Leur  tête  courte  et  arrondie  leur  donne  quelques  rapports  de  forme  avec  les 
Chéloniens , dont  ils  se  rapprochaient  peut-être  aussi  par  la  forme  dés  parties  an- 
térieures du  museau  . qui  étaient  probablement  revêtues  de  corne.  Mais , à côté  de 
c.ps  analogies,  ces  Reptiles  fossiles  diffèrent  de  tous  les  Crocodiliens  et  Chélo- 
niens connus  par  des  caractères  d une  haute  importance,  et  en  particulier  par 
l'ouverture  nasale,  qui  pst  double,  par  la  réunion  des  os  intermaxillaires  en  un 
seul , et  par  le  peu  de  largeur  des  parties  antérieures  de  la  boite  crânienne. 

Leurs  rapports  paraissent  plus  réels  avec  la  division  si  nombreuse  et  si  variée 
des  Lacertiens.  Ce  n’est,  en  effet,  que  chez  ces  derniers  que  I on  trouve  aujour- 
d’hui la  réunion  des  intermaxillaires , les  narines  distantes  l'une  de  l’autre,  la 
boite  crânienne  comprimée  en  avant,  etc.  La  forme  du  condyle  et  quelques  autres 
caractères  de  détail  confirment  d'ailleurs  cette  analogie . que  M.  Ovven  résume  en 
disant  que  ces  crânes  sont  formés  sur  un  type  lacertien  avec  quelques  modifica  - 
lions  chéloniennes  et  crocodiliennes,  et  plusieurs  caractères  spéciaux. 

Mais  ce  qui  distingue  le  plus  complètement  ces  Reptiles  de  tous  ceux  que  I on 
connaît , c’est  la  présence  de  deux  grandes  dents  a la  partie  postérieure  de  la 
mâchoire  supérieure , tandis  que  le  reste  de  la  bouche  en  est  dépourvu.  Ces  dents 
sont  en  forme  de  défenses,  semblables  à de  grandes  canines  de  Mammifères, 
longues,  arquées  et  pointues  ; elles  rappellent  un  peu  celles  du  Musc  , du  Morse 
et  du  Machairodus.  Un  tiers  de  leur  longueur  environ  est  enchâssé  dans  l’alvéole, 
et  elles  présentent  à leur  base  une  cavité  pulpeuse  conique. 

L’examen  microscopique  de  ces  dents  montre  qu  elles  n ont  aucune  analogie 
avec  celles  des  Reptiles  inférieurs , et.  en  particulier,  avec  celles  des  Labyrintlio- 
dontes.  Elles  ressemblent,  au  contraire,  à celles  des  Crocodiliens,  et  ont  même  les 
tubes  de  la  denline  encore  plus  serrés,  ce  qui  les  rapproche  des  canines  des  Car- 
nassiers. La  forme  de  ces  dents,  leur  direction  et  leur  pointe  aigue  peuvent  faire 
penser  qu’elles  ont  servi  à l'animal  d'armes  offensives  et  défensives,  et  qu’elles 
n’ont  pas  été  employées  à creuser  la  terre  ou  à arracher  des  végétaux. 

De  tous  les  Reptiles  connus  , celui  auquel  on  peut  peut-être  le  mieux  comparer 
ces  crânes  est  le  Rhynchosaurus  du  nouveau  grès  rouge,  qui  a des  mâchoires  sans 
dents,  dont  l’extrémité  était  probablement  revêtue  de  corne,  et  qui  présente 
avec  eux  des  rapports  nombreux  dans  la  disposition  des  os  de  la  tête.  Mais  l'ab- 
sence des  deux  canines  et  la  séparation  des  intermaxillaires  sont  des  caractères 
importants  qui  rendent  cette  analogie  peu  intime. 

M.  Owen  a donné  à ces  fossiles  africains  le  nom  de  Dicvnodon  , qui  est  formé 
de  <3iç , deux,  et  de  xuviôou;  , mot  appliqué  par  Hippocrate  aux  dents  canines.  On 
en  connaît  déjà  quatre  espèces.  Le  savant  paléontologiste  anglais  annonce  la  pro- 
chaine publication  d’un  Mémoire  sur  quelques  os  du  corps;  les  vertèbres  sont  sub- 
biconcaves,  comme  dans  la  plupart  des  Reptiles  fossiles;  ce  caractère,  qui 
rappelle  la  classe  des  Poissons , peut  faire  présumer  que  les  Dicynodons  étaient 
aquatiques.  ( sibl.  nniv.  Cm.  s.ippl  , m>  s.  ir>  »i„r>  isus 


RECHERCH ES 


273 


ANATOMIQl' ES  ET  ZOOLOGISTES 

St  T,  LE  SYSTÈME  NERVEUX  DES  ANIMAUX  SANS  VERTÈBRES: 

Par  M.  ÉMILE  BLANCHARD 


IU;  SYSTÈME  NERVEUX  I>ES  INSECTES. 

MEMOIRE  SUR  LES  COLÉOPTÈRES. 


CHAPITRE  I. 

Considérations  générales. 

Dans  certains  groupes  du  règne  animal,  particulièrement  chpz 
les  animaux  les  plus  inférieurs,  on  ne  tarde  pas  à reconnaître 
combien  il  est  nécessaire  d’étudier  leur  organisation  pour  ne  pas 
se  méprendre  sur  leurs  affinités  naturelles. 

Dans  d’autres  groupes,  au  contraire  , les  formes  générales  du 
type  étant  plus  caractéristiques,  toutes  les  modifications  de  l’en- 
veloppe extérieure  pouvant  être  saisies  et  formulées  de  manière  à 
caractériser  chaque  type,  l’étude  de  l’organisation  considérée 
entre  des  types  voisins  ne  semble  pas,  au  premier  abord  , devoir 
être  d’une  utilité  aussi  immédiate. 

C’est  ainsi  que  la  classe  des  Insectes , objet  de  tant  de  travaux . 
de  tant  de  classifications , a pu  être  disposée  de  mille  manières  sans 
que  jusqu’ici  les  caractères  fournis  par  l’organisation  intérieure 
soient  venus  jeter  quelque  lumière  sur  ces  diverses  méthodes. 

Les  Insectes  en  général  fournissent,  dans  leur  système  appen- 
diculaire , des  caractères  propres  à faire  reconnaître  et  à délimi- 
ter les  genres  et  les  familles  d’une  manière  plus  ou  moins  na- 
turelle. 

Jusqu’à  présent , les  modifications  offertes  par  les  pièces  de  la 
bouche  , par  les  pattes  et  les  antennes , ont  été  seules  prises  en 
considération  pour  faire  apprécier  les  affinités  existant  à un  plus 
3*  série.  Zool  T V.  (Mai  < 846  J 9 <8 


'llh  e.  m.vvniAiti»  — sur  i.ü  système  nerveux 
ou  moins  haut  degré  entre  les  êtres  composant  cette  grande  classe 
du  règne  animal. 

Pour  les  divisions  principales,  comme  les  ordres,  depuis  long- 
temps on  a tenu  compte  dans  leurs  caractères  et  des  métamorphoses 
et  des  formes  de  l’animal  dans  son  premier  âge.  Pour  les  divisions 
secondaires,  comme  les  tribus  et  les  familles,  on  s’est  parfois 
occupé  de  l’aspect  général  des  larves,  jamais  de  leurs  caractères, 
encore  bien  moins  de  leur  structure  anatomique. 

Néanmoins , si  les  formes  extérieures  dans  la  classe  des  Insectes 
permettent  de  grouper  ces  animaux  d’une  manière  assez  naturelle, 
si  ces  formes  suffisent  pour  limiter  nettement  quelques  groupes  et 
faire  apprécier,  jusqu’à  un  certain  point , leurs  affinités  diverses, 
il  n’en  est  pas  moins  très  vrai  que  bien  des  difficultés  ne  peuvent 
être  résolues  avec  le  secours  seul  des  caractères  extérieurs. 

La  comparaison  du  système  appendiculaire  chez  les  Insectes  a 
été  poussée  assez  loin  de  nos  jours  : aussi , nous  savons  mainte- 
nant qu’il  ne  sortira  plus  de  cette  étude  aucun  fait  bien  important. 

Il  faut  donc  se  jeter  dans  une  voie  nouvelle  pour  espérer  de 
nouveaux  résultats.  Pour  perfectionner  cette  branche  de  la  zoolo- 
gie , il  est  nécessaire  de  chercher  des  caractères  dans  l’organisa- 
tion ; il  est  nécessaire  aussi  que  les  observations  anatomiques 
portent  à la  fois  sur  les  Insectes  parfaits  et  sur  leurs  larves.  Consi- 
dérée de  cette  manière,  l’embryogénie  des  Insectes  conduira  sans 
nul  doute  à la  découverte  de  faits  vraiment  dignes  d’attention. 

Ce  que  l’on  avait  négligé  de  faire  jusqu’à  présent,  j'ai  essayé 
de  l’entreprendre  ; et  aujourd’hui , après  d’assez  nombreuses 
recherches,  je  suis  demeuré  convaincu  qu’à  l’avenir  on  n’arri- 
verait pas  à modifier  avec  avantage  un  point  important  de  la 
classification  entomologique , sans  s’appuyer  sur  des  caractères 
anatomiques. 

Les  recherches  sur  l’organisation  des  Insectes  sont , à la  vérité, 
déjà  assez  nombreuses.  Après  les  travaux  de  Swammerdamm . 
de  Treviranus,  de  Ramdorh,  de  M.  Serres,  de  M.  Marcel  de 
Serres , etc. , M.  Léon  Dufour  a enrichi  la  science  de  ses  observa- 
tions sur  l’anatomie  des  Insectes. 

Mais  ce  savant  n’en  a jamais  fait  une  application  bien  directe 


DUS  INSECTES.-  275 

à la  zoologie.  C’est  au  point  (Je  vue  fie  l'anatomie  comparée  plus 
spécialement  que  ses  recherches  ont  été  dirigées. 

Quelquefois  seulement  il  a signalé  diverses  particularités  ana- 
tomiques comme  venant  à l’appui  de  certains  rapprochements , 
ou  comme  venant,  au  contraire,  montrer  combien  diverses 
familles  sont  composées  d’éléments  hétérogènes  ; sans  cependant 
en  tirer  aucune  conclusion  plus  générale. 

11  faut  d’ailleurs  remarquer  que  les  travaux  de  M.  Léon  Dufour,  » 
comme  ceux  de  ses  prédécesseurs,  ont  porté  spécialement  sur 
l’appareil  alimentaire  et  sur  les  organes  de  la  génération.  Le  sys- 
tème nerveux  n’a  presque  point  été  l’objet  des  études  de  cet  ana- 
tomiste : aussi . jusqu’à  présent , cet  appareil  n’avait-il  été  repré- 
senté que  pour  un  bien  petit  nombre  de  types  de  la  classe  des 
Insectes.  Swammerdam,  Cuvier,  M.  Serres  l’ont  fait  connaître 
chez  YOryctes  rmsicornis  et  sa  larve.  M.  Straus,  chez  les  Melo- 
lontha  vulgaris.  M.  Léon  Dufour,  chez  la  Cetonia  aurata,  le  Lu- 
ranus  parallelipipedus  et  le  Pyrochroa  coccinea.  MM.  Newport  et. 
Léon  Dufour  l’ont  représenté  inexactement  dans  les  Carabes.  Au- 
douin  a étudié  le  système  nerveux  de  laCantharide(6\  vesica/oria ), 
MM.  Brandt  et  Ratzeburg  outre  ce  dernier,  celui  du  Mylabris  ciclto- 
rii  et  du  M eloe  proscarabeus.  On  doit  encore  à M.  Newport  la  des- 
cription et  la  figure  du  système  nerveux  chez  le  Lucanus  cervuse t le 
Timarcha  tenebricosa,  à M.  Joly,  chez  le  Colaspis  atra  et  à M.  Bur- 
meister  chez  la  Calandra  Sonimeri  et  la  larve  du  Calosoma  syco- 
phanla.  C’était  là  tout  ce  qui  était  connu  plus  ou  moins  parfaite- 
ment dans  un  ordre  aussi  considérable  que  celui  des  Coléoptères. 

On  sait  combien  plusieurs  zoologistes  attachent  d’importance  à 
la  disposition  du  système  nerveux.  Quelques  uns  y voient  la  partie 
fondamentale  de  l’animal.  Les  recherches  anatomiques  que  j’ai 
entreprises  sur  les  Insectes  et  sur  les  Mollusques  m’ont  démontré 
en  grande  partie  la  justesse  de  cette  opinion.  Cependant  on  ne  peut 
regarder  les  caractères  tirés  de  la  disposition  du  système  nerveux 
comme  dominateurs  et  entraînant  à leur  suite  une  série  d’autres 
caractères.  On  doit  seulement  les  considérer  comme  ayant  une 
prédominance  incontestable  sur  ceux  qui  sont  fournis  par  les 
autres  parties  de  l’organisme. 


276  E.  BEANCU,1RD.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

Dans  la  classe  des  Insectes  , les  grandes  divisions  ne  paraissent 
pas  pouvoir  reposer  sur  des  modifications  de  cet  appareil.  Entre 
chacun  des  ordres , le  système  nerveux  semble  moins  modifié 
qu’il  ne  l’est  entre  les  diverses  familles  d’un  même  ordre. 

Les  nerfs  se  distribuent  toujours  aux  organes  dans  les  mêmes 
rapports.  Les  grandes  différences  dans  la  disposition  du  système 
nerveux  consistent  donc  particulièrement  dans  le  rapprochement 
ou  dans  l’écartement  des  centres  médullaires. 

Or,  dans  la  plupart  des  ordres  de  la  classe  des  Insectes , on 
observe  des  séries  de  modifications  qui  sont  à peu  près  de  la  même 
nature. 

Il  semble  que  chaque  disposition  analogue  du  système  nerveux 
se  retrouve  sous  des  formes  extérieures  assez  différentes,  cor- 
respondant les  unes  aux  autres  entre  les  divers  types.  Quelques 
exemples  feront  mieux  comprendre  ce  fait  : ainsi,  parmi  les  Co- 
léoptères , les  uns  nous  offriront  une  chaîne  ganglionnaire  dont 
lescentres  nerveux  seront  tous  écartés;  les  autres  nous  présente- 
ront certains  ganglions  rapprochés  ou  même  confondus  sur  un 
point.  Chez  d’autres  encore , ils  seront  tous  agglomérés  dans  la 
cavité  thoracique.  Ces  divers  degrés  de  centralisation  que  nous 
voyons  dans  les  Coléoptères,  nous  les  retrouverons  dans  les  Hy- 
ménoptères, les  Hémiptères,  etc. 

Dans  plusieurs  ordres , nous  trouverons  toute  la  gradation , 
depuis  la  forme  la  plus  centralisée  jusqu’à  celle  qui  l’est  le  moins 
chez  les  Insectes.  Chez  d’autres , au  contraire , nous  verrons  con- 
stamment dominer  une  même  forme  ou  seulement  quelques  unes 
d’entre  elles. 

La  conclusion  générale  de  mes  recherches  sur  l'organisation  , 
et  particulièrement  sur  le  système  nerveux  . sera  donc  le  tableau 
exprimant  toutes  ces  analogies  parfois  masquées  sous  des  aspects 
différents,  et  exprimant  aussi  toutes  les  affinités  entre  tous  les 
types  de  la  classe  des  Insectes. 

Avant  d’arriver  à ce  but , l’anatomie  doit  être  poussée  assez  loin 
dans  chacun  des  ordres  pour  servir  de  base  à sa  classification  in- 
térieure. Il  est  donc  nécessaire  de  porter  d’abord  son  attention 
sur  tous  les  types  des  tribus , des  familles  et  des  groupes  d’un 


DES  INSECTES. 


277 

ordre,  pour  passer  ensuite  aux  divisions  d’un  autre.  J’ai  choisi 
pour  le  premier  sujet  de  ces  recherches  les  Coléoptères , qui , à 
raison  de  leur  nombre , de  la  grande  variété  de  leurs  formes  et  de 
la  difficulté  de  reconnaître  dans  l'état  actuel  leurs  diverses  affinités, 
réclamaient  de  plus  nombreuses  observations. 

Dans  l’ordre  des  Coléoptères,  plus  peut-être  que  dans  aucun 
autre  ordre  de  la  classe  des  Insectes,  on  remarque  certaines  formes 
bien  tranchées,  ayant  un  nombre  de  représentants  extrêmement 
considérable  ; mais  on  observe  en  même  temps  une  foule  d’autres 
formes  dont  les  représentants  sont  peu  nombreux  comparative- 
ment, et  n’offrent  pas  cet  ensemble  de  caractères  tranchés  qu’on 
trouve  pour  les  premiers.  Ceux-là  se  rapprochent  souvent  des 
autres  à plusieurs  égards  ; ils  paraissent  en  être  en  quelque  sorte 
les  satellites  (1).  D’autres  fois,  ce  sont  des  intermédiaires,  des  liens 
qui  unissent  certains  groupes.  Ils  indiquent  alors  des  affinités. 

Jusqu’à  présent , à l’aide  des  caractères  fournis  par  les  appen- 
dices, il  a été  totalement  impossible  d’apprécier  les  valeurs  rela- 
tives et  les  rapports  des  differents  caractères  entre  eux.  Ensuite  , 
l’enchaînement  successif  des  groupes , auquel  on  est  forcé  de  s’as* 
treindre  dans  l’énumération  des  ordres , des  tribus  et  des  familles, 
a conduit  à négliger  certaines  affinités  bien  évidentes  qui  n’ont 
pas  toujours  échappé. 

Chaque  type  ne  devrait  ressembler  qu’à  celui  qui  le  précède  et 
à celui  qui  le  suit  pour  que  cette  série  soit  naturelle.  Mais  en  re- 
connaissant , comme  le  font  la  plupart  des  zoologistes , qu’dn  type 
peut  présenter  avec  d’autres  des  points  d’analogie  beaucoup  plus 
nombreux , un  tableau  seul  est  capable  de  les  représenter.  Aussi 
je  suivrai  en  cela  la  méthode  adoptée  par  M.  Milne  Edwards  pour 
résumer  la  classification  des  animaux  vertébrés  (2). 

Les  animaux  vertébrés  étant  peu  nombreux  comparativement 
aux  invertébrés,  si  l’on  place  les  types  de  chaque  classe  ou  de 

( I ) Cette  expression,  souvent  employée  par  M.  Milne  Edwards  dans  ses  cours 
au  Muséum  d'histoire  naturelle  et  il  la  Faculté  des  Sciences,  paraît  plus  que  toute 
autre  donner  une  idée  juste  des  rapports  de  divers  petits  groupes  avec  des  divi- 
sions d'un  ordre  plus  élevé. 

(2)  Annales  des  Scienres  naturelles.  V série,  t.  I.  p 98  (I8ii). 


278  E.  BUM'IMR».  — SUIS  LIS  SYSTÈME  INERVEUX 
chaque  ordre  sur  deux , trois  ou  quatre  séries  parallèles , dont  les 
termes  se  correspondent  d’une  manière  plus  ou  moins  satisfai- 
sante, on  réussit  à indiquer  au  moins  les  rapports  les  plus  ma- 
nifestes. 

Les  animaux  invertébrés  ayant  des  formes  plus  variées  et  sur- 
tout incomparablement  plus  nombreuses  dans  chaque  grande 
division,  ces  sortes  de  classifications  n’amènent  aucun  résultat 
vraiment  digne  d’attention.  Chez  les  Insectes,  par  exemple,  on 
voit  presque  constamment  une  forme  principale  se  lier  à la  fois , 
de  la  manière  la  plus  évidente,  avec  quatre,  six  ou  dix  autres  for- 
mes , s’en  rapprochant  à divers  degrés.  On  voit  mieux  peut-être 
que  dans  la  plupart  des  autres  classes  du  règne  animal  des  formes 
tenant  de  près  à une  famille  et  s’écartant  en  quelque  sorte  de  toutes 
les  autres. 

Un  entomologiste  anglais,  M.  Mac-Leay,  en  désignant  certains 
groupes  par  l’épithète  d'aberrants , a voulu  indiquer  la  nature  de 
ces  types  qui  paraissent  pour  ainsi  dire  sortir  du  cadre  formé  par 
les  autres.  Malheureusement  cette  dénomination  n’a  pas  toute  la 
justesse  possible.  Elle  semble  devoir  s’appliquer  à quelque  chose 
d’anomal , à des  particularités  tout-à-fait  en  dehors  de  celles  qui 
nous  sont  offertes  par  l'ensemble  des  représentants  d’une  classe 
ou  d’un  ordre.  Or  cette  idée  ne  serait  pas  exacte,  il  ne  faut  en- 
tendre ici  par  le  mot  de  groupes  aberrants  que  des  divisions  s’éloi- 
gnant de  la  plupart  des  autres  divisions  par  un  ou  plusieurs  de 
leurs  èaractères , sans  toutefois  présenter  aucune  particularité  qui 
pourrait  les  séparer  de  la  classe  ou  de  l’ordre  auquel  elles  appar- 
tiennent. 

En  zoologie,  on  est  bien  loin  encore  d’être  arrivé  pour  chaque 
classe  à reconnaître  la  valeur  relative  des  caractères  fournis  par 
les  divers  organes.  Presque  toujours , ceux  qui  sont  en  apparence 
les  plus  saillants  dans  tel  ou  tel  groupe,  viennent  à disparaître  plus 
ou  moins  chez  certaines  espèces.  Ainsi  les  divisions  les  plus  natu- 
relles perdent  leurs  limites  tranchées.  Ainsi  l’on  est  amené  à crain- 
dre ordinairement  d’attacher  trop  d’importance  à ces  caractères 
qui  tendent  si  facilement  à s’effacer. 

Cependant  ce  n’est  parfois  qu’une  apparence  trompeuse  ; le  ca- 


DES  INSECTES. 


279 

ractère  extérieur  a disparu  , mais  toutes  les  particularités  fonda- 
mentales d’organisation  ont  persisté.  J’aurai  lieu  dans  le  cours  de 
pe  travail  d’en  citer  plus  d'un  exemple. 

L’étude  de  la  structure  organique  aux  différentes  périodes  de 
la  vie  des  êtres,  comparée  aux  formes  extérieures,  paraît  devoir 
seule  conduire  à des  résultats  satisfaisants.  Tous  les  types  étant 
parfaitement  connus  ; la  comparaison  la  plus  rigoureuse  pouvant 
être  établie  entre  chacun  de  leurs  organes , alors  seulement  il  de- 
viendra facile  d’en  déduire  l’expression  des  affinités  que  nous 
offrent  tous  les  êtres  entre  eux.  Alors  seulement  les  rapports  qui 
unissent  tous  les  types  pourront  être  nettement  appréciés. 

A ce  point  de  vue  nous  obtiendrons  du  système  nerveux  des  ré- 
sultats considérables.  On  l’avait  étudié  dans  un  si  petit  nombre 
d’insectes,  qu’il  était  totalement  impossible  d’avoir  une  idée  même 
un  peu  générale  des  modifications  que  présente  cet  appareil  dans 
un  même  ordre  entre  les  diverses  tribus,  entre  les  diverses  fa- 
milles qui  le  composent.  On  ignorait  complètement  si  ces  modi- 
fications correspondaient  avec  des  groupes  naturels. 

Au  point  de  vue  purement  anatomique  et  physiologique,  le  sys- 
tème nerveux  des  Insectes  était  déjà  assez  bien  connu  par  suite 
des  travaux  de  M.  Newport.  Les  recherches  antérieures  d’Hérold 
et  de  M.  Serres  avaient  déjà  montré  la  manière  dont  se  modifient 
les  groupements  des  centres  nerveux  dans  certains  Coléoptères  et 
Lépidoptères.  M.  Newport  a agrandi  sur  ce  point  le  cercle  de  nos 
connaissances  par  de  nouvelles  observations  sur  plusieurs  autres 
Insectes  du  même  ordre. 

Néanmoins  il  restait  encore  divers  points  à éclaircir. 

La  nécessité  de  connaître  d’une  manière  approfondie,  dans 
chaque  groupe  du  règne  animal,  l’organisation  des  espèces  con- 
sidérées comme  types  des  grandes  divisions  est  bien  reconnue.  Il 
n’est  donc  plus  besoin  de  s’attacher  à montrer  l’utilité  d’une  des- 
cription anatomique  faite  avec  détails. 

En  effet , c’est  seulement  lorsque  la  position  de  chaque  organe 
aussi  bien  que  tous  ses  caractères  de  forme  et  de  structure  sont 
bien  décrits  chez  le  type,  qu’il  devient  facile  d’apprécier  à leur 
justp  valeur  les  différences  et  les  ressemblances  qu’offrent  avec 


280  E.  BI.AMUAKII.  — SUK  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

lui  les  êtres  s’en  rapprochant  ou  s’en  éloignant  à certains 

égards. 

C'est  pour  cette  raison  que  je  crois  devoir  donner  une  descrip- 
tion détaillée  du  système  nerveux  des  Coléoptères  en  prenant  pour 
exemple  un  Insecte  très  vulgaire,  le  Hanneton.  Ayant  d’abord 
observé  sur  ce  type  diverses  particularités  qui  n’ont  pas  été  si- 
gnalées par  M,  Straus-Durckheim , il  m’a  semblé  utile  de  m’ar- 
rêter à ce  Coléoptère. 

J’ai  cherché  à étudier  le  système  nerveux  du  Hanneton  dans 
tous  ses  détails;  mais  comme- un  type  n’est  bien  connu  que  si  ou 
l’a  comparé  avec  d’autres  types , j’ai  examiné  les  analogies  exis- 
tant entre  le  système  nerveux  du  Hanneton  et  celui  de  bien  d’au- 
tres Insectes. 

Afin  d’établir  une  comparaison  plus  rigoureuse,  j’ai  choisi 
dans  le  même  ordre  un  Insecte  qui,  sous  le  rapport  de  cet  appa- 
reil , s’éloigne  extrêmement  du  Hanneton.  J'ai  choisi  le  Carabe 
doré.  Insecte  des  plus  répandus  dans  notre  pays,  ayant  une  taille 
assez  considérable , sur  lequel,  par  conséquent , on  pourra  vérifier 
ines  observations,  aussi  facilement  qu’on  peut  le  faire  sur  le 
Hanneton. 

Le  système  nerveux  étanl  bien  connu  dans  ces  deux  types  éloi- 
gnés, on  verra  de  suife  sur  quels  points  on  doit  surtout  porter  son 
attention  pour  l’appréciation  des  caractères  zoologiques. 

Il  y a environ  dix  à douze  ans  que  M.  Nevvport  a publié  ses 
Recherches  sur  le  système  nerveux  des  Insectes  (1).  Cet  anato- 
miste s’est  occupé  de  la  structure  intime  des  ganglions  et  des  fi- 
lets nerveux.  Comme  cette  structure  ne  diffère  pas  sensiblement 
d’un  type  à l’autre,  je  n’aurai  rien  de  bien  important  à ajouter 
ici  sur  ce  point. 

Mais  M.  Nevvport  s’est  occupé  également  de  la  disposition  du 
système  nerveux  dans  plusieurs  Coléoptères  et  surtout  dans  des 
Lépidoptères  considérés  aux  divers  états  de  leur  vie.  Ces  recher- 
ches si  bien  exécutées  ont  montré  non  seulement  des  particularités 
dignes  d’intérêt  dans  chacun  des  types  étudiés  , mais  aussi  des 
faits  généraux  propres  à la  classe  entière  des  Insectes. 

M)  Philosophienl  Transite tinm,  1832,  part.  2,  1 834.  pari.  2.  1836.  part.  2 


DES  INSECTES. 


281 

Cependant,  malgré  ces  travaux  considérables,  je  n'aurai  peut- 
être  pas  seulement  à signaler  la  disposition  particulière  du  sys- 
tème nerveux  dans  le  type  Hanneton  et  dans  le  type  Carabe.  J’au- 
rai en  outre  à mentionner,  touchant  ce  qui  est  général  à tous  les 
Insectes,  certains  détails  qui  ne  me  paraissent  pas  tout-à-faitsans 
importance  et  qu’on  n’a  pas  signalés  jusqu’à  présent  ou  qui  l’ont 
été  trop  incomplètement. 

Pour  les  nerfs  de  l’abdomen  , pour  ceux  venant  se  rendre  aux 
organes  de  la  génération , pour  la  disposition  des  nerfs  propres 
aux  différentes  parties  de  la  bouche , mes  observations  pourront 
ajouter  quelque  chose  à celles  de  mes  devanciers. 

Mais  c’est  plus  particulièrement  pour  la  partie  susintestinale  du 
système  nerveux  que  l’on  compare  au  grand  sympathique  des 
animaux  vertébrés,  que  mes  observations  me  paraissent  devoir 
offrir  un  intérêt  plus  réel. 

J’ai  étendu  ensuite  mes  recherches  autant  que  possible  à tous 
les  types  dans  l’ordre  des  Coléoptères.  11  était  nécessaire  pour 
l’anatomie  comparée  que  le  nombre  et  le  mode  de  groupement 
des  ganglions  fussent  connus  dans  chaque  famille,  quel  que  dût 
être  le  résultat  auquel  conduiraient  ces  observations. 

Elles  ne  tardèrent  pas  à me  convaincre  que  la  zoologie,  que  la 
connaissance  des  rapports  naturels  unissant  entre  eux  les  êtres 
d’une  même  classe  , que  l’appréciation  des  limites  à poser  à cha- 
que groupe  avait  considérablement  à s’éclairer  par  la  considé- 
ration du  système  nerveux. 

Je  vis  bientôt  que  chaque  forme  dans  la  disposition  de  l’appareil 
nerveux  correspondait  à un  groupe  naturel.  Je  reconnus  en  même 
temps  que  cette  disposition  ne  variait  pas  entre  des  types  voisins, 
même  quand  la  forme  générale  du  corps  différait  beaucoup. 

Au  premier  abord , on  pouvait  être  porté  à présumer  qu’un 
insecte  court  et  élargi  aurait  un  système  nerveux  dont  les  gan- 
glions seraient  très  rapprochés  les  uns  des  autres  ou  même 
réunis  ; en  un  mot , un  système  nerveux  très  centralisé.  On  pou- 
vait croire  aussi  que  cet  appareil  dans  un  Insecte  long  serait 
également  allongé  ; que  ses  ganglions  seraient  très  écartés  les  uns 
des  autres. 


282  E.  BLANCHARD.  — SUR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 

Or,  c’est  ce  qui  n’est  point.  11  n’y  a aucune  coïncidence  appa- 
rente entre  la  forme  extérieure  et  la  disposition  du  système  ner- 
veux. Chez  tel  Insecte  allongé  il  est  très  centralisé  sur  un  point 
de  l’économie.  Chez  tel  autre  Insecte  court  ou  même  orbiculaire, 
les  ganglions  demeurent  nombreux  et  espacés. 

Depuis  la  forme  la  plus  centralisée  jusqu’à  celle  qui  l’est  le 
moins , on  trouvera  une  série  d'intermédiaires.  C’est  le  cas  pour 
les  Coléoptères.  Les  travaux  d’IIérold  , de  M.  Newport , etc. , 
ont  déjà  appris  que  la  forme  la  plus  simple  du  système  nerveux 
se  trouvait  chez  la  larve  , et  que  cet  appareil  se  centralisait  de  plus 
en  plus  quand  l’Insecte  passait  par  l’état  de  nymphe  et  devenait 
adulte. 

Le  système  nerveux  ne  parvenant  pas  au  même  degré  de  cen- 
tralisation chez  tous  les  Insectes,  il  demeure  constant  que  tous 
n’atteignent  pas  le  même  degré  de  perfection.  On  observe  donc  à 
l’égard  de  cette  classe  d’animaux  ce  qui  a été  observé  il  y a près 
de  vingt  ans  à l'égard  de  la  classe  des  Crustacés  par  MM.  Au- 
douin  et  Milne  Edwards  fl). 

Aussi  l’examen  anatomique  des  larves  comparées  aux  Insectes 
parfaits  est-il  d’un  haut  intérêt;  car  on  découvre  alors  telle  forme 
dans  un  animal  adulte  correspondant  ici  à telle  forme  dans  une 
larve,  là  dans  une  nymphe. 

On  tirera  encore  d’autres  avantages  de  cette  étude  compa- 
rative. Tous  les  animaux  ayant  une  tendance  plus  grande  à l’ana- 
logie à l’état  embryonnaire  qu’à  l’état  adulte,  quand  des  différences 
observées  chez  les  Insectes  parfaits  entre  des  groupes  ou  des  fa- 
milles ne  seront  pas  encore  saisissables  chez  les  larves , leurs  ca- 
ractères généraux  s’étendront  souvent  alors  à des  tribus  entières. 
Par  conséquent  les  affinités  qui  semblent  s’effacer  chez  les  In- 
sectes parfaits,  paraîtront  souvent  bien  évidentes  chez  leurs  larves. 
Ayant  remarqué  l’importance  que  le  système  nerveux  pouvait 
avoir  dans  la  classification , j’ai  dû  rechercher  si  le  degré  de  cen- 
tralisation plus  ou  moins  complet  ne  coïnciderait  pas  avec  d’autres 
particularités  d’organisation. 

(I)  Recherches  anatomiques  sur  le  système  nerveux  des  C ntslacés  ( Annales  des 
Sciences  naturelles.  Ir*' série,  I XIV,  p 77 — 1828) 


DES  INSECTES. 


2S3 


Jusqu’ici  le  résultat  a été  négatif,  je  n’ai  observé  aucune  coïn- 
cidence à cet  égard.  Ce  sont  les  ganglions  abdominaux  qui  pré- 
sentent le  plus  de  différences  d’une  famille  à l’autre.  Depuis  long- 
tempsles  zoologistes,  contrairement  àl’opinion  émise  parM.Straus- 
Durckheim,  ont  reconnu  que  la  soudure  plus  ou  moins  complète 
des  anneaux  de  l’abdomen  n’était  nullement  en  rapport  avec  le 
nombre  des  ganglions.  Mais  d’autre  part  on  ne  découvre  pas  de 
correspondance  plus  manifeste. 

On  peut  considérer  les  types  offrant  le  système  nerveux  le 
plus  centralisé  comme  les  plus  parfaits.  C’est  au  reste  un  prin- 
cipe admis  et  qui  est  indiqué  chez  les  Insectes  par  les  changements 
que  subit  cet  appareil  pendant  leur  accroissement.  On  doit  re- 
garder les  types  chez  lesquels  les  ganglions  sont  les  plus  sépa- 
rés, comme  étant  parvenus  à un  degré  de  perfection  moins  com- 
plet ; comme  étant  en  quelque  sorte  devenus  adultes  plus  tôt  que 
les  autres.  Entre  ces  deux  extrêmes  se  trouvent  dès  lors  tous  les 
intermédiaires.  11  est  à regretter  que  l’observation  des  œufs  soit 
si  difficile  à cause  de  leur  petitesse  et  surtout  de  l’opacité  de  leur 
enveloppe.  Les  jeunes  larves  qui  éclosent  n’étant  pas  toutes  par- 
venues au  même  degré  de  développement,  il  y aurait  sans  doute 
plus  d’un  fait  intéressant  à observer  sur  les  développements  de 
l’animal  pendant  son  état  d’œuf. 

Parmi  les  larves , toutes  n’offrant  pas  un  degré  de  développe- 
ment comparable,  les  unes  sont  beaucoup  moins  éloignées  que  les 
autres  de  la  forme  de  l’Insecte  parfait.  Celles  dont  l’état  embryon- 
naire est  moins  avancé  à la  sortie  de  l’œuf,  subissent  par  consé- 
quent des  changements  plus  considérables  pendant  leur  état  de 
nymphe,  car  les  organes  ne  se  modifient  pas  sensiblement  durant 
la  vie  des  larves  : ils  s’accroissent  seulement. 

C’est  en  scrutant  à la  fois  l’organisation  des  Insectes  aux  di- 
verses phases  de  leur  vie  qu’on  arrivera  sans  nul  doute  à pou- 
voir les  grouper  d’une  manière  satisfaisante,  en  indiquant  nette- 
ment leurs  diverses  relations.  Mes  efforts  ont  tendu  vers  ce 
but , en  me  livrant  à ces  recherches  sur  le  système  nerveux  des 
Insectes.  Je  crois,  dès  aujourd’hui,  être  à même  d’en  tirer  un 
parti  avantageux  pour  caractériser  les  groupes  naturels.  Malheu- 


284  E.  BLANCHARD.  SUR  LE  SYSTÈME  .NERVEUX 

reusement  il  devait  rester,  et  il  restera  un  certain  nombre  de  la- 
cunes. Plusieurs  familles  n’ont  pas  de  représentants  dans  notre 
pays,  et  l’on  se  procure  toujours  difficilement  les  espèces  exotiques 
dans  l’alcool.  Souvent,  d’ailleurs,  il  est  impossible  de  tirer  parti 
des  animaux  conservés  de  cette  manière  quand  leur  séjour  dans  la 
liqueur  a été  trop  prolongé.  Pour  les  espèces  indigènes  des  divers 
genres,  les  unes  sont  d’une  exiguïté  telle  que  leur  dissection  est 
loin  d’être  toujours  possible  ; les  autres  sont  assez  rares  pour  qu’on 
se  les  procure  seulement  par  hasard. 

Les  larves  surtout  échappent  facilement,  et  comme  on  ne  con- 
naît pas  les  métamorphoses  de  tous  les  Coléoptères,  on  est  encore 
fréquemment  arrêté  de  ce  côté.  C’est  seulement  à l’aide  du  temps 
qu'on  parviendra  à combler  les  lacunes  que  je  viens  d’indiquer. 
Mais  une  fois  la  voie  ouverte  , de  nouveaux  matériaux  viennent 
facilement  s’ajouter  à un  ensemble  déjà  considérable. 

En  résumé , les  divisions  en  tribus  et  en  familles  ne  peuvent 
être  considérées  comme  bien  établies  et  bien  connues  dans  leurs 
rapports  entre  elles  qu’autant  qu’elles  reposent  principalement  sur 
des  caractères  organiques. 

Le  système  nerveux  offrant  plus  que  toute  autre  partie  de  l’or- 
ganisme des  modifications  coïncidant  avec  des  divisions  assez  im- 
portantes , cet  appareil  doit  jouer  un  grand  rôle  dans  l’apprécia- 
tion des  affinités  naturelles. 

Les  divisions  très  secondaires  trouveront  plus  facilement  alors 
des  caractères  dans  la  forme  du  canal  alimentaire  , des  organes 
de  la  génération  et  du  système  appendiculaire. 

CHAPITRE  II. 

De  la  description  anatomique  du  système  nerveux  des  Coléoptères.  — Le 

Hanneton  commun  ( Melolontha  vulgaris.  Lin.)  et  le  Carabe  doré  [Cor a - 

bus  auratus.  Lin.)  considérés  comme  types  dans  cet  ordre. 

Le  système  nerveux  des  Insectes,  on  le  sait,  est  composé  d’une 
série  de  ganglions  unis  par  des  cordons  de  communication.  On 
compte  d’abord  deux  ganglions  cérébroïdes , souvent  désignés  par 
les  anatomistes  sous  la  dénomination  de  cerveau.  A ces  centres 


DES  INSECTES. 


285 

nerveux  toujours  situés  dans  la  tète  au-dessus  de  l'œsophage , 
vient  s’anastomoser  le  système  nerveux  splanchnique  dont  les  gan- 
glions et  les  nerfs  se  distribuent  plus  particulièrement  aux  sys- 
tèmes de  la  vie  organique. 

Les  deux  ganglions  cérébroïdes  , au  moyen  de  deux  cordons  , 
formant  un  collier  autour  de  l’oesophage , sont  en  connexion  di- 
recte avec  deux  autres  centres  médullaires  constituant  toujours 
une  seule  masse  située  également  dans  la  tète , au-dessous  de  la 
partie  antérieure  du  tube  digestif.  A cette  première  paire  de  centres 
nerveux  sous-intestinaux , succède  une  double  chaîne  de  ganglions 
plus  ou  moins  rapprochés,  plus  ou  moins  centralisés  sur  un  point 
de  l’économie,  suivant  les  familles  et  les  genres. 

Ces  faits  généraux  sont  trop  connus  et  sont  énoncés  trop  clai- 
rement dans  nombre  d'ouvrages  sur  l’anatomie  comparée  ou  seu- 
lement sur  l'anatomie  spéciale  des  Insectes,  pour  qu’il  soit  utile 
de  les  développer  ici 

Je  me  contenterai  donc  de  décrire  isolément  chaque  partie  du 
système  nerveux  des  Insectes  coléoptères,  en  faisant  surtout  con- 
naître avec  détails  la  disposition  qu’affecte  cet  appareil  dans  les 
deux  types  éloignés  que  j’ai  choisis  : le  Hanneton  commun  et  le 
Carabe  doré. 

§ I Les  ganglions  cérébroïdes  et  les  nerfs  auxquels  ils  donnent  naissance. 

Les  ganglions  cérébroïdes,  généralement  désignés  par  les  ana- 
tomistes sous  la  dénomination  de  cerveau,  reposent  toujours 
directement  sur  l’œsophage,  et  constituent  une  seule  masse  bilo— 
bée.  Chez  le  Hanneton  commun , les  ganglions  cérébroïdes  ont  en 
dessus  la  forme  de  deux  corps  parfaitement  sphériques  qui  seraient 
accolés  l’un  à l’autre  (l)  ; c’est  ce  que  n’indique  ni  la  figure  ni  la 
description  données  par  M.  Straus. 

Chez  beaucoup  d’autres  insectes,  tels  que  les  Carabes,  les 
Dytiques,  les  Hydrophiles,  les  deux  ganglions  sont  plus  confondus 
ensemble.  Néanmoins  on  distingue  toujours  nettement  les  deux 
lobes  (2). 

(1)  Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  3,  a 

(2)  M.,  pl.  3 bis,  fig.  t— t. 


286  E.  iiuvinmi.  — sur  i.k  système  nerveux 

La  grosseur  de  ces  centres  nerveux,  par  rapport  à la  dimen- 
sion de  la  tète , varie  beaucoup  suivant  les  groupes.  Dans  le 
Hanneton  , les  ganglions  cérébroïdes  occupent  près  de  la  moitié 
de  la  largeur  de  la  tête.  Dans  les  Ateuchus,  qui  appartiennent  à 
la  même  tribu  , ces  masses  sont  déjà  proportionnellement  moins 
volumineuses  ; dans  les  Carabes  et  les  Dytiques , elles  le  sont 
moins  encore;  dans  les  Hydrophiles,  elles  n’occupent  guère  plus 
du  quart  de  la  largeur  de  la  tète. 

On  remarque  en  général  que  le  cerveau  devient  d’autant  plus 
étroit  que  la  tête  de  l’insecte  est  plus  allongée,  ou  que  les  muscles 
des  mandibules  occupent  un  plus  grand  espace.  On  observe  déjà 
cette  diminution  dans  les  Carabes;  elle  devient  plus  manifeste 
encore  dans  certains  Cérambyciens,  et  surtout  chez  les  Lucanes  (t). 

I.a  première  paire  de  nerfs  partant  des  ganglions  cérébroïdes 
se  rend  aux  antennes;  ces  nerfs  antennaires,  dont  le  volume  est 
toujours  assez  considérable , ont  leur  origine  à la  face  antérieure 
et  inférieure  des  centres  médullaires  cérébroïdes.  Ils  se  dirigent 
obliquement  en  passant  sur  le  muscle  adducteur  des  mandi- 
bules (2). 

Comme  l’a  remarqué  M.  Straus , ces  nerfs  se  divisent  en  deux 
branches  chez  le  Hanneton,  et  j’ai  observé  qu’il  en  était  de  même 
chez  la  plupart  des  Coléoptères.  Le  Carabe  doré  m’a  présenté  cette 
même  division  dans  les  nerfs  des  antennes  et  à leur  base  ; j’ai  re- 
connu dans  cet  insecte  l’existence  d’un  petit  renflement  ganglion- 
naire , analogue  à celui  qui  a été  observé  dans  le  Hanneton  (3). 
Il  est  plus  ou  moins  volumineux  ; mais  on  le  retrouve  néanmoins 
dans  tous  les  Coléoptères. 

Les  nerfs  de  la  seconde  paire  sont  les  nerfs  optiques.  En  géné- 
ral , ils  ont  une  grosseur  très  considérable  ; souvent  même  ils 
semblent  n’être  que  la  continuation  des  ganglions  cérébroïdes. 
C’est  le  cas  pour  le  Hanneton  (h) , mais  non  pas  pour  tous  les 
Insectes  , comme  le  dit  M.  Straus.  En  effet , dans  les  Ateuchus, 

(<)  PI  8,  fig.  I — t. 

(■ l Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  4,  fig.  t — 6 

(3)  ld.,  pl.  3 bis,  fig.  t — la. 

(4)  ld.,  pl.  4,  fig.  1— c. 


DES  INSECTES. 


287 

dans  les  Carabes  (1) , etc.,  ils  sont  déjà  un  peu  moins  gros  pro- 
portionnellement ; dans  les  Dytiques  (2),  ils  le  sont  un  peu  moins 
encore.  Chez  les  Hydrophiles,  par  exemple  (Hydrophilus  piceus 
Lin.) , où  les  ganglions  cérébroïdes  sont  déjà  très  petits  par  rap- 
port à la  grande  taille  de  l’Insecte,  les  nerfs  optiques  sont  grêles, 
presque  aussi  grêles  que  les  nerfs  des  antennes  (3).  Il  n’y  a donc 
rien  de  tout-à-fait  général  à cet  égard. 

Une  paire  de  nerfs  d’un  volume  assez  considérable  , que 
M.  Newport  regarde  comme  la  troisième  paire,  prend  naissance 
à la  face  inférieure  du  cerveau , et  descend  de  chaque  côté  de 
l’œsophage.  Ces  nerfs  sont  les  connectifs  unissant  les  centres 
nerveux  cérébroïdes  avec  les  ganglions  sous-œsophagiens,  et  for- 
mant ainsi  un  véritable  collier.  En  outre , à la  partie  antérieure 
et  inférieure  , les  ganglions  cérébroïdes  donnent  naissance  à deux 
nerfs,  l’un  allant  s’anastomoser  avec  le  ganglion  frontal  (4), 
l’autre  distribuant  ses  filets  à la  lèvre  supérieure  (3).  M.  Straus 
n’a  point  aperçu  ces  nerfs  ; ceux  du  labre  ont  du  reste  échappé  à 
la  plupart  des  anatomistes. 

M.  Burmeister  (6)  est  le  seul  disant  avoir  vu  des  nerfs  partant 
de  la  face  inférieure  du  cerveau,  et  pénétrant  dans  la  lèvre  supé- 
rieure. Souvent  les  cordons  du  ganglion  frontal  et  les  nerfs  du 
labre  paraissent  avoir  deux  insertions  distinctes  au  cerveau  ; c’est 
le  cas  aussi  pour  la  plupart  des  Coléoptères  à l’état  parfait,  mais 
il  n’en  est  pas  de  même  chez  leurs  larves. 

Il  naît  un  seul  tronc  nerveux  se  divisant  en  deux  branches. 
C’est  ce  que  j’ai  représenté  dans  la  larve  du  Hanneton  (7). 

Quant  au  rôle  physiologique  que  remplissent  les  centres  ner- 
veux, cérébroïdes  des  Insectes,  on  ne  saurait  le  comparer  entière- 
ment à celui  que  remplit  le  cerveau  des  animaux  vertébrés.  Chez 


(t)  Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl  3 bis,  fig.  I — t b. 

(2j  Pl.  10,  fig.  1 — 1 6. 

(3)  PI  11,  fig.  1—16. 

(4)  Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  4,  fig.  1 e.  3e.  4e,  etc 

(5)  Id  , fig.  1 d,  3d,  etc. 

(6)  Hundbuch  der  Entomologie,  t.  I,  p 309  (1832). 

(7)  Règne  animal,  pl.  4,  fig.  3,  e,d 


’288  E.  Ull\(ll  1BII.  — SL  il  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

les  Insectes,  des  facultés  appartenant  à ces  ganglions  cérébroïdes 
paraissent  se  retrouver  jusqu’à  un  certain  point  dans  les  ganglions 
sous-intestinaux.  Si , par  exemple  , on  enlève  la  tète  d’un  Hanne- 
ton, d’une  Abeille  ou  d'un  Insecte  quelconque,  en  ayant  soin  au 
moyen  d’un  peu  de  cire  d’empêcher  le  liquide  sanguin  de  s’écouler, 
l’animal  peut  non  seulement  vivre  encore  assez  longtemps , mais 
même  demeurer  susceptible  de  mouvements  réfléchis.  Si  l’on  vient 
à lui  frotter  l’abdomen,  on  le  voit  aussitôt  y porter  la  patte  et  gratter 
l’endroit  qui  a été  touché.  Certaines  facultés  propres  seulement 
au  cerveau  chez  les  animaux  vertébrés,  ne  sont  pas  localisées  au 
même  degré  chez  les  Insectes.  Néanmoins  les  ganglions  céré- 
broïdes ont  évidemment  une.  prédominance  bien  marquée  sur  les 
ganglions  sous-intestinaux.  Us  fournissent  les  nerfs  optiques  et 
les  nerfs  des  antennes  qui  paraissent  être  le  siège  d’un  sens,  pro- 
bablement celui  de  l’ouïe , par  conséquent  aux  organes  des  sens 
qui  mettent  le  mieux  l’animal  en  relation  avec  le  monde  exté- 
rieur. Considérons  en  outre  que  ces  masses  médullaires  cérébroï- 
des constituent  le  centre  principal  de  l’appareil  nerveux;  car  la 
chaîne  ganglionnaire  sous-intestinale  vient  s’y  insérer  de  même 
que  le  système  nerveux  splanchnique. 

§ II.  Le  système  nerveux  des  appareils  de  la  vie  organique 

Cette  partie  du  système  nerveux  des  animaux  articulés  a été 
l’objet  d'observations  intéressantes  et  toutes  spéciales  de  la  part 
de  divers  anatomistes.  D’abord  découverte  chez  les  Insectes  par 
Svvammerdam  (1),  qui  appliqua  au  nerf  principal  le  nom  de  ré- 
current, ce  système  nerveux  sus-intestinal  a été  décrit  avec  plus 
de  détails  dans  la  chenille  du  Cossus  par  Lyonnet.  (2).  Depuis, 
MM.  Serres  (3)  et  Muller  (ft) , qui  le  comparent  au  grand  sympa- 
thique des  animaux  vertébrés,  l’ont  étudié  dans  divers  Insectes. 

(1)  Biblia  nalurœ , t.  I,  p.  316  et  317,  et  pl.  28,  fig.  2 et  3 g. 

(2)  Lyonnet,  Traité  anatomique  de  la  Chenille  du  Saule  (1762). 

(3<  Latreille,  Règne  animal  de  Cuvier,  t.  IV,  p.  23  (1829). 

(4)  Ueber  ein  eigenthümliches  dem  nervus  sympathicus  analoges  nerveusystem 
der  Engeweide  bei  den  Insecten  ; in  Nova  Acta  phys.  med.  Nat.  Curios..,  t.  XIV, 
p.  71 , pl.  vu  (1 828). 


DUS  INSF.CTFS. 


289 

M.  Brandt  (1)  l’a  décrit  et  représenté  dans  un  plus  grand  nombre. 
Il  l’a  même  examiné  comparativement  dans  les  Mollusques  ainsi 
que  dans  les  Crustacés  , oit  MM.  Audouin  et  Milne  Edwards  l’a- 
vaient signalé  pour  la  première  fois  (2). 

M.  Newport  a aussi  apporté  quelques  observations  sur  ce  sujet. 

A l’égard  du  Hanneton  , M.  Straus  en  a fait  une  étude  moins 
approfondie.  Il  a considéré  une  portion  de  ce  système  nerveux 
comme  des  ganglions  collatéraux  ou  accessoires  du  cerveau. 
Quant  à l’autre  portion  , qu’il  appelle  système  nerveux  des  organes 
vitaux,  il  en  a seulement  aperçu  les  deux  ganglions  antérieurs. 
Leurs  connexions  avec  les  centres  nerveux  cérébroïdes  lui  ont 
même  totalement  échappé  (3). 

Dans  un  ouvrage  postérieur  (4),  le  même  anatomiste  paraît 
toutefois  avoir  en  partie  reconnu  ce  qu’il  y a d’incomplet  à cet 
égard  dans  son  travail  sur  le  Hanneton.  Il  dit  s’être  aperçu 
dans  le  Bradypore  que  les  ganglions,  considérés  par  lui,  d’abord, 
comme  des  dépendances  du  cerveau , font  partie  du  sympathique. 
C’est  ce  que  MM.  Brandt  et  Newport  avaient  fait  remarquer  long- 
temps auparavant. 

On  pourra  s’étonner  que  le  système  nerveux  sus  - œsophagien 
des  Insectes  soit  demeuré  bien  peu  connu  . sous  un  certain  point 
de  vue  , après  les  recherches  que  je  viens  de  signaler. 

Cependant  un  fait  important  a échappé,  les  anatomistes  ayant 
reconnu  tous  que  les  ganglions  impairs  ont  pour  fonction  de 
distribuer  leurs  nerfs  au  canal  alimentaire,  lis  paraissent  s’être 
beaucoup  moins  occupés  du  mode  de  distribution  des  nerfs  pro- 
venant des  autres  ganglions. 

(•1)  Mémoires  de  l'Académie  imp.  des  Sciences  de  Saint-Pétersbourg , et  Annales 
des  Sciences  naturelles , 2e  série,  t.  V,  p.  81 , pl.  4 et  5 (1836], 

(2)  Mémoire  sur  le  système  nerveux  des  Crustacés  ( Annales  des  Sciences  natu- 
relles, \rt  série,  t.  XIV,  p.  77). 

(3)  Je  n'ai  pu  apercevoir  de  ce  système  nerveux  que  deux  ganglions  impairs 
placés  sur  l'œsophage,  auquel  ils  distribuent  leurs  nerfs.  Il  serait  cependant  pos- 
sible qu’il  en  existât  d'autres,  dans  le  tronc  et  dans  l'abdomen,  qui  m'aient 
échappé  (Straus-Durckheim,  Considérations  générales  sur  i anatomie  comparée  des 
animaux  articulés,  p.  406). 

(4)  Traité  d'anatomiepralique,  t.  II,  p 351  (1842). 

3r  série  Zool-  T V.  (Mai  1 846  ) 3 


19 


290  E.  BI,l\(niRD.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

Toutefois  la  dénomination  de  nerfs  stomatogastriques  donnée 
par  M.  Brandt,  celle  de  nerfs  pharyngiens  donnée  par  M.  Bur- 
meister,  nous  montrent  que  cet  ensemble  de  ganglions  et  de  nerfs 
a été  regardé  comme  étant  affecté  plus  spécialement  au  canal 
alimentaire. 

Or  l’usage  de  ces  ganglions  antérieurs  latéraux  , comme  les 
appelle  M.  iNewport , m’avait  semblé  au  premier  abord  une 
chose  essentielle  à rechercher.  Par  des  dissections  faites  avec  un 
grand  soin  , je  parvins  à m’assurer  parfaitement,  d’abord  dans 
le  Hanneton,  puis  dans  le  Carabe  et  le  Dytique,  puis  dans  des 
Charançons  et  des  Cérambyx,  puis  enfin  dans  beaucoup  d’autres 
Coléoptères,  qu’une  paire  de  ces  petits  ganglions  donnait  ses 
principaux  nerfs  au  vaisseau  dorsal , tandis  que  ceux  de  l’autre 
paire  distribuaient  les  leurs  aux  trachées. 

Ainsi  s’explique  l’existence  de  ces  petits  ganglions  toujours 
placés  de  la  même  manière  les  uns  par  rapport  aux  autres.  Ainsi 
l’on  voit  que  chaque  appareil  de  la  vie  organique  reçoit  des  nerfs 
de  ganglions  particuliers.  Cette  division  du  travail  physiologique 
ne  paraît  pas  même  avoir  été  soupçonnée.  Cependant,  une  fois  le 
fait  connu  , on  le  comprend  si  bien  , il  semble  si  évident , il  est  en 
même  temps  si  facile  à constater , qu’on  est  surpris  en  voyant 
comment  on  a négligé  de  rechercher  si  l’appareil  de  la  circula- 
tion et  l’appareil  de  la  respiration  n’avaient  point  leurs  ganglions 
et  leurs  nerfs  particuliers  comme  l’appareil  alimentaire. 

Dans  l’ordre  des  Coléoptères,  j’ai  trouvé  constamment  ces  cen- 
tres médullaires  disposés  d’une  manière  identique  chez  les  groupes 
les  plus  différents.  Dans  plusieurs  autres  ordres  de  la  classe  des 
Insectes,  on  a observé  au  contraire  certaines  différences.  Je  me 
bornerai  ici  à décrire  cette  portion  du  système  nerveux  dans  les 
Coléoptères,  me  réservant  de  signaler  les  modifications  qu’on  y 
rencontre  dans  les  autres  ordres  lorsque  j’aurai  examiné  compa- 
rativement. tous  les  types  de  ces  divers  autres  ordres.  Il  ne  serait 
pas  impossible  qu’on  y découvrît  certains  caractères  correspon- 
dant avec  les  grandes  divisions  de  la  classe  des  Insectes. 

Chez  tous  ces  animaux,  on  peut  distinguer  dans  le  système  ner- 
veux sympathique  ou  de  la  vie  organique  trois  portions  parfaite- 


DES  INSECTES.  291 

ment  distinctes  : 1°  les  ganglions  et  les  nerfs  intestinaux  ; 2*  les 
ganglions  et  les  nerfs  du  vaisseau  dorsal  : 3°  les  ganglions  et  les 
nerfs  trachéens. 

Dans  les  Coléoptères  , on  compte  trois  ganglions  intestinaux  : 
c’est  le  système  nerveux  impair  situé  sur  la  ligne  médiane  du  tube 
digestif.  On  peut  considérer  chacun  de  ces  ganglions  comme  étant 
formé  par  la  réunion  de  deux  parties,  ainsi  qu’on  l’admet  pour 
la  chaîne  ganglionnaire  sous-intestinale.  Dans  l’embryon  très 
jeune  ces  parties  sont  peut-être  réellement  distinctes , mais  la  dif- 
ficulté est  bien  grande  pour  s’en  assurer.  Au  reste , les  ganglions 
intestinaux  paraissent  même  exister  par  paire  dans  d’autres  ordres, 
chez  plusieurs  Orthoptères,  par  exemple. 

Tous  les  anatomistes  ont  nommé  avec  Lyonrtët  le  premier  de 
ces  petits  centres  médullaires  ganglion  frontal.  Sa  position  donne 
l’explication  de  ce  nom. 

Le  ganglion  frontal  (1)  est  toujours  placé  en  avant  du  cerveau. 
Il  offre  de  chaque  côté  un  cordon  nerveux , se  recourbant  et  ve- 
nant s’insérer  à la  partie  inférieure  de  chacun  des  ganglions  céré- 
broïdes.  A leur  point  d’insertion  , on  remarque  ordinairement  un 
petit  renflement.  Ces  deux  cordons  de  communication , obser- 
vés depuis  longtemps  par  tant  d’anatomistes,  ont  complètement 
échappé  à M.  Straus  chez  le  Hanneton. 

Dans  cet  Insecte  , ils  sont  assez  longs  et  décrivent  un  arc  très 
prolongé  , car  le  ganglion  frontal  est  plus  rapproché  du  cerveau 
que  dans  beaucoup  d’autres  Coléoptères,  comme  ceux  particuliè- 
rement dont  la  tète  est  allongée , le  Carabe , par  exemple.  (> 
ganglion  est  en  forme  de  triangle  renversé  plus  ou  moins  élargi. 
Antérieurement  il  émet  un  petit  filet  nerveux , qui  se  divise  en 
plusieurs  branches  sur  les  muscles  du  pharynx.  Dans  le  Hanneton 
il  est  très  petit  et  un  peu  difficile  à voir:  au  contraire  chez  le  Ca- 
rabe , il  est  assez  facile  à mettre  en  évidence. 

Les  cordons  de  communication  entre  le  ganglion  frontal  et  le 
cerveau  offrent  encore  sur  leur  trajet  une  branche  très  faible 
dont  les  divisions  se  perdent  dans  les  muscles  du  pharynx.  F.u 


(l  ) Règne  animal,  pl . 4,  fip  le.  3e.  fig.  4e;  pl.  3 bis.  fig.  1 — te,  2 — le.ptr 


292  F.  BLANCHARD.  — SLR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 
arrière  le  ganglion  frontal  émet  un  seul  nerf,  se  dirigeant  en 
droite  ligne  sur  l’œsophage  en  passant  sous  les  ganglions  céré- 
broïdes.  C’est  le  récurrent  de  Swammerdam  et  de  Lyonnet  ; c’est 
le  vagus  pour  M.  New  port , qui  le  compare  au  nerf  vague  des 
animaux  vertébrés.  Ce  nerf  récurrent  en  arrière  du  cerveau  se 
renfle  en  un  très  petit  ganglion  allongé  (1)  en  connexion  au 
moyen  de  deux  petits  filets,  avec  les  centres  médullaires  du  vais- 
seau dorsal.  Au-delà  le  nerf  récurrent  se  prolonge  jusqu’à  l’ex- 
trémité du  jabot , où  l’on  observe  un  troisième  ganglion  intesti- 
nal (2).  Le  plus  ordinairement  le  nerf  récurrent  est  simple  : il  en 
est  ainsi  dans  le  Carabe  (3).  Chez  le  Hanneton,  il  est  au  contraire 
double  (A).  Sa  longueur,  il  est  inutile  de  le  dire,  est  toujours  celle 
de  l’œsophage  et  du  jabot  réunis.  Le  ganglion  du  jabot  (5) , que 
M.  Straus  n’est  point  parvenu  à découvrir  dans  le  Hanneton  , est 
un  peu  triangulaire  chez  cet  insecte  ; mais  le  plus  souvent  il  estde 
forme  un  peu  ovalaire  , comme  dans  le  Carabe.  Il  émet  deux  ou 
trois  branches,  qui  s’étendent  sur  le  gésier  et  le  ventricule  chyli- 
fique,  en  se  subdivisant  en  (ilets  extrêmement  déliés.  On  parvient 
quelquefois  à les  suivre  jusque  sur  l’intestin  , mais  là  on  en  perd 
la  trace.  Le  nerf  récurrent  offre  de  nombreuses  branches  sur  son 
trajet  ; ces  filets  nerveux , cpii  sont  extrêmement  fins,  se  ramifient 
tout  autour  de  l’œsophage  et  du  jabot.  Ils  sont  surtout  très  dis- 
tincts chez  les  Dytiques. 

Les  ganglions  du  vaisseau  dorsal  (6)  sont  situés  de  chaque  côté 
de  l’œsophage  et  à sa  partie  supérieure,  appliqués  contre  le  vais- 
seau dorsal.  Ils  adhèrent  directement  au  cerveau  : une  commissure 
plus  ou  moins  longue  les  unit  l’un  à l'autre.  Dans  le  Hanneton, 
ces  renflements  médullaires  sont  beaucoup  plus  gros  que  dans  la 
plupart  des  autres  Coléoptères  ; ils  fournissent  chacun  un  filet  se 
rendant  au  vaisseau  dorsal,  où  j’ai  pu  le  suivre  jusqu’au-delà  du 

(4)  Règne  animal,  pl.  4,  fig.  1. 

(2)  ld  pl  4,  fig.  I b,  fig  i(i.  pl  3 (iis,  fig  I — \ g 

(3)  ld..  pl  3 bis,  fig.  1 — 1 h. 

(i)  ld.,  pl.  4,  fig.  1 g. 

(5)  ld.,  pl.  4,  fig.  I r. 

(6)  ld  , pl  4 fig.  1 h. 


DES  INSECTES. 


393 

thorax  (1).  Ces  deux  ganglions  émettent  encore  un  ou  deux  petits 
filets  latéraux,  dont  l’un  suit  le  nerf  optique,  et  donne  une  branche 
s’anastomosant  avec  une  division  du  nerf  mandibulaire.  Ces  cen- 
tres nerveux  de  l’appareil  circulatoire  doivent  acquérir  un  déve- 
loppement plus  considérable  avec  une  circulation  plus  parfaite  ; 
c’est  peut-être  la  raison  pour  laquelle  on  leur  trouve  une  plus 
grande  dimension  chez  les  Myriapodes  que  chez  les  Insectes. 

Les  ganglions  trachéens  (2)  sont  unis  aux  ganglions  angéiens 
par  un  cordon  assez  court  se  courbant  autour  de  l’œsophage.  Ces 
deux  petits  centres  médullaires  se  trouvent  ainsi  très  rapprochés 
par  leur  partie  inférieure,  où  l’on  observe  entre  eux  une  commis- 
sure extrêmement  grêle.  Ils  fournissent  plusieurs  filets  nerveux 
d’une  finesse  extrême,  que  j’ai  réussi  à suivre  assez  loin  sur  les 
troncs  trachéens  qui  pénètrent  dans  la  tête.  Dès  lors  je  n’ai  pu 
douter  de  l’usage  particulier  de  ces  centres  nerveux,  car  j’ai  suivi 
leurs  filets  sur  les  trachées  non  seulement  dans  le  Hanneton,  mais 
dans  le  Carabe,  dans  divers  Charançons,  dans  plusieurs  Longi- 
cornes , etc.  Chez  les  Dytiques , on  les  aperçoit  aussi  assez  facile- 
ment : d’ailleurs  ces  ganglions  reposent  directement  sur  leurs 
troncs  trachéens. 

§ III.  La  chaîne  ganglionnaire  sous-inteslinale. 

Celte  partie  considérable  du  système  nerveux  des  Insectes, 
que  les  anatomistes  ont  souvent  comparée  à la  moelle  épinière  des 
animaux  vertébrés,  peut  être  distinguée  en  trois  portions  : celle 
de  la  tcte,  celle  du  thorax  , celle  de  l’abdomen.  Je  ne  m’arrêterai 
nullement  à cette  comparaison  , qui  a été  faite  entre  le  système 
nerveux  des  invertébrés  et  celui  des  vertébrés,  bien  n’indique 
réellement  cette  analogie.  Il  n’y  a aucun  avantage  à l’admettre, 
car  elle  ne  saurait  être  démontrée  d’une  manière  bien  péremp- 
toire. 

On  sait  que  M.  Serres  (3)  compare  au  contraire  les  centres  ner- 
veux sous-intestinaux  des  Insectes  aux  ganglions  intervertébraux 

'I  Règne  animal,  pl  t,  fig  I . i 

(2)  Id  , pl.  4,  fig  I k,  fig.  3 /(,  pl.  3 bis,  fig.  2 — I 6,  fig  3 — I b,  elc. 

f3)  Anatomie  itu  cerveau , I I , p 234,  253.  cl  i II  p 45  et,  sim  (1823) 


*29Û  E.  BI;l\(lltltP.  — Sun  LE  SYSTÈME  NE11VEUX 
Je  l’homme  et  des  animaux  supérieurs.  Ce  savant  dès  lors  con- 
sidère les  Insectes  comme  étant  dépourvus  d'une  moelle  épi- 
nière. 

§ IV’.  Le  ganglion  sous-œsophagien. 

Je  désignerai  ainsi  le  centre  nerveux  , qu’un  naturaliste  alle- 
mand , M.  Burmeister,  a comparé  au  cervelet , sans  que  je  puisse 
m’expliquer  comment  il  a trouvé  une  semblable  analogie.  Cette 
masse  médullaire  est  toujours  située  à la  partie  postérieure  de  la 
tète,  exactement  au-dessous  de  l’œsophage  1).  Ses  deux  angles 
antérieurs  offrent  deux  sortes  de  bras , se  redressant  contre  les 
parties  latérales  de  l’œsophage  (2)  : ce  sont  les  connectifs  qui  l’u- 
nissent aux  ganglions  cérébroïdes.  lin  arrière  elle  se  prolonge  un 
peu  , de  manière  à former  les  cuisses , qui  se  continuent  avec  les 
connectifs  du  ganglion  prothoracique.  Le  centre  médullaire  sous- 
œsophagien  est  en  général  assez  allongé.  Son  volume  n’égale  pas 
celui  de  la  moitié  du  cerveau  , surtout  chez  le  Hanneton  , où  ce 
dernier  est  très  volumineux.  C’est  du  ganglion  sous-œsophagien 
que  toutes  les  pièces  de  la  bouche , en  en  exceptant  toutefois  la 
lèvre  supérieure  , reçoivent  leurs  nerfs. 

La  plupart  des  anatomistes  ont  vu  seulement  les  nerfs  des  man- 
dibules et  des  mâchoires , bien  plus  rarement  ceux  de  la  lèvre 
inférieure  (3). 

Ces  derniers , en  effet,  ont  échappé  à M.  Straus  ; ce  qui  a pu 
faire  croire  que  chez  le  Hanneton  la  lèvre  inférieure  ne  recevait 
que  des  filets  nerveux  provenant  des  branches  des  nerfs  maxil- 
laires (h). 

(1)  Règne  animal,  pl  i,  fig  2a.  fig.  3—1.  fig.  I — 1 : pl  3,  fig  1-3. 

(2)  ld.,  pl.  i,  fig.  2 b. 

(3)  La  lèvre,  la  langue  et  les  palpes  labiaux  doivent  nécessairement  recevoir 
un  tronc  nerveux,  lequel  formerait  proprement  la  troisième  paire  ; mais  je  n'ai  pu 
le  découvrir,  vu  I extrême  petitesse  des  parties.  — Straus-Durckheim  , Considé- 
rations générales  sur  l'anatomie  comparée  des  animaux  articulés  , auxquelles  on  a 
puni  l'anatomie  du  Melolontha  vulgaris  (Hanneton). 

( I)  Der  nerve  der  Unterlippe  ( nervus  lahii).  . Wo  dieser  nerve  feblt  (Z.  B bei 
Melolontha  da  vertrelen  .Emo  der  unterkiefer  nerven  seine  nielle,  und  dies  ist 


DES  INSECTES. 


295 

A l’égard  de  la  position  de  ceux-ci  par  rapport  aux  nerfs  man- 
dibulaires,  il  ne  l’a  pas  indiquée  avec  exactitude,  et  cette  erreur 
a fait  penser  à M.  Burmeister  qu’il  existait  une  différence,  quant 
à l’insertion  des  nerfs  buccaux,  entre  le  Hanneton  et  la  larve  du 
Calosome.  J’ai  observé  au  contraire  que  cette  différence  n’existait 
pas.  Les  nerfs  les  plus  internes  du  ganglion  sous-œsophagien  sont 
les  nerfs  labiaux(l  . Ils  prennent  naissance  à la  partie  médiane  et 
un  peu  inférieure  de  ce  centre  nerveux.  Ils  sont  extrêmement 
grêles,  se  dirigent  directement  jusqu’à  la  base  de  la  lèvre  infé- 
rieure, où  l’on  observe  leur  division  en  plusieurs  branches.  L’une 
des  principales  divisions  pénètre  dans  chacun  des  palpes. 

Les  nerfs  maxillaires  (2)  ont  leur  origine  un  peu  au-dessus  et 
légèrement  en  dehors  des  nerfs  labiaux  ; leur  grosseur  est  plus  con- 
sidérable; leur  direction  aussi  est  un  peu  oblique.  Sur  leur  trajet 
ils  fournissent  une  branche  qui  se  rend  aux  muscles  adducteurs 
des  mâchoires.  A la  base  de  ces  appendices,  ils  se  subdivisent  eq 
plusieurs  branches  dont  deux  principales,  l’une  se  rendant  au 
corps  même  de  la  mâchoire,  l’autre  à son  palpe. 

Les  nerfs  mandibulaires  (3)  constituent  la  paire  externe , ils  ont 
leur  origine  en  dehors  des  nerfs  maxillaires  et  un  peu  au-dessus. 
Ils  se  dirigent  obliquement,  ce  qui,  du  reste,  est  indiqué  par  la 
position  des  mandibules  relativement  à celle  du  ganglion  sous- 
œsophagien.  Ces  nerfs , à la  base  des  mandibules , se  divisent  en 
plusieurs  branches,  dont  trois  plus  fortes  que  les  autres.  Les  nerfs 
mandibulaires  offrent  encore  sur  leur  trajet  une  branche  qui  se 
contourne  en  arrière  et  se  divise  en  nombreux  filaments  dans  les 
muscles  adducteurs  des  mandibules  (Zi).  Cette  branche , de  même 

grade  da  besonders  der  fait,  \vo  die  zûnge  klein,  harl  und  kuorpelig  ist  — Bur- 
meister.  Handbuch  der  Entomologie , t.  I , p.  298  (1832). 

Ainsi,  dans  la  chenille  du  Cossus  Hgniperda.  les  nerfs  des  mandibules  ne  sont, 
suivant  Lvonnet.  que  des  rameaux  des  nerfs  labiaux.  Quand  ceux-ci  manquent , 
comme  dans  le  Melolontha  vulgaris,  ils  sont  remplacés  par  une  branche  des. 
maxillaires. — Lacordaire,  Introduction  à l'Entomologie,  I II, p.  196  (1838) 

(1)  Règne  animal,  pl.  4,  fig.  2 g. 

(2)  Id  , pl.  4,  fig  2 b. 

13)  Id.,  pl.  4.  fig.  2 c 

(41  Id  , pl.  7,  fig  2 d. 


"296  E.  BLANCHARD.  SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

que  les  nerfs  mandibulaires  tout  entiers,  ont  un  volume  assez  con- 
sidérable chez  le  Hanneton  ; ils  l’ont  également  dans  le  Carabe , 
dont  les  pièces  de  la  bouche  sont  très  robustes.  Ils  ont  un  déve- 
loppement beaucoup  plus  grand  dans  les  Lucanes  (1  ),  où  les  man- 
dibules deviennent  énormes.  Mais  ils  perdent  considérablement  de 
leur  volume  dans  les  Insectes,  où  ces  appendices  sont  plus  faibles. 

Dans  tous  les  Coléoptères  soumis  à mes  dissections,  aussi  bien 
que  dans  leurs  larves,  j’ai  trouvé  constamment  l’origine  de  ces  trois 
paires  de  nerfs  buccaux  entre  les  bras  du  ganglion  sous-œsopha- 
gien. Leur  insertion  , par  rapport  les  uns  aux  autres,  m’a  paru 
parfaitement  constante.  La  position  relative  des  diverses  pièces  de 
la  bouche  ne  semble  pas  permettre  qu’il  en  soit  autrement.  Cepen- 
dant, dans  les  descriptions  anatomiques  de  ces  parties  telles  qu’on 
les  a données  jusqu’ici,  on  trouve  toute  incertitude  à cet  égard. 

Sur  les  parties  latérales  du  même  centre  médullaire  on  observe 
encore  un  fdet  très  délié  se  rendant  aussi  aux  muscles  rétracteurs 
des  mandibules  (2)  : c’est  la  quatrième  paire.  Plus  en  arrière  on 
découvre  une  cinquième  paire;  ce  sont  des  filets  nerveux (3)  qui 
se  rendent  aux  muscles  rétracteurs  de  la  tète.  Dans  les  Insectes 
oii  la  tète  est  peu  mobile , comme  chez  le  Hanneton  , par  exemple, 
ces  filets  ne  sont  pas  fort  gros.  Dans  ceux  au  contraire  où  la  tête 
est  très  mobile,  où  ses  muscles  rétracteurs  sont  très  puissants , 
comme  dans  le  Carabe,  ces  nerfs  sont  plus  forts  ; ils  se  divisent 
d’abord  en  deux  branches  dont  l’extrémité  est  elle-même  subdi- 
visée en  plusieurs  autres  dans  le  prothorax. 

§ V Los  ganglions  el  les  nerfs  thoraciques  et  abominaux. 

Dans  le  thorax  de  tous  les  Insectes , il  existe  fondamentalement 
trois  centres  médullaires.  Je  les  nommerai  d’après  chacune 
des  portions  du  thorax  à laquelle  ils  appartiennent  : ganglions 
prothoracique , mésothoracique  et  métathoracique. 

Le  premier  (h) , uni  par  deux  connectifs  au  ganglion  sous- 

(1)  PI  8,  fig-  1—2  ij. 

(2)  Replie  animal,  pl  1,  f.g.  ï r 

(3)  Id.,  pl.  i,  fig.  2 h 

(4)  Id  . pl  :t,  fig.  I :t.  pl  i bis,  fig.  1—3,  fig  2 — 3,  fig  3—3,  etc 


DES  INSECTES. 


297 


œsophagien,  demeure  chez  les  Coléoptères  constamment  distinct 
des  deux  autres.  Il  est  situé  dans  le  prothorax,  un  peu  plus  près  de 
l’extrémité  postérieure  que  du  bord  antérieur.  Les  formes  qu’il 
affecte  sont  assez  variables  suivant  les  groupes.  Dans  le  Hanneton 
commun , il  a l’aspect  d’un  cône  renversé.  Chez  le  Carabe , il  est  à 
peu  près  arrondi,  en  offrant  néanmoins  quelques  angles  à l’origine 
des  nerfs.  En  général , le  centre  médullaire  prothoracique  varie  de 
forme  suivant  le  point  d’origine  des  nerfs.  Toujours  il  paraît  plus 
dilaté  à leurs  insertions.  On  peut  compter  trois  paires  de  nerfs  pro- 
thoraciques. Ordinairement  elles  ont  chacune  leur  origine  distincte 
'dans  le  ganglion , mais  souvent  aussi  elles  naissent  d’un  seul  tronc 
commun  ou  quelquefois  de  deux,  pour  se  séparer  ensuite.  La  pre- 
mière distribue  ses  branches  plus  particulièrement  aux  muscles 
rétracteurs  de  la  tète,  la  seconde  aux  muscles  latéraux  et  supérieurs 
du  prothorax,  et  la  troisième  aux  pattes  antérieures  de  l’Insecte. 

Chez  le  Hanneton  , ces  trois  paires  naissent  d’un  tronc  commun, 
qui  se  sépare  immédiatement  en  deux  autres.  Le  premier  est 
formé  par  la  réunion  des  nerfs  de  la  première  et  de  la  seconde 
paire  (1),  et  leur  séparation  n’a  lieu  que  vers  le  tiers  de  leur  lon- 
gueur. Le  nerf  antérieur  se  dirige  vers  le  bord  latéral  antérieur 
du  prothorax , mais  sur  son  trajet  il  présente  trois  branches  qui 
se  divisent  en  plusieurs  ramifications  dans  les  muscles  rétracteurs 
de  la  tête.  Inférieurement  il  donne  une  branche  se  divisant  aus- 
sitôt en  deux  filets  dans  les  muscles  latéraux  du  prothorax.  Le 
second  nerf  (2)  chez  le  Hanneton  semble  n’être  qu’une  branche 
du  premier;  elle  se  rend  au  muscle  extenseur  de  la  hanche,  en 
offrant  néanmoins  quelques  petites  ramifications  qui  se  perdent 
dans  les  muscles  latéraux  du  corselet. 

Le  nerf  des  pattes  (3)  est  toujours  le  plus  puissant  ; il  pénètre 
dans  la  hanche,  traverse  le  trochanter  et  la  cuisse,  oii  il  fournit 
une  branche  très  forte  qui  s’étend  jusqu’à  l’extrémité  de  la 
jambe  (4).  Le  nerf  principal  seul  pénètre  dans  le  tarse  jusqu’à  la 

(t)  Règne  animal,  pl  3,  fig  I — 3 a, b. 

(a)  Id  , pl.  3,  fig.  1—3  b 
(3)  H.,  pl  3,  lig  I — 3 r 
t)  H , pl  3,  fig  I —3  r 


298  E.  BEVXCUARO.  — SUR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 

base  de  leurs  crochets.  Dans  la  première  partie  de  son  trajet , le 
nerf  crural  donne  naissance  à deux  branches  : l’une,  plus  forte  (1  ), 
se  divise  en  deux  rameaux  : l’un  se  rend  aux  muscles  fléchisseurs 
de  la  hanche  et  le  second  aux  muscles  rétracteurs  du  corselet.  La 
seconde  branche  , très  petite  comparativement,  pénètre  aussi  dans 
les  muscles  de  la  hanche. 

A l’égard  du  mode  d’insertion  des  nerfs  du  prothorax,  à l’égard 
aussi  de  la  grosseur  et  de  l’étendue  de  leurs  branches,  on  observe 
des  différences  très  considérables  entre  les  divers  types  de  l’ordre 
des  Coléoptères. 

Sous  ce  rapport  le  Carabe  s’éloigne  notablement  du  Han- 
neton. Chacune  des  trois  paires  de  nerfs  prothoraciques  a son 
origine  parfaitement  distincte,  et  de  plus  elle  se  divise  en  plusieurs 
branches,  presque  dès  son  origine.  Ainsi  le  nerf  antérieur  (2)  naît 
de  l’angle  supérieur  du  ganglion  et  se  sépare  aussitôt  en  deux 
branches.  La  plus  forte  donne  encore  naissance  à un  rameau  dont 
les  filets  se  distribuent  aux  muscles  latéraux  du  corselet,  tandis 
que  la  branche  elle-même  se  bifurque  entre  les  muscles  rétrac- 
teurs de  la  tête.  La  seconde  branche  se  divise  en  plusieurs  ra- 
meaux dans  les  muscles  du  corselet,  de  même  que  les  nerfs  de  la 
seconde  paire  (3). 

Ceux  de  la  troisième  (4) , dont  l’origine  est  à l’angle  inférieur 
du  ganglion,  se  recourbent  un  peu  comme  dans  tous  les  Insectes, 
pénètrent  dans  la  hanche  et  ensuite  dans  toute  la  longueur  des 
pattes,  comme  chez  le  Hanneton  et  comme  dans  tous  les  Coléop- 
tères que  j’ai  examinés;  ils  fournissent  avant  l’extrémité  de  la 
cuisse  une  branche  qui  aboutit  seulement  au  bout  de  la  jambe  à 
la  terminaison  du  muscle.  Dès  son  origine  le  nerf  crural  émet  une 
très  forte  branche  dont  les  principales  divisions  se  perdent  dans 
les  muscles  extenseurs  de  la  hanche;  il  en  est  de  même  d’une 
seconde  branche  beaucoup  plus  faible.  Il  fournit  aussi  inférieu- 
rement un  très  petit  filet  aux  muscles  rétracteurs  du  corselet. 


(1)  Règne  animal,  pl.  3,  fig.  I — 3 d 

(2)  Id.,  pl.  3 bis,  fig.  1— 3 a. 

(3)  Id.,  pl.  3 bis,  fig.  1 — 3 6. 

(4)  ld.t  pl  3 bis,  fig.  I — 3 c. 


DES  INSECTES. 


299 


Ou  trouve  donc,  quant  à l’insertion  des  nerfs  prothoraciques 
entre  les  Coléoptères , des  différences  considérables  selon  les  grou- 
pes auxquels  ils  appartiennent.  Souvent  les  nerfs  de  la  première 
et  de  la  seconde  paire  sont  soudés  dans  une  partie  de  leur  lon- 
gueur, et  le  second,  dans  beaucoup  de  cas,  étant  plus  faible  que 
le  premier,  semble  n’en  être  qu’une  branche.  Il  en  est  ainsi  dans 
beaucoup  de  types,  chez  les  Blaps,  chez  les  Nécrophores  (1)  , 
par  exemple,  où  les  nerfs  antérieurs  sont  très  gros  et  leurs  bran- 
ches propres  aux  muscles  rétracteurs  de  tête  fort  nombreuses. 
Chez  les  Hydrophiles,  cette  tendance  est  plus  marquée  encore  (2). 
Dans  les  Lucanes  (3),  les  trois  paires  de  nerfs  sont  bien  distinctes; 
cependant  elles  naissent  d’un  tronc  commun  se  divisant  après 
un  court  trajet  en  trois  nerfs,  presque  d’égale  grosseur. 

Souvent  un  filet  très  grêle  prenant  naissance  sur  le  trajet  des 
connectifs  qui  unissent  le  centre  médullaire  sous-œsophagien  avec 
le  prothoracique , vient  s’anastomoser  avec  le  nerf  antérieur.  On 
aperçoit  facilement  cette  disposition  chez  les  Cérambyciens  (4). 
Dans  les  Hydrophiles  (5) , ce  cordon  de  renforcement  naît  de  la 
base  du  ganglion  sous-œsophagien  et  vient  s’anastomoser  avec  le 
centremédullaire  prothoracique,  près  de  l’origine  de  sa  première 
paire  de  nerfs.  Dans  la  plupart  des  Coléoptères  on  ne  distingue 
pas  cependant  ce  nerf.  Nous  verrons  plus  loin  la  nature  de  cette 
différence. 

Les  ganglions  mésothoracique  et  métathoracique  sont  complè- 
tement séparés  l’un  de  l’autre  dans  la  très  grande  majorité  des 
Coléoptères.  Chez  les  larves,  ils  le  sont  toujours.  Néanmoins  chez 
certains  types  on  les  trouve  complètement  réunis  ; il  y a une  sou- 
dure, une  fusion  complète  entre  ces  deux  centres*  nerveux.  Ordi- 
nairement alors,  c’est  à peine  si  une  légère  dépression  l’indique. 

C’est  le  cas  pour  le  Hanneton  (6) ; malgré  cela,  les  nerfs  se 

(1)  PI.  10.  fig.  3,  et  PI.  9,  fig.  I a.b  c. 

(i)  PI  tt,  fig.  1. 

(3)  PI.  8,  fig.  1—3  a.b,c 

(b)  Règne  animal,  pl.  3 bit,  fig  2 — 3a'. 

;s)  pi.  ii,  fig.  i. 

/fi  l Régné  animal,  pl  3,  fig.  1—4  et  5 


300  E.  BLANCHARD.  — SUR  UE  SYSTÈME  NERVEUX 
trouvent  toujours  insérés  dans  les  mêmes  rapports,  et  il  n’y  a là 
aucune  modification  fondamentale.  Les  centres  médullaires  méso- 
thoracique et  métathoracique , de  même  que  le  prothoracique , 
fournissent  trois  paires  de  nerfs.  Les  antérieurs  sont  les  nerfs  des 
ailes,  les  postérieurs  sont  ceux  des  pattes,  et  les  intermédiaires 
sont  ceux  des  muscles  latéraux  et  supérieurs  du  thorax.  Parfois  le 
nerf  intermédiaire  naît  d’un  tronc  commun  avec  celui  des  pattes, 
mais  ce  n’est  pas  ordinaire  pour  la  plupart  des  Coléoptères. 

Dans  le  Hanneton,  avons-nous  dit,  les  centres  nerveux  du 
méso  et  du  métathorax  constituent  une  seule  masse.  Cette  masse 
est  d’un  tiers  plus  longue  que  large  et  arrondie  en  avant  comme 
en  arrière.  Une  dépression  transversale  et  une  sorte  de  petite  fos- 
sette médiane  indique  la  réunion  des  deux  ganglions  (1).  Mais  il 
n’existe  point  là  de  perforation , et  cette  masse  médullaire  n’est 
point  arrondie,  comme  M.  Straus  l’a  décrite  et  représentée.  Il  ne 
pouvait  y avoir  aucune  incertitude  à cet  égard  sur  aucun  des 
nombreux  individus  de  cette  espèce  que  j’ai  examinés. 

Le  plus  fréquemment  chez  les  Coléoptères  les  connectifs  entre 
les  ganglions  prothoracique  et  mésothoracique  sont  fort  longs  ; 
au  contraire,  dans  le  Hanneton,  ils  sont  très  courts. 

Les  nerfs  alaires,  ceux  qui  se  rendent  directement  aux  élytres, 
s’insèrent  aux  angles  antérieurs  du  ganglion  mésothoracique , et 
se  dirigent  un  peu  obliquement  jusqu’à  la  base  des  élytres.  Avant 
d’atteindre  l’apophyse  de  l’élytre , ils  se  divisent  en  trois  bran- 
ches, chacune  d’elles  se  rendant  aux  trois  nervures  principales  des 
ailes  en  se  subdivisant  en  plusieurs  rameaux  (2). 

Sur  son  trajet,  le  nerf  alaire  antérieur  donne  quelques  petits 
lilets  aux  muscles  rétracteurs  du  corselet. 

Le  nerf  intermédiaire  naît  du  même  tronc  que  le  nerf  des  pattes  ; 
il  est  assez  grêle,  et  se  sépare  en  trois  branches  se  divisant  elles- 
mêmes  dans  les  muscles  latéraux  et  supérieurs  du  thorax. 

Le  nerf  crural  mésothoracique  pénètre  comme  celui  du  prothorax 
dans  la  hanche,  et  nous  offre  aussi  deux  petits  lilets  pour  ses  mus- 
cles extenseurs.  Les  nerfs  métathoraciques  offrenl  peu  de  dilTé- 

(1)  Règne  (mimai,  nouvelle  édition  pi  :t  fig.  I i 

(2)  Ici  . |.l.  .1,  fig.  1 — 1. 


DIÎS  INSF.CTF.S. 


301 

rcnces  avec  ceux  du  mésothorax.  Les  nerfs  alaires  présentent  avant 
leur  extrémité  la  même  division  en  trois  branches  (1).  llsdonnent 
postérieurement  une  branche  très  forte  dont  les  ramifications  se 
perdent  dans  les  muscles  supérieurs  du  thorax  , et  surtout  dans 
ceux  des  ailes. 

Le  nerf  moyen  est  soudé  également  à son  origine  avec  le  nerf  cru- 
ral (2).  Il  se  divise  en  deux  branches  principales  ; les  ramifications 
de  l’une  se  distribuent  particulièrement  aux  muscles  alaires,  celles 
de  l’autre  aux  muscles  de  la  hanche.  Près  de  son  origine  le  nerf 
moyen  donne  une  branche  considérable  passant  sous  le  nerf  crural 
et  venant  se  ramifier  sur  les  muscles  de  l’insertion  des  pattes.  Le 
nerf  crural  (3)  descend  directement  jusqu’à  l’apophyse  de  lahanche, 
où  il  se  recourbe  ensuite  pour  pénétrer  dans  son  intérieur.  Plu- 
sieurs branches  du  nerf  crural  se  subdivisent  sur  les  muscles  de  la 
hanche. 

Dans  le  Carabe , les  ganglions  mésothoraciques  et  métathora- 
ciques  sont  assez  éloignés  l'un  de  l'autre.  Leurs  trois  paires  de 
nerfs  ont  leur  origine  séparée  l’une  de  l’autre.  Au  reste  dans  leur 
mode  de  division  les  différences  ne  sont  pas  grandes  avec  ce  qu’on 
observe  dans  le  Hanneton.  La  branche  du  nerf  alaire  antérieur 
qui  se  ramifie  dans  les  muscles  rétracteurs  du  corselet  est  ici  seu- 
lement plus  forte  proportionnellement.  Le  nerf  moyen  est  aussi 
plus  gros,  et  presque  dès  sa  base  il  se  sépare  en  deux  branches 
principales. 

Le  nerf  alaire  métathoracique  devient  très  grêle  dans  le  Ca- 
rabe (11).  L’absence  des  ailes  en  est  la  cause.  Il  reste  alors  tel 
qu’on  le  trouve  dans  les  larves,  où  il  se  perd  également  entre  les 
muscles  latéraux  du  thorax. 

Le  mode  d’insertion  des  nerfs , mais  bien  plus  encore  leurs  di- 
visions sous  le  rapport  de  leur  volume  et  même  de  leur  nombre, 
varient  très  notablement  entre  les  divers  types  de  l’ordre  des 
Coléoptères.  Mais  ce  sont  là  desmodificationsau  fond  assez  légères 
qui  ne  détruisent  en  aucune  manière  le  principe  fondamental. 

f I ) Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  3 — S b’ 

(2)  Id  . pl  3—5 

(3)  l<l  , pl  3 — 5 c 

( i) /</  , pl  3,fig.  1—  Su 


302  E.  BLANCHARD.  — SUR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 

En  général  il  paraît  exister  primitivement  dans  chaque  anneau 
de  l’abdomen  comme  dans  celui  du  thorax  un  ganglion  formé  de 
deux  noyaux  médullaires.  Si  l’abdomen  offre  neuf  anneaux  on 
trouve  une  chaîne  composée  de  neuf  centres  nerveux.  Le  plus  ordi- 
nairement cependant  on  compte  dix  anneaux  à l’abdomen  dans 
les  larves , et  jusqu’ici  on  n’a  jamais  observé  plus  de  neuf  centres 
médullaires.  Peut-être  le  dernier  est-il  déjà  la  réunion  de  plu- 
sieurs. L’observation  de  l’animal  au  premier  temps  de  sa  vie 
pourrait  conduire  à reconnaître  ce  fait. 

Quoi  qu’il  en  soit , les  larves  ne  nous  ont  jamais  présenté  plus 
de  neuf  ganglions,  souvent  moins,  selon  que  leur  état  embryon- 
naire est  plus  ou  moins  avancé. 

Dans  les  Coléoptères  parfaits,  nous  n'avons  jamais  trouvé  ce 
nombre  de  neuf  centres  médullaires  distincts,  bien  rarement  de 
huit,  plus  souvent  de  sept,  de  six  , de  quatre,  de  moins  encore. 
M.  Newport  a montré  comment  ces  ganglions  se  confondaient 
quand  l’animal  avançait  en  âge  II  y a ainsi  chez  ces  Insectes  un 
plus  ou  moins  grand  nombre  de  ganglions  confondus  ensemble; 
mais  certains  centres  médullaires  ne  s’atrophient  pas,  comme  le 
pensait  Ilcrold  (1). 

il  est  donc  tout-à-fait  inexact  de  dire  « La  variabilité  du  nom- 
» bre  des  ganglions  de  la  chaîne  ventrale  est  due  principalement 
» à la  présence  ou  à l’absence  de  quelques  uns  ou  même  de  tous 
» les  ganglions  abdominaux.  Ceux  du  thorax  peuvent  aussi  être 
.>  réduits  de  trois  qu’ils  sont , comme  dans  la  plupart  des  Coléo- 
» ptères,  des  Orthoptères,  des  Névroptères,  à deux,  comme  dans 
>■  le  plus  grand  nombre  des  Hémiptères,  et  à un,  comme  dans  les 
x Diptères  et  dans  quelques  Hémiptères  (2).  » 

Il  faut  répéter,  au  contraire,  à l’égard  des  Insectes  ce  qui  a été 
dit  à l’égard  des  Crustacés  par  MM.  Audouin  et  Milne  Edwards  : 
« En  dernier  résultat , le  système  nerveux  nous  présente  partout 
> une  uniformité  de  composition  remarquable,  et  toutes  lesdiffé- 
» rences  importantes  que  nous  avons  rencontrées  en  parcourant  la 
• série  de  ces  animaux  ne  sont  évidemment  que  des  modifications 

(1)  Entwickelunasgesehichte  der  Schmetterlinge  (1815). 

(2)  Leçons  d'anatomie  comparée,  par  G.  Cuvier,  2’’  édition,  t.  III,  p.  367. 


DES  INSECTES.  303 

» dépendantes  d’un  degré  plus  ou  moins  grand  du  rapprochement 
» et  de  centralisation  des  noyaux  médullaires.  » ( 1) 

Ce  sont  surtout  les  premiers  et  les  derniers  de  l’abdomên  qui  ten- 
dent à se  confondre.  Le  premier  et  le  second  très  fréquemment 
viennent  se  réunir  et  former  une  seule  masse  avec  le  ganglion 
métathoracique.  C’est  ce  qui  a conduit  M.  New  port  à regarder  le 
premier  ganglion , après  le  métathoracique,  comme  appartenant 
aussi  au  thorax.  Dans  certains  cas,  le  premier  anneau  abdominal 
de  la  larve  vient  à se  souder  également  avec  les  anneaux  du  thorax. 
Le  ganglion  réuni  au  centre  médullaire  du  métathorax  donne  ses 
nerfs  à cette  portion  devenue  thoracique.  D’après  cela  doit-on 
adopter  la  distinction  faite  par  M.  Newport?  Je  ne  le  pense  pas,  car 
souvent  ce  sont  deux  anneaux  de  l’abdomen  qui  sont  devenus  tho- 
raciques ; ne  pourrait-on  pas  trouver  d’exemples  d’une  fusion  plus 
grande  encore?  Alors  la  distinction  entre  les  centres  nerveux  du 
thorax  et  ceux  de  l’abdomen  n’existerait  pas  réellement.  Il  me 
semble  préférable  et  en  même  temps  plus  rationnel  de  considérer 
tous  les  ganglions  en  arrière  de  ceux  dont  les  principaux  nerfs  se 
distribuent  aux  organes  de  la  locomotion  comme  des  centres  mé- 
dullaires abdominaux.  Dans  les  descriptions  anatomiques  on  y 
gagnera  plus  de  clarté  ; car  certainement , si  la  limite  entre  le  tho- 
rax et  l’abdomen  n’est  pas  bien  définie  d’après  la  considération 
de  l'enveloppe  extérieure,  elle  ne  l’est  pas  davantage  d’après  le 
système  nerveux  Les  soudures  entre  les  divers  segments  en  sont 
la  preuve.  C’est  ce  qui  me  porte  du  reste  à attacher  peu  d’impor- 
tance à cette  distinction  des  centres  médullaires,  en  thoraciques 
et  en  abdominaux.  Les  derniers  ganglions  abdominaux  chez  les 
Coléoptères  ont  une  tendance  très  grande  à se  réunir.  Le  dernier 
est  toujours  constitué  par  la  fusion  de  plusieurs  autres  en  plus  ou 
moins  grande  quantité  suivant  les  groupes. 

Quelquefois  tous  les  centres  médullaires  de  l’abdomen  sont  en- 
tièrement confondus  et  ne  forment  alors  qu’une  seule  masse , tou- 
jours dans  ce  cas  refoulée  dans  le  thorax  , immédiatement  contre 

( 1 ) Troisième  Mémoire  sur  innalomie  et  lu  physiologie  des  Crustacés — Recher- 
ches anatomiques  sur  le  système  nerveux  [lunules  des  Sciences  nut.,  t.  XIV,  p.  98 
— I 828) 


3t)/l  E.  — SUIS  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

le  ganglion  métathoracique.  11  en  est  ainsi  pour  le  Hanneton.  Ou 
ne  distingue  même  dans  cette  masse  aucune  division  (1). 

Deux  nerfs  chez  cet  Insecte  prennent  naissance  à la  partie  pos- 
térieure du  centre  nerveux  métathoracique  et  viennent  se  ramifier 
à la  base  de  l’abdomen  ; c’est  évidemment  le  résultat  de  la  fusion 
de  deux  ganglions  abdominaux  avec  le  centre  médullaire  du  mé- 
tathorax.  Ces  deux  ganglions  s’étant  séparés  des  autres  qui  se 
sont  seulement  réunis  entre  eux , ceci  est  indiqué  par  l’embryo- 
génie. On  peut  s’en  assurer  en  suivant  les  modifications  qu’é- 
prouve l’animal  par  les  progrès  de  l’âge. 

Le  premier  de  ces  nerfs  inséré  à l’extrémité  postérieure  du  gan- 
glion métathoracique  descend  en  passant  sur  l’entothorax  et  donne 
d’abord  une  branche  se  divisant  en  plusieurs  rameaux  qui  se  por- 
tent sur  les  muscles  d’insertion  des  pattes  et  sur  les  rétracteurs 
de  l’abdomen.  Ce  nerf  se  recourbe  ensuite  en  fournissant  deux 
autres  branches  dont  l’une  se  rend  aux  muscles  de  l’entothorax , 
et  les  autres  à ceux  de  la  base  de  l’abdomen. 

Le  second  nerf  suit  la  même  direction  que  le  précédent  et  se 
divise  en  deux  grandes  branches  sur  un  premier  anneau  rudi- 
mentaire. 

Tous  les  autres  sont  échelonnés  sur  les  parties  latérales  de  la 
masse  constituée  par  la  réunion  de  tous  les  ganglions  abdomi- 
naux. Nous  en  comptons  six  paires  qui  forment  un  faisceau  pas- 
sant dans  la  gouttière  que  forme  l’entothorax.  La  plus  externe  se 
rend  au  premier  anneau  de  l’abdomen  et  ainsi  de  suite,  au  second, 
au  troisième,  jusqu’au  dernier.  Tous  ces  nerfs,  parvenus  dans 
leur  anneau  respectif,  se  divisent  en  deux  grandes  branches  pres- 
que égales  (2)  ; l’une  suit  le  point  de  jonction  du  segment  abdomi- 
nal avec  le  suivant  en  produisant  des  filets  qui  se  distribuent  plus 
particulièrement  aux  muscles  moteurs  des  anneaux  de  l’abdomen. 
L’autre  branche,  au  contraire,  se  dirige  vers  les  parties  latérales 
et  donne  ses  filets  surtout  aux  muscles  des  stigmates.  Le  qua- 
trième de  ces  nerfs  fournit  une  branche  aux  testicules  chez  les 
mâles,  aux  ovaires  chez  les  femelles. 

(1)  Règne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  T,  fig  I — fi. 

(2)  /(/..  pl.  3 — 6 u,b,c,d,e,f,g,h 


T)IîS  INSECTES. 


305 

La  masse  médullaire  abdominale  chez  le  Hanneton  se  prolonge 
postérieurement  en  deux  cuisses  d’où  naît  une  paire  de  nerfs  beau- 
coup plus  gros  que  les  autres  nerfs  de  l’abdomen.  M.  Straus  dit 
que  leurs  diverses  branches  lui  ont  paru  aboutir  aux  organes  de  la 
génération.  On  n’a  pas  décrit  davantage  dans  d’autres  Insectes  la 
manière  dont  ces  nerfs  se  divisent  et  distribuent  leurs  rameaux. 
Cependant  chez  tous  les  Coléoptères  leur  mode  de  distribution 
est  très  analogue. 

Dans  le  Hanneton  ces  grands  cordons  nerveux  descendent  d’a- 
bord en  ligne  directe  ; mais  dans  les  mâles  ils  se  contournent  sur 
la  verge,  pénètrent  dans  ses  muscles  où  ils  se  divisent  en  branches 
nombreuses,  les  unes  remontant,  les  autres  descendant  (1).  Chez 
les  femelles,  ces  nerfs  ne  se  contournent  pas , ils  aboutissent  direc- 
tement à l’oviducte.  Sur  leur  trajet  ils  fournissent  d’abord  deux 
branches  qui  se  rendent  aux  testicules  ou  aux  ovaires , puis  une 
autre  aux  conduits  déférents,  et  enfin  une  dernière  beaucoup  plus 
grande  remonte  sur  le  rectum,  où  l’on  distingue  plusieurs  ramifi- 
cations. 

Dans  le  Carabe , les  ganglions  abdominaux  forment  une 
longue  chaîne  (2).  Ils  sont  au  nombre  de  sept  plus  ou  moins  es- 
pacés les  un-  des  autres  ; le  premier  de  ces  centres  nerveux  est 
assez  gros  et  appliqué  contre  le  ganglion  métathoracique  ; les  cinq 
suivants  sont  plus  petits  et  presque  d’égale  grosseur  entre  eux;  le 
dernier  seul  est  notablement  plus  volumineux  et  séparé  du  précé- 
dent par  des  connectifs  très  courts.  Chacun  de  ces  centres  médul- 
laires abdominaux  produit  des  nerfs  ayant  leur  origine  distincte, 
mais  se  distribuant  comme  les  deux  branches  de  chaque  nerf  de 
l’abdomen  du  Hanneton.  Les  nerfs  du  dernier  ganglion,  qu’on 
pourrait  appeler  les  nerfs  sacrés,  sans  cependant  vouloir  les  com- 
parer anatomiquement  à ceux  qii’on  nomme  ainsi  chez  les  verté- 
brés, se  contournent  également  autour  de  la  verge  chez  le  Carabe 
en  se  ramifiant  dans  ses  muscles;  ils  fournissent  aussi  des  bran- 
ches aux  testicules  et  une  plus  considérable  au  rectum  (3). 

(1)  Itiyne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  3,  fig.  I — 6 o. 

(2)  ld.,  pl.  4,  fig.  I. 

(3)  ld.,  pl.  4,  fig.  1, 

3' série.  Zooi,.  T.  V.  (Mai  1846.)  t 20 


E.  BI.IN4  H lItD. 


SI  It  UC  SYSTEM  IC  NEItVKl  \ 


300 


s vi.  Du  système  nerveux  des  larves,  comparé  a celui  des  Insectes  parfaits 

On  sait  comment  llérold,  M.  Serres,  M.  Newport  ensuite, 
ont  suivi  de  jour  en  jour  les  modifications  que  présente  le  sys- 
tème nerveux  des  Lépidoptères,  en  passant  de  l’état  de  chenille 
à celui  de  chrysalide  ; de  l’état  de  chrysalide  à celui  d’insecte  par- 
fait. Ils  ont  vu  les  connectifs  se  raccourcir  de  plus  en  plus  et  cer- 
tains ganglions  se  confondre  entièrement. 

Dans  la  plupart  des  Coléoptères  on  remarque  la  centralisation 
du  système  nerveux,  s’effectuant  de  la  même  manière.  Pour  ceux- 
là,  je  n’ai  donc  pas  besoin  de  m’y  arrêter.  Mais  les  Scarabéiens , 
les  Curculioniens , peut-être  quelques  autres  encore,  présentent 
dans  l’accroissement  de  leur  système  nerveux  certaines  particu- 
larités que  je  dois  noter  comparativement. 

La  règle  générale  reste  cependant  la  même.  Dans  les  larves 
appartenant  aux  deux  grandes  tribus  que  je  viens  de  citer,  on  ob- 
serve une  disposition  assez  particulière  de  leur  système  nerveux. 
Pour  leur  grande  taille , il  est  très  réduit  et  occupe  seulement  la 
partie  antérieure  du  corps. 

Le  ganglion  sous-œsophagien,  les  trois  ganglions  thoraciques, 
les  ganglions  abdominaux  , au  nombre  de  huit  ou  neuf,  sont  très 
distincts  les  uns  des  autres  ; mais  leurs  connectifs  sont  si  courts  que 
ces  centres  médullaires  sont  tous  appliqués  les  uns  à la  suite  des 
autres  et  paraissent  ne  former  qu’une  masse  allongée  et  étranglée 
d’espace  en  espace  (1  ).  La  règle  générale  reste  cependant  la  même, 
disons-nous.  La  centralisation  deviendra  également-  plus  onsidé- 
rable  quand  l’animal  passera  par  l’état  de  nymphe  et  deviendra 
adulte.  En  effet,  les  ganglions  mésothoracique  et  métathoracique, 
séparés  dans  la  larve,  seront  entièrement  confondus  chez  l’Insecte 
parfait.  Les  ganglions  abdominaux,  distincts  dans  la  larve,  pré- 
senteront une  fusion  complète  dans  l’Insecte  adulte.  Ce  rappro- 
chement, cette  fusion  des  centres  médullaires  entre  eux  est  ana- 
logue ici  à. celle  observée  par  llérold  et  par  M.  Newport,  chez 
les  Lépidoptères  et  certains  Coléoptères. 


' i Hétjni'  animal,  pl.  4,  tiir . -1,  ('t  pl  14,  lig  I 


I»KS  IVSKCTKS. 


307 


Seulement,  tandis  qu'on  remarque  dans  ces  derniers  un  rac- 
courcissement des  connectifs,  on  observe  pour  les  Scarabéiens, 
les  Curculioniens,  etc.,  un  allongement  sur  certains  points.  Entre 
le  ganglion  sous-œsophagien  et  le  ganglion  prothoracique;  entre 
le  ganglion  prothoracique  et  le  mésothoracique , il  existe  chez 
le  Hanneton  et  le  Charançon  des  connectifs  assez  longs  (1)  ; chez 
leurs  larves,  au  contraire,  on  ne  les  distingue  point  (2). 

Je  tenais  à rappeler  ce  fait  que  si  les  centres  nerveux  tendent 
toujours  à la  centralisation  sur  certains  points  quand  l’Insecte 
abandonne  la  forme  de  larve  , les  connectifs  ne  se  raccourcissent 
pas  toujours,  mais  s’allongent  aussi  quelquefois. 

C’est  ce  qui  a été  bien  démontré  par  M.  Serres.  Ce  savant  a 
indiqué  l’écartement  des  centres  nerveux  par  les  progrès  de  l’âge 
chez  le  Scarabée  nasicorne  et  surtout  chez  la  larve  d’un  Di- 
ptère du  genre  Asile  (3). 

Il  est.  encore  un  autre  changement  du  système  nerveux  dans  un 
même  individu  aux  diverses  périodes  de  sa  vie  auquel  on  ne  s’est 
pas  arrêté  : c’est  celui  qui  a lieu  à i’égard  des  ganglions  céré- 
broïdes.  On  a vu  leur  augmentation  de  volume;  mais  on  n’a  pas 
observé  que  leur  partie  antérieure  tendait  toujours  à se  recourber 
en  dessous  quand  l’animal  avançait  en  âge.  Il  est  assez  facile  ce- 
pendant de  suivre  ce  refoulement  ; car  il  est  indiqué  par  l’insertion 
des  nerfs  du  labre  et  du  ganglion  frontal.  Si  l’on  examine  la  larve 
du  Hanneton,  on  trouvera  ces  deux  nerfs  naissant  d’un  tronc  com- 
mun, dont  l’origine  est  à l’extrémité  antérieure  de  chacun  des  gan- 
glions cérébroïdes(A).  Ceux-ci  sont  alors  un  peupointusen  avant. 
Si  l’on  examine  la  nymphe  du  Hanneton  ou  du  Scarabée  nasicorne, 
on  trouvera  les  ganglions  cérébroïdes  plus  arrondis  antérieu- 
rement, le  tronc  commun  des  deux  nerfs  plus  court  et  ayant  déjà 
son  insertion  en  dessous.  Enfin  si  l’on  examine  le  Hanneton  adulte, 
ces  deux  nerfs  paraîtront  alors  avoir  deux  origines  distinctes  pres- 

(t  j Règne  animal,  pl.  3,  fig.  1 — 2 à 3 et  3 à 4 ; pl.  3 bis.  fig.  2 — 2 a 3 et  3 a » 

(2)  ld.,  pl.  4,  fig.  3.  et  pl.  t4,  fig.  1 

{3)  Anatomie  comparée  du  cerveau  dans  les  quatre  classes  des  animaux  verté- 
brés. t II,  p.  39  (1826). 

(4/  Règne  animal,  pl.  4.  fig  3 e,d 


308  E.  BLANCHARD.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 
que  au  milieu  de  la  partie  inférieure  des  ganglions  cérébroïdes(l). 
On  suit  aussi  ce  refoulement  progressif  non  seulement  chez  le 
Hanneton  , mais  dans  tous  les  autres  Coléoptères. 

§ VII.  De  la  structure  des  nerfs  et  des  ganglions. 

M.  Newport  est  le  premier  qui  se  soit  occupé  sérieusement  de 
la  structure  des  nerfs  et  des  ganglions  chez  les  Insectes.  Il  nous 
a fait  voir  qu’il  existait  dans  chaque  nerf  deux  colonnes  de  fibres 
comme  on  1 observe  dans  les  racines  des  nerfs  spinaux  chez  les 
animaux  vertébrés. 

If  une  supérieure,  qu’il  regarde  comme  dévolue  aux  organes 
du  'mouvement  ; l’autre  inférieure,  se  confondant  entièrement 
avec  les  ganglions,  et  qu’il  considère  comme  dévolue  à la  sen- 
sibilité. 

Outre  ces  deux  ordres  de  fibres,  le  même  anatomiste  a reconnu 
l’existence  de  nerfs  particuliers  déjà  entrevus  et  nommés  par 
Lyonnet  brides  épinières.  Il  les  désigne  sous  le  nom  de  nerfs 
transversaux  d’après  la  direction  de  leurs  branches  principales , 
ou  surajoutés,  parce  qu’ils  fourniraient  des  branches  à des  muscles 
qui  en  reçoivent  déjà  de  la  chaîne  ganglionnaire  (2).  Ces  nerfs  se 
distribueraient  plus  particulièrement  aux  trachées  et  aux  muscles 
des  mouvements  involontaires  comme  ceux  qui  sont  mis  en  jeu 
par  le  fait  de  la  respiration. 

A chaque  segment  du  corps  on  observerait  un  plexus  de  ces  nerfs 
transversaux , correspondant  avec  celui  du  segment  suivant  au 
moyen  de  deux  libres  qui  passent  diagonalement  sur  le  ganglion, 
se  rapprochent  ensuite  et  descendent  le  long  des  connectifs  (3). 
Ces  nerfs  transversaux  s’anastomosant  plus  ou  moins,  ou  même 
se  réunissant  complètement  avec  les  nerfs  de  la  chaîne  ganglion- 

(1)  Règne  animal,  pl.  4.  fig.  1 . 

(2)  1 hâve  c.alled  these  nerves  transverse  from  the  direction  of  tbeir  principal 
branches  ; superailded  , from  their  being  nerves  given  lo  muscles , in  addition  to 
nerves  from  the  moto-sensitive  or  spinal  cords,  and  respiratory  from  their  distri- 
bution being  chiefly  lo  muscles  which  appear  lo  be  most  concerned  in  respiration. 

— Newport,  On  the  respiration  of  Insects  (in  Pliilosophical  Transactions,  part  u 

— 1 83b). 

(."!)  Voy.  toc  cil.,  pl.  xxxvn. 


UES  INSECTES,  30'J 

naire,  M.  Newport  leur  attribue  une  fonction  analogue  à celle 
du  système  nerveux  sus-intestinal. 

Quelque  ingénieuse  que  soit  la  distinction  faite  par  M.  Newport 
en  ce  qui  concerne  les  fonctions  attribuées  aux  diverses  libres  des 
nerfs  des  Insectes,  sans  vouloir  en  aucune  manière  la  rejeter,  je 
ne  crois  pas  non  plus  devoir  l’admettre  comme  positive,  car  elle 
n’est  appuyée  sur  aucune  preuve  physiologique. 

Chez  les  larves,  particulièrement  dans  certaines  Chenilles,  qui 
ont  été  le  sujet  des  observations  de  M.  Newport,  les  nerfs  trans- 
versaux sont  souvent  très  distincts,  car  chez  plusieurs  Lépi- 
doptères ils  ont  une  coloration  particulière,  et  les  ganglions  eux- 
mêmes  sont  souvent  bruns  ou  rougeâtres.  On  les  observe  aussi 
assez  facilement  dans  plusieurs  larves  de  Coléoptères  ; je  les  ai  vus 
nettement,  surtout  dans  les  larves  de  Dytiques.  Chez  les  insectes 
parfaits  ils  se  confondent  souvent  avec  la  substance  des  ganglions, 
et  alors  on  les  distingue  difficilement.  Toutefois,  ceux  dont  les 
ganglions  sont  espacés,  comme  les  Carabes,  les  Staphylins,  sont 
les  plus  favorables  pour  les  observer.  Toujours  est-il  que  dans  la 
plupart  des  nerfs , ils  s’associent  entièrement  aux  autres  fibres. 

Du  reste , il  paraît  évident  que  dans  plusieurs  circonstances 
au  moins  on  a décrit  et  représenté  des  filets  trachéens  comme 
des  portions  de  ce  système  surajouté. 

Les  fibres  nerveuses  , regardées  par  M.  Newport  comme  mo- 
trices, et  qui  passent  sur  les  ganglions,  restent  au  contraire  pres- 
que toujours  faciles  à apercevoir  chez  les  Insectes  parfaits.  On 
les  rend  surtout  bien  visibles  en  les  plongeant  pendant  quelque 
temps  dans  l’alcool , ou  mieux  encore  dans  l’essence  de  térében- 
thine. Dans  plusieurs  larves,  les  trois  cordes  qui  concourent  à 
former  les  nerfs  alaires  sont  très  apparentes  ; mais  chez  les 
Coléoptères  à l’état  parfait  , on  distingue  difficilement  les  fibres 
transverses,  et  le  filet  nerveux  qui  naît  du  connectif  n’est  pas 
isolé  chez  tous,  comme  dans  les  Hydrophiles,  lesCérambyx,  etc. 

Dans  le  Hanneton,  par  exemple,  le  rapprochement  est  tel 
qu’on  aperçoit  assez  difficilement  à la  base  des  nerfs  alaires  les 
trois  ordres  de  fibres;  on  isole  cependant  le  filet  des  connectifs  en 
détruisant  le  névrilème,  au  moyen  d’acide  nitrique  étendu  d’eau. 


310  F..  BLtMUARD.  SUK  LE  SiSTÈME  .\EKVKl.X 

En  examinant  les  ganglions  des  Insectes  sous  le  microscope , 
on  aperçoit  au  centre  deux  nodules  assez  faciles  à voir,  surtout 
dans  les  ganglions  abdominaux.  M.  Newport  regarde  cette  partie 
centrale  comme  l’analogue  de  la  matière  grise  dans  les  animaux 
vertébrés. 

§ VIII  De  l'emploi  des  modifications  du  système  nerveux  en  zoologie. 

La  description  anatomique  du  système  nerveux  des  Coléoptères 
montre  suffisamment  sur  quels  points  on  doit  particulièrement 
porter  son  attention  pour  les  caractères  zoologiques.  Les  groupe- 
ments des  ganglions,  de  l’abdomen  et  du  thorax  doivent  surtout 
nous  arrêter.  On  tiendra  compte  encore  d’autres  modifications  , 
sans  cependant  y attacher  une  valeur  aussi  grande.  Ce  sera  d’a- 
bord le  mode  d’insertion  des  principaux  nerfs,  puis  la  forme  par- 
ticulière des  ganglions.  Les  subdivisions  des  nerfs , la  grosseur 
et  le  nombre  plus  ou  moins  grand  de  leurs  branches  dans  les 
organes  où  elles  se  rendent,  ne  semblent  pas  mériter  au  même 
degré  d’être  prises  en  considération  , pour  l’application  de  l’ana- 
tomie à cette  partie  de  la  zoologie.  Le  travail  nécessaire  pour 
reconnaître  la  disposition  du  système  nerveux  dans  un  Insecte  de 
manière  à pouvoir  apprécier  ses  affinités  naturelles  , demeure 
donc  , par  cela  même , moins  considérable. 

CHAPITRE  III. 

L><;  la  disposition  du  système  nerveux  dans  les  tribus,  familles  et  groupes 
de  l’ordre  des  Coléoptères. 

Je  dois  faire  connaître  maintenant  la  disposition  particulière 
qu’affecte  le  système  nerveux  dans  chaque  tribu  et  dans  chaque 
famille  de  l’ordre  des  Coléoptères.  N’est-il  pas  utile  auparavant 
d’examiner  d’une  manière  comparative  la  valeur  des  caractères 
tirés  des  autres  parties  de  l’organisme?  Il  sera  plus  facile  alors 
d’apprécier  l’importance  du  système  nerveux. 

Les  métamorphoses  complètes  ou  incomplètes  et  la  structure 
générale  des  ailes , sont  les  bases  sur  lesquelles  repose  la  division 
de  la  classe  des  Insectes  en  plusieurs  ordres.  Les  pattes  fournis- 


Dl;s  IXSliCTES. 


31 1 


sent  des  caractères  propres  à des  tribus  ou  à des  familles  , par  le 
nombre  d’articles  que  présentent  leurs  tarses.  Dans  certains  or- 
dres, ce  caractère  est  nul.  Tous  les  Hyménoptères,  tous  les  Lépi- 
doptères , tous  les  Diptères , ont  leurs  tarses  composés  de  cinq 
articles  ; mais  ce  nombre  de  divisions  descendant  souvent  à quatre, 
à trois,  à deux,  même  à une  seule  , dans  diverses  familles,  comme 
parmi  les  Coléoptères,  les  Orthoptères , les  Hémiptères,  etc.,  on 
s'en  est  servi  avec  avantage  pour  former  des  groupes  plus  ou 
moins  considérables. 

Autrefois  , à l’égard  des  Coléoptères , les  entomologistes  met- 
taient ce  caractère  en  première  ligne.  Depuis,  les  rapprochements 
forcés  qui  en  devenaient  la  cause  n’ayant  échappé  à personne , on 
a cessé  d’y  attacher  plus  d’importance  qu’on  n’en  attache  aux 
modifications  offertes  par  les  antennes  et  par  les  parties  de  la 
bouche. 

Les  antennes  sont  souvent  des  indices  assez  sûrs  pour  recon- 
naître des  familles  et  même  des  tribus.  Pour  quelques  unes  d’entre 
elles,  ce  caractère  suffit  pour  les  faire  reconnaître  avec  toute  cer- 
titude ; mais  néanmoins,  il  est  bien  loin  de  s’étendre  à tous  les 
groupes.  Les  plus  petites  modifications  de  ces  appendices  , dans 
un  grand  nombre  de  cas , servent  avec  avantage  pour  appuyer  de 
petites  divisions,  comme  les  genres,  par  exemple. 

Les  parties  de  la  bouche  paraissent  avoir  une  valeur  tout-à- 
fait  comparable  à celle  des  antennes  ; tantôt  donnant  des  carac- 
tères propres  à des  ordres  entiers;  tantôt  seulement  à des  tribus  : 
beaucoup  plus  ordinairement  à des  groupes  plus  limités  encore. 

Les  ailes  fournissent  des  caractères  précieux  pour  la  séparation 
des  ordres;  mais  elles  présentent  aussi  des  modifications  nom- 
breuses dans  la  disposition  de  leurs  nervures  , correspondant  à 
des  divisions  secondaires  plus  ou  moins  naturelles. 

Pour  les  Hyménoptères,  pour  les  Diptères,  un  peu  pour  les 
Lépidoptères  et  les  Névroptères , on  a fait  usage  des  caractères 
fournis  par  les  nervures  des  ailes.  Pour  les  autres  ordres,  comme 
les  Coléoptères,  les  Hémiptères  et  même  les  Orthoptères,  on  le> 
a totalement  négliges.  On  aura  donc  encore  des  faits  de  détails 
intéressants  à tirer  de  cette  étude. 


312  E.  BLWCIIARD.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

Les  appendices  cornés  et  extérieurs  dépendant  des  organes  de 
la  génération  semblent  aussi  devoir  présenter  des  caractères  sur 
lesquels  les  entomologistes  auront  à porter  leur  attention.  Jus- 
qu’ici , cependant  , on  les  a négligés  constamment. 

De  ce  qui  précède  il  résulte  que  les  modifications  offertes, 
soit  par  les  antennes,  soit  par  les  pièces  de  la  bouche  , soit  par 
le  tarses,  ne  peuvent  suffire  à caractériser  tous  les  groupes.  Il 
en  résulte  aussi  que  les  modifications  offertes  par  les  antennes, 
les  pièces  de  la  bouche  et  les  tarses,  sont  bien  loin  de  se  cor- 
respondre. 

Les  ordres,  les  tribus,  les  familles,  les  groupes,  les  genres 
mêmes,  ne  peuvent  donc  souvent  être  caractérisés  que  par  une 
réunion  de  caractères.  Si  les  modifications  d’un  appendice  suffi- 
sent pour  la  distinction  d’un  groupe,  elles  deviennent  insuffisantes 
pour  la  plupart  de  ceux  qui  l’entourent.  Dès  lors  il  faut  recourir 
à la  fois  à quatre,  cinq,  six  ou  dix  caractères.  Encore  on  ne  par- 
vient pas  toujours  à caractériser  avec  précision  tous  les  types 
appartenant  à une  même  grande  division. 

Toutefois , les  plus  grandes  difficultés  11e  se  présentent  pas  là. 
Quand  il  s’agit  de  rapprocher  les  tribus  et  les  familles  , de  ma- 
nière à placer  près  les  uns  des  autres  les  êtres  qui  se  ressemblent 
le  plus , on  s’aperçoit  alors  que  les  légères  modifications  de  forme 
dans  le  système  appendiculaire  ne  permettent  pas  de  faire  recon- 
naître de  nombreuses  affinités. 

Souvent,  comme  j’aurai  lieu  de  le  faire  remarquer  par  la 
suite , il  est  tel  genre  paraissant , d’après  la  seule  inspection  des 
caractères  extérieurs,  pouvoir  être  placé  indifféremment  dans 
une  famille  ou  dans  une  autre.  Il  est  tel  groupe  ou  telle  famille 
qu’on  ne  sait  parfois  à quelle  tribu  rattacher. 

Aussi  maintenant  il  s’agit  de  savoir  dans  quelle  mesure  les 
organes  intérieurs  viendront  éclairer  ce  qui  est  resté  douteux. 

Il  s’agit  encore  de  voir  si  les  premiers  états  ne  fourniront  pas 
de  précieuses  données  à cet  égard  ; si  l’étude  comparative  des 
caractères  intérieurs  et  extérieurs  fournis  par  les  larves  ne  con- 
duira pas  à l’appréciation  exacte  des  affinités  relatives  des  In- 
sectes entre  eux. 


DES  INSECTES. 


313 

Jusqu’à  présent , ces  questions  avaient  trop  peu  fixé  l’attention 
des  zoologistes  pour  pouvoir  être  résolues  sans  le  secours  de  re- 
cherches nombreuses. 

Je  vais  indiquer  sommairement  les  faits  connus  touchant  l’or- 
ganisation des  Insectes  , de  manière  à faire  voir  clairement  mon 
point  de  départ. 

Les  observations  anatomiques  sur  les  Insectes,  je  l’ai  dit,  sont 
déjà  assez  multipliées.  Ramdorh  , M.  Marcel  de  Serres,  et  surtout 
M.  Léon  Dufour,  ont  fait  connaître  l’appareil  alimentaire  et  l'ap- 
pareil reproducteur  de  l’un  et  l’autre  sexe , dans  la  plupart  des 
types  importants  de  la  classe  des  Insectes. 

L’ordre  des  Coléoptères , en  particulier,  a été  sous  ce  rapport 
l’objet  de  nombreuses  investigations. 

Les  recherches  des  anatomistes  que  je  viens  de  citer,  jointes  à 
mes  propres  observations  sur  un  grand  nombre  de  types  dont  ils 
ne  se  sont  pas  occupés  , m’ont  démontré  que  la  connaissance  des 
rapports  naturels  aurait  peu  à gagner , d’après  la  considération 
du  tube  alimentaire. 

En  effet , nous  voyons  varier  non  seulement  sa  longueur  totale, 
mais  aussi  les  proportions  de  l’œsophage  avec  le  jabot , du  jabot 
avec  le  ventricule  chylifique,  du  jabot  et  du  ventricule  chy  lifique 
avec  l’intestin  , et  ainsi  de  suite.  Nous  observons  cela  non  seule- 
ment entre  les  types  constituant  de  petits  groupes  ou  des  genres , 
mais  même  assez  souvent  entre  des  espèces  d’un  même  genre. 
Les  expansions  qu’on  remarque  parfois  dans  une  grande  partie 
du  tube  digestif  de  certains  Insectes  ne  se  retrouvent  plus  chez  les 
types  voisins , au  moins  dans  la  plupart  des  cas. 

Cependant  les  différences  dans  le  nombre  des  vaisseaux  biliaires 
correspondent  assez  fréquemment  à des  groupes  naturels,  comme 
M.  Léon  Dufour  l’a  bien  fait  observer. 

Il  est  nécessaire  de  tenir  compte  de  cette  différence  dans  le 
nombre  des  vaisseaux  biliaires.  11  est  même  nécessaire  de  tenir 
compte  des  caractères  fournis  par  tout  l’appareil  alimentaire. 
Dans  certains  cas . on  pourra  le  faire  avec  avantage  pour  des 
groupes  très  limités,  surtout  si  l’on  ne  s’en  tient  -pas  à la  considé- 
ration de  l’insecte  parfait. 


SDK  LU  SYSTEME  NERVEUX 


31/|  E.  UI.WtUtKI).  

Mais  bien  certainement , comme  base  de  classification , la  con- 
figuration du  canal  intestinal  n’a  qu’une  importance  bien  secon- 
daire. 

Après  l’appareil  alimentaire,  l’appareil  de  la  reproduction  est 
celui  dont  on  s’est  le  plus  occupé. 

Ce  que  nous  avons  dit  du  tube  digestif,  nous  pouvons  le  répéter 
pour  les  organes  de  la  génération.  Les  organes  mâles  aussi  bien 
que  les  organes  femelles  n’offrent  aucune  constance  de  formes 
dans  les  groupes  les  plus  naturels. 

Nos  connaissances  touchant  l’appareil  respiratoire  sont  moins 
avancées  que  celles  concernant  les  organes  dont  j’ai  déjà  parlé. 
Mes  recherches  m’ont  démontré  que  les  modifications  offertes  par 
les  organes  de  la  respiration  étant  peu  nombreuses  ne  pourraient 
pas  être  extrêmement  utiles  à la  classification.  Un  exemple  suffira 
pour  le  montrer  : tous  les  Coléoptères  sont  pourvus  de  trachées 
tubuleuses  très  semblables  dans  tous  les  types.  Il  faut  en  excepter 
seulement  deux  tribus  : les  Scarabéiens  et  les  Lucaniens , qui  tous 
sont  pourvus  de  trachées  vésiculeuses.  Ceci  prouve  au  reste  que 
l’on  doit  tenir  compte  des  différences  que  présente  l’appareil  res- 
piratoire. Ailleurs,  dans  les  Hyménoptères  et  dans  quelques  autres 
ordres  , on  voit  certaines  modifications  correspondant  à certains 
groupes  naturels.  Mais  néanmoins,  avec  la  considération  des  tra- 
chées seulement , on  obtiendrait  fort  peu  de  résultats. 

M.  Newport  pense  que  les  trachées  vésiculeuses,  contenant  plus 
d’air  que  les  trachées  tubuleuses , sont  nécessaires  aux  Scara- 
béiens. Leur  corps  étant  très  volumineux  , ils  auraient  besoin  de 
plus  d’air  que  les  autres  pour  s’envoler.  Au  premier  abord,  celle 
opinion  paraît  fondée  ; mais  si  l’on  observe  d’autres  Coléoptères 
dont  le  corps  est  également  très  lourd,  on  ne  comprend  pas  com- 
ment ce  qui  est  nécessaire  pour  les  Scarabéiens  ne  l’est  pas  éga- 
lement pour  ceux-là.  Il  faut  nécessairement  en  conclure  que  ce 
n’est  pas  là  la  raison  , ou  au  moins  que  ce  n’est  pas  la  seule. 

Les  larves  des  Scarabéiens  n’ont  que  des  trachées  tubuleuses  , 
comme  les  autres  Coléoptères.  Elles  deviennent  vésiculeuses  quand 
l’animal  devient  adulte. 

Remarquons  que  ces  trachées  vésiculeuses  appartiennent  aux 


UES  INSECTES.  315 

Coléoptères  dont  l’organisation  nous  paraît  la  plus  parfaite  , 
d’après  le  degré  de  centralisation  de  leur  système  nerveux. 

Les  Hyménoptères  ont  la  plupart,  comme  les  Coléoptères,  des 
trachées  tubuleuses  ; plusieurs  d'entre  eux  cependant  en  ont  de 
vésiculeuses.  Or  ce  sont  surtout  les  Abeilles  et  les  autres  Apiens 
dont  les  trachées  forment  dans  l’abdomen  ces  grandes  poches  aéri- 
fères.  Ce  sont  donc  les  Hyménoptères  les  plus  parfaits  qui  seuls 
en  sont  pourvus. 

Ceci  ne  conduit-il  pas  à montrer  que  les  trachées  vésiculeuses 
sont,  chez  les  Insectes,  un  indice  de  perfection? 

On  remarquera  sans  doute  que  les  Lucaniens  , dont  le  système 
nerveux  est  moins  parfait  que  celui  des  Scarabéiens,  ont  des  tra- 
chées semblables. 

Mais  les  Lucaniens  constituent  une  petite  tribu  , sous  beaucoup 
de  rapports,  bien  voisine , et  en  quelque  sorte  satellite  de  celle  des 
Scarabéiens.  Ne  peut-on  pas  admettre,  comme  on  l’observé  sou- 
vent dans  divers  groupes  du  règne  animal , qu'ici  un  appareil  est 
resté  moins  parfait , tandis  qu’un  autre  a cependant  acquis  sa 
plus  grande  perfection? 

Examinons  donc  à présent , dans  chaque  tribu  et  dans  chaque 
famille,  les  données  qui  nous  sont  offertes  par  le  système  nerveux 
en  ce  qui  concerne  la  méthode  naturelle. 

I r*  Tribu.  — Les  Scarabéiens  (Scarabœii). 

( Lamellicornes  , Lalr.  ) 

Peu  de  tribus  dans  l’ordre  des  Coléoptères  sont  à la  fois  aussi 
naturelles  et  aussi  nombreuses  que  celle  des  Scarabéiens.  Les 
formes  extérieures  de  tous  ses  représentants  sont  très  variées , 
mais  on  leur  trouve  des  caractères  communs  assez  tranchés  pour 
ne  pas  les  méconnaître.  Extérieurement,  leurs  antennes  courtes, 
non  coudées,  et  terminées  par  une  massue  perfoliée,  permettent 
de  les  distinguer  de  tous  les  autres  Coléoptères.  Rien  à la  vérité 
n’indique  que  ce  caractère  ait  une  valeur  bien  considérable.  On 
sait  même  qu’il  disparaît  jusqu’à  un  certain  point  dans  un  genre 
de  cette  tribu,  dans  le  genre  l.elhrus ; mais  des  pai ticulai ités 


31(3 


E.  BLAMIMRO.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

organiques  propres  à l’ensemble  des  Scarabéiens  donnent  à cette 
tribu  une  base  plus  solide. 

Nous  admettons  la  division  des  Scarabéiens  en  huit  familles, 
elles-mêmes  subdivisées  en  plusieurs  groupes  (1). 

Ce  sont  les  Cétoniides,  les  Glaphyrides,  les  Mélolonthides , les 
Scarabéides,  les  Géolrupides,  les  Euchirides,  les  Coprides  et  les 
Passalides.  On  distingue  facilement  entre  elles  ces  diverses  fa- 
milles à l'aide  des  modifications  fournies  surtout  par  les  pièces  de 
la  bouche , et  quelquefois  par  le  nombre  d’articles  aux  antennes. 
11  est  même  plus  facile  de  trouver  des  caractères  pour  les  séparer 
les  unes  des  autres  que  d’en  rencontrer  qui  soient  généraux  à 
toutes,  c’est-à-dire  à la  tribu  entière  des  Scarabéiens.  Après  celui 
qui  nous  est  offert  par  les  antennes , on  en  cherche  vainement  un 
autre  propre  à la  fois  à tous  , mais  exclusivement  à tous  les  Sca- 
rabéiens. Néanmoins  nous  observons  dans  ces  Coléoptères  des 
trachées  dont  la  forme  leur  est  particulière  seulement  avec  celles 
des  Lucaniens.  J’exposerai  plus  loin  les  motifs  qui  m’ont  fait  sépa- 
rer ces  derniers  des  Scarabéiens.  Ceux-ci  ont  tous  des  trachées 
vésiculeuses,  telles  que  M.  Straus  les  a représentées  chez  le  Han- 
neton. Je  n’ai  observé  à cet  égard  aucune  différence  essentielle 
entre  les  Cétoines , les  Hannetons , les  Scarabées , les  Géo- 
trupes,  etc. 

Dans  la  disposition  du  système  nerveux , j’ai  rencontré  une 
similitude  non  moins  frappante;  tel  j’ai  décrit  cet  appareil  dans 
le  Hanneton , tel  je  l’ai  observé  dans  les  Cétoines  ( Cetonia  aurata 
Lin.)  et  dans  les  Trichius  ( Gnorimus  nobiliset  Trichius  fasciatus 
Fab.),  principaux  représentants  de  la  tribu  des  Cétoniides.  Les 
Glaphyrides  m’ont  présenté  une  disposition  tout-à-fait  analogue. 
J’ai  examiné  leur  système  nerveux  dans  un  type  du  groupe  des 
Amphicomites  (Psilodema  melis)  et  dans  un  insecte  du  Chili  appar- 
tenant au  groupe  des  Pachycnémites,  le  Cratoscelis  vulpina  Erichs. 
Les  Mélolonthides  étudiés  non  seulement  dans  le  Hanneton,  mais 
encore  dans  divers  autres  représentants  (\es  Rhizotrogus  ers  tiens 

(I)  Voyez  pour  les  divisions  des  tribus  en  familles,  groupes  et  genres,  mon 
Histoire  des  Insectes  (Paris,  F Didot,  ISIS,  2 vol.),  où  se  trouvent  énoncés 
leurs  principaux  caractères,  tirés  du  système  appendiculaire. 


DES  INSECTES. 


317 

et  citer  Fabr. , l 'Anisoplia  horlicola  Lin.,  les  Hoplia  farinosa 
Fabr.,  et  Decantera pulverulenla,  Fabr.),  de  même  que  les  Sca- 
rabéides  (Scarabœus  hercules  et  Orycles  nasicornis  Lin.),  les  Géo- 
trnpides  ( Geotrupes  stercorarius  et  vernalis  Lin.  et  les  Coprides 
(Copris  lunaris  Lin. , Ateuchus  sacor  J. in.  ),  sont  également  sem- 
blables sous  ce  rapport.  Chez  quelques  uns  de  ces  derniers , les 
Ateuchus  principalement , j’ai  observé  une  légère  tendance  vers 
une  autre  forme.  Les  ganglions  thoraciques  et  abdominaux  n’of- 
frent aucune  modification  vraiment  appréciable;  mais  les  gan- 
glions cérébroïdes  sont  un  peu  plus  petits  que  dans  les  autres 
Scarabéiens  proportionnellement  au  développement  de  la  tète,  et 
les  nerfs  optiques  n’ont  pas  la  même  grosseur.  C’est  là  une  modi- 
fication bien  légère  toutefois  ; mais  rapprochée  de  ce  qu’on  voit 
dans  une  famille  voisine,  on  reconnaît  véritablement  une  tendance. 
La  famille  très  peu  nombreuse  des  Euchirides  n’ayant  pas  de 
représentants  dans  notre  pays , je  n’ai  pu  l’étudier  ; mais  elle 
paraît  si  voisine  des  Scarabéides  et  des  Géotrupides , que  vrai- 
semblablement les  espèces  de  cette  famille  ne  feront  pas  exception 
avec  les  autres  représentants  de  leur  tribu. 

Je  suis  donc  conduit  à regarder  les  Cétoniides,  Glaphyrides, 
Mélolontbides , Scarabéides  , Géotrupides  et  Coprides , comme 
constituant  un  ensemble  parfaitement  homogène.  Le  degré  de  cen- 
tralisation de  leur  système  nerveux  doit  aussi  les  faire  considérer 
comme  les  Coléoptères  dont  l’organisation  est  la  plus  élevée. 

Les  Aphodius  dans  la  famille  des  Coprides  (A.  fimetarius  et 
rufipes  Fabr.),  ainsi  que  les  Géotrupides,  tout  en  offrant  les  ca- 
ractères des  autres  Scarabéiens  , nous  présentent  néanmoins  une 
centralisation  un  peu  moins  prononcée.  Les  ganglions  méso  et 
métathoraciques  sont  réunis  comme  chez  les  autres  représentants 
de  la  tribu  ; seulement,  leur  réunion. est  indiquée  par  une  dépres- 
sion plus  profonde  que  chez  les  Hannetons , les  Cétoines  et  les 
Scarabées.  La  masse  médullaire  abdominale  est  aussi  un  tant  soit 
peu  plus  oblongue  ; mais  ce  sont  là  des  différences  à peine  sen- 
sibles. 

Jusqu’ici  je  n’ai  encore  rien  dit  d’une  huitième  famille,  dans 
la  tribu  des  Scarabéiens,  les  Passalides,  qui  constituent  un  tvne 


318  E.  BUM'MM.  — SUli  i.li  SYSTEME  \KHVliljX 
un  peu  aberrant.  Pour  les  Passâtes,  je  n'ai  pu  étudier  que  des 
individus  ayant  fait  un  long  séjour  dans  l’alcool  ( Passalus  inter- 
rvptus  Fabr.  et  distinctus  Chev.).  J'ai  trouvé  leur  système  ner- 
veux très  analogue  à celui  des  autres  Scarabéiens;  cependant 
j’ai  remarqué  la  séparation  du  ganglion  mésothoracique  d’avec  le 
métathoracique , et  les  ganglions  abdominaux  m’ont  offert  une 
masse  plus  allongée  que  celle  des  autres  Insectes  de  la  même 
tribu.  Cette  légère  modification  nous  montre  la  famille  des  Pas- 
salides  comme  s’éloignant  un  peu  du  type  principal  de  la  tribu  des 
Scarabéiens.  Elle  constitue  un  lien  entre  cette  tribu  et  celle  des 
Histériens.  Au  moins,  d’après  la  considération  des  Insectes  par- 
faits, elle  indique  en  même  temps,  de  la  manière  la  plus  évidente, 
des  affinités  beaucoup  plus  grandes  entre  les  Passalides  et  les  au- 
tres Scarabéiens  qu’entre  les  Passalides  et  les  Lucaniens.  Cepen- 
dant tous  les  entomologistes  qui  avaient  séparé  ces  derniers  de  la 
grande  tribu  des  Scarabéiens  leur  avaient  rattaché  les  Passalides, 
en  considérant  particulièrement  la  forme  des  derniers  articles  des 
antennes.  On  le  voit  ici , l’anatomie  vient  éclairer  manifestement 
un  point  dont  la  solution  ne  pouvait  être  trouvée  d’après  l'inspec- 
tion seule  des  caractères  extérieurs. 

Dans  la  tribu  des  Scarabéiens  nous  trouvons  le  genre  Chiron  , 
dont  nous  avons  formé  un  groupe  particulier  sous  la  dénomination 
de  Chironites.  Ce  groupe,  qui  a seulement  quelques  représentants 
propres  à l’Afrique  et  aux  Indes  orientales,  est  considéré  par  cer- 
tains entomologistes  comme  appartenant  à la  famille  des  Géotru- 
pides , par  d’autres  à la  famille  des  Passalides , par  d’autres  enfin 
à la  tribu  des  Lucaniens. 

Les  caractères  zoologiques  ne  permettent  pas  de  résoudre  la 
question.  Le  secours  de  l’anatomie  , la  considération  du  système 
nerveux,  ne  pourrait  probablement  laisser  aucun  doute  sur  ses 
rapports. 

Ce  serait  peut-être  un  lien  entre  le  groupe  des  Aphodiites  et  la 
famille  des  Passalides. 

Si  les  formes  extérieures  des  Scarabéiens  à leur  état  parfait 
sont  extrêmement  variées . elles  le  sont  fort  peu  pendant  leur  état 
de  larve.  Nous  devons  à M.  Dehaan  un  mémoire  intéressant  sur 


m:s  iN’SUCTJiS. 


319 

les  métamorphoses  de  ces  Coléoptères  (1) , où  l’un  peut  facile- 
ment s’en  convaincre.  En  effet , si  l’on  observe  des  différences 
très  considérables  entre  les  parties  de  la  bouche  d’un  Mélolon- 
thide  , d’un  Scarabéide,  d’un  Cétoniide  à leur  état  adulte  , on  en 
trouve  seulement  de  très  légères  entre  ces  mêmes  types  à leur 
état  de  larve.  Le  canal  intestinal  des  larves  paraît  néanmoins  être 
encore  assez  variable  , même  entre  les  genres  les  plus  voisins  ; 
les  observations  sur  ce  sujet  ne  sont  pas  assez  nombreuses  pour 
qu’on  sache  si  ces  petites  modifications  du  tube  digestif  seront 
des  caractères  pour  des  groupes  très  limités.  Les  larves  des  Sca- 
rabéiens  rappellent  considérablement  la  forme  des  Chenilles  : 
leur  tête  arrondie  et  cornée,  l’absence  d’ocelles,  leurs  antennes  de 
quatre  articles  insérées  à la  base  des  mandibules , leurs  mâchoires 
dentelées  et  munies  de  palpes  de  trois  ou  quatre  articles , et  leurs 
pattes  assez  développées,  les  font  reconnaître  aisément  (2).  Leur 
système  nerveux  affecte  une  disposition  qui  n’appartient  bien 
exactement  à aucune  autre  tribu  dans  l’ordre  des  Coléoptères. 
Tel  j’ai  décrit  cet  appareil  dans  le  Hanneton  , tel  je  l’ai  retrouvé 
dans  la  Cétoine  et  dans  l’Oryctes.  M.  Léon  Dufour  a déjà  décrit 
le  système  nerveux  de  la  Cétoine  dorée  (3).  On  avait  déjà  une  re- 
présentation grossière  de  celui  de  la  larve  de  VOryctes  nasicornis, 
dans  l’ouvrage  de  Swammerdam  (/i).  J’ai  comparé  attentive- 
ment cette  disposition  dans  ces  deux  derniers  types  avec  celle 
qu’on  observe  dans  le  Hanneton , j’y  ai  reconnu  une  similitude 
complète.  Ceci  nous  fournit  une  preuve  bien  évidente  de  l’homo- 
généité de  la  tribu  des  Scarabéiens. 

Chez  les  larves  d’Aphodius  (5)  (famille  des  Coprides , groupe 
des  Aphodiites),  le  système  nerveux  est  très  analogue  à celui  des 
Cétoines,  des  Hannetons  et  des  Scarabées  : néanmoins  il  est  pro- 

(I)  De  Haan.  Mémoires  sur  les  métamorphoses  (les  Coléoptères. — 1er  Mémoire  : 
Les  Lamellicornes  ( Nouvelles  Annales  du  Muséum,  t IV,  p.  125. — 1835). 

(3)  Voyez  pour  leurs  caractères  (outre  le  Mémoire  de  M de  Haan)  Erichson, 
Archiv  filr  Naturgeschiclite,  vol.  VI 1 1 , p.  363  |1842). 

(3)  Annales  des  Sciences  naturelles,  2'  série.  I.  XVIII  p.  162.  pl  4 (1  842). 

(4)  Hibliu  naturœ,  pl  28. 

(K)  J'ai  étudié  particulièrement  la  larve  de  \ Iphadius  rufipes  Eabr 


320  E.  BLANCHARD.  — SLR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 
portionnellement  un  peu  plus  allongé.  Ceci  indique , à n’en  pas 
douter,  que  ce  groupe  établit  le  passage  entre  les  Scarabéiens 
proprement  dits  et  cette  petite  famille  des  Passalides,  qui  nous 
semble  s’en  éloigner  un  peu,  à quelques  égards  , et  former  ainsi 
un  lien  avec  la  tribu  des  Histériens. 

Les  premiers  états  des  Passales  nous  présentent  des  particula- 
rités fort  curieuses.  C’est  tout  récemment  que  nous  avons  pu  les 
étudier , grâce  à M.  Sallé  , entomologiste  instruit  et  très  zélé , qui 
a rapporté  de  la  Nouvelle-Orléans  plusieurs  individus  de  la  larve 
du  Passalus  distinclus.  Cette  larve  ressemble  d’une  manière  géné- 
rale à celles  des  autres  Scarabéiens  ; cependant  elle  est  plus  cylin- 
drique et  moins  recourbée  ; ses  mâchoires  et  ses  mandibules  sont 
plus  fortement  dentelées.  Ce  n’est  pas  toutefois  ce  qu’elle  nous 
offre  de  plus  singulier  : elle  se  fait  surtout  remarquer  par  ses 
pattes,  dont  il  n’existe  que  deux  paires  bien  développées  : celles 
du  métathorax  se  montrant  seulement  sous  l’apparence  de  deux 
très  petits  tubercules.  On  se  rappellera  qu’en  1838,  M.  West- 
wood  (1)  a décrit  , comme  appartenant  au  Bupreskis  attenuata, 
une  larve,  n’ayant  aussi  que  quatre  pattes  bien  développées.  Dans 
une  note  publiée  en  1843 , j’ai  signalé  cette  détermination  comme 
inexacte , sans  être  toutefois  à même  d’indiquer  la  véritable. 
Aujourd’hui , il  me  paraît  certain  que  cette  prétendue  larve  du 
Buprestis  attenuata  appartient  bien  réellement  au  genre  Passale. 
Nous  ne  pouvons  douter  en  aucune  manière  de  l’exactitude  de 
l’observation  faite  par  M.  Sallé , cet  entomologiste  ayant  élevé 
plusieurs  fois  ces  insectes,  et,  de  plus,  nous  ayant  aussi  rap- 
porté la  nymphe  qui  suffirait , à mon  avis , pour  lever  toute  incer- 
titude. Le  système  nerveux  de  la  larve  du  Passalus  clistinctus 
nous  a présenté  une  disposition  des  plus  intéressantes  à constater. 
On  l’a  vu,  cet  appareil,  chez  les  Passales  à l’état  adulte,  res- 
semble presque  complètement  à celui  de  tous  les  Scarabéiens  : à 
leur  état  de  larve,  il  ressemble,  au  contraire,  extrêmement  à 
celui  des  larves  de  Lucaniens.  Après  les  trois  centres  nerveux 
thoraciques,  notablement  espacés,  on  trouve  une  chaîne  abdo- 

(I)  Introduction  io  the  modem  classification of  Insects,  t.  I,  p 221. 


DKS  INSECTES. 


A-2i 

minale  s’étendant  jusqu’aux  trois  quarts  de  la  longueur  du  corps. 
On  compte  huit  ganglions  abdominaux  tous  écartés  les  uns  des 
autres,  et  dont  le  dernier  est  plus  volumineux  que  les  précédents  : 
c’est  une  disposition  semblable  à celle  observée  pour  la  première 
fois  par  M.  Léon  Dufour  chez  la  larve  du  Lucanus parallelipipedus. 

Ainsi,  les  Passalides  constituent  bien  évidemment  un  type  de 
transition  entre  les  Scarabéiens  et  les  Lucaniens.  La  considéra- 
tion des  Insectes  parfaits  nous  les  montre  comme  très  voisins 
des  premiers;  la  considération  des  larves  comme  très  voisins  des 
seconds.  Pendant  leur  état  de  nymphe,  les  Passalides  éprouvent 
par  conséquent  des  changements  beaucoup  plus  considérables. 

A l’aide  du  système  nerveux  , nous  saisissons  donc  non  seule- 
ment les  caractères  les  plus  importants  de  la  tribu  des  Scara- 
béiens , mais  encore  les  plus  légères  dégradations  du  type.  La 
considération  de  l’appareil  alimentaire  et  des  organes  de  la  géné- 
ration ne  fournissent  aucun  résultat  à beaucoup  près  aussi  géné- 
ral ; car  ils  présentent  des  différences  extrêmement  grandes  entre 
les  représentants  des  groupes  d’une  valeur  très  secondaire.  Peut- 
être  quand  les  faits  observés  seront  plus  nombreux,  en  tirera-t-on 
des  caractères  propres  à limiter  les  petites  divisions,  et  venant  à 
l'appui  de  ceux  qui  sont  offerts  par  les  parties  de  la  bouche. 

2"  Tribu  — Les  Licaniess  (Liiainii). 

Dans  ses  premiers  ouvrages,  Latreil  le  avait  séparé  complète- 
ment ces  Insectes  des  Scarabéiens.  Plus  tard  il  les  plaça  dans  la 
même  tribu,  et  cet  exemple  fut  suivi  pendant  longtemps  par  la 
plupart  des  entomologistes.  Danscesdernières  années,  cependant, 
plusieurs  d’entre  eux,  prenant  en  considération  la  longueur  des  an- 
tennes et  dans  la  plupart  leur  forme  coudée,  les  en  séparèrent  de 
nouveau.  D’abord  je  regardai  cette  séparation  comme  inutile  , et 
je  ne  l’adoptai  pas  dans  mon  H istoire  des  Insectes.  Maintenant , 
au  contraire,  elle  me  paraît  devoir  être  adoptée.  M.  Léon  Dufour, 
dans  un  mémoire  sur  les  métamorphoses  de  la  Cétoine  et  du  Dor- 
cus,  s’est  prononcé  aussi  pour  cette  opinion  (1). 


(1 J Léon  Dufour,  Histoire  comparative  des  métamorphoses  et  de  /’ anatomie  des 
V série.  Zool.  T.  V.  (Juin  18  46.)  t 21 


322  E.  BUMUtR».  — SUIS  l.li  SYSTÈME-  .NERVEUX 

Les  Lucaniens  sont  pourvus  de  trachées  vésiculeuses  entière- 
ment analogues  à celles  des  Scarabéiens.  Mais  la  disposition  de 
leur  système  nerveux  est  extrêmement  différente.  Chez  les  larves, 
où  cet  appareil  a été  observé  par  M.  Léon  Dufour,  on  remarque 
des  différences  non  moins  grandes  que  chez  les  Insectes  par- 
faits. 

.l’ai  étudié  plus  spécialement  les  Lucanes  cerf  volant  ( Lvcanus 
cervus , Lin.),  L.  parallelipipedus,  Lin.  (Dorcus  parallelipipedus 
de  plusieurs  entomologistes  modernes),  et  I ePlatycerus  earaboides. 
VI.  Newport  a aussi  donné  une  figure  (1)  du  premier.  Chez  le  Lu- 
cane (2),  les  ganglions  cérébroïdes  sont  petits  comparativement 
au  développement  de  la  tête.  Ils  s’amincissent  de  manière  à se 
confondre  graduellement  avec  les  nerfs  optiques  ('3).  Ceux-ci  ont 
une  longueur  très  considérable  qui  augmente  ou  diminue  avec  la 
dimension  de  la  têle.  Le  ganglion  sous-œsophagien  est  plus  petit 
et  plus  éloigné  du  cerveau  que  dans  la  plupart  des  autres  Coléop- 
tères ; sa  forme  est  aussi  plus  ovoïde  (/i). 

Les  ganglions  thoraciques  diffèrent  considérablement  de  ceux 
des  Scarabéiens.  Le  prothoracique,  au  lieu  d’être  presque  en  forme 
de  cône  renversé,  est  au  contraire  chez  les  Lucanes  plus  élargi  au 
milieu  et  graduellement  aminci  aux  deux  extrémités  (5).  11  en  naît 
un  seul  tronc  nerveux,  se  divisant  bientôt  en  trois  nerfs.  Le  pre- 
mier, dirigé  en  avant,  présente  deux  branches  latérales  se  sub- 
divisant bientôt  en  plusieurs  filaments.  Le  second  nerf  s’étend  di- 
rectement vers  la  partie  latérale  et  médiane  du  prothorax,  et  le 
troisième,  le  nerf  crural,  redescend  en  formant  un  angle  obtus 
avec  le  tronc  nerveux  commun.  Les  centres  médullaires  mésotho- 
racique et  métathoracique  sont  séparés  et  même  déjà  assez  éloi- 
gnés l’un  de  l’autre.  Le  premier  (6)  est  gros  et  presque  arrondi. 

( elonia  aurata  rt  Dorcus  parallelipipedus  (.Un.  des  Sc  nat  , 2 série,  t.  XVIII, 
p.  162,  pl.  Vet  o.  — 1842). 

(1)  Cyclopedia  of  Anatomy  nnd  Phijsinlogij,  art.  Insecte,  t II,  p.  954  et  959 
(1889). 

(2)  PI.  8,  fig.  t. 

(3)  PI.  8.  fig.  t — l h. 

(4)  PI.  8,  fig.  1—2. 


(3)  PI-  8,  fig.  I. 

(6)  PI.  8,  fig  I —4. 


m:s  insectes. 


323 

Les  branches  principales  des  nerfs  de  la  troisième  paire  sonl  très 
fortes. 

Le  ganglion  métathoracique  (1)  est  beaucoup  plus  petit  et 
plus  allongé. 

Les  ganglions  abdominaux,  très  petits  comparativement  à ceux 
du  thorax  et  surtout  à la  grande  dimension  de  l’Insecte,  sont 
très  écartés  les  uns  des  autres.  On  en  compte  six  dont  la  forme  est 
ovalaire  (2). 

Le  dernier  seul  est  un  peu  plus  gros , et  outre  les  nerfs  des  or- 
ganes de  la  génération,  il  fournit  des  filets  aux  deux  derniers  an- 
neaux de  l’abdomen. 

Les  autres  ganglions  produisent  une  seule  paire  de  nerfs  qui 
se  divisent  en  deux  branches  principales  dans  chaque  anneau 
abdominal. 

Entre  les  Lucanus  cervus  et  paraUelipipedus,  je  n’ai  constaté 
aucune  différence. 

J’ai  pu  examiner  aussi  le  système  nerveux  d’un  type  de  la 
tribu  des. Lucaniens  propre  à la  Nouvelle-Hollande,  le  Lam- 
prime  bronzé  ( Lamprima  œnea  Lat.)  sur  des  individus  bien  con- 
servés. J’ai  reconnu  chez  cet  Insecte  une  organisation  tout  à-fait 
semblable  à celle  des  Lucanes;  mais  je  regrette  de  ne  pas  avoir 
pu  étudier  un  type  plus  éloigné  , appartenant  à la  même  tribu,  le 
genre  Sinodendron. 

A l’égard  de  cet  Insecte , par  exemple , M.  Westwood  a signalé 
une  affinité  avec  les  Bostrichiens.  L’observation  anatomique  nous 
apprendrait  si  les  rapports  un  peu  éloignés  existant  entre  les  Lu- 
caniens et  les  Bostrichiens  ne  sont  pas  réellement  mieux  établis 
par  l’organisation  des  Sinodendrons  que  par  celle  des  Lucanes. 

L’analogie  entre  ces  derniers  et  les  Cérambyciens , comme  les 
Trictenotomides  et  les  Prionides,  a déjà  été  aperçue;  c’est  une 
analogie  très  réelle,  mais  elle  n’est  bien  intime  ni  d’après  la  con- 
sidération du  système  nerveux  ni  d’après  celle  des  caractères 
extérieurs. 

Les  larves  des  Lucanes  présentent  extérieurement  la  ressein- 

. (i)  PI.  8,  fig.  t— 5. 

(2)  PI.  8.  fig.  1—6,  7.  8,  9,  10.  11. 


;V2/|  e.  BL.mii4K».  — sim  i.k  système  nerveux 
blance  la  plus  grande  avec  celles  des  Scarabéiens.  Comme  ces  der- 
niers, elles  ont  le  corps  contourné  et  les  pattes  assez  dévelop- 
pées (i  . M.  Dehaan  a remarqué  cependant  qu’elles  en  différaient 
en  ce  qu’elles  ont  l’anus  longitudinal , tandis  qu’il  est  transversal 
chez  les  Scarabéiens.  Il  faut  noter  en  outre  que  l’extrémité  de 
leur  corps  est  généralement  moins  épaissie. 

M.  Léon  Dufour  (2),  rpii  a étudié  anatomiquement  la  larve  du 
Lucane  parallélipipède  ( Lucanus  parallelipipedus  Lin.),  nous  a 
montré  que  cette  larve  offrait  une  disposition  de  son  système  nerveux 
très  différente  de  celle  de  la  Cétoine,  du  Hanneton  ou  du  Scarabée. 

En  effet,  les  ganglions  thoraciques  et  abdominaux,  loin  d’être  ra- 
massés comme  chez  ces  derniers,  forment  au  contraire  une  longue 
chaîne  qui  s’étend  dans  presque  toute  la  longueur  du  corps.  On 
compte  huit  ganglions  abdominaux  Le  premier  est  très  rapproché 
du  centre  nerveux  métathoracique , et  les  deux  derniers  sont  con- 
tigus l’un  à l’autre.  Tous  les  intermédiaires  ont  entre  eux  des 
connectifs  à peu  près  d’égale  longueur,  c’est-à-dire  de  la  longueur 
d’un  des  anneaux  du  corps.  Il  existe  donc,  comme  on  le  voit,  des 
différences  très  importantes  dans  l’organisation  des  Scarabéiens 
et  des  Lucaniens.  Si  ces  types  se  lient  l’un  à l’autre  par  certains 
points  tels  que  la  constitution  générale  des  larves , la  présence  des 
trachées  vésiculeuses  dans  tout  le  corps  chez  les  Insectes  parfaits, 
ils  s’éloignent  notablement  sous  le  rapport  du  système  nerveux  et 
des  caractères  fournis  par  le  système  appendiculaire. 

3e  Tribu.  — Les  Historiens  ( Histerii ). 

Cette  tribu  se  rapproche  à beaucoup  d’égards  de  celle  des  Sca- 
rabéiens; elle  a comparativement  peu  de  représentants  : mais  telle 
que  je  la  considère  aujourd’hui , elle  offre  un  ensemble  assez  ho- 
mogène. Dans  mon  Histoire  des  Insectes,  j’avais  placé  dans  une 
même  tribu  avec  les  Misters  et  les  Nitidules,  les  Silphes  et  les 
Nécrophores.  D’après  la  considération  des  caractères  extérieurs 

Jlj  Voyez  Rœsel,  Inseckt  Belustig,  t.  Il,  pi.  4. — Ratzeburg  die  Forst.  Insect., 
1,  I,  pi-  3,  fig-  19- 

(2)  Ilisl.  cnmpar.  des  métam.  et  de  l'anal,  des  Cetonia  aurata  et  Dorcus  paral- 
leiipipedus  (Ann.  des  Sc.  nat.,  2e série,  t.  XVIII,  p.  I 6'2 , pl . 5 A,  fig.  17  — 1842). 


DES  INSECTES. 


325 

seuls,  on  paraissait  conduit  à ce  rapprochement.  L’examen  ana- 
tomique n’a  pas  lardé  à me  convaincre  que  les  Silphes  et  les  Né- 
crophores  ne  devaient  pas  prendre  place  parmi  les  llistériens.  Au- 
jourd’hui cette  tribu  me  paraît  donc  devoir  être  composée  seule- 
ment des  trois  familles  suivantes,  les  Histérides,  les  Nitidulides 
et  les  Scaphidides. 

Dans  la  disposition  du  système  nerveux,  j’ai  trouvé  la  plus 
grande  analogie  entre  ces  divers  types. 

J’ai  étudié  parmi  les  premiers  trois  des  espèces  les  plus  communes 
dans  notre  pays  ( Hister  quad rimacula tus  Lin.,  cadaverinus  et 
saprinus  speculifer  l’ayk.  ).  Chez  ces  Insectes,  le  système  nerveux 
offre  un  degré  de  centralisation  déjà  très  avancé,  mais  moins  pro- 
noncé toutefois  que  chez  les  Scarabéiens. 

Les  trois  centres  médullaires  thoraciques  sont  très  gros  compa- 
rativement à la  dimension  du  corps  (1).  Ils  sont  séparés  par  des 
connectifs  très  courts;  et  la  distance  entre  le  prothoracique  et  le 
mésothoracique  n’est  pas  notablement  plus  grande  qu’entre  le 
mésothoracique  et  le  métathoracique.  Les  ganglions  abdominaux 
constituent  une  seule  niasse  (2)  un  peu  allongée  et  pyriforme  d’où 
naissent  tous  les  nerfs,  et  à sa  base  on  remarque  deux  sillons 
transversaux  indiquant  des  ganglions  dont  la  fusion  avec  les  autres 
n’est  pas  complète. 

Les  Nitidules,  dont  j’ai  examiné  plusieurs  espèces,  et  surtout  la 
Nitidula  amea,  m’ont  présenté  une  disposition  dans  leur  système 
nerveux  très  semblable  à celle  des  Histers  (3).  Le  centre  médullaire 
prothoracique  est  seulement  plus  écarté  des  autres  centres  médul- 
laires du  thorax.  Ce  fait  étant  connu,  on  remarque  facilement  qu’il 
existe  une  ressemblance  très  grande  dans  la  forme  des  antennes 
et  des  parties  de  la  bouche  (4)  chez  ces  deux  types  que  les  ento- 
mologistes éloignent  plus  ou  moins  l’un  de  l’autre. 

La  troisième  famille  de  la  tribu  des  llistériens  est  très  voisine 
ries  précédentes;  cependant  elle  offre  quelques  particularités.  Dans; 

(1)  PI.  8,  lig.  <2-8.  i,  s. 

(2)  PI  8,  fig.  2—6. 

(3)  PI.  8,  lig.  3. 

f i Voyez  Ih  nouvelle  édition  du  Régne  animal  de  Cuvier,  pli  33  el  36. 


32G  E.  BLINGIARU.  — SU  U LE  SYSTÈME  M.RVEIX 
les Scaphidiums (Scaphidium  quadrimaculatum  Fabr,)i  1),  lesgan- 
glions  mésothoracique  et  inétathoracique  sont  rapprochés  comme 
chez  les  Histérides  et  les  Nitidulides,  mais  le  ganglion  prothora- 
cique en  est  plus  éloigné.  La  principale  différence  consiste,  au  reste, 
dans  la  forme  de  la  masse  médullaire  abdominale.  Elle  est  aussi 
un  peu  pvriforme  , mais  ici  elle  se  termine  par  une  sorte  de  pointe 
d’où  naissent  les  deux  nerfs  nacrés  qui  chez  ce  type  demeurent 
soudés  dans  une  partie  de  leur  longueur. 

La  forme  de  la  masse  médullaire  abdominale  des  Scaphidies 
semble  conduire  à celle  qu’on  observe  dans  les  Gyrinides. 

Je  n’ai  pas  encore  eu  l’occasion  d’étudier  anatomiquement  les 
larves  des  Histériens. 

D’après  leur  forme  extérieure,  les  larves  des  Nitidules  et  des 
llisters  paraissent  se  rapprocher  de  celles  des  Silphes. 

Les  larves  de  Scaphidium , dont  je  dois  la  connaissance  à 
Al.  Chevrolat,  sont  remarquables  par  leurs  antennes  déjà  fort  lon- 
gues. Elles  ont  beaucoup  l'aspect  des  larves  des  Alycétophages 
et  des  Dermestes  ; malheureusement  je  n’ai  pu  les  obtenir  vivantes, 
de  manière  à m’assurer  si  les  caractères  anatomiques  ne  vien- 
draient pas  réellement  indiquer  là  un  lien  entre  les  Histériens  et  les 
Dermestiens. 


4'  Tribu.  Les  Silpuieks  (SüplUi'). 

Cette  tribu  a été  rapprochée  des  Nitidules  par  la  plupart  des 
entomologistes.  AL  Erichson  la  regarde  au  contraire  comme  plus 
voisine  des  Staphyliniens.  L’organisation  vient  à l’appui  de  ce  der- 
nier rapprochement. 

Deux  types  principaux  appartiennent  à cette  tribu  ; ce  sont  les 
Nécrophores  et  les  Silphes. 

Chez  les  premiers  (2)  ( Xecrophorus  vespillo  Lin. , mortuorum 
Fab.},  les  nerfs  prothoraciques  antérieurs  se  divisent  en  trois 
branches  principales  assez  fortes.  Les  nerfs  intermédiaires  nais- 
sent du  même  tronc  que  ceux  de  la  première  paire  (3). 


(1)  PL  8,  fig.  4 

(2)  l’I.  9,  (îp.  I 


(S)  PI.  9,  lîp.  I —4,  S 


DES  INSECTES. 


327 

Les  centres  nerveux  méso  et  métathoracique  sont  très  distincts 
l’un  de  l’autre,  mais  tout-à-fait  contigus  (1).  Le  filet  nerveux  des 
connectifs  qui  s’unit  au  nerf  alaire  antérieur  est  long  et  facile 
à voir. 

Les  ganglions  abdominaux  forment  une  chaîne  allongée.  On  ne 
compte  distinctement  sept  (2).  Le  premier  est  accolé  au  centre  mé- 
dullaire du  métathorax.  Les  quatre  suivants,  de  forme  ovalaire,  sont 
séparés  les  uns  des  autres  par  de  longs  connectifs.  Enfin  les  deux 
derniers,  séparés  par  un  léger  étranglement,  constituent  une  seule 
masse  ovoïde.  Chacun  de  ces  ganglions  émet  une  seule  paire  de 
nerfs  qui  se  séparent,  comme  chez  lesScarabéiens,  en  deux  bran- 
ches principales.  Le  système  nerveux  des  Silphes  (3)  diffère  peu  de 
celui  des  Nécrophores;  cependant  les  centres  médullaires  du  mé- 
sothorax et  du  métathorax  sont  un  peu  plus  écartés  (i).  Le  pre- 
mier ganglion  abdominal , accolé  au  métathoracique  chez  les  Né- 
crophores, est  ici  presque  entièrement  confondu  avec  lui  (5).  Les 
suivants,  au  contraire,  sont  dans  les  mêmes  rapports. 

Dans  la  larve  des  Silphes  ( Silplia  obscurci  Lin.  ) (6) , les  gan- 
glions cérébroïdes  forment  une  masse  presque  carrée , d’où  nais- 
sent antérieurement  les  nerfs  optiques  et  les  nerfs  des  anten- 
nes (7).  Les  centres  nerveux  thoraciques  sont  tous  les  trois  très 
espacés  (8). 

J, es  ganglions  abdominaux,  au  nombre  de  deux,  sont  presque 
arrondis,  très  petits  et  tous  à peu  près  d’égale  grosseur  (9).  Le 
premier  est  séparé  du  ganglion  métathoracique  par  deux  connectifs 
très  courts.  Les  six  suivants  sont  espacés  à peu  près  également. 
Le  dernier  seul,  déjà  formé  par  la  réunion  de  plusieurs,  comme 
l’indique  le  nombre  des  filets  qu'il  produit,  est  assez  rapproché 
du  précédent. 

Le  système  nerveux  des  larves  des  Silphes,  comparé  à celui  des 


(1)  I’I  9,  ag.  2 [Silplm  obscurci) 

(2)  PI.  9,  lig.  3 u, b. 

(3)  PI.  9,  fig.  1—6,  7,  S,  9,  10,  Il 

et  12. 

(i)  PI.  9,  fig.  2 l,  ■>. 

(5)  PI.  9,  fig.  2-6. 


(6)  PI  9,  fig.  3. 

(7)  PI.  9,  fig.  3—1  n.fc. 

(8)  PI.  9.  fig.  3—3,  i,  o. 

(9)  PI.  9,  fig.  3 — 6,  7,  8,  9,  10.,  1 1,. 

12  et  13. 


328 


F..  ISI.AM  HAItl». 


sut  LE  SYSTEME  \Kli\EI  \ 


Insectes  parfaits,  nous  montre  certaines  différences  bien  apprécia- 
bles. Le  premier  ganglion  abdominal,  très  distinct  chez  la  larve, 
s’est  confondu  dans  l’Insecte  adulte  avec  le  centre  nerveux  du 
métathorax.  En  outre  les  trois  derniers  ganglions  de  la  larve  se 
sont  réunis  chez  l’Insecte  parfait , de  manière  à ne  plus  constituer 
qu’une  seule  masse. 

D’après  la  considération  de  leur  système  nerveux,  les  Silphiens 
se  rapprochent  notablement  des  Staphyliniens  et  des  Carabiens, 
en  même  temps  qu’on  observe  aussi  certains  rapports  entre  eux 
et  les  Dermestiens.  Leur  chaîne  ganglionnaire  abdominale  , sans 
présenter  une  disposition  tout-à-fait  analogue,  ne  s’en  éloigne  pas 
considérableme  n t,. 

Ce  rapprochement  entre  les  Silphiens  et  les  Staphyliniens  esv 
encore  démontré  par  les  caractères  extérieurs , par  les  antennes 
moniliformes,  les  mandibules  robustes,  etc. 

Mais  les  larves  indiquent  mieux  encore  ce  rapport.  Elles  ont 
des  pattes  et  des  appendices  buccaux  bien  développés  comme 
ceux  des  Carabes;  leur  corps  est  également  aplati. 

La  considération  du  système  nerveux  nous  conduit  encore  à re- 
connaître un  rapport  plus  évident;  comme  chez  les  Carabes  et  les 
larves  de  Staphyliniens,  les  larves  de  Silphes  ont  des  ganglions 
abdominaux  très  petits  et  disposés  d’une  manière  très  analogue 
les  uns  par  rapport  aux  autres. 

Les  affinités  des  Silphiens  avec  les  Staphyliniens  et  les  Cara- 
biens semblent  bien  manifestes  quand  on  examine  les  Silphes. 
Avec  les  Dermestiens  elles  ne  paraissent  pas  moins  évidentes 
quand  on  examine  surtout  les  Nécrophores. 

L’organisation  interne  indique  nettement  ces  rapports.  Les  ca- 
ractères des  larves  les  montrent  également.  La  forme  des  mâ- 
choires et  des  articles  des  antennes  chez  les  Insectes  parfaits  les 
confirme  encore  (I). 

(1  ) Voyez  à cet  égard  les  détails  que  nous  avons  donnés  dans  la  nouvelle  édi- 
tion du  Règne  animal  de  Cuvier.  Pour  la  comparaison  des  Silphes  avec  les  Stapln- 
liniens,  les  pl.  35,  tig.  5",  6.  6,6,  et  pl  27,  fig.  1»,  3';  pl.  28,  fig.  1",  9'\  etc. 
Pour  la  comparaison  des  Nécrophores  avec  les  Dermestiens,  les  pl  35,  lig  3", 
4".  pl.  36.  lig.  »,  10",  Il  etc 


DUS  INSECTES. 


329 


M.  1 „éon  Dufour  a reconnu  aussi  une  analogie  frappante , dit- 
il  , entre  les  Silphes  , les  Carabes  et  les  Staphylins , sous  le  rap- 
port de  la  structure  du  ventricule  chylifique  (1). 

Ce  sont  donc  des  affinités  dont  on  peut  reconnaître  l’évidence 
d’après  la  considération  de  la  plupart  des  organes. 

5'  Tribu.  — Les  Staphtlimens  ( Slaphylinit). 

( Brachélytres  Latr  ) 

Les  Insectes  composant  cette  tribu  sont  bien  reconnaissables  à 
leurs  élytres,  beaucoup  plus  courtes  que  le  corps.  Ils  ont  été  regar- 
dés par  certains  entomologistes  comme  établissant  un  passage 
entre  les  Coléoptères  et  les  Orthoptères,  dont  les  élytres  sont  éga- 
lement courtes,  c’est-à-dire  les  Forficules.  C'est,  en  effet,  un  trait 
d’analogie  ; cependant , dans  leur  organisation , rien  n’indique 
une  affinité  bien  intime  entre  ces  deux  types. 

Le  système  nerveux  desStaphvliniens  forme  une  longue  chaîne. 
Je  prends  pour  premier  exemple  les  Staphylinus  olens  et  maxil- 
losus  Lin.  (2  . Les  centres  médullaires  thoraciques  sont  presque 
également  espacés  (3)  : les  deux  premiers  sont  un  peu  en  forme  de 
losange  ; celui  du  métathorax,  au  contraire,  est  presque  ovalaire. 
La  chaîne  ganglionnaire  abdominale , tout  en  se  rapprochant 
beaucoup  de  ce  qu’on  observe  dans  les  Carabiens,  présente  néan- 
moins des  caractères  particuliers.  Dans  les  Staphylinites  on  dis- 
tingue nettement  sept  ganglions , comme  chez  les  Carabes  (h)  : 
mais  ils  sont  groupés  autrement.  Le  premier,  séparé  du  centre 
nerveux  métathoracique  par  des  connectifs  très  courts,  n’est  pas 
séparé  davantage  du  second  ganglion  ; le  troisième  est  au  con- 
traire éloigné,  ainsi  que  les  quatrième  et  cinquième.  Enfin  ce  der- 
nier, avec  les  sixième  et  septième , forme  une  seule  masse  dans 
laquelle  les  trois  ganglions  demeurent  très  distincts. 

Tous  les  Staphyliniens  que  j’ai  examinés  (Staphylinus  olens 

I)  Leon  Dufour,  Itecherches  anatomiques  sur  les  Carabiques  et  plusieurs  mitres 
Insectes  Coléoptères  (Ann.  (les  Sc  mit.,  ("série,  1 826  ; tirage  à part,  p.  34). 

(2)  PL  0,  fig.  i. 

(3)  PI  B,  lig  i— 3.  4,  3. 

(4)  PI.  »,  fig  1 — fi  7,  8,9.  10  I I , I i. 


330  E.  BLANCHARD.  — SUR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 
Lin.,  maxillosus  Lin.,  erythropterus  Fab. , nebulosus  I'ab.,  les 
Philonthes,  P.  polilus  Fab. , œneus  Crav.  et  splendens  Fab.) 
m’ont  présenté  une  disposition  très  semblable.  Toutefois  je  dois 
ajouter  que,  dans  les  Philonthes,  les  trois  derniers  noyaux  médul- 
laires de  l’abdomen  sont  plus  intimement  unis  que  dans  les  Sla- 
phylins  proprement  dits.  Il  en  est  de  même  des  Xantholins  (Xan- 
tlwlinus  linearis  Oliv. 

Dans  les  Quedius  (Ç.  fulgidus  Fabr.  ) et  les  Pédères  ( Pœderus 
riparius  l'ab.),  le  premier  ganglion  abdominal  se  rapproche  ou  se 
confond  même  avec  le  centre  nerveux  du  métathorax  ; les  autres 
restent  disposés  exactement,  comme  chez  les  Staphylins. 

La  disposition  du  système  nerveux  , tout  en  indiquant  une 
étroite  analogie  entre  les  Silphiens  et  les  Staphyliniens,  en  indique 
une  non  moins  réelle  entre  ces  derniers  et  les  Carabiens  : celle-ci 
est  même  plus  manifeste. 

A l’égard  du  canal  intestinal , M.  Léon  Dufour  a signalé  de 
grands  rapports  entre  les  Staphyliniens  et  les  Carabiens. 

La  forme  de  leurs  antennes  et  de  leurs  pattes  vient  aussi  à 
l’appui  de  ce  rapprochement. 

Parmi  les  Staphyliniens , les  plus  petites  espèces  ( Omalides), 
notamment  les  Micropeplus,  paraissent  se  lier  avec  les  Nitidulides. 
Jusqu’à  présent  je  n’ai  pas  pu  en  réunir  suffisamment  pour  m'as- 
surer si  ceux-ci  présentaient  dans  leur  système  nerveux  une  dis- 
position qui  indiquerait  un  passage  entre  ces  Insectes  et  ceux  de 
la  tribu  des  Histériens. 

Les  larves  des  Staphyliniens  nous  offrent  un  exemple  bien 
manifeste  de  ces  Coléoptères  dont  l’état  embryonnaire , à leur 
sortie  de  l’œuf,  est  déjà  très  avancé.  Ces  larves,  en  effet,  comme 
celles  des  Carabiens , sont  remarquables  non  seulement  par  le 
développement  de  leurs  appendices  et  par  leur  allure,  qui  les  fait 
ressembler  déjà  aux  Insectes  parfaits,  mais  aussi  par  le  dévelop- 
pement du  système  nerveux , considéré  d’une  manière  compara- 
tive ; car  celui  de  la  larve  (1)  (St.  olens  Lin.)  diffère  seulement  do 
celui  de  l’insecte  adulte  par  l’écartement  des  trois  derniers  gan- 


(i)  pi.  9.  tip. 


DES  INSECTES.  331 

glions  abdominaux  (1)  et  par  le  volume  moins  considérable  des 
centres  médullaires  thoraciques. 

On  reconnaît  bien  les  affinités  des  Staphyliniens  avec  les  Ca- 
rabiens  (2)  par  leurs  larves.  Elles  ont  des  mandibules  et  des  mâ- 
choires très  grandes  , comme  celles  des  Carabes  ; elles  ont  aussi 
des  pattes  propres  à la  course , et  un  tubercule  anal  pédiforme. 
Leur  tête  et  leurs  anneaux  thoraciques  sont  d’apparence  cornée  , 
tandis  que  leur  abdomen  est  mou  : ce  dernier  caractère  les  dis- 
tingue au  premier  abord  des  larves  des  Carabes  ; elles  sont  aussi 
moins  aplaties  et  en  général  plus  amincies  vers  l’extrémité  posté- 
rieure. 


6'  Tribu.  — Les  Psélapuiens  ( Pselapliii ) 

Je  ne  mentionne  ici  cette  tribu  que  pour  mémoire.  Nous  lui 
rattachons  deux  familles  : celle  des  Psélaphides  et  celle  des  Scyd- 
ménides.  Les  premiers  sont  considérés  par  la  plupart  des  entomo- 
logistes , et  probablement  avec  raison , comme  très  voisins  des 
Staphyliniens.  Ces  Coléoptères  sont  d'une  extrême  exiguïté,  et  je 
n’ai  pas  pu  jusqu’à  présent  en  étudier  un  assez  grand  nombre 
pour  bien  connaître  la  disposition  de  leur  système  nerveux. 

Je  n’ai  pas  été  plus  heureux  à l’égard  des  Scydménides , qui 
peut-être  s’éloignent  beaucoup  des  Psélaphides.  Leurs  caractères 
extérieurs  paraissent  devoir  les  en  faire  rapprocher  ; mais  déjà 
nous  avons  eu  l’occasion  de  voir  combien  on  pouvait  être  ainsi 
induit  en  erreur.  Je  n’ose  donc  encore  rien  préjuger  à l’égard  des 
affinités  de  ces  Coléoptères.  M.  Stephens  pense  (3)  que  les  Scyd- 
ménides établissent  un  lien  entre  les  Psélaphides  et  les  Anthicides 
de  la  tribu  des  Cantharidiens. 

Les  premiers  états  de  ces  petits  Insectes  étant  inconnus , c’est 
encore  une  raison  pour  se  tenir  sur  la  réserve  touchant  l’appré- 
ciation de  leurs  affinités. 

(1)  PI  9,  fig.  3 — 10,  11,  12. 

(2)  Voyez  le  Magasin  de  zoologie  (1835).  — Heer,  Observai,  entum  — Jiatze- 
burg,  Die  Forst  Insecl,  1.  1,  pl.  1 (1837!  — La  nouvelle  édition  du  /ligne  ani- 
mal de  Cuvier  (Insectes),  pl  15,  etc. 

(3)  Marna  ! of  Itritish  Coh'optera,  p 342  (1837) 


332 


K.  BI.IMIMKU 


suit  1.1.  SYSTEME  NEHVEUX 


7'1  Tribu.  — Les  Dcruestiens  (Dcrmcslii) . 

J’ai  considéré  cette  tribu  comme  pouvant  former  quatre  fa- 
milles : les  Mycétophagides,  les  Dermestides,  les  Byrrhides  et  les 
Agathidiides.  Il  existe  parmi  nos  Dermcstiens  des  types  dont  la 
taille  est  tellement  exiguë,  que  les  observations  anatomiques  sont 
loin  d’être  toujours  faciles. 

Mes  recherches  n’ont  encore  porté  que  sur  les  Mycétophagides, 
les  Dermestides  et  les  Byrrhides.  A la  première  de  ces  deux  fa- 
milles , je  rattache  maintenant  le  genre  Byturus.  A l’exemple  de 
la  plupart  des  entomologistes,  j’avais  placé  , dans  mon  Histoire 
îles  Insectes,  ce  genre  parmi  les  Nitidulides  : l’examen  anatomique 
m’a  montré  d’une  manière  évidente  que  sa  place  était  parmi  les 
Dermestiens. 

En  effet,  les  Byturus  diffèrent  bien  peu  des  Mycétophagides; 
leurs  ganglions  abdominaux  sont  seulement  un  peu  plus  gros  : 
leur  disposition  est  à fort  peu  de  chose  près  la»  même.  Les  Bytu- 
rus me  paraissent  donc  devoir  former  un  simple  groupe  dans  la 
famille  des  Mycétophagides.  L’organisation  nous  ayant  conduit  à 
reconnaître  , de  la  manière  la  plus  évidente  , ce  point  d’affinité , 
on  reconnaît  sans  peine  que  les  Byturus  et  les  Mycétophages  dif- 
fèrent fort  peu  , également  sous  le  rapport  de  la  forme  de  leurs 
antennes  et  des  pièces  de  leur  bouche  (I). 

Dans  les  Byturus  (B.  tomenlosus  Payk.),  les  centres  médul- 
laires thoraciques  sont  fort  gros  (2)  ; le  dernier  est  ovalaire  et  mé- 
diocrement éloigné  du  précédent.  On  distingue  postérieurement 
la  trace  d’un  ganglion  abdominal  qui  s’est,  réuni  à lui.  En  outre  , 
on  compte  six  ganglions  formant  une  chaîne  ne  dépassant  pas 
beaucoup  la  base  de  l’abdomen  (3).  Ils  sont  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  connectifs  très  courts  ; les  deux  derniers  sont  même 
réunis,  et  forment  une  masse  allongée  : tous  les  autres  ont  une 

(I  ) Règne  animal  de  Cuvier  nouvelle  édition  Insectes),  pl  36,  lis  <>",  et 
pl  62,  fig.  12,  I l I I 

(2)  ri.  12,  fig  1—3,  i, 

(3)  1*1  12,  fig  1—6.  7,  8,  91,  10,  Il 


DES  INSECTES.  533 

forme  ovalaire.  On  voit  d’après  cette  description  combien  les  By- 
turus  diffèrent  des  Nitidules  par  leur  organisation. 

Les  Mycétophages  s’en  éloignent  au  contraire  fort  peu  (M.  qua- 
drimaculatus  Fab.)  ; les  premiers  ganglions  abdominaux  (1)  sont 
seulement  un  peu  plus  espacés  et  un  peu  plus  petits,  le  quatrième 
est  plus  rapproché  du  cinquième  (2),  et  le  dernier  est  le  résultat 
d’une  réunion  un  peu  plus  intime  entre  les  deux  ganglions  pos- 
térieurs encore  distincts  chez  les  Byturus  (3).  On  n'observe  pas 
entre  ces  deux  types  de  différences  plus  importantes  à signaler. 

Dans  les  Dermestides  ( Uermestes  lardarius  et  vulpinus  Lin),  le 
ganglion  abdominal , qui , chez  les  précédents , est  presque  com- 
plètement confondu  avec  le  centre  nerveux  du  métathorax,  est  ici 
beaucoup  plus  gros  et  plus  distinct  (4).  Les  larves  de  ces  Der- 
mestes  offrent  une  chaîne  ganglionnaire  abdominale  composée  de 
huit  centres  nerveux  espacés  à peu  près  également.  Par  les  pro- 
grès de  l’âge,  le  premier  se  rapproche  du  ganglion  métathora- 
cique,  le  septième  et  le  huitième  se  confondent  (5)  et  se  rappro- 
chent du  sixième.  Il  existe  alors  une  ressemblance  très  notable 
entre  le  système  nerveux  de  ces  Insectes  et  celui  des  Néc  rophores. 
Chez  les  Byrrhides  ( Byrrhus  pilula  Lin.),  l’appareil  de  la  sensi- 
bilité ne  diffère  notablement  de  celui  des  Uermestes  qu’en  ce  que 
le  premier  ganglion  abdominal  est  à peu  près  totalement  confondu 
avec  le  métathoracique. 

Les  Insectes  de  cette  tribu  , par  les  caractères  de  leur  organi- 
sation aussi  bien  que  par  ceux  des  larves,  offrent  un  ensemble 
homogène.  Les  larves  des  Mycétophages,  comme  celles  des  Der- 
mestes,  sont  hérissées  de  poils  roides,  leurs  antennes  sont  assez 
allongées,  leurs  mandibules  et  leurs  mâchoires  petites. 

Quant  aux  Byturus,  je  n’ai  pas  eu  l’occasion  de  les  étudier  pen- 
dant leurs  premiers  états.  Il  serait  intéressant  de  les  observer, 
pour  apprécier  mieux  encore  que  nous  ne  pouvons  le  faire  main- 
tenant tous  les  rapports  de  ce  type  avec  les  Dermestides  et  les 
Mycétophagides. 

(1)  PI.  12,  fig.  2—9.  10  (4)  PI.  12,  fig.  1 — 10,  1 1 

(2)  PI.  12,  fig  3—6  (5)  PI.  12,  fig  2—12. 

(3)  PI  12,  fig.  2 


'.Yàk  K.  HlWdltltl).  — SI'.  B I.E  SYSTEM  K Mil!  VEUX 

Les  Dermestiens  ont  des  affinités  très  diverses  ; comme  on  l’a 
déjà  vu , ils  se  rapprochent  à beaucoup  d’égards  des  Silphiens 
par  les  Nécrophores.  Leurs  rapports  avec  les  Érotyliens  sont  des 
plus  étroits.  Ils  paraissent  en  même  temps  offrir  une  certaine  ana- 
logie avec  les  Cucujiens.  Leurs  affinités  avec  les  Bostrichiens  sont 
aussi  évidentes  d’après  leur  organisation  que  d’après  leurs  carac- 
tères fournis  par  les  antennes  et  les  parties  de  la  bouche.  Elles 
ne  le  sont  pas  moins  avec  les  Clériens. 

Tant  que  les  parties  les  plus  essentielles  de  l’organisation  sont 
demeurées  inconnues,  il  était  complètement  impossible  d’appré- 
cier ces  divers  rapports,  qui , aujourd’hui , ressortent  jusqu’à  la 
dernière  évidence , car  aucun  caractère  important  ne  vient  les 
combattre. 

8'  Tribu.  — Les  Cucujiens  ICucujiiy 

N’ayant  pu  examiner  anatomiquement  quelques  uns  des  repré- 
sentants de  cette  tribu , ses  affinités  ne  me  paraissent  pas  pouvoir 
être  bien  reconnues.  L’aspect  extérieur  semble  devoir  faire  rap- 
procher les  Gucujides  des  Dermestiens  par  le  groupe  des  Sylva- 
nites.  D’après  la  ligure  de  la  larve  du  Cucujus  spartii  donné  par 
M.  Westwood  (I),  on  pourrait  croire  ce  rapprochement  fondé. 
Les  l’assandrides , que  nous  avons  considérées  comme  formant 
une  seconde  famille  dans  la  tribu  des  Cucujiens , se  lient  aussi 
aux  Cérambyciens.  Ces  Coléoptères  étant  étrangers  à notre  pays, 
je  n’ai  pu  étudier  leur  organisation.  Leurs  métamorphoses  sont 
demeurées  inconnues  jusqu’à  présent  : aussi  toute  incertitude 
règne-t-elle  à l’égard  de  leurs  affinités  naturelles. 

9f  Tribu.  — Les  Erotyliens  iEvolylii). 

( ('la  vipalpes  Latr.  ) 

Il  serait  nécessaire  de  connaître  dans  cette  tribu  l’organisation 
de  tous  les  types  principaux , pour  reconnaître  tous  ses  liens  de 
parenté.  On  arriverait  même  alors  certainement  à modifier  ses 
limites.  Les  Erotyliens,  en  effet,  sont  loin  de  former  un  ensemble 


(I)  /In  [nlroduct.  o'  lhe  modem  classif.  oflnsecls,  I I p 166,  fig.  12-19. 


nus  ivsneriis. 


335 

homogène.  On  peut  déjà  s’en  convaincre  ; mes  observations  sur 
le  système  nerveux  de  quelques  uns  d’entre  eux  le  prouveront. 
Mais  ce  sont  encore  des  données  trop  peu  nombreuses  pour  arri- 
ver à des  résultats  complets. 

Nous  rattachons  trois  familles  à cette  tribu  : les  Érotylides,  les 
Endomychides  et  les  lpsides. 

Dans  la  première , on  compte  un  nombre  d’espèces  considé- 
rable : seulement,  la  plupart  étant  exotiques,  les  formes  les  plus  ty- 
piques, les  formes  les  plus  particulières  appartenant  à ces  espèces 
exotiques,  il  est  impossible  aujourd’hui  d’arriver  à une  solution. 

J’ai  étudié  le  genre  Triplax  ( T . russica  Fab.)  ; là  j’ai  observé 
une  disposition  du  système  nerveux  très  analogue  à celle  des  Der- 
mestiens  (1).  S’il  en  est  de  même  pour  tous  les  autres  Érotylides, 
il  n’y  aura  aucune  raison  pour  les  en  séparer. 

Dans  les  Triplax  , on  observe  une  chaîne  ganglionnaire  abdo- 
minale "uigée.  Un  premier  ganglion  est  accolé  au  centre  mé- 
dullaire nîétathoracique  (2),  en  en  demeurant  très  distinct,  comme 
chez  les  Dermestes.  On  compte  ensuite  encore  , comme  chez  ces 
derniers,  quatre  ganglions  espacés  presque  également,  et  enfin 
une  masse  médullaire  terminale  dans  laquelle  on  en  distingue 
deux  (3). 

Le  système  nerveux  des  Tritomes  ( Tritoma  bipustulata)  m’a 
offert  quelques  différences  avec  celui  des  Triplax  , les  quatre  der- 
niers ganglions  abdominaux  étant  plus  rapprochés  les  uns  des 
autres. 

Les  larves  des  Triplax,  extérieurement,  ressemblent  beaucoup  à 
celles  des  Dermestiens.  Elles  ont,  comme  ces  dernières,  des  pattes 
assez  courtes , une  enveloppe  hérissée  de  poils  assez  roides , et 
elle-même  d’une  consistance  assez  solide.  Ces  larves,  déjà  décrites 
par  MM.  Léon  Dufour  (4)  et  Westwood  (5),  m’ont  présenté  un 

(1)  PI.  1 2,  fig  4. 

(2)  PI.  12,  fig.  4—6. 

(3)  PI.  44,  fig.  4—11,  12 

(4)  Annules  i le  la  Société  Entomoloijique  de  France,  t.  XI,  p.  1 91 . pl.  7 (1842). 

(j)  \\  estwood , An  fntrod.  lo  lhe  modem  classif  of  Insecte,  t.  I.  p.  393.  et 

fig  49 — G 


330  lî.  BLANCHARD.  — SI: U l.li  SYSTEME  NERVEUX 

système  nerveux  très  analogue  à celui  des  larves  de  Dermestes. 
Les  ganglions  abdominaux , au  nombre  de  huit , sont  presque 
aussi  gros  que  ceux  du  thorax.  Les  connectifs  qui  les  séparent 
les  uns  des  autres  sont  aussi  assez  courts. 

Ainsi , d’après  la  considération  des  Triplax , tant  à l’état  de 
larve  qu’à  celui  d’insecte  parfait,  on  serait  conduit  à les  réunir 
à la  tribu  des  Derinestiens.  Les  caractères  intérieurs  sont  d’accord 
en  cela  avec  les  caractères  extérieurs. 

Mais  les  Érotyles  proprement  dits  sont-ils  conformés  sur  un 
plan  bien  analogue  à celui  des  Triplax  ? L’observation  directe  peut 
seule  nous  l’apprendre , et  actuellement  elle  nous  manque. 

D’après  la  description  de  la  larve  de  l’ Erotylus  (Ægythus)  su- 
rinamensis  Fab.  donnée  par  M.  Lacordaire  , nous  ne  pouvons  pas 
savoir  jusqu’à  quel  point  elle  ressemble  beaucoup  à celles  des 
Triplax. 

Pour  les  Endomychides,  j’ai  étudié  le  système  nerveux  d’un 
des  principaux  représentants  de  cette  tribu,  l’Endomychus  rouge 
( Endomychm  coccineus  Fab.  ). 

Dans  ce  Coléoptère  (1),  les  trois  ganglions  thoraciques  sont  à 
peu  près  également  espacés  et  de  la  même  grosseur.  Les  ganglion^ 
abdominaux  sont  beaucoup  plus  rapprochés  les  uns  des  autres  que 
chez  les  Triplax.  On  en  distingue  seulement  quatre  (2).  Le  premier 
accolé  au  centre  médullaire  métathoracique  ; le  troisième  et  le 
quatrième  réunis  formant  une  masse  médullaire  allongée  et  un 
peu  pyriforme.  Le  deuxième  ganglion  est  juste  situé  à égale  dis- 
tance entre  le  premier  et  le  troisième.  Les  connectifs  sont  courts 
et  réunis  l’un  à l’autre. 

Par  la  disposition  du  système  nerveux  les  Endomychus  se  rap- 
prochent considérablement  des  Coccinclliens. 

Leurs  larves  ont  été  observées  en  Angleterre , mais  les  descrip- 
tions et  les  figures  qu’on  en  a données  sont  insuffisantes  pour  les 
faire  bien  connaître  (3). 

(1)  PI.  12,  fig.  5. 

(2)  PI.  12,  fig.  5-6,  7,  8,  9. 

(3)  Voyez  Curtis , British  Entomology , et  Westwood  , An  Int.  ta  thv  modem 
class.  of  Ins.,  t.  I,  p.  394,  fig.  49 — I I 


l)liS  INSECTES. 


La  famille  des  Ipsides  est  composée  d’une  série  de  genres  qui 
certainement  par  la  suite  ne  resteront  pas  ensemble.  Les  Colydies, 
tant  à leur  état  de  larve  qu’à  leur  état  d’insecte  parfait,  paraissent 
se  lier  étroitement  avec  certains  Éroty  liens  comme  les  ïriplax  et  avec 
les  Dermestiens.  Quant  aux  Ipsides,  ils  ont  beaucoup  l’aspect  des 
Nitidules.  Je  n’ai  pas  encore  eu  l’occasion  d’étudier  le  système 
nerveux  dans  ces  types  intéressants  : aussi  leurs  affinités  me  sem  ■ 
blent  encore  impossibles  à apprécier. 

J’ai  observé  anatomiquement  un  seul  genre  réuni  à la  famille 
des  Ipsides  par  plusieurs  entomologistes.  Il  devra  certainement 
en  être  séparé. 

Les  Trogossites  ( Trogossila  maurilanica  Lin.)  ont  un  système 
nerveux  remarquable  (1).  Leur  chaîne  ganglionnaire  est  fort 
longue.  Les  centres  nerveux  thoraciques  sont  également  espacés  ; 
le  prothoracique  est  le  plus  gros,  et  ses  trois  paires  de  nerfs  nais- 
sent d’un  tronc  commun. 

Les  ganglions  abdominaux  sont  au  nombre  de  huit  (’2).  Le  pre- 
mier est  réuni  au  métathoracique  par  deux  connectifs  très  courts. 
11  distribue  ses  filets  nerveux  dans  les  muscles  du  thorax.  Les 
deuxième , troisième  et  quatrième  ganglions  sont  séparés  les  uns 
des  autres  par  des  connectifs  assez  longs.  Au  contraire  les  qua- 
trième, cinquième,  sixième,  septième  et  huitième  n’ont  entre 
eux  que  des  connectifs  extrêmement  courts.  Ces  ganglions  sont 
de  forme  ovalaire,  le  dernier  seul  est  plus  élargi.  Ils  produisent 
une  seule  paire  de  nerfs  qui  se  divisent  en  deux  grandes  branches. 

Si  la  forme  extérieure  des  Trogossites,  si  leur  corps  long  et 
aplati,  leurs  mandibules  très  robustes , leur  abdomen  fort  court 
par  rapport  à la  longueur  du  thorax  leur  donnent  un  aspect  tout 
particulier , il  en  est  de  même  de  leur  système  nerveux.  Cet  appa- 
reil , chez  les  Trogossites , diffère  beaucoup  de  celui  de  tous  les 
autres  Coléoptères  soumis  à mes  investigations.  Néanmoins  on 
est  conduit  à le  comparer  au  système  nerveux  des  Carabes  plutôt 
qu’à  tout  autre.  Il  présente  un  ganglion  abdominal  de  plus  que 


(Q  PI.  13,  fig.  1. 

(2)  PI.  13.  fig.  1 — 6.  7,  8.  9,  10,  11.  12,  13 
3r  série.  Zool  T.  V (Juin  1816.)  a 


SllB  I.li  SV  ST  K MK  .NERVEUX 


338  E.  HI.IX(HIRI).  — 

chez  ces  derniers,  mais  il  y a une  analogie  très  notable  dans  la 
disposition  des  centres  nerveux. 

Les  Trogossites  constituent  réellement  un  de  ces  types  aber- 
rants, comme  les  appelle  M.  Mac-Leay.  Certainement  il  existe  une 
relation  entre  lui  et  les  Carabiens.  Aussi  peut-être  sera-t-on  con- 
duit par  la  suite  à regarder  les  Trogossites  comme  un  intermé- 
diaire entre  les  ïps  et  les  Carabiens  par  les  Siagones,  et  entre 
ceux-ci  et  lesCucujes,  et  peut-être  les  Ténébrionides. 

D’après  ce  qui  précède  on  voit  combien  la  tribu  des  Érotyliens 
serait  hétérogène.  La  constance  dans  la  disposition  du  système 
nerveux  qu’on  remarque  en  général  dans  toutes  les  tribus  natu- 
relles, alors  même  que  les  formes  extérieures  sont  différentes,  en 
est  la  meilleure  preuve. 

Si  dès  à présent  je  ne  change  pas  ses  limites  ou  si  je  ne  répartis 
point  ses  divers  groupes  dans  plusieurs  autres  tribus,  c’est  qu’il 
n’est  pas  possible  actuellement  d’avoir  des  idées  bien  arrêtées  à 
l’égard  des  affinités  de  tous  les  types  qui  les  composent  ; car  les 
observations  anatomiques  nous  manquent  sur  beaucoup  de  points. 

Je  sais  parfaitement  que  les  Trogossites  ne  pourront  rester  dans 
une  même  tribu  avec  les  Érotylides  et  les  Endomychides.  Cepen- 
dant je  ne  les  en  éloignerai  pas  maintenant  ; car  oit  les  p'acerait- 
no  d’une  manière  convenable?  devront-ils  former  une  tribu  par- 
ticulière à eux  seuls?  devront-ils  constituer  une  tribu , réunis 
avec  les  lpsides,  ou  bien  encore  devront-ils  être  placés  parmi  les 
Cucujiens?  L’observation  nous  manque  pour  résoudre  ces  ques- 
tions, il  faut  nécessairement  l’attendre. 

C’est  déjà  un  point  essentiel  de  connaître  l’intérêt  qui  s’atta- 
chera à leur  solution  et  de  savoir  sur  quels  points  on  devra 
diriger  son  attention. 

10*  Tribu.  — Les  Cocci.nelliens  [Coccinellii). 

Les  Coccinelles  proprement  dites  sont  les  principaux  représen- 
tants de  cette  petite  tribu.  J'ai  étudié  le  système  nerveux  de  plu- 
sieurs espèces.  Elles  m’ont  paru  toutes  très  semblables  au  type 
du  genre,  au  type  de  toute  la  tribu  , à la  Coccinelle  à sept  points 
( Coccinella  septempunctata  Lin.). 


DUS  INSECTES. 


339 

Les  centres  médullaires  du  thorax  sont  à peu  près  d'égale  gros- 
seur (1);  le  prothoracique  est  notablement  plus  éloigné  du  méso- 
thoracique  que  celui-ci  ne  l’est  du  métathoracique.  Les  ganglions 
abdominaux  forment  une  chaîne  qui  n’atteint  pas  même  la  moitié 
de  la  longueur  de  l’abdomen  ("2).  On  en  compte  d’abord  un  assez 
gros  accolé  au  centre  nerveux  du  métathorax,  puis  un  second 
séparé  du  premier  par  des  connectifs  assez  longs;  puis  un  troi- 
sième ayant  entre  lui  et  le  second  à peu  près  la  même  distance 
qu’entre  le  second  et  le  premier  : seulement,  ce  troisième  ganglion 
forme  qne  seule  masse  médullaire  avec  les  suivants,  qui  semblent 
être  au  nombre  de  trois.  De  légères  dépressions  transversales 
indiquent  aussi  quatre  ganglions  dans  cette  masse  médullaire. 

On  reconnaîtra  ici  une  analogie  avec  le  système  nerveux  des 
Endomychus.  Mais  on  observera  en  même  temps  certaines  dilfé- 
rences  qui  permettent  de  séparer  les  Coccinellienset  les  Endomy- 
chides,  comme,  par  exemple,  la  brièveté  de  la  chaîne  abdominale 
chez  ces  derniers.  Les  caractères  fournis  par  les  appendices  condui- 
sent aussi  à ce  résultat,  mais  sans  autre  indice  il  serait  peu  certain. 

lin  fait  que  je  m’explique  maintenant  est  l’analogie  très  positive 
existant  entre  les  Coccinelliens  et  les  Sphæridides.  Sous  le  rap- 
port de  leur  système  nerveux  il  y a une  ressemblance  très  réelle. 
Au  premier  abord  j’en  fus  surpris;  mais  en  examinant  ensuite  la 
forme  du  corps,  celle  des  antennes,  même  des  pièces  de  la  bou- 
che, j'ai  reconnu  que  l’analogie  entre  ces  deux  types  n’existait 
pas  seulement  dans  la  disposition  de  leur  système  nerveux  (3).  Un 
indice  était  toutefois  nécessaire  pour  la  reconnaître.  L’observation 
anatomique  ne  peut  plus  laisser  de  doute. 

Les  Coccinelliens  se  rapprochent,  se  lient  aussi  à certains  égards 
aux  Chrysoméliens;  la  disposition  de  leur  système  nerveux  les 
rapproche  de  certaines  Chrysomèles , surtout  du  genre  Lina.  Entre 
les  larves,  la  ressemblance  est  plus  grande  encore  (4).  Le  système 

fi)  1*1.  il,  fig  2. 

(2)  PI  13,  fig.  2—6,  7,  8,  9,  10. 

(3)  Vovez  les  pl.  38  et  74  bis  de  la  nouvelle  édition  du  Règne  animal  de  Cuvier. 

(i)  M.  Ratzeburg  a donné  une  très  bonne  figure  de  la  larve  de  la  C 'nrcinclla 

septempunclala  (Die  For st-fnscctm . I I pl  I . fig.  1 -») 


SL  K LH  SYSTEME  NERVEUX 


340  F,.  KLXNlHXRn.  

nerveux  des  larves  des  Coccinelles  diffère  à peine  de  celui  des  lar- 
ves de  Chrysomèles. 

Il"  Tribu  — Les  HYDRoruiutss  ( Hydrophilii ). 

(Palpicornes  Lair.) 

Cette  tribu  paraît  assez  naturelle,  tout  en  renfermant  des  types 
qui  s’éloignent  du  type  principal  à quelques  égards;  les  familles 
qui  la  composent  sont  au  nombre  de  cinq  : les  Sphæridiides , les 
Hydrophilides,  les  Hélophorides,  les  Parnides  et  les  Hété- 
rocérides. 

J’ai  plus  particulièrement  étudié  les  deux  premières. 

Les  Sphæridiides  ( Sphæridium  scarabœnides ) ont  leur  système 
nerveux  un  peu  plus  centralisé  que  celui  des  Hydrophilides.  A ce 
point  de  vue,  il  est  plus  semblable  à celui  des  Coccinelliens.  Chez 
les  Sphæridies,  les  centres  nerveux  du  mésothorax  et  du  méta- 
thorax  sont  très  rapprochés  l’un  de  l’autre,  mais  non  pas  accolés 
l'un  à l’autre  (1).  Les  ganglions  abdominaux  forment  une  chaîne 
assez  courte  (2  : le  premier  est  extrêmement  petit  et  accolé  au 
centre  médullaire  métalhoracique  ; le  second  en  est  éloigné,  et  les 
suivants,  qui  sont  séparés  du  second  par  des  connectifs  assez 
courts , forment  une  seule  masse.  On  y distingue  nettement  trois 
ganglions.  La  chaîne  ganglionnaire  abdominale  n’atteint  que  la 
base  de  l’abdomen. 

J’ai  examiné  le  système  nerveux  dans  plusieurs  Hydrophiles 
( H ydrophilus  piceus  Lin. , llydrous  coraboidcs  Lin.  ).  j’y  ai  trouvé 
une  ressemblance  complète.  Dans  le  grand  Hydrophile,  où  je  l’ai 
représenté  avec  détails,  on  remarque  que  les  ganglions  céré- 
broïdes  sont  très  petits  comparativement  à la  grosseur  de  la  tête 
de  l’Insecte  (3). 

Les  nerfs  optiques,  comme  j’ai  eu  l’occasion  de  le  dire  précé- 
demment , sont  ici  extrêmement  grêles  comparativement  à ceux 
qu’on  observe  ailleurs  (4).  Le  centre  médullaire  prothoracique 
émet  des  nerfs  antérieurs  très  gros  et  divisés  en  branches  fort 


(1)  PI.  13,  fig.  3— i,  S. 

(2)  ri.  13,  lig.  3— s 7.  8.9.  10 


(3)  PI.  11,  fig  1 — 1 
(1)  PI.  I I,  lig  1 — 1 b 


DES  INSECTES. 


341 

nombreuses  (1).  Les  intermédiaires  naissent  du  même  tronc  et 
sont  aussi  très  grêles.  Les  connectifs  qui  unissent  les  centres  ner- 
veux du  prothorax  avec  ceux  du  mésothorax  sont  extrêmement 
longs.  Les  connectifs  qui  unissent  ce  dernier  avec  le  ganglion  du 
métathorax  sont  au  contraire  fort  courts  (2).  Chez  les  Hydrophiles, 
la  chaîne  ganglionnaire  abdominale  est  allongée  (3).  On  compte 
cinq  ganglions  espacés  presque  également;  le  dernier,  beaucoup 
plus  gros  que  les  autres,  ne  présente  pas  cependant  de  divisions 
apparentes.  Le  premier  est  accolé  au  centre  médullaire  métatho- 
racique.  De  chacun  des  ganglions  de  l’abdomen  il  naît  une  seule 
paire  de  nerfs  qui  se  divisent  d’abord  en  deux  branches  princi- 
pales, se  subdivisant  elles-mêmes  en  plusieurs  autres  branches 
encore  très  fortes.  Le  dernier  centre  médullaire  donne  seul  trois 
paires  de  nerfs. 

Cuvier  a donné  une  description  succincte  du  système  nerveux 
de  ('Hydrophile  dans  ses  leçons  sur  l’anatomie  comparée (4). 

Si  l’on  compare  maintenant  le  système  nerveux  des  Sphæridies 
avec  celui  des  Hydrophiles , on  reconnaîtra  que  la  principale  dif- 
férence consiste  dans  l’écartement  des  trois  derniers  centres  mé- 
dullaires. Chez  les  Sphæridies , ils  sont  contigus.  Chez  les  Hydro- 
philes, ils  sont  aussi  espacés  que  les  deux  premiers.  11  existe  par 
conséquent  une  différence,  non  pas  très  considérable,  mais  néan- 
moins assez  importante  entre  les  Sphæridiides  et  les  Hydrophili— 
des.  Leurs  caractères  extérieurs  ne  pouvaient  en  donner  qu’une 
idée  imparfaite.  Peut-être  eût-on  été  conduit  d’après  cela  seul  à les 
regarder  comme  plus  semblables  qu’ils  ne  le  sont  en  effet. 

Les  Hydrophiles  ont  un  tube  alimentaire  très  long  , formant  de 
nombreuses  circonvolutions.  Ceci  paraîtrait  au  premier  abord  in- 
diquer un  rapprochement  entre  ces  Insectes  et  les  Scarabéiens; 
mais  l’analogie  consiste  seulement  dans  la  longueur,  nullement 
dans  la  forme  de  chacune  de  ses  parties.  Ces  Coléoptères  ont 
aussi  à la  base  de  leur  abdomen  , comme  les  Dyticiens,  un  com- 
mencement de  trachées  vésiculeuses. 

lîien  donc  ne  nous  semble  devoir  venir  à l’appui  du  rapproche-, 

(1)PI  ) 1 . fig.  I — 3a,6,c.  (3)  PI.  11,  (!g.  1—  6,  7,  8,  9,  H) 

f 2 ' l’I . H,  fig.  I — i a 5.  (I)  Tome  II,  page  339  (an  vin). 


342  E.  BI./IIVCH.IRU.  8l)K  LE  SYSTÈME  MîltVEUX 
ment  des  Scarabéiens  et  des  Hydrophiliens.  I.atreille  plaçait  ces 
deux  tribus  près  l’une  de  l’autre;  il  y était  conduit  uniquement 
par  la  forme  desanlennes,  car  les  parties  de  la  bouche  n’indiquent 
pas  une  ressemblance  bien  grande  entre  ces  deux  tribus. 

L’organisation  intérieure  montre  bien  mieux  qu’elles  sont  assez 
éloignées  l'une  de  l’autre.  La  considération  des  larves  conduit  au 
même  résultat.  Comme  plusieurs  entomologistes  l’ont  pensé  dans 
ces  derniers  temps,  les  Hydrophiliens  se  rapprochent,  des  Dyti- 
ciens,  tout  en  oITranl  de  grandes  différences  avec  eux..  Leur  sys- 
tème nerveux  en  est  une  preuve;  car  malgré  ses  caractères  par- 
ticuliers dans  chacune  de  ces  deux  tribus , il  présente  aussi  plu- 
sieurs points  d’analogie. 

Par  la  considération  de  cet  appareil  on  reconnaît  un  rapport 
réel  entre  les  Hydrophiliens  et  les  Silphiens.  Par  les  Sphæridiides, 
comme  je  l’ai  déjà  dit , le  type  se  modifie  pour  former  un  lien  entre 
les  Ilydrophilides  et  les  Coccinelliens.  Les  larves  d’ Hydrophiles 
ressemblent  beaucoup  à celles  des  Dyticiens  par  la  forme  générale 
de  leur  corps  et  surtout  par  la  longueur  de  leurs  pattes,  le  déve- 
loppement de  leurs  mandibules  et  de  leurs  mâchoires  (1).  Elles 
leur  ressemblent  aussi  par  leur  système  nerveux.  Chez  les  larves 
d’ Hydrophiles  (//.  piceus  Lin.),  on  compte  sept  ganglions  abdo- 
minaux, dont  le  premier  rapproché  du  centre  nerveux  métatho- 
racique.  Il  en  est  de  mèmedansles  larves  de  Dytiques:  seulement, 
chez  celles-ci,  ils  sont  très  rapprochés  les  uns  des  autres,  et  ne 
forment  qu’une  chaîne  très  courte.  Chez  les  premières,  au  con- 
traire, ils  sont  fort  espacés,  et  constituent  ainsi  une  chaîne  s’éten- 
dant presque  jusqu’à  l’extrémité  du  corps.  Les  rapports  de  ces 
deux  tribus  sont  donc  pleinement  démontrés  par  l’organisation 
et  par  l’embryogénie  : cependant  ces  rapports  ne  sont  pas  in- 
times. 

Je  n’ai  pu  encore  étudier  suffisamment  les  Hélophorides,  Parni- 
des  , Hétérocérides , pour  avoir  des  idées  bien  arrêtées  à l’égard 
de  leurs  affinités.  Les  premiers  cependant  me  paraissent  très  voi- 
sins des  Hydrophilides.  Les  Parnides  et  les  Hétérocérides  , con- 

(l)  Voyez  la  nouvelle  édition  du  /ti'yne  animal  de  Cuvier  (Insectes),  pl  15, 
lig.  2 et  i . 


I>KS  INSECTES. 


343 

sidérés  par  quelques  entomologistes  comme  un  lien  vers  lesGyri- 
nides  à cause  de  la  forme  de  leurs  antennes,  me  semblent  au  con- 
traire former  plutôt  un  lien  entre  les  Hydrophiliens  proprement 
dits  et  les  Dermestiens. 

12e  Tribu  — Les  Dyticiens  (Dyticii). 

( llydrocanlhares  l.atr.) 

Cette  tribu  comprend  deux  familles  : les  Dvticides  et  les  Gyri- 
nides. 

J'ai  disséqué  plusieurs  types  de  la  première  Dyticus  rnargi- 
nalis  Lin.  , A cilius  sulcatus , Colymbetes  fuscus,  etc.);  ils  m’ont 
paru  tous  conformés  sur  un  plan  général  très  analogue.  Dans  les 
Dytiques  ( Dyticus  marginalis  Lin.),  les  ganglions  cérébroïdes 
sont  de  médiocre  grosseur,  et  les  nerfs  optiques  sont  moins  volu- 
mineux que  dans  la  plupart  des  autres  types  (1).  Peu  de  Coléop- 
tères sont  aussi  favorables  à l’observation  du  système  nerveux  de 
la  vie  organique  que  les  Dytiques;  leur  nerf  récurrent  est  assez 
gros  , et  l’on  aperçoit  même  aisément  ses  branches  latérales.  Le 
ganglion  gastrique  se  distingue  facilement , de  même  que  ses 
branches,  qui  se  partagent  sur  le  gésier  et  le  ventricule  chylifique. 

Les  centres  médullaires  du  thorax  sont  à peu  près  d’égale  gros- 
seur (2)  ; les  trois  paires  de  nerfs  prothoraciques  ont  leurs  ori- 
gines distinctes  (3)  ; les  antérieurs  se  divisent  en  plusieurs  bran- 
ches très  fortes.  Les  centres  nerveux  du  mésothorax  et  du  méta- 
thoraxsont  peu  éloignés  l’un  de  l’autre. 

Les  ganglions  abdominaux  constituent  une  chaîne  assez  courte, 
qui  n’atteint  même  pas  la  base  de  l’abdomen.  On  en  compte  six  (4)  : 
le  premier  accolé  au  centre  médullaire  métathoracique , le  se- 
cond assez  éloigné  du  premier , et  les  trois  suivants  séparés  les 
uns  des  autres  par  des  connectifs  fort  courts  ; le  cinquième  et  le 
sixième  sont  même  intimement  unis , et  ne  forment  qu’une  seule 
masse  ovoïde.  Les  Dyticides  ont  un  système  nerveux  qui  se  rap- 
proche beaucoup  de  celui  des  Carabiens , mais  avec  une  centra- 
lisation plus  grande. 

(1)  PI.  io,  fig  i — I . i 

(2)  PI  io,  fig  i—  :»  i. 


(3)  PI.  10,  fig.  1—3  a,b,c. 

(S)  PI  10,  fig  1—6.  7,  8,  9,  10,  H 


344  K.  BUM'URD.  — SLR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 

Le  système  nerveux  des  larves  de  Dytiques  (1  : a aussi  une  dis- 
position particulière;  les  ganglions  cérébroïdes  sont  presque  sépa- 
rée, et  ressemblent  à deux  petites  masses  ovalaires  accolées  (2). 
Les  nerfs  optiques  consistent  d’abord  en  une  sorte  de  gros  tuber- 
cule qui  se  divise  bientôt  en  un  nombre  de  branches  égal  au  nombre 
des  yeux  de  la  larve  (3).  Les  ganglions  du  thorax  sont  séparés  du 
ganglion  sous-œsophagien  par  deux  connectifs  extrêmement  longs. 
Les  centres  médullaires  thoraciques  sont  presque  d’égal  vo- 
lume (4)  ; les  connectifs  qui  séparent  le  premier  du  second  et  le 
second  du  troisième , sont  de  même  longueur  et  écartés  l’un  de 
l’autre.  Ils  produisent  par  deux  racines  le  filet  nerveux  qui  vient 
s’anastomoser  avec  les  nerfs  alaires. 

On  compte  chez  les  larves  de  Dytiques  sept  ganglions  abdomi- 
naux très  rapprochés  les  uns  des  autres  (5)  : le  premier,  le  plus 
gros  de  tous,  est  séparé  du  centre  nerveux  métathoracique  par  deux 
connectifs  très  courts;  le  second  en  est  un  peu  plus  éloigné,  mais 
tous  les  suivants  sont  fort  peu  séparés.  La  chaîne  ganglionnaire 
ainsi  ramassée  se  termine  dans  le  troisième  anneau  abdominal  ; les 
nerfs  de  chacun  des  ganglions  descendent  parallèlement  jusqu’à 
leur  anneau  respectif,  où  ils  se  divisent  et  se  subdivisent.  Le 
premier  centre  nerveux  abdominal  fournit  deux  paires  de  nerfs  se 
rendant  aussi  à deux  anneaux,  qui  deviendront  partie  thoracique 
dans  l’insecte  parfait. 

Les  caractères  fournis  par  les  mâchoires  et  leurs  palpes  n’ont 
jamais  pu  laisser  de  doute  sur  les  affinités  très  grandes  des  Dvti- 
ciens  avec  les  Carabiens. 

La  considération  du  système  nerveux  chez  les  insectes  parfaits 
et  les  larves  prouve  manifestement  cette  analogie.  On  reconnaît 
dans  les  Dytiques  une  tendance  vers  une  plus  grande  centrali- 
sation que  dans  les  Carabes  : c’est  en  quelque  sorte  la  même 
forme  plus  perfectionnée. 

Les  larves  des  Dyticiens  ressemblent  considérablement  à celles 
des  Carabiens  et  des  Staphyliniens  : le  canal  intestinal  des  üyti- 

(4)  PI.  10,  fig.  2—3,  4,  5. 

(3)  PI  I 0,  fig.  2—6,  T,  8.9,10,  Il 
et  12 


(1)  PI  10,  lig  2. 

(2)  PI.  10,  fig  2—1 

(3)  PI  10,  fig  2— I,  8 


DUS  INSECTES. 


345 

ques  se  rapproche  aussi  de  celui  des  Carabes  (I).  Les  affinités 
entre  ces  divers  groupes  ressortent  jusqu’à  la  dernière  évi- 
dence. 

Les  Gyrinides,  qu’on  désigne  vulgairement  sous  le  nom  de  Tour- 
niquets , s’éloignent  beaucoup  du  type  principal  des  Dyticiens. 
Le  système  nerveux  des  Gyrins  (*2)  (G.  natator  et  urinator  Fab.) 
représenterait  celui  des  Dytiques  , parvenu  à un  degré  de  centra- 
lisation plus  élevé.  Les  centres  médullaires  du  mésothorax  et  du 
métathorax  (3),  chez  ces  Coléoptères,  sont  contigus.  Tous  les  gan- 
glions abdominaux  forment  une  seule  masse  allongée  et  accolée 
au  ganglion  métathoraciquc  (4).  On  y distingue  même  difficile- 
ment les  indices  de  la  soudure  des  ganglions.  Chez  les  Gyrins  , 
les  nerfs  optiques  se  continuent  en  ligne  droite  avec  les  ganglions 
cérébroïdes  (5),  ce  qui  donne  un  aspect  particulier  à cette  portion 
du  système  nerveux. 

Je  n’ai  pas  encore  eu  l’occasion  d’étudier  les  larves  des  Gyrins. 
Elles  méritent  d’être  examinées , car  elles  conduiront  à recon- 
naître si  ces  Coléoptères  diffèrent  beaucoup  des  Dytiques  dans 
leur  premier  âge  , ou  si  les  insectes  parfaits  n’offrent  qu’un  degré 
de  développement  plus  avancé.  Par  la  configuration  de  leurs  gan- 
glions abdominaux  , les  Gyrinides  paraissent  former  un  lien  entre 
les  Dyticides  et  les  Scaphidides,  et  les  llistériens  en  général. 

13'  Tribu.  — Les  Carabiens  (Carabii ; 

(('arabiques  Latr.  ) 

Cette  tribu,  l’une  des  plus  naturelles  de  tout  l’ordre  des  Co- 
léoptères, est  en  même  temps  l’une  des  plus  nombreuses. 

Tous  ses  représentants  ont  dans  la  forme  des  parties  de  leur 
bouche,  de  leurs  antennes  et  de  leurs  pattes,  des  caractères  géné- 
raux qui  ne  permettent  pas  de  les  confondre  avec  des  groupes 
voisins. 

Nous  divisons  cette  tribu  en  deux  familles  : lesCarabides  et  les 

(1)  Voyez  Léon  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  les  Coléoptères,  p 22 

(2)  PL  8,  fig.  S.  (4)  PI.  8,  fig.  5— 6. 

(3)  PI  8,  (ig  5—4,5.  (3)  PI.  8,  fig.  5 — I , H. 


3/lG  E.  BI.WtHAKII.  — SUR  I.E  SYSTÈME  NERVEUX 

Cicindélides.  Pour  les  premiers  , mes  observations  ont  porté  sur 
un  assez  grand  nombre  de  genres. 

J’ai  décrit  le  système  nerveux  du  Carabe  doré  (1)  au  chap.  1 1 ; 
je  n’y  reviendrai  pas  ici.  Je  me  contenterai  d’indiquer  les  diffé- 
rences que  j’ai  observées  entre  ce  type  et  les  autres  représentants 
de  sa  tribu.  Dans  le  Carabe,  on  le  sait , les  sept  ganglions  abdo- 
minaux sont  tous  séparés  les  uns  des  autres. 

J’ai  reconnu  cette  disposition  , non  seulement  chez  le  Carabus 
auratus,  mais  aussi  dans  les  ( '.  monilis  et  purpurascens,  et  dans 
les  Calosomes  ( Calosoma  inquisitor  Lin.).  Chez  les  Nébries  (JS. 
brevicollis  Fab.),  le  premier  ganglion  abdominal  s'unit  davantage 
avec  le  centre  médullaire  du  métathorax.  Dans  les  Elaphres  (Ela- 
phrus  uliginosus  et  riparius  Fab.),  il  se  confond  presque  entiè- 
rement avec  le  centre  nerveux  métathoracique , et  les  six  autres 
ganglions  abdominaux  restent  espacés  dans  les  mêmes  rapports 
que  chez  les  Carabes.  Les  Elaphres  ressemblent  à cet  égard  aux 
Cicindèles.  11  y a donc  bien  évidemment  une  affinité  très  étroite 
entre  ces  deux  types,  et  non  pas  seulement  une  analogie  dans  l’as- 
pect général,  comme  l’ont  cru  la  plupart  des  entomologistes. 

Chez  tous  les  Féronites  qüe  j’ai  examinés  ( Zabrus  gibbus,  Splw- 
drus  planus,  Pristonychus  terricola,  Calathus  cisteloides.  Platynus 
( A nchomenus ) prasinus  et  ( Agonum ) marginatus,  Feronia  nigra, 
melanaria,  etc.),  de  même  que  chez  les  Chlænies  ( Chlænius  ves- 
titus  I’ab.),  le  premier  ganglion  abdominal  est  complètement 
rapproché  du  centre  médullaire  du  métathorax,  dont  il  demeure 
toutefois  très  distinct  ; le  deuxième  et  le  troisième  ganglion  de 
l'abdomen  sont  espacés  comme  dans  les  Carabes,  mais  le  qua- 
trième en  est  un  peu  plus  écarté.  Celui-ci  et  les  trois  derniers 
sont  séparés  les  uns  des  autres  par  des  connectifs  si  courts,  qu’ils 
semblent  au  premier  abord  former  une  simple  masse  allongée  ; 
mais  avec  un  peu  d’attention  on  distingue  encore  très  nettement 
les  quatre  ganglions. 

Dans  les  Bembidionites  ( Bembidionustulatum  Lin.,  B.  undu- 
latum  Sturm.  et  B.  ( Loplia ) quadrimaculatum  Fab.),  il  y a une 
disposition  tout-à-fait  semblable,  montrant  d’une  manière  certaine 

(t)  Règne  animal , nouvelle  édition,  |>l  3 bis,  fiix  I 


DES  INSECTES. 


347 

que  ces  Carabiens  sont  surtout  voisins  des  Féronites  et  plus  parti- 
culièrement des  Platynes  (sous-genres  Anchomenus  et  Agonum), 
dont  ils  ont  la  forme  générale  et  les  habitudes. 

J’ai  pu  observer  le  système  nerveux  dans  le  genre  Antliia  (A. 
decimmaculata ),  du  groupe  des  Graphiptérites,  sur  un  individu 
conservé  dans  l’alcool,  et  y reconnaître  exactement  le  même  grou- 
pement des  ganglions  abdominaux  que  dans  les  Féronites. 

Chez  les  Brachinites  ( Il  rue  h in  us  crepitans  et  une  espèce  des 
Philippines,  B.  Catoirei  Dej.)  et  les  Harpalites  (fl ar palus  rufi- 
cornis,  œneus  et  bipunctatus ),  on  trouve  une  petite  différence  avec 
les  précédents  en  ce  que  le  troisième  ganglion  abdominal  est  rap- 
proché du  quatrième , comme  celui-ci  l’est  par  rapport  aux  sui- 
vants. 

Dans  la  famille  des  Cicindélides  ( Cicindela  campestris  Lin.  ), 
le  premier  centre  nerveux  de  l’abdomen  se  confond  avec  le  gan- 
glion du  métathorax  ; tous  les  centres  nerveux  sont  au  contraire 
un  peu  plus  espacés  et  un  peu  plus  petits  proportionnellement  que 
dans  les  Carabes. 

Le  système  nerveux  des  Carabiens  offre  ainsi  une  grande  uni- 
formité dans  sa  disposition  générale,  tout  en  présentant  de  petites 
différences , dues  simplement  à la  longueur  ou  à la  brièveté  des 
connectifs.  On  peut  encore  se  servir  avec  avantage  de  ces  légères 
modifications  pour  caractériser  les  groupes  secondaires  et  appré- 
cier les  affinités  qu’ils  présentent  entre  eux  ; mais , pour  en  tirer 
tout  le  parti  possible  dans  une  tribu  dont  les  collections  renferment 
plus  de  quatre  mille  espèces,  on  le  comprend  sans  peine,  il  faudra 
multiplier  les  observations  beaucoup  plus  encore  que  je  n’ai  été  à 
même  de  le  faire. 

Plusieurs  larves  de  Carabiens  ont  été  décrites  dans  ces  der- 
niers temps  (1). 

M.  Burmeister  a décrit  et  en  partie  représenté  le  système  ner- 
veux de  la  larve  du  Calosoma  sycophanla  (2).  Il  lui  a trouvé  huit 
ganglions  abdominaux  espacés.  Il  y a là  une  ressemblance  très 

(1)  Voyez  Heer,  Observa  tiones  entomol.  — Ratzeburg,  De  Forsl-Insecl,  I I 
— Wcstwood,  Inlroducl.  to  the  modem  Classif  of  Insecte,  t.  I,  p 67  (1840) 

('2'  Traits,  of  the  Enl.  Soc.  of  fond  I I,  et  Handb.  der  Entom.  Allas. 


3/|8  E.  BI.AXC1IARD.  — SIR  LE  SYSTÈME  NERVEUX 

grande  avec  la  disposition  que  j’ai  signalée  dans  la  larve  des 
Silphes. 

Les  Carabiens  offrent  entre  eux  encore  un  trait  d’ homogé- 
néité dans  le  tube  alimentaire , en  ce  que  leur  ventricule  chy- 
liiïque  est  presque  constamment  garni  de  papilles  : seulement , 
comme  il  arrive  en  général  pour  la  plupart  des  caractères  fournis 
par  le  canal  intestinal , celui-ci  est  loin  d’être  exclusif. 

Les  affinités  des  Carabiens  sont  surtout  très  grandes  avec  les 
Dyticiens  ; elles  le  sont  presque  autant  avec  les  Silphiens  et  les 
Staphyliniens.  Cette  tribu  se  lie  encore  à celle  des  Piméliens  : 
mais  ici  les  ressemblances  sont  moins  manifestes.  Ces  analogies 
sont  bien  démontrées  par  la  disposition  des  centres  nerveux  : elles 
ne  le  sont  pas  moins  par  les  caractères  embryogéniques. 

U*  Tribu  — Les  Pimelieks  ( Pimctii ). 

(Mélasomes  Latr.  ) 

Ceux-ci  constituent  une  tribu  très  considérable  qui  me  semble 
très  naturelle,  telle  que  je  la  circonscris  aujourd’hui.  Dans  mon 
Histoire  des  Insectes , à l’exemple  de  la  plupart  des  entomologistes, 
j’avais  considéré  les  Hélopiens  comme  formant  une  tribu  distincte 
de  celle  des  Piméliens,  tout  en  remarquant  que  les  caractères  ex- 
térieurs rendaient  difficile  cette  séparation.  Aujourd’hui,  d’après 
leur  organisation  , je  me  trouve  conduit  à réunir  aux  Piméliens 
la  famille  des  Hélopiides  et  à en  séparer  les  Cistélides , qui  peu- 
vent en  être  éloignées  aussi  d’après  la  considération  de  leurs 
caractères  extérieurs. 

A la  tribu  des  Piméliens,  je  rattache  quatre  familles  : les  Pi- 
méliides,  les  Blapsides,  les  Ténébrionides et  les  Hélopiides.  Dans 
la  disposition  de  leur  système  nerveux,  j’ai  observé  la  plus  grande 
analogie  entre  tous  les  principaux  représentants  de  cette  tribu. 
J’ai  observé  cet  appareil  dans  les  Pimélies  ( Pimelia  bipunctata 
Fab.  et  barbara  Sol.),  les  Praocis  (P.  Spinolœ  Sol.  du  Chili),  les 
Blaps  ( B.  mortisatja  Lin.  ),  les  Pédines , les  Opatres  ( Opatrum 
subutosum  Lin.),  les  Hélops  (Ilelops  caraboüles  et  lanipes  Lin.). 
La  chaîne  ganglionnaire  diffère  à peine  de  l’un  à l’autre  de  ces 
divers  types. 


bus  insectes. 


3/pJ 

Dans  les  Blaps  (1)  ( B.  mortisaga  Lin.),  les  ganglions  céré- 
broïdes  sont  assez  petits,  et  les  deux  lobes  sont  peu  marqués.  Les 
nerfs  optiques,  dans  la  plus  grande  partie  de  leur  longueur,  sont 
divisés  en  nombreux  filets  aboutissant  à chaque  facette,  comme 
on  l’observe  dans  les  larves  (2). 

(l’est  là  un  fait  vraiment  curieux  de  trouver  chez  un  insecte 
parfait  des  nerfs  optiques  analogues  à ceux  des  larves.  Cette  por- 
tion n’a  pas  acquis  ici  toute  sa  perfection  : on  s’explique  cet  arrêt 
de  développement.  Les  Blaps  vivant  constamment  dans  l’obscu- 
rité, leurs  yeux  demeurent  dans  un  état  rudimentaire  comparable 
en  quelque  sorte  à ceux  des  larves. 

Chez  ces  Insectes , les  centres  médullaires  du  thorax  sont  très 
espacés  (3).  Les  nerfs  prothoraciques  naissent  de  deux  troncs  (4). 

La  chaîne  ganglionnaire  abdominale  est  assez  allongée  (5),  et 
se  termine  vers  le  milieu  de  la  longueur  de  l’abdomen.  On  observe 
d’abord  un  premier  ganglion  accolé  au  centre  nerveux  du  méta 
thorax  ; puis  quatre  autres  à peu  près  également  espacés,  et  enfin 
trois  derniers  réunis  en  une  seule  masse  : les  deux  derniers  sur- 
tout sont  peu  distincts  l’un  de  l’autre  (6).  Les  ganglions  de  l’abdo- 
men , dont  la  forme  est  un  peu  ovalaire , ont  chacun  deux  paires 
de  nerfs  ayant  leur  origine  séparément.  Chez  les  Pimélies  (Pi- 
vnelia  bipunctata  et  barbara)  et  les  Praocis  ( /'.  Spinolœ),  c’est 
exactement  la  même  disposition. 

Chez  les  Crypticus  (C.  glaber  Fabr.),  les  derniers  ganglions 
abdominaux  se  rapprochent  davantage,  et  alors  la  ressemblance 
devient  extrême  avec  le  système  nerveux  des  Carabiens. 

Dans  les  Ténébrions  ( T.  molitor  Lin.  ) et  les  Opatres,  le  sys- 
tème nerveux  est  aussi  très  semblable  à celui  des  Blaps  ; mais 
on  distingue  plus  nettement  les  trois  derniers  ganglions  abdomi- 
naux, et  en  outre  tous  les  précédents  sont  séparés  les  uns  desau- 
tres  par  des  connectifs  plus  longs  (7). 


(1)  PI.  10,  fig  3. 

(2)  PI.  18,  fig.  3—1  b. 

(3)  PI.  10,  fig.  3—3,  4.  5 
(4;  PI  10,  fig.  3—3  u.b,c 


(5)  PI  10,  fig.  3—6,  7,  8,  9,  10  11 

et  12. 

(6)  PI.  10,  fig  3—12 

(7)  PI.  10.  fig  4—6,  7,  8,  9.  Kl. 

H . 1 2 al  13 


350  K.  IIUKCIURU.  — SUR  i.u  SYSTÈME  NERVEUX 

il  en  est  de  même  chez  les  Hélops.  Dans  ceux-ci,  le  premier 
ganglion  abdominal  se  confond  un  peu  plus  avec  le  centre  médul- 
laire du  métathorax. 

Ainsi , entre  les  Piméliides,  Blapsideset  Hélopiides  , il  n’existe 
aucune  différence  importante  dans  la  disposition  du  système  ner- 
veux. Ceci  nous  montre  que  la  tribu  des  Piméliens  est  vraiment 
homogène.  11  faut  dire  cependant  que  deux  types  assez  anomaux, 
à en  juger  par  leurs  formes  extérieures , les  Cossyphus  et  les 
Phrenapates,  n’ont  pu  être  examinés  anatomiquement. 

Malgré  les  différences  que  les  Piméliens  et  les  Carabiens  offrent 
dans  la  forme  de  leurs  mâchoires  et  dans  le  nombre  d’articles  de 
leurs  tarses,  on  est  conduit  à regarder  ces  deux  tribus  comme 
très  voisines  l’une  de  l’autre.  La  forme  de  leurs  antennes  et  de 
leurs  pattes*  indique  déjà  ce  rapport  ; c’est  cela  seul  qui , dans 
mon  Histoire  des  Insectes , m’avait  conduit  à ce  rapprochement. 
Alors  je  doutais  encore  qu’il  soit  vraiment  naturel.  Aujourd’hui 
les  caractères  tirés  de  l’organisation  ne  peuvent  me  laisser  aucun 
doute. 

Les  larves  des  Ténébrionides  et  des  Hélopiides  sont  bien  con- 
* nues.  Tout  le  monde  a vu  le  Ver  de  farine,  cette  larve  allongée, 
cylindrique,  ayant  une  enveloppe  luisante  d’apparence  cornée. 
Toutes  les  larves  de  Piméliens , à quelques  légères  différences 
près,  ressemblent  au  Ver  de  farine,  à la  larve  du  Tenebrio  mo - 
litor.  J’ai  observé  en  Sicile  les  larves  des  Pimélies  ; leur  corps  est 
un  peu  plus  aplati , mais  elles  présentent  les  mêmes  caractères 
généraux. 

Dans  la  larve  du  Ténébrion  , les  centres  nerveux  forment  une 
chaîne  qui  s’étend  dans  presque  toute  la  longueur  du  corps  (1). 
On  compte  trois  ganglions  thoraciques  et  huit  abdominaux,  ayant 
tous  à peu  près  la  même  grosseur.  Ils  sont  aussi  espacés  presque 
également.  A l’extrémité  du  huitième  ganglion  abdominal , on 
observe  un  petit  prolongement,  qui  n’est  autre  chose  certaine- 
ment qu’un  centre  médullaire  déjà  réuni  au  précédent  (2). 

Par  leurs  larves  et  même  par  leur  organisation  , les  Piméliens 

(1)  Pt.  10,  fig.  5. 


(2)  PI.  10.  fig  5—13,  H 


nus  INSECTES.  351 

ont  certaines  at'linités  avec  les  Klatériens  ; ils  en  ont  aussi,  d’autre 
part,  avec  les  Diapériens  et  les  Cantharidiens. 

15°  Tribu.  — Les  Diapériens  ( Diaperii ). 

Les  principaux  représentants  de  cette  tribu,  à en  juger  par 
leurs  formes  extérieures,  semblent  se  rapprocher  considérable- 
ment îles  Hélopiides.  Leurs  antennes  perfoliées  fournissent  le 
seul  caractère  zoologique  qui  permette  de  les  en  séparer  ; mais 
par  la  considération  de  leur  organisation  aux  diverses  phases  de 
la  vie  de  l’animal , même  par  les  formes  extérieures  des  larves , 
on  ne  tarde  pas  à reconnaître  que  les  Diapères  constituent  un 
type  assez  éloigné  de  celui  des  Hélops. 

Chez  les  Diapères  (D.  boleli  Lin.)  (1),  le  centre  médullaire  du 
prothorax  est  éloigné  de  ceux  du  mésothorax  et  du  métathorax  , 
qui  sont  au  contraire  fort  rapprochés  l’un  de  l’autre  (2).  La  chaîne 
abdominale  n’atteint  guère  que  le  milieu  de  l’abdomen.  On  dis- 
tingue à peine  un  premier  ganglion  confondu  avec  le  métathora- 
cique  ; ensuite  on  en  observe  un  second  (3),  qui  en  est  séparé  par 
des  connectifs  très  courts , puis  un  troisième  et  un  quatrième  au 
contraire  très  espacés  : le  quatrième  forme  une  seule  masse  avec 
le  suivant  ; il  en  demeure  même  médiocrement  distinct  A). 

Les  larves  de  Diapères  (5),  molles,  allongées,  s’élargissant 
postérieurement , ont  un  cerveau  remarquable.  Les  deux  gan- 
glions cérébroïdes  sont  avancés  en  pointe  , et  séparés  l’un  de 
l’autre  dans  la  plus  grande  partie  de  leur  étendue  (6).  Le  gan- 
glion sous-œsophagien  est  ovoïde  ; les  trois  centres  nerveux  tho- 
raciques sont  à peu  près  de  même  grosseur  et  également  espacés. 

Les  ganglions  abdominaux,  au  nombre  de  huit,  très  semblables 
les  uns  aux  autres , sont  fort  petits , comparativement  à ceux  du 
thorax  (7).  Ainsi  les  Diapériens  diffèrent  beaucoup  des  Hélo- 

(1)  PI.  M,  fig.  3.  (3)  PI.  Il,  fig.  3—6 

(2)  PI.  I l,  lig.  3—3,  4.  S.  (4)  PI.  11,  fig.  3-8  et  9. 

(3)  Représentées  par  M.  Léon  Dufour,  Annales  ries  Sciences  mit.,  1'  série  , 
t.  XX,  p.  290,  pl.  12  (1843). 

(6)  Pl.  11,  fig  4—1. 

(7)  Pl  II,  fig  4 — 6,  7,  8,  9,  10  II  12,  13. 


352  iî.  bu\CüaHd.  — suu  i.e  système  nerveux 
jiiitles  , non  pas  seulement  à leur  état  parfait , mais  aussi  à leur 
état  de  larve.  Comme  l’indique  le  développement  des  centres  mé- 
dullaires du  thorax , ces  larves  de  Diapères  sont  à un  état  em- 
bryonnaire beaucoup  plus  avancé  que  celles  des  Ténébrions. 

La  disposition  du  système  nerveux  les  rapproche  notablement 
des  Érotyliens.  A ce  point  de  vue , ils  nous  offrent  encore  une 
certaine  analogie  avec  les  Chrysoméliens.  On  aperçoit  surtout 
ce  rapport  en  examinant  la  nymphe  des  Diapères , car  alors  on 
compte , comme  chez  les  Chrysomèles  , trois  ganglions  abdomi- 
naux isolés , et  un  quatrième  formé  par  la  réunion  de  plusieurs 
autres  (1). 

Les  recherches  de  M.  Léon  Dufour  sur  les  métamorphoses  de 
1 ’Eledona  agaricicola  (2)  montrent  que  les  Bolitophages  sont  très 
voisins  des  Diapères. 

Dans  mon  Histoire  des  Insectes  , j’ai  placé  , d’après  quelques 
ressemblances  extérieures , les  Trachyscélides  et  les  Phalériides 
dans  la  tribu  des  Diapériens.  Comme  je  n’ai  pu  étudier  l’organi- 
sation de  ces  types , et  comme  leurs  métamorphoses  me  sont 
inconnues,  je  ne  saurais  me  prononcer  pour  leur  réunion  ou  pour 
leur  séparation.  Toutefois  je  suis  porté  à croire  que  les  Phalé- 
ries  doivent  différer  beaucoup  des  Diapères. 

16"  Tribu.  — Les  Cantharidif.ns  ( Canlharidii ). 

A cette  tribu  nous  rattachons  plusieurs  familles  : ce  sont  les 
Cistélides  y les  Pyrochroïdes,  les  Lagriides , les  Mordellides,  les 
Mélandryides,  les  OEdémérides,  les  Iloriides  et  les  Canthari- 
dides.  Cette  réunion  est  loin  de  former  un  ensemble  homogène, 
et  nul  doute  que  ses  limites  ne  doivent  changer.  Mais  dans  l’état 
actuel  il  reste  à observer  l’organisation  dans  trop  de  types  pour 
pouvoir  prendre  un  parti. 

Le  système  nerveux  chez  les  Cistèles  (('.  sulpliurea  Lin.)  offre 
une  disposition  particulière  (3).  Les  trois  centres  médullaires  tho- 
raciques sont  très  espacés.  Les  ganglions  abdominaux  sont  au 

(1)  PI  11 , fig.  5—6,  7,  8,  9.  10,  1 1. 

(2)  Ann.  des  Sc.  mil..  2'  série,  t XX.  p 28i,  pl.  12  (1843). 

(3)  Pl  13,  fig.  7, 


uns  i \m  < 1 1 >. 


353 

nombre  de  cinc]  en  apparence  ; le  premier  est  séparé  du  centre 
nerveux  du  métathorax  par  des  connectifs  très  longs;  les  trois 
suivants  sont  presque  également  espacés  : mais  le  quatrième  est 
réuni  de  manière  à former  une  seule  masse  avec  le  cinquième. 
Celui-ci  est  très  grand  et  terminé  carrément.  Les  deux  paires  de 
nerfs  de  chaque  ganglion  naissent  séparément. 

Dans  la  famille  des  Lagriides , j’ai  examiné  les  espèces  les  plus 
répandues  dans  notre  pays.  Dans  la  Lagria  hirla  Lin.  (1),  le  centre 
médullaire  prothoracique  est  très  éloigné  du  mésothoracique  ; 
celui-ci  l’est  médiocrement  du  métathoracique.  La  chaîne  gan- 
glionnaire abdominale  s’étend  jusqu’aux  deux  tiers  environ  de  la 
longueur  de  l’abdomen  ; on  compte  sept  ganglions  très  petits  (2)  : 
le  premier  accolé  au  centre  nerveux  du  métathorax,  les  quatre  sui- 
vants écartés  les  uns  des  autres , mais  le  sixième  beaucoup  plus 
rapproché  du  précédent,  et  le  septième  presque  réuni  au  sixième. 
Je  n’ai  pas  trouvé  dans  d’autres  Coléoptères  de  système  nerveux 
très  analogue  à celui  des  Lagries;  cependant  il  s’éloigne  à peine 
de  celui  des  Ténébrionides , et  se  rapproche  un  peu  de  celui  des 
Clairons. 

Ne  connaissant  pas  suffisamment  les  caractères  des  larves  de 
Lagriides,  et  n’ayant  pas  étudié  leur  organisation  intérieure,  je 
n’ose  encore  me  prononcer  d’une  manière  définitive  relativement 
aux  affinités  de  la  famille  des  Lagriides.  Cependant,  d’après  la 
considération  du  système  nerveux  des  Insectes  parfaits,  on  devrait 
la  placer  dans  la  tribu  des  Piméliens,  à la  suite  de  la  famille  des 
Hélopiides.  Mais,  avant  de  démembrer  cette  tribu  des  Canthari- 
diens,  il  me  semble  préférable  d’attendre  que  les  divers  types  qui 
la  composent  actuellement  soient  mieux  connus,  puisque  nous 
avons  déjà  la  certitude  que  plusieurs  d’entre  eux  devront  en  être 
séparés. 

Les  Pyrochroïdes , que  je  n’ai  pas  eu  l’occasion  d’étudier,  me 
paraissent , d’après  les  figures  et  les  descriptions  données  par 
M.  Léon  Dufour,  se  rapprocher  extrêmement  des  Cistèles  (3). 

(t)  PI.  14,  fig.  6 

(2)  PI.  14,  lig.  6 — 6,  7,  8,  9,  10,  lt,  12. 

(3)  Ann.  îles  Sc.  nul.,  2”  série,  t.  XIII,  p 321 , pl.  3 el  6 (1840 

i'  série  Zoul  T V.  (Juin  1846.)  5 23 


35A  U.  BLANCHARD.  — SIR  l.E  SYSTEM  il  .NERVEUX 

Les  Anthicides  ne  semblent  pas  s’éloigner  considérablement  des 
Cistélides.  Dans  leur  système  nerveux  il  existe  cependant  des  dif- 
férences assez  importantes.  Là  chaîne  ganglionnaire  abdominale 
est  beaucoup  plus  courte,  et  le  premier  ganglion  se  trouve  accolé 
au  centre  médullaire  du  métathorax.  Si  on  le  regarde  comme  cor- 
respondant à celui  qui  en  est  si  éloigné  chez  les  Cistèles,  on 
trouvera  les  autres  centres  nerveux  disposés  dans  ies  mêmes 
rapports  (1). 

J’ai  examiné  diverses  espèces  d’OEdémérides  [OEdemera pocla- 
arica , lurida , etc.)  ; plusieurs  auteurs  ont  regardé  cette  petite  fa- 
mille comme  appartenant  peut-être  à la  tribu  des  Cérambvciens. 
L'organisation  des  Insectes  parfaits  vient  témoigner  de  cette 
analogie.  On  compte  chez  les  OEdémères  (OE.  lurida  Fab.), 
comme  chez  les  Cérambycides,  cinq  ganglions  abdominaux,  dont 
le  premier  un  peu  éloigné  du  centre  médullaire  métathoracique  , 
et  le  dernier  plus  gros  que  les  autres  et  pyriforme  “2).  C’est  la 
séparation  du  premier  ganglion  abdominal  et  du  centre  nerveux 
du  métathorax  qui  constitue  la  principale  différence  entre  les 
OEdémères  et  les  Cérambycides. 

D’après  l’aspect  extérieur,  leurs  larves  me  paraissent  conduire 
au  même  rapprochement  ; cependant  elles  sont  caractérisées  par 
la  présence  de  petites  pattes  et  par  leur-  corps  plus  renflé. 

Les  Cantharidides  forment  une  petite  famille  bien  délimitée. 
Leur  système  nerveux  a déjà  été  étudié  par  Audouin  dans  la 
Cantharide  des  boutiques  (3)  ( Cantharis  vesicatoria ) et  par 
MM.  Brandt  et  Ratzeburg  (ù)  dans  les  Cantharides,  les  Mylabres 
et  les  Méloés.  Tous  ces  Coléoptères  ont  une  chaîne  abdominale 
composée  de  quatre  ganglions  à peu  près  également  espacés;  le 
dernier  est  plus  gros  que  les  précédents,  et  ne  présente  pas  de 
divisions  distinctes.  Sous  ce  rapport  les  Cantharides  ont  une  cer- 
taine analogie  avec  les  Chrysoméliens.  Déjà  les  antennes  et  les 
parties  de  la  bouche  m’avaient  paru  indiquer  ce  rapport. 

(IJ  PI  13,  fig  15 

(2)  PI,  14,  fig.  5. 

(:ij  .In».  d/‘s  Sr.  nul  . I Tt  série,  t IX,  pi.  4 *2  (1826). 

4)  Mnlizinvsclic  Xuolmjie,  lid.  Il,  s.  103,  n I 13,  lu  b xvii  et  xix 


nus  insectes. 


555 

La  même  disposition  existe  chez  les  Cantharides  (('.  vesicatoria 
Lin.),  les  Méloés  [M.  proscarabeus  Un.,  scabrosus  et  autumnalis 
Fabr.),  les  M y la  lires  (M . cichorii  Lin.). 

MM.  Brandt  et  Ratzeburg,  qui  ont  obtenu  les  jeunes  larves  de 
ces  Insectes,  ont  observé  leur  système  nerveux  sous  le  compres- 
seur; et  d’après  la  figure  qu’ils  en  ont  donnée,  on  reconnaît  une 
très  grande  ressemblance  avec  celui  des  larves  rie  Chrysomèles. 
Néanmoins  il  existe  des  différences  assez  considérables  entre  ces 
types. 

Chez  les  Cantharidides,  les  ganglions  thoraciques  sont  beau- 
coup plus  espacés  que  dans  les  Chrysoméliens,  et  plus  petits  com- 
parativement aux  ganglions  abdominaux. 

Les  types  sur  lesquels  j’ai  surtout  porté  mon  attention  doivent 
appartenir  certainement  à des  tribus  différentes.  Les  descriptions 
anatomiques  elles  figures  que  j’en  ai  données  ne  laisseront  aucun 
doute  sur  ce  point.  Mais  comme  il  me  reste  k étudier  d’autres 
types  qu’on  rattache  encore  à la  tribu  des  Cantharidiens,  et  à ob- 
server les  larves  plus  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu’à  présent . les  limites 
ne  sauraient  être,  quant  à présent,  posées  avec  certitude. 

17"  Tribu.  — Les  Lamptriess  ( hnnpi/iii 

Les  Lampyriens  n’ont  pas  un  très  grand  nombre  de  repré- 
sentants, mais  ils  forment  un  ensemble  assez  homogène.  J'en 
retrancherai  cependant  les  Malachiites,  que  j’avais  placés  d’abord 
près  des  Téléphores.  Aujourd  hui  je  suis  conduit  à les  replacer 
près  des  Dasytes.  comme  le  faisait  Latreille. 

Tous  les  Lampyriens  que  j’ai  étudiés  ( Telephorus  fuscus  Lin.  et 
melanurus  Fabr. , Lampyris  nocliluca  Lin. , Seirtes  hemisphœricus 
Fab. , Cebrio  xanthomerus  Fab.)  m’ont  paru  conformés  sur  un 
plan  général  très  analogue. 

Le  système  nerveux  des  Téléphores  (T.  melanurus  Fab.)  (1), 
comme  celui  des  Lampyres,  est  extrêmement  allongé.  Le  centre 
nerveux  du  prothorax  est  très  écarté  de  celui  du  mésothorax, 
mais  ce  dernier  l’est  très  médiocrement  de  celui  du  métathorax. 


(1)  t’I  14,  fig.  4 


356  E.  BLANCHARD.  Sl'll  I.K  SYSTÈME  MÎRVEUX 
Tous  les  trois  sont  à peu  près  d’égale  grosseur.  Les  ganglions 
abdominaux  sont  fort  petits  comparativement  (1  ) ; le  premier  est 
peu  éloigné  du  centre  médullaire  métathoracique  ; les  suivants 
sont  presque  également  espacés  les  uns  des  autres,  le  dernier  seul 
est  un  peu  plus  rapproché  du  précédent;  du  reste,  il  n’est  guère 
plus  gros  et  ne  donne  de  nerfs  qu’à  deux  anneaux.  Les  nerfs  de 
chacun  des  autres  ganglions  abdominaux  naissent  d’un  seul  tronc. 
Les  Lampyres’ proprement  dits,  les  Téléphores  et  les  genres 
qui  en  sont  voisins  forment  dans  la  tribu  des  Lampyriens  une  pre- 
mière famille,  celle  des  Lampyrides.  Une  seconde,  celle  des  Cé- 
brionides  , renferme  les  Cébrions  et  plusieurs  petits  genres  dont 
l’aspect  est  très  différent. 

Les  Cébrions  (C.  xanthomcrus  Fab.)  sont,  sous  le  rapport  de 
leur  système  nerveux,  très  semblables  aux  Téléphores. 

J’ai  pu  observer  aussi  un  genre  singulier  de  la  même  fa- 
mille, le  genre  Scirtes.  La  forme  arrondie  du  corps,  les  cuisses 
très  renflées,  semblent  au  premier  abord  contraster  tellement 
avec  les  formes  extérieures  des  autres  Lampyriens , que  j’avais 
supposé  que  le  groupe  des  Scirtites  devait  s’en  éloigner  par  l’or- 
ganisation intérieure.  Il  n’en  est  rien  cependant;  les  Scirtes  (S. 
hemisphœricus  Fab.)  offrent  dans  leur  système  nerveux  une  dispo- 
sition analogue  à celle  qu’on  observe  chez  les  Lampyres  et  les  Té- 
léphores (Ü)  : seulement,  les  connectifs  entre  les  divers  ganglions 
sont  moins  longs  proportionnellement.  Ildevaiten  être  ainsi,  l’In- 
secte étant  très  court;  mais  les  rapports  restent  les  mêmes.  On 
compte  également  chez  ces  petits  Coléoptères  sept  ganglions  abdo- 
minaux isolés  les  uns  des  autres  (3). 

Ceci  est  un  des  meilleurs  exemples  qu’on  puisse  citer  pour  mon- 
trer que  la  forme  extérieure  ne  traduit  pas  toujours  les  particula- 
rités d’organisation  : car  chez  les  Cyphons  (('.  pallùlus  Fab.)  il  y 
a une  petite  différence,  les  deux  derniers  ganglions  de  l’abdomen 
ne  formant  plus  qu’une  seule  masse. 

l.es  Lampyriens  se  rapprochent  un  peu  des  Piméliens,  mais 

(1)  PI.  H.  fig.  4—6.  7,  8.  9,  10,  11,  42. 

(2)  PI,  13.  fifr.  5. 

(3)  PI  13.  fis  o— fi,  7,  8,  9.  10,  H 12 


nr.s  insectes.  357 

leurs  aflinités  ne  sont  bien  évidentes  qu’avec  les  Clériens  et  les 
Élatériens. 

18°  Tribu.  — Les  Élatériens  ( Eluterii'y 

•l’avais  considéré,  à l’exemple  de  presque  tous  les  entomolo- 
gistes, les  Ëlatérides  et  les  Buprestides  comme  devant  appar- 
tenir à la  même  tribu. 

M.  Milne  Edwards,  qui  avait  observé  dans  ces  deux  types  des 
différences  très  grandes  dans  les  nervures  des  ailes , était  conduit 
par  cela  même  à les  éloigner. 

Les  larves  d’ailleurs  confirmaient  cette  séparation.  Cependant, 
sans  reconnaître  un  rapport  bien  manifeste  dans  les  formes  exté- 
rieures des  Buprestides  et  des  Ëlatérides , je  pensais  encore  que 
ces  familles  ne  pouvaient  être  éloignées  l’une  de  l’autre.  Aujour- 
d’hui que  j’ai  étudié  l’organisation  dans  plusieurs  représentants 
de  ces  deux  familles,  je  suis  convaincu  qu’elles  ont  fort  peu  de 
rapports  entre  elles. 

J’ai  observé  le  système  nerveux  dans  plusieurs  Ëlatérides 
{A thons  liirtus,  Diacanthustatus,Chalcolepicliusstriatus,  Pyroplio- 
rusnoctilucus,  etc.).  Il  est  au  moins  aussi  allongé  que  celui  des  Lam- 
pyrides(l).  Le  ganglion  prothoracique  est  très  écarté  du  mésotho- 
racique , et  celui-ci  est  encore  notablement  éloigné  du  métatho- 
racique.  Les  connectifs  qui  unissent  ces  deux  derniers  sont  très 
écartés , parce  que  la  pointe  sternale  propre  aux  Ëlatérides  s’élève 
entre  eux. 

On  compte  chez  les  Ëlaters  huit  petits  ganglions  abdomi- 
naux (2),  le  premier  accolé  au  centre  médullaire  du  métathorax, 
les  suivants  très  espacés  les  uns  des  autres , excepté  toutefois  les 
deux  derniers , qui  sont  tout-à-fait  rapprochés  et  peu  éloignés  du 
précédent. 

Nous  plaçons  encore  dans  la  tribu  des  Élatériens  la  famille  des 
Kucnémides.  Je  n’ai  pas  pu  me  procurer  encore  de  ces  Insectes 
vivants  pour  les  étudier. 

Par  leur  forme  extérieure,  on  sait  que  les  larves  d’Klatérides 

(I)  PI.  14,  Ii{î  3. 

fi)  Pt  I i fif;.  :t— fi,  7,  8.  9,  Ht,  tl  t i 


SU;  l.lî  SYSTEME  NERVEUX 


,158  E.  BI.AM'IIIKD.  

ressemblent  considérablement  à celles  des  Ténébrionides  et  des 
Hélopiides.  Leur  organisation  interne  indique  une  analogie  aussi 
grande.  Au  reste,  d’après  la  disposition  du  système  nerveux,  il 
est  facile  de  s’apercevoir  que  les  Êlatérides  se  rapprochent  sensi- 
blement des  Piméliens.  Chez  ces  derniers,  cependant,  la  chaîne 
abdominale  est  beaucoup  plus  ramassée,  et  les  derniers  ganglions 
particulièrement  sont  beaucoup  plus  rapprochés.  Les  Elatérides 
sont  surtout  voisins  des  Lampyriens  ; avec  ceux-ci  la  différence 
est  légère,  elle  consiste  principalement  dans  le  nombre  de  huit 
ganglions  abdominaux  distincts  au  lieu  de  sept. 

19'"  Tribu.  — Les  Clébiens  ( Clerii ). 

Cette  tribu  nous  semble  devoir  se  composer  des  trois  familles 
suivantes  : les  Clérides,  les  Mélyrides  et  les  Lymexylonides. 

Chez  les  premiers,  Trichodes  alvearius  e t apiarius,  Clerus  for- 
micarius  et  mutillarius  Fab. , le  système  nerveux  est  très  al- 
longé (1).  Les  centres  médullaires  du  prothorax  et  ceux  du  méta- 
tliorax  sont  espacés.  Celui  du  prothorax  l’est  une  fois  plus.  Avec 
le  centre  nerveux  métathoracique  s’est  confondu  au  moins  un  gan- 
glion abdominal  dont  on  trouve  à peine  l'indice.  En  outre  on 
compte  cinq  ganglions,  les  quatre  premiers  petits  et  très  espacés 
les  uns  des  autres.  Le  dernier,  au  contraire,  assez  gros,  est  très 
rapproché  du  précédent  (2). 

Les  Clerus  et  les  Trichodes  m’ont  offert  complètement  la  même 
disposition. 

Dans  les  Mélyrides,  auxquels  je  rattache  maintenant  le  groupe 
des  Malachiites,  on  observe  peu  de  différence.  Les  Malachius  ( M . 
œneus  et  bipustulatus  Fab.)  et  les  Dasytes  (Z).  plumbeus  Oliv.) 
m’ont  présenté  une  analogie  complète.  Le  système  nerveux  de 
ces  types  ne  m’a  paru  différer  de  celui  des  Clérides  qu’en  ce  que 
le  dernier  ganglion  abdominal  est  un  peu  moins  rapproché  des 
précédents. 

Les  larves  des  Trichodes  ressemblent  extérieurement  à celles 
des  Téléphores  ; mais  leur  organisation  m’est  inconnue. 

(i)  PI  U,  fig.  2. 

(-)  PI  I i fig  2 6,  7 «,  9.  tü,  11,12. 


DES  1 INSECTES.  350 

Il  existe  pour  la  famille  des  Lymexylonides  nue  lacune  dans 
mes  recherches  sur  le  système  nerveux. 

20r  Tribu.  — Les  Bostrichiens  ( Bostrichii ) 

Le  représentant  principal  de  celte  petite  tribu  est  celui  que  j’ai 
étudié  : le  Bostriche  capucin  ( Boslrichus  capucinus ) ; son  système 
nerveux  (1)  ressemble  un  peu  à celui  des  Uermestiens  et  des  Clé- 
riens,  mais  il  est  plus  allongé.  Les  centres  médullaires  du  méso- 
et  du  métathorax  sont  très  peu  séparés;  la  chaîne  ganglionnaire 
abdominale  s’étend  presque  jusqu’à  l’extrémité  du  corps  (2).  On 
compte  six  ganglions , le  premier  accolé  au  centre  nerveux  du  mé- 
tathorax. puis  un  deuxième , un  troisième  et  un  quatrième  sépa- 
rés par  des  connectifs  extrêmement  longs  ; puis  un  cinquième 
beaucoup  moins  éloigné,  et  enfin  un  sixième  plus  gros,  qui  lui  est 
contigu. 

Comparé  à celui  des  Dermestes,  le  système  nerveux  des  Bos- 
trichiens en  diffère  par  le  nombre  des  ganglions,  au  nombre  de  six 
au  lieu  de  sept,  et  cependant  la  chaîne  est  plus  longue.  Chez  les 
Mycétophagus , la  chaîne  abdominale  est  plus  ramassée  encore; 
par  conséquent  les  différences  sont  encore  très  sensibles. 

Les  larves  des  Bostrichiens  observées  par  M.  Ratzeburg,  etc., 
sont  molles  et  munies  de  très  petites  pattes  comme  celles  des  Pti- 
nides.  Il  y a une  grande  ressemblance  entre  ces  types,  et  les 
caractères  tirés  de  l’organisation  nous  ont  conduit  à transporter 
les  Ptinides,  de  la  tribu  des  Clériens,  dans  celle  des  Bostrichiens. 

Les  Ptinides  forment  une  petite  famille  très  voisine  de  celle  des 
Bostrichides.  Récemment  encore  je  croyais  devoir  les  laisser  dans 
la  tribu  des  Clériens;  mais  connaissant  davantage  aujourd’hui 
leur  organisation  intérieure,  comparant  entre  elles  les  larves  des 
Bostrichus,  des  Anobium  et  des  l’tinus,  comparant  même  l’en- 
semble des  caractères  extérieurs , il  est  impossible  de  ne  pas  ad- 
mettre que  ces  types  appartiennent  à une  même  tribu  et  diffèrent 
très  notablement  des  Clériens.  Les  Anobium  (A.  tessellatum  Fab.  ) 
et  les  Ptinus  (P.  fut  Fab.  ressemblent  beaucoup  aux  Bos- 

(t)  PI.  12,  lig  fi 

(2)  pi.  12.  lig.  6— fi,  7,  8,  9,  I 1,  11. 


300  K.  BUMIItKII.  SL  H I.E  SYSTÈME  iNEUVELX 

t richus  sous  le  rapport  de  leur  système  nerveux.  On  distingue* 
également  six  ganglions  abdominaux  , dont  les  deux  derniers  in- 
timement unis  ; mais  ils  forment  cependant  une  chaîne  qui  ne  s’é- 
tend guère  au-delà  du  milieu  de  l’abdomen  , tous  les  centres  ner- 
veux étant  séparés  les  uns  des  autres  par  des  connectifs  beaucoup 
plus  courts.  Les  larves  des  Ptinus  et  des  Anobiums  sont  épaisses, 
un  peu  contournées,  et  munies  de  petites  pattes  comme  celles  des 
Bostrichus.  Depuis  longtemps  je  n’ai  pu  me  procurer  de  ces  larves 
vivantes,  de  manière  à pouvoir  étudier  leur  système  nerveux. 

Par  leurs  premiers  états , les  Bostrichiens  avoisinent  beaucoup 
les  Curculioniens  et  les  Scolytiens;  mais  d’après  la  considération 
de  leur  système  nerveux  ils  sont  à ceux-ci  ce  que  les  Lucaniens 
sont  aux  Scarabéiens.  Ce  sont  des  ressemblances  et  des  diffé- 
rences à peu  près  de  la  même  nature. 

L'appareil  nerveux  indique  aussi  un  lien  très  étroit  entre  les 
Bostrichiens  et  les  Dermestiens. 

Les  premiers  forment  véritablement  un  groupe  de  transition 
entre  plusieurs  types. 


-I''  Tribu  — • Lus  Cubcumon>eks  ( Curculicmii) 

( Khynrophores  L.iir  ) 

Ces  Insectes  constituent  une  des  tribus  les  plus  nombreuses  et 
en  même  temps  une  des  plus  naturelles  de  tout  l’ordre  des  Coléo- 
ptères. Les  Curculioniens  sont  remarquables  en  général  par  leur 
tète  prolongée  en  forme  de  museau , par  les  pièces  de  leur  bouche 
rudimentaires  et  par  leurs  antennes  coudées  et  terminées  en  bou- 
ton. Quelques  uns  d’entre  eux  , dont  on  forme  une  petite  famille 
particulière,  les  Bruchides,  ne  présentent  plus  ces  caractères  du 
type;  les  antennes  sont  droites,  les  parties  de  la  bouche  d’une 
forme  différente,  et  la  tète  à peine  prolongée.  Dans  ces  derniers 
temps  plusieurs  entomologistes  ont  pensé  devoir  les  séparer  des 
autres  Curculioniens  et  les  rapprocher  des  Chrysoméliens. 

Ce  fait  suffira  pour  montrer  combien  on  peut  être  facilement 
induit  en  erreur  par  ces  caractères  extérieurs,  qui  s’effacent  dans 
certaines  espèces.  En  effet , les  Bruchides,  par  leur  organisation, 


UES  INSECTES.  3G1 

ressemblent  tuul-à-l'ait  aux  autres  Curculioniens , et  s’éloignent 
considérablement  des  Chrysoméliens. 

Les  caractères  des  larves  sont  d’accord  en  cela  avec  ceux  qui 
nous  sont  fournis  par  la  disposition  du  système  nerveux.  11  faut 
bien  convenir  que  l’aspect  extérieur  des  Bruchus  semble  militer 
en  faveur  de  leur  rapprochement  de  la  tribu  des  Chrysoméliens; 
mais,  on  n’en  saurait  douter  aujourd'hui,  c’est  là  une  apparence 
tout-à-fait  trompeuse. 

Le  système  nerveux  des  Charansons  nous  présente  une  dis- 
position particulière  qui  indique  un  rapport  très  grand  entre  ces 
Insectes  et  les  Scarabéiens  et  les  Histériens. 

Dans  un  des  Charansons  les  plus  communsde  notre  pays,  dans 
l’Otiorhynque  de  la  Livèche  ( Otiorhynchus  ligustici  Lin.),  les 
ganglions  cérébroïdes  forment  une  masse  presque  arrondie,  et 
les  nerfs  optiques  remontent  de  chaque  Côté  vers  les  yeux  (1). 

l.es  trois  centres  médullaires  du  thorax  sont  très  rapprochés  et 
de  forme  un  peu  élargie  ; les  deuxième  et  troisième  sont  même 
contigus  (“2).  Tous  les  ganglions  abdominaux  forment  une  seule 
masse  allongée,  un  peu  pyriforme,  à la  base  de  laquelle  on  remar- 
que un  ou  deux  petits  sillons  transversaux.  Cette  masse  médul- 
laire (.'i)  est  accolée  au  centre  nerveux  du  métathorax,  elle  produit 
tous  les  nerfs  de  i abdomen.  Les  deux  nerfs  des  organes  de  la 
génération  sont  réunis  dans  une  partie  de  leur  longueur. 

J'ai  observé  les  Liparus  (L.  germanus  Fab.),  les  Cléonis  (C. 
sulcirostris  Fab.),  les  Pissodes  (P.  pini  Fab.),  les  Cryptorhyn- 
chus  [C.  lapathi  Fab.),  les  Calandres  (6'.  palmarum  Lin.),  ils  ne 
m’ont  olïert  aucune  modification  appréciable.  Les  Attelabides, 
qui  diffèrent  beaucoup  des  précédents  par  la  conformation  des 
parties  de  leur  bouche  et  des  antennes,  sont  du  reste  conformés 
sur  le  même  plan.  Le  système  nerveux  est  tout-à-fait  semblable 
à celui  des  autres  Curculionides.  J’ai  constaté  ce  fait  chez  les 
Apoderus  coryli , Rhynchiles  bacchus  Fab.,  etc. 

Comme  je  l’ai  déjà  dit,  il  en  est  de  même  pour  les  Bruchus  (R. 
pisi  Lin.)  et  les  Anthribus  ( U . rufipes  Fab.). 

( I ) Bègue  animal  nouvelle  édition  pl  3 bis  fig  3 — 1 b 

(2)  ld  , pl.  3 bis.  fig.  3 — 3,  t 5 

3)  /</  pl  .3  bis,  fig  3 —fi,  7 


362  K.  BLANCHARD.  — SIR  l.E  SYSTÈME  NERVEUX 

Les  larves  des  Curculioniens  , courtes,  molles  , assez  renflées 
et  privées  de  pattes  , ont  un  système  nerveux  très  analogue  à celui 
des  larves  de  Scarabéiens  (1).  Le  ganglion  sous-œsophagien  (2), 
les  trois  ganglions  thoraciques,  et  les  ganglions  abdominaux,  au 
nombre  de  huit  très  distincts,  comme  chez  ces  derniers,  se  suc- 
cèdent sans  aucune  séparation.  Le  système  nerveux  des  larves  des 
Charansons  forme  ainsi  une  sorte  de  petite  masse  allongée  ne  s’é- 
tendant pas  au-delà  des  premiers  anneaux  du  corps. 

M.  Burmeister  avait  observé  ce  fait  chez  la  larve  de  la  Ca- 
landr a Sommer i (3).  Je  l’ai  observé  de  nouveau  dans  celles  de  la 
Calandra  palmarum  et  de  l 'y/poderus  coryli. 

La  ressemblance  dans  l’organisation  des  Scarabéiens  et  des 
Curculioniens,  on  le  voit,  est  plus  frappante  encore  chez  les  larves 
que  chez  les  Insectes  parfaits.  Ce  sont  deux  tribus  principales  dans 
l’ordre  des  Coléoptères  assez  voisines  l’une  de  l’autre,  et  dont  ce- 
pendant on  n’avait  pas  jusqu’à  présent  soupçonné  les  rapports. 

C’est  une  chose  vraiment  bien  remarquable  et  en  même  temps 
fort  importante  au  point  de  vue  de  la  zoologie  , que  cette  con- 
stance dans  la  disposition  du  système  nerveux  de. tous  les  Curcu- 
lioniens; car  d’après  les  modifications  des  parties  extérieures  on 
aurait  pu  s’attendre  à trouver  des  modifications  assez  prononcées 
dans  leur  organisation  inférieure.  11  paraît  exister  des  différences 
assez  importantes  dans  le  canal  intestinal  des  Bruchus,  des  Atte- 
labus  et  des  autres  Curculioniens  (4)  ; mais  aujourd’hui  encore 
nous  n’avons  pas  sous  ce  rapport  assez  de  faits  observés  pour 
reconnaître  là  rien  de  général  pour  chaque  petite  famille  ou  pour 
chaque  groupe  inférieur. 

La  disposition  du  système  nerveux,  avons-nous  vu,  ne  res- 
semble notablement , tout  en  présentant  plusieurs  différences 
notables , qu’avec  ce  qui  existe  chez  les  Scarabéiens  et  surtout 

(1)  PI.  U,  Bg  I 

(2)  PI.  I 4,  fig.  1—2. 

(3)  Zur  .Xalurgescliichte  lier  GaUung  Calandra  (Calandra  Sommeri  j.  Eerlin 
1837 

(i)  Voyez  Léon  Dufour,  Recherches  anatomiques  sur  1rs  Carabiques  et  plusieurs 
autres  Insectes  Coléoptères  (Annales  îles  Scirnc.rs  naturelles,  1re  série,  t.  IV,  pl  S 
(1824). 


DES  INSECTES. 


363 

chez  les  Historiens.  Ce  caractère  organique  donne  ainsi  une  limite 
bien  nette  à la  tribu  des  Curculioniens.  Les  Chrysoméliens,  dont 
on  a voulu  rapprocher  plusieurs  d’entre  eux , ayant  une  chaîne 
ganglionnaire  abdominale  composée  ordinairement  de  quatre 
centres  nerveux  espacés,  il  est  certain  que  l'affinité  entre  ces  deux 
tribus  est  loin  d’être  intime.  Par  conséquent , si  maintenant  les 
entomologistes  conservent  encore  avec  raison  des  doutes  sur  la 
tribu  ou  la  famille  à laquelle  doivent  appartenir  les  genres  /{Im- 
bus, Carpophagus , etc.,  et  sur  les  groupes  des  Myctérites  et  des 
Rhysodites , on  ne  tarderait  pas  à résoudre  la  question  à l’aide  des 
considérations  anatomiques  que  je  viens  de  signaler.  Il  s’agit  dès 
lors  de  se  trouver  à même  d’étudier  ces  types  à l’état  de  vie. 

Tribu.  — Les  Scolytiens  ( Scolytii J. 

Cette  petite  tribu  peut  réellement  être  considérée  comme  sa- 
tellite de  celle  des  Curculioniens.  Ni  la  considération  des  carac- 
tères extérieurs  ni  ceux  tirés  de  l’organisation  et  de  l’embryo- 
génie ne  permettent  de  l’en  éloigner.  Quelques  différences  m’em- 
pêchent de  les  réunir. 

I.e  système  nerveux  des  Scolytes  est  plus  centralisé  encore  que 
celui  des  Curculioniens.  Les  centres  nerveux  du  méso-  et  du  mé- 
tathorax  sont  tout-à— fait  confondus  (1).  La  masse  médullaire 
abdominale  est  moins  pyriforme  et  ressemble  plus  à celle  des  Sca- 
rabéiens  (2).  Les  nerfs  des  organes  de  la  génération  sont  aussi 
complètement  séparés.  J’ai  étudié  particulièrement  les  Scolytus 
destrurlor  et  pjjgmœus  Fab. 

Ainsi  l’analogie  entre  les  Scarabéienset  les  Scolytiens  est  encore 
plus  frappante  qu’avec  les  Curculioniens. 

Ce  fait  étant  connu,  qu’on  compare  maintenant  la  forme  des 
pattes  et  surtout  ci  lle  des  antennes  (3),  et  l’on  s’apercevra  que 
les  Scolytiens  et  les  Scarabéiens  ont  des  rapports  très  réels,  sinon 
bien  intimes,  même  d’après  la  considération  seule  des  caractères 
extérieurs:  c’est  ce  qu’on  paraît  avoir  peu  soupçonné  jusqu'ici. 

(1)  PI.  13,  fig.  8—4. 

(2)  PI.  13.  fig  8—5  ’ 

f3)  Comparez  1rs  planches  de  la  nouvelle  édition  du  llèqur  animal  de  Cuvier 


E.  IUMV4RD.  — SUR  LB  SYSTÈME  XEIIVEUX 


364 

Comme  on  le  sait,  les  Scolytiens  ont  un  très  petit  nombre  do 
représentants  ; c’est  en  quelque  sorte  un  groupe  extrêmement 
limité,  sortant  un  peu  du  cadre  si  naturel  formé  par  les  Curcu- 
lioniens , et  qui  peut-être  ne  devrait  former  qu’une  famille  dans 
cette  tribu.  Les  larves,  contournées  et  privées  de  pattes,  sont  en 
tout  très  semblables  à celles  des  Charansons,  et  témoignent  de  la 
parenté  très  étroite  existant  entre  ces  deux  types. 

23' et  24”  Tribu  — Les  Paussiens  ( Paussii ) et  les  H\pocÉrnAUE»s 
(. Ihjpocephalii ). 

•le  ne  cite  ici  ces  deux  tribus  que  pour  mémoire;  la  première 
paraît  se  lier  très  étroitement  à celle  des  Scolytiens;  l’organisation 
montrera  peut-être  qu’elle  ne  doit  pas  en  être  séparée. 

Quant  à la  seconde  tribu,  celle  qui  renferme  le  genre  Hypo- 
céphale , on  s’accorde  généralement  à la  regarder  comme  voisine 
de  la  tribu  des  Cérambyciens.  L’organisation  peut  seu'e  nous  con- 
duire à apprécier  les  affinités  de  ces  deux  tribus.  Tous  leurs  re- 
présentantsétantexotiques,  nous  arriverons  peut-être  difficilement 
à une  solution. 


23'  Tribu  — Les  Bbpbestiens  ( Bupreslii ) 

J’ai  formé  cette  tribu,  on  le  sait  maintenant,  aux  dépens  de 
celle  des  Élatériens.  Elle  me  paraît  avoir  des  caractères  qui 
l’en  éloignent  beaucoup  et  la  rapprochent  au  contraire  des  Cé- 
rambyciens. 

J’ai  observé  le  système  nerveux  dans  les  types  les  plus  diffé- 
rents de  cette  tribu  : les  Julodis  (J.  onnpordi),  les  Buprestes  (B. 
fjigas  Lin.),  les  Anthaxies  (A.  manca  Fab.),  les  Agriles  ( Agrilus 
viridis , etc.).  J’ai  trouvé  dans  la  disposition  de  cet  appareil  une 
similitude  complète.  Les  ganglions  cérébroïdes  des  Buprestes  i 1) 
sont  très  gros  et  arrondis  ; leurs  nerfs  optiques  sont  courts  et  fort 
épais.  Le  centre  médullaire  du  prothorax  est  également  très 
gros  (2).  Ceux  du  méso-  et  du  métathorax  sont  confondus  (3); 


(1)  PI.  Il,  fig.  6— I (Agrilus  viridis''. 

(2)  PI.  Il,  fig.  6—3 

(3)  PI  1 1 , tig  6—4  ut,  3 


n iis  ixsixriis. 


365 

les  ganglions  abdominaux  sont  au  nombre  de  quatre , séparés  les 
uns  des  autres  par  des  connectifs  très  longs  (1).  Le  premier  est 
rapproché  du  centre  nerveux  métathoracique , le  dernier  est  en 
forme  de  clochette  ; on  y distingue  un  sillon  montrant  uri  ganglion 
qui  ne  s’est  pas  entièrement  confondu  avec  le  suivant.  Les  gan- 
glions abdominaux  (2)  des  Buprestes  sont  presque  semblables  à 
ceux  de  certains  Cérambyciens , tels  que  les  Saperdes.  La  réunion 
des  centres  médullaires  méso-  et  métathoracique  constitue  le  seul 
caractère  particulier  aux  Buprestiens.  Leurs  larves , on  le  sait , 
diffèrent  très  peu  extérieurement  de  celle  des  Cérambyciens.  J’ai 
examiné  le  système  nerveux  de  la  larve  de  VA nthaxia  manca , et 
j’ai  observé,  comme  dans  celles  desCérambveiens,  une  chaîne  gan- 
glionnaire très  allongée  présentant  huit  ganglions  abdominaux. 

La  place  que  doivent  occuper  les  Buprestiens  ne  me  paraît 
aujourd’hui  pouvoir  être  mise  en  doute  par  personne. 

L'examen  des  caractères  extérieurs  ne  conduit  pas  d’ailleurs  à 
les  éloigner  des  Cérambyciens.  Bien  au  contraire  , car  les  collec- 
tions entomologiques  du  Muséum  renferment  un  Bupreste  inédit 
dont  la  ressemblance  avec  certains  Callidies  est  frappante. 

Pendant  longtemps  les  entomologistes  n’ont  pas  meme  paru 
soupçonner  les  affinités  existant  entre  la  famille  des  Buprestides 
et  la  tribu  des  Cérambyciens  ( Longicornes  Lat.  ).  C’est  seulement 
il  y a peu  d’années,  quand  on  fit  la  découverte  des  larves  de  Bu- 
prestes , qu’on  a pu  entrevoir  un  rapport  entre  ces  deux  grands 
groupes  de  l'ordre  des  Coléoptères.  Encore  cette  ressemblance  si 
manifeste  entre  les  larves  des  Buprestes  et  celles  des  Cérambyx 
étonna-t-elle  d’abord  la  plupart  des  entomologistes,  et  depuis 
l’on  y attacha  généralement  assez  peu  d’importance  : moi-même, 
jusque  dans  ces  derniers  temps , j’étais  fort  loin  d’admettre  cette 
affinité  qui  aujourd’hui  me  paraît  être  de  la  plus  grande  évidence. 
Je  regardais  avec  la  très  grande  majorité  des  entomologistes  les 
Buprestides  comme  intimement  liés  aux  Élatérides.  11  y a trois 
ans  environ  M.  Milne  Edwards  s’occupait  d’une  étude  jusqu’ici 

I)  PI  H,  fie  6—6.  7,  8,  fl. 

(4)  PI.  I I . fie  6.  7 8 fl 


A6G  K.  RI.4MUAK».  — SL  K LE  SYSTÈME  NERVEUX 

bien  négligée,  celle  cle  la  disposition  des  nervures  dans  les  ailes 
des  Coléoptères.  Dans  les  groupes  naturels  M.  Milne  Edwards 
trouvait  généralement  une  disposition  fort  analogue , et  dans  les 
familles  voisines  il  trouvait  ordinairement  des  différences  d’une 
importance  très  secondaire.  Les  ailes  des  Buprestides  et  des  Éla- 
tcrides  lui  présentèrent  au  contraire,  dans  la  disposition  des  ner- 
vures de  leurs  ailes,  des  différences  extrêmement  considérables. 
Dès  lors,  ce  zoologiste  ne  douta  plus  que  ces  deux  familles  dussent 
prendre  place  dans  des  tribus  distinctes.  Il  voulut  bien  me  faire 
part  de  son  observation  ; le  fait  était  palpable  , il  fallait  bien  l’ad- 
mettre. Néanmoins,  malgré  cette  grande  différence , je  croyais 
encore  les  Buprestides  et  les  Élatérides  unis  sous  plusieurs  autres 
rapports.  Dans  mon  Histoire  des  Insectes,  malgré  les  modifications 
considérables  que  j’ai  proposées  touchant  la  classification  des  Co- 
léoptères , je  n’avais  pu  encore  me  décider  à éloigner  ces  deux 
familles  l’une  de  l’autre.  Les  Eucnémides  me  paraissaient  consti- 
tuer un  intermédiaire  entre  elles  et  indiquer  le  rapprochement 
généralement  admis. 

Cependant  aujourd’hui  je  suis  persuadé  que  ce  rapprochement 
n’était  point  naturel.  Aucun  caractère  bien  important  tiré  des 
larves  ou  des  Insectes  parfaits,  soit  des  parties  extérieures  , soit 
des  organes  intérieurs,  ne  vient  l’appuyer.  Bien  loin  de  là,  car 
c’est  à peine  si  l’on  peut  invoquer  la  forme  des  antennes.  D’après 
l’ensemble  de  l’organisation,  les  Buprestides  s’éloignent  considé- 
rablement des  Élatérides  quand  on  les  considère  aussi  bien  à leur 
état  parfait  qu’à  leur  état  de  larve.  Ils  ont  au  contraire  de  très 
grandes  affinités  avec  les  Cérambyciens.  Je  suis  donc  conduit  à 
former  avec  les  Buprestides  une  tribu  particulière  devant  prendre 
place  dans  le  voisinage  de  celle  des  Cérambyciens. 

Non  seulement  l’aspect  général  des  larves,  mais  aussi  les  ca- 
ractères fournis  par  les  pièces  de  la  bouche , indiquent  ce  rap- 
prochement. L’organisation  le  montre  d’une  manière  plus  nette 
encore.  Tous  ces  caractères  au  contraire  diffèrent  beaucoup  chez 
les  larves  d’Élatérides. 

Si  nous  passons  aux  Insectes  parfaits,  nous  voyons  déjà  que 
sous  le  rapport  des  nervures  des  ailes  les  Buprestides  s’éloignent 


DES  INSECTES. 


3G7 

beaucoup  de  cette  dernière  famille  (I).  Les  caractères  de  leur 
bouche  les  rapprochent  beaucoup  plus  des  Cérambyciens.  Il  en 
est  de  même  de  la  forme  de  leur  sternum.  L'organisation  nous 
montre  ces  deux  grands  groupes  comme  très  voisins  : celui  des 
Élatérides  offre  des  différences  au  contraire  d'une  importance  qui 
me  paraît  très  réelle. 

26e  Tribu.  — Les  Cerambvciens  ( Cerambycii ). 

( Longicornes  Latr.  ) 

On  rattache  six  familles  à la  tribu  des  Cérambyciens  : les  Spon- 
dvlides,  les  Tricténotomides,  les  Prionides,  les  Cérambycides,  les 
Lamiides  et  les  Lepturides.  Je  n’ai  pu  jusqu’à  présent  diriger 
mes  recherches  que  sur  les  trois  dernières. 

Dans  les  Cérambycides,  j’ai  étudié  les  espèces  de  divers  genres 
(i Cerambyx  héros  et  cerilo  Un.,  Callichroma  moschata  et  Molor- 
chus  major  Lin.,  Ch/tus  arcualus,  arietis , Callidium  sanyuinevm 
et  variabile  Lin.  ). 

Leur  système  nerveux  chez  tous  est  disposé  exactement  de  la 
même  manière.  Les  ganglions  cérébroïdes  sont  arrondis  et  for- 
ment deux  lobes  bien  distincts  l’un  de  l’autre  i2).  Les  centres  mé- 
dullaires du  méso-  et  du  métathorax  sont  peu  écartés  ; celui  du 
prothorax  en  est  au  contraire  fort  éloigné.  Les  trois  paires  de 
nerfs  principales  ont  leurs  origines  très  séparées , et  de  plus  on 
distingue  très  facilement  le  filet  se  détachant  des  connectifs  et  s’a- 
nastomosant avec  le  nerf  prothoracique  antérieur  ou  avec  le  nerf 
alaire  du  mésothorax  (3)  ; la  chaîne  ganglionnaire  abdominale , 
composée  de  cinq  centres  nerveux  , s’étend  presque  jusqu’à  l’ex- 
trémité de  l’abdomen  (4).  Le  premier  est  accolé  au  ganglion  mé- 
tathoracique ; les  suivants  sont  presque  également  espacés;  le 

(l  ) M.  .Milne  Edwards  a observé  que  ces  Coléoptères  manquaient  d'un  carac- 
tère regardé  comme  général  a t ordre  entier,  il  a reconnu  que  leurs  ailes  ne  se 
repliaient  jamais  transversalement,  mais  restaient  toujours  étendues  sous  les 
élytrcs. 

(2)  llèyne  animal,  nouvelle  édition,  pl.  3 bis,  fig.  2 — t 

(3)  ld.,  pl.  3 bis , lig.  2 — 3.  I,  a. a',  a, a'. 

(4)  ld  pl  3 bis,  fig.  2 -6,  7,  8,  9,  10. 


368  E.  KLtKCIMKW.  — SUIS  J.E  SYSTÈME  \ ER  Y El  \ 
dernier  est  en  forme  de  clociiette  : il  offre  antérieurement  un  très 
léger  étranglement  indiquant  un  ganglion  dont  la  fusion  n’est  pas 
complète  avec  le  suivant.  Les  nerfs  de  l’abdomen  ont  deux  ori- 
gines distinctes  dans  chaque  centre  médullaire. 

J’ai  représenté  le  système  nerveux  du  Clytus  arcuatus  ; mais 
dans  les  autres  Callidies  et  dans  les  Cerambyx  héros  et  cerdo,  où 
je  l’ai  étudié  également  avec  le  plus  grand  soin,  je  n’ai  rencontré 
aucune  différence  entré  ces  divers  genres  : les  Lepturides  sont 
tout-à-fait  semblables  sous  ce  rapport  aux  Cérambycides.  Dans  les 
Rhagium  ( R . mordax  et  bifasciatum  I'ab. , Rhamnusium  salicis 
Fab.)  et  les  Leptures  (/..  tomentosa  Lin.,  calcarala  Fab. , etc.), 
j’ai  constamment  trouvé  tous  les  ganglions  espacés  dans  les  mêmes 
rapports. 

C'est  chez  les  Lamiides  que  le  type  se  dégrade  vers  une  autre 
forme,  celle  des  Chrysoméliens.  Dans  ces  Cérambyciens,  la  chaîne 
abdominale  offre  un  ganglion  de  moins  en  apparence  que  chez 
les  Cérambycides.  Le  premier  est  placé  de  la  même  manière  ; mais 
le  dernier  et  l’avant-  dernier  se  rapprochent  tout-à-fait  l’un  de 
l’autre,  sans  cependant  se  confondre  : c’est  ce  que  j’ai  observé 
chez  les  Dorcadions  ( U . fuliginator  Lin.)  et  les  Saperdes  S.  po- 
pulnea , scalaris,  carcharias  Lin.,  A gapanthia  suturalis  Fab.). 

Les  larves  des  Cérambyciens  (1),  par  la  forme  allongée  de  leur 
corps , la  mollesse  de  leurs  téguments , par  l’absence  de  leurs 
pattes , sont  très  reconnaissables. 

Leur  système  nerveux  ( Clytus  arcuatus  Lin.  ) est  extrêmement  al- 
longé (2).  Tous  leurs  ganglions  sont  très  petits  ; ceux  du  thorax  (3) 
sont  à peine  plus  gros  que  ceux  de  l’abdomen.  On  compte  huit  de 
ces  derniers  (4),  tous  très  espacés  les  uns  des  autres , à l’excep- 
tion du  dernier,  qui  est  peu  éloigné  du  précédent.  Les  ganglions 
cérébroïdes  sont  extrêmement  petits  et  arrondis. 

L’appareil  de  la  sensibilité  chez  les  Cérambyciens  olfre  encore 
un  degré  de  constance  bien  remarquable  dans  cette  grande  tribu. 

(1)  Katzeburg,  Die  Forst.-Insecten,  t I,  pi. 

(2)  Régne  animal  (Iusectes),  pl.  4,  fig.  i. 

(3)  Id.,  pl.  4.  fig  4—3.  4.  5. 

(4)  Id.,  pl.  4,  fig.  4—6,  7,  8,  9.  10,  M,  12. 


DUS  INSECTES. 


369 

En  effet,  si  l’on  compare  cet  appareil  chez  le  Ceramby.v  héros,  le 
Callichroma  moschala,  etc.,  le  Rhagium  mordax  ou  le  Rhamnu- 
sium  .sali ris,  les  premiers  appartenant  à la  famille  des  Cérambyci 
des,  et  les  derniers  à celle  des  Eepturides,  on  est  frappé  de  la  si- 
militude.Tous  les  ganglions  sont  espacés  dans  les  mêmes  rapports. 
D’un  type  à l’autre,  la  seule  différence  consiste  dans  la  longueur 
des  connectifs,  suivant  que  le  corps  de  l'animal  est  plus  ou  moins 
allongé.  Je  n’ai  observé  une  légère  modification  que  chez  les  La- 
mies et  les  Saperdes , où  le  dernier  et  l’avant-dernier  ganglion 
abdominal  se  rapprochant  davantage  viennent  presque  à se  réunir. 
C’est  par  cette  petite  famille  que  les  Cérambyciens  passent  surtout 
aux  Chrysoméliens  et  même  aux  Buprestiens  ; car,  d’après  la  con- 
sidération du  système  nerveux , ceux-ci  ne  sont  nettement  dis- 
tingués des  Cérambyciens  que  par  la  fusion  des  centres  nerveux 
du  méso-  et  du  métathorax  ; mais  ce  caractère  suffirai!  pour  les 
séparer  de  tous  les  autres  Coléoptères. 

Cette  fusion  s’observe  seulement  chez  les  Scarabéiens,  les  Sco- 
lytiens  et  les  Buprestiens.  Dans  les  deux  premières  tribus  cette 
disposition  coïncide  avec  la  réunion  de  tous  les  centres  nerveux 
abdominaux  en  une  seule  masse.  On  vient  de  voir  qu’il  en  est 
tout  autrement  à l’égard  des  Buprestiens , qui  sont  si  analogues 
aux  Cérambyciens  par  la  constitution  de  leur  chaîne  abdom  inale. 

27'  Tribu.  — Les  Chrysoméliens  [Chrysomelii). 

Ceux-ci  forment  une  tribu  immensément  nombreuse.  Les  va- 
riétés dans  la  forme  générale  du  corps  qu’on  observe  entre  ses 
divers  représentants  obligeaient  à étudier  anatomiquement  un 
grand  nombre  de  ces  Insectes.  Beaucoup  d’entre  eux  étant  indi- 
gènes, j’ai  pu  facilement  multiplier  mes  observations. 

J’ai  reconnu  une  grande  analogie  dans  tous  les  Chrysoméliens  ; 
cependant , chez  quelques  uns , on  voit  le  type  se  dégrader , et 
indiquer  ainsi  un  passage  vers  d’autres  formes. 

Nous  adoptons  dans  cette  tribu  six  familles  ; ce  sont  les  Crio- 
cérides , les  Clythrides  , les  Chrysomélides , les  Cassidides , les 
Hispideset  les  Galérucides.  Dans  l’organisation  de  ces  types,  on 
observe  des  caractères  généraux  qui  sont  communs  à tous  ; néan- 
3 *■  série  Zool  T V (Juin  1816  J 4 24 


E.  Itl.WMl  11!!> 


sim  LE  SYSTEME  NERVEUX 


370 

moins  certaines  particularités  de  faible  importance  viennent  à 
l’appui  de  la  division  de  cette  grande  tribu  en  plusieurs  petites 
familles. 

Dans  les  Donaciides,  j’ai  vu  le  système  nerveux  de  plusieurs 
Donacies  ( I).  lemnæ,  nymphœ  Fab.)  et  de  plusieurs  Criocères 
( Crioceris  merdigera  el  asparagi  Fab.).  Entre  ces  deux  types,  j’ai 
trouvé  une  similitude  à peu  près  complète.  Dans  les  Criocères  (C. 
merdigera ),  les  centres  médullaires  méso-  et  métathoracique  sont 
peu  éloignés  l’un  de  l’autre  ; mais  le  centre  nerveux  prothora- 
cique l’est  beaucoup  plus  (1). 

Les  ganglions  cérébroïdes  sont  très  gros,  et  forment  deux 
hémisphères  bien  marqués  (2). 

La  chaîne  ganglionnaire  abdominale  s’étend  un  peu  au-delà  de 
la  moitié  de  la  longueur  de  l'abdomen  (3).  On  distingue  d’abord 
l’indice  d’un  premier  ganglion  réuni  au  centre  médullaire  du  méta- 
thorax , puis  on  en  compte  quatre  : le  premier  très  éloigné 
< lu  ganglion  métathoracique  ; les  autres  assez  espacés  les  uns  des 
autres  , excepté  le  dernier,  qui  est  un  peu  plus  rapproché  du  pré- 
cédent. 11  est  en  forme  de  clochette  , et  quatre  fois  plus  gros  que 
les  autres.  Les  nerfs  abdominaux  naissent  d’un  seul  tronc  se  di- 
visant en  deux  branches  principales  dans  chaque  anneau. 

La  seule  différence  qui  me  paraisse  importante  à signaler  entre 
les  Donacies  et  les  Criocères , c’est  que  chez  les  premiers  les  con- 
nectifs du  premier  ganglion  abdominal  sont  séparés  , tandis  qu’ils 
sont  réunis  dans  les  Criocères  ; ensuite,  bien  que  dans  les  Dona- 
cies les  centres  médullaires  soient  espacés  dans  les  mêmes  rap- 
ports, les  connectifs  sont  plus  longs  : la  chaîne  abdominale  s’é- 
tend ainsi  jusqu’aux  trois  quarts  de  la  longueur  de  l’abdomen  ( l\ }. 

Dans  les  Clythrides,  j’ai  examiné  plusieurs  espèces  de  Crvp- 
tocéphales  (C.  sericeus , bipunctatus  Fab.,  etc).  Cette  famille  offre 
les  caractères  généraux  de  la  tribu  des  Chrysoméliens  ; mais  s’il 
y a une  analogie  entre  cette  tribu  et  celle  des  Curculioniens  , elle 
se  manifeste  surtout  dans  la  famille  des  Clythrides. 

Chez  les  Cryptocéphales  ( C . sericeus),  le  centre  nerveux  sous- 

(1)  PI  15.  fis.  2—3.  1,  5.  (3)  PI.  15.  fig.  2—6,  7.  8,  9 

(2)  PI  15.  fig.  2—1  (4)  PI.  15.  fig  I 


DUS  INSECTES. 


371 

œsophagien  est  plus  rapproché  qu’à  l'ordinaire  des  ganglions 
thoraciques  (I)  : ceux-ci  sont  aussi  peu  écartés  entre  eux  (2). 
Dans  la  chaîne  ganglionnaire  abdominale,  on  compte,  comme 
dans  la  plupart  des  autres  Chrysoméliens , quatre  ganglions  bien 
distincts  : seulement,  le  premier  est  rapproché  de  celui  du  méta- 
thorax  , et  le  troisième  et  le  quatrième  sont  presque  contigus  (3). 
En1  un  mot , les  connectifs  sont  plus  courts  que  chez  les  autres 
représentants  de  la  tribu  ; c’est  un  acheminement , c’est  une  ten- 
dance vers  cette  fusion  des  ganglions  abdominaux  qu’on  observe 
dans  les  Curculioniens  ; mais  il  y a encore  une  différence  très 
considérable,  et  l’on  n’en  saurait  douter  : la  considération  du  sys- 
tème nerveux  ne  permet  pas  de  séparer  les  Clythrides  des  autres 
Chrysoméliens. 

Dans  les  Chrvsomélides,  j’ai  observé  les  Kumolpes  [E.  ritis ) et 
un  grand  nombre  de  Chrysomèles  ( Chrysomela  fucata,  gra- 
minis,  sanguinea,  cerealis,  Gaslrcedes  raphani,  Timarcha  tene- 
bricosa,  coriaria  Fab. , etc.). 

M.  Newport  ( h ) a déjà  fait  connaître  le  système  nerveux  du 
Timarcha  tenebricosa , et  M.  Joly  (5)  celui  du  Cnlaspis  alra. 

Dans  lesEumolpes  ( E . vitis  Fab.),  les  quatre  ganglions  abdo- 
minaux (6)  sont  très  séparés  les  uns  des  autres  ; le  premier  est 
peu  éloigné  du  centre  médullaire  du  métathorax.  A l’extrémité  de 
ce  dernier  on  reconnaît  l’indice  d’un  ganglion  abdominal , mais 
moins  distinctement  encore  que  dans  les  Donaciides. 

D’après  la  description  du  système  nerveux  du  Colaspis  donnée 
parM.  Joly,  il  paraît  y avoir  une  ressemblance  complète  avec  ce 
que  j’ai  observé  chez  les  Eumolpes. 

Dans  les  Chrysomèles  (C.  graminis,  cerealis,  sanguinea,  fu- 
cata , etc.  ) proprement  dites  et  les  T imareha , il  existe  encore 
quatre  ganglions  abdominaux  très  distincts  (7)  : seulement,  ils 

(t)  PI.  15,  fig.  4—2. 

(2)  Pt.  15,  fig.  4—3,  4,  5. 

(3)  PI.  15,  fig.  4—6.  7,  8,  9. 

(4)  Cyclopedia  of  analom.  and  physiol.,  art.  Insects. 

(5)  Joly,  Ann  des  Sc.  nat  , 3e  série,  t II,  p.  5 (184  4). 

(6)  PI.  15,  fig.  5— 6,  7,  8.  9.  . 

(7)  Pt  15,  fig.  6—6,  7,  8,  9. 


E.  IM  W IIIMI) 


SUIl  l,K  SV STIiMli  MillVEUX 


372 

sont  séparés  par  des  connectifs  plus  courts , et  le  premier  est  ac- 
colé au  centre  nerveux  du  métathorax,  de  manière  que  la  chaîne 
abdominale  devient  d'une  extrême  brièveté. 

Dans  le  genre  Lina  (/,.  populi  Lin.),  on  observe  une  disposi- 
tion des  ganglions  abdominaux  (1),  qui  indique  un  passage  bien 
manifeste  des  Chrysoméliens  aux  Coccinelliens.  On  distingue  un 
premier  ganglion  presque  entièrement  confondu  avec  le  métatho- 
racique  (2) , puis  un  second  isolé  (3) , puis  les  autres  réunis  en 
une  seule  masse  séparée  du  second  ganglion  par  des  connectifs 
très  longs,  et  dans  laquelle  on  distingue  encore  quatre  noyaux  (4). 

Chez  les  Cassidides  (6’.  equestris,  viridis  et  murrœa  Fab.),  les 
centres  médullaires  abdominaux  sont  disposés  comme  chez  les 
Chrysomèles  proprement  dites  : seulement,  les  connectifs  qui  les 
séparent  les  uns  des  autres  sont  proportionnellement  plus  longs, 
en  sorte  que  la  chaîne  abdominale  atteint  le  milieu  de  la  longueur 
île  l’abdomen  (5). 

Dans  les  Galérucides,  le  type  des  Chrysoméliens  tend  à se  mo- 
difier un  peu;  on  ne  distingue  plus  (Luperus  alni , Galcruea  cal- 
mar iensis,  Allica  oleracea , etc.  ) que  trois  ganglions  isolés,  le 
premier  s’étant  presque  entièrement  confondu  avec  le  centre  ner- 
veux du  métathorax. 

Les  larves  des  Chrysoméliens  sont  conformées  en  général  sur 
un  plan  très  analogue  ; dans  les  larves  de  Chrysomèles  ( Ch. 
fucata , Lina  populi),  j’ai  observé  comme  M.  Joly  dans  la  larve 
du  Colaspis  atra,  et  M.  Newport.  dans  celle  du  Timarcha  tene- 
bricosa,  huit  ganglions  abdominaux  gros  comparativement  à 
ceux  du  thorax , séparés  les  uns  des  autres  par  des  connectifs 
assez  courts,  et  formant  une  chaîne  qui  s’étend  presque  jusqu’à 
l’extrémité  du  corps  (6).  La  même  disposition  m’a  été  offerte  par 
les  larves  de  Criocères  (6’.  merdigera ) et  de  Cassides  ( C . murrœa). 
Les  petites  différences  que  nous  avons  constatées  chez  les  Insectes 
parfaits  ne  se  manifestent  pas  encore  dans  les  premiers  états.  Par 
la  forme  de  leur  corps , les  larves  de  Clythrides  ressemblent  un 


(t)  PI.  15,  fig.  8. 

(2)  PI.  14,  fig  8—6 

(3)  PI.  15,  fig.  8—7. 


(4)  PI.  15,  fig.  8-8,  9,  10,  11 

(5)  PI  15,  fig.  3—6,  7,  S,  9. 

(6)  PI  15.  fig.  7. 


J tut.  //es  Sc/ences  ntt/.  3 * serre . Zool.  Tonie  i.  />aye  3/3 


DES  INSECTES. 


;ra 

peu  à celles  des  Scarabéiens.  J’ai  étudié  les  larves  du  Clyllira 
quadripunctala  Fab.,  dont  je  dois  la  connaissance  à M.  Vaudoucr, 
de  Nantes;  elle  offre  comme  les  autres  Chrysoméliens  huit  gan- 
glions abdominaux  espacés  dans  les  mêmes  rapports. 

L’étude  du  système  nerveux  des  Chrysoméliens  nous  montre 
donc  cette  tribu  comme  formant  un  ensemble  très  homogène,  mais 
établissant  d’un  côté  un  passage  aux  Cérambyciens  par  les  Dona- 
ciides , et  d’autre  part  une  tendance  vers  les  Curculioniens  par  les 
Clythrides.  Mais  ici  ce  n’est  seulement  qu’une  tendance , tan- 
dis qu’entre  les  Cérambyciens  et  les  Donaciides , la  limite  n’est 
véritablement  pas  tranchée. 

HÉSÜM  K. 

A chaque  tribu , à chaque  modification  importante  dans  l’orga- 
nisation, je  me  suis  attaché  à indiquer  les  relations  des  divers 
types  ; souvent  les  affinités  d’une  famille  ou  d’une  tribu  avec  les 
autres  se  sont  trouvées  très  nombreuses.  Après  les  avoir  passées 
en  revue,  beaucoup  de  rapports  échapperaient  bien  facilement, 
ou  ne  seraient  qu’imparfaitement  saisis  , si  l’on  ne  s’efforcait  de 
les  résumer.  Dans  le  tableau  ci-contre,  j’ai  cherché  à représenter  le 
degré  d’affinité,  le  degré  de  parenté  en  quelque  sorte  des  types 
principaux  de  l’ordre  des  Coléoptères,  c’est-à-dire  des  tribus  qui 
composent  cette  grande  division  de  la  classe  des  Insectes. 

Le  système  nerveux  nous  a paru  fournir  des  caractères  d’une 
importance  considérable,  car  nous  les  avons  vus  persister  dans  les 
groupes  naturels,  quand  tous  les  autres  caractères  se  sont  déjà 
modifiés.  Dans  ces  derniers  temps , M.  Agassiz,  en  étudiant  l’or- 
ganisation des  boissons , est  arrivé  à reconnaître  que  le  système 
nerveux , et  particulièrement  le  cerveau , caractérisait  presque 
toujours  très  nettement  les  familles  naturelles.  Cet  accord  entre 
les  résultats  obtenus  presque  en  même  temps  sur  des  groupes 
d’animaux  si  différents  par  deux  observateurs  qui  ne  se  sont  rien 
communiqué,  est  une  preuve  déjà  bien  notable  que  les  faits  sont 
palpables  aux  yeux  de  ceux  qui  veulent  les  étudier.  Ils  tendent 
aussi  à montrer  que,  dans  tout  le  règne  animal,  on  trouve  en 


37 h E.  BI.IKCUARU.  — SL  1S  LE  SVSTÈMI!  NERVEUX 
général  une  subordination  de  caractères  très  analogue  ; et , en 
zoologie,  il  est  important  avant  tout  de  s’occuper,  dans  les  re- 
cherches, de  la  valeur  des  caractères. 

Or  , c’est  précisément  parce  que  les  caractères  tirés  du  système 
nerveux  ont  une  grande  valeur  qu’ils  nous  indiquent  si  sûrement 
des  affinités  difficiles  ou  même  impossibles  à saisir  par  la  considé- 
ration des  autres  organes.  Ce  sont  ces  caractères  et  ceux  tirés  des 
larves  qui  nous  permettent  seuls  de  saisir  les  rapports  de  certains 
groupes  entre  eux. 

Comme  l’indique  notre  tableau,  il  existe  des  groupes  très  im- 
portants, autour  desquels  se  placent  des  groupes  secondaires 
ou  tertiaires.  Nous  avons  la  tribu  des  Scarabiens  parfaitement 
caractérisée  par  la  disposition  du  système  nerveux , à laquelle 
appartient  bien  manifestement  la  famille  des  Passalides,  mais 
qui , toutefois  , sort  un  peu  du  cadre  si  naturel  formé  par  les 
autres  familles  de  cette  tribu. 

Nous  avons  auprès  les  Ilistériens , dont  les  rapports  avec  la 
tribu  précédente  nous  ont  été  indiqués  si  positivement  par  la 
disposition  du  système  nerveux.  Le  même  appareil  nous  a montré 
en  quelle  mesure  les  Lucaniens  s’éloignaient  des  Scarabéiens, 
avec  lesquels  ils  ont  encore  de  véritables  affinités,  et  comment 
ils  se  rapprochaient  des  Bostrichiens  en  présentant  en  même 
temps  une  tendance  vers  la  forme  de  certains  Cérambyciens. 
Les  Carabiens,  qui  constituent  un  des  types  principaux  parmi  les 
Coléoptères,  nous  ont  offert  aussi  des  caractères  importants 
dans  leur  système  nerveux , et , par  la  comparaison  méthodique 
de  cet  appareil , il  est  devenu  facile  de  constater  que  les  Staphy- 
liniens  et  les  Dyticiensen  étaient  extrêmement  voisins,  ainsi  que 
les  Silphiens  ; et  pour  ces  derniers , tout  le  monde  reconnaîtra  que 
leurs  affinités  ne  pouvaient  être  nettement  saisies  à l’aide  des 
caractèi  es  extérieurs. 

S’il  est  probable  et  même  presque  certain  que  les  Psélaphiens 
avoisinent  beaucoup  les  Staphyliniens , il  n’en  demeure  pas  moins 
évident  que  le  degré  de  ressemblance  existant  entre  ces  deux 
types  ne  pourra  être  apprécié  à sa  juste  valeur  que  par  la  con- 
sidération du  système  nerveux  des  Insectes  parfaits  et  des  larves. 


DES  INSECTES. 


375 

L’observation  de  cet  appareil  nous  a montré  que  les  llydro- 
philiens  constituaient  un  type  assez  particulier  ; mais  elle  nous  a 
appris  aussi  que  ce  type  s’éloignait  beaucoup  de  celui  des  Scara- 
béiens,  dont  on  l’avait  cru  voisin  à cause  de  la  forme  des  antennes. 
Elle  nous  a appris  que  ee  type,  en  se  rapprochant  des  Dyticiens,  en 
différait  plus  qu’on  n’était  porté  à le  croire  , d’après  la  forme 
générale  du  corps  ; elle  nous  a conduit  encore  à reconnaître  que 
ce  type,  se  modifiant  un  peu,  passait  vers  la  forme  des  Coccinel- 
liens. 

Nous  avons  constaté  que  deux  ou  trois  tribus  principales,  les 
Dermestiens  avec  les  Éroty liens  et  les  Cantharidiens,  n’étaient 
pas  homogènes,  et  que  certains  types  devraient  en  être  séparés  ; 
mais,  pour  ces  derniers  , nous  avons  établi  que  leur  place,  par 
rapport  aux  autres  groupes,  ne  saurait  être  reconnue  qu'au’ 
moment  où  leur  système  nerveux  aurait  été  étudié. 

Il  est  devenu  positif  que  les  l’iméliens  avoisinaient  manifeste- 
ment les  Carabiens , ce  qui  était  douteux  par  la  considération 
seule  des  caractères  extérieurs;  par  la  disposition  de  leur  système 
nerveux , il  a été  facile  de  voir  que  les  Diapériens  en  différaient 
notablement , et  présentaient  une  tendance  vers  la  forme  des 
Chrysoméliens. 

Ces  derniers  nous  ont  présenté  des  caractères,  dans  l’appareil 
de  la  sensibilité,  qui  prouvent  qu’ils  n’ont  que  des  rapports  éloi- 
gnés avec  les  Curculioniens  , dont  on  pouvait  les  croire  plus  voi- 
sins. A l’aide  de  ces  caractères  , nous  avons  suivi  les  plus  légères 
modifications  du  type  des  Chrysoméliens , de  manière  à pouvoir 
reconnaître  positivement  par  que!  genre  il  avoisinait  surtout  les 
Coccinelliens,  et  par  quel  autre  il  se  confondait  presque  avec  celui 
des  Cérambyciens. 

Les  mêmes  considérations  anatomiques  nous  ont  montré  com- 
bien ces  derniers  étaient  voisins  des  Buprestiens  , bien  que  ceux- 
ci  présentent  dans  leur  système  nerveux  un  caractère  qui  per- 
mettrait seul  de  les  distinguer  de  tous  les  Coléoptères.  La 
disposition  du  système  nerveux  montre  jusqu’à  quel  point  les 
Buprestiens  s’éloignent  des  Élatériens , dont  les  entomologistes 
les  croyaient  si  voisins,  et  combien,  au  contraire,  les  Elatériens  se 
lient  intimement  aux  Lainpyriens  et  aux  Cléricns,  en  sorte  que  ces 


370 


U.  ICI,  W('ll  1 IC ■>. 


SU  B LE  SYSTEME  XEKVEIA 


trois  tribus  rapprochées  se  montrent  comme  constituant  un 
ensemble  homogène,  ayant  d’une  part  un  certain  rapport  avec 
les  Cantharidiens,  et  d’autre  part  avec  les  Bostrichiens. 

Les  caractères  tirés  du  système  nerveux  nous  ont  montré  que 
les  Ptinides  devaient  être  séparés  des  Clériens  , auxquels  les 
rattachaient  tous  les  entomologistes,  pour  être  placés  parmi  les 
Bostrichiens,  ce  qui  s’accorde  parfaitement  avec  les  caractères 
fournis  par  les  larves , et  même  par  la  plupart  des  caractères  tirés 
du  système  appendiculaire  des  Insectes  parfaits. 

Les  mêmes  observations  nous  ont  amené  à reconnaître  les 
Bostrichiens  comme  se  liant  un  peu  aux  Dermestiens , et  différant 
notablement  des  Scolytiens,  avec  lesquels  ils  conservent  certains 
rapports  dans  l’ensemble  de  leur  organisation. 

Le  système  nerveux  nous  a montré  d’une  manière  incon- 
testable que  les  Curculioniens  et  les  Scolytiens  constituent  un  des 
types  principaux  de  l’ordre  des  Coléoptères  , présentant  des  afii- 
nités  manifestes  avec  les  Scarabéiens , ce  qui  est  encore  confirmé 
par  la  forme  contournée  du  corps  des  larves , et  mieux  encore  par 
leur  organisation  intérieure. 

Toutes  ces  affinités  reconnues  par  la  considération  du  système 
nerveux  ne  se  trouvent  en  aucune  manière  infirmées  par  la  consh- 
dération  de  l’ensemble  des  autres  caractères  ; bien  loin  de  là,  car 
elles  sont  presque  toujours  confirmées  par  les  caractères  des  larves. 
Quand  les  modifications  les  plus  positives  touchant  les  affinités 
naturelles  ont  été  saisies  d’après  la  disposition  des  centres  ner- 
veux , on  en  vient  le  plus  ordinairement  à apercevoir  ces  mêmes 
rapports  indiqués  par  certaines  formes  dans  le  système  appendi- 
culaire. Ainsi,  en  m’efforçant  de  montrer  que  les  caractères  tirés 
du  système  nerveux  ont  une  prédominance  marquée  sur  les  carac- 
tères fournis  par  les  autres  parties  de  l’organisme,  je  ne  veux 
être  nullement  exclusif.  Je  crois  que  tout  doit  être  étudié  avec  le 
même  soin  dans  chaque  groupe  du  règne  animal  ; mais  il  importe 
aussi  de  savoir  saisir  F importance  des  caractères  en  accordant 
naturellement  plus  de  valeur  à ceux  qui  offrent  le  plus  de  con- 
stance. Bien  que  les  caractères  les  plus  importants  dans  chaque 
division  du  règne  animal  tendent  à disparaître  chez  certains 
de  leurs  représentants,  comme  Fa  bien  établi  M.  Miine  Edwards; 


DES  INSECTES. 


377 

bien  que  le  système  nerveux  ne  fasse  pas  complètement  excep- 
tion à cette  règle  , tout  nous  prouve  aujourd'hui  de  plus  en  plus 
que  les  caractères  qu’il  fournit  ont  plus  d’importance  en  zoologie 
que  ceux  tirés  des  autres  parties  de  l’organisme. 


EXPLICATION  DES  FIGEItES 
PLANCHE  8. 

Fig  I . Lucanus  cervus  Lin 

1,  ganglions  cérébroïdes. — a,  nerfs  antennaires  ; b,  nerfs  optiques  ; <■  gan- 
glion frontal  ; d,  nerfs  de  la  lèvre  supérieure:  g,  nerfs  mandibulaires;  h,  nerfs 
maxillaires  : e,  ganglions  angéiens  : f,  ganglions  trachéens. 

2,  ganglion  sous-œsophagien.  — 3,  ganglions  prothoraciques.  — a, b, c,  les 
trois  paires  de  nerfs.  — 4,  ganglion  mésothoracique.  — a,  nerfs  alaires.  — 
b,  nerfs  médians.  — c,  nerfs  des  pattes.  — 5,  ganglion  métathorarique.  — 
6,  7,  8,  9,  10,  II,  ganglions  abdominaux. 

Fig.  2 Hister  cadaveïiinos  Payk 

1,  ganglions  cérébroïdes.  — a , nerfs  antennaires.  — b,  nerfs  optiques.  — 
2,  ganglion  sous-œsophagien.  — 3,  4,  5,  les  trois  ganglions  thoraciques.  — 
a,  nerfs  alaires.  — b,  nerfs  médians.  — c,  nerfs  des  pattes  — 6,  ganglions 
abdominaux. 

( Dans  les  figures  suivantes  , les  mêmes  chiffres  et  les  mêmes  lettres  indiquent 

les  mêmes  parties.  Les  ganglions  abdominaux  sont  toujours  indiqués  par  le 

numéro  6 et  les  suivants.) 

Fig.  3.  Nitidula  ænea  Lin. 

Fig.  4.  ScAPHIDIl'M  QUADRIMACULATUM  Fabr. 

Fig.  5.  Gïrinus  natator  Fabr 

PLANCHE  9. 

Fig.  I . Necrophorus  vespillo  Lin. 

Fig  2.  Silpha  ORscuRA  Fabr. 

Fig  3.  Sa  larve. 

Fig.  4.  Stapuv LiNL's  vaxillosus  Lin. 

Fig.  5.  Larve  du  Staphylinus  ulens  Lin 

PLANCHE  10. 

Fig.  I.  Dyticus  harginalis  Lin. 

I,  ganglions  cérébroïdes.  — c,  ganglion  frontal.  — d,  un  petit  ganglion 
pharyngien.  — e,  nerfs  de  la  lèvre  supérieure.  — b,  ganglions  angéiens. — 17, 
ganglions  trachéens.  — h,  nerfs  récurrents.  (Les  autres  lettres  comme  dans 
les  figures  précédentes.) 

Fig.  2.  Larve  du  Dylicus  murginalis. 

I ganglions  cérébroïdes.  — n nerfs  antennaires  — b,  nerfs  optiques.  — 


378  E.  BLANCHARD.  — SYSTEM  K NERVEUX  DES  INSECTES. 

c,  ganglion  frontal.—  d,  nerfs  de  la  lèvre  supérieure. — e,  nerfs  mandibulaires, 
— f,  nerfs  maxillaires. 

Fig.  3 Blaps  mortisaga  Lin  Fabr. 

1 2,  dernier  centre  nerveux  abdominal , dans  cette  masse  médullaire  on  dis- 
tingue deux  ganglions  accolés.  Il  eût  été  peut-être  préférable  de  mettre  12  et  1 3. 
Fig.  4.  Tenebrio  molitor  Lin. 

Fig.  5.  Sa  larve. 

PLANCHE  11. 

Fig.  1.  Hydrophilus  piceus  Lin 
Fig.  2.  Helops  lanipes  Fabr 
Fig.  3.  Diaperis  boleti  Lin. 

Fig.  4.  Sa  larve. 

Fig.  5.  Sa  nymphe. 

Fig.  6.  Agriluj  viridis  Fabr. 

PLANCHE  12. 

Fig.  1 . Byturds  tomentosus  Fabr. 

Fig.  2.  Mycetophagus  quadrimaculatus  Fabr. 

Fig.  3.  Dermkstes  lakdarius  Linn. 

Fig.  4.  Triplax  russica  Fabr. 

Fig.  5.  Endomycuus  coccineus  Fabr. 

Fig  6.  Bostricuus  capucinus  Fabr. 

PLANCHE  13. 

Fig.  1 Trogossita  mauritanica  Lin. 

Fig.  2 Coccinella  septempunctata  Lin 
Fig.  3.  Spiiæridium  scarabæoldes  Fabr. 

Fig.  4.  Malachius  bipustulatus  Fabr. 

Fig.  5.  Scirtes  hemisphæricus  Fabr. 

Fig.  6.  Ceratoderus  monoceros  Fabr. 

Fig.  7.  Cistela  sulphurea  Lin.  Fabr. 

F'ig  8.  Scolytus  pygm.eus  Fabr. 

PLANCHE  14. 

Fig.  I Larve  de  la  Calandra  palmarum  Lin. 

I,  ganglions  cérébroïdes  — a.  nerfs  antennaires.  — 6,  nerfs  de  la  lèvre 
supérieure.  — c,  ganglion  frontal. — d,  ganglion  œsophagien.  — f . ganglions 
angéiens.  — g,  ganglions  trachéens.  — h,  nerfs  mandibulaires.  — i,  nerfs 
maxillaires.  — k,  nerfs  labiaux. 

Fig.  2.  Trichodes  apiarius  Fabr 

1,  ganglions  cérébroïdes.  — </,  nerfs  antennaires.  — b,  nerfs  optiques.  — 
c,  ganglion  frontal.  — dt  ganglions  angéiens.  — c,  ganglions  trachéens. 
(Dans  les  ligures  suivantes,  les  mêmes  lettres  indiquent  les  mêmes  parties.) 
Fig  3.  Atikm  s iiirtus  Fabr 


DE  QMTBEFMES.  — SUR  I.E  SANG  DES  AN  Mil. IDES.  379 
Fig  4 Telepuorcs  melanvrcs  F’abr 
Fig.  5.  CEdlmera  lurida  Fabr. 

Fig.  6.  Lagria  hirta  Lin.  Fabr. 

PLANCHE  15. 

Fig.  1 . OWACIA  NVHPHEÆ  Lin. 
lig.  2.  Crioceris  merdigera  Lin. 

Fig.  3.  Cassida  equestris  Lin. 

Fig.  4.  Cryptocephalus  sericees  Lui 
lig  5.  Eumolpis  vitis  Lin.  Fabr. 

Fig.  6.  Curysumela  fucata  Fabr. 

Fig.  7.  Sa  larve 

Fig  8.  Lina  pupuli  Lin.  Fabr 


NOTE  SUR  LE  SANG  DES  ANNÉLIDES: 

Par  M A.  DE  ÇUATREFAGES. 

On  sait  que  Cuvier,  en  établissant  la  classe  des  Annélides,  lui  assigna 
entre  autres  caractères  celui  d’être  composé  d’animaux  dont  le  sang  était 
coloré  en  rouge.  Cette  caractérisation  lut  tout  d’abord  critiquée  par  M de 
Blainville,  qui  lit  observer  que  le  sang  était  à peine  coloré  chez  quelques 
unes  des  plus  grandes  espèces  de  uos  côtes  ; mais  les  termes  mêmes  em- 
ployés par  M.  de  Blainville  semblaient  confirmer  les  vues  de  Cuvier,  au 
moins  dans  ce  qu’elles  pouvaient  avoir  de  plus  général.  AI.  Alilne  Edwards, 
en  faisant  connaître  des  Tubicoles  à sang  vert . démontra  bien  mieux  le 
peu  d’importance  réelle  du  caractère  employé  par  l'illustre  auteur  du 
Règne  animal.  Depuis  cette  époque.  Al.  Dujardin  a signalé  un  fait  pareil, 
offert  par  une  petite  Annélide  des  côtes  de  la  Manche  ( Chlorema 
Edwardsii  , et  nous- même  nous  avons  trouvé  plusieurs  espèces  qui  pré- 
sentent la  même  particularité,  et  que  nous  ferons  connaître  plus  tard. 

Ainsi  la  couleur  du  sang  parait  être  de  peu  d’importance  dans  la  classe 
des  Annélides;  mais  quelques  naturalistes  pourraient  peut-être  penser 
que  le  fait  essentiel  consiste,  non  dans  la  teinte  elle-même,  mais  dans  la 
présence  d’un  liquide  coloré  quelconque.  Je  ne  pense  pas  que  cette  mo- 
dification des  idées  de  Cuvier  fût  plus  vraie  que  la  première  opinion  de 
ce  grand  naturaliste:  un  très  grand  nombre  d’ Annélides  ont  le  sang  par- 
faitement incolore , et  je  crois  qu’on  pourrait  citer  en  masse  presque 
toutes  les  petites  espèces  d’ Annélides  Errantes  ou  Tubicoles,  si  communes 
dans  les  fucus  et  sous  les  pierres  de  nos  rivages. 

AI.  Oelle  Cliiaje  a dit  avoir  trouvé  dans  une  Annélide  des  mers  de 
Naples,  et  chez  les  mêmes  individus,  du  sang  rouge  dans  certains  vais- 
seaux, et  du  sang  cerf  dans  d'autres  vaisseaux.  J’ai  fait  sur  quelques  es- 
pèces des  côtes  de  Sicile  des  observations  qui  expliqueraient  facilement 
ce  que  ce  fait  a d’incroyable  au  premier  abord  pour  toutes  les  personnes 
qui  connaissent  le  mode  de  circulation  existant  (liez  les  Annélides.  Chez 
quelques  Tubicoles,  le  sang,  en  couches  minces,  est  d’un  jaune  verdâtre 
cl  devient  d'un  muge  /uirfaitement  rnractérieé  lorsqu’il  est  en  niasse.  Cer- 
taines espèces  de  Nemertes  présentent  la  même  particularité,  et  l’une 


380 


l*E  QUATREFAGES.  — Sl'R  I.E  SANG 

d’elles  m’a  permis  de  reconnaître  toutes  les  nuances  de  ce  phénomène, 
résultant  chez  elle  de  l’accumulation  de  globules  assez  gros,  llottant  au 
milieu  d’un  liquide  incolore.  I, 'observation  du  naturaliste  napolitain  est 
donc  très  probablement  incomplète,  mais  exacte  d’ailleurs  en  ce  qui 
touche  à la  variabilité  de  la  couleur  du  sang  dans  un  même  individu. 
C’est  lit  un  phénomène  d'absorption  de  rayons  lumineux , semblable 
à ceux  dont  les  physiciens,  et  entre  autres  Yoimg,  ont  fait  connaître 
toutes  les  circonstances. 

AI.  Alilue  Edwards  est,  je  crois,  le  premier  (pii  ait  soumis  le  sang  des 
Annélides  à l’inspection  microscopique  ; il  a reconnu  que  ce  sang  ne  con- 
tenait pas  de  globules  proprement  dits,  comparables  à ceux  que  charrie 
le  sang  des  Vertébrés.  On  ne  rencontre , en  effet , dans  le  sang  des  plus 
grandes  espèces  que  j’ai  observées,  autre  chose  que  des  granulations  in- 
finiment petites  et  qui,  autant  qu’on  peut  en  juger  en  employant  les  plus 
loris  grossissements,  paraissent  être  assez  irrégulières.  La  couleur  du  sang 
ne  me  semble  pas  être  due  h la  présence  de  ces  corpuscules.  I.e  principe 
colorant  est  ici  dissous  dans  le  sang  lui-même,  et  cette  circonstance  éta- 
blit encore  une  démarcation  très  grande  entre  la  constitution  de  ce  li- 
quide chez  les  Annélides  et  chez  les  Vertébrés. 

Lorsqu’on  fait  les  observations  dont  je  viens  de  parler  sans  y apporter 
des  précautions  suffisantes , on  peut  trouver  au  milieu  du  sang  des  gra- 
nulations irrégulières,  de  dimensions  parfaitement  appréciables,  puisque 
dans  certaines  espèces  elles  atteignent  jusqu’à  1/100  de  millimètre,  et 
peut-être  davantage.  Mais  ces  granulations  n’appartiennent  pas  au  sang: 
elles  proviennent  du  liquide  de  la  cavité  générale  du  corps. 

Cette  cavité  et  le  liquide  qu'elle  renferme  me  semble  jouer  dans  l’é- 
conomie des  animaux  inférieurs  un  rôle  important  et  auquel  on  ne  s’est 
pas  suffisamment  arreté  jusqu’ici.  Chez  les  Annélides  Errantes,  chez  les 
Némertes,  les  œufs,  les  spermatozoïdes,  à peine  ébauchés  dans  l’ovaire 
ou  le  testicule,  tombent  dans  cette  cavité,  et  là,  isolés  de  toutes  les  par- 
ties solides  de  l’organisme,  sans  aucun  rapport  immédiat  avec  l’appareil 
vasculaire,  ils  se  nourrissent  et  parcourent  toutes  les  principales  phases 
de  leur  développement.  Il  semble  que  le  liquide  qui  les  baigne  de 
toute  part  soit  vivant , et  que  ce  soit  lui  qui  leur  transmet  les  matériaux 
nécessaires  pour  décupler  quelquefois  de  volume  : dès  lors  ce  liquide  se 
comporte  exactement  comme  un  organe,  comme  pourraient  le  faire  l’o- 
vaire et  le  testicule  eux-mêmes.  La  liqueur  renfermée  dans  la  cavité 
générale  du  corps  des  Annélides  est  eu  quelque  sorte  un  organe  fluide. 

II  est  bien  difficile  de  croire  qu’un  liquide  qui  joue  un  rôle  si  évident 
dans  l'acte  de  la  nutrition  des  œufs  ou  des  spermatozoïdes,  soit  entière- 
ment inerte  relativement  aux  muscles  et  aux  viscères,  qu’il  baigne  et  en- 
veloppe de  toute  part.  Tout,  au  contraire,  doit  nous  conduire  à penser 
qu'il  remplit  vis-à-vis  d'eux  des  fonctions  semblables  à celles  dont  on 
constate  l’influence  sur  les  produits  de  la  génération.  Ainsi  nous  sommes 
conduits  à regarder  ce  liquide  comme  un  fluide  nourricier  répandu  dans 
tout  le  corps,  et  comme  un  puissant  auxiliaire  du  sang  lui-même. 

Dès  l’instant  que  le  sang  n’est  plus  chargé  exclusivement  des  fonctions 
de  nutrition,  son  importance  dans  l’économie  diminue,  et  nous  serons 
moins  surpris  de  voir  l’appareil  chargé  de  le  transporter  dans  les  diverses 
parties  du  corps  subir  des  réductions  , des  dégradations  considérables. 
Chez  certaines  Annélides  Errantes  et  Tnbicoles,  on  voit  les  ramifications 


DUS  \\ Mai  DES. 


381 

vasculaires  devenir  très  rares  : e’esl  là  un  l'ait  qu’on  peut  constater  faci- 
lement chez  les  espèces  dont  le  sang  est  richement  coloré,  et  qui  se 
montre  à son  maximum  chez  les  Némerles.  où  il  n’existe  plus  que  les 
troncs  principaux.  Je  reviendrai  d'ailleurs  sur  ce  sujet  dans  un  travail 
considérable  qui  s'imprime  en  ce  moment,  et  où  j’ai  cherché  à faire  con- 
naître en  détail  le  groupe  si  remarquable  des  Némertiens. 

Le  liquide  de  la  cavité  générale  du  corps,  chez  les  Annélides  Erranles 
et  Tubicoles,  est  sans  cesse  agité,  par  suite  des  contractions  et  des  mou- 
vements généraux  du  corps  ; chacune  de  ses  portions  peut  donc  être  mise 
en  contact  avec  les  diverses  parties  de  l’organisme.  Mais  il  semble  dans 
quelques  circonstances  présenter  des  mouvements  plus  réguliers  et  qui 
ressemblent  davantage  à une  véritable  circulation  : c’est  du  moins  ce  que 
j’ai  observé  dans  de  très  petits  Siponcles,  qui  habitent  au  milieu  des  toulles 
de  Corallines  et  de  fucus  fl  ).  La  cavité  générale  du  corps  est  divisée  en 
chambres  irrégulières,  comme  chez  certaines  Nématoïdes,  et  ces  chambres 
communiquent  les  unes  avec  les  autres.  J’ai  \u  le  liquide  intérieur,  chargé 
de  globules  framboises  et  ici  de  dimensions  sensiblement  égales,  décrire 
dans  cet  ensemble  de  poches  une  sorte  d'ellipse  allongée,  à contours  on- 
dulés; en  divisant  la  cavité  eu  deux  par  une  pression  transversale,  le  li- 
quide décrivait  alors  deux  courbes  rentrantes.  On  voit  que  ce  phéno- 
mène rappelle,  sous  certains  rapports,  les  faits  si  connus  présentés  par 
le  Chara. 

Il  est  assez  difficile  d’assigner  un  rôle  précis  à ces  granulations.  Ce  qu'il 
y a de  certain,  c’est  qu’elles  sont  dans  un  rapport  marqué  avec  l’état  phy- 
siologique de  l’animal  où  on  les  observe  ; plus  ce  dernier  est  vigoureux  , 
plus  les  globules  sont  nombreux  et  gros.  Chez  les  Annélides  microscopi- 
ques, le  nombre  de  ces  corpuscules  double  ou  triple  lors  de  la  gestation, 
époque  à laquelle  ces  animaux  présentent  un  surcroît  de  vitalité  des  plus 
prononcés. 

Il  est  difficile  de  ne  pas  rapprocher  les  faits  qui  précèdent  de  ceux  que 
présente  la  classe  des  Insectes.  Chez  ces  derniers,  on  ne  trouve  qu’une 
seule  espèce  de  liquide  nourricier,  et  ce  sang  ressemble  presque  con- 
stamment au  liquide  de  In  cavité  générale  des  Annélides.  Chez  quelques 
larves,  cependant , le  sang  des  Insectes  rappelle , comme  nous  l’avons  dit 
ailleurs  (2),  le  sang  'proprement  dit  de  ces  mêmes  Annélides,  en  ce  qu’il 
est  chargé,  comme  chez  ces  dernières,  d’un  principe  colorant  en  disso- 
lution. Comme  d’ailleurs  les  produits  de  la  digestion  doivent , en  sortant 
du  tube  digestif,  se  mêler  immédiatement  au  liquide  que  renferme  la  ca- 
vité générale,  n'est-il  pas  permis  de  conclure,  ainsi  que  nous  l’avons  fait 
plus  haut , que  ce  liquide  représente  en  partie  , quant  à son  rôle  physio- 
logique, 1 e sang  des  Vertébrés,  et  qu’il  acquiert  d'autant  plus  d’impor- 
tance que  l’appareil  circulatoire  se  restreint  davantage  et  est  plus  pro- 
fondément enfoncé  dans  l’intérieur  du  corps?  Nous  aurons,  du  reste, 
occasion  de  revenir  plus  tard  sur  ces  considérations,  que  nous  ne  faisons 
aujourd’hui  qu’indiquer. 

( I ) Je  regarde  les  Siponcles  et  genres  voisins  comme  appartenant  au  type  des 
Annelés.  Celte  opinion  repose  sur  les  faits  anatomiques  que  m’ont  présentés  les 
Echiures,  et  dont  un  résumé  a été  publié  dans  la  nouvelle  édition  illustrée  du 
/ligne  animal  (Zoophytes,  12e  livraison,  pl.  23) 

(2)  Séance  de  la  Société  Philomatique  (L'Institut,  27  août  f 845). 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME. 


AX  ATOJIIE  ET  PHYSIOLOGIE. 

Note  sur  le  mécanisme  des  sécrétions  ; par  M.  A.  Lereboullet 175 

Sur  la  température  des  Spatangus  purpureus , Tripla  hirundo , et  Gadus 
æglefinus,  des  mers  du  Nord;  par  M.  Ch.  Martins.  . ...  187 

AXIMALX  YERTÉRRÉS. 

Remarques  sur  le  Capra  pudtt  et  V Equus  bisulcus  de  Molina  : par  MM.  Gay 

et  Paul  Gervais 87 

Observations  sur  diverses  espèces  de  Mammifères  fossiles  du  midi  de  la 
France;  par  M.  Paul  Gervais 248 

— sur  les  Mammifères  fossiles  de  Vaucluse;  par  M.  Paul  Gervais  . 257 

— — — de  l’Hérault;  par  M.  Paul  Gervais  . 263 

— — — de  l’Hérault;  par  MM.  Paul  Gervais  et 

Marcel  de  Serres  ...  . . ...  266 

Mémoire  sur  l’ appareil  de  la  respiration  dans  les  Oiseaux;  par  M.  Natalis 

Guillot 25 

Mémoire  sur  les  différences  typiques,  inconnues  jusqu'à  présent,  dans  les 
organes  de  la  voix  des  Passereaux;  par  M.  J.  Muller.  ....  1 

Notice  préliminaire  sur  le  développement  des  Chèloniens  ; par  M.  H.  Rathke.  161 
Description  de  quelques  crdnes  fossiles  trouvés  par  M.  Bain  dans  une 
couche  de  grès  à l'extrémité  sud-est  de  l’Afrique,  et  constituant  un 
nouveau  genre  de  Reptiles  (le  Dicynndon),  dans  l’ordre  des  Sauriens; 

par  M.  Owen 271 

Observations  sur  le  développement  des  spermatozoïdes  des  Raies  et  des 
Torpilles  ; par  M de  Martino  (de  Naples).  ...  171 

IM  .II  II  X A A Y E LÉS. 

Recherches  anatomiques  et  zoologiques  sur  le  système  nerveux  des  Insectes. 

— Mémoire  sur  les  Coléoptères  ; par  M.  Émii.e  Blanchard.  . . 273 

Description  des  galles  du  \'erbascum  et  du  Scrophularia , et  des  Insectes 
qui  les  habitent,  pour  servir  à l'histoire  du  parasitisme;  par  M.  Léon 

Dufour . 5 

Note  sur  le  sang  des  Annelides  ; par  M.  de  Quatrefages  . . 379 

MOLLUSQUES. 

Note  sur  les  testicules  et  les  spermatozoïdes  des  Patelles;  par  MM.  Lebert 
et  Robin . ...191 


TABLE  DES  VI  ATI  EU  ES.  383 

Essai  d'une  Monographie  du  Teryipes  Edwardsii ; par  M Alex,  de  Nord- 
mann,  Professeur  à Odessa . . . . 109 

De  la  composition  et  de  la  structure  des  enveloppes  des  Tuni  tiers  ; par 
MM.  Lorvig  et  Kollliker.  ...  .193 

Rapport  sur  le  Mémoire  précédent  ; par  M.  Payen  ...  238 

ZOOPI11TES. 

Recherches  sur  les  Polypes  ; par  M.  Dana.  (Extrait  ).  ...  243 


T AP. LE  DES  MATIÈRES 

Blanchard.  — Recherches  anato- 
miques et  zoologiques  sur  le  sys- 
tème nerveux  des  Insectes.  — 
Mémoire  sur  les  Coléoptères.  . 273 
Dana  — Recherches  sur  les  Polypes  227 
Dufour  (Léon). — Description  des 
galles  du  Verbascum  et  du  Scro- 
phularia,  et  des  Insectes  qui  les 
habitent,  pour  servir  à l'histoire 
du  parasitisme  ...  5 

Gay.  — Voyez  Gervais. 

Gervais  (Paul)  et  Gay.  — Remar- 
ques sur  le  Capra  pudu  et  l'£- 
quus  bisulcus  de  Molina.  87 

Gervais  (Paul).  — Observations  sur 
diverses  espèces  de  Mammifères 
fossiles  du  midi  de  la  France  . 248 
— Mammifères  fossilesde Vaucluse.  257 
Id.  de  l'Hérault.  263 
Gervais  (Paul)  et  Marcel  de  Ser- 
res. — Mammifères  fossiles  de 

l'Hérault 266 

Guillot  (Natalis).  — Mémoire  sur 
I appareil  de  la  respiration  dans 

les  Oiseaux 25 

Kœlliker  et  Loewig. — De  la  com- 
position et  de  la  structure  des 
enveloppes  des  Tuniciers.  193 

Lehert  et  Robin.  — Note  sur  les 
testicules  et  les  spermatozoïdes 

des  Patelles 191 

Lereboullet. — Note  sur  le  méca- 
nisme des  sécrétions 


PAR  NOMS  D’AfJTF.IJRS. 

Loewig.  — Voyez  Kœlliker. 

Marcel  de  Serres.  — V.  Gervais. 
Martino  (de  Naples).  — Observa- 
tions sur  le  développement  des 
spermatozoïdes  des  Raies  et  des 
Torpilles  . .171 

Martins  (Ch.).  — Sur  la  tempéra- 
ture des  Spalangus  purpureus , 
Triyla  hirundo  , et  Gadus  œyle- 
finus,  des  mers  du  Nord.  . 187 

Muller  (J.).  — Mémoire  sur  les 
différences  typiques,  inconnues 
jusqu’à  présent,  dans  les  or- 
ganes de  la  voix  des  Passereaux.  9 1 
Nordmann  (Alex.  de).  — Essai 
d une  monographie  du  Teryipes 
Edwardsii.  . .109 

Owen.  — Description  de  quel- 
ques crânes  fossiles  trouvés  par 
M Bain  dans  une  couche  de  grès 
à l'extrémité  sud-est  de  l’Afri- 
que, et  constituant  un  nouveau 
genre  de  Reptiles  ( le  Dicyno- 
don),  dans  l’ordre  des  Sauriens.  271 
Payen. — Rapport  sur  le  Mémoire 
de  MM  Loewig  et  Kœlliker. 
(Voyez  Kœlliker  ).  . . . 238 

Qcatrefages  (De).  — Note  sur  le 

sang  des  Annélides 379 

Rathke. — Notice  préliminaire  sur 
le  développement  des  Chéloniens  161 
Robin.  — Voyez  Lebert. 


175 


TABLE  UES  PLANCHES 


RELATIVES  AUX  MÉMOIRES  CONTENUS  DANS  CE  VOLUME. 


Planches  I . Organisation  et  développement  du  Tergipes  Edwardsii. 

(Fig.  l-i.  Galles  du  Verbascum  pulverulenlum  et  du  Scrophu- 
laria  canina. 

- < Fig.  5-1 5.  Métamorphoses  du  Cecidomyia  Verbasci 

I Fig.  16-21.  — du  Misocampus  nigricans. 

\ Fig.  22-30.  — de  F Eulophus  Verbnsci. 


3. 

4. 


] 


Réservoirs  aériens  du  Coq 


5 ) 

6.  v Structure  et  développement  de»  Tumciers 

7-  J 
8.  \ 

Système  nerveux  des  Coléoptères. 


1S.  j 


un  du  cinquième:  volume. 


Ûrqanüralwn/  et  déoe/oppeme/it 
du  ’/erçipes  Edwardsà  . 


JV.  Rémond'  cm <p 


Ann  des  Scierie  .nat  S? Série 


Aool  .Tom  ô Fl 


Fii/.  / - 3 Galles  et  étamines  du  \erbascum  pulveriilontum 

Fu/  4 Galles  du  Scrophularia  conina 

Fit/  6- jô  Métamorphoses  du  Cecidomvia  Yerbasci 

Fù/  JÔ-Jt.  - Fu  Misocampus  nig’ricornjs 

Fil/  23- 3o.  Fe  l'Eulophus  Vrrbasci 


Ann  ries  Sciences  nai  3e  Sene  7oo]  jom  5 p|  - 


Eüi'e 


Beau  .vl  nAl  dfl1 


Lilh  d'Arlusr  dclAHarpr5o 


Ann  des  Sciences  nat  3e Série 


Zool  Tom  5 PI 


Emile  Beau  ad  natdel' 


Lilh  d'Artus  i,<Icja  Harpe  50. 


Ann  . des  Scienc  naô  3*  Série, . 


Aool  Tom  . à PI  .î . 


S/ruclure  (/es  tépumens  (/es  Tun/c/ers 


N.  /(esnond  unp 


Jhn  . des  Scimc  nat  3e  Série  . 


Zool.Toni.o  PI  .6. 


a 28. 


Structure  des  tâ/umens  des  Tusuciers. 


. I ' Msn  tond  unp 


Arm  t/tj-  Jaenc  turf  J'.lr/  tr 


Tfoof  Tout  6 . J’f  — . 


Structure  et  dévetoppement  des  Tunécûrs. 


. V Tentant/  t/np 


K n dci 


/ rfiru/i 


S/slème  nerveux  r/&r  Co/eop/ère.r 


JV.  / 'te/noru / /snp 


/.  eortui  j't>  ■ 


ziervez/æ 


Ji'/te'snoru!  â/i// 


/ eùnm  sc . 


/;.  <m 


Si/, te  neroet&v  Cb/eo/i/rrcs 


I ftciiwitd  '>></> 


/■  n ,m 


/.  euriui 


St/x/ème  /u’rvw/.r  (/es  / o/eo/i/è/ex 


,1  /'ivnoru/  t/n/t 


S/.r/esm'  /!,■/•// m.r  i/e.r  Coleon/èrar 


Syj-fcme  nnroeuj'  t/e.r  0>/e'o/>  tires 


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