Skip to main content

Full text of "Annales des sciences naturelles"

See other formats


étant ie mt mt 


13:23 = 


HITIUT TRES 


ÉRREREENET ESP TEE 


HET 
ARE : 


Ta 
tie mr 
EST 

STE 


COLTEME TENUE EE TE TP 


nt Te ee GE CENTER 


Taies iiietiiese re teidte 


after STI SSI STS 


CORP TEENENCTE 
ES TS TT tetes 


CHOTCIUErErET 
He SDAETE IEEE TP TEE 


= Sterne 
DOCS TETE 


TEE 
Le rimisisr 


LERRI PEAR RTE 
RESENRITANES ESS DER ÉME SENS ETÉTÉTERS NAN RTL NS GEST ESS IIS 
gum À . PILE ri=tierstsdeisisté 
arts Rs383 POÉSIE 
PRES 


RSR LASER TE RETIRE 

PUR S TEE PRES AO TENE SE re re enr 

NS RIRINUE F ri rér arrété 
TES DTE 


TT 
STRESS Te met sudes etes 


STATE ET 
TETE 


2 
DER Etes 


eric 
HIS 


PRÉCISE 
SRE NE TE 
e32 a ITA SET SES 


ANNALES 


SCIENCES NATURELLES 


QUATRIÈME SÉRIE 


a —— 


ZOOLOGIE 


—————_—— 


Paris, — Imprimerie de L. Manrixer, rue Mignon, ®. 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


COMPRENANT 


LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE 
L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÈGNES 


ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES 


RÉDIGÉES 
POUR LA ZOOLOGIR 


PAR M. MILNE EDWARDS 


POUR LA BOTANIQUE 


PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE 


QUATRIÈME SÉRIE 


ZLOOLOGIE 


VICTOR MASSON ET FILS 


PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE 


1563 


L 1 4 
She 1 PRO 
os L 7 k 
? A 
AU 2e £ 
Le 4 ÿ: 
FE "4. s 


Le a 


MPOUDBENE AL FA AIME 
. 
ie fl 


L 
roi 


pe 


fade 13 
ù - 
42 
it 


G 


N 
» a 


tiscroëy tds 
ai 44 


pi 
[IR 


ta 
f 


“AODERATOE AI 


) , 
( 
La 
“RE 
d'a 
ENT : 
ANA. 
r Le = 
HI 
1 


“ui 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


PARTIE ZOOLOGIQUE 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE 


SUR LE DÉVELOPPEMENT 


DE LA TRUITE, DU LÉZARD ET DU LIMNÉE, 


Par M. LEREBOULLET, 


Professeur de zoologie et d'anatomie comparée à la Faculté des sciences de Strasbourg (1). 


QUATRIÈME PARTIE. 


DÉTERMINATION DES RESSEMBLANCES ET DES DIFFÉRENCES QUE PRÉSENTENT À 
DANS LEUR DÉVELOPPEMENT, LES ANIMAUX VERTÉBRÉS ET LES ANIMAUX 
INVERTÉBRÉS. 


Je viens d'exposer, dans les trois monographies qui précèdent, 
le développement de l'embryon dans la Truite, comme type d’un 
Poisson osseux et comme exemple d’un Vertébré anallantoïdien ; 
dans le Lézard, comme exemple d’un Vertébré allantoïdien, et 
dans le Limnée, comme type d’un Mollusque. 

Ces recherches étaient nécessaires pour établir des termes de 
comparaison fondés sur l'observation directe des faits. Elles 
répondent à la première partie de la question, qui demande 
l'étude du développement de deux espèces au moins, prises, l’une 


(4) Voy. pour les trois premières parties, t. XVI, p.113, t. XVII, p. 88,et 
t. XVIII, p. 5. 


6 LEREBOULLET. 


dans l’embranchement des Vertébrés, et l’autre, soit parmi les 
Mollusques, soit parmi les Articulés. 

La seconde partie de la question proposée par l’Académie des 
sciences a pour objet la détermination rosimve de ce qu'il peut y 
avoir de semblable ou de dissemblable dans le développement com- 
paré des V'ertébrés et des Invertébrés (termes du programme). 

En demandant une détermination positive des ressemblances et 
des dissemblances, l’Académie indique de la manière la plus 
claire et la plus formelle qu’elle ne veut pas de théorie purement 
spéculative, mais bien des faits. Elle veut que ces faits soient éta- 
blis d’une manière précise et à l’abri, en quelque sorte, de toute 
espèce de doute ; et enfin elle veut que la détermination des res- 
semblances ou des différences repose sur ces faits et en soit comme 
la conséquence naturelle. 

Or, pour arriver autant que possible au résultat désiré, il n’y a, 
ce me semble, qu’une voie sûre à suivre : c’est l'analyse compa- 
rative des faits observés ; c’est aussi la marche que j'ai adoptée. 

Pour rendre ma démonstration plus complète, je crois devoir 
utiliser les résultats obtenus dans un précédent travail sur le déve- 
loppement du Brochet, de la Perche et de l’Écrevisse (1), travail 
dont le présent mémoire forme une suite naturelle. 

Je vais donc successivement, dans autant de chapitres parti- 
culiers : 

4° Comparer entre eux, sous le rapport des ressemblances et 
des différences, la Truite, le Brochet et la Perche. 

2° Comparer le développement de ces trois espèces de poissons 
osseux, prises comme types de Vertébrés anallantoïdiens, au 
développement du Lézard pris comme exemple d’un Vertébré 
allantoïdien. 

3° Comparer le développement de ces poissons et du Lézard, 
représentant l’embranchement des Vertébrés, au développement 
du Limnée des étangs, choisi comme type des Mollusques. 

h° Comparer entre eux le Limnée des étangs et l’Écrevisse de 
rivière, représentant les Mollusques et les Articulés. 


(1) Mémoires de l'Institut (Savants étrangers), t. XVII. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 7 


5° Enfin, comparer le développement des Poissons osseux et 
du Lézard, pris comme types des Vertébrés, au développement du 
Limnée et de l'Écrevisse, représentant la grande division des 
Invertébrés. 

Je terminerai par un résumé général, dans lequel j’exposerai 
les déductions que l’on est en droit de tirer des comparaisons 
précédentes. 

J'espère, à l’aide de cette marche rationnelle, pouvoir faire 
ressortir avec suffisamment de détail ce qu’il y a de semblable ou 
de dissemblable dans le développement des Vertébrés et des 
Invertébrés. 


CHAPITRE I. 


Du développement de la Truite comparé à celui du Brochet 
et de la Perche. 


Pour faciliter le parallèle entre les espèces animales dont j'ai 
étudié le développement, je partagerai ce développement en trois 
périodes : 

La première Sornrendre le développement de l'œuf, io 
son origine jusqu'à l'apparition de l’embryon ; 

La seconde, le développement de l'embryon, depuis son appa- 
rition jusqu’à la formation du cœur ; 

La troisième, depuis la formation du cœur jusqu’à l’éclosion. 
Pour les Poissons, cetle troisième période s’étendra jusqu’à la dis- 
parition de la circulation vitelline. 


ARTICLE [. — Du développement de l’œuf depuis son origine jusqu’à 
l’apparition de l'embryon (première période). 


A. — Ressemblances. 


L'étude du développement de l’œuf, dans les Poissons osseux, 
nous montre plusieurs phases essentielles sur lesquelles devront 
porter plus particulièrement les ressemblances etles dissemblances; 
ce Sont : 


8 LEREBOULLET. 

4° L'origine et la composition de l'œuf ovarien ; 

9° Le développement de ses éléments constitutifs ; 

3° Le partage de ces derniers en éléments plastiques et en élé- 
ments nutritifs, ainsi que le mode de groupement des uns et des 
autres ; 

h° Le travail de fractionnement des éléments plastiques et les 
conséquences de ce travail ; 

5° La formation de la tien embryogène ou du blasto- 
derme ; 

6° L'extension de ce blastoderme etle mode de concentration 
de ses éléments pour former l’axe embryonnaire primitif. 


VE 


Le mode de production de l’œuf dans l'ovaire est le même 
dans la Truite que dans le Brochet, la Perche, le Rotengie et 
autres poissons blancs (Leuciscus), et probablement toutes les 
espèces de Poissons; je dirai même que ce mode de production 
doit être à peu près identique dans tous les animaux. 

L'œuf est toujours une production nouvelle de l'ovaire lui-même, 
et non une partie de sa propre substance. Il apparaît toujours au 
milieu même du parenchyme ovarien, et se développe dans ce 
parenchyme. A mesure qu'il grossit, il s’entoure d’une mem- 
brane particulière que lui fournit l'ovaire (capsule ovarienne), 
membrane qui s'applique exactement contre sa paroi extérieure. 
Cette capsule ovarienne est toujours tapissée intérieurement d’un 
épithélium vésiculeux, par l'entremise duquel ont lieu la nutrition 
de l’ovule et son accroissement. 

L'ovule des Poissons est toujours composé de deux vésicules 
emboîtées l’une dans l’autre : une vésicule enveloppante (vésicule 
vitelline), et une vésicule contenue dans celle-ci (vésicule germi- 
native). 

L'observation directe ne m'a pas encore permis de constater 
d’une manière positive laquelle de ces deux sphères naït la pre- 
mière. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 9 


Chacune d'elles est un organisme qui fonctionne d’une manière 
indépendante et fournit des produits distincts. 

Le contenu de la vésicule vitelline, à sa naissance, est une 
matière liquide, transparente, tenant en suspension de très petites 
molécules granuleuses qui ne deviennent d’abord visibles que par 
la coagulation. 

Le contenu de la vésicule germinative consiste en corpuscules 
vésiculeux, d’un aspect brillant (les taches germinatives). 

Cette différence de contenu des deux vésicules, sans rien préju- 
ger de la destination de ce contenu, est un fait capital, puisqu'il 
montre, dès l’origine de l’œuf, une différence essentielle, relati- 
vement à leur nature, entre les deux parties principales dont cet 
œuf se compose. Quel que soit, en effet, le rôle qu’on fasse jouer 
à la vésicule germinative, toujours est-il que ce rôle n’est pas le 
même que celui qui est assigné au vitellus. 

On peut donc établir comme règle générale et absolue que l'œuf, 
très peu de temps après son apparition dans l’ovaire comme une 
simple vésicule indépendante, se trouve composé de deux parties 
distinctes par leur composition, par leur nature et par leurs 
fonctions. 

Aujourd'hui qu’il se manifeste, dans quelques esprits, une ten- 
dance regrettable à ôter à l’œuf toute participation directe à la for- 
mation du germe embryonnaire, en faisant dériver ce germe de 
l'élément mâle, c’est-à-dire du spermatozoïde, il est de la plus 
haute importance de mettre cette vérité en relief, et de faire res- 
sortir le fait incontestable de la dualité pour ainsi dire primitive 
des parties constituantes de l’œuf (4). 


(1) On comprend qu'il est ici question de la pénétration des spermatozoïdes 
dans l'intérieur de l'œuf par une ouverture à laquelle on a donné le nom de 
micropyle. Je n'ai pas encore fait de recherches sur cette pénétration que d'ha- 
biles anatomistes disent avoir constatée et que je me garderai bien de nier ; 
mais ce que je repousse, ce que je nie formellement, c'est la transformation de 
ce spermatozoïde en éléments plastiques destinés, par leur développement ulté- 
rieur, à donner naissance à l'embryon lui-même. 


10 LEREBOULLET. 


$ IL. 


Le contenu de la sphère vitelline se modifie avec le développe- 
ment de celte sphère. Des vésicules graisseuses, d’abord très 
petites, mais qui grossissent peu à peu, se forment autour de la 
vésicule germinative et se mulliplient en se portant de plus en plus 
vers la périphérie. Bientôt ces vésicules graisseuses remplissent 
toute la sphère vitelline. 

La vésicule germinative augmente progressivement de volume; 
en grossissant, elle se rapproche de la surface de l'œuf; les élé- 
ments qu’elle renfermait se multiplient et se transforment en cel- 
lules granuleuses. 

Ce double travail de la sphère vitelline et de la sphère germina- 
live a pour résultat la formation d’éléments nutritifs produits par 
la première, et d'éléments formateurs ou plastiques fournis par la 
seconde. Dès lors on pourrait substituer aux noms donnés à ces 
deux sphères les dénominations plus significatives de sphère nutri- 
tive pour la vésicule vitelline, et de sphère plastique pour la vési- 
cule germinative. 

Pendant toute la durée de ce travail intérieur, les éléments nou- 
vellement formés sont doués d’un mouvement centrifuge : les 
éléments nutritifs de la sphère vitelline et les éléments plastiques 
de la sphère germinative se portent à la surface, et la vésicule 
germinative elle-même se rapproche de la surface de la sphère 
dans laquelle elle est contenue. 


$ IL. 


Quand l’œuf est arrivé à sa maturité, la vésicule germinative 
se déchire; son contenu, devenu libre, se mêle aux éléments du 
vitellus. 

Les éléments plastiques provenant de la vésicule germinative 
restent quelque temps mélangés aux éléments nutritifs de la vési- 
cule vitellime ; mais peu à peu ils s’en séparent et se concentrent à 
l’un des pôles de l’œuf. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. AL 


Les éléments nutritifs, savoir les globules huileux et les glo- 
bules vitellins, quand ceux-ci existent (Brochet et Perche), sui- 
vent de près les éléments plastiques dans leur migration et vont se 
placer au-dessous d'eux (1). 


$ IV. 


La segmentation du vitellus, ou son fractionnement en sphères, 
se fait dans la Truite de la même manière que dans la Perche et le 
Brochet. Elle se produit toujours par progression géométrique 
croissante. 

Elle ne s'exerce que sur les éléments plastiques de l’œuf, et 
n’intéresse nullement les éléments nutritifs disposés en disque 
au-dessous de ces derniers. 

Quand il existe un certain nombre de globes de segmentation, 
ceux-ci s’arrangent de manière à former une sphère creuse qui 
repose sur le vitellus nutritif. 

Le premier résultat de fractionnement est done de partager les 
éléments plastiques en un certain nombre de sphères organiques 
de plus en plus petites. 

Un second résultat de ce même travail est de grouper ces sphè- 
res en une véritable vésicule que j'appelle vésicule blastoder- 
mique. 

J'ai constaté dans la Truite cet arrangement des globes de 
segmentation que j'avais déjà vu dans la Perche et dans le 
Brochet. 

Chaque sphère de segmentation renferme une vésicule centrale, 
sorte de cyloblaste qui paraît jouer un rôle essentiel dans la divi- 
sion ultérieure de ces sphères; seulement ce cytoblaste ne se 
voit pas toujours, ce qui fait présumer qu'il disparait et se montre 
successivement. 


(1) M. Coste a découvert ce départ entre les éléments dont se compose l'œuf 
des Poissons (séance de l'Académie des sciences du 23 avril, Gasetle médicale de 
Paris, n° 17, 28 avril 1855, p. 257). Je l'ai découvert de mon côté, dans mes 
recherches sur le développement du Brochet et de la Perche, sans avoir eu con- 
naissance des travaux de M. Coste. 


192 LEREBOULLET. 


Avant que la segmentation soit terminée, on remarque une 
première différenciation dans les sphères qui sont le résultat de 
ce travail. Cette différenciation porte sur leur volume respectif, 
les unes ayant un diamètre double de celui des autres. Les plus 
grosses sphères sont toujours extérieures, les plus petites inté- 
rieures. Plus tard, nous trouvons la même disposition dans les 
cellules épidermoïdales placées à la surface du corps, et les cellules 
embryonnaires qui constituent le corps lui-même, et qui ont la 
moitié du diamètre des précédents. Ainsi la première différen- 
ciation des cellules est déjà indiquée dans le germe, pendant le 
fractionnement de sa substance. 

Les globes de segmentation ne se changent pas directement en 
cellules. Ils subissent auparavant un travail de métamorphose qui 
consiste dans la dissolution de leur contenu et dans l’organisa- 
tion des vraies cellules à l’aide d'éléments nouveaux qui apparais- 
sent après la dissolution des anciens. En effet, ce n’est qu'après 
la disparition du contenu des dernières sphères de segmentation, 
qu'on aperçoit les premières cellules véritables, qui différent de 
celles-ci par leur aspect. 


8 V. 


La petite vessie blastodermique primitive qui repose comme 
une sphère creuse au sommet de l'œuf, se déprime régulièrement, 
s’aplatit en disque, et recouvre la portion correspondante du vitel- 
lus en le coiffant comme le ferait une calotte. Cette espèce de 
calotte est l’origine de la membrane embryogène ou du blasto- 
derme. 

Il résulte de son mode de production qu'il est formé de deux 
feuillets qui se rapprochent de plus en plus l’un de l’autre, au 
point de devenir contigus, et sont disposés comme les deux lames 
d’une membrane séreuse. 

Au-dessous de ce blastoderme composé de deux lames, se 
trouve une membrane simple, étrangère au blastoderme par son 
origine et par sa composition ; car, tandis que celui-ci provient de 
la réduction du vitellus formateur en sphères de plus en plus 


, RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COPMARÉE. 13 


petites, la membrane qui lui est sous-jacente est le résultat de la 
- condensation d'éléments nutritifs accumulés sous lui; cette mem- 
brane est composée de granules, tandis que le blastoderme pro- 
prement dit est formé de cellules qui dérivent des dernières 
sphères de segmentation. 
C'est cette membrane sous-jacente qui constitue le véritable 
feuillet muqueuæ, celui qui préside à la formation da tube digestif 
et des organes qui en dérivent. 


$ VL 


Lorsque la vésicule blastodermique s’est aplatie et changée en 
une double membrane qui coiffe le sommet de l’œuf, le blasto- 
derme qui en résulte s'étend régulièrement sur le vitellus, de 
manière à l’envelopper. 

Le blastoderme représente alors une bourse qui renferme le 
vitellus et dont l’orifice se rétrécit de plus en plus. Il est doublé 
intérieurement par la membrane simple qui lui était primitive- 
ment sous-jacente et qui représente le feuillet muqueux. 

L'œuf est alors composé d’une portion embryonnaire, ou plutôt 
embryogène, et d’une portion nutritive. 

La partie embryogène est membraneuse ; elle est elle-même for- 
mée de deux feuillets distincts : l’un, extérieur, superficiel, double, 
c’est-à-dire composé de deux lames réfléchies l’une sur l’autre; le 
second, intérieur, simple, tapissant la surface interne de la bourse 
que forme le premier et appliqué immédiatement contre le vi- 
tellus. 

La portion nutritive de l'œuf est le vitellus proprement dit, ou 
la substance contenue dans la bourse blastodermique. 

Le feuillet extérieur de la double enveloppe embryogène, ou 
feuillet blastodermique proprement dit (feuillet séreux des auteurs) 
est d’abord d’une structure homogène. Mais, à une période indé- 
terminée de son existence, lorsqu'il a envahi une portion plus ou 
moins étendue de l'œuf, les cellules embryonnaires s’accumulent 
suivant une ligne droite, qui touche par une de ses extrémités au 
bord de l’ouverture de la bourse blastodermique, tandis que l’autre 


14 LEREBOULLET. , 
extrémité se dirige vers le pôle de l’œuf ordinairement opposé à 
ce bord. 

Il en résulte une saillie longitudinale dirigée suivant le méri- 
dien de l’œuf: c’est la ligne ou bandelette primitive, c’est-à-dire le 
rudiment de l'embryon. Cet embryon, à son origine, se compose 
done des mêmes cellules dont est formé le blastoderme tout entier; 
seulement ces cellules se sont accumulées en plus grand nombre 
suivant une direction déterminée; l’activité vitale s’est concentrée 
en quelque sorte le long de cet axe primitif. 


B. — Différences. 


Les différences que nous aurons à signaler dans cette première 
période de la vie de l’œuf sont peu nombreuses; elles ne portent 
que sur la composition du vitellus et sur la durée des phases de 
développement de certaines parties. 

Le liquide vitellin de l’œuf de la Truite mêlé à l’eau, la trouble 
immédiatement et se coagule. La même chose a lieu pour la sub- 
stance vilelline de l'œuf de la Palée (Vogt, Embr. des Salmones, 
Dette 

D'un autre côté, le vitellus de la Truite, pas plus que celui de la 
Palée, ne renferme aucune sorte de globules particuliers, autres 
que les globules graisseux, tandis qu’il existe des globules vitellins 
dans le Brochet et dans la Perche. Les globules graisseux sont 
plus nombreux dans l'œuf de la Truite. 

La vésicule germinative persiste plus longtemps dans l’œuf de 
ce dernier Poisson. La séparation entre les éléments plastiques et 
les éléments nutritifs est plus tardive, et l’on ne voit pas de tache 
se former, avant la fécondation, à l’un des pôles de l'œuf par la 
réunion de ces éléments, comme on l’observe dans la Perche et 
surtout dans le Brochet. 

L'extension du blastoderme autour du vitellus se fait beaucoup 
plus lentement chez la Truite ; ce blastoderme est plus mince, son 
bourrelet marginal à peu près nul, tandis que le feuillet muqueux 
sous-jacent est remarquable par l'épaisseur du rebord cireulaire 


. 


9 RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 15 
qu'il présente ; enfin, le cylindre embryonnaire primitif est beau - 
coup plus grêle que dans les deux autres Poissons. 

On voit que ces différences sont d’un ordre inférieur et ne 
modifient pas essentiellement les points de ressemblance que 
nous avons signalés. 

On est donc à peu près en droit d'admettre que les phases du 
développement de l’œuf, avant la formation de l’embryon, sont 
les mêmes dans tous les Poissons osseux. 


ART. IL — Développement de l'embryon depuis son apparition, 
jusqu’à la formation du cœur (deuxième période). 


A. — Ressemblances. 


Pendant la période qui s’étend depuis l’apparition de la bande- 
lette embryonnaire jusqu’à la formation du cœur, toute l’activité 
vitale est en quelque sorte concentrée dans cet axe primitif. Le 
travail organique produit dans cette bandelette des modifications 
successives qui ont toutes pour objet la formation des principaux 
appareils sensitifs et locomoteurs, et qui jettent d’une manière 
presque simultanée les premières ébauehes de ces appareils. 

Les résultats immédiats de ce travail sont : 

1° La formation d’un étui destiné à loger l’axe nerveux céré- 
bro-spinal. 

2° La production d’étranglements dans la partie antérieure de 
cet étui, pour former les vessies cérébrales. 

9° La division transversale de la substance embryonnaire qui 
forme les parois du même étui, pour jeter les premières bases de 
l'appareil locomoteur. 

h° La formation des deux cordons nerveux primitifs. 

9° Et celle des trois appareils de la vision, de l’odorat et de 
audition. 

Nous avons indiqué, à la fin du troisième chapitre, l'ordre de 
succession des phénomènes embryogénétiques tels que nous les 
avons observés dans la Truite. Ces phénomènes sont identique- 
met les mêmes et se produisent de la même manière dans ce 


16 LEREBOULLET. 


poisson que dans la Perche et le Brochet. Nous allons les rappeler 
succinctement en les groupant d’après leur nature et, autant que 
possible, dans l’ordre de leur apparition. 


SI. 


Le premier phénomène qu’on observe après l'apparition de Ja 
bandelette embryonnaire, est la dépression longitudinale de la par- 
tie dorsale de cette bandelette, d’où résulte une gouttière étroite 
et profonde dans sa partie moyenne, large et superficielle en 
avant. 

Cette gouttière longitudinale, limitée latéralement par deux 
rebords symétriques (les carènes dorsales), prépare à la fois la 
formation de l’étui nerveux et sensoriel et l’ébauche de l'appareil 
moteur du rachis. 


8 IL 


Cette première modification est suivie de plusieurs autres qui se 
produisent presque simultanément. 

4° Des bords externes du sillon dorsal s'élèvent deux lamelles 
qui se portent l’une vers l’autre au-dessus de ce sillon (lames dor- 
sales). 

2° Un tube transparent et vide, effilé à ses deux extrémités (la 
corde dorsale), apparaît sous la gouttière et occupe l'axe du corps. 

5° Les lames dorsales se rapprochent de plus en plus et se 
soudent en avant d’abord, dans la partie la plus élargie de la gout- 
lière, pour former la grande vessie céphalique. 

L° Cette grande vessie primitive s’étrangle dans son milieu et 
se divise transversalement en deux vessies secondaires d’abord, 
et plus tard en trois. 

9° Pendant ce temps la réunion des lames dorsales continue à 
se faire par-dessus la gouttière, d'avant en arrière et d’arrière en 
avant, et les divisions vertébrales, c’est-à-dire la segmentation 
transversale des carènes, qui ont commencé dans la région 


RECHERCHES D EMBRYOLOGIE CONPARÉE. 17 
moyenne de l'embryon, se continuent en avant et en arrière de 
leur point de départ. 

6° Ces divisions verlébrales s'arrêtent, ‘en avant, à la limite 
postérieure de la région céphalique. L'embryon se trouve alors 
partagé en trois régions bien distinctes : la région cépbalique en 
avant, caractérisée par sa plus grande largeur et par ses étrangle- 
ments ; la région caudale en arrière, de forme ovalaire; etle corps, 
plus étroit et d’une égale largeur partout. 

7° Les lames dorsales se sont rejointes dans toute leur étendue; 
l'embryon a maintenant la forme d’un tube qui se compose en 
avant des trois vessies cérébrales, et qui renferme, dans le reste de 
son étendue, les deux séries de Hit NPORES produites par 
la division des carènes. 


$ II. 


Avant que le tube embryonnaire soit formé, c’est-à-dire lorsque 
les lames dorsales sont encore écartées l’une de l'autre dans une 
grande partie de leur étendue, il se dépose dans le fond du sillon 
dorsal une substance celluleuse particulière qui se dispose en 
deux cordons parallèles symétriques et contigus : ce sont les deux 
cordons nerveux primitifs, formant l'axe nerveux cérébro-spinal. 

Ces deux cordons règnent dans toute la longueur du tube em- 
bryonnaire. [ls sont d’abord juxtaposés dans la région céphalique 
comme dans le reste de leur étendue; mais bientôt ils s’écartent 
l’un de l’autre dans cette région céphalique, et forment, d’arrière 
en avant, des ondulations et des plissemernts d’où résultent le 
raccourcissement de celte région, la concentration de la substance 
nerveuse ct la production de trois cavités ou ventricules placés 
l'un au-devant de l’autre. 

Pendant ce temps, les lamelles vertébrales se sont achevées, et, 
en se rejoignant au-dessus des cordons nerveux rachidiens, elles 
ont formé autour de ces cordons autant d’anneaux qui les entou- 
rent étroitement. 


&° série. Zouz. T, XIX. (Cahier n° 4.) ? 


t© 


18 LEREBOULLET. 


CR LE 


Aussitôt après que la grande vessie céphalique primitive s’est 
partagée en deux par un étranglement transversal de sa région 
moyenne, les ampoules oculaires se produisent sur les côtés de 
cette région moyenne. Puis ces ampoules se dépriment, leur paroi 
est refoulée sur elle-même, et il se forme une bourse qui constitue 
la cavité du globe de l'œil. 

Le cristallin, produit par une accumulation d'éléments nucléai- 
res épidermiques, descend peu à peu dans l'intérieur de cette 
bourse. 


8 V. 


Après les ampoules oculaires naissent les fosseites olfactives 
par une dépression de la peau en avant et sur les côtés de la 
région cérébrale antérieure. 

Les capsules auditives se forment en dernier lieu sur les côtés 
de la région cérébrale postérieure. Ce sont d’abord de petites 
sphères pleines, qui se creusent plus tard une cavité dans laquelle 
se déposeront les otolithes. 


B. — Différences. 


Je n'ai pas à signaler de différences essentielles dans cette pé- 
riode. Toutes les phases de développement que je viens de rappe- 
ler sommairement se passent de la même manière dans les trois 
espèces de Poissons que j'ai étudiées. 

Seulement je n'ai pas vu, dans le Brochet ni dans la Perche, les 
cellules granuleuses de la corde dorsale qui précèdent, dans la 
Truite, l'apparition des disques gélatineux. Mais j'ai constaté, 
chez ce dernier Poisson, le même mode de formation et le même 
- développement de ces disques, ainsi que leur transformation en 
vésicules transparentes, probablement de nature gélatineuse. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 49 


Ant. I. — Développement de l'embryon depuis la formation du cœur 
jusqu'à la disparition de la circulation vitelline (#roisième période). 


A. — Ressemblances. 


Nous venons de voir, pendant toute la durée de la première pé- 
riode du développement de l'embryon, le travail organogénique 
se borner en quelque sorte à la région dorsale du cylindre 
embryonnaire primitif, pour ébaucher les premiers appareils de la 
vie de relation. 

Ce n'est que vers la fin de cette période que la région infé- 
rieure devient à son tour le siége d’un travail particulier dont le 
résultat est la formation des appareils nutritifs. 

En effet, c’est alors seulement qu’on voit se former, le long de 
la carène embryonnaire inférieure, sous le feuillet muqueux, une 
couche de cellules particulières très bien décrite par M. Vogt 
(op. cit., p. 152). Cette couche est double; sa lame inférieure est 
destinée à former le tube intestinal, tandis que la supérieure est le 
premier rudiment de l'appareil sécréteur de l'urine. L'une et l’au- 
tre peuvent être considérées comme une sorte} de végétation du 
feuillet sous-blastodermique ou muqueux, qui enveloppe le vitellus 
tout entier, el dans l'épaisseur duquel se développera bientôt l’ap- 
pareil cireulatoire vitellin. 

En même temps la partie antérieure du corps se soulève, et il se 
forme au-dessous d’elle un espace vide, transparent, la chambre 
cardiaque où péricarde, à la partie supérieure de laquelle apparaît 
le rudiment du cœur. 

La formation du canal alimentaire et celle du cœur caractérisent 
donc le commencement de cette nouvelle période; ces deux for- 
mations sont le signal d’une nouvelle direction imprimée au travail 
organique dont le siége va affecter plus particulièrement la région: 
inférieure du cylindre primitif, pour jeter les premières bases des 
appareils de la vie de nutrition. 

Il existe donc une opposition réelle et très remarquable entre 


20 LEREROULLET, 


les formations supra-blastodermiques et les formations infra-blas- 
todermiques. 

Les premières avaient pour but la création des grands appareils 
nerveux, sensilifs et locomoteurs ; les secondes président à l’éta- 
blissement de trois autres grands appareils : ceux de la digestion, 
de la circulation et de la respiration. Les appareils digestif et cir- 
culatoire apparaissent à peu près en même temps ; l'appareil de la 
respiralion, au contraire, ne peut s’élablir que lorsque la circula- 
tion est entrée en activité. A ces appareils il faut joindre celui de 
la sécrétion urinaire dont l'apparition bâtive montre l'importance 
comme appareil de dépuration du sang. 

Il serait inutile et fastidieux de reprendre un à un tous les phé- 
nomènes embryologiques qui ont trait au mode de production et 
au développement de ces divers appareils nutritifs, ct qui se succè- 
dent pendant la durée des deux périodes que nous réunissons ici 
en une seule. 

Nous allons chercher à grouper ces phénomènes eu traitant 
successivement du canal alimentaire, du cœur et de la circulation, 
de la respiration et des modifications qu'elle subit, puis des orga- 
nes préparatoires de la sécrélion urinaire et du développement 
ultérieur des appareils de la vie de relation. 


Bi 


Dans la Truite, comme dans la Perche et le Brochet, le premier 
rudiment du tube digestif est représenté par une accumulation de 
cellules, sous le feuillet muqueux, le long de la ligne médiane 
inférieure du corps. La lame étroite et longue qui en résulte 
se montre en même temps que le rudiment du cœur, ou même 
avant lui. 


$ II. 


Ces cellules se disposent en une goutlière ouverte par le bas. 

Les bords symétriques de cette gouttière s’inclinent l'un vers 
l’autre, se rapprochent et se soudent sur la ligne médiane, et 
transforment ainsi la gouttière en tube. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 1 


Il se forme, de cette manière, sous l'embryon, un tube compa- 
rable à celui qui s'était formé primilivement au-dessus de lui; 
mais tandis que la gouttière vertébrale était ouverte par le haut, 
c’est au contraire vers le bas que s'ouvre la gouttière intestinale. 


$ IL. 


La goutlière intestinale, de même que la gouttière vertébrale, se 
ferme suivant deux directions opposées, d'avant en arrière et d’ar- 
rière en avant, d'après une marche centripète. La partie moyenne 
resle quelque temps ouverte vers le vilellus, sous forme de bou- 
tonnière, et une partie du sac vitellaire pénètre entre les lèvres de 
cette fente, en s’allongeant en pédicule. 


$ IV. 


Au-devant de la fente intestinale, le tube se renfle en une am- 
poule qui constitue le rudiment de l'estomac. On remarque, con- 
tre la paroi extérieure de cette ampoule gastrique, une accumula- 
lion de cellules, premier indice du foie. 

Cet amas de cellules grossit, forme un corps globuleux qui se 
sépare de l’inteslin et déprime le vitellus ; il reçoit de nombreux 
vaisseaux qui se capillarisent dans son intérieur, et il se divise en 
lobules dont la présence décèle sa nature glanduleuse, Les con- 
duits excréteurs de cette glande naissent directement de l'intestin, 
par évolvure. 

Quant à la sécrétion biliaire, elle n'a lieu que quelque temps 
après l'éclosion; elle est annoncée par la coloration en jaune du 
tube intestinal. 


$ V. 


Le tube intestinal ne se ferme qu'après l'éclosion, et sa cavité 
parait communiquer longlemps encore avec le vitellus, à l’aide 
d’un étroit canal silué entre le foie et l'estomac. 

La cavité de l'intestin est d'abord linéaire ; plus tard elle s’élar- 
gil et ses parois se modifient ; l’estomac devient musculeux et l’in- 


99 LEREBOULLET. 


testin se garnit de valvules renfermant l’appareil glandulaire qui 
le caractérise chez l'adulte. 


8 VI. 

La cavité pharyngienne, qui devient en même temps cavité 
branchiale, a une formation indépendante de celle de l'intestin. 
Elle commence par un renflement cylindrique qui se produit au- 
dessus du cœur, et dont la cavité, d’abord linéaire, s'élargit et se 
met en communication avec la cavité de l'intestin buccal situé 
derrière lui. 


$ VII. 


C’est au tube digestif qu’appartient la formation de la vessie 
natatoire. Elle naît, après l’éclosion, par une dépression qui se 
produit de dedans en dehors sur les parois de l’æsophage. Il en 
résulte un pelit sac qui s’allonge peu à peu et se sépare du tube 
auquel il doit son origine. 


8 VIIL. 


Le mode de production du cœur et son développement ont 
lieu de la même manière dans la Truite que dans le Brochet et la 
Perche. 

Le cœur est d’abord un corps cylindrique ou conique, solide, 
plein, composé de cellules, couché sous la tête. Ce cœur oscille 
d’une manière rhythmique avant qu’il soit creusé d’une cavité, et 
conséquemment avant qu'il renferme des globules où même un 
liquide. C’est un fait déjà signalé par M. Vogt, et dont j'ai pu con- 
stater la réalité, particulièrement sur la Perche. 

En même temps on voit apparaître sous la tête un espace.clair 
produit par la rétraction du vitellus et par le redressement de la 
partie antérieure du corps. Le cylindre cardiaque descend peu à 
peu dans cette chambre (le péricarde), et se place à angle droit avec 
e corps. Il est alors creusé d'une cavité longitudinale linéaire, 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 923 


d'abord vide, mais dans laquelle on voit plus tard osciller des glo- 
bules. Puis le cœur se replie sur lui-même, et chacune de ses bran- 
ches se renfle en une cavité dont l’antérieure est le ventricule et la 
postérieure l’oreillette largement ouverte eten communication avec 
la couche hématogène du vitellus. 

Les premiers vaisseaux apparaissent, comme le cœur, avant les 
corpuscules sanguins; ce sont d’abord des canaux sans parois 
propres, creusés au milieu de la substance embryonnaire, comme 
la cavité du cœur s’est creusée au milieu du cylindre cardiaque. 

Les globules sanguins, lors de leur apparition, sont plus petits 
que ceux du cœur ; ils ne deviennent elliptiques que plus tard; ils 
ne doivent donc pas leur origine à des cellules détachées de la 
substance embryonnaire. 


$ IX. 


La première cireulalion a lieu entre l'embryon et le vitellus ; le 
sang, poussé par le cœur, parcourt l'embryon, et revient au cœur 
après avoir traversé le vitellus. Il existe done, dans la Truite, 
comme dans le Brochet et dans la Perche, un temps pendant lequel 
tout le sang de l’embryon passe par le vitellus avant de retourner 
au cœur; il n'y a alors qu'une seule grande ellipse circulatoire, 
sans réseau vitellin. 

Plus tard il se forme des réseaux à la surface du vitellus, par 
retrait de substance, c’est-à-dire par lacunes, sur toute la sur- 
face de la couche hématogène, et la circulation s'établit sur toute 
l'étendue de la vessie vitellaire. 

En même temps l’ellipse primitive s’allonge par la formation de 
nouvelles anses qui se placent successivement les unes au-devant 
des autres. 


y Xl 


Aussitôt que la circulation, et par conséquent la respiration vitel- 
line, sont établies, on voit se former les fentes branchiales et des 
vaisseaux sanguins courir le long des ares qui en résultent. 


94 LEREBOULLET. 


Cette division de la masse sanguine en avant annonce une nou- 
velle localisation de la fonction respiratoire et l'établissement défi - 
nitif de l'appareil qui caractérise le Poisson ; mais la formation des 
arcs vasculaires ne modifie pas encore la respiration, celle-ci 
continue à se faire exclusivement sur le vitellus. 


8 XI. 


Le passage de la cireulation et de la respiration vitellines à la 
circulation et à la respiration branchiales s'établit peu à peu, par 
suite de modifications apportées à la circulation générale, pendant 
le développement du canal intestinal et du foie. 

L'intestin s’entoure d’un réseau formé par une artère dorsale et 
par une veine opposée à l'artère. Cette veine sous-intestinale se 
jette dans le foie, s’y divise et étale ses rameaux sur le vitellus. 

Le foie reçoit aussi une artère qui lui est fournie directement par 
l'aorte. 

Nous trouvons donc, dès cette époque, une circulation analo- 
gue à celle qui existe chez l'adulte : une artère hépatique, une 
veine porte (la veine sous-intestinale) et des veines hépatiques 
représentées par les veines vitellines sorties du foie. 

Par suite de cette disposition, le vitellus ne reçoit plus directe- 
ment le sang qui a parcouru le corps de l’embryon ; la veine cave 
(veine cardinale de Rathke) se rend directement au cœur; la plus 
grande partie de la masse du sang ne vient respirer sur le vitellus 
qu'après être retournée au cœur et avoir traversé les ares vascu- 
laires branchiaux. 

Cependant le blastème qui entoure les arcs branchiaux devenus 
cartilagineux se modifie el s’accroit. On voit apparaître le long de 
ces arcs des séries de tubercules dans lesquels le sang pénètre ; 
ces tubercules s’allongent et prennent bientôt le caractère de 
lamelles branchiales. Le courant sanguin, d’abord simple, qui sui- 
vait le trajet de chaque arceau branchial, se divise en envoyant des 
elobules circuler dans chacune de ces lamelles ; la respiration bran- 
chiale commence à s'établir. 

I'existe alors, vers l’époque de l’éclosion, deux appareils respi- 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 25 
ratoires : le vitellus, qui est encore l'appareil principal, et les fran- 
ges branchiales, qui ne fonctionnent d’abord que d’une manière 
accessoire. Mais ce dernier appareil se développe rapidement. La 
plus grande partie de la masse du sang embryonnaire, qui arrive 
au cœur par les veines caves, se divise de plus en plus dans les 
lamelles branchiales en se partageant en nombreuses colonnes 
capillaires. D'un autre côté, le vitellus, continuant à être résorbé, 
diminue de volume ; les vaisseaux qui s’élalaient à sa surface ces- 
sent de former entre eux des réseaux d’anastomoses et tendent à 
devenir rectilignes; la veine principale qui ramène au cœur le 
sang du vitellus se rapproche du foie, et finit par se réduire à un 
vaisseau court et gros qui va directement du foie au cœur ; en un 
mot, la circulation et, par suite, la respiration vitelline s’effacent 
complétement, à mesure que la circulation et la respiration bran- 
chiales gagnent en développement. 

Cette remarquable substitution de la respiration branchiale à la 
respiration vitelline se fait insensiblement, de manière que l’héma- 
tose ne soit jamais en souffrance. Pendant longtemps les deux 
appareils fonctionnent simultanément, et la respiration vitelline ne 
cesse que lorsque la respiration branchiale est assez développée 
pour suffire à elle seule à l’hématose et pour s'approprier à la 
nature du milieu qu'habite le Poisson. 


$ XIL. 


L'appareil préparatoire de la sécrétion urinaire, connu sous le 
nom de corps de Wolff, apparait en même temps que le premier 
rudiment du tube digestif, et il est produit, comme ce dernier, par 
une végélation celluleuse qui se fait contre la face inférieure du 
feuillet muqueux. Mais ce n'est que lorsque la gouttière intesti- 
nale est formée que cet appareil commence à se montrer d'une 
manière distincte. 

Il se compose de deux tubes symétriques (les canaux exeré- 
teurs de la glande) qui marchent parallèlement au tube digestif 
au-dessus duquel ils sont placés. Ces lubes s’enroulent sur cux- 
mêmes : en avant, pour former par cel enroulement le corps de la 


926 LEREBOULLET. 


glande; en arrière, le tube excréteur forme une dilatation ovoïde 
très distincte dans la Perche et dans le Brochet, qui existe sans 
doute aussi dans la Truite, quoique je ne l’aie pas observée, et dont 
M. Vost a constaté la présence dans la Palée. 


$ XIII 


Les appendices locomoteurs des Poissons se distinguent en 
nageoires paires et en nageoires impaires. 

Les premières sont formées par des accumulations de cellules 
dans l'épaisseur des téguments; elles peuvent être considérées 
comme des appendices cutanés; les tubercules qui en résultent 
s’accroissent en s’aplatissant. 

Les nageoires impaires ou verticales dérivent de la nageoire 
embryonnaire. Dans la Truite, comme dans les autres Poissons, 
dès que la queue s’est détachée du vitellus, c’est-à-dire pendant 
qu’a lieu la fermeture de la gouttière intestinale, cette queue se 
garnit d’une expansion membraneuse qui constitue ce qu’on appelle 
la nageoire embryonnaire. 

C'est aux dépens de celte nageoire que se forment toutes les 
nageoires verticales permanentes, par résorption d'une partie de la 
substance de la nageoire primitive. 

C’est la nageoire caudale qui se constitue la première, puis la 
dorsale, l’anale, et en dernier lieu la nageoire adipeuse. 

La portion de la nageoire embryonnaire qui doit servir de base 
à la nouvelle nageoire se garnit de stries longitudinales très fines, 
serrées les unes contre les autres et disposées perpendiculaire - 
ment à l’axe du Poisson. Puis des bandes transparentes, disposées 
de la même manière, apparaissent au milieu de ces stries et repré- 
sentent, à leur naissance, les futurs rayons. 

Le développement de la nageoire caudale est caractérisé par 
l'existence d’un riche plexus vasculaire dont l'apparition précède 
et annonce la formation de cette nageoire. 

J'ai constaté la présence de ce plexus et son évolution dans Ja 
Perche, le Brochet, le Rotengle et la Truite. Toujours il s’est 
montré avec les mêmes caractères, les vaisseaux qui le forment 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. O7 


se disposant en longues ellipses, et servant de limites aux futurs 
rayons. 


8 XIV. 


Les rayons des nageoires se sont toujours montrés comme des 
productions périphériques et centripètes, indépendantes de l’axe 
vertébral. 

Vers les derniers lemps du développement embryonnaire, la 
corde dorsale se redresse en arrière, sa gaine se remplit de cavités 
et de cellules cartilagineuses, et de cette enveloppe cartilagineuse 
se détachent des appendices (les futures apophyses épineuses) qui 
se portent au dehors, vers Îles rayons des nageoires, tandis que 
ceux-ci, de leur côté, s’allongent vers l'embryon et ne tardent pas 
à s'appliquer contre les pièces précédentes. + 

Ce mode de développement des apophyses épineuses, d’une 
part, et, d’un autre côté, des rayons des nageoires, s’est trouvé le 
même dans tous les Poissons que j'ai examinés. 


B. — Différences. 


Les phénomènes dont je viens de résumer les principaux carac- 
tères sont communs aux divers Poissons que j'ai étudiés. Je n’au- 
rai donc à signaler que des différences peu importantes qui se 
rattachent non aux phénomènes eux-mêmes, mais à quelques 
détails d’un ordre secondaire. 

Ainsi, par exemple, la circulation vitelline est alimentée, dans 
le Brochet et dans la Perche, par un rameau détaché de la veine 
cave, et qui devient veine sous-intestinale, en même teraps que 
d'autres rameaux traversent le foie avec cette dernière. Dans la 
Truite, au contraire, je n'ai pas reconnu la même origine à la 
veine sous-inlestinale ; celle-ci était formée par les vaisseaux de 
retour de l’artère correspondante. 

Les autres différences sont encore moins importantes; elles 
portent sur le volume de la vessie vitellaire, si considérable dans 
la Truite; sur sa longue persistance dans ce même Poisson; sur 


28 LEREBOULLET. 


le nombre et l’arrangement des gouttes d'huile dans l’intérieur de 
celte poche, sur la durée totale du développement, ele. 

On peut donc regarder tous les faits résumés dans les paragra- 
phes qui précèdent comme l'expression de caractères communs 
aux espèces de Poissons dont j'ai étudié le développement; et 
comme ces faits concordent, en général, avec ceux qui ont élé 
signalés par les divers embryologistes, nous sommes en droit de 
les considérer comme appartenant à tous les Poissons osseux, et 
nous pouvons nous en servir comme points de comparaison avec 
le développement d’autres animaux vertébrés. 


CHAPITRE IL. 


Du développement du Zézard des souches choisi comme type des Verté- 
brés allantoïdiens, comparé au développement de la 7ruite, du Bro- 
chet et de la Perche"pris comme types des Vertébrés anallantoïdiens. 


ARTICLE 1. — Du développement de l'œuf depuis son origine jusqu'à 
l'apparition de l'embryon (première période). 


A. — Ressemblances. 


Pour établir un parallèle entre le développement du Lézard et 
celui des Poissons, il est nécessaire d'envisager ces deux groupes 
d’anituaux sous les mêmes points de vue, c'est-à-dire de considé- 
rer daus le Lézard les mêmes phases que nous avous fait ressor- 
tir dans les Poissons, savoir : l’origine et la composition de l'œuf 
ovarien, le développement de ses éléments, le groupement de ces 
derniers pour la formation du blastoderme, enfin le mode de for- 
mation de l'embryon. Cependant, comme je n'ai pas vu toutes ces 
périodes dans le Lézard, je rappellerai quelquelois ce que les 
observateurs ont constaté dans d’autres animaux vertébrés, afin de 
remplir les vides que j'ai été obligé, faute de sujets, de laisser 
dans ma monographie. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 29 


s I. 


L'œuf du Lézard prend naissance, comme celui des Poissons, 
dans l'épaisseur des parois de l'ovaire, au milicu des éléments 
fibreux et granuleux dont se composent ces parois. 

Il ne résulle pas d’une transformalion d'éléments déjà existants, 
pas plus que l'œuf des Poissons, mais il est le produit d’une créa- 
tion nouvelle, c’est-à-dire d’une véritable sécrétion qui se fait dans 
l’intérieur du parenchyme, ou stroma de l'ovaire. 

A mesure que l'œuf grossit, il s’entoure d’une portion de la 
substance de l'ovaire, qui s'amincit en membrane et forme une 
capsule appliquée contre l’œuf et tapissée intérieurement d’une 
couche d’épithélium vésiculeux. 

L'œuf du Lézard, comme aussi celui des Poissons, comme aussi 
celui des Oiseaux et des Mammifères, est donc contenu dans une 
capsule garnie d’une couche de cellules épithéliales ; cet épithélium 
de la capsule ou du follicule qui entoure l'œuf cst représenté dans 
celui des Mammifères par ec qu’on est convenu d'appeler la mem- 
brane granuleuse. 


$ IE. 


L'œuf du Lézard est composé, comme celui des Poissons, de 
deux parties : la sphère vitelline et la sphère ou vésicule germina- 
tive. 

La sphère vitelline est destinée à élaborer les éléments nutritifs, 
mais elle n'est semblable à celle des Poissons que pendant les pre- 
miers temps de son existence ; elle ne tarde pas à prendre la cou- 
leur jaunâtre et à revêtir l'aspect qui caractérise les œufs des ovi- 
pares allantoïdiens. 

La vésicule germinative renferme des éléments plastiques qui 
se multiplient dans son intérieur et qui se changent en cellules gra- 
nuleuses, pour se résoudre ensuite en granules (les corpuscules 
plastiques). Pendant le développement et la multiplication de ses 
éléments, la vésicule germinative se rapproche de la surface. 


30 LEREBOULLET. 


Quand l'œuf est mür, celte vésicule, devenue tout à fait superf- 
cielle, se vide, et ses éléments granuleux se répandent au dehors, 
en se mêlant aux éléments de la cicatricule. 


$ III. 


La segmentation vitelline ne s'exerce, comme dans les Poissons, 
que sur les éléments plastiques de l'œuf; elle n’affecte pas ses 
éléments nutritifs. 

Ce travail de fractionnement à pour résultat la formation d'une 
membrane organique qui coiffe l'œuf, et qui n’est autre chose que 
le blastoderme. | 

En s’étalant sur le vitellus, le blastoderme s’épaissit vers sa 
circonférence. Cet épaississement marginal, qui constituera l'aire 
vasculaire, est analogue au bourrelet marginal du blastoderme des 
Poissons. | 


$ IV. 


Je n'ai pas vu dans le Lézard la formation de la bandelette 
embryonnaire; mais nul doute qu’elle ne se dispose comme chez 
les Oiseaux. On sait depuis longtemps que l’on peut distinguer, 
dans l'œuf de la Poule, trois membranes superposées, dont la pré- 
sence détermine ce que M. de Baer a appelé aire transparente, 
aire vasculaire et are vitelline. Ces membranes sont les feuillets 
séreux, vasculaire et muqueux. Or, c’est dans l'épaisseur de l’aire 
transparente, ou du feuillet séreux, qu’on distingue la bandelette 
primitive sous la forme d’une ligne traversant l'aire transparente, 
et disposée dans le sens de l'axe transversal de l’œuf, c’est-à-dire 
perpendiculairement à son grand axe. 

M. Remak (de Berlin) a montré avec beaucoup de détails, et sur 
des dessins remarquables par leur belle exécution (1), toutes les 
phases du développement de l'œuf de la Poule, la constitution du 


(4) Untersuchungen über die Entwickelung der Wirbelthiere. Berlin, 1854, 
in-folio. 


RECHERCHES D EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 31 


disque proligère et la formation de l'embryon. Il à fait voir les 
deux membranes primitives (feuillets séreux et muqueux), puis la 
division de ce dernier en feuillet vasculaire et en feuillet muqueux 
proprement dit, qu’il appelle feuillet glanduleux ; puis enfin l’épais- 
sissement du feuillet séreux et la formation de la bandelette primi- 
live qui résulte de cet épaississement. 

Enfin, on sait par les travaux de M. Coste en France, de MM. de 
Baer, Bischoff, etc., en Allemagne, et de beaucoup d’autres 
embryologistes, que tel est aussi le mode de formation de l'axe 
embryonnaire dans les Mammifères. 

Il est donc permis de conclure que chez tous les Vertébres 
l'embryon résulte d’une accumulation de cellules dans une mem- 
brane particulière, le feuillet séreux du blastoderme, formée aux 
dépens des éléments plastiques de l’œuf, et que la première ébau- 
che du nouvel être apparaît toujours sous la forme d’une traînée 
linéaire semblable à un cordon ou à un ruban. 


B. — Différences. 


$ I. 


Si l’origine, la composition primitive et le mode de développe- 
ment de l’œuf sont les mêmes dans le Lézard et dans les Poissons 
osseux, il n’en est pas de même pour sa composition ultérieure. 

L'œuf du Lézard, comme celui des autres Reptiles écailleux et 
des Oiseaux, c’est-à-dire des ovipares allantoïdiens, est remar- 
quable par la grande proportion de jaune qu’il renferme. 

Ce jaune doit servir d’aliment à l'embryon futur; il est destiné 
à lui fournir les éléments nécessaires à son développement ulté- 
rieur; il constitue une provision de nourriture dont l’abondance 
s'explique par l’état d'indépendance et d'isolement dans ‘lequel 
l'œuf de ces animaux est placé. 

En effet, comme le fait très bien observer M. Coste (1), l’abon- 
dance de la matière vitelline est en rapport avec le milieu qui 


(1) Histoire générale et particulière du développement des corps organisés. 
Paris, 1847, t. [, p. 86 et suiv. 


32 LEREBOULLET. 


entoure l'œuf, ou, pour être plus exact, avec les relations qui 
doivent s'établir entre l'œuf et ce milieu. Quand l'œuf est orga- 
nisé de manière à pouvoir extraire du milieu qui l’entoure les élé- 
ments nécessaires au développement du germe, il n’a pas besoin 
d’une grande quantité de matière vitelline; c’est ce qui a lieu pour 
les Poissons osseux, dont les œufs, entourés d’une coque percée 
d'une infinité de petits tubes, peuvent absorber l'eau et emprunter 
à ce liquide les éléments dont ils ont besoin. L'œuf des Mammi- 
fères normaux, qui contracte des adhérences avec l'utérus, est 
parfaitement disposé pour puiser sa nourriture dans le sein ma- 
ternel, aussi est-il très pauvre en matière vitelline. 

Il en est tout autrement de l'œuf des ovipares allantoïdiens. 
Appelé à se développer dans l'air, il devait être entouré d'une 
coque suffisamment résistante, et cette condition indispensable de 
son existence diminue ses propriétés absorbantes et l’isole en 
quelque sorte du milieu ambiant, qui ne peut plus servir qu'à sa 
respiration. Voilà pourquoi il porte en lui-même sa provision de 
nourriture et la conserve jusqu'à l'achèvement complet du nouvel 
être: 


$ IL. 


Une autre différence entre l’œuf du Lézard et celui des Poissons 
consiste dans la composition du vitellus proprement dit. La vessie 
vitellaire des Poissons est remplie d’une substance albumineuse 
transparente, au milieu de laquelle sont suspendues en nombre 
variable des gouttes de graisse liquide. 

Celle du Lézard renferme, au contraire, une muluitude de sphe- 
res, les unes graisseuses, les autres albumineuses, qui rendent le 
jaune opaque. 

La plupart de ces sphères sont composées, c’est-à-dire qu’elles 
renferment des vésicules très petites, qui semblent se multiplier 
dans leur intérieur el leur donner le caractère de cellules endo- 
gènes. 


RECHERCHES D 'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 39 


& IT. 


Nous avons vu que les éléments plastiques de l’œuf des Pois- 
sons proviennent de la vésicule germinative. 

Dans le Lézard il existe des éléments analogues qui paraissent 
se former sans l'intervention de cette vésicule, c’est-à-dire avant 
qu'elle se soit ouverte. Je veux parler de la couche corticale du 
jaune formée par une accumulation de grosses sphères granuleuses 
auxquelles j'ai donné le nom de globes générateurs. C’est cette 
couche blanche périphérique qui s’épaissit dans la région occupée 
par la vésicule germinative pour former la cicatricule. 

Plus tard, cependant, les éléments de la sphère germinative se 
mêlent à ceux de la cicatricule et achèvent de constituer le germe. 
On voit, en effet, la cicatricule augmenter d’épaisseur et d’étendue 
à mesure que la vésicule germinative répand son contenu autour 
d’elle et devient flasque. 


8 IV. 


La nature des téguments de l'œuf constitue aussi une différence 
entre les ovipares allantoïdiens et les Poissons osseux. 

Dans ces derniers la coque est composée d’un système de tubes 
d’une finesse extrême qui la rendent perméable à l’eau. 

Dans le Lézard, au contraire, elle est formée de couches super- 
posées qui lui donnent une grande résistance et protégent le con- 
tenu de l’œuf contre les influences extérieures. Cette enveloppe 
est produite par une couche de granules particuliers disposés 
au-dessous de la membrane vitelline, granules qui se transforment 
en fibres et qui continuent à se produire jusqu’à l’entier achève- 
ment de la coque. 


SV: 


Les différences que je viens de signaler sont pêu nombreuses ; 


elles se rapportent à la composition du vitellus et à la nature de 
&° série, Zooz. T. XIX. (Cahier n° 4.) à 3 


ôl LEREBOULLET. 


la membrane qui l'entoure, et elles sont en quelque sorte déter- 
minées par la nature du milieu dans lequel l'œuf doit se déve- 
lopper. 

On pourrait encore y joindre celles qui résultent de la compo- 
sition du blastoderme, qui, dans l'œuf du Lézard, comme dans 
celui des autres Ovipares allantoïdiens, est formé de trois mem-— 
branes distinctes, tandis que chez les Poissons il n'existe pas de 
feuillet vasculaire particulier, c’est le feuillet muqueux qui en tient 


lieu. 


ART. II. — Développement de l'embryon depuis son apparition 
jusqu’à la formation du cœur (deuxième période). 


A, — Ressemblances. 


Les nombreux observateurs qui se sont oceupés de l’embryolo- 
gie des animaux vertébrés ont décrit en détail la marche du déve- 
loppement dans le Poulet, dans quelques Reptiles écailleux et dans 
plusieurs Mammifères. 

Cette marche est la même, pour ce qu’elle a d’essentiel, que 
celle que j'ai décrite dans les Poissons, et elle se fait aussi de la 
même manière dans le Lézard. C’est ce dont il est facile de s’assu- 
rer en rapprochant et en comparant les principales phases du dé- 
veloppement d’après mes descriptions. 


s I. 


Dansle Lézard, comme dans les Poissons, dès que l’axe embryon- 
naire s’est montré à la surface du blastoderme sous la forme d’un 
cylindre étroit et long, ce cylindre se déprime suivant sa longueur 
de manière à présenter une gouttière dorsale, 

Aussitôt après, les bords de cette gouttière se redressent, s’élè- 
vent et s’inclinent l’un vers l’autre de manière à se réunir sur la 
ligne médiane. La réunion commence en avant, et il en résulte 
tout d’abord la formation de la portion céphalique du tube embryon- 


naire. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. vo 


$ IL. 


La formation des lamelles vertébrales par des divisions trans- 
versales et symétriques des bords du sillon dorsal, l'apparition 
de la corde dorsale et des cordons nerveux rachidiens, constituent 
une seconde phase qui se produit de la même manière que chez les 
Poissons. 

Puis la gouttière dorsale se ferme d’avant en arrière et d’arrière 
en avant par le rapprochement de ses lames, et ce rapprochement 
a pour résultat la formation d’un tube dorsal qui renferme les deux 
cordons nerveux primitifs et les rudiments des vertèbres qui 
entourent ces cordons. 


$ II. 


Du côté ventral, on voit aussi des lames se détacher des parties 
latérales du cylindre embryonnaire, et se porter en bas dans une 
direction opposée aux lames dorsales : ce sont les lames ventrales 
destinées à former les parois d’un tube beaucoup plus large que le 
premier, opposé à lui, et dans lequel seront renfermés les organes 
de la vie végétative. 

Ces lames ventrales se réunissent d’abord, comme les précé- 
dentes, en avant et en arrière, mais dans une petite étendue ; 
elles demeurent séparées dans tout le reste de la longueur de l’em- 
bryon, et forment une large fente qui ne se ferme que longtemps 
après la réunion des lames dorsales. 


8 IV. 


Le feuillet muqueux étalé sous l'embryon tapisse le fond de la 
gouttière abdominale et se replie sur lui-même, le long de la ligne 
médiane, pour former la gouttière intestinale, Mais cette gouttière 
ne commence à se montrer que lorsque le tube dorsal est entière- 
ment constitué , et il est à remarquer que le feuillet muqueux est 
encore, à cette époque, très peu avancé dans son développement 
cellulaire. 


26 LÉREBOULLET. 


8 V. 


Ainsi, ce qui caractérise le développement du Lézard comme 
celui des Poissons, c’est la priorité de formation des parties dor- 
sales sur les parties ventrales, et c’est aussi l'opposition qui existe 
entre ces deux tubes : le tube dorsal, qui préside aux fonctions de 
relation et qui renferme les rudiments de tous les appareils ner- 
veux, sensitifs et locomoteurs, et le tube ventral, formé de la même 
manière, mais encore à peine ébauché et destiné à loger les orga- 
nes de la vie de nutrition et plus tard ceux de la reproduction. 


B. — Différences. 


S I. 


L’embryon du Lézard, au lieu de former comme celui des 
Poissons, une saillie à la surface de l’œuf, est au contraire logé 
dans une dépression circulaire, ainsi qu'on l’a également constaté 
pour l'embryon de la Couleuvre à collier. 

Cette différence s'annonce dès les premiers temps de la forma- 
tion embryonnaire, et même déjà à l’époque du fractionnement 
vitellin. Les éléments du germe ou, si l’on veut, de la cicatricule, 
au lieu de s’élever en colline au-dessus de la surface de l'œuf, 
comme chez les Poissons, se dépriment dans la région centrale de 
celte cicatricule, et c’est cette partie déprimée qui se fractionne la 
première. 


SIL 


Une différence plus essentielle entre l'œuf du Lézard et celui des 
Poissons consiste dans la production de membranes particulières 
destinées à envelopper l'embryon, et connues sous les noms d’am- 
nios et d'allantoïde. Mais nous allons voir que ces membranes 
sont des produits qui dérivent de l'embryon lui-même et qu’il faut 


les considérer comme des expansions ou des appendices de ce 
dernier. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 97 


Dès que la fossette embryonnaire s’est formée, une membrane 
mince, transparente, se soulève du fond de cette fossette et la 
recouvre comme le ferait un verre de montre. C’est à cette mem- 
brane qu’on a donné le nom de faux amnios. 

Je serais disposé à regarder cette membrane en forme de cap- 
sule ou de verre de montre, comme analogue à la vésieule hyaline 
qui se produit sur l'œuf des Poissons un peu avant l’apparition de 
la bandelette embryonnaire et dont j'ai parlé dans mon embryo- 
logie du Brochet (Ann. des sciences nat., L° série, t. I, p. 248). 

Sa structure granuleuse la distingue du feuillet séreux propre- 
ment dit, qui donne naissance au véritable amnios et semble devoir 
la rattacher à la membrane vitelline. Seulement il est à remarquer 
que ce faux amnios lient à l’amnios proprement dit par un pédi- 
cule qui s'étend de l’une à l’autre membrane. 


$ IL. 


Le véritable amnios est produit par un dédoublement du feuillet 
séreux du blastoderme. 

Aussitôt que la ligne embryonnaire primitive s’est déprimée en 
gouttière et que celle-ci s’est fermée en avant pour former le tube 
céphalique, cette portion antérieure de l’embryon s’entoure d’une 
membrane qui la coiffe comme un capuchon (capuchon céphali- 
que); une coiffe semblable se produit autour de la région caudale 
(capuchon caudal) et, pius tard, les deux coiffes se prolongent 
sur le dos et sur les côtés de l'embryon pour entourer compléte- 
ment les régions dorsale et latérale de celui-ci. 

L’amnios se continue directement avec la couche la plus super- 
ficielle des cellules embryonnaires ; il constitue ainsi une véritable 
membrane séreuse dont il affecte en effet la disposition. 


8 IV. 


De même que le feuillet séreux produit une expansion membra- 
neuse autour de l'embryon, de même aussi le feuillet muqueux 
donne naissance à une vésicule destinée, par son développement 


38 LEREBOULLET, 


ultérieur, à entourer le corps embryonnaire. On comprend qu’il 
est ici question de l’allantoïde, organe qui se montre d’abord 
comme une vésicule, mais qui, plus tard, en s’élalant antour de 
l'œuf, devient une véritable membrane destinée à la respiration. 
L'allantoïde doit done être regardée comme une expansion du 
feuillet muqueux. Seulement l'apparition de l’allantoïde, et surtout 
sa disposition en membrane vasculaire, sont beaucoup plus tardives 
que la production de l’amnios, et la destination de ces deux enve- 
loppes est différente, l'amnios fonctionnant comme membrane 
séreuse, tandis que l’allantoïde sert d'appareil respiratoire. 


8 V. 


Une différence importante consiste dans l'existence d’un feuillet 
particulier pour la circulation vitelline dans le Lézard. 

Chez les Poissons, en effet, il n’y a pas de feuillet vasculaire 
proprement dit: c’est le feuillet muqueux qui en tient lieu, puisque 
c'est ce feuillet qui entoure le vitellus et que la circulation s'établit 
à la surface de la vessie dont il forme les parois. 

Dans le Lézard, au contraire, et dans les autres Ovipares allan- 
toïdiens, comme aussi chez les Mammifères, le feuillet muqueux se 
sépare en deux autres dont le supérieur est particulièrement affecté 
à la circulation, et par suite à la respiration. 

Telle est l’origine de l'aire vasculaire qui caractérise si bien les 
Vertébrés ovipares à respiration aérienne. 


$ VI. 


Nous ne ferons que mentionner, sans y attacher une grande 
importance, la position latérale de l'embryon du Lézard, toujours 
couché sur le côté, comme celui de la Couleuvre, tandis que l’em- 
bryon des Poissons a sa face ventrale directement appliquée contre 
la vessie vitellaire. 


8 VIL. 


ILest facile de. voir que toutes ces différences, quelque impor- 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 39 
tantes qu’elles nous paraissent, sont constituées par des organes 
accessoires à l'embryon, et ne modifient en rien le développement 
de ce dernier, qui s'opère, en réalité, d’après les mêmes lois que 
celui des Poissons. 

Ces différences sont du même ordre que celles que nous 
avons signalées dans l’article précédent, puisque, étant destinées à 
mettre l'embryon en rapport avec l'air atmosphérique, elles sont, 
comme elles, en harmonie avec le milieu dans lequel l'œuf de ces 
animaux est appelé à vivre. 


ART. III. — Développement de l'embryon depuis la formation 
du cœur jusqu’à l’éclosion (troisième période). 


À — Ressemblances. 


SL 


L'opposition que nous avons signalée chez les Poissons entre le 
développement des parties sus-embryonnaires et celui des parties 
sous-embryonnaires, s’observe aussi chez le Lézard. 

Nous voyons, en effet, le travail organogénique, après avoir été 
concentré, pour ainsi dire exclusivement, vers les parties dorsales, 
se porter vers la région opposée, et présider à la formation des 
appareils situés sous l'embryon. 


SIL. 


La formation du canal alimentaire se fait, dans le Lézard, de la 
même manière que chez les Poissons, aux dépens du feuillet 
muqueux. 

Ce feuillet, étalé d’abord horizontalement sous l’embryon, se 
replie en gouttière le long de sa portion moyenne. Cette gouttière 
ne tarde pas à se constituer en tube, en se fermant d'avant en 
arrière et d’arrière en avant, comme dans les Poissons. Elle reste 
ouverte dans une petite partie de son étendue, et, par cette bouton- 
nière inférieure, elle communique avec le vitellus, à l’aide d’un 
canal étroit, le pédicule vitellin. 


h0 LEREBOULLET,. 


Ce mode de formation du tube intestinal est le même qui a été 
décrit pour les autres Reptiles (Couleuvre, Tortue), pour les Oiseaux 
et pour les Mammifères (voy. les travaux embryologiques de 
Rathke, Baer, Bischoff, Coste, etc.). Dans tous ces Vertébrés, 
c’est une lame horizontale inférieure au corps embryonnaire qui 
se replie en gouitière et se constitue plus tard en tube par le rap- 
prochement des bords de cette gouttière primitive. 

Le tube intestinal se comporte donc à peu près, au-dessous de 
l'embryon, comme le tube nerveux au-dessus. 

L'un et l’autre sont composés de deux moitiés symétriques qui 
se réunissent pour former un tube, et l’un et l’autre sont enfermés 
dans un étui constitué, soit par les lames dorsales, l’étui supé- 
rieur, soit par les lames ventrales, l’étui inférieur. 


$ IL. 


Je n'ai pas vu dans le Lézard les premiers temps de la forma- 
tion du cœur. Mais on sait que, dans le Poulet, le cœur est d’abord 
une masse solide, sans cavité intérieure (voy. Burdach, Physio- 
logie, trad. franç., t. III, p. 218), comme nous l'avons vu et 
décrit dans les Poissons. 

Ce cylindre solide se creuse plus tard d’une cavité linéaire, et le 
cœur, en s’allongeant, prend la forme d’un boyau qui se replie 
bientôt sur lui-même pour former une anse dont les deux branches 
se renflent, et représentent, l'une le ventricule, l’autre l’oreillette. 

Ainsi le mode de formation du cœur et sa première disposition 
ont lieu de la même manière dans les Poissons et dans les Ovipares 
allantoïdiens ; il en est probablement de même pour les autres 
Vertébrés. 

Ce boyau cardiaque primitif est en communication direele avec 
le feuillet vasculaire ; dans les Poissons, son extrémité postérieure 
se continue avec la couche hématogène du vitellus st reçoit le sang 
qui circule dans cette couche; dans le Lézard, où les vaisseaux 
vitellaires sont plus nombreux et mieux arrêtés dans leur forme, 
l'extrémité postérieure du boyau cardiaque est bifurquée, et chaque 
branche de la bifurcation est un vaisseau qui reçoit le sang des 
veines vitellines. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, hA 


$ IV. 


Ce que j'ai pu voir de la formation des globules sanguins, dans 
le Lézard, a suffi pour me donner la conviction que ces corpus- 
cules se produisent comme dans les Poissons. Ce sont d’abord de 
très petits granules globuleux ou de forme irrégulière ; ces gra- 
pules grossissent peu à peu, mais ne prennent une forme elliptique 
que lorsque la circulation est complétement établie entre l'embryon 
et l'aire vasculaire. 

Il résulte de là que les corpuscules sanguins ne sont pas dus à 
des cellules détachées des organes et transformées en cellules san- 
guines, mais qu'ils naissent dans le liquide sanguin lui-même et 
se développent successivement. 


8 V. 


Les vaisseaux sanguins m'ont paru se former, dans le Lézard 

comme dans les Poissons, par retrait ou par résorption de sub- 
stance, et non par des cellules particulières. 
Je rappellerai que, dans les Poissons, on voit apparaître, pour 
ainsi dire d’un instant à l’autre, à la surface du vitellus, un réseau 
vasculaire composé de canaux dans lesquels se meut le liquide 
nourricier. 

Dans le Lézard il se produit, vers la circonférence de l'aire 
vitelline, une multitude de vacuoles qui se mettent en communi- 
cation les unes avec les autres par de nombreux vaisseaux. 

Quel que soit, du reste, le mode de formation des vaisseaux, il 
est certain qu'ils se produisent sur place, indépendamment du 
cœur, c'est-à-dire que cet organe n’exerce aucune influence sur 
leur apparition. 


8 VI. 


L’embryon du Lézard présente, comme celui des Poissons, des 
fentes branchiales et des arcs branchiaux. Ces fentes et les arcs 


2 LEREBOULLET. 


qui en résultent se montrent dans les mêmes lieux et se produisent 
de la même manière; ces ares sont parcourus par des vaisseaux 
qui dérivent, comme chezles Poissons, de l'aorte primitive, c'est- 
à-dire du vaisseau qui fait immédiatement suite au cœur. 

Mais là s'arrête la ressemblance; il ne se développe jamais, 
chez le Lézard, d'appareil branchial proprement dit, et ce n’est 
que pour rappeler l’analogie qui existe dans le plan général et pri- 
mitif de formation des animaux vertébrés, qu’on a conservé le 
nom d’arcs branchiaux à des pièces destinées, chez les Vertébrés 
aériens, à d’autres usages. 

On ne peut done pas dire que les Lézards sont d’abord des Pois- 
sons; en d’autres termes, on ne peut pas dire que l’état rudimen- 
taire et transitoire de l'appareil branchial du Lézard représente 
l’état permanent du même appareil chez le Poisson. 

Mais en comparant l’un à l’autre le développement de ces deux 
groupes d'animaux, on voit se produire dans l’un et dans l’autre 
les mêmes formes organiques qui continuent à se développer dans 
les Poissons pour constituer un appareil à destinalion fixe et pré- 
cise, tandis que ces formes se modifient bientôt dans le Lézard en 
vertu d’un plan d'organisation différent. 


$ VIL 


Une ressemblance du même ordre que la précédente s’observe 
dans la formation des poumons comparée à celle de la vessie nata- 
toire. Les poumons se produisent, comme ce dernier organe, par 
une exsertion de l'œsophage. L'origine et le mode de formation 
sont exactement les mêmes, et pendant quelque temps la ressem- 
blance est complète ; seulement, dansle Lézard et dans les autres 
Vertébrés aériens, l’exsertion est double et symétrique, tandis 
qu’elle est simple dans les Poissons. Sauf cette différence, les sacs 
œsophagiens primitifs du Lézard sont identiquement les mêmes 
pour leur aspect et pour leur structure que le sac œsophagien pri- 
mitif du Poisson. 

Mais, dans ce dernier, l’évolution se borne à la formation pure 
etsimple d’un sac allongé, à parois minces, sans réseau vasculaire 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIB COMPARÉE. 13 
respirateur; tandis que, dans le Lézard, les sacs œsophagiens 
reçoivent les artères pulmonaires, et révèlent bientôt, par la forma- 
tion d’un réseau compliqué, la destination spéciale qui leur est 
dévolue. 

Ainsi l’origine et le plan primitif de formation sont les mêmes, 
mais l’évolution et la destination des deux appareils sont dif- 
férentes. 


8 VIII. 


Les canaux chargés de sécréter l'urine offrent aussi la plus 
grande ressemblance dans leur apparition et dans leur mode de 
développement. 

Dans le Lézard, comme dans les Poissons, ce sont des tubes 
euroulés sur eux-mêmes et dont les parois recouvertes d’un riche 
épithélium indiquent la nature sécrétoire. 


$ IX. 


Enfin je signalerai, comme dernière ressemblance, le mode de 
production des membres, qui apparaissent, dans le Lézard comme 
chez les Poissons, sous la forme de tubercules symétriques, situés 
sur les parties latérales de la région inférieure du corps et consti- 
tués par une accumulation de cellules dans l'épaisseur des tégu- 
ments extérieurs. 


8 X. 


On pourrait encore rappeler cette circonstance commune aux 
Poissons et aux Lézards, que, dans les uns comme dans les 
autres, la nutrition du jeune animal est assurée pendant les pre- 
miers jours de son existence, par une certaine quantité de nour- 
riture qui passe dans son abdomen. On a vu, dans les Poissons, 
une ou plusieurs gouttes d'huile persister assez longtemps après la 
disparition de la vessie vitellaire, et, dans le Lézard, une petite 
masse de jaune encore assez volumineuse exister dans son abdo- 
men, après que l'animal est sorti de sa coque. 


Ll. LEREBOULLET. 


B, — Différences. 


SL. 


Il n'existe pas de différences relatives au mode de formation du 
tube digestif. Ce mode de formation a toujours lieu, dans tous les 
animaux vertébrés, par reploiement dela portion moyenne du feuil- 
let muqueux et la transformation de la gouttière primitive en tube. 
Mais tandis que, chez les Poissons, le canal intestinal est tout d’une 
venue et placé le long de l’axe inférieur du corps, ce canal, dans 
le Lézard, forme une anse dont la convexité est dirigée vers le 
pédieule vitellin, et, au lieu d’être appliqué, en quelque sorte immé- 
diatement, contre la colonne vertébrale, il est soutenu par un 
large mésentère et flotte librement sous le corps de l'embryon. 
Dans la Couleuvre et dans le Poulet, l'intestin forme, pour ainsi 
dire, hernie au dehors de la cavité abdominale. 


8 IL. 


Le cœur, semblable à celui des Poissons par son origine et par 
les premières formes qu’il présente, acquiert plus tard deux oreil- 
lettes par la production de deux renflements qui naissent sur les 
côtés de l'oreillette primitive. Ces renflements sont des ampoules 
surajoutées à la cavité primitive qui représente l'oreillette et non 
des poches produites par l'existence d’une cloison qui couperait en 
deux la poche primitive. 

Dans les Poissons, le développement du cœur s'arrête donc à 
la formation de deux cavités, l’une pour recevoir le sang veineux 
du corps, l’autre pour pousser ce sang veineux dans l’appareil 
respiraloire. 

Cet arrêt de développement est en rapport avec la position de 
l'appareil branchial, situé en avant du cœur et dont les vaisseaux 
se réunissent immédiatement à leur sortie des arcs branchiaux 
pour former l'artère nourricière. 

Dans les Vertébrés à poumons, au contraire, l'aorte naît du 
cœur lui-même, et dès lors il faut nécessairement que le sang 
artériel qui revient de l'appareil respiratoire pénètre de nouveau 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. L5 


dans le cœur pour être poussé dans l'aorte. Il y a donc deux oreil- 
lettes, ou tout au moins deux sinus distincts, l’un pour le sang 
veineux du corps, l’autre pour le sang artériel qui arrive du 
poumon. 


$ II. 


Il résulte de ce qui précède que le cœur, dans le Lézard, par- 
vient à un degré plus avancé de développement que dans les 
Poissons. 

L'inverse a lieu pour l'appareil branchial. 

On sait aujourd'hui qu’il s'établit dans l'embryon des Reptiles, 
comme dans celui des Oiseaux et des Mammifères, des fentes laté- 
rales semblables aux fentes branchiales des Poissons. Des vais- 
seaux sanguins parcourent les ares qui résultent de la présence 
de ces fentes, et vont se réunir vers la région dorsale pour for- 
mer l'aorte. Mais tandis que, chez les Poissons, la substance cel- 
luleuse qui forme les arcs continue à se développer, et produit, 
par une sorte de végétation, les franges, puis les lamelles bran- 
chiales destinées à recevoir le sang des arcs eux-mêmes ; dans le 
Lézard, au contraire, comme dans les autres Vertébrés, les fentes 
s’oblitérent, les ares se soudent et se transforment plus tard en 
pièces de l'os hyoïde ; la masse du sang, au lieu de continuer à 
affluer vers ces appareils transitoires, se porte au vitellus et 
à l’allantoïde, et dans la suite au poumon. 

I y a donc dans le Lézard arrêt dans la marche du développe- 
ment del’appareil branchial, et cet arrêt provient d’une déviation 
dans la direction du travail génétique, et conséquemment d’un 
plan différent de celui qui préside à la formation des Poissons. 

Cette différence de plan d'organisation ne saurait être contestée, 
malgré les ressemblances primitives que nous avons fait ressortir ; 
elle résulte évidemment de la présence de l’allantoïde et des sacs 
pulmonaires, appareils primitivement destinés à recevoir le sang 
embryonnaire, et à lui permettre de se diviser suffisamment pour 
la respiration aérienne, comme les branchies lui offrent une sur- 
face suffisamment étendue pour la respiration aquatique. 


L6 LEREBOULLET 


8 IV. 


Les différences relatives au mode de respiration embryonnaire 
des deux groupes d'animaux qui nous occupent ressortent de ce 
que nous venons de dire sur l'appareil branchial ; elles sont en 
rapport avec le milieu dans lequel l’animal est appelé à se déve- 
lopper et à vivre. 

Les Poissons n’ont qu'un seul appareil respiratoire embryon- 
naire : c’est leur vitellus ; il est remplacé par l'appareil branchial, 
et ce dernier est définitif; les conditions nécessaires à l’hématose 
sont suffisamment remplies, parce que, à l’aide de ces deux appa- 
reils, les rapports entre le sang et le milieu ambiant s’établissent 
avec facilité. 

Les Lézards et les autres Ovipares aériens ont deux appareils 
respiratoires embryonnaires : la surface vitelline d’abord, puis 
l'allantoïde. 

L’addition de la vessie allantoïdienne, qui vient s’appliquer im- 
médiatement sous la coquille, est nécessitée d’abord par l’abon- 
dance du liquide nourricier qui cireule dans la grande vessie nu- 
tritive, puis par l’impérieux besoin de l’hématose rendue facile et 
complète par la position superficielle et périphérique de l’allan- 
toide. 

Le Lézard pourrait done être comparé au Poisson dans les pre- 
miers temps de son existence, malgré la différence des milieux, à 
cause de la simplicité de l'appareil respiratoire, qui est le même 


chez les deux ; mais, tandis que les branchies succèdent au vitel- 


lus pour constituer l'appareil respiratoire définitif des Poissons, 
l'allantoïde, dans le Lézard, succède à la poche vitelline et ne 
constitue encore qu'un appareil transitoire, remplacé plus tard 
par les poumons. 

I y a donc dans le Lézard une plus grande complication orga- 
nique, et, par suite, un degré de perfectionnement relatif plus 
avancé, en rapport avec les conditions d’existence de l’œuf, c’est- 
à-dire avec la nature du milieu ambiant. 


« 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, h7 


8 V. 


Une différence importante entre le Lézard et le Poisson est 
relative à la masse du liquide nourricier. 

En effet, dans le Lézard, la masse du sang est beaucoup plus 
considérable, les vaisseaux sont plus nombreux, mieux arrêtés, 
plus apparents, et la différence entre les veines et les artères est 
plus sensible non-seulement par la différence de calibre, mais 
aussi par la couleur même du liquide nourricier. 

On comprend facilement que cette prédominance des vaisseaux 
extra-embryonnaires chez le Lézard est en rapport avec la masse 
considérable du vitellus, et existe en vue du développement ulté- 
rieur de l'embryon. 

Il résulte de cette abondance même du liquide nourricier une 
nutrition plus active, une consommation plus grande d'oxygène, 
une augmentation du nombre des corpuscules sanguins, et par 
suite une différence sensible de coloration entre le sang qui sort 
de l'embryon sans avoir respiré et celui qui parcourt la vessie 
vitellaire ou l’allantoïde. 


S VI. 


On peut encore signaler comme différence une éclosion plus 
tardive chez le Lézard, et un degré plus avancé de développement 
dans l’animal qui sort de l'œuf. ‘ 

Cette différence tient surtout, comme les précédentes, aux rap- 
ports qui existent entre l’œuf et le milieu ambiant. 

Ces rapports chez les Poissons s’établissent facilement, à cause 
de la perméabilité de la membrane coquillière. Quand le Poisson 
est éclos, l’eau convient parfaitement à la mollesse et à la ténuité 
des enveloppes vitellines, en sorte que le Poisson peut très bien 
vivre et se développer hors de l'œuf, quoique pourvu encore de 
sa vessie vitellaire. 

Il n’en est pas de même pour les Ovipares aériens. La délica- 
tesse du vitellus s'oppose à ce que cel organe soil à découvert dans 
un milieu comme l'air atmosphérique ; il devait donc être protégé, 


L8 LÉREBOULLET. 


pendant toute la durée de son existence, par une enveloppe suffi- 
samment résistante : aussi le jeune animal ne sort-il de l’œuf que 
lorsqu'il a consommé toute sa provision de nourriture, à l’excep- 
tion de la petite quantité qui passe dans la cavité abdominale. 

Voilà pourquoi l’époque de l’éclosion du Lézard correspond à 
la disparition de la vessie vitellaire chez le Poisson. 


CHAPITRE I. 


Du développement du Limnée des étangs, pris comme type des Mollus- 
ques, comparé au développement des Poissons osseux et du Lézard, 
représentant l'embranchement des Vertébrés. 


Quoique j'aie divisé le développement du Limnée en périodes 
différentes de celles que j'ai admises pour la Truite et pour le 
Lézard, je me vois obligé d'observer maintenant les mêmes divi- 
sions pour ces trois groupes d'animaux, afin de rendre possible la 
comparaison entre les Vertébrés et les Mollusques représentés 
par le Limnée. 

Dans la recherche que j'aurai à faire de ce qu’il peut y avoir de 
semblable ou de dissemblable dans le développement des types 
que j'ai choisis pour ces deux embranchements, je ne pourrai plus 
me borner, comme je l’ai fait jusqu'ici, à exposer les ressem- 
blances et les différences ; je devrai, pour rester dans le vrai, 
faire ressortir les analogies qu'il est important de distinguer, soit 
des ressemblances, soit des différences, si l’on ne veut pas 
s’exposer à des déductions inexactes, et par suite à de fausses 
théories. 


ARTICLE Î. — Développement de l'œuf depuis son origine jusqu’à 
l'apparition de l'embryon (première période). 


A. — Ressemblances. 


Les ressemblances proprement dites entre l’œuf du Limnée et 
celui des Vertébrés ne portent que sur un très petit nombre de 


points relaufs à la composition la plus générale de l’œuf et au 
fracüonnement vitellin. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 19 


SL 


Je n’ai pas étudié l'œuf ovarien du Limnée, mais tous les au- 
teurs qui s’en sont occupés représentent cet œuf comme composé 
des mêmes parties que celui des Vertébrés. C’est toujours une 
vésicule pleine de granulations (vitellus), et contenant une autre 
vésicule (la vésicule gprminative) qui renferme elle-même des 
corpuscules particuliers (les taches germinatives). 


$ IL 


J'ai constaté l'absence de membrane vitelline et l'absence de 
membrane propre autour des globes de segmentation dans les 
premiers jours du développement, comme on l’a établi pour les 
Poissons et pour les autres Vertébrés. 

Cetle absence.de membrane propre autour du vitellus, dans le 
Limnée et dans beaucoup d’autres animaux sans vertèbres, parait 
être un fait général hors de toute contestation (1). 


& III. 


Le phénomène du fractionnement du germe ou vitellus s’ob- 
serve dans le Limnée, comme dans les autres Mollusques, comme 
dans tous les animaux dont on a étudié le développement. Il con- 
siste dans une division de la matière organique en globes de plus 
en plus petits, par une progression géométrique plus ou moins 
régulière. 

Ce phénomène, qui paraît être général, montre que la substance 


(1) Pour ne pas multiplier les citations, je me bornerai à mentionner les 
mémoires de Vogt, sur l’Actéon (Ann, des sc. nat., 3° série, 4846, p. 24 et 85); 
de Leydig, sur la Paludine vivipare (Z eitschrift fur Wissensch. Zoologie. 1850, 
t. IE, p. 127 et 128); de Gegenbaur, sur la Limace (ibid,, 1851, p. 374), etc. 
M: Dujardin arrivait à la même conclusion par des observations analogues aux 
nôtres (Ann. des sc, nat., 2° série, 1837, t, VIL, p. 375), 

4° série. ZooL. T. XIX. (Cahier n° 4,) # & 


50 LEREBOULLET. 


qui constitue le germe a besoin d’être morcelée, et sans doute 
modifiée dans sa nature pour préparer les’ éléments des cellules 
embryonnaires. Sa généralité est une preuve de son importance. 


8 IV. 


Un autre fait non moins général que celui du fractionnement en 
lui-même est celui qui résulte de la composition des globes de 
segmentation. 

On sait que la plupart des observateurs ont signalé dans 
chacune de ces sphères l'existence d’une vésicule transparente, 
que les uns disent se produire avant la formation des sphères, 
tandis que, suivant d’autres, elle n'apparait qu'après cette for- 
mation. 

C'est ainsi, par exemple, que M. Vogt, dans son excellent 
travail sur le développement de l’Actéon (1), conclut d’une 
seule observation que le fractionnement de la masse vitellaire 
précède la formation et la multiplication des vésicules trans- 
parentes. M. Vogt avait sous les yeux un vitellus en forme de 
mandoline, dont la partie renflée renfermait seule une vésicule 
transparente. Mais, en réalité, la segmentation n’avait pas en- 
core commencé, et rien ne prouve qu'une seconde vésicule ne 
se serait pas produite plus tard avant la division du vitellus en 
deux parties, 

M. de Quatrefages, en adoptant la manière de voir de M. Vogt, 
va plus loin que lui, et refuse de reconnaître pour de vraies vé- 
sicules, du moins dans les Annélides, les espaces transparents des 
globes de segmentation. « On reconnait, dit-il, par la compres- 
» sion, que ce ne sont là nullement des noyaux. Ces espaces clairs 
» résultent de l'accumulation de la gangue transparente elle-même 
» quis’amasse au centre du lobe (2). » 

M. Gegenbaur, au contraire, croit que, dans la Limace, les vé- 


(1) Mémoire cité, p. 24 et 25, p. 85, n° 4. 


(2) Sur l'embryogénie des Annélides (Ann. des sc. nat., 3° série, t. X, 1848, 
p. 485). 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 51 


sicules centrales transparentes ont une part active à la formation 
des sphères de segmentation (4). 

D'après des recherches faites sur un grand nombre d'œufs, je 
crois pouvoir aflirmer que, dans le Limnée, l'apparition des vési- 
cules transparentes précède toujours la segmentation. Ces vési- 
cules me paraissent fonctionner, dans chaque globe de fraction- 
nement, comme la vésicule germinative dans l'œuf entier avant 
la fécondation. Comme cette dernière, elles grossissent et se rap- 
prochent peu à peu de la surface de la sphère ; leurs éléments 
granuleux se multiplient à mesure qu’elles augmentent de volume, 
comme on voit aussi se multiplier les éléments de la vésicule ger- 
minative. Il n’est donc pas impossible que ces vésicules soient 
chargées de préparer des éléments nouveaux, destinés à se mêler 
aux éléments du globe de segmentation. L'apparition des petites 
vésicules plastiques, qui succède à la disparition des vésicules 
transparentes, semble légitimer cette supposition. Voilà pourquoi 
je regarde les vésicules transparentes comme des noyaux on des 
cytoblastes qui fonctionnent comme des centres d’attraction, en 
déterminant le mode de groupement des éléments vitellins autour 
de chacun d'eux. 

L'observation directe ne me permet pas d’appliquer aux Verté- 
brés les remarques qu'on vient de lire ; mais l'existence des vési- 
cules transparentes dans les globes de segmentation de ces der- 
niers suffit pour faire penser que leurs fonctions sont identiques. 

Ainsi, en résumé, les ressemblances à établir entre l’œuf des 
Vertébrés et celui du Limnée, dans la première période du déve- 
loppement, se bornent aux points suivants : 

1° Même composition de l’œuf ovarique. 

2° Fractionnement du vitellus. 

ë° Absence de membrane propre autour du vitellus et autour 
des globes de segmentation. 

h° Même composition des globes de segmentation. 


(1) Mémoire cité, p. 374. 


p2 LEREBOULLET . 


B. — Analogies. 


$ LL 


Nous avons vu que l’œuf du Limnée est composé, après la 
ponte, de deux parties distinctes : le germe ou vitellus situé vers 
la périphérie et l’albumen qui remplit la coque. 

Dans les Vertébrés aériens et même dans les Mammifères, pen- 
dant les premiers temps, le vitellus est aussi accompagné d’une 
quantité plus ou moins considérable d’albumen. 

Il semblerait donc légitime de ranger ce caractère parmi les 
ressemblances ; mais, à notre avis, il ne doit constituer qu'une 
analogie, car l’albumen des Limnées diffère par son énorme pro- 
portion relative et par sa disposition, puisqu'il n’entoure pas régu- 
lièrement le vitellus. 


$ IL 


Ce qu’on est convenu d'appeler vitellus, ou germe dans les 
Mollusques, ne représente pas complétement le vitellus ou le jaune 
des Vertébrés. 

Dans ces derniers, le jaune est toujours formé de deux sortes 
d'éléments : les uns plastiques, destinés à s'organiser plus tard en 
embryon ; les autres nutritifs. 

Le vitellus des Limnées, au contraire, n’est composé primilive- 
ment que d'éléments plastiques. Les éléments nutritifs manquent 
dans cette partie de l'œuf; ils sont remplacés par l’albumen, et 
l'abondance de ce liquide albumineux s'explique par l'absence 
d'éléments nutritifs particuliers au jaune. 

Cependant, malgré cette différence réelle, nous pouvons dire 
qu’il y a analogie de composition entre l’œuf du Limnée et celui 
d’un Vertébré quelconque, puisque l’un et l’autre, considérés dans 
leur ensemble, renferment une substance organisable ou plas- 
tique et une substance nutritive. 

L'œuf du Limnée se rapproche surtout de celui des Poissons 
osseux, lorsque, dans ces derniers, s’est opérée la séparation des 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 5à 


éléments plastiques et des éléments nutritifs, par la condensation 
des premiers vers un des pôles de l’œuf, puisque le reste de la 
coque est alors rempli par l’albumen. Seulement l’albumen de 
l'œuf des Poissons forme une partie intégrante de sa composition 
primitive, tandis que l’albumen du Limnée est surajouté à l'œuf 
dans l’oviducte. 


$ III. 


La segmentation s'exerce dans l’œuf du Limnée sur le jaune 
tout entier, tandis qu’elle est partielle dans les Poissons osseux, 
. dans le Lézard et dans les Oiseaux. Il est facile de comprendre, 
par ce qui précède, que cette circonstance ne constitue pas une 
différence réelle. 

Le vitellus du Limnée, en effet, représente à lui seul tout entier 
la substance plastique de l’œuf des Poissons, des Lézards, des 
Oiseaux; or, c’est sur cette dernière substance seule que s'opère 
le fractionnement. Le fractionnement s'exerce donc, dans le Limnée 
comme dans les Vertébrés que je viens de désigner, sur toute la 
portion de la substance de l’œuf qui est appelée à s’organiser en 
embryon. Cette circonstance montre de nouveau l’importance de 
cette opération préliminaire pour l’organisation du nouvel être. 


8 IV. 


Nous avons vu qu'après la segmentation, les sphères, dont 
l’ensemble constitue le germe embryonnaire, se disposent en deux 
groupes dans le Limnée : les unes forment une enveloppe péri- 
phérique, les autres sont agglomérées en un amas globuleux qui 
occupe le centre. Les sphères périphériques sont d’abord plus 
grosses que les sphères centrales ; plus tard, c’est le contraire qui 
a lieu : les sphères de la surface se divisent de plus en plus jus- 
qu’à ce qu'elles donnent naissance aux cellules embryonnaires, 
tandis que les sphères centrales conservent un certain volume. 

Cette répartition des éléments du vitellus en deux groupes, 
l’un périphérique et l’autre central, paraît être générale chez les 
Mollusques ; elle se montre aussi chez les Annélides, et plusieurs 


54 LEREBOULLET. 


auteurs s'accordent à comparer l'enveloppe extérieure au feuillet 
séreux du blastoderme des Vertébrés, et le contenu de la sphère 
vitélline au feuillet muqueux. 

Ainsi MM. van Beneden et Windischmann (1) signalent autour 
du vitellus de la Limace une membrane qui s'organise et s'épaissit 
d’un côté, et d’où va sortir le corps de la Limace ; ils appellent 
blastoderme cette enveloppe extérieure. M. Rathke, dans un 
mémoire sur le Limnée, analysé par M. Vogt (2), admet que le 
germe se divise peu à peu en deux couches concentriques, qu’il 
appelle feuillet séreux et feuillet muqueux; mais les détermina- 
tions de cet éminent embryologiste ne nous paraissent pas exactes. 

MM. Vogt dans l’Actéon (3), Leydig dans la Paludine (4), 
Gegenbauer dans la Limace (5), de Quatrefages dans le Taret (6) 
et dans les Hermelles (7), Milne Edwards dans les Térébelles (8) 
et dans les Protules (9), signalent, soit dans leurs dessins, soit 
dans leurs descriptions, la même distribution des parties consti- 
tuantes du germe. 

M. Milne Edwards, en parlant des Térébelles, dit que les élé- 
ments constitutifs du jeune animal se séparent en deux portions, 


(4) Müller's Archiv, 1841, p. 483 et suivantes. 

(2) Embryologie de l'Actéon (Ann. des sc. nat., 3° série, t. VI, 4846, p. 43 
à 45). Le mémoire de Rathke est dans les Froriep’s Notizen, t. XXIV, 1842, 
p. 164, recueil que je n'ai pas eu à ma disposition. Je crois que M. Rathke se 
trompe en admettant l'existence de deux couches concentriques dont l’interne 
(feuillet muqueux de cet auteur) toucherait immédiatement au vitellus. L'enve- 
loppe extérieure est positivement simple, comme on peut le voir par lesdétails 
descriptifs que j'ai donnés dans le cours de mon travail. Ce que M. Rathke dit 
plus loin des métamorphoses des cellules vitellaires (p. 15 du mémoire de Vogt) 
concerne les transformations des sphères vitellines primitives en véritables vési- 
cules vitellines, transformations que je fais connaître en détail, 

(3) Ouv. cit., p. 35, et pl. I, fig. 14 et 12. 

(4) Ouv. cit., pl. XI, fig. 7et 8. 

(5) Ouov. cit., pl. XI. 

(6) Embryogénie des Turets (Ann. des se. nat., 3° série, t. XVI, 4849, pl. 9, 
fig. 19-22). 

(7) Embryogénie des Annélides (ibid., t. X, 1848, pl. 4). 

(8) Développement des Annélides (ibid,, t. III, 484%, p. 149). 

(9) Méme mémoire, p. 164. 


RECHERCHES D'ÉMBRYOLOGIE COMPARÉE. DS 


qui peuvent être comparées aux feuillets séreux et muqueux du 
germe des Vertébrés, sans offrir cependant la même disposi- 
tion (1). 

M. de Quatrefages, en comparant le développement des Her- 
melles à celui des Mammifères, dit que la couche extérieure du 
vitellus des Hermelles, quoique peut-être moins nettement accu- 
sée que le blastoderme des Mammifères, doit prendre le même 
nom (2). 

Il est certain que l’enveloppe extérieure du germe, dans les 
Limnées et les autres Gastéropodes dont on a étudié le développe- 
ment, peut-être même dans tous les Mollusques, est destinée à 
fournir les principaux appareils de la vie de relation. Dans le 
Limnée, c'est cette enveloppe extérieure qui produit le pied, les 
tentacules, la peau, etc., tandis que la masse celluleuse, entourée 
par cette enveloppe, donne naissance au tube digestif et à ses 
annexes. 

Sous le rapport de leur destination, la comparaison que l’on 
fait entre ces deux parties et les feuillets séreux et muqueux des 
Vertébrés est donc exacte. Mais on ne saurait prétendre voir dans 
ce rapprochement autre chose qu'une analogie ; la portion inté- 
rieure, celle qui est entourée par l'enveloppe périphérique, est 
globuleuse, solide, et ne ressemble en rien à un feuillet, c’est-à- 
dire à une membrane. On n’est done nullement en droit de dire 
que l’on retrouve, chez les Mollusques, les feuillets séreux et 
muqueux du blastoderme des Vertébrés. La seule déduction qu’on 
puisse tirer de la comparaison de l’œuf dans les deux embranche- 
ments, c’est que les parties qui constituent le vitellus des Mol- 
lusques sont analogues, sous le point de vue de leur destination 
ultérieure, aux feuillets du blastoderme des Vertébrés. 

D'où il suit que le vitellus tout entier du Limnée peut être con- 
sidéré comme analogue à ces deux feuillets, et que, par conséquent, 
le germe embryonnaire ou vitellus du Mollusque, ne représente 
qu'une partie du vitellus du Vertébré ; résultat conforme à celui 


(1) Page 149 et 150. 
(2) Mém. cité, p. 194. 


56 LEREBOULLET, 


que nous avons mentionné plus haut (au S IT), en comparant entre 
eux les éléments constitutifs du germe dans les deux embranche- 
ments. 


C. — Différences. 


Les analogies que nous venons d'établir entre l’œuf des Mol- 
lusques et celui des Vertébrés impliquent par elles-mêmes des 
différences incontestables, car, lorsqu'on compare entre eux deux 
objets, ils ne peuvent être que semblables ou dissemblables, et, 
dès qu'on a constaté des analogies, ces dernières annoncent évi- 
demment des différences. 

Ces différences se rapportent, comme on a pu le voir par ce qui 
précède, à la constitution de l'œuf après la ponte, au mode de 
fractionnement du vitellus et au résultat de ce fractionnement. 


ST: 


L'œuf du Limnée ne renferme qu'un très petit vitellus, tandis 
que la substance albumineuse qui l'accompagne est très abon- 
dante. 

Cet albumen n’entoure pas le germe, il n’est pas disposé autour 
de lui en couches concentriques ; le germe, au contraire, occupe 
un point de la surface de l'œuf. 

Le germe ou vitellus du Limnée ne se compose que d’une sorte 
d'éléments parfaitement homogènes, tous de nature plastique. 
Dans l’origine, on ne rencontre dans ce vitellus aucune trace de 
graisse, ni aucune substance qu’on puisse considérer comme nu- 
tritive. Ce n’est que plus tard qu’on voitse produire, par une dif- 
férenciation des éléments du germe, des globules graisseux et des 
vésicules nutritives particulières, les véritables vésicules vitel- 
lines. 

L'œuf des Vertébrés, au contraire, renferme un jaune consi- 
dérable, toujours formé, dès le principe, d'éléments plastiques et 
d'éléments nutritifs distincts. 

L’œuf du Limnée a donc une composition plus simple que celui 
des Vertébrés ; il est à un degré inférieur d'organisation. 


RECHERCHES D’EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 07 


$ II. 


Le fractionnement du vitellus se fait d’une manière particulière, 
qui n’a pas encore, à ma connaissance, été décrite dans les Mol- 
lusques, mais que M. de Quatrefages a signalée dans les Her- 
melles. Chaque morcellement de la masse organique est suivi 
d’un travail de fusion ou de concentration des sphères primitive- 
ment séparées, et ce n’est qu'après celte phase de concentration 
que la séparation définitive des sphères a lieu. 

Comme les nouveaux cytoblastes existent déjà avant la fusion 
des globes de segmentation, cette dernière opération paraît déter- 
miner ou favoriser le groupement des molécules autour de chaque 
cytoblaste, et préparer les sphères à de nouvelles divisions. 

Ces alternatives de séparation et de réunion des sphères vitel- 
lines n'ont pas encore été observées dans les animaux vertébrés ; 
d'un autre côté, nous ne savons pas si elles existent dans tous les 
Mollusques et dans les Annélides; nous ne pouvons donc pas 
encore, dans l’état actuel de la science, généraliser ce phéno- 
mène. 


$ IIL 


Le résultat de la segmentation du vitellus, dans le Limnée, est 
de partager les éléments constitutifs de ce dernier en deux groupes 
affectés à des usages différents. 

L’enveloppe extérieure, périphérique, celle qu’on peut compa- 
rer au feuillet séreux du blastoderme des Vertébrés, en diffère par 
son origine, par son mode de production et par sa composition. 

Dans les Vertébrés, du moins dans les Poissons et dans les Ovi- 
pares aériens, c’est la substance plastique tout entière du vitellus 
qui donne naissance à ce feuillet séreux, et celui-ci s'étend peu à 
peu sur le vitellus pour l’envelopper. Le feuillet muqueux se forme 
au-dessous du feuillet séreux à l’aide d'éléments qui n’ont pas été 
soumis au travail de fractionnement, et qui sont conséquemment 
d’une autre nature que les éléments plastiques : c’est un fait que 
j'ai constaté d’une manière certaine pour les Poissons. 


58 LEREBOULLET. 


Dans le Limnée, au contraire, l'enveloppe extérieure ne présente 
qu’une portion de la substance plastique primitive, et cette enve- 
loppe se forme tout d’une pièce, par le fait même de la segmenta- 
tion. Il est vrai que dans quelques Mollusques, l’Actéon (1) et le 
Taret (2) par exemple, l'enveloppe extérieure est formée succes- 
sivement par une portion de la substance du germe qui se seg- 
mente indépendamment du reste de cette substance, et entoure 
peu à peu celle-ci. Ce mode de formation n'existe pas pour le 
Limnée; mais, dans l’un et l’autre cas, la différence que je viens 
de signaler n’en existe pas moins : l’enveloppe, que l’on compare 
au feuillet séreux du blastoderme, n’est jamais formée que par une 
portion de la substance du germe. 


8 IV. 


La composition de l'enveloppe extérieure du germe dans le 
Limnée, comme dans les autres Mollusques que nous avons cités 
précédemment, diffère de celle du véritable blastoderme des Ver- 
tébrés par une plus grande simplicité d'organisation. Les sphères 
organiques, dont la réunion conslitue cette enveloppe, sont encore 
loin de représenter de véritables cellules, et c’est à peine si elles 
diffèrent des globes intérieurs ; tandis que, dans les Vertébrés, le 
blastoderme est formé d'éléments celluleux qui différent compléte- 
ment des vésicules qui constituent le jaune ou le vitellus nutritif. 

C'est avec raison que M. Vogt regarde comme un point impor- 
tant, dans l’histoire du développement des Mollusques, l’homogé- 
néité des parties consfituantes du germe embryonnaire, alors qu'il 
estsur le point de devenir embryon, ou même lorsqu'il offre déjà 
le caractère d’un nouvel être. « Ce fait, dit M. Vogt (3), nous pa- 
raît capital, et on n’en a peut-être pas assez fait ressortir toute 
l'importance. La masse dont doivent se former les différents or- 
ganes est là accumulée, mais à l’état brut, et ce n’est que par la 


(4) Vogt, ouv. cité, p. 32 et suivantes. 
(2) De Quatrefages, ouv. cité, p. 208. 
(3) Mém. cité, p. 39. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 59 


différenciation successive de cctte masse que naîtront les or- 
ganes. » 

Nous sommes entièrement de l'avis de cet habile observateur, 
et nous signalons, comme une différence capitale entre les Verté- 
brés et les Mollusques, l'homogénéité des parties qui constituent 
le germe de ces derniers à la fin du travail du fractionnement. 


8 V. 


Le feuillet muqueux du blastoderme des Vertébrés est une 
membrane qui tapisse et double le feuillet séreux, et qui enveloppe 
plus ou moins complétement le vitellus nutritif. Rien de semblable 
ne se voit dans l’œuf des Mollusques dont il est question dans ce 
travail. Le centre du germe est occupé par un noyau compacte, 
formé de globules qui diffèrent à peine de ceux de la surface, et 
c’est ce noyau central qui doit donner naissance au tube digestif, 
au vitellus nutritif, et plus tard au foie. 

Il nous parait donc évident et hors de toute contestation que 
l’analogie fonctionnelle que nous avons reconnue entre les parties 
constitulives du germe du Limnée et les deux feuillets du blasto- 
derme des Vertébrés, ne doit pas nous empêcher d'établir comme 
une différence réelle et importante la composition et la disposition 
de ces mêmes parties dans les deux groupes d'animaux. 


EvL 


En résumé, nous pouvons établir les différences suivantes entre 
le Limnée pris pour Iype des Mollusques et les Vertébrés, dans la 
première période du développement : 

1° Petitesse du vitellus et sa position excentrique dans l'œuf. 

2° Développement considérable de l'albumen. 

3° Substance du germe formée d'éléments homogènes, tous de 
nature plastique. 

h° Fractionnement vitellin caractérisé par des mouvements 
alternatifs de séparation et de réunion des globes de segmentation. 

5° Segmentation intéressant la masse entière du germe. 


60 LEREBOULLET. 


6° Groupement des globes de fractionnement en deux sphères 
emboîtées l’une dans l’autre : une sphère externe, enveloppante, 
formée d’une seule couche de globes; et une sphère interne, 
pleine, formée par des globes amoncelés en un noyau central. 

7° Homogénéité des éléments globuleux qui constituent ces 
deux sphères. 

8° Enveloppe extérieure analogue au feuillet séreux du blasto- 
derme des Vertébrés, caractérisée par la simplicité de son organi- 
sation, et formée par une partie seulement de la substance plas- 
tique du germe. 

9 Masse sphérique intérieure destinée à fonctionner comme 
le feuillet muqueux, mais différent de celui-ci par sa forme, et 
par cette circonstance qu’elle est constituée primitivement par la 
même substance plastique que l'enveloppe extérieure. 

10° Absence de vitellus nutritif;, ce dernier n'apparaîtra que 
plus tard, par la différenciation des éléments de la masse sphé- 
rique intérieure. 


ART. II. — Développement de l'embryon depuis son apparition jusqu’à 
la formation du cœur (deuxième période). 


A. Ressemblances ou analogies. 


Quelque soin que l’on mette à comparer le développement du 
Limnée et des Mollusques en général au développement des Ver- 
tébrés dans cette seconde période, on ne parvient à établir qu’un 
petit nombre de rapprochements qui portent principalement sur 
la disposition symétrique des parties, encore ces rapprochements 
ne s'appliquent pas aux seuls Vertébrés; ils relient les Mollusques, 
dans les premiers temps de leur existence, aux autres animaux 
symétriques, aux Arliculés et aux Annelés par exemple, tout aussi 
bien qu'aux Vertébrés. 


$ I. 


C’est un fait très important et plein d'intérêt que celui de 
l'apparition symétrique des principales parties du corps dans des 
animaux qui n'offrent plus tard qu’une symétrie incomplète. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. GI 


On a pu voir, en suivant la description que nous avons donnée 
du développement du Limnée, que la disposition symétrique des 
parties se montre dès les premiers moments où le vitellus se 
constitue en embryon. En effet, nous avons montré comment les 
bords de la dépression cireulaire, qui constitue la première forme 
embryonnaire et le premier indice du sac digestif, se relèvent 
symétriquement, pour former une large gouttière qui se change 
bientôt en un sac allongé par le rapprochement de ses bords. Cette 
première forme symétrique persiste assez longtemps ; elle est 
indiquée par la présence de la ligne transparente médiane, qui 
partage l'embryon en deux parties mamelonnées parfaitement 
semblables entre elles. (Voir nos figures.) 

Plus tard, nous voyons la symétrie se montrer dans la forma- 
lion du pied composé primitivement de deux lobes, dans la dispo- 
sition bilobée du vitellus (foie des auteurs), dans l'apparition des 
tentacules, des yeux, du système nerveux, et enfin dans la forma- 
tion de l'armure cornée de la langue qui se montre primitivement 
composée de deux moitiés parfaitement symétriques. 


$ IL. 


Un autre rapprochement à faire est relatif à la rectitude primi- 
tive du tube alimentaire, rectitude comparable à celle qui existe 
dans le canal alimentaire des Vertébrés et des Articulés. 

Nous avons vu, en effet, que l’anus et le rectum se forment par 
une dépression sur un point directement opposé à la bouche et que 
l'intestin ne commence à s'infléchir et à affecter la disposition 
caractéristique qu’il présente chez les Mollusques que lorsque le 
bourrelet du manteau s’est porté en avant, entraînant en quelque 
sorte avec lui l’anus situé sur son bord. 


$ IL. 


Nous signalerons, en dernier lieu, la position du cœur qui 
occupe primitivement la ligne médiane du corps et qui ne se porte 
vers la gauche que plus tard. 


62 LEREBOULLET. 


Ce dernier rapprochement mérite à peine d’être signalé, puis- 
que, dans les Vertébrés eux-mêmes, le cœur n’occupe pas tou- 
jours exactement la ligne médiane. 

Les analogies que nous venons de faire ressortir ne portent pas 
sur les caractères de l’embranchement des Vertébrés, mais sur des 
faits plus généraux, relatifs à la disposition symétrique ou binaire 
des organes, et tout aussi bien.applicables aux Annelés ‘qu'aux 
Vertébrés. 


B. — Différences. 


Pour mieux faire ressortir les nombreuses différences qui dis- 
tinguent l'embryon du Limnée de celui des Vertébrés, nous exa- 
minerons ces différences sous le triple rapport du mode de succes- 
sion des parties, de leur mode de formation et de leur position 
relative. 


4. Mode de succession des parties. 


8 L. 


Nous avons vu, dans les animaux vertébrés, le travail embryo- 
génique se partager en deux grandes périodes distinctes. Pendant 
la première apparaissent et se forment les premiers rudiments des 
appareils de relation, tandis que les appareils qui présideront aux 
fonctions nutritives ne se montrent qu'après la naissance des pré- 
cédents. 

C’est l’inverse qui a lieu dans le Limnée. Les premières modifi- 
cations de forme imprimées au germe ont pour but Ja formation 
des appareils nutritifs; les modifications qui se rapportent aux 
appareils des fonctions de relation ne se montrent que plus tard, 

En effet, la première partie formée, dans le Limnée, est le sac 
digestif qui bientôt devient canal. Ce sac primitif s'établit aux 
dépens du germe tout entier; on ne distingue encore, à cette 
époque, aucune différenciation de cellules qui puisse être consi- 
dérée comme formant la base d’autres appareils. Ce n’est que 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 63 


quelque temps après que la fossette embryonnaire s’est consti- 
tuée comme sac digestif, qu’on voit apparaître une couche de cel- 
lules particulières destinées à produire le pied et les autres organes 
de relation. 


$ IL. 


Cette formation d’un sac alimentaire avant tout autre appareil 
organique, est un fait capital que je regarde comme de la plus 
haute importance et que je crois nouveau. J'aurais voulu en trou- 
ver la confirmation dans les travaux des auteurs qui se sont occu- 
pés de l’embryologie des Mollusques, mais la plupart d’entre eux 
ne font mention du tube digestif que lorsque les appareils de rela- 
tion existent déjà et ont même atteint un certain développement. 

Le premier anatomiste qui ait fait quelques bonnes observations 
sur le développement du Limnée, Stiebel (1), disait que les 
vaisseaux et le canal intestinal paraissent se former presque en 
même temps. Il avait évidemment une fausse idée du mode de 
formation de ce dernier, puisqu'il faisait naître en même temps 
l’æsophage à gauche et le rectum à droite. 

Jacquemin (2) commet une erreur semblable, quand il dit que, 
dans le Planorbe, « la tête, les tentacules, le pied, les yeux même 
» et la première pellicule de la coquille sont déjà formés, lorsque 
» les organes centraux sont encore si peu développés, qu’on aper- 
» Çoit à peine de légères traces du canal intestinal. » 

M. de Quatrefages (3) ne mentionne le canal intestinal qu’au 
huitième jour du développement (l’éclosion eut lieu le vingtième 
jour), le lendemain du jour où l'embryon montre une profonde 
échancrure qui lui donne un aspect plus ou moins réniforme. 

C’est au seizième jour seulement (durée du développement dans 
l'œuf, trente jours), que M. Dumortier (4) signale le commence- 


(1} Meckel’s Archiv, t. II, 4846, p. 564. 

(2) Nov. acta phys. med., t. XVIII, 1836, p. 664. 
. (3) Ann. des sc. nat., 2° série, t. II, p. 4. 

(4) Mémoire sur les évolutions de l'embryon dans les Mollusques gastéro- 
podes (Mém, de Bruxelles, 1837, t, X, p. 24). 


64 LEREBOULLET, 


ment de la formation du tube alimentaire, lorsque la coquille a sa 
forme arrêtée et commence à former sa spire. 

M. Nordmann, qui a publié un travail remarquable sur le 
développement du'T'ergipes Edwardsii (1), mentionne en première 
ligne l'apparition du système animal et, longtemps après, l’in- 
testin. 

Il semble au premier abord que M. Vogt, malgré ses conscien- 
cieuses recherches sur l’embryologie de l’Actéon (2), n’a pas vu 
la formation des intestins, car 1l dit expressément que « les orga- 
» nes de digestion et d’assimilation sont les derniers qui se des- 
» sinent nettement et distinctement dans les embryons des 
» Actéons. » Le mode de développement qu'il décrit n’est d’ail- 
leurs nullement conforme à ce que j'ai vu dans le Limnée. 

Cependant je ne puis me dispenser de faire remarquer l’analogie 
qui existe entre la fente que l’auteur désigne sous le nom de fente 
mamelonnaire (3), et la rainure transparente qui résulte du rap- 
prochement des deux bords opposés de la fossette embryonnaire 
(voyez les fig. 26, 27 et 29 de mes planches ), et je suis très dis- 
posé à croire que M. Vogt a vu réellement l’origine du sac diges- 
tif, mais sans lavoir suivi dans son développement. 

En effet, M. Vogt dit qu’il croit avoir remarqué au milieu du 
mamelon saillant formé parles cellules centrales, un espace allongé 
qui se marque comme un vide produit par l’écartement des cellu- 
les (p. 33). 

Plus loin l’auteur fait lui-même remarquer que la bouche 
occupe exactement la place qui était occupée, dans le principe, 
par la fente mamelonnaire (p. 68). 

Il ajoute qu'il lui reste des incertitudes sur les transformations 
que subit cette fente pour devenir à la fois une véritable bouche 
(p. 69). 

Je conclus de ces rapprochements que M. Vogt a vu, sans les 
avoir déterminées comme telles, les premières phases de la for- 


(1) Ann. des sc, nat., 3° série, t. V, 4846, p. 143. 
(2) Ouv. cité, p. 63. 
(3) Zbid., p. 35 et suiv. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 65 


mation du tube digestif, et que cette formation est la première qui 
apparaisse dans l’Actéon comme dans le Limnée. 

M. Gégenbaur, dans la Limace (1); MM. Koren et Daniels- 
sen (2), dansle Buccinum undatum et dans le Purpura lapillus ; 
M. de Quatrefages, dans les Tarels (3), n’ont commencé à aper- 
cevoir les intestins qu’à une époque avancée du développement. 

M. Leydig, au contraire, dont le travail sur la Paludine est mar- 
qué au coin de l'exactitude, a vu la formation embryonnaire dé- 
buter par le tube digestif. « Le premier changement extérieur, 
dit-il, qu'offre l'embryon, consiste dans une dépression en forme 
de fossette quise produit à l’un de ses pôles (4). » Cette dépression 
sera la bouche. Plus tard le centre de l'embryon s’éclaircit pour 
former la cavité gastrique. Puis, sur un point directement opposé 
à l’excavation antérieure, il se produit une autre fossette plus 
petite qui devient l'anus. Deux tubes partent des dépressions 
buccale et anale pour aller rejoindre l’excavation du centre. 

Le mode de formation du tube alimentaire, dans ses détails, 
n’est pas le même que celui que j’ai décrit dans le Limnée, mais le 
fait principal, c’est-à-dire l'apparition des organes digestifs avant 
tout autre appareil embryonnaire, a été constaté par M. Leydig, 
dans la Paludine, comme je lai constaté dans le Limnée. 

On me pardonnera la longueur de cette revue bibliographique, 
à cause de l'importance du sujet, Il est certain que le mode de 
succession des appareils organiques doit être en raison de leur 
importance fonctionnelle dans les grandes divisions du règne 
animal. Or, ons’exposerait à tirer des déductions très fausses des 
faits consignés dans la plupart des auteurs, si l’on admettait ces 
faits comme l’expression de la vérité. 


(1) Mém. cité. L'auteur dit que la première partie de l'appareil digestif qui 
devient visible est la plaque cornée de la langue (p. 386) ; or, le tube intestinal 
est formé depuis longtemps quand cette plaque cornée commence à paraître. 

(2) Recherches sur le développement des Pectinibranches (Ann. des sc. nat., 
3° série, t. XVIII et XIX). Voyez le résumé du travail de ces auteurs, t. XIX, 
p. 99, n° 411, et p. 100, n°9, où ils indiquent la succession des organes 
d'après l'ordre de leur apparition. 

(3) Mém. cité, p. 218. 

(4) Mém. cité, p. 430. 

4e série, Zooc. T. XIX. (Cahier n° 2.) À 5 


66 LEREBOULLET., 


Ayant constaté dans le Limnée, par des recherches minutieu- 
ses et d’une extrême difficulté, la primauté d’origine du tube diges- 
üif sur tout autre appareil, je suis heureux de faire voir que le 
résultat que j’annonce ne constitue pas un fait isolé, puisque le 
même fait se trouve établi pour la Paludine, et probablement aussi 
pour l’Actéon. 

J'ajouterai que M. de Quatrefages a constaté, depuis longtemps, 
la même priorité d’origine du tube alimentaire pour l'embryon des 
Hermelles (1). 


$. LIL. 


C'est le pied qui se montre en second lieu. Il se produit au 
dessous du sac digestif par une accumulation de sphères organi- 
ques qui se changeront rapidement en cellules embryonnaires. 

Cette formation hâtive du pied, c’est-à-dire du principal organe 
locomoteur, et sa position sous-gastrique, caractérisent de bonne 
heure le groupe de Mollusqués auquel appartient le Limnée. 

Cependant, à leur origine, les cellules dont il est question ne 
forment pas encore de saillie, mais seulement une lame mince 
située sous le sac digestif et occupant ainsi la région inférieure du 
corps. Ce n’est que plus tard, après que l'embryon a commencé 
ses mouvements de rotation, que se montre peu à peu la saillie du 
pied proprement dit. 


$ IV. 


Dés que l'embryon est constitué par la présence d’un sac diges- 
üif dorsal représentant sa portion végétative et d’une lame ven- 
trale représentant sa portion animale, il commence à exercer les 
mouvements de rotation qui caractérisent les embryons des Mol- 
lusques, mouvements qui doivent exercer, dans la suite, une 
influence si remarquable sur la forme de l’animal. Jusque-là, le 
pied ne formant pas encore de saillie, rien ne peut indiquer, dans 


(1) Mém. cité, p. 183. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 67 


la constitution de l'embryon, à quel groupe d’animaux il appar- 
tient ; le mouvement spiral, qui ne s’observe que dans les Mol- 
lusques, est le premier signe indicateur de ce groupe. 

C’est alors qu’a lieu, dans sa moitié antérieure, l’épaississement 
du disque lamelleux sons-gastrique, pour la formation de l’organe 
locomoteur. 


8 V. 


Après la formation du sac digestif et du pied, s'opère la diffé- 
renciation des cellules périgastriques pour la production des vési- 
cules vitellines (le foie des auteurs). Cette différenciation est un 
des phénomènes les plus curieux du développement du Limnée. 
J'en ai exposé le détail dans le corps de mon travail, je me bor- 
nerai à rappeler que c’est dans l’intérieur même des sphères orga- 
niques primitives que se produisent les vésicules transparentes que 
j'ai appelées vésicules vitellines, et que les formations endogènes 
ne sauraient être ici révoquées en doute (4). 


8 VI 


La dépression anale et la formation du rectum par suite de cette 
dépression ne se voient qu'après le commencement du travail de 
différenciation des globes périgastriques. Le rectum existe quelque 
temps sous forme d'entonnoir opposé au sac stomacal, puis ces 
deux parties se soudent pour constituer un tube digestif rectiligne. 


8 VIL. 


C’est alors que commence à se montrer un organe important, 
qui caractérise les Mollusques, et qui n’a pas d’analogue parmi les 
Vertébrés : nous voulons parler du manteau. 

Nous avons vu qu'il se présente sous la forme d’un bourrelet 


(1) M. Vogt, dans son travail sur l’Actéon (p, 64 et 63), parle de cette trans- 
formation des cellules du foie (cellules périgastriques), mais il dit qu'il n’a jamais 
xu de jeunes cellules emboîtées dans les anciennes. 


68 LEREBOULLET. 


disposé autour de l’anus et formé par une accumulation de cellules 
embryonnaires qui se continuent avec l'enveloppe cutanée, et par- 
ticulièrement avec la couche des mêmes cellules situées au-des- 
sous du tube alimentaire. ô 

Le manteau doit donc être considéré comme une modification 
de l'enveloppe générale du corps; il se rattache, par son origine, 
au groupe des organes de relation, mais ses fonclions sont mixtes, 
puisqu'il contribue à former l'appareil respiratoire. 


8 VIIL 


L'apparition du bourrelet palléal est le signal de la production 
de la coquille qui se forme par une sorte d’exsudation particulière 
de la peau circonscrite par ce bourrelet, 

L'existence de la coquille constitue un troisième caractère du 
groupe des Mollusques dont on ne retrouve pas de représentant 
parmi les Vertébrés. 


$ IX. 


Jusque-là l'embryon avait conservé la forme rectiligne, en ce 
sens que l'ouverture anale était restée directement opposée à l’ou- 
verture buccale. Mais, par suite de circonstances particulières, 
la direction oblique du bourrelet palléal, le développement de la 
portion du corps cireonscrile par ce bourrelet, la position margi- 
nale de l'anus, circonstances déterminées probablement par les 
mouvements en spirale de l'embryon, celui-ci incline vers Ja 
droite sa région postérieure, et tend à se tordre sur son axe, du 
moins dans celte région, pour prendre la forme spirale qui carac- 
térise les Gastéropodes à coquille. 

$ X. 

C’est à cette époque qu’on voit une dépression se produire au- 
devant du bourrelet palléal, à la face inférieure du corps, entre ce 
ourre’et et le pied. Celte dépression, en devenant de plus en plus 


RECHERCHES D’EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 69 


profonde, se change en ouverture qui se garnit de cils vibratiles : 
c’est l’annonce de la formation de la chambre respiratoire. 


8 XI. 


C’est alors seulement que les tentacules oculaires commencent 
à se dessiner nettement, en se détachant de la peau commune, et 
c’est alors qu'apparaissent presque simultanément le cœur, les 
points oculiformes, les capsules auditives et les cellules nerveuses 
de la région céphalique. 


$ XIL. 


Ce mode de succession des organes est tout différent de celui 
que présentent les Vertébrés. Chez ces derniers les appareils des- 
tinés à la nutrition ne commencent à se montrer que lorsque l’em- 
bryon offre déjà les rudiments de tous les appareils de relation. 
Ici, au contraire, nous voyons se produire en premier lieu le plus 
important de tous les organes nutritifs, dans ces animaux, l’organe 
d'alimentation. Il est vrai que le travail embryogénique ne se fait 
pas exclusivement dans cette direction, puisque nous voyons s’é- 
tablir les premières bases des appareils de relation, notamment le 
pied, peu de temps après la formation du sac stomacal. Mais si 
l’on compare dans leur ensemble et sous le rapport de leur degré 
de développement, les deux séries d'appareils, on sera forcé de 
convenir que ceux qui appartiennent à la vie animale n'existent 
simultanément que lorsque le tube digestif et ses annexes se trou- 
vent déjà à un degré avancé. 


$ XHI. 


Nous ferons remarquer en outre que, pendant son évolution, 
l'embryon du Limnée offre des particularités de fonctions ou d’or- 
ganisation qui appartiennent en propre au groupe d'animaux dont 
il fait partie et qu’on ne retrouve pas dans les Vertébrés. Ces par- 
ticularités sont : ‘ 


70 LEREBOULLET. 


1° Le mouvement en spirale que l’embryon exerce dans son 
œuf et qui diffère essentiellement, par sa direction et par sa conti- 
nuité, du mouvement rotatoire que présente le germe embryon- 
naire de quelques Vertébrés, dans les premiers temps de son exis- 
tence ; 

2 L'existence et le mode du développement du pied ; 

3° Le développement du manteau et de la coquille ; 

4° La torsion de la moitié postérieure du corps pour constituer 
une spire. 


2. Mode de formation des parties. 
8 XIV. 


Le mode de formation du tube digestif a lieu dans le Limnée 
d’une tout autre manière que dans les Vertébrés. 

Ici c’est une lamelle distincte du reste de l’embryon et qui se 
replie sur elle-même pour former une gouttière longitudinale. 

Dans le Limnée, c’est d’abord une fossette creusée dans le 
germe embryonnaire tout entier; puis les bords de cette fossette 
s'élèvent et se rapprochent l’un de l’autre sur la ligne médiane, 
pour transformer cette fossette en sac. 

On pourrait chercher à faire un rapprochement entre la dépres- 
sion du germe embryonnaire dans le Limnée et la dépression du 
cylindre embryonnaire des Vertébrés, qui a pour résultat la for- 
mation du sillon dorsal; car, dans l’un et dans l’autre cas, le mou- 
vement de dépression est suivi d’un travail qui tend à transfor- 
mer la cavité produite en tube. 

Mais qui ne voit combien un pareil rapprochement serait forcé ? 

La dépression, dans les Verlébrés, s'opère sur une partie de 
l'embryon qui appartient aux organes de relation; dans le 
Limnée, elle se produit sur l'embryon tout entier, qui est, à cette 
époque, tout entier un sac digestif. Dans les Vertébrés la dépres- 
sion est longitudinale; elle est circulaire dans le Limnée. Enfin, 
dans les premiers, la fermeture s’opère aux deux extrémités de la 
gouttière et transforme cellè-ci en un tube clos de toutes parts, 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 71 


tandis que, dans le second, la jonction des bords relevés de la 
grande fosse primitive transforme cette fosse en un tube ouvert à 
l’un de ses bouts, c’est-à-dire en un sac véritable. 

On ne pourrait pas davantage comparer entre eux le mode de 
fermeture de la souttière intestinale des Vertébrés et de la fosse 
embryonnaire du Limnée. 

Dans les premiers on retrouve, pour la transformation dela 
gouttière intestinale en tube, le même travail que pour la forma- 
tion du tube rachidien, c’est-à-dire que cette gouttière se ferme 
aussi par ses deux bouts opposés ; le tube intestinal existe avant 
ses deux orifices, et ceux-ci se produisent de dedans en dehors, 
par un travail centrifuge. 

Au contraire, dans le Limnée, le tube digestif se constitue en 
deux parties qui naissent l’une après l’autre, par dépression, c’est- 
à-dire par un mouvement centripète ; la première produite est le 
sac digestif, la seconde le tube rectal, et les deux tubes viennent à 
la rencontre l’un de l’autre pour se souder ensuite bout à bout et 
former le tube alimentaire (1). 

il résulte de ces comparaisons qu’il existe une différence des 
plus tranchées entre le mode de formation du tube digestif des 
Vertébrés et du Limnée. 

Le seul point d’analogie qu’il y aurait à signaler, et dont nous 
avons parlé plus haut, consiste dans la symétrie primitive des 
deux moitiés de ce tube, symétrie caractérisée, dans le Limnée, 
par la ligne transparente médiane qui résulte du rapprochement 
de ces deux moiliés. 


8 XV. 


Une seconde différence non moins caractéristique que celle 


(1) M. de Quatrefages paraît avoir entrevu ce mode de formation du tube 
alimentaire, dans le Limnée. « On remarque, dit cet habile et laborieux observa- 
teur, dans l'intérieur du corps, un boyau irrégulier, partagé en deux portions 
par deux cellules qui sont encore réunies, allant presque d'une extrémité à l'autre 
de l'embryon, et se distinguant des cellules qui l'environnent en ce qu'il ne ren- 
ferme pas de globulins. » (Embryogénie des Planorbes et des Limnées, dans Ann. 
des sc. nat.,t. Il, 2° série, p. 4.) 


12 LEREBOULLET. 


dont il vient d’être question consiste dans l'absence primitive de 
vitellus nutritif, dans le Limnée, et dans le mode de formation de 
cet appareil de nutrition embryonnaire. 

On sait que les Vertébrés possèdent un vitellus nutritif indépen- 
dant et formant une partie constitutive de l'œuf. Après la ferme- 
ture de la gouttière intestinale, ce vitellus apparaît comme une 
vessie suspendue au tube intestinal et, pendant quelque temps du 
moins, en communication avec lui. 

Rien de semblable n’a lieu dans le Limnée. Nous avons vu que 
le vitellus nutritif n'existe pas dans le germe embryonnaire, mais 
qu'il apparait dans la suite, par une différenciation remarquable 
des sphères embryonnaires périgastriques. Ce vitellus propre- 
ment dit, une fois formé, entoure le tube alimentaire, mais n’est 
jamais en communication directe avec lui, par la raison bien sim- 
ple que ce dernier n’a pas et ne saurait avoir, à cause de son 
mode de formation, de fente analogue à celle que présente le 
tube intestinal des Vertébrés. 


8 XVI. 


Il n’y a rien, dans le Limnée, qui puisse être comparé à la 
corde dorsale, aux lamelles vertébrales, au tube rachidien, au 
cordon nerveux qu'il renferme, aux ampoules oculaires, en un 
mot aux parties qui sont constituées par le feuillet séreux du 
blastoderme, dans les Vertébrés. 

Les appareils qui président, dans notre Mollusque, aux fonc- 
tions de relation, c’est-à-dire le pied, les tentacules, les yeux, ete. , 
sont des productions de la peau ou enveloppe générale du corps, 
qui naissent par multiplication des cellules embryonnaires et par 
l'accumulation des cellules sur certains points de la surface du 
Corps. 


$ XVIL 


Mais si nous ne trouvons rien dans le Limnée qui puisse être 
comparé aux parlies blastodermiques que nous venons d’énumé- 
rer, le Mollusque, comme nous l'avons déjà fait remarquer, pré- 


C2 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 73 


sente des formations particulières : le pied, le manteau, la coquille, 
dont on chercherait en vain les analogues dans les animaux 
vertébrés. 


$ XVIIL 


Enfin l'appareil respiratoire, dans les Vertébrés aériens, est 
une production de l’œsophage, et conséquemment du feuillet mu- 
queux ; cette production est même représentée dans beaucoup de 
Poissons par la vessie natatoire qui dérive de la même origine. 

Dans le Limnée, au contraire, l'appareil respiratoire est consti- 
tué par une cavité qui n’a rien de commun avec le tube alimen- 
taire, mais qui dépend de l’enveloppe palléale, et par conséquent 
de la peau extérieure. 


3. Rapports des parties. 


& XIX. 


Pour apprécier avec exactitude la position relative des parties, 
dans les groupes d'animaux que l’on compare entre eux, il est 
naturel d’adopter les dénominations qui sont consacrées par 
l'usage, et de conserver la même détermination pour les divers 
animaux qui sont l’objet de la comparaison. 

Or, de tout temps, on est convenu d’appeler région inférieure 
ou ventrale du corps celle sur laquelle repose l'animal dans la sta- 
tion ou dans la marche, et conséquemment région supérieure ou 
dorsale, la région opposée à la précédente. 

Si donc nous supposons l'embryon d’un animal vertébré quel- 
conque dans sa position naturelle, nous voyons que la région 
supérieure ou dorsale est occupée par les appareils primitifs de 
relation ; les organes digestifs occupent la région inférieure ou 
ventrale, et c’est au-dessous de ces derniers qu'est suspendue la 
poche vitellaire. ÿ 

Il n’est pas plus difficile de déterminer les régions du corps 
dans l'embryon du Limnée. 


7h LEREBOULLET. 


Nous avons vu qu'immédiatement après la transformation de la 
fosse embryonnaire primitive en sac, il se produit sur l’une des 
faces de l'embryon une couche de cellules plus petites que les 
autres, couche qui donnera plus tard naissance au pied. Nous 
avons dit qu'à partir de ce moment l'embryon se composait en 
réalité de deux portions, une portion végétative constituée par le 
globe embryonnaire primitif creusé maintenant d’une cavité en 
forme de sac, et une portion animale représentée par la couche de 
nouvelles cellules appliquée contre la partie précédente. 

Il est évident que cette couche de substance plastique d’où sor- 
tira le pied représente en ce moment, à elle seule, la partie du 
blastoderme des Vertébrés qui donne naissance au tube Fachidien. 

Or cette couche ou cette portion animale de l'embryon du 
Limnée occupe la région inférieure de cet’ embryon; le sac, et, 
plus tard, le tube digestif est immédiatement au-dessus d'elle, et ce 
tube digestif est entouré et surmonté du vitellus proprement dit 
qui constitue la portion tout à fait dorsale de l'embryon. 

Nous trouvons done, entre les Vertébrés et le Limnée, une 
opposition complète dans la position relative des parties : les piè- 
ces analogues qui sont dorsales dans les premiers sont ventrales 
dans le second, et réciproquement. 

En vain dira-t-on peut-être, comme on l’a dit pour les animaux 
Annelés, que le Limnée est un Verlébré renversé. Cette explication 
ne diminue en rien la différence réelle qui résulte de ce renvèrse- 
ment ; car il y aurait identité complète entre la portion animale du 
Limnée et celle des Vertébrés, que cette différence de position 
relative n’en subsisterait pas moins et n’en aurait pas moins, par 
elle-même, une importance réelle. 


S'XX; 


La’ position du cœur constitue aussi une différence incontestable, 
mais qui dérive évidemment de la précédente. Tandis que, dans 
les Vertébrés, il est toujours ventral, ‘dans notre Mollusque au 
contraire il occupe la région dorsale du corps, et se trouve, dans 
l’origine, directement spposé au principal organe de relation alors 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 75 
existant, c’est-à-dire au pied; ce n’est que plus tard qu’il aban- 
donne la ligne médiane pour se porter vers la gauche. 


8 XXI. 


F Quant à la position relative des organes sensitifs, les tentacules, 
les yeux, les oreilles, ce sont les seuls qui soient disposés symé- 
triquement au-dessus de la bouche et du pharynx, comme chez les 
Vertébrés. 

Cette position dorsale des appareils sensitifs, malgré le renver- 
sement des grands appareils de nutrition, montre combien peu 
serait logique l'interprétation dont nous parlions tout à l'heure, et 
qui consisterait à regarder le Limnée, dans cette période de sa 
vie embryonnaire, comme un Vertébré renversé, car alors on 
serait en droit de demander pourquoi le renversement n'’affecte 
pas les organes des sens, pas plus que les organes buccaux. 


$ XXIL 


En résumé, nous pouvons grouper ainsi qu'il suit les princi- 
pales différences qui distinguent, dans son développement, l’em- 
bryon du Limnée de celui des Vertébrés pendant cette seconde 
période : 

1° Absence de tube rachidien, de corde dorsale et de toutes 
les formations qui se rattachent à cet axe embryonnaire primitif 
des Vertébrés. 

20 Apparition des premières ébauches du tube digestif avant 
tout autre appareil organique, aux dépens du genre embryonnaire 
tout entier. 

æ Portion animale de l'embryon représentée par une couche 
peu épaisse de cellules quise produisent après la formation du sac 
digestif. 

h° Mode de formation du tube alimentaire complétement dif- 
férent de celui qui préside à la formation de ce même tube dans 


les Vertébrés. 
5° Absence de vitellus primitif; formation de ce vitellus par 


76 LEREBOULLET. 


une différenciation particulière des sphères organiques qui entou- 
rent le canal alimentaire. 

6° Rapport inverse de position relative des parties constitutives 
de l'embryon dans les deux groupes d'animaux : 

Dans les Vertébrés, portion animale de l'embryon en haut, tube 
digestif au-dessous d'elle, et vitellus au-dessous du tube digestif, 

Dans le Limnée, portion animale en bas, tube digestif au-dessus 
d'elle, et vitellus au-dessus du tube digestif. 

7 Mouvement de rotation, suivant une ligne spirale, de l’em- 
bryon du Limnée. 

8 Existence d’un pied, d’un manteau et d’une coquille. 

9 Torsion de l'extrémité postérieure du corps autour de son 
axe longitudinal. 

10° Position dorsale du cœur. 

A1° Formation de la chambre respiratoire aux dépens du 
manteau. 

Ces différences sont plus que suffisantes pour montrer que le 
Limnée et, nous pouvons le dire, tous les Mollusques s’éloignent 
complétement des animaux Vertébrés, pour ce qui caractérise 
essentiellement ces derniers, pour la position relative des parties 
analogues dans les deux groupes, et pour l’ordre de succession 
que ces parties présentent dans leur apparition. 


Arr. III. — Développement de l'embryon depuis l'apparition du cœur 
jusqu’à l’éclosion (froisième période). 


À. — Ressemblances. 


Si nous passons en revue les faits qui se rattachent à cette troi- 
sième période, nous en trouvons à peine quelques-uns que nous 
puissions meltre en parallèle avec le développement des Vertébrés. 

Les seuls points de rapprochement possibles concernent la 
symétrie des ganglions cérébroïdes et leur position dorsale, puis 
la symétrie des pièces cornées de la langue, et, en troisième lieu, 
la persistance d’une petite quantité de substance vitelline autour 
du tube intestinal, après l’éclosion. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 77 
Je n’ai pas besoin de faire remarquer le peu d'importance de ces 
rapprochements qui ne constituent pas, à proprement parler, des 
ressemblances. Les deux premiers se rattachent à la loi générale 
de symétrie qui préside à la formation des êtres; le troisième est 
un phénomène de nutrition qui dépend d’une autre loi très impor- 
tante, la loi des conditions d’existence. 
Aueun de ces rapprochements n’a frait aux caractères propre 
ment dits des animaux vertébrés. 


B. — Différences. 


Les différences, au contraire, sont nombreuses, comme on peut 
s’y attendre par ce qui a été dit dans l’article précédent. 


S L 


Une première différence consiste dans la direction du travail 
embryogénique. 

Ce n'est qu'après la formation du cœur qu’apparaissent les élé- 
ments nerveux, et cette apparition coïncide avec une activité plus 
grande de développement dans les parties antérieures du corps. 

Cette production tardive du système nerveux constitue une dif- 
férence réelle et incontestable. 


8 II. 


De plus, le système nerveux ne se montre pas en une fois dans 
toute l'étendue des parties qu'il doit occuper. 

Ce sont des cellules préparatoires qui se forment successi- 
vement et augmentent ainsi peu à peu en nombre. 

Plus tard les amas nerveux qui en résullent se changent en 
ganglions, et les cordons nerveux apparaissent comme des ponts 
jetés entre ces ganglions où comme des faisceaux de fibres déliées 
qui se rendent aux organes. 

Enfin ce système nerveux primitif n’occupe pas l’axe du corps, 
il tend à former un collier autour de la masse buccale. 


78 LEREBOULLET. 


Il y a donc, sous le rapport du système nerveux du Limnée, 
comparé à celui des Vertébrés : différence quant à l’époque de son 
apparition, différence quant à son mode de formation, différence 
quant à son aspect, sa nature, et sa disposition; et toutes ces dif- 
férences sont réelles, elles ne sauraient rentrer dans la catégorie 
des formations analogues. 


$ IL 


Les yeux se forment à peu près à la même époque que le système 
nerveux; leur mode de production diffère de ce qu’on voit dans 
les Vertébrés. 

Quant aux oreilles, leur apparition est peut-être moins tardive 
que je ne l'ai dit. 

D'après M. Vogt, elles sont d’abord pleines et ne se changent 
que plus tard en vésicules (1). Il est donc possible que leur pre- 
mière apparition m'ait échappé; mais il n’en est pas moins vrai 
qu’elles se montrent longtemps après l'appareil digestif et l'organe 
principal de locomotion. 


s IV. 


Le développement du manteau et du pied, l’enroulement de 
l'embryon sur son axe, la formation de la chambre respiratoire, 
dont nous avons parlé dans l’article précédent comme constituant 
des caractères particuliers aux Mollusques gastéropodes, conti- 
nuent à se faire pendant le cours de cette troisième période. 


8 V. 
C'est dans l’épaisseur du manteau que se produit la glande 


rénale, l’analogue de l’appareil sécréteur des Vertébrés connu 
sous le nom de corps de Wolff. Cette glande diffère complétement 


(1) Dans l’Actéon, Mém. cité, p. 43. 


RECHERCHES D’'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 79 


de celle des Vertébrés par sa situation et parce qu’elle est simple, 
asymétrique. 


: 8 VI 


Une différence qui ne doit pas rester inaperçue est celle qui est 
relative à l’entrée en fonction du pied. Formé après le tube diges- 
tif, il devient contractile, et fonctionne déjà lorsque l'embryon est 
encore contenu dans son œuf et longtemps avant l'achèvement du 
tube alimentaire. L'entrée en fonction du pied coïncide avee la 
cessation du mouvement gyratoire qui avait existé jusqu’à cette 
époque. 

Cette prompte mise en activité de l'agent locomoteur est un 
caractère d’infériorité qui tient peut-être à l'absence d’un appareil 
squelettique. 


8 VII. 


Je signalerai aussi comme différence remarquable l'allongement 
progressif du tube intestinal et son enroulement sur lui-même. 

Tandis que, dans les Vertébrés, le tube alimentaire se forme 
tout d’un trait et ne croît en dimension qu’en proportion de l’ac- 
croissement de l'embryon lui-même, ici, au contraire, le tube 
intestinal que nous avons vu, de rectiligne qu'il était primitive- 
ment, prendre de bonne heure la disposition qui caractérise les 
Mollusques, continue à se développer dans ses parties intermé- 
diaires entre le rectum et l'estomac, et forme peu à peu des anses 
qui s’interposent entre les divisions du foie. 


8 VIN. 


Enfin nous signalerons comme tout à fait caractéristique le mode 


de formation du foie. 
Cette glande est, dans les Vertébrés, un appendice du tube 
digestif, puisqu'elle se produit par une végétation cellulaire qui se 


80 LEREBOULLET . 


fait contre les parois mêmes de ce tube, pendant la formation de ce 
dernier. 

Dans le Limnée, et sans doute dans je autres Gastéropodes, 
sinon dans tous les Mollusques, le foie résulle des transformations 
que subissent les vésicules vitellines, après que le tube digestif est 
constitué, et lorsque ces vésicules n’ont plus besoin de servir à la 
nutrition, c’est-à-dire lorsque le jeune animal est éclos et peut aller 
chercher sa nourriture. 

Le foie se forme alors très rapidement, et ses cellules se rem- 
plissent promptement des granules caractéristiques qui annoncent 
la sécrétion biliaire. 


$ IX. 


Ainsi, en résumé : 

1° Formation tardive du système nerveux coïncidant avec une 
plus grande activité dans la région antérieure du corps ; 

2 Développement successif des éléments qui composent ce 
système, et disposition de ces éléments en forme d’anneau au- 
tour de la masse buccale ; 

3° Apparition tardive des yeux et des organes auditifs ; 

L°’Formation de la glande rénale dans la région dorsale, et dis- 
position asymétrique de cette glande ; 

5 Entrée en fonction du pied comme organe locomoteur long- 
temps avant l’éclosion ; 

6° Allongement progressif du tube intestinal, et enroulement 
de ce tube sur lui-même ; 

7° Formation du foie après l’éclosion, aux dépens des vésicules 
vitellines : 

Telles sont les principales différences que nous pouvons signaler 
entre le développement de notre Mollusque et celui des Ver- 
tébrés. 


RECHERCHES D 'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 8l 


CHAPITRE IV. 


Développement de l'Æcrevisse de rivière, comme type des animaux 
articulés, comparé au développement du Limnée des élangs, comme 
type des Mollusques. 


L'étude particulière que j'ai faite du développement de l'Écre- 
visse dans les premières périodes de sa vie embryonnaire, étude 
dont les principaux résultats ont été consignés dans les Annales 
des sciences naturelles (1), me perinet d'établir un parallèle entre 
cet animal considéré comme type des Articulés, et Je Limnée con- 
sidéré comme représentant le groupe des Mollusques. Toutefois 
je fais ici la réserve bien naturelle que je n’ai pas l'intention 
d'appliquer à l’embranchement des Mollusques tout entier les faits 
dont j'ai constaté l'existence dans l'embryon du Limnée, comme 
je ne saurais non plus appliquer à tous les Articulés, et moins 
encore au vasle embranchement des animaux annelés, les résultats 
que m'a fournis l'étude de l’Écrevisse. Il est donc bien entendu 
que la comparaison que je vais faire ne porte principalement que 
sur les deux espèces dont il est maintenant question. La science 
du développement des êtres n'en est encore qu'à sa NAISSANCE ; 
tout ce que nous pouvons faire en ce moment, c’est de poser 
quelques bases fondées sur des observations faites avec soin. 


ARTICLE [. — Du développement de l'œuf depuis son origine jusqu’à 
l'apparition de l'embryon (première période). 


A. — Ressemblances. 


al. 

L'étude qu'on à faite de l'œuf ovarien du Limnée montre qu'il à 
la même composition générale que l'œuf ovarien de l'Écrevisse : 
une sphère vitelline, une vésicule germinative et des taches ger- 


(4) Ann. des sc. nat., 4° série, t. Il, p. 39 et suiv, 
&° série. Zooc. T. XIX.\Cahier n° 2.) ? 6 


82 LEREROULLET. 

minatives le constituent essentiellement dans les deux animaux, et 
le mode de production de cet œuf est sans doute aussi le même, 
c’est-à-dire que, dans l’un et dans l’autre animal, il naît dans le 
parenchyme de Povaire, au moyen d'éléments qui se produisent 
successivement pour le former. 


$ IL. 


J'ai constaté dans le vitellus de l'Écrevisse, comme dans celui 
du Limnée, l'absence d’une membrane vitelline propre pendant le 
premier àge de ce vitellus. 


$ LL. 


Le fait du fractionnement vitellin, c’est-à-dire du morcellement 
des parties organiques qui doivent servir à constituer l'embryon, 
s’observe dans l’Écrevisse comme dans le Limnée, et sans doute 
comme dans les autres animaux. 


8 IV. 


Ce n’est pas seulement le fractionnement vitellin en lui-même 
qui parait être un fait général, la constitution des globes de seg- 
mentation semble aussi être la même dans les animaux chez les- 
quels on l’a étudiée. 

Dans l'Écrevisse, comme dans le Limnée, ces globes sont 
pourvus d’une vésicule centrale, dont la segmentation paraît pré - 
céder celle du globe lui-même (page 45, n° 35 et 39, du Mémoire 
cilé). 


S V. 


Enlin le mode de formation des cellules embryonnaires est sans 
doute-identique dans tous les animaux. J'ai étudié plus particu- 
liérement ce mode de formation dans l'Écrevisse, et j'ai vu qu'il 
se forme d’abord un noyau vésieuleux, autour duquel se polarisent 


RÉCHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. ps) 
les corpuseules plastiques où éléments granuleux de la cellule; 
plus tard, une membrane se dépose autour de ces granules, et là 
cellule ainsi formée se condense de plus en plus pour revêtir le 
caractère qui lui est propre (page 50, ne 24). J'ai tout lieu de 
croire qu'il en est de même pour la formation des cellules dans 
l'embryon du Limnée. 


W74] 


VT 


On voit que, dans la première période, les ressemblances entre 
l'œuf de l’Écrevisse et celui du Limnée sont peu nombreuses ; 
elles se réduisent : 

1° A la composition de l’œuf ovarique ; 

2° Au fractionnement vitellin ; 

* A la composition des globes de segmentation ; 

l° Et au mode de formation des cellules embryonnaires. 

Ces ressemblances sont toutes du même ordre; elles se ratta- 
chent au travail de la matière organique, qui doit préparer les 
éléments nécessaires à la formation de l'embryon. 


B. — Analogies. 


SL 


Quoique l'œuf mur de l’Écrevisse diffère beaucoup par sa com- 
position de l'œuf mür du Limnée, on peut cependant établir entre 
eux la même analogie que nous avons reconnu exister entre 
l'œuf du Limnée et celui des Vertébrés. 

L'un et l’autre, en effet, renferment une substance essentielle 
ment plastique et une substance nutritive; mais ces deux sub- 
stances se présentent dans les œufs de ces deux groupes d’ani-— 
maux sous un aspect différent, en sorte que l’analogie de compo - 
silion se réduit au fait même de l’existence de ces deux sortes de 
matière, et non à la forme qu’elles revêtent. 


SIL. 


Le phénomène de la segmentation ne s'exerce dans l’Écrevisse 


Qy LEREBOULLET. 
que sur une portion, la portion plastique, de la substance de l'œuf, 
tandis qu’elle se fait dans le Limnée sur le vitellus tout entier. 
Mais comme nous avons constaté que ce vitellus est entièrement 
composé, à cette époque, de matière plastique, il est évident qu'il 
représente à lui seul toute la partie plastique del’œaf de l'Écrevisse. 

Nous pouvons done dire qu'il existe une analogie sous le rap- 
port de la nature des parties qui sont soumises au travail du frac- 


tionnement. 
s IL. 


Le résultat du fractionnement dans l'œuf de l'Écrevisse est de 
former une membrane extérieure parfutement comparable au 
blastoderme des Vertébrés, membrane au-dessous de laquelle s’en 
dispose une seconde qui est l’analogue du feuillet muqueux. 

Nous avons dit plus haut que le germe tout entier du Limnée 
se constitue en deux parties, dont l’externe est comparable au 
blastoderme, landis que l'interne, sphérique et pleine, n’est ana- 
logue au feuillet muqueux que sous le rapport de sa destination 
future. 

Le rapprochement que nous avons fait entre l'œuf du Limnée 
et celui des Vertébrés peut done s'appliquer ici; mais ce rappro- 
chement ne constitue qu’une analogie éloignée. 


C. — Différences. 


Les ressemblances et les analogies que nous venons de signaler 
entre l'œuf du Limnée et celui de l'Écrevisse ne sont qu’en petit 
nombre, et n’ont qu’une médiocre importance. Nous allons voir 
que les différences sont, au contraire, nombreuses et caracté - 


ristiques. 


$ I. 


L'œuf mür de l'Ecrevisse renferme : 1° des vésicules grais- 
seuses abondantes ; 2° des vésicules vitellines particulières qui se 


RECHERCHES D EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 8 


multiplient dans la suite, et finissent par former un jaune consi- 
dérable ; et 3° des corpuscules plastiques mélangés à ces éléments, 
le tout flottant au milieu d’un liquide albumineux: Cet œuf à donc 
une composition beaucoup plus complexe que celui du Limnée, ce 
qui lient à la présence d'un vitellus nutritif abondant, tandis que 
le petit vitellus du Limnée est uniquement composé d'éléments 
plastiques, le reste de l'œuf étant occupé par un liquide albumi- 
neux dépourvu d'éléments nutritifs particuliers. 


$ EL. 


Dans l'Ecrevisse, les corpuscules plastiques se séparent de la 
masse de l'œuf, et s'accumulent à sa surface. Leur concentration 
vers un des pôles a pour résultat la formation de ce que j'ai 
appelé la tache blanche, qu'on peut considérer comme l’analogue 
de la cicatricule dans le Lézard et chez les Oiseaux. 

Rien de semblable ne se voit dans l'œuf du Limnée; les élé- 
ments du vitellus étant homogènes, il ne saurait être question de 
séparation; aussi ne voit-on se produire, avant la segmentation, 
aucun changement appréciable dans la disposition des parties 
conslitutives de de vitellus. 


$ IL 


La tache blanche se morcelle, c'est-à-dire se divise en petits 
fragments réguliers qui se répandent sur toute Ja surface de 
l'œuf, pour former des germes partiels que j'ai nommés sphères 
vitellines formatrices (page 45). La constitution de chacune de ces 
sphères rappelle celle du vitellus entier du Limnée avant le frac 
lionnement ; elles sont formées, en effet, d'éléments plastiques, 
au milieu desquels on voit un espace transparent dû à la présence 
d'une vésicule. 

Ce travail préliminaire de division et d'expansion de la matière 
plastique, avant la segmentation, est un phénomene particulier 
qui appartient à l'Écrevisse, et qui est très caractéristique. {1 est 
probable qu'il existe aussi dans d’autres animaux articulés, sinon 


86 | LEREROULLET, 


dans tous. Quoi qu'il en soit, chacune des sphères qui résultent de 
ce morcellement représente en réalité le vitellus tout entier du 
Limnée, et c’est sur chacune d'elles que s’exerec le travail de seg- 
mentation. 


S IV. 


La segmentation vitelline dans l'Écrevisse, c’est-à-dire le frac- 
tionnement de chacune des sphères dont il vient d'être quesuon, 
se fait par progression géométrique, comme d'ordinaire. Je n'ai 
pas vu les mouvements successifs de séparation et de concentra- 
tion des globes de fractionnement, mouvements si remarquables 
dans le Limnée. 


VF 


An 


Le résultat du fractionnement de ces germes partiels est de 
former une membrane enveloppante qui n’est pas encore le véri- 
table blastoderme, mais qui se compose des derniers globes de 
segmentation (Mém. cité, p. 46, n° 51). Ces globes se dissolvent, 
et ce travail de dissolution est suivi de lapparition de nouveaux 
corpuscules plastiques qui se réunissent en un point, et s’accu- 
mulent pour former la tache embryonnaire, tache composée des 
éléments granuleux qui vont servir à constituer les vraies cellules 
(page 47). 

Ce travail cellulaire s'achève dans le blastoderme de l’Écrevisse 
avant l’apparition d’aucun appareil embryonnaire, Au contraire, 
dans le Limnée, la formation des vraies cellules se fait beaucoup 
plus tard ; le sac digestif est déjà constitué, alors que les éléments 
du germe consistent encore dans des sphères granuleuses qui ne 
sont nullement des cellules, et qui continuent à se diviser en 
sphères plus petites. 

L'homogénéité des parties constitutives du germe persiste done 
beaucoup plus longtemps dans le Limnée que dans l’Écrevisse, ce 
qui est un caractère d'infériorité. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 87 


& VI. 


Le Limnée n’acquiert qu'une seule enveloppe membraneuse 
coinparable au feuillet séreux du blastoderme. L'Écrevisse, au 
contraire, a une seconde membrane enveloppante située sous la 
première, un véritable feuillet muqueux. 


$ VIL. 


Les cellules de la tache embryonnaire ou du feuillet séreux 
blastodermique, dans l’Écrevisse, se différencient promptement 
pour former une couche externe de cellules épidermoïdales et une 
couche de cellules embryonnaires. Cette différenciation n’a pas 
lieu dans le Limnée, et ce n’est que peu à peu et successivement 
que les vraies cellules embryonnaires se forment. Il en résulte de 
nouveau que l'œuf de l'Écrevisse à une organisation plus compli- 
quée et plus avancée, tandis que l’œuf du Limnée se fait remar- 
quér par une composition plus simple, et qui reste plus longtemps 
homogène. 


$ VHL 


Les différences que je viens de signaler se résument ainsi qu'il 

suit : 
4° Vitellus nutritif considérable, et composé d'éléments parti- 
culiers dans l’Écrevisse. 

Dans le Limnée, petit vitellus composé d'éléments plastiques ; 
absence d'éléments nutritifs particuliers ; ceux-ci remplacés par 
une grande quantité d'albumine. 

2° Séparation et concentration des corpuscules plastiques vers 
un des pôles de l’œuf dans l'Écrevisse ; formation d’une cicatri- 
cule. Point de cicatricule dans le Limnée. 

9° Dans la première, morcellement de la cicatricule | forma- 
tion de germes partiels, mulliples, répandus sur la surface de 
l'œuf; dans le second, germe simple, unique. 


88 LEREBOULLET. 

h° Fractionnement ordinaire, continu, dans l'Écrevisse; frac- 
ionnement caractérisé, dans le Limnée, par des périodes de con- 
centration et de séparation. 

5° Dans l’Écrevisse, formation des cellules blastodermiques 
avant l'apparition d'aucun système embryonnaire ; dans le Limnée, 
formation lente et successive des vraies cellules , constitution des 
premiers appareils embryonnaires à l’aide des seuls globes de 
segmentation. 

6° Deux feuillets blastodermiques dans l'Écrevisse, un seul 
feuillet dans le Limnée. 

T Différenciation des cellules du feuillet séreux dans la pre- 
mière ; persistance de l’homogénéité dans l'enveloppe blastoder- 
mique du second. 


ART. I. — Développement de l'embryon depuis son apparition 
jusqu'à la formation du cœur (deuxième période). 


A. — Ressemblances et analogies. 


ST 


Nous avons vu, dans le Limnée, la première modification de la 
matière organique qui constitue le germe avoir pour résullat la 
formation d’une fossette qui devient plus tard le sac digestif. 

C'est aussi une portion de l'appareil digestif qui est formée la 
première dans l'Écrevisse et cette portion, le tube rectal, com- 
mence aussi à s'établir par une dépression du blastoderme. 

Il y a donc ressemblance ou, si l’on veut, analogie entre les 
deux animaux sous le rapport de la direction du travail embryogé- 
nique, puisque, dans l’un et dans l’autre, ce travail a pour résul- 
tat la formation d’une portion de l'appareil d’alimentation avant 
tout autre appareil. 

On voit aussi dans ces deux animaux les cellules qui tapissent 
l'intérieur des fossettes produites s’allonger en cellules eylin- 
driques, pour constituer l'épithélium qui caractérise ces cavités. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 89 


$ IE. 


Quoique cette première ébauche du tube alimentaire soit immé- 
diatement suivie, dans l'Écrevisse comme dans le Limnée, de 
l'apparition de certaines parties qui se rattachent aux appareils de 
relalion (les appendices extérieurs dans l'Écrevisse, le pied dans 
le Limnée), cependant la direction générale du travail d'évolution 
continue à s'appliquer plus particulièrement aux organes des 
fonctions natritives. En effet, dans l'Écrevisse la succession des 
organes se fait dans l’ordre suivant : 

1° Dépression du blastoderme, fossette embryonnaire, anus et 
tube rectal. 

2° Formation du sac vitellaire aux dépens du feuillet muqueux, 
et extension de ce sac à double paroi autour du vitellus. 

3° Apparition successive des tubercules mandibulaires, des 
quatre tubereules antennaires, du labre, de la lèvre inférieure, des 
tubercules oculaires. | 

4° Formation de la bouche par dépression. 

5° Développement d’un nouveau vitellus aux dépens des élé- 
ments du sac vitellaire. 

6° Formation de la eavité stomacale par écartement des parties 
qui composent ce vitellas nouveau. 

7° Achèvement du tube alimentaire par la formation de l’æso- 
phage et par la jonction de ce tube, ainsi que du rectum, avec les 
orifices déjà formés. 

8° Apparition du système nerveux, et, quelque temps après, du 
cœur. 

Dans le Limnée, les organes se succèdent de la manière sui- 
vante : 

1° Dépression du vitellus, fossette embryonnaire, {ransforma- 
tion de cette fossette en sac digestif. 

2% Formation d’une lamelle de substance animale sons-gas- 
trique d’où sorlira le pied. 

5° Rotation de l'embryon. 


90 LEREBOULLET. 

h° Apparition du vitellus nutritif par la différenciation des 
sphères périgastriques. 

5° Dépression anale, formation du rectum, achèvement du 
tube digestif. 

G° Formation du manteau et de la coquille. 

7° Enroulement de l’embryon sur son axe. 

8° Formation de la cavité respiratoire, 

9 Tentacules oculaires, veux, cœur, capsules auditives, .cel- 
lules nerveuses. 

J'ai dù reproduire l’ordre de succession des parties dans les 
deux animaux que je compare en ce moment, pour faire voir que, 
dans tous les deux, les premières périodes de la vie embryon- 
naire ont plus particulièrement pour objet la formation des appa- 
reils de nutrition; l’ébauche du tube digestif avant tout autre 
appareil, comparée à la production tardive du système nerveux, 
suffit pour mettre celte vérité hors de toute contestation. 


$ III. 


Nous trouvons un rapprochement curieux à faire entre le 
Limnée et l'Écrevisse, sous le rapport de la disposition symétrique 
de certaines parties du corps. 

L'Écrevisse appartenant à un groupe d’animaux essentielle- 
ment symétriques, il n'est pas étonnant de voir les premiers or- 
 ganes appendiculaires se montrer par paires dès leur origine. 

Le Limnée appartient à un groupe d'animaux différents, qui 
n’offrent de véritable symétrie bilatérale que dans les parties an- 
térieures du corps. Il est intéressant de voir le pied, le vitellus, la 
langue, se composer dans l’origine de pièces disposées symétri- 
quement, comme aussi de constater la rectitude primitive du tube 
digestif, la position médiane du cœur, et plus tard la disposition 
symétrique des masses musculaires de l'estomac. 

Ces analogies montrent que ces deux animaux, si différents l’un 
de l’autre, offrent, dans les premiers temps de leur développe- 
ment, des points de contact assez nombreux, quoique chacun 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE, 9 


d'eux présente déjà, à ces époques encore peu avancées, des carac- 
tères distinetifs incontestables. 


& IV. 


Une ressemblance réelle entre l'Écrevisse et le Limnée consiste 
dans la position relative des parties. : 

Dans l'Écrevisse comme dans le Limnée, la partie de l'embryon 
qui donnera naissance aux organes de relation, c’est-à-dire la par- 
tie animale, occupe la région inférieure; le vitellus au contraire, 
ou la partie végétative de l'embryon, occupe sa région dorsale, et 
se trouve directement opposée à la précédente. C’est aussi du côté 
du dos que se trouve le cœur dans les deux animaux. 

Cette position relative des deux portions embryonnaires se 
caractérise, dans l’Écrevisse comme dans le Limnée, immédiate- 
ment après la formation de la première portion de l’appareil diges- 
tif, c’est-à-dire après la formation du rectum dans l’Écrevisse, et 
après celle du sac digestif dans le Limnée. En sorte que l’un et 
l’autre animal se séparent du type des Vertébrés, dès les premières 
époques de la vie embryonnaire, par une direction toute diffé- 

“rente du travail embryogénique. 


$ V. 


Dans l'Écrevisse et dans le Limnée, le tube digestif se forme 

. successivement et non tout d’une pièce, comme dans les Vertébrés. 

Le rectum et l'anus d’abord, dans l’Écrevisse, puis la bouche 

et l’æsophage, et en troisième lieu l'estomac ; dans le Limnée, le 
sac digeslüif d'abord, puis l’anus et le rectum. 


& VI. 


Les rapports du vitellus et du tube alimentaire sont à peu près 
les mêmes dans les deux animaux, en ce sens que le vitellus 
entoure ce tube plus ou moins complétement et ne forme pas, 
comme dans les Vertébrés, un sac distinet du canal digestif et sus- 
pendu à ce canal par un pédicule. 


99 LEREROULLET. 


B. — Différences. 


8 I. 


Quoique le Limnée et l’Ecrevisse aient cela de commun, que, 
chez les deux, le travail de formation embryonnaire commence 
“par le tube digestif, cependant ils différent l’un de l’autre par plu- 
sieurs circonstances importantes. 

1°. Dans l'Écrevisse, le travail n’intéresse d’abord qu’une partie 
de l'œuf, ie blastoderme proprement dit ; dans le Limnée, au con- 
traire, le germe tout entier prend part à ce travail, différence qui 
lient à ce que, dans le Limnée, le germe tout entier, comme nous 
l'avons vu, ne représente que le blastoderme ou la partie plastique 
du germe de l'Écrevisse. 

2. La première partie formée, dans l’Écrevisse, est le rectum, 
et, par suite, l'anus. Dans le Limnée, c’est le sac digestif qui appa- 
rail le premier, et, par suite, la bouche. 

3". Le moûe de formation de ces parties n'est pas non plus le 
même : 

Dans l’Écrevisse, il se produit d'abord une dépression de la- 
tache embryonnaire ; puis le fond de la fossette qui en résulte se 
soulève, la partie soulevée se déprime suivant sa longueur, et 
la gouttière ainsi produile se ferme et se transforme en tube 
reclal. 

Dans le Limnée, il se forme une dépression dela masse entière 
du germe, puis les bords de la fossette embryonnaire s’enroulent 
et transforment celle fossette en sac. 


$ IL. 


Nous ævons vu que le germe du Limnée n’a pas de feuillet 
qu'on puisse comparer au feuillet muqueux; c'est la masse em- 
bryonnaire intérieure qui en tient lieu. 

Daos l'Écrevisse il existe un véritable feuillet muqueux situé au- 
dessous du feuillet blastodermique. Ce feuillet muqueux est d’abord 
un sac; mais bientôt les deux lames opposées de ce sac se rap- 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 93 


prochent l’une de l’autre comme les deux lames d’une membrane 
séreuse, et la double membrane qui en résulte s'applique contre le 
vitellus primitif et s’étend autour de lui de manière à l'envelopper 
complétement. Des cellules vitellines nouvelles se développent 
entre les deux lames enveloppantes et les écartent l’une de l’autre ; 
le vitellus primitif se réduit de plus en plus, et finit par disparaitre 
pour être remplacé par le nouveau vitellas qui s’est formé entre 
les deux lames du sac muqueux. 

Cette transformation du feuillet maqueux en sac vitellaire, et la 
disparition du vitellus primitif qui se trouve remplacé par un vitel- 
lus de nouvelle formation, sont des faits particuliers qui ne s’ob- 
servent pas dans le Limnée. 


$ IL. 


Dans l’Écrevisse, l’estomae, le tube intestinal et une portion de 
l’æsophage sont des formations lacunaires qui se produisent par 
écartement des éléments dont le vitellus nouveau se compose. Ces 
cavités se creusent longtemps après les dépressions qui ont pour 
résultat la formation du rectum et de la bouche, etla communiea- 
tion s'établit entre ces diverses parties pour en former un (out 
continu. 

Nous avons vu qu'il n'existe pas de formation lacunaire dans le 
Limnée, puisque l'estomac résulte directement de la transformation 
de la fossette primitive en sac. 

En d’autres termes, dans l'Écrevisse, la formation du canal ali- 
mentaire résulte de deux genres d’opératious : la dépression cuta-. 
née et l’écartement des parties constituantes, pour la formation de 
lacunes ; tandis que, dans le Limnée, le tube alimentaire provient 
simplement de dépressions et de modifications particulières que 
subissent les parties déprimées. 


$ IV. 


Je rappellerai comme différence essentielle , que le germe du 
Limnée est privé d’abord de vitellus nutritif proprement dit et que 
ce dernier ne se forme que plus tard. L'œuf de l’Ecrevisse, au 


94 LEREBOULLET. 
contraire, renferme un vitellus considérable, chargé de principes 
nutritifs. 


SV. 

Le mouvement de rotation du germe au milieu de l’albumine 
qui remplit la coque est un phénomène qu'on n’observe pas dans 
l'Écrevisse, et qui est sans doute particulier au groupe d'animaux 
dont le Limnée fait partie. 


Lai À 2 


Dans le Limnée, la première partie du corps produite après la 
formation du sac digestif est le pied, appendice locomoteur simple, 
quoique formé de deux moiliés symétriques. 

Dans l'Écrevisse, les premiers appendices qui suivent l’appari- 
tion du tube rectal sont à la vérité des pièces qui appartiennent 
à la bouche, mais les appendices locomoteurs, qui viennent un peu 
plus tard, naissent de la même manière; ils sont multiples, 
binaires, se produisent successivement et se ressemblent tous à 
leur origine, caractères particuliers aux animaux annelés. 

Ces deux modes si différents d’appendices locomoteurs caracté- 
risent, dès les premières époques de la formation embryonnaire, 
les deux groupes d'animaux auxquels appartiennent l’Écrevisse et 
le Limnée. 


$ VIL. 


L'Écrevisse n’a rien qui puisse être comparé à un manteau ou 
à une coquille. Le test d’un Crustacé ou d’un autre articulé dif- 
fère, en effet, d’une coquille de Mollusque par son origine et son 
mode de développement. Le test est formé par des cellules épider- 
moïdales qui se soudent de bonne heure les unes aux autres et se 
chargent de matière cornée ou calcaire. La coquille, au contraire, 
est un simple produit d’exsudation ; elle commence par une lamelle 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 95 
membraneuse très mince, formée d’une seule pièce, et ne résulte 
pas de cellules qui se seraient soudées. 

Le test recouvre et enveloppe toutes les parties du corps, comme 
la peau, et tout le monde sait qu’il n’est, en réalité, qu’un épi- 
derme modifié. La coquille, au contraire, se produit dans un lieu 
d'élection déterminé et circonscrit par le bourrelet palléal; elle 
suit le manteau dans son développement, et s’accroit par couches 
qui s'ajoutent successivement aux couches déjà existantes. 

Le test résulte d’une modification de toutes les cellules épider- 
moïdales ; la coquille est un produit de sécrétion d’une partie de 
ces cellules. 


$ VIIL. 


Si rien dans l'Écrevisse ne peut être comparé au manteau et à 
la coquille du Limnée, de son côté l'embryon de ce dernier 
n'offre jamais, à aucune époque de son développement, les appen- 
dices pairs, symétriques, qui se répètent successivement d'avant 
en arrière dans l’Écrevisse, et jamais non plus l'embryon du 
Limnée ne se divise transversalement en parties homologues, en 
zooniles. 


à EX: 


Dans son développement ultérieur, l'embryon de l’Écrevisse 
conserve la forme rectiligne, et offre dans toutes ses parties la 
symétrie bilatérale la mieux caractérisée. 

Il n'en est pas de même de l’embryon du Limnée. Celui-ci, 
d'abord rectiligne et symétrique dans ses principaux organes, 
s’enroule sur lui-même et prend une forme spirale caractéristique. 

Les deux embryons, qui avaient entre. eux plusieurs points de 
contact dans les premiers temps de leur existence, s’écartent de 
plus en plus l’un de l'autre à mesure qu'ils avancent dans leur 
développement, pour revêtir chacun les caractères du type auquel 
il appartient. 


96 LEREBOULLET. 


Cn 


X. 


Enlin nous signalerons comme une différence moins générale 
que les précédentes le mode de formation de l’appareil respira- 
Loire, qui, chez le Limnée, consiste dans une cavité dépendante du 
manteau, tandis que, dans l'Écrevisse, cet appareil se compose 
d’appendices extérieurs qui dépendent des organes de la locomo- 
tion. 


Aur. HE. — Développement de l'embryon depuis l'apparition du cœur 
jusqu'à l’éclosion (/roisième période). 


A. — Ressemblances. 


La plupart des grands caractères qui se rattachent à la forma- 
tion de l'embryon appartenant à la période précédente, il ne reste 
qu'un pell nombre de comparaisons à établir dans celle qui 
s’élend depuis la formation du cœur jusqu’à léclosion. 


Dal 


C'est au commencement de cette troisième période que se 
montre le système nerveux, dans l’Écrevisse comme dans le Lin - 
née. Dans l’une comme dans l'autre, les premières traces de ce 
système n'apparaissent que lorsque l'appareil digestif est consti- 
tué, du moins dans ce qu'il a d’essentiel, et lorsque les organes 
locomoteurs, ainsi que les appareils sensitifs, se sont montrés 
chacun à la place qu'ils doivent occuper. 

L'apparition {ardive du système nerveux est donc un caraëtère 
commun aux deux animaux dont il est question, caractère d’une 
grande importance, et applicable, très probablement, à tous les ani- 
maux sans vertèbres. 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 97 


SIL. 


Tandis que dans les Vertébrés l’axe nerveux se montre dès son 
apparition sous la forme qu'il doit affecter plus tard, dans l'Écre- 
visse et dans le Limnée au contraire, les centres nerveux n’appa- 
raissent que successivement et ne prennent que peu à peu leur 
forme définitive. 

C’est ainsi que nous avons vu, dans le Limnée, les ganglions 
cérébroïdes être précédés par des amas de corps celluleux. Dans 
l’Écrevisse, les ganglions apparaissent successivement et leur 
production coïncide avec la formation de nouveaux anneaux. 

Cette différence entre les Vertébrés et les Invertébrés sous le 
rapport de la production des centres nerveux, tient au mode de for- 
malion des principaux organes. Dans les premiers le moule des 
appareils de relation existe dès le principe, dans les seconds, au 
contraire, ces appareils ne se produisent que d’une manière suc- 
cessive. 

Ainsi la ressemblance que nous signalons entre le Limnée et 
l'Écrevisse, quant au mode de formation de leur système nerveux, 
est elle-même liée à une autre ressemblance, celle qui a trait à la 
succession des organes dans leur apparition. 


8 III. 


Nous signalons aussi comme rapprochement à faire entre le 
Limnée et l’Écrevisse certaines formations symétriques, non-seu- 
lement des parties extérieures (pied, tentacules, oreilles), mais 
aussi de quelques parties intérieures, telles que le foie, les muscles 
de l’estomac, l’appareil corné de la langue. 


8 IV. 
Enfin le foie, dans l’Écrevisse comme dans le Limnée, ne me 


semble pas dériver de l'intestin ; il me parait formé par une trans- 
4° série. Zooz. T. XIX. (Cahier n° 2,) 5 T 


98 LEREBOULLET 


formation particulière des éléments du vitellus. J’ai constaté la 
vérité de ce fait pour le Limnée ; je ne pourrais l’affirmer aussi 
positivement pour l’Écrevisse, cependant tout me porte à croire 
que chez ce dernier animal le foie dérive aussi du vitellus. 


B. — Différences. 


S I. 


Une première différence importante qui sépare nettement l’em- 
bryon du Limnée de celui de l’Écrevisse consiste dans la disposi- 
tion qu’affecte le système nerveux, dès son apparition. Dans 
l'Écrevisse, il tend à former, dès le principe, une double chaîne 
ganglionnaire occupant la ligne médiane inférieure du corps, 
indépendamment des ganglions cérébroïdes et des cordons de com- 
munication formant le collier æsophagien. Dans le Limnée, le 
système nerveux primitif ne se compose que de ce collier avec les 
renflements sus et sous-æsophagiens qui le constituent. 

Cette différence de premier ordre se rattache à celle dont nous 
allons parler et qui est relative à la constitution même de l’embryon. 


SIL 


L'embryon de l’Écrevisse est formé, dans sa partie animale du 
moins, de pièces homologues, c’est-à-dire semblables entre elles à 
leur origine, pièces qui ne naissent pas toutes ensemble, mais qui 
se produisent successivement et se disposent à la suite les unes des 
autres. 

L'embryon du Limnée n'offre rien de semblable; il ne se com- 
pose pas de parties homologues, de zoonites, il forme à lui seul un 
tout simple; l’Écrevisse au contraire forme, en réalité, un tout 
composé. 

Voilà pourquoi le système nerveux du Limnée est simple, tan- 
dis que celui de l’Écrevisse est multiple. 

Les rapports étroits qui existent entre les centres nerveux et les 
parties que ces centres sont chargés d’innerver expliquent la mul- 


RECHERCHES D'EMBRYOLOGIE COMPARÉE. 49 
tiplicité de ces derniers dans les animaux composés de pièces 
homologues. Chacun des anneaux du corps doit être primitivement, 
et se trouve en effet, dans les annelés inférieurs, muni d’une paire 
de ces centres d’innervation ; l’anneau céphalique seul est muni 
d'une double paire de ces centres, l’une inférieure, l’autre supé- 
rieure, parce que cette dernière est destinée aux organes des sens, 
qui occupent les parties supérieures du corps. 

Le Limnée ayant le corps simple et ne constituant, s’il est per- 
mis de s'exprimer ainsi, qu’une seule zoonite, ne possède primiti- 
vement que les deux paires de ganglions &e l’anneau céphalique 
de l’Écrevisse. L'absence de pièces homologues en disposition 
sériale entraine l’absence de ganglions disposés en série linéaire. 


$ IX. 


Les deux grandes différences dont nous venons de parler con- 
cernent le système nerveux et la forme générale du corps. D'autres 
différences se remarquent dans les parties intérieures, c’est-à-dire 
dans les organes de la nutrition. 

Nous avons déjà dit que chez l'Écrevisse l’estomac, l'intestin et 
la portion cardiaque de l’œsophage se forment par lacunes, c’est- 
à-dire par un simple écartement des éléments vitellaires, tandis 
que le Limnée présente un mode tout différent de formation des 
mêmes parlies. 

Les pièces solides ou membraneuses qui, dans l'Écrevisse, 
constituent les parois de l'estomac et de l'intestin, se produisent 
après la formation de ces cavités, puis ces parois se rapprochent 
et se soudent dans la région du dos, mais de manière à laisser 
subsister, une fente dorsale par laquelle pénètre une portion du 
vitellus. 

Dans le Limnée il n'existe jamais de fente stomacale ou intesti- 
nale et par conséquent il n’y à aucune communication directe entre 
les cellules vitellines et la cavité digestive. 


100 LEREBOULLET. 


$ IV. 


Le tube intestinal conserve sa position rectiligne dans l'Écre- 
visse, tandis que dans le Limnée il 5e replie sur lui-même, s’al- 
longe et s’enroule autour du foie, différence qui est liée à Ja forme 
générale du corps chez ce dernier animal. 


8 V. 


Dans l’Écrevisse le foie existe simultanément avec le vitellus et 
indépendamment de ce dernier. Celui-ei est peu à peu résorbé, à 
mesure que ses parties constitutives ont servi à l’accroissement de 
l'embryon. 

Dans le Limnée le foie résulte d’une transformation des élé- 
ments vitellins ; quand la glande biliaire est constituée, il ne reste 
plus qu'une très petile portion de substance vitelline qui disparaît 
bientôt. On peut donc dire que le foie a remplacé le vitellus, pour 
servir à d'autres usages que ce dernicr. 


RECHERCHES EXPÉRIMENTALES 


SUR 


LES NERFS VASCULAIRES ET CALORIFIQUES 
DU GRAND SYMPATHIQUE, 


Par M. Claude BERNARD. 


Dans ma première communication (1), j'ai rappelé que Pourfour du Petit 
avait le premier fait connaître l'influence de la section du filet cervical du 
grand sympathique sur l'œil. Cet auteur signala comme effets de cette para- 
lysie, le resserrement de la pupille, le rapetissement de l’œil et la rougeur 
de la conjonctive. Mais dans les expériences qui furent faites ultérieure- 
ment, presque tous les physiologistes négligèrent d'étudier les phénomènes 
produits sur l’ensemble de l’œil pour ne considérer que les modifications 
de la pupille, qu’on regarda comme le symptôme en quelque sorte essen- 
tiel et caractéristique de la section du sympathique cervical. 

En 1845, M. Biffi (de Milan) ajouta un fait nouveau, en apprenant que, 
Jorsque la pupille a été rétrécie par suite de la paralysie du grand sympa- 
thique cervical, on peut reproduire sa dilatation en appliquant le galva- 
nisme sur le bout supérieur du nerf divisé. 

En 1851, MM. Budge et Waller désignèrent la portion de la moelle 
épinière d’où naissent les nerfs ciliaires, sous le nom de région cihio- 
spinale de la moelle. 

En 1852, j’attirai particulièrement l’attention des physiologistes sur la 
complexité des phénomènes qui résultent de la section du grand sympa- 
thique dans la portion moyenne du cou, et je montrai qu'il fallait ranger 
au nombre des résultals spéciaux de cette opération : 

1° Une augmentation de chaleur et de vascularisation du côté corres- 
pondant de la tête avec augmentation de la sensibilité des parties ; 

2° Un rétrécissement de la pupille ; 

3° Une rétraction du globe oculaire dans le fond de l'orbite avec saillie 
de la troisième paupière au-devant de l’œil ; 

h° Un aplatissement de la cornée et une diminution consécutive du 
globe de l'œil. 


(1) Voy.t. XVIII, p. 359. 


102 CLAUDE BERNARD. 


Je fis voir en outre (1) que, quand on galvanise le bout supérieur du 
nerf cervical sympathique coupé, on ne produit pas seulement une dilala - 
tion de la pupille, mais encore un élargissement de l'ouverture palpébraie 
et une projection de l'œil en avant ou exophthalmie. Cette (endance à la 
dilatation palpébrale et à l’exophthalmie est si forte, que ces phénomènes 
se produisent même chez un animal dans l'œil duquel on a versé une 
goutte d’ammoniaque, et qui tient ses paupières fermées et fortement con- 
tractées par la douleur. Il faut encore ajouter que, par cette galvanisation 
du bout céphalique du sympathique, on obtient une diminution ou une 
abolition de la sensibilité en même temps que Île rétrécissement des vais- 
SEAUx. 

Sans entrer dans l'explication de tous ces phénomènes, ce qui sera l’ob- 
jet d’études ultérieures, je veux seulement établir aujourd’hui que dans 
les résultats mixtes et complexes de la section du sympathique cervical, il 
faut distinguer deux ordres de symptômes : 1° les symptômes vasculaires et 
calorifiques tenant à une modification des vaisseaux qui se produit, sous 
l'influence de nerfs sympathiques de même nature, dans toutes les parties 
du corps; 2° les symptômes que j'appelle oculo-pupillaires, parce qu'ils 
sont spéciaux à l’œil et à la pupille, et parce qu'ils sont produits par des 
nerfs distincts des premiers. D’après mes précédentes communications, cette 
distinction pouvait déjà se prévoir. Je vais dire actuellement comment 
j'en ai donné la démonstration expérimentale. 

J’ai d’abord cherché à limiter exactement l’origine des nerfs oculo-pupil- 
laires à la moelle épinière, et, après un très grand nombre d’expériences 
instituées spécialement dans ce but, je suis arrivé à trouver que chez 
le chien (2) ce sont les racines antérieures des deux premières paires dor- 
sales qui fournissent spécialement ces nerfs; rarement la troisième paire 
dorsale y participe. 

Quand on coupe dans le canal vertébral les deux premières paires rachi- 
diennes dorsales, on obtient non-seulement le resserrement de la pupille, 
mais encore tout l’ensemble des phénomènes que j’ai signalés du côté de 
l’œil à la suite de la section du sympathique dans le cou . Par conséquent, 


(1) Comptes rendus de l’Acad. des sciences, t, XXXVI, p. 375 ; Société de 
biologie, 4852, t. IV, 1"° série, p. 155 et 168, C. R. 

(2) je n'affirmerais pas qu'il en soit exactement de même chez tous les ani- 
maux ; mais cela importe peu pour la distinction que nous voulons établir, comme 
on le verra plus loin, quand nous parlerons de la différence des mouvements 
réflexesdans les nerfs vasculaires et dans les nerfs oculo-pupillaires, 


RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 103 


cette région de la moelle ne donne pas naissance seulement aux nerfs 
ziliaires, et, au lieu de l’appeler région cilio-spinale, il serait plus exact 
le la nommer région oculo-spinale. Quand ensuite on galvanise (L) le bout 
périphérique coupé de l’une ou l’autre des deux premières racines dor- 
sales, on obtient du côté de l'œil exactement les phénomènes que produit 
la galvanisation du bout céphalique du sympathique après sa section dans 
la portion cervicale, à savoir la dilatation de la pupille, l'élargissement de 
l'ouverture palpébrale et une exophthalmie considérable. J'ai cherché, par 
des expériences très multipliées et très variées, à déterminer si l’une des 
racines dorsales était plus spécialement destinée à la pupille, tandis que 
l'autre porterait plus particulièrement son influence sur les paupières et le 
globe de l’œil. J’avais cru voir d’abord que la deuxième paire dorsale était 
plus active sur la pupille ; mais d’autres recherches m’ont amené à conclure 
qu'il n’y a pas de différence évidente à établir sous ce rapport entre les 
racines, et qu’elles paraissaient agir toutes deux de même pour produire 
l'ensemble des phénomènes oculo-pupillaires. 

J’ai observé un autre fait singulier. Il arrive fréquemment (et cela m'a 
paru se montrer plus ordinairement chez les Chiens les plus affaiblis par 
lopération) que la section d’une seule racine rachidienne ne détermine 
aucune modification du côlé de l'œil; il faut que la section des deux 
racines ait été opérée pour que les phénomènes soient manifestes. 

Mais ce qu’il importe de dire après tout ce qui précède, c’est que la sec- 
tion des deux premières racines rachidiennes dorsales donne lieu aux phé- 
nomènes oculo-pupillaires sans amener dans la tête les effets vasculaires 
et calorifiques. La condition essentielle de l’expérience est de n’opérer la 
division que des deux premières paires dorsales, et de la faire sans blesser 
la moelle ni le premier ganglion thoracique. Si parfois il arrive quelques 
phénomènes calorifiques, ils ne sont que passagers et pourraient être con- 
sidérés comme des résultats d'actions réflexes. Sur plusieurs Chiens j'ai 


(1) 11 faut employer un courant assez fort pour obtenir ces effets, comme cela 
a lieu dureste lorsqu'on galvanise le sympathique dans le cou. Quand on em- 
ploie l'appareil dont se sert M. du Bois-Reymond, qui permet degraduer com- 
parativement l'intensité du courant, on voit qu'avec un courant appliqué aux 
racines et capable de faire contracter les muscles de l'épaule, on n'obtient encore 
rien du côté de l’œil ; il faut augmenter beaucoup l'intensité de l'excitant élec- 
trique pour agir sur les nerfs oculo-pupillaires. Cette expérience prouve claire- 
ment ce que j'ai établi depuis longtemps par d'autres exemples, à savoir que les 
nerfs moteurs sympathiques sont beaucoup plus difficiles à exciter directement 
que les nerfs moteursordinaires, ce qui n’a plus lieu quand il s’agit de provoquer 
des resserrements réflexes dans ces mêmes nerfs. 


410% CLAUDE BERNARD, 


pratiqué, par la méthode sous-cutanée, la section des racines première et 
seconde dorsales, à la sortie du trou de conjugaison : l'expérience est très 
délicate, parce qu’il faut agir dans un espace très restreint sans toucher ni 
à la moelle ni au sympathique ; cependant, sur deux Chiens chez lesquels 
l'expérience a réussi et qui ont survécu, il s’est montré au moment de 
l'opération une légère calorification qui avait disparu le lendemain, et j’ai 
pu conserver les animaux pendant plusieurs semaines avec une égalité de 
température et de vascularisation dans les deux côtés de la tête, tandis que 
les phénomènes oculo-pupillaires étaient très évidents du côté où les 
deux premières racines avaient été coupées. L’autopsie fut faite avec grand 
soin, et j’ai conservé les pièces qui montrent qu’il n’y a pas eu d’épanche- 
ment dans la moelle, et que la section des deux premières paires rachi- 
diennes dorsales a été opérée sans lésion du premier ganglion thoracique 
ni de ses filets. 

Pour qu’il soit complétement démontré que les nerfs oculo-pupillaires 
sont distincts des nerfs vasculaires et calorifiques, il ne suffit pas d’avoir 
obtenu les phénomènes oculo-pupillaires séparés des effets vasculaires et 
calorifiques. Mais il faut encore réaliser la condition inverse et prouver 
qu'on peut produire la vascularisation et la calorification de la tête sans 
accompagnement de phénomènes oculo-pupillaires. On atteint facilement 
ce résultat en divisant le filet ascendant du sympathique thoracique sur le 
côté de la colonne vertébrale, entre la deuxième et la troisième côte. 

Sur un Chien jeune et de race terrier, de taille moyenne et en diges- 
tion, j'ai, à l’aide d’un crochet piquantet tranchant, coupé par la méthode 
sous-cutanée le filet ascendant du sympathique thoracique entre la deuxième 
et la troisième côte du côté droit, en me dirigeant, comme point de repère, 
sur le bord supérieur de la troisième côte. 

Après l’opération, on ne constata aucune modification dans la pupille ni 
dans l’œil du côté correspondant à la section du sympathique ; mais 
quelques instants après, une élévation considérable de température avait 
lieu du côté droit et se percevait très bien à la main. Le lendemain, le 
Chien, qui avait très bien supporté l’opération, mais qui n'avait pas 
mangé, présentait toujours les mêmes phénomènes, c’est-à-dire vasculari- 
sation et calorification considérables de l’oreille et de tout le côté droit de 
la tête, sans aucune modification oculo-pupillaire ; la jupille avait les 
mêmes dimensions des deux côtés et l'œil les mêmes apparences. La tem- 
pérature des deux oreilles, observée au thermomètre, donna les résultats 
suivants : 


Oreille gauche (côté sain). . . . . 34°,1 
Oreille droite (côté opéré). . . . .  38°,2 


RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 105 


Le surlendemain, l’animal, qui était vivant et qui avait bien mangé, 
présentait toujours une absence complète de phénomènes oculo-pupillaires 
coïncidant à droite avec une vascularisation et une calorification consi- 
dérables de la tête. Au thermomètre on avait : 


Oreille gauche (côté sain). . . . . 32°, 
Oreille droite (côté opéré). . . . . 389,0 


L'animal fut conservé encore un certain nombre de jours, mais les 
phénomènes diminuèrent. A l’autopsie, on constata que le filet ascendant 
sympathique avait été coupé complétement au-dessus du filet de communi- 
cation de la troisième paire dorsale. Les deux bouts du filet sympathique 
divisé étaient cicatrisés et une intumescence nerveuse s’était produite sur 
Ja cicatrice du bout inférieur. 

Comme on le voit par les expériences qui précèdent, on peut distinguer 
chez le Chien, même topographiquement, les nerfs oculo-pupillaires des 
nerfs vasculaires calorifiques. Mais ce n’est point là une distinction abso- 
lument essentielle, parce que les nerfs peuvent présenter des intrications 
et des connexions variables ou encore inconnues chez les divers animaux et 
quelquefois même chez les individus de la même espèce. Ce qu’il importe 
surtout d'établir, ce sont lesdistinctions fondées sur les propriétés physio- 
logiques, et nous allons voir que les nerfs oculo-pupillaires et les nerfs 
vasculaires ont des propriétés réflexes tout à fait différentes. 

Les actions réflexes qui se traduisent par des mouvements de l’œil ou 
de la pupille peuvent avoir pour point de départ toute la surface périphé- 
rique du système nerveux sensitif extérieur ou inférieur. Quand on pince 
un nerf sensitif d’une région quelconque du corps, depuis un rameau du 
nerf sciatique jusqu’à une branche du trijumeau, il y a, au moment même 
où la douleur se produit, un mouvement réflexe sur les deux yeux à la 
fois, qui se traduit par un agrandissement subit de l’ouverture des pau- 
pières et par une dilatation de la pupille. Rien n’est plus facile que de 
comprendre le mécanisme de ce mouvement réflexe des yeux. Il est clair 
que, quel que soit le point du corps d’où parte l’excitation sensitive, il fau- 
dra qu’elle arrive par la moelle épinière aux nerfs oculo-pupillaires qui 
naissent des premières paires dorsales. C’est en effet ce qui a lieu, et quand 
on a coupé les première, deuxième et quelquefois troisième paires rachi- 
diennes dorsales, il n’y a plus aucun mouvement réflexe dans la pupille 
de l’œil correspondant. Mais si une seule racine oculo-pupillaire reste, 
elle suffit pour transmettre encore les mouvements réflexes à la pupille. 
Quand les nerfs oculo-pupillaires rachidiens sont extraits des deux côtés, 


106 CLAUDE BERNARD, 


l'excitation réflexe agit sur les deux yeux à la fois sans qu’on puisse saisir 
d'intervalle qui sépare leurs actions réflexes l’une de l’autre, suivant 
qu’on pince: un nerf sensitif à droite ou à gauche. Quand les nerfs oculo- 
pupillaires n'existent plus que d’un seul côté, les actions réflexes ne se 
traduisent que sur l’œil du côté normal, quel que soit également le point 
du corps excité ; ce qui prouve très nettement que les actions réflexes sur 
les yeux sont générales et croisées. Enfin, quand les nerfs oculo-pupillaires 
ont été coupés des deux côtés, l'excitation des nerfs sensitifs rachidiens ne 
se transmet plus du tout aux yeux ni aux pupilles; cependant les pupilles 
rétrécies peuvent encore être le siége de mouvements réflexes très restreints 
et seulement susceptibles d’être provoqués par des influences lumineuses. 

Les actions réflexes qui se traduisent sur les nerfs vaso-moteurs sont 
caractérisées par un rétrécissement passager des vaisseaux qui est suivi 
(chose singulière !) de leur dilatation avec accompagnement de phéno- 
mènes calorifiques ; ces effets réflexes vasculaires ont une autre physiono- 
mie que les mouvements réflexes oculo-pupillaires. D'abord les actions 
réflexes vasculaires ne sont pas croisées. En effet, quand on pince l’oreille 
d’un animal ou mieux quand on excite même légèrement le tronc des nerfs 
auriculaires du plexus cervical mis à découvert, on voit que l'oreille du 
même côté, après avoir offert un resserrement brusque de ses vaisseaux, 
devient extrêmement chaude et vascularisée, tandis que celle du côté op- 
posé reste sensiblement dans le même état de vaseularisation et de calorifi- 
calion (1). Quand on coupe simplement le nerf auriculaire, la même chose 
a lieu; l’excitation produite par la section nerveuse réagit plus énergique- 
ment sur les nerfs vasculaires de l'oreille où se rend le nerf sensitif, et 
produit dans cette partie une vascularisation et une calorification réflexes 
considérables qui peuvent durer parfois un certain nombre: d’heures. 
Quelques physiologistes se sont trompés à cet égard et ont pris ces phéno- 
mènes calorifiques réflexes de l'oreille pour les effets directs dus à la 
section de filets vaso-moteurs qui se seraient trouvés dans les nerfs auri- 
culaires. C’est là une erreur qu’il est très facile de rendre évidente. 
D'abord cette calorification réflexe, qui résulte de la section du tronc des 
nerfs auriculaires, est passagère et elle a toujours disparu au plus tard 


(1) IL faut pour cela avoir soin que l'animal ne s'agite pas ou ne s’agite que 
très peu, car, quand il se produit des mouvements généraux très violents, ou 
quand on pend l’animal par les pattes la tête en bas, il se produit des troubles 
généraux de la circulation qui n’ont rien de commun avec les actions réflexes 
locales que nous étudions. 


RECHERCHES SUR LE GRAND SYMPATHIQUE. 107 


au bout de vingt-quatre heures, tandis que la calorification directe qui 
résulte de la section d’un nerf vaso-moteur dure d’une manière indéfinie. 
Ensuite, quand on galvanise le bout périphérique du tronc des nerfs auri- 
culaires coupés, dans le moment où l'oreille est le plus vascularisée, on 
ne voit pas du tout l’oreille pälir ni les vaisseaux se vider comme cela 
arrive quand on galvanise le bout supérieur du grand sympathique. 

Dans tous les cas, s’il pouvait se rencontrer quelques filets vaso-moteurs 
dans le nerf auriculaire, ce que je n’ai jamais vu chez le Chien nile Lapin, 
il serait facile d'expliquer leur présence par les anastomoses que le nerf 
auriculaire présente avec le ganglion cervical supérieur, et l’on éviterait 
toute cause d’erreur en galvanisant, comme je lai fait, le hout périphé- 
rique des racines qui concourent à la formation du nerf auriculaire. J’in- 
siste sur tous ces détails, parce que je suis convaincu que la plus grande 
partie des erreurs qui se sont introduites dans l’histoire des nerfs vascu- 
laires et calorifiques du grand sympathique sont dues à la confusion que 
l'on a faite entre les phénomènes vasculaires directs et les phénomènes 
vasculaires réflexes. 

En résumé, les nerfs vasculaires et les nerfs oculo-pupillaires ne se 
comportent pas de même, puisque l’excitation légère d’un nerf auriculaire 
ne produit de vascularisation que du côté correspondant, tandis que cette 
même excitation amène des mouvements réflexes dans les deux yeux à la 
fois. Les actions vasculaires réflexes ne paraissent donc pas s’opérer d’une 
manière croisée, et en outre elles sont bornées etne s’étendent pas au delà 
d’une certaine circonscription déterminée, ce qui est encore un autre con- 
traste frappant avec les actions oculo-pupillaires, qui sont au contraire 
très générales, De ces différences entre les actions réflexes oculo-pupillaires 
et les actions réflexes vasculaires pourrait-on induire que les unes, celles 
qui sont générales, ont leur centre de réflexion dans la moelle, tandis que 
les autres, celles qui sont locales et plus circonscrites, ont leur centre de 
réflexion dansles ganglions sympathiques ? C’est un point qui ne peut être 
décidé que par de nouvelles recherches. Mais la seule conclusion que je 
veuille tirer de ce travail en la rapprochant de mes précédentes communi- 
cations, c’est que la distinction des nerfs vasculaires et calorifiques se pour- 
suit partout dans l’organisme. Ges faits me semblent démontrer qu’il s’agit 
réellement là d’un système de nerfs spéciaux dont il faudra faire l’histoire 
à part avec celle des circulations locales qu’ils régissent, et dont l’étude 
intéresse au plus haut degré la physiologie et la médecine. 


OBSERVATIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT D'UN PYCNOGONON 


Par M. G@&. HODGE 
Extrait (4). 


En 1859, M. Allman communiqua à l'Association britannique un fait très cu- 
rieux. Îl avait trouvé sur des branches de quelques Corynes des vésicules pyri- 
formes qu'au premier abord on aurait pu prendre pour des sacs reproducteurs 
de ces Zoophytes, mais dans l’intérieur de chacun desquelles il existait un Pyc- 
nogonide qui était tantôt à l'état embryonnaire, tantôt plus ou moins près du 
terme de son développement. M. Hodge a observé le même fait, et il a constaté 
que les vésicules contenant les Pycnogonons forment réellement partie du 
polypier ; leur tissu est le même et leur cavité communique avec le canal central 
de la Coryne ; enfin, elles lui ont paru résulter d’une modification dans le mode 
de croissance d’autant de jeunes branches du Polypier qui les porte. M. Hodge 
a donc été conduit à penser que des jeunes Pycnogonons étaient venus du dehors 
occuper la place des Polvpes, et afin de jeter quelque jour sur ce singulier cas de 
parasitisme, il a étudié le mode de développement des Phoxichilidium coccineum 
(Johnston), sujet sur lequel on ne possédait encore que peu de données. Ses re- 
cherches portèrent sur les œufs suspendus aux fausses pattes d'une femelle adulte 
et renfermés en nombre considérable dans des capsules aux parois desquelles 
ils adhèrent au moyen de quatre filaments. Ces œufs (ou plutôt embryons) sont 
d'abord globulaires et consistent en un amas de granules renfermés dans une 
tunique transparente d'où procèdent les filaments dont il vient d'être question. 
On y aperçoit une sorte de segmentation, et il se développe latéralement trois 
paires de tubercules dont les deux antérieurs constituent bientôt une paire 
d'appendices chéliformes (ou pieds-mâchoires), et les quatre postérieurs portent 
chacun à leur sommet un des filaments déjà mentionnés et représentent autant 
de pattes non articulées. Un tubercule rostriforme se développe ensuite entre la 
base des pieds-mâchoires à pince. C'est à cette période de leur existence que 
les larves des Pycnogonons paraissent naître et s’introduire dans la cavité ali- 
mentaire de la Coryne, où elles subissent probablement une première mue, 
qui leur fait perdre les filaments pédiformes, et coïncide avec le développement 
des rudiments d'une nouvelle paire de tubercules à l'arrière du corps. En effet, 
c'est à cet état que M. Hodge a trouvé les parasites les plus jeunes, c'est-à-dire 
ayant une forme globulaire, portant en avant un mamelon rostral et une paire de 
pieds-mâchoires terminés en pince didactyle ; corps divisé latéralement en trois 
paires de lobes peu saillants et terminé par un lobe médian. Ces larves apodes 
paraissent se fixer au moyen de leurs pinces dans la partie terminale d’une 
jeune branche de la Coryne et y subir leurs métamorphoses ultérieures. En effet, 
dans les utricules pyriformes dues au développement anormal de ces branches 
on trouve d'autres jeunes Pycnogonons dont les membres sont en voie de déve- 
loppement, mais ne sont pas encore déployés ; d'autres individus, plus âgés, 
ont trois paires de pattes articulées, et de chaque côté du tubercule terminal un 
tubercule correspondant aux pattes de la quatrième paire dont l'adulte sera 
pourvu. La larve change de peau avant de quitter sa demeure dans l'intérieur du 
Polypier de la Coryne, et n'arrive à l’état adulte qu'après avoir cessé d’être un 
parasite de ce Zoophyte. 


f1) Observations on a Species of Pycnogonon, wilh an Attempt lo Explain the Order of its De- 
veloppement (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 4862, t. IX, p. 23). 


ÉTUDES PHYSIOLOGIQUES 


SUR LES 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES 
DANS LE CERVEAU DE LA GRENOUILLE, 


Par M. J. SETCHENONY, 


Professeur de physiologie à Saint-Pétersbourg. 


L'existence des centres modérateurs des mouvements réflexes 
dans le cerveau de la Grenouille n’a été prouvée jusqu’à présent 
qu'à moitié, ce fait n'ayant pour base solide que les observations 
de l’accroissement de ces mouvements par suite de la décapitation 
des animaux (1). Il manquait donc à la question, pour être com- 
plétement résolue, la démonstration directe de ces mécanismes. 
Le mémoire que je publie est destiné à remplir cette lacune. 
L'existence des modérateurs dans le cerveau de la Grenouille y est 
démontrée directement. Il jette en outre quelque lumière sur la 
distribution de ces mécanismes dans le cerveau, sur la voie de 
leur excitation et sur leur mode d’action. 

J'arrive au premier but, c’est-à-dire à la démonstration directe 
des modérateurs par trois manières d’expérimentation différentes : 

1° En divisant le cerveau dans divers points; 

2° En l’irritant avec des agents chimiques ou avec l'électricité ; 

5° En excitant le cerveau par des voies physiologiques. 

Dans tous ces cas, le mouvement réflexe dont le changement 
devait être observé a été produit de la manière proposée par 


(1) Et encore de ce dernier fait l'existence des modérateurs dans le cerveau 
ne s'ensuit-elle pas rigoureusement. M. Schiff, par exemple (Lehrb. d. Physiol. 
d. Mensch., 1, 1858-1859, p. 201), considère la propagation de l'excitation 
sensitive comme un mouvement matériel, et croit que son effet, c'est-à-dire le 
mouvement réflexe, doit acquérir chaque fois en intensité quand il perd en étendue. 
D'après lui cela arrive précisément lorsqu'un animal est décapité. 


410 SETCHENOW. 


M. Türck (Ueber den Zustand der Sensibilitat nach theilweiser 
Trennung der Rückenmarkes, 1850). Elle consisté à plonger une 
des pattes postérieures de la Grenouille, suspendue verticalement, 
dans une faible solution aqueuse d’acide sulfurique et de mesurer 
le temps que la patte y reste sans mouvement (dans mes expé- 
riences je me suis servi à cet effet d’un métronome battant 
100 coups par minute). 

Ce temps exprime le degré de l’action réflexe dans le cas donné. 
Il serait inutile de discuter ici la valeur de cette méthode, 
M. Türck l'ayant démontrée lui-même par le fait du parallélisme 
complet, qui existe entre l'effet de l’acide et celui de la compres- 
sion mécanique. Qu'il me suffise d'ajouter que, dans mes expé- 
riences, ce parallélisme existe encore, toutefois sous la condition 
que la compression de la patte entre les doigts de l’expérimenta- 
teur s'effectue graduellement. 

En ce qui concerne le dosage de l’acide dans la solution irri- 
tante, il importe de remarquer que la réussite des expériences en 
dépend au plus haut degré. Et cela se conçoit aisément, puis- 
qu’on a affaire, dans ces expériences, à une dépression plus ou 
moins grande et jamais totale de l’aetion réflexe. M. Türck a fait 
la même remarque dans ses expériences sur l'accroissement de 
l’action réflexe par suite de la section partielle de la moelle épi- 
nière. On peut admettre comme règle générale, que la concentra- 
tion est bonne, si la solution a un gout nettement acide et si dans 
l'expérience d'essai la Grenouille n’en retire sa patte qu'après 
7-20 coups du métronome. Cette expérience d’essai ne doit être 
jamais omise. 

Pour en finir avec la description de la méthode, encore une 
remarque : dans toutes mes expériences sur la Grenouille, le cer- 
veau et la moelle épinière ont été toujours mis à découvert. Je ne 
conteste pas la possibilité de couper le cerveau dans un point 
donné d'avance à travers les os crâniens, mais on n’est jamais sûr 
dans ce cas que la section soit complète. 

Qu'il me soit permis encore, avant d'aborder le sujet, d'exposer 
en quelques mots l’aspect général du cerveau de la Grenouille vu 
d'en haut. Il faut que sa forme soit présente à l'esprit du lecteur 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 411 


pour que la description des faits lui paraisse claire. La partie 
antérieure de la cavité cränienne est occupée par les hémisphères 
dont la surface supérieure ne présente absolument aucun point 
caractéristique où la section puisse être faite. Donc, quand il va 
être parlé plus bas d'une incision dans les hémisphères, on doit 
se la figurer divisant cette partie du cerveau transversalement en 
deux parties plus ou moins égales. Entre les hémisphères et les 
lobes optiques sont intercalés, sur un petit espace de forme 
rhomboïdale, la glande pinéale et les couches optiques (voy. 
Ecker, Zcones physiologicæ); viennent ensuite les lobes optiques ; 
deux grands corps de forme sphérique dont la limite postérieure 
(avec la moelle allongée) est nettement tracée par une ligne pig- 
mentée. La surface de la moelle allongée, qui vient après, n'offre 
pour la coupure qu’un seul point précis, le bout postérieur du 
quatrième ventricule. 

On devine donc, que le cerveau à été coupé dans mes expé- 
riences, au milieu des hémisphères, dans les limites communes 
de ses trois parties principales et au-dessous du quatrième ven- 
tricule. 


pH 


Effets des sections de l’encéphale. — En divisant le cerveau 
dans quelque partie que ce soit, on obtient nécessairement deux 
effets différents: la soustraction des parties restantes à l’in- 
fluence de celles qui sont enlevées et l’irritation mécanique du 
cerveau, surtout dans le voisinage de la coupure. Le premier 
effet est évidemment durable, tandis que le second ne peut être 
que passager. Les centres nerveux étant mis dans toutes mes ex- 
périences à découvert, je n’ai pu utiliser jusqu’à présent que le 
dernier effet. Donc il ne va être parlé ici que des phénomènes qui 
s’observent immédiatement après les sections. 

Pour juger du changement de l’action réflexe produit par la 
section du cerveau dans un point quelconque, il faut naturelle- 
ment le pouvoir comparer à l’action réflexe, observée dans d’au- 
tres conditions, qu’on aurait prise, pour ainsi dire, comme norme. 


412 SETCHENOW. 


J'ai cru devoir d’abord comparer les effets des coupures à l’action 
réflexe présentée par l’animal avec les centres nerveux non lésés; 
mais l’expérience ayant démontré que, dans cette dernière condi- 
tion, le phénomène est trop variable, je compare les effets des 
trois dernières coupures à celle des hémisphères. Voici les faits. 

1° L'effet de la section de l’espace rhomboïidal qui sépare les 
hémisphères des lobes optiques comparés à l’effet de la section des 
hémisphères donne toujours une dépression notable de l'action 
réflexe, qui se dissipe ordinairement dans 5-19 minutes. — Je 
prends pour exemple une expérience, où cette dépression n'est 
pas la plus saillante, mais telle qu’elle apparaît ordinairement, puis 
une expérience où celte dépression ne put être observée à cause de 
la grande concentration de la solution acide. 


© JAMBE GAUCHE. JAMBE DROITE. 
Section des hémisphères. 
Après 40 coups du métronome : Après 10 coups du métronome: 
un mouvement réflexe. un mouvement réflexe 
Section de l'espace rhomboïdal. 
— 80 coups — rien, — 80 coups — rien. 
> minutes après. 
— 66 — mouvement, —- 58 — mouvement. 
5 minutes après. 
— 23 — mouvement. — 10 — mouvement. 


Section des hémisphères. 
— 5 — mouvement. — 5 — mouvement, 
— 5 — mouvement. — 5 — mouvement. 


Section de l'espace rhomboïdal. 


_— 5-6 — mouvement. — 5-6 — mouvement. 
— 5-6 — mouvement. — 5-6 — mouvement. 


Dans le dernier cas, je me suis assuré par l'expérience qu’on 
pouvait ajouter à la solution acide employée une quantité relali- 
vement grande d’eau et le degré de l’action réflexe, exprimé par 
5, restait néanmoins le même. Je répète donc encore une fois 
qu'il faut se méfier des solutions qui produisent le mouvement 
réflexe trop rapidement. 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES, 115 

2° De la coupure des hémisphères à celle faite derrière les lobes 

opliques, il y a toujours un accroissement de l'action réflexe, qui 
se développe graduellement dans l’espace de 1 ou 2 minutes. 


Seclion des hémisphères. 


13 9 
Section derrière les lobes optiques. 
15 7 
5 3 
2 2 


9° L'effet de la coupure au-dessous du quatrième ventricule 
est de tout point pareil à celui du cas précédent, sinon qu'ici on 
remarque l'accroissement de l’action réflexe dès le premier moment, 
tandis que là ce n’est pas toujours le cas. 


Séclion des hémisphères. 


32 19 
17 15 
16 15 


Section au-dessous du 4° ventricule. 


6 6 
4 3 
3 2 


h° Tous les phénomènes que je viens de décrire peuvent être 
observés sur une seule Grenouille, toutefois sous la condition 
qu'on donne à l’action réflexe le temps de se rétablir de sa 
dépression après la coupure pratiquée dans l’espace rhomboïdal. 
. Sinon, cette dépression se prolonge jusqu’après la section faite 
derrière les lobes optiques. Il est important de remarquer que 
celle précaution n’est pas nécessaire, si la coupure dans l’espace 
rhomboïdal est suivie de la section au-dessous du quatrième 
ventricule, ce fait constatant pour la première fois une différence 
importante entre l'effet de la dernière coupure et celui de la cou- 
pure faite derrière les lobes optiques. 

Voici les preuves de ce que je viens de dire : 


Section au milieu des hémisphères. 


8 7-8 
9 6 
A1 7 


4° série. Zoo. T. XIX. (Cahier n° 2.) 4 8 


A1 SETCHENOW. 


Section des hémisphères plus bas. 
8 # 
15 8 


Section dans l'espace rhomboïdal. 
100 rien. 100 rien. 
7 minutes après, 
70 rien. 70 rien. 


Section derrière les lobes opliques. 
70 rien. 70 rien. 


3 minutes après. 
7-8 7-8 


Au-dessous du 4° ventricule. 
6 4-5 
5-6 3-4 


Les centres nerveux mis à découvert, mais inlacts. 
‘38 37 


Section dans l’espace rhomboïdal, 
100 rien. 100 rien. 
5 minutes aprés. 
100 rien. 72 mouv., réf. 


Section au-dessous du 4° ventricule. 
24 27 


À minute après, 
A1 A1 


J'ai choisi exprès, pour exemple, les deux dernières expérien- 
ces, parce que, en démontrant les faits à l'appui desquels elles ont 
été citées, ces expériences révèlent en même temps deux nou- 
veaux faits de grande valeur, et que voici. 

5° La dépression de l’action réflexe, par suile de la coupure 
dans l’espace rhomboïdal, existe encore pour le cas où cet effet est 
rapporté à l’action réflexe présentée par l'animal avec des centres 
nerveux non lésés. — Il importe de remarquer cependant que ce 
résultat ne s'obtient pas toujours : sur vingt expériences que je 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES, 115 


possède sur ce sujet, quatre ne m'ont pas réussi. Ce nombre de 
résultats négatifs était trop grand pour être négligé. 

J'ai donc songé à l’expliquer, en admettant l'accroissement de 
l’action réflexe, par rapport à son état normal après la section des 
hémisphères. Les expériences directes n’ayant cependant aucune- 
ment justifié cette supposition (j'observais des fluctuations insigni- 
fiantes de l’action réflexe, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre), 
il ne me reste qu'à considérer le fait discuté ici comme valable 
conditionnellement. 

Je crois pourtant avoir saisi une de ces conditions inconnues, 
c'est d’expérimenter à des températures basses 6° à 8° au-dessus 
de 0°, quand la sensibilité de la grenouille pour l'acide est obtuse. 
On réussit dans ce cas presque infailliblement. 

6° Le second fait, qui résulte des deux expériences citées plus 
haut, est l'absence d'effet quelconque concernant l’action réflexe, 
si l’on compare entre elles les sections des-hémisphères, faites à 
diverses hauteurs dans leur moitié inférieure. L'expérience 
directe ayant démontré la même relation entre les coupures de la 
moitié supérieure de cette partie du cerveau, il en résulte que Les 
hémisphères ne contiennent pas, en général, des points qui, étant 
coupés, produiraient la dépression de l'action réflexe. Je dirai 
même plus, il y a des cas où ce dernier effet ne s’observe pas, 
même après la section faite dans l’espace rhomboïdal. Dans la 
série de mes expériences, je possède deux cas pareils. L'espace 
étant très petit et le lieu de l’incision étant donné très clairement, 
je crois que le plan de la coupure s’inclina, dans ces deux expé- 
riences, trop en avant, car il m'a suffi d'enlever, par une nou- 
velle incision, un tout petit morceau de la substance cérébrale, et 
la dépression se manifesta comme à l'ordinaire. 

1° Pour terminer l’histoire des coupures, il ne me reste à pré- 
sent qu'à dire quelques mots sur l'effet de la section des lobes 
optiques rapporté à celui de la coupure dans les hémisphères, ou à 
l'action réflexe normale, Dans les deux cas l’effet est absolument 
le même que celui qui est décrit pour la coupure dans l’espace : 
rhomboïdal. 


116 SETCHENOW. 


10 minules de repos après la section dans l'espace rhomboïdal. 
23 10 
Section dans les lobes optiques. 
70 rien. 70 rien, 
5 minutes après. 
70 rien. 70 rien, 
5 minutes après. 
54 mouv. réfl. 60 mouv. réfl. 


Les centres nerveux inlacts. 
17 
41 


+9 
19 


Section dans les lobes optiques. 
60 rien. 60 rien. 
5 minutes après. 
16 15 mouv. réf. 

En résumant les faits donnés par le procédé des coupures, on 
voit que la dépression de l'action réflexe ne se manifeste que par 
suile de la section du cerveau, immédiatement au-devant ou dans la 
substance même des lobes optiques. La section derrière les lobes 
opliques ne donne lieu au méme phénomène que conditionnel- 
lement. 

Ce résultat tel qu'il est, n'étant que la récapitulation des faits 
bruts, il nous faut maintenant tâcher d’en saisir le sens; et ce 
n’est qu'en recherchant les causes des faits, compris dans le 
résumé, qu'il nous sera possible d'atteindre notre but. Exami- 
nous donc toutes les circonstances qui accompagnent chacune des 
coupures du cerveau dans les points indiqués. 

Section au milieu des hémisphères. —La motilité de l’animal 
n'est pas altérée, l’hémorrhagie est insignifiante, le rameau du 
trijumeau qui se rend dans la face (d’après Ecker, Zcon. physio- 
log.) est seul coupé. 

Section dans l'espace rhomboïdal. — La motlité est atteinte; 
prostration de l’animai, qui se dissipe pourtant dans l’espace de 
2 ou 3 minules, ordinairement plus vite encore. On remarque en 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 117 


outre une certaine rigidité des muscles après cette coupure, qui 
ne dure pas plus longtemps que le phénomène précédent. L'hé- 
morrbagie est très grande. Les nerfs suivants sont toujours 
coupés : R. ophthalmicus trigemini, trochlearis, oculo-motorius 
et opacus. Ce dernier toujours derrière le chiasma , quelquefois 
même, quand le plan de l’incision est incliné en arrière, on em 
porte, par cette coupure, les points des lobes optiques par les- 
quels en sortent les nerfs optiques. 

Section derrière les lobes optiques. — Prostration plus forte 
encore que dans le cas précédent, mais sans rigidité des mem - 
bres. Dans tous les autres points les deux sections sont parfaite- 
ment analogues. 

Section au-dessous du quatrième ventricule. — Prostration 
forte ; l’hémorrhagie insignifiante. Aucun des nerfs cérébraux 
n'est coupé. 

En examinant cette série de phénomènes, il est tout d’abord 
clair que la dépression de l’action réflexe, observée dans les con- 
ditions indiquées, ne peut avoir de connexion avec la prostration 
de l'animal, ce dernier phénomène se manifestant dans les cas 
où il ne se produit pas de dépression. La rigidité musculaire 
n’explique pas la chose non plus, puisqu'elle dure un temps 
beaucoup moins court que la dépression. Mais la forte hémor- 
rhagie ne peut-elle donner la clef de l'énigme ? Elle est, en effet, 
abondante après les sections qui produisent une dépression 
(absolue ou conditionnelle) de l’action réflexe, et insignifiante 
après celles qui n’en produisent pas. J'ai institué quelques expé- 
riences directes là-dessus, qui m'ont démontré que la perte du 
sang, pas plus que les autres circonstances discutées plus haut, ne 
peut expliquer le fait de la dépression de l’action réflexe par suite 
des sections du cerveau. 

Voilà, pour exemple, deux expériences qui présentent une 
petite variation concernant le moment où l'animal a été privé de 
son sang. 


Les centres nerveux inlacts. 


10 10 
6 vi 


118 SETCHENOW . 


Le cœur mis à découvert et coupé. 


13 15 
15 15 


Section dans l'espace rhomboïdal. 
70 rien, 70 rien. 


3 minutes après. 
22 20 


Section duns les hémisphères. 


31 26 

27 21 
Le cœur coupé. 

22 13 

16 al 


Section dans l'espace rhomboïdal. 
100 rien. 100 rien. 


Les deux paragraphes suivants vont d’ailleurs mettre l’indépen- 
dance dont nous parlons hors de toute question. 

Il ne me reste done qu’à examiner si la dépression de l’action 
réflexe peut provenir encore de l'irritation mécanique des nerfs 
par le fait de leur section. I faudrait, pour répondre à cette ques- 
tion directement, observer quels changements se manifestent dans 
l’action réflexe, si tel ou tel des nerfs compris dans la section du 
cerveau est irrité artificiellement. C’est malheureusement chose 
tout à fait impossible sur un animal aussi petit que l’est la Gre- 
nouille. Qu'il me soit done permis de me servir, faute de mieux, de 
raisonnement. Entre les nerfs qui sont compris dans la section de 
l’espace rhomboïdal, il y a des nerfs moteurs — trochlearis et 
oculo-motorius, et les nerfs sensilifs, ram. ophthalm. et opticus. — 
Supposons d’abord que la dépression de l’action réflexe, par suite 
de la coupure dans l’espace rhomboïdal, soit due à la section du 
rameau ophthalmique. On pourrait dire dans ce cas, que la dou- 
leur produite par la section du nerf est tellement intense, qu’elle 
obscureit la sensation provenant de l’irritation de la peau par 
l'acide. Et voilà le fait de la dépression de l’action réflexe expliqué, 
sans qu'on ait besoin de recourir à l'existence des mécanismes 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 119 


modérateurs. Heureusement il n’est pas bien difficile de renverser 
cette supposition ; et d’abord, pour qu’elle soit vraie, il faudrait ad- 
mettre que la douleur causée par la section du nerf peut se prolon- 
ger 10 et quelquefois 20 minutes après la section, la dépression de 
l'action réflexe durant souvent autant. Mais une durée aussi longue 
de Ja douleur ne s’est jamais vue. Puis je possède des expériences 
qui répondent directement à cette supposition (elles font le contenu 
du & IV). La douleur qui y était produite durait, sans contredit, 
plus longtemps que celle de la section du nerf; la dépression de 
l'action réflexe qu'on y observait n’a été cependant ni aussi con- 
stante, ni aussi intense que celle produite par la coupure du 
cerveau. 

Donc la douleur ne pouvant expliquer la chose, il ne me restait 
qu’à admettre dans les nerfs coupés des filets spéciaux, qui, excités. 
mécaniquement, pussent porter cette excitation vers les centres 
nerveux pour y produire un état particulier, se traduisant par la 
dépression de l’action réflexe. Nous voilà arrivés à l'hypothèse sur 
l’existence des modérateurs de l’action réflexe dans le cerveau, et 
à celle des voies par lesquelles ces modérateurs peuvent être mis 
en fonction. Cette hypothèse une fois admise, il importait peu 
qu’on déduisit la dépression du mouvement réflexe de la blessure 
du cerveau ou de la section des nerfs. La première déduction est 
cependant plus commode, puisqu'eile facilite la localisation des 
modérateurs dans le cerveau. En l’admettant, en effet, la pensée 
qui résume les faits donnés par le procédé des coupures (p. 116) 
peut se formuler ainsi : Les modérateurs de l’action réflexe chez la 
Grenouille ont leur siége dans les lobes optiques et peut-être dans la 
moelle allongée. 

Guidé par cette dernière hypothèse, je devais naturellement 
tâcher de trouver les moyens d’exciter les modérateurs, et je fus 
conduit par [à à employer lirritation chimique des différentes par - 
ties du cerveau dont je vais parler maintenant, 


120 SETCHENOW. 


$ II. 


Irritation chimique du cerveau. 


Le sel marin (1) étant une substance pour amsi dire elassique 
dans l’histoire de l’irritation chhnique des nerfs, je le pris comme 
agent irritant dans toutes mes expériences. Il est employé tantôt 
sous forme de solution aqueuse concentrée, tantôt sous forme de 
gros cristaux humides ; dans ce dernier cas, l'effet est générale- 
ment plus intense. 

La manière d'opérer est bien simple. On coupe le cerveau dans 
un des points indiqués, les parties au-dessus de la coupure sont 
éloignées ; puis l’hémorrhagie calmée, on débarrasse soigneuse- 
ment la cavité crânienne du caillot sanguin ; ensuite, le degré de 
l’action réflexe étant déterminé, on applique à la coupe transver- 
sale du cerveau la substance irritante (à l’aide d’un pelit pinceau, 
si c’est de la solution). Il ne reste après qu’à observer de nouveau 
l'action réflexe. 

J'aborde à présent les faits. 

La coupe transversale des hémisphères n’ayant présenté rien 
d'intéressant, je passe à celle de l’espace rhomboïdal. 

1° Le sel marin appliqué ici produit toujours une dépression de 
l’action réflexe aussi forte que celle qui s'observe par suite de la 
section du cerveau dans le même endroit. Cet effet se développe 
ordinairement dans l’espace de la première minute, après l’appli- 
cation de la substance irrilante, avant qu'un mouvement quel- 
conque (direct ou réflexe) se produise. Il y a des cas pourtant où 
ce développement se fait attendre plus longtemps; alors on recourt 
à l'application du sel marin en cristaux humides, qui agit plus 
promptement. L'effet de l’irritation se dissipe graduellement, 
quand la substance irritante est éloignée (à l’aide de quelques 


(1) Cette substance m'ayant donné, comme on le verra plus bas, des résultats 
qui ne laissent rien à désirer, il ne m'a pas été nécessaire d'essayer d'autres 
substances chimiques. Mais je crois qu'une étude spéciale sur l'irritation chi- 
mique du cerveau avec diverses substances pourrait donner de beaux résultats. 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 121 
goultes d’eau et du papier à filtre). Je vais présenter ici une 
expérience où l'effet d'irritation a élé reproduit trois fois de 
suile. 

Section dans l'espace rhomboïdul. 


6 minutes d'attente. 


10 11 
n 7 
Application du sel en solution. Aucun mouvement. 
50 rien. 50 rien. 
80 rien. 80 rien. 
Seléloigné. 
5 minutes d'attente. 
10 AA 
Nouvelle application du sel en solution. 
19 15 
13 13 
Sel éloigné. 
41 8 
Application du sel en cristaux. 
40 rien, 40 rien. 
Convulsions. 


2° Si l’on irrite la coupe transversale du cerveau derrière les 
lobes optiques (par conséquent, la partie supérieure de la moelle 
allongée), la dépression de l'action réflexe se manifeste encore, 
mais moins forte que dans le cas précédent. Il importe de remar- 
quer pourtant que lirritation dans cet endroit produit facilement 
des convulsions ; c'est pourquoi j'ai été obligé d’irriter la moelle 
allongée légèrement. Voici une de ces expériences : 


Section des hémisphères. 


43 9 
Section derrière les lobes opliques. / 
45 7 
5 3 
2 2 


Sel en solution. 
10 
9 


© «3 


429 SETCHENOW. 


Sel éloigné. 


wo 3 
CR 


Sel en cristaux, 
Tétanos. 


3° Le sel marin appliqué à une coupe transversale de la moelle 
épinière ne produit absolument aucun changement dans l’action 
réflexe. 

Il suffit de jeter un coup d’œil sur les résultats obtenus par 
le procédé de l'irritation chimique du cerveau pour se convain- 
cre de leur identité avec ceux que nous ont donnés les cou- 
pures du même organe. Donc il serait parfaitement inutile de dis- 
cuter ici l’origine des faits démontrés par les expériences avec le 
sel marin. Qu'il me soit cependant permis de relever une ques- 
tion qui devrait être résolue dans le paragraphe précédent, mais 
dont la solution ne devient possible qu’à présent. On a vu que, 
parmi les causes possibles de la dépression de l'action réflexe par 
suite des coupures, ce n’était que la douleur provenant de la sec- 
tion des nerfs sensitifs qui menaçait sérieusement l'existence des 
modérateurs. Cette cause-là pouvait être facilement écartée; mais 
il n'en est pas ainsi de la douleur provenant de la section des par- 
ties sensibles du cerveau même. On ne sait, en effet, absolument 
rien sur la durée de ces douleurs, J’ai donc passé cette question 
sous silence, sauf à la résoudre quand les éléments nécessaires 
à sa solution seront connus. Ils le sont maintenant ; nous avons vu, 
en eflet, qu’en irritant le cerveau dans la coupe transversale de 
l'espace rhomboïdal, la dépression de l’action réflexe se manifeste 
avant qu'un mouvement quelconque se produise ; preuve évidente 
que la douleur n’est pour rien dans la production de la dépression 
du mouvement réflexe. 

Ainsi les faits particuliers donnés par l'irritation chimique du 
cerveau et par le procédé des coupures étant identiques, les 
résumés définitifs des deux paragraphes le doivent être aussi. Le 
résumé du paragraphe précédent a déjà été énoncé ainsi : Les 
modérateurs de l’action réflexe chez la Grenouille ont leur siége 
dans les lobes optiques, et peut-étre dans la moelle allongée. K n'y 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 193 


a rien à y changer; seulement l'existence des modérateurs dans 
la moelle allongée est devenue encore plus probable. 


8 IL 


Irritation électrique du cerveau, | 


Les effets de cette irritalion étant absolument les mêmes que 
ceux de l'irritation chimique, je me bornerai à décrire ici le pro- 
cédé, et à citer ensuite quelques expériences comme exemples. 

J'emploie comme irritant les courants induits. Les électrodes 
formés par de fins fils métalliques sont recourbés à leurs bouts 
pour ne pas blesser le cerveau, et appliqués aux coupes trans- 
versales de ce dernier. Les courants forts appliqués à quelque 
point que ce soit du cerveau (excepté les hémisphères) pro- 
duisent toujours du mouvement; donc il est évident qu’on ne peut 
agir dans nos expériences qu'avec des courants faibles qui n’en 
produisent pas. Ce n’est que par tâtonnement qu’on trouve dans 
chaque cas particulier l'intensité du courant convenable. Il est 
digne d’être noté que, sur le même individu, la coupe transver- 
sale dans l’espace rhomboïdal peut supporter un courant plus fort 
que celle faite derrière les lobes optiques sans que le mouvement 
se produise. Il en a été de même avec le sel marin. L'intensité 
du courant étant préalablement trouvée, on procède à l'expérience, 
Pour cet effet, l’expérimentateur saisit de la main gauche le bout 
du fil qui traverse le museau de l'animal (ce fil est destiné à tenir 
l’animal suspendu verticalement), et renverse un peu la tête de 
ce dernier, pour que sa mâchoire inférieure puisse trouver un 
point d'appui sur les doigts de l’expérimentateur ; puis il applique 
à la coupe du cerveau les électrodes qu’il tient de la main droite. 
L'aide de l’expérimentateur plonge en même temps les pattes de 
la Grenouille dans la solution acide. On pourrait soulever des 
doutes sur cette manière d'opérer, la peau de l’animal étant excitée 
dans deux endroits divers à la fois : dans les pattes et au-dessous 
de la mâchoire inférieure (ici par le contact des doigts de l'expé- 
rimentateur). Heureusement il est bien facile de se convainere par 


19h SETCHENOW. 


une expérience directe que l’effet de cette dernière excitation est 
nul. On le voit déjà clairement par le fait, que très souvent les 
expériences avec l'irritation électrique ne réussissent pas, c’est-à- 
dire qu’au lieu d'obtenir une dépression de l’action réflexe, on n’ob- 
serve absolument aucun changement dans celle-ci. La cause de 
cette dernière circonstance est non moins claire : on agit avec des 
courants faibles, et l’on a peur d'appuyer les électrodes trop fort 
sur le cerveau pour ne pas le blesser, et alors le courant ne tra- 
verse plus les masses nerveuses; où bien il s'écoule une petite 
quantité de sang dans l’espace crânien, vide des parties enlevées 
du cerveau, et qui ouvre entre les électrodes une nouvelle voie 
pour la propagation du courant qui devrait agir sur le cerveau 
avec toute son intensité, 

Que celui qui voudrait répéter ces expériences soit done pré- 
paré aux non-réussites, et qu’il ne perde pas surtout patience. 

Voici quelques expériences : 


Section dans l’espace rhomboïdal. 


9 9 
Irritation électrique. 
20 42 
Repos. 
14 13 
[rrilation électrique. 
60 rien. 20 
Repos. 
17 20 
Irrilation électrique. 
80 rien. 58 
Repos. 
52 10 
Irritation électrique. 
Du côté gauche je n'ai plus fait 22 


d'observations, parce que l'ac- 
tion réflexeétait trop déprimée. 


Repos. 
» A1 
Irrilation électrique. 
: » 36 
Repos. 


1" » 30 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES, 125 


Seclion derrière les lobes optiques. 


8 9 
Irrilation électrique. 
19 16 
Repos. 
7 11 
12 13 
Irrilation électrique. 
29 35 
Repos. : 
2% 30 
24 27 
13 14 


Voilà comment se passent les choses ordinairement. Je possède 
cependant deux expériences où l'irrilation derrière les lobes 
opliques produisit une dépression de l’action réflexe très forte, 
telle que nous sommes habitués à ne voir que par suite de la cou- 
pure ou de lirritation chimique du cerveau dans l’espace rhom- 
boïdal. Voici ces deux expériences : 


Section derrière les lobes optiques. Section derrière les lobes opliques. 
10 


lrritation électrique. Irritalion électrique. 
40 rien. 40 rien, 


Repos. Repos. 
8 9 


Irritation électrique. 
60 rien. 


Repos. 
38 


& IV. 


Excitation du cerveau par les voies physiologiques. 


Ayant ainsi atteint le but principal que je me suis proposé, 
c'est-à-dire ayant prouvé expérimentalement l'existence des mo- 
dérateurs dans le cerveau de la Grenouille, j’ai cru nécessaire de 
rechercher les voies physiologiques par lesquelles ces mécanismes 


126 _ SETCHENOW. 


sont excilés à l’action. Cette question a été déjà énoncée dans le 
SI”; etil y a été dit, à cette occasion, que peut-êtreles filets sensi- 
tifs constituent ces voies par lesquelles les modérateurs sont 
excités à l’action. 

Je reprends donc cette idée hypothétique pour la soumettre à 
la vérification expérimentale. Il faut par conséquent observer 
quel changement subit l’action réflexe sous l'influence de l’irrita- 
tion des filets sensitifs en général, 

Pour que cette question fût complétement résolue, il faudrait 
naturellement agir sur tous les filets sensitifs du corps. Cela étant 
absolument impossible sur un animal aussi petit que l’est la Gre- 
nouille, je fus forcé de me borner à un nombre de nerfs très 
restreint ; et ici encore irriter leurs bouts périphériques dans la 
peau et dans la muqueuse buccale, au lieu de porter l’action sur 
les troncs nerveux eux-mêmes. 

Il est clair, en outre, que l’observation des changements de 
l’action réflexe ne peut être faite pendant que l’irritation des nerfs 
sensitifs s'effectue, cette dernière irritalion ayant pour effet immé- 
diat des mouvements réflexes plus ou moins violents ; donc on est 
réduit à observer l’action réflexe après que ces derniers mouve- 
ments ont cessé. 

L'expérience soumise à tant de restrictions prend, comme on le 
voit, une forme peu rassurante : 

1° Il est tout d’abord évident qu’elle ne peut montrer que l'effet 
consécutif de l’irritation sensitive par rapport à l’action réflexe, et 
non l'effet de l’irritation elle-même. 

2 Puis l'observation de l’action réflexe étant précédée par des 
mouvements réflexes violents, il y a danger que l'effet de ces der- 
niers ne se fasse pas sentir dans les résultats de l’observation. 

3° Enfin, dans le cas où l’on obtiendrait une dépression notable 
de l’action réflexe par suite d’une forte irritation sensitive, on pour- 
rait expliquer (et non sans vraisemblance) le fait de la dépression, 
indépendamment du jeu des modérateurs. Supposons, en effet, 
que l’irritation sensitive ait été assez forte pour produire des mou- 
vements réflexes dans tous les museles du corps, et que cet effet 
dure encore, quoique modifié et s’affaiblissant graduellement, 


, 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 197 


après que les mouvements réflexes ont cessé. La nouvelle excita- 
tion (et encore bien légère) de la peau par l'acide tomberait dans 
ce cas sur les filets nerveux se trouvant dans l’état anormal, et il 
pourrait bien résulter un changement de l’action réflexe, aussi 
bien dans un sens que dans l’autre. 

Toutes ces objections sont heureusement faciles à écarter. Et 
d'abord la première de ces objections ne nuit aucunement au 
sens de l’expérience. En effet, si au lieu d’une dépression de 
l’action réflexe simullanée à l’irritation sensitive, nous parve- 
nons à l’observer comme effet consécutif de cette dernière ; il nous 
y sera néanmoins donné la preuve que, dans certaines conditions, 
le filet sensitif constitue la voie par laquelle les modérateurs de 
l’action réflexe peuvent être mis en jeu. Quant aux autres objec- 
tions, elles sont renversées par les deux expériences suivantes : 
je coupe à la Grenouille la moelle épinière, au-dessous de la 
moelle allongée, et je détermine le degré de l’action réflexe de la 
manière employée ordinairement (à l’aide de l’acide); puis la peau 
de l'animal est fortement irritée par un corps chaud (une plaque 
métallique) promené sur toute la surface de son ventre. Les mou- 
vements réflexes qui s’ensuivent sont ordinairement très violents 
et très étendus. On constate néanmoins, après leur disparition, 
que l’action réflexe (produite de nouveau par l'acide) n’est aucu= 
nement changée. On voit donc que la seconde objection est abso- 
lument nulle; voyons la troisième. Il est connu que la moelle 
allongée est la partie du cerveau d’où l’on peut le plus facilement 
exciter les mouvements généraux dans le corps de l'animal; donc 
c’est ici que se concentrent par excellence tous ses filets moteurs. 
Je laisse donc à l'animal la moelle allongée (ayant enlevé toutes 
les autres parties du cerveau), et je répète l'expérience précédente. 
Les mouvements réflexes sont encore plus violents, si c’est pos- 
sible, que dans le cas précédent, et la dépression de l’action ré- 
flexe s’observe en effet, mais elle est rare et jamais notable. Si, 
au contraire, au lieu de brüler la peau du ventre, on agit avec 
une forte solution d’acide sulfurique (les deux liquides à parties 
égales) sur la muqueuse buccale, les mouvements réflexes qui s’en- 
suivent sont souvent peu violents et s'étendent sur un petit nombre 


198 : SETCHENOW. 


de muscles ; cependant on observe précisément dans ces condi- 
tions une forte dépression de l’action réflexe. 

J'espère que les deux expériences que je viens de décrire suffi- 
ront pour écarter tous les doutes sur la possibilité d'obtenir par la 
méthode en discussion des résultats sûrs. Quant à moi, je n'hésite 
pas de les considérer comme tels et d’en tirer des conclusions ul- 
térieures. La première expérience, avec la moelle épinière, peut 
servir de nouvelle preuve au fait de l’absence des modérateurs dans 
cette partie des centres nerveux. La seconde, au contraire, en dé- 
montre infailliblement l’existence dans la moelle allongée. 

Cette dernière expérience nous force, en outre, à considérer 
les modérateurs de l’action réflexe comme centres nerveux dans 
le sens que nous attribuons ordinairement à ce mot, c’est-à-dire 
comme mécanismes servant à transformer un mouvement quel- 
conque dans un mouvement d'autre genre. 

On conçoit aisément que je ne me suis pas borné à ces deux 
expériences, et qu’elles ont été répétées sur les Grenouilles avec 
les centres nerveux infacls et avec le cerveau coupé dans l’espace 
rhomboïdal. L'effet de lirritation de la peau et de la muqueuse 
buccale est, dans ce dernier cas, à peu près le même que celui 
décrit pour la moelle allongée; seulement, la dépression de l’ac- 
tion réflexe s’observe ici encore moins souvent que là. Cette dé- 
pression est au contraire tout à fait nulle dans le cas du cerveau 
intact, ainsi qu’on pourrait croire que la présence des hémisphères 
empêche en quelque sorte à l’action des modérateurs de se mani- 
fester. Quoi qu'il en soit, il est clair, d’après les expériences de ce 
paragraphe, que : 

1° Les modérateurs de l'action réflexe chez la Grenouille ont 
leur siége dans les lobes optiques et dans la moelle allongée ; 

2e Que ces modérateurs doivent étre considérés comme centres 
nerveux. 

8° Enfin, qu'une des voies physiologiques par lesquelles ces 
mécanismes sont exæcilés à l'action est donnée par les filets sen- 
sulifs. 

Tels sont les résultats définitifs auxquels je fus conduit par les 
expériences sur la Grenouille. 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 129 
le donne à la fin de ce paragraphe, comme exemples, quelques 
expériences qui y appartiennent. 


Les centres nerveux intacts. 


22 31 
35 17 
Acide sulf. dans la bouche. 
7-8 16 
45 29 
Repos. 

23 21 


La peau du ventre Lrülce. 
24 20 


Les centres nerveux iitacts. 


7 7 
Acide sulf. dans la bouche. 
411 11 
6 7 
6] 5 
La peau brülée. 

5 6) 
6 6 
Section des hémisphères. 

8 10 
Acide sulf. dans la bouche. 
16 16 
29 22 
La peau brûlée. 

44 46 
Section dans l'espace rhomboïdal. 
32 24 
20 25 

La peau brülée. 
34 60 rien. 
Repos. 
25 27 


La peau brûlée. 
30 80 
*° série. Zoo. T. XIX. (Cahier n° 3.) 9 


130 SETCHENOW. 


Section de l’espace rhomboïdal. 


7 20 
15 17 
Acide sulf. dans la bouche. Les mouvements réflexes presque nuls. 
90 rien. 60 rien. 
Repos. 
(?) 52 45 
70 rien. 26 


La peuu brûlée. 
100 rien. a 


Section au-dessous du 4° ventricule. 
25 21 


La peau brûlée. 
1% 14 


Section derrière les lobes optiques. 


23 18 

22 18 

Acide sulf. dans la bouche. 

28 70 rien. 
Repos. 

28 is 39 

La peau brûlée. 

80 rien. 80 rien. 
Repos. 

26 31 

Section au-dessous du 4° ventricule. 
13 18 


La peau brülée. 
A1 10 


Section derrière les lobes optiques. 


10 A2 
Acide sulf. dans la bouche. 
46 60 rien. 
Repos. 
7 18 


Il est facile de voir, d’après ces expériences, que l'intensité de 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 131 
l’action réflexe, par suite de l’irritation sensitive, présente de 
grandes oscillations, et ce n’est que par hasard, pour ainsi dire, 
qu'on peut saisir le moment où elle est déprimée. 


8 V. 


Jusqu'à présent nous n’avons fait que démontrer de manières 
différentes l’existence des modérateurs de l’action réflexe dans le 
cerveau de la Grenouille. Nous avons précisé ensuite, tant qu'il a 
été possible, le siége de ces mécanismes ; enfin, nous avons obtenu 
quelques notions sur les voies de leur excitation. La nature de 
ces mécanismes et leur mode d’action nous restent néanmoins 
parfaitement obscurs. Il suffit de dire que toutes les expériences 
précédentes ne sont pas en état de résoudre la question, à la pre- 
mière vue si simple, si la dépression de l’action réflexe observée 
tant de fois résulte du décroissement de la sensibilité (consciente 
ou inconsciente), ou bien si elle est due à la dépression du mou- 
vement. Toute action réflexe étant composée de deux actes diffé- 
rents, la sensation et le mouvement, sa dépression peut en effet 
être produite aussi bien par la dépression de la sensibilité que par 
celle du mouvement. Il est évident que cette question ne peut être 
résolue que sur l’homme, et encore ici très imparfaitement, puis- 
qu'on est réduit au cas de la sensibilité consciente. J'ai tâché 
néanmoins d'aborder la question, et voici les raisonnements qui 
me servirent de base pour les expériences : le problème est résolu, 
si l’on peut trouver un moyen facile et infaillible de faire jouer 
chez l’homme les modérateurs du mouvement réflexe (l'existence 
des modérateurs chez lui est généralement admise). On n’a qu'à 
déterminer, dans ce cas, les changements que subit la sensibilité 
normale de l’homme pour une irritation quelconque sous l'in- 
fluence du jeu de ses modérateurs. Je réalise cette idée expéri- 
mentalement, en chatonillant un homme chatouilleux et en lui 
faisant faire des efforts pour résister aux mouvements réflexes qui 
s’ensuivent. On détermine dans ces conditions la sensibilité de la 
peau dé sa main, pour l'irritation, avec l'acide sulfurique dilué ; 
la sensibilité normale pour le même liquide ayant été déterminée 


132 SETCHENOW. 


préalablement, on à tous les éléments nécessaires de compa- 
raison. 

La solution acide, dans ces expériences, doit être beaucoup 
plus forte que celle employée pour les Grenouilles. Jai ordimai- 
rement mélangé 156 centim. cubes (à peu près) d'acide concentré 
avec 2 litres d’eau. Au commencement de ces expériences, la 
peau de ja main doit être préalablement ramollie dans l’eau. Elle 
y est plongée de même toutes lés fois qu'on la retire de l'acide. La 
moindre trace de sensation ayant disparu, la main est de nou- 
veau plongée humide dans l'acide. La sensibilité est mesuree, 
comme dans les expériences avec les Grenouilles, par les coups 
du métronome, Celui qui subit l'expérience ne doit pas les en- 
tendre. Donc, l'expérience se fait ainsi : la main reste plongée 
dans l'acide jusqu’au moment où la sensibilité apparait; ce temps 
est mesuré par les coups du métronome et exprime la sensibilité 
normale. Après avoir lavé la main dans l’eau, on répète la même 
opération, mais on y ajoute le chatouillement. 

Voilà ce qui a été observé : 


NOMBRE SANS AVEC NOTES 
d'expériences. chatouillement, chatouillement. particulières. 
at Re Lure € 27. .. . Chatouill. était fort. 
CROIRE ME ESTE De DEN DU € 7: 
Be de 7 Je detecte = 

y LES M UTS 

L . SD M Gi 

4. ATP LEE 

Date ste Me De De ete = 
RSA 29.4 

p ®.: Us de 30. 4 

1 fie ion 47 
135 J £ 
| SERPENT 

Sac eee » 15 —— 
Lui 

EE Abe ds 41 - 34. — 
(Se Er 


È 15. . . . Chatouill. était faible, 


DRE AT à 
Aer ils 4. LATE 1 30. . . . Chatouill. était faible. 


CENTRES MODÉRATEURS DES MOUVEMENTS RÉFLEXES. 133 


On voit d’après ces expériences que, plus le chatouillement était 
efficace, plus la sensibilité était déprimée. 

En réfléchissant sur la manière dont ce résultat a été obtenu, il 
est facile de voir qu'il pouvait être déterminé par deux causes 
différentes : par la forte sensation provenant du chatouillement, 
ou par les efforts de résister aux mouvements réflexes qui s’en- 
suivent. Il est évident que dans le premier cas les expériences 
citées n'auraient pas la valeur que je leur attribuai. La dépression 
de la sensibilité, par suite du chatouillement, s’expliquerait à pen 
près ainsi : en chatouillant l’homme, on excite fortement les nerfs 
sensitifs de sa peau, et à côté de cette forte sensation, celle pro 
duite par l’acide étant beaucoup plus faible, doit naturellement ou 
disparaître entièrement, où du moins apparaître plus faible qu’elle 
n'a été auparavant. Il me fallait donc répéter ces mêmes expé- 
riences dans de nouvelles conditions, en éliminant un des élé- 
ments qui sont considérés comme causes possibles de la dépres- 
sion de la sensibilité. J'ai cru d’abord pouvoir éliminer plus 
facilement les efforts qu'on fait pour résister aux mouvements 
réflexes ; mais l'expérience m'a montré bientôt que le chatouille- 
ment étant donné, il n’y a absolument aucun moyen de ne pas 
faire des efforts pour résister aux mouvements réflexes qui s’en- 
suivent. Donc j'ai supprimé la sensation, en laissant subsister les 
efforts contre les mouvements réflexes. Voilà la forme de cette 
dernière expérience : ayant remarqué que les efforts pour résister 
aux mouvements réflexes, par suite du chatouillement, consistaient 
principalement dans le serrement des dents et dans une forte 
contraction des muscles thoraciques et abdominaux, je reproduis 
volontairement, sans qu'on me chatouille, la même série des 
mouvements musculaires, au moment où ma main, plongee prea- 
lablement dans l'acide, commence à sentir l'effet de ce dernier. 
J'ai observé dans ces conditions une disparition subite de la sen- 
sation, et cette disparition durait tout le temps que je persistais 
dans cet effort violent (ce tenps comprenait neuf coups du métro- 

nome, battant cent fois par minute). Cette expérience étant mal- 
heureusement trop pénible, et non sans danger, je ne l'ai répétée 
qu'une seule fois ; mais cette seule fois la disparition de la sensa - 


134 SETCHENOW 


tion a été tellement claire, que je n’hésite pas de considérer l’ex- 
périence comme sûre, d'autant plus qu’elle peut servir à expli- 
quer un fait qui s’observe chaque jour. Ou sait que l’homme et les 
animaux, en général, quand ils subissent une opération doulou- 
reuse, font presque toujours le même mouvement musculaire 
complexe que je viens de décrire. Chez les uns, la rima glottidis 
reste pendant ce temps fermée, et l'air ne s'échappe pas des pou- 
mons ; chez les autres, elle s'ouvre et on entend les cris. Dans 
tous les cas, ce mouvement musculaire complexe suit si infailli- 
blement les douleurs, qu’on pourrait le considérer comme un 
mouvement réflexe instinctif. Or, tous ces derniers mouvements 
dans le corps de l'animal lui étant profitables, dans quel autre 
but plus direct, sinon de mitiger les douleurs, pourrait se faire le 
mouvement musculaire complexe dont nous parlons ? 

Ce sont là certes des hypothèses, mais chacun conviendra 
qu’elles ont l’apparence de la vérité, qu’elles expliquent très faci- 
lement les faits observés plus haut sur l’homme, et qu’elles ou- 
vrent enfin la voie pour des recherches nouvelles. 

Je termine en exprimant ma profonde reconnaissance à M. le 
professeur Claude Bernard pour sa bienveillante permission de 
travailler dans son laboratoire, ce qui me mit en état d'exécuter ce 
travail. 


RECHERCHES 
SUR 


L'APPAREIL GÉNÉRATEUR DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES 


Par NM. BAUDELOT. 


« Tout ceci n’est que l'histoire naturelle de “la 
génération des Limaçons... sir Si on 
laissait cette matière à deviner aux plus habiles 
physiciens, ce serait assurément une énigme bien 
dificile, Elle est même encore presque impénétra- 
ble, quoiqu'on ait toutes les pièces de celte mé- 
canique entre les mains, quoiqu'on les voie jouer 
sous ses yeux, et c’est un des plus grands efforts de 
l'intelligence et de la sagacité humaine, que d’en 
bien comprendre le jeu.» 


(DUVERNEY, Hist. Acad. roy. des sc., 4108. ) 


Ce que Duverney écrivait il y a un siècle et demi au sujet de la 
génération des Mollusques gastéropodes, nous pourrions encore 
l'écrire aujourd’hui avec presque autant de vérité. Depuis cette 
époque, sans doute, les travaux se sont multipliés , les recherches 
ont acquis beaucoup plus de précision, l'anatomie de l'appareil 
générateur s’est même enrichie de plus d’une découverte capitale ; 
mais les fonctions de cel appareil, son expression physiologique, 
ne sont guère mieux connues qu'elles ne l’étaient alors. Des 
théories ont surgi, les hypothèses se sont succédé ; et loin de se 
faire jour, la vérité semblerait plutôt s'être obscurcie par suite de 
la diversité même des opinions. 

En présence de tant d’incertitudes, un nouveau travail m'a 
paru nécessaire ; j'ai cru utile d’abord de rassembler tous les do- 
cuments épars, de vérifier l’exactitude des recherches antérieures, 
et d'analyser avec soin chacune des différentes théories ; mais là 
ne s’est pas bornée ma tâche; voyant combien l'anatomie des 
divers organes était jusqu'ici restée incomplète, convaincu de 
l'impossibilité de s'élever jusqu’à une solution physiologique sur 
des bases aussi incertaines, j'ai entrepris une série de recherches 


136 BAUBELOT. 


sur les principaux types de Gastéropodes ; j'ai étudié avec un soin 
minutieux la structure et la disposition intérieure des organes, leurs 
modes de communication, les variations qu'ils subissent d’un type 
à l’autre; enfin, à l’aide des notions ainsi acquises, j'ai abordé la ‘ 
question au point de vue physiologique. 

Pour répondre à tous les besoins de notre sujet, j'ai donc divisé 
ce mémoire en trois parties : dans la première, j'ai donné un 
aperçu historique de la question; dans la seconde, j'ai consigné 
les,recherches anatomiques qui me sont propres : celte partie est 
en outre accompagnée de dessins exéculés avec une scrupuleuse 
exactitude; dans la troisième et dernière partie, j'ai passé en revue 
et discuté les principales théories émises jusqu’à ce jour; j'ai 
montré qu'aucune d'elles ne repose sur des données positives, et 
par conséquent ne peut être regardée comme l'expression d’une 
loi physiologique ; enfin j'ai proposé une nouvelle solution, qui me 
paraît l’interprétation la plus simple et la plus naturelle des faits 
que l'expérience nous a fait connaître. 


CHAPITRE PREMIER (1). 


HISTORIQUE. 


Aristote paraît non-seulement avoir ignoré ee qui est relatif à 
la génération des Mollusques gastéropodes, mais on trouve même 
dans son Histoire des animaux plusieurs contradictions à ce sujet. 
Ainsi, dans certains passages du quatrième et du cinquième livre, 
il semble accorder aux Testacées (2)la faculté de reproduire ; dans 
d’autres passages, au contraire, il déclare que jamais ces animaux 
ne s’accouplent, et qu'ils naissent d’une manière spontanée (3). 

Pline n’eut guère d’autres connaissances que celles qu'avait 


(1) J'engage ceux de mes lecteurs qui seraient étrangers à la question, de 
consulter, pour l'intelligence de ce chapitre, la figure relative à l'Helix proma- 
tia (pl. 2, fig. 17). 

(2) Les Gastéropodes sont compris dans le groupe des Testacées établi par 
Aristote. 

(3) Aristote, Histoire des animaux (trad. de Camus, 1783). 

Livre IV, chap. xt, p. 231 : « Dans les Testacées il n’y a ni mâle, ni fe- 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 137 


transmises Aristole, el ses écrits ne sont pas non plus exempts de 
toute contradiction (1). 

Il nous faut venir jusqu’à la fin du xvi° siècle, et arriver à Aldro— 
vande pour voir révoquer en doute l'opinion d’Aristote sur l’ab- 
sence de copulation chez les Gastéropodes; mais, à partir de cette 
dernière époque et pendant tout le cours du xvn' siècle, la question 
qui nous occupe ne resta pas oubliée au milieu de cette ardeur 
immense, qui poussa dans le champ des découvertes tant d'hommes 
illustres : Muralt, Harder, Redi, Lister, Swammerdam, l’étu- 
dièrent tour à tour, et nous ont laissé une série de travaux, dont 
je vais essaver de tracer ici une rapide analyse. 

Muralt, dans son Yade mecuüm anatomicum (1677), consacra 
quelques pages à l'étude de la Cochlée (Helix pomatia); mais ces 
premières recherches sont très imparfaites : l'auteur se contenta 
en quelque sorte de dénommer les différentes parties de l'appareil 
générateur, mais sans trop nous dire à quels usages il les croyait 


melle, ils ressemblent aux plantes dont les unes sont fécondes et les autres 
stériles. » 

Livre V, chap. xu, p. 259 : « En général c’est au prinsemps et dans l'automne 
qu'on trouve des œufs dans les Testacées...…........... C’est l'hiver que les Lima- 
çons de quelque espèce qu'ils soient se trouvent remplis d'œufs, » 

Livre V, chap. xv, p. 269 : « Passons aux détails de la génération... ......... 
Les Testacées se présentent les premiers ; c’est pour ainsi dire le seul genre 
entre tous les individus duquel il n’y ait aucun accouplement. » 

Livre V, chap. xv, p. 269: « Elles {les Pourpres) viennent d'elles-mêmes, 
ainsi queles autres Testacées d’une bourbe putréfiée. » 

Livre V, chap. xv, p. 269 : Tous les Testacées en général se forment d'eux- 
mêmes de la matière qui est au fond de la mer, et ils sont différents selon la dif- 
férence du fond. Est-il bourbeux, il produit des Huîtres. Est-il sablonneux, il 
produit des Conques et les autres coquillages que j'ai nommés. » 

(1) Pline, Historia mundi, lib. IX : « Et mituliet pectines sponte naturæ in 
» arenosis proveniunt: quæ durioris testæ sunt, ut murices, purpuræ, salivario 
» lentore: sicut acescente humore culices: apuæ spuma maris incalescente, 
» quum admissus est imber. 

» Purpuræ, murices, ejusdemque generis, vere pariunt,. 

» Cochlearum vivaria instituit Fulvius Hirpinus, distinctis quidem generibus 
» earum, Separatim ut essent albæ, quæ in Reatino agro nascuntur : separatim 
» illyricæ quibus magnitudo præcipua : Africanæ quibus Fecunditas, » 


138 BAUDELOT. 


destinées (4). 11 pensa que la vésicule copulatrice était libre, et 
qu’elle adhérait au foie à l’aide d’un filament simple; il ne fit 
aucune mention de la glande qui est enchässée dans le tissu du 
foie, et que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de glande her- 
maphrodite ; enfin il avança, sur le témoignage de Gesner, que 
les Hélices pondent des œufs qui sont de couleur blanche. 

On trouve encore, dans les Éphémérides des curieux de la 
nature (1682), une observation de Muralt sur la Limaæ major 
rubicunda terrestris (Arion). Dans cette simple note, l’auteur 
considère l’oviducte (vas lacteum) comme une dépendance de 
l'appareil de nutrition; il signale pour la première fois l'existence 
de la glande hermaphrodite, qu'il regarde comme deux ovaires (2). 

. Harder publia, environ deux années après Muralt, un mémoire 
sur l’anatomie de l'Hélice (Examen anatomicum Cochleæ terrestris 
domiportæ, 1679) (3). 

- Dans ce travail, Harder adopta en grande partie les détermina- 
tions de Muralt; mais il redressa l'erreur dans laquelle celui-ci 
élait tombé à propos des connexions de la poche copulatrice; il 


(1) Voici ses dénominations (voy. notre planche [, fig. 47): 


Corpus cylindriacum. . . . . . Le vestibule. 
Vasculum cuneiforme. . . : . . Lesac du dard. 


Oniouiine ia. ter nr “La dard 

Processus vermiformis. . . . . . Le fourreau dela verge avec le flagellum. 
Rami lac continentes. . . . . . Les vésicules multifides. 

Vas lacteum coli speciem referens. L’oviducte. 

Esgamentum, ijssunn na sale La prostate. 

Glandula glutinosa. . . . . . . La glande de l’albumine. 

Filamentum varicosum. . . . . Le conduit efférent. 

Rue, PR nantes . . |. La vessie copulatrice. 


(2) « Ad finem hepatis ovaria duo insignia notavimus, ad quæ etiam per- 
» gebant rami lactei : in illis ovorum infinitus erat numerus, » 
(Miscell. curios., p. 447.) 


(3) Ce mémoire, ainsi qu'il résulte d’une phrase même de l'auteur, doit être 
regardé comme postérieur non-seulement aux recherches de Muralt, mais même 
à celles de Swammerdam: « Clarissimum enim Muraltum diligenti opera hanc 
» compagem (cochleæ) jam detexisse probe novimus ; Swammerdamius etiam 
» deea in libro de insectis scripsisse dicitur. » 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 139 


signala très nettement le canal auquel est appendue cette vési- 
cule : 

« Verum id autopsiæ nostræ consentaneum non est, quod 
» D. Muraltus glandulam illam rubellam unico filamento hepati 
»adnecti, cæterum totam liberam esse dicit : sane viderunt nobis 
» adstantes guuarpor, Vas lacteum in hanc manifeste inseri. » 

I admet comme Muralt des communications entre l’oviducte et 
l'intestin, et il les a même figurées. Les diverses parties de l’appa- 
reil générateur étaient tout à la fois, selon lui, des organes de 
nutrition et de génération. 

En 1682, dans une lettre intitulée Jacobi Harderi epistola ad 
reverendiss. abbatem Marsilium, de ovis et genitalibus Cochlea- 
rum, Harder revint sur la question, et émit quelques vues nou- 
velles. Il établit que les Heliæ sont tout à la fois mâle et femelle ; 
il regarda le canal de la poche copulatrice et l’oviducte comme 
constituant ensemble l'utérus ; enfin il considéra la glande de 
l’albumine comme l'ovaire. 

Les recherches de Swammerdam ne furent publiées qu’en 1737 
dans la Biblia naturæ ; mais comme ces recherches, d’après le 
témoignage de Harder, furent à peu près contemporaines de celles 
de Muralt, je crois juste d’en parler dès à présent. 

Swammerdam étudia d’abord l'appareil générateur de la Cochlea 
. vinearum, et voici les déterminations auxquelles il s'arrêta dans 
ce premier examen : il nomma ovaire, la glande de l’albumine ; 
utérus, l'oviducte ; testicule, les vésicules multifides ; bourse de la 
Pourpre, la poche copulatrice. Il admit une communication entre 
le canal de cette poche et l'utérus, et il fit de la prostate un liga- 
ment. Quant à la glande hermaphrodite et à son canal excréteur, 
il avoue que leurs usages lui sont inconnus. 

Plus tard, l’illustre anatomiste modifia ces premières détermi- 
nations ; ainsi, dans sa description de la Cochlea hortensis, dans 
celle de la Cochlea domestica, agrestis, etc., il regarda la glande 
de l’albumine comme un sac de la glaire, la glande hermaphro- 
dite comme un ovaire, et le canal efférent comme le conduit des 
œufs. 

Ce qui me surprend, c’est qu'au sujet de la Cochlea domes- 


440 BAUDELOT, 


tica, chez laquelle manquent les vésicules multifides, Swammer- 
dam, qui cependant considérait ces organes comme des testicules, 
paraisse ne pas s'être préoccupé de leur absence. La figure, pas 
plus que le texte, ne fait mention d'organes testiculaires. 

Swammerdam reconnut le premier la propriété vivipare de la 
Paludine ; il donna à ce Mollusque les noms de Cochlea müirabilis, 
Cochlea vivipara ; il vit que les œufs contenus dans loviducte 
sont tous pourvus d’un ou de deux funicules ; il crut même recon- 
naître dans ces œufs un chorion et un amnios, mais il ne put par- 
venir à découvrir comment ils arrivent dans l’utérus : « Tandem 
» nec detegere hactenus potui, quonam pacto ovum istud ex ova- 
» rio in uterum perveniat : fundus enim utericlausus esse videtur. 
» An vero, uti in ranis et testudinibus tuba ibi detur, aut aliud 
» quidpiam simile, ego quidem ignoro. » 

Quant aux organes mâles, les passages suivants sembleraient 
indiquer que Swammerdam n’en eut aucune connaissance, et 
même qu'il ignoraitentièrement que les sexes fussent séparés chez 
les Paludines : « De pene quod dicam habeo nihil, quamvis ali- 
» quid penis æmulum viderim.... Quis vero nunc explicet, qua- 
» nam ratione ovum hoc fecundetur, et omnibus ejus partibus, 
» vita motusque impertiatur ? » 

En outre des recherches précédentes, Swammerdam nous a 
encore laissé quelques descriptions assez brèves du Limnée, du 
Planorbe et de la Nérite fluviatile. 

En 1684, parut une lettre d’Antonius Felix Marsilius à Malpi- 
phi (Antonii Felicis abhatis Marsilii de ovis Cochlearum epistola 
ad Marcellum Malpighium). Cette lettre est intéressante à plus 
d'un titre ; elle nous apprend que c’est à Ray que nous devons 
les premières notions sur l’accouplement réciproque des Lima- 
çons (1). 

François Redi (Opusculorum pars tertia, 1684) regarda les 
Hélices et les Limaces comme des animaux à sexes séparés, mais 
chez lesquels les organes mâles et les organes femelles ont entre 


(4) « De utroque sexu æque participant, vicissim enim agunt et patiuntur, 
» immittunt simul et recipiunt: primus omnium notavit Raius, » 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. al 


eux une parfaite ressemblance (1); il appela testicule la glande 
de l’albumine, et il donna à l’oviducte le nom de canal sperma- 
hique. Quant à la glande hermaphrodite el à son canal excréteur, à 
la poche copulatrice et aux vésicules multifides, il reste muet sur 
leurs usages ; il ne nous dit pas non plus ce qu'il croit devoir 
être l'ovaire chez les sujets qu'il regarde comme femelles. 

Martin Lister publia, en 1694, un mémoire important sous le 
titre de Ewercitatio anatomica in qua de Cochleis maxime terres- 
tribus et Limacibus agitur. Ce travail se distingue par une grande 
finesse d'observation, et surtout par une interprétation beaucoup 
plus nette des organes. Lister établit d’abord en principe que les 
Hélices et les Limaces sont androgynes (2). Cela posé, il regarda 
la glande hermaphrodite comme l'ovaire (3)'; il donna un canal 
efférent le now de trompe de F'allope et à l’oviducte celui d’utérus ; 
la prostate fat considérée par lui comme un ligament (4), et la 
glande de l’albumine (glandula uterina) comme une sorte de pla- 
centà permanent (5), destiné à transmettre aux œufs dans l'utérus 
les sucs nécessaires à leur développement. 


(1) « Hic forte aliquis offendetur, quod suspicatus fuerim canales genera- 
lioni inservientes in maribus et fæmellis, prorsus inter se similes videri ; sed 
certissimum est, hujus modi similitudinem aliis quoque insectis a natura fuisse 
concessum, quibus accensendas memini Cochleas, et terrestres Limaces testa 
carentes, quæ ad coitum accedunt modo prorsus extraordinario, et methodo 
plane diversa ab ea quam cætera bruta animantia hoc in negotio adhibere solent. 
Nam Limaces testa carentes, tum mares, tum fæmellæ, inter viscera gestant 
occlusum membrum genitale quod in maribus et fæmellis ejusdem figuræ ac 
magnitudinis esse videtur, seu potius reipsa est. 

» Sæpe binas reperi Limaces generation: operam dantes et dissectione quam 
accuratissima observatis omnibus ipsarum internis visceribus, ut forte fortuha 
videre possem qualis esset mas, qualis femella, id perspicere nunquam potui. » 
(2) « Ilud vero in animo ante omnia tenere oportet, has bestiolas androgynas 
esse : adeoque unam eamdemque cochleam maris et feminæ participem esse 
et membra generalioni dicata utriusque sexus in se habere. » 

(3) « Hoc autem ovarium esse in nostra Cochlea microscopio primum didici ; 
nec illo tamen magnæ virtutis : atque ejus ope ova in eo contenta clare 
perspexi. » 

(4) « Ligamentum sive tænia uterina. » | 

(5) « Tanquam perpetuam placentam uterinam. » 


= LA ÿ [2 C1 > 3 


1 


> 


ÿY 


LA 


2 


y 


L2 


112 BAUDELOT. 


Quant aux organes mâles, Lister avait d’abord regardé les vé- 
sicules multifides comme des testicules; mais, ne retrouvant plus 
ces organes dans les Limaces, il abandonna son opinion, et il 
donna le nom de testicule à la poche copulatrice (4). Il continua 
néanmoins à regarder la portion libre du canal déférent comme 
un conduit séminal, mais sans s'expliquer cependant sur la ma- 
nière dont le sperme y arrive. 

C’est à Martin Lister que revient l'honneur d’avoir découvert le 
spermatophore des Hélices ; il donna à ce singulier organe le 
nom de capreolus, et il nous en a laissé une description pleine 
de vérité, 

Lister termine son travail par quelques considérations physio- 
logiques empreintes d’origmalité, et que je ne crois pas sans inté- 
rêt de reproduire ici : 


« Quis usus vero et necessitas genitalium utriusque sexus in uno 
» eodemque animali, si tamen ut generent, coire etiam inter se 
» necesse habeant, haud in promptu est quod respondeam. Finales 
» (amen causas libenter admitto, cum natura nihil frustra faciat. 
» Hæc autem mecum consideres velim ; deinde tuum calculum, si 
» nostra non approbas, pone. Scias igitur bestiolas integros mares 
» non esse, sed dimidios tantum; etiamsi in plerisque integræ 
» feminæ esse videantur; certe maris naturam inter se dividunt. 
» Nam universis sunt vulva, uterus et ovarium; at nulli nisi unus 
» testiculus; unde in virilitate, ut ita dicam, deficere videntur ; sibi- 
» que adeo mutuas operas reddunt ; quod præcipua ad generandum 
» potenta inter duos dividatur, nec ulli integra sit. 
* » Quemadmodum vero hæ bestiolæ duplicem naturam ex aliqua 
» parte induunt ; ila in generatione ambigere videntur. Etenim 


(4) « Aliquando eos (folliculos cirratos) testiculos esse existimavi, at cum in 
» Limacibus omnino desint, ab ea sententia destiti. 

» Illa (vesicula) vero quemdam humorem pellucidum visci eujusvis lentoris 
» æmulum in se continet ; ita intra eamdem vesiculam quædam glandula coloris 
» subcarnei reconditur. Atque hanc vesiculam cum sua glandula intus com- 
» prehensa verum animalculi testiculum; scroto suo vestitum, esse vix dubitare 
» licet, » 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 143 


»extremis genitalibus ut pisces fecundantur ; cum ipso ovario 
» lactis adnascatur. Mediis genitalibus aviculos quodam modo imi- 
» tantur ; cum utero ova soluta incrementum et perfectionem acqui- 
»rant. Citerioribus tandem genitalibus ad animalia quadrupeda 
» perfectiora propius accedunt; nempe quatenus matrici ipse penis 
» cum tesliculo adsit. » 


En 1708 parut, dans l'Histoire de l’Académie royale des sciences, 
une note de Duverney sur la génération des Limacons. L'auteur y 
confirme le fait de l’hermaphrodisme chez les Limaçons; il décrit 
l’acconplement de ces animaux, parle de leur ponte, mais ne signale 
aucun fait anatomique nouveau. 

De1802 à 1808, Cuvier publia une série d'importants mémoires 
sur l'anatomie des Gastéropodes marins, terrestres et fluviatiles. 
Il examina successivement les genres Clio, Tritonie, Doris, 
Glaucus, Aplysie, Thethys, Pleurobranche, Limace, Helix, etc. 

N décrivit d’une manière détaillée les organes générateurs de la 
Limace et du Colimaçon; malheureusement l’illustre anatomiste 
négligea à peu près complétement l'emploi du microscope, et ses 
déterminations ont eu le sort de tant d’autres, c’est-à-dire qu’elles 
se trouvent aujourd’hui reléguées au rang des faits purement his- 
toriques. 

On doit rendre cependant à Cuvier cette justice, c’est qu’il étu- 
dia tout autrement qu’on ne l’avait fait avant lui la relation des or- 
ganes et leur mode de communication. 

Dans le Colimaçon, Cuvier prit la glande hermaphrodite pour 
l'ovaire ; il regarda le testicule comme étant composé de deux 
parties : l’une représentée par la glande de l’albumine et l’autre 
par la prostate. Comme conséquence de ces premières détermina- 
tions, il donna au canal excréteur le nom d’oviducte, à l’oviducte 
celui de matrice, et il appela canal déférent le conduit qui va de la 
prostate à la verge. 

Cuvier regarda le flagellum comme une portion de la verge, 
mais il ne dit pas un mot du capreolus que Lister avait si bien 
décrit. Quant à la poche copulatrice, voici comment il s'exprime à 
son sujet : et 


All BAUDELOT. 


« Il faut bien que cet organe que j'ai nommé vessie ait quelque 
fonction essentielle, puisqu'il ne manque à aucun des Gastéro- 
podes que j'ai décrits jusqu'ici; mais j’avoue que j'ignore entière- 
ment quelle elle est, à moins qu’elle ne consiste à fournir la ma- 
tière propre à enduire les œufs et à leur fournir une enveloppe. 
Dans ces deux genres (Limace et Colimaçon), cette vessie contient 
ordinairement une substance concrète d’un brun rougeâtre, à peu 
près de la consistance du savon. Swammerdam a pensé que la 
pourpre du Murex est contenue dans un organe analogue ; mais Je 
me suis assuré du contraire. » 

Cuvier dit ailleurs en parlant du conduit de la poche copula- 
trice : « Le canal de la vessie est en proportion avec la longueur 
de la verge, sans qu'on puisse deviner la raison de ce rapport; » 
et plus loin il ajoute : « Quant à la verge, il est probable qu’elle 
pénètre dans le canal de la matrice, ou au moins vis-à-vis de son 
issue dans la vessie. Ses rapports de longueur avec le canal de la 
vessie m'ont fait soupçonner autrefois que c’est ce dernier qui est 
destiné à la recevoir. On ne pourrait vérifier cette conjecture qu’en 
mutilant avec adresse deux Colimaçons accouplés ; mais cette 
opéralion me parait bien difficile, et je ne l'ai point tentée. » 

Quant aux usages du dard, Cuvier reconnut que «c'est avec ce 
singulier instrument que les Colimacçons préludent à leurs caresses 
amoureuses. » $ 

Dans le Dictionnaire des sciences naturelles (1821) (Héuce et 
Limace), Defrance et de Blainville reproduisirent de point en point 
l’opinion de Cuvier. Defrance en parlant du flagellum s'exprime 
ainsi : « On admet généralement que, dans l’accouplement, cette 
longue verge se retourne comme le font les tentacules, et que par 
conséquent elle devient extérieure. » 

Meckel et Carus suivirent également l'opinion de Cuvier dans 
leurs différentes publications. 

En 1824, dans un mémoire étendu comprenant l'anatomie du 
Limaæ ater, du Planorbis corneus, du Lymnœus palustris de la 
Paludine vivipare, ete., Treviranus intervertit complétement les 
déterminations de Cuvier ; il nomma testicule la glande herma- 
phrodite, et ovarre celle de l’albumine. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 149 

L'opinion de Treviranus fut adoptée par M. Owen en Angleterre. 

Eu 4526, M. Nitzsch découvrit le capreolus chez l'Hélice por- 
phyre (Helix arbustorum) ; il le siguala dans une note comme un 
corps filiforme, roide, semblable à une soie, qu'il avait vu sortir 
de l’orifice femelle : « Retiré de l'organe génital avec lequel il 
n'offrait aucune adhérence, ce corps, dit-il, paraissait fusiforme, 
et terminé par deux extrémités grêles, pointues, formant un simple 
pas de vis, à l'endroit où elles naissaient de la portion médiane. » 
M. Nitzsch méconnut les fonctions de cet organe, et il l'appela an 
corps énigmatique. 

A la même époque, le docteur Prévost publia, dans les Mémoires 
de la Société physique de Genève, un travail important sur Pappa- 
reil générateur du Limnée. Dans ce travail, ainsi que dans ses 
autres recherches sur l’Helix pomatia, VArion, la Limace 
grise, ele., l'auteur adopta Popinion de Treviranus; il nomma 
testicule la glande hermaphrodite, et ovaire celle de Falbumine. 
Il s'arrêta à ces déterminations par suite de la découverte qu’il fit 
chez l'Helix d'une disposition anatomique très curieuse : je veux 
parler de la gouttière déférente. 

L'existence de cetie gouttière ne le laissa plus douter un seul 
instant que la giande de l’albumine ne füt bien réellement Povaire, 
etil erut dès lors pouvoir faire rentrer la génération des Gastéro- 
podes dans la loi commune. Voici, du reste, ses propres paroles : 

« Les observations ci-dessus rapportées me semblent prouver 
que chez les Heliæ la génération suit les mêmes lois générales que 
chez les Vertébrés. On aurait pu nous objecter, d'après les ou 
vrages d’un grand nombre de savants, que l’organisation de ces 
Mollusques renversait totalement notre système, puisque ‘nous 
rencontrions les Animialcules spermatiques dans l'ovaire même 
de ces animaux. Mes dissections, ainsi que mes injections, réfutent 
complétement celte objection : elles montrent que le corps que 
l’on avait regardé comme l’ovaire est bien réellement le testicule, 
et que l'ovaire est cet appendice graisseux sur les fonctions 
duquel il.y avait eu jusqu'ici de l'incertitude chez les natura- 
listes. » 

L'auteur enfin conclut ainsi en terminant son mémoire : 

4° série, ZooL. T, XIX. (Cahier n° 2.) 2 10 


146 BAUDELOT . 

« Nous voyons done par les faits rapportés dans ce mémoire 
que les opinions que nous avons données, tant à l'égard des Ver- 
tébrés que des Mollusques, sont confirmées quant à ce qui con- 
cerne les Gastéropodes, et que les divers organes, sur les fonc- 
tions desquels il y avait eu jusqu’à ce jour du doute, sont 
maintenant parfaitement déterminés. » 

En 1835 parut un mémoire de M. Radolphi Wagner sous le 
titre de Bemerkungen über die Geschlechtstheile der Schnecken. 

Dans ce mémoire, l’auteur abandonne les idées qu’il avait émises 
précédemment dans son Traité d'anatomie comparée, où il avait 
d’abord adopté l'opinion de Prévost, de Brand, de Treviranus, et 
combattu celle de Cuvier. I avoue que, sur l’avis du docteur Carus, 
ayant examiné de nouveau la glande hermaphrodite, il y a constaté 
immédiatement la présence des ovules, et qu'il a reconnu que les 
lollicules ovariques renferment en même temps une quantité de 
spermatozoïdes. 

Ce rapprochement des ovules et des spermatozoïdes intrigua 
vivement M. Wagner, et il se posa, sans toutefois les résoudre, les 
trois questions suivantes : 

1° Les zoospermes sont-ils produits dans l’ovaire en même 
lemps que les œufs ? 

2 Les zoospermes remontent-ils du testicule dans l'ovaire par 
le conduit des œufs ? 

9° Les zoospermes sont-ils apportés dans l'ovaire par la copu- 
lation, c’est-à-dire viennent-ils de l'animal congénère ? 

M. Wagner regarda la première supposition (la seule vraie) 
comme invraisemblable, mais il ne se prononça pas à l'égard des 
deux dernières (1). 

De 1835 à 1838, M. van Beneden publia plusieurs notes sur 
l’Helix algira, l’'Helix aspersa et le Lymnœus glutinosus. Dans la 
première, M. van Beneden admet pour les organes sécréteurs des 
œufs et du sperme les déterminations de Cuvier et de Carus; 
« mais, ajoute-t-il, je n'ai point jusqu’à présent là conviction que 
telle est la détermination précise qu’on doit donner des uns et des 


(1) «Es scheint miralsoentschieden fetzustehen, dass der Eierstock der Schnec- 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 1/7 
autres. » Dans la note sur l’Helix aspersa, l'auteur regarde li 
poche copulatrice comme une bourse du Pourpre; il semble aussi 
admettre une communication entre le déverticulum du canal de la 
vessie et l’oviducte, car il dit : « Si cette disposition se retrouvait 
dans toutes les espèces, on serait tenté de croire que l’un des ca- 
naux livre passage au fluide fécondant de l'individu agissant 
comme mâle, et que l’autre (loviducte), beaucoup plus large, 
donnerait uniquement passage aux œufs, Par un conduit se 
ferait l’intromission du sperme, et par l’autre l'évacuation des 
œufs. » 

Dans la note sur le Lymnœæus glutinosus, M. van Beneden émit 
de nouveaux doutes sur le siége du testicule : « Si je ne me rends 
point, dit-il, à la détermination de M. Laurent quant au testi- 
cule (1), c'est que j'attache trop d'importance à la présence des 
spermatozoïdes dans le premier oviducte (2). Je serais même tenté 
de regarder ce canal comme le testicule, si l’on pouvait concilier 
cette détermination avec l’usage du canal déférent. Les œufs se- 


» ken zu gewissen Zeiten grosse Mengen von Samenthierchen enthält, neben den 
» Eikeimen. Wie Kommen diese nun dahin ? Darei Fälle scheinen mirmôglich : 

» 1° Der Eierstock producirt gleichzeitig mit den Eiern Samenthierchen, was 
» mir unwahrscheinlich ist. 

» 2° Die Samenthierchen gelangen aus den Hoden des Zwitterthiers durch 
» den Eiergang in den Eierstock. 

» 3° Die Samenthierchen treten nach der Befruchtung aus der anderen 
» Schnecke in die zu befruchtenden Eierstôke. Dann müssen die Samenthier- 
» chen vor der Befruchtung feblen, 

» Ist eine eigene Hode vorhanden, so fragt es sich, wo ist dieselbe? Was 
» Cuvier fur Hoden nahm, scheint mir das Organ nicht zu sein; nie fand ich 
» darin Samenthierchen. Immer enthielt es zahlreiche Fetttropfen von verschie- 
» dener Grôüsse, welche ich für Dotterfett nahm. Ich suchte anhaltend nach 
» Dottern und Keimbläschen ; letztere fand ich nie. Ich liess mich jedoch ver- 
» leiten (Lehrbuch, p. 307), einzelne grôssere ovale Kôrper, welche wieder 
» zablreiche Fetttrôpfchen enthielten, für Eier oder Dottern zu halten. » 

(1) Dans le Lymnée M. Laurent regardait comme étant le testicule l'organe 
globuleux situé au-dessous de la portion plissée de l’oviducte. Cet organe, 
comme nous le verrons plus tard, est destiné à sécréter la glaire qui enveloppe 
les œufs. 

(2) Le premier oviducte c’est-à-dire le canal efférent. 


148 BAUDELOT . 
raient fécondés à leur passage à travers le testicule; mais 1l n°y 
aurait point d'intromission réciproque de fluide fécondant, et un 
canal déférent, qui se montre tel à l’évidence, n'aurait dans ce cas 
aucun usage. Ceci s’accorderait avec les dernières recherches de 
R. Wagner, qui vient de trouver l’hermaphrodisme dans les 
Cyclas. » 

M. van Beneden finit par avouer que la question n’a pas encore 
les éléments de solution nécessaires, et il s’en tient pour sa des- 
criplion aux déterminalions de Cuvier et de Blainville. 

M. Pouchet, dans sa Zoologie classique (1841), regarda de 
nouveau la glande hermaphrodite comme un testicule, et son con- 
duil excréteur comme un canal déférent : « Ces organes, dit-il, 
étaient considérés par Cuvier comme appartenant au sexe femelle, 
et constituant l'ovaire et l’oviduele : mais contrairement à ce cé- 
lèbre anatomiste, avee Swammerdam, Prévost, Treviranus, Brandt 
et Ratzeburg, nous le regardons comme représentant le système 
génital mâle. » Comme conséquence bien naturelle, la glande de 
l’albumine prit une fois de plus le titre d’ovaire. 

En 1842 et 1843, M. Laurent publia, dans les Bulletins de la 
Société philomatique, deux notes intéressantes. Il établit d’une 
manière positive que la glande hermaphrodite joue à la fois Le rôle 
d’ovaire et de testicule. Il reconnut que cette glande n’est pourvue 
que d’un seul conduit excréteur, qu'il regarda comme la voie 
commune des œufs et du sperme; enfin il indiqua parfaitement les 
usages de la glande albuminipare destinée, d’après lui, à fournir 
l’albumine qui entre dans la composition des œufs. 

Malheureusement l’auteur s'en tint à l'énoncé de ces faits, et 
n'essaya pas d'expliquer cette contradiction apparente du mélange 
des œufs et du sperme chez des animaux qui s’accouplent. 

La même année (1843) parut dans les Archives de Wieymann 
un mémoire de Paasch. Ce travail, qui, pour le fond, reproduit de 
point en point les idées du docteur Prévost, renferme néanmoins 
des détails nombreux, et qui ne manquent pas d'intérêt. 

Ce qui me surprend, c'est que Paasch, qui a vu très distincte 
ment et même décrit les ovules contenus dans la glande herma- 
phrodile, se soit refusé à les regarder comme tels. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 4149 


L'année suivante, H. Meckel (1) confirma les recherches de 
MM. Wagner, Laurent ct de Siebold, sur l'existence d’une glande 
hermaphrodite; mais il alla plus loin, il donna une description dé- 
taillée de la structure de cet organe, et il essaya de formuler la loi 
qui préside à la génération des Gastéropodes. 

Suivant Jui, les cæcums ou follicules sont formés de deux poches 
membraneuses, transparentes, contenues l'une dans l’autre comme 
la main dans un gant (2), et entre lesquelles il existe un intervalle 
plus où moins sensible, suivant le développement des ovules. La 
membrane externe (follicule ovarien où ovarique) produit ces der- 
niers qui finissent par devenir libres, et par tomber dans linter- 
valle des deux poches, tandis que la membrane intérieure (follicule 
testiculaire ou séminal) donne naissance à l'humeur spermatique. 
Les spermatozoïdes seraient, par conséquent, contenus dans une 
poche ou gaine enfermée dans une autre poche où se trouvent les 
ovules, et ne communiqueraient pas avec eux. 

H.. Meckel ajoute que la membrane intérieure est singulière 
ment mince et l’'extérieure résistante, ce qui fait que, lorsqu'on 
presse le follicule, les ovules rompent la première des enveloppes 
et se mêlent avec les spermatozoïdes. Dans l'état habituel, ces 
deux parois cæcales seraient en contact immédiat, et ne s’écarte- 
raient l’une de l’autre que dans les points où des œufs se déve- 
lopperaient, ces derniers repoussant la membrane extérieure en 
dehors et la membrane intérieure en dedans. Aïnsi donc les 
ovules se trouveraient séparés du sperme dans l’intérieur de la 
glande. « Ils conservent, dit Meckel, les mêmes rapports dans le 
conduit excréteur, dont les parois sont également doubles ; enfin, 
vers la terminaison du canalexcréteur, les deux tubesinvaginés se 
séparent : le tube extérieur se jette dans l’oviducte, et le tube in- 
térieure se continue avec le canal déférent. » M. de Siebold 
accepta en tout point les vues de Meckel, et reproduisit sa théorie 
dans son Manuel d'anatomie comparée. 

Peu de temps après les recherches de Meckel, Steenstrup émit 


1) Müllers Archiv (1844) 
2) So wie die hand vor Handschub. 


( 
( 


150 BAUDELOT . 


une opinion assez singulière au sujet des organes génitaux des pul- 
monés. Ce naturaliste regarda les Gastéropodes comme des ani- 
maux à sexes séparés, chez lesquels les différentes parties de 
l'appareil génital seraient doubles, mais parviendraient à se déve- 
lopper seulement d'un côté, tandis que celles de l’autre s’atro- 
phieraient comme dans les oiseaux femelles. D’après cela, la glande 
hermaphrodite représenterait dans les individus que Steenstrup 
considère comme femelles, l'ovaire actif, et la glande de l’albumen 
serait l'ovaire du côté opposé, frappé d'un arrêt de développe- 
ment. Le canal utérin appartiendrait au côté actif, le canal défé- 
rent serait l’utérus avorté du côté opposé, et à la vésicule pédon- 
culée du côté actif correspondrait la verge comme une vésicule 
analogue avortée. Dans d’autres individus de la même espèce que 
Steenstrup regarde comme des mâles, la £lande hermaphrodite 
serail le testicule actif, et la glande de l’albumine le même organe 
avorté ; l'utérus serait le canal déférent actif, et ce qu’on appelle 
canal déférent ne serait qu'un organe avorté. Quant à la vésicule 
pédoneulée; elle aurait la même signification que chez les individus 
femelles, et la verge serait cette vésicule arrêtée dans son dévelop- 
pement. 

En 1851, M. Leidy, dans un très beau mémoire sur les Gasté- 
ropodes des États-Unis, revint de nouveau aux idées du docteur 
Prévost. 

La même année, M. Gratiolet proposa une théorie ingénieuse 
sur la fécondation des Gastéropodes. Je vais l’exposer en peu 
de mots, car Je me propose d'y revenir longuement par la 
suite. 

D’après ce savant, les Gastéropodes androgynes possèdent une 
glande spéciale donnant à la fois naissance à des œufs et à du 
sperme. Ces deux produits naissent dans les mêmes follicules, et 
sont primitivement séparés ; les œufs se trouvent dans l'épaisseur 
des parois et les spermatozoïdes dans la cavité même du petit 
cæcum, — Plus tard, les œufs tombent dans l’intérieur du folli- 
cule, se mêlent avec le sperme et s’écoulent avec lui jusqu’au 
sominet de l’oviducte, où ils se séparent. Le sperme qui descend 
au contact des œufs ne les féconde point, parce que dans le cana 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 151 
excréteur les spermatozoïdes sont encore dans un état de dévelop- 
pement imparfait; ce n’est que plus tard, après un séjour variable 
dans la poche ecopulairice, qu'ils acquièrent, en changeant de 
forme, le pouvoir fécondant. 

M. Moquin-Tandon, dans son bel ouvrage sur les Mollusques de 
France (1852), reproduisit l'hypothèse de M. Gratiolet, mais il ne 
s’en lint pas au simple exposé d’une théorie générale, et nous lui 
devons encore une foule de détails anatomiques intéressants sur 
l'appareil générateur des Gastéropodes terrestres et fluviatiles. 
Qu'il me suffise de citer ses mémoires sur l'appareil génital des 
Valvées, de l’Ancyle fluviatile et de la Vitrine transparente, 
sur les vésicules multifides des Hélices et le capréolus des Gasté- 
ropodes. 

En 1853, M. de Saint-Simon publia dans le Journal de con- 
chyliologie une série d'observations sur l'organe de la glaire des 
Gastéropodes terrestres et fluviatiles, ainsi que sur le talon de 
l'organe de la glaire des Hélices et des Zonites. 

J'arrive maintenant à un dernier travail où se tronvent consi- 
gnés des faits importants relatifs au sujet qui nous occupe, je veux 
parler du beau mémoire de M. Lacaze-Duthiers sur le Pleuro- 
branche (1859). 

Avant M. Lacaze, on avait déjà admis, ainsi que nous l'avons 
vu, le mélange des ovules et du sperme dans le canal excréteur, 
mais en réalité personne n'avait encore bien constaté ce mélange, 
les Gastéropodes terrestres et fluvialiles se refusant en quelque 
sorte à une démonstration directe. 

M. Lacaze, le premier, établit bien positivement ce fait que de- 
puis j'ai eu l’occasion de vérifier un grand nombre de fois sur les 
Doris et les Éolides : 

« La: structure de la giande génitale, dit-il, est analogue à celle 
que l’on rencontre dans la plupart des Gastéropodes qui sont her- 
maphrodites; mélange des éléments des deux organes mâles et 
* femelles, voilà le caractère général. Mais ce mélange ne porte pas 
seulement sur les lobes, lobules, grains ou acini, qui seraient les 
uus mâles et les autres femelles. Les glandes sont confondues au 
plus haut degré. Les éléments d’un sexe sont produits à côté de 


152 BAUDELOT. 

ceux d’un autre. C’est dans le même grain que se développent les 
œufs et le sperme; aussi est-ce lhermaphrodisme le plus complet 
qu'il soil possible de trouver. 

» Chaque élément sexuel se développe absolument comme si tout 
le cul-de-sac était mâle ou femelie, et la partie productrice de 
l'œuf ou bien du spermatozoïde ne diffère en rien de ce qu’elle 
serait dans nn cul-de-sac non hermaphrodite, et composé en en- 
lier par le parenchyme du testicule ou de l'ovaire. 

» En ouvrant le canal excréleur et en portant son contenu sous 
le microscope, on trouve des œufs et des spermatozoïdes. » 

Quant à l'expression physiologique de la fonction génératrice, 
M. Lacaze s'est borné seulement à émettre des doutes, ainsi qu'il 
sera aisé de s’en convaincre par la lecture des passages suivants : 

«Les produits des deux parties distinctes de la glande génitale 
tombent dans le cul-de-sac sécréteur, ct par les ramifications des 
conduits qui font suite à ces cavités arrivent dans le canal excré- 
teur. Donc les œufs et le sperme suivent la même voie pour arri- 
ver au dehors, et la question qui se présente bien naturellement est 
celle-ci : ces deux éléments opposés agissent-ils les uns sur les 
autres dès qu’ils se trouvent en contact? La fécondation, en un 
mot, s’opére-t-elle sans qu'il soit nécessaire du concours d’un 
autre individu ? 

» fl suffit de remarquer que l’accouplement à lieu, ce qui con- 
duit à Supposer à priori la nécessité de l'intervention de deux 
individus. Toutefois, il faudrait des expériences précises pour 
décider si un seul individu peut se suffire à lui-même; or, ees 
expériences sont extrèmement difficiles à faire, si même elles sont 
possibles, en raison même des conditions que présentent les an- 
nexes des organes génitaux. 

» La fécondation a-t-elle lieu pendant l'accouplement ? ou bien le 
sperme déposé dans les poches copulatrices est-il versé au mo- 
ment de la sortie des œufs, et de leur passage dans cette annexe 
femelle qui les entoure de mucosités ? 

» À toutes ces questions, il n’est possible de répondre qu'hypo- 
thétiquement, Mais, très probablement, si le même animal ne peut 
se suflire, le sperme déposé dans les poches copulatrices doit fé- 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 153 


conder les æafs, à mesure qu'ils sortent. Très probablement aussi, 
un accouplement doit suffire à plusieurs pontes et plusieurs fécon- 
dations. 

.….» On comprend maintenant combien il est difficile de faire 
des expériences sur la question de savoir s’il est nécessaire d’un 
accouplement pour qu'un individu se reproduise, puisque dans 
lune de ses poches copulatrices il peut longtemps séjourner du 
sperme capable encore, sans aucun doute, de féconder. » 

lei se termine la partie historique de notre travail. Dans un 
pareil dédale d’hypothèses et d'opinions contradictoires, il serait 
bien difficile, à coup sûr, pour ne pas dire impossible, à un lecteur 
consciencieux d'arriver à quelque conviction. Et pourtant la vérité 
ne peut êlre bien loin, mais où ? Quelle voie peut x conduire ? Il 
n'y en a qu'une assurément, celle dans laquelle m’a toujours guidé 
mon savant maitre, M. Emile Blanchard, celle que je vais essayer 
de suivre, je veux dire l'anatomie rigoureuse et une induc- 
tion sévère. 


CHAPITRE If. 


DESCRIPTION ANATOMIQUE, 


L'appareil générateur des Gastéropodes offre toujours un déve- 
loppement très considérable, il s'étend généralement depuis la 
région du foie jusque vers l’un des côtés du cou; il traverse done 
la cavité du corps dans sa plus grande longueur. 

Chez les Gastéropodes pourvus des deux sexes, cet appareil se 
compose d’abord d'une glande hermaphrodite sécrétant à la fois 
les ovules et le sperme. De la base de cette glande part un canal 
excréleur généralement tortueux, servant au passage des ovules et 
de la semence, et communiquant inférieurement avec deux autres 
conduits, l’un très large qui a reçu le nom d’oviducte, lantre 
beaucoup plus étroit, appelé canal déférent. | 

L'oviducte et le canal déférent restent généralement accolés 
dans une grande partie de leur trajet; ils se séparent ensuite, soit 
pour aller s'ouvrir isolément au dehors (Limnée, Planorbe), soit 


154 BAUDELO®. 


pour se réunir de nouveau au moment de leur sortie dans une 
cavité commune {appelée le vestibule) (Arion, Limace, Helix, 
Dorix, Eolis, etc.). 

Divers organes se trouvent annexés à l’oviducte et au canal dé- 
férenL. 

Comme annexes de l’oviducte, nous citerons la glande de al 
bumine, la poche copulatrice, l'organe de la glaire, le sac du dard 
et les vésicules multifides. 

La glande de l’albumine communique avec le bout supérieur de 
l’oviducte; son existence est constante. Elle a pour usage de 
sécréter une matière albumineuse qui concourt à la formation des 
œufs. 

La poche copulatrice a la forme d’une petite vessie dont le pédi- 
cule, plus où moins allongé, vient généralement s'ouvrir près 
de l'entrée de l'oviduete ; elle joue le rôle d’un réservoir séminal. 

L'organe de la glaire n’existe que chez les Mollusques aqua- 
liques (Planorbe, Limnée, Doris, ele.); il fournit une matière 
gélatiniforme qui sert à préserver les œufs du contact de l'eau. 

Quant au sac du dard et aux vésicules multifides, ce sont des 
organes d’une importance tout à fait secondaire et qui n’appar- 
tiennent qu'à certains genres de Gastéropodes, principalement les 
Helix. 

Les annexes du canal déférent sont la prostate, le flagellum et la 
gaîne du pénis, ou fourreau de la verge, 

La prostale est composée d’un amas de petits follicules qui dé- 
versent leur produit dans l'intérieur du canal ‘déférent. Elle est 
très développée chez les Arions, les Limaces, les Hélices, et elle 
forme chez ces animaux une espèce de ruban glanduleux qui reste 
accolé à l’oviducte dans toute sa longueur, Elle parait, au contraire, 
manquer dans quelques espèces, ou du moins être réduite 
à un état très rudimentaire, par exemple dans les Doris et les 
Eolis. : 

Le flagellum est un long cæcum appendu au fourreau de la 
verge, et dans l'intérieur duquel se forme ce qu'on a appelé ie 
capréolus où spermatophore. Cet organe est loin d'être constant, 
il est surtout bien développé chez les Hélices. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 455 


Le fourreau de la verge se présente sous l’aspect d’un cylindre 
charnu qui termine le canal déférent. Ce cylindre renferme quel- 
quefois une verge proprement dite (Planorbe), mais le plus sou- 
vent c’est un des replis intérieurs du fourreau, ou bien le fourreau 
tout enter, qui, en se retournant, constitue l'organe copulateur 
(Arion, Helix, Doris. 

Telle est, d’une manière générale, la constitution de l'appareil 
générateur des Gastéropodes hermaphrodites ; nous allons main- 
tenant étudier cet appareil dans quelques types en particulier. 


Arion rufus. 


L’Arion est hermaphrodite. Son appareil générateur, quoique 
très développé, ne présente, pour ainsi dire, que les parties essen- 
tielles qui entrent dans la composition du même appareil chez tout 
Gastéropode pourvu des deux sexes; de plus, la structure et la 
disposition intérieure de chacune des parties de cet appareil n’offre 
pas à l’étude des difficultés trop sérieuses; voilà pourquoi j’ai choisi 
cet animal comme type. 

La glande hermaphrodite (pl. IL, fig. 4 hk) (4) est située à la 
partie postérieure de la grande cavité viscérale; sa couleur est 
brunâtre; cette couleur est due à la présence d’une fine membrane 
chargée de granulations pigmentaires qui recouvre la glande dans 
toute son étendue et lui adhère d’une manière intime ; sa forme 
représente un corps irrégulièrement arrondi et bilobé. Par sa face 
inférieure la glande est en rapport avec l’estomac; en arrière, 
elle se trouve un peu recouverte par les lobes du foie; sa face 
dorsale, au contraire, est libre et s'aperçoit iramédiatement dès 
que l’on vient à fendre le corps de l'animal. 

Au point de vue de sa structure, cette glande présente la dis- 
position en grappe (pl. IE, fig. 2). Elle est composée d’un grand 
nombre de follicules globuleux, qui se groupent entre eux de ma- 


(1) Ovaire (Swam., List. , Cuv., Blainv.) ; testicule{ Wagner, Paasch, Wohnl., 
Prév., Burd.) : glande hermaphrodite (H, Meckel, Sieb.) ; glande génitale ; organe 
bermaphrodite (Gratiol.); organeen grappe (Laurent, Moquin-Tandon). 


156 BAUDELOT., 


nière à constituer des lobules d’abord, puis des lobes dont les con- 
duits excréteurs viennent aboutir à un canal commun, pour lequel 
j'adopterai le nom de canal efférent ou canal excréteur. 

La disposition en grappe de la glande génitale est très aisément 
constatable chez l’Arion, car les lobes et les lobules s’isolent les 
uns des autres avec la plus grande facilité. 

Lorsqu'on soumet au microscope un fragment de la glande, on 
y aperçoit des corps de nature très diverse, à savoir : 

1° Des filaments isolés offrant en longueur environ un tiers de 
millimètre, et terminés à l’ane de leurs extrémités par un léger 
renflement de forme conique et spiroïde. Parmi ces filaments, les 
uns paraissent immobiles, d’autres, au contraire, s’agitent en pré- 
sentant un mouvement ondulatoire assez vil: ce sont des z00s- 
permes (pl. IL, fig. 3). 

2° Des filaments de même nature que les précédents, mais qui, 
au lieu d'offrir un diamètre constant et uniforme, présentent dans 
leur longueur un ou plusieurs renflements. Ce sont également des 
z00spermes, mais moins avancés en développement. 

3° Des faisceaux de spermatozoïdes. Ces faisceaux ont un aspect 
des plus curieux. Les filaments qui les composent ont tous leur 
extrémité céphalique tournée dans le même sens et adhérente à 
une grosse cellule remplie de granulations jaunàtres et extrème- 
ment serrées. Ces filaments sont lantôt parallèles et fortement 
pressés les uns contre les autres, ailleurs ils sont divergents et s'é- 
talent en forme de gerbe ou en étoile. — Les spermatozoïdes qui 
constituent ces faisceaux présentent des degrés de développement 
très divers : tantôt, en effet, les filaments sont tous uniformes et 
régulièrement arrondis ; tantôt, au contraire, ils présentent sur 
leur trajet un ou plusieurs renflements fusiformes ; d’autres fois, 
la partie céphalique du filiment, c’est-à-dire celle qui adhère à la 
cellule centrale, est bien développée, tandis que l'extrémité cau- 
dale est encore renfermée dans la cellule où elle a pris naissance 
(pl. IL fig. 4, 5 et 6). 

l° De grosses cellules à contour très pàle, renfermant dans leur 
intérieur un noyau granuleux extrêmement développé (pl. I, 
fig. 7). Souvent le noyau n’occupe qu'une portion de la cellule et 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 157 


se trouve entouré d’une couche de liquide transparent ; d’autres 
fois, les granulations qui le composent remplissent au contraire 
toute la cavité de la vésieule. Lorsqu'on observe ces cellules 
avec atlention pendant quelques instants, on ne tarde pas à les 
voir se déformer avec lenteur : la couche de liquide transparent 
qui entoure le noyau se gonfle en certains points, s’affaisse sur 
d’autres, pousse quelquefois un prolongement digitiforme ; bien - 
tot les granulations du noyau prennent elles-mêmes part au mou- 
vement et se précipitent dans la partie qui se soulève. Cette 
motilité dure un temps plus ou moins considérable, pendant lequel 
la cellule prend successivement des formes très différentes, en re- 
passant momentanément par la forme primitive. 

Une étude attentive m’a démontré que ces corps ne sont autre 
chose que les cellules centrales des faisceaux zoospermiques deve- 
nues libres. J'ai même observé une fois des mouvements tels que 
ceux que je viens de décrire sur une cellule à laquelle adhéraient 
encore par leur tête un certain nombre de spermatozoïdes. Ce fait 
curieux n’a toutefois rien qui doive nous surprendre, puisque des 
mouvements tout à fait analogues ont été constatés par plusieurs 
observateurs sur les globules du sang de divers animaux. 

Les cellules dont je viens de parler se présentent d’une manière 
constante dans la glande génitale, mais on ne les retrouve jamais 
au delà dans lintérieur du canal efférent. 

5° De petites cellules à contenu transparent et finement granu- 
leux. 

6° Des granulations extrêmement nombreuses et douées d’un 
mouvement de trépidation très vif. 

7° Des ovules vitellins très faciles à reconnaitre à leur volume 
et à leur structure (pl. IH, fig. 8). On y distingue une membrane 
extérieure ou membrane vitelline, en dedans de celle-ci une masse 
granuleuse qui parait très foncée à la lumière réfléchie, blanche, 
au contraire, à la lumière directe; c’est le jaune ou vitellus. Enfin, 
au centre du vitellus on aperçoit une vésicule claire, la vésicule 
germinative, dont la cavité renferme à son tour une autre petite 
cellule entourée de fines granulations. 

Les ovules des Arions sont petils, comparativement à ceux que 


158 BAUDELOT. 


l’on observe chez beaucoup d’autres Gastéropodes ; ils sont diffici- 
lement visibles à l'œil nu. Paasch prétend n'en avoir jamais vu ni 
au printemps ni en automne (1). Cela m'étonne, car, pour ma 
part, j'ai toujours aperçu ces ovules avec facilité, lorsque j'avais la 
précaution de ne pas les rechercher avec un trop fort grossisse- 
ment (2). | 

Quant au développement des ovules et à leurs rapports avec la 
paroi des follicules, je n’en parlerai pas ici, me proposant de reve- 
nir sur ce point au sujet de l’Helix pomatia, chez lequel ce genre 
d'étude m’a paru beaucoup plus facile, vu l’absence de pigment à 
la surface de la glande. 

Les conduits excréteurs de la glande hermaphrodite se réunis- 
sent, avons-nous dit, pour constituer le canal efférent. Ces con- 
duits sont accompagnés par des rameaux artériels issus d’un tronc 
principal qui se jette dans le foie après avoir traversé la glande. 

Le canal efférent (3) s'étend depuis la glande génitale jusqu’à 
l'extrémité postérieure de l’oviducte, au point de jonction de ce 
dernier organe avec la glande de l’albumine {pl. IE, fig. 4, e). 
D'abord étroit et presque rectiligne à son origine, ce canal s’élar- 
git ensuite et devient très sinueux ; plus loin il se rétrécit de nou- 


(1) « Beobachte ich gar nicht weder im Frübjahr noch im Herbst. » 

(2) On est tout naturellement porté à rechercher les ovules avec le fort 
objectif qui sert à l’étude des spermatozoïdes et des autres produits de la glande 
génitale ; c'est là une faute. La petitesse du fragment que l’on peut observer rend 
d'abord bien faibles les chances de rencontrer des ovales; d'un autre côté, la 
nécessité où l’on est de comprimer fortement l'objet que l’on examine fait que 
bien souvent les ovules sont écrasés et tout à fait méconnaissables. Le procédé 
le plus sûr consiste à prendre un gros fragment de la glande, que l'on comprime 
fortement entre deux verres pour l'examiner ensuite par transparence sous un 
grossissement d'environ 8 à 40 diamètres. 

J'ai cru devoir prémunir contre cette cause d'erreur ceux qui se livreraient 
pour la première fois à ce genre de recherches, car, pour ma part, je suis resté 
plusieurs mois dans le doute sur le fait de l'existence d’une glande hermaphrodite 
et cela pour m'être servi de trop forts grossissements. ; 

(3) Epididymus (Redi, Paasch); particula cateniformis (Swamm.); tuba Fal- 
lopiona (List.); oviducte {Cuv., Desh.); premier oviducte (Blainv.); canal 
excréteur, canal déférent supérieur (Moquin). 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 159 


veau, décrit encore quelques flexuosités, forme un dernier coude 
en revenant sur lui-même et vient enfin s'unir avec l'extrémité 
postérieure de l'oviducte. 

Dans ce trajet le canal efférent est situé entre les lobes du foie 
et les replis de l'intestin; il est entouré d’un tissu cellulaire lche 
et accompagné par une grosse branche artérielle dont les ramifi- 
cations le relient aux parties voisines. Ses parois sont formées 
d’une membrane mince et transparente, sa cavité est remplie par 
du sperme très pur, très épais et d’une belle couleur blanche. 
Les spermatozoïdes sont libres et possèdent des mouvements on- 
dulatoires extrêmement vifs ; l’eau pure les tue instantanément, en 
les faisant s’enrouler sur eux-mêmes. J'ai examiné bien des fois 
le contenu du canal efférent avec l’espoir d’y trouver des ovules, 
mais j'avoue que mes recherches à cet égard n’ont pas été heu- 
reuses ; une fois seulement j'y ai rencontré un corps qui avait 
tout à fait les apparences d’un ovule vitellin. — À son extrémité 
inférieure le canal efférent se loge dans une dépression située à la 
face concave de la glande de l’albumine; 1} s’unit alors avec l’ovi- 
ducte et se continue avec une sorte de rainure ou gouttière 
(pl. IE, fig. 10, c) que l’on aperçoit à l'intérieur de ce dernier 
organe. Cette gouttière, pour laquelle j’adopte la dénomination de 
gouttière déférente (1), mérite toute notre attention ; mais comme 
son étude est intimement liée à celle de l'oviducte, il est nécessaire 
auparavant que je fasse connaitre la disposition de ce dernier ca- 
-nal, en même temps que celle de la glande de l’albumine. 

Glande de l’albumine (2). — La glande de lalbumine (pl. H, 
fig. À a) est un organe linguiforme très allongé et d’an blanc 
plus ou moins jaunâtre ; son tissu est très peu résistant; son vo- 


. 


(4) Sillon profond (Prévost); gouttière (Trevir.); rainure prostatique (Duvern. ); 
gouttière déférente de quelques auteurs. 

(2) Organe de la glaire (Moquin, Saint-Simon) ; testiculus (Redi) lactis sive 
glandula uterina (List.); sacculus glutinis, sacculus glutiniferus, ovarium (Swam.) ; 
testicule supérieur, testicule proprement dit (Cuv., Blainv., Jacquem., van 
Bened.) ; ovaire (Prévost); mutterdrüse (glande utérine) (Trevir.) ; elerstock 
(Paasch); organe albuminipare ou de l'albumen (Laurent, Gratiolet); glande 
linguiforme, mucipare, utérine, allongée, transparente de divers auteurs. 


160 __ BAUDELOT. 

lume est variable, mais néanmoins toujours beaucoup plus consi- 
dérable à l’époque de la reproduetion. Elle est tordue légèrement 
sur elle-même vers la base, et c’est dans l'espèce de gouttière qui 
résulte de cette torsion que vient se loger l'extrémité inférieure 
du canal eflérent. La glande n’adhère aux parties voisines que par 
l'intermédiaire d'un tissu cellulaire excessivement che; aussi 
s'isole-t-elle. d'elle-même dès que l'on vient à fendre le corps de 
l'animal. 

Lorsqu'on étudie la structure de la glande albuminipare, on 
voit qu'elle se compose d’un grand nombre de lobes générale- 
ment un peu aplatis et unis entre eux à l’aide d’un tissu cellulaire 
très peu serré. Ces lobes se laissent isoler avee la plus grande facr- 
lité, surtout sur des préparations qui ont séjourné pendant quel- 
ques jours dans du liquide salin. Les lobes se décomposent à leur 
tour en lobules, qui se trouvent formés en dernier lieu’ par des 
eroupes de pelits acini fortement pressés les uns contre les autres. 
Ces aciui sont en général peu apparents, mais ils se distinguent 
avec la plus grande netteté lorsque, en poussant une injection colo- 
rée par loviducte, on réussit à la faire pénétrer jusque dans les 
dernières ramifcations de la glande. A l’aide de cette préparation, 
les conduils excréteurs deviennent également très visibles, et lon 
retrouve ici encore toute la disposition des glandes en grappes. 
Les condails excréteurs des divers lobes viennent aboutir de cha- 
que.côté à un canal principal très large, à parois excessivement 
minces et transparentes; ce canal, ou plutôt ce vaste réservoir, 
occupe le centre de la glande et s'étend de son sommet à sa base. 
Sa cavité s’élargit considérablement vers ce dernier point et com- 
manique avec celle de l'oviducte par un orifice de forme elliptique 
(pl. IL, fig. 10, a”). 

Lorsqu'on soumet au microscope et à un grossissement d’envi- 
ron 350 diamètres un fragment de la glande comprimé entre 
deux verres, on voit qu’il s’en écoule un liquide épais, transparent, 
dans lequel nagent une énorme quantité de globules et de granu- 
lations. Les globules possèdent des dimensions extrêmement va- 
riables. Leur forme est généralement arrondie ou ovalaire lors- 
qu’ils sont isolés; polygonale, au contraire, lorsqu'ils sont pressés 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 161 


les uns contre les autres. Is présentent une ligne de contour extré- 
mement foncée, fort nette, et réfractent fortement la lumière, Je 
considère ces globules comme de simples gouttelettes de matière 
albumineuse, dont la destination est d’envelopper les œufs à me- 
sure qu'ils arrivent dans l’oviducte. 

Oviducte. — L'oviducte (1) est un canal très large, à contours 
sinueux, qui s'étend depuis la base de la glande albuminipare 
jusqu’au sommet du vestibule (pl. If, fig. À 000). On pent dans 
ce lrajet et pour la facilité de l’étude lui considérer deux portions : 
l'une supérieure, à laquelle je donnerai le nom de prostatique ; 
l’autre inférieure ou infra-prostalique. 

A. Portion prostatique. — La portion prostatique de l’oviducte 
(fig. 1000) peut être ainsi dénommée, parce qu'elle présente 
sur l’une de ses faces un large ruban glanduleux (fig. 4 ét), 
auquel on a donné le nom de prostate (2). Ce dernier organe est 
formé par une réunion de petits follicules rameux qui viennent 
s'ouvrir à l’intérieur de l’oviducte, dans ce que j'ai appelé la 
goultière déférente. Ces follicules se groupent entre eux pour 
constituer une série de lobules aplatis qui s'accolent à l’oviducte 
d’une manière ordinairement très intime, et qui sont d'autant plus 
volumineux, qu'ils se rapprochent davantage de l’extrémilé infé 
rieure. 

La portion prostatique de l’oviducte offre une longueur considé- 
rable pouvant atteindre jusqu’à 12 et 13 centimètres. Elle repré- 
sente un vaste canal légèrement rétréci vers ses deux extrémités, 
et replié un grand nombre de fois sur lui- même. Sa surface exté- 
rieure présente des sillons transversaux et des boursouflures qui 
lui donnent une certaine ressemblance avec le gros inlestin, Les 
plis transversaux et les boursouflures sont beaucoup plus mar- 
qués dans la partie supérieure de l'organe que vers son extrémité 


(1) Matrice (Cuv., Moquin); canal déférent (Redi) ; utérus (Swamm., List.) ; 
oviducte (Prévost, Paasch); second oviducte (Blainv.); troisième oviducte 
(Duvern.) ; oviducte incubateur (Laurent). 

(2) Prostate (van Ben., Moq.) ; uteri ligamentum sive lænia uterina (Swam., 
List.); partie étroite du testicule (Cuv., Desh.); canal déférent et épididyme 
(Blainv.) ; Drüse band (Trévir.) ; glandula prostatica (Paasch). 

&° série, Zooc. T. XIX. Cahier n° 3.) ÿ 11 


162 BAUDELOT, 


inférieure où ils disparaissent à peu près complétement, Ces replis 
de l’oviducte sont dus à la présence de la prostate, laquelle, étant 
beaucoup plus courte que lui, joue le rôle d’une bride sur l’un de 
ses côtés. Ils sont, en outre, reliés entre eux par les branches 
d’une grosse artère qui côtoie l’un des bords de la prostate, et 
par un tissu cellulaire extrêmement lâche. 

Les parois de la portion prostatique de l’oviducte présentent des 
différences très marquées, selon la hauteur à laquelle on les con- 
sidère. Dans la moitié supérieure de l'organe, ou à peu près, les 
parois sont épaisses et comme chagrinées, si l'on prend un frag- 
ment de leur tissu et qu’on le place sous le microscope, on voit 
que ce tissu n’est autre chose qu’une agglomération de petits glan- 
dules implantés verticalement à la surface de l’organe, et forte- 
ment pressés les uns contre les autres comme les fibres du ve- 
lours. Au-dessous età mesure que l’on se rapproche de l'extrémité 
inférieure, ces glandules diminuent graduellement de volume ; ils 
finissent même par disparaitre complétement, et les parois de 
l'oviducte se trouvent alors réduites à une lame membraneuse 
assez mince, mais plus résistante. Les glandules précédents ont 
sans doute pour usage de sécréter la matière qui forme la coque 
des œufs. Lorsqu'on ouvre l'oviducte, on y remarque une foule 
de saillies et de dépressions qui correspondent, mais en sens in+ 
verse, à celles que nous avons observées sur la face extérieure, Je 
me contenterai de les signaler, et j'arrive immédiatement à la des- 
cription de cette partie, que j'ai désignée plus haut sous le nom de 
gouttière déférente. 

La goutlière déférente (pl. IH, fig. 10 c) (portion prostatique du 
canal déférent) est une espèce de sillon très profond qui règne à 
l'intérieur de l’oviducte, tout le long du bord concave de cet or- 
gane. Cette gouttière présente la disposition suivante : au point où 
le canal déférent traverse les parois de l’oviducte, c’est-à-dire à 
l'union de la portion infra-prostatique avec la portion prostatique, 
on voit naître à l’intérieur de l’oviducte deux larges replis longitu- 
dinaux très minces qui, en s'adossant l’un contre l’autre comme 
les feuillets d’un livre, circonscrivent entre eux une gouttière pro- 
fonde ; après un trajet variable, mais assez court cependant, l’un 


APPAREIL GÉNÉRATEUR. DES GASTÉROPODES. 163: 
des replis s'applique contre la paroi de l'oviducte, s’y accole, et. 
finit bientôt par se confondre avec elle d’une manière intime ; 
l’autre repli resté libre continue à s'appliquer contre son congé- 
nère, ou plutôt contre la paroi qui le représente; son bord mince 
et tranchant est très propre, du reste, à clore hermétiquement le 
sillon sous-jacent. Vers. l'extrémité supérieure de l’oviducle, ce 
repli change d’aspect ; de mince il devient très épais, et son bord, 
au lieu de rester tranchant, s’arrondit un peu en forme de bour- 
relet, Arrivé au niveau de l’orifice de la glande de l’albumine, le 
repli déférent se soude par son bord supérieur au côté correspon- 
dant du pourtour de cet orifice, à travers lequel il se prolonge 
ensuile à la manière d’une cloison antéro-postérieure (pl. 1}, 
fig. 9 et 10 r). Au-dessus de ce point, 1 gouttière déférente 
constitue un canal complet, qui n’est autre chose que la terminai- 
son du canal efférent lui-même, 

B. Portion ainfra-prostalique de l'oviducte (1). — La portion 
infra-prostalique de l’oviducte est très courte relativement à celle 
qui la précède; sa longueur ne dépasse guère un demi-centimètre 
(pl. Il, fig.  ov). Sa surface extérieure est lisse et régulièrement 
arrondie; elle adhère aux parties voisines à l’aide d’un tissu cel- 
lulaire assez résistant, et donne attache sur l’un de ses côtés à un 
faisceau musculaire aplati; ses parois sont assez épaisses ; sa sur 
face intérieure est sillonnée par des plis longitudinaux très fins, 
Parmi ceux-ci on en remarque un qui est un peu plus saillant vers 
le haut, et qui fait suile aux replis de la gouttière déférente, A son 
extrémité inférieure, la portion infra-prostalique s'ouvre au som- 
met du vestibule, au centre d’un large repli dont nous étudierons 
plus loin la disposition. 

La nature de notre sujet nous ayant forcé jusqu'ici d'étudier 
parallèlement les parties de l’organisme mâle et de l'organisme 


(1) Quelques auteurs ont regardé la portion infra-prostatique de l’oviducte 
comme le vagin (Moquin-Tandon, Lister). C'est à tort, je pense, car on ne peut 
appeler du nom de vagin que la portion de l'appareil femelle qui reçoit l'organe 
mâle; or jamais la verge ne pénètre dans la portion infra-prostatique, M. Gra- 
tiolet lui a donné le nom de vestibule postérieur, 


164 BAUDELOT. 
femelle, je vais reprendre le canal déférent où je l'ai laissé, c’est- 
à-dire au point où il quitte les parois de l’oviducte. 

Au niveau de la terminaison de la prostate, les deux replis dé- 
férents se soudent par leur bord libre, et forment ainsi une sorte 
de petit entonnoir aplati, au fond duquel on aperçoit un orifice 
arrondi qui est l'entrée du canal déférent. 

Le canal déférent (1) en quittant l’oviducte se présente sous 
l'aspect d’un tube grêle qui se rend à la gaine du pénis (pl. I, 
fig. 1 c). Ce tube est régulièrement arrondi, et se rétrécit de plus 
en plus à mesure qu’il se rapproche de son extrémité inférieure. 
Sa longueur est de À centimètre 4/2 environ ; sa surface intérieure 
présente des plis longitudinaux assez saillants. 

La gaine du pénis (2) qui fait suite au canal déférent représente 
un cône effilé légèrement tordu sur lui-même, et de 4 centimètre 
environ (pl. If, fig. 1 g). Le sommet de ce cône se confond insen- 
siblement avec le canal déférent, tandis que sa base très élargie 
s’insère au vestibule. Sa surface extérieure est lisse ; elle présente 
sur l’un de ses côtés une ligne obscure, à bords finement dentle- 
lés. Cette ligne répond à une gouttière longitudinale située dans 
l'intérieur ; elle cesse d’être apparente aux deux extrémités de 
l'organe. 

Lorsqu'on ouvre la gaîne, on constate que ses parois sont très 
épaisses, et recouvertes d’une infinité de papilles blanchâtres 
disposées assez régulièrement, et avec une grande élégance. Ces 
papilles sont d'autant plus grosses et moins serrées qu'elles sont 
plus inférieures ; elles s’écartent sur la ligne médiane pour former 
une gouttière longitudinale beaucoup plus prononcée vers la base 
de l'organe que vers son sommet où elle finit par disparaitre com 
plétement (pl. IE, fig. 11 3). 

Les papilles ressemblent à de petits mamelons, laissant voir à 
l'intérieur une matière granuleuse blanchâtre, etrecouvertsàlasur- 
face d’une couche transparente de cellules d’épithélium à cylindre. 


(1) Ductus inter penem el ulerum communis (Swamm.); duclus seminalis 
(List.) ; vas deferens (Paasch) : canal déférent (Cuv., Blainv.). 
(2) Virga (Swamm); præputium (List,): fourreau dela verge (Moquir-Tandon). 


APPAREIL GÉNÉRATEUR- DES: GASTÉROPODES. 165 


Cescellulesépithéliales sontgarnies de cils vibratiles très nombreux, 
très courts, et doués de mouvements oscillatoires extrêmement 
vifs (pl. If, fig. 12). Le mouvement de ces cils persiste pendant 
ün temps assez long, lorsqu'on a soin d’entretenir la préparation 
dans un état d'humidité convenable. 

Ce sont les papilles que nous venons de décrire qui sécrètent la 
matière du spermatophore. Ce corps singulier, désigné par Lister 
sous le nom de capreolus, ne se rencontre dans la gaine du pénis 
qu'à l’époque de l’accouplement; il se présente alors sous l'aspect 
d’un tube recourbé , effilé à ses deux extrémités, mais toujours 
néanmoins beaucoup plus en arrière qu’en avant (pl. IL, fig. 13). 
Sur son côlé convexe existe une sorte d’arête denticulée, qui se 
loge dans la gouttière longitudinale que nous avons mentionnée à 
l'intérieur de la gaine. Les parois du capreolus sont assez minces 
et demi-transparentes ; elles sont composées d’une matière amorphe 
disposée sous forme de couches, dont les plus superficielles res- 
semblent à de la gélatine, tandis que les plus profondes acquièrent 
la densité de la corne. Sa cavité est remplie par du sperme ex- 
trêmement épais et d’une belle couleur blanche ; ce sperme offre 
une disposition des plus remarquables : au lieu de représenter une 
masse confuse, il forme une sorte de fil continu, que l’on pour- 
rait, avec quelque précaution, dérouler dans toute sa longueur, 
lorsqu'on a laissé le capreolus séjourner un peu dans l'alcool. Les 
spermatozoïdes qui composent ce fil sont très fortement pressés 
les uns contre les autres, et ne m'ont présenté qu’exceptionnelle- 
ment des mouvements appréciables. 

Nous voici revenus au vestibule ; c’est là, on doit se le rappeler, 
que précédemment j'ai abandonné l’oviducte ; c’est là aussi, comme 
je le dirai bientôt, que vient s'ouvrir l'organe important, désigné 
sous le nom de vessie ou poche copulatrice; on conçoit dès lors 
combien l’étude de cette partie nous intéresse. 

Le vestibule (1) est un conduit large et court qui communique 


(1) Bourse commune (Moquin-Tandon); poche vestibulaire (Blainv.), sac 
génital commun (Burdach); vestibule antérieur ou vagin (Gratiol.) ; vestibule 
(Cuv.); cloaque génital, bourse génitale de quelques auteurs. 


166 BAUDELOT. 
d’une part avec l'extérieur, de l'autre avec l'oviducte, la gaine du 
pénis et la vessie copulatrice (pl. IH, fig. 1 vw). 

A l'extérieur, le vestibule présente deux portions bien dis- 
tinctes : l’une supérieure (vv) qui est lisse, l’autre inférieure (v') 
qui est entourée d’une espèce de manchon glanduleux. Ces deux 
portions adhèrent aux parties voisines à l’aide d’un tissu cellulaire 
généralement peu serré, 

Les parois du vestibule sont épaisses; dans la portion supé- 
rieure, leur tissu est très résistant, et formé de fibres musculaires 
ou élastiques ; dans la portion inférieure, elles sont formées à peu 
près uniquement par du tissu glanduleux 

La couche glanduleuse est constituée par un amas de petits 
grains arrondis offrant une couleur d'un blanc jaunâtre. Ces petits 
grains sont formés par autant d’acini, dont les conduits excré- 
teurs, fort déliés, communiquent entre eux, et vont s'ouvrir à 
l'intérieur du vestibule. 

Dans l'intérieur des acini, on trouve une matière blanche, 
dans laquelle l'analyse microscopique m'a révélé ce qui suit : 

4° Des cellules à contour simple et à contenu finement granu- 
leux avec un ou deux noyaux; elles sont assez rares. 

9 Des cellules beaucoup plus petites que les précédentes et à 
double contour. Le contour extérieur est très foncé ; il est suivi 
d’une zone plus intérieure très claire, en dedans de laquelle existe 
une autre zone beaucoup plus obscure, et qui s'étend jusqu’au 
centre. Cet aspect des cellules est dû à la grande réfringence du 
liquide qu’elles renferment; peut-être même ce que j'appelle ici 
cellule n'est-il pas autre chose que des gouttelettes de matière 
grasse ou albuminoïde, Quoi qu'il en soit de la nature de ces corps, 
on les aperçoit en très grande quantité ; les plus petits ne dépas- 
sent guère en volume de simples granulations. 

& De très fines granulations douées d’un mouvement molécu- 
laire extrêmement prononcé. 

Les usages de l'appareil glandulaire que nous venons de décrire 
sont probablement de sécréter un liquide qui lubrifie les parties 
au moment de l’aceouplement, ou bien à l’époque de la sortie des 
œufs. res where 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 167 


A l'intérieur, les parois du vestibule offrent des plis générale- 
ment très marqués (pl. If, fig. 44 v), mais dont le nombre et le 
relief varient suivant l’état de contraction de l'organe. Je me con- 
tente de les signaler, et j'arrive à la description des ouvertures 
dont j'ai parlé précédemment. 

L'oviducte s'ouvre au centre d'un large repli qui occupe le som- 
met de la cavité vestibulaire, et la remplit en grande partie. Ce 
repli (4) estirrégulièrement ovalaire ; il présente de nombreux plis 
à sa surface et dans tout son pourtour ; l’un de ses côtés est beau- 
coup plus étendu que l’autre, ce qui lui donne une certaine res- 
semblance avec une petite oreille dont la conque serait tournée 
vers l’entrée de la poche copulatrice ; ses parois sont très épaisses 
et comme villeuses. 

L'ouverture de la poche copulatrice (p') se trouve située à la 
partie supérieure et un peu latérale du vestibule; cette ouverture 
communique avec la poche par l'intermédiaire d’un court canal 
(un demi-centimètre environ) (4), à parois épaisses, et recouvert 
à l’intérieur de plis longitudinaux. 

La vessie copulatrice (2) (pl. If, fig. 4 p) possède à peu près le 
volume d’un pois. Ses parois sont excessivement minces, el 
sillonnées par de nombreux vaisseaux qu’elle recoit d’une grosse 
artère qui côtoie la portion inférieure de l’oviducte (3); sa cavité 
est remplie d’un liquide ordinairement brunâtre ou rosé. Ce liquide 
est très visqueux, et filant comme une épaisse solution de gomme. 
Sur un certain nombre de sujets que j’ai surpris pendant l’accou- 
plement et que j'ai examinés quelques heures après, j'ai trouvé 
dans ce liquide : 


(1) Pédicule ou canal de la vessie copulatrice; ductus sive vas deferens 
(Swamm., List.); urèthre (Trevir.). 

(2) Poche copulatrice (Desh., Moq.-Tandon) ; nodulus piriformis (Swamm); 
vesicula lenticularis (List.) ; vessie à long col(Cuv., Blainv., van Bened.); vési- 
cule à long col (Prévost); vessie urinaire (Trevir.); rein, carus (Burd.) ; Blase 
(Paasch); vésicule copulatrice (Gratiol.); testicule (List.) ; vessie de la pourpre 
(Swam., van Ben.) ; vésicule pédonculée, poche de fécondation, réceptacle du 
sperme de quelques auteurs. 

(3) Un faisceau que je crois de nature musculaire part du col de la vésicule 
et va s’insérer à gauche au niveau du bord postérieur du manteau. 


163 BAUDELOT. : 


1° Une quantité considérable de têtes de spermatozoïdes sépa- 
rées de leur filament eaudal ; 

2° Des filaments très pàles provenant de spermatozoïdes anciens 
en voie de dissolution ; 

3° Des spermatozoïdes frais et intacts, mais qui m'ont toujours 
paru immobiles ; 

k° Des granulations ; 

5° Des débris de spermatophores. 

Dans un sujet, j'ai trouvé la poche copulatrice remplie de fila- 
ments végétaux simples ou rameux, et tout à fait analogues # du 
mycélium. 

Immédiatement au-dessous de l’orifice de la poche copulatrice 
se trouve une dépression, au fond de laquelle vient faire saillie 
l'extrémité inférieure de la gaine du pénis. Cette portion proémi- 
nente n'offre guère plus de 4 millimètre d’étendue; elle revêt ha- 
bituellement l'aspect d’un petit cylindre, dont la cavité intérieure, 
marquée de plis longitudinaux réguliers, est séparée, au moyen 
d’un repli circulaire, du reste de la cavité de Ja gaine du pénis. 
C'est le repli circulaire dont je viens de parler qui constitue la 
verge proprement dite (pl. H, fig. 14 w) ; il pourrait donc rece- 
voir le nom de pli pénien, et le prolongement de la gaine celui de 
prépuce. 

Sur un sujet que j'avais fait périr aussilôt après l’accouplement, 
je trouvai le prépuce renversé et élalé à la manière d’un disque, 
régulièrement dentelé sur ses bords. Au milieu de ce disque on 
apercevait une petite saillie circulaire formée par le pli pénien, et 
présentant dans son centre l’orifice de la verge (pl. IE, fig. 14 w', 
w, g'). 

Inférieurement le vestibule s'ouvre au dehors, par un orifice 
situé au-dessous du rebord du manteau, en arrière du tentacule 
droit. 

Pendant l’accouplement, le vestibule se renverse complétement 
au dehors, et présente la disposition suivante (1) : le repli ova- 


(4) Lorsque l'on sépare deux Arions accouplés, les parties renversées au 
dehors rentrent presque subitement, de sorte qu'il n'est guère possible d'en bien 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DÉS. GASTÉROPODES. 169 
laire, au centre duquel s’ouvre l’oviducte, offre l'aspect d’un gros 
bourrelet, à peu près de forme semi-lunaire, à surface tomenteuse 
et à bords finement festonnés {pl. IE, fig. 15 et16 /); il est recou- 
vert d’un mucus transparent. Du côté concave de ce bourrelet se 
voit une sorte de groscylindre ‘w'), légèrement évasé vers son bord 
libre, et creusé d’une cavité infundibuliforme, du fond de laquelle 
s'élève un cône très court (fig. 15 w). Ce cône, formé par le pli 
pénien, présente à son sommet une ouverture, à travers laquelle 
s'engage le spermatophore (fig. 16 s). Sur le rebord du gros 
cylindre, et du côté adjacent au bourrelet semi-lunaire, s'implante 
un autre cylindre plus petit, creusé comme le premier d’une 
cavité cratériforme, et dont le fond communique avec la poche 
copulatrice (p'). 

Le cône pénien (w)de l’autre animal s’emboîte exactement dans 
cette cavité cratériforme, ce qui permet au spermatophore de 
glisser aisément dans l’intérieur de la poche copulatrice. 

Voici, d’après M. Moquin-Tandon, comment se passent les phé- 
nomènes de l’accouplement : 

« Chez les Arions, le globule, formé par la glande caudale au- 
dessus du sinus aveugle terminal, augmente considérablement à 
l’époque du rut. Lorsque deux individus se rencontrent, l’un d'eux 
se dirige aussitôt vers l’extrémité postérieure de l’autre qui conti- 
nue à ramper, lui pose sa tête sur la queue, et, tout en suivant la 
même direction, dévore lentement le mucus accumulé sur celle-ci, 
jusqu’à ce que le premier, se retournant (ce qui demande environ 


étudier la disposition. Si d'un autre côté on plonge brusquement ces animaux 
dans l'alcool, ils se séparent et retirent encore leurs organes à l'intérieur avant 
de périr. Voici donc le procédé auquel j'ai eu recours et qui m'a permis d'étudier 
avec la plus grande facilité le rapport des parties sorties au dehors pendant l’ac- 
couplement : 

Je prends les deux sujets accouplés, je saisis brusquement avec les ongles et 
en arrière l'un des deux bourrelets que forment à l'extérieur les vestibules inva- 
ginés, puis je l'arrache du corps de l'animal; ce bourrelet entraîne avec lui une 
portion de l’oviducte, la poche copulatrice, la gaîne du pénis et même le canal 
déférent; je répète rapidement la même opération sur l’autre individu, je plonge 
les parties arrachées dans l'alcool et j'obtiens ainsi en quelques instants une 
préparation qui montre à merveille le rapport des organes. 


470 BAUDELOT. 


deux heures), se mette à manger à son tour le globule muqueux 
de l’autre Arion, ou bien vienne caresser le côté droit de sa tête ; 
alors ce dernier, abandonnant le sinus caudal, lui rend caresses 
pour caresses. Les deux Mollusques forment une espèce de cercle, 
chaque Arion ayant sa tête sur la queue de son camarade (Wer- 
lich) ; ils se chatouillent mutuellement, se lèchent le mufle, le cou, 
l'orifice génital, Toute la partie antérieure du corps entre bientôt 
dans un état convulsif. Le tubercule commun de l’appareil repro- 
dueteur commence à se montrer comme un bouton blanchâtre ; 
les attouchements deviennent de plus en plus intimes et de plus 
en plus voluptueux. La verge sort de son fourreau, s’allonge, se 
roidit, et l’accouplement s'opère. Les frémissements spasmodiques 
durent près d’une heure, et cessent tout à fait avec la séparation. 
Les deux Arions ‘se trouvent alors dans un état voisin de l’épuise- 
ment (Werlich). » 


Helix pomatia. 


Chez l’Helix pomatia, l'appareil génital occupe à lui seul presque 
toute la partie antérieure de la cavité du corps située au-dessous de 
l'organe pulmonaire. Cet appareil étant construit sur le même type 
que celui de l’Arion, je suivrai ici le même ordre descriptif. . 

La glande hermaphrodite (pl. Il, fig. 17 À) est située vers l’ex- 
trémité du corps; cette glande n’est plus isolée comme celle de 
l'Arion, mais profondément enchàssée dans le foie dont elle occupe 
la concavité ; sa face libre est recouverte d’une membrane mince, 
transparente, très facilement isolable ; on la distingue aisément à 
sa couleur blanchâtre, qui tranche nettement sur la teinte brune 
de l'organe hépatique. 

Au point de vue de sa structure, cette glande offre la plus 
grande analogie avec celle de l’Arion ; on y retrouve la même dis- 
position en grappe ; seulement ici les follicules, au lieu d’être glo- 
buleux, sont allongés et en forme de petits culs-de-sac (pl. HE, 
fig. 1). Ces follicules adhèrent entre eux à l’aide d’un tissu cellu- 
laire assez résistant; leurs parois, minces et transparentes, ren- 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 171 


ferment dans leur épaisseur, et en toute saison, un certain nombre 
d’ovules blanchâtres, perceptibles même à l’œil nu (pl. I, fig. 4 
et 2 w). 

Pour bien s’assurer que les ovules se trouvent réellement con- 
tenus dans l'épaisseur des parois folliculaires, il suffit de faire 
rouler un follicule entre deux verres ; on voit alors chacun des 
ovules décrire un mouvement de rotation, en restant constam- 
ment en rapport avec le même point de la paroi du follicule. 

Le développement des ovules n’est pas facile à observer, à cause 
du voisinage de l'élément spermatique. Voici quel a été sur ce 
sujet le résultat des observations de H. Meckel : 

« Au début, les œufs consistent en des cellules oblongues ren- 
fermant un noyau; ces cellules sont complétement remplies de 
granulations blanches, qui ne sont jamais animées du mouve- 
ment moléculaire ; leur diamètre est de 0"",004. Pendant que ces 
cellules croissent de manière à atteindre 0"*,014, on voit apparaître 
successivement dans le noyau un, deux et jusqu’à quatre corpus- 
cules. Dans les œufs qui ont atteint 0"",02, un des corpuscules 
du noyau se distingue des autres par sa grosseur, et par ce fait 
qu’au lieu de rester solide, il est devenu creux. Plus tard, lenombre 
des corpuscules solides du noyau diminue, tandis que le corpus- 
cule creux grossit et devient graduellement solide. 

» Quand les œufs ont atteint leur grosseur normale de 0"",07 
à 0"",08, ils se composent d’un chorion épais et solide, d’un 
jaune formé d’une masse de très petites granulations, et enfin 
d’une vésicule germinalive, avec un noyau creux ou solide. Les 
granulations du jaune baïgnent dans un stroma analogue au blanc 
de l'œuf; chacune d’elles retient par attraction une mince couche 
de ce liquide à sa surface. » 

lei se présente une question : les ovules sont-ils contenus dans 
l'intervalle de deux cæcums invaginés, ainsi que le prétend 
Meckel ? ou bien dans une cavité temporaire, une espèce de vésicule 
de Graaf, comme le fait observer très judicieusement M. Gratiolet ? 

Pour moi, j’adopte sans hésiter l'opinion de M. Gratiolet, 
d’abord parce que la paroi des follicules ne m'a jamais paru double 
ailleurs qu'au niveau des ovules, et ensuile parce que ce dédou- 


179 BAUDELOT. 


blement n’aurait aucune raison d’être, les ovules devant tomber à 
l'intérieur des follicules, ainsi que nous le verrons par la suite. 

La cavité des follicules est remplie d’un liquide lactescent, dans 
lequel j'ai observé ce qui suit : 

1° Des granulations très nombreuses agitées du mouvement 
moléculaire. 

2 De grandes cellules à contenu finement granuleux, dans l'in- 
térieur desquelles on aperçoit souvent d’autres cellules en voie de 
formation. 

3° Des faisceaux de spermatozoïdes. Les filaments qui consti- 
tuent ces faisceaux adhèrent tous par leur extrémité céphalique à 
une cellule centrale comme chez l’Arion : lorsqu'ils sont entière- 
ment développés, ils sont en général disposés parallèlement, et 
animés d’un mouvement commun d’ondulation. 

L° De petites cellules à contenu transparent ; ce sont des cellules 
zoospermiques détachées de faisceaux en voie de développement. 
On voit très fréquemment les spermatozoïdes se dégager de ces 
cellules en leur imprimant un mouvement gyratoire très rapide. 

5° De grandes cellules généralement arrondies, à contour pâle, 
et renfermant à l'intérieur une quantité de granulations jaunâtres, 
douées le plus souvent d’un mouvement de trépidation très vif ; 
ce sont des cellules centrales des faisceaux zoospermiques deve- 
nues libres. 

6° Des spermatozoïdes libres. Ces filaments atteignent ici une 
longueur remarquable, environ 4 millimètre ; ils ressemblent à un 
long fil, terminé à l’une de ses extrémités par un léger renflement 
de forme conique. L'eau pure les tue instantanément en les faisant 
s'enrouler sur eux-mêmes. Voici ce que dit Meckel à propos de 
leur développement : « Dans des cellules brunes et polyédriques 
qui paraissent contenir une graisse jaune et épaisse, on voit se 
former de un à trois noyaux clairs ou même davantage. Ces cel- 
lules forment un épithélium à la surface interne de la tunique 
propre du follicule testiculaire. D’autres de ces cellules, qui sont 
en général plus petites, renferment seulement des granulations 
jaunes ; mais sur leur face libre apparaît une foule de cellules à 
noyau, transparentes, qui sont les rudiments des spermatozoïdes. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES. GASTÉROPODES. 173 
Le cellules transparentes se transforment peu à peu en filaments. 
La vésicule d’où naît le filament reste constamment attachée à 
l'extrémité périphérique de ce dernier, et finit par disparaitre. 
Quand leur développement est complet, les spermatozoïdes se 
détachent de la cellule mère. Tant que les spermatozoïdes adhèrent 
à la cellule mère, ils se trouvent fixés par elle à la tunique propre; 
mais, plus tard, on les voit nager en faisceaux dans la cavité du 
follicule. » 

Les canaux excréteurs de la glande hermaphrodite convergent 
tous vers sa face libre, où ils se déversent dans deux ou trois gros 
troncs qui, en s’unissant entre eux, conslituent le canal efférent 
(pl, HE, fig. 17, et pl. IL, fig. de). 

Ces canaux excréleurs ont des parois fort minces et transpa- 
rentes ; ils renferment habituellement un sperme très clair, au 
milieu duquel on voit souvent nager des ovules. Lorsque l’on 
presse légèrement un conduit où baignent quelques-uns de ces 
ovules, on voit ces derniers circuler rapidement dans l’intérieur 
du conduit, en subissant des changements de forme qui sont une 
conséquence de la mollesse et de la flexibilité de leur enveloppe. 
Selon Meckel et ceux qui partagent son opinion, ces ovules ne se 
trouveraient au milieu du sperme que par accident, c’est-à-dire 
par suite de la rupture du follicule interne, lequel, à cause de sa 
minceur, céderait au moindre choc. Cette objection aurait en 
réalité une certaine valeur si l’on n'avait égard qu'aux Heliæ, à 
cause des froissements inévitables que subit la glande lorsqu'on 
extrait l'animal de sa coquille; mais elle tombe devant les faits 
que nous aurons à signaler plus loin à l’occasion des Doris et 
des Éolides. 

Canal efférent. — Le canal efférent (pl. IL, fig. 17 e) mesure 
environ 2 centimètres d’étendue, abstraction faite de ses sinuosi- 
lés; sa couleur est d’un blanc légèrement nacré. Il est très étroit 
au sortir de la glande hermaphrodite, et descend d’abord à peu 
près en ligne directe; bientôt il se renfle, et acquiert un volume 
double, triple, même de celui qu'il possédait ; en même temps il se 
replie sur lui-même, etdécrit une suite de zigzags, reliés entre eux 
par une gaine de lissu cellulaire, Vers son extrémité inférieure, le 


47h BAUDELOT. 


canal devient de nouveau étroit et rectiligne. Arrivé à la base de 
la glande de l’albumine, il forme un coude allongé, une sorte de 
talon qui se couche à la surface, ou s'implante dans l’épaisseur de 
cette glande. À partir du talon, le canal, qui s’était un instant 
réélargi au niveau de ce point, diminue de nouveau de calibre, 
s’enfonce de plus en plus dans l'épaisseur de la glande de l’albu- 
mine, et, après un trajet de quelques millimètres, va se con- 
linuer avec la gouttière déférente de la même manière que nous 
l'avons vu pour l'Arion. 

Les parois du canal efférent sont minces et transparentes; sa 
cavité est remplie par du sperme parfaitement lié et d’un blanc très 
pur. Malgré des observations fréquemment répétées, je n'ai jamais 
pu y rencontrer des ovules. 

Examiné au microscope, le sperme ne m'a présenté que des 
spermatozoïdes, sans mélange d’autres corps. Ces spermatozoïdes 
sont isolés les uns des autres, et non plus réunis en faisceaux 
comme dans la glande hermaphrodite. Quand on les arrose avec 
du sang de l'animal, ils s'animent, ct présentent des mouvements 
très vifs des plus curieux ; ces mouvements ont lieu en spirale, 
Lorsque deux ou plusieurs zoospermes viennent à se rencontrer, 
ils S’enlacent, et se servant muluellement de point d'appui, ils 
glissent l’un autour de l’autre en décrivant une hélice, comme le 
Serpent qui s'élèverait autour d’un rameau. 

Glande de l’albumine. — La glande de l’albumine (pl. If, 
fig. 17 a) est très allongée et d'aspect linguiforme ; elle présente 
deux faces, l'une connexe et l’autre concave. Sa couleur est habi- 
tuellement blanche, quelquefois jaunâtre. Pendant l'hiver, elle 
perd beaucoup de son volume et devient très flasque. Au point de 
vue de sa structure, elle diffère un peu de celle de l’Arion; ses 
lobules, au lieu de rester isolés, se soudent intimement les uns 
aux autres, en sorte que la glande paraît formée d’une masse 
unique. Lorsqu'on ouvre cette glande, on voit qu’elle est creusée 
à son centre d’un large canal qui s’étend à peu près jusqu’à son 
extrémité (pl. ITf, fig. 4 a). Ce canal va en diminuant de la base 
de l’organe à son sommet ; il communique inférieurement avec 
l’oviducte, Un y aperçoit de chaque côté une série de petites 


APPAREIL GENÉRATEUR. DES. GASTÉROPÔDES,. 175 
ouvertures généralement ovalaires, qui sont les orifices des canaux 
excréteurs (ibid., ee). 

En soumettant au microscope des fragments de la glande, j'y ai 
rencontré les mêmes éléments que chez l’Arion (pl. If, fig. 5), à 
Savoir : 

A° Des granulations libres. 

2 Des cellules d’épithélium arrondies ou ovalaires, à contenu 
pâle et granuleux. 

3° Des cellules à contenu transparent, réfractant fortement la 
lumière, et ressemblant tout à fait à des gouttelettes d'albumine, 

Lorsqu'on laisse la glande de l’albumine se dessécher à l’air 
libre; elle jaunit peu à peu, et forme, avant de se durcir, une 
masse très adhérente aux doigts, et collante comme de la gélatine. 

Oviducte. — L'oviducte (pl. IT, fig. 1700) se compose, comme 
chez l’Arion, de deux portions distinctes : l’une supérieure, ou 
prostatique; l’autre inférieure, ou infra-prostatique. 

© La portion prostatique a environ 5 à 6 centimètres d’étendue; 
elle est large et fortement plissée sur toute sa longueur ; son tissu 
est mou et de nature glanduleuse. Ge tissu se gonfle considérable- 
ment, et devient translucide lorsqu'on laisse la préparation séjour- 
ner quelque temps dans l’eau pure; sous le inicroscope, il res- 
semble alors à un amas de petites vésicules arrondies pourvues de 
granulaüons à l'intérieur (pl. HE, fig, 6). 

La portion infra-prostatique (pl. IL, fig. 17 ov) n’a guère que 
1/2 centimètre ; elle est beaucoup plus étroite que la précédente, 
arrondie, et munie de parois musculeuses assez résistantes ; elle 
s'ouvre au sommet du vestibule en s’unissant avec la branche (p') 
de la poche copulatrice. 

Canal déférent. — La portion prostatique du canal déférent 
offre la même disposition que chez l’Arion; elle consiste en une 
large goutlière ouverte du côté de l’oviducte, et formée par deux 
replis qui se recouvrent (pl. IL, fig. 7 rr). Cette gouttière existe 
dans toute l'étendue de la portion prostatique de l’oviducte; sa 
face extérieure est recouverte par la prostate, Cette dernière, de 
même que chez l’Arion, offre l'aspect d’un large ruban glandu- 
leux de couleur blanchâtre, appliqué dans la concavité des replis 


176 BAUDELOT. 


de l’oviducte ; elle se compose d’une multitude de petits follicules 
rameux très difficiles à isoler, et qui déversent leur produit par 
des orifices très étroits dans l'intérieur de la goutlière déférente. 
Une artère occupe la ligne médiane de la prostate, et l'accompagne 
dans tout son trajet. 

Le liquide prostatique renferme une multitude de granulations, 
ainsi que de grandes cellules épithéliales de forme variable, et 
pourvues chacune d’un ou de deux gros noyaux. Les noyaux 
nagent dans un liquide granuleux, et renferment ordinairement 
un ou deux nucléoles accompagnés de granules extrêmement fins 
(pl. I, fig. 8). 

La portion infra-prostratique du canal 'déférent (fig. 47 ce) a 
environ à centimètres de longueur; elle fait suite à la gouttière 
déférente, Après avoir traversé les parois de l’oviducte, elle se 
présente sous l’aspect d’un tube arrondi assez grêle, qui va S’in- 
sérer à l'extrémité postérieure de la gaîne du pénis. 

La gaine du pénis (pl. IH, fig. 47 g) a la forme d’un cylindre 
un peu effilé vers ses deux bouts ; son extrémité inférieure s’im- 
plante sur le vestibule; en arrière, elle se continue avec un tube 
très long (environ 7 centimètres) (fig. 17 ff), finissent insensible- 
ment en pointe et tout à fait libre. Ce tube a reçu le nom de flagel- 
lum ; il a pour usage de sécréter la malière du spermatophore. 

On voit aussi un petit faisceau musculaire se détacher de la 
gaine à quelques millimètres en avant du point où le canal déférent 
s’unit à la base du flagellum (fig. 17 m). Ce faiscéau, qui joue le 
rôle de muscle rétracteur, s’insère au diaphragme par son extré- 
milé opposée. 

La gaine du pénis est formée de deux enveloppes : l’une exté- 
rieure, lisse, résistante, composée de fibres longitudinales et trans- 
versales; l’autre intérieure, beaucoup plus molle, et plissée lon- 
gitudinalement. Sur cette dernière, on distingue aussi deux replis 
ou bourrelets circulaires, dont le supérieur (pl. HT, fig. 9 w) re- 
présente l’extrémité de la verge. 

Dans l'étendue du tiers inférieur de la gaîne, les deux mem- 
branes restent intimement accolées ; mais, à partir d’un premier 
repli cireulaire (fig. 9 g') jusqu’à l'extrémité du eylindre, clles 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES: GASTÉROPODES. 177 
S##eartent l'une de l’autre, et l'intervalle qui les sépare s’ trouve 
rempli par des lamelles de lissu cellulaire, obliquement étendues 
d’un feuillet à l’autre (fig. 9, g). Ces lamelles celluleuses sont 
fortement plissées pendant l’état de repos de l'organe ; leur laxité 
a, Sans doute, pour but de permettre au repli pénien de s’allonger 
au moment de l'acte copulateur. 

Vestibule. — Le vestibule (pl. IF, fig. 47, vv) représente un 
cylindre ereux de 10 à 12 millimètres de longueur, dont l’extré- 
mité inférieure s'ouvre au dehors par un orifice situé à droite, en 
arrière et un peu au-dessous du gros tentacule. Vers sa terminai- 
son, ce cylindre reçoit latéralement la gaine du pénis ; à son extré- 
mité supérieure, il communique avec l’oviducte, la poche copu- 
latrice, et deux autres organes qui n’existaient pas chez l’Arion : 
le sac du dard (ibid., k) et les vésicules multifides (ibid., ææ). 
Ses parois sont épaisses et musculeuses ; sa surface intérieure est 
marquée de plis longitudinaux. 

Des diverses ouvertures que nous venons de mentionner à la 
parlie supérieure du vestibule, la plus déclive est celle du sac du 
dard. Cette ouverture ressemble à une large fente allongée dans 
le sens de l’axe du vesübule. Le pourtour inférieur de cette fente 
est formé par un bourrelet demi-circulaire très épais. Vers la 
partie supérieure de la fente, on aperçoit sur chacun de ses bords 
un petit perluis, à travers lequel on pénètre dans les vésicules 
multifides. 

Tout à fait à son sommet, le vestibule se continue directement 
avec le canal de la poche copulatrice ; il communique avec l’ovi- 
ducte, au niveau de l'entrée de ce canal, 

Je passe maintenant aux annexes du vestibule. 

Sac du dard. — Le sac du dard a l'aspect d’un cylindre arrondi 
à son extrémité supérieure ; il est libre dans toute son étendue ; 
sa base s'implante obliquement sur les parois du vestibule. Sa 
longueur est de 12 millimètres environ, sa largeur de 4 à 5. Ses 
parois sont musculeuses et d’une épaisseur extrême. Sa cavité est 
fort étroite ; elle renferme un petit stylet calcaire (dard), dont la 
pointe regarde vers le vestibule, et dont la base est implantée à la 


surface d’une petite papille située au fond de l'organe. 
4° série, Zooc. T. XIX. (Cahier n° 3.) # 12 


178 RAUDELOT. 


Le dard a 5 à 6 millimètres de longueur; sa surface présente 
quatre arêtes saillantes et finement dentelées ; il est percé d’un 
petit canal arrondi, et fait effervescence avec les acides. Je l'ai 
rencontré en toule saison dans le sac, mais non pas d’une manière 
constante. On doit considérer le dard comme un organe d’excita- 
tion; c'est avec ce petit instrument que les Hélices préludent à 
leurs caresses amoureuses : elles s’en servent pour se piquer mu- 
tuellement et pour éveiller leurs ardeurs. La chute du dard paraît 
toujours être la conséquence immédiate de ces manœuvres. — 
Divers naturalistes (4) ont pensé qu’un nouveau dard était produit 
à chaque accouplement, Duvernoy a été jusqu'à comparer cette 
régénération à celle du bois du cerf ; il ajoute même que Faiguillon 
parait composé d’une matière semblable, 11 est inutile de relever 
ces deux asserlions. 

Bouchard-Chantereaux s’est assuré que, dans beaucoup de cir- 
conslances, les Hélices n'avaient pas de dard au moment de leurs 
préludes amoureuses; il croit que l'instrument dont il s’agit 
n'existe que chez les individus qui s’accouplent pour la première 
fois (2). 

Vésicules multifides. — Les vésicules multifides sont des or- 
ganes de sécrétion, composés chacun d’un nombre variable de 
petits diverticulums (3), très allongés, et parfaitement isolés les 
uns des autres. Dans chacune de ces vésicules, les diverliculums 
se groupent d’abord en petit nombre, puis en nombre plus eonsi- 
dérable , et finissent par ne plus former qu’un seul tronc qui 
s'ouvre presque aussitôt dans le vestibule (pl. IE, fig. 17, ææ). 
Les troncs de ces vésiculés sont disposés symétriquement de 
chaque côté et un peu au-dessous de l'entrée du canal de la poche 


(1) Duvernoy, Valmont de Bomare, Cuvier, Blainville, Prévost, Siebold. 

(2) Draparnaud l'a considéré comme un clitoris caduc; ailleurs il suppose 
que pendant la copulation le dard est introduit dans la verge de l’autre individu; 
il prend alors le capreolus pour le dard. 

(3) Le nombre des diverticulums est (oujours très considérable chez l'Heliæ 
pomatia, où j'en ai compté de 30 à 50 de chaque côté. Ce nombre varie beaucoup, 
du reste, non-seulement d'une espèce à l'autre, mais même entre les différents 
individus d’une même espèce. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 479 


copulatrice, dans l’angle que forme le vestibule avec le sac du 
dard. 

Les vésicules multifides renferment un liquide lactescent, dans 
lequel nagent des granulations et une multitude de cellules épithé- 
liales arrondies ou ovalaires. Ces vésicules paraissent corres- 
pondre à la couche glanduleuse qui entoure la portion inférieure 
du vestibule chez l’Arion. 

Poche copulatrice. — La poche copulatrice (pl. TE, fig. 47, p) a 
la forme d’une poire légèrement aplatie, suspendue à l'extrémité 
d’un long pédoncule. Le canal de cette poche est un petit tube 
arrondi communiquant avec le sommet du vestibule. Ce canal est 
de même longueur que l’oviducte ; il suit la concavité de ce der- 
nier organe, et lui adhère à l’aide d’un tissu cellulaire assez dense. 
Ses parois sont formées d’une membrane résistante marquée in- 
térieurement de plis longitudinaux, et tapissée par de l’épithélium 
à cylindre ; quelquefois, mais rarement, j'ai vu ce tube présenter 
sur son trajet un court diverticalum, ou bien un renflement irré- 
gulier. 

La poche copulatrice a des parois extrêmement minces ; sa 
cavité est habituellement remplie par une matière brunâtre, très 
épaisse, presque solide. Cette matière soumise au microscope m'a 
présenté ce qui suil : 

4° Des granulations ; 

2% Des débris d'épithélium ; 

5° Des Infusoires. 

Les Infusoires méritent de fixer {oute notre attention, car ce 
sont eux qui ont servi de point de départ à la théorie de M. Gra-- 
tiolet. Ces animalcules ont environ 0"",01 de longueur ; ils sont 
pourvus d’un filament flagelliforme extrêmement grêle, surpas- 
sant en longueur le corps de l'animal (pl. IE, fig. 10) ; ils se meu- 
vent avec une extrême rapidité, et en changeant de forme à chaque 
instant. On les rencontre en toute saison et d’une manière presque 
constante dans l’intérieur de la vésicule. 

Après l’accouplement, la vésicule renferme toujours une cer- 
taine quantité de sperme frais, dans lequel on observe des sper- 
matozoïdes vivants. Ce sperme disparaît au bout d’un temps va- 


180 BAUDELOT. 

riable, et il ne reste à sa place que cette matière brune, concrète, 
dont je viens de parler. Il m'est cependant arrivé une ou deux 
fois de rencontrer, même au milieu de l'hiver, des spermatozoïdes 
encore intacits, mais entièrement immobiles dans la cavité de la 
poche copulatrice. 

«Les amours des Hélices ont attiré depuis longtemps l’atten- 
tion des malacologistes. Les deux individus qui cherchent à s'unir 
s’approchent, se regardent, se flairent, se mettent face à face, 
relèvent souvent la moitié antérieure de leur pied, l’appliquent 
l’une contre l’autre, se touchent les tentacules, écartent leurs 
têtes, les rapprochent, se lèchent, se frôlent, se mordillent..…. 
Le Mollusque mordu retire un peu ses tentacules; 1l les ressort 
après quelques secondes. Quand la morsure est trop forte, les 
deux animaux se séparent, mais leur éloignement ne dure qu’un 
instant ; ils reviennent bientôt l’un vers l'autre, reprennent leur 
première position, el recommencent leurs caresses. 

» Bientôt la bourse génitale se renverse, et le dard sort de son 
fourreau. Les deux Hélices s’agacent, et s’excitent mutuellement 
avec ce curieux aiguillon. Chaque individu cherche à piquer son 
camarade ; celui-ci, dès qu’il aperçoit la pointe du telum V'eneris, 
se rélugie dans sa coquille avec une promptitude que ces animaux 
présentent rarement. I n’y a point de lieu particulier choisi pour 
les piqures, les titillations de l'instrument; toutefois, c'est ordi- 
nairement dans le voisinage de l’orifice générateur, ou contre cet 
orifice lui-même, que vient frapper le dard. Cette partie du cou 
est alors gonflée, souvent bleuâtre, et dans un état d’éréthisme très 
marqué. De son côté, l’autre Mollusque se livre à un petit manége 
exactement semblable : les dards se rencontrent, se croisent et 
se heurtent. Ce n'est qu'après ces agaceries préliminaires. que 
commence le véritable accouplement. 

» Par l'effet de son renversenient, la bourse commune présente 
au dehors les deux orifices de la verge et du vagin. Cette bourse 
paraît alors blanchâtre. Asa partie postérieure se trouve un tuber- 
eule par où doit sortir l'organe mâle. Antérieurement, tout à côté, 
on en remarque un autre beaucoup plus grand, au centre duquel 
se voit l'ouverture vaginale. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 181 

» Bientôt paraît le pénis. Son fourreau se retourne jusqu'à l’in- 

sertion du conduit séminal; il se déroule comme le doigt d’un 

gant dont on mettrait le dedans au dehors. L'introduction n'a pas 

lieu avec une grande rapidité. » (Moquin-Tandon, Histoire des 
Mollusques de France, p. 225.) 


Helix aspersa. 


L'appareil générateur de l’Helix aspersa offre la plus grande 
analogie avec celui de l’Æelixæ pomatia ; aussi les quelques détails 
que je vais donner ici n’ont pas d'autre but que celui de com- 
pléter nos recherches sur l’Helix pomatia. 

Le talon du conduit excréteur est moins saillant. Le canal de 
la poche copulatrice présente sur son trajet un très long diverticu- 
Jum (pl. HE, fig. 11,7) (environ 9centimètres) replié sur lui-même, 
et fixé à l’oviducte à l’aide d’un tissu cellulaire assez dense. Ce 
diverticulum, comme nous l’avons vu, existe aussi quelquefois 
chez l'Heliæ pomatia ; mais il est toujours très court, et le plus 
souvent même il ne se trouve représenté que par une dilatation 
irrégulière du canal de la poche copulatrice. 

Les branches des vésicules multifides sont un peu plus grêles; 
j'en ai compté trente-quatre d’un côté et vingt-neuf de l’autre ; le 
tronc commun qui supporte toutes ces branches est mieux distinct. 

Le sac du dard ressemble à une massue ; le dard présente une 
courbure très légère; enfin le vestibule est un peu plus renflé que 
dens l’Helix pomatia. 

« Si l’on sépare violemment, dit M. Moquin, deux Hélices cha- 
grinées (Helix aspersa) accouplées depuis quelque temps, on iso- 
lera deux filaments roides, luisants, un peu nacrés, sorlis tous deux 
en partie de l’organe excitateur d’un individu, et en partie de 
l'orifice vaginal de l’autre. Ces filaments sont les deux capreolus 
(spermatophores). 

» Qu'on se figure deux corps très longs, très grêles, capillaires, 
comme cartilagineux, élastiques, brillants, légèrement diaphanes, 
offrant vers le tiers antérieur une dilatation oblongue, aplatie, 


182 BAUDELOT. 
découpée assez régulièrement sur les bords, et fortement courbée 
dans le sens longitudinal. 

» Cette dilatation embrasse étroitement une petite masse pul- 
peuse, légèrement jaunâtre, contre laquelle sont appliquées les 
découpures marginales. 

» La partie antérieure du capreolus se présente comme un 
appendice formé de quatre lamelles fort longues et fort étroites, 
unies ensemble à angle droit, de manière à produire quatre gont- 
tières longitudinales assez profondes. Ces lamelles s'épaississent 
un peu vers le bord libre, sur lequel elles offrent quelquefois une 
rainure longitudinale ; d’autres fois ce même bord se creuse, et sa 
rainure se transforme en un pelit canal. La coupe transversale de 
ces quatre lames présente une petile croix de Malle un peu irré- 
culière. Cette partie antérieure du capreolus parait légèrement 
verdâtre. En arrière de la dilatation dentelée, le capreolus est plus 
long et plus grêle qu’en avant ; on dirait un ruban transparent, 
courbé sur lui-même, et formant ainsi un tube assez étroit. Ce 
canal se termine par un léger renflement. 

» Exposés à l'air, les capreolus se tordent, se dessèchent, et 
deviennent cassants. » 

Le capreolus parait destiné à conduire plus sûrement le sperme 
dans l’intérieur de la poche copulatrice ou dans sa branche acces- 
soire. 

Lister pense que les dentelures, ou spinules du renflement 
(nodus), ont pour usage principal de retenir le capreolus dans la 
partie femelle (4). 

Le capreolus ne parail pas exister en dehors de l’époque de 
l’accouplement, car je ne l’ai jamais rencontré que dans des Hé- 
lices accouplées ou venant de s’accoupler. 

D'où naît le capreolus, et que devient-il après l’accouplement ? 
Voici ce que dit à ce sujet M. Moquin : 

« En disséquant avec attention la partie de la verge voisine du 
flagellum, j'ai observé intérieurement une multitude de petites 


(4) « Istius itaque nodi uncinati, inter alia, is usus esse videtur, ne capreolus 
» semine lubricalus præpropere et citius ex utero exeaf, quam par est. » 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 188 


papilles qui paraissent de nature glanduleuse. J'ai remarqué de 
plus quatre canelures longitudinales, profondes, qui semblent ré- 
pondre aux lamelles du capréolus (lout comme dans la poche du 
dard). Dans le flagellum, il y a aussi le moule de ruban étroit, 
courbé sur lui-même, qui constitue le filament inférieur du ca- 
preolus. 

» Quant au nodus, j'ignore commentil est produit ; j'ignore aussi 
l'origine de la matière pulpeuse qu’il embrasse. Lorsque l’accou- 
plement est terminé, le capreolus paraît se rompre et rester dans 
l'appareil femelle. Ces fragments du capreolus sont-ils dissous et 
absorbés ? Sont-ils employés pour l'enveloppe calcaire des œufs 
ou pour la coquille du fœtus ? Il est certain qu'un nouveau ca- 
preolus est produit à chaque accouplement. » 

Je suis complétement d'accord avec M. Moquin touchant le 
lieu d’origine du capreolus : l'analogie, aussi bien que l'anatomie 
directe, conduit à admettre que la partie postérieure du fourreau 
de la verge ne reste pas étrangère à la formation du spermato- 
phore ; elle permet même d'établir, je dirai presque avec certitude, 
en quel point naissent et la portion dilatée et le filament terminal 
du capreolus des Hélices. 

Remarquons, en effet, le capreolus des Arions ; cet organe par 
sa conslitution représente la portion dilatée du capreolus des 
Hélices ; mais il n’est pas suivi du long filament élastique et spiral 
que l'on voit dans ce dernier. Or nous savons que le capreolus de 
l'Arion est sécrété par le fourreau de la verge, et que les Arions 
n’ont point de flagellum ; on peut donc induire de là que la portion 
dilatée du capreolus des Hélices est sécrétée par la partie posté- 
rieure du fourreau de la verge, et le filament spiral par le flagel- 
lum. 

Quant à la malière pulpeuse embrassée par le nodus, je me 
suis assuré qu'elle n’est autre chose que du sperme; on trouve 
également des spermatozoïdes dans l’intérieur du tube spiral qui 
fait suite au nodus. 

Après son expulsion, le capreolus pénètre soit dans la poche 
copulatrice, soit dans la branche accessoire de son canal (pl. HE, 
fig. 19, s). Lorsqu'il pénètre dans cette dernière, on voit bientôt 


184 BAUDELOT. 


\" 


les parois du tube se dilater mégalement ct préndre un aspect 
noueux (pl. HE, fig. 11, x). Vient-on à ouvrir ce tube, on constate 
qu'au niveau des points dilatés, la matière amorphe du capreolus 
s’est ramollie, gonflée et comme fluidifiée. D'abord cette matière 
se dissocie, et se résout en petites lamelles transparentes (pl. IT, 
fig. 16); plus tard, et au bout d’un temps généralement assez 
court, le capreolus disparait complétement, abandonnant sur place 
le sperme qu’il contient. 

Il m'est arrivé plusieurs fois de trouver dans la branche acces- 
soire une pelite couronne denticulée, de forme très élégante, 
d'apparence calcaire, et dont l’origine m'a d’abord beaucoup in- 
trigué. J'ai reconnu depuis que cette petite couronne provient du 
capreolus, dont elle occupe l'extrémité antérieure (pl. HE, fig. 13). 
Sa nature, sans doute un peu différente de celle du reste du ca- 
preolus, lui permet de résister beaucoup plus longtemps à l’action 
dissolvante du liquide sécrété par les parois du tube; voilà pour- 
quoi on la trouve encore lorsque tout le reste du capreolus a déjà 
disparu. 

Lorsque le capreolus pénètre dans la poche copulatrice, il ne 
tarde pas à se dissoudre de la même manière pour laisser échapper 
le sperme qu'il contient. 

On peut done inférer de ce qui précède que le capreolus n’a 
d'autre usage que celui de servir de véhicule au sperme, et de le 
dépeser d’une manière sûre dans la poche copulatrice ou bien 
dans sa branche. 

J'ai observé dans la poche copulatrice des animalcules tout à 
fait semblables à ceux que j'ai décrits dans celle de l’Helix po- 
mafia. 

Le rapport des organes copulateurs pendant l’union sexuelle 
n’est pas difficile à constater chez l’Helix aspersa, car lorsqu'on 
plonge dans l’alcool deux de ces Helices accouplées, elles meurent 
rapidement et sans se séparer. On peut alors reconnaitre que la 
verge pénètre jusqu'à l'entrée du canal de la poche copulatrice, et 
qu'elle se trouve située dans l'axe même de ce canal, tandis que 
l’orifice de loviducte se trouve refoulé latéralement. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 139 


Limax cinereus. 


Sous le rapport de la situation, de la forme et de la structure, 
la glande hermaphrodite diffère à peine de celle de l’Arion; 
comme chez celui-ci, c’est une glande en grappe dont la surface 
est recouverte d’une membrane noirâtre chargée de matière pig- 
mentaire ; seulement, au lieu d’être arrondie, elle est un peu allon- 
gée et aplatie (pl. HE, fig. 17). Dans son intérieur, j'ai trouvé au 
mois d'octobre : 

1° Une quantité innombrable de granulations. 

2 Des spermatozoïdes extrêmement vifs; l’eau pure les fait 
s’enrouler sur eux-mêmes, mais ne les tue pas instantanément 
comme chez la plupart des Gastéropodes. 

3° Des ovules habituellement nombreux; sur un sujet que 
j'ouvris le 11 octobre, au moment où il terminait sa ponte, la glande 
en renfermait encore un nombre assez considérable. 

Le canal efférent est très large, et replié un grand nombre de 
fois sur lui-même. Un peu au-dessous du point où il s’accole à 
l’oviducte, il se rétrécit subitement dans l’étendue de 1 millimètre 
environ ; puisil se coude à angle droit en s'élargissant de nouveau, 
et en formant une espèce de talon ou diverticulum, qui est profon- 
dément couché au milieu des lobules de la base de la glande de 
l'albumine. 

La glande de l’albumine offre les mêmes caractères que chez 
l’Arion; elle est formée d’une réunion de lobules parfaitement 
distincts et très facilement isolables. Ces lobules sont constitués 
par des groupes d’acini, dont les conduits excréteurs se déversent 
daus un canal central. Sur un sujet que j'ai ouvert au 10 octobre, 
celte glande était énorme, et remplissait à elle seule la plus grande 
partie de la cavité viscérale, Sur un autre sujet que j’examinai le 
lendemain-au moment où il venait de terminer sa ponte, je trou- 
vai, au contraire, cetle même glande très petite, flasque, et reve- 
nue sur elle-même. 

La particularité la plus remarquable consiste dans la disposition 


186 BAUDELOT. 


de la gouttière déférente. Nous avons vu que, chez l’Arion, cette 
gouttière règne dans l’intérieur de l’oviducte à peu près sur toute 
sa longueur ; il n’en est plus de même ici. Tout à fait à son extré- 
mité supérieure, le repli déférent se comporte encore exactement 
comme chez l’Arion; mais à 4 centimètre 1/2 environ au-dessous 
de l’orifice de la glande de l’albumine, ce repli se soude par son 
bord libre, et transforme la gouttière en un canal complet, à parois 
très minces, mais néanmoins assez résistantes (pl. IT, fig. 48, c'e). 
Ce canal, d’abord intimement accolé à l’oviducle, en devient 
bientôt parfaitement distinct, et s’en isole avec Ja plus grande faci- 
lité. Au point où se termine la prostate, il devient plus étroit, ré- 
oulièrement arrondi, et il abandonne l’oviducte pour se rendre à 
la verge (pl. IE, fig. 17, cc). 

Les glandules prostatiques recouvrent la face libre du canal 
déférent; ils se distinguent les uns des autres avec une netteté 
beaucoup plus grande que chez l’Arion et les Hélices ; ils sont 
aussi plus gros (pl. IT, fig. 19, 44). En poussant un liquide coloré 
de bas en haut dans le conduit déférent, on peut les injecter très 
facilement, et rendre leur disposition encore plus évidente ; la 
même injection pénètre aisément dans l’oviducte, et permet en 
même temps de vérifier à quelle hauteur le conduit déférent cesse 
d'être un canal complet pour former une simple gouttiere. 

Vues au microscope, les glandules prostatiques m'ont paru tapis- 
sées à l’intérieur par des cellules d’épithélium polygonales. Comme 
chez les Helix, ces cellules renferment de fines granulations, au 
milieu desquelles nage un gros noyau arrondi ; ce noyau est lui- 
même rempli de granules, et souvent pourvu d’un nucléole. 
Dans la cavité du follicule, on trouve des noyaux libres, des débris 
d’épithélium et des granulations. 

Oviducte.-— Ici, comme chez l’Arion, nous distinguerons dans 
l'oviducte une portion prostatique et une portion infra-prosta- 
tique. 

A. Portion prostatique (fig. 17, 00). — Celte portion est très 
longue, et repliée un grand nombre de fois sur elle-même ; son 
aspect et sa structure varient, du reste, selon la hauteur à laquelle 
on la considère. Ainsi tout à fait vers le haut elle est recouverte 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 187 


de plis nombreux, que l’on voit disparaître graduellement un peu 
plus bas. Dans ses cinq sixièmes supérieurs, elle est extrêmement 
large et un peu aplatie ; ses parois sont épaisses, molles et glan- 
duleuses, comme chez l’Arion, Dans le sixième inférieur, elle de- 
vient beaucoup plus étroite et assez régulièrement arrondie ; ses 
parois sont plus minces et presque membraneuses. 

B. Portion infra-prostatique (fig. 17, ov).— Cette portion n’a 
guère qu'un demi-centimètre d’étendue; elle est moins large que 
la précédente ; ses parois sont beaucoup plus résistantes, et m'ont 
paru renfermer des fibres musculaires. 

Canal déférent (portion infra-prostatique). — La portion infra 
prostatique du canal déférent est très courte (environ 4 centi- 
mètre) ; elle est aussi très étroite, elle s'attache à l'extrémité posté- 
rieure de la gaine du pénis. Cette gaîne occupe la même place que 
chez l’Arion ; elle est contournée sur elle-même, et un peu effilée 
à ses deux extrémités. Sa longueur est d'environ 3 centimètres. 
A son extrémité postérieure s'attache un faisceau musculaire puis- 
sant qui se porte en arrière, à gauche et en bas, pour se perdre 
dans le pied. 

Les parois de la gaïne ne sont pas très épaisses ; elles sont for- 
mées de tissu musculaire, et lorsqu'on vient à les fendre sur le 
vivant, les lèvres de l’incision s’écartent fortement et s’enroulent 
en dehors. La cavité de la gaine est très large vers le milieu, ré- 
trécie au contraire en haut et en bas. On y remarque un repli 
longitudinal très considérable, surtout dans sa portion inférieure. 
Ce repli offre l’aspect d’une lame festonnée très épaisse qui partage 
en deux la cavité de l'organe ; il vient mourir inférieurement à 
1/2 centimètre environ au-dessous de l'ouverture qui fait commu- 
niquer la gaine avec le vestibule. 

La poche copulatrice (fig. 17, p) a des parois minces; son 
canal, long d'environ 1/2 centimètre, s'ouvre entre l’orifice de la 
gaine du pénis et celui de l’oviducte. Dans son intérieur, on 
trouve une matière brunâtre plus ou mois épaisse, visqueuse, et 
habituellement composée de spermatozoïdes. 

Le 1L octobre, ayant ouvert la poche copulatrice d’une Limace 
grise qui venait de terminer sa ponte, j'y ai rencontré une quantité 


183 BAUDELOT, 


de spermatozoïdes bien conservés, et parmi ceux-ci un assez 
grand nombre de vivants; ils étaient identiques en tout point 
avec ceux que l’on observe dans l’intérieur du canal efférent. 

Vestibule. — Au lieu d'offrir comme chez l’Arion un déve- 
loppement considérable, le vestibule est très court, très étroit, et 
sa surface n’a guère que la largeur suffisante pour l'insertion des 
trois conduits de la verge, de l'oviducte et de la poche copula- 
ue... , 

J'ai vu des individus pondre dans les mois de septembre, d’oc- 
tobre et de novembre. Le nombre des œufs était d'environ cin- 
quante; ces œufs ont une coque entièrement transparente, et 
ressemblent à de petits globules de gélatine; ils ont à peu près 
à millimètres de diamètre. 

L'accouplement des Limaces cendrées offre des particularités 
extrêmement curieuses. J'ai eu deux fois l’occasion d’en être té- 
moin ; chaque fois la voûte de ma cave a été le lieu choisi par ces 
animaux pour l’accomplissement de cet acte. Voici ce que j'ai 
observé : 

Le rapprochement a lieu vers l’entrée de la nuit; les deux in- 
dividus qui vont s’accoupler se suivent d’abord avec ardeur, le 
mufle de l’un appliqué sur l’extréinité caudale de l’autre. Cette 
poursuite dure quelquefois très longtemps ; le premier individu finit 
enfin par s'arrêter et par se recourber latéralement, de manière 
à toucher avec sa bouche la queue de son camarade. Les deux 
Limaces forment alors un cercle, et continuent à tourner ainsi pen- 
dant un certain temps, après lequel il arrive souvent de les voir se 
remettre en marche; mais elles finissent toujours par s’arrêter 
d’une manière définitive, en se replaçant en cercle de la manière 
que je viens de décrire; ce manége dure habituellement deux à 
trois heures, quelquefois davantage. Au bout de ce temps, et lors- 
que la paroi sur laquelle elles se sont fixées se trouve bien engluée 
de mucus, l’une des Limaces se détache, et reste suspendue par la 
queue ; sa camarade se laisse glisser autour d'elle, et elles s’entor- 
tillent {toutes deux en forme de pas de vis ; le cordon visqueux qui 
les soulient s’allonge rapidement , et atieint 1 décimètre 1/2 à 
2 décimètres de longueur. Ce cordon offre environ 3 millimètres 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 189 


d'épaisseur à sa partie moyenne; mais vers le haut, il s'étale sous 
l'apparence d’un cône, dont la base, large d'environ 5 centi- 
mètres, reste appliquée sur la paroi de la voüte. En ce moment, 
on voit pondre sur l’un des côtés du cou de chaque animal un tu- 
bercule blanc, qui s’allonge avec rapidité sous la forme d'un appen- 
dice cylindrique long d'environ 3 à 4 centimètres. Chacun de ces 
appendices est constitué par la gaine du pénis renversée au dehors; 
on les voit l’un et l’autre se balancer avec rapidité, et dès qu'ils 
viennent à se toucher, ils s’enlacent instantanément, et s’étalent 
sous forme d’une lame ondulée, à bords sinueux, dont la base s’in- 
sère par un pédicule arrondi et assez étroit au côté droit du cou. 

L'accouplement est alors commencé ; il dure environ dix à 
quinze minutes, après quoi les appendices copulateurs se séparent, 
et rentrent assez rapidement à l’intérieur du corps. 

Que deviennent ensuite les Limaces ? Voilà ce que je ne pour- 
rais bien préciser. Je m'attendais à les voir remonter le long de 
leur fil suspenseur ; mais la première fois, elles firent des mou- 
vements un peu brusques, et le pédicule s'étant rompu, elles 
tombêrent à terre. La seconde fois, je fis la section des organes 
copulateurs sortis au dehors, et je ne pus rien savoir. 

La manière dont le sperme passe dans la poche copulatrice m'a 
paru différer beaucoup de ce que l’on voit chez les Hélices et chez 
les Arions. 

I n’y a pas de spermatophore, et, d’après la disposition des 
organes copulateurs, il n’y a pas non plus d’intromission des 
pénis ; mais voici ce qui arrive : quand les gaines des pénis sont 
renversées au dehors et appliquées l’une contre l’autre, le sperme 
s'écoule par leur extrémité, et se déverse sur l'organe corres- 
pondant de l’autre animal, lequel organe présente à cet effet une 
large gouttière qui règne dans les deux tiers voisins de son extré- 
mité. Quand l’accouplement cesse, les deux organes copulateurs 
ainsi chargés de sperme rentrent à l’intérieur, et c’est sans doute 
à mesure qu'ils se retournent, que le sperme qui les couvre s'é- 
coule dans le canal de la poche copulatrice qui s'ouvre à l'entrée 
du vestibule, tout à côté du pont d'insertion de la gaine du pénis. 

Ce qui me détermine à croire que les choses se passent ainsi, 


190 BAUDELOT. 


c’est que, ayant fait la section des appendices copulateursau moment 
où l'union venait de cesser, je vis la gouttière, placée à leur sur- 
face, remplie d’une couche très épaisse de sperme, tandis que les 
poches copulatrices restées dans l’intérieur du corps se trouvèrent 
le lendemain complétement vides de sperme. 


Lymnæus stagnalis. 


Chez le Limnée, la glande hermaphrodite est située à la face 
concave du foie, et enchâssée dans le tissu de cet organe; sa 
forme est à peu près celle d’un triangle allongé, dont le sommet 
remonte jusqu'à À centimètre environ de l'extrémité de la spire 
(pl. IV, fig. 4, h). 

Au point de vue de sa structure, cette glande offre comme pré- 
cédemment les caractères des glandes en grappes ; les conduits 
excréteurs des divers lobes et lobules se déversent dans un canal 
principal qui occupe la ligne médiane de la face libre de la glande. 

Lorsqu'on soumet au microscope un lambeau de la glande, on y 
reconnait aisément l’existence d’ovules et de spermatozoïdes. Ces 
derniers possèdent à peu près les mêmes caractères que ceux des 
Hélices ; ils sont très allongés, filiformes, et ont l'extrémité cépha- 
lique terminée par un très pelit renflement de forme cenique. 
Quant aux ovules vitellins, ils sont très nombreux et d’un jaune 
clair, ce qui permet de les distinguer facilement à l'œil nu; leur 
structure est la même que chez l’Arion et les Hélices. Je m'étonne 
donc que Paasch dise ne les avoir jamais rencontrés (1). 

Ces ovules sont renfermés dans l'épaisseur des parois follicu- 
laires, surtout vers le fond des follicules ; un certain nombre 
d’entre eux sont libres cependant, et en pressant légèrement la 
surface de la glande, on les voit cireuler rapidement avec le sperme 
dans l’intérieur des ramifications du conduit excréteur. 

J'ai retrouvé ces ovules vitellins avec les mêmes caractères 
dans l’intérieur des œufs récemment pondus, ce qui ne permet de 


(1) « Im Hoden fand ich nie jene eïäbnlichen Zellen. » (Wigman’s Archiv, 
t XVII, 1843.) 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 191 


conserver aucun doute sur leur nature; ils se présentent alors sous 
l'aspect d’une pelte lache jaunâtre, placée au centre de la masse 
albumineuse qui forme le blanc de l'œuf: ce sont eux qui devien- 
nent le siége du développement embryonnaire. 

Le conduit principal de la glande hermaphrodite se continue 
avec le canal efférent. Ce dernier canal est d’abord étroit et régu- 
lièrement arrondi; mais bientôt il s’élargit, et se couvre d’une 
foule de petits diverticulums simples ou rameux, dans lesquels 
pénètre le sperme (pl. IV, fig. 1, ee). Ainsi constitué, il descend 
en serpentant vers la base de la glande de l’albumine; avant 
d'atteindre ce dernier organe, on voit les petits diverticulums qui 
le recouvrent disparaitre graduellement ; le canal redevient étroit 
et arrondi, et gagne la face concave de la glande, après avoir 
rampé quelques instants à sa surface. 

Dans l’intérieur du canal efférent, j'ai constamment trouvé du 
sperme pur, bien lié et d’une blancheur éclatante; je n’y ai jamais 
rencontré aucun ovule, quoique leur couleur jaune füt une condi- 
tion très favorable pour les distinguer aisément au milieu du 
sperme. 

Arrivé à la base de la glande de l’albumine, le canal efférent se 
bifurque ; l’une des branches se rend aux organes femelles (pl. IV, 
fig, 4,e'), Fautre se continue avec le conduit mâle. La branche 
femelle est très courte, et se jette dans l’oviducte vers son extré- 
mité postérieure (1). Au delà de cette bifurcation, chaque appa- 


(4) Voici une expérience de Paasch destinée à démontrer la communication 
directe de l'appareil mâle avec l'appareil femelle. Ce savant insuffla de l'air dans 
le renflement piriforme (c') du canal déférent et observa que ce gaz passait d’un 
côté dans le tube déférent (canal excréteur) et de l'autre dans l'ovaire et l'ovi- 
ducte ; voici du reste ses propres paroles : 

« Injectionem versuchle ich gar nicht ; wenn ich aber in den runden sack, in 
» Welchem das vas deferens eintritt, Luft einblies, so Konnete ich ciese einer- 
» seits in das vas deferens treiben, andrerseits aber auch durch den Schlauch {i”) 
» in das Ovarium und in die Oviduct, wodurch man sich also von dem Zusam- 
» menhang dieser Theile unzweïdeutig uberzeugen kann, » 

Je tentai plusieurs fois de répéter cette expérience, mais je ne pus y parvenir, 
j'essayai alors des injections avec un mélange de bleu de Prusse et d'essence de 
térébenthine et je parvins à injecter l'oviducte en poussant le liquide par le 


2 BAUDELOT. 


reil recouvre son indépendance, et si l'appareil mâle reste encore 
accolé à l'appareil femelle dans une grande partie de son trajet, il 
en est tout à fait distinct, et peut s’en isoler avec la plus grande 
facilité. 

Vers leur terminaison, les deux appareils se séparent complé- 
tement, et vont s'ouvrir au dehors par deux orifices situés à tme 
faible distance l’un de l’autre. 

‘Je vais décrire successivement chacun de ces appareils. 

Dans l'appareil femelle, nous trouvons échelonnés d’arrière en 
avant la glande de l’albumine, loviducte, l'organe de la glaire, le 
réservoir commun de la glaire et des œufs, enfin le vagin, au 
sommet duquel s’insère le conduit de la poche copulatrice. 

La glande de l’albumine (pl. IV, fig. 1, a) est légèrement re- 
courbée ; son volume est relativement moindre que chez l'Helix 
et chez l’Arion ; sa couleur est jaunâtre, où bien d’un gris faible- 
ment rosé. Elle est composée de très pelits acini fortement unis 
entre eux. Au microscope, on y retrouve des éléments tout à fait 
identiques avec ceux que nous avons déjà signalés chez les 
Arions, les Hélices et les Limaces. 

De la face inférieure de la glande et vers l’une de ses extrémités 
part un conduit extrêmement fin qui se renfle presque aussitôt, 
mais d’un côté seulement. Après un trajet de 1 millimètre environ, 
ce conduit se jette dans l’oviducte tout à côté du point d'insertion 
de la branche femelle du canal excréteur (pl. IV, fig. 1, a’). 

L'oviducte se compose de trois portions distinctes (0 070"). La 
portion supérieure (0) représenté un large conduit fortément plissé 
et replié plusieurs fois sur lui-même ; sa forme plissée résulte de 
l’inégal développement de ses deux moitiés, dont l’une a pris une 
amplitude excessive, tandis que l’autre est restée droite, et par 
conséquent beaucoup plus courte. 

A son extrémité inférieure, cette portion se rétrécit, puis reçoit 


canal déférent, mais le sperme empécha toujours le liquide de refluer dans le 
canal excréteur. J'observerai en outre que, pour arriver facilement à ce résultat, 
ilest bon de laisser macérer la préparation au moins un jour dans l'eau pure, 
afin de diluer les liquides contenus dans l'intérieur des canaux et de diminuer ainsi 
la résistance au passage de l'injection. 


» 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, ” 49 
latéralement un canal très court, auquel est appendu ‘un organe 
globuleux, jaunâtre, d’un volume assez considérable (fig. 4, d). 
Paasch ne s'explique pas sur la nature de cet organe ; M. Laurent 
l'avait d’abord considéré comme un testicule ; pour moi, je le re- 
garde comme l'organe sécréteur de la glaire. En effet, lorsqu'on 
l'ouvre, on voit qu'il possède des parois glanduleuses fort épaisses, 
et qu'il est creusé au centre d’une petite cavité toujours remplie 
de matière glaireuse. En pressant entre deux verres sous le mi- 
croscope une parcelle de son tissu, j'ai vu s’en écouler un liquide 
visqueux, dans lequel nagent une foule de granulations et quel- 
ques rares cellules d’épithélium conique. 

Au-Gessous de l'organe de la glaire, l'oviducte descend sous la 
forme d’un tube régulièrement arrondi (fig. 4, 0’), et se jette après 
un court trajet dans un gros renflement d'apparence fusiforme 
(fig. 4, 0/0"). Ce renflement est creux, de couleur jaunâtre, et 
marqué extérieurement de fines stries transversales ; sur l’une de 
ses faces règne une gouttière longitudinale, profonde, dans laquelle 
s'applique la portion supérieure élargie du canal déférent ; à l’in- 
térieur, on observe. une série de lamelles où feuillets trans- 
versaux, disposés parallèlement et avec beaucoup de régularité, 
Cet organe doit être considéré comme le réservoir commun des 
œufs et de la glaire ; je pense que c’est dans sa cavité que se mou- 
lent ces petits cylindres gélatiniformes, remplis d'œufs, que dépo- 
sent les Limnées au moment de la ponte. 

Au renflement dont je viens de parler succède un conduit 
aplati (fig. 4, 0"), d'apparence membraneuse, qui se continué 
inférieurement et sans ligne de démarcation avec le vagin, c’est-i- 
dire avec cette portion de tube excessivement courte, comprise 
entre l’origine de la branche copulatrice et l’orifice extérieur de 
l’oviducte. Le conduit femelle s'ouvre dans la gouttière suspé- 
dieuse, à quelque distance en arrière du tentacule droit. 

Le canal de la poche copulatrice est aplati et comme membra- 
neux ; sa longueur est de 2 centimètres environ. La vésicule qu'il 
supporte est ovoïde, et possède des parois excessivement minces ; 
elle renferme habituellement une matière épaisse d’un jaune très 
prononcé, dans laquelle j'ai observé (juin et juillet) : 

4° série. Zooc. T. XIX. (Cahier n° #4 } { 43 


194 BAUDELOT . 


4° Une quantité de spermatozoïdes. J'ai presque toujours trouvé 
ces spermatozoïdes morts et en voie de dissolution, c’est-à-dire 
avec l'apparence de filaments transparents, à contours vagues, 
nageant dans un liquide visqueux. 

2° Des goutteleltes irrégulières d’une matière jaune analogue à 
de la graisse. 

2° Des granulations. 


Reprenons maintenant l'appareil mâle où nous l'avons laissé, 
c'est-à-dire au point de bifureation du canal excréteur. 

Le canal déférent est extrêmement grêle à sa naissance; mais 
après un court trajet (1 millimètre environ), il se dilate brusque- 
ment, de manière à revêtir l'aspect d’un tube aplati très large, et 
d’un jaune grisâtre (fig. 4, e). Ce tube est suivi d’un renflement 
piriforme (c'), dont le sommet déprimé donne attache à un tube 
étroit, régulièrement arrondi (c" c"), qui se rend à la verge. Arré- 
tons-nous un instant sur chacune de ces parties. 

La portion aplatie (e) est d’un jaune grisâtre et comme cha- 
grinée dans sa moitié supérieure; elle présente de fins plis longi- 
tudinaux dans le reste de son étendue; ses parois sont minces, 
et recouvertes à l'intérieur de plis longitudinaux très prononcés. 

La portion piriforme (c') présente à sa surface de nombreuses 
bosselures séparées par dessillons irréguliers; ses parois sont assez 
épaisses ; sa face interne offre des plis très saillants qui font suite 
à ceux de la portion aplatie. 

Cette portion, ainsi que la précédente, se trouve accolée à 
l'oviducte ; mais on arrive aisément à les isoler l’ane et l’autre de 
ce dernier organe. 

La portion cylindrique (c”c")se présente sous l'aspect d’un long 
tube flexueux, libre partout, excepté dans l’espace compris entre 
l’orifice extérieur de l’oviducte et celui du fourreau de la verge, 
espace où il se trouve masqué par une couche musculaire épaisse 
sous laquelle il s'enfonce. 

Au sortir de l'organe piriforme, ce tube est d'abord formé d'une 
membrane assez mince, et légèrement plissée suivant sa longueur; 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 195 


mais il change presque aussitôt d'aspect : son enveloppe devient 
plus épaisse, son calibre plus étroit et son contour régulièrement 
arrondi ; ses parois sont alors composées de deux couches : 
l’une extérieure, formée de fibres longitudinales ; l’autre inté- 
rieure, formée de fibres circulaires. Lorsqu'on fait la section de 
ce canal sur le vivant, on le voit se tordre plusieurs fois sur lui- 
même. 

Gaîne du pénis. — Cette gaine se compose de deux portions : 
l'une supérieure, très petite (fig. 4, g'); l’autre inférieure, très 
volumineuse (g). 

La portion supérieure à la forme d’une petite massue, dont la 
grosse extrémité donne attache au canal déférent; elle est creuse, 
et traversée dans toute sa longueur par un petit organe cylindro- 
conique qui est la verge. Cette verge n’est pour ainsi dire qu’un 
prolongement du canal déférent ; elle est libre, et se termine par 
une pointe déliée au niveau de la terminaison de la première por- 
tion (1). 

La portion inférieure de la gaine est beaucoup plus volumineuse 
que la précédente; sa forme est celle d’un cylindre recourbé ; sa 
surface extérieure est marquée de fines stries transversales, et 
présente habituellement un aspect soyeux très prononcé; ses 
parois sont médiocrement épaisses, et formées de deux couches : 
l’une extérieure très résistante, constituée par des fibres circu- 
laires; l’autre intérieure plus molle, et recouverte de plis très 
nombreux. Parmi ces plis, il y en deux qui méritent plus particu- 
lièrement l'attention ; ils sont très épais, et, disposés l’un vis-à- 
vis de l’autre dans le sens longitudinal, ils s’effilent en arrière, et 
entre leurs extrémités se trouve un petit orifice qui fait commu- 
niquer entre elles les deux portions de la gaine. 

La longueur relative des deux portions de la gaîne varie beau- 
coup dans les différentes espèces de Limnée; j'emprunte ici à 
Paasch quelques exemples de ces variations : 


(1) Paasch semble n'avoir pas eu connaissance de cet organe, et avoir pris 
pour la verge le petit cul-de-sac qui la renferme : « Bei der Begaltung wird 50 
» \vohl der grôüssere Sack, als der kleine Schlauch ausgestülpt, aber nur der 
» letztere wird in die Vagina angefüuhrt, dies ist also der Penis. » 


196 BAULELOT. 

Dans le Limnœus stagnalis, la portion supérieure est à l’infé- 
rieure à peu près dans le rapport de # à 4. 

Dans le Limnœus palustris, à peu près de 4 à 2. 

Dans le Limnœus elongatus, à peu près de À à 4. 

Dans le Limnœus auricularius , la portion supérieure est égale 
ou même un peu plus longue que l inférieure. 

L'orifice extérieur de la gaine est situé au-dessous et un peu en 
arrière du tentacule droit, à quelques distances en avant de l’ori- 
fice femelle. 


La gaine du pénis possède un appareil moteur assez complexe; 
ce sont des faisceaux musculaires qui naissent du pied, el se por- 
tent obliquement d'avant en arrière pour venir s’insérer sur le 
côté et vers le fond de la portion inférieure. Le plus élevé de ces 
faisceaux envoie aussi un petit muscle à l’extrémité postérieure de 
la portion supérieure (fig. 4, m). 

Au moment de l’accouplement, la gaine tout entière se renverse 
à l'extérieur, et le petit organe subulé, que nous avons dit repré- 
senter la verge, pénètre dans le vagin ; quant à la portion infé- 
rieure de la gaine, elle reste au dehors sous forme d’un large ruban 
blanchâtre couvert de mucosités. 

La disposition des appareils générateurs ne permet pas que 
deux Limnées puissent se féconder réciproquement. En effet, le 
Limnée qui doit remplir la fonction masculine, monté sur l’autre 
individu, développe sa verge, et l’introduit dans l’oviduete de 
celui-c1 en exécutant une demi-révolution, qui le place à son 
égard dans une position renversée; de cette manière, l'animal 
fécondé n’a plus son pénis en rapport avec. l’oviducte de celui qui 
le féconde; mais chacun d’eux peut s’accoupler réciproquement 
avec un {roisième. 


Dans les marais où ces Mollusques abondent, il n’est point rare 
d'en rencontrer ainsi de longues chaines, où, à l'exception des 
deux qui en occupent les extrémités, tous sont ainsi alternative- 
ment fécondants ou fécondés. (Prévost. ) 

Les œufs sont elliptiques, et disséminés à l’intérieur d’un petit 
cylindre de malière gélaliniforine, transparente. Au moment de 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 197 


la ponte, ce cylindre est fixé par l'animal aux corps solides envi- 
ronnants. 


Planorbe. 


L'appareil générateur du Planorbe offre une très grande res- 
semblance avec celui du Limnée. 

La glande hermaphrodite (pl, IV, fig. 2, k, et fig. 3) a l'aspect 
d'un triangle allongé dont la base est en rapport avec le foie ; 
elle est enroulée en spirale et forme à elle seule l'extrémité du 
tortillon ; sa couleur est d’un blanc jaunâtre et sa longueur d’en- 
viron 1 centimètre ; elle est recouverte d’une fine membrane qui 
s'en isole avec fatilité. Elle se compose de follicules allongés dont 
les conduits excréteurs viennent s'ouvrir dans un canal médian 
que l'on aperçoit très nettement à la surface concave de la glande. 
Ce canal d’abord étroit vers le sommet de la glande, s’élargit 
considérablement vers sa base et se rétrécit de nouveau au 
moment où il l’'abandonne ; ses parois sont excessivement minces 
et se laissent déchirer au moindre contact; leur transparence per- 
met de distinguer très aisément les produits contenus dans l’inté- 
rieur du tube; dans celui-ci j'ai habituellement rencontré du 
sperme blanchâtre et assez clair; très fréquemment aussi j'ai vu 
nager au milieu de ce sperme de petits globes jaunâtres que j'ai 
reconnus sans peine pour être des ovules. 

Les ovules sont très nombreux, ils occupent le fond des folli- 
cules et donnent à cette portion un aspect jaunâtre ; ils naissent 
également dans l'épaisseur des parois folliculaires; leur volume est 
plus petit que chez les Hélices, mais ils offrent, du reste, les 
mêmes caractères. 

Les spermatozoïdes sont (rès allongés et possèdent de vifs mou- 
vements d'ondulation, leur tête est formée par un très petit ren- 
flement conoïde légèrement tordu en spirale. 

Le canal efférent (fig. ?, e) est assez étroit au moment où il 
abandonne la glande hermaphrodite, mais bientôt il s’élargit et se 
recouvre dune mullitude de petits diverticulums simples ou 
rameux, Ces diverticulums sont toujours remplis d’un sperme 


198 BAUDELOT. 

très blanc, {rès pur et parfailement lié, ce qui permet de les 
considérer comme autant de réservoirs spermatiques. À me- 
sure que l’on descend, le calibre du conduit efférent se rétré- 
cit de plus en plus, les diverticulums que j'ai signalés deviennent 
moins nombreux, plus petits et finissent par disparaître complé- 
tement. 

Le canal, devenu alors très étroit, se porte vers la base de la 
glande de l’albumine en suivant un trajét à peu près rectiligne. 
Arrivé vers le fond de l’oviducte, le conduit efférent s’y accole 
d’une manière intime et communique avec Jui par un tube exces- 
sivement court (fig. 2, e'), puis il se continue avec le canal 
déférent. 

Le canal déférent (fig. 2, cc'c") descend, constamment accolé 
à l'oviducte, mais avec quelque précaution on arrive aisément à 
l'en séparer. Vers son tiers supérieur, il offre sur l’un de ses côtés 
un organe glanduleux d’un volume assez considérable, la pros- 
tate (fig. 2, t). Ce dernier organe posséde à peu prés la forme 
d’un croissant à extrémités mousses; il est constitué par une 
multitude de glandules allongées dont les conduits excréteurs 
convergent tous vers la ligne médiane de sa face concave et s'ou- 
vrent à l’intérieur du canal déférent par une série de pelits ori- 
fices. 

Au microscope, le liquide prostatique m'a montré des cellules 
épithéliales et des granulations. 

Les cellules sont en général irrégulièrement arrondies, elles ren- 
ferment à l’intérieur une quantité de granulations souvent entre- 
mêlées de un ou deux petits noyaux. 

Pour faciliter la description, je distinguerai trois portions dans 
le canal déférent ; une supérieure (susprostalique), une moyenne 
(prostatique), une inférieure (infraprostatique ). 

La portion supérieure (fig. 2, c) est assez large, un peu aplatie, 
très sinueuse, elle se rétrécit graduellement vers le bas, ses parois 
sont molles et légèrement plissées. Cette portion se trouve inti- 
mement accolée à la portion supérieure de l’oviducte. 

La portion moyenne (fig. 2, c’) a la forme d’un fuseau aplati et 
un peu arqué ; sa face convexe est recouverte par la prostate dont 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 199 


les conduits excréteurs la traversent; les parois de cette portion 
sont minces et faiblement transparentes. 

La portion inférieure (fig. 2, ce") s'étend de la prostate jusqu’à 
la gaîne du pénis, elle se présente sous l'aspect d’un long tube, 
étroit, régulièrement arrondi et flexueux; ses parois sont très 
résistantes : à partir de la prostate ce tube descend le long du 
réservoir (0') de la glaire et des œufs, parallèlement à la branche 
copulatrice. Arrivé au niveau de l’orifice extérieur du canal de 
l’oviducte, il s’enfonce sous une couche musculaire épaisse, par- 
court ainsi 2 millimètres environ d’étendue d’arrière en avant, 
reparait à la base du tentacule gauche, se réfléchit vers le haut.en 
augmentant un peu de volume, passe entre les deux branches d'un 
pelit muscle dont l’origine est dans le pied et vient s’insérer au 
fond de la gaine du pénis. 

La gainé du pénis (fig. 2, g) représente un petit sac dont 
l'ouverture se montre à l'extérieur au-dessous et un peu en 
arrière de la base du tenltacule gauche; le fond de ce sac recoit 
le canal déférent; sa surface extérieure est recouverte d’une mem- 
brane noirâtre, très adhérente, elle donne insertion à deux ou trois 
petits muscles. L'un d'eux naît du pied; arrivé à 4 millimètre 
environ du sac, il se bifurque et ressemble alors assez bien à un 
Yentre les branches duquel passerait le canal déférent. Cha- 
que branche de la bifurcation se subdivise elle-même en fais- 
ceaux secondaires qui s'insèrent isolément à la surface du sac. 
De chaque côté de ce muscle on remarque, en général, un fais- 
ceau beaucoup plus grêle dont le gauche se porte vers la peau 
du dos. 

Lorsqu'on ouvre la gaine, on constate que ses parois sont assez 
minces, sa surface intérieure est également noirâtre ou grisâtre. 
Du fond de sa cavité surgit un organe cylindriforme, long de à à 
k millimètres, replié sur lui-même et dont Paasch a fait remar- 
quer avec raison l’analogie avec un pénis hamain (fig. 4, w). 

Cet organe joue le rôle de verge et la gouttière (3) qu'il présente 
n'a d'autre but que celui de recevoir le sperme qui coule de l’in- 
térieur du canal déférent et de le conduire jusqu’à sa pointe. 

J'ai vu une fois cet organe faire saillie au dehors, chez un Pla- 


200 BAUDELOT, 
norbe que j'avais laissé séjourner dans un mélange d'eau et 
d’éther à dessein de le faire périr. 

Le tissu de la verge est très dense et présente sur certains points 
une dureté presque cartilagineuse. 

Au fond de la gaine se montre un bourrelet très saillant 
(fig. 4, z') dont le contour plissé représente à peu près les trois 
quarts d’un cercle; les extrémités de ce bourrelet viennent 
se perdre en arrière sur les côlés de la verge; on aperçoit 
à son centre l’orifice du canal déférent d’où part la gouttière du 
pénis. 

Reprenons maintenant l'appareil femelle. Cet appareil se 
compose de même que chez le Lymnée, d’une glande de l’albu- 
mine, d’un oviducte, d'organes sécréteurs de la glaire et d’une 
poche copulatrice. 

La glande de l’albumine (fig. 2, «&) n’est pas très volumineuse, 
sa forme est en général assez irrégulière, sa couleur est jaunâtre 
ou d’un rose pâle : elle est formée d’acini très petits et tellement 
serrés que la glande ne forme qu'une masse unique et sans lobes 
distincts. Le tissu examiné au microscope m'a fait voir : 

1° Des cellules à contenu transparent, sans noyaux ni granu- 
lations, réfractant fortement la lumière ; elles ne diffèrent pas de 
celles que nous avons décrites précédemment dans la glande de 
l’albumine des Arions, des Lymnées, des Hélices, ele.; 

2% Des cellules généralement arrondies renfermant à l’inté- 
rieur des granulations très distinctes et un seul noyau, ce sont des 
cellules épithéliales : parmi ces cellules il y en a un certain nom- 
bre qui renferment un noyau granuleux d’un rose vif; ce sont ces 
noyaux qui donnent à la glande sa couleur rosée; 

9" Des noyaux libres, roses ou incolores provenant des cellules 
précédentes ; 

k° De très fines granulations. 

De la base de la glande de l’albumine part un conduit exces- 
sivement grêle qui, après un trajet de 4 millimètre ou à peu près, 
s’élargit brusquement, parcourt ainsi un espace de 4/2 millimètre 
environ el vient se confondre avec l'extrémité postérieure de V'ovi 
ducte (fig. 2, a'). 


LA 
APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 201 


L'oviducte est situé au-dessous de la cavité pulmonaire et n’en 
esi séparé que par une très fine membrane de couleur noirâtre; il 
présente des différences très marquées de forme et de structure, 
selon la hauteur et les points où on le considère. 

Dans sa portion supérieure (fig. 2, o) il est replié sur lui-même 
et sa largeur n’excède guère celle du conduit déférent ; le côté de 
sa surface qui se trouve en rapport avec ce dernier canal est un 
peu aplati et presque lisse; sa face libre, au contraire, est bombée, 
recouverte de plis et de sillons transversaux fort nombreux. A 
mesure qu'il descend, l’oviducte croît en volume, et ses parois, au 
lieu de rester mollement plissées, revêtent un aspect glanduleux. 
A 1 centimètre 1/2 environ au-dessous de son extrémité supé- 
rieure l’oviducte débouche dans une vaste poche (fig. 2, 0), à 
laquelle adhère un organe glanduleux (d), de forme allongée, des- 
tiné à la scérétion de la glaire. Cette poche que je regarde 
comme le réservoir de la glaire et des œufs se rétrécit vers le 
bas en forme d’entonnoir; elle est suivie d'un tube arrondi qui 
communique inférieurement avec le canal de la vessie copulatrice 
et s'ouvre au dehors à 2 millimètres environ en arrière de l'orifice 
mâle. 

Tel est l’oviducte considéré à l'extérieur, étudions maintenant 
sa disposition intérieure et sa structure. 

Lorsqu'on fend l’oviducte à son extrémité supérieure, près de 
la terminaison du conduit efférent, on trouve ses parois minces 
el sa cavité un peu anfractueuse; parmi les replis que celle-ci 
présente il en est un qui mérite une attention toute spéciale : 
sa forme est à peu près demi-circulaire (pl. IV, fig. 5, 0’). 
Lorsqu'on le soulève, on aperçoit au-dessous de lui une petite 
fente elliptique (e') qui fait communiquer l’oviducte avec le canal 
déférent (4), puis une dépression au fond de laquelle s'ouvre le 
conduit de la glande de l’albumine. 


{1} La communication de l'oviducte avec le canal déférent n'ayant jamais été 
démontrée anatomiquement chez le Planorbe, je ne crois pas inutile d'appuyer 
ce fait sur plusieurs expériences tout à fait concluantes : 

1° J'ai ouvert avec précaution l'oviducte un peu au-dessous de son extrémité 


202 BAUDELOT. 


A partir du point où il communique avec le canal déférent 
l'oviducte présente à l’intérieur deux replis ou bourrelets longi- 
tudinaux qui partagent sa cavité en deux portions bien distinctes : 
la portion située en arrière de ces replis (c’est-à-dire celle qui est 
adossée au canal déférent) reste mince et à peu près lisse dans 
tonte son étendue; l’autre portion présente, au contraire, des 
bosselures très prononcées et acquiert en descendant une épais- 
seur de plus en plus considérable. Vers le bas les parois de cette 
seconde portion deviennent tout à fait glanduleuses et se creusent 
à leur face interne d'une foule de vacuoles remplies par de la 
glaire; leur tissu est formé, à ce niveau, par une aggloméra- 
ion de petits follicules contenant une matière visqueuse dans 
laquelle nagent des cellules d'épithélium et de nombreuses granu- 
lations. 

Le réservoir de la glaire et des œufs (fig. 2, 0’) possède des 
parois fort minces, très friablés et d’un blanc jaunâtre ; sa surface 
intérieure est lisse, on y aperçoit sur l’un de ses côtés une série 
longitudinale de petits orifices allongés en travers et régulièrement 
disposés les uns au-dessus des autres ; ces orifices font communi- 
quer le réservoir avec un organe glanduleux (fig. 2, d) dont 
nous avons déjà signalé l’existence à sa surface extérieure, organe 
qui offre une structure tout à fait identique avec celle de la portion 


supérieure et j'y ai poussé doucement une injection formée d'un mélange de bleu 
de Prusse et d'essence de térébenthine, le liquide a passé aussitôt dans le canal 
déférent. 
2e J'ai fait l'expérience inverse, j'ai poussé l'injection dans la portion supé- 
rieure du canal déférent, le liquide a pénétré aussitôt dans l’oviducte ; ayant alors 
ouvert celui-ci, puis nettoyé sa cavité à l'aide d'un filet d’eau, j'ai pressé légère- 
ment le canal déférent et j'ai vu le liquide sourdre par la petite fente que j'ai 
signalée. 

3° J'ai poussé une injection de haut en bas par le conduit efférent, le liquide a 
rempli l'oviducte. 
. Les deux premières expériences sont très faciles à répéter et réussissent à peu 
près constamment ; la troisième, au contraire, est extrémement délicate, vu la 
ténuité du conduit efférent, et surtout à cause de la présence du sperme qu'il 
faut d'abord chasser par la pression ; elle ne m'a réussi qu’une seule fois. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 203 


glanduleuse de l'oviducte, et qui, du reste, a comme elle pour 
usage de sécréter la matière glaireuse qui protége les œufs. 

La portion de l'oviducte qui fait suite au réservoir de la glaire 
reste mince et lisse à l’intérieur, jusqu'au niveau de l'entrée de la 
poche copulatrice, mais à partir de ce point jusqu’à l'extérieur, 
c'est-à-dire dans une étendue de 2 à 3 millimètres, ses parois 
deviennent épaisses, musculeuses, et présentent des plis longitu- 
dinaux très réguliers. Cette portion épaissie de l’oviducte peut être 
regardé ecomme le vagin. 

Le canal de la poche copulatrice est grêle et d’une léberièue 
de 5 à 6 millimètres environ, la poche qu'il supporte est allongée 
et pyriforme (fig. 2, p); chez plusieurs sujets que j'ai examinés au 
commencement de novembre, cette poche renfermait une matière 
brunâtre, visqueuse, mélangée de débris organiques sans forme 
caractéristique ; à l'époque de la reproduction, j'y ai rencontré 
habituellement un grand nombre de spermatozoïdes. 

Les orifices de la génération sont séparés et placés du côlé gau- 
che, contrairement à ce que nous avons vu dans les types pré- 
cédents. 

« Au moment de la ponte les Planorbes déposent sur les corps 
environnants deux ou trois capsules, allongées, ovalaires ou 
arrondies , irrégulières, composées d’une mucosité incolore, 
rarement un peu rosée ou rougeâtre, assez ferme, renfermant 
une seule couche d'œufs (Moquin-Tandon). » 


Doris tuberculata, 


. 


L'appareil générateur de la Doris tuberculata diffère beaucoup 
de ceux que nous avons étudiés jusqu'ici, du moins quant à la 
disposition el à agencement de ses parties. 

La glande hermaphrodite offre une étendue très considérable, 
son tissu entoure le foie sous forme d’une mince couche (pl. IV, 
fig. 6, À). Ces deux organes réunis représentent un cône oblus 
dont le sommet regarde en arrière, ils remplissent à eux seuls la 
moitié postérieure de la grande cavité viscérale dont la moitié 


204 BAUDELOT. 
antérieure est occupée en grande partie par le reste de l'appareil 
généraleur. 

La couche formée par la glande génitale n’a qu’une faible épais- 
seur (1 millimètre environ), elle adhère au foie d’une manière 
très intime et s'enfonce entre les lobes de cet organe. 

Cette couche cesse d'exister à la partie centrale de la base du 
cône hépatique (fig. 6 et 7,u), elle se termine par un bord découpé 
en manière de palmes dont la couleur blanche ou jaunâtre tranche 
très agréablement sur le fond verdâtre du foie (fig. 7). 

Comme dans les types précédents, la glande génitale offre une 
disposition en grappe ; elle se compose de follicules constituant des 
Jobes aplatis, dont les conduits excréteurs convergent tous vers la 
face supérieure du foie où ils se déversent dans un canal commun 
(fig. 6, e) qui occupe d’abord le milieu de la face dorsale, se 
porte ensuite à droite, se réfléchit vers la base et abandonne enfin 
la glande pour se continuer avec un canal beaucoup plus large. { 

L'étude des follicules eux-mêmes est assez difficile à cause de 
leur intime union soit entre eux, soit avec le tissu du foie, et aussi 
à cause de la fragilité de leur enveloppe. 

Le point le plus favorable à cette étude est la base du foie : 
lorsqu'on examine, en ce point, un des {lobules qui forment la 
bordure de la glande, voici ce qu’on observe : 

Ce lobule est formé d’une série de petits glandules qui viennent 
en rayonnant s’insérer sur un conduit excréteur commun. La por- 
tion périphérique du lobule est d’un beau blanc, sa partie centrale 
est, au contraire, d’un jaune grisâtre ; cette différence d'aspect est 
due à ce que le fond de chaque follicule est occupé uniquement 
par des ovules dont la couleur est très blanche, tandis que le 
reste du follicule (c’est-à-dire la portion qui se continue avec 
le canal excréteur) est rempli uniquement par du sperme dont la 
teinte est légèrement grisâtre. 

Une ligne de démarcation très nette existe entre ces deux por- 
tions et montre clairement que les deux éléments génésiques se 
trouvent séparés l’un de l’autre au moins pendant un certain 
temps (pl. IV, fig. 8). 

Tel est l'aspect le plus ordinaire des follicules, mais à l'époque 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 205 


de la chute des ovules, il n’en est plus de même ; la portion du 
follicule primitivement occupée par le liquide séminal se trouve 
alors remplie par les ovules, le sperme semble avoir à peu nrès 
complétement abandonné la glande, les ovules remplissent tous les 
conduits excréteurs dans l'intérieur desquels on les voit dispo- 
sés les uns à la suite des autres, comme les grains d’un cha- 
pelet ou bien séparés par de petits flocons de sperme ; les conduits 
gorgés d’ovules deviennent très apparents et prennent même sou- 
vent un aspect variqueux. 

En présence de ces faits, il n’y a plus d'incertitude possible 
à l’égard du trajet que suivent les ovules et le sperme; c’est bien 
par la même voie, dans l'intérieur des mêmes canaux, que l’élé- 
ment mâle et l'élément femelle arrivent jusqu'au conduit efférent 
dont l'étude va maintenant nous occuper. 

Le canal efférent (fig. 6, ee), d’abord très grêle, s’élargit subi- 
tement en quittant le foie ; il représente alors un vaste conduit à 
peu près du volume d’une plume de corbeau et d’une longueur 
d'environ à centimètres. Ce canal descend en décrivant quelques 
sinuosités au côté gauche du réservoir de la glaire (d') et de la 
glande de l’albumine (a) : arrivé vers la base de ce dernier or- 
gane, il se rétrécit subitement et après un trajet de quelques milli- 
mètres, il se bifurque pour se continuer d’une part avec le canal 
déférent (c), de l’autre avec un conduit (e")qui se rend à l’oviducte. 

Le canal efférent est libre vers le haut, sa portion inférieure, 
au contraire, est accolée intimement à la glande de l’albumine et 
au réservoir de la glaire;-elle est, en outre, recouverte par les 
replis supérieurs du canal déférent. 

Les parois du canal efférent sont formées d’une membrane 
simple, transparente, excessivement mince, se rompant au moin- 
dre choc. A l’intérieur on observe, tantôt du sperme pur, tantôt du 
sperme mélangé d’un certain nombre d'ovules; il m'est arrivé 
aussi plusieurs fois de voir la portion supérieure du canal entière- 
ment remplie d'ovules, tandis que la portion inférieure ne renfer- 
mait que du sperme (1). 


(1) Le mélange des ovules et du sperme dans le canal efférent est un fait des 


206 BAUDELOT, 


J'ai ouvert souvent des Doris soit au moment de la ponte, soit 
après l’accouplement, afin de m’assurer s’il n'y avait pas quel- 
que relation entre le contenu du canal efférent et l’exercice de 
ces deux fonctions; je n’ai rien trouvé de fixe à cet égard; dans 
un cas comme dans l’autre, il m'est arrivé de rencontrer des 
ovules et du sperme à l’intérieur du canal. Une fois, cependant, 
j'ai vu le canal entièrement rempli d'ovules sur une Doris que 
j'avais surprise au moment de sa ponte. 

Le canal efférent se divise, avons-nous dit, pour former deux 
branches, l’une mäle qui se rend à la verge (canal déférent), 
l’autre femelle qui descend vers l’oviducte. 

La branche femelle (fig. 6, e') possède un calibre très étroit à 
son origine, et se continue sans ligne de démarcation avec l’extré- 
mité inférieure du conduit efférent ; au point où elles s’unissent, 
ces deux parties forment un coude très prononcé, de la convexité 
duquel naît le canal déférent. 

Canal déférent. Ce canal (fig. 6, cc) présente dès son ori- 
gine un calibre beaucoup plus considérable que celui du tube sur 
lequel il s'insère; il est très long et replié un grand nombre de fois 
sur lui-même ; ses replis qui sont très serrés et reliés entre eux 
par du tissu cellulaire, recouvrent la branche femelle ainsi que la 
terminaison du conduit efférent; ses parois sont très minces 
et se déchirent avec la plus grande facilité; sa cavité communi- 
que avec celle du conduit efférent et de la branche femelle à l’aide 
d’un pertuis excessivement fin (pl. IV, fig. 9 et 10, 7), elle est 
toujours remplie d’une matière blanchâtre, assez épaisse (1) dans 
laquelle j'ai observé : 


plus évidents et qui frappe immédiatement tout observateur dont l'esprit n'est pas 
sous l'empire de théories préconçues ; toutefois, comme c’est la un point capi- 
tal et qui a été fort contesté, je tiens à dire que je n'ai négligé aucun 
des moyens nécessaires pour éviter tonte chance possible d'illusion : j'ai répété 
mes expériences un grand nombre de fois et en les variant de toutes manières ; 
j'ai observé le canal par transparence, je l’ai solidifié dans l’alcoo!, j'ai aussi 
piqué fréquemment ses parois pour en faire jaillir le contenu, toujours je suis 
arrivé à ce même résultat (mélange complet des deux éléments). 

(4) La matière blanche qui remplit toujours le canal déférent ne pouvant être 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES : GASTÉROPODES. 207 


1° De grandes cellules à contenu transparent et finement gra- 
nuleux, renfermant un noyau arrondi ou ovalaire rempli lui-même 
de granulations (pl. V, fig. 4) ; 

2° Des cellules analogues aux précédentes, mais sans noyau ; 

3° Des noyaux libres; 

k° Des granulations libres ; 

5° Très souvent des zoospermes. 

A son extrémité inférieure le canal déférent devient un peu plus 
étroit et s’insère au fond de la gaine du pénis. — Cette gaine 
(pl. IV, fig. 6, g) se présente sous l'aspect d’un gros cylindre 
charou, légèrement effilé en arrière et implanté en avant, un peu 
au-dessus de l’orifice externe du vestibule. Sa structure n’est pas 
la même dans toute sa hauteur. Dans ses deux tiers postérieurs ou 
à peu près, elle est constituée par une masse charnue à travers 
laquelle se prolonge le canal déférent; dans le reste de son éten- 
due ses parois sont formées d’une membrane musculeuse recou- 
verte à l’intérieur de plis longitudinaux. — Un repli ou bourrelet 
circulaire trace intérieurement la limite des deux portions que je 
viens d'indiquer; c’est ce repli qui forme l'extrémité de la verge 
au moment de la copulation. 

Je reprends maintenant la branche femelle. — A partir de l’ori- 
gine du canal déférent, ce tube s’élargit un peu, prend une forme 
aplatie, décrit quelques sinuosités en restant fortement appliqué 
contre le réservoir de la glaire, un peu au-dessous de la base de 
la glande de l’albumine, puis disparaît et semble se perdre dans 
l'épaisseur de l'organe à la surface duquel on le voit ramper 
(pl. IV, fig. 6, e'). (« Die tuba senkt sich in die gland uterina » 
dit Meckel.) 

Toutefois ce n’est à qu’une simple apparence, car j'ai suivi la 
branche femelle jusqu’à sa terminaison, et j'ai constaté qu'avant 
de pénétrer dans l’oviducte celte branche va d’abord s'unir avec 


sécrétée que par les parois mêmes de ce canal, il est rationnel de la considérer 
comme l'équivalent du liquide prostatique des autres Gastéropodes. On trouve, 
en effet, une prostate dans quelques espèces de Doris, et si cet organe manque 
chez la Doris tuberculata, cela est dû sans doute à ce que les parois du canal 
déférent en remplissent les fonctions. 


208 BAUDELOT. 


un tube (n) qui descend de la poche, copulatrice (pl. IV, 
fig. 11 et 15, e'). — Sur un sujet j'ai trouvé la branche femelle 
remplie d'ovules, ce qui m'a permis de suivre aisément son 
trajet. 

J'ai eu aussi recours aux injections (1) : en poussant un liquide 
coloré dans la branche femelle, j'ai vu ce liquide passer d’un côté 
dans le tube qui descend de la poche copulatrice, de l’autre dans 
le conduit efférent et dans le bout supérieur du canal déférent 
(pl. IV, fig. 114). 

La branche femelle a pour usage de conduire les ovules dans 
l'oviducte; toutefois ses rapports avec le conduit efférent sont tels, 
qu'il est impossible que ce tube ne donne pas également passage 
à une certaine quantité de sperme. 

Dans tous les Gastéropodes que nous avons étudiés précédem - 
ment, l’oviducte, la glande de l’albumine, ct celle de la glaire 
quand elle existe, restent toujours isolés et parfaitement distincts ; 
il n’en est plus de même ici, ces trois sortes d'organes se trou- 
vent réunis en une seule masse très volumineuse, irrégulièrement 
lobée, et dont la forme offre quelque ressemblance avec celle 
d'un cœur {pl. IV, fig. 6, ad'dd). 

Ea glande de l’albumine se montre à la face supérieure sous la 
forme d’une saillie recourbée, dont la concavité regarde à droite 
(fig. 6, a); sa teinte est habituellement un peu différente de celle 
des parties environnantes ; sa face inférieure est en rapport avec 
le réservoir de la glaire. La structure de cette glande m'a paru 
exactement la même que dans les Planorbes, les Limnées, les 
Hélices, etc. 

L'organe de la glaire est situé à droite de la glande de l’albu- 
mine ; sa couleur est jaunâtre, sa surface inégale et recouverte de 
petites bosselures (fig. 6, dd). A l’aide de coupes variées, j'ai re- 
connu que cet organe est composé d’un assemblage de petites la- 


(4) Pour que ces injections puissent réussir, il faut laisser la préparation ma- 
eérer deux ou trois jours dans de l'eau pure et fréquemment renouvelée; par ce 
moyen la matière épaisse contenue dans les tubes devient beaucoup plus fluide 
et reçoit plus aisément la liqueur colorante. Le liquide dont je faisais usage était 
composé d'un mélange de bleu de Prusse et d'essence de térébenthine. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 209 


cunes communiquant toutes entre elles, et séparées par de minces 
cloisons (pl. IV, fig. 13 et 14, d). 

Dans l'intérieur des lacunes se lrouve une matière glaireuse, 
jaunâtre, fort abondante. Cette matière descend peu à peu dans un 
vaste canal disposé en demi-cercle (fig. 43 et 14, d'd'), et partagé 
en deux au moyen d'une cloison verticale (fig. 13 et 14, y). Je 
regarde ce canal comme le réservoir de la glaire et des œufs ; 
c'est dans sa cavité que se moulent très probablement ces larges 
rubans, qui servent à envelopper et à fixer les œufs à l'époque de 
la ponte. 

Le réservoir dont je viens de parler se continue inférieurement 
avec l’oviducte (fig. 6, o) qui n’a guère ici qu’un demi-centimètre 
environ d’étendue. 

Le vestibule (v) est fixé aux parties environnantes, à l’aide d’un 
tissu cellulaire extrêmement dense ; il s’ouvre au dehors, en avant 
et à droite, dans le sillon qui sépare te pied du manteau. 

En outre de ses communicalions avec l’oviducte et le fourreau 
de la verge, le vestibule reçoit encore le canal de la poche copu- 
latrice. Ce canal (fig. 6, p') est très large à sa base, et diminue 
graduellement vers le haut ; sa longueur est de 4 centimètre envi- 
ron. Son extrémité supérieure s’accole, et rampe quelques ins- 
tants à la surface de la poche copulatrice avant d’y pénétrer (pl. V, 
fig. 2); ses parois sont assez résistantes, et marquées à l’intérieur 
de plis longitudinaux. 

La poche copulatrice (pl. IV, fig. 6, p) est d’un volume consi- 
dérable ; sa forme est arrondie ou ovalaire ; ses parois sont trans- 
parentes et d’une minceur extrême ; sa cavité est remplie d’une 
sorte de bouillie grisâtre, dans laquelle j’ai trouvé : 

1° Un grand nombre de granulations. 

2° Des débris de spermatozoïdes. 

3° Quelquefois des spermatozoïdes vivants; ils ont l’aspect de 
longs filaments tout à fait analogues à ceux des Hélices ou des 
Limnées ; ils ne différent pas des zoospermes que l’on rencontre 
dans le conduit efférent. 

h° Des cellules vitellines {pl. IV, fig. 15). 

5 Trés souvent des ovules vitellins (pl. V, fig. 4, 6) (avril, 

&e série. Zouz. T. XIX. {Cahier n° 4 }? 14 


210 BAUDELOT. 


mai, juin). Ces ovules sont tantôt parfaitement intacts, tantôt, au 
contraire, en voie de dissolution. 

6° Quelquefois de petites pelottes de forme lenticulaire, très 
compactes, formées d’un mélange de cellules vitellines et de 
zoospermes enchevêtrés; dans ce cas, les zoospermes ne m'ont 
jamais présenté aucun mouvement; ils avaient perdu toute appa- 
rence de vitalité. 

De la poche copulatrice part un second tube plus grêle qui se 
dirige obliquement de haut en bas sur une étendue d'environ 6 à 
7 millimètres (pl. IV, fig. 6, n). Ce tube recoit d’abord en descen- 
dant le conduit d’une petite vésicule pyriforme (fig. 6, g) (vésieule 
accessoire), dont es parois sont assez résistantes, et dont la cavité 
est toujours remplie par du sperme parfaitement pur; arrivé au 
sommet de l’oviducte, il s’unit à la branche femelle (pl, IV, fig. 41 
et 13, n'), traverse les parois de l’oviducte à la base des organes 
de la glaire et de l’albumine, s'enfonce du côté de cette dernière 
glande et disparaît, sans qu’il m’ait été possible de découvrir son 
orilice intérieur. 

A son extrémité supérieure, ce tube traverse obliquement les 
parois du canal copulateur (p', et communique avee lui par un 
petit orifice en forme de fer-à-cheval, dont la concavité regarde du 
côté de la vessie copulatrice. Cet orifice est situé immédiatement 
à l'entrée du canal copulateur dans la poche du sperme (pl. V, 
fig. 3, n'). 

Nous avons dit tout à l'heure que l’on trouve fréquemment des 
ovules dans la poche copulatrice (p) ; c’est là certainement un fait 
bien singulier non encore signalé, mais qui n’en est pas moins 
très réel; la matière brune qui remplit la poche est même for- 
mée en grande partie de cellules vitellines provenant d’ovules 
désagrégés. 

Comment ces ovules arrivent-ils dans la poche copulatrice ? d 
Voilà maintenant ce qu'il s’agit de décider. 

On peut d’abord établir avec certitude que ces ovules ne remon- 
tent pas par le canal copulateur pendant l'acte de la ponte, car les 
œufs sont alors enveloppés d’une matière glaireuse qui les retient 
solidement unis ; d'autre part, les ovules que l’on rencontre dans 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES: GASTÉROPODES. 2411 
Ja poche copulatrice n’ont pas encore de coque, et différent com - 
plétement de ceux qui sont émis au dehors. 

Viendraient-ils par le canal déférent au moment de l’union 
sexuelle , ou, en d’autres termes, seraient-ils apportés avec le 
sperme ? 

Je ne le crois pas non plus; le pertuis qui fait communiquer ce 
canal avec le conduit efférent me parait trop élroit pour pouvoir 
livrer passage aux ovules ; du reste, j'ai examiné un certain 
nombre de Doris après la copulation, et rarement il m'est arrivé 
de rencontrer des ovules intacts dans la poche copulatrice à cet 
instant. D'un autre côté, si les ovules étaient apportés par le coït, 
il serait fort étrange que les Doris fissent exception à la règle 
générale, puisque jamais on ne trouve d’ovules dans la poche 
copulatrice, ni des Arions, ni des Eimnées, ni des Planorbes, ni 
des Hélices, ete. 

Reste donc par exclusion le canal (n) qui va de la poche copula- 
trice à la branche femelle; or tout nous porte à admettre que 
c’est bien réellement par ce tube que les ovules refluent dans la 
poche copulatrice, puisque c’est avec son apparition que coïncide 
justement le phénomène si bizarre du passage des ovules dans 
le réservoir spermatique. 

Au moment de la copulation, la gaine du pénis se retourne au 
dehors, et la verge se présente sous l'aspect d’un cône très épais 
d’une longueur de 12 à 15 millimètres. 

Les œufs pondus sont extrêmement nombreux; d’après une 
évaluation modérée, disent MM. Alder et Hancock, leur nombre 
ne peut guère être estimé à moins de 50 000 pour chaque ponte, 
Hs sont placés à l’intérieur de rubans formés d’une matière géla- 
lineuse, jaunâtre, transparente, et très tenace, Ces rubans ont à 
peu. près la largeur du doigt; ils sont disposés en spirale, et alta- 
chés aux corps solides par un de leurs bords. 


212 BAUDELOT. 
Eolis papillata (1). 


L'appareil générateur de l’Eolis papillata diffère assez notable - 
ment de celui de la Doris, au moins quant à sa disposition géné- 
rale. | 

La glande hermaphrodite (pl. V, fig. 5, k) est complétement 
isolée du foie; sa forme est celle d’une pyramide allongée dont le 
sommet regarderait en arrière; son volume est loujours très con- 
sidérable à l’époque de la reproduction (avril, mai, juin); J'ai 
même vu quelquefois la glande remplir à elle seule les trois quarts 
de la cavité viscérale. 

Les follicules sont constitués comme chez la Doris, c’est-à-dire 
que le fond de chaque cæcum est occupé par les ovules et le reste 
de sa cavité par le sperme ; une ligne de démarcation très nette 
existe entre ces deux portions du follicule. 

Le canal excréteur (fig. 5, e) est d’abord très étroit, mais il 
s’élargit bientôt, et acquiert un calibre très considérable ; il déerit 
ainsi une ou deux courbures, se rétrécit de nouveau, et se divise 
en deux branches, dont l’une (branche mâle ou canal déférent) se 
rend au fourreau de la verge (fig. 5, cc), et l’autre (branche 
femelle) (fig. 5, e’) se porte vers l’oviducte. 

Les parois du canal efférent sont excessivement minces et 
transparentes ; sa cavité est habituellement remplie par du sperme, 
très souvent aussi je l’ai vue renfermer des ovules en nombre 
considérable (pl. V, fig. 6). Le sperme étant verdâtre et les ovules 
d’un blanc vif, il est très aisé de se rendre compte de leurs rap- 
ports par simple transparence. J'ai acquis la certitude que ces deux 
produits se trouvent comme chez les Doris en contact immédiat. 

Le canal déférent (fig. 5, cc) est un long tube replié un grand 
nombre de fois sur lui-même ; ses replis sont étroitement reliés 
entre eux par des brides de tissu cellulaire ; ses parois sont minces 


(1) Le temps ne mayant pas permis de compléter mes recherches sur 
l'Eolis papillata, j'ai l'intention de n'exposer ici que les faits 2énéraux eur les- 
quels j'ai pu acquérir une entière certilude. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 913 


et fragiles ; sa cavité est remplie d’une matière blanchâtre ana- 
logue à celle que l’on rencontre dans le conduit efférent de la 
Doris, et que je regarde également comme représentant la liqueur 
prostatique des autres Gastéropodes. 

Inférieurement ce canal s’insère au fond de la gaine du pénis, 
laquelle s'ouvre dans l’oviducte près de sa terminaison. 

La branche femelle (fig. 5, e') se porte au sommet de l’ovi- 
ducte ; elle communique dans ce trajet avec un court canal, dont 
l'extrémité supporte une poche arrondie (réservoir spermatique) 
(fig. 5, p), dans laquelle j'ai toujours rencontré du sperme par- 
faitement pur. J’ignore si le sperme est introduit dans cette poche 
pendant la copulation, ou bien s’il y arrive par la branche femelle. 
Cette dernière hypothèse me parait même la plus vraisem- 
blable, à cause de la parfaite conservation des spermatozoïdes qui 
remplissent toujours la cavité de cette vésicule. J’ignore aussi de 
quelle manière le conduit efférent communique avec les branches 
mâle et femelle au niveau de sa terminaison. De même que 
chez la Doris, les organes de la glaire et de l’albumine se trouvent 
réunis en une seule masse irrégulière, présentant à sa surface 
de nombreuses circonvolutions (fig. 5, dd). Ces organes commu- 
niquent avec un réservoir de la glaire (d'd'), et se continuent 
inférieurement avec l’oviducte (0) qui est très court, et s'ouvre au 
dehors, à droite et en avant, au-dessus du rebord du pied. 


Paludine vivipare. 


Dans tous les Gastéropodes que nous avons étudiés précédem- 
ment, les deux sexes se trouvent réunis sur le même individu ; 
chez les Paludines, au contraire, les sexes sont entièrement dis- 
lincts , chacun de ces animaux étant uniquement mâle ou femelle. 

L'appareil mâle (pl. V, fig. 7) s'étend depuis l'extrémité anté- 
rieure du tentaeule droit jusqu'au sommet de la spire. On peut 
daus ce trajet lui considérer quatre portions bien distinctes, qui 
sont, en allant de haut en bas, le testicule, le canal déférent, le 
réservoir séminal ct la verge. 


21h BAUDELOT. 

Testicule, -— Le testicule (fig. 7, hh) est très volumineux; il 
commence vers le fond de la cavité branchiale, et s'étend jusqu'à 
l'extrémité de la spire. Il est recouvert d'une fine membrane très 
adhérente, parsemée de granulations pigmentaires. Lorsqu'on à 
enlevé cette membrane, le tissu de l’organe parait d’un blanc 
jaupâtre ; sa couleur tranche fortement sur celle du foie qui est 


brune et beaucoup plus sombre. 
Considérée dans son ensemble, la glande se compose de deux 


lobes bien distincts, unis entre eux par une portion rétrécie. Le 
lobe postérieur, beaucoup plus long, est aplati et enroulé en spi- 
rale ; son volume diminue graduellement vers le haut; l’une de 
ses faces adhère au foie d’une manière intime ; la face opposée 
est libre, et en rapport avec la columelle ; e’est elle que l’on aper- 
coit, dès que l'on vient à écarter les tours de spire formés par le 
corps de l'animal. 

Le lobe antérieur, moins allongé, mais plus large, possède une 
forme assez analogue à celle d’un croissant; son extrémité anté- 
rieure arrondie donne insertion au canal déférent, tandis que son 
extrémité postérieure se continue insensiblemient avec la languette 
qui relie les deux portions du testicule. De ses deux faces, l’une 
est libre et également tournée vers la columelle; l’autre est en 
rapport avec le foie, mais seulement dans une portion de son éten- 
due. Le bord convexe est côtoyé par l'intestin ; le bord concave 
s’enroule autour de la columelle. 

Le testicule est formé par une agglomération de petits follicules 
qui déversent leurs produits dans un canal médian très peu appa- 
rent. Ces follicules sont unis entre eux d’une manière très intime, 
ils possèdent des parois d’une très grande minceur, et se déchi- 
rent au moindre contact, en laissant écouler un liquide jaunâtre 
assez épais. 

Lorsqu'on soumet ce liquide au microscope, on y distingue deux 
espèces de corps sur la nature desquels on est loin d’être tombé 
d'accord jusqu'ici. Parmi ces corps, les uns ressemblent à de 
petits filaments dont l’une des extrémités est contournée en spirale 
(pl. V, fig. 8,œa) ; les autres, beaucoup plus gros, offrent l'aspect de 
tubes effilés par un bout ct surmontés à l’autre d’un petit pinceau 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTEROPODES, 215 
de cils vibratiles (fig. 8,68). Pour faciliter la description, je dési- 
gnerai désormais les premiers sous le nom de filaments à tête 
spirale, et les seconds sous celui de tubes cilifères. — Ces deux 
espèces de corps se meuvent avec une extrême rapidité. Les fila- 
ments à tête spirale progressent la spire en avant; dans les tubes 
cilifères c'est l'extrémité amincie et dépourvue de cils qui marche 
la première ; cette extrémité s’agite à la manière d’un fouet. 

Les cils possèdent également des mouvements d'ondulation très 
prononcés. — L'eau pure a sur ces deux espèces de corps une 
action très énergique, elle les tue presque instantanément. — 
Ehrenberg (4) a décrit les tubes cilifères comme des parasites sous 
le nom de Phacelura paludinæ Paasch (2) lesregarde, au contraire, 
comme des faisceaux de spermatozoïdes de forme normale; 
Kôlliker (3) a pris les deux formes précédentes pour des états dif- 
férents d’une seule espèce de spermatozoïdes : il considère la 
seconde (les tubes cilifères) comme étant des cellules mères allon-- 
gées, renfermant plusieurs spermatozoïdes ordinaires ; contraire- 
ment à celte manière de voir, M. Gratiolet pense que ce sont les 
filaments à tête spirale qui donnent naissance aux tubes cilifères, 
en subissant une espèce de métamorphose. Enfin, quelques savants 
ont regardé ces deux produits comme deux espèces différentes de 
spermatozoïdes. . 

D'après mes propres observations, j'ai acquis la certitude que, 
ni l'opinion d'Ehrenberg, ni celle de M. Gratiolet n'ont pour elles 
l'appui des faits, et je vais donner ici les raisons qui militent 
contre elles : 

1° La présence constante des tubes cilifères dans le testicule 
doit écarter l’idée de parasitisme. 

2° Il est facile de suivre toutes les phases du développement 
des tubes cilifères, depuis l’état de simples cellules, jusqu’à celui 
où ils se présentent habitucllement, ce qui prouve d’abord que ces 
corps ne sont pas des parasites, et ensuite qu'ils ne provien- 
nent pas des filaments à tête spirale. 

(1) Symbolæ physic. anim. evertebrala, DecasI, Phylozoa, Entozou, Appendir. 


1) 
(2) Wiegmann's Archiv, 1843, p. 99, pl. V, fig. 8. 
(3) Beitr. et neue Denkschrift. 


216 BAUDELOT. 


3° J'ai examiné souvent pendant l'hiver le sperme contenu dans 
le réservoir séminal de la Paludine femelle; il m'est arrivé trois 
fois de ne plus frouver dans ce sperme que des filaments à tête 
spirale, l’autre espèce de filaments avait complétement disparu. 
Or, en l’absence de preuves directes, celte disparition des tubes 
cilifères dans un organe où le sperme doit nécessairement revêtir 
ses qualités définitives, nous indique clairement qu’ils ne sont 
qu'une forme transitoire et que le filament à tête spirale représente 
bien le zoosperme à l’état parfait. 

Reste maintenant à savoir si le tube cilifère renferme seulement 
un ou bien plusieurs spermatozoïdes; c’est là, je l’avoue, un 
point encore douteux. 

En outre des tubes cilifères et des filaments à tête spirale, on 
trouve encore dans le liquide spermatique un grand nombre de 
cellules et de granulations. 

Voici ce que j'ai constaté à l'égard du développement des tubes 
cilifères : 

Primitivement ces tubes ne sont que de simples cellules arron- 
dies renfermées dans une cellule mère, plus tard cette dernière 
disparait, les cellules intérieures s’allongent alors, prennent la 
forme de poire (pl. V, fig. 9), puis celle de fuseau, et enfin 
celle d’un tube offrant encoresvers sa grosse extrémité un ren- 
flement ovoïde (fig. 10) qui finit par disparaitre; les cils apparais- 
sent de très bonne heure. 

Avant d'être isolés, les tubes cilifères sont d’abord groupés 
autour d’un noyau central granuleux auquel ils adhèrent par leur 
extrémité amincie (pl. V, fig. 10). Rien alors de plus merveilleux 
que l'aspect de ces faisceaux qui ressemblent, tantôt à une gerbe 
dont les épis se dressent ou s’inclinent mollement, tantôt à une 
étoile dont les rayons mobiles s’entrelacent. 

Canal déférent (fig. 7, c). —En quittantle testicule, le canal 
déférent se porte d’abord en avant; après avoir suivi cette direc- 
tion dans une étendue de 6 à 7 millimètres, il se coude brusque- 
ment, se dirige à gauche et un peu en arrière et va s’insérer À 
l'extrémité postérieure du réservoir séminal. Dans son parcours ce 
canal retrace donc assez bien la forme d’an V à branches inégales, 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES,. 217 


dont le sommet regarderait en avant et à droite. La branche atte- 
nant au réservoir séminal est excessivement grêle, l’autre bran- 
che offre un diamètre un peu plus considérable. 

Le réservoir séminal (fig. 7, £#), se compose de deux por- 
tions séparées par un élranglement très prononcé situé au 
niveau de la base du tentacule droit. La première portion (6) 
offre l’aspect d’un gros cylindre légèrement recourbé sur lui- 
même, elle correspond au plancher de la cavité branchiale à 
travers lequel on l’aperçoit par transparence. Je lui donnerai le 
nom de portion branchiale. La seconde, beaucoup plus grêle, 
occupe l’intérieur du tentacule droit, je la nommerai portion ten- 
taculaire (fig. 7, t'). 

La portion branchiale offre environ 12 millimètres d'étendue 
et 2 à à millimètres de diamètre. Cette portion se recourbe en 
arrière pour recevoir l'extrémité inférieure du canal déférent. De 
la convexité de sa courbure partirait, selon Paasch, un muscle qui 
ire le cylindre vers le pied. J'avoue que je n'ai jamais vu ce 
cylindre adhérer au pied autrement qu’à l’aide d’un tissu cellulaire 
très dense. 

La surface extérieure du cylindre est lisse et d'aspect nacré, 
ses parois sont extrêmement épaisses et formées de fibres cireu- 
laires. La surface intérieure présente des lamelles transversales, 
disposées parallèlement et avec beaucoup de régularité (fig. 41, 6). 
Chacune de ces lamelles est constituée par un réseau de fibres 
élastiques (fig. 12), recouvert d’une fine membrane, laquelle est à 
son tour tapissée d’une couche celluleuse très épaisse. 

Dans la cavité du réservoir on rencontre une matière épaisse, 
rougeâtre, offrant toules les nuances depuis le blanc jaunâtre jus- 
qu'au rouge vif. La couleur rouge ne se montre qu’en avant. 

La présence de cette matière a fait penser à quelques savants 
que l'organe en question n’est pas seulement destiné à contenir le 
sperme, mais doit aussi jouer le rôle de prostate. 

Lorsqu'on soumet au microscope quelques parcelles de celte 
malière, on voit qu’elle est composée d’un amas de cellules arron- 
dies réfractant assez fortement la lumière. Ces cellules sont de 
grandeur variable ; quelques-unes renferment à l’intérieur un 


218 BAUDELOT. 
liquide rosé et granuleux. On trouve aussi un certain nombre de 
granulations libres (pl. V, fig. 13). 

La portion tentaculaire du réservoir est bien inférieure à la pré- 
cédente sous le rapport de la longueur et surtout du diamètre, elle 
possède également une forme arrondie; elle adhère au tentacule à 
l’aide d’un tissu cellulaire extrêmement dense. Sa surface exté- 
rieure offre des plis transversaux séparés par de légères boursou-- 
flures ; ses parois sont assez minces ; sa surface intérieure est gar- 
nie de plis ou lamelles dont la structure est analogue à celle des 
plis intérieurs de la portion branchiale. En avant cette portion 
s’effile peu à peu et se continue sans ligne de démarcation avec la 
verge (fig. 14, w). 

Au-dessous du tentacule droit existe une petite poche (fig. 44, g), 
dans l’intérieur de laquelle se replie l'extrémité effilée de ce même 
tentacule (fig. 14 et 15). C’est celte portion eflilée que je consi- 
dère comme le pénis. Quelques auteurs regardent comme appar- 
tenant à la verge toute la portion du eylindre qui traverse le ten- 
tacule; je ne saurais partager celte manière de voir, car cette 
portion adhère frop intimement au tentacule et ne pourrait sortir 
au moment de la copulation. 

Appareil femelle.— Cet appareil se compose des parties sui- 
vantes : l'ovaire, la glande de l’albumine, le conduit de cette 
glande, le réservoir du sperme et l'oviducte. 

L'ovaire (pl. V, fig. 16, À) se présente sous l'aspect d’im tube 
jaunâtre, très étroit, recouvert à son extrémité de plusieurs petits 
diverticulums. Ce tube descend du sommet de la spire en suivant 
la columelle, et vient se jeter dans le conduit (a') de la glande de 
l’albumine (a), au niveau de la base de cette glande, Je n'y ai 
jamais rencontré d’ovules, mais seulement une matière jaunâtre 
formée de petites goulteleltes de graisse, ainsi que des granula- 
tions. On ne peut douter cependant, que ce tube soit l’ovaire, ear 
chez le Cyclostome élégant, dont l'appareil générateur offre avec 
celui des Paludines une très grande ressemblance, l'ovaire se 
trouve représenté par un tube analogue dans lequel j'ai bien net- 
tement constaté la présence d’ovules. 

Selon Paasch l'ovaire serait formé de deux portions : l'une, 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 219 


supérieure constituée par un petit organe glanduleux, blanchâtre, 
situé vers le sommet du foie, à l'extrémité du tube ovarien ; l’au- 
tre, inférieure, représentée par la glande de l’albumine, organe que 
Paasch considère comme l'ovaire chez tous les Gastéropodes. 
L'analyse microscopique démontre aisément que lopinion de 
Paasch ne saurait plus être admise, et que le prétendu ovaire 
inférieur n’est pas autre chose qu'une glande de l’albumine 
tout à fait analogue à celle des Arions, des Hélices, des Lim- 
nées, etc. 

Glande de l'albumine (pl. V, fig. 16 et 17, a). — La glande de 
l'albumine est accolée au-dessous de la dernière portion de l’ovi- 
ducte et lui adhère d’une manière intime. Elle est aplatie, 
d'aspect linguiforme et légèrement recourbée en are, Son bord 
convexe est côtoyé par l'intestin. Le microscope m'a permis d'y 
reconnaître des éléments tout à fait identiques avec ceux que l’on 
observe dans la glande albuminipare des autres Gastéropo- 
des (fig. 48). 

De la base de cette glande part un canal assez volumineux 
(fig. 16 et 17, a’) qui reçoit le tube ovarien, descend vers la colu- 
melle, se recourbe subitement en s'appliquant contre lui-même, 
remonté vers le fond de l’oviducte et vient enfin s'ouvrir au 
fond du réservoir séminal par un petit pertuis à pourtour jaunâtre 
(fig. 19 a”). 

Le réservoir spermatique (fig. 46, 19 et 20, p) se présente 
sous la forme d’un sac aplati, situé au-dessous de la dernière 
portion de l’oviducte et séparé de ce dernier organe par une 
cloison simple. Son ouverture (fig. 20, p'), allongée transver- 
salement, regarde en arrière; on l’aperçoit aisément vers le fond 
et sur la face inférieure de la cavité de l’oviducte, lorsqu'on a dé- 
barrassé cette cavité des œufs et des jeunes Paludines qui la rem- 
plissent habituellement. 

Ce réservoir renferme en tout temps de petits amas de sperme 
dans lequel j'ai toujours rencontré des spermatozoïdes bien 
vivants. 

. Les deux formes de spermatozoïdes que nous avons signalées 
dans le testicule se retrouvent également ici; trois fois cependant, 


290 BAUDELOT. 


comine je l'ai dit, je n'ai pu découvrir dans le sperme de la poche 
copulatrice que des zoospermes à tête spirale. 

L'oviduele (fig. 16 00) est situé à droite et en arrière de la cavité 
branchiale. C'est un conduit très large, de couleur grisätre et à 
parois excessivement minces. Il occupe en longueur environ un 
tour et demi de spire. Sa face supérieure est libre, sa face infé- 
rieure, au contraire, adhère fortement aux parties sous-jacentes, et 
il n’est guère possible de l’en séparer sans lui occasionner des 
déchirures. 

A l'intérieur, on observe des plis transversaux irréguliers qui 
viennent aboutir de chaque côté à une petite crête longitudinale 
étendue tout le long de la face inférieure de l’organe (fig. 20 o). 

Quelle que soit l’époque à laquelle on ouvre l’oviducte, on le 
trouve à peu près constamment rempli de jeunes Paludines à tous 
les degrés de développement. Celles qui occupent la portion anté- 
rieure de l'organe sont déjà assez développées pour pouvoir con - 
tinuer à vivre au dehors; celles, au contraire, qui en occupent le 
fond ne sont qu'à l’état embryonnaire et se trouvent encore enfer- 
mées dans l’intérieur de l’œuf. 

Les œufs sont à peu près de même volume que ceux dn Limaæ 
cinereus, ils se composent d’une masse albumineuse au centre 
de laquelle flotte l'embryon; la coque est formée par une mem- 
brane mince, flexible et transparente, d'où naît un filament très 
délié, mais qui n’adhère pas aux parois de l’oviducte. 

L’orifice extérieur de l’oviducte est situé à droite et en avant, à 
l'entrée de la cavité branchiale, un peu en arrière de la termi- 
naison du rectum et au sommet d’un petit prolongement cylindri- 
forme. 


Si nous jetons un coup d'œil comparatif sur les divers appareils 
dont l'étude a fait le sujet de ce chapitre, nous reconnailrons sans 
peine que, malgré leur diversité apparente, tous sont constitués 
d’après un même plan général. 

En effet, chez tous les Gastéropodes hermaphrodites nous 
avons reconnu l'existence d’une glande à la fois mâle et femelle; 
chez tous, les ovules vitellins et le sperme descendent par un canal 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 291 


unique qui communique à sa terminaison, d’une part avec l’ovi- 
ducte, de l’autre avec le canal déférent; chez tous enfin, il existe 
une glande de l’albumine et au moins un réservoir du sperme. 

Quant à l'organe de la glaire, s'il ne se rencontre que chez les 
Gastéropodes marins ou fluviatiles, cela résulte tout naturellement 
de ses usages, puisque la matière visqueuse qu’il sécrète n'a 
d'autre but que de préserver les œufs du contact de l’eau. S'il 
manque chez la Paludine vivipare, nous reconnaîtrons encore 
qu'il devait en être ainsi, puisque les œufs éclosent dans l’intérieur 
de l’oviducte et que les petits naissent en état de vivre au dehors. 

* Les différences si considérables qui paraissent exister entre les 
appareils générateurs des divers Gastéropodes ne sont donc qu’ap- 
parentes, et résultent uniquement du degré plas ou moins élevé 
auquel est portée la division du travail. Aïnsi pour citer quel- 
ques exemples : 

Les Hélices possèdent un flagellum destiné à la formation du 
spermatophore, ce flagellam manque, au contraire, chez les 
Arions, et le spermatophore est sécrété par les parois mêmes 
de la gaîne du pénis. 

La prostate disparait chez la Doris tuberculata et chez l’Eolis 
papillata, mais le canal déférent de ces animaux est toujours 
rempli d’une matière blanchâtre qui représente la liqueur prosta- 
tique et n’a pas d’autre origine que les parois mêmes de ce canal. 

Le réservoir séminal, ou poche copulatrice, estbien distinctchez 
l’Arion, les Hélices, les Lymnées, etc.; ce réservoir n’est plus 
qu'un simple diverticulum de l’oviducte chez la Paludine, et chez 
le Cyclostome élégant, c’est l'extrémité inférieure du tube ovarique 
qui paraît jouer le rôle de réservoir du sperme. 

Enfin, si nous examinons les rapports des conduits mâle et 
femelle, nous voyons que chez les Hélices, les Arions, toute la 
portion prostatique du canal déférent se trouve représentée par 
une simple gouttière formée aux dépens d’un repli de l’oviducte. 
— Chez la Limace cendrée la séparation entre les deux conduits 
est déjà portée très loin, le canal déférent n'existe plus à l’état 
de gouttière que vers le sommet de l’oviducte et il forme un 
canal complet dans le reste de son étendue. — Chez les Doris, les 


299 BAUDELOT. 


Eolis, le canal déférent se trouve fermé dans toute sa hauteur, — 
Chez les Limnées et les Planorbes, non-seulement le canal déférent 
est complet dans toute l’étendue de son trajet, mais de plus son 
orifice externe est complétement distinet de celui de l’oviduete. 

Enfin comme dernier degré de la division du travail, les élé- 
ments qui constituent la glande hermaphrodite se séparent et les 
sexes se trouvent dès lors répartis sur deux individus différents 
(Paludine, Cyclostome, ete.). 

Le soin que j'ai voulu apporter dans l'étude des types intéres- 
sants dont l'anatomie compose la matière de ce chapitre, m'a 
empêché d'étendre davantage mes observations, mais mon but 
n'était autre que d'acquérir des données suffisantes pour aborder 
la question au point de vue physiologique, et ce but, je le crois 
atteint désormais. — Pour ceux de mes lecteurs qui seraient 
curieux de connaitre toutes les variétés qu'affecte dans sa disposi- 
tion l'appareil générateur des Gastéropodes terrestres et fluvia- 
iles, je les renverrai au bel ouvrage de M. Moquin-Tandon sur les 
mollusques de France. 


RECHERCHES 


SUR 


LE PLACENTA DES RONGEURS ET EN PARTICULIER 
SUR CELUI DES LAPINS, 


Par M. H. HOLLARD. 


( Présentées à l'Académie des sciences, le 17 novembre 1862.) 


On sait tout le parti que les botanistes ont su tirer de l'étude de 
l'embryon végétal depuis le jour où A. L. de Jussieu lai emprunta 
sa répartition générale des plantes en trois grandes catégories. 
La zoologie entrée plus tard dans la même voie, y a rencontré des 
caractères très importants pour la détermination de plusieurs types 
généraux et de leurs affinités. Telle fut d’abord, pour la série des 
Vertébrés, la présence ou l’absence de l’allantoïde, qui décida de 
la séparation définitive des Reptiles et des Batraciens, déjà et depuis 
longtemps réclamée par de Blainville au nom des différences ana- 
tomiques et biologiques qui distinguent ces deux groupes. Plus 
tard lapplication de la même méthode aux Mammifères sépara 
ceux qui sont pourvus d’un placenta et dont M. de Blainville avait 
déjà fait une sous-classe sous le nom de Monodelphes, de ceux 
dont l'embryon parcourt les voies maternelles sans s’y attacher 
par un organe spécial de nutrition, groupe longtemps associé aux 
Mammifères onguiculés, et dont M. de Blainville avait fait deux 
sous-classes sous les noms de Didelphes et d’Ornithodelphes. 

Mais le placenta lui-même présente des différences assez impor- 
tantes dans la série des Monodelphiens pour qu'il vaille la peine 
de chercherdans leur étude la solution des difficultés que nous offre 
encore la distribution méthodique de ces Mammifères. 

C'est ce qu'avait compris Ev. Home et ce qu’il essaya de réali- 
ser dans un projet de classification basé sur la diversité des formes 
du placenta, et qui ne pouvait être à ses yeux comme aux nôtres 
qu'une ébauche très imparfaite. 


29, H, HOLLARD, 


C'est ce qu'a tenté plus récemment et avec beaucoup plus de 
bonheur M. Milne Edwards dans un beau travail de zoologie géné- 
rale publié en 1844 (1). Malgré la date de ce mémoire, c’est de 
lui que je dois partir pour l’étude dont je soumets aujourd’hui les 
premiers résultats à l’Académie. 

M. Edwards, s’attachant aux formes les plus générales de la 
placentaltion, les ramène à trois types qui lui paraissent assez limi- 
tés et définis, en un mot, assez caractéristiques pour autoriser une 
répartition générale des ordres monodelphiens en trois groupes. 

Un premier mode de placentation nous montre l’allantoïde 
tapissant toute la surface interne du chorion et lui distribuant 
ses vaisseaux, de telle sorte que toutes les régions de l'œuf 
sont semées de villosités vasculaires, qui, tantôt également dissé- 
minées, tantôt distribuées par groupes, constituent un placenta 
général divisé ou conlinu, et que, dans l’un comme dans l’autre 
cas, M. Edwards désigne sous le nom de placenta diffus. 

Dans un deuxième cas, l’allantoïde s’enroulant autour de l’em- 
bryon et laissant libres les deux pôles de l'œuf, donne naissance à 
un placenta en forme de ceinture ou zonaire. 

Enfin, moins étendue encore que dans le cas précédent, l’allan- 
toïde ne couvrant qu'un espace plus où moins circonserit de la 
face interne du chorion détermine la formation d’un placenta en 
forme de gâteau ou discoïde. 

La placentation est donc tour à tour diffuse, zonaire et discoïde. 
Comment les Mammifères monodelphiens vont-ils se grouper en 
présence de ces trois formes typiques ? 

La forme diffuse réunit la généralité des Pachydermes, les Céta- 
cés, les Ruminants et les Édentés. 

La forme zonaire réclame les Carnassiers carnivores, les Amphi- 
bies et un Pachyderme, le Daman. 

Quant à la forme discoïde, elle est commune à l'espèce humaine, 
aux Quadrumanes, aux Chéiroptères, aux Insectivores et aux Ron- 
geurs. 

Cette distribution ternaire des Monodelphiens, donnée par Ja 


(1) Ann, des sc, nat., 3° sér., t. 1e, p. 65. 


RECHERCHES SUR LE PLACENTA DES RONGEURS. 225 
forme du placenta, nous offre des rapprochements et des démem - 
brements dont plusieurs étaient déjà indiqués par les caractères 
anatomiques et resteront acquis à la science. Tel estle démembre- 
ment de l’ancien ordre des Carnassiers qui, séparant les Chéirop= 
tères et les Insectivores des Carnivores, les laisse à la suite des 
Primates. Telle est aussi la place assignée aux Célacés, du moins 
aux Siréniens, que de Blainville considérait comme les repré- 
sentants ichthyoïdes des Proboscidiens. Mais je crois qu'il est 
permis de conserver encore quelques doutes sur le rang ac- 
cordé aux Rongeurs et sur le rapprochement des Édentés et 
des Ruminants. 

Quant à celui des Damans et des Carnivores, il me semble bien 
plus difficile encore de l'accepter. M. Owen nous a appris que le 
placenta de l'Éléphant est zonaire, comme celui du Daman, seule= 
ment avee celle différence qu'il porte un groupe de villosités sur 
chaque pôle de l'œuf. A ce compte, l'Éléphant devrait servir de 
transition entre le groupe qui réunit le Daman et les Carnivores et 
celui des Pachydermes, bien que toute l'organisation de ce grand 
Mammifère le sépare de l’un et de l’autre, ct que celle du Daman 
le rattache à ce dernier ordre. 

Que conclure de ces contradictions entre les caractères zoolo- 
giques proprement dits et ceux que peut fournir la forme du pla- 
centa ? Que cette forme est zoologiquement insignifiante ? Non, 
mais qu'elle est insuffisante, et qu’elle ne décide pas souveraine- 
ment des affinités mammalogiques. Je dis plus : seule et prise en 
elle-même, elle ne donne pas le caractère le plus important d’un 
type placentaire. 

La forme du placenta n’est pas, en effet, comme celle d’un 
organisme le produit d’une force qui, se limitant et se réglant 
elle-même, met son empreinte sur son œuvre. La forme du pla- 
centa est une résultante, et trois facteurs concourent à la déter- 
miner : le chorion, l’allantoïde et la muqueuse utérine. Le chorion 
fournit ce qu'on peut appeler la matière première du placenta 
fœtal, les villosités ; la seconde donne les vaisseaux qui, complé- 
tant l'organisation de celles-ci, font de ces villosités les éléments 
d'un placenta, et relient ces éléments entre eux; enfin l'utérus 

&° série. Zooz. T. XIX. (Cahier n° 4.) 3 15 


2926 H. HOLLARD,. 


fournit à ces derniers, non pas seulement une surface d'attache, 
mais un placenta maternel. 

Il faut donc chercher derrière les formes placentaires les con- 
ditions de ces formes, ce que M. Chevreul nomme, dans la mé- 
thode scientifique, le fait antérieur; c'est-à-dire qu'en tenant 
compte tout à la fois des différences que peuvent offrir la distri- 
bution et le groupement des villosités, la répartition des vaisseaux 
allantoïdiens, enfin le développement et l’organisation de la mu- 
queuse utérine, il pourra se trouver que la même forme changera 
quelquefois de signification, et qu'un placenta zonaire, qui repré- 
sentera toute la partie de lallantoïde appliquée sur le chorion, 
comme celui des Carnivores, se distinguera d’un autre placenta 
zonaire, qui, tel que celui de l'Éléphant et peut-être aussi celui 
du Daman, n'occupera qu’une partie de la surface correspondant 
à l’allantoïde. 

Des considérations qui précèdent, et que je dois abréger, ré- 
sulte, ce me semble, la nécessité de procéder à une étude com 
parée générale des placentas dans la série monodelphienne, en 
ayant égard à l’ensemble des conditions qui les différencient non- 
seulement dans leurs formes, mais aussi dans leur organisation. 
Je ne puis mieux rendre hommage à la pensée inspiratrice du 
travail de M. Edwards qu’en essayant quelques études sur un 
sujet qu'il a recommandé à l'intérêt des zoologistes. 

J'aborde ce sujet par le placenta des Rongeurs, par quelques 
recherches sur celui de la Lapine. Je ne crois pas que depuis 
M. Bischoff, qui remarquait, il y a longtemps, le peu d'attention 
donnée à l’organisation de ce placenta, personne en ait fait l'objet 
d'un travail direct et spécial. 


Le placenta fœtal de la Lapine se compose de deux ou trois et 
quelquefois plusieurs cotylédons ou lobes rapprochés, mais qu’il 
est facile d’iscler jusqu’à leur attache au placenta utérin. Il dé- 
passe celui-ci, se reploie, et forme un rebord autour de lui. On 
dirait une sorte de champignon lobé, irrégulièrement cireulaire, 


RECHERCHES SUR LE PLACENTA DES RONGEURS. 297 


convexe et à surface tuberculeuse du côté des membranes, con- 
cave en dessous. Le placenta utérin représente une sorte de pédi- 
cule court, convexe du côté du précédent, enfoncé dans sa conca- 
vité, et portant la trace superficielle d’une division primitive qui 
correspond à la pluralité des cotylédons supérieurs. Par l’étroi- 
tesse de sa base, le placenta des Rongeurs diffère notablement de 
celui de l'espèce humaine, et même da double placenta de beaucoup 
de Quadrumañes; je crois qu'il ne se distingue guère moins sous 
ce rapport de celui des Insectivores. Sa forme varie, ses cotylédons 
sont plus ou moins adhérents entre eux; mais il esttoujours attaché 
à l'utérus par une base relativement étroite, comme on peut le 
voir chez les Rats et les Cochons d'Inde, qui ont un placenta utérin 
décidément pédiculiforme. 

Le placenta fœtal des Lapins, étudié sur une tranche verticale, 
se montre composé non, comme on l'a dit (4), de plis innom- 
brables, mais de villosités disposées par groupes, d’une forme 
parfaitement simple, c'est-à-dire sans ramifications, semblables à 
de petites lanières attachées au chorion par une base à partir de 
laquelle elles vont s’atlénuant peu à peu pour se terminer en 
poinie. Il résulte de là que, dans les groupes qu’elles forment, 
elles convergent à mesure qu'elles s’éloignent de leur base, el 
que leurs faisceaux ont une forme plus où moins conique, à som- 
met inférieur. Cette organisation, comparée à celle de la plupart 
des autres placentas, et en particulier du placenta humain, est, on 
le voit, d’une extrême simplicité. 

Le placenta utérin est formé en majeure partie par un énorme 
développement du réseau vasculaire de la muqueuse; à voir les 
lumières béantes des vaisseaux que traverse une coupe verticale, 
on dirait qu'elles représentent les lacunes d’un tissu caverneux. 
Cette masse vasculaire aboutit supérieurement à une couche mem- 
braniforme, où je retrouve abondamment les cryptes vésiculeux, 
déjà signalés par C. E. Weber, dans la muqueuse utérine, el que 
j'y ai reconnus (rès facilement. Enfin, de cette membrane en 
quelque sorte glanduleuse qui semble d’abord limiter le placenta 


(1) Eschricht, De organis que respiralioni el nutrilioni fwtus inserviunL. 


228 I. HOLLARD. 

utérin du côté dn placenta fœtal, on voit s'élever des prolonge- 
ments fibro-vasculaires qui se dirigent vers les faisceaux de vil- 
losités de ce dernier, et vont s’entrecroiser avec celles-ci. Encore 
ici la relation des deux placentas est parfaitement simple, les 
réseaux vasculaires qui doivent mettre en regard le sang de Ja 
mère et celui du fœtus étant portés lun au-devant de l’autre par 
le même procédé, celui d’un entrecroisement de prolongements 
filiformes. 


Il 


Je passe maintenant de la structure à la forme du placenta des 
Lapins et aux conditions qui concourent à la déterminer. 

On sait que l'œuf de la Lapine se couvre de bonne heure de 
productions villeuses sur toute sa surface ; ce sont d’abord de 
petites lames plus larges que longues, et distribuées par groupes 
irréguliers. Dans les premiers temps du développement embryon- 
naire et avant la formation de l’allantoïde, on voit disparaître une 
partie de ces villosités sur l'œuf de la Lapine, comme sur celui de 
la Chienne (1), ce que l’on a attribué à une résorption partielle du 
chorion, auquel se substitue une partie du feuillet séreux du blas- 
toderme. En tout cas, cette disparition des villosités contraste 
avec leur persistance sur l’œuf humain, et fait remonter la déter- 
mination de la place qu'occupera le placenta chez le Rongeur 
comme chez le Carnivore, aux modifications subies par le chorion 
antérieurement à l'intervention de l’allantoïde. 

Cette membrane, ou mieux cette poche pyriforme, qui porte 
avec elle les vaisseaux ombilicaux, dirige sa base et les ramifica- 
tions de ce petit système vasculaire sur la portion du chorion cou- 
verle encore de villosités ; les courants sanguins traversent cette 
membrane, atteignent ces productions, et c’est alors que le pla- 
centa fœtal se constitue tel que nous l'avons décrit précédemment. 
La part de l’allantoïde ici n’est donc pas de déterminer l'étendue 
du futur placenta , mais d'imprimer aux groupes de villosités qui 
en constituent le premier fond un complément d'organisation et 


(1) Voy. Bischoff, Développement de l'Homme et des Mammifères, trad. franç., 
p. 674. 


RECHERCHES SUR LE PLACENTA DES RONGEURS, 229 


de développement. Elle s’accommode à des dispositions qui l’ont 
précédée, et règle en quelque sorte son propre développement 
sur la circonscription de la surface villeuse du chorion, ce qui n’a 
lieu ni dans l’espèce humaine, ni dans les placentas disséminés, 
mais ce qui parait avoir lieu chez les Carnivores comme chez les 
Rongeurs. 

Si l’allantoïde prend peu de part à la forme du placenta des 
Rongeurs, la muqueuse utérine lui imprime, en revanche, des 
modifications qui décident de cette forme, M. Bischoff avait déjà 
fait remarquer que cette muqueuse, par suite de l’imprégnation, 
se développe, et offre du côté de la ligne mésométrique des ren- 
flements qui deviendront le placenta utérin ; il ajoutait que l’allan- 
toïde se dirige du côté de ces renflements, s'étend en même temps 
qu'eux, mais ne les dépasse jamais (1). J'ai étudié ce que M. Bis- 
choff nomme les renflements de la matrice chez la Lapine, et 
pour mieux saisir leur influence sur les formes du placenta, j'ai 
pris la muqueuse utérine avant la fécondation, à la suite de celle-ci, 
et pendant la gestation. 

En ouvrant une corne utérine qui est dans son état naturel, on 
remarque qu’elle est divisée par des sillons longitudinaux en un 
certain nombre de bandelettes. Un sillon correspondant à l’inser- 
lion du mésomètre sépare deux bandelettes plus larges que toutes 
les autres. Chacune de ces bandes médianes est bordée d’une 
bande plus étroite, et, au delà de celle-ci, la région de la muqueuse 
opposée aux premières bandes est couverte de petits plis irrégu- 
liers (2). Ainsi du côté mésométrique une large surface partagée 
seulement par un sillon médian, du côté opposé une surface plus 
ou moins froncée, et préparée pour une future extension. 

Par suite de la fécondation, et bien avant l’arrivée de l'œuf 
dans la corne utérine, la muqueuse s’injecte, se soulève, se fronce ; 
ses bandes médianes, traversées de distance en distance par des 
sillons (ransverses, se partagent en une double série de coussinets 
quadrilatères, mais dont les angles s’arrondissent; les bandes 
latérales et les petits plis qui les séparent se tordent, deviennent 


(4) Loc. cit., p. 697. 
(2) PL. 2, fig. 1 a, b. 


230 H. HOLLARD, 


siuucux, Plus tard enfin, pendant la gestation et le développement 
du placenta, tandis que l'utérus se distend, les coussinets médians, 
sur lesquels les œufs s'arrêtent et se fixent, se couvrent de petites 
saillies qui seront bientôt des villosités utérines, et le placenta 
utérin se constitue avec la trace du sillon qui séparait le double 
. renflement dont il est la transformation. En même temps, tout ce 
qui reste en dehors des placentas se couvre de plis transverses, 
qui se subsuütuent graduellement et de bonne heure aux plis longi- 
tudinaux, que nous avons vus déjà se contourner en se ramassant 
sur eux-mêmes. On peut suivre tes modifications successives sur 
les figures 4 à 4 de la planche qui accompagne ce mémoire. 

Il est facile de reconnaitre dès le premier sillonnement de la 
muqueuse, et dans les changements qu'éprouve sa région méso- 
métrique, les conditions préparatoires, puis déterminatives des 
formes placentaires de la Lapine ; le double coussin plissé, sur 
lequel l’œuf vient poser sa face villeuse, nous donne la raison du 
sillon qui divise le placenta fœtal en deux lobes principaux, et la 
limite de cette base nous la montre ramenant à elle, en les forçant 
à se reployer, les bords de ce même placenta. 

Ce qui prouve le rôle que joue ici la muqueuse utérine, e’est 
que chez la Souris, où le placenta fœtal, quoique toujours com- 
posé de lobules, est indivis et plus régulièrement discoïde que 
celui de la Lapine, la muqueuse se prépare à recevoir l'œuf par un 
autre mode de plissement que celui que je viens de décrire. Chez 
une Souris dont les cornes utérines renfermaient une multitude de 
spermatozoïdes, c’est-à-dire les preuves d’une fécondation récente, 
mais pas un seul œuf, la surface de la muqueuse était couverie de 
petits plis transversaux, ondulés, et de distance en distance, du 
côté du mésomèlre, deux de ces plis s’élargissant et s’élevant peu 
à peu pour diminuer ensuite de même, formaient un bourrelet 
cireulaire froncé, évidé à son centre (4), et qui était évidem- 
ment préparé pour recevoir l'œuf, et lui fournir la base pédiculée 
qui porte le placenta fœtal des Rats. 

Les faits que je viens de faire connaitre assignent à la muqueuse 
utérine un rôle bien manifeste dans la détermination définitive des 


(1) PL I, fig. 7 et 7 a. 


RECHERCHES SUR (LE PLACENTAN DES RONGEURS. 231 
formes placentaires. On à remarqué depuis assez longtemps chez 
d'autres Mammifères, chez les Ruminants par exemple, que l'uté- 
rus offre de distance en distance des amas de ces glandes tubuli- 
formes que Weber nous à fait connaitre, que Sharpey, Reichert, 
Bischoff, ont aussi retrouvées, et qui attendent en quelque sorte les 
villosités groupées en cotylédons qui vienrent plus tard s’y insé- 
rer. Ce sont encore là des causes déterminantes de la forme du 
placenta. Je n'ai pu étudier celui des Chéiroptères et des Insecti- 
vores ; mais j'ai remarqué sur la région mésométrique des cornes 
utérines de Ja Taupe des places où la muqueuse se soulevait et 
produisait un pelit renflement conique ; ces places correspondaient 
aux points où les petites artérioles pénètrent jusqu'à cette mem- 
brane pour s’y ramilier, et cette ramificalion, partant des points 
saillants, irradiait {out autour d'eux. Je n'ai pa apercevoir ici de 
glandes utriculaires. Ces centres d'irradiation vasculaire et le ren- 
flement qui semble y correspondre ne seraient-ils pas aussi des 
lieux d'élection offerts d'avance par la muqueuse utérine aux œufs 
qui viendront chercher à sa surface les conditions d’une formation 
placentaire? 

Revenons à l'utérus de la Lapine. Je ne dois pas oublier de 
signaler, parmi les modifications que subit la muqueuse de cet 
organe pendant la gestation, un fait que sa constance rattache évi- 
demment à l’histoire du placenta de ce Rongeur, et qui peut être 
mis en conséquence au nombre de ses caractères. J'ai constam- 
ment observé que les zones circulaires, dont le placenta atérin fait 
partie, offrent un développement remarquable de leurs glandes 
utriculaires, et que ce développement, d'autant plus marqué qu’on 
approche davantage du placenta, produit régulièrement à droite 
et à gauche de cet organe, et à très peu de distance de lui, une 
paire de renflements glanduleux plus où moins épais, qui laissent 
très bien voir à l'œil les orifices des cryptes qui les composent. 
Si nous rapprochons de ce fait, qui donne en quelque sorte au pla- 
centa une expansion à laquelle participe plus où moins toute la 
zone dont il fait partie, si nous le rapprochons de la persistance de 
la vésicule ombilicale chez les Rongeurs, et de la position qu’elle 
prend à la face interne du chorion après s'être vidée, et avoir 
amené ses vaisseaux à cette dernière membrane, la placentation 


232 H. HOLLARD. 

allantoïdienne discoïdale de ces Monodelphiens ne pourra-t-elle 
pas être considérée comme complétée par cette disposition supplé- 
mentaire qui achèverait ici la ceinture nutritive que fournit l’allan- 
toïde à l'embryon des Carnivores? Les Rongeurs, placés déjà par 
l'organisation de leur placenta et par plusieurs des conditions de 
son développement morphologique, très loin de l’espèce humaine, 
ne se rapprocheraient-ils pas à ce point de vue des Monodel- 
phiens, tels que les Carnivores, qui conservent comme eux la 
vésicule ombilicale jusqu’à la fin de la vie embryonnaire, quoique 
beaucoup plus réduite, il est vrai, et quoique laissant l’allantoïde 
tout le soin des échanges avec le sang de la mère ? 

Je m'arrête ici dans ces rapprochements, car il n’est pas temps 
encore, ce me semble, de tirer des études dont je viens de rendre 
comple des conclusions applicables à la zooclassie. Je crois que le 
placenta des Rongeurs sera peut-être un peu mieux connu, que ses 
caractères pourront être mieux appréciés, après les détails que 
j'ai donnés sur l’organisation et sur les conditions du développe- 
ment morphologique de celui de la Lapine, qu'ils n'ont pu l'être 
jusqu’à présent, et j'espère avoir mis en évidence la nécessité 
d’accorder aux dispositions préparatoires et aux modifications de 
la muqueuse utérine une plus grande part d'attention que celle qui 
lui à été généralement attribuée dans les travaux sur l'embryogé- 
nie des Mammifères. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE À. 


Fig. 1-3. Surface interne de l'utérus de la Lapine, a, côté mésométrique ; 
b, côté opposé. 

Fig. 1. Cette surface et ses deux moitiés avant la fécondation. 

Fig. 2 et 3. Les mêmes, à deux époques successives après l’imprégnation et 
avantla descente de l'œuf, 

Fig. 4. Surface de l'utérus de la Lapine après l'ablation des placentas. 

Fig. 5 a et b. Le placenta de la Lapine du côté fœtal et du côté utérin. 

Fig. 6. Coupe verticale du placenta, tant fœtal qu'utérin, pour en montrer la 
structure. 

Fig. 7 et 7 a. La surface interne de l'utérus d'une Souris fécondée. 


MONOGRAPHIE 


. DES 


RADIOLAIRES OU RHIZOPODES RADIAIRES, 
Par H. HAERSKEL (1). 


(Extrait par l'auteur.) 


Cette monographie des Radiolaires ou Rhizopodes radiaires contient 
d’une part tout ce que la science a acquis jusqu’à présent sur l’histoire 
de ces animaux, d’autre part une série d'observations nouvelles, faites 
par moi pendant les trois dernières années. Il n’y a pas longtemps que 
les Rhizopodes radiaires ont attiré, pour la première fois, l'attention des 
naturalistes. Il est vrai que M. Ehrenberg a décrit, il y a plus de vingt 
ans, un grand nombre de squelettes siliceux de ces organismes microsco- 
piques qui se trouvent à l’état fossile dans les îles de Barbades et des 
Nicobares. Néanmoins, les habitants de ces pelites coquilles restèrent 
longtemps inconnus, et Jean Müller fut le seul naturaliste qui observa des 
animaux de différentes familles de ce groupe à l’état vivant. Ce savant 
illustre reconnut l’affinité qui existe entre eux et les Polythalames cal- 
caires, et les rangea avec les derniers dans une même classe, sous le 
nom de Rhizopodes radiaires. Le dernier travail de Jean Muller, contenu 
dans les Abhandlungen der Berliner Akademie de 1858, est le seul essai 
que l’on ait fait pour dissiper l'obscurité qui enveloppait l’histoire natu- 
relle des Radiolaires. 

Toutes les espèces, observées par Jean Müller, vivaient sur les côtes de 
la Méditerranée près de Saint-Tropez, Cette, Nice et Messine. Un séjour de- 
six mois à Messine me donna l’occasion de reprendre les recherches de 
mon maître défunt. J'avais le bonheur de trouver là une foule d’espèces 
nouvelles, appartenant en parlie à des types inconnus et singuliers. 
Comme j'en observais un grand nombre à l’état vivant, je pouvais étudier 


(1) Die Radiolarien (Rhizopoda radiaria). Eine Monographie, D' Haerskel. 


23h H. HAERSKEL. 


leur structure et leur manière de vivre. Ces observations sont consignées 
en détail dans le second article de la première partie de mon ouvrage, 
contenant l'anatomie et la physiolologie des Radiolaires. Je fais voir que le 
corps de tous ces animaux est composé d’une capsule membraneuse, con- 
tenant des cellules, ainsi que d’autres éléments microscopiques, et d’une 
partie extra-capsulaire consistant en une substance glutineuse et contrac- 
ile. La capsule indiquée, à laquelle j’ai donné le nom de capsule cen- 
trale, est très importante pour la morphologie et la disposition systéma- 
tique des Radiolaires, parce qu’elle se trouve dans l’intérieur de tous ces 
animaux, mais qu’on ne la rencontre dans aucun Polythalame, ou autres 
Rhizopodes, et parce que la forme de cette partie est très caractéristique 
pour diverses familles. Effectivement chez les uns, cette capsule est sphé- 
rique, chez les autres aplatie et lenticulaire, moins souvent ellipsoïde ; 
dans une grande famille elle est conique et divisée au bout en quelques 
lobes. La membrane de la capsule se trouve chez la plupart assez forte et 
souvent perforée par des canaux poreux. L'intérieur de la capsule contient 
constamment de petites vésicules rondes et pellucides, qui servent proba- 
blement à la propagation ; entre elles on aperçoit une substance glutineuse 
semblable à celle située hors de la capsule; enfin on y trouve aussi des 
malières grasses qui constituent de pelits grains en grand nombre, ou 
quelques grosses boules. Outre cela, la capsule centrale de beaucoup de 
Radiolaires renferme d’autres éléments : savoir, du pigment (souvent 
d’une couleur vive : rouge, jaune, bleue, verte), plus rarement des con- 
crétions, semblables à des grains de fécule, puis des eristaux, des cellules 
singulières. Au centre de quelques animaux très grands, on distingue aussi 
une ampoule remplie d’une liqueur claire ou granuleuse. 

Quant au corps extra-capsulaire des Radiolaires, il consiste principa- 
lement en une substance glutineuse et contractile montrant tous les carac- 
tères singuliers du Sarcode, substance que Dujardin fut le premier à bien 
connaître. La description que cet auteur a donnée du Sarcode, constituant 
la totalité du corps mou des Polythalames ou Foraminifères, est entièrement 
applicable au corps extra-capsulaire des Radiolaires. Toute la capsule 
centrale est entourée d’une couche mince de cette substance glaireuse, 
contractile, glutineuse, sans organisation appréciable, laquelle s’allonge 
et s'étend au dehors sous la forme de nombreux pseudopodies, expansions 
indéterminées radiaires, incessamment variables et complétement rétrac- 
tiles, pour se confondre de nouveau avec le reste de la substance. Dans la 
masse homogène du Sarcode sent enfermés beaucoup de grains très petits, 
quelquefois colorés (rouges ou bruns), quisont entraînés par les mouvements 


SUR LES RADIOLAIRÉS OÙ RHIZOPODES RADIAIRES, 239 


des filaments variables ramifiés et anastomosants. Le spectacle remarqua- 
ble que nous offrent le changement perpétuel des formes des filaments et le 
cours variable des petits grains se voit chez les Radiolaires, comme chez 
les Polythalames. Mais en outre dans le Sarcode des Radiolaires (excepté 
celni d’une famille des Acanthométoïdes), il existe une quantité de 
grandes cellules jaunes rondes, qu’on ne voit point chez les autres Rhi- 
zopodes, et qui fournissent peut-être un suc digestif, Enfin, quelques-uns 
des plus grands Radiolaires renferment, dans le Sarcode qui entoure la 
capsule ‘centrale, du pigment granuleux et des cellules (vésicules) très 
grandes, volumineuses, pellucides. Chez la plupart des Radiolaires le 
corps mou est pourvu d’un squelette siliceux (plus rarement formé d’une 
substance organique (acanthine), dont les formes sont extraordinairement 
variées, gracieuses et fantastiques. Chez une partie des Radiolaires, tout 
le squelette est développé hors de la capsule centrale; chez les autres, il 
entre dans la capsule même. Tantôt il forme une couronne de spicules 
épignieux aulour de celle-ci, tantôt une étoile à vingt rayons disposés 
avec une régularité mathématique, tantôt une coquille grillée et ornée des 
plus singuliers ornements architectoniques. Le type de ces formes est 
tantôt radiaire, tantôt bilatéral symétrique, tantôt asymétrique. Au lieu 
de décrire Ja variété extraordinaire de ces coquilles, je renvois à l’atlas de 
39 planches accompagnant mon ouvrage, atlas qui montre 150 espèces 
dessinées à l’aide la camera lucida. 

Quant à l’activité vitale des Radiolaires, elle n’est pas plus développée 
que chez les Polythalames. Comme chez ceux-ci, les fonctions de nutri- 
tion et de relation, la sensibilité et la contractilité, se trouvent exécutées 
par les mêmes organes, par les pseudopodies contractiles et variables ; la 
reproduction se fait soit par des cellules mobiles, soit par des bourgeons 
internes, ou bien encore par une division spontanée. 

La plupart des Radiolaires sont des individus libres et indépendants; 
mais il y a aussi des colonies composées d’un nombre d'individus réunis 
par leurs pseudopodies anastomosantes. Ces colonies atteignent un diamètre 
de plusieurs centimètres et forment des globules ou des cylindres gélatineux 
pellucides, tandis que la plupart des individus simples sont invisibles pour 
l'œil nu. Les Polythalames vivent au fond de la mer, rampant sur des 
plantes et d’autres objets ; mais on trouve les Radiolaires toujours sur 
la surface de la mer, où ils flottent en foule de millions, quand le temps 
est beau et la mer est tranquille. L’hypothèse de M. Ehrenberg, que les 
Radiolaires seront les habitants exclusifs des profondeurs les plus grandes, 
est complétement réfutée dans l’article troisième de ma Monographie, 


236 HN, HNAERSKEL. 

où je traite de la distribution topographique, verticale, géographique et 
géologique des Radiolaires. Dans l’article quatrième, j'ai exposé les rela- 
tions de ces petits animaux avec les autres Rhizopodes. 

La seconde partie de ma Monographie (l’article sixième), ou la partie 
spéciale, contient la description systématique de tous les genres et de 
toutes les espèces connus jusqu’à présent, ou découverts par moi dans la 
mer de Messine. Parmi les derniers il y a tant de formes typiques nou- 
velles, qu’il m'a paru nécessaire d’en refaire la classification d’une ma- 
nière complète, et on trouvera dans le tableau suivant les bases de la 
distribution systématique que j'ai adoptée. 


TABLE SYSTÉMATIQUE DES RADIOLAIRES. 


A. Sous-ordre [°' : RADIOLAIRES SOLITAIRES ou Radiolaires avec une 
seule capsule centrale. 


MONOZOA (Monocyttaria), 


A a. Section I'°. — EcrTouiTuia. 


Radiolaires solitaires sans squelette, ou avec un squelette situé tout entier 
hors de la capsule centrale. Capsule centrale imperforée. 


4. Famille I'€. — Cozuipa. 


Squelette n'existant pas, ou représenté par plusieurs pièces (spicules) distri- 
buées sans liaison hors de la capsule. 


4 a. Sous-famille des Thalassicollides. 
Point de squelette. 
1 b. Sous-famille des Thalassosphærides. 
Spicules distribués autour de la capsule en direction tangentiale. 
1 c. Sous-famille des Aulacanthides. 
Spicus distribués autour de la capsule en direction radiaire et tangentiale. 
2. Famille IIS. — AcanTHODEsMiDA. 


Squelette composé d'un pelit nombre de bâtons, formant un plexus aréolaire 
hors de la capsule. 


SUR LES RADIOLAIRES OU RHIZOPODES RADIHIRES. 237 


3. Famille III, — CynTiDa, 


Squelette constituant une coque grillagée, dont l'un des pôles de l'axe idéal 
est très différent de l’autre pôle. La croissance de la coque commence à un pôle 
et finit à l'autre. La coquille est simple ou divisée en loges par un ou plusieurs 
sillons ou étranglements. 


3 a. Sous-famille des Monocyrtides. 


Coque simple, sans étranglement. 


3b. Sous-famille des Zygocyrlides. 
Coque divisée par un étranglement longitudinal en deux loges égales. 
3c. Sous-famille des Dicyrlides. 

Coque divisée par un étranglement transversal en deux loges inégales. 

3d. Sous-famille des Stichocyrtides. 
Coque divisée par deux ou plusieurs étranglements transversaux en trois ou 

plusieurs loges inégales, situées en série. 

3 e. Sous-famille des Polycyrlides. 

Coque divisée par deux ou plusieurs étranglements en partie transversale, en 
partie longitudinale, en trois ou plusieurs loges inégales non disposées en série. 
4. Famille IV®. — EramosPuÆniDA. 

Squelette représentant une coquille grillagée sphérique ou sphéroïdale, ou plu- 
sieurs coques sphériques concentriques, toutes situées hors de la capsule centrale, 
4 a. Sous-famille des Heliosphærides. 


Une coquille unique, sphérique ou sphéroïdale. 


4b. Sous-famille des Arachnophærides. 
Deux ou plusieurs coquilles sphériques concentriques, jointes par des bâtons 
radiaires. 
5. Famille V®. — AULOSPHÆRIDA. 


Squelette : une coquille grillagée sphérique, située hors de la capsule centrale et 
composée de beaucoup de bâtons cylindriques creux, dont les uns sont tangen- 
tiaux et forment le réseau sphérique, tandis que les autres sont radiaires et 
forment des aiguillons sortant des nœuds du réseau. 


Ab. Section IIf. — EnToziTaiA. 


Radiolaires solitaires avec un squelette situé en partie hors de la capsule 
centrale, en partie dans l'intérieur de celle-ci même. Capsule certrale perforée, 


9238 H. HAERSKEL, 


6. Famille VIS. — CœLopeNDRina. 
Squelette : une coque grillagée, sphérique, située au milieu de la capsule, et 
dont sortent quelques tubes radiaux ramifiés qui perforent la capsule. 
7. Famille VII, — CLAnococcipa. 

Squelette : une coque grillagée, sphérique, située au milieu de la capsule, et 
dont sortent quelques bâtons radiaires ramifiés ou simples, perforant la capsule. 
8. Famille VIII. — AcANTHOMETRIDA. 

Squelette composé de plusieurs bâtons radiaires perforant la capsule et réunis 
au milieu de la même, sans former une coque grillagée. 
8 a. Sous-famille des Acanthostaurides. 
Squelette composé de 20 bâtons radiaires, disposés selon un certain ordre ma- 
thématique et réunis au milieu de la capsule par opposition. 
8 b. Sous-famille des Astrolithides. 
Squelette composé de 20 bâtons radiaires, disposés selon un certain ordre ma- 
thématique et réunis au milieu de la capsule par soudure. 
8 c. Sous-famille des Litholophides. 


Squelette composé d'un nombrede bâtons radiaires, disposés sans ordre déter- 
miné. 

8 d. Sous-famille des Acanthochiasmides. 

Squelette composé de dix bâtons diamétraux, se louchant au milieu et per- 
forant la capsule deux fois. 

9. Famille IX, — DipcoconipA. 

Squelette : une coque homogène, non grillagée, renfermant la capsule et s'ou- 
vrant par deux grandes embouchures ; dans l'axe longitudinal un bâton réuni à 
la coquille et perforant deux fois la capsule. 

10. Famille X°, — Ommarina. 

Squelette composé d'une seule ou de plusieurs coques grillagées, sphériques 
ou sphéroïdales concentriques, toujours avec des bâtons radiaux, perforant la 
capsule, laquelie est constamment entourée d'une coque au moins. 

10 a. Sous-famille des Dorataspides. 


Une coque unique, hors de la capsule. 


10 b. Sous-famille des Haliommatides. 


Deux coques concentriques, réunies par des bâtons radiaires, dont l’une est 
dans l'intérieur, l'autre située au dehors de la capsule. 


SUR LES RADIOLAIRES OU RHIZOPODES RADIAIRES. 239 


10 c. Sous-famille des Actinommatides. 


Trois ou un plus grand nombre de coques concentriques, réunies par des 
bâtons radiaires, dont une partie se trouve dans l’intérieur, l’autre partie hors 
de la capsule. 


11. Famille XI°, — SPoNGurIDA, 
Squelette spongieux, composé de fibres et de bâtons siliceux, qui sont entre- 
lacés tant dans l’intérieur que hors de la capsule centrale. 
11 a. Sous-famille de Spongosphærides. 
Au milieu du squelette spongieux deux ou plusieurs coques grillagées con - 
centriques, réunies par des bâtons radiaires. 
11 db. Sous-famille des Spongodiscides. 


Squelette tout à fait spongieux, à mailles complétement irrégulières. 


11 c. Sous-famille des Spongocyclides. 
Squelette tout à fait spongieux, ayant au milieu des mailles régulièrement 
disposées en cercles conceniriques. 
12. Famille XII. — Discipa. 


Squelette : un disque plat ou lenticulaire, composé de deux lames perforées 
planes ou convexes ; entre les deux lames se trouvent renfermées quelques séries 
de loges, disposées en plusieurs cercles concentriques ou en tours de spire. 


12 a. Sous-famille des Coccodiscides. 


Loges disposées en cercles concentriques. La loge centrale différente des 
autres, entourée d’une ou plusieurs coques grillagées sphériques ou sphéroïdales 
concentriques. À 


12 b. Sous-famille des Trematodiscides. 


Loges disposées en cercles concentriques. La loge centrale semblable aux 
autres. 


42 c. Sous-famille des Discospirides. 
Loges disposées en spirale. La loge centrale semblable aux autres, 
43. Famille XIIIe. — Lirneripa, 


Squelette sphérique ou ellipsoïde, composé de plusieurs disques parallèles et 
joints par les faces, dont chacun renferme une couche de loges disposées en 
spirale. 


210 H. HAËRSKEL, 


B. Sous-ordre Il°: RaDIOLAIRES SOcIALES ou Radiolaires avec plusieurs 
capsules centrales. 


POLYZOA (Polycyttaria). 


14. Famille XIV. — SpxÆroOzoipes. 
Squelette n'existant pas, ou consistant en plusieurs pièces (spicules) distri- 
buées sans liaison hors des capsules centrales. (Collides agrégés.) 
14 a. Sous-famille des Collozoides. 


Squelette manquant tout à fait. (Thalassicollides agrégés.) 


14 b. Sous-famille des Rhaphidozoides, 
Squelette consistant en plusieurs spicules distribués aulour des capsules 
en direction langentiale. (Thalassosphærides agrégés.) 
15. Famille XV°. — CoLLosPuÆRipA. 


Squelette consistant en plusieurs coquilles grillagées, sphériques ou sphé- 
roïdales, dont chacune entoure une capsule centrale. (Heliosphærides agrégés.) 


OBSERV ATIONS 


SUR LES FOURMIS NEUTRES, 


Par M. Charles LESPÉS. 


Malgré l'intérêt que les Insectes vivant en société ont toujours 
inspiré aux naturalistes, bien peu de travaux récents leur ont été 
consacrés, et si nous exceptons les Abeilles, nous sommes au point 
où nous ont conduits les travaux de Réaumur et de Huber fils. 
C'est surtout pour les Fourmis que cette remarque est vraie : les 
auteurs qui ont écrit leur histoire paraissent même la croire très 
simple, et sauf l'habitude qu'ont quelques espèces d'en réduire 
d’autres en esclavage, ils semblent penser que les sociétés sont 
toutes constituées de la même manière. Cette idée si répandue est 
pourtant loin d’être vraie, et si l’on excepte quelques faits impor- 
tants, on peut dire que les diverses espèces diffèrent profondément 
par les mœurs et même par l’organisation. Je commencerai par 
indiquer quelques-unes de ces différences, avant d'arriver à celles 
qui font essentiellement le sujet de cette note. 

L'aspect extérieur des nids fait déjà reconnaître, comme on le 
sait, un grand nombre d'espèces. Le nid du Formica rufa et des 
espèces qui en sont les plus voisines, est formé de bûchettes amon- 
celées en un cône souvent considérable ; celui du Myrmica (Atta) 
struclor est entouré de débris de graines et de petites mottes de 
terre ; d’autres, comme celui du Polyergus rufescens, sont ouverts 
dans le sol et presque dégarnis d'herbe; celui du Formica pubes- 
cens, sicommun dans les landes de Gascogne, est creusé dans une 
souche, et entouré de sciure de bois. Le Formica truncata fait 
ordinairement le sien dans une galle du Chêne. 


Si l’on pousse plus loin l'examen, on ne tarde pas à voir que les 
&° série. Zooz. T. XIX. (Cahier n° 4.) # 16 


22 CH. LESPÉS. 


habitudes des neutres ou ouvrières sont aussi {rés différentes : le 
F'ormica rufa et les espèces voisines pratiquent sur le sol de petits 
sentiers d’une très grande longueur, mais montent peu sur les 
arbres et encore moins sur les herbes, tandis que le Formica 
fuliginosa est surtout dendrophile. Beaucoup d'espèces recher- 
chent les Pucerons , mais chacune paraît s’adonner à l’éducation 
d'espèces différentes : le Formica fuliginosa s'adresse à de grosses 
espèces qui vivent dans les fentes de l’écorce du Chêne et du 
Hêtre, tandis que le Myrmica cæspitosum, qui ne monte guère que 
sur des arbustes peu élevés, met à nu dans ses galeries les racines 
et les souches de Graminées, et d’autres herbes sur lesquelles de 
nombreuses colonies de Pucerons blanchâtres sont établies, et que 
le Formica emarginala recouvre souvent d’une voûte de terre et 
de débris ligneux celles qu’il découvre sur les arbustes ou les 
arbres peu élevés. Plusieurs espèces élèvent aussi dans leurs nids 
des Coléoptères, qui jouent chez elles le rôle des animaux domes- 
tiques, les Claviger par exemple; mais ces curieux Insectes ne 
vivent pas indifféremment, tant s’en faut, avec loutes les Fourmis. 
On sait combien certaines sociétés sont nombreuses, tandis que 
d’autres comprennent à peine une vingtaine d'individus. Ceci me 
parait tenir à l’organisation des ovaires des femelles, et au nombre 
de ces femelles que chaque société admet. C’est ainsi que le For- 
mica truncata constitue des familles d'environ quarante membres, 
dont le quart de femelles fécondées ; mais ces reines doivent 
donner une progéniture bien peu nombreuse, car leur ovaire n’a 
qu’une seule gaine qui ne renferme pas plus de dix germes ; plu- 
sieurs petites espèces de Myrmica ne m'ont jamais montré qu’une 
reine par famille. Les sociétés de moyenne importance sont pro- 
duites par des reines plus fécondes : les reines du Myrmica rugi- 
nodis nous offrent huit gaines à chaque ovaire, et celles des Wyr- 
mica (Alta) sublerranea ei structor douze ; les familles du Myrmica 
sublerranea n’ont qu'une mère. Comme exemple de fécondité 
extrême, je puis citer le Formica flava, dont la femelle a quarante 
gaines à l'ovaire, et le Myrmica fugaxæ, qui en a cinquante. Ces 
deux espèces conservent plusieurs reines dans chaque société. 
Tous les ans, dans le plus grand nombre des espèces, les mâles 


OBSERVATIONS SUR LES FOURMIS NEUTRES. 215 


et les femelles ailés quittent leur nid pour s’accoupler au vol, Cette 
émigration n’est pourtant pas aussi générale que l’on semble le 
croire : le Polyergus rufescens n’olfre pas des individus ailés, 
dans chaque nid, tous les ans, tandis que le Myrmica structor en 
donne deux fois par an, en mars et en septembre, au moins 
dans certaines années. Les mâles et les femelles de l’émigration 
vernale sont plus petits que ceux de l’automne. 

On comprend que des observations de mœurs sur des êtres 
aussi inquiets el aussi petits sont singulièrement difficiles, et que 
si l’on veut surtout se rendre compte de ce qui se passe pendant 
une année entière dans une fourmilière, il faut s’armer de pa- 
lience. Aussi je ne pousserai pas plus loin l’énumération de faits 
éncore sans lien entre eux, et je m’occuperai immédiatement de 
veux que j'ai plus particulièrement étudiés. 

Les neutres ou ouvrières, qui constituent la très grande majorité 
des individus de chaque société, et sont même les seuls connus 
dans plusieurs espèces, sont aussi les plus remarquables de beau- 
coup ; leur singulière activité, l’ordre qui préside à leurs travaux, 
etaussi leurs déprédations, ont depuis longtemps frappé le vulgaire. 
Si, au peu que nous savons sur les mœurs de ceux de notre pays, 
on ajoule ce que les voyageurs nous rapportent de ceux des régions 
chaudes, on arrive à les considérer comme äppartenant à deux 
formes distinetes : les ouvrières et les soldats. Les premières 
chargées des travaux, les seconds de la défense de la société. Le 
plus grand nombre des espèces n'offrirait que les premières ; 
d’autres renfermeraient dans une même société les deux formes 
(le Myrmica pallidula serait la seule chez nous); et enfin quel- 
ques-unes n'auraient comme neutres que des soldats. Le Polyer- 
qus rufescens serait chez nous le représentant de cette curieuse 
organisation sociale, que des esclaves étrangers devraient néces- 
sairement compléter. 

J'éspère qu'il résultera pour tout le monde de la lecture de 
cetté note la conviction que ces conclusions sont plutôt établies 
sur des idées préconçues que sur des observations rigoureuses, 
et que l’organisation des sociétés de Fourmis demande encore des 
études suivies avant que nous puissions nous flatier de les con- 


_ 


PAIE CH, LESPÉS. 


naître. Les soldats du Myrmica pallidula, que je prends à dessein 
pour type, ont un volume au moins quadruple de celui des ou- 
vrières ; ils montrent un courage singulier pour la défense de leur 
nid ; mais les ouvrières aussi se battent avec fureur contre leurs 
ennemis, et les uns et les autres travaillent dans les limites de leur 
force, soit à creuser leur nid, soit à y trainer les débris animaux 
dont ils sont avides. Si les neutres du Polyergus sont incapables 
de tout travail, et même ne savent pas manger seuls, il n'existe 
aucune raison de les comparer aux soldats d’autres sociétés ; leurs 
habitudes les en éloignent même entièrement, et leur organisation 
les rapproche d’espèces qui vivent sans esclaves étrangers. 

J'ai cherché dans les débris des organes reproducteurs des 
neutres un moyen de classification des diverses sociétés, et je 
crois être arrivé à les grouper d’une manière assez salisfaisante. 
Dans une première division, je placerai toutes les espèces dont 
les neutres diffèrent très peu les uns des autres, soit par la taille, 
soit par la forme; dans une seconde, j'examinerai celles qui, dans 
le même nid, offrent des individus neutres plus ou moins diffé- 
rents. Chacune de ces divisions renfermera elle-même plusieurs 
groupes secondaires. 


4° Sociétés dans lesquelles il n'existe qu'une forme de neutres. 


C'est à coup sûr, au moins dans notre pays, le plus grand 
nombre. Les ouvrières de ces sociétés différent très peu les unes 
des autres par la taille, et ne diffèrent en rien par la forme, les 
proporlons relatives de la tête et du corps sont les mêmes. Si l’on 
examine, au contraire, des individus provenant de sociétés diffé- 
rentes, le volume cesse de présenter cette uniformité caracté- 
ristique. J’en citerai un exemple curieux : on sait que le Polyer- 
gus rufescens, dont les neutres sont incapables de tout travail, 
enlève les larves et les nymphes des Formica fusca et cunicu- 
laria dont les neutres jouent chez lui le rôle d'esclaves, ou bien 
plutôt remplissent dans cette nouvelle famille les mêmes fonctions 
qu'ils auraient remplies dans la leur; j'ai suivi bien des fois ces 
expéditions de maraude ; je les ai vues se renouveler tous les jours, 


OBSERVATIONS SUR LES FOURMIS NEUTRES, 205 
mais chaque fois dans une direction différente, et par conséquent 
porter dans la société des individus nés dans des familles dis- 
tinctes : aussi ne doit-on pas être surpris de trouver dans les nids 
de Polyerqus des ouvrières de Formica cunicularia de taille très 
différente ; ceux que j'ai observés n'avaient guère que des auxi- 
liaires de cette espèce. 

Si l’on passe à l'examen des organes reproducteurs, on voit ce 
groupe se diviser naturellement en deux, car le plus grand nombre 
des espèces possède des rudiments d’ovaires qui ne sont composés 
que d’une seule gaine ovigère, tandis que deux espèces offrentune 
organisation beaucoup plus compliquée. 

A. Presque toutes les petites espèces de Formica et de Myr- 
mica conslituent ce groupe. J'ai observé les organes génitaux des 
Formica cunicularia, fusca, flava et truncata. La première et la 
seconde les présentent dans un état très réduit, car ce sont à peine 
des lambeaux blanchâtres, et l’on n’y découvre aucune trace 
d'œufs ; il en est à peu près de même du flava, mais avec un état 
un peu moins rudimentaire. Quant à la dernière, elle offre d’un à 
trois œufs et quelques masses cellulaires dans chaque gaîne ; les 
neutres de cette espèce différent un peu les uns des autres par la 
coloration de la tête, qui les éloigne plus ou moins de l'aspect des 
femelles ; quant à leurs ovaires, ils ressemblent beaucoup à ceux 
des reines, mais leur vagin n'offre aucune trace des vésicules 
annexes que celui de ces dernières montre très clairement. 

Dans le genre Myrmica, j'ai rapporté à ce type les ruginodis, 
lœævinodis, scutellaris et cæspitum. Les deux premiers, confondus 
pendant longtemps avec plusieurs autres sous le nom de Myrmica 
rubra, sont très faciles à disséquer ; leurs ovaires ont une solidité 
relativement considérable. On y distingue très bien des œufs dans 
chaque gaine; ordinairement il y en a trois, dont un, qui est situé 
inférieurement, est bien développé et plein de granulations ; au- 
dessus se trouvent des masses cellulaires d’autant moins distinctes, 
qu’elles sont placées plus haut. Les mêmes organes dans le Myr- 
mica scutellaris sont à peu près développés de même, mais l'œuf 
inférieur est seul d’un certain volume. 

Quant au Myrmica cœæspilum, malgré tout mon désir, je n’ai pu 


246 CH. LESPÉS. 


voir nettement ses organes reproducteurs ; mais tous les individus 
ont si exactement les mêmes caractères, que je ne doute pas de la 
place qu'il doit occuper. 

B. Deux espèces bien distinctes viennent se placer ici : le Kor- 
mica quadripunctata et le Polyerqus rufescens. La première con- 
stitue de petites sociétés dont il est très difficile de découvrir le 
gîte: je ne l'ai trouvé qu’une fois, il y a longtemps; il ne conte- 
nait qu'une reine. Cette petite Fourmi semble rechercher particu- 
lièrement les Pucerons du Lierre. Ses organes reproducteurs m'ont 
toujours paru d’une dissection facile; ils ont un volume très con- 
sidérable relativement à celui de l’insecte : le vagin, bien distinct, 
ne tarde pas à se diviser en deux oviductes très courts et un peu 
boursouflés, à l’extrémité de chacun desquels débouchent le plus 
souvent quatre gaines ovigères, quelquefois trois seulement. Ces 
gaines renferment une longue file d'œufs d'autant moins déve- 
loppés, qu'on les examine plus haut. 

La première impression que produit cet appareil est celle d’une 
grande fécondité ; mais il est impossible de rien voir sur le vagin 
qui ressemble à des organes annexes, et, du reste, la forme du 
thorax et le manque des traces d'ailes indiquent bien que l’on a 
affaire à un neutre. 

Le Polyerqus offre des faits très analogues, mais avec une sin- 
gulière irrégularité : le nombre des gaines ovariques variant de 
trois à huit, sans rapport aucun avec les différences légères de 
taille ; souvent même les deux ovaires sont inégaux, et l’un a une 
gaine de plus que l'autre. La gaîne ovarique renferme deux œufs 
presque égaux placés vers le bas, un germe au-dessus, et plus 
haut une masse cellulaire à peine divisée en groupes distincts. 
Beaucoup de Fourmis femelles ont des organes relativement plus 
petits, et pourtant ceux-ci appartiennent encore à de vrais neutres. 


2° Sociétés dont les divers individus neutres diffèrent essentiellement 
les uns des autres. 


Un nombre considérable d'espèces rentre dans ce groupe, mais 
la différence existe à des degrés très variables : souvent il est facile 


OBSERVATIONS SUR LES FOURMIS NEUTRES. 247 
de trouver dans le même nid tous les intermédiaires entre les 
grands et les petits neutres ; d’autres fois, au contraire, il y a une 
limite très tranchée. 

A. Les Fourmis confondues, avant les travaux de M. Nylander, 
sous le nom de Formica rufa , le Formica sanguinea et les deux 
Myrmica (Atla) subterranea et structor, offrent à divers degrés 
les caractères de ce groupe, dont le Myrmica structor peut être 
considéré comme le type dans notre pays. 

Les sociétés des Formica rufa, congerens et exæsecta , qui ont 
tant de rapports entre elles, sont composées en majorité d'indi- 
vidus de même taille, parmi lesquels on en trouve pourtantun cer- 
tain nombre de plus petits, et surtout plus grêles. J’ai étudié avec 
soin ceux du Formica congerens, dans lesquels la différence est 
plus marquée. Les ovaires de ces pelits individus ont toujours au 
moins {rois gaines, quelquefois quatre ou même einq, et les deux 
côtés sont souvent inégaux. Quant aux ouvrières de plus grande 
taille, elles en ont de quatre à six en présentant la même différence 
entre les deux côtés. 

Le Formica sanguinea, comme le Polyergus, transporte dans 
son nid les larves et les nymphes des Formica cunicularia et 
fusca; mais ses habitudes différent essentiellement de celles du 
Polyergus, car ses neutres travaillent comme leurs auxiliaires. 
Les sociétés, souvent nombreuses, se composent d’ouvrières peu 
différentes entre elles, parmi lesquelles on en trouve pourtant de 
plus petites les unes que les autres ; toutes travaillent également. 
Les ovaires des grandes ouvrières ont de quatre à six gaines, ceux 
des petites trois ou quatre. Cette espèce ressemble done par ce 
point au f'ormica congerens , dont la rapprochent aussi tous ses 
caractères extérieurs ; l'existence des esclaves n’entraine aucune 
différence importante dans les habitudes ni dans l’organisation. 
Les gaines ovariques renferment dans les deux des germes nom- 
breux et un seul œuf développé. 

Le Myrmica (Atla) subterranea constitue des sociétés, dont les 
différents individus neutres présentent une différence de taille 
beaucoup plus marquée; les grands ont, en ontre, la tête bien 
plus grosse. Les uns et les autres n’ont qu’une gaine à chaque 


218 CH. LESPÉS, 
ovaire ; elle renferme ordinairement trois œufs à divers degrés 
de développement. 

Un examen un peu rapide ferait croire que les sociétés du Myr- 
mica structor sont peuplées par des neutres de deux formes bien 
distinctes, et quelques-unes le sont en effet; mais si l’on cherche 
avec soin dans les familles nombreuses, on ne tarde pas à trouver 
des individus qui établissent des passages insensibles. Les grands 
neutres ont une tête énorme, même relativement à leur taille ; 
mais, sauf leur plus grande force, ils se livrent aux mêmes tra- 
vaux que les plus petits, et ceux-ci ne se battent pas avec moins 
de courage qu'eux. Les uns et les autres ont les organes repro- 
ducteurs constitués exactement de même et très peu visibles : 
chaque ovaire se compose d’une seule gaine avec des œufs 
extrêmement peu développés. 

B. Les espèces dont il me reste à m'occuper sont ni nom- 
breuses, au moins chez nous : ce sont le Myrmica pallidula, et 
quelques ÆFormica compris dans la première subdivision de 
M. Nylander (genre Camponotus de M. Mayr). 

Le Myrmica pallidula est une très petite espèce méridionale, 
dont j'ai vu quelques sociétés aux environs de Toulouse ; quelques 
individus sont au moins quatre fois aussi grands que la majorité 
de la population ; leur tête a, de plus, un volume relativement 
énorme. J'en ai trouvé tout au plus un sur dix ouvrières. 

La dissection des organes reproducteurs offre une grande diffi- 
culié, car l'abdomen n’a pas un millimètre de long dans les pré- 
tendus soldats, et celui de l’ouvrière en est à peine la moitié. J'ai 
réussi, à force de patience, à les isoler et à les bien voir ; ils sont 
réduits à de simples lambeaux blanchâires sans gaines distinctes, 
ou plutôt avec une seule gaine vide et flasque ; ceux des soldats 
sont exactement constitués comme ceux des ouvrières. 

Le Formica pubescens est l’espèce dont j'ai disséqué le plus 
grand nombre d'individus. Il est très facile de distinguer les 
deux sortes de neutres, car les grands ont une taille au moins 
double de celle des petits ; ils sont plus robustes dans toutes leurs 
parties, leur tête surtout est beaucoup plus grosse, mais les habi- 
tudes sont exactement les mêmes pour les uns et les autres. Les 


‘ 


OBSERVATIONS SUR LES FOURMIS NEUTRES. 2h19 


ovaires des petites ouvrières se composent d’une seule gaine qui 
renferme une quinzaine de germes visibles, dont le développement 
est d'autant plus avancé que l’on se rapproche de la partie infé- 
rieure, vient ensuite un oviducte court qui débouche avec celui 
du côté opposé dans un vagin moins large que lui. Les grands 
neutres, qui sont à peu près aussi nombreux que les petits, dif- 
fèrent de ceux-ci par l'existence de deux gaines à l'ovaire ; cha- 
eune d'elles ne contient guère que neuf ou dix œufs. En outre 
des œufs, les gaines ovariques des uns et des autres contiennent 
des masses celluleuses placées en arrière de chaque œuf, et sem- 
blant communiquer par une ouverture avec leur intérieur. Ces 
masses sont formées de grosses cellules dont l'enveloppe est très 
épaisse, et le contenu transparent et un peu granuleux, L’œuf in- 
férieur seul semble clos postérieurement. 

Je me suis assuré que les Formica marginata et fallax présen- 
tent des caractères en tout semblables, sauf le développement rela- 
tivement moindre des ovaires. Je ne doute pas qu’il n’en soit de 
même des Formica ligniperda et Herculeana. 

L'étude de l’armure génitale ne m’a fourni aucun fait intéres- 
sant ; elle ne diffère en rien dans les divers individus de la même 
espèce. Il en est de même des organes chargés de la sécrétion de 
l'acide formique. 

Les neutres de beaucoup de nos Fourmis pondent des œufs 
souvent assez gros, et qui semblent bien constitués, quoique sou- 
vent ils diffèrent beaucoup par le volume dans la même espèce ; 
j'ai vu plusieurs fois cette ponte s'effectuer dans mes doigts, quand 
je prenais un individu pour l’examiner. J'aurais voulu savoir si 
ces œufs sont capables de donner naissance à de petites larves, 
mais je n’ai obtenu que des résultats négatifs. Une société de 
Formica emarginata, que j'ai conservée pendant plus d’un an 
dans un bocal fermé avec des Claviger, s’est éteinte petit à petit 
sans me montrer des larves. Des groupes de Formica pubescens 
établis de même m'ont fourni le même résultat ; j'avais eu soin de 
séparer dans un bocal des grands neutres seuls, dans un second 
des petits, et enfin des uns et des autres dans un troisième. 

Pierre Huber a vu des mâles s’accoupler avec des ouvrières ; 


250 CH, LESPÉS, 

mais celles-ci sont toutes mortes peu après. Je doute fort que ce 
fût un vérilable accouplement, car , ainsi que je l'ai déjà dit, les 
annexes du vagin manquent entièrement, et si les œufs pondus 
par les ouvrières sont quelquefois constitués de manière à donner 
naissance à des larves, ce qui me semble probable, je pense que, 
dans aueun eas, ils n’ont été fécondés. 

Il est, je crois, permis de conclure des faits que je viens d’ex- 
poser : 

1° Que tous les neutres de Fourmis ont des débris d'organes 
reproducteurs femelles. 

2° Que ces débris sont développés d’une manière très différente 
dans les diverses espèces. 

3° Que quelques espèces de Myrmica et de Formica présentent 
deux formes de neutres. 

h° Que souvent ces deux formes passent insensiblement l’une à 
l’autre par des intermédiaires. 

9° Que d’autres différent, soit à l'extérieur seulement, soit aussi 
par l’organisation des ovaires. 

6° Que l'expression de soldat est tout à fait inexacte, et qu'à 
plus forte raison on ne saurait la conserver pour désigner les 
neutres du Polyergus. 

7° Que les sociétés des diverses espèces sont très différentes les 
unes des autres. 

Je ferai observer que tes Fourmis de France appartiennent aux 
deux tribus des Formicines et des Myrmicines, car la tribu des 
Ponérines n’est représentée que par une espèce rare, et que je 
n'ai pu examiner. Les Formicines neutres ont des ovaires très 
variables suivant les espèces, tandis que tous les neutres de Myr- 
imnicines ont une gaine seulement à leurs ovaires, et ne diffèrent 
par conséquent que très peu. C’est pourtant dans ce dernier groupe 
que les deux formes de neutres sont surtout distinctes dans les pays 
chauds, à en juger au moins par nos collections. 


[Ro 
ot 
hs 


OBSERVATIONS SUR LES FOURMIS NEUTRES. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 6. 


Fig. 4. Myrmica pallidulu, grand neutre ou soldat. 
Fig. 2. Petit neutre ou ouvrière de la même espèce. 
Fig. 3. Formica marginata, grand neutre ou soldat. 
Fig. 4. Petit neutre ou ouvrière de la même espèce. 


Fig. 5, 6, 7, 8, 9. Têtes du Myrmica (Alta) structor, pour montrer les pas- 
sages de volume et de forme entre la plus pelite et la plus grande. 


Fig. 10. Organes génitaux du Formica truncata neutre. 

Fig. 11. Organes génitaux du Formica quadripunctata neutre. 

Fig. 12. Organes génitaux du Formica congerens neutre. 

Fig. 13. Organes génitaux du Myrmica sculellaris neutre. 

Fig. 14, Organes génitaux du Polyergus rufescens neutre. 

Fig. 45. Organes génitaux du Formica pubescens grand neulre ou soldat. 


Fig. 16. Organes génitaux d'un petit neutre ou ouvrière de la même espèce. 


Les figures 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, sont faites à un grossissement linéaire de 
quatre fois, le grossissement des autres est de treize fois. Elles sont toutes ob- 
tenues par des réductions de dessins à la chambre claire. 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


OEuvres de Lavoisier, publiées par les soins de M. le Ministre de l’instruc- 

tion publique, t. II, 1862. 

Cette édition des OEuvres de Lavoisier, publiée aux frais de l’État et préparée 
par M. Dumas, constitue le plus beau monument qu'il fût possible d’élever à 
la mémoire du fondateur de la chimie moderne. Nous l'enregistrons ici parce 
que Lavoisier était un de nos plus grands physiologistes, et que ses écrits de- 
vraient se trouver dans la bibliothèque de tous ceux qui s'occupent de l'étude 
des phénomènes de la vie. Le volume qui vient de paraître contient les mémoires 
de ce savant, et a précédé le tome premier, dans lequel nous espérons trouver 
une notice sur l'ensemble des travaux de Lavoisier, que M. Dumas a promis 
de donner. 


Histoire naturelle des Diptères des environs de Paris, œuvre posthume 
du docteur Robineau-Desvoidy, publiée sous la direction de M.H. Mon- 
GEAU, 2 vol. in-8, 1863. 

Cet ouvrage, publié par la famille de feu Robineau-Desvoidy, et tiré à un 
petit nombre d'exemplaires, a été rédigé peu de temps avant la mort de cet 
entomologiste, dont les premiers travaux sur les Myiodaires datent de 1830, 
et se trouvent dans le Recueil des Mémoires de l’Académie des sciences. 

Mémoire sur la respiration et la chaleur humaine dans le choléra, par 
M. Doyëre. In-8, 1863. 


Ce mémoire, publié par l'Académie des sciences, contient beaucoup d'obser- 
vations physiologiques très intéressantes, particulièrement sur l'élévation de la 
température chez les moribonds. 


Beobachtungen über Anatomie und Entwicklungsgeschichte wirbelloser 
T'hiere (Recherches sur l'anatomie et le développement des Animaux 
invertébrés, observés pendant un voyage sur les côtes de la Norman- 
die), par M. CLapaRÈDE. 4 vol. in-ol., Leipzig, 1863. 

Ce beau volume contient un grand nombre d'observations intéressantes sur 
la structure et le développement de divers Annélides et de quelques Crusta- 
cés, ainsi que des recherches sur l'Eleutheria dichotoma, le Sagitta cephaloptera, 
le Cyphonotus compressus, etc. Il est accompagné de 18 planches. 
Beitræge..…..…, Recherches sur le développement du Cochon d'Inde, par 

M. REICHERT, L'° partie. In-4, Berlin, 1862. 

Ce mémoire contient des recherches très approfondies sur la structure et le 
développement de la membrane caduque. 

Étude sur les Zonites de l'Ttalieseptentrionale, par M. G. ne Mortier. 
In-8.Extrait du 4° volume des Afti della Società italiana. Milan, 1862. 


Étude ethnologique sur les origines des populations lorraines, par 
M. Goprow. In-5, Nancy, 1862. 


NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE 


DU 
GENRE INDRI (INDRIS ALBUS). 


DÉCOUVERTE DANS UN VOYAGE A TANANARIVE (ILE DE MADAGASCAR), 


Par M. A, VINSOX. 


Dans le long trajet qu'a eu à parcourir la mission destinée à 
représenter la France au couronnement de Radama, Il et dont j'ai 
eu l'honneur de faire partie, les Mammifères que j'ai rencontrés 
ont été peu nombreux en espèces variées. Cependant les espèces 
qu'il m'a été donné d’observer sont intéressantes au plus haut 
degré ; elles se rapportent à la famille des Lémuriens, qui, comme 
on le sait, sont particuliers à l’île Madagascar, et qui assignent à 
cette partie de sa zoologie un caractère distinctif. Ces spécimens 
sontrares dans les collections européennes, et le deviendron( moins 
dans l'avenir par les relations qui tendent à s'établir, grâce au 
désir et à la volonté de RadamaIl, entre son pays et les étrangers. 

Il y a peu d'années, l’Aye-aye (Cheiromys madagascariensis 
Cuv.) était encore peu connu, et le seul exemplaire apporté en 
Europe l'avait été par Sonnerat, à la fin du siècle dernier. Après 
ce naturaliste, j'ai été le premier à observer cet animal dans un bel 
individu vivant envoyé à l'ile de la Réunion par M. de Lastelle, et 
sur lequel j'ai fait un mémoire qui a été présenté à l’Académie 
des sciences. Depuis, plusieurs spécimens ont été envoyés, l’un à 
Paris, l’autre à l’île Maurice, où il a été également l’objet d’une 
étude curieuse de la part de M. Sandwich. Le Muséum de l'ile de 
la Réunion a été de nouveau doté d’un second individu, et 
possède aujourd’hui un couple de ces singuliers Mammifères. Une 
croyance superstitieuse existait à l’égard de cet animal et en entra- 
vait la capture ; les idées nouvelles qui s’introduisent chaque jour 
à Madagascar ont rompu ce charme : l’Aye-aye se vend à des prix 


254 VINSON. 

fort modérés sur le marché de Tamatave, où on l’apporte vivant, 
et les Malgaches le nourrissent én cage avec du miel et des fruits 
mürs du bananier, ainsi que je l'ai vu moi-même. 

Les vrais Singes n'existent pas à Madagascar, et si cette île eût 
été un débris du continent, il eût certainement emporté avec lui 
quelques-uns de ces quadrumanes qui sont si abondants à la côte 
d'Afrique (1). 

Les Singes sont remplacés à Madagascar par les Lémuriens, 
qu'on a vulgairement désignés sous le nom de faux Singes. Parmi 
eux, ceux que la ressemblance rapproche le plus des Singes sont 
les individus du genre Zndri, connus dans l’ile sous les noms de 
Babacoute et de Simpoune. Le genre Maki, qui est le plus commun 


(1) L'aspect géologique de Madagascar indique d’une manière frappante et 
incontestable que cette grande île est une création propre, toute locale et contem- 
poraine des îles de la Réunion, Maurice et des autres îles qui l'environnent, et qui 
ne paraissent être que ses satellites. Deux volcans en activité, l'un à l'île de Ja 
Réunion et l'autre dans une des Comores, montrent encore les agents de cette for- 
malion. Au centre de Madagascar, on marche sur un véritable océan de collines 
qui s'étendent à perle de vue, mais toutes en général ont une forme douce, arron- 
die, harmonieuse : il semble que le sol se soitlentement soulevé pour les former, 
et que l'effort intérieur, parti de loin, se soit manifesté sans déchirements. Ce 
travail s’est produit sur une grande échelle, à voir les lignes ondulées des collines. 
La roche formée sur la surface du sol s'est aplanie en nappe (à 1330 mètres 
d'élévation, province d'Imérina) ; et ses couches extérieures, ayant élé les pre- 
mières refroidies, se sont séparées entre elles comme de vastes feuillets de pierre, 
que les Ovas utilisent pour la corstruction de leurs tombeaux. Les productions 
végétales et animales sont d'accord avec la géologie pour appuyer cette opinion. 
Les liens d’une flore et de faunes communes établissent entre Madagascar et les 
îles environnantes des liens de parenté et d’homogénéité parfaites, puis viennent 
les séparalions dans les espèces ou les genres particuliers. Exemple: Dans la 
faune lépidoptérologique nous trouvons trois espèces voisines qui vivent sur les 
Citrus : le Papilio epiphorbas pour Madagascar, le P. phorbanta pour l'île Mau- 
rice et le P. disparilis pour l’île Bourbon. Des créations minimes de la zoologie, 
si nous passons aux plus élevées, nous trouvons dans l'ornithologie: le Dronte 
pour Bourbon, le Cerné pour Maurice, et l'Æpyornis pour Madagascar. Les vrais 
Lémuriens sont particuliers à Madagascar, Aujouand. Tous ces faits indiquent 
pour chacune de ces îles des créations particulières, el dans les créations com- 
munes un lien intime de solidarité. Elles sont donc des formations locales issues 
des mêmes causes. 


OBSERVATIONS SUR LES INDRIS. 255 
à Madagascer, semble personnifier le Lémurien par excellence et 
déverser ses caractères Sur l’Aye-aye, qui est un Singe rongeur, tt 
sur l’Indri, qui est un Singe macaque, l’Orang macaque ou Pithé- 
lemur, comme l'a nommé Lesson. 

La forêt d'Alanamasoatrao (prononcez Alanamasole) semble 
être l'habitat de prédilection des Indris. A peine fürnes-nous 
arrivés dans le village de ce nom, qui se trouve placé dabs ce bois 
ét qu'encadrent partout des arbres de haute futaie et des fourrés 
épais, que nôtre présence insolite et celle de nos nombreux 
porteurs éveillèrent l'inquiétude de ces animaux. Les profon- 
deurs de la forêt retentirent dé cris déchirants et lamentables, 
pareils à des voix humaines mêlées à des hurlements. Ce concert 
singulier dura jusqu’à la nuit, el recommenca le lendemain : il 
semblait partir de points différents. Les Malgaches qui nous 
aceompagnaient nous dirent que c’étaient des Babacoultes, et nous 
en eûmes la preuve le lendemain par la eapture de trois de ces 
Indris, dont l’un, qui me paraît être d'une espèce nouvelle, lé 
Simpouna (prononcez Simpoune), fat tué dans la partie la plus 
élevée de la forêt par notre ami M. le licutenant de vaisseau 
de Ferrières. 

L’Indri simpoune (dont j'envoie un dessin exact annexé à 
cétle note) est une espèce voisine de l’Zndris niger. I est de 
la même taille, a les mêmes allures, et n’en diffère que par sa 
couleur qui est d’un blanc lavé de jaune, par ses oreilles complé- 
tement nues et par sa queue un peu plus longue. On peut lui 
. donner conséquemment le nom d’Z. albus pour le distinguer de 
V’Z. niger, et lui conserver en français le nom malgache de Sim- 
poune. Cette dénomination, qu’on pourrait écrire Chimpoune (car 
l'orthographe ici n’a rien d’absolu), a, comme on le voit, quelque 
ressemblance avec le Chimpanzé des Africains, et paraît indiquer 
chez les Malgaches, comme chez eux pour l’Orang, des êtres cor- 
respondants; à raison de leur supériorité sur les autres quadru- 
manes. 

Le Simpoune a, comme tous les Indris, vingt molaires et man- 
que d'os mélacarpien intermédiaire. Les canines, au nombre de 
quatre, sont très aiguës. Les quatre incisives supérieures, plus 


256 VINSON. 

planes et plus régulières, diffèrent des quatre inférieures, qui sont 
inclinées en avant et ont la forme pectinée. Son crâne est sembla- 
ble à celui de l’Z. niger pour le volume, la hauteur et la confor- 
mation. Son museau, allongé cependant, l’est un peu moins que 
celui de l’{ndris niger, ce qui donne de face, au Simpoune, l’as- 
pect de nos petits chiens de salon (King’s-Charles). 

La taille du Simpoune, comme celle de l’Indris niger, mesure 
86 centimiètres. Les membres inférieurs sont plus longs que les 
supérieurs. Sa face est nue ; la peau en est d’un noir foncé et lui- 
sant. Le tour orbitaire, revêlu d'une paupière et de cils, est sur- 
tout très noir, ce qui donne à l'animal un regard empreint d'une 
erande douceur. 

Son pelage est agréable au toucher, formé de poils longs et 
laineux comme celui des Lémurs : il est généralement blane, lavé 
de jaune orangé clair et de gris clair. — Ce pelage se redresse 
sur le devant du front, où il est blanc et hérissé. Sa blancheur 
tranche avec le museau nu et noir qu'il encadre en s’étendant sur 
les joues jusque derrière les oreilles. — Les oreilles sont mem- 
braneuses, nues, noires, arrondies et minces. Sur le sommet de 
la tête le poil prend une teinte grisätre ou cendrée, qui va en se 
fondant légèrement sur la nuque et le dos. Le dessous des mà- 
choires, le devant du cou, les aisselles jusque sur les flancs, sont 
également gris et parfois mêlés de jaune roux. A partir du milieu 
du dos, la base des reins, la queue, la face externe et interne des 
membres antérieurs et postérieurs sont d’un blane lavé de jaune 
orangé quelquefois assez brillant. Les mains sont noires et nues, 
le quatrième doigt est le plus long ; le pouce des membres posté- 
rieurs est très gros, très aplati. Ces extrémités paraissent un peu 
moins robustes chez le Simpoune que chez l’{ndris niger. 

La queue du Simpoune est longue de 45 centimètres ; d’un blanc 
jaunâtre dans son étendue, elle est d’un rouge vineux à sa racine : 
celle de l’Zndris niger mesure 9 centimètres ; les vertèbres qui la 
forment sont plus fortes et plus grosses chez le premier, et bien 
plus petites chez l’Indris niger, où l’atieinte d’un seul grain de 
plomb suffit pour la couper entièrement. 

L'Indri simpoune que j'ai eu l’occasion d'observer, et sur lequel 


"1 


OBSERVATIONS SUR LES INDRIS. 257 


cette description a été faite, était un'individu mâle et d’un cer- 
tain âge, ce qui élait confirmé par le développement du système 
dentaire et par la dureté du crâne. Les oreilles offraient plusieurs 
divisions profondes et anciennes. La cause de cette particularité 
ne m'était pas apparue dès l’abord ; elle était due à d’anciens 
démêlés avec des rivanx, ainsi que me l’apprit un de mes porteurs. 
Au moment où cet Indri a été rencontré, il était grimpé entre les 
branches d’un gros arbre de la route et à peu d’élévation : il était 
en nombreuse compagnie et cueillait des fruits rouges qu'il man- 
geait. Il reçut un coup de fusil chargé avec du gros plomb, et 
demeura sans bouger et encore vivant ; il fallut un second coup à 
balle pour le faire tomber. Nous apprimes que l’Indri simpoune 
était un excellent gibier. 

Les mœurs du Simpoune sont diurnes, ainsi que celles de l’Zn- 
dris niger. 

Pour mieux faire apprécier encore les ressemblances et les 
différences qui existent entre ces deux Indris, voici la description 
d’un Babacoute que je crois être l’Zndris niger des auteurs, et 
dont j'ai eu occasion d'étudier plusieurs spécimens durant mon 
voyage. 

Hauteur, 86 centimètres debout; museau allongé ; face nue et 
noire. 

Oreilles en houppes noires, cotonneuses, abondamment four- 
nies ; sur la tête un trapèze blanc pur, dont le plus petit côté est 
en avant. Cette marque blanche s'échappe en une ligne blanche 
derrière chaque oreille, et est limitée en avant par une bande 
noire. Le bandeau frontal noir encadre la face de chaque côté, 
verticalement, sur les mâchoires et s’éteint en gris sous elles; 
un intervalle de couleur grise règne entre le bandeau noir et la 
face nue et noire. Le tour de l'orbite est d’un noir foncé, la pau- 
pière supérieure est épaisse avec des cils abondants ; l'iris, grand, 
large, est d’un jaune verdâtre, la pupille est d’un bleu foncé, très 
dilatée. Le dos est d’un beau noir de velours dans toute sa largeur. 
Cette belle couleur noire du pelage couvre les épaules et la partie 
supérieure des bras comme un manteau. Cette couverture noire 


du dos se bifurque un peu au-dessus des reins en deux pointes 
4° série. Zoo, T. XIX. (Cahier n° 5,) 1 47 


258 VINSON. 


noires, qui vont s’éteindre en gris, en dehors des aines, sur les 
iliaques. La partie postérieure de l’animal est donc marquée d’un 
triangle blanc. Flancs, jambes, ventre de couleur grise. La face 
interne des cuisses est noire jusqu’au-dessous du genou, où cette 
marque se termine en pointe. Les mains sont noires. 

Le Babaconte, dont je viens de tracer un portrait, a été jusque 
dans ces derniers temps l'objet d’une grande vénération parmi les 
Betsimensavaks. Poursuivis par des tribus hostiles, la légende 
raconte qu'ils se seraient enfouis dans la forêt, où leurs persécu- 
teurs, entendant des voix humaines, se seraient élancés et n’au- 

raient rencontré que ces quadrumanes. Ils se seraient retirés frap- 
pés de terreur devant une si subite transformation. Un pacte aurait 
alors été établi entre le peuple Belsimensavaks et leurs nou- 
veaux sauveurs. De là leur respect pour les Babacoutes. Mais sous 
Radama IT les superslitions tombent en ruine. 

Aujourd'hui que le genre Indri renferme, ainsi que nous le 
voyons, deux espèces à queue courte, la dénomination d’Étienne 
Geoffroy, d’Indris brevicaudatus, pourrait, si on la conserve 
comme nom d'espèce, donner lieu à des confusions ; mais comme 
le genre Indri contient des Lémuriens à queue brève et à queue 
longue, on pourrait se servir de ce moyen pour le partager en 
deux groupes : l’un pour les Indris à queue courte, contenant 
l'Indris niger et l'Indris albus; l’autre pour les Indris à queue 
longue, contenant l’Avahi et le Propithèque. On aurait ainsi le 
tableau suivant : 


Indris niger Daudebert, 


o 1e à 
1° Indris à queue courte. . js Indiie cibue Vin 


Gevwre INDRI. 
Avahis Jourdan. 


d aerè 
2° Indris à queue longue. . À Propithecus Bennett, 


MÉMOIRE 


SUR LES MOUVEMENTS PULSATILES ET RHYTHMIQUES 


DU SINUS DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE 
CHEZ LES MAMMIFÈRES, 


Par M. @&. COLIN, 
Chef du service d'anatomie et de physiologie à l'École d'A Ifort, 


I 


On sait aujourd’hui que les veines jouissent d’une contractilité 
lente et faible due à la présence de fibres musculaires lisses, 
mêlées au tissu conjonctif et au tissu élastique de leur tunique 
moyenne. Verschuir et Hastings ont vu les jugulaires et les 
mésaraïques se contracter sous l'influence de diverses excilations. 
Külliker (1) a observé que les veines d’un membre séparé du 
corps expulsent leur contenu, et prennent l'aspect de cordons 
blanchätres quand on vient à les soumettre à un courant d’in- 
duction. J'ai moi-même (2) constaté, il y a plusieurs années, 
qu'après la ligalture de l’aorte sur le cheval, les veines des mem- 
bres abdominaux chassent la plus grande partie de leur contenu 
dans les gros troncs du bassin et dans la veine cave. On sait aussi 
que cette contractilité est beaucoup plus marquée dans les points 
où les grosses veines ont leur tunique externe renforcée par un 
plan charnu grisâtre, très épais, comme à la veine cave dans la 
grande scissure du foie, et à la veine porte dans l'anneau du pan- 
créas. Aussi a-t-elle paru là toujours plus évidente que dans celles 


(4) Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparées, par M. Milne Edwards, 
t. IV, p. 303. 

(2) G. Colin, Traité de physiologie comparée des animaux domrstiques, t, I, 
p. 314. 


960 COLIN. 


d’un moyen calibre. Mais indépendamment de cette contractilité 
lente et faible qui appartient à l'ensemble du système veineux, les 
veines caves, vers leur abouchement dans le cœur, en possèdent 
une autre qui leur donne des mouvements pulsatiles et rhythmi- 
ques semblables à ceux que M. Flourens {1) a reconnus aux prin- 
cipales veines de Batraciens. C’est de celle-ci que je veux m'oc- 
cuper dans cetle note, car elle n’a pas élé étudiée avec tout le soin 
qu’elle mérite. Mes observations portent sur le Cheval, lAne, le 
Bœuf, le Chien et le Chat. 


Il 


Considérées au point de vue anatomique, les deux veines caves, 
à leur jonction avec l'oreillette, ont cela de commun, que leurs 
parois sont renforcées par une couche de fibres musculaires striées 
et rouges. Mais cette couche est quatre à cinq fois plus étendue 
sur l’antérieure que sur la postérieure; de plus, dans la première 
elle correspond à une dilatation considérable qui rappelle le sinus 
veineux des Poissons. 

La veine cave antérieure, après avoir reçu la cervico-museu- 
laire et la dorso-musculaire, forme un gros canal qui se couche 
horizontalement sous la trachée, libre à droite et accolée à gauche 
à l'aorte et aux troncs brachiaux. A 8 à 40 centimètres avant son 
entrée dans le péricarde, elle commence à prendre des parois 
musculeuses sans se dilater sensiblement; puis, parvenue dans 
celte poche, elle s’élargit beaucoup, se recourbe à la manière 
d’un col de cornue, et se joint à la partie supérieure de l’oreillette 
sur une sorte de raphé cireulaire. Le sinus qu'elle forme à partir 
du point où apparaissent les fibres musculaires, se divise donc en 
deux parties, l’une en dehors, l’autre en dedans du péricarde ; 
elles ont ensemble 15 à 16 centimètres de longueur sur 8 à9 dans 
le plus grand diamètre. Les parois de ce sinus, d’abord minces et 
blanches, augmentent d'épaisseur à mesure qu’elles s’approchent 


(1) Expériences sur la force de contraction propre des veines principales dans 
la Grenouille {Ann. des sc. nat.,t. XXVIII, 4833, p. 65-71). 


MOUVEMENTS PULSATILES DE LA VEINE CAVE. 261 
de l'oreillette. Les fibres qui les renforcent se rassemblent en 
faisceaux pour la plupart obliques de haut en bas et d’arrière en 
avant, qui s’entrecroisent et finissent par se natter entre eux; 
néanmoins les faisceaux ne se continuent pas sur l’oreillette, ils 
s'arrêtent presque tous à l’anneau qui double le raphé extérieur. 
Chez l’homme, peul-être à cause du mode de station, le smus de 
la veine cave supérieure est peu dilaté; ses parois sont à peine 
musculeuses, on ne voit à sa base qu’un anneau de fibres rou- 
geûtres, dit de Wallæus, sur lequel s’épanouissent quelques fibres 
superficielles de l'oreillette. 

La veine cave postérieure, ouverte horizontalement en arrière 
de l’oreillette, ne se dilate point chez les animaux, comme l’autre, 
vers son abouchement; ses parois ne montrent une légère couche 
de fibres musculaires striées que dans une longueur de à centi- 
mètres; seulement l'oreillette entoure son orifice d’un bourrelet 
circulaire très épais. 

La couche de fibres musculaires striées que possèdent les vei- 
nes caves vers leur abouchement leur donne une contractilité 
énergique qui a déjà été signalée par plusieurs observateurs. 
Wallæus (1) paraît être le premier qui l’ait constatée. Il observa 
sur le Chien, dans les veines caves, des mouvements pulsatiles 
qui persistaient même quand ces veines étaient séparées des oreil- 
lettes. Sténon vérifia ensuite ces observations sur le Cheval et 
quelques autres animaux. Lancisi, Haller, Spallanzani, en firent de 
semblables sur les animaux à sang froid. Enfin M. Flourens, dans 
un mémoire publié en 1833, fit connaitre les caractères, le méca- 
nisme et les causes des mouvements propres des veines chez les 
Grenouilles. Depuis ce moment, M. Allisson a appelé de nouveau 
l'attention des physiologistes sur cette question, mais il a laissé 
beaucoup à faire en ce qui concerne les Mammifères. C’est par les 
: expériences suivantes que j'ai cherché à compléter les travaux que 
je rappelle. 


Expér. LE. —- Sur un Cheval vivant et couché, j'ai fenêtré la poi- 


(1) M, Milne Edwards, t, IV, p. 301 et suiv. 


262 COLIN. 

trine, du côté droit, au niveau des quatrième, cinquième et sixième 
côtes, puis relevé le lobe antérieur du poumon et excisé la moitié 
droite du péricarde, de manière à bien mettre à nu le sinus de la 
veine cave antérieure, Cela étant, je voyais le sinus de la veine 
cave supérieure, depuis l'insertion de la dorso-musculaire jusqu’à 
l'oreillette, se resserrer et se dilater alternativement ; mais comme 
les battements du cœur de cet animal étaient très précipités, il 
m'était impossible de voir si les mouvements du sinus s’effec- 
luaient en même temps que ceux des oreillettes. 


Exvér. II. — Sur un autre Cheval couché, auquel je coupe la 
moelle épinière en arrière de l’occipital, j'établis la respiration 
artificielle, puis je fais une fenêtre à droite de la poitrine, au niveau 
de la région cardiaque. Pendant une demi-heure je vois les mou- 
vements des ventricules et des oreillettes s'effectuer avec une 
grande régularité; le sinus de la veine cave antérieure se contracte 
et se dilate alternativement ; sa contraction coïncide avec celle de 
l'oreillette, tant que le rhythme des battements du cœur n’est 
point troublé ; elle réduit considérablement la lumière du vaisseau, 
sans jamais l’effacer. Sur la fin, les cavités ventriculaires se dila- 
tent outre mesure, les mouvements des veines s’affaiblissent, 
deviennent irréguliers et s'arrêtent, même avant ceux des oreil- 
lettes. 


Exrér. II,— Un pelit Cheval maigre est décapité après ligature 
des deux carotides, et le thorax est largement ouvert à droite. Les 
mouvements du cœur sont réguliers, le sinus de la veine cave 
antérieur se contracte avec les oreillettes, puis il se dilate avec 
elles; l’isochronisme se maintient pendant plus de dix minutes, 
puis les battements perdent leur régularité. 


Expér. IV.— Je coupe le bulbe rachidien à un Chien adulte, et 
j'établis la respiration artificielle; la fenêtre faite à droite du tho- 
rax comme sur les premiers’ animaux, et l’excision de la moitié 
droite du thorax laissent à découvert les ventricules, les oreillettes 
et la veine cave dans toute sa partie musculeuse. 

Le mouvement pulsatile du sinus est très marqué, et de plus cu 


MOUVEMENTS PULSATILES DE LA VEINE CAVE. 263 


plus à mesure qu’il se rapproche de l'oreillette. Le sinus se 
resserre quand l’oreillette se contracte, et il se dilate quand elle se 
relâche. L’isochronisme est parfait. A plusieurs reprises les batte- 
ments sont comptés par moi au sinus, et par un aide à l'oreillette : 
leur nombre est le même de part et d'autre. 

La veine cave postérieure bat comme la première, mais un peu 
moins fortement, ses pulsations sont de même isochrones avec 
celles de l'oreillette. 

A chaque contraction le sinus diminue de diamètre, mais il ne 
se vide point : une partie seulement de son contenu est chassée dans 
l'oreillette droite; d’ailleurs celle-ci, lors de la systole, s’affaisse 
plus ou moins, sans jamais verser la totalité de ce qu’elle contient 
dans le ventricule. 

Ici quelque chose embarrasse l'observateur. 

La pulsation a lieu dans les deux veines : à la première, depuis 
l'entrée de la poitrine jusqu’au cœur, bien qu’il n’y ait pas de 
fibres charnues sur tout ce trajet; à la seconde, du cœur au dia- 
phragme, quoiqu'il n’y ait sur cette dernière qu'un simple anneau 
musculeux. Comment se fait-il que le mouvement s’étende aux 
points où il n’y a pas de fibres charnues? Est-il bien certain que 
les pulsations des veines caves résultent d’une contraction de leurs 
parois et non d’une secousse qui leur serait communiquée par le 
cœur, ou du reflux du sang dans leur intérieur ? 

C'est ce qu'il faut maintenant examiner dans de nouvelles 
expériences. 


Exrér. V. — Sur un Chien de six mois, je coupe le bulbe rachi- 
dien, e après avoir établi la respiration artificielle, je perce une 
large fenêtre à droite de la poitrine, et j’excise la moitié cor- 
respondante du péricarde. Les pulsations des deux veines caves 
sont très évidentes et isochrones à celles des oreillettes. 

Lorsque je saisis, à l’aide d’une grande pince, la masse des 
oreillettes, de manière à rendre immobile la base du cœur, les 
pulsations n’en persistent pas moins; donc elles ne tiennent pas à 
une secousse imprimée par le cœur. 


D'autre part, lorsque j'applique une pince à pression continue 


261 COLIN, 


au point de jonction du sinus avec l'oreillette, la pulsation de la 
veine cave n’en est point affectée; donc cette pulsation n’est pas 
due à la propagation du mouvement de l'oreillette à la veine. 

Enfin, lorsque la pince, placée comme dans le cas précédent, 
ferme exactement la communication de la veine avec l'oreillette, 
les pulsations ne sont pas modifiées ; donc elles ne sauraient être 
attribuées à un reflux du sang de l’oreillette dans la veine; elles 
sont bien évidemment dues à une contraction propre de cette der- 
nière. D'ailleurs le reflux du sang de l'oreillette dans les veines 
caves ne peut déterminer la pulsation dont je parle, car ce reflux 
coïncide avec la systole auriculaire, et c’est au moment de cette 
systole que la veine se resserre. Cependant, tout en demeurant 
étranger à la véritable pulsation des veines caves, il imprime à 
celles-ci une secousse qu'il est facile de démontrer. 

En eflet, si je viens à appliquer une pince à pression continue 
sur la veine cave postérieure, à une faible distance de l'oreillette, 
le mouvement ondulatoire qui s’y faisait sentir auparavant, depuis 
le cœur jusqu’au diaphragme, cesse en arrière des pinces, tant 
parce que celles-ci arrêtent la cireulation que parce que la veine 
n'a plus de fibres contractiles en arrière du point où elles sont 
placées. M. Flourens avait déjà fait cette observation importante, 

Au contraire, si les pinces sont appliquées sur la veine cave 
antérieure , entre l'oreillette et le sinus, les mouvements per- 
sistent à partir des pinces jusqu’à la première côte, car entre ces 
deux points le vaisseau continue à se contracter, bien que le reflux 
y ait cessé. 

Dans tous les cas, il ne faut pas oublier qu'un certain temps 
après l’application des pinces, la veine se gonfle tellement, que ses 
contractions ne peuvent plus en réduire le diamètre. Conséquem- 
ment, pour éviter l'illusion, ilne faut comprimer la veine qu’à de 
courts intervalles. 

Toutes les observations dont je parle ont pu être répétées 
souvent dans cetle expérience, car les mouvements du cœur se 
sont entretenus avec régularité pendant une heure et demie sans 
dépasser le nombre de 60 à 70 par minute. 

Je passe à d’autres animaux. 


MOUVEMENTS PULSATILES DE LA VEINE CAVE. 265 

Expér. VI. — Je fais la section du bulbe rachidien à un Chat 
adulte ; puis, après avoir établi une respiration artificielle et fenêtré 
le thorax à droite, je vois très distinctement battre le sinus de la 
veine cave antérieure. Huit minutes après la section, les oreillettes 
et le sinus ont 90 pulsations à la minute; au bout d’un quart 
d'heure, seulement 52, et dès lors l’isochronisme devient évident. 
À la fin du troisième quart d'heure, les pulsations cessent d’être 
régulières ; les contractions du sinus ne sont plus toutes isochrones 
à celles des oreillettes. 

Sur cet animal, la veine cave postérieure n’a de contractions que 
dans le point le plus rapproché du cœur. Par moments il me sem- 
ble voir quelques faibles mouvements vers l’abouchement des vei- 
nes pulmonaires, 


Exrér. VII.— Je coupe le bulbe rachidien à un jeune Chat (d’un 

mois) et sans recourir à l'inspiration artificielle; j'ouvre largement 
la partie droite de la poitrine. Après l’excision de la moitié droite 
du péricarde, le sinus de la veine cave antérieure se voit très net- 
tement, surtout si, par suite de l’inclinaison du corps, le cœur 
descend vers le sternum. Les pulsations qui, dans le premier 
quart d'heure, allaient à 90 par minute, se ralentissent bientôt 
assez pour rendre possible la constatation de l’isochronisme, quoi- 
que par moments elles reprennent de la fréquence. 

Lorsque les battements du cœur sont lents et réguliers, on voit 
que : 

1° Le sinus de la veine cave antérieure se resserre et se dilate 
alternativement. Sa contraction coïncide avec la contraction 
des oreillettes; sa dilatation avec leur dilatation. 

2 Au moment de sa systole, la veine s’affaisse, s’aplatit et 
pâlit. 

3° Pendant la contraction du sinus, il y a un léger reflux dirigé 
de l'oreillette vers l’entrée de la poitrine. 

le La compression établie entre l'oreillette et le sinus laisse 
celui-ci battre exactement comme auparavant, 


Exrér. VIII. — Sur un Chat de la même portée que le précé- 


266 COLIN. 


dent, je coupe le bulbe rachidien, et j'ouvre la partie droite du 
thorax. Quelques minutes après, les battements du cœur sont si 
précipités, qu'il est impossible de rien démêler; mais dès qu'ils 
descendent au chiffre de 70 à 60, on voit très nettement, après 
l'excision de la moitié droite du péricarde, le sinus de la veine 
cave supérieure se contracter lors de la contraction des oreillettes, 
et se dilater lors de leur dilatation. Par moments lerhythmese mo- 
difie et devient irrégulier. Le nombre des pulsations du sinus n’est 
plus le même que celui des pulsations de l’oreillette. Au bout de 
deux heures, tout se passe encore avec régularité, bien que les 
souvements soient faibles. A la fin de la quatrième heure, ils ne 
sont pas encore éleints. 

Sur ce Chat, je constate des mouvements assez semblables dans 
la veine cave postérieure, entre le foie et le diaphragme. 

Je me borne à ces expériences. 

En résumé, chez les Mammifères, les deux veines caves, vers 
leur abouchement dans les oreillettes, jouissent d’une contractilité 
très évidente, qui leur imprime des mouvements rhythmiques 
indépendants de ceux du cœur. A la veine cave supérieure ils sont 
très étendus et très énergiques, mais à l’inférieure ils sont faibles 
et plus limités. 

C’est surtout chez les grands animaux, tels que les Solipèdes et 
les Ruminants, que la veine cave supérieure se dilate vers sa 
jonction à l'oreillette droite pour constituer un vaste sinus incurvé, 
à parois épaisses, rappelant le grand sinus péricardiaque des Pois- 
sons et des Reptiles. Il y est tellement disposé, qu’on ne saurait le 
considérer comme un prolongement ou une dépendance du cœur ; 
ses fibres ne s'étendent point sur l'oreillette, et les fibres de 
celle-ei ne concourent point à sa formation. 

Le sinus de la veine cave antérieure, pourvu d’une épaisse cou - 
che musculaire à fibres striées, est, ainsi que plusieurs observateurs 
l'ont fait remarquer depuis Wallæus, le siége de mouvements pul- 
satiles dont le rhythme n’est point modifié sur les animaux ouverts 
vivants ou abattus par la section de la moelle épinière en arrière 
de l’occipital. Ces mouvements sont en nombre égal à ceux du 
cœur : la systole du sinus coïncide avec celle de Poreillette, et la 


MOUVEMENTS PULSATILES DE LA VEINE CAVE, 267 
diastole du premier coïncide avec celle de la seconde, C’est par 
exception, et dans les cas où les battements du cœur deviennent 
irréguliers, que l’isochronisme entre les pulsations du sinus et 
celles des oreillettes disparait momentanément. 

Les pulsations du sinus ne dépendent ni des secousses du cœur, 
ni des contractions de l'oreillette, ni du reflux du sang. En appli- 
quant, soit une ligature, soit une pince à pression continue, à l’in- 
serlion du vaisseau, on les voit persister avec leur intensité et 
leurs caractères ordinaires. Néanmoins elles s’affaiblissent, et 
s'arrêtent une fois que la veine cave est arrivée à son degré 
extrême de distension. 

La systole du sinus, si énergique qu’elle soit, ne donne lieu qu’à 
une légère réduction du diamètre de la veine, elle n’en efface 
jamais la lumière ; aussi le courant sanguin qu’elle pousse vers le 
cœur y coule tout d'un trait et sans intermiltence. Au moment 
de cette systole, le sang éprouve, dans toute la longueur de la veine 
cave, un mouvement ondulatoire accompagné d’un reflux dirigé 
du cœur vers l'entrée du thorax, mais le reflux est faible et étran- 
ger à ce qu'on appelle le pouls veineux. 

Les contractions rhythmiques de la veine cave supérieure pa- 
raissent avoir pour usage de faciliter et de régulariser l'abord du 
sang dans le cœur ; elles semblent surtout utiles chez les animaux 
quadrupèdes, dans les moments où ils tiennent la tête inclinée vers 
le sol pour y prendre leur nourriture. 

Quant à la veine cave postérieure dépourvue de sinus ou de 
dilatation terminale, elle n’est contractile que sur une étendue à 
peine égale au dixième de sa longueur, entre le cœur et le dia- 
phragme; ses mouvements pulsatiles ne sont plus, en grande 
partie, que le résullat du reflux du sang lors de la systole des 
oreillettes. ” 

Dans une autre communication, j'examinerai lés caractères des 
contractions de la veine cave postérieure et de la veine porte dans 
les points où ces vaisseaux ont leurs narois renforcées par un plan 
musculaire à fibres lisses. 


RECHERCHES 
SUR 


L'APPAREIL GÉNÉRATEUR DES MOLLUSQUES GASTÉROPODES 


Par M. BAUDELOT. 
Suite (1). 


CHAPITRE IIL. 


ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE. 


Jusqu'ici nous avons envisagé notre sujet au point de vue de 
l’histoire et de l'anatomie ; il nous reste maintenant à voir com- 
ment, chez les Gastéropodes hermaphrodites, on doit interpréter 
physiologiquement les divers phénomènes dont l'appareil généra- 
teur est le siége. 

Je ne m’arrèêterai pas ici à discuter les opinions de Swammerdam, 
de Redi, de Lister, celles de Prévost, de Cuvier, ni de tous ceux, 
enfin, qui ont pensé que, chez les Gastéropodes à sexes réunis, 
l'ovaire et le testicule étaient deux organes entièrement distincts. 

En effet, s'il est aujourd’hui un fait bien avéré, c'est celui de 
la formation des ovules et de la semence dans une même glande, 
désignée sous le nom de glande hermaphrodite. 

Nul doute possible à l’égard des ovules, leur situation dans 
l'épaisseur de la paroi des follicules de la glande hermaphrodite ne 
permet pas de leur assigner un autre lieu d’origine ; leur nature 
ne peut pas non plus être contestée, puisque l’on retrouve ces 
ovules vitellins avec des caractères identiques à l’intérieur des œufs 
récemment pondus. 

Quant aux spermatozoïdes, il est aisé de suivre dans la glande 
toutes les phases de leur évolution, et ni leur nature ni leur prove- 
nance, ne peuvent plus désormais présenter la moindre incertitude. 


(1) Voyez ci-dessus, page 135. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 269 


L'opinion de Steenstrup, de même que toutes les précédentes, 
tombe rapidement devant un examen sérieux. Nous avons vu que 
ce naturaliste regarde les Gastéropodes comme des animaux à 
sexes séparés, chez lesquels les différentes parties de l'appareil 
génital seraient doubles, mais parviendraient à se développer 
seulement d’un côté, tandis que celles de l’autre s’atrophieraient 
comme dans les oiseaux femelles. | 

Je laisserai à M. de Siebold l'appréciation de cette singulière hy- 
pothèse : «Il y a lieu, dit ce savant, d’être étonné que Steenstrup, 
qui connaissait les recherches de Meckel, et qui, si l’on en juge 
d'après ses figures, a distinctement vu la ligne de séparation 
entre les follicules ovariques et testiculaires, ait déterminé deux 
fragments de cette glande qu'il avait pris sur deux individus diffé- 
rents de l'Helix pomalia, comme étant l’un un ovaire, l’autre un 
testicule. Dans ce dernier fragment il a appelé cellules spermati- 
ques non-seulement celles du follicule interne, qui méritent réelle- 
ment ce noin, mais encore les œufs contenus dans le follicule 
externe, tandis que dans le premier fragment, ou le soi-disant 
ovaire, il nomme œufs non-seulement les œufs véritables, mais 
encore les cellules spermatiques internes. Les spermatozoïdes 
qu'il ya vus en même temps y seraient, selon lui, parvenus du 
dehors par l’accouplement (1). » 

J'arrive donc à l'examen des deux théories qui ont plus parti- 
culièrement appelé l'attention, et qu'un certain nombre de natu- 
ralistes admettent encore aujourd’hui, je veux parler de celle de 
H. Meckel et de celle de M. Gratiolet. 

Ces deux théories, ainsi que nous l’avons vu, admettent l’une 
et l’autre l'existence d’une glande hermaphrodite, mais elles diffè- 
rent totalement quant à la manière d'envisager les rapports des 
ovules et du sperme dans le canal excréteur. 

La théorie de Meckel a déjà été mentionnée dans le premier 
chapitre de ce mémoire; mais, pour la facilité de l’étude, je vais la 
rappeler ici en me servant des paroles mêmes de M. de Siebold : 
« La glande hermaphrodite se compose de cæcums ramifiés, digiti- 


(4) Siebold, Manuel anat. comp., 9° partie, t. 1°, p. 344. 


970 BAUDELOT, 


formes ou en grappes et réunis en groupes plus ou moins consi- 
dérables, pour former une glande lobulée. Sur chaque cæcum, on 
distingue un sac extérieur qui produit des œufs (follicules ova- 
riens), et un sac interne replié dans le premier, qui sécrète du 
sperme (follicules testiculaires). Les parois de ces deux follicules 
invaginés sont ordinairement en contact immédiat, et ne s’écartent 
l’une de l’autre que dans les points où il y a des œufs, ces derniers 
repoussant le follicule ovarien en dehors et le testiculaire en 
dedans. Ces follicules sont suivis de conduits excréteurs également 
invaginés, qui finissent par se réunir en deux conduits principaux, 
dont l’externe constitue la trompe de Fallope, et l’interne, qui est 
plus étroit et ordinairement flexueux, le canal déférent. » 

Ainsi donc, d’après l’interprétation de Meckel, la séparation 
des ovules et du sperme serait constante. Cette hypothèse, qui ferait 
rentrer la génération des Gastéropodes dans la loi commune, est 
assurément très ingénieuse; mais comme les faits sur lesquels 
elle s'appuie sont loin d’avoir tous le même degré de vérité, je 
scinderai la question et j’examinerai : 

41° Quel est le rapport des ovules et du sperme dans l’intérieur 
des follicules ? 

2 Quel est leur rapport dans le canal excréteur ? 


$. La séparation primitive des ovules et du sperme admise par 
Meckel est un fait aujourd'hui hors de doute. Un premier examen 
à l’aide d’un grossissement de 8 à 10 diamètres suffit déjà pour. 
montrer que les ovules sont en connexion intime avec la paroi des 
follicules ; ce fait devient surtout évident lorsque l’on fait rouler 
entre deux verres minces un follicule isolé de la glande : on voit 
alors chaque ovule décrire un mouvement de rotation autour de 
l'axe du follicule, en demeurant constamment accolé à la paroï qui 
le supporte. L'expérience suivante confirme entièrement ces pre- 
mières données. Lorsqu'on presse légèrement sousle microscope 
quelques-uns des follicules de la glande génitale, on voit le sperme 
s’écouler de ces petits cæcums sans que, sauf le cas de rupture, 
les ovules participent en rien à son mouvement, ce qui ne serait pas 
assurément si ces derniers baignaient dans le liquide spermatique. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 974 


Lorsque l’on soumet ces mêmes follicules à un grossissement 
d'environ 400 diamètres, on voit très nettement que les ovules 
occupent une cavité distincte dans l'épaisseur même des parois 
folliculaires et se trouvent séparés du sperme par une membrane 
excessivement mince ; mais il n’existe pas deux follicules invagi- 
nés, ainsi que l'ont avancé Meckel et M. de Siebold. — Dans les 
Mollusques marins, tels que les Doris, les Eolis, les ovules et le 
sperme sont également séparés; seulement, au lieu d’étre dissé- 
minés dans l'épaisseur des parois folliculaires, les ovules sont 
réunis en masse et occupent lout le fond des folhcules dont la por- 
tion inférieure est remplie exclusivement par le sperme. 

Il est done bien évident, d'après tous ces faits, que, durant 
l’époque de leur formation, les ovules demeurent toujours séparés 
du sperme, et à ce point de vue Meckel est resté dans le vrai. 
Examinons maintenant la seconde proposition : 


$. Quel est le rapport des ovules et du sperme dans le canal 
excréteur ? 

M. de Siebold, ainsi que nous l’avons vu, est tout à fait expli- 
cite sur ce point, il affirme nettement l'existence de conduits 
excréteurs invaginés ; Meckel, au contraire, semble s'être arrêté 
à sa théorie plutôt pour éviter d'admettre le mélange des ovules 
et du sperme que par suite d’une véritable conviction. Le passage 
suivant, extrait de ses recherches sur l’Helix pomatia, reflète de 
sa part une incertitude profonde : 

« Les conduits excréteurs des follicules sont formés comme 
ceux-ci d’uné double membrane, le tube intérieur est entouré 
d’une couche de tissu cellulaire che, formée de grosses cellules 
transparentes et à noyau. Je n’ai découvert aucun autre chemin 
par où les œufs pussent arriver au dehors, et je présume d’après 
cela que les œufs s’avancent en restant entre les deux membranes 
des follicules et des conduits excréteurs, quoique la force qui les 
fait mouvoir soit énigmatique (1). » 


(1) « Die Ausführungsgäünge der Drüsenbälge bestehen ebenso wie diese aus 
» einer doppelten Membran, Die innere wimpernde Rühre ist von einer Zellge - 


979 BAUDELOT. 


Mes recherches n’ont pas été favorables à l'opinion de Meckel, 
et j'ai acquis la conviction, d’abord qu'il n'y a pas deux conduits 
excréteurs invaginés, ensuile qu'il n’existe qu'une seule voie pour 
la descente des ovules et du sperme. 

Cette manière de voir, déjà émise par MM. Laurent, Graliolet et 
Moquin-Tandon, a été confirmée depuis par M. Lacaze-Duthiers 
dans ses belles recherches sur le Pleurobranche. Néanmoins le 
mélange des ovules et du sperme chez des animaux destinés à 
s’accoupler, est un fait tellement insolite, tellement étrange, que 
je ne crois pas inutile d'exposer ici toutes les preuves que j'ai pu 
recueillir à l'appui de cette vérité, d’abord chez les Gastéropodes 
terrestres, ensuite chez les Gastéropodes fluviatiles et marins. 

1° Gastéropodes terrestres. — Les preuves tirées de ces ani- 
maux sont d’une valeur relativement faible, cependant je ne pense 
pas qu’on doive les négliger ; voici en quoi elles consistent : 

A. Il a été impossible jusqu'ici d'établir sur un seul fait l’exis- 


webesscheide locker umgeben, welche aus grossen hellen Kernzellen besteht. 
Ich habé durchaus keinen anderen Weg entdeckt, auf welchem die Eier nach 
aussen gelangen kônnten und vermuthe daber, dass die Eier fortwährend 
zwischen den beiden Membranen der Follikel und der Ausfübrungsgänge 
vorrücken, obgleich die bewegende Kraft räthselhaft ist. 

» Der allgemeine Ausführungsgang der Zwitterdrüse ist anfangs eng und 
gestreckt und besteht aus zwei in einander geschachtelten Rôühren ; die innere 
Rôübhre wimpert und ist stets voller Samenfäden, die äussere besteht aber nur 
aus den hellen Zellen, welche das Bindegewebe ausmachen. Man kann daher 
die äussere Hülle nicht als Eileiter ansehen, sondern nur als einen Ueberzug 
von Bindegewebe. Es wird aber von diesem Ueberzug ausser dem Samengang 
noch ein gewühnlich sehr enger aus einer faltigen Membran gebildeter Gang 
umschlossen, welchèr in seinem Inneren locker angeheftete Zellen enthält, 
die man durch Druck herausschaffen kann. Leider habe ich im Ausfübrungs- 
gang der Zwitterdrüse niemals Eier gefunden, allein der erwähnte Gang dient 
wabrscheinlich als Tuba. Uebrigens habe ich ihn bei anderen Thieren nicht 
wieder gefunden. » 

Meckel dit encore ailleurs au sujet de la Thelis : 

« Er (der Ausfübrungsgang des Samens) ist in seinem ganzen Verlauf von 
einer solchen Scheide umgeben, wie bei Helix, doch fand ich in dieser Scheide 
» keinen eigenen Kanal zur Leitung der Eier und halte sie selbst demnach fur 
» die Tuba. » 


2 2 L 2 1 


1 | 2 LI LL L2 L2 L 23 5» = 


| 


1 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 973 


tence de deux conduits invaginés. Un examen attentif conduit, au 
contraire, toujours à ce résultat : que les parois du canal efférent 
sont simples et d’une grande minceur. 

B. La gaine celluleuse qui entoure le canal excréteur, el que 
Meckel regarde comme le conduit des œufs, ne se retrouve que 
chez fort peu de Mollusques avec les caractères qu’elle offre chez 
lHelix pomatia. 

C. Cette gaine ne présente en rien les caractères dun lube, 
car j'ai essayé plusieurs fois d'y faire pénétrer une injection, et 
constamment j'ai vu le liquide s'échapper aussitôt de divers 
côtés. 

D. En admettant que la paroi du canal excréteur fût double, et 
si les ovules devaient la traverser, il serait peu rationnel de suppo- 
ser que les deux feuillets qui la composent eussent entre eux d’au- 
tres rapports que des rapports de simple contact. Mais alors, en 
poussant une injection dans l’oviduete, le liquide devrait refluer 
dans l'épaisseur des parois du canal efférent, ce qui n'arrive 
jamais. On se demanderait, du reste, en vertu de quelle force les 
ovules pourraient ainsi cheminer entre les deux membranes. 

Quant à des preuves directes, il ne faudrait pas trop en attendre 
des Gastéropodes terrestres , puisque la plupart de ceux qui ont 
étudié l’appareil générateur de ces animaux expriment le regret de 
n'avoir jamais pu apercevoir les ovules au moment où ils traver- 
sent le canal efférent. 

J'avoue pour mon propre compte n'avoir pas été plus heureux. 
Il m'est arrivé très fréquemment, il est vrai, de voir des ovules 
libres dans les ramifications du canal excréteur des Helix, mais ces 
ovules ne se retrouvent jamais plus bas dans l’intérieur du conduit 
excréleur principal; aussi je ne veux pas donner ce fait comme 
une preuve du mélange des ovules et du sperme, car les partisans 
de la théorie de Meckel pourraient m’objecter, avec quelque appa- 
rence de raison, que la chute des ovules au milieu du sperme 
résulte des froissements inévitables que subit la glande génitale, 
lorsqu'on cherche à extraire l'animal de sa coquille. 

2° Gastéropodes fluviatiles. — A. L'existence de deux tubes 


excréteurs invaginés n’est pas plus susceptible d’une démonstra- 
&e série. Zooz. T. XIX. {Cahier n° 5.) ? 18 


97 BAUDELOT. 


tion directe chez les Limnées que chez les Helix. La présence des 
nombreux diverticulums qui hérissent la surface du conduit excré- 
teur rend même, ici, l'hypothèse d’une invagination beaucoup 
moins vraisemblable. 


B. Nous avons vu chez le Limnée, que de l'extrémité infé- 
rieure du canal efférent part un tube court et grêle qui se rend à 
l’oviducte. Ce tube, d’après la théorie de Meckel, doit être consi- 
déré comme la terminaison de la trompe de Fallope, et par consé- 
quent n'avoir aucune communicalion avec le conduit spermatique; 
or si l’on pousse une injection de bas en haut dans la portion su- 
périeure du canal déférent, on voit le liquide refluer jusque dans 
l'oviducte, ce qui n'aurait aucune raison d’être s’il existait réelle- 
ment deux tubes invaginés. 


C. Il m'est arrivé fréquemment de voir le canal principal dé 
la glande hermaphrodite rempli de petits globes jaunâtres nageant 
au milieu d’un sperme très clair, et j'ai constaté que ces corps 
ne sont autre chose que des ovules ; j'avoue cependant que, de 
même que chez les Helix, je n'ai jamais retrouvé ces ovules au- 
dessous de la glande génitale dans l’intérieur même du conduit 
efférent, en sorte qu'il serait encore possible de faire iei l’objec- 
tion que j'ai présentée tout à l’heure. 

Tout ce que je viens de dire à l’occasion du Limnée est vrai 
pour le Planorbe, mais peut-être encore avec un surcroît d’évi- 
dence, Chez ce dernier, en effet, une injection colorée passe avec 
la plus grande facilité, soit du canal déférent dans l’oviducte, soit 
de l’oviducte dans le canal déférent; j'ai même réussi une fois à 
pousser un liquide de haut en bas par le canal excréteur et j'ai vu 
ce liquide pénétrer dans l'oviducte, tous faits qui prouvent bien 
évidemment qu'il n’y a qu'une voie commune pour les ovules et 
pour le sperme. 


8° Gastéropodes marins. — Dans les Doris les injections m'ont 
toujours donné des résultats parfaitement concordants avec ceux 
que j'ai obtenus chez le Limnée et le Planorbe. Un liquide poussé 
de bas en haut dans la branche femelle (pl. IV, fig, 414, e') a passé 
en même temps dans le conduit excréteur et dans le canal qui se 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES, 275 
rend à la verge, ce qui, je le répète, ne devrait pas être s'il y avait 
réellement deux conduits excréteurs invaginés. 

Enfin, comme preuve dernière et sans réplique, je dirai que 
dans les Doris et dans les Eolis, il est ordinaire de rencontrer des 
ovules, en nombre plus ou moins considérable, baignant au milieu 
du sperme qui remplit le canal efférent. Cette preuve eût pu même 
suffire à elle seule, j'en conviens, et si j'ai eu recours jusqu'ici à 
d'autres arguments, c’est que je tenais expressément à persuader 
mes lecteurs que rien n’a été négligé de ma part afin d'éviter 
toute chance possible d'erreur ou d’illusion. 

L'ensemble des faits que je viens d'exposer établissant donc 
avec une entière évidence qu'il n’existe qu’une seule voie com- 
mune pour la descente des ovules et du sperme, la théorie de 
Meckel s'écroule d'elle-même, faute d'appui. 

Théorie de M. Gratiolet. — J'ai déjà touché quelques mots de 
celte ingénieuse théorie dans le premier chapitre de ce mémoire, 
mais ce qui a été dit serait insuffisant pour en donner une idée 
complète, et je vais reproduire ici, dans une grande partie de son 
étendue, la note où M. Gratiolet a exposé lui-même sa manière de 
Voir : 

« Après de longues recherches répétées avec obstination, dit 
ce savant, la séparation de l'élément mâle et de l'élément femelle 
dans l'organe hermaphrodite demeure à mes yeux un fait extrème- 
ment douteux. » 

M. Meckel admet que l’ovule, au moment de sa formation, est 
situé hors de la cavité qui contient les zoospermes : je le recon- 
nais avec lui. Les cellules spermatophores se développent dans la 
cavité du cæcum de la glande : ce fait encore m'a paru exact; à 
cette époque, les zoospermes et les œufs sont séparés ; toutefois il 
n’y à point deux cæcums invaginés. L’œuf, en effet, naît, suivant 
toutes les apparences, d'un follicule temporaire dans l'épaisseur de 
la paroi du cæcum; c’est une vésicule de Graaf, Avant la déhis- 
cence de cette vésicule, l'œuf est séparé des éléments zoosper- 
miques; mais après la déhiscence, il tombe dans la cavité du 
cæcum, et s'écoule avec le sperme par les mêmes conduits. 

Les filaments zoospermiques des Hélices diffèrent singulière- 


976 BAUDELOT. 


ment d'avec les zoospermes des animaux supérieurs : ils sont, en 
effet, à peu près et peut-être tout à fait immobiles. L'immobilité 
singulière de ces filaments organiques soulève un soupçon natu- 
rel : ne seraient-ils pas les éléments d’un sperme encore imparfait 
et infécond comme celui des sujets trop jeunes ou hybrides? Cet 
état ne serait-il pas l'état primitif d’an zoosperme appelé à se per- 
fechonner ailleurs ? 

Cette question n'a jamais été examinée, et peut-être est-elle 
digne de quelque attention. 

Je me suis proposé de résoudre deux questions qui se pré- 
sentent naturellement à l'esprit : 


PREMIÈRE Question, — Dans quelle partie de l'appareil généra- 
teur femelle le sperme est-il déposé pendant laccouplement ? 

La question qui vient d’être posée peut se résoudre ainsi : le 
sperme est déposé pendant l’accouplement dans une vésicule copu- 
latrice. 


DeuxiÈME quesriox. — Que devient le sperme déposé dans la 
vésicule copulatrice ? 

J'ai dû m'enquérir avec soin des modifications que le sperme 
subit dans la vésicule copulatrice. Les faits qu'on découvre ici 
étaient si peu prévus, que je ne puis m'empêcher d'appeler sur 
eux toule l'attention des observateurs. 

J'ai surpris au moment de l’accouplement un grand nombre 
d'Helix. Les filaments du sperme déposé dans la vésicule étaient 
immobiles, et semblables, à tous égards, à ceux du canal défé- 
rent. Au bout d’un nombre de jours très variable , suivant l’âge 
des individus et suivant le degré de la température ambiante, on 
constate des changements remarquables : 

A La partie caudale du filament s’est raccourcie ; 

% La partie céphalique grandit. 

Ainsi, quinze jours après l’accouplement, les spermatozoaires 
du canal déférent et ceux de la vésicule copulatrice m’ont présenté 
les longueurs suivantes dans leur partie céphalique : 


Spermatozoaires du canal déférent. . . . . . . . 0" 0065 
Spermatozoaires de la bourse copulatrice, . . . . 0°",0104 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 277 

Ces résultats sont assez tranchés : la longueur de la tête avait 
presque doublé. Ce n'est pas tout : de l'extrémité amincie de 
cetie tête se détachait un filament flagelliforme d’une extrême 
finesse. 

Dans cet état, lezoosperme avait perdu son immobilité primitive 
et s’agitait avec force ; la tête surtout s’incurvait avec vivacité, et 
agitait son filament flagelliforme 

Ainsi la queue du zoosperme primitif s'était raccourcie ; la tête, 
au contraire, avait subi un accroissement notable ; enfin le zoo- 
sperme présentait des marques d’un mouvement non équivoque. 

Cette observation est importante, parce qu’elle établit une tran- 
silion entre l’état primitif et l’état ultime du zoosperme achevé. 

Dans cet état, la queue a complétement disparu ; le zoosperme, 
réduit à sa partie céphalique, se présente sous l’apparence d’un 
Ver fusiforme. Le filament flagelliforme a grandi ; il s’est donc 
opéré une métamorphose singulière. L’extrémité caudale des fila- 
ments zoospermiques primitifs ayant disparu, le filament grêle qui 
pousse de l'extrémité opposée devient l'extrémité caudale du 
zoosperme parfait. Dans cet état, l'animal s’agite avec une extrême 
vivacité, il se contracte en tous sens. 

Les observations qui font le sujet de cette note sont faciles à 
vérifier sur les différentes espèces d’Helix qui sont communes 
aux environs de Paris. Je crois donc pouvoir répondre à la 
deuxième question qui a été posée : 

Le sperme infécond déposé dans la vésicule copulatrice y subit 
des modifications, par suite desquelles il acquiert la propriété fé- 
condante, et ces modifications consistent essentiellement dans une 
métamorphose du zoosperme primitif. 

J'ai étudié plusieurs individus du Limax flavus ; le plus sou- 
vent, j'ai trouvé des zoospermes dans la vésicule copulatrice. 
Chez tous ces individus, les zoospermes, comparés à ceux du canal 
déférent, présentaient une notable diminution du filament caudal, 
Chez quelques-uns, le filament caudal avait absolument disparu ; 
mais les têtes isolées conservaient leurs caractères primitifs, elles 
étaient absolument immobiles ; il n’y avait à leur extrémité anté- 
rieure aucune trace de filament flageiliforme. 


278 BAUDELOT . 

Les faits qui viennent d’être signalés jettent peut-être quelque 
jour sur le fait inexpliqué de l’existence simultanée de deux espèces 
de zoospermes dans le liquide fécondant de la Paludine vivipare. 

On y rencontre, en effet, à la fois : 

4° Des filaments rigides à peine mobiles, à tête eontournée en 
tire-bouchon, dont l'analogie avec les zoospermes du canal défé- 
rent ne peut être méconnue : l’eau pure ne les altère en aucune 
façon. 

2e De longs cylindres dont l'extrémité postérieure porte un 
pinceau de fils très fins ; ces corps singuliers se meuvent avec 
une extrême vivacité : l’eau pure les tue instantanément. 

Le sperme de la Paludine a été étudié en 1837 par M. de Siebold, 
qui ne s'explique point sur la nature de ces corps ; on les consi- 
dère ici comme des parasites (Ehrenberg) ; ailleurs comme des 
faisceaux de zoospermes normaux, ou comme des cellules sper- 
matophores très allongées (Paasch et Kôlliker). 

La première opinion ne peut être que bien difficilement 
acceptée : l'existence constante de ces éléments est un puissant 
argument contre l’idée de parasitisme. 

La seconde opinion ne peut être soutenue, et je me fonde sur 
les raisons suivantes : 

4° Chez tous les animaux mollusques, comme chez les animaux 
supérieurs, l'immobilité est le caractère du zoosperme imparfait , 
le mouvement est le signe du zoosperme achevé; le contraire 
aurait lieu, dans cette hypothèse, chez la Paludine vivipare, et 
cela par une exception unique qu'on ne saurait admettre à priori. 

9° Si le zoosperme à tête en tire-bouchon des Paludines est 
l’analogue du filament zoospermique du canal déférent des Lima- 
ces, il doit se développer de la même manière : ce que la raison 
indique, l'observation le démontre. J'ai vu nettement des fais- 
ceaux de zoospermes à tête en tire-bouchon contenus dans des 
vésicules spermalophores pareilles à celles des Hélices. Dans les 
uns et dans les autres, les faits se développent d’une façon paral- 
lèle; ainsi les éléments mobiles du sperme de la Paludine vivipare 
ne peuvent en aucune façon être considérés comme des faisceaux 
primitifs de zoospermes. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 9279 


Je proposerai à mon tour une troisième hypothèse. Suivant 
cette hypothèse : 

4° Les filaments presque immobiles à tête en tire-bouchon de 
la Paludine représentent les filaments zoospermiques primitifs du 
canal déférent des Hélices. 

2° Les zoospermes cylindriques à pinceau terminal des Palu- 
dines répondent aux zoospermes métamorphosés de la vésicule 
copulatrice des Hélices. 

Cette hypothèse n’est point absolument gratuite. 

Il est certain que, parmi les filaments zoospermiques immobiles 
de la Paludine, les uns sont plus petits et les autres plus grands : 
ueux-ci paraissent représenter un état de développement plus 
avancé, 

Je regarde comme probable que la partie contournée, qu'on 
appelle la tête du filament, donne naissance au pinceau caudal qui 
caractérise le zoosperme à l’état parfait. 


Quelque séduisante que puisse paraître cette hypothèse, j'avoue 
cependant qu'il m'est bien difficile de partager les vues de 
M. Gratiolet en ce qui concerne la métamorphose des sperma- 
tozoïdes, et voici les motifs sur lesquels je m'appuie : 

A. Les animalcules que l’on rencontre dans la poche copula- 
trice des Helix, et que M. Gratiolet considère comme des sper- 
malozoïdes métamorphosés, n’ont qu’une analogie extrêmement 
faible avec les zoospermes. Au lieu de présenter, comme les sper- 
matozoïdes ordinaires, de simples mouvements de flexion ou d’on- 
dulatior, ces animaleules se déforment en tous sens, et avec une 
extrême rapidité, à la manière de beaucoup d’infusoires (pl. I, 
fig. 40). 

B. Ces animalcules se rencontrent en loule saison et avec les 
mêmes caractères dans la poche copulatrice des Helix pomatia et 
aspersa ; on les trouve en aussi grande abondance pendant l'hiver 
que pendant l'été, même chez ceux de ces animaux dont la coquille 
est revêtue de son opercule calcaire. 

C. Malgré les observations les plus multipliées, il m'a toujours 
été impossible de voir les zoospermes déposés dans la vésicule 


280 BAUDELOT. 


copulatricedes Helix, subir aucune des transformations indiquées 
précédemment ; j'ai toujours aperçu dans cette vésicule, oubien des 
spermatozoïdes ordinaires, où bien de ces animaleules dont j'ai 
parlé, mais jamais de formes intermédiaires. Plusieurs fois il m'est 
arrivé pendant l'hiver, c’est-à-dire à une époque éloignée de l’ae- 
couplement, de trouver encore des spermatozoïdes dans la vésicule 
copulatrice des Heliæ pomaha et aspersa ; ces spermatozoïdes 
étaient immobiles, et avaient conservé leur forme primitive. 

D. L'objection la plus sérieuse assurément que l’on puisse faire 
à l’hypothèse de M. Gratiolet, c’est que, loin d’être d’une appli- 
cation générale, cette hypothèse ne pourrait guère subsister 
qu’à l'égard de quelques Héïices. Ainsi, que l’on ouvre la poche 
copulatrice d’un Arion, d'une Limace, d’un Limnée , d’un Pla- 
norbe ou d'une Doris, jamais on ne parviendra à découvrir un 
seul de ces animalcules, regardés chez l’Æeliæ pomatia comme 
des spermatozoïdes métamorphosés. 

On peut même affirmer qu’au lieu de posséder sur les z00- 
spermes une influence vivifiante, le liquide de la poche copula- 
trice exerce bien plutôt sur eux une action destructive. Lorsque 
chez un Arion, par exemple, on examine le contenu de la vésicule 
quelques jours après l’accouplement, on voit qu’il consiste en un 
liquide filant, visqueux, dans lequel flottent des milliers de têtes 
de spermatozoïdes séparées de leur filament caudal, mais tout à 
fait immobiles. Parmi ces débris, on observe aussi des zoospermes 
encore intacts, mais dont la pâleur et la transparence indiquent 
déjà un premier degré de décomposition. 

E. Les particularités offertes par le sperme de la Paludine 
vivipare ne peuvent pas être davantage alléguées à l’appui de la 
théorie de M. Graliolet, puisque nous savons (1) d’une manière 
certaine que les tubes cilifères ne proviennent pas d’une méta- 
morphose des zoospermes à tête spirale, mais qu’ils naissent 
directement de cellules formant une sorte d’épithélium à la face 
intérieure des follicules testiculaires. 

De tous les faits qui précèdent, je crois donc pouvoir conclure 


(1) Voy. chap. IE, Palud. vivip. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 281 


que la théorie de M. Gratiolet se trouve insuffisante pour expli- 
quer les phénomènes de la génération ehez les Gastéropodes her- 
maphrodites, car si cette théorie est vraie, en tant qu’elle admet le 
mélange des ovules et du sperme dans le canal excréteur, elle 
cesse de l’être lorsqu'elle attribue aux spermatozoïdes une série 
de métamorphoses que rien jusqu'ici ne paraît confirmer. 


Nous voyons donc qu'aucune des hypothèses’ au moyen des- 
quelles on a tenté jusqu'ici d'expliquer la génération chez les 
Gastéropodes hermaphrodites, ne repose sur un ensemble de faits 
positifs, et par conséquent ne peut être regardée comme l’expres- 
sion d'une loi physiologique : essayons maintenant, en partant de 
données anatomiques certaines, d'établir quel est le lien naturel 
de tous les faits que l'expérience et l’observation nous ont fait 
connaitre. 

Il résulte de nos précédentes discussions que l’on peut désormais 
regarder comme bien avérée chacune des propositions suivantes : 

1° Les Gastéropodes hermaphrodites possèdent une glande gé- 
. bitale, produisant à la fois des ovules et du sperme primitive- 
ment séparés l’un de l’autre. 

2° Les ovules et le sperme, d’abord séparés, se trouvent plus 
tard en contact immédiat ; ils descendent par la même voie jusqu’à 
la naissance de là gouttière ou du canal déférent. 

3° Arrivés en ce point, le sperme et les ovules prennent une 
route différente ; le sperme pénètre dans la gouttière ou le canal 
déférent, les ovules passent dans l’oviducte (1). 


(1) Selon M. Moquin-Tandon, l'ovule des Mollusques détaché de l'organe en 
grappe descend par le canal excréteur, s'échappe entre les deux lèvres de la rai- 
nure que forme ce conduit le long de la matrice et tombe dans la partie supérieure 
de cet organe. C'est là un fait qu'il n'est guère possible de prouver expérimentale- 
ment, mais auquel on est fatalement conduit par cette considération que les ovules 
d’abord mélangés avec le sperme doivent passer nécessairement dans l'oviducte. 
Or, ce n'est qu'au niveau de la gouttière déférente que ce passage peut avoir lieu, 
et c’est là qu'il a lieu en effet, puisque les ovules ne passent pas avec le sperme 
dans la vésiculecopulatrice. Toutefois il reste encore à déterminer à quelle hau- 


282 BAUDELOT. 


h° La disposition des organes s'oppose à ce que la séparation 
des deux éléments reproducteurs puisse être complète ; les ovules 
baignés par le sperme doivent nécessairement en entraîner avec 
eux une certaine quantité dans l’oviducte. 

5° Le sperme éjaculé est déposé dans un réservoir spécial 
nommé poche copulatrice. 

6° Le sperme déposé dans la poche copulatrice ne diffère en 
rien de celui que l’on observe dans le canal excréteur. 


Le mélange des ovules et du sperme chez des animaux qui 
doivent s’accoupler conduit nécessairement à admettre que ces 
deux éléments restent sans action l’un sur l’autre pendant la durée 
de leur coniact, sans quoi l’accouplement devrait être regardé 
comme une fonction tout à fait superflue, ce que, à priori, on ne 
saurait admettre. 

J'ai done dû examiner avec un soin tout particulier l’état 
des spermatozoïdes et celui des ovules, au moment où ils tra- 
versent ensemble le canal excréteur. — J'ai reconnu d’abord 
que les zoospermes se trouvent constamment dans un état de : 
développement bien complet ; ils sont toujours libres ; on n’aper- 


teur et par quel mécanisme l’ovule tombe dans l'oviducte, et c'est là un point sur 
lequel je veux présenter quelques réflexions. 

Je crois que l'ovule tombe dans l'oviducte immédiatement au sortir du 
canal excréteur. En effet, vers le milieu de sa hauteur, la gouttière déférente 
possède un calibre tel, que si un ovule s'y trouvait une fois engagé, je ne vois 
aucune raison pour qu'il cherchât à s'en échapper; à sa naissance, au con- 
traire, cette gouttière est beaucoup plus rétrécie, le repli qui la forme devient 
très épais, d'où il résulte que l’espace sous-jacent doit prendre des proportions 
capillaires qui ne lui permettent plus de livrer passage aux ovules. Du reste, 
l'analogie nous indique qu'il doit en être ainsi. En effet, chez la Doris, c’est à 
l'étroitesse du pertuis qui fait communiquer le conduit excréteur avec le canal 
déférent qu'il faut attribuer le non-passage des ovules du premier de ces canaux 
dans le second, et la Gescente de ces mêmes ovules vers l’oviducte. 

Nous avons vu aussi que chez le Limnée et le Planorbe le canal déférent se 
trouve extrêmement rétréci à son origine, et que la communication de ce canal 
avec l'oviducte a toujours lieu an sommet de ce dernier organe. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 283 
çoit plus à leur surface aucune trace de la vésicule où ils ont pris 
naissance ; enfin ils possèdent habituellement des mouvements 
très vifs. 

Lorsque l’on compare ces zoospermes avec ceux qui remplis- 
sent la poche copulatrice après l’accouplement, il est impossible 
d'y saisir aucune différence, et l’on demeure convaincu que ce 
n’est pas à l’imperfection du sperme qu'il faut attribuer l’absence 
de fécondation. 

En est-il de même à l'égard des ovules ? C’est là une question 
qui n’a jamais été soulevée, et sur laquelle cependant je ne saurais 
trop appeler l'attention, puisque c’est l’état rudimentaire de ces 
ovules qui va nous permettre d'expliquer d’une manière satisfai- 
san{e, je crois, ce qui jusqu'ici a été le sujet de tant de contestations. 

En effet, au moment où ils traversent le conduit efférent, 
les ovules ne sont encore parvenus qu’à un degré de dévelop- 
pement très peu avancé; ils ne représentent pas les œufs tels 
qu'ils seront à l'état de maturité, mais seulement les jaunes de 
ces œufs. 

Or nous savons très bien aujourd’hui que, chez les Insectes et 
chez les Batraciens, par exemple, l'imprégnation des œufs n’a lieu 
qu'après leur complet développement; les expériences de pisci- 
culture nous ont appris également que les fécondations artificielles 
demeurent toujours sans résultat, lorsque les œufs n’ont pas atteint 
un degré suffisant de maturité. C’est donc aussi évidemment à 
l’état de développement trop peu avancé des ovules, qu'il faut, 
chez les Gastéropodes hermaphrodites, attribuer le défaut d'action 
du sperme sur ces ovules pendant leur passage à travers le canal 
excréteur. 

Les œufs ne seraient fécondés qu'au terme de leur développe- 
ment par la liqueur séminale déposée dans l’intérieur de la poche 
copulatrice. 

Quant au sperme que les ovules entrainent nécessairement avec 
eux dans l’oviducte, iles! probable qu'il perd bientôt ses proprié- 
tés, el, comme laccroissement des ovules est très lent, il doit 
rester finalement sans action. 

Ainsi envisagée, la fonclion générairice des Gastéropodes 


t 


281 BAUDELOT. 


hermaphrodites n'a donc plus d’autre caractère distinctif que son 
extrême simplicité. Le mélange des ovules et du sperme dans 
le canal excréteur, qui jusqu'ici avait fait naître tant de supposi- 
tions, s'explique tout naturellement par une absence de division 
du travail dans la portion la plus élevée de l'appareil reproduc- 
teur. 


A l’appui de ces considérations physiologiques, je citerai en 
terminant une série d'observations recueillies pendant plus d'une 
année sur le Zonites cellarius. 

J’élevais plusieurs de ces Zonites en captivité depuis quelques 
mois, et je m'étais aperçu qu'ils pondaient assez fréquemment. 
Dans le mois de février 1862, j'en pris un, et je l’isolai. 

Dans le cours du mois qui suivit son isolement, ce Zonite pon- 
dit plusieurs fois, et le 20 mars je le surpris au moment où il 
était occupé à faire une nouvelle ponte. 

Afin d'arriver à une certitude complète, j'enlevai, le 23 mars, 
la terre contenue dans la boîte avec tous les œufs qu’elle renfer- 
mait, el j y mis de la terre nouvelle. 

Le 28 mars, je trouvai une douzaine d'œufs. Ces œufs furent 
aussitôt enlevés et la terre changée, précaution que depuis jai 
prise chaque fois, afin d'éviter toute chance d'erreur. 

LeS avril, l'animal pondit sept ou huit œufs. 

Le 21 avril, je trouvai sept œufs. 

Le 6 mai, la boite renfermait six œufs. 

Le 19 mai, je complai cinq œufs. 

Le 1° juin, je ne trouvai que deux œufs. 

Le 8 juin, je changeai la terre une dernière fois, et jusqu'au 
19 septembre, je n'ai plus trouvé aucun autre œuf. 

A cette époque (19 septembre), je plaçai l'animal dans une 
autre boîte renfermant de la terre nouvelle avec un autre Zonite 
qui était également isolé depuis cinq mois environ, et que je n'avais 
jamais vu pondre. 

Le 11 octobre, je surpris mes deux Zonites accouplés; mais il 
me paraît certain que ce n’était pas la première fois que le rappro- 
chement avait lieu, car, le 15 octobre, ayant remué la terre de la 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 9285 


boîte, je trouvai huit œufs récemment pondus. Ces œufs n'étaient 
pas groupés tous ensemble, mais disséminés en deux ou trois en- 
droits, de sorte qu'il m'est impossible de décider s'ils proviennent 
d’un seul ou bien des deux Zonites. 

Le même jour (15 octobre), je plaçai chaque animal dans une 
boîte séparée avec de la terre nouvelle. 

Le 27 octobre, je trouvai un œuf dans l’une des boîtes. 

Depuis lors, je n’ai plus en l’occasion d'observer régulièrement 
ces animaux ; mais Je sais qu'ils ont continué de pondre. 


Voyons done maintenant ce que l’on pourrait conclure des faits 
qui précèdent. 

Il est bien certain d'abord qu'un seul accouplement peut suffire 
à plusieurs fécondations , puisque le même animal a pondu d’une 
manière continue pendant plus de quatre mois, après avoir été 
séquestré, et que ses œufs étaient féconds. 

Si nous remarquons ensuite que le nombre des œufs a tou- 
jours été en diminuant depuis la première ponte jusqu’à la der- 
nière, après quoi les pontes ont cessé lout à coup d’avoir lieu, 
nous devrons penser que le même animal ne peut se suffire à 
lui-même indéfiniment. 

Enfin la réapparition subite de la fécondité après le rapproche- 
ment des deux individus prouve clairement que, même chez les 
Gastéropodes hermaphrodites, l’accouplement, ainsi que nous 
avions admis tout d'abord, est une fonction indispensable au 
maintien de la puissance génératrice. 

Peut-être même les effets de l’accouplement ne sont-ils pas 
uniquement de verser du sperme dans la poche copulatrice ; il 
pourrait encore se faire que l'excitation produite alors eût pour 
résultat de hâter l’évolution des vésicules ovariennes, ou de pro- 
voquer la chute des ovules vitellins parvenus à un degré suffisant 
de maturité. 


\ 


Pour servir de conclusion à ce mémoire, et afin d'en mieux 
préciser les résultats, je vais rappeler ici d’une manière succincte 
les faits principaux que nos recherches ont confirmés ou mis en 
lumière, 


286 BAUDELOT. 


M. Lacaze-Duthiers avait signalé, en 1859, le mélange des ovules 
et du sperme dans le canal excréteur des Pleurobranches ; mes 
observations sur les Doris et sur l’Æolis papillata ont pleinement 
confirmé ce fait. 

J'ai décrit et figuré avec un soin tout particulier les communi- 
cations du conduit excréteur de la glande hermaphrodite, soit avec 
l'oviducte, soit avec le canal déférent. Ce point d'anatomie, dont 
la connaissance importait au plus haut degré, avait été jusqu'ici 
beaucoup trop négligé. On ignorait comment le canal excréteur se 
comporte à sa terminaison dans les Doris et dans les Planorbes ; 
la disposition de ce canal à son extrémité inférieure n'était aussi 
que très imparfaitement connue dans les Limnées, les Arions, les 
Limaces, etc.; enfin toutes les descriptions qui avaient été données 
précédemment ne s’appuyaient sur aucune figure : j'espère avoir 
fait disparaitre les incertitudes qui régnaient encore.à cet égard. 

J'ai étudié avec une attention toute spéciale les liquides conte- 
ous dans la poche copulatrice. J'ai prouvé que les spermatozoïdes 
ne subissent aucune métamorphose dans l’intérieur de cette poche, 
et que, chez les Arions, les Limaces, ete., la plus grande partie 
du sperme déposé dans la vésicule parait, au contraire, se détruire 
sans concourir à la fécondation. 

En outre de ces faits importants, et qui devaient servir de base 
à toute considération physiologique, j'ai signalé dans chaque type 
un certain nombre de particularités qui me paraissent offrir égale- 
ment un véritable intérêt. Voici les principales : 

1° Dans l’ordre des Pulmonés. Chez l’Arion, j'ai déterminé le 
siége de formation du spermatophore, et j’ai fait connaître la dis- 
position des organes générateurs pendant l’accouplement. 

Chez la Limace grise, j'ai précisé la nature des connexions qui 
existent entre le canal déférent et l'oviducte. 

2° Dans l'ordre des Opisthobranches. J'ai fait connaître la struc- 
ture de la glande hermaphrodite des Doris et de l’Eolis papillata ; 
j'ai montré que les follicules de cette glande possèdent une compo- 
sition tout à fait analogue à celle que M. Lacaze-Duthiers avait 
constatée antérieurement chez le Pleurobranche. 

Chez les Doris, j'ai signalé le premier le fait étrange du reflux 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 287 
et de la destruction d’un certain nombre d'ovules dans la poche 
copulatrice. 

3° Dans l’ordre des Prosobranches. J'ai donné de la Paludine 
vivipare une anatomie beaucoup plus complète que celle que l’on 
possédait; j'espère surtout avoir fait disparaitre les incertitudes 
qui régnaient encore au sujet de l’appareil femelle, dont je crois 
avoir déterminé toutes les parties d’une manière désormais satis- 
faisante. 

Enfin, au point de vue de la physiologie, l’ensemble des faits 
que je me suis attaché à observer avec une rigoureuse exactitude, 
m'a conduit à interpréter la fonction génératrice des Gastéropodes 
hermaphrodites d’une manière qui me semble complétement jus- 
lifiée par toutes les particularités anatomiques. 


Depuis le jour où ces dernières pages ont été écrites, un nou- 
veau fait plein d'intérêt s’est présenté à notre observation, 

J'ai dit précédemment que j'élevais en captivité des Zonites 
cellarius, et que ces Zonites m'avaient donné des œufs en abon- 
dance; j'ai eu soin de recueillir ces œufs et de les faire éclore, il y 
a un an environ. Plusieurs des jeunes Zonites, ainsi obtenus, ont 
élé séquestrés quelques jours après leur naissance : or l’un de ces 
Zonites ainsi isolés a pondu à diverses reprises dans ces derniers 
temps, et ses œufs éclosent sous mes yeux de jour en jour (1). 

Cet exemple de fécondité chez un sujet encore vierge sem- 
blerait tout d’abord venir peu à l’appui de la théorie que j'ai for- 
iulée précédemment, et l’on est porté naturellement à se deman- 
der si la production d'œufs féconds par des animaux, chez lesquels 
les ovules et le sperme coulent ensemble, n’est pas un fait d’her- 


(4) M. Moquir-Tandon cite également des faits de parthénogénèse dans son 
ouvrage (Hist. nat, des Moll. terrestres et fluviatiles de France, t. 1, p. 237): 
« Spallanzani et Carus, dit-il, ont observé que chez la Paludine commune, une 
seule fécondation peut suffire à plusieurs générations. On a vu aussi des 


Limnées auriculaires séquestrées depuis leur naissance produire plus de cent 
œufs pourvus d'un germe. » E 


258 BAUDELOT. 

maphrodisme complet plutôt que de véritable parthénogénèse. A 
cela, je répondrai que nos précédentes observations sur les Zonites 
paraissent avoir démontré, d'une manière bien évidente, l'in 
fluence directe de l’accouplement sur la faculté génératrice, fait 
qui s'accorde peu avec l'hypothèse d’un hermaphrodisme parfait; 
du reste, à quoi servirait l’accouplement chez des animaux com- 
plétement hermaphrodites ? 

Une nouvelle objection pourrait, à la vérité, se présenter encore 
ici : les Gastéropodes hermaphrodites, dira-t-on, peuvent se fé- 
conder eux-mêmes ; l'accouplement n’est pas une fonction indis- 
pensable, mais destinée seulement à provoquer la chute et la 
descente des ovules. — Quelque invraisemblable que puisse pa- 
raïtre cette hypothèse, et bien qu'elle ait contre elle toutes les 
analogies (1), j'avoue néanmoins qu’il me serait assez difficile de 
lui opposer aujourd'hui des preuves tout à fait concluantes ; à dé- 
faut donc de ces preuves, je proposerai l'expérience suivante, que 
je regrette vivement de n'avoir pu encore réaliser (2), car elle 
me parait simple, et de nature à faire disparaître les quelques 
doutes qui peuvent encore subsister à cet égard. 

On sait aujourd’hui, par les observations de M. Lecoq et de 
divers naturalistes, que des Gastéropodes d’espèces et même de 
genres différents peuvent s’accoupler entre eux ; que, par exemple, 
l’Helix hortensis peut s'unir avec l’Helix aspersa, le Bulime avec 
la Clausilie, etc. Or, jusqu'ici, on ne s’est jamais attaché à con- 


(1) Quelques faits pourraient cependant lui servir d'appui : par exemple, la 
fréquence des accouplements, l'immobililé constante des zoospermes dans la 
poche copulatrice des Arions, et leur destruction rapide; la situation de la 
poche copulatrice chez l'Eolis papillata, et l'état de cette poche que l’on trouve 
constamment remplie par du sperme très frais et parfaitement pur, fait qui 
semblerait indiquer que c’est le sperme de l'animal lui-même qui y reflue et qui 
s'y trouve mis en réserve pour les besoins de la fécondation ; enfin l'absence de 
micropyle sur les œufs des Gastéropodes. 

(2) L'année dernière j'ai essayé de faire accoupler un Helix pomatia avec un 
Helixæ aspersa, mais ces animaux, que j'avais placés dans une des serres du 
Jardin des plantes, ont langui; les ayant transportés au dehors, ils ont disparu 
quelques jours après avec la corbeille qui les renfermait, de sorte que je n'ai pu 
poursuivre l’expérience. 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 989 


naître d’une manière rigoureuse quels sont les résultats de pareils 
rapprochements ; ce serait là cependant un point capital dans la 
question qui nous occupe, car si la production de métis entre ces 
divers Gastéropodes était une fois bien constatée, il serait dé 
montré, sans réplique, que le sperme déposé dans la poche copu- 
latrice pendant l’accouplemient concourt directement à la fécon- 
dation. 


Nota. — Au moment de clore ce travail, je viens de recevoir 
la communication d'un mémoire sur le Limax maæimus, publié 
tout récemment par M. Henry Lawson (On the general Anatomy, 
Histology and Physiology of Limax maæimus, by Henry Lawson. 
London, January 1863). Dans ce mémoire, l’auteur considère 
l'ovaire et le testicule de la Limace comme deux organes tout à fait 
disunets ; 1l appelle ovaire la glande hermaphrodite et testicule la 
prostate ; il conserve la glande de l’albumine son nom et ses usages. 

Tout ce que j'ai dit précédemment doit suffire, je pense, pour 
me dispenser d'entrer dans aucun commentaire au sujet de ces 
déterminations. 


EXLLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE II. 


Fig. 41. Appareil générateur de l'Arion, grossi deux fois et demie.— h, glande 
hermapbrodite; e, canal excréteur ; a, glande de l'albumine ; 0,0, oviducte : 
t, 1, prostate; c, canal déférent; g, gaîne du pénis; w,v veslibule ; v’, sa por- 
tion glanduleuse ; p, poche copulatrice; p”, canal de la poche copulatrice. 

Fig. 2. Glande hermaphrodite dont les lobules ont été écartés pour montrer les 
ramifications du canal excréteur. 


Fig. 3. Zoosperme. — «, extrémité céphalique ; G, filament caudal. 
Fig. 4, 5, 6. Faisceaux de zoospermes à divers degrés de développement. 


Fig. 7. Formes différentes présentées successivement sous le microscope par la 
cellule centrale d’un faisceau de zoosperme. 


Fig. 8. Un ovule vitellin extrait de la glande hermaphrodite, 
&° série. Zoor. T. XIX. (Cahier n° 5.) 3 19 


290 BAUDELOT. 


Fig. 9. L'oviducte a été ouvert à sa partie supérieure pour montrer la disposition 
du repli déférent. — e, e, canal excréteur ; a, glande de l'albumine ; a’, ori- 
fice de cette glande en partie masqué par le repli déférent qui s'y enfonce; 
r, repli déférent se continuant avec la paroi antérieure du canal excréteur ; 
o, oviducie. 

Fig. 10. Le repli de la gouttière déférente a été incisé à son exlrémité supé- 
rieure, puis relevé pour montrer comment cette gouttière se continue avec le 
canal excréleur. — e. terminaison du canal excréteur ouverte; c, gouttière 
déférente; r,r, repli déférent incisé ; a/, orifice de la glande de l’albumine; 
o, cavité de l'oviducte. 


Fig. 11. Gaîne du pénis oüverte. — b,b, papilles sécrélant la matière du sper- 
matophore ; #, sillon dans lequel se moule l'arêle dorsale du spermatophore ; 
w, repli qui constitue la verge pendant la copulatioh: 


Fig, 42, Trois papilles de l'intérieur de la gaîne du pénis très grossies. 
Fig. 13. Spermatophore. 


Fig. 14. Vestibule ouvert chez un sujet tué dans l'alcool peu d’instants après 
l'accouplement. == 6, oviducte ; 0’, ouverture inférieure de l'ovidacte ; !, repli 
circulaire entourant cet orifice ; p', ouverture de la poche copulatrice ; g, gaîne 
du pénis; g', son orifice vestibulaire ; w, pénis non encore rentré dans sa 
gaîne ; w', portion inférieure de la gaîne encore renversée, 


Fig. 15. Montrant la disposition du vestibule renversé à l'extérieur pendant 
l'accouplement. — {, repli au centre duquel s'ouvre l’oviducte; g’, orifice de 
la verge; w, pelit cône représentant la verge ; w', portion inférieure de la 
gaine du pénis dilatée ; p', orifice de la poche copulatrice s'ouvrant au fond 
d'une petite cavité infundibuliforme, 


Fig. 16. Même figure que la précédente, vue de profil et montrant le sperma- 
tophore (s), traversant l’orifice de là verge. 


Fig. 17. Appareil générateur de l’Helix pomalia, — h, glande hermaphrodite ; 
e, son canal excréleur ; a, glande de l'albumine ; 0,0, oviducte ; t, t, prostate; 
p, poche copulatrice, p', son canal; cc; canal déférent; /, flagellum ; 
g, gaîne du pénis; m, son muscle rélracteur; v,v, vestibule ; k, sac du 
dard ; æ,æ, vésicules multifides, 


PLANCHE II, 


Fig. 4. Glatide hermaphrodité de l'Helié pomalid, = 6,6, canal exctéleut ; 
w,w, ovules vitellins. 


Fig. 2. w, Un ovule vitellin situé dans l'épaisseur de la paroi folliculaite, 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 991 
Fig. 3. Ovule vitellin isolé. 


Fig. 4. Glande de l'albumine. — a, son conduit principal ; e, orifice d’un con- 
duié secondaire ; o, oviducte ouvert. 


Fig. 5. Cellules du liquide de la glande de l'albumine, 
Fig. 6, Utricules provenant d’un fragment de l’oviducte soumis à la macération. 


Fig. 7. Oviducie ouvert pour montrer la gouttière déférente, == r,r, les 
deux replis déférents ; {, un des orifices excréteurs de la prostate vu dans le 
fond de la gouttière déférente. 


Fig. 8. Cellules épithéliales du liquide prostatiqüe. 
Fig. 9. Gaîne du pénis ouverte. — c, canal déférent ; {, flagellum ; w, pénis ; 


g, tissu lamelleux plissé situé entre les deux feuillets de la gaîne. g', repli 
inférieur de l'intérieur de la gafne ; &, v, vestibule. 


Fig. 10. Animalcules observés dans Île liquide de la poche copulatrice, 
Fig, 41; p, poche copulatrice de l'Helix aspersa; p'; son canal ; æ, appendice 


de ce canal présentant des nodosités résultant de la présence d'un spermato- 
phore dans son intérieur : w, vestibule; o, extrémité inférieure de l’oviducte. 


Fig. 12. L'appendice (+) du canal de la poche copulatrice, grossi et laissant 
voir par transparence le spermatophore (s,s). 


Fig. 13. Extrémité antérieure d'un spermatophore extrait de l'appendice # ; les 
couches extérieures de ce spermatophore sont gonflées et ramollies, &, canal 
intérieur triangulaire renfermant le sperme ; a’, pelite couronne dentelée 
persistant encore quand tout le reste du spermatophore a déjà disparu. 


Fig. 44. Extrémité inférieure d'un spermatophore, 


Fig. 45. Coupe transversale d'un spermatophôre ‘dans sa portion enroulée en 
spirale. 

Fig: 16, Lamelles de matière amorphe provenant d'un spermatophore en voie 
de dissolution, 

Fig. 17. Appareil générateur de la Limace cendrée, == h, glande hermäphro- 
dité; €, son canal excréteur ; a, glande de l’albuminé; o, o, oviducte ; 
t,t, prostate; ©, c, Canal déférent ; g; gaîne du pénis ; m, muscle rétracteur ; 
ÿ, poche copulatrice ; ÿ, vestibule. 

Fig. 48. Oviducte ouvert pour montrer comment le canal déférent se transforme 
en gouttière à sa parlie supérieure. = €, Cañal excréteur de la glañde hermas 
phrodile; e/, diverticulum de ce canal { a, orifice de la glande de l'albumine ; 
r, repli déférent ; c', gouttière déférente ; c, canal déférent ; 4, glandules pro- 
statiques vus par transparence ; 0, o, oviducte. 

Fig: 49, Une portion de l'oviducte.—- c, canal déférent ; 4, t, glandules prosta- 
tiques. 


292 BAUDELOT. 


PLANCHE IV. 


Fig. 4. Appareil générateur du Limnœus stagnalis. — u, foie ; h, glande her- 
maphrodite ; e,e, son canal excréteur couvert de diverticulums ; e’, branche 
du canal excréteur se rendant à l’oviducte ; a, glande de l’albumine, a’, son 
canal excréteur ; 0, 0’, 0”, oviducte ; o, portion plissée de l’oviducte ; o', por- 
tion cylindrique du même canal supportant l'organe de la glaire (d) ; o'’,0"", ré- 
servoir des œufs et de la glaire ; », vagin ; p, poche copulatrice ; p’ son canal ; 
c,c’,c'', canal déférent ; c, portion aplatie de ce canal; c', portion pyriforme ; 
e/',c!', portion tubulaire ; g, portion inférieure de la gaine du pénis; g/, appen- 
dice postérieur de cette gaîne (portion supérieure) dans lequel se trouve la 
verge ; m, muscle rétracteur. 


Fig. 2. Appareil générateur du Planorbis corneus.— h, glande hermaphrodite ; 
e, son canal excréteur ; e’, branche du canal excréteur se rendant à l’oviducte ; 
a, glande de l’albumine ; a', son canal excréteur ; 0,0, oviducte ; d, d, organe 
de la glaire; 0’, réservoir des œufs et de la glaire; p, poche copulatrice ; 
e,c', c’', canal déférent ; t, prostate dont les conduits s'ouvrent dans la portion 
moyenne (c’) du canal déférent; g, gaîne du pénis. 


Fig. 3. Glande hermaphrodite grossie. 


Fig. 4. Gatne du pénis ouverte. — c. canal déférent ; w, pénis ; z, rainure con- 
duisant le sperme à l’extrémité du pénis ; z', repli demi-circulaire entourant 
l'orifice du canal déférent. 


Fig. 5. a, glande de l'albumine; e, canal excréteur de la glande hermaphrodite ; 
c, canal déférent ; o, oviducte ; 0”, repli demi-circulaire se montrant à l'inté- 
rieur de l’oviducte ; e', orifice elliptique situé au-dessous du repli précédent 
et faisant communiquer l’oviducte avec le canal déférent, ainsi qu'avec le 
canal excréteur de la glande hermaphrodite. 


Fig, 6. Appareil générateur de la Doris tuberculata.—u, foie; h, h, glande her- 
maphrodite ; e,e, son canal excréteur; e’, branche du canal excréteur se ren- 
dant à l'oviducte (branche femelle); c,c, canal déférent ; g, gaîne du pénis ; 
a, glande de l’albumine ; d, d, organe de la glaire ; d', réservoir de la glaire ; 
o, oviducte ; », vestibule ; p, poche copulatrice ; p’, son canal; n, autre canal 
allant de la poche copulatrice à l'oviducte ; q, réservoir spermatique s'ouvrant 
dans le canal précédent. 


Fig. 7. Base du foie en partie recouverte par ies lobes aplatis et ramifiés de la 


glande hermaphrodite. — u, foie; h, un des tubes excréteurs de la glande 
hermaphrodite. 


Fig. 8. Deux follicules isolés de la glande hermaphrodite.— w, ovules vitellins 


occupant le fond de chaque follicule ; s, sperme occupant la portion inférieure 
des mêmes follicules, 


APPAREIL GÉNÉRATEUR DES GASTÉROPODES. 293 


Fig. 9. e, canal excréteur de la glande hermaphrodite ; e', branche femelle ; 
ce, canal déférent ; j, orifice de communication du canal déférent avec le canal 
excréteur. 


Fig. 10. Extrémité supérieure du canal déférent étalée et montrant l'orifice pré- 
cédent (j). 


Fig. 41. Montrant comment une injection poussée dans le tube (e') a passé dans 
le conduit efférent (e), dans le canal déférent (c), dans les deux poches copu- 
latrices (p et q) et dans l'oviducte au niveau de la base de la glande de l'albu- 
mine (a). 

Fig. 42. Cellules provenant de la glande de l'albumine, 


Fig. 43. Coupe horizontale de l'organe et du réservoir de la glaire.—d, organe de 
la glaire ; d', d', réservoir de la glaire; y, cloison verticale partageant en deux 
la cavité de ce réservoir; e, canal efférent ; c, canal déférent ; e/, branche 
femelle remplie d'ovules vitellins ; n', communication de cette branche avec le 
canal (x) descendant de la poche copulatrice. 


Fig. 44. Coupe verticale des organes de la glaire et de l'albumine. — d, organe 
de la glaire formé par une sorte de tissu caverneux ; d', d’, réservoir de la 
glaire; y, cloison verticale bifurquée à son sommet ; 0, oviducte ; n, orifice 
du canal descendant de la poche copulatrice vers l’oviducte. 


Fig. 45. Cellules vitellines extraites de l'intérieur de la pache copulatrice et pro- 
venant de la destruction d'ovules vitellins. 


Fig. 16. Cellules de l'intérieur de l'organe d': la glaire. 


PLANCHE V. 


Fig. 4. h, glande hermaphrodite de la Doris tuberculuta; e, son canal excré- 
teur; d. organe de la glaire ; p, poche copulatrice dans laquelle on aperçoit 
par transparence un grand nombre d'ovules vitellins (w). 


Fig. 2. Poche copulatrice ouverte. p”, canal de cette poche vu par transparence; 
p”, son ouverture dans la poche. 


Fig. 3. p', canal de la poche copulatrice ouvert près de son entrée dans cette 
poche; q, réservoir spermatique accessoire; #, conduit allant de la poche 
copulatrice à l'oviducte; n, orifice de ce conduit à l'entrée du canal de la 
poche copulatrice. 


Fig. 4. Cellules de l'intérieur du canal déférent. 


Fig. 5. Appareil générateur de l'Æolis papillata. — h. glande hermaphrodite ; 
e, son canal excréteur; e', branche de ce canal se rendant à l'oviducte; 
c, c, canal déférent ; g, gaîne du pénis ; p, réservoir spermatique ; d, d, organes 
de la glaire et de l'albumine ; d’,d’, réservoir de la glaire ; o, oviducte. 


29h BAUDELOT. 


Fig, 6, Canal excréteur rempli d'ovules el de sperme, «, ovules vitellins 
s, sperme. 


Fig. 7. Appareil mâle de la Paludine vivipare. — h,h, les deux portions du 
testicule ; 6, canal déférent ; #, t', les deux portions de la prostate. 


Fig. 8. «,a, zoospermes à tête spirale; 8, B, tubes cilifères. 
Fig. 9,10. tubes cilifères en voie de développement. 


Fig. 11. Prostate fendue suivant sa longueur ; f, couche fibro-musculaire ; 
0, couche lamelleuse et glanduleuse ; c, canal déférent. 


Fig. 412. Réseau fibro-élastique occupant le plan médian d’une des lamelles inté- 
rieures de la prostate. 


Fig. 13. Cellules constituant la couche glanduleuse de la prostate. 


Fig, 44. t,t', prostate; w, verge ; g, poche située au-dessous du tentacule droit 
et dans laquelle se repiie la verge. 


Fig. 45. Tentacule droit dont l'extrémité montre la verge repliée dans sa 
poche. 


Fig. 16. Appareil femelle de la Paludine vivipare. — h, ovaire ; a, glande de 


l'albumine ; a’, canal de cette glande recevant le tube ovarien ; p, poche copu- 
latrice ; 0,0, 0, oviducte. 


Fig. 17. Glande de l'albumine avec son canal et le tube ovarique. 
Fig. 18. Cellules de la glande de l’albumine. 


Fig. 19. p, poche copulatrice ouverte; a/, ouverture du canal de la glande de 
l’albumine, dans cette poche. 


Fig. 20. o, oviducte fendu suivant sa longueur ; p, poche copulatrice ; p', ou= 
verture de cette poche dans l’oviducte. 


MÉMOIRE POUR SERVIR 


À 


L'HISTOIRE ANATOMIQUE DE LA SIRÈNE LACERTINE 


Par M,le Dr Econ VAILLANT, 


L'intérêt qui s'attache à la connaissance de ces groupes inter- 
médiaires qui servent de lien entre de grands types a, dépuis 
longtemps, fait prêter une attention particulière à tous les faits 
qui se rapportent aux Batraciens. Celte classe qui relie les Repti- 
les aux Poissons, réunie il y a peu de temps encore aux premiers, 
et que les progrès de la science rapprochent maintenant tous les 
jours de plus en plus des seconds, à déjà été l'objet d’un grand 
nombre de recherches et de travaux monographiques qui en font 
certainement l’une des mieux connues du rêgne animal, Sous un 
autre point de vue l'étude des animaux qui la composent est encore 
très utile, parce que dans aucune autre classe, je crois, la liaison 
progressive qui réunit les êtres n’est mieux marquée, chacun des 
animaux dans la série ayant de nombreux points de ressemblance 
avec un élat primitif des êtres qui lui sont supérieurs en organi- 
sation, si bien que c’est surtout aux Batraciens que la prétendue 
loi des arrêts de développement paraïtrait applicable, et que, par 
suite, la connaissance anatomique des espèces inférieures peut 
donner d’utiles indications pour l'étude des états transitoires des 
espèces plus élevées. 

Aussi ai-je accepté avec empressement l'offre qui m'a été faite 
par M. Martin Magron, de pouvoir observer et disséquer un 
Batracien pérennibranche de la section des Protéides, la Sirène 
lacertine, animal excessivement rare dans nos collections, même 


296 L. VAILLANT. 


conservé dans la liqueur et qui, à ma connaissance, arrivait en 
Europe à l’état vivant pour la seconde fois (1). 

Plusieurs travaux ont été publiés sur cet animal singulier et 
quelques-uns sont remarquables à plus d’un titre ; aussi sur le plus 
grand nombre des points, n’aurai-je guère qu’à consigner ce 
qu'ont dit mes devanciers, en ajoutant à leurs recherches ce que 
les progrès de la science et les moyens d’investigation que nous 
possédons aujourd’hui ne leur avaient pas permis de saisir. 

Linné (2), l’un des premiers, en 1766, fit mention de cet ani- 
mal qu'il avait reçu d'Alexandre Garden (de Charlestown). On sait 
qu'avec ce jugement si sûr il crut, contrairement à J’opinion de 
beaucoup d’autres naturalistes, devoir regarder cet être comme un 
animal parfait, idée que sont venues confirmer toutes les décou- 
vertes récentes. Ellis(3), à la même époque et par la même voie, 
ayant reçu cet animal, en donna aussi une description, mais sans 
toucher à aucun point d'anatomie ; il y a joint une figure qui repré- 
sente très exactement l'aspect extérieur. 

Hunter (4), la même année et d’après les échantillons d’Ellis, à 
ce qu'il semble, fit sur cet animal quelques recherches anatomi- 
ques, où avec de fort bonnes observations se trouvent certains faits 
erronés, comme d'admettre que les veines caves s'ouvrent dans 
le péricarde, qu’il n’y a pas de conduits hépatiques, que le cœur 
n’a que deux cavités, etc. Les préparations de Hunter, conservées 
au British Museum, ont servi à des recherches postérieures dont 
j'aurai à parler plus bas. 

Pierre Camper (5), dix ans plus tard (1786), sur les échantil- 


(1) Je ne veux pas ici laisser passer l'occasion de témoigner à M. Martin 
Magron toute ma reconnaissance pour l'intérêt qu'il a toujours porté à mes tra- 
vaux et les encouragements bienveillants qu’il n’a jamais cessé de me donner 
dans le cours de mes études. 

(2) Linné, Act. Acad. Upsal. Dissert., auct.. p.15, pl. 4. 1766. 

(3) John Ellis, An account of an amphibious Bipes (Philosoph. trans., t. LVI, 
p. 189 à 192. London, 4766). 

(4) John Hunter, Description anatomique du bipède amphibie d'Ellis (Siren 
lacerlina Linn.), œuvres complètes, t. IV, p. 496-504. Paris, 4848. 

(5) Pierre Camper, OŒuvres qui ont pour objet l’hisloire naturelle, la physio- 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 997 


lons du British Museum, donna quelques détails anatomiques; mais 
tout porte à croire qu'il n'eut à sa disposition que de très mauvais 
exemplaires, ou qu'il se borna à un examen superficiel, car il 
avance des faits complétement en désaccord avec ce qu’on avait 
vu avant lui et avec ce que la science a confirmé; au reste, il avoue 
rédiger son article de mémoire, ayant égaré les notes qu'il avait 
prises sur les lieux. Il nie dans cet animal la présence de poumons 
et de doigts distincts, les branchies externes ne lui paraissent être 
que des opercules ; aussi n'hésite-t-il pas à en faire un Poisson 
qu'il rapproche des Murènes; c’est ce qui entraîna Gmelin à en 
faire la Muræna Siren (1). Il est fâcheux que Camper ait négligé 
d'indiquer la taille de l'individu qu’il examina, ce renseignement 
pourrait peut-être expliquer en partie ce qu'il avance, comme l’ab- 
sence de poumons. Cependant on peut présumer que l'échantillon 
était déjà assez volumineux, puisqu'il dit avoir trouvé dans son 
estomac des écailles de serpents, surtout celles du ventre. 

G. Cuvier est certainement de tous les naturalistes celui qui a 
poussé le plus loin l'étude de cet animal. En 1799, il fit paraitre 
un article (2) sur la Sirène pour chercher à établir sa véritable 
position dans la série zoologique. Mais ce travail est laissé de 
beaucoup en arrière par celui qu'il publia dans le Recueil d’obser- 
valions de zoologie et d'anatomie comparée faisant partie du 
voyage de MM. de Humboldt et Bonpland. Ce mémoire (3), 
accompagné d’une planche, donne une idée générale fort exacte 
* de l'anatomie de cet animal, mais la myologie, le système ner- 
veux y sont tout à fait négligés, ainsi que la cireulation veineuse. 


logie et l'anatomie comparée, traduction de Jansen, t. I, p. 492 à 495. Paris, 
an xt (1803). 

(1) Gmelin, Syst. nat. Linn., t. I, pars. nr, p. 1436. 

(2) G. Cuvier, Sur le Siren lacertina (Bull. des sc. par la Société philomati- 
que de Paris, t. [[, n° 38, floréal an vin). 

(3) G. Cuvier, Recherches anatomiques sur les Repliles regardés encore comme 
douleux par les naturalistes; Recueil d'observations de zoologie et d'anatomie 
comparée, par H. de Humboldt et A. Bonpland, t, I, p. 93 à 4126,-pl. XI. 
Paris, 4811. — Cetravail avait été communiqué à l’Institut dès le mois de jau- 
vier 4807. 


298 L. VAILLANT. 


Cependant dans ses leçons d'anatomie comparée, le même auteur 
fait souvent mention de l’arrangement des organes actifs de la 
locomotion de la Sirène. Enfin dans les ossements fossiles (1), on 
trouve une description très détaillée-et des plus complètes du sque- 
lette. Je n'insiste pas sur ces travaux, attendu que, dans le cours 
de cette exposition, j'aurai souvent à y renvoyer, et qu’ils ont en 
grande partie servi de base à ce mémoire. 

M. Rusconi (2), dans un travail sur les Salamandres aquatiques, 
donne une figure représentant la cireulation respiratoire de la 
Sirène, Cette figure, faite sur un dessin du doeteur Pockels, lequel 
l'avait exécuté d’après les préparations de Hunter du British 
Museum, laisse beaucoup à désirer sous tous les rapports et ne 
peut être prise en sérieuse considération. D'après un renseignement 
bibliographique du Manuel d’ Anatomie comparée de MM, Stanni- 
eus et Siebold, traduit par M. Jourdan (3), M. Rusconi aurait 
publié en 1837 des observations anatomiques sur la Sirène, mise 
en parallèle avec le Protée, et le tétard de la Salamandre aqua- 
tique. Mes recherches dans les différentes bibliothèques de Paris 
et les démarches que j'ai fait faire en Italie, n’ont pu me donner 
aucun renseignement sur l'existence de ce livre, d’une très 
grande importance au point de vue de la monographie de la Sirène 
lacertine, et j'en suis à me demander s’il ne s’est pas glissé 
quelque erreur dans cette indication. 

M. Owen (4), en 1835, a publié un excellent travail sur le 
cœur de la Sirène, et le premier a parfaitement établi l'existence 
de deux cavités auriculaires et d’un ventricule chez cet animal, 
comme dans le reste de la classe des Batraciens. Le même auteur 


(1) G. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles, 4° édit., t. X. Paris, 
1840. 

(2) Rusconi, Amours des Salamandres aquatiques et développement du tétard 
de ces Salamandres depuis l'œuf jusqu’à l'animal parfait, pl. 5, fig, 7. Milan, 
1821. 

(3) Voy.t. If, p. 443. 

(4) R. Owen, On the Structure of the Heart in the Perennibranchiata Batra- 
chia (Transactions of the Zoological Society of London, 1835, p. 213 à 220 
pl. 31; traduit, Ann. des sc, nat., 2° série, t, LV, p.167 à 176. 1835). 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE. LACERTINE. 299 


dans des notes ajoutées à l'ouvrage de Hunter, a donné une 
bonne description des ovaires et des oviductes, Ses recherches 
ont aussi été faites sur les pièces de Hunter, c'est-à-dire sur l’in- 
dividu envoyé à Ellis. Au reste, dans le catalogue du British Mu- 
seum de 1850, M, Gray n'indique qu’une Sirène lacertine, conser- 
vée dans l'alcool, et qu'il donne comme provenant du docteur 
Garden, Aussi est-on porté à croire qu’en résumé deux individus 
seulement de l'animal qui nous oceupe ont été disséqués jus- 
qu'iei : celui d'Ellis, de Hunter, de Camper, de M, Owen et celui 
de Cuvier. 

Quant aux autres auteurs qui se sont occupés de ce Batracien, 
comme Pallas, Hermann, Latreille, Wagler, ete. , ils ne l'ont cité 
qu'au point de vue de la classificalion et de la connaissance des 
caractères zoologiques extérieurs, ce dont je n'ai pas à m'occuper 
ici, Je me bornerai à dire que les meilleures deseriptions qui en 
aient été données, sont celles de Holbrook (4) et de MM. Dumé- 
ril ef Bibron (2); chez ces derniers on trouvera un résumé biblio- 
graphique des plus complets sur les auteurs qui ont parlé de la 
Sirène. 

L'animal qui a servi à mes recherches, avec plusieurs autres 
de petite faille, mais qui n’existaient plus à l’époque où M. Martin 
Magron me l’a donné, avait été envoyé en Europe des États- 
Unis, sans qu’il ait été possible de connaître plus exactement sa 
provenance géographique. Sa taille est de 0",525; Ja circonfé- 
rence derrière les pattes de 0",101, à la partie la plus renflée du 
corps de 0,112, et au niveau de l'anus de 0,088. La tête 
mesure 0",040 de long sur 0",033 dans sa plus grande largeur. 
Les branchies, en commençant par la première, qui est la plus 
petite, sont longues de 0",007, 0",009 et 0",014, elles sont larges 
à la base de 0",003 à 0",005, Les pattes sont longues de 0",081 et 
à 0,060 de l'extrémité du museau. Le corps présente des anné- 
lations larges de 0",007 n'existant pas à la partie antérieure, on 


(1) Holbrook, North American Herpetology or a Description of the Reptiles 
#habiling in the United States, t. V, p. 404 à 405, pl. 34. Philadelphia, 4842. 
(2) Duméril ef Bibron, Erpétologie générale, t, X, p, 191 à 499, 


300 L, VAILLANT. 


en compte trente-neuf jusqu'à l’origine de la queue. L’anus se 
trouve à 0,165 de l'extrémité postérieure ; des nageoires dor- 
sale et ventrale occupent toute cette longueur, la hauteur de cette 
queue aplatie est de 0",032. 

Cet animal, on le voit, est d’assez grande taille, cependant 
d'après les auteurs il pourrait devenir encore plus volumineux, 
puisque certains individus n’atteignent pas moins de 0"",790. 
Quant à sa détermination spécifique, sa taille ct sa teinte foncée, 
brun verdâtre piqueté de blanc en dessus, bleu ardoisé en dessous, 
ne peuvent laisser aucun doute sur son identité avec la véritable 
Siren lacertina de Linné, en admettant que les deux autres espèces 
citées par les naturalistes méritent réellement ce nom. 

Dans ce mémoire j'ai cherché à réunir tout ce qui a été fait sur 
cet animal intéressant par les différents auteurs dont j'ai plus haut 
indiqué les ouvrages, en rectifiant, autant que je l’ai pu, leurs 
opinions dans ce qu’elles m’ont paru avoir de fautif, en cherchant 
à suppléer à ce qui y manquait. Mais, n’ayant eu par malheur à 
ma disposition qu’un individu, il ne m'était pas possible de songer 
à faire quelque chose d’aussi complet que je l’aurais désiré, et j'ai 
dû porter mon attention sur ce qui avait été jusqu'ici négligé, à 
savoir le système musculaire, le système nerveux et la circulation 
veineuse générale. Ces parties qui se trouveront ici décrites pour 
la première fois donneront, je l’espère, à ce travail un intérêt qui 
ne le fera pas considérer comme sans utilité. 


CHAPITRE I. 


APPAREIL DE LA LOCOMOTION. 


Parmi les systèmes organiques qui se rapportent à la locomo- 
tion, je ne m’occuperai pas de ce qui a trait aux organes passifs, 
l'excellente description qu’a donnée G. Cuvier de l’ostéologie de la 
Sirène dans ses Recherches sur les ossements fossiles (1), me dis- 


(4) Voy. t. X, p. 322 et suiv., atlas, pl. 255, fig. 4 à 3, 4° édition. Paris, 
1840. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 301 


pensant d'entrer à cet égard dans aucun développement. C’est à 
ce travail que je renverrai chaque fois qu’il en sera besoin en 
parlant des autres systèmes, notamment pour l'étude des organes 
actifs de la locomotion dont je vais m'occuper actuellement. Je 
crois devoir faire observer que, dans la figure 1 de la planche 255 
de l'ouvrage cité ici, l'os hyoïde et les arcs branchiaux ne sont 
pas figurés dans leurs rapports normaux avec les autres portions 
du squelette; ils sont placés beaucoup trop bas, probablement 
pour laisser apercevoir les régions latérales de la tête et du cou. 
Cette remarque a son importance pour pouvoir comprendre le 
mode d’action de certains muscles. 


Organes actifs de la locomotion. 


L'appareil musculaire de la Sirène, comme la forme extérieure 
peut le faire pressentir, donne un passage très direct de ce système 
chez les Batraciens à ce qu’il est chez les Poissons. Les muscles 
de la région postérieure sont absolument ceux de ces derniers, 
ceux de la région antérieure, où existe l’unique paire de membres, 
sont ceux des Amphibiens. Une portion de ces organes a seule- 
ment une importance plus grande que d’ordinaire, c’est celle qui 
est annexée à l'appareil hyoïdien, dont les muscles acquièrent 
un développement proportionné à celui de ce système, et aussi 
quelques dispositions particulières des muscles des mâchoires, la 
mandibule supérieure étant en partie mobile. 

La structure des muscles ne présente d’ailleurs rien de spécial, 
seulement la fibre est d’une couleur très pâle. Notons toutefois 
que l’animal, qui fait le sujet de cette description, avait supporté 
un jeüne prolongé de plus d’un an, 

Je crois, pour plus de commodité, devoir parler ici de certains 
muscles qui se rapportent aux appareils digestifs et respiratoires, au 
lieu d’en rejeter la description avec l’étude de ces fonctions. 


On peut diviser les muscles de la Sirène en : 
1° Muscles du tronc et de la queue ; 
2 Muscles des membres; 


302 L. VAÏLLANT. 
3° Muscles de l'appareil hyoïdien ; 
L° Museles des mâchoires. 


8 1. == Muscles du tronc et dé la que. 


N°1et2, Grand emtenseur et grand fléchisseur communs. — 
Ces muscles (pl. VIL, fig. 4 à 4; 1 et 2), dans tout ce qu'ils ont 
d’essentiel, sont absolument comparables à ceux dés Poissons. Ils 
forment, comme chez ceux-ci, deux masses latérales, qui courent 
tout le long du corps, depuis la partie postérieure de la tête jus- 
qu’à l'extrémité de la queue. 

En avant, chaque masse latérale naît par deux portions distinctes 
supérieure et inférieure. 

La portion supérieure (pl. VIF, fig. 1 ; 1) s’insère d’une part 
(fig. 4 ; L'} à toute la partie postérieure du crâne ét à une cloison 
aponévrotique, qui la sépare des muscles de la région temporalé. 

La portion inférieure (pl. VIE, fig, 4 à 44 2) à üne insertion 
principale (fig. 8; 2") à la partie postérieure et médiane de l'os 
hyoïde, Cette insertion n’est pas très considérable en apparence, 
le muscle étant comprimé en cé point de dehors en dedans, mais 
les fibres s'étendent bientôt en largeur et reçoivent les fibres de la 
portion postérieure du grand pectoral (pl. VIE fig. 4 à 4: Bb"), aû 
point où finit ce qu'on pourrait appeler la cavité thoracique, en 
restreignant un peu le sens de ce mot, puisque cet éspace ne ren: 
ferme que le cœur et la trachée, les poumons étant abdominaux. 
Antérieurement il s’en détache en dessous une portion qui se 
rend d'avant en arrière à l’omoplate, et sera décrite plus bas sous 
le nom d’omoplat-hyoïdien (pl, VIT, fig, 4 à 43 ). 

Les deux portions se réunissent à la hauteur de la céinturé 
scapulaire en dedans de celle-ci ; au sommet de l'angle de réunion 
passe l'artère pulmonaire, Tout le long du corps des fibres de ren- 
forcement viennent des apophyses épineüses et (ransverses des 
vertèbres, Ces muscles adhérent en outre fortement à la peau, 
dont la couche profonde pourrait être considérée, ainsi qu’on le 
verra plus tard, comme résultant de la réunion des parties tendi- 
neuses des fibres. 


ANATOMIE DÉ LA SIRÈNE LACERTINE. 303 

Les deux masses musculaires se continuent ainsi le long du 
corps dé l’animal. Elles sont séparées dans le sens de la longueur, 
en haut par les apophyses épineuses et une cloison aponévrotique, 
qui s'étend entre celles-ci, sur la face ventrale par un raphé 
médian, et à la queue par les prolongements apophysaires infé- 
rieurs des vertèbres caudales et une cloison aponévrotique qui 
répète celle de la région dorsale. Les masses latérales sont encore 
partagées perpendiculairement à la longueur de l’animal par des 
espèces de cloisons fibreuses correspondant aux vertèbres, ét indi- 
quées extérieurement et intérieurement par des sillons annulaires 
de la peau où de là séreuse péritonéale, Ces cloisons dans la 
région thoracique ne sont pas distinctes inféricurement, et sont 
peu indiquées à la partie dorsale, mais à partir de cé point elles 
forment des cercles complets, interrompus seulement par la 
ligne dorsale et la ligne ventrale, Enfin les portions supérieire et 
inférieure d’un inème côté sont indiquées, même après leur 
réunion, par de petites cloisons aponévrotiques longitudinales 
situées sur les parties latérales et moyennes du corps, Toutes ces 
cloisons sont beaucoup moins complètes que les parties analogues 
qu'on rencontre chez les Poissons, elles sont plutôt indiquées par 
des cordes tendineuses que réellement existant à l’état de lames, 
et il est difficile de voir l'intersection des fibres musculaires, 

Les fibres de ces muscles sont régulièrement horizontales, 
cependant les inférieures paraissent avoir une tendance à ge rap- 
procher de la ligne médiane d'avant en arrière, 

L'action de ces masses est évidemment dé fléchir en haut, ou 
en bas, ou latéralement toute la colonne vertébrale. Au point de 
vue physiologique on peut les diviser en grand éxtenseur (n° 4), 
comprenant les deux portions dorsales, et grand fléchisseur (n° 2), 
comprenant les deux portions ventrales, La portion inférieure est 
en outre un rétracteur de l'os hyoïde. 


$ 11. — Muscles des membres, 
Ces muscles, qui se réduisent à ceux des membres antérieurs, 
sont faibles, peu développés, comme ces membres eux-mêmes, et 


304 L. VAILLANT. 


beaucoup moins complets qu’on ne les rencontre dans les ré- 
gions analogues chez un grand nombre d’autres Batraciens. On 
peut les diviser en : 


A. Muscles de l'épaule; 

B. Muscles du bras; 

C. Muscles de l’avant-bras ; 
D. Muscles du carpe ; 

E. Muscles des doigts. 


A. Muscles de l'épaule. — Ces muscles comprennent : 

1° Un élévateur; 

2 Un protracteur. 

1° -— N°3. filévateur de l'épaule ou clcïdo-branchial (pl. VIE, 
fig. 1 ; 3). — L'élévateur de l'épaule situé sur la région latérale el 
postérieure du cou est tout aussi bien un muscle des arcs hyoï- 
diens et peut s'appeler cleïdo-branchial. Sa forme est quadrilatère, 
sa direction oblique de haut en bas et d'avant en arrière. Il s’in- 
sère en haut à la face postérieure et interne du dernier arc bran- 
chial, en bas à la portion externe du cartilage claviculaire (4) la 
plus voisine de l’omoplate. 

Son action est d'élever l'épaule en la portant un peu en avant et 
aussi, si l'épaule est fixe, d’abaisser les ares hyoïdiens en les tirant 
en même temps en arrière, ce qui doit aider à l'ouverture des 
orifices respiratoires. 

2e__N° 4. Protracteur de l'épaule ou omoplat-hyoïdien (pl. VIT, 
fig. 4 à 4; 4). — Le protracteur de l'épaule peut être regardé 
comme l’analogue le l’omoplat - hyoïdien. I est quadrilatère 
comme le précédent, horizontalement étendu d'avant en arrière à 
la région cervicale inférieure. En avant, ses inserlions hyoïdien- 
nes se confondent avec celles du grand fléchisseur commun (n° 2), 
en arrière il s’insère à la partie antérieure de la portion osseuse 
du scapulum (1), en passant derrière l’élévateur (n° 3) qu’il croise 
perpendiculairement. 


. (1) Cuvier, loc. cit., pl. 255, fig, let 8 ; a. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 305 


Ce muscle, d’une part, entraîne directement l'épaule en avant, 
d'autre part, tire la portion médiane de l’hyoïde en arrière. 


Nous n’avons pas vu d’autres muscles propres à l'épaule, sauf 
quelques fibres que le grand extenseur commun (n° 1) envoie en 
passant sous la ceinture scapulaire à la partie postérieure et interne 
de la portion osseuse de l’omoplate, et qui doivent déterminer la 
rétraction. Il est probable que les mouvements d’adduction sont 
produits par les muscles de l’humérus lorsqu'ils entraînent cet os 
dans cette direction. 


B. Muscles du bras. — Ces muscles sont au nombre de cinq, 
en admettant le grand pectoral comme ne formant qu’un muscle. 
Ce sont : 

1° Le grand pectoral; 

2° Le sus-épineux ; 

3° L’élévateur de l’humérus; . 

k° Le sous-scapulaire ; 

5° Le coraco-brachial. 

L°— N°5. Grand pectoral (pl. VIL, fig. 4 à 4; 5',5", 5").— Le 
grand pectoral peut se diviser en trois portions dont la postérieure 
surtout est bien distincte. Les deux antérieures (5' et 5") s’insèrent 
aux bords antérieur et interne du cartilage coracoïdo-clavicu- 
laire. Les fibres rayonnent de là vers l’humérus pour confondre 
leurs insertions avec celle de la portion suivante. Celle-ci (5") 
nait du muscle grand fléchisseur commun (n° 2), à la limite posté- 
rieure dela région thoracique, là où commencent les annélations 
complètes, et se dirige d’arrière en avant, de dedans en dehors, 
pour venir s'insérer en commun avec les deux portions précé— 
dentes à une grosse tubérosité qui se trouve à la face externe de 
la tête de l’humérus. 

L'action de ce musele est multiple. Par ses fibres antérieures il 
üre l’humérus en avant, il est protracteur et même abducteur va 
la saillie de la tubérosité humérale. Par ses fibres moyennes il 


(4) Cuvier, loc. cit., pl. 255, fig. 4 ; 3. 
4° série. Zoo. T. XIX. (Cahier n° 5.) 4 20 


306 L. VAILLANT. 


rapproche le bras de la ligne médiane, il est abducteur. Par ses 
fibres postérieures il est rétracteur et en même temps, si la patte 
repose la paume en bas, les fibres s’enroulant autour du col, il 
doit faire exécuter au bras un mouvement de rotation de haut en 
bas, et de dehors en dedans ou d'avant en arrière, suivant que 
l'humérus est ou non supposé le long du corps. 

2__ N° 6, Scapulaire externe (pl. VIF, fig. 4; 6). — Le muscle 
scapulaire externe Meckel (1), (adscapulo-huméral Dugès) (2), 
est allongé comme l’omoplate à laquelle il s’insère extérieurement 
sur ses portions cartilagineuses et osseuses ; en bas les fibres se 
réunissent en un tendon qui se rend à l’humérus, juste en face de 
celui du grand pectoral. 

C'est l’exact antagoniste des portions moyenne et postérieure de 
ce dernier. Il élève l'épaule et surtout lui fait exécuter un mouve- 
ment de rotation de bas en haut, et de dedans en dehors ou d’ar- 
rière en avant. 

3°— N° 7. Élévaieur de l’humérus (pl. VIT, fig. 1 ; 7). — L’é- 
lévateur de l’humérus, analogue du lombo-huméral de Dugès (à), est 
peu développé. Il consiste en quelques fibres qui se délachent du 
grand exfenseur commun pour se diriger en bas et aller s’insérer 
à la face postérieure ou supérieure de l'humérus près de l'articu- 
lation scapulo-humérale. Ses origines dorsales se confondent avec 
celles du rétracteur branchial (n° 18). 

Ce muscle élève l'humérus en faisant décrire à son articulation 
huméro--curbitale un are de cercle de bas en haut et d’arrière en 
avant. 

L°—- N°8. Sous-scapulaire(pl. VIH, fig. 3; 8).—Un second élé- 
vateur du bras est constitué par un musele qui représente le sous- 
seapulaire Meckel (4) (sous-scapulo-huméral Dugès) (5). Sa forme 


(1) Meckel, Traité d'anaiomie comparée, traduction française, t. V, p. 319, 
Paris, 1829. 

(Z) Dugès, Recherches sur l'ostéologie et la myologie des Batraciens à leurs 
différents àges, p. 129, n° 67. Paris, 1835. 

(3) Dugès, loc. cit., p. 129, n° 66. 

(4) Meckel, loc. cit., p. 327. 

(5) Dugès, loc, cit., p. 480, n° 72. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 307 


esi celle d’un triangle dont la base (fig. 3; 8) s’insère au bord 
externe et un peu à la face supérieure du cartilage claviculaire {4) 
dans son tiers postérieur, immédiatement au-devant de larticula- 
tion scapulo-humérale. De là les fibres se dirigent en arrière, 
passent sur le cartilage coracoïdo-claviculaire, en dedans de la 
portion osseuse de l’omoplaie, puis sur la tête de l’humérus, pour 
s’insérer enfin par un tendon grêle à la partie moyenne de la face 
supérieure de cet os. 

Ce musele, comme le précédent, doit élever le bras en faisant 
décrire à l'articulation huméro-cubitale un arc de cerele de bas en 
haut et d’arrière en avant. 

5°— N°9, Coraco-brachial (pl. VIH, fig, 2 et 4 ; 9).— Ce mus- 
cle (coraco-huméral Dugès) (2), est situé à la partie interne de 
l'humérus entre les deux muscles de l'avant-bras. Il s’insère d’un 
côté à la partie externe du cartilage coracoïde (3), en arrière de 
l'articulation scapulo-humérale, de là ses fibres se dirigent en 
arrière et en dehors pour s’insérer aux deux tiers inférieurs de 
l'humérus, suivant une ligne intermédiaire aux muscles exten- 
seur (n° 10) et fléchisseur (n° 14) de l’avant-bras, l'artère humé= 
rale le sépare de ce dernier. 

Ge muscle esi adducteur du bras et aussi abaisseur quand le 
mouvement d'élévalion a été préalablement produit. 


C: Muscles de l’avant-bras, — Cés muscles, au nombre de 
deux, sont d’une grande simplicité; ils sont placés sur l’humérus et 
comprennent : 

4° L’extenseur de l’avant-bras; 

‘2 Le fléchisseur de lavant-bras,. 

4° — N° 10. Exienseur de l'avant-bras (pl. VIE, fig. A, 3 et 4; 
10).—L'emienseur de l'avant-bras ou triceps (scapulo-bi-huméro- 
olécrânien Dugès) (h), se compose de trois portions. Une longue 


(4) Cuvier, loc. cit, pl. 255, fig. 4 et 8; a. Dans noire fig. 3 de la 
pl. VIT, le cartilage coracoïdo-claviculaire A est tiré en dehors, 

(2) Dugès, loc. cil., p. 130, n° 73, 

(3) Cuvier, loc. cit., pl. 255, fig, 4 et 8 ; b. 

(4) Dugès, loc. cit., p. 180, n° 75, 


308 L. VAILLANT. 


portion superficielle, située à la partie postérieure du bras, s’in- 
sère en avant au bord inférieur et interne de la portion osseuse de 
l’omoplate. Les deux autres portions sont situées plus profon- 
dément, et sont l’une interne, l’autre externe. La première s’in- 
sère en dedans de la précédente au bord externe du cartilage 
coracoïdien, immédiatement en arrière de l'articulation scapulo- 
humérale, La seconde s'étend sur les faces externe, postérieure et 
même un peu interne, de façon à embrasser loute la partie posté- 
rieure de l’humérus, depuis environ le milieu de sa face externe 
jusqu'aux insertions du sous-scapulaire (n° 8) et du coraco-bra- 
chial (n° 9). Les trois portions réunies en arrière viennent s’in- 
sérer à la partie cartilagineuse supérieure et postérieure de l’avant- 
bras qui représente l’olécrâne. 

Ce muscle étend l’avant-bras sur le bras. 

d%__ N°11. Fléchisseur de l’avant-bras (pl. VIF, fig. 1 ; 10). — 
Le fléchisseur de l'avant-bras peut ètre considéré comme l’analogue 
du biceps (huméro-radial Dugès) (1), on comme représentant le 
brachial antérieur. 11 s'insère, ainsi que chez les autres Batra- 
ciens urodèles, d’une part à la face inférieure de l’humérus dans 
présque toute sa hauteur, d'autre part au radius. 

Il est l’antagoniste du précédent et fléchit l’avant-bras sur le 
bras. 


D. Muscles du carpe. — 11 est difficile de voir dans les mus- 
cles moteurs du carpe autre chose que : 

1° Un extenseur, 

2% Un fléchisseur, 

Tous deux très semblables dans leur disposition. 

1° — No12. Extenseur du carpe (pl. VI, gs 43 12)--"1Ce 

bon antérieur et externe est quadrilatère ; il s’ vies d’une part 
à la partie inférieure et externe de l’humérus et aux deux os de 
l'avant-bras, d'autre part au carpe. 

2. N°13. Fléchisseur du carpe (pl. VIT, fig. 2 à 4 ; 18). — 
Le fléchisseur est situé à la partie postérieure et interne de lavant- 


(1) Dugès, loc. cit, p. 187, n° 41. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 209 


bras. Il a la plus grande analogie avec le précédent, sa forme est 
également quadrilatère ; il s’insère à l’humérus en regard de 
l’extenseur et aux os de l’avant-bras, de là il se rend au carpe et 
à une aponévrose palmaire, ce qui le rend fléchisseur du carpe et 
de la main. 


E. Muscles des doigts. — Ceux-ci sont très faibles, cependant 
il est possible de reconnaître pour chaque doigtun extenseur et un 
fléchisseur situés sur le métacarpe, et de plus des fibres étendues 
entre les métacarpiens représentant les interosseux. 


$ IT. — Muscles de l'appareil hyoïdien, 


.. Ces muscles, dans l’animal qui nous occupe, méritent de fixer 
l'attention, leur nombre et leur développement donnant à cette 
portion de la myologie de la Sirène une physionomie toute spé- 
ciale, qui contraste avec la simplicité des autres portions du même 
système. Nous décrirons ici un muscle qui paraît destiné à pro- 
duire l'ouverture de la glotte : dilatator isthmæ fauci Hyrtl, mus- 
cle qui ne se rattache pas directement aux muscles hyoïdiens, 
mais qui peut en être rapproché comme se rapportant à l'acte de 
la respiration. 

Les muscles hyoïdiens peuvent être divisés en muscles extrin- 
sèques, qui ont une attache étrangère à la charpente hyoïdienne, 
et muscles intrinsèques dont les insertions se font toutes deux à 
celle-ci. 


A. Muscles extrinsèques. — Ces muscles se rapportent plus 
spécialement soit au corps de l’hyoïde, soit aux arcs branchiaux. 

Les premiers consistent en deux protracteurs : 

1° Mylo-hyoïdien, 

2° Géni-hyoïdien; 

Et deux rétracteurs : 

9 Grand fléchisseur commun, 

k° Omoplat-hyoïdien. 

Les muscles des arcs branchiaux comprennent : 


310 L. VAILLANT. 

5 Le protracteur branchial commun ; 

6° Le protracteur du premier arc branchial ; 

7 Le rétracteur branchial ; 

8° L'élévateur branchial. 

9 Le cleïdo-branchial. 

On a vu, plus haut, le muscle grand fléchisseur commun (n° 2) 
avec les muscles du tronc, et l'omoplat-hyoïdien (n° 4), ainsi que 
le cleido-branchial, abaisseur des branchies (n° 3) avec les muscles 
de l'épaule; il est donc inutile d'y revenir et je me contente de 
les signaler, 

A°— N° 14. Mylo-hyoïdien (pl. VIE, fig. 1 à 4; 14). — Ce 
muscle offre dans la Sirène une disposition loute particulière en ce 
qu'il s’insère, non-seulement aux deux branches de là mâchoire 
inférieure pour soulever le plancher buccal, comme cela à lieu 
d'ordinaire chez les Batraciens, mais qu'il a de plus une insertion 
hyoïdienne où plutôt branchiale. C’est l'analogue du sous-maæil- 
laire Dugès (1). En le considérant comme unique, il occupe lout 
l’espace compris entre les deux branches de la mâchoire inférieure 
et s’insère directement à la face interne de celle-ci, sauf au niveau 
des ptérygoïdiens (n° 28) où l'insertion se fait par l'intermédiaire 
d'une mince aponévrose qui passe au-dessous deces muscles. Les 
fibres, étendues transversalement et séparées dans la longueur par 
une sorte de raphé médian, se réunissent derrière F'angle posté- 
rieur de la mâchoire inférieure, et remontent des deux côtés du 
cou pour aller s'insérer par un tendon commun à la partie anté- 
rieure de l'extrémité supérieure du premier arc branchial (fig. 4 ; 
44"). En outre, ce muscle se continue par des fibres lâches (fig. 2 
à 4 ; 44"), dirigées obliquement de dehors en dedans et d'avant 
en arrière, qui forment un peaucier mince sur la région thoracique 
inférieure, certaines de ces fibres se perdent sur la racine du mem- 
bre antérieur. 

L'action principale de ce muscle est évidemment de porter le 
premier arc branchial en avant et un peu en bas, il peut donc 
servir à l’écartement des ares branchiaux et se rapporterait par 


(1) Dugès, loc. cit., p. 124, n° 45, et p. 494, n° 4. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 911 
conséquent plutôt à ceux-ci qu'au corps de l'hyoïde sur lequel il 
ue prend pas d’insertions, et qu’il ne peut mouvoir que secondai- 
rement en le portant alors en avant. En prenant un point d'appui 
sur les fibres pectorales, ce muscle peut-être concourt à abaisser 
la mâchoire inférieure. Enfin une action moins douteuse est, 
comme chez les autres Amphibiens, d'élever le plancher de la 
bouche pour forcer l'air, qui peut s’y trouver accumulé, à passer 
dans le poumon ou à sortir par les fentes branchiales. 

2 N°15. Géni-hyoidien (pl, VIH, 3 et 43 15), = Le véri- 
table protracteur de l'hyoïde est le géni-hyoïdien (génio-sous-hyoi- 
dien Dugès) (1), placé immédiatement au-dessus du précédent. Sa 
forme est celle d’un quadrilatère allongé. Il s'insère en avant sur 
les côtés de la symphyse mandibulaire inférieure, et par quelques 
fibres à une cloison aponévrotique qui forme en avant le plancher 
de la bouche ; de là ses fibres se dirigent directement en arrière 
pour s’insérer, en face du grand fléchisseur commun (n° 2), à la 
partie antérieure de la seconde pièce impaire de l’hyoïde (2) en 
passant sous la première. 

Ce muscle a pour action de porter l'hyoïde en avant si la mà- 
choire inférieure est fixe, dans le cas, au contraire, où c’est 
l’hyoïde qui sert de point d'appui, il abaisse la mâchoire. 

8°— N°16. Protracteur branchial commun (pl. VIE fig. 4 ; 16). 
—Ce muscle (masto-branchial? Dugès) (3), est petit, triangulaire, 
placé sur les côtés du cou au-dessus de l'extrémité supérieure du 
mylo-hyoïdien (n° 4h). I s’insère, en avant, à une cloison qui le 
sépare du digastrique (n° 25), en arrière les fibres se réanissent 
en un tendon qui passe sous linsertion branchiale du mylo-hyoï- 
dien (fig. 1; 14") et se continue en une cloison aponévrotique 
étendue à la partie interne des arcs branchiaux. 

Ce musele tire en avant ces arcs et les élève en même temps. 

6°— N° 17. Protracteur du premier arc branchial. — Ce mus- 
cle se détache du précédent avec lequel ses insertions antérieures 
et supérieures se confondent. Il se dirige en bas et en arrière, en 


(1) Dugès, loc. cit., p.182, n° 4. 
(2) Cuvier, loc. cit., pl. 255, fig. 1 et 7; b!, 
(3) Dugès, Loc. cit., p. 192 4. 


312 L. VAILLANT, 


passant sous le mylo-hyoïdien (n° 14), qui le cache entièrement 
pour s’insérer à la partie antérieure et externe du premier arc 
branchial en face et au-dessus du cérato-glosse externe (n° 21). 

L'action de ce muscle doit aider à celle de ce dernier en por- 
tant en avant le premier arc branchial, c’est un muscle dilatateur 
des fentes respiratoires. 

7 — N° 18. Rétracteur branchial. — On à déjà mentionné le 
rétracteur branchial (précordio-branchial ? Dugès) (1), en parlant 
de l’élévateur de l’humérus (n° 7), une de leurs insertions étant 
commune, puisqu'ils naissent tous deux d’un même point du grand 
extenseur du tronc (n° 4). Les fibres du rétracteur branchial se 
dirigent directement d’arrière en avant, et viennent se rendre en 
faisceaux distincts à la partie antérieure et interne des arcs hyoï- 
diens, les fibres restent disjointes dans tout leur parcours. 

Ce muscle est le parfait antagoniste du protracteur branchial 
commun, il tire les arcs branchiaux en arrière. 

8°— N°19. Élévateur branchial (pl. VIL, fig. 1 ; 19). —L'élé- 
vateur branchial s'insère en avant à la partie la plus élevée de 
l'occiput au point où se terminent les fibres du temporal (n° 27), 
de là il se divise en deux corps qui s’insèrent au dernier are bran- 
chial, l’un à sa partie supérieure, l’autre à sa partie inférieure. 

Ce muscle doit avoir pour action d'élever l’os hyoïde en portant 
le dernier arc branchial en avant, ce qui produit l’occlusion des 
orifices respiratoires. 


B. Muscles intrinsèques. — Les muscles intrinsèques de l’ap- 
pareil hyoïdien sont au nombre de trois. Deux servent à l’ouver- 
ture des orifices branchiaux : 

1° Cérato-hyoïdien interne ; 

2 Cérato-hyoïdien externe (2). 

Le troisième sert à la fermeture de ces orifices; on peut l’ap- 
peler : 


(1) Dugès, loc. cit., p. 149, G ; pl. 43, fig. 84 w. 

(2) Les deux cérato-hyoïdiens sont signalés par Cuvier (Leçons d'anat, comp., 
2° édition, t. IV, p. 590), mais je n'ai pu trouver leur description, qui devrait 
être donnée plus tard. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 313 


3° Constricteur des arcs branchiaux. 

4°— N° 20. Cerato-hyoïdien interne (pl. VII, fig. 3, 4; 20). 
— Ce muscle (pré-stylo-pré-brachial Dugès) (2) est placé entre le 
géni-hyoïidien (n° 15) et le suivant qui recouvrent sa face infé- 
rieure. Il est aplati de dehors en dedans et s'étend du cartilage 
lingual, de la partie latérale du corps de l’hyoïde et de la partie in- 
terne de la corne suspensive antérieure (Cuvier) (2), au premier 
arc branchial, qu'il enveloppe dans sa partie inférieure en pas- 
sant sur le côté externe pour gagner la partie postérieure où il 
s'insère; un prolongement le réunit au grand fléchisseur com- 
mun (n° 2) à ses inserlions hyoïdiennes. 

Ce muscle a pour action de tirer le premier arc branchial en 
avant, en lui faisant probablement décrire un arc de cercle qui 
amène la face postérieure un peu en dehors. Ces mouvements 
doivent produire l'ouverture des fentes respiratoires. 

2°—N° 21. Cérato-hyoïidien externe (pl. VII, fig. 3, 4; 21).— 
Ce muscle (hyo-pré-styloïdien Dugès) (3), très analogue au précé- 
dent, qu'il recouvre et cache en grande partie, si on ne le porte 
pas ên dehors, a la même forme et la même direction. Il s’insère 
en dehors de lui au cartilage lingual et à la partie externe de la 
corne suspensive antérieure (Cuvier); de là ses fibres se diri- 
gent en arrière et en haut en remontant sur les côtés du cou 
pour aller s’insérer avec le mylo-hyoïdien (n° 44), à la partie su- 
périeure et antérieure du premier arc branchial. 

Ce muscle a la même action que le précédent, sauf le mouve- 
ment de rotation de l'arc. 

9° — N° 22. Constricteur des arcs branchiaux (pl. VII, fig. 2; 
22). — Le constricteur des arcs branchiaux (interbranchial Du- 
gès) (4) s'étend transversalement au-dessous des fentes branchia- 
les de l’arc antérieur à l’arc postérieur, en fournissant des inser- 
tions aux deux arcs intermédiaires. Son insertion antérieure 


(1) Dugès, loc. cit., p.192, etc. 
(2) Cuvier, Oss. foss., pl. 255, fig. 1 et 7; a. 
(3) Dugès, loc. cit., p. 192, 8. 
(4) Dugès, loc. cit., p. 493; €. 


514 L. VAILLANT. 
répond directement à l'insertion hyoïdienne du cérato-hyoïdien 
interne (n° 20). 

Son action, des plus simples, est de resserrer les arcs bran- 
chiaux et de fermer les orifices respiratoires. 


N°95. Dilatator isthmeæ fauci(pl. VITE, fig. 2; 23).— C’est sous 
ce nom que ce muscle a été décrit, chez le Lepidopsiron paradoæa, 
par M. Hyrtl (1), c’est peut-être l'analogue du masto-branchial 
dé Dugès (2). Dans la Sirène lacertine il se détache des parties 
latérales et supérieures du cou, passe en dedans du cleido-bran- 
chial (n° 3), et de l'omoplate, puis derrière les arcs branchiaux, 
recoit du dernier de ceux=ci des fibres de renforcement et va s’é- 
taler à la partie inférieure Ga cou au-dessus des museles hyoïdiens. 
Là, il s'insère à un tube membraneux qui représente la trachée et 
s'arrête au point où celle-ci se confond avec le péricarde. 

L'action de ce muscle parait être de dilater la trachée pour per- 
mettre l'entrée de l'air dans les poumons. En même temps peut- 
être comprime-t-il le pharynx pour empêcher l'air d’y pénétrer, 
ces animaux remplissant leurs poumons par déglutition. 


$ IV. — Muscles des mâchoires. 


Ces muscles agissent de deux façons opposées : en écartant ou 
en rapprochant les mâchoires, qui sont, au moins en partie, mo- 
biles toutes deux. Il y a done des abducteurs et des adducteurs 
pour chacune d’elles. 

Les abducteurs sont : 

le L'abducteur de la mâchoire supérieure ; 

2 Le géni-hyoïdien ; 

à Le mylo-hyoïdien ; 

k° Le digastrique. 

Les adducteurs sont : 

5° L'adducteur commun des mâchoires ; 


(1) Hyrtl, Lepidosiren paradoæa, pl. IL, fig. 4 d. Prague, 4845. 
(2) Dugès, loc. cil., p. 199 H, pl. 43, fig. 84 a. 


ANATOMIE DE, LA SIRÈNE LACERTINE, 219 

6° Le temporal. 

7° Le ptérygoïdien. 

Les muscles géni-hyoïdien (n° 45) el mylo-hyoidien (n° 44) ont 
été décrits avec les museles extrinsèques de l'appareil hyoïdien. 

1°— N° 24, Abducteur de la mâchoire supérieure (pl. VH, 
fig. 1; 24). — La mâchoire supérieure n’est mobile que dans ses 
parties latérales, mais la lèvre épaisse et presque cornée qui la 
recouvre est mue par le même muscle. Ce sont quelques fibres 
situées sur les volés du museau et entourant les narines ; elles se 
rendent de la partie antérieure du museau à un petit os que 
Cuvier croit représenter le maxillaire supérieur (D) et à la lèvre. 
Ce musele porte ces parties en haut, c'est l'analogue du rostro- 
labial de Dugès (2). | 

20 — N° 25. Digastrique (pl. VIE, fig. 4, 2; 25).— Ce muscle 
(éemporo-angulaire Dugès) (à) a la disposition habituelle qu'il 
affecte chez les autres Batraciens, son développement dans la 
Sirène lacertine est assez considérable. Sa forme est quadrilatère ; 
il est épais, enveloppé par une forte gaine aponévrotique dans 
laquelle il glisse librement. En haut il s’insère à la portion occipi- 
tale du crâne et à une cloison aponévrotique qui le sépare du 
protracleur branchial commun (n° 16); de là ses fibres se dirigent 
obliquement en bas et en avant pour venir se réunir au côté 
externe de l’extrémité postérieure de la mâchoire inférieure sur 
Vos qu'on peut regarder comme représentant l’angulaire {4). 

L'action de ce muscle, comme abaissant la mâchoire inférieure, 
est très évidente et est celle de son analogue chez un grand nom- 
bre d'autres animaux. 

5° — N° 26. Adducteur commun des mâchotres (pl. VIH, fig. 4 
et 2; 26). — Ce muscle (pré-temporo-maæillaire Dugès) (5) est 
situé au-devant du digastrique (n° 25). IL est divisé assez nette- 
ment en deux portions. La supérieure (fig. 4 et 2; 26), plus consi- 


{1} Cuvier, loc. cit., pl. 255, fig. 4 à 6, 4. 

(2) Dugès, loc. cit., p. 444, et pl. XIIL, fig, 84, o. 
(3) Dugès, loc. cit., p. 184, n° 12, 

(4) Cuvier, doc. cit., pl: 255, fig. 4 et 1’, r. 

(5) Dugès, loc, cit., p. 184, n° 44. 


316 L. VAILLANT. 


dérable, s’insère en haut à deux cloisons aponévrotiques, l’une 
postérieure qui la sépare du digastrique (n° 25), l’autre antérieure 
et supérieure qui la sépare du temporal (n° 27). De là, les fibres 
se dirigent obliquement d’arrière en avant et de haut en bas, ce 
qui rappelle la disposition de ce muscle chez les Têtards de Gre- 
nouilles et de Salamandres, et viennent s’insérer en partie à la 
mâchoire inférieure, en partie sur un tendon faisant suite à l’apo- 
névrose qui sépare ce muscle du temporal, tendon qui lui est 
commun avec la petite porlion. Celle-ci (fig. 1 et 2; 26") s’insère 
sur la face externe de la mandibule inférieure, au-dessous de la 
précédente ; ses fibres se dirigent obliquement en avant et un peu 
en haut pour se continuer par un tendon assez fort, cité plus haut, 
qui se rend à l’angle de la lèvre supérieure, il reçoit en dessous 
quelques fibres de renforcement pendant ce trajet. 

L'action de l’adducteur commun des mâchoires paraît être de 
les rapprocher l’une de l’autre, d'une part en élevant directement 
la mâchoire inférieure par les fibres de la grosse portion qui s’y 
insèrent directement ; d’autre part en abaissant le maxillaire supé- 
rieur et la lèvre par l’action de la portion inférieure et des fibres 
de la portion supérieure qui se rendent au tendon. Ce musele peut 
être rapproché de celui qu’on trouve si généralement chez les 
Poissons, et tendrait à prouver qu'on doit le considérer, suivant 
l'opinion de M. Duvernoy, comme l’analogue du masséter (1). 

6°— N° 27. T'emporal (pl. VIT, fig. 1 ; 27),— Ce muscle (sus- 
rupéo-lemporo-coronoïdien Dugès) (2) très développé, occupe tout 
l'espace compris entre l’adducteur commun des mâchoires (n° 26), 
le museau et le crâne. Il forme de chaque côté une saillie considé- 
rable, qui soulève la peau, et donne à la tête, avec les muscles 
digastriques et adducteur commun des mâchoires, sa largeur, si 
remarquable quand on la compare à l’étroitesse du crâne osseux. 

Il est divisé en deux portions, placées l’une derrière l’autre, 
par une cloison aponévrotique double qui se dirige obliquement 
en arrière et en dedans depuis l’œil jusqu’au crâne, c’est sur les 


(4) Cuvier, Leçons d'anat. comp., 2° édition, t. IV, 4'° partie, p. 474. 
(2) Dugès, loc, cit., p. 427, n° 30. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 317 


feuillets de cette aponévrose que se font les insertions mobiles. 
La portion postérieure du muscle (fig. À ; 27) s’insère en dedans à 
toutes les parties latérales de la crête sagittale et de la boîte crà- 
nienne et en arrière à la face antérieure de l’os tympanique (1); 
elle s'étend aussi au-dessus du digastrique (n° 25) et de l’éléva- 
teur branchial (n° 19), et prend des insertions sur les aponévroses 
qui la séparent de ceux-ci. Les fibres se réunissent en avant sur la 
face postérieure du second feuillet de l’aponévrose de séparation. 
La portion antérieure (fig. 4; 27°) s’insère aux parties latérales du 
cräne situées en avant de la portion précédente jusqu'aux cavités 
olfactives, sa forme est celle d’une pyramide triangulaire, ayant 
un côté plus large appliqué contre le crâne, tandis que la base est 
sous-cutanée et le sommet dirigé en bas vers l'insertion mandi- 
bulaire. Les fibres se rendent à la face antérieure de la première 
cloison aponévrotique. Ainsi réunies sur les feuillets de l’aponé- 
vrose, les deux portions du temporal convergent pour s’insérer 
ensemble au bord supérieur de la partie moyenne de la mâchoire 
inférieure. 

Ce muscle est l’élévateur le plus puissant de la mâchoire infé- 
rieure ; son volume, son insertion parfailement perpendiculaire 
indiquent l’énergie de son action. 

7°— N° 28. Ptérygoïdien (pl. VIL, fig. 2; 28).—-Ce muscle, de 
forme quadrilatère, est situé à la partie interne de la mâchoire in 
férieure. Il s’insère en haut sur les côtés du crâne à la partie in- 
férieure de la fosse temporale sur les os regardés par Cuvier, 
comme représentant les ailes du sphéroïde (2). Les fibres se diri- 
gent de là obliquement en arrière et en bas pour s’insérer à la 
face interne et au bord inférieur de la mâchoire inférieure dans 
son tiers postérieur. 

Ce muscle, comme le précédent, est un élévateur de la mâchoire 
inférieure. 


(1) Cuvier, Oss. foss., pl. 255, fig. 4 à 6, o. 
(2) Cuvier, loc. cit, pl. 255, fig. 4 et 5, u. 


318 L. VAILLANT. 


CHAPITRE II. 


SYSTÈME NERVEUX ET ORGANES DES SENS. 


Pour l'étude da système nerveux surtout, je regrelle vivement 
de n’avoir eu à ma disposition qu’un exemplaire dé l’animal qui 
nous occupe, l'attention que j'ai cru devoir accorder au système 
circulatoire et aux organes actifs du mouvement, m'a empêché de 
pouvoir examiner, comme je saurais voulu, la distribution des 
nerfs en me forçant d'en détruire un certain nombre. Cependant 
j'ai pu reconnailre quelle est la composition de l'encéphale, qui 
n'avait jusqu'ici jamais élé décrit; quant aux organes des sens, je 
n'aurai que peu de choses à en dire. 


$ I. — Syslème nerveux. 


L'encéphale de la Sirène lacertine (pl. IX, fig. 1, 2 et 8) est 
très semblable à celui du Proteus anguineus figuré par MM. Confi- 
eliachi et Rusconi (4). Vu par sa face supérieure (fig. 4), il se 
compose, d'avant en arrière : 

1° De deux masses ovoides, allongées (a), d’où partent les 
nerfs olfactits (1); 

2. D'un corps globuleux médian (b) placé derrière ces masses ; 

& D'une mince bande transversale (e), bien distinete -sur les 
côtés, mais, en son milieu, soudée en partie à la masse globuleuse 
médiane ; 

h° Enfin de la moelle allongée (d) sur laquelle se voit le plan- 
cher du quatrième ventrieule complétement ouvert. 

En dessous (fig. 3) on distingue : 

1° Les deux masses ovoides antérieures («) avec l’origine des 
nerfs olfactils ; 

2 Un corps médian arrondi (e) d’où naissent les nerfs opti- 
ques (1), moins nettement séparé des masses précédentes que le 
corps globuleux médian supérieur ; 


(1) Configliachi et Rusconi, Del Proleo anguino di Laurenti monographia. 
Pavia, 4849, 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 319 


3°Enfin immédiatement en arrière l’origine de la moelle allon- 
gée (d). 

En examinant l’encéphale par sa face latérale (fig. 2), on recon- 
naît facilement que les corps médians b ete sont superposés l’un 
à l’autre. 

Les masses antérieures a représentent les lobes cérébraux, le 
corps b les lobes optiques (Lubercules quadrijumeaux ou bijumeaux), 
la bandelette c le cervelet, et le corps e les couches optiques. 

MM. Configliachi et Rusconi, que je citais plus haut, regardent la 
masse globuleuse médiane supérieure dans le Protée comme repré- 
sentant le cervelet (L), ils ne font pas mention de la bandelette 
transversale. Je crois, d’après ce que j'ai observé sur la Sirène et 
la comparaison que j'ai pu faire de son encéphale avec celui de 
quelques autres Batraciens plus élevés, que cette interprétation 
n’est pas exacte. 

Les deux masses ovoïdes antérieures sont bien évidemment les 
hémisphères cérébraux, mais quant au corps globuleux médian, 
j'y vois, comme je l’ai dit, les corps bijumeaux plutôt que l’analo- 
gue du cervelet. En effet la bandelette nerveuse étendue au- 
devant du quatrième ventricule représente bien mieux celte por- 
tion de l’encéphale, au moins tel qu'il se trouve chez le plus grand 
nombre des Batraciens. En second lieu l’origine des nerfs opti- 
ques se trouve toujours sur les couches optiques, lesquelles sont en 
connexion intime avec les corps bijumeaux dont elles dépendent; 
or, ici ces nerfs naissent sur le corps médian e, lequel est placé 
au-dessous du corps b et en continuité avec lui. Au reste, si l’on 
examine Ja façon dont se comportent les corps bijumeaux des Ba- 
traciens, on voit qu'évidemment ils ont une grande tendance à se 
confondre et, même chez les plus élevés comme la Grenouille et 
le Crapaud, s'ils sont bien distincts à Ia partie supérieure, infé- 
rieurement, et c’est leur portion la plus considérable, ils sont inti- 
mement soudés entre eux. Ces considérations sont, je erois, plus 
que suffisantes pour justifier notre manière de voir. 

L’encéphale du Lepidopsiren annectens, d'après M. Owen, serait 


(1) Configliachi et Rusconi, loc, cit,, pl, IV, fig. 4, b. 


820 L, VAILLANT. 


construit sur ce même type. Suivant cet auteur, « il offre deux 
» hémisphères distincts, allongés et subcomprimés ; un lobe opti- 
» que simple, elliptique, représentant les corps bijumeaux ; un 
repli cérébelleux transversal, simple, ne recouvrant pas le qua- 
trième ventricule qui demeure entièrement ouvert (1). » 

Je dois cependant faire remarquer que, dans sa monographie du 
Lepidosiren paradoæa, M. Hyrtl ne décrit pas ainsi l’encéphale de 
cet animal, et les figures jointes à ce mémoire en donnent une tout 
autre idée (2). 


ÿ 


Ë 


La moelle épinière ne présente rien de remarquable. Elle ne 
paraît pas renflée au niveau des membres antérieurs, fait qui indi- 
que bien leur peu d'importance réelle. 


Quant aux nerfs, je ne puis en dire que fort peu de choses. 

Les nerfs olfactifs (pl. IX, fig. 1, 2, 3; 1) marchent parallé- 
lement l’un à l’autre; ils divergent seulement au sortir de la cavité 
crânienne. 

Les nerfs optiques (pl. IX, fig. 1, 2, 3; 11) ne se font remar- 
quer que par leur petitesse excessive. Ils naissent isolément de la 
face inférieure des couches optiques. 

Quant aux autres nerfs crâniens, il ne m'a pas été possible de 
les examiner, sauf le nerf qui se rend à la face et représente le 
trijumeau, peut-être en même temps le facial (pl. IX, fig. 4, 2, 
3 ; æ). Son point d'origine se trouve placé au-dessous et à la hau- 
teur dé la bandelette cérébelleuse. Ce nerf sort du crâne entre les 
deux portions du muscle temporal. 


$ IL. — Organes des sens. 


Toucher. — La sensibilité tactile de cet animal paraît assez 
grande et, chaque fois qu'on vient à le toucher, se manifeste sur- 


(1) Owen, Observ. sur l’organ. des Lepidosiren, traduct. Ann. des sc, nat., 
29 série, t. XI, p. 377. Paris, 4839. 
(2) Hyrtl, loc. cit, pl. IV, fig. 4, 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 321 


tout par les mouvements, des branchies qui se rapprochent du 
corps ; celles-ci sont, au reste, les parties les plus sensibles au 
contact. Quand on pique ou qu'on électrise fortement l'animal, il 
manifeste une vive douleur. 

La peau (pl. IX, fig. 4), qui peut atteindre jusqu'à un millimètre 
d'épaisseur, est très intimement unie aux tissus sous-jacents dont 
elle ne peut être séparée que par une dissection minutieuse. Elle 
parait formée, à première vue, de trois parties principales : l’une, 
profonde (a), blanchâtre, nacrée, résistante, composée de fibres 
disposées parallèlement les unes aux autres ; la seconde, moyenne 
(b), colorée en brun à sa partie profonde, en noir à sa partie super- 
ficielle, el présentant des élévalions papillaires; enfin, une troi- 
sième (c) dont la surface externe est lisse, tandis que sa face pro- 
fonde envoie des prolongements entre les papilles de la couche 
précédente. 

Au point de vue histoiogique, la composition mérite d’être 
nolée. Les couches profondes et moyennes sont toutes deux for- 
mées de fibres du lissu conjonctif identiques, dont l’arrangement en 
diffère. Dans la couche profonde ces fibres se réunissent en fais- 
ceaux assez réguliers, ne sont mélangées d'aucun autre élément 
anatomiques, et les faisceaux, disposés parallèlement les uns à côté 
des autres avec une grande régularité, donnent à la couche l'aspect 
nacré que j'ai signalé plus haut. Dans la couche moyenne les fibres 
s'entrecroisent en formant une sorte de feutrage, qui rappelle ab= 
svlument ce qu'on voit dans le derme de la peau des autres ani- 
maux ; de plus, à la partie superficielle des papilles et un peu dans 
leur épaisseur, on rencontre une très grande quantité de granules 
pigmenlaires assez régulièrement ovoides, mesurant 0"*,0045 
sur 0"",0017, ce sont eux qui donnent la couleur noire à ces par- 
ües. Malgré la différence d'aspect et d’arrangement des éléments, 
ces deux couches sont intimement unies entre elles et une macé- 
ralion (rès prolongée n’en permet pas une séparalion régulière. La 
disposition de la couche profonde me parait en rapport avec l’adhé- 
rence Ge la peau aux couches musculaires ; il faut y voir une sorte 
d’aponévrose d'insertion, el les faisceaux qui la composent sem 
blent être autant de petits tendons. 

4° série. Zoor. T. XIX. (Cahier n° 6) f 21 


222 L. VAILLANT. 


Quant à la couche superficielle (fig. 4, e), elle est composée 
entièrement de cellules épithéliales (pl. IX, fig. 5) pavimenteuses, 
aplalies, pourvues d'un noyau volumineux, rempli de granulations 
grisâtres, tandis que l'enveloppe ou le corps de la cellule est com- 
plétement transparent, Ces caractères rapprochent absolument ces 
éléments des cellules de l'épiderme des autres repliles à peau nue. 
Les cellules mesurent 0"*,030 en petit diamètre et 0"*,052 dans 
leur plus grande dimension ; le noyau, evoïde ou arrondi, mesure 
0"",020 à 0"",029. Les prolongements épidermiques qui pénè- 
trént entre les papilles paraissent généralement creux (pl. IX, 
fig. 4, d), et représentent sans doute des sortes de cryptes muct- 
pares, bien qu'il ne m'ait pas été possible de distinguer un chan- 
gement dans la structure des éléments qui indique réellement un 
épithélium glandulaire. Dans ces ervptes j'ai trouvé souvent 
certains Helminthes trématodes appartenant au genre Monostome. 

Vue. — Le sens de la vision est sans doute très obtus chez cet 
animal, à en juger par le peu de développement du nerf optique. 
L’œil est placé sous la peau, el n'est qu'incomplétement séparé 
par des rudiments d’aponévroses des deax portions du muscle 
temporal entre lesquelles il est placé. Il n'y a aucune trace de 
paupières, la couche épidermique cutanée, amineie en ce point, et 
réduite à une simple couche de cellules transparentes, protége 
seule le globe oculaire des contacts extérieurs, Ce dernier est 
uniformément arrondi, sans saillie de la cornée, un peu aplati 
d'avant en arrière; il mesure 2"",24 sur 2"",08. L'iris est gris 
blanchâtre, la pupille ronde; le cristallin, à peu près sphérique, à 
peine déprimé en avant, mesure 0"",956 dans l'axe vertical sur 
0"®,826 dans l'axe antéro-postérieur ; les procès ciliaires s’insè- 
rent environ à la réunion de son tiers antérieur avec ses deux tiers 
postérieurs. 

Odorat.—Les narines, comme celles des Protéidés, sont per- 
cées, non dans la voûte palatine, mais dans l'épaisseur de la lèvre. 
Extérieurement elles sont placées assez loin l'ane de l'autre de 
chaque côté du museau, et ouvertes en fentes dirigées un peu de 
dedans en dehors et d'avant en arrière. Elles aboutissent dans une 
cavité assez spacieuse séparée supéricurement de la peau par une 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE  LACERTINE. 323 


simple membrane noirâtre, étendue comme une sorte de tympan, 
et sur laquelle se ramifient les divisions du nerf olfactif (pl. IX, 
fig. 1, f). L'ouverture interne rétrécie est située dans le sillon 
gingivo-labial, au niveau de la partie postérieure des plaques den- 
laires (1). Elle est allongée en fente d’avant en arrière et bordée 
de chaque côté par une petite crête comprimée, cunéiforme, qui va 
en s’abaissant postérieurement. 

Les fibres musculaires qui relèvent la mâchoire et la lèvre su- 
périeure (n° 24) entourent l’ouverture extérieure des narines et 
peuvent peut-être servir à son occlusion. 

Ouie. — L'oreille est complétement cachée sous la peau et les 
muscles moteurs des mâchoires, dans l’épaisseur des os du crâne, 
qui présentent en ce point une grande solidité. La fenêtre de 
l'oreille mterne, quiremplit en quelque sorte l'office de tympan, est 
soutenue par un cercle cartilagineux présentant les éléments de ce 
tissu nettement définis. La membrane du sac est dans toute son 
étendue parcourue d’un riche réseau vasculaire. A l’intérieur 
existait un magna formé d'une matière albuminoïde et de grains 
calcaires très fins disparaissant avec une vive effervescence sous 
l'influence des acides ; parmi ces otolithes se trouvait une concré- 
tion plus grosse, arrondie, mesurant 0°",58, 

Quelque soin que j'aie cherché à mettre dans la préparation de 
cet organe, je n’ai pu découvrir trace des canaux semi-circulaires, 
qui cependant, d’après Cuvier, semblent devoir exister dans cet 
animal, puisque sous ce rapport il ressemblerait, suivant cet au- 
teur, à [a Salamandre (2). 

Goût. — La muqueuse buccale ne présente qu’une surface lisse 
saus papilles bien visibles, Je parlerai de la langue à propos des 
organes digestifs. Le sens du goût doit, sans nul doute, être très 
peu développé. 

Voix. — La glotte a la forme d’une fente longitudinale dont 
les deux bords remplissent probablement le rôle de cordes vocales. 


(1) Cuvier, loc. cit, pl. 255, fig. 3, y. 
(2) Cuvier, Recherches anatomiques sur les Reptiles regardés encore conime dou- 


teux , etc. (Voyage d'Al. de Humboldt et A. Bonpland, Zoologie, Paris, 4814, 
t. 1, p. 106). 


324 L. VAILLANT. 


Nous n’avons jamais entendu l'animal crier à l’état de repos ; en 
le tourmentant, en l’électrisant, nous sommes parvenus, avec 
M. Martin-Magron, à lui faire produire un cri rauque, comparable 
à celui que pousse la Grenouille sous l'influence d’une vive dou- 
leur dans les expériences physiologiques. 


CHAPITRE II. 


APPAREIL DIGESTIF. 


L'appareil digestif chez la Sirène lacertine n'offre rien de bien 
spécial. 

L'ouverture &e la bouche est remarquable par sa petitesse, carac- 
tère qui avait déjà frappé Ellis (4), et qui ne se rencontre chez les 
Batraciens que parmi les êtres les plus inférieurs de cette classe. 
Cette conformation doit obliger l'animal à se contenter de proies 
d’un petit volume, bien qu'il soit éminemment carnassier. Ceiui 
qu’on à pu observer à la Ménagerie du Muséum de Paris man- 
geait les Tritons et les petits Poissons qu'on lui présentait. 
MM. Duméril et Bibron, qui ont rapporté ce fait (2), pensent que 
la nourriture principale de cet animal « consiste en Mollusques et 
» en Annélides, et que c’est certainement par erreur qu'on croit 
» dans le pays que la Sirèneavale des Serpents. » Cependant Cam- 
per (3) dit avoir trouvé, dans l'individu qu'il a disséqué, des 
écailles, principalement celles du ventre des Serpents. L'animal 
que j'ai examiné avait l'estomac complétement vide; j'ai déjà 
eu l’occasion de dire qu'il avait été soumis à un jeune très pro- 
longé. 

L'armature buccale n’est d’ailleurs propre qu'à retenir, tout au 
plus à écraser un peu les aliments. Elle consiste en premier lieu 
en des revêtements cornés, qui se trouvent aux deux mâchoires 


(1) Ellis, An Account of an amphibious Bipes (Philosophical Transactions, 
1766, vol. LVI, p. 190.) 

(2) Duméril et Bibron, Ærpétologie générale, t. IX, p. 496. Paris, 1854. 

(3) Pierre Camper, Œuvres qui ont pour objet l'histoire naturelle, la physio- 
logie et l'analomice comparée, trad, française, Paris, an x1,t. [, p. 493. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 329 


emboilant le bord libre des arcades maxillaires. Le revêtement 
supérieur n'occupe guère qu'un centimètre du bord de la mâchoire 
qu'il recouvre; l'inférieur, beaucoup plus étendu, est placé en 
arrière quand les mâchoires sont rapprochées. Cet appareil est 
protégé par les lèvres, mais rappelle jusqu’à un certain point le 
bee corné des Tortues dans un état radimentaire. On trouve en 
second lieu, à la voûte palatine, quatre plaques osseuses, deux de 
chaque côté, couvertes de petites dents fines et serrées dirigées 
d'avant en arrière; ces plaques ont élé décrites par Cuvier (1), 
qui n’a pas cru pouvoir les rapporter à un os quelconque du 
crâne. A la mâchoire inférieure, des dents analogues sont placées 
en arrière du revêtement corné, sur la face interne de la mandi- 
bule. Elles sont disposées sur quatre rangs, celles d’une rangée 
alternant avec celles de la rangée précédente. J'ai décrit plus haut 
les muscles qui servent au mouvement des mâchoires. 

Sur le plancher de la bouche se voit une langue large, épaisse, 
solidement fixée à la portion moyenne de l'os hyoïde, et très ana- 
logue à celle des Poissons par son peu de mobilité et sa rigidité. 

L'æsophage (pl. VIT, fig. 2, æ), large en avant, s'étend jusqu'à 
environ 0,02 en arrière du péricarde, un plexus veineux assez 
riche l'entoure. Lisse extérieurement il présente à son intérieur 
de grands plis longitudinaux. 

Il se rend sans transition apparente dans un estomac (pl. VII, 
fig. 1, 2, es) étendu suivant la longueur du corps, peu dilaté et 
se continuant lui-même avec l'intestin sans limite extérieure bien 
nette, sauf celle qu'indiquent les conduits pancréatiques à environ 
0®,03 au-dessus de l'embouchure du canaleystique (pl. VII, fig. 1, 
cey). La longueur de l'estomac est environ égale au quart de la 
cavité abdominale, en regardant le péricarde comme la paroi anté- 
rieure de celle-ci. Sa face interne, sur l'individu que j'ai disséqué, 
présentait dans la moitié antérieure un aspect tomenteux ; elle était 
lisse postérieurement avec quelque gros plis vers la région pylo- 
rique (pl. VIE, fig. 4, es), mais il est très vraisemblable que cet 
aspect de Ja portion antérieure était dù à la présence d'un grand 


(1) Cuvier, Ossem, foss., t. X, p. 344. 


326 L. VAILLANT. 


nombre d'Helminthes nématoïdes enkystés dans l'épaisseur de 
la muqueuse, et qui avaient sans doute causé l'inflammation de 
cette membrane. Une forte valvule pylorique sépare l'estomac 
de l'intestin (pl. VIE, fig, 4, py). 

L'intestin grêle (pl. VIT, fig. 2), d’un calibre uniforme à peu près 
sur toute sa longueur, mesure 0",37 depuis son originé jasqu'à 
sa jonction avec le gros intestin. On peut y distinguer une portion 
duodénale et une portion jéjuno-iléale, Rectiligne dansla première 
(fig. 4, duo), qui se termine à l'embouchure du canal cystique 
(fig. 4, ccey), il est replié en anses peu compliquées dans la se- 
conde (fig. 1, 71). Extérieurement il est entièrement lisse, sauf 
les stries formées par les fibres musculaires, Intérieurement 
(pl. VIE, fig. 4), la portion duodénale (duo) présente des villosités 
considérables, aplaties, mesurant 4 millim. à 1°",26 de large sur 
0"*,45 de haut, disposées en séries transversales parallèlement 
placées. Le reste de la muqueuse intestinale est lisse. 

L'intestin grêle aboutit dans un gros intestin (pl. VI, fig.14, grè) 
fusiforme, long de 0",051, terminé à l'anus par le cloaque. Sa 
partie postérieure se (rouve placée entre la vessie et les reins, ves 
derniers se réunissant au-dessus et en arrière de lui. Un repli for- 
mant une valvule moins complète que la valvule pylorique sépare 
intérieurement l'intestin grêle du gros intestin. Sa surface inierne 
est lisse, 

La longueur du corps, en déduisant celle de la queue, étant de 
0",360, on voit que l'intestin grêle est à peu près de cette dimen- 
sion, et que, réuni au gros inlestin, la longueur est à celle de l’ani- 
mal :: 7 : 6, environ :: 4 : 0,85, rapport qui diffère sensiblement 
de celui qu'ont admis Cuvier et Duvernoy (4) (:: 0",7 : L), ce 
qui doit provenir sans doute de ce que ces anatomistes compre- 
naient la queue dans la longueur dé l'animal. 

La surface externe du tube digestif présente une couche eonti- 
nue assez épaisse de fibres musculaires longitudinales, bien mar 
quées spécialement sur l’estonac. Au-dessous existe la couche 
des fibres annulaires ordinaire. L'existence des fibres longitudinales 


(1) Cuvier, Anat, comp., 2° édit., t. IV, 2€ part., p. 202. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 227 
à cet état de developpement mérite d’être nolée, car, suivant les 
recherches de M. Valatour, ce caractère est exceptionnel chez les 
Batraciens (4). 

Un repli mésentérique fixe le tube digestif à la paroi supérieure 
de la cavité viscérale, c’estdans son épaisseur que se trouvent les 
nombreux vaisseaux de l'intestin. 

Comme chez le plas grand nombredes Reptiles et les Poissons, 
il ne paraît exister aucune trace de glandes salivaires, mais deux 
autres glandes annexes du tube digestif, le foie et le pancréas, sont 
bien dévelonpées. 

Le premier (pl. VIT, fig. L, fo) est excessivement allongé et s’é- 
tend dans les trois cinquièmes antérieurs de la cavité abdominale, 
JL'est placé à droite; sa forme est à peu près celle d'un demi-cône 
très allongé dont le sommet serait dirigé en arrière, Sa face externe 
et supérieure est convexe, présentant à droite, au milieu de la lon- 
gueur, une scissure oùse trouve logée la vésicule du fiel (pl. VIT, 
fig. Let3, vf); sur sa parlie moyenne est un sinus représentant 
la veine cave postérieure. La face interne et inférieure est aplatie, 
c'est elle quireçoit les vaisseaux afférents de l'organe ; vers sa partie 
moyenne, que l'on peut appeler le hile du foie, aboutit la veine 
ombilicule (pl. VUE, fig. £, 0"). L'extrémité antérieure, obluse, pré- 
sente un lobe détaché (pl. VIT, fig. 4 et 2, fo') qui se porte à gauche 
au-dessous de l'œsophage ; elle est solidement fixée au péricarde 
(pl. VIE, fig. 3). L’extrémité postérieure est adhérente à la veine 
cave postérieure (pl. VE, fig. 4, e), qui se continue dans le sinus 
de la face supérieure. Le foie, par sa face convexe, est en rapport 
avec la colonne vertébrale dont il est séparé par l’aorte, les veines 
azygos et le poumon droit. 

La vésicule du fiel (pl. VIE, fig. 4 et 3, vf), placée dans Ja 
seissure dont j'ai parlé plus haut, qui entame profondément le 
bord droit du foie, est assez considérable et débouche par un canal 
eystique volumineux (pl. VIE, fig. 1, ccy) à la limite inférieure 
du duodénum (pl. VU, fig. 4). 


(1) Valatour, Recherches sur les glandes gustriques et les luniques musculaires 
du tube digestif dans les Poissons osseux et les Batraciens (Ann. des sc, nat., 
&° série, t. XVI, p. 280). 


223 L. V£ILLANT, 


Je regarde comme constituant le pancréas un amas glandulaire 
jaunâtre (pl. VITE, fig. 4, pa), situé dans le repli péritonéal duodéno - 
hépatique. C’est une masse aplatie, étendue en largeur du foie au 
duodénum, commençant en avant à la hauteur environ de l’abou- 
chement de la veine ombilicale dans le foie, et se terminant en bas 
au niveau du canal eystique. La structure de la glande est celle des 
glandes en grappe; les acini sont ovoïdes, leur canal excréteur 
est court. Il ne m'a pas été possible de voir bien clairement le 
canal excréteur commun, l’injection des veines l'ayant pénétré et 
rendu peu distinct de celles-ci. Il me parait vraisemblable qu'il y 
en à plusieurs qui débouchent les uns au-dessous des autfes dans 
le duodénum. Celui-ci, quand je l'ai ouvert, était rempli par Ja 
matière de l'injection veineuse, et c’était la seule partie du tube 
digestif qui en contint. 


CHAPITRE IV. 


APPAREIL DE LA CIRCULATION, 


Avant d'aborder la description des organes de la circulation, 
j'exposerai quelques recherches que j'ai pu faire sur les globules 
du sang de la Sirène lacertine. La possibilité où je me suis trouvé 
de pouvoir observer plusieurs fois à l'état de vie ces globules m'a 
engagé à les éludier avec soin dans l'espérance que leur grand 
volume me permettrait d'arriver plus facilement que sur tout autre 
animal à reconnaitre la véritable structure de ces éléments anato- 
miques. 
= Les dimensions des globules rouges du sang de la Sirène 
sont considérables ; ce sont les plus grands connus avec ceux 
du Proteus anguinus (1). Comme chez les autres Batraciens, 
ils sont elliptiques, aplatis, pourvus d’un noyau central très vo- 
lumineux (pl. VITE, fig. 5). Suivant M. Gulliver, ils mesureraient 


jou mn 


1 Bt." 
T- — 0*",062 sur 5 —=0"",083. Les mesures que j'ai prises 


(1) Voy. le tableau donné par M. Milne Edwards, Leçons sur la physiologie 
et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux, t. 1, p. 83 el suiv. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 329 


sont un peu plus faibles, puisque je n'ai trouvé que 0°",054 à 
0"",055 pour le grand diamètre, et 0"",024 à 0°",027 pour le 
petit. Le noyau également ovoide, mais non aplati, inesure 
0"",018 sur 0"",012. 

A l'état normal, sauf ce que peut produire la privation prolon- 
gée d'aliments, la cellule et le noyau sont clairs et transparents, 
rouge orangé comme les globules ordinaires; la couleur est un peu 
plus intense dans le noyau. Il est essentiel, pour observer les glo- 
bules sous cet aspect, de les préserver avec le plus grand soin du 
contact de toute espèce de réactif, et en particulier de l’eau et da 
mucus qui recouvrent l'animal. Sans cela on ne trouve dans la 
préparation que des cellules déformées et peu nombreuses, et au 
contraire une grande quantité de noyaux libres et granuleux. 

J'ai cherché, en étudiant l’action de différents réactifs, à me 
rendre compte aussi exactement que possible de la structure de la 
cellule et du noyau. Traité par l’eau, le globule sanguin perd en 
peu de temps sa forme allongée pour devenir sphérique (pl. VHT, 
fig. 6), ainsi qu'Hewson l’a déjà fait remarquer (4). Il n’acquiert 
celte forme qu’en changeant les dimensions de ses diamètres, de 
telle sorte que le plus grand se raccourcit, tandis que le plus petit 
s'allonge. Ce phénomène ne me parait laisser aucun doute sur la 
présence d’une membrane spéciale à la surface du globule, puisque, 
en admettant sa réalité, le volume augmentant par la pénétration 
endosmotique de l'eau, il est naturel, avant que celte membrane se 
distende, de voir la forme se modifier de telle sorte que la surface 
circonserive le plus grand volume possible, c’est-à-dire la sphère ; 
en un mot, par ce changement, la capacité du globule s'accroît 
sans augmentation de la surface. S'il n’y avait pas de membrane 
enveloppante, le globule par imbibilion devrait s’accroitre à peu 
près également dans tous les sens sans avoir besoin de modifier sa 
forme, ainsi que l’a fait remarquer M. Milne Edwards. Plus tard, 
le globule grossit dans tous ses diamètres à la fois, et finit par deve- 
nir invisible; cependant on peut, au bout d'un temps assez long, 
reconnaitre sa présence ou celle de ses fragments par l'action de 


(4) Milne Edwards, loc. cit., t.T, p.67, note 2. 


330 L. VAILLANT. 
l’eau iodée, ce qui prouve qu'il était seulement devenu plus trans- 
parent. 

Le noyau subit des transformations analogues à celles de la cel- 
lule, mais plus lentes; en outre, dès le contact du réactif, il perd sa 
transparence et devient granuleux (pl, VIT, fig. 6). Il est probable 
que c’est sous cet état que M. Owen l'avait observé, Cet auteur, 
dans un travail sur les globules sanguins de la Sirène lacertine, 
que je n'ai malheureusement pas pu consulter sur l'original, mais 
dont M. Milne Edwards a donné une analyse très étendue (1), dit 
que les noyaux des globules sont constitués par des granulesréfrin- 
gents renfermés dans une membrane propre. L'existence de ces 
granules est contraire à ce que j'ai pu observer sur les globules 
intacts où le noyau est homogène. Quant à l'existence de la mem- 
brane propre, je croirais volontiers à sa réalité ; car, en prolongeant 
le traitement par l'eau iodée, on voit la coagulation du contenu du 
noyau se faire graduellement; puis, en se rétractant, il s’isole d'une 
sorte de paroi que l'on voit à distance de lui indiquée par une ligne 
mince et noire (pl. VIE, fig. 7). 

Il ne m'a pas été possible d'observer de globules blancs ; cela 
tenait peut-être à la privation à peu près complète d'aliments où 
se trouvait l’animal depuis plus d’un an : il n'avait pu se nourrir 
que de particules contenues dans l’eau, qu’on renouvelait de temps 
en lemps, ou dans la vase qui se trouvait au fond du réservoir. 
C'est aussi probablement à celte cause qu’on doit attribuer la pré- 
sence de noyaux libres dans toutes les préparations que j’ai obser- 
vées, bien qu’en recueillant le sang avec précaution, le nombre en 
fût peu considérable. 


Les recherches de M. Gruby sur la circulation dela Grenouille, 
celles de M. Rusconi sur le têlard de la Salamandre et le Protée 
anguin, et surtout les déductions physiologiques que M. Gratiolet 
a su tirer de ces travaux et d'observations postérieures (2), ont 


(1) Milne Edwards, loc, cit., t, I, p. 70, note 4. 
(2) P. Gratiolet, Système veineux des Reptiles (l'Institut, Paris, 1853, t, XXI, 


p. 60). 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 331 


donné à l'étude de la circulation des Batraciens un intérêt tout à 
faitspécial. C’est pourquoi j'ai cherché à me rendre compte, aussi 
complétement que je l'ai pu, de la disposition de cet appareil dans 
la Sirène lacertine ; l’état dans lequel se trouvait l'animal que j'ai 
examiné m'ayant permis de tenter des injections plus complètes 
que celles qu'il avait été possible d'effectuer jusqu'ici. 

Le cœur ayant été parfaitement étudié par M. Owen (1), je ne 
erois pas devoir m'y arrêter ici. Je rappellerai seulement qu’il se 
compose de deux oreillettes : l’une droite (pl. VI, fig, 4, od), re- 
cevant le sang des veines caves par l'intermédiaire de deux sinus 
veineux intrapéricardiques (pl. VII, fig. À, sud, svg); l’autre 
gauche (pl. VHT, fig. 4, og), recevant le sang des veines pulmo- 
paires. Toutes deux débouchent dans un ventricule unique, auquel 
fait suite un bulbe aortique allongé, un peu contourné en spirale, 
dans lequel se rencontrent deux séries de valvules, une à chaque 
extrémité, rappelant ce qu'on rencontre chez certains Poissons 
carlilagineux. Il existe de plus un repli membraneux étendu 
suivant la longueur du bulbe, qui se trouve ainsi divisé en deux 
cavités superposées communiquant entre elles à la partie posté- 
rieure; On n’a pas jusqu'ici expliqué l’usage physiologique de ce 
repli. Toutes ces parties sont libres dans un péricarde (pl. VII, 
fig. 4, 2, 3, per) fibreux et luisant, adhérent par sa face ex- 
terne aux parois thoraciques et comparable jusqu’à un certain 
point à celui des Poissons. Ce péricarde affecte avec l'appareil 
respiratoire des rapports singuliers sur lesquels j'aurai plus tard 
à revenir. 

Aussitôt à sa sortie du péricarde, le bulbe donne naissance à 
six artères, trois de chaque côté (pl. VIIL, fig. 2 et 3, at, a, aÿ); 
celles-ci se rendent à l'appareil branchial en suivant les trois arcs 
branchiaux antérieurs. Ces trois artères branchiales fournissent 
chacune : 1° un rameau qui pénètre dans la branchie (fig. 3 , b!, 
b°,b°); 2 un ou plusieurs rameaux qui se rendent directement 


(1) R. Owen, On the Structure of the Heart in the Perennibranchiata Batra= 
chia (Transactions of the Zoological Society of London, 1835, p. 243 et suiv., 
pl. 31 ; traduit en partie, Ann. des sc. nal., % série, t. IV, p. 167). 


92 L. VAILLANT. 


9 


dans l'aorte (fig. 3, c',c°,f#). La dernière, en outre, donne nais- 
sance à l'artère pulmonaire, quiest sa terminaison principale (fig. 2 
et 3, d). Les rameaux directs de l'aorte (fig. 3, e!, c?, f*), renfor- 
forcés (fig. 3, f!, f?,[*) par trois troncs efférents venant de cha- 
eune des branchies, veines branchiales (fig. 3, e!,e*,e), se 
réunissent en deux gros troncs (fig. 3, F), qui constituent les 
racines de l’aorte. La figure fera au reste comprendre beaucoup 
mieux qu'aucune description les différents rapports de ces vais= 
seaux. 

Avant de se réunir, les racines de l'aorte fourmissent les 
artères carotides (fig. 3, g), et deux rameaux, artères hyoïidiennes 
(fig. 2 et 5 ,,h'), pour l'appareil branchial. L'un de ceux-ci 
(fig. 2et 3, h) se détache de la première artère branchiale, le 
second (fig. 2 et 3, À’) de la troisième ; ils gagnent la partie infé- 
rieure du cou en suivant les ares branchiaux extrêmes. On peut 
remarquer la grande analogie qui existe entre celte disposition et 
celle que M. Rusconi a figurée dans son Anatomie du tétard de la 
Salamandre (1). Les branches qui constituent l'aorte se réunissent 
assez en avant, à peu près au niveau de la partie antérieure du 
péricarde au-dessus de l'æsophage. Cette artère (fig. 4,2 et 3, à) 
parcourt toute la cavité abdominale, et la queue placée, dans la 
première, sur le côté gauche de la colonne vertébrale; dans la 
seconde, dans le canal ostéo-fibreux sous-vertébral. Les branches 
qu'elle fournit aux différents organes, et dont les plus importantes 
sont celles des membres antérieurs (fig. 3, j), ne méritent pas 
d’être décrites, sauf l'artère cystique (g. 2 et 5, k), déjà signalée 
par Cuvier (2), laquelle se détache de l'aorte vers la partie anté- 
rieure de la cavité abdominale, parcourt un trajet qui équivaut 
environ au liers de celle cavité, et va se perdre sur la vésicule du 
fiel (fig. 3, vf). 

L'arlère pulmonaire (fig. 2 el 3, d) est, on l’a vu plus haut, la 
lerminaison principale de la troisième artère branchiale ; elle se 


(1) Rusconi, Descrisioni anatomica degli organi della circulatione delle larve 
delle Salamandre aquatiche, Pavia, 4847. 

(2) Cuvier, Recherches sur les Reptiles regardes comme douteux, pl. XT, 
fig. 3,q. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 2939 


rend de la base de la dernière branchie à la partie postérieure du 
péricarde, et là se divise en deux branches : l’une principale, qui se 
se rend au poumon, et le suit dans toute sa longueur ; l’autre 
grêle (fig. 2 et 3, b), qui se porte en avant sur la portion posté- 
rieure du péricarde. Cette artère récurrente doit être considérée 
comme une sorte d'artère bronchique, la trachée étant comprise 
dans l'épaisseur de la membrane péricardique, comme on le verra 
quand je décrirai l'appareil respiratoire. Le retour du sang de 
l'appareil pulmonaire se fait par deux veines (pl. VIF, fig. 5, m), 
qui passent au-dessus des sinus intrapéricardiques sans commu 
niquer avec eux, et vont déboucher directement dans le ventricule 
gauche (1). Tout le sang qui passe par les poumons est ramené 
directement au cœur, contrairement à ce qu'on a signalé chez le 
Protée et le Lepidosiren (2), et je n’ai pu trouver aucune commu- 
nication entre les vaisseaux pulmonaires et la veine cave ou les 
vaisseaux des parois du corps. 


La disposition du système veineux général est compliquée et 
présente quelque difficulté pour son interprétation. 

Les veines de la queue se réunissent en un gros tronc situé dans 
le canal ostéo-fibreux sous-vertébrale au-dessous de l'artère 
aorte. Cette veine caudale (pl. VIT, fig. 6, n; pl. VI, fig. 1, n), 
à son entrée dans l'abdomen, contourne à gauche l'extrémité 
postérieure commune des reins, el vient se placer entre ceux-ci 
et le rectum. Elle fournit là deux branches de chaque côté; deux 
d’entre elles continuent le trajet primitif, et vont sous le rectum, 
entouré ainsi d'un cercle veineux complet, se réunir contre la 
paroi abdominale pour former la veine ombilicale (pl. VW, fig. 6; 
pl. VIE, fig. 4, 0); les deux autres (pl. VIU, fig. 6; pl. VI, 
fig. 1 ,p) se rendent à chacun des reins, et constituent les veines 
afférentes de ces organes ou veines de Jacobson. 

Celles-ci fournissent quatre ou cinq branches (pl. VIF, fig. 6, p'), 
qui se ramilient sur la face externe de chacun des reins ; elles se 


(1) Owen, loc. cit., pl. XXXI, fig. 2. 
(2) Hyrtl, loc, cit,, pl. IUT, fig. 2. 


d9 L. VAILLANT. 


continuent, en outre, en avant par un rameau grêle (fig. 6, p"), 
qui suit l’oviducte, dont il reçoit les vaisseaux efférents et en même 
temps le sang charrié par les veines rachidiennes moyennes 
(fig. 6, g). En avant ce rameau s’atténue beaucoup; toutefois il 
paraît, par les veines rachidiennes anastomosées sous Ja colonne 
vertébrale, se continuer directement avecles veines azygos. Aussi 
ce tronc peut être considéré à la fois comme ramenant au rein une 
portion du sang du rachis et celui des oviductes, et en même, 
temps comme permettant à une petite portion du sang des veines 
de Jacobson de se rendre, ou dans le foie, ou directement au cœur, 
les veines azygos se terminant de ces deux manières. Le rein 
reçoit encore, également sur sa face externe, d’autres rameaux 
afférents, qui sont les veines rachidiennes abdominales postérieures 
(pl. VIL fig. 6, g). 

La veine ombilicale reçoit par l'intermédiaire de ses deux racines 
les veines hémorrhoïdales (pl. VI, fig. 6; pl. VIE, fig. 4, r); 
puis, dans le cours de son trajet, deux veines vésicales (pl. VIT, 
fig. 6; pl. VIN, fig. 1 , s), qui s’abouchent avec elle à sa partie 
supérieure, et inférieurement les veines de la paroi abdominale 
(pl. VII, fig. 6, 4) Arrivée environ aux trois cinqnièmes posté- 
rieurs de la cavité abdominale, elle se recourbe brusquement 
(pl. VI, fig, 4 , 0’) pour se porter àla partie interne de la portion 
moyenne du foie au-dessus de la vésicule du fiel, en constituant 
une des racines de la veine porte. Mais, au point où se fait le 
coude, il s’en détache une branche qui suit le trajet primifif Je 
long de la paroi abdominale jusqu'au péricarde (pl. VI, fig. 4 , u). 
Dans ce trajet, il s'en détache des branches (pl. VIH, fig, 4 , v) 
qui se rendent transversalement à la scissure du foie, dans lequel 
elles pénètrent conjointement avec les veines gastriques et œso- 
phagiennes. Malgré le volume encore assez considérable qu'a ce 
tronc à sa partie antérieure, il ne m'a pas été possible de le suivre 
au delà du péricarde, il paraît se terminer là en cul-de-sae. On 
doit donc le regarder, non pas comme continuant la veine ombili- 
cale, mais plutôt comme ramenant le sang de la partie antérieure 
de la paroi ventrale au foie ; je l’appellerai grande veine abdomi - 
nale antérieure. C’est l’analogue de la veine signalée sur la Gre- 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE, 999 
nouille par M. Gruby (1), considérée d’abord par lui comme veine 
afférente au cœur; mais que, plus tard, se rangeant à l'avis de 
M. Rusconi (2), 1l a regardé comme destinée à ramener le sang 
du cœur au foie. 

Les veines de la portion antérieure du gros intestin, celles de 
l'intestin grêle, se réunissent en un tronc, veine mésentérique 
(pl. VIE, fig. 4, æ), qui longe la partie postérieure de la rate 
en recevant les veines spléniques postérieures (fig. 1, y), gagne 
en avant la face interne du foie, et vient concourir à la for- 
mation de la veine porte en se confondant avec la branche trans- 
versale de l’ombilicale. Les veiaes de la portion abdominale anté- 
rieure de l'appareil digestif, c’est-à-dire de la terminaison de 
l’œsophage (fig. 1, z), et presque toutes celles de l'estomac 
(fig. 1, æ), ne se réunissent pas en un tronc unique, mais se 
portent transversalement à Ja face interne du foie pour consti- 
tuer des veines portes hépatiques isolées. Leur abouchement 
pour celles de l'œsophage et de la partie antérieure de l'estomac 
a lieu précisément en face des veines dérivées de l’abdominale 
antérieure, et, surtout en avant, les deux ordres de vaisseaux se 
réunissent en un tronc commun avant de pénétrer dans le foie. 
Quelques veines de l'estomac forment un tronc descendant, sorte 
de tronc cœliaque (fig. 4, 6) qui se dirige en arrière, rassemble 
le sang de la partie antérieure de la rate, et vient se jeter dans la 
veine mésentérique vers le hile du foie, 

Les veines spléniques moyennes forment un tronc courbé en 
fer à cheval (fig. 4, y’), qui se réunit d'une part en avant au 
tronc précédent, d'autre part en arrière au trone de la veine 
mésentérique ; formant ainsi une anse anastomotique entre le 
tronc cæliaque et cette dernière. Les veines cystiques aboutissent 
dans le tronc mésentérique ; il en est de même des veines du 
duodénum, 


Des veines portes hépatiques provénant de ces différentes 


(4) Gruby, Recherches anatomiques sur le système veineux de la Grenouille, 
(Ann. des sc. nat., 2° série, 1842, t. XVII, p. 215, pl. 9, fs. 4, h). 

(2) Rusconi, Observations sur le système veineux de la Grenouille (Ann, des 
so. nat., 3° série, 1845, t, IV, p. 282). 


890 L. VAILLANT. 


sources, celles de la partie antérieure s’enfoncent directement 
dansle foie; celles des parties moyenne et postérieure forment une 
sorte de sinus porte (fig. 1,7) irrégulier, qui commence au hile du 
foie, va en décroissant jusqu’à l'extrémité de l'organe, et porte le 
sang afférent dans toute sa moilié postérieure. 

Le sang des veines portes rénales et hépatiques se réunit au 
sortir de ces organes dans la veine cave postérieure. Celte veine 
(fig. 1, 9), très considérable, au moins lorsqu'une matière 
injectée la remplit, se dirige d’arriére en avant au-dessous 
de l'aorte. Elle reçoit d’abord les veines effcrentes du rein 
(fig. 4, +), qui y débouchent par des troncs situés sur la face in- 
terne de ces organes ; plus loin, elle reçoit les veines ovariennes 
(fig. 4, ), qui s'y jettent perpendiculairement, et atteint l’extré - 
milé postérieure du foie. Elle en suit la face supérieure, mais 
en prenant une apparence tout autre (pl. VII, fig. 3, d'); 
c’est alors un sinus sanguin à demi-limité plutôt qu'un vaisseau 
proprement dit. Ce sinus cave, creusé en quelque sorte dans le 
parenchyme du foie, reçoit les veines sus-hépaliques, va en 
s'élargissant d’une façon assez régulière jusqu'à la partie de l’or- 
gane contiguë au péricarde, et débouche enfin dans le sinus vei- 
neux intrapéricardique droit (pl VIE, fig. 1, sud), d’où le sang 
passe dans celui de gauche. 

Le sang provenant des parties supérieures et moyennes du 
corps vient, par les veines rachidiennes, former dans la cavité de 
l'abdomen, sous la colonne vertébrale, un réseau à mailles irrégu- 
lières, qui représente des veines azygos fréquemment anastomo- 
sées entre elles. C’est là que se jettent les deux troncs veineux 
grêles, que j'ai dit plus haut continuer les veines de Jacobson 
(pl. VIL fig. 6, p'), ct qui peuvent être considérés comme ori- 
gines de ce système. De ces veines azygos, celles de droile spé- 
cialement forment en arrière un lrone volumineux, qui se rend au 
foie en donpant ainsi une nouvelle veine porte hépatique anas:o- 
mosée avce le sinus porte (pl. VITE, fig. 4,6"); celles de gauche 
forment en avant un trone qui longe l'aorte (pl. VHT, fig. 2, 8) et 
va se jeter dans le tronc brachio-céphalique droit. On peut re- 
marquer que celte disposition parait intermédiaire à celles que 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 337 


M. Gratiolel a signalées chez les Batraciens anoures et chez les 
Batraciens urodèles (1, 

Enfin le sang des parties antérieures du corps est rüinené di- 
réciement au cœur, Les veines de Ja tête et des parties latéeaies du 
cou se réunissent avec celles des membres antérieurs. et fotmmeni 
de cliaque côté nn fronc brachio-céphalique pl, VA, fig. 2, %), 
qui débouche, comme veine cave antérieure, dans le sinus intra 
péricardique correspondant. Chacun d’eux reçoit des veines nom- 
breuses formant autour du pharyox et de l'œsophage une espèce 
de plexus ; celui de droite reçoit, en outre, le tronc antérieur des 
veines azy£os dont j'ai parlé plus haut. 


En résumé, on peut remarquer que : 

1° Il n'existe de sang entièrement hématosé que dans la veine 
pulmonaire et l'oreillette droite. 

2° Le sang ne passe qu’en très pelite partie dans les branchies, 
des anastomoses larges le conduisant directement dans l'aorte. 

3° La respiration cutanée, d'après les principes établis par 
M. Gratiolet, doit être assez aclive, malgré l'épaisseur de la peau, 
une bonne portion du sang retournant directement au cœur. 

h° Ce sang qui retourne directement au cœur provient : 

a. Des parties antérieures du corps par les veines caves anté- 
rieures. 

b. De la partie moyenne du canal rachidien par le tronc anté- 
rieur des veines aZÿg0s. 

c. De la partie postérieure du corps par la continuation directe 
des veines de Jacobson dans ces mêmes veines azygos. 

d. Des organes génitaux par les veines ovariques et Ja veine 
cave postérieure. 

9° Le sang d’une portion de la veine caudale, celui des veines 
rachidiennes abdominales postérieures, et peut-être celui de l’ovi- 
ducte, s'hémalosent dans le système porte rénal, 

6° Le sang d’une portion de la veine caudale, des parois abdo- 
minales postérieures el de la vessie par la grande veine ombili- 


{1) P. Gratio'et, loc. cil., p. 61. 
4° série. Zoo. T. XIX. {Cahier n° 6.) ? 


t2 
t 


338. L. VAILLANT. 


cale; celui des parois abdominales antérieures par la grande veine 
abdominale antérieure ; le sang de l'intestin, de l'estomac, de la 
rate, de la vésicule du fiel, par le grand sinus porte postérieur et 
les veines portes directes; le sang des parties moyennes et dorsales 
du corps, par le tronc porte des veines azygos, s'hématosent dans 
le système porte hépatique. 


IL ne m'a pas été possible de songer à étudier le système lym- 
phatique, n'ayant à ma disposition qu’un seul individu. Des replis 
séreux soutiennent toutes les veines qui se rendent au foie, et 
notamment dans celui qui renferme les rameaux portes de la 
grande veine abdominale antérieure j'ai pu reconnaître une cavité 
insufflable , qui très vraisemblablement constitue un sinus lym- 
phatique comparable à ceux des Batraciens supérieurs. 


CHAPITRE V. 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 


La Sirène lacertine, conservant des branchies pérmanentés, a 
une double respiration à la fois par ces organes él paf des fou- 
mons. Toutefois, à en juger par le développement de ces derniers; 
opposé à l'épaisseur de la peau qui recouvre les branchies, et le 
petit développement de celles-ci, eit égard à la täille de l’animal, 
on est porté à admettre que la respiralion pulmonaire est la plus 
importante. I faut en outre tenir compte de la réspiralion cutanée, 
qui, nous l'avons vu en décrivant la circulalioh Yeineuse, doit 
Yraisemblablement entrer en ligne de compte. 

Je commencerai par l'étude des poumons. Ils sont très étroits 
(pl: VIE, fig, 4, 2, pg, pd), n'ayant guère que 7 à 8 millimètFés 
le large, aplatis de dehors en dedans, mais d’une longueuf très 

considérable, puisqu'ils atteignent presque l'extrémité postérieurt 
de la cavité abdominale; celui de gauche s'arrête derrière Fovaire 
correspondant ; celui de droite, qui est le plus long, dépasèe 
l'ovaire (pl: VI, fig. 4, p'd'), et son extrémité se recourbe én 
Crocliet de haït en bas, puis d’arrière en avant, pour apparaître 


ANATOMIE DE LA - SIRÈNE LACERTINE. 339 


entre l'extrémité antérieure du rein et l'ovaire. Ouverts, ces pou- 
mons présentent une structure aréolaire très prononcée (pl. VIE, 
fig. 5) dans toute leur étendue, contrairement à ce qu'avait cru 
Schreibers (1). Cette apparence est produite par une série de 
grosses colonnes (pl. VIE, fig, 5, «&) appliquées contre la paroi ; 
quelques-unes s'étendent de dehors en dedans au travers de la 
cavité, en formant une sorte de cloison qui divise l'organe en deux 
portions superposées, et s'oppose à l’ampliation dans le sens laté- 
ral. Entre ces grosses colonnes, disposées en réseau irrégulier, 
s'en trouvent de beaucoup plus petites placées paralièlement les 
unes aux autres dans le sens de la longueur (pl. VIE, fig. 5, 6); 
elles se voient dans toute l'étendue de l’organe, sauf à la partie 
postérieure, sur 1 ou 2 centimètres, où les grosses colonnes seules 
existent. L'artère pulmonaire (pl. VILE, fig. 2, d) suit en dehors 
tout le bord externe du poumon; sur le bord opposé, mais ren- 
fermé dans l’intérieur de l'organe, se trouve la veine (pl. VIH, 
fig. 5 , m) qui ramène le sang dans le ventricule gauche. 

Les poumons ne commencent qu'en arrière du péricarde 
(pl. NUL, fig. 2 et 3, pd et pg); au-dessus de celui-ci et jusqu’à 
la glotte, ils sont creusés dans la paroi supérieure dédoublée de 
cette membrane fibrosséreuse. Là ils sont réanis en une seule 
cavité aplatie, comme la paroi péricardique qui la contient; la 
structure aréolaire n'existe plus dans cette portion, qui doit être 
considérée comme une trachée-artère d’une structure spéciale, 
Cette disposition singulière, qui avait échappé jusqu'ici aux re- 
cherches des analomisles, n’a, que je sache, aucun analogue chez 
les autres animaux. A la partie antérieure, ce conduit paraît sou 
tenu par des anneaux cartilagineux rudimentaires. La glotte con- 
Sisle el une simple fente longitudinale située à très peu de distance 
en avant du péricarde, et s’ouvrant à la partie inférieure du 
pharvnx. Il existe, on l’a vu, un muscle spécial, dilatator isthmæ 
fauci (n° 23), qui sert à l'ouverture de cette glotie, et de la portion 
antérieure de la trachée-artère. 


(1) Ch. Schreibers, An historical and anatomical Description of a doubtful 
Amphibious Animal of Germany, called by Laurenti, Proteus anguinus. (Phil. 
Trans., London, 1801, p. 258.) 


310 L. VAILLANT. 

L'appareil branchial (pl. VIE, Gg. 1, br", br", br") se compose 
de trois cylindres charnus, terminés en houppes ramifiées. que 
Cuvier comyare frèês exactement à ‘des feuilles tripinnalifides (17. 
Ces branehies sont situées de chaque coté du cou sur nge None 
oblique de basen haut et d'avant en sertece. de telle sorte qu'elles 
sont éfagées lune sur lanire. Elles eroissent en longueur et en 
grosseur de la première à la troisième, qui est du double plus 
grande que celle-là et mesure 14 millimètres. Les ramifications 
augmentent aussi en nombre avec la grandeur des branchies ; elles 
sont situées spécialement à la face inférieure et se prolongent 
même sur les espaces qui séparent les fentes branchiales. La face 
supérieure est de la teinte genérale du corps; la face inférieure, 
au contraire, est revêlue d’une peau plus molle et rosée. Les fentes 
branchiales, au nombre de trois également, sont situées en arrière 
de chacune des branchies ; elles ont la forme de boutonnières 
verticales d’inégales grandeurs, la moyenne étant la plus consi- 
dérable ; sur l'individu que j'ai examiné, elle mesurait 8 milli- 
mètres, les deux autres ne mesuraient chacune que 5 millimètres. 
L'orifice interne est garni de prolongements coniques, courts, 
rigides, entrecroisés, et tout à fait comparables à ceux qu'on ren- 
contre chez les Poissons, le Lepidosiren, elc. Les branchies sont 
d'ordinaire étalées perpendiculairement à l’axe du corps pendant 
le repos ; mais si l’on vient à toucher l'animal, il les abaisse sur 
les fentes branchiales en les rapprochant du corps. On comprend 
difficilement que Camper ait pu prendre ces organes pour des 
opercules (2). 

Le mécanisme de la respiration présente cette singularité que 
l'animal parait pouvoir se servir de ses branchies pour respirer 
l'air atmosphérique, aussi bien que l’oxygène dissous dans l’eau. 
En effet, lorsqu'on l’observe au repos, on le voit à des intervalles 
plus ou moins fréquents élever la tête pour aspirer l'air par la 
bouche, qu’il ouvre absolument à la manière de certains Poissons, 
tels que les Carpes. IT se présente alors deux cas. Tantôt on ne voit 


(1) G. Cuvier, Recherches sur les Reptiles regardes comme douteux, p. 102. 
(2) Camper, OEuvres qui ont pour objet l'histoire naturelle, la physiologi, etc. , 
trad, de Jansen, Paris, 4803, t, I, p. 493. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. Shi 
sorlir de bulles d'air par aucune ouverture ; l'animal a fait péné- 
trer le fluide atmosphérique dans ses poumons, et l'y laisse quel- 
que temps ; il l’expulse plus tard, et l'air sort, non par la bouche, 
mais par les fentes branchiales. D’autres fois, au contraire, l’ani- 
mal fait immédiatement sortir l'air par les fentes, comme pour 
mettre ses branchies en contact direct avec celui-ci, et rien ne 
pénètre dans les poumons. Le plus ordinairement il y a combinai- 
son des deux actions, et aussitôt qu'il a humé l'air, on en voit une 
portion sortir immédiatement au-dessous des branchies, (andis 
qu'il en reste en réserve dans les poumons une autre portion, 
qu'on lui voit rejeter plus tard. Il est facile, par le temps qui sé- 
pare les deux sorties de l'air, de reconnailre celui qui passe direc- 
tement sous les branchies et celui qui revient du poumon. 


CHAPITRE VI. 


SÉCRÉTIONS. 


Comme organes sécréleurs proprement dits chez la Sirène 
lacertine, je n'aurai à parler que des reins et des follicules chargés 
de la sécrétion du mucus qui recouvre l'animal. Je dirai aussi 
quelques mots de la rate, bien que sa description düt peut-être se 
rattacher plutôt à celle du système cireulatoire, 


Les reins (pl. VIE, fig. 6; pl. VI, fig. 4, ra) sont au nombre de 
deux ét situés à la partie la plus reculée de l'abdomen. Ils offrent 
cette particularité, unique jusqu'ici chez les Batraciens, d’être 
réunis dans leur partie postérieure (rn') placée en arrière de l'anus , 
la cavité abdominale se prolongeant un peu dans la base de la queue. 
Cette extrémité commune est conique ; les deux reins qui y font 
suile vont en divergeant se placer de chaque côté de la colonne 
vertébrale, séparés l’un de l'autre par la veine cave. Ils sont com- 
primés et allongés, convexes extérieurement, aplatis sur la face 
interne ; celui de droite estun peu plus court que celui de gauche. 
Jai, à propos de la circulation, parlé des veines de ces organes 
dont la vascularisalion est très riche. 


2h42 L. VAILLANT. 


L’urine se rend dans le cloaque, et les embouchures des ure- 
tères, que je n’ai pu suivre dans l’intérieur des reins, se trouvent 
sur sa paroi postérieure au fond de deux cavités assez profondes. 

La vessie (pl. VIE, fig. 4, vs) est assez considérable, libre en 
haut et en avant, mais fixée à la paroi abdominale par un repli 
péritonéal, dans lequel rampent les veines vésicales (pl. VIT, 
fig. 4, s). Elle débouche dans le cloaque, à la paroi antérieure de 
celui-ci, en face et très peu au-dessus du niveau des uretères. 


Je ne puis donner que des renseignements très incomplets sur 
les glandes cutanées chargées de sécréter le mueus ; elles parais- 
sent être de simples cryptes. J'ai indiqué, en décrivant la struc- 
ture de Ja peau, des cavités placées entre les papilles du derme 
(pl. IX, fig. 4, d), qui me paraissent représenter ces organes 
sécréleurs. 

J'ai cru, sur l'animal vivant, distinguer deux séries de pores 
rappelant les lignes latérales des Poissons, mais incomplètes 
puisqu'on ne pouvait les suivre antérieurement ni postérieure- 
ment. Toutefois cette observation, consignée dans mes notes, me 
laisse de grands doutes, car il m’a été impossible, après que l’ani- 
mal eut été plongé dans la liqueur, d'en retrouver aucune trace, 


La rate (pl. VIT; fig. 1, sp) est remarquable par sa forme allon- 
gée; elle mesure une grande étendue de la cavité abdominale, 
dont elle occupe à peu près les trois cinquièmes moyens. Sur l’in- 
dividu que j'ai examiné , elle avait près de 190 millimètres de 
long ; sa plus grande largeur, située vers la réunion des deux cin- 
quièmes antérieurs aux trois cinquièmes postérieurs, n’était que 
de 5 millimètres. L'organe va en s’amincissant de part et d'autre 
pour se terminer par deux extrémités obtuses, arrondies. Il est 
fixé à la paroi supérieure de la cavité viscérale par un repli du 
péritoine, qui se continue vers la partie ventrale en un épiploon 
gastro-splénique. J'ai indiqué, en parlant de la circulation, com- 
ment les différentes veines spléniques antérieures, moyennes et 
postérieures, se rendent en définitive dans la veine porte hépa- 
tique. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 313 


J'ai observé dans le voisinage de la rate deux corps discoïdes 
très petits, ayant 2 à 3 millimètres de diamètre, l’un pédicellé et 
lié par ce pédicule à la rate, l’autre situé dans le repli gastro- 
Splénique sur le trajet des vaisseaux spléniques ; ils me paraissent 
devoir être considérés comme des rates accessoires. 


CHAPITRE VIT. 


APPAREIL DE LA GÉNÉRATION, 


Par un hasard ficheux, tous les individus de la Sirène lacertine 
disséqués jusqu'ici sont des femelles. Leur appareil reproducteur 
est des plus simples, et consiste en deux ovaires et deux oviductes. 

La forme des premiers est celle d’un cylindre arrondi à ses 
deux extrémités ; la longueur est environ de 42 millimètres, la 
largeur de 3 à 4 millimètres. Ils sont situés de chaque côté de la 
veine cave postérieure (pl. VIE, fig. 4, ov), au-dessous des pou- 
mons, au-dessus du tube digestif, en avant des reins avec lesquels 
ils sont en contact. 

 L'oviduete (pl. VIT, fig. 6; pl. VIE, fig. 1, ovd) a la forme 
d’un long tube étroit, qui s’avance jusqu'au milieu de la cavité 
viscérale ; il est situé en dessus et en dedans des poumons. En 
arrière, il se place au-dessus de l'ovaire, puis suitle bord inférieur 
du rein au-dessous du rameau veineux (pl. VIE fig. 6, p") qui 
continue la veine de Jacobson, et vient déboucher dans le cloaque 
en avant des uretères. Je n'ai pu reconnaître comment la partie 
antérieure est en rapport avec l'ovaire. 


EXPLICATION DES PLANCHES, 


PLANCHE VII. 
Fig, 4 à 4. Myologie de la Sirène lacertine, portion antérieure de l'animal. 
Fig. 4. L'animal vu de côté. 


Fig. 2. L'animal vu en dessous; le peaucier 4 4!', étendu sur la région thora- 
cique, a été enlevé d'un côlé pour laisser apercevoir les muscles sous-jacents, 


oh L. VAILLANT, 


Fig. 3. L'animal vu en dessous; le muscle mylo-hyoïdien 14 a été fendu et relevé 
des deux côtés, le cartilage coracoïdo-claviculaire A a été soulevé d'un côté 
pour montrer l'insertion du sous-scapulaire 8. 

Fig. 4, L'animal, vu en dessous ; le muscle mylo-hyoïdien 1 4 a été écarté comme 

dans la figure précedente, le muscle géni-hyoïdien 15 a été enlevé d’un côté et, 
du même côté, le céralo-hyoïdien externe 21 est soulevé pour laisser voir le 


céralo-hyoïdien interne 20 dans toute son étendue, 


Dans ces quatre figures les mêmes chiffres désignent les mêmes muscles ; 
ils correspondent aux numéros d'ordre des organes dans le texte. 


4, grand extenseur commun ; 2, grand fléchisseur commun ; 3, cléido-bran- 
chial ; 4, omoplat-hyoïdien ; 5, grand pectoral (5’, première portion, ou 
portion antérieure ; 5”, seconde portion, ou portion moyenne; 5”, troi- 
sième portion, ou portion postérieure) ; 6, scapulaire externe; 7, éléva- 
teur de l'humérus; 8, sous-scapulaire ; 9, coraco-brachial; 40, exten- 
seur de l'avant-bras, ou triceps ; 44, fléchisseur de l'avant-bras, ou 
biceps ; 12, extenseur du carpe ; 43, fléchisseur du carpe; 44, mylo- 
hyoïdien (14”, son insertion hyoïdienne ; 1#!”,son prolongement en peau- 
cier thoracique) ; 45, géni-hyoïdien ; 46, protracteur branchial commun ; 
19, élévateur branchial ; 20 cérato-hyoïdien interne ; 21, cérato-hyoïdien 
externe ; 24, abducteur de la mâchoire supérieure; 25, digastrique ; 
26, adducteur commun des mâchoires (26', sa petite portion) : 27, tempo- 
ral, portion postérieure (27/, sa portion antérieure) ; 28, ptérygoïdien, 

Fig. 5. Surface intérieure du poumon, montrant la disposition aréolaire de cet 
organe. Grossissement de #4 diamètres. 

a, grosses trabécules irrégulièrement anastomosées ; b, pelites trabécules 
parallèles entre elles et étendues longitudinalement. 


Fig, 6. Rein gauche, vu par sa face externe et montrant la disposition des 
veines de Jacobson. 


rn, rein; rn', portion postérieure commune des reins ; ovd, oviducte ; 
n, veine caudale ; v, veine ombilicale ; P, veine de Jacobson, p', ses 
branches pénétrant dans le rein ; p’', sa continuation se rendant à la veine 
azygos; q, veines rachidiennes postérieures; q', veines rachidiennes 
moyennes : », veines hémorrhoïdales; s, veines vésicales: t, veines abdo- 
minales. 


PLANCHE VIII. 


Fig. 1. Figure montrant les différents organes de la Sirène lacertine dans loute 
l'étendue des régions thoracique et abdominale. Le tube digestif a été rejelé 
un peu à gauche; les replis séreux qui soutiennent les vaisseaux sont enlevés. 
Réduction aux deux cinquièmes. 


ANATOMIE DE LA SIRÈNE LACERTINE. 349 


per, péricarde ouvert et adhérent latéralement aux parois thoraciques ; 
std, sinus veineux inlrapéricardique droit; svg, sinus veineux intra- 
péricardique gauche : od, oreillette droite ; og, oreillette gauche ; wt, ven- 
tricule ; ba, bulbe aortique; pd, poumon droit ; pd’, son extrémité posté- 
rieure recourbée entre l'ovaire et le rein; pg, poumon gauche ; br, pre- 
mière branchie; br’, seconde branchie; br’/', troisième branchie ; 
es, estomac; duo, duodénum ; jil, jéjuno-iléon ; gri, gros intestin ; 
fo, foie ; fo', petit lobe antérieur du foie ; vf, vésicule du fiel; ccy, canal 
cystique ; pa, pancréas , ra, rein; rn’, extrémité commune des reins, 
vs, vessie ; sp, rate ; ov, ovaire : ovd, oviducte. 


Le 


Pour l'explication des vaisseaux désignés par une seule lettre, voyez plus bas. 


Fig. 2. Sirène lacerline vue par la face inférieure : le mylo-hyoïdien 1 4 est relevé 
du côté gauche, l'un des géni-hyoïdiens est enlevé, les muscles cérato-hyoïdiens 
interne et externe, 29 et 21, sont portés en dehors, Les parois thoracique et 
abdominale antérieures sont enlevées. 


1,4%, 20, 21,25, 26, 28, comme dans la planche précédente , 22, con- 
stricteur des arcs branchiaux ; 23, dilalator isthmæ fuuci. 


pcr, péricarde séparé par la dissection des parois thoraciques et montrant 
sa face latérale ; br’, br'”, bill", première, seconde et troisième bran- 
chies ; æ, œsophage , es, estomac ; fv', petit lobe antérieur du foie. 


Pour l'explication des vaisseaux désignés, par une seule lettre voyez plus bas. 


Fig. 3. Figure demi-schématique, montrantla disposition des vaisseaux respira- 
toires et l’origine des artères dans la Sirène lacertine. 
per, péricarde, vu par sa face supérieure ; by", br!', br'!!, première, seconde 
et troisième branchies ; pd, origine du poumon droit ; pg, origine du 
poumon gauche. 


Vaisseaux dans ies lois figures précédentes. 


a!, &, a*, première, secondeet troisième artères branchiales ; b',0?, L3, pre- 
mier, second et troisième rameaux branchiaux pénétrant dans chacune 
des branchies correspondantes ; c!, «?, rameaux des première et seconde 
artères branchiales se rendant directement dans l'aorte, le rameau /? rem- 
plit le même rôle pour la troisième ; d, artère pulmonaire ; et, e?, e, pre- 
mière, seconde et troisième veines branchiales: f!,f?, f*, racines de 
l'aorte résultant de la réunion des rameaux directs c et des veines bran - 
chiales e; F, tronc commun des racines de l'aorte: g, artère carotide; 
h, artère hyoïdienne antérieure; k', artère hyoïdienne postérieure ; 
i, aorte; j,artère du membre antérieur ; k, artère cystique ; !, artère 
bronchique ; n, veine caudale ; o, veine ombilicale ; p, veine de Jacobson : 
r, veines hémorrhoïdales ; s, veines vésicales ; u, grande veine abdomi- 


346 L. VAILLANT, 
nale antérieure; v, veines portes abdominales antérieures ou directes ; 
æ, veine mésentérique ; y, veines spléniques ; y', tronc commun des 
veines spléniques moyennes ; z, veines œsophagiennes ; 4, veines gas- 
triques ; 6, veine cœliaque; y, sinus de la veine porte; 9, veine cave 
postérieure ; d’, sinus représentant la veine cave au-dessus du foie ; 
£, veine rénale efférente ; &, veines ovariennes ; x, veine cave antérieure : 
0, veine azygos ; 0', son anastomose avec le sinus de la veine porte. 

Fig. 4. Terminaison de l'estomac, duodénum et origine du jéjuno-iléon ouverts. 

es, estomac ; py, valvule pylorique ; duo, duodénum ; cey, canal cystique 

dans lequel est engagée une soie ; jil, jéjuno-iléon dont la surface interne 
est lisse. , 


Fig. 5. Globules sanguins normaux, le noyau en est complétement homogène, 


Fig. 6. Globules sanguins traités par l'eau, le noyau est devenu granuleux, la 
cellule a pris la forme sphérique en se raccourcissant,. 


Fig. 7. Globule sanguin traité par l'eau iodée, qui a coagulé le contenu et l’a 
éloigné d’une ligne noire indiquant sans douté une paroi de cellule. 


PLANCHE IX (FIG. 1-5). 


Fig. 4,2, 3. Encéphale de la Sirène lacertine. 
Fig. 4. Vu en dessus. 

Fig. 2. Vu de côté. 

Fig. 3. Vu en dessous. 

a, lobes cérébraux ; b, lobes optiques, ou tubercules bijumeaux, réunis en 
une seule masse médiane ; c, cervelet ; d, moelle allongée, sur laquelle 
dans lafigure 4 se voit le plancher du quatrième ventricule ; e, couches 
optiques ; I, nerf olfactif; II, nerf optique ; x, nerf crânien, qui se 
rend à la face et représente probablement le trijumeau, peut-être réuni 
au facial. 

Fig. 4. Coupe de la peau de la Sirène lacertine perpendiculairement à la sur- 
face. Grossissement de 20 diamètres. 

a, couche profonde du derme à aspect nacré, à fibres parallèles ; b, couche 
superficielle du derme, ou couche papillaire ; e, couche épidermique 
présentant, d, des excavations creusées entre les papilles, follicules mu- 
cipares ? 

Fig. 5. Cellules de la couche épidermique. Grossissement de 310 diamètres. 

À, couche superficielle, cellules très intimement unies entre elles ; B, cou- 
che profonde, cellules plus facilement isolables et généralement un peu 
plus volumineuses. 


NOTE 
SUR QUELQUES HELMINTHES DE LA SIRÈNE LACERTINE, 


Par M. le D: Léon VAILLANT. 


La Siren lacertina Lin., que nous avons disséquée, nous à pré- 
senté un certain nombre d’Helminthes dont deux appartenant au 
sous-ordre des Trématodes distomaires (van Beneden), l’un for- 
mant, sans nul doute, une espèce nouvelle ; l’autre sur lequel on 
ne peut guère se prononcer avant d'avoir des renseignements 
plus complets. 

D’autres Helminthes appartenaient au tvpe des Nématoïdes, et, 
autant qu'il était possible d’en juger, à une seule espèce ; mais 
n'ayant pu les observer qu'après la mort de l'animal, lorsqu'il 
était plongé äepuis longtemps dans la liqueur, leur détermination 
spécifique ne nous à pas paru possible ; nous les avons rencontrés 
surtout dans l'épaisseur de la muqueuse stomacale, dans sa couche 
profonde. 


MONOSTOMUM ASPERUM (NOV. Sp. ). 


Corpus elongatum, retro tumescens, utrinque obtusum, supra 
conveæum, subtus planum, permullis spinulis hirsutum. Os ter- 
minale. Longit. 1°",40-1°",90 ; latit. 0"",240,— Habitaculum : 
Sub cute Sirenis lacerlinæ. Folliculo inclusum, 


Cet animal (pl. IX, fig. 7) est blanchâtre, allongé, renflé à 
la partie postérieure; excepté sur celle-ci, e’est-à-dire sur les 
trois quarts antérieurs, il est couvert d’une multitude de petites 
épines disposées en quinconces avec une grande régularité, — 


*- L'orifice buccal est arrondi; à une petite distance se voit un bulbe 


pharyngien (bp) très distinct, suivi d’un long æsophage (æ) qui 
s'étend au delà de la moitié du corps et se divise en deux cæcums 


3hS L. VAILLANT. 


stomacaux qui n’atteigrent pas l'extrémité de l'abdomen.—Celle-ci 
est occupée par une tache noire, volumineuse, de forme irrégu- 
lière, au niveau de laquelle s'arrêtent les cæcums, Cette masse 
doit être regardée, sans doute, comme l’analogue de l'organe 
sécréteur, ordinaire chez les Monoslomes, bien qu’il nous ait été 
impossible d'en voir l'orifice. Dans le triangle formé par les 
cæcums et le bord supérieur de l'organe de sécrétion se trouvent 
les organes génitaux (pl. IX, fig. 7 et 8). Nous n'avons pu 
observer ces organes qu'après la mort, aussi nous ne donnons 
notre interprétation que sous toute réserve. Les organes mâles 
consistent en un testicule allongé (£), surmonté d’une am- 
poule (vs) qui représente probablement la vésicule séminale ; 
le pénis (pe) est épineux; un tube (cd), que l’on voit au-dessus 
du pénis et qui est en connexion avec celui-ci d’une part et la 
vésicule séminale de l’autre, représente le canal déférent. En 
avant des organes génitaux mâles, nous avons vu, chez un certain 
nombre d'individus, mais non chez tous, une cellule (ov) granu- 
leuse, arrondie, de 0"",085, dont il ne nous est pas possible de 
déterminer la nalure, mais qui, suivant {oute probabililé, peut être 
rapportée aux organes femelles. 

Cet Helminthe se trouve dans des kystes complétement fermés, 
transparents (pl. IX, fig. 6), de 0"",40 à 0°",50 de diamètre, 
prenant sous le compresseur une Targeur de 0"",70 à 0"*,80, Ces 
kysies se voient sous la peau de la Sirène lacertine comme de 
petiles taches blanchâtres. 

Le Monostomum asperum se différencie facilement des autres 
Monoslomes par la présence d’épines sur son tégument, caractère 
que nous ne trouvons signalé pour aucune des espèces connues, 
bien qu'il so:t fréquent chez les Distomes. Il présente en outre 
un habitat exceplionnel qu'on n'a signalé jusqu'ici que pour le 
M. faba Bremser. Nous avons pu en observer plus d'une dizaine 
d'individus, mais un seul d'entre eux à l'état vivant. 


DISTOMUM SIRENIS LACERTINÆ. 


Le corps de cet animal (pl. IX. fig. 9) est blanchâtre, peu 


HELMINTHES DE LA SIRÈNE LACERTINE. 349 


n 


transparent sans compression ; long de 2°",70 à 3"",40, large 
de 0"*,80 à 1"",90. Le tégument lisse renferme des corpusenles 
mesurant Q°",OTL à 0°".046, fortement réfriogents, qui dispa- 
aissent sous l'action des acides avec eflervescenre, Ces corpuseu- 
les, peut-être par suite de fa fovnie de lastormac, paraissent sous 
le éompresseur disposés sur trois séries longitudinales, parallèles, 
dont la médiane interrompne par a ventouse ventrale: quelques 
uns cependant forment une petite bande {ransversale au devant 
de celle-ci. L'animal est revêtu d’un épithélium pavimenteux 
formé de cellules irrégulièrement polygonales de 0"",080 sur 
0*®,050, renfermant des noyaux finement granuleux, assez régu- 
hers, ovoïdes, de 0"",020 sur 0"",026. La ventouse orale (vo) 
mesure 0"",15 à 0"",16; elle est terminale. La ventouse ven- 
trale (vo) est arrondie et présente à son centre trois fentes rayon- 
nantes formant un Y ; elle mesure 0"",35 et est située à 1"",30 
de l'extrémité antérieure. Le bulbe pharyngien (bp), large de 
0"",10, présente en son centre un canal infundibuliforme dont la 
grande ouverture est tournée en avant. Après lui viennent immé- 
diatement deux cæcums stomacaux (cæs) allongés, qui passent de 
chaque côté de la ventouse ventrale, se placent en dedans des 
canaux excréteurs, el se terminent vers l'extrémité postérieure du 
corps contre la vésicule de Laurer. Celte vésicule de Laurer 
(Milne Edwards) (pl. IX, fig. 9 et 10, v/), ovoïde, allongée dans 
le sens antéro-postérieur, est très contractile et chasse évidemment 
un liquide par un pore situé sur une papille (pa) qu'on voit saillir 
à la face inférieure du corps. Sur cette papille débouchent égale- 
ment deux canaux excréteurs (os) remplis d’une substance forte- 
ment colorée en noir. Ils remontent en avant du côté de la ven- 
touse ventrale, en se renflant en massue. 

Nous n'avons pas trouvé trace d'appareil génital, ce qui doit 
vraisemblablement s'expliquer par l'enkystement de ces animaux 
dans une situation anormale. C’est un fait qu'on a déjà signalé pour 
le D. pusillum Zeder, du Hérisson. le D. isostomum Rudolphi, 
des Crustacés. 

Nous avons rencontré un assez grand nombre de ces Distomes, 
au moins trente, dans notre Sirène lacertine; plusieurs ont pu 


350 L. VAILLANT. 


être observés à l'état vivant. Ils étaient renfermés dans des kystes 
qu’on ne peut mieux comparer par la grosseur et la couleur qu'à 
des grains de millet. Tous étaient plus ou moins profondément 
situés ; il y en avait une douzaine sous la peau du cou el jusque 
sous [les muscles hyoïdiens ; nous en avons retrouvé un certain 
nombre dans l'épaisseur même des muscles élévateurs de la mà- 
choire inférieure. 

Avant d'admettre celte espèce comme nouvelle, il serait im- 
portant de connaître la disposition des organes génitaux. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE IX. 
Fic. 6-8, — Monosromuu AsPERUM (nov. Sp.). 


Fig. 6. Animal dans son kÿste. Grossissement de #7 diamètres. 
Fig. 7. Animällibré. Grossissément de 47 diarnètres. 


Fig. 8. Partie postérieure de l’animal montrait lé détail des organes géni- 
taux mâles. Le contour dh corps seul a été indiqué, on n'a figuré ni les 
cæcums slümacaux, hi l'organe sécréteut. Grossissement de 60 diamètres. 


Däns ces trois figures les mêmes lettres désiguetit les mêmes parties. — 
vo, ventouse orale ; bp, bulbe pharyngien; æ, œsophäge ; cœws, cæcum slo- 
matal ; os, organe de sécrétion ; pé, pénis; t, testicule; vs, vésicule sémi- 
ndle ; cd, canal déférent ; ov, ovaire ? 


Fic. 9-10. -— Disromui SIRENIS LAGERTINÆ. 


Fig Sd. Animal libre. Grossissement de 20 diamètres. 


Fig. 40. Partie postérieure de l'animal montrant la papille sur laquelle 
débouchent la vésicule de Laurer et les organes de sécrétion. Grossissement 
de 60 diamètres. — vv, ventouse ventrale; vo, ventouse orale; bp, bulbe 
pharyngien ; cæs, cæcum stomacal ; os, organe sécréteur ; v/, vésicule dé 
Laurer ; pa, papille abdominale. 


ÉTUDE SUR LE ROLE DU TISSU ADIPEUX 


DANS 


LA SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES, 


Par M. FABRE, 
Professeur au lycée d'Avignon. 


Dans mon travail sur les Sphégiens, tout en ayant pour but 
principal l’étude des us et coutumes de ces Hyménoptères, dont les 
admirables manœuvres fournissent un beau chapitre à ce qu’on 
pourrait appeler la psychologie de l'instinct, je fus amené, par 
l'observation de la larve, à faire connaître quelques faits nou-. 
veaux et fort remarquables se rattachant à la sécrétion urinaire. 
Présentés d’une manière incidente, et d’ailleurs trop peu nom- 
breux alors, ces faits, loin d’être pris en sérieuse considération, 
ont été parfois dénaturés et en général traités d’une manière assez 
lente dans un travail plus récent sur les sécrétions chez les 
Insectes (1). Nier est facile, affirmer est plus difficile. Six années 
se sont étoulées depuis la publication de mon mémoire suf les 
Sphégiehs, et apfès ce laps de temps, riche d'u volume dé fotes 
glanées un peu partüut dans la classe des Insectes, je viens affir- 
mer les mêmes fdits Et corroborer mon dire par de nouveaux 
exemplés. 


SL. — HYMÉNOPTÈRES. 


Larves à régime animal. 


Rappelons d'abord rapidement le point de départ des nouveau 
aperçus physiologiques qui font le sujet de cet opaseule. Un SpheX 
(Sphex flavipennis) creuse un terrier, entasse quelques. Grillons 
paralysés dans une cellule, et pond un œuf sur l’une des victimes. 
Le vermisseau éclos de cet œuf est d’abord transparent comme du 


(1) Sirodot, Recherches su la sécrélion chez les Insectes (Ann. des sc. naï., 


1838). 


392 FABRE, 

cristal. Quelques jours après l’éclosion, 1] commence à montrer 
de fines poncinations blanches qui gagnent rapidement en nom- 
bre ele volume, et finissent par ensevehir font Je corps, les deux 
où vois premiers segments exceptés. En ouvrant Ka larve, on 
reconnait que ces ponctuaiions sont une dépendance du tissu 
sbpeus dont elles forment tue Bone parties ear, bien loin 
d'êlre semées uniqiement à sa surface, elles pénétrent dans son 
épaisseur, et en si grand noinbre, qu'on ne peut, avec des pinces, 
saisir une parcelle de ce tissu sans en délacher quelques-unes. A 
l'aide d’une faible loupe, il est facile de constater la présence de 
deux sortes d’utricules dans la nappe adipeuse : les uns teintés de 
jaune et transparents, les autres opaques et d’un blanc amylacé. 
Observés au microscope, les premiers se montrent remplis de 
gouttelettes huileuses ; les seconds, d'une pulviscule à grains très 
fins, s’étalant en trainée nuageuse, lorsque, sur le porte-objet, 
l'utricule qui la contient vient à être rompu. Les granules ainsi 
épanchés sont opaques, amorphes, d'une finesse excessive, in- 
solubles dans l’eau et plus denses que ce liquide. L’essai des réac- 
tifs chimiques sur le porte-objet démontre encore que l'acide azo- 
tique les dissout très facilement avec effervescence et sans 
résidu, lors même qu'ils sont encore renfermés dans leur utricule. 
Comme dans cette réaction les parois utriculaires, et, d’une ma- 
nière générale, tout le lissu adipeux, excepté les corpuscules pro- 
blématiques en question, n’éprouvent aucune altération apprécia- 
ble, si ce n’est dans leur teinte, qui devient plus jaune, je me suis 
servi de l'acide azotique pour étudier plus en grand ces corpus- 
cules et pour en déterminer la nature. Ma manière de procéder 
est des plus simples; clle est même peu savante, grossière, 
si l’on veut, mais enfin hors de tout reproche au sujet de l'évi- 
dence. La larve étant ouverte sous l’eau, je détache par lambeaux 
le tissu adipeux, que je mets dans un verre de montre avec quel- 
ques gouttes d'acide azotique. La réaction est promple, ct souvent 
aussi vive que si l'on opérait sur un fragment de craie. Quand 
l'effervescence est apaisée, il flotte des grumeaux jaunes prove- 
pant du tissu adipcux non attaqué et facilement séparable du 
liquide. Celui-ci est limpide et faiblement teinté de jaune. J'hu- 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 399 


mecte une mêche de papier de ce liquide, et j'enduis avec cette 
sorte de pinceau l'intérieur d’une petite capsule de porcelaine. 
Celle-ci est alors mise sur les cendres chaudes jusqu’à ce que la 
température en soit insupportable au toucher. Il se développe 
bientôt, partout où la mèche de papier a été promenée, une 
superbe leinte rouge orangée que l’action de l’ammoniaque fait 
virer au carmin, et que l’eau dissout en se colorant en rose. Sa 
réaction est on ne peut plus nette : avec tel lambeau de tissu 
adipeux saisi en un seul coup de bruxelles, il est possible de tein- 
dre en rouge tout l'intérieur d’une capsule de 5 à 6 centimètres 
de diamètre. Tout physiologisie a reconnu dans cette belle réaction 
la caractéristique de l'acide urique, c’est-à-dire la formation de la 
murexide où purpurate d'ammoniaque. Ainsi la matière blanche 
d'aspect amylacé contenue dans une bonne moitié des cellules 
adipeuses de la larve du Sphex est de l'acide urique, ou plutôt un 
urale. 1 reste à déterminer l'espèce de cet urate. A cet éffet, j'ai 
attendu le moment où l’insecte parfait, récemment dépouillé de 
son enveloppe de nymphe, rejette dans le cocon, sous forme 
d’abondants crottins blancs, le sel urique dont le tissu adipeux, 
grâce à la translucidité des téguments, se montre encore tout 
constellé. La matière à étudier se trouve de la sorte aussi parfai- 
tement que possible débarrassée de tout corps étranger. Or, en 
broyant ces crottins avec de la chaux vive ou de la potasse causti- 
que, on obtient des émanations d'ammoniaque. Ces crottins, et par 
suite la matière blanche de la nappe adipeuse, sont donc de l’urate 
ammoniacal. On à fait à ce procédé, après l'avoir dénaturé, un 
tout pelit reproche : celui de ne rien valoir. Sa simplicité serait- 
elle un vice aux yeux de quelques-uns? Pour moi, peu enthou- 
siasle des procédés par trop transcendants, j'appelle sel d'ammo- 
niaque celui qui, au contact de la chaux vive, produit des 
émanations ammoniacales. Ainsi me l'ont enseigné mes maitres, 
les livres et l'observation. Aurait-on changé tout cela ? 

IL est donc de pleine évidence pour tout esprit non prévenu que 
ces myriades de modules blanes, que j'ai le premier signalés dans 
le tissu adipeux de certaines larves, sont formés, au moins en 
grande partie, par de lurate d’ammoniaque. Y aurait-il avec cet 

4° série. Zooz. T. XIX, (Cahier n° 6.) 3 23 


354 ___ FABRE. 
urate d’autres sels congénères? Je l’ignore, et n’ai rien fait pour 
m'en assurer, car là n’est pas la question. Le fait capital, celui sur 
lequel doit se porter toute l’attention, c’est celui de la présence de 
l'acide urique en quantité énorme dans une bonne partie des cel- 
lules adipeuses, sous quelque forme saline qu'il soit engagé (1). 
Mais, pourra-t-on objecter, le fait que vous signalez est une 
exception, le résultat d’un état morbide, ou pour le moins 
le résultat de ce profond travail de remaniement qui caracté- 
rise la nymphose, et pendant lequel les fonctions vitales peu- 
vent bien avoir leurs aberrations. Eh bien! non; ce n’est pas 
une exception, ce n’est pas un éfal morbide, ce n’est pas un effet 
de la nymphose. J'ai trouvé le tissu adipeux gorgé de granula- 
tions uriques dans toutes les larves des Hyménontères fouisseurs 
que j'ai pu observer. Je les ai trouvées, à des degrés divers 
d'abondance, dans les larves des Sphex, dans celles des Ammo- 
philex, des Bembex, des Stizes, des Pélopées, des Scolies, des 
Cerceris, des Palares, des Pompiles, ete. Je les ai trouvées encore 
dans les larves carnassières des Guêpes et des Frelons. Je les ai 
trouvées dans les larves des parasites qui s’attaquent à une proie : 
dans celles des Chrysidiens, en particulier dans celle du Parnopes 
carnea, parasite des Bembex; dans celles des Ichneumoniens, 
et spécialement dans celle du Cryptus sedentorius, parasite 
des Pélopées; dans celles enfin des Chalcidiens rongeant les 
entrailles de la chrysalide du grand Paon. Ces exemples suf- 
fisent pour établir qu'il n'est pas question ici d’un cas exception- 
nel, mais bien d’une loi commune à toute une série nombreuse 
d’Insectes dont les larves vivent de proie, d'autant plus que la 
plupart de ces genres sont représentés dans nos contrées par 
diverses espèces que j'ai pu examiner. Tel est le genre du Sphex 
représenté par trois espèces ; celui des Ammophiles, par quatre; 
celui des Bembex, par six, etc. 

Ce n’est pas davantage un état morbide; car, parmi toutes les 
larves que j'ai examinées, et le nombre en est pas mal grand, un 
état différent ne s'est jamais montré. Ce n’est pas enfin un résul- 


(1) Dorénavant, pour abréger, je me servirai de l'expression simple d'acide 
urique. 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES, 299 


tat du travail de la nymphose, car les larves dont je parle sont 
dans celte période d’appétit frénétique qui, dans moins de deux 
semaines, leur fait dévorer leur copieuse ration. J'ai élevé ab ovo 
bon nombre de ces larves, en m’emparant du contenu du terrier 
immédiatement après la ponte, et j'ai toujours vu les ponctuations 
uriques se dessiner chez mes nourrissons dès les premiers jours, 
comme je lai dit pour le Sphex. Je les ai invariablement vues 
dans ‘les larves exhumées en fouillant le sol, tantôt toutes jeunes, 
tantôt plus ou moins développées, mais pleines d'activité au milieu 
des victuailles. Plus tard, quand les provisions sont épuisées, la 
larve rejette, une fois pour toutes, un résidu stercoral ; le ventri- 
cule chylifique se vide, et les ponctuations uriques n'étant plus 
masquées par la couleur sombre de la pulpe alimentaire, se mon- 
trent avec plus de netteté que jamais à travers la peau de l’animal. 
Pendant tout l'hiver, la larve incluse dans le cocon apparaît donc 
toute ligrée de ponctuations blanches dont le nombre doit évidem- 
ment augmenter pendant cette longue période de torpeur. Il ré- 
sulte de tout ceci que chez les larves carnassières des Hyméno- 
ptères, l'acide urique se montre peu après l’éclosion dans les 
cellules adipeuses, et augmente sans cesse, non comme un pro- 
duit accidentel, mais bien comme un produit normal, régulier, 
conforme aux lois de l'organisme. 

Examinons maintenant en quel état se montrent les tubes de 
Malpighi dans les larves dont le tissu adipeux est gorgé de granu- 
lations uriques. La victime est encore morte sous l’eau, 1] ne faut 
pas aller chercher des difficultés où elles n'existent pas. On peut 
bien dire que l’endosmose fait disparaitre le contenu de ces tubes, 
le dissout, le dénature, que sais-je enfin? mais je soutiens que la 
matière qne je recherche n’a rien à craindre de cette endosmose, 
qu'elle est solide, inaltérable par l’eau, et d’un blane si tranché, 
Si opaque, que la moindre parcelle en est parfaitement visible, 
avec la loupe au besoin. La seule précaution à prendre, e’est de ne 
pas opérer avec trop de lenteur pour que le contenu solide, quand 
il y en a un, ne s'écoule pas dans l'intestin, ou bien par l'orifice 
des tubes accidentellement tronqués. Que si des doutes restent 
encore sur l'exactitude de ma manière de faire, j'ajouterai qu’en 


996 FABRE. 
ouvrant la larve à l'air, je n’ai rien vu de plus qu'en s’ouvrant 
sous l’eau; et, ce qui vaut mieux que tous ces éventrements, j'a- 
jouterai qu'il suffit, à la rigueur, d'observer la larve intacte et 
pleine de vie pour reconnaitre si les tubes de Malpighi contien- 
nent ou non la matière blanche trouvée dans les cellules adipeuses. 
La transparence de la peau s’y prête parfois très bien. Eh bien l 
ces diverses méthodes d'observation ne m'ont jamais rendu 
témoin de la présence de l'acide urique dans les vaisseaux de Mal- 
pighi; je n'ai jamais vu dans ces tubes rien qui rappelât la matière 
blanche, l’urate enfin, dont les cellules adipeuses sont remplies 
pour la plupart. 

Tel est le résultat que m'ont fourni les larves des fouisseurs. 
J'aurai à citer tout à l'heure des résultats inverses. Enfin, ces 
mêmes vaisseaux, soumis isolés à l’action de l’acide azotique, n'ont 
pas fourni la plus simple trace de purpurate d'ammoniaque. Ne 
perdons pas de vue que les recherches actuelles portent sur une 
substance on ne peut plus facile à reconnaître, tant à la vue simple 
qu’à l'inspection chimique, et l’on m’accordera sans peine qu'a- 
près ce double résultat négatif, il m'est permis d'avancer que les 
tubes liligieux ne peuvent, au point de vue de la présence de 
l'acide urique, supporter la moindre comparaison avec le tissu 
adipeux. I ne s’agit pas en effet d’une inspection microscopique, 
source inépuisable d'illusions; il ne s’agit pas d’analyser le fin du 
fin, et de rechercher l'organisation ultime de l'atome, mais bien 
de constater la présence ou l'absence d’une matière dont la moin- 
dre parcelle ne peut échapper à l'œil armé d’une loupe, et encore 
moins aux réactifs. Or, d’une part, cette matière se montre dans le 
issu adipeux en prodigieuse quantité, capable de donner assez de 
murexide pour teindre en rose un verre d’eau; et d'autre part, dans 
les tubes malpighiens, je ne peux en trouver une simple parcelle. 

Quel est alors, dans les larves des Sphex et autres fouisseurs, 
le rôle de ces tubes? Ils ont actuellement, on ne peut en douter, 
une fonction à remplir? Seraient-ils des vaisseaux biliaires? Et 
pourquoi pas. Mais j'avoue immédiatement que leur rôle fonda- 
mental, quel qu'il soit, n’est pas tellement exclusif, qu'ils ne puis: 
sent en même temps servir de réceptacles maintenant, et plus 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 907 
tard de canaux vecteurs aux produits urinaires. J'ai, à l'appui de 
cette manière de voir, deux magnifiques exemples qui feraient 
tressaillir d’aise les partisans exclusifs de la fonction urinaire de ces 
animaux. Ils me sont fournis par des Euméniens, Hyménoptères 
dont les larves vivent de proies comme les précédentes. 

Pour loger sa progéniture, l’£Eumenes Amadei construit une 
sorte de coupole d'argile et de sable dont j'ai fait connaître ailleurs 
la disposition. En m’emparant de ce nid élégant au moment où la 
mère bouche avec du mortier l'espèce de cheminée qui le sur- 
monte, j'ai pu suivre l’évolution des larves à partir de l’œuf. Peu 
de temps après l’éclosion, la larve est d’un beau vert-émeraude, 
comme la pulpe des chenilles dont elle se nourrit. La transparence 
de la peau permet de constater que le tissu adipeux est dépourvu 
de ces granulations blanches qui se montrent dans les larves du 
plus grand nombre des fouisseurs. Elle permet en outre de sui- 
vre, dans leurs plis et replis, des tubes déliés, d’un beau blanc 
mat, qui tranchent fortement, comme des filets crétacés, sur le 
fond vert clair de l'animal. Avec l’âge, ces apparences ne se pro- 
noncent que mieux. Si nous ouvrons la larve arrivée à son plein 
développement, nous trouvons un tissu adipeux très peu fourni, 
hyalin, sans ponctuations uriques, ne donnant pas dans l’eau de 
traînée nuageuse quand les sachets en sont rompus avec une 
aiguille, et ne produisant avec l'acide azotique aucune cffer- 
vescence. Par contre, les vaisseaux de Malpighi, au nombre de 
quatre, sont remplis d’une abondante pulpe d’un blanc de craie, 
formée d’urate ammoniacal. Ces vaisseaux sont ceux qu'on voyait 
serpenter avant l’autopsie sous les téguments franslucides de la 
bêle. Une Odynère (Odynerus spinipes), dont j'ai également suivi 
l’évolution à partir de l'œuf, m'a rendu témoin des mêmes faits : 
absence de l'acide urique dans les cellules adipeuses ; vaisseaux 
de Malpighi entièrement pleins d’urate ammoniacal, et très visi- 
bles, par suite de leur aspect crélacé, à travers la peau de l’animal 
vivant. Je le disais tout à l’heure : un luxe de minutieuse précau- 
tions est inutile lorsqu'on se propose de rechercher les produits 
urinaires dans les tubes de Malpighi. Voici de ces tubes qui en 
contiennent, et ils peuvent séjourner impunément dans l’eau assez 


398 FABRE. 


longtemps sans que leur contenu se dissipe ; de plus, ils en ren- 
ferment tellement, qu'à la simple vue et sans ouvrir la larve, on 
les reconnaît à leur blancheur de craie. Les Euméniens nous pré- 
sentent donc tout l'opposé des faits constatés chez les Sphé- 
giens, etc. Chez ces derniers, les vaisseaux de Malpighi ne renfer- 
ment pas de l'acide urique, mais le tissu adipeux en est encombré; 
chez les autres, les vaisseaux de Malpighi en sont pleins et le tissu 
adipeux n’en contient pas de trace. S'il faut absolument donner 
le nom d’organe urinaire à tout appareil où la présence de l'acide 
urique est incontestable, on ne peut s'empêcher, dans le cas des 
larves d'Euméniens, de donner cette appellation aux tubes de 
Malpighi, comme nous le donnerons, avec non moins de raison, 
au tissu adipeux des fouisseurs en général. Nous cherchions un 
appareil urinaire, et nous en trouvons deux. Mais attendons 
encore : avec cette élasticité d'appréciation, nous allons en trou- 
ver bientôt un troisième dans le ventricnle chylifique, et même un 
quatrième dans les taches pigmentaires de quelques espèces; et 
alors, embarrassés de tant de richesses, conviendrons-nous peut- 
être que le tissu adipeux mérite seul cette qualification. 

Voici en effet que la larve de l’'£umenes Amedei, pendant la 
période d'alimentation, nous soumet un étrange problème. Son 
ventricule chylifique est rempli d’une pulpe alimentaire verte qui 
donne sa couleur à l’animal. Elle est tellement abondante, que le 
tube digestif, à l'exception de l’ampoule intestinale qui est vide, 
est distendu jusqu’à crever, et éclate en effet quelquelois, l’en- 
dosmose aidant. En observant sous l’eau une traînée de cette 
pulpe, on lui trouve quelque chose de cendré, de nuageux, qui 
met aussitôt l'esprit en éveil quand on a quelque expérience dans 
ce genre d'observations. Dans la pulpe alimentaire il doit y avoir 
de l'acide urique. Je vide en effet le ventricule chylifique dans un 
verre de montre, et je verse sur a pulpe isolée quelques gouttes 
d'acide azotique. Elle se coagule à l'instant, et le caillot formé 
produit une effervescence aussi vive, aussi rapide que celle de la 
craie. Enfin il y a production de purpurate d'ammoniaque en opé- 
‘rant comme je l'ai dit plus haut. Avec les trois larves que j'avais 
pour cette curieuse expérience, le résullat n’a pas varié, Donc le 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 399 


ventricule chylifique, outre la pulpe alimentaire proprement dite, 
contient, et en abondance; de l'acide urique. Les faits sont inexo- 
rables, et tout paradoxal que puisse paraitre celui-ct, il n°y a pas à 
reculer : le ventricule chylifique tout à Ja fois digère les aliments 
et sert de réceptacle aux produits urinaires. De nouveaux exemples 
viendront s’adjoindre bientôt à ce premier et lui donner encore 
plus d'importance. 

Examinons, pour le moment, si les produits urinaires, renfer- 
més pêle-mêle avec la pulpe alimentaire dans le ventricule chyli- 
fique, sont amenés là par le gibier même dont la larve se nourrit, 
ou bien par les vaisseaux de Malpighi qui en sont pleins. La pre- 
mière supposition est inadmissible. Les larves d'Eumène se nour- 
rissant de pelites chenilles qui ne renferment pas de l’acide urique 
sensible aux réactifs, ce dont je me suis assuré, il est impossible 
que, par le fait même de l'alimentation, il s'introduise dans le 
ventricule chylifique une dose si considérable de cet acide. La 
seconde supposilion mérite d’être discutée. Il pourrait se faire 
que les vaisseaux de Malpighi étant insuffisants pour contenir 
tous les matériaux de la sécrétion urinaire, le trop-plein en füt 
graduellement déversé, en forçant la valvule pylorique, dans le 
ventricule chylifique comme dans un réservoir provisoire. Pour 
combattre celte manière de voir, on pourrait bien objecter qu’il 
est difficile de comprendre comment, dans le ventricule chylifique 
bourré d'aliments, il s'opère cependant un mélange intime 
d'acide urique et de pulpe alimentaire, quand le premier ne peut 
affluer que par la valvule inférieure de ce ventricule cédant à un 
mouvement rétrograde. On pourrait objeeter encore que, lorsque le 
contenu des tubes malpighiens se déverse réellement dans le canal 
digestif, phénomène qu'il n’est pas rare de constater, c’est dans 
l'intestin, et non dans le ventricule, qu’a lieu l’afflux de lacide 
urique. Mais disons tout d’abord, pour couper court aux discus- 
sions, que l'intestin où débouchent les canaux de Malpighi et le 
ventricule chylifique ne communiquent pas pour le moment entre 
eux. Ceci sera démontré un peu plus loin, Il est donc bien établi 
que, chez les larves d'Eumène, le ventricule chylifique contient 
de l'acide urique aux mêmes titres que les vaisseaux de Malpighi. 


360 FABRE. 


Il ne l’a pas reçu de ces derniers, il s’est done comporté comme 
ces tubes mêmes et l’a puisé dans le voisinage, apparemment dans 
le tissu adipeux qui, par exception, n’en contient pas, mais devrait 
en contenir, d’après la loi générale des larves carnassières, si des 
réceplacles provisoires ne l'en débarrassaient à mesure qu'il s’y 
forme. A qui me parlera des tubes de Malpighi comme organes 
urinaires, je suis en droit d’opposer désormais le ventricule des 
Euméñniens. 

Mais cherchons de nouveaux exemples de l'étrange contenu de 
l'appareil digestif, pendant la période active de la larve, Le Fre- 
lon (Vespa crabro) m'en fournit un assez remarquable. Dans les 
larves de cette espèce, le contenu du ventricule consiste en une 
bouillie couleur lie de vin où se montrent de nombreuses particules 
noires, débris des téguments d’Insectes diptères dont ces larves 
sont alimentées à la becquée. Par l’action de l'acide azotique, ce 
contenu fait une vive effervescence. Le liquide devient fortement 
écumeux et cesse de pouvoir couler. Enfin la chaleur développe, 
avec le produit obtenu, la couleur rouge caractéristique de l’acide 
urique. L'expérience répétée avec des larves de la même espèce 
me donne tantôt le résultat que je viens de faire connaitre, et 
tantôt ne me fournit que des traces de murexide, ou même ne 
m'en fournit pas du tout. Par conséquent, chez les larves des 
Frelons, le ventricule chylifique contient à des doses variables de 
l'acide urique, et peut même parfois ne pas en contenir; preuve 
évidente que cet acide n’est pas apporté dans le ventricule par les 
aliments mêmes, car alors cet organe en contiendrait toujours. 
Quant au tissu adipeux, il possède toujours des granulations blan- 
ches d'acide urique, mais en médiocre quantité. Les vaisseaux 
de Malpighi renferment aussi parfois quelques parcelles de cette 
substance. Chez les larves des Guêpes, j'ai trouvé le tissu adipeux 
gorgé de granulations uriques. J'ai vu le même produit dans les 
vaisseaux malpighiens, mais je ne l'ai pas trouvé dans la bouillie 
ventriculaire. Chez les larves du Spheæ occitanica venant d'ache- 
ver leurs provisions, la pulpe ventriculaire produit une vive elfer- 
vescence et donne abondamment du purpurate d’ammoniaque. 
Mais comme les Ephippigères dont ces larves se nourrissent ren- 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 361 


ferment elles-mêmes de l'acide urique, et souvent en grande 
quantité, je ne peux rien déduire de positif de celle observalion. 
En résumé, pendant la période active, le ventricule chylifique ne 
sert, d’une manière bien authentique, de réceptacle aux produits 
urinaires que chez les larves des Euméniens, dont le lissu adipeux 
est peu développé et dépourvu de granulations uriques, et parfois 
chez celles des Frelons, dont le même tissu est assez pauvre en 
pareilles granulations. 

Avant de poursuivre mon sujet, il convient d'exposer les mo- 
tifs qui me portent à étudier en première ligne la physiologie des 
larves carnassières des Hyménoptères, et me font insister sur les 
remarquables particularités qu'elles présentent. La science est re- 
devable à MM. Prévost et Dumas d’une expérience mémorable 
servant à constater, dans le sang des animaux supérieurs, la pré- 
sence de l’urée. Avant l’ablation des reins, l'urée, éliminée par 
ces organes à mesure qu'elle se produit, ne se trouve qu’en fort 
mince quantité dans le sang, et échappe à l'analyse chimique qui 
la recherche dans ce liquide. Mais lorsque les reins manquent, 
elle s’accumule dans le sang à un point suffisant pour que sa pré- 
sence y soit alors facile à constater. Les larves des Hyménoptères 
se prêtent admirablement bien à un genre d’expérimentalion qui 
a quelque analogie avec celui de MM. Prévost et Dumas. Chez 
elles, aucune excrétion solide n’est rejetée, jusqu'au moment de 
s’enfermer dans le cocon. Ce n’est pas à dire que le tube digestif 
soit terminé en cul-de-sac, comme l’ont avancé quelques auteurs, 
et soit dépourvu d'intestin stercoral. Dans toules les larves d'Hy- 
ménopières que j'ai soumises au scalpel, j'ai trouvé un intestin 
tantôt cylindrique, tantôt ampullaire. Mais, quelle qu'en soit la 
forme, cet intestin est toujours vide, ou plus exactement il ne ren- 
ferme aucune parcelle solide pouvant lui venir des tubes de Mal- 
pighi, quand ils contiennent de l'acide urique, ou bien du ventri- 
cule chylifique. Il doit cependant communiquer au dehors, ear 
j'ai vu souvent diverses larves élevées en captivité exsuder par 
l'extrémité anale une gouttelette d’un liquide limpide, ambré, 
rigoureusement dépourvu de toute particule solide. La communi- 
cation de l'intestin avec le ventricule est interceptée d’une manière 


962 [FABRE. 


permanente, soit par suite d’une contraction continue du sphincter 
pylorique, soit peut-être pour le motif suivant. Lorsqu'on ouvre 
sous l’eau une larve carnassière d'Hyménoptère, au moment où 
le ventricule chylifique est gonflé d'aliments, il n’est pas rare de 
voir la tunique du ventricule se distendre par l'effet de l’en- 
dosmose, et se fendre dans le sens de sa longueur. On s'attend 
alors à voir la pâte nutritive s'écouler et diffluer en tous sens. 
Rien de pareil n’a lieu : la bouillie alimentaire conserve sa forme 
cylindrique et n’éprouve aucune diffluence. Avec un peu d’atten- 
on, on reconnait que cette bouillie est renfermée dans une 
espèce de sac à parois excessivement fines et transparentes, Ce sac 
épithélial n’a aucune adhérence avec la paroi du ventrieule, et 
s'isole spontanément de cette dernière, déchirée par l'effet de l’en- 
dosmose. Il est exactement fermé en arrière, ce qui interdirait 
toute communication entre le ventricule et l'intestin, lors même 
que la valvule pylorique ne serait pas contractée ; mais il se pro- 
longe en avant en un canal étroit longeant dans l’œsophage. A 
l'époque du tissage du cocon, la frèle pellicule doit crever en 
arrière, et la larve, en une fois pour toutes, vide son canal diges- 
üf. Enfin quels que soient les motifs connus où inconnus qui 
occasionnent celte manière d'être exceptionnelle, toujours est-il 
qu'aucune matière solide, de quelque nature qu’elle soit, n’est 
évacuée par la larve jusqu’à l’époque du tissage du cocon. Il est 
clair qu'avec cette organisation qui s'oppose à l'expulsion de 
toute matière solide, les larves des Hyménoptères sont éminem- 
ment favorables à la solution du problème qui m'occupe. Les 
matériaux urinaires, sans cesse formés par le travail vital, ne 
pouvant s’écouler à mesure qu'ils se produisent, s'accumulent 
dans les organes chargés deles élaborer, et finissent par s’y trou- 
ver en quantité suffisante pour être on ne pent plus faciles à con- 
stater. Dans les larves des autres Insectes, au contraire, les excré- 
tions urinaires étant évacuées à mesure qu'elles se forment, ce 
n’est qu'avec difficulté qu’on en trouve des traces dans certains 
organes. En adoptant ma manière d'opérer, on a l'immense 
avantage de ne pas être à l'affût de quelque particule plus ou 
moins douteuse; de ne pas pâlir sur un microscope souvent 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 363 


trompeur ; d'observer enfin des faits tellement évidents, que l’ima- 
gination n’a plus de prise sur eux, chose toujours bonne pour se 
former uve sérieuse conviction, En ces deux genres de recher- 
ches, il y a la même différence que dans les recherches de l’urée 
dans le sang, suivant que l'animal est intact ou privé de reins. 
Tels sont les motifs qui, dans celte étude, me font accorder la pré- 
férence aux larves des Hyménoptères. 

Jusqu'ici j'ai laissé parler les faits, cherchons maintenant à 
les interpréter. L'examen des larves à régime animal des Hymé- 
noptères nous apprend que, pendant la période active, tantôt 
l'acide urique, et c’est le cas de beaucoup le plus général, appa- 
rait en quantité énorme dans le tissu adipeux, tandis que les vais- 
seaux de Malpighi n’en contiennent point; que tantôt, au con- 
traire, le tissu adipeux en étant dépourvu, le ventricule chylifique 
et les vaisseaux malpighiens en sont encombrés ; que tantôt enfin 
on en trouve dans les trois organes simultanément, ou pour le 
moins dans le tissu adipeux et les tubes malpighiens. Quel est le 
rôle de chacun de ces trois organes relativement à l'acide urique ? 
Et d’abord les trois organes se comporteraient-ils d’une manière 
similaire, seraient-ils employés indistinctement à extraire du fluide 
nourricier ambiant le résidu des mutations vitales, l'acide urique 
enfin? A priori, ce n'est guère probable, Rien n'autorise à croire 
que les fonclions dévolues'à un organe puissent être remplies par 
un autre, quand le premier ne manque pas. Il doit y avoir ici 
deux sortes de fonctions : l’une propre au tissu adipeux, l’autre 
propre au tube digeslif et à ses dépendances, les vaisseaux de 
Malpighi. Avant de conclure cependant, consullons l'expérience, 
autant que faire se peut : si les trois organes puisent dans le sang 
l’acide urique qu'ils renferment, ce liquide doit en contenir lui- 
même, J'ai soumis à l’action de l'acide azotique le sang extrait des 
larves des fouisseurs, et, ce qui est plus facile, celui des chrysa- 
lides de Lépidoptères, au moment où le tissu adipeux de ces der- 
nières devient chaque jour plus riche en acide urique, ainsi qu’on 
le verra plus loin. Dans l’un comme dans l’autre cas, il S’est 
formé un caillot d’albumine, et c’est tout : il m’a été impossible 
d'obtenir la plus simple trace de murexide. Done, si l'acide uri- 


36/4 FABRE. 


que existe en effet dans le sang, il n’y en a pas en quantité 
sensible aux réactifs, et surtout suffisante pour rendre compte de 
l'énorme quantité de cette substance contenue en particulier dans 
le tissu adipeux. Ce résultat n’entraînera pas la conviction de tous, 
et l’on objectera que l’acide urique, en ne préexistant à un 
moment donné dans le sang qu’en proportion insensible aux 
réactifs, pourrait cependant, par la continuité du travail organique, 
s’accumuler à la longue en quantité considérable dans les appa- 
reils éliminateurs. J'accepte l’objection, mais alors je reviens à ma 
première argumentation. On ne peut admeltre qu'une même 
fonction soit remplie indistinctement par des organes divers 
existant à la fois. Or, le seul rôle qu’on puisse faire jouer au ven- 
tricule chylifique en ces circonstances, c’est celui de servir pro- 
visoirement de réceptacle aux résidus uriques après les avoir 
reçus d’un organe voisin, ou du sang lui-même, si l’on veut; car 
nul ne s'avisera évidemment de faire élaborer l’acide urique dans 
la cavité ventriculaire même. La même fonction ne pouvant être 
attribuée au tissu adipeux, à moins d'admettre l’inadmissible, le 
partage d’un même travail physiologique par des organes qui 
n’ont rien de similaire entre eux, il ne reste plus qu'à reconnaître 
que ce tissu adipeux est chargé de la sécrétion même de l’acide 
urique. J'entends ici par sécrétion, non le passage direct de l’acide 
urique qui pourrait préexister dans le sang, à travers la trame des 
cellules adipeuses, mais bien l’élaboration de ce principe dans les 
cellules elles-mêmes, aux dépens de quelques substances que le 
sang y amène pour une ultime oxydation. Qui nous dira en effet si 
ce n’est pas dans le réseau cellulaire de ce tissu que s’effectue 
l’épuration du sang, et l'oxydation dernière des matériaux rejetés 
de l’organisme? Les innombrables ramuscules trachéens qui plon- 
gent dans cet organe, en l'absence d’autres motifs, le feraient 
tout d’abord soupçonner. J'insiste encore sur ce point : refusez au 
tissu adipeux la fonction que je lui attribue, accordez-lui simple- 
ment le rôle d’un filtre qui tamise le sang pour en extraire les 
produits urinaires, et immédiatement, contraints par les faits d’ac- 
corder le même rôle au ventricule et aux tubes malpighiens, vous 
arrivez à une multiplicité inadmissible d'organes tout différents 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 265 


pour un même travail. À mon avis done, l'acide urique se forme 
sur place dans la trame cellulaire du tissu adipeux. Il est bien 
entendu qu’en admettant cette manière de voir, je ne conteste 
nullement à cet organe la fonction qu’on lui a depuis longtemps 
reconnue : celle de servir de réservoir aux matériaux plastiques 
amassés par la larve pour les besoins futurs de la nymphose. 

Quel nom donnerons-nous à cet organe où l'acide urique se 
forme pour ainsi dire à vue d'œil et s'accumule en quantité parfois 
prodigieuse ? L'appellerons-nous un rein? Je sais bien qu’on s’ac- 
corde généralement en ce point que, chez les animaux supérieurs, 
les reins ne forment pas l’urée, mais la retirent du sang où elle 
préexiste. Chez les animaux inférieurs, les appareils urinaires se 
comportent-ils ainsi? ne prennent-ils jamais part à l'élaboration 
même des produits excrétés? Si la physiologie s'occupait pour la 
première fois de cet organe et y constatait la prodigieuse quan- 
tité d'acide urique que j'y trouve, hésiterait-elle à l'appeler un 
appareil urinaire, quand elle n'a d’autre critérium, pour appliquer 
cette dénomination dans les espèces inférieures, que la présence 
de l’acide urique? Servons-nous done de cette expression, faute 
d’une meilleure. 

Le tissu adipeux est, disons-nous, un organe urinaire, c’est-à-dire 
un organe où le sang s’épure par la formation sur place de l'acide 
urique aux dépens des matières dont il doit être débarrassé. 
Lorsque ce tissu est fort abondant, comme dans la presque totalité 
des larves carnassières d'Hyménoptères, les produits urinaires 
formés restent emmagasinés dans la trame même de l'organe 
sécréteur ; et alors apparaissent les ponctuations uriques dont ce 
tissu est tout constellé. Dans ce cas, les vaisseaux de Malpighi et 
le ventricule chylifique ne contiennent pas d’acide urique. Mais 
quand, au contraire, il est d’une certaine exiguïté, comme chez 
les Euméniens, ce tissu se montre dépourvu d'acide urique, 
tandis que le ventricule chylifique et les tubes malpighiens en re- 
gorgent. L’exception en physiologie n'étant que la loi dissimulée, 
cela veut dire, ce me semble, que la fonction urinaire du tissu 
adipeux, loin d’être en défaut chez les Euméniens, comme les 
premières apparences tendraient à le faire croire, s'effectue 


366 FABRE, 


comme chez les Sphégiens; seulement les produits, au lieu de 
s’accumuler dans l'organe sécréteur trop exigu, sont évacués à 
mesure qu'ils se forment et tenus en dépôt dans les organes voi- 
sins, ventricule chylifique et vaisseaux de Malpighi, jusqu'à ce 
que l'animal puisse s’en débarrasser. Parfois encore le tissu 
adipeux, tout en restant ligré de ponctuations uriques, laisse 
transvaser une portion de ses produits, soit dans le ventricule ct 
les vaisseaux malpighiens à la fois, soit dans ces derniers seule- 
ment, comme chez les Guêpiens. Ainsi dans lous les cas, quelles 
que soient les apparences, l'acide urique est sécrété par la trame 
adipeuse, mais tantôt cet acide séjourne dans la cellule où il s’est 
produit, tantôt il est évacué dans le ventricule et les tubes malpi- 
chiens. Comment s'effectue ce transvasement du contenu urique 
des cellules adipeuses dans le canal digestif et dans les cæcums 
qui en dépendent ? Est-ce par une dissolution préalable de la ma- 
tière, ou bien les corpuscules infiniment délicats dont ces pro- 
duits urinaires se composent passent-ils directement d’un organe 
dans l’autre? Je l’ignore et désespère de jamais le savoir. Tout ce 
que je peux dire, c’est que ce transvasement est hors de doute, 
d’après l’ensemble de mes observations. 

Laissons ces questions insolubles, el revenons encore un in- 
stant sur les larves des Euméniens. Chez elles, ai-je dit, les tubes 
malpighiens et le ventrieule chylifique contiennent très abondam- 
ment des produits urinaires, qui, sans aucun doute, ont été sécré- 
tés par le tissu adipeux, malgré son défaut de ponctuations uri- 
ques. Comme l'intestin, ainsi que je l'ai établi, n’a pas pour le 
moment de communication avec le ventricule chylifique, il est 
clair que lecontenu urinaire de ce dernier ne peut venir des tubes 
de Malpighi. Par conséquent, ces différents organes renferment de 
l'acide urique aux mêmes litres. Ils l’ont reçu également du tissu 
adipeux ; ils servent à l'emmagasiner provisoirement ; ils lui ser- 
viront plus tard de canaux vecteurs pour l’amener au dehors, 
pour l’excréler. Je ne vois done pas un appareil exelusif d’exeré- 
tion urinaire dans les vaisseaux malpighiens, malgré la bouillie 
urique qu'ils renferment, parce que Je devrais en faire autant au 
sujet du ventricule chylifique. Que ce dernier, tout en remplissant 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 367 


une fonction dominante, la digestion des aliments, serve aussi de 
réceptacle et de canal vecteur aux produits urinaires, rien de 
plus naturel, quand on sait qu'après l’ablation des reins, l’excré- 
tion urinaire s'établit par le tube intestinal chez les animaux supé- 
rieurs. Les tubes de Malpighi doivent donc avoir à leur tour une 
fonction dominante spéciale, puisque celle qu’ils remplissent en ce 
moment est partagée avec un autre organe plus important, et rien 
n'empêche dès lors de voir en eux des organes biliaires, ainsi que 
le veulent beaucoup de physiologistes. A leur refuser une fonction 
spéciale, il faut la refuser aussi au ventricule chylifique, et dire de 
ce dernier qu’il est étranger à la digestion. Pour être trop exclusif, 
on tombe dans l'absurde. Répétons-le encore une fois : l'acide 
urique est sécrété par le tissu adipeux; le ventricule chylifique, et 
les vaisseaux de Malpighi lui servent indistinctement de récepta- 
cles temporaires, ou de eanaux vecteurs, pour l’amener an dehors. 
Si ces propositions sont l'expression de la vérité, les faits qu’il me 
reste à exposer doivent y trouver leur interprétation simple, natu- 
relle. C’est ce que nous allons examiner. 


S IL. — HYMÉNOPTÈRES. 


Larves à régime végétal et Insectes adultes. 


Les larves mellivores des Hyménoptères ne rejettent aucune 
excrétion solide, comme les précédentes; cependant je n'ai pas un 
seul exemple à citer chez elles de tissu adipeux tigré de ponctua- 
tions uriques. Qu’y a-t-il d'étonnant en cela? Le régime ne doit-il 
pas entrer en ligne de compte? Pouvons-nous nous attendre à 
retrouver infailliblement, dans des larves se nourrissant d’une 
pâtée végétale, les nodules uriques qui se montrent en si grand 
nombre dans les larves vivant de proie ? N'est-ce pas le contraire 
qui est le plus probable ? Eh bien! cette probabilité pourrait bien 
équivaloir à la certitude ; car, encore une fois, mes notes et mes 
souvenirs ne me disent rien sur la présence de ces ponctuations 
chez les larves mellivores. 

Même résultat pour les Tenthrédiniens, et en particulier pour 
les Cimbex et les Tenthrèdes. Dans cette catégorie d’Insectes, l’ap- 
pareil digestif de la larve fonctionne suivant les lois ordinaires, et 


268 FABRE, 


les excrétions solides sont rejetées à mesure qu’elles se produisent. 
Par conséquent, l'acide urique doit manquer dans le tissu adipeux, 
d'autant plus que le régime de la larve est végétal. Et en effet, il 
est impossible d’apercevoir un atome urique dans la magnifique 
nappe adipeuse des Cimbex et des Tenthrèdes. 

Maintenant un autre ordre d'idées commence. Nous reconnais- 
sons deux catégories de larves dont le tissu adipeux est, pendant 
la période active, dépourvu de granulations uriques; celle des 
Hyménoptères mellificiens et celle des Tenthrédiniens. Quand la 
pâtée de miel est achevée, les larves des Mellificiens vident leur 
cavité digestive et lombent dans une torpeur qui doit durer jus- 
qu'au printemps suivant. Également, les larves des Cimbex et des 
Tenthrèdes, arrivées à leur entier développement, se tissent un 
cocon et gardent dans ce gîte leur forme de larves jusqu’au retour 
de la belle saison. 11 y a donc, pour les deux catégories d’Insectes, 
un laps de temps considérable pendant Jequel la larve ne change 
pas d'apparence, et n’éprouve aucune métamorphose appréciable 
dans son organisation interne. Dans ces conditions d’une absti- 
nence rigoureuse, l'animal change en quelque sorte de régime : il 
devient carnivore, il se nourrit de lui-même; et alors, comme 
aucune excrétion n'est rejetée, les granulations uriques apparais- 
sent avec une étonnante profusion. Dans une larve de Cimbex 
marginala incluse dans le cocon depuis une semaine, les granula- 
tions uriques apparaissent déjà abondamment. Le lissu adipeux est 
formé de cellules ovoides disposées côte à côte en une seule 
nappe. Dans chaque cellule, je constate, à l’aide d’une loupe, un 
grand nombre de poncluations blanches, assez fines encore pour 
exiger un examen altentif. Ces ponclualions sont bien de l'acide 
urique, comme le prouvent les réactifs. Dans des larves plus 
vicilles, les ponctualions deviennent plus fortes et finissent par être 
visibles sans le secours de la loupe. Remarquons que ces ponctua- 
tions se montrent dans toutes les cellules adipeuses indistincte- 
ment, et non dans quelques-unes, comme chez les Fouisseurs. 
Remarquons encore que les vaisseaux de Malpighi sont vides ainsi 
que le ventricule chylifique. Dans la larve du C. latea, même ré- 
sultat; mais les ponctuations sont encore très fines. Dans une larve 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 569 


de Tenthrède prise en octobre sur les Scabieuses etextraite de son 
cocon au mois d'avril suivant, je trouve que chaque cellule adi- 
peuse renferme une douzaine environ de points d’un beau blanc 
mat. Le purpurate d’ammoniaque obtenu avec un lamibeau du 
tissu adipeux est d’une richesse extraordinaire. Quant aux larves 
des Mellificiens en état de torpeur bibernale, voici ce qu'elles 
présentent de remarquable. Le contenu du sac dermique consiste 
en une bouillie oléagineuse au milieu de laquelle {tranche nette- 
ment de nombreuses et fines granulations blanches d’acide uri- 
que. En délayant celte bouillie dans l'acide azotique, on est 
témoin d’une effervescence que, dans bien des cas, j’ai pu com- 
parer à celle de la craie. Dans les larves qui, pendant leur pé- 
riode d'activité, ont le lissu adipeux dépourvu de granulations 
uriques à cause de leur régime ou pour d’autres motifs, présentent 
en abondance les mêmes ponctuations pendant l’abstinence et la 
torpeur hibernales. 

Ce théorème souffre quelques exceptions dans sa généralité; 
car de même que les larves des Euméniens, pendant leur période 
active, ne contiennent de l'acide urique que dans le ventricule 
chylifique et les vaisseaux malpighiens, de même aussi quelques 
larves mellivores, dans l’état de torpeur hibernale, peuvent être 
dépourvues d'acide urique dans le tissu adipeux et en avoir le ven- 
trieule chylifique plein. Le Chalicodoma muraria me fournit un 
exemple de ce fait. Un nid de cette espèce examiné en avril ren- 
ferme à la fois des insectes parfaits et des larves, le tout prove- 
nant de l'éducation de l’année précédente. Le tissu adipeux des 
larves est formé d’assez gros sachets ovoïdes âchement unis entre 
eux. Ces sachets renferment des goutteletles huileuses et pas une 
ponctuation blanche. Il estimpossible d'obtenir dela masse adipeuse 
la moindre trace de murexide. Mais le ventricule chylifique est 
rempli d’une bouillie d’un blanc sale qui donne en très grande 
abondance de la murexide, après avoir fait avec l'acide azotique 
une effervescence subite. J'explique ce résultat comme celui que 
nous ont fourni les larves des Euméniens : l'acide urique a été 
sécrété par le tissu adipeux et transvasé dans le réceptacle ventri- 
culaire. Tôt ou tard ce transvasement s’effectue dans Ja série en- 


tière des insectes, sinon toujours dans le ventricule, au moins 
&° série, Zoou, T, XIX. (Cahier n° 6.) À 24 


370 à FABRE. 


dans les cæcums malpighiens. Ici il s’est effectué plus tôt, dans 
les larves des Euméniens plus tôt encore, et voilà tout. 

Dans cette question si controversée de la sécrétion urinaire 
chez les Insectes, je me suis attaché d’abord à choisir mes exem- 
ples de telle sorte que les aberrations occasionnées par le travail 
de la nymphose, s’il y en a toutefois, ne pussent être invoquées 
contre mon argumentation. Les larves vivant de proie des Hyÿmé- 
noptères fouisseurs sont incontestablement à l’abri de tout repro- 
che à ce sujet. Les larves à régime végétal, dans l’état de torpeur 
où elles tombent plus de la moitié d’une année avant l’époque des 
remaniements métamorphiques, me paraissent encore fournir des 
arguments qui ont bien leur valeur. Mais je passerai sous silence 
les nymphes, organisations en travail où il serait difficile de faire 
là part des organes en voie de rénovation, et je passerai immédia- 
tement à l'insecte parfait récemment dépouillé de ses langes de 
nymphe. Tout autorise à croire qu'à cette époque, le travail de Ja 
nymphose étant terminé et les organes parfaitement élaborés, ces 
derniers fonctionnent d’une manière normale. Or, pendant toute 
la durée de la nymphose, l’abstinence a été rigoureuse et les dé- 
jections nulles. Par conséquent l'animal, n’importe l’ordre auquel 
il appartient, n'importe son régime à l’état de larve, doit, dans les 
premiers jours de l’état parfait, contenir abondamment de l'acide 
urique, tout comme les larves des Hyménoptères fouisseurs. En 
procédant ainsi, nous retombons, pour toute la classe des Insectes 
indistinctement, dans les conditions favorables que présentent les 
larves des Fouisseurs, savoir : production de l'acide urique sous 
l'influence de l’abstinence qui équivaut au régime animal, accu- 
mulation de ce produit par suite du non-exercice des voies excré- 
menttielles. Je terminerai donc ce paragraphe en rapportant ce 
qui a trait aux Hyménoptères récemment arrivés à l’état parfait. 
Deux exemples suffiront : l’un pris parmi les Hyménoptères dont 
les larves ont un régime animal ; Pautre, parmi ceux dont les lar- 
ves ont un régime végétal. 

Le Cimbex marginata observé dans ces conditions me fournit 
les résultats suivants : 

Ventrieule chylifique très ample, entièrement plein d’une bouil- 
lie d’un blanc verdâtre, d'aspect crétacé, s’échappant en filets 


SÉCRÉTION URINAIRÉ CHÉZ LES INSECTES. 371 


huagueux quand on crève la paroi du ventricule avec la pointe 
d’une aiguille. Cette bouillie consiste en un fluide d’un vert sale, 
tenant en suspension des myriades de corpuscules blancs qui se 
résolvent sous le microscope en pulviscule amorphe, excessive- 
ment fine. Le contenu du ventricule se dissout presque sans résidu 
dans l’acide azotique. Le purpurate d’ammoniaque est magnifique 
et des plus abondants. En somme, le ventricule chylifique est 
plein, entièrement plein d’acide urique. Et les vaisseaux de Mal- 
pighi? Ils sont d’une transparence irréprochable, d'une diapha- 
néité désespérante pour certaines opinions; ils ne renferment pas 
un atome de la matière blanche dont le ventricule est rempli. 
Même diaphanéité, même vacuité dans le reste de l’appareïl di- 
gestif : œsophage, estomac de succion, intestin. Dans le même 
Cimbex, les cellules adipeuses contiennent encore beaucoup de 
ponetuations uriques, comme celles que la lañve nous a déjà pré- 
sentées. Elles disparaissent graduellement, évacuées par la voie 
du ventricule chylifique, et ne se montrent plus dans l’Insecte un 
peu plus vieux. 

A cet exemple joignons celui du Sphex. Je répète ici textuelle- 
ment ce que j'en ai déjà dit dans mon premier travail. « Grâce à 
la translucidité des téguments de la nymphe, on voit que le tissu 
adipeux considérablement réduit, mais aussi plus riche en granu- 
lations blanches, est relégué en entier dans l'intestin. Enfin la 
nymphe déchire sa fragile enveloppe, et apparaît l’Insecte parfait, 
l'abdomen toujours rempli des mêmes granulations. Quelques 
jours s’écoulent pendant lesquels, avant de sortir du cocon, l'Hy- 
ménoptère essaye ses forces, achève de revêtir sa livrée, êt se 
débarrasse, sous forme de erottins blancs, de l'acide urique qui 
encombrait jusqu'ici son organisation. À mesure que les déjec- 
tions se multiplient, on voit, par transparence, l'abdomen perdre 
graduellement ses ponctuations blanches internes ; et quand elles 
s'arrêtent, les ponctuations ont pour toujours disparu. L'époque 
de ces déjections est décisive si l’on veut prendre la nature sur le 
fait. Ouvrons alors l'abdomen d'un Sphex. Le tissu adipeux, tout 
parsemé de grains blanes d'acide urique, remplit à lui seul la 
majeure partie de la cavité abdominale. Le ventricule chylifique 
renferme uniquement et dans toute son étendue une cordelette 


372 FABRE. 


d’une matière blanche, qu’à l’aide des réactifs on reconnait de 
nature identique avec celle des granulations du corps adipeux et 
des crottins rejetés. L'intestin est tantôt vide et limpide, tantôt 
rempli de la même pulpe blanche. Par contre, les nombreux vais- 
seaux de Malpighi sont tous et toujours d’une limpidité parfaite, 
sans aucune trace de cette matière dont la couleur opaque permet 
de reconnaître si facilement la moindre parcelle. » Telle est ma 
première rédaction; je n'ai rien vu qui m'impose d'y faire des 
changements. Après avoir passé en revue une bonne partie des 
Hyménoptères fouisseurs de nos contrées, je leur applique ce que 
je viens de dire du Sphex. J'en fais autant pour quelques Melli- 
fères que j'ai observés dans les conditions favorables, et je résume 
ainsi l’ensemble de mes observations. Chez les Hyménoptères 
récemment parvenus à l'état parfait, le tissu adipeux pullule de 
granulations uriques. L’évacuation de ces produits urinaires s’ef- 
fectue par la voie du ventricule chylifique, auquel pourraient s’ad- 
joindre quelquefois peut-être les vaisseaux de Malpighi, mais 
comme simples canaux déférents. 


$ LIT. — ORTHOPTÈRES. 


Sauf quelques rares exceptions, désormais les Insectes dont il 
me reste à traiter n’offrent plus, ne peuvent plus offrir de l'acide 
urique en quantité abondante dans leur organisation de larves. Ces 
larves en effet obéissent à la loi commune, et dès leur naissance 
peuvent se débarrasser de leurs excrétions journalières. L’acide 
urique ne pouvant plus alors s'accumuler dans l’organisation, il 
est évident que les phénomènes remarquables constatés chez les 
larves des Fouisseurs ne doivent plus se renouveler ici. C’est ce 
que l'expérience confirme, quel que soit le régime de la larve. Les 
ponctualions urifères manquent dans la trame adipeuse, les tubes 
malpighiens sont diaphanes, sans contenu solide, et le ventricule 
chylifique ne renferme que de la pulpe alimentaire. Qu’à l’aide de 
minutieuses observations microscopiques, on puisse trouver dans 
les vaisseaux de Malpighi quelques traces de produits urinaires, 
c’est ce que je suis loin de nier. J’admets que le tissu adipeux en 
sécrète constamment, j’admets, par suite, que les vaisseaux de Mal- 
pighi et le ventricule chylifique le déversent au dehors à mesure 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 379 
qu'il se forme, mais je dis que, dans ces larves, on ne trouve pas 
dans les tubes malpighiens ces longues trainées de bouillie blan- 
che d’urate ammoniacal qu'il me faut à moi, méfiant. Pour me 
convaincre, je demande plas que la forme cristalline d’un atome 
douteux : il me faut du purpurate d’ammoniaque à colorer toute 
une capsule. C’est bien exigeant, mais c'est un moyen sûr. Il est 
done généralement inutile de rechercher de l’acide urique dans la 
trame adipeuse des larves actives autres que celles des Hymé- 
noptères fouisseurs. Pour trouver cet acide, il faut mettre à profit 
des circonstances favorables et examiner l’Insecte spécialement à 
l’époque de l'apparition de la forme adulte. J'en ai expliqué plus 
haut les motifs. Les Orthoptères, dont la nymphose est de courte 
durée et n’amène que des changements peu profonds, sont très 
convenables pour ce genre de recherches. Voici d’abord le relevé 
de mes notes sur le Grillon (Gryllus campestris). 

Un premier individu examiné en avril m'a pas encore la forme 
adulte. Tissu adipeux abondant, en lobules discoïdes. Il ne fait 
pas d’effervescence avec l'acide azotique et ne produit par du pur- 
purate d'ammoniaque. Quelques jours après, autopsie d’un autre 
Grillon en voie de se dépouiller pour prendre la forme adulte. 
Les pattes sont encore engagées dans leurs fourreaux. Depuis une 
dizaine de jours et plus, l'animal ne prend plus de nourriture. 
Tissu adipeux formé d'une mince nappe lobulée. Il est comme in- 
crusté de myriadesde petits points blancs, opaques, qu'on ne peut 
bien distinguer qu’à l’aide d’une loupe. Chez les Hyménoptères, 
le tissu adipeux le plus riche en granulations uriques ne l’est pas 
plus que celui-ci; seulement, dans le cas actuel, ces granulations 
sont fort petites. Effervescence vive et murexide superbe. Le ven- 
tricule chylifique contient de la pulpe alimentaire sans acide urique ; 
mais les deux cæcums placés à son entrée en renferment assez 
pour paraître tout blancs. Ils lancent, quand on les pique, un jet 
de bouillie blanche que l'analyse reconnait pour de l'acide urique. 
Les |vaisseaux de Malpighi en renferment aussi, et même abon- 
damment. Cet exemple est précieux : il établit que les vaisseaux 
malpighiens ne sont pas les seuls appendices du tubedigestif servant 
à l'évacuation des produits urinaires, et que les cæcums ventricu - 
laires peuvent, quand ils existent, exécuter leur part de ce travail. 


374 FABRE,  - 

Passons à une autre victime, à l'Éphippigère des vignes. L'oc- 
casion m'a fait défaut pour observer cette espèce avant sa forme 
adulte, mais j'ai pu examiner un individu au moment où, en mai, il 
se dépouillait de son épiderme. A cette époque, le tissu adipeux 
fournit une quantité notable de purpurate d’ammoniaque. Cepen- 
dant l’acide urique n’atteint pas encore le degré d’abondance que 
j'ai constaté plus tard chez des individus adultes depuis un temps 
indéterminé pour moi. En juillet, le tissu adipeux des Éphippi- 
gères est abondant, opaque, d’un blane erémeux. Légèrement 
comprimé sur le porte-objet, il produit, par la rupture de ses sa- 
chets, un nuage laiteux qui se résout sous les verres amplifiants 
en corpuseules blancs d’une grande ténuité et toujours amorphes. 
Inutile d'ajouter que ces corpuscules sont encore de l’urate ammo- 
niacal. Un lambeau de ce tissu traité par l’acide azotique produit 
une vive effervescence, et donne, par le traitement ultérieur, du 
purpurate d’ammoniaque en grande quantité. J'ai vainement pro- 
mené, avec une scrupuleuse attention, le champ du microscope 
dans le contenu des sachets adipeux ; il m'a été impossible d'y 
reconnaitre un seul orbe huileux. Voilà, il faut en convenir, un 
singulier corps adipeux, qui ne contient pas de matière grasse 
perceptible au microscope, mais renferme en énorme quantité les 
produits caractéristiques de la sécrétion urinaire, La trame abon- 
dante qui tapisse toute la cavité abdominale est donc maintenant 
un appareil urinaire, énorme, encombré d'acide urique en fines 
particules. Et les vaisseaux de Malpighi? Diaphanes, hyalins, vides. 

A mesure que la saison s’avance, l’acide urique devient moins 
abondant dans la trame adipeuse des Ephippigères, rejeté qu'il est 
graduellement avec les fèces. Je crois cependant que, dans cette 
espèce, le tissu adipeux n’en est jamais en entier dépourvu, sur- 
tout à la face ventrale, sur la ligne médiane. Dans une femelle 
prise en octobre occupée à pondre ses œufs, j'ai trouvé le tissu 
adipeux encore très riche en corpuscules uriques. En général, 
cependant, l'acide urique me paraît diminuer à mesure que l’état 
adulte se prolonge, pour ne plus se montrer que dans lä bande 
adipeuse blanche tapissant la face inférieure de l’abdomen. Mes 
observations ne me fournissent rien de décisif au sujet de la voie 
suivie par l’acide urique rejeté. 


SÉCRÉTION URINAIBE CHEZ LES INSECTES. 375 


La face inférieure de l’abdomnen des Ephippigères est d’un 

jaune mat. On trouve la même couleur sur le dos, au bord posté- 
rieur des segments abdominaux. Cette nuance rappelant l'aspect 
crémeux que l'acide urique donne aux sachets adipeux, le soup- 
çon m'est venu que cet acide pourrait bien être en cause dans 
cette coloration. En effet, en isolant un lambeau des téguments de 
la face ventrale, on voit la couche de pigment jaune dont il est 
revêtu se dissoudre dans l'acide azotique avec dégagement de 
bulles gazeuses, tandis que la lame cornée n’éprouve pas d’altéra- 
ralion et reste à nu toute transparente. [1 y a enfin formation de 
murexide en quantité suffisante, et au delà, pour se convaince 
que ee pigment est encore de l’acide urique. Un demi-centimètre 
earré de tégument suffit pour teindre en rouge tout l’intérieur de 
ma capsule, Donc l'animal s’enlumine de jaune avec ses excrélions 
urinaires déversées sous le derme par la trame adipeuse. 
.. Le Dectricus albifrons adulte va nous apprendre la même 
chose. Observée en fin juillet, cette espèce m'a présenté un tissu 
adipeux abondant qui, même sans loupe, paraît tout tigré de 
myriades de points blancs, serrés jusqu’à se toucher, et se déta- 
chant très nettement sur le fond translucide de l'organe. C’est le 
plus bel exemple que je puisse citer des granulations uriques, à 
cause de leur extrême abondance. Écrasé dans une goutte d’eau, 
un fragment de ce tissu produit un liquide trouble, laiteux, où 
le microscope révèle la présence d'innombrables corpuscules 
blancs, sans y déceler aucune trace de matière grasse. Second 
exemple de cet étrange tissu qui, à un moment donné, quoique 
toujours qualifié d’adipeux, ne contient pas de matière grasse, 
mais renferme uniquement des produits urinaires. La murexide 
obtenue est d’une abondance hors ligne. Et les vaisseaux de Mal- 
pighi? Vides, toujours vides. 

Les plaques dorsales de l'abdomen sont tapissées à l’intérieur 
d’une couche de pigment blane, irrégulièrement semé. Les pla- 
ques ventrales sont revêtues d’un pigment jaune, plus dense, plus 
abondant. L'un et l’autre de ces pigments donnent la réaction 
caractéristique de l'acide urique. Done, comme l’Ephippigère des 
vignes, le Dectique à front blanc doit sa livrée, au moins partiel- 
lement, à un pigment formé d’excrétions urinaires. Les observa- 


376 FABRE. 


tions me manquent pour généraliser les résultats fournis par les 
trois Orthoptères dont je viens de parler. Comme je n’ai fait aucun 
choix, et que j'ai pris pour sujels d’étude les premières espèces de 
grande taille qui me sont tombées sous la main, il est à croire que 
beaucoup d’autres Orthoptères doivent présenter les mêmes parti- 
cularités, en les observant toutefois à une époque convenable. La 
grande Saulerelle grise, soumise à l’autopsie en septembre, ne 
m'a montré de l’acide urique ni dans le tissu adipeux, ni dans le 
pigment sous-dermique, ni ailleurs. Je rappellerai, pour clore ce 
paragraphe, la diflusion de acide urique, trouvé tour à tour dans 
le ventricule chylifique, dans le pigment sous-dermique, dans le 
tissu adipeux, dans les cæcums ventriculaires, et dans les cæcums 
malpighiens. Cette diffusion me parait faire quelque tort à ces der- 
niers vaisseaux considérés comme organes exclusivement urinai- 
res. Tout s’explique, au contraire, très bien en admettant la sé- 
crétion de cet acide par le tissu adipeux, où ce produit se montre 
loujours au moment convenablement choisi. 


8 IV. — COoLÉOPTÈRES. 


En effectuant mes observations à une époque éloignée de la 
nymphose, j'ai toujours trouvé dépourvue d'acide urique la masse 
adipeuse des larves de Coléoptères soumises au scalpel. Je n’en ai 
pas trouvé davantage dans leurs canaux malpighiens ; ou plutôt, 
pour m'éviter toute objection, je n’en ai pas trouvé comme je le 
désire, c’est-à-dire de manière à me fournir du purpurate d'am- 
moniaque assez abondant pour entraîner la conviction. J'ai expli- 
qué la cause de cette rareté de l’acide urique chez des larves qui 
bien certainement en doivent sécréter. Mais à une époque voisine 
des transfigurations de la larve, j'ai pu constater l’extrême abon- 
dance de l'acide urique dans les organes adipeux. 

J'avais depuis un mois, dans un flacon rempli de sable humide, 
des larves d’Annaæia villosa et d’'Euchlora juli prises au plateau 
des courses aux Angles. Au milieu de mai, je les soumis au scal- 
pel. L'époque de la Nymphose ne devait pas être bien éloignée, 
car les premières Nymphes que j'ai exhumées sur les lieux mêmes 
aux Angles datent de la fin du même mois. Le tissu adipeux de 
mes deux espèces est d’un blanc amylacé. Il trouble l’eau et la 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 377 


rend laiteuse quand on le déchire. Il se compose de vésicules 
ovoïdes, distinctes les unes des autres, et qui, déchirées sur le 
porte-objet, épanchent leur contenu sous forme de pulviseule 
blanche, opaque, amorphe, sans trace d'orbes huileux. Effer- 
vescence rapide par l’action de l’acide azotique, et formation ulté- 
rieure du purpurate d’ammoniaque en grande quantité. Le tissu 
adipeux est done maintenant un énorme laboratoire d'acide uri- 
que. Les vaisseaux de Malpighi sont vides, et le ventricule chylif- 
que ne contient que de la pulpe alimentaire très abondante. 

Occupons-nous maintenaut de l’Insecte depuis peu revêtu de 
ses formes adultes. Au sortir de la coque faconnée par la larve 
avec du terreau de vieux saule, le Cetonia aurata rejelte une 
abondante bouillie blanche d'acide urique. En ce moment, l’au- 
topsie de l’insecte parfait fournit les résultats suivants. Le tissu 
adipeux est blanc, d'aspect crayeux. Il fait avec l'acide azotique 
une vive effervescence et donne beaucoup de murexide. Le ven- 
tricule chylifique renferme en petite quantité un fluide rougeâtre 
dans lequel il m'est impossible de trouver de l’acide urique. Les 
canaux malpighiens sont d’un beau blanc de craie. Cet aspect est 
occasionné par de l'acide urique qu’on voit très bien, avec la loupe, 
circuler en fines granulations dans les tubes, et se déverser 
peu à peu dans l'intestin tout aussi blanc, tout aussi gorgé de 
produits urinaires que les vaisseaux de Malpighi eux-mêmes. 
Murexide superbe avec le contenu de l'intestin et des canaux de 
Malpighi. 

J'obtiens des résultats absolument pareils en ouvrant des Oryctes 
silencus, métamorphosés chez moi depuis une semaine et plus. 
D'après ces deux exemples, le départ de l'acide urique s’effectue- 
rait chez quelques Coléoptères par les vaisseaux de Malpi- 
ghi; mais la sécrétion en aurait toujours lieu par la trame adipeuse 
qui, dans l’insecte adulte, en renferme en grande abondance. 
Plus tard, quand les produits urinaires, accumulés pendant la 
nymphose, seront en entier rejetés, le tissu adipeux, considérable- 
ment réduit, reprendra ses apparences habituelles; mais rien 
n'autorise à croire que son travail sécréteur soit brusquement in- 
terrompu. Seulement, les produits ne pouvant plus s’accumuler 
cesseront d’être appréciables. Il est bien entendu que, dans cette 


378 FABRE. 


\ 


période, les tubes de Malpighi doivent continuer à remplir leur 
rôle de canaux vecteurs. 

Chez les Coléoptères, le ventricule ehylifique peut aussi pren- 
dre part à l'élimination de l'acide urique. J’extrais de mon mé- 
moire sur les Sphégiens l'exemple que voici. J'ouvre un Sitaris 
humeralis adulte, mais encore renfermé dans la singulière coque 
que j'ai fait connaître dans mon travail sur l’hypermétamor- 
phose des Méloïdes. Le ventricule chylifique, qui plus tard 
doit former un tube presque tout d’une venue, est modelé main- 
tenant d’une manière assez bizarre, sa moitié postérieure étant 
contractée, régulièrement cylindrique, et sa moitié antérieure 
figurant un réceptacle pyriforme, gonflé comme un ballon. Cetle 
‘ampoule temporaire est remplie d'un liquide jaune dû en grande 
partie à l’infiltration de l’eau nécessaire à la dissection. En outre, 
un abondant sédiment blanchâtre est déposé dans ce réceptacle. 
-Ce sédiment, c'est de l'acide urique qui abonde dans le tissu adi- 
peux environnant. Mais la cavité inférieure du ventricule chy- 
lifique, l'intestin, et les quatre vaisseaux de Malpighi n'en con- 
tiennent pas un atome. A cet exemple vient s’adjoindre le sui- 
vant. 

Dans une femelle de Lampyre adulte (Lampyris Zenkeri), trai- 
nant depuis trois semaines son volumineux abdomen dans le flacon 
où s'est effectuée la métamorphose, je trouve un tissu adipeux 
peu abondant, composé de fines vésicules d’un blane jaunâtre dans 
lPabdomen, d’un rose tendre dans le thorax. Elles fournissent de 
la murexide en quantité notable. Le ventricule chylifique et l’in- 
testin renferment l’un et l’autre une fine cordelette blanche d’a- 
cide urique. Les vaisseaux malpighiens n’ont rien de pareil. 
Ainsi, dans mes deux Lamellicornes récemment adultes (Cétoine, 
Oryctes), le départ de l'acide urique a lieu par les vaisseaux de 
Malpighi ; dans mes deux autres exemples (Sitaris, Lampyre), ila 
lieu par le ventricule chylifique. Mais au milieu de ces variations, 
une chose reste constante : l’abondante sécrétion de l'acide uri- 
que par le tisssu adipeux. 

Chez tous les Coléoptères récemment adultes, l'acide urique ne 
parait pas exister dans le tissu adipeux avec le même degré d’abon- 
dance. Ainsi les réactifs ont eu de la peine à en déceler la présence 


SÉCRÉTION URINAIRE CHEZ LES INSECTES. 379 


dans la nappe adipeuse du Blaps gigas, revêtu de la forme adulte 
depuis deux ou trois jours. 


8 V. — LÉPIDOPTÈRES. 


Dans l'ordre des Lépidoptères, mon attention s’est spontané- 
ment portée sur le Sphinx de l’Euphorbe. Sa chenille présente quel- 
ques particularités des plus remarquables, mais dont nous avons 
déjà trouvé des exemples chez les Orthoptères. Le tissu adipeux 
est très abondant, d’un beau jaune, et formé de lanières anastomo- 
sées en réseau. Vers l'extrémité anale, ce tissu, tout en gardant 
sa structure, est d’un blanc uniforme. JI n’y à nulle part des 
ponctuations uriques. Quelle que soit la portion adipeuse em- 
ployée, blanche ou jaune, on n'obtient pas de la murexide; et 
cependant les canaux malpighiens sont parfois tout blancs et 
d'aspect crayeux. On voit fluer vers l'intestin leur contenu pulvé- 
rulent que les réactifs transforment en purpurate d'ammoniaque. 
Ces longues trainées d’acide urique ne sont guère compatibles 
avec un tissu adipeux assez pauvre en matériaux urinaires pour 
ne rien produire avec les réactifs. Prenons garde; quelque chose 
nous échappe. — Cherchons. 

Après avoir enlevé le tissu adipeux dont je viens de parler, se 
montre une couche formée par les lanières musculaires ; et au- 
dessous de celle-ci, une nouvelle nappe adipeuse beaucoup moins 
importante que la précédente, et tapissant la paroi du sac dermi- 
que. Elle est formée, comme la première, de rubans anastomosés 
entre eux. Sa couleur est d’un beau blanc. Ce second tissu adipeux 
se couvre rapidement de bulles gazeuses au contact de l'acide 
azotique et fournit de la murexide. Au-dessous de cette seconde 
couche adipeuse, se montre une fine tunique marquée de nom- 
breuses dépressions punctiformes ou pertuis déliés dans lesquels 
s'engagent des ramifications ou canalicules de la nappe adipeuse 
précédente. Après vingt-quatre heures de macération dans l’eau, 
il est assez facile de suivre ces canalicules jusqu’à leur insertion 
dans les dépressions punctiformes de la tunique sous-jacente. 
Enfin entre cette tunique et le derme, apparaissent, étroitement 
appliqués contre celui-ci, des dépôts pigmentaires, disposés en 
orbes, en lentilles, les uns d’un beau blanc, les autres jaunes, 


380 FABRE, 


quelques-uns couleur rouge de brique. Le pigment est formé 
d’une sorte de bouillie mate, plus adhérente au derme qu’à la tu- 
nique perforée; aussi, peut-on, sur la chenille fraichement ou- 
verte, enlever cette tunique par lambeaux sans altérer les orbes 
de pigment qui restent à peu près intacts sur le derme. Quelle que 
soit sa nuance, ce pigment fait une rapide effervescence avec l’a- 
cide azotique et produit les réactions caractéristiques de l’acide 
urique. Un centimètre carré des téguments de la chenille teint en 
entier ma capsule en purpurate. Après l’action de l'acide azoli- 
que, aux places occupées d’abord par les taches pigmentaires 
blanches, jaunes ou rouges, le derme est translucide et incolore, 
tandis que le reste en est loujours d’un noir opaque. Ainsi, la 
riche livrée de la chenille se compose d’un fond de couleur noire 
dépendant de la nature intime du derme, et d’une mosaïque de 
pigment diversement coloré et semé par larges taches en des 
points où le derme est incolore et transparent. Connaissant la 
nature de ce pigment, il n’est pas difficile de reconnaitre d’où il 
provient, surtout après les détails anatomiques dans lesquels je 
suis entré. Il est évident qu'il est fourni par la couche adipeuse 
placée entre le derme et les faisceaux musculaires. Cette couche 
renferme, en effet, de l’acide urique, et elle communique avec les 
tubes de pigment par les canalicules perforant la membrane qui 
la sépare du derme. D'où ce résultat étrange : la plus belle de nos 
chenilles emprunte ses riches couleurs à l’acide urique; elle 
s'habille avec ses excrétions urinaires. 

Une autre chenille non moins belle, celle du Cucullia verbasei, 
m'a présenté les mêmes particularités. Sur un fond gris pâle, 
presque bleuâtre, elle est tigrée de superbes taches jaunes et 
d’autres d’un noir mat. Or, ces taches jaunes sont encore formées 
par de l’acide urique dérivé d’une source pareille. Il est à croire 
que ce fait doit offrir un certain degré de généralité, d'autant plus 
que le pigment des Vers à soie, non localisé en taches comme dans 
les chenilles précédentes, est formé, lui aussi, par de l'acide urique. 

Dans la chenille du Sphinx de l'Euphorbe, disons-nous, la cou- 
che adipeuse sous-dermique renferme de l'acide urique, tandis 
que la couche plus profonde n’en renferme pas. Est-ce à dire que 
les fonctions de ces deux parties du corps adipeux soient pour 


SÉCRÉTION URINAIRE CHES LES INSECTES. 381 


toujours radicalement différentes? Je ne vois pas trop pourquoi. 
En consultant leur structure qui est absolument la même en ce 
moment, en consullant encore le contenu de la seconde qui tout 
à l'heure sera, lui aussi, en grande partie formée d'acide urique, 
il y aurait mauvaise grâce à ne pas reconnaître que la couche 
profonde et la couche sous-dermique n’ont pas à remplir des 
fonctions différentes. Or, la couche sous-dermique, encombrée 
d'acide urique, ne peut, en ce moment, être méconnue comme 
chargée de la sécrétion urinaire. Une partie de ses produits est 
déversée sous le derme en taches pigmentzires; une autre partie, 
transvasée du tissu générateur dans les canaux de Malpighi, est 
amenée au dehors par ces derniers ; et telle serait l’origine de 
l'acide urique que charrient en ce moment ces canaux. 

Allons plus loin dans la vie du Sphinx. La chenille commence 
à se rider : la nymphose approche. Ce qui frappe tout d’abord 
à cette période de l’évolution, c’est l'aspect fané que prennent les 
téguments. Le fond noir reste bien le même, mais les taches 
blanches, jaunes ou rouges pâlissent et s’effacent en entier. Le 
derme est alors dans le même état que s’il avait passé par l'acide 
azolique. Les taches pigmentaires ont disparu, et à leur place Je 
tégument corné apparaît incolore, translucide. On observe, d'autre 
part, qu’à cette époque les déjections rendues par Ja chenille devien- 
nent très riches en acide urique. Il faut donc que la matière pig- 
mentaire soit résorbée dans l’intérieur de l’animal et éliminée par 
une voie qui ne peut être que celle des tubes malpighiens. Exami- 
nons enfin le tissu adipeux de la chenille contractée pour la nym- 
phose, ou tout simplement celui de la chrysalide. Ce tissu est tou- 
jours d’un beau jaune, et formé d’un réseau de lanières. Déchiré 
dans l’eau, il produit des nuages laiteux. 11 fait effervescence avec 
l’acide azotique et donne abondamment de la murexide. L'énorme 
masse adipeuse de la chrysalide est done, dans toute son étendue, 
le siége d’une active élaboration d’acide urique. Dans l'Insecte 
parfait, récemment sorti de la chrysalide, on trouve la même ri- 
chesse en acide urique du tissu adipeux; on trouve enfin le ven- 
ticule chylifique plein d’un fluide rougeñtre sans excrétions uri- 
naires, el les vaisseaux malpighiens charriant dans l'intestin un 
courant de pulviscule blanche, À mesure que les déjections du pa- 


382 FABRE, 


pillon se multiplient, le tissu adipeux perd son acide urique, et alors 
les vaisseaux malpighiens n’ont plus leur blancheur crétacée. 


$ VI. — DIPTÈRES. — HEMIPTÈRES. 


Je ne connais pas de visu des larves de Diptères dont le tissu 
adipeux soit, à l’époque active, pourvu de cellules urifères. J'ai 
observé, il est vrai, très pen de ces larves. D’après M. Barthé- 
lemy (4), la larve d’un Tachinaire parasite de la chenille du 
Sphinx, de l’Euphorbe en contiendrait autour des ramifications 
trachéennes dans des cellules disposées en chapelet, plus blanches 
que les autres, et souvent aussi plus développées. J'ai la ferme 
conviction qu’on en trouvera d’autres exemples. Pendant la nym- 
phose, il s’en développe dans le tissu adipeux des espèces qui à 
l’état parfait rejettent les premiers jours de la bouillie urique. De 
ce nombre sont les Anthrax et les Toxophores pour ne citer que 
les genres sur lesquels mes notes et mes souvenirs me fournis- 
sent Jes renseignements les plus précis. 

Pour les Hémiptères, je suis encore plus pauvre en observa- 
tions. Je n'ai examiné que la Cigale commune. Chezelle, je n'ai 
jamais trouvé de l'acide urique, même en l'ouvrant dès la pre- 
mière apparition de l’état parfait. Chez les Cigales d’un verttendre, 
et par suite revèlues depuis quelques heures tout au plus, de la 
forme adulte, j'ai trouvé un tissu adipeux verdàtre, impuissant à 
produire de la murexide. Les excrétions rejetées alors par l’ani- 
mal consistent en un fluide hmpide comme de l’eau. L’acide azoti- 
queest sans action sur ce fluide qui, bien certainement, est d'ori- 
gine urinaire. Ceci me porte à croire que l'acide urique n’est pas 
le seul produit urinaire des Insectes, et que, chez les Hémiptères 
en particulier, des substances analogues, urée, acide hippurique et 
auires connues ou inconnues, peuvent en tenir la place. 

J'ai négligé d'observer les Névroptères, et n'ai rien à dire sur 
leur compte. 


(1) Études anatomiques et physiologiques sur un Diptère lachinaire parasite 
de la chenille du Sphinx Euphorbiæ (Ann. des sc. nat., 4° série, t. VIII). 


FIN DU DIX-NEUVIÈME VOLUME. 


TABLE DES ARTICLES 


CONTENUS DANS CE VOLUME. 


ZOOLOGIE GÉNÉRALE. 


Recherches d'embryologie comparée sur le développement de la Truite, du 
Lézard et du Lymnée, par M. Leresouicer {4° partie). . . 2: . . ÿ 


ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


Recherches sur le placenta des Rongeurs et en particulier sur celui des 


Pb char MH. Hacranp. | …  NOPSPNPANES SOMNE (loges 
Recherches expérimentales sur les nerfs vasculaires et calorifiques du 

grand sympathique, par M. Claude Berxarn. , , . . . : . AO 
Études physiologiques sur les centres modérateurs des mouvements ré- 

flexes dans le cerveau de la Grenouille, par M. J. Sercnënow. . . 435 
Mémoire sur les mouvements pulsatiles et rhythmiques du sinus de la 

veine cave supérieure chez lés Mammifères, par M. Cou. . , . 259 
Noté sur une nouvelle espèce d'Indri, par M. VinsoN. . : , . . 9253 
Mémoire pour servir à l'histoire anatomique de la Sirène lacertine, par 

PME OMIS ANTE 0 5 0 HU ul CO BIMR TT. : 906 


ANIMAUX INVERTÉ£BRÉS. 


Recherches sur l'appareil générateur des Mollusques gastéropodes, par 


M. BaupeLor. 5 ; no 0 135/et 268 
Étude sur le rôle du tissu Hide dé la sécrétion urinaire chez les 

Insectes, par M+ FaBrBe, , + 4,4 .. + dr 1 201 
Observations sur les Fourmis neutres, par M. Charles ei Ro NOR 


Observations sur le développement d'un Pygnogonon, par M. G. Honce, 
(Extrait.) 3 AMC PER OR! 21108 

Note sur quelques helminthes de la Sirène lacertine, par M. Hé VAILLANT. 000 

Monographie des Radiolaires, ou Rhizopodes radiaires, par M. Harnskez. 
DL) 4  . 5. se ORNE 233 


. . , Li 


nouvelles. 0. Ce 2 À 252 


TABLE DES MATIÈRES 


PAR NOMS D'AUTEURS. 


Baupezor.— Recherches sur l'ap- Hozzarp. — Recherches sur le 
pareil générateur des Mollus- placenta des Rongeurs, et en 
ques gastéropodes. . 435 et 268) particulier sur celui des La- 
BerxanD (Claude). — Recherches pins 401 SEM Lee 
expérimentales sur les nerfs Lenesouzcer.-— Recherches d'em- 
vasculaires et calorifiques du bryologie comparée sur le dé- 
grand sympathique. . . . A01|  veloppement de la Truite, du 
Couix. — Mémoire sur les mou- Lézard et du Lymnée{£° partie) 5 
vements pulsatiles et rhythmi- Lespis. — Observations sur les 
ques du sinus de la veine cave Fourmis neutres. '. . . . 241 
supérieure chez les Mammifè- Setcuenow.— Études physivlogi- 
TES Re vu et Det tie) (200 ques sur les centres modéra- 
Fare. — Étude sur le rôle du teurs des mouvements réflexes 
tissu adipeux dans la sécré- dans le cerveau des Grenouilles. 435 
tion urinaire chez les Insectes. 354 | Vaizcanr (L.). — Mémoire pour 
Harrskez. — Monographie des servir à l'histoire anatomique 
Radiolaires ou Rhizopodes ra- de la Sirène lacertine. . . 295 
diaires. (Extrait.). . . . 233|— Note sur quelques Helmin- 
Honce. — Observations sur le dé- thes de Ja Sirène lacertine, . 000 
veloppement d'un Pygnogo- Vixson. — Note sur une nouvelle 
DE la 1 TR espèce du genre Indri. . . 253 


EEE 


TABLE DES PLANCHES 


RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 


Planche 4. Placenta de la Lapine. 
— 2, 3,4, 5. Appareil de la génération des Gastéropodes. 
— 6. Fourmis neutres. 
— 7, 8. Anatomie de la Sirène lacertine. 
9. Anatomie de la Sirène lacertine.—Helminthes de la Sirène lacertine. 


FIN DE LA TABLE. 


Paris. — Imprimerie de E. MARTINET, rue Mignon, 2, 


1 (T am 


ï e) 


Jlacentu de la Laptne 


Ann des Jeenc. rat g'Jérre 


w 
Castéropodexs 


ex 


è 
È 
È 
À 
À 
à 
À 
È 
GS: 
Ÿ 
ÿ 
È 


, Zoot Timerp PS. 


Appared de la génération des Castéropodtes . 


Zuol. Tome 19. M4 


à + 


LRO 


È 
Y 
È 
È 
à 
s 3 
È 
Ÿ 
i 
S 
À 
N 
è 
Ë 
À 
Ÿ 
NN 
x 
È 
Ÿ 
à 
Ÿ 


SSL 


ARE SGEN 
REA SNTS 


} 


Han es Jesene. nuit. GNErtE 


Î 
AO 
ñ 
fi. 
‘ 
4 
\ 2 | à 
| ï — 
: 
" 
1 > 
M St 
(1 LAN 
[e A 
É 2] 
PAS 
ÿ d À 
tt i 


SET ER ET 


” 


+ 
= 


VUS Re 


on LS 


[ne 


Appareil de la génération des Castropodes - 


Aéeot dupe re VTdlé Kgérple 4 Port 


rartomée de la Jène lacertine 


N Rémi. e Fond Kotrepade. nt Paris. 
il É 


Sirène dacertine 


$ 
Ÿ 
$ 
ë 
È 
Ÿ 


# 


Annee Sriene nat 4° Série Zaol. Tome to, LL 


Fig. 1—8 Anatomis de lx Sirène lacertine 
Ag. 10 Helminthes de Ur Sirène lacertine - 


F Amal ip re Ponte Eotrgpae, 


LE fyeres 


ST er. 
Reese 


+ RS , Tarsens 


PRE TES 


PTE 

RES 
SINTAE 
TE : 


RD ms ei 
ETES 


RE TEE rerees 


re 


mtnisirimsase 


Dai ht 


es mie 


2ÉSES 


RE TEL PRE TER 


Peer 


AU ENTI TRE 
RU T eee 
DRE RIRE 


se