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Full text of "Annales des sciences naturelles : comprenant La physiologie animale et végétale, l'anatomie comparée des deux règnes, la zoologie, la botanique, la minéralogie et la géologie"

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ANNALES 


SCIENCES NATURELLES. 


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P: 0 g, ke. | 
PARIS, IMPRIME PAR FEUGUERAY, 


A A o 
RUE DU CLOÎTRE SAINT-BENOÏT , N° 4. 


7 


MM. AUDOUIN , ao. BRONGNIART £r DUMAS, 


COMPRENANT 


LA PHYSIOLOGIE ANIMALE ET VÉGÉTALE, L ANATOMIE 
COMPARÉE DES DEUX RÈGNES , LA ZOOLOGIE, LA 
BOTANIQUE, LA MINÉRALOGIE ET LA GÉOLOGIE. 


TOME NEUVIÈME, 


ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES IN-/°. 


CROCHARD, LIBRAIRE - ÉDITEUR , 
CLOITRE SAINT-BENOIT, N° 16, 


ET RUE DE SORBONNE, N° 3, 


1826. 


Mr 
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e gs. 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES, 


Recnencnes expérimentales sur l Exhalation 
/ pulmonaire. 


Par MM. G. Brescuaer et H.Milne Enwanos. 


(Lues à la Société philomatique, le 23 juillet 1826.) 


La surface pulmonaire , comme chacun le sait , est 
non-seulement la partie du corps où l'absorption est la 
plus active , mais aussi celle par laquelle les principes 
gazeux ou volatils qui circulent avec le sang s’échappent 
au dehors avec le plus de facilité. En effet, lhaleine 
des personnes qui boivent des quantités considérables 
de liqueurs spiritueuses , prend bientôt une odeur alcoo- 
lique des plus marquées. Un grand nombre de médica- 
meus, tels que l’éther , et l’assa-fætida, après avoir été 
portés dans le torrent de Ja circulation , s’exhalent par 
la même voie. Des expériences très-curieuses de Nysten 
prouvent que les gaz injectés dans les veines en quan- 
tités assez petites pour ne pas déterminer la mort, 
viennent se mêler à l'air expiré (1). Enfin, M. Magen- 


(1) Recherches de Physiologie et de Chimie-pathologique, Paris, 
1811, in-80., p- 145. 


IX, — Septembre 1826. L 


” CRAN NU SAC IE SEX à . 
(6) 
die a constaté que l’eau , l'alcool , le camphre et le phos- 
phore , sont expulsés de l’économie animale de la même 
manière , c’est-à-dire, par l’exhalation pulmonaire (1). 

La grande abondance des vaisseaux sanguins qui 
viennent se ramifier dans les parois des cellules aériennes 
des poumons , est évidemment une des conditioffstd” où 
dépend cette exhalation active , mais elle ne suflit pas 
pour nous en donner l'explication. Tous les tissus de 
l’économie animale sont plus ou moins perméables aux 
liquides, et paraissent jouir de cette propriété à un degré 
d'autant plus grand qu’ils sont plus vasculaires ; on pour- 
rait donc conclure à priori que la surface pulmonaire 
doit être une des parties du corps qui livrent passage 
aux liquides avec le plus de facilité. Mais la connaïssance 
de ce fait ne nous apprenait pas la raison pour laquelle 
l’exhalation ou passage des fluides du dedans au dehors 
est si rapide dans cet organe, qui est en même temps 
le siége d’un mouvement inverse ou d'absorption non 
moins active. L’explication de ce phénomène remar- 
quable restait donc encore à découvrir. 

Les expériences récentes d’un physiologiste Anglais , 
le docteur Barry, en nous éclairant sur le mécanisme de 
l'absorption, nous paraissent de nature à jeter quelque 
jour sur la question qui nous occupe. En effet ce savant a 
constaté qu’en soustrayant à la pression atmosphérique , 
à l’aide de la ventouse , une portion du corps, on em 
pêche l’absorpüion d’y avoir lieu comme à l'ordinaire. 


Il est donc évident que cette pression agissant de dehors 


(1) Mémoire sur la Transpiration pulmonaire, Bulletin de la S0- 


siété philomatique , 1811. 


CR) 


en dedans est une des causes qui influent le plus sur le 
passage des liquides par imbibition de la surface d’ap- 
plication dans l’intérieur des vaisseaux. Et puisque l’ab- 
sorption ne paraît diflérer de la simple exhalation que 
par la direction suivant laquelle le transport s'opère, il 
nous semblait assez probable qu’une pression agissant 
en sens contraire, C'est-à-dire, de dedans en dehors, 
devrait exercer sur ce phénomène une influence non 
moins remarquable. Or , le même mécanisme qui occa- 
sionne l’entrée de l’air dans les cellules pulmonaires, 
détermine à chaque instant le développement d’une force 
de ce genre. En effet, lorsque la cavité thoracique est 
dans l’état de repos , l’air qui s’y trouve, contrebalance 
par son élasticité la pression exercée de dehors en dedans 
par tout le poids de l'atmosphère ; mais lorsque cette ca- 
vité se dilate, l'équilibre est rompu, et la force aspi- 
rante qui y fait pénétrer une nouvelle quantité d'air , 
doit agir avec une égale énergie sur tous les points de 
-ses parois. Pendant l'inspiration, chaque cellule joue le 
rôle d’une pompe aspirante , et exerce une suecion égale 
sur l'air extérieur avec laquelle il communique à tra- 
vers la trachée artère, et sur les fluides contenus dans 
les autres vaisseaux également en communication avec 
les parois. Serait-ce de l’action de cette cause toute mé- 
canique que dépendraïent les phénomènes dont nous 
avons parlé plus haut, et qui ont fait regarder les pou- 
mons comme un émonctoire destiné à rejeter au dehors les 
substances volatiles qui se trouvent dans le sang, et 
qui pourraient être nuisibles à l’économie animale. 
C’est ce que nous avons cherché à déterminer à l’aide 
des expériences suivantes. 


(8) 


Après avoir divisé quelques anneaux de la trachée 
artère sur un chien de moyenne taille et avoir introduit 
dans ce conduit un tuyau qui pouvait s'adapter exac- 
tement au bout d’un grand soufllet , nous ouvrimes lar- 
gement le thorax et nous pratiquâmes la respiration 
artificielle. Nous fimes entrer l’air dans les poumons à 
l’aide du soufflet, et ensuite nous retiràmes cet instru- 
ment afin que l'organe respiratoire, en revénant sur lui- 
même par l'effet de son élasticité naturelle, pût chasser 
l'air ainsi introduit. Par ce moyen il nous était facile 
d'entretenir la respiration , sans diminuer ni pen- 
dant l'entrée, ni pendant la sortie de l’air la pression 
que supporte la surface interne des cellules pulmonaires. 
La circulation se continuait très-bien , et l’animal ne 
paraissait pas beaucoup souffrir. Nous injectämes alors 
dans la cavité péritonéale environ six gros d’alcool sa- 
turé de camphre ; un quart-d’heure après, l'air expiré 
ne donnait encore aucun signe de l’exhalation de l’une 
ou de l’autre de ces substances par la surface pulmo- 
naire. Nous dénudâmes alors les muscles larges de l’ab- 
domen , en ayant soin d'enlever les couches aponévro- 
tiques qui les recouvraient, et nous y appliquämes une 
ventouse à pompe. Pendant quelque temps il n’en ré- 
sulta aucun effet sensible ; mais après avoir fait le vide 
dans l'instrument , à plusieurs reprises, l'odeur du 
eamphre y est devenue manifeste, de même que sur la 
surface à laquelle nous l’avions appliqué. Cependant 
l'air expiré ne décelait nullement la présence de cette 
substance volatile. Pendant plus de trois quarts d’heure 
nous avons continué à pratiquer la respiration de la 


manière mentionnée plus haut ; mais aucun signe n’a in- 


(9) 


diqué l'exhalation du camphre ou de l'alcool par la 
surface pulmonaire. Ces substances devaient néanmoins 
avoir été portées dans le torrent de la circulation, car 
en appliquant alors une certaine quantité d'extrait de 
noix vomique sur le tissu cellulaire sous-cutané de l'ab- 
domen , l'animal éprouva au bout de trois minutes les 
mouvemens télaniques qui caractérisent l’action de cette 
substance vénéneuse, 

Dans une expérience comparative faite sur un chien 
de même taille, nous avons injecté par un procédé sem- 
blable la même quantité d'alcool camphré dans la cavité 
péritonéale de l'animal , mais sans interrompre l’action 
aspirante qui accompagne chaque dilatation de la cavité 
thoracique ; trois minutes et demie après l’introduction 
du liquide dans l'abdomen , l’odeur de l'alcool commença 
à se faire sentir dans l'air que l'animal chassait de ses 
poumons , et au bout de six minutes celle du camphre 
est devenue également sensible. L’intensité de l’odeur 
communiquée à l’haleine du chien par l’exhalation de 
ces substances volatiles, augmenta bientôt d’une ma- 
nière très - marquée, et persista pendant une heure, 
temps que dura l'expérience. Ces résultats étaient si 
concluans , que nous ne conservions plus aucun doute 
sur la vérité de l'hypothèse que l’analogie nous avait 
suggérée pour l'explication de la grande agivité de 
l’exhalation pulmonaire. Mais afin d'établir ce prin- 
cipe d’une manière incontestable, nous résolümes de 
répéter ces expériences et de les varier de diférentes 
manières. 

Dans cette vue , nous avons injecté une petite quantité 
d'huile essentielle de térébenthine dans la veine cru- 


(ro) 


rale d’un chien. A peine avions-nous fini cette opération 
que l’haleine de l’animal était déjà fortement imprégnée 
de l’odeur de cette substance , qui continua à s’exhaler 
rapidement par la surface pulmonaire pendant le peu de 
minutes que vécut l’animal ; en ouvrant la cavité de la 
plèvre on y reconnut de suite la présence de l'essence de 
térébenthine ; mais il ne se manifesta aucun signe d’une 
exhalation semblable à la surface du péritoine. 

Chez un autre animal de la même espèce, on com- 
mença l’expérience par l’ouverture de la trachée artère , 
et l'introduction d’un tube métallique ; on ouvrit ensuite 
le thorax de manière à déterminer l’affaissement des pou- 
mons , et on pratiqua la respiration artificielle en prenant 
toutes les précautions nécessaires pour ne pas déterminer 
d'aspiration pendant la sortie de l’air, et on injecta de 
l'huile essentielle de térébenthine dans la veine crurale 
de l’animal, comme dans l’expérience précédente. Bientôt 


après , l’odeur de cette substance commença à devenir 


sensible dans l’air expiré ; mais en ouvrant la cavité pé-: 


ritonéale, elle s’y manifesta avec la mème intensité; enfin, 
en incisant les muscles de la cuisse , nous les trouvâmes 
également imprégnés de l’odeur de térébenthine. 

Nous voyons donc que dans cette expérience , l'huile 
essentielle de térébenthine, injectée dans les veines, s’est 
répandue également dans toutes les parties de l’économie; 
la membrane muqueuse qui tapisse les poumons, de 
même que la membrane séreuse qui revêt les intestins, 
en ont été imbibées , et son exhalation n’a pas été sen- 
siblement plus rapide dans le premier de ces organes que 
dans le second. Ce résultat est analogue à celui que l’on 
obtient en poussant de l'essence de térébenthine dans le 


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système vasculaire d’un animal privé de vie. Dans l’ex- 
périence précédente , au contraire, cette substance n’a 
manifesté sa présence que dans l’air expiré. Au lieu de 
s’exhaler sur toutes les surfaces où la circulation est ac- 
tive, elle paraissait attirée dans l’intérieur des cellules 
pulmonaires , et s'échapper toute entière par cette voie. 
Dans ce cas, nous n’avions pas suspendu l'influence 
de la force de succion développée par les mouvemens 
inspiratoires , et qui nous a fait comparer les cellules 
dont nous venons de parler à autant de pompes aspi- 
rantes ; dans l’autre expérience , au contraire, nous 
avons détruit la seule cause qui paraît devoir attirer les 
fluides dans cette partie du corps plutôt que dans une 
autre. 

Si l’ori injecte dans les veines d’un animal de l’huile 
grasse tenant en dissolution du phosphore, l’on voit 
bientôt des fumées blanches sortir des naseaux et déceler 
la”présence de cette substance combustible dans l’air ex- 
piré. Curieux de savoir si l’on pourrait empêcher ce phé- 
nomène d’avoir lieu en détruisant l’espèce de pompe as- 
pirante que représente le poumon pendant la dilatation 
du thorax, nous cuvrimes largement la poitrine d’un 
chien , et nous pratiquâmes la respiration artificielle de 
Ja manière indiquée ci-dessus ; ensuite nous injectâmes 
dans la veine crurale de l'animal une petite quantité de 
phosphore dissous dans de l'huile d'olives ; contre notre 
attente il se manifesta des fumées blanches dans l’air ex- 
piré , et en appliquant une ventouse sur la surface exté- 
rieure de l’estomac , nous ne pümes déterminer dans 
celte partie aucune exhalation sensible de phosphore. 


Ce résultat nous étonna d’abord , mais en y réfléchissant 


(12) 

nous en trouvâmes facilement la cause. En effet, M. Ma- 
gendie a constaté que les liquides visqueux , tels que les 
huiles grasses, injectés dans les veines d’un animal vi- 
vant, ne peuvent traverser les dernières ramifications 
de l’artère pulmonaire , et n'arrivent point jusque dans 
les cavités gauches du cœur. Il est donc évident que 
dans ce cas, l'huile phosphorée ainsi arrêtée dans les 
vaisseaux capillaires des cellules pulmonaires, devait 
recevoir à chaque contraction du ventricule droit une 
impulsion qui tendait à augmenter l’engorgement et à 
faire suinier le liquide à travers la substance des parties 
qui s’opposaient à son passage. Cette expérience, au lieu 
d’être en contradiction avec les résultats que nous avions 
obtenus précédemment, comme on pourrait le penser au 
premier abord , tend au contraire à montrer dans tout 
son jour l'influence de la pression sur les phénomènes 
de l’exhalation. 

En répétani l'expérience dont nous avons rapporté les 
détails plus haut , et qui consiste à injecter de l'alcool 
camphré dans l’abdomen d’un chien après avoir ouvert 
largement la poitrine, afin d’arrêter tout mouvement 
d'aspiration dans les poumons, nous pratiquâämes la 
respiration artificielle pendant cinquante-einq minutes, 
sans que l'air expiré présentàt le moindre indice de l’ex- 
halation du camphre ou de l’alcoo!l par la surface de cet 
organe. Trente minutes après le commencement de l’ex- 
périence , nous appliquâmes une peüte ventouse sur la. 
face interne de la cuisse dont on avait enlevé les tégu- 
mens; il ne s’y manifesta aucune odeur de camphre ; 
mais en appliquant à plusieurs reprises cet instrument 
sur les muscles de l’abdomen , préparé comme dans 


(13) 
la première expérience , l’odeur de cette substance sÿ 
fait sentir d’une manière très-marquée. Enfin , ce ne fut 
qu’au bout de plus d’une heure que l’un de nous crut 
apercevoir une légère odeur de camphre dans l'air ex- 
piré; mais elle n’augmenta pas sensiblement pendant 
tout le temps que dura l'expérience. 

Nous voyons donc qu’en empêchant la cavité thora- 
cique de se dilater et de se resserrer alternativement, 
et d'exercer ainsi un mouvement d'aspiration chaque fois 
que l’animal veut introduire de l'air dans ses poumons; 
on empèche aussi l’exhalation d’avoir lieu dans cet or- 
gane plutôt que dans toute autre partie de l’économie. 
Lorsque les substances portées directement ou indirec- 
tement dans le torrent de la circulation ne traversent 
pas les tissus avec une grande facilité, elles ne viennent 
plus se mêler à l’air expiré , du moment où l’on arrête 
l’action qui nous a fait comparer la cavité thoracique à 
une pompe aspirante. Dans les animaux dont les cellules 
pulmonaires éprouvent à chaque inspiration une dimi- 
nution notable de la pression exercée sur leur surface 
interne , tandis que l’aunosphère les presse toujours éga- 
lement de dehors en dedans, ces mêmes substances 
viennent au contraire s’exhaler à la surface pulmonaire 
avec une rapidité très-grande. Lorsque les substances 
ainsi introduites dans les veines passent facilement à 
travers tous les tissus, comme cela a lieu pour l'huile es- 
sentielle de térébenthine , elles viennent dans l’inté- 
rieur des cellules pulmonaires , dans l’un comme dans 
l'autre cas ; mais l’action aspirante de la pompe thora- 
cique , sije puis m'exprimer ainsi, rend cette exhalation 
sirapide que le liquide ne passe point par imbibition dans 


(14) 


les autres cavités du corps , où une force analogue ne la 
sollicite pas. En arrètant cette action , nous voyons au 
contraire ces substances éminemment diffusibles , obéir 
seulement aux lois de l’imbibition , et se répandre à- 
peu-près également dans toutes les parties de l’économie. 

Il nous paraît donc démontré que si les gaz et les 
substances volatiles , portées dans le torrent de la cireu- 
lation, viennent s’exhaler à la ‘surface pulmonaire 
plutôt que dans les autres parties du corps également 
pourvues d’un grand nombre de vaisseaux , cela dépend 
principalement de l'espèce &e succion qui accompagne 
chaque mouvement d'inspiration. Cette action toute mé- 
canique , dont les effets sont si marqués sur les produits 
en quelque sorte accidentels de l’exhalation pulmonaire, 
influe-t-elle aussi sur les autres phénomènes de la res- 
piration ? C’est ce que nous nous proposons d'examiner 


incessamment. 


(15) 
Moxocrapuie des Globulaires ; 


Par M. J. Campessipes, 


Membre de la Société d'Histoire naturelle, et Correspondant 
de la Société philomatique de Paris. 


(Présentée à la Société d'Histoire naturelle le 4 août 1826.) 


Une espèce de Globulaire que j’ai recueillie dans les 
montagnes de l’île de Majorque m'ayant donné l’occa- 
sion d'examiner les espèces de ce genre, je me suis bien- 
tôt aperçu que la plupart de celles qui ont été décrites 
depuis la publication du Species plantarum de Linné 
doivent rentrer dans les anciens types. Les herbiers du 
Muséum, de MM. de Jussieu, Desfontaines, Gay, 
Kunth, Richard, m'ont fourni des échantillons origi- 
naux qui m'ont permis de proposer ces réunions avec 
certitude. Je commencerai par décrire les caractères gé- 
nériques des Globulaires ; je donnerai ensuite l'histoire 
des espèces , je discutcrai leur valeur ; enfin je recueil- 
lerai ce qu'ont dit les auteurs les plus récens sur l’af- 
finité des Globulariées avec les autres familles natu- 
relles , et je joindrai à leur opinion quelques observa- 
tions que M. Adrien de Jussieu et moi avons faites à ce 
sujet. , 

Le genre Globularia est composé d'arbrisseaux peu 
élevés, de sous-arbrisseaux rampans, et de plantes her- 
bacées vivaces à feuilles alternes , souvent ramassées en 
faisceaux. Leurs fleurs sont réunies en grand nombre 
sur un réceptacle commun , convexe , garni de bractées, 


/ 


(16) 

dont les intérieures ont été nommées paillettes, et les 
extérieures involucres. Les capitules sont presque tou- 
jours solitaires , terminaux ou plus rarement axillaires. 
Le calice est persistant, fendu jusqu’au milieu en cinq 
segmens disposés quelquefois en deux lèvres ; sa gorge 
est, dans la plupart des espèces, fermée de longs poils. 
La corolle est hypogyne , tubuleuse, bleue, le plus 
souvent à deux lèvres ; son tube est cylindrique; sa lèvre 
supérieure est divisée jusqu'à la base, entière ou avor- 
tée ; l’inférieure est beaucoup plus longue, tridentée , 
trifide ou tripartite. Les étamines sont réduites au nom- 
bre de quatre par l'avortement constant de la supérieure; 
elles sont insérées au sommet du tube de la corolle, et 
alternent avec ses segmens ; les deux supérieures sont 
plus courtes et attachées un peu plus bas que les infé- 
rieures ; les anthères sont insérées au milieu du dos, et 
uniloculaires. L’ovaire ést libre , à une loge renfermant 
un seul ovule pendule. Le siyle est filiforme , émarginé 
au sommet , persistant. Le fruit est une cariopse ovoïde, 
contenant un embryon droit , à radicule supérieure, en- 
touré d’un périsperme charnu. 

Les anciens auteurs ont donné indistinctement le nom 
de Globulaire à des plantes qui n’avaient entre elles 
qu'une analogie de port très-éloignée , et dont on cher- 
cherait vainement les rapports naturels. Tournefort , en 
séparant des vrais Globularia la plupart de ces espèces 
étrangères , les confond encore avec les Protea. Linné 
est le premier qui ait fixé les limites du genre, tel que 
nous l’admettons aujourd’hui ; il décrit dans son Species 
sept espèces , savoir : G. nudicaulis, spinosa, bisna- 
garica, vulgaris, cordifolia, orientalis et alypum. 


(17) 
Toutes , à l'exception du G. bisnagarica (1) , méritent 
d'être conservées. 

M. de Lamarck établit dans son Dictionnaire trois 
espèces nouvelles : G. linifolia, nana, et salicina. La 
première, qui est la même que le G. cæspitosa d'Or- 
tega, n’est qu'une variété du G.. spinosa de Linné, dont 
elle ne diffère que par quelques caractères peu impor- 
tans tirés des feuilles , organes qui varient souvent sur 
le même individu. La seconde a été réunie par M. Ber- 
toloni (2) au G. cordifolia de Linné. J'avais d’abord 
cru devoir rejeter cette opinion , me fondant sur la dif- 
férence que j'avais remarquée dans les corolles de ces 
deux formes. En effet, dans le G. nana , la lèvre infé- 
rieure est trifide, tandis qu'elle m'a paru fendue con- 
stamment jusqu’au-dessus de la base dans le G. cordi- 
folia : ce caractère , joint à celui des feuilles beaucoup 
plus larges dans le dernier, m'aurait déterminé à me 
ranger de J’avis de M. de Lamarck , si l'examen du G. 
nudicaulis ne m'avait prouvé que la corolle offre dans 
les Globulaires des variations remarquables. Dans cette 
dernière espèce , la lèvre supérieure est tantôt entière- 
ment nulle, tantôt très - petite et divisée jusqu’à la base 
en deux lobes distincts. Cette observation a dû , non- 
seulement fixer mon opinion sur les G. cordifolia et 
nana, mais encore sur la valeur du genre ÆZypum , 


(1) Aucun auteur n’a vu le G. bisnagarica de Plukenett ; il me paraît 
impossible , d’après l'inspection de la figure ( Almagest. , tab. 58, fig. 5), 
d’aflirmer que cette plante apparlieune au geure dout nous nous occu- 
pous. 


(2) Amæœn. [tal., p.335. 


1x. 2 


(18) 

indiqué par M. de Lamarck (1) et proposé par M. Fis- 
cher (2), pour les G. alypum et salicina, dont toute la 
différence avec le Globularia consiste dans la corolle 
unilabiée ; je dois ajouter que dans un grand nombre 
d'échantillons du G. alypum , provenant du midi de la 
France , des Baléares , des côtes de Barbarie , d'Égypte, 
et de Perse , j'ai toujours vu la corelle bilabiée ; la lèvre 
supérieure est, à la vérité, extrêmement petite, et je 
suis loin de nier qu'à l'exemple de celle du G. nudi- 
caulis , elle ne puisse être sujette à avorter entièrement. 
La troisième espèce décrite dans le Dictionnaire ency- 
clopédique est le G. salicina, à laquelle je conserve ce 
nom , comme plus ancien que celui de Zongifolia, qui 
lui a été donné depuis par M. Aïton (3). 

M. Viviani (4) a publié sous le nom de G. incanes- 
cens une jolie petite espèce qui habite les montagnes de 
la Toscane , et que j'ai vue dans l’herbier de Tournefort 
sous le nom de G.. alpina minima origanti folio. Cet 
auteur porte ainsi à huit le nombre des Giobulaires. 

On sait, d’après les synonymes donnés par Villars, 
que son G. minima (5) n’est auire chose que le G. cor- 
difolia de Linné. On doit aussi réunir à la variété $ de 
cette dernière espèce ( G. nana Lam.) le G. bellidifo- 
lia de Tenore (6), dont j'ai exarainé des échantillons en- 
voyés par l’auteur lui-même à MM. Desfontaines et 


(1) Dictionnaire encyclopédique , 11 (1786), p. 733. 
(2) Cat. Hort. Gorenk. (1812), p. 19- 

(3) Hort. Kew. , ed. 12 (1789) , 1, p. 130. 

(4) For. ltal, Fragm., fase. 1, p. 2 , tab. 3. 

(5) Dauph., 11, p. 208. 

(6) Flor. Wap. Prod., p.x1, tab. ex. 


(19) 

Gay, et probablement le G-. punctata (1), dont M. Ar- 
nott a observé un échantillon imparfait dans l’herbier 
de M. de Lapeyrouse , et qui ne diflère pas selon lui du 
G. nana. L'auteur de la Flore des Pyrénées donne, il 
est vrai, à son espèce le synonyme de G. alpina mini- 
ma origani folio Tourn., qui, comme nous venons 
de le voir, doit être rapporté au G. incanescens ; mais 
cette erreur avait déjà été commise par M. de Lamarck 
lui-mème au sujet de son G. nana. 

Rien n’est plus difhcile que d’assigner une place aux 
Globulaires au milieu des nombreuses familles que ren- 
ferment les plantes monopétales ; les auteurs les plus 
judicieux n’ont émis leur opinion sur ce point qu'avec 
doute. M. de Jussieu (2), frappé de leur organisation 
particulière , qui les éloigne plus ou moins de tous les 
ordres naturels qu'il a fondés , se borne à indiquer leurs 
aflinités éloignées avec quelques-uns d’entre eux, et les 
place à la suite des Lysimachiées , quoiqu'il les regarde 
comme très-distinctes de ce groupe. 

M. de Lamarck (3) est le premier qui ait proposé la 
famille des Globulariées | mais il réunit sous ce nom 
cinq genres très-différens du Globularia. Les trois pre- 
miers, Protea, Banksia et Brabeium , appartiennent 
aux Protéacées ; le Brunia constitue aujourd'hui la fa- 
mille des Bruniacées de MM. Robert Brown et Adolphe 
Brongniart; enfin le génre Stilbe, dont M. Adrien de 


Jussieu et moi avons examiné récemment l’organisation, 


(1) Lareye., Abr. Pyr. ,p. 57. 
(2) Genera plantarum , p. 97. 
(3) Dictionnaire, 11, p. 730. 


(20) 


a quelques rapports avec les Globulaires par ses corolles 
monopétales , ses étamines alternes avec les segmens de 
la corolle , au nombre de quatre par l’avortement de la 
supérieure ; mais il s’en éloigne par ses ovaires à une 
ou deux loges , contenant dans chacune un ovule dressé : 
ce caractère le distingue des Sélaginées, dont il a le 
port, et paraît le rapprocher des Verbenacées. 

M. de Candolle (r) mainuent les Globulariées au 
rang de famille, et, suivant l'exemple donné par M. de 
Jussieu , il les range auprès des Primulacées , en faisant 
toutefois observer les rapports qui les lient aux Dipsa- 
cées. 

M. Auguste de Saint-Hilaire (2) insiste d’une manière 
plus précise sur cette affinité, et pense qu’on doit placer 
ces deux familles auprès l’une de l’autre. Cette opinion 
devait être adoptée avec d'autant plus de facilité à cette 
époque, que l’on croyait, d’après les observations les 
plus récentes (3), que les Dipsacées avaient un ovaire 
libre de toute adhérence avec le calice. M. de Saint-Hi- 
laire avait fait lui-même plusieurs observations qui le 
portaient à admettre ce caractère dans quelques-unes des 
espèces du genre Scabiosa : mais M. Coulier (4) dit 
formellement que l'ovaire de ces plantes est toujours 
soudé avec le calice, du moins par le sommet. 

Dans cet état de la science, et désirant fixer notre 
opinion d’après des observations qui nous fussent pro- 


(1) Flore française , 111, p. 427; Théorie élémentaire , p. 218. 
(2) Mémoire sur le Placenta central libre, p.7 et 8. 

(3) DC., FL. fr., av, p. 221. 

(4) Morographie des Dipsacées, p. 11. 


(21) 
pres , nous avons ouvert, M. Adrien de Jussieu et moi, 
les calices du Knautia orientalis , et de dix-sept es- 
pèces de Scabieuses. Dans le premier de ces genres, 
nous avons trouvé un ovaire entièrement libre de toute 
adhérence avec le calice, mais ce dernier organe deve- 
nant plus étroit vers le sommet , embrasse la base du 
style, et se soude avec elle. Dix espèces de Scabieu- 
ses (1) nous ont présenté la mème organisation ; une 
autre (2) nous a offert des ovaires libres dans leur jeu- 
nesse , et adhérens vers leur maturité; enfin les six der- 
nières (3) possédaient des ovaires soudés dans toute leur 
longueur avec le calice; mais cette adhérence pouvait 
être détruite facilement par l'introduction d’un instru- 
ment quelconque entre les deux organes. La soudure de 
l'ovaire , dans les Dipsacées , ne nous a donc paru qu'un 
accident de peu de valeur produit par le développement 
plus ou moins grand des parties de la fructification. Le 
double calice que l’on observe dans les plantes de cette 
famille ne saurait être un obstacle à leur rapprochement 
des Globulariées , puisqu'il est prouvé que cet organe 
est un involucre dans lequel on trouve quelquefois plus 
d’une fleur (4). Ces considérations m’engagent à adopter 
dans son entier l'opinion émise par M. de Saint-Hilaire, 
et à considérer par conséquent les Globulariées comme 
tenant de plus près aux Dipsacées qu'à aucune autre fa- 


\ 


mille du règne végétal. 


(x) S. columbaria , banatica, sicula, Biebersteinti , sylvatica, proli- 
fera , amœna , stellata , caucasica et hybrida. 

(2) S. graminifolia. 

(3) S. tatarica, arvensis, cretica, montana, unisela et syriaca, 


(4) Courrer , Mémoire sur les Dipsacees , p. 6. 


(22) 


Il es: encore un autre groupe avec lequel les Globu- 
laires ont quelques rapports trop intimes pour que je 
néglige de les mentionner ici , c’est celui des Sélaginées. 
Nous trouvons en effet dans la plupart des plantes de 
cette famille un calice à cinq segmens ; une corolle hy- 
pogyne , tubuleuse , à deux lèvres inéyales ; quatre éta- 
mines didynames , insérées vers le sommet du tube de la 
corolle ; enfin des anthères uniloculaires (1); mais nous 
observons en même temps un ovaire à deux loges. Ce 
caractère et celui de l’inflorescence me paraissent suffi- 
sans pour éloigner les Globulariées des Sélaginées. 

La plupart des espèces dont je fais l’histoire habitent 
les parties tempérées et chaudes de l’Europe; l’Alle- 
magne, l'Italie , la France, Y'Espagne. Le G. vulgaris, 
qui est l’espèce qui s'étend le plus au nord , est indiqué 
jusqu'à Danizik et dans l’Ingrie ; le G. alypum abonde 

lans la région méditerranéenne : on le trouve à l'orient 

isqu'en Perse; le G. orientalis n’a encore été observé 
que dans l'Asie mineure. Enfin le G. salicina est origi- 
naire des îles Canaries. 


GLOBULARIA. 


Globularia Linn., Juss.; Globularia et Alÿpum 
Fisch. 


(1) Je diffère de l’opinion de M. Choisy ( Mémoire sur la famille des 
Sélaginées, p. 6), qui regarde les anthères des Sélaginées comme bilo- 
culaires ; je les ai vues à une seule loge dans le $. corymbosa , et la des- 
cription même de M. Choisy me porte à croire qu'il en est ainsi dans 
les autres plantes de cette famille. On se rangera , je l'espère, de mon 
avis si l’on fait quelque attention au mode de déhiscence de l’anthère, e& 
si l’on observe qu’il n’existe aucune trace de cloison. 


(25 ) 


Flores in receptaculo communi aggregati, numerosi, 
capitulis solitariis (in solà G. orientali ad apicem ra- 
morum congeslis ), terminalibus , rarissimè axillaribus. 
Receptaculum convexum, paleaceum, paleis falcato- 
inflexis ; exterioribus ( involucro) pauld majoribus, 
pluriserialibus. 

Calyx persistens, 5 fidus ; segmentis æqualibus , ra- 
riüs bilabiatis ; tubo æquali , anthesi peractà tetragono ; 
fauce pilis clausà (in solà G. nudicauli nudà). Corolla 
hypogyna , cærulea , tubulosa , bilabiata, rariüs (labio 
superiore deficiente vel potius abortivo) unilabiata; tubo 
æquali, cylindrico ; labio superiore minore , sæpissimè 
bipartito, in G. incanescente integro, in G@. alypo bi- 
fido ; inferiore longiore , tripartito , trifido , vel triden- 
taio. Stamina (quinto superiore deficiente ) { , saummo 
tubo inserta, segmentis alterna, inæqualia, duo supe- 
riora paulds breviora; antheræ medio dorso insertæ, 
subreniformes , longitudinaliter dehiscentes, unilocu- 
lares! Ovarium liberum , uniloculare ; ovulo unico, 
pendulo. Stylus filiformis , apice emarginatus. Fructus : 
Caryopsis stylo persistenie rostrata ; perispermium car- 
nosum ; embryo rectus, axillaris ; radicula supera , co- 
tyledones ovatas subæquans. 

Frutices, suffrutices humiles vel herbæ perennan- 


tes, foliis aliernis, sæpè quasi fasciculatis. 


x 


1. GLOBULARIA NUDICAULIS. 


G. herbacea , foliis spathulatis, aninerviis, integerri- 
mis ; calyce bilabiato , fauce nudà! corollà bilabiatà , 
labio superiore rudimentali vel abortivo, inferiore pro- 
fundè trifido. 


(24) 


G. nudicaulis Lawx. Spec. plant. , p. 140 et auct. 
Has. in toto Alpium jugo , a Delphinatu usquè ad Austriam. Rarior 
in Pyrenæis. In regno Neapolitano (Tenore). % Floret junio, julio. 


(V.S.5S.) 


Caulis herbaceus, erectus. Folia radicalia longa , oblongo - obovata, 
apice integerrima , in petiolum gradatim attenuata , uninervia, caulina 
paucissima (3-5), minima, sessilia , lineari-lanceolata. Znvolucri foliola 
ovato-lanceolata, acuta , 5-nervia, glabra, margine ciliolulata. Calyx 
breviter 5-fidus , bilabiatus ; tubo tetragono, obpyramidato, extüs ad 
angulos laterales ciliolulato; fauce nudà ; segmentis ovatis, acutis, 
margine ciliolulatis. Corolla bilabiata , labio superiore rudimentali bi- 
partito , vel sæpiùs, labio superiore abortivo , unilabiata ; inferiore pro- 
fundè trifido, multè longiore. 


Obs. M. Gay a recueilli dans les Pyrénées , entre le 
lac de Gaube et le pied du Vignemale , à environ mille 
toises d’élévation, une forme très-remarquable de cette 
espèce ; sa hauteur totale ne dépasse pas deux pouces ; 
ses feuilles radicales , au lieu d’être entières , sont légè- 
rement émarginées au sommet ; sa fleur ne fournit au- 


cun caractère qui permette de la signaler comme dis- 
tincte. 


2. GLOBULARIA sPINOSA (tab. 40). 


G. herbacea, foliis spathulatis , 3-5-nerviis, apice 
3-7-dentatis; calyce bilabiato ; corollà bilabiatà , labio 
superiore bipartito , inferiore trifido. 


æ. Foliis radicalibus 5-7-dentatis , dentibus minimis 
acutis. 


G. spinosa Lanx. Spec. plant., p. 139; Law.' Dict., 11, p. 731 et 
auct. (V.S. C.) 


8. Foliis radicalibus profundè 3-dentatis seu integris, 
apice mucronatis. 


(25) 
G. linifolia Lam. Dict., n, p.731, excl. synon. PLurEn. ; G. eæs- 
pitosa Onrec. (V.V.S.et S. C.) 


Has. « in montibus Granadæ ; £ in Hispanià (Lamk), in montibus 
insulæ Majoris. % Majo floret. 


Radix perennis , crassiuscula , fusca. Caulis basi veterum foliorum 
cicatricibus exasperatus, simplex, pedalis et ultrà, foliosus, subascen- 
dens , striatus, glaberrimus, lævis. Folia coriacea , glaberrima, lævia , 
glaucescentia ; radicalia numerosa, 3-5-nervia (nervis palminerviis, 
dorso prominulis ) ; 3-4 uncias longa ; limbus ellipticus , 16 - 22 lineas 
longus, sæpissimè anice profundè tridentatus dentibus acutis, rariùs 
5-7-dentatus dentibus inferioribus minoribus , vel integer apice mucro- 
oatus ; petiolus limbo paulà longior, basin versüs attenuatus ; caulina 
10-14, subæquidistantia , alterna, sessilia, lanceolata, açuminata, 
inferioribus unciam longis, 3 lineas latis , superioribus gradatim brevio- 
ribus. Znvolucrum polyphyllum, foliolis triplici quadruplicive serie 
imbricatis , lineari-lanceolatis , glabriusculis , margine longè ciliatis, pi- 
lis subulatis septiferis. Paleæ lanceolatæ , subulatæ , florem subæquan- 
tes, dorso suprà medium villosæ. Calyx profundè bilabiatus , 2 + 
lineas longus, pilosiusculus; labio superiore tripartito lobis approxi- 
matis , inferiore bi- ( rarissimè tri-) partito lobis remotiusculis , omni- 
bus subæqualibus, subulatis , rigidis, margine ciliatis ; tubo obpyrami- 
dato, tetragono, compresso, extùs ad angulos laterales (labiorum 
sinubus respondentes ) ciliato ; fauce pilis clausà. Corolla tubulosa, bi- 
labiata ; tubo calycem vix æquante; labio superiore bipartito, lobis 
lineam longis filiformibus ; inferiore duplo longiore (2 lineas longo), 
trifide, segmentis linearibus obtusiusculis. $'tamina longiora labio in- 
feriore triente breviora. Ovarium ovoideum, glabrum. Stylus filamentis 


paulè longior, filiformis, apice emarginatus. ( Descript. ex Plant. Ba- 
dearicä.) 


3. GrosuLariA vur@ARis (tab. 41, fig. 1). 


G. herbacea, foliis spathulatis, 5-nerviis , subinte- 
gris; calyce æquali; corollà bilabiatà , labio superiore 
bipartito , inferiore tripartito. 


G. vulgaris Linn. Spec. Plant., p. 139 et auct. 


Has, in Europà ferè totà , a Gallià ad Caucasum (Mansn. Bieren, 


(26) 

Flor. Taur. Cauc.); a regno Neapolitano (Tenore) ad Ingriam 

(Gonr., Flor. Ingr.). % Junio floret. (V. V.S.) 

Caulis herbaceus, erectus, 4-15 uncias longus. Folia radicalia spa- 
thulata , longè petiolata , palminervia, nervis 5, limbo obovato, apice 
obtuso seu emarginato, rariüs brevissimè tridentato; caulina multd 
breviora , numerosa , ovato-lanceolata , elliptica , apice acuta , sessilia. 
ÆInvolucri foliola ovato-lanceolata, acuminata, dorso villosa , pilis su- 
bulatis septiferis. Calyx profundè 5-fidus , æqualis ; tubo piloso , tetra- 
gono ; segmentis lineari-lanceolatis , acutis, longè ciliatis ; fauce pilis 
clausä. Corolla bilabiata ; tubo calÿcem æquante; labio superiore mi- 
nore, bipartito ; inferiore multd longiore , tripartito, 


4. GLOBULARIA INCANESCENS. 


G. herbacea , foliis spathulatis , trinerviis, pulveru- 
lento-leprosis, apice emarginatis ; calyce æquali; co- 
rollà bilabiatà , labio superiore indiviso , inferiore pro- 


fundè trifido. 


G. incanescens Viv. Flor. Ital. Fragm., fase. 1, p. 2 , tab. 3; 
Bent. Æmæn Lial., p. 334; G. alpina minima origani folio, 
Tovurner.! /nstit., p. 467 (ex ejus herbar. ). 


Has. in Liguriæ orientalis montibus Sagro, Tambura, etc. (BERT.) 
Descripta specimina in lapidicinis Lunensibus legit CI, de Lacour. 
Floret majo , junio. ( Berr.) (V. S.S.) 


Caulis herbaceus, ascendens, 3-6 uncias lougus, a basi usquè ad 
medium foliosus, apice subnudus. Æolia spathulata, peliolata, sub- 
coriacea , facie impresso-punctata ; pulverulento-leprosa ; radicalia tri- 
nervia , Limbus subrotundus apice emarginatus, petiolo brevior ; caulina 
minora, breviüs petiolata , uninervia. Znvolucri foliola lineari-subulata, 
villosiuscula, pilis brevibus. Calyx profundè quinquefidus , æqualis ; 
tubo piloso , tetragono ; segmentis subulatis, margine ciliolulatis ; fauce 
pilis longis clausà. Corolla bilabiata , minutissimè glanduloso-punctata ; 
tubo incluso ; labio superiore indiviso , lineari; inferiore profundè 


trifido. 


5. GLOBULARIA CORDIFOLIA. 


G., suffruticosa , foliis spathulats ; calyce æquali ; co- 


(7) 


rollà bilabiatà , labio superiore bipartito , inferiore tri- 


fido vel subtripartito. 


æ. cordifolia. 


Foliorum limbo subrotundo , apice tridentato ; labio 
inferiore corollæ subtripartito. 


G. cordifolia Lans. Spec. Plant., p. 139 et auct. G. minima Vi. 
Dauph. , 11, p. 292. 


6. nana. 


Foliorum limbo sublineari, oblongo , apice subinte- 


gro ; labio inferiore corollæ trifido. 


G. cordifolia, B, Bert. Amæn. Ital., p. 335. G. nana Lam. ! Diot., 
1, p.731, excl. synon. Tournef. G. punctata Lareyr. Æbr. Pyr., 
p- 57, ex ore clar. Arnott, G. bellidifolia Texore! F1. Map. Prod., 
p-xt, tab. cx (1). 

- Has. ain Pyrenæis ; in Cebennorum monte la Lozère ; in toto Al- 
pium jugo ,in Delphinatu , Helvelià, Germanià ; in Jurasso; in regno 
Neapolitauo (Tenore) ; in Taurià (Marsa. Bree. For. T'aur. Cauc.). 
&in Pyrenæis ; in Liguriæ orientalis montibus Sagro, T'ambura, etc. 
(Benr.); in regno Neapolitano (Texonc). 3 Majo, junio floret. 
(V. V.S.) 

Caulis fruticulosus, ramosus, prostratus, humilis. Scapi breves, 

foliis pluribus lineari-lanceolatis minimis instructi. Folia spathulata, 

uninervia , limbo obovato, apice tridentato emarginato integro vel 

brevissimè mucronulato. Znvolucri foliola ovato - lanceolata, acuta, M 

margine ciliolulata , dorso pilis brevissimis scabriuscula. Calyx 5-fidus 


æqualis; tubo tetragono , villoso, ad angulos longè ciliato ; segmentis 


(1) Il serait difficile de dire quelle a été l'intention da dessinateur en 
représentant, dans le détail qui accompagne cette figure , une corolle 
quadrifide et des étamines dont les anthères sont en forme de massue et 
paraissent s’ouvrir longitudinalement. Je n’ai rien vu de semblable dans 
les échantillons que M. Ténore a envoyés à MM. Desfontaines et 


Gay. 


Vas. 


subulatis, glabris , margine ciliolulatis ; fauce pilis longiusculis clausä. 
Corolla bilabiata ; tubo incluso ; labio superiore bipartito, hrevi ; infe- 
riore subtripartito vel trifido , triplo longiore , segmentis sæpè minutis- 
simè glanduloso-punctatis. 


6. GLoBuLARIA ORIENTALIS ( tab. 41, fig. IT). 


G. fruticosa, foliis spathulatis, integris ; capitulis 
florum pluribus confertis ! ; calyce æquali ; corollà bila- 
biatà , labio superiore bipartito , inferiore profundè tri- 


fido. 


G. orientalis Lixx. Spec. Plant., p. 140 et auct. G. orientalis flo- 
ribus per caudem sparsis, Tourner. Coroll., p. 35. Herb. Vail- 
lant ! 

Has. in Natolià. 3 (V.S.S., in Herb. Mus.) 


Frutex ramis erectis, ramosis. Foliu spathulata , uninervia , integra, 
apice mucronulata, utrinquè pulverulento-leprosa. Rami floriferi elon- 
gati, erecti, 6-7 foliis minimis linearibus acutis instructi. Florum ca- 
pituli (in specimine unico suppetente) 9, terminales, subsessiles , duo 
inferiores remotiusculi, 5 superiores conferti. {nvolucri foliola obovoi- 
deo-oblonga, acutiuscula , basi attenuata, dorso densè pilosa, Calyz 
campanulatus , breviter 5-fidus , pilis densis longis vestitus ; tubo latere 
exteriore convexo , interiore ( ad axem spectante ) complanato ; segmen- 
tis acutiusculis. Corolla bilabiata ; labio superiore bipartito ; inferiore 
profundè trifido , triplo longiore. 


7. GLOBULARIA ALYPUM. 


G. fruticosa , foliis obovato-oblongis , apice mucrona- 
tis vel tridentatis ; calyce æquali; corollà bilabiatà ; la- 
bio superiore rudimentali , bifido ; inferiore longissimo, 
tridentato. 

G: alypum Lan. Spec. Plant., p. 139et auct. 
Has, in Maderà (ex ore clar. Marti}, ubiquè circa mare Mediter- 


raneum et orientem versüs in Persiam usquè progreditur, 4 Floret 
april, majo. (V. V.5.) 


( 29 ) 


Frutex bipedalis, ramosus. Folia obovato -lanceolata , rariüs subli- 
nearia, apice mucronulata seu acutè tridentata, utriusquè sæpiüs viridia, 
sub lente utrinquè minutissimè glandulosa , rariùs , granulis densiori- 
bus, dorso glauca, facie viridia. Znvolucri foliola latè ovata, apice mu= 
cronulata , glabra, margine ciliata , in speciminibus ægyptiacis et per- 
sicis dorso pilosa. Calyx profundè 5-fidus, longè pilosus, æqualis; 
segmentis filiformibus, subulatis, basi plumosis. Corolla bilabiata ; 
tubo brevi ; labio superiore brevissimo , rudimentali , bifido : inferiore 
longissimo , tridentato. 


Obs. Cette espèce , telle qu'on la trouve dans le midi 
de la France et en Italie, présente des feuilles vertes 
des deux côtés. Dans les échantillons provenant des îles 
Baléares , d'Afrique et d'Orient, les feuilles sont le 
plus souvent couvertes de petits points blanchâtres, 
granuliformes , qui leur donnent un aspect glauque en 
dessous. Enfin les involucres des individus recueillis en 
Perse et en Égypte, au lieu d’être glabres et ciliés sur 
les bords, sont munis sur le dos de poils longs et épais. 


8. GLOBULARIA SALICINA. 


G. fruticosa , foliis lanceolatis , integerrimis ; pedun- 
culis axillaribus ! calyce æquali ; corollà unilabiatà, 
labio profundè tridentato. 


G. Salicina Lam.! Dict. ir, p.732. G. longifolia Air. Hort. Kew., 
ed. 1%, 1, p. 130. Ælypum salicifolium Fiscm. Cat. Gorenk,, 
P: 19. 

Has. in Teneriflà et Maderà. 4 In hortis autumne , hyeme floret, 
(V. V. C:etS.S.) F 


Frutex erectus, ramosus. Folia lanceolata, integerrima , apice acu- 
tiuscula , basi in petiolum brevem attenuata. Capitula in apicibus ra- 
morum 'axillaria, pedunculo foliis breviore , villoso-tomentoso, 3-4 
foliis minimis squamiformibus instructo. /nvolucri foliola ovato-oblon- 
ga , obtusa , dorso glabriuscula , margine longè ciliata , bracteis ovato- 
lanceolatis, acutis, ciliolulatis, Calyx profundè 5-fidus , villosus, pilis 


(30) 


longis , albis; tubo brevi; segmentis filiformibus , subulatis , longè ci- 
liatis. Corolla, labio superiore deficiente , unilabiata ; tubo incluso ; la- 
bio inferiore profundè tridentato. 


Globulariarum clavis analytica. 


" Herbaceæ: msn sense ssssesonrssecse 
PUIVBDUIESCENDES Ste te ete os doter e ali lole 


5» op 


GalMcbus BA BTatS Eee NORME Rte 
Le {Galycibus æqualibus.-414 21,1 une 0x 


3 Faucelnudan, ETES NPA S  couNubreAUers. 
L °° A 
Fauce pilis clausä, . ........,....... Spinosa. 


4 M DU TN de AUS do ratie Tran le RE Et EVIU LG RTE! 
KGorol 4 Ada ee TMS PET PE TNONAMIENGANESCENS. 


5 Suffrutex humilis humifusus. . . . . . . . . . à Corpirozra. 
NMErARCestonerren here ne del UNS re: nie 6. 


6 rare pluribus confertis. . .. . . . . . . . . :OnRiENTALIS. 
2 Capitulis solitanis .,+ 4... + Ne 0 7 


Pedunculis terminalibus. . . . . . . . . . . . . . Azypum. 
* } Pedunculis axillaribus. . . . 4 . + . . 1. : . . . Sazicina. 


EXPLICATION DES PLANCHES, 
Planche xz. 


GzosuzantA sp1nosA , £, Nob. de grandeur naturelle. 

1. Fleur vue de côté. 

2. Corolle ouverte, dont le tube a été coupé transversalement au- 
dessus de sa base. 

3. Calice vu de face. 

4. Calice et ovaire coupés longitudinalement. 

5. Anthère non ouverte, vue en dessus , avec son filament. 

6. Id. vue en dessous. 

7. Id. en état de déhiscence. 


Planche xzr. 


Fig. I. Grosurarra vuzéaris Linn. 


1. Fleur vue de côté, 


(31) 


2. Corolle entière. 

3. Corolle ouverte, dont le tube a été coupé transversalement au- 
dessus de sa base. 

4. Anthère non ouverte, vue en dessus , avec son filament, 

5. Id. vue en dessous. 

6. Ovaire. 

7. Calice et ovaire coupés longitudinalement. 

8. Fruit. 

9: Id. coupé longitudinalement. 


10. Embryon séparé de ses enveloppes ; cotylédons écartés arlificiel- 
lement. 


11. Foliole de l’involucre. 
12. Paillette du réceptacle. 


Fig. II. Grosurarra ortenTauIs Linn. de grandeur naturelle. 


1. Fleur vue de côté. “LS 
2. Folioles de l’involucre. 

3. Fruit. 

4. Id, coupé longitudinalement. 


Recnercnes pour servir à l’histoire naturelle des 
Cantharides ; 


Par M. Vicror Aupouin. 
(Lues à l’Académie des Sciences le lundi 3 septembre 1826.) 


Ce serait confiner l’entomologie dans un cadre bien 
étroit que de la faire consister dans un simple arrange- 
ment méthodique qui n’ofirirait à la vue qu’une série 
d'espèces remarquables par l’éclat de leur enveloppe, 
et ne présenterait à l’esprit qu'une nomenclature aride. 
Cette science , par la nature des objets dont elle s’oc- 


cupe , réclame plus qu'aucune autre une investigation 


(32) 


attentive, persévérante, et plusieurs fois répétée. En 

effet, on calculerait difficilement , à moins d’en avoir 

fait l'épreuve, combien il faut de travail, de circon- 
stances heureuses et de temps pour arriver à connaître 

dans un seul insecte , et aux diverses phases de sa vie, 
tous les traits de son organisation, tous les caractères 
de ses mœurs , toutes les singularités de ses habitudes , 
et si l’on se figurait la quantité innombrable de ces pe- 
tits êtres dont le genre de vie est si différent , non-seu- 
lement entre eux, mais par rapport à eux-mêmes , aux 
époques de leurs métamorphoses, on ne serait plus sur- 
pris d'apprendre que leur histoire, tant générale que par- 
ticulière, n’a pu être encore qu'ébauchée. Disons plus, 

il n’en existe peut - être aucune de réellement complète 
sous tous les points de vue que nous avons indiqués. 
Celle des Abeilles a commencé avant Aristote, et elle 
n’est pas totalement finie, malgré les recherches de 
Swammerdam , Réaumur, Bonnet, Schirach , Hu- 
ber, Latreille et de tant d’autres. Au reste, ne voit-ou 
pas à chaque page de nos livres d’entomologie que tel 
insecte bien connu à l’état parfait n’a jamais été étudié à 

celui de larve; que telle larve au contraire, dont les 
mœurs ont été observées dans les moindres détails , n’a 

pu être vue sous la forme de nymphe; qu'enfin telle 
nymphe exactement décrite provient on ne sait de 
quelle larve , ou produira on ne sait quel insecte. D'au- 

tres fois , et le plus souvent , c’est l’organisation qu’on 

ignore complètement dans l’une ou l’autre des trois 

périodes. 
I] faut donc s’élancer avec ardeur, et de toutes parts, 


dans la carrière de l'observation , afin d'arriver, par le 


(738.9 


concours des travaux , à un ensemble de résultats que 
les efforts d’un seul pourraient rarement atteindre. C’est 
pour remplir moi-mème la tâche que j'indique, que j'ai 
l'honneur de soumettre au jugement de l’Académie la 
partie anatomique d’un travail assez étendu sur les Can- 
tharides. 

Ces insectes, si éminemment utiles dans l’art de gué- 
rir, étaient restés comme inaperçus par les naturalistes; 
les espèces abondaïent dans les collections : on en re- 
cevait de toutes les contrées ; le midi de l’Europe, la 
Grèce, la Chine, les Indes, les deux Amériques en 
fournissaient un grand nombre, toutes extrèmement va- 
riées, et personne, depuis les essais de Fabricius et 
d'Olivier, ne s'était attaché à les faire bien connaitre. 

J'ai donc pensé qu'on accueillerait avec quelque in- 
térêt un ouvrage dans lequel. je me suis proposé de don- 
ner non - seulement une description des espèces , mais 
d’esquisser le tableau de leurs, mœurs et de tracer les 

Srincipaux traits de leur organisation. J'ai parlé aussi 
avec détail des services que la Médecine a su tirer de 
ces animaux , et l’on conçoit qu’en considération de leur 
importance j'ai dû trouver encore plus de charme à 
m'occuper d'eux et à devenir leur historien. 


$ [”. Organisation extérieure. 


L'organisation extérieure des Cantharides se trouve 
décrite dans tous les ouvrages d’entomologie ; je n’en 
parlerai que pour noter quelques particularités curieuses 
que j'ai observées. 

Les mandibules de la Cantharide vésicatoire, espèce 

If 3 


(34) 


à laquelle se rapportent toutes les descriptions de ce 
Mémoire, sont fortes et semblables entre elles. Vues 
dans leur position naturelle, elles semblent terminées 
en pointe ; mais si on les examine en dedans et dans un 
certain sens , On s'aperçoit que ce qui paraissait être 
une pointe n’est autre chose que le profil d’une lame 
tranchante. Elles n’ont aucune dent, et offrent seule- 
ment à leur base un tubercule circulaire et aplati, qui 
s'appuie sur un tubercule semblable du côté opposé. Un 
peu au-dessus ; et sur le bord interne de la mandibule, 
existe une forte échancrure ou entaille quadrilatère , 
qui, de même que les parties qui viennent d’être dé- 
crites , avait échappé aux entomologistes. Elle est rem- 
plie par une membrane tendineuse jaunâtre qui occupe 
en partie le côté interne de la mandibule. Olivier (1) la 
fait sentir dans les figures grossières qu’il a données 
des parties de la bouche des Cantharides. 

Les mâchoires sont çn partie cornées et en partie 
membraneuses; plusieurs pièces concourent à les for- 
mer ; leur nombre et leur figure sont exactement rendus 
dans nos dessins , ce qui nous dispense d'entrer ici dans 
de plus amples détails. Observons cependant que leur 
côté interne est divisé en deux lobes membraneux poi- 
lus, et que leur bord externe supporte un palpe de 
quatre articles ; le premier est très -court, le second et 
le troisième sont à-peu-près égaux, le dernier est plus 
gros , plus allongé et ovalaire. 

La lèvre inférieure offre aussi plusieurs pièces qui, 


au lieu d’être distinctes ct manifestement articulées 


(1) Entomologie, t. in, n° 46, pl, 1, fig. 1 bë. 


(199 ») 

entre elles, sont réunies par une sorte de membrane 
commune, assez consistante, et cornée dans certains 
points de son étendue. Notre figure indique cette dispo- 
sition. Les palpes de la lèvre inférieure sont plus courts 
que ceux des mâchoires. On ne leur compte que trois 
articles : le premier très-petit , le second plus long, le 
troisième court et tronqué. 

Le thorax n'offre pas de différences essentielles avec 
celui des autres insectes coléoptères. Le prothorax , ou 
corselet , est assez petit, carré et moins large que l’ab- 
domen. 


Les élytres sont longues et flexibles ; elles recouvrent 
des ailes membraneuses et transparentes. 

Les pattes, qui sont glabres et grèêles , ont des tarses 
filiformes , garnis en dessous de poils serrés et terminés 
par une double paire de crochets cornés, assez longs , 
très-recourbés. On compte cinq articles aux tarses des 
deux premières paires de pattes , et quatre seulement à 
ceux de la paire postérieure ; c’est le caractère de la sec- 
tion dite des Hétéromères , à laquelle appartient le genre 
Cantharide. 

Les pattes offrent aussi une disposition très - remar- 
quable qui ne me semble pas connue. Quand on exa- 
mine avec soin celles d’une Cantharide femelle , on dis- 
tingue dans toutes , au point de jonction de la jambe et 
du tarse , deux petites épines mobiles. Le mâle présente 
le même caractère aux deux paires postérieures , mais 
la première est bien différente ; au lieu de deux épines 
placées sur les côtés , il n’en existe qu’une seule, com- 
primée , forte , tranchante , et siluée sur la ligne 


moyenne, Indépendamment de cette particularité, on 


(36 ) 
voit que le premier article du tarse, qui dans la fe- 
melle n'offre rien de bien singulier, se trouve ici très- 
échancré, de telle sorte que l’épine, en s'appliquant 
contre lui, ferme exactement son échancrure et la con- 
vertit en trou. Nous verrons ailleurs le motif de cette 
disposition. 


S Il. Organisation intérieure. 


DU SYSTÈME NERVEUX. 


Il existe dans tout animal articulé un système ner- 
veux qui, prolongé longitudinalement à la partie infc- 
rieure et moyenne du corps, se compose d’une série 
plus ou moins nombreuse de ganglions réunis entre eux 
par un double cordon nerveux. 

Tous les nerfs qu'on aperçoit dans le corps, et qui 
pénètrent dans les parties les plus délicates , après s'être 
divisés en ramuscules imperceptübles , ont leur origine 
à ce double cordon, et naissent particulièrement des 
renflemens noueux qui l’interceptent. Les ganglions 
sont plus ou moins nombreux; ils présentent, sous ce 
rapport, des différences très-sensibles , et, chose cu- 
rieuse , ils varient dans un même individu aux diffé- 
rentes périodes de son existence. C’est ce qu'on voit 
dans les chenilles , ou les larves comparées à l’insecte 
parfait. 

La Cantharide vésicatoire m'a offert, indépendam- 
ment du cerveau, qui est bilobé, huit ganglions. Le pre- 
mier a une forme assez particulière : il est situé dans la 


tête et semble résulter de la jonction des deux cordons 


(379 


nerveux que le cerveau fournit en arrière, et qui, en 
se dirigeant à la partie inférieure, embrassent l’œso- 
phage en manière de collier. Ce premier renflement cé- 
phalique ou sous-œsophagien ne nous a paru donner 
aucun autre nerf que les deux cordons longitudinaux 
servant à le réunir au ganglion qui lui est postérieur. 
Ce ganglion et les deux qui suivent appartiennent au 
thorax. Il existe donc , pour cette partie du corps , trois 
ganglions , de même qu'il existe trois anneaux et trois 
paires de pattes. Beaucoup plus développés que ceux de 
l'abdomen, Les ganglions thoraciques fournissent de 
chaque côté plusieurs nerfs ; quelques filets prennent 
aussi naissance au double cordon longitudinal, et tous 
se portent aux parties situées dans le thorax, particuliè- 
rement aux muscles des ailes et des pattes, Les gan- 
glions du thorax appuient sur autant de pièces particu- 
lières , les entothorax , qui sont de véritables vertèbres , 
en ce sens qu'ils protègent et isolent le système nerveux. 

L’anatomie de la Cantharide m'a fourni un fait dont 
je ne connais encore aucun exemple. Les deux cordons 
qui réunissent le second ganglion du thorax au troi- 
sième s’entrecroisent vers le milieu de leur trajet. Celui 
qui naît à droite du ganglion du mésothorax s’insère au 
côté gauche du ganglion du métathorax , et la même 
inversion se remarque pour le cordon opposé. Dans cet 
entrecroisement , les deux cordons restent libres, ce 
qui rend le phénomène plus sensible. Cette disposition 
me surprit tellement , que j'employai tous mes soins à la 
constater et à bien examiner si elle n’était pas due à 
quelque accident. Je restai convaincu qu’elle était natu- 


relle. Mon ami AZ. Guérin, qui vériliait à fur et me- 


(38) 
sure mes observations , a vu exactement de même, Le 
fait est donc certain ; mais je devrai disséquer d’autres 
individus pour établir s’il est général ou simplement 
accidentel (1). 

Les ganglions de l'abdomen, au nombre de quatre, 
sont distans les uns des autres , et réunis par des cor- 
dons très-grèles. 

Le premier mérite à peine qu'on le signale, à cause 
de son peu de développement ; il n’en fournit pas moins 
des nerfs nombreux. 

Le second a plus de volume; il donne également 
naissance à un faisceau de filets nerveux. 

Le troisième est encore un peu plus gros , et il se dis- 
tingue par une organisation déjà visible dans celui qui 
précède. Il se compose de deux parties : l’une, infé- 
rieure , allongée , aplatie , devant être considérée comme 
le ganglion proprement dit, puisqu'elle fournit et reçoit 
les cordons intra-ganglionnaires , et que, de plus, elle 
donne naissance aux filets nerveux latéraux; l’autre, 
supérieure, consistant en un bouton arrondi , pourvue 
d’une sorte de pédicule très - petit, qui la fait adhérer 
au ganglion : il n’en part aucun nerf. Cette disposition, 
pour qu’on la saisisse , doit être vue de profil. Nous l’a- 
vons représentée dans ce sens. É 

Le quatrième ganglion abdominal , ou le dernier, est 
le plus singulier de tous ; on lui reconnaît bien les deux 
parties que j’ai décrites , c’est-à-dire le bouton et la base 
sur lequel il est fixé, ou le ganglion proprement dit ; 


mais ce ganglion est ici remarquable par son développe= 


(1) L'individu qui a fourni à cette description était un mäle. 


(39 ) 


ment. Qu'on se figure une petite pyramide quadrilatère; 
couchée sur une de ses faces , et l’on aura une idée très- 
exacte de sa forme. Le sommet de cette pyramide, ren- 
versé et dirigé en avant, se trouve masqué par le petit 
bouton de substance nerveuse ; la base regarde en ar- 
rière , et de ses quatre angles partent , en droite ligne , 
autant de nerfs qui se divisent en de nombreux filets : 
tous se portent en arrière et se distribuent essentielle- 
ment aux organes copulateurs , en formant une sorte de 
queue de cheval très-curieuse à voir , et qui se trouve 
augmentée par un cinquième filet principal que je n’ai 
vu qu’à gauche : il naît du corps même de la pyramide. 
Les ‘organes essentiels de la génération , particulière- 
ment les testicules (1), recoivent leurs nerfs, non plus 
de la base de la pyramide, mais de son corps; ils en 
naissent à angle droit et les pénètrent immédiatement. 
À l’occasion du système nerveux, et pour compléter 
cette étude , je signalerai à l’attention des anatomistes un 
fait que j'ai eu occasion d’observer sur un autre indi- 
vidu. J’avais ouvert une Cantharide par le dos, et j’a- 
vais mis à nu dans le thorax le vaisseau dorsal , lorsque 
j'apercus de chaque côté de cet organe un filet blan- 
chätre très-grèle , qui lui semblait accolé : je l'avais d’a- 
bord pris pour une ramification trachéenne , mais je fus 
promptement détrompé , et je le reconnus pour un nerf. 
L’ayant suivi avec soin , je le vis s'engager dans le pro- 
thorax , ‘puis dans le trou occipital ; je continuai avec 


beaucoup de soin cette dissection , et je pensais trouver 


(1) Je rappelle que c’est sur un individu mâle que j’ai fait mes observa- 
üons. 


( 
(40) 

bientôt son origine au cerveau , quand je rencontrai un 
petit ganglion nerveux très-distinct. Les deux filets 
nerveux, dont j'avais conservé la trace, y aboutissaient, 
ou plutôt ils y avaient leur origine. Je mis de toutes 
parts à découvert ce ganglion , je me convainquis qu’il 
n'adhérait pas immédiatement au cerveau ; je reconnus 
en outre qu'il fournissait antérieurement deux autres fi- 
lets très-grèles que je vins à bout de suivre jusque dans 
le chaperon : il me sembla qu’ils s’y engageaient. 

Quelque isolée et incomplète que soit cette observa- 
tion , j'ai cru devoir en parier, ne füt-ce que pour éveil- 
ler l'attention des anatomistes et des physiologistes sur 
l'existence de ee double système nerveux dans les in- 
sectes auquels on n’en accordait qu’un seul , situé sous 
le ventre , et qui, par cette position inférieure , ne pou- 
vait être comparé directement avec la moelle épinière 
des animaux vertébrés. 

Je puis m'interdire toute réflexion sur ce fait; les 
personnes qui sont au courant des opinions émises par 
MM. de Blainville, Geoffroy Saint - Hilaire , Serres et 
Ampère , prévoient bien les conséquences qu'on pour- 
rait facilement en déduire pour appuyer ou combattre 
leur manière de voir. 

Au reste ,.je dois rappeler que Lyonnet a signalé dans 
la Chenille un fait du même genre, et qu'il a désigné 
sous Île nom de ganglions frontaux plusieurs petits ren- 
flemens nerveux dont le plus postérieur envoie un nerf 
très-long qui accompagne le canal intestinal et le 
cœur. 

Ceue observation qu'on avait négligée diffère cepen- 


daut de la mienne, en ce qu'elle a été faite sur un in- 


(41) 


secte d’un ordre très-différent qui n’était encore qu'à 
l’état de larve (1), et parce que j'ai reconnu dans la 
Cantharide deux filets nerveux très-distincts , excessive- 
ment longs , et très-prolongés en arrière. 


DU VAISSEAU DORSAL ET DU SYSTÈME RESPIRATOIRE. 


Le but de la respiration étant, en dernière analyse , 
d'apporter une modification importante dans les divers 
organes du corps , en faisant servir à leur nutrition un 
liquide particulier, le sang , qui vient de subir un chan- 
gement essentiel de la part d’un des élémens de l'air, 
l'oxygène, on conçoit qu'il peut se présenter dans la 
série des animaux des circonstances favorables où le 
fluide ambiant arrivera directement aux organes : c’est 
le cas de tous les insectes. 

Dèjà on peut en conclure que la circulation leur de- 
viendra inutile, son objet étant de transmettre aux di- 
verses parties l’action de l'oxygène qu’elles n'ont pu 
recevoir immédiatement. 

Il est superflu de dire que les Cantharides ne s’écar- 
tent pas de la loi générale qu’on observe dans les insectes; 
leur système circulatoire consiste en un vaisseau dorsal 
très-simple, situé sur le dos, s'étendant de ja tête à l’ex- 
trémité de l'abdomen , et ayant des battemens assez vifs. 

Le système respiratoire ressemble beaucoup à celui 


des Coléoptères ; il se compose , comme dans la plupart 


(1) C’est à l’état de larve que le système nerveux est le plus développé 
quant au nombre des ganglions. Nous établrons ailleurs les changemens 


qu'il éprouve lorsque l'animal devient insecte parfait, 


(42) 


des insectes à l’état parfait, d’une série de stigmates 
placés sur les côtés du corps, desquels partent une in- 
finité de trachées qui, se divisant en ramuscules , pénè- 
trent dans tous les organes et y portent le fluide 
aérien. 

Le système trachéen de l’abdomen est très-simple. On 
voit de chaque côté du corps sept stigmates ou ouver- 
tures extérieures ; ils communiquent avec sept gros 
troncs qui, dans l’intérieur, se subdivisent d’abord en 
deux branches principales; l’une d’elles se porte en 
avant , et l’autre en arrière. 

Ces branches s’anastomosent entre elles ; le rameau 
antérieur rencontre la branche postérieure du segment 
qui précède , et s’unit exactement à elle ; au contraire, 
le rameau postérieur s’abouche avec la branche anté- 
rieure du tronc qui suit. Il en résulte une série d’arcs 
ou de courbes qui, allant d’un tronc à l’autre, font 
communiquer tous les stigmates entre eux. On doit re- 
marquer que la branche antérieure du premier stigmate 
de l’abdomen s’unit à un vaisseau trachéen du métatho- 
rax, et que la branche postérieure du dernier tronc se 
termine à l'extrémité de l'abdomen , peut - être en s’a- 
nastomosant avec elle du côté opposé. Indépendamment 
de ces deux branches, le tronc principal de chaque stig- 
mate fournit une foule de rameaux qui se distribuent 
à tous les organes , et s’anastomosent entre eux par de 
fines ramuscules. 

Le système respiratoire , situé dans le thorax , est au- 
trement compliqué que celui de l’abdomen. Je trouve 
d’abord que chaque segment qui le compose est pourvu 
d'une paire de stigmates ; il en existe deux au protho- 


(4 ) 


rax, deux au mésothorax, deux au métathorax : ils 
sont situés en arrière de chacun des segmens , et il faut 
les chercher avec quelques soins pour qu’ils n’échappent 
pas à l'œil. La dissection m'a appris qu'il nait de cha- 
cun d’eux une très-grosse souche trachéenne , qui se 
partage immédiatement en deux troncs placés au-dessus 
l’un de l’autre. Chaque tronc envoie des rameaux qui 
conservent entre eux le mème rapport de position, de 
manière à constituer deux couches de trachées, l’une 
supérieure et l’autre inférieure , le canal intestinal pou- 
vant être regardé comme intermédiaire à ces deux plans. 

Les trachées de chacune des deux couches ont une 
mème disposition générale, et les souches principales 
qui naissent aux stigmates communiquent entre elles par 
des troncs latéraux qui vont directement de l’une à l’au- 
tre en décrivant sur les côtés des courbes , comme cela 
s’est vu dans l’abdomen. Un grand nombre de rameaux 
se portent ensuite aux ailes , aux pattes , et dans la tête; 
l'inspection de plusieurs figures que nous avons consa- 
crées à cette démonstration et que nous publierons 


plus tard , fera saisir cette disposition. 
DU SYSTÈME DIGESTIF. 


On sait que la digestion, considérée dans la nom- 
breuse série des animaux, est une des fonctions les plus 
constantes ; tous les organes ont disparu , que le tube 
intestinal persiste encore. Dans les insectes , l'appareil 
digestif est généralement très-compliqué. La Cantha- 
ride se trouve très-bien partagée sous ce rapport; des 


pièces assez fortes et bien développées constituent sa 


(44) 

bouche. Le canal intestinal débute au fond de l'appa- 
reil buccal par le pharynx , qui se rétrécit bientôt en 
un œsophage long , musculeux , lisse et cylindroïde (1). 
D'abord recouvert par le cerveau , il est embrassé bien- 
tôt par les deux cordons qui lui forment une sorte de 
collier, et qui se réunissent au-dessous de lui en un gan- 
glion ; puis il traverse le trou occipital, pénètre dans le 
thorax, ayant à ses côtés deux forts rameaux tra- 
chéens , et se termine à l’estomac entre les branches du 
dernier entothorax. 

L’estomac, ou ventricule chylifique, a donc son origine 
dans le métathorax ; il en sort bientôt pour pénétrer 
dans l’abdomen qu’il occupe en grande partie. Ses rap- 
ports sont alors les suivans : il esi recouvert sur la ligne 
moyenne par le vaisseau dorsal, plus extérieurement 
par deux masses graisseuses qui se réunissent en arrière 
sur le milieu du corps, et laissent un intervalle en 
forme de V renversé dans lequel il reste à découvert ; sa 
surface est parcourue latéralement par des anses de 
vaisseaux biliaires qui s’enfoncent sur les côtés ; de nom- 
breuses trachées qui arrivent de droite et de gauche la 
tapissent également ; enfin , on aperçoit postérieurement 
un repli intestinal qui se place au-dessus d'elle. Dans la 


femelle , à l’époque de la fécondation et surtout au mo- 


me 


(1) Je n’ai jamais vu que l’œsophage füt renflé pour constituer un ja- 
bot. Suivant M. Zéon Dufour, Ramdhorr aurait décrit dans la Cantha- 
ride un jabot ayant à l’intérieur des bandelettes musculaires transver- 
sales , séparées par des lames longitudinales saillantes , garuies de petites 
soies. Je n'ai pas distingué cette structure, j'ai seulement reconnu que 
l'æsophage était musculeux. Je n’ai encore pu me procurer l'ouvrage de 


Ramdhorr. 


(45) 
ment de la ponte , les deux ovaires remontent au-dessus 
de l'estomac. 

La surface inférieure du ventricule chylifique est en 
rapport avec le cordon nerveux , les muscles du ventre, 
une partie des vaisseaux biliaires et la couche graisseuse. 

L’estomac est un organe assez allongé , fusiforme et 
toujours plus visible lorsque l’insecte est gorgé de nour- 
riture. Sa paroi externe offre une quantité de bandelettes 
transversales qui sont formées par la tunique muscu- 
laire; cette structure est beaucoup plus sensible à l’in- 
térieur, où elle constitue des plis saillans , séparés entre 
eux par des sillons très-larges, profonds , et qui dispa- 
raissent un peu au-dessus de l'insertion des vaisseaux 
biliaires. Cette tunique musculeuse est pénétrée par de 
fines trachées , et se trouve tapissée par une sorte de 
membrane muqueuse dont la consistance est si faible 
qu’elle se détache , par le simple mouvement de l’eau, 
en une infinité de lamelles à structure aréolaire. 

Ces lamleaux existent-ils naturellement , ou bien 
sont-ils düs à la prompte décomposition d’une tunique 
qui originairement était continue? C’est ce que je ne 
saurais décider. Quoi qu’il en soit, l’intérieur de l’esto- 
mac présente encore quelques particularités qu’on sera 
curieux de connaître. 

L'œsophage qui y aboutit se prolonge intérieurement 
en un bourrelet conique et tronqué , offrant une ouver- 
ture valvulaire en rosace et à quatre échancrures cordi- 
formes. 

La terminaison de l’estomac à l'intestin est caractéri- 


sée aussi par une structure remarquable ; il existe , 


(46 ) 


vers ce point, une véritable valvule formée par la réu- 
nion de plusieurs petits corps réniformes, libres sur 
tous leurs bords, et n’adhérant au ventricule ehylifi- 
que que par le milieu de leur côté externe. On en 
compte six, et entre chacun d’eux se voit un vaisseau 
biliaire. L’intestin grêle naît assez brusquement de l’es- 
tomac : d’abord, assez large, il se rétrécit insensible- 
ment. Si nous l’examinons à l’intérieur du corps dans sa 
position naturelle, nous verrons qu’il parcourt trois 
directions différentes. Il se porte d’abord en arrière, re- 
brousse bientôt chemin en formant un coude, et se di- 
rige alors obliquement en avant ; puis il revient sur lui- 
même en formant un second coude ou une anse très- 
étroite, et alors il marche directement vers la partie 
postérieure. Cette dernière portion , qui est plus renflée, 
peut être considérée comme le cœcum ; elle aboutit au 
rectum , qui est plus étroit et très-court. 

La surface externe de l'intestin grêle , depuis l’esto- 
mac jusqu’auprès de l’origine du cœcum ; paraît striée 
transversalement et longitudinalement. C’est aussi vers 
la jonction de l'intestin avec le cœcum qu’on aperçoit 
l'insertion inférieure des vaisseaux biliaires. 

La surface interne de l'intestin mérite d’être étudiée. 
On remarque dès l’origine quelques fibres transver- 
sales qui disparaissent, et des lignes creuses longitudi- 
nales droites et très-distinctes , qui semblent limiter au- 
tant de trousseaux musculeux. Si on les examine avec 
soin , on voit qu'elles partent des six corps valvulaires 
qui viennent d’être décrits ; chacun en fournit deux , et 


il en nait régulièrement une des intervalles qui les sé- 


(47) 


parent; on compte, par conséquent , dix-huit de ces 
stries ; elles ne sont pas d’égale longueur. On observe 
que celles qui naissent des valvules s’efflacent prompte- 
ment : au contraire , celles qui partent des intervalles 
se continuent jusque dans le cœcum , où elles circons- 
crivent six rubans musculeux très-larges. 

Les vaisseaux biliaires ou hépatiques , dont le nom 
indique la fonction , ont ici la structure qu’on leur ob- 
serve dans la plupart des insectes ; ce sont des tubes 
grêles , très - variqueux, beaucoup plus longs que le 
corps de l’insecte, entortillés sur eux-mêmes, et dont 
tous les replis sont maintenus par de fines trachées et 
des filets nerveux très-déliés. 

Dans la Cantharide, ils forment un lacis inextricable 
que j'ai pu démèler après plusieurs tentatives infruc- 
tueuses. Ces tubes , au nombre de six, se fixent, d’une 
part, à la base de l'estomac, et de l’autre, à l'intestin , 
vers l’origine du cœcum: leur insertion supérieure a 
lieu par six points bien distincts, également espacés ; 
celle de l’intestin, au contraire, se fait par un seul 
point , les vaisseaux se réunissant enire eux pour for- 
mer un faisceau unique. 

Dans leur position naturelle, les vaisseaux biliaires 
forment des paquets placés sur les côtés et au - dessous 
du canal intestinal. Quelques tubes se détachent du pe- 
loton et viennent former des anses sur l'estomac et sur 
les intestins. Examinés au microscope, ils paraissent 
grumeleux dans l’intérieur. 


(48°) 


DU TISSU ADIPEUX. 


M. Léon Dufour a donné le nom de tissu adipeux à 
des masses graisseuses , fort abondantes dans le corps 
de certains insectes ; ce tissu est très-développé chez la 
Cantharide. Si on ouvre l'abdomen par le dos , on voit 
qu'il se prolonge sur le canal intestinal , en laissant un 
intérvalle en forme de V renversé dans lequel apparaît 
l'estomac. En suivant cette masse graisseuse , on remar- 
que qu'elle s'étend sur les côtes et qu’elle tapisse infé- 
rieurement toute la paroi du ventre. Flle est surtout 
abondante, dans les femelles, autour des ovaires, et avant _ 
‘que les œufs aient acquis leur développement. Ce tissu est 
constitué par une sorte de pulpe granuleuse assez homo- 
gène , entrelacée de fines trachées ; si on le déchire, il 
en sort une matière blanchätre et nuageuse , qui trouble 
l’eau. Cette espèce de graïsse est teinte en jaune sur les 
côtés de l’abdomen. Un liquide de même couleur trans- 
sude aussi du corps quand on coupe sur les côtés les 
anneaux de l’abdomen , ou bien quand on fait la section 
des pattes et des ailes près de leur base. Est-ce le tissu 
adipeux qui fournit cette liqueur, ou bien est-elle pro- 
duite par des organes de sécrétion situés immédiatement 
au-dessous de l'enveloppe externe ? C’est une question à 


laquelle j’essaierai plus tard de répondre. 
DE LA GÉNÉRATION. 


Quand on étudie les organes de la génération dans un 
grand nombre d'animaux de différentes classes , on est 


frappé d'étonnement en voyant , d’une part , la diversité 


CU 49) 


de leur aspect, et, de l’autre , l’analogie qui existe dans 
les parties essentielles de l'appareil. Les animaux les 
plus élevés de l'échelle sont pourvus , suivant leur sexe, 
d'un testicule, d’un canal déférent , de vésicules sémi- 
- nales, d’un ovaire , d’un oviducte , etc. L’insecte le plus 
petit, celui qui échapperait à notre vue sans le secours 
du microscope , présente un testicule , un canal déférent, 
des vésicules séminales , ou bien il possède des ovaires, 
un oviducte, etc. 

Cette analogie est d'autant plus frappante que les au- 
tres systèmes organiques de ces petits êtres offrent des 
différences notables ; ainsi la bouche et le canal digestif 
s’éloignent, sous plusieurs rapports, de ceux des animaux 
vertébrés. Le système nerveux, appliqué contre la pa- 
roi inférieure du ventre et composé de ganglions réu- 
uis entre eux par un double cordon, n’admet plus une 
comparaison bien directe ; il n'existe pas à l’intérieur 
de véritable squelette pour le protéger ; enfin, le sys- 
tème sanguin ne consiste plus qu’en un vaisseau très- 
simple placé sur la longueur du dos. 

Les organes générateurs conservent, seuls au milieu de 
ces divers changemens , une ressemblance , je dirais pres- 
que un air de famille qu'on retrouve toujours le même 
dans quelque animal qu’on ait occasion d’observer. 

Tous les insectes ont des sexes distincts ; les uns sont 
mâles et les autres femelles : les premiers produisent 
un liquide fécondant; les secondes , des germes suscep- 
tibles d’être vivifiés. 


IX, 


ES 


(5) 


À. Organes génératèurs mäles. 


On retrouve dans les organes générateurs mâles des 
Cantharides les mêmes parties qui les constituent dans 
la plupart des insectes : elles ont un testicule , des ca- 
naux déférens, des wésicules séminales , un conduit 
spermatique commun, un appareil de copulation. 

Les testicules constituent deux masses parfaitement 
sphériques et d’une organisation fort curieuse. Leur 
surface présente une infinité de petites mailles irrégu- 
lières ; si on l’examine avec soin, on voit que cette es- 
pèce de stracture celluleuse , asséz semblable extéricu- 
rement au fruit du mürier, n’est pas inhérente à la mem- 
brane extérieure du testicule , mais qu’elle est due à l’or- 
ganisation du testicule lui-mème. 

En eflet, si on dissèque cet organe , on distingue qu'il 
est composé d’une infinité de petites capsules ou sachets, 
groupées à la circonférence de l’axe et serrées les unes 
contre les autres de manière à ne présenter extérieure- 
ment que leur fond. La membrane enveloppaute se 
moule sur le fond sailiant de chaque capsule, et offre 
Tapparence aréolaire dont il a éié parlé. Chaque capsule 
aboutit par son ouverture dans le centre du tesucule, 
duquel part le canal déférent; d’abord très-délié , il se 
renfle en un gros conduit dont la membrane est résis- 
tante, et qui est fort élégamment strié en travers. Les 
deux canaux déférens se rendent, après un assez court 
trajet, à la base du conduit spermatique commun. 

Les vésicules séminales sont nombreuses ; j'en ai 
compté quatre paires ayant chacune des formes , une or- 


(51) 

ganisation et un développement différent. Les plus 
altongées sont rubannées , irrégulières dans leur dia- 
mètre et comme boursoufllées à différens endroits de 
leur trajet. La seconde paire, moins longue, consiste 
en deux tubes cylindroïdes d’une texture fort curieuse 
et enroulés sur eux-mêmes dans leur état naturel; un 
petit vaisseau flottant se voit non loin de leur extrémité 
libre , mais il manque quelquefois : elles sont contiguës 
à leur point d'insertion au conduit spermatique com- 
mun. La troisième paire de vésicules séminales se pré- 
sente sons forme de petits tubes déliés situés plus infé- 
rieurement que les autres et s’ouvrant dans le conduit 
spermatique commun. Enfin, la quatrième paire est ex- 
cessivement courte; elle a son insertion entre la pre- 
mière paire et se contourne sur les vaisseaux déférens 
auxquels elle adhère par de fines trachées. 

Le conduit spermatique commun prend naissance au 
point de réunion des canaux déférens et des vésicules sé- 
minales : il offre d’abord un renflement bulbeux qui se 
rétrécit insensiblement et dégénère en un canal qui, 
dans l’état naturel, se replie vers son milieu et forme 
un double coude, Là il est assez étroit ; il se renfle bien- 
tôt , arrive aù dernier anneau de l’abdomen et traverse 
les pièces copulatrices qui seront décrites ailleurs. 


. B. Organes génitaux femelles. 


Plusieurs parties fort distinctes constituent dans les 
insectes l'appareil générateur de la femelle ; mais il en 
est une vraiment essentielle, c’est l'ovaire. Toutes les 
autres lui sont accessoires et portent les noms de ré- 


(53) 
ceptacles ou calices , d'oviducte , de glande sébacée, de 
vésicule séminale et de vagin. Des pièces cornées se 
remarquent ordinairement à l’orifice de ce dernier, | 

Les ovaires sont plus où moins développés , suivant 
qu’on les examine à un terme voisin ou éloigné du mo- 
ment de l’accouplement. À cette époque , et sans que le 
plus souvent la femelle ait eu l'approche du màle, ils 
ont un volume remarquable et occupent la plus grande 
partie de l'abdomen. Ils deviennent encore plus turges- 
cens après la copulation , jusqu’au moment de ja ponte ; 
enfin celle-ci s'opère , et ils ne tardent pas à diminuer 
à mesure que les œufs sont émis au dehors. Il n’est donc 
pas indifférent de distinguer l’état où se trouvait la fe- 
melle qu’on a disséquée , car on s’exposerait à en don- 
ner une description qui ne serait plus exacte pour un 
autre individu n’étant pas exactement placé dans la même 
circonstance. 

Le 5 juillet 1823, je pris une femelle qui avaii eu 
l'approche du mâle , et qui , depuis vingt-quatre heures, 
s’en était débarrassée : les organes générateurs me paru- 
rent dans un état convenable pour la dissection. Je vis, 
et toujours j'ai trouvé depuis , que les ovaires se compo 
sent d’un nombre infini de petits tubes cylindroïdes, 
biloculaires et terminés en pointe : leur base adhère à la 
circonférence du calice et le cache en entier. Ils con- 
stituent deux masses ovalaires qui ressemblent assez 
bien , pour la forme et pour l’aspect , à certains fruits, 
par exemple à des fraises. La base de chacun des calices 
intérieurs fournit un conduit qui bientôt semble se réu- 
nir à celui du côté opposé pour constituer un canal com- 
mun , l’oviducte. Je dis qui semble se réunir , parce 


(55) 


que la jonction de ces deux petits canaux entre eux a 
lieu plus loin qu’on ne l’aperçoit en dehors. Ils ne pa- 
raissent abouchés que parce qu’une membrane musculo- 
membraneuse qui recouvre l’oviducte se prolonge jus- 
qu’à eux et constitue une sorte d’étui qui les engaîne 
au - delà du point où ils se joignent réellement. Quoi 
qu'il en soit , l’oviducte est assez court et très - muscu- 
leux ; il reçoit dans son trajet l'insertion d’un organe 
que je crois avoir, le premier, distingué nettement, je 
veux parler de la vésicule copulatrice. Dans la Cantha- 
ride , elle offre cela de remarquable qu'elle est excessi- 
vement développée et qu’elle présente sur son col deux 
petits tubes sécréteurs de forme très-diflérente. Le pre- 
mier, appliqué dans l’état naturel contre la vésicule , est 
très - grêle et cylindroïde ; le second est moins ample, 
il consiste en un tube terminé par un petit corps co- 
noïde et vésiculeux. 

L'oviducte, le col de la vessie copulatrice, et les 
tubes qui s’y insèrent sont envelcppés par cette mem- 
brane épaisse que nous avons dite embrasser: les deux 
conduits des ovaires. 

Après l’oviducte vient un vagin qui n'offre rien de 
remarquable, si ce n’est qu'il est clos par deux petites 
pièces cornées , cupuliformes , mobiles et munies à leur 
centre d’un tubercule. Ces deux appendices, en jouant 
l'un sur l’autre, compriment nécessairement le pénis du 
mâle , qui finit par se rompre , ainsi que nous le verrons 
bientôt. 

J'ai dit que les organes femelles variaient beaucoup 
suivant l’époque où on les examinait : voici les différen- 
ces les plus importantes que j’ai observées dans la Can- 
tharide. 


(5) | 


Dans un individu encore vierge et pour lequel les 
mâles ne montraient aucune sollicitude , les tubes ovi- 
gères étaient à peine visibles , et les calices qui les sup- 
portent avaient très-peu de volume. Leur paroi inté- 
rieure offrait une infinité de petits traits annulaires un 
peu allongés , placés sur des lignes droites , et dans l’in- 
térieur desquels on n’apercevait rien de particulier, 
Chaque cercle correspondait à l'insertion du tube ovi- 
gère sur le calice. La poche copulatrice était vide et par- 
faitement transparente ; elle se trouvait placée à droite 
dans l’abdomen de l’insecte.: 

Les choses étaient bien diflérentes chez une Cantha- 
ride que j’examinai vingt-quatre heures après l’accou- 
plement ; les tubes ovigères et les autres parties avaient 
un grand développement , et la vésicule copulatrice n’é- 
tait plus transparente. On voyait dans son intérieur un 
corps opaque qui la remplissait à moitié. Au lieu d’oc- 
cuper dans l'insecte le côté droit de l’abdomen , elle 
était placée à gauche (x). 

Enfin , dans une Cantharide qui venait d'effectuer sa 
ponte , les tubes ovigères étaient très-flasques et disten- 
dus ; on ne leur voyait plus qu’une seule loge occupée 
par un corps opaque qui n’était pas un œuf, mais un 
amas de matière grumeleuse. Les deux calices des 
ovaires, que j'ouvris avec beaucoup de soin, m'oliri- 
rent un spectacle vraiment curieux. Chacun des cercles 
que j'avais aperçus à l’état de virginité était perforé d’un 
petit trou. Je n’eus pas de peine à deviner l'origine et 


{x) Je mentionne simplement ce dernier fait, sans prétendre que ke 
changement de position soit un résultat de l'accouplement. 


(55) 
l'usage de ces trous. IL était évident que les œufs de 
chaque tube les avaient pratiqnés pour se livrer passage: 
dans le calice et tomber ensuite dans l’oviducte. 

Les dessins que j'ai donnés représentent fidèlement 
cette disposition. 


C. De l’accouplement et de la fécondation (1). 


J'ai été plusieurs fois témoin de l’accouplement des 
Cantharides : le mâle est très-ardent. 

Voici le détail d’une de mes observations ; les autres 
n'en différent que par quelques circonstances acciden- 
telles. ï 

Le mâle, après avoir long-temps harcelé la femelle , 
monta sur son dos avec ses quatre pattes antérieures ; la 
dernière paire était fixée à une branche de lilas sur la- 
quelle se passa la scène. Pendant ce temps la femelle 
paraissait fort insouciante ; elle broutait une feuille. Ce- 
pendant , soit qu’elle füt rassasiée, soit que les instances 
du mâle aient fini par l’inquiéter , elle cessa de manger, 
et resta alors dans une immobilité parfaite. Ses pattes 
étaient ramassées contre son corps et les antennes re- 
pliées sur ses côtés. Au contraire, le mâle s’agitait tou- 
jours davantage ; il n’adhérait d'abord à la femelle que 
par les quatre jambes antérieures ; bientôt il monta tout 
entier sur son dos. Dans cette nouvelle position, ses 
dernières pattes étaient fixées à la base de l'abdomen et 


(1) F'ai appris , depuis la lecture de ce Mémoire, qu’on trouvait dans 
le Vatursforcher la représentation de l’accouplement de la Cantharide. 
J'aurai soin de compulser ce recueil ayant de publigr mon ouvrage gé- 
ucral dont ce Mémoire est extrait. 


(56) 


celles du milieu à l'intervalle qui sépare le prothorax 
du mésothorax. Quant à la première paire , elle était 
restée libre ; le mâle la mouvait sans cesse, il semblait 
vouloir saisir avec elle quelque chose , et je ne pus devi- 
ner le motif de cette action. Cependant , l’agitation deve: 
nait toujours plus forte; sans lâcher prise, le mâle remuait 
tout son corps et imprimait de violentes secousses à la 
femelle ; il agitait surtout la tête et les antennes : celles- 
ci étaient dans une vibration perpétuelle ; il caressait 
avec elles la tète et les antennes de la femelle. Toujours 
plus attentif à mesure que l’action devenait plus pres- 
sante, je restais immobile devant ces singulières ma- 
nœuvres , autant par la crainte de les troubler que par 
l'intérêt du spectacle. Enfin , une nouvelle scène s’offrit 
à mes yeux; la femelle qui jusque-là n'avait donné au- 
cun signe de vie , éleva lentement ses antennes qu’elle 
tenait inclinées , et à l'instant mème le mâle s’en saisit 
à l’aide de ses deux pattes antérieures. Ici il est néces- 
saire de rappeler que la première patte du màle présente 
une organisation particulière. Le premier article du 
tarse , avons-nous dit , est profondément échancré , et il 
existe à la jambe une forte épine tranchante qui, en se 
repliant sur lui, vient fermer cette échancrure et la con- 
vertit en un véritable trou. Le mâle se saisit donc de 
chaque antenne , en engageant leur dernier article dans 
l’échancrure du tarse et en ramenant sur elle l’épine 
de la jambe. 

Je compris alors, et tout le monde comprendra pour- 
quoi le mâle ne se tenait pas accroché à la femelle par 
ses pattes antérieures, et pourquoi il les avançait et es 
relirait sans cesse, 


(57) 

Dès ce moment, la femelle s'était livrée au male ; elle 
résista encore assez long-temps, elle se débattit avec 
violence, mais tous ses eflorts devenaient inutiles. La 
position du mâle était très - avantageuse ; la femelle ne 
pouvant plus lui échapper, il ne semblait occupé qu’à 
diriger vers les organes sexuels l'extrémité de son ventre: 
cependant , il s’irritait de la résistance que lui opposait 
encore la femelle. Placé sur son dos , et tenant les an- 
tennes par l’avant-dernier article qui les termine , il les 
maniait comme deux sortes de rènes , et l'expression que 
j'emploie est exacte ; il la üraillait sans cesse vers ce 
point , tantôt en même temps des deux pattes , tantôt à 
droite , tantôt à gauche : il la dompta enfin et la fit céder 
dses désirs; je la vis relever lentement l'extrémité de 
son ventre qu'elle tenait recourbé , et le mâle aussitôt y 
introduisit les organes copulateurs et son pénis. 

Le calme succéda bientôt à cette vive attaque, qui 
avait duré plus de deux heures et que je n'avais pas 
cessé d'observer. Le male quitta sa position , et, restant 
attaché à la femelle, il se plaça dos à dos sur une même 
ligne. Quatre heures après , l’accouplement durait en- 
core ; mais la femelle s’agitait beaucoup ; elle brusquait 
le male qui ne faisait aucune résistance ; enfin elle vint 
à bout, à l’aide de ses mouvemens et avec ses pattes, 
de s’en débarrasser. J’examinai les organes copulateurs 
du mâle , je ne distinguai plus de pénis ; je les compri- 
mai pour voir s’il ne serait pas rentré dans son étui : je 
n’en vis rien sorlir. 

J'ouvris la femelle avec soin , je trouvai le pénis dans 
Ja vulve, je continuai la dissection, et je vis qu'il était 


engagé dans la vésicule copulatrice. 


(58) 
S LL. Des OEufs et des Métamorphoses. 


Les œufs de la Cantharide vésicatoire , que nous avons 
représentés , sont assez développés , ont une forme cy- 
lindrique et sont courbés dans leur longueur. La fe- 
melie les pond successivement et les agglutine en une 
petite masse ; elles les enfonce dans la terre , et les larves 
qui en naissent y subissent toutes leurs métamorphoses. 

On ue sait rien, ou fort peu de chose de la larve de cet 
insecte ; moi-même je n'ai pu encore l’observer. Cer- 
tains auteurs disent qu'elle se nourmit de racines. Elle a 
été décrite assez vaguement. Son CT ps , formé de treize 
anneaux , est mou , d’un blanc jaunàtre , et supporte six 
pattes courtes , écailleuses ; la tête est arrondie, un peu 
aplatie, munie de deux antennes courtes et filiformes ; 
deux mâchoires assez solides et quatre palpes composent 
la bouche. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 
Planche xrir. 


Fig. 1. Lèvre supérieure ou labre de la Cantharide vésicatoire. 

Fig. 2. Mardibule. 

a, dos de la mandibule ; b, échancrure du bord interne rempli par 
une membrane ; ce, apophyse articulaire. 

Æig. 3. La même mandibule vue en dedans, et montrant, a, le sommet 
qui est une lame tranchante ,b, un tubercule, sorte de dent mo- 
laire; c, l’apophyse articulaire. 

Fig. 4. La mâchoire, 1, 2, 3, 4, les quatre pièces de sa base, auxquelles 
il sera assigné des noms. a, les deux lobes connus. des entomolo- 
gistes ; b, le palpe. 

Fig. 5. La lèvre inférieure munie de ses deux palpes. 

Fig. 6. Patte antérieure du mâle. 

a, de crochet unique qui clôt l’échancrure du premier article du 


(59) 


tarse b ; il est fixé à la jambe c. On voit à côté une figure très- 
grossie, montrant la forme du crochet et son insertion sur la jambe, 

Fig. 7. Insertion du crochet à la jambe , vue de face. 

Fig. 8. La même partie dans la femelle : il existe deux crochets. 

Fig. 9. Les deux derniers articles du tarse, avec leurs deux crochets 
terminaux , qui sont bifides. 


Fig. 10. Organes digestifs de la Cantharide. 

a , la tête. Elle supporte des antennes de onze articles , des yeux, un 
chaperon transversal ; et les parties de la bouche qu’on peut voir 
supérieurement , le labre, les mandibules et les palpes des mà- 
choires ; b, l'œsophage; c, le ventricule chylifique ou l'estomac ; 
ddd, les canaux biliaires , au nombre de six, et ayant une double 
insertion à la base de l’estomac et à l'intestin ; e, intestin ; f, cœ- 
cum ; g, rectum ; 2, dernier anneau du ventre. 


IVota. La figure 10° montrera toutes ces parties de grandeur na- 


turelle et avec leurs proportions relatives. 


Fig, 1r. Portiou des canaux biliaires excessivement grossie et montrant 
dans son intérieur une quantité de petits amas de matière grume- 


leuse. 


Fig. 12. Portion antérieure de l'estomac excessivement grossie et ou- 
verte pour montrer, b, la terminoison de l’œsophage qui se prolonge 
en un tubercule valvulaire ; ce, la structure de la membrane inté- 
rieure qui est plissée de manière à offrir des sillons transversaux 
parcourus par de nombreuses trachées. 

Fig. 13. La valvule de l’œsophage vue de face. 

Fig. 14: Portion postérieure de lestomac et origine de l'intestin vues 
à l'intérieur ; ec, estomac; dddddd , les six canaux biliaires ayant 
leur insertion entre six petits corps réniformes, ee, qui constituent 
une valvule pilorique; d'a”, sillons longitudinaux qui partent tou- 
jours au nombre de deux de chaque petit corps réniforme ; b', sil- 
lon longitudinal partant toujours entre chaque corps valvulaire, 

Fig. 15. Les mêmes corps valvulaires avec leurs sillons longitudinanx 
désignés par les mêmes lettres que dans la figure précédente. 
da, etc., sont les corps réniformes desquels partent les doubles 
sillons longitudinaux. On remarque que les sillons intermédiaires 
bb’ se prolongent indéfiniment ; en eflet ou les voit encore dans le 

—cœeum , où ils sont plus prononcés. 


( 60 ) 
Fig. 16. Système nerveux d’un individu mâle. 

a, le cerveau ; b, l'ouverture pour le passage de l’œsophage; 1, à, 3, 
4, 5, 6,7, 8, les ganglions liés entre eux par un double cordon 
nerveux et fournissant un nombre infini de merfs. Le premier gan- 
glion est placé dans le cerveau, les deuxième, troisième et qua- 
trième sont situés dans le thorax: on a représenté par des lignes 
ponctuées les pièces cornées qui les supportent (les entothorax); 
les ganglions suivans occupent l'abdomen. On a représenté de 
profil les sixième, septième et huitième ganglions, qui ont une 
forme particulière ; e, portion de l'organe copulateur ; d, portion 
du canal déférent commun. 


Nota. On observe, entre le troisième et le quatrième ganglion , 
un rétrécissement qui indique l’entrecroisement remarquable des 
nerfs vers ce"point. 


Planche zur. 


Fig. 1, Organes générateurs mâles. 
aa, les testicules ; bb, les canaux déférens; ce, ce, ce, ce, les quatre 
paires de vésicules séminales; d, le conduit spermatique commun ; 
e, porlion du canal intestinal renversée; f, dernier anneau du 
ventre. 
Fig. 2. Portion des mêmes organes, vue sous la face opposée, pour 
montrer l'insertion des deux vésicules séminales supérieures. 
Fig. 3, Abdomen d’une femelle ouvert par sa partie supérieure , et mon- 
trant les parties les plus importantes à observer. 
aaaa, etc., sont les trachées naïssant de sept paires de stigmates ; 
bb, les deux hanches de la dernière paire de pattes du thorax ; 
e, l'estomac ; d, l'intestin qui se replie en coude et aboutit à anus. 
On voit à sa gauche la vésieule séminale, et de chaque. côté les 
ovaires. : 
Fig. 4. Organes générateurs d’une femelle vierge. 
aa, les ovaires recouverts par une infinité de tubes ; b , les deux ovi- 
ductes ; o, la vésicule séminale qui recoit l’organe du mâle et la 
liqueur spermatique : ici cette vésicule est vide , la femelle n'ayant 
pas eu l’approche du mâle ; dd, deux glandes sébacées; e, portion 
du canal intestinal renversé ; f, dernier anneau du ventre. 
Fig, 5. Un des ovaires ouvert. On voit tous les tubes qui le composent 
et une vaste cavité qui est Le calice de l'ovaire; une iufinité de petits 


CG) 
cercles s'apercoivent à sa surface : ils correspondent à l'insertion de 
chaque tube ovigère. 

Fig. 6. Un des tubes ovigères isolé : il paraît biloculaire. 

Fig. 7. Organes générateurs dans une femelle qui a eu l'approche du 
mâle. Les mêmes lettres désignent les mêmes parties. La vésicule 
séminale, c, est devenue opaque ; elle renferme l’organe du mâle et La 
liqueur spermatique. 

Fig. 8. Un des tubes ovigères dans une femelle qui a pondu. Ce tube est 
distendu et n’oflre plus de loges; on voit dans son intérieur une 
petite masse ovalaire qui n’est pas un œuf, mais un amas de ma- 
tière grumeleuse. 

Fig. 9. Le même ovaire vu à l’intérieur ; il offre une singularité curieuse: 
chaque petit cercle qui était clos par une membrane est ici percé 
par un trou: ces trous ont servi au passage des œufs. 

Fig. 10. Un des trous isolé. 

Fig. 11. Amas d'œufs. 

Fig. 12. Deux œufs isolés, vus de face et de profil. 


Recuercues sur l'Histoire ancienne , l'Origine et 
la Patrie des Céréales et nommément du blé 
2 
et de l'orge ; 


Par M. Dureau DE La Mare, 
Membre de l’Institut. 


Je sens que dans la question que je traite je ne pourrai 
apporter qu'une certaine somme de probabilités, car la 
preuve évidente consisterait à mettre sous les yeux un 
individu de chaque espèce dont l’état sauvage serait bien 
constaté ; mais cette preuve est très - difficile à fournir 
pour les espèces non-indigènes cultivées depuis un temps 
presque immémorial , puisque, d’après les observations 
unanimes des agriculteurs, le blé et l’orge se perpétuent 


(62) 


dans nos climats pendant deux ans après une prenière 
culture, puis meurent la troisième année; et que l’a- 
voine mème, comme on peut l'observer, s'est repro- 
duite depuis 1815 , jusqu'en 1819, dans les parties du 
bois de Boulogne occupées par les bivouacs des armées 
étrangères (1). Il aurait donc fallu que les botanistes , 
qui ont cru avoir trouvé en diflérens lieux des céréales à 
l'état sauvage, fussent restés plusieurs années dans le 
pays natal de ces plantes et eussent constaté avec soin 
la perpétuité de leur reproduction spontanée. 

Apès avoir ébauché ce sujet il y a douze ans, je l'ai 
repris et médité de nouveau : en eflet, si l’origine des 
plantes alimentaires répandues aujourd’hui dans les 
cinq parties du monde , est enveloppée de profondes 
ténèbres ; si, à travers la nuit des temps, il est difficile 
de découvrir l'aurore de la civilisation qui tient essen- 
tiellement à l'introduction et à la culture des Céréales , 
celte époque cependant présente un si grand intérêt , et 
a eu une si grande influence sur le bonheur de la société, 
que ces recherches ne seront peut-être pas jugées tout-à- 
fait inutiles. Quant à moi , je m’estimerai assez heureux 
si je réussis à appeler sur ce sujet l’atiention des voya- 
geurs et des botanistes qui parcourent le globe , et si je 
parviens à jeter quelques lumières sur cette partie de 


(1) Près de la mare d’Auteuil , et le long des murs de la route de 
Neuilly. Celte même avoine ( Avena sativa ), portée par les Euro- 
péens à Rio de la Plata, y est devenue sauvage et s’y perpétue d’elle- 
même depuis plus de quarante ans sans aucune espèce de culture. Ge 
fait curieux à été constaté par M, A. de Saint = Hilaire qui est resté six 
ans dans le pays. 


(63) 
l'histoire des plantes , de l’agriculture et de la civilisa- 
tion. 

J'ai cruqu'on pouvait parvenir à une solution satisfai- 
sante de ee problème historique en combinant les tradi- 
tions les plus anciennes, les plus anciens monumens 
sculptés avec les récits de la Bible, en rapprochant l’ori- 
gine et les migrations du culte de Cérès, qui ne sont 
probablement que les migrations de la plante, avec les 
figures de l'Épi ‘représenté sur les zodiaques dans le 
signe de la vierge , avec les Céréales elles-mêmes trouvées 
dans les tombeaux de Thèbes, et en appliquant ensuite 
aux genres {riticum et hordeum cette règle de critique 
adoptée par les plus savans botanistes (1). « Lorsque la 
patrie d’une espèce cultivée est inconnue, le pays qui 
renferme le plus grand nombre d'espèces indiquées de ce 
genre, doit être regardé comme la patrie probable de 
celte espèce. » 

Je procéderai d’abord par une méthode d’exelusion 
qui resserrera beaucoup la Zône, qu'on peut attribuer 
pour patrie aux Céréales. 

Le blé (2) et l'orge (3) gélent souvent dans nos cli- 
mais. Îls ne vivent ni dans les contrées équatoriales 
d'une hauteur médiocre, ni au-delà des tropiques , à une 
très-haute élévation au-dessus du niveau de la mer. Cette 


(1) Humsoznr, Geograph. Plant.; Ess. politiq. sur la Nouvelle- 


Espagne ,tom.n1, p.360. — Browx , Appendice du Voy, de Tucckey 
sur le Zaire, p. 44, 50. 


(2) Triticum hibernum, triticum æstivum, 


(3) Hordeum vulgare, hexastichon. 


(64) 


circonstance doit faire présumer qu’ils sont originaires 
d’un pays tempéré et peu élevé (1). 

On sait positivement que leur reproduction spontanée 
n'existe ni dans l'Europe, ni dans toutes les parties de 
l’ancien et du nouveau continent où les Européens ont 
porté leurs colonies et cultivé ces grains si utiles pour les 
progrès de la civilisation et le bonheur de la société. 

On peut suppèser avec beaucoup de probabilités que 
les Céréales n'existent pas à l’état sauvage dans les vastes 
contrées habitées par les peuples chasseurs et nomades ; 
car ces peuples auraient chaugé assurément une nourri- 
ture incertaine et précaire pour un aliment agréable qui 
leur offrait des produits abondans, devait augmenter 
leur population , concentrer leurs forces , assurer l’exis- 
tence et le bonheur de leurs familles. 

Les Égyptiens, les Hébreux, les Grecs , plusieurs 
peuples de l'Asie et de l'Europe nous offrent l'exemple 
de ce passage de la vie nomade à la vie agricole, sitôt 
qu'ils ont découvert les Céréales ou qu’on les a impor- 


tées dans leurs pays. 
Discussion des témoignages Egyptiens et Hébraïques. 


Selon les plus anciens monumens de l’histoire égyp- 
tienne , c’est près de Nysa ou Bethsané , dans la vallée du 
Jourdain , qu'Isis et Osiris trouvent à l’état sauvage le 
blé, l'orge et la vigne. 

11 s’agit d’abord de fixer la position de cette ville de 


f 


(1) M. de Humboldt, Distrib. geogr. Plant. , p. 160, donne les hau- 
teurs auxquelles ces plantes cessent de fructifier. 


(65 ) 


Nysa. Homère est Je plus ancien auteur qui en parle, 
11 y a une ville de Nysa , située sur une haute montagne 
couverte d’arbres fleuris , assez loin de la Phénicie, 
plus près des eaux de l'Egypte. 

Ce passage (1) et quatre autres de Diodore (2) fixent 
d’une manière générale la position de Nysa dans l’Ara- 
bie , entre le Nil et la Phénicie. 

Pline (3) est plus précis, il met Nysa en Palestine, 
sur les frontières d'Arabie. Philadelphiam, Raphanam, 
omniq in Arabiam recedentia, ScYTHOPOLIM, ANTEA 
Nysam, a Libero patre, sepultäibinutrice.Etienne (4) de 
Byzance, est du mème avis, Nysa ou Scythopolis, ville 
de la Cœlé-Syrie (dans l'Ammonite) ; et Joseph nous 
apprend (5) que cette ville de Nysa , nommée ensuite par 
les Grecs Seythopolis , s'appelait de son temps Beth- 
sané, et était située en face d’une plaine, au-delà du 
Jourdain. 

La position de cette ville est donc établie par les textes 
positifs de Diodore, de Pline, de Joseph, d'Etienne. 
Nysa, Scythopolis et Bethsané sont la même cité. Du 
temps d'Osiris et même de Diodore, comme les limites 
de l’Arabie ont toujours été très-indéterminées , la por- 
tion de la Palestine , voisine de l'Arabie, a pu être com- 
prise sous le nom générique de Syrie ou de la Pénin- 
sule arabique dont elle fait partie. L’épithète d’esdæipovos, 


(1) Cité par Diodore, 111, 65, p. 235, éd. Wesseling. 

(G)ure 6b;tr 19; 1v, 2, et rar, (64 

(3) Hist. nat., Nb. v, c. 16, p. 262, éd. Harduin. 

(4) De Urbib. voce Nisa. 

(5) Axr. Jun. , lib. x, cap. 5, p.620, éd. Hayercamp. 
IX. K 


(66) 
donnée À l'Arabie par Diodore (1), doit être considérée 
comme une glose insérée dans le texte, ou comme une 
épithète d'ornement appliquée à tous les terrains fertiles 
ou remarquables par des productions précieuses , d’au- 
tant plus que ce même Diodore , en parlant de la ville 
de Nysa, qu'Osiris bâtit dans l'Inde, en mémoire de 
l'autre ville de Nysa rar Atyurroy , où il avait été élevé, 
ne fait plus mention de l'Arabie heureuse , et qu’en deux 
endroits (2) il place cette même Nysa vers l’Arabie, 
entre la Phénicie et le Nil. Dans l’ancienne histoire de 
Java , l'orge est regardé comme une plante importée , et 
se nomme Jatwa nusa (3). Serait-ce une vieille tradi- 
tion de l'origine et de l’ancienne introduction de cette 
céréale? Je ne présente cette idée que comme un doute ; 
mais l'identité de nom est frappante. Une autre raison 
tirée de la patrie bien connue d’une plante fameuse vient 
à l'appui des géographes que j'ai cités, et doit fixer irré- 
vocablement en Palestine la position de Nysa. C’est 
auprès de Nysa , qu'Osiris et le Bacchus égyptien , que 
Diodore et les Grecs les plus instruits regardent comme 
un seul et même roi , trouve la vignesauvage, en général 
suspendue ou mariée aux arbres (4). C’est aussi dans la 
terre de Chanaan que Noé découvre la vigne (5). On 
connaît la grosseur des grappes de raisin rapportées à 


(x) Dion. , L. 1, ce 15, p. 19. 

(a) Liv, c. 2, p. 248. 

(3) Rarrues, t. 11, p. 65. 

(4) Diop. Sic., lib. aix, c. Lxvrt, p. 235; c. art; br, c. xv. 

(5) Cœpüque IVoe vir agricola exercere terram, et plantavit vineam, 
bibensque vinum inebriatus est, Genes, , c, IX, Y. 20, 2r. 


(67) 
Moïse , des environs d'Hebron (1):0r, on sait qe la 
vigne est un arbrisseau affecté en général au bassin de la 
Méditerranée (2). Il ne croît spontanément ni dans l'E- 
thiopie, ni dans l'Arabie proprement dite, ni même 
dans l'Egypte. Ainsi les livres sacrés, Vhistoire ancienne 
des égyptiens , et l’histoire naturelle s'accordent sur ce 
point important. C’est dans la Palestine qué l’agricul- 
‘ture a commencé; on y a d'abord trouvé le blé, l'orge, 
puis la vigne qu'Osiris a importée dans la Haute-Egypte, 
et dont les descendans de Seth et de Caïn ont perfec- 
tionné la culture. Ce fait historique, que j’appuierai bien: 
tôt de grandes probabilités , découle immédiatement de la 
position de la ville de Nysa qu'il s'agissait de fixer , et 
que j'espère avoir maintenant déterminée avec assez de 
précision. 

‘C’est donc dans la vallée du Jourdain que , selon les 
traditions égyptiennes , Isis et Osiris trouvent à l’état 
sauvage le blé, l'orge et la vigne , qu’ils transportent en 
Egypte, dont ils enseignent la culture et dontils montrent 
l'utilité aux Egyptiens. 

L'histoire égyptienne assure , dit Diodore (3); « qu'O- 
» siris, originaire de Nysa située dans l'Arabie fertité 
» qui avoisine l'Egypte, aima l’agriculture, et trouva 


» dans les environs de Nysa, la vigne. Cet arbrisseau y 


\ 


(1) Zbid , uix, 67. Numeri, cap. xut, Vers. 23, 24. 

(2) Je n’enténds point pourtant circonscrire aux environs de Nysa la 
patrie de la vigne ou son habitation primitive : je sais qu’elle est sau- 
vage en Arménie. M. du Petit-Thouars l’a vue à Madagascar ; y est- 
elle native ou importée ? Est-ce bien le Vütis vinifera? Je dis seule- 
ment que les traditions, les histoires égyptiennes recueillies par Diodere 
la placent, à l’état sauvage, près de Nysa et du Jourdain. 


(3) Drop, Sc. , L 1, c. 15; ur, c, 67, Go. 


( 68 ) 
» était sauvage , très-abondant, et en général suspendu 
» aux arbres, » 

« C'est là aussi, dit toujours Diodore (1), qu'Isis 
» trouva le blé et l’orge, croissant au hasard dans Île 
» pays, parmi les autres plantes, mais inconnu aux 
» hommes. » 

Des fêtes où l’on portait des gerbes de blé, des vases 
pleins de blé et d'orge servirent à conserver la mémoire 
de cette grande découverte qui fit cesser chez les Egyp- 
tiens l’horrible usage de l’anthropophagie. Diodore cite 
même les écrivains qui assuraient qu'à Nysa une colonne 
avec une inscription en caractères sacrés , Lepois Jpap4a0uv, 
attestait cette découverte d'Isis. Elle portait (2) : « Je 
» suis la reine de toute cette contrée. Je suis la femme 
» et la sœur d’Osiris. Je suis celle qui ai fait, la pre- 
» mière , connaître les grains aux mortels. Je suis celle 
» qui se lève dans la constellation du chien. Réjouis- 
» loi, Egypte, ma nourrice. » 

C’est aussi dans la Palestine que, selon la Genèse , les 
Céréales ont été découvertes et que l’agriculture a com- 
mencé (3). 

Moïse dans le Deutéronome rappelle au peuple Hé- 
breu cette circonstance qui devait lui rendre la terre 
promise plus désirable encore et plus chère. 

« Dieu, lui dit-il (4), l'introduira dans une bonne 
Mb 2 APPARUE 

(1) Drop. Sie. , L. 1, c. 14. 

(2) Diop., 1, 27- 


(3) Fuit autem Abel pastor oviunt , Caïn agricola. Factum est autem 


post multos dies ut offeret Caïn de fructibus terræ, munera Domino. 
Genèse, cap. 4, vers: 2, 3; 4. 
(4) Deus introducet te ün terram bonam , terrant rivorum el Jontium ; 


(69) 


» terre, uve terre pleine de ruisseaux et de fontaines, 
» la terre du froment, de l’orge et de la vigne , où nais- 
» sent le figuier, le grenadier et l'olivier, une terre 
» d'huile et de miel, dont le fer sont les pierres , et des 
» monts de laquelle on extrait le cuivre métallique. » 

C’est aussi dans la Palestine que Noé trouve la vi- 
gne (r); c’est la patrie du bitume (2). C’est celte même 
Palestine, la terre du blé et de l’orge , que la Bible nous 
représente comme la patrie ou le séjour du cèdre du Li- 
ban, du baumier (Æmyris opobalsamum) , du Solanum 
melongena , du palmier dattier, du figuier sycomore; 
c'est le pays du dromadaire, du chacal, du daman, de 
la gerboïise, du lion , de l’ours et de la gazelle. L'his- 
toire égyptienne et hébraïque s'accorde tout-à-fait sur 
l’origine des Céréales , de la vigne et de l'olivier. 

Voyons si la Palestine réunit effectivement le concours 
des diverses circonstances que j'ai présentées d’après les 
plus anciens monumens. Si l’origine des Céréales nous 
reste encore inconnue , mais si la patrie, si l’habitat des 
différentes espèces de végétaux , de minéraux et d’ani- 
maux indiqués a été constatée avec certitude, nous con- 
naitrons déjà un des termes de la proposition , et il nous 
deviendra facile d'éliminer l'inconnu. 

Or, tous les savans qui ont visité la Palestine y ont 


constaté l’indigénat de la vigne, de l'olivier, du gre- 


terram frumenti , hordei ac vinearum , in qud ficus et malo granata et 
oliveta nascuntur, terram olei ac mellis , cujus lapides ferrum sunt et de 
monlibus ejus æris metalla fodiuntur. Deuter., vi, 7, 8 ct 9. 

(1) Cœpitque Noe vir agricola exercere terram et plantavit vineam , 
bibensque vinuni inebriatus est. Genes., 1x, 20, 21. 


(a) Bitumine linies intrinsecus et exirinsecus. Genes. ALT 


(70) 

nadier et du figuier. Ils y ont trouvé à l'état sauvage , le 
cèdre , le figuier sycomore, les pins et les palmiers ; 
l'existence dans cette contrée du baumier (Æmyris opo- 
balsamüm), et du Cupressus phenicea, du dromadaire, 
du daman , de l'ours , du lion, du chacal , de la gazelle 
et de l'abeille a été vérifiée : la présence des mines de 
fer , de cuivre et des lacs de bitume a été mise hors de 
doute. On voit aussi que l’existence dans la même con- 
trée des végétaux à qui une grande chaleur est néces- 
saire , et d’autres qui se plaisent dans un climat froid ou 
tempéré , tels que les palmiers et le cèdre , le baumier et 
la vigne circonscrit beaucoup le terrain , etindique po- 
sitivement un pays de montagnes susceptible, par la 
différence de son élévation , de températures très-va- 
riées. 

Maintenant, puisque les assertions des traditions ou 
des histoires hébraïques et égyptiennes se trouvent con- 
firmée sur tous ces points, il y a, ce me semble, une 
grande probabilité qu’elle se vérifiera aussi pour le fro- 
ment et l'orge qu’elles assurent être indigènes dans la 
Judée , et dont une trop ancienne culture nous avait fait 
perdre l’origine. 

Ce fait assez intéressant pour l’histoire de la botanique 
et de la civilisation ne serait peut-être plus mis en doute, 
si des botanistes, occupés de ce genre de recherches , 
fussent restés plusieurs années sur les lieux , et eussent 
été à même, pendant ce séjour , de distinguer positive- 
ment les espèces reproduites momentanément dans des 
cultures abandonnées , des espèces véritablement sau- 
vages et indigènes. 

Je prévois deux objections qu'on pourrait me faire; 


(7) 
l'une, que le blé (khïttah , parah , rip; où triticum) et 
l'orge (Lordeum ou zpi8n) indiqués par la Bible et les his- 
toriens de l'Egypte , peuvent n'être pas les espèces cului- 
vées aujourd’hui sous ce nom. 

L'autre, que ces espèces peuvent être fort différentes de 
leur état primitif et avoir été améliorées , dénaturées par 
la culture. 

Je répondrai à la première objection, que les espèces 
simples à 3 étamines, telles que les graminées , chan- 
gent peu ou point par la culture ; de plus que le blé 
trouvé dans les vases fermés , tirés des tombeaux des rois à 
Thèbes (1) ,et dontla forme, la couleuravaient été , grâce 
au bienfait de ce climat , et à l’embaumement avec le bi- 
tume, entièrement conservées, a paru à M. Delille et 
aux savans de la commission d'Egypte , tout-à-fait iden- 
que avec notre froment actuel. D'ailleurs la culture du 
blé n’a point été interrompue en Egypte et en Palestine 
depuis l’époque où elle y a commencé ; et ces plantes 
ont toujours gardé le même nom. Les épis sculptés sur 
les zodiaques peints de Thèbes et d’'Esné, les blés repré- 
sentés dans les scènes d’agriculture d’Eleithuia , qui sont 
aussi d’une très-haute antiquité, ont paru de même of- 
frir une exacte ressemblance avec nos Céréales. J'ajou- 
terai que le blé cultivé en Egypte , par la longueur de 
ses barbes , son épi quarré, est facile à distinguer ; c’est, 
celui qu’on voit sur les monumenrs. 


© D 


(1) On y a trouvé aussi des pains ertiers et très- bien conservés; ils 
sent à Livourne, dans le Catalogue de M. Drovetti. Leur analyse chi- 
mique serait du moins curieuse, quand même elle ne parviendrait pas à dé- 


terminer l'espèce botanique : ce bat a été rempli en partiepar M, Brown, 


(ra?) 


En juillet 1826, M. Brown, l’un des plus habiles 
botanistes de notre siècie, m'a fourni ce fait remarqua- 
ble, etm'a autorisé à le publier : « Dans les pains extraits 
des hypogées de la Haute-Egypte, et rapportés par 
M. Heninken, M. Brown a trouvé plusieurs glumes 
d’orge entières , et parfaitement semblables à celles de 
l'orge cultivé aujourd’hui. Il a reconnu à la base de ces 
glames d’orge antique égyptien un petit rudiment dont 
l’existence n’est pas consignée dans les descriptions des 
botanistes modernes. M. Brown s’est assuré que ce rudi- 
ment se trouvait tout semblable, et à la même place sur 
les balles de l’orge que nous cultivons. C’est une preuve 
sans réplique que depuis deux mille ans au moins cette 
espèce de Céréales n’a pas été altérée ni même modifiée 
par la culture , dans la moindre de ses parties. » 

L’Exode nous offremème un caractère assez positif, en 
indiquant l’époque de la maturité du blé et de Porge. 
Dans une des plaies de l'Egypte , celle de Za gréle , le 
lin.et l’orge furent détruits ; car l’orge était monté, et le 
jin était en graine. Le froment et l’olyre ou l’épeautre ne 
furent pas détruits parce qu’ils mürissent tard (1). 

Or , nous savons que dans les climats chauds l’orge et 
le lin mürissent avant le blé et l’olyre. M. Delille n’a 
confirmé ce fait pour le blé , l'orge et le lin. L’épeautre 
ou l’olyre n’est plus cultivé en Egypte. 

Quant à l’objection de la dégénérescence ou du chan- 
gement de ces espèces par la culture, ce blé des tom- 


beaux de Thèbes qui compte peut-être trente à quarante 


(1) Exod, , 1x, 31, 32, rad. des Septante en grec. 


(#87 


siècles d'existence (1), les grains plus modernes trou- 
vés à Herculanum , à Pompeia, à Royat en Auvergne , 
et qui n’ont à la vérité que dix-sept cents ans d’ancien- 
neté , prouvent que depuis ce temps au moins , l'espèce 
n’a point changé de forme. 

Il ya cependant un blé qu'Homère désigne sous le nom 
de Lizpouc TUpoUc 3 de pehmdez TUPOY (2), qui ne me semble pas 
devoir être notre froment; car il le donne pour nourri- 
ture aux chevaux (3). Or, Galien avait déjà observé (4) 
que l’usage de ce grain est très-nuisible à ces animaux ; 
ce fait a été confirmé dans les dernières guerres où la 
nécessité a souvent forcé de nourrir les chevaux avec du 
blé , et où une grande mortalité a toujours suivi l'usage 
de cet aliment. 

Il serait à désirer qu’on fit des expériences pour con- 
stater cette observation ; car les chevaux se nourrissent 
très-bien avec du pain et même avec du poisson sec (5), 
mêlé , à la vérité, de fourrage et d’avoine : le pain seul 
leur sufhrait-il ? C’est un essai à faire. 

M. Magendie a observé ‘que les lapins et les cabiais 


ou cochons d'Inde, qui, comme les chevaux , sont her- 


(1) Jomarp, IVotice sur les nouvelles Découvertes faites en Égypte s 
p. 16; Revue encyclopédique, mai 1819: 

(2) Iliad. , x, 569. 

(3) Andromaque donne aux chevaux d’Hector le genippovz mupor, et 
Eustathe dit que les chevaux mangent non-seulement l'orge et l'o- 
lyre (*), mais même les blés. P, 591, éd. Basil. 

(4) Facult. alim. , 1, 313. 

(5) Burrox, vi, 5o, éd. 8°, 1819, par Lacépède, le cite pour l'Is- 
lande. 


() Je crois qu'Eustathe désigne ici le Triticum spelta, 


AP 


l 
4 


(74) | 
bivores, meurent quand on les nourrit seulement avec 
du froment; mais vivent uès-bien de chair et de pain 
mélés aux végétaux. e 

L’épithète de pizpous appliquée à ce blé me porterait à 
croire qu’Homère a voulu indiquer ici l'épeautre (Zriti- 
cum spelta ) dont les grains sont plus petits que ceux du 
froment. 

Il n’est pas étonnant que l’assertion d’'Homère (x), de 
Diodore (2) et de Bérose, qui donnent pour patrie au 
froment, les deux premiers la Sicile, le troisième la 
Babylonie(3), ait trouvé peu de croyance. Celle de Heint- 
zelman rapportée par Linné (4), qui assigne pour patrie 
au Zriticum æstivum le pays des Baskires , n’est pas plus 
admise. Le froment d'été qui, selon Strabon (5), croît na- 
turellement dans le pays des Musicans, province du 
Nord de l'Inde , n’a point été trouvé à l’état sauvage par 
les botanistes anglais. 

On avait imprimé dans la Bibliothèque britannique 
qu'un petit froment d'été avait été envoyé , sous le nom 
de hillwheat, à M. Banks, des provinces du Bengale, 
comme y étant indigène, M. Brown a bien voulu , sur 
ma demande, vérifier ce fait dans l’herbier de M. Banks. 
Ce blé a été recueilli et envoyé en Angleterre par une 
dame; son état sauvage n’est nullement constaté, ni 
mênre son identité avec les triticum. 

On a rejeté aussi les témoignages de Moïse , de Cho- 


(1) Odyss., 1, 105. 

(2) v, 2. 

(3) Lx Alexandr. polyhistor. Descr. a Syncello, chronogr., p. 28. 
(4) Spec. plant., t. 1, p. 126. 

(2j L. xv, p. 1017. 


hs 


(2737) 


rêne (1), de Marc Pol (5) er de Bérose qui donnent pour 
patrie à l'orge , le premier , les bords de l’Araxe ou du 
Kur en Géorgie; le second , le Balaschiana , province de 
l'Inde septentrionale, et le troisième , la Babylonie. 

Enfin, Théophraste et Pline lui donnent les Indes 
pour patrie (3), et Pausanias (4), dont l’opinion a été 
adoptée par le savant Barthélemy (5), le fait venir avec 
Cybèle de la Phrygie. 

L'origine de l’épeautre (Triticum spelta) n’est pas non 
plus regardée comme certaine , quoique le savant bota- 
niste Michaux ait rapporté cette plante des euvirons 
d’Hamadan où il a cru la trouver sauvage , et que des 
graines envoyées et semées par M. Bosc aient donné la 
véritable épeautre. 

Il faut reléguer au rang des fables l’origine que 
Pline (6) attribue au seigle. IL lui assigne le pays des 
Taurins et les Alpes pour patrie ; peut-être même le mot 
sécale désigne-t-il là une espèce toute différente (7) ? 

Le blé dur ou Zriticum durum parait être cultivé 
depuis très-long-temps en Afrique.où M. Desfontaines 
l'a observé avec soin; mais on croit que ce n’est qu'une 
variété du Triticum turgidum. 


Le peu de foi qu’on a ajouté à ces diverses assertions 


(x) Geogr. armen. , p. 360. 

(2) Rauwsio , t. 17, p. 10. 

(5) ist. Plant., 1v, 5; Hist. nat. , xvut, 13. 

(4) L. x, c. 38. 

(5) T. 1v, p. 514, ch. 67. 

(6) Hist. nat., xvrrr, 4o. 

(7) Foy. Link, Derniers Mémoires de l'Académie de Berlin, 


p. 124. 


(76) 


uent à ce que les voyageurs n’ont pas fait un assez long 
séjour dans le pays pour distinguer avec certitude l'in- 
dividu sauvage de l'individu provenant d’une culture 
abandonnée. 

L'origine et la patrie des Céréales était donc un pro- 
blème historique qui restait encore à résoudre. Essayons 
si nous ne pourrons pas nous approcher de cette solu- 
uon par un examen attentif des divers zodiaques connus. 


Comparaison des zodiaques des différens peuples. 


L'examen des zodiaques dans lesquels les différens peu - 
ples ontplacéles objetsdeleurs affections, deleur culture, 
les animaux avec lesquels ils avaient des rapports plus 
babituels , ou plutôt les animaux dont la reproduction , 
les végétaux dont la maturité rappelait une époque con- 
stante, peut encore servir à éclairer le sujet queje traite. 
Ceux des peuples agricoles, nomades et chasseurs dif- 
fèrent totalement, comme M. de Humboldt l’a déjà re- 
marqué, en expliquant le zodiaque mexicain (1). 

Ain si, la Cérès mexicaine , ou la déesse de l’agricul- 
iure , est représentée avec une tige de maïs dans la main. 

Le blé n’est point aussi Pemblème du dieu de l’agri- 
culture adoré chez les Chinois. L’orge ni le froment ne 
setrouvent point dans les signes simples des caractères 
chinois dont l'invention remonte à deux mille deux 
cents ans avant l’ère chrétienne; le riz, au contraire, et 
le millet y sont exprimés (2). (Journ. Asiat , cahier 9 , 


pag: 136 , année 1823.) 


(1) Vues des Cordillières, p. 158 à 162, fo. 168, etc. 
(2) Voyez le Aém. curieux de M. À, Rémusat sur les Signes prümi- 


71 

L'épi ne parait pas non plus comme emblême dans le 
signe de la vierge de la sphère arabe 'Abd-Arrahmän , 
ni dans les zodiaques indiens. 

Le blé ne faisait pas la principale nourriture des Chi- 
nois , ni des Indiens, ni des Arabes. 

Tous les zodiaques égyptiens, au contraire, repré- 
sentent la constellation de la vierge de Cérès , ou d’Isis, 
sous la forme d’une femme, portant un épi qu’elle tient , 
soit à deux mains, soit d’une seule main (1). 

Les zodiaques grecs et romains qui dérivent de cette 
source offrent le même emblème. Ne peut-on pas en 
tirer cette induction , que le blé dont nous voyons l’épi 
dans la main de la déesse de l’agriculture , était origi- 
paire des pays où les zodiaques ont été sculptés; que le 
temps de sa maturité formait une époque de l’année 
agricole ; qu'il était en Egypte la principale nourriture , 
comme le maïs au Mexique, et que la reconnaissance 
de ces différens peuples a placé dans le ciel le végétal qui 
était le plus utile à leur existence. Les zodiaques indo- 
persans n’oflrent pas non plus cet emblème , quoiqu’on 
ait voulu assigner la Bactriane pour patrie à nos Cé- 
réales. 

Je ne ferai que rappeler ici, parce que le fait est 
trop connu pour qu'il soit nécessaire d’insister, que la 
Cérès des Grecs n’est autre chose que l’Isis et est une 


divinité d’origine égyptienne; que les Grecs, dans les pre- 


tifs de l'ancienne écriture chinoise, lu à l’Acad, des Inscript. , le 22 dé- 
cembre 1820. 

(1) loyez Table synoptique des Constellations dans les diflérentes 
planisphères , pl. 4. Recherches sur les bas-reliefs astronomiques égyp- 
tiens , par MM. Jollois et Devilliers. 


(78) 

miers temps de leur existence , se nourrissaient prineipa- 
lement de glands , non de ceux du Quercus robur , mais 
probablement de ceux du Quercus ballota qu'on mange 
encore aujourd'hui dans l'Espagne, dans l'Afrique et 
dans le Levant. Enfin, que ce n’est que depuis l’arrivée 
des colonies phéniciennes et égyptiennes , que le culte 
de Cérès ou d'Isis s’est introduit dans leur pays avec la 
culture des Céréales qui y avaient donné naissance. 

Vous ne trouvez au contraire de divinité qui préside 
aux Céréales, ni dans d'Inde , ni dans la Bactriane, qu'on 
avait, sans aucunes preuves, assignées comme la patrie de 
l'orge et du froment. 

Toutes les traditions historiques et mythologiques , 
les voyages d'Osiris et d'Hermès, de Cérès et de Tripto- 
Ième, dans le but de répandre la culture des Céréales ; 
nous indiquent les migrations successives de ces plantes 
alimentaires , et nous ofirent toujours pour premier point 
de départ l'Egypte et la Phénicie (x). + 

Il me reste maintenant à appliquer aux genres Zriticum 
et Ælordeum la règle de critique dont j'ai parlé au com- 
mencement de ce mémoire. 

M. Brown , l’un des botanistes les plus distingués de 
notre époque, a employé cette méthode pour déterminer 
la patrie de certaines plantes dont la culture est aujour- 
d’hui très- ancienne et très-répandue en Afrique et en 
Amérique. 

« On peut, dit-il (2), assurer avec confiance que le 


» maïs, le manioc, ou la cassave ont été apportés d’A= 


(x) Drop. Sic., 1, 17. 
(2) Voyage au Congo, p. 8, trad. francs 


Ù (79) 
» mérique en Afrique , ainsi que l'arbre à pain, le 
» Capsicum , le papayer et le tabac ; tandis que le bana- 
» nier, le citronier , l’oranger, le tamarin et la canne à 
» sucre sont d’origine asiatique. » 

« Dans la première partie de cetessai , dit M. Brown, 
j'ai avancé qu'une recherche attentive, et faite avec soin 
de la distribution géographique de certains genres. pou- 
vait faire connaître de quels pays sont originaires les 
plantes actuellement dispersées sur la surface du globe. 
On peut déterminer, ainsi qu’il suit, le degré de cer- 
titude qui peut dériver de la source à laquelle on re- 
monte, Dans les cas douteux , où les argumens sont de 
force égale , il devra paraître plus probable que la plante 
en question doit appartenir au pays dans lequel toutes 
les autres espèces du mème genre sont certainement in- 
digènes , que dans celui où il n'existe qu’une seule espèce 
du genre connu. » 

M. Brown suit ce raisonnement ; il conclut que le 
bananier dont on trouve cinq espèces distinctes dans 
l'Asie équinoxiale , tandis qu’on n’en à pas trouvé une 
seule autre espèce en Amérique, est d'origine asiatique. 
Il applique le mème argument au papayer ( Carica pa- 
paya), au Capsicum et au Nicotiana, auxquels il assigne 
de cette manière une origine américaine. 

Je ferai usage de ceue règle pour les genres Zriticum , 
Iordeum et Secale. 

On verra en consultant les catalogues les plus com- 
plets des plantes connues aujourd’hui, que presque’ 
toutes les espèces des genres Zriticum , Hordeum et Se- 
cale dont l'habitat est connu sont indigènes du Levant. 


Il est jusie néanmoins de convenir que cet argument, 


(80) 


appliqué à un groupe nombreux en espèces, telles que les 
Céréales que M. Kunth a compris sous le nom général 
de Æordeacées, est moins positif que lorsqu'on l’em- 
ploie'‘pour des genres d’un petit nombre d’espèces, et 
dont la zûne d'habitation est plus resserrée. On peut 
m'objecter aussi que le concours des mêmes influences 
cosmiques (etje comprends sous cette dénomination abré- 
gée , toutes les circonstances nécessaires à la production 
et à la conservation de l'espèce , telles que température 
moyenne , chaleur estivale, élévation du sol, latitude, 
humidité, nature du terrain), que l'identité, dis-je, du con- 
cours des mèmes circonstances a dù faire naître des végé- 
taux semblables dans les divers continens, et que les 
monocotylédones , par exemple, dont l’organisation est 
plus simple , ont un plus grand nombre d’analogues dans 
les régions des diverses parties du monde qui ont de l’a- 
nalogie entre elles. 

Cependant pour me borner aux graminées , et à un 
seul exemple frappant, le rapport entre les plantes pro- 
pres à chaque pays , et communes à tous les deux , dans 
l'Amérique septentrionale et la Scandinavie, est comme 
62: 1. Celuides dicotylédones comme 10 :: 1(1). Sivous 
resserrez la comparaison , et que vous la restreigniez à 
deux genres, le Triicum et V Hordeum , et que vous 
preuiez pour base la Syrie, l'Egypte, la Barbarie et lA- 
mérique équatoriale, vous reconnaissez que le Levant, 
le bassin de la Méditerranée vous offrent la plus grande 


quantité d'espèces des genres Æordeum et Triticum , or 


1} Vip. Scuew, Dissert. de Cedibus plantarum originariis ,in-19 de 


80 pages. Harniæ , septembre 1816. 


(8) 
ce qui est un fait assez singulier, MM. de Humboldt et 
Bonpland n’ont trouvé en Amérique qu'un seul ZZor- 
deum , Vascendens , et aucune espèce de Zriticum. 

Il faudrait de plus , pour que l’objection que j'ai rap- 
portée eût de la force dans ce cas particulier , trouver 
pour la patrie des Céréales , un pays qui par sa latitude, 
son élévation au-dessus du niveau de la mer , réunit le 
concours des influences cosmiques , propres à la fois aux 
régions Alpines ou sub - Alpines , et aux contrées équa- 
toriales. 


CONCLUSION. 


Maintenant, d’après les faits et les considérations que 
j'ai présentées, ne sera-t-on pas disposé à convenir : 

1°. Que la ville de Nysa, patrie du blé et de l'orge, 
est la même que Scythopolis ou Bethsané, et est située 
dans la vallée du Jourdain. 

2°, Que l'identité du blé et de l’orge cultivés ancien- 
nement en Egypte et en Palestine avec nos Céréales est 
certaine. 

3°. Que l'habitat de tous les végétaux, animaux, 
minéraux , indiqués par les monumens les plus anciens, 
comme existant dans la patrie de l'orge et du blé , a été 
constaté avec certitude. 

4°. Que la comparaison des divers zodiaques , les mi- 
grations du culte de Cérès confirment cette origine des 
Céréales. 

59, Enfin, que le plus grand nombre d'espèces des 
genres Zriticum, Hordeum et Secale dont l'habitat est 
connu étant indigènes du Levant, les témoignages de 
l'histoire s'accordent assez bien avec les règles de cri- 

IX, 6 


( 82) 


tiqueétablies par la science, et que la vallée du Jourdain, 
la chaîne du Liban , ou la partie de la Palestine et de la 
Syrie qui avoisine l'Arabie, doit être, avec une grande 
probabilité , assignée pour patrie à nos Céréales. 

P.S. M. Labillardière a observé dans le pays et m'a 
transmis un fait qui appuie fortement l'opinion que j'ai 
émise. Il a vu auprès de Baalbec, en Syrie, du blé que 
pendant deux ans consécutifs la sécheresse avait empêché 
de germer , se développer et fructifier la troisième an- 
née dans ce mème champ resté sans culture. Cette cir- 
constance n’a été observée dans aucune autre contrée où 
l’on cultive nos Céréales , et tend à prouver que la chaine 
du Liban est le véritable pays d’où l'orge et Le blé sont 


indigènes. 


Nore sur des Accidens morbides auxquels la 
semence des Suüpa pennata et capillata expose les 
troupeaux ; 

Par M. Rasparz. 


On entend par semence dans eette note ce que les bo- 
tanistes désignent sous le nom de Bäle, qui se compose 
de la paillette inférieure roulée en cornet autour de la 
paillette supérieure et de la graine qu’elle emprisonne. 

On sait que la paillette inférieure de cette Graminée 
se termine à la base en un cône renversé très-aigu et hé- 
rissé de poils roides et dirigés de bas en haut, en sorte 
que, lorsque la pointe pénètre dans un tissu quelconque, 
non-seulement les poils l’empèchent d’en sorür, mais 
ils contribuent encore à l’y faire enfoncer davantage. 


( 85 ) 

M. Desfontaines , dans sa Flore atlantique, et M. La- 
marck, dans l'Encyclopédie, avaient déjà signalé le genre 
d’incommodités qu'une graine douée d’une pareille orga- 
nisation était susceptible de faire souffrir aux voyageurs 
qui traversent les champs de la Barbarie , de la Grèce et 
du Portugal à l’époque de la maturité des Stipa. La graine 
pénètre dans les tissus des habits et incommode tôt ou 
tard d’une manière assez grave les voyageurs , en sillon- 
nant leur corps par des égratignures plus ou moins pro- 
fondes. 

Une grande mortalité des troupeaux qui se déclara en 
1523, dans les environs du village de Berezel, en Hon- 
grie, a fourni aux professeurs de l’université royale de 
Pesth l’occasion de constater un effet encore plus singu- 
lier produit par cette semence de Graminée. 

Il a été reconnu que les semences des Stipa, qui 
abondent dans les paturages de Berczel, s’attachaient à 
la laine des brebis , pénétraient dans la peau, et, à la 
faveur de leur espèce de tarière, parvenaient jusqu’à 
s’enfoncer dans les tissus des organes essentiels à la vie. 
A l’autopsie d’un assez grand nombre de ces brebis, on 
en a trouvé dans le voisinage du foie et dans le péri- 
toine ; la peau mème , observée à travers jour, avait l’air 
d’une espèce de crible. 

Comme les Stipa viennent assez fréquemment dans 
les environs de Fontainebleau, etc., et dans toutes les 
parties méridionales de l’Europe, ce fait mérite de fixer 
l'attention des agriculteurs, surtout des habitans des 
contrées dans lesquelles la tonte n’a lieu qu'après la ma- 
turité des Stipa. 

Ces plantes ne donnent pas un bon fourrage, et les 


(84 ) 


prairies n'auraient rien à perdre de leur absence. Si on 
ne venait pas à bout de les extirper entièrement , les 
fleurs'sont surmontées d’une arète assez Jongue (1 pied 
et demi quelquefois) pour qu’il soit toujours possible 
de les récolter avant qu’elles se détachent spontané- 
ment. 

Enfin , s’il arrivait qu'une graine se füt déjà enfoncée 
dans le tissu de la peau d’une brebis, il serait urgent 
de l’en extirper par les moyens ordinaires , car de sem- 
blables accidens ne sont pas de nature à réclamer des 
traitemens plus compliqués. 

Les professeurs de l’université royale de Pesth ont 
publié en 1825 une notice qui a été traduite en trois 
langues, latin , allemand et hongrois. 


De la Proportion des Naissances, des Mariages 
et des Décès dans les provinces du royaume des 
Pays-Bas, et de lAccroissement de sa Popu- 
lation. 


Un médecin, M. Villermé, a mis en évidence cette 
importante vérité, que dans les grandes villes , du moins 
dans Paris, l'exposition , la grandeur des logemens , la 
largeur des rues, l’agglomération de la population , en un 
mot les qualités de l'air, n’ont pas, à beaucoup près, une 
influence aussi considérable qu’on le croit sur la durée 
de la vie humaine , mais que cette influence est modifiée, 
masquée par une autre plus puissante encore qu'il faut 


chercher dans le plus ou moins d’aisance des habitans, 


(85) 

ou dans des circonstances autres que celles qui viennent: 
d’être mentionnées, qui accompagnent nécessairement, 
les diverses positions de fortune. M. Quetelet , profes- 
seur de mathématiques , de physique-et d'astronomie à 
l’Athénée de Bruxelles , s’est proposé de montrer, dans 
une petite brochure imprimée à Gand, que les résul- 
tats obienus par M. Villermé , applicables à une ville, 
à un espace circonscrit, ne le sont plus lorsqu'il s’agit 
d’un royaume entier ou d’une grande étendue de pays (1). 

Parmi les causes de mortalité qui paraissent à M. Que- 
telet exercer une influence bien appréciable dans le 
royaume des Pays-Bas, il croit pouvoir assigner l’iné- 
galité de population, et surtout Thumidité plus ou 
moins grande qui dépend de l’abaissement du terrain, 
ainsi que les variations atmosphériques qu’on éprouve , 
au voisinage de la mer. Il suflit en effet de jeter les yeux 
sur le tableau suivant pour se convaincre que, dans le 
royaume des Pays-Bas, ce sont les provinces les plus po- 
puleuses , les plus voisines de la mer, celles où le sol 
est le plus bas, le plus marécageux , qui offrent propor- 
tionnellement le plus de décès. 


—— 


Q) Voir Statistique. À M. V'illermé, par M. Quetelet. 


( 86 ) 


RAPPORTS 
re 
De la De la Des 


lati : 4 naissances 
population |population | population | qe filles 
aux 
naissances 
mortalité |naissances.| mariages. |de garçons. 


PROVINCES. 


aux aux 


Zélande. 31. 4: 204% Lx. 7 1-0, 960 
Nord-Hollande, De 1 20402: M T04.. 41, 050000 
Sud-Hollande. 36.0 |'123.10! [9518.28 |6; 959 
Utrecht. 368 24, 3 | 118. 2 | .o, 939 
Brabant mérid. »202 Lu20. 1 (1492 in; one 
Flandre occid. fo. 7 274 5°l'137% 7 ['o, 090 
Overyssel. 43: 5,1 26: 5:| 1212 9 |: 0, 937 
Flandre orient. 44.,8.| 28, 4.1 165. 3:| o, 946 
Frise. 46. : 27. 1 | 128. 7 | o, 944 
Liége. 46. 2 | 25. 9 | 154. 1 | o, 942 
Limbourg. Ana De Liu 29300310 936 
Anvers. 43. 8 30. 7 | 142. a | o, 960 
Groningue. Ad + 20." r40. 7 | Bo 
Hainaut. Br à 27. 4 | 1386. 5 |:0, 921 
Brabant septentr. 5r. 4 | 29. 2 | 150. o | 0, 974 
Gueldre. 29:71 27: 01 191. T9, O2 
Luxembourg. 53. 8 27. 9 | 149. 9 | 0, 967 
Drente. 65: à}. 187 6. 180.5380)/0,/009% 
Namur. 57. 9 | 29. 8 | 150. 9 | 0, go7 

MoyEnxes. 27. o:| 182. 4 10, 947 


Ce tableau confirme l'observation générale faite par 
Buffon , Muret, etc. , que la salubrité d’un pays aug- 
mente avec l'élévation de son sol ; en outre, il prouve 
que c’est dans les provinces les plus riches du royaume 


des Pays-Bas, les deux Hollandes, les deux Flandres, 


(87) 


le Brabant méridional , où il y a le plus de décès, tan- 
dis que dans le Luxembourg et le Namuroïs, provinces 
les moins riches, mais où le peuple est pourtant loin 
d’être dans un état d’indigence , il y en a peu. 

Un autre résultat remarquable du tableau précédent, 
résultat auquel MM. Malthus et Villermé étaient aussi 
arrivés de leur côté , c’est que les naissances sont en 
raison directe de la mortalité. Ces derniers pensent que 
le fait dont il s’agit n’a pas sa principale source dans une 
loi de la nature; c’est surtout dans des besoins de con- 
vention , dans un calcul de la part des époux, ou dans 
de certaines institutions sociales qu’il faut, si nous en 
croyons ces deux auteurs, chercher les causes princi- 
pales de la curieuse relation que nous venons de signa- 
ler. Quoi qu'il en soit, selon M. Quetelet, le fait se 
vérifie mème pendant les diflérens mois de l’année, 
comme il l'avait montré déjà dans son Mémoire sur la 
mortalité dans Bruxelles (1), et comme M. Lobatto l’a 
vérifié depuis pour les cinq villes d'Amsterdam , d’An- 
vers, de Gand , de Rotterdam et de La Haye. Afin de 
rendre ce dernier fait sensible, M. Quetelet indique la 
moyenne valeur des résultats, en prenant pour unité le 
douzième des naissances et des décès d’une année , et en 
supposant tous les mois de trente jours : il a, dans ce 


but, dressé le tableau qui suit. 


(1) ue vol. des Mém. de l’ Acad. royale de Bruxelles. 


( 88°) 


NAISSANCES. DÉCÈS. 


RS RC 


RÉSULTATS RÉSULTATS 
BRUXELLES,. BRUXELLES, 


MOTS. de de 


18 ans. 18 ans. 


M. LOBATTO. M. LOBATTO. 


Janvier. 1,200 r;v7a 
Février. 1,109 1,110 
Mars. 1,097 1,100 
Avril, 1,021 1,068 
Mai. 0,950 | 0,905 
Juin. 0,902 | o,916 
Juillet. 0,843 0,806 
Août. 0,872 | 0,844 
Septembre. 0,923 | 0,884 
Octobre. 0,972 0,956 
Novembre. 1,012 0,979 
Décembre. 


1,129 1.27% 


Le rapport moyen général des naissances à la popula- 
ton est, pour le royaume entier des Pays-Bas, de 1 à 
27, et celui des décès de 1 à 44 ou environ. (Foy. le 
premier tableau.) Il résulte de là qu'il y naît propor- 
tionnellement plus d’enfans qu’en France, et qu'il y 
meurt moins de personnes ; la population doit donc s’ac- 
croître rapidement , et, en eflet, le tableau suivant le 
démontre. La population était , le 1°° janvier, 


En: 10200 admet eee de 5,642,552 ; 
LOS PAS MMNRERE ge de 5,692,323 ; 
Ne TAN RENE de 5,767,038 ; 


de 5,838,123; 
de 5,913,526; 
de 5,992,666. 


Elle augmente chaque jour. Pour en donner un exem- 
ple, M. Quetelet cite le mouvement de état civil pen- 


dant l’année 1825 pour les principales villes : le voici. 


Amsterdam. 


Bruxelles. 
Rotterdam. 
Gand. 

La Haye. 
Bruges. 
Leyde. 
Groningue. 
Utrecht. 
Harlem. 
Dordrecht. 
Mons. 
Malines. 
Lenwarde. 


Delft. 


Nimègue. 


NAISSANCES, 


MovENNE VALEUR. 


DÉCES. 


RAPPORT 
DES DÉCES 


AUX NAISSANCES 


0:9470 
ph dr Pl 
0,7049 
0,658: 
0,6173 
0,8307 
0,7053 
0,046 
0,663 


0,2973 


Ce rapport des décès aux naissances pour les villes est 


uu peu moins grand que pour le royaume entier, celui- 


(90 ) 

ci étant de 27 à ,3,8, ou de 1 à 0,6164. Dans un autre 
tableau que nous ne croyons pas devoir copier ici, l’au- 
teur fait voir quelle à été la valeur de l’accroissement 
de la population dans les différentes provinces pendant 
les années 1820 , 21, 22 , 23 et 24. Il en résulte que la 
population est croissante dans toute l’étendue du royaume 
des Pays-Bas , et que la valeur moyenne de cet accrois- 
sement a été de -{7= de la population dans l’espace de 
cinq ans , ou de -+ environ par an. 

IL est remarquable que partout dans l'occident de 
l'Europe, excepté en Espagne , la population augmente ; 
il serait aisé de démontrer que c’est à la civilisation 
ou aux conditions meilleures de notre existence dont 
nous Jui sommes redevables, qu’on doit cet accroisse- 
ment. Cette vérité, la conséquence de toutes les re- 
cherches de M. Villermé, et qui s'applique également 
à tous les pays de la terre et aux diverses époques de 
l'histoire, vient d’ailleurs d’être solidement établie par 
M. Bérard , professeur d'hygiène à la Faculté de Méde- 
cine de Montpellier, dans un Discours sur les Amélio- 
rations progressives de la Santé publique (x). 

Le rapport moyen annuel des mariages à la population 
est de 1 à 132 pour le royaume entier des Pays - Bas; 
mais on observe à cet égard une différence notable entre 
les provinces catholiques et les provinces protestantes : 
dans les premières , il y a un mariage sur cent quarante- 
huit habitans ou environ , et dans les secondes sur cent 
vingt-trois. ( Ÿ’oy. le premier tableau.) 


Le rapport des naissances de garçons aux naissances 


(1) Iu-8° de 120 pages, Paris, 1826, 


V5 


de filles est de 1000 à 947, à - peu - près comme on l’a 
trouvé pour l'Angleterre : il est en France de 1000 à 
938 , et dans le royaume de Naples de 1000 à 956. L’ex- 
cédant des naissances masculines sur les naissances fé- 
minines est un fait constant, au-delà duquel nous ne 
pouvons remonter, et conséquemment l’expression d’une 
loi de la nature, et cette loi, dont l’universalité a été 
mise hors de doute par M. le docteur Chervin , de Lyon, 
s’observe même sous les tropiques , malgré l’opinion de 
Montesquieu , de quelques autres philosophes, et des 
voyageurs Forster le père, Bruce, etc., qui ont pré- 
tendu qu'il naissait dans les climats chauds plus de filles 


que de garcons. 


ConsipéÉrATIONS sur l’ Anatomie comparée de 
l’Hyoide ; 


Par Louis Girou DE BuzAREINGUES. 


En observant l’ensemble des êtres qui composent l’é- 
chelle animale , on est bientôt étonné de voir Îles diffé- 
rens organes changer de formes , de rapports , mème de 
fonctions , sans que pour cela il soit impossible de suivre 
la nature dans les diverses métamorphoses qu’elle fait 
subir aux êtres vivans , selon les lieux qu'ils doivent ha- 
biter, les alimens qui doivent les nourrir, et le mode de 
conservation qui leur est propre. 

Étudier les animaux dans les mutations de leurs Sys- 
tèmes nerveux et sanguin , voir le rapport des forces sen- 


sitives et des forces assimilatrices, connaitre les lois 


(92) 


qui président aux sécrétions , voilà des points de haute 
physiologie qui ont été long-temps étudiés , qui ont été 
fécondés par le génie des hommes les plus habiles , et 
qui promettent d’abondantes moissons à celui qui vou- 
dra les cultiver encore.  * 

En effet, malgré les beaux et les nombreux travaux 
de nos physiologistes , il semble que ces matières doi- 
vent nous cacher long-temps des secrets qui ne sont pas 
venus à notre portée. Les pièces anatomiques qui nous 
manquent, qui sont difficiles à conserver, qui ne se 
voient qu’à des intervalles très-éloignés, ne nous laissent 
pas saisir cet ensemble de faits qui lie les choses entre 
elles, qui permet d'en faire un tout, dont les parties 
sont coordonnées. 

L'appareil locomoteur est sans doute, parmi les sys- 
ièmes d'organes , celui qui a le plus souvent fixé l’at- 
tention des naturalistes, surtout de ceux qui font une 
étude spéciale de l'anatomie comparée. Ici, une série 
de leviers ajoutés les uns aux autres, se servant alter- 
nalivement de point d'appui, des puissances dont il est 
possible de calculer les résultats, tout invitait à obser- 
ver cette partie mécanique des corps, vivans , qui d'ail- 
leurs nous montre d’une manière assez exacte les rela- 
tions des animaux avec tout ce qui les entoure, les 
mœurs , les habitudes, l’instinct, qui en sont les con- 
séquences; enfin ce que nous avons à craindre ou ce que 
nous devons espérer de leur voisinage. 

Une pareille étude a été féconde en résultats. M. Cu- 
vier, en .cultivant une science avant lui inconnue, à 
rassemblé sous nos yeux les débris épars des animaux 


dont l'espèce et le souvenir avaient été détruits par les 


(95) 

temps. Après lui, M. Geoffroy Saint-Hilaire a montré, 
d’une manière non moins savante, cette unité de forma- 
tion qui réunit plusieurs classes, que les naturalistes 
avaient séparées par des coupes artificielles. Cet anato- 
miste , en tracant la loi des connexions , s’est frayé une 
route nouvelle qui lui a permis de suivre le fil des ana- 
logies , là où il avait échappé aux autres observateurs. 

Je désire appeler l'attention sur une série de faits qui 
confirment singulièrement les idées générales de ce sa- 
vant : il est nécessaire, pour être bien compris , que je 
donne un aperçu général de l’ensemble du système os- 
seux. 

L’axe de l’animal étant placé dans une situation hori- 
zontale , on remarque dans le squelette plusieurs pièces 
osseuses disposées en deux séries , l’une supérieure , nom- 
mée colonne vertébrale; Vautre inférieure, nommée 
sternum, ou mieux série sternale. Ces deux rangées de 
parties dures existent d’un bout à l’autre de l’animal 
dans plusieurs espèces des classes inférieures (les In- 
sectes , les Crustacés); mais dans les animaux d’un 
ordre plus élevé , les pièces sternales sont remplacées, à 
certains endroits , par un entrelacement de fibres aponé- 
vroliques , à certains autres, tout tissu fibreux disparait, 
et la ligne médiane n’est indiquée que par la symétrie 
des parties voisines, Des deux chaines osseuses que je 
viens de désigner partent d’autres pièces qui se dirigent 
les unes vers les autres , en contournant le corps , et qui 
finissent par se réunir. Ces os sont nommés côtes : on 
les divise en vertébrales et en sternales, suivant le lieu 
de leur origine. 


I] part encore des vertèbres et du sternum , outre les 


( 94) 
côtes , des os qui en difièrent par leur volume et leur si- 
tuation ; ce qui les caractérise, c'est que deux de ces 
pièces , en se réunissant , donnent naissance à une troi- 
sième : celle-ci est ordinairement suivie de plusieurs 
autres qui forment avec elle un ensemble auquel on à 
donné le nom général d'extrémité. 

Ainsi toute extrémité prend naissance au point de jonc- 
tion de deux pièces osseuses , l’une sternale , l’autre 
vertébrale : on nomme ces deux os racines de l’extré- 
mile. 

Cela posé, voyons la place que nous devons assigner 
à chacune des pièces osseuses qui ont reçu collective- 
ment le nom d’Ahyoïde. 

On remarque dans l’appareil hycïdien : 1°. une série 
de pièces médianes auxquelles M. Geoffroy Saint - Hi- 
laire a donné les noms de basihyal, entohyal , urhoyal. 
Plusieurs anatomistes regardent ces pièces comme les 
homologues du sternum. 

2°, Du basihyal (corps de l’hyoïde ) partent deux os, 
un de chaque côté : M. Geoffroy les a nommés glos- 
sohyaux. Ces deux pièces, connues encore sous le nom 
de grandes cornes , offrent , par leurs connexions , des 
rapports avec les côtes sternales auxquelles on les a com- 
parées. 

39, Au point de jonction de la grande corne de l'hyoïde 
et du corps de cet os naît une pièce appelée impropre- 
ment petite corne , que M. Gcofiroy a désignée sous le 
nom d’apohyal. Je crois pouvoir la comparer à la ra- 
cine antérieure d'une extrémité. 

4°, L'apoplhyse styloïde (stylhyal de M. Geoffroy), 


prenant point d'appui sur une vertébre crânienne , me 


( 99 ) 


parait être semblable à la racine postérieure d’une ex- 


trémilé. 

5°, Enfin, de la jonction de ces deux derniers os en 
part un troisième , le cératohyal, sur lequel M. Geof- 
froy a fixé l'attention des savans , et qui avait été à peine 
remarqué avant cet anatomiste. Cette pièce osseuse me 
paraît présenter les conditions essentielles à une extré- 
milé qui se trouve à l’état rudimentaire. 

En effet, le stylhyal étant comparé à l’omoplate , et 
l’apohyal étant regardé comme l’homologue de la clavi- 
cule , que manque-t-il au cératohyal pour remplir les 
fonctions d’une extrémité ? Un peu plus de volume. 
Quoiqu’on ait en général peu d’égard aux dimensions 
des pièces anatomiques que l’on compare entre elles, 
voyons si, même sous ce rapport, les membres qui fent 
partie de l’hyoïde ne peuvent pas être rapprochés des 
thoraciques et des pelviens. Nous dirons d’abord que 
ceux-ci se trouvent quelquefois dans un état d’exiguité 
remarquable , comme on les a observés récemment en- 
core chez quelques Boas. Puis, en portant nos regards 
sur les animaux dans lesquels le cératohyal n’a pas en- 
core trop perdu de son volume , nous le retrouvons, dans 
le Sauvegarde d'Amérique , se détachant des pièces qui 
lui servent de point d'appui , et se faisant remarquer par 
un développement considérable. 

Enfin, si nous arrivons aux poissons, alors ce ne 
sera plus un petit osselet, manquant quelquefois, mais 
une série de pièces osseuses que nous trouvons réunies 
pour former cette extrémité ; ces pièces , identiques par 


leur forme et leur arrangement avec celles qui compo- 


(96) 
sent les nageoires , n’en difièrent que par un moindre 
rapprochement à leur base (1). 

Il est à remarquer que les racines d’une extrémité 
peuvent varier dans leur nombre. Ainsi l’on en trouve 
jusqu'à trois sternales et deux vertébrales pour suppor- 
ter l'extrémité thoracique de certains animaux : nous 
verrons quelque chose de semblable dans les racines de 
l’extrémité hyoïdienne. Plusieurs poissons offrent ces 
racines composées de quatre pièces disposées en série ; 
deux de ces pièces sont sternales , les deux autres sont 
vertébrales. Ainsi l’analogie , ou plutôt l'homologie , me 
paraît parfaite et susceptible de supporter en tous points 
la comparaison. 

Je bornerai ici ces réflexions , qui tendent à prouver 
que l’hyoïde est composé : 1°. d’une série de pièces ster- 
pales accompagnée d’une ou de plusieurs côtes de même 
nom. Cette opinion est celle. de plusieurs anatomistes , 


(1) M. Geoffroy a montré l'identité de ces pièces avec les côtes ster- 
nales des autres vertébrés : cette opinion n’est ni détruite, ni même 
combattue par celle que je mets en avant. Une partie des pièces qui for- 
ment l'extrémité hyoïdienne des poissons peut ensuite devenir sternale 
chez les autres animaux vertébrés, sans que pour cela mes idées soient 
moius exactes ; je ferai seulement observer à ce sujet que , chez les pois- 
sons, je considère comme racines de l’hyoïde les hyposternal et hyoster- 
val de M. Geoflroy, et que, chez ces animaux, l’extrémité hyoïdienne 
est formée par les pièces que cet auteur a comparées aux côtes sternales. 
Au reste, je renvoie ceux qui n'auraient pas une connaissance approfon- 
die des fails, au premier volume de l Anatomie philosophique ; ils trou 
veront, dans les descriptions et les planches qui leur font suite, l’ex- 
pression exacte de La vérité : il y a même dans cet ouvrage des rappro- 
chemens qu’il est iudispeusable de connaître pour bien saisir ce que j’a- 


vance. 


D énsn.t 


(07 ) 


parmi lesquels il me suflira de citer MM. de Blainville et 
Geoffroy Saint-Hilaire. 

2°, D'une extrémité , sur l'existence de laquelle je dé- 
sire fixer l'attention des savans. Celle-ci , ordinairement 
à l’état rudimentaire dans les animaux ‘vertébrés, ac- 
quiert un développement assez considérable dans quel- 
ques espèces de Sauriens : son volume augmente encore 
dans les poissons. Cette extrémité devient alors compo- 
sée de plusieurs pièces , qui finissent par être supérieures 
en nombre et en étendue à celles des autres organes lo- 
comoteurs ; enfin il me paraît convenable de nommer 
cervicale cette paire d’extrémités. 

Ces rapprochemens , qui sont déduits d'observations 
nombreuses , aussi exactes qu'il m'a été possible de les 
faire-, sont une nouvelle preuve de la vérité des opinions 
de celui qui a rangé sur un même plan les animaux qu’on 
avait distingués en vertébrés et invertébrés , et montre 
que les membres antérieurs de ces derniers se conser- 
vent dans les classes plus élevées. 

La loi des connexions a servi de point de départ à mes 
recherches ; je dois m'estimer heureux si ceux qui s’oc- 
cupent d'anatomie comparée les jugent dignes de leur 
altention. 


Sur une nouvelle espèce de Rongeur Fouisseur du 
Brésil ; par M. H. pe BLainvire. 


L'espèce de Rongeur, dont il va être question dans 
cette Note , a été envoyée à M. Florent-Prevost des par- 
ües intérieures du Brésil , de la province de Las Minas, 
sous le nom portugais de Rotto qui moro embaxo doxa- 


IX: 7 


À. MAPS 

no, qui veut dire Rat des champs. Il en a reçu deux 
individus à-peu-près semblables, malheureusement 
tous deux seulement en peau, mais dans un assez bon 
état de conservation. Nous allons commencer par en 
donner la description , après quoi nous chercherons si 
elle n'avait pas encore été inscrite dans le Systema ani- 
malium , et si elle doit être distinguée comme espèce ou 
comme genre. 

Le corps de cet animal est de la grosseur de celui de 
notre rat ordinaire , ou mieux de notre rat d'eau ; peut- 
être cependant est-il un peu renflé en arrière , et surtout 
plus déprimé , plus sacciforme. 

La tête , assez petite , est également déprimée. 

Le museau est celui d’un rat, plus court cependant 
et plus comprimé , ce qui tient à la disposition des dents 
incisives , qui sont beaucoup plus fortes , plus exsertes 
que dans les rats. 

Les narines sont encore à-peu-près semblables à ce 
qu’elles sont dans ces mèmes animaux ; mais les orifices 
très-étroits sont encore plus recouverts par le cartilage 
extérieur formant une espèce d’opercule. 

Les yeux sont petits, autant qu'il a été possible d’en ju- 
ger d’après l'orifice des paupières sur une peau bourrée. 

Les auricules , ou oreilles extérieures , sont certaine- 


ment bien plus petites que dans nos rats d’eau et que 


dans les campagnols ; elles ne consistent en effet qu'en | 


un rudiment assez étroit et pointu de la conque, sans 
traces de tragus ni d’antitragus. 

La bouche, très-peu fendue, comme dans tous les 
rongeurs , a ses lèvres retournées en dedans et garnies 
de poils , peut-être plus durs que ceux du reste de la 


EE 


( 99 ) 


peau , dans l'intervalle dépourvu de dents entre l’incisive 
et la première molaire. 

Les dents incisives sont presque complètement ex- 
sertes ou ne peuvent être recouvertes par les lèvres ; elles 
sont très - fortes , taillées en biseau à leur face posté- 
rieure , droites et tranchantes à leur extrémité , sans sil- 
lon , mais de couleur orangée à leur face antérieure , et 
enfin presque de même forme en haut et en bas : celles- 
ci sont cependant un peu plus étroites et plus longues 
que celles-là. 

Les molaires sont également à-peu-près semblables 
aux deux mâchoires , au nombre de quatre, décroissantes 
de la première à la dernière , subitement beaucoup plus 
petite que les autres. Toutes sont à-peu-près d’égale 
venue dans toute leur longueur ; leur couronne est plate, 
ovale , recourbée un peu en forme de virgule dont les 
extrémités seraient également arrondies ; l’émail les 
borde à la circonférence sans former de plis ni de fes- 
tons, et elles s’imbriquent un peu l’une l’autre en de- 
dans , c'est-à-dire que l'extrémité postérieure de la pre- 
mière se place en dehors et dépasse l'extrémité antérieure 
de celle qui suit. 

Les membres sont très-courts , empêtrés , ou n’ayant 
de bien libre que les avant-bras et les jambes. 

Les antérieurs sont terminés par une paume assez 
considérable , pourvue d’une callosité polliciale et car- 
pienne fortes. [ls ont cinq doigts bien distincts, mais 
courts , peu séparés ou fendus. Le pouce est le plus court 
de tous , mais cependant bien conformé et terminé par 
un ongle conique : les quatre autres doigts , dans la pro- 
portion ordinaire , sont pourvus chacun d’un ongle aussi 


[4 


& 


( 100 ) 


long qu'eux, très-arqué , à dos mousse , tranchant dans 
la moitié postérieure de la face inférieure , fendu dans 
le reste et un peu élargi à l'extrémité. Ce sont donc de 
véritables ongles fossoyeurs. 

Les membres postérieurs ont aussi leur plante longue, 
assez large et tout-à-fait nue. 

Les doigts , également au nombre de cinq, peut-être 
un peu moins disproportionnés qu'à la main , le premier 
étant presque aussi long que le cinquième, ont aussi 
des ongles assez forts , mais droits , et élargis en cuiller 
ou gouttière à l'extrémité. À leur racine en dessus est 
une rangée de poils roides, durs, courts, formant une es- 
pèce derateau, cequi n’existepas aux membresantérieurs. 

La queue est courte; elle égale à-peu-près le quart de 
la longueur totale; elle est du reste assez grosse, obtuse 
à son extrémité, et commençant assez brusquement en 
arrière du corps, autant toujours qu'il a été possible 
d’en juger d’après des peaux bourrées. 

Le poil qui recouvre la plus grande partie du corps 
est doux , fin, assez court , très - couché, d’un gris-ar- 
doise à sa base , et d’un brun roussâtre luisant dans le 
reste de son étendue, ce qui donne pour couleur géné- 
rale du roux luisant en-dessus, se fondant en blanc 
roussâtre en-dessous. 

Les poils qui recouvrent les extrémités sont plus 
courts, plus durs et plus rares. 

Ceux de la queue sont dans le même cas , sans écailles 
entremèlées , et d’un brun noirûtre. 

Comme dans toutes les familles des rats, il y a, à la 
lèvre supérieure, des vibrisses ou moustaches assez 
longues. 


( rôr ) 


En comparant maintenant cette espèce de rongeur avec 
ceux que nous connaissons comme déjà inscrits dans le 
grand catalogue des êtres , il est évident que c’est des 
Oryctéromes ou rats-taupes du Cap qu'il doit être rap- 
proché ; en effet , il a le même nombre de doigts aux deux 
paires de membres , et, à très-peu de chose près , dans 
la même proportion. Le système dentaire est aussi dis- 
posé et composé à-peu-près semblablement, puisque 
les incisives sont également en partie exsertes et très- 
fortes , et qu’il y a le même nombre de molaires , quatre 
de chaque côté à chaque mâchoire , croissant aussi à peu 
de chose près de même, de la première à la dernière , 
et enfin également entourées d’émail à la couronne, sans 
plis bien marqués. Cependant, la forme générale du 
corps, la proportion des yeux, celle des auricules ou 
conques auditives , la longueur de la queue, la propor- 
tion même des membres , indiquent dans le Rongeur du 
Brésil un animal d’un degré subterranéen moins consi- 
dérable ; en sorte qu’en ajoutant , ce qui en est une con- 
séquence nécessaire, que le crâne est moins déprimé, 
moins épais , plus écureuil pour ainsi dire ; que les ar- 
cades zygomatiques sont bien moins arquées, moins 
élargies en dehors ; que le cadre de l’orbite est bien net- 
tement séparé en avant de la fosse sous - orbitaire qui 
forme un grand trou, disposition qui se retrouve dans 
les Gerhoïses , les Capromys, etc. , et qui n’a pas lieu 
dans les Oryctéromes , en ajoutant que les incisives sont 
bien moins fortes et sans sillon antérieur pour les supé- 
rieures , et surtout que les molaires sont encore plus pe- 
ütes , surtout beaucoup plus simples , et un peu autre- 
ment conformées dans l’animal du Brésil que dans le 


(‘ro ) 


Rat-Taupe du Cap , puisque dans celui-ci, des quatre 
molaires subégales , et placées complètement à la file, 
c'est à la mâchoire supérieure , la troisième , qui est un 
peu plus grosse que les autres, et que cette dent et la 
quatrième ont un pli de l'émail bien marqué, interne 
pour celle-là , externe pour celle-ci, on pourra trouver 
que les différences sont encore assez considérables. 

Mais ces dissemblances sont-elles suflisantes pour dis- 
tinguer notre Rongeur comme devant former un genre 
nouveau ? C’est une question à laquelle on pourra ré- 
pondre tout différemment, suivant les principes qu’on 
aura adoptés dans la manière de systématiser en mam- 
malogie. Si l’on veut admettre pour raisons d'établir 
un genre, des diflérences dans l’organisation , traduites 
par des différences dans les mœurs et les habitudes , 
notre animal ne nous paraît pas devoir être distingué gé- 
nériquement. C’est une espèce intermédiaire aux Cam- 
pagnols, aux Capromys et aux Oryciéromes , mais plus 
rapprochée de ceux-ci, parmi lesquels on devra la 
placer sous le nom d’O. du Brésil. Si l’on veut, au 
contraire , suivre rigoureusement la manière de voir des 
personnes qui croient que des différences dans le système 
dentaire, quelque petites qu’elles soient , pourvu qu’elles 
soient appréciables , doivent suflire pour l'établissement 
d’un genre, alors notre animal devra en former un, 
qu’on pourra nommer Ctenomys, de cteis , ctenos , dé- 
nomination tirée de la disposition singulière des poils 
roides des ongles aux pieds de derrière , et qui devra être 
ainsi caractérisée. 

Corps assez allongé, sacciforme , un peu déprimé, 
assez poilu , terminé par une queue médiocre , couverte 
de poils rares. 


CE0S 

Tète ovale, peu déprimée ; yeux petits ou médiocres; 
auricules visibles , mais fort petites. 

Dents incisives fortes, en partie exsertes, à coupe 
carrée , à bord large et tranchant, sans sillon antérieur. 

Molaires au nombre de quatre à chaque màchoire, 
oblongues , croissant assez rapidement de la première à 
la dernière , à couronne sigmoïde, sans aucun repli de 
l'émail. 

Membres assez courts, empètrés, la paume et la plante 
nues , terminées par cinq doigts pourvus d'ongles fouis- 
seurs très-longs , très-arqués et pointus en avant , plus 
courts , plus larges, excavés en arrière , où ils sont en 
outre garnis à leur racine d’une série de poils durs et 
roides formant une sorte de rateau. 

L'espèce qui constitue ce genre devrait alors être dé- 
signée par la dénomination de Cténome du Brésil, Cte- 
nomys Brasiliensis, caractérisée par sa couleur et sa 
grosseur. 

La description d'aucune des espèces de Rongeurs, 
observées par M. d’Azara dans l'Amérique méridionale, 
ne convient à cet animal. M. Desmarest ne paraît pas 
non plus l'avoir connue , ou du moins elle n’est pas dé- 
crite dans son Traité des Mammifères de l'Encyclopé- 
die. Le Rongeur dont M. Rafinesque a fait son genre 
Diplostome, que M. Kukl a nommé Saccophore, et 
M. Lichtenstein Æscomys, paraît avoir un assez grand 
.mombre de rapports avec le nôtre; mais celui-là est 
pourvu d’une grande abajoue extérieure que celui-ci n’a 
pas, et d'ailleurs il n’a que quatre doigts aux pieds de 
derrière , et il vient du Canada ; en sorte qu'à moins que 


les naturalistes bavaroïs qui ont voyagé au Brésil, ou 


Cro4 ). 
M. Auguste de Saint-Hilaire , ne l’aient observé, c'est 


bien une espèce qui n’était pas inscrite dans nos cata- 


logues. ’ 
(Bull. de la Soc. philom., avril 1826.) 


Sur quelques petits Animaux qui, après avoir 
perdu le mouvement par la dessiccation, le re- 
prennent comme auparavant quand on vient d 
Les mettre dans l’eau ; 


Par M. H. DE BLAINvVILLE. 


Depuis assez long-temps on a fait l'observation que le 
Filaire que l’on rencontre si souvent dans le corps des 
sauterelles , et surtout dans la sauterelle verte, en Suisse 
_et dans les pays environnans , a la singulière faculté, 
après avoir été complètement desséché , du moins en ap- 
parence, à l'air libre, au soleil ou à l'ombre, de re- 
prendre peu à peu ses mouvemens aussi vifs qu'avant 
l'expérience , lorsqu’en le mettant dans l’eau on lui rend 
l'humidité dont il avait été privé. C’est un fait sur le- 
quel M. de Blainville avait eu des doutes assez forts , 
jusqu’au moment où il vit , il y a déjà quelques années, 
un Filaire trouvé sur la cornée d’un cheval , et dessé- 
ché complètement dans une soucoupe de porcelaine , et 
par conséquent complètement immobile, plat et mince 
comme une lanière de parchemin , reprendre peu à peu 
ses mouvemens qui, au bout d’une demi-heure, furent 
aussi vifs que ceux d’un autre individu resté bien vivant 
entre les paupières de l’œil frais, et que le hasard avait 


fait mettre dans la même soucoupe avec une certaine 
quantité d’eau. 


A ( 105 ) 


Mais la singularité de cette espèce de résurrection est 
bien plus grande , bien plus extraordinaire dans l’ani- 
mal microscopique , que l’on connaît vulgairement sous 
le nom de Rotifère de Spallanzani, quoiqu'on dût 
beaucoup mieux l'appeler le Rotifère de Leuwenhoek , 
puisque c’est cet observateur qui le premier l’a aperçu 
et qui lui a reconnu la faculté qui l’a rendu si célèbre. 
Quoique les faits rapportés par le naturaliste italien 
eussent confirmé d’une manière tout-à-fait irréfragable 
ceux du naturaliste hollandais , à plus de cent ans d’in- 
tervalle ; malgré la confirmation apportée par quelques 
personnes qui s’occupèrent du mème sujet avant ou 
même depuis le moment où Spallanzani fit connaître 
ses recherches , comme le docteur Muller, Gofredi, etc., 
on a vu dans ces derniers temps assurer positivement 
que cette espèce de résurrection ne pouvait et par con- 
séquent n'avait pas lieu. M. de Blainville, conduit par 
la nature de ses travaux à s'assurer par lui-même de ce 
ce qui en était, vient de confirmer ce qu'avaient dit 
Leuvenhoek et surtout Spallanzani , en mettant dé l’eau 
pendant une heure au plus sur de la poussière bien 
sèche, prise dans une gouttière à l'endroit où la décli- 
vité laisse nécessairement une certaine quantité d’éau 
s’évaporer sans couler et par conséquent déposer la sub- 
stance terreuse apportée de l’air environnant, et surtout 
du toit. 

Spallanzani, dans son Mémoire intitulé des Ani- 
maux qui peuvent ressusciter , parle de trois espèces : 
1°. le Tardigrade ; 2°. le Rotifère , et 3°. une sorte de 
Vibrion ou de Filaire. 


M. de Blainville n’a pu faire qu’une seule expérience 


( 106 ) 
sur le premier, ou sur le Tardigrade , parce qu’il n’en: 
a rencontré qu’un seul individu, qu’il a même à-peu- 
près négligé, parce qu’il eroyait qu’il en retrouverait ai- 
sément d'autres , ce qui n’a pas eu lieu jusqu'ici. Cepen- 
dant il a pu s’assurer que c’est bien évidemment une 
larve de Coléoptère , comme on pouvait au reste déjà le 
voir, d’après la figure et la description de Spallanzani. 
Son corps est ovale et peu allongé, à - peu - près égale- 
ment arrondi aux deux extrémités , un peu recourbé en 
dessous. Il ne paraît, au premier abord , composé que 
de cinq gros anneaux bien distincts : la tête , qui consti- 
tue le premier, est ovale, déprimée , et comme partagée 
en deux parties par une légère dépression. On y recon- 
naît aisément des yeux latéraux , une paire de mâchoires 
ou de crochets fort petits, à la base d’un très - petit 
tube exsertile et situé tout-à-fait en avant. Les trois an- 
neaux suivans, dont le premier est un peu plus long 
que les autres, portent chacun une paire de pattes 
courtes , coniques , composées , à ee qu'il a paru à M. de 


Blainville, de trois articulations seulement, décrois- 


sant rapidement de grosseur , et dont la troisième est 
un peu en crochet. La cinquième partie, ou la posté- 
rieure , constitue un abdomen un peu déprimé et re- 
courbé en dessous. En l'étudiant attentivement , on re- 
connaît qu’il est composé d’au moins trois divisions , 
et que probablement la terminale est elle-même ridée de 
quelques autres ; mais c’est ce qu'il est diflicile d’assu- 
rer. Spallanzani dit que son Tardigrade avait le corps 


terminé par deux paires de filets crochus. Quoique cela. 


soit tout-à-fait dans l’analogie, M. de Blainville ne les 


a pas aperçus. Au reste, quoiqu'il soit probable que le 


C0) 


petit animal observé par celui - ci soit le Tardigrade de 
Spallanzani , cela n’est pas absolument certain. En effet, 
le nom de Tardigrade ne lui convient pas trop, car ses 
mouvemens , tout différens de ceux des Rotifères, ne 
sont cependant pas lents , mais bien embarrassés , parce 
que les petits crochets dont les pattes sont armées ne 
peuvent prendre un point d'appui bien fixe sur le verre 
poli du porte - objet. Quand les circonstances extérieu- 
res, comme les mouvemens désordonnés et brusques 
des Rotifères, ont mis le Tardigrade sur le dos, on le 
voit alors faire tous ses efforts pour se remettre sur les 
pieds. 

Pour les Rotifères , M. de Blainville a été beaucoup 
plus heureux , puisqu'il en a trouvé presque autant qu'il 
en a voulu. En voici la description : son corps, très- 
visible à l’aide d’une loupe de deux lignes de foyer, et 
dans un degré moyen d’extension, est allongé et fusi- 
forme , c’est-à-dire renflé au milieu et atténué aux deux 
extrémités. On reconnait aisément , malgré sa transpa- 
rence, qu'il est formé d’articulations assez peu dis- 
tinctes , si ce n’est en arrière. La partie antérieure , sus- 
ceptible de s’allonger beaucoup, surtout quand le petit 
animal cherche un point d'appui pour avancer , se ter- 
mine en pointe mousse qui s'élargit un peu en-ventouse, 
lorsqu'elle est fixée. Jamais M. de Blainville n’en a vu 
sortir les organes , imitant par leurs mouvemens des es- 
pèces de roues, qu'il a très bien vus dans les Rouféres 
des eaux marécageuses. L’extrémité postérieure est éga- 
lement susceptible d’extension , comme l’antérieure , 
mais elle est en général plus courte, et la ventouse qui 


la termine est plus large et mieux conformée ; elle n'offre 


( 108 ) 

pas la paire d’appendices qui se remarque dans les vrais 
Rotifères. Du reste ce petit animal n’a pas non plus ab- 
solument les mêmes allures que le Rotifère de Spallan- 
zani ; son corps, contractile et extensible dans toute sa 
longueur, surtout aux extrémités , est parfaitement trans- 
parent ; on y aperçoit quelquefois les indications du ca- 
nal intestinal étendu d’une extrémité à l’autre et un peu 
renflé en arrière : la bouche et l’anus sont très-probable- 
ment aux extrémités. 

Le mode de locomotion a plus de rapports avec celui 
des sangsues qu'avec ce qui a lieu dans les Rotifères des 
marais ; 11 consiste en une espèce d’arpentage dans tous 
les sens, dans toutes les directions, avec une grande 
vivacité. L'animal , fixé le plus souvent d’abord en ar- 
rière, sur un grain de sable ou sur le sol, porte l’extré- 
mité antérieure le plus loin qu’il peut en allongeant le 
corps , la fixe , et attire ensuite vers ce point, en en rap- 
prochant le plus possible la ventouse postérieure qu’il 
avait détachée ; en répétant cette manœuvre , il a bientôt 
traversé le champ du microscope. M. de Blainville ne 
l'a jamais vu quitter le sol ou les grains de sable qui y 
reposent , pour s’élancer comme un trait, en nageant à 
la manière des Rotifères. Quand l’eau commence à lui 
manquer, à mesure que celle-ci s’évapore , il cherche 
les endroits où il y a du gravier ; ses mouvemens dimi- 
nuent peu à peu d’étendue et de force , son corps se rac- 
courcit , devient presque globuleux , et tout mouvement 
cesse au bout d’un temps souvent assez long. 

Si maintenant , ou après quelques heures et même un 
jour et une nuit de dessiccation qui paraît bien com- 


plète, on met de l’eau sur la poussière restée sur le 


( 109 ) 


porte-objet, on voit, au bout de trente, quarante et 
même cinquante minutes , les petits animaux avec tous 
les mouvemens aussi vifs qu’ils avaient auparavant. 

M. de Blainville , dans une de ses expériences , a pu 
sur trois individus , les seuls qui existaient sur le porte- 
objet , le premier beaucoup plus gros que le second , et 
le troisième intermédiaire , voir anéantir et’ renaître com- 
plètement les mouvemens jusqu’à dix fois , à l'intervalle 
d’un demi-jour ou d’un jour tout entier ; la différence de 
grosseur des trois individus lui a permis de s’assurer que 
ce n’était pas une substitution, d'autant plus qu'il se 
servait d’eau distillée. 

Il s’est également assuré , comme tous les expérimen- 
tateurs l’ont vu depuis Leuwenhoek, que les individus 
desséchés hors de l’abri des grains de poussière , se gon- 
flent , reprennent à-peu-près leur forme, mais ne re- 
vivent réellement pas. 

La différence qui existe entre la description du petit 
animal observé par M. de Blainville et celui dont Spal- 
lanzani a donné la figure , ne permet pas au premier d’as- 
surer que ce soit bien certainement la même espèce que 
le Rotifère de Spallanzani ; cependant , comme dans de 
véritables Rotifères de l’eau des marais, M. de Blain- 
ville a vu que quelquefois ils restent fort long - temps 
sans montrer leurs prétendues roues ni les appendices 
de la queue, M. de Blainville croit que ses observations 
confirment, s’il en était besoin , ce que Leuwenhock et 
Spallanzani avaient dit sur la faculté qu'ont certains ani- 
maux de revivre quand ils ont été desséchés. Il est mal- 
gré cela assez singulier que parmi ces Rotifères des eaux 


( 110 ) 
des marais , sur lesquels M. de Blainville a tenté la même 
expérience , un seul ait ressuscité. 
Comme M. de Blainville n’a pas encore trouvé de Vi- 
brion ou de Filaire dans la poussière des toits , il n’a pu 
confirmer ce que Spallanzani a dit à leur sujet. 


(Bull. de la Soc. philom., juin 1826.) 


Descriprion d’une nouvelle espèce de Reptile du 
genre Marbré ( Polychrus ); 


Par M. F. De La Porre. 


Le genre Marbre fut formé par M. Cuvier dans son 
Règne animal , pour y placer un reptile saurien ayant 
presque tous 1 caractères des Îguanes, mais qui s’en 
éloigne surtout par l’absence de la crête dorsale : ses 
autres caractères sont d’avoir la tête garnie de plaques, 
toutes les autres parties couvertes d’écailles très-petites 
et semblables entre elles , les doigts postérieurs inégaux , 
la peau de la gorge pouvant former, selon la solonte de 
l'animal, un goître plus ou moins considérable. Ils 
jouissent de la singulière propriété de changer de tein- 
tes, comme le Caméléon. 

M. Cuvier leur donne aussi pour caractère générique 
d'avoir une ran gée de pores sous les cuisses ; mais ayant , 
ainsi qu’on va fi voir, découvert une espèce qui parti- 
cipe de tous les caractères du genre , à l’exception de 
celui-ci, je crois qu’il convient de le modifier et de ne 
le rendre que spécifique. 

La seule espèce décrite jusqu’à présent est le Marbré 
de la Guiane de M. Cuvier, Polychrus marmoratus. 
Linné la décrit sous le nom de Zacerta marmorata , et 
la plupart des auteurs le nomment Jguane marbré. 

11 a sur les cuisses une rangée ‘5% pores ; la queue est 
excessivement longue , puisqu "elle atteint plus du double 


| 


Rornr.) 


de la tête et du corps réunis ; ses dents sont fines et assez 
nombreuses : on en voit aussi de fort petites au palais. 
La couleur générale est d’un jaune roussâtre , avec cinq 
ou six raies transversales de couleur brune. Il vient de 
la Guiane. 


Longueur totale. ....... LA AOND. NT IE. 
derride Fr \iqueue . .... 241 ro 


L'espèce qui a donné lieu à cette note nous paraît nou- 
velle : elle portera le nom de Warbré à bandes, Poly- 


chrus fasciatus, Nob. Sa couleur générale est d’un brun 


clair sur les parties supérieures du corps et de la queue ; 
le dessous est blanchâtre. Sur le milieu du dos l’on voit 
une bande longitudinale d’un jaune clair, large d'environ 
deux lignes , ei bordée de chaque côté d’un liseret noir ; 
cette bande va du derrière de la tête jusqu’à la base de la 
queue. Il y a aussi, comme dans l’espèce précédente, 
cinq lignes transversales sur les flancs ; le goître est beau- 
coup plus considérable. Il n’y a pas de rangée de pores 
sur les cuisses : la queue est beaucoup moins longue 
que dans la première espèce. 


Longueur totale. ......... LAS (Del VGA 
Idem de la queue...... en 9 


J'ai de fortes raisons de croire que cette espèce habite 
les îles Moluques ou Philippines. 


Sur le Son produit sous l’eau par le Tritonia 
arborescens. 


Le docteur Grant, d'Édimbourg , ayant conservé dans 
un vase rempli d’eau de mer plusieurs individus de 
quelques petites espèces de Doris, du Tritonia corona- 
ta, de l’Eolis peregrina, et deux Tritonia arborescens, 
son attention fut bientôt attirée par une sorte de tinte- 


(ar2) 


ment qui sortait du vase. À yant séparé dans des vases par- 
ticuliers ces diverses espèces de Gastéropodes nus , il ob- 
serva que les Zritonia arborescens seuls donnaient lieu 
à ce bruit. Le son qu'ils produisaient , lorsqu'ils étaient 
dans uu vase de verre, ressemblait beaucoup à celui 
que causerait un fil d'acier sur le bord du vase , un cou 
seulement ayant lieu à la fois et se répétant à l'intervalle 
d’une minute ou deux ; il était plus obscur lorsque ces 
animaux étaient placés dans un grand bassin d’eau : il res- 
semblait alors à celui d’une montre, répété de même 
par intervalle. Le son est d'autant plus long et plus sou- 
vent répété que les Tritonies sont plus vives et plus ani- 
mées , et on ne l’entend pas lorsqu'elles sont calmes et 
sans mouvement. On n'observe aucune production de lu- 
mière , dans l’obscurité , dans le moment où ce tintement 
a lieu ; on ne voit aucune bulle d’air s'échapper, et aucune 
ondulation ne se produit à la surface de l’eau dans le 
moment du bruit : le son, dans un vase de verre, est 
doux et distinct. 

Le docteur Grant a conservé ces Tritonies vivantes 
pendant un mois en renouvelant l’eau de mer chaque 
jour et en leur donnant de temps en temps des branches 
de Sertularia dichotoma , sur lesquelles elles grim- 
paient , et dont elles paraissaient se nourrir, serrant con- 
tinuellement les rameaux les plus tendres entre leurs 
deux dents. Durant toute cette période ; elles ont pro- 
duit le même son avec une intensité presqu’égale ; ce 
son, dans un appartement tranquille, s'entend à la dis- 
tance de douze pieds. 

Le son sort évidemment de la bouche de l’animal , et, 
au moment où le coup était produit , on voyait les lèvres 
s’écarter instantanément comme pour laisser l’eau pé- 
nétrer dans un petit vide formé à leur intérieur. 

Comme ces animaux , quoique hermaphrodites , ont 
besoin d’une fécondation réciproque, peut-être ce bruit 
a-t-il pour objet d'établir un mode de communication 
entre eux. 


( Edimb. Philos. Journ., janv. 1820.) 


(ua3:) 


Osservarions sur la Structure et le Développement 
des Plumes ; 


Par M. Frépéerrc Cuvier. 


Dans mon Essai sur de nouveaux caractères pour les 
genres de Mammifères , publié en 1807 dans le X° vo- 
lume des Ænnales du Muséum d'Histoire naturelle , je 
me proposais de faire une étude spéciale des organes que 
le zoologiste emploie pour caractériser les genres et les 
espèces parmi les Mammifères , organes dont la connais- 
sance n’était pas suflisante pour donner la mesure de 
leur importance et faire apprécier la valeur des diffé- 
rentes modifications qu’ils éprouvent , des différentes 
formes sous lesquelles ils nous apparaissent. Depuis 
cette époque , j'ai continué les recherches dont je n’avais 
pu d’abord qu’indiquer le but , et le premier résultat de 
ce travail a élé mon ouvrage sur les dents considérées 
comme caractères zoologiques , dans lequel j’ai en outre 
exposé la structure et le développement de ces organes 
par de nouvelles observations anatomiques ; maïs je n'ai 
rien publié sur les autres systèmes d'organes qui fai- 
saient l’objet de mes études : le désir d’une perfection, 
peut-être chimérique, me retenait; je désirais avant 
tout de résoudre les questions principales qui se présen- 
taient à mon esprit à mesure que le nombre et l’impor- 
tance des faits se multipliaient , et j’aurais vraisembla- 
blement continué à agir avec la mème réserve et dans 
les mêmes vues si je n'avais dû reconnaitre que l'utilité 
d’un travail n’est pas toujours en raison directe de sa 

IX, — Octobre 1826. ) 


(114) 


perfection, et qu'il y a plus de chances à voir fructifier 
les germes, même imparfaits, disséminés successive- 
ment sur une grande surface , que de plus féconds accu- 
mulés tous à la fois sur un même point. J’ai donc pensé 
que je devais faire connaître le résultat de mes re- 
cherches , quel qu’il fût, pourvu cependant que de nou- 
veaux faits vinssent s'ajouter à ceux qui avaient été ob- 
servés précédemment ; et je commencerai par un des 
des organes tégumentaires les plus importans , par les 
plumes. | 

Quoique mes travaux aient eu plus particulièrement 
pour objet les Mammifères, et que la connaissance de 
leurs tégumens ait dü déterminer mes recherches de pré- 
férence à la connaissance des plumes , jai été conduit à 
l'étude de celles - ci par l'intime analogie qu’elles ont 
avec les poils et par la structure plus compliquée de 
l'organe qui les produit, et qui est plus favorable à leur 
analyse que ne le serait , à l'analyse des poils , l'organe 
plus simple et plus restreint sur lequel ils naissent. 
Aïnsi mes recherches sur la nature des plumes ont eu 
principalement pour but de nous éclairer sur la nature 
des poils ; si je n’ai pas précisément atteint ce but, je 
pense toutefois que mes observations contribueront à y 
conduire. 

Tout en reconnaissant cependant la grande analogie 
qui existe entre les poils et les plumes , je dois dire que 
dans ce travail j'ai soigneusement écarié de ma pensée 
toute explication qui leur serait commune , étant bien 
convaincu que les abstractions , quand les observations 
n’ont pas acquis toute leur maturité , sont bien moins 
favorables aux progrès des sciences que les faits même 


PATS 9: 

isolés ; car les premiers peuvent nuire à l’étude exacte 
des phénomènes par la préoccupation où ils tiennent 
l'esprit, tandis que les détails des faits et leur nombre 
ne peuvent jamais être que favorables aux abstractions. 
J'ai d’ailleurs été d’autant plus porté à en agir ainsi, que 
ce qui est venu à ma Connaissance sur ce qu'on a publié 
jusqu’à ce jour, du moins en France, sur les plumes. 
est loin de présenter une analyse exacte de la structure 
et du développement de ces organes , et de suflire à l’ex 
plication de toutes les questions que leur examen atten 
tif fait naître , non pas assurément que je pense y suflire 
moi-même, mais toute observation nouvelle peut ajou : 
ter aux moyens de le faire. 

Le premier travail spécial sur les plumes que nous 
connaissions est celui de Poupart, dont on trouve un 
extrait dans les Mémoires de l’Académie des Sciences 
pour l’année 1699. La plume, pour cet anatomiste , se 
composait du tube corné inférieur, de la tige qui le sur- 
monte , dont il ne considère que la matière spongieuse , 
et des barbes qui naissent de chaque côté de cette tige ; 
et il ne parle que des jeunes plumes des jeunes oiseaux, 
comme s'il eût ignoré que la mue en produit chaque 
année de semblables. Mais il avait fort bien vu que les 
vaisseaux nourriciers des plumes pénètrent dans celles- 
ci par leur extrémité inférieure ; que ces vaisseaux con- 
stituent en partie un organe à la surface duquel ils se 
ramifient et qu'il compare à une veine remplie de lymphe 
nutritive ; que les plumes, dans le premier travail de 
leur formation , sont préservées des accidens extérieurs 
par un tuyau cartilagineux à la face interne duquel les 


barbes sont roulées en cornet ; que d’abord ces barbes 


( 116 ) 


ont l'apparence de bouillie, et qu’à mesure qu'elles se 
forment , le tuyau cartilagineux se dessèche , tombe par 
écailles, et laisse les barbes exposées à l’air où elles 
prennent toute leur consistance; que l'organe qui con- 
tient la lymphe se termine supérieurement par des en- 
tonnoirs membraneux quand les plumes commencent à 
se dessécher, et que le tuyau de chaque entonnoir péné- 
trant dans le pavillon de l’entonnoir qui le surmonte, il 
en résulte un canal continu ; enfin, de ce que l’organe 
nourricier de la plume se résout définitivement en go-. 
det , il supposait que ces godets donnaient une idée de 
sa structure. 

De ce petit nombre de faits, Poupart concluait que son 
organe réservoir de la Iymphe nutritive était contenu, 
même à l’origine des plumes , dans le tube qui les ter- 
mine inférieurement quand leur développement est en- 
üer, ne faisant aucune différence entre ce tube et le 
tuyau cartilagineux dont nous avons parlé plus haut ; 
que cet organe, par son extrémité supérieure, s’intro- 
duisait dans la partie spongieuse ou la moelle de la 
plume, y versait sa lymphe qui, par imbibition , pé- 
nétrait dans les barbes , lesquelles finissaient ainsi de se 
nourrir et de se former ; de la sorte la plume acquérait 
successivement toute sa grandeur et toutes ses formes. 

De ces premières observations , bien insuffisantes sans 
doute pour expliquer convenablement la formation des 
plumes , nous passons sans intermédiaires aux Leçons 
d’Anatomie de mon frère (tom. 11, p. 603). Malheu- 
reusement la structure des plumes ne pouvait occuper 
qu'une place très-secondaire dans un traité général d’a- 


natomie comparée, et dans le premier traité de ce genre 


f sx7 } 


qui parut. Quoi qu'il en soit, tous les faits rapportés 
par Poupart y sont confirmés ; maïs sa veine remplie de 
lymphe , que mon frère nomme cylindre gélatineux , ne 
verse plus sa matière dans la partie spongieuse de la 
plume pour la nourrir ainsi que les barbes; elle croît en 
longueur par sa base et sort du tuyau cartilagineux dé- 
signé ici par le nom de gaîne , en même temps que ces 
barbes et que la tige qui les porte; et c’est en effet ce 
que l'expérience confirme ; maïs rien n'indique les rap- 
ports de cet organe avec la plume proprement dite et ses 
différentes parties ; on les voit seulement se développer 
simultanément ; et la formation des barbes , par le des- 
sèchement de la matière qui les constitue , semble plutôt 
le résultat d’une attraction purement physique, d’une 
sorte de cristallisation, produite par une force inhérente 
à cette matière, qu'un résuliat de la vie, c’est-à-dire d’une 
force dont le siége serait dans un organe. 

Les nombreux détails que demandait une connais- 
sance complète des plumes et de leur organe producteur 
ne pouvaient résulter que d’un travail spécial, et c’est 
ce travail qui a occupé M. Dutrochet. On trouve le Mé- 
moire qui le renferme et qui est intitulé : De La struc- 
ture et de la régénération des plumes, dans le tom. 88, 
page 333 du Journal de Physique (mai 1819). 

Les faits qu'il contient sont à-peu-près les mêmes que 
ceux que nous venons de rapporter; mais le travail de 
M. Dutrochet se distingue par les explications à l’aide 
desquelles il rend compte de la manière dont se forment 
les diverses parties de la plume. 

Après une description fort exacte de la plume lors- 
qu'elle est entièrement formée , c'est-à -dire telle qu’elle 


( 118 ) 


nous est représentée par celles dont nous faisons usage 
pour écrire , il passe à son développement , et cherche 
la raison de toutes les particularités de forme et de struc- 
ture qu'il vient d'exposer , dans les différens phénomènes 
que ce développement lui présente, en faisant toutefois 
exception des barbes et des barbules; ces parties étant 
pour lui tout-à-fait semblables à la tige , et trop petites 
pour que leur formation puisse être observée. 
Lorsqu'une plume commence à croitre, elle ne se 
montre d'abord extérieurement que par un tube (tuyau 
cartilagineux de Poupart , gaîne de mon frère } formé de 
plusieurs couches de l’épiderme du bulbe (veine rem- 
plie de lymphe de Poupart , cylindre gélatineux de mon 
frère) qu’il renferme , et qui est une papille de la peau 
plus ou moins grossie. Ce bulbe pénètre dans le tube 
par l’ouverture inférieure ou l’ombilic de celui-ci. Si 
l’on ouvre ce tube longitudinalement, on trouve entre 
sa face interne et le bulbe les rudimens des barbes ter- 
minales de la plume dans un grand état de mollesse. Il 
n’y a alors encore aucune apparence de la tige centrale : 
ces barbes rudimentaires enveloppent le bulbe , ployées 
obliquement autour de lui (en cornet suivant Poupart }; 
elles naissent de la circonférence de lombilic et n’ont 
aucune adhérence organique avec le corps du bulbe. 
Bientôt le tube épidermique se décoifle , et la plume 
commence à en sortir; mais ce n’est que lorsque les pre- 
mières barbes ont acquis toute leur longueur que la tige 
nait : elle se forme de la réunion de leurs fibres cornées, 
et à mesure que la plume grandit , la face postérieure de 
cette tige augmente en largeur dans la mème proportion 
que le nombre des barbes. Quant aux fibres cornées de 


(119 ) 

la face antérieure , elles naissent exclusivement d’une 
partie de la surface du bulbe , d'autant plus voisine du 
sommet de cet organe que la plume approche plus de sa 
perfection. Les fibres cornées des faces antérieures et 
postérieures existent avant la substance spongiense qui 
les sépare , qui est déposée par couches entre elles , et 
n’est peut-être qu'une manière d’être de la substanee cor- 
née. C’est aussi le bulbe qui produit la substance colo- 
rante des plumes , laquelle ne se trouve jamais que dans 
les fibres cornées. 

Ce bulbe , essentiellement composé de vaisseaux et de 
nerfs , est revêtu d’un épiderme qui se dessèche et se dé- 
tache par le contact de l’air ; ce qui produit les calottes 
(entonnoirs et godets de Poupart) qui le surmontent et 
qui viennent de son sommet, exposé seul à l'air quand 
ce tube épidermique se décoifte. 

Nous voici arrivés , avec M. Dutrochet, à l'extrémité 
inférieure de la tige de la plume. Les fibres de sa face pos- 
térieure sont allées en augmentant , et cette face s’est 
élargie à mesure que le nombre des barbes s’est accru , 
et qu’elles ont occupé une plus grande partie de la cir- 
conférence de l’ombilic; enfin cette circonférence en 
est entièrement remplie, c’est-à-dire qu'elle se trouve 
toute occupée par des fibres cornées , fibres dont l’as- 
sembla :e représente la continuation de la partie posté- 
rieure de toutes les barbes. De cet assemblage naît le 
cylindre ou le tuyau de la plume. Pendant ce temps, le 
tube épidermique s’est aminci et a fini par disparaitre. 

Dès que le tuyau de la plume commence à se former 
de la réunion en un cercle des fibres cornées de la face 


postérieure de la tige ou des barbes , les fibres cornées 


( 120 ) 


de la face antérieure cessent de se produire aïnsi que la 
substance spongieuse : ce qui arrive , parce que le tuyau, 
en se formant, déplace le bulbe qui produit ces der- 
nières fibres ; il le force à se renfermer en lui en l’en- 
veloppant de toutes parts ; alors ce bulbe ne dépose plus 
que la substance qui doit fermer ce tuyau à son sommet; 
dès que cette tâche est remplie , il diminue graduelle- 
ment de hauteur , et finit par être absorbé en laissant les 
calottes d’épiderme qui constituent ce qu’on appelle vul- 
gairément l'âme de la plume. Enfin l’extrémité infé- 
rieure du tuyau se ferme à son tour , et le moment de la 
chute de la plume est arrivé. 

Il aurait été diflicile de ne pas être au moins frappé de 
cette ingénieuse théorie de la formation des plumes; 
toutes les phases de leur développement y sont marquées 
avec soin, et les causes de la production de leurs difié- 
rentes parties , exposées avec beaucoup d’art et de vrai- 
semblance; aussi n'aurais-je peut-être pas élevé le 
moindre doute sur cette théorie, si les faits que j'avais 
moi-même recueillis ne se fussent pas trouvés en oppo- 
sition avec ceux qui lui servent de fondement; bien 
moins , à la vérité, parce qu'ils sont diflérens que parce 
qu’ils sont plus nombreux et plus développés. 

Enfin M. de Blainville termine la série des auteurs qui, 
chez nous , se sont occupés de la structure et du déve- 
loppement des plumes. Il expose ses idées sur cette ma- 
tière dans le premier volume, page 105 et suivantes , de 
ses Principes d'anatomie comparée , et son but principal 
paraît être moins d'augmenter le nombre des faits que 
de ramener, par l'emploi d’une partie de ceux qui sont 
connus , de l'explication du développement des plumes 


Graar ) 


à l'explication du développement des poils. Ainsi, pour 
M. de Blainville, les plumes sont composées, comme 
les poils, d’un bulbe producteur et d’une partie pro- 
duite. 

Le bulbe ( réunion de la gaine et du bulbe de M. Du- 
trochet )se compose extérieurement d’une capsule (gaîne) 
fibreuse , blanche , épaisse , qui est remplie de matière 
sub-gélatineuse (bulbe ), ayant une forme déterminée 
et dans laquelle pénètrent les vaisseaux et les nerfs. 
Cette matière vivante « offre à sa surface des stries ou 
» cannelures dont la disposition indique la forme de la 
» plume. Le principal de ces sillons occupe le dos du 
» bulbe... Les autres, beaucoup plus fins , tombent 
» obliquement et régulièrement par paires de chaque 
» côté du sillon principal et commencent dans la ligne 
» médiane et ventrale du bulbe. » Et, à en juger par 
analogie , des stries d’un troisième ordre tombent sur 
ceux du second , mais leur petitesse empèche de les voir. 
Tel est l’organe producteur de la plume. « Quand il 
» vient à en exhaler la matière qui se dépose en grains 
» non adhérens..… , il se forme une succession de cônes 
» non distincts ; mais ces cônes ne s’emboîtent pas d’a- 
» bord les uns dans les autres , ils se fendent le long de 
» la ligne médiane inférieure, où les filets cornés , pro- 
» duits des sillons, se réunissent et dans la longueur 
» même de ces filets cornés , très-probablement à l’en- 
» droit des stries tertiaires. 

» C’est ainsi que se forme la lame de la plume, c’est- 
» à-dire la partie dont l’axe est plein et solide, et qui est 
» pourvue de barbes et de barbules. 

» Quand le bulbe a produit cette lame qui est sortie 


( 123 ) 
» au fur et à mesure de la capsule rompue à son extré-. 
» mité , il a considérablement diminué de vie; et, soit 
» que les sillons s’effacent ou que sa base n’en offre plus, 
» il exhale de toute sa circonférence de la matière cor- 
» née qui forme alors le tube complet , celui qui ter- 
» mine la plume. 

» Ce tube renferme la pulpe, et comme l'extrémité 
» de celle-ci à mesure qu’elle diminue se retire , elle 
». produit des espèces de cloisons en forme de verres de 
» montre; c'est ce qu'on nomme l'âme de la plume, et 
» ce n'est autre chose que la succession de l’extrémité 
» des cônes qui composent le tube. » 

Ces idées sur la formation des plumes, dont j'ai copié 
textuellement l'exposition à cause de leur précision, sont 
fort différentes de celles de M. Dutrochet ; et comme les 
unes ne reposent pas , à proprement parler, sur d’autres 
fondemens que les autres , mes observations ne se trou- 
vent pas mieux concorder avec les explicatiôns de M. de 
Blainville qu'avec celles de l’observateur. dont nous 
avons précédemment exposé le système. 

Je vais actuellement décrire les faits que j'ai re- 
cueillis ; j'essayerai d'en montrer ensuite les conséquen- 
ces : malheureusement nos moyens d'observation sont 
bornés, et la nature est aussi infinie dans la moindre de 
ses productions que dans l’ensemble des êtres dont l'u- 
nivers est formé ! 


(123) 


De la Plume en général et des diverses parties qui la 
composent. (Fig. 1.) 


La production organique qui fait l’objet de ce Mé- 
moire est celle qui constitue le vêtement des oiseaux, et 
que l’on désigne communément par le nom général de 
plume, quelles que soient les formes ou les apparences 
sous lesquelles elles se présentent ; qu’elles soient lâches 
ou soyeuses comme celles de certaines variétés de nos 
poules domestiques , fermes ou résistanites comme les 
pennes des oïseaux qui volent, molles ou veloutées 
comme le duvet, recourbées en panaches, relevées en 
aigrettes ou allongées en soie, etc. , etc. 

Toutes ces sortes de plumes en effet ont la mème 
structure fondamentale ; leurs différences , quelques 
grandes qu’elles paraissent , ne tiennent qu’à des modi- 
fications assez légères et les unes comme les autres se 
composent des mêmes parties essentielles. 

Il n’entre pas dans mon plan de montrer la cause de 
ces variations ; non - seulement elles feraient la matière 
de plusieurs volumes , mais de plus elles exigeraient un 
grand nombre d’oiseaux fort rares dont il faudrait ce- 
pendant disposer comme on fait d'oiseaux domestiques , 
ce qui n’est possible pour personne. Un ensemble com- 
plet de recherches sur les différentes sortes de plumes 
ne peut être que l'ouvrage successif du temps ; les mien- 
nes se sont principalement portées sur les plumes qui 
recoivent le nom de pennes, et c’est celles-là dont je 
dois faire connaître les parties avant de m'occuper de 
l'organe qui les produit. 


(124) 


Toutes les pennes nous présentent un TUS5E corné 
(fig. 1, a) à leur extrémité inférieure , une ice (b) qui 
le surmonte , et de chaque côté de laquelle se dévelop- 
pent des sARBES (c) qui sont elles-mêmes garnies de pAr- 
BULES (4). Le tube, toujours plus gros et plus court 
que la tige, est à-peu-près cylindrique et généralement 
transparent ; il se termine en une pointe plus ou moins 
mousse et est percé à son extrémité inférieure d’un ori- 
fice que nous nommerons OMBILIG INFÉRIEUR (e), par 
opposition à un autre orifice auquel nous donnerons le 
nom d'omBrLic SUPÉRIEUR (f) , et qui est situé au point 
où le tube se réunit à la face interne de la tige et où les 
barbes des côtés de celle-ci, qui ont commencé un 
peu plus haut à se rapprocher, finissent par se réunir 
tout-à-fait. L'intérieur de ce tube renferme des capsules 
emboîtées les unes dans les autres , et souvent unies entre 
elles par un pédicule central qui en forme une sorte de 
chaîne ; c’est ce qu'on nomme vulgairement l’âme de la 
plume. C’est par le tube que les plumes tiennent à la 
peau. 

La tige considérée isolément a une forme plus ou 
moins carrée; elle va en diminuant graduellement de 
grosseur de l’ombilic supérieur jusqu’à son extrémité et 
elle suit une ligne courbe. Nous désignons par le nom 
de FACE INTERNE de la tige la partie intérieure de cette 
ligne , et par celui de FACE EXTERNE sa partie extérieure. 
Ces deux faces sont revêtues d’une matière d’apparence 
cornée assez semblable à celle qui constitue le tube ; et 
cette matière couvre immédiatement une substance blan- 
che, molle, élastique, que nous nommons matière 
SPONGIEUSE et qui constitue la partie centrale de la tige, 


(185 3 


du moins dans la plupart des plumes. La face externe 
est toujours lisse et légèrement arrondie; dans qnelques 
pennes elle est unie , dans d’autres elle présente au tra- 
vers de sa matière cornée des lignes parallèles longitu- 
dinales plus ou moins nombreuses qui semblent des 
stries. L’interne est toujours partagée en deux parties 
égales dans toute sa longueur par une dépression ou petit 
canal , ou par une saillie, et ces dernières différences 
résultent ordinairement de la structure interne de la 
tige. 

En effet, nous avons trouvé dans les pennes , nous 
pouvons même dire dans les plumes, deux sortes de 
tiges ; les unes pleines et solides , les autres creusées et 
pourvues d’un canal dans toute leur longueur. Dans les 
premières , l’âme de la plume se termine à l’ombilic 
supérieur auquel elle est attachée ; dans les secondes , 
elle est également attachée à cet ombilic, mais elle se 
prolonge d’un bout de la tige à l’autre. Quant aux lignes 
parallèles , aux apparences de stries longitudinales de la 
face externe de quelques tiges, elles sont dues à ce que 
la lame cornée est formée de semblables stries du côté 
où elle s'applique sur la matière spongieuse , et sa trans- 
parence les rend sensibles à l'œil ; car elles ne le sont 
pas au toucher extérieurement. 

Les barbes consistent dans des lames dont l’épaisseur, 
la largeur et la longueur, varient suivant les espèces de 
plumes , et qui naissent sur les côtés de la tige vers le 
bord de sa face externe. De chaque côté de ces barbes 
sont des barbules ou des lames plus petites qui sont lâches 
ou serrées , longues ou courtes ; ces barbules sont quel- 


quefois barbelées elles-mêmes , comme on peut s’en as- 


( 126 ) 


surer sur les barbules des grandes plumes du paon; et 
c’est surtout de la contexture des unes et des autres que 
résultent en grande partie les différences qui caracté- 
risent extérieuremeut les plumes, abstraction faite des 
couleurs. 

Ces barbes et barbules sont pourvues de deux sorps 
qui correspondent l’un à la face interne de la tige, qui 
est le sonD INTERNE , et l’autre à la face externe , qui est 
le sorD EXTERNE, et de deux faces : celle qui regarde le 
haut de la tige est la FACE surÉRIEURE , celle qui regarde 
du côté du tube est la rAcE iNréÉrIEURE. Les bords des 
unes et des autres m'ont toujours paru lisses et légèrement 
arrondis ; et ce n’est pas toujours aux points correspon- 
dans des faces des barbes que naissent les barbules. 

Enfin il paraît que la grande variété de couleur que 
présentent les plumes réside dans la matière cornée de la 
tige, dans les barbes et les barbules ; mais l’éclat de ces 
couleurs paraît tenir autant à la contexture des parties 
qui les présentent qu'aux substances colorantes elles- 
mêmes. 


De la capsule productrice des plumes. 


Quoique composé de parties qui se distinguent aisé- 
ment l’une de l’autre par leurs formes et leurs rapports, 
cet organe fait cependant un tout indivisible ; on ne 
peut détacher une de ses parties sans l’altérer, et néan- 
moins son analyse est nécessaire ; sans elle on ne pour- 
rait le faire connaître ; mais si je décris séparément les 
parties qui le constituent, on ne doit pas oublier que 
leur union est intime , et que les fonctions de l’une sont 
inséparables des fonctions de l’autre. 


(2727) 


Ce qui rend son étude fort difficile , ce qui a empêché 
que jusqu’à ce jour il füt bien compris , c’est qu’il ne se 
présente jamais complètement à l’observateur, et qu’il se 
détruit par une de ses extrémités à mesure qu'il se déve- 
loppe par l’autre. Tant qu'une dent est sécrétée , l’or- 
gane qui la produit conserve son intégrité. Cela paraît 
être plus vrai encore pour les poils : ils se composent, 
dit-on , d’une succession de cônes produits successive- 
nent par un organe qui en exhale la matière , et qui en 
est le moule. L’organe producteur de la plume , au con- 
traire , n’est jamais un moment le même : la partie qui 
a excrété la première portion d’une plume s’est obli- 
térée en mème temps que cette portion a été formée et 
que la partie qui doit suivre se montre ; celle-ci, qui 
produira la seconde portion , s’oblitérera à son tour, dès 
qu'elle aura rempli sa destination; et il en sera ainsi 
jusqu’à l'entière production de la plume. Ii en résulte 
que cet organe , ne pouvant être vu tout entier en même 
temps , et le développement de ses parties suivi sur un 
mème oiseau , puisqu'il faut détruire cet organe pour 
l’observer, sa description générale ne saurait se former 
que de la réunion d’observations particulières , isolées, 
qui n’ont de liens que dans l'esprit, ou du moins que 
ceux que l'esprit croit apercevoir en eux. 

Toutes ces circonstances m’obligeront à entrer dans 
des détails que j'aurais pu supprimer, si l'examen d’une 
seule capsule productrice des plumes eût pu suffire pour 
la faire connaître ; mais dans les faits où l'observation 
n'est pas simple, on ne doit pas moins rendre compte de 
la route qu'on a suivie, des moyens qu’on a employés, 
que des résultats qu’on a obtenus. 


( 128 ) 


Toute capsule naît d’une papille du derme, mais elle 
n’en est point le développement; elles n’ont pas le 
moindre rapport de structure et ne tiennent l’une à 
l’autre que par des points très-circonscrits ; aussi lors- 
qu'on ouvre l’étui du derme où se trouve contenue la 
partie inférieure d’une capsule nouvelle et qu’on pé- 
nètre jusqu’à la papille, on la trouve formant un cône 
extrèmement petit en comparaison de cette capsule et ne 
communiquant guère avec elle que par son sommet , ce 
qui explique l’extrème facilité qu’on éprouve à arracher 
une capsule naissante , et l'intégrité de toutes ses parties 
après cette violente séparation. 

La première forme de la capsule, celle sous laquelle 
elle se présente d’abord et avant toute altération , est la 
forme d’un cylindre terminé par un cône (fig. 2). Dans 
la plupart des oiseaux , ce cylindre n’est pas plutôt sorti 
de quelques lignes hors de la peau que la partie conique 
tombe , qu’il se décoiffe pour laisser libre l'extrémité de 
la plume. Cependant il est des capsules qui atteignent 
jusqu’à quatre on cinq pouces avant d'éprouver aucun 
changement extérieur ; mais, dans tous les cas, la chute 
du cône précède toujours et de beaucoup l'entière for- 
mation de la plume. 

Lorsqu'une capsule de plume à tige solide a été déta- 
chée soigneusement de la couche corticale où elle a pris 
naissance , et qu’on l’examine , on reconnait qu'elle est 
terminée inférieurement par une membrane fibreuse (a), 
molle , percée à son milieu par un orifice au travers du- 
quel pénètrent les vaisseaux nourriciers ds l’intérieur de 
l'organe , et qui représente l'omBizic iNFÉRIEUR de la 
plume  varce qu'il remplit les mêmes fonctions , quoi- 


( 129 ) 
qu’il ne se trouve pas aux mèmes parties , le tube de la 
plume étant loin d’être formé dans une capsule dont le 
développement commence. On remarque ensuite que 
toute sa partie extérieure se.compose. d'une enveloppe 
membraneuse qui a reçu et à laquelle nous conserverons 
Je nom de GAînE ; que la consistance de cette enveloppe 
va en diminuant graduellement de son extrémilé supé- 
rieure à son extrémité inférieure où se trouve l'orifice 
au travers duquel les nerfs et les vaisseaux s ’introdui- 
sent dans l’ organe; et qu'une ligne droite, de peu de lar- 
geur, moins opaque que les parties environnantes, et que 
nous nommerons LIGNE MOYENNE (b) , règne dansytoute 
sa longueur. 

En enlevant cette enveloppe. (fig. 3, a) on Mate 
une membrane qui a la forme de la capsule et qui paraît 
striée , excepté dans une ligne droite correspondante à 
celle que la gaine nous a offerte à la ligne Moyenne, et 
dans une ligne directement opposée € à celle - - Ci,cL Qui va 
s “élargissant de haut en bas. Les, stries naissent de chaque 
côté de cette dernière ligne. surses bords, montent, obli- 
quement et viennent se terminer à droite et à, gauche-.de 
la première. Cette membrane, -que je désig gnerai, par Je 
nom de MEMBRANE STRIÉE EXTERNE (),.forme l’enve- 
loppe immédiate de la plume, | 

Cette membr ane enlevée , on trouve les barbes re- 
ployées de bas en haut (c), de manière à se rapprocher 
par leur extrémité et à former un cylindre semblable 


ment de la, capsule ; celles, de l extrémité de la plume 


à la _gaîne ; mais ; dans les premiers temps du dév eloppe- 


ainsi que leur tige sont seuls formés ; set Les. molécules 
qui constituent les autres parties sont REA moins 
IX. 9 


(130) 


liées qu’elles se rapprochent davantage de leur origine 
commune ; là les barbes se divisent sous le moindre 
effort comme de la bouillie, et leurs molécules ont la 
forme d’une aiguille. Les barbules sont intimement cou- 
chées le long des barbes. Si l’on écarte ou si l’on enlève 
même les barbes qui ont acquis toute leur consistance, 
on trouve entre chacune d’elles une membrane mince 
qui les égale en longueur et en largeur, et que nous nom- 
merons CLOISONS TRANSVERSES (fig. 12), ou plus simple- 
ment cLo1sons ; et en cherchant l’origine de ces mem- 
branes nouvelles, on voit qu’elles sont une dépendance, 
qu’elles font parties intégrantes d’une seconde membrane 
striée qui se trouve placée entre la face interne du tube 
que forment les barbes reployées et la partie centrale de 
la capsule. Nous désignerons cette dernière membrane 
par le nom de MEMBRANE STRIÉE INTERNE (fig. 3, d, et 
fig. 4, a),et la partie centrale de la capsule par le 
nom de suL6E (fig. 5, &). 

Maintenant il me reste à examiner séparément chacune 
de ces parties, afin d’en fixer les caractères , d’en déter- 
miner les rapports, et d’en reconnaître les fonctions dans 
le développement de la plume. 

De za Gaine. — Cette enveloppe extérieure de tout 
le système organique dont se compose la capsule pro- 
ductrice des plumes a son origine au mème point que le 
reste de cet organe, c’est-à-dire sur une papille du derme, 
et le développement qu'elle acquiert est toujours le 
même que celui de la plume dont elle doit protéger la 
formation ; ainsi la gaine de la plus grande plume de 
paon, par exemple, a eu toute la longueur de cette plume, 
quoiqu'elle n'ait jamais paru avoir plus de cinq à six 


(118x ) 


pouces. C’est que, comme nous l'avons dit, elle se dé- 
truisait par une de ses extrémités à mesure qu'elle crois- 
sait par l’autre. 

Au point où elle prend naissance et à sa partie infé- 
rieure elle est formée par une membrane très - molle, 
fibreuse et jaunâtre ; mais au-delà , et dans une longueur 
variable, suivant l’espèce des plumes et le degré de dé- 
veloppement qu’elles ont acquis, la gaine est formée 
d’une membrane blanchâtre, opaque, molle, d’appa- 
rence cartilagineuse , et que revêt une lame d’épiderme. 
À mesure qu’elle arrive au contact de l'air, elle semble 
se dessécher, se durcir; et se changer en un nombre plus 
ou moins grand de couches épidermoïdes, minces, trans- 
parentes , fibreuses, et s’enlevant par lanières , suivant 
le contour de la capsule et non point suivant son axe, 
ce qui est à noter. Dans certaines plumes , la capsule ne 
paraît se composer que de ces pellicules d’épidermes; 
mais dans d’autres elles recouvrent une matière blanche 
d’une nature particulière , dont l’apparence est albumi- 
neuse et même crétacée, et qui se détache par petites 
écailles de la membrane striée externe qu’elle revèt im- 
médiatement. Ces caractères sont ceux que présente la 
gaine jusqu’au moment où se forme le tube corné de la 
plume ; alors les couches internes de la gaine deviennent 
la couche externe de ce tube en s’identifiant avec les 
couches de celui-ci, sécrétées par le bulbe qu'il ren- 
ferme. C’est ce que nous ont montré toutes les plumes , 
du tube corné desquelles nous avons cherché à détacher 
les parties de la gaine qui étaient naturellement déta- 
chées du reste de la plume , c'est-à-dire de la tige, des 
barbes , etc. En saisissant fortement ces parties de‘la 


( 132 ) 


gainé et en faisant effort pour les enlever , en dirigeant 
l'effort vers l'extrémité du tube et parallèlement à son 
axe, la surface de celui-ci s’est constamment déchirée 
dans cette direction et non plus transversalement ; et 
nous n’avons pu trouver par aucun moyen, entre ces 
parties de la gaîne et la surface du tube , de solution de 
continuité naturelle. 


DE 1A MEMBRANE STRIÉE EXTERNE. — Cette mem- 
brane fine, colorée quelquefois quand la plume l’est 
elle-même, enveloppe entièrement, comme la gaine, 
les parties les plus centrales de la capsule, et sa struc- 
ture est en rapport intime avec la structure des parties 
qui sont en communication immédiate avec elle ; elle est 
lisse à sa face externe comme la face interne de la gaîne, 
lisse ou striée à sa face opposée, suivant les parties de Ja 
plume qu'elle recouvre, l'intervalle vide que les barbes 
laissent entre elles à leur extrémité, ces barbes elles- 
mêmes ou la face externe de la tige. Elle se détache plus 
facilement de la gaine que de la plume; il parait qu’il 
n’yaentre elle et la première que des rapports de juxta- 
position , et il y en a de beaucoup plus intimes avec la 
seconde. D’abord ces stries ne sont autre chose que les 
bords des cloisons transverses qui ne font avec elle qu’un 
seul et même tout, et auxquelles reste ordinairement at- 
tachée l’extrémité des barbules , comme l'extrémité des 
barbes reste attachée le long de la ligne moyenne. Ce 
sont les lignes noires que forment ces débris de la plume 
qui donnent la première indication de stries sur cette 
membrane , quoiqu'ils ne forment qu’une ‘partie acci- 
dentelle de celles qui y existent réellement. 


(29% ) 


On ne parvient à analyser cette membrane et à re- 
connaître tous ses caractères qu'aux parties où la plume 
est entièrement formée , car elle se développe avec elle, 
et ce n’est qu'avec peine qu’on peut la découvrir où les 
barbes ne sont encore qu’à l’état de bouillie, et elle tombe 
en poussière comme la gaine dès que la plume éprouve 
l’action de l'air. Elle est très - visible sur toutes les 
plumes , sous les parties de la gaîne , qui se divisent en 
pellicules épidermoïdes ; mais celles dont les. barbes 
sont rares le long de leur tige en montrent mieux tous 
les détails; c’est pourquoi les plumes de paon sont les 
plus favorables pour la bien faire connaître, 


Des CLorsons TRANSvERSES. — Ces membranes ne 
sont que des prolongemens de la face interne de la mem- 
brane striée externe ; elles servent de limites aux barbes; 
c’est entre elles que celles - ci sont déposées , ainsi que 
les barbules qui paraissent être elles-mêmes séparées les 
unes des autres par de petites cloisons, lesquelles dé- 
pendent aussi des premières , comme j'ai cru m'en assu- 
rer toutes les fois que je les ai cherchées sur les plumes 
de paon, car ces parties sont si petites et si confuses 
qu'il est fort diflicile de voir clairement si ce sont elles 
qu'on distingue en effet : aussi n’en parlerais-je point si 
mes observations n’étaient pas soutenues par les analo- 
gies, comme je n'aurais aucun égard à celles-ci , si les 
faits que j'ai eus sous les yeux ne leur avaient pas été 
favorables. 

Ces cloisons , comme nous l’avons dit, tiennent à, la 
face externe de la membrane striée interne de.la mème 


manière qu'à la face interne de la membrane striée, ex- 


(134) 


terne , c’est-à-dire qu’elles en sont des prolongemens ; 
elles leur servent ainsi de liens, et font que toutes trois 
ne forment qu’un mème système organique dans lequel 
les barbes se déposent comme dans un moule, où elles 
s’accroissent et où elles se consolident par l’action propre 
de leurs molécules. 


De 1A MEMBRANE STRIÉE INTERNE. — Ce nom ne 
convient aussi qu'imparfaitement à la membrane à la- 
quelle nous le donnons ; elle ne paraît striée que quand 
les barbes ont été enlevées ou se sont épanouies , et 
qu’elles ont détaché les cloisons transverses pour les en- 
traîner avec elles : les stries ne résultent proprement 
que des traces de ces cloisons , et dans son intégrité, au 
lieu de stries , elle présente des languettes ou des raï- 
nures , suivant qu’on considère , indépendamment l’une 
de l’autre, les cloisons ou les intervalles qui les sépa- 
rent. Cette membrane, colorée quand la plume l’est 
elle-même , revêt le bulbe; elle est intimement unie à 
sa surface externe, mais on l’en sépare par la macéra- 
tion, du moins partiellement : elle naît au point où 
naissent les barbes et n'existe pas dans la partie corres- 
pondante à la face interne de la tige. À l’origine du bulbe 
ou de la capsule , elle est peu sensible et reste confondue 
avec toutes les parties informes de la plume et de son 
organe producteur. Ce n’est que dans les parties moyen- 
nes du bulbe qu’elle se présente sous forme de pellicule 
continue , et son caractère membraneux ne se distingue 
bien que dans les parties supérieures de ce dernier or- 
gane , et si, en ce point, on veut la détacher, on voit 


qu’elle n’est jamais libre que dans les intervalles de deux 


{a35 ) 


anneaux ou de deux cercles étroits autour desquels elle 
est organiquement unie. Ce sont les points par lesquels 
le système des membranes striées paraît lié au bulbe et 
conséquemment aux vaisseaux qui le nourrissent. 

Les trois sortes de membranes que nous venons de 
décrire , la strie supérieure , les cloisons et la strie in- 
férieure, présentent la même contexture. Lorsqu'on 
peut les considérer isolément et les examiner de telle 
sorte que la lumière les traverse, on voit qu’elles sont 
formées de petits globules qui se touchent et qui ont 
une opacité plus grande que les intervalles qu'ils lais- 
sent entre eux. Ces membranes , ainsi que la gaîne , pa- 
raissent être entièrement dépourvues de vaisseaux et de 
nerfs, 


Du Buzee. — Cette partie centrale de la capsule des 
plumes est sans contredit la plus importante, mais elle 
est aussi la plus compliquée et celle dont l’analyse offre 
les difficultés les plus grandes. 

C’est elle seule qui paraît renfermer les vaisseaux et 
les nerfs du système organique auquel elle appartient ; 
c’est elle qui paraît donner directement naissance à 
toutes les autres parties de ce système comme à toutes 
les parties de la plume : elle seule est en communication 
immédiate avec le reste de l’organisation. 

De cette diversité de fonctions qui ne s’exercent que 
succcessivement résultent dans ce bulbe des modifica- 
tions successives si diverses qu'on ne peut espérer: de 
saisir le point précis où elles naissent , et toutes les con- 
ditions qui les accompagnent et les caractérisent , qu'à 
l'aide du temps et des circonstances favorables qu’il peut 


( 136 ) 

amener, Ses changemens pendant l'accroissement d’une 
plume sont plus considérables que ceux d'aucune autre 
partie de la capsule; jamais il ne se présente sous les 
mêmes apparences : à sa naissance il n’est pas ce qu'il 
sera à sa fin , et il change encore dans tous les points in- 
térmédiaires , de sorte que pour le décrire complètement 
il faudrait aussi le suivre dans tout le cours du dévelop- 
pement d’une plume , ce qui est impossible , ou sur un 
nombre de plumes égal à celui de ses changemens, ce 
qui n'est guère plus praticable. D’ailleurs toutes les 
plumes ne se ressemblent pas, et comme leurs différences 
se retrouvent dans leurs bulbes , il serait difficile de re- 
connaître sur l’un d’eux le point corresporidant à celui 
que l’on aurait observé sur un autre. Aussi je suis loin 
de penser que les détails où je vais entrer renferment 
tout ce qu'il serait nécessaire de savoir pour se faire une 
idée parfaitement complète de cet organe singulier ; c’est 
‘pourquoi je ne me. bornerai plus à rapporter les faits 
d’une manière générale, comme j'ai à-peu-près pu le 
faire jusqu'ici, ces faits pouvant , avec quelque atten- 
tion , être vérifiés sur toutes les plumes. Dans les parti- 
cularités que je vais décrire, j'indiquerai les espèces de 
plumes qui me lés auront présentées et les espèces d’oi- 
seaux d’où j'aurai tiré ces plumes. 


Je OssErRvATIOoN. 


Une grande penne de l’aïle d’un marabou , complè- 
tement formée et desséchée , mais où ne se trouvait que 
la moitié de son tube , l’autre ayant été détruite acciden- 
tellement , m’a présenté, depuis la partie inférieure de 


(137) 


_ce qui restait du tube jusqu’à l’extrémité de sa tige, une 

succession de cônes épidérmoïdes entiers et dans un par- 
fait état d’intégrité jusqu’au tiens de la tige ; à partir de 
ce point , ils étaient réduits par le desséchement à de 
simples pellicules concaves , à de simples godets. Ces 
cônes s’enfilaient l’un l’autre dans toute la partie où 
leur forme primitive s’était conservée; de telle sorte 
que le sommet du premier s’attachant à l’intérieur du 
sommet du second, celui-ci au troisième, et ainsi de 
suite jusqu'au dernier , il en résultait d’abord un tube 
ou canal continu jusqu'au cône qui se trouvait au-des- 
sous de l’ombilic supérieur , cône qui n’avait point de 
prolongement tubuleux , était hémisphérique, fortement 
attaché aux parois de l’ombilic , en dehors duquel se 
montraient des rudimens d’autres cônes appliqués contre 
la face interne de la tige et adhérens à ces mêmes pa- 
rois. Au-delà de ce cône hémisphérique , dans l’intérieur 
de la tige, se continuait la série de cônes dont nous ve- 
nons de parler, les premiers réunis par leur prolonge- 
ment tubuleux, et les autres isolés par la privation de 
ce prolongement. 


IIe Ossenvarion. ( Fig. 10 et rr.) 


Une autre penne de l’aïle d’un marabou , dont toute 
la tige était formée , mais qui n’avait encore qu’une par- 
tie de son tube , avait toute l’étenduede celui-ci remplie 
par un bulbe (a) qui paraissait surtout composé de fibres 
blanches, longitudinales, molles et élastiques; des 
vaisseaux et des nerfs pénétraient dans son intérieur par 


l’ombilic inférieur et rampaient à sa surface. Il se ter- 


( 138 ) 


minait en pointe à l'endroit (4) où les dernières portions 
de la matière spongieuse de la tige avaient été déposées ; 
et on voyait à sa surface une matière blanche opaque , 
légèrement nacrée. Son sommet était couronné par un 
cône membraneux (c) qui ne communiquait avec lui que 
par sa base , laquelle était attachée au point où le bulbe 
se rétrécissait pour se terminer en pointe. D’autres cônes 
membraneux (ee) venaient ensuite , et paraïssaient n’a- 
voir pas d’autres rapports entre eux, et avec le premier, 
que les rapports que celui-ci avait avec le sommet du 
bulbe ; ni l’un ni l’autre n’avaient de prolongement tu- 
buleux. Le cône contigu à l’ombilic supérieur avait en 
ce point sa membrane engagée entre la matière spon- 
gieuse et la matière cornée dans un trajet de trois à quatre 
lignes (ddd) où elle était colorée en rouge. À l'endroit 
où , par cette espèce de canal , elle se trouvait sortie de. 
l’intérieur de la plume , on voyait une seconde série de 
cônes membraneux (ff) , enfilés les uns dans les autres 
au moyen de leur prolongement tubuleux , et recouverts 
extérieurement par la membrane striée interne. 

Des cônes semblables à ceux qui couronnaient immé- 
diatement le bulbe se trouvaient dans l’intérieur de la 
tige (ggg) au-delà du point correspondant à l’ombilic 
supérieur, et ils ne paraïssaient pas plus que les pre- 
miers conserver de traces de leur tube central etcommun. 


ITS Ossenvarion. ( Fig. 8.) 
La penne de la queue d’un hocco , longue de quatre 


pouces et encore complètement renfermée dans sa cap- 
sule, ayant été ouverte le long de la ligne moyenne, 


( 139 ) 


m'a présenté un bulbe cylindrique , nu à sa partie in- 
férieure , et revêtu , dans tout le reste de sa longueur, 
de la membrane striée interne. 

Ayant procédé de bas en haut, et dans le sens de la 
ligne moyenne , à l'enlèvement de cette membrane striée, 
je fus conduit, par l’incision d’une première portion , 
sous la portion qui lui était immédiatement supérieure , 
de celle-ci sous celle qui la suivait , et ainsi de suite jus- 
qu’au point où je ne rencontrai plus que des cônes mem- 
braneux. En cherchant à écarter les bords de cette mem- 
brane ainsi incisée dans cinq parties successives du 
bulbe, je la trouvai bridée transversalement au bord 
inférieur de chacune de ces parties ; incisant alors cette 
membrane en travers, ses bords se renversèrent , et je 
vis qu’elle ne constituait que la partie externe de cônes 
qui se recouvraient les uns les autres dans la plus grande 
partie de leur étendue où ils n’étaient point striés , et que 
chacun d’eux renfermait une substance pulpeuse qui 
variait de couleur et de consistance à mesure qu’on s’é- 
levait, Enfin chacun de ces cônes était fixé par son bord 
inférieur sur celui qui le précédait, au point où com- 
mençait sur celui-ci la membrane striée , d’où résultait 
la bride circulaire que nous avons dû inciser pour les 
ouvrir. 

Le premier cône (b) , en commençant par la partie in- 
férieure du bulbe , recouvrait la sommité conique (a) de 
celui-ci, qui n’était point formée de cônes, mais dont 
la portion de substance blanche, opaque , fibreuse , pré- 
sentait les caractères du bulbe dans son état primitif 
d'activité. Le second cône (c) renfermait une matière 


qui n'avait plus d'apparence fibreuse , et qui ressemblait 


(140 ) 

à une pulpe blanche et légère; le troisième (d) conte- 
nait cette même matière pulpeuse, mais elle avait une 
teinte lilas; sous le quatrième (e), cette matière était 
rouge et moins abondante que sous les cônes précédens ; 
enfin le cinquième ( f) était presque vide , et le peu de 
matière pulpeuse qu’on y renconirait était aussi rouge. 
Les cônes qui suivaient étaient entièrement vides. 


IV® Osservarion. (Fig. 7 et 9.) 


Dans l’observätion précédente, quoiqu’on vit que les 
cônes pénétraient les uns dans les autres, on ne pouvait 
cependant pas reconnaître exactement leurs rapports. 
Pour atteindre ce but, j'enlevai la matière pulpeuse de 
chaque cône, et alors je vis que chacun d’eux se pro- 
longeait en un tube étroit ( fig. 9), et que les tubes des 
cônes inférieurs allant se réunir aux tubes des cônes su- 
périeurs , il en résultait un canal continu qu’on pou- 
vait suivre depuis le premier cône jusqu’à ceux dont 
le desséchement amenait la destruction de cette espèce 
de canal. C’est pour donner une idée claire et faire con- 
cevoir facilement les relations de toutes les parties con- 
stituantes du bulbe que je viens de décrire que j'en ai 
fait représenter une coupe fictive (fig. 7), mais qui pour 
cela n’en est pas moins vraie. On voit les membranes co- 
niques se diriger de bas en haut en convergeant , suivant 
un angle aigu , et aboutir toutes au canal central qu’elles 
forment par leur réunion ; et l'intervalle qui sépare les 
cônes non encore vides , est rempli par la pulpe plus ou 
moins colorée que nous venons de décrire. 


. 


C141) 
VE Osservarion. (Fig. 4.) 


Une seconde penne de la queue d’un hocco , qui avait 
une gaîne de deux pouces et demi de longueur , et dont 
le développement était parvenu au point à-peu-près où 
la face externe de la tige est formée , mais où cette tige 
n’est pas encore toute remplie de matière spongieuse , à 
sa partie inférieure du moins, m'a présenté un bulbe 
charnu (aa), de deux pouces de longueur, surmonté 
par cinq cônes membraneux qui occupaient la longueur 
d’un pouce ; il était entièrement revêtu de la membrane 
striée interne qui devenait toujours d'autant plus distincte 
qu'on s'élevait davantage vers les cônes membraneux. 
Cette membrane enlevée , il m’a fait voir, dans toute sa 
longueur , le caractère fibreux propre au bulbe dans les 
premiers temps de sa formation , et les cônes n’avaient 
de rapports entre eux que par leur base ; ils étaient pri- 
vés de prolongement tubuleux, et leur sommet était 
libre. 

VIS Ossenvarion. (Fig, 5.) 


Une autre penne de mème espèce, et arrivée au mème 
degré de développement , m'a montré , au point corres- 
pondant à la naissance des barbes , l’origine de filets 
noirs (b) (la plume avait cette couleur ). qui suivaient la 
direction du bord de ces barbes , et comme s'ils eussent 
pris part à leur formation. On détachait sans efforts ces 
filets intermédiaires à la membrane striée et aux barbes , 
en suivant la direction de celles-ci. 


(14) 
VII Ossenvarion. (Fig. 5 et 6.) 


Ce bulbe avait une adhérence avec toute la surface 
interne de cette tige; mais un léger effort suffisait pour 
l'en détacher , et comme les bords de cette partie de la 
tige se relevaient et que le bulbe les embrassait , il en 
résultait pour ce dernier deux rainures très-marquées 
dans toute sa longueur et très-lisses, les bords de la tige 
l'étant eux-mêmes. Les parties latérales du bulbe qui 
s’étendait au-delà des rainures étaient minces et frangées, 
et la partie moyenne , correspondant à la partie moyenne 
et striée de la tige , était en saillie et striée comme cette 
dernière. L’une était le moule ou la contre-épreuve de 
l’autre. Il résulte de là que ce bulbe se composait d’une 
partie supérieure (fig. 5 , aa), et d’une partie inférieure 
formée elle-même d’une portion moyenne striée (fig. 6, 
bb) ,et de deux parties latérales lisses et frangées que 
je désignerai par le nom d’arres (aa.) 

La tige, à son origine inférieure (fig. 4,5, 6,ccc), 
était mince, unie, d’une apparence membraneuse , et 
enduite d'une couche de matière noire. À deux ou trois 
lignes plus haut naiïssaient les stries longitudinales 
dont nous venons de parler, et qu’on suivait jusqu'au 
point où elles étaient entièrement cachées sous la ma- 
tière spongieuse. Ses bords ne se relevaient que graduel- 
lement : à leur origine , la matière cornée n’était point 
encore sensible ; mais , plus on s'élevait, plus cette ma- 
tière devenait abondante ; elle avaït de la mollesse , s’en- 
levait par lanières minces , et les bords se rapprochaïent 
en s’épaississant jusqu’au point où ils se réunissaient 
pour former la face interne de Ja tige. La matière spon- 


(143 ) 
gieuse la plus nouvelle avait déjà toutes les qualités 
principales qui distinguent la plus ancienne; seulement 
sa mollesse la rendait semblable à une pulpe. Aussi, 
après avoir enlevé le bulbe de sa tige, trouvai-je que 
plusieurs portions de cette matière y étaient restées atla- 
chées , et qu’elles remplissaient les stries de cet organe. 

Tels sont les faits qui me paraissent les plus importans 
à extraire de mes recherches sur le bulbe ; et desquels je 
crois qu'on peut jusqu'à un certain point déduire sa 
structure et ses caractères essentiels. : 

L'examen du bulbe des plumes à tige tubuleuse nous 
donne l'explication du bulbe des plumes à tige solide, 
quoiqu’en apparence plus compliqué , précisément parce 
que ses parties sont séparées , et que l’analyse en semble 
naturellement faite. En effet, si les bulbes de ces deux 
sortes de plumes ne se ressemblent point, ils produisent 
cependant les mêmes matières , d'où ilest simple de con- 
clure qu’ils sont essentiellement les mêmes , que leur 
nature est absolument identique. 

Aünsi le bulbe doit être considéré comme un organe 
double , c’est-à-dire qu’il a une portion antérieure et une 
portion postérieure ; depuis le point où la tige et les 
barbes naissent jusqu’à celui où elles finissent, depuis 
l'extrémité originelle de la plume jusqu’à son ombilic 
supérieur. À partir de ce point jusqu'à l’ombilic infé- 
rieur il devient simple et uniforme dans toutes ses 
parties ; et cette portion simple du bulbe ne commu- 
nique jamais qu'avec le tube. Dans les plumes à tige tu- 
buleuse la portion antérieure du bulbe est entièrement 
séparée de la postérieure , tandis que dans celles à tige 
pleine la première est intimement unie à la seconde ; 


(144) 


mais , dans les unes et dans les autres , ces portions du 
bulbe conservent les mêmes rapports : l’une est en com- 
-munication avec la partie centrale de la tige , l’autre en 
reyêt la face interne. D'où il suit que nous devons con- 
sidérer la partie moyenne de la portion antérieure des 
bulbes simples comme analogue de la portion antérieure 
toute entière des bulbes doubles. Leur portion posté- 
rieure est formée des ailes et de toutes les parties queila 
membrane striée interne recouvre.1} 

La tige et les barbes étant les premières parties de la 
plume qui paraissent ; c’est aussi la partie du bulbe qui 
les produit qui se montre la première; et comme la plume 
se développe successivement en longueur, le bulbe se dé- 
veloppe de même ; mais une fois que la partie la plus 
avancée a rempli sa destination , elle s’oblitère , se des- 
sèche , et disparaît en partie. En effet, tant que le bulbe 
est actif, il présente, outre les vaisseaux qui pénètrent 
dans son intérieur ou qui rampent à sa- surface, des 
fibres longitudinales, blanches , molles, élastiques: que 
je comparerais aux fils des toiles d’araignée ; et soniatcti- 
vité paraît principalement résider à sa base et dans une 
partie assez restreinte de sa longueur: Aussitôt que son 
activité s’affaiblit , la partie où ce phénomène:se passe 
change de nature; des membranes , en forme de, cônés 
très-allongés et qui s’emboîtent , se développent , :et se 
remplissent d’une matière pulpeuse , laquelle disparait 
petit à petit à mesure que ces cônes , de blancs: et d'o- 
paques qu’ils étaient d’abord , se dessèchent et deviennent 
transparens. Pendant un temps, ces cônes commu- 
niquent entre eux par un tube central ; mais ce tube 
s’oblitère plus oumoins promptement suivant les plumes, 


a 


( 45 ) 
ét Sans doute aussi suivant l'influence de plusieurs cir- 
constances diverses qu’il serait important d'apprécier. 


Du développement des plumes. 


Ce sont les observations que je viens de rapporter, les 
plus concluantes de celles que j'ai été à portée de recueil 
lir, qui doivent me servir pour l'explication du déve- 
loppement des plumes, de ces singuliers produits or- 
ganiques , que les oiseaux seuls nous présentent et nous 
présentent toujours ; car ces tégumens piliformes qu’on 
trouve chez certains oïseaux , et qu’on a considérés 
comme des poils ; ne sont que des plumes dépourvues 
de barbes: 

Malheureusement ces observations sont bien insufli- 
santes pour qu'il me soit possible d'atteindre le but 
qu'elles ont eu pour objet ; elles doivent cependant en 
rapprocher ; et, si je ne puis les compléter, je m’efforce- 
rai de ne présenter mon explication que dans les termes 
les plus propres à faire distinguer soigneusement ce qui 
est fondé en fait de ce qui n’est que conjectural. 

La plume naissant dans un état complet de mollesse 
et d’imperfection , à la circonférence inférieure du bulbe 

Let de la gaîne, au point où ces deux parties se confon- 
dent , et ne présentant encore alors que la faée externe 
et cornée de la tige , les barbules et peut-être le bord 
externe des barbes , il est manifeste que c’est de ce point 
qu’elle tire son origine, et par sa face externe ‘qu’elle 
commence ; et que c'est du même point que sortent suc- 
cessivement toutes les autres parties qui la constituent. 
C’est un fait que nous devons prendre tel qu’il nous est 
donné par l'observation , et au-delà duquel dn ne pour- 

IX, 10 


(146) | 


rait remonter que par des hypothèses dont nous devons 
nous garantir : il faut être plus confiant dans ses propres 
forces ou plus riche de science que nous ne sommes 
pour se les permettre. 

Mais si c’est du cercle ombilical que sortent les pre- 
miers rudimens de toutes les parties de la plume, c’est 
le reste du bulbe , produit en même temps qu'eux , qui 
les nourrit et les accroit , qui en forme tout-à-fait d’au- 
tres , et qui fait acquérir à la plume le développement 
qu’elle peut atteindre ; car ses parties n'arrivent à leur 
terme qu’au point où la gaîne , comme tout ce qu'elle 
enveloppe, est arrivée à un état de dessiccation tel 
qu’elle puisse tomber en lambeaux ou en poussière ; or 
nous avons vu des bulbes actifs non réduits à l’état de 
cônes membraneux de plusieurs pouces de longueur. 

Dans les premiers instans de leur formation , la face 
externe de la tige paraît avoir toute son épaisseur ; mais 
les barbes , si elles existent , sont réduites à leur bord 
externe et aux barbules qui y sont attachées , et les 
membranes striées , comme les cloisons transverses , se 
confondent avec les barbes , du moins pour nos instru- 
mens. Une fois en contact avec le bulbe, celui-ci four- 
nit à la nutrition de toutes ces parties , aux membranes 
striées internes et externes et à leurs cloisons trans- 
verses par la BRIDE circuLAIRE , seul point de commu- 
nication entre le bulbe et ces membranes , comme nous 
l’a fait voir notre troisième observation ; aux barbes par 
les bords latéraux de sa portion postérieure , car les fi- 
lets noirs, que notre sixième observation nous a mon- 
trés, ne me paraissent guère pouvoir se rapporter à 
autre chose qu’à la lame des barbes ; ils pénètrent entre 


(147) 


les cloisons transverses et naïssent dans l'intervalle des 
points où celles-ci naissent elles - mêmes ; à la matière 
cornée des faces internes et latérales de la tige par la 
surface inférieure de ses aïles ; enfin , à la matière spon- 
gieuse par sa portion antérieure. 

On dirait même que l’origine des barbes a quelque 
chose de commun avec celle des faces latérales de la tige ; 
car lorsqu'on les arrache dans une direction parallèle à 
la tige et en se dirigeant contre le tuyau , elles entrai- 
nent avec elles une partie de la lame cornée qui revêt ces 
faces latérales , surtout si l'effort est lent , et elles laissent 
la lame cornée de la face externe dans un parfait état 
d’intégrité. 

Le bulbe naît simultanément avec la partie externe de 
la tige, les barbes et leurs membranes ; et dès le pre- 
mier instant de son apparition , il sécrète et dépose les 
diverses matières qui doivent résulter des forces qui 
agissent en lui. Cependant la capsule se développe, croît 
en longueur avec tout ce qu’elle contient , et bientôt sa 
gaine se décoifle , desséchée à son extrémité , parce que 
le sommet du bulbe cesse de vivre , et qu’en cette partie 
la plume est tout-à-fait formée. Alors l'extrémité de la 
tige paraît , et les premières barbes s’épanouissent, avec 
leurs membranes et les cônes réduits à de simples pelli- 
cules transparentes , qui tomberont bientôt, ainsi que 
ces membranes, par l'effet du contact de l'air et des 
frottemens des corps extérieurs. 

Dans les plumes à tige pleine, la face interne de la 
tige ne se forme que successivement ; elle commence par 
ses bords et finit par sa partie centrale , et à mesure que 
la matière spongieuse se dépose, le bulbe s’oblitère à sa 


(148) 

face antérieure , les bords de la tige se rapprochent , et 
celle-ci ne se trouve plus recouverte que par les aïles 
productrices de la matière cornée. C’est le rapproche- 
ment de ces bords qui forme la raïnure des tiges dont 
nous parlons. Dans les plumes à tige tubuleuse , la por- 
tion antérieure du bulbe déposant tout autour d’elle la 
matière spongieuse , il ne se forme point de semblables 
rainures , dans le plus grand nombre de cas du moins; 
la forme de la face interne de ces tiges dépend unique- 
ment de celle de la partie du bulbe qui en produit la 
couche cornée. 

Ce sont ces phénomènes qui se manifestent aussi long- 
temps qu’a lieu le développement de la tige et de ses 
barbes ; mais une fois que ces parties ont cessé de se pro- 
duire , il s'opère tout-à-coup un changement considé- 
rable : le bulbe se simplifie , sa portion postérieure se ré- 
trécitgraduellement, les barbes deviennent deplus courtes 
en plus courtes, les deux lignes sur lesquelles elles nais- 
sent se rapprochent en même temps que la face externe 
de la tige s’étend et s’arrondit en tube; et un moment 
arrive où le bulbe, comprimé par ce rapprochement, 
ne tient plus à la partie qui jusque-là a produit les 
barbes et la couche cornée de la face interne , à sa por- 
tion postérieure , en un mot, que par un léger pédicule 
qui reste entre la matière spongieuse et la cornée, c'est- 
à-dire dans l’ombilic supérieur. Ainsi , dans les plumes 
à tige solide, la partie antérieure du bulbe ne produit 
pas de matière spongieuse , d’une manière sensible du 
moins, au-dessous de l’ombilic supérieur, étant détruite, 
ou pour mieux dire, oblitérée en mème temps que la por- 
tjon postérieure , tandis que, dans les plumes à tige tu- 


( 149 ) 


buleuse, cette portion antérieure se continuant immédia= 
tement avec le bulbe du tube, reste plus long -temps 
vivante , et la matière spongieuse se dépose encore long- 
temps après que les barbes ne naissent plus et que l’om- 
bilic supérieur est fermé. Dès que les barbes cessent 
d’être produites , la partie cornée de la face externe de 
la tige se dépose en abondance dans toute la circonférence 
du bulbe, et le tube se forme. Dans cette formation, la 
gaine ou ses parois internes s'unissent au tube , et c’est 
de la réunion de cette gaîne et de la matière cornée que 
ce tube se constitue, comme nous l’avons vu dans nos 
observations sur la gaine. 

Enfin le moment arrive où la capsule a produit tout 
ce que la somme de vie dont elle était pourvue lui per- 
mettait de produire ; elle se rétrécit par degré ; le tube 
suit ce rétrécissement et se termine en une pointe plus 
ou moins obtuse au milieu de laquelle est l’ombilic in 
férieur. 

CONCLUSIONS. 


Les détails imparfaits dans lesquels on était entré sur 
la structure de l’organe producteur des plumes sufli- 
saient déjà pour montrer le peu de ressemblance qui 
existe entre lui et l'organe producteur des poils, en ad- 
mettant la structure de ce dernier telle qu’elle a été don- 
née dans les ouvrages qui s’en sont occupé d’une ma- 
nière spéciale. Ceux que je viens d'exposer achèvent de 
montrer les nombreuses différences qui existent entre 
ces deux organes et éloignent bien davantage les plumes 
des poils que ne devraient le faire penser les premières 
analogies qu’on avait cru reconnaître entre eux, 


( 150 ) 


Ainsi les plumes et les poils ont reçu la mème desii- 
nation ; ils résultent l’un et l’autre d’une excrétion de 
mêmes matières ; enfin leur organe producteur a une 
origine'commune; mais il n'y a aucune ressemblance 
entre leur structure , entre la manière particulière dont 
ils sont produits , entre l’organe qui en fournit la ma- 
tière et qui la dépose. Rien , en un mot, dans l'organe 
producteur des plumes ne pourrait donner une idée de 
la formation , par cônes successifs, des poils, comme 
rien dans l'organe producteur des poils ne pourrait ex- 
pliquer la formation de la tige, des barbes et du tuyau 
des plumes. 

Tant que la capsule des plumes ne consistait qu’en un 
cône plus ou moins allongé et renfermé dans un étui, 
ainsi qu'on l’admettait, on pouvait à la rigueur regar- 
der la plume sécrétée par ce cône comme une succession 
de cônes elle - mème ; seulement les molécules déposées 
par cet organe s’arrangeaient en üge , en barbes , en bar- 
bules , etc. Aujourd’hui une telle supposition ne pour- 
rait se soutenir ; il n’y a rien dans la sécrétion d’une 
plume qui ressemble le moins du monde à un cône, et 
si jamais les tégumens des animaux étaient soumis à une 
classification et à une nomenclature régulières, on ne 
pourrait donner aux plumes le nom générique de poils, 
ou réciproquement, que par le plus étrange abus de lan- 
gage, du moins dans l’état actuel de nos connaïssances sur 
la structure de l'organe producteur des poils; car il ne se- 
rait pointabsolument impossible qu’une étude plus exacte 
de cet organe ne fit découvrir entre lui et l’organe pro- 
ducteur des plumes des ressemblances que rien n’auto- 
rise à y reconnaitre aujourd'hui. Mais , dans cet état de 


( 407 ) 

nos connaissances , ÿ a-t-il une parité quelconque entre. 
les deux organes que nous comparons ? On ne manque- 
rait pas de raisons pour en douter. Le poil , tel qu’on le. 
conçoit , ne semble demander pour son développement 
que l’activité de la papille du derme qui lui donne nais- 
sance , qui le sécrète. Cette papille conique produit des 
cônes successifs dont la réunion forme le cylindre du 
poil , et celui-ci sera d’autant plus long et plus épais 
que la papille conservera plus long-temps son activité 
et sera plus grosse. Pour cela elle n’a besoin ni d’une 
organisation plus compliquée | ni même d’un dévelop- 
pement plus grand ; il lui suflit d’un peu plus de vie que 
dans le cas où elle serait improductive. Or ce n’est pas 
la papille du derme qui, chez l'oiseau, produit la plume ; 
il faut à celle-ci un organe spécial , et la papille ne sert 
que de base à la capsule productrice des plumes. C’est 
sur elle que cette capsule prend naissance, croît, gran- 
dit, et sans doute à l’aide de ses vaisseaux, qui alors 
prennent un développement nouveau ; mais il n’y a entre 
la papille et la capsule aucun autre rapport; et, dans 
le corps animal , parce que les vaisseaux d’une partie en 
nourrissent une autre par leur extension , ce n’est pas 

une raison pour que ces deux parties soient identiques. 
En effet, la capsule et la papille dermique me sem- 
-blent deux organes très - distincts. La seconde subsiste 
toujours , fait partie constituante du derme ; l’autre n’est 
que fortuite et temporaire ; l’une naît avec l'animal et 
dure autant que lui, l’autre est une création passagère 
qui se renouvelle périodiquement et dont une foule d’ac- 


cidens peuvent empêcher la formation ou modifier la. 
structure. 


(152) 


Ainsi la capsule productrice des plumes vient s’ajou- 
ter à ces autres organes , si propres à exciter l’étonne- 
ment , qui naissent comme elle de toute pièce par le fait 
d’une sorte de création nouvelle, dont le principe est 
dans les parties dont ils dépendent essentiellement , mais 
que rien , absolument rien , ne manifeste avant ses effets, 
et on ne saurait nier la formation spontanée de cette 
capsule sans se livrer aux hypothèses les plus arbitraires 
et les plus contraires au véritable esprit des sciences 
d'observation. Il en est pour moi de cet organe comme 
des; bois du cerf, dont aucun indice , avant leur appari- 
tion ; n'annonçait ni les formes ni même l'existence fu- 
ture , ét ce phénomène est le même que celui du déve- 
loppement successif de toutes les parties des corps orga- 
nisés.. 

On serait cependant loin encore de concevoir tout ce 
que l'organe, producteur des plumes peut avoir d'in- 
fluence sur l'existence des oiseaux , si l’on se bornait à 
l’envisager dans sa complication. Combien n'est-il pas 
plus étonnant par son développement , quand on songe 
qu’il acquiert constamment la longueur des. plumes ; 
qu'il ne cesse point de se développer pendant qu’elles se 
développent elles-mêmes ; qu’il est des oiseaux chez les- 
quels toutes les plumes se renouvellent chaque année et 
pour ainsi dire en quelques jours ; que parmi celles:ci 
on en trouve de plusieurs pieds de longueur, et que des 
époques fixes sont marquées pour ces renouvellemens, 
c'est-à-dire que les papilles du derme sont alternative- 
ment douées d’une activité prodigieuse et condamnées à 
un repos absolu. 

Des faits aussi considérables suflisent sans doute pour 


( 153 ) 


rendre raison des nombreux accidens qui accompagnent 
la chute et le développement des plumes , la mue en un 
mot ; toutes les précautions que ce phénomène nécessite ; 
les dangers pour les oiseaux du froid et de l’humidité à 
cette époque ; l'obligation d'employer alors pour eux 
une nourriture éxcitante et qui surtout ranime l’activité 
de leur peau. Ils nous expliquent même, jusqu’à un cer- 
tain point, une des causes qui rendent si difficile dans 
nos climats froids la reproduction des oiseaux des pays 
chauds , car les forces de la génération sont d'autant plus 
faibles que celles de la vie sont plus partagées ; et chez 
cés oiseaux la mue ne se fait qu'avec lenteur et est pres- 
que continuelle, ce qui n’a point lieu pour les oiseaux 
de nos contrées , chez lesquels l’époque de la mue diffère 
toujours de celle des amours. 

Il est douteux que l’organisation animale nous pré- 
sente beaucoup de phénomènes plus dignes de nos re- 
cherches et de nos méditations que le développement de 
la capsule productrice des plumes. Les observations 
renfermées dans mon Mémoire ne sont point encore suf- 
fisantes pour expliquer la structure et les fonctions de 
ce singulier organe , et cependant elles sont bien propres 
déjà à exciter notre curiosité par les faits inconnus 
qu'elles nous montrent et les rapports nouveaux qu’elles 
nous font apercevoir. Ainsi, plus nos connaissances sur 
les productions de la nature se multiplient, soit que 
nous pénétrions dans leurs détails, soit que nous nous 
élevions à leurs généralités , plus le sentiment d’admi- 
ration qu'elles font naître en nous s’approfondit; car 
c'est toujours à l'infini qu’elles nous conduisent , c’est 
toujours un pouvoir sans bornes qu’elles nous révelent. 


(154) 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XLIV. 


Fig. 1. Plume entièrement formée présentant ses diverses parties ; a, le 
tube corné ; b, la tige à sa face interne; e , les barbes; 4, barbes avec 
barbules ; e, ombilic inférieur ; f, ombilic supérieur. 

Fig. 2. Capsule productrice d’une plume de hocco de grandeur naturelle; 
a, ombilic inférieur ; b, ligne moyenne. 

Fig. 3. Capsule de plume de hocco ouverte, qui montre en a les parois 
de la gaine renversés; en à une ‘portion de la membrane striée ex- 
terne; en c les barbes reployées ; en dla membrane striée interne, et 
en e la partie inférieure du bulbe. 


Fig. 4. Capsule de plume de hocco ouverte, et montrant en a le bulbe 
revétu de la membrane striée interne , excepté en b , où cette mem- 
brane a été enlevée. 

Fig. 5. Capsule de plume de hocco ouverte; a, bulbe dépouillé de sa. 
membrane striée ; b, filets noirs naissant du bulbe et se prolongeant. 
sur les barbes , comme si elles en étaient formées. 

Fig. 6. Lie bulbe de la capsule précédente, détaché de la plume et ren- 
versé de manière à montrer sa partie inférieure; b, portion moyenne 
correspondant à la face interne de la tige et produisant la matière 
spongieuse ; a, les ailes produisant la matière cornée de la face interne 
de la tige. 


Fig. 7. Coupe d’une capsule de la plume de hocco, des figures 8 et 9. 


Fig. 8. Bulbe d’une plume de hocco composé de membranes coniques 
qui s’emboîtent les unes dans les autres. 


Fig. 9. Le bulbe précédent dont les membranes ont été débarrassées 
des matières qui les remplissaient et qui font voir leurs rapports et la 
formation d’un canal continu dans le centre. 

Fig. 10. Plume de marabou dont le tube et une partie de la tige sont 
ouverts , et qui montrent en a le bulbe terminé par un cône b, lequel 
est surmonté par un cône membraneux €, que suivent deux autres 
cônes e. Sur la face interne de la tige se trouvent cinq autres cônes 
membraneux ( f) qui ne tiennent au premier que par l’ombilic supé- 
rieur. w 

Fig. 11. Autre plume de marabou dont le tube et la tige sont ouverts 


dans toute leur longueur, et qui a pour objet de montrer de quelle ma- 


(155) 


nière les cônes membraneux du tube et de la tige , e et g, communi- 
quent avec les cônes membraneux extérieurs f. Cette communication 
se fait par le cône c , qui s’introduit entre la matière spongieuse et la 
matière cornée en dd, et vient sortir par l’ombilic supérieur en d.. 
Fig. 12. Deux cônes membraneux vus en dessus et en dessous D, aux- 
quels sont encore attachés des restes de membranes transverses. 


Mémo sur le Foie et sur le Système de la veine 
porte des Poissons (1); 


Par le docteur RATHKE. 


Marcré la grande variété que l’on observe dans la 
structure du système de la veine porte chez les pois- 
sons , et qu'on aurait déjà pu soupconner en se fondant 
sur le principe expérimental connu , que l’oscillation 
dans la forme d’un seul et même appareil ne commence 
à se fixer que dans les animaux des classes supérieures ; 
l’on a cependant négligé jusqu'ici, autant qu'il m'est 
connu , d'examiner et d'apprécier comparativement cette 
structure sous quelque point de vue que ce soit. Il n'y 
a que le docteur Michrenhof , de Stralsund, qui ait pu- 
blié il y a huit ou neuf ans une Dissertation sur la forme 
du foie de quelques poissons du nord de l'Allemagne ; 
mais il n’y a que peu d'exemplaires de cette Dissertation 
qui aient été répandus dans le public ; et malheureu- 
sement je ne puis en faire usage moi-même actuellement, 
l'ayant perdue par un accident. Jose donc espérer que 
le Mémoire suivant ne sera point désagréable aux ana- 


(1) Ærchiv. für Anat. und Physiol. , 1826. 


(156 ) 


tomistes , et qu'il pourra être de quelque utilité pour la 
Biologie. 

D’après le type d’un grand nombre de Moflusques 
dont les poissons peuvent être regardés en quelque sorte 
comme un degré de développement plus relevé , nous 
remarquons dans quelques-uns de ces derniers un foie 
d’un volume très - considérable dans lequel le canal 
intestinal se trouve tout-à-fait prolongé et comme 
enseveli. Nous trouvons ce degré le plus inférieur de 
développement du foie dans quelques Cyprins, et no- 
tamment dans le Cyprinus carassius. Dans cette es- 
pèce , il s'étend par toute la longueur de la cavité abdo- 
minale , entoure tout le canal intestinal , s’insinue dans 
tous les espaces que ses circonvolutions laissent entre 
elles et les remplit tous de sa masse. Le foie est moins 
étendu dans les autres espèces indigènes de Cyprins, 
au lieu que dans le Carassin on ne pouvait encore 
nullement distinguer des lobes ; la masse du foie s’est 
concentrée davantage dans ces dernières , et elle forme 
déjà trois grands lobes assis tout-à-fait antérieurement 
par une pièce transversale , plus ou moins épaisse, située 
sous le commencement de l'intestin entre sa seconde 
circonvolution et Le péricarde , et occupant le fond anté- 
rieur de la cavité abdominale. Cette pièce transversale 
est d’une épaisseur considérable dans le Cyprinus as- 
pius et le C. tinca ; elle est au contraire fort mince 
dansle Cyprinus jeses, C. vimba, C. latus, C. ballerus, 
C. brama. (Dans les deux dernières espèces , le lobe 
droit ne communique avec le lobe moyen que par quel- 
ques troncs veineux et par une petite bande du paren- 


chyme. La bande parenchymateuse qui unit le lobe 


(157) 


gauche avec le moyen est un peu plus épaisse. On re- 
trouvé la mème chose dans le Cyprinus vimba.) 

Quant au nombre des lobes dans lesquels se partage 
le foie de la plupart des Cyprins, j'ai déjà remarqué 
que j'en ai toujours trouvé trois , savoir, un droit, un 
gauche , et un moyen ouinférieur. Dans les espèces ce- 
pendant dont es côtés sont très-aplatis et où l’abdo- 
men forme presqu'un tranchant en bas, le lobe moyen 
ne se trouve pas tout-à-fait en bas et dans le milieu, 
mais il remonte un tant soit peu vers le côté droit. Sous 
le rapport de l'étendue, c’est tantôt le lobe moyen et 
tantôt le lobe droit qui est le plus long ; le lobe gauche 
est toujours le plus court, mais aussi le plus épais de 
tous, en sorte que dans quelques espèces sa masse égale à- 
peu-près celle de chacun des deux autres. L’un ou l’autre 
des deux premiers s’étend ordinairement jusqu’à la cour- 
bure postérieure du canal intestinal , tandis que le lobe 
gauche se prolonge rarement au-delà de l'intersection de 
la vessie natatoire. Le lobe moyen est toujours très-étroit 
et mince , de manière qu’il représente presque une bande 
épaisse avec des échancrures nombreuses et diverses sur 
ses bords ; c’est tantôt antérieurement , tantôtau milieu , 
et tantôt postérieurement, qu'il est lé plus mince et le 
plus étroit. Les autres lobes ont pour l'ordinaire une 
forme prismatique avec des surfaces d’une largeur iné- 
gale , mais dont la plus grande correspond toujours aux 
côtes , et dont la plus étroite est tournée en haut. 

Dans le Cyprinus ballerus , le lobe gauche est étroit 
et mince en avant , et ne prend une largeur et une épais- 
seur considérable que derrière la seconde circonvolution 
intestinale qui fait une forte saillie en avant. La face des 


Ca58;) 


lobes externes du foie qui correspond aux côtes est donc 
plus ou moins large , suivant que l'espèce respective de 
Cyprins est plus ou moins aplatieet plus ou moins haute. 

Au devant de l’orifice du conduit qui de la vessie na- 
tatoire s'étend à l'intestin, les deux lobes externes du 
foie dans les Cyprins sont toujours réunis par une pièce 
transversale d’une longueur et d’une largeur plus ou 
moins considérables. Cette pièce est contiguë à une partie 
de la face inférieure de la portion antérieure de la vessie 
natatoire et recouvre aussi en partie la face supérieure 
de l'intestin. On voit d’après cela que , dans les Carpes 
qui ont le foie composé de trois lobes , cet organe forme 
encore un anneau complet autour du canal intestinal. 

Les Clupées qui se rapprochent des Carpes sous plu- 
sieurs rapports , surtout dans le Cyprinus cultratus qui 
fait le passage de l’un de ces genres à l’autre, ont éga- 
lement le foie composé de trois lobes dont la position 
est identique ou analogue à celle qu’on observe dans les 
Carpes. Mais ces lobes diffèrent en général de ceux des 
Carpes par leur forme en ce que leurs bords ne sont 
point échancrés ou crénelés, mais égaux et lisses. Le 
lobe gauche est le plus épais comme dans les Cyprins , 
et d’une largeur considérable, en sorte qu'il occupe 
presque toute la hauteur de la cavité abdominale, et que 
sa face interne recouvre la plus grande partie de l’es- 
tomac ; le lobe droit, au contraire, qui est situé fort 
haut, est mince ; il présente trois bords , et s'étend en 
arrière jusqu’auprès du milieu de la cavité abdominale. 
Le lobe moyen est le plus petit, court , aplati , trian- 
gulaire ; il n’est pas situé exactement au milieu , mais un 
peu vers le côté gauche. 


( 159 ) 

La pièce transversale située au - dessus du canal in- 
testina], qui, dans les Carpes, unit le 1obe droit au lobe 
gauche , manque dans les Harengs. 

Dans le Gadus callarias, le foie se compose également 
de trois lobes, maïs qui se réunissent antérieurement , 
en sorte qu’ils forment une pièce de communication très- 
épaisse et très-large. Le lobe moyen est large, très- 
court , d’une épaisseur considérable , et fortement voûté 
à sa face inférieure. Le lobe droit n’est guère plus long 
que le moyen ; mais son extrémité , au lieu d’être ar- 
rondie est pointue et présente trois bords sur ses côtés. 
Le lobe gauche est encore ici le plus long; il s’étend 
d'avant en arrière par toute la cavité abdominale ; il 
offre trois bords et une épaisseur médiocre ; de ses 
trois faces , l’une correspond à la vessie natatoire , l’autre 
aux côtes , et la troisième au canal intestinal. 

Le foie se présente encore avec trois lobes daus le Gas- 
terosteus aculeatus et le G. pungitius. Le lobe droit, 
étroit et mince, s'étend jusqu’à l'extrémité de la cavité 
de l'abdomen ; le lobe moyen, plus court, offre la plus 
grande épaisseur, et se trouve un peu aplati sur ses 
côtés ; le lobe gauche est le plus petit, surtout dans le 
Gasterosteus aculeatus; il est aussi fort étroit. Du reste, 
tous les lobes ne sont unis en avant que très-faiblement 
entre eux. 

Là où le foie s’est concentré encoré davantage il se 
trouve partagé en deux lobes, dont l’un appartient à 
la moitié gauche et l’autre à la moitié droite du corps. 
Alors ils ne sont toujours que d’une longueur médiocre, 
de manière qu'ils n’atteignent guère le milieu de la cavité 
abdominale , quand même elle n’a que peu de longueur. 


(100 ) 


Mais l’épaisseur des lobes du foie et de la pièce dé com- 
munication antérieure est plus ou moins considérable, 
suivant que les diamètres transversaux de la partie anté- 
rieure de la cavité abdominale sont plus ou moins grands ; 
c’est ainsi que, notamment dans le Cobitis fossilis , ces 
lobes sont fort minces et situés de manière que l’un de 
leurs bords se dirige en haut et l’autre en bas ; ils sont 
unis entre eux antérieurement par une pièce transver- 
sale mince et étroite. 

Le foie du Gasterosteus spinachia ressemble à celui 
du Cobitis fossilis; les deux lobes enveloppent la pres- 
que totalité de la face inférieure de l’estomac et s’éten- 
dent en bas jusqu’à son extrémité; du reste, le lobe 
gauche est le plus large et le plus épais ; celui du côté 
droit , situé entre l’estomac et la paroi latérale du tronc, 
est le plus long. Tous les deux ne sont unis que faible- 
ment entre eux à leur partie antérieure (x). 

Dans le Blennius , au contraire, le foie ne paraît con- 
sister en quelque sorte qu’en une seule piècé partagée 
dans le sens de sa longueur par une scissure en deux 
lobes épais fortement voütés à leur face inférieure et an- 
térieure. 

Le foie est conformé de la même manière dans l’/m- 
modytes tobianus ; il est seulement plus long, mais aussi 
plus mince en proportion de sa largeur que dans la 
Blennie. 


(1) D’après M. Cuvier, le foie du Gasterosteus spinachia serait com- 
posé de quatre lobes. N’ayant eu à ma disposition qu’un seul exemplaire, 
je ne saurais dire si ce n’est là qu’une différence individuelle, 


( 161 ) 


Le foie du Silure se compose également de deux lobes, 
dont le gauche est aussi le plus long et le plus épais. 

Il en est de mème du foie des Pleuronectes qui a l’un 
de ses lobes bien plus grand que l’autre, Si on se repré- 
sente un de ces poissons placé de manière que son anus 
soit dirigé en bas , le petit lobe du foie se trouve sur le 
côté droit et le grand sur le côté gauche; en devant 
ils sont unis par une petite pièce transversale; tous les 
deux sont fortement aplatis ; le grand lobe a une figure 
obovée; sa grosse extrémité est tournée en arrière, et 
recouvre une grande partie de la surface externe de 
l'estomac et de l'intestin. Des deux surfaces de chaque 
lobe, l’une regarde en dedans et l’autre en dehors. 
Mais ici le Turbot fait exception , en ce que son lobe 
gauche n’est pas seulement beaucoup plus grand que 
dans les autres Pleuronectes , mais aussi parce qu'il pé- 
nètre par l’anse simple formée par le canal intestinal 
dans le côté droit , et forme ici le lobe droit, 

Les deux lobes ainsi réunis laissent entre eux une 
rainure profonde dans laquelle vient se loger le canal 
intestinal. Le lobe droit est considérablement plus petit 
que dans les autres espèces de Pleuronectes. Ordinai- 
rement le foie , quel que soit le nombre de ses lobes , est 
situé au-dessous du canal digestif ; sa situation doit donc 
être d'autant plus frappante dans le Turbot, où il se 
trouve entouré par ce canal, comme nous venons de la 
faire remarquer. La situation du foie bilobé de l’Estur- 
geon n'est pas moins remarquable, car dans ce poisson 
il est également placé entre les circonvolutions de l’in- 
testin. En l’examinant avec plus de soin , on le voit for- 
mer derrière le cœur et dans une étendue assez considé- 

IX: IL 


( 162 ) ut 


rable une pièce simple occupant toute la largeur de la 
cavité abdominale et n’offrant qu’une épaisseur mé- 
diocre ; il n’y a que sa moitié postérieure qui se partage 
en deux lobes latéraux. Au-dessus de lui, l’œsophage 
se contourne sur la moitié antérieure de l’estomac. Mais 
là où les lobes commencent à la portion antérieure du 
foie, l'estomac se recourbe , se prolonge en bas entre 
ces deux lobes , s’applique contre la face inférieure de 
Ja moitié antérieure du foie en remontant vers le de- 
vant , et se termine au - dessous de cette portion du foie 
dans l'intestin grèle , de manière , par conséquent , que 
la moitié postérieure de l’estomac , une partie de l’intes- 
tin grêle et le pancréas se rencontrent au-dessous du 
foie. Des deux lobes , au reste, le gauche est encore ici 
le plus épais et le plus gros. 

Le passage au foie simple s’observe dans la Lotte 
franche dans laquelle cet organe a presque la forme 
d’un coin avec une scissure à sa face postérieure. 

Le foie est tout-à-fait simple dans le Lièvre de mer, 
ou Eump, les Cottes , le Saumon , la Lamproie , l’'An- 
guille , le Brochet et le Goujon. 

Mais, à la vérité, la forme et la position de ce foie 
simple diflèrent beaucoup suivant les diverses espèces 
de poissons , et ces différences me paraissent dépendre 
en général de la conformation du corps entier ; si nous 
les passons en revue l’une après l’autre, nous voyons 
dans le Brochet et dans l’Anguille le foie ayant presque 
partout à-peu-près la largeur que présente antérieure- 
ment la cavité abdominale; sa longueur est médiocre , 
son épaisseur diminue graduellement d’avant en arrière 
en forme de cône; sa face supérieure contiguë à l’e- 


( 163 ) 
rigine du canal intestinal, est concave dans le sens de 
sa longueur ; sa face inférieure est convexe. Dans l’An- 
guille, du reste, son extrémité est large et présente 
une petite scissure longitudinale ; dans le Brochet, il 
est large et arrondi en arrière. 

Dans les Saumons , le foie qui est court, étroit et 
en général mince, est situé dans la moitié latérale gauche 
de la cavité abdominale; il recouvre en partie l'estomac 
à sa face inférieure et gauche; il éntoure ensuite avec 
une portion plus ou moins épaisse et large la courbure 
que l'intestin grèle forme avec le pylore, se placé ici 
entre cette courbure et le péricarde , et se prolonge enfin 
un tant soit peu dans la moitié latérale droite, sans ce- 
pendant y former un lobe particulier. 

Dans les Chabots et dans le Lièvre de mer, le foie est 
à-peu-près de la même figure, et il n’est formé dans 
ces poissons que d’une seule pièce , renfermée en entier 
dans la moitié latérale gauche, recouvrant l'estomac 
dans sa plus grande partie, et contiguë par son bord 
droit aux appendices du pylore. Tout-à-fait antérieu- 
rement, le foie se prolonge par une pointe mince et 
étroite dans la moitié latérale droite du corps ; posté- 
rieurement , il ne s'étend pas tout-à-fait jusqu’à l’extré- 
mité de l’estomac ; il est arrondi sous forme d’arc en cet 
endroit. Il résulte de là que dans les poissons en question 
le foie forme un triangle irrégulier d’une hauteur peu 
considérable. Leur cavité abdominale étant assez vaste, le 
foie a pu prendre une largeur et une épaisseur notable 
qui sont cependant bien plus marquées dans le Lièvre de 
mer que dans les Cottes (1). 


(x) D’après M. Cuvier, le Cottus scorpius aurait deux foies ; je n’ai 
jamais rien observé de pareil dans aucun individu. 


(164 ) 


Dans les espèces de Perches , le foie est aussi simple et 
se trouve situé presque en totalité dans la moitié latérale 
gauche , où il descend en arrière jusque vers le deuxième 
tiers de la cavité abdominale ; cependant une portion 
de cet organe qui se prolonge le long du fond antérieur 
de la même cavité s’étend ensuite à quelque distance 
dans la moitié latérale droite du corps. 

Dans le Goujon , le foie est large , arrondi en arrière, 
médiocrement épais , et se trouve situé pour la majeure 
partie dans la moitié latérale droite. 

En résumant ce qui a été dit jusqu'ici sur la si- 
tuation du foie, nous voyons que dans la classe des 
poissons, à l'inverse de ce qui a lieu dans celle des mam- 
mifères , cet organe tend absolument à se placer du côté 
gauche. Déjà dans les Clupées et les Gades , nous avons 
trouvé le plus grand lobe du foie , par conséquent sa par- 
tie prépondérante dans la moitié latérale gauche ; dans 
le Lièvre de mer , dans les Pleuronectes , les Perches, 
les Saumons et les Cottes, cette moitié en renferme 
la masse presque entière. Dans ce cas , cette masse couvre 
aussi en particulier la moitié gauche de l'estomac. Cette 
observation réfute donc suflisamment l’opinion de ceux 
qui ont cru que le foie tendait toujours à se placer du 
côté droit. Tandis que le foie se place davantage dans 
la moitié gauche du corps chez les poissons , la rate tend 
à se rapprocher du côté droit jusqu’à ce qu'enfin elle 
parvienne à s’y placer réellement, comme dans l’Am- 
modyte (1). Mais là où la moitié plus considérable du 


(1) Joy. RaTuke, Beiræge zur Geschichte der Thierwvelt, vol. 2, 
tab. 11, fig, 1, jf. - 


) 

( 165 ) 
foie se trouve dans le côté droit, comme c’est le- cas 
dans les Carpes, la rate entre dans la moitié latérale 
gauche ou descend tout-à-fait à l’extrémité de la cavité 
abdominale, comme dans le Goujon. Je réserve des dé- 
tails plus exacts sur ce sujet pour un Mémoire dans le- 
quel il sera question de la rate des poissons. 

Avant d'aller plus loin je crois pouvoir faire re- 
marquer encore une circonstance : nous voyons déjà dans 
d'autres animaux, mais principalement dans les pois- 
sons, que le foie se montre d’autant plus lâche et plus 
mou dans son tissu , qu’il est plus gros, et que ce tissu 
est d'autant plus ferme et plus dense que la masse de 
l'organe est plus petite. Nous observons la même chose 
dans les reins et dans d’autres glandes. Mais nous ne 
remarquons pas que la fonction de ces organes ait pris 
un développement proportionné à l’augmentation du, 
volume. Il n’y a pas même dans ce cas augmentation 
proportionnée dans la quantité de la matière sécrétée. 
Mais toujours , comme j’ai pu l’observer bien des fois, 
le produit de la sécrétion est d'autant moins travaillé 
que le volume de l'organe sécréteur est plus considérable 
relativement à la masse totale du corps. Nous ne pouvons 
donc nullement conclure de l'extension d’un pareil or- 
gane à une plus grande activité de sa part ; car plus il 
occupe d'espace relativement au corps entier, moins il 
est parfait dans son intérieur , moins son tissu offre la 
consistance nécessaire pour que la vie s’y prononce bien 
énergiquement. 

Ce que je viens de dire du foie des poissons peut 
déjà servir à confirmer la loi naturelle démontrée par 


( 166 ) 


J. F. Meckel (1) : « qu’en remontant dans l'échelle 
animale , les systèmes et les organes paraissent de plus 
en plus concentrés en eux-mêmes. » C’est-à-dire, que si 
dans la série des animaux un organe doit se perfec- 
tionner , il n'y a d’abord que des pièces homologues qui 
se réunissent, qu'ensuite ces pièces se fondent entre 
elles et forment un tout, un ensemble , qui, au lieu de 
la composition qu’on observait d’abord dans son exté- 
rieur, la laisse apercevoir maintenant principalement dans 
son intérieur. Mais cette loi se montre d’une manière 
bien plus distincte encore dans la veine porte elle-même. 
Son examen anatomique nous présente déjà presque tous 
les modes de conformation connus dans les poissons qui 
occupent le rang le plus inférieur parmi les animaux 
vertébrés, et à partir desquels tous les autres se sont 
élevés. | 

Passons donc en revue les différentes variations qui 
se rencontrent dans la structure du système de la veine 
porte des poissons. Nous ne pourrons indiquer que 
très - généralement les formes particulières; une des- 
cription exacte de chaque branche et de chaque rameau 
vasculaire , n’étant pas seulement ennuyeuse pour le lec- 
teur, mais aussi inutile pour la science. Commençons 
notre examen par les Cyprins dans lesquels , parmi les 
poissons indigènes , la veine porte se trouve au degré le 
plus inférieur de son développement. 

On serait presqu’en droit de soutenir que dans la plu- 
part des Cyprins il ne se rencontre non pas trois lobes 
hépatiques différens , mais, à proprement parler, trois 


(1) Beitræge , vol. xx, 1°° cahier, p. 6x. 


( 167 ) 


différens foies qui ne sont que faiblement unis entre eux. 
Car , quoique les conduits biliaires viennent se réunir 
en un seul tronc, en nâissant sous forme d’arbre des 
trois lobes , chacun de ces lobes a pourtant son système 
veineux propre qui, dans le Cyprinus ballerus sur- 
tout , paraît n’avoir presque aucune communication par 
les terminaisons des veines avec celui des autres lobes , 
et qui prend toujours son origine d’une région détermi- 
née de l'abdomen. Je remarque en outre que dans les 
Cyprins tout le sang qui se rend aux parties de la géné- 
ration est aussi apporté au foie par le système de la veine 
porte ; ce cas ne se retrouve probablement, à un degré 
égal, que dans un petit nombre d’autres poissons. 

Cette extension, si frappante du système de la veine 
porte dont je ne connais pas d’analogue , si ee n’est dans 
les Tortues (1), doit nécessairement entraîner aussi une 
grande différence dans l’économie intérieure de ces pois- 
sons, comparée à celle des autres espèces; et eilemérite- 
rait bien un examen approfondi du côté de la physiolo- 
gie. Je crois cependant que le temps n’en est pas encore 
venu, et que pour prononcer en cette matière il faudra 
avoir d’abord examiné soigneusement un bien plus 
grand nombre de poissons. 

Considérons donc maintenant de plus près chacune 
des parties du système de la veine porte dans les Cyprins. 
Dans les animaux des classes supérieures | et comme 
nous verrons plus tard aussi dans le plus grand nombre 
des poissons , les petites veines , qui environnent le canal 


intestinal et qui en sortent , se réunissent en plusieurs 


a ——— —— —— 


(1) Foy. Bosanus dans l’Zsis, année 1818, p. 1428. 


( 168 ) 


branches, et celles-ci en un seul ouen un petit nombre de 
troncs principaux qui se rendent alors dans le foie. Au 
lieu de cela nous trouvons dans les Cyprins , que chaque 
branche qui s’était formée par la réunion des petites vei- 
nules intestinales , après que celles-ci avaient formé sur 
les différentes portions de l'intestin de petits réseaux qui 
se rapprochent en procédant les uns d'avant en arrière, 
et les autres d’arrière en avant, nous trouvons, dis-je , 
que ces branches pénètrent après un court trajet , et en 
se dirigeant , soit en avant, soit en arrière , soit aussi 
toutes droites et transversalement , dans le lobe du foie 
qui en est le plus rapproché , ou bien aussi dans la pièce 
de conjugaison de tous les lobes. Dans le Cyprinus bal- 
lerus cependant, il y a quelques troncs qui, formés 
entre les circonvolutions intestinales, se rendent à la 
pièce de communication. Ce n’est que dans l’intérieur 
des différens lobes que ces réseaux veineux se réunissent 
en un tronc commun qui s'étend tout le long de la face 
supérieure et interne du lobe, et qui augmente en capa- 
cité en procédant d’arrière en avant, suivant que les ré- 
seaux veineux libres pénètrent dans le lobe à une plus ou 
moins grande distance entre eux. Mais tout-à-fait anté- 
rieurement le tronc recommence à diminuer en se ra- 
mifiant diversement, comme dans les autres vertébrés, 
pour se réunir de nouveau pour la formation des veines 
hépatiques. 

Dans le plus grand nombre des poissons , les veines 
ramifiées sur les organes de la génération se réunissent 
en un tronc commun en formant avec ce dernier des 
angles droits. Ce tronc augmente en grosseur d’arrière en 
avant et se termine enfin dans le sac veineux du cœur 


_ 


PROD 


(à proprement parler dans les appendices veineux (1) ) ; 
sans avoir aucune communicalion organique avec le foie. 
Au lieu de cela on trouve dans les Cyprins sur la surface 
inférieure de l’ovaire ou du testicule (surface qui devient 
interne plus tard par suite de l'accroissement des par- 
ties }, un tronc veineux commun dans lequel se rendent 
les rameaux de la surface externe et interne de ces parties 
génitales; mais ce tronc veineux, au lieu d'augmenter 
toujours en capacité à mesure qu’il procède d’arrière en 
avant , devient au contraire plus gros de ses deux extré- 
mités vers le milieu de son étendue. La raison de cette 
disposition est la suivante : ce tronc ne s'éloigne pas des 
parties génitales pour se rendre directement au cœur, 
mais il envoie tantôt une branche , comme dans le Cy- 
prinus ballerus, ou plus ordinairement à l'instar des 
veines du cañal intestinal, un grand nombre de ra- 
meaux courts qui en sortent à des distances plus ou 
moins grandes, se dirigent transversalement en bas et en 
dedans et pénètrent également dans le lobe hépatique 
le plus rapproché (par conséquent les rameaux de la 
partie génitale droite pénètrent dans le lobe droit, et 
ceux de la gauche se rendent dans le lobe gauche), pour 
contribuer à augmenter le tronc commun de ce même 
lobe. | 

Le sang des parties génitales se rend aussi dans la 
veine porte dans la Lotte et dans quelques autres pois- 
sons. 

Dans le Turbot , qui a le foie entouré par le canal in- 


(1) Voyez sur ces appendices le travail de M, Tiedemaan sur la struc- 
ture’ du cœur des poissons, 


(170) 

tinal , le sang se réunit en partie dans quelques rameaux 
veineux plus considérables , à peu près comme dans les 
Carpes. Cependant la plus grande quantité du sang 
venant du canal intestinal s’amasse sur quelques points 
de l’intestin dans un grand nombre de rameaux plus pe- 
tits qui pénètrent dans le foie aux endroits les plus dif- 
férens. La veine splénique , qui est simple, s’est déjà 
réunie à l’un des rameaux hépatiques plus considérables, 
et les veines des parties génitales se rendent immé- 
diatement dans la veine cave. 

Au défaut d'ensemble que nous remarquons dans le 
système de la veine porte et dans ses ramifications chez 
les Cyprins et le Turbot se joint aussi l'absence du mé- 
sentère, qui probablement en est plutôt la suite que la 
cause. De l’absence du mésentère dans lequel les veines 
auraient pu trouver leur point de réunion , il résulie que 
les rameaux veineux différens de la veine porte se trou- 
vent à découvert sous la forme de filets minces et libres 
entre les différens organes de la cavité abdominale, et 
qu'elles servent comme les filets du péritoine à unir 
entre eux et à fixer dans leur position ces mêmes organes. 

C’est comme une conformation de transition, une 
sorte de tendance à la perfection du système de la 
veine porte, perfection qui se prononce par un en- 
semble bien circonscrit, que nous devons regarder le 
mode de structure de ce système tel qu'il se présente 
dans la plupart de nos poissons indigènes. Mais ici 
s'offrent quelques variations que nous pourrons peut-être 
réduire à la division suivante : 

1°. Toutes les veines qui ramènent le sang des viscères 
abdominaux vers le foie se sont réunies en trois troncs 


(171) 
qui pénètrent dans le foie, séparés les uns des autres. Ce 
cas existe dans le Cottus scorpius. (Je ne saurais indi- 
quer avec certitude si cela existe aussi dans le Cottus 
gobio. ) 

2°, La plupart de ces veines se sont réunies en deux 
troncs qui se rendent séparément dans le foie. Quel- 
ques rameaux isolés cependant ne s’y sont pas encore 
réunis , et pénètrent eux- mêmes dans le foie après un 
court trajet dans le Cobitis fossilis , le Narvaga , la Be- 
lone , le Hareng, les Epinoches , les petites espèces de 
Pleuronectes. 

3°. Toutes ces veines se réunissent en deux troncs qui 
entrent séparément dans le foie. (Dans la Blennie, le 
Brochet, l'Éperlan. ) 

4°. La plus grande partie de ces veines forme enfin 
un seul tronc. Maïs, outre ce tronc, il y a encore des ra- 
meaux plus petits qui pénètrent isolément dans la sub- 
stance du foie. ( Dans le Lump , l’Alose , l'Ammodyte, 
la Perche , la Lotte, le Silure. ) 

5°, Toutes ces veines se réunissent en un seul tronc 
simple avant de verser leur sang dans le foie. (Dans 
l’Anguille, la petite Perche de rivière , la Barbotte, le 
Goujon , la Lamproie. ) 

Cependant je dois observer ici que cette division n’est 
prise que du terme moyen du nombre des individus des 
différentes espèces de poissons examinés. J’ai vu, quoi- 
que rarement , de légères variations individuelles. 

Il a été prouvé suisamment par des expériences des 
temps anciens et modernes que les veines du canal 
intestinal ne reçoivent pas seulement les résidus usés , 
provenant du procédé végétatif de la nutrition, mais 


(172) 
qu’elles président aussi à la réception du chyle. S'il est 
donc probable que la mème chose a lieu aussi dans. 
les Poissons, peut-être mème à un plus haut degré que 
dans les Mammifères et les Oiseaux , on sait aussi que 
rien de certain n’est encore connu à cet égard. Cepen- 
dant plusieurs phénomènes parlent clairement en fa- 
veur de cette opinion; car plus le canal intestinal est 
court dans les poissons ( par rapport sans doute aux di- 
mensions de la cavité abdominale et de tout le corps), 
plus nous le voyons richement pourvu de réseaux vei- 
neux. Cela se rencontre surtout dans les Loches qui ont 
l'intestin d’une couleur rouge très - intense ; je me suis 
même convaincu souvent que , dans la Loche d’étang , 
le sang s’accumule tellement dans les veines intestinales 
au moment de la mort qu’elles en sont déchirées et que 
le liquide qu’elles contiennent s'échappe dans la cavité 
abdominale. Après les Cobites , c’est la Bellone dont 
l'intestin me paraît fourni des réseaux veineux les plus 
abondans ; viennent ensuite l’Anguille , la Lamproie et 
les Pleuronectes : dans quelques-uns de ces derniers ce- 
pendant l'intestin a déjà une longueur assez considé- 
rable. 

Dans les poissons dont l'estomac s’est développé con- 
sidérablement quant à sa circonférence , mais dont l’in- 
testin n’a que peu de longueur , comme dans le Cottus 
scorpius et dans le Brochet, les veines qui se distribuent 
sur l’estomac sont si nombreuses qu’elles semblent 
l'emporter de beaucoup sur celles de l'intestin. Dans 
d’autres poissons , au contraire , qui ont le rectum con- 
sidérablement développé , soit sous le rapport de la 
forme , soit sous celui de sa structure intérieure , ce der- 


(173 ) 


nier est plus rouge que la partie moyenne de l'intestin ; 
l’on peut s’en convaincre entre autres dans quelques es- 
pèces de Saumons ainsi que dans les Harengs et dans la 
Blennie. Au reste, la teinte rouge de la portion mi- 
toyenne de l'intestin m'a toujours semblé diminuer d’a- 
vant en arrière. 

Les appendices du pylore sont également d’un rouge 
fort intense produit par le sang veineux ; mais ici l’aug- 
mentation de la rougeur ne répond pas à une exaltation 
vitale déterminée par l'introduction des alimens ; il est 
probable qu’un plus grand nombre de veines n’y est né- 
cessaire que parce qu'il faut un afllux plus considérable 
de sang artériel pour fournir à la sécrétion muqueuse 
qui s’y opère. 

À l'exception des Cyprins , toutes les veines qui dans 
les autres poissons proviennent de l’extrémité anale et 
de la portion mitoyenne de l'intestin , se réunissent en 
général en un seul tronc que nous nommerons désor- 
mais exclusivement la veine mésentérique. Si l'intestin 
est droit, ou s’il ne se compose que de quelques por- 
tions juxta-posées , les rameaux veineux particuliers se 
terminent dans la Ÿeine principale sous des angles plus 
ou moins droits ; mais si l'intestin forme des circonvo- 
lutions nombreuses, les rameaux secondaires se réu- 
nissent sous des angles aigus pour former le tronc prin- 
cipal , comme dans les animaux des classes supérieures , 
et ce cas se rencontre particulièrement dans le Liévre 
de mer et dans la Blennie. 

En général , les réseaux veineux qui apportent leur 
sang dans une veine mésentérique simple se réunissent 
ea rameaux à la face supérieure de l'intestin ; mais dans 


(174) 
la Blennie il y a aussi un gros rameau veineux. qui suit 
la face inférieure de l’intestin et qui est formé par la 
réunion de deux autres rameaux , dont l’un appartient 
à l'intestin grêle et l’autre au gros intestin. La réunion 
s'opère là où l'intestin grèle se termine dans le gros in- 
testin ; enfin , le rameau, dont il est question s’abouche 
dans la veine mésentérique: Nous voyons quelque chose 
d’analogue dans les Épinoches , la Perche et le Cottus 
scorpius, dans lesquéls on trouve aussi une grande veine 
correspondant à la face inférieure du gros intestin , et sé 
rendant enfin dans la veine mésentérique très- près de 
cet intestin et au-devant de lui. - 

Dans l'Ombre on trouve un rameau particulier qui 
se dirige le long de la face inférieure de la portion mi- 
toyenre de l'intestin , et qui se réunit enfin également 
avec la veine mésentérique. Dans le Hareng enfin , où 
l’on observe un rameau veineux qui parcourt à peu près 
toute la longueur du canal intestinal , ce rameau se réu- 
nit avec les veines des appendices du pylore. 

Deux veines intestinales qui pénètrent séparément 
dans le foie s’observent dans le Cobitis fossilis ; lune 
d'elles parcourt la longueur de l’intestin à sa face in- 
férieure et l'autre à sa face supérieure. Deux troncs 
veineux pareils se retrouvent aussi dans la Bellone ; 
mais dans ce poisson l’un de ces rameaux est placé au 
côté droit , et l’autre , qui est plus gros , au côté gauche 
de l'intestin contre lequel ils sont à peine appliqués , le 
mésentèré s’attachant au milieu entre l’un et l’autre. 
Dans les petites espèces de Pleuronectes Al y a même 
trois troncs principaux pour les veines intestinales, qui 


se rendent séparément dans le foie , et qui sont situées 


(175) 


sur les côtés gauche et droit de l'intestin , comme dans 
la Bellone ; cependant chaque tronc se trouve ici dans 
un mésentère particulier, et tous les trois communi- 
quent assez fréquemment entre eux par de petites anas- 
tomoses avant de pénétrer dans le foie. 

Les veines de l’estomac se réunissent avec la veine 
mésentérique dans l'Ombre (avec son rameau infé- 
rieur ) , le Lièvre de mer , le Hareng , l’'Ammodyte, la 
Perche, la petite Perche de rivière, le Goujon. Elles 
s’y réunissent en partie et entrent en partie séparément 
dans le foie dans l’Alose , le Brochet, les petits Pleuro- 
nectes , le Cottus scorpius , le Narvaga et la Barbotte. 

Dans ce dernier cas , du reste , les veines de l’estomac 
qui vont au foie se réunissent en un seul tronc, comme 
dans le Brochet et le Cottus scorpius , dans lequel ce 
tronc reçoit encore la veine splénique qui est simple, 
ou elles se rendent au foie sous forme de petits troncs : 
la Blennie appartient aussi à cette section. Dans ce pois- 
son , la plus grande partie des veines de l'estomac se 
réunit aux veines des appendices pyloriques et avec quel- 
ques ramuscules de la partie la plus antérieure de l’in- 
testin , pour entrer ensuite dans le lobe gauche du foie : 
toutes ces veines forment très-près du foie un rameau 
transversal qui communique aussi par une anastomose 
avec la veine mésentérique : outre cela , un nombre bien 
plus petit de veines de l'estomac se termine encore dans 
la veine mésentérique. 

Dans les Éperlans, les veines de l'estomac se rendent 
dans le foie , unies seulement aux veines des appendices 
pyloriques. 

Les veines qui prennent naissance sur ces mêmes 


( 196 ) 


appendices , et entre eux, n’entrent pas dans le mésen- 
ière proprement dit, mais elles se réunissent en géné- 
val aux veines mésentériques très - près et au - dessus 
du foie. Ce cas existe dans l'Ombre (elles sont unies 
dans ce poisson avec la veine qui parcourt la longueur de 
la face inférieure de l’intestin) , le Lièvre de mer, la 
Perche , la Barbotte; elles se joignent aux veines de l’es- 
tomac dans la Blennie ; elles entrent séparément dans le 
foie dans l’Ammodyte en ne formant qu’un rameau 
unique ; elles se rendent en partie au foie et en partie 
dans la veine mésentérique dans l’Alose, le Narvaga ; 
les Éperlans. 

Quant aux veines de la rate, celles des Carpes, 
dont la rate est très-volumineuse, se réunissent en un 
seul gros tronc, ou en plusieurs autres plus petits, et 
se rendent directement et après un trajet très- court ; 
dans le lobe gauche du foie, en sorte qu'ici la rate se 
trouve très - rapprochée du foie. La veine splénique se 
rend également dans le foie dans la Lotte ; mais elle est 
unie à la veine des parties génitales. Au contraire , les 
veines spléniques , réunies en un seul tronc, se termi- 
nent dans le tronc principal de la veine mésentérique 
dans les Éperlans et les Harengs ; dans un tronc des 
veines de l'estomac dans le Chabot; réunies en cinq 
branches , elles se rendent dans l’une des veines mésen- 
iériques dans la Bellone ; en quatre branches dans les 
petits Pleuronectes , en deux dans le Lièvre de mer. Dans 
le Brochet, la veine splénique , qui est simple, se ter- 
mine dans une branche secondaire de la veine mésenté- 
rique , à une assez grande distance du foie. Dans les Épi- 
noches , l'Ammodyte, la Perche, la Blennie , la Barbotte 


: (177) 
et le Goujon , elle va s'unir avec le tronc des veines mé- 
sentériques. Dans l'Ombre, il y a cinq ou six veines 
spléniques qui se réunissent à l’une des veines de L’es- 
tomac. 

Dans les poissons où il se rencontre un estomac dont 
la portion pylorique et cardiaque forme une fourchetie, 
la veine mésentérique passe en général de haut en bas 
par cette mème fourchette pour entrer dans le foie; 
mais là où l'estomac passe tout simplement à l'intestin 
grêle, ou lorsqu'il n’existe point du tout, la veine mé- 
sentérique , qui est simple , se dirige de haut en bas le 
long de l'intestin. 

Il est remarquable que dans quelques Poissons toutes 
les veines de l'intestin et de l'estomac se réunissent non 
pas à quelque distance du foie , mais seulement à sa sur- 
face supérieure et concave. Ce cas se rencontre surtout 
dans la petite Perche de rivière et dans la Blennie : nous 
voyons aussi quelque chose d’analogue dans le Brochet ; 
où la réunion de la plus grande partie des veines intes- 
tinales s'opère tout près du foie, ou plutôt sur le foie 
même, tandis qu'une autre partie plus petite pénètre 
isolément dans cet organe. 

Un objet plus remarquable encore c’est la réunion 
des veines intestinales dans la Perche , dans laquelle les 
veines de l'intestin, des appendices pyloriques, et la 
plupart des veines de l’estomac se réunissent enfin én 
un large demi-cercle contigu à la face inférieure de la 
portion pylorique de l'estomac, au devant des appen- 
dices du même nom ; ce demi - cercle envoie ensuite au 
foie trois branches séparées. 

Nous voyons les veines se réunir d’une manière ana- 

If 12 


( 178 ) À 
logue dans la Barbotte et le Narvaga. Dans la première 
il y a également trois branches séparées qui vont au foie 
après avoir pris leur origine dans un tronc veineux , gros 
et court, qui reçoit tout le sang du canal alimentaire et 
de la rate ; dans le second , la plus grande partie du sang 
se porte dans une portion veineuse située au-dessous des 
lobes moyen et gauche du foie : deux veines courtes se 
rendent de cette portion à ces deux lobes. 

Dans la règle, le tronc unique des veines venant des 
voies alimentaires , ou les troncs , s’il y en a plusieurs, 
s'étendent chacun d’arrière en avant à la surface supé- 
rieure du foie, dans la substance duquel ils envoient 
un grand nombre de rameaux qui s’en séparent. Lors- 
qu'il y a plusieurs troncs , il n’est pas rare de voir un 
rameau aller de l’un à l’autre et former ainsi une anas- 
tomose entre eux. 

Mais dans d’autres poissons , 16 tronc unique, ou, s’il y 
en a plusieurs, chacun d’eux se divise déjà avant de péné- 
trer dans le foie. Le premier cas a lieu dans les Perches, 
le second dans la Barbotte , les Pleuronectes , chez les- 
quels il ÿ a derechef quelques branches qui communi- 
quent entre elles par des anastomoses. Dans les Harengs, 
la veine mésentérique envoie parfois quelques réseaux 
dans le foie avant d’y pénétrer ; mais ce qu'il y a de plus 
remarquable c’est la marche du tronc de la veine mésen- 
térique dans le Lump ou Lièvre de mer. Dans ce pois- 
son , il se divise en trois branches dont chacune recoit 
quelques veines de l'estomac et des appendices pylori- 
ques, après quoi elles se terminent dans un gros sac 
veineux d’une longueur médiocre , qui s’étend oblique- 


ment de droite à gauche et de devant en arrière , le long 


( 199 ) 
de la surface supérieure du foie, où elle envoie ses ra- 
imeaux dans la substance de cet organe. 

Dans l'Ombre, il se forme sur le rectum trois an- 
neaux veineux qui se réunissent ensuite dans un seul 
tronc, lequel se contourne autour du côté droit de la 
vessie natatoire et se termine enfin directement dans la 
veine cave. Dans les Éperlans , les veines du rectum se 
rassemblent également en un seul , quelquefois aussi en 
deux branches qui se rendent dans la ‘veine cave ; et 
dont l’une recoit en outre les veines de la partie génitale 
droite. Dans le Brochet et les Épinoches , une partie seu- 
lement du sang qui a traversé le rectum passe dans uñ 
petit rameau veineux qui se rend dans la veine cave. 

Mais en revanche il y a plusieurs poissons dans les- 
quels , comme dans les Carpes , du sang veineux se rend 
au foie, quoiqu'il ne vienne pas du canal alimentaire et 
de la rate, mais d’autres organes. À cette section appar- 
tient en particulier la Blennie dans laquelle il y a trois, 
quelquefois mème quatre ou cinq gros rameaux veineux 
qui amènent le sang de la face inférieure de la partie 
génitale, qui est unique , dans la veine mésentérique. 
Nous citerons encore ici la Perche, dans laquelle une 
veine très-considérable recoit également le sang de la face 
inférieure de l'ovaire pour le conduire dans la veine cave; 
dans la Perche mâle, ce sont plusieurs veines qui pro- 
viennent de la partie génitale , et l’une d’elles se joint 
avec une veine de l'estomac , tandis que les autres se ter- 
minent dans les veines mésentériques. Mais ce qu'il y a 
de plus singulier, c’est la manière dont le sang de la 
partie génitale gauche parvient au cœur dans les Éper- 


lans. Une forte veine, qui se dirige d’arrière en avant, 


( 180 ) 
sort de cette partie; bientôt elle se divise en deux 
branches peu longues , dont l’une passe dans la veine 
mésentérique , et l’autre dans la veine rénale gauche (x). 

Dans quelques poissons, le sang de la vessie natatoire 
passe également dans le foie; dans les Carpes , notam- 
ment , le tronc des veines de cette vessie se rend dans la 
pièce de communication supérieure du foie; dans les 
Epinoches , le Goujon et le Narvaga , il se termine dans 
la veine mésenférique. 

Si nous résumons ce que j'ai dit brièvement jusqu'ici 
sur la disposition des veines qui amènent leur sang au 
foie, dans les Poissons , et si nous avons égard à l’éten- 
due et à la position respective des différens viscères , il 
en résultera , je pense, que les rameaux les plus nom- 
breux ne se rendent pas tout droit à la branche veineuse , 
ou à l'endroit du foie qui en est le plus rapproché, comme 
si la réunion totale ne s'était opérée qu’au hasard. Il 
paraît plutôt qu'il existe ici une cause plus profonde, 
déterminée par la vie de chacun des organes, et diri- 
geant dans chaque poisson le sang veineux de chaque 
partie des viscères abdominaux par tel ou tel chemin. A 
la vérité, les chemins sont si compliqués ici, et la con- 
naissance plus exacte du mode de formation (wie plas- 
tique) des différentes parties qui devrait nous servir de 
guide nous est si peu familière, que nous serons peut- 
être encore long-temps à sortir de ce labyrinthe. Cepen- 
dant, en jetant un regard sur le point de vue physio- 


(x) D’après Kuhl ( Beitrage zur vergleichenden Zoologie und vergl, 
Anatomie ) , le sang des parties génitales se rendrait au foie dans le Ha- 
reng ; mais ceci n’a jamais lieu. 


( 181 ) 


logique, il me paraît vraisemblable qu'une connais- 
sance anatomique plus exacte des liaisons vasculaires du 
foie avec chacun des viscères dans les différens ami- 
maux pourra fournir un jour des données plus satisfai- 
santes sur la fonction que le foie exerce dans chacun de 
ces animaux; nous pourrions au moins savoir par là si 
cet organe, ce qui est très-présumable, joue un rôle 
différent dans l’économie d’un animal et dans celle d’un 
autre. Un vaste champ s'offre ici à l’observation des 
physiologistes; je me permettrai seulement d'indiquer 
quelques points compris dans ce champ. Si, d’après des 
recherches récentes , les veines partagent avec les vais- 
seaux lymphatiques la fonction atiribuée à l'ordinaire 
exclusivement à ces derniers, il serait pourtant possible 
que les veines provenant des testicules et de la vessie ua- 
tatoire fussent remplies d’un sang tont diflérent de celui 
des intestins. Or, si, dans quelques poissons, les veines 
de la vessie natatoire ou des testicules (1) amènent leur 
sang au foie , l’on ne saurait presque penser que ce sang 
y reste sans action. On peut, au contraire , présumer 
qu'il sera également employé pour la sécrétion biliaire, 
et qu’il la modifiera sous quelques rapports; mais une 
autre bile agira aussi différemment sur la digestion et 
sur l'assimilation des alimens. De plus, si d’un autre 
côté le sang veineux venant du gros intestuin ne se rend 
pas au foie, mais passe directement dans la veine cave, 
on peut en conclure qu'il en résultera une autre modifi- 


cation dans l’économie de l'animal, car quelque peu im- 


(1) C’est Bojanus qui nous a appris tout récemment que dans les Tor, 


tues Lout Le sang venant des parties génitales se rend au foie. 


( 182) 


portante qu'elle puisse paraître , c'est Loujours une mo- 
 dification. 

L'on a pu voir par ce que j'ai exposé dans quelques- 
uns des paragraphes précédens , combien les veines qui , 
dans les Poissons , amènent le sang vers le foie, sont 
en général peu concentrées , à l'opposition de ce qu’on 
observe dans les Mammifères. La même observation, la 
mème preuve d’un degré inférieur de développement se 
retrouve dans les veines hépatiques qui ramènent le 
sang du foie dans le cœur. Dans les Carpes , on observe 
toujours deux et même trois de ces vaisseaux. J'ai 
trouvé trois troncs dans le Cyprinus vimba , ballerus , 
brama ; dans les espèces des harengs, et dans le Cot- 
tus scorpius : dans ce dernier cependant, on ne ren- 
contre quelquefois que deux veines ; dans quelques cas, 
lorsqu'il \ en a trois, il s’en trouve deux qui se réu- 
nissent bientôt après leur sortie. Au reste, ces trois 
troncs sont fort courts dans les Carpes , et lorsque l’es- 
pèce a le corps aplati et étroit , ces veines laissent tou- 
jours entre elles une certaine distance. Celle qui sort du 
milieu du foie se rend toujours dans l'oreillette du cœur, 
à l'endroit où se rencontrent les deux appendices de 
cette oreillette, ou, pour parler plus exactement , elle 
se joint à ces appendices même , là où ils passent l’un 
dans l’autre derrière l’oreilleite, sous un angle tourné 
en devant : les deux autres veines prennent naissance 
chacune dans l’un des lobes latéraux du foie , et se ren- 
dent tout-à-fait en devant , dans le côté interne de l’un 
des appendices du sac veineux. Dans les Harengs, les 
deux troncs veineux des lobes hépatiques gauche et 
moyen vont s’insérer très-près l’un de l’autre , dans l'ap- 


(183) 

peudice gauclie , tandis que le tronc du lobe droit s’en 
éloigne beaucoup pour se rendre dans l’appendice droit: 
Malgré ces variations , d’ailleurs peu importantes, on 
peut pourtant admettre que , dans les Carpes et les Ha 
rengs, chaque lobe du foie a son système propre de 
veines hépatiques. Trois veines se rencontrent encore 
dans le Perca fluviatilis , et très-fréquemment , comme 
nous l'avons déjà fait remarquer , dans le Cottus scor- 
pius , quoique le foie de ce dernier soit constitué par 
une seule pièce. Mais dans ces poissons , les trois troncs. 
veineux sont très-rapprochés entre eux , et ils se termi- 
nent aussi ensemble dans le milieu , entre les appen- 
dices de l'oreillette , en s’insérant dans ces appendices 
mêmes. Au reste, ces troncs veineux sont d’une lon- 
gueur assez notable dans le Cottus scorpius. 

Il est plus commun d'observer deux veines qui unis- 
sent le cœur au foie: alors l’une d’elles se rend toujours 
au côté interne de l’appendice gauche , et l’autre au côté 
interne de l’appendice droit : c’est ce qui a lieu dans les 
Cyprinus gobio, C. latus et C. tinca. Dans ce dernier 
cependant on observe plus communément trois veines 
hépatiques. On en trouve encore deux dans les Pleuro- 
nectes , l’Aigrefin , la petite Perche des rivières et le 
Gasterosteus spinachia. Deux veines se montrent encore 
dans le Brochet , mais elles font déjà le passage à la con- 
formation suivante : ces veines sont étroitement appli- 
quées l’une contre l’autre , de sorte qu’on pourrait facile- 
ment les prendre pour une seule si on les examinait légè- 
rement ; leur capacité n’est point égale , car la droite est 
à-peu- près trois fois plus étroite que la gauche. Au 
reste , leurs orifices se trouvent très - rapprochés entre 
eux , entre les deux appeudices du sac veineux. 


« 
(184) 

Enfin la veine hépatique est unique et s'ouvre dans le 
cœur à l'endroit où les deux appendices se réunissent 
dans la Bellone, le Lièvre de mer, la Blennie, l’An- 
guille et  Ammodyte, ainsi que dans toutes les espèces 
de Saumons , par conséquent dans des poissons dont 
le foie n’a qu'un seul lobe; maïs aussi dans le Gasteros- 
teus aculeatus et le G. pungitius, et dans le Gobius 
niger, le Silure et l’Esturgeon. 

Dans un autre temps je ferai part de quelques notions 
plus détaillées sur le rapport du volume du foie avec le 
volume de la rate et celui de tout le corps dans les Pois- 
sons. J'aurai en même temps égard aux organes de la 
respiration et aux reins. 


Descriprion d’un nouvel Oiseau du Bengale, que 
M. C.J. Temminck a nomme Dromas ardeola. 


Par M. Duronr aîné. 


Il m'a été envoyé du Bengale, par un de mes voya- 
geurs , deux oiseaux de même espèce , que je n’ai trouvés 
décrits nulle part, mais dont un pareil semble figurer 
dans le Recueil de Planches colorices de M. Temminck, 
G1° livraison, pl. 362, sous le nom de Dromas ar- 
deola. Ce savant ornithologiste ne nous a point encore 
donné la description de ce nouveau genre ; seulement , 
dans une livraison postérieure , il a dit , à l’article Ænic- 
NÈME , que l’espèce unique du genre Dromas tient de 
très-près aux Ædicnèmes, au nombre de quatre es- 
pèces. 


( 185 ) 

Dans cet état, je doute encore que l'espèce nommée 
par M. Temminck soit bien la mème que celle de mes 
deux individus. Mon incertitude, naît des différences no- 
tables que je remarque entre l’une et l’autre. Dans la 
première , la couleur des rectrices et des tectrices est 
hortensia ; elle est noïre dans la seconde. Le manteau 
dans toutes les deux a la même coloration; mais chez 
l'individu dessiné dans le Recueil de Planches colo- 
riées , il prend naissance beaucoup plus bas. La régula- 
rité des plaques de ses pieds n’existe point chez les miens ; 
toutefois ces variations peuvent n'être que l'effet d’un 
changement de sexe : elles proviennent peut-être aussi 
uniquement de l’inexactitude du dessin ou du coloris. 

Au surplus, voici la description de l’oiseau que je 
possède ; c’est, dans tous les cas, une découverte ré- 
cente que la science doit ranger parmi ses conquêtes. 

Bec fort, plus haut que large, ouvert jusqu’à l'œil , 
pointu , droit, seulement un peu courbé à son extré- 
mité , où sa couleur noire en général devient d’un gris 
transparent. À son origine il présente une plaque dépri- 
mée , débordée par la saillie que forment de chaque côté 
les plumes en se portant vers les fossés nasales. Au ri- 
lieu de cette plaque on aperçoit un léger sillon, à la 
suite duquel naît une arête qui se continue dans toute la 
longueur du bec , en s’elfaçant insensiblement à son ex- 
trémité. La mandibule supérieure , saillante de chaque 
côté à sa naissance , couvre exactement l’inférieure , qui 
offre un talon au tiers postérieur de son étendue. Les 
varimes , creusées dans une dépression à la base du bec, 
sont elliptiques et percées à jour. Les paupières sont lar- 
gement ouvertes. 


( 186 ) 

Jambe et tarse de couleur ardoisée, longs, grèles ; 
aplatis latéralement , pourvus de grandes plaques trans- 
versales en avant et en arrière, Trois doigts en avant, 
munis de palmures aussi étendues à-peu-près que celles 
de l’avocette ; le médian le plus long , puis l’externe; le. 
pouce égal à la moitié de l’interne et posant à terre du 
bout seulement. Ongles courts , droits , soutenus par la 
pulpe du doigt dans presque toute leur longueur , quel- 
quefois légèrement dentelés. La jambe dénuée de plumes. 
à sa base, dans une étendue d’un pouce et demi, est, 
comme le tarse , recouverte de plaques transversales. 

Longueur totale de l'oiseau, quatorze pouces; hau- 
teur, quinze pouces. 

Plumage blanc; manteau noir à reflet verdätre, qui 
commence à la base du cou, se prolonge sur les scapu- 
laires , et va se terminer en pointe à un pouce avant le 
croupion. Les ailes aiguës, comme dans les Chevaliers , 
dépasseni un peu la queue. Rectrices au nombre de 
neuf , les deux externes les plus longues. Tige blanche ; 
barbules noires en dehors , blanches en dedans , et 
brunes à l'extrémité ; tectrices noires ; scapulaires blan- 
ches. Queue courte, carrée, portant douze pennes d’un 
gris très-clair ; mais je ferai remarquer qu'elle est pres- 
que blanche chez le plus adulte des deux individus que 
j'ai reçus, ce qui me fait présumer qu’elle blanchit tout- 
à-fait avec l’âge. 

Tels sont les principaux caractères de cet oïseau , que 
j'avais cru d’abord entièrement inconnu , puisque aucun 
traité d'histoire naturelle ne m'en offrait la description. 
J'avais déjà songé à le dédier à M. Isidore Geoffroy 
Saint - Hilaire , jeune naturaliste qui, dès son début 


( 187 ) 


dans une carrière illustrée par son père, promet de por- 
ter dignement un nom cher à la science. Je l'aurais 
classé parmi les Échassiers , et j'aurais proposé de le 
nommer Ædelopes, c’est-à-dire à pieds incertains, 
parce qu’effectivement ses pieds , sans réunir l’ensemble 
des caractères d’aucun genre des Échassiers , offrent des 
ressemblances avec plusieurs. Bien qu’au premier as- 
pect où soit tenté de le rapprocher des Ædicnèmes, 
comme l’a dit M. Temminck , et des Hérons, ainsi que 
semble l'indiquer le nom qu'il lui a imposé, on est 
bientôt convaincu qu'il s’en éloigne par de nombreuses 
différences. La forme de son bec, la disposition de ses 
narines est bien plutôt celle des Sternes que celle des 
Hérons et des Ædicnèmes. Il en est de même pour le 
système de coloration et pour le lustre des plumes. Quant 
aux jambes , leur longueur, leur forme, leur gracilité, 
l’arrangement de leurs écailles , le rapprochent davan- 
tage des Chevaliers. Les pieds sont palmés comme chez 
l’Avocette , avec cette différence que le pouce n’est pas 
développé de la mème manière , que les écailles en sont 
simplement transversales et disposées à des distances iné- 
gales , au lieu d’être hexagones et régulières. Il a encore 
de commun avec les Chevaliers le port svelte , l'aile 
aiguë , la queue carrée ; aussi me semble-t-il que sa place 
estentre ce dernier genre et celui des Avocettes. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XLV, 


Dromas ardeola Temw. réduit. Les détails de la tête et d’une des pattes 
sont de grandeur naturelle. 


( 188 ) 


Exrrarr d'une Lettre de M. Jouaxwner, de l'Aca- 
démie de Bordeaux, & M. Axrexanpre Brow- 
Gniarr, Professeur de Minéralogie au Jardin 


du Roi. | 
Bordeaux , juillet 1825. 


.…..Vous n’ignorez pas , Monsieur, que toute la rive 
gauche de la Garonne , depuis son entrée dans notre dé- 
partement jusqu’au bec d'Ambès , est bordée d’une suite 
peu interrompue de dépôts de fossiles sur une ligne à-peu- 
près parallèle au cours du fleuve. J'ai donné une liste de 
ces différens dépôts , et, dans toutes mes courses, je 
trouve toujours quelque localité de plus à y ajouter ; 
mais je n'avais encore rencontré aucun de ces dépôts 
aussi voisin du fleuve que celui dont j'ai à vous entrete- 
nir. 

Depuis long-temps j'avais remarqué dans les graviers 
voisins de Bordeaux quelques exemplaires très-rares , 
mais très-bien conservés, du Turbo Parkinsoni (Bas- 
terot), et je suivais , autant qu il m'était possible , toutes 
les fouilles un peu profondes que l’on faisait dans cette 
nature de terrain ; un heureux hasard vient de me dé- 
dommager de l’inutilité de mes premières recherches. 

À la porte de Bordeaux , et à l’ouest de la ville, dans 
un sol attenant aux sabliers de terre-nègre, un proprié- 
taire voulant aplanir un terrain presque inculte , avait à 
faire disparaître une butte de gravier d'environ cent 
mètres de long sur trois à quatre mètres de hauteur 
moyenne. J'ai suivi les travaux ; voici le résultat de mes 


observations. 


( 189 ) 
COUPE DU TERRAIN. 


Æ. Sable ou gravier recouvert de deux ou trois centimètres de terre vé- 
gétale d'épaisseur variable. Les graviers varient de grosseur, depuis les 
plus petites dimensions jusqu’à la grosseur du poing; presque tous les 
graviers sont des quarz divers , mêlés de quelques grès verdâtres : en 
certains endroits il y a des coulées de sable qui descendent à une pro- 
fondeur qui n’a pas été reconnue. 

B. Argile brunâtre, passant au brun noïrâtre dans la partie inférieure : 
quelquefois le gravier , le sable et l’argile sont confondus ensemble. 

. On ne trouve, du reste, aucun corps étranger dans l’argile, hors 
quelques morceaux de fer limoneux géodique. 

CDE. Banc de falun gris, quelquefois bleuâtre , aïlleurs couleur de 
brique; rien de fixe, rien de régulier à cet égard. C’est une marne 
argileuse, mêlée de coquilles, de madrépores astroïtes et de débris 
très-atténués ; jy ai trouvé des pinces de gros crabes. Les Delphinu- 
les etles Turbo gisent principalement dans la partie supérieure en €, 
partie plus blanche, plus dure, presque toute composée d’astroïtes. 
Les Trochus , les Arca, les Mucules , proviennent de la partie infé- 
rieure , ainsi que la Térébratule et l'Emarginule. Quant aux Cra- 
aies , elles se trouvent toujours assez voisines des astroïtes. 


J'ai donné connaissance de ce nouveau gisement à 
MM. Grateloup et Desmoulins ; ils en ont étudié le fa- 
lun , et c'est à eux que je suis redevable d’y avoir ren- 
contré la Cranie, l'Emarginule et la Térébratule : 
presque toutes ces espèces sont nouvelles dans nos fa- 
luns. 


La coupe jointe à cette lettre , et que nous pu- 
blions , planche 46, n’est point ce que l’on appelle une 
coupe théorique , c’est-à-dire dans laquelle on a repré- 
senté , en les réunissant sur un mème point de vue, des 
faits qui se seraient présentés dans des lieux et quelque- 
fois dans des circonstances différentes. M. Jouannet nous 


( i9o ) 


apprend, dans une leutre postérieure à celle-ci, que c'est 
une représentation exacte du terrain tel qu’il se montrait 
dans le lieu où il en a pris le dessin ; que ce terrain se 
montre ainsi sur les bords d’un plateau graveleux et 
ondulé de plus de cent mêtres d’étendue , et qui a été 
excavé à environ dix - sept mètres de profondeur. Il est 
assez difficile de dire exactement à quelles couches du 
terrain de sédiment supérieur du bassin de Paris répon- 
dent ces diverses couches , mais on peut présumer que 
le gravier représente le calcaire grossier, le sable de 
ses assises inférieures et celui qui recouvre la partie su- 
périeure du dépôt d'argile plastique qu’on nomme les 
fausses glaises. B paraitrait représenter l'argile plasti- 
que. L'absence de corps organisés et la présence du fer 
limoneux concourent , avec la position , à établir cette 
analogie. 

CDE pourraient être le terrain de craie ; les coquilles 
ne sont pas précisément de l’espèce , ni mème du genre 
de celles qu’on trouve le plus ordinairement dans la 
craie, mais elles ne présentent non plus aucun fait en 
contradiction complète avec ce qu’on a observé jusqu'ici. 


(xot ) 


Nore sur la Présence de deux genres de Pachy- 
dermes , Chœropotame et Palæotherium, dans 
les brêches de Sète (Hérault) et de V'illefranche- 
Lauragais (Haute-Garonne }; 


Par M. MarcEL DE SERRES. 


Les deux genres inconnus de Pachydermes que M. Cu- 
vier a décrits sous les noms de Chœropotame et de Palæo- 
therium, ont été observés jusqu'ici dans les terrains d’eau 
douce inférieurs et les terrains marins supérieurs, mais 
principalement au milieu des gypses calcarifères qui ap- 
partiennent à la première de ces formations. Ces genres, 
qui n’ont plus aujourd’hui de représentans sur la terre, 
ne sont point uniquement bornés à des terrains aussi peu 
répandus et aussi circonscrits. Du moins dans le cours 
des recherches que nous avons entreprises pour nous as- 
surer si- dans le midi de la France des brèches osseuses 
n’ont pas été produites dans tous les lieux où des fentes 
verticales se sont opérées dans les rochers rapprochés des 
terrains tertiaires , nous avons découvert les CAæropo- 
tames et les Palæothérium au milieu de ces brêches (1). 

Le premier genre y a été reconnu par une molaire et 
un germe d’une pareille dent. Cette molaire serait la 


(1) Depuis que nous nous occupons de ces recherches, nous avons dé- 
couvert dix localités à ajouter à celles où l’on avait mentionné des 
brèches osseuses, L’une de ces localités , celle de Villefranche (Aveyron), 
est très-remarquable, en ce qu’elle présente des bréches osseuses à plus 
de troïs cents toises d’élévation et à une distance d’environ vingt-cinq 
lieues de la Méditerranée, 


(192 ) 

iroisième ou la quatrième tuberculeuse presque sem- 
blable à celles figurées dans le troisième volume des Re- 
cherches sur les Ossemens fossiles de M. Cuvier (pl. 1r, 
fig. 3, B. C.). Cette molaire annonce un pachyderme de 
la famille des cochons, et en particulier le genre perdu 
des Chæropotames. La forme de sa couronne, à-peu-près 
rectangulaire, offre quatre tubercules principaux, au 
milieu desquels on en voit deux plus petits avec quel- 
ques inégalités autour de leurs bases. Cette molaire se 
distingue encore de celle des autres pachydermes de la 
famille des cochons, en ce que moins allongée, elle est 
plus arrondie vers ses bords antérieurs et postérieurs , 
et enfin, parce que ses tubercules, surtout les quatre 
principaux , offrent à leurs sommets une cavité arrondie, 
mais peu profonde. Nous ignorons si c’est un caractère 
dis&nctif, mais notre molaire est recouverte d’un émail 
plus sombre et plus brunâtre que celui que l’on observe 
dans les dents fossiles des autres genres de pachydermes. 
Cependant notre molaire était empâtée dans une brèche 
calcaire non colorée, en sorte qu’elle n’a pas pu com- 
muniquer à l'émail la couleur brune qui la distingue. 

Nous serions plus certain de la détermination du genre 
auquel nous rapportons notre dent, si nous avions trouvé 
avec elle les incisives, la canine, et surtout la première 
molaire qui offre le caractère remarquable pour cette fa- 
mille, d'être conique et pointue ; cependant, malgré l'ab- 
sence de ces dents , notre molaire suflit pour constater 
la présence des Chæropotames au milieu des brèches cal- 
caires osseuses de Villefranche-Lauraguais (haute Ga- 


ronne ). 
Les mêmes brèches renferment de nombreuses co- 


( 195 ) 
quilles fluviatiles et terrestres, parmi lesquels nous ci- 
terons deux espèces de Bulimes qui conservent encore 
leur têt, et qui ont appartenu à de grandes espèces ; des 
maillots (Pupa), des Helix et des Néritines. L'intérieur 
de ces coquilles est assez généralement rempli de spath 
calcaire cristallisé. 

Quant au Palæotherium, nous en avons constaté l’exis- 
ience au milieu des brèches osseuses de Sète par deux 
molaires , une canine, et plusieurs portions d'os longs 
qui sont tous étroits dans leur milieu en s’élargissant 
considérablement vers leurs extrémités, soit antérieure, 
soit postérieure ; caractères des os longs de Palæotherium. 
Ces portions, avec une foule d’autres, se trouvent dans 
le même bloc qui renferme nos dents ; mais comme elles 
w’offrent aucune de leurs extrémités articulaires , on ne 
peut guère les déterminer. Leur grosseur jointe aux di- 
mensions des dents annonçait un Palæoitherium de la 
taille du Palæotherium medium. 

Nos molaires sont assez bien conservées, quoique 
brisées en partie, pour être certain qu’elles appartenaient 
à la mâchoire inférieure. En effet, elles ont leur cou- 
ronne disposée, en deux ou trois croissans simples, placés 
à la suite les uns des autres, en sorte que les croïssans 
de nos dents n’ont que deux lignes d'émail ; ce qui. les 
disungue à-la-fois des dents des ruminans ét mème de 
celles de la mächoire supérieure qui ont une formé pres- 
que carrée chez les Palæotherium. Mais comme l'une 
de nos mâchelières a trois portious de cylindres au lieu 
de deux comme la seconde , et que la septième inférieure 
offre seule ce caractère , il s'ensuit que notre fragment 
était la sepuüième molaire inférieure et du côté droit, à 


IX. 2 (Ra 


(194) 
raison de la position du cylindre moyen le plus élevé et 
le plus disposé en dehors. 

Quant à notre seconde molaire, il n’est pas aussi fa- 
cile de fixer la place qu’elle occupait dans la bouche. 
Cependant comme elle n’a que deux portions de cylindre, 
et que sa largeur est considérable , il est probable qu'elle 
était la ciuquième ou la sixième postérieure, c’est-à-dire 
une dés plus rapprochées du fond de la bouche. L’émail 
qui recouvre ces molaires est extrémementépais, comme 
chez la plupart des pachydermes ; cette épaisseur est au 
delà de deux millimètres dans des dents qui ont au plus 
trente millimètres de largeur. 

Enfin notre canine paraît avoir appartenu au côté 
gauche du maxillaire supérieur, ce qu’annoncent ses 
dimensions, et la position de sa face arrondie, qui ré- 
pondant au côté externe de la bouche, fait juger à quel 
côté elle a appartenu. La longueur de la portion de cette 
dent qui reste encore, annonce combien la racine en 
était grosse , et pénétrait avant dans l’os maxillaire. Cette 
portion offre une longueur de soixante-cinq millimètres, 
et cependant la pointe manque totalement. Notre canine 
formée par une substance compacte dure et comme 
émaillée, est conique et légèrement recourbée. 

Si nos déterminations sont exactes, ce que les dessins 
que nous devons autant à l’obligeance qu’à l’habileté de 
M. Piron fils feront facilement juger , il s'ensuit qu'à 
l’époque du dépôt des brèches osseuses, des genres in- 
conmus dans la nature vivante existaient encore, puisqu'ils 
y ont laissé leurs débris. La présence de deux genres 
perdus des Chæropotames et des Palæotherium semble- 
rait rapprocher la formation des brêches à ossemens des 


(19 ) 


terrains d’eau douce inférieurs, ou des terrains marins 
supérieurs, si ces brèches pouvaient être considérées 
comme de formation marine. Du reste, il devient tous 
les jours de plus en plus probable, que les formations 
supérieures au calcaire grossier ne se sont point déposées 
à de grands intervalles les unes des autres , et que la suc- 
cession que l’on observe dans les terrains tertiaires entre 
les formations marines et les formations d’eau douce, 
n'a point dépendu du déplacement successif du lit des 
mers , comme on l'avait d’abord supposé, faute peut-être 
d’avoir fait attention à ce qui se passe actuellement sur 
la surface de la terre. Quoique cette question soit en 
quelque sorte étrangère à notre sujet, nous ferons ce- 
pendant remarquer que si le niveau de la Méditerranée 
venait à baïsser au dessous du point où le Rhône va se 
perdre, on y trouverait (à en juger du moins par les 
nombreux débris des corps organisés des terres sèches 
que ce fleuve y entraîne) des bancs alternatifs des pro- 
duits des eaux douces et des eaux salées, phénomènes 
qui ont lieu par le cours ordinaire des choses, et non 
point par suite du déplacement du lit des mers, dépla- 
cement qui ne pourrait s’effectuer que par des catastro- 
phes plus ou moins violentes, en supposant même que 
la profondeur des mers n’est qu’une petite fraction de la 
différence qui existe entre les deux diamètres terrestres. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE XLVI. 


Fig. 1. Cinquième ou sixième molaire inférieure de Palæotherium. 


Fig. 2. Septième molaire inférieure de Palæotherium. 
a indique la brèche où cette dent se trouve empâtée. 


( 196 ) 
Fig. 3. La mème molaire , vue latéralement en dessus pour faire aperce- 
voir les trois cylindres. 
Fig. 4. Canine supérieure de Palæotherium ; le trait la rétablit comme 
si elle avait sa pointe. 
Fig. 5. Coupe de la même canine. 
Fig. 6. Troisième ou quatrième molaire tuberculeuse de Chæropotame. 


NorTe sur la Caverne à Ossemens de Banwell 
( Sommersetshire) ; 


Par M. BerTrAnn-GEsLin, 


De la Société d'Histoire naturelle de Paris. 


Dans la course géologique que je viens de faire en 
Angleterre , pendant les mois de juin et juillet derniers, 
avec mes amis MM. de Basterot et Desnoyers , j’ai eu oc- 
casion de visiter une caverne à ossemens qui m'a pré- 
senté beaucoup plus en grand le fait que j'avais remar- 
qué en 1824 dans la caverne d’Adelsberg en Carniole. 

C’est d’après ce fait, exposé dans les Ænnales des 
Sciences naturelles, avril 1826 , que j'avais été con- 
duit à penser qu’une partie des ossemens des cavernes 
y avait été transportée par une catastrophe contempo- 
raine de celle des brèches osseuses. 

Cette caverne à ossemens d'Angleterre est dans le 
comté de Sommerset , à une petite lieue à l'O. N.-0O. 
du bourg de Banwell. Découverte en septembre 1825 
par le fermier de l'endroit, M. Beard , elle fur visitée 
quelque temps après par M. Buckland. D’après ce qu’on 
m'a dit à Londres , ce savant s’est seulement borné à en 
donner connaissance à la société géologique. 


( 197 ) 


Cette caverne est située vers le sommet d’un chainon 
de calcaire de montagne (mountain Limestone ) faisant 
partie du groupe de montagnes appelées les Mendipes. 
Le calcaire de cette chaine, compacte, noir ou gris , fé- 
üde , contient des Encrines , des Productus , et est divisé 
en couches puissantes inclinées au N.-N.-E. de 55°. 

De la surface du sol on descend à dix pieds de profon- 
deur, par un escalier (4, PI. 46) taillé dans Le roc , pour 
entrer dans une petite salle (B) de dix pieds environ de 
largeur, laquelle sert de vestibule à la caverne. De ce 
vestibule on entre dans une seconde salle (C) qui peut 
avoir trente pieds de large sur quarante-cinq de long et 
dix de haut, laquelle est la caverne proprement dite. A 
quelques pas , à gauche de l’entrée de cetie grande salle, 
on remarque une fente verticale (D) de sept à huit pieds 
de large , laquelle part du sol de la caverne , traverse la 
paroi , et se prolonge dans le plafond, 

À l'extrémité de la caverne, par conséquent en face 
de l’entrée, on descend dans un couloir (Æ) incliné de 
trente degrés , qui a quaraute-cinq à cinquante pieds de 
long et dix de haut à son entrée. Ce couloir finit par se 
rétrécir tellement à son entrée , qu'il faut se mettre à ge- 
noux pour passer dans une petite chambre (#7), au-delà 
de laquelle il n’est plus possible de pénétrer, quoique la 
fente se prolonge encore. Cette caverne de Banwell , qui 
s'étend dans la direction de l'O. à l'E. , est une minia- 
ture auprès d’une des salles de la caverne d’Adelsberg. 

D’après ce que nous a dit M. Beard , qui a découvert 
et le premier fouillé cette caverne de Banwell , il paraïi 
que le vestibule était encombré par un amas (G) de li- 


mon argileux rouge , avec beaucoup d’ossemens , tandis 


(198 ) 

que , dans la grande salle , le limon argileux n’était pas 
également répandu sur le sol ; il y formait un amas al- 
longé (7) dans la partie N.-O. , lequel , partant de la 
fente de la paroi , se dirigeait vers le couloir, en coupant 
obliquement cette grande salle : les ossemens n'étaient 
pas, dans cet amas, aussi abondans que dans celui du 
vestibule. ñ 

Malheureusement , le zèle trop ardent de M. Beard 
pour la découverte des ossemens a fait disparaître cet 
amas de limon argileux; on voit actuellement tous les 
ossemens rangés symétriquement le long des parois de la 
caverne. Le limon argileux rouge n’existe plus en place 
que dans deux endroits ; d’abord dans cette fente verti- 
cale (D) de la paroi de la grande salle , qu’il remplit en- 
tièrement, puis dans le couloir incliné qui est en pro- 
longement de la grande salle. Ici le limon argileux rouge 
(I) est pétri d’ossemens , avec fragmens anguleux de cal- 
caire compacte noir, semblable au calcaire de la mon- 
tagne, tandis que dans la fente les os sont moins abondans. 

Cet amas de limon argileux (7) n’a pas rempli entiè- 
rement le couloir , à l'entrée duquel il peut avoir sept à 
huit pieds d'épaisseur , autant en largeur , et quinze en 
longueur. 

La masse limoneuse qui se précipitait a été arrêtée 
dans sa marche par l’abaissement du plafond , de sorte 
qu'elle n’est pas arrivée dans la petite chambre qui ter- 
mine le couloir. 

Parmi le grand nombre d’ossemens que nous avons 
vus entassés dans la grande salle et dans la maison de 
M. Beard , nous avons remarqué que beaucoup d’osse- 


mens étaient brisés , et que les ossemens d’herbivores do- 


( 199: ) 

minaient , tels que ceux d’une grande espèce de bœuf et 
de cerf : nous n’avons vu qu’une grande tête d’ours et des 
mâchoires de petits carnassiers. M. de Blainville, au- 
quel j'ai remis plusieurs de ces os, y a reconnu les es- 
pèces suivantes : deux espèces de ruminans à cornes ; 
une espèce de ruminant à bois; deux carnassiers , l’un 
de la taille d’un loup, l’autre de celle d’un renard. 

Nul doute qu'il n’y ait eu continuité entre Je limon 
argileux de la fente du plafond et celui du couloir avant 
qu’on eût enlevé le limon du sol de la grande salle. 

Cet amas de limon argileux rouge avec ossemens bri- 
sés et fragmens calcaires non roulés sera arrivé dans 
cette caverne, tant par la fente du plafond de la grande 
salle que par le trou de l'escalier qui conduit au vesti- 
bule, comme il est facile de le vérifier; en outre, il y 
sera arrivé instantanément, car le tout est tellement 
mêlé et de mème nature, qu’on ne peut supposer qu'il 
y aitété introduit à différentes reprises , ou qu’il soit dû 
à l'effet d’un courant d’eau, puisqu'il n’offre aucune 
trace de lavage ni de décantation. Il faut donc que cet 
amas de limon argileux soit un éboulement venu de l’ex- 
térieur , lequel est dù à un phénomène de remplissage 
produit par une catastrophe assez violente, ainsi que 
l’attestent les fragmens aigus du calcaire compacte. 

Ces faits me conduisent aux suppositions suivantes. 

1°. Si des infiltrations calcaires eussent pénétré cet 
amas de limon argileux dans l’état où il se trouve, n’eût- 
on pas eu une véritable brèche osseuse ? 

2°. Si, d’un autre côté, un volume d’eau plus où 
moins considérable eût traversé celte caverne plus ou 


moins rapidement , ne peut-on pas supposer qu'il aurait 


(L200%) 


d'abord attaqué cet amas, puis déposé plus où moins 
également sur le sol des chambres de la caverne Îles 0s- 
semens et le limon argileux. À 
Admettant cette dernière supposition , le gisement des 
ossemens fossiles dans la caverne de Banwell se füt 
alors présenté de la même manière qu’il s’offre en grand 
dans la caverne d’Adelsberg , où les ossemens sont en- 
veloppés dans une couche horizontale de limon argileux 
déposé sur le sol des chambres. Mais au contraire , dans 
la caverne de Banwell , le gisement général des ossemens 
est un amas, lequel a la plus grande analogie avec le 
petit amas que j'ai rencontré dans la caverne d’Adels- 
berg , où celui-ci n’est qu'une exception de gisement. 
Ainsi donc , d’après ces deux faits observés dans deux 
localités très - éloignées l’une de l’autre ( Adelsberg et 
Banwell) , je suis encore plus porté à attribuer la pré- 
sence des ossemens , dans un grand nombre de cavernes, 
à des éboulemens qui auront pu être détruits en tout ou 
en partie et étendus sur le sol des cavernes , et à regar- 
der la catastrophe qui a produit ces éboulemens comme 
due à une cause de mème nature que celle des brèches 
osseuses , mais qui à pu agir à une époque différente. 


Nore sur les Cavernes à Ossemens et Les Bréches 
osseuses du midi de la France ; 


Par M. Marcez DE SERRES. 


Dans la Note que vous avez insérée dans le cahier 
de décembre 1525 de vos Annales, sur lés cavernes à 


( 207 ) 


ossemens des environs de Montpellier, j'ai avancé que 
l'étrange rassemblement des animaux fossiles qui s’y 
trouvent comme accumulés était probablement dû à un 
cours d’eau, ce qui s’induit des terres meubles et d’al- 
luvion où ils sont dispersés et confondus. Comme cette 
cause n’a rien d’analogue à celle que l’on a supposé 
avoir agi dans d’autres lieux , il était naturel de cher- 
cher à reconnaître si, dans nos contrées , ce cours d’eau 
aurait eu une direction déterminée , et s’il n’existerait 
pas d’autres cavités , soit longitudinales (les cavernes), 
soit verticales (les brèches), dans cette même direction , 
qui offriraient également un certain nombre d’ossemens 
d'animaux fossiles. 

Conduit par cette idée, et de concert avec M. de 
Christol qui m’a constamment secondé dans ces recher- 
ches , j'ai déjà découvert de nouvelles cavernes à osse- 
mens à Saint-Antoine et à Saint-Julien , toujours près 
de Montpellier, et de nouvelles fentes verticales rem- 
plies de brèches osseuses semblables à celles de Sète, les 
unes à ciment rougeâtre , comme celles de Billargues et 
de Vendargues ( Hérault), les autres sans ciment coloré, 
comme celles d’Anduze et de Saint-Hippolyte (Gard), 
d'Aix ( Bouches-du-Rhône) , de Pézenas ( Hérault) , de 
Villefranche-Lauraguais ( Haute-Garonne), et de Per- 
pignan (Pyrénées orientales). Toutes ces cavités, soit 
celles qui sont longitudinales et que l’on désigne ordi- 
nairement sous les noms de grottes et de cavernes (1), 


(x) Ces cavernes sônt désignées en patois languedocien sous le nom 
de las Caves. Nous écrivons Sète et non Cette , comme plus conforme 
à l'étymologie, la montagne de Sète n'étant autre que le Sigius mons de 
tous les géographes. 


( 202 ) 


soit celles qui, verticales , ont été presque entièrement 
remplies de brêches à ossemens , ont cela de commun 
d’avoir leur direction à-peu-près parallèle au méridien, 
en sorte que le courant qui les a remplies en tout ou en 
partie de limon , de terres meubles , de sables , de gra- 
viers , de galets et d’ossemens , semble avoir agi du nord 
au sud ou du nord-est au sud-ouest. Quant au nombre 
d’ossemers réunis dans les fentes longitudinales ou ver- 
ticales , il paraît assez proportionnel à la grandeur des 
cavités qui les ont reçus et en raison inverse de la dis- 
tance du point de départ du courant qui les a charriés ; 
aussi le nombre des animaux ou de leurs débris que l’on 
découvre dans ces fentes , soit longitudinales , soit verti- 
cales , est-il constamment plus grand dans les premières 
que dans les secondes. 

IL semble donc résulter de ces faits qu’au moins dans 
le midi de la France la même cause qui a amoncelé tant 
d’ossemens dans nos cavernes , en a porté également 
dans les fentes verticales des formations préexistantes , 
où les ossemens se sont solidifiés avec les terres avec les- 
quelles ils avaient été transportés. Aussi , les brèches os- 
seuses ne sont point restreintes, comme on l’a pensé 
jusqu’à présent , aux rochers isolés et avancés des bords 
de la Méditerranée, puisqu'il en existe un assez grand 
nombre loin de cette mer et tout-à-fait dans l’intérieur 
des terres. Comme nous en avons observé partout où il 
s’est opéré des fentes , soit dans le calcaire grossier, soit 
dans le calcaire jurassique , soit dans la dolomie grise 
ou dojomite compacte, nous ne craignons pas d’'avan- 
cer que , dans nos contrées méridionales , l’on trouvera 


des brêches osseuses dans presque toutes les fentes qui 


6305. ) 


se sont opérées dans ces formations, et cela indépen- 
damment de leur éloignement de la Méditerranée, pour- 
vu toutefois que le calcaire du Jura et la dolomie ne 
soient pas à une trop grande distance des terrains ter- 
tiaires : le nombre de ces ossemens y sera probablement 
proportionnel à la grandeur des cavités qui les auront 
reçus , comme il en est dans toutes les localités obser- 
vées jusqu’à présent , et enfin l’on sera d’autant plus cer- 
tain d’y en découvrir, que l’on se trouvera plus rappro- 
ché de la direction générale que nous avons déjà indi- 
quée. , 

Ce qui prouve encore que les terrains à ossemens 
des cavernes , comme les brèches osseuses , ont été pro- 
duits par les mêmes causes et sont les uns et les autres 
des formations indépendantes , et à-peu-près contempo- 
raines, c’est que l’on y découvre presque généralement 

-des animaux analogues ; tels sont, par exemple, les ru- 
minans , qui ont des représentans partout, parmi les- 
quels il y a deux genres, les chameaux et les moutons , 
qui , jusqu’à présent , n'avaient pas été rencontrés à l’é- 
tat fossile , et qui se trouvent, du moins les derniers, 
non-seulement dans nos cavernes à ossemens , mais en- 
core dans les brèches osseuses de Villefranche - Laura- 
guais , de Perpignan et de Sète , à ce qu'il paraît (1). Les 


(1) Cette constance des ruminans dans nos terrains d’eau douce, 
quelle que soit la distance qui les sépare, annonce que les causes qui les 
ont déposés n’ont pas agi de la même manière que par rapport aux ter- 
rains parisiens, où les ruminans ne se montrent pas, tandis que les pa- 
chydermes y sont en très-grand nombre ; aussi nos terrains d’eau douce 
(car c’est à des formations de ce genre que nous rapportons les terrains 
à ossemens de nos cavernes et nos brèches) fourmillent-ils de bœufs, de 


( 204 ) 


oiseaux et les reptiles , quoique plus rares parmi ces for- 
mations, s’y montrent également ; ce sont des espèces 
de rivage et des Gallinacés parmi les premiers , des lé- 
zards , des couleuvres et des tortues parmi les seconds. 
Les rongeurs, les pachydermes et les solipèdes offrent 
également leurs débris dans ces diverses formations ; et, 
parmi les fossiles qui appartiennent à ces diverses fa- 
milles , il en est des tailles les plus opposées, comme 
des éléphans, des rhinocéros , des hippopotames , de 
grands chevaux , des rats, des souris , et enfin des lapins 
d’un tiers plus petits que nos lapins domestiques. Les 
carnassiers ont aussi des représentans dans nos cavernes 
comme dans nos brèches , et s’il en est dont la taille 
n’est guère au-dessus de celle de nos chats et de nos re- 
nards, il en est d’autres qui surpassent de beaucoup en 
srandeur et en force nos lions et nos tigres actuellement 
vivans , étant , relativement à nos espèces existantes , ce 
que les cerfs à bois gigantesques sont par rapport aux 
cerfs actuels. D’un autre côté , les ours de nos brèches 
ne sont pas au-dessus des ours actuellement vivans ni 
pour la taille , ni pour la force. Mais jusqu’à présent, 
les carnassiers ne paraissent pas avoir des représentans 
partout ; du moins ne Îles avons-nous pas observés dans 
les brèches de Billargues , de Vendargues et de Sète, 
quoiqu’ils soient en grande abondance dans les cavernes 
de Lunel-Viel , de Saint-Julien ei de Saimt-Anioine, peu 


ER 


cerfs et même de moutons, que M. Cuvier, dans son beau discours sui 
les révolutions de la surface du globe, dit ne pas exister à l’état fossile , 
parce qu’il n’a pas été comme nous à portée d'observer des terrains 


que les ruminans semblent caractériser d’une manière spéciale. 


( 205 }) 


éloignées des brèches de ces diverses localités. Les ron- 


geurs sont , après les ruminans , les quadrupèdes ter- 
restres les plus répandus , soit dans les terrains à osse- 
mens de nos cavernes , soit dans nos brèches, surtout 
dans celles dont le ciment est coloré en rouge; et après 
eux on peut signaler d’abord les solipèdes , et en second 
lieu les pachydermes. 

Cette antique populatidn qui a vécu sur le dépôt du 
calcaire grossier, et dont nos cavernes et nos brèches con- 
servent de nombreux témoins, offre cela de particulier, 
c’est que tandis qu’elle se compose de carnassiers de la 
taille du lion, dutigre, et quelquefois supérieurs en taille 
et en force à ces animaux, de diverses espèces d’hyène, de 
pachydermes gigantesques, des éléphans, des rhinocéros, 
des hippopotames , accompagnés d’une grande quantité 
de chevaux et de plusieurs grands ruminans, comme des 
chameaux et des bœufs d’une taille énorme, elle réunit 
en même temps des espèces bien rapprochées de celles 
qui vivent encore sur le sol d’où les premières ont dis- 
paru pour toujours. Ainsi tandis que les unes ressem- 
blent aux espèces que la zône torride nous offre mainte- 
nant, quoique toutefois aucune de nos espèces fossiles 
ne soit absolument la même, les autres n’indiquent pas un 
climat différent, ni des conditions d’exisience autres que 
celles dont ces animaux pourraient jouir encore, si la vie 
leur était rendue. En effet, certaines espèces de bœuf, de 
moutons, de lapins , de rats, de sangliers, de castors 
enfoncés dans nos cavernes ou disséminés au milieu de 
nos brèches , n’offrent pas des différences bien grandes 
avec nos espèces actuelles, et cependant elles sont en- 
sevelies dans le même limon ei dans les mêmes terres 


( 206 }) 


d’alluvion que nos énormes lions ou tigres ou nos hyènes, 
dont l'existence dans nos climats mème méridionaux n’est 
guère plus admissible que celle des rhinocéros , des hip- 
popotames, des éléphans et des chameaux qui les ac- 
compagnent. 

Chose non moins singulière, avec ces quadrupèdes 
terrestres, on observe des débris-de tortues , de lézards, 
de couleuvres, et avec eux des restes d’oiseaux, soit des 
palmipèdes, soit des gallinacés , et parmi ces derniers dé- 
bris , il en est de fort rapprochés des espèces qui vivent 
encore dans nos climats. Tels sont, par exemple, certains 
ossemens que l’on ne peut guère distinguer des mèmes par- 
ties qui ont appartenu , soit au cygne , soit au canard. Et 
pour comble de singularité, tous ces fossiles sont accom- 
pagnés d’une grande quantité de coquilles terrestres de 
divers genres , parmi lesquels abondent le Bulimus de- 
collatus et le Cyclostoma elegans de Draparnaud. Ces 
coquilles conservent encore leur têt, et comme il en est 
un certain nombre d’entières , on peut s'assurer qu'elles 
ne différent pas spécifiquement de nos espèces actuelles, 
car un peu plüs de renflement et de brièveté dans les 
tours de la spire , ne sauraient constituer des espèces di- 
verses. Cependant ces coquilles se trouvent dans le même 
limon que les ossemens de nos lions et de nos rhinocéros, 
comme à Sète; dans les mèmes brèches qui récèlent des 
ruminans, des rongeurs et des pachydermes. Tl est dif- 
ficile de leur supposer une origine et une date différente, 
puisqu'elles se trouvent dans les mêmes couches, sou- 
vent dans le même fragment, et par conséquent à la 
même profondeur que les débris des quadrupèdes ; des 


reptiles et des oiseaux , que nous venons de signaler, 


(#07) 

Ces faits, avec tant d’autres que nous avons déjà in- 
diqués , annoncent , se semble, qu’une pareille réunion 
a été fortuite , et que la cause qui a amené dans nos ca- 
vernes le sable, le gravier et le limon qui les remplit, 
comme les fragmens de calcaire roulé que nos brèches 
ont saisi, y a aussi entrainé les ossemens des animaux 
qui s’y trouvent dispersés et confondus. Ce qui semble 
l’annoncer d’une manière plus positive, ce sont les dé- 
bris de mammifères et de mollusques marins, que l’on 
observe dans le même limon ou dans les mêmes brèches 
qui recèlent tant de débris d'animaux terrestres. Ces es- 
pèces marines, les mêmes que celles qui appartiennent 
à la formation du calcaire grossier, ne paraissent s’y 
rencontrer que parce qu'elles en ont été détachées. Dès 
lors on n’est pas étonné de les voir méléesavec les espèces 
terrestres , surtout dans les lieux comme Pézenas et Per- 
pignan où les brèches osseuses ont été le plus tumul- 
tueusement formées, si l’on peut s'exprimer ainsi. Mais 
ce mélange n’en indique pas moins qu’il a été produit 
par des courans; car il serait aussi difficile d'admettre 
que des tortues des eaux douces ont vécu dans des ca- 
vernes où des lions , des tigres, des hyènes entrainaient 
des herbivores pour les dévorer, que de supposer que 
les mammifères marins des brèches osseuses de Pézenas 
et de Perpignan ont vécu avec les ours, les chevaux, 
les castors et les cerfs à bois gigantesques qui leur sont 
réunis. 

On sent dès lors combien l’excrément composé de dé- 
bris d'insectes et de petits poissons d’eau douce, que 
nous avons déjà décrit, confirme l’idée que tous ces fos- 
siles ont été entraînés dans nos cavernes, puisque cet 


\ 


( 208 }) 


excrément ne peut guère se rapporter qu'à des tortues des 
eaux douces et courantes , et qu'il est dificile d'admettre 
que de pareils animaux aient vécu dans les lieux où on les 
observe aujourd’hui. Enfin les ossemens de nos cavernes 
sont quelquefois fixés au rocher, par les sucs lapidifi- 
ques et les eaux qui les y ont transportés, et comme d’après 
leur volume l’on doit les rapporter à de très-grands her- 
bivores, il n’est pas présumable que si les animaux dont 
ils proviennent y étaient morts après y avoir été dévorés, 
on les trouvât ainsi fixés sur les parois latérales des cavi- 
tés, absolument comme on observe les ossemens em- 
pâtés par les brèches; car ils devraient être au contraire 
enfouis dans le limon, et au-dessous des carnassiers, qui 
nécessairement y seraient morts plus tard , sans que leurs 
ossemens fussent jamais mêlés avec les animaux dont ils 
auraient fait leur pâture. On ne devrait pas non plus les 
trouver dispersés dans les cavités latérales de ces ca- 
vernes, cavités remplies de limon , et dont l’étroitesse est 
telle qu’il est impossible que les ossemens que l’on y ren- 
contre n’y aient pas été entraînés avec le limon et le 
gravier , déjà séparés des squelettes auxquels ils avaient 
appartenu, et réduits à l'état d'ossemens isolés. On doit 
d'autant plus le supposer , que ces-cavités latérales, dont 
le niveau est bien supérieur à celui des cavernes ; offrent 
des ossemens isolés de carnassiers et d’herbivores Jusques 
dans les couloirs les plus étroits , où il est possible de 
faire parvenir un instrument propre à en retirer le gra- 
vier qui les récèle. 

En supposant que les ossemens enfouis dans nos ca- 
vernes ou dispersés dans nos brêches, y ont été entrainés 


par des courans d’eau , il s’agit de déterminer, si l'on 


( 209 ) 

dvitattribuer ces courans à des eaux douces ou à des eaux 
salées ou marines. Si les ossemens des quadrupèdes , par 
des raisons qu'il est hors de notre sujet de développer, 
conduisent à des résultats plus rigoureux qu'aucune autre 
dépouille de corps organisés , il semble que leur nombre 
est trop considérable dans nos formations , pour ne’‘pas 
les considérer comme des formations d’eau douce, qui 
ont cela de particulier , d’être tout-à-fait mdépendantes 
des terrains où on les rencontre. En effet, nos brêches 
osseuses se montrent indifféremment dans le calcaire 
grossier , le calcaire du Jura; et la dolomite compacte, 
ainsi qu'au-dessus et au-dessous de la Méditerranée, 
parce que ces brèches étant des formations de transport 
et d’alluvion, elles se sont accumulées dans tous les 
lieux où des fentes ont pu les recevoir. Il en est à-peu- 
près de mème des terrains à ossemens des cavernes , avec 
cette différence cependant , que jusqu'à présent , nous 
ne les avons pas observés dans la dolomite compacte, ni 
au-dessous de la Méditerranée. 

Quant aux ossemens de mammifères marins ou aux 
débris de mollusques et de poissons de mer, que l’on 
rencontre soit dans nos cavernes , soit dans certaines ‘de 
nos brèches , comme celles de Pézenas et de Perpignan, 
nous avons déjà fait observer qu'ils ne s'y trouvent 
que parce qu'ils ont été détachés des formations préexis- 
tantes , et qu'aussi leurs espèces sont les mêmes que 
celles du calcaire grossier. Ces débris d'êtres marins y 
sont aussi beaucoup plus brisés que les fossilesterresires, 
et leur nombre y est moins considérable. Ils ne se trou- 
veut même pas généralement partout ; tandis-qu’il en est 
tout autrement des restes des corps organisés terrestres 


IX. 14. 


( 210 ) 


ou fluviatiles. Ces débris d'êtres marins sont aussi acci- 
dentels dans nos formations , que les laves, les scories 
et les obsidiennes des brèches osseuses de Pézenas. En 
effet, les êtres marins, comme les produits volcaniques, 
ne paraissent se trouver dans nos brèches , que parce que 
leurs débris , à portée du ciment qui empâtait des osse- 
mens d'animaux terrestres, y ont été réunis fortuite- 
ment; aussi ne peuvent-ils les caractériser , car s’il en 
étaitainsi, nous aurions des brêches osseuses d’eau douce, 
marines et volcaniques, ce qui n’est guère admissible 
d’après les eirconstances de leur gissement. 

Le rapprochement que nous venons de faire entre les 
terrains à ossemens et les brèches osseuses du midi de la 
France, outre qu’il donne un grand intérêt à la décou- 
verte de nos cavernes à ossemens, puisqu'il indique que 
les sables et les terres meubles qui en recouvrent le sol 
y ont été transportés par une cause générale , pourra s’é- 
tendre à d’autres localités , où l’on n’a pas supposé qu'il 
y eût des brèches osseuses , parce que celles indiquées 
jusqu’à présent avaient toutes offert un ciment rougeàtre 
qui les avait fait remarquer , caractère que l’on avait cru 
particulier aux brèches à ossemens. Ce ciment coloré 
dépend pourtant de circonstances accidentelles et de pure 
localité; il est même sujet à éprouver des variations dans 
une même localité ; car à Sète, il existe des brêches os- 
seuses sans ciment rougeâtre , comme avec cette sorte de 
ciment. 

Ainsi, en y faisant bien attention , l’on reconnaîtra , 
nous eroyons du moins pouvoir l’avancer, que la plu- 
part des ossemens de mammifères terrestresdécrits comme 
provenant de rocs si durs qu'on ne pouvait les en dé- 


(Cox 


\ 


tacher que par fragmens , étaient des ossemens enve- 
loppés par des brèches solides et compactes. Tel nous 
paraît avoir été le fameux cerf fossile dont parle Spada 
( Catal. lapidum veronensium ; p. 45), et qui était in- 
crusté dans un roc si dur (comme les débris du cerf à 
bois gigantesques que nous avons découvert dans les 
brèches de Pézenas et de Perpignan), que l’on ne pou- 
vait l'en arracher que par morceaux. C’est aussi en voyant 
les nombreux échantillons de brèches osseuses que nous 
avons recueillies, que M. Soulier nous a dit qu’il en exis: 
tait de pareilles dans les environs de Villefranche, dans 
le département de l'Aveyron. Ces brèches osseuses lui 
ont présenté divers débris de pachydermes et entr’autres 
des dents. Plusieurs de ces denis ont été remises à M. Du- 
fresnoy, ingénieur des mines fort distingué, qui sans doute 
les fera connaitre, ainsi que les brèches osseuses où elles 
ont été découvertes, et d’autant plus que ces brèches 
seraient les premières qui auraient été observées à un 
niveau aussi élevé. 

Du reste , quel que soit le degré de dureté et de com- 
pacité des brèches osseuses , ces brêches sont loin d'être 
d’une époque aussi ancienne que les derniers de nos 
bancs pierreux et calcaires , disposés en couches régu- 
lières et continues; par conséquent elles peuvent re- 
céler des quadrupèdes terrestres d’une grande taille , ce 
qui suppose nécessairement l’existence de‘terres sèches 
et de continens hors du sein des eaux. Elles le peuvent ; 
parce qu'elles sont d’une date postérieure au calcaire 
grossier, ayant souvent coulé entre: les couches de ce 
calcaire où rempli les fentes qui se sont opérées entre 


leurs masses. Dès lors , il n’est pas plus étrange de ren- 
; pas p g 


(our ) 
contrer dans nos brèches diverses espèces de cerfs, des 
ours , des moutons , des chevaux , des lapins, des cas- 
Lors ou des rongeurs analogues et même des oiseaux de 
la famille des Gallinacés, qui, comme ces quadrupèdes, 
annoncent des terres sèches , que de voir des mammifères 
terrestres dans les bancs réguliers des gypses à ossemens. 

D'ailleurs il n’est nullement contraire aux théories 
reçues , d'admettre que les brèches osseuses , quoique 
souvent elles aient une grande compacité , peuvent ren- 
fermer, comme elles renferment en effet , des débris de 
quadrupèdes vivipares et ovipares avec des oïseaux , puis- 
que ces brèches , comme les terrains à ossemens de nos 
cavernes, sont des formations de transport qui surmontent 
les terrains marins supérieurs , et par conséquent le cal- 
caire grossier. Aussi les brèches osseuses, quoique sou- 
vent solides et compactes , ne sont jamais disposées en 
couches régulières et continues ; dès-lors, elles n’ont rien 
de commun avec les derniers bancs qui annoncent un 
séjour long et tranquille de la mer sur nos continens, 
tels que le sont ceux du calcaire grossier , où l’on ne 
peut espérer de découvrir des restes de quadrupèdes vi- 
vipares et où il n’existe en eflet que des débris de mam- 
mifères marins mêlés et confondus avec des poissons et 
des mollusques également marins. 

Ces faits qui indiquent que nos terrains à ossemens , 
comme nos brèches osseuses, sont les dernières forma- 
tions des terrains d’eau douce inférieurs, qui font partie 
de la série tertiaire, appelleront sans doute l'attention des 
géologues sur un sujet d’un si haut intérêt. Nous appel- 
lerons d'autant plus l’atiention des gévlogues sur cet 
objet, que nous nous croyons fondés à penser, que les 


(213) 


brèches osseuses et les cavernes à ossemens sont beau- 
coup plus répandues qu'on ne l’a pensé jusqu’à présent. 
Si elles sont liées à des causes générales, elles doivent 
l'être nécessairement, et l’observation de ces formations, 
suivie d’après l’idée que nos contrées fait naître, prou- 
vera où non, s’il existe un rapport constant entre des 
formations que l’on à été si loin d’assimiler jusqu’à pré- 
sent, faute probablement d’avoir eu comme nous des 
termes de comparaison si rapprochés. 


OgservATions sur les Resedacées ; 


Par M. Rosert Browx (1). 


Je considère les Resedacées , qui. comprennent le 
genre Reseda, susceptible d’être subdivisé en plusieurs 
sections ou sous-genres , et le genre Ochradenus, qu'on 
ne doit peut-être considérer que comme une de ces sub- 
divisions , comme très-voisines des Capparidées et ap- 
partenant à la même classe naturelle. Elles diffèrent par 
le nombre variable des divisions des enveloppes florales 
des autres familles de cette classe, dans lesquelles ce 
nombre est constamment quaternaire ou binaire , et elles 
sont particulièrement très-remarquables par leur ovaire 
ouvert , même dans son état le moins avancé. Les Re- 
sedacées différent aussi des Crucifères et des Cappari- 
dées , les deux familles de cette classe dont elles se rap- 
prochent le plus , par la relation apparente des stigmates 


(1) Article extrait de l'Appendice botanique du Voyage dans l’Afrique 


centrale du docteur Oudney, du major Denham et da capitaine Clapper 
ton. 


(214) 


et des placenta. Les stigmates , dans cette famille , ter- 
minent les lobes du pistil , et, comme ces lobes sont les 
portions stériles et ouvertes des feuilles modifiées dont 
la réunion dans la partie indivise donne naissance , à ce 
que je suppose , à l'ovaire composé , ils alternent néces- 
sairement avec les placeuta : j’ai trouvé cependant, en 
général , la partie supérieure de chaque placenta recou- 
verte par un appendice charnu ou fongueux qui est uni 
aux bords des lobes , et par conséquent aux stigmates , 
et qui probablement est essentiel à la fécondation des 
ovules. La singulière transposition apparente du pla- 
centa dans le Sesamoides de Tournefort , si bien dé- 
crite par M. Tristan dans son ingénieux Mémoire sur 
les affinités du Reseda (1), me paraît une conséquence 
nécessaire de l’extrème brièveté de la partie indivise de 
l'ovaire ; car en supposant que cette base s’allongeàt, les 
placenta deviendraient pariétaux , et les ovules qui, dans 
ce cas, sont résupinés, reprendraient leur direction 
ordinaire dans cette famille. 

M. de Jussieu , dans ses Genera Plantarum, a com- 
pris le Reseda parmi les Capparidées , et je crois qu'il 
persiste encore dans cette opinion. M. Tristan , dans le 
Mémoire cité , est porté à en former une famille parti- 
culière , intermédiaire entre les Passiflorées et les Cisti- 
nées, mais plus voisine de ces dernières: M. Decan- 
dolle qui, le premier, forma du Reseda une famille 
distincte , la placait, en 1819 (2), entre les Polygalées et 
les Droseracées , et par conséquent plus près des Cap- 


D 
(1) Annales du Mus. d'Hist. nat., 18 , p. 392. 


(2) Théor. élément. , éd. 2, p. 244. 


( 215 ) 

paridées ; mais il parait depuis avoir changé complète- 
tement d'opinion à cet égard , car la famille des Rese- 
dacées n’est renfermée ni dans la première ni dans la 
seconde partie de son Prodrome, et je ne puis trouver 
aucune observation à ce sujet dans ces deux volumes : il 
est probable , par conséquent , qu’il a l'intention de les 
placer auprès des Passiflores, comme M. Tristan l'avait 
suggéré, ou, ce qui est plus probable, qu’il a adopté 
l'hypothèse ingéniense que M. Lindley a présentée ré- 
cemment sur sa structure et ses aflinités. 

Suivant cette supposilion , dans le Reseda la partie 
nommée calice par tous les auteurs est un involucre ; les 
pétales sont des fleurs neutres , et le disque ou nectaire 
devient le calice d’une fleur fertile centrale : par suite 
dé cette manière de considérer sa structure , ce genre a 
été rapproché des Euphorbiacées. 

Ce qui paraît avoir conduit M. Lindley à cette hypo- 
thèse , c’est la présence et l'apparence , dans le Reseda , 
du disque hypogyne , la structure anomale des pétales , 
et la singulière estivation de la fleur. Mais une forte con- 
firmation de l'exactitude de l’opinion de M, de Jussieu, 
c'est l'existence à un plus ou moins grand degré de toutes 
ces anomalies dans les Capparidées , tandis qu’on ne les 
trouve réunies dans aucune autre famille de plantés: 'L'es- 
tivation remarquable du Reseda existe également dans 
le Crateva et dans plusieurs des sections du genré 
Cleome. Le disque hypogyne est très-développé dans 
plusieurs Capparidées , et une irrégularité du mème 
genre dans les pétales s'offre à un moindre degré dans 
deux sections des Cleome. 


L'analogie seule sufirait peut-être pour conclure 


( 216 ) 


contre cette hypothèse; mais la question en ce qui re- 
garde les pétales, et par conséquent la supposition de 
l'existence d’une fleur composée , peut être décidée d’une 
manière encore plus satisfaisante par d’autres faits. 
MM. Tristan et Lindley regardent tous deux la partie 
supérieure et divisée des pétales comme un appendice de 
la partie inférieure qui est généralement charnue. D'un 
autre côté ,. je pense que l’anomalie consiste dans l’é- 
paississement , la dilatation et l’appendice interne de 
cette partie inférieure des pétales , et que toutes ces dé- 
viations de la structure ordinaire sont. des changemens 
qui n’ont lieu qu'après la formation primitive du pétale. 
Pour établir cette opinion , et par conséquent; pour prou- 
ver que ces organes sont des pétales simples et ne résul- 
tent pas , comme M. Tristan le suppose, de deux enve- 
loppes adhérentes , ou , suivant l'hypothèse de M. Lind- 
ley, de la réunion d’un calice et d’une étamine avortés , 
je vais décrire leur développement sucecessif , comme je 
l'ai observé dans le Reseda commun, plante dans la- 
quelle toutes les anomalies qui ont conduit à: ces hypo- 
thèses existent à un très-haut degré. 

Dans le bouton du Reseda odorata , lorsqu'il com- 
mence à paraître , les divisions du calice sont légèrement 
imbriquées et renferment entièrement les autres parties; 
à cette époque, l’onglet de chacun des deux pétales su- 
périeurs est extrêmement court ; il n’est-pas plus large 
que la base du limbe et est parfaitement simple , sans 
aucun rudiment de cet appendice inférieur si remarqua- 
ble dans la fleur complètement développée. Le limbe,, à 
la même époque, peut être dit palmato-pinnatifide ; ses 


divisions sont toutes dans le même plan ; le segment ter- 


(raxy ) 


minal ou moyen est blanchätre ou opaque , et beaucoup 
plus long que les segmens latéraux, qui sont demi- 
transparens. 

Des quatre autres pétales , les deux moyens sont di- 
midiato-pinnatifides , leurs segmens latéraux n’existant 
que sur le bord supérieur, et les deux inférieurs sont en- 
tiers ou réduits au seul segment moyen. Tous les pétales 
sont dressés et ne couvrent nullement les étamines ni à 
cette époque, ni à aucune autre ; le disque est à peine 
visible ; les anthères sont plus longues que leurs filets, 
d’une couleur verte pâle ; celles du côté supérieur ou pos- 
térieur de la fleur sont évidemment plus grandes et d’une 
teinte légèrement brunûtre. 

Le pistil est très-petit et ouvert au sommet. Dans un 
âge plus avancé, le calice n’est plus imbriqué, mais 
étalé ; les pétales ont leurs segmens dans une proportion 
relative presque semblable ; le bord intérieur de l'onglet 
commence à paraître , mais le passage de l’onglet au 
limbe est encore insensible , le sommet du premier n’é- 
tant pas plus large que la base du second. Il.est inutile 
de suivre le développement de la fleur dans un âge plus 
avancé, les faits déjà établis me paraissant concluans 
pour fixer la nature réelle de ces organes , et je puis ob- 
server que de semblables recherches sur quelques genres 
de Caryophyllées , particulièrement sur les Dianthus , 
Lychnis et Silene , établissent clairement l’analogie 
entre leurs pétales et ceux du Reseda. 

Je puis ajouter à ces preuves , irées du développement 
successif des pétales des Reseda ordinaires , qu’une es- 
pèce nouvelle de ce genre (Reseda propinqua), trouvée 
près de Tripoli par M. Ritchie , etentre Tripoli et Mour- 


( 218 ) 


suk par le docteur Oudney , est remarquable en ce que 
les onglets des pétales sont simples, c’est-à-dire qu'ils 
ne sont ni dilatés, ni épaissis , et sans aucun appendioe 
au point où ils s'unissent au limbe trifide , avec lequel 
ils se confondent insensiblement ; nous avons par con- 
séquent ici une espèce de Reseda dont les pétales ne dif- 
férent en aucune manière de ceux de plusieurs autres 
familles de plantes , et quoique ce soit une exception à 
leur structure ordinaire dans ce genre, cependant on 
voit que cette déviation de leur forme habituelle est en 
rapport avec l’état plus simple de ces organes avant leur 
développement complet. 

Je sais qu’on a proposé dernièrement de ranger parmi 
les Resedacées le Datisca , dont l'ovaire offre une struc- 
ture presque semblable , ainsi que M. de Jussieu l’a re- 
marqué depuis long-temps; mais c’est la seule analogie 
qui existe entre ces plantes , car le calice du Datisca est 
certainement adhérent , et il diffère par plusieurs autres 
caractères , non-seulement du Reseda , mais de tous les 
autres genres publiés jusqu’à présent. 

Parmi les nombreuses découvertes faites à Java, par 
M. Horsfield, il existe cependant un genre nouveau 
( Tetrameles Nob. } dont l’analogie avec le Datisca est 
évidente , et qui est remarquable par la division réguliè- 
rement quaternaire de toutes les parties de ses fleurs 
dioïques. Ces deux genres forment une famille très-dif- 
férente de toutes celles établies jusqu’à présent , à la- 
quelle on peut donner le nom de Dariscées. 


( 219) 


Nores sur l’Astérie commune ; 
Par M. Eunes - DesroncHamrs. 


Je ne rapporterai ici que quelques observations faites 
sur la plage de Colleville le 6 mars dernier; elles sont 
relatives à l’Astérie commune (4. rubens L. ), Fifote 
des pêcheurs. 

La plage en était pour ainsi dire couvérte, et je 
n'en parle que parce que je l'ai observée au moment où 
elle dévore les mollusques. À mesure que les vagues 
abandonnaient la plage, et lorsqu'il restait encore un 
à deux pouces d’eau sur le sable, on voyait rouler des 
Âstéries réunies au nombre de cinq ou six, leurs rayons 
entrelacés et formant une sorte de boule, F'examinai un 
grand nombre de ces boules : il y avait constamment au 
milieu des Astéries ainsi réunies une Mactre Lisor 
(Mactra stultorum Linn.), non petite, mais adulte (d’un 
pouce à un pouce et demi de longueur ). Les Astéries 
étaient rangées autour du bord des valves, qui toujours 
étaient baiïllantes de deux à trois lignes : elles y étaient 
appliquées par le milieu de leur face inférieure. En les 
détachant de dessus la coquille qu’elles emprisonnaient 
ainsi , je remarquai qu'elles avaient introduit entrée ses 
valves de grosses vésicules arrondies, à parois très- 
minces, et remplies d'un liquide transparent. Chaque 
Astérie présentait cinq vésicules pendantes | rangées 
symétriquement autour de sa bouche; elles é‘aient de 
grosseur inégale ; il y en avait ordinairement deux plus 
volumineuses , et égalant environ une très-grosse ave- 
line. Les trois autres , plus ou moins contractées ; n’a- 


vaient que le volume d’un pois. Elles paraissent tenir à 


Uisao ) 


V’Astérie par un pédicule étroit et très-court; à l’extré- 
mité opposée , il y avait un trou rond béant , par lequel 
le liquide contenu dans la vésicule s’écoulait lentement 
et goutte à goutte. Les parois de ces vésicules étaient 
très-minces ; cependant la moitié supérieure, c’est à-dire 
celle tournée du côté du pédicule, était plus épaisse que 
l’autre et ridée longitudinalement; l’inférieure était tout- 
à-fait transparente. Au bout de quelques instans, les 
vésicules contractées et vidées du liquide qu’elles con- 
tenaient , étaient à peine grosses comme un petit plomb 
de chasse. 

Il est à remarquer que, lorsque la mer avait laissé 
quelques instans les Astéries à sec, elles abandonnaient 
l'animal qu’elles étaient en train de sucer. Je voulus en 
conserver, occupées à cette opération ; mais à peine furent- 
elles dans le panier, qu’elles se détachèrent de la co- 
quille, et bientôt après on ne pouvait plus distinguer 
la place des vésicules. 

Je trouvai les coquilles saisies par ces zoophytes à di- 
vers états de destruction : quelques-unes étaient à peine 
entamées, et d’autres n'avaient plus que leurs muscles 
adducteurs ; mais quelque peu entamées qu’elles fus- 
sent , toutes avaient perdu la faculté de reserrer leurs 
valves’, et paraissaient mortes. 

Si les Testacés sont la nourriture habituelle des As- 
iéries , elles doivent en faire une énorme destruction , 
à en juger par le nombre prodigieux de ces zoophytes. 

Mais comment peuvent-elles introduire des vésicules 
si molles entre les valves des coquilles , sans que celles- 
ci , en se fermant subitement , ne coupent avec leur bord 


tranchant l’arme singulière de l'ennemi qui veut les dé- 


( aan ) 


vorer ? Peut-être les Astéries n’attaquent-elles les Tes- 
tacés qu'après leur mort. J’examinai et flairai avec atten- 
tion vingt ou trente des Mactres saisies , aucune n'avait 
la moindre odeur. Il est possible et même présumable 
que les Astéries , après avoir saisi léur proie, fassent 
couler entre ses valves une humeur engourdissante qui 
leur permet ensuite de les dévorer sans danger. J’ignore 
si elles attaquent les autres bivalves et les univalves 
comme elles attaquent les Mactres ; cela est présuma- 
ble. Je n’ai trouvé que l'espèce indiquée plus haut as- 
saillie ainsi ; il est vrai que c'était à-peu-près la seule 
que l’on vit sur le sable avec son animal , à l'exception 
pourtant du Cardium echkinatum ; mais il n’y en avait 
que peu de cette dernière espèce, et celles que je trou- 
vai étaient depuis plusieurs instans à sec. 


(Mem. Soc. linn. du Calvados, t. rr.) 


Norrce sur le Pilobolus Crystallinus ; 


Par M. Durreu pe MAIsONNEUvE. 


J'ai observé par milliers cette frèle et singulière cryp- 
togame sur les fientes de porc, dans les champs. Elle 
commençait à se montrer dans les derniers jours de no- 
vembre ; d'innombrables individus s’y sont succédé sans 
interruption jusque vers le 15 décembre , époque où elle 
avait entièrement disparu. J’ai suivi avec soin son déve- 
loppement , et voici ce que j’ai observé. 

Cette plante sort immédiatement du fumier sur lequel 
elle croît, et l’on n’apercoit aucune membrane ni fila- 
mens bissoïdes à sa base. Un petit point jaune se montre 
d’abord ; ce point s’allonge, et dès le premier jour il 
offre l'aspect d’un filament très-délicat , haut de 2-3 mil- 
limètres , blanchâtre à la base ; d’un jaune clair au som- 


(222) 


met. Le lendemain , le sommet de ce filament se renfle 
en tête un peu déprimée , d’un millimètre de diamètre 
au plus, en conservant toujours sa couleur jaune. Eu 
cet état, la plante peut facilement induire en erreur : on 
pourrait fort bien la classer dans les champignons , et la 
rapporter au genre Stilbum. Mais environ trente - six 
heures après le développement de la petite tête globu- 
leuse, on voit se renfler le frèle pédicule qui la sup- 
porte ; il reste aminci à la base, s’évase au sommet en 
une petite vessie qui prend la forme d’une poire ren- 
versée. Cette bulle est pleine d’eau, transparente , de 
2 millimètres de diamètre dans sa plus grande largeur. 
Cependant le petit globule terminal a changé de couleur ; 
il est devenu brun-noir, luisant, un peu plus déprimé, 
et il est placé exactement comme un opercule au som- 
met de la bulle d’eau. On reconnaît alors dans cet or- 
gane le peridium renfermant les corpuscules reproduc- 
teurs. Il semble n’être point adhérent; cependant , si on 
veut l'enlever, on s'aperçoit qu’il est continu avec la 
membrane de la bulle, laquelle se déchire si on l’ar- 
rache. Une petite portion de la base du pédicule ne se 
renfle point, de sorte que la plante à l’état parfait est 
courtement stipitée. Elle atteint dans son plus grand dé- 
veloppement 3 à 5 millimètres de hauteur. Elle se main- 
tient en cet élat un jour ou tout au plus un jour et demi. 
Au bout de ce temps , la vésicule se crève latéralement, 
l’eau qu’elle contient s'écoule , la membrane disparaît : 
il ne reste plus que le peridium qui s’affaisse , se colle 
contre le fumier, où il persiste long-temps après la dis- 
parition de son support. On le prendrait alors pour un 
Sclerotium ou pour untubercule d’£rysiphe dégagé de sa 
base byssoïde. Il est charnu , ne s’ouvre point pour don- 
ner passage aux gongyles , et offre enfin tous les carac- 
tères des Tuberculaires. Peut-être mème le Sclerotium, 
décrit par les auteurs sous le nom de Sclerotium sterco- 
rarium , n'est-il que le peridium du Pilobolus observé 
après la disparution de son réceptacle fugace. 

Souvent le peridium operculaire n'existe pas ; il est 
alors remplacé par une deuxième bulle pleine d’eau , 
exactement sphérique ; plus transparente encore que 


(223) 


l'inférieure , et d’un volume un peu moindre. À l’aide 
d’une forte loupe , on voit de très-petits animalcules, de 
forme allongée, nager en tournoyant dans le liquide 
qu'elle contient, et se mouvoir avec une rapidité ex- 
trême. Il est vraisemblable que la bulle inférieure con- 
üent aussi des infusoires semblables, mais je n’y en ai 
point aperçu, sans doute parce que son enveloppe est 
plus opaque. 


Nove sur la Présence de l'Anatase dans les mines 
de diamant du Brésil. 


On a remis dernièrement à M. Vauquelin un certain 
nombre de petits cristaux jaune-pàle, d’une grosseur 
qui allait depuis celle d’un grain de millet jusqu’à celle 
d’un pois , et qui venaient, disait-on , des mines de dia- 
mant du Brésil, 

Ces cristaux, examinés par M. Brongniart, ont été 
rapportés uniquement, d’après leur forme, au titane 
anatase, Ce sont des octaèdres symétriques , qui parais- 
sent résulter du groupement par empilemens de l’oc- 
taèdre aigu , forme primitive de l’anatase , et de l’octaë- 
dre, regardé par Haüy comme une modification sur 
l’angle 4 de l'octaèdre primitif de ce minéral , et dans 
lequel l’incidence de deux faces r opposées des pyra- 
mides serait de 54° 2’. 

Cependant ces cristaux n'’offrent pas cette forme dans 
toute sa pureté. Les octaèdres qu'ils présentent ne font 
que l'indiquer, leurs faces étant traversées de sillons 
profonds , parallèles aux côtés de la base des pyrami- 
des , et montrant une suite alternante de facettes bril- 
lantes , parallèles à l’octaèdre secondaire , et d’autres en- 
core plus brillantes, parallèles aux faces de l’octaèdre 
primitif de l’anatase. Ces cristaux sont donc comme le 
résultat de la succession de lames décroissantes appar- 
tenant à ces deux octaëdres. 

Les cristaux confiés à M. Bronguiart lui ont été lais- 
sés trop peu de temps pour qu'il ait pu chercher à me- 


C4) 
surer l'incidence des faces des pyramides; cette me- 
sure eût été d’ailleurs difiicile à obtenir et incertaine à 
cause des sillons et des stries qui courbent les faces et 
qui émoussent les arêtes des deux pyramides. 

On doit remarquer que cette sorte d’altération est, 
comme un état habituel des cristaux d’anatase , portée au 
plus haut degré dans ceux-ci. Parmi les échantillons que 
M. Brongniart a eu sous les yeux , deux ou trois présen- 
taient à un de leurs sommets , et d’une manière assez 
nette , les petites facettes qui appartiennent aux variétés 
dioctaèdre et proéminente , et peut-être même à d’autres 
variétés non décrites par Haüy. 

Ces cristaux d’anatase sont d’un jaune de paille très- 
pâle; ils sont transparens et ont la couleur, l’aspect et 
l’éclat particulier des diamans bruts. Le seul essai ac- 
cessoire à l’examen de la forme que M. Brongniart ait 

u faire, est celui de la dureté ; ils se laissent entamer 
par la lime. Néanmoins ces caractères ont sufli pour lui 
faire présumer que ces cristaux étaient de l’anatase ; et 
l'examen que M. Vauquelin en a fait a confirmé complè- 
tement cette présomption , et a fait connaître en même 
temps que c'était de l’oxide de titane parfaitement pur. 

Le brun ou le bleu ne sont donc pas , comme on l’a 
cru, la couleur propre de l’anatase , et ce minéral qui 
jusqu’à présent ne s'était montré qu'implanté sur des 
roches primordiales , vient de se trouver en cristaux iso- 
lés , disséminés dans le terrain meuble qui renferme les 
diamans du district de Minas Geraes , au Brésil. 

Cefait étaitou inconnu ou peu connu. M. deMontlevade 
avait indiqué de petits cristaux de titane oxidé cristallisé 
de Sabara et de Villa-rica, mais on ne dit pas que ce soit 
de l’anatase. Léonhard cite dans sa Minéralogie l’anatase 
dans le sable d’un ruisseau à Minas-Geraes, sans autre 
renseignement ; et comme nous ne nous rappelons au- 
cune indication plus précise de la présence d’une variété 
d’anatase si pure, en cristaux aussi volumineux , dissé- 
minés dans le terrain diamantifère du Brésil, il nous 
a paru intéressant de constater et de recueillir ce fait. 


Recnencnes sur l'Organisation de quelques espèces 
d'Oxyures et de Vibrions ; 


Par M. Ant. Ducis, 


Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. 


Parmi les êtres animés qui font l’objet de l’histoire 
naturelle , il en est un nombre immense que leur peti- 
tesse soustrait à notre étude. Ce n’est pas seulement 
en échappant à la vue, c’est plutôt en se refusant à 
nos moyens mécaniques d'investigation , à nos dissec-" 
tions , etc., que les animalcules dits infusoires nous ont 
laissés sur leur compte dans beaucoup d’incertitudes. 

Le microscope a sufhi pour nous faire connaître leurs 
formes extérieures et soupconner leur organisation; mais 
leur transparence , tantôt imparfaite , et tantôt trop uni- 
forme , n’a pas permis d'aller plus loin, si ce n’est pour 
quelques espèces de Crustacés. Certains Vibrions ont 
été , d’après ces données incertaines , rapprochés dubi- 

“tativement des Vers ( Lamarck, Ænim. sans V'ert., 1. 1, 
p. 419; Bory de Saint-Vincent, Microscopiques ) ou 
des Entomozoaires apodes ( de Blainville, Dict. Sc. 
nat. ). C’est ce doute que je me propose de changer en 
certitude en faisant mieux connaître et les organes diges- 
üfs et les organes génitaux , à peine entrevus par Mul- 
ler et Bruguière. 

C’est avec raison que les auteurs que j'ai cités plus 
haut ont regardé comme de nulle importance Îa diffé- 
rence de taille entre les Vibrions et les Vers intestinaux. 
Le Wibrio tritici, observé récemment par M. Bauer 


IX. — Novembre 1826. 15 


(226 ) 


(Ann. des Se. nat. ,t.2, p. 154), a quelquefois trois 
lignes de long , et selon Bremser, l’'Oxyure vermicu- 
culaire mâle n’a que la moitié de cette longueur. J'ai 
trouvé d’ailleurs, dans l’estomac de la chenille encore 
jeune du grand paon de nuit, une multitude de vers 
longs d’une ligne environ , menus, grisätres et transpa- 
rens , munis d’une bouche à bords renflés , terminés par 
une pointe eflilée ; en un mot, semblables en tout pour 
la forme aux Vibrions du vinaigre : c’était sans doute 
une espèce du genre Filaria, quoiqu'on n’en ait point 
encore décrit d’aussi petite. 

Bien plus , en mettant dans l’eau une portion du vais- 
seau dorsal d’un Monocéros femelle récemment mort, 
je vis, au fond du liquide, sept à huit vers demi-trans- 
parens , remplis de globules en chapelets , longs d’envi- 
ron un quart de ligne , assez gros, et terminés d’une 
part en pointe aiguë , de l’autre par une bouche un peu 
renflée , enfin fort ressemblans aux Vibrions de la colle 
de farine et aux Oxyures ou petits Ascarides (fig. 5 ). 
Un ver fort analogue a été décrit et figuré par Goëze sous 
le nom d’Ascaride microscopique, tiré des humeurs 
d’un Lombric terrestre : ces vers, ainsi que les pre- 
miers, étaient immobiles et diversement contournés ; 
les premiers même étaient comme pelotonnés ensemble. 

Mais établissons nos points de comparaison entre des 
espèces plus connues. Un coup-d’œil jeté sur les quatre 
premières figures fera voir aisément combien se ressem- 
blent 1°. l’Oxyure vermiculaire ( Ascaride vermiculaire 
de l’homme) et le Yibrio aceti; 2°. l'Oxyuris brevi- 
caudata ( Ascaris brevicaud. , Rud. ) et le V'ibrio glu- 
tinis. Ces quatre individus, du sexe féminin (je n’ai 


La ) 
point eu à ma disposition d'individus mäles de ces deux 
espèces d'Oxyures ) , offrent une tête un peu cflilée, un 
corps cylindroïde terminé par une extrémité conique et 
fort aiguë (subulée). Le Vibrion du vinaigre est plus 
long (x ligne), plus mince, plus grisätre que celui de 
la colle {trois quarts de ligne (1)) , comme l’Oxyure hu- 
main (Ox. vermic. ) est plus eflilé que celui du crapaud 
(Ox. brevic.), quoiqu'il soit à-peu-près de la même taille 
(trois à quatre lignes ) : ces animalcules ont aussi, 


comme nous l’allons voir, une organisation analogue. 


Tous quatre ont la peau unie et lisse. Pendant la vie 
ils jouissent d’une certaine rigidité et d’une agilité qu’ils 
oivent à des fibres charnues adhérentes à la peau, e 
d t à des fib h di tes à la peau, et 
ormant un plan longitudinal à l'extérieur, transversal à 
f t un plan longitudinal à 1 s 

intérieur. Ces fibres ne sont bien visibles que chez les 
il 

xyvures , et seulement à l’aide du microscope ; mais on 
Oxyures , et seul tal ; 
doit en supposer l'existence chez les Vibrions ; d’après 
le raccourcissement et le resserrement circulaire des 
troncons qu'on sépare de l’animal. 


C’est cette contractilité qui m’a donné moyen d’exa- 
miner à nu les organes des uns et des autres ; c’est en 
les blessant , en les coupant pendant leur vie , que je les 
ai forcés d’expulser leurs viscères. Voilà quelle a été 
ma méthode de dissection, méthode irrégulière sans 
doute , difficile mème , et dont les tentatives ont besoin 
d’être répétées à l'infini pour être fructueuses , mais qui 


donne des résultats bien plus certains que la simple 


(1) Je donne ici l'extrême de leur grandeur: ils sont alors très - visi- 
bles à l'œil nu, 


( 228 ) 


inspection au travers des tégumens , quelle qu’en soit 
la pellucidité. 


‘Organes digestifs. 


Si l’on fait abstraction des ailes ou vésicules mem- 
braneuses et contractiles (voyez-en les différentes formes 
fig. 12,13, 14) qui entourent la tête de l’Oxyure ver- 
miculaire , on trouve peu de différence entre cette tête 
et celle de nos Vibrions. Si parfois les lèvres et le con- 
tour de la bouche semblent former ces petits tubercules 
que Goëze n’a pas toujours aperçus , que Rudolphi ad- 
met, et que nie Bremser, on voit aussi celle des Vibrions 
se former en tubercules , en bouton, en entonnoir 
(fig. 15 , 16, etc. ), et simuler parfois ce caractère at- 
tribué exclusivement aux Ascarides. 

L'’oœsophage est de longueur variable , mais toujours à 
parois épaisses et à cavité étroite, du moins chez les 
Oxyures (fig. 17, 18, 19, 20, 21); de là ce renflement 
qu’il forme à sa réunion à l'estomac; celui-ci, globu- 
leux dans nos quatre animalcules , est suivi d’une nou- 
velle dilatation en forme de pilon, pour me servir des 
expressions de Goëze. C’est l’origine du canal intestinal 
qui parcourt, soit en ligne droite, soit avec quelques 
flexuosités (Ox. brev.), la longueur de l’animal en con- 
servant nn diamètre uniforme et partout rempli d’une 
matière globuleuse , brune , jaune ou grisätre , dont les 
petits globules égalent à - peu - près ceux du sang de 
l’homme. De semblables globules se retrouvent dans 
l'humeur qui remplit la cavité où flottent les viscères. 
Les globules sont plus nombreux, plus foncés chez le 


1220/) 
V'ibrio aceti, dont le canal intestinal est aussi le plus 
large. 

Arrivé à la partie postérieure du corps , le canal intes- 
tinal s’élargit (rectum), occupe presque toute la lar- 
geur de la cavité du ver, puis se rétrécit graduellement 
comme la qeue dont il remplit le cône; là il est plus 
fréquemment vide, et souvent si transparent qu'on a 
peine à l’apercevoir. Une petite ouverture arrondie ou 
transversale , peut - être semi - circulaire (Ox. verm. ), 
donne parfois issue aux globules susdits. C’est l'anus 
qui est placé vers le milieu de la portion conique que 
nous nommons la queue (fig. 22, 23, 24); ses bords 
sont souvent relevés en lèvres saillantes : on sait que cette 
disposition est commune à un grand nombre de Néma- 
todes. 


Organes génitaux femelles. 
5 5 


La rareté des individus mâles , leur petite taille, qui 
les fait souvent rejeter par les observateurs ou regar- 
der comme appartenent à une autre espèce , ont pu faire 
croire facilement que les vers ( Redi et Vallisnieri ) et les 
Vibrious ( Bauer) étaient hermaphrodites, et ce n’est 
que par une observation long - temps soutenue que j'ai 
évité cette erreur. 

Chez l’Oxyure de l’homme, on voit, après le quart 
antérieur du corps , une ouverture ou fente transversale 
à lèvres saillantes , et qui donne parfois issue à des ovules 
dans les mouvemens spontanés de animal (fig. 1); 
c'est la vulve qui, chez l’Oxyure du crapaud comme 
chez nos Vibrions et celui du Blé carié (Bauer), se 


trouve au contraire vers le commencement du tiers ou 


( 230 ) 


du quart postérieur (fig. 2, 3, 4, 40) : elle est ordi- 
nairement fermée , mais une fois ouverte par l’accouche- 
ment , elle reste béante chez nos Vibrions (fig. 25 , 26, 
27): 

L'’oviducte est une sorte de longue bourse contractile, 
quoique très-mince , sans doute plissée et resserrée dans 
l'animal, car elle sort en s’allongeant et s’élargissant 
beaucoup à travers ses blessures. Elle occupe toute la 
longueur de l’animal , à part la tête et la queue, mais 
elle ne paraît ouverte que vis-à-vis de la vulve; vers la 
tête elle s’amincit beaucoup, et semble s’y terminer chez 
les Vibrions; chez les Oxyures elle semble seulement 
devenir plus étroite, plus flexueuse, et redescendre dans 
l’intérieur du corps. Vers la queue , elle se termine en 
cul-de-sac ou en pointe chez les Vibrions et l'Oxyure 
vermiculaire , mais elle semble encore se reployer (1) 
chez l'Oxyuris brevicaudata (fig. 6, 7, 8,9, 10, 22, 
30, 31, 32). Ce qu'il y a de certain c’est que, chez ce 
dernier ver, une blessure du milieu du corps donne issue 
à deux oviductes dont l'un est large, l’autre étroit, dis- 
positions que la transparence des tégumens permet même 
quelquefois d’apercevoir. J'ai aussi observé, quoique 
rarement , la mème chose chez les Vibrions, et l’on peut 
penser qu'il existe parfois , chez l’Oxyure vermiculaire, 
un semblable repli à la partie postérieure de l’oviducte, 


(1) On peut comparer cette longue bourse , amincie à ses extrémités , 
ouverte vers son milieu, à l’oviducte bifurqué et terminé en filamens 
fort étroits des Ascarides. Ici, les deux branches de La bifurcation sont 
opposées bout à bout et plus grosses que le tronc, qui n’est autre que le 
canal vaginal qui conduit à la vulve, et wa qu’une longueur équivalente 
à l'épaisseur des enveloppes dermo-musculaires du vex. 


( 231 ) 


à en juger par le mouvement des ovules, qui semblent 
monter d’un côté et descendre de l’autre ( fig. 28, 29). 

Quant aux ovules renfermés dans cet oviducte , l’a- 
nalogie n'est plus aussi complète dans les quatre es- 
pèces que nous comparons ; mais il est facile de passer 
de l’une à l’autre , comme nous l’allons voir. 

1°, L’Oxyure humain ne contient autre chose qu’un 
nombre prodigieux de petits ovules elliptiques , aplaüs, 
lisses et réguliers, formés de plusieurs enveloppes et 
remplis d'une substance gélatineuse et transparente 
(fig. 34). Leur diamètre est de cinq à six fois plus con- 
sidérable que celui des globules du sang humain. 

2°, La partie la plus rétrécie de l’oviductede l’Oxyure 
du crapaud contient des ovules fort petits, translucides, 
et que l’on peut mettre en parallèle avec ceux que je 
viens de décrire ; maïs , à mesure qu'on arrive à une por- 
tion plus élargie, on voit les ovules acquérir plus de vo- 
Jume et d’opacité , et enfin prendre un diamètre tel que 
cinq à six mesurent la largeur du ver : ces derniers sont 
aussi en nombre immense; il y en a plusieurs milliers, 
mais bien moins sans doute que chez l’'Oxyure vermi- 
culaire dont les ovules sont tous si petits. Libres et flot- 
tans , ils sortent de l’oviducte à la moindre blessure, et 
alors, examinés isolément , ils font voir que leur inté- 
rieur est rempli par un petit ver roulé en double spi- 
rale (fig. 35); de là la forme arrondie ou un peu ovale 
ou lenticulaire de ces œufs (1). Le ver renfermé dans 
celte vésicule membraneuse est d’autant plus visible que 


(1) Quelques-uns semblent réunis deux à deux ou trois à trois sous 
une même enveloppe (fig. 35). 


( 232 ) à 


l’œuf est plus gros ; il s'y meut quelquefois avec viva- 
cité , autant que le permet son attitude et le peu d’espace 
qu'il occupe. 

Dans certaines circonstances même , on trouve les 
choses plus avancées encore : déjà des fœtus ont rompu 
leurs enveloppes ; ils s’agitent vivement et parcourent 
tout l’oviducte, rompant aussi par leurs mouvemens les 
entraves de ceux qui sont arrivés comme eux à leur ma- 
turité, Ils ont environ un quart de ligne de longueur, et 
les trois quaris postérieurs de leur corps sont un peu 
opaques et peut-être déjà remplis d’ovules (fig. 36). 
La moindre ouverture faite à l’oviducte de a mère leur 
fournit le passage qu’ils semblent désirer , et leur 
permet de s'échapper à la nage si l'expérience, comme 
c’est l'ordinaire , se fait dans un liquide. C’est ce qu’a 
vu Goëze, qui en a conclu naturellement, que ce ver 
était vivipare ; c’est ce que j'ai aussi constaté par moi- 
même ( Woyez Goëze, tab. 4 et 5; Rudolphi, t. 2, 
p. 136 et 148). 

3°. Nos Vibrions ne paraissent plus contenir de ces 
ovules libres et si ténus qu’on trouve dans l’Oxyure hu- 
main : la partie la plus étroite de leurs oviductes ren- 
ferme un ou deux chapelets (fig. 33) de globules ar- 
rondis , gélatineux , agglutinés ensemble , marqués vers 
leur centre d’un point plus opaque (fig. 37 ). Ces ovules 
deviennent de plus en plus grands, prennent alors la 
forme lenticulaire, et libres, flottans , isolés , ils laissent 
voir aussi dans leur intérieur un petit Vibrion roulé en 
double spirale ( fig. 38 ). La membrane qui les enveloppe 
devient graduellement moins épaisse , moins gélatineuse 


et plus diaphane ; les plus grandes des vésicules qu'elle 


(1283 7) 

constitue , ont un diamètre égal à la demi-largeur du Vi- 
brion , qui, par cela même , en renferme bien moins que 
l'Oxyure du crapaud. On peut les distinguer parfois 
confusément à travers la peau (fig. 2, 4, 10, 22). 
Muller avait bien apercu la double rangée qu'ils for- 
ment ; d’autres les ont prises pour des viscères. Leur 
nombre n’est quelquefois que de quatre à cinq; il peut 
aller jusqu’à cent. 

De même que chez le ver dont nous parlions à l’ins- 
tant, ces œufs éclosent dans l’intérieur du corps de la 
mère dont ils parcourent la cavité en tous sens, cher- 
chant une issue et repoussant l’oviducte vers la tête ou la 
queue (fig. 31, {o), jusqu’à ce qu’enfin ils rencontrent 
la vulve et s’échappent avec rapidité après l'avoir lente- 
ment dilatée. Je les ai vu chercher pendant un jour en- 
lier, au grand tourment de la mère qui bientôt, ridée et 
flétrie, aurait péri sans doute et se serait rompue dans 
quelque point si je n’eusse hâté cet évènement. Dans les 
cas même où les choses se passent le plus régulièrement , 
la mère reste déformée , presqu'immobile, et périt peu 
après l'accouchement. Les Vibrions sont donc vivipares , 
fait déjà reconnu par Néedham (Rech. micr., p. 180) 
et par Baker (Op. Haller, t. 8, p. 109); et, quoi qu'en 
dise Linné , je ne les ai jamais vu déposer un seul œuf, 
mème en les observant dans toutes les saisons , l’hiver ex- 
cepté, car on n’en trouve plus guère alors. Selon M. Bauer 
le Vibrion du blé carié pond des œufs ou vésicules sem- 
blables à celles que j'ai décrites ; mais j’ai peine à conce- 
voir que cela ait lieu sans une déchirure véritable de la 
mère. Néedham le disait vivipare. 


Nos Vibrions naissans ont à-peu-près la huitième 


(254) 


partie de la longueur de leur mère ; ils sortent vivans de 
leurs œufs, si on les rompt lorsqu'ils n’ont encore que 
la moitié de cette taille ; mais ils ne tardent pas à périr. 
Parmi ceux qui ont la grandeur convenable, il en est 
qui ne laissent voir à travers leurs corps transparens , 
qu'une ligne représentant le canal intestinal ; d’autres, 
soumis à un fort microscope, présentent une double 
rangée de globules que M. Bauer a vus aussi dans les 
fœtus du Vibrio tritici, et que nous avons fait sortir 
en chapelet par une section fort difficile à exécuter, vu 
la petitesse et l’agilité de l'animal (fig. 41). 

L'Oxyure du crapaud ne serait pas le seul qui püt nous 
fournir des points de contact entre les Vibrions et les 
Entozoaires. Le Cucullanus elegans (Goëze, tab. 9, 
A et B ; Rudolphi, t. 1 , page 289, planche 3 ; et t. 2, 
p- 10), l'Ophiosioma mucronatus (Rud. , tom. 2, 
p. 118), sont aussi vivipares et ne donnent issue à leurs. 
petits que par la destruction du corps de la mère. 


Organes génitaux mâles. 4 


Ce n’était guère qu'a l’absence des ovules que Goëze 
avait cru reconnaitre l'individu mâle chez l’Oxyure hu- 
main, et c’està ce premier indice queje l’ai reconnu chez 
les Vibrions. On n’a pu jusqu'ici apercevoir le pénis 
chez cet Oxyure, ni distinguer nullement les vaisseaux 
spermatiques (Bremser, p. 155 ) dont cependant l’ana- 
nogie avec les Ascarides doit faire supposer l'existence, 
Chez les autres Oxyures, sans acquérir plus de lumière 
sur les organes intérieurs, on a pudu moins voir le pénis, 
soit simple comme chez celui du lapin sauvage (Bremser, 


( 235 ) 

L. c.), soit double comme chez celui du crapaud ( Goëze , 
tab. 35 , fig. 9. G. Zeder , ap. Rud., 1. 2, p. 165). 

Parmi nos Vibrions, il en est qui, plus transparens 
que les grandes femelles et plus petits qu’elles d’un tiers, 
ne laissent voir bien distinctement dans leur état d’inté- 
grité que le canal alimentaire plus libre et plus flottant : 
leur forme est, du reste, toute semblable à celle que 
nous avons déjà indiquée. Vers la partie postérieure du 
corps de ces individus , on voit constamment un ou deux 
traits linéaires dirigés obliquement vers l’anus (fig. 43, 
44 )aux environs duquel ils se terminent. J'avais pu croire 
d’abord que ces traits n'étaient dus qu’à la terminaison 
du rectum ; mais j'ai vu bien dislinctement cet intestin 
s'étendre jusqu’au bout de la queue ( fig. 47), comme 
chez les femelles , et j'ai ainsi évité l'illusion qui paraît 
avoir trompé Goëze (1) relativement à l'Oxyuris brevi- 
caudata (Rud.,t. 2, p.167). Sans doute, chez cet 
Oxyure comme chez nos Vibrions , ces traits obliques ne 
sont qu’un commencement des canaux spermatiques. J'ai 
en effet aperçu plus haut une espèce de cordon très- 
flexueux , grenu et pellucide (fig. 42,45 ), et lorsque j'ai 
fait la section de l'animal , avec son intestin j’ai vu sor- 
tir un cordon transparent , gaufré ou granuleux (fig. 48 , 
49 ), plus étroit et plus fragile que lui. La compression 
de ces individus a plusieurs fois fait sortir de l’anus ou 
de sou voisinage un corps allongé (fig. 46) transparent 
et très-fragile : était-ce un penis ? était-ce un des canaux 
spermatiques renversé ? était-ce enfin une matière sortie 
2 OT ROSE ar 4 422 ARS AUTRES 

(1) Il décrit un autre canal descendant dans la queue , au-delà de l’a- 
nus; c'était évidemment la continuation du rectum, 


(250 7) 


du rectum ? Cette dernière question seule peut être ré- 
solue négativement, car le rectum ne contient guère 
qu’une matière globuleuse et colorée. Les deux pénis vus 
par Zeder et par Goëze répondent sans doute à deux ca- 
naux spermatiques ; la structure de nos Vibrions semble 
l'indiquer par analogie , et l’inspection pourra aisément 
confirmer cette présomption. Il n’en sera pas de même 
des inductions que nous allons tirer de l’accouplement 
de nos Vibrions : nous ne pouvons en effet observer 
comme eux dans l’état libre et dans leur séjour naturel 
les vers intestinaux ; aussi est-il si rare de les trouver 
accouplés, que l’on a révoqué en doute l'observation de 
Goëze (Ox. brey., tab. 35), malgré la véracité et la pers- 
picacité reconnue de ce célèbre helminthologiste (Rud., 
EPeMpr 907)! 
Copulation (fig. 51). 


Plusieurs fois j'avais observé, comme Muller, que les 
Vibrions de la colle mis dans l’eau , semblaient adhérer 
par leur queue subulée aux corps flottans dans ce li- 
quide ; je les avais vu adhérer de la même manière les 
uns aux autres , quoique cette queue parüt peu suscepti- 
ble de flexion : c’est en observant les Vibrions du vi- 
naigre au milieu du liquide qu'il habite d'ordinaire, que 
j'ai pu voir un accouplement bien réel. Le mäle nage 
vers la femelle, la suit, l’environne de replis, et bientôt 
entoure la région de la vulve avec la partie postérieure 
de son corps tournée en spirale. La femelle continue 
de nager avec des mouvemens un peu plus vifs, tandis 
que le mäle reste immobile , contourné en anneaux ou 


livré à des mouvemens convulsifs. Cette copulation dure 


_  HsttEl 


( 237) | 


l 
quelquefois plusieurs minutes ; puis , le male, toujours 


roidi et contourné, tombe au fond du liquide , où il 
reste quelque temps presque immobile. Le coït est réi- 
téré plusieurs fois et souvent à peu de distance pour-la 
même femelle et par des mâles différens ; ceux-ci sont 
quelquefois infiniment plus petits qu’elle, et même 
seulement de la taille des fœtus naissans, tandis que 
la femelle contient parfois des œufs près d’éclore. Les 
mouvemens qu'exécutent ces animalcules sous le mi- 
croscope, et la liberté dont ils ont besoin , ne m'ont pas 
permis d'examiner assez attentivement les objets pour 
reconnaître si la queue du mâle pénètre dans la vulve, 
comme chez l’'Oxyure observé par Goëze , ou s’il y a in- 
tromission d’un pénis, ou enfin seulement rapproche- 
ment de deux orifices. J’observe néanmoins que la vulve 
n'est pas , après ce coït , sensiblement plus dilatée qu'’a- 
vant. L’analogie nous porte à penser que la queue du 
Vibrion du vinaigre, plus flexible et plus longue que 
celle de ceux de la colle et de l’Oxyure du crapaud, em- 
brasse simplement le corps de la femelle , comme on le 
voit chez la plupart des grands Nématodes. ( J. Cloquet.) 

Cette copulation paraît indispensable à la fécondation. 
En effet, j'ai mis dans un tube de verre eflilé et fermé 
aux deux bouts , un petit Vibrion femelle avec de l’eau 
mêlée de colle : ce Vibrion n’offrait encore que les cha- 
pelets que l’on voit dans les fœtus naissans. Il a vécu 
ainsi en prenant un certain accroissement pendant près 
d’un mois (juin) sans faire ni œufs ni petits. A cette épo- 
que , il était dans un état de mort apparente qui se dis- 
sipa dès qu'il eut été mis dans de l’eau nouvelle : une 


section pratiquée au milieu du corps en a fait sortir un 


(258 ) 


canal alimentaire contenant peu de matières opaques, et 
un oviducte transparent et ne renfermant que des glo- 
bules diaphanes et fort ténus (fig. 11). Dans l’état 
libre , au contraire , les premiers Vibrions qui paraissent 
dans la colle sont déjà pleins de fœtus au bout de cinq à 


six jours. 
Vie et Mort. 

Nous savons peu de chose sur la durée de la vie et les 
habitudes des vers intestinaux ; il serait possible d’ac- 
quérir des renseignemens plus exacts sur les Vibrions , et 
surtout sur ceux du vinaigre ; mais pourrait-on en appli- 
quer les conséquences aux premiers ? L’analogie serait 
plus grande entre ceux de la colle et les Oxyures qui ram- 
pent à la surface des intestins dans les mucosités qui en 
favorisent le développement ou dont ils produisent eux- 
mêmes la surabondance. Ces Vibrions rampent en ser- 
pentant dans les parties les plus liquides de la colle de 
farine , en glissant tantôt de la tête à la queue, et tantôt 
en sens inverse; mais, dans l’eau , ils nagent en serpen- 
tant toujours la tête la première , sans prendre presque 
aucun repos, et de la même manière que ceux du vi- 
naigre qui occupent ordinairement la surface du liquide 
et les bords du vase. Le vinaigre tue en quelques mi- 
nutes ceux de la colle; l’eau-de-vie les fait périr plus 
lentement : il en est de même des huiles essentielles ; 
mêlées à l’eau , ces huiles ne les font point périr. (Ces 
derniers effets sont les mêmes pour ceux du vinaigre. ) 
Le froid les empêche de se développer ; il les engourdit, 
mais on prétend qu'ils peuvent être congelés sans perdre 
la vie (Linné). Une chaleur de soixante à quatre-vingts 
degrés centigrades les tue irrévocablement eux et leurs 


e 


| 
( 559 ) é 
embryons ; leurs cadavres sont alors étendus en ligne 
droite ; ils ne tardent pas à se déformer et à ‘se détruire. 
Quelle est la durée de leur vie naturelle ? Je n’ai guère 
trouvé de cadavres dans la colle que trois semaines après 
leur première apparition. La colle qu'ils habitent est né- 
cessaire à leur nutrition , car dans l’eau pure ils cessent 
de croitre et ne vivent que sept à huit jours ; si l’eau ne 
suflit pas à leur nutrition, du moins elle est nécessaire 
à leur existence. Mis à sec, les Vibrions se contour- 
nent, puis restent immobiles. Tant que l'intérieur du 
corps n’est pas desséché , l'humidité leur rend la vie, 
mais cet effet une fois produit, ils sont morts sans re- 
tour. Le plus long espace de temps qu'un Vibrion du 
vinaigre ait passé sans périr à l’air libre , dans une sai- 
son sèche et chaude, c’est un quart d'heure; il a pu 
vivre après une heure de dessiccation et de mort appa- 
rente, dans une saison plus fraiche et plus humide. Il 
d'en est donc pas d'eux comme du Rotifère de Spallan- 
zani ou du Vibrio tritict ( Bauer, L. c.; Haller, Phys., 
t. 8,p. 111), qui revivent plusieurs années après avoir 
été desséchés. 

Quoique privés de nerfs apparens , ainsi que la ma- 
jeure partie des Entozoaires (Rudolphi), nos Vibrions 
ne sont pourtant pas insensibles , et le nom d’apathiques 
donné par M. Lamarck à cette classe d’êtres vivans, me 
paraît au moins trop significatif. La vivacité de leurs 
mouvemens s’accroit quand on les tourmente; ils recu- 
lent ou se détournent quand ils rencontrent des ob- 
stacles , et il m'a semblé même qu’ils fuyaient la lumière 
et la chaleur trop forte. Enfin si on les blesse, on voit 
l'extrémité du corps la plus voisine du mal se tordre, 


( 240 ) 
se tourner vers la blessure, la palper et chercher à re- 
pousser cette cause de douleur. Tout tronçon, quelle 
que soit la région à laquelle il appartienne, continue 
ainsi de vivre pendant plusieurs heures s’il a une lon- 
gueur convenable: seulement j'ai remarqué qu’à longueur 
égale, le tronçon de la tête vivait plus long-temps que 
celui de la queue, et celui-ci plus qu'un tronçon du 
milieu du corps. Le Vibrion de la colle semble aussi 


mieux résister aux blessures que celui du vinaigre. 
Origine. 


Avoir trouvé des analogues aux vers intestinaux hors 
du corps des animaux, ce n’est pas avoir infirmé la doc- 
trine de leur génération spontanée si bien établie par 
Bauer, Rudolphi et Bremser; surtout si nous démon- 
trons que ces analogues mêmes semblent susceptibles du 
même mode de production. Mais avant d’aller plus loin, 
avant d’énoncer des argumens propres à soutenir cette 
doctrine , je dois prévoir une objection grave, et je ne 
veux point passer outre, avant de l’avoir radicaiement 
détruite. Cette doctrine , jadis universellement ap- 
prouvée, est de nos jours regardée comme attentatoire 
à la majesté divine et à l'autorité des livres saints. On 
ne peut qu'approuver sans doute le zèle et les bonnes 
intentions de ceux qui craignent qu'une pareille théorie 
n’attaque les dogmes de notre religion ; mais ils ne font, 
par ces vaines terreurs , que donner aux incrédules des 
armes qu'il serait facile de leur arracher en rétorquant 
ou réfutant les argumens dont ils se servent : c'est ce 
dont on va juger. Je prouverai, je l'espère, sans difficulté , 


1°, que la génération spontanée n’est nullement contra- 


(241) 


dictoire aux expressions du texte sacré, et 2°. que de la 
génération spontanée des infusoires et des vers intesti- 
naux, on ne peut rien arguer pour celle des animaux 
plus parfaits. 

Rapportons d’abord les propres termes dela Genèse, 
et nous verrons qu'ils favorisent plutôt qu’ils ne con- 
damnent la génération spontanée ; que les eaux produi- 
sent des animaux vivans qui nagent dans l’eau, et des 
oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du 
ciel... ; que la terre produise des animaux vivans , cha- 
cun selon son espèce, les animaux domestiques, les rep- 
tiles et les bêtes sauvages de la terre selon leurs diffé- 
rentes espèces. « Producant aquæ omne reptile animcæ 
viventis el omne volatile super terram, sub firmamento 
cœli..…. Producat terra animam viventem in genere 
suo , jumenta et reptilia et bestias terræ secundum spe- 
cies suas. » Dieu donne aux eaux et à la terre la faculté 
de produire des animaux vivans, et nulle part il ne li- 
mite la durée de cette force productrice, nulle part il 
n’est dit qu'elle ait été bornée à une première formation. 
. Pour les herbes vertes et les arbres fruitiers seulement , 
il est dit dans un des versets qui précèdent , que leur se- 
mence sera désormais contenue dans eux-mêmes, et 
qu'ils renferment la semence en eux-mêmes pour se re- 
produire sur la terre (trad, de Sacy ). « Cujus semen 
in semetipso sit. » C’est ainsi qu’en avaient jugé toutes 
les écoles de philosophie qui , sur la foi d’Aristote , ad- 
mirent , jusqu'au siècle de Louis XIV, la génération 
spontanée qu'ils étendaient mème bien au-delà des li- 
mites que nous lui donnons. Avouez que les serpeus, 
les sauterelles, les vers, les mouches, les rats, les 

IX. 16 


(242) 

chauve-souris, les taupes et autres animaux semblables 
naissent spontanément et sans germe, de la matière en 
putréfaction. « Serpentes, locustas ; vermes, muscas , 
mures , vespertiliones , talpas et id genus alia quæ- 
cumque fateberis sponte sud nullo semine, de putri 
materid , de cænosa colluvie exoriri, » a dit notre cé- 
lèbre Fernel (de abd. rec. caus., lib. 1, cap. 8). 
D'où leur vient cette vie, cette âme dont ils jouissent ? 
Undenàäm hanc animam accepere ? Cest, dit-il, l’'in- 
fluence céleste qui la leur fournit (cap. 6); c’est la di- 
vinité partout présente et sans cesse agissante qui gou- 
verne le monde et préside à tous ses phénomènes, pour 
qui rien n’est vil ni méprisable, et qui, comme dit 
Lafontaine , s'occupe autant du partage d’un brin 
d'herbe entre quelques fourmis que des combats de l’é- 
léphant et du rhinocéros. Est - ce là de l’impiété, de 
l'irréligion ? 

Occupons-nous maintenant du deuxième point que 
j'ai promis d’éclaircir. Parce que du seigle gäté peut four- 
nir de petits vermisseaux , en concluera-t-on, dit Vol- 
taire , que des hommes puissent éclore dans du pur fro- 
ment? Qui ne sent au premier abord le ridicule de ces 
sortes d’induction. Les animalcules infusoires dont il 
s’agit, de même que les vers intestinaux, sont privés 
d’un système nerveux centralisé ; ce sont les agens uni- 
versels (calorique (1) , lumière, électricité, magnétisme) 


(1) C’est , à peu de chose près, l’idée d’Aristote quand il concevait que 
l'air, la chaleur et l'humidité atmosphériques produisaient , dans la géné- 
ration spontanée , les mêmes eflets que les humeurs et la chaleur ani- 
male dans la génération par sexes, ( Ÿ’oy. Fernez, L. c.) 


(243 ) 

qui leur tiennent lieu d'agent nerveux, qui entretiennent 
en eux le mouvement et la vie ( Lamarck}). Ils sont 
privés de cœur et de vaisseaux , etc. , et leur corps géla= 
tineux semble se nourrir par une sorte d’imbibition que 
la digestion des matériaux nutritifs ne précède pas toujours 
(Toœnias, Monades, etc. ). I n’est donc pas étonnant qu’ils 
puissent naître au milieu de ces conditions, sub quarum 
influxu vivere possunt (Prochaska, disq. hum. corp. 
org. , p. 160). En est-il de mème de ceux qui ne peuvent 
vivre que sous l'influence d’un agent nerveux coercé dans 
des organes tout particuliers, organes qui, d’après les expé- 
riences de MM. Prevost et Dumas, sont exclusivement et 
seuls fournis par le mäle (animalcules spermatiques), et 
dont la production ne peut par conséquent avoir lieu que 
par l'union des deux sexes. Donc, je le répète, on ne peut 
appliquer aux animaux des ordres supérieurs ce qui est 
propre et exclusif à cette dernière classe du règne ani- 
mal. La mème différence d'organisation s’observe entre 
les végétaux dont on peut rapporter l’origine à la géné- 
ration spontanée ( moisissures , champignons , al- 
gues , etc. ) et les autres qui, soit dit en passant, sont 
seuls désignés dans le verset de la Genèse que j’ai rap- 
porté plus haut. (//erbam virentem et lignum pomi- 
ferum.) 

Craindrait-on encore d’autres inductions hypothéti- 
ques et qui ne sont fondées sur aucune analogie réelle, 
telles que celles qui supposent qu’une fermentation plus 
puissante et plus étendue a pu donner naissance à des 
animaux parfaits , comme une fermentation ordinaire 
fait naître sous nos yeux des animaleules infusoires ? 


mais toute fermentation de ce genre s'opère dans des 


| ( 244) 
matières organisées , et l'existence de la matière orga- 
nisée suppose une création antécédente. 

Après avoir ainsi démontré que notre théorie n’est nul- 
lement réprouvée par les principes religieux les plus 
purs, voyons si elle a quelque chose qui répugne à la 
raison. Au premier abord , l'esprit s’effarouche aisément 
de la comparaison qu’établissent les fauteurs de la géné- 
ration spontanée entre des ètres organisés et des corps 
inorganiques. Je suis persuadé que les moisissures , les 
champignons les moins parfaits, les lichens et même 
les animalcules infusoires et les zoophytes , peuvent 
naître par génération équivoque, c’est-à-dire par l’effi- 
cacité de l'organisme universel , comme les sels et les 
cristaux. « Mucores et gastromycetas, ipsos que im- 
perfectiores fungos et lichenes , dein animalcula infu- 
soria et zoophyta prariter posse æquivocé generatione , 
id est per universalis organismi eflicientiam oriri , ac 
sales et crystallos , persuasissimum habeo , » dit 
Sprengel (Inst. phys., $ 487). C’est en effet aller un 
peu trop loin ; mais rappelons toujours qu'il ne s’agit 
ici que des animaux dont l’organisation est la plus 
simple (1) , comme le dit expressément Rudolphi (t. r, 
p- 403); et ajoutons que les faits que l’on invoque tous 
les jours pour nous les opposer sont relatifs à des ani- 
maux plus composés, à des animaux doués d’un sys- 
tème nerveux ; les mouches et leurs larves , par exemple, 
qui ne ressemblent pas plus aux vers intestinaux ou aux 


a ——— —— 
(x) Les Crustacés microscopiques ( Monocles, Cypris , etc.) ne doi- 


vent point être rangés parmi les infusoires ; aussi ne les trouve-t-on que 
dans les grandes masses d’eaux et non dans nos infusions artificielles, 


(245 ) 

Vibrions que les lombrics terrestres qu'on leur a quel-. 
quefois comparés. C’est sur ces animaux qu’a expérimenté 
Redi : Redi dont on répète chaque jour le nom comme 
d’un antagoniste de la génération spontanée, sans sa- 
voir qu'il admet cette génération pour les vers intesti- 
naux, sans savoir qu'il en a été de même de Malpighi 
et de Vallisnieri qui ont confirmé les autres observa- 
tions de Redi et ont été plus loin que lui encore, en 
prouvant que les vers des fruits et des galles végétales 
n'étaient point dus à la génération spontanée, comme il 
l'avait cru. Enfin, si l’on veut tenir compte des raison- 
nemens etdes faits apportés en preuve par Muller (Præf., 
p- 24), par Buffon, per Frey, Treviranus ( dont je ne 
puis malheureusement parler que d’après autrui), par 
Priestley , Gehlen, Gruithuisen (ap. Sprengel physiol., 
$ 489), par Bory-Saint-Vincent (Dict. sc. nat. , t. 29, 
p- 324) ; si l’on veut même s’en tenir à ce qu’ont de vrai- 
semblable Jes explications de M. Lamarck ( Anim. sans 
Vert. ,t. 1, p. 175), on concevra, sans grande peine, 
que des molécules organiques dissociées par la fermenta- 
tion et tendant à se réunir pour former de nouveaux 
produits (comme la chimie le démontre), peuvent 
donner lieu , par cette réunion, à des aggrégats nouveaux 
et susceptibles de se mouvoir sous l'influence des agens 
universels qui président à tout mouvement intestinal 
ét moléculaire des corps de la nature. 

Exposons maintenant les données que l’observation 
nous a particulièrement fournies relativement à nos Vi- 
brions et surtout à ceux qui habitent la colle de farine. 

Les Vibrions paraissent dans celle-ci lorsqu'elle com- 


mence à fermenter et à s’aigrir ; d’abord rares , et de la. 


(246) 


taille des fœtus naissans, ils deviennent bientôt plus 
grands et plus nombreux. Un peu avant leur apparition, 
la colle , qui jusque-là n’avait offert au microscope que 
des flocons irréguliers , fait voir un grand nombre de 
disques paraissant arrondis sur leurs bords , amincis vers 
leur centre, et souvent sillonnés en spirale , de manière 
à simuler parfaitement un jeune Vibrion roulé dans sa 
membrane ovulaire (fig. 39). Le volume de ces disques 
est le même que celui des œufs du Vibrio glutinis près 
d’éclore ; ils sont toujours mêlés à des flocons ou à des 
globules beaucoup plus petits et moins réguliers qu’eux, 
et ne s’en séparent bien que par une sorte de lavage. Si 
on les laisse séjourner dans l’eau ; on les voit se résoudre 
en ces mêmes globules dont je parlais tout-à-l’heure, et 
qui existent seuls lorsque la fermentation est très-avan- 
cée. J'ai cru d’abord , je l'avoue, trouver là le point de 
transformation ; peut-être quelques observateurs ont-ils 
pris aussi ces disques pour des œufs, et, d’après cette 
seule donnée, déclaré les Vibrions ovipares. Restés en 
masse , ces disques se comportent-ils autrement que dans 
l’eau ? L'’électricité en faciliterait-elle la transformation 
en véritables œufs (1)? Je l’ignore ; je sais seulement 
que l'eau arrête la fermentation , et qu’elle ne peut ser- 
vir seule à l'accroissement , à la nutrition de ces animal- 
cules. Si c'était là la véritable origine des Vibrions , on 


pourrait donc encore concilier avec la génération spon- 


(1) Je dois avertir que jusqu'ici je n’ai pu rencontrer aucun Vibrion 
dans la colle fermentée depuis que j'habite le Languedoc; cependant 
eette colle renferme des disques semblables à ceux que jai décrits ci- 
dessus , mais en nombre moins considérable, 


( 247 ) 


tanée cet axiome de Harvey, omne animale ex ovo. Si 
ces preuves positives paraissent peu concluantes , il n’en 
sera pas de même, je pense , des preuves négatives. 

Si ces petits êtres ne se forment pas , pour ainsi dire, 
de toutes pièces dans la colle , d’où viennent-ils ? quel a 
été le véhicule des germes, des œufs qui les ont produits? 
avaient -ils été déposés par d’autres Vibrions dans l’eau 
ou la farine? Mais , 1°. je ne sache pas qu’on ait jamais 
trouvé le V’ibrio glutinis dans lune ou l’autre de ces 
substances ; la taille, la forme, les habitudes , etc. , dis- 
tinguent trop complètement les Vibrions du blé carrié, 
ceux de l’eau putride, d’avec les nôtres, pour qu’on puisse 
recourir à cette origine. Il s’en faut de beaucoup que la 
ressemblance soit portée au même point que celle qui 
existe entre le Vibrion de la colle et celui du vinaigre, 
et pourtant nous avons vu que le premier ne pouvait 
vivre dans le même liquide que le deuxième ; 2°. l’eau et 
la farine ont subi une ébullition qui , à raison de la vis- 
cosité que prend la matière , a produit une chaleur bien 
supérieure à + 100°; or, nous avons vu qu'une chaleur 
beaucoup moindre faisait périr les parens et leurs em- 
bryons. La colle, pleine de cadavres de Vibrions ainsi 
tués, n’en produit plus un seul , quelque temps qu’on 
la conserve; je m’en suis assuré plus d’une fois. Et en 
effet, comment des êtres si mous, si petits et si délicats, 
comment surtout leurs embryons , plus mous et plus 
frèles encore, résisteraient-ils à la coction la plus com- 
plète ? Les expériences par lesquelles Spallanzani a cru 
prouver que les germes des infusoires résistaient à l’é- 
bullition , prouvent en faveur de la génération sponta- 
née plus qu’en faveur de l'opinion de ce célèbre obser- 


( 248 ) 
vateur (t. 1°, p. 45). Des décoctions végétales ou ani- 
males, faites et conservées en vase clos, ont donné des 
animalcules quand la fermentation a pu s’y établir. Cela 
prouve, à mon sens, que les germes ne sont point ap- 
portés par l’air, et Needham en avait judicieusement tiré 
cette conséquence ( Rech. microsc., p. 193 ). 

Et quant aux germes de nos Vibrions , pouvaient-ils 
avoir été apportés ainsi ? 1°. Les Vibrions ne sont point 
des larves d’insectes , comme on l’a dit bien faussement 
de celui du vinaigre (Haller, Phys., tom. 8, p. 113); 
le fœtus ressemble à ses parens , et ceux-ci ne peuvent, 
sans être sur-le-champ arrêtés par la dessiccation , sortir 
du milieu humide qu’ils habitent (1). Dira-t-on que les 
œufs se volatilisent et sont transportés sous forme de va- 
peur ? Mais ces œufs , quelque petits qu'on les suppose, 
se dessèchent comme ceux de l’Oxyure vermiculaire ; 
leurs restes ne reprennent point la vie quand on les hu- 
mecte, et ils ne tardent pas à se décomposer, à se dis- 
perser par lambeaux ou par molécules touies visibles au 
microscope, mais qui n'ont aucune régularité et ne peu- 
vent être, en aucune façon , prises pour des ovules plus 
petits. Ces restes ne peuvent donc point être enlevés 
fructueusement , sous forme de poussière, par le vent 
ou par tout autre moyen de transport ; je ne parle pas 
de l'obstacle que leur aurait offert la gaze dont je couvrais 
la colle pendant mes recherches. 

Voudrait-on supposer. que cette volatilisation n’est 


(1) «Hs sont trop pesans pour être transportés par l’air, et trop aqua- 
tiques pour subsister hors de Peau eu pour parcourir la terre sèche. » 
(Nezpnam, Rech. microsc., p. 180.) 


( 249 ) 


réelle que pour des ovules si petits que notre micros- 
cope même ne pouvait nous les faire soupconner ? Mais 
je me suis assuré vingt fois que des ovules très-percep- 
tibles , que des fœtus mème qui avaient moitié du vo- 
lume qu'ils ont en naissant ne pouvaient vivre hors du 
corps de leur mère , et ne tardaient pas à se décomposer 
si on les en tirait, du moins lorsqu'on faisait l'expéience 
dans de ia colle délayée qui , seule , permet de sembla- 
bles recherches , et qui suflit très-bien à la vie et à l’ac- 
croissement des fœtus extraits du corps de la mère ayec 
la taille convenable. 

Tout ce que je viens de dire des Vibrions pourrait 
s'appliquer à bien d’autres animalcules (1) , maïs je dois 
me borner à ce qui les concerne, en faisant valoir les 
probabilités que je viens d’énoncer comme un nouveau 
point de rapprochement qui les unit aux Entozoaires, et 
notamment aux Oxyures. Ce rapprochement m'a paru 
assez intéressant comme objet d'histoire naturelle , mais 
peut-être même la médecine en pourrait-elle tirer quel- 
ques conséquences utiles : 1°. faire proscrire plus soi- 
gneusement , par exemple, l’usage des bouillies et autres 
alimens farineux si souvent nuisibles aux enfans ; 2°. faire 
remédier à la formation des mucosités intestinales qui 
servent de nourriture et peut-être de berceau aux Oxyu- 
res, si pourtant ceux-ci n'en sont pas la cause plutôt 
que l'effet; 3°. faire prescrire des injections propres à 


(x) Un argument de plus serait fourni par ceux qui ne se reproduisent 
point par germes , par accouplement , etc., par scission, comme nous 
l'avons vu souvent s’opérer dans le champ du microscope, soit en long 
{ Vorticelles), soit en travers ( Paramères), 


( 250 ) 
dissoudre ces muscosités (alcalis) qui servent d’abri à 
ces vers et les empèchent d’être entraînés par les matières 
fécales , etc. 


EXPLICATION DES PLANCHES XLVII ET XLVIII. 


Fig. 1. Oxyure ou Ascaride vermiculaire femelle grossi (longueur natu- 
relle , 4 lignes). Sa demi-transparence laisse voir le canal alimentaire, 
l’oviducte ; la vulve laisse sortir des ovules. 

Fig. 2. Vibrion du vinaigre femelle (grandeur naturelle, 1 ligne) ; 
il laisse voir aussi ses œufs et son canal alimentaire. 

Fig. 3. Oxyure du crapaud (brevicaudata) femelle (4 lignes de longueur 
paturelle ). Son canal alimentaire et son oviducte se dessinent fort 
bien à travers la peau. 

Fig. 4. Vibrion de la colle femelle (grandeur naturelle, ? de ligne). 

Fig. 5. Oxyure microscopique trouvé dans un Scarabée nasicorne. 

Fig. 6. L'Oxyure vermiculaire dont la tête est séparée ; le canal alimen- 
taire et l’oviducte sortent du corps. 

Fig. 9, 8 et 9. Parties supérieure moyenne et inférieure de l'Oxyuris 
brevicaudata ; le canal alimentaire et l’oviducte sortent par des bles- 
sures. 

Fig. 10. Vibrion de la colle, blessé vers la tête et le milieu du corps pour 
faire sortir le canal alimentaire et l’oviducte ; le premier s’est rompu, 
le deuxième est entier. 


Fig. 11. Vibrion femelle vierge, blessé vers le milieu du corps ; les, 


mêmes parties sortent par la plaie. 

Fig. 12,13, 14. Différentes formes de la tête de l'Oxyure vermicu- 
laire. 

Fig. 15, 16. Zd. de la bouche des Vibrions. 

Fig. 19. Œsophage, estomac et intestin de l’Oxyure du crapaud (O. bre- 
vicaud. ). 

Fig. 18. Mêmes parties de l’Oxyure de l’homme ( O. vermic.). 

Fig. 19, 20, 21. Mèmes parties du Vibrion du vinaigre (19) et de la 
colle (20 , 21). 

Fig. 22. Fin du canal alimentaire et de l’oviducte du Vibrion de la colle; 
les tégumens en ont été séparés par un coup de scalpel. 

Fig. 23, 24. L’anus du même, 


(Fa0r.) 


Fig. 25. Portion d’intestin avec les globules qu’il renferme. 

Fig, 25 bis. La vulve du même Vibrion très-grossi. 

Fig. 26 et 27. Même partie après l'accouchement. 

Fig. 28. Fin de l’oviducte, avec ses ovules , chez l’Oxyure vermicu- 
laire. 

Fig. 29. Repli inférieur de l’oviducte chez lOxyure du crapaud. 

Fig. 30, 31. Fin de l’oviducte chez le Vibrion de la colle ; un fœtus le 
repousse jusque dans la queue (31). 

Fig. 32. Portion d’oviducte du Vibrion du vinaigre, irrégulièrement 
contractée. 

Fig. 33. Tête et chapelets d’ovules du Vibrion de la colle. 

Fig. 34. Ovule d’Oxyure humain, très-grossi. 

Fig. 35. Œufs de l’Oxyure du crapaud ; en y voit le fœtus roulé en spi- 
rale : quelques-uns sont doubles ou triples sous une seule enveloppe. 

Fig. 36. Fœtus naissans du même ver (grandeur naturelle, x ligne ). 

Fig. 37. Ovale tiré du chapelet d’un ibrio glutinis , très-grossi. 

Fig. 38. Œuf plus avancé du même. 

Fig. 39. Disques de colle fermentée, ressemblant aux œufs des Vi- 
brions. 

Fig. 4o. J’ibrio glutinis plein de fœtus à terme ; l'un d’eux sort par la 
vulve. 

Fig. 41. Mêmes fœtus très - grossis ; on y voit deux chapelets d’ovules 
non fécondés. 

Fig. 42, 43. Canal spermatique du V’ibrio glutinis mâle. 

Fig. 44, 45. Id. du V’ibrio aceti. 

Fig. 46. Pénis du même. 

Fig. 47. Rectum du même. 

Fig. 48. Troncon du même; il en sort le canal spermatique et l’intes- 
tin. 

- Fig. 49, 50. Le même coupé en deux ; mêmes objets. 

Fig. 51. Deux Vibrions du vinaigre accouplés. 


( 252 ) 


Maréniaux pour servir à une Monographie de læ 


Molasse, ou Recherches geognostiques. sur les 
Roches et les Corps fossiles qu’on trouve entre 
les Alpes et le Jura ; 


Par M. Sruper. 
(Extrait.) 


L'auteur de cet ouvrage est parti, pour ses travaux géo- 
gnostiques , du principe très-juste que , dans l’état actuel 
de la science, les progrès de la géognosie dépendent prin- 
cipalement de l’examen détaillé des différentes régions 
considérées isolément cu autrement, des progrès de la- 


géographie minéralogique, et, qu’en particulier, l’obscu- 


rité qui règne encore à l’égard de la chaîne des Alpes , ne. 


pourra être dissipée que par cette voie. D'après cela, il a 
commencé par examiner le sol qu’il habite lui-même , et 
il publie, dans l’ouvrage dont il s’agit, une Monographie, 
ou bien , suivant sa propre et modeste expression , des. 
matériaux pour servir à une monographie de la forma- 
üon du grès qui se trouve entre les Alpes et le Jura , et 
qui en outre a pénétré , dans quelques endroits , au mi- 
lieu de ces deux chaînes de montagnes. Pour désigner 
cette formation , l’auteur a choisi le nom français de Wo- 
lasse, usité dans une partie de la Suisse, mais qui 
pourrait être remplacé avec avantage par la dénomina- 
on de grès à lignites , établie par les géognostes fran- 
çais. Cette dénomination désigne un caractère distinctif 
de la formation ; savoir, la présence fréquente de dépôts 


de lignites au milieu de ses couches , et ce nom est ap- 


(253 ) 

plicable sans contradiction à toutes les modifications de 
cette formation , tandis qu'on n'entend proprement par 
molasse que le grès à grain fin et facilement friable , et 
qu’on ne peut guère comprendre sous ce nom sans faire 
violence à la langue un poudingue ( Nagelflue ) solide 
et susceptible de poli, comme par exemple celui de la 
montagne du Rigi ou du Speer. Cependant nous devons 
savoir gré à l’auteur de ce qu’il n’a pas augmenté d’un 
nouveau nom la foule de ceux qui existent déjà pour les 
roches d’aggrégation. 

L'exposition des formes extérieures des montagnes, 
des collines et des vallées qu'embrasse cette formation 
de grès est présentée avec beaucoup de détail. L'auteur 
fait voir comment ce grès forme , avec quelque exception 
cependant , le long de la lisière des Alpes, des chaînes 
élevées et régulières ; comment il se montre ensuite , en 
s’abaissant peu à peu du côté du Nord , sur des plateaux 
montagneux étendus et diversement échancrés , et com- 
ment il se perd enfin dans les bas-fonds , au pied du Ju- 
ra. Ce n’est que sur les points où ses couches sont for- 
tement inclinées , comme dans le voisinage des Alpes, 
que ce grès pouvait se former en crêtes montagneuses 
continues , tandis que la situation plus ou moins hori- 
zontale habituelle de ses couches devait exclure toute 
régularité dans les inégalités du sol. Les directions sui- 
vies que l’auteur croit encore trouver dans les inégalités 
du grès horizontal ne sont sans doute que des apparences 
accidentelles ; il en est de même de la distinction des 
vallées en longitudinales et-en transversales, si impor- 
tante ailleurs , mais inapplicable au grès horizontal. 

La description géognostique de cette formation com- 


(254 ) 


mence par la détermination de ses limites , limites dont 
celle du sud pouvait seule être douteuse. Il s'agissait ici 
principalement de savoir si les grands gisémens de Na- 
gelflue, qui alternent avec le grès et qui accompagnent 
les chaînes septentrionales des Alpes dans la plus grande 
partie de la Suisse, et qui atteignent sur le Speer et le 
Rigi la hauteur de 5,500 pieds, font partie d’une for- 
mation plus ancienne , comme le pensent des géognostes 
distingués , ou bien s’il faut les mettre au même rang 
que la Molasse. Les recherches profondes que l’auteur 
a faites l'ont conduit au dernier de ces deux résultats , 
sur lequel nous devons aussi être d'accord , puisqu'on 
ne peut pas trouver une limite entre les deux formations, 
ni indiquer aucune différence essentielle dans leur com- 
position. Au contraire , l’auteur regarde comme une for- 
mation plus ancienne, et étrangère à la Molasse , le grès 
dont se compose la chaine la plus voisine des Alpes , 
étendue de la Bera et des montagnes dites Schweins- 
berg , dans le canton de Fribourg, jusqu’au Gurnigel, 
dans le canton de Berne , et il donne pour cette raison, 
à ce grès , le nom de grès du Gurnigel (Gurnigel-Sands- 
tein ) ; il en fait de mème à l’égard d’un gisement qui 
se trouve au pied des montagnes dites Ralligstoecke, et 
dans lequel le grès , la marne et le calcaire schisteux al- 
ternent entre eux. Parfaitement d'accord avec l’auteur 
sur le principe qu'ici ce ne sont que les rapports de la 
stratification qui doivent décider la question , nous ne 
pouvons trouver aucune raison suffisante dans ce qu'il 
nous fait connaître sur ces rapports, pour distinguer le 
grès du Gurnigel de la Molasse , et la différence entre 
les deux espèces de roches n’est pas plus grande qu'on 


Cp 9) 


ne la trouve, surtout dans la partie occidentale de la 
formation. Il en est autrement du gisement du grès , au 
pied du Aalligstoecke ; si l'immersion de ce gisement 
sous la roche calcaire des Alpes n’a pas été tirée simple- 
ment par induction des rapports de stratification , mais 
si l’auteur l’a réellement observée , comme nous croyons 
devoir l’entendre , il ne reste guère de doute que ce gise- 
ment ne soit subordonné à la roche calcaire des Alpes, 
quelque isolée que puisse être cette observation. 

Après avoir ainsi fixé ce qu’il entend par la Molasse 
de Suisse , l’auteur passe à la description de cette roche, 
en y distinguant comme membres différens de la forma- 
tion , la Molasse proprement dite , le Nagelflue et le grès 
coquillier ; il cherche à combiner ici l'exposition topo- 
graphique avec l'exposition systématique , en suivant 
chacune des trois divisions dans les régions qu’il a exa- 
minées , en énumérant soigneusement les diverses modi- 
fications sous lesquelles elles paraissent , ainsi que les 
roches subordonnées et entremélées avec elles (1), et en 
développant leurs rapports de gisement et de stratifica- 
tion, C’est particulièrement par l'examen soigné du Na- 
selflue en fragmens , de plusieurs localités , que l’auteur 
s’est acquis un grand mérite ; car en cherchant à suivre 
l'origine de ce Nagelflue, il est arrivé au résultat, qu’il 
y en a une partie assez considérable qui est étrangère aux 


—————————_—_—————————_—_—_—— ——————————-——_—._—_—__ 


(i) L'auteur regarde les roches dures qui se rencontrent fréquem- 
ment dans le grès désagrégé comme l’analogue des Septaria de l'argile 
de Londres. Nous croyons plutôt que les géognostes anglais désignent 
par cette expression les roches traversées par du spath calcaire sous 
forme de cellules et appelées autrefois Ludus Helmonti. 


( 256 ) 


Alpes et qui pourrait bien provenir des montagnes pri- 
mitives de la Forêt noire. Si le grès coquillier dont où 
fait usage dans la Suisse allemande sous le nom de Mæ- 
genweiler-Stein, et dans la Suisse française sous celui 
de pierre de la Molière, comme d’une excellente pierre 
de taille , paraît ici au rang des membres de la formation 
de la Molasse (ce qu’il mérite sans doute , puisqu'on le 
rencontre si fréquemment), nous pensons que la chaux 
fétide qui y forme des gisemens intermédiaires encore 
plus puissans n'aurait pas dù être omise dans cetie 
série. 

Des formations plus récentes se rencontrent sur la Mo- 
lasse ; on peut les désigner en adoptant les noms des 
géognostes anglais , par les expressions de formations di- 
luviales et de formations alluviales, sans cependant 
joindre à la première l’idée hypothétique qui lui sert de 
base. Par formations diluviales, M. Studer entend prin- 
cipalement les gisemens de sable , de gravier et de frag- 
méns de roches qui , alternant assez souvent avec du grès 
compacte et du Nagelflue , forment en partie le sol des 
vallons , et en partie la couverture des collines. Ces gi- 
semens, qu'on trouve en Angleterre ei probablement 
partout où la formation de la Molasse se présente sous 
des circonstances analogues à celle de la Suisse, ontrecu 
une importance particulière , parce qu'ils doivent servir 
comme une preuve irréfragable d’une inondation subite 
et générale appartenant encore aux temps historiques. 
Dans les endroits où ils sont à la portée des eaux, ac- 
tuelles , il n’est pas diflicile de démontrer qu’ils pro- 
viennent de couches de grès et de Nagelflue qui ont été 
détruites , et là où ils se montrent à une hauteur que les 


— 


( 257 ) 


eaux n’ont pu atteindre , ils doivent probablement leur 
origine à la destruction, par efflorescence, de ces couches, 
ou bien , ce qui est tout aussi possible, ils ont toujours 
existé sous forme de débris détachés et non cimentés ; 
mais dans tous les cas ils ont été déposés simultanément 
avec les gisemens compactes. L'auteur avoue aussi qu'on 
est souvent en doute pour savoir si on a devant soi du 
terrain diluvial ou de la Molasse , et dans la description 
de cette dernière , où il est plus d’une fois question de 
sable et de fragmens détachés qu’on trouve au milieu des 
couches compactes de grès et de Nagelflue , on peut éga- 
lement trouver une confirmation de cette manière de 
voir. 

L'auteur fait aussi mention des blocs de roches alpi- 
nes , qu’il considère comme faisant partie des formations 
diluviales, et il fournit des matériaux instructifs pour 
l’histoire de ces masses dans les bassins de l’Aar et du 
Rhône, principalement en déterminant les élévations 
auxquelles ces blocs se rencontrent ; il indique, parmi 
les difficultés qu’on trouve à donner une explication de 
leur origine , qu'en général , à l’exception du seul bas- 
sin de la Linth , les blocs de granit sont l’espèce de roche 
qui prédomine , tandis que le gneïss, le schiste micacé 
et le calcaire se rencontrent bien plus fréquemment dans 
les Alpes. Nous devons faire remarquer à cet égard qu’il 
existe encore plusieurs autres exceptions à cette règle, 
puisque, entre autres, un,des vallons qui font partie du 
bassin de la Reuss , le Wynethal, est presque exclusive- 
ment encombré de blocs de calcaire alpin. L'auteur énu- 
mère, comme formations alluviales , les bancs de galet, 


IX. 17 


( 258 ) 


de sable et d'argile, les dépôts de tuf calcaire et de 
tourbe. , 

La description des restes organiques contenus dans la 
formation de la Molasse, complète l’histoire de ce ter- 
rain. L'auteur commence par la remarque très-fondée , 
qu’on ne doit pas toujours conclure l'identité des forma- 
tions de l'identité des corps fossiles. Cependant nous 
ne saurions être d'accord avec l'explication que l’auteur 
donne du contraire. Suivant lui , il serait possible que 
dans une formation déjà achevée, un mélange de corps 
organiques ait encore pu s’opérer plus tard avec le ter- 
rain peu compacte du fond de la mer ou d’un lac, ce 
qui nous parait impossible pour les corps organiques 
qu’on trouve ensevelis dans l’intérieur d’une formation. 
Mais comme les mêmes espèces animales se rencontrent 
quelquefois dans les différens membres d'une même 
formation dont le dépôt a pourtant exigé un temps assez 
long , de même certaines espèces de corps fossiles peu- 
vent s'être maintenues à travers une série de formations , 
et plus d’un fait démontre que c’est là ce qui a réellement 
eu lieu. La seule proposition générale qui paraïsse cer- 
taine , c’est que les restes organiques de l’un et de l’autre 
règne s’éloignent d'autant plus ou d’autant moins des 
êtres vivans actuels , que la formation qui renferme ces 
restes est plus ancienne ou plus récente , et cela nous 
fait jeter un regard profond dans l’histoire de la terre et 
de ses habitans , sans nous permettre de tirer des obser- 
vations , à peine commencées , d’autres conclusions qui 
seraient encore prématurées. Si l’auteur aperçoit aussi 
cette loi dans les corps organiques fossiles de la Molasse 
et s’il fait observer entr'autres , dans son appréciation 


(299 ) 

critique des assertions contradictoires émises à leur 
égard , que les Térébratules qui furent trouvés près de 
Saint-Gall par Razoumovsky, et qui ne se montrent 
ailleurs que dans les formations plus anciennes, n’é- 
taient sans doute que des cardium ; on peut encore 
expliquer cette anomalie d’une autre manière, car nous 
avons aussi trouvé des T'érébratules dans ces localités , 
mais c'était dans des galets de calcaire alpin , entremèlés 
avec la Molasse. 

Les corps fossiles de cette formation sont rangés par 
l’auteur en trois sections , savoir : les restes de végé- 
taux, ceux d'animaux d’eau douce et ceux d'animaux 
marins ; mais dans la première de ces sections il n'est 
question que de matières charbonneuses , d'empreintes 
végétales , de bois fossiles et bitumineux, ainsi que des 
dépôts de lignites , tandis que la description du gisement 
de lignite n’est donnée que dans la seconde section 
avec celle des gisemens du calcaire fétide , parce que les 
lignites et le calcaire contiennent tous les deux, pour 
la majeure partie, des testacés d’eau douce. Il aurait été 
facile d'augmenter encore le catalogue des gisemens de 
lignites, qui, malgré leur peu de puissance, doivent un 
jour acquérir une grande importance pour la Suisse, et 
la dénomination de grès à lignites aurait de nouveau pu 
être justifiée à cette occasion. Nous nous contentons de 
rappeler ici les gisemens qui existent près de Burgdorf, 
à Haglingen où l’on exécute des travaux pour essayer 
une exploitation, à Rued, à Urnach où le gisement 
consiste en bois bitumineux , et nous ferons remarquer 
que la collection de roches formée par Escher offre des 
échantillons de lignites, recueillis dans presque toutes 


(260 


les parties de la Suisse orientale. Le mauvais état dans le- 
quel se présentent ordinairement les testacés fossiles d’eau 
douce, est cause que l’auteur n’a pu parvenir à en déter- 
miner qu'un petit nombre d’espèces. En revanche, la 
section des fossiles marins, que nous regardons comme 
une des plus importantes de l'ouvrage , est beaucoup plus 
riche , sous le même rapport. L'auteur y décrit d’abord 
les restes d'animaux qui se trouvent dans legrès co- 
quillier ; dans leur nombre paraissent aussi , un peu con- 
tradictoirement avec le titre du chapitre, les ossemens 
de pachydermes et d’hyènes ; l’auteur énumère ensuite 
les testacés contenus dans les diflérens gisemens du grès 
ordinaire, dans le voisinage des Alpes, ou, suivant sa 
propre expression , les corps pétrifiés des collines subal- 
pines. Graces à ses recherches infatigables, ces fossiles 
ont été recueillis en quantité considérable, pour la plu- 
part, aux environs de Berne, etils peuvent contribuer es- 
sentiellement à donner des lumières sur la nature et sur 
l’ancienneté de la formation qu'ils accompagnent. En 
énumérant ici les fossiles, non-seulement d’après leurs 
localités, mais en les coordonnant aussi et en les déter- 
minant systématiquement, l’auteur a suivi un chemin que 
nous aurions désiré lui voir suivre dans tout le chapitre 
consacré aux corps fossiles. Ce n’est que par une coordi- 
nation méthodique, par un aperçu sur l’ensemble du 
règne animal qui setrouve enseveli dans une formation, 
que nous pouvons acquérir des lumières sur la progres- 
sion simultanée des deux’ grands règnes de la nature, 
tandis que dans le chapitre dont il s’agit, il faut cher- 
cher par exemple les restes de mammifères, tantôt dans 


( 261 } 

la formation dite d'eau douce et tantôt parmi les produc- 
tions marines. 

Pour reconnaître si les gisemens de fossiles d’une 
mème espèce qu’on trouve à des distances horizontales 
plus ou moins grandes , et à différens degrés de hauteur, 
forment un plan incliné continu et s’ils sont par consé- 
quent la continuation l’un de l’autre, l’auteur a mis en 
usage le calcul analytique , et il est arrivé à un résultat 
auquel on pouvait s'attendre , savoir, que cette identité 
au moins apparente des gisemens existe pour les uns, tan- 
dis qu’elle manque dans les autres. Les couches des mon- 
tagnes ne sont malheureusement pas des plans. géomé- 
triques, en sorte qu'il y a peu d'espoir de voir un jour la 
géognosie , susceptible, comme d’autres branches des 
sciences naturelles, de s'appuyer sur Îles mathématiques 
appliquées. Mais c’est précisément pour éclaircir ce 
point que de pareils essais doivent être entrepris , et 
celui dont il est question donne du moins la preuve des 
connaissances étendues de l’auteur. Ce qui a le plus de 
prix à nos yeux, ce sont les déterminations des diflé- 
rentes hauteurs où il a trouvé des gisemens de corps 
fossiles, ainsi que du degré d’élévation de beaucoup 
d’autres endroits où il a fait des observations. À propre- 
ment parler on ne devrait faire aucune recherche géo- 
gnostique sans avoir le baromètre à ses côtés. Dans cette 
partie de son travail, l'auteur compare encore Jes fos- 
siles des régions subalpines avec ceux du grès coquil- 
lier et avec ceux de quelques formations étrangères , et 
il tire de sa comparaison une conclusion dont la jus- 
tésse ne saurait guère être mise en doute, c’est que Île 
grès coquillier est un membre subordonné de la Mo- 


( 262 ) 


lasse, et que parmi les formations étrangères ce sont les 
collines subapennines , regardées par l’auteur comme 
faisant partie de la formation marine supérieure de la 
France, qui ont le plus de ressemblance avec la Mo- 
lasse. L'auteur voudrait aussi pouvoir assigner leur rang 
aux formations d’eau douce ou aux gisemens de lignites , 
mais il trouve cette détermination difficile , à cause de 
la distance qu’il y a entre ces dépôts et ceux des fossiles 
marins. Nous pouvons cependant lui faire connaître une 
locahté où les uns et les autres se trouvent très-rappro- 
chés et dans des rapports qui ne permettent pas d’ad- 
mettre entre eux aucune différence d’âge , ce qui sera , 
en général, difficile à faire accorder avec la théorie , 
qui fait naître les formations d’eau douce dans des bas- 
sins isolés. Cette localité est une des collines de Mo- 
lasse du canton d’Argovie, appelée le Mayengrün , si- 
tuée entre la vallée de la Reuss (Reussthal) et celle de 
Burntzen ( Burntzenthal), et séparant ces deux vallées 
l’une de l’autre, près de leur confluent. Le côté nord 
de la colline, dans lequel se trouvent les carrières de 
Magenwryl et d'Athmarsingen, se compose non-seu- 
lément sur la hauteur , maïs jusqu’au fond de la vallée, 
de grès coquillier avec ses testacés marins ordinaires , 
avec des glossopètres et des bufonites, parfois aussi 
avec des cornes d’antilopes et des vertèbres de croco- 
diles ; le côté sud est formé par de la Molasse ordinaire 
qui renferme un gisement de lignites avec des Planorbes 
et des Lymnées. Les deux masses de roche qui sont à 
jour , non pas à la vérité à leur point de contact mu- 
tuel, mais seulement à une distance de quelques mil- 


liers de pieds , se trouvent situées à une hauteur égale, 


(363 ) 

leur stratification et leurs gisemens sont horizontaux, 
en sorte qu'il n’y a pas lieu à penser à quelque dépla- 
cement, au moyen duquel on rendrait l'explication fa- 
cile, comme on l’a fait souvent dans d’autres occasions. 
Il est donc fort probable que les deux formations datent 
de la même époque et qu’elles doivent leur origine au 
même milieu ambiant. 

Les naturalistes qui ont mis au rang des formations les 
productions d’eau douce , ont enrichi la géognosie , aussi 
bien que la science des corps organisés fossiles, d’un 
grand nombre de faits importans , et ils ont sans contre- 
dit bien mérité et de l’une et de l’autre de ces deux 
sciences , mais nous doutons que leurs conclusions aient 
un égal degré de justesse. IL est démontré que depuis les 
terrains de transition , toutes les formations qui contien- 
nent des corps organisés pétrifiés offrent des animaux 
d’eau douce isolés , ilest vrai , au milieu d'êtres marins, 
sans qu'on puisse apercevoir pour cela aucune modifica- 
uon dans la nature des couches de ces formations. Il se 
pourrait donc que l'explication de cette coexistence dût 
ètre cherchée ailleurs que dans la direction qu’on a suivie 
jusqu'ici , et elle ne paraît pas offrir à beaucoup près 
autant de difficultés que l'apparition d'animaux et de 
grandes masses de végétaux terrestres (ce que sont au 
moins les Lignites ) à côté et au milieu d’êtres organisés 
marins. 

Il résulte de cette manière de voir que la distinetion de 
plusieurs formations marines successives et séparées par 
de longs intervalles , admise dans les terrains tertiaires, 
ne nous parail pas très - fondée , quelque grandes que 


soient les autorités en sa faveur, tandis que nous aperce- 


( 264 ) 


vous dans la distinction des terrains tertiaires eux-mêmes 
un des progrès les plus importans de Ja géognosie. Ces 
terrains paraissent offrir, comme caractère essentiel, celui 
d’être des roches composées de débris pendant la forma- 
tion desquelles, et par sédiment, les précipités chimiques 
ont plus ou moins continué à s’opérer , en se manifes- 
tant soit dans le moyen de liaison , le ciment de la roche, 
soit dans des gisemens intermédiaires , et dont les dé- 
bris se sont déposés principalement dans les vallées qui 
existaient déjà auparavant dans les terrains plus anciens. 
Ï1 faut donc s'attendre d’après cela que ces roches offrent, 
suivant la rature des débris et suivant les circonstances 
sous lesquelles ceux-ci sont formés , des différences plus 
grandes d’une région à une autre que certaines autres 
formations , et il faut plutôt s'étonner de voir le grès et 
le Nagelflue répandus avec les mêmes caractères de com- 
position et de gisement, depuis Îles limites de la France 
jusqu’en Hongrie , que de rencontrer dans le bassin de 
Paris ou de voir en Angleterre la formation entière bor- 
née simplement à l'argile de Londres et à l'argile plas- 
tique. Mais observation attentive des modifications sous 
lesquelles cette formation se montre dans les différentes 
régions de la terre n’est pas pour cela moins importante, 
car dans toute observation de Ja nature il faut commen- 
cer par séparer ce qui est hétérogène, afin de pouvoir 
réunir ce qui est homogène. Nous croyons en général 
qu’on ne saurait donner trop d'application à l’examen 
des montagnes tertiaires, précisément parce qu’elles sont 
les plus récentes. Si on veut connaître quelque chose de 
la structure de la terre , il ne faut pas « aranearum mo- 


re telas ex se efficere, » comme dit Bacon , mais ik faut 


( 265 ) 
procéder du connu à l'inconnu , des changemens qui ont 
lieu sous nos yeux à ceux qui ont eu lieu immédiate- 
ment auparavant , et dans cette voie il faut tàcher d’a- 
vancer autant que l'observation , seul guide certain , le 
permet : c'est ce que l’auteur paraît aussi s'être proposé 
dans les remarques qui terminent son ouvrage. En sui- 
vant Ja manière de voir ordinaire , il regarde la chute des 
couches de la Molasse comme une suite du changement 
de leur situation horizontale , puisque leur inclinaison 
est, quoiqu'avec quelques exceptions , la plus forte dans 
le voisinage des Alpes, et qu’elle correspond à l’incli- 
naison des couches de ces dernières. L'auteur pense 
qu’elles ont participé au mouvement par le moyen du- 
quel un célèbre naturaliste a fait élever les chaînes des 
Alpes du fond des profondeurs dans lesquelles elles se 
sont formées ; il va même jusqu’à élever la question si 
les collines subapennines qui ne font qu'une seule for- 
mation avec la Molasse de la Suisse n’ont peut-être pas 
formé un jour un tout continu avec cette dernière , mais 
il ne dit pas ce que sont devenues alors les montagnes 
tertiaires qui occupaient la zone intermédiaire sur une 
largeur de trente lieues , ni comment le nouvel Atlas qui 
souleva les géans des Alpes a secoué de leurs épaules ces 
montagnes tertiaires. Si celles-ci ont été simplement per- 
cées par les chaînes des Alpes qui s’élevaient , leurs cou- 
ches ont dù se placer de manière à se tourner vers ces 
chaînes , tandis que c’est précisément le contraire qu'on 
observe. L'auteur cherche tout aussi peu à indiquer les 
directions suivant lesquelles les forces souterraines 6nt 
dù agir sur les couches de Molasse pour produire les di- 


verses déviations de la situation horizontale de ces cou- 


( 266 ) 

ches , telles par exemple que la chute septentrionale qui 
succède , dans le voisinage des Alpes , à la chute méri- 
dionale , ou l’inclinaison des couches à base horizon- 
tale. Si l’auteur s’abandonne encore dans d’autres en- 
droits de son ouvrage à des considérations spéculatives 
analogues aux précédentes , il a en revanche le mérite de 
ne jamais se laisser écarter par elles du chemin de l’ob- 
servation , el, lorsqu'il s’agit d'établir des faits, de se 
tenir dégagé de l'influence d'opinions préconçues. 


( Schweizer Lüteraturbl. , n° 9, 1826.) 


.Sur la nouvelle famille des Gilliésiees ; 
Par M. Joux Linpzey. 


Deux genres nouveaux découverts au Chili, composent 
seuls jusqu’à présent cette famille, que ses caractères 
unissent d’une part aux Asphodélées et de l’autre aux 
Cyperacées et aux Restiacées par l'intermédiaire des 
genres Schænus et Xyris. Le genre Gilliesia fut décou- 
vert dans les environs de Valparaiso par M. James Mac- 
Rae ; sa structure est si singulière qu'on pourra peut- 
être regarder comme plus paradoxale que juste la défini- 
tion et la description que nous donnerons des diverses 
parties de la fructification ; et cependant si on compare 
avec soin ses divers orgaues avec ceux des autres plantes, 
on pourra diflicilement expliquer autrement sa structure. 

Quant aux cinq feuilles pétaloïdes que nous décri- 


» . , EX 
vons comme des bractées et qui ont beaucoup d’analogie 


( 267 ) 


avec un périanthe , on verra que cette ressemblance est 
plus apparente que réelle. Elles ne répondent ni par 
leur insertion ni par leur nombre aux segmens du pé- 
rianthe des Monocotylédones, et n’ont pas les mêmes rap- 
ports de position avec les parties qu’elles enveloppent; 
les trois extérieures ne sont pas insérées sur la même 
ligne , mais sont évidemment imbriquées à la base, et 
les deux internes ne complètent pas la seconde série, 
comme cela devrait avoir lieu dans le périanthe régulier 
d'une plante monocotylédone. 

Si nous admettons pour un instant que ces bractées 
sont lés segmens d’un périanthe , comment expliquerons- 
nous les appendices sétacés qui partent de leur base ou 
du corps central charnu en forme de lèvres , qui donne 
naissance aux étamines. Les premiers n’ont, par leur in- 
sertion, aucun rapport déterminé avec les autres parties 
de la fleur. Ils sont sujets à beaucoup de variations, tant 
pour la forme que pour le nombre. Quelquefois on en 
trouve huit qui consistent en deux corps inégaux, subu- 
lés, naissant de chacun des bords de chaque segment 
latéral, le plus externe des deux étant plus large que 
l’interne, et étant assez souvent un appendice évident du 
bord du segment lui-même. D’autres fois leur nombreest 
réduit à quatre par la suppression des appendices exté- 
rieurs de chaque segment latéral , et dans certains cas 
ces appendices manquent à un des segmens ct ne man- 
quent pas à l’autre. Dans les diverses fleurs que j'ai eu 
occasion d'examiner, ces appendices étaient toujours 
formés uniquement de tissu cellulaire sans trachées ou 
vaisseaux tubuleux. En considérant ces diverses circon- 


slances , On ne sera pas porté, à CE que nous présumons, 


( 268 }) 


à les regarder comme des étamines avortées. Si, rejetant 
notre première hypothèse , nous les regardons comme le 
périanthe lui-même , que deviendront les segmens ex- 
térieurs que nous avions d’abord considérés comme le pé- 
rianthe , car on ne trouve aucune analogie entre le Gil- 
liesia et ces genres de Monocotylédones dans lesquels on 
observe une troisième série de division; mais rien ne 
s'oppose à ce qu’on regarde ces segmens comme des 
bractées réduites ou avortées. Quant au corps central 
d’où naissent les étamines qu’on peut rapporter à ce que 
les botanistes linnéens nomment nectaire, il consiste 
en une masse charnue et labiïiforme, portant quelque- 
fois deux oreillettes à la base, et de l’intérieur duquel 
sort la cupule des étamines. Son insertion, par rapport 
aux parties que nous venons de décrire, est très-obscure ; 
il est toujours opposé à la bractée solitaire externe, mais 
on n’a pas pu encore déterminer quelle est sa position 
par rapport à l’axe de l’inflorescence. Les raisons que 
nous avons dounées en faveur de la mamière dont nous 
considérons les parties qui environnent ce corps , prou- 
vent d’une manière claire , qu’il doit être considéré lui- 
même comme le périanthe. Nous reviendrons plus tard 
sur ce sujet; mais pour le moment il suflira d'observer, 
qu’il existe évidemment une relation intime entre Jui et 
les étamines ; son oblitération ayant lieu dans le même 
sens et au même degré. D'après cette manière de consi- 
dérer les diverses parties qui composent cette fleur, nous 
regardons les segmens pétaloïdes comme des bractées 
parfaites , les appendices subulés intérieurs comme des 
bractées avortées, et le corps central charnu et labiiforme 


comme le périanthe. 


( 269 ) 


Quelqu’extraordinaire que cette description du Gi- 
liesia puisse sembler , elle paraîtra plus probable par sa 
comparaison avec la structure du Miersia. 

Dans le Miersia les bractées sont au nombre de six, 
dont deux sont intérieures et quatre extérieures, une 
raison qui nous semble concluante pour ne pas regarder 
ces parties comme un périanthe. Les appendices subulés 
prennent une forme plus régulière et un mode d’inser- 
tion plus constant ; mais ils n’ont cependant aucun rap- 
port apparent avec les bractées, et le corps central charnu 
et labiiforme est représenté par une coupe urcéolée à 
six dents , dans l’orifice duquel sont renfermées six éta- 
mines fertiles. Dans le Wiersia par conséquent , le pé- 
rianthe, qui dans le Gilliesia était sujet à un certain 
degré d’imperfection auquel les étamines participaient , 
a repris une forme régulière commune dans plusieurs 
monocotylédones et sans aucune irrégularité dans les 
étamines. 

Comme il ne peut y avoir aucun doute sur l’analogie 
étroite qui existe entre le Gilliesia et le Miersia pour 
la fructification, et comme on ne peut conserver pres- 
qu'aucun doute que le corps central de ce dernier genre 
ne soit le périanthe, il en résulte, comme conséquence 
nécessaire , que les appendices surnuméraires de ce genre 
étant externes par rapport à ce périanthe, et ne pouvant 
par conséquent être ni un périanthe, ni des étamines, 
les appendices analogues du Gilliesia ne peuvent pas 
non plus être le périanthe , et le corps central ayant été 
reconnu pour le périanthe, toutes les parties qui l’en- 
tourent sont nécessairement des bractées ou des modifi- 


cations des bractées. Les rapports qui existent entre ces 


(270 ) 

deux genres deviendront plus évidens en comparant leurs 
caractères essentiels que nous exposerons plus bas. 

L'aflinité naturelle de ces plantes est très-obscure , et 
jusqu’à ce que nous possédions des renseignemens plus 
exacts sur la structure de leurs graines , elle est néces- 
sairement sujette à beaucoup d'incertitude, et même 
lorsque ces points importans seront éclaircis, il n’est 
pas probable qu’on leur trouve des rapports très-intimes 
avec les autres familles monocotylédones déjà établies. 

Leurs bulbes tuniqués , leur inflorescence spathacée et 
leur aspect général, les rapproche des Asphodelées, dont 
quelques genres, tels que les Muscari et Puschkinie , 
ont beaucoup d’analogie avec le Miersia, du moins par 
la structure du périanthe. Mais nous ne connaissons au- 
cun genre d'Asphodelées auquel la fructification des 
Gilliésiées puisse être comparée sous les auires rapports. 
On peut regarder comme analogue , sous le point de vue 
de l’inflorescence, les espèces de Schænus uniflores, dans 
lesquelles une seule fleur nue est entourée par plusieurs 
écailles imbriquées; et en poursuivant la comparaison , 
on trouvera une identité d’origine et de fonctions entre 
les bractées avortées du Gilliesia et les soies hypogynes 
des Scirpus , et de plusieurs autres Cypéracées ; mais les 
Gilliésiées se rapprochent peut-être davantage par la 
présence du périanthe, et par leur capsule triloculaire 
polysperme, des Restiacées , dont leur inflorescence im- 
briquée ne saurait les éloigner beaucoup. 


(271) 
GILLIESIA. 


Bracteæ patentes , basi imbricatæ : quinque exterio- 
ribus petaloïdeis , interiotibus indefinitis depauperatis. 
Perianthium irregulare , carnosum , indivisum , anticè 
Jabelliforme carnosum , posticè depauperatum. Stamina 
sex , in cyafho perigyno ovarium cingente connata, tri- 
bus anticis fertilibus , posticis sterilibus dentiformibus. 
Ovarium superum , triloculare. Stylus filiformis. Stig- 
ma Capitatum , triangulare. Capsula oblonga , trilocu« 
laris, trivalvis, polysperma : vaivis medio septiferis. 
Semina parva, subrotunda , testa nigra corrugata, fu- 
niculo concolore vesicato seminum magnitudine. Nu- 
cleus.… 

Herbæ (Chilenses) bulbosæ, foliis linearibus flaccidis 
radicalibus , floribus viridibus inconspicuis vasculosis. 

Oss. Speciem fortè alteram inter icones Domini Miers 
examinavi, prope Concon inventam , omnibus partibus 


majorem. Descriptio fructüs ex icone Miersiano. 
P 


G: GRrAMINFA, 

Gilliesia graminea. Lindl. in Miers trav. Chil. 2. 529. 

Bulbus ovatus, elongatus, tunicatus , nucis avellanæ magnitudine, pal- 
lidè fusco-purpureus. Folia radicalia , humifusa , linearia, canalicu- 
lata , læte viridia. Scapus debilis , teres , decumbens , foliorum 
longitudine. Umbella pauciflora, divaricata. Spatha bivalvis, viridis, 
erecta, persistens. Flores virides , inconspicui , cernui ( post anthesin 
secundüm Dom. Miers erecti). Pedicelli filiformes. Bracteæ diflor- 
mes ; exteriores 5, petaloideæ, ovatæ, acutæ, carnosæ , basi imbri- 
catæ, duabus interioribus oppositis, minoribus ; interiores depaupe- 
ratæ, inæquales, obtusæ , subulatæ , omninà cellulosæ, vasis spi- 
ralibus tubulosisve nullis, purpurascentes , sub lente papillosæ , 
numero variæ, sæpiùs 4 v. 6, rariüs 8, nunc basi bractearum latera- 
lium utrinque solitariè insertæ , nunc geminatim; nunc in alterà 


(272 ) 

bracteà solitariè in alterà geminatim ; posticis rariùs cum cyatho sta- 
mioum connatis; harum exteriores, quando adsunt , semper cæteris 
sunt minores , el ferè semper ex ipso margine bractearum proveniunt. 
Perianthium forma nonnibil varium, posticè obliteratum , anticè car- 
nosum, ovatum, obtusum, posticè auriculatum , cum cyatho sta- 
minum connatum , quandoque venis duabus à basi in auriculas 
transeuntibus ; an igitur revera è partibus tribus conferruminatis 
conflatum , quarum anterior perfectissima, posteriores paululum 
depauperatæ®? Stamina sex , filamentis in cyatho carnoso perigyno 
convatis , quorum anteriora fertilia , posteriora sterilia dentiformia. 
Antheræ introrsæ , ovato - oblongæ, innatæ, loculis parallelis bival- 
vibus in facie connectivi carnosi, longitudinaliter dehiscentibus ; in- 
termedid perfectà biloculari ; lateralibus sæpiùs dimidiatis. Pollen... 
nunquam inveni. Ovarium superum, oblongum , triloculare, poly- 
spermum, ovulis placentæ centrali aflixis, horizontalibus. Stylus 
filiformis. Stigma concavum , capitatum, triangulare , papillosum 
(aune 3-partitum lacinïis bilobis, monstrosum, ut in icone). Cap- 
sula ex icone D. Miers, oblonga, pallidè brunnea, torulosa, trilo- 
cularis , 3-valvis, polysperma: valvis medio septiferis. Semina parva 
nigra corrugata , funiculo nigro vesicato seminis ipsius magnitudine. 


MIERSIA. 


Bracteæ patentes , basi imbricatæ : sex exterioribus 
petaloideis ; interioribus tot bifidis coloratis depaupera- 
tis. Perianthium regulare, monophyllum , urceolatum, 
carnosum , ore constricto sexdentato. Stamina 6, mi- 
nima , fauce perianthii inserta. Ovarium superum , wi- 
loculare. Stylus filiformis. Sigma capitatum. Capsula 
triquetra , truncata , trilocularis , ad verticem tantum 3 
valvis , polysperma. Semina..…. 

Herba (Chilensis) bulbo sphærico tunicato, rucis 
casianeæ magnitudine. Folia linearia, erecta, oblusa, 
glabra. Scapi nudi, spithamæi, foliis longiores. Um- 
bella 4- flora , abbreviata. Spatha diphylla, erecta , 


(l 


(273) 

subventricosa , persistens. Flores virides inconspicui. 
Bracteæ exteriores in duabus phalangibus dispositæ , 
quarum altera superior , altera inferior ; in uträque 
adsunt bractéæ tres ovatæ acuminaiæ , intermedid in- 
teriore. Bracieæ depauperatæ coccineæ , bipartitæ : su- 
perioribus? perfectioribus , sub perianthio insertæ , sec. 
schedas Domini Miers bracteis exterioribus alterne. 
Perianthium Zeviter obliquum, striis sex purpurascenti- 
bus. Species unica est M. Chilensis Lindl. in Miers 
trav., vol. 2, p. 529. Descriptio ex icone et mss. Do- 
mini Miers. 


Rapport VERBAL sur un Ouvrage intitulé : Re- 
cherches sur les Ossemens fossiles du départe- 
ment du Puy-de-Dôme (1); 


(Fait à l’Acad. royale des Sciences, le 23 octobre 1825.) 


Par M. le baron Cuvier,. 


Depuis long-temps l'Auvergne est une terre classique 
pour la géologie ; les cratères nombreux dont elle est 
hérissée , les immenses coulées de laves et de basalte qui 
la couvrent de toute part, les dégradations diverses que 
ces matières ont subies , et qui annoncent dans leurs ori- 


(x) Recherches sur les Ossemens fossiles du département du Puy- 
de-Dôme; par MM. Brayard , l'abbé Croiset et Jobert aîné; in-4°, avec 
figures lithographiées. — À Paris, chez Dufour et d'Ocagne , quai Vol- 
taire, no 13. 
Nota. Cinq livraisons ont paru; l'ouvrage en aura quinze. Le prix 
de chacune est fixé à 5 francs pour les souscripteurs, 


IX. 18 


(274 ) 


gines des époques distinctes et éloignées; le soulève- 
ment que la masse générale sur laquelle reposent les 
produits des feux souterrains paraît avoir éprouvée, sont 
aujourd'hui au nombre des faits les plus instructifs 
qu'’ait acquis la science de la terre, et les observations 
qui les ont constatées se font remarquer parmi les plus 
beaux titres que les Desmarets, les Dolomieu, les de 
Buch , les Ramond , se soient acquis à la reconnaissance 
des naturalistes. 

Mais depuis quelque temps ce n’est plus assez pour 
la géologie de connaître les diversités des substan- 
ces déposées lors de ces grandes révolutions, ni même 
l’ordre de leurs dépositions et de leurs alternatives ; elle 
demande à l'observateur de lui rendre compte de l’état 
de la vie à chaque époque; de lui représenter et de 
lui nommer les animaux ou les plantes qui furent les 
victimes de ces bouleversemens, et même d’entrer dans 
le détail de ceux qui furent atteints par chaque catas- 
trophe. Sous ce rapport encore l'Auvergne paraissait 
déjà depuis long - temps devoir offrir à l'historien du 
globe les matériaux les plus intéressans. M. Brongniart 
y avait observé d'immenses couches remplies de co- 
quilles d’eau douce sous des terrains évidemment volca- 
niques ; on y avait recueilli quelques ossemens de qua- 
drupèdes appartenans à des genres perdus; l'on savait 
que les os fossiles d'oiseaux , si rares ailleurs , s’y dé- 
couvrent en plusieurs endroits, et dans les bancs pier- 
reux les plus solides. Mais ce n’était pas là un genre de 
recherches qui pût être porté bien loin par des natura- 
listes qui ne faisaient que passer dans le pays, ni par 
ceux qui recevaient des fragmens isolés de ces reliques 


(27 ) 

des anciens temps. Des hommes éclairés, assidus , étaz 
blis sur les lieux, pouvaient seuls , par une longue per- 
sévérance, recueillir assez de matériaux pour arriver à 
_ des résultats certains; car un tel travail exige que l'on 
stimule soi-même le zèle et l'attention des ouvriers ; qué 
l’on aille souvent dans les carrières pour ne jaisser 
perdre aucune parcelle; que l’on ait le loisir de rappro- 
cher ces parcelles , de les combiner de toutes les façons 
jusqu’à ce que l’on en ait retrouvé les vrais rapports. 

Il y a quelques années , l’on aurait espéré en vain de 
trouver dans nos provinces la réunion d’instruction et 
d'intérêt pour ces matières, propres à remplir avec succès 
toutes ces conditions ; mais l’ouvrage dont nous avons à 
rendre compte, et un autre qui a commencé à paraître 
sur le même sujet, nous paraissent des preuves d’un heu- 
reux changement dans la manière de penser des habitans 
de nos départemens, et des progrès que le goût des 
sciences fait chaque jour parmi eux. Ils ont été occa- 
sionés par la découverte faite auprès d’Issoire, dans une 
montagne dite de Périer , d’un banc sablonneux rempli 
d’une quantité innombrabled’ossemens de diverses sortes. 
À peine la nouvelle de cet évènement fut-elle répandue 
que deux sociétés différentes s’empressèrent d’en com- 
muniquer les résultats au public par le moyen , main- 
tenant si commode et si prompt, de la lithographie. Un 
de ces recueils , imprimé in-folio par MM, Devèze , de 
Chabriol et Bouillet , est à sa quatrième livraison ; celui 
dont l’Académie nous a demandé un rapport, et qui est 
le fruit des travaux communs de MM. Bravard , élève des 
mines , l'abbé Croiset, et Jobert aîné , receveur du dé- 
partement, tous les trois membres de la Société acadé- 


( 276 ) 


mique de Clermont - Ferrand , est du format in- 4°, et 
cempte déjà cinq livraisons. Comme nous avons eu les 
ossemens sous les yeux , nous pouvons déjà annoncer à 
l’Académie que l’on a retiré de ces carrières des os et des 
dents d'Éléphans, d'Hippopotame, de Rhinocéros , de 
Tapir, de Cheval, d'une petite espèce de Mastodonte, 
d’un Ours, de trois espèces au moins du genre du Tigre, 
d’une Hyène, d’un Chien, d’une Loutre, de deux ou 
trois espèces du genre Viverra, de Bœufs qui appartien- 
nent peut-être à deux espèces , et d’au moins dix espè- 
ces de Gerfs , tous différens entre eux, tous différens de 
ceux qui vivent aujourd'hui dans notre climat. 

Cette infinité d'êtres divers dont les débris sont ense- 
velis presque sur un seul point , est une forte preuve de 
ce qu'avantait, en terminant son ouvrage , l’auteur des 
Recherches sur les Ossemens fossiles , que tout ce qu'il 
avait découvert ne formait probablement encore que de 
faibles échantillons de ce qui reste à découvrir quand la 
surface de la terre aura été un peu mieux explorée. 

Mais ce qui n’est pas moins remarquable , cette énu- 
mération est aussi une preuve de la loi établie par l’au- 
teur que nous venons de citer touchant l’âge des diffé- 
rentes espèces. Toutes celles que nous venons de nommer 
sont du même âge, et il ne s’y mêle aucune des espèces 
plus anciennes , ni Palæotherium , ni Lophiodons , en- 
core moins d'{chtyosaurus , ou d’autres de ces mons- 
trueux reptiles qui paraissent avoir été les premières 
races des animaux à poumons ; mais les auteurs ont re- 
trouvé de ces animaux plus anciens dans d’autres endroits 
et ils en parleront dans la suite de leur ouvrage. 

Les livraisons actuelles ne contiennent encore que des 


(277) 

planches au nombre de vingt-cinq, sans aucun texte, 
‘en sorte que nous ne pouvons dire comment les auteurs 
entendent nommer et caractériser les animaux dont les 
ossemens proviennent. Mais comme nous avons eu occa- 
sion de comparer leurs figures avec les objets originaux, 
nous pouvons en attester la fidélité. Elles représentent 
des fragmens d'Éléphans , de Mastodonte , de Rhinocé- 
ros , d'Hippopotames , de Tapirs , de Chevaux, et sur- 
tout des nombreuses espèces de Cerfs, qui forment la 
partie essentielle et la plus nouvelle de ce curieux dé- 
pôt. Leur exécution a toute l'élégance et la précision que 
la Bthographie comporte , et elles suffisent parfaitement 
pour qu’un anatomiste instruit saisisse les caractères des 
morceaux qu'elles représentent ; d’ailleurs les explica- 
tions des auteurs suppléeront sans doute à ce que les 
figures pourraient encore laisser à désirer. 

Tous les os gravés jusqu’à présent ont été tirés, comme 
nous l’avons dit, de la montagne de Périer ou de Bou- 
lade. Ils s’y trouvent dans des couches arénacées prove- 
nant de la dégradation des montagnes primitives et qui 
contiennent des fragmens de laves et une portion consi- 
dérable de sable ferrugineux. Ces couches reposent sur 
un banc puissant de galets d’un gros volume, la plu- 
part volcaniques , et les autres primitifs , sous lequel on 
trouve un calcaire d’eau douce immédiatement appuyé 
sur les terrains primitifs. 

Sur les couches à ossemens est un tuf volcanique dont 
la masse est une ponce blanchâtre et légère et qui ren- 
ferme des fragmens et des portions considérables et non 
arrondies de laves de différentes natures , dont les analo- 


( 278 ) 


gues ne se retrouvent que dans le Mont-Dore, éloigné de 
cinq ou six lieues. Ce tuf est interrompu par un lit de 
galets arrondis et d’un assez gros volume. On verra en 
détail dans l'ouvrage comment ce terrain particulier se 
lie aux terrains généraux qui forment la masse du dépar- 
tement et même de l'Auvergne. 

Les auteurs pensent et espèrent pouvoir établir par 
des preuves solides que le cataclysme dont ces dépôts sont 
les résultats, a eu lieu après les éruptions des volcans 
de cette province que l’on désigne par le nom d’anciens, 
et que ceux qu’on appelle modernes , ceux dont les cra- 
ières se distinguent encore lui sont postérieurs. 

Nousne pouvons qu’exprimer un vif désir de voir se ter- 
miner promptement el avec succès une entreprise qui in- 
téresse l’histoire naturelle d’une de nos provinces et celle 
du globe tout entier. Puisse le zèle dont les naturalistes 
du Puy-de-Dôme ont donné l'exemple , animer bientôt 
ceux de tant de départemens non moîïns riches en produc- 
tions rares et importantes , qui demeurent encore igno- 
rées , lorsque l’on va avec tant de peines et de dépenses 
en chercher dans les climats lointains, qui ne sont ni 
plus curieuses ni plus fécondes en conséquences graves. 


ne. 


( 279 ) 


Essai sur la Domesticité des Mammifères, précédé 
de Considérations sur les divers états des Ani- 
maux , dans lesquels il nous est possible d’étu- 
dier leurs actions ; 


Par M. Frépéric Cuvier. 


On s’est laissé aller à des préventions si étranges sur 
l’état des animaux retenus en captivité , et on a porté un 
jugement si singulier des travaux auxquels leurs actions 
ont donné lieu , que je dois craindre qu’on ne se fasse 
pas des idées plus justes de cet Essai sur la Domesticité 
des Mammifères. Aussi je crois devoir commencer par 
des considérations propres à rectifier ces idées et à don- 
ner de plus justes notions que celles qu’on parait avoir 
sur les animaux et sur les divers états dans lesquels il 
nous est possible de les étudier. J’y suis d'autant plus 
porté, qu'à cet égard les animaux domestiques n’ont 
guère été Jugés plus sainement que les animaux captifs , 
et qu'avec les erreurs où l’on est tombé , il serait impos- 
sible qu’on accueillit sans prévéntions un travail sur les 
actions des animaux , considérées sous un point de vue 
général et philosophique. 

On s’est persuadé qu’on ne peut étudier avec fruit les 
animaux que lorsqu'ils jouissent d’une entière indépen- 
dance. A la vérité, on accorde que ceux qui sont domes- 
tiques peuvent nous procurer quelques connaissances 
utiles ; que leur étude est propre à nous diriger dans les 
moyens de les subjuguer, de les conduire et de les per- 
fectionner, relativement à nos besoins ; qu’elle nous ap- 


prend les services que nous en avons reçus et ceux qu'ils 


’ 


( 280 ) 


sont capables de nous rendre encore ; que par son se- 
cours , nous parvenons même à découvrir les vues de la 
Providence lorsqu'elle les placa sur la terre. Mais, 
ajoute-t-on , que pourraient nous enseigner des animaux 
réduits en esclavage ? Sous le poids de la contrainte où 
nous sommes forcés de les tenir, nous n’obtenons d’eux 
que des actions artificielles, peu propres conséquem- 
ment à nous dévoiler leur nature. Il en serait tout au- 
trement s’ils étaient en liberté. Alors leur naturel se 
manifesterait, et d'autant mieux qu'ils éprouveraient 
moins de contrainte de la part des circonstances au mi- 
lieu desquelles ils vivraient : car, comme l'esclavage le 
plus complet est la situation la moins favorable à l’exer- 
cice des facultés, l'indépendance la plus entière , l’état 
de nature en un mot, est le plus propre à leur emploi 
et à leur développement. « L'animal sauvage , dit Buffon 
» (tom. 1v, p. 169), n’ohéissant qu'à la nature, ne 
» connaît d’autres lois que celles du besoin et de la li- 
» berté. » 

C’est en effet ce qu’on pense sur les secours qu’on peut 
tirer des animaux , pour leur étude , dans les trois états 
où ils se présentent à nos observations, à en juger du 
moins par le peu qui a été publié sur ce sujet. Les ani- 
maux domestiques et les animaux captifs ne nous font 
connaître qu’un état contre nature , dont les conséquen- 
ces, pour les premiers , ne se rapportent qu'à l'homme, 
et, pour les seconds, qu'aux moyens qu'on a mis en 
œuvre pour les faire agir et les observer. Les animaux 
libres seuls se montrent à nous tels qu’ils sont, tels 
qu’ils ont été faits , avec le complément de leurs facul- 
tés ; eux seuls enfin nous mettent à mème de remonter 


( 281 ) 
sans erreur à la véritable origine de toutes leurs déter- 
minations. 

La source de ces idées est facile à reconnaître ; elle 
est la même que celle de la plupart des erreurs qui se 
sont répandues sur la nature des animaux : on a appli- 
qué à ces êtres les idées que l’étude de l'homme avait fait 
naître. Mais si l'esclavage , si une soumission absolue à 
la volonté d’autrui est la situation la plus contraire au 
développement moral et intellectuel de l'espèce humaine, 
dont un des caractères essentiels consiste dans la liberté, 
quelle raison y aurait-il pour que des animaux qui sont 
privés de toute liberté proprement dite, éprouvassent 
de l'esclavage les mêmes effets que nous? Il y a plus, 
les erreurs où l’on est tombé sur cet état de nature ima- 
ginaire , le seul où l’homme put, disait-on , se montrer 
dans toute sa grandeur et toute sa beauté , ont dù rejaillir 
sur les idées qu’on s’est faites des animaux , dont l’état 
le plus sauvage a toujours été considéré comme l’état 
de nature par excellence, et nous persuader encore plus 
que nous chercherions vainement à les connaître hors 
de leur état d’entière indépendance. 

On se serait épargné la plupart de ces erreurs si l’on 
eût réfléchi qu’en établissant en principe que ces ani- 
maux ne nous dévoilent leur nature que dans une indé- 
pendance absolue , et en reconnaissant cependant qu'ils 
peuvent agir en domesticité , et même en esclavage , c’é- 
tait dire en d’autres termes qu’ils ont la faculté de ne 
pas agir suivant leur nature , qu’ils sont susceptibles d’o- 
béir à des penchans qui ne leur ont point été départis , 
qu’ils peuvent manifester d’autres dispositions que celles 


qu’ils ont reçues ; en un mot, qu'ils peuvent être autre 


( 282 ) 


chose que ce qu'ils doivent être en vertu des lois de lu- 
nivers , et que l’homme aurait le pouvoir de changer 
leur essence et de détruire les lois de la création. 

1] suffisait donc d'examiner cette idée et d’en presser 
les conséquences pour en montrer au moins la faiblesse : 
quelques développemens achèveront de renverser tout ce 
qui pourrait encore la soutenir. 

Si la liberté était nécessaire aux animaux pour qu’ils 
se manifestassent à nous tels qu’ils sont sortis primiti- 
vement des mains de la nature , aucun d’eux ne le ferait, 
pas plus les animaux sauvages que les animaux domes- 
tiques et les animaux captifs : les uns, pas plus que les 
autres , ne jouissent de cet état imaginaire d’indépen- 
dance absolue qu’on appelle état de nature. Tous se 
trouvent sous l’inévitable poids des circonstances au mi- 
lieu desquelles ils sont placés. Ces conditions peuvent 
changer, la nature des animaux ne change point; si les 
unes agissent différemment des autres , elles produisent 
des effets différens ; mais ces effets sont toujours relatifs 
aux facultés de l’être qui les manifeste. Un animal sau- 
vage , au milieu des forêts des pays déserts , ne ressem- 
blera point à ce qu’il serait au milieu d’un pays très- 
peuplé; il se montrera différemment encore s'il est 
réduit en captivité, et il ne sera plus reconnaissable si 
l'on parvient à en faire un animal domestique : mais 
quelques différences que ces divers états puissent offrir , 
cet animal sera toujours lui-même; ce n’est qu’en lui 
que se seront rencontrés les moyens propres à le mettre 
en harmonie avec cette diversité de situations, et les 
faits qu’il nous présentera dans les unes pourront, s'ils 
sont nombreux et variés, nous donner les moyens de dé- 


( 283 ) 


duire ses facultés tout aussi exactement que nous le fe- 
rions des faits présentés par les autres. Tout consiste à 
savoir observer et à faire la part des conditions dans les- 
quelles les faits se manifestent. 

Mais voyons ce que nous A: les animaux 
dans le plus grand état d'indépendance que nous puis- 
sions supposer, c’est-à-dire dans cette situation qu’on 
regarde comme l’état de nature le plus parfait ; et pour 
que l’indépendance soit plus complète, prenons un des 
animaux dont les besoins peuvent être le plus aisément 
satisfaits, un ruminant , et placons-le au milieu de ces 
riches savannes de l'Amérique méridionale , d'où nous 
écarterons même les animaux qui pourraient le moins 
du monde troubler sa tranquillité. Tant que ses besoins 
seront assoupis, il restera en repos dans le gite qu'il 
s’est choisi, plongé dans un sommeil d'autant plus pro- 
fond , que sa sécurité sera plus grande ; si la faim lé- 
veille , il trouvera à quelques pas de lui de quoi se re- 
paître ; si c’est la soif , le ruisseau voisin le désaltérera, 
et rien ne changera dans cette existence jusqu’au moment 
où les tourmens de l’amour viendront le troubler, Alors 
poussé par une fureur aveugle , il cherche une femelle, 
l'appelle à grands cris, suit ses traces , l’atteint , la tue 
si elle lui résiste et ne peut le fuir, satisfait ses besoins 
si elle les partage, et s’il reste vainqueur des rivaux qu’il 
a dû rencontrer et combattre. Bientôt ses forces sont af- 
faäblies , son ardeur s’apaise , et il retourne dans sa re- 
traite chercher un repos qui lui est devenu nécessaire , 
et que la passion de l’amour, la seule que sa situation le 
mette dans le cas d’éprouver , viendra périodiquement 
troubler une fois chaque année. 


f ( 284 ) 


Si, à la place d'un herbivore , nous prenons un car- 
massier, qu'aurons-nous à ajouter au tableau uniforme 
que nous venons de tracer ? Au lieu de paître , ce nouvel 
animal guettera sa proie ou la poursuivra; ce qui l’o- 
bligera à des soins et à des efforts dont il aurait été dis- 
pensé s’il se füt PE substances végétales. Plus de 
repos alors lui sera peut-être nécessaire ; mais les qua- 
lités nutritives de la chair en lui rendant le besoin de la 
faim plus rare le lui permettront. Ainsi toute la diffé- 
rence que cet animal nous présente , comparé au pre- 
mier , C'est que la recherche de sa nourriture pourra 
exiger de lui plus ou moins de ruse, de prudence ou de 
force, soit qu'il n'ait qu’à veiller à sa conservation in- 
dividuelle , soit qu'il ait à veiller de plus à celle de ses 
petits. 

Que conclure de la vie de tels animaux ? Rien de plus 
que de la vie d'animaux qu’on retiendrait dans la plus 
étroite captivité. Mais arrachons les uns et les autres à 
l'état d'inactivité presque complet où nous les suppo- 
sons ; placons-les, comme ils le sont naturellement sur 
la terre, dans des conditions plus compliquées ; varions 
leur situation , comme elle varie au milieu des circon- 
stances fortuites qui se succèdent sans cesse ici-bas ; mul- 
tiplions leurs besoins, augmentons même les dangers 
auxquels ils sont exposés ; que de nouveaux rapports fas- 
sent en quelque sorte rejaillir d'eux-mêmes de nouveaux 
penchans , de nouvelles ressources , alors nous verrons 
un tout autre tableau se dérouler devant nous. Ce serait 
toutefois commettre uue nouvelle erreur que de sup- 
poser que l’état où se trouvent naturellemeni les ani- 


maux sur la terre, quelque compliqué qu'il soit, est le 


( 285 ) 

plus propre à avancer leurs développemens et à les faire 
bien connaître. Ce ne sont jamais les conditions com- 
munes, celles qui se présentent les premières dans toutes 
les circonstances où l’industrie de l’homme n'intervient 
pas, qui sont les plus propres à faire agir les animaux 
d’une manière favorable au déploiement de leurs fa- 
cultés. L'équilibre qui tend sans cesse à s'établir entre 
toutes les forces qui agissent ici-bas simultanément, 
donne aux plus puissantes sur les plus faibles une pré- 
pondérance qui ne laisse jamais à celles-ci la liberté d’a- 
gir; et ce n’est qu'en maîtrisant ces forces dominantes, 
qu’en les atténuant, qu'on est parvenu à découvrir les 
autres, à rendre sensibles et à varier leurs effets. 

Dans leur indépendance naturelle, c’est-à-dire , telle 
qu’elle peut être dans toutes les circonstances où ils se 
trouvent naturellement , les animaux sont sous le joug de 
ces forces prépondérantes ; eils peuvent bien alors nous 
apprendre quelle est la place qu'ils occupent parmi les 
autres ètres soumis aux mêmes forces, quels sont les 
rapports qu'ils ont avec eux, quelle est l’influence qu'ils 
exercent dans l’économie générale ; mais dans cet état ils 
ne peuvent ordinairement nous donner que des notions 
très-restreintes et toujours douteuses sur leurs facultés 
générales ; car , dans ce cas , il ne dépend pas de nous de 
les soumettre à des expériences pour confirmer nos con- 
jectures. Demandons en effet quelles sont les connais- 
sances qu'on avait obtenues de la seule observation des 
animaux en liberté? La réponse sera facile et imposante : 
c’est au plus grand des naturalistes que nous la devons, 
à Buffon qui nous dit ce que chacun a répété après lui, 


« qu'à la fierté, au courage, à Ja force, le lion joint la 


( 286 ) 


» noblesse , la clémence , la magnanimité..... que sou 
» vent il oublie qu’il est roi , c’est-à-dire le plus fort 
» de tous les animaux... que marchant d’un pas tran- 
» quille, il n’attaque jamais l’homme , à moins qu'il ne 
» soit provoqué... qu'il ne précipite ses pas, ne court, 
» ne chasse que quand la faim le presse. Tandis que le 
» tigre est bassement féroce , cruel sans justice , c’est- 
» à-dire, sans nécessité... qu il semble toujours altéré 
» de sang quoique rassassié de chair, que sa fureur n’a 
» d’autres intervalles que ceux du temps qu’il faut pour 
» dresser des embüches, qu'il saisit et déchire une nou- 
» velle proie avec la mème rage qu'il vient d'exercer et 
» non pas d’assouvir en dévorant la première , etc. etc. » 

Or ces différences entre le lion et le tigre ne peuvent 
ètre que relatives aux circonstances où avaient vécu les 
individus qui les ont présentées , car ces animaux ont à- 
peu-près le mème naturel. Placés dans les mêmes con- 
ditions , ils nous ont constamment présenté les mêmes 
phénomènes ; ils nous ont montré qu'ils s’apprivoisent 
aussi facilement l’un que l’autre, qu’ils s’attachent de 
mème à ceux qui les soignent, éprouvent les mêmes 
sentimens pour les bienfaits qu’ils reçoivent, et que leur 
haine ou leur colère sont provoquées par les mêmes 
causes ; que leurs jeux se ressemblent ainsi que les té- 
moignages de leurs craintes ou de leurs désirs ; qu'ils 
saisissent avec la même avidité leur proie et qu'ils la dé- 
fendent avec la même fureur ; en un mot, que leurs dis- 
positions naturelles sont absolument les mêmes. Que 
n’a-t-on point dit de l’hyène? Son nom seul est de- 
venu l'emblème de la eruauté la plus sanguinaire: et, 


à limitation de Buflon, les naturalistes les plus sages 


( 287 ) 


ont adopté le préjugé qui place cet animal au premier 
rang de la férocité. La vérité est que l’hyène, traitée 
avec douceur , vient au pied de son maître, comme le 
chien, lui demander des caresses et du pain. L’expé- 
rience nous l’a plusieurs fois fait voir. Je pourrais mul- 
tiplier à l'infini les exemples de ce genre, et prouver 
par là, d’une part, que, dans l'indépendance, les ani- 
maux se trouvent dans des conditions tellement cachées, 
que nous ne pouvons que très-rarement apprécier l’in- 
fluence qu’elles exercent sur eux ; et de l’autre, que la 
captivité, en nous donnant les moyens de soustraire les 
animaux aux forces qui, dans l’état contraire , les do- 
minent ou les contraignent , pour les soumettre à d’au- 
tres forces, nous permet d'en faire une étude plus 
exacte et plus complète : et à cet égard nous voyons que 
toutes les productions de la nature sont soumises aux 
mêmes règles. Que connaitrait-on en physique si l’on 
s’en était tenu aux phénomènes qui se présentent d’eux- 
mêmes dans l’état actuel du monde , si l’on n’eût agi sur 
eux avec des appareils, des instrumens propres à les mo- 
difier ? Et vint-il jamais à l'esprit de personne que les 
résultats que le chimiste obtient par artifice ne sont pas 
naturels, et ne peuvent pas lui révéler les lois qui font 
l’objet de ses recherches ? Mais pour montrer l'avantage 
que l’étude des animaux peut retirer de leur esclavage, 
des exemples plus importans que ceux que nous venons 
de rappeler sont nécessaires, 

C’est sans contredit parce qu'on avait constamment 
suivi la seule voie de l’observation des animaux sau- 
vages en liberté, parce qu’on s’était borné à décrire les 
actions qui se présentaient alors accidentellement, que 


( 288 ) 

cette branche importante de l’histoire naturelle restait 
condamnée à ne s'enrichir que de faits isolés, qui sou- 
vent semblaient être sans concordance l’un avec l’autre , 
parce qu'aucun lien ne les unissait, et qu'aucun prin- 
cipe ne dirigeait l'observateur ; car aucun principe ne 
pouvait naître de ces hypothèses auxquelles avait donné 
lieu le désir d'expliquer la cause des actions des brutes, 
pour la coordonner à l’idée qu’on s’était faite de la cause 
des actions de l’homme. Ces hypothèses , n’ayant point 
leur fondement dans la nature, ne pouvaient qu'égarer 
ceux qui s’appuyaient sur elles ; mieux valait encore le 
pur empyrisme. Malheureusement le cercle étroit dans 
lequel l’empyrisme était renfermé devenait un obstacle 
presque invincible à ce que da science en naquit. Au 
contraire , depuis que les animaux captifs ont été soumis 
à une observation raisonnée, la branche de l’histoire 
naturelle , qui considère les actions des animaux et leurs 
causes , a pu s'élever au rang d’une science, par les vé- 
rités générales dont elle’s’est enrichie. 

Pendant long-temps on avait admis en principe que 
la perfection moraie de l’homme dépendait de la perfec- 
tion de ses organes ; et si cette erreur avait enfin cédé à 
l’évidence, elle s’était reportée toute entière sur les ani- 
maux. Ceux qui avaient les sens les plus fins , les mem- 
bres les plus souples et les plus favorables aux mouve- 
mens devaient être les plus intelligens ; et les singes , les 
carnassiers , semblaient confirmer cette règle. Mais la 
possession de plusieurs phoques , c’est-à-dire de Mammi- 
fères dont les membres sont changés en nageoires , qui 
sont privés d'oreilles externes , dont les yeux, formés 


pour un liquide , ne peuvent voir qu'imparfaitement 


( 289 ) 


dans l'air, dont les narines ne s'ouvrent que quand l'a- 
nimal inspire, et dont le corps, revètu d’une épaisse 
couche de graisse , n’a pour ainsi dire de toucher qu'aux 
points où sont fixées les moustaches , vint démontrer , au 
moyen d'actions provoquées artificiellement , que chez 
les animaux, pas plus que chez l’homme, l’étendue de 
l'intelligence n’est proportionnelle à la perfection des or- 
ganes (1). Et cette vérité nous fait concevoir quela connais- 
sance la plus exacte des parties organiques des animaux ne 
peut rien nous apprendre de satisfaisant sur leur nature et 
leurs rapports avec les autres êtres, si nous ignorons la 
cause qui les anime, qui les conduit , la puissance qui agit 
sur leurs organes, et qui dirige et détermine leurs mou- 
vemens. 

Toutes les analogies , fondées sur l'observation des 
animaux en liberté , faisaient généralement regarder 
comme un fait certain que l'intelligence de chaque ani- 
mal, dans son développement, suivait la progression 
que nous observons dans le développement de l’intelli- 
gence humaine : ainsi l'animal, comme l’homme, nais- 
sait avec des facultés inteïlectuelles dont on ne pouvait 
d’abord apercevoir que le simple germe; dans sa jeu- 
nesse ces facultés mentraient plus de vivacité que de 
force , et elles n’arrivaient à leur perfection que lors- 
qu'elles avaient été müries par l’âge. L'étude seule des 
animaux captifs a pu détruire ce préjugé; car il fallait 


les comparer à eux-mêmes aux différentes époques de 


(1) Observations zoologiques sur les Facultés physiques et intellec- 
tuelles du Phoque commun; Ann. du Mus. d'Hist. nat., tom. 17, 
p''337: 


IX. 19 


( 390 ) 
leur vie, et par conséquent suivre leur développement 
pour reconnaître que les jeunes sont sans comparaison 
plus intelligens que ceux qui ont atteint l’âge de la 
force. Et tous les animaux n'étaient pas propres à ce 
genre de recherches : nous ne pouvions compter sur les 
espèces modifiées par la domesticité ; ceux dont l’intelli- 
. gence est bornée ne donnaient aucun résultat sensible ; 
et les carnassiers, sans cesse obligés d'exercer toutes leurs 
facultés , se trouvaient dans le même cas. Il fallait s’atta- 
cher aux espèces qui, sous le rapport de l'intelligence , 
ont été Le plus favorisées , et dont cependant l’existence 
ne dépend pas absolument de emploi qu'ils en font ; en 
un mot, aux singes qui vivent de fruits, nourriture 
toujours abondante dans les climats qu’ils habitent, dont 
les analogies organiques avec l’homme sontnombreuses, 
etqui ne peuvent jamais être pour nous que des animaux 
captifs. Mais cette observation ne s’est pas bornée à éta- 
blir un fait important et nouveau ; elle a de plus porté la 
lumière dans une question d’un haut intérèt, En obser- 
vant que dans leur première jeunesse les facultés intel- 
lectuelles dont les animaux ont été pourvus ont acquis 
toute l’étendue et toute l’activité qu’elles peuvent avoir , 
et que l’affaiblissement commence dès que l’âge de la 
force arrive , nous avons acquis une démonstration nou- 
velle de la différence fondamentale qui les distingue de 
l'homme. Jusque-là nous n'avions pu , comme plusieurs 
observateurs , trouver cette différence que par l’analyse 
de leurs actions fortuites, dans lesquelles la faculté ré- 
flexive ne se manifeste jamais ; aujourd’hui elle sort du 
phénomène même que nous venons de signaler. En effet, 


ce phénomène aurait élé impossible à observer si les ani- 


( 291 ) 


maux qui nous l’ont présenté avaient pu nourrir et ac- 
croître, dans l’âge où elles s’affaiblissent naturellement, 
les facultés qu'ils ont reçues et qui nous sont communes 
avec eux , par celle qui nous appartient exclusivement , 
et nous permet de prolonger en quelque sorte indéfini- 
ment l’exercice des premières ; si, en un mot, pour leur 
conservation , la nature , au lieu de la force, leur eût 
accordé la réflexion. 

Ce ne sont pas seulement des vérités qui peuvent se 
déduire des actions contingentes et fortuites que nous 
obtenons des animaux retenus en captivité; ces animaux 
nous éclairent encore sur celles qui résultent dé leurs 
actions nécessaires , des actions qui semblent être le plus 
imvariablement déterminées par leur nature intime , par 
la destination qu’ils ont reçue sur le point de la terre où 
ils ont été jetés; de celle, en un mot, que produit leur 
instinct; et l'instinct n'existe guère sans altération qué 
chez les animaux de race sauvage. 

Tant que les castors n’avaient été observés que dans 
leur liberté native, on avait vu que ceux qui vivent 
réunis en troupes, dans les contrées sauvages, se con- 
struisent des habitations ; et que les individus solitaires , 
tels qu’on en rencontre quelquefois , surtout dans les pays 
très-peuplés, faisaient leur retraite dans les excavations 
naturelles des rivages, sur les bords des lacs et des ri- 
vières ; et on avait conclu de ces faits « que ces animaux 
» ne travaillent et ne bâtissent point par une force où 
» par une nécessité physique comme les fourmis, les 
» abeilles ; qu'ils le font par choix, et que leur indus- 
» trie cesse dès que la présence des hommes est. venue 


» répandre la terreur parmi eux, » C’est Buflon qui 


( 292.) 

nous le dit (t. vi, p. 61 et 62), et c’est lui que je cite 
de préférence; car , de tous les auteurs qui ont écrit sur 
la nature des animaux, c’est incontestablement celui 
qui s’en était fait les idées les plus élevées et les plus 
justes. Cependant si ce grand naturaliste eût été disposé 
à observer quelques - uns de ces castors solitaires ; s’il 
eût eu l’idée de les placer dans des circonstances conve- 
nables et de leur donner les matériaux qu’ils emploient 
ordinairement dans leurs constructions , de la terre, du 
bois, des pierres , il aurait vu que leur solitude et la 
présence de l’homme n’ont point fait cesser leur indus- 
irie, qu'ils songent encore à bâtir; et, au lieu de voir 
dans les huttes et les digues des casiors réunis en troupe, 
« le résultat de projets communs fondés sur des conve- 
» nances raisonnables , de talens naturels perfectionnés 
»_par le repos, » il n'aurait vu que les fruits d’une indus- 
trie toute mécanique , que les résultats d’un besoin pure- 
ment instinctif. En effet , plusieurs castors solitaires des 
bords de l’Iser, du Rhône, du Danube, nous ont montré, 
dans les nombreuses expériences auxquelles nous les 
avons soumis, qu'ils sont constamment portés à cons- 
truire , sans cependant qu’il puisse en résulter pour eux 
aucun autre avantage que celui de satisfaire un besoin 
aveugle auquel ils sont en quelque sorte forcés d’obéir. 

Une des erreurs que l’observation exclusive des ani- 
maux sauvages avait fait naître et avait entretenue, et 
dont l'influence s’est exercée si manifestement sur tous 
les systèmes qui ont eu pour objet l’état naturel de 
l’homme , et l'effet des alimens sur son développement 
moral, consistait dans la croyance que les herbivores 
ont un caractère plus doux , plus traitable , plus affec- 


( 293). 

tueux que les carnassiers. La gazelle était devenue l’em- 
blème de la douceur comme de la beauté , et il'en était 
à-peu-près de même de la biche et de plusieurs autres 
animaux aux grands yeux et à la démarche timide et lé- 
gère , tandis que le tigre , la panthère , l’hyène , le loup, 
n'avaient qu’une férocité brutale, ne montraient que 
des sentimens haineux et cruels. L'observation plus in- 
time , plus circonstanciée , plus propre à nous faire voir 
ces animaux tels qu’ils sont en réalité, nous oblige de 
renverser complètemsent l’application de ces idées , et de. 
transporter aux uns ce que nous appliquions aux autres. 
Ea effet , tous les ruminans adultes , les mâles surtout , 
sont des animaux brutes , grossiers , qu'aucun bon trai- 
tement n’adoucit, qu'aucun bienfait ne captive : s'ils 
reconnaissent celui qui les nourrit, ils ne lui sont point 
attachés , eten leur donnant ses soins il doit continuel- 
lement être en défiance ; car dès qu’il cesse de les inti- 
mider, ils sont prêts à le frapper ; il semble qu’un sen- 
timent secret les porte à fuir ou à traiter en ennemi 
toute espèce d'animal étrangère à la leur, Nous avons vu 
qu'il en est tout autrement, mème pour les animaux 
qui se nourrissent le plus exclusivement de chair. C’est 
que les uns ont une intelligence grossière et bornée, 
tandis que les autres ne sont pas moins remarquables 
par l’étendue que par la finesse et l’activité de la leur. 
Tant il est vrai que , même chez les animaux , le déve- 
Joppement de cette faculté est plus favorable que nuisi- 
ble aux bons sentimens. 

Je crois avoir fait connaitre que si les animaux en li- 
berté sont propres à nous instruire du rôle qu’ils jouent 
sur Ja terre , ils le sont peu à nous dévoiler les causes. 


( 294 ) 


générales de leurs actions , les facultés de leur intelli- 
gence, et que ce n'est qu'à l’aide des animaux captifs 
que nous pénétrons jusqu’à celle-ci. En conclura-t-on 
qu’il faut renoncer à la connaissance des animaux tels 
qu'ils sont dans la nature, qu'il faut cesser toute re- 
cherche sur l’économie de ce monde, à laquelle ils pren- 
nent une part si étendue , et que cette importante bran- 
che de l’histoire naturelle doit être tout-à-fait abandon- 
née ; car il est trop évident que la difliculté d'étudier les 
animaux en liberté est si grande , qu’elle équivaut pres- 
que à une impossibilité absolue. Dès qu’ils peuvent 
obéir à leurs sentimens , ils se défient de tout ce qu'ils 
ne connaissent pas , et fuient ou attaquent tout ce qui 
les importune. D'ailleurs comment atteindre, pour les 
observer, ceux qui habitent ces contrées sauvages ou re- 
culées que nous connaissons à peine ? Il y a plus, la 
seule poursuite d’un animal change entièrement ses eon- 
ditions naturelles , et on ne peut plus l’envisager alors 
que comme un animal contraint par la violence et placé 
dans des conditions tout aussi forcées que celles où se 
trouvent les animaux captifs. 

Ces difficultés seraient invincibles sans doute : des pro- 
blèmes dont la solution est aussi éloignée sont plus pro- 
pres à ralentir les efforts qu’à soutenir le zèle ; heureu- 
sement il n’est point nécessaire de les surmonter pour 
atteindre le but au - devant duquel elles semblent pla- 
cées , et la connaissance de ce monde , en ce qui concerne 
les animaux , n’est point fondée sur des vues purement 
rationnelles ou sur des espérances chimériques. S'il n’est 
pas possible d’y parvenir directement , sans des obstacles 


presque insurmontables , on peut du moins y être con- 


( 295 ) 
duit d’une manière indirecte , et la voie que nous ouvrons 
est certainement pour cela la plus courte et la plus cer- 
taine. 

En effet , si l'existence , si la manière d’être d’un ani- 
mal , sur un point quelconque de la terre , est la consé- 
quence des facultés et des penchans dont il est doué, et 
des circonstances fixes ou passagères qui sont propres à 
ce point du globe , c’est-à-dire la conséquence des forces 
à l’aide desquelles cet animal lutte et se soutient contre 
celles qui lui sont opposées , dès que nous connaïtrons 
les facultés générales de son espèce , et ses dispositions, 
nous pourrons déterminer, mème d'avance, ses actions 
individuelles dans toutes les situations où il se trouvera; 
et dès - lors ik ne s'agira plus, pour déterminer la ma- 
nière d’être de telle ou telle espèce dans une contrée quel- 
conque , d'en découvrir les individus , de les suivre dans 
tous les détails de leur existence , de les chasser pour 
les atteindre , il suflira d'apprécier exactement les condi- 
tions au milieu desquelles ils viveut, ce qui est beau- 
coup plus facile et beaucoup moins sujet à erreur. C’est 
de la sorte que toutes les sciences procèdent , et la zoo- 
logie proprement dite ne se fondera véritablement que 
lorsqu'elle procédera comme elles. 

Ainsi , de quelque côté que nous envisagions la ques- 
ton , nous arrivons constamment à celte vérité , que l’ob- 
servation raisonnée des animaux en esclavage est une des 
voies les plus sûres qui nous aient été données pour par- 
venir à les étudier et à les connaître comme ils doivent 


V’ètre par le naturaliste. 


Maintenant qu'ilest bien établi que Îles animaux ne se 


( 296 ) 


conduisent jamais que conformément à leur situation et 
à leurs facultés , e’est-à-dire aux puissances qui agissent 
en eux et à celles qui agissent hors d’eux , je puis entrer 
dans mon sujet et considérer la source et les effets de la 
domesticité , sans craindre que les faits que je pourrai 
rapporter ou les conséquences que j'en tirerai soient re- 
poussées , sous prétexte qu'ils ne sont point naturels. 
La soumission absolue que nous exigeons des animaux, 
l'espèce de tyrannie avec laquelle nous les gouvernons, 
nous ont fait croire qu’ils nous obéissent en véritables 
esclaves ; qu’il nous suffit de la supériorité que nous avons 
sur eux pour les contraindre à renoncer à leur penchant 
naturel d'indépendance (1) , à se ployer à notre volonté, 
à satisfaire ceux de nos besoins auxquels leur organisa- 
tion , leur intelligence ou leur instinct nous permettent 
de les emplayer. Nous concevons cependant que si le 
chien est devenu si bon chasseur par nos soins, c’est 
qu’il l'était naturellement , et que nous n'avons fait que 
développer une de ses qualités originelles ; et nous re- 
connaissons qu'il en est à-peu-près de même pour toutes 
les qualités diverses que nous recherchons dans nos ani- 
maux domestiques. Mais pour la domesticité elle-mème, 
pour la soumission que nous obtenons de ces animaux, 
c'est à nous seuls que nous l’attribuons ; nous en sommes 
la cause exclusive ; nous leur avons commandé l’obéis- 


sance , comme nous les avons contraints à la captivité. 


(x) Le penchant des animaux à l’indépendance consiste dans le besoin 
qu'ils ont de s’éloigner de tout ce qui leur inspire de la défiance , de tout 
ce qui est nouveau , de tous les objets avec lesquels l'habitude ne les a 
point familiarisés et qui leur donnent de la crainte. 


( 297 ) 

La cause de notre érreur est que , jugeant sur de simples 
apparences , nous avons confondu deux idées essentiel- 
lement distinctes, la domesticité et l'esclavage; nous 
n'avons vu aucune différence entre la soumission de l’a- 
nimal et celle de l’homme ; et du sacrifice que l’homme 
esclave se trouvait forcé de nous faire , nous avons pensé 
que l’animal domestique nous faisait un sacrifice équi- 
valent. Cependant ces deux situations n’ont rien de sem- 
blable ; la distance entre l’animal domestique et l’homme 
esclave est infinie; elle est la même que celle qui sépare 
la volonté simple de la liberté. 

L'animal en domesticité, ainsi que celui qui vit au 
milieu des bois, fait usage de ses facultés dans les li- 
miles marquées par sa situation : comme il n’est jamais 
sollicité à agir que par des causes extérieures et par ses 
instincts , dès que sa volonté se conforme aux nécessités 
qui l’environnent , il n’en sacrifie rien ; car la volonté (1) 
consiste dans la faculté d'agir spontanément suivant tous 
les besoins qu’on sent et par lesquels on est naturelle- 
ment sollicité , mais qu'on ne connaît pas. Cet animal 
n'est donc point au fond dans une situation différente de 
celle où il serait , livré à lui-même; il vit en société sans 
contrainte de la part de l’homme, parce que sans doute 
il était un animal sociable , et il a un chef à la volonté 
duquel il se conforme dans certaines limites , parce que 
probablement sa troupe aurait eu un chef, et que cette 


(r) L'activité simplement déterminée par des penchans ou des be- 
soins , quelle que soit leur origine, c’est la volonté ; déterminée par la 
connaissance que l’esprit a acquise de ces penchans et de leur cause , ou 
de’ces besoins , en les soumettant à son examen par la réflexion , c’est la 
hiberté , Le libre arbitre. 


(298 ) 

volonté est une des conditions les plus fortes de celles 
qui agissent sur lui. Il n’y a rien là qui ne soit con- 
forme à ses penchans : ce sont ses besoins qu'il satis- 
fait ; nous ne voyons point qu’il en éprouve d’autres ; et 
c’est l’état où il serait dans la plus parfaite liberté : seu- 
lement son chef est un maître qui a sur lui un pouvoir 
immense, et qui en abuse souvent; mais souvent aussi 
ce maître emploie sa puissance à développer les qualités 
naturelles de l’animal , et sous ce rapport celui-ci s’est 
véritablement amélioré ; il a acquis une perfection qu’il 
n'aurait jamais pu atteindre dans un autre état, sous d’au- 
tres influences. Quelle différence entre cet animal et 
l’homme esclave , qui n’est pas seulement sociable, qui 
n’a pas seulement la faculté du vouloir, mais qui de plus 
est un ètre libre ; qui ne se borne pas à se conformer spon- 
tanément à sa situation , par l'influence aveugle qu’elle 
exercerait sur lui, mais qui peut la connaître , la juger , 
en apprécier les conséquences et en sentir le poids ! Et 
cependant cette liberté qui peut lui faire envisager sa si- 
tuation , lui montrer tout ce qu’elle a de pénible , il voit 
qu’elle est enchainée , qu'il ne peut en faire usage, 
qu'il faut qu'il agisse sans elle, qu’il descende consé- 
quemment au-dessous de lui, qu’il se dégrade au niveau 
de la brute , qu’il s’abaisse même au-dessous d’elle ; car 
l'animal satisfaisant tous les besoins qu’il éprouve est né- 
cessairement en harmonie avec la nature, avec les cir- 
constances au milieu desquelles il est placé, tandis que 
l'homme qui ne satisfait point les siens , qui est forcé de 
renoncer au plus important de tous, est loin d'être dans 
ce cas; il est dans l’ordre moral ce qu'est un être mutilé 
ou un monstre dans l’ordre physique. 


( 299 ) 

Sans doute la liberté de l’homme, qui au fond réside 
dans sa pensée, ne peut être contrainte, et en ce sens 
l’homme , réduit aux fonctions de bête de somme , pour- 
rait n'être point esclave. Mais la pensée qui ne s'exerce 
pas cesse bientôt d’être active : or pourquoi s’exercerait 
la pensée d’un homme qui ne peut y conformer ses ac- 
tions? Et si, malgré son état d’abjection, elle conser- 
vait quelque activité, sur quoi s’exercerait-elle ? Le ca- 
ractère et les mœurs des esclaves de tous les siècles sont 
là pour répondre. 

Nous serions dans l'impossibilité de remonter à la 
source des différences fondamentales qui existent entre 
l'animal domestique et l’homme esclave, que la diffé- 
rence des ressources auxquelles nous sommes obligés 
d’avoir recours pour soumettre les animaux et pour sou- 
mettre les hommes, serait suflisante pour nous faire 
présumer que des êtres qu'on ne parvient à maitriser 
que par des moyens tout-à-fait opposés , ne se ressem- 
blent pas plus après qu'avant leur soumission , et qu'une 
distance considérable doit séparer l'esclavage de la do- 
mesticité. 

En effet. l’homme ne peut être réduit et maintenu en 
esclavage que par la force, car il est du caractère de la 
liberté de n’obéir qu’à elle-mème : la volonté au con- 
iraire n’existant que dans les besoins et ne se manifes- 
tant que par eux , l'animal ne peut être amené à la do- 
mesticité que par la séduction, c’est-à-dire qu’autant 
qu'on agit sur ses besoins , soit pour les satisfaire , soit 
pour les affaiblir. 

Ainsi une première vérité, c’est que la violence serait 


sans eflicacité pour disposer un animal non domestique 


( 300 ) 


à l’obéissance. N’étant point naturellement porté à se 
rapprocher de nous qui ne sommes pas de son espèce, 
il nous fuirait, s’il était libre, au premier sentiment de 
crainte que nous lui ferions éprouver , ou nous prendrait 
en aversion s’il était capüf. Nous ne parvenons à l’at- 
tirer et à le rendre familier que par la confiance, et les 
bienfaits seuls sont propres à la faire naître. C’est donc 
par eux que doivent commencer toutes tentatives en- 
treprises dans la vue d'amener un animal à la domes- 
cité. 

Les bons traitemens contribuent surtout à développer 
l'instinct de la sociabilité , et à affaiblir proportionnel- 
ment tous les penchans qui seraient en opposition avec 
lui. C’est pourquoi il ne fut jamais d’asservissement plus 
sûr, pour les animaux , que celui qu'on obtient par le 
bien-être qu’on leur fait éprouver. 

Nos moyens de bons traitemens sont variés , et l’eflet 
de chacun d’eux diffère , suivant les animaux sur lesquels 
on les fait agir, de sorte que le choix n’est point indiffé- 
rent, et qu'ils doivent être appropriés au but qu'on se 
propose. 

Satisfaire les besoins naturels des animaux serait un 
moyen qui, avec le temps, pourrait amener leur sou- 
mission, surtout en l’appliquant à des animaux très- 
jeunes ; l'habitude de recevoir constamment leur nourri- 
ture de notre main , en les familiarisant avec nous, nous 
les attacherait ; mais, à moins d'un très-long emploi de 
ce moyen, les liens qu’ils formeraient seraient légers : 
le bien que, de cette manière , un animal aura t reçu de 
nous , il se le serait procuré lui-même , s’il eùt pu agir 


conformément à sa disposition naturelle. Aussi retour- 


Ut } 


nerait-il peut-être à son indépendance primitive dès que 
ous voudrions le ployer à un service quelconque; car 
il y trouverait plus qu’il ne recevrait de nous , la faculté 
de s’abandonner à toutes ses impressions. Il ne suffirait 
donc pas vraisemblablement de satisfaire les besoins des 
animaux pour les captiver ; il faut davantage : et c’est 
en effet en exaltant leurs besoins ou en en faisant naître 
de nouveaux que nous sommes parvenus à nous les atta- 
cher et à leur rendre, pour ainsi dire, la société de 
l’homme nécessaire. 

La faim est un des moyens les plus puissans de ceux 
qui sont à notre disposition pour captiver les animaux ; 
et comme l'étendue d’un bicnfait est toujours en propor- 
üon du besoin qu’on en éprouve, la reconnaissance de 
l'animal est d'autant plus vive et plus profonde que la 
rourriture que vous lui avez donnée lui devenait plus 
nécessaire. [IL est applicable à tous les Mammifères sans 
exception ; et si d’un côté il peut faire naître un senti- 
ment affectueux , de l’autre il produit un affaiblissement 
physique qui réagit sur la volonté pour l’affaiblir elle- 
même. C’est par lui que commence ordinairement l’é- 
ducation des chevaux qui ont passé leurs premières an- 
nées dans une entière indépendance. Après s’en être 
rendu maître, on ne leur donne qu’une petite quantité 
d'alimens , et à de rares intervalles ; et c’est assez pour 
qu'ils se familiarisent à ceux qui les soignent , et pren- 
nent pour eux une certaine affection que ceux-ci peuvent 
faire tourner au profit de leur autorité. 

Si l’on ajoute à l'influence de la faim celle d’une nour- 
riture choisie , l'empire du bienfait peut s’accroître con- 


sidérablement ; et il arrive à un point étonnant si, par 


( 302 ) 


une nourriture artificielle, on parvient à flatter beaucoup 
plus le goût des animaux qu’on ne le ferait avec la now = 
riture la meïlleure , mais que la nature leur aurait des- 
tinée, En effet , c’est principalement au moyen de vérita- 
bles friandises , et surtout de sucre, qu’on parvient à 
maîtriser ces auimaux herbivores que nous voyons sou- 
mettre à ces exercices extraordinaires , dont nos cirques 
nous rendent quelquefois les témoins. 

Cette nourriture recherchée, ces friandises , agissent 
immédiatement sur la volonté de l'animal : pour obtenir 
l'effet qu’on en désire , la faim et l'affaiblissement phy- 
sique ne leur sont point nécessaires , et l'affection qu’ob- 
tient par elles celui qui les accorde , est due tout entière 
au plaisir que l'animal éprouve ; mais ce plaisir dépend 
d’un besoin naturel ; et tous les plaisirs que les animaux 
peuvent ressentir n'ont pas , s’il m'est permis de le dire, 
une origine aussi sensuelle. 

Il en est un que nous avons transformé en besoin pour 
quelques-uns de nos animaux domestiques , qui semble 
être tout-à-fait artificiel, et ne parait s'adresser spécia- 
lement à aucun sens : c’est celui des caresses. Je crois 
qu'aucun animal sauvage n’en demande aux autres indi- 
vidus de son espèce : même chez nos animaux domesti- 
ques , nous voyons les petits joyeux à l'approche de leur 
mère ; le mâle et la femelle contens de se revoir ; les in- 
dividus habitués de vivre ensemble se bien accueillir 
lorsqu'ils se retrouvent; mais ces sentimens ne s'expri- 
ment jamais de part et d’autre qu'avec beaucoup de mo- 
dération , et on ne voit que dans peu de cas qu'ils soient 
accompagnés de caresses réciproques. Ce genre de té- 


| Le , ë 
moignage, où les jouissances qu'on recoit se doublent 


308 ) 

par cèlles qu’on accorde , appartient peut-être éxclusivé> 
ment à l’homme : c’est de lui seul que les animaux en 
ont acquis le besoin ; aussi e’est pour lui seul qu’ils l’é- 
prouvent, c'estavec lui seul qu'ils le satisfont ; et comme 
le besoin de la faim peut acquérir de la force lorsque la 
nourriture augmente la sensualité, de même l'influence 
des caresses peut s'étendre lorsqu'elles flaitent plus par 
üculièrement les sens. C’est ainsi que les sons adoucis 
de la voix ajoutent aux émotions causées par le toucher, 
et que celles-ci s’accroissent par l’attouchement des ma- 
melles. 

Tous les animaux domestiques ne sont pas, à beau- 
coup près , également accessibles à linfluence des ca- 
resses , comme ils le sont à l'influence de la nourriture , 
chaque fois que la faim les presse. Les ruminans parais- 
sent y être peu sensibles ; le cheval , au contraire , semble 
les gouter pour elles seules , et il en est de même de 
beaucoup de pachydermes , et surtout des éléphans. Le 
chat n’y est point indifférent ; on dirait même queique- 
fois qu’il met de la passion à les rechercher. Mais c’est 
sans contredit sur le chien qu’elles produisent les effets 
les plus marqués ; et, ce qui mérite attention , c’est que 
toutes les espèces du genre que j'ai pu observer parta- 
geaient avec lui cette disposition. La Ménagerie du Roi 

‘a possédé une louve sur laquelle les caresses de la main 
et de la voix produisaient un eflet si puissant, qu’elle 
semblait éprouver un véritable délire , et sa joie ne s’ex- 
primait pas avec moins de vivacité par ses cris que par 
ses mouvemens. Un chacal du Sénégal était exactement 
dans le même cas ; et un renard commun eu était si for- 


tement ému qu'on fut obligé de s’absienir à son égard 


( 504 ) 
de tout témoigi#ge de ce genre , par la crainte qu’ils n’a- 
menassent pour Jui un résultat fächeux ; ce que je ne 
dois pas passer sous silence , c’est que ces trois animaux 
étaient des individus femelles. 

Je ne sais si je dois metre les chants, les airs cadencés, 
au nombre des besoins artificiels à l’&ide desquels la vo- 
lonté des animaux se captive. On sait que les chameliers 
en font usage pour ralentir ou accélérer la marche des 
animaux qu’ils conduisent ; mais n’est-ce pas un simple 
signe auquel l'allure de ces animaux est associé , comme 
le son de la trompette en est un pour les chevaux qui, 
par lui, sont avertis que la carrière est ouverte et qu'ils 
vont y être lancés? Je serais tenté de le croire, ne con- 
naissant aucun fait qui puisse donner une idée con- 
traire ; car ce qu’on a dit de la musique sur les éléphans 
a été vu avec quelques préventions, du moins ce que 
j'ai observé me le persuade tout-à-fait. Cependant il se- 
rait curieux de rechercher sur quel fondement cette asso- 
ciation repose, quels sont les rapports des sons avec l’ouie 
des Mammifères, eux dont la voix est si peu variée et si 
peu harmonieuse. 

* Il ne suffit cependant pas que les moyens de captation 
précèdent toujours les actes de docilité qu'on demande 
aux animaux , il faut encore qu'ils leur succèdent : la 
contrainte employée à propos ne reste pas étrangère à 
ces actes , et elle pourrait nuire si elle était trop pro- 
longée. Des caresses où des friandises font à l'instant 
cesser cet effet : le calme et la confiance renaissent et 
viennent affaiblir, sinon effacer, les traces de la crainte. 

Une fois que la confiance est obtenue, que la fami- 

liarité est établie ; une fois que, par les bons traitemens ; 


6 ) 


l'habitude a rendu la société de l’homme indispensable 
à l'animal , notre autorité peut se faire sentir , nous pou- 
vons employer la contrainte et appliquer des chätimens. 
Mais nos moyens de corrections sont bornés : ils se ré- 
duisent à des coups, accompagnés des précautions né- 
cessaires pour que les animaux ne puissent fuir ; et ils 
ne produisent qu’un seul effet, qui consiste à transfor- 
mer le sentiment dont il est nécessaire de réprimer la 
manifestation en celui de la crainte. Par l'association 
qui en résulte , le premier de ces sentimens s’aflaiblit , 
et quelquefois mème finit par se détruire jusque dans son 
._germe. Mais l'emploi de la force ne doit jamais être sans 
limites : son excès produit deux effets contraires , il in- 
timide ou révolte. La crainte en effet peut être portée au 
point de troubler toutes les autres facultés. Un cheval 
naturellement timide , corrigé imprudemment , et tout 
entier à son eflroi, n'aperçoit plus même le goufre où 
il se précipite avec son cavalier ; et l'épagneul , si propre 
à la chasse par son intelligence , si docile à la voix de 
son maître , n’est plus qu’un animal indécis , emporté ou 
tremblant , lorsqu'une sévérité outre mesure a présidé 
à son éducation. Quant à la résistance , elle commence 
toujours , de la part de l'animal , au point où notre au- 
torité sort des bornes que le temps et l'habitude avaient 
fixées à son obéissance. Ces bornes varient pour chaque 
espèce et pour chaque individu ; et dès qu’elles sont dé- 
passées , l'instinct de la conservation se réveille , et en 
même temps la volonté se manifeste avec toute sa force 
et toute son indépendance. Aussi voyons -nous souvent 
nos animaux domestiques , et le chien lui-même , se ré- 
volter contre les mauvais traitemens et exercer, sur ceux 


IX. 20 


( 306) 


qui les leur infligent , les plus cruelles vengeances. Les 


individus même que nous regardons comme vicieux , et 
que nous nommons rétifs, ne se distinguent au fond de 
ceux qui ontde la douceur et de la docilité , que par des 
penchans plus impérieux, que souvent , il est vrai, au- 
cun moyen ne peut captiver ; mais que souvent aussi un 
meilleur emploi de ceux dont on fait communément 
usage parviendrait à affaiblir. 

Je ne rapporterai pas les exemples nombreux de ven- 
geances exercées par les animaux domestiques , et parti- 
culièrement par les chevaux , sur ceux qui les avaient 
maltraités ; la haine que ces animaux ressentaient pour 
ces maîtres cruels , et le temps durant lequel ce senti- 
ment s’est conservé en eux avec toute sa violence primi- 
tive. Ces exemples sont nombreux et connus ; et quoi- 
qu’ils aient du faire concevoir que la brutalité était un 
moyen peu propre à obtenir l’obéissance, ils ont été sans 
fruits, et les animaux sont encore traités par nous comme 
si nous avions autre chose à soumettre en eux que leur 
volonté. Je citerai cependant l’exemple qui m’a été offert 
par uu éléphant , et cela moins à cause de sa rareté chez 
nous , qu'à cause des caractères particuliers qui l'ont 
accompagné. 

Cet animal avait été confié , à l’âge de trois ou quatre 
ans , à un jeune homme qui le soignait , et l’avait dressé 
à différens exercices qu’il lui faisait répéter pour l’amu- 
sement du public. Il avait pour son maître une entière 
obéissance et une vive affection : non - seulement il se 
conformait , sans la moindre hésitation , à tous ses com- 
mandemens ;, mais encore il avait besoin de sa présence ; 
il repoussait les soins de toute autre personne , et sem- 


( 307 ) 


blait même ne manger qu’à regret lorsque sa nourrituré 
lui était présentée par une main étrangère. 

Tant que ce jeune homme avait été sous les yeux de 
son père, propriétaire de l'éléphant , soit que la sur- 
veillance de sa famille le contraignit , soit que l’âge n’eût 
point encore développé ses mauvais penchans , il n'avait 
jamais eu que de bons procédés pour l'animal qui lui 
était confié ; mais une fois que la Ménagerie du Roi eut 
acquis cet animal , et que ce jeune homme, qu’elle prit 
à son service , fut livré à lui-même, les choses changè- 
rent : celui-ci s’abandonna au désordre , et négligea les 
soins dont il était chargé ; il en vint même , dans ses mo- 
mens d'ivresse , jusqu'à frapper son éléphant. Celui-ci, 
de gai qu'il était habituellement , devint morne et taci- 
turne , au point qu’on le crut malade : il obéissait ce- 
pendant encore , mais non plus avec cet empressement 
qui annonçait que tous ses exercices n'étaient pour lui 
que des jeux et des amusemens ; des signes d’impatience 
se manifestaient même quelquefois, mais aussitôt ils 
étaient réprimés : on voyait que des sentimens très - di- 
vers se combattaient en lui; mais la situation peu favo- 
rable à l’obéissance où le mettait cet état violent, ne 
contribuait pas peu à exciter le mécontentement de son 
conducteur. C’est en vain qu’on avait donné les ordres 
les plus positifs à ce jeune homme de ne jamais frapper 
son éléphant, qu’on lui avait fait sentir que les bons 
traitemens seuls pouvaient reudre la première docilité à 
cet animal : humilié d’avoir perdu son autorité , et sur- 
tout de ne plus faire ses exercices avec le même succès 
qu’autrefois, son irritation allait croissant ; et un jour 


LE . e . . 
qu'il se trouvait moins susceptible de raison que de cou- 


( 308 ) 

tume , il frappa son animal avec tant de brutalité, que 
celui-ci , poussé à bout , jeta un cri de fureur tel , que 
son maître effrayé à ce cri, qu'il entendait pour la pre- 
mière fois , s’empressa de fuir, et bien Jui en prit; car 
dès lors l'éléphant n’a plus même souffert qu’il l'appro- 
chât; à sa seule vue il entrait en colère, et tous les 
moyens qui depuis furent tentés pour ramener en lui de 
meilleurs sentimens furent sans succès : la haine avait 
remplacé l’amour , l’indocilité avait succédé à l’obéis- 
sance , et lant que cet animal a vécu ces deux sentimens 
l’ont dominé. 

Les bienfaits, de noire part, sont donc indispensa- 
bles pour amener les animaux à l'obéissance : comme 
nous ne sommes pas de leur espèce , ils n’éprouvent pas 
naturellement d’affection pour nous , et nous ne pouvons 
pas d’abord agir sur eux par la contrainte; mais il n’en 
doit pas être de même de la part des individus vers les- 
quels ces animaux sont attirés par leur instinct , qui sont 
de la même espèce, auquel un lien puissant tend à les 
unir, et pour qui la contrainte exercée par leurs sem- 
blables est un état naturel, une condition possible de 
leur existence. 

Dès leurs premiers rapprochemens ; ces animaux sont 
vis-à-vis l’un l’autre dans la situation des animaux do- 
mestiques vis-à-vis des hommes , après que ceux-ci sont 
devenus nécessaires pour eux, les ont séduits et capti- 
vés : c'est-à-dire que les uns peuvent immédiatement 
employer la force pour soumettre les autres. Ce sont en- 
core les éléphans , qui, par la manière dont on les rend 
domestiques , nous fournissent un exemple de cette vé- 


rité, Mais pour le bien faire concevoir je dois préalable- 


( 509 ) 


ment rappeler des faits que j'ai développés dans mom 
Mémoire sur la Sociabilité. 

Tous les animaux sociables, abandonnés à eux-mèmes, 
forment des troupes plus ou moins nombreuses , et tous 
les individus de la même troupe se connaissent , sont 
attachés l’un à l’autre suivant les rapports que les circon- 
stances et leurs qualités individuelles ont établis entre 
eux : aussi l'harmonie règne au milieu de ces troupes 
tant qu'aucun incident ne vient la troubler. Mais cette 
sorte de bienveillance n'existe que pour les individus de 
la même troupe; un individu étranger n'est point d’a- 
bord admis par eux , presque toujours ils l’accueillent 
un ennemi, et les mauvais traitemens le réduisent sou- 
vent à fuir. 

D'un autre côié, tout individu isolé a besoin de la 
société de ses semblables ; il les recherche, s'approche 
d'eux, les suit d’abord de loin, et pour être admis fait 
abnégation de sa volonté jusqu’au point où le sentiment 
de sa propre conservation le détermine à se défendre ou 
à s'éloigner. 

Les éléphans domestiques , obéissant à l’homme qui 
les conduit, sont vis-à-vis d’un éléphant sauvage , isolé, 
dans ce cas d’éloignement et d’hostilité de tout individu 
d'une troupe vis-à-vis des individus d’une autre troupe ; 
tandis que l'éléphant solitaire est invinciblement porté 
par son instinct à se rapprocher des autres individus 
de son espèce et à se soumettre à eux dans certaines 
limites. 

Des éléphans , comme tous les autres animaux socia- 
bles, pourront donc employer immédiatement la force 


Pour en soumettre d’autres ; et en eflet c’est ce qui arrive 


Nu ( 310 ) 


dans la manière dont les éléphans sauvages sont amenés 
à la domesticité. 

Des individus domestiques , ordinairement femelles , 
sont conduits dans le voisinage des lieux où se sont éta- 
blis des individus sauvages. Si dans leur troupe il s’en 
trouve un qui soit forcé de se tenir à l'écart, et mème 
de vivre solitaire, ou parce qu'étant mâle il en est dans 
la troupe de plus forts que lui , ou par toute autre cause, 
poussé par son penchant naturel , il ne tarde pas à dé- 
couvrir les individus domestiques et à s’en rapprocher. 
Les maîtres de ceux-ci, qui ne sont point éloignés, 
accourent , chargent de cordes l'éléphant étranger, pro- 
tégés par ceux qui leur appartiennent , lesquels , à la 
moindre résistance du nouveau venu , le frappent à coups 
de trompe ou de défenses et le contraignent à se laisser 
entraîner. 

Les châtimens infligés par les individus domestiques 
à l'individu sauvage, joints aux bons traitemens qu'il 
reçoit d’ailleurs , amènent bientôt la fin de sa captivité, 
c’est-à-dire le moment où sa volonté se conforme à sa 
nouvelle situation , où ses besoins sont d'accord avec les 
commandemens de son maitre, et où il se soumet aux 
différens travaux auxquels on l’applique, travaux que 
l’habitude ne tarde pas à rendre faciles ; car on assure 
qu’il ne faut que quelques mois pour transformer un 
éléphant sauvage en éléphant domestique. 

Tant que les animaux sont à un certain degré suscep- 
tibles d'affection et de crainte, tant qu'ils peuvent s’at- 
tacher à ceux qui leur font du bien et redouter ceux qui 
les punissent , il suflit de développer, d’accroitre en eux 
ces sentimens pour affaiblir ceux qui leur seraient con- 


ï ("SET ) 


traires , et donner un autre objet , une autre direction à: 
leur volonté. C’est ce que nous avons obtenu par l’appli-. 
cation des moyens qui viennent de faire le sujet de nos 
recherches et de nos considérations. Mais il arrive , ou 
par la nature des individus , ou par la nature des espè- 
ces , que l'énergie de certains penchans acquiert une telle 
force qu'aucun autre sentiment ne peut la surmonter, et 
sous l'empire de laquelle aucun autre sentiment même 
ne peut naître. Pour ces animaux il ne suflirait plus de 
bons traitemens ou de corrections ; ni ies uns ni les au- 
tres n’agiraient eflicacement ; ils ne seraient même que 
des causes nouvelles d’exercices pour Ja volonté, et au 
lieu de l’affaiblir ils l’exalteraient. Il est donc indispen- 
sable , pour les animaux qui éprouvent un besoin si im- 
périeux d'indépendance , de commencer par agir immé- 
diatement sur leur volonté , d’amortir leur emportement 
pour les rendre capables de crainte ou de reconnais- 
sance ; et pour cela on a eu l’heureuse idée de les sou- 
mettre à une veille forcée ou à la castration. 

D’après tout ce qu’on rapporte , il paraît que le pre- 
mier de ces moyens, la veille forcée, est de toutes les 
modifications qu’un animal peut éprouver , sans qu’on 
le mutile , celle qui est la plus propre à affaiblir sa vo- 
lonté et à le disposer à l’obéissance , surtout lorsqu'on 
lui associe avec prudence les bienfaits et les châtimens ; 
car alors les sentimens affectueux éprouvent moins de 
résistance , s’enracinent plus vite et plus profondément, 
et la crainte, par la même raison, agit avec plus de 
promptitude et plus de force. 

Les moyens qu’on peut employer pour suspendre le 
sommeil consistent dans des coups de fouet appliqués 


(Sue ) 

plus ou moins vivement , ou dans un bruit retentissant, 
comme celui du tambour ou de la trompette , qu'on va- 
rie pour éviter l'effet de l’uniformité , mais surtout dans 
la nourriture rendue pressante par la faim : et, parmi 
les observations auxquelles ces différens procédés don- 
nent lieu , il en est une sur laquelle il ne sera pas sans 
intérêt de s'arrêter ici un moment , quoiqu’elle ne résulte 
pas exclusivement du cas particulier que nous exami- 
nons , et qu'elle se présente dans un grand nombre d’au- 
tres circonstances. Elle nous fait voir que tous les ani- 
maux ne savent pas rapporter à leur cause les modifica- 
tions qu'ils éprouvent par l’intermède des sons , toutes 
les fois que certaines relations particulières n'existent 
pas entre eux et ces causes. 

Qu'un étalon ou un taureau indociles se sentent frap- 
pés, ils ne se méprennent point sur la cause de leur 
douleur ; c’est à la personne qui a dirigé les coups qu’ils 
s'en prennent immédiatement, même quand ils au- 
raient été frappés par un projectile ; comme le sanglier 
qui se jette sur le chasseur dont la balle l’a blessé. 
Je n’examine pas si l'expérience entre pour quelque 
chose dans leur action : ce qui est certain , c’est que quel- 
que expérience qu’aient ces animaux du bruit qui les 
fait souffrir , ils ne savent jamais en rapporter la cause 
à l'instrument qui le produit , ni à la personne qui em- 
ploie cet instrument ; ils souffrent passivement , comme 
s'ils éprouvaient un mal intérieur ; la cause comme le 
siége de leur malaise est en eux ; et cependant ils dis= 
cernent très-exactement la direction du bruit. Dès qu'ils 
sont frappés d’un son , leur tête et leurs oreilles se diri- 
gent, sans la moindre hésitation, vers le point d’où il 


(315 ) 


part ; il est même des animaux chez lesquels cette action 
est instinctive et précède toute expérience : et relative- 
ment aux sensations , je pourrais ajouter que le taureau 
agit à la vue d’une étoffe rouge, comme à l'impression 
des coups ; la cause de la modification qu'il éprouve est, 
dans un cas comme dans l’autre, entièrement hors de 
lui : ce qui nous montre , de plus, que si le cheval et le 
taureau ne rapportent pas le son à l'instrument qui le 
produit , c’est moins encore à cause de l'intermédiaire 
qui les sépare de cet instrument , qu’à cause de la na- 
ture particulière des sensations de l’ouie. 

Les moyens précédens sont applicables à tous Îes ani- 
maux et à tous les sexes, quoiqu’ils ne produisent pas 
chez tous le même résultat. Celui de la castration ne 
s'applique qu'aux individus mâles , et il n’est absolu- 
ment nécessaire que pour certains ruminans , et prin- 
cipalement pour le taureau. Presque tous les besoins non 
satisfaits , surtout quand ils ont pour objet de réparer 
les forces , la faim , le sommeil , sont accompagnés d’un 
affaiblissement physique. Il en est un au contraire qui 
semble les accroître dans la proportion des obstacles qui 
s'opposent à ce qu'il se satisfasse : c’est l’amour. Aussi 
ne pouvant exercer sur lui aucun empire immédiat, nous 
mutilons les animaux qui en éprouvent trop fortement 
les effets , en retranchant les organes où il a sa princi- 
pale source. 

En effet, le taureau , le belier , etc. , ne se soumettent 
véritablement à l’homme qu'après leur mutilation ; car 
l'influence des liqueurs spermatiques s’étend chez eux , 
comme, au reste, chez tous les autres animaux, bien 
au-delà des saisons où les besoins de l’amour se font 


(314) 


sentir. À aucune époque de leur vie, ces animaux n’ont 
la docilité que la domesticité demande ; tandis que le 
bœuf, le mouton, ont toujours été donnés comme des 
modèles de patience et de soumission. Il résulte de là 
que les taureaux et les beliers ne sont utiles qu’à la pro- 
pagation , et que, dans la race, ce n’est que la femelle 
qui est domestique. 

Cette opération n’est point nécessaire pour les che- 
vaux, quoique ceux qui l'ont éprouvée soient générale- 
ment plus traitables que les autres. Par elle le chien perd 
toute vigueur et toute activé; et cet eflet parait être com- 
mun à tous les carnassiers, car les chats domestiques 
sont, à cet égard, tout-à-fait dans le cas des chiens. 

C’est comme on voit par des besoins sur lesquels nous 
pouvons exercer quelque‘influence, qu’il dépend de nous 
de diriger , de développer ou de détruire , que nous par- 
venons à apprivoiser les animaux, et même à les cap- 
tiver entièrement ; et, vu le petit nombre de ceux dont 
nous avons su profiter , il est permis de penser que , dans 
la pratique , nous n’avons point encore épuisé cette 
source de moyens de séduction, et que d’autres pour- 
raient venir à notre aide , si jamais de nouvelles espèces 
à rendre domestiques, ou de nouveaux secours à deman- 
der à celles qui le sont, en faisaient sentir la nécessité 
et nous portaient à les rechercher. Néanmoins , malgré 
ce petit nombre , on concevra aisément qu’en les appli- 
quant à des animaux de nature très-diflérente, on doit 
en obtenir des résultats très-variés. En eflet , il n’y a 
presque aucune comparaison à établir à cet égard entre 
le chien et le buffle, Autant l’un est attaché , soumis, 
reconnaissant , fidèle , dévoué, autant l’autre est dé- 


(355 ) 

pourvu de sentimens bienveillans et affectueux , et de 
toute docilité; et entre ces deux extrèmes viennent se 
placer l’éléphant, le cochon, le cheval , l’âne, le dro- 
madaire, le ‘chameau, le lamas, le renne, le bouc, le 
belier et le taureau , qui tous pourraient se caractériser 
par les qualités qu'ont développées en eux les influences 
auxquelles nous les avons soumis : mais ce sujet m’en- 
trainerait fort au-delà des limites que je dois me pres- 
crire dans un simple mémoire. 

Jusqu'à présent je me suis borné à faire connaitre les 
effets généraux que produisent sur les animaux domes- 
tiques les différens moyens que nous venons d’envisa- 
ger. I ne sera pas inutile de jeter un coup-d’œil rapide 
sur ceux qu'ils font éprouver aux animaux sauvages ; 
car la comparaison qui en résultera nous aidera peut- 
être à remonter jusqu’au premier fondement de la do- 
mesticité. 

Les singes, c’est-à-dire les quadrumanes de l’ancien 
Monde, qui réunissent au degré d'intelligence le plus 
étendu chez les animaux, l’organisation la plus favo- 
rable au déploiement de toutes les qualités ; qui sont 
portés à se réunir les uns avec les autres, à former des 
troupes nombreuses, paraissent avoir les conditions les 
plus favorables pour recevoir l'influence de nos moyens 
d’apprivoisement ; et cependant jamais singe adulte mâle 
ne s’est soumis à l’homme, quelque bon traitement 
qu'il en ait reçu. J'entends parler des guenons, des maca- 
ques et des cynocéphales ; car pour les orangs , les gib- 
bons et les semnopithèques, ce sont des animaux trop 
peu connus pour qu'il ait été possible , jusqu’à présent, 
de les soumettre à aucune expérience. Quant aux pre- 


( 316 } 
miers, leurs sensations sont si vives, leurs inductions 
si promptes , leur défiance naturelle si grande, et tous 
leurs sentimens si violens, qu’on ne peut, par aucun 
moyen , les circonscrire dans un ordre de condition quel- 
conque , et les habituer à une situation déterminée. 
Rien ne saurait calmer leurs besoins , lesquels changent 
avec toutes les modifications qu'ils éprouvent, et pour 
ainsi dire avec tous les mouvemens qui se font autour 
d’eux, d’où résulte que jamais on n’a pu compter sur un 
bon sentiment de leur part : au moment oùils vous don- 
nent les témoignages les plus affectueux, ils peuvent 
être prêts à vous déchirer ; et il n’y a point là de trahi- 
son : tous leurs défauts tiennent à leur excessive mobilité. 

Il paraît cependant que par la violence , et en les te- 
nant continuellement à la gène , on parvient à les ployer 
à certains exercices. C’est ainsi que les insulaires de Su- 
matra réussissent à dresser les maimons (Macacus ne- 
mestrinus. Lin.) à monter sur les arbres au commande- 
ment et à en cueillir les fruits : mais nous ne trouvons 
là que des éducations individuelles ; et où est nécessaire- 
ment la force , n’est point encore la domesticité. 

C’est encore ainsi que nous voyons quelques-uns de 
ces animaux , et principalement le magot ( Macacus 
inuus ) , apprendre à obéir à leur maître, et à faire ces 
sauts adroits et précis, à exécuter ces danses hardies que 
leur organisation et leur dextérité naturelle leur rendent 
faciles , et qui nous étonnent souvent. Cependant ils sont 
si exclusivement soumis à la force , que dès qu’ils peuvent 
s'échapper ils fuient pour ne plus reparaître , s’ils sont 
dans des contrées dont ils puissent s’accommoder et qui 
soient propres à les faire vivre. 


(317 ) 

On parviendrait mieux à captiver les quadrumanes 
d'Amérique à queue pendante, tels que les atèles, les 
sapajous , qui, à une grande intelligence et à l'instinct 
-social, peuvent joindre une extrème douceur et un vif 
besoin de caresses et d'affection. Quant aux lémuriens, 
on rencontrerait tant de difficultés , et on trouverait si 
peu d'avantages à les séduire, à cause de leur caractère 
indocile et craintif, qu’on aurait reconnu l’inutilité d’en 
faire l’essai si on l’eût tenté. Et l’on peut en dire autant 
des insectivores qui auraient encore le désavantage d’une 
intelligence très-bornée et d’une organisation de mem- 
bres peu favorables. 

Les carnassiers, tels que les lions, les panthères , les 
mertes, les civettes, les loups, les ours, etc., etc., 
toutes espèces qui vivent solitaires, sont très-accessi- 
bles aux bienfaits et peu susceptibles de crainte. En li- 
berté ils s’éloignent des dangers; captifs , la violence les 
révolte , et semble surtout porter le trouble dans leur in- 
telligence : c’est la colère, la fureur qui alors s’empa- 
rent d'eux. Mais satisfaites leurs besoins lorsqu'ils les 
ressentent vivement ; qu'ils n'éprouvent de votre part 
que de la bonté; qu'aucun son de votre voix, aucun de 
vos mouvemens ne soient menaçans , et bientôt vous 
verrez ces terribles animaux s'approcher de vous avec 
confiance, vous montrer le contentement qu'ils éprou- 
vent à vous voir, et vous donner les témoignages les 
moins équivoques de leur affection. Cent fois l’appa- 
rente douceur d’un singe a été suivie d’une trahison; 
presque jamais les signes extérieurs d’un carnassier n'ont 


élé trompeurs : s’il est disposé à nuire, tout dans son 


(318) 


geste et son regard l’annoncera , et il en sera de même si 
c’est un bon sentiment qui l’anime. 

Aussi a-t-on vu souvent des lions , des panthères, des 
tigres apprivoisés, qu'on attelait même, et qui obéis- 
saient avec beaucoup de docilité à leurs conducteurs. 
Ou a vu des loups, dressés pour la chasse, suivre fidèle 
ment la meute à laquelle ils appartenaient; on sait à 
quels exercices se ploient les ours : maïs si l’on a pu ha- 
bituer ces animaux à l’obéissance , si nous avons pu les 
façonner à un travail quelconque, nous ne sommes point 
parvenus à nous les associer véritablement; et cepen- 
dant quels services les hommes n’auraient-ils pas tirés 
des lions ou des ours , s’ils eussent pu les employer 
comme ils sont parvenus à employer le chien ? 

Les phoques, tous animaux sociables et doués d’une 
rare intelligence , sont peut-être de tous les carnassiers 
ceux qui éprouveraient les plus profondes modifications 
de nos bons traitemens et qui se ploieraient avec le plus 
de facilité à ce que nous leur demanderions. 

Les rongeurs, c'est-à-dire les castors, les marmottes, 
les écureuils , les loirs, les lièvres , etc. , semblent n’être 
doués que de la faculté de sentir, si peu leur intelli- 
gence est active. Ils s’éloignent de ce qui leur cause de 
la douleur et non de ce qui leur est agréable ; ce qui fait 
qu'on parvient à les habituer à certains états, même à 
certains exercices : mais ils ne distinguent que bien im- 
parfaitement ces causes; elles paraissent n’exister pour 
eux que quand elles agissent, et ne former que peu d’as- 
sociation dans leur mémoire. Aussi le rongeur auquel 
vous avez fait le plus de bien ne vous distingue point 


individuellement, et ne témoigne rien de plus en votre 


(319 ) 


présence que ce qu'il témoignerait à la vue de toute autre 
personne : et cela est également vrai pour ceux qui vivent 
en société el pour ceux qui vivent solitaires. 

Si nous passons aux tapirs, aux pécaris, au daman, 
aux zèbres , elc., en un mot, aux pachydermes et aux 
solipèdes, nous trouvons des animaux vivant en troupes 
que la douleur peut rendre craintifs et les bienfaits re- 
connaissans , qui distinguent ceux qui les soignent , et 
s’y attachent quelquefois très-vivement. 

I] paraît qu’il en est jusqu’à un certain point de même 
des ruminans , mais principalement des femelles; car 
pour les mâles , sans aucune exception , je crois , ils ont 
une brutalité que les mauvais traitemens exaltent, et 
que les bons n’adoucissent point. 

Nous apprenons donc par les faits qui viennent de 
faire l’objet de nos considérations quelle est l'influence 
qu'exercent sur les animaux les divers moyens que 
nous avons imaginés pour les ployer et les attacher à 
notre service; mais ils ne nous enseignent rien sur les 
dispositions qui sont nécessaires pour que la domesti- 
cité naïisse de cette influence : car nous avons vu que plu- 
sieurs animaux reçoivent celte influence comme les ani- 
maux domestiques , sans pour cela devenir domestiques. 

Si notre action sur les animaux s'était bornée aux in- 
dividus , s’il eùt fallu sur chaque génération recom- 
mencer le même travail pour nous les associer , nous 
n'aurions point eu, à proprement parler, d'animaux 
domestiques : du moins la domesticité n'aurait point été 
ce qu'elle est réellement ; et son influence sur notre ci- 
vilisation n'aurait pas eu les résultats que les observa- 


teurs les plus sages ont dù lui reconnaitre, Heureuse- 


( 320 ) 


ment cette action se trouve liée à un des phénomènes les 
plus importans et les plus généraux de la nature ani- 
male ; et les modifications que nous avons fait éprouver 
aux premiers animaux que nous ayons réduits en do- 
mesticité n’ont point été perdues pour ceux qui leur ont 
dû l'existence et qui leur ont succédé. 

C’est un fait universellement reconnu que les petits 
des animaux ont une très-grande ressemblance avec les 
individus qui leur ont donné la vie. Ce fait est aussi ma- 
nifeste pour l’espèce humaine que pour toute autre; et 
il n’est pas moins vrai pour les qualités morales et intel- 
lectuelles que pour les qualités physiques : or les qua- 
lités distinctives des animaux d’une même espèce, celles 
qui influent le plus sur leur existence particulière, qui 
constituent leur individualité, sont celles qui ont été dé- 
veloppées par l'exercice, et dont l'exercice a été provo- 
qué par les circonstances au milieu desquelles ces ani- 
maux ont vécu. Il en résulte que les qualités transmis- 
sibles par les animaux à leurs petits , celles qui font que 
les uns ont une ressemblance particulière avec les autres, 
sont de nature à naître de circonstances fortuites , et 
conséquemment qu'il nous est donné de modifier les 
animaux et leur descendance, ou leur race, dans les li- 
mites entre lesquelles nous pouvons maitriser les cir- 
consiances qui sont propres à agir sur CUXx. 

Ce que ce raisonnement établit, l'observation des ani- 
maux domestiques le confirme pleinement. C’est nous 
qui les avons formés , et il n’est aucune de leur race qui 
n'ait ses qualités distinctes, qualités qui font recher- 
cher telle race de préférence à telle autre, suivant l’u- 
sage auquel on la destine, et qui sont constamment 


(63ar;) 


transmises par la génération , tant que des circonstances , 
opposées à celles qui les ont occasionées , ne viennent 
pas détruire les effets de celles-ci. C’est par là qu'on a 
appris à conserver les races dans leur pureté, ou à ob- 
tenir, par leur mélange, des races de qualités nouvelles 
et intermédiaires à celles qui se sont unies. Mais tous, 
ces faits sont tellement connus que je regarde «mme 
superflu d’en rappeler particulièrement quelques-u us . 
Il ne sera cependant pas inutile de faire remarq{:Uer 
que les races les plus domestiques , les plus attachée :s à 
l’homme , sont celles qui ont éprouvé, de sa part, l’i:tc- 
tion du’ plus grand nombre des moyens dont nous l’a-: 
vons vu faire usage pour se les attacher. Ainsi l'espèce 
du chien , sur laquelle les caresses ont tant d'influence, 
sans distinction de sexes ; est sans contredit la plns do- 
mestique de toutes , tandis que celle du bœuf, dont les 
femelles seules éprouvent notre influence, et sur laquelle 
nous n'avons guère pu agir pour nous l’attacher que 
par la nourriture, est certainement celle qui nous ap- 
partientle moins. Et cette différence entre le chien et le 
bœuf doit être encore accrue par la différence de fécon- 
dité de ces, deux espèces : en effet, le chien dans un 
temps égal soumet à notre influence un beaucoup plus 
grand nombre de générations que le bœuf. Nous igno- 
rons. quelles dispositions avait le chien à son origine, 
pour s'attacher à l’homme et le servir, et par consé- 
quent pour que l’homme püût l’amener au point de sou- 
. mission où il est parvenu; mais tout porte à croire 
qu'elles étaient nombreuses : et à la promptitude avec 
laquelle l'éléphant devient domestique, on a droit de 
penser que si notre action pouvait s'exercer sur un cer- 


IX, 21 


(355) 


tain nombre de ses générations il deviendrait, comme 
le chien , un de nos animaux les plus soumis et les ‘plus 
afféctüucux, autant que tous les moyens propres à 
Tendre les animaux domestiques sont propres à le mo 
HÉge, Malheureusement on n'a mis aucun soin à le 
{aire reproduire, On se contente des individus appri- 
voisés’ dans les contrées où ses services sont devenus ñé- 
cesse tires. Cette transmission des modifications indivi- 
düel] | és par là génération ne donne point encore cepen- 
dan’ vde base à la domesticité , quoïqu’elle lui soit mdis- 
pe 11sable. C’est un phénomène général qui à ‘été observé 
‘sur les animaux les plus sauvagés comme sur les añi- 
maux les plus soumis. Cherchons donc, maintenant 
qüe nous connaissons les animaux qui se sont'associés à 
nous ét ceux qui n’y Sont point associés ; quelle est la 
disposiion commune aux uns, étrangère aux autres ; 
qu’on pourrait regarder comme essentielle à la domesti- 
cité : Car, sans une disposition particulière qui vienne se- 
condér nos lefforts et empêcher que notre empire sur les 
animaux ne soit qu’accidentel et passager, il ebt'impos- 
sible de concevoir comment nous serions parents à 
réndré domestiques des adimaux, si {ous eussent rés- 
semblé au loup , au renard, à l'hyène, qui cherchent 
constamment la solitude , et fuient jusqu’à la présénce 
de leurs semblables. Peut - être qu’à forcé de pérsévé- 
rance et d'efforts on parviendrait à former, parmi ces 
animaux , des races familiarisées jusqu’à un certain/point 
avec l’homme, qui prendraient l'habitude de son Voisi- 
nage , qui s’en feraient même un besoin par les avantagés 
qu'elles y trouveraient , comme 6n l’a fait pour le chat 


qui vit au milieu de nous ; maïs de là à la domeésticité 


(383 7 
Il 

l'intervalle est immense. D'ailleurs pour tendré à un but 
il faut le connaître ; et comment les premiers hommes , 
| qui se sont associé les animaux, l’auraient-ils connu ? 
“Et Veussent-ils concu hypothétiquement ; leur patience 
n’aurait-elle pas dû s’épuiser én vains efforts } à cause des 
innombrables essais qu’ils auraient dû faire , et du grand 
nombre de générations sur lesquelles ils auraient dû 
agir, pour n’arriver qu’à dés résultats imparfaits? Ainsi, 
plus ‘on examine la question‘; flus il reste démontré 
qu’une ‘grande intelligence ; qiunegrande douceur de 
éaraëtère ,;la crainté des châtimens.où la reconnaissance 
des bienfaits ;:sont insuffisantes pour que: des animaux 
devienneut domestiques ; qu’une disposition particulière 
est indispensable pour'que des animaux se soumettent-et 

s'attachent à l'espèce humaine ; et se fassent un besom 
dé‘sa‘protection. nt} 

‘Cette disposition me peut être que l’instinctdela so- 
ciabilité porté à un très -haut degré , et accompagné de 
qualités propres à en favoriser l'influence et:le dévelop: 
pement; car tous les añimaux sociables ne-somt pasisus: 
ceptibles de devenir domestiques. Mais tous nos amimanx 
domestiques ; qui sont connus dans leur'état demature, 
que leur espèce y soiten partie restée , ou que quelques- 
utss déleurs.races y soïent rentrées raçcidentellément ; 
forment des troupes plus ou moins nombreuses: tandis 
qu'aucuncespéee:soltaire , quelque facile qu’elle soit à 
apprivoiser,’h'a donné de races domestiques. En effet, 
il sufit d'étudier cette disposition pour voir que la do- 
mesticité new ést qu'une simple modification. Je ne ré- 
pétcrai pas , pour établir'cette vérité , ce que j'ai dû dire 
de Ta sociabilité dans le Mémoire quej'ai publié sur ce 


( 324) à 


sujèL; je me bornerai à comparer les animaux domesti- 
ques , à l'égard de l'homme , à ce que sont Les animaux 
sociables à l’égard l’un de l’autre. 

Lorsque, par nos bienfaits, nous nous sommes attachés 
des individus d’une espèce sociable, nous avons déve- 
loppé à notre profit, nous avons dirigé vers nous le pen- 
chant qui les portait à se rapprocher de leurs sembla- 
bles. L’habitude de vivre près de nous est devenue pour 
eux unbesoin d'autant plus puissant, qu’il est fondé 
sur la nature ; et le mouton que nous avons élevé est 
porté à nous suivre, comme il serait porté à suivre le 
troupeau aw milieu, duquel il serait né :-mais notre in- 
telligence supérieure détruit bientôt toute égalité entre 
les animaux et nous, et c’est notre volonté qui règle la 
leur, comme l’étalon qui; par sa supériorité , s’est fait 
chef de la harde qu'il conduit, entraîne à sa suite tous 
les individus dont cette harde se compose. I n’y a, au- 
cune résistance tant que chaque individu peut agir con- 
formément aux besoins qui le sollicitent ; elle commence 
dès que cette situation change. C’est pourquoi l'obéis- 
sance des-animaux n’est pas plus:absolue pour nous que 
pour leurs chefs naturels; et:si notre autorité est plus 
grande que celle de ceux-01, c'est que nos moyens de 
séduction sont plus grands que les leurs, :et:qué -œus 
sommes parvebus à restreindre de beaucoup les besoins 
qui , hors de l’état domestique , auraient excitéila volonté 
des animaux que nous nous. sommes associés, Les indi- 
vidus qui ont passé de main en main ;; qui ont eu plu- 
sieurs maîtres , et chez lesquels par-là se sonit affaiblies , 
sinon effacées, la plupart des dispositions naturelles, 
paraissent avoir pour tous les hommes la méme docilité : 


(325) 


ils sont soumis à l'espèce humaine entière. Cét état de 
chose ne peut pas être pour les animaux non domesti- 
ques; mais l’analogie se retrouve quand nous considé- 
rons les individus , soit isolés , soit en troupes , qui n’ont 
jamais eu qu'un maître : c’est lui seul qu’ils reconnais- 
sent pour chef, c’est à lui seul qu’ils obéissent ; toute 
autre personne serait méconnue et traitée même en en- 
nemie par les espèces qui n’appartiennent point à des 
races sur lesquelles la domesticité a exercé toute son ac- 
tion , c’est-à-dire comme seraït traité, dans une troupe 
sauvage , un individu qui s’y présenterait pour la pre- 
mière fois. L’éléphant ne se laisse conduire que par le 
cornac qu'il a adopté ; le chien lui-même , élevé dans la 
solitude avec son maître, est menaçant pour tous les 
autres hommes; et chacun sait combien il est dangereux 
de se trouver au milieu des t'oupeaux de vaches, dans les 
pâturages peu fréquentés , quand elles n’ont pas à leur 
tête le vacher qui les conduit. 

Tout nous persuade donc qu’autrefois les hommes 
n’ont été pour les animaux domestiques, comme ceux 
qui en ont un soin spécial ne sont encore aujourd’hui 
que des membres de la société que ces animaux forment 
enÿ.e eux , et qu'ils ne se distinguent pour ceux-ci , dans 
l'association , que par l'autorité qu’ils ont su prendre à 
l’aide de leur supériorité d'intelligence. 

Aïnsi tout animal sociable , qui reconnaît l’homme 
pour membre et pour chef de sa troupe, est un animal 
domestique. On pourrait même dire que dès qu’un tel 
animal reconnaît l’homme pour membre de son associa- 
tion , il est domestique, l’homme ne pouvant pas en- 
trer dans une semblable société sans en devenir le chef, 


( 326 ) 


Si actuellement nous voulions appliquer les principes 
que nous,venons d'établir, aux animaux sauvages , qui 
sont de nature à y être soumis , nous verrions qu'il en. est 
encore plusieurs qui pourraient devenir domestiques, si 
nous éprouvions la nécessité d'augmenter le nombre de 
ceux que nous possédons déjà. 

Quoique les singes aient les qualités les plus précieu- 
ses pour des animaux domestiques , l'instinct sociable et 
l'intelligence , la violence et la mobilité de leur carac- 
tère les rendent absolument incapables de toute soumis- 
sion , êt les exclut conséquemment du nombre des ani- 
maux que nous nous pourrions associer : la mème ex- 
clusion doit être donnée aux quadrumanes américains , 
aux makis et aux insectivores ; car, fussent-ils sociables 
et susceptibles de domesticité , leur faiblesse les rendrait 
inutiles. 

Les phoques seraient peut-être de tous les carnassiers , 
avec les chiens, les plus propres à s'attacher à nous et 
à nous servir ; et l’on peut s'étonner que les peuples pè- 
cheurs ne les aient pas dressés à la pêche, comme les 
peuples chasseurs ont dressé le chien à la chasse. 

_ Je passe sans m’arrêter sur les didelphes , les rongeurs 
et les édentés : la faiblesse de leur corps et leur intelli- 
gence bornée les mettraient dans l'impossibilité de s’as- 
socier utilement à nos besoins. Mais presque tous les 
pachydermes qui ne sont point encore domestiques se- 
raient propres à le devenir; et l’on doit surtout regret- 
ter que le tapir soit encore à l’état sauvage. Beaucoup 
plus grand et beaucoup plus docile que le sanglier, il 
donnerait des races domestiques non moins précieuses 
que celles du cochon , et dont les qualités seraient süre- 


(327 ) | 


ment différentes ; car la nature du tapir, malgré plusieurs 
points de ressemblance , s'éloigne beaucoup de celle du 
sanglier. Cependant letapir, quin’a quede faibles moyens 
de défense , se détruit en Amérique, où il est très -re- 
cherché à cause de la bonté de sa chair. Or, pour peu 
que l’Amérique méridionale continue à se peupler, l’es- 
pèce propre à cette contrée disparaîtra de dessus la terre. 

Toutes les espèces de solipèdes ne deviendraient pas 
moins domestiques que le cheval ou l’äne; et l’éducation 
du zèbre, du couagga , du dauw, de l’hémiaunus , se- 
rait une industrie utile à la société et lucrative pour ceux 
qui s’en occuperaient, 

Presque tous les ruminans vivent en troupes : aussi 
la plupart des espèces de cette nombreuse famille seraient 
de nature à devenir domestiques. Il en est une surtout , 
et peut-être même deux, qui le sont à demi, et qu’on 
doit regretter de ne point voir au nombre des nôtres, 
car elles auraient deux qualités bien précieuses; elles 
nous serviraient de bètes de somme et nous fourniraient 
des toisons d’une grande finesse : c’est l’alpaca et la vi- 
gogné. Ces animaux sont du double plus grands que nos 
plus grandes races de moutons : les qualités de leur pe- 
lage sont très - différentes de celles de la laine propre- 
ment dite, et l’on pourrait en faire des étoffes qui par- 
tageraient ces qualités , et donneraient incontestablement 
paissance à une nouvelle branche d'industrie (1). 


(1). On a objecté, contre la naturalisation des animaux des pays 
chauds, dans nos régions septentrionales, la différence des climats, qui 
a paru une difhculté insurmontable. On aurait évité cette erreur si Pon 
eût mieux connu les ressources de la nature et l'étendue de nos moyens 
d'influence sur les êtres vivans. C’est, au reste, par une autre erreur 


( 326 ) 

Je bornerai ici mes considérations sur la domesticité. 
Mon but était de montrer son véritable caractère , ainsi 
que les rapports des animaux domestiques avec l’homme. 
Elle repose sur le penchant qu’ont les animaux à vivre 
réunis en troupes et à s'attacher les uns aux autres : 
aussi:ne l’obtenons-nous que par la séduction , et prin- 
cipalement en exaltant les besoins et en les satisfaisant ; 
mais nous ne produirions que des individus domestiques, 
et point de races, sans le concours d’une des lois les 
plus générales de la vie, la transmission des modifica- 
tions organiques ou intellectuelles par la génération. Ici 
se montre à nous un des phénomènes les plus étonnans 
de la nature : la transformation d’une modification for- 
tuite en une forme durable , d’un besoin passager en un 
penchant fondamental , d’une habitude accidentelle en 
un instinct. Ce sujet mériterait assurément de fixer l’at- 
tention des observateurs les plus rigoureux et les médi- 
tations des penseurs les plus profonds. 

Cet essai est loin , sans doute, de contenir tous les 
développemens dont la domesticité était susceptible ; 
car, pour traiter complètement cette matière, il ne s’a- 
girait pas moins que de créer la science d’une des bran- 
ches les plus importantes de notre industrie , la conduite 
des animaux, c’est-à-dire de soumettre à des lois fon- 
dées sur la nature les pratiques aveugles et les règles 
empiriques , d’après lesquelles on se dirige généralement 
aujourd'hui; mais mes recherches ne seront pas sans 


qu’on a opposé cette difliculté à l'introduction en Europe de la vigogne 
ou de l’alpaca , animaux qui ne vivent que dans des régions très-tempé- 
rées; mais elle ne serait pas même applicable au tapir, quoïqu’originaire 
des pays Les plus chauds, 


2 


A 


| (329 ) 


utilité si elles montrent les principes d’après lesquels on 
peut se conduire pour agir eflicacement sur le naturel 
des animaux, les voies qu’il faudrait suivre pour leur 
amélioration , et tout ce qu'on pourrait espérer en ce 
genre d’une direction éclairée et persévérante. 

(Extrait des Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle.) 


De l'Influence que les Ganglions cervicaux , 
moyens et inférieurs du grand sympathique , 
exercent sur les mouvemens du cœur ; 


Par MM. H. Mrine Enwanps et P. VavassEur, MM.-DD. 


(Communication faite à la Société d’Hist. nat. de Paris.) 


Les causes des mouvemens alternatifs de dilatation et de 
contraction du cœur ont été depuis long-temps le sujet 
des hypothèses et des expériences des physiologistes. Il 
serait inutile d'exposer ici toutes les opinions diverses 
émises sur cette question , et nous nous bornerons à rap- 
peler quelques expériences récentes , auxquelles on pa- 
raît avoir attaché une importance qu'elles sont loin de 
mériter. 

Dans un Mémoire sur les fonctions du système ner- 
veux ganglionnaire , M. Brachet, médecin à Lyon, an- 
nonce que les mouvemens du cœur dépendent du nerf 
grand sympathique , et que la section des nerfs cardia- 
ques les arrête sur - le - champ, et pour toujours. Voici 
les expériences sur lesquelles il établit cette conclusion. 
« Après plusieurs essais , dit-il, je suis parvenu , non 


_» sans de grandes difficultés, à isoler sur deux chiens 


( 330 ) 


» les deux ganglions cervicaux , moyen et inférieur. Au 
» moment où j'ai fait la section des nerfs cardiaques qui 
» en partent, le cœur a de suite cessé son action : le plus 
» souvent la mort a été le résultat de l’hémorrhagie, 
» avant que je n’aie pu arriver aux nerfs, à cause de 
» leur situation profonde (1). » 

Chacun sentira combien de pareilles expériences sont 
peu concluantes. En effet , puisque dans tous les cas , à 
l'exception de deux, la mort est survenue avant la sec- 
tion des nerfs en question, que peut-on conclure des 
deux seules expériences dans lesquelles la vie s’est pro- 
longée quelques instans de plus, pour ne cesser qu’a- 
près la section de ces cordons nerveux ? 

Un résultat si mal établi ne pouvant être admis sans 
examen , nous avons cru devoir répéter les expériences 
dont noûs venons de parler, en ayant soin toutefois d’en 
écarter autant que possible les causes qui nous parais- 
saient de nature à les empêcher de donner des résultats 
concluans. 

Dans cette vue nous avons choisi , pour sujets de nos 
expériences , des chiens et des chats nouveau-nés, qui 
jouissent, comme on sait, de la faculté de résister pen- 
dant un temps très - considérable , et sur lesquels nous 
pouvions par conséquent ouvrir largement le thorax sans 
causer une mort instantanée. Il nous a été alors très-fa- 
cile de mettre à nu les ganglions du trisplanchnique , 
d'où naissent les nerfs cardiaques, de couper tous ces 
nerfs , ou d’extirper ces ganglions eux-mêmes de chaque 


(x) Mém, sur les Fonctions du Système nerveux ganglionaire ; pax 


M. Brachet, p. 47. 


(33) 
côté du cou , et d'observer directement les effets de cette 
opération sur les mouvemens du cœur. 

Dans une première expérience faite sur un chat, âgé 
seulement de quelques heures , nous ouvrimes largement 
la poitrine sur la ligne médiane, afin de diminuer au- 
tant que possible l’efflusion du sang , et nous renversâämes 
les côtes en dehors ; la respiration cessa aussitôt , et ce- 
pendant le cœur continua à battre avec régularité, mais 
en se ralentissant progressivement , pendant environ une 
demi-heure. 

Sur un autre chat, et de la même portée, nous répé- 
mes cette expérience, avec cette seule différence qu'après 
avoir mis à nu les ganglions cervicaux des deux côtés de 
la base du cou , nous fimes les sections de tous les filets 
cardiaques qui en partent. Les mouvemens du cœur n’en 
continuèrent pas moins à avoir lieu avec régularité, et 
cela pendant un temps tout aussi long que dans l’expé- 
rience précédente. 

Enfin , sur un troisième chat de la même portée, nous 
fimes , de la manière que nous venons d'indiquer, l’ex- 
ürpation de ces ganglions eux-mêmes , sans que cette 
opération parüt agir en aucune manière, soit sur la ré- 
gularité , soit sur la durée des mouyemens du cœur. | 

Ces expériences, répétées sur des chiens, nouveau- 
nés , ont donné des résultats parfaitement identiques ; 
seulement les animaux ont vécu plus long-temps, et chez 
l’un d'eux, les mouvemens du cœur ont persisté pen- 
dant plus d’une heure (1). 

Re à à lot dl dy stop ail gbipu ges El pret re 


(1) Lorsque nous communiquämes ces expériences à la Société philo- 
matique, M. Ducrotay de Blainville prétendit que c'était en extir- 


(332) 


Exrrair d’une Lettre de M. Lancsporr, Conseiller * ” 
d’état et Consul russe au Brésil, à 4. le colonel 
Bory DE SainT- VINCENT. 


(Communiqué à l’Institut.) ! 


Mendioca, 15 mars 1826. 

J’ai la satisfaction de vous annoncer que l’appareil que 
vous avez décrit sous le nom de Coquette (1) , m’a réussi : 
au-delà de toute espérance. Je compte en faire un grand 
usage dans le voyage que je vais entreprendre dans les 
parties centrales de la région méridionale du Nouveau- 
Monde... Je quitte la capitale pour faire la plus vaste 
course continentale qu’on ait jamais entreprise. Je des- 
cendrai la rivière Tiété, province de Saint - Paul , jus- 
qu'au grand fleuve de Parana , dont je descendrai un 


certain espace pour gagner l’embouchure du Rio pardo, 
qui s’y jette en formant les limites des provinces de À 


pant les ganglions cardiaques , et non les ganglions cervicaux, que x 
M. Brachet avait obtenu lerésultat dont il vient d’être question, et qu’en 
opérant sur les ganglions cervicaux, il avait constaté que leur destruc- 14 
tion n’iufluait en rien sur les mouvemens du cœur. Nous ignorous si 
cette opinion est énoncée dans quelqu’ouvrage inédit de M. Brachet ; 
mais elle est en opposition directe avec ce qu’il a imprimé dans son Mé- 
moire sur les fonctions du système nerveux ganglionnaire , et où il 
dit expressément , ainsi qu’on le voit d’après la citation rapportée ci- 
dessus, que c’est sur les ganglions cervicaux du grand sympathique qu’il 
fit ses recherches, et que la section des nerfs qui en partent déterminé 
sur-le-champ la cessation des mouvemens du cœur. (H.M.E.) 
() Appareil pour dessécher promptement les plantes , décrit par le 
colonel Bory de Saint-Vincent , ayec figurés , tom. 11, p. 16 et 504 du 


présent recueil. | 


(333) 


Matto-Grosso et de Guyaes ; je remonterai le Rio parda 
Jusqu'à ses sources , où se trouvent d'assez hautes mon- 
tagnes : je me suis pourvu des moyens nécessaires pour 
le transport de mes grands canots par terre, durant 
quatre ou cinq lieues , après quoi je trouverai, en sui- 
vant d’autres sources occidentales , le Rio Tacuari , très- 
navigable, qui me conduira , après quelques mois, dans 
le plus beau fleuve de l’univers, le Paraguay. Alors 
m'attachant à son cours , je compte ne plus m’arrêter 
que je né sois rendu dans la Silla du Cuyaba , capitale 
de la province de Matto-Grosso. | 
Je compte séjourner un an vers le centre du Nouveau- 
Monde ; je ne me remettrai en route que pour aller cher- 
cher la source de quelque affluent navigable de la rivière 
des Amazones , soit le Rio Topajo , soit le Xingu, par 
lequel je redescendrai vers la mer, pour venir terminer 
mon voyage à Para. Je désirerais beaucoup que vous 
fissiez paraître dans quelque recueil scientifique la note 
ci-jointe, relative aux racines du Caïnca ( Chiococca ) 
dont les voyageurs qui m'avaient précédé en Amérique 
n'avaient pas connu les propriétés proue: , à Moins 
que le savant M. de Saint-Hilaire n’en ait parlé dans 
ses derniers voyages , ce qui doit être, car je serais sur- 
pris que ce laborieux et scrupuleux DR eût Jaissé 
échapper une chose si importante. à 
Parmi. les observations scientifiques que j'ai eu OCCa- 
sion de faire pendant un long séjour au Brésil , je place 
au premier rang , pour leur utilité, celles qui sont rela- 
tives à la racine appelée dans Je pays Caïnca , laquelle 
est maintenant employée en plusieurs endroits du Bré- 
sil, comme un remède spécifique contre l’hydropisie. 


(534 ) 

La plante qui produit celte racine appartient au genre 
Cliococca, de la famille Rubiacées (1). M. L. Riedel , 
qui m'accompagne comme botaniste pendant nes voya- 
ges dans l’intérieur du Brésil , a découvert deux espèces 
difiérentes de ce genre, lesquelles ont des propriétés 
médicales communes. Ces espèces sont : 


Chiococca(racentosa) scandens. Fois ovatis acuminatis nitidis ; flori- 
bus racemosis ; racemis axillaribus secundis Z. Elorés albi vel flaves- 
centes ; odori : bacca compressa subcarnosa. Habitat in collibus syl- 
vestribus, locisque glareosis provincia Minas- Geraes, Flor. maio , 
junio. 

g : | 

Chiococca angui fuga (Martius). Cahinca , Caïnëa atque Raïz preta 
des Portugais. Foliis ovatis acuminatis glabris ; racemis panniculatis 
axillariblis foliosis. Arbuscula suberecta. Flores ‘yivide-lutei vel ru- 
bescentes : bacca compressa, In campis siccis glareosis,, Brasiliæ , 
prov. Minas- Geraes L. 


Les, aborigènes de l'Amérique méridionale ‘ont em- 
ployé ce Hélieament depuis plusieurs siècles comme un 
antidote ,contre la morsure des serpens venimeux. En 
différens endroits , son nom varie; dans Ja province de 
Minas-Geraes , il est nommé iaïz preta, c ’est-à-dire ra- 
cine noire : en quelques lieux il retient son nom indien 
le Cahinca ou Caïnca ; près de Sabara, Crusadinha 
est le nom qui lui est donné, qui signifie, une herbe : avec 
des feuilles opposées en croix; et dans la province de 
Saint-Paul il est nommé Cipo-Cruz | #4 c'est-à-dire plante 


A1 3:81 


AD PT HO avec les feuilles croisées : cependant le Cainca 
1 1: 


n est Pas. positivement un végétal rampant, cgmme le 


(1) M. Kunth place le genre Chiococca-dans la tribu des Cofléacées. 


(B) 


(335 ) 


Chiococca scandens, que Brown fit connaître anCienne- 
nent. 

Le baron V. Eschwegens est le premier qui ait parlé 
publiquement, maïs en mème térnps très - imparfaite- 
ment, de l'efficacité de cette plante contre la morsure 
des sérpens venimeux, dans son Journal von Brasilien, 
vol. 1, p. 225. Le baron n'est pas botaniste, et la re- 
préséutatiôn qu'il en a donnée , tab. 3 , est $i dissembla- 
ble et si incorrecte qu'il est impossible de reconnaître à 
quel génre appartient ce dont il veut parler. On trouvé 
encore quelque chose sur lés propriétés de là racine, 
dont il est question dans les voyages au Brésil des doc- 
teurs V: Spix et V. Martuius ; vol. 1, p. 306. 

(Cepéndant on n'avait pas encore parlé en Europe’ des 
propriétés du Chiococca racémosa contre l’hydropisie, 
qui est une’ maladie très-fréquenie au Brésil, ce que 
j'attribne à l’usage immodéré du rhum nouveau’et à l'i- 
vrognerie qui én résulte trop communément, Ces pro- 
priétés m avaient d’abord été indiquées par les Curers ou 
Curio$o$ du pays ; aussi h’ y ajoutai-je d’ abord pas beau- 
coup dé foi’, car les médééins habiles formés par l'étude 
étant fort” fares ici, ôn a ordinairement recours , dans 
les malädiés, à des receités prescrites par de’ Vitilles 
femmes , des Indiens ou des charlätuis , qui préhnént le 
titre de guérisseurs où de curieux. Mais ayanñt enfin porté 
mOn atténtion sur le faitl, je l'ai fait vérifier moi-nième 
à diverses reprises par d’habiles gens , erje poürrais eie 
ter ici les cures qui ont éié übteñnés'; ; Je les nürfinérais 
volontièrs classiques , parce qu’éllés ont éu'Tiéu sur ‘des 
personnes exemples de préjugés , , et LS sont’Ià APE at- 
icster la vérité des faits!" | 


(336 ) 


Je puis citer, parmi les autorités respectables et ins 


comestables , un propriétaire nommé le Senhor Paulo 
du Vargem grande, près la rivière du Paraïbrena ; il fut 
le premier à diriger mon attention sur cet objet, et m'a 
assuré qu'il avait souvent guéri radicalement divers hy- 
dropiques désespérés, par l'administration de. cette ra- 
cine. 

M. le lieutenant - colonel Guide Marlière de Minas- 


Geraes considère le Chiococca racemosa comme une pa- 


nacée dans le même cas. Il en a obtenu des succès qu’il 
regarde comme miraculeux. A 

Le docteur Guddoy, premier médecin dans Ë pro- 
vince des Mines depuis douze ans, a publié, dans un 
journal périodique, le Patriote, à Rio-Janeiro , les 
cures qu’il avait obtenues par la racine de Chiococca ra- 
cemosa dans des cas d’hydropisie invétérée.…. ,, 

L' intelligent et respectable prêtre de Santa - La de 
Sabura m'a aussi communiqué l’ information de diverses 
guérisons opérées par le mème spécifique. Il en est de 
même du docteur Charles Eugles.de la villa de Yià ; pro- 
vince d Saint - Paul ; ce dermies est un médlacin alles 
Le séléhre docteur LE n'avait d’abord employé 
le Chiococca racemosa, et d’après, l’ancien usage, que 
comme un remède contre la morsure des reptiles veni- 
meux :,je lui signalai ses propriétés dans l’hydropisie ; 
l'année, dernière 1825 ; depuis il n’a cessé de l’employer 
avec avantage, et.ma fait connaître Jes mervailleuses 
guérisons qu'il a dues:en peu de temps à la décoction de 
cette racine. | 

La plante dont je parle croit principalement A2 l'in- 


4 
: 
| 


( 337) 


térieur du pays ; il est rare qu’on la trouve à la proxi- 
mité des côtes, ce qui, sans doute, fit qu’elle échappa 
à Piso , actif observateur qui, en 1649, rechercha le pre- 
mier de quelle plante provenait positivement la racine 
d’ipecacuanha. Elle préfère une terre végétale riche et 
légère ; cependant M. Riedel l’a trouvée quelquefois dans 
des terroirs sablonneux... Elle aime l’ombre et l’humi- 
dité , et se trouve parmi les broussailles. La racine rampe 
sur la surface de la terre, et comme elle ne pivote ja- 
mais , on peut l’arracher facilement. 

L’odeur de la racine est acrimonieuse, volatile et dés- 
agréable , ressemblant un peu à celle de la valériane ou 
de l’ipecacuanha ; son goût est aromatique, amer, nau- 
séabond , âpre et irritant dans le gosier. 

En attendant que des expériences soignées et une 
bonne analyse fixent l'opinion à l’égard de cette racine, 
je la recommande principalement dans l’hydropisie. 


Une simple infusion de la racine agit comme un doux 
laxatif (r}. 

On s’en sert aussi comme drastique pour produire des 
évacuations immédiates et copieuses ; le docteur Engler 
l’a administrée avec un succès surprenant (2). Quand le 
système lymphatique est supposé attaqué , le docteur En- 
gler l’administre avec le plus heureux succès, conjoin- 


(r) Voici la formule : Pr. radic. Caïncæ 5jj.— Æquæ comm. jf. — 
Coque ad dimid. et cola. — Dos. Bis vel ter in die magna cochlearia 
sumenda. 

(2) Voici les proportions : Pr. radic. Caïncæ %j. — ÆAquæ comm. 1bijj. 

_— Coq. ad dimid. et cola. — Dos. Ter quaterve in die cochlearia duo 
magna sumenda, 


IX. 22 


(338) 


tement avec des préparations mercurielles , et la préfère 
infiniment au Lobelia siphilitica Linn. 

C’est dans l’écorce extérieure de la racine que sa vertu 
médicinale existe, comme celle de l'ipecacuanha; car 
la substance ligneuse interne ne possède aucunes proprié- 
tés particulières. 

J'ai envoyé à l’Académie de Saint-Pétersbourg quel- 
ques livres de cette racine, pour qu’on puisse en faire 
l'analyse , et la soumettre à des expériences convenables. 


NorTe sur une sorte de Torpeur très - longue, 
particulière aux racines du Mürier noir ; 


Par M. Dureau pe La Mae, 
Membre de l’Institut. 


(Extrait d’une Lettre aux Rédacteurs.) 


J'avais un müûrier noir ( Murus nigra L.) très- 
vieux, à Landres , dans la cour de ma maison ; cet arbre 
fut fendu par le vent en quatre quartiers , en 1790. On 
en coupa deux qui avaient été renversés ; les deux autres 
subsistèrent et donnèrent des fruits pendant quelques 
années. Le dernier des quartiers de cet arbre, qui avait 
été écartelé jusqu’à la racine, fut arraché en 1802 : un 
sureau avait cru à la place du mürier ( probablement de 
graines tombées au milieu du tronc creux de cet arbre), 
et y avait végété avec une grande vigueur. Ce sureau vient 
de mourir, et depuis un an qu'il a commencé à languir, 
il a poussé hors de terre une douzaine de petits müriers 


( 339 ) 


noirs , dont deux ont déjà un pouce de diamètre et deux 
pieds de haut. 

J'ai fait arracher devant moi le sureau dont le tronc 
a par le bas un pied de diamètre, pour m'assurer si ces 
rejetons de mürier provenaient de graïnes conservées en 
terre pendant vingt-quatre ans , ou bien des racines du 
vieux müûrier , qui auraient vécu si long -temps de cette 
vie subterranée sans pousser hors de terre aucun jet, 
quoique le sol soit très-bon , bien exposé au soleil , et 
qu'ils n’y pussent être gènés que par le sureau , qui en- 
core était isolé au milieu de cette cour herbée, quia un 
demi-hectare d’étendue et est située au levant, 

L'expérience a prouvé ce fait curieux de longue vie, 
dans une sorte de torpeur , des racines. enfermées sous 
la terre , séparées entièrement du tronc , et qui subsistent 
sans pousser au dehors aucuns rejetons. 

En déracinant le sureau , on a coupé avec la pioche 
une très grosse racine du vieux mürier, détruit entière- 
ment au-dessus du sol depuis vingt-quatre ans; cette ra- 
cine, de cinq pouces de diamètre, était bien vivante, 
et lors de l’incision a rendu , de l'écorce et de l’aubier, 
un suc très- épais et très-abondant , blanc , visqueux, 
semblable à du lait qui tourne en crème , ou au suc 
épaissi du Tithymale. ai fait enlever la terre avec soin 
dans la direction de cette racine , et je me suis assuré que 
les rejetons du mürier dont j'ai parlé naïssaient de sa 
partie supérieure. 

J'ai fait arracher avec précaution le sureau , et jai pu 
conserver les deux plus beaux rejetons de mürier , qui 
restent en place , comme pièces probantes ; pour con- 


stater ce fait singulier de physiologie végétale. 


(340) 


A paraît que Île sureau ayant poussé avec une grande 
vigueur, a enlevé à la racine du mürier les sucs qui lui 
auraient été nécessaires pour pousser des jets hors de 
terre, sans pourtant pouvoir parvenir à lui ôter la vie ; 
11 l’a réduite à un état d’engourdissement et à la vie sub- 
terranée , dont elle n’est sortie qu’au moment où la force 
végétative du sureau a commencé à décliner. 

J'avais observé à Paris un fait semblable, mais pour 
une période bien moins longue. En reconstruisant 
(l'an 1822 ) un mur de mon jardin, rue de La Roche- 
foucault, n° 11, une Clématite ( Clematis viticella) 
avait été enfouie sous les fondations ; elle n’a commencé 
à pousser des jets hors de terre qu’en 1825, et depuis 
celte époque , sa végétation est toujours faible. 


Nore sur quelques Circonstances de la gestation 
des femelles de Kanguroos , et sur les Moyens 
gwelles mettent en œuvre pour nourrir leurs pe- 
tits suspendus aux tétines ; | 


Par M. Grorrroy Sarnr-Hiraire, 
Membre de l’Institut. 


(Lue à la Société d’Hist nat. de Paris, le ver décembre 1826.) 


Aujourd’hui, 1** décembre , on me donne avis qu'une 
de nos femelles de Kanguroo, dont le Jardin du Roi est 
redevable à la munificence de madame la duchesse de Ber- 
ry, porte un petit, maintenant visible et détaché dans sa 
bourse : on ignorait qu’elle füt pleine. Les circonstances 
de la gestation sont curieuses, et c’est là le fait que je porte 


(541) 

à la connaissance de la Société. C’est en juin dernier que 
S. A. R. enrichit la Ménagerie d’un couple (1) de Kan- 
guroos ; le mâle périt dans les derniers jours de juillet. 
On n'eut aucun soupçon d’accouplement ; mais, hier 
matn, on aperçut du sang dans la litière de la femelle, et 
ce matin on vit la bourse, jusque-là tenue soigneusement 
fermée, s'ouvrir, et le petit présenter la tête en dehors, 
Yena-t-il un ou plusieurs ? on l’ignore encore. Pour 
ménager la mère , j’ai défendu qu’on fit cette recherche. 

Le fâicheux évènement de la mort du mâle, arrivé 
quatre mois avant l'apparition du fœtus, nous vaut un 
document certain sur la durée de la vie embryonaire, puis 


(x) L’un de ces Kanguroos est né à Rosni. Le gardien-surveillant des 
animaux de S. A. R., homme attentif et annotateur exact, a consigné 
sur un registre d’observations des faits analogues à ceux de la présente 
Note : je les publie ici. 

Une femelle fut couverte , à Rosni, le 6 mai 1825 ; elle mit bas, c’est- 
à-dire qu’elle introduisit dans sa bourse un être dans l’état d’embryon 
le 6 octobre suivant. Cet évènement fut signalé par du sang et de la ma- 
fière muqueuse ou gélatineuse mélangés ensemble , étant tantôt très- 
fluides , et tantôt plus ou moins visqueux et sous forme de filamens : la 
femelle fut deux jours dans cet état. Depuis, la poche resta exactement 
fermée jusqu’en janvier 1826 ; alors eut lieu la seconde naissance du su- 
jet, annoncée , comme dans la première époque , par un état de malaise, 
c’est-à-dire que le fœtus fut détaché de la tétine ; prenant alors plaisir à 
venir respirer plus à l'aise vers l’ouverture de la bourse, en portant sa 
tête au dehors. Enfin , étant devenu plus fort , il fit sa première sortie le 
5 mars 1826. La boursé grandissait au fur et à mesure que le petit ac- 
quérait plus de volume ; le plus souvent la mère l’appelait à elleet par 
un! signal qui consistait en un grognement doux. Elle se courbait pour 
augmenter la capacité et l’ouverture de sa bourse , et le petit s’y rendait 
par un bond qui ne manquait jamais son effet ; il arrivait à fond la tête 
la première , mais pour se retourner et se montrer tout aussitôt, la tête 
en dehors. 


( 342) 


fœtale des petits ; du moins quant à une limite de cette 
époque. Car le sang apercu à la litière est un indice qu’à 
ce moment le fœtus s’est détaché de la tétine, et qu'il 
est né définitivement à [a manière des marsupiaut, c’est- 
à-dire qu’il a quitté la vie fœtale pour entrer dans l’exis- 
tence d’un lactivore. Conséquemment quatre mois sont 
au moins nécessaires pour que cette deuxième naissance 
arrivât. 

Je saisis cette occasion pour faire connaître un autre 
fait concernant la nourriture d’un fœtus , ou peut-être 
seulement d’un lactivore de Kanguroo. Voici comment , 
et dans quelle circonstance , j'ai reçu cette information. 

M. le docteur Busseuil , aux soins duquel la science 
est redevable des travaux zoologiques de l’expédition de 
la Thétis, frégate de l'État, nouvellement de retour 
d’un voyage de circum - navigation , voulut bien avoir 
l’extrème obligeance de m'adresser de Brest, lieu de son 
débarquement , un bocal contenant une glande mam- 
maire de Kanguroo , qu’il s'était procurée dans une re- 
Riche à la Nouvelle-Hollande. Cette glande était revètue 
de ses tégumens et pourvue de tétines plus longues et 
plus renflées , comme elles le sont après la mise bas ; de 
l'extrémité d’une tétine pendait un fœtus. Cette pièce 
m'a vivement intéressé , d’abord par son parfait état d’in- 
tégrité, puis par les moyens qu’elle me fournissait de 
poursuivre d'anciennes recherches. 

Car, alors que je rédigeai un très-long article pour le 
Dictionnaire des Sciences naturelles, le mct Manrsu- 
PIAUX , je m'étais fait , sans les résoudre’, plusieurs ques- 
tions.sur les rapports du fœtus avec sa mère, aux pre- 


miers inomens où il esc visible à la tétine. Ce fœtus, 


(343 ) 
dont la constante suspension à la tétine est un fait .de 
premier âge , y est-il retenu mécaniquement , ou adhé- 
rent par un eflet de soudure ? puis, de quelle nature serait 
le fluide qui fournit à son alimentation ? et enfin quelle 
force détermine le transport de la nourriture de la mère 
au fœtus ? Car, est-ce la mère qui l’injecte ? Est-ce le 
fœtus qui s’en empare par un effet de succion ? La pièce 
de M. Busseuil donne, d’une manière satisfaisante , quel- 
ques élémens , pour une partie de ces questions. 

Il est de fait que le fœtus n’a point encore acquis d’or- 
ganes musculaires , qu'il est déjà adhérent à la tétine; 
il est donc privé des ressources mises en œuvre, durant 
la succion , par tous les Mammifères dans la condition 
de lactivore. 

J'ai d’abord porté mon attention sur le mode de rete- 
nue du fœtus à la tétine; et, j’en préviens , sans que 
cela füt entièrement concluant à l'égard des journées an- 
térieures , je me suis assuré qu'alors il y était retenu 
mécaniquement , et non par un effet de soudure ; la té- 
tine formait un tuyau long de huit lignes, renflé considé- 
rablement à son extrémité. C’est ce bout renflé qui , une 
fois introduit dans la bouche du fœtus , bouche rétrécie 
vers les commissures des lèvres, et ne s’ouvrant ou ne se 
fendant que fort tard ; qui , dis-je, introduit , forme une 
tubérosité ét comme un arc-boutant d'arrêt. L’extrémité 
de la tétine est percée de plus de douze trous visibles à 
l'œil nu. En outre de la longueur de la tétine , telle que 
cette longueur existe visible au dehors , la tétine se pro- 
longe , par delà la peau, par un tuyau de quatre lignes 
au-devant de la glande mammaire. J'ai examiné le tissu 
de ce tuyau, et j’ai vu avec surprise que sa couche ex- 


( 544 ) 
terne était musculaire ; sur sa surface sont des vaisseaux 
émanés de la glande mammaire, en même temps qu'il 
en arrive d’autres sur le gland terminal de la tétine, 
lesquels proviennent de ceux répandus dans le derme. 

Cela posé, il m'a paru que la mère , profitant de ce 
singulier appareil, injecte elle-même le fluide qui doit 
servir à l’alimentation de son fœtus; car le tuyau mus- 
culaire venant à se contracter, c’est-à-dire, opérant , par 
une diminution de diamètre , l'allongement de la partie 
inscrite , il faut bien qu’alors tous les fluides y contenus 
se répandent en dehors. 

Mais dans mon article Warsupiaux, j'ai fait déjà con- 
naître un appareil de déglutition chez le fœtus , propre 
à se concerter avec celui que donne la conformation de 
cette tétine chez la mère; j’ai montré que le larynx plonge 
dans les arrières-narines , quand le fluide nutritif se ré- 
pand de chaque côté de lui pour arriver dans l’oœsophage. 

De là résulte que la mère , faisant usage et de son étui 
musculaire autour de la tétine et de muscles répandus 
dans le derme de la bourse , n’a qu’un seul mouvement 
de va et vient à faire pour injecter le fluide qui remplit 
la tétine. Elle approche, puis écarte le fœtus à l’égard 
de la glande mammaire ; et le fluide qui gonfle le gland 
et toute la tétine va se répandre et humecter la bouche 
du petit, d’où rien ne peut sortir ; car, je le répète, les 
commissures des lèvres sont alors exactement fermées. 

Mais est-ce un fluide séreux , un fluide muqueux, ou 
du lait dans un premier état d'élaboration , qui arrive à 
la bouche du fœtus ? Voilà ce que ne peut nous appren- 
dre la pièce anatomique de M. Busseuil, et ce que je 
laisse indécis. 


(345 ) 


Mémoine sur la Nicothoé, animal singulier qui 
suce le sang des homards ; 


Par MM. V. Aupouin et Mirne Enwanps. 
( Lu à l’Académie des Sciences le 13 nôvembre 1826.) 


On rencontre dans la nature, indépendamment de cer- 
tains insectes parasites à l’état de larve, et de la classe 
entière des vers intestinaux, un grand nombre d’êtres 
dont les habitudes sont analogues , mais qui vivent tous 
à l'extérieur. 

Trop faibles pour affronter un danger , n’ayant sou- 
vent point d’yeux pour l’apercevoir, ne sachant ni fuir 
ni avancer, parce que leurs pattes sont devenues trop 
courtes pour traîner leur énorme corps , incapables par 
conséquent d'aller à la recherche de leur nourriture , ces 
animaux , s’il est permis de le dire , sont réduits à vivre 
de la vie des autres. 

C’est peu de temps sans doute après leur naissance, 
qu’ils se cramponnent à l'animal dontils ont fait choix; 
bientôt ils enfoncent leur bouche dans ses chairs, et y 
restent fixés aussi intimement que le jeune didelphe au 
mamelon de sa mère ; à les voir immobiles, on croirait 
vraiment qu'ils sont tous redevenus fœtus. Placés dans 
quelque lieu propice où leur corps faible et dénudé est à 
l'abri du danger, ils y puisent tranquillement une nour- 
riture succulente et copieûse , qui fournit à leur exis- 
tence et à leur accroissement. La nature impose donc à 
l'étranger auquel ils ont confié leur sort, le tribut onéreux 
d’être à la fois leur égide et leur mère. 


LA 12 ” 
IX, — Décembre 1826. 23 


( 346 ) 

Tels sont parmi les animaux articulés, les Tiques , les 
Achlysies ; les Bopyres, etc. ; telles sont les Lérnées , et 
tel est aussi le petit être dont nous allons entretenir l’A- 
cadémie (1). ( 

C'est en étudiant à Granville , et dans les derniers 
jours de septembre , le homard commun de nos côtes , 
que nous l'avons découvert. Il adhéraiït à ses branchies, 
et cé qui nous surprit d'abord, ce fut la singularité de 
son aspect. 

Qu'on sé représente ‘un añimal pourvu de quatre pro= 
longemens ; qui le font ressembler à un papillon dont la 
tête et le ventre auraient disparu , et qui ne montrerait 
plus que son thorax avec ses'déux paires d'ailes ; qu’on 
s’imaginé qu’il à tout au plus une demi-ligne de lon- 


uéur, tandis que son diamètre transversal atteint près de 
5 > F 


RTE 
(1) M. Latreïlle, l’un des commissaires chargés par l’Académie de 
rendre compte de notre Mémoire, a émis dans son rapport plusieurs 
idées ingénieuses, qu’il nous a paru utile de faire connaître ‘par des 
notes: telle est la suivante, qui a rapport aux animaux articulés para- 
sites. ‘ 
« Pour suppléer à la faiblesse de certains.êtres, la nature,a employé, 
qu’on me permette cette expression , le parasitisme. Fixés habituelle- 
ment sur d’autres animaux , ces êtres, privés d’organes dé locomotion, 
ou n’en ayant que de rüdimenñtaires, y puisent leur nourriture et s’y 
propagent quelquefois même en si grande quantité, que ceux-ci, hors 
d'état de se délivrer d’hôtes si tenaces et,si voraces, finissent par suçcom- 
ber d’épuisement. En nous bornant à la série des animaux invertébrés 
articulés , nous voyons que chaque classe , ou grande coupe , se termine 
par des animaux de cette sorte ou patasites. Nous citérons les Branchio- 
podes suceurs , ou les Caliges de Müller; les genres Acarus , Pediculus 
et Pulex de Linnæus; celui d'Hippobosque ; et quant aux Annelides, ce- 
lui d'Hirudo ou de Sangsue. Sur les dernières limites, ce parasitisme 
devient général , témoin la classe des vers intestinaux. » 


(347) 
irois lignes ; qu'on se figure enfin que ses espèces d'ailes 
sont opaques , cylindriques , étroites , sans aucun mou- 
vement, et déjà on aura pris une idée générale dw petit 
être dont il s’agit. 

Son corps est mou et enveloppé par une membrane 
épidermique , incolore , assez semblable à du parchemin 
qu’on aurait mouillé , mais diaphane , et laissant voir à 
travers elle les couleurs propres à l’animal. Ses deux 
prolongemens antérieurs sont d’un rose un peu jaunâtre; 
les postérieurs ont une teinte rosée assez vive. 

Si on s’arme d’une bonne loupe , on n’aperçoit point 
d'antennes , point d’yeux , point de pattes’; seulement on 
croit voir antérieurement une petite éminence qu’on juge 
être la bouche, et cela avec d'autant plus de vraisem- 
blance , que c’est par cette extrémité antérieure que l’a- 
nimal adhère à la branchie du homard. Au contraire , 
on distingue très - nettement l'organisation des quatre 
prolongemens latéraux dont il a été fait mention ; les an- 
térieurs sont des expansions tégumentaires contenant 
des viscères ; les seconds sont, à n’en pas douter, des es- 
pèces de sacs qui ‘renferment un grand nombre d'œufs. 

Cet animal nous parut donc très-simple , et cette 
simplicité , jointe à la molesse de sa peau , à l’anomalie 
de ses formes , à l'existence des deux grappes ovifères 
qu'il porte suspendues à son corps, et à son genre de 
vie, ne nous donna pas le choix sur la détermination 
qu'il fallait en faire. Nous le regardämes comme une 
Lernée , et tous les naturalistes auxquels nous le mon- 
trâmes n’hésitèrent pas à le juger tel. 

Bien que la description que nous venons de donner 
soit aussi complète que la plupart de celles fournies par 


( 348 ) 


les zoologistes qui ont étudié les Lernées, nous yen: 
sions qu’on pouvait faire plus , et nous étions loïn d’être 
contens de nous - mêmes ; car dans les sciences de re- 
cherches , la satisfaction de l’esprit ne se mesure pas tant 
sur la conscience d’avoir bien observé que sur l'espoir 
d’avoir vu tout ce qu’il était possible de voir. 

Ce scrupule nous préoccupait d'autant plus que nous 
avions à faire à un de ces êtres dont l’organisation est 
encore un problème , et l'existence une bizarrerie. 

Nous nous proposämes donc de mieux étudier la Ler- 
née du homard. Nous la plaçimes au foyer d’une très- 
forte loupe , puis à celui d'un excellent microscope , et 
ce ne fut pas sans une grande surprise que nous aper- 
çümés en elle un être tout différent de celui que nous 
avions vu d’abord. 

On distinguait alors un test ou thorax pourvu de deux 
yeux , et formé par la réunion de quatre segmens ; les 
grandes ailes les embrassaient sur les côtés, et semblaient 
avoir leur origine derrière le quatrième anneau; elles 
occupaient en longueur un espace assez étendu, puis 
venait un abdomen eflilé, formé de cinq anneaux très- 
distincts , le premier donnant insertion aux seconds pro- 
longemens que nous avons dit être des sacs ovifères , et 
le dernier étant terminé par deux longs poils. Si on ren- 
versait l'animal, on apercevait l’insertion de deux an- 
tennes assez longues, la bouche , et cinq paires de pattes ; 
enfin le petit animal qui nous avait semblé être une Ler- 
née lorsque nous le regardions sous une loupe qui déjà 
le grossissait plus de neuf fois , était devenu un véritable 
Crustacé, très - voisin de ceux que Linné, Geoffroy , 


Degeer et Jurine ont décrit sous le nom de Monocle , et 


A 


( 349 ) 


que d'autres naturalistes, tels que Muller et M. Eatreille, 
nomment Cyclope. 
L'inspection de nos dessins fera participer tout. le 
monde à l’étonnement que nous éprouvames en consta- 
tant ce fait curieux. La figure 1 représente le crustacé. 
de grandeur ngturelle. Lorsqu'il est grossi neuf fois on 
ne distingue encore que les œufs contenus dans leurs 
sacs, et rien de plus; l'animal, dans cet état, ressemble 
encore à une Lernée. Si on jette ensuite les yeux sur la 
figure 2 , dont le grossissement est considérable, on ne 
peut hésiter à reconnaître en lui un véritable Crustacé. 
Ce qui en impose d’abord sur l’organisation de ce pe- 
tit être, ce sont les prolongemens latéraux de son corps. 
Qu'on fasse abstraction de ces espèces d'ailes, et qu’on 
rapproche l’abdomendu thorax, toutrentrera dans la classe 
des formes ordinaires. Au fait, les expansions latérales 
antérieures ne nous paraissent être autre chose qu'un dé- 
veloppement excessif du cinquième anneau du thorax. 
Dans les Monocles, il est très-court, toujours plus 
mou que les autres , et transparent (1); ici, il s’est ac- 
cru outre mesure, particulièrement dans le sens trans- 
versal : voilà toute la différence. Ces deux expansions la- 
térales (2) sont assez transparentes pour qu’on puisse 
distinguer les parties qu'elles contiennent ; on voit que 
la membrane extérieure, diaphane et un peu coriace 
qui les constitue , est garnie par une seconde enveloppe 
translucide, mais colorée, qui laisse apercevoir dans 


(1) Jurine le considère comme le premier anneau de l’abdomen. 

(2) M. Latreille soupçonne que ces deux expansions ne sont pas étran- 
gères à la respiration; nous partageons entièrement sa manière da 
voir. " cé sure à 


( 350 ) 

l'intérieur deux espèces de boyaux dont le point de dé- 
part est sur la ligne moyenne du corps, et que nous 
croyons être deux cœcums ou divisions du canal intesti- 
nal , qui auraient fait hernie. Les ayant examinés pen- 
dant plusieurs heures ; nous avons vu qu'ils étaient doués 
de mouvemens péristaltiques très - prononcés, qui ces- 
saient quelquefois tout d’un coup, et reparaissaient en- 
suite avec la même énergie. Quand on place le Crustacé 
sur le dos , on aperçoit moins nettement les cœcums , 
parce qu'ils se trouvent en partie masqués par un organe 
opaque, rameux, ou plutôt digité , qui paraît être l’o- 
vaire interne. 

Dans cette position renversée, on distingue la bouche, 
les antennes , les pattes , et l’on peut , avec beaucoup de 
patience et quelqu’adresse , isoler chacune de ces par- 
es. Nous avons compté onze anneaux aux antennes , et 
autant de poils insérés à leur côté interne. Les pattes sont 
au nombre de dix : la première paire diffère beaucoup 
des autres ; elle est terminée par une sorte de long cro- 
chet à trois ongles pointus , étagés et courbés en dedans : 
ce dernier article s’infléchit sur la jambe , et sert pro- 
bablement au petit Crustacé pour s’accrocher aux bran- 
chies qu’il veut sucer. 

Les autres pattes sont bifides et assez semblables 
entre elles ; deux pièces composées de trois articles poi- 
lus les terminent et leur donnent l'apparence de rames. 

Quant aux parties de la bouche, nous devons dire que 
leur petitesse excessive ne nous a pas permis de les dé- 
tacher sans opérer leur déchirement, et que c’est pour cela 
qu’on ne les voit point figurées sur la planche. Toutefois 


nous avons cru reconnaitre des mandibules peu consis- 


Cor: ) 

tantes , et deux paires de mâchoires formées de plusieurs 
pièces, ressemblant aux mâchoires auxiliaires ‘de cer- 
tains Crustacés ; de telle sorte qu'il est bien possible ‘que 
les mâchoires, ‘proprement dites, existent indépendam=< 
ment de celles que nous avons distinguées ; ce qui por- 
terait à six paires d’appendices le nombre des pièces buc- 
cales de ce Crustacé microscopique (1). Les deux sacs 
ovifères sont insérés au côté ;' et à la partie supérieure du 
premier anneau abdomimal ils ne présentent rieri de re- 
marquable ; les œufs s’en. échappent et sé dispersent 
aussitôt qu'on les ouvre. Ces œufs, lorsque nous les 
avons étudiés , étaient très-peu développés ,'et ne ren- 
fermaient qu’une matière gélatineuse encore informe. 

La représentation fidèle de toutes les parties qui vien- 
nent d’être décrites nous dispense d'entrer dans de plus 
minutieux détails ; nous croyons en avoir dit assez pour 
qu'il soit facile d’assigner à notre auimal microscopique 
une place dans la série des êtres. 

Il appartient évidemment à la classe des Crustacés , 
personne n’en doute ; il n’est pas moins certain qu'il doit 
être rangé dans l’ordre des Branchiopodes de M. La- 
treille ; mais il devient assez diflicile de lui assigner une 


(1) M. Latreille, qui a pris soin de vérifier toutes nos observations, dit 
avoir apercu sur le disque inférieur de la tête une ouverture circulaire assez 
grande ; il soupconne qu’elle fait l'office de ventouse , et donne issue à un 
sucoir. « Mes présomptions sont d’autant mieux fondées, dit-il, que tous 
les Branchiopodes parasites sont suceurs et pourvus à cet éflet d’un siphon 
tantôt extérieur, tantôt caché ou nul, mais Suppléé par d’ autres moyens. 
Les Dichelestions , quoique munis d’un siphon extérieur et très-distinct, 
ont néañmoius sur les côtés, et en pareil nombre , des appendicés sem- 
blables à ceux méntionnés ci - déssus , ef que Hermann fils prend pour 
des palpes. » 


( 352 ) 
place plutôt dans la section des Pœcilopes que dans celle 
des Lophiropes (x). 

Quelqu'opinion que l’on adopte , on conviendra qu’il 
avoisine les Cyclopes, que c’est auprès d’eux qu'il faut 
nécessairement le placer, et que , malgré la réserve qu’on 
ne saurait trop avoir dans la création des nouveaux gen- 
res , il faut bien ici en-établir un pour cet animal sin- 
gulier, dont la différence essentielle ne consiste pas tant 
dans l'existence bizarre des prolongemens latéraux , que 
dans la présence de deux yeux. Si ce dernier caractère, qui 
les éloigne nécessairement des Monocles , n'existait pas, 
nous ne songerions pas à les distinguer de ces animaux. 

Ce nouveau genre portera le nom de NicornoË, MVi- 
cothoë (2). Nous le caractériserons de la manière sui- 
vante. 


Deux yeux, deux antennes, une bouche pourvue de mächoires; cinq 
paires de pattes ; la première en crochet, les quatre autres en rames. 
Un test formé de segmens transversaux ; l'abdomen droit, terminé par 
deux filets, et supportant (dans les femelles adultes ) deux sacs ovi- 
fères. Deux prolongemens herniformes , en arrière et sur les côtés des 
anneaux visibles du thorax (ces POPARREE existant dans les indi- . 
vidus que l’on trouve fixés). 


L'espèce que nous avons décrite sera nommée 
Nicormoé pu Homarp, Nicothoë astaci Nob. 
Elle est de couleur rosée. Les expansions antérieures ont une teinte jau- 


_ nâtre, et les grappes ovifères sont d’un rose tendre. Elle adhère très- 
intimement aux branchies du homard, et s'enfonce profondément 


(1) M. Latreille, prenant en considération l’état parasite de ce Crus- 
tacé, ne balance pas à le ranger dans la section des Pœcilopes, 
(a) On appelait ainsi une des Harpyes. 


(353) 
gnire les filamens de ces organes. Longueur, : ligne ; largeur, près 
de 3 lignes (la longueur et la largeur étant dues aux prolengemens 
antérieurs et aux deux sacs ovifères : si on les supposait enlevés, l’ani- 
mal serait à-peu près invisible à l’œil nu). 

Tous les homards n’en présentent pas, et on les trouve en petit nombre. * 
æ” 

Pour compléter l’histoire de cette espèce , nous ren- 
drons compte de quelques expériences que nous avons 
tentées , afin de découvrir son genre de vie. 

La petitesse extrème des pattes, comparativement au 
volume total de l’animal , nous porta à examiner jusqu’à 
quel point ces appendices rudimentaires pouvaient en- 
core servir à la locomotion. Aïnsi que nous l’avons déjà 
dit, la Nicothoé se trouve toujours intimement fixée aux 
filamens branchiaux du homard : nous cherchâmes , en 
premier lieu, si elle pouvait se détacher à volonté du point 
où elle semblait être pour ainsi dire greffée. Dans cette 
vue, nous mimes à découvert la cavité branchiale d’un 
homard vigoureux que les pêcheurs venaient de retirer de 
la mer ; il portait trois Nicothoés : nous les excitèämes 
par des moyens mécaniques, mais elles se laissèrent dé- 
chirer en morceaux sans faire le moindre mouvement, 
et sans lâcher prise. 

Nous plongeämes dans de l’eau privée d’air un se- 
cond homard, ayant sur ses branchies un certain nombre 
de ces Crustacés parasites : il s’asphyxia bientôt, mais 
les Nicothoés restèrent toujours immobiles ; le besoin de 
respirer ne les excita point au mouvement , et lorsque le 
homard mourut et se putréfia , elles moururent et se pu- 
tréfièrent avec lui , sans avoir cherché à gagner un autre 
gite, ni même à se détacher des branchies qui ne pou- 
vaient plus fournir à leur alimentation. 


ge FE A 9 
Dans une autre expérience , nous mimes dans de l’eau, 


(354 ) 


mêlée d'alcool , et même dans de l'alcool pur, des bran- 
chies chargées de Nicothoés bien vivantes , sans que ces 
animaux exécutassent la moindre contraction , et nous 
devons dire que , dans cette circonstance , nous les exa- 
minions à la loupe de manière à pouvoir distinguer le 
plus léger mouvement. 

Enfin nous détachàmes , avec toutes les précautions 
qu'exigeait une opération aussi délicate, une Nicothoé 
de la branchie d’un homard. Nous la plaçgämes dans un 
petit godet en verre , rempli d’eau de mer, et nous l’exa- 
minèmes au microscope pendant plusieurs heures con- 
sécutives ; dans cette circonstance , l’animal était libre, 
mais il n’exécuta aucun mouvement de locomotion : ce- 
pendant il vivait, nous en avions la preuve sous les 
yeux, car on distinguait dans l’intérieur des prolonge- 
mens antérieurs de son corps, les contractions succes- 
sives et ondulatoires des cœcums intestinaux. 

Ici se terminent les observations que nous avons été à 
mème de faire , et nous pourrions finir là notre Mémoire, 
si nous ne pensions que l’histoire naturelle, en même 
temps qu'elle s'enrichit de nouveaux faits, doit s’a- 
grandir des conséquences qui en découlent , et que, pré- 
senter les uns sans offrir les autres, c’est accumuler de 
précieux produits pour ne pas les mettre en œuvre. Nous 
réclamerons donc encore quelques instans l’atiention 
pour faire part des réflexions que nous a suggérées le 
petit fait dont nous venons d’entretenir l'Académie. Et 
d’abord nous nous sommes demandés, et chacune des 
personnes qui nous entendent se font la mème question : 
Comment la-Nicothoé, dont le corps est si énorme, 


dont les pattes sont si petites , et qui reste immobile lors 


( 355 ) 

mème qu’on la détache du lieu où elle semble greffée, 
at-elle pu arriver pour la première fois aux branchies 
du homard? Serait- ce que l’œuf dont elle provient a 
été déposé dans ce lieu lors de la rupture du sac ovifère 
d’un individu qui aurait occupé la même place ; ou bien 
les œufs y auraient-ils été portés par des causes fortui- 
tes ; ou bien enfin, ces animaux singuliers ayant , dans 
les premiers temps de leur vie, une organisation toute 
différente de celle qu’on leur voit ensuite, n’ont-ils pas 
joui d’abord de facultés locomotrices qu’ils auraient per- 
dues plus tard , et à cette première époque de leur exis- 
tence ne pouvaient-ils pas courir après leur proie, la 
choisir et l’atteindre ? La première supposition ne sau- 
rait guère être admise que pour expliquer la reproduc- 
tion de ces êtres sur un même individu ; mais il faut l’a- 
bandonner si l’on veut concevoir comment ces parasites 
sont transmis au jeune homard. La seconde hypothèse 
pourrait l'expliquer; mais on conviendra que la con- 
servation de l’espèce serait soumise à des chances bien 
fortuites, s’il fallait admettre que , pondus dans l’eau de 
la mer, les œufs n'arrivent aux branchies du homard que 
par le fait du passage du liquide à travers les organes 
respiratoires de ces animaux. 

On doit regarder comme ‘plus probable la dernière 
supposition ; c’est-à-dire admettre que, lors de sa sortie 
de l'œuf , la Nicothoé peut se mouvoir, et qu’elle doit 
cette faculté à l’absence , ou du moins à l’état rudimen- 
taire des prolongemens énormes qui la surchargent ; alors 
aussi elle est sans doute privée de sacs ovifères (1), et 


(1) Tous les individus que nous avons observés étaient , à peu de 


(356) 


comme , abstraction faite de toutes ces parties , ee serait 
d’une petitesse microscopique , et invisible à l’œil nu, 
on conçoit que sans la circonstance de sa monstruosité, 
on eût.été sans doute long-temps sans le découvrir. 

Du reste , la conjecture que nous venons de présenter, 
et que le temps et les circonstances ne nous ont pas per- 
mis de vérifier, a été démontrée vraie pour un autre ani- 
mal , qui présente, avec celui dont nous nous occupons 
en ce moment , une foule d’autres traits de ressemblance 
non moins remarquables. 

En effet, un naturaliste habile , M. le docteur Surri- 
ray, du Hävre, en étudiant une Lernée qui porte son 
nom , et que M. de Blainville range dans son genre Ler- 
nocère , a trouvé dans les œufs de cet animal de très- 


petits fœtus qui ne ressemblaient nullement à leur mère ; 


chose près , de la même taille , et tous portaient des œufs dans leurs 
sacs abdominaux. Cette particularité, jointe à des considérations d’un 
autre ordre, nous porte à croire que ces. individus femelles se fixent 
seuls aux branchies du homard ; que les mâles restent vagabonds pendant 
toute la durée de leur existence ; qu'ils n’acquièrent jamais les prolon- 
gemens antérieurs qu’on voit dans la femelle , et que par conséquent ils 
ont une forme normale, sont très-petits, et ressemblent beaucoup à des 
Monocles. IL serait possible aussi que ces animaux fussent hermaphro- 
dites ; mais, comme dans l’état actuel de la science on n’accueiilerait cette 
supposition que parce qu’on n’a point encore trouvé le mäle , on conçoit 
qu'on doit être très-réservé pour admettre , à l'égard de ces élres mi- 
croscopiques , un fait négatif de cette importance. 

Quoi qu’il en soit , on peut croire que si les mâles existent, ils fécon- 
dent les femelles avant qu’elles ne se fixent aux branchies du homard, 
lorsqu'elles jouissent encore de leur agilité , et sous leur forme de Crus- 
tacés branchiopodes ; ou bien on peut supposer que leur fécondation n’a 
lieuqu’après qu’elles sont devenues adhérentes, immobiles et monsteueu- 


ses. L'observation seule peut prononcer entre ces opinions. 


(357) 


il les regarda avec raison comme des Crustacés mono- 
cles, car ils avaient un Corps bien proportionné dans 
toutes ses parties, et des pattes propres à la natation : 
leur mère , au contraire , était monstrueuse , inhabile au 
mouvement , et fixée sur une espèce de poisson. 

Cette découverte , à laquelle on n’a point donné toute 
l'importance qu’elle mérite , nous suggéra l’idée que les 
Lernées , sur l’organisation desquelles on a été et on est 
encore si peu d'accord , pourraient bien n'être, pour là 
plupart , qué des Crustacés branchiopodes qui , tous mi- 
croscopiques, ne seraient devenus visibles à l’œil nu 
que par l’addition des appendices cutanés qui les rendent 
monstrueux et méconnaissables. Aujourd'hui nous ne 
présentons ce résultat que comme une supposition ; c’est 
dans un mémoire spécial , et qui fera suite à celui-ci, 
que nous pourrons expliquer notre sentiment tout entier, 
parce qu'il sera étayé de toutes les preuves qui pourront 
le faire adopter. 

Nous terminerons ce Mémoire par une réflexion que 
nous aurons occasion de reproduire en parlant des Ler- 
nées , mais qui s'applique également au petit Crustacé 
que nous avons fait connaître. 

C’est que ces animaux, qui sont monstrueux lors- 
qu'ils engendrent , ne donnent pas naissance à des êtres 
également monstrueux, et que leurs enfans sont tout 
aussi parfaits dans leur petitesse qu’ils sont eux-mêmes 
difformes dans leur grandeur. On remarquera aussi que 
c’est sous l'influence des conditions où ils sont placés 
qu'ils acquièrent les formes bizarres qui changent si com- 
plètement leur aspect. En effet, du moment où la Nico- 
thoé devient parasite, le homard qui la porte la tient à 


(358) 


l'abri de tout danger extérieur, et lui fournit un aliment 
abondant et déjà élaboré. Si ce petit arimal eüt été libre, 
cette nourriture succulente eüt profité aux organes de 
la locomotion comme à toutes les autres parties du corps; 
mais étant irrévocablement fixé , l'aliment a nourri les 
viscères. Les pattes de la Nicothoé, en perdant de leur 
importance , conservent le volume qu’elles avaient d’a- 
bord, tandis que le canal digestif, l'appareil générateur, 
mais surtout les tégumens, se développent outre me- 
sure, et constituent bientôt à eux seuls la presque tota- 


lité de l'individu (1). 
EXPLICATION DE LA PLANCHE XLIX. 


Fig. 1. Nicothoé.du homard, de grandeur naturelle, 
Fig. 2. Le même individu , très-grossi et vu en dessus, 

On apercoit les antennes, les quatre segmens du thorax ; le pre 
mier supporte une paire d’yeux. On voit les deux prolongemens la- 
téranx antérieurs qui sont doublés par une tunique membraneuse , la- 
quelle renférme deux cœcums qui se réunissent sur la ligne moyenne du 
corps. Les deux autres prolongemens sont les sacs remplis d'œufs et 
attachés à l'abdomen, qui a cinq anneaux, dont le dernier est terminé 
par deux longs filets. 

Fig. 3. Le même individu en dessous pour faire voir, 1°, l'insertion des 
__ antennes au-dessous du premier anneau du thorax ; 2°. les paites ran- 
gées sur deux lignes : les trois paires antérieures sont dirigées en 


(1) Dans une note jointe à ce Mémoire, et communiquée à l'Acadé- 
mie, nous avions établi une comparaison entre cet anunal parasite , de- 
venu monstrueux ; et certains fœtus humains qui, greflés sur un autre 
individu , acquièrent également des formes monstrueuses. Sur l’obser- 
vation de notre rapporteur, M, Latreille, nous ayons reconnu que cette 
comparaison était pour le moins etat à à l'objet principal ri notre 


Mémoire ; en conséquence nous l’ayons supprimée. 


(359 ) 


avant, et les deux paires postérieures le sont en arrière; 3°. deux 
masses , aa, découpéesssur leurs bords, et qu’on peut supposer être 
les ovaires internes. 

Fig. 4. Antenne excessivement grossie. 

Fig. 5. Première patte. — Fig. 6. Deuxième patte. — Fig. 7. Troisième 
patte. — Fig. 8. Quatrième patte. — Fig. 9. Cinquième patte. 

Ces pattes, de même que l'antenne, sont représentées dans une 

proportion beaucoup plus forte que les figures 2 et 5. 


(Les figures 10 et 11 appartiennent à la Note suivante. } 


< 


ApPPpEenbice au Mémoire précédent, à l’occasion 
d'un petit Crustacé isopode qui vit sous : test 
de la Callianasse. 


MM. Audouin et Milne Edwards ont cité plusieurs 
animaux ayant une vie parasite, comme la Nicothoé ; 
ils ont parlé'entr’autres du Bopyre , qui vit sous Je test 
du Palemon ; et dans une note placée à la page 355 , ils 
ont émis une opinion sur les sexes de la Nicothoé : il 
pourrait se faire , suivant eux , que les mâles fussent tou- 
jours vagabonds et n’acquiérassent jamais les appendices 
qu'on remarque dans les femelles. L'observation sui- 
vante de Montagu (1), dont ils n'avaient pas connais- 
sance lors de la rédaction du Mémoire précédent ; vient 
à l’appui de cette manière de voir. 

Il s’agit d’un Crustacé parasite, dont la femelle est 


toujours fixée et très-peu agile, tandis que le mâle reste 


(1) Description of several marine animals found on the south coast 
of Devonshire ; by G. Montagu. Fi of the Linnean Societ} 
of London , ol. 9, p.103, pl. 3 , 68.3, 


( 360 ) 


vagabond. Cette femelle monstrueuse présente cette par- 
ticularité singulière , qu’elle est pourvue d’appendices , 
comme la Nicothoé, avec cette différence, qu'elle en 
possède autant de paires qu’il existe de segmens au corps. 
Le mâle n'offre rien de semblable : il est agile, très- 
petit , régulièrement conformé, et tel enfin qu’on a sup- 
posé être le mâle de la Nicothoé. 


« Corps ovalaire, inéquilatéral , ayant environ quinze articulations indis- 
tinctes et marquées sur les côtés par des dentelures ; les six posté- 
rieures pourvues d’appendices latéraux allongés , rameux , charnus et 
fasciculés ; l'extrémité postérieure garnie de six appendices simples et 
recourbés , deux desquels sont plus grands que les autres ; quatre an- 
tennes courtes, les externes plus longues que les internes, et seules 
visibles lorsqu’on regarde l’animal par le dos. Les deux premières ar- 
ticulations du corps pourvues chacune de deux nageoires ou cirrhes 
charnues , allongées , aplaties , et semblables à des rames : Les autres 
articulations garnies d’appendices analogues, mais plus courts. Qua- 
torze pattes très-courtes , crochues et cachées sous l'animal. Les val- 
ves abdominales sont très - grandes ; elles recouvrent toute la partie 
inférieure du corps, et forment une espèce de réceptacle pour les 
œufs. Dans les individus sous mes yeux , ce réceptacle ést très - for- 
tement distendu par plusieurs mille œufs d’une couleur orangée pâle. » 

« Longueur, y compris les appendices postérieurs, à peine un demi- 
pouce. » 

« Couleur en général oranger ; appendices latéraux blanchâtres. » 


« Le mâle est beaucoup plus petit, d’une forme plus allongée , et dépourvu 
d’appendices à la partie antérieure du corps : ceux dont sont pourvus 
les anneaux postérieurs du corps ne sont pas rameux , comme dans la 
femelle ; du reste les deux sexes se ressemblent. » 


Cette espèce curieuse ( Oniscus thoracicus Montagu ) 
se trouve sous le test du Cancer subterraneus (Callia- 
nasse souterraine ) ; elle se cache entre la carapace et les 


parues charnues, et forme une tumeur d’un côté du corps. 


( 361 ) 

Je suis parvenu à rettrer cet animal vivant de sa de- 
meure , et à le conserver en vie pendant plusieurs jours 
dans de l’eau de mer. Sur quelques individus de l’espèce 
rare de Crustacé dont je viens de parler (Callianasse), j'ai 
trouvé deux ou trois de ces parasites qui étaient toujours 
accompagnés du mâle , qui se fixe solidement aux appen- 
dices abdominaux de la femelle , à l’aide de ses pinces. 

Comme cet animal ne paraît jouir que de peu ou 
mème point de pouvoir locomoteur, il est probable que 
la majeure partie de ses œufs ou de ses petits doivent 
périr ; car ce doit être dans un de ces états que l’animal 
arrive sous le test de la Callianasse , où il recoit la nour- 
riture, sans laquelle il ne pourrait probablement pas 
exister (1). 


Explication des Freures 10 et 11 de La PLANCHE xx. 


Fig. 10. Le mäle. 
Fig. 11. La femelle. 


La grandeur naturelle est placée à côté de chaque individu. 


(x) Ce Crustacé bizarre constitue le genre Tone ; mais le savant qui 
l'a établi ne paraît avoir connu que la femelle; or, cette femelle étant 
monstrueuse , il en résulte que les caractères génériques ne conviennent 
pas au mâle dont nous reproduisons la figure. De plus on remarquera 
que la description de Montagu, que nous, donnons littéralement, est 
assez diflérente de celle qu’on assigne au genre Tone. Puisque cet auteur 
dit expressément qu'ilexiste quatorze pattes crochues, très-courtes, etc., 
d’après cette indication, M. Latreille croira sans ‘doute nécessaire de 
modifier les caractères du genre Ione. M: Desmarets a consacré l’omis- 
sion , en faisant figurer ( Dict. des! Sc. nat.) seulement la femelle de ce 
Crustacé, et en ne s’apercevant pas que l'individu placé à côté ,.dans la 
planche de Montagu , n’était autre chose quele mâle. 


pa 


1x 24 


RECHERCHES MICROSCOPIQUES sur La Structure intime 
des tissus organiques des Animaux ; 


Par M. H. Mrexe Evwarps, M.-D. 
(Lues à la Société philomatique, le 19 août 1826.) 


De tout temps on a senti combien les progrès de la 
physiologie dépendaient de ceux de nos connaissances 
anatomiques , et l’on s’est appliqué de bonne heure à l’é- 
tude de l'organisation , d’abord dans les animaux qui res- 
semblent le plus à l’homme , puis dans les êtres qui ont 
avec nous des rapports moins intimes. Swammerdam , 
Vicq-d’Azyr et un grand nombre d’autres savans ont cul- 
tivé cette branche des sciences naturelles avec autant 
d’ardeur que de succès ; mais ce n’est que depuis un pe- 
tit nombre d'années , qu’enrichie des travaux des Hun- 
ier, des Cuvier, des Geoffroy, et de plusieurs autres 
naturalistes célèbres, l'anatomie comparée parait devoir 
tenir tout ce qu'on en attendait. On a étudié les modifi- 
cations que les organes les plus importans pour l’entre- 
tien de la vie présentent chez la plupart des animaux : 
on a constaté leur absence chez d’autres que la nature a 
formés sur un plan moins compliqué ; enfin, après avoir 
rassemblé un nombre immense de faits particuliers , on 
a cherché à les ramener à des principes généraux ou lois, 
en les coordonnant de manière à faire senur les rapports 
qu’ils ont entre eux. Mais il est un autre point de vue 
sous lequel il importe aussi de considérer l’organisation. 
L'étude de la structure intime des tissus est un champ 
vaste ouvert à l'observateur, et elle me paraît devoir con- 


( 563 ) 

duire à des résultats également utiles aux progrès de la 
physiologie générale. En effet , si pour comprendre le 
mécanisme de la locomotion , par exemple, il faut con- 
naître la disposition des muscles qui servent de puis- 
sauces motrices , et celle des os ou des autres parties 
dures qui leur fournissent des points d’appui et qui jouent 
le rôle de leviers, il est évident que pour acquérir 
quelques données exactes sur la nutrition et sur une 
foule d’autres phénomènes encore inconnus dans leur 
nature , nous devons examiner d’abord la texture intime 
de toutes les parties douées de vie , et faire, pour chaque 
tissu organique, ce qu'on a déjà fait pour l’être en gé- 
néral. 

Cette partie délicate de l'anatomie est cependant restée 
long-temps en dehors du mouvement imprimé aux au- 
tres branches des sciences naturelles, et, depuis les essais 
de Leuwenhoeck , elle n’a été rappelée au souvenir des 
physiologistes que de loin en loin, et par des observations 
trop peu multipliées pour pouvoir exciter tout l'intérêt 
dont elle est susceptible. Les études de cette nature pré- 
sentent, à la vérité, de grandes difficultés , et seraient 
entièrement inabordables si nous ne pouvions , au moyen 
du microscope , faire paraître les objets de notre exa- 
men plusieurs centaines de fois plus volumineux qu’ils 
ne le sont réellement ; mais aidé de cet instrument dont 
on s’est déjà servi avec tant d’avantage dans l’étude de 
l'organisation des végétaux, et dont l’usage devient de 
jour en jour plus général , la structure intime des ani- 
maux ne paraît pas devoir se soustraire à nos recher- 
ches , et je ne sais à quoi attribuer l'espèce de défaveur 


que l’on a jetée sur ce genre d'observations, tout en admet- 


(364) 


tant cependant dans lés autres sciences les résultats ob- 
tenus par des moyens analogues : cela dépend peut-être 
de ce que la plupart des micrographes se sont peu arrè- 
tés aux observations qui ne s’accordaient point avéc les 
leurs , et n’ont point cherché avec assez de soin à déter- 
miner les causes de ces différences , qu’il est cependant 
souvent assez facile d'expliquer. Du reste, ces diffé- 
rences ,; comme nous le verrons par la suite, sont bien 
moins nombreuses qu’on ne le croit communément , et 
elles ne devraient pas nous étonner, puisque l’on en 
trouve de semblables sur presque tous les points les 
plus importans de la physiologie , quel que soit le moyen 
d'investigation que l’on ait employé ; elles se représen- 
tent même dans la méthode traumatique d’après laquelle, 
pour arriver à des résultats positifs, on paraît n'avoir 


u’à couper et à noter les résultats de l’opération (1). 
q P P 


(1) C’est par la raison que je viens d'indiquer, que je crois devoir 
dire ici quelques mots des observations microscopiques faites sur les. 
globules du sang; travaux qui ont avec le sujet de ce Mémoire les liai- 
sons les plus intimes. 

On donne le nom de globules du sang à des particules solides et ar- 
rondies qui, pendant la vie, sont tenues en suspension et nagent dans 
le sérum , et qui, après la mort , Se réunissent pour constituer le caillot. 
Ces corpuscules ont été examinés par un grand nombre de microgra- 
phes; mais c’est principalement à MM. Prévost et Dumas que l’on est 
redevable des connaissances exactes que l’on possède aujourd’hui à ce 
sujet. Il résulte des recherches de ces physiologistes que les globules du 
sang sont circuiaires dans tous les mammifères et elliptiques dans les 
oiseaux , Les reptiles etles poissons; leur diamètre est constant dans le 
même animal, mais varié beaucoup d’une espèce à une autre, comme 
on peut le voir en examinant le tableau suivant, 


4 565 ) 


-. J'ai donc pensé qu'en étudiant la structure des diver- 


Aninaux à globules circulaires. 


. n ET 
Fe Î OC 0 L USE 


| HET APPARENT, Dramër, nR&EL| Diamkr, née 


e. s avec, un f l " 
“NOM DE L'ANIMAL. | grossissement! de | en fractions | en fractions 
À 430 fois le diamètre. vulgaires. décimales 


ee ——— | — 


Callitriche idees ei tanmi5 fr -« |oum.00833 
Hornmé , chien, lapin , cochon ; 

hérisson, cabiais, muscardin | 2 oo 5 o 00666 
Ane.. ses. esse, 1 85 Ter. [Oo , 00617 
Chat, souris, surmulot, PR LL x!, : 70 ue :.. [0 00583 
Mouton ,'oreillard, cheval, mu- 

CUDoTE At EN TRLE Enta 5 Q En 0: 005ao 
Chamois , cerf... , ... .. 26 11810 De 0 00456 
CHévre ni RL e U LUS TOO 5 0 00386 


Animaux à globules allongés. 


grand petit | grand etit grid : petit 
diamèt, diamèt.| diam. Ex m, | diametre. * ‘diamètre. 


tr 


Orfraie, pigeon :-.: . {4,00 2,00 


"7% | 001333: 0,00666 
Dinde , canard... . . + 3,84 id. 75 dd. |'0,01266 kd, 
Pod iiser mnt 00h in brereuiiduh Mics0Lan8 |, Eng: 
Paonstipisn one 50184183 Banr de +; id. | 0,01173 id. 
Oie , chardonneret, cor- 
beau, moineau, . . . 3,47 id. ss id. |-0,01156 id. 
Mésange. . 1... ." 3,00 id. -= "id. | 0,01000 id. 
Tôrtue terrestre. . .. 615 3,85 | °°, |o;o205 0,0128 
Vipère. AU 02073100 5 10,016 o,0100 


BR DT En : 0,0150 ., 0,086G 


d- 
il 


( 566 ) 


ses parties qui, par leur réunion, constituent le corps 


grand petit | grand petit grand etit 
diamèt, diamèt, | diam. D, diamèt, dune 

Couleuvre. de Razo- 
mousky:....4.. 5,80 3,00 


37 7e | 0,0193  0,0100 
Lézard gris. + + « . ... 4,55 2,71 | 35 xx |0,0151  0,0090 
Salamandre. . . . . ... 8,50 5,28 | + 35 | 0,0283 0,016! 
Crapaud , grenouille. . 6,80 4,» 77 73 | 0,0228 o,0123 


Lotte, véron , dormille, 
anguille, . . . .... 4,» 2,44 | 551 +25 | 0,0133  o,0813 


La détermination du diamètre des globules du sang offre bien des dif- 
ficultés ; aussi trouve-t-on des différences très-grandes entre Les résul- 
tats obtenus par la plupart des micrographes. Le, tableau suivant pré- 
sente l'évaluation de la grosseur des globules du sang humain , d’après 
La plupart des observateurs qui se sont occupés de ce sujet. 


POUCES ANGL. MILLIMÈT. 
JURINE: 4 sons 0.00 54 01e 01 ÈS bols se. eee 15 


Id. d’après de nouvelles ex- 


périencese-e........r.. HT cn oeelss sie _. 
BATTERIE ee Riel sorte a. rar eee PE 
Younc-:.............0.. Eos css sacs en 
WVOLLASTON, seen. 7256 ESC HERRGE TE En 
RATER sie ne 0 0 /e0ie à eee à ele Ze5S ERA SACT IT PE 7 
PC ACEEEEE EEE CEEEEEEEEESS 556 MORTE ET = 


MM. Prévost et Dumas ont constamment trouvé = de millimètre ; 
ils ont examiné une vingtaine de sangs sains et une quantité bien plus 
considérable de sang malade, et il leur a toujours été impossible de per- 
ceyoir la moindre diflérence due à l’âge, au sexe, ou à l’état morbide. 
Toutes les personnes qui ont eu Ja curiosité de s’assurer par elles-mêmes 
de leurs principaux résultats n’ont point hésité à donner 2 millimètres 
aux globules du sang humain, dans les mêmes circonstances où ils les 
avaïent mésutés : l'erreur ne pouvait donc dépendre que-du pouvôir am- 


Hfant qu’ils attribuaient à leur microscope. Du reste, cette détermi- 
P q P 


( 367 ) 


des animaux , je pourrais arriver à des résultats intéres- 


nation ne s'éloigne pas beaucoup de celle que M. Wollaston a obtenue 
en suivant une autre méthode , et ne diffère guère de celle obtenue par 
le capitaine Kater dans la première des deux expériences rapportées 
plus haut, et faites d’après une méthode analogue à celle employée par 
MM. Prévost et Dumas. Dans une autreexpérience , M. Kater ne trouva 
que — , et il crut devoir prendre le terme moyen de ces deux résultats 
pour mesure définitive ; mais il est bien probable que dans le premier 
cas il avait examiné un globule du sang dans son état naturel, tandis 
que, dans le second, il aura mesuré un globule dépouillé de sa matière 
colorante, ou un des globules albumineux dont nous aurons l’occasion 
de parler par la suite, et dont le diamètre est eflectivement beaucoup 
plus petit. Du reste, le capitaine Kater employa un microscope dont le 
pouvoir amplifiant n’était que de 200 diamètres , ce qui diminue beau- 
coup les chances d’exactitude dans la mesure d'objets si minimes. Les 
expériences de M. Bauer ont été faites au moyen du micromètre ordi- 
paire, et l’on peut avancer sans crainte qu’elles ne sont pas exactes ; à 
cause de la nature même de cet instrument ; en eflet , Le globule que l’on 
place sur le micromètre , et les divisions de cet instrument , ne peu- 
vent pas être simultanément au foyer de l'objectif, Quant aux observa- 
tions de Jurine , elles sont évidemment erronées, et celles du docteur 
Young ayant été obtenues à l’aide de l’érinomètre , nous ne pouvons en 
parler avec connaissance de cause , car cet instrument ne se trouve dans 
aucun des cabinets de physique de cette ville. 

La structure des globules du sang a également donné naissance à 
plusieurs ‘opinions dissidentes ; mais ici encore les recherches de 
MM. Prévost et Dumas ont uon-seulement jeté un nouveau jour sur ce 
sujet, mais nous ont fait connaître la cause de ces différences. Leuwen- 
hoeck , Fontana , Home , etc., ont figuré ces globules comme étant des 
sphéroïdes portant une tache lumineuse. Della Torre et Styles ayant 
epercu un point noir dans leur centre , (pensèrent qu’ils avaient une 
forme annulaire; enfin Heuson les regardait comme étant des vésicules 
aplaties et renfermant dans leur iutérieur un corpuscule certral. 
MM. Prévost et Dumas ont trouvé qu’en observant ces globules avec 
une lentille très-faible , ils présentent l'aspect d’autant de points noire , 
qui, examinés avec un instrument plus puissant, prennent l'apparence 
d'un cercle blanc, au milieu duquel on voit une tache noire ; enfin ce 


( 568 ) 


sans , et qu’au moyen du microscope , les observations 


point central, au lieu d’être opaque , devient une tache limineuse lors- 
que le pouvoir amplifiant du microscope a atteint 3 ou 400. ( ’oyez 
pl: 50, fig. ret 2,) 

Il résulte aussi des travaux de ces physiologistes que les globules du 
sang sont composés (comme l'avait pensé Heuson) d’un sac formé par la 
matière colorante et d’un corpuscule central, semblable par son volume 
aux globules du lait, du pus, du chyle , etc. Dans l’état ordinaire , cette 
espèce de vessie est déprimée ; en sorte que l'assemblage prend la forme 
d’une pièce de monnaie, ayec un petit renflement; au milieu. Pour les 
globules circulaires , ceci parait clairement prouvé ; mais quant aux par- 
ticules elliptiques, « il existe, ajoutent ces auteurs , quelques diflicul- 
tés ; cela tient à ce que la petite sphère est déjà enveloppée d’une autre 
substance fixée autour d’elle , et que ce système roule dans la vessie de 
matière colorante , comme la sphère simple dans les autres cas. » D’a- 
près les figures qui accompagnent le Mémoire que je viens de citer , et 
d’après les dessins que M. Dumas a bien voulu m6 communiquer, on 
voit que chez tous les animaux à globules sanguins circulaires ces cor- 
puscules centrales et incolores sont de la même grandeur, quel que soit 
le volume de leur enveloppe de matière colorante. Chez le callitriche, 
comme chez la chèvre , leur diamètre est de -& de millimètre. ( Voyez 
pl. 50, fig. 3à8.) Chez les animaux dont les globules du sang sont ellip- 
tiques , on n’obtient pas d’abordle même résultat, à cause de la-dispo- 


sition dont il a été question plus haut; le noyau central paraît égale- 
ment elliptique et d’un volume plus-ou! moins considérable; mais si à 
Paide d’un acide affaibli on détermine la dissolution de l'enveloppe ex- 
térieure sans altérer le noyau central, on.trouve ce dernier circulaire; et 
semblable à ceux des mammifères. 

Quant à la structure intime de l’espècerde sac, qui est formé de ma- 
tière colorante et qui entoure les globules dont nons venons de parler, 
nous ne savons encore rien de précis; mais il paraît probable qu’il est formé 
à son tour de corpuscules globuleux. En effet; l’éxamen de la matière 
colorante des mélanoses et celle du sang , séparée des globules fibrineux, 
mwa convaincu que cette substance affecte aussi une forme primitive glo- 
bulaire, mais que ces globules sont beaucoup plus! petits que ceux de 
l’albumine , de la fibrine , etc. Cela expliquerait l’observation de Heu- 
son , qui trouva que lorsque le sang commence à se putréfier, la surface 


( 569 
que je ferais seraïent susceptibles de toute la précision 
nécessaire pour.arriver à la connaissance de la vérité. 
Dansrun premier Mémoire publié il y a environ trois 
ans (1), j'ai rapporté les résultats que m'avait fourni 
l'examen de la plupart des tissus organiques des animaux 
vertébrés , résultats que: mes observations ultérieures 
n’ont fait que confirmer, quant aux points les plus es- 
sentiels; la texture globuleuse de ces diverses parties , 
et la grande uniformité de ce que l'on pourrait appeler 
les élémens organiques. 
Letissu cellulaire de toutes les parties de l’économie 
animale , celle qui est la plus généralement répandue, et 
dont la texture paraît la plus simple ; a été regardée par 


lusieurs anatomistes comme l'élément générateur de tous 
5 


extérieure de ces vésiçules prend | une apparence framboisée. Des expé- 
riences récentes de M. Raspail sur les tégumens,de la fécule, et quelques 
autres faits dont il sera fait mention dans le courant de ce Mémoire : 
viennent à l'appui dé cette opinion. Enfin il en est encore de même des 
obséryations.que j’aiifaites, conjointement avec mon ami Audouin , sur 
le sang des Mollusques, Chez ces animaux, les globules du sang ont la 
forme de yésicules membraneuses, incolores, demi-transparentes , d’un 
volume variable, mais en général très-considérable | renfermant un 
noyau central, et plus ou moins distendues par un liquide. Comme ici 
il n’y a plus de matière colorante , et que la membrane yésiculaire que 
je viens de décrire paraît étre formée de fibrine ou d’albumine, il 
était à présumer que l’on pourrait, sans difficulté, y distinguer la struc- 
ture globulaire commune aux autres lissus. C’est en eflet ce que nous 
avons trouvé, et les globules élémentaires nous ont paru semblables par 
leur diamètre et par leur aspect à, ceux du tissu cellulaire , par exemple. 
( Voyez pl. 50, fig. 9, représentant les globules, du sang de la Mactra 
glauca Lam. , grossis trois cents fois leur diamètre.) 

(1) Mémoire sur la Structure élémentaire des principaux tissus or- 
ganiques des, Animaux ; Archives générales de Médecine, tom, 11. 
Paris/ 1323. 


(370 ) 

les autres tissus , et cependant c'est celui qu'on avait le 
moins étudié. Fontana est le seul qui, à ma connais- 
sance , eut jusqu'alors cherché à déterminer, par des ob- 
servations microscopiques , la disposition de ses parties 
élémentaires (1). Les recherches de ce savant l’ontconduit 
à regarder ce tissu comme formé par l’assemblage de ey- 
lindres tortueux et d’une finesse extrème : c’est effecti- 
vement l'apparence que présente l'élément cellulaire 
lorsqu'on l’examine avec des lentilles dont le pouvoir 
amplifiant est d'environ 200. Maïs en me servant d’in- 
sirumens plus puissans , j'ai trouvé que ces cylindres , 
dout Fontana dit n'avoir pu déierminer la nature , sont 
eux-mêmes formés de corpuscules globuleux , disposés 
en séries irrégulières , et dont le diamètre est d’envi- 
ron -— de millimètre. (Foy. pl. bo, fig. 15.) Je ne 
reviendrai pas ici sur les autres faits que me fournit l’exa- 
men du tissu cellulaire , 1 me suflira de rappeler que par- 
tout sa structure intime m'a paru identique, et ses glo- 
bules élémentaires semblables , par leur forme et leur 
diamètre , à ceux que l’on voit nager dans le pus (2), 
dans le lait, etc., et au noyau central des globules du 
sang. 


— 


(1) Traité sur le Venin de la V'ipère. Florence, 1781, in-4°, tom. 11, 
p- 234. 


(2) Je n’ai pas eu l’occasion d’examiner par moi-même de pus dans 


CI 


un état de pureté assez grand pour pouvoir constater le diamètre des 
globules qui le composent ; mais M. Dumas à bien voulu me communi- 
quer la note suivante à ce sujet. 

« Le pus sair nous a toujours offert certains caractères qui autorisaient 
à le regarder comme une véritable sécrétion ; il est blanc, laiteux, légère- 
ment acide, et renferme toujours des globules du même diamètre ; mais 
le plus souvent celui d’un ulcère a subi une altération qui le modifie et 


\ 


(371) 


Le savant observateur que j'ai cité plus haut avait éga- 
lement soumis à l'examen microscopique les membranes 
muqueuses et séreuses ; et leur texture ne lui a paru dif- 
férer que peu de celle du tissu cellulaire. C’est aussi le 
résultat que me fournirent des observations analogues ; 
car j'ai constaté que les cylindres tortueux découverts 
par Fontana dans ces membranes , sont formés de glo- 
bules semblables par leur aspect, par leur grandeur et 
par leur disposition , à ceux qui constituent le tissu cel- 
lulaire. Ces corpuscules m'ont paru sensiblement les 


qui forme le caractère spécifique de chaque espèce de pus : celui des ab- 
cès , qu’on emploie volontiers dans des recherches de ce genre , est tou- 
jours sanguinolent ; il est alors alcalin , rose ou de couleur rouillée, et 
ses globules sont de diamètres variés, à cause du mélange de ceux du sang. 
C’est probablement ce qui a causé l’erreur de M. Youug, car sa mesure 
du globule du pus comeide avec celle que nous avons donnée du globule 
du sang. Il faut une attention très-particulière pour rencontrer un pus sain 
exempt de tout mélange. Celui que nous avons examiné avait été pris 
dans le sinus frontal droit d’un mulet , auquel cette maladie avait 
causé la mort : la cavité en était entièrement remplie. Sa couléur était 
d’un blanc faiblement jaunâtre; sa consistance celle d’une crême fort 
épaisse; son aspect grenu; et lorsqu'on l’examinait au microscope, il 


paraissait rempli d’une immense quantité de globules égaux à 5 de 
millimètre, ou 0,0033c ; il rougissait le tournesol; délayé dans l’eau 
froide il formait une émulsion qui laissait déposer une espèce de ma- 
tière blanche , floconneuse , par un repos de quelques jours. En le por- 
tant à la température de 70 c. , il se formait un coagulum granuleux et 
blanc ; celui-ci, lavé convenablement, offrait tous les caractères d’une 
matière albumineuse, si ce n’est toutefois que l'acide muriatique en 
opérait la dissolution avec facilité. Les lavages soumis à l’évaporation 
répandaient une odeur de fromage passé très-désagréable : réduits à 
siccité , ils laissaient un extrait jaune , attirant vivement l'humidité de 
l'air, d’une odeur très-forte et analogue à celle de certaines plaies. 
Traité par l'alcool faible, il s’y dissolvait entièrement , à l'exception de 


quelques flocons albumineux. Cette solution, étendue d’eau , ne s’est 


(3572) 

mêmes partout où je les ai examinés , daris l’homme, le 
chien , le bœuf, le lapin , le coq, le moïneau , la gre- 
nouille, la carpe, etc. Aussi ai-je regardé des recherches 
plus multipliées comme inutiles pour justifier l'opinion 
que ces observations ont fait naître , et pour m'autoriser 
à conclure, par analogie, que chez tous les animaux 
vertébrés au moins, ces divers tissus ont une texture 
commune , et que les globules dont ils sont composés 
présentent des caractères physiques identiques. ; 

L'examen microscopique des membranes qui tapissent 
l’intérieur des artères -et des veines , a fourni de nou- 
velles preuves en faveur de l’opinion des physiologistes 
qui regardent ces vaisséaux comme n'étant que du tissu 
cellulaire modifié de manière à former des canaux au lieu 
de ne laisser entre ses lames que des lacunes ou cellules 
irrégulières , comme cela a lieu en général. J'ai trouvé 


pas troublée; elle renfermait un acide libre , beaucoup de muriate de 
soude , et du phosphate d’ammoniaque en petite quantité. En résumé : 


820,0 eau; 
165,0 matière albumineuse ; 
12,5 matière animale, soluble dans l’eau ét dans l'alcool ; 


muriate , phosphate et acide lactique libre. 


997,5 pus sain. 


« Ces essais, bien imparfaits sans doute, mais que d’autres occupations 
ne nous permirent pas de pousser plus loin, semblent établir, qu’à la 
substance grasse près, il existe quelqu’analogie entre le pus sain et le lait. 
Comme il ne nous a pas été possible d’en retrouver un specimen aussi 
pur, nous espérons que notre analyse, toute incomplète qu’elle est, 
aura du moins le mérite d’en amener une meilleure. IL y a beaucoup de 
variétés de pus que nous n’avons pas encore soumis à l'examen ; Lels 
sont ceux de la variole , du cancer, etc. » 


(375 ) 
ces tuniques composées de globules du diamètre d’envi- 
ron = de millimètre, réunis en séries de longueurs di- 
versés, tantôt droites ou légèrement courbées , tantôt plus 
ou moins tortueuses ; la direction et la situation relative 
de ces espèces de fibres moniliformes varient presque 
pour chacune d'elles ; enfin leur caractère essentiel est de 
n'avoir entre elles aucun rapport déterminé. 

D’après les recherches de Fontana, les tendons pa- 
raissent être formés de petits faisceaux composés eux- 
mêmes de fils extrèmement fins , semblables entre eux, 
et qui marchent parallèlement en décrivant des ondes ré- 
gulières ; mais ici encore, l’usage d’instrumens d’opti- 
que plus puissans ou mieux combinés m'a permis d'aller 
plus loin que l’habile observateur qui m'avait précédé. 
En effet , j'ai constaté que ces espèces de fibrilles élémen- 
taires sont formées de globules du diamètre d’environ -: 


300 


de millimètre. Ces globules sont donc en cela semblables 
à tous ceux que nous avons trouvés jusqu ici dans les di- 
vers tissus ; seulement la disposition qu'ils affectent dans 
leur arrangément n’est pas tout-à-fait la même : les ran- 
gées qu’ils forment sont à-peu-près parallèles et présen- 
tent des ondulations plus ou moins régulières. ( 7oy. 
pl. 5o, fig. 11.) La texture intime des aponévroses , des 
facias , du derme et de la tunique moyenne des artères , 
présente la plus grande similitude avec celle des autres 
parties fibreuses ; et il estimportant de remarquer qu'en 
exerçant une traction assez forte, et dans un sens déter- 
miné, sur les lames du tissu cellulaire, on parvient 
quelquefois à y produire une apparence très-analogue à 
celle dont nous venons de parler. ( Voyez planche 50, 


fig. 11.) Ce résultat s'accorde parfaitement avec d’autres 


( 374) 


faits déjà connus; car tous les jours on voit chez l’homme 
le tissu cellulaire se condenser et former des membranes 
dont l'aspect albuginé les fait regarder comme les véri- 
tables aponévroses , et cette transformation a lieu prin- 
cipalement dans les points où se fait sentir une pression 
forte et continue ; de même que, par l’effet du frotte- 
ment, on voit le tissu cellulaire se changer en bourses 
synoviales. 

La structure globulaire des dernières fibrilles , dont 
les muscles sont composées , a été reconnue vers le mi- 
lieu du dix-septième siècle par Robert Hooke (x) et par 
Leuwenkoeck. Ce dernier observateur dit expressément, 
et dans plusieurs lettres diflérentes , que ces filamens 
sont formés de globules d’une petitesse extrême (2). 
Cowper pensait que la substance des fibrilles charnues 
est composée de cellules séparées et distinctes (3); Muys 
a trouvé ces fibres ténues tantôt cylindriques , tantôt 


(x) Voy. Hazzer , Elementa Physiologiæ, tom. 1, p. 410. 

(2) Voici comment Leuwenhoeck s’exprime dans la première lettre 
où il est question de ses observations microscopiques sur la texture glo- 
bulaire des fibres charnues. « Having exposed them to my microscope 
I saw to my wonder that they were madeup of very small conjoined glo- 
bules, which in smalness seemed to surpass all the rest. This I took no- 
tice of frequently. » Philosophical Transactions, 1674, vol. 1x, 
no 106, p.121. Dans une autre lettre, il dit encore : « I have used se- 
veral methods of observation to see the particles of these carneous fila- 
ments and bave always found that they are composed of such parts to 
which I can give no other figure than a globule. » Phil, Trans., 1677, 
vol. xnr, n° 136, p. 900. Plus tard cependant il crut devoir attribuer 
cet aspect à un phénomène d’évaporation. (Phil. Trans., 1683, v. xt, 
n° 152/, p. 352.) 

(3) Myotomia reformata , in-8°. Lond. , 1694. 


(35) 


ncäeuses (1); Fontana les décrit comme étant des cylin- 
dres solides , égaux entre eux, et marqués à distances 
égales par de petits sigres , comme autant de diaphragmes 
ou de rides, ce qui produit une apparence globulaire ; 
mais il ajoute que l'observation n’allant pas plus loin, 
il n'ose rien décider touchant leur véritable nature. 
Swammerdam (2), Stuart (3), Prochaska (4) , au con- 
traire, les ont vus formés de petits globules. 

Les observations des anciens micrographes sur la tex- 
ture des muscles , diffèrent donc peu entre elles quant 
aux points les plus essentiels , et il suflirait des détails 
qu'ils ont rapportés pour se faire à ce sujet des idées as- 
sez justes. Du reste, les recherches récentes de Bauer (5) 
et de MM. Prévost et Dumas (6) confirment pleinement 
la manière de voir de Hooke , Syammerdam , etc. , et ne 
laissent plus aucun doute sur la forme globulaire des 
élémens organiques du tissu musculaire. Les observa- 
ions curieuses de ces derniers physiologistes sont trop 
généralement connues pour que j'aie besoin d’en rappe- 
ler ici tous les détails; il me suflira de dire qu'ils ont 
trouvé les fibres élémentaires des muscles identiques, 


(1) Znvestigatio fabricæ quæ in partibus musculos componentibus 
extat. In-4°. Lugduni Batavorum, 1741. 

(2) Collection académique, tome vx (v de la partie étrangère), 
p. 579. 

(3) Lectures on muscular Motion, 1739. 

(4) De Carne muscularis tractatus , in-8°, Vienne , 1778. 

(5) Croonian Lecture. On the changes the blood undergoes in the act 
of Coagulation ; by sir E. Home ; Philos. Trans. , 1818, part. 1. 

(6) Examen du Sang et de son Action dans les divers phénomènes 
de la vie; Bibliothèque universelle des Sciences et Arts de Genève, 
tom. xvir. 


(376 ) 
soit par leur forme et leur disposition:, soit par le dia- 
mètre des globules dont elles sont composées , quel qu’ait 
été l'animal à qui elles appartenaient ; et enfin que par 
leurs propriétés physiques ces globules ne diffèrent en 
rien du noyau central des globules sanguins-et des glo- 
bules du pus, du lait, etc. Le résultat de mes observa- 
ions s'accorde parfaitement avec les faits constatés par 
ces savans. En effet , des exemples nombreux et pris au 
hasard , non-seulement parmi les vertébrés , mais aussi 
les classes moins élevées , m'ont invariablement présenté 
la siructure élémentaire du tissu musculaire telle que 
je viens de la décrire ; j'ai mesuré avec soin le diamètre 
des globules qui, par leur réunion en séries linéaires , 
constituent les fibres charnues primitives , et partout je 
les ai trouvés du diamètre d'environ -— de millimètre , 
et par conséquent semblables sous ce rapport à ceux qui 
composent les tissus cellulaires, muqueux , séreux , les 
tuniques des vaisseaux , les tendons , les aponévroses et 
le derme; à ceux qui se trouvent suspendus dans le lait , 
le pus, et enfin aux globules du sang, lorsqu'ils sont 
dépouillés de leur enveloppe de matière colorante. (#07. 
pl 5o, fig. 15.) 

La substance du cerveau avait été également étudiée 
par la plupart des anciens micrographes , et ici encore 
nous sommes loin de trouver des diflérences d'opinion 
aussi grandes qu’on paraît le croire communément , 
pourvu toutefois qu’on ne s'attache qu'aux faits princi- 
paux , et qu’on les dépouille des'idées spéculatives avec 
lesqueîles on les trouve en général mélées dans les'ou- 
vrages de ces auteurs. Ainsi, peu importe que Della 


Torre ait supposé que les globules , dont il a vu,le tissu 


RS 
ST —————— 


(677 

médulaire composé, soient en mouvement dans une sub- 
stance claire et visqueuse , ou que ces mêmes globules 
soient des cellules renfermant elles-mêmes la substance 
nerveuse, comme l'avancent les frères Wenzel (1) ; il 
nous suffit de savoir que Ja texture globulaire du cerveau 
a été reconnue par Leuwenhoeck (2), Della Torre (3), 
Prochaska (4), Wenzel , Bauer (5), etc. C’est aussi ce 
que j'ai constaté chez divers animaux appartenant aux 
quatre classes des vertébrés ; et les globules, qui sont 
pour ainsi dire les élémens organiques de cette partie, 
ne m'ont présenté , quant à leur caractère physique , aû- 
cune différence susceptible de les faire distinguer de ceux 
dont nous avons déjà parlé tant de fois. Enfin il er est 
de même pour le prolongement rachidien et les cordons 
nerveux qui en partent, (Foy, pl. 50, fig. 15.) 

D'après ce résumé , on voit done que la texture glo- 
bulaire indiquée depuis long -1emps comme étant celle 
des muscles et du cerveau , se montre de même dans la 
plupart des autres tissus organiques des animaux. Il ré- 
sulte également des recherches que je viens d'exposer, 
que les globules élémentaires de ces diverses parties ne 

-diffèrent pas sensiblement entre eux , soit par leur as- 


pect , soit par leur volume. En effet , je les ai constäm- 


(1) De penitiore structura cerebri hominis et brutorum. Tubingen, 
i812,in 80, p.24. 

(2) Philosophical Transactions, 1685, n° 168, p. 883. 

(3) Muove osservazione microscopiche , p. 59. 

(4) Opere min. , part. 1, p. 342. 
© (5) The Croonian lecture. Microscopical Observations on the brain 
and nerves showing that the materials of which they are composed exist 
in the blood , etc. ; by sir E. Home ; Phil, Trans. , 1820 , part. 1; 


1; 29 


(378 ) 


ment trouvés si semblables , que je n'étais pas éloigné de 
croire que les molécules animales , solides et organisées, 
affectent toujours une forme primitive , constante et dé- 
terminée , celle de globules du diamètre d'environ —— de 
millimètre. 

Depuis cette époque , plusieurs savans ont publié des 
recherches analogues sur la texture intime des animaux; 
aussi, pour ne point mériter le reproche que j’ai adressé 
plus haut à d'autres micrographes, crois-je devoir com- 
parer ici ces observations avec les miennes avant que de 
passer à l’exposé de mes travaux ultérieurs. Dans un 
Mémoire sur les phénomènes qui accompagnent la con- 
traction de la fibre musculaire, lu à l’Institut en août 
1823, MM. Prévost et Dumas (1) reviennent sur la struc- 
ture intime des muscles , et confirment les résultats que 
j'ai rapportés plus haut. Il en est de même de l’examen 
que ces physiologistes ont fait des fibres nerveuses ; sur 
ce point, comme au sujet de la texture des muscles , les 
recherches de ces savans sont entièrement en concor- 
dance avec ce que j'avais avancé d’après des observations 
da même genre. 

1. Dutrochet, dans un ouvrage riche d’un grand: 
nombre de faits du plus haut intérêt en physiologie, à 
également traité dé la structure intime des animaux , et 
confirmé l'opinion que j'avais émise sur la structure toute 
globuleuse des divers tissus qui entrent dans la compo- 
sitiou de ces êtres ; il assure avoir vérifié l'exactitude de 
mes observations , et n’avoir trouvé partout , dans les or- 


ganes des animaux, que des corpuscules globuleux , 


(1) Journal de Physiologie, tom. uit. 


( 379 ) 


tantôt réunis en séries longitudinales et linéaires , tantôt 
agglomérés d’une manière confuse. « C’est sous ce der- 
nier aspect, ajoute-t-il , que ces corpuscules globuleux 
se présentent dans les organes sécréteurs , tels que le 
foie , les reins , les glandes salivaires , les testicules, etc. 
La rate et les ovaires ne présentent point une autre struc- 
ture intime, et celte sinnlitude fondamentale du tissu 
de tous les organes parenchymateux est telle chez la 
grenouille, qu’il est presqu'impossible de distinguer les 
uns des autres , au microscope , les tissus du cerveau , 
du foie , des reins et de la rate; partout on n’aperçoit 
que des corpuscules globuleux, agglomérés d’une ma- 
nière confuse, et constituant ainsi par leur assemblage 
le parenchyme de l’organe (1). » 

D’après le passage que je viens de citer , on voit que 
les observations de M. Dutrochet s'accordent parfaite- 
ment avec les miennes. Il a été également frappé de la 
grande uniformité que l’on observe dans la texture intime 
des parties les plus différentes des animaux , et a reconnu 
partout la forme globulaire de ce que l'on pourrait appe- 
ler les élémens organiques de ces tissus. Une autre partie 
du même ouvrage m'avait cependant fait penser que cet 
obsérvateur habile regardait la structure des nerfs comme 
étant plus compliquée ; mais les éclaircissemens qu'il a 
bien voulu me donner à ce sujet m'ont fait voir que j'é- 
tais dans l'erreur, et que son opinion était parfaitement 
conforme aux résultats de mes observations. En effet , 


(1) Recherches anatomiques et physiologiques sur la Structure in- 
time des Animaux et des Végétaux , et sur leur Motilité, in-8°, Pa- 
ris , 1824, p. 201. 


( 380 ) 
il m'a appris que c'était par analogie qu’il avait été con- 
duit à regarder comme étant des cylindres creux les cor: 
dons nerveux que j'avais décrits comme des faisceaux de 
fibres élémentaires , et que MM. Prévost et Dumas ont 
comparés à des rubans formés des quatre séries de glo- 
bules ; que du reste , il attribuait à la texture globulaire 
de ces organes l’aspect comme framboisé de leur sur- 
face , et que jamais il n’a pu apercevoir dans leur sub- 
stance autre chose que des globules. Ainsi, les travaux 
de ce savant confirment pleinement le seul point que je 
cherche à établir en ce moment. Que les globules élé- 
mentaires de la substance médullaire forment , dans les 
nerfs , des fibres réunies en faisceaux , ou des cylindres 
dont l’intérieur est creux : c’est ce que l'observation di- 
recte ne m'a point permis de décider (1) ; mais il n’en 
resté pas moins prouvé, qu'en dernier résultat, les nerfs, 
de même que tous les autres tissus que l’on a examinés 
jusqu'ici, ne sont formés que de globules. C’est aussi 


a 


(x) Ce sont toujours les deux rangées de globules situées latéralement 
qui sont les plus distinctes dans ces cylindres méduilaires. MM. Prévost 
et Dumas attribuent celte disposition à une compression qu’ils suppo- 
señt'exercée sur les rangées moyennes ; mais en admettant l’opinion de 
M. Dutrochet , on pourrait en trouver une explication plus facile. En 
eflet , il paraîtrait que v’est la grande transparence de ces corps qui rend 
invisible la texture globulaire de leur partie médiane, et sion admettait 
qu’au lieu d’être aplatis ces cordons nerveux élémentaires ont une forme 
tubulaire, il est évident que les séries de globules latérales doivent 
être visibles lorsque les séries moyennes laissent passer toute la lumière 
qui les frappe; de même que cela a lieu pour an tube de verre que l’on 
regarde par transmission, car alors sa partie médiane paraît complète- 
ment transparente ; mais ses parties latérales laissant passer beaucoup 
moins de lumière, forment deux lignes parallèles plus ou moins ob- 


scurces, 


{ 381 ) 
le principe admis par M. Hip. Cloquet , qui a répété 
mes observations sur la texture intime des tissus chez des 
animaux que je n’avais point examinés , et cela sans ob- 
tenir de résultat autre que celui auquel j'avais été con- 
duit (1), 

Mais il n’en est point de même des opinions profes- 
sées par Tréviranus; car ce physiologiste regarde tous 
les tissus organiques des animaux comme étant formés , 
non-seulement de globules , mais aussi de cylindres élé- 
mentaires (2). Cette manière de voir tient, pour ainsi 
dire, le milieu entre les conclusions que l’on pourrait 
tirer des travaux de Fontana et les résultats que m’a- 
vaient fournis des recherches du même genre. Les ob- 
servations qui servent de base à ces opinions dissidentes 
n’impliquent point contradiction , comme nous le ver+ 
rons bientôt; mais des raisonnemens ne suflisaient pas 
pour décider le point en litige, et j’ai pensé qu'avant de 
passer outre , il importait de résoudre la question par la 
voie expérimentale. 

En examinant avec un microscope de Selligue , dont 
le pouvoir amplifiant est d'environ 300, des nerfs de gre- 
nouille convenablement préparés, c’est-à-dire dépouillés 
de leur enveloppe fibro-celluleuse, plongés dans de l’eau 
et déchirés avec la pointe d’une aiguille, de manière à 
leur donner le degré de transparence nécessaire , je n’ai 
vu d’abord que les espèces de cylindres , si bien figurés 


(1) Traité complet de l' Anatomie de l'homme, comparée dans ses 
points les plus importans à celle des animaux , in-4°, rre livraison. 

(2) Sur Les Élémens organiques du corps animal ; Journal comple= 
mentaire du Dict, des Sc, méd,, tom, xxt , 1825. 


( 382 ) 

per MM. Prévost et Dumas ; la structure intime de ces 
faisceaux fibreux m'a paru entièrement globulaire ; bien- 
tôt cependant j'ai trouvé des fibrilles nerveuses dont la 
transparence était telle , que je ne pus y reconnaître les 
globules élémentaires dont mes recherches précédentes 
m'avaient appris l'existence. Enfin, dans quelques points 
où la lacération avait été poussée très-loin , j’aperçus 
plusieurs fibres qui, dans quelques endroits , ne parais- 
saient formées que de globules, mais dans d’autres 
étaient parfaitement transparens , et d’une texture en 
apparence homogèrie; le liquide ambiant chariait en 
même temps un-nombre considérable de globules sem- 
blables en tout à ceux dont la plus grande portion de la 
substance nerveuse paraissait formée. La description de 
Ja structure intime des nerfs , donnée par Tréviranus, 
s'accorde très-bien avec le résultat de cette observation , 
car je voyais distinctement les parties que ce physiolo- 
giste considère comme des cylindres élémentaires , et il 
était diflicile de décider si les globules dont je viens de 
parler couvraient seulement quelques portions de la sur- 
face de ces cylindres , ou bien si ces corpuscules les for- 
maient complètement , ainsi que je l’avais avancé. 

Dans un travail sur la digestion , dont j ai communiqué 
quelques résultats à la Société philomatique, dans sa séance 
du 3 mars 1825, j'avais constaté que l'acide acétiqueexerce 
une influence très-remarquable sur la plupart des sub- 
stances animales. En eflet, ce réactif détermine presque 
toujours la désaggrégation de leurs globules composan- 
tes et les transforme en une masse dont l'aspect est sem- 
blable à celui d'une gelée, puis les dissout plus ou 


moins complètement, J'ai donc pensé qu’en soumettant 


( 383 ) 

les parties dont il vient d’être question à l’action de ce 
réactif, je pourrais jeter quelque jour sur la texture des 
cylindres transparens qui se montrent dans la substance 
nerveuse ; l'expérience a pleinement confirmé cette 
conjecture. À peine avais-je mêlé quelques gouttes d’a- 
cide acétique à l’eau qui baignait la petite portion de 
nerf placée sur le porte-objet, que je vis la transparence 
générale de la masse nerveuse augmenter, les parties les 
plus près de la circonférence se détacher , et enfin la 
plupart des cylindres dans lesquels je n’avais pu aper- 
cevoir aucune trace de texture globulaire, montrer d’une 
manière évidente les globules qui les composaient ; non- 
seulement le contour de ces Corpuscules devenait vi- 
sible, mais encore ils se désaggrégeaient, et peu à peu 
toute la portion de nerf soumise à l'expérience fut ainsi 
transformée en globules, dont un nombre immense 
flottaient dans le liquide , et dont les autres étaient réu- 
nis en petites masses assez transparentes, qui présentaient 
sur les bords l'aspect d’une gelée blanche, diaphane , et 
entremèlée de quelques globules. 

Il me paraît donc évident que les fibrilles des nerfs, 
ainsi que je l'avais avancé , sont composés de fibres élé- 
mentaires formées elles-mèmes de globules réunis en 
séries linéaires. Cette disposition est très-évidente dans 
les nerfs des larves , tels que la chenille de grand paon ; 
mais chez les animaux vertébrés , morts depuis quelque 
temps , il devenait très-difficile d’apercevoir la texture de 
ces faisceaux de fibres élémentaires ; car ils deviennent 
plus transparens que dans l’état ordinaire , et paraissent 
homogènes. Il en est souvent de même lorsque ia por- 


uon de nerf soumise à l’observation microscopique a été 


( 384 ) 


tenue trop long-temps plongée dans l’eau , ou bien à 
éprouvé une légère dessiccation. Mais dans les nerfs 
d’un animal récemment tué, les faisceaux de fibres élé- 
mentaires montrent en général , d'une manière très-évi- 
dente , les séries de globules qui les constituent , et dans 
le cas contraire , 1l est toujours facile de rendre appa- 
rente la texture intime de ce que l’on pourrait prendre 
pour des cylindres élémentaires , et cela, en déterminant 
la désaggrégation de leurs globules composantes. 

Il en est de même des tissus musculaire, cellulaire, 
fibreux, etc., que Tréviranug regarde aussi comme 
composés de deux élémens organiques , de globules et 
de cylindres ; car ces derniers sont toujours formés eux- 
mêmes de globules qui ne diffèrent des autres qu'en ce 
qu’ils sont réunis en séries linéaires au lieu d’être agglo- 
mérés d’une manière confuse. En eftet, par l’action de 
la potasse, de l'acide acétique et de plusieurs autres 
réactifs , on peut à volonté , et sous les yeux de l'obser- 
vateur, déterminer la séparation de ces globules ; on voit 
alors les élémens organiques des divers tissus isolés , et 
il devient facile de s'assurer qu'ils ne diffèrent ni par 
leur aspect, ni par leur grandeur, des globules du pus, 
du lait , etc., ou de quelques-uns des animalcules qui se 
montrent les premiers dans les infusions de substances 
animales et végétales. 

Le moyen dont je m'étais servi d’abord pour détermi- 
ner la grandeur relative des globules constituans des 
üssus , a paru à quelques personnes ne point être assez 
exact pour autoriser les conclusions que j'avais déduites 
de mes observations ; c'était cependant celui qui a été 


employé dans des recherches du mème genre par le ca- 


(385) 


pitaine Kater, ainsi que par MM. Prévost et Dumas, et 
qui consiste à faire coïncider l’image de l’objet vu dans 
le microscope, au moyen de Fœil droit , avec les divi- 
sions d’une règle fixée latéralement au niveau du foyer 
de l’œil , et perçue avec l’œil gauche. Ce procédé serait 
peut-être insuffisant pour arriver à la connaissance exacte 
du volume réel du corps que l’on examine ; mais tel n’é- 
tait point mon but, car je ne n'attachais qu’à comparer 
entre eux les globules des divers tissus et liquides de l’é- 
conomie animale , afin de savoir si, par leurs caractères 
physiques, ces corpuscules sont semblables ou différens. 
Et les divers objets que j’examinai étant toujours placés 
dans les mêmes conditions , il me paraît que ce n’est que 
dans le cas où les deux yeux seraient tantôt sur le même 
niveau , tantôt placés plus ou moins obliquement , que 
les résultats pourraient être inexacts. Or, pour éviter cet 
inconvénient , il suffit de prendre l'habitude de tenir la 
tête bien droite pendant que l’on fait l'observation , ce 
qui, comme on Je pense bien , est nullement difficile. 
Quoi qu’il en soit, ne voulant laisser aucun doute à cet 
égard , je résolus de répéter ces expériences , en em- 
ployant d’autres procédés ; et M. Thillaye , professeur 
de physique au collége de Louis-le-Grand et conserva- 
teur des cabinets de la Faculté de médecine , a eu l’ex- 
trème complaisance , non - seulement de me prêter les 
instrumens nécessaires à cet usage, mais aussi de m'ai- 
der dans ces recherches. 

Le premier procédé que nous employämes pour me- 
surcr les globules des tissus , consiste à placer dans l’in- 
térieur du microscope, au foyer de l’oculaire, un dia- 
phragme transparent sur lequel sont tracées des divisions 


(386 ) 


micrométriques ; nous avons examiné ainsi le tissu mus- 
culaire du bœuf, humecté avec de l'acide acétique affai- 
bli , afin de rendre sa teétre plus évidente , et nous nous 
sommes assurés que chaque division de notre micromètre 
équivalait à une série linéaire de quatre globules. En 
substituant au bœuf du tissu cellulaire du mouton, nous 
avons obtenu le même résultat; enfin, en examinant 
par ce moyen des fibres musculaires de la grenouille, 
nous avons trouvé que quatre globules réunis en cha- 
pelet occupaient encore une de ces divisions , qui équi- 


yalaïent à des de pouce anglais. 

D'après le résultat de ces observations , que M. Thil- 
laye a faites avec toute la dextérité et l'exactitude que 
donne une longue habitude des expériences d'optique , 
il nous paraissait évident que le diamètre des globules 
élémentaires de ces divers tissus est sensiblement le 
même , et nous aurions pu borner là nos recherches, si 
le microscope solaire ne nous avait paru susceptible de 
donner des résultats encore plus exacts et plus faciles à 
obtenir. Nous répétâmes donc nos observations avec cet 
instrument , et en plaçant le tableau sur lequel se pro- 
jetait l’image, tantôt à vingt-quatre pieds , tantôt à douze 
pieds de la fenêtre. Nous examinâmes ainsi le tissu mus- 
culaire du veau , de la grenouille et de l’écrevisse , le 
tissu cellulaire du veau , et comparativement le sang hu- 
main , et nous suivimes avec la pointe d’un crayon le 
contour des images qui venaient se former sur le tableau. 
Les cercles ainsi tracés, et qui correspondaient aux glo- 
bules des divers tissus dont nous venons de parler , 
étaient si semblables que, pour les distinguer, nous 
avons été obligés de placer à côté de chacun une marque 


(387 ) 


différente (1). Le diamètre des globules blancs qui na- 
gent dans le sérum du sang humain était encore le même; 
mais celui des globules rouges , formés d’un noyau cen- 
tral et d’une enveloppe de matière colorante , paraissait 
le double du diamètre des autres. Ces résultats corres- 
pondent parfaitement avec ceux que j’avais obtenus préa- 
lablement par des procédés différens , et avec les obser- 
vations de MM. Prévost et Dumas ; car ces physiologistes 
évaluent le Fo cb des globules rouges du sang de 
l’homme à —— de RH, et celui des globules du 
pus et des tissus à + de millimètre. Quant à la grandeur 
réelle de ces AA Re , il me paraît très - diflicile de 
la déterminer avec exactitude , car en employant des pro- 
cédés divers , on obtient des résultats différens , ce qui 
paraît tenir en général de la largeur plus ou moins 
grande du pénombre qui entoure ces petits globules , et 
qui est très-considérable lorsqu’on se sert du microscope 
- solaire. Ainsi, avec cet instrument disposé de manière 
à donner un grossissement d’environ 540, le diamètre 
de l’image de chacun des globules élémentaires des tis- 
sus était d'environ : millimètres , ce qui donnerait pour 
leur diamètre réel + de Fe tandis que, par le 
microscope hide et en Moore un micromètre au 
Rue intérieur de l'instrument , nous les avons trouvés 
de 240 


avec les divisions d’une règle placée à côté de la lentille, 


de millimètre , et qu’en faisant coïncider l’image 


ces corpuscules ne paraissaient avoir que -— de milli- 


300 


(1) Por. pl. 50, fig. 16, représentant les globules élémentaires du 
tissu cellulaire du veau et de la fibre musculaire de la grenouille, vus au 
microscope solaire, 


( 388 ) 

mètre. Mais cela ne me paraît que d’une importance 
tout-à-fait secondaire , car ce qui doit intéresser les phy- 
siologistes n’est point de connaître si les globules élé- 
mentaires du tissu musculaire, par exemple , ont + ou 
— de millimètre , mais bien de savoir que le diamètre 
de ces globules est toujours sensiblement le même , soit 
dans les fibrilles charnues, soit dans les autres tissus 
qui concourent à former le corps des animaux des classes 
supérieures ; et la similitude des résultats que l’on ob- 
tient à cet égard, quelle que soit la méthode employée, 
ainsi que la comparaison du diamètre de ces corpuseules 
avec celui des globules du sang humain, ne me parait 
devoir laisser aucun doute à cet égard. 

En étendant ces recherches au petit nombre de parties 
qu'il nous reste à étudier dans le corps des animaux ver- 
tébrés, on voit que leur structure intime présente les 
mêmes caractères généraux que celle des tissus dont nous 
venons de parler. J'ai observé au microscope les mem- 
branes synoviales, les cartilages, la cornée transpa- 
rénte, les diverses tuniques de l'œil , le cristallin (x), 
les membranes accidentelles dont la formation est dé- 
terminée par l’inflammation de la plèvre, etc. ; toujours 
Je les ai vus formés de globules semblables à ceux qui 
constituent les tissus cellulaire , musculaire ou nerveux, 
et à ceux que l’on voit flotter dans le pus et dans le sérum 
du sang. 

La structure intime de ces divers üssus , chez les ani- 
maux des classes inférieures , présente sous ce rapport 


(1) Leuwenhoeck avait déjà indiqué la structure globulaïre du cris- 


tallin, Voy. Phil. Trans. , 1684 , n° 165. 


( 389 ) 


une uniformité non moins remarquable ; il paraitrait 
seulement que le volume de leurs globules élémentaires 
peut présenter des variations bien plus grandes, Ainsi, 
dans les ganglions nerveux de l’écrevisse, j’ai trouvé des 


1 
300 


globules du diamètre de + de millimètre, mêlés à d’autres 
corpuscüles semblables en apparence, maïs d’un volume 
beaucoup plus considérable (pl. 50, fig. 17). Il serait ce- 
pendant possible que ces gros globules fussent formés eux- 
mêmes d'autres globules analogues à ceux dont il a été 
question plus haut, et mème l’analogie tendrait à faire 
adopter cette opinion. En effet , j’ai souvent vu deux glo- 
bules de matière verte s’accoler ét bientôt s’unir d’une ma- 
nière si étroite, qu'il m'aurait été impossible de savoir 
que le corpuscule ainsi formé n’était pas un globule uni- 
que , si je n'avais pour ainsi dire assisté à sa formation. 
Les tégumens de la fécule paraissent, en général, par- 
faitement homogènes ; mais dans de la colle ancienne, 
et qui avait été desséchée et humectée plusieurs fois suc- 
cessivement , j'ai aperçu la texture globuleuse de ces vé- 
sicules ; résultat qui s'accorde parfaitement avec les ob- 
servations intéressantes de M. Raspail. Enfin, dans le 
ganglion œsophagien du limaçon , où la plupart des glo- 
bules de substance médullaire ont un volume fort con- 
sidérable , comme l’a très-bien observé M. Dutrochet, 
la texture que je n’avais fait que soupçonner chez l’écre- 
visse m'a paru évidente ; car j'ai constaté que ces cor- 
puscules sont formés tout entier de globules semblables 
à ceux dont il a déjà été question tant de fois , disposi- 
tion qui , du reste , se reproduit dans plusieurs organes, 
et sur laquelle je me propose de revenir dans une autre 
occasion. ( Ÿ’oy. pl. 50, fig. 18.) 


( 390 ) 

Les tissus musculaire , séreux et muqueux de l’écre- 
visse, du maja, du limacçon, de l’huitre, de la moulette, 
du tœnia , etc., sont comme à l'ordinaire formés de glo- 
bules qui ne paraissent différer en rien de ceux qui con- 
stituent ces mêmes parties dans les animaux des classes 
plus élevées. Il en est encore de même pour la poche 
mince qui constitue l’hydatide ; enfin le corps du rotifère 
et de plusieurs autres animalcules m'ont montré une 
texture analogue. 

On voit donc que la structure intime des divers tissus 
qui composent les animaux présente partout des carac- 
tères analogues , et que la forme globulaire est toujours 
celle qu’affectent les élémens organiques de ces parties. 
L'animal le plus compliqué, comme celui qui est le 
plus simple, n’est formé que d’un nombre plus ou moins 
grand de ces corpuscules , dont la nature chimique peut 
différer , mais dont la forme et probablement le vo- , 
lumé ne varient que peu. Ces globules , que l’on peut 
appeler élémentaires , sont peut-être formés à leur tour 
d’autres corpuscules plus petits, et que nos moyens 
d'investigation ne nous ont point encore permis d’aper- 
cevoir ; mais ils n’en seront pas moins, pour tous les 
tissus des animaux , ce que les molécules intégrantes des 
cristallographes le sont pour les cristaux qui résultent 
dé leur agglomération , quelles que soïent du reste les 
formes secondaires qu’ils affectent. C’est de la manière 
dont ces globules se réunissent que dépendent les carac- 
tères physiques des différentes parties qu'ils constituent, 
et de leur agglomération dans un sens plutôt que dans 
un autre, que dépend la forme des divers organes et de 
l'être qui résulte de leur assemblage ; aussi est-ce avec 


( 391) 


raison qu'un naturaliste célèbre a dit « que la forme du 
corps vivant lui est plus essentielle que sa matière. » 

La disposition que ces globules élémentaires affectent, 
dans les divers tissus, peut être rapportée à quatre types 
principaux : en eflet, ils forment tantôt des lames où 
membranes dont la texture n'offre rien de fibreux , tan- 
tôt des fibres disposées avec plus ou moins de régularité, 
d’autres fois des vésicules ou des canaux. La disposition 
laminiforme se remarque surtout dans les tissus cellu- 
laire et séreux; la fibrillaire , qui ne paraît être qu’une 
modification de la première, devient de plus en plus 
apparente dans les facias, les aponévroses, les muscles 
et les nerfs. Les vésicules élémentaires paraissent for- 
mer le parenchyme du cerveau de quelques animaux, 
peut-être de tous, celui du foie, du pancréas, des 
glandes salivaires, etc. Enfin les canaux générateurs se 
montrent aussi dans certains organes sécréteurs, tels 
que les reins et les testicules , comme nous le verrons 
plus au long dans un prochain Mémoire où je me pro- 
pose d’examiner, d’une manière spéciale , la structure 
des glandes. 

Le résultat des recherches que je viens d'exposer con- 
duit naturellement à examiner si la forme globulaire 
qu'affectentles élémens organiques n’est imprimée qu’aux 
particules assimilées aux êtres vivans ét dépend par con- 
séquent de l’influence de la vie, ou bien si certaines 
substances la présentent toutes les fois qu’elles passent 
de l’état liquide à l’état solide, de même que les sels 
affectent , eu cristallisant , telle ou telle forme détermi- 
née. Une expérience très-remarquable de MM. Prévost 


et Dumas paraît favorable à cette dernière opinion. En 


( 392 ) 


faisant agir la pile électrique sur de l’albumine liquide, 
il se forme au pôle positif, comme chacun le sait, un 
coagulum blanchàtre ; or, à l’aide du microscope, ces 
physiologistes ont reconnu dans ce produit des globules 
très-distincts , semblables en tout à ceux du sang lors- 
qu’ils sont décolorés , à ceux du pus, du lait, etc., 
même apparence , même diamètre , même disposition à 
former des rangées ou des aggrégats (1). 

J'ai constaté que des phénomènes semblables ont lieu 
toutes les fois que l’albumine se coagule , soit par l'effet 
de la chaleur, soit par l’action de réactifs chimiques. 

Le sérum du sang charrie en général un nombre con- 
sidérable de ces globules albumineux ; mais par l’éva- 
poration , l’addition de quelques gouttes d’acide hydro- 
chlorique où d’alcool ; on en voit se former des quantités 
immenses. Il en est de même lorsque, par l’action de 
ces réactifs , on détermine la solidification de l'humeur 
vitrée de l’œil, du mucus sécrété en si grande abon- 
dance par les limaçons , ou de celle qui entoure les œufs 
de grenouille. 

L'ichthyocolle , que l’on peut regarder comme de la 
gélatine presque pure, est formée d’uu grand nombre 
de filamens d’une grande ténuité, et dont la texture glo- 
bulaire devient manifeste par l'addition d’une petite 
quantité d'acide acétique ; or, si après avoir fait dissou- 
dre cette substance on en détermine la solidification , les 
globules élémentaires dont nous venons de parler se mon- 
trent de nouveau. Enfin, il en est encore de même pour 
la fibrine; car, si après ayoir fait dissoudre ce produit 
PAL OR PRO LETTRE FERRER RE" EUR 


(1) Voy. Mém, sur le Sang, L. c. 


( 395 ) 


immédiat dans de la potasse, par exemple, on neutralise 
ce réactif, des globules de fibrine se forment aussitôt , et 
ne paraissent diflérer en rien de ceux qu’on séparerait 
du tissu musculaire par des moyens mécaniques. 

Nous voyons donc que la forme globulaire des élé- 
mens organiques de toutes les parties des animaux est 
aussi celle qu’affectent toujours , en passant à l’état so- 
lide, les principales substances que l’on nomme pro- 
duits immédiats de ces êtres, quelle que soit du reste la 
cause qui détermine ce changement d'état; fait dont la 
connaissance me paraît devoir conduire à l'explication 
d’un grand nombre des phénomènes de la nutrition , et 
sur lequel je me propose de revenir lorsque j'aurai com- 
plété ce travail, 


EXPLICATION DE LA PLANCHE L;: 


Fig. 1. Globules du sang humain. 
Æ , grossissement linéaire de 18; B,id., 22; C,id, 30; D, id., 
50; Æ, id., 105; FF, id,, 225; G, id., 300. 
Fig. 2. Globules du sang de la grenouille ; même grossissement, 
Fig. 3. Globule du sang de callitriche , amplifié mille fois. 
Fig. 4. Globule du sang humain ; même grossissement. 
Fig. 5. Globule du sang de chat ; id. 
Fig. 6. Globule du sang de mouton ; id. 
Fig. 7. Sang de chamois; id, 
Fig. 8. Sang de chèvre; id. 
Fig. 9. Sang de la Mactra glauca; grossissement de 300. 
Cu ne confondra pas dans cette figure les petits globules albumi- 
neux avec les véritables globules du sang , qui sont au nombre de 
quatre , et infiniment gros. 


ga 


Fig. 10. Tissu cellulaire du bœuf ; même grossissement. 

Fig. 11. Une lame de tissu cellulaire du même animal, tiraillé de ma- 
nière à donner la même direction à la plupart de ses fibres élémen- 
taires. 

Fig. 12, Tissu cellulaire filamenteux , contenant des vésicules adipeuses, 


IX. 20 


( 394 ) 
Fig. 13. Tissa fibreux humain. 
Fig. 14. Tissu musculaire du bœuf. 
Fig. 15. Filamens nerveux de la grenouille. 
Fig. 16. Globules du tissu cellulaire du veau (a) et de la fibre musculaire 
de la grenouille (b), vus au microscope solaire, avec un grossissement 


d’environ 500. 

Fig. 17. Globules provenant des ganglions nerveux de l’écrevisse, am- 
plifiés 300 fois. 

Fig. 18. Vésicules de substance médullaire des ganglions nerveux du li- 
maçon ; méme grossissement. 


Nore sur un Calcaire d'eau douce , renfermant 
des débris de tortues de terre ; 


Par MM. Dusreurz et Mancez DE Serres. 


Les reptiles terrestres et fluviatiles , comme les mol- 
lusques qui ont les mêmes genres de stations ; générale- 
ment fort restreints dans leurs habitations , caractérisent 
par cela même plus particulièrement une contrée ou une 
formation , que la plupart des espèces marines. Sous ce 
point de vue , leurs débris fossiles fixent l’attention des 
géologues , en même temps qu'ils intéressent l’histoire 
naturelle descriptive , surtout lorsque leurs débris, plus 
négligés jusqu'ici que ceux des Mammifères , se rappor- 
tent à des espèces perdues er qui n’ont plus aujourd'hui 
de représentant sur la terre. 

C’est au milieu de la mer des Indes, à Flacq (ile 
Maurice ou Ile-de-France), à une demi-lieue du rivage, 
qu'a été découvert le calcaire d’eau douce rempli de dé- 
bris de tortues terrestres , qui fait l’objet de cette Note. 
M. Cuvier, auquel aucun fait intéressant concernant les 


{ 395 ) 


fossiles semble n'avoir échappé , a déjà signalé l’exis- 
tence des tortues fossiles à l'Ile - de - France (1); aussi 
est-il remarquable que des ossemens de tortues, peu dif- 
férens de ceux de ces énormes tortues terrestres , dites 
des Indes , que l’on apporte assez souvent de l’Ile-de- 
France , aient été trouvés à des époques assez éloignées 
les unes des autres , dans le même lieu et dans des cir- 
constances géologiques toutes diflérentes. Ce fait est 
d’autant plus remarquable , que ces tortues ont été dé- 
couvertes dans la mème île des pays chauds de l’ancien 
continent, où les fossiles paraissent cependant d’une 
grande rareté. 

C’est en faisant des fouilles pour trouver de l’eau, 
que l’on a découvert au milieu d’une grande et belle fo- 
rêt, à plus d’un mètre au - dessous du sol, le calcaire 
d’eau douce dans lequel existent de nombreux débris de 
tortue. Ces ossemens sont empâtés , non dans une lave, 
comme ceux décrits par M. Cuvier , mais dans un cal- 
caire dont la puissance parait ne pas s'étendre au-delà 
d’un mètre. Ce calcaire , à couches peu épaisses , se re- 
trouve également , d’après le docteur Guet auquel nous 
empruntons ces détails , immédiatement superposé ou 
appliqué sur des fragmens de roches primitives gisant 
sur la surface du sol , et à une distance d'environ vingt 
ou trente pas du lieu où l’on a découvert le calcaire à os- 
semens qui nous a été adressé. Rien n’annonce, dit le 
docteur Guet, que la mer aït jamais recouvert ce cal- 
caire; pour nous, nous n’y avons vu aucune trace de 
corps marins qui puisse le faire supposer. 


(1) Recherches sur les Ossemens fossiles , Lom. y, p. 248. 


( 396 ) 

Comme tous les calcaires d’eau douce , celui de l'ile 
Maurice a un tissu lâche, poreux, travérsé par une 
grande quantité de bulles ou de petites cavités irréguliè- 
res, tapissées par un calcaire argileux concrétionné, 
blanchâtre , fort tendre. La pâte de ce calcaire, dont la 
couleur est d’un brun grisâtre , est fort dure , ne se lais- 
sant pas entamer par l'acier ; elle est sonore , et répand , 
lorsqu'on la brise, une odeur particulière que nous ca- 
ractériserons plus tard. Les os de tortues qui s’y trouvent 
sont pour la plupart brisés et disséminés de la manière 
la plus irrégulière ; ils ont en général une couleur noi- 
râtre ou d’un brun foncé. Ces os font quelquefois corps 
avec le calcaire et à tel point, qu'ils semblent se fondre 
dans sa masse , ne s’en distinguant que par leur nuance 
plus sombre et les vacuoles de leur tissu spongieux. 

L'on n’observe aucune trace de coquilles , soit terres- 
tres , soit marines, dans ce calcaire , en sorte que, faute 
de données suflisantes sur son gisement , il est difhcile 
d’en assigner avec quelque certitude l’époque de forma- 
tion. Tout ce que l’on peut présumer, d’après les osse- 
mens de tortue qu'il renferme, et qui y sont en trop 
grand nombre pour être accidentels , c’est qu’il pourrait 
bien appartenir à la formation d'eau douce inférieure, 
c’est-à-dire à celle qui recouvre le calcaire grossier. 

Les principaux ossemens que nous avons pu recon- 
naître dans le calcaire de l'Ile-de-France sont , ou des 
os longs, ou des portions de plastron ; le plus considé- 
rable de ces os longs , et le seul qui soit déterminable , 
est un humérus droit , dont il n'existe que les quatre cin- 
quièmes supérieurs. 

La détermination de cet humérus présentait quelques 


EE 


("837 ) 


difficultés , deux des éminences qui le caractérisent es- 
sentiellement ayant été détruites ; mais sa forme et sa 
courbure nous ont conduit au genre de reptile auquel il 
a appartenu. On sait que l’humérus des tortues de terre 
est singulièrement conformé , qu'il se distingue par sa 
forme contournée et ses inflexions , caractères que l’on 
retrouve dans notre fossile ; aussi en comparant notre 
humérus avec celui de la tortue grecque (testudo græ- 
ca), on voit quil n’en diffère que par sa grandeur, qui 
est quatre fois plus considérable , et par quelques autres 
caractères qui sont purement spécifiques. 

L’humérus des tortues de terre , indépendamment de 
la tête et de la petite tubérosité qu’il présente , offre en- 
core derrière cette tête une éminence saillante olécrani- 
forme , et qu'avec M. Cuvier nous appellerons grosse 
tubérosité. Malgré l'autorité de ce grand anatomiste, il 
ne nous paraît pas que l’olécrane manque au cubitus des 
tortues de terre ; seulement cette éminence , qui n’y est 
jamais très - développée , y existe à l’état rudimentaire, 
mais d’une manière distincte, 

Notre humérus fossile , qui ne présente que les quatre 
cinquièmes de sa longueur totale , offre encore une éten- 
due d’environ 190 millimètres , dimension qui peut don- 
ner une idée de la grandeur de l'espèce à laquelle il 
avait appartenu. Le corps, mesuré dans sa plus grande 
épaisseur, a de 26 à 27 millimètres , tandis que la lar- 
geur de l’os est de 34 millimètres ; enfin le diamètre an- 
téro-postérieur de la grosse tubérosité est de 43 à 44 mil- 
limètres. 

Notre humérus s’est trouvé placé, dans la gangue, 
dans la position naturelle à l’animal. 


( 398 ) 

Pour le décrire avec précision , nous y distinguerons 
deux faces , deux bords et deux extrémités. 

La facé supérieure , large et légèrement excavée dans 
l'intervalle qui sépare la grosse tubérosité de la tête , est 
épaisse et convexe à sa partie moyenne. Vers son tiers 
inférieur, l'absence de la substance compacte laisse aper- 
cevoir les vacuoles du tissu spongieux , et démontre la 
non-existence du canal médullaire. 

La face inférieure offre une cavité profonde entre les 
trois éminences qui constituent l’exirémité supérieure ; 
dans tout le reste de son étendue, cette face est plani- 
forme : le bord antérieur, qui naît au-dessous dé la tête, 
à une forme convexe , tandis que lé bord postérieur con- 
cave à une plus grande étendue , et une direction obli- 
que de haut en bas. 

Quant à l'extrémité supérieure, elle offre , en haut et 
en arrière, la grosse tubérosité dont l'extrémité supé- 
rieure a été seule détruite. Cette éminence , d’une forme 
triangulaire , est légèrement convexe dans la partie pos- 
térieure de sa face inférieure : la convexité de sa face su- 
périeure est moins marquée. En avant, et un peu au-des- 
sous de la grosse tubérosité , existe une sorte de base 
wiangulaire , seul vestige de la tête de l’humérus ; en- 
fin, à la partie postérieure et inférieure de l'extrémité 
supérieure de cetos , on aperçoit un col ou pédicule qui 
soutenait l’apophyse appelée petite tubérosité. L’extré- 
mité inférieure de l’humérus manquant totalement , il 
nous est impossible d’en décrire la forme. 

En résumé, le caractère principal qui distingue notre 
humérus fossile de celui de la tortue grecque ; tient à la 
forme plus recourbée de ce dernier, forme qui s'approche 


(399 ) 
assez de celle d’un $ italique. La courbure du fossile , 
sensiblement moindre , forme aussi un angle plus aigu , 
avec uné ligne droite qui passerait par sa base. 

Les portions de plastron qui se trouvent empâtées dans 
le même calcaire où existent les os longs de tortue , se 
font remarquer par leur petite épaisseur , épaisseur qui 
ne dépasse guère un millimètre et demi dans les portions 
les plus étendues : il ne paraît pas cependant que cette 
faible épaisseur, qui est bien au - dessous de celle du 
plastron des tortues de terre d'Europe , soit accidentelle 
et tienne à la compression que ces plastrons auraient 
éprouvée. Comme nos tortues fossiles annoncent de fort 
grandes espèces, nous n’osons dire, faute d'objets de com- 
paraison , si ce caractère est réellement spécifique ou pu- 
rement individuel. Cette moindre épaisseur existe , du 
reste, dans tous les fragmens de plastron , qui sont en 
grande quantité dans le calcaire de l'Ile-de-France. 

Les os de tortue fossile, chauflés dans un tube de 
verre, noircissent fortement , en développant une odeur 
suave et aromatique ; les vapeurs qui se dégagent bleuis- 
sent le papier de tournesol , rougi par les acides. 

Les mêmes os non calcinés, mis à digérer dans l’al- 
cool pur , perdent une partie de leur poids. Ce liquide 
dissout une substance légèrement jaunâtre , qui possède 
à un plus haut degré que les os eux-mêmes l'odeur aro- 
matique dont nous avons déjà parlé , odeur qui est ex- 
trèmement agréable. Cette substance , soluble dans l’al- 
cool , insoluble dans l’eau et dans l’éther, ne brûle pas 
avec flamme , comme les résines , auxquelles son odeur 
nous l'avait d’abord fait rapporter ; chauffée dans une 
cuiller de platine, elle noircit fortement, en se charbonant 


( 400 ) 

d'une manière complète. Elle sedistille en partie, chauffée 
dans des vases clos ; le liquide qui en provient bleuit, 
mais faiblement, le papier de tournesol rougi par les 
acides. D’après ces caractères , cette substance aromati- 
que serait une matière organique animale, mais d’une 
nature toute particulière. C’est probablement à sa pré- 
sence que les os de nos tortues fossiles doivent l'odeur 
aromatique qu'ils développent spontanément , ou lors- 
qu'on les frotte avec force. 

Ces os font fortement effervescence , mis en digestion 
dans l’acide hydro-chlorique , à raison 4e la grande quan- 
tité de carbonate de chaux qu’ils contiennent. Outre ce 
carbonate , ils renferment du phosphate de chaux, de la 
silice et de l’oxide de fer : ce dernier y est en assez grande 
quantité, à en juger du moins par la couleur jaune que 
prend l'acide hydro-chlorique , mis à digérer sur les os 
non calcinés. 

En résumé, les tortues de terre fossiles de l’Tle-de- 
France, plus rapprochées des espèces vivant encore dans 
les Indes que des espèces d'Europe, s’y rencontrent dans 
des circonstances géologiques très-diverses , et dans des 
formations très-diflérentes , puisque , d’une part, on les 
y trouve dans des terrains volcaniques , et de l’autre, 
dans les terrains tertiaires ou de sédiment supérieur. Ces 
tortues fossiles des pays chauds de l’ancien continent, 
ne sont donc point, comme la plupart des fossiles des 
terrains tertiaires de l'Europe , en disparate avec les cli- 
mats où l’on trouve aujourd'hui leurs débris. 


( 401 ) 


OBSERVATIONS sur deux nouveaux genres de 
Plantes ; 


Par M. Desvaux, 


Directeur du Jardin de Botanique , à Angers, 


Nouveau genre de la famille des Etxcrnées. 


CALODRYUM, tab. 57. 


Calyx quinquepartitus. Corolla tubulosa incurva : 
limbo subcontracto quinquefido. Stamina 10 , inclusa, 
monadelphia : vagina tubulosa , staminibus apicè libe- 
ris. Æntheræ lanceolato-hastatæ , cuspidato mucronatæ. 
Ovarium liberum echinato-pilosum. Stylus unicus. Stig- 
ma tapitatum,apicè quinquedentatum. Fructus quinque- 
locularis..… Ærutex divaricato - ramosus ; folia alterna ; 
flores axillares solitari. 

Calodryum tubiflorum. 
Caule erecto , ramoso, glabro; folis nitidis, coriaceis , ovato-oblon- 
gis, grandidentatis, Habitat ad C. B.-Speï. 

Tige ligneuse , ramifiée , dressée, glabre , ainsi que 
les rameaux, qui sont brun-cendré. 

Feuilles alternes , sans stipules , très-glabres , cour- 
tement pétiolées, coriaces , luisantes , à nervures pres- 
que nulles, et sensibles seulement par la dessiccation ; 
ovales-lancéolées, comme acuminées, et à pointe obtuse ; 
bords un peu enroulés en dessous , et à trois ou quatre 
grandes dents en scie de chaque côté ; base un peu atté- 
nuée et entière ; surface supérieure verte , l’inférieure 
d’un vert pâle , et la côte rousse. 

Fleurs solitaires dans l’aisselle des feuilles au som- 


( 402) 


met des rameaux , à pédoncule court (3 lignes ), un peu 
. renflé sous la fleur. 

Calice glabre, à cinq divisions presque complètes, 
roides et comme trigonées , et trois sillons entre les arè- 
tes des divisions trigones. - 

Corolle allongée , tubuleuse , coudée et un peu dila- 
tée vers son milieu ; rose à la base et vert -jaunätre au 
sommet; à cinq divisions courtes , droites , un peu ob- 
tuses. 

Etamines (pl. 51, f. 3) incluses , monadelphes , non 
insérées sur la corolle , et formant un tube un peu moins 
grand que la corolle, coudé comme elle, et terminé 
dans son sixième supérieur par les filets libres des dix 
étamines qui sont incluses dans le tube de la corolle, 
mais à-peu-près de la même longueur qu’elle. 

Anthères ne paraissant formées que d’une seule loge 
anthérique surmontée d’une longue pointe. 

Pistil (pl. 51, f. 1, 2) formé d’un ovaire hérissé de 
gros poils ; style allongé, filiforme , de la longueur des 
étamines ; stigmate en tête ou courtément turbiné, re- 
levé de cinq côtes correspondant à cinq très-petites divi- 
sions qui surmontent le stigmate. 


D’après la forme de la fleur et de l'ovaire , on peut 
supposer que le fruit que nous n'avons pas vu est non 
symétrique , mais composé de cinq loges , dont plusieurs 
avortent peut-être , et que ce fruit est hérissé de pointes. 

Cette jolie plante nous a été envoyée par une per- 
sonne point botaniste , mais qui avait eu la complaisance 
de nous recueillir, à l'Ile-de-France et au Cap , une sé- 


rie de curieuses espèces de ces deux contrées ; de ma- 


( 405 ) 
nière que c’est avec quelque doute que nous attribuons 
plutôt notre nouveau genre au cap de Bonne-Espérance 
plutôt qu’à l'Ile-de-France. 

Le nom que nous avons choisi , x#hos , beau , et dovc, 
chéne, indique le rapport du feuillage, en petit, de 
notre végétal avec le chëne. 

Tous les rapports de conformation nous semblent por- 
ter cet arbuste dans les Tricinées, dont il forme un 
chaînon très-distinct, si, dans ce que nous n’ayons pu 


observer, rien ne contrarie cette opinion. 


Nouveau genre de la famille des Lyraraïres. 
PHYSOPODIUM. 


Calyx turbinatus, quinquedentatus, intus piloso- 
strigosus, pedicellatus : pedicello articulato tumido. Co- 
rella pentapétala ; stamima decem ; alterna pauld brevio- 
ra. Antheræ oblongæ , incumbentes, exertæ. Ovarium 
oblongum. Stylus capillaris. Stigma subulatum. Fruc- 
tus.… Frutex glaber, volubilis, alternifolius ; folia in- 
tegerrima ; flores spicato-paniculati, secundarii , termi- 
nales, bracteolati. 

Physopodium volubile. 

Caule volubili, tereti ; foliis elongato-lanceolatis submucronatis, mu- 
eronulatis, rigidis, nervosis, atrinque nitidis; floribus spicatis, unila- 
teralibus, breviter petiolatis , distantibus. Hab. in insulà Borboniæ. 4 

Tige ligneuse , tortile , volubile, brune , ponctuée. 

Feuilles aliernes , très-glabres , luisantes, nerveuses, 
un peu coriaces , ovales-lancéolées , comme mucronées, 
et à pointe aiguë : longues de trois pouces. 


Fleurs portées par un pédicule articulé long d’une 


( 406 ) 


nent les résultats des travaux prématurés de plusieurs cé- 
lèbres botanistes. 


ç$ SOPHOREÆ. 
1. DELARIA. 


Calyx 5-denticulatus, spathaceus, maccidus. Co- 
rolla : vexillo majore subpatente. Stamina 10, fertilia , 
basi distincta , persistentia. Ovarium sessile aut stipita- 
tum. Stigma acutum. Legumen elongatum , oligosper- 
mum. Frutices alternifolii : foliis simplicibus. 


D. ovalifolia N., tas. 52. Cassia simplicifolia Desv., Journ. bot. ; 

1814, 1, p.72; Decanr., Prod., 2, p. 505, n° 184. 

Caule fruticoso ; ramis pubescentibus, fusco-bruneis ; foliis subdisti- 
chis, breviter petiolatis , obovatis, obtusis, penninerviis , pubescenti- 
bus ; floribus 1-3 axillaribus, pedunculis hirtis dimidio foliorum longis; 
carina caducà ; leguminibus sessilibus ( junioribus hircis} , falcatis, ros- 
tratis. Hab. in Brasilià. 4 


D. pyrijolia N., ras. 53. 

Caule fruticoso; ramis fuscis, glabris; foliis longè petiolatis, latè 
ovatis, mucronatis mucronulatisque , coriaceis, glaberrimis, reticula- 
tis; floribus axillaribus , subsdlitarüs, petiolo brevioribus, dibracteo- 
latis ; bracteis minutis ; ovario pedunculato ; leguminibus..…. Hab. in 


Guineà. # 


Cette dernière espèce a le calice moins grand , et pa- 
raît avoir un fruit moins prolongé ; mais d’après ce que 
nous avons vu de la fleur , ces végétaux, malgré la dif- 
férence de leur feuillage , doivent rester associés. 


2. Sopnora acuminata Desv., Journ. bot., 1814, 1, p.74 (sect. Zn- 
sophora). 

Fruticosa ; ramis tomentosis ; foliis elongatis ; foliolis 39-41, lineari 
lanceolatis, acutis, mucropatis utrinquè adpressè pubescentibus ; sti- 
pulis linearibus , apicè setiformibus ; leguminibus pubescentibus, stricte 
torulosis , basi pedunculatis, sub 8-spermis. Æab.… 


( 407 ) 
Sophora ? pentaphylla N. 

Caule fruticoso , ramoso , glabro; foliis sub alternè pinnatis; foliolis 
3-5, subsessilibus , glaberrimis , lanceolato - lirearibus obtusis, nervo- 
sis ; racemis axillaribus paucifloris, pedunculatis , pubescente -incanis ; 
floribus (luteis striatis ) elongato-pedicellatis ; calycibus incanis : dente 
obtuso. Fructibus... Hab. in Peruvià. 


$$ LOTEÆ. 


3. Le Crotalaria ovalis de Pursh , et le Crotalaria 
rotundifolia de Poiret, sont deux espèces ou au moins 
deux races très-distinctes. La dernière de’ces plantes est 
couchée, a plusieurs tiges. Nous l’avons de la Virginie, 
et l’une et l’autre doivent passer dans la division des 
espèces à feuilles simples et à stipules non décurrentes. 


4. Cravuzruw. 


Calyx 5-fidus, sublabiatus : dentibus latis, acutis. 
Vexillum subplicatum, carina (magna) breviüs ; alæ 
breves. Stamina monadelpha ; vaginà fissà. Stylus pro- 
lixus , acutus. Ovarium pedunculatum : podetio elon- 
gato ; legumen pedunculatum (pod. pollicare), oblon- 
gum , inflatum , polyspermum. 


Clavulium pedunculosum N. Crotalaria pedunculosa Desv. in Dec., 

Prod: 2", 1p: 132. 

Caule elato (fruticoso ?), glabro , divaricate-ramoso; foliis pinnato- 
trifoliolatis , glaberrimis : petiolis elongatis; foliolis ovatis , utrinque al- 
ternatis, mucronulatis ; racemis oppositifolüs, pedunculatis (ped. sub 
pedale), multifloris ; floribus (magnis purpureis ) longe pedunculatis ; 
calicibus glabris ; leguminibus glaberrimis. Hab. in Javà. 


5. CrorararrA mucronata Desv. in Dec., Prod., 2,p. 132, n° 06. 

Caule herbaceo , sulcato , pubescente ; foliis sublonge-petiolatis; fo- 
liolis ovatis, basi cuneatis, penninerviis, mucronatis, suhtus pulveru- 
lentè pubescentibus ; stipulis subnullis ; racemis axillaribus terminali- 
busque , acutis , confertis ; floribus ( luteis) bracteatis : bracteis capilla- 
ribus ; fructibus... ab. in Antillis ex Jamaïcæ, © 


( 408 ) 
6. AcroroDIUM. 


Calyx profunde 5-fidus. Vexillum breve , hispidum; 
alæ oppositim bidentatæ. Stamina diadelpha ? Ovarium 
pedicellatum ; legumen ovato-oblongum , læve , subdi- 
spermum ; podetium capillare. Suffrutex fasciculatim 
foliosus ; racemi axillares , subtriflori, folüs longiusculi. 
Frutex fasciculato-foliosus. 

Acropodium suffruticosum N. Lotus suffruticosus ? Bunm., Prod. , 

cap. xx11; Decanr., Prod., 2, p. 144. 

Caule erecto , ramosissimo ; ramis teretibus glabris ; foliolis 5-7 bre- 
viter petiolatis, linearibus, margine revoluto , utrinquè sparcè strigo- 


sis ; pedunculis racemorum capillaribus ; leguminibus 2-3 subremotis 


(2-lin.) , glabris. Hab. ad C. B.-Spei. D : 


7. Hazrra sagittataN. Hedysarum sagittatum Poir.Encycl., 6,p. 403; 

Decaxp., Prod, 2, p. 326. 

Caule procumbente, filiformi, trigono, piloso; foliis lanceolatis , 
mucrorulatis , basi cordatis, margine ciliatis, utrinquè sparsè pilosis ; 
breviter petiolatis ; stipulis lanceolatis petiolo longioribus , villosiuscu- 
lis; pedunculis axillaribus folio sub duplo longioribus ; calycibus co- 
rollà subæquantibus, Hub. (ad Ind. occid. Poiret ) cap. Bonæ-Spei? 97 


8. Les Ononis tridentata Li. et Ononis arbuscula 
Desv. , réunies par M. Decandolle, si elles ne sont pas 
deux espèces , sont plus que deux variétés ; ce sont deux 
races distinctes. Dans l’arbuscula , les rameaux sont to- 
menteux et les fruits velus ; dans l’autre, les rameaux 
sont velus et glanduleux, ainsi que les feuilles, et en 


outre , les trois dents des feuilles sont très-profondes. 


9. Asrayzutsargentea N. (sert. 5, Cornicina). 

Caule fruticoso procumbente, ramoso-divaricato ; ramis teretibus , 
candidis ; foliolis quinatis, sessilibus , sericeo-incanis, ovato-linearibus 
acutiusculis; floribus axillaribus, solitariis, subsessilibus, folio longiori- 
bus; calycibus cylindricè inflatis villosis. Æab. in montosis Syria- 
eis, b 


( 409 ) 


10. Triconezta cyliñdracea Desv. Journ. bot. , 1814, 1, p. 97 (sect. 3. 

Buceras, 1). 

Caulibus firmis; foliolis elongato-cuneatis , grossè serratis, pubescen- 
tibus ; stipulis subulatis rigidis , pedunculis äpice breviter spinosis : flo- 
riferis folio superantibus ; dentibus calycinis brevibus , acutis ; legumi- 
nibus 8-10 , oblongis; cylindricis, incurvis , obliquè striatis, apice subu- 
latis ; seminibus 2-3 elongatis , cylindricis, punctulato-rugosis, © Hab. 
in Oriente. 


11. Ixnicorera stipularis Link ; DecanD. n° 108 ( sect. 2, Oligophyl- 
læ ). 

Caule decumbente ; ramis angulatis hirtè incanis ; foliis breviter pe-- 
tiolatis ; foliolis obovatis acutis , mucronulatis , utrinque sparsè pilosis, 
subcanescentibus ; stipulis basi oblique cordatis, apicè subulatis; pe- 
dunculis folio longioribus ; floribus breviter spicatim subconfertis ( pur- 
pureo-cæruleis) ; laciniis calicinis subulatis; vexillo glabro ; legumini- 


bus terctibus sub incanis. Hab. ad C. B.-Snei. 5 (7. 7:) 


I. macrocarpa N. 

Caulibus ramosis, procumbentibus, suffruticosis ; ramis terétibus in: 
canis ; foliis 5 -jugis ; foliolis alternis , incanis cuneatis submucronatis , 
ütrinquè pilosis ; stipulis scariosis , lanceolatis apicè subulatis; peduncu- 
lis folio subæquantibus; racemis elongatis sublaxifloris; leguminibus 
pendulis, rectis, sparsè pilosis, 8-10-spermis. ab. in Peruvia. {Flores 
rosei ; vexillum pilosum ; fructus 15-linearis, 


I. diffusa Desv. Journ. bot., 1814, x , p. 59 (Dec. , n° 120). Indig. 

Anil. y. orthocarpa? Dec. Prod., p. 225. 

Caule ramoso , ramis subangulatis ; subpubéscentibus ; foliis oppositè 
pinnatis 4-jugis; foliolis oblongo-obovatis, subemarginatis subtus sparsè 
pilosis ; racemis folio brevioribus ; leguminibus elongatis(15-lin. }, rec- 
tis pilosiusculis, 10-spermis. Æ4b. in insulis Africanis. (Madagasc. et 
Bourb.) 


J. oxycarpa Desy. /. c. (Dec., no 119). 

Caule herbaceo, erecto, pentagono, sparsè piloso ; foliis opposite-pin- 
natis 3 -jugis utrinquè adpressè pilosis : pilis centro adfixis ; foliolis latis, 
petiolulatis , ellipticis, mucronulatis , subtus pallidis ; stipulis setaceis ; 
racemis folio multo longioribus, laxifloris ; leguminibus 10-12-spermis, 
pendulislineari-teretibus subrectis , acutiusculis , subpilosis. L? Hab. in 
Antillis. 


IX. 277 


( 410) 
On doit le placer non loin de PJ. endecaphylla. 


I. haïtense N. (sect. à , Oligophyllæ). 

Caule ramoso, suffruticoso , procumbente, pubescente ; stipulis ovato- 
lanceolatis acuto-setaceis ; foliolis 3, obovato-acutis, obliquè mucronu- 
latis, utrinquè adpresse strigosis ( pilis centro adfxis), subtus canes- 
centibus ; spicis longissimè pedunculatis , elongatis ; bracteis cordatis ; 
floribus (roseis) vexillo glabro, alis barbato-ciliatis; leguminibus.…….. 
Hab. in Hispaniolà. 2% 

I. micrantha N. 

Caule herbaceo , decumbente ; ramis angulatis adpressè pilosis : pilis 
sparsis ; folüis 5-jugis ; foliolis oppositis, petiolulatis, chovatis, oblongis, 
mucronulatis , subtus adpressè pilosis ; stipulis setaceis; racemis folio 
pauld longioribus, subsessilibus ; leguminibus arcuatis , subpiiosis , 4-5 
spermis. Æab.…. 


Ressemble à l’Z. Ænil. 


I. lasiantha N. 

Cauleerecto , ramis sulcatis subpilosis , foliis inferioribus trifoholatis, 
superioribus 2-3 jugis ; foliolis petiolulatis, latis, subellipticis, mucronu- 
latis; stipulis scariosis subuliformibus ; racemis folio multo longioribus ; 
floribus: sparsis (magnis) pilosis; leguminibus..… Æab, ad littora An- 
golæ in Africä. 


Il devra être placé près de l’Z. frutescens. 


1. grisea N,.7. :lespezioides ? H. B, et Kunrn, ÎVov. gen. Am., 6 

p. 455. 

Caule fruticoso , virgato-racemoso , ramis compresso-ancipitibus ; fo- 
lis approximatis , breviter petiolatis, bijugis : inferioribus simplicibus 
ternisque ; foliolis griseis, elongatè cuneatis , mucronulatis, petiolatis , 
utrinquè tenuissimè pilosis; racemis breviter pedunculatis , folio sub- 
æquantibus ; bracteis rigidis , subulatis, brevibus ; leguminibus cineras- 
centibus, ab. in Parà. 2 
Î. barbaia N. 

Caule herbaceo subdecumbente ; ramis, petiolisque hirtè pilosis, sul- 
eatis; foliis 3-jugis.; foliolis oppositis, petiolulatis , penninerviis, obova- 


lis, submucronulatis, ciliatis, utrinquè pilosis, subtus pallidis; stipulis 


? 


\ 
(Ai) 
subulatis plumosis ; racemis secundis longissimis ; pedunculis folio su- 
perantibus; dentibus calycinis elongato-setaceis ; leguminibus piloso- 
barbatis, subferrugineis, subteretibus rectis, 5-7-spermis. ab. in 
‘Brasilià. © 

Il est voisin de l’{nd. hirsuta ; mais les denis du ca- 
lice sont trois fois plus courtes dans celui-ci, outre les 
autres différences. 


I. microcarpa Desy., Journ. bot., 1814, 1, p. 79 (Decaw. ,n° 50). 

Caule prostrato , ramoso ; ramis subangulatis; foliis 4 - jugis; foliolis 
obovato-elongatis mucronulatis , sessilibus , utrinquè candidis ; stipulis 
subulatis brevibus ; racemis folio subæquantibus ; leguminibus albican- 
tibus, brevibus, 2-3-spermis. ab. in Brasilià. © 


L'I. senegalensis Lamk. in Dec. Prod. , 2, p. 28, 
n° 67, doit avoir pour synonyme notre Brissonia tra- 
pezicarpa (Journ. bot., 1814, 1, p. 78); et en eflet, 
après un examen réfléchi, cette plante est mieux placée 
dans le genre {ndigofera , malgré son fruit, qui peut- 
être la fera séparer plus tard comme genre ; et dans ce 
cas, l’on pourrait employer le nom de Brissonia , qui 
n’a pas d'autre application jusqu’à présent. 


12. PsoRALEA punctata N. 

Caule glabro ; foliis impari pinnatis, 1-2 jugis ; foliolis linearibus ; ra- 
cemis multifloris , folio brevioribus ; vexillo, carinâque punctato-glan- 
dulosis. Hab. ad C. B.-Spei. b Rami strictè virgati, flores numerosi. 


13. Criroru laurifolia N. Galactia coriacea ? N£es (sect. 3, Euclito- 
ria ). 

Caule fruticoso volubili subtereti ; ramis angulatis, puberulis ; foliolis 
{3-4 poll.) subcoriaceis, ovato-lanceolatis, submucronatis, mucronu- 
latisque, utrinquè glaberrimis, reticulatis, capillatim stipellatis ; r'ace- 
mis subhirsutis petiolo longioribus, 2-4 floris ; bracteis calycinis calyce 
longioribus; calyce cupuliformi, brevè 5-dentato , unä longiori ; legumi- 
nibus sparsè pilosis, elongatis, mucronatis , dorso subincrassatis (G 
poll.). Hab, in Parä Brasiliæ. 5 ë 


(412) 


Par son calice , cette grande et belle espèce forme une 
section particulière , car il est très-court au lieu d’être 
long et tubulé, comme dans les autres espèces de la 
même section ; en outre, les dents sont très-courtes. Elle 
a dû être confondue avec le C. plumierti. 


C. sinuata N. (sect. 3, Centrosema). 

Caule volubili filiformi puberulo; foliolis elongatis, linearibus, acutis, 
mucronulatis, reliculatis, glabris, marginibus sinuatis ; stipulis ovatis ; 
stipellis capillaribus ; racemis pctiolo longioribus sub 3-floris ; bracteis 
calyce glabro subæquantibus : laciniis subulatis pubescentibus ; vexillo 
pubescente ; legumen.. Hab. in Brasilià. 


14. Neunocarrum ? barbatum N. 

Caule ramoso , procumbente, funiculoso, hirtè piloso, rufo ; stipulis 
lanceolatis acutis nervosis; foliis coriaceis, yenosis,, unifoliolis , subses- 
silibus , ellipticis , basi cordatis ,apicè obtusis, Submucronulatis , subtus 
villoso-rufis ; racemis axillaribus, paucifloris folio brevioribus ; legumi- 
nibus..… Hab. in Brasilià. 2 5? 


A. laurifolium Desv. in Wicz. Hamrcron, Prod. Fl. Ind. occ., p. 51. 

Clitoria laurifolia Poir., Enc. suppl. , 2, p. 301. 

Caule erecto, fruticoso, glabro, tereti; ramis subangulatis ; foliis sub- 
sessilibus; foliolis elliptico-oblongis ,emarginatis, mucronulatis , utrin- 
què glabris, reticulatis, subtus pallidis ; racemis axillaribus, subbifloris, 
- petiolo longioribus; calyce campanulato , bracteisque glabris; legumi- 
nibus oblongis, Hab. in insulà Porto-Rico. 


Cette espèce doit suivre immédiatement le N. guia- 


nense , dont elle se rapproche beaucoup. 


IV. rubiginosum Des. in W. Hamizron, /. c. Clitoria rubiginosx 

Pers. 

Caule volubili, hispido - tomentoso, rufo ; foliis petiolo subelongato ; 
foliolis ovatis, subacutis, subtus subsericeo-argenteis, nervis rufescenti- 
bus ; racemis folio longioribus, paucifloris ; floribus (magnis) 4-6; brac- 
teis ovatis; calyce campanulato, lacinüis acutis ; leguminibus glaberri- 
mis. Hab. in Antillis. b 


(415) 
Cette espèce est très - différente du NW. ellipticum, 
avec lequel on paraît l'avoir confondue. 


IV. glycinoides N. Clitoria glycinoides Decann., Prod. ,a, p.234. 


Cette plante peut faire un groupe dans le genre Veu- 
rocarpum , en y joignant l’espèce précédente, et peut-être 
le N. ellipticum, dont nous n'avons pas vu les fleurs. 
Dans ces plantes , la corolle tient du genre Clitoria, et le 
fruit du genre Veurocarpum , où ils sont toujours un 
peu renflés. 


IV. ? villosum N. 


Caule volubili hispido-villoso , foliis foliolisque stipulaceis , ovato- 
acutis ; foliolis subtus pubescentibus , pallidis , racemis 2-4-floris petiolo 
longioribus ; calycibus bracteatis, villosis; bracteis ovatis, acutis, calyce 
duplo brevioribus ; leguminibus.. Æab. in Americà calidiori ? 5? 


Cette plante, voisine des précédentes par son port, 
plutôt qu’elle ne l'est des Clitories, que nous connais- 
sons , a les fleurs de nos dernières espèces , dont elle 
est très- distincte d’ailleurs. On pourra donner à ce 
groupe des Neurocarpes le nom de Pilanthum , proposé 
par M. Poiteau pour le N. glycinoides. 


15. GazacriA PurshüN. Galactia glabella Decaxn., Prod., 2, p. 238, 
excl. syn. 


La phrase diagnostique de l’auteur du Prodrome est 
suffisante. 


G. glabella Micu. , Fl. bor. am., 2, p.64. G: pilosa Nurr., Gen. am., 
2, p.116. 
Caule filiformi volubili , retrorso - pubescente ; foliis oyato-elongatis , 
mucronulatis , subtus pallidis , utrinquè sparsè pilosis ; racemis sub 5- 
floris , petiolo subæquantibus ; calycibus pubescentibus , dentibus elon- 


( 414) 


gatis, subulatis ; leguminibus pubescentibus , 5-7 spermis. 2% Hub, in 
Virginià , Carolinà et Georgiä. 
G.. leucocarpa N. Glycine leucosperma Desv., Journ. bot., 1814, 1, 

p. 98. Galactia dubia ? Drcan»., Prod., 2, p.238% 

Caule tereti, volubili, ramïis retrorso-pilosis ; foliolis subcoriaceis, el- 
lipticis ,-utrinquè pilosiusculis ernarginatisque, supra nitidis, subtüs pal- 
lidis, adpressè piloso-strigosis ; racemis sub 4-floris, folio subæquanti- 
bus; calycibus pilosis; leguminibus elongatis, acutis ( primo ætate ar- 
genteis), latiusculis, adpressè strigosis. Zab. in Antillis. 5 
G. emarginata Desv., Journ. bot., L. c., etin W. Hawisrow, Prod. 

Flor. Ind. occ., p. 5o. 

Caule frutescente, volubili; ramis adpressè pubescentibus ; folis co- 
riaseis, subglaberrimis ; foliolis subundulatis, elongato-eilipticis , emar- 
ginatis; racemis multifloris folio æquantibus ; calycibus pilosis ;: legu- 
minibus... Hab. in Antilhis. 5 


Elle est très - rapprochée de la précédente, dont elle 
n’est peut-être qu'une race plus grande. Les divisions 
du calice sont plus allongées. 


G. latisiliqua N. 

Caule suffruticoso, volubili, hirto-piloso; foliis latè ovatis, supra 
sparsè pilosis, subtus tomentosis suhincanis ; racemis umbellulatis , 
petiolo superantibus; leguminibus adpressè pilosis subcanescentibus 
(sesqüipollic.), 6-7-spermis. Æab.… (7. 7)% 

16. Gzxcine angulata Desy., L. c. 

Caule volubili; ramis angulatis, adpressè pilosis; foliolis elongatis 
obovatis, adpressè sparsèque pilosis , subtus pallidis piloso-sericeis ; ra- 
cemis paucifloris , axillaribus , folio æquantibus ; leguminibus linearibus 
hirtis, subferrugineis. Hab.in Americà calidiori? b 


Elle doit être rapprochée du Glycine senegalensis. 


G. pugiunculus N. 

Caule fruticuloso , subdichotomo , subvolubili ; ramis glabriusculis ; 
foliolis ovatis obscurè mucropatis , mucronulatis, obtusiusculis , subci- 
liatis ; stipulis ovatis (mediocribus), obtusis; floribus. dentibus caly- 
cinis inæqualibus, unà longiori ; leguminibus complanatis, marginatis, 
glabris, linearibus, longè acuminatis, 10-15-spermis. Aab. in Americä ca- 


Ldiori? b 


C5) | 
G. dolichoides N. 

Caule ramosissimo , hirto piloso; ramis subangulatis filiformibus ; 
foliolis stipellatis , ovato-oblongis , acutis, utrinque adpressè strigoso- 
pilosis, penninerviüs; stipulis lanceolato-subulatis ; racemis folio sub- 
æquantibus ; floribus remotè spicatis, solitariis; calycibus ( miuutis } 
5-fidis pubescentibus ; leguminibus (2 poll.) linearibus subfalcatis ad- 
pressè strigosis , uncinatis, r0-spermis; seminibus compressis (atris ) 
rhomboïdalibus. Hab. in insulà Timor. 

G. filiformis N. 

Caule tereti, volubili, suffruticoso , filiformi , retrorsum pubescente ; 
foliolis ovatis, oblongis mucronulatis ; subtus pallidis pubescentibus ; 
stipulis brevibus capillaceis ; racemis pedunculatis, folio longioribus, cri- 
niformibus , 6-floris ; floribus remotis ; calyce pedunculoque communi 
puberulis ; laciniis calycinis elongato-acutis ; leguminibus pubesceritibus 
subincanis 8-spermis. Hab… 


17. TrpurosiA dichotoma N. (sect. 4, Reimeria). 

Caule suflrutescente tereti ramoso , dichotomo , tomentoso ; foliis 4- 
jugis; foliolis ovato-lanceolatis, muecronulatis, utrinquè tomentosis, 
subcanescentibus; floribus axillaribus ( roseis), breviter pedunoulatis ; 
leguminibus falcatis, angustis, puberulis, 10-12-spermis. Æab. in Phi- 
Bppinis. b 
T. stipularis DEsv., Journ. bot., L. o., p. 74 (sect. 4, Reimaria). 

Caule erecto fruticoso, ramoso, glabro, sulcato ; ramis pubescenti- 
bus ; foliis 4-5 jugis; foliolis elongato - obovatis recurvè mucronulatis , 
petiolatis, subtus striatis, obscure pilosis ; stipulis latis, subconnatis 
(maximis) , scariosis, striatis , acutis ; floribus axillaribus , sabgeminis, 
breviter pedunculatis ; leguminibus ciliatis, subglabris, subrectis, 12- 
15-spermis, Zab. in Americà calidiore. 5 


18. SesantA fusca Desy., Ann. düin., 1825, p. 300. Æschinomience 

Jusca Drsr., Cat.1815, p. 226. 

Herbacea, caule ramisque glabris, sparsè aspero - aculeatis ; foliis 
20-25-jugis ; petiolo sublus rarè aculeato ; foliolis linearibus , obliquè 
obtusis , mucronulatis, subciliatis, subtüs adpressè pilosiusculis; racemis 
ramosis ; floribus numerosis, vexillo atro-purpureo intys lutescens , 
purpureo-lineato ; carinä purpureà pallidà ; fructibus torulosis. Hab. in 


Senegalià, © (V. V.) 


s 


( 416 ) 
$ÿÿ HEDYSAREÆ. 


19. C’est par erreur typographique probablement que 
notre genre Ærtrolobium (légume articulaire) a été 
nommé Æstrolobium , de même que l’on a nommé ail- 
leurs Urania notre genre Uraria (pourvu d’une queue 
touffue ). 


20. Si les gousses de |’ Æippocrepis areolata (Desv., 
Ann. linn., 1825, p. 329) n'étaient pas quelquefois 
glabres , peut-être que le nom proposé dans le même 
temps par M. Decandolle (7. ciliata, Prod. , 2, p.313), 
serait adopté de préférence , comme se rattachant à un 
ouvrage général et bien plus important que le nôtre; 
mais il devient ici nécessaire de faire le choix du nom 
que nous avons adopté. 


21. L'Ormocarpum cassioides (Desv., Ann. Soc. 
linn. , 1825 , p. 307) est une plante très - différente de 
la Pictetia aristata par ses feuilles non épineuses et par 
ses nervures ; elle n’a point aussi de rapport avec l’Or- 
mocarpum sennioides. 


A l’Ormocarpum sulcatum on doit joindre la Pictetia 
ternata (Dec. , Prod. , 2, p. 314), car c’est pour avoir 
négligé d'observer la plante , que nous l’avons dite , d’a- 
près M. de Beauvois , à feuilles simples , car ses feuilles 
sont ternées , ainsi que nous venons de le vérifier ; à la 
vérité , il y a des feuilles simples et ternées sur la même 
plante. 


22, PLANARIUM. 


Calyx subcampanulatus ; stamina diadelpha ? legu- 
men breviter stipitatum, compressum, articulatum , 


(417) 
pervo utrinquè medio latere prominulo longitudinali , 
notatum ; articuli 8-10 , parallelogrami. Suffruticulus 
scandens, impari-pinnatus. 


P, latisiliquum N. Poiretia latisiliqua Desv., Ann. Soc. linn., 1825, 
p- 308. 
Caule pubescente ; foliis 2-jugis; foliolis ovalibus acutis ; racemis 
axillaribus ,‘paucifloris, petiolo longioribus. ab. in Peruviä. 


23. Notre Æschinomenes cassioides (Desv., Ann. 
Soc. linn., 1825, p. 327, et in W. Ham., Prod. L. c., 
p- 1) doit être rapportée sous le nom de Poiret ( Æsch. 


hystrix , Enc. suppl., À ,‘p« 77) , comme ayant été pu- 
bliée avant notre travail. 


24. LespenezA coriacéa N. Hedysarum coriaceum Porn. , Encycl., 6, 

p- 418. 

Gaule erecto , angulato, tomentoso; folüs , petiolo subelongato ; fo- 
liolis ellipticis submucronulatis , ciliatis, subtüs tomentosis, rufinerviis 
peuninerviisque ; stipulis subulatis incurvis ; racemo subsimplici termi- 
ali capitato, pedunculato, interrupte capitato ; leguminibus subinclu- 
clusis, pubescentibus calyce subæquantibus. Aab. in Americà ( Borea- 
i?). 

25. L'Alysicarpus styracifolius (Decand. , Prod. , 
2, p. 353) est notre Ælysicarpus cylindricus ( Ann. 
Soc. linn. , 1825 , p. 301), et n’est nullement l’Æedy- 

, > P ; d 
sarum styracifolium de Linné , qui est toute velue , d’a- 

1 Q 1: 2 } 
près ce qu’en dit ce célèbre réformateur , et que nous 
croyons être une espèce de Vicolsonia. Quant à l’He- 
dysarum styracifolium de Poiret ( Enc., 6, p. 399), 
c’est une plante douteuse pour nous, ne la possédant 
qu’en fragmens incomplets ; mais c’est un végétal dis- 
unct , et bien décrit pour tout ce que l’on a pu en ob- 
server. 


(418) 
26. NicozsonrA styracifolia N. Hedysarum styracifolium Lanx., Spec,, 

1053, nec Poir. 

Caule fruticoso , ramosissimo , pubescente ; ramis villoso-tomentosis ; 
folüs, petiolo elongato , simplicibus cordato -orbiculatis ( 4 lin.) retu- 
sis, supra glabris, subtus tomentosis subincanis ; stipulis lanceolatis 
acutis ciliatis ; racemis terminalibus, paniculato -umbellatis ; floribus , 
pedunculo capillari elongato ; calycibus profundè 5-fidis, laciniis subæ- 
qualibus barbatis ; fructibus.… Æab. in [ndià orientali. » 

27. Le Desmodium lutescens Desv. (in Dec. , Prod., 
2, p- 326) n’est que le Phyllodium elegans (Desv., 
Ann. Soc. linn., l. c., p. 424), décrit sur ses brac- 
tées , et sans ses véritables feuilles, par M: Poiret ; ainsi 
que le prouve notre synonymie. ) 


Gifs PHASEOLEÆ. 


28. Asros precatorius L. Hort. mal., 8, t. 30; Puur., Phyt.,t. 214, 
10e 
Foliis 15-20-jugis utrinqué sparsè pilosis ; pedurculis folio æquanti- 
bus, multifloris (200) ; floribus (incarnatis) interrupte spicatis ; legu- 
minibus compressis ( pollicaribus) 5-6 loculis ; sèminibus subsphæricis. 
Hab, in Indià orientali. 5 (#7. 8): 


A. päuciflorus N. Rumpr., Amb:,5,t.32; Piur., Phyt.,'t. 44, 

f. 6. 

Foliis 10-12 jugis ; foliolis pilosiusculis (8-10 lin. } ; spicis-paucifloris 
(20) petiolo dimidio longioribus ; floribus purpurascentibus ; leguminibus 
(subbipollicaribus ) compressis 8-rr-locularis, seminibus sphæricis. 
Hab. in Indià oriental. b (V. V.) 


Cette dernière espèce est double , dans toutes ses pro- 


portions, de la précédente , et la tache noire de ses 
graines rouges est en croissant, 


A. minor N. 
Folis 12-jugis ellipticis glaberrimis. Hab. in Africà (F7. #7. $. A1). 


Nous soupçonnons l'existence d’une espèce américaine 
différente des trois précédentes. 


(419) 
29. RaincwosrA lobata N. 

Caule scandente piloso ; foliis latè cuneatis, repando-subtrilobis, 
utrinque tenuiter strigosis , trinerviis ; stipulis subulatis sublanatis ; ra- 
cemis folio longioribus ; floribus (12-15) subremotis ; calycibus adpressè 
pilosis , lacimiis linearibus acutis. Hab. in Brasilià. 


R. argentea N. 

Caule volubili (fruticoso ? ) ; ramis angulatis, tomentoso-incanis ; fo- 
liüs crassis rhombeo-ovatis, acutis, mucronatis, densè tomentosis, utrin- 
que incanis ; racemis folio æquantibus ; floribus umbellato-subspicatis 
(magnis ), pedunculatis ; vexillo tomentoso ; laciniis calicinis elongato- 
lanceolatis, acutis : superiori longiori. Æab. ad Angolam Africæ. 2? 


30. Paasrozus coriaceus N. 

Pereanis caule volubile ? glaberrimo , foliolis ovatis, obtusis, mucro- 
oulatis, subcoriaceis , reticulatis , utrinque glabris ; stipulis lanceolatis 
rigidis nervosis ; pedunculis folio longioribus (8-10 poll.) paucifloris ; flo- 
ribus 2-3, coccineis, magnis ; calyce : labio superiore obtuso , integro, 
breve , inferiore 3-partito : laciniis elongatis acutis ; legumen... Hab. in 


Parà.% 


Le Phaseolus tuberosus que nous cultivons n’a pas les 
stipules comme les indique Loureiro ( stipulis bicorni- 
bus ), ce que nous ne croyons qu’une exception observée 
par le botaniste portugais. Le nôtre a tout le port du PA. 
multiflorus et de grosses racines ; mais il a les bractées 
plus courtes que le calice, tandis qu’elles sont plus lon- 
gues dans le P. multiflorus , et plus grandes. 


31. Doricnos #hynchosisides N. s 

Caule decumbente ramosissimo , ferrugineo-tomentoso; petiolo folio 
æquante ; foliolis subrotundis, subemarginatis, supra tomentellis, subtas 
densè tomentosis, argentatis, lateralibus lobato-auriculatis, terminali 
subtrilobo , nerviis rufescentibus ; stipulis oyatis , acutis, nervosis , pu- 
bescentibus; racemis elongatis paucifloris (6-8), floribus remolis gemi- 
patis ; calyce tomentoso brevidentato, bracteis minutis ; eguminibus 
cylindricis adpressè strigosis ; 10-12-spermis ; seminibus 10-12, oblongis, 
dépressis ( purpureo-atris ). H4b. in Peruvià. Z ? 


(420 ) 


D. cylindricus Desv.in Ham. , L. c., p.51. 

Caule scandente sublignoso, hirto, ferrugineo ; ramis teretibus fu- 
niculosis; foliolis hirto-pilosis , oyato-lanceolatis, acutis; peduneulis 
folio longioribus ; floribus umbellatis 5-7 ; calycibus utriculatis, pilosis, 
dentibus distinctis, apicè subulatis ; leguminibus elongatis teretibus, 
hirtis, 20-spermis ; seminibus cylindricis aterrimis. ab. in Guyanä. » ? 
23. Dioczea ? argentea N. 

Caule volubili fruticoso ; ramis subpulverentaceis ; foliolis 3 late cor- 
datis, obtusè mucronatis , basi extipulaceis , supra glabris, subtus seri- 
ceo-argentatis ; racemis (sequiped.) remote floriferis ; floribus fascicula- 


tis ( purpureis); calycibus obtusè dentatis ; leguminibus..….. Hab. in 
Parà. 


Cetie belle plante nous paraît s’éloigner des Dolics par 
son calice, et se rapprocher davantage du genre Dioclea. 


33. Psopmocarpus tetragonoiobus Decann., Prod.,2, p.408. 
Caule volubili; leguminibus maximis (6-8 poll. ) ; seminibus lævi- 
bus. 


P. palustris N. 

Caule humifuso , glabro; foliolis supra glaberrimis, subtus subpuberu- 
lis, bracteis obtusis , nervosis, subauriculatis ; leguminibus arçuatis (ses- 
quipoll.), 4-spermis, subdepressis, subglabris ; seminibus subcylindricis, 
obscurè atris, pulveraceo-tomentosis, obverse adfixis. Æab. in locis hu- 
midis Senegaliæ, indè nomen Liane humide. © (V.V.) 


Les graines, contre ce qui a lieu ordinairement dans 
les Légumineuses , sont attachées dans le sens de la plus 
grande courbure , et dans quatre loges. 


34. Txænrocarrum. 


Calyx ebracteatus , bilabiatus, 4-fidus , labio supe- 
riore subbidentato , inferiore tripartito ; vexillum ova- 
tum , alæ calcaratæ ; carina obtusa compresso-concaya ; 
stamina diadelpha 10, vaginula basi latè aperta. Stylus 
elongatus filiformis. Legumen hispidum compressum 


(4m) 


pluriloculare (10). sub-articulatum , margine sinuosum; 
semina reniformia nitentia. \ 


T.. articulatum N. Dolichos articulatus Lau. » Enc.,2, p. 296. 

Caule scandente volubili , suffruticoso , ramis hirtè rufescente-pilosis; 
foliolis tenuibus , glaberrimis , nervosis, sinuato dentatis : dentibus se- 
tiferis, lateralibus auriculatis, terminalibus basi cuneatis apice subloba- 
tis, petiolis hirtis ; racemis laxis folio longioribus; floribus subternatis, 
pedunculo elongato (subpedali); leguminibus subfalcatis, strigoso-pi- 
losis, aureis, submucronatis. Hab. in Antillis. 


35. Kenweora stipularis N. Kennedia prostrata B major Dec. , Prod., 
2,p. 387. 
Caule petiolisque hirto-villosis, incanis, foliolis 3 ovatis, obtusis, emar- 
ginatis , subrepandis ; stipulis latè cordatis; pedunculis 2-floris petiolo 
brevioribus. Hab. in Australasiäà. b 


Trois fois plus grande dans toutes ses parties que la 
Æ.. prostrata. Cette dernière en diffère encore par ses 
fleurs dépassant la longueur de toute la feuille, dont 
les folioles ont cinq à six lignes de long , et dans le K. 
stipularis un pouce et demi. 


36. EurrosmA Decand. 


Calyx 5-fidus , sublabiatus ; corolla sæpè subinclusa ; 
stamina diadelpha ; stylus filiformis ; vexillum sericeum 
aut villosum ; legumen rectum uniloculare 1-2 -sper- 
mum.— Suffrutices; folia pinnato-trifoliata ; racemi aut 
fasciculi florum axillares. 


Cette division des Rhynchosiæ, établie par M. De- 
candolle et qu'il n’avait pas encore cru élever au rang 
de genre, est si différente du Rhynchosia, que nous n’a- 
vons pas craint de donner de l’extension à l’idée du sa- 
vant botaniste génevois ; mais n’ayant pu observer que 


(Can) 


trois espèces , nous ne nous permettrons aucun change- 
meñt relativement aux autres, réunies dans Ja même sec- 


tion. 


£. sessiliflora N. Cytisus sessiliflorus Pour. , Encycl. suppl. , a, p.430. 

Rhynchosia sessiliflora Dec., .Prod., 2,p.380, n° 5o. 

Caule suffruticoso, ramis teretibus sericeis; folüs petiolatis (pet. 2- 
lin.) ; foliolis elongato-obovatis, emarginatis , supra viridibus, subtus se- 
riceo-argenteis; floribus sessilibus geminis ; laciniïis calycinis inæquali- 
bus , unà longiori falcatà. Æab. in Antillis. b 
E. argentea N. Sophora trifoliata Tuuxs., Prod., p. 78. Podalyria 

trifoliata Wixzn., 2, p. 504. 

Suffruticosa ; ramis teretibus sericeis ; folüis sub -sessilibus ; foliolis 3 
elongato-linearibus, obovatis, emarginatis, supra viridibus, subtus äensè 
sericeo-argentatis ; floribus subgeminis ; lacinüs calicinis subæqualibus ; 
leguminibus tomentosis subinclusis. Hab. ad C. B.-Spei. » 


Ces deux plantes ont les plus grands rapports; mais 
observées atientivement , elles sont très-distinctes , mais 
probablement mèlées ensemble dans les Herbiers. Celle 
des Antilles est plus grande dans toutes ses parties. 


E. barbata N. 

Caule suflruticoso , tereti, barbato-piloso ; folüs subsessilibus elonga- 
tis , lineari-lanceolatis , mucronatis, aculis, utrinque sparsè pilosis, sub- 
tus nervosis ; bracteis lanceolatis ; floribus geminis pedunculatis : vexillo 
subpiloso, angustato; leguminibus subinflatis exsertis, tomentellis et 
hispidis , 1-2-spermis. ab. in Peruvià. 

37. RupozpruiA ? elliptica N. 

Caule tereti, pulverulento-pubescente ; foliolis ellipticis 3, mucronatis, 
supra asperis, subtus rugoso-tomentosis, rufinerviis ; stipulis acutis ; 
racemis elongatis longè pedunculatis , calycibus rachibusque tomentc- 
sis ; lacinüis calycinis , lanceolatis , acutis , subglabris; floribus spicatis 
(rubris) breviter pedicellatis ; leguminibus.. ÆHab. in Brasiliä, b 


Les fleurs de cette belle plante et son port ne peuvent 
que la rapprocher du genré Rudolphia. 


(423) 


38. Mucuxa virgata N. Dolichos virgatus Ricu., Act. Soc: Hist. nat. 
Par., p. 111 (sect. 2, Stizolobium). 
Caule tereti , fruticoso ; ramis pubescentibus; foliolis ovatis, abruptè 

cuspidatis, supra subasperis, sublus nerviis pubescentibus ; racemis spi- 

catis folio longioribus, floribus pedunculatis ; petalis longè unguiculatis, 
staminibus 10 monadelphis, vaginà fissà ; calyce glabro, intus pubes- 
centè-sericeo (ut in multis ); bracteis circinnatis, pubescentibus, de- 
ciduis ; leguminibus compressis, elongatis , acutis, strigosis, aureis. 
Hab. in Guianà. : 


39. Caroroconrum N. 


Calyx ebracteatus , profundè 5-fidus , clausus, gla- 
ber, laciniis elongatis subulatis, subæqualibus , penna- 
to-barbatis ; corolla subinclusa ( minuta ) ; legumen rec- 
tum , depressum, subuncinatum , hirto-pilosum , 8-sper- 


mum.— Planta herbacea volubilis , pinnato-trifoliata. 


C. mucunoides N. 

Caule herbaceo, tereti, rufescente, hirto; petiolo elongato ; foliolis 
stipellatis, ovatis, mucronatis, lateralibus extra gibbosis , utrinque ad- 
pressè pilosis , hirtis ; racemis umbellatis , petiolo subæquantibus; flori- 
bus subsessilibus ; leguminibus horizontalibus 5-7. Hab. in Guianà ? © 


4o. Cruminivm N. 


Calyx cupularis, truncatus ; legumen compressum , 
planum , polyspermum , utrinque marginatum. 


C. giganteum N. 

Caule volubili suffruticoso, tereti, glabro; foliolis 3 ovato -lanceo- 
latis, abruptè cuspidatis , utrimquè glabris, reticulatis, penninerviis, sti- 
pellatis ; stipulis lanceolatis, acutis, scariosis amplexicaulibus; racemis 
subsessilibus paucifloris (3-5), axillaribus ; calycibus glabris; legumini- 
bus glaberrimis (8 pollic.) longissimè mucronatis, 12-15-spermis. Æab. 
in Peruviàa L D? 

$$$$$ DALBERGIE Æ. 


4x. EcasrapayzLum glaucum N. 


Ramis glabris, puncticulosis ; folits alternis, impari-pinnatis, 5-folia- 


( 424 ) 


tis; petiolis pubescentibus ; foliolis petiolulatis , ovato-oblongis , subacu- 
tis, supra reticulatis, glaberrimis, subtus glaucis, pubescentibus ; racemis ! 
subsolitarüis ; floribus subumbellatis; leguminibus glaucescentibus , obli- 
què orbiculatis. ab. in insulà Porto-Rico. 5 


665655 SWARTZIEÆ. 


42. Swanrzra coriacea N. Swartzia apetala ? Ravor. 

Ramis cinereo-albicantibus; foliis alterne pinnatis ; petiolis subdilata- 
tis, submarginatis, supra planis; foliolis 6 , glaberrimis, petiolulatis, 
ovatis , abruptè acuminatis , coriaceis , subavenis ; floribus terminalibus 
numerosis (200), paniculatis, apetalis ; sepalis (purpurascentibus) linea- 
ribus obtusissimis; staminibus 10 monadelphis, vaginà fissà ; ovario 
stipitato, pubescente , longè rostrato. Æab. in Brasiliä. D 
$. madagascariensis N. Cassia madagascariensis Poim., Enc. suppl. 

( sic in meo herb.). 

Ramis ferrugineo-tomentosis ; folüs alternè 2-3-jugis cum impari; 
foliolis petiolulatis , ovato-ellipticis, erassè mucronatis , suprà albo-mar- 
ginatis, sanguineis , subtùs pallide viridibus, costà ferrugiueà; floribus 
axillaribus longè pedunculatis ; calyce irregulariter erumpente ; sericeo- 
ferrugineo; petalo unico, amplo, dorso ferrugineo ; staminibus punde- 


rosis ( circiter 100). Hab. in Madagascarià. b 
6665555 MIMOSEÆ. 


43. Mimosa dominiciana N. (sect. 1, (2). 

Aculeatà, foliis conjugato-pinnatis. petiolis petiolulisque aculeatis ; 
pinnis 4-jugis ; foliolis dimidiatis , latè ovatis , cordatis, margine strigo- 
sis, utrinque sparsè strigosis , demüm nudis. Hab.in Dominicä. 

C’est à mon estimable ami , le docteur Will. Hamil- 
ton , que je dois la communication de cette plante. 

44. Notre Acacia lycopodioides (Desv., Journ: bot., 
1814, 1, p. 68) est une véritable Mimose, espèce dis- 
üncte, mais de section douteuse tant qu'on n'aura pas 
observé ses fruits. 


Acacia sarmentosa Desv., Journ. bot., 1814, 1, p. 70. Dec., Prod., 
2, p: 465, no 175. 


Ramis terelibus, divaricatis, glabris ; aculeis sparsis, uncinatis, rec- 


(425) 


tiusculis ; foliis 6-8-jugis ; petiolis aculeatis, supra basin uniglandulosis : 
glandulä parvà ; pianis sub 20-jugis; foliolis glaberrimis, linearibus , 
obtusis, submucronulatis; capitulis racemosis; leguminibus longè pe- 
dunculatis, lævibus, complanatis, lato-linearibus , marginatis breviter 
mucronatis, mucrone recto. Æab. in Americà. D 


A. hamiltoni Desv.'in Wir. Ham., Prod. fl. Ind.occ:;, p.59. 

Inermis; ramis teretibus, petiolisque pubescente-villosis ; foliis 5- 
jugis ; pinnis 20-25-jugis; foliolis elongatis linearibus , subremotis, ob- 
tusis , margine ciliatis ; petiolis eglandulosis , inter pinnas!villosioribus ; 
stipulis lanceolatis acutis pubescentibus ; capitulis paucifloris terminali- 
bus axillaribusque subsolitariis, longè pedunceulatis; calycibus ciliatis ; 
leguminibus.. Hab. in Jamaicà. b 


Elle a quelques rapports avec l’Æcacia willosa , et 
doit être placée dans la mème division. 


A, linearis Desv., L, c. 

Caule inermi fruticoso , ramoso ; ramis nodosis ; striatis , apicè pubes- 
centibus, subangulatis; bracteis subinduratis, persistentibus ; folüs 4-5 
jogis, pionis sub 20-jugis ; foliolis angusto-linearibus, confertis, subci- 
liatis ; pedunculis terminalibus elongatis , fastigiatis ; spicis subglobosis ; 
calycibus margine glabris. ab. in Jamaicà Antillisque. b 


Elle a des rapports avec les 4. caracasana et porto- 
r'iCENSIS. 


A. ungulata Desv., Journ. bot. , 1814, 1, p-68 , etin Ham, /.c. 
Inermis ; ramis ramulis petiolisque pubescente-tomentosis; foliis longè 
petiolatis, 3-jugis ; pinnis 25-30-jugis ; foliolis linearibus glabris subre- 
motis; stipulis linearibus acutis deflexis; capitulis axillaribus 1-3, pe- 
dunculis elongatis pilosis, sulcatis , petiolo æquantibus ; leguminibus gla- 
berrimis , falcatis , basi in stipite longè attenuatis, obliquè mucronatis, 
marginibus incrassatis, 12-15-spermis. Æab. in Antillis, 
Æ, micrantha Desv., Journ. bot., L. c., p. 69; Dec., Prod., 2, p.472, 
n° 264. 
Raraïs teretibus petiolisque pubescentibus , tomentosis , subflexuosis ; 
spinis stipulaceis , geminatis solitartisque brevibus, subaxillaribos, rec- 
tis ; petiolis tomentosis ; foliis 10-jugis ; piunis 40-50 jugis : foliolis liiea- 


IX. & 


(426) 


ribus glabris (minutis ) imbricatis ; glandulis in medio petioli communis 
et inter pinnas extimas ; capitulis axillaribus solitariis, deflexis, brevi- 
ter pedunculatis ; floribus glabris (viride - albis); calyce subtruncato, 
ciliato ; corolla monopetala ; fructibus.. Æab. in Guianä. b 


45. Prosoris fæculifera N. Inga fæculifera Desv.in Ham., Prod. Ind. 

occ., p. 61. 

Caule fruticoso inermi ; folüis 5-jugis ; pinnis 45-50 jugis ; foliolis an- 
gustato-linearibus, acutis , basi cordato-auriculatis ; petiolis pubescen- 
tibus; floribus capitatis, longè pedunculatis; leguminibus pedicellatis 
(atro-rufescentibus), convexo-compressiusculis, glaberrimis (8-10 poll.). 
Hab. in Hispaniolà, propè Sanctum-Dominicum. 


Le P. juliflora Dec. , Prod. , 2, p. 447, forme au 


moins deux variétés distinctes. 


a. P. juliflora Dec. 


Ramis lutescentibus. 


B. Acacia furcata Desv., Journ. bot., 1814, 1, p. 67. Mimosa fur- 
cata Desv., Cat. ed, 2, p. 207. 
Ramis purpureiïs. « 


Peut-être que mieux connues , ce seront deux espèces 


différentes. 


46. Inca virgultosa N. Acacia virgullosa Vans. , ined. 

Caule ramosissimo, ramis pubescentibus, albo-punctatis ; petiolis pul- 
verulentis, alatis ; foliis subsessilibus 3-4-jugis; foliolis ovato-länceola- 
tis ( sub pollic.) obtusiusculis, mucronulatis ; racemis axillaribus divisis . 
floribus patulis, sertulatim dispositis; calyce infundibuliformi glabro ; 
corollis nullis; staminibus longissimè monadelphis; legumen crassum 
compressum (bipollicare ). Hab. in Americà calidiori. b 


TZ. spinifolia Desv., Journ. bot., etin HAw., Z. c., p.61. 

Caule ramosissimo ; spinis stipularibus subconicis; petiolis pubescen- 
tibus glanduliferis ; foliis conjugato-pinnatis; foliolis obliquè rotundatis 
nervosis, subtus pubesceutibus, apice recurvè acuminatis spinulosis ; 
floribus capitatis ; calycibus pubesceutibus ; leguminibus tenuiter tomen- 
tosis , tortilibus. Hab. in Antillis. 


(427 ) 
Cette espèce , omise par M. Decandolle , est très -ca- 
ractérisée ; et doit être placée près de l’Inga Unguis 
Cati. 


T. latifolia in Dec., 2, p. 438, no nt. 


On peut ajouter : 


Leguminibus compressis, incurvis , glaberrimis , 10-Spermis. Hab. in 
Jamaicà. 

I. gladiata N. 

Caule fruticoso; foliis 4-jugis ; foliolis obliquè ovatis, abruptè acumi- 
natis, suprà subasperis, subtùs rugoso-pubescentibus ; glandulis maxi- 
mis, cupuliformibus ; spicis brevibus axillaribus, solitariis , breviter pe- 
dunculatis ; floribus.… leguminibas compressis, falcatis, aureo-pubescen- 
tibus (8 poll. et ultra }, rostratis , marginatis. Æab. in Guianä. 


TI. stenostachya N. Acacia stenostachya Desv. , in Ham., Prod., p. 59 

(sect. 3, Samaneæ),. 

Inermis, foliis 10-jugis , petiolo basi longitudinaliter uniglanduloso ; 
pinnis 18-25 jugis; foliolis sessilibus imbricatis , lineari-rhomboïdeis, 
submucronulatis, utrinque glabris ; petiolis ramisque pubescentibus ; spi- 
cis geminatis axillaribus, elongato-cylindricis, gracilibus ; calycibus bre- 
vibus corollisque rufo-sericeis ; leguminibus.. Æab. in Guianà. 

I. molliuscula N. 

Inermis ; foliis conjugato-pinnatis ; pinnis 2-3 jugis, foliolis obliquè ova- 
üis, mucronatis, supra nitidis , subtus molliter pabescentibus; glandulà 
inter omnia paria pinnarum , foliolorumque ; stipulis stipellisque lineari- 
bus, lanceolatis acutis ; floribus.… fructibus.. (Ex hort. Andegavense. b) 


65556556 CASSIEAE. 


47. CassrA venosa Desy., Journ. bot., 1814, 1, p. 52. Cassia glabra 
Dec. , 2, p. 505. Cassia cytisoides Dec., L. c., p. 500, no 125. 


Notre description incomplète ne donnaït que 4 fo- 
lioles, mais il en a de 4 à 6, dont deux rapprochéés des 
tiges. 


On devra rapporter notre Cassia Tora au C: obtusi- 


( 428 ) 
folia; et le C. Tala au C: Tora de M. Decandolle ; au 
surplus, cette plante , bien originaire des Indes, a égar 
. lemeni les fruits recourbés comme l’autre. 


C. decipiens Desv., L. c.,p. 73; Dec., L. c., p. 506, no 207. (sect. 4, 

Senna). 

Caule suflruticoso , glabro; foliis 8-jugis ; foliolis lanceolatis , argus- 
tis, mucrouulatis, glabris, petiolo glanduloso; stipulis riaidis subulatis ; 
leguminibus compressis elongatis subincurvis , medio subtumidulis , gla: 
berrimis. Hab. in Antillis. 


C. discolor, Desv:; d, «©; Dec:|C.'oxyadena Dec: , L c.ip. 495 , 

no 64. . 

Foliis, 5-7 jugis; foliolis elongato- ovatis bu subemarginatis ; 
subtus :glabris glaucescentibus , extimis brevioribus ; petiôlis ‘glabris , 
glandela inter infima parium, acuta elavulata;legaminibas pedunculatis, 
compressis, mucronatis, subintersünctis, 8-spermis. Æab. in Autillis, b 
C. Desvauxü Dec., L c.,p. 505, no 186. Cassia tetraphylla Desv., 

Journ. bot., L..c., p:72,.non. Mix. Cassia pulchra Kunin, or. 

Gen.;,6, p. 632; Dec: , n° 137. tou 

Fois bijugis, à sense fololis flabellato- D nu ee obliquè obo- 
vatis, oblongis, apicè rotundatis ; petiolo iufra foliola glanduloso ; ramis 
distichè hispidulis; pedunculis axillaribus hirsutis ; solitartis, folio lon- 
gioribus, apice bibracteatis; bracteis , calycibusque glaberrimis ; legumi- 
nibus subpedüheulatis latis, villosis. Aab, in Americà calidiori. b 
C. tetrafoliata N. ( \ 1, Bauhinianæ). 

Foliis bijugis utrinqué pilosis ; ramis hispidè tomentosis ; foliolis elon- 
gatis_ oblique obovatis ciliatis, basi 5-uerviis subcordatis, apicè acutis, 
mucronulatis; petiolo basi foliolorum glanduloso, apicè mucronato ; pe- 
dicellis axillaribus unifloris, petiolo longioribus ; calycibus glaberrimis ; 
leguminibus pilosis subrectis nu onpus Hab. in Americà cali- 
diori. b 


Le C. bifoliolata Dec: , n° 134 , renferme deux va- 
riétés bien caractérisées. 


a. €. pentandra Ravor; C. bifoliolata Dec. 
Foliolis oblongis subviridibus , pilosiusoulis. 


( 429 ) 
&. C.'rotundifolia Pers.; C. nummularia VauL.; C. fabiginifolia 


x  Kunrx. À 
Foliolis subrotundatis, cinerascentè pilosis. 


48. Bauarwra furcata N. (sect. 1, Casparia ). 

Ramis teretibus pnbescentibus bruneis; foliis altra medi: ua liberis, 
cordatis + divisuris divaricatis, trinerviis, lanceolatis apicè obtusis, 
suprà tomentosiusculis, subtus pallidis , tomentosis ; leguminibus pedi- 
cellatis, planis, subrectis, lævibus, submarginatis, infra longè atte- 
nuatis. ab. in Americà calidiori. 5 Propè B. porrectam. 


B. racemifera Desy., Journ. Lot. 1814, p. 74 (sect. 1). B. spathacea? 

Decaxn.,2,p. 512, n03r. 

Ramis glabris ; foliis basi profundè cordatis, usque ad apicem concre- 
tis, latè emarginatis, medio mucronatis , subtus pubescentibus binervüs ; 
floribus racemosis subunilateralibus , racemis oppositifoliis, Hab. in 
_ Americà calidiori. û 
B. rhodacantha N. (sect. 2, Pauletia). 

| Racemis subteretibus, tomentosis ferrugineis, aculeis stipularibus , 
geminis, incurvis; folüis cordatis subtus tomentosis; foliolis lanceolatis 
acutis subparallelis trinerviüis, ultra medium coalitis ; racemis axillaribus 
et terminalibus, acaleatim plais: floribus geminis ; staminibus 10-5- 
fertilibus. Æab. in Brasilià. b 


B. cucullata Desy., L. c. (sect. 2, Inermis). 

 Ramis ferrugineo-tomentosis ; foliis cordatis subrotuidatis, subtüs 
4 nerviis, villosis ; foliolis ultra mediam coalitis , obtusissimis ; racemis 
axillaribus, pedunculis subgeminis ; stamimibus 10, 5 fertilibus ; fructibus 
adultis , glaberrimis, infrà attenuatis ; apicè subfalcatis, rostratis. Hab. 
in América calidiore nec in Indüis orientalibus. b 


B. Farek Dssv., L. c. (sect. 2, Aculeatæ). 

Aculeïs stipularibus ; fois glabriusculis viridibus, basi cordatis, ultra 
medium liberis ; foliolis lanceolatis obtusiusculis, mucronulatis, triner- 
vis ; calyce spathaceo , petalis unguiculatis, ovato-lanceolatis. Hab. in 
dumetosis Abyssiniæ. b 


B. viridescens N. (sect. 2, Inermes ). 
Ramis teretibus, glabris ; folüs latè cordatis , tenuibus, ultra medium 
coalitis ; foliolis ovatis subacutis , subtus pulveraceo-pubescentibus, 5- 


nerviis; racemis spicatis oppositifolüs , multifloris; leguminibus pubes- 


NE io) 
/ 
centibus , breviter peduntylatis, rostratis. Æab. in Indià orientali et 
Timore, b 


B. ruficarpa N. (sect. 3, Symphyopoda). 

Ramis teretibus griseis, glabris; ramulis tomentosis ferrugineis, foliis 
rotundatis , basi subtruncatis, ultra medium coalitis, apicè rotundis , 
subtus tenuiter tomentosis, 3-4-nerviis ; racemis oppositifoliis, pauciflo- 
ris ; leguminibus pubescentibus , rufis, subincurvis, rectè mucronatis. 
Hab. in Indià orientali cireùm Goam. b 


B. floribunda N: (sect. 5, Caulôtretus ). 

Ramis compressis, unilatere lineatis, tomentellis, cinnamomeis ; foliis 
cordatis usque ad medium coalitis , foliolis ovatis subacutis, subtus 5-7 
nerviüs , nitentibus , glabris, cinnamomecis ; floribus dense spicatis, termi- 
nalibus , stipulis filiformibus ; calyce 4-dentato ; petalis extüs pilosis, 
legaminibus.… Hab. in Brasilià. » 


B. Buchanani (sect. 5). Bauhinia diphylla Bucuax., Lin. ; Micner 

Sxxes, tab. 24 ( optima). 

Scandens ; ramis glabris, sterilibus tetragonis 4-sulcatis, ferti- 
libus crassis cylindricis; foliis à basi liberis , petiolulatis, oblique ova- 
tis, obtusis, 4-nervüs; cirrhis compressis , involutis , folio brevioribus ; 
racemis terminalibus ; pedicellis crassis flore subæquantibus ; calycibus 
subturbinatis , lacinüs involutis ; floribus (albis ) ; petalis lanceolatis un- 
guiculatis , apici tubi calycis insertis ; stigmatibus obtusis ; leguminibus 
pedicellatis. Hb. in sylvis Indiæ orientalis (Emp. Birmanni) vulgo Pa- 
lam. 


49. AnTnonorA elliptica N. t 

Foliüis 4-jugis abrupte pinnatis ; foliolis ellipticis, obtusis mucronatis- 
que, marginatis, glabris, subcoriaceis. Hab. in Americä caïtidiori. D 

Le caractère de ce genre curieux est inexactement 
énoncé dans l'ouvrage de feu notre savant ami le baron 
de Beauvois; nous allons exposer ce caractère d’après 
notre espèce, dont la fleur est sur de grandes propor- 
tions. 


Bracteæ 2 , connatæ , concavæ, accrescentes, ad basin 
anthophori elongati accrescentis persistentes ; calyx 4- 


(431) 
sepalus ; petala 2 , opposita : inferius longè unguicula- 
tum , limbo cochleiformi, latè emarginato ; superius 
complanatum, spathulato-rotundatum ; stamina 0 libera, 
2 stérilia ; ovarium substipitatum. 


5o. La figure du fruit du Palovoa , donnée par M. de 
Lamarck dans ses Z{lustrations , t. 323 , est inexacte ; 
ce fruit, que nous avons tenant au rameau , peut être 


ainsi caractérisé : 


Fructus obliquus , basi unolatere gibboso - auricula- 
tus, apicè mucronatus , crassè marginatus , La 


latere obliqué TUSOSO- plicatus. 


Nornice sur l’Intensité de la Fécondité en Europe, 
au commencement du dix-neuvième siecle ; 


Par M. Benoisron pe CHATEAUNEUF. 


(Lue à l'Académie des Sciences le 23 octobre 1826.) 


On a publié il y a quelque temps , dans un recueil es- 
timé , le Bulletin universel des Sciences ( cahier de jan- 
vier 1826), un tableau très-bien fait du mouvement de 
la population de la France, sur une moyenne de cinq 
années. 

En l'étudiant avec quelque soin , et surtout en substi- 
tuant la division par provinces à l’ordre alphabétique 
des départemens qui peut être utile à l'administration ; 
mais que la science repousse, parce qu'il sépare sans 
cesse ce qui est réuni dans l'ordre naturel , ce tableau 


( 482 ) 
donne lieu à des rapprochemens qui peuvent n'être pas 
sans quelque intérèt. 

Dans une Note communiquée dernièrement à l’Aca- 
démie, j'ai établi que le terme commun des naissances 
était aujourd’hui d’un sur 30 individus , celui des décès 
d’un sur 40, et celui des mariages d’un sur 123. 

On sent bien que ce n’est là qu’un rapport très-général 
donné par le mouvement de population des principaux 
états de l’Europe, et qu’on peut l’élever ou l’abaisser 
selon qu’on y ajoutera de nouveaux élémens ou qu’on en 
retranchera. 

Les naissances , ainsi que les décès, ne suivent point 
une loi qui soit commune à tous les pays; il s’en faut de 
beaucoup qu’un même nombre d’unions donne partout 
un même nombre d’enfans. La proportion en varie de 
peuple à peuple , de canton à canton, de ville à ville. 

On a dit qu’en avançant du nord au midi , la fécondité 
devenait plus grande ; que les climats chauds poriaient 
davantage à l'amour ; que le germe de la vie , resserré 
par le froid des pôles, se développait avec une extrème 
énergie sous l'influence d’un soleil ardent. 

On a dit aussi tout le contraire , et qu’un froid modéré 

paraissait être une des conditions les plus favorables à 
la reproduction de l'espèce humaine. 
On a dit encore que l’union des sexes n’était nulle part 
plus féconde que dans les pays de côtes, chez les pè- 
cheurs ; après les pays maritimes on plaçait les pays de 
vignobles , puis les pays de pâture : ceux de landes et de 
forêts viennent ensuite. 


Ii convient d'examiner jusqu’à quel point ces asser- 
tions sont vraies. 


(433) 


Si l’on partage l’Europe en deux climats uniques , dont 
l'un commençant au Portugal et finissant aux Pays-Bas, 
s’étendrait ainsi du 40° degré au 50°, et représenterait le 
midi, tandis que l’autre, allant de Bruxelles à Stockholm, 
ou du 5o° au 65° degré , représenterait le nord , on trou- 
vera que, dans le premier, cent mariages donnent 
45,70 naïssances (1), et que dans le second , le même 
nombre d’unions n’en produit que 43,00 (2). 

La différence devient encore plus grande, si l’on com- 
pare seulement entre elles les deux températures extrè- 
mes. En Portugal , il naît 5.10 enfans par mariage (3) ; 
en Suède , 3.62 seulement (4). 

Enfin , sans sortir de la France, on peut trouver de 
nouvelles preuves de cette observation. « La fécondité , 
» dit Moheau , augmente en France du nord au midi. Là 


» le terme moyen annuel des naissances est de 5,03 par 


(x) 1,878,270 n. 
A 4.57. 


410,695 m. 


Les pays qui fournissent ces nombres, sont le Portugal, le royaume 
de Naples, le gouvernement de Venise, la province de Bragance, la 
principauté d’Oneille, le comté de Nice, la Savoie, une partie de la 
Suisse , la France. 


(2) 12,781,090 n. 


= 4.30. 
2,969,029 m. 


\ 


Les pays qui donnent ces nombres, sont la Hollande , PAngleterre, la 
Prusse, le royaume de Hanovre, la Bohème, la Moravie et la Silésie 
autrichienne , la Suède, la Norwège , l’évéché d'Aggerhaus , la Russie. 


(3) Bazer, Statistique du Portugal, tom. 1er. 
(4) Ta. , Tableau de population. 


( 434 ) 
» mariage , et dans les provinces du nord, il n’est que 
» de 4.64 (x). » 

Ce qui était vrai pour nous , il y a cinquante ans , l’est 
encore aujourd'hui. La moyenne des naissances , prise 
sur cinq ans (1821-25), est de 4.34 par mariage dans 
nos provinces du midi (le Dauphiné , le Languedoc, la 
Provence), et dans la Flandre et la Picardie, elle n’est 
que de 4.00 (2). 

Ces faits suffisent pour ne point accuser d'inexactitude 
les écrivains qui ont avancé les premiers que la fécon- 
dité était plus grande dans les pays chauds que dans les 
pays froids : ils ont eu raison. 

Mais si l’on pousse plus loin les recherches, si en les 
étendant à beaucoup de pays on les généralise davan- 
age, alors les différences de climat, de température, 
de position s’effacent, leur influence cesse de se faire 
sentir, et la nature suit d’autres lois. 

S'il naît en Portugal 5.10 enfans par mariage, la 
Bohème en donne 5.20 , et la Moscovie 5.2h ; la Mora- 
vie et la Silésie 4.81 ; la Hollande 4.20 ; la France 4.21; 
l'Angleterre 3.50, et la Suède, à l’autre extrémité du 
continent, 3.02. 

La mesure de la fécondité n’est donc pas toujours celle 
de la température , du climat, etc. ? IL y a donc des con- 
ditions plus indispensables encore à son activité? 


(x) Recherches sur la Population de la France , p. 139 et suiv. 

(2) Les 15 départémens qui représentent ces provinces donnent, pour 
ce nombre d’anniées , 653,542 naissances (enfans naturels déduits) , et 
150,552 mariages. 

Les 3 départemens qui représentent ces provinces donnent 305,87 


naissances, et 76,463 mariages, 


C 485) 

On sait que quatre naissances par mariage sont un 
terme moyen très-haut pour les climats les plus sains de 
l’Europe ; cependant il existe des pays où la proportion 
est encore plus élevée. En France , par exemple, il y a 
un demi-siècle , elle était de 5.10 pour l'ile de Ré , où 
l’on comptait alors 4,200 habitans par lieue carrée. C’é- 
tait le terme le plus fort de la population francaise ; l’île 
d'Oléron venait ensuite (1). 

Ce rapport, déjà très-fort pour la France, l’est égale- 
ment pour le reste de l’Europe. On peut même le re- 
garder comme l'expression de la fécondité la plus heu- 
reuse ,’et nul doute que là où il existe , les circonstances 
les plus favorables ne le déterminent et l’entretiennent. 

Si donc nous parvenons à rassembler beaucoup de 
pays où on le retrouve , il est probable que cette réunion 
fera tout-à-coup ressortir les causes qui agissent le plus 
efficacement sur la reproduction de l'espèce humaine. 

Ce tableau donnera d’ailleurs de l'intérêt à ces re- 
cherches et de nouvelles preuves à notre opinion. 

Le voici : 


Il naît , année commune , par mariage : 


En Portugal , 5.14 enfans. 

Dans la province de Bergame, 5.24. 

Dans le gouvernement de Venise , 5.45. 

Dans la Savoie , 5.65. 

Dans le Roussillon ( Pyrénées-Orientales ), 5.17. 
Dans une partie du Dauphiné ( Basses-Alpes) , 5.39. 
Dans une partie du Lyonnais (la Loire), 5.68. 


(x) Moneav , p. 67. 


(456 ) 
Dans une partie de F Anjou (Mayenne) , 5.09. 
Dans une partie du Poitou (Vendée ) , 5.46. 
Dans une partie de la Bretagne (Morbihan), 5.52. 
Dans une partie de la Franche-Comté (Jura), 5.01. 
Dans une partie de l'Alsace ( Bas-Rhin), 5.03. 
Dans le canton de Fribourg , 5.35. 
Dans une partie de l'Écosse, 5.13. : 
Dans la Bohème, 5.27. 
Dans la Moscovie , 5.25. 
Dans les deux Flandres , orientale et occidentale (Bel- 


gique) , 2.27. 


Ici, le Nord, le midi, les pays de côtes, ceux de 
plaine , de pâturage , tout est confondu , et l'intensité de 
la fécondité se soutient partout. Elle varie de quelque 
chose, sans doute, parce qu’il est impossible qu’elle 
soit partout exactement la même; mais partout elle at- 
teint un degré très-élevé : partout, quels que soient les 
lieux , les climats , les expositions, elle sc montre très- 
forte. 

Quelle est donc cette cause commune qui agit du nord 
au midi, dans l’intérieur des terres, comme sur les 
bords de la mer ? Quel est cet excitateur commun de la 
reproduction de l'espèce humaine ? 

Ce qui frappe d’abord , en examinant ce tableau avec 
quelque attention, c’est que de dix-sept pays qu’il ren- 
ferme, il y en a huit de montagnes (la Bretagne, la 
Franche-Comté, le Roussillon, le comté de Nice, la 
Savoie , le canton de Fribourg , la Bohème, le Berga- 
masque ), et nous ne doutons pas qu'il n'y en-eüt encore 


davantage si nous possédions plus de renseignemens. 


( 437) 


Nous reviendrons sur cette observation : il en est une 
autre plus importante à faire. 

Ces pays , si différens entre eux de climat , de tempé- 
rature , de site, de mœurs, d'habitudes , se ressemblent 
cependant en un point. En général , ce sont tous de bons 
pays , et nous entendons par ce mot les pays seulement 
où la terre produit suflisamment pour lés besoins de 
l’homme ; où dès-lors il trouve une existence facile; pro- 
venant d’une nourriture assurée. 

Prenons pour exemple la Savoie, dont les habitans 
nous paraissent si pauvres. Ceux que nous voyons parmi 
nous le sont beaucoup en eflet ; mais quand ce Savoyard, 
qui n'avait rien , retourne dans son pays, il a gagné de 
quoi y vivre : ce.n'est qu’à cette condition qu’on peut 
habiter ses montagnes. Qui y demeure possède quelque 
chose ; qui n’a rien est obligé d’en sortir. Aussi sans être 
riches , et beaucoup le sont ; les habitans de la Savoie 
ont tous une propriété quelconque : ils ont tous une 
existence assurée. . 

Il en est de même de la Suisse, de la Galice , de l’Au- 
vergne. L'émigration annuelle de ceux qui en sortent 
assure la subsistance de ceux qui restent; et sur une 
terre qui , sans être féconde, est loin d’être stérile, il \ 
a toujours de quoi vivre quaudil n’y a pastrop d’habi- 
tans. | 

Déjà depuis long-temps les écrivains qui s’occupaient 
de la population de la France , avaient remarqué que la 
Normandie , la Bretagne , la Franche-Comté, le Rous- 
sillon , le Dauphiné, le Poitou , l'Auvergne et quelques 
autres provinces encore , étaient celles qui , relativement 
aux autres , donnaient le plus de naïssances ; et l’on sait 


( 438 ) 


que ces provinces sont les meilleures de la France. Ces 
anciennes observations confirment les nôtres : celles-ci 
à leur tour, faites au milieu de nous et sous nos yeux ; 
donnent plus de confiance aux faits que nous établissons 
ici, d'après des populations étrangères dont nous som- 
mes toujours moins sûrs. 

C’est donc avec raison que Franklin disait que rien 
n'invite plus à se marier que l'assurance d’une subsis- 
tance aisée (1) ; que Montesquieu écrivait que là où deux 
personnes peuvent vivre commodément , il se fait un 
mariage, parce que la nature y porte toujours assez 
quand elle n’est pas arrêtée par la difficulté des subsis- 
tances (>). 

On observe encore que les peuples pauvres , mais li- 
bres, se marient davantage que les autres ; cela doit être : 
la liberté garantit la propriété, et quand on possède ; 
on vit plus long-temps et l’on produit davantage. Dans 
les pays de petite culture , on compte un yieïllard sur 28; 
et un seulement sur 32 dans les pays de grandes fermes. 

Voilà encore pourquoi la fécondité se montre si ac- 
tive au sein des montagnes. Outre l'air pur que l’on res- 
pire sur leurs sommets élevés , on y éprouve un senti- 
ment d'indépendance et de bonheur qui fait aimer la vie 
et porte à la donner. 

D’après ce que nous avons dit entendre par bons pays, 
on s’étonnera peut-être de voir figurer dans ce tableau 
la Moscovie , et de ne pas y trouver la Hollande. 

Mais ce serait une erreur de croire qu’il en est des 


(1) Discours sur la population, inséré dans ses Œuvres. 
(2) Esprit des Lois, liv, 23, ch. x. 


( 439 ) 


serfs de la Russie comme des esclaves de l'Amérique, 
et que le propriétaire de dix mille paysans les traite 
comme le maître d’une habitation traite ses nègres. Dans 
beaucoup de provinces de la Russie , l'esclavage est très- 
doux. Les serfs y sont bien vêtus, bien nourris, bien 
logés ; aucune main barbare ne les accable de mauvais 
traitemens ; une cruelle avarice ne leur enlève point le 
fruit de leurs épargnes, et quand elles sont suffisantes 
pour les faire exister commodément , la liberté devient 
presque toujours la récompense d’une sage économie. 
Avec un tel esclavage et une terre susceptible de pro- 
duire, la vie peut être heureuse et les mariages fé- 
conds (1). 

Quant à la Hollande , pays où l’agriculture , l’indus- 
trie, le commerce, fleurissent également, où les pro- 
duits sont abondans , le peuple aisé, les institutions li- 
bérales , et où cependant, d’après les renseignemens que 
nous devons à l’extrème obligeance de MM. Quetelet et 
Smits, secrétaires de la commission de statistique du 
royaume des Pays-Bas , la fécondité ne s'élève pas à plus 
de 4.50 , tandis qu’elle est de 5.27 dans la Belgique, 
nous avouerons qu'il est difficile de donner, de cette dif- 


(1) Le peuple russe ne connaît pas le bonheur moral, mais il jouit 
d’une sorte de bonheur matériel; car les serfs , certains d’être toujours 
logés , nourris , chauflés , par le produit de leur travail ou par leurs sei- 
gneurs, et étant à l’abri de tout besoin , n’éprouvenit jamais le tour- 
ment de la misère ou l’effroi d’y tomber. Les seigneurs ont sur eux une 
autorité de droit sans limites; mais presque tous usent de ce pouvoir 
avec une extrême modération. (Mémoires de M. de Ségur, tom. x1, 
p. 233; 1826.) 


( 440) 
férence entre deux pays riches et gouvernés par les mè- 
mes lois, une explication satisfaisante, 

Toutefois , en se laissant aller aux simples inductions 
qui naissent des apparences , on doit reconnaître que le 
climat particulier à la Hollande triomphe ici des pré- 
cautions prises par ses habitans pour se préserver de sa 
dangereuse influence ; que malgré tous leurs efforts , ils 
ne peuvent empècher que l'atmosphère brumeuse, hu- 
mide , dans laquelle ils sont constamment plongés, ne 
développe chez eux une prédominance très-marquée du 
système lymphatique sur tous les autres; n’entretienne 
un état de langueur et d’obésité qui enlève aux organes 
une partie de leur énergie , affaiblit le corps , en énerve 
la vigueur. Ces conditions remarquables de température 
et de localité n’existent point au même degré dans les 
deux Flandres , orientale et occidentale , où un air moins 
humide ; un terrain plus sec, une agriculture plus riche, 
donnent aux individus une constitution plus forte. 

Nous ne prétendons point que cette raison soit Ja 
seule , ni même la meilleure que l’on puisse apporter de 
la différence de fécondité observée dans la Belgique et la 
Hollande, mäis nous croyons qu'elle ne choque ni le 
bon sens ni les faits. 

Il en est d'autres que nous avons à examiner. 

On a déjà vu que l’on attribue à la classe des pècheurs 
le privilége d’une rare fécondité dans leurs mariages, 
privilége dont jusqu'ici on s’est plu à attribuer la cause 
au phosphore contenu dans les poissons dont ils se nour- 
rissent. Il est permis de croire que l’on a donné de ce 
fait une explication hasardée. Sans nier l'influence d’une 
nourriture fortement salée , et qui contient en effet beau- 


(44) 


coup de phosphore , un médecin instruit, M. le docteur 
Virey (1), pense que la pêche fournit à ceux qui s’y li- 
vrent, une quantité de poisson telle qu’elle remplace 
pour eux le pain et d’autres végétaux, d’où il s’ensuit 
une abondante alimentation, et que c’est là surtout la 
cause de cette grande fécondité que l’on observe chez les 
habitans des côtes de la mer: 

S’il fallait choisir entre ces deux opinions , nous n’hé- 
siterions pas à nous décider pour la dernière ; mais est-il 
sûr que le fait lui-même , dit, imprimé , répété partout, 
soit exact ? 

Nous avons relevé avec soin, sur le tableau de MM:Vil- 
lot et Villermé, les départemens de la France que bai-. 
gnent l'Océan et la Méditerranée , en ayant soin toute- 
fois d’écarter ceux où il se trouve de grandes capitales, 
telles que Rouen, Nantes , Bordeaux, Marseille, Tou- 
lon, dont les nombreuses populations et les moyens 
d'existence, prodigieusement variés, jetteraient trop d’in- 
certitude dans les résultats. 

Ensuite nous avons choisi, parmi ces mêmes départe- 
mens , ceux dont les arrondissemens maritimes forment 
au moins le tiers ou les trois et mème les quatre cin- 
quièmes de l'étendue, afin qu'il fût naturel de penser 
que l'expression générale de leur fécondité était forte- 
ment affectée par cette disposition des localités. Le ré 

“sultat de ce travail nous a donné pour nombre moyen 
annuel des naissances , sur une assez grande étendue de 
côtes , 4.37 par mariage. : 

Ce rapport , sans être faible , n’est pas très-fort. Il 


(1) Dict. des Sc. méd., art, FÉGONDITE. 
IX. 29 


(44) 


est beaucoup plus élevé dans un grand nombre d’endroits 
de la France. On le trouve , dans le pays Messin (Mo- 
selle), de 4.64; dans l’Alsace (Haut-Rhin) , de 4.79; 
dans le Bassigny ( Haute-Marne), de 4.77; dans le Ni- 
vernais (Nièvre), de 4.79; dans la Franche-Comté (Jura), 
de 5.01; dans la Bourgogne (Aïn), de 5.09 ; dans le 
Forez (Loire), de 5.68 ; et ces provinces sont situées 
dans l’intérieur des terres et loïn des bords de la mer (1). 
Enfin , pour mettre la vérité dans tout son jour, la dé- 
gager de toute erreur , nous avons écrit à plusieurs de 
MM. les préfets des départemens maritimes pour les 
prier de vouloir bien nous faire connaître , sur une suite 
de cinq années (1821-25), le nombre des mariages et 
des naissances des communes placées sur les côtes. 
Quelques-uns , entre autres ceux de la Manche, des 
Landes et du Pas-de-Calais , ont eu la complaisance de 
nous envoyer des tableaux fort bien faits, dont le dé- 
pouillement nous a donné pour résultat un nombre total 
de 69,770 naissances, produit de 16,747 mariages. Ce 
n’est que 4.16 enfans par année. La proportion n’est 
point aussi élevée qu’eile devrait l’être, d’après l'opinion 
reçue, et il est même des localités, comme dans une partie 
de là Normandie ( Manche) , où elle est encore moindre 
(3.93). 
Maintenant ne pourrait-on pas raisonner de la sorte ? 
Où la fécondité, dans les pays maritimes et par la” 
seule influence de cette disposition locale , est très-éner- 
gique, et cependant, comme elle reste encore au-dessous 
de celle qu’on observe dans beaucoup de pays qui sont 


(x) Voyezle tableau de MM. Villot et Villermé. 


(443 ) 
loin de la mer , cette influence est complètement nulle 
par rapport à eux. | 

Où la fécondité , sur les bords de la mer, n’est ni plus 
forte ni moindre que partout ailleurs , et alors la pré- 
tendue influence locale , non-seulement est nulle , mais 
même n'existe pas. 

Dans les deux hypothèses , le fait ais Jusqu'à pré- 
sent est au moins fort douteux pour la France. Il est 
une dernière raison qui doit étendre ce doute aux autres 
pays de l’Europe , c’est la profonde misère dans laquelle 
est plongée en général la classe des pêcheurs, misère 
qui doit restreindre fortement chez eux le penchant d’un 
sexe vers l’autre et l'influence de la nourriture (r). 

Si la nature particulière des alimens n’est point une 
condition indispensable pour exciter la fécondité, il n’en 
est pas de mème de leur quantité plus ou moins grande. 
On voit toujours les naissances augmenter dans les an- 
nées d'abondance et diminuer dans les temps de disette. 
Une observation bien remarquable à ce sujet, est celle 
que M. Fodéré à consignée dans son Voyage aux Alpes 
maïilimes (2). 

« Ici , le tableau des naissances, dit ce médecin dis- 
» tingué , coïncide parfaitement avec le temps des tra- 
» vaux champêtres et des récolies. On y voit les con- 
» ceptions se multiplier , lorsque le cultivateur ajoute 


(1) Aussi nous n’avons point été surpris de lire dans le tome yr de son 
Précis de la Géographie universelle, que M. Malte-Brun vient de pu- 
blier , que ce privilége qu’on attribue aux pays de côtes souflre de nom- 
breuses exceptions. Il cite en preuve la Corse, la Sicile , la Sardaigne, 
qui sont moins peuplées , dit-il , que le continent de l'Italie. 

(2)T,11, p. 208. 


(444) 


» à ses moyens de subsistance par la vente de son huile ; 
» mais quand elle est vendue , quand déjà son produit 
» en argent.a disparu, et lorsqu'on est parvenu à cette 
»- saison, celle de l'été, où les grands travaux exige- 
» raient précisément. ce qui manque et ce que l’on ne 
» peut plus se procurer, des alimens nourrissans et en 
» abondance , alors nécessairement le penchant se tait, 
». le rapprochement des sexes devient plus rare, et les 
». naissances, dont l’origine appartient à cette saison , 
».ont lieu, pour la plus grande partie, dans les villes 
» de Nice et de Menton , où l’on trayaille moins , et où 
». Ja subsistance.est presque toujours assurée (1), » 

L'étude des faits anciens , l'observation des nouveaux, 
les écrits. des publicistes, l’opinion des savans, tout 
semble donc se réunir pour placer la cause principale de 
l'énergie de la fécondité chez les peuples , dans l’abon- 
dance des subsistances , et pour reléguer dans les causes 
accessoires ou secondaires , le climat, la température, 
le site et les autres raisons que l’on en a données, 

S'il en était autrement , en effet , quel autre pays ver- 
rait les hommes multiplier davantage que l'Orient, cette 
partie du monde qui en fut autrefois le berceau? Eh 
bien , dans l'Orient aujourd’hui , la population languit, 
accablée par la tyrannie qui l’opprime ; tandis que sous 
un ciel aussi beau , mais sous un gouvernement pater- 
nel , la Chine peut contenir à peine les nombreux habi- 
tans qui couvrent ses champs féconds , et, que dans un 
autre monde, au milieu d’un climat bien différent, les 
États-Unis doivent à leurs lois tutélaires de compter un 


(1) Voyageaux Alpes maritimes , t. 11, p.208 


( 445 ) 


mariage sur trente individus, et une naissance sur 
vingt (1) ; justifiant ainsi ce qu'avait annoncé le génie de 
Montesquieu , que les pays ne sont pas cultivés en rai- 
son de leur fertilité , mais en raison de leur liberté (2) : 
observation profonde qui donne à la condition principale 
de la fécondité , l'abondance des subsistances , tout son 
complément , comme à notre pensée , tout son dévelop- 
pement. 

Au reste, les états ne sont pas peuplés par les enfans 
qui y naissent , mais par ceux que l’on y conserve. Beau- 
coup de naissances peuvent n’attester souvent que beau- 
coup de morts, car il faut beaucoup produire là où la 
destruction est très-grande. Après la peste qui ravagea 
la Prusse en 1710 , on observa que les naissances , qui 
n'étaient que de 26,000 année commune, dit Sussmilch, 
s’élevèrent à 32,000 l’année suivante, et c’est avec raison 
que M. Malthus a avancé que les décès règlent les nais- 
sances. | | 

Malgré la fécondité brillante qui semble être l’heureux 
partage de quelques pays, le nombre de quatre person- 
nes et demie par famille est un terme très-fort pour l’Eu- 
rope; ce qui montre qu'un peu plus de deux enfans 
seulement échappent , dans chaque ménage, aux nom- 
breux dangers qui les menacent. La mort détruit partout 
les fruits trop abondans d’une production trop active, 
et sa faulx ramène tout à un égal niveau. L’Écosse en 
est un exemple frappant. | 

L'on sait que les femmes de ce pays partagent avec les 
hs. He Poe res BE Won RSS PMP 

(x) Warpex, Discours préliminaire. 

(3) Esprit des Lois , iy. 18, ch. 3. 


( 446 ) 


Suédoises la réputation d’être extrèmement fécondes. Il 
est en Écosse plus d’un village où le terme moyen des 
naissances est de 5 , 6 et 7 par mariage. Nous avons eu 
la patience de relever les tables de population de dix- 
sept volumes sur vingt-un , que John Sinclair a publiés 
sur la statistique de cette partie de l'Angleterre , et dans 
ce pays si vanté pour la fécondité des unions , le rap- 
port général des naïssances aux mariages, pris sur dix 
années finissant en 1703 , n’atteignait même pas quatre 
et demi (4.3) (1) ; peut-être aujourd’hui est-il plus fa- 
vorable. 

Nous voudrions posséder assez de renseignemens pour 
pouvoir indiquer quel est en Europe le terme moyen , 
au - dessus et au - dessous duquel le sein de la femme 
n’admet point une fécondité moindre ou plus grande. 
Les élémens nous manquent pour l’établir d’une manière 
certaine ; seulement , d’après ceux que nous avons sous 
les yeux , il semble ne pas descendre au-dessous de 3.18 


(1) Il arrive bien rarement que l’on aille chercher des autorités dans 
un roman , et que l’on appelle la fiction en témoignage de la vérité ; ce- 
pendant nous n’hésitons pas à citer ici Walter Scott à l’appui de ce que 
nous avançons. Cet écrivain , si parfaitement au fait de l’histoire d'E- 
cosse, dit dans un de ses romans : « Les fermiers de l’Ecosse sont au- 
jourd’hui beaucoup plus policés et mieux élevés que ne l’étaient leurs 
pères. On ne retrouverait plus leurs mœurs grossières, leurs manières 
rustiques : tout a changé ou a été modifié par l'exemple de leurs voisins. 
Sans rien perdre de la bonté de leur caractère franc et loyal, ils cultivent 
à présent les arts dont leurs ancêtres n’avaient jamais entendu parler, Ils 
ont fait de grands progrès, non-seulement dans l’agriculture, mais dans 
tout ce qui concerne l’aisance et les commodités de la vie. Depuis trente 
ans, le luxe même s’est introduit au milieu de Jeurs rochers. »( Tom. 11, 


ch. 11 de Gui Manuering.) 


( 447 ) 


(France ), ni s'élever au-dessus de 6.77 ( Savoie) ; mais 
il faut toujours se rappeler que ce sont là les termes 
moyens d’un pays tout entier : car il est des localités où 
ce rapport descend beaucoup plus bas. À Paris, par 
exemple, il est à peine de 2.44 , tandis qu'il vaà Get 
dans plusieurs villages d'Écosse. 

D’après le tableau cité au commencement de ce Mé- 
moire, le terme moyen annuel le plus haut des nais- 
sances est , pour la France , 5.68 , et le plus bas, 3.18. 
Le premier se trouve dans le Forez (Loire ); le second 
tombe dans cette partie de la Normandie qui forme le 
département du Calvados. 

En général , dans les pays les plus favorisés il se sou- 
tient entre 4 et 5 ; dans ceux qui le sont moins , il reste 
entre 3 et 4. 

Au reste, nous avons déjà dit que la fécondité variait 
de pays à pays, de canton à canton, de village mème à 
village. Vouloir expliquer toutes ces anomalies , en as- 
signer toutes les causes , serait s'occuper d’un problème 
très-compliqué, très-difficile, peut-être même impossible 
à résoudre dans beaucoup de cas. Aussi ne présentons- 
nous ici que des résultats très-généraux ; mais nous n'en 
pensons pas moins qu’on doit regarder comme suflisam- 
ment appuyées par les faits, les propositions suivantes : 

Que le sol, le climat, la température, les habitu- 
des , etc. , n’ont d'action directe , nous ne disons point 
sur la fécondité , mais sur l'intensité de la fécondité , que 
dans les cas particuliers où ces différentes causes ac- 
quièrent par une raison quelconque une influence forte- 
ment prononcée et toujours agissante ; comme il arrive, 


sous le rapport du sol , aux pays de plaines ou de mon- 


( 448 ) 


tagnes, humides, marécageux , malsains, tels que la 
Hollande , les environs de Rochefort , la Sologne, etc. ; 
sous le rapport de la température, en Portugal et en 
Suède ; comme on pourrait l'observer encore , sous celui 
des institutions, dans des pays de religion différente, dont 
l’une prescrirait des abstinences, des jeünes fréquens , et 
l’autre n’en ordonnerait aucuns. 

Qu'’hormis ces cas particuliers et dont l'influence est 
alors spéciale, dans tous les autres l'intensité de la fé- 
condité paraît n’en plus reconnaître qu’une seule, l’a- 
bondance des subsistances ou un travail assuré ; car avoir 
du travail, c’est avoir de quoi vivre; ce qui explique pour- 
quoi , dans les pays manufacturiers où il y a sans cesse 
demande de bras, la population en général estnombreuse. 

Aussi n'est-il point de principe d'économie politique 
sur lequel tous les auteurs soient plus d'accord que celui 
qui établit que la population des étais se proportionne 
toujours à la force de leurs produits. 

Que c’est en vertu de cette loi, qui souffre bien peu 
d’exceptions , qu’on n’observe point de naïssances nom- 
breuses chez un peuple pauvre ou opprimé, c’est-à-dire 
manquant d'agriculture , d'industrie ou de liberté. 

Que bien loin de là , les populations esclaves s’affai- 
blissent au lieu de s’accroitre. C’est un fait reconnu qu’à 
Saint-Domingue en 1788 , trois mariages ne donnaient 
que deux enfans parmi les noirs, tandis que chaque union 
en donnait trois parmi les blancs (1). 

Que ces modifications de la population, ainsi que 
celles des mariages et des décès , sont étroitement liées 


(1) Pace, Traité du Commerce des colonies , p. 218. 


( 449) 


avec l’état de l’homme en société, et que, favorables ou 
contraires, selon qu’il jouit d’une existence plus ou 
moins heureuse et d’une liberté plus ou moins étendue, 
elles deviennent ainsi l’indice le plus sûr de la bonté des 
institutions qui le gouverne , ainsi que du degré de ci- 
vilisation auquel il est arrivé. 

Que ces considérations , qui montrent que les gouver- 
nemens disposent à leur gré , dans un sens très - réel et 
très-positif , de la vie des hommes , et qu’il dépend d’eux 
d’en allonger ou d’en raccourcir la durée , prennent dès- 
lors un caractère très-élevé , comme elles recoivent une 
nouvelle confirmation de l’exemple opposé des Orien- 
taux, chez lesquels la population languit et décroit, et 
de celui des Américains , où elle a doublé en moins d’un 
quart de siècle. Mais il ne faut pas oublier qu'aux États- 
unis , un ouvrier gagne en un jour de quoi nourrir pour 
trois , lui, sa femme et ses enfans. 

Enfin , que dans les pays de côtes , les naissances peu- 
vent être plus nombreuses que dans l’intérieur des 
terres ; qu’il peut en être de même successivement pour 
les pays de vignes , de pâtures , de blé, de forêts , com- 
parés sous ce rapport les uns avec les autres, bien que 
le tableau de MM. Villot et Villermé soit peu favorable 
à ces assertions , puisque les rapports des départemens 
vignobles , tels que la Côte-d'Or, la Marne , l'Yonne, 
le Loiret, Saône-et-Loire, Loire-et-Cher, sont plus 
faibles que ceux des autres départemens qui ne sont ni 


maritimes ni pays de vignes (1); mais que, relatifs seu- 


(x) Dans les Alpes-Basses, la Corrèze, le Tarn , Vaucluse, le Rhin- 
Haut , l'Isère , le Gard, Pyrénées-Hautes, etc. 


me (450 ) 


lement aux lieux où on les observe , ces maximums par- 
tiels de fécondité n’en représentent point l'intensité 
d’une manière absolue; qu'ils disparaissent quand on 
l'étudie de peuple à peuple , ou seulement sur des popu- 
lations nombreuses. 

Une dernière observation terminera cette Notice. « Il 
» ne faut pas , a écrit un homme d’état célèbre ( Necker, 
Administration des Finances), qui s’occupait comme 
nous de questions dont la solution ne saurait être don- 
née avec une rigueur mathématique , « que la crainte 
» d’un défaut d’exactitude empêche de présenter un tra- 
» vail qui peut d’ailleurs être utile. » 

Pour approcher de cette exactitude autant que pos- 
sible, nous répétons que nos propositions sont établies 
sur de très-larges bases , sur de très-forts nombres. 

Néanmoins , bieu que chaque siècle, chaque écrivain, 
prétende avoir des renseignemens meilleurs que ceux 
qui l'ont précédé, et se flatte par cela même d’avoir 
mieux fait, on sent que tous les recensemens de popu- 
lation seront toujours sujets à beaucoup d'erreurs , quel- 
que soin que l’on prenne pour les éviter. Il est probable 
que les opérations d'aujourd'hui n’en sont pas plus 
exemptes que celles d'autrefois. Maïs en agissant sur de 
grands nombres , et sur plusieurs années , les erreurs 
s’effacent , et il est possible d’avoir quelque confiance 
dans les résultats que l’on obtient. Sans cela , il faudrait 
abandonner toutes les recherches , cesser tout travail , 
et désespérer de ses efforts et de la science. 


(451) 


Sur l’Identité des deux espèces nominales 


d'Ornithorhynque; 
(Lu à l’Académie des Sciences le 18 décembre 1816.) 


Par M. GEorrroy SarnT-HiLArE, 
Membre de l'Institut. 


M. le duc de Chartres , jaloux d'augmenter sa collec- 
tion naissante d'histoire naturelle, vient de l’enrichir 
d’un couple d'Ornithorhynques, récemment apporté de la 
Nouvelle - Hollande par l’un des principaux officiers de 
la dernière expédition (1) autour du monde. Il faut que 
S. À. R. ait été informée par la lecture , ou par l’effet 
des publications du Globe, que nous nous étions oc- 
cupés de ces animaux dans une de nos dernières séances, 
pour avoir admis qu’elle ferait une chose utile à la 
science en nous donnant communication des objets de sa 
dernière acquisition. En conséquence , le premier offi- 
cier de la maison d'Orléans, M. le comte Anatole de 
Montesquiou , autorisé à cet effet, voulut bien hier m’a- 
dresser les deux Ornithorhynques présentement déposés 
sur le bureau. L'Académie se montrera d'autant plus sen- 
sible à ce témoignage d’une attention aussi bienveil- 
lante , qu'il est notoire que la science en est voujours au 
point de désirer de nouveaux et de plus amples rensei- 
gnemens concernant ces animaux. 

Je vais m'expliquer à cet égard. 


L , 7, . . . 
L'on n'a pas oublié les vives impressions , le mouve- 


(1) Expédition formée de deux bâtimens de l'Etat, dela Thétis, com- 
mandée par le commandant général baron de Bougainville, et de l’'Es- 
pérance , par le capitaine de vaisseau M. Ducamper. 


(452) 


ment de surprise et d’admiration même des naturalistes, 
quand , dans l’année 1800 , ils apprirent du très-savant 
Blumenbach , qu’il existait dans des contrées lointaines 
et nouvellement découvertes , dans l’Australasie , autre 
et cinquième partie de la terre, un Mammifère à bec d’oi- 
- seau (1). Blumenbach, pour rendre et pour faire parta- 
ger sa manière de sentir, son extrème surprise , à la vue 
d’un être qui lui paraissait si extraordinaire , ne s’en tint 
pas à cette première et piquante périphrase, au nom de 
Mammifère à bec d’oiseau (en latin Ornithorhynchus ), 
il recourut à un autre qualificatif, qui, agrandissant la 
première image , était destiné à devenir un second trait, 
à former un dernier coup de pinceau, pour faire d’au- 
tant mieux ressortir l’étrangeté d’une aussi grande ano- 
malie. En conséquence, le nom spécifique de Para- 
doxus fut ajouté au premier nom, au nom générique 
Ornithorhynchus ; d’ailleurs l’excellent, le vénérable 
Blumenbach fit tout aussitôt insérer son travail dans plu- 
sieurs recueils allemands, et d’abord dans le Magasin 
de Voigt (tom. 17, 1800, p. 205). Telle est la source 
première, à laquelle le Public puisa l’idée que l’Ornitho- 
rhynque était une sorte d’animal monstrueux , et comme 
le produit mixte de plusieurs organisations diverses; allant 
mème sur cette distinction de natures différentes d’une 
manière plus expresse, comme lorsqu'on ajoutait que l'Or- 
nithorhynque tenait réellement de la taupe par le corps, 
du canard par son bec, et du phoque par ses pieds trans- 


formés en nageoires. Cette manière d'apprécier les afi- 


————— 


.— 


(1) G+ Shaw, dans un recueil alors assez peu répandu , avait, six 
mois auparavant , déjà publié ce même animal sous {e nom de Platipus 


anatinus, 


(453 ) 


nités naturelles des êtres , est surtout ordinaire à la por- 
tion illétrée du Public. Toutefois , pour être reporté sur 
des objets sensibles , le jugement qui s’y applique n’ex- 
clut point un certain tact, de la pénétration, et une 
connaissance approfondie du rapport des êtres. 

Depuis 1800, nos connaissances touchant l’Ornitho- 
rhynque ont été croissant, sans que nos jugemens à son 
sujet s’en soient ressentis dans la même proportion; car 
c’est toujours une question agitée, s’il y a une ou deux 
espèces d’Ornithorhynques. Péron, sans l’établir par un 
texte justificatif , laissa figurer, dans l’Atlas de son mé- 
morable Voyage aux Terres australes, planche 34, 
deux prétendusOrnithorhynques, dont le peintre exagéra 
les teintes en sens contraire. Péron autorisa l’établisse- 
ment de ces deux espèces , en les désignant , la brune 
par le nom d’Ornithorhynchus fuscus , et la rousse par 
celui d’Ornithorhynchus rufus; elles étaient de sexe diffé- 
rent, la première femelle , et l’autre mâle : celle-là avait 
été enluminée bleu-d’ardoise-foncé, et le mâle couleur 
châtain-clair. 

Cette publication équivoque devint un texte que cha- 
cun interpréta à son gré. Plusieurs naturalistes, principa- 
lement MM. Cuvier (1) et Oken (2), surent se soustraire 
à cette insinuation , et ne virent dans les distinctions ci- 
tées que des variations de l’âge, quand d’autres natura- 


listes , Tiedmann (3), Illiger (4), Hemprich (5), Vander 


(1) Règne animal , 1, 327. 

(2) Slechbuch der Zoologie, 11, 957. 

(3) Zoologie , 590. 

(4) Prodrome , 115. 

(5) Grundr, der Naturgeschichte, 1800 , 49. 


(454) 
Hoëven (1), Leach (2), etc., aperçurent là des diffé- 
rences tranchées et réellement spécifiques. Comme on 
conservait cependant des doutes , un travail ex professo, 
sur cetté question , fut publié ; tel est celui de Van der 
Hoëven. Cet auteur décrivit des faits qui dépendent de 
la forme , et qu'il jugea propres à corroborer toutes les 
autres indications prises des couleurs ; mais bien qu'il 
se soit appuyé sur des dessins gravés, il n’a guère montré 
que des différences dans de certaines proportions des mà- 
choires , différences qui ont pu tenir au mode du dessè- 
chement de la peau , et par suite à l'articulation faussée 
des mâchoires. M. Van der Hoëven est au surplus revenu 
sur ce point dans un article supplémentaire qu’il a écrit 
à Rotterdam , sous la date du 12 décembre 1824 , et qu'il 
a imprimé dans les Mémoires des Curieux de la Na- 
ture. Malgré cette correction , et ayant vérifié, dans le 
voyage qu'il a fait à Paris en 1824 , sur les individus de 
la collection du Jardin du Roi, qu'il existe toutefois, 
et comme il l’a cru, constamment des différences dans 
l’ergot , ainsi qu’il l'avait d’abord fait connaître, ce cé- 
lèbre et savant médecin déclare n'être point dans le cas 
de se rendre aux observations critiques que lui avaient 
adressées MM. Jaffé de Berlin et Oken ; il a au contraire 
continué d'admettre les espèces O. rufus et O. fuscus, 
comme deux espèces bien différentes. M. Meckel, dans un 
magnifique ouvrage, format in-folio, qu’il a publié dans 
la présente année (Ornithorhynchi paradoxi descriptio 
anatomica ), se prononce pour l'unité d'espèce; mais 


(x) Nov. Act. phys. med. , 11, 362. 
(2) Zool. miscell., n, 1815. 


(45) 

comme il n’a pas fait de ce sujet une question spéciale, 
et que son jugement , bien que très-prépondérant dans 
la science , ne repose pas sur une comparaison attentive 
de beaucoup d'individus , jai pu agir et j'agis présente- 
ment, comme si l’on pouvait encore admettre que la ques- 
tion de l'identité des deux espèces ne füt pas absolu- 
ment résolue. 

Tels étaient les doutes élevés dans mon esprit, lors 
de la bienveillante communication de M. le duc de 
Chartres, faite à l’Académie royale des Sciences ; on 
conçoit donc maintenant ce qui m'a engagé à rédiger cette 
Note. J'ai comparé de suite les deux individus du Prince 
avec ceux du Muséum , et avec plusieurs autres appar- 
tenant à des officiers et aux médecins de la Thétis ; indi- 
vidus qui avaient été confiés à M. F. Prévost pour être 
montés : c’est de cette manière que j'ai eu l’occasion de 
voir et d'écrire ce qui suit. 

J'ai remarqué beaucoup de différences, mais elles ne 
se classent point entr’elles de manière à donner le retour 
des mêmes faits dans des individus assortis; ne se dis- 
tribuant point avec régularité, elles ne peuvent pas même 
servir à caractériser l’âge ou le sexe. Les sujets de M. le 
duc de Chartres sont semblables, en exceptant les faiis 
caractéristiques du sexe; savoir, l’absence de l’ergot , 
et moins de volume chez la femelle. J'ai eu sous les 
yeux deux jeunes mâles , l’un était brun-foncé , et l’autre 
roux : ce dernier avait servi d'original à la figure du 
Voyage aux Terres australes ; je le soupçonne d’avoir 
été long-temps exposé à la lumière , et d’avoir, par cette 
cause , perdu de son intensité de couleur. 

Le poil varie d’un individu à l’autre , tant dans ses 


(46) 

teintes que dans ses qualités de finesse ; mais ces varia- 
tions sont renfermées dans les limites de la rénovation 
successive du poil par le phénomène de la mue. Le gros 
poil ou lejarre n'est-il point encore arrivé à tout son dé- 
veloppement ? le poil est brun éclairci, brun -marron, 
et de plus , il est doux et moelleux au toucher ; mais 
plus tard son extrémité s’épanouit et s'étale en lame : ce 
poil perd alors de sa finesse et acquiert une surface lisse 
qui réfléchit la lumière. Si seulement une partie du vieux 
poil est tombé, c’est une pelleterie d’une toute autre 
couleur. 

Quant à l’ergot des mâles, je ne crois pas que de ses 
différences , qui sont réelles et même plus considérables 
que ne l’a dit M. Van der Hoëven, on puisse conclure à 
des différences spécifiques. J'ai vu de ces éperons longs 
et grèles , d’autres courts et plus larges à leur base ; jen 
ai vus qui sont partagés par un sillon vers la face con- 
vexe; et un entre autres était dans ce cas, au point de 
me donner à penser qu'il était le produit de deux épe- 
rons soudés ensemble. 

N'est-ce point que les Ornithorhynques, qui emploient 
ces éperons, comme les vipères quand elles font usage 
de leurs crochets venimeux , mettent quelquefois trop de 
colère et de vivacité dans le soin de leur défense ; à son 
tour offensive? On comprend en effet, si les Ornithorhyn- 
ques ne réussissent pas à bien mesurer leurs coups, que 
l'éperon se puisse briser. Or, ce cas arrivant; il n’est 
certes nullement douteux que cet évènement ne soit suivi 
d’une reproduction. Il tombe aussi naturellement sous 
le sens que, comme l’éperon aurait été en tout ou en partie 
fracturé , la régénération Je fera reparaître sous des for- 


( 457) 


mes variées selon les cas : voilà du moins ce qui me pa- 
raît probable. 

Des faits précédemment exposés , je crois devoir con- 
clure , à l'égard des nombreux individus que j’ai obs er 
vés, que les différences rapportées plus haut sont répan- 
dues à-peu-près saus ordre , et doivent être regardés 
comme purement individuelles. : 

Mais viendrait-on dans la suite, en des contrées de la 
Nouvelle-Hollande écartées de Sydney et du Port-Jack- 
son, à retrouver d’autres et de différens Ornithorynques ? 
Je suis très-disposé à le conjecturer. 


Sur un appareil glanduleux récemment décou- 
vert en Allemagne dans l’Ornithorhynque , situé 
sur les flancs de la région abdominale, et faus- 
sement considéré comine une glande mammaire. 


Tel est le titre d’un Mémoire que M. Geoffroy 
Saint - Hilaire a lu le 3 janvier 18279 à l’Académie 
royale des Sciences. Ce nouvel écrit de l’auteur repose 
sur des considérations et des recherches toutes nou- 
velles , et il est, de plus, accompagné de figures qui 
en rendent l'exposition sensible , aussi bien pour la 
vue que pour l'esprit. Ce mémoire sera suivi de plu- 
sieurs autres , tant sur les organes urinaires et sexuels 
des Ornithorhynques , que sur plusieurs points de leur 
système osseux et musculaire. Comme nous n’espérons 
point de pouvoir, dans un court délai, communiquer 
à nos lecteurs les vues nouvelles de l’auteur, nous 
anticipons sur cet avenir, en publiant la lettre sui- 
vante , qui les donne par extrait, et que M. Gcofiroy 
Saint-Hilaire a adressée , le 29 décembre 1826, à la 
Société philomatique. 


Lerrre de M. Geoffroy Saint-Hilaire à M. le Président 
de la Société philomatique. 


.… M. Meckel vient, cette année , de beaucoup ajou- 
IX. 50 


| ( 458 ) 


ter à nos connaissances sur l'Ornithorhynque, par la 
Description anatomique de cette espèce. L'auteur an- 
nonce, dans ce bel ouvrage, qu’il vient enfin de dé- 
couvrir les mamelles tant cherchées de ce singulier qua- 
drupède , d’où il déclare et conclut que, sur le témoi- 
gnage de ce nouvel élément , il lui paraît incontestable 
que l’'Ornithorhynque et son congénère l'Echidné ne 
forment point une classe à part, mais doivent revenir et 
rester dans celle des Mammifères , à la suite des Enen- 
rés. Par conséquent , dit M. Meckel , omnino igüur eli- 
minanda est monotrematum classis Lamarchio-Geof- 
froyana. Hunc ordinem monotrematum , sequentem 
EnEnNTATA, statuendum esse, judico. 

Effectivement, j'avais précédemment, en 1822, im- 
primé dans le Bulletin des Sciences de cette année, 
page 95, que j'avais puisé principalement dans la consi- 
dération des organes urinaires et sexuels , l'opinion que 
l'Ornithorhynque était décidément ovipare , et qu'il de- 
vrait former, réuni à son congénère l’Echidné, une eim- 
quième classe dans l’embranchement des animaux ver- 
tébrés. Or, les choses me paraissent devoir toujours res- 
ter dans le même état ; car je ne crois pas que M. Meckel 
ait véritablement découvert une glande mammaire dans 
l'Ornithorhynque ; la glande, qu’il a le premier signalée, 
n'ayant véritablement aucun des caractères des glandes 
lactifères. Je l’ai examinée avec une très-grande atten- 
tion en la comparant avec les glandes mammaires de la 
femme, mais principalement avec celles des animaux 
marsupiaux (1). Le tissu en est tout - à - fait différent. 


(1) En étudiant plusieurs glandes mammaires comme termes de com- 
paraison dans la question actuelle , j'ai porté plus spécialement mon at- 
tention sur l'appareil lactifère du Kanguroo , appareil formé par la réu- 
niou de plusieurs glandes sphéroïdales, dont chacune est plus volumi- 
neuse qu’un gros pois: Là est une strncture qui se rapporte, bien dayvan- 
tage que je ne l’ai dit, aux considérations de mon précédent article 
(p. 340) sur les moyens mis en usage par Les femelles pour obtenir que, 

ar leur vouloir propre et par les ressources d’une injection , elles ver- 
sent elles-mêmes le fluide nourricier dans la bouche de leurs petits, 

u’on sait dans leur premier âge hors d'état de suflire à l’acte de la dé- 
glutition et de pouvoir sucer. Je avais parlé que de fibres musculaires, 
répandues à cet effet sous le derme de la tétine; mais ilest de plus un 
autre ressort plus puissant et beaucoup plus eflicace, c’est un muscle 
considérable, coeflant toute la glande mammaire : il est fait en enton- 


ose Re nee is A 


ET 


( 459 ) 


C'est chez l'Ornithorhynque une quantité de coœcums 
placés côte à côte, se dirigeant tous sur le mème point 
de la peau, où l’on n’aperçoit que deux orifices excré- 
teurs ; orifices si petits, qu'on n'y introduirait pas la tête 
de la plus petite épingle. 

Voilà quelle est la glande découverte par M. Meckel : 
elle est sans aucune trace de tétines ; et observez : c’est 
ainsi chez un animal dont le museau est fait de façon 
que même y aurait-il une longue tétine, un tel animal 
serait privé de la saisir et de la sucer. La glande du sujet 
observé par M. Meckel était d’une grandeur considé- 
rable ; j'apprends qu’elle était dans un maximum dé vo- 
lume et telle que dans la saison de l'amour le plus haut 
degré du développement des sexes pouvait donner ce vo- 
lume ; je l’apprends par l'observation du même appareil 
chez une autre femelle qui avait cependant la taille et 
toute l’apparence d’un individu adulte. Cet appareil, 
comparé au premier observé , n’en formait au plus que 
la quatrième partie. Or, une glande mammaire arrivée à 
tout son plus grand volume, fait toujours également 
ressentir sa turgescence à toutes ses parties constiluantes : 
la tétine n’acquiert alors qu'un peu plus de volume, en- 
core plus, il est vrai, quand elle a été saisie et allongée 
pendant la lactation ; mais d’ailleurs elle a d’origine ses 
conditions d'existence qui se rapportent au Lissu érectile 
dont elle est formée, Rien de pareil n’existe chez l'Or- 
nithorhynque. 

Maïs cependant quelle serait et quelle est donc la 
glande découverte par M. Meckel. Je suis disposé à la 
croire analogue aux glandes qui garnissent le flanc des 
salamandres , ou bien éncore à l'appareil concentré vers 


noir, ilse subdivise en lanières on rayons , dont quelques parties s’insè- 
rent et se fixent sur la surface des glandes sphéroïdalés , et dont les autres 
vont, par delà tonte la masse, se porter et adhérer sur la peau. C’est un 
véritable muscle choanoïde , comme celui qui entoure le nerf optique et 
le globe de l'œil dans la plupart des Mammifères , comme est aussi celui 
qui revêt l'extérieur de la vessie urinaire. L'appareil mammaire des 
Kanguroos , qui est logé au fond de cet entonnoir musculeux , est pressé 
quand les fibres de celui-ci se contractent , et le fluide contenu dans les 
réservoirs lactés s'échappe, ou plutôt est lancé au dehors , de la méme 
manière que le fluide coutenu dans Ja poche urinaire, 


C 460 ) 


les côtés de l’abdomen que j'ai décrit à l'égard des mu- 
saraignes. Mon travail sur ce riche appareil chez les 
musaraignes a paru dans le premier volume de la se- 
conde collection des Mémoires du Muséum d'Histoire 
naturelle. J'avais dès cetie époque déjà insisté sur ce 
que le développement de cette glande suivait, dans le 
cours de l’année, les phases du développement des or- 
ganes génitaux. L’odeur qu'exhale l'humeur de cette 
glande avertit les musaraignes de l’exaltation de leur 
état sexuel et les porte à se rechercher. La glande de 
l’Ornithorhynque, lequel se retire de même que les mu- 
saraignes d’eau et les desmans, dans des terriers com- 
muniquant à des marais pleins d’eau , n’aurait-elle que 
cet usage? ou bien, comme chez les salamandres , four- 
nirait-elle une humeur propre à enduire les tégumens 
épidermiques, et à les rendre moins miscibles à l’eau ? 
Quoi qu'il en soit, dans mon article Musaraignes, j'a- 
vais en eflet déjà indiqué l’analogie de toutes les glandes 
des flancs de l’abdomen , avec celles de la ligne latérale 
des poissons. 

Pour revenir à la découverte, d’ailleurs à tous égards 
fort importante, que M. Meckel avait annoncée dès 1824, 
et qu'il vient d'exposer en détail en 1826. je crois qu'on 
peut dire que c’est là un nouvel élément de l’organisa- 
tion des Ornithgrhynques, mais que ce fait n'offre rien 
d'assez avéré, d'assez solidement circonstancié, pour 
que l’état de la question relativement à la classification 
des Ornithorhynques doive paraître changé. Or, je rédige 
présentement un travail , je puis dire , fort considérable 
sur les organes urinaires et sexuels des Ornithorhynques, 
qui sera nouveau même à l'égard d’une partie des faits 
d'observations déjà publiés, et conséquemment après 
ceux donnés par M. Meckel , et dont les résultats géné- 
raux sont que de tels organes se rapportent à ceux des 
reptiles et établissent invinciblement que les Ornitho- 
rhynques sont des animaux ovipares. 


FIN. DU NEUVIÈME VOLUME. 


TABLE 


DES 


PLANCHES RELATIVES AUX MEMOIRES 
CONTENUS DANS CE VOLUME, 
a  —— 


PL. 40. GLOBULARIA SPINOSA. 

PL. 41, fig. 1. GrosuzanrA vuzcanis. Fig. 2. GLOBULARIA ORIENTALIS. 

PI. 42, 43. Anatomie des Cantharides. 

PI. 44. Anatomie des Plumes, 

PI. 45. Dromas ARDEOLA , nouvel oiseau du Bengale. 

PI. 46. Coupe géologique observée aux environs de Bordeaux. 
Plan et coupe de la caverne à ossemens de Banwell (Sammersetshire). 
Ossemens fossiles observés. dans les brèches osseuses du midi de la 

France. 

PL. 47, 48. Anatomie des Oxyures et des Vibrions. 

PL. 49. Nicornoé pu Howanp, Wicothoe Astaci, nouveau genre de 
Crustacé. 

PI. 50. Anatomie élémentaire des tissus animaux. 

PI. 51. CaronryuM TUBIFLORUM , nouveau genre de la famille des Erici- 
nées. 

PI. 52. DELARIA OVALIFOLIA. 

PL. 53. DeLARIA PYRIFOLIA. 


FIN DE LA TABLE DES PLANCHES. 


TABLE MÉTHODIQUE 
DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS CE VOLUME. 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALE, ZOOLOGIE. 


Recherches expérimentales sur l'Exhalation pulmonaire; par Le 
MM. Breschet et H. Mine Edwards. 5 
Recherches pour servir à l'Histoire naturelle des Cantharides ; 
par M. Victor Audouin. 3x 


De la proportion des Naissances , des Mariages et des Décès dans 

les provinces du royaume des Pays-Bas, et de l’Accroïssement 

de sa population. 84 
Considérations sur l’Anatomie comparée de l’'Hyoïde ; par Louis 

Girou de Buzareingues. 91 
Sur une nouvelle espèce de Rongeur fouisseur du Brésil; par 

M. H. de Blainville. 97 
Sur quelques petits Animaux qui , après avoir perdu le mouvement 

par la dessiccation , le reprennent comme auparavant quand on 


vient à les mettre dans leau ; par M. H. de Blainvilie. 104 
Description d’une nouvelle espèce de Reptile du genre Marbré 

(Polychrus) ; par M. F. de la Porte. 110 
Sur le Son produit sous l’eau par le Tritonia arborescens. ILE 


Observations sur la Structure et le Développement des Plumes ; 
par M. Frédéric Cuvier. 113 
Mémoire sur le Foie et sur le Système de la veine porte des Pois- 


sons ; par le docteur Rathke. 155 
Description d’un nouvel Oiseau du Bengale , que M. C. J. Tem- 

minck a nommé Dromas ardeola ; par M. Dupont afné. 184 
Notes sur l’Astérie commune ; par M. Eudes-Deslonchamps. 219 


Recherches sur l'Organisation de quelques espèces d'Oxyures et 
de Vibrions ; par M. Ant. Dugès, Professeur à la Faculté de 
Médecine de Montpellier. 225 
Essai sur la Domesticité des Mammifères , précédé de Considéra- 


(465 ) 


tions sur les divers états des Animaux dans lesquels il nous est 
possible d’étudier leurs actions ; par M. Frédéric Cuvier. 

De l’Influence que les ganglions cervicaux, moyens et inférieurs 
du grand sympathique , exercent sur les mouvemens du cœur ; 
par MM. H. Milne Edwards et P. Vavasseur, MM.-DD. 

Note sur quelques Circonstances de la Gestation des femelles de 
Kanguroos, et sur les Moyens qu’elles mettent en œuvre pour 
nourrir leurs petits suspendus aux tétiues ; par M. Geoffroy 
Saint-Hilaire, Membre de l’Institut, 

Mémoire sur la Nicothoé, animal singulier qui suce le sang des 
homards ; par MM. VF. Audouin et H. Müne Edwards. 

Recherches microscopiques sur la Structure intime des tissus or- 
ganiques des Animaux ; par M. H. Mine Edwards, 

Notice sur l’Intensité de La Fécondité en Europe , au commence- 
ment du dix-neuvième siècle; par M. Benoiston de Chäteau- 
neuf. 

Sur l’Identité de deux espèces nominales d’Ornithorhynques ; par 
M. Geoffroy Saint-Hilaire, Membre de l'Institut. 


ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE YÉGÉTALE , BOTANIQUE. 


Monographie des Globulaires ; par M. J. Cambessèdes. 

Recherches sur Histoire ancieune , Origine et la Patrie des Cé- 
réales , et nommément du blé et de l'orge ; par M, Dureau de 
la Malle, Membre de l’Institut. 

Note sur les Accidens morbides auxquels la semence des Stipa pen- 
nata et capillata expose les troupeaux ; par M. Raspail. 

Observations sur les Resedacées ; par M. Robert Brown. 

Notice sur le Pilobolus crystallinus ; par M. Durieu de Maison- 
neuve, 

Sur la nouvelle famille des Gilliésiées ; par M. John Lindley. 

Sur l'Emploi de la racine de Caïnca , au Brésil, contre l’hydropi- 
sie , extrait d’une lettre de AZ. Langsdorf, Conseiller d’état et 
Consul russe au Brésil , à AZ. Bory de Saint-Vincent. 

Note sur une sorte de Torpeur très-longue, particulière aux ra- 
cines du mèrier noir ; par M. Dureau de la Malle, Membre de 
l’Institut. 

Observations sur deux nouveaux genres de Plantes; par M. Des- 
vaux , Directeur du Jardin de Botanique, à Angers. 


Pages. 


279 


329 


341 


345 


362 


15 


6x 


(464 ) 


Observations sur la famille des Légumineuses ; par M, Desvaux , 
Directeur du Jardin de Botanique, à Angers. 


MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE. 


Extrait d’une lettre de M7. Jouannet, de l’Académie de Bordeaux, 
à M. Alexandre Brongniart, Professeur de Minéralogie au 
Jardin du Roi. 

Note sur la Présence de deux genres de pachydermes , Chœropo- 
tame et Palæotherium , dans les brêches de Sète ( Hérault ) et 
de Villefranche-Lauraguais (Haute-Garonne) ; par M. Marcel 
de Serres. 

Note sur la Caverne à Ossemens de Banwell (Sommersetshire ) ; 
par M. Bertrand-Geslin. 

Note sur les Cavernes à Ossemens et les Bréches osseuses du midi 
de la France; par M. Marcel de Serres. 

Note sur la Présence de l’Anatase dans les mines de diamant du 
Brésil. 

Matériaux pour servir à une Monographie de la Molasse , ou Re- 
cherches géognostiques sur les Roches et les Corps fossiles 
qu'on trouve entre les Alpes et le Jura ; par M. Studer. (Ex- 
trait.) 

Rapport verbal sur un Ouvrage intitulé : Recherches sur les Os- 
semens fossiles du département du Puy-de-Dôme ; par M. le 
baron Cuvier. 

Note sur un Calcaire d’eau douce , renfermant des débris de tor- 
tues de terre; par MM. Dubreuil et Marcel de Serres. 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES» 


188 


191 


200 


223 


252 


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