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ANNALES
DES
SCIENCES NATURELLES.
S 90.
IMPRIMERIE DE C. THUAU,
rue du Cloître-S.-Benoît, n° 4.
S
PAR
MM. AUDOUIN , ar. BRONGNIART Er DUMAS,
COMPRENANT
LA PHYSIOLOGIE ANIMALE ET VÉGÉTALE, L'ANATOMIE
COMPARÉE DES DEUX RÈGNES ; LA ZOOLOGIE , LA
BOTANIQUE , LA MINÉRALOGIE ET LA GÉOLOGIE.
TOME QUINZIÈME,
ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES.
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re ‘4 }
Rs CO > !
PARIS.
CROCHARD, LIBRAIRE - ÉDITEUR
CLOITRE SAINT-BENOIT, No 16,
ET AUS DE SURBONNE, N° 3.
1828.
ANNALES
SCIENCES NATURELLES.
AAA AAA AAA GRAN RAR ARAA AAA RAA AAA VAS
Résumé des Recherches sur les Animaux sans
vertèbres, faites aux les Chausery ;
Par MM. Auvourx et Mine Epwanps.
( Mémoire aecompagné d’un atlas de 72 planches , déposé sur le bureau de l’Acade-
des Sciences, le 29 septembre 1828 , et lu dans la séance du 6 octobre. )
La distinction flatteuse que l’Academie des Sciences a
bien voulu accorder cette année à nos recherches anato-
miques et physiologiques sur les Crustacés, nous a en-
gagés à mettre la dernière main à nos travaux sur cette
classe intéressante d'animaux. Nous nous sommes trans-
portés de nouveau sur les bords de la mer, et nous avons
achevé les observations et les expériences qui complètent
l’histoire générale de leur organisation; nous aurons
l'honneur de soumettre incessamment ces derniers tra-
vaux au jugement de l’Académie ; mais nous la prions de
vouloir bien permettre que nous mettions aujourd'hui
sous ses yeux le résumé d’une nouvelle série de recher-
ches que nous avons entreprises, et qui, pour être ache-
vées , demanderont beaucoup de temps, et nécessiteron t
de nombreux voyages.
Tout en étudiant les Crustacés, nous avions sou-
XV. — Septembre 1528. L
(6)
vent eu occasion d'observer laquantité innombrable d’ani-
maux invertébrés qui peuplent nos côtes, et nous nous
étions convaincus que, sous beaucoup de rapports, ils
étaient encore très-mal connus.
En effet, la distinction des espèces et leur description
sont, pour plusieurs d’entre eux, à peine ébauchées. On
ne possède qu’un très-petit nombre d'ouvrages où l’on
trouve représentées d’après nature les formes variées , et
les couleurs si vives, si bien nuancées et malheureuse-
ment si fugaces de ces êtres curieux ; encore est-ce à
des sources [étrangères qu'il faut aller les chercher. Car
ces figures ont été faites sur d’autres côtes , quelquefois
dans des mers différentes ; et il est souvent à craindre,
lorsqu'on vient à en faire usage pour la détermination ,
que les noms auxquels on s'arrête ne soient fautifs ou
tout au moins douteux. La connaissance des espèces ,
qui est une branche si importante de l’histoire naturelle,
est donc encore très-arriérée.
Il en est de même de la science de l’organisation.
Des milliers de Zoophytes, qui vivent sur nos côtes
et tout près de nous, n’ont pour la plupart été étu-
diés qu'après un séjour plus ou moins long dans l’al-
cool ; et si quelques anatomistes ont su en tirer un
très-grand parti, toujours est-il vrai que dans bien des
cas le scalpel n’a pu dévoiler leurs fonctions, et qu’il
n'a rien appris sur le développement , sur les habi-
tudes , sur les mœurs, sur le mode de reproducticn,
de ces êtres curieux. D'ailleurs on n’ignore pas que les
dissections les plus fines n’ont point éclairei l’organisa-
tion anomale des Théthyes, des Alcyons, et d’autres
Zoophytes non moins singuliers, qui certainement vivent
( 249
d’une vie toutanimale, mais auxquels on serait tenté de
refuser l’animalité , parce qu’on ne distingue en eux
aucun organe qui puisse la caractériser.
Ajoutonsenfin qu’il existeun très-grand nombre d’ani-
maux, tels que la plupart des Polypes, qui, disparaissant
ou devenant méconnaissables dans l’esprit-de-vin, exigent
plus impérieusement encore qu’on les observe à Pétat de
vie.Etcependantcesont ces êtres siinférieurs dans l’échelle
qu'il importe peut-être plus de le connaître; ils soulèvent
des questions ardues qu’on voudrait pouvoir résoudre; en
eux commence le mouvement et la vie, et la simplicité de
leur structure répond à la simplicité de leurs fonctions.
On nesauraitdonc nier, sous le triple rapport de la Zoo-
logie, de l’Anatomie et de la Physiologie, la grande utilité
des travaux faits sur les animaux vivans ; et pour les exé-
cuter, il n’est pas nécessaire d'entreprendre des voyages
lointains , toujours irop rapides, et généralement trop
remplis par la récolte des richesses qui se présentent,
pour qu’on puisse se livrer, sans dérangement et sans dis-
traction , à des investigations minutieuses, spéciales, et
qui doivent être long-temps suivies. Un séjour sur certains
points de nos côtes est plus favorable à ce genrederecher-
ches. Plus maître de son temps, on peut alors choisir les
localités convenables , y demeurer davantage, etne négli-
ger aucune des circonstance propres à faciliter les travaux,
aucune des précautions qui en garantissent l'exactitude.
Persuadés qu'une exploration de ce genre pourraitnous
procurer des matériaux précieux pour l’histoire naturelle
des animaux sans vertèbres, et nous fournir des faits im-
portans sur leur organisation nous nous sommes décidés à
entreprendre, autant que nous le permettront les Circon-
(8)
stances, un voyage annuel sur les divers points de nos côtes
ousur nosiles les moins connues, et les plus riches en pro-
ductions marines. Cette année, nous nous sommes dirigés
vers le petit groupe des iles Chausey , situées vis-à-vis
Granville dans le département de la Manche.
Plusieurs circonstances ont décidé ce choix. Ces îles,
ou plutôt ces écueils, au nombre de cinquante-trois , of-
frent une grande superficie de côtes abondamment pour-
vues d'animaux ; elles sonttoutes inhabitées, à l'exception
d’uneseule, où viennent, à une certaine époque, quelques
ouvriers qui y exploitent dugranite; enfin, la seule chau-
mière quis’y trouveetqu’on nous permit d'occuper en par-
tie, est assez voisine de la mer pour que l’eau vienne pres-
que la baigner. Nous pümes par conséquentavoir en quan-
tité convenable des matériaux pour notre travail; nous
n eûmes pas à craindre que la curiosité vint mettre obs-
tacle à la réussite de nos expériences, et il nous fut facile
d'établir en plein air et sur le rivage , de grandes cuves
et des espèces de viviers de diverses dimensions, où nous
plaçèmes, dans une eau toujours courante, les animaux
que nous nous proposions d'examiner.
Favorisés par ces circonstances et à l’aide de ces pré-
cautions , il nous a été possible, non-seulement de cen-
server nos animaux à l’état de vie, mais encore d’obser-
ver leurs habitudes, leurs fonctions, leur développement:
et ce sont les principaux résultats de ces observations que
nous allons avoir l'honneur de faire connaître à |’ Acadé-
mie.
Les belles recherches de M. Savigny sur les Ascidies
composées nous avaient fait désirer vivement d'avoir l'oc-
casion d'examiner à l’état de vie ces animaux singuliers.
(eg 7
Les rochers des iles Chausey en sont couverts ; aussi leur
étude a-t-elle d’abord fixé notre attention , et les diffi-
cultés qu’elle nous a souvent présentées nous ont appris
à apprécier encore davantage les travaux du naturaliste
que nous venons de citer.
Les espèces nombreuses d'Ascidies composées que
nous avons trouvées à Chausey sont presque toutes nou-
velles , et plusieurs ne peuvent se rapporter à aucun des
genres de M. Savigny, tels qu’il les a caractérisés. Nous
pourrions donc nous croire autorisés à les regarder
comme des types de genres nouveaux; mais nous pen-
sons qu'il y aura moins d’inconvénient à modifier légè-
rement les caractères de ceux déjà existans , car la multi-
plicité des noms et des divisions nuit toujours aux progrès
de la science.
Danscetteanalyse succincte, l’espace nous manque pour
rapporter toutes les particularités que nous a fournies
l'étude anatomique de ces animaux agrégés, ou même
pour indiquer les caractères propres à les faire distin-
guer. Les planches que nous mettons sous les yeux de
l’Académie peuvent suflire en partie à cette lacune, et,
dans une des prochaines séances, nous lui présenterons le
Mémoire où seront consignés tous ces détails. Nous di-
rons seulement que parmi celles de nos Ascidies compo-
sées, dont la structure est la plus simple ,ilen est qui,
au lieu d’être unies entre elles par une substance plus ou
moins gélatineuse, sont logées dans des cellules, encroùû-
tées par du carbonate de chaux, fait dontnous verrons plus
tard l’importance.
Pendant que nous étions occupés à étudier nos Ascidies
composées, sous le double rapport de la Zoologie et de
(ro)
l’Anatomie , les circonstances favorables où nous étions
placés à Chausey nous ont permis d’examiner aussi un
des points les plus curieux de la physiologie de ces ani-
maux.
Dans l’état actuel de la science, il est bien difficile
de concevoir comment se propagent au loin les divers ani-
maux qui, fixés pour toujours sur un rocher ou tout autre
corps, semblent ne pouvoir perpétuer leur espèce que
dans le point même oùils sont adhérens. Les observations
que nous avons faites sur la génération et le développe-
ment des Ascidies composées nous paraissent de nature
àajeter beaucoup de lumière sur cettequestion. En effet, à
l'aide de l'excellent microscope que M. Amici a bien
voulu laisser en notre possession, nous avons constaté
que, lors de la naissance, ces petits êtres diffèrent to-
talement de ce qu'ils deviennent plus tard. A l’état
adulte, un graud nombre d'individus sont réunis plus
ou moins intimement, et forment une seule masse,
fixée d’une manière immobile à quelque corps sous-
marin; disposition qui leur a valu le nom d'animaux
composés. À leur naissance, au contraire , ils ne forment
point partie de l’agrégat auquel appartient leur mère,
et ne sont pas unis entre eux. Chaque individu est soli-
taire et parfaitement libre; mais, chose bien plus re-
marquable encore, ils sont alors doués de la faculté de se
déplacer, nagent avec rapidité à l’aide des mouvemens on-
dulatoires qu’ils impriment à une longue queue dontils
sont pourvus , el paraissent se diriger de manière à éviter
les obstacles qui s'opposent à leur passage. Souvent on les
voit s'arrêter sur les parois du vase qui les renferme, puis
recommencer leur course comme s'ils cherchaient un
( an)
point convenable pour y établir leur demeure. Enfin,
après avoir joui de la faculté de changer ainsi de place
pendant environ deux jours, ils se fixent et deviennent
complètement immobiles; car, si on les détache alors,
ils restent privés de mouvement.
C’est ainsi que les jeunes Ascidies composés peuvent
aller chercher un lieu favorable à leur développement. La
plupart paraissent se réunir à la masse d’où elles pro-
viennent; mais d’autres vont se fixer au loin pour fon-
der de nouvelles colonies, et propager leur espèce dans
des localités différentes.
Chacun sentira combien la découverte de ce fait est
de nature à nous éclairer sur l’histoire, non-seulement
des Ascidies composées, mais aussi d’une foule d’autres
animaux qui, à l’état adulte , sont fixés d'une manière
immobile sur quelque corps étranger.
Ces différences dans la manière de vivre des Ascidies
composées , aux diverses époques de leur existence , sont
accompagnées de différences non moins grandes dans
leur forme extérieure et dans leur organisation. Le jeune
animal qui vient de naître ne ressemble en rien à ce
qu'il deviendra plus tard. Sa forme est régulière et sy-
métrique ; son corps est arrondi ou ovalaire; on distingue
en avant trois éminences qui paraissent percées d'autant
d'ouvertures , et on voit en arrière une queue eflilée dont
la longueur varie suivant les espèces. Mème avant que de
se fixer , il commence déjà à changer de forme ; maïs c’est
après qu'il est devenu immobile que ses métamorphoses
sont les plus remarquables ; sa longue queue disparait
plus ou moins complètement; son corps se déforme ;
l'abdomen devient distinct du thorax, et enfin ce n’est
(12)
que lorsqu’ilaacquis une taille assez grande que son ovaire
commence à se montrer. Nos planches pourront donner
une idée de ces changemens successifs.
Les animaux connus sous le nom de Flustres nous ont
paru également mériter de fixer notre attention. De Jus-
sieu, Ellis, Cavoliniet Spallanzani avaient déjà étudié ces
polypes singuliers , mais en les observant seulement lors-
qu'ils sortent en partie de leurs cellules pour étendre
leurs longs tentacules , et sans chercher à connaître leur
structure intérieure à l’aide de la dissection. D’après
cet examen superficiel, on avait été conduit à regar-
der les Flustres comme des Polypes très-simples et sem-
blables aux Hydres, c’est-à-dire, ayant pour organe
unique une couronne de tentacules surmontant une ea-
vité digestive creusée dans leur parenchyme , et commu-
niquant au dehors par une seule ouverture qui aurait ser-
vi en même temps de bouche etd’anus. Depuis l’époque où
ces naturalistes célèbres firent ces observations, on n'a-
vait point acquis de nouvelles connaissances sur l’orga-
nisation des Flustres; aussi, dans les ouvrages les plus
récens et les plus justement estimés , range-t-on ces ani-
maux parmi les Polypes les plus simples, après les Hydres
et les Sertulaires. Mais cette place est assez éloignée de
celle que les Flustres devraient occuper dans la série
des animaux sans vertèbres; car l’anatomie de ces êtres
presque microscopiques nous à fait voir que leur struc-
ture est bien plus compliquée qu'on ne l'avait pensé.
Eu eflet, on pourrait la comparer à celle des Ascidies
composées ; car, dans jes Flustres ainsi que dans ces
animaux, On trouve une grande cavité communiquant
au dehors par une ouverture garnie de tentacules plus
(13)
ou moins développés, un œsophage faisant suite à cette
première poche, un estomac, un intestin recourbé sur
lui-même, et venant s'ouvrir sur les côtés de la première
cavité, enfin un ovaire fixe à l’anse que forme l'in-
testin. Mais on observe chez les Flustres des filamens dé-
liés, fixés en grand nombre autour du commencement
du tube digestif, et rien de semblable n’existe dans les
Ascidies.
Lorsque nous reviendrons sur ce sujet, nous ferons
connaître la structure de ces divers organes; nous dé-
crirons les mouvemens que nous y avons observés , et
nous parlerons des œufs de ces petits animaux; mais ,
pour le moment , nous nous bornerons à renvoyer aux
planches qui accompagnent ce travail; car elles sufli-
sent pour faire connaître les points les plus importans
de l’anatomie des Flustres,
En comparant entre eux , comme nous l'avons fait,
les divers Ascidies composés et les Flustres dont on a fait
des Polypes, on verra qu’ils appartiennent à une même
série, et que le passage des uns aux autres est bien
moins brusque que dans beaucoup de grandes familles
très-naturelles ; mais ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans
tous ces détails. (1)
L'organisation qui est propre aux Ascidies composées
(1) A l’occasion de ce passage sur les Flustres et après que nous eùmes
terminé la lecture de ce résumé de nos recherches, un des membres
de l’Académie ( M. Ducrotay de Blainville }, fit l'observation suivante :
« À la suite du mémoire de MM. Milne Edwards et Audouin , M. de
Blainville annonce qu'ayant eu l’occasion de vérifier une obseryalion
verbale de MM. Desmarest et Lesueur sur les eschares, il s’était non-
seulement assuré que la double ouverture des loges qu’ils lui avaient
indiquée avait licu, mais qu’il avait reconnu en outre que l’organisation
des animaux qui les habitent est heaucoup plus complexequ’on ue le
(14)
et aux Flustres se retrouve aussi, mais avec quelques
modifications, dans certains Polypes nus. Nous avons
constaté que dans plusieurs Vorticelles il existe, au fond
d’une première cavité , un canal intestinal recourbé sur
lui-même , et communiquant au dehors par deux ouver-
tures ; mais ici il n’y a plus d’ovaire séparé du tube di-
gestif, et ce que nous avons été conduits à regardercomme
l’analogue de cet organe n’est qu'un renflement de
l'intestin , dans lequel on aperçoit un mouvement
semblable à celui que nous avons découvert dans l’o-
vaire des Ascidies composées et des Flustres.
En étendant nos recherches aux autres Polypes ma-
rins , soit nus, soit à polypiers, nous avons trouvé que
leur structure est toute différente de celle des animaux
dont nous venons de parler.
Les uns ne nous ont offert qu'une cavité digestive
creusée dans leur épaisseur , ne paraissant pas avoir de
parois propres , et ne communiquant au dehors que par
une seule ouverture ; chez d’autres, au contraire , nous
avons reconnu l'existence d’un tube alimentaire à parois
membraneuses, communiquant au dehors par son ex-
trémité supérieure , et s’ouvrant inférieurement dans
une cavité intérieure où il est comme suspendu , et où
l’on voit aussi un certain nombre de filamens plus ou
moins contournés, semblables à autant d’intestins , et
croyait, comme il le montrerait dans un Mémoire qu’il lirait à une séance
prochaine. » Cette note que M. de Blainville remit sur le bureau de
l’Académie dans la séance du 13 octobre, en réclamant son insertion au
procès-verbal, et que nous transcrivons textuellement, est une confirma-
tion beaucoup plus prompte que nous n’osions l’espérer de la découverte
que nous venions de faire connaître avec assez de détails, pour en
donner une idée précise et pour nous en garantir la priorité.
(15)
fixés à la partie inférieure de la cavité digestive. Le pre-
mier mode d’organisation se rencontre dans les Sertu-
laires. dans certaines Vorticelles et dans plusieurs autres
Polypes figurés dans notre atlas. Le second que M. Cuvier
avait déjà indiqué nous a été offert d’abord par les Al-
cyous à polypes ou Lobulaires, et se retrouve encore dans
les Gorgones, les Pennatules, les Verétilles, les Cornulai-
res, etc. Enfin la comparaison de cette structure avec celle
des Acalèphes fixes fait voir que tous ces animaux consti-
tuentune série continue , etqu'ils se dégradent en présen-
tant des modifications à peu près semblables à celles que
nous avons signalées en étudiant les Ascidies , les Flus-
tres , etc.
Des êtres que la plupart des auteurs rangent égale-
ment parmi les polypes, mais dont l’organisation est
toute différente, les Eponges, se trouventaussi en grande
abondance aux îles Chausey. Nous en avons étudié at-
tentivement la structure au moyen du microscope, et
cu même temps que nous avons vérifié l’exactitude de
plusieurs observations intéressantes de M. Grant , nous
avons acquis des données nouvelles dont on sentira l’uti-
lité pour la classification de ces corps , auxquels on peut
à peine donner le nom d’animaux.
Le genre Alcyon renfermait autrefois les Ascidies com-
posées, les Lobulaires et une foule d’autres êtres qui
n'avaient de commun qu’une consistance plus ou moins
charnue et des formes mal déterminées. M. Savigny a étu-
dié avec un soin minutieux la structure d’un grand nom-
bre de ces animaux, et les a retirés du genre Alcyon ;
mais il en reste encore plusieurs qui ont conservé
ce nom, et sur l’organisation desquels nous avons pres-
(16)
que tout à apprendre. Nos recherches sur ce sujet feront
voir que, dans quelques cas au moins , il n’existe pas plus
de Polypes ou d'animaux semblables dans ces masses
que dans les Eponges, et que les fonctions qu'ils exécu-
tent sont du même ordre.
Des corps très-singuliers que nous avons trouvés fixés
sur les rochers à des profondeurs assez grandes , et dont
toute la surface est recouverte d’une croûte siliceuse
épaisse, doivent aussi être rangés dans la famille des
Spongiaires. Leur tissu se compose de spicules de silice
cristallisée dont la forme varie suivant les espèces, et d’une
substances organique qui ne paraît être qu'un amas con-
fus de globules d’une petitesse extrême. La forme des élé-
mens qui constituent la croûte extérieure varie aussi ; tan-
tôt ce sont des spicules, d’autres fois des grains ovoïdes de
matière siliceuse. Enfin, dans la plupart des espèces ,
cette croûte présente des ouvertures de deux ordres, en
communication avec les canaux ou lacunes intérieures ;
les unes , petites , servent à l'entrée de l’eau ; les autres,
d’un diamètre beaucoup plus considérable, ne livrent pas-
sage qu'aux courans qui sortent de la masse. Ces produc-
tions, qui tiennent à la fois de la nature organique et inerte,
nous paraissent devoir constituer un genre nouveau, VOi-
sin des Éponges. Nous y reviendrons lorsque nous expo-
serons avec plus de détaïl nos observations sur ces corps.
Plusieurs naturalistes habiles ont cherché à constater
si les Éponges sont douées ou non de la faculté de se
contracter, mais les résultats de leurs observations sont
contradictoires. En étudiant les Eponges proprement
dites, nous n’avons rien aperçu qui puisse justifier l'opi-
nion de ceux qui regardent ces masses à peine animées ,
( 17.)
comme étant douées de contractilité. Au contraire ;
nous avons reconnu que les observations de M. Grant
étaient parfaitement exactes. Néanmoins Marsigli et Ellis
ont peut-être réellement vu les mouvemens qu'ils attri-
buent aux oscules des éponges, mais seulement dans
un genre voisin, celui des Théties et non dans les
Éponges elles-mêmes. En effet, dans ces corps singuliers
dont le noyau est siliceux , et dont la structure se rap-
proche de celle des productions semi-spongiformes,
semi-siliceuses dont nous venons de parler , il existe
aussi à la surface des ouvertures servant à l’entrée et à la
sortie de l’eau. Lorsque la Thétie est placée dans un vase
rempli d’eau de mer qui se renouvelle continuellement,
et qu'on la laisse péndant long-temps parfaitement tran-
quille, on voit distinctement toutes ces ouvertures qui
sont béantes, et on aperçoit les courans qui les tra-
versent. Mais si l’on irrite l’animal ou qu'on le retire de
l’eau pendant un instant, les courans se ralentissent ou
s'arrêtent, et les oscules, ei se contractant d’une ma-
nière lente et presque insensible fnissent par se fermer
presque complètement. x,
Dans notre voyage nous n'avons pas négligé l’étude des
Acalèphes libres ; dans une de nos planches on voit les
détails de l’organisation du Béroé, animal voisin des Mé-
duses , mais dont la cavité vasculo-digestive est pourvue
de deux ouvertures , disposition dont nous ne eonnais-
sons aucun exemple dans cet ordre de zoophytes.
Les Acalèphes fixes nous ont offert plusieurs espèces
nouvelles ou mal connues. Il en à été de même pour les
genres Planaire, Siponcle, Holothurie , etc. Enfin l'étude
des Mollusques, des Annelides, et surtout des Crustacés
XV. 2
(18)
microscopiques de Chausey nous a fourni des résultats
qui mériteront de fixer l'attention; mais les bornes
étroites de ce résumé ne nous permettent pas de nous y
arrêter pour le moment.
D’après ce court exposé de nos recherches sur les di-
vers animaux marins dont se compose la classe des Po-
lypes, on voit que leur organisation présente les diffé-
rences les plus grandes, différences que nous rapportons à
quatre types, et que l’on pourrait prendre pour base
d'autant de familles naturelles. L'une de ces divisions
comprendrait les Éponges , les Théties et tous les corps
qui semblent jouir d’un premier degré d'animalité sans
présenter cependant de traces d'animaux, en un mot
tous les Spongiaires. La seconde famille serait formée
par les Polypes fixes soit nus , soit à polypiers, dont
la cavité digestive a la forme d’un cul-de-sac creusé dans
la substance même de leur corps; c’est-à-dire, les Hy-
dres , les Sertulaires , plusieurs Vorticelles , etc. Notre
troisième division renfermerait les Polypes dont le corps
est creusé d’une cavité au milieu de laquelle est suspendu
un canal digestif membraneux, communiquant au de-
hors par une seule ouverture , et portant à son extrémité
inférieure des appendices ayant la forme de petits intes-
tins et paraissant remplir les fonctions d’ovaires. On y
rangerait les Alcyons à polypes ou Lobulaires, les Gor-
gones, les Pennatules, les Vérétilles , les Cornulaires , etc.
Enfin notre quatrième famille renfermerait les Flustres,
et les autres polypes dont le canal digestif communique
au dehors par deux ouvertures distinctes, et dont l’orga-
nisition se rapproche de celle des Ascidies composées.
Dans les Mémoires que nous aurons bientôt l'honneur
(r1gr)
dé présenter à l’Académie , nous traiterons successive-
vement de chacune de ces familles , et nous ferons con-
naître tous les détailssur lesquels repose ‘cet essai des
classifications (1). |
Mémoire sur la constitution géognostique du bas-
sin et des environs de Narbonne ;
Par M. Touexaz fils, Pharmacien.
( Présenté à l’Académie royale des Sciences. }
Au moment où l’on agite plus que jamais la question
de savoir si les derniers dépôts qui ont recouvert la sur-
face du globe ont été ou non déposés universellement
avec les mêmes caractères et par les mêmes causes, j'ai
cru que la description détaillée d’un bassin du- midi de
la France pourrait offrir quelque intérêt, et répandre
quelque lumière sur des questions qui, tous les jours,
semblent se compliquer.
Personne n'a encore nié qu'il existät un grand rap-
port dans les différens systèmes de couches composant
les terrains de sédiment supérieurs les plus éloignés , du
moins dans notre continent ; et les travaux de plusieurs
Géologues n’ont , depuis quelque temps, d’autre but,
que de faire la Géognosie comparée du nord et du midi
de la France. Nous devons à ces recherches une foule
de descriptions du plus grand mérite ; et il est résulté, de
tous ces travaux, que les terrains postérieurs à la craie
(x) Depuis la lecture de ce Mémoire nous avons appris que M. Grant
s'était également occupé de recherches sur ïes Flustres et que sur plu-
sieurs points ses observations coïncidaient parfaitement avec les nôtres
Nous ferons connaître ce travail dans le Mémoire où nous traiterons avec
tous les développemens convenables de l’organisation de ces animaux.
(20)
ont, dans plusieurs localités, les mêmes caractères :
mais il ne me paraît nullement prouvé que les différens
systèmes qui les composent, aient été déposés simulta-
nément et universellement. Quelques idées théoriques,
que je me hasarde de soumettre à votre jugement, feront
mieux comprendre mon opinion à cet égard (rt).
Sans vouloir donner la préférence à une théorie plutôt
qu'à une autre, ni expliquer si la mer a successivement
diminué de niveau , ou bien, si des catastrophes l'ont
amenée là où nous trouvons les traces irrécusables de son
séjour primitif, il me paraît que tous les bassins ont été
primitivement des caspiennes plus ou moins grandes,
suivant les localités.
Ce fait admis , il me paraît prouvé que suivant qu’il
sera arrivé, dans tel ou tel bassin , des alluvions entrai-
nées par les eaux douces , il se sera formé, dans le sein
même des eaux salées, des terrains d’eau douce , et
que , plus les alluvions auront été fortes, plus les forma-
ions d’eau douce auront dû se développer. Au contraire,
là où les alluvions étaient peu fréquentes, les terrains
marins auront pris plus de développement. De ces deux
causes sera résultée l'alternance des formations marines et
d’eau douce, qui fait le caractère des terrains de sédi-
ment supérieur (2).
(1) Croyant la théorie que je vais émettre tout-à-fait nouvelle, beau-
coup trop dépourvue de preuves, et peu confiant dans mes travaux, j’en-
voyai à M. Marcel de Serres , qui m’honore de son amitié, une analyse
détaillée des idées qui en font la base. À ma grande satisfaction, il |
me répondit que M. Constant Prévost et lui avaient déjà émis la même
opinion, Les travaux des deux géologues que je viers de citer ne devant |
pas être entièrement semblables aux miens, j'ai cru devoir exposer
sommairement quelle était ma manière de voir.
(2) Les coquilles pélagiques que l'on trouve au milieu des terrains |
(21)
Si l’on suppose maintenant, et l'examen des faits
paraît le confirmer , qu’il soit arrivé dans différens points
d’un même bassin plusieurs grands fleuves , et que les
alluvions que l’un d’entre eux laissait déposer, aient
alterné un grand nombre de fois avec les formations
marines , que les alluvions déposées par les autres aient
pris un développement beaucoup plus grand , on verra
que les formations que l’on considérait comme premier
et deuxième terrain marin, premier et deuxième terrain
d’eau douce, ont pu se déposer simultanément, et peu-
vent alterner entre elles.
Il est difficile de ne pas voir là la manière dont se
sont déposés tous les terrains tertiaires. Le bassin de
Narbonne en offre des applications remarquables, que
je me propose de développer dans la suite de ce Mé-
moire. Mais, comme ces mers avaient entre elles peu
de communication, et que les causes agissantes va-
riaient à chaque localité, ainsi que leur température
et leur degré de salaison , leurs caractères ne peuvent
être constans et moins encore umversels. Nous ne
devons donc pas être surpris de voir les terrains
de sédiment supérieur varier à chaque localité, puis-
qu'ils n’ont pas été déposés par une cause unique et
générale.
Tous les Géologues qui ont fait des terrains tertiaires
une étude spéciale, savent combien ces terrains sont
compliqués, combien les formations qui les composent
sont diversifiées et difficiles à circonscrire, surtout Lors-
d’eau douce et leur parfaite conservation , comme aussi les coquilles
fluviatiles que l’on trouve au milieu des formations marines, £n sont la
preuve la plus évidente.
( 20 )
que plusieurs termes de la série géognostique, étant peu
développés, viennent à se rencontrer et à se confondre :
il n’est pas inutile de faire remarquer que c’est dans de
pareils accidens , que l’on observe le plus fréquemment
un mélange de coquilles pélagiques et fluviatiles; c'est
en effet ce que fait pressentir la théorie. Cependant,
comme tous ces terrains ont été déposés dans le mème
liquide, et que des alluvions d’eau douce sont venues pres-
que partout recouvrir les formations marines, il n’est
pas étonnant qu’on leur trouve de l’analogie.
L'identité ou la non identité de composition des bassins
tertiaires provient donc , d’après moi, si elle est parfaite
(ce qui est rare ou ce qui n’existe pas), de ce que les
bassins étaient contigus et soumis aux mêmes causes ; si
leur composition est analogue , cela dépend de ce que Îles
bassins étaient voisins et également soumis à ces mèmes
causes (alluvions); si, au contraire, elle est dissemblable,
cela provient decequ’ils sont éloignés et queles alluvions
ont augmenté la série des terrains dans l’un, tandis qu’elles
ont été nulles ou presque nulles dans l’autre. Enfin , lob-
servation comparéedeleurgrandeuretde leurplusoumoins
grande élévation, jointe à quelques autres causes de pure
localité, sufira pour donner la théorie de la bizarrerie
des terrains qui nous occupent. Au reste, tous ces faits ne
seraient qu’un développementde cetteloi: Plus Les forma-
tions sont anciennes, plus elles paraissent avoir été
déposées par des conditions semblables, et plus elles
offrent de l’analogie partout où on les a observées ; et
vice versà, plus elles sont nouvelles , plus elles varient
d'un lieu à un autre.
Les volcans qui agissaient pendant que le deuxième
<
(25)
terrain d'eau douce se déposait (1) pourraient bien ; par
leurs commotions qui devaient se faire ressentir à de
grandes distances, avoir bouleversé quelques couches des
environs de Narbonne. Nous reviendrons d’ailleurs sur
ces causes , qui méritent la plus grande attention.
Tous les terrains de sédiment supérieur de nos envi-
rons , comme en général tous ceux du midi de la France,
paraissent s'être déposés assez rapidement , ou du moins
les espèces fossiles que l’on tw'ouve dans ces terrains,
n’ont nullement été changées dans leur type, et se sont
conservées avec les mêmes caractères pendant l’espace de
temps nécessaire, pour que tout un sysième de terrain
se déposàt: quelques espèces se retrouvent même indif-
féremment dans les deux terrains marins et dans le terrain
d’eau douce intermédiaire (2) ; ce qui sert encore mieux
à prouver qu'ils ont été déposés à des époques très-rap-
prochées ; c’est que souvent, tous les termes de la série
’ a 1 A ®
géognostique d’une même formation alternent , et que ce
(1) On voit, dans lesenvirons de Pézenas des couléesjimmenses pro-
venant des volcans voisins, alteruer avec les couches du sysièmc supé-
rieur du deux ème terrain d’eau douce.
(2) Le terrain marin inférieur, par exemple (1) ,offre: l'Ostrea cras -
sissima , l'Ostrea longirostris , l'Ostrea virginica , les Lutraires, les
Balanes, etc. , ete. , avecles mêmes caractères dans tous les difléreus
systèmes de ce terrain. Les mêmes espèces de plantes se trouvent aussi
dans les marnes et les ÿypses qui forment le système moyen et inférieur
du deuxième terrain d’eau douce ( marnes calcaires eundurcies fissiles
d’Armissan , sypses marncux de Malvezi).
» 5; /
(1) Je mesuis servi et je me sers encore ici des diyisions établies par MM. Cuvier
et Brongniart, bien qu’elles ne paraissent pas s'appliquer exactement au terrain
que je décris,
( 24)
phénomène s’observe dans les couches supérieures et
inférieures.
Avant de finir la partie théorique de ce Mémoire, je
dois dire un mot du gisement des mammifères fossiles
que renferment les terrains tertiaires du nord et du
midi de la France. Ces espèces sont-elles mortes plus
tard dans le Midi, en raison de la différence qui existe
dans la température , comme le pense un Géologuedis--
üngué ; ou bien, si elles vivaient à la même époque, le
terrain marin supérieur se déposait-il à Montpellier , par
exemple, lorsque la formation gypseuse d’eau douce se
déposait à Paris, puisque ces terrains renferment les
mêmes espèces ? C’est là mon opinion; car, une diffé-
rence si faible de température entre les deux climats
pouvait bien permettre à ces mammifères terrestres de
vivre à Ja. mème époque. D'ailleurs, cette manière
d'expliquer la présence des mêmes fossiles dans des for-
mations regardées jusqu'ici comme de date différente ,
rentre parfaitement dans la théorie que j'ai indiquée
pour la formation des terrains tertiaires.
Il me paraît, d’après ee que je viens de dire, que les
terrains de sédiment supérieur n'étant composés que de
formations d'eaux douces et marines alternant entre elles
un plus ou moins grand nombre de fois, et que ce
nombre d’alternances n’ayant rien de général, les divi-
sions établies pour un bassin comme celui de Paris, ne
sauraient convenir à l’universalité des terrains.
Voici celles que je propose :
19 Terrains d’eau douce déposés dans le bassin de l’ancienne mer,
20 Terrains marins déposés dans le bassin de l’ancienne mer (x).
(x) Les nombreuses alternances de ces deux terrains, pouvant don-
(25 )
Formations produites après la retraite ou l'évaporation
des eaux de l’ancienne mer.
10 Terrains d’eau douce supérieurs.
1° Ancien ( Diluvium).
54 ’alluvi .
ne OUEN { 20 Moderne (_{{luvium).
L'identité des fossiles me paraît seule capable de faire
connaître l’âge relatif et l'identité des dépôts ; et même
encore , il faut bien l'avouer , ce guide trompe souvent,
car non-seulement les mêmes genres, mais les mêmes
espèces se rencontrent dans des formations d’une date
géologique très-éloignée. Bien loin que les caractères
tirés de la superposition et de la nature minéralogique
des roches puisse être de quelque secours, ils feront re-
garder, comme de même date, des dépôts tout-à-fait
différens. Je suis si convaincu de l’importance des fos-
siles , et des causes d'erreur auxquelles peuvent donner
lieu les caractères tirés de la superposition et de la na-
ture oryctognostique des roches, que si l'argile plastique
et les lignites d’un bassin éloigné renfermaient les
mêmes espèces de mammifères fossiles que les terrains
d’alluvion ancien et les cavernes à ossemens du midi de
ner lieu dans le même bassin à trois ou quatre dépôts marins et à
plusieurs terrains d’eau douce, les divisions adoptées jusqu'ici ne
me semblent pas suffisantes, et les conclusions que l’on en avait dé-
duites peu fondées d'autant mieux que ce que l'on considère dans
un bassin comme deuxième terrain marin , sera regardé dans un
autre comme le premier , parce qu’on ne rencontrera pas, de for-
mation marine au-dessous , et cependant ils auront été déposés à la
même époque. Les fossiles ne pouvant servir, comme on le sait, à
caractériser des formations éloignées , la difficulté augmente encore,
et les méprises sont par cela même plus fréquentes.
( 26 )
la France, je n’hésiterais pas à penser que ces deux
termes extrèmes de la série des terrains tertiaires ont été
déposés à la même époque. Un pareil ordre de choses n'a
point encore été observé ; mais la théorie peut le faire
pressentir : et il est infiniment probable que, puisque les
mammifères terrestres et certains mollusques se ren-
contrent à Paris et dans un grand nombre de localités
du S.-0. de Ja France, dans le premier terrain marin
et dans le terrain d’eau douce intermédiaire, tandis qu’il
fautremonterauxterrainsmarinssupérieursetaux terrains
de transport anciens pour rencontrer ces mêmes espèces
dans le midi de la France; il est infiniment probable,
dis-je, que ces terrains ont été déposés à la même épo-
que. S'il était besoin de preuves pour un fait, que l’ex-
posé simple d’une théorie force à admettre, je dirais que
les calcaires d’eau douce supérieurs que l’on éroyait
bien postérieurs au calcaire grossier, existaient cepen-
dant quelque part avant lui, sinon dans le même bassin,
du moins dans quelque localité voisine, puisque M. de
Christol a observé des galets de calcaire d’eau douce su-
périeur empâtés dans le caleaire grossier. Ce seul fait
prouve assez combien est grande l’inconstance des phé-
nomènes géologiques des terrains tertiaires.
Je n'ajouté pas plus d’imporlance à cette opinion
qu’elle n’en mérite; mais j'ai cru qu'à une époque riche
en découvertes positives, on pouvailé avec quelque
chance de succès, hasarder une théorie, et se diriger
vers un but, qui jusqu'ici nous a échappé.
Fidèle à la classification que j'ai indiquée, je parlerai
d’abord des terrains d’eau douce et des terrains marins
déposés dans le bassin de l’ancienne mer; je décrirai
| (27)
ensuite les terrains formés après la disparition des eaux
salées ; et je terminerai par un tableau, où seront indi-
quées toutes nos formations tertiaires dans leur ordre
relatif de superposition et d'ancienneté. Mais, comme le
bassin de Narbonne proprement dit n'offre que très-
peu d’étendue, que les différentes formations qui le
composent sont très-peu développées, et que plusieurs
termes de la série géognostique manquent même entière-
ment , je serai obligé, afin de présenter mon travail sur
un cadre beaucoup plus étendu , et de lui donner toute la
perfection possible, de décrire plusieurs terrains des
bassins environnans, et de comparer leur degré d’an-
cienneté relative avec nos formations. Bien certainement
mon Mémoire ne sera pas exempt de fautes ; de nouvel-
les recherches me mettront à mème d’y apporter quelques
_changemens ; mais j'ose me flatter que les grandes cou-
pes x seront assez bien observées, et que, à part quel-
ques erreurs de détail inévitables au reste dans un pre-
mier Mémoire sur la Constitution géognostique d’un
bassin tertiaire, les grandesydivisions systématiques y
seront assez bien développées. Si l’on veut bien faire
attention que nos terrains sont extrèmement diversifiés
et morcelés, que la craie manque entièrement, que les
coupes naturelles et artificielles y sont d’une rareté
extrême , et qu'aucune observation antérieure n'avait été
faite, on m excusera des inexactitudes qui peuyent bien
m'avoir échappé. Occupé sans relache à étudier le pays
que j'habite, je me trouverai heureux, si, par mes re-
cherches , j'ai pu signaler quelque fait nouveau, et auti-
rer l'attention des géologues sur les environs de Nar-
bonne , déjà célèbres par leurs richesses botaniques.
{ 28 )
Limites du bassin de Narbonne, énumération et carac-
tères des terrains qui en constituent le sol.
Les montagnes secondaires de la Clape formées de cal-
caire-lias, de calcaire jurassique , et de grès secondaire
à Jignites, bornent le bassin de Narbonne au Sud-Est,
et le séparent de la mer. Des montagnes également se-
condaires et qui se lient avec les Corbières , le bornent
au Sud-Ouest : au Nord-Ouest, ce bassin est limité par
les formations secondaires de Bize , qui se rattachent aux
formations de transition de la Montagne noire. Les for-
mations tertiaires de Nissan , le bornent au Nord-Est.
J'aurais pu prendre pour bornes Nord-Est du bassin
de Narbonne, d’autres montagnes que celles de Nissan,
puisqu'elles sont beaucoup plus nouvelles que celles qui
circonscrivent ce bassin. Mais cette limite suflit parfaite-
ment; et, en la prenant un peu plus éloignée, j'aurais
inévitablement jeté de la confusion dans mon tableau des
formations tertiaires , puisque le bassin de Béziers vient
immédiatement après, et que ce bassin paraît avoir
été comblé par des circonstances indépendantes de
celles qui ont comblé le bassin de Narbonne. En effet,
à Béziers , ce sont les formations marines qui dominent:
tout indique que la mer y a séjourné long-temps et avec
calme; que les alluvions étaient extrèmement rares, etque
des causes que l’on pourrait prévoir ont seules fait varier
la nature minéralogique de cetimmense dépôt marin.
Dans le bassin de Narbonne, au contraire , ce sont les
formations d’eau douce qui prédominent: tout y annonce
des alluvions immenses. Le bassin de Narbonne étant
| ( 29 )
bien circonscrit , voyons quels sont les matériaux qui se
sont déposés dans ce vaste golfe , dont les côtes peu éle-
vées étaient presque entièrement formées de calcaire ju-
rassique et de grès vert. Je commence par les plus
anciens.
Premier terrain d’eau douce. :
La série des dépôts tertiaires commence par un grand
dépôt d’eau douce , caractérisé par des combustibles fos-
siles exploités comme mine de houille , renfermant une
infinité de coquilles fossiles, qui ne permettent pas de
douter que ce dépôt ne se soit effectué dans l’eau douce.
Ce genre de terrains a son représentant dans plusieurs
points de la France, aux environs de Soissons , à Paris,
à Montpellier , dans plusieurs endroits de la Provence,
à Saint-Paulet près du Pont-Saint-Esprit, à Cessenon
près Béziers , aux environs de Bordeaux , etc. Mais est-
il bien vrai que les différens systèmes de couches qui,
dans toutes ces localités, composent cette formation , se
trouvent dans les mêmes rapports de position , et soient
de la même date géologique , comme l’assurent plusieurs
auteurs ? Je ne le pense pas. Quoi qu’il en soit, je vais
décrire avec quelques détails , un de ces terrains qui me
parait extrêmement intéressant : ce sera toujours un fait
de plus ; et Les lois générales , but de toutes les sciences
naturelles , ne se déduisent que de l’ensemble et de
l'examen approfondi des faits.
Nous n’avions pas (au moins que je sache) une des-
cripuion des mines de houille de La Caunette (1); éloi-
(1) Entre Saint-Pons et Narbonne, à quatre lieues de chacune de
ces deux viiles.
( 30 )
gnée de la route des observateurs , cette localité avait été
fort peu visitée, peut-être mème ne l’avait-elle jamais été.
Voici, en commençant par le bas, la succession des
couches que j'y ai observées, à l’aide de coupes
artificielles pratiquées pour l'extraction du charbon
fossile (x).
1° Calcaire blanchâtre , horizontal, pouvant, à cause des fossiles qu’il
renferme, être considéré commefaisant partie de la grande formation
oolithique.
2° Argile plastique, schisto-bitumineuse, renfermant du fer sulfuré,
du fer oxidé compacte, et de la chaux sulfatée limpide ( Gypse sélé-
nite).
30 Argile endurcie, alternant ‘avec des schistes bitumineux, pénétrée
de coquilles d’eau douce , parmi lesquelles dominent les genres Unio,
Planorbis , Anodonta, Lymneus, Melanopsis.
4° Calcaire gris, de peu d'épaisseur, rempli de Planorbes , de Lymnés
et de quelques autres coquilles fluviatiles moins abondantes, mais
dont on ne peut reconnaître que les geures.
5e Banc de houille (Lignite) exploitable , parfois mélée de coquilles
d’eau douce très-déprimées.
6° Argile plastique endurcie, bitumineuse, renfermant une grande
quantité de pyrites.
70 Banc de houille exploitable de qualité inférieure , toujours mêlée de
coquilles d’eau douce.
8o Schistes argilo-bitumineux , avec coquilles d’eau douce , dont on ne
peut reconnaître que les genres.
9° Plusieurs bancs parallèles de schistes calcaréo-bitumineux , pen dé-
veloppés.
100 Grès quarzeux, micacé, bleuâtre , d'environ 1 mètre et demi d’é-
paisseur.
(1) M. Narbonne, adjoint à la commune de Bize, directeur et pro-
priétaire des mines de houiïlle de La Caunette, qui a bien voulu me
communiquer des détails fort intéressans, pense que les houilles de
Corbières, d’Ornaison, Tourouzelle, Caraman, etc., ne forment
qu'un seul système , et qu’elles sont du même âge que celles de la Cau-
nette. IL me semble cependant qu’elles sont plus anciennes.
(1300)
119 Pierre calcaire bleuâtre , dépourvue de fossiles, alternant avec des
grès quarzeux et quelques petites veines de houille de qualité très-
inférieure.
120 Poudingue calcaire à fragmens ovalaires.
13° Grès entièrement analogues à celui cité au no°10.
140 Argile plastique endurcie , bitumineuse , alternant avec des cal-
caires marneux et quelques petites veines de houille non exploitable,
renfermant toujours des coquilles d’eau douce.
Toutes ces couches sont en stratification concordante,
mais interrompue souvent par des failles. On remarque
aussi des sinuosités flexueuses , qui indiquent que le li-
quide qui a laissé déposer ce terrain était extrêmement
agité, et que, pendant ou. après sa solidification, des
commotions violentes sont venues le bouleverser.
Les mines de houille anciennement exploitées à Bize,
offrent , à peu de chose près, la même succession de cou-
_ches et les mèmes fossiles ; aussi je n’hésite pas à les
ranger dans la même classe.
Il existe fort peu de terrains dans les environs de
Narbonne, qne l’on puisse rapporter au premier terrain
d’eau douce. Cependant les assises inférieures de la for-
mation gypseuse de Malvezi et l'argile bitumineuse
de Fleury ( près la Clape) me semblent avoir avec lui
de très-grands rapports.
Deuxième terrain d'eau douce.
Ce dépôt, qui a la plus grande analogie avec la for-
mation gypseuse de Paris et d'Aix en Provence, a com-
blé presque entièrement le bassin de Narbonne : nous
verrons plus tard que les terrains marins n'occupent en
général que le haut des collines.
(32)
Quatre principaux systèmes de couches composent
cette formation. La plus inférieure , entièrement formée
de marnes et de gypses, n'offre presque pas de débris de
corps organisés. M. Leufroy y a cependant signalé quel-
ques débris de végétaux indéterminables. Les localités ,
les plus favorables pour l’étude de ce terrain , sont Mal-
vezi et Védilhan. Il y existe de belles coupes destinées à
l'extraction du gypse. Dans la première de ces localités ,
une coupe arüficielle, d'environ 70 pieds, montre cette
plâtrière divisée en deux parties par une grande diago-
nale; l’une en stratification concordante , à strates incli-
nés de l'Est à l'Ouest , d’un angle d'environ 6 degrés,
et l’autre bouleversée de mille manières. Je vais décrire
les couches qui les constituent.
19 Argile endurcie bitumineuse , renfermant du soufre concrétionné. ?
20 Gypse marneux exploitable, se recouvrant, par son exposition à
l'air, de soude sulfatée.
30 Argile calcarifère bleue.
4o Marne argileuse feuilletée, grisâtre , avec quelques cristaux de chaux
sulfatée lenticulaire.
5o Gypse sélénite marneux , fissile , exploitable.
60 Alternance de marne jaune et de gypse sélénite cristallisé confusé-
ment.
7° Argile calcarifère bleue ; à fragmens polyédriques , pénétrée de fer
sulfuré en décomposition , et se recouvrant, par son exposition à
l'air, de fer sulfaté.
80 Marne argileuse jaunâtre, feuilletée, avec quelques cristaux de gypse
sélénite.
Toutes les couches de cette formation dégagent par le choc une
odeur très-sensible d'hydrogène sulfuré.
La seconde platrière de Malvezi et celle de Védilhan
LA 4
que j'ai citée plus haut, n'offrent rien de bien remar-
(3)
qüable; seulement à la plâtrière anciennement exploitée
à Védilhan, le gypse renferme quelquefois de petits
grains de soufre , et est recouvert par un calcaire marin.
Après ce dépôt gypseux, mais dans une localité un
peu éloignée , paraît s'être déposée une marne d’eau
douce , remarquable surtout par les nombreux débris de
plantes qu’elle renferme. On y découvre quelques pois-
sons du genre cyprin, et quelques coquilles bivalves
dont il n’est resté que le moule intérieur : ce sont des
Syrènes et des Cyclades.
Je me dispenserai de donner la description de ce ter-
rain, parce que vraisemblablement M. Ad. Brongniart
la donnera dans son Ouvrage sur les végétaux fossiles.
Je me contenterai d'indiquer les principales plantes
qu’il a observées dans une suite d'échantillons que je lui
ai envoyés, provenañit des carrières d’Armissan, petit vil-
lage à deux lieues de Narbonne, où ce terrain donne lieu
à une exploitation de dalles pour le pavage en grand (1).
Il est curieux de voir quelle était la Fiore des envi-
rons de Narbonne, à une époque où l’homme et les
principaux animaux qui l’accompagnent n'avaient pas
encore paru sur la terre.
Au-dessus de ce dépôt , qui s’est très-peu développé ,
vient un troisième système de couches , qui a son repré-
sentant dans plusieurs points éloignés du bassin de Nar-
bonne. Je citerai les principales localités où je l’ai ob-
servé , en commençant par Ârmissan, parce que , dans
(r) D’autres échantillons et un examen plus atlentif m’ayant fourni
des résultats plus précis que ceux indiqués par M. Tournal, d'après une
note que je lui avais communiquée anciennement, je donnerai une note
sur ce sujet à la fin de ce Mémoire. An Broxc.
XV. 3
(34 )
cette localité, il paraît directement recouvrir, par une
de ses extrémités, les marnes impressionnées qui , à elles
seules , constituent tout le second système.
Le calcaire d'Armissan, qui est blanchâtre, paraît
recouvrir immédiatement les assises supérieures du lias ,
et a été déposé sur une petite colline qui court de l’est
à l’ouest, à gauche du village, à côté du chemin. Il se
divise en masses schisteuses , parallèles à l’inclinaison
des couches , et peut facilement être pris pour le calcaire
oolithique. Ses caractères m’avaient d’abord induit en
erreur ; mais un examen approfondi fait voir qu'il re-
pose sur les marnes d’eau douce d'Armissan, et qu’il
renferme des Planorbes , des Lymnées, des Physes, des
Mélanopsidesetautres coquilles fluviatiles : on yremarque
aussi ces cavités sinueuses remplies de terre, qui carac-
térisent si bien certains calcaires d’eau douce.
On retrouve le mème calcaire à Sigean , au Pech de
l’Agnèle , à Ricardelle , Fleury , Salle, Moussan et Ce-
leyran. Dans plusieurs de ces localités, il alterne avec
des argiles calcarifères, et passe ainsi au système
de couches suivant, qui se trouve d’une simplicité
extrème.
Le dépôt d'argile calcarifère rouge, qui constitue le
quatrième terme de la grande formation d’eau douce, est
si répandu aux environs de Narbonne, qu’on ne saurait
creuser un puits sans le connaître. Long-temps j'avais
eru qu'il avait été déposé par les eaux salées; mais de
nouvelles considérations me font pencher à croire qu’il
est le résultat d’alluvions d’eau douce. Il faut cependant
l'avouer, il serait difficile de prononcer d'une manière
péremptoire.
(35)
En effet, ces argiles ne renferment pas de fossiles ;
elles se lient dans le bas avec les calcaires de la forma-
üon d’eau douce , et alternent avec eux; dans les cou-
ches supérieures , au contraire, elles se lient avec un
dépôt marin, et alternent avec des calcaires pénétrés de
coquilles marines. Les exemples de ces argiles sont si
nombreux, que je n’éprouve que l'embarras du choix.
Je citerai les localités qui me paraissent les plus instruc-
iives.
À Malvezi, on les voit recouvrir directement la for-
mation gypseuse, et passer insensiblement de l’une à
l’autre dans les couches supérieures. Cette argile se
trouve mêlée à des cailloux de quarz roulés, et passe à
un véritable poudingue argileux.
En quittant Malvezi, et se dirigeant vers Védilhan et
Moussan , on voit les argiles alterner avec des calcaires
évidemment d’eau douce , et passer à plusieurs reprises à
un grès argileux friable.
Les argiles reparaïssent encore à Moussan avec tous
leurs caractères, dans un grand développement. Elles
forment des collines assez élevées, dont les parties supé-
rieures sont recouvertes par des calcaires d’origine ma-
rine , qui alternent avec les argiles.
On les retrouve encore à Lebrettes , à la Coupe, au
rech de Beyret, à Celeyran, à Ornaisons, à Cruscades,
à Lésignan. Dans cette dernière localité, les couches su-
périeures renferment de grandes huîtres pressées les unes
coutre les autres , et parfaitement conservées. L’Ostrea
crassissima et l'Ostrea canalis y sont les plus abon-
dantes.
(36)
Les argiles calcarifères rouges sont, dans plusieurs
endroits , exploitées pour la poterie commune.
Formation marine.
Dans les environs de Narbonne, un calcaire marin
recouvre presque toujours les argiles ou les sables. Nous
venons même de voir que souvent il offrait une véritable
alternance. Ce calcaire très-peu développé s’observe
pourtant à Creissel, où il est exploité comme pierre de
taille, Il est caractérisé par de nombreux débris de co-
quilles marines, dont il n’est resté que les moules inté-
rieurs. Les genres Pecten, Mytilus, Turitella, Ostrea ,
Balanus, Anomia, Cardium, Pyrula, Pectunculus ,
Cytherea, Cerithium , Natica, rca, Venericardia , y
sont les plus abondans. On y remarque aussi des débris
de mammifères et de crustacés. À Sainte-Lucie, le cal-
caire marin a pris un développement beaucoup plus
grand. Les genres Ostrea et Balanus ÿ dominent. On y
trouve aussi le genre Scutella. Marcorignan offre aussi
un calcaire marin quarzeux qui paraît se lier avec celui
de Moussan et de Creissel , et avoir été déposé à la même
époque géologique. Fleury (Zas Bugadelles ) offre aussi
une exploitation de calcaire marin tertiaire.
Si la formation marine de Narbonne se trouve ainsi
très-simplifiée et ne consiste qu’en un dépôt marin, il
n’en est pas de même dans quelques localités voisines; à
la Vernède, par exemple ( Roco traoucado) , trois prin-
cipaux systèmes de couches composent cette formation ,
et l’ordre de leur superposition est analogue à celui des
formations marines de Béziers , Pézenas et Montpellier.
(37)
Ce sont d’abord des sables micacés , passant quelquefois
à de véritables grès ; vient ensuite un banc de calcaire
marin , et des argiles calcarifères bleues , effervescentes.
Ces trois couches alternent souvent entre elles , et ren-
ferment à peu près les mêmes fossiles qu’à Creïssel ; seu-
lement on y observe de plus des bancs intercalés de
grandes Huîtres et des concrétions sableuses, perpendicu-
laires à l’inclinaison des couches, et que l’on peut faci-
lement prendre pour des débris de végétaux dicotylé-
dons (exogénites).
Il c$t arrivé à la Vernède ce qui arrive toujours,
lorsque plusieurs termes de la série géognostique vien-
nent à se rencontrer dans un espace très-circonscrit :
toutes les couches de grès, de calcaire et d'argile alter-
nent entre elles, passent insensiblement de l’une à l’au-
tre, et quelquefois mème se confondent. Ce dépôt ma-
rin parait n'être qu'une continuation des formations
marines de Béziers. Seulement, le calcaire et les sables
marins de Béziers renferment une grande quantité de
Lutraires. Dans ses couches les plus inférieures , le cal-
caire marin de Béziers (/es Bergines ) renferme une
assez forte proportion de fer silicaté, qui donne à la
pierre un aspect verdatre. En cela , il se rapproche des
couches inférieures du calcaire grossier parisien. Mais,
ce n'est là qu'un accident minéralogique , qui ne peut
rien faire préjuger sur l’époque géologique dc ces deux
bassins ; je n’y attache pas la moindre importance
(.38 )
Formations lacustres produites après la disparition des
eaux de l’ancienne mer.
Ces formations se composent de marnes calcaires avec
du silex meulière, de calcaire sédimenteux, et des terrains
d’alluvion. La première de ces deux formations n’a été
jusqu'ici observée qu’à la Roco traoucado, près la Ver-
nède. Elle consiste en un banc très-incliné de silex meu-
lière d'environ un pied à un pied et demi d'épaisseur ,
recouvrant immédiatement les grès de la formation ma-
rine précédente. Ce silex, entièrement dépourvu de
fossiles, est ordinairement bleuâtre , demi-transparent,
quelquefois entièrement opaque , à cavités irrégulières ,
ne communiquant pas entre elles, et offrant, dans leur
intérieur , de la silice blanche fibreuse, ayant tous les
caractères des ponces. On n’y remarque ni cristaux de
quarz, ni calcédoines mamelonnées, qui , dans le bas-
sin de Paris, signalent les meulières du calcaire sili-
ceux. Quelquefois ce silex est entièrement pénétré
de chaux sulfatée laminaire limpide. Un grand dépôt
de marne calcaire rougeâtre, d’environ 30 mètres
d'épaisseur , recouvre ce banc de silex et occupe l’extré-
mité de la montagne. Cette marne renferme de ja chaux
sulfatée fibreuse et du gypse sélénite: je n’y ai pas encore
observé de fossiles.
Je ne connais que deux localités où l’on puisse obser-
ver le calcaire sédimenteux qui forme la deuxième de
nos formations lacustres. À Bise, près les moulins, il
consiste en un calcaire très-léger, ayant conservé la
forme des végétaux qu’il a incrustés ; ce qui lui donne
uue structure tubuleuse : 1l n'est pas recouvert, et re-
[l
( 39 )
posesur la grande formation oolithique. Le mème calcaire
existe à Ferrals, et avec les mêmes caractères physiques:
les tubulures sont remplies de terre provenant de la dé-
composition des végétaux qu’il a incrustés : il donne
lieu à une exploitation de pierre connue sous le nom de
turet. J'y ai observé quelques empreintes de feuilles
et quelques Æélix indéterminables. Ce calcaire rem-
plit le bas des vallées de Lésignan , de Ferrals et de Fabre-
san. Quelquefois il ne se montre qu’en couches très-
minces, seulement de quelques lignes d'épaisseur, et
occupant toute la surface de la plaine; de telle sorte
qu'il suffit de traverser la terre végétale pour le ren-
contrer. On dirait qu'il est le résultat de l’évaporation
d’un liquide tenant en dissolution les parties calcaires :
il repose sur de l'argile calcarifère rouge. Quel-
quefois ce dépôt est recouvert (1) par un calcaire caver-
neux, dur, à structure cristalline, ayant ses cavités
remplies de terre renfermant des Planorbes analogues au
Planorbis rotundatus, des Paludines voisines de la Pa-
ludina obtusa, et des Lymnés. Au reste, tous les fossi-
les que l’on trouve dans cette formation peuvent, se
rapporter à des espèces actuellement existantes. Les
environs de Montpellier offrent un terrain analogue; il
parait mème qu’on peut lui assimiler, ceux de Ja plaine
qui sépare Rome des montagnes de Z'ivoli.
Ce n’est qu'avec une extrême réserve que je basarde,
comme on peut le voir dans le tableau, une division
pour les terrains d’alluvion. Je vais contre toutes mes
idées théoriques. Mais cette division , comme toutes cel-
(x) Ferrals sur la rive d’Orbieu, Les environs de Liourade.
(40)
les que j’aï établies dans le courant de ce Mémoire , ne
peuvent servir qu’à classer les terrains du bassin de Nar-
bonne ; elles seraient insuffisantes, si l’on voulait en faire
l'application à d’autres localités.
Les terrains d’alluvion anciens sont très-développés
dans le bassin de Narbonne; il y existe plusieurs coupes
de cette formation : je vais en citer quelques-unes.
Le rech de Beyret. Les galets et les cailloux roulés,
qui composent le terrain d’alluvion de cette localité,
sont ordinairement de calcaire marneux, de grès vert et
de quarz laiteux : on y observe aussi quelques fragmens
roulés de roches primitives , tels que des diabases por-
phyroïdes , des gneiss, des micaschistes (mais ils y sont
rares ). La coupe du terrain d’alluvion ancien du rech de
Beyret , ainsi que celie qu’on observe sur la route de
Coursan, n’offrent pas les galets, les cailloux roulés ,
et les sables qui le composent, déposés dans leur ordre
de gravité spécifique, On voit, au contraire, en l’exa-
minant avec attention, que ce terrain est le résultat
d’une foule de dépôts successifs , et que, par cette raison,
1i paraît avoir été déposé avec les mêmes circonstances ,
et par les mêmes causes que le terrain d’alluvion
moderne.
Il existe encore de belles coupes de terrains analogues
à Cruscades près d’Orbieu, à Ferrals sur la route de
Fabresan, et à Bise. Dans cette dernière localité, les
galets sont beaucoup plus volumineux ; on y observe
aussi beaucoup plus de débris de roches primitives.
Le terrain d’alluvion qui a rempli les cavernes à os-
semens paraît être beaucoup plus nouveau, et n'avoir
pas été amené d'aussi loin que celui que je viens de
C9",
décrire ; il est, en général , formé par du limon rouge,
et du limon noir pénétré de galets à demi roulés de cal-
caire marneux et de grès vert. On y observe aussi des
fragmens de quarz pyromaque ; quelquefois même (et
ce phénomène paraît dépendant de la position et de la
forme des cavernes) on y trouve, en quantité prodi-
gieuse, des ossemens de toute espèce, mêlés à des coquil-
les terrestres. Les cavernes à ossemens de Bise, que jai
décrites dans le tom. 12 des Annales de Sciences natu-
relles, offrent un des exemples les plus remarquables
de ce genre de terrain, et sont une des curiosités natu-
relles les plus intéressantes de notre département. Je
m'abstiendrai de donner une théorie sur la cause qui peut
avoir amené ces ossemens dans ces cavernes : toutes
celles qu'on a données jusque aujourd'hui, ne satisfont
pas parfaitement l'esprit, et l’on peut y faire de nom-
breuses objections. Dans le doute, il vaut mieux s’en
tenir au simple exposé des faits.
Tableau des formations tertiares du bassin de Narbonne, dans
l'ordre de leur superposition.
vo
— Terre végétale.
mm
— Terrain de transport et sables de
la Méditerranée.
mm
Terrain de transport ancien à
ossemens ( cavernes ).
— Terrain de transport ancien sans ®
ossemens.
Formations produi-
tes après la disparition
des eaux de l’ancienne
mer.
— Calcaire-tuf (Travertin ).
Calcaire caverneux.
ES
— Marnes calcarifères avec gypse
fibreux.
— Silex meulière.
ss +
— Grès et sables.
— Calcaire-moellon.… Formation marine.
— Marres bleues.
ES
— Argile calcarifère. Alternance des for-
mations marines
— Calcaire d’eau douce , caractérisé
ë je t et d’eau douce.
ar de nombreuses coquilles ter-
J restres et fluviatiles.
Formations dépo-
sées dans le bassin de
l’ancienne mer. — Gypses marneux.
— Marnes impressionnées.
Formation
d’eau douce.
pente ntm nes CRE RER
— Grès.
— Poudingues.
— Lignite exploitable.
— Argile plastique , schisto-bitumi-
neuse.
EEE meet)
Calcaire jurassique ;
(43)
Norice sur les Plantes d'Armissan, pres
Narbonne ;
Par M. AnozPnEe BroNantraArT.
Nous devons à M. Tourval, pharmacien à Narbonne,
beaucoup d'échantillons intéressans de plantes fossiles
trouvées dans le deuxième terrain d’eau douce d’Armis-
san, près Narbonne (1). Ces plantes généralement bien
conservées ont pu dans la plupart des cas être déter-
minées avec assez de certitude , et leur ensemble nous
fournit une des flores locales les mieux connues parmi
celles dont les terrains de sédiment supérieurs recèlent
les débris; il n’y a en eflet que les terrains de lignite de
l’Allemagne occidentale qui présentent un nombre peut-
être encore plus considérable de plantes fossiles bien
caractérisées ; nous allons énumérer méthodiquement
les espèces trouvées dans les marnes d’Armissan, en
ajoutant quelques remarques sur les espèces qui ne sont
pas encore décrites.
MOUSSES.
1. Muscires Tournazn (Hist. des végét. foss. Tom. 1,
p- 93, PL. ro, fig. 1, 2.)
C’est la seule espèce connue de mousse fossile bien ca-
ractérisée ; quoique les échantillons que j’en aï vus fussent
dépuurvus de fructification, on ne peut douter de leur
(1) Voyez le Mémoirc précédent pour ce qui a rapport à la position
géologique de ce terrain.
(44)
analogie avec les plantes de cetie famille; ils se rappro-
chent surtout de l’hypnum riparium.
EQUISÉTACÉES.
Equiserum BrAcHyopon, nob. (Hist. des vég. foss.,
Dotr4 Pl Rre, He IT. 12.
Le fragment de cette plante que j'ai vu est parfaite-
ment semblable à ceux trouvés dans le calcaire grossier
de Mont-Rouge près Paris.
FOUGÈRES.
Frricrres roLvsorrrA. Cette plante singulière ne peut
rentrer dans aucun des genres que nous avons établis
parmi les fougères fossiles, d’après la considération de
la forme des feuilles et de la disposition nervures, car
sa fronde est complètement déformée par la présence de
fructifications qui la couvrent de petites grappes ana-
logues à celles des Osmunda, et surtout du genre Po-
lybotria. Va forme des capsules est trop peu nette
pour qu'on puisse reconnaitre avec certitude leur struc-
ture; elle ressemble cependant davantage à celle des
capsules de la tribu des Polypodiacées.
Le nom spécifique que nous avons adopté rappelle en
même temps un des genres les plus analogues à cette
plante fossile , et la disposition des fructifications en pe-
lites grappes nombreuses.
CnaraAc£es. M. Tournal m'écrit qu'il a trouvé des
graines de Chara bien caractérisées , et des tiges analo-
gues à celles de ces plantes, dans les marnes d’eau douce
(C4)
qui recouvrent les lignites de Cabesac près Bise (dépar-
tement de l’Aude. )
Ces graines sont fréquentes daus plusieurs autres ter-
rains d’eau douce de ce département , et le même géo -
logue les a observées dans les terrains d’eau douce d'Aix
et de Saint-Paulet en Provence.
Je n’ai pas encore pu comparer ces fossiles avec ceux
du même genre trouvés aux environs de Paris eten An-
gleterre , de manière à pouvoir déterminer si ce sont les
mêmes espèces.
LILIACÉES.
SMILAGITES HAstTATA. La plante que nous désignons
sous ce nom ne nous est connue que par une feuille
très-bien conservée , qui rappelle d’abord en beaucoup
plus petit celles des Sagittaires ; mais un examen plus
approfondi montre qu’elle en est très-différente. Les
deux lobes qui la terminent inférieurement sont diver-
gens et arrondis , tandis que dans les feuilles de toutes
les Sagittaires ces lobes sont très-aigus; cette différence
est plus importante qu'on pourrait le penser, parce
qu'elle est liée à la disposition des nervures dans les
feuilles de ces plantes. Les nervures latérales des Sagit-
taires se recourbent en arrière pour aller se terminer
dans ces lobes postérieurs qui finissent par cette raison
en pointe ; dans la plante fossile ; au contraire, les ner-
vures latérales ne font que se recourber dans ces lobes
et se portent ensuite dans le lobe médian. Cette disposi-
tion est parfaitement semblable à celle des nervures des
feuilles du Smilax aspera , et l’analogie la plus frap-
pante existe entre les feuilles de cette plante et l’em-
( 46 )
preinte d’Armissan , jusque dans les plus petits détails
des nervures.
Cependant la disposition des nervures dans les T'amus
et dans plusieurs Dioscorea pourrait produire une
forme analogue, et nous n’avons pas cru pouvoir déter-
miner avec certitude le genre Smilax d’après ce seul
caractère, Nous avons , par cette raison, indiqué cette
plante sous le nom générique de Smilacites, qui indique
seulement ses rapports intimes avec les Smilax.
CONIFÈRES.
Pinus Pseuno-Srrosus. On a trouvé, dans la localité
dont nous décrivons les fossiles végétaux , des rameaux
dépourvus de feuilles , des feuilles fasciculées , des cha-
tons males et des graines qui appartiennent très-pro-
bablement tous les quatre à une mème espèce de pin.
Les feuilles et les chatons sont les parties les plus ca-
ractéristiques ; les feuilles paraissent réunies 5 par 5
dans la même gaîne, caractère, qui comme on sait, ne
se présente que dans un très-petit nombre d'espèces
vivantes ; ces feuilles ont une longueur considérable,
25 à 30 centimètre environ , caractère qui les fait res-
sembler à celles du Pinus maritima, et qui paraît dis-
tinguer cette espèce des autres pins à cinq feuilles , tels
que le P. strobus et le Pinus cembra ; nous n’avons pas
pu le comparer avec le Pinus occidentalis de Saint-Do-
mingue, ni avec le Pinus excelsa du Népal qui offre
le même caractère.
Les chatons mâles sont bien conservés ; nous en avons
vu deux échantillons qui, d’après la différence de leur
QU
taille et de la forme des anthères, paraissent se rapporter
à deux espèces différentes; le plus grand ‘échantillon
analogue sous plusieurs rapports aux chatons du Pin
maritime appartient probablement à l’espèce dont nous
venons de décrire les feuilles.
La graine que nous rapportons à ce même arbre est
assez grosse et surmontée d’une grande aile oblique.
Taxrres Tournai. Cette espèce, et quelques autres
que nous rapportons au même groupe, ne nous sont
connues que par la forme et la disposition de leurs
feuilles sur les rameaux; ces empreintes rappellent au
premier aspect les jeunes rameaux de plusieurs genres
de conifères , tels que les Sapins, les Ifs, les Cyprès
chauves , les Podocarpus ; mais un examen plus attentif
fait bientôt remarquer un caractère qui distingue les
Sapins des trois autres genres. Dans ce genre, les feuilles
sont insérées en spirale double , dont chaque tour pré-
sente 4 feuilles , de sorte que ces organes sont insérés
sur 8 rangs assez réguliers ; dans les trois autres genres
au contraire les feuilles forment une seule spirale de 8
feuilles qui fait trois tours avant de se terminer par une
feuille (la neuvième) qui est exactement au-dessus
de la première; les feuilles paraissent par suite de ce
mode d'insertion presque éparses ou disposées sur
trois rangs peu réguliers ; elles sont beaucoup plus es-
pacées que sur les Sapins, et déjetées plus complète-
ment sur deux lignes opposées.
Cette disposition se présente très-distinctement, non-
seulement dans l'espèce fossile qui nous occupe, mais
aussi dans plusieurs empreintes des lignites d'Allemagne,
( 48)
dont le Phyllites abietina (Deser. géol. des env. de Paris,
p- 362, pl. 11, fig. 13) est nne espèce. Comme le carac-
tère qui les distingue des Sapins n’est pas propre au seul
genre T'axus, mais se retrouve aussi dans les Zaxo-
dium, et les Podocarpus , nous donnons à ce groupe le
nom générique de Taxites qui rappelle celui du genre
analogue le plus nombreux et le plus anciennement
connu (1).
L'espèce trouvée par M. Toural , et à laquelle nous
donnons le nom de ce jeune et zélé géologue, se dis-
tingue des autres espèces par ses feuilles plus courtes et
plus larges , un peu lancéolées , aiguës ; elle se rapproche
par ses caractères du Z'axus canadensis. On aperçoit ,
vers l’extrémité d’un des rameaux, un petit bourgeon
arrondi , analogue aux fleurs femelles des Ifs,
AMENTACÉES.
Carpinus MACROPTERA. Une impression très nette
d’un fruit accompagné d’une grande bractée trilobée, ne
laisse aucun doute sur l’existence d’une espèce du genre
Carpinus dans ce terrain.
Tous les caractères extérieurs sont les mêmes que ceux
qu’on observe dans ce genre; la forme seule de la brac-
tée présente quelques légères diflérences spécifiques ;
c'est-à-dire que ses lobes latéraux sont plus longs par
rapport au lobe moyen que dans le Charme ordinaire
(Carpinus betulus) , et sont arrondis à leur extrémité.
Une feuille trouvée dans le même terrain ressemble
(1) Voyez, sur ces espèces de Conifères, notre Prodrome d’une |
Histoire des Végétaux fossiles, p. 88. A Paris ; 1898 , chez Levrault.
(49) |
beaucoup à celles du Charme ; mais n'en ayant vu qu'un
dessin qui m'a été envoyé par M. Tourmai, je ne puis
dire si elle est tout-à-fait identique , ou si elle offre quel-
ques différences.
BeruLa pryAnum, J'ai observé, sur plusieurs échantil -
lons des marnes d’Armissan, de petites graines ou plutôt
de petits fruits qui présentent tous les caractères essen-
tiels de ceux des Bouleaux. Ces fruits très-petits, fusi-
formes, sont bordés d’une large aile membraneuse et
surmontés: de deux styles divergens ; la forme des ailes
membraneuses, qui sont un peu plus étendues vers le
bord supérieur , distingue seule cette espèce fossile des
Bouleaux vivans avec lesquels j’ai pu la comparer.
OMPTONIA ? DRYANDRÆrOLIA. [l existe une analogie
bien singulière entre les feuilles de cette plante fossile
et celles de plusieurs espèces de Dryandra, genre qui ne
croit maintenant qu’à la Nouvelle Hollande. Mais, mal-
gré cette analogie, je nai pu me décider à rapprocher
cette plante d’un genre aussi complètement exotique, si
je puis m'exprimer ainsi; et, comme cette feuille présente
également des rapports nombreux avec celles du Compto-
. nia aspleniifolia, genre dont il existe déjà une espèce fos-
sile dans les terrains de lignites de l'Allemagne ( Comp-
tonia acutiloba, Nob. Prodr.Hist. veg. foss., p. 135), j'ai
préféré la placer pour le moment dans ce genre. Je re-
marquerai aussi que les plantes de ce terrain et en géné-
ral celles des terrains tertiaires d’eau douce ont beaucoup
de rapports génériques avec celles qui croissent dans le
nord de l'Amérique , ainsi que le prouve la grande
XV. Â
(50)
quantité de Conifères , d’Amentacées , de Noyers, d'E-
rables , qu’on observe dans les lignites et dans les terrains
d’eau douce; il est donc plus naturel de rapporter cette
plante à un genre de l'Amérique septentrionale qu'à un
genre de l’Australasie dont on n’a retrouvé jusqu’à pré-
sent aucune plante dans les terrains de sédiment supé-
rieurs.
Cette feuille longue , presque linéaire , aiguë, est pro-
fondément pinnatifide , à lobes très-réguliers, presque
triangulaires et aigus. Chaque lobe est traversé par deux
à trois nervures parallèles, naissant de la nervure
principale, et réunies par de petites nervures réti-
culées ; tous ces caractères se retrouvent également dans
les Comptonia et dans les Dryandra; mais cette feuille
paraissait épaisse et coriace comme celles des Dryandra,
et non pas mince et membraneuse comme celles des
Comptonia; en outre sa forme étroite.et très-allongée, et
celle des lobes latéraux triangulaires et aigus ressemblent
d’une manière singulière aux feuilles de plusieurs es-
pèces de Dryandra. Je présume que la plante de Hæœring |
en Tyrol, figurée par M. de‘Sternberg sous lenom d’Asple- |
niopteris Schrankii, estla mème que nous venons de dé- |
crire. La figure est trop imparfaite pour qu'on puisse dé- |
cider cette question sans voir les échantillons, maïs l'ana- |
logie de cette plante avec notre Comptonia acutiloba, que
M. de Sternberg place également dans son genre Æsple- |
niopteris, rend la chose probable. |
Outre ces espèces déterminables, trouvées à Àrmissan ,
on y a découvert plusieurs familles dicotylédones qu’il ne
nous est pas possible jusqu'à présent de rapporter à des
genres ou à des familles déterminés ; quelques-unes de
EE (Hs)
ces empreintes ont une analogie plus où moins intime
avec les plantes de nos climats, c’est-à-dire de l’Europe
ou de l'Amérique septentrionale ; quelques autres , au
contraire, s’éloignent de toutes les plantes connues dans
ces régions ; mais des matériaux plus complets sont né-
cessaires pour que nous puissions chercher à arriver à
leur détermination.
Les espèces que nous avons pu déterminer jusqu’à ce
moment semblent indiquer une flore analogue à celle des
régions boisées du nord de notre hémisphère, dans la-
quelle les Conifères et les Amentacées prédominent ,
comme on le voit encore dans nos forèts et dans celles du
nord de l'Amérique.
EXPLICATION DE LA PLANCHE III.
Fig. 1. Chaton male du Pinus pseudo-strobus.
Fig. 2. Chaton male d’une autre espèce de Pinus.
Fig. 3. Graine du Pinus pseudo-strobus.
Fig. 4. Rameau du T'arites Tournalii. A. Feuille grossie.
Fig, 5. Fruit grossi du Betula dryadum.
Fig. 6. Fruit du Carpinus macroptera et du Betula dryadum, de gran-
deur naturelle.
Fig. 7. Feuille du Comptonia dryandræfolia. A. Portion grossie de cette
feuille.
Fig. 8, Feuille du Smilacites hastata.
(52)
Mémoure sur les attributions. des principaux
organes cérébraux ;
Par M4 C. Girou DE BUzAREINGUES,
Correspondant de PAcadémie royale des Sciences.
“
Je his avoir l'honneur d'entretenir l’Académie de
quelques observations sur les attributions du cerveau et
du cervelet.
Pendant que de célèbres physiologistes interrogeaient
la nature et lui arrachaïent d’importans secrets par de
brillantes expériences, je l’observais de mon côté, et
j'en obtenais aussi quelques révélations. C’est en 1819
et 1820 que , vexé des pertes nombreuses que la maladie
des agneaux, connue sous le nom de tournis, me faisait
éprouver sur un troupeau de mérinos , je pris le parti ;
voulant en connaître l’origine ou la cause , de faire l’au-
topsie de tous les animaux atteints de cette maladie.
C’est au commencement de 1821 que j’ai publié dans
la Feuille villageoise de l'Aveyron les faits suivans :
1° le tournis est déterminé par le ténia globuleux qui
ronge l’encéphale des agneaux ; 2° le développement de
l’hydatide esten rapport constant avec l’âge de l'agneau;
3° le nombre des agneaux atteints du tournis est en rap-
port avec celui des mères affectées d’hydatides dans les
viscères abdominaux; 4° lorsque le cerveau est endom-
magé, l’agneau cesse de vouloir suivre, et, lorsque c’est |
le cervelet, il veut, mais ne peut pas suivre. D'où Fai
déduit : 1° que la naissance de l’hydatide date de la for-
mation de l'embryon ; 2° que c’est de sa mère que l’a-
(93)
gneau recoit le ténia; 3° que le cerveau est l'organe excita-
teur des mouvemens volontaires ; mais je n'ai pas compris
d’abord pourquoi la lésion ducervelet étaitsuivie dudésor-
drede ces mouvemens. Ce n’est que trois ans plus tard que
j'ai appris, avec une agréable surprise , que la nature s'é-
tait expliquée à M. Flourens comme avec moi ; mais je
n’ai pu encore comprendre l'influence de l’ablation du
cervelet dans le désordre des mouvemens. Jai trouvé
une sorte de contradiction à supposer que ce désordre
dût être rapporté à l’organe qui est l'instrument de la
volonté de laquelle naissent les déterminations coordon-
nées , et que les mouvemens dussent leur coordination
à celui qui est étranger à la détermination dont ils sont
le produit.
Le cervelet peut être une cause occasionelle de la
liaison ou de l’enchaînement des mouvemens , et c’est
sans doute en ce sens que l’on doit prendre la solution
proposée par M. Flourens; mais il ne saurait en être la
cause efliciente, et les rapports de cette cause avec cet
effet sout encore indéterminés. Ils ont été pour moi l’ob-
jet de recherches dont j’apporte aujourd’hui, avec une
extrème défiance de moi-même , les résultats à l’Aca-
démie.
Mes découvertes ne sont ni nombreuses, ni impor-
tantes , et ce n’est pas d'elles seulement qu’il sera ques
tion dans ce Mémoire. Il s’agit de compléter la chaîne
des rapports, et c’est autant dans les faits connus que
dans de nouveaux faits, que j'ai tàché d’en découvri:
d’inaperçus.
A des connaissances triviales , à des découvertes qui
ne m'appartiennent point, j'unirai quelques observations
(54)
qui me sont propres, et peut-être aurais-je l'avantage de
rendre douteux si des faits en apparence contraires se
critiquent réciproquement , s’ils ne peuvent et ne doi-
vent mème exister ensemble.
Les phénomènes sur lesquels M. Flourens vient d’ap-
peler récemment l'attention , annoncent des rapports
qu’on ne soupçonnait pas ; mais peut-être un jour lui
fourniront-ils à lui-même le moyen d’enchaîner d’au-
tres phénomènes au système de la vie.
Les expériences de M. Magendie m'offraient le fil qui
devait me conduire dans le labyrinthe; mais on saisit
quelquefois tard les rapports les plus simples. Les nerfs
sensitifs tactiles se rendent au cervelet , et les nerfs mo-
teurs au cerveau. C’est donc par le cervelet que le cer-
veau a la connaissance des mouvemens qu'il a produits ,
et des relations de notre corps avec les corps que nous
touchons ou qui nous supportent; car nous ne savons
rien que par la sensation. Or, ne serait-ce pas au défaut
de cette connaissance dans l’ablation du cervelet que
nous devons attribuer le phénomène qui nous occupe?
Si je me sers d’une jambe endormie , je ne sens pas
que cette jambe me supporte, et la crainte de tomber
m'invite à m'aider de mes mains. Si celles-ci étaient
aussi engourdies, je ferais en sorte de me laisser tomber
doucement, de peur d’une chute prompte; et si, étant
tombé , je ne sentais pas la pression du sol sur la partie
de mon corps qui le toucherait, je me retournerais d’un
autre côté : j'emploierais successivement mes bras et mes
jambes pour me soutenir; je m'’agiterais enfin en tout
sens, parce que je ne me souviendrais jamais d’avoir
senti de la résistance.
(55)
Jai vu un agneau affecté d’une hydatide dans le cervelet
longer constamment les murs ou les haies qui étaient à
sa gauche, comme s’il eût voulu s'en faire un appui
dans sa marche , qui était interrompue par de fréquentes
chutes de ce côté.
Un dindonneau m'a offert , en 1827, le sujet d’une
autre observation qui s'accorde assez bien avec ces idées.
Dans la partie antérieure de son cervelet était un tu-
bercule du volume d’un gros pois; l'oiseau n’était bien
que couché sur le ventre. Dans cette position, il saisis-
sait avec prestesse le pain ou les grains qu’on lui présen-
tait ; mais, si on le levait sur ses pattes , il portait rapi-
dement , comme s’il eût craint de choir en avant, la
tète et le corps en arrière ; il reculait ensuite, comme
s’il eût craint de choir en arrière, et ses mouvemens
dans cette direction étaient de plus en plus précipités ,
jusqu'à ce qu'il tombät. Etait-il tombé , il agitait les ailes
et les pattes, et n’était tranquille qu'après qu'on l'avait
remis sur son ventre.
Encore plein du souvenir de ce dindonneau, j'ai vu
un poulet qui offrait les mêmes symptômes, et j'ai
demandé la permission d’en faire lautopsie; mais le
propriétaire de celui-ci s’y est opposé, et m'a dit qu'il
n'était ainsi que parce qu'on venait de lui donner du
vin pour le fortifier ; et en effet cet état a disparu avec
l'ivresse.
Dans le sacrifice de plusieurs poulets naïssans , com-
mandé par mes recherches sur la reproduction , j'ai ré-
pété les expériences sur la lésion du cervelet , et j'ai dé-
terminé souveut des effets analogues à ceux que Je viens
de rapporter.
( 56 )
S'il était vrai cependant que l’ivresse produit , comme
l’a d’ailleurs observé M. Flourens , les mêmes effets que
l’ablation ou la lésion du cervelet, nous-pourrions juger,
par ce qui se passe chez l’homme dans l’état d'ivresse,
de ce qui se passe chez les animaux dans la suppression
du cervelet. Or, les sensations de l’homme ivre sont très-
obtuses, et il en perd aisément le souvenir, ou plutôt il
n’en a pas la conscience : si l’on tire des coups de
pistolet à ses oreilles, il croit entendre dans le loin-
tain les explosions d’une fête de village; si on lui
assène un coup violent , il croit que c’est une plaisante-
rie, eLil s’en fâche à peine ; si c’est une blessure profonde
qu’il reçoit, il se plaint d’avoir été égratigné; il cher-
che et il perd l'équilibre, parce qu’il ne le sent pas; il
porte son corps, tantôt en avant , tantôt en arrière, et
enfin il se précipite pour s’éviter de tomber.
Mais il serait permis de douter si le cerveau est tota-
lement étranger à cet état. Il se pourrait que dans li-
vresse il perdit une partie de sa puissance d'excitation ,
tani sur les sensations que sur les mouvemens. La dis-
position au sommeil , la lenteur et la faiblesse des mou-
vemens , et l’incohérence des idées, doivent tout au
moins laisser de l'incertitude là-dessus. Mais il est un
autre ordre de faits qui nous est fourni par les divers
états du sommeil, et qu'il peut être utile de con-
sulter.
Le sommeil est complet lorsqu'on ne se meut pas,
et qu'on n'a ui sensation , ni idée ; il est incomplet , soit
lorsqu'on agit ou qu’on fait des combinaisons intellec-
tuelles , comme dans Je somnambulisme , soit lorsqu'on
éprouve les sensations plus ou moins incohérentes des
( 57.)
songes. Dans le sommeil complet, le cerveau et le cer-
velet sont endormis ; dans le sommeil incomplet, si l’on
fait abstraction de cet état de demi-repos, où ni l’un ni
l'autre organe ne veille ni ne dort, un seul est
endormi et l’autre est éveillé. Tâchons de déterminer le-
quel des deux est éveillé, soit dans le somnambulisme,
soit dans les songes les plus incohérens, et nous aurons,
si je ne m’abuse, jeté quelque jour sur leurs attributions
spéciales.
Dans le sommeil déterminé par l'ivresse , le cervelet
est certainement endormi, et le cerveau peut être éveillé.
Or, dans cet état , l’on dort bien, et le sommeil n’est
jamais accompagné de songes : il est aisé à chacun de
s'assurer de ce fait.
Lorsque le vin n’occasionne pas l’ivresse, mais qu'il
excite la gaîté et réchauffe l’imagination, loin de dé-
terminer le sommeil , il éloigne, et c’est alors le cer-
veau qui s'endort le premier. Or, dans cette circons-
lance , les songes commencent aussitôt que le sommeil ,
et ils ne cessent, pour ainsi dire, qu'au moment du
réveil.
Dans le sommeil déterminé par l’opium, le cerveau
est certainement endormi, d’après les belles expériences
de M. Flourens, et le cervelet seul peut être éveillé.
Dans cet état, les songes sont très-variés , irès-brillans ,
très-animés. ’
Dans le somnambulisme, le cerveau est éveillé, puis-
que le somnambule veut, agit et suit avec succès le fil
analytique de ses idées. J1 ne sent que les modifications
qu'il détermine par l'attention où qui se rapportent à sa
rêverie , et toute excitation étrangère à la série d'idées
( 58 )
qui l’occupe suflirait à l’éveiller ; il ne voit que les ob-
jets, il n'entend que les discours qui s'associent à ces
idées. Il heurte contre les corps placés récemment sur
ses pas ; il rallume, pour se conduire, la chandelle qu’il
tient en ses mains , quoiqu'une autre l’éclaire ; c’est en
tout point l’homme qui, dans l’état de veille, est plongé
dans une profonde rèverie; 1l est tout entier sous l’em-
pire des associations qu’il excite; son attention est toute
volontaire : elle vient donc du cerveau. Son cerveiet est
endormi , et cependant ses mouvemens sont coordonnés ;
mais, sous les influences d’une attention excessive et
trés-exercée , le plus léger sentiment de ces mouvemens
peut suflire à les coordonner, et ce sentiment peut être
transmis au cerveau au travers du cervelet, sans que les
circonvolutions de cet organe en soient ébranlées, sans
que leurs associations soient éveillées, sans qu'elles y
prennent aucune part.
Si cependant le cervelet est l’unique dépositaire de la
mémoire des sensations, le somnambule n'aura à son
réveil aucun souvenir de ce qu’il a fait durani le som-
meil du seul organe qui pouvait en tenir note : or, c’est
précisément ce qui arrive en eflet.
Dans les songes dont on conserve souvent un parfait
souvenir, le cerveau est endormi, puisqu'on ne peut
produire aucun mouvement volontaire : c’est donc le
cervelet qui est éveillé.
Les songes d’ailieurs sont associés aux modifications
de deux ordres de nerfs qui communiquent directement
avec le cervele : 1° à celles du grand sympathique, qui
préside à la vie intérieure et s’unit aux cordons posté-
rieurs de la moelle épinière, dans les nœuds inter-verté-
(9)
braux , connaissance triviale sur laquelle je n'insisterai
pas ; 2° à celles des nerfs tactiles qui se rendent aussi aux
cordons postérieurs de la moelle épinière. A l’appui de
cette dernière proposition , je rapporterai en peu de mots
quelques expériences que j'ai faites sur moi-même, dans
l'intention de m'assurer si l’homme ne pourrait pas dé-
terminer la nature de ses songes , ce qui ne serait pas
sans utilité pour le bonheur d’une grande partie de la
vie.
Dans une première expérience, ayant laissé décou-
verte pendant le sommeil la partie postérieure de la tête,
j'ai cru me trouver dans une de ces cérémonies religieu-
ses qui se font en plein air. Or, dans le pays que j'habite,
l'usage est, et je m'y conforme, d’avoir presque cons-
tamment la tête couverte , excepté dans quelques cir-
constances assez rares, et au nombre desquelles comp-
tent spécialement ces cérémonies. Jai senti , en m'éveil-
lant, le froid à la nuque, comme je lai senti souvent
dans les scènes réelles dont je venais de voir le ta-
bleau.
J'ai répété cette expérience à plusieurs jours d’inter-
valle, afin de m’assurer si le premier résultat n’était pas
un efet du hasard; la seconde vision a été presqu’en tout
semblable à la première.
Daus une troisième expérience, j'ai laissé mes genoux
découverts , et j'ai voyagé en songe pendant la nuit dans
une diligence. Or, tous les voyageurs savent qu’en voi-
ture c'est principalement aux genoux que l’on sent le
froid pendant Ja nuit. 11 est inutile d'ajouter qu'aucune
de ces visions n’a pu être rapportée aux préoccupations
de la veille ou des jours précédens.
( 60 )
J'ai recueilli d’autres faits analogues qui sont égale-
ment en harmonie avec ceux qu'on trouve consignés
dans les livres de physiologie ; mais, quoique j'aie pour |
but de déduire des songes des vérités importantes , je |
sens que je ne dois pas en entretenir long-temps l’Aca- |
démie:
Je n'ai pas eu, durant le sommeil , la conscience de
ce même froid qui déterminait mes songes. La sen-
sation n’en a pas été perceptible , parce que, le cer-
veau étant endormi, elle a été privée d’un de ses fac-
teurs, l'attention , sans laquelle aucune sensation n’est
perceptible ; mais, comme modification des nerfs qui
viennent de la peau , elle à suffi à éveiller dans le cerve-
let, dont les forces étaient restaurées , celles de ses asso-
ciations immédiates qui avaient été formées dans la plé-
nitude de la faculté sensitive, et celles-ci seules ont été
perçues.
De ces faits, de ces rapprochemens, et du rapport de
développement du cervelet avec le nombre et la variété
des sensations tactiles, aussi constant que celui du cer-
veau avec le nombre et la variété des signes, je déduis |
que le cervelet est l’organe de la mémoire des sensa- |
tions, ou le dépositaire de leurs incohérentes associa- |
tions. |
C’est done par le cervelet que le cerveau est averti des |
mouvemens qu’il a déjà produits, après que la sensation |
première en a été effacée. C’est par lui que le passé de-
vient présent pour le cerveau ; or , pour coordonner une
chose avec une autre , il faut que celle-ci soit réellement
présente, ou que l’on s’en souvienne. Un sculpteur ou
un peintre qu'on séparerait de leur ouvrage par un écran |
(61)
qui leur en déroberait la vue, pourraient-ils faire une
| belle statue ou un beau tableau ? Non, sans doute. Ils
ne pourraient coordonner dans un plan déjà conçu les
| mouvemens de leur main; mais qu’on supprime l'écran,
et ils le pourront à l’instant. Aucun de nous ne pourrait
écrire sans voir : dira-t-on que c’est l’œil qui dirige la
plume ?
La succession ne peut devenir simultanée qu’autant
qu'un organe la recueille , la conserve et la reproduit si-
multanément. Le cervelet est le miroir qui réfléchit vers
le cerveau le tableau des résultats que celui-ci a déjà ob-
tenus de ses excitations , et qui lui est nécessaire pour
coordonner les dernières avec les premières.
Le cerveau et le cervelet communiquent ensemble, et
s’excitent l’un l’autre. Leurs associations respectives
s'associent, se critiquent, s’entr'aident ; l’un des deux
manquant subitement, les associations de l’autre sont
privées tout-à-coup de leur criterium ; elles ne sont plus
soutenues par l'excitation accoutumée de la réaction ; il
y a un vide dans l’enchaînement qui devient une cause
d'erreur ou de désordre , en ce qu’il place l'organe res-
tant dans les cas qu’il représente sous l’état normal.
Le principe de la coordination est dans le cerveau ,
théâtre des associations analytiques des signes, et non
dans le cervelet , où les sensations s'associent dans l’or-
dre qu’elles affectent les sens , c’est-à-dire au hasard; en
sorte que, si l’on pouvait rapporter immédiatement à l’un
de ces organes les fonctions immédiates de l’autre , il se-
rait plus exact de dire que le cerveau règle l'imagination,
qu'il ne l’est dedire que le cervelet règle les mouvemens.
L'un, en effet, contribue à la coordination des images
(62)
reproduites par l'ordre de ses propres excitations , tan-
dis que l’autre ne contribue à la coordination des mou-
vemens que parce qu’il en recueille les effets et en trans-
met le sentiment; d’où il suit que le cerveau peut, en
certaines circonstances (la rèverie , le somnambulisme),
produire des mouvemens réglés sans le concours du cer-
velet, tandis que celui-ci ne peut éveiller que des sen-
satons incohérentes dans le sommeil du cerveau.
Le cervelet est l'instrument du désir ou de la crainte,
comme le cerveau est celuide la volonté (1). Dansles son-
ges , tout ce que l’on désire ou que l’on craint ne manque
jamais d'arriver , à moins qu’un changement de position
ou l'éveil n’en fasse cesser le désir ou la crainte.
Le cervelet n’a aucune influence active sur les mouve-
mens volontaires, puisqu'il ne peut déterminer aucun
mouvement sans le concours du cerveau, lors même que
la volonté de se mouvoir existe (les hémiplégies par lé-
sion du cerveau, les songes ), tandis que l’ablation même
du cervelet n’empèche pas le cerveau d’exciter de nom-
breux mouvemens, tant dans les extrémités pelviennes
que dans les extrémités thoraciques. Ce dernier fait
prouve évidemment que l’hémiplégie déterminée par la
lésion du cervelet doit être rapportée au désordre que
cette lésion oceasione dans le cerveau ou dans la moelle
allongée , et s’il était prouvé qu’elle appartient au cer-
velet même, on ne pourrait y voir que cette influence
extraordinaire que, dans l’état de maladie , des organes
sont susceptibles d’acquérir sur d’autres organes ; car
l’action négative du cervelet ne saurait être naturelle-
ment plus grande dans la lésion que dans l’absence totale
(1) On désire des sensations et l’on veut des actions.
(65)
de cet organe. Or, il n’est aucun membre que le cerveau
ne puisse mouvoir après l’ablation du cervelet.
Le cervelet peut troubler laction du cerveau sur les
membres , puisqu'il se trouve placé sur le trajet de cette
action. On peut en dire autant des tubercules quadriju
meaux et de la moelle allongée ; mais quelle circonstance
pourrait expliquer la nullité de toute action du cervelet,
lors de la lésion du cerveau , s’il était vrai qu’il y eût in-
fluence directe du cervelet sur les mouvemens volontai-
res ? Quelle cause pourrait soustraire au pouvoir du cer-
velet des nerfs qui n’aitendent que la cicatrisation de la
plaie du cerveau pour reprendre leurs fonctions ?
Si les mouvemens des extrémités antérieures sont
mieux coordonnés après l’ablation du cervelet que ceux
des extrémités postérieures , c’est parce qu’ils sont plus
instinctifs ou plus dépendans d’une association immé-
diate , et n’ont pas besoin d’être sentis pour être réglés ,
semblables en cela aux mouvemens d'habitude qu’on
exécute souvent sans attention , sans volonté, et même
contre la volonté. Ainsi la grenouille privée du cervelet
ne sait plus sauter ; mais elle nage, parce que la natation
lui est plus familière que le saut : elle nageait à l’état
de poisson , et par conséquent avant de pouvoir sauter.
L'oiseau a l'instinct de voler, et non celui de marcher:
voilà pourquoi , après l’ablation du cervelet , il fait plus
d'usage de ses ailes que de ses pattes.
Le lapin saute lorsqu'on le blesse au cervelet, parce
que sauter est pour lui une action instinctive.
L'homme mème , dans les hémiphlégies par lésion ou
désorganisation du cervelet, conserve plus de faculté
(64)
motrice dans les bras que dans les jambes, parce qu'il a
plus souvent fait usage des uns que des antres.
Ne serait-ce pas par les influences de l'instinct que,
dans l'ivresse, l’homme tombe en avançant, tandis que
l'oiseau tombe en reculant? L'un a l'habitude de porter
ses jambes en avant, l’autre les porte en arrière, lors-
qu'il vole, ou dans sa plus fréquente manière de se mou-
voir : et les gallinacés domestiques ont spécialement
l'habitude de gratter enarrière.
M. Magendie a vu des animaux privés de cerveau et
de cervelet , se frotter le nez avec leurs pattes, lorsqu'il
était excité par l’odeur du vinaigre.
On a vu des enfans anencéphales exécuter des mouve-
mens insunctifs, prendre et sucer la mamelle.
J'ai vu moi-même un mouton antenais, dont les deux
hémisphères étaient entièrement rongés par une hydatide
énorme, et qui cependant marchait et voyait assez pour
se conduire. J'ai supposé que, dans la progression lente
de la maladie, il était rentré insensiblement sous l’en-
pire de l'instinct, c’est-à-dire de l'association primitive
et immédiate, dans laquelle rentrent si facilement les
reptiles qui vivent et se meuvent long-temps après qu’on
leur à coupé la tête ; et la seule possible aux animaux qui
n’ont pas de cerveau.
Un effet analogue a probablement un pareil prin-
cipe, dans les cas les plus ordinaires du tournis, où un
seul hémisphère est endommagé. L'animal , en ces cas ,
ne perd pas insensiblement l'usage des membres du côté
opposé à cet hémisphère ; et sa maladie , quoique l'ori-
gine doive en être rapportée à l’époque même de sa for- |
mation , reste absolument occulte, souvent jusqu'à l’âge
( 657)
d’un an, et même jusqu’à celui de dix-huit mois ou de
deux ans; et , si elle se manifeste alors brusquement, ne
serait-ce pas plutôt parce que l’hydatide exerce une pres-
sion presque subite sur l'hémisphère sain, qu’à cause de
la privation totale de l’hémisphère attaqué, laquelle est
souvent bien antérieure aux premiers symptômes de la
maladie ? Ces symptômes se montrent lorsque le crâne
de l’agneau cesse de croître; et ils sont long-temps in-
termittens avant d’être continus. Mais l’hydatide peut
se développer sans gêner l'hémisphère voisin , tant que
les limites de l’espace qu’elle occupe s'étendent en même
proportion que son propre volume. {1 n’en est plus ainsi
lorsque cet espace devient constant : alors la pression du
corps, qui ne cesse de croître, devient infaillible sur les
corps contigus. Mais cette pression est plus ou moins
grande, suivant que plus ou moins de sang concourt avec
l'hydatide à remplir la cavité du crâne; suivant que l’a-
gneau fait de l’exercice et porte long-temps la tête basse
pour paître l’herbe courte, ou qu’il est tranquille à la
bergerie et mange au râtelier. Lorsqu'il y a plusieurs
hydatides sur un même hémisphère, la maladie se ma-
mifeste bien plus tôt que par le fait d’une seule, et sous
une bien moindre déperdition, cependant, de la masse cé-
rébrale. Souvent , quoique le cerveau ne soit pas lésé,
parce que l’hydatide a vécu sur les plexus choroïdiens, la
maladie ne laisse pas de se déclarer, lorsque l’époque de
cette pression est arrivée. J’ai vu enfin sur un sujetl’hy-
datide située entre la dure-mère et le crâne. L’hémi-
sphère correspondant était aplati : il avait à peine trois
lignes d'épaisseur, mais il n’était point autrement en-
dommagé ; ilne pesait que cinq à six grains de moins que
F
Le
XV.
(66)
l’autre hémisphère qui avait conservé sa forme naturelle.
Cet aplatissement datait sûrement de la naissance de l’a-
gneau, et peut-être de la formation du fœtus : cependant
la maladie ne s’est encore manifestée qu'à l’âge de dix-
huit mois, etelle s’est manifestée avec plus de violence que
dans les cas ordinaires , peut-être parce que la pression
extraordinaire s’est exercée sur deux hémisphères sains au
lieu d’un seul.
Des observations postérieures à la publication de mes
articles sur le tournis m'ont convaincu que c’est ordi-
nairement sur le côté où est située l’hydatide que l’a-
gneau tourne, et qu'il perd la vue du côté opposé; en
sorte que sa rotation ne peut être rapportée à la faiblesse !
de la puissance d’excitation de l'hémisphère lésé, puis-
que le plus grand cercle est décrit par les membres sou-
mis à l’action de cet hémisphère. Ne pourrait-elle pas
ètre rapportée, avec quelque vraisemblance , à la perte
de la vue, qui fait que l'animal se porte constamment
sur le côté où il voit, afin de s’éviter de tomber du côté
opposé? I1 ne tourne pas dans les cas assez fréquens où
l'hydatide ne prive aucun œil de sa faculté spéciale.
De ces divers faits, je déduis que, dans la plupart des
maladies connues sous le nom de Tournis, le mouton
exécute parfaitement des mouvemens, quoique privé de
l'hémisphère qui y préside dans l’état normal ou de par-
faite santé : mais que l'hémisphère sain préside aux mou. |
vemens des muscles qui lui sont soumis ; jusqu’à ce qu'il
soit troublé dans ses fonctions par la pression inaccou— |
tumée de l'hydatide; et que, si alors la perte apparente de
la volonté devient très-sensible et même complète , c’est
parce que la cause en est subite et ne donne*pas ‘le temps
( 67 )
aux associations immédiates et inslincuves des nerfs sen-
sitifs avec les nerfs moteurs de s'établir et de remplacer
J'association médiate et intellectuelle. Ces deux sortes
d'associations existent probablement ensemble et agis-
sent d'accord, dans les termes moyens de la série ani-
male. Ce n'est pas brusquement qüe l’organisation fran-
chit l'intervalle de Finstinct sans intelligence, à l’intel-
ligence sans instinct; mais leurs rapports étant très-va!
xiables, il devient difficile, impossible peut-être , de
déterminer les phénomènes qui appartiennent à chacune
d'elles, et qui présentent, lorsqu'on les isole , des carac-
tères frappans de bizerrerie et d’inconstance.
L'animal peut se mouvoir d'autant plus facilement
sans cerveau et sans cervelet, qu’il a plus d’instinet et
monis d'intelligence. Mais plus il vit dans l'habitude des
associations intellectuelles , plus sûrement aussi il perd
J'usage de ses membres en perdant son cerveau , et moins
il lui est possible de régler ses mouvemens sans le cer-
velet. L'homme devient ordinairement paralysé ou im-
mobile par la lésion subite et profonde ou par le sommeil
du cerveau. Sa sensibilité tactile devient obtuse, et il n’a
aucun souvenir de ses mouvemens dans la lésion ou te
sommeil du cervelet, tandis que le mouton ne perd dans
| le premier cas que la volonté sociale: : il ne veut plus
suivre, il n’obéit plus à la voix du berger ni au son des
sonnettes ; mais il cherche négligemment sa nourriture ;
et, dans le second.cas , il se tient encore debout; il mar-
che sans tomber dans le pâturage; dans lequel il erre à
Vaventure, etses mouvemens ne sont complètement dés-
ordonnés que lorsqu'il se dirige vers le parc ou vers la
bergerie, lorsqu'il faut obéir au chien ou au berger ;
( 68 )
lorsqu'ils doivent enfin seconder sa volonté sociale où
d'éducation.
Il est donc des monvemens qui sont indépendans da
cerveau comme du cervelet; et ils sont d’autant plus
nombreux, aue l'animal appartient à un ordre de perfec-
tionnement moins élevé, et d'autant plus rares que les
mouvemens déterminés par la volonté intellectuelle de-
viennent plus fréquens. Ceux-ci ne peuvent être réglés
sans l'intervention médiate du cervelet, si ce n’est dans
la plus grande concentration de l'attention et hors de
toute distraction ( la rêverie ou le somnambulisme }). Le
cervelet concourt à la liaison , à la régularité des mouve-
meus, en ce que, étant l’organe de la mémoire des sensa-
tions , il présente au cerveau le tableau qui lui est néces-
saire de ceux qu'il a déjà produits ; mais il n’a sur les
muscles de la vie extérieure aucune action immédiate.
Dans l’état normal et de santé, les actions sont pro-
duites par la résultante de deux forces ou de deux systè-
mes d'association. Dans les maladies ou dans les expé-
riences, une seule de ces forces disparaît souvent , et |
celle qui reste produit des effets plus ou moins surpre-
nans , mais qui peuvent être particuliers à chaque espèce |
et surtout à chaque ordre d'animaux. Ces eflets ne doi-
vent pas avoir entre eux les mêmes rapports que ceux de
l'état normal; et il devient ici trés-imprudent , sijene.
me trompe , de conclure du particulier au général, lors
même que l’on y serait invité par des rapports analogi-
ques d’un autre genre.
Cart
(69)
Sur l’Irritabilité des filets des étamines du
Berberis vulgaris (1) ;
Par H. R. GorprerrT,
On sait depuis long-temps que les filets des étamines
de l’épine-vinette ont la propriété, lorsqu'on les irrite
dans un point déterminé, de se rapprocher du pisul, et
qu'après un certain temps elles reprennent leur pre-
mière position. Ce phénomène était inconnu à tous les
anciens botanistes. Linné et Duhamel du Monceau,
presqu’à la même époque , signalèrent ce fait curieux ,
le premier dans la seconde édition de sa Flora suecica ,
le second dans sa Physique des arbres.
Cavolo (2)répéta ces expériences en Ttalie et remar-
qua particulièrement que les filets des étanrines, même
séparées de la fleur , jouissaient encore de cette faculté.
Mais c’est à Kœælreuter qu’on doit les recherches les
plus étendues sur ce sujet. Il fit, en 1772, des expé-
riences qui ne furent rendues publiques qu’en 1788, et
imprimées en 1790 (3).
Il décrivit avec soin le phénomène, rechercha les
diverses circonstances qui peuvent le déterminer ; il
reconnut le point des étamines qui seul est le siége de
Pirritabilité ; il vit que la plupart des modes d’irritation
portés à un degré suffisant déterminaient ces mouvc-
(1) Extrait du Linnea, juillet 1828.
(2) Discorso della Irritabilita d’alcuni fiori movamente scoperta.
Fiorenz. , 1764.
(3) Nov. Act. Acad. Scient. petropol., tom. vtr, 1790.
(70)
mens, que l’étamine continuait à se mouvoir , même
après qu’on avait enlevé toutes les autres parties de la
fleur; enfin que ces mouvemens n'avaient jamais lieu
sans l'influence d’une cause extérieure , qui était ordi-
nairement dans la nature, l’irritation causée par les in-
sectes qui s’introduisent dans les fleurs.
J. Édouard Smith (1) fixa également son attention sur
cet objet, le 15 mai 1786 , sans connaître les travaux
de Koœlreuter.
Les résultats obtenus par Smith confirmèrent les dé-
couvertes faites par Koœlreuter. Nous ne parlerons ici
que de ceux qui ajoutèrent à la connaissance de l’inté-
ressant phénomène qui nous occupe. Des étamines,
même lorsqu'elles sont détachées, comme la remarque
en avait déjà été faite par Cavolo (1. c.), et des rameaux
fleuris , plongés dans l’eau pendant long-temps, con-
servent leur irritabilité : les fleurs ont cette propriété à
tout âge , aussi bien avant qu'après la fécondation. Dans
des fleurs mème qui étaient à peine épanouies , et dont
les anthères étaient par conséquent encore loin de s’ou-
vrir, les étamines étaient aussi irritables que dans des
fleurs complètement épanouies ; bien plus : dans plu-
sieurs fleurs dont les pétales commençaient déjà à tom-
ber , ainsi que les étamines qui y adhéraient, les étami-
nes qui étaient restées , aussi bien que celles qui étaient
tombées , présentaient autant d’irritabilité qu'aucune de
celles qui avaient été examinées. Lorsque après avoir
coupé les stigmates des fleurs on irritait les étamines,
celles-ci, ne rencontrant plus d’obstacle, se recourbaient
1} Somne Obs. on the irritability of vegetables, in Philos, Trans. M
e |
vol. 78, p. 1, p, 158-165
3 ( 7xa
tout-à-fait de l’autre côté de la fleur. Mes recherches
n’ont pas confirmé cette observation : jamais je n'ai vu
une étamine soumise à l’irritation dépasser le point au-
paravant occupé par le stigmate.
Schkuhr (1)confirma en général les expériences rap-
portées ci-dessus, sans y ajouter de nouveaux résul-
tats.
M. de Humboldt (2)examina le premier l'influence de
l'électricité. IL faisait passer de fortes étincelles électri-
ques à travers les fleurs, au moment où les étamines
excitées par une action mécanique, s'étaient appliquées
contre le pistil. Après avoir subi l'influence électrique ,
les étamines se redressaient, mais on ne pouvait plus
les déterminer à se rapprocher de nouveau du pistil;
elles avaient perdu leur irritabilité.
Rafn employa le galvanisme , maïs sans pouvoir dé-
terminer avec certitude s’il y eut contraction ou non
des fibres des étamines , comme il s'exprime.
J. W. Ritter (3) fit remarquer qu’en touchant les éta-
mines avec des liqnides , même énergiques, comme l’al-
cool, la teinture d’opium , etc., il ne put pas produire
leur contraction ; mais que, lorsqu'il faisait tomber d’une
hauteur peu considérable de la poudre d’étain très-fine
sur les fleurs, les étamines touchées par la poudre se
mettaient aussitôt en mouvement. Les fleurs dorment la
nuit, c’est-à-dire que les étamines et les pétales s’ap-
prochent du stigmaie. En ce qui concerne l’action de
l'électricité, il dit seulement, d’une manière générale,
(1) Handbuch , 1, Th. , p.307.
(2) Uber die gereizle muskel und nervenfaser, 11, p. 193.
(3) Gehlex’s, Journal fur Phys. und Chem., vol. 6, p. 460. (18d8.)
(7 )
qu'il n'a pas observé de différence entre l’irritation opé-
rée avec des corps conducteurs , et celle opérée avec des
corps non conducteurs.
Plus tard , Nasse (1) fit sur l'influence de l'électricité
des observations dignes de remarque. Il résulte de ses
expériences que les étamines sont également mises en
mouvement par le galvanisme, lorsque l’intérieur du
pédoncule est mis en rapport avec le pôle positif d’une
pile assez forte , tandis que le pôle négatif touche l’ex-
trémité du pétale, qui est tournée vers le stigmate ; mais,
pour que l’eflet soit produit, il faut que les étamines
possèdent encore toute leur irritabilité.
Le même auteur examina ensuite l’influence de la cha-
leur (2); après avoir enlevé avec précaution les sépales
et les pétales, il plongeait dans de l’eau chaude les éta-
mines encore attachées à l’ovaire. En les plongeant dans
de l’eau à 10-14° cent., les étamines ne se rappro-
chaïent pas brusquement vers l'ovaire ; elles opéraient ,
au contraire, ce mouvement lorsque, les retirant de
cette eau, on les plongeait dans de l’eau à 32—35° ;
alors ce mouvement se remarquait au moment même de
l’immersion dans l’eau, ou peu de temps après. Les éta-.
mines qui ne s'étaient pas mises en mouvement pouvaient
y être déterminées sous l’eau. Retirées de l’eau , quel-
ques-unes seulement reprenaient leur irritabilité; lors-
que des étamines exposées à la température atmosphéri-
(1) Wersuche uber den einfluss der electricitaet auf die staubfaden
der Berberis vulgaris ; Giberts Annalen , vol. 41. p. 393: (1812.)
(2) Untersuchung uber den einfluss der warme auf die staubfadern
einiger Pflauzen; Reil und autenrieth arch. fur Phys., vol 2, p. 270.
(1815.
(73 )
que de 13 à 15° étaient plongées dans de l’eau à 39°,
elles offraient pour la plupart un mouvement vers l’o-
vaire , au moment de leur entrée dans l’eau ; quand on
les retirait de l’eau au bout d’une minute, il n’y en avait
qu'un petit nombre qui reprenaient leurs propriétés, et
même à un faible degré.
Des fleurs d’épine-vinette plongées dans de l’eau, à
la température atmosphérique, laquelle fut portée insen-
siblement à 37-66° cent. , furent privées de toute leur
irritabilité , et les étamines étaient dans un état d’exten-
sion. L’éther et d’autres liquides irritans produisirent
le même effet , comme je l’ai observé moi-même.( Foy.
plus loin.) Dans ce cas aussi les étamines se précipi-
taient vers le pisul, au moment où elles étaient plongées
dans le liquide : dans des liquides moins irritans, tels
qu'une dissolution de sel commun, ce mouvement
ne s’opérait que quelque temps après.
L'exposé que nous venons de faire des observations
relatives à notre objet me paraît aussi complet que pos-
sible : il n’y a que deux Mémoires que je n’ai pas pu me
procurer ; l’un est de Schrank(r), l’autre est une disser-
tation de Gmelin intitulée de Plantarum irritabilitate.
Mais Smith dit à l'endroit cité que ce dernier ouvrage
ne contient presque rien de neuf; qu'il traite en majeure
partie de plantes sur lesquelles l’auteur n’a pas observé
d'irritabilité.
Toutes les observations que nous venons de rapporter
s’accordent entre elles; il n’y a que celles de MM. Mer-
tens et Koch qui les contredisent. Ces auteurs font la re-
(1) Oberdeutschen beitrage, 1787, p. 109.
( 74 )
marque , dans le deuxième volume de leur Flore d’Alle-
magne, p.603, qu'ils n’ont pas observé d'autre mouve-
ment que la déhiscence élastique des anthères , et qu'ils
n’ont jamais réussi à faire pencher les étamines vers le
stigmate , en les irritant à l’aide d’une aiguille.
Expériences de l’auteur (1).
Le 16 mai et les jours suivans de cette année j’entre-
pris sur l’irritabilité des fleurs d’épine-vinette des expé-
riences dont je ne citerai les résultats qu'autant qu'ils
peuvent être considérés comme neufs. Je ferai remar-
quer d’abord que je me suis avant tout parfaitement con-
vaincu de l'exactitude des observations antécédentes , en
ce qui a rapport au genre de mouvement des étamines , à
la manière de le produire par de fortes secousses, en souf-
flant avec force, surtout à l’aide d’un tube étroit, dirigé
sur un point. Je dois dire, en outre, que j'ai trouvé
parfaitement exact tout ce que les auteurs ont dit sur le
siége uniquede l’irritabilitéàla partie inférieureetinterne
du filet de l’étamine , et sur ce que l'intégrité dela fleur
est absolument indifférente pour la production du mou-
vement. Je dirai de même qu'il fallait tout au plus cinq
minutes pour exciter les étamines à se mouvoir de nou- :
veau après avoir quitté le stigmate.
(x) Ces expériences furent faites à l’ombre, les fenêtres étant ouver-
Les, dans un appartement situé au nord-est.
(959
1. Expériences avec des grappes de fleurs placées
dans diverses dissolutions.
Le 16 mai , à trois heures de l'après-midi , cinq grap-
pes furent mises dans de l'acide hydro-cyanique préparé
d’après le procédé de [ttner, et contenant un et demi pour
cent d'acide pur. À cinq heures , l'acide avait atteint les
fleurs les plus inférieures de la grappe; la couleur verte
du pédoncule et des pédicelles était devenue brune ; les
sépales et les pétales, de couleur jaune, étaient plus
foncés, et toute trace d’ivritabilité des étamines était
anéantie. Avant cette altération des parties , la mobilité
des étamines était encore entière : quant aux fleurs supé-
rieures, elles étaient encore sensibles à toute espèce d’ir-
ritation ; mais, à sept heures et demie, le poison y était
aussi parvenu, et avait détruit leur irritabilité.
Les mèmes phénomènes se remarquèrent dans le
mème ordre, mais seulement après l’espace de cinq heu-
res, sur des grappes qui avaient été placées dans de
l’eau d'amandes amères, préparée d’après la pharmaco-
pée de Prusse (3° édit. ). Il fallut encore plus de temps
pour la production des mêmes phénomènes dans de l’eau
_de cannelle ou d’Æcorus. Dans l’ammoniaque liquide,
dans l'alcool à 80° R., dans l’éther acétique , sulfu-
rique, hydro-chlorique et nitrique, l'huile de lavande,
de bergamotte , de fenouil, de térébenthine , dans l'acide
hydro-chlorique concentré , l’acide acétique , dans une
dissolution de dix grains d’acide tartarique, ces phéno-
mênes se manifestèrent au contraire bien plus tôt que dans
l'acide hydro-eyanique : c’est dans le sulfure de carbone
€ 76 )
qu'ils eurent lieu avec le plus de rapidité : ils étaient déjà
sensibles au bout d’un quart d'heure. La seule diflé-
rence qu’on remarqua fut que, par suite de cette action,
plus prompte et plus énergique, le volume des pédi-
celles devint plus de trois fois plus petit, particulière-
ment dans le sulfure de carbone et dans les huiles vola-
tiles. |
D’autres branches de fleurs que je mis dans une disso-
lution d’opium/{ que j’obtins en faisant digérer dix grains
de cette substance avec une demi-once d’eau), dans des
infusions de noix vomique , d’écorce de fausse angus-
ture, de fèves de Saint-Ignace, de coques du Levant
(composée de deux gros de substance pour deux onces
de liquide), de ciguë (conium maculatum), de bella-
done, de stramoine, de jusquiame (une demi-once de
l’herbe pour deux onces de liquide), conservèrent toute
leur sensibilité tant qu'elles furent fraîches. Il est à re-
marquer que ces branches de fleurs ne se flétrirent pas
plus tôt que d’autres que j'avais placées , pour la contre-
épreuve , dans d’égales quantités d’infusions absolument
innocentes, ou du moins n’agissant pas comme des poi-
sons , comme par exemple des infusions de léontodon, de
tussilage , de chardon bénit (x).
Les dissolutions de sels métalliques produisirent , au
contraire, des effets décidément destrücteurs; elles
étaient absorbées plus ou moins promptement par les
branches , et aussitôt qu’elles atteignaient les fleurs, lir-
ritabilité de celles-ci était anéantie. Voici l’ordre de ces
agens sous le rapport de la rapidité de leur action.
(1) J'espère pouvoir publier prochainement , dans un ouvrage à part,
tous les résultats de mes expériences sur l’action des narcotiques.
= Eu —
(ma
Acide arsénique , deux grains dans un gros d’eau ; dis-
solution où l'acide arsénieux entre pour 11300; dissolu-
tion d’hydro-cyanate de mercure, d’acétate de cuivre, de
nitrate d'argent, de sulfate de zinc, de sulfate de fer,
d’acétate de plomb, d’hydro-chlorate d’étain, qui conte-
naïent toutes deux grains et demi de ces substances dans
un gros d’eau.
Les dissolutions concentrées de sels terreux, tels que
le chlorure de sodium , le sulfate de magnésie, l’hydro-
ferro-cyanate de potasse, produisirent les mêmes effets ,
mais beaucoup plus lentement.
Dans tous ces cas, les réactifs chimiques démontrè-
rent la présence des sels , soit métalliques , soit terreux,
dans la substance végétale. Je remarquai aussi, comme
d’autres auteurs, Schübler par exemple, que ces sels cris-
tallisaient hors de cette substance. Aïnsi, lorsque je sou-
mis à l’action directe du soleil des parties de plantes qui
avaient été plongées dans une dissolution d'hydro-chlo-
rate d'argent, je vis l'argent se réduire promptement.
Sur d’autres plantes je vis la même chose avec l’hydro-
chlorate d’or.
2. Expériences dans lesquelles les étamines d'épune-
vinelle furent mises en contact immediat avec Les
substances.
Je commencai ces expériences par l’eau. Le 17 mai, à
trois heures du soir, nous introduisimes dans une fleur
de l’eau disuilée qui remplissait l’intérieur de la corolle
jusqu’à la hauteur du stigmate. Une partie de cette eau
était sortie de la corolle vers six heures du soir, et lors-
(276)
qu'à cette heure Îles sépales et les pétales s’inclinaient
vers le pisul ou commençaient à dormir, on renouvela
l’eau , de sorte que le lendemain matin la corolle en était
encore remplie. Les étamines qui se trouvaient sous
l’eau furent irritées à sept heures du soir, à neuf heures,
à minuit et le lendemain matin : elles se montrèrent
constamment sensibles. On continua à y mettre de l’eau
jusqu’à la chute des fleurs, qui n’arriva que le 20 au
matin : il n'en était résulté aucun changement dans
l'irritabilité des étamines.
Plusieurs fleurs furent remplies de la mème manière
d’infusions provenant des substances précitées, telles
que l’opium , l’angusture , la noix vomique , la coque du
Levant , la ciguë, la belladone, la jusquiame, le stra-
monium. Ces fleurs ainsi baignées ne conservèrent pas
leur irritabilité aussi long-temps que Îles fleurs précé-
dentes ; mais dans aucune d’elles ceite propriété ne dis-
parut avant vingt-quatre ou trente heures ; elle se con-
serva le plus long-temps dans les infusions de ciguë et
de jusquiame, qui étaient moins foncés en couleur
que les autres. En eflet, des contre-épreuves faites en
même temps avec des infusions de substances contenant
des matières extractives, substances non nuisibles d’ail-
leurs, firent voir que, si les fleurs se flétrissent plus tôt
et perdent par conséquent leur irritabilité, cela dépenddes
subsiances extractives qui, pendant le temps de l’expé-
rience, se déposent sur les parties délicates de Ja fleur, les
tapissentet sont.cause de leur mort plus prompte. Des dis-
solutions de swcylmiue et d’hydro-chlorate de morphine,
dans la proportion d’un grain sur une demi-once d’eau,
introduites dela manière indiquée dans Ja corolle, n’in-
(79 )
fluèrent pas non plus sur lirritabilité des étamines ;
même plongées sous de l'huile grasse d'amandes ( oleum
amy gdalarum pingue ), les étamines conservèrent leur
motilité. Je me servis de ce moyen pour essayer l’action
du phosphore. Six grains de cette substance furent dis-
sous dans une once de cette huile , et introduits aussitôt
dans plusieurs fleurs ; aucune d’elles n’offrit des phéno-
mènes qui pussent porter à admettre l'existence d’une
action spécifique dans le phosphore.
Une goutte d'acide hydro-cyanique, contenant cinq
pour cent d'acide pur, qui fut introduite dans une fleur
le 17 mai à trois heures de l'après-midi, détermina après
dix secondes le mouvement de toutes les étamines vers le
stigmate ; et, à sept heures du soir, on voyait déjà les
efiets de la réaction chimique de l'acide; les glandes à la
base des pétales, qui sans cela ont une couleur rouge,
avaient pris une couleur vermeille ; la conleur jaune des
autres parties de la fleur était devenu plus ou moins
brune ; toutes les parties étaient flasques ; les étamines se
montraient extensibles, mais non irritables. Le lende-
main tous ces phénomènes étaient encore plus marqués,
mais les corolles les plus voisines de celle qui avait été
soumise à l’action de l’acide hydro-cyanique , n'étaient
nullement affectées : l’eflet de cette substance s’étendait
à peine à la partie du pédoncule située immédiatement
au-dessous de la fleur.
Une goutte d’eau d'amandes amères détermina Île
mouvement des étamines au bout d’une minute; l'eau de
capnellier et d’Æcorus eut la même action, mais seu-
lement au bout de quatre minutes, tandis que les liquides
suivans produisirent un effet plus ou moins prompt au
( 80 )
moment même de leur introduction dans la corolle, et
cela dans l’ordre qui suit : le sulfure de carbone, les éthers
sulfurique et acétique, leshuiles volatiles de lavande, de
citron , d’Æ{corus , de térébenthine , d'amandes amères ,
de bergamotte , de fenouil, puis les acides acétique et
hydro-chlorique concentrés, l’acide sulfureux éthéré,
l’éther acétique alcoolisé, l’alcoo!ï à 80° R. , et l'acide
hydro-cyanique déjà cité ci-dessus.
Comme on pourrait objecter que ces liquides ont
peut-être agi mécaniquement par ébranlement, au mo-
ment de leur introduction dans la fleur , je dois faire re-
marquer qu'une goutle tombant de trois pouces sur la
corolle ne produisait point d’eflet : à plus forte raison
n’y avait-il point d’effet mécanique dans les expériences
que j’ai rapportées, puisque tous les liquides mentionnés
furent instillés doucement dans la fleur , immédiatement
au-dessous du stigmate.
Toutes ces fleurs offraient des traces non équivoques
de destruction de leur texture organique; lirritabilité
des étamines était abolie, non pour quelques instans ,
mais pour toujours ; celles mêmes qui avaient été tou-
chées avec les huiles volatiles étaient converties, déjà au
bout de cinq heures, en une masse brunâtre presque
méconnaissable , correspondant pourtant encore à la
forme des corolles ; mais, dans toutes, l’eflei produit se
bornait aux fleurs seules qui avaient subi le contact de
ces agens.
Lorsque des dissolutions d’acide arsénique et d’acide
arsénieux, dans les proportions indiquées ci-dessus ,
étaient introduites dans les fleurs, l’irritabilité de celles-
ei était détruite par Je premier de ces acides au bout de
( 87)
quatre heures . par le second , après six heures : on ne
pouvait se méprendre sur les traces de l’action chimique,
3. Expériences dans lesquelles les fleurs furent
soumises aux exhalaisons des substances volatiles.
Un rameau de fleurs d’épine-vinette, placé dans un
verre d’eau, fut renfermé, le 16 mai, à quatre heures
du soir , dans un vase de verre de la contenance d’une
pinte de Silésie, au fond duquel se trouvaient deux on-
ces d’opium coupé par petits morceaux. D’autres ra-
meaux fleuris furent mis de la même manière en contact
avec les exhalaisons d’égales quantités d’herbe fraiche ,
de ciguë, de stramonium, de belladone, de jusquiame.
Les fleurs d’épine-vinette conservèrent leur force et leur
irritabilité pendant quatre jours, jusqu’à la chute des pé-
tales. Des rameaux fleuris qui n'étaient pas plus déve-
loppés que les précédens, et qui avaient été cueillis en
même temps et sur la mème branche, se flétrirent plus
tôt , quoiqu'ils ne fussent pas renfermés dans des vases
de verre : cela tenait sans doute à ce que l’atmosphère
sèche de l'appartement était moins propre à les entreie-
nir à l’état de fraicheur que l'air humide dés verres dans
lesquels étaient enfermés les rameaux. |
Plusieurs grappes de fleurs d’épine-vinette, également
placées dans un verre d’eau , furent renfermées dans un
vase de verre contenant trois onces, dont le fond était
couvert d’un demi-gros d’acide hydro-cyanique concen-
é( 5 pour 100). Déjà, au bout de trois heures , il y
avait décoloration des parties et perte de l’irritabilité. Les
Sübstances volatiles ci-dessus mentionnées produisirent
XV. G
( 82 )
les mêmes effets, seulement, à des intervalles beaucoup
plus courts et dans l’ordre indiqué; mais lirritabilité
n’était pas abolie avant qu'il n’y eût des traces visibles
de destruction de la texture organique.
De petits morceaux de camplire même paralysèrent la
motilité , mais seulement après un espace de temps plus
long (de huit à douze heures), et aussi avec des signes de
destruction.
Je ne puis m'empêcher de signaler ici un fait que je
n'ai observé, à la vérité, que trois fois, et que je ne rat-
tacherai pas, pour cette raison, à la suite de mes obser-
vations avant de l'avoir répété. De petits morceaux de
camphre furent placés, le 19 mai à huit heures du ma-
tin, sur trois fleurs, mais non dans leur intérieur. À
midi , les étamines n'étaient plus irritables ; le camphre
fut éloigné, et à quatre heures du soir l’irritabilité était
revenue. J'ai fait les expériences suivantes sur l’action
des vapeurs de mercure métallique. Un rameau, garni
de feuilles et de fleurs, placé dans un verre d’eau, fut
renfermé le 21 mai, à six heures du matin, avec deux
onces de mercure métallique, dans un vase de verre de la
contenance d’une pinte. Le soir, les feuilles et les fleurs
offraient déjà des taches brunes; du 22 au matin jusqu’au
23 à midi, la plupart des feuilles étaient tombées. Le
tour des étamines vint ensuite; mais elles conservaient
encore, au moment de leur chute, toute leur irrita-
bilité,
4. Influence du défaut de lumière.
Un rameau dont les fleurs venaient de commencer à
h:7 . » ,
s'épanouir fut placé dans un vase de verre que l’on en-
( 85 )
veloppa de deux feuilles de papier noir ; le tout fut mis
dans l’intérieur d’un poële non chauffé et muni de deux
portes. Les fleurs conservèrent toute leur irritabiiité
pendant trois jours et demi. Cette expérience, répétée un
grand nombre de fois, donna toujours les mêmes résul-
tais ; il semble , d’après cela, que la lumière est sans in-
fluence sur cette propriété remarquable.
Les fleurs de notre épine-vinette commune ne sont
pas les seules qui aient des étamines irritables ; je me suis
assuré que les fleurs des Berberis emarginata W.,
cretica, aristata , jouisseut également de cette pro-
priété.
OsservarTion sur La place qu'occupent les Trilobites
dans le règne animal ;
Par M. Gozvrüss,
Professeur de zoologie à l'Université de Bonn.
Après que Brongniart et d’autres naturalistes eurent
cherché à démontrer qu’il fallait ranger les Trilobités
dans la classe des Crustacés, Tilesius s’efforçca de faire
voir qu'ils appartenaient aux Oscabrions (1). La res-
semblance extérieure du bouclier dorsal, l’expansion
membraneuse qui, dans le geure Æsaphus, dépasse
de beaucoup les lobes latéraux ; l'absence des pieds et
d’un bouclier de dessous couvrant le ventre et corres-
pondant à celui de dessus, parlent en faveur de son sys-
(x) Déjà en 1820 M. Latreille avait soutenu et développé cette opi-
nion, dans les Mémoires du Muséum d’histoire naturelle , et dans les
Annales des sciences physiques de Bruxelles , t. VI, p. 350.
PAYSIG > >
(R:)
(84)
ième. Cependant , comme la forme des yeux réticulés et
du corps entier nous a semblé rapprocher nécessairement
ces animaux du monde primitif d'espèces semblables aux
Crustacés isopodes qui vivent actuellement , j'ai été
porté à vérifier s’il n'existait pas de pieds et si le ventre
n’ofirait aucune trace d’écaille.
On a donc usé un Calymene macrophtalma vers la
tête (PI. 2, fig. 1, a, b,), et aussitôt l’écaille du
ventre ou le sternum (fig. 3 et 4 a ) devint visible aussi
bien que l’écaille de la tète et de la queue qui y touche.
Elle devint également sensible par une section transver-
salé. (fig. 2a,betfig. 5Set6a,a.)(r)
Dans une sembiable section (fig. 9, 10), à la naissance
d’une queue d'Asaphus Hlausmanni, on vit aussi clai-
tement les parties écrasées de cette écaille, avec quelques
parcelles de test oblongues , plus petites, que l’on au-
rait pu prendre pour des vestiges de pied. On fut en
même temps induit à présumer que la cavité du corps
n’était formée que par le lobe moyen, et que les lobes la-
téraux ne présentaient qu'un boucliernaissant, L'examen
d'un Calymene Tristani (?) coufirma cette présomption.
Daus une section oblique derrière la tête (fig. 8), cete
conformation se manifesta de la manière la plus claire
la cavité du corps étant formée d’une forte écaille a , qui
n’occupe que le milieu du corps. Enfin, l’on trouva des
vestiges de pied à lÆsaphus pustulat::s Sch}. On usa une
partie de la tête dé cet animal , jusqu’au dernier anneau
avant la queue. À la surface (fig. 7) se présentèrent alors
(1) Déjà M. Audouin avait conclu cette organisation dans un Mé-
moire ad hoc (Recherches sur les rapports naturels qui existent entre |
les Trilobites et les animaux articulés ), et publié dans les Annales gé-
uérales des sciences physiques de Bruxelles, tom. VIIT , p. 233. (R).
(85)
les vestiges de petits pieds, quelques-uns à articulation
apparente , comme on peut le remarquer sur la figure
un peu grossie que nous en donnons. Les pieds pa-
raissent avoir été des pieds - nageoires (ou propres à la
natation) ou des pieds-branchies (1). D’après ces ob-
servations , les Trilobites se rangeraient donc entre les
Branchiopodes et les Isopodes (2).
Rapport fait à l’Académie royale des Sciences
sur un Mémoire de MM. Audouin et Milne
Edwards, ayant pour titre : De la respiration
aérienne des Crustacés, et des modifications
que l'appareil branchial présente dans les Crabes
terrestres ;
Par MM. Cuvrer et Duméril.
Séance du 21 juillet 1828.
Nous avons été chargés , M. le baron Cuvier et moi ,
de faire à l’Académie le rapport que nous avons l’hon-
(x) Si M. Goldfuss eût eu connaissance du travail de M. Audouin, il
aurait vu que ce naturaliste avait déjà démontré , par l’anatomie du
“squelette des animaux articulés, que les Trilobites devaient manquer
{de véritables pattes, et que, si on en rencontrait jamais , elles parai-
traient sous forme de pattes branchiales. M. Goldfuss a confirmé , par
l'observation direéte, cette conjecture. La note que ce savant nous a
transmise, bien qu’elle n’offre aucun fait qui n’ait été prévu, aura cepen-
dant servi très-utilement la science en substituant aux conséquences
hypothétiques, déduites de l’analogie, des faits positifs et contre lesquels
il n’y a plus rien à objecter. (R.)
(2) C’est l'opinion que M. Brongniart et M. Audouin avaient
adoptée. (R.)
(86 ) (l
4
neur de lui soumettre sur un Mémoire d'anatomie et de“
physiologie de MM. Audouin et Milne Edwards , relatifs}
au mode de respiration chez quelques Crabes terres-
LE
tres.
Les Crustacés astacoïdes , tels que les Écrevisses et les
Crabes, quoique appelés par l'organisation de leur \
appareil respiratoire à vivre dans l’eau, au moyen de
leurs branchies, peuvent cependant, pour le plus grand
nombre , rester long-temps hors de ce liquide, et être
ainsi, comme nous le voyons tous les jours , transpor-!
tés vivans à de très-grandes distances. Il en est même
dont les mœurs et les habitudes sont telles, qu’on les
trouve le plus souvent dans des lieux très-éloignés des
rivages, de sorte qu'on pourrait, jusqu'à un certain
point, les considérer comme des animaux terrestres ou
aériens.
Cependant tous les Crustacés , sans aucune exception,
n'ont d'autre mode de respiration que celui qui existe
dans les poissons. Leur organisation est telle , que la to-
talité de leur sang, poussé par le cœur, arrive à toutes
les parties du corps , puis revient par une route inverse
pénéirer les innombrables ramifications des vaisseaux
qui se distribuent dans l'épaisseur des lames branchiales.
Par un mécanisme variable, l’eau dans laquelle est
plongé l'animal est attirée, vers les branchies poussées
entre Les lames qui les constituent, et repoussée ensuite,
quand elle a été dépouillée de l’oxigène dontelle était
chargée ouavec lequel elle était combinée. Tel paraît être
le but dela respiration pour laquelle les instrumens sont |
disposés de manière à mettre le sang de l'animal en rapport,
avec l’oxigène ; sorte d’atiraction vitale ou chimique qui,
(87)
s'opère dans ces organes d’une manière médiate, et pour
nous servir, avec M. Dutrochet, d'une expression nou-
{ vellement introduite dans la science, par une sorte
d'endosmose.
On avait supposé que quelques Crusiacés, chez les-
quels la vie se prolonge long-temps hors de l’eau, étaient
organisés de manière à pouvoir respirer l'air à l'aide de
quelque organe analogue aux poumons on aux trachées
qui se rencontrent dans tous les animaux qui vivent dans
notre atmosphère ; mais les recherches de MM. Audouin
et Milne Edwards viennent détruire cette supposition. Ils
se sont assurés , par des recherches directes d'anatomie et
par des expériences physiologiques, que cette idée
émise n'était pas fondée sur les faits. Par leurs investiga-
tions dirigées sur un grand nombre d'espèces, ils ont
été conduits à découvrir une organisation particulière
qui explique parfaitement la faculté qu'ont certains
Crustacés de vivre très-long-temps hors de l’eau, en re-
tenant ce liquide à l'intérieur de la cavité respiratoire ,
comme dans une sorte de réservoir qui fournit l’humi-
dité nécessaire au libre exercice des lames de leurs bran-
chies.
Nous n’entrerons point dans les détails de ces recher-
ches. Les auteurs du Mémoire que nous voulons faire
connaître à | Académie les ont exposées avec beaucoup
de soin; ils en ont offert des dessins exacts; nous en
présenterons seulement les résultats principaux.
Ainsi, ils se sont assurés que des Homards vivans, for-
cés de séjourner dans nne petile quantité d’eau salée ,
périssent asphyxiés dès qu'ils ont épuisé la petite quan-
tité d'oxigène que pouvait contenir celte eau , et qu’au
( 86 )
contraire la vie se prolongeait plus long-temps chez ces
mêmes animaux lorsqu'ils étaient conservés dans un es-
pace rempli d’air atmosphérique libre, mais humide , et
ils ont obtenu les mêmes résultats sur plusieurs espèces
de Crustacés astacoïdes de genres diflérens.
Par d’autres expériences, ils ont reconnu que des
Écrevisses pouvaient être conservées dans un état de vie,
en apparence très-naturel , pendant deux ou trois jours,
dans une certaine quantité d’air atmosphérique , main-
tenu humide par divers procédés, et qu’au contraire
d’autres Écrevisses, placées dans des vases de mème ca-
pacité, y périssaient dans un espace de temps limité, en-
tre six à dix-huit heures au plus, si l’air de ces vases
était séché , privé de toute humidité et tenu constamment
dans cet état, à l’aide de la chaux vive et des autres sub-
stances qui ont la propriété d’absorber l'eau dans un air
humide. Or, les recherches faites par les auteurs du Mé-
moire sur l’état des branchies , après ces deux genres de
mort, leur ont appris que chez les premières Écrevisses
les branchies s’offraient dans un état à peu près naturel,
tandis que, dans celles qui avaient péri dans un air séché,
ces mêmes branchies étaient altérées, contractées, des-
séchées , collées les unes contre les autres, et qu'il
était évident que cette dessiccation avait arrêté le cours du
sang.
Pour les espèces de Crustacés qui sont doués de la fa-
culté de vivre habituellement hors de l’eau, la nature à
dû prévoir cette circonstance , la permettre, et obvier à
celte nécessité de l’humectation des branchies. C’est en
effet ce qui existe avec des appareïls dont la forme , la
disposition varient ün peu, mais dont le résultat est le
( 89 )
même, comme nous le font connaître MM. Audouin et
Miine Edwards. Cette modification est très-simple; elle
consiste généralement dans des replis de la membrane
qui tapisse et constitue les pourtours de la cavité bran-
chiale. Ce sont des espèces de rigoles, de poches, de
vessies , de cellules ou de masses spongieuses dans les-
quelles l’eau est mise en réserve et se trouve retenue de
manière à maintenir lasurface des branchies constamment
humides.
Aiïnsi dans les Z'ourlourous ou Crabes terrestres d’A-
mérique, espèces du genre Gécarcin de M. Leach, il
existe une sorte d’auge ou de réservoir pratiqué à l’in-
térieur de la carapace sur tout le côté externe de la ca-
vité branchiale, destiné à conserver une certaine quantité
de l’eau dans laquelle l’animal a été plongé, et dans
quelques espèces , comme dans celle nommée Uca, il y
a de plus une poche ou vessie que l’on reconnaît pour
ètre destinée à conserver une certaine quantité d’eau
mise en réserve.
Dans les Ocypodes la rigole existe encore, mais elle
est plus petite, et l'humidité est fournie par une masse
spongieuse celluloso-glandulaire que ces Messieurs ont
décrite et figurée avec soin dans les planches que nous
mettons sous les yeux de l’Académie.
Mais c’est surtout dans la Zelphuse dentelée de V’A-
mérique du Nord, rapportée par le confrère dont nous
déplorons la perte récente (1), que devient évidente la dis-
position de cette masse de végétation spongieuse , qui
paraît destinée à conserver l’eau dans la cavité que ren-
ferment les branchies.
(1) M. Bosc.
( 90 )
Les faits qui résultent des recherches contenues dans
ce Mémoire sont curicax en eux-mêmes, et importans
pour la science physiologique ; car ils se rallient à d’au-
tres analogues, et viennent ainsi confirmer, corroborer
pour ainsi dire les idées que l’on avait sur le mécanisme
par lequel s'exécute la respiration chez les animaux à
branchies. On savait déjà en effet que , chez les reptiles
batraciens, comme les grenouilles et les salamandres,
appelés souvent à sortir de l’eau et à résister à la cha-
leur de l’atmosphère par l’évaporation qui s'opère à leur
surface, constamment humide et dépouillée d’écailles ,
la nature avait ménagé un réservoir considérable, où se
sépare et reste en dépôt une quantité notable d’un li-
quide aqueux, qui, d'après les recherches du docteur
R. Townson, bien confirmées depuis, est destiné à ètre
résorbée pour servir aux exigences ultérieures de la tran-
spiration.
Mais c’est surtout chez les poissons que ces mêmes mo-
difications existent dans les espèces qui ont la faculté de
sortir de l’eau pour rester passagèrement sur la terre, dans
celles qui sont exposées à être abandonnées par les flots
de la mer sur les creux des rochers ou sur les sables des
rivages ; dans celles qui s’enfouissent au milieu de la
vase des étangs à demi desséchés pendant un espace de
temps plus ou moins considérable. Tels sont les Callio-
uymes, les Anguilles, les Ammodytes, les Cottes, les Cal-
lichtes et beaucoup d’autres qui ont tous une cavité
aqueuse beaucoup plus étendue que ne semble l’exiger le
volume de leurs branchies. Au développement remar=
quable des rayons et de la membraïe branchiostège , se,
joint l’exiguité ou l’étroitesse de la fente branchiale pro=
(91 )
portionneliement à l'étendue de la cavité et de la masse
d’eau qu’elle contient, et qui y reste ainsi comme empri-
sonnée.
Ce n’est pas tout encore ; on retrouve chez plusieurs
poissons jusqu'aux supplémens des organes respiratoires,
et ces expansions vasculaires ramifiées d’une manière
bien plus évidente, comme l’un de nous la rappelé
dans un Mémoire sur la respiration de ces animaux, lu
dans cette Académie , le 10 août 1807. (Magasin encycio-
pédique , tom. V, pag. 99, 1807.)
Ainsi, l’organisation curieuse, observée pour la pre-
mière fois chez quelques Crustacés par les auteurs du
Mémoire que nous venons de faire connaître, offre la
plus grande analogie avec ce qui a été observé dans quel-
ques poissons.
Nous pensons que l’Académie doit accueillir ce travail
qui expose des fails nouveaux , et nous lui proposons de
décider qu’il sera imprimé parmi ceux des savans étran-
sers, si MM. Audouin et Milne Edwards n’en ont déjà
disposé pour l’insérer dans le recueil qu’ils publient (1).
Signé baron Cuvrer , DumériLz, rapporteur.
f
L'Académie adopte les conclusions de ee Rapporteur.
*(1) Les auteurs, sur l'invitation qui‘leur a été réitérée ; d'insérer
leur Mémoire dans la collection des Savans étrangers; que publie de
loin en loir l'Académie des sciences, se sont conformés à ce désir. Le
rapport circonstancié qu’on vient de lire étant suffisant pour donner une
idée précise de leur travail, ils se borneront pour le moment à cette pu-
blication dans les Ænnales. R.
(92)
Sur les Plantes fossiles'du grès de construction
de Stuttgart ;
Par le docteur G. Fr. Jxcgr (2).
(Extrait.)
On sait que pendant long-temps les sortes de plantes
que renferment les formations autres que celles de la
houille et des lignites ont été presque entièrement in-
connues aux naturalistes. Depuis que la géologie a cher-
ché à fonder ses bases les plus solides sur Ja nature des
êtres organisés propres à chacune des époques de la for-
mation de l’écorce du globe, on a senti qu’on devaitréunir
avec soin , déterminer et décrire avec précision tous les
fossiles contenus dans chacune de ces couches, et pour ne
parler ici que des végétaux fossiles, les recherches des
géologues nous ont déjà fait connaîtreune partie des plan-
tes contenues dans les diverses formations qui séparent la
houille de la craie. Un nombre encore plus considérable
de ces fossiles sont cependant inédits, et chaque jour
quelque Mémoire ou quelque ouvrage nouveaux nous en
fait connaître unc partie.
Les recherches de M. Jæger sur les plantes du grès
qui sert aux constructions de la ville de Stuttgart nous
fournissent des notions importantes sur Îles végétaux
fossiles d’une époque dont les plantes sont encore peu
connues.
Ce grès , que M. Jæger nomme schilfsandstein , c’est-
à-dire grès à roseaux, à cause des tiges de roseaux ou Ca-
(1) Uber die Pflanzen versteinerungen des Bausandstein von Stutt-
gart, von P. Georg. Fred, Jæger, 4°. Sluttgarl, 1827.
(95)
lamites qu'il renferme fréquemment, fut d'abord consi-
déré comme appartenant à la formation du grès bigarré,
mais il a été rangé par les géologues qui l'ont étudié plus
récemment (1) dans la formation du keuper (marnes iri-
sées de plusieurs géologues français), et nous verrons
que les plantes fossiles qu’on y a découvertes confirment
cette dernière opinion.
Cette roche est l’objet de grandes exploitations en
Wurtemberg, particulièrement à Heilbronn, ce qui l’a
fait nommer par quelques auteurs grès de Heiïlbronn ;
cette formation a une puissance considérable qu'il est
difficile d'apprécier au juste , mais qui surpasse souvent
200 pieds sans qu’on atteigne sa partie inférieure.
Cette formation de grès est composée de couches assez
diverses par leur couleur; les supérieures, qui sont re-
couvertes par des marnes argileuses rouges et verdatres,
sont d’un gris rougeàtre, mêlé de bandes d’un rouge
cramoisi; au-dessous se trouvent des couches verdàtres ou
bleuûtres, et vers le bas, la grande masse de grès est
d'un gris jaunatre, qui devient d’un blanc jaunêtre à
l'air.
Dans quelques carrières on a trouvé immédiatement
au-dessus du grès jaunâtre une petite couche de 3 à 9
pouces de charbon noir ou d’un noir grisätre en feuillets
minces, Ce charbon brüle bien, mais laisse beaucoup de
cendres terreuses.
Les plantes fossiles les plus fréquentes dans cette ro-
che sont des tiges articulées, que l’auteur compare à des
roseaux. Il en distingue deux variétés sous les noms de
Calamites arenaceus major et minor; mais ces deux
Q) M. Keferstein et MM. Oyenhausen , Dechen et Laroche.
( 94 )
plantes paraissent appartenir à deux espèces bien distine-
tes. La seconde variété peut être rapprochée, mais avec
doute , des Calamites du terrain houiller, car jamais on
ne les a trouvés avec leur écorce assez bien conservés pour
en déterminer avec précision les caractères. La mème es-
pèce, ou une espèce analoguesetrouve dans le grès bigarré
des Vosges, avec des caractères également imparfaits.
La première variété semble différer à bien des égards :
de celle dont nous venons de parler; et, autant que nous
pouvons en juger d’après les figures de M. Jæger , elle
se rapporte à l'Equisetumn columnare de Whïütby, plante
qui se retrouve dans les marnes irisées dans plusieurs
lieux de l’est de la France (1). Les figures8 et 9, tab. IV,
sont parfaitement identiques avec les portions de gaînes
de cette plante, et plusieurs des figures de la pl. I pa-
raissent indiquer une même structure. Nous ne pouvons
done, en nous en rapportant aux échantillons que nous
connaissons , admettre l’analogie de ces tiges avec celles
des graminées, opinion que M. Jæger a soutenue du reste
pardesfigures comparatives fortintéressantes, maisqui ne
peut se soutenir maintenant, puisqu'il est facile de s’assu-
rer, sur des échantillons mieux conservés, de la présence
de véritables gaînes semblables à celles des Equisetum ;
cependant, avant dedécider cette question, il faudrait pou
voir examiner de bons échantillons des plantes figurtes
par M. Jæger; les figures de son ouvrage, quoique géné-
ralement bien exécutés , ne suflisant pas néanmoins dans
tous les cas pour rendre avec précision tous les détails.
Plusieurs plantes trouvées dans ce grès appartiennent à
(1) Cette plante est figurée avec tous les détails qui la caractérisent
dans mon Histoire des végétaux fossiles, tom. [, pl. 13. (R.)
:
(95 )
la famille des Fougères, et l’examen d'espèces, ou
semblables ou analogues, provenant d’autres localités,
du même terrain, nous permettra de discuter les déter-
minations établies par l'auteur.
L’Aspidioides stuttgardiensis de ce savant présente
tous les caractères des Fougères, et quoiqu'on ne puisse
pas apercevoir la disposition des nervures , la forme des
pinnules semble ranger cette espèce dans le genre Pe-
copteris , où elle constitue certainement une espèce bien
distincte de toutes celles du terrain houiller et analogue
au Pecopteris Reglei, de Voolithe de Mamers, espèce éta-
blie sur un fragment très-incomplet (1); la figure de
M. Jæger donne au contraire une idée parfaite de l’en-
semble de cette plante , dont les détails seuls de struc-
ture paraissent avoir disparu , comme cela a souvent lieu
dans les roches arénacées.
L’Onocleites lanceolatus , figurée pl. VI, fig. 8 du
même ouvrage, appartient aussi sans doute à la famille
des Fougères; mais il est difficile de se former une juste
idée de ses caractères d’après cette figure; cette es-
pèce a quelque analogie avec le Nevropteris Voltzii
du terrain de grès bigarré de Sultz-aux-Bains dans les
Vosges, dont elle diffère pourtant spécifiquement sans
doute.
M. Jæger a comparé à une feuille de Maranta, et par
conséquent à une plante de la famille des Cannées, la
plante qu’il a décrite sous le nom de Marantoida arena-
ceu; la figure qu’il en donne, pl.V, fig. 5, ne nous permet
pas cependant d'adopter son opinion à cet égard : ]a même
(1) Voyez les Annales des Sciences naturelles, tom. IV, pi 42v;
pl. 19, fig. 2.
( 96 )
plante ou une espèce très-voisine, qui n'en diffère que paï
sa taille moindre, se retrouve dans les marnes irisées de
la Neuewelt, près Bâle, à Whitby , dans le Yorkshire, à
Hoœr, en Scanie, et même à Stonesfield , près Oxford , et
dans tous ces lieux comme dans lesenvironsde Stutigart ,
elle offre dans la disposition de ses nervures bifarquées ou
dichotomes un caractère qui la distingue des feuilles des
Cannées, et qui la rapproche des frondes simples de quel-
ques Fougères : c’est à ce groupe remarquable de Fou-
gères fossiles que nous avons donné le nom de Zænio-
pteris (1). La structure de ses feuilles le rapproche des
genres Danaeca et Angiopteris.
Si d’un côté nous croyons qu'on doive ramener la plante
précédente à la famille des Fougères, nous pensons
qu'on doit en éloigner celle décrite par M. Jæger sous le
nom d’Osmundites pectinatus. Cette plante, dont un grand
nombre d'échantillons sont figurés dans cet ouvrage,
présente, par la forme de ses frondes et la structure des
pinnules , une grande analogie avec deux autres plantes
des marnes irisées de la Neuewelt, près Bâle. L'une de ces
dernières a été figurée par M. de Schlotheim sous le
nom d’Ælgacites filicoides; mais l'examen attentif des
échantillons indique une grande analogie entre ces plan-
tes et les Cycadées, et les rapproche surtout des Piero-
pyllum (2), parmi lesquels elles constituent cependant
(x) Voyez Prodrome d’une Histoire de Végétaux fossiles, p. Gr.
À Paris, chez Levrault, 1828.
(2) Nous avons établi ce genre dans nos observations sur les plantes
fossiles du grès d’'Hœr en Scamie, formation quiparait analogue sous
bieu des rapports à celle du Keuper. Voyez les Ann. des ec. nat. ,
tom. IV, p. 250.
L!
un petit groupe particulier; ces trois espèces propres aux
marnes irisées on au Æeuper, qui sont des parties d’une
même formation, sont caractérisées par leurs frondes
profondément pinnatifides, à pinnules linéaires, étroites,
tronquées à leurs extrémités , et marquées de nervures
parallèles très-fines, toutes égales entre elles.
Cetie disposition des nervures n'existe dans aucune
Fougère ; elle diffère peu au ‘contraire de ce qu’on ob-
serve dans les Zamia. Ces trois plantes sont désignées dans
mon prodrome de l’histoire des végétaux fossiles sous
les aoms de Pterophyllum longifolium (Algacites fili-
coïdes Schloth), Pterophyllum Jægeri(Osmundites pec-
tinatus Jæg., et Pterophyllum Meriani. Outre ces plan-
tes bien caractérisées, décrites et figurées par M. Jæger,
il indique encore une espèce de Fougère sous le nom de
Æilicites dubius, et une conferve fossile s ous celui de
Confervoides arenaceus. Il est difficile d’après sa figure
de se former une juste idée de cette dernière.
Nous espérons que l’auteur de cet excellent ouvrage
nous pardonnera si nous n'avons pas toujours partagé sa
manière de voir , quant aux rapprochemens et aux noms
| des plantes fossiles qu’il a décrites ; la comparaison que
|mous avons pu faire de ces fossiles avec ceux de terrains
{analogues , et les recherches botaniques que nous avons
faites depuis long-temps sur ce sujet, nous font espérer
que nos rapprochemens sont exacts ; mais nous sentons
mieux que personne combien il est facile de se tromper
dans cette étude.
La Flore du Keuper présente, ainsi qu’on a dû déjà
leremarquer, l’analogie, on peut mème dire lidentité, la
plus complète avec celle des marnes irisées ; l’Æquisetum
XV. F)
(98)
columnare , et les Pterophyllum à pinnules longues et
étroites , sont le caractère essentiel de cette époque, ca-
ractères qui paraissent se continuer jusqu'au lias , et en
partie jusqu'aux couches qui lui sont immédiatement
superposées , telles que celles de Whitby.
Il y a au contraire des différences bien marquées entre
cette Flore et celle du grès bigarré des Vosges, telle que
les recherches de M. Voliz nous l'ont fait connaître. Les
espèces de Fougères de ce terrain sont très-différentes de
celles du Keuper ei des terrains plus récens, et la présence
d’un genre de Conifères tout particulier, le Voltzia, carac-
térise cette formation, ainsi que nous le développerons
incessamment dans un Mémoire sur ce sujet.
Nore sur les Arachnides et les Insectes fossiles,
et spécialement sur ceux des terrains d'eau
douce ;
Par M. Mancez DE SERRES.
Limné à donné le nom d'Entomolithes aux pétrifiea-
tions qui présentent des débris ou des vestiges d'insectes;
mais sous le nom d’Insectes il comprenait aussi les crus-
tacés. Quant à nous, nous ne signalerons, dans cette
note, que les entomolithes qui se rapportent aux arach-
nides et aux insectes proprement dits.
La plupart des insectes fossiles, décrits jusqu’à pré-
sent, ont été observés dans les innombrables fragmens
de succin que les bords de la Baltique et le sol de la
Prusse ont fournis, succin qui s’y trouve dans des ter-
f
( 99 )
rains remaniés ou d’alluvion. Le succin qui accompagne
les lignites, ou l’argile plastique inférieure au calcaire
grossier, ne parait pas en renfermer , ce qui pourrait
faire douter que le succin ait été disséminé sur toute la
terre à une même époque , où à une époque rapprochée ;
si cette absence d'insectes dans le succin des dépôts à li-
gnite, ne pouvait pas dépendre de circonstances pure -
ment locales. On est du moins porté à le supposer, en ne
retrouvant pas les débris d’insectes si abondans dans les
dépôts gypseux d’Aïx (en Provence), dans les autres
gypses tertiaires qui ont, avec les premiers, toutes
sortes d’analogies.
Les divers débris d’entomolithes, décrits dans le suc-
cin, se rapportent comme ceux du bassin tertiaire d'Aix,
à des arachnides et à des insectes. On a cru reconnaître
parmi les espèces figurées par Sendelius (1), 1° des
arachnides dont les genres sont indéterminables ;
2° quatre coléoptères indéterminables; 3° un Criquet;
4° des Friganes; 5° des Fourmis ; 6° des Perles; 5° de
nombreuses Tipules; 8° un Bibion; 9° un Empis ;
10° des Scolopendres. M. Desmarest a enfin aperçu
dans des fragmens de véritable succin de Prusse, des
Friganes et des Bibions.
Il paraît que, soit dans ces fragmens , soit dans les
figures nombreuses de Sendelius, soit dans les fragmens
de succin que nous avons observés , il n'existe aucun
msecte dont le genre soit étranger à l’Europe, remarque
que nous pouvons également faire à l'égard des insectes
fossiles du bassin tertiaire d'Aix.
(x) Historia Succinorum , Leipzig, 1542, in-fol.
B
(100 ) |
Un grand nombre de morceaux de succin dont l’ori-"
gine est inconnue, ont présenté à l’exact et judicieux"
M. Desmarest, avec des espèces de nos climats, des
genres dont quelques espèces se trouvent dans les con-
trées les plus chaudes du globe. Cet observateur a cité
particulièrement un insecie fort remarquable, voisin
du Lymexylon, et qui fait partie du genre Atractocère
formé par Palisot de Beauvois, sur une espèce d’Afri-
que; 2° des Termès; 3° une Mante ; 4° des Platypes,
des Taupins, et d’autres petits coléoptères du genre 1ps
d'Olivier.
Enfin nous avons nous-mème observé dans un mor-
ceau de succin de Prusse , appartenant à M. Chabrier,'et
dont nous avons, déterminé la nature d’après le procédé
d'Hlaüy , un later d’une conservation parfaite, et qui
paraît fort rapproché de l’ÆZater æneus. Il en diffère ce-
pendant par sa forme allongée, par celle de ses élytres,
qui est très-rétrécie et fort aiguë à leur extrémité. Sa
couleur est d’un jaune d’or vif , couleur qui semble d’au-
tant plus brillante que les pattes sont d’un beau noir. Le
succin qui a enveloppé ce bel insecte, l’a saisi de ma-
nière à faire fléchir le corselet en avant et à courber
l’abdomen fortement en arrière. Le même morceau ren-
ferme un insecte de l’ordre des hémiptères, assez rap-
proché des genres Cimex et Fentaioma. D’autres mor-
ceaux de succin nous ont.offert de petits coléoptéres du
genre {ps Olix., avec des Apate, des Bostrichus et des
Formica. Du reste, les fragmens des insectes que l’on
ne peut déterminer sont bien plus nombreux dans le }
succin que ceux sur lesquels l’on peut être fixé. Mais il
? » . . ,
ma paru sur tous les fragmens que, j'ai pu détacher,
più
>
fr
Li «+
(TOR
que , quoique les insectes soient de toutes parts envelop-
pés par le succin , ils n’en ont pas été pénétrés dans leur
intérieur. Aussi conservent-ils leur nature particulière,
leurs couleurs et la forme qui leur est propre.
Outre ces débris d’insectes reconnus dans le succin,
on en a signalé dans les terrains d’eau douce déposés à
diverses époques ; car, outre les /ndusia tubulosa de
| Bosc (1), qui paraissent avoir été formés par des larves
aquatiques , semblables à celles des Friganes ou tout au
moins analogues à ces larves, nous en avons indiqué
dans les terrains d’eau douce supérieurs des environs de
Montpellier (2).
Les calcaires fissiles d'OEnmgen, en Franconie, ont
également présenté des débris d'insectes, lesquels ont
paru se rapporter à des larves ou nymphes de Libel-
ules, ce dont on peut juger par les figures que Knorr
en a données dans les AMonumens des catastrophes du
globe (3). Il paraîtrait que Bertrand a rencontré des
insectes semblables au Hanneton dans les ardoises de
Glaris, si connues par les empreintes de poissons qu’elles
présentent (4).
Enfin Faujas de St.-Fond, dont les grands travaux ont
été si utiles à la géologie, a signalé des débris d'insectes
mêlés à des plantes carbonisées, insectes qui ont paru
se rapporter à des Guèpes cartonnières du genre Polistes,
et propres aux deux Indes.
Quant aux autres débris d'insectes qui ont été décrits
(x) Journal des Mines, tom. XVIE , p. 397, n° 101.
(2) Journal de Physique, tom. LXXX VIE, p. 175.
(3) Tom.I ,p. 151. pl. 33, fig. 2,3 ,4.
(4) Orycrologie universelle, tom. E, p. 259.
( 102 )
jusqu’à présent, il est fort douteux qu'ils soient réelle-
ment fossiles, et qu'ils n'appartiennent pas à notre épo=
que géologique ; tels sont ceux indiqués par M. de law
Fruglaye au milieu des bois enfouis sur les côtes de la
Manche , auprès de Morlaix (1) , et ceux que nous avons
nous-même indiqués dans les cavernes à ossemens de
Lunel-Vieil.
Tel est à peu près l’état de nos connaissances sur les
divers débris d'insectes fossiles , qui, en résultat, prouve
que les insectes n’ont guère paru sur la terre que depuis
le dépôt des calcaires secondaires qui se rattachent à la
grande formation du Jura , mais que , depuis lors , ils s’y
sont constamment perpétués. Les insectes dont nous
allons donner l’énumération (nous réservant de les dé-
crire en détail, lorsque nous en aurons recueilli un
plus grand nombre) se trouvent dans les marnes cal-
caires qui séparent les divers bancs gypseux des carrières
à plâtre d'Aix en Provence. Il est singulier que les in-. |
sectes fossiles qui abondent au milieu de ces marnes fis-
siles, non point cependant avec celles qui renferment
tant de débris de poissons , mais bien avec celles où l’on
découvre de nombreux débris de végétaux, aient resté
jusqu’à présent inaperçus ; car, malgré le grand nombre
d’observateurs qui ont visité les carrières d'Aix, il n’en
est aucun qui ait décrit les insectes fossiles de cette lo-
calité intéressante (2).
(1) Journal des Mines , tom. XXX , p. 380.
(2) Les insectes fossiles se trouvent à Aix dans la couche marneuse
nommée la feuilie par les ouvriers, et immédiatement au-dessous de
celle qui renferme les petites espèces de poissons, et par conséquent
au-dessus du diablon ei du banc gypseux exploité.
L ( :10519
Ces marnes n’offrent par fois que l'empreinte des in-
sectes que l’on y aperçoit ; mais le plus souvent pourtant,
ils conservent leur nature propre et leur substance cor-
née! Il arrive mème quelquefois que leur relief soit assez
considérable pour qu'on puisse les séparer en deux par-
ties, et en obtenir une contre-épreuve. Leur couleur a
pris généralement une teinte uniforme , soit brune , soit
noiràtre .
Les insectes et les arachnides des marnes caleaires
d'Aix ont été saisis dans toutes sortes de situations ;
aussi leur position est-elle constamment irrégulière. Il
en est peu, en eflet, dont les parties soient étalées,
comme le sont les feuilles des plantes fossiles des ter-
rains houilliers. Les arachnides sont généralement plus
rares que les insectes proprement dits; en eflet, le pre-
mier de ces ordres d’invertébrés ne nous a encore offert
que deux ou trois genres, tandis que nous en avons déjà
reconnu jusqu'à cinquante-cinq des seconds. Ces in-
sectes fossiles appartiennent à peu près à toutes les
classes ; cependant les aptères s’y montrent à peine,
tandis que les coléoptères, les hémipières et les dip-
ières y sont assez nombreux, soit en espèces, soit en
individus.
Quoiqu'il soit fort difficile d’arriver jusqu'à la détermi-
nation précise des espèces fossiles, il parait pourtant que
celles que l’on peut reconnaitre se rapportent à des espèces
qui vivent encore dans le bassin d’Aix ; telles sont , par
exemple, les Brachycerus undatus, Acheta campestris,
Forficula parallela, et Pentatoma grisea. Les autres
ont des formes tout-à-fait analogues à celles des espèces
du midi de la France. Une remarque non moins cu-
( 104 )
rieuse, c'est que la plupart de ces espèces fossiles semblent
avoir appartenu à des insectes qui devaient vivre dans
des terrains secs et arides. Aussi y trouve-t-on péu de
Carabiques et d'Hydrocanthares.
Cette observation jointe à celle que nous avons déjà
faite sur l’analogie qui existe entre les plantes fossiles du
bassin d’Aïx et celles qui vivent encore en Provence, et
enfin sur l'identité de la plupart des poissons fossiles de
ce bassin et ceux qui y existent encore, ou dans la mer
qui enest la plus rapprochée, annonce , ce nous semble,
que le bassin d'Aix devait être , à l'époque où ces divers
dépôts se sont opérés, constitué à peu près de la même
manière qu'il l’est aujourd’hui.
Tasceau des Arachnides et des Insectes fossiles du bassin
tertiaire d'Aix (Provence).
L ARACHNIDES.
Ordres, Familles, Genres. Espèces.
‘SAUIVNONTNAA
SIUTIAV
Une espèce de petite taille, à
Re
‘ è corpsraccourcietà abdomen glo-
Aranea Latreille. b re à
Fileuses - uleux. Les pattes en sont étalées.
19 Fileuses. Tegenaria W alck. P
Une autre espèce à corselet plus
arrondi et à pattes plus courtes.
Une espèce de petite taille, re-
20 Pédipalpes,
corps.
Il INSECTES.
Phrynus Otivier. marquable par ses palpes terminés
Phalangium Linné. Le grifle , et l’aplatissement de son
À f ‘_ Peut-être des Aptères de l’ordre
des Suceurs. Avec ces insectes et
Arachnides l’on découvre dans les
Suceurs :
Jmarnes calcaires d’Aix , des por-
porter qu’à des larves d'insectes.
formes et de grandeurs.
| \tions que l’on ne peut guère rap-
il en existe de toutes sortes de
ALLER ve
(105)
Ordres. Familles. Genres,
Pentamères. #
1° Carnassiers) Harpalus Latreille.
ou Carabiques.
2° Hydrocan-
thares.
30 Br
tres.
Dytiscus Gvofl.
achély- {Staphylinus Fabr.
4° Serricornes
A ou Buprestides. Popicail,
5o Lamellicor-) » Sa tel
1 Melolontha Fabr.
AHétéromères.
1° Mélasomes. Asida Latr.
Brachycerus Oliv.
à Cionus Clairv.
:SAUTLIONTON
Meleus Megerle.
Tétrameres.
19 Rhyncopho-
es où Uurculio-
É Hypera Dejean.
nides. J1 J
Cleonis Megerle…
{ Apate Fabr.
Hylurgus Fabr.
2° X ylophages. Scolytus Latr.
F'rogossila Olivier.
| Vaupaetus Megerle.
à Rhinobatus Megerle. {
Espèces.
Une seule espèce de taille
moyenne et d’une conservation
remarquable.
( Une espèce de moyenne gran-
deur et dont nous ayons une con-
[l tre-épreuve.
! Une seule espèce d’une petite
taille,
( Une espèce de la taille du Bu-
prestis nana, dont elle rappelle la
forme.
Une espèce d’une taillemoyenne
remarquable par les stries pro-
noncées de ses élytres.
Une espèce de la taille de V4.
grisea, dont elle rappelle la forme.
Une autre espèce à peu près de
la même dimension , mais d’une
forme très-différente.
Une espèce très-voisine du Br.
undatus Déjean , qui est commun
dans la France méridionale.
Une autre espèce qui parait se
rapprocher du Br. algirus.
f Une espèce fort rapprochée du
C. scrophulariæ, qui vit égale-
ment dans la France méridionale.
Plusieurs espèces, l’une assez
voisine d’une nouvelle espèce toute
grise, qe trouve dans le midi
de la France, dans les lieux secs
et arides.
f Plusieurs espèces de petite di-
}mension.
Plusieurs espèces : l’une d’elles
se rapproche beaucoup du Æ. lu-
sitanicus , qui habite le midi de la
France.
Plusieurs espèces, de moyenne
et de petite taille.
Un grand nombre d’espèces.
L'une d'elles paraît fort rappro-
chée du CL. distincta Dejean , ou
du Curculio ophtalmicus Rossi,
espèce fort commuse dans le midi
de la France.
Une grande espèce fort rappro-
{chée de L_4. capucina Fabr.
| Une seule espèce de petite taille.
Une seule espèce de très-petite
{ taille.
Une seule espèce fort rappro-
{chés de la 77. cœærulea. à
( 106 )
Ordres. Familles. Genres. Espèces.
Au moins “deux espèces de la
3 { Cassida L, taille de la €, viridis.
Eh 30 Cycliquesou Au moins deux espèces de la
È | Ehrysomélines. Chrysomela L. taille et de la forme de la Chr. ce
: realis.
f 19 Labidoures Une espèce plus rapprochée de
ou Coureurs.
Forficula L.
Le, ne,
tar
Une espèce bien voisine de 4:
italica de Fabricius.
Une espèce assez rapprochée de
V4. campestris Fabr.
Une autre espèce très-petite eb
Acheta Fabr.
à cuisses peu rentrées comme celles |
de |. italica Fabr.
Une espèce de la taille et du
port du Gr. cϾrulescens L.
\
\
20 Sauteurs.
lescens.
‘SHHALAOHLHO
Tdi liñ Olivier. partenir au genre Âya d’Illiger,
L <
o -
Xya lliger. riegata, que l’on trouve dans les
environs d’Aix
Un Orthoptère qui paraît très=
rapproché de ce genre , mais d’uné
Gryko-talpa Latr. taille assez petite ; peut-être est-ce
mune.
Une espèce tout-à-fait analogue
à la Pentatoma grisea Lat.
Une autre espèce très-voisine
de la P, oleracea Lai.
Deux espèces au moins de petite
taille.
| Dix à douze espèces au moins
de diverses grandeurs, mais gé-=
uéralement de petite taille.
ge, re
Pentatoma Olivier.
Coreus Fabr.
TT A,
T
Lygœus Fab.
Ù pire CD
Géocorises.
Es Syrtis Fab. | Une seule espèce assez petite.
2 | Reis Fab. { Trois espèces au moins, d’une
5 | PE di \ grandeur médiocre.
= | : Une espèce au moins , bien ca-
F ractérisée par la forme allongée de
Ploiera Scopoli. L son corps et ses pieds antérieurs
propres à saisir une proie. Cette
espèce est d’une taille médiocre.
‘ -Gerris Latr. ! Une seule espèce de petite taie)
= E ) Une espèce plus petite que la
< ios {Wepa Lat. (Nepa cinerea L. :
k Ë j à èc > la taille CA
| Gicadaires. { Cicada Lat. Mer à de la taille de La
la Z°. parallela que de la Æ°. auri=tl
CARS FAR J Des cuisses et des pattes entiè-.
RyPrRES PAT res paraissant se rapporter par
leurs formes à celles du Gr. cæru-|
Un Orthoptère ga paraît ap-
et ue pas être éloigné du Xya va= |
un jeune individu de l’espèce com-
|
Ordres. Familles. Genres. Espèces.
les, les ailes étalées, et plusieurs
de la taille de l'Æshna grandis
/Fabr.
Des larves de Libellules recon
fau par la forme particulière
| Un certain nombre de Libellu-
SAUALAOMAUN
de leur tête et de l'extrémité de
4 < Libellula L.
w
et une autre d’une plus grande di-
ne ‘ mension.
Térébrans, ; ;
Porte-Scie. Une espèce de ce genre d’une
grandeur médiocre. Il est à re-
marquer que l’on trouve peu de
gros insectes parmi ceux que l’on
observe à l’état fossile à Aix.
Pteronus Jurine.
‘ : leur abdomen. .
. Deux espèces d’une plus petite
Tenthredo L. / taille que le T. iris de Linnæus,
ou
[ Une espèce de ce genre propre-
Pension lat: ] ment dit, tel qu'il a été conservé
Pupivores. ju Latreille. Cette espèce est
d’une grandeur médiocre.
Une espèce de ce genre, mais
STATION TX
Agathis Let. { ’une petite taille.
Une espèce de la taille de la
L V’espa gallica Linn.
Disloptères. Polistes Lat. U ; ; ,
Le ue espèce très-rapprochée du
Polistes Morio Fabr.
‘ Plusieurs espèces d’une taille
plus petite que la F, subterraneu.
D’autres espèces plus grandes.
f Nous citerons ici, sur la foi
d'autrui, un Lépidoptère diurne
| de la division des $atyrus.
[ Uneespèce, mais bien incertain.
{ Un Lépidoptère nocturne, du
(
…
Hétérogynes. Formica L:
tt
Crépusculaires.
Diurnes. Lit L.
tn Fab.
genre Bombyx ou Cossus de taille
SAUALAOQIAAT
médiocre.
Nocturnes. Bombyx Fab.
Une espèce assez grande , plus
Anisopus Meig. petite cependant que VA. fuscus
|Meis.
Une espèce assez petite et rap-
prochée de la $. florilega Meig.
D'autres espèces de,petite taille.
Une espèce de la taille de la P.
{ funebris , Meig.
Penthetrià Meig. (Une autre espèce de la même
rails , mais à ailes plus transpa-
rentes et à pattes plus longues.
Une espèce de la tailie du P£a-
tyura cingulata Meig.
Eiseeà f_ Une espèce de la taille de PA.
à : \Johannis Meig.
S'ciara Meig.
Némocères où Ti
pulaires.
‘SAUALdIU
PR
Platyura Meis.
( 168 )
Ordres. Familles. Genres.
Némocères ou Ti
à (rte.
pulaires. Hirtec
el
= ]Tanystomes.
A | INemestrina Lat.
= |
Fe À
; Oxycera Meig.
Notacanthes.
Xylophagus Mig.
Aphrüuis Lat.
Athéricères.
Ochiera Lat.
Espèces
» 4
Une autre espèce de la taille de
l’Æ, hortulana Fabr. Ceite espèce”
devait avoir les ailes épaisses ets |
presque noires. Une troisième es=
pèce à ailes plus claires et plus |
transparentes.
J{
(
f
Une espèce de la taille et du
port de l'£Æ, tesselata Fabr. |
Une espèce de la taille de la M0
reticulata Lat. |
Une espèce de la taille du «$4ra="
tiomys Chamæleon Fab. k
Une espèce assez grande et fort
RARPROUUES du Xy£. ater Latr.
n Syrphe assez rapproché de
l'Aphritis auro-pubescens Latr.
Une, espèce de plus petite taille
ss p)!
|
|
Uque l'O. mantis Lat. (1) (2).
Nore sur une nouvelle espèce de Mollusque du
genre Hiatelle qui habite le golfe de Naples ;
. e
Par le professeur O. Cosra ;
Membre correspondant de la Société d'Histoire naturelle de Paris, ete.
Le genre Hiatelle, établi par Daudin pour recevoir
deux coquilles que Linné avait rangées parmi les Solens, a
été adopté par la plupart des naturalistes de nos jours ;
mais les auteurs sont loin de s'accorder sur la place qu’il
doit occuper parmi les bivalves. Ainsi, Bruguière et
Lamarck le rangent près des Cardites et des Cypricardes,
(1) Outre les insectes dont nous venons de donner lénumération ,
nous en possédons uve foule d’autres sur les genres desquels nous ne
sommes pas encore complètement fixés,
(2) M. Marcel de Serres ne paraît pas avoir eu connaissance d’un
Mémoire curieux sur le succin de Prusse publié en 1819 par Schweigger
(Bemerkungen über den Bernstein), et dans lequel ce savant décrit et
représente quelques animaux arliculés des genres Fourmi, Araignée et
(R.)
Scorpion.
(109 )
tandis que Cuvier, etc., le rapprochent des Solens. L'é-
tude de la coquille est en effet favorable à cette dernière
opinion, car elleest toujours bâillante ; mais tant qu’en ne
connaissait pas l’animal qui l’habite, on ne pouvait se
guider que par les analogies ; et , bien qu’en suivant celte
marche on arrive en général très-près de la vérité, il
n’en a pas été ainsi pour le point qui nous occupe, aiusi
qu'on le verra par la description suivante d'une espèce
nouvelle d'Hiatelle, trouvée vivante dans le golfe de
Naples.
La coquille de ce mollusque est blanche, très-mince ,
fragile, équivalve, presque équilatérale et marquée d’un
grand nombre de stries, qui se portent en divergeant du
sommet vers les bords, de manière à être dirigées trans-
versalement près des limbes antérieurs et postérieurs.
Vers le milieu de chaque valve , on observe une éléva-
tion qui correspond à la région ventrale. La charnière est
formée par une petite dent , qui est située sur la valve gau-
che, et qui pénètre dans une fossette de la valve opposée,
ainsi que par un ligament qui est extérieur et très-court.
Les bords antérieurs et postérieurs de la coquille sont
aplatis et un peu renversés en dehors; dans cette partie
les deux valves se touchent, mais dans toute l'étendue du
bord inférieur elles restent constamment écartées et
bâillantes.
L'animal de cette coquille est semblable à celui des
Bucardes ; il est pourvu d’une trachée, et son pied auquel
succède iférieurement l'abdomen, et latéralement tes
ovaires est très-gros et saillant, Le manteau tapisse,
toute la face interne des valves, et, en se prolongeant sur
les bords, constitue une espèce de voile qui recouvre la
partie postérieure et inférieure de l'animal, ainsi que
cela se voit pl. 1, À, fig. 3. Toutes les parties de l'animal
sont blanches, si ce n’est l’œsophage qui parait coloré en
noir, ce qui est peut-être du à la présence des alimens;
enfin l'abdomen est recouvert par une petite coquille
patelliforme qui lui sert de bouclier.
D'après la disposition de la coquille; Daudin avait
pensé que l'animal de l’'Hiatelle devait être pourvu d’uu
pied et d'un byssus, à l’aide duquel il se fixait aux
( 110 })
rochers et aux autres corps marins. Jl ne s’est pas trompé,
quant à la première partie de cette conjecture ; mais la
seconde n’a pas été confirmée par l’observation, car l’a-
nimal ne présente aucune trace de filamens semblables ,
et le pied est complètement nu et libre.
Dans la plupart des mollusques dont les valves sont
bâillantes, tels que la Panopea Aldrovandi, le Cardium
hians , V_Arca noe , les Lutraires, Les Solens, etc., l’ou-
verture ainsi formée ne sert qu’à livrer passage au tube
du manteau etau pied; mais il n’en esi pas de même dans
l’'Hiatelle , car la disposition des valves est telle que la-
nimal est à découvert en entier et constamment baigné
par l’eau dans laquelle il vit. On voit représenté sur nos
Ggures une petite coquille trouvée adhérente à la région
abdominale ; je ne sauraïs décider encore si elle appar-
tient réellement à l'animal, ou si elle ne s’y était atta-
chée qu’accidentellement. Pour l'enlever, j'ai été obligé
de me servir de la pointe d’une lancette, et bien que
cette disposition serait unique dans l’organisation des
mollusques bivalves, il est plusieurs raisons qui ten-
draient à faire croire à son existence. En eflet, la forme
de la coquille est telle que sans cette espèce de bouclier
la partie la plus déticate ei la plus importante de cet ani-
mal délicat serait constamment exposée à l’action nuisi-
ble des corps étrangers ; du reste, la Carinaire et lAphysié
nous offrent quelque chose d’analogue. Quoi qu'il en
soit , ce fait me parait mériter de fixer l'attention des na-
turalisies , afin que de nouvelles observations puissent
la confirmer ou faire voir que la disposition que j'ai ren-
contrée n’est qu'accidentelle. Il est essentiel de noter ici
que cette petite coquille est semblable à une espèce fos-
sile qui se trouve dans les bancs d'argile, et quine parait
pas diflérer à son tour de l'Osirea nivea découvert par
Renieri dans l’Adriatique.
En comparant la descripuon de cette nouvelle Hiatelle
que nous dédierons au célèbre Poli, avec celle de l'Hia-
telle arctique de Lamarck , et de l’Hiateile à deux fentes
Daud., on voit qu'elle se rapproche de cette der-
nière par la structure de la charnière. Dans lHiatelle
arctique , il existe une petite dent sur chaque valve,
us
il
(IE
tandis que dans l'Hiatelle arctique, ainsi que dans la
nôtre , on n'en trouve qu'une sur une des valves ; mais
ellediffère essentiellement de toutes deux par sa forme gé-
nérale, car elle est presque équilatérale, et celles déjà con-
nues étaient très-inéquilatérales. On pourrait donc don-
ner comme caractères spécifiques de l’Hiatelle de Poli :
coquille presque équilatérale , ayant une petite dent sur
la valve gauche, pénétrant dans une fossette de la
valve opposée.
EXPLICATION DE LA PLANCHE [I, A.
Flg. 1. Coquille de l’Hiatelle de Poli grossie, vue par sa face dorsale ct de
trois quarts ( sa largeur naturelle est de 2 lignes +, et sa longueur de
4 lignes #).
Fig. 2. La même vue par son bord inférieur et de trois quarts, (La co-
] quille est un peu plus grande que nature, et dans l’espace que les deux
valves on aperçoit l'animal. }
Fig. 3. L'animal vu par sa face abdominale.
Fig. 4. Le même.—«, le pied; c , le contour dé l'abdomen ; 4, Pabdo-
men et les ovaires ; b, la petite coquille qui recouvre ’abdomen.
Fig. 5. La coquille de Pabdomen grossie.
ne
Exrrair du rapport fait à l Académie des sciences
sur le Mémoire présenté par MM. Auvouix et
Marne Enwanos, dans la séance du 29 sep-
tembre 1828, et lu dans celle du 8 octobre (x);
Par MM. Cuvrer et Duméniz.
M. le baron Cuvier, chargé par L'Académie, conjoin-
tement avec M. Duméril , de lui rendre compte du Mé-
moire de MM. Audouin et Edwards , Mémoire qui était
accompagné d'un atlas de plus de 30 planches, a pré-
senté son rapport Gans la séance du 3 novembre. En rap-
portant les principaux résultats auxquels sont arrivés les
auteurs, M. Cuvier a rappelé la date de la présentation
(1) Voyez page 5.
(, TE)
de leur travail à l’Académie des Sciences, et il a fixé l'état
de la science sur chacun des points qu’ils ont examinés.
En parlant des Ascidies composées, il a cité les tra-
vaux admirables de M. Savigny, etila fait voir que,
si l'anatomie de ces êtres singuliers était bien connue,
il restait tout à savoir sur leurs habitudes , leur mode de
propagation et leur développement : les observations de
MM. Audouin et Edwards ont rempli cette lacune.
À l’occasion de l’anatomie des Flustres ou Eschares,
le savant rapporteur fait voir l'incertitude qui existait
sur leur organisation et il confirme les observations des
auteurs en ajoutant: « les auteurs du Mémoire nous ont
fait voir ces animaux; et autant que cela est possible sur
des êtres si frèles et altérés par la liqueur où ils sont
conservés, nous avons cru y distinguer les deux ouver-
iures dont il s’agit, mais surtout l'intestin qui se replie à
côté du sac principal. » M. le baron Cuvier énumère
ensuite , en les accompagnant de remarques , les recher-
ches délicates que les auteurs, munis de bons instru-
mens , ont eu occasion de faire sur les Vorticelles , sur
les Polypes dont il avait déjà reconnu fui-même la struc-
iure, sur les Pennatules , les Lobulaires , etc. , enfin ïl
fait connaître leurs observations sur les Alcyons, les
“ponges, et sur les Téthyes.
« Outre ces observations iniéressantes pour la phy-
siologie comparée , nos jeunes naturalistes ont fort enri-
chi, dit-il, la zoologie par leurs collections ; ils portent
à plus de Goo le nombre des espèces d'animaux sans
vertèbres que leur voyage a procurées au cabinet du Raï,
et d’après leur estimation, il y en aurait plus de 400
nouvelles ou mal connues. »
«Nous pensons, ajoute en terminant le rapporteur, que
le travail de MM. Audouin et Milne Edwards dans la par-
ue qu'il nous a été possible d'examiner, mérite l’approba-
tion de} Académie, et nous ne doutons pas que cetteappro-
bation ne lui soit accordée encore plus amplement lors-
qu’il aura recu le dévelopement dont il est susceptible. »
EE
CE)
Expériences sur les canaux semi-circulaires de
l'oreille chez les oiseaux ;
Par M. P. Frourens.
(Lues à l’Académie royale des Sciences, séance du lundi rx août 1828.)
S [er
© 1. La disposition des canaux semi-cireulaires de l’o-
reille chez les oiseaux , nommément chez les pigeons, a
été très-bien indiquée par M. Cuvier (1). Ces canaux
sont au nombre de trois, deux verticaux et un hori-
zontal ; et ce sont eux qui forment, avec le vestibule
et le limaçon , ce qu'on a nommé l'oreille interne ou Le
labyrinthe.
2. Chez les pigeons, le plus grand de ces trois canaux
est le supérieur , il est vertical et obliquement dirigé
d’arrière en avant : le moyen est horizontal ; l’infériear
est vertical, il est dirigé d’avant en arrière, et il croise
l’horizontal.
3. Or, quand on coupe, sur un pigeon, le canal hori-
zontal des deux côtés, il survient sur-le-champ un
mouvement brusque et impétueux de la tête de droite à
gauche et de gauche à droite.
Quand on coupe un canal vertical, il survient sur-
le-champ un mouvement brusque et impétueux de la
tète de bas en haut ei de haut en bas.
Et quand on coupe tout à la fois le canal horizontal et
un canal vertical, il survient sur-le-champ un mou-
(1) Lecons d’ Anatomie comparée , tom. 114 pag. 465.
XV, — Octobre 1928. (e)
(114)
vemeni brusque et impétueux de la tête, tantôt de
droite à gauche et de gauche à droîte , et tantôt de bas en
haut et de haut en bas.
4. J'ai déjà fait connaître, en 1824, les principaux
effets de la section du canal horizontal (x); j'ai constaté
depuis les effets de la section des canaux verticaux : les
expériences que l’on va lire ont eu pour objet de suivre
ces deux ordres d'effets dans tout leur détail.
$ II.
1. Je coupai le canal horizontal du côté gauche sur un
pigeon : il parut, sur-le-champ, un léger mouvement
de la tête de droite à gauche et de gauche à droite. Ce
mouvement dura peu : l'animal reprit son allure habi-
tuelle; il avait tous ses sens , toute son intelligence, tout
l'équilibre de ses mouvemens.
Je remarque qu’au moment de la section l’animai té-
moigna éprouver une vive douleur; il le témoigna de
mème à chaque section, dans chacune des expériences
qui suivent.
2, Je coupai le canal horizontal de l’autre côté : le M
mouvement horizontal de la tête reparut soudain, mais |
avec une rapidité, une impétuosité telles que l'animal ,
perdant tout équilibre , tombait et roulait long-temps sur »
lui-même sans pouvoir réussir à se relever.
Ce violent mouvement de la tête, de droite à gauche et}
de gauche à droite, ne durait pas toujours. Quand,
l'animal était en repos, la téte y était aussi; mais dès
(1) Expériences sur le système nerveux, pag. 44 et suiv. (Paris,
1825. )
( 19 à
que l'animal se mouvait, le mouvement de la tête recom-
mençait, et ce mouvement devenait toujours d'autant
plus fort que l’animal cherchait à se mouvoir plus vite.
Âinsi, dans la simple station, l’animal conservait son
équilibre ; il le perdait dès qu'il voulait marcher ; il le
perdait encore plus, s’il voulait marcher vite; il le per-
dait tout-à-fait , s’il voulait courir ou voler.
La simple station était donc encore possible ; la marche
l'était déjà moins ; la course et le vol étaient tout-à-fait im-
possibles.
Aux momens de la plus grande violence du mouve-
ment de la tête, tous les mouvemens de l’animal étaient
confus ei désordonnés.
L'animal craignait évidemment le mouvement; aussi,
abandonné à lui seul, ne bougeait-il presque pas de
place. Très-souvent il se bornait à tourner sur lui-
même , tantôt d’un côté , tantôt de l’autre.
Du reste, il voyait très-bien; il entendait encore ;
il conservait tous ses instincts, toute son intelligence ;
il buvait et mangeait de lui-même, quoique avec la
plus grande peine.
Je l'ai étudié près d’une année dans cet état : la plaie
de la tète s'était entièrement cicatrisée ; il était deve-
nu fort gras : mais tous les phénomènes de mouvement
horizontal de la tête, de rotation sur lui-même , de trou-
ble et de perte de l'équilibre ; tous ces phénomènes , ou
plutôt la réapparition de tous ces phénomènes au moindre
mouvement un peu rapide de l'animal; tout cela a con-
stamment subsisté.
3. Je coupai le canal vertical inférieur (celui qui
croise l’horizontal ) du côté gauche, sur un pigeon : il
('TA00
parut aussitôt un léger mais rapide mouvement de la
iète de bas en haut et de haut en bas : ce mouvement ne
dura qu'un instant.
L'animal , abandonné à lui-même , se tenait d’aplomb;
il marchait et volait régulièrement : il éprouvait seule-
ment, de temps en temps, une espèce de secousse ou de
mouvement brusque et subit de la tête d'avant en arrière;
mouvement qui troublait un moment son équilibre, ei
allait quelquefois jusqu'à le renverser presque sur le
dos : au bout de quelques instans, ce mouvement lui-
même se dissipa , ou ne reparut plus que de loin en loin.
4. Je coupai le canal vertical inférieur de l’autre côté:
le mouvement vertical de la tête reparut soudain , et
avec une violence et une impétuosité tout-à-fait pareilles
à celles du mouvement horizontal qui suit la section du
canal horizoutal des deux côtés.
Le mouvement de bas en haut et de haut en bas du-
rait presque continuellement ; quelquefois la tête se pen-
chait un peu d’un ou d'autre côté, comme pour faire un
demi-tour ; mais la direction dominante du mouvement
était toujours de bas en haut et de haut en bas.
Dans la simple station l'équilibre subsistait : pour le
mieux conserver , l'animal appuyait sa tête par terre, et
c'était presque toujours le sommet de sa tête renversée
qu'il appuyait (1).
(1) J’observe de nouveau , en ce moment, tous les détails de cette ex-
périence et de celle qui précède (sur la section des canaux horizon-
taux } sur deux pigeons opérés le 24 août de cette année devant MM. les
Commissaires de l’Académie.
Ces deux pigeons ont parfaitement survécu à l'expérience ; ils boivent
£t mangent d'eux-mêmes, et leur plaie s’est cicatrisée. Ils sont mainte-
nant à la Henagerie du Jardin du Roi.
(117)
Le mouvement de la tète devenait constamment plus
vif par tous les autres mouvemens du corps : à son tour,
il troublait et désordonnait ceux-ci au point que tout
mouvement régulier finissait bientôt par être entièrement
impossible.
L'auimal ne pouvait plus, comme le précédent, ni
courir ni voler. Si on le jetait en l’air, après quelques
mouvemens incohérens de ses pattes et de ses ailes, tout
son corps se raidissait, et il tombait comme une masse
inerte.
Le globe de l'œil et les paupières étaient dans une agi-
tation extrème et perpétuelle.
Ce qui est très-remarquable , c’est que l'animal ne
tournait jamais sur lui-même, au contraire du pigeon
aux deux canaux horizontaux coupés ; mais 1l se renver-
sait souvent, malgré lui, sur le dos, en tombant sur sa
queue , et quelquefois il roulait long-temps dans ce
sens,
J'ai conservé cet animal durant près d’une année: il
buvait et mangeait de lui-même , quoiqW’il eût une peine
infinie à gouverner un moment sa tête pour saisir le
boire et le manger ; il n’a jamais pu voler; dès qu'il
voulait marcher un peu vite, il tombait et roulait sur le
dos ; presque toujours il restait à la même place, Le som-
met de La téie renversée appuyé par terre, ou contre les
barreaux de sa cage : en un mot, le mouvement vertical
de la tête , et les effets de ce mouvementsur tous les autres
mouvemens du corps ; tout cela a toujours subsisté , et
toujours avec une intensité à peu près égale.
5. Les deux canaux verticaux inférieurs avaient été
coupés , sur le pigeon précédent, au-dessous du point où
(11007
chacun d’eux croise le canal horizontal de son côté : je les
coupai, sur un autre pigeon, au-dessus de ce croisement ;
le résultat fut à peu près le même.
6. Je les coupai enfin, sur un autre pigeon, etau-des
sus et au-dessous de ce croisement ; et le résultat fut en-
core le mème, à cette différence près pourtant que le
mouvement de la tête fut beaucoup plus violent après
cette double section qu'il ne l'avait été dans tous les cas
précédens où la section était simple.
7. Je coupai le grand canal vertical, ou le canal verti-
cal supérieur, du côté gauche sur un pigeon ; il y eut aus-
sitôt un léger mais rapide mouvement de la tête de haut
en bas et de bas en haut : ce mouvement fut de courte
durée , mais bientôt après il se reproduisit.
L'animal , abandonné à lui-même, marchait et se te-
nait debout avec équilibre ; il éprouvait seulement, de
temps en temps, un mouvement comme de culbute en
avant : on à vu que, chez le pigeon précédent , le mou-
vement était, au contraire, comme de culbute en arrière.
8. Je coupai le canal vertical supérieur de l’autre côté:
sur-le-champ, mouvement brusque et violent de la tête |
de haut enbas et de bas en haut : ce mouvemententraine,
comme dans les précédentes expériences , le trouble et le
désordre de l'équilibre ; il cesse de mème par momens
quand l'animal est en repos; il recommence de mème
quand l'animal se meut ; enfin, il s'accroît toujours d’au-
tant plus que l'animal cherche à se mouvoir plus vite.
L'animal ne tourne point sur les côtés, comme le pi-
geon aux deux canaux horizontaux coupés ; il ne se ren-
verse point sur le dos en tombant sur la queue, comme
le pigeon aux deux canaux verticaux inférieurs COUPÉS ;
( 119 )
il tombe, au contraire, sur la tête, et fait ainsi la culbute
en avant, à l’inverse du précédent qui la faisait en arrière.
J'ai conservé ce pigeon dans cet état, près d’une année
entière.
9. Je coupai, sur un pigeon, les deux canaux horizon-
tal et vertical inférieur des deux côtés, au point de leur
jonction ou de leur croisement : il survint sur-le-champ
un mouvement brusque et violent de la tête, mêlé de la
direction horizontale et de la verticale, mais où l’hori-
zontale dominait pourtant: aussi l’arimal tournait-il
parfois sur lui-même.
10. Enfin , sur un autre pigeon je coupai tous les ca-
naux, verticaux et horizontaux, des deux côtés; etil
survint aussitôt un mouvement fougueux et désor-
donné de la tête dans tous les sens, de haut en bas, de
bas en haut, de droite à gauche , de gauche à droite.
Ce mouvement était d’une violence inouïe; il trou-
blait et désordonnait l’équilibre de tout l'animal, qui
n'obtenait plus quelques momens de repos qu’en appuyant
sa tête par terre.
11. J'ai répété toutes ces expériences sur plusieurs
autres pigeons : les résultats ont toujours été les mêmes,
à quelque différence près dans le degré de violence des
phénomènes ; c’est pourquoi je me borne à rapporter le
détail de celles qui précèdent.
& II.
1. Jusqu'ici je m'étais borné à opérer tout d’un coup
la section des canaux semi-circulaires. J’essayai de faire
, MS
l'expérience d’une autre façon.
CEA
>. Sur un pigeon , après avoir mis le canal horizontal
des deux côtés à nu, J'ouvris le canal osseux des deux
côtés , sans toucher aux parties internes de ce canal. Il
ne survint aucun effet sensible.
Je piquaï alors, avec une aiguille, les parties contenues
dans ce canal ; animal témoigna aussitôt une vive dou-
leur, et le mouvement horizontal de la tête parut; mais
il était plus faible que dans le cas de la section complète
du canal.
3. Je mis, sur un autre pigeon, le canal vertical in-
férieur des deux côtés à nu: j'ouvris ensuite le canal os-
seux des deux côtés ; l'animal n’éprouva aucun effet.
Je piquai les parties contenues dans le canal osseux :
l’animal témoigna qu'il soufirait, et le mouvement verti-
cal de la tête parut aussitôt , mais plus faible que dans le
cas de la section complète du canal.
4. J'ai répété ces expériences sur plusieurs autres pi-
geons; j'ai toujours vu qu'on peut détruire impunément
le canal osseux , mème sur divers points. Au contraire ,
dès qu’on pique les parties contenues dans ce canal, l’a-
nimal donne des marques d’une vive sensibilité, et la tête
commence à s’agiter.
De plus, si, quand après avoir piqué ces parties , et
avoir conséquemment produit, par cette piqüre, une cer-
taine douleur et une certaine agitation de la tête, on
attend que cette douleur et cette agitation se soient cal-
mées , et qu’on renouvelle alors la piqûre, la douleur et
l'agitation de la tête renaissent.
5. C’est donc dans les parties des canaux semi-circu-
laires contenues dans les canaux osseux, parties qui,
comme l'ont montré les recherches de Comparetti ,
( 5m)
de Scarpa , de M. Cuvier, constituent les véritables
canaux semi-circulaires, et dans l’expansion du nerf
acoustique qui se déploie sur ces canaux , que se trouve
le véritable siége des singuliers phénomènes que nous
venons de voir.
$ IV.
1. En résumant tout ce qui précède, on voit : 1° que
la section du canal horizontal des deux côtés est cons-
tamment suivie d’un violent mouvement horizontal de
la tête ; que la section d’un canal vertical, soit supérieur,
soit inférieur , des deux côtés, est suivie d’un violent
mouvement vertical de la tête ; et que la section des ca-
naux horizontaux et verticaux tout à la fois est suivie
d’un mouvement horizontal et d’un mouvement vertical
tout ensemble ;
2. Que la section du canal d’un seul côté, quel que
soit le canal coupé, vertical ou horizontal , est toujours
suivie d’un effet infiniment moindre que celle dû même
canal des deux côtés ;
3. Que l'effet de la section (1) des canaux semi-circu-
laires n'empêche pas l’animal de vivre, mais que cet ef-
fet subsiste tant que l’animal vit;
{1) Du moins de la simple section : car la destruction ou le broiement,
plus ou moins profonds, des canaux semi-circulaires , entraînent un tel
désordre et une telle violence dans les mouvemens que l’animal s’épuise
en vains eflorts, ne peut plus boire ni manger, et finit , au bout de
quelque temps , par succomber. Ainsi la violence des effets est toujours
subordonnée au degré de la lésion. Dans le cas d’une simple piqûre, le
mouvement de la tête est léger ; il est beaucoup plus fort dans le cas
d’une section ; il est plus fort encore dans le cas d’une section double :
il est au plus haut degré de violence eufin , dans le cas de broiement
où de destruction complète,
( 1229
Et 4° enfin, que c'est dans les canaux membraneux
enveloppés par les canaux osseux, c’est-à-dire dans les
véritables canaux semi-circulaires et dans leur expansion
nerveuse , que réside le principe de cet effet.
2. [l'est surprenant, sans doute , de voir des parties
d’une contexture aussi délicate, et d’un aussi petit vo-
lume que les canaux semi-circulaires , exercer une action
si puissante sur l’économie; il ne l’est pas moins de voir
des parties qui, par leur position même dans l'oreille,
semblaient ne devoir jouer qu’un rôle spécial et borné à
l'audition , avoir une influence si marquée sur les mou-
vemens; il ne l’est pas moins enfin de voir chacune de
ces parties déterminer un ordre ou une direction de mou-
vemens si parfaitement conformes à sa propre direction.
Aïnsi les canaux horizontaux déterminent un mou-
vement horizontal ; les canaux verticaux, un mouvement
vertical. De plus , l’un des deux canaux verticaux, lin-
férieur , est dirigé d'avant en arrière; il détermine un
mouvement d'avant en arrière ou de culbute en arrière ;
l’autre canal vertical, le supérieur , a une direction d’ar-
rière en avant ; il détermine un mouvement d’arrière en
avant ou de culbute en avant.
3. D'un autre côté, bien que les phénomènes qu'’a-
mène la section des canaux semi-cireulaires aient une
analogie très-marquée avec les phénomènes du cervelet,
ces deux ordres de phénomènes n’en sont pas moins
distincts.
4. Dans plus de vingt expériences sur ces canaux , je
me suis constamment convaincu de l’intégrité complète
et absolue du cervelet.
Il est évident, d’ailleurs, que, si le branlement de la
( 145)
tête n'était pas un phénomène propre aux canaux semi-
circulaires, la direction de ce branlement ne varierait point
comme varie la direction de ces canaux.
Enfin , la lésion du cervelet n’est suivie, dans aucun
cas, d’un pareil branlement de la tête, soit vertical,
soit horizontal, quoique, comme je l'ai précédemment
montré (1), la tête éprouve par cette lésion, ainsi que
toutes les autres parties du corps, les mouvemens les
plus confus et les plus désordonnés.
5. Le branlement impétueux de la tête qui vient d'être
décrit est donc un phénomène propre et exclusif aux ca-
naux semi-circulaires. En outre, ce phénomène est d’au-
tant plus important à considérer qu’il n’est pas rare de
le voir constituer un symptôme plus ou moins dominant
dans plusieurs cas de maladies, soit chez l’homme, soit
chez les animaux ; et c’est sans doute un progrès de diag-
nostic qui ne sera pas perdu pour la thérapeutique, que
d’avoir enfin fixé le siége d'un aussi singulier symp-
tôme.
6. On a besoin, quand on se livre aux recherches si
pénibles de l’expérimentation en physiologie, d’être sou-
tenu par l’idée que les souffrances auxquelles nous som-
mes quelquefois obligés de soumettre les animaux sont
le seul moyen de parvenir à éclairer le traitement des
souffrances de nos semblables , et que chaque douleur
éprouvée par un animal peut être une douleur épargnée
à l’homme.
7. J'ai répété les expériences qui précèdent, sur des
poules , sur des moineaux, sur des verdiers, sur des
(1) Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du
système nerveux. (Paris, 1824.)
Ca24)
bruants, sur des chardonnerets, sur des linottes, sur
des mesanges , etc. ; le résultat a toujours été le même,
du moins quant au fond et à toutes les circonstances es-
sentielles du phénomène (1). Le phénomène qui suit la
section des canaux semi-circulaires est donc un phéno-
mène constant et général dans la classe des oiseaux.
8. 11 me reste à indiquer les effets de la section de ces
canaux dans les autres classes : ce sera là l’objet d’un
second Mémoire.
(1) Ainsi , par exemple , on a vu qu’après la section des canaux ho-
rizontaux , le pigeon tourne presque toujours sur lui-même ; qu'après
celle des canaux verticaus inférieurs il fait souvent plusieurs culbutes en
arrière Les unes à La suite des autres , et qu'après celle des canaux verti-
caux supérieurs il en fait souvent plusieurs en avant. Tous ces mouve-
mens ont lieu dans le vol comme dansla marche ; mais chez les petits
oiseaux ( mésanges , moineaux , verdiers , etc.) qui volent beaucoup
plus qu'ils ne marchent, c’est presque toujours dans le vol qu’ils ont
lieu , ce qui ajoute un nouveau degré de rapidité, et par là même de
singularité, aux phénomènes. Du reste, même mouvement horizon-
tal de la tête après la section des canaux horizontaux : même mouvement
vertical après la section des canaux verticaux : même cessation de ces
mouyemens durant le repos : mème reproduction des mouvemens de la
tête par tous les autres mouvemens du corps , et même trouble de tous
ces mouvemens (vol, marche, course , etc.) par le mouvement de la
tête.
( 12549
Sur un nouveau genre d'Ascaridiens sorti du
corps d’une femme ;
Par M. Bory DE SainT-ViNcEnT.
Correspondant de l’Institut.
( Lu à l’Académie royale des Sciences , séance du 22 août 1823 (1).
Le développement d’animaux de genre et d'ordre di-
vers, dans plusieurs des maladies qui afiligent l’espèce
humaine, est un fait trop constaté pour qu’il soit néces-
saire d’en fournir de nouvelles preuves; mais on est loin
d’avoir encore observé toutes les espèces qui habitent le
corps humain , ou qui semblent s’y engendrer dans cer-
tains états de souffrance ou de délabrement. Un opticien,
successeur de M. Rochette père, qui faisait d’excellens
microscopes, et auquel je dus d'excellentes lentilles, avec
lesquelles je suis parvenu au plus fort degré de grossis-.
sement qu'on puisse atteindre, me fournit l’occasion
d'étudier l’un de ces êtres singuliers qui avait jusqu'ici
échappé aux recherches des naturalistes.
Une dame d’une quarantaine d'années vint demander
dernièrement à l’opticien une loupe pour examiner de
petits animaux qui sortaient, disait- elle , du corps de
l’une de ses amies. Frappé de cette singularité, et en-
trant en explications , il pria la personne qui s’adressait à
lui de lui fournir de ces animaux, et il se hâta de me les
apporter. [l résulta des questions faites à la dame qu'elle
était elle-mème la malade, qui, par un sentiment de
mauvaise honte , n'avait pas d’abord voulu dire ce qui
(x) Ce Mémoire , qui fut soumis à l’examen de MM. Latreille et
Savigoy , étant resté dans Les papiers de ces savans , y est demeuré jus-
qu’à ce jour, et n’a conséquemment pu être imprimé plus tôt.
(126)
en était. Cetie personne a été durant quinze ans fort
souffrante, et traitée pour diverses maladies, sans éprou-
ver le moindre soulagement par l'effet des remèdes qui
lui furent administrés. Elle était enfin menacée d’une
hydropisie, et se mit en désespoir de cause dans les
mains d’un docteur qu'elle w’a pas nommé, et qu’elle
assure Jui avoir rendu la santé (1). Sans approfondir ce
qui en est, elle en avait du moins l’apparence lorsque
nous eùmes occasion de la voir, mais elle mourut quinze
jours après, assez replète, son teint avait de l’éclat ;
mais , à mesure qu’elle paraissait se rétablir, elle éprou-
vait de légères démangaisons sur toutes les parties du
corps; ces démangeaisons, devenues de plus en plus
fortes, ont fini par être insupportables , et bientôt à peine
la malade avait-elle gratté ou frotté la partie souffrante
pour y portér quelque soulagement, qu’il en sortait de
très-petits animaux brunâtres, qui couraient par milliers
et avec rapidité dans tous les sens. On a remarqué que
ces animaux semblaient, après leur évasion, se plaire
dans le linge de coton. La malade s’enveloppait consé-
quemment de toile ; et, selon qu'il faisait chaud, il fallait
la changer de trois à six fois par jour, tant le nombre
des petites bêtes qui sortaient d’elle devenait consi-
dérable.
Ces êtres singuliers ne recherchaient pas les autres
personnes, et le mari de la malade, qui n’avait jamais
abandonné le lit conjugal, prétendait que ceux qui par-
fois s'étaient égarés sur son corps y mouraient assez
bromptement. Quoi qu’il en soit, ceux qu’on m’apporta
promp PP
(1) Ce médecin était celui qu'un purgatif employé à tort et à travers
a rendu fort célèbre et fort riche.
(127)
renfermés dans une petite boîte, qui contenait un mor-
ceau de percale sur lequel on les voyait courir, ont vécu
quarante-huit ou cinquante heures. La plupart étaient
à peine percepübles à l'œil nu, les plus gros équivalaient
à la moitié du voiume d’un grain de tabac. (PI. 1, B, a.)
J'ai pu distinguer et saisir au microscope la figure de
ces animaux que je donne ici; j'ai représenté un individu
de moyenne taille soumis à la lentille d'une ligne de
foyer, qui, par la composition de l’instrument que j’em-
ploie, produit un grossissement de deux cent trente-
huit fois, et le champ suflisani pour voir l'animal tout
entier. Un grossissement plus considérable ne m'était
pas permis, parce que, la lumière me manquant, le
corps devenait entièrement opaque, etje n’en voyais alors
que quelques profils insuflisans. J'ai seulement pu , en
écrasant quelques individus , distinguer avec une lentille
d’une demi-bgne, dont l'effet est beaucoup plus con-
sidérable, et dans la transparence des débris, que les
longs poils raides dont le pourtour et les pattes parais-
saient hérissées, sont articulés une ou deux fois comime
ceux de la plupart des végétaux. Il est sorti de toutes les
parties du corps des milliers de petits globules transpa-
rens, dont les dimensions sont inappréciables, et dont
l'animal ne semble être qu’un amas contenu dans la
peau , où Je n'ai reconnu aucun réseau organique.
Quelques recherches que j'aie faites , et dans quelque
sens que j'aie examiné ces animaux, je n’ai pu y décou-
vrir ni stigmates ni yeux. Il est probable que les premiers
de ces organes, ou du moins ceux qui y répondent dans
la respiration, étant situés latéralement, lopacité du
corps n'a pas permis de les distinguer ; mais, pour les se-
( 128 )
conds , ils n'existent certainement pas, même rudimen-
tairement. Je les eusse trouvés, car par l’écrasement
j'avais rendu tous les tégumens translucides.
L'animal que j'ai observé appartient à la première sec-
tion de la classe des arachnides , ordre des exantennés-
trachéoles, et rentre dans la famille des acarides. Sa
bouche, sans mandibules distinctes, consiste dans une
sorte de suçoir, qui m'a présenté la particularité de petits
poils qui en garnissent l'extrémité, du reste peu proémi-
minente, à peine foraminée, et presque toujours cachée
entre deux petits palpes obtus, évidémment formés
de deux articles, mais qui m'en ont présenté trois dans
un individu. Ces palpes latéraux se meuvent ordinaire-
ment dans un sens rectiligne , mais je les ai vus affecter
quelquefois la figure que je leur donne ici.
Le suçoir et les palpes semblent former par leur jonc-
tion radicale une sorte de tête ou de prolongement parti-
culier en avant du corps , etentre deux sortes d’épaules,
s’il est permis de nommer ainsi le renflement sensible
du point où s’attache la première paire de pattes. Du
reste, nulle séparation entre la tête et le corps , point de
thorax distinct de l'abdomen ; l'animal est tout d’une
pièce et sans anneaux. Huit pattes propres à la marche
obscurément, mais sensiblement articulées, armées en
quelque sorte de poils raides , droits, hérissés , dissémi-
nés sur leur surface, terminés par un article plus long
que les autres, aminci sans crochets , à l'extrémité du-
quel existe comme un poil plus fort, plus long et plus
rigide que tous les autres, et qui bien certainement
manque dans beaucoup d'individus, soit qu'ils n’y soient
pas développés , soit qu'ils soient tombés en demeurant
( 129)
engagés dans les chairs de la malade , ou dans son linge.
Les deux pattes antérieures sont plus longues, situées
en dessous, tandis que les six autres sont latérales ; elles
ne servent seulenrent pas à la marche, mais l’animal les
lient souvent un peu courbées en dessus, comme le font
les arachnides munies de palpes pédiformes.
Le pourtour du corps , quiest inférieurement obtus et
renflé vers le milieu, présente des poils raides, plus
longs que ceux des pattes ; le reste de la peau n’en à
pas offert. Une tache noirûtre , tirant sur le rouge, se dis-
tingue au centre ; tient-elle aux organes de la circula-
tion ou de la digestion? c’est ce qu’il nous est impossible
de déterminer .
L'aspect de cet animal rend sensible ce que dit
M. de Lamarck des Acarides qu'il nous apprend , dans la
précision concise de sa manière de peindre les créatures
vivantes , n'être que des poux raccourcis et modifiés. Ici
les antennes ont disparu, mais il existe une paire de
pattes de plus; l’abdomen ne forme plus seulement la
plus grande partie du corps , il en est devenu la totalité,
C’est aux genres Ixode et Argas que nous avons d’a-
bord cherché à rapporter notre acaridien; comme les
animaux répartis dans ces deux genres , il est muni de
palpes et dépourvu d’yeux, mais il n’a pas, comme les
Ixodes un bec formé de trois lames , ou, comme les Ar-
gas, la bouche inférieure. Son aspect rappelle celui des
Smaris , acaridiens de la même section ; mais ceux-ci ont
des yeux, et leurs palpes , qui ne sont pas plus longues
que le bec, paraissent ne pas être articulées ou terminées
comme elles le sont ici par des poils. C’est à nos savans
confrères Latreille où Daméril qu’il appartient de fixer
AU 9
-
(130)
le rang qu'occupe dans la nature l’arachnide dont nous
venons d'entretenir l’Académie.
Nous ne hasarderons aucune conjecture sur la propa-
gation de cet animal. Il suflira de dire que si, en parlant
’êtres beaucoup moins compliqués que le sont les acari-
diens , nous avons autrefois exposé des faits qui semblent
indiquer des générations spontanées, nous sommes loin
d’en étendre les conséquences au fait dont il est ici ques-
tion. Il paraîtrait plus naturel et plus conforme à l’ana-
logie de supposer que les petits animaux qui nous occu-
pent peuvent se féconder pour plusieurs générations ,
comme il arrive aux Cypris, aux Daphnies , etc. , et que
les œufs, produits par ces pygmées de l’organisation,
nombreux et d’une petitesse inappréciable, peuvent cir-
culer dans le corps des animaux avec les fluides, pour
être transportés aux extrémités des vaisseaux capillaires,
où , lorsqu'ils éclosent, des grattemens indiquent leur nais-
sance. Ces œufs ont pu être absorbés, mais dans le cas seu-
lement où quelque état du sujet prédisposé à cette absorp-
tion l'était aussi au développement des germes absorbés.
L'animal qui vient de nous occuper ressemble au reste
pour la forme générale à l’Acarus de la gale, ou mieux
encore à celui que Goës a représenté comme étant cette
espèce; mais nous pouvons répondre qu'il n'y existait
point de mandibules.
Nous nous sommes déterminés à publier, quoiqu’un
peu tard, le présent Mémoire, parce que nous y avons
été encouragés par le rapport qu’en fit le savant Latreille,
et qui le terminait par ces mots : « Le Mémoire est d’ail-
leurs curieux, et il serait à désirer que l’on eût sur beau-
coup d’autres acarides des observations aussi exactes. »
( 23m
EXPLICATION DE LA PLANCHE 1 .
Fig. 6. Acaridien excessivement grossi. — a, deux points indiquant le
maximum et le minimum de la grandeur naturelle.
Suite des Observations sur la Reproduction des
animaux domestiques ;
Par M. Girou pe BuzArEINGUES,
Correspondant de l’Académie royale des Sciences.
(Lu à l’Académie royale des Sciences, le 24 août 1828.)
Je vais avoir l'honneur d'entretenir l’Académie d’une
nouvelle expérience et de nouvelles observations sur la
reproduction des animaux domestiques.
Dans la réunion des comices agricoles de Sévérac, du
24 juin 1827, j'ai fait l'offre de recevoir chez moi,
pendant la monte de la mème année, cinquante brebis,
appartenant à des membres de lassociation, dont dix
de chacun des âges 2 , 3, 4, 5 et 6 ans ou au-dessus,
annonçant l'intention d’en diriger la monte de manière
qu’une moitié, composée de cinq bêtes de chaque âge,
dût produire spécialement des femelles, et l’autre moitié
des mâles. J'eusse désiré que ce troupeau füt composé
de cinq lots que m'auraient confiés autant de proprié-
taires; mais la chose n’a pu s’exécuter ainsi ; et M. Les-
cure de Lavergne, ex-conseiller de préfecture, m'a
fourni les cinquante bêtes demandées. :
Arrivées chez moi, ces brebis ont été divisées en
deux lots de 25 ; dans chacun desquels , il y a eu cinq
sujets de chacun des âges précédemment spécifiés. Le
(‘1929
lot destiné à produire le plus de femelles à été marqué
à la poix, sur l’épaule gauche, d’une suite de n°,
depuis r jusqu’à 25 , suivant l’ordre des âges; et l’autre
lot a été marqué d’une semblable manière, depuis 26
jusqu'à 50, sur l’épaule droite.
La première division , dans laquelle étaient réunies
les brebis les plus fortes de tous les âges , a été confiée
à un de mes bergers, et confondue avec mes brebis
d'engrais. Elle a reçu pour la monte cinq agneaux
mâles , âgés de huit mois; et elle a été conduite dans
un vieux sainfoin que je me proposais de détruire, et
qui était voisin de l’abreuvoir et de la bergerie.
Quant à la deuxième division , j'ai été détourné par
une considération qu’il est bon de rapporter, de prendre
les mesures qui devaient préparer le résultat que je vou-
lais en obtenir.
M. Lescure m'avait confié trop loyalement cette sec-
tion de son superbe troupeau, pour que je ne dusse , sur
toutes choses, en assurer la conservation et éviter même
de la lui rendre en mauvais état. C’est pourquoi je l'ai
prié de me prêter un de ses bergers, auquel je lai
livrée , après y avoir mis un bélier de 4 ans que m'avait
encore fourni M. Lescure.
Cette division devait être menée sur les pâturages les
plus secs de mon domaine et les plus éloignés de la
bergerie ; tels étatent mes ordres. Mais ils ont été bien
mal exécutés. Le berger de M. Lescure était un enfant
qui n'était jamais sorti du village de Lavergne. La ma-
ladie du pays l’a bientôt gagné, et il a déserté au bout
de quatre jours. Jai été obligé de lui faire des conces-
sions, pour l’ergager à revenir à som poste ; et il en a
(155 )
abusé : je l'ai surpris gardant son troupeau dans le pà-
turage destiné à la première section. Je me suis fàché :
il a pleuré d’abord pour toute réponse; et il n’a enfin
déclaré qu'il retournerait chez lui , si les brebis confiées
à sa garde devaient éprouver des privations. J'ai tâché
de lui faire comprendre que nous nous entendions là
dessus, son maître et moi. Je lui ai dit qu'après la
monte .je lui donnerais les moyens d’engraisser son
petit troupeau ; je lui ai promis une récompense , et il a
eu l'air de se rendre : mais, ayant été moi-même obligé
de m'’absenter pendant quinze jours, il en a fait à sa
tête ; il m'a dit, à mon retour, que la monte de ses brebis
était terminée , et il est paru avec elles, laissant l’autre
division à Buzareingues. Cependant le résultat a prouvé
que, de ces vingt-cinq brebis composant le deuxième
lot, 17 seulement avaient été saillies où fécondées. Elles
avaient été gardées séparément , dans des päturages éten-
dus, par un berger qui mettait toute sa gloire à les
avoir en bel état : elles ont donc été placées sous l’in-
fluence de circonstances favorables à la procréation de
femelles; et nul doute que si, après les avoir mar-
quées, je les avais renvoyées à M. Lescure, pour être
confondues, pendant la monte, avec le reste de son
troupeau, j'aurais mieux réussi (1). Il est d’ailleurs
probable que les huit brebis de ce lot qui n’ont pas
recu le bélier, en étaient les plus faibles ou celles qui
devaient donner le plus de mâles.
L'autre division n’est partie de m@n domaine que
treize jours après le départ de la deuxième. L'expérience
(1) Le surplus du troupeau de M. Lescure a produit 5o mäles et
42 femelles,
(134)
ici a été parfaite, et le résultat en a été plus satisfaisant
que je n’osais l’espérer.
Voici le relevé des notes que M. Lescure a tenues,
jour par jour , de l’agnelage des cinquante brebis, et
qu’il a bien voulu me communiquer. À mon grand re-
gret, les âges des mères n’y sont pas spécifiés.
Sur les 25 brebis marquées à l’épaule gauche et des-
tinées à procréer plus de femelles que de mâles, 23 ont
été fécondées, et elles ont produit 7 mâles et 18 femelles.
Il y a eu deux doubles portées , dont une d'un mäle et
d’une femelle, et l’autre de deux femelles : celle-ci
provenait d’une brebis de quatre ans; la première, d’une
brebis de deux ans.
Les 25 brebis marquées à l’épaule droite , et destinées
à procréer plus de mâles que les autres , ont donné 8
mâles et 9 femelles.
Ce dernier résultat, auquel je devais m'attendre, et
que j'avais même annoncé avant de le connaître, est
tout-à-fait insignifiant.
Le rapport des mâles aux femelles a été, dans le pre-
merite es Saut: ducs de bee sai OUR LE ME) 0O0O 12 HAE
Et dans le deuxième............…... ::/1,000 : 1,250:
L’exposé de cette expérience, tel que je viens d’avoir
l'honneur de le faire à l’Académie, est inséré dans le
procès-verbal de l’avant-dernière réunion des comices
agricoles de Sévérac, présidée par M. Lescure.
J'ai eu, cette année ( 1828), l’occasion de faire quel-
ques observations positives sur un fait que j'avais déjà
remarqué, mais que je n'avais pas encore noté d’une
manière assez spéciale.
Depuis long-temps j'avais observé que les brebis
(#35)
atteintes de pourriture avant la monte donnaient bien:
plus de mâles que de femelles. Ayant adressé là-dessus
des questions à mon vieux berger, il m'a cité, en re-
ponse, un fait analogue à ceux que j'avais déjà re-
cueillis. Il a porté à un tiers l’excédant des mâles sur
les femelles, dans les produits d’un troupeau atteint de
pourriture avant la monte , dont il avait été le gardien.
Instruit que les brebis des domaines de La Panouze,
de Varez , de Lavergne et de Favars , avaient donné des
signes de pourriture avant la monte de 1827, j'ai fait
en sorte d'obtenir des notes exactes de leur agnelage en
1828. Or, d’après ces notes, le troupeau de La Panouze
RO Rte Luc dede lents pue 00) 00)
Sur quoi 16 brebis portant la bou-
teille (sorte de goître) ont donné... 11 TE
eue Narez.i.Lie aile El Tan
Sur quoi 38 brebis portant la bou-
ETES MN PR RER ARC EE Si moNs
Gelnide Davergne. sosie 00 42;
Gélanide avan sis etrtaaest 0 168
Il n’en a pas été de même dans les troupeaux par-
faitement sains. De ce nombre, celui de Cassagnes a
sud lien able nécua co ifoa ne sbp ee an AU ER Oh Es
Eticelur des Gares... su dé tei 74 87.
Ces derniers faits semblent pouvoir se déduire d’une
loi d’après laquelle les mères produiraient des femelles,
lorsqu'elles sont plus fortes que les mâles ; et des mâles,
lorsqu'elles sont plus faibles. Cependant il n’en est pas
toujours ainsi, et la chose n’est pas tout-à-fait aussi
simple. D’après des observations que j'ai faites sur des
vaches suisses, ou d’autres observations que j'ai faites ou
( 136 )
recueillies sur l'espèce humaine , les mères atteintes de
phthisie pulmonaire produisent plus de femelles que de
mâles (1).
Aïnsi, sous les influences d’une aflection au foie (la
pourriture }) , la femelle produit plus de mäles ; et, sous
celle d’une affection au poumon, elle produit plus de fe-
melles. J’ajouterais , si c'était ici le lieu de parler de mes
observations sur l'homme , que c’est le eontraire du mâle.
Jusqu'ici, afin de montrer que les brebis les plus
fortes , ou celles qui demandent les premières le bélier ,
sont aussi celles qui produisent le plus de femelles, j'ai
pris arbitrairement les premiers produits de l’agnelage
et les ai comparés aux suivans ; mais, comme cette opé-
ration ne donne pas une idée assez précise de la marche
ordinaire de l’agnelage et de la distribution des sexes
dans ses diverses périodes ; j'ai pris le parti, en 1828,
de diviser celui de chacun des troupeaux dont j'ai pu
obtenir des notes exactes, en sections à peu près égales,
dont le nombre a été déterminé par la possibilité de
faire cette division, sans distribuer dans deux sections
différentes les produits d’une même journée. Je joins ici
les résultats de cette opération ; mais je n’en donne pas
lecture à l’Académie; car ce serait l’entretenir presque
uniquement de chiffres.
Dans l’ensemble de ces relevés, dont le dernier sur- :
tout présente assez fidèlement le rapport moyen des
sexes dans les diverses périodes des naissances du com-
mun des agnelages, on remarque une prédominance
reletive du sexe féminin dans le commencement et vers
(1) 21 femmes phthisiques prises au hasard ont fait 89 filles et
14 garcons.
(137)
la fin de l’agnelage ; et du sexe maseulin, vers le mi-
lieu. Or , quoiqu'il soit vrai que les plus fortes brebis
demandent le bélier avant les autres, il en est très-
souvent parmi elles plusieurs , et ce sont ordinairement
les plus grasses , qui le demandent deux ou trois fois,
à 17 ou 18 jours d'intervalle d’une époque de chaleur
à la suivante. La monte de celles-ci se continue donc
après celle des bêtes moyennes ; et c’est toujours à l’état
d’embonpoint de la mère que l’on doit rapporter la
prédominance du sexe féminin, tant à la fin qu’au com-
mencement de l’agnelage.
Le troupeau de Lavergne , dans lequel ne sont pas
compris les sujets qui ont reçu le bélier à Buzarein-
gues, et dont il a été déjà parlé, a donné successivement :
AUDE 10 mâles. 13 femelles.
2° 16 7
8F 12 II
«+
4° 12 II
Les divers âges ont produit, savoir :
Celui de 2 ans. 16 màles. 7 femelles.
Celui de 3 ans. 17 9
Celui de 4 ans. 9 14
Celui de 5 ans. 6 9
Celui de 6 ans. 2 3
L'agnelage de Favars a donné successivement :
1° 8 males. 10 femelles.
2° 13 5
30 10 8
4° 12 6
8°
Les divers âges ont produit , savoir :
(138 )
Celui de 2 ans.
Celui de 3 ans.
Celui de 4 ans.
Celui de 5 ans et au-dessus. 27
N. B. Je rapporte aux brebis vieilles, comprises dans
12 mâles.
D
9
10
16 mâles.
18
20
6 femelles.
10
10
8
12 femelles.
15
18
18
ce dernier âge, la grande prédominance des mâles.
L’agnelage de Varez a donné successivement :
1°
a°
3°
4
5°
L’agnelage de Cassagues a produit successivement :
4°
SM. 196
14 20
32 mâles.
33
4
Fr
6 males.
11
6
II
33 femelles.
37
25
33
14 femelles.
10
14
II
L’agnelage des Cazes a donné successivement :
5 mâles 15 femelles.
8
y
9
12
II:
Il
( 139)
59 14 mâles. 6 femelles.
6° 10 10
Fi TI 9
8° 8 13
Recnercurs sur l'organisation et les mœurs des
Planariees ;
Par M. Ant. Ducis,
Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier.
(Présentées à l’Académie royale des Sciences , le 17 septembre 1828.)
$ I". Détermination du genre et des espèces.
Depuis que l’organisation des animaux a commencé
à servir de base à leur classification, on a senti de plus
en plus la nécessité d’étudier l'anatomie et la physiolo-
gie comparatives , et chaque jour, amenant des décou-
vertes nouvelles, vient confirmer ou renverser les rap-
prochemens , les analogies , que de simples conjectures
avaient fait établir. La difficulté des dissections dans les
êtres qui vont nous occuper a laissé jusqu'ici bien des
incertitudes sur leur structure, et conséquemment sur
la place qu'ils doivent occuper dans l'échelle animale.
Aussi n'est-ce qu’en hésitant que M. Cuvier les ran-
geait, à l’exemple de Muller, Linnée, Pallas et M. De
Lamarck, auprès des Entozoaires parenchymateux , en
avouant que peut-être certaines espèces devaient ètre
rapprochées des Hirudinées. Nos recherches prouveront
«
(140 )
qu'en eflet elles ont avec les uns et les autres des rap-
ports réels d'organisation.
Ces recherches nous ont aussi démontré que le genre
Planaria renfermait des animaux assez dissemblables
pour permettre des divisions bien tranchées ; il nous a
paru qu’on pourrait l’ériger en famille sous le titre de
Planariées, et partager cette famille en trois genres
d'après l’organisation de l'appareil digestif et la situa-
on d’un ou de plusieurs orifices. Nous allons procéder
ainsi pour la description des 14 espèces que nous avons
observées, en avertissant d’abord que nous ne prétendons
donner ici que des matériaux pour une monographie
complète.
Prananiées (//lanarieæ), animaux simples, mous,
pulpeux , sans nerfs ni muscles distincts, helminthoïdes,
mais sans ventouses et sans articulations, pourvus d’or-
ganes digestifs et circulatoires distincts, faisant avec les
Entozoaires le passage des Annélides aux Radiaires (sous
type des Annélidaires ; De Blainv.)
1° Genre. Prosrome (Prostoma). Bouche et anus ter-
minaux, organes digestifs tubuleux, corps cylindroïde
ou déprimé. Je n'en ai examiné qu'une espèce que je
crois nouvelle.
P. clepsinoïde (P. clepsinoïdes.) Corps cylindroïde,
aminci en avant, obtus aux deux bouts; bouche en
suçoir exsertile (du moins par la compression), 6 points
cculiformes à la tête et sur deux rangs longitudinaux :
couleur jaune d’ocre ; longueur, 2 à 3 lig. ; il ressemble.
J o 5 , 5° 3
à une Clepsine ; mais il en diflère par sa consistance pul-
peuse, l’absence des ventouses , ete. On le trouve dans
les eaux courantes , sous les pierres (PI. 4, fig. 1°.)
, Cr4r)
Sans doute il faudrait rapporter au même genre les
PI. angulata, ciliata, rubra, candida, peut-être même
les espèces caudata (Muller) et assimilis (O. Fabr.)
IT: genre. Dérosrome ( Dérostoma ). Ui. seul orifice
alimentaire situé en dessous, plus près de l’extrémité
antérieure que du milieu du corps ; organes digestifs
en forme de sac, avec un œsophage et un prolongement
antérieur. Toutes les espèces que j'ai observées sont fort
petites ; on les trouve dans les conferves, sous la lentille
d’eau , etc. La plupart n’ont pu être déterminées d’après
les descriptions de Muller, de Linnée, d'O. Fabricius
ou de M. de Blainville, et J'ai été forcé de créer des
noms nouveaux , en y joignant des figures exactes pour
éviter toute confusion.
1. D. notopse (D. notops ; PL. 4, fig. 2.) Corps très-al-
longé, fusiforme ; queue pointue; tête étroite, parabo-
lique ; bouche très-avancée ; derrière elle et en dessus,
2 petits points oculiformes, noirs, arrondis; couleur
blanchâtre; longueur extrème , 2 lignes.
2. D. linéaire (D. lineare, P. 4, fig. 3. PI. linearis.
Muller.) Corps uniformément étroit, dix fois environ
aussi long que large ; queue obtuse ; tête petite et ovale;
bouche trè5-antérieure; couleur blanchâtre. Je n’en ai
vu que de : de ligne de longueur au plus, et c’est sans
doute pour cela que je n’ai pas aperçu les 2 petits yeux
que Muller a vus sur des individus deux fois aussi
grands.
3. D. leucopse (D. leucops, PI. 4, fig. 4). Corps fusi-
forme et très-allongé , obtus en avant, pointu en arrière ;
bouche à une distance de l'extrémité antérieure, égale à la
plus grande largeur du corps; de chaque côté de la tête,
( 142)
une fossette oblongue , pellucide ; couleur blanc jaunà-
tre; largeur extrême, 1 1. :.
4. D. squale (D. squalus, PI. 4, fig. 5,25 et26). Corps
épais, fusiforme , pointu en arrière; tête ovale ; distance
égale à la plus grande longueur du corps entre la bouche
et l'extrémité antérieure; 2 points oculiformes noirs,
arrondis sur les côtés de la tête; souvent ils sont obscurs;
couleur blanc grisâtre ; plus grande longueur, 1 lig. :.
5. D. gros(D. grossum, PI. 4, fig. 6. PI. grossa.Mul-
ler.) Corps aplati; obtus en avant, aminci en arrière,
2 =à 3 fois aussi long que large; 2 points oculiformes
noirs, en forme de croissant, au devant de la bouche ;
celle-ci placée vers la fin du tiers antérieur du corps (1).
Souvent on trouve, en arrière, des œufs (5 à 7) volu-
mineux , arrondis , rouges , sur deux rangées latérales ;
couleur générale rose sale ou grisàtre; longueur, 1 1. .
6. D. lancéolé (D. lanceolatum, PI. 5, fig. 27). Corps
allongé , cylindroïde, obtus en avant , acuminé en ar-
rière; bouche probablement très-antérieure , suivie
d’un œsophage transparent très-large; deux petits yeux
noirs , oblongs , placés derrière la bouche, tout-à-fait
en arrière, un œuf rougeâtre, volumineux, oblong ;
couleur générale grisâtre ; longueur extrême, ; de ligne.
C’est peut-être la P1. linéaire d’Abildgaard, mais non
celle de Muller.
7. D. plature (D. platurus, PI. 4, fig. 5.) Corps aplati,
très-obtus et comme tronqué aux deux bouts, 2 : à 3
fois aussi long que large; queue dilatable en disque ou
ea spatule ; bouche au milieu des © antérieurs du corps ;
(x) J'ai vu aussi en arrière et en dessons un orifice probablement
génital.
=
(143 )
deux petits yeux noirs, arrondis, rapprochés , immédia-
tement au devant de la bouche ; couleur blanchätre; plus
grande longueur , une ligne.
8. D. polygastre ( D. polygastrum, PI. 4, fig. 8).
Forme et couleur du corps et de la tête semblables à celles
du D. squale; pas de points oculiformes ; sac alimentaire
|, branchu. Je ne l'ai vu qu'une seule fois ; il était long
d’une ligne : : la vacuité ou la plénitude ne donnent
point cette forme au sac digestif du D. squale.
II: Genre. Pranaire ( Planaria). Orifice unique de
l'appareil digesuf, placé en dessous et au milieu du corps
ou plus en arrière; estomac ramifié; un suçoir exser-
tile; corps généralement aplati.
1. P. verdätre(P. viridata Muller, PI. 4, fig. 9). Lan-
céolée , un peu obtuse en avant, acuminée en arrière ;
tache transparente au milieu du corps; pore génital
très-voisin de la queue; couleur jaune verdàtre; lon-
gueur, 2 lignes (1).
2. P.noire(P.nigra Muller, PI. 4, fig. 10). Oblongue,
_ épaisse; tête arrondie avec un angle saillant au milieu ;
queue obtuse ; moitié antérieure , bordée de petits points
oculiformes ; noirs, visibles seulement à la loupe
(fig. 15); 2 taches blanchâtres et 2 pores en dessous ;
couleur du dos noire ; quelquefois rousse avec une bande
médiane noirâtre (PI. brunnea Muller); longueur, 5 lig.;
largeur , 1 lig. =.
3. P. brune (P. fusca Muller. Fasciola fusca Pall.
P1.4,fig. 11.) Large, mince, oblongue, arrondieenavant,
(1) Je ue suis pas sûr que cette espèce n’appartienne pas au genre
Dérostome. La PI. verdâtre de Muller doit évidemment y être rap-
portée.
(144)
mousse en arrière ; 2 points oculiformes noirs , en crois-
sant, au bord d’une fossette blanchâtre; 2 pores infé-
rieurs; couleur générale d’un gris brunâtre, souvent
plus foncé au milieu ; longueur, 9 lig.; largeur, 3 lig.
4. P. lactée (P. lactea Muller, PI. 4, fig. 12.) Allongée,
souvent plissée ; tête tronquée en avant, munie de deux
auricules courtes , arrondies; 2 petits points oculiformes
noirs, en croissant; 2 pores inférieurs; couleur blan-
che, quelquefois rougeàtre ou violacée; long. 1 pouce;
largeur, 2 lig. :.
5. P. subtentaculée(P. subtentaculata Drap. P.torva ?
Muller, PI. 4, fig. 13, 22, 23 et 24 ). Étroite et presque
linéaire ; queue un peu aiguë ; tête élargie, triangulaire ;
les angles latéraux formant de courtes auricules ; 2 points
oculiformes oblongs ou semi-lunaires , au bord d’une
tache blanchâtre (fig. 16) ; r seul pore visible en dessous;
une tache longue, dentelée, blanchätre; le reste du
corps gris cendré ; longueur, 7 lignes et quelquefois jus-
qu’à 11; largeur, une ligne.
6. P. trémellaire (P. tremeilaris Muller, PI. 4,
fig. 14). Très-mince, large, foliacée, plissée, ovalaire ; un
peu plus étroite en arrière qu’en avant. Points oculifor-
mes noirs , très-nombreux , formant , vers la partie an-
térieure du corps, deux traînées dont la partie postérieure
est composée de six points plus gros; à la face inférieure
une tache blanchätre , longue , dentelée, et trois pores;
couleur blanchätre un peu rouillée; longueur, 7 à
9 lignes ; largeur, 3 lig. à 3 lig. =. C’est la seule es-
pèce marine que j'aie étudiée.
Après avoir ainsi déterminé Îles espèces qui m'ont
fourni la matière des considérations anatomiques cet
/
( 145 )
physiologiques qui font l’objet principal de ce Mémoire;
il me me reste plus qu’à dire un mot du plan que je vais
suivre : il est entièrement physiologique, et tout cequ'il
renferme est, comme on le verra bientôt, presque exclu-
sivement applicable aux espèces du dernier de nos trois
genres, aux Planaires proprement dites. La petitesse
des Dérostomes n’a pas toujours permis d’en reconnai-
tre aussi bien la structure, et je n'ai pas non plus étudié
suffisamment celle du Prostome clepsinoïde , pour qu'il
püt entrer pour beaucoup dans les paragraphes suivans.
$ IL. Sensations.
Lorsqu'on frotte un peu rudement la surface d’une
Planaire, on enlève non seulement la mucosité trans-
parenie qui l’enduit, mais encore un tégument mince,
mollasse , et qui donne à l’animal sa couleur dominante.
On met ainsi à découvert une pulpe blanchàtre qui,
examinée au microscope , ne paraît composée que d’une
innombrable quantité de globules un peu inégaux en
grosseur, et comparables, pour les dimensions, à ceux
du sang humain. Ces globules forment , par leur agré-
gation dans certaines parties , des groupes arrondis en
globules secondaires plus volumineux (1) : ailleurs ils
restent dissociés. On peut les assimiler, jusqu’à un cer-
(x) Cette pulpe et ces globules se retrouvent dons la texture des
Prostomes et des Dérostomes. Chez les Planaires ils ne peuvent être
confondus avec les ovules, qui sont aussi disséminés en abondance dans
tous Les interstices des organes principaux : ceux-ci sont bien ronds, à
surface lisse, tantôt opaques , tantôt pellucides , mais toujours plus
volumineux que les globules dont il est question dans Le texte, (Voyez
PL4, la fig. 16 bis.)
XV. 10
( 146 )
tain point, aux molécules microscopiques du système
nerveux des vertèbres , tels par exemple , que la rétine
permet de les voir sans détruire la texture de l'organe.
On peut encore les rapprocher de ces globules que
M. Duitrochet regarde comme constituant le système
nerveux des végétaux. L’apparence, même à l’œil nu,
de la pulpe visqueuse et insoluble dans l’eau, dont nous
parlons ici, réveille celle de la substance cérébrale des
animaux supérieurs : en peut-on conclure l'identité de
nature et de fonctions , et doit-on croire que la sensibi-
lité est universellement répartie à un degré égal dans
tous les points de l’organisation d’une Planaire ? Les
argumens suivans me paraissent favorables à une réponse
affirmative. 1° La sensibilité des Planaires ne saurait être
révoquée en doute ; elle est même très-vive dans certaines
espèces , comme la P. lactée, la P. trémellaire : quel-
que point du corps que l’on touche, que l’on irrite, ce
point se rétfacte à l'instant ; et si le contact est violent ,
douloureux , l’animal s'éloigne en toute hâte. La moin-
dre secousse détermine une contraction générale et arrête
subitement la marche d’un individu en mouvement, etc.
59 On ne trouve cependant point, comme chez les in-
sectes, les annélides, les mollusques , un système nerveux
central, pas plus que chez les Fascioles ; les organes
qu’on aurait pu prendre pour tels appartiennent au sys-
tème circulatoire, comme nous le verrons plus loin.
3° Coupée, déchirée dans tous les sens, une Planaire
continue à vivre , à se mouvoir, à sentir dans chacun de
ses fragmens principaux , qu'ils proviennent des régions
médianes ou latérales, antérieures ou postérieures ; et,
chose à mon sens bien remarquable, chaque lambeau ,
(47 2
füt-ce même le bout de la queue , commence , aussitôt
que le premier moment de douleur et d'irritation est
passé , à marcher dans la direction même que suivait le
corps entier de l'animal, c’est-à-dire, de la tète à la
queue; comme si toute molécule nerveuse, on du moins
tout agrégat de ces molécules , était orienté, polarisé à
l'instar du système total; ou , ce qui revient au même,
comme si la polarisation de tout le système ne dépen-
dait que de la polarisation particulière de chaque molé-
cule nerveuse (1).
Cette sensibilité est-elle bornée au simple tact, ou
bien préside-t-elle à des sensations diversifiées ?
r°. Toute vibration sonore imprimée au vase qui ren-
(1) Ceci prouve clairement qu’on ne peut attribuer à l’existence d’un
ganglion ou d’un cerveau quelconque dans la tête, la faculté qu’elle
semble avoir de conduire le reste du corps ; et la théorie énoncée dans
le texte suffit pour expliquer les phénomènes suivans. 1° Si l’on fend
longitudinalement la moitié antérieure d’une Planaire, les deux moi-
tiés s’agitent isolément, se replient l’une vers l’autre, et ne peuvent
plus diriger l’animal ; 20 maïs dès que la cicatrisation des bords de la
division a rendu aux parties leur intégrité, lorsque surtofut deux têtes
complètes se sont formées (voyez $ VIIL), alors l’animal recommence
à exécuter assez régulièrement la progression spontanée, et à fuir comme
auparavant, si on tourmente la partie postérieure; 3° si c’est une des
têtes qu’on stimule, Pautrs se laisse entrainer plutôt qu’elle ne parti-
| cipe au mouvement par lequel le reste de l’animal cherche à se sous-
traire à cette impression.
Le premier de ces phénomènes tient évidemment aux désordres pro-
duits par une lésion grave des parties rectrices. Le deuxième est un
véritable retour à l’état normal ; l’individualité existe comme aupara-
vaut , l’action nerveuse se propage d'avant en arrière ou d’arrière en
avant , comme de coutume. Mais, dans le troisième cas, celte action ne
peut se propager d’un côté à l’autre, puisqu’une solution de continuité :
sépare les parties antérieures.
1
(148)
ferme des Planaires , les affecte immédiatement, mais il
en est de mème de toute autre secousse, ce n’est done
pas le son, mais le choc qui est perçu.
2°, Si l’on dirige, sur le corps d'une Planaire, et
plus particulièrement de la Lactée ou de la Subtenta-
culée, quelques rayons lumineux concentrés à l’aide
d’une lentille, on ne tarde pas à voir l’animal se mettre
en mouvement et s'éloigner si l'expérience est soutenue
quelques instans.
Jamais elle ne donne de résultats aussi prompts, aussi à
saillans que quand on dirige la lumière sur la tête de
l'animal; un mouvement brusque la détourne à lPins- |
tant ; et plus la lumière est vive, plus l'effet en est. mar-
qué (1): La lumière directe du soleil donne des résultats
instantanés, mais on pourrait croire qu’elle agit par sa
chaleur ; il n’en est pas ainsi de la lumière diffuse qui,
cependant, fait une impression assez vive sur les Pla-
naires , ni de la lumière d’une bougie qui , à la vérité,
ne les stimule que d’une manière très-faible et très-
lente. Ce n’est point là une vue comparable à celle des
animaux d’une organisation plus parfaite , puisqu'il
n'existe point ici d'appareil dioptrique capable de ré-
fracter, de réunir en cônes visuels les cônes objectifs. |
des rayons lumineux , et de retracer ainsi sur une rétine
l’image des objets éclairés. Les yeux, ou plutôt les
(1) Aussi cherchent-elles naturellement l’obscurité. C’est sous les
pierres ou dans leurs anfractuosités , sous les feuilles des plantes aqua-
tiques , qu’on les rencontre pour l'ordinaire. Ce n’est que dans les en=
droïts ombragés qu’on peut les voir se promener librement à la surface
de la vase on des pierres; elles s’en détachent pour s’abandonner aw
courant, dès que quelque danger les menace.
( 149 )
points oculiformes des Planaires, ne consistent qu’en
une lamelle cornée, opaque et de couleur brune ou
noire (PI. 4, fig. 16), le plus souventéchancrée ou même
divisée en plusieurs portions , et paraissant destinée à
recouvrir en partie une fossette dont la couleur pâle
atteste, ou l'absence , ou la ténuité de la peau dont
elle est revêtue. D’après cela, la pulpe nerveuse est
presqu’à nu dans cet endroit; de là, sans doute, une
sensibilité plus vive, une excitation’ plus forte de la
part des rayons lumineux que sur toute autre partie du
corps.
3°. On peut présumer aussi qu’une sorte d’odoration
avertit les Planaires de la proximité d’une proie convena-
ble à leur alimentation , puisqu'on les voit se mettre en
mouvement dès qu’on jette dans la vase qu’elles habitent
une Naïde , un jeune Lombric , une goutte de sang , etc.
Elles cheminent alors du côté de l’objet de leur appétit,
passent souvent auprès sans l’apercevoir, reviennent sur
leurs pas et le saisissent enfin après des recherches quel-
quefois assez longues, et qui prouvent encore que le
seus de la vue leur manque en réalité. Quant à l’odorat,
a-t-il un siége spécial ? IL est assez probable qu'il se
confond avec le goût , et a pour organe celui qui sert à
la préhension des alimens.
S HI. ZLocomotion.
Déjà nous avons fait entendre que les Planaires peu-
veut changer la forme de leur corps et le déplacer à vo-
lonté. En effet on les voit, selon le besoin , s’allonger, se
raccourcir, s’élargir, s’aplatir, se plisser, se contourner
(18679
en divers sens (1). Pour se transporter d'un lieu à un
autre, leur procédé le plus ordinaire est un glissement
à ondulation insensible et tel que celui des Limaces. Ce
glissement ne s'opère pas seulement à la surface des
corps solides ou de la vase submergée, mais encore à
celle de l’eau mème, l'animal étant alors renversé ,
c'est-à-dire la face dorsale en bas, comme on le voit
fréquemment faire aux Gastéropodes aquatiques. Si l’on
tourmente une Planaire , ce glissement ne suffit pas à la
rapidité de sa fuite ; elle rampe alors en plissant et déplis-
sant son corps alternativement raccourci et allongé : la
Planaire lactée , par exemple, fixe d’abord au sol son ex-
trémité antérieure , et ce d'autant plus facilement qu’elle
offre en cet endroit un renflement qui peut aisément se
creuser en cupule , en ventouse semblable à celle de la
queue des sangsues et de la face inférieure des Douves ;
la tête étant fixée , tout le corps s’en rapproche par un
raccourcissement, un plissement brusque; puis les par-
ties postérieures adhérant seules au sol, les antérieures
s’avancent pour se fixer de nouveau et procéder à l’exé-
cution d’un second pas.
Une seule, parmi les espèces qui nous occupent spé-
cialement, se meut par une natation réelle ; les autres
peuvent bien hâter ou retarder leur chute au fond de
l’eau par quelques mouvemens d’ondulations , après
s'être détachées du plan qui les supportait ; mais la Pla-
naire trémellaire seule peut parcourir, dans tous les sens,
Peau salée qu’elle habite , soit en imprimant à son corps
large et mince un mouvement serpentin d’avant en ar-
(1) Presque tout ce que contient ce paragraphe est également appli-
cable aux deux autres genres de la famille des Planariées.
(ram)
rière , soit mieux encore, en faisant battre rapidemeut
ses parties latérales à la manière des larges nageoires
des Raïes (1).
Des mouvemens aussi variés , aussi énergiques , sem-
blent supposer l'existence d’un système musculaire pareil
à celui de la plupart des animaux ; et cependant, ainsi
que l’a noté M. de Blainville, on ne trouve rien de
fibreux (2) dans le corps des Planaires , si ce n’est,
peut-être, vers la tête qui offre, du moins, des stries
divergentes dont la nature n’est pas facile à déterminer
(PL. 4, fig. 16), et dans quelques organes très-contrac-
tiles, le sucoir et les organes génitaux. La contracti-
lité n’est donc pas exclusivement inhérente à la fibre
musculaire, et M. Rudolphi en fait la réflexion au su-
jet des Entozoaires parenchymateux. Darwin pensait que
la substance nerveuse était contractile; la texture des
êtres dont il est ici question semble coufirmer cette opi-
nion. M. Milne Edwards a trouvé qu’en dernière ana-
lyse la fibre musculaire semblait composée de globules
semblables à ceux de la substance nerveuse; y a-t-il
donc identité réelle? N'y a-t-il de différence que dans la
disposition des molécules? Ces molécules se rappro-
chent-elles l'une de l'autre pour raccourcir le corps, en
(1) Les Planariées microscopiques parcourent, à la vérité, l’eau dans
tousles sens , mais c’est par un mode de progression aussi uniforme que
Sur un plan solide. Des ondulations, pour ainsi dire moléculaires ,
Suflisent à cet eflet chez des êtres aussi légers.
(2) En examinant avec attention , à l’aide d’une forte loupe, la face
intérieure d’une PI. brune, on y voit une multitude de stries longitu-
dinales exactement parallèles ; elles sont dues au pigmentum coloré de,
la peau : il n'y a rien de semblable à la face supérieure.
( 1627)
vertu d'une opération électrique , comme le font, selon
MM. Prévost et Dumas, les zigzags de la fibre muscu-
laire? Je me contente de poser ici ces problèmes dont
la solution complète nous entrainerait trop loin.
$ IV. Alimentation.
L
A. Déglutition. La plupart des naturalistes qui se
sont occupés des Planariéés leur accordent une bouche
placée à l'extrémité antérieure. Cette prétendue bouche
n'existe que chez un petit nombre d'espèces qui, comme
je l'ai déjà dit, doivent faire un genre à part, non seu-
lement à cause de cette circonstance, mais bien plutôt
encore à cause de la structure de leur tube digesuf.
Chez les Planaires proprement dites, c’est le pore anté-
rieur de la face inférieure qui sert à la fois de bouche
et d'anus (1) , etnous l’appellerons pour ceite raison pore ;
alimentaire. Au devant de ce pore est une tache blanchà-
ire qui répond à une cavité intérieure (PI. 4, fig. 19),
ouverte au dehors par le pore dont il vient d’être ques-
on. Dans cette cavité est renfermé un tube blanc que
nous nommerons , d’après son usage, trompe Où su-
coir (2). Cette trompe peut s’allonger et sortir par l’eri-
fice de la cavité qui la renferme (fig. 18), se contrac-
ter, .e contourner dans tous Les sens : elle est si longue,
(x) Draparnaud avait judicieusement émis cette idée , quoique sur de
simplés conjectures , pour la Planaire subtentaculée, ( PL. 1orra?). Ceci
peut s'appliquer aussi aux Dérostomes.
(2) Muller avait apercu cet organe et en avait soupconné l’usage chez
la Planaire lactée ( Hist. vérm. , vol. 1, pars alt. , p. 62). Chez les Dé-
rostomes il existe un œsophage dilatable et très-contractile, qui répond
au suçoir des Planaires , mais qui ne paraît pas être exserule,
( 153)
chez la Planaire subtentaculée, qu'ellé ne peut rentrer
dans la poche destinée à la contenir sans se replier en
zigzag (fig. 19) ; de là la forme denticulée de la tache
blanche abdominale chez cette Planaire, Chez la P. tré-
mellaire, une disposition différente donne lieu à une
apparence analogue ; c’est la largeur du suçoir, dont les
bords se plissent et se serrent en nombreuses sinuosités
lorsqu'il est retiré dans sa poche (fig. 21) : aussi chez
la première, le sucoir peut-il s’allonger en forme de
tube jusqu’à acquérir le tiers de la longueur de l'animal
et même davantage (fig. 23), tandis que, chez la 2e, il
se développe au dehors en une vaste membrane infun-
dibuliforme , capable d’embrasser un corps de dimen-
sions égales à la largeur même de la Planaire (fig. 20).
Chez les autres espèces (celles du moins dont la taille
permet des observations anatomiques un peu minutieu-
ses) la trombe cst uu tube étroit comme chez la P. subten-
taculée, mais beaucoup plus court. Chez toutes, cette
trompe est formée de deux membranes blanches, fibreu-
ses, assez diaphanes et isolément contractiles; peut-
être voudrait-il mieux les considérer comme deux feuil-
lets d’une mème membrane qui, née du fond de la
cavité ou poche du suçoir , et donnant à celui-ci sa forme
extérieure , se replie ensuite en dedans pour se doubler
elle-même et former la paroi intérieure de la trompe,
de façon que le pli constitue le contour de son pavillon
ou orifice libre. Quoi qu’il en soit, c’est surtout aux
contractions péristaltiques du feuillet interne qu'est dû
le mécanisme de la succion et le passage des matières
avalées dans les autres parties de l'appareil digestif avec
lesquelles ce feuillet est en continuité de rapports.
(154)
On voit souvent les Planaires affamées faire sortir leur
sucoir, non pas comme l'avait cru Draparnaud , pour
respirer, mais bien pour saisir les animalcules infusoires
qui nagent autour d’elles (les Cyclides par exèmple ) et
qu’on trouve souvent en abondance , parfois même en-
core vivans dans leurs organes digestifs (1) (fig. 16 bis, d).
Mais c’est en présence d’une proie plus volumineuse ,
d'une Naïade, par exemple, qu’on le voit agir sans équi-
voque. À peine a-t-elle reconnu sa proie , la Planaire
s'élance, l'enveloppe de son corps aplati et roulé autour
d'elle (fig. 22), et lui applique l’extrémité de sa trompe
élargie en trompette ; si la proie est tranquille, la Pla-
naire s'étend , et le suçoir devient alors plus visible (fig.
23). S1 l'Annélide a été blessé, coupé en tronçon, c’est
sur les points entamés que le suçoir s'applique de pré-
férence; sinon il suce le sang mème à travers la peau
du ver sans l’entamer sensiblement, sans même lui ôter
la vie. Les Naïades en effet, quoique privées de leur cou-
leur rouge dans le point attaqué, quoique diminuées
de volume, continuent encore à se mouvoir pendant
quelque temps.
Il est donc bien difficile de croire que les Planaires
puissent percer la peau d’un mammifére, celle même de
l’homme. Voici cependant un fait auquel on a appliqué
cette théorie. Un jeune homme prenait un bain de ri-
vière, lorsque la veine saphène du pied droit se rompit
subitement et spontanément : Treutler, appelé pour
arrêter l’hémorrhagie, tra de la plaie deux animaux
(x) C’est aussi de ces animalcules que se nourrissent les Dérostomes ;
mais ils Les avalent en ouvrant largement leur bouche , ainsi que Muller
l'avait observé pour deux espèces ( PL. gulo et PI. helluo).
; ( 153)
qu'on doit avec Zeder, Rudolphi et Bremser , re-
garder comme appartenant au genre llanaria , à n’en
juger même que par la figure qui en a été publiée. Mais,
s'il est évident qu'on ne peut , avec Treutler, lescroire
nés dans les veines et en faire un nouveau ne vers
intestinaux (//exathyridium venarum), on ne peut
pas penser non plus que des Planaires aient pu causer
l’hémorrhagie et produire une plaie capable de les rece-
voir presqu'en entier. La rupture du vaisseau a sans
doute été due à une cause étrangère à ces animaux que le
sang a attirés ensuite , et qui se sont attachés à la plaie
pour y sucer ce fluide.
Mais ,,si une peau résistante est au dessus des forces
de la trompe des Planaires , il n’en est pas ainsi de la
pulpe molle qui compose ces animaux mêmes. Aussi se
dévorent-ils sans ménagement quand on les tient long-
temps affamés , surtout si l’un d’entre eux est blessé,
mutilé. J’ai vu des individus adultes, saisir et avaler
bientôt tout entiers des petits de la même espèce , et ré-
cemment sortis de leur œuf. Par une expérience facile à
répéter, on peut même tourner l’activité du suçoir con-
tre l'être auquel il appartient , et cette expérience per-
met aussi de bien apprécier le mécanisme par lequel
agit cet organe. Qu'une Planaire soit graduellement ser-
rée entre deux verres entourés seulement de quelques
gouttes d’eau , bientôt la peau se déchire, et peu à peu
la pulpe s'aplatit, s'écarte et s'écrase en parue; la
trompe résiste davantage , en raison de son tissu fibreux
et coriace, pourvu que la compression ne soit pas ou-
trée ; bientôt on la voit se mettre en mouvement, se dé-
tacher des parties qui l’environnent, serpenter au milieu
( 156 )
d'elles pendant plus d’une demi-heure , et exercer, sur
les débris qui l'entourent , la succion à laquelle ellé est
destinée. Le pavillon d’abord élargi embrasse une cer-
taine quantité de pulpe qu'il enferme en resserrant son
orifice ÿ alors, par un resserrement graduellement pro-
pagé vers son extrémité adhérente , la trompe pousse de
ce côté ce qu’elle a saisi et le fait sortir par un canal ac-
tuellement ouvert (fig. 18), mais naguère en communi-
caticn avec les autres organes de la digestion. On peut
s'assurer, pendant ce travail, que c’est la tunique in-
terne du sucoir qui en rétrécit surtout la cavité; il sem-
blerait donc qu’elle est composée de fibres circulaires ,
tandis que les fibres longitudinales que la loupe fait
apercevoir appartiendraient surtout à la tunique externe.
Cette organisation serait du reste analogue à celle de
ous les organes tubuleux et contractiles mème des ani-
maux vertébrés (oœsophage, intestin, cornes de l’uté-
rus, etc.) (1).
B. Digestion. Lorsque le suçoir a rempli son office et
qu'il est rentré dans sa cavité , on s’aperçoit que Île corps
entier a pris plus d'épaisseur et d’opacité. Si l’animal
s’est nourri d’animalcules infusoires , la couleur est sim-
plement plus foncée, plus grise ; si c’est du sang , alors
le rouge se mêle à la couleur naturelle ; la Planaire lac-
tée devient rouge ou violacée, et de jour en jour cette
couleur perd son intensité pour passer au grisätre. Cette
nuance n'est point uniformément diffuse ; en examinant
(1) Cependant chez la Planaire lactée on voit fort bien des fibres,
circulaires, même dans la tunique externe ; il en est de même chez la
noire. À la vérité , il ne serait pas impossible que ces fibres circulaires
apparentes fussent des rides éxtrémement fines.
(157)
la chose de près, on voit qu’elle réside dans un système de
canaux branchus, arborisés, répandus partout, mais
dont le tronc principal est une production, une conti-
muation du suçoir (fig. 17). Ces ramifications , déjà
apercues par Muller chez plusieurs espèces, sont les ana-
logues de celles qui partent, chez les Douves ; du pore
antérieur, et transportent la bile dans toute l’étendue du
corps où elle est digérée et employée à la nutrition : aussi
peut-on les nommer ramifications gastriques ou intesti-
nales, et c'est ainsi que nous les désignerons par la
suite. On les voit bien en examinant par transparence
les espèces plates, comme la P. trémellaire, la P. brune, la
P. lactée ; chez cette dernière on peut souvent très-bien
les voir aussi à la lumière réfléchie : une compression
légère entre deux glaces permet de les observer chez la
P. subtentaculée et la P. noire. Trois branches princi-
pales naissent du tronc primitif qui est fort court ; l’une
médiane marche d’arrière en avant jusqu’à l'extrémité
antérieure; les deux autres , latérales, se recourbent sur
les côtés de la poche du suçoir et des organes génitaux,
se rapprochent ensuite, et marche parallèlement , sans
s'unir, jusqu'au bout de la queue. De ces branches par-
tent des rameaux à droite et à gauche pour la médiane,
en dehors presque exclusivement pour les latérales. Le
nombre de ces rameaux , leurs subdivisions ultérieures,
toujours multiples , varient selon les espèces ; assez sim-
ples chez la P. noire, un peu plus complexes chez la P.
brune , plusencore chez la P. lactée: elles sont au maxi-
mum de complication chez la P. subtentaculée et la P.
trémellaire. Les postérieures sont toujours plus branchues
que les antérieures ; celles-ci presque transversales sont
À.
( 198%
au nombre de 8 au moins, de 16 au plus de chaque
côté. La largeur et partant la proximité de ces ramifi-
cations dépend de leur degré de plénitude ou de vacuité;
leurs extrémités dernières sont aveugles, comme chez
les Douves , et même renflées en olive quand elles sont
bien remplies : de sorte que l’arbre intestinal ne com-
munique absolument que par le suçoir avec l'extérieur,
et de même aussi que chez les Douves (Rudolphi, Hist.
verm., t. 1, p. 261). Ce sucoir et son pore serveni à la
fois de bouche et d’anus, ainsi que nous l’avons annoncé
déjà. Nous avons donné la preuve de la première partie
de cette assertion ; nous allons donner celle de la se-
conde. Mais avant, nous rappellerons que ce qui vient
d’être dit ne s’applique qu’au genre Planaria. Au lieu
de ces ramifications gastriques, le Prostome clepsinoïde
est pourvu d’un tube alimentaire simple , formant plu-
sieurs circonvolutions , commençant en avant par une
bouche probablement exsertile , terminée en arrière par
un anus arrondi (P]. 5, fig. 25 et 26). Les Dérostomes
ont tous un œsophage plus ou moins long qui s'ouvre
dans un sac alimentaire, occupant les trois quarts posté-
rieurs du corps et sans anus. En avant, ce sac fournit |
un prolongement qui est l’analogue du tronc gastrique an-
térieur des Planaires ( PI. 5, fig. 26, 27). L'analogie est
encore établie par quelques intermédiaires : ainsi le sac
du D. plature est étranglé d'espace en espace ; celui du
D. polygastre offre déjà des divisions latérales étroites,
mais simples et sans subdivisions ultérieures (PJ. 4,
fig. 7 et 8).
C. Défécation. M s’en faut de beaucoup que l'arbre |
ou le sac intestinal soit aussi contractiles que la
(159)
twompe ; au lieu d’un tissu fibreux comme le sien, on
n’y trouve que des globules composés eux-mêmes de
globules primitifs agglomérés ensemble : aussi la con-
sistance en est-elle bien plus molle et la couleur plus
terne. Pour suppléer à ce défaut, les Planaires usent
d’un arüfice bien remarquable , que j'ai observé de la ma-
q > queJ
nière la plus manifeste et à de nombreuses reprises, chez
Ja P.subtentaculée, la P. lactée, la P. bruneet surtout la
P.trémellaire. Lorsque les organes digestifs se sontdébar-
rassés d'une partie de leur contenu , qui quelquefois sert
aussitôt de pâture à un autre individu , on voit le corps
se soulever en voûte , permettre à l’eau d'arriver au pore
alimentaire , le suçoir s’agiter fortement dans sa cavité ,
pomper le liquide et l’injecter dans les ramifications
gastriques jusqu’à leurs dernières extrémités ; le specta-
ele curieux de ces ramifications , alors pellucides et
comme brillantes, ne dure qu'un instant; car la con-
traction des parois , et plus encore celle de tout le corps
même qui se resserre et s’aplatit de la circonférence au
centre, repousse en sens inverse le liquide qu'on voit
sortir du pore alimentaire troublé par le résidu d’alimens
qu'il entraine. La queue alors élevée, pour l'ordinaire ,
laisse parfaitementobserver cette dernière partie du méca-
nisme de la défécation (PI. 4, fig. 24). Ces remarquesana-
tomiques et physiologiques prouvent incontestablement
la nature de ces conduits ramifiés, et une ressemblance
assez réelle avec l'ovaire des Ténias ne doit pas en faire
conclure l'identité. Nous verrons bientôt d’ailleurs que
les organes génitaux des Planaires sont bien distincts de
tous ceux dont il a été question jusqu'ici. Chez plusieurs
Planaires à sac intestinal non ramifié, et on a observé
( 160 })
une défécation analogue à celle dont il vient d'être ques
tion. La Planaria gulo, selon Muller, vomit les Cy-
clides, etc. , par la même ouverture qui a servi à les en-
gloutir( PI. 4, fig. 25). J'ai vu aussi les Dérostomes no-
topse, squale et plature, rendre par leur pore alimentaire
un cylindre de matières muqueuses et de débris d’ani-
malcules , contenant parfois des Cyclides , des Brachions
entiers , et donnant encore quelques signes de vie. Un
effort de contraction générale aidait à cette évacuation.
$ V. Circulation.
Avant d’avoir observé les organes centraux de la cir-
culation , j'avais vu, chez la Planaire brune, des vais-
seaux pellucides ramifiés au pourtour de l'animal, et.
paraissant naître des dernières extrémités des ramifica-
tions gastriques. Cette origine est-elle réelle? N’était-elle
pas plutôt une simple apparence due à l’opacité de l’ar-
bre intestinal qui , en cachant les troncs principaux , ne
laissait voir que les rameaux qui le dépassaient? Je me
serais tout-à-fait prononcé pour l’aflirmative , si quelque
chose d’analogue à ce que j'avais vu d’abord n'avait été
observé, dans la Douve du foïe, par Rudolphi. En in-
jectant les voies digestives, il a pu faire passer le mercure
dans un lacis vasculaire très-fin (Synopsis. Entoz., p.
583). Nous pourrions regarder ces vaisseaux comme
destinés à transporter, par anasiomose, dans le système
circulatoire central, les principes nutritifs fournis par
la digestion.
Le système circulatoire (PI. 5, fig. 1) central n’est pas. |
également visible chez toutes les espèces mème d’une taille
( 161 )
assez forte (1);je n en ai pu voir aucune trace chez la P.
subtentaculée (2) ; la P. lactée ne me l’a montré qu’à l’aide
d’un aplatissement graduel , et ses branches , confondues
avec les parties voisines , incolores comme elles, n’ont pu
ètre que soupconnées ; mais la P. noire, la P. brune et sur-
tout la P. trémellaire ont levé tous les doutes. Chez les
deux premières, c’est par la face inférieure qu’il faut pro-
céder à cette recherche, en choisissant les individus les
moins opaques ; car c’est à contre-jour seulement qu’on
peut voir les vaisseaux. Deux troncs principaux consti-
tuent ce système vasculaire , ils sont longitudinaux, pla-
cés à égale distance de la ligne médiane et des bords la-
téraux , plus écartés au milieu qu'à leurs extrémités qui
se rapprochent beaucoup , s'unissent même par anasto-
mose et constituent ainsi une longue ellipse. D’autres
anastomoses transversales réunissent fréquemment en-
core ces deux troncs de distance en distance ; la plus an-
térieure a lieu derrière les points oculiformes ; elle est
simple chez les Planaires brune et noire, mais chez la tré-
mellaire (PI. 5 , fig. 2) on voit en cet endroit un renfle-
ment (3) pellucide, bilobé, ou plutôt double, que l’apla-
(1) M. de Blainville a vu, dans la Planaire du Brésil, « à droite et
à gauche une sorte de canal ou de vaisseau. » Dict, Sc. nat. ,t. XLI,
p. 216.
(2} Depuis que ceci a été écrit , j'ai observé très-nettement les vais-
seaux latéro-inférieurs chez la Planaire blanche et la subtentaculée ,
sans aplatissement préliminaire , et ce sur un assez grand nombre d’in-
dividus.
(3) Est-ce une sorte de cœur comparable aux vaisseaux moniliformes
des Lombrics et des Naïs? Je crois l'avoir vu changer de forme , mais
lentement et nou par pulsations régulières.
XV. ; II
’
(162)
ussement de l’animal entre deux verres rend surtout évi:
dent , et dont chaque lobe, recevant en arrière le trone
latéral qui lui répond , donne en avant et sur les côtés
naissance à des rameaux nombreux et subdivisés à lin=
fini. De tout le côté externe des troncs latéraux partent
aussi des branches ramifiées et terminées en un réseau
cutané à mailles rhomboïdales , très-délié, et par cela |
même souvent difficile à voir : c’est aussi par de pareils
rameaux que ces ironcs se terminent dans la queue,
après avoir communiqué ensemble par une dernière
anastomose transverse, souvent plus visible que celles qui
la précèdent, et d’un volume égal à celui des troncs»
mêmes. Elle est située immédiatement derrière le der-
nier pore génital chez la P. trémellaire, entre ce pore
et le bout de la queue chez la noire , fort près de l’ex-
trémité de celle-ci chez la brune. J'ai vu, chez plusieurs
individus de cette dernière espèce, et mieux encore
dans la noire, un tronc médian dorsal, tortueux , étroit,
alternativement plus visible et plus difficile à voir, saus
doute à cause de ses dilatations et contractions succes-
sives. Ces mêmes mouvemens de diastole et de systole
s’observent également dans les troncs latéraux qui sont
bien plus volumineux (1). Le tronc médian représente
évidemment le vaisseau dorsal des Hirudinées , comme
les latéraux représentent ceux du même nom que possè-
(x) Chez le Prostome clepsinoïde nous ayons vu deux lignes longitu-
dinales obscures , donnant naissance à des productions latérales (PI. 5,
fig. 25). C’est sans doute là son système vasculaire. Chez quelques Déros-
tomes, le microscope nous a fait entrevoir un réseau cutané ; ce qui sup-
pose un système central.
TA
( 163 )
dent aussi cec Annélides ; mais un rapprochement bien
“plus incontestable encore, c'est celui à faire entre l’el-
“ipsedes Planaires et le vaisseau circulaire du Tristoma
vcoccineum de M. Cuvier, et l’on doit admettre identité
complète entre cette ellipse et celle des Fascioles ou Dis-
tomes de Rudolphi, ellipse dont nons avons constaté
l'existence chez la Douve du foie des moutons, comme
Rudolphi l’a fait pour celle du Phoque ( Distoma tenui-
colle; Synops, p. 365.)-Le système vasculaire de la
. Douve commune avait été regardé comme nerveux par
Rhamdor', un moment j'ai eu la mème idée pour les
Planaires , et il faut convenir que le renflement situé
‘chez la Planaire trémellaire au niveau du prineipal
- groupe des points oculiformes, ressemble assez bien au
double ganglion céphalique des insectes et des Annélides.
. Maïs la transparence , la pellucidité de ces organes et des
vaisseaux avec lesquels ils sont en rapport, leur dias-
tole et systole réelles quoique lentes, et obscures, l’ab-
sence de tout autre renflement ganglionnaire, avaient
d’abord écarté cette idée. Les ganglions et les nerfs des
invertébrés sont en effet ou pulpeux, globuleux, opa-
que, ou fibreux, et conséquemment striés en apparence ;
ajoutez que ces organes sont généralement durs, co-
riaces , cartilaginiformes même, surtout chez les Anné-
lides, tandis que le système vasculaire qu'on pourrait
prendre pour eux chez les Planaires, se détruit par
l’écrasement avec la même facilité que la pulpe qui l’en-
vironne , et dans laquelle il semble simplement creusé,
tant les parois en sont délicates (1). Enfin l'expérience
(1) Telleest, au reste, La première origine des vaisseaux de l'embryon
À À “1
(164 )
est venue encore à l'appui de ces réflexions. Un lambeau
de la Planaire brune ou de la noire, coupé en dehors de
l’ellipse vasculaire , continue à se mouvoir, à sentir, et
quelquefois même reproduit un animal complet ; tandis
que, chez tous les invertébrés , toute partie du corps sé-
parée des ganglions, conserva-t-elle même tous les nerfs
qui émanent de ces organes centraux, cesse de vivre à
l'instant de la séparation.
$ VI. Respiration.
Nous avons déjà dit qu’on ne pouvait en attribuer
l'exercice au sucoir placé à l’entrée de l'appareil diges-
üf. L’absorption de l’eau qu'il opère quelquefois est
trop peu fréquente pour remplir un pareil objet, et
nous avons vu qu’elle avait d’ailleurs un tout autre but.
Cependant on ne peut nier que les Planariées n'aient be-
soin de respirer l’air ou l’oxigène contenu dans l’eau ;
elles résistent même plus diflicilement que d’autres ani-
maux aquatiques à la privation qui suit le défaut d’aé-
ration du liquide qu’elles habitent : des Hydres ou Po-
lypes d’eau douce ont vécu plusieurs jours dans un petit
flacon rempli jusqu’au goulot de l’eau du ruisseau où
ils avaient été recueillis. Après 24 heures de séjour
chez les vertébrés , et celle des vaisseaux des fausses membranes même
chez l'espèce humaine , comme l'anatomie pathologique nous le fait voir
tous les jours. Il n’y a qu’un pas d’une semblable organisation à celle des
veines chez les Lamproies et les poissons qui s’en rapprochent ( Du-
méril); chez les Crustacés ( Audouin et Milne Edwards); chez les In-
sectes (Carus). Ce ne sont plus que des interstices entre les princi-
paux organes.
( 46051)
dans ce mème flacon , 5 à 6 Planaires lactées , prises au
même lieu, avaient cessé d'exister. Mise dans l'huile
d'olive, une Planaire subtentaculée y a perdu la vie au
bout de 4 heures, et l’on ne peut guère attribuer sa
mort qu’à la privation d’air.
En observant, au microscope, les petites espèces,
(Dérostomes) on voit s’établir autour d’eiles un double
courant circulaire qui attire d’abord et repousse ensuite
des deux côtés de l'animal les corpuscules qui l'environ-
nent. L’extrémité antérieure seule des grandes espèces
(Planaires ) offre le même phénomène, et l’on y voit,
à l’aide d’une forte loupe, une sorte de bouillonnement
fort rapide , et tout semblable à celui qui donne aux ten-
tacules des Vorticelles leur aspect cilié. Nous n’hésitons
pas, en effet, à regarder, avec M. Raspail , cette appa-
rence de cils en vibrations comme due au mouvement de
l’eau attirée, absorbée peut-être ou décomposée en
quelque sorte pour servir à Ja respiration. La Planaire
ciliée de Muller ne doit donc pas faire une espèce à
part ; et cela est si vrai que j'ai vu souvent des fragmens,
des lambeaux d’une Planaire exciter autour d’eux les
mêmes courans , les mêmes apparences de cils; et si ces
lambeaux étaient peu considérables, je les voyais alors
cédant au courant qu'ils excitaient eux-mêmes, se mou-
voir en tournoyant dans le liquide comme des Volvoces,
et comme M. Carus a vu tournoyer dans leur œuf même
les petits embryons des mollusques gastéropodes.
Quoiqueje n’aie vu ce mouvement moléculaire de l’eau
“s’opérer qu’à l'extrémité antérieure des grandes espèces,
Je ne doute pas que le reste du corps n’y participe, sur-
tout en dessous, car on les voit fréquemment dans le
( 166 )
repos , aplaur leur corps, le soulever en forme de voûte,
sous laquelle l’eau trou*e un libre accès, grâce à l’élé-
vation de la tête. Cette attitude dure souvent des heures
entières , peut-être mème des journées ; elle ne peut ser-
vir qu’à mettre l’eau en contact avec le plus possible
des surfaces de l’animal!, et à faciliter une absorption
presque universelle du principe vivifiant. La tête n’est
donc pas seule chargée de cette fonction importante, et
il faut bien qu'il en soit ainsi, puisque la décapitation
n’est point pour la Planaire une opération mortelle.
$ VIT. Æccroissement, décroissement, mort.
Les animaux dont nous tracçons l’histoire paraissent
croître avec assez de rapidité , puisque, en quelques se-
maines, la taille des individus naïssans double de gran-
deur, quoiqu'on les garde dans l’eau pure, mais non
sans doute dépouillée de tout animalcule infusoire. Con-
servées sans autre nourriture, les Planaires adultes vi-
vent fort long-temps, mais en perdant chaque jour de
leur volume au point de se réduire, en quelques mois,
à la moitié de leurs dimensions premières. Jai déjà dit
qu'il fallait au moins que cette eau füt aérée : quant à sa
température , tant qu’elle ne sort pas des limites ordi-
naires de la température atmosphérique, elle ne parait
pas devenir essentiellement nuisible à ces êtres ; il faut
une chaleur de 60° centig. au moins pour les faire pé-
rir. L’immersion dans l'alcool ou le vinaigre produit
presque instantanément la mort, et c’est un moyen dont
je me suis plus d’une fois servi pour étudier plus faci-
lement l’organisation de ces animaux qu'il est difficile
(167)
de tenir long-temps immobiles durant leur vie. Quelle
qu'ait été la cause de leur mort, si on les laisse séjour-
ner dans l’eau pure , on voit bientôt leurs molécules se
dissocier par une sorte de répulsion, et le corps, en peu
d'heures, se réduit à quelques flocons grisätres ; comme si
les globules nerveux qui le composent n’étaient réunis,
agrégés que par une sorte d’abstraction électrique qui
cesse avec la vie (voyez Edwards, Ægens physiques ,
p. 541). Le vinaigre ramollit les cadavres sans les dis-
soudre complètement ; l'alcool les rend plus opaques et
et les durcit par une sorte de coagulation.
$ VIIT. Reproduction.
1° Les Planaires jouissent, comme quelques autres
animaux , de la faculté de reproduire les parties qu'on
leur enlève, mais peu en jouissent à un aussi haut de-
gré qu’elles , puisque tout fragment un peu considérable
( la 8° ou 10° partie de l’animal , par exemple (1), peut
reproduire un individu complet (pl. v, fig. 13, cc’).
Cette prérogative n’est pas peu favorisée sans doute par
la diffusion de la matière nerveuse dans toute l'étendue
du corps. Pallas avait vu la Planaire brune , divisée en
travers, reproduire une queue seulement au tronçon
antérieur ; Draparnaud fit, sur la Planaire subtentaculée ,
des expériences bien plus complètes et répétées depuis
et singulièrement variées par M. Moquin. À leur exem-
ple, j'ai partagé, soit en travers, soit longitudinale-
.
(x) Une lanière étroite , un fragment très-pelit, ne vivent pas long-
temps isolés, Le sucoir , quoique conservant quelque temps sa contrae-
tilité , ne reproduit jamais un individu entier,
( 168 )
ment , de nombreux individus des plus grandes espèces,
et j'ai vu, en douze ou quinzejours en hiver , en quatre à
cinq jours en été (1), chaque tronçon se compléter en en-
ier ; la tête se former un suçoir et une queue; celle-ci
se former une tête et un sucçoir, et le tronc du milieu
tantôt conserver , tantôt perdre son suçoir, pour le re-
former ensuite ainsi qu’une tête et une queue ( PI. 5,
fig. 14). Aussitôt après la division , la blessure se res-
serre, son pourtour s’arrondit en bourrelet (2); le
centre offre cependant la pulpe encore à nu, et c’est sur
ce centre que se montrent les premiers linéamens des
parties reproduites. D'abord minces, étroites, pellu-
cides, ces parties prennent bientôt la consistance et la
grandeur normale; de sorte qu’un individu partagé a
ainsi donné naissance à plusieurs autres dont la taille,
d'a bord proportionnelle à la grandeur du tronçon , arrive
(1) Ceci se rapporte surtout à la P. subtentaculée. Les choses mar-
chent un peu plus lentement chez la P. brune et la P. lactée.
(2) Une blessure profonde est quelquefois suivie d’une séparation
complète; d'autres fois, les bords de la division se rapprochent ; s’agglu-
tinent, et une cicatrice long-temps diaphane rétablit une continuité par-
faite entre les parties qui souvent ne tenaient plus ensemble que par un
étroit pédicule. Dans d’autres circonstances, les parties séparées se ci-
catrisentisolément, se complètent chacune de leur côté et forment ainsi
diverses monstruosités, Par exemple, la partie antérieure fendue pro-
fondément sur la ligne médiane (PI. 5, fig. 16), devient l'élément de deux
têtes complètes (fig. 17). C’est du côté de la blessure que se forme le
point oculaire et la moitié nouvelle de chacune de ces têtes, comme je
l'ai observé chez les PI. brune et lactée. J’ai plusieurs fois fendu sans
succès la partie postérieure , mais j’ai trouvé une Planaire lactée qui à
un seul tronc portait deux queues, ayant chacune un appareil génital
complet (fig. 18); j'ignoie si celte conformation était congéniale; sé-
paré en trois portions (fig. 19), cet individu en a reproduit trois com-
lets, mais simples ( fig, 20-24 }).
Ï ? E l'in c)
( 169 )
plus tard au même point que celle de l’individa primi-
tif. Un suçoir enlevé se reproduit en quatre à cinq jours.
Ce mode de multiplications des individus est quel-
quefois employé directement par la nature. On sait que
divers infusoires se partagent spontanément, soit en long,
soit en travers. Déjà Muller avait reconnu ce mode depro-
pagation chez sa Planaire ciliée. J'ai observé cette sépara-
tion chez le Dérostome leucopse (P]. 5 fig. 15 et 15 bis),
comme Otto Fabricius l’a vu s’opérer chez sa Planaire
vulgaire ; je l'ai vu aussi plusieurs fois, ainsi que Dra-
parnaud , avoir lieu chez la Planaire subtentaculée. Ce
naturaliste n’en avait été témoin qu’en automne, et
c’est au devant du pore alimentaire qu'il a vu la sépa-
ration s’exécuter. Le printemps et l’automne m'en ont
offert indifféremment des exemples (1); mais c’est tou-
jours derrière le pore alimentaire que se décidait le par-
age; et le sucçoir restait à la moitié antérieure, tandis
que la postérieure s’en reformait un autre en peu de
jours. Il est à remarquer que, chez cette Planaire, je n’ai
jamais pu observer aucune apparence des organes géni-
taux , ni de leur orifice extérieur ; en serait-elle naturel-
lement dépourvue? Je n'ose l’aflirmer ; mais les autres
espèces du même genre ne m'ont point présenté matière
au même doute, ainsi qu'on s’en apercevra dans les dé-
tails qui suivent.
(1) C’est cependant surtout dans la dernière de ces deux saisons que j'ai
trouvé en abondance des tronçons avec un commencement de reproduc-
tion des parties qni leur manquaient. À la même époque , j'ai trouvé des
individus bien proportionnés et longs quelquefois seulement d’une ligne
et demie. Ces individus ne pouvaient avoir une pareille origine ; des œufs
sans doute leur avaient donné naissance.
+
( 170)
Si les faits dont il vient d’être question sont positifs,
incontestables , il n’en est pas de même des théories
qu'on peut proposer pour leur explication. Essayons
cependant d'arriver du moins à la vraisemblance.
C’est sans doute sous l'influence de l’innervation
que cette reproduction s'opère; c’est probablement à
la tendance de l'agent nerveux à parcourir ses routes
normales qu'il faut attribuer l'expansion ‘organique
dent la plaie devient la base. Ce que nous avons
dit précédemment de la polarisation de la pulpe ner-
veuse chez-les Planariées expliquera comment , dans
chaque tronçon, le courant nerveux doit porter, pour
ainsi dire, ses efloris sur le point par lequel il com-
muniquait naguère avec les parties qui lui étaient alors
continues , sur ce point qui lui oppose maintenant une
barrière insurmontable; ce courant y entraine , y dé-
pose toutes les molécules organiques qu'il désagrége
ailleurs par le mécanisme ordinaire de la nutrition.
Mais si cette théorie rend raison d’un allongement,
d'une exubérance quelconque de la partie mutilée , elle
ne suflit pas pour nous apprendre comment la partie
reproduite est si exactement semblable à celle qui man-
que. Vous partagez transversalement une Planaire ; la
portion la plus avancée du tronçon postérieur va repro-
duire une tête ; cependant cette mème portion , si la di-
vision eût été faite un peu plus en arrière, eût appar-
tenu au tronçon antérieur, et reproduit une queue. La
nature de cette portion n’a point changé pourtant ; d'ou
vient donc que ses fonctions reproductives sont devenues
si différentes? telle était la question que nr'adressait
dernièrement M. Audouin. Y répondre par l'argument
\
(1721)
des causes finales , par la nécessité de réparer justement
ce qui a été perdu, ce ne serait rien expliquer : voici,
ce me semble , ce qu’on peut dire de plus rationnel sur
ce sujet.
Ce que j'ai dit il n’y a qu'un instant donne assez
à entendre , que le tronçon tout entier travaille ou con-
court à la reprôduction , et que cette fonction n’est
Point uniquement dévolue à la portion la plus voisine
de la mutilation. On peut donc dire, en ce sens, que
Ja spécialité est constante dans l'exercice de cette fonc-
tion , que les parties postérieures ne reproduisent jamais
qu’une tête, et les antérieures qu’une queue; qu'une moi-
tié droite ne reproduit jamais qu’une moitié gauche et
réciproquement.
Quant aux raisons qui déterminent cette spécialité
et qui font que la reproduction tend constamment à ré-
tablir la normalité, la perfection de l'organisme , il faut
les chercher dans cet enchaînement, cette coordination
mutuelle de tous les organes, dans cette harmonie des
moindres parties entre elles et avec le tout qui con-
sutue l’individualité. Le même mécanisme qui, dans
Vembryon, a façonné les organes les uns pour les
autres et les uns après les autres, agit encore dans cette
circonstance : il existe chez les animaux doués de cette
faculté reproductive, une épigénèse permanente, et
tout ce qui a été dit en faveur de l'épigénèse dans l’é-
tude de la génération pourrait être apporté ici avec le
ème avantage. Cette convenance des organes qui fait
de l’animal un être fini, qui trace pour ainsi dire les li-
mites de sa forme et de sa taille , qui arrête, à un point
déterminé , les effets de l’épigénèse primitive, restreint
(172)
aussi, dans les mêmes lignes , ceux de l’épigénèse acci-
dentelle qui vient de nous occuper.
2° Des conjectures fondées sur l'analogie avaient donné:
à penser que les Planaires portent les organes des deux
sexes réunis chez un même individu; l'observation m’en
a donné la certitude. Ces organes ne sont pas faciles à
étudier : à l'extérieur , on n’aperçoit d'ordinaire qu’un
ou deux pores , et tout au plus voit-on quelques grappes
d'œufs à travers la transparence des parties : la Trémel-
laire seule , en raison de son amincissement extrème en
laisse voir davantage; encore faut-il, aussi bien que
chez les autres espèces, comprimer, écraser peu à peu
l’animal entre deux verres pour en bien séparer et décou-
vrir les organes internes.
À. Organes masculins et féminins.
Chez la Planaire trémellaire on voit derrière le pore
digestif, deux pores génitaux médians, arrondis , et re-
pondant chacun à un organe blanchätre et à peu près
piriforme (pl. v, fig. 3). Il y a donc aussi deux poches
génitales. L'appareil antérieur (a) devait être présumé
appartenir au sexe masculin , comme cela à lieu chez les
Naïdes , les Hirudinées et les Douves. Il consiste en un
corps blanc, contractile, tantôt ovale , tantôt conoïde,
tantôt divisé en deux renflemens par un rétrécissement
circulaire , libre à son extrémité postérieure, qui répond
à l'ouverture de la poche, percé lui-mème de ce côté,
recevant , par l'extrémité opposée, deux canaux blancs,
très-flexueux, graduellement amincis, et terminés enfin
par une extrémilé imperceptible. Le corps blanc est
sans doute un pénis, les canaux des vaisseaux spermati-
( 173 )
ques; ils renferment effectivement un liquide blan-
châtre , composé de globules très-menus. Un pore et une
poche placés plus en arrière (b) appartiennent à l’appa-
reil féminin; je n'‘yai vu qu’une vésicule piriforme dans la-
quelle viennent déboucher deux oviductes latéraux qui
remontent sur les côtés de l’appareil mâle et du suçoir,
en côtoyant en dehors les troncs latéraux du système cir-
culatoire. Ces oviductes , assez distincts au voisinage
du pore féminin, ne sont appréciables, dans le reste
de leur étendue, que par la présence de petits œufs
ovales , libres, mobiles et disposés en série : par tout le
reste dn corps, on rencontre des ovules arrondis ,
très-nombreux et placés entre les branches de l’arbre
gastrique ; mais on ne peut rien voir des conduits qui,
sans doute, les transportent aux oviductes.
Les autres Planaires que j’ai étudiées n’ont qu’un seul
pore et une seule poche génitale. Chez la Planaire lactée
(PL5, fig. 4 et 5) se trouvent , en dessous, le pénis et
l’oviducte, en dessus, deux vésicules dont nous cherche-
rons plus loin à déterminer l’usage. Le pénis (a) se com-
pose de deux parties, l’une libre, lisse, demi-transpa-
rente, contractile, de forme et de dimensions variées
(fig. 6 et 7), mais toujours divisée en deux portions
par un étranglement circulaire, percée au centre d’un
canal susceptible de se dilater en vésicule et ouvert à
son extrémité libre qui est tournée en arrière; l’autre
partie, plus épaisse, plus opaque , vésiculeuse, adhé-
rente à la pulpe voisine, reçoit deux canaux spermati-
ques flexueux, tantôt perdus sur les côtés du sucoir
par un amincissement graduel, tantôt pelotonnée à leur
extrémité.
C174)
La partie libre du pénis est contenue dans une gain
cylindroïde , musculeuse et qui, fixée au pourtour de la
base, peut servir à le tirer au dehors. Cette gaîne com
munique avec la poche génitale au voisinage du pore an"
térieur (d) par un orifice saillant. Dans la partie posté-"
rieure de cette même gaîne s’ouvre l’oviducte (b) : c'est
un canal assez étroit qui marche directement en arrières
et parvenu au delà du niveau du pore génital , se divise”
en deux branches transversalement dirigées, bientôt.
subdivisées et perdues dans les interstices des ramifica="
tions gastriques, pour communiquer sans doute avec les
innombrables ovules arrondis et transparens que la loupe
y fait apercevoir. J'ai parlé, en outre, de deux vési=
cules (c) ; l’une, plus grande, plus mince, est située fort
près ou même au devant de la base du pénis; un long
conduit en part et vient se rendre au col de la plus petite
qui est aussi plus épaisse et régulièremeut piriforme
un orifice commun les met en communication avec le
fond de la poche génitale.
Chez la Planaire brune (P1. 5, fig. 8), j'ai trouvé quels
ques différences de structure. La base du pénis (a) plus
mince , plus pette. pouvait s'éloigner du reste de l'or=
gane par un rétrécissement susceptible d’un allonge=s
ment considérable (fig. 9). Les canaux spermatiques |
semblaient généralement moins flexueux. La gaine du |
pénis, beaucoup plus mince , se rétrécissait en arrières
et semblait n'être que la division d’un conduit plus larges
né du pore génital. L'autre branche de cette division
conduisait à deux ou trois vésicules (fig. 8 c ) de volume"
moins constamment inégal qué chez la P. lactée et moins,
éloignées l’une de l’autre. Ce n'était plus la gaîne dun
(175 )
pénis, mais le conduit des vésicules qui donnait nais-
Sance aux deux canaux transverses (b), que je dus prendre
pour les branches de l’oviducte, quoique les divisions
ultérieures en fussent peu évidentes (fig. 10).
Ja Planaire noire m'a offert une disposition fort voi-
sine de celle qui vient d’être exposée ; seulement le der-
niev renflement du pénis, celui qui en forme le sommet,
“était finement picoté de noir (fig. 11). Peut-être est-il,
en petit, hérissé d’aspérités comme celui de l’Æelix
algyira.: Les vaisseaux spermatiques sont noirâtres, volu-
‘mineux, mais assez courts et terminés par un léger renfle-
ment. Enfin, la P. viridata nous a seulement montré
un pore aussi fort postérieur ; et quant à la P. subientacu-
lat , nous avons déjà dit que rien chez elle ne nous avait
décelé la présence des organes génitaux à quelque époque
de l’année que nous l’ayons examinée.
Chez le Dérostome gros, nous avons vu seulement
un pore génital situé fort en arrière et deux rangées la-
iérales d'œufs sphériques, volumineux, dont les plus
postérieurs étaient colorés en rouge brun et les antérieurs
encore blanchâtres.
Le D. leucopse m'a montré une fois deux œufs obs-
urs , arrondis à la partie postérieure du corps ; j'ai vu
aussi chez le D. plature, deux paquets latéraux opa-
ques, sans doute les ovaires ; maïs chez le plus grand
nombre des Planariées de ce genre, je n'ai pu rien ob-
server d’exact sur les organes génitaux.
B. Copulation. Deux Planaires brunes de même
taille (g lignes environ), de même forme , de même
couleur, prises dans le mème ruisseau, et conservées
dans an verre rempli d’eau pure au mois de juillet der-
(176)
nier , furent trouvées, le lendemain matin, accouplées
et dans une immobilité complète (PI. 5, fig. 12). Placées
contre les parois du vase, opposées par leurs extrémités
postérieures et tenant appliquées , l’une contre l’autre,
leurs queues relevées à angle droit, elles adhéraïent “
principalement par leurs pores génitaux mis presque im-
médiatement en contact. On pouvait voir seulement M
passer, de l’un à l’autre , un tube blanc , probablement le
pénis ci-dessus décrit. Une légère secousse , imprimée au
vase engagea les individus à se séparer , et l’un d’eux
laissa échapper de son pore génital, un long filament
muqueux , probablement spermatique. Ces deux indi- |
vidus, anatomisés ensuite, m'offrirent tous deux les
mêmes appareils sexuels. Les Planaires sont donc an-
drogynes ; et, quoique pourvu des organes de l’un et de
l’autre sexe, un seul individu ne peut pas se féconder
Jui-mème : je l'avais déjà présumé d’après l’observation » M
suivante. Un individu de l'espèce dont je viens de par- M
ler déposa, pendant plus de six mois, des œufs bien o
formés et bien complets en apparence, maïs qui tous
restèrent inféconds , tandis que ceux que Je recueillais
dans les eaux libres ne tardaient point à éclore. Cet in-
dividu avait été pris en hiver, et c’est vers le printemps M
qu'il commença à pondre.
Le rapprochement de deux individus est donc néces-
saire à la P. brune pour accomplir l'acte de la généra-
tion. Mais est-ce simultanément ou alternativement que
chaque Planaire remplit les fonctions des deux sexes ?
La dernière proposition est la plus probable , vu l’étroi-
tesse du pore génital, et du conduit qui lui fait suite.
8
La Planaire trémellaire, ayant deux orifices séparés ,
(177)
peut au contraire exécuter à la fois un double accouple-
ment, pourvu que les deux individus tournent la tête en
sens opposé, et s'appliquent l’un à l’autre par la face
ventrale. Quant à la Planaire lactée, comme chez elle
Voviducte s'ouvre dans la gaîne du pénis, on pourrait
concevoir l’hermaphrodisme réel, c’est-à-dire limpré-
‘gnation sans aceouplement. Maïs il est probable qu’il n’en
est pas amsi, et que la fécondation est mutuelle de la
part de deux sujets réunis. Pour appuyer cette conjec-
ture, on en peut apporter d’autres auxquelles l’analogie
ne sera pas défavorable. Est-ce bien l’oviducte qui recoit,
dans le coït, la matière prolifique? N’est-elle pas plutôt
‘déposée dans quelqu’ure des vésicules dont nous avons
parlé plus haut, pour servir à féconder les œufs à me-
sure que l’oviducte les apportera vers l'extérieur ? Fa-.
brice d'Aquapendente (op. anat. p. 20) attribue des
usages parfaitement semblables à la bourse impaire que
l'on trouve chez les oiseaux près de l'ouverture infé-
rieure de l’oviducte, et cette opinion a été plus récem-
ment étayée de, l'approbation du professeur Geoffroy
Saint-Hilaire (des Monstr. hum., p. 330). On peut
penser aussi, avec MM. Prevost, Dumas et Audouin,
que telle est la fonction d’une vésicule annexée par un
long canal à l’origine de l'oviducte chez les Hélices (rodu-
lus ou sacculus purpurifer, Swammerdam; la vessie,
Cuvier), et ce n’est pas la seule analogie qu'oflrent avec
ceux des Planaires les organes génitaux de ces Mollus-
ques; enfin , M. Audouin , qui a approfondi cette ques-
tion, s’est assuré, de la manière la plus positive, que
la vésicule impaire qu’on trouve chez tons les insectes
femelles n’était autre chose qu'une véritable bourse des-
XV. (2
(476)
tinée à recevoir le pénis du mâle, il l’a nommée vési-
cule copulaitrice, et ce nom devra nécessairement pré-
valoir. ( Dict. classique d'Hist. nat., article Copua-
TION, 1823, et Ann. des Sc. nat., juillet 1824.) D’autres
analogies pourraient aussi faire penser que chez les Pla-
naires une seule vésicule, la plus grande , la plus mince,
sert de réservoir au sperme ; tandis que la plus petite
représentant la double matrice des Naïdes , la matrice
simple des Hirudinées, servirait à recevoir les ovules, et
à couvrir plusieurs germes d’une même enveloppe dans
les espèces dont les œufs sont composés.
C. Ponte. Je n’en ai suivi le mécanisme que sur une
Planaire brune que j'ai long-temps conservée à cet effet ;
tous les jours, quand la température était douce et la
nourriture abondante, un nouvel œuf était mis au jour,
et voici par quel mécanisme. Du pore génital entr'ou-
vert (P1.5, fig. 13) sortait d'abord une mucosité visqueuse
qui s’attachait aux parois du vase par un épatement
d’une demi-ligne de largeur ; tiraïllée par l’animal, cette
mucosité prenait la forme d’un fil d’abord blanchätre,
ensuite brun (aet a”), qui, pénétrant dans le pore génital,
adhérait par son extrémité interne à un œuf arrondi (b),
volumineux, blanc, mais rougissant par degré , mème
avant de sortir, et brunissant jusqu’au noir quelque
temps après son issue. Cette sortie n'avait point lieu sans
travail; elle exigeait une forte dilatation du pore génital,
et des tiraillemens répétés pendant plusieurs heures,
parvenaient enfin seulement à l’arracher de l'oviducte et
à le laisser suspendu ou plutôt porté, comme sur une
tige, sur le filament raide et corné qui avait si bien servi
à son extraction. On trouve en grande quantité ces œufs
| ( 179 )
fixés par un pareil pédicule aux pierres submergées; mais
il ne paraît pas que les choses se passent de mème dans
la ponte des autres Planaires. En effet, les œufs de la
Planaire trémellaire paraissent très-petits, Wibres dans
les oviductes , et partant d’une expulsion facile. Si j'en
juge par quelques échantillons trouvés autour des pierres
submergées, les œufs de la lactée ne sont point pédiculés,
ils sont ovales, assez gros, et ne paraissent contenir
qu'un seul fœtus. C’est encore là une différence notable ;
car ceux de la P. brune en renferment de cinq à neuf sous
une même enveloppe cornée’, et sans aucunes cloisons
ou membranes intermédiaires. Ces fœtus sont d'un gris
pâle en naissant ; ils ont environ une ligne de grandeur :
sans doute ils ont pris naissance dans des ovules isolés
d’abord, réunis ensuite dans l’une des vésicules où ma-
trices que nous avons décrites, enveloppée alors d’une
couche muqueuse sécrétée par cette poche, et dont une
portion même, poussée au dehors , a formé le filament
visqueux qui devient ensuite le pédicule de l'œuf, comme
la couche muqueuse en devient la coque extérieure.
$ IX. Résumé. Des considérations qui précèdent,
nous pouvons conclure, 1° que les Planariées se rappro-
chent des Hirudinées, et surteut des Clepsines et des Pis-
cicoles , par leurs organes digestifs déjà un peu ramifiés
dans ces genres d’Annélides (1) , par leur système vascu-
lire, par leur sang incolore, par leurs points oculi-
(1) Ajoutez que les espèces du genre Dérostome à sac gastrique non
ramifié se rapprochent des Albiones, des Néphélis et des Aulastomes
(Moquin, Monog. des Hirud., pl. 11, fig. 8, et pl. mi, fig. 1, 8, 11), et
que celles dont l'estomac est légèrement divisé ressemblent sur ce point
aux Hæmopsis, aux Sanguisuga (id. ib., pl. 1, fig. r et 10),
‘( 180 )
formes, par leurs organes génitaux et leurs œufs com» .
posés. Elles en diffèrent par la situation de lorifice
alimentaire et l’absence de ventouses ; différences peu
importantes , puisque des genres tout voisins (Douves)
ontces circonstances d'organisation semblables à celles des |
Hirudinées ; maïs ce qui sépare nettement les Planariées
d'avec les Annélides, c’est l'absence d’un système mus-
culaire, et surtout d’un système nerveux ganglionnaire.
2° Les Planariées ressemblent bien davantage aux En-
tozoaires parenchymateux, etnotamment aux Fascioles où
Douves : même texture pulpeuse, mêmes ramifications
gastriques , mêmes vaisseaux. Les différences tirées d'un
peu plus de consistance chez les dernières , de la situa-
tion terminale de leur bouche, sont bien faïbles , surtout
sid'on ne fait entrer dans cette comparaison le genre
Prostome; enfin, l’existence d’une ventouse chez les
Douves comme chez les Sangsues, et son absence chez |
les Planaires, constituent peut-être même une différence .
de genre à genre pluiôt que de famille à famille (2).
Ces ressemblances, ces analogies fondées sur l’organi-
sation, viennent encore à l'appui de cette vérité, tous |
les jours rendue plus évidente, que c’est par une grada-
tion presque insensible que la nature parcourt tous les de-
crés de l'échelle animale , depuis l'être le plus composé
jusqu’au plus simple. Natura saltus non facit.
(1) Nul doute qu'il ne faille aussi rapprocher des Planaires une foule
d'animaux microscopiques, Déjà on avait pressenti la grande aflinité
qui existe entre certaines espèces ( 22. ciliata, radiata Muller ) et les
Vorticelles , les Leucophres ( PZ. leucophræa Otto, Fabricius). Un
certain nombre d’Enchélides, de Trichodes, et surtout de Vibrions (7:
fasciolaris , anser, cy5nus) , sont dans le même cas.
| 2 (AGP)
EXPLICATION DES PLANCRES.
Planche 11.
Fig. 1. Prostome clepsinoïde.
Fig. 2. Dérostome notopse (1).
Fig, 3. D. linéaire.
Fig. 4. D. leucopse.
- Fig. 5. D. squale.
Fig. 6. D. gros.
Fig: 7. D. plature.
Fig. 8. D, polygastre.
Fig. 9 Planaire verdätre
Fig, 10. P. noirc.
Fig. 11. P. brune.
Fig, 12. P. lactée.
Fig. 13. P. subtentaculée. RE
Fig. 14. P: trémellaire. $
Fig. 15. Téte de la P. noire grossie. FE js \
Fig. 16. Tête dela P. süibtentaculée grossic.
Fig. 16 bis. Particules de la pnlpe d’une Planaire.— à, molécules ner-
veuses; d, globules agplomérés ; e, ovules ; d, Cyclides avalées par
l'animal. f 53
Fier. 17. Appareil digestif de la Planaire lactée:
Fig. 18. Suçoir de la P. subtentaculée très-grossi. Un trait pointillé
indique le contour de la poche qui doit le renfermer.
| "Fig. 19. Le méme enfermé dans sa cavité.
Fig. 20. Sucoir de la P. trémellaire, épanout et très-grossi, vu de
trois quarts.
Fig. or. Le même rentré ct vu de face, le corps de lanimal étant
* aplati entre deux verres
Fix. 22 P. subtentaculée saigissatit une Naide. .
Fig. 23. La même déployée, suçant an fragmeit de Naide.
Pig. 24. La même dans l'acte de la défécation.
* Fig. 25. Dérostome squale vomissant les matières atimeutaires.
(1) Dans toutes ces figures on a fait voir à la fois la bouche et les points ocu-
laires, quoiqu'ils soient , l’une en dessous; les autres en dessus. La demi-transpa-
rence de ces animaux permet de voir l’un et l’autre, en les regardant contre le’jour:
Nous remarquerons aussi que les espèces grossies ont auprès d'elles un trait indi-
quant leur grandeur naturelle,
( 182 )
Fig. 26. Le mème vu de profil, en repos.
Fig. 27. Partie antérieure du D. leucopse vu de profil.
Planche v.
Fig. 1. Système circulatoire inférieur de la P, noire.
Fig. 2. Partie antérieure de la P. trémellaire , avec ses vaisseaux et som
double renflement.
Fig. 3. Organes génitaux de la PI. trémellaire. — a, pore masculin ;
b, pore féminin.
Fig: 4. Organes génitaux de la PI. lactée, aplatis obliquement et vus
dëtrois quarts. — a, pénis et son fourreau ; b , oviducte ; c, vésicule
copulatrice et réservoir des œufs ; d , orifice commun : un trait poin-
tillé trace le contour de la poche commune.
Fig. 5. Mêmes organes en position , et vus de profil. ( Figure idéale.)
Fig. 6 et 7. Diverses formes que prend le pénis.
Fig. 8. Organes génitaux obliquement aplatis de la Plauaire brune. —
a, pénis et sa gaîne ; b, branches de loviducte ; e, vésicule copu-
latrice ou réservoir du sperme et des œufs ; d, pore génital , orifice
commun.
Fig. 9. Le pénis libre, avec une forme différente.
Fig. 10. Autre forme de l’oviducte et des réservoirs.
Fig. 11. Pénis et vaisseaux spermatiques de la P. noire.
Fig. 12. PI. brunes accouplées.
Fig. 13. PI. brüne pondant.—a et a’, tige qui tient à l’œuf.et traverse le
- pore génital ; b’, l’œnf très-grossi; e et c’, lambeau qui a été coupé,
et l’individu qui en est résulté. .
Fig. 14. PL subtentaculée coupée en trois morceaux , qui commencent
à réparer les parties perdues , pour former trois individus nouveaux.
Fig. 15. Dérostome leucopse près de selpartager spontanément en deux.
Fig. 15 bis. Partage immirent.
Fig. 16. PI: lactée fendue artificiellement en avant.
Fig. 17. Individu à deux têtes parfaites, résulté de l'opération précédente.
Il offre de plus une particularité rare dans la disposition des ramifi-
cations gastriques de la queue ; elles sont réunies en un seul tronc
derrière les organes génitaux.
Fig, 18. Individu à deux queues, trouvé dans l’eau.
Fig. 19. Partage de cet individu en trois portions.
Fig. 20, 21,22. Degrés divers de réparation du troucon antérieur.
Fig. 25, 24. Képarations opérées par les fragurens postérieurs. (La
!
( 183 )
fig. 24 est idéale ; je n’ai pu suivre la réparation jusqu'à sou dernier
terme. }
Fig. 25. Prostome clepsinoïde écrasé entre deux verres.
Fig. 26. Partie antérieure du même écrasé.
Fig. 27. Dérostome lancéolé.
Osservarions sur les Planaires par M. Baër, pour
servir d Addition aux Recherches sur Les Pla-
naires de M. Ant. Duges.
Tandis que je recueillais en France les observations
qu'on vient de lire, les Planaires étaient aussi en Alle-
magne l’objet des recherches d’un zoologiste habile.
M. Baër vient en eflet de publier dans les Nova Acta
Academiæ Leopoldino-Carolinæ , un Mémoire (1) fort
intéressant dans lequel l’anatomie et la physiologie de
ces animaux occupent une assez grande étendue. Nos
lecteurs ne seront pas fàchés sans doute de comparer en-
semble les résultats auxquels nous sommes isolément
arrivés, et la conformité qui règne entre eux sur un
grand nombre de points , ne pourra manquer d'ajouter
beaucoup à leur certitude.
Nous passerons sous silence une assez longue intro-
duction , dans laquelle l’auteur expose et discute d’une
manière très-détaillée les travaux zoologiques auxquels.
les Planaires ont servi de texte. Quatre espèces seule-
ment, choisies parmi celles dont la taille est la plus
grande, ont été le sujet de son étude: savoir : les Pla-
naria lactea , torva , tentaculata , brune. La première
(r) Beiürage zur Kenntniss der niedern thiere.
. (184 )
est aussi une de celles qui nous a fourni le plus de re-
marques ; les deuxième et troisième n’ont point été sou-
mises à notre observation; pour la quatrième, elle n’est
qu'une. variété de celle dont nous avons parlé en lui
conservant le nom de Nigra, qui lui convient dans le
plus grand nombre des ças, du moins dans le pays où
nous l’avous étudiée.
M. Baër a trouvé aux Planaires une peau distincte qui
paraît considérablement amincie et privée de,pigment à
l'endroit qui correspond aux points oculiformes; ces
points lui paraïssent être des yeux très-imparfaits et in-
capables de remplir leur fonction ordinaire; iln’a recon-
nu l'existence d'aucun autre organe des sens. Tout le
corps des Planaires lui a semblé contractile, etil compare
la face inférieure au pied des mollusques gastéropodes;
de même que sous cé pied charnu il a trouvé, sous le
corps des Planaires , deux lignes blanchätres réunies en
arrière. Faut-il les prendre pou r des intersections mus-
culaires ? Serait-ce un double système nerveux ? T'eiles
sont les questions que se propose notre auteur , et c’est à
la première qu'il répond préférablement par l’aflirmative.
Cependant il reconnaît qu’on ne peut distinguer en réa-
jiié ni fibres musculaires , ni filament nerveux , dans
toute l'étendue du corps pulpeux de ces invertébrés.
Ces lignes blanchâtres ne sont autre chose que les deux
troncs latéro-inférieurs du système circulatoire dont
M. Baër n’a pas soupçonné l'existence ; il semble regar-
der, comme remplissant les fonctions d’un système vas- |
culaire, les ramifications gastriques dont il à fort bien
reconnu et décrit la distribution. Les figures et la des-
criplion qu'il en donne se rapportent entièrement aux
( 185 )
nôtres , et la conformité n’est pas moins complète pour
ce qui concerne la structure et les fonctions du sucçoir.
Comme nous , M. Baër a vu les Planaires s'attaquer en-
tre elles, sucer les vers d'eau douce ; une de ses figures
représente même le sucoir d’une Planaire écrasée, opé-
rant la succion sur la propre substance de l’animal. Il à
vu quelquefois une régurgitation incomplète des matières
avalées , mais la véritable défécation paraît lui avoir
échappé, puisqu'il reste dans l'incertitude sur la non exis-
tence d’une deuxième ouverture aux organes digestifs.
Cependant il n’a pu découvrir, non plus que nous, chez
les Planaires une bouche antérieure; et, s’il prend pour
une sorte d’intestin rectum un organe qui appartient évi-
demment à l'appareil reproducteur, ce n’est qu'avec doute
et sur de simples conjectures.
Deux fois M. Baër a été témoin de l’accouplement de
la Planaria torva. En séparant les deux individus , il a
vu à chacun un long canal blanc sortant jar le pore gé-
nital , et a pu ainsi s'assurer à la fois de l’androgynisme
et de la simultanéité de la fécondation, propositions dont
la dernière était restée pour nous indécise. Mais ce n’est
que d’une manière assez confuse qu’il a observé les or-
‘ganes intérieurs de la génération ; il n'a pu en saisir l’en-
semble et les connexions, ni mème déterminer exacte-
ment les parties analogues dans deux espèces diflérentes.
La détermination à laquelle il s’esi préférablement arrêté
est tout opposée à la nôtre; les conduits spermatiques
sont pour jui des ovaires et des oviductes, le pénis une
sorte de matrice (et pourtant il a reconnu que c’est cette
partié qui sort pendant l’accouplement ); des deux vesi-
cules féminines, l’une est selon lui le pénis; l'autre
('r607
(vésicule copulatrice), une sorte de rectum. L’oviducte
réel a échappé à ses recherches , sans doute parce qu’il
les a faites sur des individus conservés dans l'alcool.
Les œufs de la Planaria torva ont été trouvés par
l’auteur sous les feuilles de Nymphæa ; ce sont comme
ceux de la Planaria fusca, que nous avons décrits, des
capsules contenant de quatre à huit fœtus. Ces fœtus
n'ont aucun pore génital, ni aucun des organes repro-
ducteurs ; ces organes semblent, selon M. Baër, se for-
mer de toutes pièces à un certain âge.
Les rapprochemens que nous avons cru devoir faire
entre ses Planaires et les Hirudinées ont été faits aussi
par M. Baër , et il eût sans doute insisté davantage sur
ce parallèle, s’il eût connu leur système circulatoire.
Voici les différences d’après lesquelles il sépare les
Planaires des Annélides ; le corps est sans anneaux, apla-
ti, privé de sang rouge, de vaisseaux et de système ner-
veux ganglionnaire; le canal alimentaire est ramifié,
adhérent au parenchyme, enfin la peau n'offre aucune
apparence musculaire chez les premières; le corps est
annelé, arrondi, du sang rouge circule dans des vaisseaux
distincts ; il y a un système nerveux ganglionnaire, un
canal alimentaire tubuleux et libre, une peau muscu-
leuse chez les dernières. On sentira aisément combien
cetie comparaison est fautive et incomplète, si on veut en
faire l'application à nos trois genres de Planariées ; mais
en établissant un parallèle plus parfait la conclusion n’en
est pas moins semblable, et c’est également aux Ento-
zoairés parenchymateux qu’on est porté à assimiler les
Planaires. M. Baër les annexe aux Trématodes de Ru-
dolphi; il observe que certaines espèces décrites par Mul-
+
: ( 187 )
ler ( Planaria fuscescens operculata } , ayant le suçoir
plus antérieur, semblent faire le passage des Planaires aux
Intestinaux dont nous venons de parler , et que même
quelques autres ayant la bouche tout-à-fait antérieure et
le corps arrondi ( Planaria angulata ) conduisent plus
directement encore aux Trématodes cylindroïdes.
+
Remarques sur quelques caractères des Chauves-
Souris frugivores, et Description de deux es-
pèces nouvelles ;
Par M. Isin. Grorrroy S.-Hrrarre.
(Extraites d’une Monographie des Chauves-Souris frugivores. )
Rien n’est plus propre à donner une idée des immenses
progrès dont la zoologie est redevable aux travaux des
naturalistes modernes, qu’une comparaison entre noscon-
paissances actuelles sur les Chauves-souris , et ce qu’on
savait sur ces singuliers mammifères , à une époque en-
core assez rapprochée de nous. Vers le milieu du dix-
huitième siècle, et après même la publication de plu-
sieurs éditions du Systema naturæ, on était à peine par-
venu à déterminer avec exactitude cinq ou six espèces ;
encore tout ce qu'on savait d'elles se réduisait-il à quel-
ques notions sur leur couleur , leur taille, leurs formes,
et sur quelques autres caractères extérieurs. En 1756,
Brisson, dans son ouvrage sur le règne animal, porta
à 9 le nombre des Chauves-souris; et, ee qui fut
( 188 )
une innovation importante, il les divisa en deux genres,
qu'il nomma Vespertilio et Pteropus. Brisson n'avait été
conduit à cette innovation que par les principes qu'il
avait adoptés pour l'établissement de son système de. |
classification. Cependant, malgré le vice de son point
de départ, il parvint à un résultat heureux , et le genre :
Pteropus , malgré le vague de ses caractères, se trouva,
pour ainsi dire par hasard, un genre assez naturel. L’au-
téur du règne animal fut moins bien servi par ses prin-
cipes de classification , lorsqu'il fut conduit par eux à
placer les makis entre les Pteropus etles Fespertilio , ce
qui était rompre de la manière la plus grave les rapports
naturels. Plus tard , une semblable faute fat commise,
lorsque dans la douzième édition du Systema naturæ ,
quelques Chauves-souris, sous le nomde Noctilio, furent
éloignées de toutes les autres et transportées dans l’ordre
des Glires : cependant cette faute elle-même (si toutefois
on peut employer ce mot) pouvait être pour les natura-
listes la source d’une instruction utile, et les introduire
dans un champ fécond en découvertes, en les portant à
penser que lesChauves-souris ne se répètent pas les unes
les autres par leur organisation, et que sous des formes
semblables se trouvent cachées de grandes et nombreu-
ses diversités de structure organique. Les appareils du
mouvement, modifiés d'une manière si remarquable qu’ils
semblent dominer tous les autres äppareils, et qu'ils
s'emparent, au premier abord, de toute l'attention du M
naturaliste, se reproduisent presque identiquement les
mêmes chez toutes les Cliauves-souris; et il semble qu’on
né puisse admettre, sans une sorte d’eflort sur soi-même,
que des espèces si voisines par leurs caractères extérieurs;
( 169 )
“ét se ressemblant même jusque dans leurs plus remar-
-quables anomalies , aient cependant des habitudes très-
“diverses , et soient différentes par ce qu'il y à en elles de
"plus important , leur structure anatomique. On ne s’é-
tonnera donc pas que les naturalistes aient continué à
confondre et à réunir dans un ou deux genres toutes Îles
Chauves-souris, même long-temps après que les décou-
vertes de Daubenton, de Pallas et de quelques autres
zoologistes , eurent augmenté de beaucoup le nombredes
espèces connues, et enrichi la science d'observations très-
importantes , en montrant que les dents et la plupart des
organes présentent dans ce groupe de fréquentes et re-
marquables modifications.
Tel était encore , il ya environ quarante ans, l’état des
connaissances que l’on possédait sur les Chauves-souris.
Quelques observations exactes et intéressantes avaient été
faites ; vingt espèces environ étaient bien déterminées,
mais on ne voulait admettre qu’un seul genre, réunis-
sant sous je nom de ’espertilio tous les mammifères
“ailés; car les genres Pteropus et Noctilio avaient été cux-
mêmes supprimés , tant leurs caractères avaient été va-
‘guement indiqués par leurs fondateurs, et peu sentis par
tous les naturalistes. Le désordre et la confusion étaient
la suite inévitable des travaux entrepris dans une telle
direction. Il semblait que la nature se füt, à l'égard des
Chauves-souris , écartée de ses loïs les plus générales :
les caractères que l’on était accoutamé à regarder comme
les plus constans , ceux que fournit le système dentaire ,
paraissaient ici devoir être inutiles , et variaient d’une es-
pèce à l’autre. Cependant ce n'était point la nature qui se
trouvait en défaut, mais bien les observateurs. En 1797,
( 190 )
mon père établit dans un Mémoire ex professo que les
Chauves-souris sont tout aussi susceptibles que les.
autres mammifères , d'être distribuées en petits groupes
ou genres naturels, ayant chacun leur système dentaire et
leur organisation propres, et bientôt après il mit à exé-
cution son idée , en établissant l’un de ces genres , celui
des molossus, et en donnant l'indication de quelques
autres (1). Dès-lors toute confusion cessa : du moment
où l’on se décida à considérer les Chauves-souris comme
une famille ou un ordre naturel, et non plus comme un
simple genre, on n’éprouva plus aucune difficulté dans
leur classification et leur étude, et la science fit de ra-
pides progrès. Qu'il nous suflise de dire que le nombre
des cheiroptères connus de nos jours est presque égal à
celui de tous les mammifères bien déterminés il y a un
demi-siècle , et que l’on possède maintenant environ
vingt-cinq genres de Chauves-souris répartis eux-mêmes
entre plusieurs familles. C'est donc aujourd'hui un fait
démontré que ces mammifères, si long-temps renfermés
dans les bornes étroites d’un seul genre, forment un.
groupe d'un ordre élevé : résultat tout-à-fait analogue à
celui où l’on est également arrivé au sujet des singes, des
cétacés herbivores, des carnassiers subterranéens et même
( d'après les travaux récens de M. Frédérie Cuvier}, des
carnassiers amphibies , si long-temps réunis dans un seul
genre , et formant aujourd'hui de grandes familles. Ainsi
tombe de toute part ceite opinion qui paraît avoir domi-
né les travaux des premiers auteurs systématiques, que
(x) Ces genres et un grand nombre d’autres ont été établis plus tard
dans une série de Mémoires imprimés dans les Annales du Muséumou |"
dans le grand ouvrage sur l'Egypte.
(191)
de semblables modifications dans les organes du mouve-
ment entrainent nécessairement la ressemblance de toute
l’organisation, ou, en d’autres termes , qu’il n’est qu’un
seul type possible avec une même forme de l'appareil
locomoteur.
Les Chauves-souris, long-temps négligées par les natu-
ralistes , sont maintenant au nombre des animaux que l’on
recherche et que l’on étudie avec le plus de soin. Chaque
année des espèces nouvelles sont découvertes, et des
Mémoires importans sont publiés sur leurs caractères et
leur organisation. Ainsi les Chauves-souris frugivores,
objet spécial de notre article, ont donné lieu, depuis un
an , à de nombreux travaux. M. Temminck a fait pa-
raître une Monographie complète où se trouvent décrites
un grand nombre d'espèces nouvelles (1); deux genres
nouveaux ont été établis par mon père (2); et M. Des-
marest a aussi donné d’intéressantes observations dans
l’article Roussette du dictionnaire des sciences naturelles.
Nous croyons donc devoir renoncer au projet que nous
avions nous-même conçu, de donner un travail étendu
sur les Chauves-souris frugivores, et nous nous bornerons
dans cet article à présenter de courtes remarques sur
quelques genres, et la description de deux espèces nou-
-velles, en y joignant quelques cousidérations générales
Sur les caractères de la famille. Nous nous flattons que de
cette manière notre Mémoire pourra être encore de quel-
que utilité pour lascience , même après la publication des
travaux importants que nous venons de rappeler, et qu’il
(1) Monographies de mammialogie , tom. I.
- (2) Lecons sur l'histoire naturelle des Mammifères , treizième lecon.
( 192)
pourra, à quelques égards’, leur. servir de complé=
ment.
Remarques générales sur Les caractères des Chauwves-
Souris frugivores.
Cinq ggnres composent dans l’état présent de la science |
la famille des Chauves-souris frugivores , savoir: Ptero=
pus, Parchysoma, Cephalotes, Hyÿpoderma, établis par
mon père, et Macroglossus éabli par M. Fréd. Cuvier.
Ces cinq genres étant frugivores , on conçoit que leur sys
1ème dentaire doit différer de celui des autres Chauves=
souris qui toutes sont inséctivores ; c’est en eflet ce qui a
lieu. Leurs molaires, au Heu d’être hérissées de tuber-
cules et de pointes aiguës, présentent à leur couronnes
une surface allongée , br et bornée seulement sur cha-
cun de ses bords latéraux, par une crête plus ou moins
apparente. Ce type, remarquable en ce qu'il est inter
médiaire entre celui des carnassiers et des herbivores pro«
prement dits, et qu'on ne le retrouve dans aucune autre
famille de mammiféres, est d’ailleurs sujet à quelques
variations d’un genre à l’autre. Quant aux canines et"
aux incisives , elles rappellent par leur disposition , leur
direction et leur forme, et le plus souvent même par
leur nombre, celles des singes; fait d'autant plus digne
d'attention, qu'un autre groupe de Chauves-souris, les
Vespertilions , reproduit, par la disposition de ses inci-
sives et de ses canines, les caractères propres à law,
deuxième famille de l’ordre des quadrumanes, les Makis.",
Cependant ilest parmi les Chauves-sourisfrugivores un
genre dont le système dentaire est très-différent de celui
(195 )
des singes , et offre une anomalie des plus remarquables ;
c’est la Céphalote : ses molaires sont en mème nombre
ét de même forme que chez les Pachysomes , auxquels
elle ressemble aussi par les formes de son crâne et par
un grand nombre de caractères ; et cependant il existe
entre leurs deux genres une différence de la plus haute
importance. Chez les Pachysomes , on trouve aux deux
mâchoires, des molaires, des canines et des incisives
bien déterminées; les trois sortes de dents existent
évidemment. Chez la Céphalote, on retrouve encore
à la mâchoire supérieure deux petites incisives placées
entre les deux canines, mais à l’inférieure il n'existe
plus, en avant des molaires, qu'une seule dent de cha-
que côté. Cette dent unique, qui devrait être consi-
dérée d’après une théorie généralement reçue jusqu’à
ces derniers temps , comme une incisive, est au con-
traire, suivant une théorie récemment proposée par mon
père, une véritable canine, comme le pensait Pallas,
auquel on doit la connaissance de la Céphalote. Cette
dernière théorie me semble ici confirmée de la manière
la plus certaine, et il suflirait presque de la remarque
suivante pour en fournir la démonstration. Non seule- :
ment la dent unique de la Céphalote a la même forme
générale et la même direction que la canine d’un Pachy-
some, mais elle en reproduit jusqu'aux plus petits dé-
tails de forme d’une manière si exacte, que, si on faisait
sortir ces deux dents de leurs alvéoles, il serait peut-
être impossible à l'œil le plus exercé de distinguer la-
quelle est la canine du Pachysome , et laquelle est ce
qu'on a appelé , et ce qu’un grand nombre de zoologistes
appelleraient encore l’incisive de la Céphalote. Cette
XV. 13
( 194 )
remarque , jointe à plusieurs autres déjà faites par divers
auteurs, et qu'il est inutile de rappeler ici, démontre
que les incisives manquent à la mâchoire inférieure dans
le genre Cephalotes , tandis que les Pachysomes, malgré
les rapports intimes qui les unissent à celui-ci, ont un
système dentaire parfaitement normal. Les deux genres
nous paraissent être, l’un à l'égard de l’autre ; ce que
sont les Scalopes et. les Musaraignes (1) à l'égard des
Taupes : double exemple qui montre que les modifica-
tions du système dentaire n'indiquent pas toujours les
véritables rapports naturels des êtres d’une manière
aussi heureuse qu'on le pense généralement.
Les ailes présentent, chez les Chauves-souris frugi-
vores, des caractères particuliers dont quelques-uns ont
été indiqués par tous les auteurs, et ne doivent pas nous
occuper ici : il nous suflira de ‘rappeler qu'elles sont un
peu moins étendues que chez les insectivores, et que
leur second doigt ou l'indicateur est toujours pourvu de
toutes ses phalanges , et presque toujours de son ongle.
Mais il est un autre caractère que sa grande généralité
rend très-remarquable, et sur lequel nous devons in-
sister davantage , parce qu'il a jusqu’à ce jour échappé
à l'attention de tous les observateurs. Chez les Chauves-
souris frugivores, les ailes s’insèrent sur le dos, tantôt
près des flancs, ce qui est le cas le plus ordinaire , tantôt
sur la ligne médiane, tandis que chez les Chauves-souris
insectivores elles s’'insèrent presque toujours sur les
flancs , à une distance presque égale de la face supérieure
(1) Voyez l’article Musararene du Dictionnaire classique d'Histoire
naturelle , dans lequel j'ai traité avec détail et sous un point de vue
nouveau , de la détermination du système dentaire de ces insectivores-
|
|
|
POSE DT
( 195 )
et de la face inférieure du corps. Cependant il est quel -
ques-unes de ces dernières qui se rapprochent, sous ce
point de vue, des Chauves-souris frugivores : tels sont les
Phyllostomes et surtout les Noctilions.
Nous ne connaissons au contraire , parmi les Chauves-
souris frugivores , aucune espèce chez laquelle les ailes
ne présentent la disposition que nous venons d'indiquer.
Nous ne concevons pas pour quel motif quelques auteurs
modernes l'ont indiquée comme formant l’un des carac-
tères spécifiques de deux ou trois Roussettes ; car ces
espèces ne présentent rien de particulier sous ce rap-
port, et l'insertion dorsale des ailes est véritablement
l’un des caffttères généraux de la famille.
Ces faits nous conduisent à une remarque intéressante
au sujet de l’anomalie qui caractérise le genre Æ/ypo-
derma, genre que compose dans l'état présent de Îa
science une seule espèce , long-temps connue sous le nom
Cephalotes Peront. On sait que chez cette Chauve-
souris les ailes naissent sur la ligne médiane du dos , en
sorte que le corps ne se trouve pas comme à l'ordinaire
placé entre les ailes, mais bien placé au-dessous des
ailes , et recouvert par elles comme par un manteau. Or,
en établissant que chez toutes les autres Chauves-souris
frugivores les ailes naissent sur les parties latérales
du dos, et qu'ainsi elles se trouvent déjà reportées à la
face supérieure du corps, nous sommes conduits à cette
conséquence, que ce qui distingue l’Hypoderme de tous
les genres voisins , ce n’est pas, comme on le croyait, la
présence d'un caractère nouveau, mais seulement Île
degré d’exagération auquel parvient un caractère com-
mun à toute la famille.
( 196 )
Nous venons de rappeler que, chez les Chauves-souris
frugivores, les ailes sont moins étendues que chez les in-
sectivores : nous devons ajouter que la membrane inter-
fémorale est toujours très-peu large, et le plus souvent
même rudimentaire. Les membranes, soit essentielles ,
soit accessoires du vol ne présentent donc point chez les
Chauves-souris frugivores cette extrême richesse de dé-
veloppement qui signale d’une manière si remarquable
la plupart des insectivores. On ne trouve point non plus
autour des organes des sens, chez les premières, ces pro-
longemens membraneux destinés , les uns à étendre leurs
conditions de sensibilité, et les autres à les restreindre
à la volonté de l'animal. En effet, les feuilles nasales et
les oreillons, sortes de paupières nasales et auriculaires ,
manquent entièrement, et les conques auditives sont
à la fois très-simples et peu étendues. De toutes ces mo-
difications , il résulte que les Chauves-souris frugivores
sont celles chez lesquelles le derme a pris le moins de
développement, a le moins d’étendue ; et comme c’est
précisément dans ce développement , dans cette étendue
des membranes tégumentaires , qu’existe le caractère
essentiel de la Chauve-souris , on peut dire que les fru-
givores sont celles qui présentent au plus faible degré les
conditions organiques de leur famille; qu’elles sont le
moins possible chauves-souris, ou, pour employer une
expression déjà admise dans la science, qu’elles sont
Chauves-souris au plus petit titre possible.
Les Chauves-souris frugivores ressemblent beaucoup
aux insectivores par leur squelette : leurs omoplates ex-
trêmement allongées, leur sternum présentant sur la ligne
médiane une sorte de carène ou de bréchet composé de
-m
|
( 197 )
plusieurs pièces, leurs membres postérieurs retournés sur
eux-mêmes, leur cubitus rudimentaire et soudé au radius,
sont autant de conditions organiques communèés aux unes
et aux autres. Nous avons trouvé également, chez toutes
les Chauves-souris , nn os particulier placé derrière l’ar-
ticulation du bras avec l’avant-bras , et présentant , à l’é-
gard de cette articulation, une disposition absolument
semblable à celle de la rotule dans l'articulation du genou :
cet os, analogue à l’apophyse olécrâne , et que l’on peut
désigner sous le nom de rotule du membre antérieur ou
rotule du coude, ne se trouve parmi les mammifères
que chez les seules Chauves-souris , les Galéopithèques
en étant eux-mêmes dépourvus ; et il est à remarquer
que, bien loin d’être établi sur un type chez les Chauves-
souris frugivores , et sur un autre chez les insectivores,
cet os présente une disposition semblable chez les unes
et chez les autres , à l’exception de quelques-unes de ces
dernières , les Vespertilions, où il n'existe qu’en rudi-
ment. Ces remarques sont les seules que nous ayons à
faire dans ce Mémoire sur la rotule du membre anté-
rieur des Chauves-souris , et ce serait sortir de notre su-
jet que d’exposer ici les conséquences intéressantes que
peuvent fournir la présence et la disposition de cet os,
principalement par rapport à la théorie des homolo-
gies (1).
Les Roussettes et les autres genres de la mème fa-
(1) Voyez, au sujet de la rotule du membre antérieur des Chauves-
Souris , le Bulletin des Sciences naturelles (mars 1827), où se trouve
Vextrait d’une note que nous avons communiquée en décembre 1826 à la
Société d'Histoire naturelle. — Voyez aussi Geoffroy Saint-Hilaire ,
Lecons sur les Mammifères | quatorzième lecon , p. 41.
( 198 )
mille s’habituent facilement à vivre de matières ani-
males ; cependant elles sont essentiellement frugivores ;
et il est à remarquer qu’en même temps que leur sys-
tème dentaire et l’organisation de leur appareil digestif
les portent à rechercher des substances végétales; en
même temps aussi elles sont privées des moyens que la
nature a donnés aux Chauves-souris insectivores pour
apercevoir, atteindre et saisir facilement les petits ani-
maux dont elles doivent faire leur proie. Les ailes de
Roussettes sont un peu moins étendues, et leur mem-
brane inter-fémorale est rudimentaire , d'où résulte un
vol moins rapide : elles manquent de feuilles nasales et
d'oreillons ; leurs conques auditives elles-mêmes sont
peu développées, et leurs sens étant ainsi moins per-
fectionnés, les insectes peuvent mieux s'approcher d'elles
sans révéler leur présence ; enfin, leur gueule étant
beautoup moins fendue , elles auraient, même après
les avoir aperçus, plus de peine à les saisir : en sorte
que nous trouvons ici une application bien remarquable
de cette grande loi d'harmonie , de coordimation des ca-
ractères, dont tant de faits démontrent l'existence, et
sans laquelle en effet il est impossible de concevoir l’or-
ganisation.
Remarques sur le genre Roussette, et Description
L] x
d'une espèce nouvelle.
Ce genre a été divisé, par tous les auteurs, en deux
sections ; celle des Roussettes sans queue, et celle des
Roussettes à queue. On a remarqué depuis long-temps
que les espèces de la première section sont généralement
( 199 )
très-grandes , tandis que celles de la seconde sont toutes
de petite taille , ou du moins de taille médiocre ; mais ces
différences , les seules à peu près que l’on ait indiquées
entre les deux groupes, ne sont pas les seules qui exis-
tent réellement. Nous avons étudié comparativement
les crânes d’un grand nombre d'espèces, et examiné
ceux qui se trouvent figurés dans quelques ouvrages,
principalement dans la cinquième livraison des monc-
graphies de Mammalogie de M. Temminck ; et nous
avons reconnu que la forme de la tête peut fournir aux
deux sections du genre Roussette quelques caractères
que nous indiquerons avant de passer à la description de
l’espèce nouvelle que nous avons à décrire.
Dans toutes les espèces sans queue , la boîte cérébrale
est séparée de la face par un rétrécissement considérable,
correspondant à la partie postérieure de l'orbite. Ces for-
mes remarquables sont assez bien connues , et elles ont
été attribuées par la plupart des auteurs au genre tout en-
tier, parce que les Roussettes sans queue ont été presque
toujours prises pour type; beaucoup de figures les re-
produisent d’une manière exacte , et de bonnes descrip-
tions en ont été publiées. Les formes du cräne des
Roussettes à queue sont beaucoup moins connues ; chez
elles, il n’y a point de rétrécissement entre la boîte cé-
rébrale et la face, comme mon père l’a remarqué à
l'égard d’une espèce, le Pteropus marginatus. En outre,
la boite cérébrale est un peu plus renflée, et le museau
est moins efhlé, d'où résulte une forme de tête toute
différente. Du reste, le système dentaire ne présente
aucun caractère particulier, quoique plusieurs auteurs
aient avancé le contraire.
( 200 })
différences ostéologiques dans quatre espèces, Pteropus
marginatus , P. stramineus, P. Leschenaultii et P. am-
plexicaudatus ; et une figure de l'ouvrage déjà cité de
M. Temminck nous apprend qu’elles se retrouvent éga-
lement chez le Pteropus Geoffroyi. Toutefois nous ne
pensons pas, quelque importantes qu’elles puissent pa-
raître au premier abord, et quelle que soit leur con-
stance, qu'elles doivent motiver l’établissement d’un
genre nouveau. En effet, elles ne sont pas également
manifestes chez toutes les Roussettes à queue, et pa-
raissent être en rapport avec la taille des animaux qui
les présentent. Très-prononcées chez les très -petites
espèces , elles le sont beaucoup moins chez celles dont la
taille est plus considérable, telles que la Roussette
paillée, et on peut même dire que, si l’on voulait sépa-
rer les Roussettes en deux sous-genres , cette dernière
se trouverait placée sur la limite , et intermédiaire entre
l’un et l’autre.
On ne connaît dans l’état présent de la science , parmi
les Roussettes à queue, que cinq espèces, toutes bien dis-
tinctes, et, à une exception près, décrites avec exactitude
par les auteurs modernes : ce sont les Pteropus margina-
tus Geof. Si.-H., P.amplexicaudatus Geoff. St.-H.,
P. Stramineus Geoff. St.-H., Pr. Geoffroyi Tem. (le
même que le Pt. Ægyptiacus Geofi. St.-H.), et Pr.
Leschenaultii Desm. Nous ignorons pourquoi cette der-
nière espèce, que distingue son pelage d’un fauve cendré
sur le ventre, et d’un brun légèrement grisâtre sur le
dos , a été omise par M. Temminck dans sa Monogra-
phie des Roussettes, et pourquoi tous les auteurs français
Nous avons constaté par nos propres observations ées |
( 201 })
l'ont placée jusqu'à présent parmi les Roussettes sans
queue ; car son prolongement caudal, très-apparent à
l'extérieur, n’est qu'à peine engagé dans la membrane
inter-fémorale , et a environ six lignes de long.
C’est à la section des Roussettes sans queue qu’appar-
tient l'espèce nouvelle dont nous allons donner la des-
cription ; elle a été rapportée il y a quelques années du
continent de l'Inde par M. Dussumier, et nous la dé-
dions à ce savant voyageur, connu de tous les zoologistes
par les nombreuses découvertes dont la science lui est
déjà redevable, et plus encore par la générosité et le
noble désintéressement dont il a fait preuve au retour
de ses voyages, en s’empressant d'enrichir de tous les
objets nouveaux dus à ses propres recherches, les collec-
tions publiques du Muséum royal d'Histoire naturelle.
La Rousserre Dussumier , Pteropus Dussumieri.
Cetre espèce , assez voisine de la Roussette Kéraudren,
est néanmoins très-facile à distinguer de celle-ci par son
système de coloration. La face et la gorge sont brunes ;
le ventre et le dos sont couverts de poils bruns mélangés
de quelques poils blancs ; ceux du dos différent du ventre
en ce qu'ils sont très-couchés, comme cela a lieu chez
presque toutes les Roussettes : la partie supérieure de
la poitrine est d’un brun roussätre, et les côtés du col
et tout l’espace compris à la face postérieure du corps
depuis les oreilles jusqu’à l'insertion de l'aile , sont d’un
fauve tirant légèrement sur le roussätre. La longueur
_ totale est de sept pouces , et l’envérgure ést de deux
pieds trois pouces.
(2602 7
Nous avons constaté l'existence de cette espèce par
l'examen de deux individus entièrement semblables ,
dont l’un vient, conime nous l’avons dit, du continent
de l'Inde, et dont l’autre est donné comme originaire
d’Amboine. La couleur brune de sa gorge et de la partie
antérieure de son cou permet de la distinguer au pre-
mier coup d'œil de la Roussette Kéraudren, qui a ces
parties d’un jaune pâle, et des caractères non moins
tranchés la séparent des autres espèces , et particulière-
ment de la Roussetie d'Edwards ( Pieropus medius
Tem. ?) qui habite, comme elle, le continent Indien.
Remarques sur le genre Pachysome , et Description
d'une espèce nouvelle.
Ce genre que mon père a établi tout récemment, et
que composent quelques espèces jusqu'alors confondues
avec les véritables Roussettes dans le genre Pteropus , est
caractérisé par ses formes lourdes et trapues; sa tête
courte, élargie en arrière, et ses dents qui sont au nom-
bre de trente seulement (quatre de moïns que chez les
Roussettes). À ces caractères , que mon père a fait con-
naître dans ses Lecons sur les Mammifères , et sur les-
quels il est par conséquent inutile de nous arrêter ici,
nous en joindrons quelques autres que nous a fournis
l'examen du crâne.
Le museau des Pachysomes est gros, et leur boîte
cérébrale est très-volumineuse et sphéroïdale ; mais entre
ces deux parties existe un rétrécissement très-sensible ,
quoique beaucoup moins prononcé que chez les grandes
Roussettes. Un grand espace existe ainsi entre les parois
L'ue
ë,
L
( 203 )
du crane et les arcades zygomatiques , qui sont d’ail-
leurs beaucoup plus écartées que chez les Roussettes ; et
comme l'étendue de cet espace est en rapport avec le
volume du masséter et du crotaphyte , nous voyons s’ac-
croître de beaucoup chez les Pachysomes la force des
muscles élévateurs de la mâchoire inférieure ; fait d’au-
tant plus remarquable que cette mâchoire elle-même est
courte, et n’a d’étendue que dans la portion qui donne
insertion aux muscles, c’est-à-dire sa portion postérieure
et son apophyse coronoïde. Nous n'avons pas besoin de
faire remarquer que toutes ces modifications tendent à
augmenter d'une manière très-remarquable la force des
màchoires, puisque l’inférieure , en mème temps qu’elle
devient plus courte, se trouve mue par des muscles plus
puissans.
Nous devons ajouter que nous n'avons constaté ces
faits que sur un seul crâne, appartenant à l'espèce nou-
velle que nous allons décrire, ou peut-être au Pachy-
soma Duvaucelii; mais les rapports intimes qui unissent
ces deux Pachysomes avec leurs congénères , et l'examen
de quelques figures qu'a données M. Temminck dans
ses Monographies de Mammalogie , ne nous permettent
pas de douter que les mêmes conditions organiques ne
se reproduisent chez tous les Pachysomes.
Trois espèces ont été mentionnées par mon père dans
son travail sur ce genre, sous les noms de Pachysoma
Diardii, P. Duvaucelii, a P. tithæcheilum : ce der-
nier est la Roussette mammilèvre , Pteropus titthæchei-
lus de M. Temminck. A ces trois espèces il faut ajouter
une Chauve-souris inédite que nous allons faire connaitre
sous le nom de Pachysoma brevicaudatum , et une autre
C4
(204 )
espèce décrite récemment par M. Temminck, sous le !
nom de Pteropus melanocephalus, et qui devra être
appelée Pachysoma melanocephalum.
Le PacaysomE À courTE QUEUE, Pachysoma brevi- N
caudatum.
|
Cette espèce est très-voisine , par son système de !
coloration, de l’espèce que M. Temminck avait publiée |
sous le nom de Aoussette mammilèvre ; maïs elle se |
distingue au premier aspect de celle-ci par l'extrême |
brièveté de sa queue qui dépasse à peine d’une demi |
ligne la membrane inter-fémorale. Le dessus du corps est |
d’un roux lavé d’olivâtre, les poils étant d’un brun oli- |
vâtre dans presque toute leur étendue , et roux à la
pointe. La face inférieure du corps est grise sur le milieu
du ventre ; les flancs, la gorge et les côtés du cou sont
tantôt d’un gris assez pur, tantôt d’un roux grisätre ; |
tantôt enfin d’un roux vif. Les oreilles sont entourées |
d’un liséré blanc. Enfin, la longueur totale du Pachy- |
some à courte queue est de quatre pouces, et son enverz |
gure est d'un peu plus d’un pied.
M. Temminck a fait remarquer dans les deux espèces
de Pachysomes dont on lui doit la connaissance (Pachy= \
soma melanocephalum, et P. titthæcheilum), qu'il
existe sur les côtés du cou des poils divergens d’un centre
commun, et qui paraissent couvrir un appareil sécré-
teur. Nous avons retrouvé une disposition toute sem-
blable chez celui de nos individus qui avait les côtés
du cou d’un roux vif ; cet individu était mâle.
Le Pachysome à courte queue a été découvert dans l'ile
( 305")
de Sumatra, par MM. Diard et Duvaucel : on assure
qu'il se trouve aussi dans le continent de l'Inde.
Nous ne ferons aucune remarque sur les autres genres
de la famille des Chauves-souris frugivores , Macro-
glossus, Cephalotes et Hypoderma. Tous trois sont
composés dans l’état présent de la science d’une seule
espèce : car le Cephalotes teniotis de Rafinesque ne pa-
| rait pas être une véritable Céphalote , et le prétendu
| Pteropus palliatus , que l’on pourrait prendre pour une
| seconde espèce d’Hypoderme , n’est qu'un jeune âge de
| V Aypoderma Peronit.
Osservarions sur la Spongille rameuse (Spongilla
ramosa, Lamarck, Ephydatia lacustris, Lamou-
- TOUT };
Par M. Durrocxer,
Correspondant de l’Académie royale des Sciences.
. Nous ne connaissons point encore la véritable nature
des Éponges ; ces êtres, situés sur la limite qui sépare
le règne animal du règne végétal, semblent appartenir
également à ces deux règnes. On sait que ces productions
singulières sont composées d’un tissu fibreux encroûté
d'une sorte de gelée qui paraît de nature animale , et
dans laquelle cependant les observateurs les plus habiles
n'ont jamais pu apercevoir le moindre signe d'irritabi-
lité. Les Spongilles qui croissent dans les eaux douces
offrent à peu près la même organisation que les Éponges
de mer. J'ai observé ces Spongilles avec beaucoup de
( 206 })
soin; elles m'ont offert des faits nouveaux et asséz
curieux.
La Spongille rameuse croît dans les eaux stagnantes |
fixée aux pierres où aux autres corps solides qui s’y
trouvent; j'en ai observé une , entre autres, d’une éten-
due considérable qui s'était développée sur la face infé-
rieure d’une pièce de bois flottante dans une pièce d’eau;
cette Spongille formait une plaque circulaire de plus de
six pouces de largeur sur six lignes d'épaisseur au centre; |
elle allait en s’amincissant par ses bords. Cette produe- |
tion répandait une forte odeur marécageuse ; elle était
de couleur verte, et contenait dans son intérieur une
immense quantité de corps oviformes de couleur jaune,
et qui adhéraient au tissu fibreux : ce dernier formait
une multitude de cavités, comme chacun sait que cela
existe dans les éponges. Ces cavités, ainsi que la surface.
générale de la Spongille, étaient revêtues, non d’une
gelée , mais d’une membrane fine et diaphane semblable
à un épiderme, Dans l’intérieur de ces cavités se trouvait
une substance caséiforme extrêmement divisée, et dont
les flocons nageaient dans un fluide aqueux. Lorsqu'on
divisait le tissu de la Spongille, cette substance caséi-
forme et le fluide aqueux dans lequel elle était en sus-
pension se répandaient dans l’eau environnante, et la
‘troublaient en lui donnant un aspect laiteux. La Spon-
gille s’étendait en s’accroissant progressivement par ses
bords qui étaient fort minces et blanchâtres , tandis que
les parties plus anciennes étaient de couleur verte. Les
corps oviformes existaient dans les parties les plus nou-
velles , comme dans les plus anciennes ; mais dans celles-
ei ils étaient de couleur jaune , tandis que dans celles-
( 207 )
là ils étaient de couleur verte. Dans le principe ils étaient
blanchâtres, et pour les voir il fallait laisser putréfier
le tissu de la Spongille dans l’eau qui dissolvait la partie
| molle de ce tissu, et mettait ainsi les corps oviformes
paissans à découvert.
Pendant tout le cours de la première année que j'ob-
servai cette Spongille, elle conserva sa forme aplatie
en s'étendant toujours sur la surface inférieure du bois
flottant qui la portait. La seconde année, je continua
à l’observer, et je vis que d’un grand nombre de points
de la surface de cette plaque il partit des excroissances
allongées et renflées par leur extrémité en forme de
massues , et longues d'environ deux pouces sur six lignes
de grosseur à leur extrémité ; ces excroïssances, dont la
substance était en tout semblable à celle du corps de la
Spongille, étaient pendantes dans l’eau. Pour observer
cette Spongille, j'en placais des fragmens dans des vases
pleins d’eau, et je les examinais à la loupe. Ainsi ren-
fermée dans des vases, cette production ne conservait pas
très-long-temps son état de vie. Sa mort se dénotait par
la putréfaction qui répandait une odeur tout-à-fait sem-
blable à celle qui résulte de la putréfaction des matières
animales. Cette putréfaction attaquait spécialement la
membrane diaphane qui revètissait l'extérieur de la
Spongille, et qui tapissait les cavités situées dans son
intérieur. Le tissu fibreux , surtout celui qui était le plus
ancien, restait intact, ainsi que les corps oviformes.
C'était donc spécialement cette membrane diaphane qui
présentait les caractères des substances animales ; c'était
chez elle par conséquent qu'il fallait chercher d’au-
t'es caractères d'animalité, qu'on devait supposer y
( 206 )
exister. Ce fut en vain que j'irritai cette membrane
avec la pointe d’une aiguille; il ne s’y manifesta aucune
contraction, aucun mouvement spontané. Un fait ce-
pendant me prouva que cette membrane jouissait d’une
vie très-active. Ayant placé deux fragmens de Spongille
l'un sur l’autre , et de manière qu'ils étaient en contact
phane, ces deux fragmens furent tellement adhérens l’un |
à l’autre au bout de vingt-quatre heures , que je ne pus les |
séparer que par un déchirement ; ils s'étaient réunis en |
une seule masse, de manière à ne plus former qu'un
seul tout organique, et cela par le fait d’une sorte de
greffe. En observant des fragmens de cette Spongille à la |
loupe, je remarquai à sa surface des endroits où la mem-
brane diaphane était soulevée par de l’eau accumulée au-
dessous d'elle ; cette membrane , ainsi détachée du tissu |
fibreux qu’elle revêtissait, formait tantôt des sortes de |
canaux irréguliers , tantôt de petites éminences coniques.
Bientôt je vis quelques-unes de ces éminences ou protu- |
bérances coniques se percer à leur sommet, et dès-lors
il s'établit par cette ouverture un courant d’eau continu ,
lequel sortait de l’intérieur de la Spongille, et entraînait
de temps en temps avec lui quelques fragmens de cette |
matière caséiforme qui existe dans les cavités de la Spon- |
gille, et dont j'ai déjà parlé plus haut. Je distinguais |
l’existence de ce courant continu au moyen des corps
légers qui flottaient suspendus dans l’eau , et qui étaient |
repoussés avec vivacité quand ils se trouvaient vis-à-vis |
de l'ouverture par laquelle l’eau était chassée. Je crus :
d'abord que ce courant d’eau continu était produit par
de petits entomostracés logés dans l'intérieur des ca-
{
|
|
L
par leur surface extérieure munie de sa membrane dia=
( 209 )
vités de la Spongille ; mais bientôt j’acquis la certitude
que telle n’était point la cause de ce phénomène. Ayant
isolé, dans un petit vase rempli d’eau très-pure, un
fragment de Spongille qui n'offrait aucune de ces protu-
bérances membraneuses , j'y vis dès le lendemain naître
une de ces protubérances; elle grandit peu à peu , et le
deuxième jour elle se perça à son sommet, et dès-lors
elle vomit de l’eau sans interruption. Le fragment de
Spongille n'avait que trois à quatre lignes dans toutes
ses dimensions ; il me fut facile d’en explorer toutes les
parties à la loupe, en le réduisant en petits fragmens, et
je n’y trouvai pas un seul Entomostracé. Ainsi il me fut
démontré que l’eau est chassée hors de la Spongille par
une force propre à cet être vivant lui-même. Quelque
attention que j'aie apportée à l’obsérvation , il m'a été
impessible d’apercevoir par où cette eau , sans cesse ex-
pulsée, s’introduisait dans l’intérieur de la Spongille,
en sorte qu'il me paraît certain que cette eau est intro-
duite insensiblement par l'absorption que la Spongille
exerce par toute l'étendue de sa surface. Au reste, il est
bon de faire observer que ces petites protubérances , qui
vomissent de l’eau, n'existent pas toujours : j'ai vu des
Spongilles qui n’en offraient pas une seule ; elles me
paraissent donc être des productions accidentelles , et
j'attribue leur formation à l'effort que fait l’eau contenue
dans l’intérieur de la Spongille pour en sortir. La mem-
brane enveloppante , se trouvant faible en certains en-
droits, s’y laisse distendre , et forme alors des protubé-
rances ou de petites vessies qui se crèvent à leur sommet
pour laisser échapper en jet continu l’eau qui, sans cet
accident, serait échappée d’une manière insensible et
XV. 14
( 210 )
par filtration au travers des parois de la membrane en
veloppante. L’expulsion continuelle de l’eau prouve son
introduction également continuelle par l’absorption in-
sensible; par conséquent, lorsqu'il n’existe point pour
l'eau introduite de voie d'expulsion en masse , elle doit
ètre expulsée d’une manière insensible, c’est-à-dire de
la même manière qu’elle est mtroduite.
Les petites protubérances, vomissant de l’eau dontilest
ici question , ne sont formées qu'aux dépens de la mem:
brane diaphane qui revêt la Spongille. Ainsi que je viens
de l’exposer, je n’ai reconnu dans ces protubérances au
cun signe d’irritabilité sous l'influence des stimulans, et
cependant elles offrent un changement perpétuel de
formes qui ne peut avoir sa source que daus un mouve-
ment spontané. C’est à la loupe qu'il faut faire ces ob-
servations, car ces protubérances sont fort petites. Si
l’on observe soigneusement la forme de l’une de ces
protubérances , et qu’on vienne à l’examiner de nouveau
un quart-d’heure ou une demi-heure après, on ne lui
trouve plus exactement la même forme; plus tard le
changement de forme est encore plus considérable. On
voit la protubérance, d’abord de forme conique , et ver- |
sant de l’eau par son sommet , s’allonger en un boyau
qui tantôt se renfle à son extrémité, tantôt se renfle
dans son milieu ; ces renflemens augmentent ou dimi-
nuent, changent de place, disparaissent et reparaissent
iour à tour, eLil en résulte toutes sortes de formes : quel-
quefois ce boyau se bifurque à son extrémité par la
production d’une sorte de rameau qui finit bientôt par |
se percer aussi à son extrémité , par laquelle il s'établit
aussi un courant d’eau. J'ai vu une fois ce rameau tubu:
( aux )
leux latéral ne point se percer , et après avoir terminé
son élongation, se raccourcir, diminuer peu à peu de
volume, et finir par disparaitre entièrement; sa sub-
Slance rentra dans la composition du tube principal dont
elle était sortie, et 1l n’en resta aucune trace : ces con-
duits membraneux étaient maintenus dans un état de
turgescence par l’eau qui affluait dans leur intérieur, et
que versait rapidement l'ouverture de leur extrémité;
ils s’affaissaient sur-le-champ lorsque je pratiquais à
leur base une ouverture qui livrait passage à l’eau. On
pourrait peut-être croire que ces conduits membraneux
seraient des polypes, et que l'apparence d'ungcourant
d'eau continu, sortant par leur extrémité, ne serait
qu'une illusion d'optique produite, par le tourbillonne-
ment que ces polypes produiraient, dans l’eaw environ-
nante, pour attirer les corps dont ils feraient leur nour-
riture, mais il n’en est rien; on voit très-disiinctement,
au travers des parois diaphanes de ces conduits mem-
braneux, couler l’eau qui entraine avec elle des fragmens
de la matière, caséiforme qui remplit les cavités de la
Spongille, et qui sont expulsés avec l’eau qui les charrie :
cette expulsion ne souffre aucune interruption ; ainsi
tes conduits membraneux ne sont bien certainement
point des polypes.
J'ai conservé dans l’eau d’un vase, pendant l'hiver,
un fragment de Spongille fixé sur un morceau de bois ;
toutes les parties molles de cet être vivant ne tardèrent
pas à se dissoudre par la putréfaction, et il n’en resta
que les fibres les plus grosses auxquelles étaient fixés
d'innombrables corps ovi formes de couleur jaune : j'eus
soin de changer de temps en temps l’eau du vase dans
(| sie )
lequel se trouvait ce fragment de Spongille. Au prins
temps je vis cette production renaitre , pour ainsi dire;
elle reprit sa couleur verte, s’accrut et se couvrit de sa
pellicule membraneuse qui avait totalemént disparu pen-
dant l’hiver. Durant cet accroïssement, je vis peu à peu
se flétrir les corps oviformes qui furent bientôt réduits
à ne plus offrir qu'une coque aplatie et entièrement
vide. L'eau du vase dans lequel était la Spongille était
très-pure , et. ne pouvait fournir de matériaux pour
l'accroissement de cette production; ainsi il n’y a pas de
doute que cet accroissement n’eût été opéré aux dépens
de la substance organique que contenaient dans le prin-
cipe les corps oviformes : ces corps sont donc des espèces
de tubercules , ce sont des réservoirs de matière nutri-
tive pour servir au développement du végétal, et à sa re-
production au printemps ; je dis du végétal, car tout
prouve que la Spongille en est ün ; elle à la couleur verte
des végétaux, elle forme une expansion membraneuse *
qui s'accroît par ses bords de la même manière que cer-
taines ulves; elle possède des tubercules reproducteurs
comme les végétaux ; elle ne paraît se rapprocher des
animaux que par la composition chimique de la mem-
brane diaphane qui tapisse sa surface extérieure et celle
de ses cavités , et par les mouvemens singuliers auxquels »
sont dus les changemens de forme des conduits tubu-
leux que produit quelquefois cette membrane. Cette
production ne contient point de polypes, elle n’a point
de cavités alimentaires, elle se nourrit exactement
comme les végétaux, au moyen de l’absorption de l’eau
chargée de substances nutritives en solution; en un
mot, c'est un végétal dont la composition chimique est
à
( 91807
pareille , jusqu’à un certain point, à celle des tissus
animaux.
Les changemens spontanés qui surviennent dans les
formes des conduits membraneux , qui vomissent conti-
nuellement de l’eau , méritent une attention particulière.
Ces changemens de forme ne dépendent point de la
contraction, puisqu'il est prouvé par l'expérience que
ce mouvement vital n'appartient point du tout à l’enve-
loppe membraneuse qui tapisse la Spongille ; d’ailleurs
ces changemens de forme s’opèrent tantôt dans le sens
de la dilatation, tantôt dans celui du resserrement , tantôt
dans le sens de l’allongement , tantôt dans celui du rac-
courcissement ; tantôt il y a production de ramifications
tubuleuses nouvelles, tantôt ces ramifications tubuleuses
rentrent dans le tronc qui les à produites sans laisser
aucune trace de leur existence. Il y a évidemment dans
ces phénomènes de mouvement autre chose que de L’irri-
tabilité. Jai vu que, lorsqu'il arrivait à une portion de
la production tubuleuse de prendre un plus grand dia-
mètre, cela ne s’opérait qu’aux dépens des portions voi-
sines qui perdaient une partie de leur largeur, en sorte
qu'il m'était bien démontré qu'il s’opérait dans cette cir-
constance un transport de la matière composante d’une
partie du tube dans la partie voisine. Le même phénomène
avait lieu lors de la production d’un ramean, ‘et lors de la
disparition de ce rameau : dans le premier cas, la matière
composante du tronc se portait vers la production nouvelle
pour la former ; dans le second cas, la matière composante
du rameau retournait dans le tronc duquelelle était sortie.
l'extrême ténuité de cette membrane, et sa grande
transparence , permettaient de voir que , dans cette der-
( 214)
nière circonstance , il n'y avait point de parties qui ren-
trassent les unes dans les autres, comme on pourrait
peut-être le croire. Tous ces changemens de forme dé-
pendaient très-évidemment d'un mouvement des molé- :
cules qui composaient le tissu de la membrane tubu-
leuse. Pour saisir la nature de ce singulier phénomène,
il était nécessaire de connaître la texture de cette mem-
brane ; je l’ai donc soumise au microscope, et j'ai vu
qu’elle est entièrement composée de globules probable-
ment vésiculaires. Les changemens qui surviennent dans
les dimensions des différentes parties de tetié membrane
tubuleuse étant, comme nous lavons vu plus haut, les
résultats d’un transport de matière d’une place dans une
autre, il en résulte que ces changemens sont dus à un
mouvement de transport des globules élémentaires d’un
lieu dans le lieu voisin; ces globules vésiculaires ne
sont point immobiles dans leur adhérence mutuelle ; ils
se meuvent les uns sur les autres sans quitter leur adhé-
rence par uné sorte de glissement, et cela par l'effet
d’une force inconnue qui appartient au tissu vivant ; ce
glissement spontané des vésicules élémentaires les unes
sur les autres s'opère dans une direction déterminée , et
qui est la mème pour ioutes celles qui composent une
mème partie, en sorte que leurs mouvemens combinés
tendent à un seul et même but : ce but est tantôt l’aug-
mentation , tantôt la diminution du diamètre du tube
membraneux, tantôt la production d’un rameau sur le
tronc deice iube , tantôt la rentrée de ce rameau dans le
uronc. Ces changemens sont trop lents pour que le mou-
vement qui les opère puisse être saisi par lPœil de Pob-
servateur : il en est de ce mouvement comme de celui des
( LA )
aiguilles d’une montre, mouvement que l'œil ne saisit
pas , mais dont on voit les résultats. Toutefois ces chan-
gemens sont aussi trop prompts pour qu'il soit possible
de les attribuer à la nutrition ou à une introduction de
nouvelles molécules. Il ne faut, comme je lai dit, qu’un
quart-d’heure, et même quelquefois moitié moins, pour
voir s’opérer les changemens les plus remarquables dans
la forme , dans les dimensions respectives des différentes
parties des tubes membraneux ou des vessies membra-
neuses dont il est ici question. Le glissement spontané
des globules élémentaires les uns sur les autres est donc
ici un fait démontré, et ce fait est de la plus haute im-
portance en physiologie. C'est une action vitale nou-
velle qui joue certainement un des principaux rôles
dans le phénomène de l'accroissement en longueur des
végétaux, acçroissement qui est quelquefois d’une rapi-
dité singulière.
Il nous reste à déterminer quelle est la cause de l’ex-
pulsion de l’eau que versent sans interruption, par leur
sommet, les productions membrano-tubuleuses dont il
est ici question. |
Il me parait hors de doute que cette expulsion dépend
de l’endosmose ou de l'introduction continuelle de l’eau
ambiante dans les cavités de la Spongille, cavités rem-
plies d’un fluide organique plus dense que cette eau
ambiante : celte eau, sans cesse affluente dans l’inté-
rieur du tissu de la Spongille, chasse l’eau précédem-
ment introduite. Ces deux mouvemens contraires d’in-
troduction et d'expulsion d'absorption et d’exhalation ,
ont lieu d’une manière peu sensible lorsque les conduits
“expulsion dont il est ici question n'existent point, ce
(S'aaett
qui arrive souvent : alors, en examinant à la loupe l'eau
dans laquelle est plongée la Spongille , on observe que
les corps très-légers qui sont tenus en suspension par
l’eau éprouvent un mouvement faible, mais continuel,
dans le voisinage de la Spongille ; cela prouve que cette
dernière produit dans l’eau des courans imperceptibles,
mais non interrompus ; ces courans deviennent percep-
tibles quand existent les conduits membrano-tubuleux
qui vomissent continuellement de l’eau. IL est évident
que ces conduits offrant à l’eau qui cherche à sortir de
la Spongille une issue large et libre, ce fluide s’y pré-
cipite et sort en masse par cette ouverture, au lieu de
filtrer lentement au travers de la membrane envelop-
pante.
J'ai parlé transitoirement de ces phénomènes que pré-
sente la Spongille rameuse, dans mon ouvrage intitulé :
L'agent immédiat du mouvement vital dévoilé dans
sa nature et dans son mode d'action, publié en 1826
(page 179). Depuis ce temps, il a paru dans un jour-
nal scienüfique d’Edimbourg des observations sur la
structure et les fonctions des éponges de mer, par
M. Grant : un extrait de ce travail a paru dans les An-
nales des Sciences naturelles (juin 1827, t. x1, p.150).
Les observations de M. Grant, sur les Éponges, sont en-
tièrement semblables à celles que j'ai faites sur la Spon-
sille, relativement à l'expulsion continuelle de l’eau par
certains orifices qui rejettent en mème temps au dehors
une sorte de matière caséiforme excrémentitielle. Ainsi
les Éponges offrent, comme les Spongilles , des fon-
taines dont l'écoulement ne souffre aucune interrup-
tion. M. Grant a prouvé l'absence complète de l’irrita-
(217)
bilité dans les éponges, comme je l’ai prouvé par rap-
port à la Spongille rameuse ; maïs il n’a point vu chez
les Éponges ce singulier et continuel changement de
formes qui a lieu dans les productions tubuleuses qui
vomissent continuellement de l’eau chez la Spongille. Je
n'avais point encore publié cette curieuse observation ,
et je pense que cette annonce portera les observateurs à
rechercher si le même phénomène à également lieu chez
les Éponges. Au reste, M. Grant a acquis la certitude de
ce fait, que les Éponges ne sont point des agrégats ou des
habitations de polypes, comme l’ont prétendu quelques
naturalistes et MM. Audouin et Milne Edwards vien-
nent de vérifier tout récemment ce fait. On a vu plus
haut que j'ai acquis la mème certitude par rapport aux
Spongilles. Enfin M. Grant a fait cette observation neuve
et curieuse que les corps oviformes, ou les œufs de l'É-
ponge, lorsqu'ils sont détachés et devenus libres, sont
animés de mouvemens spontanés comme des animaux.
Je n’ai point fait cette observation sur les corps oviformes
de la Spongille, que je regarde comme des sortes de tu-
bercules. Lorsque M. Grant a publié ses Observations,
il est fort probable qu’il ne connaissait point les miennes,
dont je n’avais fait mention que d’une manière transi-
toire dans l'ouvrage cité plus haut : or, la parfaite con-
cordance de ces observations isolées devient une preuve
de leur exactitude (1). *
(1) Depuis que ceci est écrit , j’ai su que M. Grant d’une part, et
M. Raspail de l’autre, avaient étudié l’organisation des Spongilles ;
mais leurs observations ne portant pas précisément sur les points que je
crois avoir éclairci , et mon travail étant très-antérieur au leur, je n'ai
Pas cru devoir y rien ajouter.
( 228 }
RaPppPORT VERBAL fait à l'Academie des Sciences
sur un ouvrage de MM. l'abbé Croiset et Jobert
ainé, intitulé : Recherches sur les Ossemens !
fossiles du département du Puy-de-Dôme (1);
Par M. le baron Cuvrer.
( Académie royale des Sciences, séance du 27 octobre 1828. }
L'Académie m'a chargé de lui rendre un compte
verbal du premier volume de l'ouvrage intitulé : Àe-
cherches sur les ossemens fossiles du département du |
Puy-de-Dôme , par MM. l'abbé Croiser et Josert
ainé.
Déjà, il y a deux ans (2), j'ai eu l’honneur de l’en-
tretenir des cinq premières livraisons des |lanches , les
seules qui eussent paru alors ; il ÿ en à maintenant neuf
livraisons et un volume de texte; d’auire part, l’ou-
vrage entrepris sur le même sujet par MM. Deveze
de Chabriol et Bouillet, sur lequel vous avez entendu }
un premier rapport de notre confrère M. Cordier est |
terminé, et aux lumières que ces deux écrits nous four- |
nissent , nous pouvons ajouter plusieurs renseignemens |
qu'a Ben slt nous communiquer M. le comte De-
laizer : ce minéralogiste distingué avait, dès 1824 , dans
une séance publique de da{Société géologique d’Au-
vergne, présenté quelques échantillons des os des mêmes
lieux qui font l’objet principal de ces deux ouvrages,
et des coupes indiquant la position des lits qui les re-
cèlent. C’est d’après ces documens que nous essayerons
(1) Le premier volume, quiest en vente, se compose d’un texte in-4°
et de 56 planches. Prix, 52 f. 50 c.— Le second et dernier volume ,
qui est sous presse , sera accompagné de 30 à 40 planches. Prix, 42 f.
50 e. Chez Crochard, Levrault, Treuttel et Wurtz , libraires, à Paris.
(2) Voyez Ann. des Sc. nat., tom. IX, p. 278.
(219)
de donner à l’Académie une idée du gite intéressant qui
a occupé ces divers observateurs.
Au-dessus et au nord-ouest dé la ville d'Issoire , dé-
partement du Puy-de-Dôme, et dans l’augle que forme
avec la grande vallée de l'Allier une vallée confluente
que parcourt la petite rivière dite la Couze d'Issoire,
est une élévation à double étage, appelée la montagne
de Boulade ou la montagne de Périer, selon le village
par lequel on y monte; ainsi l’on doit savoir que ces
deux noms, dont le premier a été adopté par MM. De-
veze et Bouillet, et le second, qui a été préféré par
MM. Croiset et Jobert, désignent une seule-et même élé-
vation. Le premier étage, dit Ze Plateau de La Croix
Saint-Antoine, est à environ 25 mètres au-dessus de
la vallée de l’Allier , et le second ou la montagne pro-
prement dite, se porte à près de 200 mètfes plus haut.
On monte sur le premier plateau au moyen d’une butte
granitique qui en fait en quelque sorte le contrefort,
mais derrière laquelle on trouve sur une grande étendue
des couches de sables , de cailloux roulés et de tuffa vol-
canique. Au pied du second étage, on rencontre du
calcaire d’eau douce, qui non seulemeAt fait la base de
cette partie de la montagne, mais qui s'enfonce sous les
couches sableuses dont vous venons de parler, et con-
stitue le fond du bassin où elles se sont déposées. Ce
calcaire d’eau douce, dont la masse est considérable ,
repose lui-mème sur le granite, sert de base à d’autres
couches sableuses ou de cailloux roulés, doni la plus
remarquable est celle qui contient les ossemens , objets
de ces deux ouvrages, et ces couches sableuses supé-
rieures sont couvertes et couronnées par un énorme
massif de débris volcaniques de tous genres. Il y à
même , selon les auteurs, qui en ce point ne sont pas
d'accord avec M. Brongniart , des assises régulières de
Basalie au revers ouest du côté du village de Par-
dines.
MM. Croiset et Jobert, en étudiant les escarpemens
de la montagne de Périer , et en les comparant avec ceux
des montagnes voisines, ont cru distinguer dans la contrée
Jusqu'à trente une couches supérieures au calcaire d’eau
(_220'}
douce; ils en donnent le tableau ; ils pensent que l'on
peut y reconnaître quatre alternatives de dépôts allu-
vionnaires et de dépôts basaltiques, non compris les al-
luvions récentes qu'ils supposent appartenir aux temps
historiques.
Trois de ces couches leur ont offert des ossemens fos-
siles. Les deux premières appartenaient à la troisième
des alluvions anciennes, à celle qui a succédé à la
deuxième époque des productions des volcans. La der-
nière couche à fossiles appartient à la quatrième et der-
nière époque de ces alluvions anciennes.
Cependant toutes les couches ne se trouvent pas dans
la montagne même de Périer ; et, c’est comme nous ve-
nons de le dire, de la comparaison et du rapprochement
des diverses montagnes du même ordre que les auteurs
en ont déduit l'ensemble. A Périer, ils reconnaissent
dix couches au-dessus du calcaire d’eau douce , savoir
en montant, des lignites avec sables micacés, des débris
de végétaux et quelques ossemens; des galets de sub-
stances volcaniques et de substances primordiales, des
sables à ossemens fossiles, un tuf à pierres ponces,
d’autres galets primordiaux et volcaniques; des sables,
un second tuf ponceux , de troisièmes galets de la nature
des premiers , un deuxième sable à ossemens fossiles et
un troisième tuf ponceux. Cette énumération ne s’ac-
corde pas entièrement avec celle de MM. Devèze et
Bouillet, mais ces observateurs sont unanimes sur la
position relative des couches de sables qui contiennent
des ossemens , des couches de galets et de déjections vol=
caniques qui les recouvrent, et des immenses dépôts de
calcaire d’eau douce qui leur servent de base.
La principale de ces couches à ossemens est de l’épais-
seur de trois mètres. On peut la suivre sur un assez long
espace au pied de la montagne de Périer , et on la re-
trouve de l’autre côté de la vallée de la Couse, au-des-
sous d’un endroit nommé Âalbattu, et beaucoup plus
loin encore.
Le nombre des espèces recounues par MM. Croiset et
Jobert , est maintenant de près de 40, savoir, 1 Eléphant,
s où 2 Mastodontes, 1 Hippopotame, 1 Rhimoceros;
( 231)
à Tapir , 1 Cheval , 1 Sanglier, 5 ou 6 Felis, 2 Hyène:,
3 Ours , 1 Canis, 1 Loutre, 1 Castor, 1 Lièvre, 1 Rat
d’eau , 15 Cerfs, et 2 Bœufs. Leurs Felis et leurs Cerfs
forment surtout une augmentation très-importante pour
la zoologie fossile , et quand il n’y aurait que ces espèces
là de constatées , cette couche ossifère de Périer pren-
drait son rang parmi les monumens de l’ancien monde
les plus remarquables. Or, sans vouloir garantir que
toutes les diflérences que nos auteurs ont cru remar-
quer soient vraiment spécifiques , nous pouvons sur plu-
sieurs de ces deux genres dont ils nous ont montré les
fragmens, joindre notre témoignage au leur; et sur le
seul aspect des figures qu'ils ont données des bois de
leurs Cerfs, il n’est aucun zoologiste qui ne convienne
que ce doivent être des espèces différentes de celles que
nous connaissons.
En général, on ne saurait assez louer la patience in-
génieuse avec laquelle MM. Croiset et Jobert ont rap-
proché et comparé tant de fragmens, surtout lorsque
l’on considère qu'ils n’ont eu souvent pour objets de
comparaison que les figures des livres, ressource pres-
que toujours si insuflisante.
Le lieu qui paraît avoir été le plus fécond est un ra-
vin dit des Ætuaires , où la couche est à jour des deux
côtés. On y a trouvé des os de plus de 30 espèces. Quel-
quefois ceux d’un même individu sont encore rappro-
chés ; plus souvent ils sont épars; les genres, les es-
pèces y sont entassés pêle-mèle ; on y trouve des os de
tous les âges ; les individus de certaines espèces s’y trou-
vent en très-grand nombre ; il y en a beaucoup de brisés,
d’autres qui portent l'empreinte de la dent des carnas-
siers, et les excrémens de ces mèmes carnassiers s’y
montrent aussi; mais aucun de ces os n’est roulé, et au-
cun fossile marin ne les accompagne. Tout fait donc
croire à nos auteurs que la couche qui les supporte était
le sol même sur lequel ils ont vécu, et que les lignites
que l’on y rencontre sont les débris des végétaux qui les
nourrissaient.
Ces messieurs n’ont encore décrit dans ce premier vo-
lume que les Pachydermes et les Carnassiers de cette cou-
che sableuse dont nous avons plus haut indiqué la posi-
(3582
üon ; animaux qui rentrent dans l’époque de cenx que
j'ai appélés des terrains meubles, et ils en réservent la
discussion et la description pour leur deuxième volume;
mais déjà depuis long-temps M. Brongniart avait décou-
vert une mâchoire de Paléotherium dans un terrain sem-
blable, au Puyen Velay. Ils ont déjà livré au publie les
figures des ruminans des mêmes terrains. [ls nous font
espérer des descriptions et des figures d’autres ossemens
trouvés dans des terrains plus anciens et qui appartien-
nent, comme on devait s’y attendre, à des genres tout
diflérens , lesquels rentrent dans ceux de mon avant-
dernière époque et se rapprochent plus ou moins de mes
Paléotheriums , de mes Lophiodons et de mes Anoplo-
theriums ; mais ils en réservent la discussion et la des -
cription pour leur deuxième volume.
Je mets de la part de MM. Croiset et Jobert, sous les
yeux de l’Académie, un échantillon de ces animaux des
terrains d’eau douce. C’est une portion de mâchoïre d’un
Pachyderme qui paraît avoir eu de grands rapports avec
mon genre Anthracotherium ; malheureusement il ne
s’y trouve que deux dents incisives , et l'intervalle entre
ces dents ei les premières molaires a été mutilé. Il s'y
joint, dans les couches de la même époque , deux Ano-
plotherium , dont un fort petit, 1 Hippopotame, 1 Ru-
minant, 1 Canis, 1 Martre, 1 Lagomys, 1 Rat, 1 où
2 Tortues, 1 Crocodile, 1 Serpent. Nous croyons
devoir rappeler ici que déjà M. Bertrand Roux avait
depuis long-temps découvert une mâchoire inférieure
de Paléotherium dans un terrain semblable au Puy en
Velay. C’est aussi dans ces terrains , d’une origine plus
ancienne , que se trouvent les os d'oiseaux dont l’Au-
vergné est si riche, et MM. Croïset et Jobert en ont fait
une grande collection, qu'ils rapportent à trois ou à
quatre espèces ; ils ont trouvé jusqu'à des œufs d'oiseaux
parfaitement conservés.
Ces découvertes d'objets, d’une autre époque, ont
engagé nos naturalistes à étendre leurs recherches au-
delà de cette montagne de Périer ou de Boulade , qui en
avait d'abord été l’objet unique ; ïls ont cru devoir em-
brasser dans leurs discours préliminaires l’ensemble des
L
(ar 9
couches de l'Auvergne, et ils ont même présenté un SYS-
tème applicable à la théorie de la terre tout entière.
Leur exposition des couches de l'Auvergne a de lintérèt,
comme présentant en abrégé la disposition d’une pro-
vince où la géologie offre des phénomènes très-particu-
liers. Toute la formation secondaire n’y est représentée
que par le terrain houiller. Quant aux formations ter-
tiaires, nos auteurs reconnaissent aujourd'hui, comme
M. Brongniart l'avait annoncé dès 1811, et comme plu-
sieurs minéralogistes l'avaient dit après lui, notamment
M. Delexair en 1824, que dans la contrée qu’ils décri-
vent il n’en existe aucun d’origine marine, et que des
masses immenses , uniquement remplies de produits de
la terre et de l’eau douce, y sont déposées sur le gra-
nite et « tellement liées entre elles, qu’elles doivent, de
« toute évidence, avoir élé déposées dans une période
« non interrompue et sans qu'aucun événement géolo-
« gique, un peu important, soit venu morceler leurs
« points de contact, ou altérer leur régularité. »
Il y a des couches accumulées sur plus de 200 mètres
d'épaisseur, et les plus élevées se portent à près de
800 mètres au-dessus du niveau de la mer, et on peut
en retrouver jusqu'aux bords de l'Allier qui n’est guère
qu'à 300 mètres, ce qui leur fait supposer que cette
formation s’est faite dans des lacs placés à des niveaux
difiérens. Les os y sont épars , non roulés ; souvent des
os très-grèles y sont entiers , ce qui prouve qu'ils étaient
déposés à mesure que les animaux dont ils proviennent
mouraient. Dans le gisement de Volvic, les os d'oiseaux
sont confondus avec des Lymnées et des Hélices. C’est sur
cette formation d’eau douce , et lorsqu'elle n’avait point
encore été sillonnée par des vallées que, selon les au-
teurs, ont coulé les premiers basaltes, et, dans leur
opinion , il ne s’en est point formé depuis. Les calcaires
qui recouvrent les premiers galets volcaniques sont de
simples travertins d’origine moderne, et les basaltes in-
férieurs à certaines parties de la formation d’eau douce
ne sont point en couches mais en filons, ce qui peut
faire croire qu’ils en ont simplement rempli les fissures.
À l’époque de cette formation, le sol habité ne se com- _
“
(34)
posait que des sommités granitiques qui s'élèvent de
30o et de 800 mètres au-dessus des plus hautes couches
d’eau douce. Nous ne suivrons pas les auteurs dans leurs
observations sur les terrains volcaniques de leur pro-
vince; toutes pleines d'intérêt qu’elles sont, elles nous
mèneraient beaucoup trop loin, et le peu de connais-
sance personnelle que nous avons de la contrée , ne nous
permettrait pas d'en porter un jugement avec quelque
assurance; qu'il nous suflise de dire ici qu'ils regardent
la Domite comme une production ignée , antérieure aux
volcans à cratère et au travers de laquelle ces volcans se
sont faits jour; et de rappeler un point qui se rapporte
plus directement à l’histoire de leurs animaux , c’est que
les Trachytes et tout ce qu’il y a de plus ancien en sub-
stauces volcaniques leur paraissent superposés partout
aux terrains tertiaires, et spécialement à ce calcaire
d’eau douce qui occupe de si grands espaces. Nous les
suivrons encore moins dans leur système général sur la
théorie de la terre, système, à la vérité, entièrement
original, et mème contraire à tous ceux qui existent,
car c’est de l’intérieur même du globe qu'ils font sortir
à mesure de son refroidissement, beaucoup des matières
qui l’enveloppent et même l’eau qui en a couvert si long-
temps une grande partie. Ils y font une application in-
génieuse des idées de M. de Laplace et de celles de
M. Cordier, mais ce système aurait besoin de plus grands
développemens , et d'ailleurs il rentre dans cet ordre de
spéculations dont l'Académie aime peu à s'occuper. IL
n'ôte cependant rien du mérite de l’ouvrage, qui con-
siste surtout à faire connaître une multitude d'espèces
fossiles auparavant inconnues, et à confirmer de plus
en plus celte présomption avancée par le rapporteur,
que ce que l’on a découvert en ce genre n’est qu'une pe-
tite partie de ce qui reste à découvrir.
( asô; }
ConsIDÉRATIONS GÉNÉRALES sur la nature de la
végétation qui couvrait la surface de la terre
aux diverses époques de formation de son écorce;
Par M. Anorpne BRONGNTART.
(Mémoire lu à l Académie royale des Sciences , le 8 décembre 1828.)
L’ardeur avec laquelle on s'occupe, depuis le commen-
cement de ce siècle, à réunir des matériaux pour l’histoire
physique de la formation de l’écorce du globe, nous fait
approcher tous les jours davantage de l’époque où il sera
possible de tracer avec précision l’histoire des diverses
couches qui se sont successivement déposées à sa surface,
et des animaux et des végétaux qui ont vécu, soit dans
les mers qui la couvraient , soit sur les parties sèches
de cette surface.
Nous ne sommes pas cependant encore arrivés à ce but
vers lequel doivent se diriger tous les eflorts des géolo-
gues et des naturalistes qui, par leurs recherches, ta-
chent d'éclairer l’histoire des êtres organisés de l’ancien
monde ; mais il est utile de temps en temps de présenter
le tableau de l’état de la science, de montrer les résul-
tats solides auxquels on est parvenu, de signaleg les
doutes qui restent à éclaircir ou les lacunes qu’on peut
espérer de remplir ; c’est le moyen de donner une direc-
tion plus utile aux recherches en fixant, pour ainsi dire,
des jalons auxquels peuvent se rattacher les nouvelles
découvertes. C’est ce que je me propose de faire dans ce
Mémoire pour l’histoire des végétaux fossiles considé-
rés sous le point de vue des relations qui existent entre
XV, — Novembre 1828. 15
( 226 )
les périodes pendant lesquelles ils vivaient , et les carac-
tères botaniques qu'ils présentaient.
Aucune partie de l’histoire naturelle n’a peut-être fait
des progrès plus rapides depuis dix ans , et nos connais-
sances à cet égard sont bien différentes de celles que nous
possédions, lorsqu’en 1822 je présentai à l’Académie un
travail auquel elle daigna cependant accorder les encoura-
gemens les plus flaiteurs ; depuis lors la recherche des
végétaux fossiles des diverses couches du globe a fixé
l'attention des géologues de la France, de l’Angleterre,
de l'Allemagne et de l'Italie; en Amérique, dans l'Inde,
à la Nouvelle-Hollande même, on a recueilli des échan-
tillons remarquables de ces fossiles. Plusieurs ouvrages
nous ont fait connaître les découvertes faites dans quel-
ques-uns de ces pays; mais les résultats sur lesquels je
désire fixer quelques momens l'attention de l’Académie,
sont pourtant fondés en grande partie sur les matériaux
encore inédits que j'ai recueillis dans mes voyages ou qui
m'ont été adressés avec une bienveillance , dont je ne
|
|
|
|
|
L
saurais témoigner trop hautement toute ma reconnais= |
sance , par les savans des pays que je viens de citer.
Nous ne possédons cependant pas encore des connais= M
sances assez étendues sur la géologie et sur les fossiles
LE : . » . G:
des autres parties du monde, pour pouvoir établir rien
de certain à leur égard ; nos résultats sont tous fondés
sur l’étude des fossiles de l’Europe et du nord de l’Amé- |
rique , et bien qu’il soit fort probable, d’après ce que
nous savons déjà, qu'ils s’appliqueront aux autres ré-
gions, nous ne pouvons encore rien aflirmer à. cet
égard.
Le nombre des espèces de plantes fossiles connues,
( 227 )
soit d’après les ouvrages qui en renferment des descrip-
tions et des figures assez exactes pour qu’on puisse par-
venir à les déterminer avec quelque certitude, soit d’a-
près les échantillons conservés dans les collections que
j'ai visitées ou dans ma propre collectio® , s'élève à 500
ou 550.
Ces espèces sont réparties très-inégalement dans les
couches d'ancienneté différente qui constituent l'écorce
de notre globe, et cette inégalité dans la répartition des
plantes fossiles , déjà remarquable lorsqu'on considère le
nombre total des espèces de chaque couche, devient en-
core bien plus frappante quand on compare les nombres
_ des plantes des diverses classes de chacune de ces Flores.
Ces derniers résultats exigent nécessairement qu’on
soit parvenu à déterminer d'une manière exacte, 6a l’es-
pèce, ou le genre, ou la famille, ou au moins la classe
| à laquelle chaque plante fossile appartient. Ce serait
| sortir des bornes que nous nous sommes tracées que de
chercher à établir ici le degré de précision de chacune
des déterminations auquel nous sommes parvenus; ce
travail, entièrement de détail, fondé sur des comparai-
| sons nombreuses et minutieuses des organes et de leur
structure , n’est pas susceptible d’être exposé sans toutes
les pièces à l'appui ; j'ai déjà indiqué la marche que j'ai
suivie à cet égard dans les deux premières livraisons de
mon ouvrage sur les Végétaux fossiles.
Je ferai seulement remarquer que, dans la plupart
des cas, on peut déterminer avec certitude la grande
classe à laquelle ces fossiles appartiennent ; souvent on
peut reconnaître la famille, quelquefois même le genre
dont ils proviennent.
( 228 )
Sous le nom de grande classe j'entends ici les divi-
sions premières très-naturelles qu’on peut établir dans
le règne végétal; ces divisions peuvent, je crois , être
portées à six; les Agames, les Cryptogames cellu-
leuses, les Cryptogames vasculaires; les Phanérogames
gymnospermes , comprenant sous ce nom les Conifères
et les Cycadées, les Phanérogames monocotylédones et
dicotylédones.
Je crois que toute personne qui étudiera avec atten-
tion cette division m'’accordera , d’une part, que ces
classes sont très-naturelles, et de l’autre, qu'il est pres-
que toujours possible, au moyen d’un organe quel-
conque bien conservé, de reconnaître à laquelle de ces
six classes une plante fossile avait appartenu.
J'ai dû nécessairement exposer ces bases de la di-
vision botaniqueque j'ai adoptée , car c’est de la compa-
raison du nombre des végétaux de ces classes, aux di-
verses époques de formation de la croûte du globe, que
résultent les différences les plus remarquables de sa vé-
gétation.
Tout le monde sait que, d’après les recherches des
géologues , la partie la plus profonde de l'écorce de la
terre paraît formée de roches, la plupart cristallines,
dans lesquelles on ne rencontre aucun débris d’êtres or-
ganisés ; que sur ces roches se sont déposées successive-
ment des couches de nature diverse , la plupart formées
‘par sédiment, et que dans ces couches, dont la position
relative indique également l’époque relative de forma=
tion, on a trouvé le plus souvent des restes plus ou
moins abondans d'animaux ei de végétaux. Plu-
sieurs de ces couches présentant des caractères com-
Lu
( 239 )
muns qui semblent indiquer une origine ou un mode de
formation analogue , on a donné à leur ensemble le nom
de formation, et à plusieurs de ces formations réunies
par d’autres caractères plus généraux, le nom de ter-
rain.
Plusieurs géologues reconnaissent quatre de ces grands
‘groupes de formations postérieures à l’existence des êtres
organisés , les terrains de transition intermédiaires aux
terrains primitifs et aux véritables terrains de sédiment,
et les terrains de sédiment inférieurs , moyens et supé-
rieurs.
La considération des végétaux fossiles n’est entré pour
rien, jusqu’à présent, dans cette classification géologi-
que, qui nous servira de base pour comparer les végé-
taux qui croissaient à la surface du globe aux époques
où les formations se déposaient. f
Si nous commençons par grouper ensemble tous les
végétaux qui appartiennent à une même formation,
nous verrons que les plantes trouvées dans les diverses
couches d’une même formation, difiérent très-peusles
uns des autres, comme on pouvait s’y attendre, mais
nous verrons en outre qu'il existe souvent de grands rap-
ports entre les végétaux fossiles de plusieurs formations
successives. gi
Ces rapports entre les plantes des formations voisines
ne seront pas fondées cependant , dans tous les cas, sur
l'identité des espèces , ni même quelquefois des genres ,
mais sur les rapports numériques des grandes classes du
règne végétal.
La répartition successive des végétaux sur la surface
du globe, pendant les diverses époques de sa formation ,
( 280 )
peut , à bien des égards , ètre comparée à la distribution
géographique des végétaux sur la surface actuelle de la
terre.
De même qu'on divise la surface du globe en régions
dans lesquelles la même nature de végétation existe , de
mêmé on peut diviser le long espace de temps pendant
lequel l’écorce du globe s’est formée en périodes plus ou
moins longues, durant lesquelles la végétation a pré-
senté des caractères communs.
Les régions, en géographie botanique , diffèrent quel-
quefois non-seulement par les changemens qui ont lieu
dans les espèces de plantes qui constituent la Flore de
chacune de ces régions, mais aussi par des modifica-
tions dans les proportions des diverses classes du règne
végétal ; de même , dans les Flores propres aux diverses
époques de formation de la terre, quelquefois les diflé-
rences sont bornées à des changemens d'espèces du
même genre ou de genres de la même famille qui se rem-
placent mutuellement sans influer sensiblement sur les
rapports des diverses classes de végétaux entre elles.
D’autres fois, au contraire, en comparant les plantes fos-
siies de deux formations qui se suivent , on n'observe
plus seulement des changemens spécifiques ou généri-
ques, mais certaines familles disparaissent complètement
ou leur nombre est tellement changé, par rapport à celui
des autres familles , que la proportion des grandes classes
du règne végétal en est complètement modifié.
En considérant ainsi les Flores de chaque formation
géologique, on voit qu’elles peuvent se réunir, par des
caractères communs déduits de différences considérables
dans les rapports numériques des classes et de la diver-
({ 2818 )
sité absolue dans les espèces et les genres, en quatre
grands groupes ou périodes. Pendant la durée de chacune
de ces périodes , la végétatic: n’a présenté que des chan-
gemens graduels et limités qui n’ont pas influé sur les
caractères essentiéls de la végétation ; d’une période à la
suivante , au contraire , il y a un passage brusque ;, une
différence subite dans les caractères les plus importans
dela végétation.
La comparaison des caractères de la végétation de ces
quatre périodes, est l’objet principal de ce Mémoire.
Mais , avant d'examiner leurs caractères , nous devons
d'abord fixer leurs limites. La première parait s’étendre
depuis les premiers terrains de transition jusqu’à la fin
du dépôt du terrain houiller; le grès rouge ou le cal-
caire alpin ( Zechstein ) lui servent de limite supérieure.
La seconde répond à l’époque de formation du grès
bigarré.
La troisième commence au dépôt du calcaire conchy-
lien (Muschelkalk) ou du grès qui le recouvre immé-
diatement ( Keuper) et s'étend jusqu’à la craie. Enfin,
la quatrième comprend tous les terrains supérieurs à la
craie, désignés ordinairement sous le nom de terrains
tertiaires.
Un résultat assez curieux de cette division, à laquelle
nous avons été conduit par des considérations tout-à-
fait indépendantes de la géologie, c’est qu’elle répond
presque exactement aux quatre grands groupes de 1er-
rains admis par les géologues.
La première période répond en eflet aux terrains de
transition dans lesquels plusieurs géologues sont portés
à comprendre les terrains houillers.
({ 252)
La seconde comprend la plus grande partie des ter-
rains de sédiment inférieurs.
La troisième embrasse la fin de ces terrains et les
terrains de sédiment moyens.
Enfin la quatrième se rapporte exactement aux terrains
de sédiment supérieurs.
On doit aussi observer que les limites de ces périodes
paraissent liées d’une manière particulière aux phénomè-
nes géologiques qui ont donné naissance aux couches du
globe ; en effet, les couches qui contiennent les restes des
végétaux que nous considérons comme appartenant à une
même période , sont presque toujours séparées de celles
qui appartiennent à une autre période de végétation , par
des formations qui semblent presque entièrement privées
de végétaux terrestres, et dont l’époque de formation cor-
respondait à un espace de temps pendant lequel la terre
était peut-être complètement recouverte par la mer, ou
presque entièrement dépourvue de végétaux terrestres.
Ainsi, la première période ou celle des terrains houil-
lers est séparée de la seconde, qui répond au grès bi-
garré par le grès rouge‘dans le quel on n’a pas observé de
végétaux et par le calcaire pénéen ou alpin qui n'a pré-
senté , jusqu’à présent, que des végétaux marins.
La seconde période est séparée de la troisième, qui
commence au Keuper et au Lias par le calcaire conchy-
lien ou MuscheJkalk qui est aussi presque entièrement
privée de végétaux fossiles.
Entre cette troisième période , qui finitavec les assises
supérieures du calcaire jurassique , et la quatrième qui
correspond aux terrains de sédiment supérieur, se trouve
la craie dans la masse de laquelle on n’a pas trouvé,
Ï I
‘
( 233 )
jusqu’à présent , d’autres végétaux que quelques plantes
marines.
Cette supposition, d’une interruption complète ou
presque complète de la végétation à la surface du globe
entre deux des périodes de végétation que nous avons
admises, est d’autant plus probable, qu’il n’existe au-
cune espèce commune à deux périodes successives ; tout
est diflèrent entre elles, et l’on ne peut se refuser à l’idée
qu'un nouvel ensemble de végétaux , né sous des in-
fluences différentes de celles qui existaient précédem-
ment , est venu remplacer l’ancienne végétation.
L'examen des Flores spéciales de chaque époque de
formation nous ayant montré que nous pouvions eu
grouper plusieurs ensemble et établir des périodes plus
étendues, pendant lesquelles la terre paraît avoir joui
d’une végétation, sinon absolument semblable, du moins
analogue , il nous reste à comparer les Flores de ces pé-
riodes et à examiner quels sont les caractères qui les dis-
tinguent.
Les tableaux joints à ce Mémoire font connaître les
végétaux trouvés jusqu'à ce moment dans les diverses
formations appartenant à une mème période de végéta-
tion; ces végétaux sont rapportés avec toute lexacti-
tude que permet leur éiat de conservation aux genres,
aux familles et aux classes dont ils devaient faire partie,
et nous allons faire connaître les résultats principaux
que fournit leur examen.
Dans la première période qui correspond aux terrains
houillers, nous voyons que sur les six classes que nous
avons admises dans le règne végétal, deux seulement
exislaient à cette époque; ce sont les Cryptogames vas-
( 254 )
culaires, comprenant les Fougères, les Prèles , les Ly-
copodes, etc. , et les Monocotylédones , renfermant un
petit nombre de plantes, qui paraissent analogues aux
Palmiers et aux Liliacées arborescentes (1).
Il reste en outre une vingtaine de plantes dont la po-
sition est incertaine.
Ainsi, à celte époque, nous ne trouvons aucune trace
évidente, ni de Dicotylédones , ni de Conifères , ni de
Cycadées. La classe qui presqu’à elle seule compose
toute cetie Flore , est celle des Cryptogames vasculaires ;
en eflet, sur 260 espèces découvertes dans ce terrain,
220 appartiennent à celte classe.
Mais ces végétaux, quoique se rangeant évidemment
dans les familles des Prèles, des Fougères, des Lyco-
podes, diffèrent des espèces et même souvent des genres
actuellement existant par plusieurs points de leur or-
ganisation, et surtout par leur taille gigantesque ; toutes
les recherches que j'ai faites depuis quelques années
confirment les rapprochemens que j'avais établis entre
les Calamites et les Equisetum, entre les Sigillaires et
les tiges des Fougères enarbre, entre les Lépidodendrons
et les Lycopodiacées , et tous les savans qui s'occupent
de ce sujet paraissent maintenant partager cette opinion.
Il existait donc, à cette époque, des Equisetum de
plus de dix pieds de haut, et de cinq à six pouces de
diamètre; des Fougères en arbre de quarante à cinquante
pieds d’élévation ; des Lycopodiacées arborescentes ; de:
soixante à soixante-dix pieds de haut.
(x) Nous faisons abstraction , dans tout ce Mémoire, des plantes
marines qui appartiennent à un autre ordre de végétation. Nous ne nous.
occupons que de celles qui croissaient sur les parties découvertes de la
surface de la terre.
( 255: )
Les caractères essentiels de cette première végétation
du globe sont donc la prédominance numérique des
Cryptogames vasculaires , et le grand développement de
ces végétaux.
La seconde période de végétation, qui comprend les
plantes dont les débris ont été enveloppés dans le grès
bigarré, est encore très-peu connue ; les plantes ter-
restres , au nombre de vingt, trouvées dans ce terrain,
différent totalement de celles des terrains plus anciens
ou plus nouveaux, et indiquent évidemment une végé-
tation particulière, propre à cette époque. Les rapports
numériques des diverses classes sont aussi fort diflérens,
autant qu’on peut l'établir sur un aussi petit nombre
d'espèces ; ainsi les Cryptogames sont moins nom-
breuses, et paraissent moins grandes , elles ne forment
pas la moitié de cette Flore : quatre à cinq plantes se rap-
portent à un genre particulier de la famille des Coni-
fères , mais aucune Cycadée ne paraît encore exister à
cette époque. Enfin, quelques Monocotylédones singu-
Bières, mais difliciles à rapprocher des espèces vivantes,
complètent cette Flore.
On voit que sur les quatre classes de végétaux, que
nous considérons en particulier, en faisant abstraction
des Agames et des Cryptogames celluleuses, trois se
montrent, à cette époque , au lieu de deux seulement
qui existaient dans la période précédente ; les Dicotylé-
dones manquent encore.
La Flore de la troisième période de végétation nous
est connue bien plus complètement. Soixante-dix es-
pèces ont été découvertes dans les terrains compris entre
le calcaire conchylien et la craie ; ces espèces sont totale-
Le
( 236 )
ment différentes de celles des terrains plus anciens, et
donnent à la végétation de cette époque des caractères
tout-à-fait particuliers dépendant de la nature de ces
plantes, et de leurs rapports numériques entre elles.
Ces soixante-dix plantes n’appartiennent encore qu’à
trois des grandes classes du règne végétal; ces elasses
sout les mêmes, il est vrai, que celles de la période
précédente, mais les espèces, les genres , les familles:
même sont différentes ; ainsi les Cycadées paraissent
pour la première fois à cette époque , et persistent avec
quelques modifications dans leurs formes jusqu’à la fin
de cette période, dont elles constituent le caractère es-
sentiel. Cette famille et celle des Conifères, que nous
considérons comme composant , par leur réunion , une
classe particulière , ne formaient pas alors, comme à
l'époque actuelle , à peine un troïs-centième des végé-
taux existans ; elles composaient, au contraire, à elles
seules, la moitié de la Flore de cette période de végéta-
tion, et sur les trente-cinq espèces de cette classe qu’on
a observées jusqu’à présent dans ces terrains , vingt-neuf
sont des Cycadées. Cette famille était donc plus nom-
breuse à une époque où la Flore de la terre paraît si
pauvre et si peu variée qu’elle ne l’est maintenant qu’on
connaît plus de cinquante mille plantes vivantes.
Le reste de la Flore de cette troisième période de vé-
gétation est presque entièrement formée par les Crypto-
games vasculaires, telles que les Fougères , les Prèles
et les Lycopodes : ainsi, le caractère essentiel de la vé-
gétation de cette période consiste dans la grande prédo-
minance numérique des Cycadées , et dans le partage à
peu près égal de tous les végétaux en deux classes, celle
(:2877)
des Cryptogames vasculaires , et celle des Phanérogames
gymnospermes.
Il n'existe que des indices très-rares de Monocotylé-
dones, et rien n’annonce encore l’existence des Dicoty-
lédones.
La présence des végétaux de cette classe, et la pré-
dominance numérique qu’ils acquièrent sur les autres
végétaux aussitôt leur apparition , caractérisent la qua-
trième période de végétation , celle qui correspond aux
terrains analogues à ceux du bassin de Paris, et qu’on
désigne sous les noms de terrains de sédiment supérieur,
ou de terrains tertiaires. |
À cette époque, la proportion des diverses classes de
plantes paraît avoir été à pen près la même que sur la
surface actuelle du globe; les Dicotylédones sont au
moins quatre ou cinq fois plus nombreuses que les Mo-
mocotylédones ; quant aux autres classes, les circon-
stance particulières dans lesquelles ces terrains se sont
formés, paraissent avoir diminué leur nombre; ainsi
on ne trouve que quelques traces de Fougères ; d’Equi-
setum et de Mousses, et les Agames ne sont représen-
tées que par diverses espèces de plantes marines. Les
plantes de cette période paraissent généralement se rap-
porter à des genres encore existans , et les différences
spécifiques, quoique presque toujours sensibles lors-
qu'on compare avec soin les plantes fossiles avec les
espèces vivantes des mêmes genres, sont souvent fort
légères.
D’après la manière dont nous avons défini ce que nous
nommons une période de végétation , on peut donc dire
que la végétation qui couvrait la terre pendant le dépôt
( 238 )
des terrains de, sédiment supérieur, et celle qui croît
actuellement sur sa surface appartiennent à la même pé-
riode.
On voit que la manière dont nous venons de consi-
dérer les caractères essentiels de la végétation , aux di-
verses époques de formation de la croûte du globe , est
presque entièrement à l'abri des erreurs de détails qu’il
est impossible d'éviter dans une science encore au ber-
ceau ; des observations plus précises ou des découvertes
nouvelles feraient reconnaître dans les terrains anciens
quelques plantes de plus d'une des classes que nous y
avions reconnues , ou même quelques espèces d’une des
classes qui nous avaient paru manquer à cette époque ,
que les rapports essentiels de ces classes éntre elles ne
seraient que légèrement modifiées. Ainsi, on prouve-
rait que certains genres encore peu connus du terrain
houiller sont de véritables plantes Dicotylédones, qu'il
n'en serait pas moins certain que les Cryptogames
vasculaires sont les végétaux de beaucoup les plus
nombreux pendant la première période de végétation.
On découvrirait quelques feuilles de plantes réelle-
ment dicotylédones dans le Lias ou le calcaire du Jura;
que ces espèces, nécessairement très-rares , ne change-
raient pas les rapports essentiels entre le nombre des es-
pèces des autres classes ; et les Phanérogames gymno-
spermes , les Cycadées en particulier, n’en seraient pas
moins les plantes caractéristiques de cette époque. Ainsi, |
quelles que puissent être les découvertes postérieures ,
on peut établir, avec toute la certitude que présentent les
sciences d'observation, que les caractères essentiels des
quatre périodes que nous avons indiquées ne pourront
( 239 )
être que légèrement modifiées, et que ces périodes elles-
mêmes resteront toujours bien distinctes.
L'immense prédominance numérique des Cryptoga-
mes vasculaires, c’est-à-dire des Fougères, des Prèles
et des Lycopodes, et le grand développement de ces
plantes sont les caractères essentiels de la première pé-
riode.
L'égalité numérique des Cryptogames vasculaires ,
des Phanérogames gymnospermes, représentées par les
Conifères , et des Monocotylédones, ainsi que le moindre
développement des végétaux de la première de ces
classes, paraissent être les caractères essentiels de la
| deuxième période.
La troisième période est particulièrement distinguée
par la prédominance des Phanérogames gymnospermes,
et surtout des Cycadées ; les Cryptogames vasculaires
tiennent le second rang , puis viennent quelques Mono-
cotylédones très-peu nombreuses.
Enfin, la quatrième période nous présente des végé-
taux de toutes les classes actuellement existantes , parmi
lesquelles , comme à l’époque actuelle, les Dicotylé-
dones sont de beaucoup ies plus nombreuses ; puis les
Monocotylédones , les Phanérogames gymnospermes, et
en dernier rang les Cryptogames et les Agames.
Nous voyons donc que la végétation terrestre est tou-
jours devenue de plus en plus variée; que, d’abord,
limitée à deux classes principales, plus tard elle en pré-
sente trois, puis enfin cinq, et, dans le règne végétal
comme dans le règne animal, les êtres, que tout nous
porte à considérer comme les plus simples, se sont for-
més les premiers, et peu à peu les classes d'êtres plus
(240)
compliqués, que nous nommons par cette raison plus
parfaits , sont venues s'ajouter à ces premières classes
d’êtres primitifs plus simples. |
Tels sont les résultats positifs indépendans de toute
hypothèse et de toute théorie préconçue, auxquels l'étude
comparative des végétaux fossiles nous conduit.
Mais, de même qu’en remettant entre les mains d’un
botaniste un herbier formé dans une région éloignée de
la terre , il parviendra facilement à déterminer la nature
du climat sous l’influence duquel ces végétaux ont erû ;
ne pourrions-nous pas, par la nature des Flores de ces
diverses périodes de la formation de la surface terrestre,
parvenir à déterminer quelques-unes des circonstances
qui présidaient au développement de ces végétaux ?
Je crois qu'en comparant avec attention la nature des
végétaux de ces diverses époques avec ceux qui croissent
actuellement dans les différentes régions du globe , on
peut arriver à des résultats, sinon certains, du moins
très-probables à cet égard.
Comparons d’abord sous ce rapport la Flore de la
première végétation, de celle dont les restes ont
produit les conches de houille, ces grands dépôts de,
combustibles que leur utilité a fait rechercher et ex-
ploiter dans presque tous les pays , et dont la disposition
et les végétaux fossiles sont par cette raison beaucoup
mieux connus que ceux d'aucune autre époque. Les re- ,
marques que l'examen de cette Flore nous fournira ne
sont fondés , jusqu'à présent, que sur les fossiles
recueillis en Europe et dans l'Amérique septentrio-
nale; mais le peu de fossiles de la même époque, re-
cueillis dans les autres parties du monde, paraissent s'ac-
(241)
corder avec ceux de nos contrées, pour conduire aux
mêmes conséquences.
On a déjà observé, depuis long-temps, que les vé-
gétaux de ce terrain se rapprochaïent généralement plus
de ceux des parties les plus chaudes du globe que de
ceux des régions tempérées ; mais, maintenant que les
plantes fossiles de cette époque sont bien mieux con-
nues, et que leur analogie avec les végétaux vivans a été
fondée sur un examen plus approfondi, on peut établir
leurs rapports avec les plantes des régions équatoriales
sur des bases plus solides.
Toutes les plantes de la classe des Cryptogames vas-
culaires , à laquelle la plupart des végétaux de cette épo-
que appartiennent , acquièrent une taille d’eutant plus
élevée , que le climat dans lequel elles croïssent est plus
chaud ; ou plutôt dans les pays froids on ne trouve parmi
les plantes de cette classe que des espèces très-petites,
tandis que dans les régions tropicales on trouve , outre
de petites espèces, un grand nombre d'espèces d’une taille
| beaucoup plus considérable. Ainsi, les Fougères des
climats froids ou tempérées rampent toutes sur le sol,
ou leur tige n’a que quelques pouces d’élévation;
celles des régions équatoriales atteignent souvent 10, 15
et 20 pieds de haut ; les plus petites espèces de Prèles
connues sont celles de Laponie et du Canada; les plus
grandes croissent aux Antilles et dans l'Amérique équi-
noxiale ; les Lycopodes de nos régions n’ont jamais plus
de 5 à 6 pouces d'élévation; ceux qui croïssent entre
les tropiques ont souvent une taille triple où qua-
druple.
La grandeur encore bien plus considérable des Fou-
XV. 10
( 242)
gères , des Lycopodiacées et des Equisétacées, enfouies
dans le terrain houiller, doit donc nous faire présumer
que, pendant cette période, toutes les circonstances
propres à favoriser le développement de ces plantes
avaient acquis leur plus haut degré; la température et
l'humidité sont les principales, et il est diflicile de ne
pas admettre qu’à cette époque la température de la sur-
face de la terre était au moins égale et peut-être su-
périeure à celle des parties les plus chaudes de notre
globe ; conséquence qui du reste , s'accorde parfaitement
avec les opinions de la plupart des géologues actuels, et
avec les observations et les théories des physiciens et
des mathématiciens les plus célèbres.
Le second caractère le plus remarquable de la Flore
de cette période consiste dans le rapport numérique
des plantes des diverses classes, rapport qui est tel, que
les Cryptogames vasculaires qui forment tout au plus , à
l’époque actuelle , des plantes connues, composaient
alors plus des - de la végétation.
Il n'existe donc pas le moindre rapport entre la Flore
primitive de notre globe et l’ensemble de sa végétation
actuelle ; mais n’y a-i-il pas quelques parties du globe,
quelques régions particulières qui, sans nous offrir exac-
tement les mêmes proportions entre les diverses classes
du règne végétal, se rapprocheraient du moins davantage,
sous ce rapport , de cette ancienne Flore ?
C’est, en effet, ce que l'étude de Ia distribution des
formes végétales à la surface du globe nous démontre.
La famille des Fougères et les familles voisines pa-
raissent , d’après les observations de M. R. Brown et de
M. d'Urville , être soumises à l'influence de deux causes
(245)
principales qui déterminent leur mode de répartition sur
la surface du globe.
De ces deux causes , l’une est l'élévation de la tempé-
rature , l’autre parait être l’influence de l’air humide et
de la température uniforme de la mer.
Il en résulte que, dans les localités également favori-
sées sous le rapport de ces dernières circonstances, ces
plantes sont plus fréquentes dans la zone équatoriale que
dans les zones plus froides, mais que, sous la même
zône , elles sont beaucoup plus abondantes dans les îles
que sur les continens. Nous pourrions citer de nom-
breux exemples à l'appui de cette proposition, mais
cela nous éloïgnerait trop du sujet spécial de ce Mé-
moire ; nous dirons seulement que , dans les parties les
plus favorables au développement de ces plantes sur le
continent de l'Europe tempérée , leur rapport aux Pha-
nérogames est comme 1 : 40, tandis que dans les mêmes
circonstances , dans les régions continentales entre les
tropiques, M. R. Brown admet que ce rapport est
comme: 1 : 20, et dans les cas moins favorables comme
1 : 26.
Sous la même latitude , cette proportion devient bien
plus grande dans les îles ; ainsi, dans les Antilles, le
rapport des Fougères aux plantes Phanérogames paraît
être à peu près comme 1 : 10 au lieu de # : 20 qui est
_ celui &es parties les plus favorisées du continent améri-
cain ; dans les îles de la mer du Sud , ce rapport , au lieu
d’être 1 : 26, comme dans le continent de l'Inde et de la
Nouvelle-Hollande tropicale, devient x : 4 ou 1 : 3. A
Saint-Hélène et à Tristan d'Acugna, la proporuon de
ces classes de végétaux est comme 2 : 3; enfin à l’ile de
Ca44)
J’Ascension , en ne considérant que les plantes évidem-
ment indigènes, il paraît presqu’y avoir égalité entre les.
plantes Phanérogames et les Cryptogames vasculaires. On
voit, par ces exemples, que plus les îles sont petites et
éloignées des grands continens , et plus la proportion des
Fougères et des familles voisines devient considérable
par rapport au total des autres végétaux, et on conçoit
que , si des îles analogues à celles que nous venons de
citer existaient seules au milieu d’une vaste mer, ou
elles ne formeraient que des sortes de points épars ou de
petits archipels sans aucun grand continent, la propor-
tion des Fougères serait probablement encore plus
grande, et au lieu de légalité des deux grands groupes
de végétaux que nous comparons, nous pourrions voir
les Cryptogames vasculaires l'emporter de beaucoup sur
les Phanérogames ; c’est ce qui avait lieu à l’époque de
la formation du terrain houiller, et ces considérations
de géographie botanique doivent déjà nous porter à pen-
ser que les végétaux qui ont donné naïssance à ces dé-
pôts, croissaient sur des archipels d’iles peu étendues
à une époque où aucun grand continent ne s'élevait
au-dessus du niveau des eaux.
La disposition des terrains houillers par lignes inter-
rompues , qu'on a appelées des bassins et comparées à des
successions de lac ou à des vallées, est au moins aussi
analogue à la disposition des îles qui, représentant les
crêtes de chaînes de montagnes sous-marines , sont gé-
néralement placées en séries; enfin, le morcellement
du terrain houiller , et au contraire la grande étendue et
la continuité sur de grands espaces des terrains de cal-
caire de transition, qu'on peut considérer comme les
( 24 )
dépôts formés dans la mer qui environnait ces îles , nous
semblent confirmer cette hypothèse.
M. de Sternberg et M. Boué , en se fondant unique-
ment sur des considérations géologiques , avaient été
également conduits à admettre qu’à l’époque de la for-
mation des terrains houillers, les continens devaient
avoir moins d'étendue et les mers devaient couvrir une
plus grande surface que cela n’a lieu maintenant; les
considérations de géographie botanique ancienne que
nous venons d'exposer , nous semblent donner beaucoup
plus de probabilité à cette supposition.
La géologie et la botanique nous paraissent donc s’ac-
_corder pour annoncer qu’à cette époque les parties de la
werre qui s’élevaient au-dessus des eaux ne formaient que
des îles peu étendues, disposées par archipels au sein de
vastes mers.
C'était sur ces îles que croissaient les plantes dont les
restes ont donné naissance aux couches de houïlle, et
dont nous trouvons encore quelques débris intacts dans
les roches qui accompagnent ces couches de combus-
tible. Quant à la manière dont se sont formées ces cou-
ches elles-mêmes, elle rentre , à bien des égards, plutôt
. dans le domaine de la géologie que dans celui de la bo-
tanique de l’ancien monde : cependant je ne puis éviter
d’en dire quelques mots ; car, sous quelques rapports , ce
phénomène se lie probablement à la manière dont ces
végétaux croissaient à la surface du sol.
Les géologues se sont formé des idées assez diflé-
rentes sur l’origine de ce combustible ; et pour ne parler
que de ceux qui l'atribuent aux végétaux qui croissaient
alors sur la terre, opinion qui seule nous parait mainte-
( 246 )
nant admissible, les uns ont considéré les couches de
houille comme des sortes de tourbières plus où moins
étendues, formées par des débris de végétaux et sur les-
quels d’autres végétaux croissaient encore ; les autres ont
regardé ces couches comme formées par un sédiment de
matières végétales décomposées , d’abord tenués en sus-
pension dans l’eau de la mer et ensuite déposées au fond
de ce liquide.
La première hypothèse due au célèbre Deluc me pa-
rai, à bien des égards, mieux expliquer la disposition
générale des terrains houillers , et plusieurs des circon-
stances remarquables qu’ils présentent, tels que l’exis-
tence assez fréquente de troncs d’arbres , placés encore
perpendiculairement aux couches dans la même direc-
tion qu'ils devaient occuper durant leur vie; l’autre hy-
pothèse, soutenue dans ces derniers temps par MM. de
Sternberg, Boué, et Constant Prévost, explique peut-être
plus facilement les alternances de couches de houille et
d’autres roches de sédiment, mais me semble incompa-
tible avec plusieurs des circonstances que présentent les
terrains houillers.
On peut objectér, à la première hypothèse qui nous
paraît la plus probable, que nous ne connaissons plus
maintenant de tourbières entièrement ou presque en-
tièrement composées de Fougères et de plantes analo-
gues ; mais les circonstances sous l’influence desquelles
ces végétaux croissaient étaient fort différentes de celles
qui existent actuellement, et il est probable que plu-
sieurs de ces circonstances étaient propres à faciliter la
formation de semblables tourbières ; d’ailleurs, on sait
parfaitement que plusieurs plantes de ces familles crois-
(7)
sent abondamment dans ce genre de localités; ainsi les
Prèles, | Osmunda regalis, plusieurs Æspidium, plu-
sieurs Lycopodes, croissent habituellement dans nos
tourbières ; enfin nous ne doutons presque pas qu’à
cette époque reculée notre atmosphère n’eût une com-
position très-différente de celle qu’elle présente actuelle-
ment, et que cette différence n'ait influé puissamment
sur la formation de ces couches de combustible végéta-
tal. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.
Résumons maintenant ce que nous venons de dire
sur la nature de la végétation de notre globe à cette
époque, et sur les données qu’elle nous fournit sur sa
constitution physique. Nous voyons que le règne végé-
tal, composé presque uniquement de Cryptogames vas-
eulaires gigantesques , indique l'existence à cette époque
d’une température beaucoup plus élevée que celle de
nos climats , et peut être supérieure à celle des régions
les plus chaudes de la terre ; que cette: mème nature de
végétaux semble prouver que notre globe était presque
entièrement couvert par la mer, du sein de laquelle
s’élevaient quelques îles, dont les végétaux formaient
après leur mort des couches d’une sorte de tourbe qui,
glissant ensuite dans la mer, comme Deluc le pensait,
ou recouvertes par des circonstances, qu'il n'entre pas
dans notre sujet d'examiner, par des couches de roches
de nature diverse, ont donné naissance aux dépôts de
houille.
Nous n'avons pas à beaucoup près des données aussi
nombreuses sur la végétation des périodes subséquentes ;
ainsi les restes de végétaux découverts dans le grès bi-
garré sont trop peu nombreux pour nous permettre au-
( 548 )
cune induction sur l’état du globe à cette époque. Nous
pouvons seulement déduire, de la présence d’une Fou-
gère arborescente dans ce terrain, que la température de
celte époque était encore bien plus élevée que celle de
nos climats, et analogue probablement à celle des ré-
gions intertropicales.
Dans la troisième période, la végétation a prisun carac-
tère plus particulier ; les Cycadées, réuniesaux Fougères
et à quelques Conifères , la composent presque entière-
ment ; cette végétation, bien différente de celle d'aucun
point de notre globe, se rapproche cependant plus spé-
cialement de celle des côtes et des grandes îles de la zone
équatoriale, car les Cycadées croissent principalement
dans les îles des Antilles, sur les côtes du Brésil, au Cap de
Bonne-Espérance, dans les Moluques et le Japon , et sur
les côtes de la Nouvelle-Hollande ; ce sont par conséquent
des plantes des climats chauds rapprochés des tropiques et
des pays soumis à l'influence de l’air et de la température
de la mer. Les Fougères, comme nous l’avonsdéjà dit, sont
dans le mème cas à un plus haut degré encore. On pour-
rait donc conclure, de ces faits, que la végétation de cette
époque devait croître sur des îles assez étendues ; mais
je ne prétends pas donner une très-grande importance à
cette conclusion , la botanique de cette période étant en-
core trop incomplètement connue. La seule considération
qui lui donne quelque probabilité, c’est que la Flore qui
nous conduit à ce résultat correspond à une époque in-
termédiaire entre la Flore insulaire de la première pé-
riode et la Flore continentale de la quaurième.
La végétation de cette dernière période présente en
effet tous les caractères de la végétation des grands conti-
|
<&
( 249 )
nens et des climats tempérés ou un peu plus chauds que
ceux de l’Europe moyenne ; elle est généralement analo-
gue à celle de l’Europe et de l'Amérique septentrionale,
et ne présente qu'un petit nombre de végétaux semblables
à ceux des régions un peu plus chaudes, c’est-à-dire
quelques palmiers ou autres monocotylédones arbo-
rescentes ; mais déjà, à cette époque, les influences loca-
les, dépendant ou de légères différences dans la latitude,
ou de la hauteur , ou de l'exposition , paraissent déter-
miner des différences très-sensibles dans les Flores lo-
cales dont nous trouvons les restes dans des lieux diffé-
rens. Ainsi, tantôt l’ensemble de ces végétaux semble
indiquer une Flore semblable à celle des forêts du nord
de l’Europe ou de l’Amérique, et tantôt , au contraire,
des végétaux semblables à ceux des régions plus chaudes
et découvertes , se trouvent réunis dans un même lieu.
Les faits de détail relatifs à la répartition des végé-
taux dans les diverses couches et dans les différentes loca-
lités des terrains de sédiment supérieur , restent donc
encore à discuter ; mais l'ensemble de ces végétaux nous
présente une Flore semblable à presque tous les égards
à celle de la surface actuelle du globe, et nous pouvons
avec beaucoup de probabilité en déduire que l’étendue
des continens, la température, la nature de l’atmo-
sphère , ne différaient que peu de ce qui existe actuelle-
ment. Je suis loin de prétendre cependant que tout fut
dans l’état actuel , la géologie et la zoologie contredi-
raient entièrement ces conclusions ; ainsi les continens
étaient certainement moins vastes qu'actuellemeut ,
puisque les dépôts marins de cette époque indiquent
que Ja mer les couvraient en partie. La température
( 250 )
était probablement plus élevée, car la nature des ani-
maux de cette mème période indique un climat plus
chaud ; mais les caractères généraux de la végétation
étaient les mêmes, les mêmes classes dans les mêmes
proportions, les mèmes genres, et souvent des espèces
voisines, existaient à cette époque et existent encore;
on peut donc dire que le règne végétal avait déjà revètu
les mêmes formes qu’il nous offre actuellement, et quik
était soumis à un mode de distribution analogue.
L'étude des métamorphoses du règne végétal, si je:
puis employer cette expression, pendant la formation
de la croûte du globe, semble donc nous annoncer qué
la température et l'étendue des mers ont toujours été
en diminuant depuis la première apparition des végé-
taux sur la terre jusqu’à l’époque actuelle.
La comparaison du développement successif des vé-
gétaux et des animaux n'est pas un des points les moins.
remarquables de l'étude des corps organisés fossiles.
On sait en effet que, dans les terrains plus anciens
ou de la même époque que la formation houillère, il
n'existe aucun reste d'animal terrestre , tandis qu’à cette
époque la végétation avait déjà pris un grand développe-
ment , et était composée de plantes aussi remarquables
par leurs formes que par leur taille gigantesque.
Plus tard la végétation terrestre perd en grande
partie ce développement singulier , et les animaux ver-
tébrés à sang froid deviennent très-nembreux; c’est ce
qu’on observe pendant notre troisième période.
Enfin , plus tard , les végétaux deviennent plus va-
riés , plus parfaits, mais les analogues de ceux qui ont
existé les premiers sont réduits à une taille bien moindre;
f
“
il
'
.
( 257 )
[c’est l’époque de l'apparition des animaux les plus par-
faits, des animaux à respiration aérienne , des mammi-
fères et des oiseaux.
5 »
Ne pourrait-on pas trouver quelque cause propre à
expliquer d’une manière naturelle ce développement
et celte végétation vigoureuse des plantes à respira-
tion aérienne, dès les temps les plus reculés de la for-
mation du globe, et, au contraire, l'apparition seu-
| lement dans les dernières périodes de la formation des
animaux à sang chaud, c’est-à-dire dont la respiration
aérienne est la plus active ? Cette différence dans l’époque
de l'apparition de ces deux classes d'êtres ne dépen-
drait-elle pas de la différence de leur mode de respira-
tion et de circonstances, dans l’état de l'atmosphère,
propres à favoriser le développement des uns, et à s’op-
poser à celui des autres ?
Sous quelle forme pouvait se trouver , à l'époque de la
création des êtres organisés , tout le carbone que ces êtres
ont absorbé par la suite, et qui s’est trouvé enfoui avec
leurs dépouilles dans le sein de la terre, ou qui existe
encore réparti dans tous les êtres organisés qui couvrent
actuellement la surface du globe ?
Ilest évident que les animaux ne puisant de carbone
ni dans l’atmosphère, ni dans le sol, mais seulement
dans leur nourriture, les végétaux seuls peuvent avoir
pris dans une substance inorganique le carbone néces-
saire à leur accroissement, carbone qui, par leur inter-
médiaire , a servi ensuite à la nutrition des animaux.
Nous ne concevons pas, si ce carbone avait été à l’état
solide, comment les végétaux auraient pu se l’assimi-
ler, et d’ailleurs , dans les terrains plus anciens que ceux
( 252)
qui renferment les premiers débris de végétaux. on
connaît à peine quelques traces de charbon.
Il faut donc que ce carbone , que les plantes de la vé-
gétation primitive et des végétations suivantes ont ab-
sorbé , füt sous une forme propre à servir à leur nutri-
tion ; or nous n’en connaissons que deux , l’ulmine ou le
terreau qui, résultant lui-même de la décomposition d’au-
tres végétaux, nous ferait rentrer dans un cercle vicieux,
et l'acide carbonique qui , décomposé par les feuilles des
végétaux sous l'influence de la lumière solaire, fixe
son carbone dans la plante, et sert ainsi à son accroisse-
ment.
I me paraît donc impossible de supposer que les vé-
gétaux aient puisé ailleurs que dans l'atmosphère et à
l’état d'acide carbonique , le carbone qui se trouve en-
core dans tous les végétaux et dans tous les animaux exis-
tans, et celui qui, après avoir servi à leur nutrition, a été
déposé sous forme de houille, de lignite ou de bitume,
dans les divers terrains de sédiment. Si on suppose donc
que tout ce carbone à l’état d’acide carbonique était ré-
pandu dans l'atmosphère avant la création des premiers
êtres organisés, on verra que l’atmosphère , au lieu de
contenir moins d'un millième d’acide carbonique, comme
cela a lieu actuellement, devait en renfermer une quan-
tité qu’on ne peut évaluer exactement, mais qui était
peut-être de 3, 4, 5, 6, ou même 8 pour 100.
On sait parfaitement, par les recherches de M. Théo-
dore de Saussure , que cette proportion d'acide carbo-
nique, loin de nuire à la végétation, lui est très-fav orable
lorsque les plantes sont exposées au soleil ; cette diflé-
rence très-probable dans la nature de l'atmosphere peut
(253)
donc être considérée comme une des causes les plus
puissantes qui ont influé sur la végétation si active et si
remarquable de notre première période.
Mais cette même circonstance a dù nuire, au contraire,
beaucoup à la décomposition des restes des végétaux
morts et à leur transformation en terreau , car ce mode
de décomposition est dù essentiellement à la soustrac-
tion d’une partie du carbone du bois par l’oxigène de
l'air ; et si l'atmosphère contenait moins d’oxigène et plus
d'acide carbonique, cette décomposition devait, sans
aucun doute, être plus diflicile et plus lente. De là l’ac-
cumulation de ces débris de végétaux en des sortes de
couches de tourbe même dans des circonstances et avec
des végétaux qui , dans l’état actuel de l’atmosphère, ne
| donneraient pas lieu à la formation de semblables cou-
ches de combustible.
D'un autre côté , cette différence dans la composition
de l’atmosphère, si favorable à l'accroissement et à la
conservation des végétaux, devait être un obstacle à
l'existence des animaux , et surtout à celle des animaux
à sang chaud dont la respiration plus active exige un
air plus pur : aussi, durant cette première période, pas
un seul animal à respiration aérienne ne paraît avoir
existé.
Pendant cette période , l'atmosphère avait été purgée
d'une partie de son excès de carbone par les végétaux qui
croissaient sur la terre, qui se l’étaient assimilé et qui
l'avaient ensuite enfoui , à l’état de houille , dans le sein
de la terre; c’est après cette époque , pendant notre se-
conde et notre troisième période, qué commencent à
paraître cette immense variété de reptiles monstrueux,
( 254 )
animaux qui, par la nature dc leur respiration , peuvent |
cependant vivre dans un air beaucoup moins pur que
celui qu’exigent les animaux à sang chaud, et quien |
effet les ont précédés à la surface de la terre.
Les végétaux continuaient à soustraire une partie du
carbone de l'air, et rendaient ainsi tous les jours notre.
atmosphère plus pure ; mais ce n’est qu'après l'apparition
d’une végétation toute nouvelle, riche en grands arbres,
et origine de nombreux dépôts de lignite, végétation qui
parait avoir couvert la surface de la terre de vastes fo-
rêts, qu'un grand nombre d'animaux mammifères ana-
logues, sous le rapport des traits essentiels de leur
organisation , à ceux qui existent encore sur la terre,
parurent pour la première fois sur sa surface (1).
Ne peut-on pas supposer , d’après cela, que notre at-
mosphère était arrivée à ce degré de pureté qui seul pou-
vait convenir à la respiration plus active des animaux à
sang chaud , et favoriser également le développement,
des végétaux et des animaux, tandis que l’existence si-
multanée de ces deux ordres d'êtres et l’influence inverse
de leur respiration maintient actuellement notre atmo-
sphère dans un état de stabilité qui est un des caractères
remarquables de la période actuelle.
(1) Je néglige dans cette indication générale l’exception unique ré-
sultant de l'existence du Marmmifère de Stonesficld dans des couches
inférieures à la craie.
"ww
asceAu indiquant le nombre des espèces de chaque genre
et de chaque famille propre aux quatre périodes de
végelation.
NOMS
Première Deuxième Troisième Quatrième
:S CLASSES, DES FAMILLES période, période. période. période.
ET DES GENRES.
Classe I
AGAMES.
| CoNFERVES.
Confervites. » » 2 T
| ALGUES
Fucoides, 4 5 16 12
Classe II.
RYPTOGAMES CELLULEUSES:
| Mousses.
Muscites. » » » 2
Classe III.
IRYPTOGAMES VASCULAIRES.
EQuisÉTAGÉEs.
Equisetum. 2 » 2 I
Calamites. 14 3 » »
FoucèreEs.
Pachypteris. » » 2 »
Sphenopteris. 21 2 6 »
Cyclopteris. 3 » » »
Nevropteris. 12 2 2 »
Glossopteris. 1 » 1 »!
Pecopteris. 46 » 12 »
Lonchopteris. 2 » 1 »
Odontopteris. 5 » » »
Anomopteris. » 1 » »
Tœniopteris. » » 2 L
Clathropteris. » » 1 »
Schizopteris. 1 » » »
Sigillaria. 44 » » »
MaARSILEAGÉES
Sphenophyllum. 7 » « js
Cnaracées.
hara. » | » | » 4
i
RE CES ——— —- a —
OMS Aa si
NOMS Première Deuxième | Troisième | Quatrième
DES CLASSES, DES FAMILLES| Lériode. St ET ol
ET DES GENRES.
LycopopIAcéEss.
Lycopodites. 10 » 3 »
Sélaginites. 2 » » »
Lepidodendron. 30 » » »
Lepidophyllum. 5 » » »
Lepidostrobus. 4 » » D
Cardiocarpon. 5 » » »
Stigmaria. 8 » » »
Classe IF.
PIANÉROGAM. GYMNOSPERM.
CycaDÉEs. |
Cycadites. » » n » |
Zamia. » » 15 » |
Pterophyllum. » » 8 »
Nilsonia. » » 2 »
Mantellia. » » 3 »
Conw1FÈRES.
Pinus. » » » 9
Taxites. » » 1 5
Voltzia. » 4 » »
Juniperites. » » » 3
Cupressites. » I » »
Thuya. » » » 3 |
ras » » 4 » f
Brachyphyllum. » » 1 » H
Classe F.
PHANÉROGAMES MONOCOTYL.
NAYADES,. a
Potamophyllitis. » » » ï
Zosterites. » » 5 2
Caulinites. » » » 1
Parmiers.
Palmacites. 20 » » ï
Flabellaria. 1 (?) » » 3
Phœnicites. » » : s
Zeugophyllites. 1 » » »
Cocos. » » » 3
LiriACÉES.
Bucklandia. » » I "
Clathraria. » » 1 »
Smilacites, » » » ï
Convallarites, » 2 . L
Antholites » » » ï
NOMS Première Deuxième Troisième Quatrième
DES CLASSES, DES FAMILLES péride. période. période, période.
ET DES GENRES,
CANNES.
Cannophyllites. I » » »
Monocotylédones dont la
famille est incertaine.
Endogenites. » » » Plusieurs.
Culmites. » » » a:
Sternbergia. 5 » » »
Poacites. 3 » 1 Plusieurs:
Palæoxyris. » I » 7 xy
Echinostachys. » 1 » »
Æthophyllum. » » »
Trigonocarpum. d » » e
Amomocarpum. » » » È
Musocarpum. 2 » » E
Pandanocarpum. » » » ï
Classe FI.
PHANÉROGAMES DICOTYLÉD.
AMENTACÉES,
Carpinus, » » » T
Betula, » » » n
Comptonia. » » :
JuUGLANDÉES.
Juglans. » » » 5
ACERINÉES,
Acer. » » » L
N'YMPHÉACGÉES. |
Nymphea. » » » 1
Dicotylédones dont la
famille est incertaine.
Exogenites. » » » Beaucoup.
Phyllites. » » " » Beaucoup.
Antholitbes. » » » Plusieurs.
Carpolithes. » » » Beaucoup.
3104 ,
Végétaux dont la classe :
est incertaine.
Phyllotheca. I » » »
Annularia. 2 7 » » »
Asterophyllites. 11 » » »
Volkmannia. 3 » » »
XV. 17
( 258 )
Résumé du tableau précédent, présentant le nombre des
espèces de chaque classe, pendant chaque période.
Première | Deuxième} Troisième[Quatrième| Epoque
période. | période.
I. AcAmes. 4 5
II. CRYPTOGAMES CELLU-
LEUSES. » »
III. CrYPTOGAMES VASCU-
LAIRES. 2922 8
IV. PHANÉROGAMES cyMm-
NOSPERMES, » 5
V. PHANÉROGAMES MONo-
COTYLÉDONES. 16 5
VI. PHANÉROGAMES DICO-
TYLÉDONES. » »
Végétaux de classe in-
déterminée. 22 »
Total de chaque Flore. 264 23
période.
18
87
période. | actuelle.
13 7,000
2 1,500
G 1,700
20 150
25(?)| 8,000
100 (?)] 32,000
|
166 50,350
Quecques Osservarions sur la famille des Rudistes
de M. de Lamarck.
Par M. Desnaves,
Membre de plusieurs sociétés savantes,
La plupari des genres avec lesquels M. Lamarck a
composé la famille des Rudistes, dans l'Histoire des
animaux sans vertèbres, étaient compris dans celle des
( 259 )
Ostracées de ses méthodes précédentes. En établissant
cette famille, le savant professeur n’ignorait pas que l’on
n'avait presque aucune connaissariée de la structure des
genres qui la composent; aussi dut-on la considérer
plutôt comme un incertæ sedis que comme une famille
naturelle. Déjà, dans une note que nous avons publiée
sur les Hippurites, dans le tome V de ce recueil ,
page 205, nous avons démontré combien M. Lamarck
et tous les auteurs se sont mépris à l’égard de ce genre,
placé dans la classe des Céphalopodes. M. Cuvier, dans
le règne animal, avait exprimé un doute à ce sujet, ce
que M. de Férussac imita dans ses Tableaux systéma-
tiques ; mais, peu conséquent ayec lui-même, cet au-
teur, aux articles Batolite et Birostrite dun Dictionnaire
classique d'Histoire naturelle, renvoie de ces genres
aux Hippurites et aux Céphalopodes, ce qui prouve
qu'il les regardait comme dépendant de ce groupe. Ceci
parait assez étonnant quand on vient à le rapprocher de ce
que dit M. d’Orbigny fils (1), dans une note de son Mé-
moiresur les Céphalopodes, Mémoire que M. de F'érussac,
ainsi que l’on sait, se chargea de lire à l’Académie des
sciences. Ce jeune observateur annonce que depuis
long-temps le rapprochement que nous avons fait, il
l'avait opéré dans sa collection, qu'il l'avait établi par
des envois au Jardin du Roi et à plusieurs savans de la
capitale. Comment se fait-il alors que M. de Férussac
ait ignoré cela en faisant les articles que nous avons
cités, et qu'il vienne quelque temps après, et en l’ab-
sence de M. d'Orbigny , revendiquer pour ce naturaliste
et pour lui-même la priorité de notre manière de voir?
(x) Mém. sur Les Céphalopodes , Ann. des Se. nat, 1.7, pag. 169.
( 260 )
/
et comment enfin M. Latreille, habitant du Jardin du
Roi à l’époque où ilpublia son ouvrage sur les familles
du règne animal , n’a-t-il pas eu connaissance de l’obser-
vation de M. d’Orbigny ? Tout ceci fera apprécier Ja
justice de M. de Férussac qui, dans son Bulletin des An-
nonces , en rendant compte de notre travail sur les Hip-
purites, s’attribue ainsi qu'à M. d'Orbigny ce qu'il y à
de plus important, le résultat qui en découle pour la
classification. Si nous relevons aujourd’hui ces faits,
c’est que nous voyons avec peine des personnes dont les
ouvrages sont estimés répéter avec confiance ce qui se
irouve quelquefois inscrit très-légèrement dans le Bul-
letin des Sciences : Suum quique.
M. de Férussac, en adoptant la famille des Rudistes,
la réforma en éloignant les Discines et les Cranies qui
appartiennent effectivement à une autre famille. M. de
Blainville opéra la même rectification dans son article
Mollusque du Dictionnaire des Sciences naturelles , et
ne mentionna nulle part le genre Hippurite : éclairé par
nos observations, il le rangea dans son ordre des Ru-
distes, dans son traité de Malacologie, car, dans cet
ouvrage, il fit un ordre de cette famille de M. Lamarck.
Il le composa de cinq genres dans l’ordre suivant:
Sphérulite, Hippurite, Radiolite, Birostrite et Calcéole;
de ces genres , trois doivent se confondre en un seul , ce
sont les Sphérulites, les Radiolites et les Birostrites,
comme M. Charles Desmoulins l’a prouvé d’une manière
incontestable dans une Dissertation très-approfondie
qu'il a publiée en 1827, dans le Bulletin d'Histoire na-
turelle de la Société linnéenne de Bordeaux. Ce travail
considérable sur la famille des Rudistes, que l’au-
( 261 )
teur a fait tirer séparément, mérite une mention toute
particulière.
M. Desmoulins propose de faire des Rudistes une
classe à part , au même degré que celle des acéphales re-
lativement aux Mollusques. Les faits nombreux qu'il a
recueillis le déterminent après un examen scrupuleux à
placer cette élasse près des T'uniciers : il a été conduu sur-
tout à cette opinion par cette observation constante dans le
genrele plus considérable de cette famille, les Sphérulites,
de l’existence d’un espace vide entre un noyau interne
(Birostre) et la face interne et actuelle du test. Ce fait,
insolite en apparence, que l’on a cru appartenir uni-
quement à ce genre et à cette famille , est devenu le su-
jet de plusieurs conjectures. On a prétendu d’abord que
le Birostre était un os interne contenu dans le milieu de
l'animal, dont la partie charnue occupait l’espace ac-
tuellement vide de la coquille. Une troncature à un Bi-
rostre a démontré qu’étant de la mème pâte que la couche
où est enfoncée la coquille , cette partie ne pouvait ètre
un os interne. Comment le concilier d’ailleurs avec
l'animal d’une coquille bivalve ? Alors on a conjecturé
que l’animal des Rudistes était formé de deux parties,
l’une cartilagineuse et l’autre molle, que le Birostre
avait été formé à la place de la partie molle, et que
l'autre ayant disparu ensuite avait laissé libre le Birostre
dans sa coquille. Cette opinion a semblé la plus natu-
relle à M. Desmoulins ; mais une objection se présentait :
on ne connaît rien de semblable parmi les acéphales ;
aucun d'eux ne s’oflre à nos yeux composé de deux sub-
stances de consistance diflérente. Tout cela pouvait bien
justifier la création d’une classe pour les Rudistes, mais
( 263)
encore était-il nécessaire d'établir ses rapports ; dés-lors
il fallut chercher des animaux qui fussent composés de
deux parties, ou tout au moins qui fussent pourvus d’une
cavité intérieure. En parcourant la série des animaux
invertébrés, se sont présentés les Tuniciers ; il était bien
difficile, sans doute, d’assimilér ces animaux avec des
coquilles bivalves de la nature de celles des Rudistes ;
cependant le rapprochement que MM. Cuviér, Savi-
gny, etc., etc., avaient fait des Biphores, des Ascidies
et dés autres T'uniciers , de la classe des Mollusques acé-
phales, devenait un motif plausible à M. Desmoulins de
proposer le sien, et d'établir une classe intermédiaire
entré les Tuniciers et les Acéphales proprement dits.
L’adhérence des coquilles des Rudistes fut le sujet de
quelques observations que M. Hoœninghaus soumit ver-
balement à M. Desmoulins : admises trop légèrement,
et pour ainsi dire d'enthousiasme, elles le portèrent à
comparer aussi ces coquilles à celles dés Balanés et des À
autres Cirrhipèdés , ce qui le conduisit à un second rap-
prochement qu'aucun raisonnement , aucun fait ne peut
justifier. Quand, pour établir une théorie générale, on
n'a que des faits incomplets, qu’on est obligé de suppléer
par l’imagination à ce que l'observation ne nous montre
pas, qu'on se jette dans le champ si vaste des conjectures,
il est si peu borné qu'il n’est pas étonnant qu'on sy
égare, et c’est ce qui est arrivé, selon nous, pour ce
qui à rapport à la famille dés Rudisies. Nous ne faisons
pas cette réflexion dans l'intention de critiquer les tra-
vaux qui ont été publiés sur cêtte famille, car, à l’ex-
ception de ce rapprochement avec les Balanes, qui ne
vient point de M. Desmoulins, nous nous phisonis à
(:263 9
dire et à répéter qu'en suivant l’ancienne manière d'ob-
server les genres des Rudistes , qu’en tenant compte des
observations déjà faites, il était presque impossible de
raisonner autrement qu'il l’a fait, et qu’il n’a pas dé-
pendu de lui, pour ainsi dire, d'arriver à d’autres ré-
sultats que ceux qu'il a obtenus. Nous ferons remarquer
que, dans ce qui précède, nous n'avons eu d’autre but
que de mettre les observateurs à même de juger une
question des plus intéressantes de la conchyliologie en
faisant cesser les conjectures qu’elle a fait naître.
Nous rejetons complètement et comme inutile, la
théorie de M. Desmoulins; nous n’admettons pas plus
la classe des Rudistes que l’ordre et la famille du même
nom de M. de Blainville et de M. Lamarck, et voici com-
ment nous avons été conduit à une opinion qui paraît si
peu probable.
Il n’est pas difficile de s'assurer que presque toutes
les coquilles bivalves ou univalves sont composées de
deux couches, l’une interne et l’autre externe ou corti-
cale, qui, quant à leur épaisseur , sont dans une relation
inverse, c'est-à-dire que là où l’une est fort épaisse,
l’autre y est très-mince, et vice versä. On peut croire,
puisque l'observation le prouve, que ces deux couches
sont de nature différente , car l’une, l’interne, dans
certaines circonstances de la fossilisation, est toujours
dissoute , tandis que l’autre se conservé 1oujours com-
plètement dénudée. Nous avons mis ce fait hors de
doute à notre article Podopsis du Dictionnaire classique
d'Histoire naturelle, ei nous préparons à ce sujet un
travail plus complet qui sera publié tès-prochainement.
Il est à remarquer que presque tous les Rudistes et les
( 264 )
Sphérulites spécialement, se trouvent dans les terrains
où la décomposition des coquilles a lieu constamment.
Pour faire l’application de ce qui précède à ce genre, par
exemple , nous raisonnons de celte manière : les Sphé-
rulites étaient composées comme les Spondyles, les
Cames, etc., etc., de deux couches distinctes, l’une in-
terne et l’autre corticale ; la première, très-épaisse au
sommet, l’autre au contraire fort mince et réciproque-
ment ; c’est là la seule supposition que nous nous per-
mettions , et l’on voit combien elle est fondée raisonna-
blement sur l’analogie. Lors de l’enfouissement, la
Sphérulite a été remplie de la matière de la couche ter-
reuse qui l’enveloppait; cette matière s’est solidifiée , et a
pris ainsi l'empreinte de la cavité qu’occupait l’animal :
si elle était très-atténuée , comme la craie par exemple,
elle a mème pu s’introduire et se durcir dans les inters-
tices des dents cardinales , et en conserver la forme ; or,
cette cavité qu'occupait l’animal était entièrement com-
posée , aussi bien que la charnière, de la matière de la
couche interne de la coquille; cette couche interne, par
une cause qu'il ne nous est pas permis de connaître, a
complètement disparu après la solidification du moule
intérieur; la couche corticale de la coquille , au con-
traire , s’est conservée , a résisté par sa nature à la cause
dissolvante qui a détruit sa couche interne. Qu'est-il
résulté de cette opération? qu’un moule solide, qui a
conservé la forme de la cavité occupée par l'animal, se
trouve isolé dans une cavité actuelle, qui n’a plus avec
lui que des rapports fort éloignés. On ne peut donc se
faire une idée de ce qu'était la cavité occupée par l’ani-
mal, qu'en remplacant par un moyen artificiel la couche
( 265 )
qui a été dissoute, et le moyen le plus simple c’est de
prendre l'empreinte complète , et séparément , des deux
valves du Birostre; c’est ce que nous avons fait sur un
Birostre complet d’une grande Sphérulite de l’île de
‘Rhé. Les valves ainsi régénérées à l’intérieur , nous ont
offert, à notre grand étonnement, deux impressions
musculaires fort grandes et latérales, et postérieure-
. ment une charnière des plus puissantes, ainsi que l’em-
preinte d’un ligament dont la force devait être en rapport
avec l'épaisseur et l'étendue des valves. Dans un Mémoire
où nous traiterons en particulier le genre Sphérulite
nous décrirons et nous figurerons en détail toutes ces
parties.
Depuis que nous avons fait ces observations sur les
Rudistes, les difficultés dont ils étaient entourés s’ex-
pliquent avec une extrème facilité, parce que les moyens
de le faire sont très-simples. On s’apercevra facilement
que, loin d’entrer dans une route exceptionnelle à leur
égard , nous cherchons au contraire à les ramener à l’or-
ganisation de tous les mollusques acéphales. Nous croyons
avoir atteint la vérité, et il nous semble que cette sim-
plicité même et cette facilité dans l'explication des faits
pourraient en être la preuve.
Ainsi se justifierait l’opinion que nous avons de l’inu-
tilité de la famille des Rudistes , telle qu’elle a été carac-
térisée et placée dans la série. Des trois genres qui lui
restaient, les Sphérulites et les Hippurites sont très-
voisins des Cames, où ils constitueront une petite famille
où un groupe bien caractérisé. Quant au genre Calcéole,
ayant beaucoup plus de rapport avec les Cranies qu'avec
tout autre genre, ii pourra sans inconvénient être porté
à À
Ÿ
( 266 )
dans la même famille, celle des Palliobranches de M. de
Blainville, ou les Brachiopodes de MM. Lamarck et
Cuvier.
Des Branchies et des Vaisseaux branchiaux dans
les embryons des animaux vertébrés (1) ;
Par M. le professeur Cu.-Erx. Barr.
Premier Mémoire.
Je viens de recevoir une lettre.de mon honorable ami
M. ie docteur Rathke, par laquelle il m'écrit ce qui
suit :
« Enfin j'ai aussi trouvé des traces de branchieschezdes
«embryons humains, savoir dans un embryon de six ou
« sept semaines, expulsé de l’utérus tout récemment. Il
« y en a deux de chaque côté, une antérieure , plus con-
(1) Nous devons la communication des Mémoires de M. Bar à notre
collègue M. Breschet , qui a bien voulu l’accempagner de quelques
notes. . (R,)
C’est à MM. Ratbke, Huschke et Baer, que la science est rede-
vable de ces observations. Je dirai, non pour appuyer la déclara-
tion de ces savans, ils n’en ont pas besoin , ou pour réclamer l’hon-
neur d’une découverte ; mais seulement pour augmenter le nombre des
faits, je dirai que j'ai observé , il ya plus de dix ans , les orifices dont
parlent ces anatomistes, et sur des embryons de mammifères, d’oiseaux,
et sur ceux de reptiles. Mes travaux étaient tous dirigés vers l’organi-
sation primitive de l’organe auditif; je regardais ces ouvertures bran-
chiales comme étant liées à la disposition de cet organe, que je considé.
rais comme servant à une espèce de respiration qu’on ne peul refuser à
lerabryon , quoique cette idée soit contraire aux opinions générale-
ment reçues. Je nai point publié mes observations ; mais, si le temps me
permet de reprendre ce travail , je m’expliquerai plus tard à ce sujet.
( G. Brescner.)
( 267 )
«sidérable, et une postérieure , beaucoup plus petite.
« Comme les feutes qui les séparent pénètrent jusque
wdans le pharynx, elles sont tellement distinctes qu’il
«me peut rester aucun doute sur leur existence, »
Cette communication me rappelle des recherches que
| j'ai faites l’hiver dernier sur des embryons humains. Les
{plus petits d’entre eux ne m'offrirent point de fentes
branchiales, Elles manquent également dans les em-
bryons d’autres animaux vertébrés, dans les premiers
temps de la formation , ce dont je me suis convaincu plus
d’une fois sur des oiseaux , des grenouilles et des serpens.
L'âge où on les voit le mieux chez les embryons humains
me paraît être celui de cinq semaines , du moins à en
| juger par un sujet auquel je donne cet âge, comparati-
vement à un autre émbryon dont je savais avec certitude
qu'il avait six semaines, lequel n’offrait plus les ouver-
Mures branchiales et était beaucoup plus développé que
celui du mème âge qui a été figuré par Sœmmermsg.
L'embryou dont je parle présentait trois fentes bran-
chiales, peu reconnaissables à l’extérieur, si on ne pres-
Sait pas en arrière les parties latérales du cou; car la
partie du cou, située devant la première fenté , recou-
Vrait lés ares branchiaux, sous forme d’un opercule
court. (Si on peut donner ce nom, avec M. Rathke, au
lobe qui , dans l'embryon des oiseaux, se trouve devant
la première fente). Mais cette espèce d’opercule n’était
pas arrondie ; il était aussi appliqué sur les ouvertures ,
au lieu de s’en écarter, comme chez les oiseaux. La
fente la plus postérieure était beaucoup plus courte que
les deux autres antérieures. Elles devinrent extrème-
ent distinctes après l’incision du pharynx.
Cependant je ne doute pas qu'il n'y ait, chez l’homme
( 268 )
et peut-être dans tous les vertébrés terrestres , prirnitis
vement quatre fentes branchiales ; mais je pense aussi
qu’elles ne se forment ni ne disparaissent en mème!
temps. On sait déjà, par les recherches de Huschke (Isis,
vol. xx, p. 4or), qu'il y a , dans chaque arc branchial !
des embryons des ciseaux, une arcade vasculaire, qui
d'un tronc commun , venant du cœur , conduit à l'aorte;
toutes ces arcades ne passent pas immédiatement dans
le tronc de l'aorte , comme on pourrait le présumer!,
d’après l'exposition de M. Huschke; mais l’aorte se
compose de deux racines, et chacune de celles-ci reçoit M
les arcades vasculaires de son côté ; aussi se manifeste- M
t-il peu à peu plus d’arcades vasculaires que M. Huschke |
n’en a vu: or, ces mêmes arcades vasculaires existent
aussi dans d’autres animaux vertébrés.
Déjà l'hiver derniér j'avais trouvé, dans des em-
bryons de chien de trois jours, de chaque côté, quatre
arcades vasculaires gorgées de sang , et je croyais recon- M
naître , eu outre , de chaque côté un cinquième vaisseau,
le plus postérieur très-délié, qui ne semblait charrier
que du sang incolore. Comme ce vaisseau n'était pas
distinct , et que je ne connus pas encore bien la succes- M
sion des arcades vasculaires dans les embryons d’oi-
seaux, je n'osai pas représenter cette cinquième arcade
2
sur la planche : Æpistola de ovi mammalium *cenesi
P P ;
planche dont la publication a été pendant si long-temps |
retardée (x).
(1) Cet ouvrage est maintenant publié , et nous l’avons sous Les yeux ;
son tilre est : De ovi mammalium et hominis genesi epistolam ad Aca-\|
demiam imperialem scientiarium petropolitanam, dedit Carolus - Er-
nestus a Baer, Zoolog. profess. pub. ordin, Regiomontanus. Lipsiæ ,
sumplibus Leopoldi Possii. 1827. (G. Brescuet.)
( 269 )
Dans d’autres recherches que j'ai faites, le printemps
et l'été suivans, sur le développement du poulet, j'ai
» [trouvé que celui-ci possédait le troisième jour quatre ar-
cades vasculaires de chaque côté, ayant une origine
commune du bulbe de l'aorte, et formant l'aorte vers
| le dos , de telle manière que les quatre arcades de chaque
côté, en se réunissant, constituaient une racine de
l'aorte. Ces arcades vasenlaires naissent peu à peu les
unes après les autres; la plus antérieure se reconnaît
déjà vers le milieu du second jour ; bientôt une seconde
se manifeste derrière la première, en même temps que
celle-ci devient plus grande, et enfin apparaissent une
troisième et une quatrième. La quatrième arcade est en-
core très-faible au commencement du troisième jour.
Vers cette époque se forment aussi les trois fentes entre
les ares branchiaux , et devant la première paire de ces
arcs l’ouverture buccale, comme la somme de deux
fentes branchiales, antérieures qui se sont réunies. Aussi
cette ouverture buccale primitive n’est pas, à proprement
parler, l’ouverture buccale des temps postérieurs; ce
n’est que plus tard que se développent les mächoires et
avec elles la cavité buccale ; on peut considérer l’ouver-
ture en question comme un orifice de la cavité pharyn-
gienne, rapport physiologique qui l’assimile déjà aux
ouvertures des branchies. Cependant, pour éviter ja
confusion , je ne rangerai pas cette fente impaire parmi
les fentes branchiales. L'ouverture auriculaire, qui ne
se manifeste qu’au cinquième ou sixième jour, ne se
réunit pas avec les fentes branchiales.
À la fin du troisième jour , cet appareil branchial est
déjà un peu changé ; les ouvertures non-seulement sont
à +
( 270 )
plus grandes, mais la quatrième arcade vasculaire est
+
plus grosse et égale presque les autres. Le quairième,
jour , la première arcade vasculaire devient de plus en »
plus méconnaissable, et cela par deux raisons. D'un le
côté, le tissu cellulaire se développe davantage au pre=
mier arc branchial, et cache par conséquent l’arcade
vasculaire ; d’un autre côté, celle-ci se rétrécit et ne
laisse plus passage , dans la seconde moitié du quatrième
jour, qu'à un filet sanguin mince, peu coloré , et à la
fin de ce jour on ne la reconnait plus du tout. Cette pre=\
mière arcade vasculaire a donné naïssance , par son point
le plus convexe, à l'artère carotide; et lorsque l’arcade
s’atrophie, sa partie qui se continue avec le bulbe de
l'aorte devient le tronc de l'artère carotide, qui reçoit |
alors son sang en arrière des arcades vasculaires suivantes: |
La seconde arcade devient aussi plus faible, tandis \
que la troisième et la quatrième arcades reçoivent la |
majeure partie du sang, et derrière elles il s’en forme k
une cinquième, encore petite lorsque la première est Û
oblitérée, Pendant que cela se passe dans les arcades
vasculaires, la première fente branchiale se ferme in- W
sensiblement, et il en paraît , en revanche, une nou-
velle entre l’arc qui était primitivement le quatrième,
et celui qui s’est formé en dernier lieu.
Ax commencement du cinquième jour, il y a par
conséquent, de nouveau, quatre arcades vasculaires et
trois ouvertures branchiales, mais qui ne sont pas les
mêmes que celles du troisième jour, puisqu’une fente
branchiale et une arcade vasculaire ont disparu anté-
rieurement, tandis que de semblables parties se sont
formées en arrière. La fente branchiale la plus posté-
( 27%)
{rieure est toujours beaucoup plus courte que celles qui
la précèdent. Pendant le cinquième jour disparait aussi
|Varcade vasculaire , qui a été primitivement la seconde
(ou la première du quatrième jour), et les deux sui-
vantes en deviennent plus fortes.
Le cinquième jour il y a, par conséquent , trois ar-
cades vasculaires de chaque côté, savoir : la troisième,
la quatrième et la cinquième, en comptant celles qui
ont disparu déjà. À la fin du cinquième jour , les fentes
branchiales, encore existantes, commencent à se rem-
plir de tissu cellulaire , et s’effacent ordinairement tout-
à-fait le sixième jour, la fente la plus antérieure restant
reconnaissable le plus long temps. Elle est, à compter
du quatrième jour, recouverte d’une saillie en forme de
lame, que l’on peut comparer à un opercule.
Quant au changement ultérieur , il dépend principa-
lement d’une métamorphose qui se passe dans le bulbe
de l'aorte. Cette partie renferme primitivement une ca-
vité unique. À compter du cinquième jour cetie cavité
unique, presque sacciforme, se convertit en deux ca-
Maux se séparant peu à peu , de plus en plus, et se con-
tournant réciproquement. Cette séparation en deux
canaux paraît être déterminée par la circonstance que
les ventricules se séparent par une cloison de plus en
plus complète, et qu’il entre par conséquent dans le
bulbe de l’aorte deux courans sanguins de mieux en
mieux séparés. Le courant qui vient du ventricule droit
arrive plus tôt que l’autre aux arcades vasculaires; il
pourvoit aux deux arcades les plus postérieures, et à
l’'arcade moyenne ( primitivement la quatrième), du
côté gauche. Le courant du ventricule gauche remplit,
(272)
au contraire, les deux arcades antérieures ( primitive-
ment la troisième ) et l’arcade moyenne (primitivement
la quatrième), du côté gauche. La raison pour laquelle
les deux courans du sang ne remplissent que certaines
arcades , dépend de la direction imprimée à ces courans;,
en partie par leurs rapports avec les ventricules, en par
tie par une rotation continue qui s'opère dans tous les
points du cœur ; ce qui ne peut être exposé ici sans fi=
gures et sans entrer dans de grands détails. Il me suflit
T7
de faire remarquer que les deux flux sanguins se séparent \
de plus en plus l’un de l’autre dans le bulbe de l'aorte,
et qu'à la fin chacun d'eux acquiert une paroi vascu-
laire propre, qu'ils se séparent ensuite extérieurement,
et sont alors les troncs très-courts de l'artère pulmo=|
naire et de l'aorte futures. Je dis de l’artère pulmonaire
et de l’aorte futures , car, en ce moment, tout le sang se
réunit encore dans un même vaisseau que l’on doit nom=
mer aorte. Elle naît sous la colonne vertébrale par deux
racines , comme précédemment, et chaque racine reçoit {
toutes les arcades vasculaires de son côté, qui ne sont
pas encore oblitérées.
Tant que les fentes branchiales pénétraient jusque dans
la cavité pharyngienne, les arcades vasculaires étaient
contenues dans les arcs branchiaux correspondans, Mais
aussitôt que ces fentes sont remplies , les arcades vascu=
laires abandonnent le voisinage de la cavité pharyn-
gienne et se retirent. Par là elles se rapprochent déjà,
à compter du sixième jour, de leur forme future. Joi-
gnez à cela que l’arcade la plus postérieure du côté droit
disparait peu à peu, et n’est plus reconnaissable le sep-
tième jour , attendu que le courant du sang du ventri-
*
me.
(275)
cule droit est dirigé de manière à passer devant cette
arcade, pour entrer dans l’arcade la plus postérieure
du côté droit , et dans l’avant-dernière du côté gauche.
Comme, en outre, les deux arcades primitivement les
plus antérieures se sont oblitérées, et que la troisième
et la quatrième sont , au contraire, renforcées, le sang
qui entre par ces arcades dans les racines de l'aorte, se
porte par conséquent aussi en arrière vers l’origine de
chaque racine de l'aorte et de là dans la carotide, qui
est un prolongement de la racine de l’aorte dans le sens
opposé. Ainsi une partie de la racine primitive de
l'aorte devient le tronc de l'artère carotide.
Il existe, par conséquent , au huitième jour trois ar-
cades vasculaires à droite , et seulement deux à gauche.
Ces cinq arcades sortent du cœur , avec deux autres pe-
tits troncs vasculaires , maintenant entièrement séparés,
qui se sont formés du bulbe de l’aorte.
Les arcades antérieures des deux côtés et l’arcade
moyenne du côté droit proviennent du ventricule
gauche ; les deux postérieures sortent du ventricule
droit. Toutes se réunissent en deux racines de l'aorte,
qui sont d’un volume encore assez égal ; l'extrémité an-
térieure de chacune de ces racines donne naïssance im-
médiatement à l'artère carotide. A l’endroit où l’arcade
antérieure ( primitivement la troisième) passe dans ja
racine de l'aorte, on voit déjà se détacher une petite
artère , formée nouvellement , qui se rend dans le
membre antérieur. La tète et le membre antérieur
se développant davantage et exigeant de plus en plus
de sang, l’arcade antérieure pousse la majeure partie
de son sang dans les vaisseaux qui se rendent à ces
XV. 16
( 274 )
parties , et insensiblement de moins en moins dans
la racine aortique de son côté. Il en résulte que l’ar-
cade antérieure se montre de plus en plus décidé-
ment, comme le tronc brachio-céphalique; c'est, en
un mot, un tronc innominé qui , le treizième jour, n’en-
voie plus qu’une faible branche communiquant dans la
racine de l'aorte, dont il se détache de plus en plus.
Cette branche faisait primitivement partie de la racine
de l’aorte. Dans les derniers temps de l’incubation , les
troncs innominés sont entièrement dégagés de la racine
de l’aorte.
Les arcades postérieures des deux côtés envoient, par
contre, des branches dans les poumons voisins. Au hui-
tième jour , ces branches sont encore très-faibles et dif-
ficiles à trouver ; mais elles ne tardent pas à grossir, et,
dans la dernière moitié de la période d’incubation , elles
se montrent les continuations imniédiates des arcades,
tandis que leurs passages dans l’aorte deviennent de plus
en plus faibles , et sont nommés conduits artériels ( de
Botal ).
Ces conduits sont très-inégaux ; celui du côté droit
est plus court que celui du côté gauche, qui est l'unique
reste de la racine de l’aorte de ce côté, et beaucoup plus
étroit que la racine de l'aorte du côté droit.
À droïte on voit, en effet, l’arcade moyenne se ren-
forcer et devenir le commencement de l'aorte descen-
dante , qui reçoit les autres communications seulement
comme des parties subordonnées.
L'oiseau étant sorti de l’œuf et ayant respiré quelque
temps, tout le sang du ventricule droit flue dans le pou-
mon. Les conduits artériels s’oblitèrent, et il y a deux
(275 )
circulations séparées , l’une se faisant du cœur droit à
travers le poumon dans le cœur gauche, l’autre du cœur
gauche à travers le reste du corps dans le cœur droit.
C’est ainsi que la circulation, simple d’abord, se divise
insensiblement en une circulation double; et il est fa-
cile maintenant de se faire une idée générale de toutes
ces métamorphoses.
Cinq paires d'arcades vasculaires sortent peu à peu
d'avant en arrière du bulbe de l'aorte. Jamais ces cinq
arcades ne sont en activité à la fois. Entre ces cinq ar-
cades vasculaires il se forme quatre ouvertures bran-
chiales, mais qui n'existent pas nor plus simultané-
ment ; devant elles se trouve une ouverture buccale ou
pharyngienne (je préfère nommer ainsi l'ouverture
buccale dans les premiers temps, attendu que c’est, en
effet , le passage futur de la cavité buccale à la cavité
pharyngienne). Ces fentes ou ouvertures branchiales
limitent quatre arcs branchiaux, la dernière arcade
vasculaire n'étant pas séparée du reste du corps. Le plus
antérieur de ces arcs branchiaux est primitivement fort
semblable aux autres, raison pour laquelle je n’aiï pas
hésité à lui donner le même nom ; il se développe aussi-
tôt après la disparition de son arcade vasculaire, beau-
coup plus fortement, et se convertit ez mâchoire infe-
rieure, par l’eflet d’un dépôt abondant de matières
nouvelles x et par les cartilages et les os qui s’y forment
plus tard. — De ces cinq paires d’arcades vasculaires,
la première de chaque côté et la cinquième du côté
gauche s’effacent bientôt. La troisième arcade de cha-
que côté devient le tronc brachio-céphalique ou inno-
mine ; la quatrième arcade du côté droit devient le tronc
A
‘
OR
de l'aorte descendante ; la cinquième du côté droit et
la quatrième du côté gauche se convertissent en ar-
ières pulmonaires. Le tronc commun, très-court, des
deux artères pulmonaires, ainsi que le tronc, aussi
court, de l'aorte proprement dite, se forment par la
transformation de la cavité unique du bulbe aortique
en deux canaux distincts.
Ce qui me fait croire que le système vasculaire des
Mammifères subit une métamorphose semblable, c’est
que les quatre arcades vasculaires que j'ai observées
dans des embryons de chiens, avaient la plus grande
ressemblance avec les quatre arcades vasculaires de l’em-
bryon d'oiseaux dans la première moitié du quatrième h
jour; la première arcade , par exemple, offrait la même \
courbure qu’elle affecte dans l'oiseau , avant sa dispari- »
üon, et qu'il semblait déjà y avoir la disposition pour
une cinquième arcade. Mais il faut qu'il y ait une difié-
rence dans cette métamorphose , puisqu'elle ne produit
pas les mêmes résultats; car, dans le chien, l'aorte |
descend sur le côté gauche, il n’y a qu’un conduit arté-
riel , et celui-ci ne mène pas dans la partie descendante,
mais dans Ja partie ascendante de l'aorte. Mais les re=
cherches me manquent pour pouvoir déterminer en quoi |
consiste cette différence.
Quand on compare le système vasculaire des sauriens
et des ophidiens adultes avec celui des oiseaux, on
trouve d’abord que l'aorte naît par deux racines , abso-
lument telle qu’elle se montre dans l’oiseau avant qu'il
soit éclos. Nous voyons ici une organisation , passagère
dans les oïseaux , persister chez les sauriens et les ophi-
diens ; pendant toute [a durée de leur vie; je fus, par
(277)
conséquent , agréablement surpris de trouver , chez des
embryons de lézards, cinq arcades vasculaires en acti-
vité à la fois, de sorte que même les vaisseaux bran-
chiaux offrent simultanément des rapports qui, chez les
oiseaux, ne se montrent que successivement. On ob-
serve cet état dans les embryons du lézard gris commun
( lacerta agilis), avant la ponte de l’œuf. Tous les lé-
zards et serpens, ovipares, ne pondent les œufs que
lorsque l’allantoïde de l’embryon est déjà assez avancée
pour pouvoir se charger de la fonction respiratoire. La
respiration de ces embryons de lézards, quand on les
place sous le microscope , dure pendant des heures en-
tières : il n’est donc pas difficile de se convaincre de
l'existence de toutes ces arcades vasculaires. Je n’ai pas
pu me procurer des serpens de cette période , mais d’une
période un peu antérieure; j'ai observé, chez eux,
quatre arcades vasculaires de chaque côté; or, comme
la moitié antérieure des embryons de serpens ressemble,
à s’y méprendre, à celle des embryons de lézards plus
jeunes, et que la distribution des vaisseaux est plus tard
la même, je ne doute pas un instant de l'identité de la
métamorphose vasculaire dans ces deux sortes de rep-
tiles.
On pourrait conclure de ces données que tous les em-
bryons de vertébrés, qui ne se développent pas dans
l’eau , ont cinq paires d’arcades vasculaires, lesquelles
se manifestent simultanément dans les espèces inférieures,
et successivement dans les espèces élevées. Il s’agit de voir
maintenant si les vertébrés aquatiques n’ont pas le même
nombre d’arcades vasculaires. Chez les larves des ba-
L2 Li ° 4 La e Lé
traciens nous ne connaissons, à la vérile , que quatre
( 278 )
paires d’arcades vasculaires, qui persistent beaucoup
plus long-temps que chez les animaux supérieurs. Mais
il faudrait s'assurer si, à une époque antérieure, il ne
se trouve pas une cinquième arcade, en avant, sous la
mâchoire, qui se développe. Chez les larves de gre-
nouilles , il est difficile de reconnaître ces arcades vascu-
laires, dans les premiers temps , à cause de la couleur
foncée des tétards , et malheureusement je n’ai presque
pas pu me procurer cette année de larves de salamandres
assez jeunes. — Le mode de développement des arcs
branchiaux et des ouvertures qui les séparent est essen-
tiellement le mème que celui qui est indiqué dans les
oiseaux et les mammifères ; seulement l’espace compris
entre l'ouverture branchiale la plus antérieure , et l’ou-
verture buccale, est plus grand dès le principe.
Les poissons osseux ont, comme on sait, quatre ar-
cades vasculaires qui existent pendant toute la durée de
la vie dans des branchies permanentes. La disposition
n'est cependant pas la même, puisque leur arc branchial
le plus postérieur est séparé du reste du corps par une
fente; mais cette fente est souvent très-petite, ce qui
rend la différence un peu moins grande. Il serait curieux
de rechercher si ces animaux ont, à l’état de fœtus , en-
core une autre arcade vasculaire , outre les vaisseaux
branchiaux permanens; et si cette arcade se trouve der-
rière les branchies les plus postérieures, ou devant l’arc
branchial le plus antérieur , comme il est présumable
par analogie avec les animaux terrestres.
M. de Blainville soutenait autrefois que tout le sang
des poissons ne passait pas par les vaisseaux branchiaux,
. . FLE . . # : A dan
mais qu'une partie était distribuée à la tête sans avon
4
( 279 )
traversé les branchies. Il a rétracté plus tard cette asser-
tion. Si cette donnée était exacte, on pourrait recon-
naître dans ce vaisseau, se rendant à la tête , le reste
d’une des arcades branchiales les plus antérieures. On
voit, en effet, chez l’esturgeon, un rapport semblable
qui est persistant ; mais cette artère céphalique ne vient
pas immédiatement du tronc artériel, elle sort de chaque
côté de l'artère branchiale la plus antérieure. Dans les
plagiostômes enfin, on voit cinq vaisseaux branchiaux
persistans de chaque côté, et il serait fort possible que
ce fussent les mêmes arcades vasculaires , que nous avons
aussi trouvées dans d’autres vertébrés, et que, chez les
plagiostémes , aucune de ces arcades vasculaires ne dis-
parût. La circonstance que , dans ces poissons, la pre-
mière arcade vasculaire se rend aussi à des branchies,
ne milite pas contre cette comparaison , puisque nous
savons , par le mode de développement des embryons des
mammifères , des oiseaux et des reptiles supérieurs , que
les arcades vasculaires existent les premières, et que la
formation des ouvertures branchiales leur succède et est
vraisemblablement déterminée par elles. L'histoire du
développement des batraciens démontre d’une manière
irrécusable que la formation des branchies est un per-
fectionnement de l’organisation des arcs branchiaux et
des arcades vasculaires. Si donc toutes les cinq arcades
vasculaires sont persistantes chez les plagiostômes , il
ne doit pas être étonnant que la plus antérieure donne
lieu également à un développement de branchies. Peut-
être même le peu de développement de Ja mâchoire in-
férieure , chez l’esturgeon et les plagiostômes propre-
ment dits (les raies et les squales) est en rapport avec
( 280 )
la persistance de larcade vasculaire K plus anté-
rieure.
Les cyclostômes offrent un nombre plus considérable
encore de vaisseaux branchiaux persistans. Mais ces
animaux diffèrent des autres vertébrés à tel point , qu’on
pourrait presque leur attribuer un type propre, ou du
moins une déviation très-considérable du type des ani-
maux vertébrés proprement dits.
Des Branchies et des Vaisseaux branchiaux dans
les animaux wvertebres ;
Par M. le professeur Cu.-Ern. Barr.
Second Mémoire.
Dans mon premier Mémoire j'ai admis , seulement
par analogie , l’existence de cinq paires d’arcades vascu- |
laires , entre le cœur et l’aorte, dans les mammifères ;
aujourd’hui je suis à même de l’établir d’après des ob-
servations positives.
J'ai examiné d’abord cinq embryons de chiens, qui
étaient un peu plus âgés que celui qui est figuré dans
mon Æpistola de ovi mammalium et hominis genesi,
fig. 7. L’allantoïde s'était déja considérablement portée
en avant , l'intestin était fermé , il n’y restait plus qu'une
ouverture en forme de fente ; l’ocelusion de la cavité
abdominale était avancée presqu’au même degré , mais
le cordon ombilical ne s’était pas encore développé. Ces
embryons pouvaient être comparés, sous le rapport de
( 281 )
leur développement, avec des embryons de poulet,
âgés de quatre jours. Dans tous , les quatre fentes bran-
chiales étaient encore ouvertes , telles qu’elles avaient
été vues par M. le docteur Rathke, lorsqu'il publia,
pour la première fois, son intéressante découverte. La
fente la plus antérieure ne descendait pas aussi bas que
les postérieures. Ces quatre ouvertures branchiales ,
jointes à l’euverture buccale , limitent, de la même ma-
nière que dans les lézards, cinq arcs branchiaux, qui
étaient inégaux entre eux. Les deux arcs les plus anté-
rieurs faisaient une saillie très-considérable à la face la-
térale du corps. Les trois postérieurs étaient beaucoup
moins prononcés. On remarquait très-distinctement ,
dans le premier, le passage à la mâchoire inférieure, et
dans le second on voyait l’opercule s’allonger et saillir
en dehors. IT y avait dans chacun des trois arcs bran-
chiaux postérieurs une forte arcade vasculaire , qui était
gorgée de sang. La plus postérieure de ces arcades vas-
culaires donnait , du moins au côté droit, une branche
collatérale qui se plongeait dans la face latérale du corps.
J'ai vu avec surprise qu’il y avait , en outre, dans cha-
que arcade vasculaire , près de son bord interne et con-
cave , un autre vaisseau délié, mais dont je n’ai pas bien
pu saisir les rapports. Aucun embryon, soit de cette
classe , soi! de toute autre classe, ne m'avait encore rien
offert de semblable. Dans les deux arcs branchiaux anté-
rieurs , qui étaient trés-renfoncés et saillans, on ne re-
connaissait plus les arcades vasculaires.
Peu de temps après j'ouvris une lapine, chez laquelle
je trouvai des œufs depuis le volume d’un pois jusqu'à
celui d’une muscade ; il arrive souvent que les œufs de
( 282)
ces animaux ont un volume très-inégal. Les embryons
de ces œufs n'étaient pas aussi différens , mais pourtant
assez pour présenter divers degrés de l’évolution. Tous
avaient quatre ouvertures branchiales et cinq arcs bran-
chiaux. Dans les petits embryons je remarquai, au pre-
mier coup-d'œil, que les arcs antérieurs étaient par-
courus par un vaiseau et ressemblaient assez aux arcs
postérieurs. Dans les autres embryons , plus développés,
les deux premières branchies étaient beaucoup plus sail-
lantes , comme dans les embryons de chiens, et on n’y
reconnaissait plus Îes vaisseaux extérieurement. Mais
lorsque je fendis l'appareil branchial de dedans en de-
hors, je vis très-distinctement les arcades vasculaires
des arcs branchiaux cheminer le long de leur bord in-
terne , qui est tourné vers la cavité pharyngienne. Je
conclus de ces observations que, tandis que les deux
arcs branchiaux les plus antérieurs se transforment, l’un
en mâchoire inférieure , l’autre en opercule, l’accroisse-
ment de substance est plus considérable à leur bord ex-
terne qu’à l’interne ; d’où il résulte que les arcades vas-
culaires deviennent invisibles à l'extérieur, beaucoup
plus tôt qu’elles ne disparaissent réellement. Les vais-
seaux des arcs postérieurs étaient très-reconnaissables
dans tous ces embryons ; ils offraient le même aspect que
dans les lézards. Dans les embryons qui étaient le moins
avancés , les arcades vasculaires les plus postérieures
étaient très-étroites.
Il existe , par conséquent aussi , dans les mammifères,
cinq paires d’arcades vasculaires qui unissent le cœur à
l'aorte. Les plus jeunes de ces embryons de lapin , mais
plus encore l'embryon de chien, qui est représenté fig. 7
( 283 )
de l’Epistola de ovi mammalium genesi, nous font
voir que ces arcades vasculaires se développent d’avant
en arrière , absolument comme dans le poulet.
Les anatomistes trouveront peut-être étrange que les
vaisseaux branchiaux , et surtout les ouvertures bran-
chiales, existent plus simultanément dans les mammi-
fères que dans les oiseaux. Ce fait, de la certitude du-
quel mes observations ne me permettent pas de douter ,
dépend, sans doute, des particularités qui distinguent
la classe des oiseaux dans la série des êtres. Les oiseaux
sont, parmi les animaux vertéhrés , ce que sont les in-
sectes parmi les invertébrés ; car de même que les diflé-
rentes parties qui constituent le corps des insectes ne se
développent pas simultanément, mais à des périodes
successives ; de même cela a lieu chez les oiseaux, mais
à un degré moindre: en eflet, les différens changemens
que subit leur extérieur aux diverses époques de leur
vie ne sont autre chose qu’une manifestation ultérieure
de la périodicité du développement qui règne déjà dans
l'œuf , et qui se manifeste , entre autres, dans la forma-
tion et la disparition de l'appareil branchial.
En ce qui concerne l’appareiïl branchial passager des
vertébrés terrestres , je dois, avant de terminer, ex-
pliquer pourquoi j'indique un plus grand nombre d’arcs
et de vaisseaux branchiaux que les autres observateurs.
La circonstance que l'ouverture branchiale, la plus an-
térieure , se raccourcit de bonne heure, et que sa partie
supérieure persiste plus long-temps que l'inférieure,
parait avoir été cause que M. Huschke a pris cette ou-
verture pour l’orifice du conduit auditif. Ce qu'il y à
de certain , c’est que l’orifice externe du conduit auditif
(284 )
ne peut rien avoir de commun avec lappareil branchial,
puisque l'oreille n'appartient pas à la moitié inférieure
du corps des animaux vertébrés, mais à la supérieure
(la moitié supérieure est située au-dessus du rachis,
l'inférieure au-dessous), tandis que l’appareil bran-
chial fait réellement partie de la moitié inférieure. La
trompe gutturale seule est un prolongement de la moitié
supérieure du corps, qui s’avance dans la moitié infé-
rieure, et l’ouverture de cette trompe dans la cavité
pharyngienne a , en effer, d'autant plus de ressemblance
avec l'orifice interne de chaque cavité branchiale, que
l'embryon , dans lequel on l’examine, est moins avancé
en âge.
Recuercues sur La Circulation, la Respiration et
la Reproduction des Annélides abranckhes ;
Par M. Ans. Ducs,
Professeur à ia Faculté de Médecine de Montpellier.
(Présentées à l’Académie royale des Sciences le 15 septembre 1828.}
Peu d'animaux sont aussi abondamment répandues
dans la nature et aussi rapprochés de nous que ceux qui
vont faire le sujet des pages suivantes , et cependant de
nombreuses et vastes lacunes restent encore à com-
bler dans leur histoire naturelle, leur anatomie, leur
physiologie surtout. Une étude attentive et soutenue
des objets mème m'en a bientôt appris plus que la lec-
ture des ouvrages que J'avais eus à ma disposition (+).
(1) Willis, De Anima brutorum, t. Il, des OEuvres, p. 20, et
tab. ur. — Redi, Opere, t. IX, p. 286. — Muller, f’ermium terrestr.
_ J'ai pu, de cette manière, dissiper plus d’un doute , re-
jeter plus d’une assertion erronée , et ajouter peut - être
quelques faits nouveaux à ceux qu’on avait observés jus-
qu'ici; je n'ai pu néanmoins pousser jusqu'au même
degré d’évidence tous les points que je désirais éclaircir ;
il en est qui demandent une étude prolongée plus long-
temps qu’il ne m'a été possible de le faire, ou qui doi-
vent ètre renouvelés pendint toutes les saisons de l’an-
née, la génération et ses diverses phases par exemple :
le chemin que j'ai déjà parcouru me permet l'espoir
d’arriver sans peine, si le temps ne me manque pas, à
#compléter les observations que je laisse imparfaites ou
mêlées à des cenjectures ; mais la crainte d’être détourné
malgré moi de ces occupations intéressantes m'engage
à ofirir à l’Académie ce travail, dans l'espérance que
quelqu'un des laborieux zoologistes qui agrandissent à
l'envi le domaine de la science achèvera et consolidera
? 2 G LA
Le .
l'ouvrage que je ne fais qu'ébaucher
et fluviat. hist. — Bonnet, Sur les Vers d'eau douce, Œuvres com-
plètes, in-4°, t. V. — Idem, Considérations sur les corps organisés,
in-80, 2e volume. — Thomas, Mémoire pour servir à l'histoire natur.
des sangsues. — Bosc, Hist. nat. des vers , pour faire suite au Buffon
‘de Déterville, in-18, article Naïane et Lomsric. — Montègre, Sur Le
Lombric, Mém. du Mus.,t. 1. — Cuvier, Anat. comp. , tom. IV,
p- 413, 435.— Savigny, Système des Annélides (Descript. d'Egypte),
p.99. — Idem, Analyse d'un Mémoire sur les Lombrics, Compte
rendu des travaux de l’Institut , 1820. — De Blainville, Dict. des Sc.
nat. , articles Lomsric et Naïs. — Moquin, Monographie des Hirudi-
nées.
( 286 )
ARTICLE PREMIER.
DÉTERMINATION DES ESPÈCES EMPLOYÉES.
Pour prévenir toute confusion, je dois, avant d’en-
trer en matières, déterminer les genres et les espèces
qui ont été soumises à mes investigations. Je ne m'arré-
terai qu'aux Lombrics et aux Naïdes, renvoyant, pour
les Hirudinées, à l'excellente Monographie de M. Mo-
quin, dont je suivrai constamment la nomenclature.
Je préviens, seulement que dans le genre Néphélis j'ai
employé et désigné indifféremment, sous le nom de vul-#
garis , les deux espèces que ce jeune auteur a cru de-
voir distinguer sous ceux de œulgaris et d’atomaria,
espèces qui n’ont été séparées que d'après un caractère
accidentel , passager et conséquemment nul.
Quoique j'aie pu constater quelques phénomènes rela-
üfs à la génération et mieux encore à la circulation sur
le Naïs elinguis de Muller (1), c’est plus particulière-
ment sur une espèce de bien plus grande taille que j'ai
fait mes recherches. Celle-ci ne me paraît autre que la
Naïde filiforme de M. Blainville, etje crois aussi, malgré
l’assertion de ce savant et laborieux naturaliste , pouvoir
la rapporter aux figures 1, 2 et 3 de la planche 54 des
vers figurés par Bruguière dans l'Encyclopédie méthodi-
(1) Tête sans trompe ; deux points oculiformes ; anus sans digitation:
2 à 3 soies longues et raides aux deux côtés de chaque anneau , soïes
qu’un examen rapide peut aisément faire croire simples, comme Muller
l'indique. Elle nage avec vivacité , et se trouve surtout dans la couche
limoneuse et les Conferves qui enduisent les grosses pierres dans une eau
courante. Taille, 5 lignes au plus.
( 287 )
que. Cette contradiction apparente tient probablement
à une circonstance qui m'avait d’abord porté à distin-
guer deux espèces que je crois maintenant devoir être
rapportées au mème type. Les individus pris dans une
eau courante et pure portent, à chaque anneau, une
paire d’aigrettes ou touffes formées de soies très-nom-
breuses , dont 4 à 5 plus longues et vingt plus courtes,
plus fines et comme lamigireuses (pl. 7, fig. 1) : ces
dernières existent seules aux segmens de la queue. Au
contraire, dans une eau bourbeuse et stagnante, on ne
trouve que des individus atteints d’une sorte de calvitie,
ou qui n’ont conservé que les soies les plus longues et
les plus raides au nombre d’une à deux seulement,
comme l’a vu M. de Blainville. Cette circonstance pour-
rait fori bieu tenir à la présence, dans ces eaux alté-
rées , d’un animalcule microscopique , le Brachion
ovale, qui, s’aitachant par les pinces de sa queue au corps
et aux soies des Naïdes, devient pour elle une cause de
maladie déjà constatée par Bonnet pour d’autres espèces
que la nôtre.
Quoi qu’il en soit, cette Naïde, fort commune dans
nos environs, est quelquefois longue de 4 à 5 pouces,
plus souvent d’un à deux seulement : ses vaisseaux lui
donnent une couleur rouge qui disparaît quand on la
tourmente et qui n’est jamais plus mañifeste que quand,
le corps enfoncé dans la vase où elle rampe à la manière
des lombrics, elle agite sa queue dans la légère couche
d’eau qui la surmonte.
Le corps, renflé du 10° au 17° segment, n’a jamais
plus d’une ligne de diamètre, et ces segmens sont au
nombre de 80 à 90 environ; la queue est ordinaire-
L
( 288 )
ment de moitié plus étroite que le corps et sans digi-
tation.
Dans toute la longueur de l’animal , l'intestin con-
rourné en spirale mèle ses replis à ceux des vaisseaux
sanguins. La tête transparente, sans points oculiformes,
est composée d’une lèvre antérieure constituant le pre-
mier segment , lancéolée ; concave en dessous en forme
de cuiller, et s’avançant beaucoup au devant de la
bouche , dont la lèvre postérieure n’est autre chose que
le bord du 2° segment (pl. 7, fig. 1, A).
Cette bouche est la même dans la Naïde élinguale , et
Bonnet en a donné une assez bonne figure (1. c. pl. 1,
fig. 5et7). L’anus est terminal et ordinairement sup-
porté par un segment allongé et rétréci.
C’est aussi sur plusieurs espèces de lombrics que j'ai
étudié les fonctions énoncées au titre de ce Mémoire, et
j'en ai particulièrement examiné et reconnu six bien
nettement caractérisées. Je ne connaissais point alors le
dernier travail de M. Savigny : la brève analyse que j'en
ai eu sous les yeux ne m'a donné plus tard que bien peu
de lumières.
Les caractères des 20 espèces que ce savant a admises
y sont très-brièvement énoncés , et ces caractères m'ont
paru fort incertains , fort vagues et trop insuflisans même
pour que j'en puise faire une application valable aux
six espèces que j'avais sous les yeux. J'ai donc con-
servé , sans toutefois y attacher d'importance , et les dé-
nominations que j'avais choisies, et les descriptions que
j'avais tracées avant que le travail de M. Savigny m'eût
été communiqué.
Pour éviter des répétitions inutiles, je noterai ici,
|
Ç +
.
Ê
( 289 )
d'une manière générale, que tous les Lombrics dont il
va ètre question sont des Annélides sans branchies (1),
arrondies généralement dans leur quart antérieur dont
les anneaux sont beaucoup plus grands et plus renflés,
souvent anguleuses dans le reste de leur étendue , ter-
minées .par deux extrémités atténuées , la postérieure
assez brusquement , l’antérieure d’une façon plus gra-
duelle ; que chaque anneau porte en dessous huit soies
raides, courtes , crochues , et dirigées en arrière ; qu’en
dessus il est muni d’un pore médian (2 latéraux pour les
plus antérieurs) que la bouche est infère , munie d’une
lèvre supérieure ou antérieure qui constitue le premier
segment du corps, et se prolonge plus ou moins en
(x) Annelides abranchiæ , setigeræ , octo-seriales , Lumerrcr.
L. Z. gigas. Labio longo , subtùs fisso, posticè ligulato , annulum sc-
cundum partim secante ; caudà latà, obtusà, subangulosà ; setis gemi-
watis; vulvis ad 16 segmen sitis ; zonà ex 29 ad annulum 53 prorectà.
IT. Z. trapezoïdes. Labio ut prioris ; caudà prismaticà , trapeziformi;
selis geminatis ; valvis ad 16; zonû ex 28 ad 35 ; poris sub 31,33 et 34
annulis.
ILE. L. anatomicus. Labio lato , lunato, subtùs concavo, posticè an-
gulato; segmen secundum partim secante; caudà suprà sulcalà ; setis
geminatis ; vulvis ad 16 ; poris ad 32, 34, 36 annulos,
IV. Z. complanatus. Labio ut gigantis et trapezoïdis; caudà com-
planatä, myrthiformi, acutà ; setis pariter ferè distantibus; genitalibus ?
(Enterion octaedrum ? Say.).
NV. L. amphisbæna. Labio longo , subtüs non fisso, posticè ligulato ,
2annulum planè dirimente ; caudà angustä, crenatà, tetragonà ; selis
geminatis, vulvis ad 14; zonà ex 23 ad 28 annulum. ( Æ. tetracdrum ?
Say.)
NI. Z.teres. Labio brevi , non fisso, non ligulato,, 2 annulum partim
secante; caudà tereti, vel globosä; setis vix conspicuis, geminatis ;
poris vel papillis genitalibus subanuulis 15, 16, 19, 18, 23, 24, 25, 26.
XV. 19
( 290 )
forme de trompe, tandis que l’inférieure ou posté-
rieure , toujours transversale, est formée par le bord du
deuxième segment ; qu'enfin l’anus est terminal et bordé
de deux lèvres latérales. Nous ajouterons que les organes
génitaux , visibles au dehors , consistent surtout en deux
fentes transversales ou vulves bilabiées (Willis), situées
sur le 14 ou le 16° anneau (Muller), et qu'il existe de
plus quelques mamelons , soit devant, soit derrière les
vulves : qu'enfin un renflement comme charnu , con-
vexe en dessus, plat et souvent poreux en dessous , oc-
cupe un espace un peu plus postérieur et variable en éten-
due. C’est à ce renflement, nommé par d’autres la Selle
ou le Bât (Bardella, Redi), que nous donnerons, avec
M. Savigny, le nom de Ceinture.
1" espèce. Lomsric céanr ( L. gigas). C’est celle qui
m'a fourni les plus grands individus; j’en ai vu dont la
longueur était de 18 pouces, et la grosseur égale à celle
du petit doigt : cette espèce est assez commune.
La couleur en est blanchâtre, surtout en dessous, avec
une bande brune le long du dos; quelquefois ce ver est.
brun ou violacé surtout vers la partie antérieure qui est
constamment d’une nuance plus foncée.
Les anneaux sont partout d’une certaine longueur et
tous marqués d’un sillon transversal. La queue, en se
contractant , s’aplatit, s’élargit en langue de carpe ét
devient un peu tétragone ; la pointe en est obtuse.
La lèvre supérieure , prolongée en trompe , est étroite,
creusée en dessous d’un sillon longitudinal ; en arrière et
en dessus elle se rétrécit et se prolonge aux dépens du
deuxième segment , en formant une languette circon-
( 291 )
serite par un siilon, et qui arrive jusqu’au milieu de la
longueur de ce segment (pl. 9, fig. 13 et 14).
Les soïes sont géminées , c’est-à-dire rapprochées par
paires sur chaque anneau de manière à former sur la
face inférieure du corps 4 bandes longitudinales de
2 rangs chacune.
Les organes génitaux externes manquent quelquefois
tout-à-fait, au moins en apparence. Quand ils existent ,
on trouve, 1° les fentes vulvaires sous le 16° anneau
entre les deux bandes de soies , de chaque côté; 2° une
sorte de papille saillante à La base des soïes de chaque
bande interne, sous les 12°, 17°, 18°, 19°, 20° anneaux ;
3° la ceinture en comprend 22, savoir, du 29 on 30°,
du 52 ou 53°. Elle est rouge , peu saillante en dessus
dans son tiers antérieur , bien marquée dans le reste de
son étendue , sans pores en dessous ; mais elle offre de
chaque côté un sillon occupant 10 à 12 segmens, à partir
du 36°, 38° ou 40°.
II espèce. Lomsenrc rrarézorn (L. trapezoïdes).
Celui-ci, bien plus petit (8 pouces au plus) et plus com-
mun que le précédent, lui ressemble, du reste, par la
disposition des anneaux et des soies , et par la forme de
la tête. ILest brunâtre en dessus, päle en dessous, quel-
quefois noiràtre en avant. La queue est plus décidément
quadrilatère (fig. 21), plus étroite et moins obtuse que
chez le L. géant.
Les vulves sont placées comme chez ce ver; des pa-
pilles blanchâtres se voient sous les 10°, 11° et 12° an-
neaux. La ceinture, fort épaisse, rosée ou jaunûtre,
molle, par fois fendillée , s'étend du 27° ou 28°, au
( 292 )
35° segment inclusivement. Sous les 31°, 33° et 34°,
une paire de pores blanchätres , souvent peu distincts ;
quelquefois une 4° paire se voyait sous le 35° segment :
il ne m'a pas paru qu’on düt faire pour ces individus, du
reste tout semblables aux autres, une espèce à part. Sou-
vent aussi il était difficile de dire si les pores apparte-
naient à un segment où siégeaient dans un sillon inter-
médiaire à deux anneaux : ces différences ne m'ont pas
semblé mériter l'intérêt que M. Savigny leur accorde,
IFT° espèce. Lomeric.anATOmIQUE (L. anatomicus ),
assez commun dans la terre humide , fort petit (à peine
3 pouces), mou, de couleur rosée : vaisseaux sanguins
très-visibles.
Anneaux assez grands, striés en travers, queue apla-
tie et marquée en dessus d’un sillon longitudinal ( fig.
23); lèvre supérieure presque demi-circulaire, apla-
tie, concave en dessous, anguleuse en arrière et échan-
crant à angle obtus le deuxième segment (fig. 17 et 18 );
soies géminées.
Organes génitaux souvent non visibles; vulves sous le
seizième segment; point de ceinture; trois paires de
pores saillans sous les anneaux 32, 34, 36. Une ou deux
fois je n’ai vu ces pores à lèvres saillantes que sous les
27 ou 28° anneaux : était-ce là une espèce à part? Le
L. trapézoïde en bas âge ne diffère guère de la présente
espèce que par l'absence ou la situation des organes gé-
nitaux extérieurs, et par une couleur un peu plus brune.
IVe espèce. Lomgric APLarI (L. complanatus : ente-
rion octaëdrum ? Sav. ); assez rare , court (6 pouces au
( 295 )
plus ), mais épais, robuste et fort vif ; couleur d'un rou-
geñtre obscur ; anneaux fort courts, semblables à des rides
fines quand l'animal est contracté ; queue aplatie dans la
contraction, en forme de feuille de myrte , à pointe atté-
nuée , à bords latéraux tranchans; tête semblable à celle
des deux premières espèces ; soies formant sous le corps
huit rangs presque également espacés, plus rapprochés
cependant à mesure qu'ils deviennent plus extérieurs
(fig. 25 ).
Les organes génitaux n'étaient point visibles chez les
individus que j'ai observés au printemps.
Veespèce. Lomeric AmPHISBÈNE ( L. amphisbæna : en-
terion tetraëdrum ? Sav.). Espèce assez commune au
bord des ruisseaux; sa taille ne dépasse guère trois pouces.
Ce Lombric est fort agile ; sorti de son trou , il marche
avec une égale rapidité de la queue à la tête et de la tête
à la queue, selon qu'on le touche vers l’une ou l’autre
extrémité.
Couleur d’un violet foncé en dessus avec des reflets
irisés plus marqué que dans aucune autre espèce. An-
neaux assez grands, bien marqués ; ceux de la queue se
séparant aisément. Dans la contraction , cette partie pré-
sente quatre angles crénelés ; elle est alors grêle, con-
cave en dessous, convexe en dessus ( fig. 24).
La lèvre supérieure allongée, épaisse, non fendue
en dessous, se prolonge en arrière jusqu'à toucher le
wôisième segment (fig. 19 et 20). Le deuxième, vu
en dessus, représente deux demi-globes latéraux sem-
blables aux yeux des Diptères : soies géminées.
T ù .. <
Vulves sous le 14° anpeau : ceinture étendue du 23
( 294 )
au 28°: point de pores visibles en dessous , du moins
chez les individus que j'ai possédés.
Li
VI: espèce. Lompric cyzinpriQue ( L. teres). Ce ver
mou, tendre, extensible, lent dans ses mouvemens, sou-
vent irrégulièrement contracté et comme noueux, ne
paraît pas dépasser la taille de 9 pouces; c’est le plus
rare de tous. Quand on cherche à l’examiner , il retire
sa tête dans les premiers anneaux, ou vomit abondam-
ment le contenu de son estomac.
Couleur généralement rosée ou un peu grisâtre ; vais-
seaux sanguins très-visibles. Sous le corps, outre les
vaisseaux médians, on voit deux traces latérales formées
de points rouges.
Anneaux ridés en travers, assez courts; queue cy-
lindrique ( fig. 22) et contractée en olive, en boule,
en cône saïllant ou rentrant; lèvre supérieure très-
courte, épaisse, cylindroïde, embrassée fort loin par
l’inférieure , de sorte que la bouche est presque termi-
nale : en dessus cette lèvre échancre, sans se rétrécir,
le deuxième segment; celui-ci, long, conoïde, est di-
visé en deux parties par un rétrécissement circulaire ; la
partie antérieure , plus étroite , peut rentrer dans lautre
en entraîrant et cachant la bouche ( fig. 15 et 16) ; soiïes
géminées.
Pour toute apparence d'organes génitaux externes, je
n'ai trouvé que des papilles blanchätres, saillantes,
peut-être poreuses, situées par paires au niveau de la
bande interne des soies, sous les anneaux dont les nu-
méros suivent : 15, 16, 17, 18, 23, 24, 25, 26.
(290
ARTICLE IT.
CIACULATION ET RESPIRATION.
Willis avait cru voir, sous les organes de la généra-
tion des Lombrics, un cœur très-contractile, et de gros
vaisseaux auxquels il communiquerait ses mouvemens
de systole et de diastole. Redi n’y avait vu qu’un gros
vaisseau pelotonné et variqueux. M. Cuvier, dans son
anatomie comparée, s'était contenté de signaler les vais-
seaux sanguins longitudinaux qu’on aperçoit à travers
la peau de ces Annélides. Comparetti (1) est donc le
premier, à ma connaissance , qui ait énoncé une théo-
rie de la circulation du sang chez les Lombrics ; il pa-
rait avoir connu, ainsi que M. de Blainville, que les
vaisseaux abdominaux et dorsaux communiquent en-
semble par de grosses branches situées non loin de la
tête; mais ces deux zoologisies nous semblent avoir
donné au sang, probablement par conjecture , une di-
rection tout opposée à celle qu'il suit réellement.
Everard Home (2) paraît avoir mieux observé le méca-
nisme réel de la circulation des Lombrics; mais la
brièveté de la description qu’il en donne était faite pour
laisser bien des doutes ; cette circonstance explique
peut-être pourquoi ses idées sont restées inconnues ou
négligées des physiologistes les plus modernes.
Quant à la respiration, on s’est contenté de dire que
(x) Gité par M. Marcel de Serres dans son Mémoire sur le vaisseau
dorsal des insectes.
(2) Trans. Philos., 1819, part. 1, pl. 3, fig. 4.
( 296 )
les vers respirent par la peau (1), sans en donner plus de
preuves que ne l'avait fait Willis pour les trachées dont
il supposait l'existence.
La physiologie des Naïdes est plus incomplète encore;
et, bien que Bonnet eüt déjà parlé de leur vaisseau dor-
sal, M. Lamarck ne les en avait pas moins exclues de la
classe des Annélides, pour les reléguer près des vers
intestinaux où M. Savigny a cru , à ce qu'il paraît, de-
voir les laisser, puisqu'il ne les mentionne pas dans son
système des Annélides.
Il y a donc plus à faire sur cet article que sur celui
des Lombrics et des Hirudinées, dont plusieurs obser-
vateurs zélés se sont occupés avec tant de succès. On
verra cependant plus loin qu’il ne nous a pas été impos-
sible d'ajouter, mème pour ces derniers animaux, quel-’
ques détails à ceux qui ont déjà été publiés.
$ IT. Vaïdes.
La transparence parfaite des enveloppes, dans l’es-
pèce que nous avons étudiée, nous a permis de distin-
guer, à la‘ loupe, deux gros vaisseaux et leurs nom-
breuses anastomoses. Le plus volumineux, le” dorsal,
appuyé sur le canal alimentaire qu'il égale presqu’en
volume, forme, à chaque segment, une anse ou repli
très-prononcé ; leur série constitue un long zigzag dont
les diverses parties peuvent se contracter simultanément
ou isolément, et d’une manière successive. La plus
simple inspection suflit pour démontrer, comme l'avait
(1) Everard Home à cependant indiqué et figuré de petites vésieules
respiratoires , dont il ne donne aucune description.
( 297 )
vu Bonnet, que c'est d’arrière en avant que cette suc-
cession s'opère : le sang y marche donc de la queue à la
tête. On peut admettre, par induction plutôt que d’après
une observation exacte, que ce liquide marche en sens
inverse dans le deuxième vaisseau, le ventral ; celui-ci,
moitié moindre du précédent, moins flexueux et moins
contractile , paraît en recevoir le sang vers la partie ren-
flée de l'animal , au devant des organes génitaux : là, en
effet, on observe de larges anastomoses, et surtout , de
chaque côté, une grosse vésicule contractile, une sorte
de cœur double , qui s’enfle quand le vaisseau dorsal y
pousse le sang par sa contraction , qui se resserre en-
suite pour le pousser dans le ventral. Outre ces anasto-
moses considérables , il en est une foule de capillaires
dont la peau est le soutien, mais nulle part elles ne sont
aussi nombreuses qu’à sa queue ; là, elles servent indu-
bitablement à reporter le sang du vaisseau ventral dans
le dorsal, et à compléter ainsi le cercle physiologique
du cours du sang ; mais ce sang ne rentre pas dans le
vaisseau dorsal sans modification : en traversant le ré-
seau vasculaire de la queue, il s’est mis en contact avec
l'eau aérée dans laquelle cette queue se balance à la
facon d’un feuillet branchial ; il a pu même séjourner
dans ce réseau en raison des dilatations qu'il offre cà et
là , et notamment sur les parties latérales où il représente
une sorte de tronc fort noueux, fort tortueux, et qui
rougit et pâlit par des alternatives opposées à celles du
vaisseau dorsal. Nous n’insisterons pas davantage sur
ce sujet , qui sera plus amplement développé dans le pa-
ragraphe qui va suivre.
( 298 )
$ IT. Zombrics.
Le sang des Lombrics, de même que celui des Naïdes,.
est d’une couleur rouge qui ne m'a paru nullement dif-
férente dans les différens vaisseaux qu'il parcourt; et
j'en dirai autant, par anticipation, du sang des Hirudi-
nées, quoiqu'on ait énoncé une proposition toute con-
traire. Si le vaisseau dorsal paraît bleuâtre ou violacé:
chez les Lombrics, c’est qu’il est plus profondément
situé que le ventral, et qu’il est ordinairement recouvert
d’une peau colorée en brun ; d’ailleurs , étant plus volu-
mineux , il doit naturellement offrir une nuance plus
foncée : ce sang, examiné au microscope , m’a paru con-
tenir des globules beaucoup plus rares et plus petits
(-; en diamètre ) que ceux de l’homme.
Pour bien voir les vaisseaux sanguins des Lombrics,
et découvrir aisément le mécanisme naturel de la circu-
lation , il faut choisir un jeune individu de l’espèce que
j'ai nommée Anatomique. En plaçant un de ces petits
animaux dans un verre de montre rempli d’eau pure,
on constatera facilement la majeure partie des observa-
tions que je vais énoncer. Ce n’est que pour vérifier
quelques détails, pour avoir une idée de l’état des choses
chez les grandes espèces, ou bien pour confirmer les
données que l’inspection ne peut que faire conjecturer,
que nous avons eu recours à la dissection (1), à la vivi-
section : dans ce cas, c’est en enlevant avec des ciseaux
(1) Je w’ai point eu recours aux injections , moyen toujours incertain
et souvent infidèle. Le sang est le seul liquide qui m’ait guidé dans l’ob-
servation des vaisseaux ; je l'ai trouvé quelquefois coagulé dans leur in-
térieur chez les Lombrics morts, et surtout chez ceux que j'avais fait
périr dans l’alcool.
( 299 )
courbés une portion des enveloppes du ver, que nous
avons le mieux réussi à observer les vaisseaux profon-
dément situés, sans y interrompre le cours du sang.
Comme chez les Naïdes, on trouve ici un vaisseau
dorsal (PI. 8 , fig. 1, À) tortueux et contractile, su-
perposé au canal digestif, un vaisseau abdominal
(Ibid. B) moitié moindre et susceptible seulement du
mouvement de systole et de diastole générales : de plus,
le cordon nerveux est accompagné, dans toute sa lon-
gueur, de trois filamens vasculaires, dont un médian et
inférieur, plus remarquable et bien visible à travers la
peau, n'offre aucune flexuosité : nous l’appellerons
vaisseau sous-nervien (Ib. C). La ligne droite formée
par ce dernier , coupe, d’anneau en anneau , les flexuo-
sités du vaisseau ventral qui flotte entre le cordon ner-
veux et le canal alimentaire : des anastomoses impor-
tantes font communiquer entre eux ces canaux prin-
Cipaux.
1° Quoique le vaisseau ventral s’étende jusqu'à la tête,
comme le dorsal, et qu’il y communique par des bran-
ches anastomotiques nombreuses , on peut n'en point
tenir compte pour l'étude du mouvement circulaire du
sang. Il n’en est pas ainsi de sept à huit grosses paires
de branches communiquantes, situées au niveau des or-
ganes génitaux , ou mieux des ovaires, avec lesquels
elles sont entremèlées ; ces vaisseaux volumineux sont
composés d’une série de renflemens ou vésicules rondes,
très-contractiles , qui recoivent le sang du vaisseau dorsal
et le poussent au ventral : je les nomme vaisseaux moni-
liformes où dorso-abdominaux (1) (1b. D). On compte
(r) Immédiatement derrière leur origine, chez le Z. gigas du moins,
LL
( 300 )
une douzaine de vésicules à chacun d’eux, surtout vers
le milieu du système qu’ils composent. Cette forme n’a
point été mentionnée , quoique très-visible même sur le
cadavre , par les auteurs qui.ont connu cette voie d’anas-
tomose. On ne peut méconnaître dans leurs vésicules
l’analogue de celles que nous avons décrites chez les
Naïdes.
2° Dans le reste du corps ; la communication du vais-
seau ventral au dorsal se retrouve à chaque anneau,
mais par des canaux beaucoup moindres , et que je nom-
merai branches abdomino-dorsales profondes ( Ib. E ).
Elles s'élèvent perpendiculairement , embrassent le ca-
nal intestinal, et lui fournissent, à angle droit, une
foule de ramifications en forme de réseau à mailles car-
rées, assez semblable à celui des ailes des Névroptères ;
ce réseau profond recouvre aussi un organe particulier
adhérent au canal intestinal, et qu’on regarde comme le
foie (x).
le vaisseau dorsal est assez fortement adhérent au premier estomac,
auquelil donne de grosses branches (G) qui descendent directement vers
le vaisseau ventral, et fournissent à l'estomac susdit une si grande
quantité de rameaux , qu’il en est coloré d’un rouge foncé. C’est là sans
doute ce que Willis aura pris pour le cœur.
(1) Cet organe forme à l’intérieur du canal une sorte de colonne
adhérente vers sa paroi supérieure. Il est sillonné transversalement
d’une foule de stries dues à des vaisseaux , et tout le long de la partie
moyenne règne aussi un vaisseau sanguin. Il est de consistance pul-
peuse , et non pas creux , comme l'ont dit Willis, qui l’a appelé irtesti-
num in intestino , et Redi , qui l'a comparé à un canal qui fait également
saillie dans lintestin de la Lamproie. Il n’est point contractile comme
l'intestin ; aussi , quand on coupe un Lombric, fait-il, hors de la plaie,
une saillie considérable due à la rétraction des enveloppes dermo-mus-
culaires et du canal intestinal, Sa pulpe est jaunâtre ; elle semble se con-
= En
(30e ÿ
3° Le vaisseau sous-nervien n’a pas, avec le dorsal,
des relations moins nombreuses que l’abdominal; on
peut le regarder même comme une production du pre-
mier : du moins le vaisseau dorsal , divisé en deux bran-
ches, et fort atténué vers la tête, se continue évidem-
ment avec les canaux sanguins que nous avons dit en-
tourer le cordon nerveux. Dans le reste du corps on
trouve, à la partie postérieure de chaque anneau , une
branche abdomino-dorsale superficielle ( 1b. F), très-
fine, peu flexueuse, assez égale dans son diamètre, évidem-
ment cutanée, qui, s’élevant du vaisseau sous-nervien ,
se porte au dorsal , et reçoit en route une grosse anasto-
mose de la branche abdomino-dorsale profonde qui lui
correspond (1). De ce système de branches superficielles,
tinuer le long des branches abdomino-dorsales qui ceignent l’intestin,
et la matière jaune qui l’imbibe sort quelquefois par les pores dorsaux :
on trouve aussi dans l’intestin une humeur jaune, amère, styptique,
comme celle que le foie même contient dans son tissu. Il paraît donc
évidemment chargé de la sécrétion de la bile, qnoiqu’on ne lui trouve
point de canal excréteur. Nous pensons qu’on doit le regarder en con-
séquence , selon l’opinion de MM. Tiedemann et Gmelin, comme
un crgane dépurateur, comme un succédané des organes respiratoi-
res. Sa grande vascularité nous autorise à en juger ainsi , et l’on verra
plus loin que cette opinion s’accorde très -bien avec le reste de la
théorie que nous proposons sur la circulation et la respiration des
Lombrics.
(1) Chez le Z. teres on voit à la partie latéro-inférieure de chaque
segment , et de chaque côté, un groupe de deux à cinq vésicules petites,
rouges , globuleuses , et marquées au centre d’un point plus foncé ; des
anastomoses fines font communiquer ces vésicules entre elles ef avec
tous les gros vaisseaux voisins , surtout les superficiels ou cutanés. On
peut donc les considérer comme de véritables cœurs pulmonaires. On en
voit de semblables chez les Néréides, où elles remplissent sans doute
la même fonction, quoique des observateurs, qui ne les avaient vues
( 302 )
et des divisions qu'il fournit, résulte un réseau cutané !
analogue au réseau splanchnique dont il vient d’être
question tout à l’heure.
Tâchons maintenant d'apprécier le rôle que joue cha-
cune des parties ci-dessus décrites dans la circulation et |
la respiration.
Il n’est pas bien difficile de s'assurer que, chez un |
Lombric entier et libre, le sang marche d’arrière en
avant, dans le vaisseau dorsal, tantôt en grandes ondes, !
tantôt par petites portions poussées par les systoles suc=
cessives des anses que ce vaisseau forme dans toute sa.
longueur. Ce sang , on le voit bientôt enfler les vaisseaux
moniliformes, et passer dans la partie antérieure du
vaisseau ventral et du sous-nervien. Dans ces derniers , |
le sang marche nécessairement d’arrière en avant , et les
faits suivans le prouvent mieux que l'inspection ne peut
l’apprendre , car ils ne se contractent que par une sys-
tole universelle , simultanée dans toute leur longueur, |
et rarement complète; mais si l'on fait au ventre une
plaie transversale qui intéresse ces troncs vasculaires , |
ou mieux encore si l’on divise, par une section nette,
un ver d’un certain volume, on voit, 1° que le tronçon
postérieur fournit peu de sang , et que c’est d’en haut
qu’en sort la majeure partie ; bientôt même il s’arrête |
tout-à-fait, grâce à la contractilité du vaisseau dorsal.
Le tronçon antérieur , au contraire, ne cesse de perdre
du sang qu'après un épuisement considérable; et si,
dans le premier moment , une goutte reflue par le vais-
que vides de sang , leur en aient attribué de toutes différentes, Nous
verrons plus loin, chez les Sangsues, des anses pulmonaires qui peu-
vent aussi leur être comparées.
( 303 )
seau dorsal, on voit bientôt avec trop d’évidence l’écou-
lement se continuer uniquement par la plaie des vaisseaux
inférieurs , pour conserver le moindre doute.
Voilà donc trois points bien déterminés dans la direc-
tion du torrent circulatoire, savoir, dans le vaisseau
dorsal, les moniliformes ou dorso-abdominaux, et le
ventral , dont le sous-nervien suitda marche. Comment,
de ces derniers, le sang remonte-til au premier ? C’est
ce qu'il nous reste à déterminer. Nous prouverons aisé-
ment que ce retour s'opère dans toute la longueur du
corps (la partie antérieure exceptée) par les branches
abdomino-dorsales superficielles et profondes (PI. 8,
fig. 1).
D'abord, si l’on examine le système vasculaire d’un
‘animal mort en languissant, on trouve ces branches in-
jectées vers le bas, vides vers le haut , indépendamment
de tout état de plénitude ou de vacuité du vaisseau dor-
sal. En second lieu, on s’assure aisément, durant la
wie, que ces branches sont plus injectées ou plus pâles,
selon que les vaisseaux abdominaux (+ventral et sous-
nervien) le sont eux-mêmes ; coïncidence tout-à-fait
nulle par rapport au dorsal, comme dans le cas précé-
dent. Enfin, une incision longitudinale, pratiquée à
diverses profondeurs sur la partie latérale d’un gros ver
vivant ( L. gigas), fait voir que le sang vient en tota-
lité, ou peu s’en faut, de la lèvre inférieure de la plaie ,
et qu’alors la moitié supérieure des branches abdomino-
dorsales divisées reste vide, tandis que l’inférieure ne
cesse de se remplir.
Donc , le sang y marche en sens inverse de celui qu'il
suit dans les vaisseaux moniliformes ; il descend dans
( 304 )
ceux-ci, remonte dans ceux-là , de même aussi qu'il par=
court un trajet inverse le long du dos et du ventre , ét
se compose ainsi un mouvement circulaire dans un plan
vertical.
Ce n’est pas que , dans quelques cas, on ne puisse ob- |
server des anomalies au moment où l’on blesse ou tour-
mente le ver ; il-est même de ces anomalies qui resteront |
permanentes, et deviendront normales. C’est ainsi que
le tronçon postérieur d’un ver divisé par le milieu du :
corps, se reconstituera bientôt une circulation régulières
le sang, au bout de quelque temps, descendra du vais® W
seau dorsal aux abdominaux , au voisinage de la plaies
par des branches de communication dans lesquelles il
marchait en sens opposé quand le ver était intact : ce
sont des branches abdomino-dorsales qui deviennent,
dorso-abdomiuales , et remplacent les vaisseaux monili*
formes. Avant que le cercle se rétablisse ainsi, on voit
le fluide agité d’ondulations irrégulières et souvent ré= M
trogrades dans le vaisseau dorsal , tandis que les abdo=.
#
minaux sont vides et effacés.
Jetons maintenant un coup-d’œil sur les modifications
que la nature du sang doit éprouver dans les diverses
parties du cercle qu’il décrit en sa course.
Si nous considérons les vésicules des vaisseaux moni-
liformes comme une sorte de cœur multiple, nous les
verrons chasser le sang dans le vaisseau ventral ; celui-ci,
comparable à l'aorte, en abreuver les viscères, et ren-
voyer au dorsal ce qui n’a pas servi à leur nutrition : le
dorsal en envoie une partie au vaisseau sous-nervien ,
dont les divisions nourrissent la peau et les muscles,
mais en même temps mettent leur contenu en contact
#
L
:
t
F
f
:
( 30)
|médiat avec l'air, et l’oxigènent avant de le rendre au
- tronc dorsal. Le vaisseau sous-nervien serait donc une
sorte d’artère pulmonaire, et le dorsal n’enverrait aux
moniliformes , et de là dans les viscères, qu'un sang
|mélangé de veineux, revenu par les branches abdo-
mino-dorsales profondes , et d’artériel rapporté par les
superficielles.
Mais est-il certain que le réseau profond ne œapporte
qu'un sang impropre à la nutrition ? N'y a-t-il pas, dans
“ le foie, une dépuration analogue à celle que subit, chez
les vertébrés, le sang de la_ veine porte, et chez le
fœtus une partie de celui de la veine ombilicale ?
N'’existe-t-il même pas une respiration intérieure , outre
celle qui a lieu par la peau?
Willis avait considéré comme des stigmates les pores
dorsaux des Lombrics , et il avait remarqué que l'air
qu'on fait pénétrer par ces ouvertures se répand entre
les enveloppes et l'intestin, et passe aisément d’un seg-
ment à l’autre. J'ai répété avec le mème succès cette
expérience; j'ai vu que ces pores, loin de répondre à
des cryptes mucipares, traversent directement l’épais-
seur des enveloppes dermo-musculaires, et pénètrent
dans une cavité commune intermédiaire aux muscles et
à l'intestin , imparfaitement partagée par des cloisons
transversales , beaucoup moins complètes aux segmens
postérieurs qu'aux antérieurs. L'air souflé par un pore
est facilement expulsé par ceux du voisinage, de mème
sans doutéique l’eau qu'on trouve souvent en abondance
dans la cavité commune, sort indifféremment par un pore
ou par l’autre, tantôt pure, tantôt blanchâtre ou mêlée de
matière bilieuse, surtout si l’on froisse un peu le ver entre
XV. 20
( 306 }
les doigts. Cette eau est bien différente des mucosités
sécrétées par la peau; elle inonde quelquefois subitement
l’animal exposé à une exsiccation trop active, et chez
ceux dont la peau est fort transparente , le Z. teres,
par exemple, on la voit chargée de corpuscules pulvé-
vulens, marcher irrégulièrement dans la longueur du
corps à chacun des mouvemens du ver. La même chose
est facile à constater chez les Vaïs, l’elinguis en parti-
culier (r). Cette eau est-elle alternativement absorbée
et excrétée par les pores dorsaux ? sert-elle à baigner ou
oxigéner le réseau profond? Est-ce la raison pour la-
quelle les Lombrics peuvent vivre jusqu'à trois semaines
et plus sous l’eau ( Redi)? Questions intéressantes , mais
dont la solution aflirmative ne peut être appuyée que sur
des vraisemblances.
Un autre point d'anatomie qui se rattache à celui-ci,
et dont la conséquence physiologique n’est pas plus fa-
cile à déduire , c’est l’existence de certaines vésicules
intestiniformes , très-repliées , blanches et semblables à
un lambeau membraneux quand elles sont vides, cris-
tallines quand l’eau les distend, et flottantes dans la
cavité commune : elles forment sur chaque côté de l’in- |
testin une anse à chaque anneau; ces anses, fort grandes
vers la queue, sont fort courtes et fort petites vers la
partie antérieure du corps : les deux extrémités de cha-
cune de ces vésicules cylindroïdes paraissent s'ouvrir à
l'extérieur par des pores extrèmement étroits, situés en
(x) Les globules qui sont mêlés à cette eau chez les Naïs paraissent
vésiculeux ; quelques-uns semblent adhérer aux vaisseaux. Serait-ce des
vésicules graisseuses de la nature de celles que M. Raspail croit si gé-
néralement répandues chez les animaux ?
( 307 )
dehors de chaque bande de soïes, du moins chez le
L. gigas. Les pores dont nous parlons n’ont rien de
commun avec les dorsaux ; ils ne sont perceptibles que
par une gouttelette de liquide qui en sort de temps en
temps, surtout si l'animal est saupoudré de farine ou
d’amidon. Ces anses vésiculeuses ont-elles quelque rap-
port avec les vésicules pulmonaires des sangsues? Elles
m'ont semblé beaucoup moins vasculaires. Sont-ce des
espèces de trachées aquifères , destinées à absorber l’eau
par une sorte de stigmates ? Cette eau s’épanche-t-elle
ensuite, par transsudation, dans la cavité commune pour
être expulsée par les pores dorsaux ? Quoi qu’il en puisse
être, c’est surtout vers la queue qu'on devra les cher-
cher pour les bien voir, et le ver devra auparavant
avoir séjourné quelques heures sous l’eau. Redi les avait
vaguement aperçues, et c’est sans doute à ces organes
que Ev. Home a aussi attribué des fonctions respira-
toires, quoiqu'il ne paraisse point les avoir observées dans
tout le développement dont elles sont susceptibles (1).
De tout ce que nous venons d'exposer, on peut con-
clure que la circulation des Naïdes et des Lombrics n’est
point semblable à celle des poissons , des mollusques ou
des crustacés : leur vaisseau dorsal les rapprocherait
davantage des insectes, si celui-ci fournissait en avant
des branches descendantes, comme Comparetti dit en
avoir observé. Jai vu moi-même, chez la Scolopendre
mordante , ce vaisseau se diviser, vers les premiers an-
neaux , en trois grosses branches, l’une médiane pour
la tête , les deux autres latérales , que je n'ai pas suivies
dans leur distribution ; mais j'ai trouvé, sur le cordon
(1) Small lateral Cells ; With an external openiug (Z. e.).
( 308 })
nerveux , un filament blanc qui en suivait toute la lon-
gueur , et qui m'a paru vasculaire ; il m'a même semblé
qu'il fournissait , ainsi que le vaisseau dorsal , une paire
de petites branches à chaque segment. Les trachées ont
un aspect trop facile à reconnaître pour que j'aie besoin
d’ajouter que je ne m'en suis point ici laissé imposer par
elles. Jai aperçu la mème division dans le corselet de
plusieurs Phalènes, et j'ai vu chez le Grillus lineola
L., le vaisseau dorsal se partager dans le corselet en
deux branches, l’une se continuant jusque dans la tête,
l’autre rétrogradant vers l'abdomen, et se ramifiant dans
les ovaires. Enfin , notre ami , M. Audouin , nous a fait
part d'observations du même genre , faites sur plusieurs
Hyÿménoptères. Ces données suflisent-elles pour prouver
l'existence d’une circulation réelle chez les insectes , et
une analogie plus complète entre eux et nos Annélides :
c’est ce que semblent appuyer encore les observations de
Nitzsch, Gruithuisen et Carus ; soit qu’il y ait un cercle
vasculaire entier, soit que le torrent veineux s'opère sim-
plement dans les interstices des organes, comme il parai-
trait que cela a lieu , même chez les crustacés , d’après
les observations de MM. Audouin et Milne Edwards.
S IT. Sangsues.
Les principaux vaisseaux des Hirudinées ont été fort
bien décrits depuis Thomas et M. Cuvier jusqu'à
M. Moquin , qui en a donné la description la plus com-
plète qu’on eût jusque-là publiée ; cependant il sufira
de lire le chapitre qu’il a consacré à l'exposé du méca-
nis“ie de la circulation du sang, pour sentir que nos
connaissances sur ce point n'étaient pas arrivées encore
_n
( 309 )
à leur plus haut degré de cerutude. J'ai cherché à dissi-
per cette obscurité, et quelques détails anatomiques
plus précis, quelques observations plus minutieuses
sur le vivant, m'ont conduit, si je ne me trompe, bien
près du but, non sans m'avoir demandé plus de soin
peut-être que le sujet n’en méritait, et sans avoir plas
d’une fois lassé ma patience.
Rappelons d’abord qu’il existe, chez les Hirudinées,
quatre troncs longitudinaux , deux médians, dont l’un
dorsal , l’autre ventral , séparés par le canal alimentaire,
et deux latéraux, plus volumineux encore et plus con-
tractiles (1):des deux premiers, l’un est évidemment
l’analogue du vaisseau dorsal des autres Annélides ;
l’autre, immédiatement accolé au cordon nerveux qu’il
semble envelopper, paraît devoir être comparé au sous-
nervien, et peut-être en même temps au ventral des
Lombrics. Quant aux deux autres , on pent y voir l’ana-
logue ou d’un vaisseau ventral dédoublé, ou des vais-
seaux latéraux de la queue des Naïs (2).
Ces quatre vaisseaux communiquent ensemble, non
(1) Les parois du vaisseau ventral, examinés à la loupe, offrent qu'une
sorte de feutrage vasculaire ; celles des autres troncs présentent au con-
traire des anneaux fibreux de couleur jaunâtre, et probablement mus-
culaires. La même structure , qui ne peut aucunement être confondue
avec celle des trachées , se rencontre dans le vaisseau dorsal de la Sco-
lopendre mordante ; ressemblance de plus entre les Annélides et les In-
sectes, et notamment les Myriapodes, que M. Latreille a trouvés si
voisins à beaucoup d’égards.
(2) Serait-il ridicule de les assimiler aux vaisseaux nerviens latéraux
et supérieurs qui , avec le sous-nervien , enveloppent le cordon nerveux
des Lombrics? Je ne propose tous ces rapprochemens que pour faire
voir que la dissemblance n’est pas aussi extrême qu’elle pourrait sem-
bler au premier abord.
( 310 )
seulement par les anastomoses des capillaires qu’ils ré-
pandent dans tous les organes , mais encore par des bran-
ches volumineuses.
1° Le ventral envoie au dorsal de grosses branches
qui embrassent le sac digestif, et passent entre ses culs-
de - sac : vers la partie postérieure , ils passent entre le
rectum et les cœcum , chez les Sanguisuga , du moins,
dont une espèce a servi à mes dissections (S. oficinalis).
Ces branches n’ont été, que je sache , indiquées par per-
sonne ; elles se détachent du vaisseau ventral au niveau
de chaque ganglion ; je les nommerai branches abdo-
mino-dorsales.
2° Les vaisseaux latéraux, où mieux latéro-inférieurs
(PI. 8, fig. 2, A), communiquent ensemble par des
branclies transversales bien décrites par M. Moquin , et
qui passent de l’un à l’autre en glissant sous le cordon
nerveux sans s’y attacher : on peut les nommer bran-
ches latéro-abdominales ( Ibid. D ). ’
3° Enfin, des vaisseaux latéro-inférieurs partent des
branches volumineuses, qui vont en partie se Jeter
dans le vaisseau dorsal : nommons-les /atéro-dorsales
(Ibid. C).
De ces branches partent des rameaux destinés à la
nutrition générale , et à la respiration cutanée; mais il
est aussi une respiration pulmonaire qui s'exécute à
chaque segment, au moyen d’un double appareil com-
posé de vaisseaux particuliers, et d’une poche ou réser-
voir, non d'air, comme l’a dit Thomas , mais d’eau aérée
sans doute.
C’est en effet un liquide, soit limpide , soit trouble,
qui remplit constamment cette poche membraneuse (Æ)
(. 35 )
accolée au vaisseau latéral, ouverte au dehors vers la
face inférieure de l'animal : sa situation rappelle les vé-
sicules intestiniformes des Lombrics (1); mais elle reçoit
des vaisseaux nombreux ramifiés dans ses parois, comme
les J’asa vorticosa de la choroïde humaine : ces vais-
seaux sont le produit de la subdivision, 1° d’un rameau
fourni par les branches latéro-ahdominales (Æ£), que
OURS NS NT US
j'ai très-distinctement suivi, et que j'ai vu alternative-
ment injecté et effacé, en disséquant une sangsue vi-
vante ; 2° d'une grosse anse (B)vasculaire très-flexueuse, à
parois charnues, épaisses, très-contractiles, à cavité inté-
rieure assez étroite dans l’état de contraction, comme une
déchirure heureuse me l’a appris (fig. 3). Cette anse,
que je nommerai pulmonaire, est une production du
vaisseau latéral ; elle est environnée d’un lacis vasculaire
très-fin, qui paraît provenir surtout des branches latéro-
dorsales, et un peu des latéro-abdominales. Ces anses
ont été souvent prises pour des glandes ; M. Moquin les
a plusieurs fois injectées, mais sans pouvoir observer
bien exactement leur origine et leur terminaison (2).
Voyons maintenant comment le sang circule, se dé-
tériore et s’oxigène dans ces différens canaux, C’est sur-
tout par l'observation directe d’un animal diaphane,
soit libre dans un vase de cristal , soit modérément com-
(x) On y doit voir aussi l’analogue des vésicules respiratoires des
Myxines et des Ammocètes , poissons qui, sous beaucoup de rapports,
se rapprochent des Annélides , comme l’a le premier fait sentir M. Du-
méril.
(2) Pour bien voir ces détails, il faut, après une dissection délicate ,
enlever avec précaution une partie du vaisseau latéral , Panse et la poche
pulmonaire, et les presser légèrement entre deux verres; on les exa-
mine alors à un heaû jour et par réfraction.
(523
primé entre deux glaces , qu’on peut espérer d'obtenir
des résultats fondés sur autre chose que des conjectures:
J'ai pu m'assurer ainsi que les Clepsines sont munies
du même système vasculaire que les Hirudinées ; J'ai vu
les globules de leur sang , presque incolore, marcher
dans les vaisseaux latéraux, et leurs branches trans-
verses, en m'aidant du même grossissement qui pour-
rait servir à étudier la circulation chez les vertébrés. La
Néphélis vulgaire, dont le sang est d’un beau rouge, et
la peau peu opaque, m'a servi bien plus utilement
encore.
J'ai observé cette Hirudinée dans deux cireonstances
différentes.
1° Les Néphélis, en liberté, passent souvent des
heures, des journées entières fixées par leur ventouse
postérieure, et agitani d’une continuelle ondulation leur
corps (1) légèrement aplati (2) ; elles semblent respirer
alors à la manière des Naïdes, c’est-à-dire par la peau
mise en/un contact perpétuellement renouvelé avec le
liquide ambiant. Durant ce mouvement, les poches
pulmonaires paraissent presque inertes , et leurs vais-
seaux se laissent à peine apercevoir , tandis que le réseau
cutané, dépendant des branches latéro-abdominales et
(x) M. Audouin a observé que les mêmes mouyemens avaient lieu chez
les très-jeunes Néphélis, lesquelles sont encore protégées par Le corps
de leur mère.
(2) Get aplatissement a paru difficile à expliquer ; il est dù à quel-
ques fibres profondes du plan transversal de l'enveloppe musculaire. Ce
plan, qui produit l’élongation , laisse échapper plusieurs trousseaux qui
passent du dos au ventre conjointement avec les branches vasculaires
abdomino-dorsales. Ces trousseaux rapprochent nécessairement la face
dorsale de la ventrale. Personne neles avait décrits jusqu'ici.
(313)
dorsales , se prononce d’une manière très-marquée. Les
troncs médians sont alors peu perceptibles, du moins
dans certaines régions , soit qu'ils reçoivent alors peu de
sang, soit qu'ils se trouvent en quelque sorte confondus
dans le grand réseau anastomotique qui s'étend d’un
vaisseau latéro-inférieur à l’autre (PI. 8, fig. 4).
Le sang, au contraire, circule avec régularité dans les
troncs latéraux ; on le voit marcher en grandes ondes,
soit d'avant en arrière, soit d’arrière en avant; mais,
ce qui est bien digne d'attention , et dont je me suis
maintes fois convaincu, c’est que le sens de la progres-
sion est inverse dans les deux vaisseaux, antéro-posté-
2
rieur à droite pour l'ordinaire, postéro-antérieur
&-
gauche. Sans doute aussi ce fluide marche de gauche
droite dans les branches transverses de la moitié anté-
rieure , de droite à gauche dans la postérieure; de sorte
qu'il existe un véritable torrent circulaire qui tourne
autour du centre de l’Annélide, mais dans un plan ho-
rizontal , tandis que chez les Naïdes et les Lombrics
c'est dans un plan vertical. Cette différence ne doit pas
étonner , elle est en rapport avec la forme du corps de
l'animal , plate dans les premiers, cylindroïde et étroite
dans les derniers ; elle est en rapport bien plus direct
avec la prépondérance des principaux vaisseaux qui sont
médians chez les Annélides sétigères, latéraux chez les
Apodes.
Cette circulation, du reste, n’est pas plus invariable
que celle des Lombrics , lorsqu'on tourmente ou qu’on
agite l'animal , etc.
29 Dans d’autres circonstances, les Néphélis restent
en repos , ou bien exécutent des mouvemens tout autres
(314)
que ceux de l’ondulation respiratoire que nous venons
de décrire. Les vaisseaux médians deviennent alors aussi
apparens que les latéraux, et l'appareil pulmonaire se
montre fréquemment coloré d’un rouge vif. Y at-il
alors, dans les vaisseaux médians , une circulation ana-
logue à celle des Annélides, qui nous ont occupés
d’abord? L’existence des branches abdomino-dorsales
rend la chose probable, mais l'observation ne peut
guère la rendre certaine, puisque le tronc abdominal
et le ventral se masquent l’un l’autre. Du reste, le
mouvement gyratoire des vaisseaux latéraux existe en-
core ici, quoique moins régulier peut-être que dans le
cas précédent. On conçoit très-aisément que ces deux
mouvemens se combinent ensemble, et que le fluide
circule dans le même sens à la fois dans l’un des troncs
latéraux et le dorsal , dans l’autre vaisseau latéral et le
ventral.
Les appareils pulmonaires et notamment leurs anses
vasculaires (1), de même que le tronc latéral qui les avoi-
sine, rougissent et pâlissent alternativement d’un côté
à l’autre; mais, pour chaque côté , on observe que l’anse
pulmonaire exécute ses mouvemens avant ceux du vais-
seau latéral, et celui-ci (mais moins sensiblement)
avant ceux des troncs médians ; d’où l’on peut conclure,
1° que ces troncs médians reçoivent des latéraux le sang
qu'ils distribuent aux organes et notamment à l'appareil
digesuf , et qu'ils paraissent étrangers à la respiration ;
2° que les vaisseaux latéraux le recoiventdes anses pul-
monaires, lesquelles le prennent dans le réseau des
(x) Elles forment de chaque côté une série de taches rouges dont la
forme en croissant est quelquefois assez distincte.
(. 35261)
vésicules du même nom ; 3° que ce réseau le reçoit lui-
même d’une branche latéro-abdominale sortie du vais-
seau latéro-inférieur (1). Ainsi, chaque appareil respi-
ratoire de l’hirudinée donne lieu à un petit courant
circulaire indépendant , jusqu’à un certain point, de la
grande circulation ou circulation générale, puisqu’une
portion du sang contenu dans chaque tronc latéral (2) en
part et y revient après s'être vivifiée dans la vésicule
pulmonaire (PI. 8, fig. 2). C'est là, sans doute , une
respiration imparfaite et qu'on peut assimiler à celle
des reptiles. Aussi l’Annélide lui en substitue-t-elle
une bien plus puissante lorsque aucun autre besoin ne
la tourmente.
Je terminerai ce paragraphe par une remarque rela-
(1) On trouve, dans les Archives d’Anatomie et de Physiologie de
Meckel pour janvier 1828 , un Mémoire sur la circulation du sang dans
la Wephelis vulgaris ( Hirudo vulgaris L.). L'auteur y décrit le mou-
vement de systole et de diastole alternatives dans les vaisseaux latéraux
etlé médian inférieur ; il a bien vu aussi les communications trausver-
sales d’un vaisseau latéral à l’autre, mais il ne parle point du courant
circulaire général ni des courans circulaires particuliers à chaqueappareil
respiratoire ; il n’indique dans les vaisseaux longitudinaux qu'un mou-
vement du sang d’arrière en avant. C’est en effet celui qui frappe d’a-
bord l'observateur ; mais la plus simple réflexion n’indique-t-elle pas
qu’il doit exister aussi un mouvement en sens inverse? que deviendrait
le sang s’il ne marchait que d’arrière en avant ?
(2) Si le mouvement gyratoire dont il a été question plus haut res-
tait complet et bien régulier, il est évident que le sang marchant con-
stamment de droite à gauche dans les branches transverses de la moitié
postérieure de l'animal et constamment en sens inverse dans la moitié
antérieure , il ne serait plus possible que chaque vaisseau latéral envoyät
du sang à toutes les vésicules de son côté; mais le tronc latéral droit
devrait en envoyer aux vésicules droites et gauches de la moitié posté-
rieure , et le gauche à toutes celles de la moïtié antérieure. Du reste, il
en résulterait les mêmes effets pour la vivification du sang.
( 316 )
üve au précédent; c’est que la double respiration que
nous venons de reconnaitre ici d’une manière certaine,
confirme les conjectures que nous avons énoncées sur
cette même duplicité de moyens pour l’oxigénation du
sang chez les Lombrics et les Naïdes.
ARTICLE III.
REPRODUCTION.
Avant d'exposer le résultat de nos recherches sur la
reproduction sexuelle des Annélides abranches , disons
un mot de la reproduction scissipare qui leur a été ac-
cordée par les uns, refusée par d’autres. Valmont de
Bomare (1) et M. Bosc ont répété vainement les expé-
riences de Réaumur et de Bonnet, soit sur les Lombries,
soit sur les Naïdes. Réaumur même, le seul qui dise
avoir vu repousser la tête, s’est contenté d’une simple
assertion , dont Bonnet réduit presqu'à rien la valeur,
soit par ses paroles (2), soit par le résultat des expé-
riences qu'il tenta sur le même sujet (3), quoiqu'il eût
été plus heureux pour les Naïdes. Long-temps j'ai cru
l’assertion de Réaumur peu fondée. Dans mes expé-
riences , j'avais vu qu'un Lombric coupé en deux par-
ties reproduisait prompiement un anus à son troncon
antérieur ; le simple resserrement de la plaie y suflisait ;
mais le tronçon postérieur, conservé pendant quatre à
cinq mois de suite, n'offrait à son extrémité coupée
(x) Dict, d’Hist. nat. , au mot VER DE TERRE.
(2) Considérations sur les corps organisés, t. IT, p. 3.
(3) Zbidem , p. 9. « Tous ces vers périrent avant qu'il me fût possible
de voir la reproduction complète d’une partie antérieure. »
= +
(370
aucun signe de végétation , de reproduction ; il finissait
mème par périr d'inanition et de marasme, restant à la
surface de la terre humide , ou ne s’y enfonçant que par
son extrémité postérieure. On concoit aisément qu’il est
difficile à la nutrition de reproduire cette partie anté-
rieure dans laquelle siégent non-seulement un gauglion
posé différemment des autres, mais encore la bouche,
les estomacs , les vaisseaux moniliformes et les organes
de la génération (1). À la partie postérieure, au con-
traire , la reproduction n’a rien que de naturel , puisque
le simple accroissement dù à l’âge ajoute continuelle-
ment au corps de nouveaux anneaux et partant de nou-
veaux ganglions, comme on le voit chez les Naïdes, chez
les Myriapodes.
Ces réflexions m’engagèrent à simplifier le problème
autant que possible; ainsi, respectant les organes qui
siégent à la partie la plus renflée du Lombric, je n’ai
reséqué que les quatre ou huit premiers anneaux; mais
je me suis assuré positivement qu’une partie de l’œso-
_phage et du système nerveux, le ganglion céphalique au
moins , avait été enlevés avec les segmens musculo-cuta-
nés, Au bout de dix jours (au mois de juin et par environ
dix-huit degrés durant le jour au therm. de Réaumur),
quand j'avais enlevé quatre anneaux seulement, après un
espace de temps double ou triple, si j’en avais extirpé
(1) C’est peut-être moins la complication de structure que limpor-
tance des organes qu’il faut considérer ici. En effet , les membres des
Salamandres offrent un degré de complication organique assez consi-
dérable, et cependant on sait ayec quelle facilité ils se reproduisent. Je
m'en suis assuré cette année sur plusieurs individus de la Salamandre
palmipède.
(318 1)
sept à huit, je voyais saillir, comme Bonnet l'avait vu
déjà au centre de la plaie, ur bouton conique et rou-
geàtre ; mais ce qu'il n’a pas vu et que j'ai plusieurs fois
observé , c’est le développement ultérieur de ce bouton.
Huit à dix jours plus tard il était tout-à-fait pointu,
fort contractile, rouge, humide, et l’on y reconnaissait
parfaitement les anneaux extirpés , la lèvre antérieure et
la bouche petite encore , maïs avec leur forme normale.
Dès lors l’animal s’enfonçait dans la terre et marchait
la tête en avant ; dès lors aussi l’intestin commençait à
se remplir de la terre qui sert d’aliment aux Lombrics.
Peu à peu cette partie nouvelle acquérait les dimen-
sions de celle qu’elle avait remplacée (r). Il ne peut
donc rester aucun doute sur cette reproduction d’une
partie peu étendue, mais il peut rester douteux encore,
à moins qu’on ne se déclare pour la négative, qu’un ver
coupé en deux puisse produire deux individus parfaits,
car tout segment peu considérable ne tarde pas à périr.
Quant aux Vaïs, Bonnet et Muller ont mis hors de
doute ce genre de reproduction, soit par les procédés
de l’art, soit par une scission spontanée. J’ai vu maintes
fois la Naïde filiforme se partager, vers le milieu du
corps, sans que nulle violence extérieure parüt y con-
courir. La moitié postérieure restait long-temps immo-
bile sur la vase, tandis que l’antérieure s’y enfonçait
comme de coutume. Au bout de quelques jours, l’ex-
trémité tronquée de la première se renflait, devenait
transparente , vasculaire , et enfin s’allongeait en une
pointe triangulaire , qui déjà représentait assez bien la
(1) Ces expériences ont été faites sur le Z. srapezoïdes.
( 319 )
lèvre de l'animal entier (1). Un peu plus tard elle
s’enfonçait dans la vase, et sans doute y achevait son
perfectionnement. J'ai voulu, mais sans succès, peut-
être faute de patience ou de soins, voir s’opérer eprès
une section arüficielle les mêmes phénomènes. Les
tronçons avaient été placés dans l’eau pure ; et, selon la
remarque de Bonnet, la vase est nécessaire à la réussite
de l’opération , en fournissant à l’Annélide un aliment
favorable à sa végétation.
Je n’ai fait aucune recherche sur la faculté de réparer
les parties perdues sur les Hirudinées : M. Moquin et
autres se sont assurés de la nullité d’une telle faculté
dans cette famille d'Annélides. Passons maintenant à la
reproduction sexuelle ou génération proprement dite.
S L°°. Naïdes.
Les connaissances des naturalistes sur ce point se ré-
duisaient jusqu'à présent à fort peu de chose. Bonnet
croyait d’abord les Naïdes vivipares, mais il reconnut
bientôt son erreur. « Leur mode de génération est à peu
près inconnu, dit M. de Blainville; on dit cependant
qu’elles sont ovipares, et que, vers le printemps, on
aperçoit vers les deux tiers de la longueur du corps , et
en dessous , une masse allongée, de couleur différente
de celle de l'intestin, et qui, vue au microscope, pa-
raîit contenir une quantité innombrable d'œufs : on la
voit pendant un temps plus ou moins long , ce qui dé-
pend de la chaleur de la saison ; mais généralement elle
(r) Quelquefois aussi, surtout en hiver, cette portion s’amaigrissait
de plus en plus , et finissait par périr.
( 320 )
a disparu au commencement de l'été. » Cette observa-
tion, qui paraît empruntée à M. Bosc, est de toute
exactitude : j'ai vu ces masses blanchâtres remplies de
elobules pulpeux fort petits, et de globules plus gros et
plus solides; seulement je les ai trouvées aussi en au-
tomne , Ce qui tient peut-être à la chaleur de cette sai-
son , dans les provinces méridiouales où j'ai fait mes ob-
servations. Mais, à ces données incomplètes, hâätons-
nous d'ajouter celles que le hasard d’abord , une investi-
gation minutieuse ensuite, nous ont fournies.
1° Organes génitaux présumés masculins. La partie
renflée des Naïdes occupe l’espace de cinq à six an-
neaux , à partir du onzième, en comptant pour un la
lèvre supérieure ( PI. 7, fig. 1°). De chaque côté de
ce onzième anneau (fig 1, Bet fig. 2) se voit une ou-
verture ou petite fente transversale, étroite et serrée ,
mais bien visible , surtout quand on comprime l’animal
entre deux verres, eb reconnaissable aux deux lèvres
qui la bordent, lèvre dont la postérieure surtout est
fort saillante. À chacune de ces ouvertures répond un
canal un peu flexueux, de longueur peu constante, et
qui se termine en une poche transparente, et d’une
forme , d’un volume même très-variables ; quelquefois
pyriforme, d’autres fois bosselée en zigzag, tantôt
affaissée, réduite à une petite vésicule arrondie et sessile;
lamtôt, au contraire, fortement distendue , cette cavité
contient, dans ce dernier cas , un liquide limpide et des
corps vermiformes dont la nature n’est pas facile à dé=
terminer. Ces corps, quelquefois uniques, plus sous
vent multiples (de 2 à 8) dans chaque poche (fig 2),
sont de taille diverse, mais égalent quelquefois une
|
(3450 )
hgne en longueur : ordinairement immobiles , raides
ou légèrement flexueux , renflés en spatule à l’une de
leurs extrémités , translucides et marqués seulement de
stries obliques à leur partie la plus large ; tubuleux en
apparence à leur partie étroite, ils n’offrent ni les an-
neaux propres aux Larves , aux Annélides , ni houche,
ni ovaires ou intestins semblables à ceux des Ascarides,
des Oxyures (PI. 7, fig. 4). Sont-ce des Entozoaires pa-
renchymateux? sont-ce des animalcules spermatiques ?
Leur forme favorise cette dernière opinion ; le siége
qu'ils occupent lui est aussi favorable, mais leurs di-
mensions permettent-elles cette détermination ? S'il en
était ainsi, on ne pourrait plus regarder les animalcules
spermatiques comme un des élémens de l'embryon
futur, puisque ceux dont il est ici question sont aussi
grands que des fœtus prèis à naître.
2° Organes féminins. Le douzième segment présente
aussi deux ouvertures un peu moins latérales, un peu
plus inférieures que les précédentes ; mais une pression
modérée fait saillir leur contour en forme de mamelon
percé à son centre d’un trou circulaire assez large (PI. 7,
fig. r, C, etfig. 3, A). Une pression plus forte renverse
en dehors le canal qui se termine à cel orifice , et qui fait
alors une petite saillie en forme de pénis : ce canal est
composé de: deux portions ; l’une courte , : épaisse ,
opaque , voisine du dehors (fig. 3, B), est cylindroïde
ou fusiforme , quelquefois mème pyriforme ; la deuxième,
plus étroite et plus transparente, est longue, flexueuse ,
disposée en longs replis ou circonvolutions entremélées
aux ovaires (fig. 1 et 3, Cet D), auxquels elle sé ter-
mine en se dilatant et amincissant ses paroïs : dans son
XV: 21
( 322 )
cours, ces parois, vues au microscope, présentent des
stries circulaires dues sans doute à des fibres contrac-
tiles : ce canal est un véritable oviducte.
Les ovaires forment quatre masses principales, mais
on trouve aussi des ovules isolés , et déjà sans doute in-
troduits dans l’oyiducte.
3° Fonctions des organes génitaux. Je n'ai jamais
observé de copulation évidente chez les Naïdes, mais
on les trouve souvent agglomérées, entrelacées, pelo-
tonnées plusieurs ensemble dans la vase, et c’est là sans
doute que cette action s'exécute. La fécondation ne peut
s’opérer autrement que par le concours de deux indivi-
dus qui, sans doute, reçoivent et donnent à la fois
comme les Lombrics. En effet, nous n’avons trouvé au-
cune communication intérieure entre les organes dé-
volus aux deux sexes, et la situation de leurs orifices
rend toute communication extérieure impossible chez
un individu isolé, à moins qu’on ne suppose qu'il peut
yavoir, comme chez les Salamandres, effusion d’une
liqueur fécondante qui pénètre dans l’oviducte, portée
par l'eau qui environne l'animal , ou que les œufs sont
fécondés de la mème façon aussitôt après la ponte.
Je suis également réduit à des conjectures sur cette
ponte même ; voici seulement ce que j'ai vu.
4° OEufs et fœtus. J'avais conservé, durant une partie
de l'hiver fort doux de 1827 à 1828, quelques Naïdes
filiformes, lorsque, vers le milieu du mois de février,
j'aperçus des vésicules grisâtres de trois quarts de ligne
de diamètre , dispersées à la surface de la vase couverte
d’eau, que ces Annélides habitaient : presque toutes se
trouvaient sur l'ouverture de quelqu'un des trous d’où
(323 )
sortait la queue des Naïdes. J'en trouvai ainsi jusque
dans le mois de mai, et je pus en conséquence les exa-
miner à loisir. Leur demi-transparence me permit de
reconnaître , à la loupe, que chacune contenait de sept
à huit vésicules plus petites (PI. 7, fig 5). C'était donc
un œuf ou cocon comparable à ceux des Hirudinées, et
offrant de même, vers deux pôles opposés, deux nodo-
sités saillantes. Quelques-uns de ces cocons étaient
vides, les nodosités ouvertes, et leurs bords renversés
au dehors ; on pouvait aussi s'assurer alors que le cocon
était formé de deux membranes, l’extérieure lâche et
molle, l’intérieure plus élastique.
Quant aux petites vésicules renfermées dans chaque
œuf, leur volume était celui des ovules les plus gros
des ovaires, c’est-à-dire au plus d’un quart de ligne en
diamètre : dans les unes on ne voyait qu’une pulpe ho-
mogène , dans d’autres un petit ver contourné en spirale
double ou en S (PI. 7, fig. 6), et manifestement vivant :
aussi un de ces ovules, pressé et rompu entre deux verres,
Jaissait-1l échapper une Annélide dont la longueur va-
riait depuis une demi-ligne jusqu'à deux lignes (fig. 7).
Cette dernière mesure fut aussi celle des jeunes Naïdes
nées spontanément de quelques œufs conservés avec de
l'eau dans un verre de montre. Plus les fœtus étaient
Jeunes , plus ils étaient épais, contractés, blancs et
opaques : plus tard ils étaient bien plus sveltes, plus
rosés , et leur canal alimentaire n’occupait plus que le
centre. Le nombre des segmens ne dépassait pas celui
de trente-cing; ils étaient nettement séparés, munis
d’une soie rudimeutaire et courte de chaque côté; le
premier offrait la forme de la lèvre chez l'adulte, avec
( 324 )
un peu plus de largeur seulement ; la queue était ob-
tuse. Malgré ces différences, que l’âge explique sufhi-
samment , on ne pouvait méconnaître l’identité d'espèce
que prouvait assez, d’ailleurs , l’origine des œufs et des
ovules. Voilà les faits; voici maintenant la théorie qui
me semble la plus probable : les ovules passent un à
un dans l’oviducte, viennent se rendre dans la partie
renflée et épaisse de ce canal, qui est voisine du dehors,
s’y accumulent en la dilatant , et s’y enveloppent d’une
ou deux membranes communes, après quoi ils sont ex-
pulsés en masse : ce qui se passe chez les Hirudinées jus-
tifie très-bien , ce me semble , cette hypothèse. Je ne
chercherai pas , d’ailleurs; à la motiver davantage , et je
passerai à un article qui ne pourra non plus être complété
que par des conjectures , mais qui pourra augmenter
pourtant les connaissances actuelles , et peut-être mettre
sur la voie d’une exploration facile et complète.
$ IT. Zombrics.
Willis avait très-bien aperçu et déterminé la nature
des organes génitaux intérieurs des Lombries ; il en
avait disungué les vésicules séminales et les ovaires, ïl
avait même présumé la connexion des ouvertures ex-
ternes ou vulves avec les organes internes, mais n'avait
pu donner à ce sujet toute la précision désirable. Redi,
en y joignant quelques détails, a copié une assertion
que je crois erronée , bien qu'elle ait été répétée depuis
par M. Bosc, par Montègre , et même par M. Cuvier et
autres naturalistes non moins recommandables. Selon
eux, les œufs détachés des ovaires se rendent, en par-
(3250)
courant toute la longueur du corps, au voisinage de
l'anus, d’où ils sont expulsés par deux ouvertures sup-
posées qui avoisinent, dit-on, celle du canal alimen-
taire , ou se trouvent dans son intérieur. Selon Mon-
tègre mème , et ceux qui l'ont suivi, ce ne sont pas des
œufs , mais des fœtus qui cheminent ainsi ; et les Lom-
brics doivent être regardés comme vivipares. Avant d’al-
ler plus loin , voyons ce qui a pu en imposer à ces ob-
servateurs.
1° Les prétendus œufs qu’on trouve entre l'intestin
et les enveloppes musculo-cutanées sont de deux sortes ;
les uns, fort semblables aux globules contenus dans les
ovaires, que nous décrirons plus loin , conservent tou-
jours un diamètre fort petit, et l’on y trouve fréquem-
ment de petits vers vivans, des espèces d’Ascarides ou
Vibrions microscopiques , fort différens des embryons et
des fœtus des Lombrics , ainsi qu’on le verra bientôt (1).
Sont-ce là réellement des ovules avortés, échappés à
l'ovaire par une rupture accidentelle? Sont-ce des En-
tozoaires particuliers ? Tout ce qu’on peut assurer, c’est
que jamais ils ne paraissent acquérir le volume que
les œufs véritables prennent dans l'ovaire mème ou dans
l’oviducte.
Jai dit qu'il y avait deux sortes de vésicules qu'on
pouvait prendre ainsi pour des œufs; la deuxième sorte,
que j'ai trouvée en abondance chez quelques individus
du L. gigas , appartient aux Entozoaires du genre Æchi-
nococque de Rudolphi ; elle en constitue une espèce
(1) Ces petits Entozoaires ont été vus, même dans les véritables
œufs de Lombrics, par un de mes amis, M. Courty, qui a coufirme
aussi , par ses observations , uve parLie de ce qui va suivre.
( 526 )
nouvelle et microscopique , que je nommerai Amy gda-
loïde, et qui sera décrite ailleurs : cette hydati deres-
semble assez aux œufs des Vaïs , et pour le volume et
pour la composition , car un certain nombre d'individus
habitent une même enveloppe.
2° Quant aux prétendus fœtus de Montègre, c'est
surtout vers la queue qu’on les rencontre libres de toute
adhérence , ét il fallait être aussi peu zoologiste que
l'était ce médecin spirituel, pour s’en laisser imposer
ainsi, bien qu’on en trouve quelquefois jusque dans les
ovaires , surtout chez le L. gigas et les trapezoïdes.
Ce sont des vésicules lisses, molles, aplaties, ovales,
demi-circulaires ou en forme de rein ( PI. 9, fig. 5),
variables pour la grandeur, et offrant quelquefois une
ligne et demie de longueur ; leur couleur est verdätre ou
d’un brun noir, et leur intérieur est rempli d’une pulpe
de même nuance, au milieu de laquelle se rencontrent
par fois de ces petits Vibrions dont je parlais tout à
l’heure : mais bien plus constamment on y trouve un
nombre assez considérable de (5 à 30) corps allongés,
renflés au milieu, où se voit une sorte de pli ou de
rainure, atténués aux extrémités qui sont légèrement
courbées en sens inverse , demi-transparens , verdâtres ,
immobiles, raides, sans trace d’anneaux, sans appa-
rence d'organes intérieurs ni d'ouvertures extérieures
(fig. 5’). Ces corps, dont la nature est fort difficile à dé-
terminer ( Entozoaires?), sont de consistance médiocre ,
et leur section ne produit ni rétraction, ni issue des
viscères , etc.
Il est aussi d’autres Entozoaires bien plus manifeste-
ment tels, qui se trouvent dans les humeurs ou dans
|
(327)
l'intestin des Eombrics ( Goëze et Rudolphi, 1. 3,
p: 288. etc. ), et auraient pu, avec plus de vraisem-
blance , passer pour des fœtus. Mais je ne perdrai pas
le temps à discuter davantage une question qui sera suf-
fisamment réfutée par les détails d'observations plus cer-
taines et plus positives.
Organes masculins. Les seules parties qu’on puisse
regarder comme telles, sont les vésicules séminales ou
testicules ; ce sont des sacs arrondis de deux lignes de
diamètre , dans leur plus grand développement, placés
en série longitudinale à droite et à gauche, un pour
chacun des anneaux qui suivent le septième (PI. 9,
fig. 1, B). Ces séries n’ont pas toujours la même éten-
due, puisque le nombre des vésicules varie de deux à
sept pour chaque côté. Ces différences sont-elles spéci-
fiques , comme le pense M. Savigny ? Je crois plutôt
qu’il faut les rapporter au temps où l’on en fait l'étude :
en effet, à mesure que l’époque de l’accouplement
s'éloigne, le volume de ces organes diminue; les plus
extrêmes, aux deux bouts de la série, s’atrophient les
premiers, et il arrive une époque où l’on n’aperçoit
qu'avec peine les rudimens de cés parties si saillantés en
un autre temps.
Elles adhèrent par un très-court pédicule à la paro
inférieure de la cavité splanchnique ; ce pédicule est un
canal étroit qui s’ouvre à l'extérieur par un petit pore
réconnu par M. Savigny, et d’où l’on peut, par compres-
sion , faire sortir l'humeur blanche qui distend la vési-
cule et lui donne sa couleur lactée. Ces pores segrou-
veñt vers le bord postérieur de chaque anneau, au
niveau de la rângée externe de la bande abdominale où
(38)
inférieure des soiïes : c’est à leur voisinage qu'on trouve
les mamelons blanchâtres dont nous avons parlé dans la
description des espèces.
D'une vésicule séminale à l’autre, on peut quelque-
fois faire passer l'humeur blanche qu’elles contiennent,
et l’on rend alors évident un canal de communication
qui s'étend directement entre elles.
Quant à cette tumeur même, examinée en temps op=
portun , on lui trouve beaucoup de viscosité, et le mi-
croscope y fait voir une sorte de feutrage de filamens
vivans. Ces filamens , séparés par l’eau dans laquelle on
les lave, sont de véritables animalcules spermatiques,
fusiformes, longs, étroits, et dont tout le corps, mais
surtout la queue, est agité d’un mouvement ondula-
toire fort vif (fig. 3) : leur longueur m'a paru approxi-
mativement d'un sixième de ligne.
Organes féminins. Ce qui frappe d’abord les yeux à.
l’inspection de la majeure partie des Lombrics, c'est la
ceinture dont il a été question plus haut. Je n’ai pas vu,
comme M. Savigny, que le nombre des pores que l’on
trouve sous cette ceinture, et encore moins leur distri-
bution fussent en harmonie avec le nombre et la dispo-
sition des vésicules séminales ; etje n’ai vu partir de ces.
pores rien autre chose que les vésicules aquifères ci-
dessus décrites à l’occasion de la respiration intérieure.
J'ignore donc en quoi peut être utile à la fécondation,
lors de l’accouplement , ie rapprochement que Mon-
iègre et M. Savigny paraissent avoir constaté entre la
région des vésicules séminales d’un individu et la cein-
ture de l’autre. Comment le fluide spermatique est-il
alors absorbé? Ne l’est-il pas plutôt par les orifices vul-
Rens.
\ (329)
vaires du seizième segment? C’est ce que je ne puis dé-
cider jusqu'à présent , faute d'observations directes.
Mais l’anatomie , il faut en convenir , est bien favorable
à celte opinion ; en eflet, de ces espèces de vulves naïs-
sent, à l’intérieur, deux canaux étroits, quelquefois
renflés en vésicule à leur origine, qui marchent, sans
flexuosités , directement en avant, en dedans des séries
formées par les vésicules séminales et sans aucune com-
munication avec elles (PI. 0, fig. 1, D). Arrivés sous
les ovaires, dont il va être parlé, ces canaux se bifur-
quent ; chaque branche se porte en dedans et se termine
par uu renflement globuleux qu’on reconnaît à la loupe
être formé lui-même par la continuation du canal fort
élargi et pelotonné en nombreux replis disposés en rayons
et sur deux rangs concentriques, qu’une membrane
commune environne et maintient (fig. 2). Ces deux ca-
maux , que nous nommerons oyiducles , sont, ainsi que
les quatre pelotons qui les terminent fort peu percepti-
bles ou mème invisibles à certaines époques ; au temps
des amours, iïs sont rendus bien distincts par la présence
d’un fluide lactescent qu'on peut assez rationnelle-
ment regarder comme la liqueur séminale introduite
par l’accouplement, et portée, par cette voie, jusqu'aux
ovaires (1).
Ceux-ci sont annexés, deux à deux, par une mem-
brane d’enveloppe commune à chacun des pelotons sus-
(1) Je n’y ai pourtant point yu d’animalcules spermatiques, mais
seulement des globules agrégés en masses plus considérables et aussi
globuleuses, mais bien plus petites , que les vésicules des ovaires. Ces
masses ressemblent parfaitement aux globules trouvés dans les vésicules
spermatiques de la S'anguisuga officinalis. { Voyez les fig. 4 et 4 bis.)
( 330 )
dits : il y en a donc quatre de chaque côté en séries pla-
cées entre celles des vésicules séminales et au-dessus
de l’œsophage (fig. 1 et 2). La forme des plus anté-
rieures est celle d’une cornue adhérente par un pédicule
du côté de sa base ; celle des postérieures est plus irré-
gulière ; leur couleur est grisätre , leur substance comme
pulpeuse et farcie de vésicules incolores ou blanchâtres ;
sans doute c’est aussi un canal flexueux qui constitue les
ovaires ; mais il n’est pas facile de le démontrer. À une
certaine époque leurs vésicules , véritables œufs, pren-
nent un diamètre assez considérable ( Willis, Redi) :
j'en ai vu du volume d’une grosse tête d’épingle fort
voisins déjà des orifices vulvaires , et sans doute ils gros-
sissent bien davantage avant d’être expulsés. Peu à peu
leur nombre diminue , et les ovaires se flétrissent et s’a-
trophient. Il est donc probable que les œufs suivent,
pour sortir, le même trajet que nous avions supposé être
celui du sperme pour leur fécondation. La dilatation
considérable , les déchirures même que les vulves pré-
sentent souvent ne peuvent être attribuées qu'au passage
des œufs, et des œufs avec le volume que nous allons
reconnaître à ceux qu’on observe après la ponte.
OEufs et fœtus. Lorsque je voulus étudier en détail
la circulation des Lombrics, je m'en fis apporter, au
commencement du mois de mars, un grand nombre avec
une portion de la terre qui les avait reeélés. Dans cette
terre je trouvai des vésicules d’un jaune sale, de con-
sistance semblable à celle du parchemin mouillé, de
forme ovale ou elliptique avec deux extrémités sail-
Jantes , de deux à trois lignes de grand diamètre sur un
tiers de moins en largeur. Il n’était pas difficile de re-
(5320)
connaître là des œufs fort différens des œufs arrondis
des limaçons et autres mollusques voisins. Ces œufs
étaient d’ailleurs isolés, placés dans la terre au voisi-
nage de quelque trou de Lombric; et comme je m'en
suis assuré depuis, à une profondeur variable, depuis
deux pouces au moins, jusqu'à six au plus. Tous ceux
dont il vient d’être question appartenaient au L. trape-
zoïdes : ceux des autres espèces, du Z. amphysbæna,
par exemple, m'ont paru plus superficiellement placés
encore, mais dans des lieux plus humides ; ils sont
d’ailleurs plus petits, plus renflés, et d’une couleur
jaune tirant plutôt sur le verdâtre que sur le brun,
comme les précédens. J’ai observé ces œufs à toutes leurs
périodes , et leur volume ne change point, mais leur
apparence change beaucoup, puisqu'on ne tarde pas à
y découvrir un et plus souvent deux jeunes Lombries
(PL 0, fig. 6) qui grandissent peu à peu, dont les mou-
vemens généraux sont très-perceptibles à travers l’en-
veloppe, et dont on voit mème les vaisseaux sanguins
D par leur fluide coloré.
Le premier de ces œufs que j'ouvris m ’embarraséa
beaucoup. J'en vis sortir, avec une matière glaireuse,
un animal vermiforme, vivant, blanc, mol, ridé en tra-
vers, et composé d’un corps assez large , terminé par
deux appendices contournées de droite et de gauche en
spirale régulière (fig. 12). C’était un monstre formé de
deux individus accolés , soudés dans une partie de leur
longueur, comme j'en ai depuis observé d’autres , quoi-
que avec une conformation moins symétrique.
Dans chaque œuf , en effet ; j'ai constamment trouvé
plongés dans la mème gelée albumineuse, ou deux
L.
(3347
germes, deux cicatricules , ou deux fœtus, à moins que
l’un des deux germes n’eût avorté en laïssant des traces.
peu à peu effacées de sa première existence (1). Ces fœtus.
n'ont rien de semblable à tout ce que nous avons décrit
jusqu'ici. D'abord fort petits, à corps épais et blancs,
ils offrent déjà les traces de leurs anneaux ou segmens ;
une de leurs extrémités est plus atiénuée que l’autre,
c'est la tête qui ést aussi plus contractile : ils sont alors
recourbés sur leur partie antérieure (fig. 9). Plus tard
ils s’allongent davantage ; c’est la queue qui devient plus
atténuée , leurs vaisseaux sanguins se dessinent (fig. 10:
et 11), leur contractilité, leur locomobilité se perfec-
üonnent ; bientôt l’une des extrémités de l’œuf s'ouvre ;
cet œuf, qui s'était ridé, affaissé, s’enfle alors de nou-
veau ; l'air remplace l’albumen absorbé par le jeune ani-
mal qui, pendant plusieurs jours, semble s’essayer à
sortir, ne montrant hors de l’œuf qu’une partie du corps
; q E P
qu'il y réintroduit bientôt. Les Eombrics naissans diffè-
rent surtout des adultes par l’absence des organes géni-
taux extérieurs, par une couleur plus pâle, une mollesse
plus grande ; ils ont un pouce à pen près de longueur,
et quelquefois un peu plus dans l'espèce la plus com-
mune ( L. trapezoides).
Pendant que je terminais ces recherches, un de mes
amis déjà cité plus haut, M. Courty, à qui je n’en avais
rien communique , fit de son côté des observations toutes
semblables et qu'il s’empressa de me transmettre ; il me
rappela aussi une note insérée par M. Leon Dufour dans
(1) Dans l'ovaire même on voit déjà que ces œufs présentent deux
cicatrices distinctes et par fois isolées, d’autres fois contigués. (Voyez
la fig. 7.)
(333)
le cinquième volume des Annales des Sciences naturelles
(pag. 17), et qui se rapportait directement à l’objet actuel
de notre attention. Ce naturalisteactif , et dont on connait
la sévère exactitude, avait trouvé à cinq ou six pieds de
profondeur des œufs dont la longueur était de 3 à 8 lig. ;
chacun contenait un Lombric de 2 pouces , dimensions
qui ne peuvent laisser de doute sur l'espèce à laquelle
appartenaient ces productions (1) : c’est évidemment au
L, gigas (2).
Je ne répéterai point ici ce qui a été si bien exposé par
. d’autres , et notamment par M. Moquin , sur les organes
9 o
génitaux des Hirudinées, et leur produit : j'ai vérifié
tous ces détails, et n'ai rien trouvé d'important à y
ajouter ; je dirai seulement (eu égard au rapprochement
que cette remarque m'a déjà mis à même de faire relati-
vement anx Lombrics) que, dans les vésicules sémi-
ales , je n’ai trouvé que des globules composés d’un
agrégat de molécules plus petites et quelquefois annexés
avec un globule un peu moins volumineux, qui sem-
(1) M. Dufour et M. Courty ont observé l’an et l’autre que des œufs
de Lombrics desséchés, mème quand le fœtus est grand , peuvent se
conserver assez long-temps sans que ce fœtus meure d’une mort réelle,
puisque l'humidité lui rend la vie, C’est un fait intéressant à citer,
parce qu’il peut servir à en coufirmer plusieurs autres moins positifs,
savoir la conservation des œufs de Poissons , de Crustacés, ete., dans
les fossés ou étangs desséchés.
(2) Depuis que ceci a été écrit, M. Dufour a publié une deuxième
Note sur le même sujet ( Ænnales des Sciences naturelles, tom. 14,
pag. 216, juin 1828), et jai moi-même trouvé des œufs de dimension
semblable. Je me suis aussi assuré qu’ils sont du Z. gigas. J'en ai vu un
de 7 à 8 lignes de longueur, dans lequel était renfermé encore un Lom-
bric, long lui-même de 3 pouces. Swammerdam paraît avoir conou très-
bien les œufs de ces Annélides , du moins les plus petits. ( Bibl. nat. ,
p. 3o4et 305. )
( 334 )
blait leur faire une sorte de queue (PI. o, fig. 4 et 4 bis),
Mais ce qui mérite de nous arrêter un peu plus, c’est la
comparaison que nous devons faire des œufs complexes
de cette famille avec ceux des autres Annélides abran-
ches. La multiplicité des ovules ou des germes, est un
caractère commun à toute cette division des Annélides ;
mais il faut établir entre leurs produits une distinction
essentielle: 1° chez les Naïdes, par exemple, nous trou-
vons, sous une seule enveloppe, un certain nombre de
petits œufs ayant chacun leur enveloppe particulière.
Quelque régulier que soit un pareil assemblage, on ne
peut nier qu'il ne se rapproche jusqu’à un certain point
des cordons ou paquets d'œufs que pondent à la fois les
Batraciens, les Poissons, les Lymnées, les Tipules , etc.
Un ensemble plus régulier s’observe quelquefois chez
l’oxyure ou ascaride du Crapaud (PI. 7, fig. 8). On
trouve constamment deux ovules enfermés sous une seule
enveloppe dans celui du Taupe-Grillon (fig. 8 bis). J'ai
tout récemment observé les œufs de l’Æncylus fluvia-
tilis, et j'y ai vu toujours cinq ovules rassemblés sous
une calotte commune (fig. 9). Enfin, une remarque
que je dois encore à l'amitié de M. Courty, c’est celle
de la composition de l’œuf de la Blatte commune : on
savait depuis long-temps que cet insecte pondait un fort
gros œuf, et l’on avait été tenté de le placer dans les pu-
pipares. M. Courty s'est assuré, et m'a fait voir ensuite,
que cet œuf contient une douzaine de loges transver-
sales, dans chacune desquelles se forme un fœtus
(fig. 10). Plusieurs fois il a conseryé en vase clos de
pareils œufs, et la naissance de petites Blattes a con-
firmé bientôt ce que l’inspection seule devait faire pres-
sentir.
(335)
2° L’œuf des Hirudinées , si j'en juge du moins par
celui de la Vephelis vulgaris, est bien différemment
constitué ; sa membrane interne ne renferme qu’une
masse d’albumen dans laquelle sont disséminés les
germes. Îl en est de même de l’œuf des Planaires dont
je ne fais ici que mentionner la composition : il en est de
mème encore de l’œuf des Lombrics. Jei c’est bien un œuf
unique qui sert à la formation , à la naissance de plu-
sieurs individus, et ici la monstruosité par accolement
est facile à concevoir : cet état, normal chez nos Anné-
lides , n'est-il pas le type d’un état anormal chez d’autres
animaux ? Les duplicités monstrueuses chez les Oiseaux,
les Mammifères même, ne reconnaîtraient-elles pas
pour cause l'inclusion primitive, c’est-à-dire sans rup-
ture , sans violence , de deux germes dans un seul œuf ?
Ceci deviendra, je crois, bien facile à concevoir, si l’on
admet avec M. Dutrochet (Mém. Soc. Méd. d’'Emul.
1827), que le jaune de l’œuf est réellement l'embryon
ou du moins l’organe digestif de l'embryon futur; que
deux jaunes, descendant ensemble dans l’oviducte de la
poule, s’entourent du même albumen, et la poule pon-
dra un œuf analogue à celui des Lombrics.
D'après cette idée, ce que j'ai jusqu'ici appelé germe
ou cicatricule , je pourrais l'appeler Vitellus ou jaune;
l'œuf de nos Annélides , en effet, n’en contient pas
d’autres au milieu de son albumen : ces Vitellus, d’abord
arrondis (PI. 9, fig. 8) et blancs, s’allongent peu à
peu ; peu à peu aussi la peau du ver futur les recouvre,
et enfin s’en distingue assez nettement. On voit alors
que c'est le canal intestinal qui formait ce Vitellus. I]
se rétrécit de plus en plus, et de nouvelles parties s’ajou-
À
(336)
tent au tronc, qui s’allonge et se perfectionne par degré.
Cette observation, faite sur les Néphélis et les Lom=
brics, je l'ai répétée sur l’AÆncylus fluviatilis ; elle con-
firme nettement çe qu'a dit M. Dutrochet de l'œuf des
Batraciens , et ce qu’a récemment publié M. Hérold sur
l'œuf des Araiïgnées (Ann. Sc. nat., mars 1828, t. XIII,
p. 250).
C'est ainsi qu’à un fait isolé, mais bien vu , s'en rat-
tachent promptement un certain nombre d’autres qui
rendent bientôt incontestable ce qui n’était d’abord que
conjectural et presque hypothétique.
EXPLICATION DES PLANCKES.
Planche vis.
Fig. 1. Moitié antérieure de la ÆVais filiformis ( BI.) , grossie huit fois
en diamètre. — À, lèvre antérieure de la bouche; B , pores mascu-
lins; ©, pores féminins ; DD, ovaires.
Fig. 2. Vésicule séminale ou testicule très-grossi.
Fig. 3. Oviducte et un des ovaires très-grossi. — 4, son orifice exté-
rieur ; B , sorte de matrice ou de vagin; €, oviducte; D , ovaires.
Fig. 4. Animalcule spermatique ? grossi 36 fois en diamètre.
Fig. 5. Œuf composé de la Naïde filiforme, rempli d’évules, grossi
16 fois.
Fig. 6. Ovules avec leurs fœtus prêts à naître.
Fig. 7. Un fœtus naissant , et à côté la coque de son ovule.
Fig. 8. Œufs composés de l’oxyure ou Ascaride du Crapaud.
Fig. 8 bis. Œuf composé de l’oxyure du Taupe-Grillon.
Fig. 9. Œuf composé de l'Ancylus fluviatilis.
Fig. 10. Œuf composé de la Blatte commune.
Planche vi.
Fig. 1. Circulation du Lumbricus gigas. — À, vaisseau dorsal; B,
D es
vaisseau ventral ; €, vaisseau sous-nervien; D, vaisseaux mouili- |
formes ; Æ, branches abdomino-dorsales profondes; Æ#, branches
abdomino-dorsales superficielles.
(337 )
Fig. 2. Un des appareils pulmonaires de la Sangsue officinale. — 4,
vaisseau Jatéro-inférieur ; B , anse pulmonaire; €, branche latéro-
médiane dorsale; D, branche latéro-médiane ventrale bifurquée ;
E , rameau pulmonaire ; F, poche pulmonaire.
Fig. 3. Portion de l’anse pulmonaire , déchirée pour faire voir le vais-
seau central.
Fig. 4. Réseau cutané dorsal de la Néphélis vulgaire lors de la respira-
tion cutanée : un trait pointillé indique l’état du vaisseau dorsal lors
de la respiration pulmonaire.
Planche 1x.
Fig. r. Partie antérieure du Lumbricus gigas, ouverte parl e dos.—
A, deuxième ganglion nerveux ou premier sous-œsophagien, suivi de
la chaîne des autres ; B , les sept paires de vésicules séminales ou testi-
cules avec leurs conduits de communication ; C, les quatre paires d’o-
aires ; D , terminaison des oviductes. (Cette figure est de grandeur
naturelle, ) — Fig. 2. Ovaires et oviductes grossis, — Fig. 3. Animal-
. cule spermatique du Lombric géant , grossi 180 fois en diamètre. —
Fig. 4. Animalcules spermaliques de la Sangsue officinale.— Fig. 4 bis
Un de ces animalcules ou globules très-grossi. — Fig. 5. Vési-
cule fabiforme de la cavité viscérale des Lombrics } pris pour des
fœtus par Moutègre (grossi 7 à huit fois en diamètre). — Fig. 5°.
Entozoaires particuliers renfermés dans ces vésicules, — Fig. 6.
Œufs du L. trapezoïde à divers degrés de maturité (grandeur natu-
relle }.— Fig. 7. Ovules contenus daus l’ovaire, très-grossis , offrant
deux germes. — Fig. 8. Œuf composé de la Vephelis vulgaris. —
Fig. 9. Fæœtus de Lowbric peu avancé , vu de profil et du côté du dos,
grossi 5 fois. — Fig. 10. Un fœtus en maturité, vu du côté du dos,
grossi 3 fois. — Fig. 11. Partie antérienre du même, plus grossie. —
Fig. 12. Deux fœtus monstrueux, soudés. — Fig. 13 et 14. Partie
antérieure du Lumbricus trapezoïdes vu de profil et du côté du dos.—
Fig. 15 et 16. Zd. du L.teres. — Fig. 17 et 18. /d. du Z. anatomicus.
— Fig. 19 et 20. Zd. du L. amphusbæna.— Fig. 21. Coupe transver-
sale du ZL. trapezoides prise vers la queue. — Fig. 22, Zd. du Z.
teres. — Fig. 23. Id. du L. anatomicus. — Fig. 24. Id, du L. am-
phisbæna. — Fig. 25. Id. du Z. complanatus.
Vota. Les fig. 13-25 sont toutes doublées ou triplées en diamètre.
XV.
LL
Le)
(338)
Mémoire sur une nouvelle Méthode de préparer et
de rendre durables les collections d'œufs destinés
aux cabinets d'histoire naturelle ;
Par M. F. P. Danerr.
Si nous parcourons nos nombreux et magnifiques
Musées , nous trouvons dans tous une lacune d’autant
plus importante qu’elle tient à la classe la plus intéres-
sante des êtres animés , celle des oiseaux. Nulle part on
ne s’est occupé des collections de leurs œufs. Il est
étonnant que, dans un temps où toutes les branches de
l’histoire naturelle ont acquis un si grand développe-
ment, où le zèle de nos savans n’a été arrêté par aucune
difiiculté pour se procurer les objets propres à avancer
les progrès de la science, ou à satisfaire la curiosité ; il
est étonnant , dis-je , qu'on soit resté indifférent sur une
partie aussi essentielle de l’ornithologie , que la connais-
sance des œufs et des nids. Ne devrait-on pas, à côté
de ces oiseaux que Part semble rendre à la vie, dont les
brillantes dépouilles font le plus bel ornement de nos
cabinets, voir figurer leurs œufs et leurs nids , qui, loin
d’en déparer les collections, ne serviraïent au contraire
qu'à leur donner plus de relief et plus de prix par la
varieté du coloris des uns, l’admirable et ingénieuse
structure des autres? Combien la science n’y gagnerait-
elle pas! En histoire naturelle, la vue des objets
est toujours préférable à tout ce que peuvent offrir les
meilleurs onvrages (1).
(x) Depuis quelques années on a commencé à réunir dansila collec-
tion du Muséum d’Hist. nat, une collection d’œufs déjà assez nombreuse.
R,
| (339)
\ Le petit nombre de personnes qui se sont occupées
de cette branche intéressante de l’histoire naturelle
ayant été arrêtées, non pas tant par la difficulté de se
plus durables. Nous nous empressons de communiquer
aux naturalistes une méthode qui nous a toujours par-
faitement réussi.
Les personnes qui s'occupent à conserver les œufs s’y
prennent en général de cette manière : elles percent
chaque extrémité de l'œuf d’un petit trou rond avec la
pointe d’une aiguille, qu’elles passent et agitent en di-
vers sens à travers le jaune pour mélanger les matières
et les faire ensuite sortir par un bout en soufflant forte-
ment par l’autre avec la bouche; puis , avec une petite
seringue, elles injectent à plusieurs reprises de l’eau
fraiche dans l’œuf qu’elles exposent sur un peu de
mousse ou de coton dans un lieu aéré, pour qu’il sèche
avant de le placer dans leur collection.
Cette méthode de percer les œufs par les deux extré-
mités ajoute encore à la fragilité des coquilles , qui sont
quelquefois si frèles, surtout dans les petites espèces
d'oiseaux , qu'elles ont peine à résister à une opération
aussi violente que celle de soufiler assez fort, en tenant
l'œuf serré entre les doigts; ce qui fait qu’on en brise
souvent un grand nombre avant de pouvoir en conserver
quelques-uns. Enfin , la position des trous défigure les
coquilles , et leur enlève des macules, qui , dans quel-
ques espèces, sont des marques caractéristiques.
( 340)
On avait cru éviter ces inconvéniens en aspirant les
matières de l’œuf au moyen d’une seringue ou d’une
pipette; mais le large diamètre que doit présenter la
pointe de ces instrumens pour laisser circuler librement
dans son intérieur les matières de l'œuf , qui ne sont pas
très-fluides et sont toujours fort adhérentes, exigeant
qu’on enlève une pièce assez considérable de la coquille,
ne peut convenir que très-imparfaitement, mème pour
les grosses espèces. L'usage de la seringue est long et
souvent impraticable , et l’on conçoit, lorsque les œufs
sont vieux ou clairs, combien celui de la pipette est
désagréable; car, malgré tous les soins que l’on prend
pour la tenir en bon état , elle restetoujours malpropre:
Quelques-uns ont avancé, avec Mouton de Fontenille,
qu’on pouvait vider les œufs sans faire de trou à la co-
quille, en les exposant simplement sous le récipient
d'une machine pneumatique. Il suflit d’avoir quelques
notions de physique pour voir que ce moyen est impos-
sible, et qu’il faut absolument un trou à un œuf pour
qu'il puisse être vidé avec une semblable machine. A
cet effet , après avoir percé la coquille , posez votre œuf,
le trou en bas, sur un réseau de fil tendu sur l’ouverture
d’un verre; placez le tout sous le récipient, et faites le
vide jusqu'à ce que vous ayez fait tomber dans le vase
une certaine quantité des liquides de l'œuf; laissez ren-
trer l'air, puis recommencez à faire le vide. Cet air, qui
a pénétré par l'ouverture dans la partie supérieure de
l'œuf, y acquiert bientôt une tension assez considé-
rable pour faire sortir par son ressort toutes les matières
que la coquille contient.
Le principal avantage de cette méthode est d'offrir la
(341)
facilité de vider à la fois un certain nombre d'œufs, en se
servant d’un vase assez large pour que le réseau qui en
recouvre l'ouverture puisse tenir tous ceux qu’on veut
vider en même temps. On peut encore donner une
autre disposition à l'appareil ; et placer plusieurs réseaux
au-dessus les uns des autres par le moyen de petits
chässis de bois, suspendre ainsi les œufs au-dessus du
vase, et recouvrir le tout d’une cloche ou récipient. Il
suflira de laver les coquilles sur lesquelles il sera tombé
quelques matières. Au reste, le petit nombre de per-
sonnes qui ont des machines pneumatiques à leur dispo-
sition , restreint considérablement l’usage de cette ex-
cellenie méthode.
Il était à désirer qu’on trouvât pour vider les œufs un
expédient prompt, facile et à la portée de tout le monde,
qui réunisse les avantages des autres moyens sans en
partager les défauts. L'application du principe d’après
lequel se vident les œufs sous le récipient d’une machine
pneumatique, nous a paru heureuse ; mais il est long et
pénible de raréfier air d’un grand vase , tel qu’un réci-
pient , jusqu’à ce que la petite quantité de gaz contenu
dans l’œuf acquière une tension capable de faire sortir
les liquides qu’il renferme : il est bien plus sür et plus
expéditif d'introduire directement l’air dans la coquille,
et de l'y condenser jusqu'à ce que son ressort soit sufli-
sant pour pousser au dehors les matières qu’elle con-
tiemt. C’est en usant de ce inoyen que nous sommes
parvenus à vider les œufs avec beaucoup plus de facilité
que par aucun procédé connu.
Nous commençons lopération par forer, vers la
partie moyenne de l'œuf, un petit trou rond avec la
( 342 )
pointe d’un trépan d’acier trempé, que nous faisons légè-
rement mouvoir entre les doigts. Après avoir crevé le
jaune avec une aiguille, et brouillé les matières par l’a-
gitation, saisissant l’œuf de la main gauche, la petite
ouverture dirigée par en bas, nous introduisons de la
droite la pointe capillaire d’un tube de verre reconrbé
en v , en même temps que nous soufllons avec la bouche
par l’autre extrémité. Par ce moyen nous injectons de
l'air dans la partie supérieure de la coquille; ce gaz,
exerçant sur les liquides une forie pression , Les force à
sortir par le petit trou de l’œuf, que l’extrémité capil-
laire du tube ne doit pour cela jamais remplir exacte-
ment. Lorsque la coquille est parfaitement vidée, nous
la tenons plongée dans un vase rempli d’eau fraîche,
tandis qu'au moyen du tube de verre nous y faisons en-
trer l’eau , et l’en faisons ressortir , en raréfiant et con-
densant l'air alternativement. Enfin, lorsque l’œuf est
bien propre, nous l’exposons un instant dans un lieu
aéré pour le sécher.
De cette manière un œuf est vidé très-promptement
sans que la solidité de sa coquille soit sensiblement
altérée , et l’on peut toujours cacher la petite ouverture
qu’on y a faite, quelle que soit la position dans laquelle
on veuille le placer.
On peut par ce procédé vider toute espèce d'œufs,
même les plus fragiles. Si cependant leurs coquilles
étaient tellement frèles qu’on eût lieu de craindre de
les briser par la seule pression qu’elles éprouvent en les
tenant entre les doigts pendant l’opération, on peut se
servir avantageusement d’une pince ayant ses extrémités
terminées par deux anneaux garnis d’une gaze , dont la
(343)
légère pression, portant à la fois sur une grande étendue
de l'œuf, ne peut en aucune manière l’endommager.
IL faut employer beaucoup d’adresse et de légèreté
pour faire le trou. L’instrument le plus propre à cet usage
est un petit trépan d'acier bien pointu , long d’un pouce
et d’une ligne de diamètre à sa base, qui, s’allongeant
en une partie déliée , permet de le fixer à un manche : la
pointe du trépan suflit pour trouer les plus petits œufs ;
mais, pour ceux qui présenteraient trop de difficultés à
être vidés par une si petite ouverture , on enfonce plus
ou moins l'instrument. À défaut de trépan, on se servira
d’aiguilles à coudre , dont on aura rendu la pointe trian-
gulaire en les aflilant sur une pierre à aiguiser.
Jusqu'à présent on s’est servi d’aiguilles de métal pour
crever le jaune et mélanger les matières ; mais il arrive
souvent , lorsque les œufs sont petits et leurs coquilles
fragiles, que, si l’on enfonce un peu trop et touche en
quelque partie la paroi intérieure de la coquille, cela
suflit pour la trouer ou la fracturer entièrement. Nous
prévenons cet accident en nous servant d’aiguilles ou
filamens de baleine très-déliés , et même, pour les plus
petits œufs, de soies de sanglier, dont la flexibilité se
trouve proportionnée à la fragilité de la coquille.
Si l’on était en voyage, et que l’on se trouvàt dépourvu
de tube de verre, un simple tuyau de paille, très-délié
et légèrement recourbé, peut le plus souvent remplir
le même but. Dans tous les cas, il'est avantageux de se
servir de tubes de verre assez {ins , pour que l’on puisse
au besoin les courber, et en faire la pointe à la simple
flamme d'une bougie.
Lorsque les matières de l'œuf se trouvent trop épaisses
( 344)
‘pour sortir avec facilité par le petit trou qu'on a pratiqué
à la coquille, comme cela arrive fréquemment aux œufs
des grandes espèces , et à ceux qui sont déjà vieux lors-
qu'on veut les vider, on fait des injections d’eau fraîche
qui, délayant les matières, leur permet de sortir en-
suite avec facilité : mais si l'œuf avait été couvé pendant
quelque temps, et qu’il fût trop avancé pour qu'il soit
possible de la vider par ce moyen, ce qu’on reconnaît
à la résistance que l’on éprouve à brouiller les matières
qui sont alors sanguinolentes, il faut , après avoir en-
foncé la pointe d’une longue aiguille ou d’un crochet
métallique dans les chairs naissantes du petit oiseau, et
les avoir déchirées le plus possible, y injecter du sous-
carbonate de potasse en dissolution concentrée, au moyen
d’une pipette. On agite fortement l’œuf en mettant le
doigt sur l'ouverture, et on le laisse reposer deux ou trois
heures , après lesquelles on fait sortir les matières que
le sous-carbonaie a liquéfiées , pour les remplacer par
de nouvelles dissolutions; et l’on continue la même
opération jusqu'à ce que l’œuf soit entièrement vidé, ce
qui arrive ordinairement après cmq ou six injections
pour les œufs de moyenne grosseur. Enfin on y passe
de l’eau fraîche et on le fait sécher.
L'emploi du sous-carbonate de potasse demande quel-
ques précautions , parce que son contact prolongé avec
certaines couleurs tendres finit par en changer un peu
le ton ; mais on évite facilement son action en lavant
avec de l’eau fraîche les coquilles sur lesquelles il serait
tombé de sa dissolution. Les alcalis puissans , tels que
la potasse et la soude caustique, ne peuvent par consé-
quent être employés que par des mains habiles.
ls A]
( 345 )
Ün naturaliste anglais propose de dessécher l'embryon
dans sa coquille au moyen d’injections réitérées d’éther
sulfurique ; mais on parvient au même but et avec beau-
coup moins de dépense, en plongeant l’œuf un instant
dans l’eau bouillante pour tuer l'embryon, et le mettant
ensuite dans une étuve à une douce température , jus-
qu'à ce qu’il soit complètement desséché. Nous avons
vu même employer ce moyen pour les œufs frais; mais
un grand nombre perdent beaucoup de leur éclat et de
leur fraîcheur, et finissent tôt ou tard par tomber en
ruine.
Au Muséum d'histoire naturelle de Paris, on est dans
l'usage de pratiquer au centre de l’œuf un trou assez
grand pour qu’à l’aide d’une pince ou d’un petit crochet
on puisse dépiécer le petit oiseau et le faire sortir ensuite
par morceaux. On bouche l’ouverture en y collant un
peu de peau blanche.
Quelques préparateurs préfèrent enlever adroitement,
avec la pointe d’un canif, un large disque de la coquille,
qu'ils remettent en place lorsque l'œuf est vidé.
De tous ces procédés de vider les œufs qui ont été
couvés, le premier est sans contredit le plus sûr ; il est
un peu long , mais, en le suivant, on sera amplement dé-
dommagé de ses peines.
Malgré tous les soins que l’on aurait pris pour main-
tenir les œufs dans leur plus grande intégrité , leurs col-
lections seraient encore trop fragiles pour se prêter faci-
lement aux voyages , si l’on bornait leurs préparations
à en vider les coquilles ; il faut encore les rendre solides
et durables si l’on veut remplir les vœux des naturalistes
et les engager à se diriger vers cette partie intéressante
(346)
de l'Ornithologie , par l'assurance qu'ils auront de jouir
de leurs travaux. Voici le procédé qui nous a le mieux
réussi :
Quand les coquilles sont vidées et bien sèches, nous
y introduisons , à l’aide d’une seringue ou d’une pipette,
de la colle de poisson dissoute au bain-marie, en quan-
tité suflisante , pour en tapisser l’intérieur, d’une couche
uniforme d'environ une ligne ou une ligne et demie
d'épaisseur ; puis, tournant légèrement nos œufs entre
les doigts jusqu’à ce que la dissolution ait pris de la con-
sistance par le refroidissement , nous les exposons dans
un lieu sec et aéré, pour que la colle se dessèche promp-
tement : lorsqu'elle a acquis toute sa dureté, on ferme,
si l’on veut, l'ouverture de la coquille avec un peu de
plâtre gàché très-fin , auquel on donne une couleur con-
venable.
La colle forte et la colle de Flandre de bonne qualité
peuvent également être employées ; il faut choisir la
plus transparente, et celle qui, par le refroidissement ,
se coagule le mieux : si elle n'était pas très-claire , les
coquilles minces pourraient tenir de sa couleur; dans
tous les cas , on doit ne l’employer que tiède et en disso-
lution très-concentrée.
Les œufs préparés avec le plâtre ou la cire blanche ne
sont jamais très-solides, à moins que ces substances ne
forment une couche fort épaisse, ou ne remplissent l’œuf
entièrement.
Il peut arriver que l’on tienne à conserver un œuf qui
se trouve fèlé : on enlève une des parties fracturées, et
on fait sortir les matières par celte ouverture, qu'on re-
ferme ensuite en mettant en place le morceau enlevé, et
L à Le
;
| (347)
l'y fixant par les moyens d’encollage que l’on connaît.
On peut, de cette manière, rendre solides et durables
des œufs dont on n’aurait pu tirer aucun part.
On trouve quelquefois, dans les cabinets, des œufs
très-rares et très-précieux, mais tellement enfumés
qu’ils sont méconnaissables. Si l’on voulait leur rendre
leur éclat et leur fraîcheur première, om se servirait
avantageusement d’une légère eau de savon, ou d’une
solution de chlorure de chaux avec laquelle on nettoie-
rait leurs coquilles.
Les œufs préparés d’après notre méthode offrent aux
naturalistes une solidité comparable à celle des autres
objets d'histoire naturelle, et leur procurent l'agrément
et la satisfaction de conserver indéfiniment le fruit de
leurs recherches et de leurs travaux. On peut, avec la
plus grande facilité , les transporter d’un endroit dans un
autre ; avantage inappréciable pour les œufs des oiseaux
exotiques, et mème pour ceux du pays, qu’on est tou-
jours obligé d’apporter de la campagne. L’autre avan-
tage, non moins précieux pour l'observateur , est l'éclat
‘et la fraicheur des couleurs qui ne se trouvent jamaïs al-
térées , et la coquille conservée dans sa plus grande in-
tégrité par notre mode d'ouverture.
Il est à croire que les personnes véritablement zélées
pour le progrès des sciences naturelles, trouvant dans
notre méthode la simplicité et la solidité qu’elles pou-
vaient désirer dans les autres, ne tarderont point à former
des collections aussi intéressantes qu'utiles aux progrès
de l’Ornithologie. Pour nous, si nous avons pu contri-
buer en quelque chose à leur en faciliter les moyens,
nous nous trouverons amplement dédommagé de nos
travaux.
( 548 )
EXPLICATION DE LA PLANCHE X. x
A, petit trépan d’acier propre à percer les œufs sans fendre les co-
quilles.
B , aiguille de baleine traversant une perle de bois qui sert à la tenir.
C, crochets de métal très-commodes pour dépiécer l’embryon des
œufs couvés.
D, pince en fil de fer propre à tenir les œufs trop fragiles pour être
serrés entre les doigts pendant qu’on les vide. On voit entre les
branches un œuf qui vient d’être percé.
EE , tubes de verre recourbés en V vers leur pointe , servant à vider
les œufs.
F, œuf supposé coupé , dont on voit l’intérieur au moment où on le
vide.
G , pipette en verre très-avantageuse pour faire les injections.
Note sur la caverne de Bize près Narbonne (1) ;
Par M. Tournai fils.
(Extrait d’une Lettre adressée aux Rédacteurs. )
Narbonne , le 25 octobre 1828.
…… Les cavernes de Bize, bien différentes de celles
de Lunel-Vieil, me semblent mériter une plus grande
attention , parce qu’une partie des ossemens qu’elles ren-
ferment, étant beaucoup plus moderne que tous les
fossiles conuus jusqu’à présent, semblent lier la période
géologique actuelle avec l’époque antérieure aux temps
historiques.
En effet, à Bize on trouve dans les mêmes couches
(1) Voyez une première Note de M. Tournal sur ces cavernes , dans
le tom. XII, p. 78 de ces Annales ( septembre 1827 ).
( 349 )
des ossemens humains et des ossemens appartenant à des
espèces perdues , jouissant tous deux des mêmes carac-
tères physiques et chimiques. Ces observations peuvent
faire mettre en question l'existence de l’homme à l’état
fossile ; on ne peut les confondre avec cette mystification
grossière du bloc informe de grès trouvé à Fontaine-
bleau , ou bien avec ces squelettes humains trouvés à la
Guadeloupe dans une roche toute moderne , formée par
l’agglutination des fragmensde Madrépores. Elles portent
sur des faits nouveaux, et ont pour but de prouver que
dans l’état actuel de la science, on ne peut bien préciser
où finissent les couches régulières du globe. La propo-
sition généralement admise, qu’il n'existe pas sur nos
continens actuels d’os humains à l’état fossile, peut donc
être mise en doute, ou du moins ne peut être résolue.
Il est vrai que les poteries , les ossemens humains et
les coquilles marines modernes que l’on trouve dans les
cavernes de Bize, peuvent y avoir été emmenées long-
temps après par un courant d'eau qui, ayant remanié
le limon noir, y aurait mélangé des matériaux moder-
nes; mais en supposant ce dernier fait, et je suis porté à
le croire, nous aurions un exemple de trois grands
courans qui , à différentes époques , auraient atteint les
cavernes de Bize, et y auraient apporté ou surpris les
débris des êtres organisés qui habitaient alors les envi-
rons.
Les cavernes de Lunel-Vieil, que j'ai visitées avec
M. Marcel de Serres, sont percées dans un calcaire
marin tertiaire , affectant par fois la forme globaire. Leur
entrée est petite; le limon rouge et le sable qui les
remplit me paraissent avoir été déposés à la même épo-
( 350 )
que que le limon rouge des cavernes de Bize. Les osse-
mens y sont rares, puisqu’en cherchant pendant long-
temps, même dans des endroits vierges , il m'a été im-
possible de m'en procurer un seul fragment.
À Bize, au contraire, les cavernes sont percées dans
le calcaire oolithique. L'entrée en est facile, vaste, spa-
cieuse ; l’intérieur est immense et comblé d'abord par
un Jlimon rouge, analogue, comme je l’ai déjà dit, à
celui qui a comblé les cavernes de Lunel-Vieil.
Il m'a été impossible de me procurer beaucoup d’os-
semens provenant de ce limon , parce que pour y par-
venir on est obligé de traverser une couche de limon
noir qui le recouvre. Au-dessus du limon rouge a été
déposé le limon noir dont je viens de parler ; il renferme
une quantité immense d’ossemens.
Ce limon offre cela de remarquable, qu’il renferme
avec des ossemens humains, des poteries , des coquilles
marines modernes , des coquilles terrestres , et des os-
semens d'espèces perdues.
Il existe encore , dans plusieurs endroits des cavernes
de Bize, des brèches osseuses qui ne me paraissent être
que le limon rouge et noir, cimenté par des infiltrations
calcaires. Ces brèches se trouvent indifféremment aux
paroïs et même à la voüte des cavernes. Une chose qui
m'a encore surpris , et qui mérite la plus grande atten-
tion, c’est l'absence complète des grands carnassiers
qui auraient pu amener les ossemens ; mais les os n'é-
tant nullement rongés , on est obligé de rejeter cette opi-
nion.
(351 7)
Mémome sur la coloration automnale des feuilles;
Par M. Macamme-Princer (1).
(Extrait)
\
L'auteur de ces intéressantes recherches a cherché à
déterminer, par diverses expériences , quelle est la cause
qui produit en automne le changement de la couleur
verte des feuilles en une teinte jaune ou rouge.
M. Macaire s’est d’abord assuré que l’action de la lu-
mière est nécessaire pour produire cet effet, de sorte
qu'en abritant une feuille en tout ou en partie da con-
tact de la lumière, sa couleur reste telle qu’elle était
au moment où on a commencé l'expérience ; ainsi
les feuilles déjà jaunies du Rhus coriaria ne passent
pas au rouge lorsqu'elles sont abritées du contact de la
lumière.
D’autres expériences ont prouvé à ce savant que ces
feuilles cessaient de décomposer l'acide carbonique
sous l'influence de la lumière solaire , lorsqu'elles
avaient commencé à jaunir, ou mème , lorsqu'étant
encore vertes , elles étaient sur le point de jaunir ; mais
dans toutes les périodes de ces changemens de couleur ,
les feuilles continuent à absorber de l’oxigène lorsqu’el-
les sont dans l’obscurité, en quantité décroissante à me-
sure que la coloration automnale devient plus marquée.
La matière colorante des feuilles, désignée par les
chimistes sous le nom de chlorophylle, et par MM. De-
candolle et Macaire sous celui de chromule étant le siége
(2) Mém. Soc. de Phys, et Hist, nat. de Genève, tom. IV, part. 1.
( 28")
de ce changement de couleur, l’auteur a recherché
quelles étaient les diverses circonstances qui détermi-
naient les changemens de couleur de cette matière.
Il s’est assuré que la chromule des feuilles de Sumac,
devenues rouges , était d’un beau rouge de sang , et re-
devenait vertes par l’action d’un alcali; un acide réta-
blissait ensuite la couleur rouge.
Il a retrouvé, dans les calices et les corolles du Sal-
via splendens, une chromule rouge qui présentait les
mêmes caractères. Les fleurs rouges et roses ont fourni
également de la chromule rouge ; la chromule jaune des
fleurs de cette couleur est aussi ramenée au vert par les
alcalis.
Les fleurs bleues donnent une chromule d’un beau
bleu que l’auteur présume être produite par la com-
binaison de la chromule rouge avec un alcali végétal;
en effet, une combinaison artificielle de ce genre a
produit une teinte assez analogue d’un vert bleuâtre.
Ces diverses observations conduisent M. Macaire à
conclure que c’est à la fixation de l’oxigène et à une sorte
d’acidification de la chromule qu'est due le change-
ment automnal de la couleur des feuilles.
Nous ne nous étendrons j'as davantage, dans ces An-
nales, sur les détails des expériences de M. Macaire,
malgré l'intérêt qu’elles présentent pour la physiologie
végétale, le Mémoire de ce savant ayant été imprimé en
entier dans les Annales de Chimie et de Physique (1),
et ces deux Journaux devant être considérés comme
deux sections d'un seul et mème recueil.
(1) Tome 28, août 1828.
(353)
Sur un Gisement de Végetaux fossiles et de
Graphite, situé au col du Chardonet ( dépar-
tement des Hautes-Alpes ) (1);
Par M. !. Errxe ne BEAumonr.
La rangée presque rectiligne de sommités primitives
qui s'étend dans la partie occidentale des Alpes, de la
pointe d'Ornex , au sud de Martigny , à la montagne de
Taillefer , à l’ouest du bourg d’Oisans , s'élève à travers
une solution de continuité dans les couches secondaires
dont on ne peut donner une idée plus juste qu’en la com-
parant à une grande boutonnière. Les deux bords de
cette boutonnière, retroussés de chaque côté, ne sont
pas partout également écartés l’un de l’autre. A l’est de
Saint-Maxime de Beaufort, par exemple, ils sont pres-
que en contact : mais quelles que soient les dentelures
qu'ils présentent dans quelques-unes de leurs parties ,
leur continuité est assez soutenue pour prouver que tout
leur contour est de la même formation, de sorte qu'il
suflira de déterminer l’époque géologique à laquelle ap-
partient une portion de ce contour pour fixer celle de
tout l’ensemble.
En appliquant à diverses parties de ce contour , des
considérations indépendantes les unes des autres , je tà-
cherai de prouver que chacune d'elles , considérée isolé-
ment , appartient au système jurassique, et mes rai-
sonnemens n'ayant de commun que cette identité de
(1) Le col du Chardonet, par lequel on va en été du village du
Lauzet à celui de Quetelin , est situé à-peu-près au premier tiers de la
longueur d’une ligue droite tirée de Briancon ( Hautes-Alpes } à Saint-
Jean de Maurienne { Savoie).
XV. — Décembre 1828. 23
(354)
résultats, relativement à diflérentes parties d’un même
tout , se prêteront par cela même, si je ne me trompé,
un mutuel appui. Ils formeront la matière d’une série
d’articles dont je m’occuperai successivement. Je me
bornerai aujourd’hui à ajouter quelques faits à l’appui de
ceux que j'ai fait connaître dans une Notice sur nn gise-
ment de végétaux fossiles et-de bélemnites, situé à Petit-
Cœur , près de Montiers, en Tarentaise, qui a été in-
sérée dans le cahier de juin 1828 des Annales des
Sciences naturelles , t. x1v, p. 113.
Dans la plus grande partie du contour de la vaste
boutonnière qui laisse paraître au jour la chaîne primitive
dont j'ai parlé ci-dessus, les premières assises secondaires
présentent un grès à grain plus ou moins grossier passant |
à un poudingue , dont les poudingues de Valorsine, du
Trient , d'Ugine, d’Allevard , de la Ferrière, les grès à
anthracite des environs de la Motte et du Valbonnais,
et le grès de Peuit-Cœur, sont des exemples particuliers ;
mais qui paraît se soutenir d'une manière continue sur
tout le pourtour des montagnes primitives et les recou-
vrir toujours immédiatement. Ce système s'appuie éga-
lement sur la partie orientale du petit groupe de cimes
primitives qui s'élève à l’est du bourg d’Oisans et
d'Huez ; il s'étend au pied de ce petit groupe depuis la
vallée du Glandon jusqu’au Mont-de-Lent. On le voit :
très-bien le long de la descente qui conduit de la eroix
du col de la petite Olle à Saint-Sorlin-d’Arve, zu S.-0.
de Saint-Jean de Maurienne.
Dans cetie dernière localité on voit , dans la partie in-
férieure de ce système de grès et de poudingue , une cou-
che d’un calcaire schisteux, cristallin, accompagné d’une
argile schisteuse noire, réunion qui rappelle celle que j'ai
_—
(355)
signalée dans le système correspondant qui se montre à
Petit-Cœur. L'état cristallin du calcaire paraît lié à la
présence d’une roche de feldspath verdâtre , qu’on voit
sortir à travers les roches arénacées. C’est évidemment
de ce point ou de points contigus , que proviennent les
blocs souvent énormes de poudingue et de grès à anthra-
cite qu’on rencontre dans la vallée de l’Arvant, depuis le
pied du col de la petite Olle, jusqu’à Entraigues, et pro-
bablement plus bas encore. Dans l’un de ces blocs de
- grès , J'ai trouvé des veinules d’anthracite , et peut-être,
en cherchant mieux, aurais-je trouvé dans le groupe de
roches dont il provenait des empreintes végétales pa-
reilles à celles de Petit-Cœur, du Mont-de-Lent, du
Pey-Chagnard, etc.
Si du pied du col de la petite Olle on se dirige d’abord
vers le village de Bonnenuit, en suivant la vallée de
l'Arvant jusqu'à Entraigues , et allant ensuite gagner le
col des pics situé au nord du plus septentrional des trois
aiguillons d’Arve; puis de Bonnenuit vers le col du
Chardonet, en passant par le col de la Ponsonnière, on
marche successivement sur la tranche d’une énorme
épaisseur de couches de schiste argilo-calcaire et de grès,
qu’on voit très-clairement reposer les unes sur les autres
sur les flancs de ravins énormes et dans des escarpemens
considérables. Je vais indiquer brièvement leur composi-
tion , en commençant par les inférieures.
On trouve d’abord une grande épaisseur de couches
de schiste argilo-calcaire , et d'argile schisteuse noire, évi-
demment superposés au poudingue du col de la petite
Oile, et dans lesquelles est creusée la vallée de l’'Arvant
jusqu'à Entraigues, Le prolongement de ces couches vers
(356)
le $.-O, présente, au pied nord du col des Berches , des
rognons de calcaire compacte noir, dans lesquels j'ai
trouvé des Bélemnites.
En remontant le vallon qui vient se terminer à En-
traigues, et le quiltant à environ une lieue au-dessus de
ce village, pour se diriger directement vers les aiguilles
d’Arve, on trouve successivement un grand nombre de
couches alternatives de schiste argilo-calcaire noir, et
de calcaire compacte gris - noïrâtre un peu marneux,
présentant beaucoup de petites parties cristallines, et
contenant un grand nombre de Bélemnites en assez
bon état de conservation, quoique généralement leur
cassure soit plus cristalline et moins distinctement fi-
breuse que dans les couches marneuses des plaines de la
France, de l'Angleterre et de l'Allemagne. Dans celles
de ces couches qui sont schisteuses, j'ai remarqué que,
comme dans les couches analogues d’Allevard et du
bourg d'Oisans , le sens de la disposition schisteuse
est souvent très-oblique par rapport au plan des cou-
ches , et que souvent même les surfaces de séparation des
feuillets sont courbes. Les couches dont je parle ici
m'ont très-bien rappelé celles qu'on observe dans les
ravins des environs de Barcelonnette, et, par leur posi-
tion dans la série , elles doivent correspondre à peu près
à celles qui forment le défilé qu’on traverse pour aller
d’Aigue-Blanche à Moutiers : il paraît également évident
que leur prolongement méridional forme les cimes qui
dominent immédiatement le col des Berches du côté de
l’ouest.
Plus haut, dans la série , et plus près du pied des aï-
suilles d’Arve, on observe une grande épaisseur d'un
—_
( 357 )
schiste argilo-calcaire noir, contenant des rognons cal-
caréo-pyriteux très-difliciles à casser, et susceptibles de
se transformer, à l'air, en rognons à couches concentri-
ques fortement colorés par l’hydrate de fer. Vers le mi-
lieu de ce groupe de couches, on trouve une assise de
grès à anthracite schisteux, à grains assez fins. Je crois
que ce groupe correspond à celui dans lequel est creusé
le petit bassin où s’élève la ville de Moutiers.
Dans la partie supérieure de ce même groupe de cou-
ches, au-dessus de l’assise de grès, on trouve de petites
couches subordonnées d’un calcaire compacte grisâtre,
passant à une brèche calcaire et assez riche en fossiles ;
j'y ai trouvé en très-peu de temps une Bélemnite et une
petite Ammonite très-bien conservées, des Encrines cir-
culaires et pentagonales , et une Bivalve striée ( Pecten
analogue à celui du marbre de Villette ? }.
Enfin , au-dessus de toute la série précédente , on voit
une épaisseur considérable d’un calcaire d’un gris noi-
râtre , plus ou moins marneux, et pétri de grains cris-
tallins, dont la quantité plus ou moins grande fait que
les couches sont plus ou moins solides: on y observe
quelques traces peu distinctes de fossiles. Ce calcaire qui,
par sa position, semble correspondre à celui que coupe
la vallée de l'Isère, entre Moutiers et Villette, et dont
le prolongement méridional constitue probablement les
cimes qui dominent immédiatement le col du Lautaret ,
forme le talus qui sert de base aux pyramides élancées ,
appelées Les trois aiguillons d’'Arve , dont on voit très-
bien, du pied du talus, que les masses d’une tout
autre nature , sont posées sur le caleaire dont je viens de
parler.
( 358 )
J'ai indiqué à mesure comment les couches dont je
viens de faire connaître la succession, depuis le col de
la petite Olle jusqu'aux aiguilles d’Arve, font continuité,
d’une part, avec celles des environs de Petit-Cœur et de
Moutiers(1), et de l’autre avec celles des environs du col
des Berches, dont j'ai déjà fait connaître la connexion
avec le lias incontestable des environs de Digne. J'espère
parvenir à prouver, dans un autre travail, que c'est préci.
sément le protongeme rit de ces mêmes couches qu’on voit
se relever à l'approche des masses isolées de gneis, du
Mont-Cenis et du Mont-Viso. J'espère montreraussi qu’on
peut, en partant du pied du Moni-Viso, établir que ces
mêmes couches sont le prolongement des assises calcaires
qui, près de Digne, de Castellane et de Sisteron , pré-
sentent d’une manière si prononcée les caractères z00-
logiques du lias.
Les trois pyramides dites Les trois aiguillons d'Arve,
que je croyais être calcaires, aussi bien que la base qui
les supporte, sont au contraire formées d'un conglo-
mérat extrêmement remarquable , à la vue duquel , je
n’ai pu , je l'avoue , m'empêcher de former la conjecture
qu'il a été poussé d’en bas par une pression intérieure.
D'après cette considération , que je me propose de déve-
(1) Les couches inférieures du lias des environs de Moutiers se con-
tinuent sans interruption jusqu’au pied des masses primitives du Mont-
Blanc. En montant de la Gîte au col de la Sauce qui tient à celui du
Bonhomme , j’ai tronvé , dans des couches peu élevées de ce système une
Ammonile à cloisons persillées, des Bélemnites et des Pentacrinites.
Au col du Bonhomme , et à Roselen, j'ai trouvé des Pentacrimites (et des
pointes d’Oursin?) dans des couches secondaires presque immédiate-
ment superposées aux roches primitives et inférieures à la presque to-
talité du syslème secondaire de ces contrées.
7"
( 359 )
lopper ailleurs, je me borneraiï à dire que ce conglomérat
se compose de fragmens de calcaire pétri de corps ma-
rins, de granite, de porphyre quarzifère, de schiste
verdâtre et de quarz grenu , réunis par un sable grani-
tique réagglutiné. Les corps marins que j’ai remarqués
dans les fragmens calcaires sont principalement des
entroques circulaires et pentagonales fossiles que j'ai
vus en grand nombre dans les assises inférieures du sys-
tème de couches dont j'ai parlé précédemment, près du
village des Freaux, dans la haute vallée de la Romanche,
à une distance assez petite des Aiguilles d’Arve, pour
qu'il soit très-probable qu’elles viennent passer au-des-
sous sans beaucoup changer dans Fintervalle. Quelle
que soit , au reste, l’origine de ce conglomérat, j'au-
rais pu ici le passer sous silence , attendu qu’il ne forme
que des masses dont la section transversale est ellip-
tique, qui ne se prolongent pas très-loin, et qui par
conséquent n'interrompent que d'une manière tout-à-
fait locale la succession des autres couches qui se tou-
chent mutuellement de part et d'autre de ces mêmes
masses.
Les couches, immédiatement supérieures au conglo-
mérat des aiguilles d’Arve, et sur la tranche desquelles
on gravit pour atteindre le sommet du col des Pics,
situé au nord de la plus septentrionale des trois ai-
guilles, présentent une alternative répétée un grard
nombre de fois de schiste argilo-calcaire pareil à tous
ceux mentionnés plus haut, et de grès schisteux à
grain fin. Le point culminant du col est formé, pres-
que exclusivement, par ce grès, qui commence dès-
lors à dominer beaucoup, relativement au schiste ar-
( 360 )
gilo-calcaire noir qui dominait au contraire dans toutes
les assises plus basses de la série. Si du sommet de ce
col on promène ses regards vers l’ouest du côté d’En-
traigues et du col de l’Infernei, c’est-à-dire sur les cantons
que forment ces mêmes couches inférieures , on n’aper-
çoit de toutes parts qu’un sol noir profondément raviné,
présentant seulement sur les crètes qui séparent les ra-
vins des bandes étroites de gazon , et qui ressemblent
complètément, quoique sur une échelle plus grande, aux
flancs ravinés de la vallée de l’Escure et de quelques
autres des environs de Digne. Son aspect nous a involon-
tairement rappelé, à M. Fénéon et à moi , l’époque déjà
trop loin de nous où M. Léopold de Buch avait la bonté
de nous associer à ses courses dans les curieuses vallées
que je viens de citer , et la manière dont ce savant géo-
logue, qui a présentes à l'esprit tant de contrées si di-
verses, nous faisait remarquer l'aspect inusité des sites
qui s’y présentaient à nous ; aspect si propre à faire re-
connaître ailleurs, et surtout dans des contrées peu éloi-
gnées , le système de couches qui le produit.
En descendant du eol des Pics, vers Bonnenuit,
par le vallon des Pics, on voit le grès dominer de plus
en plus, relativement au schiste argilo-calcaire, et
changer un peu de caractère, c’est-à-dire que certaines
couches sont moins schisteuses et à grains plus gros que
ne le sont les couches qu’on voit au col même. On ob-
serve aussi qu'à mesure que les couches de schiste ar-
gilo-calcaire deviennent plus rares et plus minces, elles
sont plus fréquemment remplacées par des couches
d'argile schisteuse noire non eflervescente.
Le système de couches de grès dans lequel est creusée
( 361 )
la partie supérieure du vallon des Pics, parait ètre le
prolongement des couches de grès qui constituent le col
des encombres au nord de Saint-Michel en Maurienne,
et la montagne au sud de Notre-Dame-du-Pré, près
Moutiers; et il me paraît en même temps très-probable
que les grès qui , d’après une observation que M. Guey-
mard , ingénieur des mines à Grenoble, a eu la complai-
sance de me communiquer, constituent l’aiguille de
Goléon, appartiennent à leur prolongement méridional.
En approchant de la partie inférieure du vallon des
Pics, qui se termine près du village de Bonnenuit,
dans une vallée plus considérable, on voit le grès dis-
paraître pour faire place à des schistes argilo-calcaires,
et à des calcaires schisteux qui lui sont superposés, et
qui contiennent des masses de gypse : ce dernier groupe
de couches s'enfonce sous un nouvel étage de grès à
anthracite, dans lequel on exploite des dépôts de ce
combustible au-dessus et à l’est de Bonnenuiït.
De la partie inférieure du vallon des Pics on voit
s'étendre , derrière Bonnenuit jusqu’à l'entrée de la
vallée de Neuvachette une arète de rochers dont Îles
couches présentent leurs tranches du côté de l’est, et
paraissent formées , les unes de quarz blanc presque
compacte, et les autres de calcaire; ces couches cal-
caires et quarzeuses, qui sont superposées au grès à
anthracite de Bonnenuit, m'ont paru être le prolonge-
ment d’une partie de celles qu’on traverse en montant
du Jauzet au vallon de la Ponsonnière , et qu’on re-
traverse en descendant du col de la Ponsonnière à Bonne-
nuit.
Les roches de quarz dont je viens de parler, me pa-
( 362 )
raissent, d’après un grand nombre d'observations que je
ne saurais rapporter ici, être une altération du grès à
anthracite , de même que les schistes verdàtres et lie de
vin qui les accompagnent souvent, me paraissent être une
altération de l’argile schisteuse noire, et, de même que
les gypses qu’on observe dans l’intérieur des Alpes, me
paraissent être une altération des calcaires. Le fait de
cette transformation-me paraît certain sans que la nature
de l’agent qui l’aura produite me paraisse jusqu'ici clai-
rement établie.
Le gypse et le quarz dont il vient d’être question sont
à peu près les premières roches altérées qu’observerail
un voyageur qui se rendrait du bourg d’Oisans en Pié-
mont, en passant par les aiguilles d’Arve et Bonnenuit.
Par un hasard heureux pour les géologues , il se trouve
là un espace assez considérable dans lequel les couches
ont été simplement inclinées , sans subir de grandes con-
torsions ni d’altérations considérables ; mais, à mesure
qu’on s'éloigne de cette petite région qui semble avoir été
protégée d’une manière parüeulière et qu’on s'approche
de la suite continue de masses primitives qui se dirige du
mont Rose vers les montagnes situées à l’ouest de Coni,
on voit les couches secondaires perdre de plus en plus les
caractères inhéreus à leur mode de dépôt. Souvent alors
elles en prennent d’autres qui semblent provenir d’une
tout autre cause, sans perdre pour cela leur stratifi-
cation , rappelant par cette disposition la structure phy-
sique d’un tison à moitié charbonné dans lequel on peut
suivre les traces des fibres ligueuses , bien au delà des
points qui présentent encore les caractères naturels du
bois.
+
(363)
Les divers détails que j'ai donnés précédemment
avaient pour objet principal de faire voir que le groupe
de couches calcaireset quarzeuses qui commence la nom-
breuse série de couches qu’on traverse en montant du
Lauzet au vallon de la Ponsonnière et au col du Char-
donet , est supérieur de beaucoup au gisement des Bé-
lemnites et des végétaux fossiles de Petit-Cœur , et que,
quoique la série des couches intermédiaires soit très-
nombreuse et très-épaisse, toutes les superpositions qui
établissent la relation que j’indique, sont de nature à
être positivement constatées.
En sortant du village du Lauzet pour monter au col
du Chardonet , on se trouve sur des couches de calcaire
schisteux et de schiste argilo-calcaire , qui sont le pro-
longement méridional des calcaires schisteux avec masses
accidentelies de gypse du bas du vallon des pics , et qui,
par conséquent, sont supérieures à Loutes celles qu'on
traverse depuis Le col dé la petite Olle, jusqu’à l’extré-
mité inférieure de ce vallon. Elles sont trop peu solides
pour former des escarpemens considérables.
Au-dessus de ce calcaire se trouve une assise épaisse
de quarz blanchâtre, d'une texture légèrement grenue,
et d’un éclat ur peu gras, traversé par un grand nombre
de petits filons de quarz compacte très-blanc. Cette
assise quarzeuse forme les premiers escarpemens qui
dominent les dernières granges au N.-E. du Lauzet.
Dans des blocs détachés du pied de ces escarpemens , j'ai
remarqué des noyaux de quarz dont quelques-uns pré-
sentent la teinte noirâtre assez habituelle aux noyaux de
quarz qui existent souvent dans les assises arénacées du
même système. Cette première assise quarzense est sur-
( 364 )
montée par une assise d’un calcaire gris plus ou moins
cristallin avec de petits filons blancs , que recouvreune
nouvelle assise quarzeuse analogue à la première. Outre
le quarz blanc presque compacte, elle m’a offert un quarz
schisteux, grenu, un peu talqueux, qui se lie intimement
à la première variété. Cette seconde assise quarzeuse est
recouverte par un grès tantôt schisteux et composé de
petits grains de quarz et de feldspath , et de paillettes de
mica, tantôt non schisteux , à gros grains, et contenant,
outre les élémens précédens , de gros noyaux de quarz
blanc ou d’un gris noirâtre et présentant, en quelques
points, de grandes empreintes végétales qui ressemblent
à de grandes tiges cannelées de fougères en arbre.
Ce dernier grès contient des couches d'argile schis-
teuse noire , et un gite d’anthracite sur lequel sont ou-
vertes de petites exploitations tout au bas du vallon de
la Ponsonnière, et je crois que le gite de ce combus-
tible, qu'on exploite au-dessus de Bonnenuit, est si-
tué dans leur prolongement.
Immédiatement au-dessus de ces dernières couches se
trouve une assise très-épaisse de calcaire gris avec petits
filons blancs , qai couronne les escarpemens formés par
quelques-unes des assises précédentes. Vers le sud , on
voit la tranche abrupte de cette couche descendre jusque
dans le fond de la vallée de la Guisane, près du Casset :
vers lenord, au contraire, on la voit s'élever jusqu'aux
cimes de la montagne de Terre Noire, et se prolonger
vers Bonnenuit. Immédiatement au - dessus de cette
assise calcaire commence le grand système de grès qui
constitue le sol du vallon de la Ponsonnière, et qui
s'élève jusqu'au sommet du col du Chardonet, et de
(365)
quelques-unes des sommités voisines ; il comprend di-
verses assises d’une argile schisteuse noire, qui se trouve
accidentellement colorée en gris verdâtre, en rouge lie
de vin et passe lui-même à une roche de quarz; il con-
tient plusieurs gites d’anthracite, et les petits amas de
graphite dont je parlerai plus loin. Les premières cou-
ches de ce système présentent un grès tout-à-fait ana-
logue à celui sur lequel repose le calcaire précédent, et
offrant les mêmes variétés et les mêmes accidens. On
y trouve de mème des empreintes de grandes tiges ana-
logues aux tiges cannelées des fougères en arbre, et
d’autres empreintes dont un échantillon à paru, à
M. Adolphe Brongniart, se rapporter à un Lépidoden-
dron (?).
Lorsqu'on monte directement du bauzet au col de la
Ponsonniëére , on voit plusieurs exploitations d’anthra-
cite ouvertes sur le prolongement des couches dont je
parle ici. Diverses assises de ce système de couches de
grès et d'argile schisteuse viennent au jour çà et là à
travers le gazon et à travers les éboulemens qui s’élèvent
en talus du bas du vallon de la Ponsonnière jusqu’au
pied des escarpemens situés en face du Lauzet, un peu
au nord et à la hauteur du col du Chardonet, et dans
lesquels se trouve la mine de graphite ; et il est aisé de
juger, tant par ces effleuremens que par les rochers qu’on
observe à l’extrémité sud de ce talus, qu’il est entière-
ment formé par ce système de couches. Vers le milieu de
sa hauteur , on exploite un dépôt d’anthracite qui est
presque friable , mais qui n’en est pas moins estimé.
Les premières assises des escarpemens , au pied des-
quels finit le talus dont je viens de parler, présentent,
( 366 )
sur une hauteur d'environ 15 mètres, un grès qui rentre
dans les variétés les plus communes, et déjà décrites,
des grès à anthracite des Alpes.
Au-dessus se trouve un banc « pl. 12, d'environ 6 mè-
tres de puissance d’une roche de feldspath verdätre com-
pacte à cassure esquilleuse, fusible en émail blanc , bul-
leux , contenant des cristaux d’amphibole disséminés en
quantité plus ou moins grande, et presque toujours aussi
des grains de pyriteetdes grains cristallisés de quarz, banc
qui ne présente aucune trace de stratification , mais dans
lequel j'ai remarqué et observé attentivement , le long du
sentier que je suivais, un grand fragment y de grès qui
s'y trouve empâté ; il a environ 4 mètres de longueur
et 1 mètre d'épaisseur ; sa plus grande dimension , qui
est dans le sens des strates trèsdistinctes dont il se com-
pose , est couchée à peu près parallèlement aux sur-
faces supérieure et inférieure du banc feldspathique
qui l'enveloppe de toutes parts, et de la stratification
du terrain. Au-dessus de ce banc feldspathique on
trouve une épaisseur d'environ 40 mètres d’un grès d’un
grain généralement assez fin , passant dans la partie
supérieure à une roche quarzeuse verdàtre presque
compacte , qui se casse irréguliérement , et qui présente
des fentes dans diverses directions. Vers le milieu de
cette assise se trouve une petite couche d’anthracite qui
vient au jour dans la baraque Æ construite pour les ou-
vriers , à l’époque où on a essayé l'exploitation du gite
de graphite dont il va être question. Cet anthracite,
comme presque tous ceux des Alpes, a pour caractère
minéralogique le plus tranché , de se diviser en rognons
tuberculeux à surface Juisante.
( 367 )
Immédiatement au-dessus des dernières assises quarzeu-
ses qui viennent d’être mentionnées , se trouve un banc
6 d'environ 3 mètres de puissance d’une roche feld-
spathique analogue à la précédente , sur laquelle on voit
reposer une assise irrégulière G d'argile schisteuse
noire, dans laquelle s’insèrent, presque horizontalement,
des ramifications tuberculeuses z à contours arrondis
de la même roche feldspathique , près desquelles on voit
les surfaces de séparation souvent contournées, de l’ar-
gile schisteuse , se couvrir d’enduits plus ou moins épais
de graphite, qui, en quelques points, se renflent en ro-
gnons irréguliers ; ce graphite, qui est onctueux au tou-
cher, se taille au couteau , raye le papier , et est enlevé
par la gomme élastique, ne présente pas de fragmens
assez gros et assez purs à la fois pour faire des crayons,
mais 1] paraît très-propre à être employé pour adoucir
les frotitemens des machines, pour faire des creusets, etc.,
et on a tenté de l’exploiter pour ces divers usages ; ce-
pendant on conçoit aisément qu’un gite si peu riche, et
auquel on ne peut parvenir que pendant peu de mois de
l’année, et par une montée pénible de plusieurs heures,
ne saurait être d’une exploitation très-productive: aussi,
à l’époque où je l’ai visité (août 1828), les travaux com-
mencés il y a quelques années étaient-ils complètement
abandonnés.
Les couches en ce point, ainsi que dans toute la hau-
teur de l’escarpement , plongent de 5 à 6° vers l'E. N. E.
La couche d'argile schisteuse noire "dans laquelle je
viens d'indiquer du graphite, en présente en plusieurs
points du grand escarpement dont elle fait partie. J'en ai
trouvé notamment en un point situé un peu au sud du
L
( 368 )
gisement principal donije viens de parler. Dans ce second
point, la partie de la couche d'argile schisteuse noire qui
se trouvait au-dessus du graphite, était endurcie et pré-
sentait diverses empreintes végétales en partie garnies
d’anthracite, fait qui m'a paru établir clairement la liai-
son qui existe ici entre ce combustible et le graphite.
M. Adolphe Brongniart a eu la complaisance d'examiner
celles de ces empreintes que j'ai pu rapporter, et il y a
reconnu les espèces suivantes. 1° Les Calamites Suc-
kowiü? et Cistii; 2° quelques Sigillaires dépouillées
d’écorce et indéterminables comme espèces, mais dont
une est 1rès-voisine du Sigillaria tessellata.
Cette argile schisteuse noïre passe, dans sa partie supé-
rieure, à un grès schisteux noir, micacé, à grains fins, qui
forme une assise au-dessus , et qui rentre dans les varié-
tés schisteuses les plus ordinaires des grès à anthracite
des Alpes. Au-dessus de cette première assise, on en voit
une seconde d’un grain un peu moins fin , qui passe dans
la partie supérieure à une roche de quarz d’un gris ver-
dâtre, presque compacte , dans laquelle on distingue en-
core la texture grenue et la disposition stratifiée, mais
qui présente en même temps un grand nombre de fis-
sures planes, dont les plus soutenues sont verticales,
ce qui lui donne une disposition particulière à se diviser
en prismes verticaux.
À environ 6 mètres au-dessus de l’argile schisteuse
noire avec empreintes végétales et graphite, on voit pa-
raître au milieu du quarz prismatoïde un nouveau banc
y pl. 12 de 2 mètres environ de puissance , d’une roche
de feldspath verdätre, compacte, à cassure esquilleuse,
contenant beaucou» de cristaux d’amphibole, sans au-
. 4
( 369 )
qu'une trace de stratification , et présentant plutôt une
disposition à se diviser en prismes verticaux. Au lieu
d’être intercalé purement et simplement dans toute son
étendue entre les deux mêmes strates quarzeuses , en
coupe plusieurs et passe obliquement entre les deux par-
ties séparées de la manière indiquée en xx’. Au dessus
de cette assise recommence la roche de quarz verdâtre
qui se soutient sur une hauteur d'environ 25 mètres sans
être interrompue par autre chose que par une petite
couche d'argile schisteuse noire. Au-dessus de ces 25 mè-
tres de quarz on aperçoit encore un banc 5 d’environ
deux mètres de roche feldspathique, au-dessus duquel
recommence encore le quarz qui parait s'élever sans in-
terruption jusqu'au sommet des escarpemens, c’est-à-
dire à environ 200 mètres plus haut. Dans toute sa hau-
teur , ce quarz présente des indices de stratification , mais
on y remarque surtout un grand nombre de fissures ver-
ticales par l'effet desquelles il se divise en prismes verti-
caux irréguliers, qui se groupent en obélisques des
formes les plus élancées et les plus hardies. Vu de loin,
cet escarpement découpéprésente des bandes noirâtres
dans le sens de la stratification; ces bandes sont pro-
bablement dues à des couches d'argile schisteuse noire,
ou de grès schisteux à grain fin chargé de carbone , et
doivent même présenter des veines d’anthracite, car J'ai
trouvé des morceaux de ce combustible parmi des frag-
mens de roches éboulées au-dessus du niveau de la cou-
che qui renferme le graphite. Quelques-uns de ces
mêmes fragmens , au lieu de présenter, comme la plu-
part des autres, une cassure à peu près compacte, parse-
mée de grains presque indiscernables, présentent comme
XV. 24
( 370 )
la roche de quarz du bas du vallon de la Ponsonnière,
un grand nombre de noyaux de quarz arrondis, qui con-
courent à rendre évidente la formation primitivement
arénacée de ces assises quarzeuses.
J’ajouterai ici que les couches de grès, passant au quarz
qui constituent les escarpemens voisins de la mine de
graphite , se prolongent vers le sud jusqu'au delà du col
du Chardonet , où elles présentent un grès schistoïde à
grains moyens de quarz et de feldspath avec noyaux de
quarz, dans lequel le passage à la roche de quarz com-
pacte ne se manifeste plus. Entre la mine et le col j'ai
trouvé des blocs de ce grès pétris d'empreintes végétales
assez nettes. Parmi celles que j'ai rapportées M. Adolphe
Brongniart a reconnu les espèces suivantes :
1° Le Lepidodendron ornatissimum parfaitement ca-
ractérisé avec ses grands disques circulaires et des indices
de feuilles.
2° Une espèce de Sigillaria.
3° Trois espèces de Calamiles qui paraissent se rap-
porter aux Calamites cannæformis , Suckowii, et ap-
proximatus. Ces plantes sont les plus nombreuses.
Les assises non stratifiées de roches feldspathiques
qu’on voit paraître entre les couches de grès, d'argile
schisteuse et de quarz dans l’escarpement de la mine
de graphite, semblent d’abord isolées ; mais aux envi-
rons du col même du Chardonet, situé à quelque dis-
tance au sud de l’ancienne exploitation , on voit paraître
sous diverses formes , au milieu des couches disloquées
du grès déjà mentionné, des masses de roches feldspa-
thiques verdâtres, analogues aux précédentes. Près du
col on remarque une de ces masses qui vient au jour
parallèlement aux plans des couches qui, à son ap-
4
!
'
( 371 )
proche , se dérangent un peu de leur direction. Cette
masse est divisée en prismes assez perpendiculaires à
ses surfaces supérieure et inférieure.
Beaucoup de blocs de ces roches feldspathiques pré-
sentent des grains de quarz cristallisé et de pyrites , beau-
coup aussi contiennent des cristaux d’amphibole vert.
Quelques-uns présentent des parties feldspathiques plus
blanches que la masse qu’on pourrait prendre au pre-
mier abord pour des rudimens de cristaux ; maïs, en les
considérant de près, on voit que ce sont de simples glo-
bules aussi compactes que la pâte qui les entoure, et
dans laquelle ils se fondent sur les bords : ils rappellent
jusqu'a un certain point ceux que présentent quelques
échantillons de la variolite de la Durance.
Lorsqu'on se dirige de l’exploitation de graphite vers
le lac de la Ponsonnière , on aperçoit aisément que les
couches de quarz découpées en obélisques, dans la par-
tie inférieure desquelles le graphite était exploité , ne
forment qu’un placage peu épais (peut-être de 200 mè-
tres), en avant d’une masse considérable d’un feldspath
verdâtre , compacte, à cassure un peu esquilleuse , fu-
sible en émail blanc bulleux, contenant un grand
nombre de cristaux d’amphibole d'un vert sombre , mais
dans lequel on n'observe plus de grains de quarz. Cette
roche dont on rencontre de nombreux blocs éboulés,
constitue en arrière des obélisques de quarz , d’autres
pyramides d’un aspect différent qui dominent les pre-
mières de 100 à 200 mètres. Il paraît très-probable
que les bancs feldspathiques, observés au-dessus et au-
dessous du gite de graphite , ne sont autre chose que des
ramifications poussées par cette masse centrale entre
les couches de grès. Dans cette supposition , on trouvera
(372)
assez naturel que l’un des bancs de roche feldspathique
contienne un grand bloc du grès qui l’encaisse , et
qu’un autre coupe des slrates de ce même grès, faits
qui dans toute autre hypothèse, seraient fort embarras-
sans. Des blocs nombreux de cette roche, passant à un
feldspath compacte blanchâtre , sans amphibole, avec
grains cristallisés de quarz et pyrites , se trouvent épars
sur toute la pente, qui du vallon de la Ponsonnière s’é-
lève vers le col du Chardonet et la mine de graphite.
M. Fénéon , ingénieur des mines , avec qui j'ai eu l’avan-
tage de faire la course du col du Chardonet et toutes
celles dont je cite ici les résultats, a trouvé dans un de
ces blocs de petits cristaux jaunes dans lesquels il a cru
reconnaître du péridot.
Les couches de grès qui sont coupées par la grande
masse feldspathique en avant de laquelle ils ne forment,
du côté de l’ouest, qu’un placage peu épais , paraissent se
retrouver sous la forme de quarz blanc un peu grenu
dans les couches qui se contournent et s'appuient sur les
flancs nord et est de la même masse feldspathique. Dans
le vallon de la Ponsonnière, j'ai trouvé des blocs de
quarz blanc un peu grenu , provenant évidemment des
couches qui s'appuient sur le flanc nord de cette même
masse , dans laquelle j'ai remarqué des taches grises
d’une texture analogue à celle du grès à anthracite, et
qui paraissent n’être autre chose que des portions de ce
grès, qui ont échappé à l’action quelconque par l'effet
de laquelle le prolongement de certaines couches de grès
se trouve être aujourd’hui du quarz presque compacte.
Du côté de l’est, ces mèmes couches quarzeuses pa-
raissent être très-inclinées à l’est, et servir d'appui aux
couches presque verticales de schiste vert et lie de vin,
ne
( 373)
qui s'élèvent jusqu'à la cime de la montagne appelée la
Roche Verte, au nord du Lac des Minéraux. Tout cet en-
semble de couches semble inférieur au calcaire, qui se
montre plongeant à l’est, au-dessous du col du Chardonet,
en descendant vers Quetelin , et qu’on voit ensuite se re-
lever à l'E. avant le col de Saint-Christovoul. M. Guey-
mard , ingénieur des mines, qui a fait le trajet direct
du Monestier à Neuvache, m'a assuré qu’on voit dans
l'intervalle ce calcaire reposer directement sur les grès
du col du Chardonet. Les diverses couches qui composent
ces hautes montagnes, présentent ici une disposition en,
forme de fond de bateau ; et, d’après l’allure générale de
la contrée, je crois que cette courbure en forme de fond
de bateau fait suite à la courbure semblable qui s’observe
entre l’Argentière et l’Abessée. Je pense en même temps
que les couches calcaires qui forment ici le couronne-
ment de tout le système, sont le prolongement direct de
celles qui , au N.-E. et au S.-E. de Guilestre, offrent à la
la fois les caractères minéralogiques et les fossiles du
calcaire exploité à Grenoble dans la carrière de la porte
de France , calcaire que je regarde comme le prolonge-
ment direct des couches de la série oolitique qui consti-
tuent les plus hautes cimes du Jura. Ainsi le grès qui
contient l’anthracite, le graphite et les empreintes vé-
gétales du col du Chardonet, serait à la fois superposé
au Lias, et recouvert par des couches contemporaines
d'une partie de la série oolitique.
Le grès du col du Chardonet appartient, ainsi que les
anthracites des environs de Briançon, à la partie supé-
rieure du grand système de schistes argilo-calcaires, et de
grès à anthracite, dont les couches que j'ai décrites à Peut-
Cœur forment les premières assises : aussi remarque-t-on
(374)
une différence notable entre les empreintes végétales obser-
vées dans ces deux positions. Les feuilles de fougères qui
dominent à Petit-Cœur semblent manquer au col du Char-
donet. Elles manquent aussi parmi les empreintes végé-
tales que nous avons recucillies en 1822, M. Fournel
et moi , à la mine d’anthracite située à la roche entre
Montagny et Bosel, dans la vallée du Doron en Taren-
taise, dans des couches qui probablement sont peu éloi-
gnées de celles du col du Chardonet. M. Ad. Brongniart
n’y a reconnu que le Calamites Cistii. La carrière d’ar-
doises de la Roche ( commune de Macot en Tarentaise ),
la mine d’anthracite du Bois-Brülé (même commune),
et les effleuremens d’argile schisteuse noire du col du pe-
tit S.-Bernard sont les seuls points où j'aie observé des
impressions de feuilles dans des assises qui semblent
appartenir à une portion assez élevée de la série des cou-
ches secondaires de l’intérieur des Alpes. Toutes les
autres impressions de feuilles trouvées à ma connaissance
dans ces montagnes l’ont été dans les assises secondaires
les plus basses ; et il est remarquable que c’est aussi dans
ces assises inférieures que se trouvent les fossiles animaux
les plus variés, les plus nombreux et les mieux conser-
vés et ceux dont le transport lointain est le plus difficile
à concevoir, tandis qu’à mesure qu’on s'élève dans la sé-
rie , les restes du règne animal semblent devenir de plus
en plus rares et se réduire de plus en plus aux débris
des animaux qui ont pu vivre dans les profondeurs de la
mer ou flotter à sa surface , et les restes du règne végétal
se réduire de plus en plus à des fragmens des grandes
tiges qui, suivant la remarque judicieuse de M. Adolphe
Brongniart, ont pu le plus facilement être transpor-
tées loin du lieu de leur origine. Il resterait à déci-
(375 )
der si cette double différence tient à un changement
graduel et général dans les circonstances dans lesquelles
se sont formées les diverses couches de ce grand dépôt,
ou seulement à ce que les points dans lesquels on ob-
serve les gîtes de combustible les plus élevés dans la
série sont situés plus au S.-E., et plus loin des points
qui servaient de rivage , que ceux où on observe des débris
organiques dans les parties inférieures du même dépôt.
Nous avons cru utile, M. Adolphe Brongniart et
moi, de réunir dans le tableau suivant les noms des
empreintes végétales trouvées , tant dans l'argile schis-
teuse qui renferme le graphite, que dans le grès plus
voisin du sommet du col du Chardonet, avec l'indication
des autres gisemens dans lesquels les mêmes empreintes
ont déjà été observées.
LOCALITÉS :r TERRAINS
NOMS DES ESPÈCES (1).
différens où elles ont été recueillies.
Calamites S'uckowi. Puy - Ricard près Briançon, et
terrain houiller.
Cistüc, Ibid.
approximatus . Terrain houiller.
cannæformis. Ibid.
Wigillaria tessellata ? Puy-Ricard près Briancon, et ter-
rain houiller,
notata ? Terrain houiller.
Lepidodendron ornatissimum. Puy-Ricard ? et terrain houiller.
crenatum ? Ibid.
(1) On remarqnera que la plupart de ces espèces ont été retrouvées
dans les couches qui accompagnent l’anthracite des environs de Brian-
( 376 )
On voit, par le tableau précédent, que certaines
espèces se trouvent à la fois dans le grès du Peychagnard
contemporain des couches de Petit-Cœur, et dans le
grès du col du Chardonet, circonstance qui se joint au
parallélisme et à la liaison progressive de toutes les cou-
ches intermédiaires , pour montrer que ces deux gites
de végétaux fossiles appartiennent à deux étages diflé-
rens d’une seule et même formation. Sans pouvoir en-
core fixer positivement l'épaisseur du dépôt qui sépare
ces deux étages, je regarde comme évident que cette
épaisseur (composée de Ja somme des épaisseurs de
toutes les couches intermédiaires mesurées perpendicu-
lairement aux plans de stratification ), n’est pas moindre
de deux mille mètres. Or , dans les parties de Europe
où on est habitué à chercher le type des formations, il
n’en existe aucune qui approche de présenter une épais-
seur égale, de même qu'il n’en existe aucune qui pré-
çon que leur position rapporte également aux parties supérieures de
ce système , et que dans ces deux localités on n’a observé jusqu’à pré-
sent que des tiges sans feuilles , tandis que dans les couches inférieures
du même système, telles que celles de Petit-Cœur et des environs de
Lamure, les feuilles sont bien plus fréquentes que les tiges ; ce qui s’ac-
corderait avec la supposition d’un transport de végétaux venant de dis-
tances plus ou moins grandes et ayant duré pendant un temps diflérent,
les feuilles ayant dû se décomposer plus promptement , et ne se con-
server intactes que dans les couches qui se seront formées au moment
même où elles auront été apportées, tandis que les tiges, et surtout
les tiges fistuleuses de Calamites , auront pu flotter long-temps sans se
détruire, et ne se déposer qu'après un long transport.
L’énumération des plantes de cette nouvelle localité confirme aussi
l'identité complète de ces végétaux et de ceux du terrain houiller, toutes
ces esnèces étant très-fréquentes dans les terrains houillers les mieux
caractérisés. (An. BRONGNIART. )
( 377 )
sente des caractères minéralogiques , exaciemient coim-
parables à ceux du dépôt dont nous parlons. Aiusi,
quels que soient d’ailleurs les considérations qui se rat-
tachent aux débris organiques que présente ce même
dépôt, on voit qu’il ne pourra jamais s’introduire que
sous forme d’anomalie, dans l'échelle des formations
admise en ce moment. Il ne faut donc pas attacher trop
d'importance aux différences de composition minéralogi-
que qui existent entre le groupe de couches dont je viens
de parler , et les couches inférieures du dépôt jurassique
des parties non disloquées de l'Europe, dont il me paraît
être leprolongementamplifié. Ces différences de composi-
tion sont peut-être une conséquence en quelque sorte né-
cessaire, de l'énorme différence d'épaisseur que je viens
de signaler ; et ces deux genres de différence se réu-
nissent à quelques autres considérations indiquées en
partie ci-dessus, pour me porter à penser que le système
de couches dont je m'occupe dans cette note, se dé-
posait au fond d’une mer très-profonde , lorsque les par-
ties les plus étudiées du dépôt jurassique se déposaient
sur des rivages où elles se couronnaient , par intervalles,
de grands ressifs de polypiers. La partie centrale des
Alpes semble offrir à nos regards l’État pélagien du
dépôt dont les collines des environs de Bath et d'Oxford
nous présentent l'État littoral.
Je reviens au gisement de graphite et de végétaux
fossiles , qui fait l’objet de cet article, pour faire obser-
ver d’abord que ce graphite se trouvant dans une couche
d'argile schisteuse , qui contient des impressions végé-
tales semblables à celles qui accompagnent d’autres gise-
mens d’anthracite de ces contrées, qui présente même sur
la surface de ces impressions des veinules d’anthracite, et
( 378 }
qui fait partie d’un système dans lequel de l’anthracite ex-
ploitable se montre à plusieurs hauteurs, tant au-dessous
qu'au-dessus, tout semble annoncer qu'il n’est qu’une
modification particulière de l’anthracite : cette modifica-
tion paraît être liée à la présence de certaines roches feld-
spathiques , qui ne sont probablement que des ramifica-
tions d'une grande protubérance feldspathiqüe située à
peu de distance, et dont le mode d’introduction dans le
grès semble clairement indiqué par la circonstance que
l'un des bancs qu’elles forment coupe plusieurs strates
de grès, et qu'un autre de ces bancs enveloppe .une
masse de grès de plusieurs mètres de diamètre. Je crois,
d’après cela , que le graphite du col du Chardonet est à
l’anthracite des Alpes ce que le graphite d’Ardrossan est
à la houille d'Écosse.
D’après la position de la masse feldspathique voisine
du col du Chardonet , et d’après l’état dans lequel se
trouvent les roches qui la touchent, je crois qu’il n’y a
rien de forcé à la regarder, comme faisant partie du
même système que les roches serpentineuses qui per-
cent les couches secondaires en tant de points de cette
partie des Alpes.
En parcourant , en 1827, les environs de Moutiers,
nous avons trouvé, M. Fénéon et moi, parmi les dé-
blais d’une fouille qui avait été faite entre le village
de Haute-Cour et celui du Buis, au nord de Moutiers,
sur une masse de grès à anthracite, et de schiste noir,
des échantillons dont les parties les plus charbonneuses
présentent un aspect et une structure scoriacée qui rap-
pellenr le coke, et dont la masse est traversée en dif-
férens sens par de petites veines luisantes qui paraissent
être du graphite. La masse de grès à anthracite et de
( 379 )
schiste noir que cette fouille avait eu pour but d'’ex-
plorer paraissait enveloppée dans des roches serpenti-
neuses , roches dans la sphère d'activité desquelles sem-
blent se trouver la plupart des masses altérées qui don-
nent à la constitution géologique de ces contrées un
caractère si particulier.
Si on se reporte à l’ensemble des faits géognostiques
que j'ai énoncés, on voit qu’il est impossible de faire
deux formations différentes des schistes calcaires à Bé-
lemnites, et des grès et argiles schisteuses contenant des
empreintes végétales et des anthracites ; ces deux classes
de couches, alternant plusieurs fois par grandes assises,
appartiennent évidemment à une seule et même forma-
tion. Chercher à les séparer serait méconnaître un des
traits principaux de la constitution géologique de la con-
trée qui nous occupe, et un de ceux qui, dès l’année 1807,
ont été le mieux établis par M. Brochant, dans son Mé-
moire publié dans le n° 135 du Journal des Mines, sous
le titre d'Observations géologiques sur les terrains de
transition qui se rencontrent dans la Tarentaise et au-
tres parties de la chaine des Alpes. M. Bakewel dans
un ouvrage rempli d'observations judicieuses et d’aper-
çus ingénieux, imprimé en 1823 (1), a émis l'opinion
que les calcaires, quelquefois coquilliers, de la Taren-
taise, se rapportent au lias , tandis que les dépôts d’an-
thracite avec empreintes végétales , de la même con-
(1) Travels comprising observations made during a residence in the
Tarentaise and various ports of the grecian and pennine Alps, and in
swizerland and Auvergne in the years 1820, 1821 and 1822; by R
Bakewell esq. London , printed for lougman, hurst, rees, orme and
Brown , paternoster-row. 1823.
( 380 }
trée , se rapporteraient au terrain houiller. Les deux
parties de cette opinion me paraissent incompatibles.
Si on rapproche cette note de celle que j'ai publiée dans
le cahier de juin 1828 , des Annales des Sciences na-
turelles, je crois qu’on pourra de moins en moins se
refuser à admettre que la géologie n’a d’autre alternative
que de placer dans le terrain houiller, ou dans les ter-
rains de transition , les couches coquillières de la Taren-
taise , et par suite celles des environs de Digne, dont les
caractères zoologiques sont si nettement tranchés , ou
d'introduire dans le terrain jurassique toutes Les cou-
ches non primitives qui s'observent dans la contrée
montagneuse comprise entre le MonT BLANC, Le MONT
ROSE , /e MONT Viso et le MONT PELvOux (1); couches
(1) Le mont Pelvoux est la cime la plus élevée de l’Oisans.
Le même système de couches non primitives paraît se retrouver en
Valais où on connaît depuis long-temps des gites d’anthracite ; il se
prolonge même dans l’Oberland Bernois , où j'ai trouvé des schistes
argilo-calcaires noirs avec empreintes de Lucines entre les bains de
Rosen-Lowe et Le col de Scheideck, dans le sentier qui conduit de
Meyringen à Grindelwald.
Dans la désignation géographique générale que je viens de donner,
j'ai fait abstraction d’un petit lambeau du système à Nummulites des
départemens des Hautes et Basses-Alpes , qui s’avance à l’est des mon-
tagnes primitives de l’Oisans jusqu’à ‘peu de distance du Monestier de
Briançon, Ce système à Nummulites se lie intimement aux calcaires
compactes blancs de Nice, de la Provence , de la fontaine de Vaucluse,
du sommet du mont Veutoux , des départemens de la Drome et del'I-
sère, etc. , dans lesquels on trouve des Nummulites, des Milliolites, des
Hippurites , un fossile indéterminé , compagnon fréquent des Hippuri-
tes, etc., ainsi que de très-belles oolithes, et il se rattache en même temps
aux dépôts de fossiles si bien caractérisés de Briançonnet ( Basses-Al-
pes), du Villard de Lans (Isère), des montagnes de la grande Char-
treuse , du mont du Chat , des hautes vallées longitudinales du Jura ,
Dour —
( 38r )
dans lesquelles il est, je crois , sans exemple qu'on ait
trouvé aucune trace de Trilobite, de Productus, d’'E-
vomphalite, ni d'aucun autre de ces fossiles dont les
réunions constituent pour chacun des grands dépôts
antérieurs au lias, ce caractère particulier de famille et
d'époque qu’on ne peut définir mais qu'on ne peut non
plus méconnaître (1).
Nouvezres Recuercunes sur le Pollen et les Gra-
nules spermatiques des Végétaux ;
Par M. Anozpne BRoNGNIART.
( Lues à l’Académie royale des Sciences, séance du 23 juin 1828.)
Les phénomènes de la nature, qui s’éloignent de ceux
P ;
qui frappent habituellemont nos yeux , qui contredisent
al LA “ 4
à quelques égards les systèmes fondés sur des observa-
tions anciennes et généralement reconnues; qui, par
de /a perte du Rhône , de Thonne et de /a montagne des Fis. Enoncer
le fait de cette connexion , c’est assez dire que je persiste dans l’opinion
indiquée dans ma note sur la constitution géognostique des environs
des Martigues, que ce grand système à Nummulites, qui entre pour
moitié dans la composition des Aipes calcaires, doit être rapporté
au terrain du grès vert et de la craie (wealden formation, green sand and
chalk) (voyez les Mémoires de la Société linnéenne de Normandie,
année 1827 ). Le système à Nummulites ne saurait se séparer des
couches qui, aux Voironset à Oneille, contiennent des fucus , couches
que je rapporte aussi au terrain du grès vert et dela craie. (Voyez l’His-
toire des Végétaux fossiles par M. Ad. Brongniart. )
(1) Mémoire sur les caractères zoologiques des formations, par
M. Alex. Brongniart, Annales des Mines ,t. V1, p. 543.
(:38%°)
cette raison , sont d'ordinaire plus difficiles à saisir, exi-
gent, pour être admis au nombre des vérités non contes-
iées, des recherches souvent répétées, présentées avec
ces détails qui éloignent toute espèce de doute , et véri-
fiées par des observateurs diflérens ; car le concours des
opinions d'hommes indépendans les uns des autres, est
la seule preuve de la vérité pour ceux qui ne peuvent
pas la rechercher eux-mêmes.
Je n’ai donc pas été étonné de voir attaquer les obser-
valions sur les granules spermatiques des végétaux dont
J'ai lu les résultats à l’Académie des Sciences , le 4 no-
vembre de l’année dernière. Ces observations avaient
cependant été faites sur des plantes assez variées : et,
malgré la saison défavorable, MM. Desfontaines, Mirbel
et Cassini, avaient pu vérifier les faits les plus impor-
tans sur une Malvacée encore en fleur à cette époque.
C’est d’après cette vérification , faite en commun par
MM. les commissaires, que M. le rapporteur a dit :
« Nous avons reconnu que ces petits corps ont une forme
« bien déterminée, des dimensions exactement appré-
« ciables et que chacun d’eux jouit d’un mouvement
« propre éxtrêmement lent, mais qui, à raison de ses
« irrégularités, paraît bien être indépendant de toute
« cause extérieure. »
Une seule personne jusqu'à présent s’est élevée contre
ces conclusions fondées sur les observations des trois
commissaires de l’Académie , observations qui confir-
ment parfaitement celles que J'avais déjà faites.
Avant de présenter de nouveaux faits à l’appui de ceux
que j'ai déjà fait connaître, qu'il me soit permis de bien
poser la question et de discuter les principales objections
“(881)
par lesquelles on à cherché à combattre mes observa-
tions.
Le pollen est , comme on sait, formé de vésicules très-
régulières et de formes variées , suivant les plantes dans
lesquelles on l’observe. Chacun de ces grains ou de ces
vésicules de pollen est composé d’une double membrane,
l’une externe , généralement colorée, souvent régulière-
ment réticulée , est percée d'ouvertures en petit nombre,
disposées avec ordre , et quelquefois recouvertes par des
espèces de petits opercules. L'autre interne , plus mince,
ne présente pas de structure appréciable; dans l’intérieur
de cette dernière se trouve une quantité innombrable de
granules assez souvent mêlés à une matière mucilagi-
neuse amorphe. Par l’action de l’eau ou de l'humidité du
sligmate, la membrane externe se contracte et pousse
au dehors la membrane interne , qui s’étend et fait saillie
par les ouvertures dont la membraue externe est percée.
Elle forme ainsi des sortes de boyaux cylindriques plus
ou moins allongés, tantôt uniques , tantôt au nombre de
deux, de trois ou quatre. La matière contenue dans
l'intérieur du grain de pollen s’introduit dans ces ex-
pansions tubuleuses, finit par les rompre et par se ré-
pandre, soit dans l’eau qui environne les grains de pol-
len lorsqu'on fait des expériences sur ces granules, soit
dans le tissu du stigmate, si le pollen est soumis à l'ac-
tion de l'humidité de cet organe. Ces granules pénètrent
ainsi dans le stigmate, m'ont paru se porter ensuite jus-
qu'aux parois internes de l'ovaire et jusque dans les
ovules , et concourir directement à la formation de l’em-
bryon. Ils méritaient donc un examen plus attentif qu’on
ne l'avait fait jusqu'alors ; et les perfectionnemens ré-
(384)
cens introduits dans la construction des microscopes
nous permettaient d'arriver à des résultats plus précis
que ceux obienus par les observateurs précédens.
En effet, ces granules étudiés avec un grossissement
de 1000 fois, ou seulement de Goo fois en diamètre , pré-
sentent des caractères particuliers que j'ai vérifiés de-
puis mes premières observations, sur un grand nombre
de plantes différentes ; les plus remarquables sont la
constance de la forme et de la grandeur de ces petits
corps dans une même espèce et les mouvemens parti-
ticuliers dont ils sont doués.
On a dit que ces granules variaient tellement de vo+
lume, qu’on ne pouvait en donner qne des approxima-
tions plus ou moins défectueuses. Je présente en ce mo-
ment à l'Académie, les dessins exacts des granules de
vingt-quatre espèces de plantes diflérentes, tels qu'ils se
présentent au microscope, dessinés à la Camera lucida,
dessins que je n’ai pas voulu remettre au net, afin
qu’on ne puisse même pas presumer que je les ai régu-
larisés ou représentés plus nets qu'ils ne sont.
On verra que, dans un grand nombre de plantes,
tous ces globules sont d’une régularité et d’une unifor-
mité de grosseur étonnantes ; que, dans deux ou trois |
espèces seulement , les différences de grosseur sont plus |
sensibles; mais on verra aussi qu’il existe , dans d’autres
plantes , une cause d'erreur qui en aura probablement l
imposé aux personnes qui ont voulu vérifier mes recher-
ches avec des instrumens moins parfaits. Outre ces gra-
nules réguliers, en général très-petits, et doués de mou-.
vemens, on observe dans plusieurs plantes, dans les à
Rosacées , les Saules, les Scabieuses et probablement
|
|
( 36%) *
dans d’autres encore , de petits corps irréguliers ou al-
longés , plus transparens que les vrais granules sperma-
tiques et qui paraissent analogues, à quelques égards,
aux globules du mucus des animaux , quoiqu’en diffé-
rant, sans doute, par leur nature. Ces petites masses
mucilagineuses , dont je ne chercheraï pas ici à déter-
miner la nature chimique, sont beaucoup plus volumi-
neuses que les granules spermatiques, plus transparentes,
de grosseur inégale, et le plus souvent d’une forme irré-
gulièrement ovoïde ou cylindrique.
Ces corpuscules sortent quelquefois évidemment de
l'intérieur du grain de pollen, comme on peut le voir
sur la Scabieuse ; dans d’autres cas, ils paraîtraient
mêlés aux grains mêmes de pollen dans l’anthère, ou
adhérer à leur surface.
Que l’on considère ces corpuscules comme des goutte-
lettes de résine ou d’hnile concrétées, cela me paraît
très-naturel ; mais comment ne les a-t-on pas distingués
des granules spermatiques qui en sont si différens et qui
existent dans le pollen de toutes les plantes , tandis que
ces corpuscules irréguliers ne se présentent que dans un
petit nombre d’espèces ; c’est ce que j’ai peine à conce-
voir. Ces petites masses distinctes, irrégulières , transpa-
rentes , jaunâtres , ne sont pas les seuls corps qui soient
mêlés aux granules spermatiques ; dans beaucoup d’au-
tres plantes, ces granules sont enveloppés dans une ma-
tière mucilagineuse amorphe plus ou moins abondante ,
quelquefois très-visqueuse (par exemple dans les Sca-
bieuses), d’autres fois assez facilement soluble dans l’eau.
Tantôt, ces deux substances différentes sont. mêlées aux
granules sperimnatiques dans le mème pollen; tantôt,
XV. 25
( 386 )
l’une des deux seulement existe àl a fois; enfin, plu-
sieurs plantes paraissent entièrement dépourvues de
l’une et de l’autre. Le sac formé par la membrane in-
terne du grain de pollen ne paraît alors contenir que
les granules spermatiques.
Ces matières, mêlées aux granules polliniques, jouent
probablement le même rôle dans les plantes que le mu-
eus qui, dans la plupart des animaux , se mêle au sperme
sécrété par le testicule, et de même elles peuvent in-
duire en erreur un observateur superficiel.
Je crois que ces nouveaux faits, et les figures qui
viennent à l'appui, sufliraient pour prouver que les
granules spermatiques , réguliers et toujours semblables
entre eux dans la même espèce, ne peuvent pas être
des masses de matière non organisées, des gouttelettes
de résine non encore concrétée, ou d'huile essentielle
commençant à se concréter ;- cependant on avait avancé
que ces granules n'étaient pas autre chose, et on en
avait donné pour preuve qu'ils se dissolvaient dans l’al-
cool. Cette solubilité des granules spermatiques dans
l’alcool ne me paraissait pas un fait très-important ,
puisque de petits corps organisés auraient pu être com-
posés essentiellement de matières résineuses ou oléagi-
neuses , et être solubles par cette raison dans l'alcool,
de mème que des êtres composés en tout ou en grande
partie d’albumine seraient solubles dans une liqueur al-
caline, et que ceux formés principalement de gélatine
le seraient dans l’eau bouillante.
Cependant , voulant vérifier ce fait de deux manières,
j'ai commencé par examiner, au microscope, le précipité
formé par l’eau dans une solution de résine , et je n’y
( 387 )
ai vu que des agrégats irréguliers qui n'avaient aucune
analogie avec les granules réguliers du pollen.
On observe la même chose dans le suc laiteux de di-
vers végétaux , lorsqu'il est mêlé avec de l’eau ; on y voit
des granules très-petits, à peine éganx aux plus petits gra-
nules du pollen ; d’autres, irrégulièrement agglomérés
en masses informes, et qui m'ont toujours paru parfaite-
ment immobiles. Après m'être assuré ainsi qu'il n’y avait
pas la moindre analogie entre les granules spermatiques
et des gouttelettes de résine concrétées, j’ai essayé de dis-
soudre ces granules spermatiques dans de l'alcool à 38° ;
j'ai fait cette expérience sur les granules de quelques gra-
minées et du melon, parce que ces granules n'étant mêlés
qu'avec très-peu de matière mucilagineuse, on même
en étant entièrement dépourvus , les changemens qu'ils
pouvaient éprouver auraient été plus faciles à saisir. Les
granules qui , par l’évaporation de l’eau, s'étaient dépo-
sés à la surface du verre, n’ont présenté aucun change-
ment lorsque je les ai couverts d’une goutte d’alcool,
que j'ai renouvelée plusieurs fois à mesure qu’elle s’éva-
porait : les granules m'ont paru, au bout de quelque
temps , diminuer un peu , et devenir moins transparens,
comme des corps qui se rétracteraient légèrement ; mais
ce changement était très-peu apparent; les granules ne
présentaient plus le moindre mouvement , soit qu'on ne
Mes détachat pas du verre, soit qu’on les mêlàt d’abord
dans l’alcool , avec la pointe d’une aïguille : maïs, dans
ce cas, ces expériences doivent être faites avec les pré-
cautions que nous allons indiquer en parlant du mouve-
ment de ces petits corps. Ce dernier point était en effet
( 388 )
le plus délicat et le plus important, peut-être, à bien
établir.
On peut le révoquer en doute de deux manières , ou
en niant le mouvement lui-même des globules, ou en
l’attribuant à des causes extérieures.
Il me paraît impossible de douter du mouvement en
lui-même, car il suflit d'examiner avec attention la po-
sition respective des divers granules qui se trouvent dans
le champ du microscope, pour voir qu'ils changent de
place quelquefois très-lentement , quelquefois avec assez
de rapidité, et toujours d’une manière fort irrégulière.
On rend ces changemens de position encore plus sen-
sibles en reportant, au moyen de la Camera lucida,
ces granules sur un papier ; on peut ainsi suivre leurs
mouvemens avec la pointe du crayon, et les tracer sur
le papier ; c’est ce que j'ai fait dans quelques-uns des des-
sins qui accompagnent ce Mémoire (voyez PI. 13, fig. 3).
On ne peut douter, après avoir répété ces observations un
certain nombre de fois , que ces granules ne soient doués
de mouvemens en général assez lents et très-irréguliers.
Cette irrégularité était déjà une forte présomption
pour croire que ces mouvemens n'étaient pas dus à une
cause extérieure : une preuve beaucoup plus convain-
cante pourrait se déduire de l'absence du mouvement
d’autres corpuscules aussi petits mis dans les mèmes
circonstances , et même quelquefois mèlés avec eux #
tels que des corpuscules résineux , des globules de lait,
des débris de membranes, des portions de mucilage ,
ou même ces corps irréguliers qui sont quelquefois mêlés
aux granules spermatiques dans le pollen. Aucun de ces
corps, observé dans les mèmes circonstances , ne pré-
( 369 )
sente un mouvement analogue à celui des granules sper-
matiques. Quoique ces observations comparatives me
parussent prouver bien clairement que les mouvemens
des granules spermatiques dépendaient d’une cause qui
existait en eux-mêmes , on prétendait que ces mouve-
mens pouvaient être dus à l'agitation du liquide, pro-
duite par l’évaporation , par le tremblement du sol ou
de l'air. Pour éviter l'influence de ces causes, j'ai fait
mes observations de la manière suivante : J'ai fait erever
les grains de pollen dans de petites capsules de verre
faites au moyen de petites lentilles concaves, et j'ai re-
couvert la goutte d’eau, contenue dans cette petite cap-
sule, au moyen d’une lame très-mince de mica qui s’op-
posait à l’évaporation et à l'agitation de la surface de
l’eau , et qui me permettait cependant d'approcher suff-
samment les lentilles objectives pour pouvoir employer
les grossissemens les plus considérables du microscope,
Toutes mes observations ont été faites soit à la lampe ,
soit, plus souvent, au moyen de la lumière des nuées ,
pour éviter l’échauffement produit par la lumière directe
du soleil ; malgré toutes ces précautions , les mouve-
mens non seulement n’ont pas cessé d’avoir lieu, mais
ils n’ont pas présenté la moindre diflérence. Ils sont
donc complètement indépendans de toutes ces causes
extérieures, Car, en supposant même que les précautions
que j'ai prises n’eussent pas complètement détruit leur
influence , elles l’auraient affaiblie, et les mouvemens
auraient dù devenir beaucoup plus faibles.
Si, au contraire, vous remplacez l’eau par de lalcoo!,
en employant les mêmes précautions, les mouvemens
cessent complètement , bien loin d'être plus rapides
( 390 )
comme cela devrait avoir lieu s’ils étaient dus à l'évapo-
ration du liquide.
Les observations que je viens de rapporter me parais-
sent suflisantes pour détruire les objections qu’on avait
élevées contre les résuliats que j'avais avancés dans mon
premier Mémoire, résultats qu’elles confirment entière-
ment, et qu'elles peuvent faire considérer comme un
fait général , puisqu'elles les étendent à un nombre beau-
coup plus considérable de plantes prises dans des familles
très-diflérentes de celles que j'avais observées en pre-
mier.
Ces caractères des corpuscules fécondans ne paraissent
pas même s'appliquer seulement à ceux des plantes
phanérogames , et leur existence dans les organes fé-
condans de quelques plantes crÿyptogames pourra jeter
beaucoup de jour sur la physiologie et sur l’organogra-
phie de ces végétaux singuliers.
On sait qu'Hedwig , par des recherches pleines de
finesse et de sagacité, était parvenu à reconnaitre , dans
plusieurs familles de plantes cryptogames , des organes
de deux sortes, dont les uns lui avaient paru jouer le
rôle des étamines , et les autres celui des pistils.
Ses opinions à cet égard, long-temps révoquées en
doute par des botanistes du premier ordre , finissent ce-
pendant , comme toutes les opinions fondées sur des
faits exacts et des rapprochemens justes , par être adop-
tées tous les jours plus généralement. Quelques obser-
vations sur les organes mâles des Prêles et des Chara,
me paraissent confirmer entièrement les suppositions
d'Hedwig. Ainsi, dans les Prèles, les organes désignés
par cet ingénieux botaniste comme les anthères, ont
( 392 )
à beaucoup d’égard la structure des grains de pollen ;
ces petits sacs membraneux renferment des granules,
et ces granules présentent tous les caractères des gra-
nules spermatiques , c’est-à-dire qu'ils sont tous sem-
blables entr’eux , et doués de mouvemens très-sensibles,
plus vifs mème que ceux des granules de la plupart des
plantes phanérogames. 3
Une observation semblable faite sur les Chara vient
d’être publiée il y a peu de mois en Allemagne, par
M. Bischoff ; mais ce savant n'y a vu qu'un phénomène
isolé, et a cru par cette raison pouvoir l’attribuer à la
formation, pour ainsi dire instantanée, d’animalcules
infusoires dans la matière qui remplit les anthères,
formation qui n'aurait rien d’analogue dans aucun
autre Cas.
Cette observation confirme si bien les faits. que j'ai
décrits, elle les confirme en fournissant un nouvel
exemple d'autant plus remarquable qu'il a pour objet
une plante qui, par son organisation singulière, s’é-
loigne à tant d’égards des plantes phanérogames , que je
demande la permission de citer les expressions mêmes
de M. Bischoff. « Je dois rapporter ici, dit ce savant,
« un phénomène remarquable que j’ai observé toutes les
« fois que j’examinais des globules de Chara (anthères
« de Linnée, d'Hedwig, et de la plupart des autres
« auteurs ). Chaque fois qu'après avoir écrasé un de ces
« globules je le mettais sous le microscope , avec la ma-
« tère mucilagineuse qu’il contenait, j'observais dans
« cette dernière une foule innombrable d’animalcules
« infusoires : ils paraissaient consister en trois à six pe-
« tits points obscurs réunis par des lignes transver-
( 392 )
« sales, comme par de petites tiges ; ils présentaient un
« Mouvement de tremblement continuel, par lequel
« chacun des points et des petites tiges qui les réunis-
«.saient tournaient autour les uns des autres, et for-
« maient ainsi toutes les figures anguleuses possi-
« bles, qui changeaient de formes à chaque instant;
« ce phénomène étonnant paraissait encore si petit sous
« le plus fort grossissement du microscope, qu’à peine
« sil était possible de le représenter par un dessin. »
Cetie observation est d'autant plus curieuse qu’elle a
été faite par un botaniste qui ne pouvait avoir à cette
époque aucune connaissance des résultats auxquels l’exa-
men du pollen des plantes phanérogames m'avait amené;
qui n'y était conduit par aucune théorie , et qui même,
par ces raisons , n'a pas pu sentir la liaison de ces phé-
nomènes avec d’autres analogues.
Je terminerai cette notice par une dernière remarque
qui me paraît importante sous le point de vue du rôle
que ces granules jouent dans l’acte de la fécondation, et
qui peut avoir des applications dans la culture des végé-
taux. On sait qu’il y a un grand nombre de plantes qui,
dans nos serres , ne donnent pas de graines, ou n’en
donnent que très-rarement ; ce défaut de développe-
ment de l'embryon pouvait dépendre , soit d’une imper-
fection du pollen qui ne serait pas apte à opérer la fé-
condation, soit d’un défaut de structure ou de nutri-
tion dans les organes femelles qui doivent transmettre
le fluide fécondant à l’ovule, et fournir à l'embryon les
matières nutritives qui gont nécessaires à son déve-
loppement.
Ayant cherché cet hiver à répéter sur plusieurs plantes
}
( 393 )
de serres les observations que j'avais déjà faites sur les
granules spermatiques , j'ai trouvé presque constamment
les grains de pollen remplis d'une matière mucilagi-
neuse , mais entièrement dépourvus de ces granules ré-
guliers et mobiles que j'avais considérés comme devant
concourir à la formation de l'embryon. Cette absence
des granules spermatiques dans le pollen des plantes
chez lesquelles la fécondation ne s'effectue pas , semble
bien confirmer cette opinion, que les granules sperma-
tiques sont la partie essentielle du pollen, celle qui
opère réellement la fécondation, et on peut aussi en con-
clure que, dans la culture des végétaux qui exigent une
chaleur artificielle , il faudrait donner un soin tout par-
ticulier aux plantes dont on désire obtenir des graines,
pendant le temps qui précède la floraison , temps pen-
dant lequel le pollen se forme dans le bouton, et à
l’époque où cette partie si importante pour la féconda-
tion acquiert son dernier développement , et agit sur le
stigmate , c'est-à-dire au moment de la floraison.
NOTE ADDITIONNELLE.
Le Mémoire précédent a été imprimé exactement tel
qu'il a été lu à l’Académie, le 23 juin 1828, plus d'un
mois avant la publication du Mémoire de M. R. Brown,
dont la traduction a été insérée dans le cahier de sep-
tembre de ces Annales. Les observations de ce savant
botaniste m'ont engagé à faire, sur ce sujet, de nou-
velles recherches, qui s'accordent généralement avec
( 394 )
les siennes ; c'est-à-dire que dans quelques plantes , et
particulièrement dans les onagraires , j’ai bien reconnu
le mélange de très-petits granules mobiles avec les cor-
puscules plus gros , allongés, également mobiles , que
J'avais signalés , il ya un an , comme propres au pollen.
Quant aux molécules des corps inorganiques, on ob-
serve en effet assez souvent, dans plusieurs substances
broyées dans l’eau, de très-petits corpuscules arrondis
semblables aux plus petites molécules du pollen, et doués
de mouvemens analogues en apparence à ceux des gra-
nules du pollen; mais ces mouvemens m'ont paru bien
moins constans que ceux des granules polliniques, la
même substance les présentant dans certains cas, etn'en
montrant pas distinctement dans d’autres : en général
ces mouvemens m'ont semblé d'autant plus évidens,
que les corps qui fournissent ces molécules sont meil-
leurs conducteurs de l'électricité : ainsi les métaux les
présentent d’une manière bien plus sensible et bien
plus constante qu'aucun autre corps, et les résines, au
contraire , ne paraissent pas en offrir. Ces mouvemens
qui, comme ceux des granules polliniques , semblent
bien dépendre de forces inhérentes à ces particules elles-
mêmes, et non d'influences extérieures, sont-ils pour
cela dus aux mêmes causes ? C’est ce qu'il est bien dif-
ficile de décider dans l’état actuel des recherches sur ce
sujet. ;
Il parait contraire à tout ce que nous savons, d’attri-
buer le mouvement des particules des corps inorganiques
à une cause semblable à celle qui détermine le mouve-
ment des êtres organisés, c’est-à-dire à une contraction
ou à une extension de ces particules. 11 est beaucoup
Ï
É
|4
|
( 395 )
plus probable que ces mouvemens ont pour cause des
répulsions où des attractions des molécules éntr’elles ,
influences qui sont du ressort de la physique, et qu'il
séra très-difficile sans doute de déterminer avec préci-
sion. On peut encore présumer que les mèmes causés
déterminent les mouvemeris des plus petites moléculés
des corps organisés, de celles que M. Brown regarde
comme les molécules élémentaires de ces corps ; mais
les mouvemens des particules plus grosses, contenues
dans le pollen, de ces granules d’une forme quelquefois
très-particulière et constante dans la même plante, que
j'ai nommés granules spermatiques , sont-ils produits par
la même cause? c’est ce dont il est encore permis de
douter.
Le caractère essentiel d’un mouvement organique ,
c'est le changement de forme du corps qui en est
le siége, c’est-à-dire la contraction ou l'extension de
quelques - unes de ses parties; c’est le seul caractère
qui, dans ces petits corps surtout, puisse servir à distin-
Büer un mouvement vital d’un mouvement produit par
des attractions ou des répulsions physiques.
Le seul moyen de détermiiner si les mouvemens des
gränules spermatiques sont dus à une action vitale, ou
s'ils ne dépendent que d’influences purement physiques ,
communes aux particules très-ténues de tous les corps,
Sérait donc de s'assurer si ces petits corps changent de
forme en se mouvant; déjà, dans mes premières obser-
ations sur ce sujet ( Ann. des Sc. Nat.,t. 12, p. 45),
J'avais dit que les particules les plus grosses du pollen,
dans les Æibiscus ét les OEnothera, m'avaient paru se
courber et changer de forme ‘pendant leut mouvement.
( 306 )
M. R. Brown annonce avoir observé la mème chose
dans plusieurs plantes, et particulièrement dans le
Lolium perenne, sur lequel je l'ai également reconnu.
Ces changemens de forme, s'ils sont bien réels, se-
raient des preuves certaines de la nature du mouve-
ment de ces corps ; mais, dans une question aussi déli-
cate, je n'oserais pas affirmer que des changemens dans
la manière de se présenter de ces corpuscules, ou dans
leur distance focale , ne soient l’origine de ces modi-
fications apparentes dans leur forme. La seule chose
sur laquelle je ne puis conserver aucun doute, et sur
laquelle j'ai le bonheur de voir mon opinion entière-
ment confirmée par celle des commissaires de l’Acadé-
mie et de M. Brown, c’est l'indépendance complète
de ce mouvement de toutes les causes extérieures in-
fluant sur le liquide ambiant. Il me parait bien certain
que la cause du mouvement, quelle quelle soit, réside
dans une force physique ou organique inhérente aux
corpuscules mêmes qui se meuvent. C'était la seule chose
que j'avais avancée dans mes premières observations sur
ce sujet , puisqu'en disant que ce mouvement était spon-
tané, j'avais observé que j'entendais seulement exprimer
par ce mot que ce mouvement était inhérent aux gra-
nules eux-mêmes.
On va voir que les opinions de quelques observateurs
habiles que je vais citer , confirment complètement cette
manière de voir.
M. Cassini, dans le Rapport qu’il a fait à l’Académie
des Sciences dans sa séance du 1°° décembre sur le Mé-
moire précédent, au nom d’une commission composée
de MM. Desfontaines , Mirbel, de Blainville et H. Cas-
( 397 )
sini, s'exprime ainsi, après avoir résumé les opinions
contenues dans ce Mémoire et dans ceux de MM. Ras-
pail et R. Brown : ;
« Vos commissaires , après s'être livrés à l’observa-
« tion des faits avec tout le soin dont ils sont capables,
« et en écartant de leur esprit toute préoccupation sys-
« tématique , ont unanimement reconnu, avec M. Bron-
« gniart et M. Brown, que les causes extérieures,
« auxquelles M. Raspail attribue le mouvement des
« granules , n’y exercent aucune influence.
« D’une autre part , nous reconnaissons | avec
« M. Brown, que divers corps inorganiques, broyés
.& dans Peau, offrent sinon toujours au moins quelquefois
« corpuscules dont les apparences de grandeur, de
« forme et de mouvement, sont à peu près les mêmes,
« sous l’œil armé du microscope, que celles des granules
polliniques : telles sont les apparences extérieures.
À
« Mais faut-il nécessairement en conclure que la nature
« intime, toutes les propriétés, les fonctions sont ab-
« solument les mèmes dans ces corps d'origines si di-
« verses ? C’est ce que nous n’aurons pas la témérité de
« décider, et ce qui ne pourrait l'être avec assurance
« qu'après des recherches bien plus nombreuses et plus
« approfondies que celles que nous avons pu faire. »
On se rappelle que M. Brown, dans le Mémoire pu-
blié récemment dans ces Annales, considère également
le mouvement de ces granules comme dépendant des mo-
lécules elles-mèmes. Il s'exprime en effet ainsi en par-
lant des molécules du pollen du €larkia pulchella (x) :
(1) Voyez les Annales des Sciences naturelles, tom. XIV, p. 344.
( 398 )
« Ces mouvemens suflirent pour me convaincre,
« après des observations souvent répétées, qu'ils ne
« provenaient ni de courant dans le fluide, ni de son
« évaporation graduelle , mais qu’ils appartenaient à la
« particule elle-même, »
Mes observations sur ce sujet, et sur quelques autres
points de la structure du pollen, ayant été l’objet de quel-
ques discussions , on me permettra de citer encore ici
textuellement une lettre de M. le Baïllif, dont le talent
pour les observations microscopiques est généralement
connu.
Paris, 21 octobre 1828.
…. Nous avons soumis, M. Delille et moi, à mon
microscope d’Amici, la majeure partie des pollens qui ont
servi à vos savantes explorations , et tout ce que nous
avons abordé a été pleinement confirmé, même votre
prévision consignée page 24, où vous dites, après avoir
parlé de deux appendices tubuleux du pollen de l'OÆ-
nothera : « Je ne seraïs pas même étonné qu’il en sortit
quelquefois un par chaque angle, c’est-à-dire trois du
même grain. »
Nous avons été très-heureux , car trois grains à trois
boyaux chacun et de la plus belle dimension , se sont »
trouvés dans du pollen d’'OEnothera salicifolia; un entre
autre , qui, étant complètement isolé, faisait voir le phé-
nomène dans toute sa beauté et sans laisser aucune res-
source à l’incrédulité la plus hargneuse.
Vous savez , monsieur , probablement mieux que moi,
qu'on obtient des boyaux d’une longueur extraordinaire
des grains de pollen de la balsamine, les uns restent
( 399 )
terminés en cœcunm , les autres éprouvent de la part des
granules spermatiques ; une pression assez forte pour
perforer le cœcum , alors on voit éjaculer par épanouis-
sement; tous les grains marchent à la suite les uns des
autres et s’épanchent en forme d’éventail ; ce spectacle
ne laisse rien à désirer à l’amplification de deux cents
fois seulement ; il est incontestable (x).
Il y a long-temps aussi que j'ai remarqué des boyaux
assez longs sortant du pollen du Robinia pseudo-acacia.
Quant aux granules mouvans, je suis charmé de
vous dire que M. Delille et moi les avons parfaitement
vus dans le Zolium perenne surtout, ainsi qu’avec le
pollen de la coloquinte, où le mouvement peut s’obser-
ver pendant plus d'une heure.
M. Amici de Modène, dont le suffrage vous sera cer-
tainement agréable , m'écrit sur ce sujet : Jo ho ripetata
l'interessante observazione del signor Brongniart e
l’'ho trovata piènamente vera.
(1) Ces observations, que j'ai revues avec M. le Baillif, ainsi que celles
que j'avais faites durant l'été dernier sur beaucoup de pollens diflérens,
me font persister plus que jamais dans l'opinion que j’ai avancée, que la
masse cylindrique, qui sort par un ou plusieurs points de la surface
du pollen lorsqu'il est exposé à l'humidité, est environnée par une
membrane très-mince , formant une sorte de boyau dans lequel on voit
assez souvent les granules libres se mouvoir d’une manière qui montre
qu'ils sont tout-à-fait indépendans de cette membrane , et qu’elle forme
une cavité continue. La longueur plus on moins grande de ce boyau
_ membraneux , et son absence complète dans quelques cas, me parais-
sent dépendre de la plusou moins grande extensibilité de la membrane
qui le compose et de la lenteur avec laquelle il se développe. Après
avoir revu ce fait sur un grand nombre de plantes, jai de la peine à
concevoir comment un observateur aussi habile que M. R. Brown peut
ne pas admettre l’existence de cette membrane tubuleuse.
( 406 )
Les observations consignées dans le Mémoire précé-
dent que viennent appuyer les faits rapportéspar MM. les
commissaires de l’Académie, par M. Robert Brown, par
M, Lebaillifet-par M. Amici, me semblent donc confir-
mer complètement ce que j’avais avancé dans mon pre-
mier Mémoire sur ce sujet, lu à l'Académie dés Sciences
le 4 novembre 1827, c'est-à-dire que les granules du
pollen ont, dans la même plante, une forme et une
grandeur qui ne varient que dans des limites peu éten-.
dues ,ret qu'ils sont doués de mouvemens qui dépendent
de causes inhérentes à ces molécules elles-mêmes.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PL. 13, fig. 1. Grain de pollen et granules spermatiques de l_4-
mygdalus nana grossis 1050 fois; ils sont mélés de pores
oblongs plus transparens, ‘inégaux, qui ne paraissent pas 'sortir
du pollen, mais de l’anthère, et qui sont complètement immobiles.
Les petits granules sortis du pollen ont des mouvemeus rares, mais
bien caractérisés : cès mouvemens deviennent plus vifs au bout de
quelque temps ; lorsque la matière mucilagineuse s’est dissoute.
Fig. 2. Grain de} pollen! et granules, spermatiques du’ S$alix caprea
grossis 1050 fois ; ils sont méiés de corpuscules irréguliers, plus trans:
patens, qui sont complètement immobiles ; les petits granules plus
opaques sont seuls mobiles.
Fig. 3. Grain de pollen encore fermé , et granules spermatiques du
Melon ( Cucumis Melo) , Igrossis 640 fois. Les granules sont ‘très-
mobiles.
Fig. 4. Grain de pollen et granules spermatiques du Lonicera, caprifo-
lium au moment de l'émission , grossis 640 fois. Les mouvemens, des
granules complètement isolés sont très-vifs. |
PI. 14, fig. 1. Grain de pollen et granules spermatiques, de: l'Æemiero-
callis flava, grossis 640 fois. Le mucilage est très-abondant : les gra-
uules isolés sont très-mobiles.
( 401 )
Fig. 2: Grain de pollen avec le boyau servant à l'émission, et gra-
nules spermatiques de Tradescantia virginica , grossis 640 fois. Les
granules sont mélés de beaucoup de mucilage ; il n’y a pas de mou-
vement bien appréciable.
Fig. 3. Pollen et granules spermatiques du Calamagrostis colorata,
grossis 640 fois, Mouvemens lents.
Fig. 4. Grain de pollen et granules spermatiques de lÆvena flavescens ,
grossis 640 fois. Les mouvemens sont bien sensibles, C’est la plante
dans laquelle les granules m'ont paru les plus inégaux.
Mémoire sur une nouvelle espèce de coquille fos-
sile du genre Férussine (Grateloup}), Stro-
phostome ( Deshayes) ;
Par M. Aueusrin LEurrov.
Dans le Bulletin d'histoire naturelle de la Société
linnéenne de Bordeaux (1), M. Grateloup a établi un
nouveau genre, sous le nom de Ferussina, pour une
coquille terrestre fossile découverte dans les terrains
marins supérieurs des environs de Dax ( Landes).
Cette coquille , que nous avons vue dans sa collection
et qui présente de l’analogie avec les Ænostomes par la
rétroversion de son ouverture, s’en éloigne par l’ab-
sence totale de dents , tandis que la continuité de son pé-
ristome l’a fait rapprocher avec plus de raison du genre
Cyclostome.
Il ne décrit qu'une espèce, sans Ja figurer, et lui
impose le nom de Ferussina Anostomæformis.
M. Deshayes ne paraît pas avoir eu connaissance du
(1) Tom. II, p. 5 { octobre 1827), et p. 92 et 96 ( mars 1828).
XV. 26
“ 4o2 )
travail de M. Grateloup, puisque la mème coquille lui
donne postérieurement occasion d'établir un genre au-
quel il assigne le nom de Strophostoma (1), avec les:
caractères suivans : Z'esta ovato-globosa. Apertura ro-
tundata marginata , obliqua, simplex , dentibus va-
cua , sursum reversa. Umbilicus plus minusve magnus.
Operculum ?
Comme M. Grateloup , il remarque les rapports de
cette coquille avec les Ænostomes et les Cyclostomes.
Il démontre qu’elle doit plutôt être placée près de ce
dernier genre, puisque, comme lui , elle était.proba-
blement munie d’un opercule. Il’ décrit et figure deux
espèces ; l’une, qu’il appelle Strophostoma lævigata ,
est la mème que la Ferussina Anostomæformis de
M. Grateloup, et provient de la même localité; l'autre,
qui porte le nom de Strophostoma striata a été trouvée
dans un calcaire d’eau douce de Bouxveiller ;, en ,Al-
sace, |
Nous avons été assez heureux pour découvrir une uroi-
sième espèce de ce beau genre. Elle est d'autant plus cu-
rieuse, qu’elle s'éloigne des deux autres par des carac-
ières importans.
En effet, dans les espèces déjà décrites, le dernier
tour est arrondi inférieurement et lombilic largement
ouvert. Dans la nôtre, au contraire, le dernier tour est
aplati, et de cet aplatissement résulte une absence to.
tale d’ombilic. Il devient donc nécessaire de modifier les
caractères génériques dônnés par M. Deshayes, puis-
qu’il arrive ici, ce qui a lieu surtout dans les ÆHélices,
c’est-à-dire, une grande inconstance dans la forme de
(1) Ann. des Sc. natur., tom. XIII (mars 1828), p. 282.
( 403 )
l’ombilie, et'on devra ajouter après ces mots , umbilicus
plus minusve magnus , ceux-ci , aliquando nullus. Ainsi
notre espèce se rapproche encore plus que les autres, par
ses caractères propres ; de la forme des Ænostomes, quoi-
qu'elle en demeure évidemment séparée par ceux qui
lui sont communs avec ses congénères.
La forme de sa bouche est plus exactement circulaire
que celle des deux autres espèces décrites, et ressemble
beaucoup à celle de certains Cyclostomes.
Quoiqu'il soit prudent de ne pas affirmer , d’une ma-
nière positive , que cé genre était pourvu d'un opercule,
puisque nous n'en avons aucune preuve directe, cepen-
dant on peut dire qu'il est dans les coquilles des modi-
fications tellement dépendantes de l’organisation de la-
nimal, que leur examen ne peut laisser aucun doute sur
cette organisation. Telle est, par exemple, la forme de
l'ouverture dans les Péristomiens et les Scalariens. On
peut en quelque sorte décider à priori, par la disposition
de cette ouverture, que l’animal est pourvu d’un oper-
cule. Il est donc à peu près évident pour nous que les
Férussines étaient munies de cet organe important.
. Comme l’antériorité, dans l'établissement du genre
qui nous occupe , appartient à M. Grateloup, nous la
respecterons , en adoptant le nom qu'il a imposé, tout
en regrettant qu’il ne l’ait pas écrit Ferussacia plutôt
que Ferussina.
À
( 404 )
DDIFERUSSINE LAMPE, Ferussina lapicidu.Nob.
{Planche x, 24, figo 142, 32)}n20 109
r FR Le
(LEE { Va!
" testaiovato-globosa, sub irregulariter contorta ,
pt :
striata ; japiceobtuso ;, postremo anfractu infernè, de-
presso, umbilicum obtegente ; rima umbilicali excen-
trica; apertura inæqualiter marginata ; margine sulcis
cireularibus notato.
Gette espèce , bien distincte des deux autres, estsur-
tout remarquable, comme nous l’avons déjà’ dit:,! par
l’aplatissement que son dernier tour éprouve à la partie
inférieure, par l’absence d’ombilic qui en est la’suite,
et par sa fente ombilicale excentrique. L’accroissément
rapide de ce même dernier tour, et sa déviation vers la
place de l’ombilic, cause entre lui et les‘autres üné dis-
proportion qui donne à l’enroulement de l’ensemble de
la spire une apparence d’irrégularité; mais cette irré-
gularité est constante dans les individus plus ou moins
entiers que nous avons eus sous les yeux. Les tours de
spire sont convexes , finement striés ; la suture est
simple. Le péristome est garni extérieurement d’un |
bourrelet beaucoup plus large à la partie de la bouche |
éloignée de la spire , qu’à celle qui en est rapprochée.
Les stries d’aceroissement, devenues plus sensibles sur
ce bourrelet, le font paraître comme sillonné de lignes M
circulaires. Placée sur son ouverture, cette coquille
rappelle la forme d’une sangsue fixée par sa ventouse.
Longueur 25 mill., largeur 15 millimètres.
Nous avons découvert cette jolie et rare espèce, au
mois de février dernier , non loin du pic volcanique de
( 405 )
Rondonnel, à Valmargues , près Montpellier, dans un
calcaire d’eau douce compacte , blane-grisätre , quelque-
fois bréchiforme, où elle est accompagnée d’un petit
Planorbe, de Lymnées indéterminables , et d’un beau
fossile, que M. Marcel de Serres a indiqué dans l’un de
ses Mémoires sous le nom d’Æchatina Hopit. Le test de
toutes ces coquilles, comme celui des Férussines , est
spathifié. Nous devons l’mdication de ce calcaire à
notre ami M. Jules de Christol , dont les recherches et
les connaissances ont enrichi la géologie du département
de l’Hérault de tant de découvertes importantes.
Nous avons appris depuis , de M. Emilien Dumas, de
Sommières (Gard), naturaliste aussi instruit que mo-
deste,. qu’il a rencontré aux environs de Sommières
l’espèce que nous décrivons ét dans les mêmes circon-
. stançes géologiques.
EXPLICATION DE LA PLANCHE XI, 4.
Fig. 1. Ferussina lapicida Nob. ; vue en dessus.
POTONTE
Fig. 2. La même, vue de côté.
"Fig. 3. La même, vue en dessous.
ttŸ ty
Descmpriox d’une nouvelle espèce d Hélice
fossile ;
TM | d
Le genre Æélice, si riche en espèces vivantes, ne
Par M. Aucusrin Leurroy.
LEE À
, 4. L4 ? $ Q
renferme jusqu’à présent qu'un très-petit nombre d’es-
pèces fossiles; encore plusieurs d’entre elles ne peu-
vent-elles être admises, puisque les unes ont été établies
d’après des individus jeunes, tandis qué les individus
( 406 )
adultes ont reçu d’autres noms; Jes autres, d'après des
moules plus ou moins imparfaits, quisn’ontipas pérmis
de, donner aux, caractères, spécifiques toutenla rigueur
nécessaire. On peut donc, regarder, comme à-peu-près
nulle la connaissance de nos richesses fossiles dans ice
genre; et pourtant | Jestcollections, renferment un assez
grand nombre d'espèces bien conservées: Ilest à désirer |
qu'une main habile en. entreprenne la, monographie.
Iniéressans, par Ja, variété de leurs formes ,.les Aélices
ne le sont pas: moins par leur double gisement dansiles
dépôts d’eau douce et, dans.les dépôts marins , où les
théories de M. Constant Prévost sur la;formätion des
terrains tertiaires pourraient assez bien expliquer. leur
présence. 2%)
En attendant qu’un. travail général paraisse»sur-cette
matière , il sera intéressant de publieriles espèces dont
la conservation permettra une description: entière set
exacte, et dont le gisement sera bien, déterminé.::Gelle
que vous allons faire connaître renfermeces deux çon-
diuons. |
Hezice De Resour. Æelix Reboulii. Nob:
(Planche xr, À, fig. 4, 5,6.)
H. Testa solida, subdepressa , utrinque convexa à
longitudinaliter striata ; apice obtuso ; ; anfractibus
rotundatis ; apertura obliqua , ovali, coartctata ,
marginata ; peristomate incrassato , reflexo ; umbi-
oi
lico nullo.
Cette coquille , d’une taille médiocre est assez épaisse ;
à peu près également convexe des deux côtés; elle est
( 407)
finement. striée ; les tours de spire sont arrondis ; F'avant-
dernier etilecdernier, près de l'insertion ‘du bord droit,
sonb légèrement carénés ; le sommet de la spiré”ést'obtüs
et lisse ; la suture est peu marquée. La bouche ést petite,
munie d'un bôurrelet intérieur, rétrécie par un rétiflé-
ment du bord colurmellaire : le bord droit s’msère obli-
quement sur l’avant-dernfer tour et tend à se rapprocher
de l’ombilic, qui est entièremént recouvert. Le péris-
tome-est épais et réfléchi. Une lame mince revêt, dans
linténeur:de ta bouche, la convexité de Pavant-dernier
tour: Le test est changé en spath calcaire.
Longueur 19 mill., largeur 14 mill.
Gisement. : Au lieu appelé Fourneau à chaux de
Caux, près Pézénas (Hérault), dans un calcairé d’eau
. douce hier caractérisé , blane et marneux, recouvert
d'une couche peu épaisse , d’un calcaire sableux , dépen-
dant de cette division des terrains marins tertiaires (ter-
rains marins supérieurs ) , à laquelle M. Marcel de Serres
a imposé le nom de Calcaire moellon. Nous n'avons pas
rencontré, dans ce calcaire d’eau douce , d'autre coquille
que l'A. Reboulii qui y est assez abondante; mais, le
plus souvent , réduite à l’état de moule intérieur.
Nous dédions cette espèce, comme un témoignage de
respect et de reconmaissance , à M. Réboul, correspon-
dant de l’Institut , à qui nous en devons la premiére in-
dication..
+
EXPLICATION DE LA PLANCHF XI, À.
Fig: 4. /lelix Reboulii Nob. , vue en dessus.
Fig. 5. Le même, vu de côté.
Fig. 6, Le: même, vu eu dessous.
( 08 )
Sur Le Séléniure de cuivre trouvé en “Amérique
dans lès mines dites d'argent de Santa-Rosa )
à quatre lieues d'Iguique ; |
| }
Par M. Dusuisson.
Professeur et Conservateur du Muséum d'Histoire naturelle de la
ville de Nantes.
Les mines dont nous nous occupons gisent, par 20°
Lat.-S. où environ. Le sol à plusieurs milles à Ja ronde
est formé de sel marin subgranulaire blanchâtre , à tissu
che, mélangé d'argile rougeûtre et grisâtre; c’est dans
ce sol qu'est située la mine principale dont le puits a en-
viron soixante toises de profondeur, et dont l'ouverture
est à plus de cent toises au-dessus du niveau de la mer.
Le produit dominant de cette mine est le cuivre, qui
rend trois à quatre pour cent d'argent : elle est distante
de deux lieues de celle de Huantajaya gisant dans le
même sol, dont le principal produit est également du,
cuivre , qui rend vingt-cinq pour cent d'argent. F
Le sol de ce pays est tellement pénétré de sel gemme J
qu'il faut aller chercher l’eau douce à quatorze lieues de
ces parages. k
La gangue du minérai est, dans l’une et l'autre mine,
de la chaux carbonatée ; c’est un marbre brun-rougeûtre,
à cassure Cirrheuse et un peu granulaire , traversé de
veines de calcaire blanc, laiteux , qui forme brèche dans
plusieurs échantillons et qui adhère par fois à du quarz,
brun-rougeàtre. Le tout est souvent pénétré de cuivre
oxidulé, rouge, plus ou moins terreux qui en est le prin-
cipe colorant. ;
( 409 )
Ces minéraux sont tellement pénétrés de sel marin
que, quoique lavés dans l’eau chaude, l’efflorescence
saline_s’est de nouveau montrés. à leur surface comme
si cette opération n'avait point eu lieu.
Le chlorure de cuivre abonde également dans ces gan-
gues et est à un tel point mélangé de‘chaux carbonatée ,
qu'il paraît compacte et terreux. Au milieu de ce mé-
lange se présente un minéral :qui.a à peu près l’aspect
de l’argent sulfuré; sa couleur est quelquefois celle du
gris de plomb , passant à la couleur bleue du cuivre py-
riteux hépatique, dans lequel on observe des points
blanchâtres qui sont de l’argent natif. La totalité de ce
mélange a Ja mollesse de l'argent sulfuré avec lequel on
Va probablement confondu. Voulant m'assurer si cette
substance était bien de l’argent sulfuré, j'en exposai un
fragment au dard de la flamme du chalumeau ; il fondit
comme de la cire, et se répandit sur la pinee dé manière
à en coller les deux branches.
Un nouveau fragment , placé dans un creuset de char-
bon de saule et chaulté avec ménagement ; brûla avec une
flamme vive colorée en bleu vert-jaunâtre, eten déga-
geant l'odeur d’acide sulfureux. Le résidu se fondit en
un globule qui prit, par le refroidissement , la couleur
du fer carburé. Ce globule s’aplatit sous le marteau et
teignit le papier, dont on l’avait enveloppé, comme l’eüt
fait du fer carburé. Uni à du tartre blanc en poudre et
à un peu d’eau, ce mélange fut replacé dans le créuset
de charbon, chaufñlé , et enfin réduit en un globule ayant
le même aspect que le précédent. Je mis ce globule,
qui n'avait point perdu de sa ductilité, dans une cap-
sule de verre, j'y versai de l’acide nitrique qui le dis-
(410)
solvit. L’ammoniaque versé dans une portion de céue
dissolution y fit naître une belle couleur bleu céleste ,
et l’évaporation donna heu, dans la liqueur, à dés cris-
taux capillaires de nitrate d'argent:
. Je soumis à une chaleur modérée; dans un !tube de
verre ouvert par les deux bouts, un autre fragmint de
cette substance ; il s’est volatilisé du soufre qui à ta-
pissé les parois intérieures du tube, ainsi qu’une petite
quantité d'une matière rouge , qui s’est déposée à la
partie supérieure. L’odeur qui se dégageait pendant
cette opération, n'était point franchement celle du gaz
sulfureux. {1 s’y mèlait une odeur de ravé qui m'a fait
ÿ soupçonner la présence du sélénium; enfin, la ma-
tière a coulé comme la cire, et s'est moulée dans lé tube
par refroidissement; elle offrait une couleur bleu-ver-
dâtre, et la même malléabilité que les globules précédens.
Un autre morceau du même minéral, qui avait üné
couleur plus bleuätre que ceux déjà épronvés , fat éga-
lement exposé à la flamme du chalumeau dans un éréu-
set de charbon. Cette fois les couleurs de la flamme
parurent plus vives, et le métal fondit avec plus de
difficulté. Tenu en fusion pendant cinq minutes!, puis
refroidi , j'essayai de l’étendre par la pereussion ; il pa-
rut d’abord le faire, et peu après'il se rompit en laïs-
sant apercevoir deux petits grains d'argent très-ductiles,
et qui réunissaient tous les caractères qui appartiennent
à ce corps.
Une lame de fer décapée, plongée dans la solution
nitrique du minerai , a donné l'indice duscuivrez Le
fragment, soumis à l’action de l'acide nitrique à froid ;
n'a pas été entièrement dissous.
Voulant rendre plus certaine, dans ce minerai, la pré-
(4)
sence du sélénium, que j'avais tout lieu d'y soupconner,
j'en remis un très-petit échantillon à M. Pihan Dufeil-
lay, docteur médecin, qui voulut bien l'analyser:
Après s'être assuré, par le procédé de M. Henry
Rose, que, le, minerai ne. renfermait pas de plomb,
M. Piban en a soumis un morceau à l’action de. l'eau
régale, aidée d’une douce chaleur. Une portion seule-
ment a été dissoute , et il est resté un résidu formé de
soufre et de silice.
La liqueur d’un jaune citron a laissé déposer une
poudre blanche, légèrement floconneuse, qui n’était que
du chlorure d’argent. Une dissolution concentrée de
sulfite d'ammoniaque , versée avec précaution dans une
portionide la liqueur, en a précipité des flocons bru-
nâtres de sélenium.
Enfin, une tige de fer, plongée dans une portion de la
même.liqueur, en a instantanément précipité quelques
petits flocons brunâtres de sélénium.
Le cuivre et l’argent y ontété démontrés par les réac-
tifs ordimaires,, tels que l’ammoniaque et le prussiate
de potasse ; les essais de M. Pihan suflisent pour confir-
mer. l'opinion que j'avais conçue sur la présence du sé-
lénium dans ce minerai (1).
Indépendamment des minéraux déjà signalés dans ce
calcaire, le chlorure d'argent se montre à la surface de
(x) Il reste douteux toutefois, si le séléniure observé est un séléniure
d'argent ou un séléniure de cuivre , ou même un séléniure double. Une
nouvelle analyse complète et quantitative serait utile et même nécessaire
| pour définir exactement ce minerai, que son gisement rend fort cu-
rieuxi Noustdevons rappeler que M. del Rio a déjà observé le sélénium
dans une autre partie de l'Amérique , au Mexique. Mais le minerai qu’il
à trouvé différait à bien des égards de celui que fait connaitre M, Dau-
buisson (voyez t. x1y , p. 371 de ce recueil). (R.)
(412)
ces échantillons en très-petits cristaux gris de perle, en
recouvrement sur le chlorure de cuivré qui est ordinai-
réméns veft, mais qui ést aussi quelquefois bléu.
Je dois ces minéraux, aïnsi que les documens sur
leur’ gisement, à M. Auguste Guésdon , jeuné officier
de Ja marine.
Sur les Terrains tertiaires de la Touraine;
Par M. Fezrx Dusarpin.
Correspondant de la Société d'Histoire naturelle de Paris.
( Lu à cette Société le 5 décembre 1828.)
Dans un premier travail que j’ai eu l’hônneur de lire.
à la Société d'Histoire naturelle, je signalaï un calcaire
d’eau douce analogue à célui de Château-Landon ; mais
je n’ävais point encore trouvé de fossiles pour confirmer
ce que Lei à ce sujet; dépuis cette époque mes
recfferches m'ont présenté des résultats plus satisfaisans.
J'ai trouvé, au nord de Tours , dans une des principalés
localités où le calcaire est entièrement dépourvu de co-
quilles, une grande quantité de Gyrogonites (graines de
Chara) adhérentes à la surface des blocs.
Dans une antre localité, à Pérenay (4 lieues nord-
ouest deTours), j'ai trouvé des Lymnées et des Palu-
dines ; ét enfin , dans une fouille faite auprès de la Loire,
J'ai trouvé des empreintes de Lymnées , dé Planotbés ,
de Paludines et de Maillots ; mais, ce qui m'a sémblé |
plus intéressant , ‘c'est que dans ce dernier endroit j'ai (f
(48)
trouvé , au-dessous de cercalcaire:et dans les intervalles
des blocs, june argile d’un gris verdètre, que j'avais
observée dans plusieurs autres localités ,, et qui accom-
pagne en même temps les Silex meulières de Cinq-Mars,
que M. Brongniart rapporte au troisième terrain d’eau
douce.
Cette argile m’a servi d'indication pour rapporter à la
même formation de Silex , des bancs qu’on exploite à
La Membrolé (une lieue nord de Tours) pour paver la
ville ; et, dans les communes de Fondettes et de Saint-
Cyr, sur le côteau septentrional de la Loire, pour servir
de moellon dans les constructions : ces Silex sont dans
la même position que ceux de Cinq-Mars, ils sont quel-
quefois absolument pareils, mais plus souvent ils sont
plus compactes; ils varient de même en couleur, du
blanc grisâtre au fauve et au rougeûtre.
IL est bien constant que ces Silex sont de la forma-
tion d’eau douce, mais peut-être leur âge est-il peu diffé-
rent de celui du calcaire d’eau douce , que j'ai cité plus
baut, qui se trouve dans la même position , et accom-
pagné d'une argile verdâtre absolument identique : au
reste, ce calcaire n’est point siliceux , il est partout sus-
ceptible de donner de la chaux grasse, et de se dissoudre
presque sans résidu dans les acides.
: Largile qui accompagne ces deux sortes de pierres
mérite d’être étudiée avec attention ; je l'ai trouvée dans
une fouille , à une lieue ouest de Tours, formant une
couche bien homogène de deux mètres , et superposée à
la craie.
Cette argile , d’un gris verdätre , nullement stratifiée,
se partage en fragmens anguleux et irréguliers, entre
(414)
lesquels des infilirations , et aussi des racines de végé-
taux, ont produit des dendrites ; elle-contient quelques
Silex roulés,, la plupart rougeñtres,, et de très-petits
grains de quarz transparent :.elle renferme aussi; sur-
tout à la surface, des nodules de chaux carbonatée cou-,
verts de cristallisations analogues à celles du calcairé
d’eau douce, et des morceaux de 1 à 2 décimètres for-
més de chaux carbonatée cristallisée jaunâtre.
Cette terre a une odeur et une saveur particulières ,
qui paraissent dépendre de quelque substance végétale ;
elle se délite promptement dans l’eau, comme l'argile
smectique , et ne donne pointune pâte liante ; au chalu-
meau , elle fond:très-facilement en: un émail gris ; chauf-
fée au rouge entre des charbons , elle perd 19 centièmes
de son poids , change peu de couleur; et prend'une teinte
un peu fauve.
Traitée par l'acide hydrochlorique, elle ne fait point
effervescence, se dissout en partie, et la dissolution con-
üent une 1très-grande quantité de fer et d’alumine :
quand on a précipité ces substances, la liqueur ne peut
être troublée que légèrement par l'acide oxalique , de
sorte que l'argile ne contient pas de chaux, et que le fer
seul est cause de sa fusibilité. |
Quant au calcaire d’eau douce, on ne, peut le rap-
porter à une formation plus récente que le calcaire sili-
ceux, car on trouve dans les falunières des blocs de ce
calcaire percés de trous de Pholades , et cette circon-
stance tend aussi à faire placer ces dépôts coquilliers
dans la formation des grès et sables marins supérieurs :
d’ailleurs leurs fossiles diffèrent considérablement , pour
l'aspect, pour l'état de conservation , et même pour.les
(415)
_ espèces , de ceux de Grignon. Je signalerai comme un
fait caractéristique ; que la recherche la plus ‘attentive
n'aipu me faire découvrir dans ces falunières aucune de
ces! coquilles de Céphalopodes ; mi de cés petites 1es-
pèces de Polypiers ; si communs dans les sables de
Grignon.
Je crois devoir en même temps appeler l'attention sur
une espèce de Lunulite figurée par Lamouroux, qui en
ignorait l’origine , sous le nom de Lunulites urceolata ,
et qui n'est point celle qui est représentée dans la des-
cription géologique des environs de Paris,'et dans l’ou-
vrage de Goldfuss. L'espèce figurée par Lamouroux est
beaucoup plus commune que l’autre dans les falunières
de Touraine , et je crois qu’il faudrait, pour la distin-
guer, l’appeler Lunulites quincuncialis.
Noïe Sur l'existence d'ossemens fossiles dans le
tif volcanique ou Pépérino d'Auvergne ; com-
muniquée à la Société philomatique par M. le
‘comte de Laizer.
M. de Laïzer a saisi l’occasion du rapport fait par
M: le baron Cuvier à l’Académie royale des Sciences ,
sur le prémier volume de l'ouvrage de MM. l'abbé Croi-
set et Jobert aîné, qui vient de paraître (1), pour com-
muniquér à la Société philomatique quelques observa-
tions sur des faits qui paraissent avoir échappé aux au-
teurs dé cet ouvrace.
(x) Voyez le Rapport sur cet ouvrage dans le cahier d'octobre, t. XV,
p‘218, de ces Annales,
(416 )
M: de Laizer rappelle d’ abord ! que le premier, en sep-
témbre 1824 il présenta à la Société géologique d'Au-
vérgné ( r) une grande quantité d'ossemens fossiles à appar-
ténant à plusieurs éspèces ou variétés éncore inédites de
pachydermes , de ruminans et de carnassiers , ainsi que
des œufs d'oiseaux fossiles , et qu'il annonça avoir ras-
semblé cette importante collection dans trois gisemens
différens (2) :
® Dans le Fuf volcanique où Pépérino;
2° Dans une couche de sable mélangé de substances
volcaniques immédiatement au-dessous des Tufs ;
3 Dans le calcaire lacustre qui, en Auvergné re-
pose immédiatement sur le Granite. de
Une carte géologique et des coupes nombreuses étaient
jointes à ces échantillons, et l’intention de M. de Laizer
était de publier la description de ces divers gites et des
animaux qu'ils renferment, après les avoir: soumis à
l'examen de M. Cuvier et d'autres sivans de la capi-
tale (3). L'dM sh
L'annonce faite au commencement de 1825 des deux
ouvrages, sur ce sujet, l’un de MM. Bouillet et Devèze,
et l’autre de MM. Bravard , Croiset et Jobert, fit penser
à M. de Laizer que leurs observations sur ce sujet étaient
prêtes à paraître , et le fit renoncer à publier lui-même
les résultats de sa découverte et de ses recherches ; ce-
(x) Cette société, fondée en 1823, commencait à réaliser les espé-
rances qu'avait fait concevoir sa formation , lorsqu’en 1825 elle a été
supprimée et incorporée dans la Société des Sciences , Arts et Agricul-
ture de Clermont-Ferrand.
(2) Voyez Revue encyclopédique , 1824, p. 246. Bulletin universel
des Sciences , tom. ILE , art. 297, et tom. V, art. 380.
(3) Voyez le Bulletin universel, 18a5 , à section, art. 381.
( 417 )
pendant la publication complète du premier de ces
ORVFRRES n'a eu lieu qu'en 1825, et -celle.de la, pre-
mière partie seulement du second vient de se faire tout
récemment. Ces deux ouvrages semblent indiquer que
le premier mode de gisement signalé par M. de Laizer,
était resté inconnu à ces naturalistes, puisqu'il n’en est
fait mention ni dans l’un ni dans l’autre, et ce fait
pouvant influer sur le système qu’on adoptera sur la
formation d'une partie des masses volcaniques de l’Au-
vergne, M. de Laïzer a pensé qu'il était important de
fixer l’attention des géologues sur ce gisement parti-
culier. |
Les ossemens décrits, soit par MM. Bouillet et De-
vèze, soit par MM. Croizet et Jobert, ainsi que les
coupes ou détails géologiques publiés par eux, ne font
mention que des fossiles du Calcaire tertiaire, et de ceux
du sable primitif, mélangé de produits volcaniques, qui
a été déposé sur le sol et recouvert depuis par le. Tuf
Pa tu Ces ossemens sont simplement conservés
tels, qu’ ‘ils ont été laissés, soit par les animaux qui ont
péri naturellement sur ce lieu, soit par ceux qui y ont
été dévorés par les carnassiers auxquels ces endroits ser-
vaient peut-être de repaires.
Ceux ,-au contraire , au sujet desquels M, de Laizer
a entretenu la Société philomatique, et dont. ila pré-
senté de nombreux échantillons encore adhérens au
Tuf, sont disséminés dans la masse d’un Tuf remanié ou
Pépérino, qui, dans quelques endroits , a plus de Go à
80 mètres d'épaisseur. On voit qu'ils ont été roulés,
endommagés ou brisés avant d'y être fixés. Aucun de
ceux présentés par M. de Laiïzer n’est entier, si ce
XV. 27
(418)
n’est quelques dents de cerfs trouvées par lui , les unes
dans Ja! petite masse de Tuf qui règne près du sommet
de la colline de Montaigu-le-Blanc, les autres près du
village de Perrier.
Presque ious sont pétrifiés; les uns, transformés en
chaux carbonatée, sont pénétrés de dendrite de manga-
nèsé , d’autres sont transformés en minerai de fer, d’au-
tres enfin sont complètement silicifiés, sans avoir perdu
leur contexture , et sans que les vides de la moelle se
soient remplis.
Le Tuf qui les renfermetest de l'espèce que M. deLaï-
zer désigne par le nom de Tuf volcanique remanié ,
pour le distmguer, soit de ceux qui accompagnent les
Basaltes et les Trachites, et qui paraissent contempo-
rains de ces roches , soit de ceux qui s'étendent du Puy-
de-Marmant au Puy de Crouelle (de Vègre à Clermont) :
ces trois espèces diffèrent , selon lui, essentiellement'et
par leur nature , et par leur mode de formation.
‘Le Tuf remanié est quelquefois friable , d'autresfois
dur , quoique composé de détritus volcaniques dans les-
quels sont empâtés des blocs de diverses! grosseurs ‘de
Basaltes, de Trachites, de Granites, et jusqu’à du Cal-
caire lacustre des environs, le tout entremêlé d'une
grande quantité de pierres ponces. Dans ce même Fuf
l’on rencontre aussi des morceaux de bois, quelquefois
décomposés , mais le plus souvent silicifiés. (5 9
M, de Laïzer observe qu'à l’île Maurice àl existe
un fait entièrement analogue à celui de lammontagne de
Perrier et de Boulade ; que là de nombreux ossemens de
tortues se trouvent entassés dans une couche de sable ,
qui est recouverte par un Tuf ou Pépérino formé at
( 419)
dépens des volcans éteints de eette ile, et contenant lui-
mème. des ossemens semblables disséminés dans :sa
masse ;|mais l'aspect de ce Tuf lui fait supposer qu'il est
moins ancien que ceux d'Auvergne.
Les Pépérinos des environs de Viterbe (dans les Etats
romains }, et les ossemens qu'ils contiennent ; Ini pa-
raissent au contraire tout-à-fait analogues à ceux d’Au-
vergne.
Avec ces fossiles du terrain volcanique , M. de Laizer
a présenté à la Société des œufs fossiles appartenant à la
formation du Calcaire lacustre sur lequel reposent la
plupart des masses du Tuf, qu'il désigne par l'expression
de remanié. Ces œufs sont en général brisés, mais il
en. est, qui, sont entièrement conservés , dont la coquille
est,sans fracture ni fente, et qui cependant sont rem-
plis dela mème matière qui les enveloppe. Ils sont de
dimensions diflérentes , depuis 5 jusqu’à 8 centimètres
de longueur, tous ovales , et analogues pour la forme à
ceux. de nos oiseaux domestiques ; la coquille présente
uné coexture et une épaisseur semblables à celles
des œufs ordinaires de mème dimension; elle est en
général d'un jaune clair, quelquefois cependant d’un
brun foncé. M. de Laizer les rencontra , en 1824 , près
le village d’Autza, dans le banc calcaire qui règne de la
Sauvetas à Neschers , et aussi auprès de Perrier ; la
roche à laquelle quelques-uns sont encore adhérens:, est
le Calcaire que: M. de Laizer désigne par le nom d’in-
férieur. (quant à l’Auvergue), et qui est caractérisé par
des Planorbes et des Lymnées : ce Calcaire repose quel-
quéfois immédiatement sur le Granite, et d’autres fois
sur um Grès que ses observations le conduisent à consi-
(420 )
dérer comme appartenant à la même époque de forma
tion que lui. Lune et l’autre de ces roches contiennent |
par fois des restes de Paléothérium, d’Anoplothérium et
de Lophiodon. Un fait remarquable c’est que jusqu'ici
M.de Laïzer n’a point encore rencontré d’ossemiens d’oi-
seaux dans ce même Calcaire , tandis qu’il y en a beau-
coup dans celui qu'il désigne par le nom de Calcaire
supérieur (quant à l'Auvergne), et qu'il caractérise par
la présence des Hélices , des tubes de Friganes, des
Paludines , des Bulimes et des Cyclostomes. L’une des
coquilles d'œufs présentées par M. de Laizer était adhé-
rente à un os qui, en eflet, n "appartient pas à la classe
des oiseaux ; il n’en conclut pas encore que l’on ne’
puisse en rencontrer avec ces œufs, mais il observe
seulement comme un fait que cela ne lui est pas
arrivé.
Norte sur le Dusodile découvert en Auvergne ;
communiquée à la Societé philomatique,. le
22 novembre 1828, par M. le comte de Laizer.
M. de Laizer rappelle que cette substance est connue
depuis long-temps : Boccone l’a décrite , vers le milieu
du 17° siècle, sous le nom de Zerra fogliata Puzzo-
lenta, nom qu’elle porte encore dans les environs de
Melili en Sicile.
M. Cordier le premier en a déterminé tous les carac-
tères, et en a fait une espèce qu'il a nommée Dusodile
à cause de la puanteur qu’elle exhale en brülant (x).
(x) Journal des Mines , tom. XXII, juin 1808.
(4x)
M: Hauy, qui l'avait désigné provisoirementsous le
nom de Houille papyracée'; a adopté plus tardrle nom
donné par M. Cordier : M. Lucas lui a conservé celui
de Houille papyracée. Ces savans ne se sont occupés que
de la sabstancé trouvée dans un Caleaire moderne près
de Melili en Sicile, la seule qui füt alors connue. Une
seconde variété rencontrée à Stofichen , près Lintz sur
le'Rhin , a été décrite par M. Jordan , dans son Voyage:
minéralogique , sous le nom d’Ærgile schisteuse, et par
M: Cramer, dans les Ephémérides, sous celui de Schiste
calcaire bitumineux : celle-ci se trouve , avec des Ligni-
tes, dans un terrain qui a paru à ces savans appartenir
à la formation des Argiles plastiques.
M: Noggerath en a décrit une troisième variété ,
trouvée près de Bonn, et qu'il a nommée Lignite schis-
teux. Il en existe enfin une quatrième variété, apparte-
nant aux tourbières desenvirons de Travemunde, dans le
Holsteim. Celle qui a été découverte par M. de Laïzer se
distingue des autres Dusodiles déjà décrits, soit par son
gisement , soit par quelques-uns de ses caractères.
Comme celui de Sicile , il est d’un gris verdâtre , et se
divise en feuillets très-minces, très-élastiques ; il brüle
avec une flamme blanche et vive, en pétillant et en dé-
gageant une forte odeur , combinée de bitume et d'ail,
assez analogue à celle de l’assa fœtida. Brûlé en vases
clos, il fournit un noir minéral qui décolore les vi-
naigres , et clarifie les sirops ; avec les acides il ne fait
point effervescence , mais il dégage une forte odeur de
bitüme. Les feuillets minces sont légèrement translü-
cides ; mouillés, ils le deviennent entièrement, et sont
alors très-flexibles : ses couches, fréquemment repliées
(422)
sur elles-mêmes par 15, 20 où 30 feuillets , représentent
absolument du papier ou du carton plié:"Ce Dusodile est
plusiou moins mélangé d'Argile, ses feuillets sont super-
ficiellement colorés par un enduit léger de marne pul-
vérulente ; quelquefois un peu ferrugineuse. Entre eux
l'on rencontre quantité de débris de plantes fossiles,
analogues aux Graminées, réduits à l’état de charbon;
et par fois, quoique rarement, des squelettes de petits
poissons de 4 à 6 lignes de longueur.
Les végétaux qui croissent sur l’affleurement de ces*
couches poussent très-avant, entre les feuillets, de
nombreüses ramifications de leurs racines:: Le Dusodile
d'Auvergne est mis à découvert par un ravin qui a pro-
fondément creusé la vallée de la Mone , près de Saïnt-
Saturnin ; il forme plusieurs couches successives de 1 à
80 centimètres d'épaisseur , alternant avec un Grès ter-
tiaire analogue à l’Arkose , composé de gros grains de
Quarz et de Feldspath. Les couches de ce Grès , voisines
du Dusodile, contiennent une quantité de débris de
plantes réduites à l’état de Lignites.
Ce Grès ou Arkose repose sur le Granite;ilest re-
couvert dans sa partie nord par une coulée basaltique
de plus de 55 mètres d'épaisseur et au midi ; par de puis-
santes masses d’un Calcaire à indusies, très-dure , très-
siliceux, en petites couches cylindriques ;: vraisembla-
blement déposé par des sources fortement saturées de ces
substances.
Dans cette localité, M. de Laïzer n’a rencontré dans
l’Arkose aucun fossile ; mais cette roche est de même for-
mation que celle appelée dans le pays Grès de Montpei-
roux ; dans laquelle on trouve des assemens de Paléo-
( 425 )
thérium.et, d’'Antracothérium,. et que M. de Laïzercon-
sidèré,eomme appartenant à la mème formation: que-le
Calcaire à Planorbes et à Lymnées, qu'il désigne (quant
l'Auvergne) par le nom d’inférieur ; quoiqu'il, puisse
ètre l’aualogue de celui de la formation supérieure des
environs de Paris.
Sur un nouveau Caractère pour distinguer les
Libellules et les Æshnes;
Par M: J: Van der HoEven.
Professeur d'histoire naturelle à Leyde.
Les Libellules ou Demoiselles ne formaient dans le
système/de-Linnée qu'un seul genre (Libellule), qu'il
a)caractérisé par la phrase os maxillosum, maxillis
pluribus ;-«xntennæ thorace breviores ; alæ extensæ ;
cauda( maris) hamoso forcipata.
Le célèbre entomologiste Fabricius en a fait depuis
1976 trois genres, Libellula, Æshna et Agrion (Ge-
neraÎnsectorum, p. 146-148) qui sont maintenant gé-
néralement adoptés. |
Cependant, pour être juste, il faut remarquer que
Réaumur avait déjà observé les trois formes différentes
delces Névroptères, et que pour n'avoir point proposé
des dénominations pour ces groupes il n’en est pas moins
le véritable auteur. Dans ses Mémoires sur les insectes,
-ouvrage également étonnant par le nombre de:faits qu'il
renferme que par l'esprit d'observation qui les a rassem-
blés et disposés, Réaumur a distingué les trois genres
d'après des caractères de la forme générale. Le premier
( 424 )
genre renferme les Demoiselles à corps court et aplati
(ce’sont les Libellulæ de Fabricius ); le corps des deux
autres genres est cylindrique, grèle et allongé; les De-
moiselles du second genre ne ‘diffèrent du premier
que par la forme de leur corps (c’est le genre Æshna de
Fabricius ); mais le troisième genre se distingue des
deux premiers, par la tête courte et large, par les yeux
écartés et par le port des ailes (Ægrion, Fabr.). Réau-
mur vi, Mém. xr.
Il n’entre point dans mon plan actuel de m’étendre
sur les caractères qui ont été proposés par Fabricius pour
ces trois genres , et qui sont tirés des organes de la man-
ducation , et principalement de la conformation de ‘la
lèvre.
Le genre Ægrion est assez nettement caractérisé par
l’écartement des yeux, par les ailes étroites ‘et; si on
est en état de s’aider de ce caractère, par la forme des
Larves , dont l’abdomen est terminé par trois limes ‘en
nageoire. Un nouveau genre qu’on a proposé dernière
ment sous le nom de Macrosoma , ne paraît s’en distin-
guer que par la plus grande longueur de l'abdomen .
Les ZLibellules et les Æshnes se ressemblent beau-
coup plus, et les Larves, quoique plus allongées dans le
genre des Æshnes, ont, dans ces deux genres, Fabdo-
men terminé par cinq appendices , et présentent en gé-
néral la même forme. Abstraction faite des organes de
la bouche ;ilne reste donc pour caractère de'ces deux
genres que le plus ou moins de longueur de: labdo-
men, considération qui paraît sujette à beaucoup d’in-
certitude.
Intimement convaincu que les genres bien naturels
(425)
doivent se faire reconnaître. par l’ensemble,de tous leurs
organes; et pénétré de la vérité de la règle de Linnée.,
character non \facit genus, je me suis efforcé de-chercher
dans les ailes un caractère évident pour la distinction des
Æshnes et des Libellules. Les cellules et nervures,
qui ont ,si bien servi à Jurine pour distinguer les Hy-
ménoptères et même les Diptères , me paraissaient pro-
mettre de découvrir ce que je cherchais.
À peine avais-je commencé cette recherche, qu'aussitôt
j'ai été frappé d’une cellule triangulaire dans les ailes
antérieures des Libellules , près de leur. base. Cette
cellule humérale ou discoïdale offre la forme d’un triangle
rectangulaire renversé , la pointe en bas, et Roœsel, dont
les figures sont d’une exactitude admirable , a en eflet
déjà figuré fort bien, chez plusieurs Libellules , ce ca-
ractère qui paraît avoir échappé jusqu'ici aux entomolo-
gistes systématiques. Chez les Æshnes, au contraire,
on -voit, au lieu où devrait se trouver ce triangle, une
cellule plus grande , horizontale , et il n’y a point de dif-
férence entre leurs ailes antérieures et postérieures.
J'avais observé cette conformation dans quelques es-
pèces indigènes, que j'avais recueillies moi-même. L’exa-
men, d’une série d'espèces de toutes les parties du monde
qui se trouvent dans le Muséum royal de Leyde, et que
J'ai fait avec mon ami M. Haan, conservateur des ani-
Maux sans vertèbres au Muséum, m'a bientôt prouvé
què je ne m'étais point trompé en y attachant quelque
impoïtarice: (1).
‘Cependant les /Æshnes, qui ont des yeux écartés
(1) Il y a dans la collection de notre Muséum 107 espèces ; tant con-
nues qu'inédites, du geure Zibellula, et 23 du genre Æshna,
( 426 )
(Æshna forcipata Fabr. , unguiculata),, et qui forment
la deuxième division de ce genre dans le système de
M. Vander-Linden (Æshnæ Bononiensis, in-4°, 1820),
offrent la mème cellule triangulaire que les Libellules,
mais plus courte et plus large. Au reste, ces ailes anté-
rieures et postérieures se ressemblent comme dans les
autres Æshnes, ce qui n’est jamais chez les Libellules.
M. de Haan a réuni ces Névropières sous le nom de
Lindenia, et le nouveau genre devra se placer entre les
Libellules et les Agrions. Le Muséum en possède treize
espèces.
Pour ce qui regarde les Agrions ; j'avais cru d’a-
bord les pouvoir distinguer par leurs cellules quadran-
gulaires , qui sont pentagonales ou hexagones chez
les Æshnes et les Libellules, mais un examen plus
attentif m'a convaincu que ce caractère n’était nullement
général. Peut-être la faiblesse de leurs nervures 'bra-
chiales et l’étroitesse des ailes suflisent-elles pour les
distinguer.
Je propose ce nouveau caractère aux entomologistes
qui ont fait une étude spéciale de cette famille er cest
leur opinion que je serai flatté surtout de connaître:
J'ai cru devoir, pour l'intelligence de cette {courie
note , ajouter des figures. Elles représentent toutes des
ailes gauches antérieures, et sont de nature à n’exiger
d'autre explicauon que la simple annonce des espèces
auxquelles elles se rapportent.
EXPLICATION DE LA PLANCHE XI Be
Fig, 1. Æshna grandis.
Fig. 2. Libellula depressa.
(427 )
Fig,3:Æshna forcipata ( Lindenia).
Fig:4. Agrion puella.
Dans les trois premières figures on s’est borné aux cellules dela base
de l’aïle ; la quatrième seule est complètement achevée.
Ossenvarions sur le genre Podopside ;
Par M. G. P. Drsuaves,
Membres de plusieurs sociétés savantes.
(Lues à la Société philomatique le 6 décembre 1828. )
Le -genre Podopside a été établi par M. Lamarck
dans son dernier ouvrage , l'Histoire naturelle des ani-
maux, Sans vertèbres, pour y placer quelques coquilles
que Bruguière fit représenter parmi les huîtres dans les
planches de l'Encyclopédie. Ces coquilles, quant à la
surface extérieure qui était seule connue, se rappro-
chent beaucoup plus de celles de certains spondyles que
d'aucune espèce d’huîtres ; mais, comme les matériaux
que l’on possédait sur elles étaient fort imparfaits , il ne
paraîtra pas étonnant que les caractères génériques que
donna M. Lamarck s’en ressentissent fortement; on peut
même assurer, d'après eux, que cet illustre savant
n'avait sous les yeux que des individus mutilés, dont
une bonne partie était cachée par la gangue , car ces co-
quilles ne se sont encore rencontrées qu’à l’état de pétri-
fication, et dans les couches de craie seulement, du
moins pour toutes celles que nous avons vues. Lorsque
l'on observe avec soin le test d’un Podopside, qu’on
(428)
parvient à le Vider eu’ toutou en partie, on s'aperçoit
bientôt de ce caractère remarquable, qu'il est extrèême-
ment mince sous le crochet, et plus épais vers le bord
des valves , ce qui est l’inverse de toutes les autres co-.
quilles connues dans l’ordre des acéphales conchylifères.
Ainsi, dans un Podopside dont le bord a à peine une
ligne d’épaisseur, le crochet n’a pas plus d’un douzième
de ligne : cette extrême tenuité dans cette partie sur-
prendra d'autant plus que c’est par elle que la coquille
était adhérente aux corps sous-marins ; cette adhérence
est conStante : nous possédons plusieurs Podopsides fixés
encore sur la pierre ou le polypier qui leur a servi de
point d’appui.
Une telle anomalie dans l’épaisseur du test était difhi-
cile à expliquer; maïs comme on en trouvait d’autres
exemples dans d’autres genres également fossiles de la
craie, on pouvait raisonnablement l’attribuer à l'organi-
sation des animaux de ces coquilles, appartenant à une
époque géologique différente de la nôtre, et pouvant
présenter par là une trace profonde de cette organisation.
Ce fut probablement d’après ces idées que le genre Po-
dopside fut adopté : les personnes qui l’observèrent plus
complètement y furent d'autant plus portées, qu'il a
un caractère qui ne se présente pas de la même manière
dans d’autrés genres. Un grand espace triangulaire se
voit en dessus du crochet de la valve inférieure ; il est
circonscrit antérieurement par le bord de la valve supé-
rieure , et latéralement par des bords minces et libres en
forme de petites oreillettes ; il n’y a point de bord cardi-
nal ni pour l’une ni pour l’autre valve. Comme il est
très-rare de trouver entiers les bords de cette ouverture
( 429 )
postérieure, on l’attribuait presque toujours à une cas-
sure de la valve inférieure, à tel point que, dans les
planches de l'Encyclopédie, le crochet de cette valve est
représenté avec du test dans cet endroit, lorsqu'il est
certain qu'il ne peut y en avoir. Un dessinateur mal
habile a cru, sans doute, qu’il valait mieux représenter
un test qu'il supposait, que des cassures véritables.
M. Lamarck, qui croyait à l'intégrité du crochet de la
valve inférieure , fut suivi par M. de France dans cette
croyance, puisqu'il a adopté dans son entier , et saus
rectifications , la phrase caractéristique de M. Lamarck.
M. de Blainville, sans mentionner l’écartement qui
existe entre les bords du crochet et l’ouverture qui en
résulte, donne cependant à ce genre une place dans sa
méthode , qui serait en effet la conséquence de l’obser-
vation de ce caractère. Dans son Traité de Malacologie
les Podopsides sont compris dans la même famille que
les Térébratules , et il est mis en rapport avec les Pa-
chites et les Dianchores, qui ne sont, selon nous, que
de doubles emplois des Podopsides : cela est si vrai que,
lorsqu’ on les examine tous trois comparativement , on
arrive à leur trouver des caractères identiques.
Les coquilles du genre Podopside étant adhérentes par
le crochet , il est difficile de deviner à quel usage était
destinée l'ouverture triangulaire de la valve inférieure :
en la comparant à celle des Térébratules, on pouvait
croire qu'elle donnait passage à un appareil tendineux ;
mais cette comparaison manque de justesse , puisque les
Térébratules adhèrent seulement par le ligament, et ja-
mais par le test lui-mème. Les Podopsides , sous ce
rapport, faisaient encore exception à la règle com-
( 450 )
mune ; que jamais les coquilles bivalves ne sont fixées
par deux moyens à la fois. Une autre circonstance éga-
lement exceptionnelle des Podopsides ; le défaut d’im-
pression musculaire dans l’intérieur des valves , jointe à
cé qué nous avons dit précédemment, était bien faite
pour jeter le naturaliste dans Pembarras , et lui faire
comprendre combien le genre qui nous occupe s'éloigne
de tous ceux qui sont connus.
Quelques observations nous ont mis à même, depuis
quelque temps , de lever et d'expliquer les doutes et les
difficultés dont le genre Podopside est entouré, de le
rapporter à un type d'organisation bien connu, et qui
ne présente aucune anomalie.
Plusieurs individus du Podopsis truncata nous fu-.
rent envoyés de Tours par un jeune naturaliste, associé
correspondant de la Société d'histoire naturelle , M. Du-
jardin. Un de ces individus complet présentait en .
partie, recouverts par une gangue assez tendre, les bords
entiers de l’ouverture du crochet de la valve inférieure.
Voulant nous assurer de leur intégrité. nous enlevèmes
avec une pointe aiguë la matière qui les couvrait.
Ayant trouvé qu'en dedans elle était plus tendre et plus
friable, nous entreprimes de vider le crochet pour mieux
juger de son peu d'épaisseur : bientôt, du côté de la
charnière, nous avons rencontré une matière plus dure
qui nous a offert des contours bien arrêtés; nous pen-
sâmes d’abord que c'était le moule d’une coquille étran-
gère qui aurait été introduite dans le Podopside au mo-
ment de son enfouissement, comme cela a lieu st fré-
quemment ; mais, à mesure que nous en découvrions
de nouvelles parties, nous lui trouvions, quant à la
(432)
forme, des. rapports de plus en plus granglé avec le test
du Podopside,; dès ce moment nous n’hésitâmes, plus à
briser, ce test , pour nous convaincre que, le moule lui
appartenait bien enieffet.
Ce qu’il ya de remarquable , c’est que ce moule était
entouré, enveloppé de toute part d’une couche.de ma-
tière tendre semblable à celle que nous avons trouvée
dans le crochet: mais ce qui a excité notre étonnement,
c'est que ce moule n’est point en rapport pour la partie
postérieure avec la forme extérieure et intérieure du
test; c'est qu'il reste entre eux un espace vide qui est
très-grand au crochet, et qui diminue insensiblement
jusqu'aux bords des valves où il est nul. Ce moule porte
des'impressions qui lui sont propres; trois gros plis sur
le bord cardinal indiquent qu’il s’est fait entre les valves
d’une coquille à charnière fort puissante ; une large im-
pression musçulaire profonde démontre que la coquille
en avait une. semblable, mais saillante, et nous ayons
vu.,cependant que jusqu’à présent dans les Polopsides
on n'avait découvert aucune trace de ces parties. Com-
ment, donc se trouvent-elles imprimées sur un moule
qui! lui appartient sans nul doute? Pour répondre d’une
manière satisfaisante à cette question , il faut avoir sous
les yeux un Spondyle vivant, comme étant le genre le
plusvoisin des Podopsides , s’il ne lui est identifique.
Nous remarquerons que le Spondyle est formé de deux
couches calcaires fort distinctes, l’une interne blanche,
la plus épaisse , très-épaisse surtout dans les crochets
des valves , et s’amincissant vers les bords , où elle dispa-
rait pour faire place à la couche extérieure dont le bord
out enuer est formé. Cette couche extérieure, diverse-
(432)
ment colorée selon les espèces, est beaucoup plus épaisse
vers les bords que sous les crochets, ou elle devient au
contraire excessivement mince ; elle se trouve donc dans
un rapport inverse avec la première, c'est-à-dire que
là où l’uneest épaisse, l’autre est mince.
Remarquons encore, avant d'aller plus loin , que tout
le talon du Spondyle , tout ce grand espace triangulaire
qui le forme , que toute la charnière , la place du liga-
ment et l'impression musculaire , sont compris dans l’é-
P ; P |
paisseur de la couche blanche ét intérieure de la co-
quille.
Maintenant que l’on suppose ce Spondyle enfoui dans
de la craie, qu’au moment de l’enfouissement il ait été
rempli par la même matière qui a pris l'empreinte de
l'intérieur des valves et s’y est durcie, qu'après cela on
suppose encore que la couche interne de la coquille , par
la propriété dissolvante du milieu , a disparu ou s’est
désagrégée ; que toute la couche externe , au contraire ,
est restée seule intacte, on aura au milieu de la coquille
un moule qui était en rapport avec la cavité qu'il a
remplie, mais qui n’en a presque plus avec la nouvelle .
cavité circonscrite par la couche corticale. De plus, la
disparition de cette couche interne produira une large
ouverture triangulaire au crochet de la valve inférieure ;
il n’y aura plus de charnière, et la couche extérieure,
ainsi dénudée , se présentera très-mince vers les cro-
chets , plus épaisse vers les bords de la coquille. En un
mot, à la place du Spondyle nous trouverons un véri-
table Podopside. La nature a fait pour eux ce que nous
supposions pouvoir arriver au Spondyle , et ce que nous
(433 )
avons dit précédemment le démontre d'une manièré pré-
cise et xigoureuse.
A à MI
Serait- il possible d’aflirmer, que les Podopiiis ap-
partiennent au genre Spondyle? Malgré l'analogie qu'ils
présentent avec eux, doivent-ils constituer un genre à
part? Sur quels caractères positifs pourrait-on opérer
leur réunion ou leur. séparation? Nous conviendrons
d’abord qu'il est impossible ; quant à présent, de ré-
pondre aflirmativement ou négativement, et d’une ma-
nière absolue à toutes ces. questions; maïs il existe des
inductions auxquelles certains faits, certaines analogies
nous conduisent, qui équivalent presqu'à une: certi-
tude. Voici sur quoi elles reposent: 1° Les Podopsides
et les Spondyles sont adhérens par le crochet ; ils sont
striés, épineux ou lamelleux; 2° en supposant l’espace
triangulaire du crochet rempli, on aura, comme dans
les Spondyles, une surface plane; 3° le moule-des:Po-
dopsides offre à la charnière trois gros plis, eelui du
milieu formant un cercle presque complet. En prenant
avec de la cire l'impression de la charnière d'un Spon-
dyle, on a trois plis semblables ; celui du milieu qui
indique la place du ligament, est également un peu plus
large; 4° Dans l’un et ei genre, il y a des oreil-
lettes sur les côtés de Ja charnière ; 5° l’impression mus-
culaire est la même, quant à la forme et à la place qu’elle
occupe ; 6° les coquilles de l’un et l’autre genre ne sont
jamais symétriques ; aucune des figures de Podopsides
que nous connaissions, aucun individu que nous ayons
examiné , ne se sont offerts à nos yeux avec des parties
symétriques. M. de Blainville, qui croit ces coquilles
XV. 28
(454 )
symétriques, et qui leur donne ce caractère , les a repré-
sentées cependant non symétriques. |
Voilà ce que l’on peut rapporter en faveur de la réu-
nion des deux genres ; nous pensons qu’il y a des motifs
suflisans pour les confondre, telle est du moins notre
opinion, et nous ne savons pas quelle objection sérieuse
on pourrait lui opposer. Nous la soumettons aux con-
chyliologues, en les priant de nous éclairer sur ce sujet
intéressant.
Les figures que nous avons fait faire représentent (PI. 6)
le Podopsis truncata, dans lequel nous avons découvert
le moule ; les figures r et 5 le représentent en dessus et en
dessous tel que nous l'avons reçu. La figure 3 représente
la face inférieure du moule où l’on voit l'impression
musculaire a. La figure 4 le montre de profil muni de
la valve supérieure qui y a toujours été adhérente, et
l’on reconnaît l’impression musculaire a. Une coupe du
test d'est représentée autour, de manière à faire juger de
l’espace qui existe entre lui et le moule ; on s’en fait une
idée assez juste encore par la figure 6, où le test est en
place sur le moule; ses cassures laissent assez d'espace
pour voir le bord cardinal ce avec ses trois plis; en & on
voit le crochet de la valve supérieure, et en d le test
de la valve inférieure. Les lettres des figures 4 et 2 re-
présentent les parties déjà indiquées. Le bord cardinal
de la coquille se voit sans obstacles dans la fig. 2.
(435 )
Essar d'une Flore du grès bigarré ;
Par M. Anorpue BronewrArT.
Nous avons déjà fait remarquer dans nos considéra-
tions sur les changemens successifs de la végétation du
globe (1), que le dépôt du grès bigarré (Bunten-sand-
stein des Allemands, Vew-red-sandstone des Anglais )
répondait à une période pendant laquelle la végétation
de la surface terrestre présentait des caractères particu-
liers , propres à la distinguer de celle du terrain houil-
ler qui l’a précédée et de celle qui Pa suivie , et dent les
restes sont enveloppés dans le Keuper ou les marnes iri-
sées. L'espace de temps pendant lequel cette végétation
croissait sur la terre constitue notre seconde période
de végétation.
Les plantes qui composent la Flore äe cette époque
étant encore toutes inédites, il est important, pour
qu'on puisse saisir les caractères essentiels de cette vé-
gétation , de les faire connaître avec quelques détails.
Je ne connais en effet aucun ouvrage dans lequel on
ait décrit ou figuré des plantes de ce terrain : quelques
géologues, et M. Boué en particulier, ont seulement
indiqué dans ce grès la présence d’impressions végé-
tales.
Tous les fossiles de cette période que j’ai vus provien-
nent des carrières de grès de diverses parties des Vosges,
(1) Voyez les Ann, des Sc, nat., novembre 1828, t. 15, p. 225.
(436 )
et particulièrement de Suliz-les-Bains, près de Stras-
bourg. M. Mougeot, médecin et habile botaniste, demeu-
rant à Bruyères, m'a, le premier,a dressé quelques échan-
üllons de ces plantes , provenant des carrières de Wasse-
lone, près Bruyères ; mais la plupart des empreintes de
ces plantes sont déposées dans le Muséum de la ville de
Strasbourg , et presque toutes ont été recueillies par les
soins de M. Voltz, ingénieur en chef de cet arrondisse-
ment; c’est à la communication que les administrateurs
de ce Musée ont bien voulu nous en faire, que nous
devons les moyens de faire connaître cette Flore sin-
gulière. Plus récemment, M. Murchison , secrétaire de
la Société géologique de Londres, en passant à Sultz,
a recueilli quelques échantillons curieux de ces plantes
qu’il a eu la bonté de me communiquer, et que j'aurai
occasion de faire connaître dans la suite de ce Mé-
noire,
Ces divers matériaux portent à vingt le nombre des
espèces bien déterminées trouvées jusqu'à présent dans
ce terrain ; certainement ce nombre est encore bien peu
considérable , ei ne peut que nous donner une idée bien
incomplète de la Flore de cette époque ; mais quand on
pense qu’il y a peu d'années aucune de ces plantes n’avait
été observée, et que toutes sont encore inédites, on
doit espérer que des recherches subséquentes pourront
augmenter rapidement nos connaissances sur la végéta-
tion de cette époque.
Nous allons donner des descriptions succinctes de ces
plantes, nous y joindrons des figures des plus remarqua-
bles d’entre elles et particulièrement de celles qui , d’a-
près l’ordre que nous avons adopté dans notre histoire
(437 )
des végétaux fossiles, ne pourraient être figurées dans
cet ouvrage qu'à une époque assez reculée.
EQUISETACÉES.
CALAMITES, caulis subeylindricus , articulatus ,
sulcatus ; sulci regulares, paralleli, infra et supra
articulationes alternantes , quandoque convergentes.
Les diverses plantes de ce genre trouvées dans le grès
8
bigarré sont dans un état de conservation qui permet
difficilement de déterminer si elles appartiennent exac-
tement au même genre que celles du terrain houiller , et
si les espèces sont différentes de celles de ce terrain ; en
effet , toute l'écorce ou l’épiderme , ordinairement trans-
formé en charbon, manque dans ces plantes, dont nous ne
possédons que des sortes de noyaux intérieurs impar-
faits ; cependant nous croyons qu’on peüt y distinguer
; y q peul
les trois formes suivantes.
1. CALAMITES ARENACEUS , caule decorticato diametro in-
æquali, articulis magis minusve distantibus, costis
tenuissimis, lined angustioribus, convexis, parallelis.
Calamites arenaceus minor, Jæger Pflanzenversteine-
rungen von Stuttgart, p. 37, PI. 3, fig. 1, 2, 3, 4,5.
— Ad. Brong. Hist. des vég. foss. P1. 25, fig. r. PI. 26,
Ha13,.4, 0:
Dans l’état imparfait où ces plantes se trouvent, nous
ne pouvons pas les distinguer des échantillons trouvés
dans le Keuper par M. Jæger , et figurés par ce savant ;
(438 )
mais nous ne pouvons pas cependant affirmer qu'ils
soient identiques. La finesse des stries de ces tiges les
distingue de l'espèce suivante.
2. CazamiTes Moucrorir, caule decorticato profundè
sulcato , costis lineä latioribus , subplanis. Hist. des
vég. foss. pl. 25, fig. 4, 5.
Cette espèce, moins fréquente que la précédente, se
distingue par la largeur de ses côtes et par leur forme
plane.
3. CazamITES REMOTUS, caule cylindrico angustissimo;
decorticato, costis paucis , convexis , subcarinatis, li-
near subæquuntibus, articulationibus remotis. Hist.
des vég. foss. PI. 25, fig. 2.
Calamites remotus ? Schloth.
Calamites distans? Sternb. Tent. Flor. Prim. P.
Cette espèce est-elle la même que celle du terrain
houiller désigné sous les noms de remotus et de distans,
par MM. de Schlothein et de Sternberg ; c’est ce qu'ilnous
est impossible d’afhrmer, ces auteurs n’en ayant donné
qu’un court caractère qui peut s'appliquer assez bien à
notre plante, mais qui ne suflit pas, sans figures , pour
permettre une détermination certaine.
FOUGÈRES.
ANOMOPTERIS. Frons profundè pinnatifida, pin-
nulis linearibus , basi connexis, nervo medio valido
æqua li percussis, nervulis simplicibus , nervo medio
( 439 )
perpendicularibus, apice inflatis nec usque ad mar-
ginem frondis extensis.
Axomorreris Mouceortr , fronde bi-vel tripedali, pin-
nulis longissimis , angustis , linearibus , approxima-
tis , rachi perpendicularibus , basi connexis.
Cette Fougère , extrêmement remarquable par sa taille
et sa structure, constitue à elle seule un genre parfaite-
ment distinet de tous les genres de cette famille connus
à l’état vivant ou fossile ; on en a trouvé plusieurs
échantillons à Wasselonne, à Sultz-les-Bains, et à Heili-
genberg , et on peut la considérer comme une des plantes
caractéristiques de cette époque. Sa fronde , dans un des
échantillons du Muséum de Strasbourg, a près de deux
pieds, et on voit qu'elle est brisée loin de son extrémité
supérieure. Le rachis est plus gros que le doigt à sa
base, et bordé d’une partie membraneuse qui unit les
bases des pinnules ; celles-ci sont rapprochées les unes
des autres, contiguës, et naissent perpendiculairement
du rachis ; elles sont larges comme le petit doigt, et
longues de plus de six pouces; une nervure moyenne
très-forte les parcourt dans toute leur étendue ; les ner-
vures secondaires sont courtes et simples, perpendicu-
laires à la uervure moyenne; ces nervures n’atteignent
pas le bord libre des pinnules , et se terminent en se ren-
flant à leur extrémité.
Ce genre est assez différent de toutes les Fougères
connues , pour qu'on eüt pu hésiter à le placer dans cette
famille ou dans celle des Cycadées : la disposition des
nervures l’éloigne cependant davantage de cette dernière
famille que de celle des Fougères ; mais une circonstance
( 440 )
qui nous confirme dans l'opinion que nous avons adop-
tée , c'est la découverte faite récemment dans la carrière
de Heiligenherg, où on a trouvé des frondes de cette
plante, d’une tige qui, par la grosseur des pétioles
qu'elle porte, ne paraît pas pouvoir appartenir à une
autre plante qu’à celle que nous décrivons, et qui a
tous les caractères des tiges des Fougères arborescentes.
Cette portion de tige, qui paraît appartenir à la partie
supérieure, a huit pouces de long , et présente des bases
de pétioles ovales, dressées, un peu espacées , et dont la
coupe présente la trace d’un faisceau vasculaire unique
etsemi-lunaire, comme dans les pétioles de quelques Fou-
gères. Ces caractères ne nous laissent pas de doute sur sa
position dans cette famille , et rapprochent même davan-
tage cette tige de celles des Fougères arborescentes vi-
vantes que de celles du terrain houiller.
La similitude de grosseur des bases des pétioles , et la
position de cette tige dans la même carrière que les
frondes d’Anomopteris , nous font fortement présumer
que ces deux parties appartiennent à un même vé-
gétal.
NEVROPTERIS, fronde pinnatä vel bipinnatd; pinnu-
lis basi liberis subcordatis, integris; nervis tenuissi-
mis, dichotomis, inflexis ; nervo medio evanescente.
1. Nevropreris Vozrzi:, fronde pinnata , pinnulis ap-
proximalis subperpendicularibus- oblongo lineari-
bus,apice attenuatis obtusiusculis, basi rachi adnatis,
nervulis obliquis ?
J'ai vu plusieurs échantillons de cette espèce prove-
ÉR”
(441)
_nant des carrières de Suliz-les-Bains; tous sont simple-
ment pinnés ; et, d’après la longueur de quelques-unes
de ces frondes , et la grandeur des pinnules, je ne doute
presque pas que cette espèce n’ait les frondes une seule
fois pinnées, comme celles des Zomaria, des Blech-
num , etc. Les nervures sont très-peu marquées, et on
ne voit aucune trace de fructification.
2. Nevropreris ELEGANS , fronde pinnatä, pinnulis
contiguis, superpendicularibus , brevibus , oblongis ,
obtusissimis, basi rachi adnatis; nervulis vix dis-
. ténctis.
Cette espèce appartient évidemment au même groupe
que la précédente, et peut-être ces deux plantes de-
vraient-elles former un genre particulier distinct des
Nevropteris du terrain houiller ; leur port est assez dif-
férent pour faire présumer que leur fructification ne
devait pas être la même.
Un échantillon de l’espèce que nous décrivons pré-
sente deux portions de frondes qui semblent converger
vers un mème point, ce qui confirmerait l’idée que
nous avons émise que ces frondes ne sont qu'une seule
fois pinnées, et partaient plusieurs du sommet d’une
même tige , comme cela a lieu dans les Zomuria et les
Blechnum.
SPHENOPTERIS , fronde bi-tripinnatä, pinnulis sub-
cuneiformibus , basi coarctatis , pluriès lobatis ; lobis
divergentibus subpalmatis , nervulis pinnato-radian-
tibus.
3. SPHENOPTERIS PALMETTA , fronde bi-pinnatà , pinnis
( 442)
oblongis , acutiusculis ; pinnulis æqualibus, approxi-
matis, arcuatis, truncatis ; nervis e basi nascentibus,
dichotomis.
Cette espèce , dont j'ai vu deux échantillons, est fort
singulière par son mode de division ; ses pinnules ne
paraîtraient que des portions séparées d’une pinnule plus.
grande , analogue à celles du Nevropteris Voltzir : mais
la division est si régulière, et, malgré l’état fort impar-
fait de ces impressions , elle paraît si complète et si
distincte dans quelques points, que je n’ai pas pu hési-
ier à considérer cette plante comme une espèce de ce
genre.
2. SPHENOPTERIS MYRIOPHYLLUM , fronde decompositä
seu bi-pinnat@, pinnulis multifidis, laciniis linearibus
tenuissimis , uninervis vel enervibus.
Je ne connais qu’un seul échantillon de cette plante ;
il aété trouvé à Suliz-les-Bains.
La fronde est bipinnée, mais les pinnules sont subdi-
visées en lanières linéaires , souvent bifurquées , qui re-
présentent tout-à-fait les nervures des pinnules des
Fougères à pinnules entières, telles que les Nevropteris ;
ces lobes étroits paraissent ainsi réduits à la simple ner-
vure ou à une nervure bordée d’une membrane étroite.
Ce mode de division établit quelque analogie entre cette
plante et les Darea où Asplenium à fronde très-subdi-
visée, ainsi qu'avec les Zrichomanes ei les Hymenophyl-
lum, dont les frondes sont subdivisées en lobes à une
seule nervure. Quoi qu’il en soit de ces analogies , cette
plante est très-différente de toutes les Fougères fossiles
déjà connues dans d’autres terrains.
()\S
(443)
Friicrres scocopennroiDes, fronde simplici lineari,
undulatä, nervo medio crassissimo , nervis laterali-
bus nullis vel non distinctis ( simplicibus). Tegu-
mentis , capsulas obtegentibus, maximis , oblongis,
pinratim dispositis (nervis lateralibus insertis?),
supernè liberis et dehiscentibus. (PI. 18, fig. 2.)
La forme de la fronde de cette fougère, dont on à
trouvé trois échantillons à Suliz-les-Bains , ressemble
beaucoup à celle de la Scolopendre ordinaire; elle est
seulement un peu plus petite et surtout plus étroite, car
sa longueur totale ne nous est pas connue; cette feuille
est traversée par une large nervure plane, qui occupe
près du tiers de la fronde ; les parties latérales membra-
neuses sont plissées et ondulées sur leur bord ; la partie
la plus inférieure des frondes paraît seule dépourvue de
fructification dans les échantillons que j'ai vus ; toute la
partie supérieure porte des tégumens membraneux,
oblongs , piacés presque perpendiculairement à la ner-
vure moyenne, attachés à la fronde par leur bord infé-
rieur, libres par leur bord supérieur et mème écartés de
la fronde par une partie de la roche qui a pénétré entre
eux et les feuilles, et les a écartés ; ces membranes , dont
la disposition est analogue à celle des tégumens des 4s-
plenium à fronde simple , sont marquées de petits
points qui paraîtraient indiquer ou l'insertion, ou l’im-
pression de petites capsules sphériques placées entre
eux et la fronde.
La grandeur de ces tégumens , leur forme moins li-
néaire, et l'absence de nervures visibles sur Ja fronde,
s
C4a#)
sont les principaux caractères, apparens sur ces impres-
sions , qui les distinguent des Æsplenium. Cette plante
ne paraît pas, du reste, pouvoir rentrer dans aucun des
genres déjà établis parmi les fossiles , et devra en consti-
tuer un particulier , à moins qu'on ne veuille la ranger
parmi les Æsplenium, rapprochement qui peut paraître
douteux à quelques égards.
CONIFÈRES.
C’est dans ce terrain que la famille des Conifères pa-
raît pour la première fois , avec certitude , dans la série
géognostique ; dans le terrain houiller , rien n’annonce
l'existence de véritables Conifères ; les Lépidodendron
malgré quelque analogie avec cette famille, ayant des
rapports au moins aussi nombreux avec les Lycopo-
diacées , et devani probablement constituer une famille
particulière , qui se lie par ces caractères avec les Lyco-
podiacées, les Conifères et les Cycadées. Quelques
> Ce ne
plantes considérées comme des Lycopodites, telles que le
Lycopodites piniformis , pourraient seules, peut-être ,
se rapporter à la famille des Conifères, et se rappro-
cher des espèces de cette mème famille, que nous allons
signaler dans le grès bigarré.
Ces plantes, très-fréquentes dans les carrières de
Sultz-les-Bains, constituent plusieurs espèces qui pa-
raissent appartenir à un mème genre , que la disposition
de ses rameaux, la forme et le mode d’insertion de ses
feuilles, et quelques-uns des caractères les plus essen-
tiels de la fructification semblent ranger, sans aucun
doute, dans la famille des Conifères.
( 445 )
Les branches sont généralement pinnées , à rameaux
tantôt alternes , tantôt presque opposés. Ces rameaux
ont quelquefois été transformés en une matière brunâtre
charbonneuse , d'aspect fibreux, mais dans laquelle je |
n'ai pu au microscope reconnaître aucune structure par-
ticulière. Le moule , laissé en creux par cette partie fi-
breuse des rameaux, montre que les feuilles s’y insé-
raient tout autour; car on voit distinctement les traces des
faisceaux fibreux qui en partaient pour se porter dans
chaque feuille.
Ces feuilles , dont la forme et la grandeur varient sui-
vant les espèces, sont le plus souvent insérées par une
base élargie et décurrente ; elles ont une forme un peu co-
nique, d’autres fois elles sont à peu près linéaires, et leur
base étroite n'est pas sensiblement décurrente; ces
feuilles , insérées en spirale, paraissent en général déje-
tées sur les deux côtés opposés du rameau.
La forme de ces organes, leur disposition , ainsi que
celle des rameaux , sont extrèmement analogues à ce que
nous voyons dans les Æraucaria , les espèces à feuilles
coniques , élargies à la base, se rapprochant surtout de
l’Araucaria excelsa de l’île de Norfolk, et d’une autre
‘espèce voisine venant des mêmes régions et cultivée au
Jardin du roi, et les espèces à feuilles planes, linéaires
ou lancéolées, ayant, au contraire, davantage l’aspect des
Araucaria d'Amérique.
Les organes de la reproduction de ces plantes, trou-
_vés dans la mème localité, confirment, à ce qu'il me
semble, l’analogie que je viens d'indiquer entre ces
plantes fossiles et l’un des genres de Conifères les plus
remarquables des régions équatoriales et ‘australes.
( 446 )
L'un est une sorte de cône ou d’épi , composé d’écailles
espacées , lächement imbriquées et portées sur nn bout
de rameau couvert de feuilles semblables à celles d’une
des espèces dont nous venons de parler.
Chacune des écailles de cette espèce de cône paraît
élargie vers son extrémité libre et divisée en trois lobes ;
chaque lobe, lorsqu'il est bien conservé, montre sur la
face inférieure ou pluiôt dans son épaisseur , un petit
corps ovoïde fixé par sa base et dont l'extrémité libre,
plus aiguë , est dirigée vers le bord libre de l’écaille et
le dépasse quelquefois.
J'ai dit que ces petits corps , que je considère comme
des ovules ou de jeunes graines, étaient probablement
renfermés dans l'épaisseur des écailies , paree que je crois
que les écailles qui les montrent le plus distinctement,
se sont pour ainsi dire dédoublées lorsque la pierre qui
renferme cet échantillon a été brisée ; ces ovules seraient
alors contenus dans l’intérieur des écailles ou entre deux
écailles soudées comme dans les Æraucaria. Ce qui me
fait encore présumer que ces ovules étaient ainsi renfer-
més dans la substance des écailles, c'est qu’en n’admet-
tant pas cette hypothèse, ils seraient attachés sous les
écailles , ce qui ne se voit pas dans les Conifères ac-
tuelles.
Le nombre des ovules qui paraît être de trois, et leur
direction qui est la même que celle des écailles , distin-
gsuent cette plante des {raucaria, dont les écailles ne
renferment qu’une seule graine renversée. L'examen de
cet épi de fructification m'’ayant prouvé que cette plante
constituait un genre nouveau de la famille des Conifères,
je l’ai distingué par le nom de Voltzia, en l'honneur dv
(447 )
savant géologue auquel nous devons la connaissance de
la flore de cette époque.
Un autre fruit du même terrain confirme en grande
partie les caractères que je viens d'exposer pour ce genre,
et qui sont fondés sur le Voltzia brevifolia ; ce fruit,
recueilli par M. Murchison, consiste en une seule écaille
oblongue , tronquée au sommet, et portant sur ses côtés
et près de son sommet deux graines dressées , ovoïdes ,
pointues à leur extrémité libre , et parfaitement sembla-
bles par leur forme aux graines des pins et aux ovules
du premier fruit que nous avons décrit , maïs plus gros,
plus charbonné et paraissant appartenir à un fruit mür
ou près de la maturité. (PL. 16, fig. 4.)
Cette écaille diffère de celles du fruit du Voltzia
brevifolia par sa forme, et parce qu’elle ne porte que
deux graines au lieu de trois; caractère qui ne me paraît
pas suflire pour distinguer cette plante génériquement.
Elle confirme, d’une manière beaucoup plus claire, mon
opinion sur le mode d'insertion et sur la direction des
ovules dans ces fruits.
Un autre échantillon présente un épi assez analogue
à celui déjà décrit, et un épi plus obscur quant à sa
composition, mais qui paraîtrait se rapporter aux or-
ganes mâles de la même plante.
Le premier épi (pl. 17, fig. 1 , æ) est formé d’écailles
très-lâches, oblongues, presque tronquées, et légèrement
trilobées à leur extrémité ; ces écailles lisses , marquées
seulement de quelques stries longitudnales, paraissent
dans un état d’intégrité parfait; elles ne montrent aucune
trace d’ovules ou de graines , ce qui se comprendrait faci-
lement si on suppose que les ovules sont contenus dans
( 448 )
l’intérieur mème des écailles, et que cet épi de fructifi-
cation a été enveloppé au moment de la floraison , où les
ovules très-petits ne faisaient pas saillie au dehors.
En admettant cette supposition, on verra que cette sorte
de cône lâche doit appartenir également au genre Wolt-
zia , mais à une espèce que nous ne pouvons pas déter-
miner, aucune portion de rameau et de feuilles ne l’ac-
compagnant.
L’autre épi du même échantillon (pl. 17, fig. 1,b)
est de forme ovoïde, et composé d’écailles rapprochées ,
imbriquées, cordiformes, obiuses, marquées de plusieurs
nervures longitudinalestrès-distinctes ettrès-régulières c;
à la base de ces écailles , on voit des disques arrondis qui
paraïissentrecouvrir de petites capsules placées autour du
pédicule central de cette sorte de disque pelté d. Cette
disposition, quoique peu nette, rappelle à bien des égards
celle des étamines de plusieurs genres de Conifères, tels
que les Thuya, les Cyprès , les Ifs , etc., et me fait d’au-
tant plus présumer que cet épi est la fructification mâle
d’une espèce de Foltzia, que le rameau très-court qui
le porte est garni de feuilles linéaires nombreuses , ana-
logues à celles des plantes de ce genre.
Ayant ainsi fait connaître les bases sur lesquelles nous
avons fondé ce genre curieux, et établi ses rapports
avec les végétaux vivans , nous allons rapporter briève-
ment les caractères distinctifs du genre et des espèces! |
connues.
VOLTZIA. Vegetatio : rami lignosi pinnati ; folia sim-
plicia , linearia vel subtetragona , basi sæpiùs dila-
tata, decurrentia, spiraliter inserta, sæpè distichè de-
( 449 )
flexza. Fructificatio : Strobili fæminei, squamis laxè
imbricatis, basi angustatis , apice truncatis vel sub-
trilobis; semina 2-3 ovata, propè marginem et
apicem squamarum inserta , vel in squamarum sub-
stantiä immersa, erecta. Amenta mascula? squamis
ovato-cordatis , rotundatis , multinerviis, imbricatis,
obtegentibus discos peltatos, antheras subglobosas
inferiùs sustinentes ?
1. VOLTZIA BREVIFOLIA , Joliis undique patentibus ? li-
nearibus, brevibus, æqualibus , subtetragonis , basi
dilatatis , carind inferiore decurrente, apice obtusis
rotundatis.
Strobili fæminei oblongi, squamis laxè imbricatis ,
rotundatis, subtrilobis. (PI. 15 et pl. 16, fig. x et 2.)
Cette espèce est la plus commune de toutes celles que
nous connaissons ; par la grandeur et la forme de ses
feuilles , elle a plus d’analogie que les autres avec
l’Araucaria excelsa ou Pin de l’ile Norfolk; les feuilles
de cette espèce d’Araucaria étant également tétragones,
élargies à la base, et leur carène inférieure étant décur-
rente sur la tige. Les feuilles de la plante fossile soni un
peu plus courtes et très-obtuses, tandis qu’elles sont
aiguës sur la plante vivante; la fructification n’a que
des rapports très-éloignés avec celle de ce genre.
L'échantillon qui renfermait cette sorte de cône présen-
tait un grand nombre d’impressions en creux, de petits
corps cylindriques linéaires, que j'ai représentés PI, 16,
fig. 3 : je ne sais pas s’ils peuvent avoir appartenu à la
même plante.
XV. 29
( 450 )
2. Vourzia meta, foliis undique patentibus, ramis
subperpendicularibus, conicis, acutis , subtetrago-
nis, basi dilatatis, decurrentibus. (PA. 17, fig. 2.)
Cette plante appartient au même groupe d’espèces
que la précédente, et se rapproche également de l’Ærau-
caria excelsa, et surtout d’une espèce nouvelle, égale-
ment des terres australes, et culuvée au Jardin du Roi;
la forme de ses feuilles , qui sont raides , assez aiguës, et
élargies insensiblement vers leur base, la distingue fa-
cilement de la précédente.
3. VozrzrA ELEGANS, folüs brevibus acutis, subtrian-
gularibus , apice incurvo , undique patentibus ?
Ge PT 0 Hs bu
Je ne connais de cette plante qu’un très-petit rameau ,
rapporté de Suliz-les-Bains par M. Murchison, mais il
me paraît indiquer l'existence d’une espèce particulière
bien distincte.
4. VozrziA AcuTtFoLrA , foliis linearibus planis, acutis,
longitudine inæqualibus (subbipollicaribus), basi
non dilatatis, obliquis , distichè dejectis.
J'ai vu plusieurs grands échantillons de cette plante ;
les rameaux sont pinnés, rapprochés , beaucoup moins
raides que dans les deux premières espèces , plutôt même
un peu flexueux ; ils paraissent plus grèles par rapport.
à leur longueur : les feuilles étroites, linéaires , variant
de longueur, suivant les rameaux , depuis un pouce jus- |
qu'à deux ou trois , paraissent beaucoup plus minces que
dans les autres espèces, planes et sans carène inférieure :
(451)
à peine si on y distingue des traces d’une nervure
moyenne. Elles ne présentent pas de pétioles distincts
à leur base, et semblent même légèrement décurrentes)
par leurs deux bords , mais elles ne sont pas élargies in-
férieurement comme celles des espèces précédentes ; elles
paraîtraient plutôt un peu rétrécies vers leur point d’at-
tache; enfin elles sont contournées sur elles-mèmes dans
ce point, et déjetées sur deux rangs opposés ; tous ces
caractères font ressembler les rameaux de cette plante à
ceux des Æraucaria d'Amérique et du Cunninghamia,
dont elle diffère cependant par ses feuilles plus étroites,
moins rapprochées, et qui paraissent moins raides.
5. VozrzrA HETEROPHYLLA , folus distichis, obliquis ,
linearibus , rigidis, obtusis , longitudine valdë in-
æqualibus.
Je ne connais qu’un seul rameau de cette plante ; les
feuilles y sont très-nettes, mais leur mode d’insertion
est peu distinct ; ces feuilles longues , linéaires, ne sont
nullement rétrécies à leur base, elles diminuent plutôt
légèrement vers leur sommet, mais leur extrémité est
obtuse, arrondie; elles paraissent bien plus raides que
celles de l'espèce précédente, et leur tissu charboné
semble en effet avoir été plus épais; leur longueur varie
beaucoup dans les diverses parties du rameau, et la por-
tion où elles sont le plus courtes , quoique bien termi-
nées, me paraît répondre à la base d’une nouvelle
pousse , partie où les feuilles , dans les Conifères comme
dans la plupart des arbres, sont en général plus
courtes.
( 452 )
Outre les plantes du genre précédent, M. Bronn
considère comme appartenant à ce même terrain et à
la famille des Conifères , une plante fossile des mines
du Frankenberg en Hesse, déjà indiquée par -plusieurs
naturalistes comme des fruits de Conifères, des épis
de blés, etc. Les échantillons peu étendus de ces
plantes que nous avions vus, nous avalent paru pré=
senter plutôt Virrégularité dans la forme et le mode
d'insertion des feuilles , et l’aspect charnu des plantes .
marines du genre Caulerpa , que la forme régulière et
bien déterminée des rameaux des Conifères ; la simili-
tude de ces rameaux fossiles du Frankenberg avec ceux
trouvés à Pialpinson, dans le département de la Dor-
dogne , nous avait même paru telle que nous les-aævions
considérés comme des variétés d’une même espèce, sous
le nom de Fucoides Brardii. Quant aux échantillons
de cette dernière plante, trouvés à Pialpinson, et qui ne
sont que légèrement charbonés , il nous est impossible
d'admettre qu’ils proviennent d'une plante ligneuse,
comme une Conifère ; ils ont évidemment fait partie
d’une plante charnue, et le peu de régularité de leurs
feuilles les fait ressembler beaucoup plus à un Cau-
lerpa qu’à quelque plante phanérogame que ce soit.
Quant à la plante décrite et figurée par M. Bronn;,
est-elle bien la même que celle dont j'ai vu quelques
échantillons ? ou plutôt M. Bronn n'a-t-il pas réuni
comme appartenant à la même plante des fragmens de
plantes différentes ? en effet, les portions de tiges figurées
par ce savant présentent des différences considérables
dans la forme , la grandeur et la disposition des feuilles.
Je sais bien que plusieurs espèces de Genévriers offrent |
( 453 )
des différences très-grandes entre les feuilles des jeunes
rameaux, et celles des rameaux plus anciens; mais la
disposition des feuilles des Genévriers ou des Cyprès est
très-diflérente de celle des plantes fossiles décrites par
M. Bronn ; car dans ces plantes les feuilles sont ou oppo-
sées ou verticillées trois par trois ; tandis que dans la
plante fossile elles sont insérées en spirale, ou disposées
sans beaucoup de régularité, caractère qui établit une
grande différence entre ces rameaux et ceux des Cyprès,
iclie même qu’en admettant qu’ils ont fait partie d’une
plante de la famille des Conifères, on devrait les consi-
dérer comme d’un genre différent des Cyprès.
La raison sur laquelle M. Bronn se fonde principale-
meut, pour considérer ces rameaux comme ceux d’un
Cyprès, est l'existence dans ce même terrain d’un fruit
analogue à quelques égards à celui des Cyprès. La forme
des écailles, en en jugeant d’après la figure donnée par
M. Bron» , ressemble en eflet beaucoup à celle des fruits
des Cyprès; mais la forme du fruit entier est assez diflé-
rente, ce fruit étant allongé et non globuleux: cette
différence cependant pourrait n'être que spécifique ,
mais les écailles ont-elles été bien représentées , et ve
fruit qui, par sa forme générale , ressemble à celui du
Volizia brevifolia, n’appartiendrait-il pas au mème
genre ? Les rameaux trouvés au Frankenberg , en ad-
mettant qu'ils appartiennent à la même plante que ce
fruit, s’accorderaient bien mieux avec ceux des Voltzia
qu'avec ceux des Cyprès?
Il nous paraît donc douteux qu’on puisse considérer
la plante décrite par M. Bronn , sous le nom de Cupres-
sus Æulmanni, comme un vrai Cyprès ; et, en admet-
( 454 )
tant que les rameaux et les fruits faisaient partie d’une
même plante, nous croyons qu’on doit les considérer
comme indiquant ou un genre nouveau de Conifères
fossiles, ou une espèce particulière du genre Voltzia ,
question qui ne pourra être résolue que lorsqu’on pos-
sédera des échantillons de fruits plus parfaits. En atten-
dant, nous désignons cette plante sous le nom de Cupres-
sites Hulmanni, pour indiquer que cette espèce , sans
appartenir probablement au genre Cupressus , avait des
rapports avec lui.
LILTACEES.
Deux plantes trouvées dans les carrières de Sultz-les-
Bains présentent des tiges simples , portant des feuilles
verticillées, linéaires, entières, sans nervures bien dis-
linctes ou ne formant que de petites stries légères; ces
feuilles , réunies ainsi par verticilles quatre par quatre
dans l’une des plantes, probablement quatre à six en-
semble dans l’autre, donnent à ces plantes tout-à-fait l’as-
pect du Convallaria verticillata , où d’un Lis à feuilles
verticillées; la régularité du verticille, la forme et la
structure des feuilles, les font encore plus ressembler à la
première de ces plantes ; c'est ce qui nous a engagés à en
former un genre sous le nom de Convallarites, nom qui
n'indique pas une identité parfaite entre cette plante et
le genre Convallaria, maïs seulement de nombreux
rapports entre ces plantes.
CONVALLARITES. Folia verticillata, linearia, nervis |
parallelis, æqualibus , vix notatis. Caulis erectus
vel arcuatus.
(455 )
1. CONVALLARITES ERECrA , caule erecto, pennæ cor-
vinæ æquali; foliis quaternis , undiquè patentibus ,
linearibus , angustissimis , lævibus ( pl. 19).
2. CONVALLARITES NUTANS , caule arcuato nutante , di-
gito subæquali ; foliis 4-6 verticillatis , linearibus ,
angustis, substriatis, latere superiore deflexis.
Cette dernière plante, outre l’analogie que la forme
de ses feuilles et leur disposition par verticilles lui donne
avec le Convallarià verticillata , se rapproche d’autres
plantes de cegenre, telles que les Polygonatum communs,
par la manière dont sa tige est courbée et dont ses feuilles
sont toutes déjetées du côté supérieur de cette tige.
Trois autres plantes, en fleur ou en fruit, paraissent
encore appartenir à la grande classe des monocotylé-
dones , sans qu’on puisse déterminer avec quelque pro-
babilité la famille dont elles devaient faire partie; elles
diffèrent assez des plantes connues pour que nous
croyons pouvoir en faire trois genres distincts.
ÆTHOPHYLLUM. Caulis simplex ? foliis alternis li-
nearibus , enervibus , sessilibus, non vaginantibus ,
foliolis duobus minoribus (stipulis), linearibus ,
quadruplà brevioribus, basi stipatis. Inflorescentia
spicata ; spica ovata, floribus numerosis , tubo (vel
ovaria infero ) subcy lindrico, perianthio bi-labiato?
laciniis subulatis.
ÆxaopayLLum sTIPULARE. ( PI. 18 , fig. 1.)
Loc. Sultz-les-Bains.
La présence de deux sortes de stipules à la base des
( 456 )
feuilles de cette plante, me semble la distinguer de
toutes les Monocotylédones connues , et cependant la
forme de ses feuilles, la disposition et la structure de
ses fleurs , paraissent bien la placer dans cette classe ;
la forme des fleurs et leur mode d’inflorescence rap-
pellent celles des Orchidées, mais leurs caractères sont
trop vagues pour qu'on puisse établir une comparai-
son rigoureuse entre ces plantes et notre espèce fossile.
PALÆOXYRIS. Jnflorescentia : spica terminalis fu-
siformis , squamis arctè imbricatis, adpressis, parte
extern& (squamis inferioribus non obtectä ) rhom-
boidali, medio concava.
Pazzæoxvris REGULARIS. ( PI. 20, fig. 1.)
Loc. Suliz-les-Bains.
La régularité parfaite des écailles qui couvrent cette
sorte d’épi , ne se retrouve , à ce que je crois , dans au-
cune plante vivante; les fruits des Sagoutiers et des
Rotangs seuls en approchent; mais la manière dont les
écailles inférieures se continuent par leur base avec la
tige qui supporte cette sorte d’épi, me semble prouver
que c’est un véritable épi composé, porté sur une hampe
plus où moins longue , et analogue , à plusieurs égards,
à ceux des Xyris et d’autres Restiacées ; c’est en effet dans
cette famille qu'on retrouve, en beaucoup plus petit,
les épis à écaiiles imbriquées les plus réguliers et les
plus analogues à notre plante fossile. Sur l’un des deux
épis qui sont réunis sur le seul échantillon de cette
plante que nous ayons vu , on aperçoit des filamens irré-, |
gulièrement contournés qui paraissent sortir du sommet
(457 )
de l’épi et qui pourraient être les filets des étamines et
les styles (PI. 21, fig. : a). Dans un autre point du
morceau en b, on voit une écaille isolée, qui provient
sans doute de, cette plante; elle est cependant plus
acuminée que celles des épis qui l’accompagnent, mais
on peut présumer qu'elle appartient à la partie la plus
_supérieure de ces épis.
ECHINOSTACHYS. Jnflorescentia : spica oblonga,
Jloribus vel fructibus sessilibus, contiguis , subconi-
cis, undique echinata.
Ecainosracays oBLoneus. (PI. 20, fig. 2.)
Loc. Sultz-les-Bains.
I] est difficile de rapprocher cette impression d’une
plante vivante déterminée; elle ressemble aux têtes de
fleurs des Sparganium, et de plusieurs Cypéracées ;
mais chacune des fleurs est trop peu nette et trop con-
fondue avec celles qui l'environnent pour qu’on puisse
apprécier leur structure.
Telles sont les vingt espèces de plantes que nous avons
reconnues parmi les impressions du grès bigarré de
l'Alsace et des Vosges; deux échantillons indiquent en-
core quelques autres espèces, mais dont nous ne pou-
vons fixer la position avec quelque probabilité : nous
remarquerons seulement que parmi ces plantes , comme
parmi celles que nous venons de décrire, il n’y a rien
qui paraisse indiquer la présence d’une véritable Dico-
tylédone.
Il suflit de comparer cette flore à celle du terrain
(458 )
houiller qui l’a précédé, et à celle du Keuper et des
Marnes irisées qui l’a suivie, pour voir combien elle dif-
fère de la végétation de ces deux époques (1). Cette flore
se rattache à celle du terrain houiller par la présence
des Calamites et de plusieurs Fougères ; mais ces Cala-
mites sont mal caractérisées, leur écorce extérieure
manque dans tous les échantillons que nous avons vus,
et il se pourrait qu’elles n’appartinssent pas au même
genre que celles du terrain houiller. Les Fougères con-
stituent des espèces très-différentes de celles de la for-
mation houillère, et il est même probable, si nous
connaissions leur fructification , que les espèces de Ve-
vropteris et de Sphenopteris de ce terrain devraient
former des genres particuliers. On n’y retrouve plus de
Lepidodendron, de Stigmaria, de Sphenophyllum,
d’'Asterophyllites , ni d’Annularia, et la seule tige de
Fougère arborescente qu'on y ait découverte, est irès-
différente de celles des terrains houillers. On y remarque,
au contraire, un genre de Conifères bien caractérisé , et
auquel on ne pourrait rattacher qu'avec doute quelques
plantes du terrain houiller. Enfin, les Monocotylédones
y sont plus nombreuses , mieux caractérisées , et sem-
blent indiquer des formes plus variées, puisqu'elles
forment plus d’un quart des espèces de ce terrain , tandis
qu’elles n’entrent que pour un quatorzième dans la flore
du terrain houiller.
(1) Voyez l'énumération des plantes de ces deux terrains dans notre
Prodrome d'une Histoire des Végétaux fossiles, Paris, 1828. Chez
Levrault. -- Dans un autre Mémoire, nous ferons connaître avec plus
de détail les plantes de la troisième période , qui sont la plupart encore
non décr tes.
( 459 )
La végétation de cette époque diffère surtout de celle
qui paraît lui avoir succédé presque immédiatement, et
dont elle n’est séparée que par le Calcaire conchylien ,
par l'absence des Cycadées et des véritables Æquisetum ,
qui commencent à paraître dans le Keuper et les Marnes
irisées ; enfin, elle difière de la végétation de ces deux
périodes , par la présence de quelques genres qui lui sont
particuliers, et qu'on peut, je crois, regarder comme ca-
ractéristiques de cette formation. Ces genres sont :
parmi les Fougères , l’Ænomopteris, genre qu’on n’a en-
core trouvé que dans le grès bigarré , dans des localités
assez éloignées les unes des autres, et parmi les Coni-
fères , les espèces de Foitzia, à moins toutefois que
quelques plantes du lias ou du Calcaire oolithique con-
sidérées comme des Lycopodes, ne fussent des espèces
de ce dernier genre.
Rien, à cette époque, n'indique encore la présence de
plantes réellement dicotylédones ; mais, en signalant ces
exceptions, nous devons rappeler qu'on ne connaît
encore que vingt espèces de plantes fossiles de ce terrain,
ce qui, très-probablement , ne représente qu’une petite
partie des végétaux qui habitaient la terre pendant cette
période.
EXPLICATION DES PLANCHES.
Planche xx.
Rameau du oltzia brevifolia.
Planche xvr.
Fig. 2. Epi de fructification femelle du Ÿ’o/tzia brevifolia.
Fig. 2. Une des écailles de l’épi précédent , restituée.
( 460 )
Fig. 3. Une desi mpressions qui accompagnent cet épi, grossie,
Fig. 4. Ecaille d’un autre fruit de V’oltzia , avec ses deux ovules de
grandeur naturelle.
Planche xvir.
Fig. r. Epi de fructification femelle a, et chaton mâle b d’une espèce de
Voltzia; c, une écaille de ce chaton , vue isolément; d, disque pelté
portant les anthères ? d’après une autre portion de ce chaton.
Fig. 2. Rameau du V’oltzia rigida.
Fig. 3. a, rameau du ’oltzia elegans ; b , feuilles grossies.
Planche xviur.
Fig. 1. Æthophyllum stipulare. — a., une des fleurs grossie.
Fig. 2. Filicites scolopendroides.
Planche x1x.
Convallarites erecta.
Planche xx.
Fig. 1. Palæoxyris regularis. — a, filamens qui paraissent sortir du
sommet de l’épi ; b, une écaille séparée.
Fig. 2. Echinostachys oblongus.
FIN DU QUINZIÈME VOLUME.
AAA VAE AAA LL LULU AAA
TABLE
PLANCHES RELATIVES AUX MEMOIRES
CONTENUS DANS CE VOLUME,
ss =
PI. x. À, Hiatelle de Poli. — B, Acarus.
PL. 2. Structure des Trilobites.
PI. 3. Plantes fossiles d’Armissan.
PI. 4, 5. Anatomie des Planaires.
PI. 6. Podopsis.
PL. 7. Anatomie des Naïs.
PI. 8. Circulation des Annélides..-
PL. 9. Génération et caractères spécifiques des Lombrics.
PI. 10. Mode de préparation des œufs des oiseaux.
PI. 11. 4, Ferussina lapicida ét Helix Reboulii. — B, ailes de Libel-
lules.
PI. 12. Gisement du graphite du col du Chardonet.
PI. 13 et 14. Pollen et granules spermatiques.
PI. 15. Rameau du J’oltzia brevifolia.
PI. 16. Fructification du V’olfzia brevifolia.
PL 17, fig. 1. Fructification de Voltzia. — Fig. 2. Woltzia rigida. —
Fig. 3. J’oltzia elegans.
PL. 18, fig. 1. Æthophyllum stipulare. — Fig. 2. Filicites scolopen=
droides.
PI. 19. Convallarites erecta.
PI, 20, fig. 1, Palæoxyris regularis. — Fig. 2. Echinostachys oblon-
guse
FIN DE LA TABLE DES PLANCHES.
AAA
TABLE MÉTHODIQUE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
th ———
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ZOOLOGIE.
Résumé des Recherches sur les animaux sans vertèbres , faites
aux îles Chausey ; par MM. Audouin et Milne Edwards.
Extrait du Rapport fait à l’Académie des Sciences sur le Mé-
moire présenté par MM. Æudouin et Milne Edwards dans la
séance du 27 septembre, et lu dans celle du 8 octobre 1828;
par MM. Cuvier et Duméril.
Mémoire sur les attributions des principaux organes cérébraux ;
par M. C. Girou de Buzareingues.
Rapport fait à l’Académie royale des Sciences sur un Mémoire de
MM. Audouin et Milne Edwards, ayant pour titre : De la
Respiration aérienne des Crustacés , et des modifications que
l'appareil branchial présente dans les Crabes terrestres; par
MM. Cuvier et Duméril.
Note sur une nouvelle espèce de Mollusque du genre Hiatelle, qui
habite le golfe de Naples ; par M. le professeur O. Costa.
Expériences sur les canaux semi-circulaires de l'oreille chez les
oiseaux ; par M. P. Flourens.
Sur un nouveau genre d’Acaridiens sorti du corps d’une femme;
par M. Bory de Saint-Vincent.
Suite des Observations sur la reproduction des animaux domesti-
ques ; par M. C. Girou de Buzareingues.
Recherches sur l’organisation et les mœurs des Planariées ; par
M. Ant. Dugès.
Observations sur les Planaires ; par M. Baer.
Remarques sur quelques caractères des Chauves-Souris frugivo-
res, et Description de deux espèces nouvelles; par M. Isid.
Geoffroy Saint-Hilaire.
AA EL ARR AURA AVAL
Pages
5
TITI
5a
( 463 )
Observations sur la Spongille rameuse ( Spongilla ramosa La-
marck ; Ephydatia lacustris Lamouroux ) ; par M. Dutrochet.
Des Branchies et des Vaisseaux branchiaux dans les embryons
des animaux vertébrés; par M. le professeur Ch.-Ern. Baër.
( Premier Mémoire. }
Des Branchies et des Vaisseanx branchiaux dans les embryons
des animaux vertébrés ; par M. le professeur Ch.-Ern. Baër.
(Second Mémoire. )
Recherches sur la circulation, la respiration et la reproduction
des Annélides abranches ; par M. Dugès.
Mémoire sur une nouvelle Méthode de préparer et de rendre du-
rables les collections d'œufs d’oiseaux ; par M. Danger.
Sur un nouveau caractère pour distinguer les Libellules et les
Æshnes; par M. J. van der Hæven.
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES > BOTANIQUE.
Sur l’Irritabilité des filets des étamines du Berberis vulgaris ;
par H. R, Gæppert.
Mémoire sur la coloration automnale des feuilles ; par M. Ma-
caire-Princep. ( Extrait.)
Nouvelles Recherches sur le pollen et les granules spermatiques
des Végétaux ; par M. Adolphe Brongniart.
MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE, CORPS ORGANISÉS FOSSILES.
Mémoire sur la constitution géognostique du bassin et des envi-
rons de Narbonne ; par M, Tournal fils.
Note sur les plantes fossiles d’Armissan ; par M. Ad. Brongniart.
Observations sur la place qu’occupent les Trilobites dans le règne
animal ; par M. Goldfuss.
Sur les plantes fossiles du grès de construction de Stuttgart; par
II. le docteur Jæger.
Note sur les Arachnides et les Insectes fossiles, et spécialement
sur ceux des terrains d’eau douce ; par M. Marcel de Serres.
Rapport fait à l’Académie des Sciences sur un ouvrage de
MM. l'abbé Croiset et Jobert aîné, intitulé: Recherches sur
les Ossemens fossiles du département du Puy-de-Dôme; par
M. le baron Cuvier.
Considérations générales sur la nature de la Végétation qui cou-
Pages
266
351
381
19
43
83
91
98
218
( 464)
yrait la surface de la terre aux diverses périodes de la forma- 4
tion de son écorce ; par M. Adolphe Brongniart. 225 |
Note sur la caverne de Bize près Narbonne ; par M. Tournal fils. 348 |
|
Quelques Observations sur la famille des Rudistes de M. de
Lamarck ; par M. G. P. Deshayes. . 258
Sur un gisement de Végétaux fossiles et de Graphite, situé au col
du Chardonet (département des Hautes-Alpes) ; par M. L.
Elie de Beaumont. 353 4
Mémoire sur une nouvelle espèce de”coquille fossile du genre Fé-
Sur le séléniure de cuivre trouvé en Amérique dans les mines,
russine ( Grateloup) , Strophostome ( Deshayes) ; par M. Au- |
gustin Leufroy. 4ox |
Description d’une nouvelle espèce d’Hélice fossile ; par M. Au- |
gustin Leufroy. 4o5
|
}
dites d’argent , de Santa-Rosa , à quatre lieues d’Iguique; par
M. Dubuisson. 4o8
Sur les Terrains tertiaires de la Touraine; par M. Félix Du-
jardin. 4x2
Note sur l'existence d’ossemens fossiles dans le Tuf ou Pépérino
d'Auvergne ; par M. le comte de Laizer. 415
Note sur le Dusodile découvert‘en Auvergne ; par M. le comte
de Laizer. 420
Observations sur le genre Podopside; par M. G. P. Deshayes. 427
Essai d’une Flore du grès bigarré ; par M. Ad. Brongniart. 435 ©
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES,
Errata du quinzième volume.
. Page 43, ligne 4 , M. Tourval ; lisez M. Tournal. ê ‘4
Page 5o, ligne 29 , plusieurs familles dicotylédones ; lisez, plusieurs
feuilles dicotylédones.
Page 222, ligne 4, supprimez le passage suivant : Mais déjà depnis
long-temps M. Brongniart avait découvert une mâchoire de Palæo- |
therium dans un terrain semblable, au Puy en Velai. — Cette ob-
servation appartient à M. Bertrand-Roux, ainsi qu'on le voit quels
ques lignes plus bas.
22. des Sccenc Hat. Tom: 15 PL 4
Lille de MTV Hoët y Dazsphène, N° .
À Hyatelle de Pol. —%. Acarus.
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Anatomie des Llanatres.
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Zeloy, del. Lith.de M'Y: Noël,r Dauphere,26.
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Analomre des Nais.
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des Jeiene. Nat: Pme. 19.
Circulation des Annélides.
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Genéralion et caracteres spécifiques des Lombrics
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Ann. des sc. natur. Tome NT.
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B . Ailes de Libellutes ,
Ann. des se. natur . Tome 15.
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Gres passant au Quarz compacte .
rgile wchirleuse notre
ES Veines tubereuleuses d'Anthracite .
Hoche, féldspathique
verdalre quar syére .
Cisement du Graphite du Col du Chardonet .
Pollen et granules Spermaliques
Pollen e£ granules Jpermaliques
LI
_Ann.des Serences nalnrelles, Tim.18.
Mecncer del Lith.ae MEPENeël,r L'aupline, 4 4
Pollzra lrerifolra.
15.
LES
iun.des Jexences nalarolles, Tom. 15. PS6,
Meunier: del Lith.de MEVE Noël, r Dar
Lrachféation du lltua Crerifolra.
«Ann. des Secences zelurelles, Thnr. 18
Lie deNWTÉe Tél 7: Daaplune, N°26.
Lig 1 Fuchficalion dur espece de fill:14
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