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SCIENCES NATURELLES
NEUVIÈME SÉRIE
ZOOLOGIE
RIMERIE CRÉTÉ
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ANNALES
DES
SCIENCES NATURELLES
ZOOLOGIE
COMPRENANT
L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION
ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
M. EDMOND PERRIER
NEUVIÈME SÉRIE
POME NII
PARIS
MASSON ET C*, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE L' ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, Boulevard Saint-Germain
04/1
Tous droits de traduction et de reproduction
réservés pour {ous pays.
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RECHERCHES
SUR: L'OKAPT.
LES GIRAFES DE L'EST AFRICAIN
Par Maurice de ROTHSCHILD et Henri NEUVILLE
SECONDE PARTIE (")
LA GIRAFE RÉTICULÉE
(Giraffa reticulata de Winton).
I. — GÉNÉRALITÉS
L'étude systématique des divers aspects sous lesquels les
Girafes sont susceptibles de se présenter est relativement
toute récente. Divers auteurs ont, il est vrai, plus ou moins
anciennement, relevé leurs différences ou y ont simplement
fait allusion. C’est ainsi qu'au moment où Ét. GEorFRoy
Sanr-HicaiRe et F. Cuvier écrivaient leur Histoire naturelle des
Mammufères (1), les Girafes avaient déjà fait l’objet d'un bon
nombre d'observations; mais la valeur, au point de vue de la
classification, des variations qu’elles subissent, restait extrê-
mement douteuse. A cette époque, une Girafe de la Haute-
Égypte vivait à la ménagerie du Muséum de Paris; c'était
d’ailleurs la première qui y fût parvenue, et c’est elle qui est
figurée dans l'ouvrage d'Ét. Georrroy el F. Cuvier; bien que
ce fût une femelle, sa comparaison avec la dépouille que LE
{*) Voy. Première partie : l'Okapi. Annales des Sciences naturelles, Zool.,
ge sér., t. X, 1940.
(1) Georrroy Sanr-Hizure (Ét.) et Frédéric Cuvier. Histoire naturelle des
Mammifères. Tome IV (Ruminants et Cétacés), Paris, 1819-1835.
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série, KIT, À
2 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
VaiLLANT avait rapportée du Cap rendait manifestes certaines
différences entre la forme du Sud et celle du Nord. L’excel-
lente figure de cette Girafe d'Égypte que donnent Ét. Gror-
FROoY SainxT-HiLaiRe et F. Cuvier, met en évidence. entre autres
particularités, la forme trapézoïdale des taches du cou et du
tronc, ainsi que la forme de « rose ou de roue » de celles de la
cuisse. |
En général, pour les auteurs de la première moitié du der-
nier siècle, le genre improprement nommé Camelopardalis
reste formé d'une seule espèce : Camelopardalis qiraffa Gmelin.
Telle est l'opinion exprimée, notamment, par Isidore GEOFFROY
SainT-HizaiREe dans le Dictionnaire classique d'Histoire natu-
relle (1). Cependant, Ét. Georrroy ayant repris la comparaison
entre la Girafe de la Haute-Égypte arrivée au Muséum en 1827
et celles que LE VAILLANT et DELALANDE avaient rapportées du
Cap, crut pouvoir considérer leurs différences comme étant
d'ordre spécifique (2). C'était là une première distinction entre
la forme méridionale et la forme septentrionale, distinction
sur laquelle se basent encore les discussions relatives aux di-
verses espèces ou sous-espèces de Girafes. Richard OWEx (3)
accentua cette notion en opposant jusqu'à un certain point,
{out au moins en ce qui concerne les cornes, les particularités
présentées par le crâne de la Girafe du Cap et celui de Ja Girafe
de Nubie. Les matériaux d'étude étaient trop rares, à cette.
époque, pour qu Owen et ses successeurs immédiats aient pu
se rendre un compte très exact de la valeur du caractère. tiré
de la présence ou de l'absence de la corne antérieure médiane;
ou pyramide, dont les particularités et l'existence même res-
aient assez obscures.
La notion d’une espèce septentrionale et d’une espèce méri-
dionale fut définitivement enregistrée par Lessox (4), qui les
distingue sous les noms de Camelopardalis qiraffa Gw. (Nubie et
(1) Dictionnaire classique d'Histoire naturelle, t. VII, Paris, 1825. Art. Girafe,
«e
Bo es SanT-Hittire (Étienne). Quelques considérations sur la Girafe.
Annales des Sciences naturelles, t. II, 1827, p. 222.
(3) Richard Owex. Notes on the Anatomy of the Nubian Giraffe. Transac-
tions of the Zoological Society of London, 1, 1845, p. 235.
(4) R.-P. Lessox. Nouveau tableau du règne animal. Mammifères, 1842,
p. 168.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 3
Sennaar et C.capensis (Cap de Bonne-Espérance), cette dernière
espèce étant basée sur les figures données par LE VAILLANT :
PI. 8 et 9 (1). Les auteurs qui suivirent apprécièrent diverse-
ment cette notion des deux espèces. C'est ainsi que pour Joiy
et Lavoear (2) le genre Camelopardalis n'en renferme qu'une
seule : Camelopardalis giraffa Gmelin. C'était, d’ailleurs, à peu
(4) Voyage de M. Le Vaicranr dans l’intérieur de l'Afrique, par le Cap de Bonne-
Espérance, dans les années 1780, 81, 82, 83, 84 et 85. Paris, 1790. (Existe en
deux formats, l’un in-#°, où les deux volumes sont réunis, l’autre in-8°; il est
ulile de mentionner ce fait qui entraîne certaines confusions dans les cita-
tions par suite des différences de pagination). Quelques données relatives à cet
important ouvrage méritent d'être relevées ici. Bien que Le Varzrant n'ait
rencontré de Girafes que lors de son second voyage, il a placé, à la suite des
deux volumes dont nous venons de parler et qui ne sont consacrés qu’au
premier, les figures d'une Girafe mâle et d’une Girafe femelle; ces figures
forment une planche double (PL VIIL, représentant vraisemblablement ce
que Lessox (lac. cit.) désigne comme planches 8 et 9. En outre, le frontispice
de cet ouvrage (campement dans les pays des grands Namaquois) reproduit,
au milieu d'une scène de campement, une Girafe de proportions assez inexactes
et de caractères peu distincts. Par contre, la planche VIIL, que nous venons
de citer, témoigne d'un effort considérable vers la réalité. Malgré cet effort,
la planche en question, qui est, suivant les usages du temps, une eau-forte,
coloriée à la main dans l'édition in-4°, est d'une exactitude très contestable,
surtout au point de vue de la couleur; les caractères généraux de la forme du
Sud (deux cornes seulement, même chez le mâle; taches irrégulières) y sont
cependant reconnaissables.
Ces figures sont d’ailleurs complétées dans le compte rendu du second
voyage (Second voyage dans l'intérieur de l'Afrique, par le Cup de Bonne-Espé-
rance, dans les années 1783, 84et 85, par F. Le Varcranr, Paris, an Il; il existe
une seconde édition, de l’an IV). La planche VIII de cet ouvrage (second
volume) reproduit en effet une tête de Girafe mâle, qui, pour l’auteur lui-
même, était destinée à compléter et à corriger ses figures précédentes.
LE VaiLranT a parfaitement vu que « la bosse de l’avant-tête », c'est-à-dire
l’ébauche à laquelle se réduit la corne antérieure ou pyramide de la Girafe du
Sud, est encore moins saillante et moins prononcée chez la femelle. Chose
plus intéressanteencore, l'excellent observateur qu'était LE VaizLanr a reconnu
l'existence, sur la Girale du Cap, « de deux petites bosses ou protubérances
dont son occiput est armé, et qui, grosses comme un œuf de poule, s'élèvent
de chaque côté de la naissance de la crinière » (Second voyage, tome second,
p. 310 de l'édition de l’an Ill, p. 59 de l'édition de l'an IV). Il n’ajoute pas que
ces excroissances ne devaient exister que sur les vieux mâles ou, tout au
moins, y être particulièrement bien développées, mais c’est fort probable. IL
n’est pas difficile, en tout cas; de voir dans ces « protubérances » la paire de
cornes postérieures (cornes d'artimon, « mizen horns » de M. Oldfield
Tuomas) qui fit donner le nom de « Girafe à cinq cornes » à la forme dite du
Baringo. Le Vaizcanr a ainsi prouvé par anticipation que la Girafe du Cap elle-
même pourrait être nommée « Girafe à cinq cornes » et que cette particularité
ne saurait être regardée comme caractéristique d'une forme déterminée.
(2) M. Jorx et A. Lavocar. Recherches historiques, zoologiques, anatomiques
et paléontologiques sur la Girafe. Mémoires de la Société du Muséum d'Histoire
naturelle de Strasbourg, &. WE, 1840-1846, (1815), p. #1.
/
+ MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
près à ce moment que Duvernoy (1) étudiant une màchoire
inférieure trouvée par SARTIN aux environs d’Issoudun, et qu'il
considérait comme appartenant à une Girafe fossile (C. bitu-
rigum), crut y voir un ensemble de caractères qui, tout en la
maintenant dans le genre Camelopardalis, la rapprochait du
genre A/ces, auquel Owen tendait même à l’incorporer (2).
L'échantillon sur lequel se basait Duveroy fut ensuite reconnu
comme n étant qu'une pièce récente ; mais il avait été Le point
de départ d’intéressantes discussions sur les affinités des Girafes
et avait donné à cette question un regain d'actualité. Gaupry (3)
avait considéré cette mâchoire d’Issoudun comme simplement
identique à celles des Girafes actuelles, aux diverses formes
desquelles il trouvait difficile d'attribuer une valeur spécifique.
Cette dernière opinion était aussi celle de SUNDEVALL, qui,
s'étant attaché à comparer les Girafes possédées par les divers
musées d'Europe et les considérant comme ne représentant
qu'une seule espèce, admettait cependant que celles du Cap
s'éloignent toujours un peu de celles du Sennaar par la couleur
et la longueur du poil, les premières étant un peu plus foncées,
les secondes un peu plus claires et à poil plus court; ces diffé-
rences doivent êtres produites, pensait-il, par le climat (4).
Sans l’exprimer formellement, SuNDEvVALL parait définitive-
ment admettre que l'espèce se divise en deux sous-espèces, et
celles-ci semblent répondre aux formes septentrionale et méri-
dionale telles que les comprennent les auteurs récents (5).
1) Duverxoy. Sur une mâchoire de Girafe fossile découverte à Issoudun.
Notes communiquées à l’Académie des Sciences, 15 mai et 27 novembre 1843, et
Annales des Sciences naturelles, 1844, 3e série. Zoologie, t. 1, p. 36.
2) In Duvernoy, loc. cit., p. 53.
(3) Albert Gaupry. Animaux fossiles et Géologie de l'Atlique. Paris, 1862,
p. 245.
4) Carl J. Suxpevaz. Om professor J. HEDENBERGS insamlingar af Daghdjur
i Nordôstra Africa och Arabien. Kougl. Vetenkaps-Akademiens Handlingar für ar
1842. Stockholm, 1843, p. 243 : «20. Camelopardalis. Nulla adhuëcausa est cur
differentiam quandam specificam inter specimina, quae varias partes Africae
inhabitant, inspicaremur.. Quae differentia tantum e climate orta videtur.… »
(5) Carl J. Suxpevazr. Methodisk ôfversigt af Idislande djuren, Linnés
Pecora. Kongl Vetenkaps-Akademiens Handlingar für ar 1844. Stockholm, 1846,
p. 174 : « Expositio Pecorum Systematica.… I. C. girafa Schr. Unica species,
Africa infra deserta inhabitans, in campis fruticosis per familias vivens.
«. In Afr. meridionali, extra tropicum, colore paullo obscurior ;
5. Æthiopica et Sennaar, alba, fulvomaculata, pilis brevissimis (Ak. Stockh,
1842, p. 244). Etiam ad Senegal et in Bornu cognita ».
RECHERCHES SUR LES GIRAFES | D
Si donc l'étude systématique des variations que peuvent su-
bir les Girafes est encore récente, la reconnaissance de deux
formes fondamentales : l’une du Nord, l’autre du Sud, est déjà
ancienne et l’on à déjà beaucoup discuté sur leur valeur au
point de vue de la classification. M. DE Winron à résumé ces
discussions au début de son intéressant travail sur les diverses
formes des Girafes (1), ce qui nous dispense d’insister sur les
considérations historiques que nous venons de rappeler si briè-
vement et sur les questions de synonymie S'y rattachant.
En principe, la distinction de ces deux formes : septen-
trionale et méridionale, est susceptible de fournir une scission
du genre Gira/ffa Bris. suffisante pour que l’on répartisse entre
elles deux les diverses Girafes vivantes, malgré l'étendue de la
variabilité d'aspect qu'elles présentent. La forme du Nord pré-
sente trois cornes, tout au moins chez le mâle adulte: celle du
Sud en présente deux seulement; une distinelion s'impose donc
entre elles, ne serait-ce qu'à ce point de vue. Nous aurons à
parler plus loin des cornes supplémentaires, sur l'importance
desquelles 11 ne faut pas s'illusionner et qui semblent mériter
à peine d’être mentionnées comme cornes. M. LYDEKkKER à
établi (2) qu'il se fait un passage graduel de l'animal à deux
cornes à celui qui en possède trois et même aux sujets de l'Est
sur lesquels on relève parfois jusqu'à six cornes (3); trois de
celles-ci appartiennent à la catégorie des cornes supplémentaires
et l’une, au moins, n’est que le résultat d’une exostose acci-
dentelle ; nous reviendrons sur ce sujet. M. LYpeKxKkERr estime en
outre que la transition se fait également entre les animaux
vraiment tachelés, c'est-à-dire ceux qui portent des taches
foncées irrégulières sur un fond fauve, avec des extrémités
foncées et tachetées jusqu'aux sabots (Girafes du Sud), et ceux
dont les taches paraissent se détacher comme un fond plus ou
moins châtain à travers les mailles d’un réseau blanchâtre et
dont les parties inférieures des membres sont dépourvues de
(4) W.-E. pe Winrox. Remarks on existing Forms of Giraffe. Proceedings of
the. Zoological Society of London. 1897, p. 273-284.
(2) R. Lynpekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis. Proceedings
of the... Zoological Society of London. 1904, vol. I, p. 203.
(3) Voir aussi, à propos des « six-horned giraffes » du Mont Locorina et de
Marangole : P.-H.-G. Powerr-Corron. In Unknown Africa. London, 1904, p. 383
et 388.
6 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
taches, ce dernier type étant réalisé à l’extrème par la Girafe
réticulée du Somal. Comme l’ajoute M. Lybekker (/oc. cit.), les
Girafes de l'Est-Africain ont en quelque sorte dépassé les limi-
tes usuelles, à la fois quant à la coloration et quant aux cornes.
La scission naturelle, et relativement ancienne comme nous
venons de le voir, en formes septentrionale et méridionale a
fait place, depuis quelques années, à une classification beau-
coup plus complexe, dont un exposé d'ensemble à été fait par
M. Lypexker (1) et dans laquelle la forme dite du Somal tient
une place assez importante pour avoir été considérée comme
une véritable espèce (2). L’attention, jadis fixée sur les Girafes
du Cap et dela Nubie ou de la haute Abyssinie, à été appelée sur
celte dernière par M. O0. Tomas (3) qui a le premier, croyons-
nous, signalé dans un périodique scientifique les particularités
de la robe de cette Girafe, comparée à celle des animaux du Sud ;
à peu près au même moment, un article de M. Rowland War»,
paru dans Le « Field » (Feb. 189%) signalait ces mêmes partieu-
larités. Dans la forme du Somal, dit M. O. Tomas, « les mar-
ques sont larges, nettement définies, et séparées seulement les
unes des autres par d étroites lignes pâles ; au contraire, dans la
forme sud-africaine, ces marques sont des taches plus vaguement
définies, relativement plus espacées ». Ces différences, ajoute
M. O0. Thomas, sont rendues très appréciables par comparaison
de la figure donnée par Harris (#) de la Girafe du Sud, avec les
figures données par RüPPELL (5) et Breu (6) de celle du Nord.
(1) R. Lypekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis. Proceedings of
the. Zoological Society of London. 1904, vol. 1, p. 202-227.
Id. On the Nigerian and Kilimanjaro Giraffes. Mème recueil, 1905, vol. I,
p. 149-121.
Id. The Game Animals of Africa. London, 1908, p. 350 et suiv.
(2) Oldfield Tomas. On the five-horned Giraffe obtained by Sir Harry Jonxsron
near Mount Elgon. Proceedings of the Zoological Society of London. 1901, vol. I,
D. 476.
3) Old. Tomas. Exhibition of, and remarks upon, a skin of Giraffe from
Somaliland. Proceedings of the. Zoological Sociely of London. 1894, p. 135
(courte communication).
4) W. Cornwallis Harris. Portraits of the (rame and Wild Animals of the
Southern Africa. London. 1840, pl. XI.
5) Eduard RüPprezL. Atlas zu der Reise im nôrdlichen Africa. Erste Abthei-
lung, Zoologie. Frankfurt am Main, 1826.
6) A.-E. Breum. Tierleben. ILL. 1880, p. 188. Ed. française: La vie des
animaux illustrés, par A.-E. Breum, revue par Z. GEr8e. Mammifères, {. IL,
Ps HS DA NX.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 7
À la suite de l'expédition de M. Doxazpsox Surra dans le
Somal et au lac Rodolphe, un trophée {tête et cou) de cette
Girafe sur laquelle l'attention venait d’être atlirée par M. 0.
Taomas, fut envoyé à Philadelphie, où il fut étudié par M. Sa-
muel N. Ruoaps (1) qui y retrouva les particularités décrites
par le ee anglais. Ce fut sur ces entrefaites que M. pe
Wixron publia les recherches auxquelles nous avons fait ci-
dessus allusion (2). Le lecteur trouvera, comme nous l'avons
dit, dans son intéressant Mémoire, un aperçu historique des
variations subies par la classification des Girafes ; nous ne
reviendrons pas sur ce sujet, que nous venons d’ailleurs d’es-
quisser à grands traits.
La séparation des deux formes: celle du Nord et celle du
Sud, est assez longuement analysée dans ce Mémoire par M. DE
Wixrox, qui y distingue une « Girafe nubienne ou à trois cor-
nes » (Guaffa camelopardalis L.) et une « Girafe méridionale
ou à deux cornes » (Gr. rapensis Less.). Les caractères et les rela-
tions de chacune de ces deux grandes divisions v sont parfai-
tement indiquées : la couleur du fond variant du blanc au
fauve, avec des taches polygonales foncées allant du rouge-
orange au brun-chocolat, et les espaces entre les taches foncées
élant plus étroits et plus nettement définis sur les animaux
âgés que sur ceux d'âge similaire de la forme méridionale,
telles sont restées, malgré les progrès récents de la question,
les caractéristiques les plus évidentes des Girafes du Nord et
en particulier de celle du Somal. M. pe Winrox les rapproche
de ce que présente le fœtus de la forme méridionale. La peau
d'un fœtus extrait du corps d’une femelle tuée dans l’Afrique
du Sud par M. A. Neumann a, en effet, présenté à M. De Winron
une ressemblance très étroite avec la coloration typique de Ia
forme septentrionale, et M. Secous (cité par le même auteur)
a en outre observé que, dans la forme du Sud, « le veau est
(4) Samuel N. Ruoaps. Mammals collected by Dr A. Doxazpson Surru during
his expedition to Lake Rudolf. Proceedings of the Academy of Natural Sciences
of Philadelphia. Vol. 48, 1896, p. 518.
Le trophée dont il s’agit est en outre figuré dans Through Unknown African
Countries, by A. DoNALDSON Suiru. London and New-York, 1897, p. 357.
(2) W.-E. pe Winrox. Remarks on the Existing Forms of Giraffe. Proceedings
of the. Zoological Society of London. 1897. pp. 273-284.
8 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
toujours légèrement brun, avec un réseau de lignes blanches
étroites et nettement définies séparant les taches foncées », ce
qui fait pressentir la Girafe réticulée.
M. De \Winton assigne comme habitat à la forme septen-
trionale, telle qu'il la conçoit dans le travail dont nous par-
lons, les pays Gallas depuis le nord de la rivière Tana, le Somal,
l'Abyssinie, le Kordofan, et probablement toute la largeur de
l'Afrique jusqu'à la Sénégambie, et jusqu'à environ 15° de
latitude nord. Il mentionne, en outre, d'après À. Neumann,
le fait intéressant du voisinage très étroit, dans l'Afrique orien-
tale, de deux formes rattachables, l’une à celle du Nord l’autre à
celle du Sud; ces formes, n'étant ainsi séparées par aucune
limite géographique infranchissable, en acquièrent, dit-il, une
valeur d'autant plus importante au point de vue de la classi-
fication (1).
La forme septentrionale, ou plutôt les formes septentrio-
nales, qui s'opposaient assez vaguement jusqu'alors à celles
du Sud, étaient ainsi très nettement définies. Le progrès de
la pénétration africaine aidant, M. pe Winron put, quelque
temps après ses premières recherches, détacher notamment
la forme du Somal comme « race locale très distinete » (2).
Le premier spécimen de celte « race » avait été celui sur lequel
M. O. Tnomas atlirait l'attention dès 1894 (v. ci-dessus p. 6) et
qui provenait de l'expédition de MM. C. E. W. Woo et
M. B. Fixe. Le trophée rapporté par M. Doxazpson Smiru et
que mentionne la publication de M. Raoaps (v. ci-dessus p. 7)
appartenait à un animal semblable au précédent. Ce fut
M. Arthur NEUMANN qui, rapportant des Monts Loroghi des
spécimens plus variés de cette même forme, permit d'en faire
une étude plus précise ; l'un de ces spécimens a été choisi par
M. DE Winrox comme type de la sous-espèce du Somal, à
laquelle il a donné le nom de Gwaffa camelopardalis relicu-
(1) En réalité la Girafe réticulée et celle dite du Mont Elgon ou du Lac
Baringo, dont il s’agit ici, sont rattachables toutes deux à la forme septen-
trionale, au moins quant à la présence d'une corne antérieure médiane; mais
la seconde de ces deux Girafes amorce, comme nous le verrons plus loin, le
passage des formes du Nord à celles du Sud (voy. pp. 100, 110 et suiv.), et le
voisinage en question n’en est pas moins intéressant à noter.
(2) W.-E. pe Winrox. On the Giraffe of Somaliland. Annals and Magazine of
Natural History, 7° série, 4, 1899, p. 211 et 212.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 9
lata (1). Dans la suite, divers voyageurs recueillirent d’autres
1. — Giraffa reticulala de Winton (&). Sujet tué près du mont Nyiro (Afrique orientale anglaise).
Fig.
i Le
dépouilles de cette Girafe, dont, notamment, un trophée rap-
ML)2Loc cit; pe
10 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
pelant celui de M. Doxazpsox Suira, rapporté du Somal par
Lord DELAMERE et actuellement exposé au Musée d'histoire
naturelle de Londres. |
Reprenant lexamen de la Girafe réticulée en poursuivant
ses recherches sur celle que Sir Harry Jonxsron avait décou-
verte au mont Elgon (Gwaffa camelopardalis rothschildi Lyd.),
M. O0. Thomas fut amené à constater que, tandis que cette der-
nière se rattache d'une part à celle de la Nubie (Giraffa came
lopardalis typica), qui se rattache elle-même à celle du Sud
Gr. re. capensis Less.) par l'intermédiaire des Girafes du Kili-
manjaro (Gr. c. tippelshirchi Matschie et G@. ce. schillingsi
Matschie), la Girafe réliculée ne s'intercale pas entre les autres
formes et doit êlre considérée comme une espèce propre au
Somal, à la région du Lac Rodolphe et au nord de l'Afrique
Orientale anglaise (1). Une opinion à peu près identique est
manifestée par M. LYpekker (2) qui considère, au moins provi-
soirement, la Girafe réticulée comme une espèce distincte,
« bien que sa coloration soit simplement un extrème dévelop-
pement de ce que présente la race nubienne de l'espèce ordi-
naire ». |
La question étant ainsi précisée, nous rappellerons que la
Giraffareticuluta de Winton peut, d'après la dernière autorité
que nous venons de citer, se définir ainsi (3): « Le corps et le
cou sont colorés d'un rouge-foie foncé, marqué d'un réseau serré
de lignes blanches (%) étroites, dont les mailles décroissent
oraduellement en dimension vers la têt+, bien qu'elles soient
partout très larges. Sur la tête mème, ces marques deviennent
des taches châtain, arrondies. se détachant sur un fond coloré
de fauve; la face dorsale des oreilles est d’un blanc pur, ainsi
que les jambes au-dessous des genoux et des jarrets. Les aires
colorées er rouge de foie, sur le corps et la moitié inférieure
[eæ)
(4) Oldfield Tuowis. On the five-horned Giraffe obtained by Sir Henry
Jouxsox near Mount Elson. Proceedings of the... Zoological Society of London.
1901, vol. IT, p. 475 et 476.
(2) R. Lypekker. The Gume Animals of Africa. London, 1908, p. 574.
(3) Id., p. 374.
(4) La couleur blanche dont il s'agit ici est loin d'ètre absolument pure;
elle est plus ou moins teintée d’une légère couleur crème. Cette remarque
s'applique à la plupart des teintes « blanches » dont il sera question par la
suite.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES \ 1H
du cou, sont, pour la plupart, quadrangulaires et ne montrent
pas de tendance à s’arrondir. Le fait essentiel de la coloration
Fig. 2. — Giraffa reticulata de Winton (©). Sujet tué près du mont Nyiro (Afrique orientale anglaise).
est la superposition d’un réseau blanc sur un fond rouge-foie,
de telle sorte que cette espèce ne peut être décrite comme
12 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
vraiment tachetée. La corne impaire du frontest modérément
développée. »
Cette modification de la disposition du coloris semble résulter
d'une adaptation mimélique particulière aux brousses du
Somal. Les photographies d'animaux vivant en liberté qu'a
rapportées M. DEeLAMERE, de même que celle que l’on trouvera
ci-contre (PI. 1, frontispice) montrent, dans la mesure assez
faible où peut le faire la photographie, que la disposition du
réseau de lignes blanches de la Girafe réticulée la met effecti-
vement en harmonie avec les buissons d'Acacias au milieu
desquels elle circule,
Avant de décrire les deux spécimens que nous rapportons à
la Graffa reliculata de Winton, mentionnons la récente des-
eription, par M. Kxorrnerus-Mever, d'une Girafe du pays
Galla, pour le moins très voisine, autant que nous pouvons le
voir, de la Guaffu reliculata, et que cet auteur considère
comme représentant une espèce nouvelle à laquelle il donne le
nom de Giraffa hagenbecki (1). Le spécimen qui a servi à la
description de M. Kxorrxerus-Meyer est une femelle âgée
d'environ six ans; sa faille est d'environ 3",80 etelle s'éloigne
beaucoup, d'après son descripteur, de la Giraffa reticulata, au
point de vue du dessin et de la couleur. Après examen de nos
sujets et révision des données générales relatives à la Grraffa
reliculata, nous ne relevons pas de caractères très spéciaux
dans la description de M. Kxorrxerus-MeyEr, qui signale
essentiellement des tachetures au niveau de l'os canon et la
présence de taches blanches parsemant quelques-unes des
erandes marques foncées, notamment sur la tête et Les cuisses.
Au sujet du dessin ou de la réparlilion des taches foncées,
nos spécimens, ainsi qu'on le verra par la description qui va
suivre et les figures l'accompagnant, présentent quelques-uns
des caractères signalés comme propres à cette nouveile espèce,
spécialement en ce qui concerne les régions métacarpiennes et
el métatarsiennes. Signalons dès à présent, à ce sujet, que la
coloration blanche des extrémités, indiquée comme lune des
caractéristiques de la Gwraffa reliculata [N. ci-dessus), est un
(1) Theodor Kworrxerus-MevEr. Eine neue Giraffe aus dem Südlichen Abes-
sinien. Zoologischer Anzeiger, 29 juin 1910, Bd. XXXV, Nr. 24-25, p. 797-800.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 13
fait corrélatif de l’éclaireissement subi en général par les extré-
mités sur les Girafes âgées. Disons en passant que Jonnsrox
signale ce même fait pour la Girafe du Mont Elgon (1) qui
appartient à une espèce différente (G. camelopardalis roths-
childi Lyd.) dont la coloration très foncée rend l’éclaircisse-
ment des extrémités tout particulièrement appréciable, Cet
éclaireissement représente un caractère de maturité, de déve-
loppement intégral, que l’on ne peut s'élonner de ne pas trouver
sur la femelle, âgée seulement de six ans, observée par M. Knorr-
NERUS-MeyEer. Sur nos deux sujets, un mâle et une femelle
simplement adultes, les régions métacarpiennes et métatar-
siennes sont tachetées jusqu'aux boulets (fig. 8 et 9), mais nous
ne voyons là qu'un fait corrélatif d'un âge relativement peu
avancé, et maintenons ces deux sujets dans l'espèce reti-
culata.
En ce qui concerne la couleur, nous pouvons trouver sur
ceux-ci les principales des particularités signalées par M. Knorr-
NERUS-M£YER. Certaines des grandes marques polygonales ren-
ferment des taches blanches plus ou moins grandes, plus ou
moins nettes, très variées en tout cas, non seulement comme
aspect, mais aussi comme emplacement, sur l’un et l’autre
sujet. Tantôt ce sont de simples points, de nombre et de posi-
tion variables ; lantôt se sont des ébauches de lignes, parfois
très nettes, plus ou moins brusquement interrompues (fig. 4,
CAT
Autant que nous pouvons en juger d'après les données très
brèves et les deux figurines auxquelles se réduisent les rensei-
gnements sur la Girafe en question (G. hagenbecki K. M.), nous
tendons à ne voir, dans certaines de ces particularités tout au
moins, que des faits de variabilité individuelle, dont les plus
importants semble-t-il (ceux qui ont trait à la coloration des
extrémités) sont incontestablement liés à l’âge. Il n’est d’ailleurs
pas impossible que la Girafe réticulée, si spécialisée qu’elle soit
zoologiquement parlant, ne subisse des modifications locales,
sa répartition étant très étendue.
D'après ce que nous savons en effet, cette espèce se rencontre
(1) Sir Harry Jonxsron. The Uganda Protectorate. London, 1902, p. 377 : « the
legs and belly in old specimens tend to be nearly pure white. »
14 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
sur la plus grande partie des lerres basses ou des plateaux,
couverts d'une végélation désertique où dominent les Acacias
{improprement appelés Mimosas), s'étendant au sud-est des
escarpements qui, du Harar au Lac Rodolphe, forment un
ensemble de massifs très irréguliers mais à peu près continus.
Elle remonte, en outre, assez haut vers le nord, bien au delà du
Harar, et nous avons eu l'occasion de mentionner la présence,
à une dale récente, aux confins des pays Somali et Dankali,
d’une Girafe qui était vraisemblablement celle dont nous nous
occupons ici (1). Il est probable que celte extension septen-
trionale a élé beaucoup plus grande encore, car, entre la mer
Rouge el la grande falaise abvssine allant, dans une direction
nord-sud, de la région de Massaoua jusqu'à Ankober, les
plaines désertiques habitées par les Danakil offraient à cette
Girafe un habitat de prédilection. Quoi qu'il en soit, la Girafe
réticulée atteint actuellement, au sud-ouest, la steppe Barta,
la région des Monts Loroghi, s'étend au nord de la rivière
Guaso Nyiro (2) d'où elle s'éloigne, vers l'est, jusqu'à des
limites encore inconnues mais ne semblant pas atteindre le
cours moyen de l’Ouébi Shébéli.
Ainsi arrêtée, au nord et à l’est par la mer, à l’ouest par
des escarpements infranchissables pour elle, il est facile de
comprendre que celte Girafe se soit trouvée dans des conditions
particulièrement favorables à une ségrégation ; vers le sud,
cependant, elle trouvait une frontière assez largement ouverte,
qui est la limite nord-est de la Girafe dite du Lac Baringo ou
du Mont Elgon (G. c. rothschildi Lyd.) et, au niveau de cette
frontière commune, les deux formes semblent, comme nous
l'avons vu, empiéter légèrement sur le territoire l'une de
l’autre (voy. ci-dessus. p. 8).
Nos deux sujets (un mâle et une femelle) proviennent, l’un
de la steppe Barta, l’autre du Mont Koroli; ce sont eux que nous
allons maintenant décrire.
(1) Pierre Carerre-Bouver et Henri Neuvizse. Les pierres gravées de Siaro et
de Daga-Beid (Somal). L'Anthropologie. t. XVII, 1906, p. 387.
Nous ne tentons cette assimilation que d'après les données zoogéogra-
phiques.
(2) Plusieurs rivières (deux ou moins) portent ce nom. Il s’agit ici de celle
qui coule à peu près sous la latitude du Baringo et de l'Elgon (voy. carte, p.15).
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 15
EST AFRICAIN
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16 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
II. — CARACTÈRES EXTÉRIEURS
(PI. let PE IE 2).
La femelle, un peu plus âgée que le mâle d’après son
pelage et sa dentition (voy. PI. II), est, dans l’ensemble, très
légèrement plus pâle que celui-ci; sa couleur semble un peu
moins teintée de rouge. La coloration générale est à peu près
intermédiaire, dans les deux cas, aux n° 19 (rouge brique) et
32 (fauve) de la Chromotaxie de Saccarpo (1); la teinte 102
du Code des couleurs de KLINCKSIECK et VALETTE (2) en donne
également une idée, bien qu'elle soit un peu plus foncée. Cette
coloration varie d’ailleurs en intensité ; elle est plus ou moins
foncée d’après les régions, le dos et les flanes l’étant plus, en
général, que les parties inférieures ; sur le ventre, elle est
beaucoup plus claire et, à la partie interne des cuisses, de même
qu'à la partie tout à fait inférieure des membres, elle devient
enfin à peu près blanche. D'une façon toute générale, nous
pouvons dire que nos deux Girafes réticulées sont d'un roux-
fauve, avec la face interne des cuisses et la partie des jambes
voisine des sabots d'un blanc à peu près pur, et que cette
teinte générale du corps forme un fond divisé par d’étroiteS
lignes blanches en taches polygonales de grandeur variable et
le plus souvent très nettement délimitées.
La couleur que nous venons ainsi de chercher à définir est
loin d'être régulière, même sur une seule tache ; elle a toujours
un aspect plus ou moins piqueté, certains poils étant plus
foncés, d’autres plus clairs, d'autres enfin étant entière-
ment blancs. Des variations de même ordre s'observent aussi
dans la couleur du réseau de lignes claires séparant les unes
des autres les taches foncées; ces lignes sont parsemées,
mais d’une manière presque infime, de poils présentant la
coloration générale roux-fauve. Ajoutons, en outre, que les
poils foncés sont généralement plus clairs, et souvent même
blancs, à leur base (3); lorsque, pour une cause quelconque, la
(4) P. A. Saccarpo. Chromotaxia, seu nomenclator colorum... Patavii, 1894.
(2) Kuvexsiecx et VaretTE. Code des couleurs. Paris, 1908.
(3) Rapprocher ce fait de ce que décrit et représente M. Ray LANkESTER :
Parallel Hair-fringes and Colour-striping on the Face of Fœtal and Adult
Giraffes. Proceedings of the. Zoolugical Society of London. 1907, p. 115-125.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES Lÿl
surface du pelage cesse d’être lisse, cette coloration profonde
devient plus ou moins visible et 1} en résulte une accentuation
de l’apparence piquetée. Tous ces faits contribuent à rendre
la couleur dont nous parlons impossible à définir, et même
à rendre par une figure, d’une manière rigoureuse. Disons, dès
à présent, que les colorations voisines de celle-ci pâlissent
assez vite et d’une manière très sensible chez les Mammifères.
Dans le cas des Girafes, la décoloration peut atteindre un
degré considérable, ainsi qu'il est malheureusement facile de
s'en rendre compte par l'examen de celles qui figurent dans les
Galeries de Zoologie du Muséum de Paris. Nous tenons à mettre
en garde, dès à présent, contre les variations que subiront
inévitablement de ce chef les sujets que nous décrivons, et ceci
s'applique à la fois à la Girafe réticulée et à celle dite du
Baringo. Peut-être le lavis noirâtre dont cette dernière paraît
recouverte contribuera-t-1l à lui conserver sa nuance foncée,
bien qu'il ait été signalé comme également susceptible de
décoloration ; mais les roux dominants dans les deux cas sont
appelésà subir un pâlissement contre lequel diverses précau-
ions ont été ou doivent être prises.
La forme même des taches est très variable, plus encore
que Ja couleur. Nous pourrions dire que l’on trouve ici presque
toutes les formes de polygones rectilignes, curvilignes ou
mixtes, depuis le simple triangle jusqu'aux figures plus ou
moins circulaires ou elliptiques qui sont les limites géomé-
triques de ces polygones:; cependant, les formes polygonales
rectilignes, simples, généralement pentagonales, l'emportent
sur les autres.
Nos deux sujets ne présentent aucun dimorphisme sexuel
notable, si ce n’est celui de la taille. La coloration de la
femelle est cependant un peu plus pâle, comme nous l'avons dit,
et les taches des extrémités sont plutôt un peu plus grandes et
un peu plus foncées sur le mâle que sur la femelle ; mais
cette différence semble représenter une variation individuelle
quant à la dimension, et un fait dû à l’âge quant à l'intensité
de coloration.
Les dimensions principales de ces deux sujets sont données
par les mesures approximatives suivantes :
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9° série. XIII, 2
18 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
© Q
Hauteur, au-dessus du sol, du niveau supérieur
des cornes principales, le cou étant dressé de
manière, ROMA er RE fe 40,70 4m
Hauteur à la partie moyenne du garrot. ..... on 10 2,50
— de la croupe, prise à la partie anté-
riéure 'dirhassins,#:. 2240 Memo. om°35 2045
Nous décrirons ces sujets par régions, en signalant, chemin
faisant, les différences qu'ils présentent.
Tête.
La coloration de la tête est plutôt un peu plus pâle que celle
de l'ensemble du corps, tout au moins en ce qui concerne la
partie généralement la plus visible : les joues; mais cet
éclaircissement n’atleint pas le degré observé sur la Girafe de
l'ouest (G. rc. peralla Thos) dont on a pu dire que c'est une
Girafe « à face pâle » (1). Les lèvres sont du roux-fauve dont
nous avons parlé; elles ne sont découpées par aucune ligne
blanche. La lèvre inférieure, un peu plus claire, dans son
ensemble, sur notre sujet mâle, est, au contraire, plus foncée
que la lèvre supérieure sur la femelle, où elle porte un bon
nombre de poils et de soies noirs disséminés sans ordre
apparent ; quelques-unes de ces soies sont longues de plu-
sieurs centimètres, surtout au bord de la lèvre, et leur présence
fonce très sensiblement la teinte de celle-ci; ces poils et ces
soies sont moins fournis chez le mâle et y Le plutôt. roux.
La lèvre supérieure porte d’ailleurs aussi, surtout au bord,
d'assez nombreuses soies noires ou rousses, très longues, qui
doivent vraisemblablement accroître sa sensibilité.
Examinant maintenant le profil supérieur de la tête, nous
fixerons tout d'abord notre attention sur la corne antérieure
médiane, ou pyramide, remarquable à première vue par
l'épaisseur et la coloration foncée de son revêtement pileux el
à laquelle correspond, sur le crâne du mâle, un ossicône bien
développé (fig. 28). Nous n'avons pas observé que la peau soit
pourvue, à ce niveau, d'un épaississement ou callosité aussi
(4) R. Lypexker. On the Nigerian and Kilimanjaro Giraffes. Proceedings of
tue Zoological Society of London. 1905, 1, p. 120.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 19
considérable que cela a lieu au-dessus de l'extrémité de
l'ossicône des cornes principales et au niveau de la crête pariélo-
occipitale, où deux callosités de ce genre représentent à elles
seules, de part et d’autre de la nuque, sur nos deux sujets,
les cornes supplémentaires dites « cornes d’artimon » Ets
celles-ci, comme nous le verrons plus loin, ne possèdent, en
effet, aucun substratum osseux particulier. Même sur la
femelle, où il ne semble pas exister d'ossicône pour la pyra-
mide, le renflement fronto-nasal (voy. ci-dessous, fig. 29) est
surmonté d'un revêtement pileux épais et foncé formant une
saillie très accentuée, si forte même que l’on s'attendrait à
trouver sur le crâne de ce sujet, qui n'en présente cependant
pas trace, un ossicône médian très développé, comme il en
existe sur les femelles de la Girafe du Sénégal (fig. 11). Il à
d'ailleurs peut-être existé ici un ossicône rudimentaire, comme
en présentent les femelles de Girafes d'Égypte (fig. 12); un tel
ossicône, n'adhérant fortement au crâne que sur des sujets
d'un âge très avancé, à pu passer inaperçu et être égaré
pendant le dépouillage, forcément hâtif, de ce sujet. Quoi qu'il
en soit, tant d'après l'examen du crâne que d'après celui de
la peau. cetossicône ne pouvait être fort développé, et la saillie
que nous observons ici est essentiellement le fait d’un dévelop-
pement extrème du revêtement pileux. Il est facile de con-
cevoir que les modifications ainsi présentées par le tégument,
au niveau des cornes, et qui existent même en l'absence
d'ossicônes (ou, si l’on préfère, avant l'apparition de ceux-ci),
puissent, Jusqu'à un certain point, jouer le rôle acquis par
l'étui corné des Cavicornes, et permettre aux Girafes de se
servir, sans dommage pour elles, de leurs cornes si parti-
culières et si faibles à première vue (2).
Nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher ces faits de
ceux que cile W. Duerstr relativement à la formation pri-
mitive des cornes (3). Les formations tégumentaires d'ordre
(1) « Mizen horns » de M.01d. Tomas (On the five-horned Giraffe...Voy. note ?,
p: 6).
2) Voy. première partie, p. 7. Les mâles se servent de leurs cornes comme
armes principales au cours des combats qu'ils se livrent entre eux, les sabots
ne semblant être employés que contre des ennemis de taille inférieure.
(3) Martin Wicckexs. Grundzüge der Naturgeschichte der Haustiere. Neube-
arbeitet von Dr J. Ulrich Duersr. Leipsig, 4905, p. 52.
20 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
pathogénique citées par cet auteur ne sont cerles pas iden-
tiques au revêlement cutané des cornes, ou des fausses cornes,
des diverses Girafes, mais un rapprochement s'impose cepen-
dant entre elles, et nous assistons bien ict à l’apparition gra-
duelle de noyaux osseux de plus en plus différenciés et dont
le développement est sensiblement parallèle à celui de la
partie tégumentaire. Nous voyons, en effet, sur les sujets que
nous étudions en ce moment, les cornes principales, surmon-
tées à la fois d’une forte callosité terminale et d’un revêtement
pileux très développé là où les progrès de l’âge ne l'ont pas
atténué ou même fait complètement disparaître, posséder un
ossicône très développé; la pyramide, qui ne présente essen-
tiellement, au point de vue des modifications cutanées, qu’un
renforcement considérable du revêtement pileux, n'en possède
qu'un beaucoup plus faible (1); les cornes d’artimon, enfin,
qui ne présentent qu'une assez forte callosité et un léger ren-
forcement du revêtement pileux, ne possèdent pas d'ossicône.
La formalion primordiale de ces trois sortes de pièces semble
identique. Les données ontogéniques plaident nettement en
faveur de cette manière de voir, en ce qui concerne les cornes
principales et la pyramide (2), et il est permis de considérer
les cornes occipitales (cornes d’artimon) comme représentant
la persistance d’un stade primitif du développement des précé-
dentes. À l’origine, toutes ces cornes se réduisent à des touffes
de poils, sous lesquelles se développent des callosités, et fina-
lement, dans celles dont le développement ne s'arrête pas à ce
stade, apparaît un ossicône.
Cette manière de voir, rigoureusement conforme aux faits
les mieux établis, permet de considérer les formations occipi-
tales comme représentant des cornes imparfaitement dévelop-
pées et non pas des traces d'appendices en voie de régression.
Nous aurons à revenir sur ce point (voy. p. 180 et suiv.).
Le revêtement pileux de la corne médiane antérieure est,
(4) La Girafe du Sénégal semble, par exception, pouvoir présenter un
développement de la pyramide presque équivalent à celui des cornes princi-
pales. Voy. le crâne figuré p. 46.
(2) E. Ray Laxkesrer. The Origins of the Lateral Horns of the Giraffe in
FϾtal Life on the Area of Parietal Bones. Proceedings of the. Zoological Society
of London. 1907, p. 109.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 21
aussi bien chez le mâle que chez la femelle, plus fourni, plutôt
un peu plus foncé et surtout plus rouge que la teinte générale.
Un bouquet de poils noirs, longs et forts, termine chacune des
cornes principales, tandis qu'aucune différenciation de ce
genre ne s’observe sur la pyramide, laquelle, sur notre sujet
femelle surtout, est cependant plus foncée que les cornes prin-
cipales ne le sont dans leur ensemble.
Sur l'un et l’autre de nos deux sujets, les cornes princi-
pales sont recouvertes, à la face antérieure, de longs poils roux ;
leurs extrémités portent, comme nous venons de le voir, une
longue touffe de poils noirs, plus longue et plus fournie sur
la femelle où elle atteint environ 0",05. La partie postérieure
de ces cornes présente une tendance à la réticulation et porte
de petites taches s'étendant jusqu'à l'occiput.
La ligne du chanfrein est de la teinte générale, assez large-
ment parsemée de poils blanes formant un commencement de
réticulation et paraissant tendre à la découper en taches
isolées ; mais cette tendance n’aboutit que de part et d'autre
de cette ligne, qui, sur notre sujet femelle, s'étend sans vraies
découpures sur une largeur d'environ 0",04; ces découpures,.
ou cette tendance à la réliculation, déjà très vagues sur ce
sujet, le sont plus encore sur le mâle, où la coloration foncée
du chanfrein reste beaucoup plus homogène et s'étend sur une
plus grande largeur.
Tandis que la lèvre supérieure est à peu près du rouge-
fauve général (voy. ci-dessus), le pourtour et la ligne mitoyenne
des narines sont rendus noirâtres par la présence de très
nombreux poils noirs, courts, surtout abondants sur la
femelle, assez rares au contraire sur le mâle. Par contre, le
pourtour immédiat des narines est tapissé, vers l'intérieur,
de poils blanchâtres très courts et très fins.
De part et d'autre de la ligne du chanfrein, entre l'œil et
la narine, se trouvent, sur nos deux sujets, trois taches (nous
appelons ainsi, d’une manière générale, les espaces foncés
limités par des lignes claires) dont la movenne, la plus par-
parfaitement délimitée, est plutôt un peu plus grande que les
deux autres; elle est irrégulièrement allongée et mesure
environ 0",07 de longueur sur le sujet femelle; elle est plus
22 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
carrée el proportionnellement plus petite, de même que les
taches voisines, sur le sujet mâle (fig. 3), où son plus grand
diamètre n’est qu'à peine de 0",04. La lache postérieure, la
plus rapprochée de l'œil, est au contraire plus pâle et moins
pl
J
ig. 3. — Tète de Giraffa reticulala de Winton (©).
bien délimitée. Le peu que nous en voyons suffit à montrer que
ces dispositions doivent être très variables individuellement.
La paupière supérieure, lapissée, sur la femelle, de très
petites taches, larges d'environ 0,01, qui vont se confondre
avec le revêtement de la pyramide et avec celui des cornes
principales est, chez le mâle, plus largement teintée de blane
et présente essentiellement une grande tache, peu foncée, mal
définie, sarmontant une crête de poils noirs située en haut et
en arrière de la commissure antérieure. La paupière inférieure
est blanche.
Au-dessus et légèrement en arrière de cette région, l’espace
s'étendant entre la corne médiane et les cornes principales
est découpé, sur le sujet femelle, en très petites taches,
séparées par des lignes à peine plus claires où les poils blancs
sont peu nombreux et qui rappellent celles de la paupière supé-
RECHERCHES SUR LES GIRÂFES 23
rieure. Sur le mâle, ces pelites taches sont encore plus vagues
et la réticulation v est insensible, de même que sur le chanfrein.
Dans le triangle formé, de chaque côté de la face, par la
corne principale, l'œil et le pavillon de l'oreille, se trouvent
de petites taches très neltes, généralement trapézoïdales ;
d’autres, plus petites encore, couvrent la nuque, entre les
cornes principales et les cornes d’artimon. Les parties laté-
rales et inférieures de la tête présentent enfin des taches plus
grandes, également très nettes; ces taches pâlissent et s'es-
tompent depuis le menton jusqu’à la gorge (fig. 4). Sur l’un et
l’autre de nos sujets, une tache foncée située un peu au-
dessous et en arrière de l'œil, entre celui-ci et le pavillon de
l'oreille, présente en son centre ou à son bord une tache
blanche plus ou moins irrégulière d'où partent quelques
soies noires dirigées d'avant en arrière.
L'œil est largement cerné de blanc; ce détail, bien visible
sur les figures 3 et #, est également très net sur celle qui est
donnée dans l'ouvrage de Donazpson Surrn (1). En avant et
un peu en haut de la paupière supérieure, et lui restant juxta-
posée, se lrouve une touffe, ou tout au moins une crête à
laquelle nous venons de faire allusion (p. 22) et qui porte des
poils plus longs et plus forts que ceux des parties voisines,
dirigés en arrière, blancs à la base et terminés de noir; cette
touffe est plus marquée sur notre sujet mâle que sur la femelle ;
elle se trouve au-dessus de la commissure interne ou anté-
rieure des paupières dont la commissure externe présente
simplement quelques poils noirs.
La région des cornes d’artimon (nous continuons, pour la
clarté de notre description, à employer cette expression imagée
et commode de M. Old. THomas) mérite de fixer tout parti-
culièrement l'attention. Ainsi que nous le disions plus haut,
ces cornes existent sur nos deux sujets, tout au moins en tant
qu'excroissances cutanées, car ni dans l’un ni dans l’autre cas .
elles ne possèdent de substratum osseux particulier (voy.
figures 28 et 29); de telles formations peuvent donc se
rencontrer dans l'un et l’autre sexe. Elles sont recouvertes,
(14) A. Doxaznsox Suiv. Through unknown African countries. London-New
York, 1897, p. 357.
24 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
comme la base des cornes principales, par des taches fonda-
méntalement identiques à celles qui recouvrent toute la
région fronto-pariéto-occipitale ; mais, tandis que ces taches
sont fortes et très serrées à la base des cornes principales,
elles s’agrandissent à mesure qu’elles s’en éloignent, et, au
niveau des cornes d’artimon, elles deviennent beaucoup plus
nettes, plus grandes ; disons, pour fixer les idées, qu'elles y
ont environ 0",04 de diamètre et font transition entre les
petites taches de la nuque et celles de la partie supérieure du
cou, qui sont déjà beaucoup plus larges et font elles-mêmes
passage aux grandes taches du tronc.
La saillie des cornes d’artimon est très faible ; [a figure 3
permettra d’ailleurs de l’apprécier exactement. Leur extrémité
n’est pas, à beaucoup près, aussi nettement différenciée que
celle des cornes principales. Une légère touffe aplatie, ou plutôt
une crête de poils plus longs et plus forts, les termine simple-
ment l’une et l’autre; parmi ces poils, certains sont noirs et
tranchent parmi les autres qui sont roux ou blancs. La crêle
dont nous venons de parler s'étend latéralement, à droite et à
gauche de chaque corne; du côté médian ou interne, les
crêtes issues de l’une et l’autre corne se rejoignent, et c’est à
leur jonction que nait la crinière ; cette disposition figure une
sorte d’accolade transversale, ou de croissant double à con-
vexilé antérieure, que la crinière rejoint sur la ligne médiane,
entre ces deux fausses cornes.
Cou.
La crinière, à laquelle nous venons de faire allusion, s'étend
tout le long du cou, depuis l'occiput jusqu'en arrière des
épaules. Elle est composée de poils rudes, relativement courts,
de 0,06 à 0",08 en moyenne, dont l’ensemble est de couleur
rousse, mais dont certains sont blancs et d’autres, blancs à la
base, sont roux à l'extrémité.
Les taches du cou sont grandes, sauf à la partie tout à fait
supérieure ou antérieure, c'est-à-dire au voisinage de la
nuque, des oreilles et de la gorge. Ce que nous savons, d’après
le peu de documents relatifs à cette espèce, montre que ces
RECHERCHES SUR LES GIRAFES
Fig. 4. — Girafju reticulala de Winton. Au premier plan, ©';
29
au second, ©.
26 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
taches, comme celles du reste du corps, subissent des variations
individuelles pouvant être assez importantes: nous essaie-
rons cependant de décrire la disposition qu'elles affectent sur
nos deux sujets. Peut-être ne serait-il pas impossible, si les
matériaux de recherches devenaient suffisamment nombreux,
d'en donner un schéma qui, par des séries de fusions et de
dédoublements, reproduirait les différents cas individuels.
Pour faire comprendre la répartition des taches du cou,
nous dirons que celui-ci, sauf dans son extrémité tout à fait
antérieure où supérieure, où les taches sont assez petites et
paraissent plus particulièrement variables, porte essentielle-
ment cinq rangées longitudinales de taches : une dorsale, sur
laquelle s'étend la crinière, et de chaque côté, deux latérales, à
peu près symétriques dans leur ensemble, celles de droite étant
séparées de celles de gauche par une ligne blanche sinueuse
suivant la ligne médiane antérieure du cou ; celle-ci se poursuit
jusqu'au poitrail et s'y arrèle plus ou moins loin. Nous
observons cette disposition sur nos deux sujets et la retrouvons à
la fois sur la figure donnée par Doxazbson Surru (loc. cit.) où elle
parait cependant dévier quelque peu vers la gauche, sur les
photographies de Lord DELAMERE reproduites par LyYpekker (1)
et sur celles que vient de publier M. Kxorrerus-MEYER (loc.
cil.). La forme du Lado (G. e. cottont Lyd.), et peut-être d'autres
encore, rappellent aussi celte disposition. D'autre part, dès la
base du cou, les rangées de taches, dont nous venons de tenter
un classement longitudinal, se divisent, et il devient dès lors
assez difficile de trouver sur un sujet l'équivalent des taches
présentées par un autre. Peut-être cependant, comme nous
venons de le suggérer, l'examen d'un certain nombre de
spécimens permelirait-il d'y arriver et de suivre dès lors, d’une
facon rationnelle, les variations de l'espèce.
Quoi qu'il en soit, depuis la partie de la région antérieure du
cou où les taches commencent à se différencier (nous pourrions
dire à s'organiser) le plus nettement, nous pouvons compter
d’abord, de chaque côté, sur nos deux sujets, deux laches
séparées l’une de l’autre par une ligne blanche longitudinale,
(1) R. Lypexker. The Game animals of Africa. London, 1908. Figures 76
CAE MPa
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 27
puis, suivant latéralement la ligne blanche médiane dont nous
venons de parler, s'alignent de part et d'autre de cinq à neuf
taches. A la base du cou, chacun des deux alignements symétri-
Winton (©').
Girafju relieulala de
ques ainsi réalisés se dédouble, ce qui engeudre quatre taches,
dont les deux externes sont grandes et polygonales Landis que les
médianes sont plus petites, allongées et de forme trapézoïdale
ou triangulaire. Au-dessous de ce niveau, les dispositions
28 MAURICZ DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
varient trop, sur nos deux sujets, pour que nous puissions
les homologuer en l'absence de termes de passage.
D'autre part enfin, à un niveau plus ou moins éloigné de la
XI
Fig. 6. — Poitrail de Giraffa reticulalade Winton (C').
région occipitale, les autres bandes longitudinales dont nous
avons parlé se dédoublent aussi partiellement, et la base du
cou, au niveau des quatre taches ci-dessus citées, est entourée
RECHERCHES EUR LES GIRAFES 29
de huit Laches (y compris les médianes\ sur l’un de nos spéet-
mens (femelle), et de neuf sur l’autre (màle), où s'intercale, au
niveau de la erinière, une tache médiane.
Fig. 7. — Épaule droite de Géraffa reliculala de Winton (OS).
Tronc.
Une ligne blanche étroite, et très sinueuse, suit à peu près
Le
30 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
la colonne vertébrale et va se perdre plus ou moins loin sur la
région lombaire ; de part et d'autre de celte ligne, dans les
régions dorsale et lombaire, les taches sont relalivement
petites (voy. fig. 1), tout en restant cependant beaucoup plus
grandes que celles de la tête et des extrémités. Les flancs sont
couverts de larges taches polygonales (fig. 5), qui deviennent
plus petites sur la poitrine et le ventre (fig. 2) et s'éclaircissent
considérablement sur celui-ci, tandis qu'elles se foncent au
contraire sur celle-là où la teinte rousse est entremèlée de
quelques poils noirs.
Le poitrail porte de grandes laches polygonales, plus grandes
el, par suile, moins nombreuses sur la femelle que sur le
mâle (fig. 6).
Membres.
Les taches des membres, aussi grandes à la partie supérieure
de ceux-ci qu'elles le sont en général sur le corps, diminuent
à la fois de taille et de coloration en se rapprochant de leur
parlie inférieure. Nous ne pouvons établir, pour les membres.
un schéma, si vague qu'il soit, suivant lequel se répartiraïent
ces taches; elles présentent, entre nos deux sujets, et même
simplement entre un côté el l’autre, des différences de dispo-
sitions considérables ; à côté de taches relativement très
grandes: peuvent s'en trouver de très pelites, comme sur
l'épaule gauche du mâle par exemple {voy. fig. 5).
En principe, ces taches restent assez grandes à la partie
antérieure des membres de devant, jusqu’à la région moyenne
du radius (fig. 5, 6 et 7); elles sont assez petites au niveau de
l'articulation huméro-radiale et vont en décroissant plus ou
moins progressivement vers le bas (fig. 8).
Il en est fondamentalement de même, dans l’ensemble, pour
les membres postérieurs ; les taches des parties antérieures et
supérieures de la cuisse (fig. 5) sont de dimensions plutôt supé-
rieures à celles des laches qui s'observent en arrière ou en bas
de cette région (fig. 9), mais la différence est iei beaucoup moins
grande qu'au membre antérieur.
Sur notre sujet femelle, les taches des membres sont plutôt
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 91
plus nombreuses, partant plus petites, que sur le mâle; cette
différence est probablement individuelle; et nous rappellerons
simplement que la tête de la femelle nous a également pré-
senté, dans son ensemble, des taches plutôt plus nombreuses
et plus petites que celles du mâle, abstraction faite de celles
qui s'étendent sur la ligne comprise entre l'œil et la narine.
Il est essentiel de remarquer que sur nos deux sujets les
taches ne s'arrêtent pas au niveau du carpe ni à celui du tarse ;
elles descendent jusque vers le boulet, en s’atténuant de
plus en plus comme dimension et intensité de coloration
fig. 8 et 9). Vue à une certaine distance, la partie inférieure
des membres, tant antérieurs que postérieurs, présente ainsi
une leinte fondue, allant en se dégradant de plus en plus et
faisant place, au niveau des boulets, à la teinte blanchâtre qui
est celle des lignes réticulées séparant les faches les une des
autres sur le corps entier. Celle disposilion est à peu près la
même sur l’un et l’autre de nos deux sujets; elle est évidem-
ment due à leur âge; vraisemblablement plus accentuée
chez les individus plus jeunes, elle doit faire place, chez les
mâles âgés, à la coloration uniformément blanche signalée
comme caractéristique de l'espèce. Nous renverrons, quant à
ce détail, à ce que nous disions plus haut {p. 12) et il nous
paraît y avoir lieu de modifier la diagnose de l’espèce en préci-
sant que les extrémités, blanches chez les sujets âgés, sont
achetées chez les jeunes et le restent même chez les adultes
de l’un et l'autre sexe.
La partie supéro-interne des membres antérieurs est un peu
plus pâle que le reste, mais demeure réticulée de la même façon
que l’ensemble, sur nos deux sujets. Par contre, la partie
interne des euisses y est plus pâle encore que le: ventre;
la réticulation peut cependant s’y déceler facilement, mais
l’affaiblissement de la coloration des taches va presque jusqu'à
leur faire atteindre la teinte pâle des lignes formant le reti-
culum.
La queue, enfin, présente des taches de plus en plus petites
depuis sa base jusqu'à son extrémité. Ces taches sont norma-
lement colorées ; une certaine symétrie se remarque dans leur
disposition, et, sur nos deux sujets, une ligne en zigzag, pro-
92 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
y =
longeant celle de l'épine dorsale (voy. ci-dessus, p. 29), la suit
jusqu'à sa terminaison : ceci est parliculièreméent net sur notre
Fig. 8. — Membres antérieurs de Géraffa reticulata de Winton ( O):
sujet femelle, où l’on voit cette ligne traverser littéralement
les taches, en s’interrompant parfois en leur centre pour
reprendre ensuite sa course. Les poils qui la constituent
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 39
sont un peu plus longs ; nous verrons ce fait s'accentuer sur
HG. ec. rothschildi.
7
Fig. 9. — Membres postérieurs de Giraffa reticulata de Winton (SO); même sujel
que sur la figure 8.
Il est à peine nécessaire de rappeler que la queue de Ia
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. XIIF, à
34 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Girafe se termine par un pinceau très fourni de crins longs et
forts, légèrement ondulés, et que la disposition en chasse-
mouches de cet appendice caudal est assez frappante pour.
avoir mérité d'être examinée au point de vue des théories
transformistes. Cette disposition ne peut être pleinement
appréciée sur les sujets vivant en ménagerie, le long pinceau
de crins se réduisant fréquemment, sur ces sujets, soit par
usure, soit par arrachement, à une touffe courte, arrondie,
donnant en quelque sorte à la queue un aspect de moignon.
Les crins sont presque tous noirs sur nos deux spécimens;
quelques-uns cependant sont blancs ou roussâtres.
DISPOSITIONS SPÉCIALES DU PELAGE (TOURBILLONS ET ÉPIS)
Les caractères si particuliers que présentent les Girafes nous
ont incités à rechercher ce qui a lieu, sur celles que nous
étudions, au point de vue de la répartition et de la direction
des courants et des tourbillons du pelage.
L'attention a élé tout spécialement allirée, en ces der-
nières années, sur la signification que peuvent offrir ces tour-
billons et sur les modifications que leur impriment les diffé-
rents modes de vie des Mammifères. En ce qui concerne
les Girafes, les documents sont encore des plus incomplets
sur ce sujet, dont la portée générale est grande et qui a déjà
pris une place relativement importante dans la discussion
des théories de l’évolution; mentionnons cependant ici
l'étude fort intéressante, et appuyée de figures particulière-
ment instructives, que M. Ray LANKESTER à consacrée aux
dispositions du pelage de la face des Girafes (1).
M. Wacrer Kibb, qui à poursuivi des recherches spéciales
sur ces particularités, a observé que les Girafidés, de même
que les Camélidés, présentent, dans les régions frontale et
nasale, le « type ordinaire » de répartition du poil, mais que
sur leur lèvre supérieure, particulièrement épaisse et forte,
les poils sont disposés en éventail et rayonnent du niveau des
(4) E. Ray Laxkesrer. Parallel Hair-fringes and Colour-striping on the
Face of Fœtal and Adult Girafes. Proceedings of the... Zoological Society of
London, 1907, pp. 115-125.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 39
narines vers le bord de la lèvre (1). Nous avons retrouvé cette
dernière disposition sur nos sujets et ceci complètera ce
que nous disions ci-dessus (pp. 18 et 21).
Le « type ordinaire » auquel il est fait allusion ici est celui
qu'offre le Renne, choisi comme exemple par M. Warrer
Kipp (2).
Les exceptions à ce type sont, d'après l’auteur que nous
citons, plus nombreuses chez les Ongulés que dans aucun
autre groupe de Mammifères (3); il en énumère effectivement
un grand nombre à la fois chez les Bovinés, les Antilopinés et
les Équidés. Il est intéressant de noter que les Girafidés pré-
sentent, à ce point de vue, un type assez voisin de celui des
Cervidés. é
Un peu plus récemment, M. W. Kipp à donné un apercu
général de ces dispositions du pelage des Girafes (4). Il men-
(
1} Walter Kinp : The significance of the Hair-Slope in certain Mammals.
Proceedings of the. Zoological Society of London, 1900, p. 681.
(2) Walter Kinn, Loc. cit., p. 678, fig. L.
Id. Use-Inheritance. London, 1901; p. 36. fig. XIIL.
Rappelons, pour faciliter la comparaison, que « l'Ordinary Type » de
M. W. Kiop comporte un petit tourbillon sur l'aire prémaxillaire, juste au-
dessus du museau (nous venons de voir que chez les Girafidés et les Camé-
lidés le mode de répartition du poil sur la lèvre supérieure est différent de
celui-ci); puis les poils suivent deux courants, le long du nez, dans la direction
du frontal; ces courants, divergeant en éventail, vont rejoindre, de chaque
côté, ceux de la région orbitaire, de la face et du cou ; une démarcation est
visible entre les deux premiers, sur les espèces à poils courts, le long de la
ligne médiane des région nasale et frontale. En outre, vers la jonction du
frontal et du pariétal, il y a communément un tourbillon d'où partent des
courants de poils.
Nous devons rappeler, avant d'aller plus loin dans ce sujet, que M. W. Kinn
(Use-Inheritance, p. 12, fig. 1) distingue, comme principales particularités
en rapport avec la direction des poils : 1° le tourbillon (whorl); 2° « the
feathering » ; à défaut d’une expression traduisant correctement et exacte-
ment cette dernière, nous proposons d'employer celle d’épi dont la signi-
fication ne sera exactement ici pas la même qu’en hippologie, où l'épi
comporte un rebroussement ; 3° la crête (crest). Les dispositions en tourbillon
proprement dites sont assez connues pour que nous n’ayons pas à les définir;
l’épi, tel que nous l’envisageons, est en général le simple prolongement, avec
divergence, d'une partie du courant issu d'un tourbillon; la terminaison
brusque de ce courant au contact d'un courant opposé produit au contraire
une crète, de part et d'autre de laquelle les poils suivent des directions
nettement contraires. Ces diverses dispositions sont d’ailleurs très variables
et nos expressions d'épi et de crête ne se réfèrent pas toujours à des cas
rigoureusement identiques à ceux qu'a figurés M. W. Kiop.
(3) The Significance of the Hair-Slope... p. 679.
(4) Walter Kino. Traces of Animal Habits, in Animal Life, London (Hutchin-
son), 1903, vol. IT, pp. 234 et 235, fig. 7 et 8.
930 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
tionne la présence fréquente de dispositions tourbillonnées
entre la base des oreilles et les cornes, puis au niveau de la
septième vertèbre cervicale, où le cou montre, dit-il, une
prépondérance des mouvements de flexion, d'extension, de
ploiement latéral et de rotation ; il mentionne enfin les deux
courants opposés de la crinière, dont la rencontre s'effectue au
niveau des épaules et dont la formation résulte des attitudes
prises par la Girafe broutant ou buvant 5 et 6, fig. 36, p. 143).
En suivant, pour l'examen des particularités qui nous occu-
pent, les catégories établies par M. W. Kipp (1), nous arrivons,
en ce qui concerne nos deux fr. relirulala, aux résultats sui-
vant{s :
A. RÉGIONS OU LA DIRECTION DU PELAGE EST EN RAPPORT AVEC
LES ATTITUDES DE REPOS [1° poitrine, 2° membres antérieurs,
3° abdomen, 4° surface d'extension des membres postérieurs
et région coccÿgienne|! :
10 Région pectorale. — M n'existe pas ici d'aire nettement
délimitée où les poils soient dirigés de bas en haut de manière
à contraster avec les directions avoisinantes, comme cela se
produit chez les Carnassiers, par exemple, nimême comme chez
les Chevaux ; mais il existe des tourbillons et des crêtes très
marquées sur lesquels nous reviendrons plus loin parce qu'ils
peuvent être en rapport avec la locomotion aussi bien qu'avec
les attitudes de repos. Nous avons iei surtout en vue le poi-
trail proprement dit.
29 Membres antérieurs. — Les directions présentées par le
pelage sur celte partie du corps ont donné lieu, tant pour
divers Mammifères que pour l'Homme même, à d'importantes
discussions rappelées par M. W. Kinp (2). Les attitudes de
repos n'interviennent pas seules ici et l’activité locomotrice
imprime aux membres antérieurs des traces manifestes; nous
ne séparons pas, pour le moment, ces deux facteurs.
(1) Walter Kio. Certain Habits of Animals traced in the Arrangement of
their Hair. Proceedings of the. Zoological Society of London. 1902, vol. H,
PE Walter Kinp. The Significance of the Hair-Slope... p. 683 et 686.
Id. Use-Inheritance, p.28 à 33.
Id. Certain Habits of Animals... p. 149 et 156.
RECHERCHES SUR LES. GIRAFES S #
Sur le mâle, qui est, nous le rappelons, un peu plus jeune
que la femelle, les membres de devant présentent, à la face
antérieure de l'articulation brachio-carpienne, c’est-à-dire à
ce qu'on appelle si improprement le genou, un renforcement
très net du système pileux, en forme de touffe (fig. 8) (1), sui-
vant un triangle qui se prolonge le long du canon par une
sorte d’épi, dirigé vers le bas, et de part où d'autre duquel
les poils vont en divergeant dans la direction des parties
latérales du boulet. Cette touffe, assez courte mais très
fournie, principalement composée ici de poils clairs, s'atténue
et se dégrade chez la femelle et [a disposition des poils tend à
y prendre la forme d'un large tourbillon. Ce faitest en rapport
évident avec les efforts produits à ce niveau et les chocs subis
lorsque l'animal se couche ou se relève et dont les traces vont
en s'accentuant avec l’âge. Quelque chose d'à peu près sem-
blable s'observe au niveau du coude, où l’on voit en outre, à
la partie externe, un tourbillon (10, fig. 36, p. 143) particulie-
rement bien marqué sur notre sujet mâle, sur lequel, à quelque
distance au-dessus de ce tourbillon, au niveau de la partie
postérieure de la masse des muscles olécrâniens, s’observe un
épi assez légèrement marqué, mais très net el tendant à se
dédoubler (9. fig. 36).
indépendamment de ces dispositions, un assez fort tourbillon
apparait à la partie interne du membre antérieur, un peu au-
dessus de l'articulation brachio-carpienne (12, fig. 36) ; un autre
se trouve à la partie supéro-interne du même membre (fig. 6),
plus exactement vers le tiers supérieur du radius, et, entre
ces deux tourbillons, s'étend une ligne plus ou moins marquée
formant un épi assez peu net, surtout chez la femelle, de part
et d'autre duquel les poils, dirigés vers le haut, vont en diver-
geant. En arrière du tourbillon supérieur et à un niveau quel-
que peu peu différent {ce niveau est sensiblement inférieur sur
le mâle, où toutes ces dispositions sont beaucoup plus nettes
que sur la femelle, plus âgée), s'en trouve un autre également
(1) C'est ce qu'avait fort bien vu LE Varcranr : Second voyage dans l'intérieur
de l'Afrique... dans les années 1783, 84 et 85. Paris, an IE, €. IE, p. 31 (p. 59
de l'édition de l'an IV) : « La jambe est très fine; mais les genoux sont
couronnés, parce que l'animal s'agenouille pour se coucher. » Voy. aussi renvoi
de la page suivante.
90 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
bien marqué, dont les courants vont se confondre avec les
précédents sans former avec eux d'interférence sensible.
Tout à fait en haut et en avant de la région de l'extenseur
antérieur du métacarpe (6 et 15, fig. 39), le pelage lend à former
deux bandes ou stries transversales superposées, très étroites,
assez peu marquées, distantes d'environ 8 centimètres; de
part et d'autre du milieu de chacune de ces bandes, les poils
vont en divergeant à droite et à gauche (11, fig. 36 et 37).
Les membres postérieurs nous présenteront, au niveau de la
partie movenne des muscles ischio-libiaux, des dispositions
identiques.
Mentionnons enfin, à quelques centimètres au-dessous de
l’inférieure de ces deux bandes, vers le côté interne, sur notre
reliculata @, une crête courte mais très nette, résultant de Ia
rencontre du courant issu de l’épi tracé à la partie interne de
J'avant-bras avec celui de la partie supérieure et externe de
celte région.
Nous mentionnons ici ces dispositions, bien que les faits de
locomotion ne leur soient peut-être pas étrangers, non plus
qu'à divers autres trailés dans ce même paragraphe.
30 Partie éentrale du thorar el abdomen. — A la partie
médiane antérieure du thorax, c'est-à-dire entre les membres
antérieurs et plutôt légèrement en arrière, se {trouve une zone
de renforcement du poil rappelant celle du genou (1); ei
(1) Le Varcranr. Loc. cit. p. 311 (p. 59 de l’éd. de l’an IV) : « Il y a aussi au
milieu du sternum une grande callosité, ce qui prouve qu'il repose ordinai-
rement sur la poitrine. »
M. Powezz-Corrox (In Unknown Africa. London, 190%, p. 144-145) a établi que,
contrairement à l'opinion parfois admise, les Girafes se couchent fréquem-
ment sur le sol et, tenant leur long cou dressé, ne cessent pas, en prenant
cette attitude, de surveiller efficacement les alentours. Cette observation,
faite sur la G. c. rothschilli, peut être étendue aux autres formes ainsi que
le montrent les observations de LE Varcrar et ce que nous voyons sur nos
propres sujets.
Breum a d’ailleurs décrit l'attitude couchéede la Girale : « Elle tombe d’abord,
dit-il, sur les articulations des jambes de devant, fléchit celles de derrière, et
se couche enfin comme le Chameau. Pour dormir, elle s'étend sur le côté,
fléchit une jambe de devant ou les deux, porte son cou en arrière, sa tète
reposant sur ses cuisses. » (E. A. Breum : La vie des Animaux illustrée. Edition
française par E. Gerer, t. Il, p. 524).
Ces détails ne sont pas sans importance quant au sujet que nous traitons
en ce moment.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 39
encore, ce sont, malgré la persistance très nette de l'apparence
réticulée, les poils elairs qui dominent. En arrière de cette
zone, de part et d’autre de la ligne médiane et nettement en
arrière, cette fois, des membres antérieurs, s'observent deux
Lourbillons à peu près symétriques, éloignés l'un de l'autre de
20 à 30 centimètres; les courants qui en émanent vont se ren-
contrer sur la ligne médiane et, d'autre part, chacun de ces
tourbillons donne naissance à un épi très peu marqué, se diri-
seant vers la région de la hanche mais s’atténuant longtemps
avant d'y atteindre, et limitant approximativement la région
abdominale proprement dite. Du côté interne, par rapport à
ces lignes, c'est-à-dire du côté ventral, les poils sont dirigés
vers la ligne médiane du corps; du côté externe, par contre,
ils sont dirigés de bas en haut et vont former des interférences
très indécises avec les poils de la région dorsale, dirigés de
haut en bas.
Dans le haut de la région axillaire, comme dans celle de
l'épaule, le pelage reste dirigé de haut en bas; il en est égale-
ment ainsi dans la région supérieure des flancs et dans celle
de laine.
4° Surface d'extension des membres postérieurs el région cocry-
gienne. — La région de la cuisse ne nous présente de réversion
du pelage qu'à la face tout à fait interne et supérieure des
cuisses où les poils, très courts, sont dirigés d'avant en arrière
dans la partie antérieure, et inversementdans la partie posté-
rieure. La rencontre de ces courants opposés ne provoque ni
formation de crête ni interférence sensible ; la brièveté
extrême du pelage suffirait d’ailleurs à déterminer ce fait.
Par ailleurs, sur la totalité de sa surface, la cuisse est cou-
verte de poils dirigés du haut vers le bas, et c’est seulement à
sa face interne que ce sens fait place à ceux que nous venons
de signaler. Nous avons déjà mentionné, à la partie moyenne
des ischio-tibiaux, la formation de sortes de stries rappelant
celles des membres antérieurs (16, fig. 36).
= La région coccygienne ne présente enfin rien de particulier;
le pelage y suit la direction générale, de haut en bas. Nous ne
relevons rien ici qui puisse être en rapport d’adaptalion avec
une position assise comme celle qui, figurée d'abord par
40 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
JARDINE (1), est reproduite notamment danse travail de LYDEK-
KER (2) et dont des variantes, plus ou moins modifiées, peuvent
se retrouver dans des ouvrages de vulgarisation ou des traités
élémentaires, comme celui d'Orro SCHMEiL (3).
B.-— RÉGIONS OU LA DIRECTION DU PELAGE EST EN RAPPORT AVEC
L'acriviré. -— Rappelons que d'après W. Kipp (4) trois régions
présentent des dispositions attribuables à l’activité, mais non
pas à la locémotion : ce sont les régions nasale, frontale et
spinale.
10 Jiéqions nasale et frontale. — En ce qui concerne ces
deux premières régions, nos spécimens présentent les dispo-
sitions suivantes. Les poils, assez longs, qui garnissent la
lèvre supérieure vont en rayonnant des narines vers le bord de
la lèvre (voy. p. 34). Immédiatement autour de l'orilice des
naseaux, règne uneétroite couronne de poils, courts et fins, d'un
blond très clair; en dehors de ceux-ci s'en observent de plus
foncés, puis, surtout dans les parties médiane et antérieure,
ils sont mélangés de poils noirs. Cet arrangement, déjà
signalé p. 21, étantici rappelé, disons que tous ces poils vont
en divergeant autour de chaque narine ; aussi, au niveau de
la cloison médiane, la rencontre des deux courarits opposés
provoque-t-elle une interférence, mais celle-ci n'aboutit, sur
aucun de nos deux sujets, à La formation d'une véritable erète.
Depuis les narines jusqu'à la saillie fronto-nasale médiane,
ou corne antérieure, les poils sont dirigés d'avant en arrière
et, se développant de plus en plus comme longueur et comme
force, aboutissent à former une sorte de coussinet sur cette
dernière (vov. p. 18).
Au niveau, où à peu près, de chaque lacune prélacrymale,
s’observe un tourbillon (1, fig. 36) dont le sens est de droite à
(4) William Jarnixe. The naturalists Library. vol, HT. Ruminantia. Part. 1,
Edinburgh, 1835. PI. 21.
(2) R. Lypekker- On the Subspecies of Giraffa camelopardalis. Proceedings of
the. Zool. Scc. of London. 1904, vol. I, p. 206, fig. 2%. .
ne ) Otto Scuueir. Lehrbuch der Zoologie, ?te Aufl. Stuttgart-Leipzig, 1899,
. 108 : Giraffen in einem Mimosenhaine.
&) Walter Kipp. Certain Habits of Animals traced in the arrangement ot
het Hair. Proceedings of the... Zoological Society of London. 1902, Vol, 2,
p. 151.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 41
gauche dans sa partie supérieure, si l’on considère le côté
droit, et naturellement inverse si l’on considère le côté
gauche ; nous pouvons définir ce sens d’une autre manière, en
disant que, dans leur partie supérieure, ces tourbillons sont
dirigés du museau vers l'œil. La rencontre des courants issus
de ces tourbillons avec les poils des joues et du nez forme,
en avant de cette région, une crète plus où moins marquée
(1”, fig. 36). Sur les joues elles-mêmes, dont nous parlerons
ici bien qu’elles ne fassent pas partie de la region plus spé-
cialement envisagée en ce moment, le pelage est dirigé de
haut en bas et d'avant en arrière. Dans la région otique, les
poils vont au contraire d’arrière en avant ; il en résulte la
formation, entre le niveau de l'œil el celui de l'oreille, d'une
crête s'étendant verticalement jusqu'au plan inférieur de Ja
mandibule (4, fig. 36) et en haut de laquelle, c'est-à-dire
entre l'œil et l’oreille, se trouve un tourbillon dirigé dans le
mème sens que les précédents (3, fig. 36). Au menton enfin, la
direction générale du pelage est d'avant en arrière, et Ja
gorge présente deux tourbillons de situation et d'importance
variables, à peu près symétriques, dont les courants vont
former avec celui du menton une crête continuant plus ou
moins nettement la précédente sous la mandibule elle-même.
Cette continuation est nette sur notre sujet mâle, bien que les
tourbillons eux-mêmes soient mieux marqués sur la femelle.
Revenant à la région fronto-nasale, nous signalerons un
tourbillon au-dessus de chaque œil, entre le niveau de la corne
antérieure et celui des cornes principales (2, fig. 36). Une
crêle, dirigée d'avant en arrière et indépendante de ce der-
nier tourbillon, se trouve à la base de chacune des cornes
principales, du côté antérieur. Nous avons exposé ci-dessus
(p. 23) ce qui a lieu dans la région des cornes d'artimon.
20 Fiéqion spinale. — La crinière, qui nait immédiatement
en arrière de ces dernières cornes, se dirige d'avant en arrière
jusqu'à la base du cou, au-dessus des épaules ; par contre, sa
continuation sur le tronc est dirigée d’arrière en avant et la
rencontre (rès visible de ces deux courants opposés s'effectue
quelque peu en avant des épaules, vers la partie antérieure de
la septième cervicale. ainsi qne l'a remarqué W, Kibp (voy. ci-
12 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
dessus, p. 36). Le niveau où se fait cetle rencontre est un peu
plus reculé sur notre G@. reticulala mâle que sur la femelle ;
nous le verrons être sensiblement plus avancé sur là G.r.
rothschildi, et sa posilion n'a aucune fixité. Un tourbillon,
double sur la femelle, s’observe enfin au niveau des reins.
Dans l'ensemble, ces dispositions de la région spinale
rappellent étroitement le type habituel figuré par W. Kio (1),
qui est celui du Bœuf domestique par exemple. Le tourbillon
spinal de ce dernier est situé, en général, beaucoup plus anté-
rieurement, ainsi qu'on peut le voir d’après l’une des excel-
lentes planches del’ouvrage d'ELLENSERGER, Bauu et Dirrricn (2).
Celte différence paraît être en rapport avec l'empiétement du
cou sur le tronc que l’on peut observer sur les Girafes et qui va
jusqu'à entraîner des modifications squelettiques (3). W. Kipp
signale d'ailleurs la grande variabilité de ces dispositions
dans la région spinale des Ongulés, d’après leur mode de
vie (4). Nos Girafes montrent qu'elles sont en outre très
variables individuellement.
C. RÉGION OU LA DIRECTION DU PELAGE EST EN RAPPORT AVEC LA
LOCOMOTION, — Il nous reste à examiner, en continuant à suivre
W. Kip, les régions où les changements de direction du pelage
sont en rapport plus évident avec la locomotion ; ce sont les
régions cervicale, pectorale, axillaire et inguinale.
19 Béqion cervico-srapulaire. — Nous venons d'observer
ce que présente le cou et n'avons pas à ÿ revenir, mais nous
placerons ici quelques remarques sur la région scapulaire,
dont certaines eussent tout aussi bien pu prendre place dans
l'examen de la région spinale.
Notre sujet mâle de G. retirulata, qui estencore assez jeune,
présente, dans celte région, des dispositions dont nous ne
trouvons pas trace, au moins pour certaines, sur la femelle,
un peu plus âgée comme nous l'avons dit. Ces dispositions, dont
la symétrie n’est pas rigoureuse, doivent être individuellement
(4) Walter Kinp. Certain Habits of Animals... p. 153.
(2) W. EzLEN8ERGER, Baux et Hermann Drrrricu. Handbuch der Anatomie der
Tiere für Künstler. Leipzig, 1901; Lief. I. Das Rind, Taf. 12. fig. 55 et 56.
(3) Première partie, p. 65 et suiv.
(4) Loc. cit. p. 152.
Pal Ê] Ta TT Te + + CC le
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 13
très variables et peut-être disparaissent-elles entièrement avec
l’âge. Ce sont les suivantes.
Tout à la base du cou, au niveau de la rencontre des deux
sens contraires suivant lesquels sont dirigés les poils de la
crinière, s'observe, latéralement à celle-ci, de part et d'autre,
un petit tourbillon (6, fig. 36) que nous retrouvons, allénué,
sur la femelle. En outre, à la partie tout à fait antérieure de
l'épaule, à peu près à mi-distance entre la erinière et la
partie antérieure saillante de l’omoplate, se trouve un autre
tourbillon (7, fig. 36) qui se prolonge supérieurement en un
épi légèrement curviligne, peu accusé, de part et d'autre
duquel les poils vont en divergeant (fig. 5 et 7). Un autre lour-
billon, moins net, s'observe sur la partie postéro-inférieure
de l'épaule et émet un épi beaucoup mieux marqué que le pré-
cédent, long d'environ 0 m,15 dirigé de haut en bas et légère-
ment en avant el séparant en deux sens le pelage de cette
partie de l'épaule (8, fig. 36).
Rappelons, au sujet de ces dispositions et plus particulière-
ment de celles du cou, que W. Kipp (1) signale les tourbillons
observés fréquemment aux parties ventrale et latérale de celte
parlie du corps, sur le Cheval et d’autres Mammifères, comme
étant moins uniformes, en position et degré de développement,
que ceux des autres régions. Les variations dont nous venons
de parler n'ont donc rien de surprenant ; elles peuvent être
purement individuelles et de plus nombreux documents permet-
traient seuls de faire connaître la possibilité de leur interpré-
tation comme caractères sexuels secondaires.
20 Héqgion pectorale. — VL'aire pectorale, si importante au
point de vue dynamique, montre sur la Girafe, comme sur
beaucoup d'autres Mammifères à locomotion rapide ou puis-
sante, des caractères particulièrement accentués quant à la
disposition du pelage. Disons tout de suite que sur aucun de
nos sujets de G. reliculata, ni de G. r. rothschildi, nous
n'avons observé de constance ni de symétrie parfaite dans
ces dispositions.
Sur le mâle de G. reticulata, nous trouvons, en bas de la
(1) W,. Kio. Certain Habits of Animals... p. 155.
4% MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
partie droite du poitrail (fig. 6), des tourbillons puissants,
placés sur une même ligne horizontale et écartés l’un de l'autre
de Om,06 ; le plus rapproché de la ligne médiane est dirigé de
droite à gauche dans sa partie supérieure et le second l’est
inversement. En outre, à quelques centimètres au-dessus d'eux,
et placé au sommet d'un triangle à peu près isocèle qui aurait
pour base une ligne unissant les deux tourbillons précités, se
trouve une sorte de tourbillon allongé, ou plutôt d'épi, long
de Om,04 environ, de part et d'autre duquel les poils vont en
divergeant.
Du côté gauche, et au niveau des dispositions que nous
venons de décrire, mais ne leur étant pas symétriques, se
trouvent trois tourbillons, dont l’un est beaucoup plus rap-
proché que les deux autres de la ligne médiane, ces deux
derniers étant sur une ligne presque verticale. Le sens du
premier est de gauche à droite (en considérant toujours la
partie supérieure du tourbillon) : les deux autres vont,
au contraire, de droite à gauche et la rencontre des cou-
rants qui en émanent détermine, entre eux, une crête peu
marquée. En outre de ces trois tourbillons, le côté gauche
du poitrail du même sujet montre, à très peu de distance
au-dessus du plus élevé de ces tourbillons, un court sillon
ou épi, rappelant étroitement celui que nous avons mentionné
du côté opposé, la partie supérieure de ce dernier (droil)
se trouvant au niveau de la partie inférieure du précédent
(gauche).
Sur le sujet femelle, nous observons des dispositions moins
asymétriques. À droite et à gauche de la ligne médiane, à la
partie movenne du poitrail, s'observe, dans le pelage, un
sillon très bien marqué, de part et d'autre duquel les poils
vont en divergeant, el qui se prolonge assez loin vers le bas ;
le sillon droit porte, vers le haut, la trace d’un tourbillon. En
dehors de chacun de ces sillons, se trouve un tourbillon ; le
courant de celui de droite est dirigé, dans sa partie supérieure,
de la gauche vers la droite ; celui de gauche est à peu près
symétrique du premier et va en sens inverse.
Toutes ces dispositions sont vraisemblablement en rapport
avec les actions musculaires si puissantes qui se développent
re
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 49
dans celte région, notamment au niveau du mastoïdien, du
céphalo-huméral et du graud pectoral; mais la cause de leurs
variations est bien moins aisée à saisir dans le cas des Gira-
fes que dans celui du Cheval par exemple (1), aussi Ja difficulté
s’agoravant de la pénurie des matériaux de recherches, ne
risquons-nous aucune explication de cette variabilité.
3° Région arillaire. — La région axillaire (post-humérale)
neprésente pasicide dispositions particulièrementimportantes;
de fortes traces de plissements s'observenten arrière de la
masse des muscles olécräniens (13, fig. 36); le mâle présente,
en outre, un tourbillon dans celte même région, du côté
gauche, en arrière et au-dessus de lolécrâne. Nous avons
signalé ci-dessus le très fort tourbillon du coude et avons au
FUI des dispositions présentées par la région radiale (p. 3
40 Région inquinale. — La région M aniaule ne nous à pré-
Le que des dispositions banales et peu accentuées ; en avant
de l'articulation fémoro-tibiale s’observent des marques parais-
sant dues à de simples effets de plissements (15, fig. 36).
Des marques identiques à celles des membres antérieurs
(vov. ci-dessus p. 38) s’observent à la partie moyenne des
ischio-tibiaux (16, fig. 36).
Enfin, le centre de radiation du pelage qui peut s’oberver
sur le flanc (14, fig. 36) et qu'Owex à vu très distinctement
sur un nouveau-né (2) n'existe plus nichez l’une ni chez l'autre
de nos reliculala. Nous aurons à le mentionner sur une jeune
G. ce. rothschildi (Nox. ci-dessous, p. 138).
ssi
R}
III — CARACTÉÈÉRES CRANIENS
Les caractères craniens ont été considérés depuis fort long-
temps, avant même que ne le soient ceux du pelage, comme
permettant de distinguer plusieurs formes de Girafes. L'une
des données les plus importantes, quant à cette distinction,
(4) Voy. notamment, au sujet de celui-ci: W. EzcexgerGEr, Baux et Hermann
Drrrricu, Handbuch der Anatomie der Tiere für Künstler. Leipzig, 1901. Lief IV,
Das Pferd ; taf. 24, fig. 108. Voy. aussi, sur cette même planche, les figures 107,
pour l'épi antérieur de la hanche, et 110, pour les tourbillons inguinaux.
(2) Richard Owex. Notes on the Birth of the Giraffe.. Transactions of the
Zoologicul Society of London. Vol. IH, 1849, P. 23. -
16 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
est en effet celle qui résulte de la présence ou de l'absence
d'une corne médiane antérieure, fronto-nasale, ou pyramide, et
la différence essentielle que présentent entre eux les crânes des
diverses Girafes consiste dans la présence ou l'absence de l'os-
sicône de cette corne médiane antérieure. C’est sur cette dif-
férence qu'ont généralement porté les comparaisons, celles
d'OWwEX par exemple (1), entre les Girafes du Nord et celles du
Sud. Bien développée chez les premières, surtout dans le cas
des mâles, cette corne est absente ou rudimentaire chez les
secondes, c'est-à-dire chez les G. camelopardalis capensis
Less., G. c. angolensis Lyd., et G. €. swardi Lyd. Mais la
recherche de caractères craniens ne s'est pas bornée là, et
divers autres détails ont été examinés en vue d'une différen-
ciation anatomique parallèle à la différenciation purement
externe.
C’est ainsi que M. pe Wixrox fait remarquer, notamment, que
le palais de la forme méridionale se terminerait postérieure-
ment en une pointe se projetant sur la ligne médiane, landis
que dans la forme septentrionale, celte pointe serait plutôt
plus étroite et plus arrondie; l’espace s'étendant entre le ptéry-
goïdien et l'arrière de la dernière molaire serait aussi plus
grand dans la forme du Sud, dont le crâne serait généralement
plus large ; la distance entre l'arrière du palais et le trou ocet-
pilal y serait, en outre, légèrement plus grande et la base de la
cavité cérébrale n'étant pas aussi courbée vers le bas, l'angle
formé par les parties basi-craniennes et basi-faciales serait
plus aigu dans la forme du Nord, surtout chez les animaux
modérément Jeunes (2).
Toutes ces questions sont d'un assez haut intérêt pour que
nous consacrions quelques pages à leur examen; mais le crâne
des Girafes présentant dans son ensemble des caractères
généraux qu'il est nécessaire de rappeler avant de chercher
à suivre les modifications qu'ils peuvent présenter, nous
croyons devoir faire précéder d'un rappel de ces caractères
4) Richard Owex. Notes on the Anatomy of the Nubian Girafte. Transactions
of the Zoological Society of London. 23 janvier 1838, p. 235.
OWEN établit sa comparaison entre la Girafe du Cap et celle de Nubie.
(2) W. E. ne Winrox. Remarks on the Existing Forms of Giraffe. Proceedings
of the. Zoological Society of London. 1897, p.279.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 47
la description des crânes des deux sujets que nous étudions
en ce moment(l).
CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU CRANE DES GIRAFES
Ensemble. — Le crâne des Girafes est très allongé, cet allon-
gement portant principalement sur la partie faciale. Au
contraire de ce que nous avons vu sur l'Okapi, la partie cra-
nienne proprement dite y semble courte et ramassée, le crâne
se rétrécissant et s’inclinant fortement vers le bas, en arrière
des cornes principales, tandis qu’elle s'allonge et reste hori-
zontale dans le cas de lOkapi.
La région frontale est large et élevée, mème en l'absence de
pyramide. Les apophyses ÉRe sont massives et {en-
dent, comme nous l’avons vu, à se projeter en dehors (2). Sur
la ligne de suture fronto-pariétale s'observent les bosses où
s'insèrent les cornes principales.
Région nasale el prémarillaire. — L'ouverture nasale est
longue, étroite et relativement basse si on la compare à celle
des Bœufs ou des Cerfs, et de la plupart des Bovidés ou des
Cervidés. Les intermaxillaires sont très allongés et tendent à
se terminer en pointe plutôt qu'en carré, de telle sorte que
le contour horizontal de la région prémaxillaire est ogi-
val. En raison de leur allongement, les maxillaires eux-
mêmes se terminent nettement en pointe; l’apophyse horizon-
tale interne de chaque prémaxillaire s'engage très profondé-
ment entre les deux maxillaires, comblant ainsi l’échancrure
longue et étroite qui sépare ces derniers l’un de l’autre et ne
ménageant, de chaque côté, que des trous incisifs assez étroits
et très longs.
Les os nasaux sont long, étroits et aplatis en avant, ou
légèrement busqués; ils se relèvent à peu près à l’aplomb de
la première prémolaire, puis s’élargissent et vont former avec
(1) Sur ces caractères généraux, voy. notamment : W. G. Rinewoop, Some
Observations on the Skull of the Giraffe. Proceeil. of the... Zool. Suc. of London,
1904, L p. 150-157.
Sé reporter aussi à notre première partie.
2) M. pe Roruscuip et H. Neuvie. Recherches sur l'Okani et les Girafes..
Bière partie. Ann. des Sc. Nat.S°® sér.,t. X. 1910, p. 30 et suivantes.
45 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
le frontal la bosse à laquelle se soude la pyramide lorsqu'elle
est présente. À leur lerminaison antérieure, ces os présentent
chacun une échancrure, parfois très profonde, en tout cas très
|.
Ll
Girafe du Sénégal, © (Collections. d'Anatomie comparée du Muséum de Paris, n° A. 4061
étroite et se comblant avec l’âge, tandis que l'Okapi présente
une disposition toute différente (1).
Frontal. — L'os frontal des Girafes mérite de retenir l’at-
1) Première partie, p. 12 etsuiv., fig. &.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 19
tention, surtout en raison de la présence des cornes, Avant de
parler de celles-er, rappelons qu'une goutlière très développée,
199).
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(Collections d’'Anatomie comparée du Muséum de Paris, n° A. 40
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Fig. 14. — Cräne de Girafe du Sénégal, @
dans laquelle s'ouvrent les trous sourciliers, s’observe au-des-
sus de chaque orbite. Cette gouttière s'atténue graduellement
ANN: SC. NAT. ZOOL:, 9e série, XIII, À
90 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
vers la partie antérieure de l’os; ses ramifications atteignent,
sous forme de dépression et en s’infléchissant sur le bas, la
lacune prélacrymale; elle s'arrête plus brusquement en arrière,
où elle se termine à peu près à l’aplomb de l'orbite. Les bords
de celte gouttière sont très irréguliers; avec les progrès de
l'âge ils tendent à se réunir et à former ainsi un canal superficiel
complètement endigué ; nous avons ici un exemple de la faculté
de prolifération osseuse que présente, presque en toutes ses par-
ties, le crâne des Girafes. Cette faculté est poussée à l'extrême
chez les Girafes rattachables à la forme du Sud (voir ci-dessous);
c'est ainsi que sur un sujet très âgé de @. c. capensis, le canal
en question, recouvert dans toute sa partie arrière par une
sorte de toit osseux, ne laisse même plus apercevoir les trous
sourciliers (Collections d'Anatomie comparée du Muséum de
Paris : A. 7977,. Ceux-ci ont une tendance à se dédoubler par
suite de la formation d'un septum transversal, généralement
incomplet, mais suffisant pour donner une apparence double
tant à l’orifice supérieur ou frontal, qu'à l’orifice inférieur
ou orbitaire. Les deux orifices sourciliers ainsi formés s’ali-
gnent, là où ils existent, dans le sens de la gouttière sour-
cilière; l’antérieur est alors d’un diamètre plutôt supérieur à
celui du second, en arrière duquel la gouttière ne se poursuit
plus que sur une faible longueur en s’atténuant graduellement.
Cette tendance à la bipartition est générale chez les Girafes.
Les variations de la gouttière et des trous sourciliers peuvent
être assez étendues et il serait oiseux de les décrire. Disons
cependant que si la tendance à la prolifération osseuse est
plus accentuée sur les Girafes raltachables au type méri-
dional, elle est également très accentuée, en ce qui concerne
la partie du crâne qui nous occupe, sur les Girafes du Nord :
nous avons pu observer, sur une vieille Girafe mâle du
Sénégal, un processus de recouvrement de la gouttière sour-
cilière, presque aussi complètement réalisé que sur la Girafe
du Cap que nous citons un peu plus haut (Coll. d’Anat. comp.
du Muséum de Paris : A. 10617) (fig. 10).
En ce qui concerne les trous sourciliers, les affinités des
Girafes paraissent exister plutôt du côté des Bovidés que de
celui des Cervidés. Ces derniers ne présentent pas cette gout-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 5:
lière sourcilière dont nous venons de parler, tandis qu'elle
(Collections d'Anatomie comparée du Muséum de Paris).
la Haute-Egypte
probablement de
soc]
O
. — Girafe
12
Fig.
s’ébauche et se développe parfois même considérablement chez
les Bœufs, dontcertains rappellent, à ce point de vue, les Girafes.
D2 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Chez ces dernières, la gouttière n’est pas aussi accentuée à
l'état jeune et se réduit à une simple dépression longitudinale
au fond de laquelle s'ouvrentles trous soureiliers. Son dévelop-
pement est encore moindre sur FOkapi, qui tend à représen-
ter, à ce point de vue encore, un stade jeune des Girafes.
Très en arricre de ces trous sourciliers, au-dessous de, la
parlie antérieure des cornes principales et à 0,015 ou-0",02
de la crête limitant en haut la fosse temporale, un orilice de
0%,002 à 0",003 de diamètre, accompagné de très petits orifices
secondaires diversement situés, donne accès dans un canal
dirigé de haut en bas et allant déboucher à la partie supérieure
et antérieure de la fosse temporale, juste derrière l’apophyse
du frontal. Cetle disposition, qui nous paraît constante chez
les Girafes, n'existe pas chez l'Okapi, tout au moins sur les su-
jets que nous pouvons étudier. Elle est variable, les orifices
pouvant se dédoubler en s'écartant plus où moins et même se
multiplier davantage. Iest bon de faire remarquer que le canal
dont nous parlons ici, de même que la plupart de ceux qui
traversent les sinus craniens, ne possède pas de parois propres
régulières, aussi est-il parfois difficile d'en sonder le trajet:
mais il est le plus souvent possible, sur des sections de crâne,
de reconnaitre la direction de ses orifices terminaux et de
la suivre, plus où moins marquée, sur les dépressions que
présentent, le long de leur trajet, les trabécules divisant les
sinus.
Cornes. — Les cornes des Girafes sont loin d'être exclusi-
vement frontales; l’antérieure est naso-frontale et les princi-
pales sont d'origine pariélale (1).
En ce qui concerne la pyramide, rappelons que là où elle
est présente,c'est-à-dire dans les formes du Nord, de l'Ouest ét,
en partie au moins, de l'Est, elle est surtout l'apanage du
mâle, la femelle n’en présentant généralement qu'un rudiment,
réduit à l'état d'une sorte d’écaille osseuse, ne se soudant
au crâne que très tardivement (fig. 12). Cependant, il arrive
que des crânes de femelles présentent une corne médiane
relativement très développée et complètement soudée au
4) Voy. M. pe Rorusemep et H, Neuvite. Recherches sur FOkapi.. Ann. des
Sc. Nat. 1910, 9e Sér. t, X, p. d1 et fig. 17, p. 35.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 3
crâne; c'est là ce que nous observons notamment sur un crâne
de femelle du Sénégal (Coll. d'Anatomie comparée du Mu-
séum : A..10753) (fig. 11); un développement presque équiva-
lent peut même s'observer dans d’autres races dont la pyramide
parail, en principe, un peu moins développée; Lel est le cas
\ (H
Fig. 13. — A, coupe transversale d’un ossicone de Girafe Q (gr. nat.) ; B, coupe
transversale d'un ossicône de jeune Girafe O' (gr. nat.) ; C, coupe transversale de
la cheville osseuse d'une corne de Chèvre pratiquée dans la région correspondant
à la parle supéricure de Ja corne de la figure 16 (K5).
que nous à présenté un crâne de femelle d’Abyssinie (Coll.
d'Anatomie comparée du Muséum : A. 10752) (1).
1) Disons, une fois pour (outes, que les sujets entrés autrefois dans les
collections du Muséum de Paris comme originaires d'Abyssinie sont de
provenance douteuse, mais viennent de la Haute-Égypte plutôt que de
l'Abyssinie proprement dite. De mème, ceux qui y figurent comme ‘Girales
94 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
En outre de ces différences, il importe de noter que le tissu
osseux des cornes de femelles (A, fig. 13) est beaucoup moins
compact qu'il ne l'est chez les mâles, aussi bien dans les
cornes principales que dans la pyramide; c'est là un fait banal
de persistance chez la femelle, d’un caractère jeune, car les
Fig. 144. — Coupe longitudinale d’un ossicône de Girafe très jeune (gr. nat.)
(Rapprocher des figures 19, 20 et 21 de la première partie).
jeunes Girafes n’ont que des ossicènes extrêmement spongieux
(fig. 14) tandis que la dureté et l'homogénéilé de ceux des
vieux sujets est remarquable (fig. 15). Nous avons vu que
cette dureté et cette homogénéilé atteignent un degré encore
plus considérable chez l'Okapi (1).
du Sénégal viennent probablement de l'Hinterland de ce pays ou de régions
plus ou moins voisines, pour lesquelles la seule sous-espèce portée sur la carte
de M. Lydekker (On the subspecies of Giraffa camelopardulis P. Z. S., 1904,
1, p. 204) est la peralta Thos, très voisine de la girafe de Nubie (G. c. typica).
(4) M. ne Roruscmizp et H. Neuvie. Recherches sur l'Okapi... Première
partie. Ann. des Sc. nat., 1910, 9esér. t. X., pp. 56 et suiv. PE V-et VI.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 59
A joutons que la structure ainsi réalisée chez les femelles et
les jeunes n'est pas sans rappeler de très près celle de la che-
ville osseuse des Cavicornes surtout si l’on considère l’extré-
mité de celle-ci, où la structure largement aréolaire, avec un
tissu plus compact à la périphérie (1), fait place à une texture
assez finement spongieuse (fig. 13 C et 16).
Fig. 15: — Girafe du Cap, ©’. Partie postéro-supérieure du crâne. Remarquer la faible
saillie de la pyramide, la structure de la corne principale, sectionnée longitudina-
lement, et les exostoses occipitales. (Collections d'Anatomie comparée du Muséum
de Paris : n°-A. 1971.)
La comparaison des coupes représentées sur la fig. 13 rendra
évidente cette ressemblance.
De même que les bois des Cerfs, les cornes des Girafes ne
sont jamais parfaitement symétriques; elles portent fréquem-
ment, en outre, des excroissances accentuant leur asymétrie
de direction.
Pariétal. — Le pariétal émet un prolongement aigu, s'avan-
(1) Première partie, p. 64.
6 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
cant très loin, à la manière d'un coin, dans la fosse temporale,
jusqu’à la limite antérieure de celle-ci, et séparant sa parlie
frontale de sa partie temporale proprement dite. Sa pointe peut
atteindre la crête orbito-temporale de l'ali-sphénoïde, à l'abri
de laquelle nous verrons s'ouvrir le trou rond, ou sphéno-
Fig. 16. — Coupe longitudinale dans la cheville osseuse d’une corne de Jeune
Mouflon (gr. nat.).
orbitaire. La suture temporo-pariétale est ainsi très allongée ;
elle esttrès légèrement incurvée vers le hautet limite un squam-
mosal près de quatre fois plus long que haut.
Orifices vasculaires de la région fronto-pariétale. — La suture
sagittale présente, en arrière de la pyramide, un trou nourri-
cier large d'environ 0",002, que nous avons retrouvé sur tous
15
RECHERCHES SUR LES GIRAFES J1
les cernes de Girafes mis à notre disposition et que nous n'avons
pas observé ailleurs, sauf sur le plus jeune de nos Okapis. Il
peut arriver que la pyramide, empiétant sur lui, dissimule son
ouverture; à part ce cas, celle-ci se présente avec la netteté
d'un trou de vrille, en arrière de la pyramide ou de la place
que celle-ci occuperait si elle était présente. Cet orifice, net-
tement visible sur les figures 49 et 50, doit livrer passage à
des vaisseaux destinés à la corne antérieure ; ces vaisseaux sont
d'origine profonde et non plus faciale, car l'orifice en question
donne accès dans un canal s’infléchissant en arrière, de facon
à décrire un quart de cercle, et débouchant dans la cavité
cérébrale après avoir traversé les sinus craniens, comme le
fait d'autre part le canal sourcilier, pour aboulir finalement
à la partie postérieure de la crête osseuse sur laquelle s’in-
sère la faux du cerveau.
Un autre orifice, assez semblable au précédent, peut s’ob-
server entre les cornes principales; nous aurons l'occasion d'en
reparler au sujet des crânes de nos Girafes (voy. pp. 87 et 163).
Toutes ces dispositions, extrêmement variables, montrent
que la vascularisation de la région sagittale superficielle de
la tête est en partie sous la dépendance de vaisseaux d’origine
profonde.
D'autre part, sur les formes du Nord aussi bien que sur
celles du Sud, chaque corne principale présente, du côlé
externe, un sillon vasculaire beaucoup plus important el sur-
tout plus constant que les autres sillons de même nature dont
l'ossicône porte les traces. Ce sillon est toujours bien visible;
il reste ouvert jusqu'à une hauteur variable, mais sur les
vieux sujets, le tissu osseux le recouvre dès la base de la corne
et le transforme dès l’origine en un véritable canal; son ori-
fice est Loujours assez large et précédé d’une dépression vas-
culaire superficielle, dirigée dans le sens de l'axe de la corne
et partant par conséquent de la partie antérieure de la fosse
temporale (fig. 10, 11, 12, 28, 29, 40, 41, 42, 43 et 44).
Ce sillon, recouvert ou non de tissu osseux dès sa base,
reste latéral et rectiligue jusqu’à un niveau assez élevé; 1l se
résout latéralement et terminalement en une foule de canaux
secondaires. La constance de sa direction nous à permis, dans
DS MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
certains cas d'irrégularité des cornes, de considérer ce sillon
comme représentant un axe susceptible de servir aux mensu-
ralions dont nous parlons pp. 82 et 153.
L'Okapi présente une disposition identique, dohl on trou-
vera la trace sur les figures 6 (p. 15) et 18 (p. 49) de la pre-
mière partie de nos Recherches. Les très jeunes Girafes ne
présentent rien de net à ce point de vue ; mais, par contre, sur
:4
Fig. 17. — Cervus porcinus Zim. Région orbitaire (Env. 4/5 gr. nat.). Remarquer
notamment le sillon vasculaire latéral de la cheville frontale et la forme du lacrymal.
(Collections d’Anatomie comparée du Muséum de Paris : n° 1905-184.)
certaines cornes ayant achevé leur croissance, ce sillon nous
parait presque complètement effacé, ce qui est en relation pro-
bable avec le peu d'activité vitale dont elles sont alors le siège ;
on remarquera cependant que la coupe d’une corne de très
vieille Girafe, représentée sur la figure 13 A, montre ce sillon,
converti à ce niveau en un large canal, à la partie externe
de l’ossicône.
En ce qui concerne les Girafes, les figures ci-dessus citées
nous dispenseront de plus amples détails.
La position de ce sillon vasculaire principal rappelle ce que
l'on sait de la vascularisation des cornes chez les Cervidés
RECHERCHES SUR -LES GIRAFES 9
(fig. 17) et les Bovidés (fig. 18). Chez ceux-ci comme chez
Fig. 48. — Crâne d’Antilocapra americana Ord., ©. Remarquer notamment le sillon
vasculaire latéral de la cheville osseuse de la corne. (Collections d'Anatomie comparée
du Muséum de Paris : n° 1872-396.)
ceux-là, ce sont des ramificalions de l'artère temporale super-
ficielles qui irriguent les cornes, et des dépressions canalicu-
60 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
aires, correspondant, comme situation, à celle dont nous
venons de parler au sujet des Girafes, peuvent s'observer chez
les uns et les autres ainsi que le montrent les figures ci-jointes
(fig. 17 et 18). Nous avons pris ici comme exemple de Bovidé,
de préférence à un type banal, celui de l’Antilocapra ameri-
.cana Ord., suffisamment différencié pour avoir élé considéré
comme représentant une famille distincte, celle des Antiloca-
pridés, parfois rapprochée de celle des Girafidés. La disposi-
tion dont nous parlons est particulièrement nette sur cette
espèce.
Lacrymal. — Xe lacrymal est assez développé, mais en
général plutôt carré que très allongé. La présence d’une
lacune prélacrvmale est Ia règle (1): sur les très rares sujets
où cette lacune n'existe pas, le frontal et le maxillaire arri-
vent au contact l’un de l’autre et présentent, lorsqu'ils se lais-
sent encore neltement délimiter, une suture très courte
(de 0",02 à 0°,03), étendue transversalement entre la partie
antérieure du lacrymal et la partie latérale élargie du nasal
(voy. fig. 19); mais, sur de {rès vicux sujets, comme notre
mâle de G.c. rothschildi (voy. fig. 40., p. 148), aucune trace de
suture n'existe plus, sauf, sur ce même sujet, à la partie infé-
rieure du lacrymal, dont la partie antérieure ne peut plus être
délimitée.
La ligne d’inflexion du lacrymal, délimitant ses parties extra-
el intra-orbilaires, porte un tubercule lacrymal plus ou moins
saillant, lisse ou rugueux, dont la surface d'insertion pour le
tendon de l’orbiculaire des paupières est plus ou moins nette-
ment accusée. Au-dessous de ce tubercule, se trouve une fos-
selle lacrymale n'intéressant que l’unguis et n’empiétant que
peu ou pas sur le jugal; au-dessus s'observe une autre fossette,
à peine moins importante, occupant, à la marge de l'orbite, le
point de Jonction du lacrymal et du frontal et s'étendant sur
la parlie adjacente de celui-ci; elle correspond vraisembla-
blement au coude du grand oblique de l'œil et est également
très bien marquée sur lOkapi. |
Celte partie du lacrymal est ainsi bien différente chez les
Girafidés de ce qu'elle est chez les Bovidés, où un tubercule,
(1) Première partie, p, 14 et suiv.
?
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 61
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12
nn TT Le s
Fig. — 19. Région lacrymale d'une Girafe © du Sénégal, dépourvue de lacune
prélacrymale. Remarquer notamment l'os wormien de la partie antérieure du
lacrymal et la forme de la bulle lacrymale. La ligne de suture du maxillaire et du
frontal (voy. texte ci-contre) s'étend en avant de l'os wormien. (Collections d’Ana-
tomie comparée du Muséum de Paris : n° A. 10:753.) Env. 3/4 gr. nat.
Fig. 20. — Région lacrymale du Bœuf (Collections d'Anatomie comparée du Muséum:
n° 1885-231, Bœuf des Stiengs, du Cambodge). Env. 3/4 gr. nat.
62 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
très différent de celui que nous venons de décrire, s'accompa-
gne de canaux lacrymaux plus nets et plus largement ouverts
(5: Suns
Fig. 21. — Région lacrymale du Nylgau (Boselaphus lragocamelus Pallas). En haut,
o' âgé; en bas, © jeune, (Collections d'Anatomie comparée du Muséum de Paris :
nos 1907-146 et A. 12389). Env. 3/4 gr. nat.
(fig. 20). Comme le montrent les figures ci-jointes, la res-
semblance existerait plutôt ici du côté des Cervidés (fig. 17).
Le tubercule lacrymal, au lieu d’être arrondi sur ces derniers, -
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 03
comme il l'est sur les Girafidés, forme une sorte d’apophyse
assez étroite, à extrémité rugueuse ; le canal lacrymal s'ouvre
par deux orilices, symétriques par rapport à ce Lubercule, et
débouchant à sa base, en dessus et en dessous de lui. Chez les
Les prémaxillaires manquent.
L,
19387).
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Paris, n°
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l
Crâne d'Antilope Tchikara, © (Tetraceros quadricornis Blainv.). (Collections d’Anatomie
du Muséum de
comparée
Bœufs, au contraire, le canal lacrymal s'ouvre généralement à
la partie inférieure d’une arête tranchante, formée par le bord
sourcilier du lacrymal, du côté de sa jonction avec le frontal.
Ces dispositions du lacrymal sont intéressantes à connaître
mais nous ne croyons pas qu'il y ait à leur attacher une im-
portance particulière. Ajoutons cependant, en raison des rap-
64 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
prochements qui ont été lentés au sujet même du lacrymal,
que, sur l'Antilope Nylgau (Boselaphus tragocamelus Pall.), le
tubercule lacrymal forme une pelite apophyse simple, mince,
en forme d'épine, en arrière et en bas de laquelle le canal
lacrymal s'ouvre par un orifice très large (fig. 21). Il en est à
peu près de même sur le Tchikara (Tetraceros 'quadricornis
n' ;
CE :
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Fig. 25. — Région lacrymale d'Antilocapra americana Ord., © (Collections d’Ana-
tomie comparée du Muséum de Paris: n° 1872-396). Env. 3/#gr. nat.
Blainv.) (fig. 22). Ces dispositions, que reproduisent les figu-
res ci-contre, sont différentes à la fois de celles des Girafes,
des Bœufs et des Cerfs, et rappellent, comme il fallait s'v at-
tendre, le cas général des Antilopes. Par contre, l’Antilocapra
americana (fig. 23 et 24) présenterait plutôt celui des Cervidés,
A la partie inférieure de l'orbite, le lacrymal se renfle, sui-
vant la disposition habituellement offerte par les Ruminants,
en une énorme bulle, la bulle lacryvmale, à parois extrêmc-
ment minces. Chez les Girafidés, cette bulle, au moins aussi
développée que chez les autres Ruminants, forme dans sa
partie supérieure, un véritable plancher pour la cavité orbi-
taire, dont elle occupe toute la partie antéro-inférieure, entre
le jugal et le lacrymal. La nature de ses parois qu'une
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 62
minceur extrème rend excessivement fragiles, n'en permet
qu'assez rarement la conservation, de telle sorte que le sinus
maxillaire, fermé en arrière par cette bulle est largement
ouvert sur les pièces où elle est détruite.
Chez les Girafes, cette bulle lacrymale présente, sur sa paroi
supérieure, une dépression très marquée qui, partant du bord
|
Fig. 24.— Région lacryimale d’Anlilocapra anericana Ord., Q (Collections d’Anatomie
comparée du Muséum de Paris, n° A. 11.017). Env. 3/4 gr. nat. Comparer la corne
à celle du ©, fig. 18.
du lacrymal, au-dessous et en arrière de la fossette surmontée
par le tubercule (voy. ci-dessus, p. 60), se dirige vers l'orifice
d'un canal largement ouvert dans cette bulle. Ce canal, dirigé
légèrementen arrière etde dehors en dedans, la perfore presque
verticalement ; ilestlarge de 3 à 4 millimètreset va déboucher en
arrière et en bas de la bulle, en arrière et légèrement en haut,
par conséquent, de l’orifice postérieur du conduit dentaire
supérieur, qui est horizontal chez les Girafes et l'Okapi, comme
chez les Ruminants en général. Le mode de formation de ce
canal bullaire est intéressant; 1l résulte manifestement d’un
processus de plissement, le bord postérieur de la bulle lacrv-
male se repliant sur lui-même de manière à circonscrire ce
canal dont les bords ne sont jamais entièrement clos, car,
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. LOL XI, à
66 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
mème sur de vieux sujets, nous voyons les parois de la bulle
s'accoler, sans se confondre, suivant une surface à peu près
plane el verticale, dirigée d’arrière en avant entre le canal en
question et le bord postérieur de la bulle sur une longueur de
0%,015 à 0",02. Un sillon très visible divise celle-ci à ce
niveau, c'est-à-dire depuis l'orifice supérieur jusqu'à l’orifice
inférieur du canal, en traçant irrégulièrement, mais nette-
ment, un demi-cercle à sa surface. Ce processus est déjà
nettement indiqué, mais non pas pleinement réalisé, sur le
jeune, au moment où la bulle lacrymale, encore réduite
à une simple lame creuse horizontale, surmonte la partie du
maxillaire où se développent successivement les molaires. À ce
stade du développement, le canal dont nous parlons forme une
simple échancrure dont les bords tendent à se rapprocher. Ce
rapprochement est déjà effectué au moment où la troisième
molaire supérieure va percer: 1l devient ensuite de plus en
plus complet. Sur les vieux sujets, les parois des parties ainsi
rapprochées deviennent coalescentes, se perforent par place et
sont finalement réduites à une cloison trabéculaire rappelant
celles qui divisent et subdivisent certains sinus craniens.
Une disposition identique existe chez l’Okapi, où le canal
bullaire semble situé plus en avant et s'ouvre dans le conduit
dentaire supérieur lui-même, avant sa terminaison dans la
fosse ptérygo-palatine.
La direction de la dépression conduisant de la fossette lacrv-
male vers l'orifice supérieur de ce canal permet de supposer
que cette disposition pallie à la réduction très sensible que
subit, chez les Girafidés, le canal lacrymal ordinaire, lequel, sur
certains vieux sujets, n’est plus représenté au niveau de l'orbite
que par des pertuis insignifiants.
Un canal rappelant celui dont nous parlons perfore la bulle
lacrymale de divers Ruminants, mais là où nous avons ren-
contré ilne nous à jamais présenté la même importance. Il en
existe un, beaucoup plus réduit, chez le Nyigau ; son dévelop-
pement y est plus irrégulier et plus tardif que chez les Gira-
fidés; c'est ainsi que sur un crâne de Nylgau femelle dont
toutes les molaires sont sorties, nous voyons l’incurvation de
la bulle rester incomplète et ne pas aboutir à la formation d’un
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 67
canal délimité {Collections d’Anatomie comparée du Muséum
de Paris, N° 1907-55). Ici, l'incurvation se fait plutôt à l'angle
postéro-interne de la bulle ; c’est une simple apophyse remon-
tant de la face interne de celle-ci vers la face voisine, intra-
orbitaire, du frontal, qui limite en arrière le canal dont nous
parlons ; celui-ei est ainsi beaucoup plus rapproché de la par-
lie axiale du crâne.
Nous avons tenu à citer ce que présente le Nvylgau, mais
devons signaler que la même disposition peut se retrouver
avec les mêmes variations sur d'autres Antlilopes. C'est ainsi
qu'un Nemorrhaedus nous à présenté un cas identique à celui du
Nylgau femelle dont nous venons de parler.
Ajoutons enfin que, dans sa partie tout à fait antérieure et
externe, la bulle lacrymale ménage, entre elle et la partie orbi-
laire inférieure du lacrymal proprement dit, un infundibulum
que l’on retrouve sur les autres Ruminants et qui ne présente
ici rien de particulier.
Os wormiens. — La région antérieure, faciale, du lacrymal,
est à peu près plane et assez étendue en avant, tout en restant
plutôt carrée que cunéiforme. Cette région extra-orbitale se
sépare fréquemment en deux parties, voire même en un plus
grand nombre, chez le Bœuf, par suite de la présence de plu-
sieurs points d'ossification. Des cas de ce genre, qui méritent
à peine le nom d'anomalies, peuvent se présenter également
chez les Girafes. Nous aurons à en signaler sur la G. 6.
rothschildi (Nox. ci-dessous, pp. 160 et 161) et plusieurs des
crânes ayant servi à nos comparaisons en présentent d'assez
intéressants, en tout cas de fort complexes ; il s’agit de celui
de la Girafe mâle du Sénégal dont pe BLaiNvizze a figuré le
squelette dans son Ostéographie (voy. p. 81) et dont nous
avons déjà parlé (A. 10617), d’un crâne de Girafe femelle
également du Sénégal (A. 10753) et de celui d'une Girafe
femelle d’Abyssinie (A. 8012).
Sur le premier de ces sujets, la partie extra-orbitale du
lacrymal droit est divisée en cinq parties dont les sutures
sont plus ou moins nettes (voy. fig. 25). Une première suture,
s'étendant horizontalement de la fossette lacrymale inférieure
jusqu'à la jonction du lacrvmal et du maxillaire, divise los
68 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
en deux grandes parties, l’une inférieure, l’autre supérieure.
La première est subdivisée, dans son angle inférieur, orbital,
par une trace de suture isolant la partie sous-jacente au tuber-
Fig. 25. — Régions lacrymales droite (D) et gauche (G) schématisées, d’une Girate ©
du Sénégal. Les lacrymaux sont recouverts d’un grisé. Env. 1/2 gr. nat. (Collec-
tions d'Anatomie comparée du Muséum de Paris, n° A. 10617) (Voy. aussi fig. 10).
— 0, orbite; f, frontal; n, nasal; /, lacune prélacrymale : », maxillaire : ÿ, jugal.
cule lacrymal ; la partie supérieure est d’abord divisée en deux
moitiés par une trace de suture verticale, etenfin, dans l’angle
antéro-supérieur du lacrymal, la partie de cet os tangente à la
lacune est elle-même isolée et, bien que le sujet soit âgé, reste
encore complètement indépendante. De toutes les sutures déli-
mitant ces divisions, celle de cette dernière partie est la seule
qui n'ait pas été atteinte par les progrès de l’ossification; au
niveau de toutes les autres, sauf dans la partie tout à fait
antérieure de la grande suture horizontale, la synarthrose est
complète. Du côté gauche, le lacrymal présente des traces
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 96
moins nettes de division, mais ici encore il y a eu ossification
par plusieurs points et la partie du maxillaire touchant à la
lacune prélacrymale paraît également avoir été ossifiée indé-
pendamment (7, fig. 25 G).
Sur la Girafe femelle du Sénégal que nous avons signalée
ci-dessus et dont les orifices prélacrymaux sont totalement
oblitérés des deux côtés de la face, nous voyons, dansla partie
la plus antérieure du lacrymal, s'isoler de même un petit os
formant une sorte de segment ou de croissant sous-tendu
par une corde d'environ 0,02 et dont la flèche serait de 0",006
(fig. 19). Enfin, sur le sujet femelle d'Abvyssinie, il existe, à la
partie antérieure du lacrymal droit, une trace très nette de
séparation qui en détache un fragment petit et irrégulier.
Des faits de ce genre s'observent fréquemment chez les
Bœufs, comme nous venons de le dire, et, à ce point de vue,
comme à celui de la forme générale du lacrymal, les Girafes
semblent se rapprocher plutôt des Bovidés que des Cervidés.
Les os supplémentaires que nous trouvons ainsi sur le crâne
des Girafes semblent pouvoir être classés parmi les os wor-
miens, qui, craniens chez l’homme, sont surtout faciaux chez
les animaux et que CorNEviN à étudiés chez les Mammifères
domestiques (1). Ceux dont nous venons de nous occuper sont,
pour les deux derniers sujets, à rapprocher étroitement de l'os
fontanellaire lacrymo-fronto-nasal de ce dernier auteur, et ceci
achève de montrer que la partie lacrymale de la fontanelle
faciale, représentée sur la Girafe adulte par la lacune prélaerv-
male, est un lieu d'élection pour la formation d'os wormiens.
n’est pas sans intérêt de constater la présence de tels os sur
la face d’un Mammifère aussi particulier, nous dirions presque
aussi aberrant, par rapport aux Mammifères actuels, que l’est la
Girafe. Rappelons à titre documentaire que CorNEviIN à observé
l'os fontanellaire lacrymo-fronto-nasal dans la proportion
d’une tête sur dix pour l'espèce bovine et d’une sur vingt pour
l'espèce ovine (2).
(4) Cornevix. Les os wormiens de la face chez les animaux domestiques.
Bulletin de lu Société d'Anthropologie de Lyon, t. Il, 1883, [, p. 119.
Id. Traité de zootechnie générale. Paris, 1891, p. 571.
(2) Idem, p. 573.
10 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Sur l'Okapi, dont nous avons parlé dans la première partie
de nos recherches, ilest également permis de considérer comme
os wormiens les parties qui tendent à se séparer du lacrymal,
du côté droit et du côté gauche. A droite, à la partie antérieure
de la suture maxillo-lacrvmale, à la partie tout à fait inférieure,
par conséquent, de la lacune, s’observe, sur l'un des sujets
que nous avons étudiés, une ligne de séparation isolant la
partie antéro-inférieure du lacrymal sous forme d’un triangle
à peu près isccèle. À gauche, nous avons vu la partie anté-
rieure moyenne du lacrymal porter un petit orifice qui s'ouvre
lui-même dans une partie indépendante du lacrymal, incom-
plètement soudée au reste de l'os (1).
Rappelons enfin que les traducteurs du Traité d’Anatomie
comparée de MecreLz mentionnent, d'après le crâne de Girafe fe-
melle rapporté par RüPPeLL (voy. ci-dessus, pp.6 et 79), «un os
wormien à la place de la troisième corne » (2); nous retrouve-
rons un os de ce genre, occupant la place de l'os fontanellaire
fronto-nasal, sur une G. c. rothschildi (voy. plus loin, p. 170).
Nous ne voyons aucune conclusion de supériorité ou d'infé-
riorité à tirer ici de la présence de ces os, surtout en l'absence
de termes de comparaison avec d’autres Girafidés et malgré
les discussions auxquelles ont donné lieu, à ce point de vue,
les os wormiens. Tout au plus pouvons-nous dire que l’ensem-
ble de nos observations prouve que la fontanelle lacrymo-
fronto-nasale tend à s’oblitérer chez les Girafidés, tandis qu'elle
ne semble pas présenter cette tendance sur l'Okapi, resté pri-
mitif par rapport aux Girafidés, et ceci accentue le caractère
d'évolution de ces derniers dans un sens particulier, carac-
tère si évident par ailleurs.
Orbite (suite) et fosse temporale. — Continuant à étudier la
cavité orbitaire, à l'examen de laquelle nous a conduits celui
du lacrymal, nous voyons, en ligne à peu près droite
au-dessous des trous sourciliers, par conséquent au sommet de
la voûte orbitaire, s'ouvrir, par un orifice simple ou double, le
canal faisant communiquer ces trous sourciliers avec l'orbite.
(1) Première partie, fig. 6 et 7. l
(2) J.-F. Mecker. Traité général d'Anatomie Comparée. Ed. française par
RiEsTER et Alp. Sansox. T. IL. Paris, 1836, p. 347.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 1
Cet orifice est individuellement variable, comme le trou sour-
cillier lui-même, dont nous avons parlé en traitant du
frontal.
Le trou ethmoïdal est largement ouvert à la partie interne
moyenne de l'orbite, au-dessus de la bulle lacrymale. Le trou
optique se trouve à 2 centimètres en arrière, au même niveau
ou un peu au-dessous de lui ; il est suivi à peu de distance, et
à un niveau nettement inférieur cette fois, par le trou grand-
rond ou sphéno-orbitaire (1), d'un diamètre double ou triple
de celui du trou optique et qui occupe, sur le crâne osseux, la
partie postérieure et inférieure la plus profonde de la cavité
orbito-temporale, au fond d'une gouttière assez profonde, exté-
rieurement limitée par une forte crète ptérygoïdienne. Celle-ci
est terminée, en avant, par une épine aiguë, et prolongée, en
haut, dans la direction de l’apophyse orbitaire du frontal, par
une crête orbito-temporale bien accentuée et séparant nette-
ment l'orbite de la fosse temporale.
Le trou ovale suit le précédent à peu de distance; percé
directement à travers le sphénoïde suivant la règle suivie par
les Ruminants, il est largement ouvert, d'un diamètre à peine
inférieur à celui du trou sphéno-orbitaire, et se trouve au
niveau horizontal de la facette condylienne.
Nous avons déjà parlé de l'orientation, ou du « télescopage »,
de l'orbite des Girafes (2) ; nous n'y reviendrons pas, mais
nous signalerons qu'à première vue, cette orbite donne
l'impression d’être particulièrement profonde. Nous avons
cherché à vérifier cette impression et à suivre les varialions
de cette profondeur en établissant un Indice d’après la for-
diamètre longitudinal x 100
profondeur
Le tableau ci-joint donne, en même temps que cet Indice,
les dimensions sur lesquelles il est basé et, en outre, le dia-
mètre vertical de l'orbite ; nos calculs ont été faits en prenant,
dans chaque cas, les moyennes entre les dimensions droites et
mule | —
(1) Peut-être cette expression de sphéno-orbitaire, plus générale, est-elle
préférable à celle de trou-rond dont le sens est trop restreint dans le cas de la
Girafe et même dans celui des autres Ruminants.
(2) Première partie, p. 30 et suiv.
MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
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RECHERCHES SUR LES GIRAFES 13
gauches. Nous choisissons, comme termes de comparaison, des
Bovidés, des Cervidés et des Camélidés, ces derniers offrant.
comme les Girafes, un « télescopage » de l'orbite et les autres
présentant, inversement, un contraste avec cette disposition.
Plus la profondeur de l'orbite est grande par rapport à ses
autres dimensions, représentées ici par le diamètre longitu-
dinal, plus l'Indice, calculé comme nous l'avons dit, doit être
faible. Il est facile de voir, d'après le tableau ci-joint, que cette
profondeur relative, traduite en chiffres, est à peine plus
grande chez les Girafes en général qu'elle ne l’est chez les Cer-
vidés et les Bovidés, dont l'orbite est orientée suivant le type
usuel, également présenté par l'Okapi ; la différence ne devient
grande que du côté des Lamas qui, malgré le « télescopage »
très accentué qu'ils présentent, n'offrent qu'une profondeur
orbitaire encore inférieure à celle des Girafes. Remarquons
que la Gr. reliculata s'isole assez nettement, à ce point de vue,
de l’ensemble de ces dernières et se rapproche des Lamas ;
nous avons déjà signalé l’atténuation, sur cette espèce, de la
projection extérieure de l'orbite (1). Ici, de même que pour les
mensuralions relatives à celte projection publiées dans la
première partie de nos recherches, nous devons faire les
réserves nécessitées par le nombre relativement restreint des
spécimens sur lesquels ont porté nos travaux ; nous ne saurions
d'ailleurs nous étendre, sans sortir du cadre de notre sujet,
sur ces particularités, qu'il était utile de relever, et mention-
nerons simplement que le « télescopage » de l'orbite, tant sur
les Girafes que sur les formes présentant une disposition plus
ou moins semblable, n'implique pas un accroissement propor-
tionnel de profondeur de la cavité orbitaire.
Occipital et Sphénoïde. — La région occipitale présente,
sur les Girafes, des caractères résultant de l'insertion de
muscles particulièrement puissants. Au-dessus du trou occi-
pital s'élève une protubérance, convexe ou plane, dont les
bords vont rejoindre de part et d'autre, en s’évasant, les extré-
mités de la crête occipito-pariétale, très développée et parais-
sant suivre la ligne de jonction de l’occipital écailleux et des
(4) Première partie, pp. 31 et 32.
14 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
pariétaux, ces trois os se soudant de très bonne heure. Cette
partie présente, même sur de très jeunes Girafes, la solidité
nécessitée, dès le début de la vie, par le port spécial de la tête.
Au-dessous de cette crête occipito-pariétale qui, sur les sujets
âgés appartenant aux formes du Sud ou à certaines formes
intermédiaires, peut porter des excroissances variées, se trouve
une dépression plus ou moins accentuée, dont le fond, généra-
lement très irrégulier, présente en son centre une surface
d'insertion puissamment développée, divisée ou non par une
saillie médiane perpendiculaire à la voûte occipito-pariétale.
Ces caractères sont, dans leur généralité, constants chez les
Girafes et se retrouvent, à un degré moindre, sur l'Okapi (1).
La partie basale du crâne proprement dit, formée par le
basi-occipital et le corps du sphénoïde , est sensiblement droite
si on la considère longitudinalement, le basi-sphénoïde pro-
longeant l’occipital basilaire au lieu de former un coude avec
celui-ci. Le faible développement des bulles tympaniques (2)
est tel que leur partie inférieure descend à peine au-dessous
du basi-occipital; le niveau inférieur de celui-ci est entière-
ment inférieur, par contre, à celui des facettes glénoïdes. Les
apophyses paramastoïdes dépassent considérablement ce
niveau et, toutau moins dans le cas Le plus général, descendent
plus bas que les condyles occipitaux, de telle sorte que le
crâne, posé sur sa base, repose d’une part sur les arrière-
molaires et d'autre part sur ces apophyses; c'est dans cette
position que nous avons mesuré la longueur du crâne (voy. p.97).
Ajoutons à cela que Le corps du sphénoïde est arrondi transver-
salement, vers le bas, mais dépourvu de toute crête médiane.
Le basi-occipital porte une cannelure longitudinale, de part et
d'autre de laquelle se trouve, du côté du condyle, un tubereule
pré-condylien plus ou moins saillant ; ce dernier os présente,
en outre, de partet d’autre de la rainure médiane, près de sa
Jonction avec le sphénoïde, un petit tubercule servant à l’inser-
tion du muscle droit antérieur de la tête. À ce niveau, la rai-
nure médiane tend à disparaître et le basi-occipital s’arrondit
alors comme le post-sphénoïde; il s'y développe même
(1) Première partie, p. 29, fig. 15.
(2) Id. pp. 31 et suiv., fig. 12 et 13.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 49
parfois une crête longitudinale médiane assez accentuée.
Tout ceci rappellerait plutôt les Solipèdes que les Bœufs,
mais, tant sur les Bovidés que sur les Cervidés, 1l se retrouve
des dispositions très voisines de celles des Girafes.
Région ptérygo-palatine. — L'échancrure palatine médiane,
au lieu de s'arrêter en arrière de la dernière molaire, s’avance
très en avant, dépasse le niveau des échancrures maxillo-pala-
tines, latérales par rapport à elle, et celui des secondes et
même des premières molaires ; elle présente divers caractères
sur lesquels nous aurons à revenir. Les ptérygoïdiens, modé-
rément développés, occupent une position très avancée et se
trouvent à peine en arrière de la dernière molaire. La fosse
méso-ptérygoïde est assez large et relativement peu profonde
si l’on considère le crâne par sa face inférieure. Cette fosse
avait paru à Cuvier étroite et très courte (1); il pourrait en
être ainsi par comparaison avec les Solipèdes, mais non avec
les Ruminants.
Les ptérygoïdiens s'unissent au vomer et aux apophyses
ptérygoïdes du sphénoïde de manière à ménager, au-dessous
du corps du pré-sphénoïde, empiétant même parfois un peu sur
le post-sphénoïde, un espace vide, de telle sorte que le vomer,
dont la terminaison présente à ce niveau des apparences très
variables (voy. fig. 26 et 48), paraît former une sorte de gaine au
pré-sphénoïde. Cet espace vide semble se terminer antérieu-
rement en cul-de-sac. Cette disposition rappelle encore les
Solipèdes plutôt que les Ruminants.
Le canal ali-sphénoïdal est ici absent, comme sur les autres
Artiodactyles ; mais, à la base et en arrière de la gaine vomé-
rienne du sphénoïde, nous voyons plus ou moins nettement,
sur les crânes de Girafes que nous avons examinés, tout
au moins sur ceux qui ont assez parfaitement macéré, de
même que sur ceux d'Okapi, s'ouvrir un canal très distinct,
situé exactement à la jonction du pré- et du post-sphé-
noides, et qui, dirigé plus ou moins en avant et en haut,
passe sous l'aile antérieure du sphénoïde et va s'ouvrir à la
partie inférieure de l’hiatus orbitaire. Cela rappelle d'autant
(4) Grorces Cuvier. Lesons d'Anatomie Comparée. Sec. édit., t. IL. Paris,
1837, p. 279.
16 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
plus le conduit vidien des Solipèdes que le canal en question
naît à l'extrémité d’une rainure longeant très nettement, sur
le côté, le corps du sphénoïde, passant entre le trou ovale et le
tubercule d'insertion du muscle droit antérieur, et allant se
Fig. 26. — Giraffa reticulata de Winton, ©. Région basi-sphénoïdale. Une sonde
est engagée dans le trajet décrit ci-contre. Env. 3/4 gr. nat.
perdre dans le trou déchiré antérieur ; il serait difficile de ne
pas rapprocher cette Tainure de la scissure vidienne. L'Okapi
présente, encore plus accentuée, la même disposition, qu'il
n’est pas impossible uon plus de retrouver, plus ou moins nette-
ment, à la fois sur des Bovidés et des Cervidés.
Les figures ci-jointes (fig. 26 et 27) mettent ces dispositions
en évidence.
Nous devons ajouter que le canal dont nous venons de parler
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 11
est très fin (1) et ne se laisse sonder que sur des crânes dont
la macération a été parfaite. Peut-être tend-il à s’oblitérer
sur cerlains vieux sujets.
Orifices de la base du crâne. — Nous rappellerons brièvement
ce qui concerne les lrous de la face et de la base du crâne. Les
Pig. 27. — Régions basi-sphénoïdale ct ptérygo-palatine d’un Okapi ©. Comparer
à la figure précédente. Env. 3/4 gr. nat.
trous incisifs participent de l'allongement du museau. Le canal
sous-orbitaire, ou conduit dentaire supérieur, s'ouvre très en
avant, par un orifice souvent dédoublé (trous infra-orbitaires),
au-dessus de la racine de la première prémolaire ; cette post-
tion le rend parfois presque invisible sur le crâne considéré
de profil. Des variations individuelles peuvent le faire ouvrir
quelque peu latéralement, ce qui rapproche du cas le plus
généralement offert par les Ruminants. Chez les Bœufs, cet
orifice est latéral, mais chez diverses Anlilopes son ouverture
est antérieure, comme chez les Girafes, et des variations
(1) 11 admet en général des bougies filiformes n°* 4-6 de la filière Collin.
18 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
équivalentes s’observent sur les Cervidés. Ce déplacement vers
l'avant, que subit, sur les Girafes et l'Okapi, l'ouverture du
conduil dentaire supérieur, semble être en relation avec l’al-
longement des maxillaires et des prémaxillaires. En arrière,
le conduit dentaire supérieur s'ouvre à la base de la fosse
ptérygo-palatine, tout contre la partie inférieure de la bulle
lacrymale. Tout à côté, entre cet orifice postérieur du conduit
dentaire et Ja naissance de la partie gutturale du palatin,
s'ouvre le conduit palatin, aboutissant d'autre part dans la
partie moyenne de la suture palato-maxillaire, où 1l est pré-
cédé, sur la lame palatine du maxillaire supérieur, d’une
scissure (scissure palatine) plus ou moins profondément tracée.
Ces conduits palatins sont sensiblement identiques à ce qu'ils
sont chez les Ruminants en général. Le palatin porte parfois,
en arrière, près de la base de Ia fosse ptérvgo-palatine, un
orifice donnant accès dans un court canal, paraissant se
résoudre dans la partie adjacente.
Le sphéno-palatin est très grand, très facile à voir en regar-
dant le crâne par sa base, mais caché, du côté de l'orbite, par
la bulle lacrymale.
Laissant de côté ce qui concerne les trous lacrymaux, sur
lesquels nous reviendrons en décrivant chacun de nos sujets,
rappelons que l'orbite présente, d'avant en arrière: le trou
ethmoïdal, le trou oplique, puis un trou sphéno-orbitaire, ou
trou-rond, très largement ouvert entre les ailes du sphénoïde
et bordé, du côté externe, par une grosse crête temporo-orbi-
tale, généralement arrondie et très forte (voy. ci-dessus, p. 71).
Le trou ovale est presque aussi grand que ce dernier et
s'ouvre entre la parie la plus reculée du post-sphénoïde et la
facette glénoïde du temporal. Nous ne reviendrons pas sur les
trous de la région basi-occipitale, que nous avons déjà figurés (1)
et qui comprennent, de chaque côté, les trous déchirés anté-
rieur et postérieur, un trou post-glénoïdien, le trou stylo-
mastoïdien, et enfin un trou condylien.
Ces faits généraux élant rappelés, nous en suivrons les
(4) M. pe Rorasemip et FH. Neuvire, Recherches sur l'Okapi et les Girafes.
Première partie. Ann. des Sc. nat. 9° série, t: X, 1910, p. 24"et 25 ie 42
et 13. d
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 19
principales dispositions ou variations sur nos sujets, en les
appuyant finalement sur des mensurations eten traduisant,
comme nous l'avons fait jusqu'ici, par des Indices. les rapports
des dimensions qu'il importe le plus de comparer entre elles.
Quant à nos comparaisons entre les crânes des diverses
Girafes, nous les ferons surtout porter sur des Girafes du type
septentrional en partant de la G. reticulata et, quand nous
aurons à traiter de la G. c. rothschildi, nous la comparerons
plutôt, en raison de la transition qu'elle amorce entre les
formes du Nord et celles du Sud, à la Girafe du Cap.
DESCRIPTION DU CRANE DE LA Güraffa reliculata de Wint.
Profil. — Nous représentons ci-contre les crânes de nos
deux Girafes réticulées, que lon pourra comparer à ceux
d’autres Girafes appartenant également au {type septentrional
(fig. 10, 11, 12); si l’on veut bien se reporter, en outre, à nos
figures 40, 41, 42, 43 et 44, fournissant une comparaison iden-
tique entre la Girafe dite du Baringo et celle du Cap, ilsera facile
d'apprécier les dissemblances que peuvent présenter leurs pro-
fils, et nos tableaux de mensurations permettront de saisir les
différences de proportions des crânes de ces diverses formes.
Le profil de nos reticulata peut être considéré comme iden-
tique à celui des spécimens rapportés par RCPrELL de son voyage
en Nubie et au Kordofan (1). Dans l’un et l’autre cas, le profil
antéro-supérieur paraît plus droit que sur la Girafe du Cap,
où les os nasaux sont en général quelque peu busqués (voy. fig. 43
et 4%). Mais il n'est pas impossible que cette dernière diffé-
rence soit due, totalement ou partiellement, à l’âge, car nous
observons surtout une courbure du chanfrein sur de vieux
sujets du Cap, et un vieux mâle du Sénégal (voy. fig. 10) présente
lui-même une tendance assez nette à cette disposition.
Quoi qu'il en soit, une semblable différence peut s'observer,
mais à peine sensible, entre le crâne de la forme septentrio-
nale (‘* G. camelopardalis”) et celui de la forme méridionale
(4) Eduard RüppeLz. Atlas zu der Reise im nôrdlichen Africa. Erste Abtheilung.
Loologie. Franckfurt am Mein, 1828, pl, 9.
80 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
(5 G. capensis”) figurés par M. DE Winrox (1), et nous retrou-
vons un profil relativement droit sur divers spécimens ratla-
— Crâne de Giraffa reliculala de Winton, «
28.
or Ù
5:
Fi
chables à la forme septentrionale ; cependant, un crâne de
4) W.-T. pe Winrox. Remarks on the Existing Forms ofGiraffe. Proceedings
of the. Zoological Society of London. 1897, fig. 2 et 4, pp. 280 et 281.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 81
femelle du Sénégal, simplement adulle, nous à présenté une
certaine courbure de l'extrémité du nasal, ce qui, joint à ce
ue nous venons de signaler pour un mâle de même prove-
Crâne de Güraffa reticulala de Winton, Q.
Fig. 29.
nance, laisserait à penser que ce caractère est peut-être
fréquent, où même général, sur la Girafe du Sénégal (1).
(1) Les deux cränes de Girafe du Sénégal auxquels nous venons de faire
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e séries LOL
82 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Toujours au sujet des différences entre les formes du
Nord et celles du Sud, signalons que les cornes principales
paraissent plus inclinées en arrière, sur nos deux reticulala,
et s'écartent un peu moins de la ligne générale du profil, que
ne le font, en général, les cornes de la Girafe du Cap,
un peu plus verticales ; sur l’une des Girafes du Sénégal dont
nous venons de parler (A. 10617), elles paraissent encore un
peu plus inclinées en arrière que sur nos reliculata. Pour
chercher à pouvoir apprécier la valeur générale de ces varia-
lions, nous avons mesuré, sur des crânes de Girafes de di-
verses provenances, l'angle aigu formé par la direction des
cornes principales avec une ligne allant du centre du conduit
auditif externe à l'extrémité des prémaxillaires. Le tableau
récapitulatif en est donné plus loin (p.153)et permettra de voir
qu'au sujet de cette particularité du profil, la G. reticulata
semble s’intercaler entre les formes du Nord et celles du Sud(1).
allusion sont ceux que l’on trouvera figurés dans lOstéographie de BLAINVILLE
(H.-M. Ducrorar pe BeaiNvizce. Ostéographie ou description iconographique com-
parée du squelette. Paris, 1839-1863). Cet important ouvrage, interrompu par
la mort de son auteur, ne comprend, quant aux Girafes, que deux planches
dépourvues de texte, dont la première représente un squelette monté et porte
comme légende : Camelopardulis giraffa.
Le crâne du vieux mâle dont nous venons de parler est celui du sujet repré-
senté sur cette première planche. C’est d'après les registres du Laboratoire
d'Anatomie comparée du Muséum de Paris que nous faisons celte identifi-
cation : il s’agit ici d'une Girafe © du Sénégal, donnée au Muséum en 1830
par le général Girardin et dont le squelette fut placé au Cabinet d'Anatomie
comparée sous la cote B. VI. 90 (actuellement : A. 10617) (voy. fig. 10).
La planche suivante porte, en haut et à gauche, un crâne portant l'indi-
cation : © du Sénégal. Ce crâne est, en réalité, celui d’une femelle. Nous
l'identifions facilement avec celui qui figure dans les collections du Labora-
toiré d'Anatomie comparée du Muséum (où B£uNvizzr, qui dirigeait ce Labo-
ratoire, a pris ses modèles) sous le n° À. 10753 : Cräne de femelle du Sénégal
donné par le général Girardin, en 1830. Une particularité notamment nous
permet cette dernière identification ; c'est l'absence de toute lacune préla-
erymale, intéressante en elle-même, sur ce sujet peu âgé (voy. fig. 11).
L'incurvation du chanfrein est à peine indiquée sur les lithographies de
BLaiNviLLE, mais elle est très nette sur les pièces originales ainsi que le mon-
trent nos figures 10 et 11.
Ces Girafes « du Sénégal » (voy. p. 53-54) appartiennent probablement à la
sous-espèce peralta Thos, dont les affinités avec la forme nubienne ont été
signalées par M. Lypekker (On the Nigerian and Kilimanjaro Giraffes. Pro-
ceedings of the. Zoological Society of London, 1905, vol. I, pp. 119-121).
(1) Cette mensuration est particulièrement difficile à effectuer en raison de
la convexité et des irrégularités des surfaces sur lesquelles elle porte. Nous
l'avons pratiquée au moyen de deux règles larges et flexibles, réunies par un
pivot, dont l’une était placée suivant la ligne trou auditif-prémaxillaire et
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 89
Nous ne voyons rien de particulier à signaler quant à la
face. Nous avons déjà parlé (p. 77) de la tendance fréquente
au dédoublement des trous infra-orbitaires; cette tendance
aboutit, sur nos deux reliculata, à la scission de ces orifices en
deux parties, sauf du côté gauche sur la femelle. Il se forme
ainsi deux orifices dont l’un, le plus réduit, supérieur et ex-
terne par rapport à l’autre, est visible sur le crâne regardé de
prolil, et dont le second occupe la position habituelle au-dessus
de Ia face antérieure de la première prémolaire ; ce dernier
peut être considéré comme l’orifice normal, auquel le premier
vient s’'adjoindre comme orifice supplémentaire.
EÉpine palatine. — Au sujet des comparaisons qui peuvent
s'établir entre le crâne des formes du Nord et celui de la forme
du Sud (1), disons que, sur l’une et l’autre de nos deux reticu-
lata, les palatins, se terminent sans apophvse médiane (épine
palatine) appréciable {voy. fig. 45) ; au contraire même, sur l’un
d'eux (mâle) ils présentent en arrière une dépression médiane
profonde, au fond de laquelle la ligne de suture des deux pala-
üns ne se traduit que par une saillie à peine appréciable;
sur l’autre sujet (femelle), le fond de l’échancrure palatine
présente deux saillies très légères, symétriques par rapport à
la ligne de suture dont la terminaison occupe le fond de la dé-
pression peu marquée que ménagent entre elles ces saillies. II
en est tout autrement dans la Girafe du Cap, où lépine palatine
est généralement (rès accentuée. La Girafe dite du Baringo
présente, comme nous le verrons plus loin, une disposition se
rapportant plutôt à celle de cette dernière.
Mais ici encore l’âge peut avoir une certaine importance.
C'est ainsi que les jeunes Girafes du Sénégal nous ont présenté,
à ce point de vue, à peu près la même disposilion que la reti-
lata, tandis que sur une femelle âgée de la même provenance
(Collections d'Anatomie comparée du Muséum de Paris
dont l’autre était amenée dans l'axe de la corne (voy. p. 57). L’angle ainsi relevé
a été mesuré au moyen d'un rapporteur dont le grand diamètre (0w,32) permet
d'éviter le plus possible les erreurs de lecture, tout en pouvant donner le demi-
degré. Malgré toutes ces précautions, l'opération reste délicate et assez aléatoire,
aussi avons-nous procédé, pour chaque angle, à quatre mesures différentes
dont nous avons pris la moyenne ; nous négligeons les demi-degrés en raison
du peu de rigueur de cette mensuration.
(4) Voy. ci-dessus, p. 46.
S4 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
A. 10753) nous trouvons nettement réalisée la disposition de
la forme du Cap. Ce caractère n'a donc qu'une importance
toute relative. Les figures 45 et 46 ‘pp. 158-159) permettront
d'en apprécier la variabilité.
Rappelons que sur les Okapis dont nous disposons (fig. 27)
l'épine palatine est bien formée.
Nasal. — Les os nasaux sont profondément échancrés sur
l'un et l’autre de nos sujets, où la disposition dont nous parlions
dans la première partie de ce travail (1) est très accentuée.
Sur toutes les Girafes d'ailleurs, quelle que soit leur pro-
venance, l'échancrure en question nous paraît à peu près aussi
profonde. Mais sur les vieux sujets, et aussi bien sur ceux du
type méridional que ceux du type septentrional, la prolifération
osseuse gagne celte région comme elle fait pour les autres:
les deux échancrures symétriques se comblent et il n’en reste
plus qu'une trace à l'extrémité des nasaux, où une épine mé-
diane est bornéede part et d'autre par deux petites échancrures,
seuls vestiges de la disposition primitive ; ces vestiges peuvent
enfin disparaître eux-mêmes et le bord antérieur des naseaux
ne forme plus alors qu'une ligne irrégulièrement brisée.
Lacrymal. — Les orifices prélacrymaux sont simples sur
nos deux sujets, et nous renvoyons, quant aux généralités, à ce
que nous en avons dit dans la première partie de ce travail (2)
et au commencement du présent chapitre (p. 60).
Sur le mâle, leurs bords sont assez réguliers etils empiètent
presque autant sur chacun des quatre os aux dépens desquels
ils sont creusés : maxillaire supérieur, nasal, frontal et lacrv-
mal. Leurs dimensions extrèmes, prises en considérant l'ori-
fice comme inscrit dans un rectangle, sont les suivantes :
A droite. A gauche.
PORTER EEE ns es: 0,045 0,04
HAUTEUR PRE SE TRS ET Re 02,0325 0,035
Sur la femelle, les bords de ces lacunes sont, au contraire,
très irréguliers et, au niveau du frontal surtout, découpés
en une sorle de dentelle assez délicale ; nous rappelons que
1) M. pe Rorascmicp et H. Neuvirre. Recherches sur l'Okapi... Ann. des Sc.
nat 1910. 9ssér-t. X p.41
2) Loc. cit., p. 14 et suiv.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 89
ce sujet estun peu plus àgé que le précédent. En comprenant les
franges marginales dans nos mensurations, nous trouvons ici,
comme dimensions extrêmes de ces orifices :
À droite. À gauche.
ONU ER EMEA MERE 0% 045 0%,0475
ARTE SRE ER Re Où 0275 Qm,0275
Nous avons déjà parlé (/oc, cit.) de la variabilité que peu-
vent présenter ces orifices el ne pensons pas que leurs carac-
tères puissent être invoqués, en quelque façon que ce soit, au
point de vue différentiel, non seulement entre la Girafe réticu-
lée et les autres, mais mème, d'une manière toute générale,
entre les formes du Norü et celles du Sud. En principe, ils
tendentà s'oblitérer chez les individus âgés ; cependant, il en
est de très vieux chez lesquels ces orifices restent largement
ouverts (voy. fig. 44 : Girafe du Cap, A. 10754) et, par contre,
de relativement jeunes chez lesquels il n'en existe même pas
trace (voy. fig. 11 : Girafe du Sénégal, A. 10753) ; ni le sexe, ni
la race n'interviennent done dans la détermination de ce fait.
Les figures 10, 11, 12, 19, 25, 28, 29 et autres, renseignent
suffisamment à ce sujet.
Nous ne voyons que peu de choses à dire au sujet du lacrymal
considéré en lui-même. Sa région antérieure, ou faciale, est à peu
près plane et assez étendue en avantcomme dans le cas général ;
nous ne retrouvons pas ici de traces de séparation de la sec-
tion extra-orbitale de cet os en plusieurs parties par suite de
la présence de plusieurs points d'ossification comme cela peut
avoir lieu ainsi que nous l'avons vu (p. 67).
En ce qui concerne la forme générale, disons que la partie
extra-orbitale du lacrymal présente, sur nos reticulala : un
srand bord supérieur, à peu près droit, formé par la suture
fronto-laervmale ; un bord inférieur, plus ou moins curviligne,
formé par les sutures maxillo-lacrymale et (pour une partie
moindre) jugo-lacrymale; un bord antérieur, très irrégulier,
contribuant à limiter, en arrière et en bas, la lacune préla-
erymale; et enfin un bord postérieur, constitué par la ligne
d'inflexion de la surface de l'unguis vers l'intérieur de la cavité
orbitaire. Cette ligne d’inflexion, qui constitue pour un hui-
tième environ le bord de l'orbite, présente un gros tubercule
86 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
lacrymal, très saïllant, très net et à surface lisse, sur le sujet
femelle dont nous disposons, moins développé, au contraire,
sur le mâle, et qui est placé au bord même de l'orbite.
La surface d'insertion que présente ce tubercule pour le ten-
don de l'orbiculaire des paupières, et dont le caractère de sur-
face d'insertion est très net sur ce dernier sujet, est relative-
ment considérable; ceci paraît être encore en rapport avec ce
que nous avons dit d'autre part de la perfection que présente
chez les Girafes, jusque dans ses annexes, l'appareil visuel (1).
La fossette lacrymale estici très marquée.
Sur le sujet femelle nous trouvons en outre, tant du côté
gauche que du côté droit, immédiatement au-dessous du tuber-
eule lacrvmal, un orifice de faible diamètre (1 à 2 millimèe-
tres) qui est celui du canal lacrymal, et deux ou trois orifices
encore plus réduits se trouvent du côté intra-orbital, à 0,01
environ en arrière du tubercule lacrvmal. Sur le mâle, l’orifice
principal, situé, sur la femelle, dans la fossette Tacrymale,
n'existe pas; mais deux orifices, très voisins l’un de l'autre,
placés un peu en arrière du tubercule, semblent lui corres-
pondre. Ces dispositions sont très variables; nous pourrions
dire que chacun des crânes de Girafe que nous avons examinés
en présente une particulière; en général, c'en est une voisine
de celle que nous venons de décrire pour le sujet mâle qui est
réalisée. Il en est de même pour lOkapi, sur lequel le tubercule
lacrymal et ses fosseltes supérieure et inférieure sont bien
développés.
Au-dessus et un peu en arrière de l'infundibulum aveugle
ménagé entre la bulle lacrymale et la partie orbitaire infé-
rieure du lacrymal proprement dit (p. 67), s'ouvre, sur nos
deux zeliculala, un orifice d'importance et de disposition
variables, fréquent mais non pas constant chez les Girafes et
que l’on peut retrouver, en tout cas, aussi bien sur les formes
du Nord que sur celles du Sud; il donne accès dans les sinus
craniens et semble résulter de la persistance d'une lacune
ménagée entre la partie orbitaire la plus reculée de los laery-
mal et la partie adjacente du frontal. Nous ne le trouvons
‘1) Première partie, p. 31.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES S71
cependant pas sur les crânes de deux très jeunes Girafes du
Sénégal dont les os ne sont pas encore soudés.
La bulle lacrymale, malheureusement détruite en partie sur
nos deux reticulala, Y était bien développée, ainsi qu'elle l’est
toujours chez la Girafe et aussi chez l'Okapi.
Le pourtour de l'orbite est à peu près lisse sur nos deux sujets:
les rugosités de l’apophyse orbitaire du frontal n'aboutissent
pas lei à la formation d'exostoses.
Le mâle est, il est vrai, encore assez Jeune, mais
nous rappellerons que, mème sur les sujets les plus âgés des
formes septentrionales dont nous avons pu disposer, de telles
exostoses ne nous ont jamais paru avoir qu'un développement
très limité.
Orifices vasculaires de la région fronto-pariétale. — En arrière
des cornes principales, c'est-à-dire au niveau qu'atteint posté-
rieurementleur base d'insertion, s'ouvre, sur la suture sagittale
de notre G. reliculala mâle, un orifice double, visible sur la
figure 30, et qui doit, comme celui que nous signalions en
arrière de la pyramide (p. 56), jouer le rôle de trou nourricier.
Nous n'avons pu trouver sur ce sujet l’aboutissant du canal
dans lequel donne cet orifice, mais nous le voyons ailleurs
s'ouvrir à la partie supérieure médiane de la cavité cérébrale, à
quelques centimètres en arrière de celui qui est voisin de la
pyramide. Il doit donc servir également au passage de vais-
seaux d'origine profonde, contribuant vraisemblablement,
mais pour une très faible part, à l'irrigation des cornes princei-
pales, laquelle est surtout assurée, ainsi que nous l'avons vu,
page 57, par un rameau de l'artère temporale superficielle
pénétrant à la base de leur face externe.
Cette disposition n'existe pas sur la femelle, mais, par contre,
celle-ci présente, en avant des cornes principales, par consé-
quent sur le frontal et non plus sur les pariétaux, un petit
orifice médian qui semble lui correspondre. Deux orifices très
étroits, distants de 0,02, représentent sur l’un de nos Okapis la
disposition offerte par la retirulata mâle et nous la retrouvons,
à divers états de développement, sur un autre Okapi et sur
diverses Girafes du Nord ou du Sud. Sur l’une de celles-ci (Col-
lections d'Anatomie comparée du Muséum de Paris: A. 10752,
88 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
© d’Abvssinie) nous pouvons suivre un trajet vasculaire lui
correspondant, à gauche de la cloison médiane des sinus parié-
taux, et qui débouche directement au-dessous de lui dans la
L
Fig. 30. — Crète occipilo-pariétale de Géraffa reliculata de Winton, ©,
vue de trois quarts ct de face. Env. 1/2 gr. nat.
cavité cérébrale. D'autres Girafes nous présentent au contraire
les dispositions réalisées sur la femelle.
Plus en arrière encore, c'est-à-dire à 0",0% environ en avant
de la crête occipitale, notre G. reticulata mâle présente un ori-
fice médian rappelant le précédent, mais plus réduit. Nous
ne le retrouvons pas sur la femelle, qui présente cependaut,
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 89
à ce même niveau, un orifice percé à travers le pariétal gauche ;
d'étroites ouvertures semblent lui correspondre sur lOkapi.
Tout ceci confirme donc ce que nous disions précédemment
(p. 57), à savoir que ces dispositions sont extrêmement
variables; mais elles montrent que la vascularisation de la
région sagittale du crâne est en partie sous la dépendance de
vaisseaux d’origine profonde.
Occipital. — Nous signalerons, sur nos deux ze/iruluta,
l'absence de toute exostose occipitale pouvant correspondre aux
cornes supplémentaires, purement cutanées par conséquent,
que présentent cependant iei le mâle et la femelle (voy. fig. 3).
La crête occipito-pariétale forme une saillie normale (fig. 30),
plus marquée, comme à l'ordinaire, sur le mâle que sur la
femelle; elle est légèrement aplatie sur celui-là, surtout du
côté gauche, où se forme un commencement de protubérance
à surface allongée transversalement ; autant que Île per-
mettent ses limites très indécises, nous pouvons assigner
comme dimensions à cetle protubérance, 0",045 sur 0,02.
Le côté droit ne présente pas cette différenciation, très vague
d’ailleurs là où nous la trouvons. Rien de semblable n'existe,
en tous cas, sur la femelle. Si vague qu'elle soit, cette dispo-
sition est en rapport évident avec les proltubérances cutanées
de la région occipitale, ou cornes d’artimon, relativement bien
développées ici; la relation entre ces cornes et le substratum
osseux y est même beaucoup plus nette que nous ne la verrons
ètre sur la G. ec. rothschildi Lyd.
Sur aucune des Girafes du Nord que nous avons pu étudier,
nous n’observons de saillies plus accentuées, ni de formations,
à celte place, d’exostoses spéciales. Rappelons, à ce sujet, que
les formes septentrionales ne présentent pas au même degré
que celles du Sud la tendance à la prolifération osseuse. Sur
un vieux sujet mâle du Sénégal, que nous représentons ci-
dessus (fig. 10), la crête occipitale présente des exostoses très
irrégulières, formant en quelque sorte deux noyaux symé-
triques, transversalement allongés, séparés par un intervalle
de 0",025 environ, resté à peu près lisse de même que les par-
lies latérales extrêmes de la crête. Ilest vraisemblable, d’après
l'ensemble de nos observations, qu'une disposition de ce
90 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
genre eût fini par se développer, avec les progrès de l'âge, sur
la G. reliculata dont nous venons de parler, mais, en tout cas,
le substratum osseux des cornes d’artimon y est extrêmement
réduit, et l’ébauche que représentent les cornes occipitales de
cette espèce est encore, si l'on veut bien se reporter à ce que
nous disions page 19, au stade primitif où l'os ne réagit pas
encore, comme sur notre sujet femelle, ou à pee comme
sur notre sujet mâle. |
Les trous mastoïdiens restent ouverts sur nos deux reticulata
comme ils le seraient sur un Jeune veau, tandis qu'ils sont déjà
entièrement fermés sur le plus jeune de nos Okapis, dont nous
fixerons l’âge en disant seulement que toutes ses prémolaires
de lait sont encore présentes.
L'aspect extérieur de ces trous mastoïdiens varie quelque peu
sur l’un et l’autre de nos sujets; sur le mâle, un peu plus
jeune que la femelle, ils s'ouvrent directement en formant un
orilice circulaire à la partie supérieure d'une dépression allon-
gée, profonde, au fond de laquelle se trouve la suture mastoïdo-
occipitale, dont ils ne sont que l'aboutissant, ou, si l’on préfère,
dont ils ne représentent qu'une partie dilatée et non oblitérée,
ce qui est le cas général. Sur la femelle, la partie supérieure
de cette dépression s'enfonce plus profondément en formant
une fosse plus large, irrégulière, à la partie moyenne de laquelle
le trou mastoïdien s’allonge en fente.
Nous examinerons plus loin la disposition qu'offrent, à ce
point de vue, nos G.c. rothschildi Lyd. et les comparerons à
celles de la Girafe du Cap. Maintenant ici nos comparaisons
avec les formes du Nord, nous voyons, sur des crânes de Girafes
d'Égypte et du Sénégal, les trous mastoïdiens se présenter avec
des caractères très voisins de ceux que nous venons de décrire.
Sur un vieux mâle du Sénégal (Collections d'Anatomie compa-
rée du Muséum de Paris : A. 10617), ces trous se réduisent à
des pertuis difficilement distinguables; la ligne de suture ocei-
pito-mastoïdienne y est très visible, la synarthrose n'étant pas
complète, mais la dépression au fond de laquelle se trouve
d'habitude le trou mastoïdien est absente, et ce trou lui-
même subit une extrême réduction; à droite, il est creusé
aux dépens de l'écaille de l'occipital, tandis qu'à gauche, il
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 91
est nettement ouvert dans la partie mastoïdienne du temporal.
La partie supérieure de chaque condyle occipital est sur-
montée, sur nos G.reliculata, d'une dépression, particulière-
ment nette et profonde sur le mâle, accentuant la séparation
entre cette partie du condyle et Ia partie adjacente de locci-
pital latéral. Cette disposition, d'une extrême variabilité, nous
parait constante chez les Girafes. Nous la retrouvons, plus
accenltuée encore que sur notre reliculata mâle, sur une
femelle âgée d’Abyssinie (Collections d'Analomie comparée
du Muséum de Paris : A. 8012) où elle se présente, à droite
surtout, comme une sorte de dépression canaliculaire per-
forant presque l'occipilal latéral. Le vieux mâle du Sénégal,
que nous avons déjà maintes fois cité, présente la même dis-
position, et du même côté. Chose intéressante à noter, la
dépression dont nous parlons est beaucoup moins accentuée
sur les jeunes Girafes, où le commencement de perforation
n'existe pas du tout: elle semblerait, d'après les sujets que
nous pouvons examiner, se développer, jusqu'à un certain
degré tout au moins, avec l'âge. Nous en trouvons une trace
très réduite sur l'Okapi, où la dépression est à peine mar-
quée, mais où un orilice supra-condvlien, dont la présence
parail très inconstante, donne accès dans un trajet canali-
culaire peut-être aveugle, mais peut-être divisé, après un bref
parcours, en canalicules trop fins pour pouvoir être sondés.
Les trous condyliens sont doubles de part et d'autre, sauf
sur le crâne du mâle, où la perforation, unique du côté gauche,
porte cependant Ja trace d’un commencement de division.
En principe, ces trous sont doubles chez les Girafes comme
chez l'Okapi; ils se réunissent souvent en un seul et subissent
d'assez grandes varialions que nous rappellerons en parlant
de la base du crâne {p. 93) Nous les signalons en parlant
de l’occipital pour mentionner qu'ici, comme chez les Bovidés
et les Cervidés, immédiatement au-dessous des trous condy-
liens, s'ouvre un orifice plus petit, du côté intérieur de Ia
cavité cérébrale, à très peu de distance du trou occipital,
par lequel il est facilement visible, et qui donne accès dans un
canal communiquant avec l’ensemble des canaux temporaux
y compris celui ou ceux du trou mastoïdien; sur l’un de nos
92 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Okapis, il communique en outre, par une anastomose. avec le
trou condvylien principal. Cet orifice ne fait pas partie de ceux
de la base du crâne et nous avons préféré le mentionner en
parlant de l’occipital.
La rainure médiane dubasi-occipitalest plus prononcéesur le
sujet femelle, où elle atteint le post-sphénoïde, que sur le mâle :
par contre, les tubercules précondyliens, de même que ceux
de la partie antérieure de l'os (voy. ci-dessus, p.74), sont plus
développés sur ce dernier. Ce caractère n’est cependant pas en
rapport avec le sexe, car nous voyons ces tubercules atteindre,
sur des femelles de Girafes de diverses provenances, un déve-
loppement assez accentué.
Orifices de la base du crâne. — Nous avons eu l’occasion de
parler ailleurs des orifices présentés par la base du crâne et
avons figuré ceux de la partie basi-cérébrale de la Giraffa
reliculata (À).
Rappelons qu'un trou post-glénoïdal est largement ouvert
Juste en avant du méat auditif, Son apparence est variable. Sur
le sujet femelle, il comporte, à gauche, un orifice simple, irré-
eulièrement ovalaire et dont les axes ont respectivement 0",011
et 0°,008 ; à droite cet orifice est double et comprend : 1° un
pertuis ovale, ouvert latéralement, d'environ 0",007><0",001 ;
2° une fente étroite, transversale, immédiatement accolée à
l’'apophyse post-articulaire, aux dépens de laquelle elle semble
ouverte, et longue d'environ 0°,01% sur deux à trois milli-
mètres de largeur. De telles traces de divisions s’observent
parfois sur d'autres Ruminants et sont bien connues chez les
Bœufs. Sur le mâle, cet orifice est plus simple, il est à peu près
triangulaire et symétrique de part et d'autre, ce qui est le cas
le plus général qu'offrent les Girafes; la paroi antérieure du
conduitauditif forme à son niveau une sorte d’apophyse tendant
à le diviser.
Les relations de cette ouverture sont multiples. Cuvier (2)
avait remarqué qu'elle conduit « et dans les sinus temporaux,
1) M. pe Roruscnip et H. Neuvicre. Recherches sur lOkapi et les Girafes.…..
1'e partie. Annales des Sciences n'turelles, 9e série, t. X, 1910. p. 25, fig. 13.
2) Georges Cuvier. Lecons d'Anatomie comparée, sec. édit., t. Il, Paris, 41837,
p. 49%.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 95
comme dans le Chameau, et dans la gouttière de la racine de
l'arcade, comme au Lama ». Nous voyons la cavité dans
laquelle elle donne accès, sur nosreticulala comme sur d'autres
Girafes, recevoir en avant le débouché d’un court canal, parfois
divisé, s’ouvrant au fond de la dépression ménagée entre
l'écaille du temporal etson apophysezygomatique, à la naissance
de celle-ci; dans sa partie médiane, cette même cavité débouche
plus ou moins directement dans la cavité cranienne par une
fente généralement très allongée, située vers la limite commune
du rocher, du lympanique, du pariétal et du sphénoïde, et
prolongeant le trou déchiré antérieur ; ces dispositions sont
surtout bien visibles sur de très jeunes sujets. À l'intérieur de
cette cavilé s'ouvrent, en arrière ou en haut, les conduits
temporaux, très variables ici comme ailleurs et qui dé-
bouchent extérieurement vers l'angle supérieur du squam-
mosal, en empiétant sur la partie adjacente du pariétal. La
communication de ce système avec les sinus temporaux ne
s'établit que par de fins pertuis situés au voisinage et surtout
au-dessus de l'orifice du canal propre de l'arcade zygoma-
tique ; cette communication se met facilement en évidence sur
de très jeunes sujets, mais semble s’effacer avec les progrès
de l’âge.
Ces dispositions différent sensiblement, au moins dans leurs
détails, de celles que présentent les autres Ruminants. Par
contre, les trous déchirés ne présentent rien de très particu-
lier. Les trous condyliens sont grands et très visibles ; ils sont
doubles de part et d'autre sur nos deux sujets, sauf du côté
gauche sur le mâle; rappelons qu'ils le sont souvent aussi
chez les Cervidés et les Bovidés, où 1ls peuvent même être
triples. En principe, l’antérieur est le moins large. Tout ce
que nous venous de dire au sujet de nos reliculata, el des
Girafes en général, s'applique, dans la règle, à l'Okapr.
Signalons enfin, sur notre reliculata mâle, un dédoublement
du trou ovale droit, en avant duquel s'ouvre un orifice ovalaire
de 0,004 sur 0,002, donnant accès dans un canal que l’on voit
s'enfoncer dans le corps du post-sphénoïde.
Cornes. — La corne antérieure médiane est très développée
sur notre reticulata mâle (fig. 28). N’étant pas encore complè-
94 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
lement fusionnée avec le crâne, elle se laisse parfaitement
délimiter; on la voit ainsi empiéter d'environ 0",03 sur les
os naseaux. Nous avons pris ses dimensions, qui sont les sui-
vantes, en supposant son profil et sa base inscrits l’un et
l’autre dans un rectangle :
Éoneteur dela base ec ER A te 0,128
Farsenr maxinia- de Jatbase se PR ER ee 02,058
Hauteur totale ou distance verticale du sommet au ni-
veau du pourtour inférieur de la base. ..........7. 0,06
Cette corne forme une sorte de cône latéralement aplali et
à base très oblique, sa génératrice antérieure mesurant envi-
ron 0,11 alors que la génératrice postérieure ne mesure que
0,07. Un léger étranglement, assez net en avant, mais insen-
sible en arrière, tend à séparer ou plutôt à « champignonner »
le sommet de cette corne (comparer fig. 10 el 28).
Sur ce sujet (male) les deux cornes principales sont entière-
meut fusionnées avec le crâne et les traces mêmes de leurs
limites inférieures sont à peine visibles, alors qu'un sillon
très net sépare, à la périphérie, la base de la corne antérieure
de la région cràänienne qui la supporte. La fusion des cornes
principales avec le crâne s'opère toujours, d'ailleurs, avant
celle de la corne antérieure ; l'exemple des femelles, dans les
formes à trois cornes, ne fait qu'exagérer cette particularité
puisque l'ossicône médian s’y réduit à une sorte d’écaille
osseuse irrégulière qui reste isolée du crâne jusqu'à un âge
très avancé, et qui, mème sur les sujets les plus âgés que
nous puissions examiner, ne paraît réellement soudée aux
os sous-jacents que par sa partie centrale. |
La longueur des cornes principales, c’est-à-dire Ja distance
séparant leur extrémité supérieure du niveau de la partie
du crâne comprise entre elles, est la suivante sur la reficulala
mâle :
À droite. A gauche.
LOROUBURAMNEES. Fret een 0,125 0mf25
Leur section est elliptique, plutôt que circulaire, par suite
d'un aplatissement latéral (rès net. Les dimensions axiales de
celte section sont, dans la partie moyenne, les suivantes :
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 95
À droite. \ gauche.
0%,045 et 0,0% 0,052.et 02,045
Elles présentent une asymétrie ne se traduisant pas seule-
ment par des différences de diamètres. La corne droite, plus
faible que celle de gauche sur le sujet dont nous parlons
(mâle), va en s’effilant légèrement de bas en haut, son extré-
mité, à peu près arrondie, ne mesure plus que 0",035 sur 0",033.
La corne gauche tend à s’élargir au contraire à son extrémité
qui, sensiblement aplatie, mesure 0",058 dans le sens de la
longueur et 0,05 dans celui de la largeur.
Sur la femelle nous ne relevons aucune trace d'ossicône
médian. La partie du crâne comprise entre la suture fronto-
nasale et le trou nourricier placé au niveau postérieur de l'em-
placement de la corne médiane {voy. p. 56) est criblée de petits
orifices et l'on y observe de petites saillies osseuses, prouvant
que la vitalité de cette région est particulièrement intense; ceci
est à rapprocher de ce que nous avons dit ci-dessus (p. 19)
de l’état de la peau recouvrant cette partie de la tête, et nous
rappelons qu'il n’est pas impossible qu'un ossicône, encore
réduit à l'état écailleux, ait existé iei et ait été perdu pendant
le dépouillage.
Les cornes principales de la femelle sont non seulement
pluspetites, c’est-à-dire plus courtes et plus grèles, que celles
du mâle, mais elles v sont encore plus asymétriques et plus
irrégulières : ces cornes se laissent encore parfaitement déli-
miter au niveau du crâne, bien qu'elles v adhèrent très forte-
ment, tandis que la fusion est complète sur le mâle : l’on sait,
en effet, que tandis que les cornes paires de la Girafe mâle
sont formées dès la naissance, celles de la femelle ne font leur
apparition que plus tard. Leur surface est en outre beaucoup
plus rugueuse que sur le mâle: elle est creusée de sillons assez
profonds, isolant des sortes de trabécules osseux rappelant
ceux des jeunes animaux, mais nous ne retrouvons plus ici
de trace du « champignonnage » terminal que nous signalions
dans la première partie de nos recherches (p.54 etsuiv., fig. 19
et 21); leur extrémité présente au contraire un effilement mani-
feste. Les dimensions de ces cornes principales de la femelle,
mesurées comme l'ont été celles du mâle, sont les suivantes :
96 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
A droite. A gauche.
ÉOnEtEULT. 2e EM PRNNE 0%,095 0,095
NpAiSSeURe. RCE 0%,03:et 02,022 07031ve 0024
Une similitude générale est évidente entre tous ces faits et
ceux que présentent les autres Girafes rattachables au type
septentrional. Tant sur les Girafes de la Haute-Égypte que
sur celles du Sénégal, la présence de trois cornes est
constante sur le mâle, et, sur les femelles âgées, nous trouvons
toujours un ossicône médian représentant la pyramide et réuni
au crâne ; 1l peut même être très développé (vov. fig. 14).
n ce quiconcerne le sexe mâle, uous ne voyons aucune diffé-
rence essentielle à établir entre ce que présente la pyramide
sur notre 7e/iculala et sur une Girafe du Sénégal par exemple ;
bien que la hauteur soit peut-être particulièrement forte dans
ce dernier cas. Les figures précédentes (fig. 10 et 28) permet-
tront d'en faire la comparaison.
La Girafe du Sénégal dont nous représentons le crâne page 48
est beaucoup plus âgée que la reliculata de la page 80 : ses cornes
principales sont plus rugueuses, de même que toute la surface
du crâne, couverte d'exostoses toujours assez petites et dont
aucune n atteint le degré propre aux formes rattachables au
type méridional: ici encore, nous relevons une asymétrie des
cornes et, de même que surlazelirulata, la corne gauche est très
sensiblement la plus forte. La pyramide n’y est pas plus élevée
que sur cette dernière, en tenant compte des différences d'âges ;
la ressemblance est même frappante à ce point de vue. Sur
cette Girafe du Sénégal nous retrouvons, en effet, l'étranglement
dont nous parlions précédemment (p. 9%). La prolifération
osseuse à provoqué la formation, en avant de cet étranglement,
d'une saillie rugueuse, peu accentuée, précédée elle-même, à la
base de l'ossicône, par un noyau de petites exostoses visibles
sur la figure 10, et qui sont une ébauche extrêmement réduite
de ce que nous verrons exister sur un mâle de G. €. rothschildi
Lyd. (voy. pp. 117 et 169, fig. 40). La tendance au « champi-
gnonnage » s’accentue enfin sur le sommet de la pyramide, au
point d'y provoquer la formation d’un renflement très irrégu-
lier, mamelonné, dont les dimensions extrèmes sont d'environ
0",05 en longueur et 0",04 en largeur. Cette corne antérieure
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 97
parait représenter une différenciation très accentuée, ou, si l’on
préfère, une spécialisation, des tendances à l’exostose mani-
festées par les formes du Sud, où n'existe pas de pyramide,
el que nous examinerons plus loin ; mais la formation d'un
ossicône indépendant réalise un progrès considérable sur ces
tendances diffuses.
Sur nos deux reliculata, de mème que sur tous les autres
sujets que nous avons examinés, il existe, à la partie latérale
des cornes principales, un profond sillon vasculaire (voy.
p. 57), largement ouvert sur le mâle, qui est encore assez
Jeune, mais (totalement recouvert, sur la femelle, par la proli-
féralion osseuse, de telle sorte que cet orifice n’y est visible
qu'à la condition de regarder le crâne de bas en haut : sur le
mâle, au contraire, ces sillons restent distinctement visibles
Jusque vers le milieu de l’ossicône.
Pour fixer les proportions générales des crânes de nos deux
G. reliculala, nous donnons ci-dessous (p. 155) leurs princi-
pales dimensions, comparées à celles de diverses autres
Girafes, et traduirons leurs proportions par des Indices.
Nous avons mesuré la longueur en placant le crâne, séparé
de son maxillaire inférieur, sur un plan horizontal et en
mesurant l'espace compris entre les perpendiculaires extrèmes.
Ce procédé n’est pas exempt de causes d'erreurs; la longueur
très variable de l’apophyse para-occipitale éloigne plus ou moins
de l’horizontalité le crâne placé comme nous venons de le dire.
Une mesure plus rationnelle est celle que l’on peut prendre en
plaçant le crâne de telle facon que le trou occipital et le bord
antéro-inférieur de l’incisif soient amenés à l'horizontale, mais
ce procédé, sensiblement plus compliqué, ne donne avec le
nôtre que des écarts très faibles, rendus négligeables par la
manière dont nous calculons les Indices.
Le crâne étant placé dans la position indiquée, la hauteur,
mesurée au moyen d’équerres, représente la distance com-
prise entre le plan servant de base et le niveau de la partie
la plus déclive de la suture sagittale, comprise entre les cornes
principales et la corne antérieure médiane ou, dans le cas
des femelles, le renflement fronto-nasal. Cette hauteur est
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. Enr
98 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
toute conventionnelle, mais elle nous parait apte à l'évaluation
d'une dimension que font individuellement varier divers
caractères, dont, notamment, la présence d’une corne anté-
rieure. Pour celte mesure, de même que pour celle de la lon-
gueur, nous avons préféré faire abstraction des mandibules.
La longeur totale du crâne comprenant le maxillaire inférieur
est entachée d’un élément d'erreur résultant de l’état des
incisives et du prognathisme {rès variable que peuvent pré-
senter les Girafes. Signalons à ce sujet que trois crânes, dont
deux provenant d'Abyssinie{{)et l’autre du Sénégal (2), nous ont
présenté un prognathisme inférieur relativement considérable
(Coll. d'Anat. comp. du Muséum de Paris : A. 8012, A. 10752,
A. 10753), tandis que d’autres présentent, au contraire, une
tendance au prognathisme supérieur. En ce qui concerne les
hauteurs, les branches du maxillaire inférieur étant plus ou
moins hautes et plus ou moins incurvées suivant les individus,
il est évidemment préférable de ne pas les faire entrer en
hgne de compte.
Bien que certaines mesures intéressant les ptérygoïdiens et
l'arrière du palais aient été indiquées (voy. p. 46) comme
permettant de relever des différences entre les formes du Nord
et celles du Sud, nous avons préféré en choisir d’autres. Les
variations individuelles portant sur cette région sont, en effet,
extrêmement étendues et nous avons pu nous convaincre, après
quelques mensurations, qu'il est impossible de prendre ces
points comme base.
En ce qui concerne enfin l ensemble du erâne, signalons que
notre reliculala mâle présente une asymétrie cranienne très
nelle, non seulement par le fait des cornes (voy. p. 95), qui
semblent l’une et l’autre légèrement déjetées vers la gauche,
mais encore par suite d’une disposition quelque peu angulaire
que présentent, l’un par rapport à l’autre, le crâne et la face.
Pour mieux faire apprécier ce caractère, disons que la suture
nasale, au lieu d’être dans le prolongement de la suture sagit-
tale, fait avec ce prolongement un angle aigu très peu ouvert,
mais assez marqué cependant pour que l'asvmétrie soit
frappante à première vue.
1-2?) Au sujet de ces provenances, se reporter à la note de la page 53.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 99
Une telle asymétrie parait fréquente chez les Giralidés ;
d'autres sujets nous en ont présenté des exemples et nous avons
entendu dire qu'elle peut s'observer également sur l'Okapi;
nous voulons parler iei d’une asymétrie beaucoup plus complexe
que celle dont il est question dans le récent ouvrage de
M. Ray Lankesrer (1) et qui résulte principalement de dif-
férences entre les ossicônes.
LA GIRAFE DITE DU MONT ELGON OÙ DU LAC BARINGO
(Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd.)
I.__ GÉNÉRALITÉS
La Girafe dont nous avons maintenant à nous occuper fut
d'abord désignée sous le nom de « Girafe à cinq cornes »,
d'après une particularité sur laquelle nous aurons à revenir.
Elle fut rencontrée en mai 1901, par Sir Harry Jouxsron, peu
après sa découverte de l'Okapi, au cours d'une exploration du
plateau Gwas’ Ngishu, dans le pays des Massaï, au Sud-Est du
Mont Elgon (voy. carte, p.15). Les premières observations que
put faire Sir Jonxsrox montrèrent que la coloration de cette
nouvelle Girafe est fort différente de celle de ses congénères, les
parties supérieures du corps v étant, sur les sujets âgés de
l’un et l’autre sexe, couvertes de taches d'un noir pourpré
séparées les unes des autres par une teinte de fond d’un brun
sale et les jambes ainsi que le ventre de ces derniers sujets ten-
dant à devenir d’un blanc à peu près pur (2). Les vieux mâles
observés par Sir Jonxsrox présentaient en oulre cinq cornes
dont les deux supplémentaires se trouvaient fort en arrière du
crâne, près de la première vertèbre cervicale ; les femelles ne
présentaient pas cette dernière particularité. Quant aux Jeunes,
spécialement dans ie sexe femelle, ils parurent à Sir Jorxsrox
couverts de taches orangées se détachant sur un fond crème ;
(4) E. Ray Lanester. Monograph of the Okapi. London, 1910, p. vr.
(2) Au sujet de cette coloration, voir notre remarque de la page 10.
100 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
dans la suite du développement, ces taches deviennent d'un brun
orange, avec une sorte de rosette pourpre (1) en leur centre ;
enfin, sur les sujets âgés, la coloration se fonce à tel point
que, vues à distance, disait Jonnsrox, ces Girafes à cinq cornes
donnent une impression de noir sur blanc, et principalement
de noir, les parties blanches de leur corps étant souvent
cachées par les broussailles. Le même observateur à déerit en
termes saisissants les effets de ce mimétisme dont le rôle pro-
tecteur paraît indubitable (2) ; il a également remarqué que
celle Girafe est d’une taille particulièrement élevée ; un mâle,
qu'il réussit à tuer, portait sa tête à environ vingt pieds au-
dessus du sol.
Le voyage au cours duquel d'aussi intéressantes observations
avaient élé relevées permit en outre à Sir Jonxsron d'envoyer
au British Museum les crânes, ainsi que la peau de la tête et
du cou, de deux mâles et de deux femelles. Ces dépouilles
furent l’objet d'un mémoire de M. Oldfield Taomas où l'on
trouvera des comparaisons suscitées par cette découverte el
notamment des remarques sur les cornes des Girafidés vivants
el fossiles (3). De ces comparaisons purent se dégager les
premières considérations relatives à la position systématique
de cette nouvelle Girafe. Pour Old. Tomas, les données ainsi
acquises ne permettent pas de séparer la Girafe du Mont Elgon
de Ja forme nubienne (G. camelopardalis); cette dernière
passe graduellement, quant au développement de ses cornes el
par l'intermédiaire de La 6. tippelskirchi Matsch. et de la
G. schillingsi Matsch., à la Girafe du Sud, qui pourrait être
ainsi considérée comme une sous-espèce de la première
(G. camelopardalis). Ceci, comme nous l'avons déjà vu (p. 10),
contribuait à laisser à part la Girafe du Somal et accentuail
son indépendance au point de permettre de la considérer
comme ayant une valeur spécifique propre (4).
1, Il s’agit ici d'un pourpre extrêmement foncé, qui est plutôt un noir-
pourpre.
(2) Sir Harry Jouxsrox. The Uganda protectorate. London, 1902, vol. I, pp. 26
i à Oldfield Tomas. On the Five horned Giraffe obtained by sir Harry
Johnston near Mount Elgon. Proceedings of the. Zoological Society of London,
1901, vol. Il, p. 474.
4) Oldfield Tnomas. Loc. cit., pp. 475 et 476.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 101
D'autres Girafes, rappelant étroitement celles du Mont Elson,
furent dans la suite envoyées au British Museum par M. PoweLr-
Corrox. Elles provenaient du plateau Quashengeshu {ou Was-
hengeshu), situé à l'Est du lac Baringo et séparé de celui-ci
par une montagne boisée. Un mâle adulte tué dans cette localité
par M. Powezz-Corrox a servi de type à cette nouvelle sous-
espèce, nommée Gu'affa camelopardalis rothschildi par M. Lypek-
KER qui a donné sur elle des renseignements complémentaires
fort détaillés (1) et l’a définie ainsi :
Girafe à trois cornes, dans laquelle les sexes, au début de
l'âge adulte tout au moins, sont tachetés différemment, à la
fois en ce qui concerne la forme et la couleur des taches, avec
la partie inférieure des jambes d’un blanc pur, une aire trian-
gulaire blanche au voisinage de l'oreille ; taches grandes el
très foncées sur l’adulte mâle, v montrant une tendance à se
diviser en étoiles, ainsi que le montrent, dansles plus grandes,
des lignes radiées ; espaces entre les taches d’un fauve jaunâtre,
formant un réseau étroitement serré sur le corps, mais plus
large sur le cou, où les taches prennent un contour plus
irrégulier et quelque peu ébréché. Au-dessus des genoux et des
Jarrets, taches de couleur châtain, s'étendant plus haut aux
membres postérieurs qu'aux membres antérieurs. Les côtés de
la face sont pleinement {achetés de noir.
Sur la femelle, ajoute M. Lypekker, les taches sont beau-
coup plus irrégulières et de couleur châtain rougeàtre sur un
fond d’un fauve orangé léger. Les aires claires du cou v sont
tres larges et les taches des membres sont très petites ; petite
aire blanche autour des oreilles ; côtés de Ia face légèrement
tachetés.
Cinq cornes, généralement ou invariablement présentes sur
les vieux mâles, comportant une paire de cornes postérieures
ou occipitales.
Habitat : district du lac Baringo, et de là, à l'Est, vers le
Mont Elgon (2).
1) R. Lypexker. Hutchinson’s Animal life. London, 1903, vol. Il, p. 122.
Id. On the Subspecies of G. camelopardalis. Proceedings of the. Zoological
Society of London. 190%, vol. |, p. 210.
1d. The gume Animals of Africa. London, 1908, p. 358 (Addenda, p. xvin).
(2) R. Lvpekker. On the Subspecies... p. 210.
102 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Nous disposons de trois sujets rattachables à la forme ainsi
définie par M. Lypekker, bien que s'écartant de cette définition
par certains points, et que nous décrirons avec quelques
détails. Ils consistent en un couple provenant des parages de
Voi, station bien connue du chemin de fer de l'Uganda, et un
mâle provenant de la région de Simba (Nzoi Peak) (vov. carte,
p. 15). Ces localités sont assez éloignées du Mont Elgon et du
lac Baringo (voy. p. 113); elles n’en sont cependant séparées
par aucune région infranchissable pour des Girafes, car les
escarpements portés sur notre carte entre Port-Florence et le
Kénia sont loin d'être continus. Avant de décrire nos sujets,
nous préférons rappeler, pour faciliter toutes comparaisons, les
affinités de la forme dont nous nous occupons en ce moment.
Nous préciserons tout d'abord, autant que nous le pourrons,
les données géographiques qui lui sont relatives. Cette Girafe
parailse trouver sur un espace du Protectorat anglais relative-
ment étendu. Au Sud, elle descend, disait en 1908 M. Lypek-
KER (1), Jusqu au-dessous de 1° Lat. S.; d’après divers docu-
ments, elle parait descendre beaucoup plus bas encore.
Il est permis de supposer que le sujet isolé aperçu par
M. PowEeLz-Corron près de la rivière Maragua, au Sud du Fort
Hall ou Mbirri (2) devait appartenir à cette sous-espèce et il
en est vraisemblablement de même des sujets que l’on rencontre
entre cetle région et celle qui s'étend du lac Baringo au Mont
£lgon, où ces Girafes sont le plus nombreuses. Nous verrons
un peu plus loin quelles modifications elles subissent en s’éloi-
gnant de leur habitat typique. Les trois sujets dont nous dis-
posons proviennent d’une latitude encore inférieure à celle
des localités précédemment citées.
Les quatre spécimens rapportés par M. PoweL£z-Corrox et dé-
crits par M. LYpEekker (3) proviennent de la région s'étendant
au Nord du lac Baringo et du plateau Quashengeshu (voy. ei-
dessus). Leurs différences suffisent à mettre en garde contre
les méprises auxquelles pourrait inciterla variabilité, apparem-
ment assez grande, de cette Girafe.
(4) R. L\vekker. The Game Animals of Africa. London, 1908, p. 358.
(2) P.-H.-G. Powezz-Corrox. In Unknown Africa. London, 1904, p. 28.
(3) R. Lynekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis.…., pp. 210, 243.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 103
D'une part, en effet, les différences sexuelles peuvent être
assez grandes pour que M. Lypekker ait été tenté tout d'abord
de considérer l’une des femelles rapportées par M. PoweLz.-
Corrox du lac Baringo comme représentant une race diffé-
rente ; mais un mâle du plateau Quashengeshu lui à présenté
ensuite les mêmes particularités que cette femelle. Il ne
semble pas que l’on puisse exprimer dès maintenant une opi-
nion définitive sur l'étendue que peut présenter ce dimor-
phisme sexuel et encore moins sur les limites des variations
individuelles, spécialement dans le sexe femelle.
D'autre part, d'après les observations de M. Powerz-
Corrox {1), il peut arriver que de vieux mâles gardent une
coloralion assez claire, contrairement à ce qui paraît être la
règle (voy. ci-dessus) et portent des taches irrégulières plus net-
tement étoilées. Autant que nous pouvons comparer, cest là
ce que semble tendre à présenter celui que nous possédons,
mais nous devons, au sujet de la coloration faire quelques
réserves motivées par ce fait que la couleur du pelage des
Girafes s’atténue assez promptement dans les collections.
M. Powez-Corrox a enfin rencontré un sujet, le plus grand
mâle d'un troupeau de 20 à 25 tèles, dont la coloration
était si pâle qu'il croit à un cas d’albinisme (2).
Indépendamment de ces faits, que des considérations d'or-
dre zoogéographique peuvent contribuer à faire envisager
comme des cas de variabilité individuelle, il en est d’autres
auxquels des considérations du même ordre donnent au con-
traire une importance plus générale.
Si, en s'éloignant vers le Nord-Est de la région habituée
par la G. ec. rothschildi, on voit celle-ci faire place à une
forme bien différente, nettement définie : la G. reticulata, par
contre, au Nord du Mont Elgon, dans la région de Toposa (3)
ou, plus généralement, dans la partie du Protectorat anglais
qui se trouve juste au Sud du Lado, elle est représentée par
une forme très voisine, encore assez mal connue, la Giraffa
(1) In Lynekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis… p. 212.
(2; Powezr-Corrox. In Unknown Africa. London, 1904, p. 203.
(3) A l'exemple de M. Powezc-Corrox lui-même ({n Unknown Africa), nous
orthographions Toposa et non Topora.
104 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
camelopardalis cottoni Lydekker (1). Le mâle de cette dernière
Girafe présente avec celui de la G. r. rothschildi, d'après
M. Lyperker, les différences suivantes :
Sur Ja G. c. cotloni les taches du cou sont brun-châtain
foncé, au lieu d'être noires, et ne manifestent pas de ten-
dance à se découper, elles sont donc plus régulières et plus
carrées; celles de la partie inférieure du cou sont disposées
de telle sorte que les espaces s'étendant entre les taches et
colorés de fauve forment, sur la G. r. cotloni, des bandes
transversales continues, tandis que sur la G. «. rothschildi les
taches revêtent une disposition plutôt alternée. Les taches de
la face sont confinées à une aire s'étendant beaucoup au-
dessous d'une ligne longitudinale passant au niveau de l'œil.
Les taches entre les veux et les oreilles sont plus petites et ne
s'étendent pas sur les cornes ; la région postérieure des cor-
nes el la partie de la tête s'élendant au-dessous d'elles sont
dépourvues de taches, tandis qu'elles sont entièrement tache-
tées sur la Girafe du Baringo. L'aire blanche latérale de la
tète est aussi beaucoup plus petite et beaucoup moins
évidente que sur le mâle de celte dernière. Les taches de Ia
partie supérieure de Ia tête sont beaucoup moins nom-
breuses et, comme celles des côtés de la face, sont brunes au
heu d’être noires; il ven a enfin de beaucoup plus petites sur
la partie nuchale du cou. Autant qu'on peut le savoir, ajoute
M. Lypekker, les taches des épaules sont beaucoup plus peti-
tes qu'elles ne le sont {vpiquement sur le mâle du Baringo.
l'es deux côtés de la partie supérieure des membres anté-
rieurs, les taches sont notablement plus petites et plus nom-
breuses que sur celui-ci, tandis que sur le devant et les parties
internes, elies sont d’un fauve pâle au lieu d'être noires. En
outre, le crane de la G. 6. coltoni serait plus bas et plus étroit,
el la région prémaxillaire v aurait moins d'extension que sur
la Girafe du Baringo.
Les cornes principales de la G.. cottoni sont enfin sensible-
ment plus petites et le développement des cornes postérieures
y est aussi quelque peu moindre. Quant à la sixième corne
(sus-orbitaire), à laquelle nous avons déjà fait allusion (vov.
1) R. Lynekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis.…., p. 207.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 105
ci-dessus p. 5) et qui fut signalée d'abord sur la Girafe dont
nous parlons, M. Powez Corrox à lui-même établi qu’une telle
particularilé peut se retrouver sur la Girafe du Baringo (1.
Il serait superflu, pensons-nous, d'y attacher quelque im-
portance, surtout au point de vue spécifique ; nous aurons
d'ailleurs à en reparler en traitant des caractères craniens de
cette dernière sous-espèce (voy. p. 11%).
En résumé, la Girafe du Sud du Lado se distinguerait essen-
Liellement par la forme, la couleur et le mode d'arrangement
des taches, et plus spécialement encore par leur absence sur
la face, au-dessus d'une ligne joignant l'œil à l'angle de la bou-
che, ainsi que par la couleur, la dimension et le nombre de
celles du cou et des membres antérieurs.
Ces différences avec la G. c. rothschildi sont assez faibles ;
elles sont cependant d’un intérêt évident en ce qu'elles présen-
tent un terme de passage entre celle-ci et la Girafe du Kordo-
fan (fr. ce. antiquorum Jardine), où les deux sexes sont sensi-
blement de même couleur, et où les taches manquent dans
la région fronto-nasale. Cette dernière forme étant elle-même
très voisine de la G.r. {ypica, nous voyonss'établir dès à présent
l’enchainement qui nous conduira peu à peu vers la Girafe du Cap.
De tout cela, retenons surtout, en raison des caractères que
présentent nos sujets et sur lesquels Ia comparaison peut être
plus spécialement attirée, le manque de tendance à la division
des taches de la G. c. coltoni, particulièrement en ce qui con-
cerne le cou. Il suffira de regarder la photographie de la
partie antérieure du corps d'une Girafe de cette sous-espèce,
reproduite par M. R.Lyperker (2) pour voir que les taches Ÿ
sont entières et de contours reclilignes, au point même de
rappeler celles de la G&. reticulala. Ce mème caractère peut
s’observer d’ailleurs sur des sujets appartenant tvpiquement
à la sous-espèce du Baringo ou de l'Elgon, tels sont ceux que
l'on trouvera figurés dans l'ouvrage de Sir Jonxsrox (3) et tel
est en grande partie un mâle représenté par M. LYDEKKER (#}.
1) In Lypekker. On the Subspecies of Gira/ffa camelopardulis….;, pp. 208 et 212,
2) R. Lypekker. The Game Animals of Africa. London, 1908, p. 360, fig. 70.
(3) H. Jonnsrox. The Uganda Protectorate... fig. 231, p. 377, et 232, p. 378.
4) R. Lypekker. On the Subspecies.. PI XI.
106 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Dans la diagnose de la G. €. rothschildi donnée par ce dernier
auteur {voy.ei-dessus, p.101),ilest fait mention d’une tendance
Fig. 31. — Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd., jeune ©
des taches à se diviser en étoiles. Sur nos propres sujets, les
Laches du cou ne sont que peu ou pas atteintes par cette ten-
dance, dont celles du corps présentent au contraire une réalt-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 107
sation fort accentuée. Ceci diffère done de ce qu'indique la
ou
Fig. 32. — Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd. Au premier plan, © âgée;
second, jeune © dont la tête est représentée figure 31.
diagnose originale et serait de nature à laisser croire que la
tendance à la division peut porter soit plutôt sur les taches du
108 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
corps, soit plutôt sur celles du cou ; dans certains cas même,
cette division peut atteindre un degré fort accentué et se
généraliser comme le prouve le cas de la femelle figurée
par M. Lypekker (1). Nous verrons enfin la tendance en ques-
tion prévaloir définitivement sur la G. c. tippelskirchi Matschie,
dont nous allons parler maintenant.
Au Sud de la région habitée par la G. c. rothschildi, une
autre race, ou peut-être mème deux, rappellent celle-ci, mais
moins étroitement que la précédente: ce sont les Girafes dites
du Kilimanjaro : G. lippelskirchi Matschie et G. schillingsi
Matschie (2).
Elles ont été réunies par M. LYpEKkER en une seule sous-
espèce: Gr. €. lippelshirchi Matschie (3), qui se trouve essentiel-
lement au lac Eyassi (Sud-Ouest du Victoria Nvanza, voy. carte,
p.15); de là, elle s'étend quelque peu, au Nord, dans le pays
des Massaï, puis, à l'Ouest, vers le Kilimanjaro, et enfin, vers
le Sud, atteint probablement l'Afrique orientale portugaise.
Cette Girafe présente trois cornes el se rattache à ce point
de vue, comme les précédentes, à la forme septentrionale;
mais la corne médiane est, ici, encore inférieure à celle de la
Ge. rothschildi, déjà assez réduite. Les taches sont plus claires,
la partie inférieure des jambes est, au moins en général, plus ou
moins {achetée et d’une coloration blanchâtre ou olivâtre. Les
taches sont irrégulières, ébréchées, à peu près semblables de
forme et de couleur dans les deux sexes: elles sont distinctes
de celles des autres Girafes, peut-être plus serrées sur le tronc (4)
et, semble-t-il, plus belles. Cette Girafe du Kilimanjaro serait,
d'après M. LYpekker, la plus belle de toutes quantau pelage (5).
D'après cette description, de même que d'après les figures
(1) R. Lypekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis…, pl. XIE.
2) Marseuie. Über einige anscheinend noch nicht beschriebene Säugethiere
aus Afrika. Sitzungs-Berich der Gesellschaft naturforschender Freunde zu Berlin,
1898, n° 7, p. 78-79.
3) R. Lypekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis…, p. 214.
(4) Voy. les figures 28, 29, 30 et 31 données par M. R. Lypexker in On the
Subspecies.. La figure 32 présente, par contre, des espaces clairs pluslarges et
les tacheselles-mèmes y semblent, par suite, moins serrées. Voy.aussi R. LYpEx-
KER. On the Nigerian and Kilimanjaro Giratfes. Proceedings of the. Zoological
Society of London, 1905, vol. I, p. 119, pl XI.
5) R. Lynexker. The Gume Animals of Africa. London, 1908, p. 363.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 109
et la planche coloriée de M. LYpekker (1), le déchiquetage des
laches s'étend à toute la surface du corps, v compris le cou.
Sur celte dernière partie, les espaces clairs peuvent gagner
considérablement sur les taches sombres et les réduire à des
sortes d'étoiles très irrégulières ainsi que le montre une autre
figure reproduite par M. Lyperker (2); cette tendance semble
même être la règle. Mentionnons dès à présent, au sujet des
comparaisons que ne peuvent manquer de provoquer à ce
point de vue les trois sujets que nous identifions à la G. 6e.
rothschildi, qu'aucun de ces derniers sujets ne présente, tant
Sen faut, un tel déchiquetage des marques du cou, lequel
semble définitivement être l'une des caractéristiques, peut-être
même la plus évidente, de la sous-espèce 4ppelskirchr. Encore
cette caractéristisque est-elle sujette à d'importantes variations ;
nous en citerons seulement, comme exemple, le cou d'une
Girafe femelle du Kilimanjaro conservée au Musée de Karlsruhe,
identifiée par Marsonie à sa G. c. schillingsi el représentée par
M. Lypexker (3). Sur cette Girafe, les taches du cou sont plus
grandes et plus entières du côté gauche, où elles présentent des
contours à peu près rectilignes, que du côté droit; de telle
sorte que, vu du côté gauche, ce spécimen est peut-être plus
voisin de la G. 6. rothschildi typique que ne Pest le sujet figuré
comme femelle de cette dernière espèce par M. LYDEKKER (4).
Sur les membres de la G. 6. lippelskirchi, ce même déchi-
quelage semble aboutir à la formation d'un grand nombre de
laches très petites; mais, en ce qui concerne leurs parties infé-
rieures, il ne faut pas oublier que la présence de taches sur ces
parties ne doit représenter ici, comme sur les autres Girafes
du même groupe (vov. ci-dessus, pp. 12 et 31, et ci-dessous,
pp. 124, 129, 135), qu'un fait d'immaturité. Il est en effet à
noter que la planche coloriée de M. LYpekker (5) indiquant la
présence de taches jusqu'au-dessus des boulets, représente une
femelle jeune: d’autres figures du même auteur, représentant
vraisemblablement dessujets plus âgés, ne semblent pas posséder
R. Lypekkgr. On the Nigerian and Kilimanjaro Giraffes, pl. XL.
) R. Lynekker. The Game nil of Africa. London, 1908, p. 363, fig. 71.
Lypekker. On the Subspecies..., p. 217, fig. 31.
R.
Loc. cit., pl. XIIL.
5) R. LYDEKKER. On the Nigerian and Kilimanjaro Giraffes…., pl. XL.
110 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
celte même parlicularité (1), au moins à un degré équivalent.
En résumé, les affinités sont grandes entre les trois sous-
espèces dont nous venons de parler, bien que leurs types
extrêmes soient fort différents.
D'une part, la G. c. coltoni rappelle étroitement ceux des
spécimens de la @. 6. rothschildi dont les Taches ont le plus
échappé à la division et qui ne semblent en différer que par la
coloration de la partie supérieure de la face, plus foncée sur
la seconde de ces Girafes. Par contre, d’autres spécimens de
celle-ci présentent, par suite du déchiquetage de leurs taches,
une ressemblance fort étroite avec la G. ec. lippelskirchi.
Il est particulièrement intéressant de noter que ces deux
tendances très différentes, dont l’une rapproche la G. c. roths-
cluldi de là G. 6. coltôni, tandis que l’autre la rapproche de la
G. ce. lippelshirchi, peuvent être présentées par des sujets pro-
venant de la région constituant le Heu d'habitat le plus tvpique
de La @. ce. rothschildi, celle du Mont Elgon et du lac Baringo.
En effet, les deux spécimens représentés par M. LYpekkERr (2) sont
originaires de cette région et, cependant, l'un (co) paraît rappeler
la G@. ec. coton, landis que lautre (Q) ferait plutôt penser à
la @. ce. Oppelskircli: celte dernière ressemblance n’a d’ailleurs
pas été sans embarrasser M. LYDEkKkER lui-même (3).
Tout cela accentue le caractère de formes intermédiaires
entre celles du Nord et celles du Sud que présentent ces trois
Girafes, puisqu'elles passent elles-mêmes de l'une à l'autre avec
des transitions qui peuvent rendre très difficile la fixation de
leurs limites.
Nous voyons done la G. 6. tippelskichi se rapprocher, par
l'intermédiaire de Ja G. c. rothschildr, des Girafes du Nord ; mais
ses affinités avec celles du Sud, quant à la forme et à la colo-
ralion des taches aussi bien que quant au peu de développement
de la pyramide, sont encore plus directement évidentes. Elle
amorce ainsi le passage de la G. €. rothschildi Ed. à la G. 6. ca-
pensis Less., passage qui s'effectue entre la ippelskirchi el cette
dernière, par l'intermédiaire des Girafes de l'Afrique orien-
(1) R. Lynexker. On the Subspecies..., fig, 31 et 32.
(2) Loc. cit., pl. XIT et XIH.
(3) R. Lyvekker. Local variation in the Giraffe. Animal Life, Londres, 1903,
p. 78 et suiv. ,
RECHERCHES SUR LES GIRAFES tr
aile portugaise et du Nord du Transvaal(G. r. ardi L\d.
Au sujet de ce passage, 1lest intéressant de constater, ainsi
que le fait remarquer M. LYDEKKkER (2), qu'immédiatement au
Sud de l'Équateur, les Girafes de l'Afrique orientale tendent à
avoir la partie inférieure des membres tachetée el foncée el
qu'en même temps elles tendent à perdre la corne médiane
antérieure, si développée dans les formes du Nord. Cette der-
nière remarque est renforcée par certaines observations de
M. VauGnax Kirgy, faites dans l'Afrique orientale por lugaise.
D'après ce ne voyageur, les Girafes de cette région pré-
sentent le type de coloration caractéristique de la (7. r. lip-
pelskirchi. Elles posséderaient généralement une corne médiane
bien marquée, plus petite cependant que celle de là Girafe
du Baringo; cette corne médiane peut s’atténuer encore et
finalement disparaitre, même sur des sujets mâles; cela montre,
ajoute M. LyYpekker qui à publié ces observations (3), que les
Girafes de l'Afrique orientale portugaise, alliées de très près,
el probablement même identiques, à la tppelshirchi, tendent
à réaliser, quant aux caractères craniens principaux, ce qui
existe dans la forme du Cap, comme le fait déjà la #ppelshirehi
elle-même quant à la coloration des membres.
Le passage graduel des {vpes septentrionaux aux types
méridionaux devient encore plus manifeste si l’on considère,
après les formes précédentes, celle du Nord du Transvaal: G. 4
wardi L\d. (4). Celle-ci est de grande taille, marquée de taches
non plus d'une coloration châtain comme celles de la /2ppels-
kircli, mais d’un brun chocolat foncé, irrégulièrement étoilées,
différentes par cette forme de celles de la Girafe du Cap, qui
sont également très foncées mais tendent plutôt à revenir à
la forme quadrangulaire, à tel point même que certains sujets
de cette dernière race peuvent présenter, quant à cette forme,
un type voisin de celui de la Girafe réticulée (51. La corne
(1) R. Lypexker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis…, p. 221.
= (2) Loc. cit., p. 249.
(@JPLOC- cit... p.210:
(4) Loc. cit., p. 221.
(5) R. Lypekker. Loc. cit., pp. 225-226. — Voy. aussi p. 7, ci-dessus. Ces faits,
rapprochés de ceux du même ordre que nous signalions pour La G. c. rotschildi,
achèvent de montrer avec quelle réserve il faut interpréter certains caractères
de forme des taches.
REZ MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
antérieure médiane se réduit, sur la G. c. wardi, à une bosse
irrégulière, basse, tandis que les cornes principales sont très
développées; les cornes d’artimon seraient ici encore beaucoup
plus saillantes que sur la race du Baringo, à tel point que
M. Lyperker trouve que le nom de Girafe à quatre cornes lui
serait approprié (1). La photographie reproduite par cet auteur
est en effet probante à ce point de vue; mais, loin de trouver
dans ce fait une différence importante avec la Girafe du Cap,
peut-être y aurait-il lieu de le considérer comme représentant
un nouveau terme de passage, en se reportant aux observa-
tions de LE VAILLANT (voy. ci-dessus, p. 3) et à nos propres
photographies de crânes de Girafes du Cap (2).
Si enfin, par contraste avec tous ces faits de transition, l’on
veut bien se rappeler ce que nous disions ci-dessus de la Girafe
réticulée et de sa répartition, il sera facile de voir que l’en-
semble de ces remarques met en évidence le caractère de
ségrégation présenté par celle-ci. D'une part, en effet, l’on
passe par degrés, zoologiquement et géographiquement, des
types les plus anciennement connus de la forme septentrio-
nale, ceux de la Nubie et du Kordofan, aux Girafes du Sud
du Lado, du lac Baringo et du Mont Elgon, du Kilimanjaro, de
l'Afrique orientale portugaise, du Nord du Transvaal, et, fina-
lement, à celle du Cap. D'autre part, l’on voit la Girafe réticulée
s'isoler au double point de vue zoologique et géographique,
tout en confinant géographiquement à celle du Baringo et de
l'Elgon, et en se ratlachant, zoologiquement, aux formes du
Nord. La Girafe du Cap pouvant présenter, à certains états, une
tendance à la réticulation caractéristique de celle du Somal
(vov. ci-dessus, pp. 7 et 111), l'isolement de cette dernière est
loin d’être absolu et des liens subsistent ainsi entre les formes
les plus différentes. Les particularités que présente l'immense
territoire constituant la corne orientale de l'Afrique, qui est
le domaine de la Girafe réticulée, ne lui en ont pas moins per-
mis de s’y ségréger avec une netteté particulière. Cette ségré-
1, R. Lypekker. On the Subspecies..…., p. 223, fig. 35.
2) M. pe RoruscuiLp et H. Neuvirce. Recherches sur l'Okapi et les Girafes…
1re partie. Ann. des Sc. nat., 9e série, t. X, p. 19, fig. 8.
Voy. aussi fig. 15, 49, 50, 51 et p. 178 du présent Mémoire.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 15
ation ne semble cependant pas avoir abouti à l'acquisition de
caractères vraiment nouveaux, mais à une sorte d’exagéralion
de quelques-uns de ceux qui se retrouvent à la fois dans les
formes du Nord et dans celles du Sud,
Ceci dit, nous décrirons successivement chacun de nos trois
sujets, qui comportent, nous le rappelons, un mâle âgé, une
femelle très adulte et un jeune mâle. Nous ne pouvons mieux
faire, pour indiquer leur âge respectif, que de prier de se
reporter à l’état de leur dentition, figurée sur les Planches IV
BUY:
Considérés isolément, ces trois sujets se montrent assez diffé-
rents l’un de l’autre; mais, lorsqu'ils sont vus ensemble, leurs
différences se fondent à tel point et présentent un tel caractère
de gradation, du jeune mâle au mâle âgé, en passant par la
femelle adulte, qu'il nous parait impossible de les séparer. Ils
proviennent {ous trois non seulement d'une même région,
mais de localités voisines (voy. ci-dessus, p. 102), ce qui tendrait
encore à rendre leur séparation un peu plus difficile.
Bien que leur habitat soit relativement éloigné de lElgon
et du Baringo, et plus rapproché du Kilimanjaro, len-
semble de leurs caractères les rapproche beaucoup plus de la
Gi. c. rothschildi, laquelle, il ne faut pas l'oublier, est sujette
à de grandes variations (voy. ci-dessus, p. 102 et suüiv.), que de
la G. ec. tippelskirchi. Remarquons d’ailleurs que lhabitat
typique de celle-ci n’est pas le massif du Kilimanyaro, mais le lac
Evassi, situé entre ce massif et Le lac Victoria, Nous ne sommes
pas plus fixés sur l'étendue des variations qu'elle peut subir
en s’éloignant de cet habitat typique, que nous ne le sommes
sur celle des variations équivalentes de la Girafe dite du Mont
Elgon ou du lac Baringo. Un fait est, en tout cas, évident,
c'est que, loin d'être séparées par des caractères zoologiques
nettement distincts, ces deux sous-espèces passent de lune à
l’autre comme nous avons vu la G. c. cotloni passer elle-même
à la G. ec. rothschildi.
Aussi bien d’après l'étude des données bibliographiques que
d'après l'examen des sujets conservés au British Museum, nous
rattachons à cette dernière sous-espèce, plutôt qu'à la G, ç. lip-
ANN. SC. NAT. ZOOL, 9e série. 1911, xr11, 8
114 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
pelskirchi, les rois spécimens ci-dessous décrils, en raison,
notamment, des caractères présentés par les taches du cou sur
chacun de ces spécimens (voy. PI. II, 1 et fig. 31 et 32).
II. CARACTÈRES EXTÉRIEURS
MALE
(PL. H, 4).
Le plus âgé des deux mâles est d’une taille très élevée; 1l
présente, monté, les dimensions approximatives suivantes :
Hauteur, au-dessus du sol, du niveau supérieur des cornes
brincipales, le cou étant dressé de manière normale... 5,00
I! P: : ;
Hauteur àla partie moyenne du garrot.. 3m,00
. D . . . ?
— de la croupe, prise à la partie antérieure du bassin... 2,60
Ces mesures peuvent évidemment présenter quelques diffé-
rences avec ce qu'elles eussent été sur le vivant; elles n’en fixe-
ront pas moins les idées quant à la taille vraiment considérable
de ce sujet, quin’approche cependant que d'assez loin de l’un
-de ceux dont parle Sir Jonnsrox (voy. ci-dessus, p. 100).
Ce qui frappe tout d’abord sur l'individu que nous déeri-
vons, vu à côté des deux autres de la même race, c’est sa
teinte générale un peu plus foncée, la disparition graduelle
des taches sur les extrémités de ses membres, et, plus que tout
le reste peut-être, l’atténuation de celles de la face, la teinte
d'ensemble de celle-ci se fonçant cependant par rapport aux
autres sujets, mais ne donnant plus l'impression de damier si
nette sur le jeune mâle. C’est d’ailleurs surtout avec ce dernier
que les différences s’accentuent, la femelle présentant un état
parfaitement intermédiaire.
Nous ne pouvons songer à donner, autrement que par la
planche ci-jointe (PI. IT, 1), une idée de la coloration de ce
sujet, coloration très variable d'une région à l’autre, et
formée le plus souvent de teintes fondues. Tout au plus pou-
vons-nous dire que la couleur interstitielle, c’est-à-dire celle
des lignes plus claires séparant les taches, rappelle d'assez
-près, là où elle est le plus foncée, dans la partie supérieure du
RECHERCHES SÛR LES GIRAFES 115
tronc, la teinte 8 de la Chromotaxie de Saccarpo (1) (couleur
isabelle), ou, en un peu plus sombre, la teinte 103 D du C. C.
de Kcncksiecr et VaLerre (2). Cette teinte est également, mais
d'une façon irrégulière, celle de la partie inférieure des
membres, où les taches disparaissent comme nous l'avons ditel
où la teinte interstitielle se fonce quelque peu. L'impression
générale que donne cette dernière transformation est celle d'un
pâlissement très net des extrémités, si l’on compare avec le jeune
mâle où elles sont couvertes de taches noirâtres, mais serait plu-
tôt celle d’un assombrissement si l’on compare avec la femelle.
D'une manière générale, sur le sujet dont nous parlons
comme sur les autres, les taches sont assez grandes sur le
tronc, les épaules et le cou; assez petites sur les cuisses, elles
le deviennent de plus en plus le long des membres. Leur forme
est intéressante et difficile à définir ; elle varie depuis le simple
carré jusqu'à des figures compliquées, rappelant les feuilles
du marronnier ou du platane, pour ne citer que des arbres de
nos pays. C’est là, vraisemblablement, une adaptation mimé-
tique; rappelons, en tout cas, que les Girafes dont nous parlons
en ce moment ont un habitat moins aride que celui de la
G. reticulata. En principe, les taches sont moins profondément
découpées sur le cou et le sont au maximum sur les flancs et
surtout les épaules. Tout ceci est quelque peu différent de ce
qu'indique la diagnose de l'espèce (3), mais la variabilité indi-
viduelle est assez grande pour que ces variations puissent lui
être imputées; elles ne sont pas sans rappeler, quant à la
têle, la G. c. cottoni Lyd. (4).
Ici comme sur les deux autres sujets, les poils sont presque
aussi ras que sur la Girafe réticulée ; ils tendent assez nette-
ment, cependant, à l'être un peu moins. Leur apparence est
plus soyeuse et la robe, lustrée surtout sur le vieux mâle,
où elle se montre d’une teinte très chaude, est remarquable-
ment belle.
Tête.
Nous avons déjà indiqué l'impression que donne, par rap-
port à l’ensemble, la coloration générale de la tête. Les taches
(4) Voy. ci-dessus, p. 46. — (2) Id. — (3) Voy. ci-dessus, p. 101. — (4) Voy.
ci-dessus, p. 103.
116 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
sont ici, c’est-à-dire sur le mâle âgé, entièrement estompées,
plus claires que celles de la femelle et surtout du jeune mâle;
en même temps que ce pâlissement, s’observe un assombris-
sement de la teinte interstitielle par passage graduel au noir
de la pointe des poils blancs, ou d'un blond extrêmement clair
(et non plus ici de couleur isabelle comme sur le tronc), qui
la composent. Cet assombrissement se produit surtout au
niveau du chanfrein, des lèvres — surtout de la lèvre supé-
rieure — et suivant une ligne allant de celle-ci vers l'œil.
Par contre, les cornes principales s’éclaircissent nettement
sur ce vieux sujet. La nuque est également très pâle, En ce
qui concerne la teinte des taches de la tête, nous la défini-
rons en disant que, de même que cela a lieu pour la teinte
générale de la femelle (voy. ci-dessous, p. 125), elles passent
au bistre et perdent la teinte baie dont le mélange semble
réchauffer tout le reste de la coloration du sujet dont il s'agit
en ce moment.
Ceci dit, nous suivrons, pour la description détaillée de la
tète, l'ordre précédemment suivi pour la Girafe réticulée,
La lèvre supérieure comprend un secteur médian, large de
0%,06 à 0°,07 et s'étendant des narines au bord mème de la
lèvre, dont la couleur est d’un blond très pâle piqueté de roux;
il est parsemé d'assez longues soies noires qui vont en dispa-
raissant sur le reste de la lèvre supérieure et sont nombreuses,
au contraire, sur la totalité de la lèvre inférieure. De part et
d'autre de ce secteur, la coloration blond clair s'étend, en sui-
ant le bord de la lèvre, jusqu'à la commissure ; entre ce bord
et les narines, le piqueté roux fait place à un piqueté noir
très accentué, et cette teinte s'étend sur une bande comprise
entre l’œil et la lèvre supérieure.
La lèvre inférieure est plus pâle, ses poils sont plus longs.
Elle est d’un blond clair mélangé de roux, porte de nom-
breuses soies noires et, dans sa partie tout à fait inférieure,
s'observe une étroite ligne claire, médiane, de part et d'autre
de laquelle la teinte passe au noir.
Le pourtour immédiat des narines est plus foncé que les
parties avoisinantes ; leur orifice même est tapissé de poils
très pâles, courts et fins.
D
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 117
La ligne du chanfrein est, sur une largeur de 0*,07 à 0",08,
d'une teinte bistrée piquetée de blanc et de noir, rappelant celle
de Ja partie latérale des lèvres, entre le bord de celles-ci et les
narines ; au contraire de ce qui a lieu dans cette dernière
région, le bistre tend à l'emporter ici sur le noir. Cette coloration
est plus foncée au niveau de la corne médiane antérieure, qui
n’est plus, comme dans les formes typiques du Nord, recou-
verte d’un épais revêtement pileux ; les poils s'y développent
bien avec plus d'intensité que sur les parties avoisinantes, ils
sont un peu plus longs, plus serrés, mais ils n’atteignent pas,
tant s’en faut, le développement réalisé sur les Girafes du type
septentrional, et ceci n’est pas entièrement dû à l’âge, ainsi
que nous le verrons en parlant du jeune.
La corne médiane elle-même est relativement peu déve-
loppée et surtout moins nettement individualisée que dans les
formes typiques du Nord. La rétrogradation s’observe donc
non seulement quant au substratum osseux, mais aussi quant
au revêtement pileux. Une série d’exostoses s’observe sur le
profil longitudinal de la face, et c’est l'une d’elles, la plus
reculée, qui, atteignant le maximum de développement,
représente la pyramide (voy. ci-dessous, fig. 40 et pp. 149 et
suiv.); à ce niveau, le revêtement pileux s’atténue de manière
à faire pressentir une dénudation plus ou moins complète
dans la suite.
De cette éminence médiane, la teinte sombre va en se
dégradant vers la paupière supérieure qui reste relativement
foncée. En arrière, c’est-à-dire entre la corne médiane et les
cornes principales, de même que sur celles-ci, la teinte rede-
vient assez claire ; elle porte des traces peu nettes, mais évi-
dentes, des taches qui, sur le jeune, recouvrent cette partie de
la tête. À cet état, la G. c. rothschildi rappelle donc, quant à
ce détail, la G. €. cottoni, mais les taches persistent, comme
nous allons le voir, sur le reste de la tête.
Les cornes principales elles-mêmes ne se terminent plus
par une callosité et un bouquet de poils. La légère protu-
bérance terminale que présente leur ossicône est recouverte
d’un très mince revêtement cutané, noirâtre, revêtu de quel-
ques poils noirs ou blancs, courts et fins, très clairsemés ;
118 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
un resté de Ja callosité terminale est encore présent, mais on
pressent ici la dénudation complète de l'ossicône, et l'état pré-
senté à ce point de vue par l'Okapi adulte (1) n'est que la
réalisation parfaite et relativement précoce de cette tendance,
si tardive ici, En fait, cette réduction, cet amincissement
extrème, du revêtement cutané à l'extrémité des cornes prin-
cipales, en à rendu le dépouillage impossible sur le sujet dont
nous parlons et ce revêtement est resté adhérent aux ossicônes
ainsi que les figures 40, 49 et 51 pourront le laisser voir.
. La base des cornes principales porte, à sa partie postérieure
et latérale, de très petites taches foncées, d’un roux bistré,
beaucoup plus claires qu'elles ne le sont sur le jeune, et sépa-
rées par de larges lignes pâles. Au-dessus du niveau de l'oreille,
cette teinte est beaucoup plus foncée; les taches v sont plus
grandes, en quelque sorte confluentes, et s'assombrissent jus-
qu'au noir. Le pavillon de l'oreille est blanc, de même que la
zone l’entourant à sa base. Les quelques taches de la région des
cornes d’arlimon sont assez foncées et la disposition des poils
y rappelle ce que nous avons dit au sujet de la Gr. reticulata. La
saillie de ces cornes est ici plus faible encore que sur cette
dernière ; à en juger par les sujets dont nous disposons, celle
de ces deux Girafes qui mériterait le nom de Girafe à cinq
cornes serait, dans le cas actuel, non pas celle dont nous
parlons, mais bien celle du Somal.
La paupière supérieure est très fortement Fo de noir.
La rangée des cils, très fournie, s’y prolonge antérieurement en
une touffe noire rappelant celle que nous avons décrite sur la
Girafe réticulée (pp. 22 et 23). La paupière inférieure est garnie
de cils beaucoup moins épais, constituant essentiellement une
rangée de poils noirs alternant avec quelques poils blancs.
Entre l'œil et la lèvre supérieure s'étend, comme nous
l’avons vu, une bande relativement foncée. Entre celle-ci et le
chanfrein règne un espace plus clair, où se relèvent facilement
les traces très atténuées de trois ou quatre taches irrégulières.
Sur les joues prises dans leur ensemble, c’est-à-dire dans un
triangle rectangle ayant pour base la branche horizontale de
la mandibule et pour sommet la partie antérieure de l'oreille,
1) Première partie, p. 49.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 119
se trouvent des taches un peu plus grandes, plus régulières,
moins atténuées, où domine la coloration bistrée, tandis que
celles du menton, c'est-à-dire de la partie comprise inférieu-
rement entre les deux branches horizontales de la mâchoire
inférieure, sont plus petites, plus pâles, plus estompées, et
d'une teinte plus noirâtre. Une longue soie noire se montre
enfin entre l'œil et l'oreille, au-dessous de leur niveau, comme
sur la Girafe réticulée (voy. ci-dessus, p. 23).
Cou.
Sur l’ensemble du cou, nous dirons, pour fixer les idées, que
la largeur des bandes claires est environ deux fois plus grande
iei que sur la Girafe réticulée (comp. fig. 4 et PI. II). Cette
proportion tendrait plutôt, dans certains intervalles, à rester
au-dessous de la réalité.
La partie tout à fait antérieure de la région cervicale, celle
de l’atlas, conserve, sur le vieux sujet dont nous parlons, une
pàleur existant sur le jeune ; les interstices des taches y sont
d'un blanc assez pur.
Si l'on traçait, au-dessous de cette région, une ligne allant
d'une oreille à l’autre en suivant le pli de flexion de la gorge,
cette ligne serait en quelque sorte jalonnée par cinq taches,
dont quatre latérales, vaguement symétriques deux à deux,
et une médiane. Cette disposition n’a d’ailleurs rien de fixe ;
elle diffère sur chacun de nos sujets et nous la décrivons
comme exemple de ce que peut présenter la partie dont nous
parlons. De ces taches, les plus foncées sont les premières
au-dessous de l'oreille : les autres participent de l’éclaireisse-
ment que présente le menton par FHpponte aux joues et que
nous venons de signaler.
La crinière est essentiellement composée de poils d'une
coloration identique à celle des espaces interstitiels (voy.e1-des-
sus, p. 11%); certains sont leintés de noir; une certaine pro-
portion de poils blanes s’y observe aussi, ce qui doit être dû,
malgré l’assombrissement progressif de la teinte générale sous
l'influence de l'âge, à un fait banal de canitie. Cette crinière
s'étend, comme sur les autres Girafes, jusqu'à la partie supé-
120 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
rieure des épaules; ses crins atteignent une longueur relative-
ment considérable, pouvant aller jusqu’à 0",15. |
La ligne médiane antérieure du cou est irrégulièrement
suivie, sur ce sujet, par une bande interstitielle claire, dispo-
sition qui rappelle non seulement la Girafe réticulée, mais
encore les autres Girafes en général. A droite de cette ligne
sinueuse, nous pouvons compter huit taches, dont les dimen-
sions vont en augmentant très irrégulièrement du haut vers le
bas ; plus petites et de forme plus régulière, plus carrée, vers le
haut, elles se découpent de plus en plus en allant vers la partie
inférieure ; la dernière, de taille moyenne par rapport à celles
qui précèdent, est plutôt médiane que latérale. Du côté gauche,
nous comptons dix taches au lieu de huit, cette augmentation
étant due à des bipartitions effectuées dans la partie moyenne.
L'on peut également considérer les côtés latéraux du cou
comme séparés chacun en deux parties longitudinales par une
bande claire s'étendant approximativement de l'oreille à La
partie moyenne de l'épaule. Cette disposition que nous retrou-
vons à peu près identiquement sur les deux autres sujets de la
même race, est assez différente de ce que.nous voyons exister
sur la Girafe réticulée, où la forme généralement hexagonale
des taches brise d’une façon beaucoup plus accentuée, surtout
sur notre sujet femelle (fig. 4), les lignes claires intersti-
elles. Ici, les lignes latérales dont nous parlons sont assez
neltes et presque rigoureusement droites, au moins sur le
sujet qui nous occupe. Entre chacune d'elles et la ligne médiane
règne une bande de taches souvent dédoublées, et ce dédou-
blement, plus net à la partie supérieure du cou, tend à dispa-
raîitre sur sa partie moyenne, tout en restant indiqué par des
sortes d’entailles, dirigées surtout de haut en bas, que présen-
tent les taches ; à la partie inférieure, le dédoublement se
réalise de nouveau et aboutit finalement à la formation des
taches déchiquetées qui recouvrent le corps.
Dans la partie dorsale du cou, c’est-à-dire au-dessus des
deux bandes latérales symétriques dont nous venons de parler,
règnent, de part et d'autre, deux séries longitudinales très irré-
gulières de taches, séparées par la crinière, tout le long de
Hhaquelle s’observent, en outre, de petites taches de forme géné-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 121
ralement allongée, que traverse cette crinière. L'on peut ainsi
considérer, d’une manière toute schématique, la partie dor-
sale du cou comme portant cinq séries longitudinales de
taches : l’une, très réduite, médiane, court le long de la cri-
nière, c’est celle dont nous venons de parler en dernier lieu ;
de chaque côté, deux autres, à peu près symétriques de part
et d'autre, sont formées de taches plus grandes; allongées.
Enfin, de chaque côté également, une série encore plus ou
moins symétrique par rapport à celle de l'autre côté, borde la
bande claire médiane qui s’observe à la face ventrale du cou;
les taches de ces deux dernières séries tendent généralement,
plus ou moins nettement, vers la forme carrée, mais des bipar-
litions peuvent leur donner une forme allongée dans un sens
ou dans lPautre.
Quoi qu'il en soit, à la partie inférieure du cou, où nous
comptions circulairement huit taches sur l’une de nos Girafes
réticulées et neufsur l’autre, nous en comptons ici également
huit. Nous ne faisons, d’ailleurs, cette énumération et ne citons
ces nombres qu'à titre d'exemple. Dans l’un et l’autre cas, et
surtout dans celui de la G. c. rothschildi, la tendance au dédou-
blement ou à la coalescence peut évidemment faire varier nos
chiffres de plusieurs unités. Ce qu'il faut retenir, c’est une
certaine tendance des lignes claires à une orientation dirigée
suivant l’axe du cou. Sur la Girafe réticulée, une orientation
identique est surtout manifestée par les taches, généralement
plus longues que larges; leurs contours polvgonaux brisent les
lignes interstitielles, et l’étroitesse de celles-ci laisse aux
taches elles-mêmes, dans un examen d'ensemble, une prépon-
dérance d'impression. Par contre, la largeur de ces lignes est
telle, sur les sujets que nous identifions à la G. c. rothschildi,
que cette dernière prépondérance leur revient et s’accentue
même par ce fait que l’on peut voir certaines de ces lignes,
incomplètement tracées, s’amorcer en quelque sorte au travers
des taches et le faire dans le sens que nous venons de définir.
Les bipartitions transversales n’offrent pas de tendance com-
parable vers une orientation définie.
En ce qui concerne la coloration du eou, aussi bien quant
à ses taches que quant aux lignes claires, nous pouvons
122 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
poser en principe que la teinte s’assombrit, sur notre vieux
sujet, en descendant de la tête vers les épaules. La région
otique porte en arrière une rangée de très petites taches,
très espacées sur l'animal dont nous parlons, et plus claires
encore que celles de la face; elles sont presque totalement
dépourvues du lavis noir que présentent ces dernières et qui
domine sur celles du menton. Immédiatement au-dessous,
c'est-à-dire cette fois à la partie antérieure même du cou,
s'étendent des taches allongées longitudinalement dans la
partie dorsale et transversalement, au contraire, dans celle de
la gorge ; elles sont d'une teinte isabelle piquetée, plus nuancée
de noir sur cette dernière partie. Immédiatement après cette
sorte de collier, les taches se foncent assez brusquement : elles
prennent dès lors la teinte isabelle foncée ou fauve, nettement
nuancée de noir, principalement au centre ou suivant des
axes lorsque ces taches sont allongées ou étoilées. Mais le noir-
cissement n'arrive pas ici à couvrir la presque totalité et l'éten-
due de chaque tache, comme cela a lieu sur le trone et à la
partie supérieure externe des membres. Il subsiste, tant sur les
taches que dans les lignes les séparant, un fond d’un fauve un
peu plus foncé et surtout d’une teinte beaucoup plus chaude
que sur la femelle, où domine, par comparaison, l'impression
d'un lavis noirâtre. Tout ceci est à rapprocher de ce que pré-
sente la (. c. cottoni Lyd.
D'une manière générale, toutes les teintes que nous venons
d'essayer de décrire ontune apparence piquetée due à la fois
à la présence d’assez nombreux poils très clairs et à la colora-
lion propre des poils; ceux-ci sont fréquemment, en effet,
blancs à la base, puis deviennent d'un roux plus ou moins
foncé et beaucoup enfin sont terminés de noir: d’autres
encore sont simplement roux et noirs. Ce mélange aboutit
à la formation d’une teinte difficilement traduisible.
Tronc.
La ligne blanche, étroite et très sinueuse en raison de la
lorme des taches, qui, sur la Girafe réticulée, s'étend le long
de la colonne vertébrale, est ici représentée par une ligne pos-
: RÉCHERCHES SUR LES GIRAFES 123
sédant la couleur ordinaire des espaces interslitiels, mais en
très foncé, de même que les espaces de séparation avoisinants.
Elle est très étroite, bordée de taches beaucoup plus petites
que celles du reste du tronc, généralement plus déchiquetées
encore, presque entièrement noires; quelques-unes de ces
taches, très petites, s'intercalent entre les autres avec une
apparence cunéilorme.
Sur les flancs, les taches sont grandes. Leur symétrie géné-
rale, entre le côté gauche et le côté droit, est assez accentuée ;
à gauche, tout en restant assez grandes, elles sont d’une taille
sénéralement inférieure à celle des taches du cou et des épau-
les ; à droite, par contre, elles sont au moins aussi grandes,
et, par suile, un peu moins nombreuses que du côté gauche.
Ces taches s’estompent et décroissent en dimensions sur la
poitrine et le ventre, où les poils deviennent extrèmement
courts. Sur celui-et, les espaces séparant les taches, et les
taches elles-mêmes, s'éclaireissent au point de devenir presque
blancs. Sur la poitrine, les (taches pâlissent un peu moins; leur
coloration perd la teinte chaude dont nous avons parlé et Ia
présence de poils noirs, bien que peu sensible sur la partie
postérieure de la poitrine, prend assez d'importance sur sa
région antérieure pour que les taches y donnent très nette-
ment l'impression d'un piqueté noir sur un fond à peine
teinté de roux, leurs lignes de séparation restant à peu près
blanches.
Le poitrail porte des taches formant transition, quant à la
forme, aux dimensions et à la couleur, entre ces dernières et
celles du cou.
La queue, enfin, est recouverte de petites taches colorées
comme celles de la région d'extension des membres posté-
rieurs (voy. ci-dessous). La partie médiane supérieure pré-
sente une ligne rappelant celle dont nous avons parlé au sujet
de la Girafe réticulée (voy. ci-dessus, p. 31); mais ici cette
ligne porte une véritable crèle de poils relativement longs,
dirigés d'avant en arrière, et d'un roux plus foncé que celui
des lignes interstitielles avoisinantes, malgré la présence de
nombreux poils blancs. À propos de cette crête caudale, rap-
pelons que la crinière, dont elle est le prolongement lointain,
124 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
ést très forte sur le sujet dont nous parlons et dont le système
pileux tendrait plutôt à être un peu plus développé que celui
de la Girafe réticulée, où nous ne trouvons cette disposition
qu'à un état de développement moins avancé. Ajoutons cepen-
dant que ce développement, sur la G. c. rothschildi, s'accentue
avec l’âge et y paraît, de mème que sur la Girafe réticulée,
plus accentué dans le sexe mâle.
Membres.
Les taches vont en décroissant de taille et de coloration du
haut en bas de chaque membre.
Les membres antérieurs, au moins dans leur partie supé-
rieure, car nous verrons ensuite ce qui concerne la région du
canon, portent des taches et des lignes interstitielles plus fon-
cées à la partie antérieure ; en arrière, l’ensemble est sensible-
ment éclairei, et, tout en haut de la face interne, la coloration
est presque blanche. Les genoux portent des touffes semblables
à celles de la Girafe réticulée (voy. ci-dessus, p. 37), mais dont
les poils sont noirs au lieu d’être blancs.
Aux membres postérieurs, dès la partie supérieure de la
cuisse les taches sont petites et nombreuses, et, au-dessous de
la région fémorale, elles perdent à peu près complètement
toute trace de coloration noire. Nous ne pensons pas qu’il
s'agisse ici de la fâcheuse altération que subit trop souvent la
coloration des Mammifères naturalisés et qui peut devenir très
accentuée dans le cas des Girafes, car cette coloration noire
subsiste sur les membres antérieurs, jusqu'aux genoux. La
région d'extension des cuisses est couverte de taches assez
petites, estompées, et son ensemble est d’une coloration claire,
mais non pas blanchâtre comme celle de la partie supéro-
interne.
L'atténuation progressive des taches aux parties internes et
inférieures des membres est particulièrement sensible sur le
vieux sujet dont nous parlons, Les taches foncées restent en
effet très visibles, tout en s’estompant de plus en plus, jus-
qu'aux genoux et aux Jarrets, mais au-dessous de ces niveaux
leurs traces sont à peine décelables ; la teinte interstitielle
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 125
subsiste seule sur ces parties inférieures et conserve une colo-
ration assez foncée, de telle sorte que si l'on faisait abstraction
des taches, la région inférieure des membres serait légère-
ment plus foncée sur ce vieux sujet que sur la femelle ou le
jeune mâle. Nous ne voyons pas que, dans ces parties infé-
rieures, la coloration soit plus claire postérieurement ou inté-
rieurement sur chaque membre. Les boulets el les paturons
sont enfin d’un blond extrêmement clair.
FEMELLE
La femelle est d’une taille sensiblement inférieure à celle
du mâle. Elle présente les dimensions suivantes, sous les
réserves déjà faites au sujet de ce dernier :
Hauteur, au-dessus du sol, du niveau supérieur des cornes
principales, le cou étant supposé redressé comme sur les
deux autres sujets. (Il l’est un peu moins sur le mon-
COTON ES PR CR RE Re PE DL UE 4m,20
Hauteur à la partie.moyenne du garrot..........:....,..... 2m,60
Hauteur de la croupe, prise à la partie antérieure du bassin. 2,30
Bien qu'une certaine différence de teinte puisse être relevée
entre le mâle et la femelle, il n’est pas très aisé de définir
cette différence qui, portant sur quelques détails, est assez
vague dans l’ensemble. À un point de vue général, nous dirons
que la femelle est un peu plus claire que le mâle, dont elle
diffère surtout par l’absence ou la faiblesse de la teinte isabelle
si chaude qui recouvre, en quelque sorte, tout le coloris
du mâle.
La coloration des lignes interstitielles se rapproche plutôt
ici de la teinte 7 de la C’Aromotaxie de Saccarpo (1) (couleur
noisette) que de la teinte 8 (couleur isabelle), qu’elle présente
sur le mâle. Dans l’un et l’autre cas, la couleur des taches
peut se définir en disant qu'elle reproduit, en beaucoup plus
foncé, celle des lignes interstitielles ; sur la femelle, elle tend
ainsi vers le n° 11 de la Cromotaxzie (fuligineux, bistre), et, sur
le mâle, vers une teinte un peu plus foncée que le n°20 (bai).
(4) Voy. ci-dessus, p. 16. -
126 MAURICÉ DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Le noircissement central des taches est plutôt un peu plus
faible sur le sujet dout nous parlons que sur le précédent,
bien que dans certaines régions, comme celle de la cuisse; ce
soit plutôt le contraire; la partie antérieure de celle-ci est un
peu moins décolorée que sur le mâle et il en est de même pour
la poitrine. De toutes ces différences, la plus sensible, et Ja
seulé ayant peut-être quelque importance, est la tendance
générale au remplacement d’une teinte baie très chaude par
une teinte fuligineuse.
Tête.
Dans son ensemble, la coloration est ici plus foncée que sur
le mâle et les taches sont plus nettes ; à part ce fait, les diffé-
rences de teinte sont encore beaucoup moins sensibles sur cette
partie que sur le reste du corps. Nous serions portés à croire
qu'à âge équivalent, la coloration de la tête doit être très
voisine dans des deux sexes.
Le secteur clair de la lèvre supérieure, précédemment signalé
(p. 116), existe également sur le sujet dont nous parlons, mais
il ressort moins nettément par suite de l’assombrissement
moindre des parties latérales de la lèvre. Le pourtour des
narines est à peu près également sombre dans le cas précédent
et dans celui qui nous occupe. La lèvre inférieure, beaucoup
plus pâle ici que sur le mâle, ne porte que quelques soies
noires clairsemées et ne présente pas les zones très nettes
d’assombrissement que nous signalions page 116. Le chanfrein
serait plutôt plus clair sur la femelle ; il n’y est pas découpé
en saillies successives comme celui du mâle; la région fronto-
nasale du crâne ne présente pas d’exostoses (voy. fig. 41),
et le revêtement pileux, sans atteindre le développement
réalisé sur la G. reticulata, y est plus fourni que celui du mâle
de la même race.
Les cornes principales sont d’une teinte bistrée assez claire,
mais plus foncée cependant et surtout plus unie que sur le
mâle ; cette coloration continue celle du chanfrein. Leur extré-
mité n’est pas dénudée.
Le pavillon de l'oreille est clair extérieurement, de même
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 127
que lazone l’entourant à sa base, comme cela a lieu sur le
mâle précédemment examiné. Ce fait n'est d’ailleurs pas propre
à cette sous-espèce, nous l'avons vu exister sur la Girafe réti-
eulée, où la zone blanche de la base du pavillon esl moins
étendue, par suite de l'envahissement général des taches
sombres sur les lignes blanches insterstitielles ; si nous éten-
dions nos comparaisons, nous verrions ce même fait exister
encore ailleurs.
La région des cornes d’artimon est sensiblement identique
sur le mâle et la femelle. Les taches des joues et du menton
sont, comme nous le disions en parlant de l'ensemble de la tête,
plus nettes, plus foncées, mais de disposition équivalente.
Une soie noire s'observe enfin entre l'œil et l'oreille, de
même que sur le mâle et sur la Girafe réliculée.
Cou.
Ce que nous avons dit pour le mâle (pp. 119 et suiv.), s’ap-
plique, en grande partie, à la femelle et nous dispense de
donner à ce sujet une description détaillée.
La coloration des taches est ici de la teinte bistrée, ou fuli-
gineuse, que nous opposons à la teinte baie ou fauve du mâle
(voy. p. 125), et celle des lignes interstitielles participe de la
même différence. Nous pourrions encore chercher à définir cette
différence en disant que la coloration générale est lavée de
grisâtre (nous désignons par là une teinte noire très éclaircie
de blanc, comme le serait une encre de Chine extrêmement
diluée) sur la femelle, et d'une teinte chaude, participant de
celle d’une terre de Sienne brûlée très éclaircie, sur le mâle.
Il est, en tout cas, intéressant de chercher à analyser ces diffé-
rences de teinte dans la région du cou, où l’assombrissement
central des taches est le moins accentué et où la teinte de ces
taches elle-même est ainsi un peu plus franche.
Les taches de la ‘gorge contrastent beaucoup moins avec
celles du reste du cou sur la femelle que sur le mâle, une sorte
de lavis grisâtre tendant à les uniformiser. D'une oreille à
l'autre, en passant sous la gorge, nous comptons ici six taches,
au lieu des cinq du précédent sujet. La ligne claire médiane
128 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
antérieure et les deux lignes longitudinales symétriques que
nous décrivions sur le màle se retrouvent ici (voy. fig. 32);
le nombre et la disposition des taches y sont aussi fondamen-
talement identiques. Les deux bandes de taches qui s’observent
de part et d'autre de la ligne médiane ventrale comptent l’une
huit taches {à droite), l'autre sept (à gauche) ; nous en comptions
respectivement huit et dix sur le mâle. Ces variations indivi-
duelles sont très peu importantes et nous ne les signalons que
pour contribuer à fixer l'étendue qu’elles peuvent atteindre.
La crinière est un peu plus foncée que sur le mâle, et ceci
tient à ce qu’un très grand nombre de ses crins sont noirs à
leur extrémité.
Tronc.
Les taches sont ici plus petites que sur le précédent sujet.
Les lignes claires interstitielles v sont plus étroiles, ce qui
semble tenir surtout à la différence de stature, car le nombre
de taches est sensiblement le même dans l’un et l'autre cas;
c’est ainsi que sur chaque flanc, entre le niveau de l’articu-
lation fémoro-tibiale et la partie saillante postérieure du musele
grandanconé, au-dessus de l’olécräne, nous comptons le même
nombre de laches : quatre de part et d'autre, sur chaque
sujet. Examinées en détail, ces taches sont d’ailleurs très asy-
métriques, très irrégulièrement découpées (fig. 32), et la valeur
d’une telle numération n’est que toute relative, mais elle vaut
comme comparaison. Remarquons dès à présent, à ce sujet,
que les taches des flancs sont beaucoup plus profondément
découpées sur la femelle dont nous parlons que sur le mâle,
ce qui rappelle le dimorphisme figuré par M. Lypexker (1); les
caractères qu’elles présentent sur le jeune sujet dont nous
aurons à parler un peu plus loin ne sont pas de nature à nous
éclairer sur la valeur de ces différences, peut-être purement
individuelles.
Sur le dos, les taches deviennent plus petites, surtout au
niveau des lombes; elles y sont plutôt moins teintées de noir
que sur les flancs, mais, par contre, la couleur des lignes.
4) R, Lvprkker. On the Subspecies.…., pl. XII et XUL
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 129
interstitielles s’y fonce très sensiblement et se rapproche,
s'identifie même, à ce qui a lieu sur le mâle, la teinte isabelle
l'emportant ici sur la teinte bistrée.
Les taches s'estompent et tendent à s’effacer sur le ventre
au point de lui laisser une coloration blanchâtre sous laquelle
se retrouvent à peine des vestiges de ces taches. Sur la poi-
trine, au contraire, leur coloration devient d’un noir piqueté,
à peine teinté de fauve; elles y sont assez petites, mais très
bien délimitées. Le poitrail n'offre rien de spécial.
La queue, enfin, présente les particularités déjà signalées
au sujet du mâle, mais la crête y est un peu moins déve-
loppée et sa teinte est plus claire.
Membres.
Les taches descendent ici beaucoup plus bas que sur le
vieux sujet mâle; elles y conservent aussi leur coloration
foncée jusqu’à un niveau inférieur, et ceci est surtout net sur
les membres postérieurs. Ces taches restent visibles jusqu à
la couronne du sabot, où elles deviennent cependant très petites
et très vagues. Malgré leur décroissance, elles conservent
jusque vers les genoux et les jarrets une coloration à peu
près aussi foncée que sur le corps et la teinte interstitielle S'Y
maintient également, tout en s’affaiblissant progressivement
de manière à faire place, dès ces régions, à une teinte d'un
blanc sale.
lei comme sur le mâle, les taches et les lignes interstitielles
restent plus foncées à la partie antéro-externe des jambes de
devant qu'à la partie interne ou postérieure; celle-ci porte
de petites taches fauves dépourvues de toute teinte noire. Il
se produit, à la partie supéro-interne, un éclaircissement
très accentué aboutissant à la formation d’une partie presque
blanche au voisinage de laquelle les taches conservent une
teinte noirâtre piquetée sur un fond fauve très clair. Cet
éclaireissement ne se produit que sur le tiers supérieur du
radius, au-dessous duquel les taches, petites et nombreuses,
restent d'une teinte bistrée.
Sur les membres postérieurs, l’éclaircissement de la partie
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. 4941:,. xrrr, 9
130 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
supéro-interne est encore plus accentué et les taches qui
environnent la partie blanche ainsi formée ne sont plus que
d'un fauve à peu près pur; cette partie blanche s'étend sur
les deux tiers environ de la région tibiale. En avant de la cuisse,
c'est-à-dire au-dessus et au-dessous de l'articulation fémoro-
tibiale, les taches conservent cette teinte fauve; sur toute la
partie externe de cetle région. elles sont de la teinte ordinaire,
c'est-à-dire d'un bistre renforcé de noir au centre, cette teinte
allant en décroissant progressivement vers le bas. Enfin, sur
la partie d'extension, elles sont d'un bistre assez clair. La
teinte claire interstitielle suit elle-même des variations
parallèles à toutes celles-cr. A Ta hauteur des jarrets, les laches
sont encore d’un bistre assez clair, qui se retrouve sur les
petites taches recouvrant les canons: sur ces derniers, la
teinte noire tend à prédominer; la teinte interstilielle y
reste elle-même d'un blanc très sale, de telle sorte que la
région des canons, tout en étant moins foncée que sur le mâle,
reste cependant assez colorée et surtout nettement tachetée.
JEUNE.
En ce qui concerne le dessin et la disposition des taches,
le jeune mâle complétant notre série et dont la taille est
égale ou un peu supérieure à celle de la femelle, présente,
comme particularités principales, la netteté de celles de la
tête (fig. 31) et de l'extrémité inférieure des quatres membres
(fig. 3% et 35), ainsi qu'un déchiquetage de ces taches un peu
plus accentué, surtout sur les flancs.
La coloration générale est ici beaucoup plus pâle que sur
le mâle âgé. Dans leur ensemble, les taches sont de la teinte
bistrée .que nous avons eu à signaler précédemment dans le
cas de la femelle (p.125), et les lignes claires sont d’un blond
très pâle dont l’éclaireissement n'atteint cependant nulle part,
si ce n’est à la tête, le blanc presque pur présenté par le
réseau de la Girafe réticulée. Ce sont les jambes qui consti-
tuent la partie la plus sombre, mais les taches de la tête sont
assez foncées pour donner une impression de brun noirâtre et
se détachent sur un fond blanc.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES to
En ce qui concerne la tête, 1l nous sullira de dire que ses
particularités de coloration et de répartilion des laches ne
Fig. 33. — Giraffa caelopardalis rothsmhildci Lyd. Poitrail du jeune ©.
sont qu'une sorte d’exagération de ce que nous décrivions sur
les deux sujets précédents. Identiquement disposées, ces
taches sont nettement dessinées et leur couleur consiste essen-
tiellement en un piqueté noir sur fond d’un roux bistré foncé.
52 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Dans la partie comprise de chaque côté entre la corne prinei-
Fig. 34. — Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd. Membres antérieurs du jeune ©.
pale, l'œil et l'oreille, ainsi que le long des màchoires et du
menton, elles sont d’une netteté parfaite ; elles s'éclaircissent
RECHERCHES SUR LES GIRAFES De
et tendent à s'estomper en se rapprochant du museau, de
même que sur la ligne supérieure de la tête. Les lèvres sont
134 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
encore un peu plus elaires que sur la femelle et portent les
mêmes soies noires. La chanfrein, au lieu de présenter une
coloration foncée à peu près uniforme, porte des taches très
nelles, à peu près aussi grandes le long et de part et d'autre
des os nasaux que sur les joues: elles sont, au contraire, très
pelites sur le front, v compris le dessus des veux. L'Ͼil est
entouré d'une zone blanchâtre, de même que le pavillon de
l'oreille, où le blane est plus pur.
Au niveau de la corne médiane antérieure, les taches s’es-
tompent et la coloration inlerstitielle se fonce de telle sorte que
l’on pressent ici l'uniformisation de teinte que présente cette
région de la tête sur des sujets plus âgés, comme le sont le
mâle et la femelle précédemment décrits et surtout ceux qui
répondent à la diagnose de la G. 6. cottoni Lyd. (vov. p. 10%):
cette partie est sensiblement plus foncée sur le jeune mâle
que sur les deux autres sujets. La base des cornes principales
est couverte de très petites taches ovalaires dans sa partie
antérieure et interne; du côté externe, dans la direclion de
l'œil, ces taches s'interrompent; elles reparaissent en arrière
et se continuent avec celles de la région pariéto-occipitale,
petites, mais foncées et bien dessinées. Au-dessus de ces
taches, qui disparaissent graduellement sur la partie moyenne
des cornes, la teinte de celles-ci devient d'un bistre piqueté
de noir; les poils y sont assez longs et un bouquet de poils
noirs surmonte le tout.
La crinière est plus claire que celle des précédents sujets;
elle ne présente aucune trace de noircissement.
En ce qui concerne les taches du tronc, nous nous bornerons
à dire que la teinte noire y fait son apparition surtout dans la
région dorsale, où on la voit dessiner des lignes étroites
qui ne sont autres que les axes des figures très irrégu-
lièrement étoilées que présentent ces taches. A la partie supé-
rieure des membres, le lavis bistré lui-même semble parfois
faire défaut et la teinte des taches v est d'un roux fauve assez
franc. Le ventre et les parties internes des cuisses sont blancs,
comme sur les sujets précédents. Le piquelé noir domine déjà
sur les taches de la poitrine.
Enfin, la teinte interstitielle se fonce, aux membres supé-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 35
rieurs, dès le milieu du radius, et, aux membres postérieurs, à
un niveau identique ou quelque peu inférieur. En même temps
que le renforcement de cette teinte, s'effectue le noircissement
progressif des taches. La couleur noire, qui commence à pré-
dominer dès le niveau des genoux et des jarrets, atteint son
maximum d'intensité sur les canons, dont les taches donnent
une impression de noir sur le fond bistré de la teinte inters-
tilielle. Cet assombrissement des taches et de la teinte inters-
ütielle s'arrête brusquement juste au-dessus des boulets, où
l'on retrouve cependant les traces de taches d'un fauve très
clair, à peine plus foncées que la teinte du fond de cette région,
qui est d’un blond extrèmement pâle, et ces traces se prolon-
gent non seulement sur les paturons, mais Jusqu'à la couronne
des sabots.
DISPOSITIONS SPÉCIALES DU PELAGE.
Nous ne reprendrons pas ici les généralités précédemment
indiquées au sujet de la Girafe réticulée (vov. pp. 34 et suiv.)
et qu'il importait seulement de signaler ou de rappeler. Nous
nous bornerons à décrire, en nous basant surtout sur ce que
présente le Jeune mâle, qui possède certaines de ces disposi-
ions avec une netteté parliculière, les tourbillons et les épis
du pelage.
La partie supérieure de la tête présente les dispositions
signalées à propos de la Girafe réticulée ; elles sont un peu
moins accentuées au niveau des cornes d’artimon, mais l'iden-
lité générale subsiste. Un tourbillon s'observe à environ 0",8
en avant et un peu au-dessus de la commissure antérieure de
l'œil (1, fig. 36) ; il se retrouve aussi net sur le mâle et la
femelle. Ce lourbillon émet un épi qui, allant à la rencontre
du courant du chanfrein, dirigé d'avant en arrière, détermine
la formation d'une petite crête (voy. ci-dessus, p. 41) placée à
peu près à mi-distance entre le bord postérieur des narines et
la corne médiane (1”, fig. 36); cette disposition est plus accen-
tuée sur le vieux mâle. Une autre crête, également plus nette
sur ce vieux sujet, est déterminée le long de la branche mon-
tante du maxillaire inférieur par la rencontre du courant des
136 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
joues, venant d'avant en arrière, avec celui de la région infra-
auriculaire, allant d’arrière en avant (4, fig. 36); cette crête
aboutit en haut à un tourbillon situé entre l’œil et l'oreille,
comme sur la G. reticulala (3, fig. 36). Une autre crête se voit
à la partie latérale des cornes principales, où les courants,
dirigés d'avant en arrière dans la partie antérieure et inver-
sement dans la partie postérieure, déterminent encore la for-
mation d'une crête particulièrement nette sur le vieux sujet.
Le tourbillon signalé, sur la G. reticulata, au-dessus de l'œil
(2, fig. 36) est ici très atténué où même absent, mais il se
produit une interférence entre les poils de la région de la
corne médiane, en arrière de celle-ci, avec ceux de la région
des cornes principales.
L'inversion de la crinière (1) (5, fig. 36) se produit assez
haut sur le jeune mâle, à peu près entre le tiers médian et
le tiers inférieur du cou; il en est de même sur le vieux mâle ;
sur la femelle cette inversion ne se produit que d’une manière
indécise, une première rencontre de deux sens opposés s’ob-
serve à un niveau aussi élevé que sur les autres sujets, et une
seconde, beaucoup moins nette, existe beaucoup plus bas, vers
la partie inférieure des épaules seulement; ce dernier point
d'inversion est également celui de nos deux reliculata. Le
niveau où s'effectue cette rencontre des deux courants présen-
tés par la crinière est ainsi, sur deux des trois sujets que
nous identifions à la G. c. rothschildi, beaucoup plus avancé
que nous ne l'avons vu être sur la G. reticulata; placé, dans
le cas de celles-ci, vers la partie antérieure de la septième cer-
vicale, il l’est, dans le cas actuel, vers l'intervalle de la cin-
quième et de la sixième cervicales. Il semble difficile de trou-
ver la raison de cette différence. La taille de la G. rc. roths-
childi étant plus élevée, il paraîtrait que la flexion du cou dût
se faire, lors des actions citées par W. Kinp comme détermi-
nant la formation de ces courants opposés, à un niveau encore
inférieur, dans la limite du possible, à ce qu'il est sur la G. reti-
culata. Une tentative d'explication de ces divergences ne
saurait être risquée en l'absence d’un nombre d'observations
(4) Au sujet de cette inversion, très irrégulière, et des causes qui la pre-
duisent, voy. ci-dessus, pp. 36 et #1.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES Lot
suffisant pour préciser ce qui à lieu dans chaque cas. Peut-
être ne s'agit-il ici que de variations individuelles.
Le cou lui-même ne présente pas de tourbillons sur le jeune
màle, qui en possède un, très puissant, à la partie antéro-supé-
rieure de l'épaule (7, fig. 36). Ce mème tourbillon se retrouve
sur les deux autres sujets de la même race et nous l'avons, en
outre, signalé sur notre jeune reticulata (Noy. p. #3), tandis
que la femelle de cette dernière espèce ne nous en présente
pas trace.
Sur ce même mâle de G. reticulata, nous signalions
(voy. p. 43), à la base du cou, du côté gauche, un autre tour-
billon (6, fig. 36), probablement assimilable à celui qu'a figuré
M. Walter Kinp (1), bien que la position soit légèrement diffé-
rente dans les deux cas. Nous ne le retrouvons pas sur la
jeune G. €. rothschildi, mais nous le voyons exister, à peu
près à la même place, sur la femelle et sur le vieux mâle de
cette sous-espèce. Sa position n'est symétrique sur aucun de
ces sujets et les variations paraissent fort étendues quant à
la situation et même quant à l'existence de ce tourbillon qui
semble, à l'inverse d’autres dispositions du même ordre,
s accentuer avec l’âge. Rappelons que la région où 1l s’observe
est considérée à juste titre par W. Kinb comme « critique »,
en raison des mouvements de flexion, d'extension, de ploie-
ment latéral et de rotation dont elle est le siège; mais il n'y a
pas coïncidence exacte entre sa situation et celle du point de
rebroussement de la crinière, ce dernier se trouvant à un
niveau généralement supérieur.
Une variabilité identique s’observe quant à l’épi (8 et 9,
fig. 36) que nous signalions sur la G. reliculata mâle, à la
partie supérieure de la région des muscles olécräniens, exten-
seurs de l’avant-bras (vov. p. 37). Cet épi est très net du côté
droit, sur notre jeune G. c. rothschildi, mais nous ne l’y retrou-
vons pas du côté gauche. Il n'existe pas sur la femelle, et,
sur le vieux mâle, se réduit de part el d'autre à un simple
tourbillon.
Une sorte d'épi très irrégulier se trouve, à peu de distance
(4) Walter Kinp. Traces of animals Habits, in Anëmal Life. Hutchinson,
London, 1903, vol. Il. p. 234-235, fig. 5, 7, 8.
138 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
en arrière de l'épaule, sur le jeune mâle (13, fig. 36); nous
le retrouvons sur les deux autres sujets, de même que sur nos
deux (r. reticulata (Nov. p. 45); plusieurs autres dispositions
du même ordre peuvent s'observer à la base de celle-ci, e’est-
à-dire plus près de la région sternale, et juste en arrière de
l'olécrâne, où se forme, en outre, sur le vieux mâle, à gauche,
un tourbillon se prolongeant vers le haut en un épis très accen-
Lué qui est à rapprocher de ce que nous signalions au-dessus
de cette région, à gauche également, sur le flanc de la G. reti-
culala (NOY. p. 45).
De même, à la partie supérieure du pli de la hanche droite,
Juste au-dessous de l'angle iliaque externe, se trouve sur le
Jeune mâle un épi très net, long de 0",15 environ (15, fig. 36);
cel épi n'existe pas du côlé gauche, et, chose intéressante,
nos trois G. 6. rothschildi le présentent du côté droit, tandis
que le gauche n'en porte pas trace ou n’en possède qu'un
rudiment. Nous ne le retrouvons pas sur la G. reticulata,
mais sur les uns et les autres de nos sujets s'observent, en
avant de la hanche, des plis très marqués imprimant au
pelage des traces plus ou moins nettes de rebroussement et
qui rappellent ce que nous disions de la région post-scapulaire.
Le centre de radiation qu'Owex avait observé sur le flanc
d'un sujet nouveau-né (1) et que nous ne retrouvons ni sur
nos r. reliculala ni sur nos G. r. rothschildi âgées, est, au con-
traire, très net sur le jeune de cette dernière race (14, fig. 36);
il est placé à peu près à mi-distance entre l'épaule et la
cuisse et est plus reculé et plus haut du côté droit que du
côlé gauche.
Le tourbillon spinal existe sur chacune de nos trois G. «.
rothschildi, de même que sur nos deux G. reliculula ; son exis-
tence est d’ailleurs générale (voy. p. 42). La situation qu'il
occupe est ici encore assez variable ; il est placé assez en
avant sur le vieux mâle de la sous-espèce dont nous parlons,
lequel porte, en outre, de part et d'autre, une sorte d'épi au
niveau de la partie saillante de l'angle iliaque externe.
En ce qui concerne les membres antérieurs, nous trouvons,
1) Richard Owex. Notes on the Birth of the Giraffa.… Transactions of the
Zoological Society of London, vol. Il, 1849, p. 23.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 139
sur chacun de nos trois sujets, deux tourbillons placés du côté
interne, l’un à peu près sur le niveau de l'articulation hu-
méro-radiale et tendant à empiéter sur le poitrail (18, fig. 37),
l’autre un peu au-dessus de l'articulation carpienne (12, fig. 37).
Le pelage de la @. r. rothschildi tendant à être un peu plus
fourni que celui de la G. reticulala, nous Ÿ voyons, en outre,
avec une certaine netteté, vers la partie antérieure de larticula-
tion huméro-radiale, une disposition moins accentuée sur nos
Girafes réticulées (voy. p. 38) et qui consiste ici en un très
faible commencement d’épi longitudinal très court (d'envi-
ron 0",02) de part et d'autre duquel les poils vont en divergeant
sur une étendue assez longue, de manière à dessiner une sorte
de barre (ransversale dont le point de divergence des poils ne
nous paraît net que sur la jeune G. 6. rothschilili. Au-dessus
de cette barre, le pelage se dirige en divergeant vers les faces
externe et interne du membre, tandis qu'au-dessous il est
simplement dirigé de haut en bas. A environ 0",10 plus
bas se forme une barre de mème genre, mais très atténuée ;
toutes deux sont représentées sur la figure 37 (11). Encore un
peu au-dessous de cette dernière, se dessine enfin une légère
interférence résultant de la rencontre d'un courant supérieur,
dirigé de haut en bas et d'avant en arrière, avec d’autres
courants dirigés de bas en haut et qui règnent sur le reste de
la partie antérieure de la région radiale (17, fig. 37). Le
maximum de netteté est présenté, à ce point de vue, par la
jeune (. c. rothschildi, et, après ce sujet, par le vieux mâle de
la même race.
Les dispositions propres aux genoux vont en s'accentuant
nettement avec l’âge sur nos trois G@. €. rothschildi. Sur le
vieux mâle, une callosité irrégulière est très développée à la
partie antérieure du genou et parsemée de poils noirs; elle
l’est un peu moins sur la femelle, où dominent des poils sim-
plement foncés ; enfin, sur le jeune mâle, cette partie est entiè-
rement revêtue de poils plus longs, plus fournis, un peu plus
rudes et un peu plus foncés que ceux des espaces clairs avoi-
sinants (voy. fig. 34).
Le renforcement du pelage au niveau de la poitrine suit à
peu près les mêmes variations, mais il ne s’y forme, sur aucun
140 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
de nos sujets, de callosité comparable, même de loin, à celle
des genoux. Dans cette région, le jeune mâle présente deux
tourbillons, l’un à droite, l’autre à peu près médian. Il n'en
existe pas de net à gauche. Le vieux mâle présente sensible-
ment la même chose, tandis que sur la femelle ces disposi-
tions sont effacées.
Sur le poitrail (fig. 33), nous voyons tant à droite qu'à
gauche, sur le jeune mâle, un tourbillon placé assez bas et très
rapproché de la ligne médiane ; chacun de ces deux tourbillons
émet, vers le haut, un épi long de 0",07 à droite, et de 0*,03
à gauche (19, fig. 37). Sur la femelle, il existe du côté droit un
lourbillon bien dessiné et, indépendant de lui, un épi peu
développé se trouve entre ce tourbillon et la ligne médiane
du poitrail ; à gauche, ce même sujet porte deux tourbillons
provoquant la formation d'interférences longitudinales. Sur
le vieux mâle, le côté droit el le côté gauche présentent chacun
deux tourbillons et l'asymétrie est complète entre ces quatre
centres de radiation.
Tels sont les principaux détails qui nous paraissent mériter
d'être relevés. Ils dénotent l'extrême variabilité de la plupart
de ces particularités du pelage, non seulement dindividu à
individu, mais d'un côté à l’autre sur un même sujet. Ils
montrent, en outre, que les dispositions en question ne sont
pas toutes plus développées chez le jeune que chez l'adulte,
l'individu âgé peut même les présenter le plus nettement. Elles
peuvent être interprétées, au moins partiellement, comme
caractères nouvellement acquis et, dans certains cas, comme
caractères individuels, aussi variables que le sont les par-
licularités similaires des animaux domestiques, du Cheval
par exemple.
L'Okapi est loin deles présenter avec une telle complexité (1).
Son pelage, remarquablement lisse et soyeux, est beaucoup plus
uni et nous n'y relevons qu'une seule marque vraiment impor-
tante et très accentuée, celle des flancs (14, fig. 36).
(4) Voy. à ce sujet : E. Ray Lanester. Hair Whorls in Okapi. Proceedings of
the. Zoological Society of London. 1903, Il, pp. 338-339.
Id. Monograph of the Okapi. London, 1910, pl. 48.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 141
Sur le chanfrein, autant que nous pouvons le voir, ses poils
sont dirigés d’arrière en avant depuis l'extrémité du museau
jusqu'à un point situé à peu près aux deux tiers de l’espace
compris entre cetle extrémité et les cornes. Au delà, le cou-
rant est, au contraire, dirigé d'avant en arrière et va former
une inlerférence à la base des cornes, du côté interne, avec
le revêtement de ces cornes qui est dirigé en sens inverse. Un
peu en arrière des cornes, il existe, sur la ligne sagittale, un
tourbillon, ou un simple centre autour duquel le pelage diverge
suivant des rayons de cercle. En dehors de ces particularités,
il faut mentionner que, de chaque côté de la face, les poils
semblent rayonner autour des veux. Autour de la base des
pavillons auditifs, le pelage porte des traces manifestes de
l’activité avec laquelle ceux-ci sont mis en mouvement; en
arrière des oreilles, il tend à se former des stries concen-
triques de couleur foncée et, en avant, nous voyons se former
une sorte de ligne d'interférenee tragant une ellipse d'environ
0,03 X 0,01, son grand axe étant dirigé de haut en bas; cette
disposition ne nous parait très nette que sur un jeune sujet(1),
el encore ne l’y voyons-nous avec netteté que du côté gauche.
D'autre part, à peu près au tiers postérieur de la mandibule,
à l’arête inférieure de celle-ci, nous voyons exister un tour-
billon dont le courant va provoquer, sous le menton, la
formation d’une interférence pouvant s'unir à celle du côté
opposé en formant un demi-cerele plus ou moins parfait. En
avant de ce demi-cercle, le sens du pelage est d'avant en
arrière ; au delà, 1l est inverse. Au niveau du pli de la gorge,
existent également deux petits tourbillons asymétriques,
paraissant s'atténuer ou même disparaître avec l’âge, en avant
desquels le poil est dirigé vers le museau, tandis que le long
du cou il l’est du haut vers le bas.
À la base du cou, en avant de la partie moyenne de l'omo-
plate, il peut exister une disposition tourbillonnée rappelant
celle qui peut également se trouver sur les Girafes (voy. pp. 43
et 137); nous n'en voyons cependant pas trace sur le jeune
sujet dont nous venons de parler.
1) Celui dont la dentition est représentée sur la PI. IV de la première partie
de nos recherches.
112 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Le tourbillon habituel de la partie moyenne de chaque flanc
est très bien marqué et la longueur relative que présente, dans
cette région, le pelage de l'Okapi permet à ce tourbillon
d’engendrer une crête très accentuée, dirigée en bas et en
avant, et allant se rencontrer avec la symétrique. Ainsi que
nous le disions ci-dessus, cette disposition est la plus accen-
tuée de toutes celles que présente le pelage de lOkapi.
Un épi très net existe enfin en avant de la cuisse, à un
niveau un peu inférieur à celui de la rotule.
Avec l'âge, la plupart de ces dispositions paraissent s’ac-
centuer. C'est ainsi qu'il apparaît sur le chanfrein, un peu
au-dessous de la bosse nasale, une crète longitudinale médiane
résultant de la rencontre des courants rayonnant de part et
d'autre autour des veux. Il v à de même tendance à la for-
mation, au-dessus de ceux-ci, de dispositions tourbillonnées,
ou de simples touffes, rappelant celles de la Girafe, et au
sujet desquelles les figures de M. Ray Laxkesrer (Loc. cit.) ren-
seigneront plus amplement.
Les dispositions du pelage ci-dessus décrites, tant au sujet
de la G. reliculata de Winron que de la &. r. rothschildi Lvd.
ont été synthétisées sur les schémas ci-joints (fig. 36 et 37),
que nous appuyons de figures originales donnant quelques
indications relatives à la mryologie des Girafes et dessinées
d’après les matériaux des Collections d'Auatomie comparée
du Muséum (fig. 38 ec 39).
En comparant entre elles ces figures et en se reportant à nos
descriptions, 1l sera facile de se convaincre que les rapports ne
sont pas toujours évidents, tant s’en faut, entre les disposi-
tons dont nous parlons et celles des muscles ; aussi n’avons-
nous, à ce sujet, d'autre prétention que de fournir quelques
éléments d'appréciation et ne tenterons-nous pas d'aborder
la solution des problèmes qu'il peut soulever.
Rappelons tout d'abord, en ce qui concerne la mvologie des
Girafes, la modification si particulière que subissent leurs
muscles peauciers. « Une particularité bien remarquable chez
la Girafe, disent à ce propos Jozy et Lavocar (1), est l'absence
(4) N. Jory et À, Lavocar. Recherches historiques, zoologiques, anatomiques
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 143
complète des muscles peauciers ; ils sont remplacés par une
Fig. 36. — Schéma indiquant l'emplacement des principales dispositions du pelage
sur l'animal vu de profil. Voy. pp. 34 et 135.
grande et forte aponévrose satinée, enveloppant tout le corps,
et paléontologiques sur la Girafe (Camelopardalis giraffa, Gmélin). Mémoires
de la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasboury, L. HI, 1840-46, p. 88.
144 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
unie d’une manière assez lâche à la peau et confondue, en
quelques régions, avec des couches fibreuses jaunes précé-
demment indiquées: Cette large aponévrose, tendue, bridée
4
Fig. 37. — Schéma indiquant l'em-
placement des principales dispo-
sitions du pelage sur l'animal vu
de face.
sur tout l'appareil musculaire, favo-
rise singulièrement l'énergie de
contraction ». Peut-être celte dis-
position, en rendant la peau moins
apte aux vibrations qui aident un
grand nombre de Mammifères à se
débarrasser des Insectes, a-t-elle,
par balancement, contribué à pro-
voquer l'adaptation si nette de la
queue des Girafes au rôle de chasse-
mouches, adaptation sur laquelle,
comme nous l’avons vu ci-dessus
(p.33); la été discute meet
« grande et forte aponévrose » dont
parlent Jocy et Lavocar, mème si
elle est parsemée de fibres musecu-
laires, ne saurait avoir d'influence
prépondérante sur les dispositions
du pelage dont nous venons de
parler.
Pour quelques-unes de celles-
ci, les relations avec les muscles
sous-jacents se laissent assez net-
tement déterminer. Tel est le tour-
billon 6 de la figure 36, qui parail
être en relation avec le splénius (3,
fig. 38); rappelons, en citant ce mus-
ele, qu'ilest chez les Girafes, « aminciet constitué par une suc-
cession de languettes charnues, Loutes pourvues en haut d'un
tendon allongé » (1) {voy. fig. 38). Tel est aussi le tourbillon 7
de la même figure, qui semble situé au point de jonction,
vers l’épine acromienne, du trapèze et de l’omo-trachélien
(voy. fig. 38). Au sujet de ce dernier muscle, signalons qu'il est
(1) Jorx et Eavocar. Lo*. cit, p. 92.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES Î
ici particulièrement court. Chez les Mammifères en général,
il va de l’épine acromienne à l’apophvse transverse de l’atlas,
Muscles superficiels de la région cervico-scapulaire d'une
Fig. 38. — Girafe :
1, trapèze; 2, angulaire de l'omoplate : 3, splénius ; 4, omo-trachélien : 5, branche
sternale du commun au cou et à l'épaule : 6, sterno-céphalique : 7, deltoïde.
c'est là tout au moins ce que présentent les Mammifères dont
le cou est assez court ; mais chez ceux dont le cou subit
un allongement notable, des adaptations spéciales intervien-
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. 1911, xrxt, 10
146 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
nent. Cuvier l'avait parfaitement remarqué : ce muscle,
dit-il (1), « se fixe quelquefois à la tête, et d’autres fois aux
dernières cervicales, son insertion au membre varie égale-
ment » (2); c’est ainsi que « dans les chameaux, sans doute à
cause de la courbure du cou, il s'insère en haut, tout près de
l’omoplate, à la cinquième ou sixième cervicale » (3). D'après
ce que nous voyons (fig. 38), il semble que la réduction aille
encore plus loin sur les Girafes et que ce muscle n’y dépasse pas
la sixième et peut-être même la septième cervicale. Quoi qu'il
en soit, il paraît être, de même que le trapèze (1, fig. 38), en
rapport avec le tourbillon dont nous parlons (7, fig. 36).
Les dispositions spéciales au poitrail semblent être sous
la dépendance du grand pectoral, comme le sont celles du
Cheval figurées par W. Kinp (4). L'épi de l'épaule (8, fig. 56)
suit plus ou moins la direction de lune des parties du
triceps {voy. fig. 39, 4) et celui auquel nous donnons Île nu-
méro 9 (fig. 36) est au contraire dans la direction du faisceau
postérieur de la masse des muscles olécrâäniens. La strie placée
à la partie interne du membre antérieur (voy. p. 37), entre
les tourbillons 18 et 12 de la figure 37, suit enfin Ja direction du
fléchisseur interne du métacarpe et du cubital interne, dont
elle paraît occuper extérieurement l'intervalle (voy. fig. 39).
En dépit de tous ces rapprochements, même des plus nets,
les variations individuelles si étendues qui s’observent dans
ces disposition du pelage offrent un contraste frappant avec
la fixité générale des dispositions musculaires et l'étendue
des rapports entre ces deux systèmes, dont l’un est aussi
variable que l’autre l’est peu, est loin d’être déterminée. L’im-
portance des variations dans les habitudes individuelles ne
semble pas non plus proportionnée à la variabilité des disposi-
tions dont nous parlons. La question reste donc assez obscure
(4) Cuvier le désigne sous le nom d’'acromo-trachélien. C’est le transversus
scapulae de la Nomenclature myologique d'ArroixG et LESBRE (Lyon, 1898, p. 17),
où en est donnée la synonymie.
(2) G. Cuvier. Lecons d'anatomie comparée. Sec. éd. T. L. Paris, 1835. p. 371.
(4) Id. — Voy. aussi F.-X. LesBre. Essai de myologie comparée. Bull. de
la Societé d’ Anthropologie de Lyon. 1897, p. 42 du tiré à part.
(4) W. Kinp. Use-Inheritance. London, 1901, fig. V, p. 19.
Id. The significance of the Hair Slope in certain Mammals. Proceedings of
the. Zool. Soc. of London. 1900, fig. 3, p. 584.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 147
el nous nous bornerons, en l’absence de matériaux suffisants
\ KA
|
Fig. 39. — Muscles superficiels du membre antérieur d'une Girafe : I, face interne ;
E, face externe. — 1, grand dorsal ; 2, sus-épineux; 3, deltoïde, ou long abducteur
du bras ; 4, triceps, ou long anconé, ou gros extenseur de l’avant-bras : 5, biceps:
6, radial, ou extenseur antérieur du métacarpe ; 7, extenseur oblique du méta-
carpe; 8, cubital externe, ou fléchisseur externe du métacarpe : 9, partie du long
anconé, ou triceps:; 0, pectoral profond ; 17, coraco-brachial, ou omo-brachial ;
12, coraco-radial; 43, fléchisseur interne du métacarpe; 14, cubital interne :
15, radial, ou extenseur antérieur du métacarpe ; 16, aponévrose du cubital interne,
incomplètement enlevée ; 17, radius.
pour permettre de l’examiner sous ses diverses faces, à ren-
148 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
voyer aux publications déjà citées de W. Kinp les lecteurs
qu'elle intéresse plus spécialement.
III. — CARACTÈÉRES CRANIENS
Le caractère cranien le plus important des Girafes, quant
Cräne de Gü'affa camelopardalis rothschildi Lyd., o' àgé.
Fig. 40.
à leur classification, est, comme nous l’avons vu et comme
celte étude nous le montrera de plus en plus, celui qui résulte
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 119
de la présence ou de l'absence de la corne antérieure médiane.
ou pyramide, qui, présente sur les formes du Nord, est absente
sur celles du Sud. Sur la G. c. rothschildi L\d., cette troisième
Fig. 41. — Crâne de Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd.,
corne est indiscutablement présente, bien que relativement
très peu développée, en hauteur tout au moins ; elle a même
été vue, à l’état d'ossicône indépendant, sur la femelle (1). A
1) Oldfield Tomas. On the five-horned Girafte obtained by Sir Haryr
[50 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
ce point de vue, comme l’a fait remarquer M. Or. Thomas (1),
l'animal se rattache à la forme septentrionale. Le peu de déve-
loppement de celte corne représente un terme de passage vers
©.
jeune
. — Crâne de Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd.,
les formes du Sud, ou, d’une manière plus immédiate, vers
Jouxsron near mount Elgon. Proceedings of the. Zoological Society of London,
1901, p. 475.
1) Id. p. 475.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 151
celle du Nord du Transwal(G. €. wardi Lyd., voy. p. 101) où la
corne médiane se réduit à une sorte de bosse basse et irré-
gulière.
A ce point de vue done, de même qu'à celui de la coloration.
(Collections
àvé
977)"
1
ECSS*, J'
d'Anatomie comparée du Muséum de Paris ; n° A.
Crâne de Giraffa camelopardalis capensis
la Girafe dite de l'Elgon ou du Baringo réalise une transition
entre les formes du Nord et celles du Sud.
Les cornes principales de cette Girafe sont, par contre, très
développées et l’on peut ici pressentir le balancement qui
s'opère entre le développement de la corne antérieure et
celui des cornes principales. Les cornes d’artimon, ou occipi-
[52 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
lales, sont à peine marquées et inexistautes même en tant
que « cornes »; nous y reviendrons d’ailleurs plus loin.
Dans son ensemble, abstraction faite de la pyramide,
le crâne de la Girafa camelopardalis rothschildi Lyd.
O' (Collections d'Anatomie
n° À. 10754).
. — Crâne de Giraffa camelopardalis capensis Less.,
comparée du Muséum de Paris :
(Mig. 40, 41 et 42) présente avec celui de la Girafe du Cap
(Hg. 43 et 44) une ressemblance qui nous paraît incontes-
tablement plus étroite qu'avec les formes du Nord. Les
dimensions du crâne sont plus grandes sur celle-là que sur
celles-ci et les cornes principales y sont plus développées, de
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 159
manière à présenter le balancement auquel nous venons de
faire allusion avec l’absence de la pyramide. En outre, même
sur de vieux sujets du Nord {voy. fig. 10), la tendance à la
prolifération osseuse, si frappante sur ceux du Sud, reste plus
diffuse et n’aboutit pas à la formalion d’exostoses aussi net-
tement différenciées.
Ces généralités étant rappelées, nous examinerons les
erânes de nos trois Gr. c. rothschildi d'après le plan précédem-
ment suivi pour ia (Gr. reticulata (Nov. p. 79).
Profil et proportions générales. — La direction des cornes
principales, mesurée conformément aux indications déjà
données au sujet de la G&. reticulata (p. 82), semble se rap-
procher ici de celle qui s’observe sur les Girafes du Sud. Les
mensurations dont les résultats sont exposés dans le tableau
ci-dessous ne portent malheureusement pas sur un nombre de
sujets pouvant suffire à l'établissement de moyennes con-
cluantes ; mais les indications qu’elles fournissent nous parais-
sent intéressantes et leur extension serait évidemment suscep-
tible de fournir des données plus rigoureuses que celles dont
on dispose actuellement, lesquelles ne reposent que sur des
impressions assez vagues et non sur des chiffres. L’asvmétrie
habituelle des cornes complique singulièrement la question
et rendrait encore plus nécessaires des moyennes portant sur
des cas nombreux et variés.
Angle formé par la direction des cornes principales (indiquée en cas de doute par
le sillon vasculaire externe, voy. p.57) avec une ligne allant du centre du conduit
auditif externe à l'extrémité des prémaxillaires, en passant à la face inférieure de
ceux-ci.
Moyenne
A droite, À gauche, en
chiffres ronds,
degrés. degrés. degrés.
PUTAIN CORTE SENTE 51 46 48
= OR Ce 42 39 40
GrduSénécal GA AD617). : SE 36 28 32
2 MAO ES). il 37 (4)
G: d’Abyssinie © (A. 8012)....... À 36 36 36
— CAMION re à 36 36 34
Pet TA ANT ONE SUN RE 40 37 38
— (®) LT RE Se cLeucue 50 50 50
Gad Gep OAI MM AE. 54 54 (?) 54
= FASAIDTS 4) EN EN REE 48 49 48
— AAC A ONE Re 0e 4 44 4%
4) L'anomalie évidente de la corne droite ne prète pas ici à l'établissement
d'une moyenne.
154 . MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
La comparaison des différents angles ainsi relevés montre
que le redressement des cornes, dans la forme du Cap, n'est
pas simplement apparent ; il répond à une réalité mesurable.
A ce point de vue, la Girafe dite du Baringo se rapproche nette-
ment de celles du Sud, et par contre, les Girafes du Nord en
manifestent un éloignement évident. La Girafe réticulée semble
s'intercaler, quant à ce fait, entre les formes extrêmes, un peu
comme le fait la G. €. rothschildi.
Le profil de la plus âgée de nos trois G. c. rothschuldi est
rendu très irrégulier par la présence, en avant de la corne anté-
rieure médiane, d'une série d'exostoses ‘voy. fig. 40 et p. 117),
dont la plus rapprochée de la corne elle-même peut être consi-
dérée comme une vérilable petite corne supplémentaire, tant
au point de vue de la forme, assez régulièrement ellipsoïdale,
qu'à celui de la texture ; en avant, se trouvent deux masses
concrélionnées, anfractueuses, n'ayant plus rien de régulier ni
d’homogène, el assimilables aux autres exostoses largement
disséminées sur toute la partie supérieure du crâne et de la
face.
Nous parlerons plus loin (p. 167) des ossicônes envisagés
en eux-mêmes, ainsi que des exostoses, et, en examinant
(pp. 181 et suiv.) la structure de ces deux sortes de forma-
lions, si voisines l’une de l’autre qu'elles sont fondamentale-
ment identiques, nous aborderons l'examen de certaines
queslions pouvant être soulevées à leur sujet.
Tout ce qui précède nous permet d'examiner maintenant en
connaissance de cause le résultat des mensurations que nous
avons opérées sur les crènes de diverses Girafes et dont nous
réunissons le détail dans le tableau ci-contre (p. 155).
En traduisant les proportions de ces crânes par des Indices
obtenus d'après notre formule habituelle, c'est-à-dire en
divisant la plus petite dimension, multipliée par 100, par la
plus grande, nous obtenons le tableau suivant (p. 156), dans
lequel nous avons établi quatre Indices exprimant les rapports :
1° de la largeur maxima à la longueur.
2° de la hauteur à la longueur.
3° de la largeur des prémaxillaires à la longueur.
ï° de la largeur pariétale à la longueur
GIRAFES
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SY1'0 970 | SYr 0 | SET O0 | 9cr'0 LT‘ | 9Fr'0 | gor'o | srr'o | 1#7'0 | 970 | #70 |'orepored-071dn90 07940 ef op euixeur anosv]
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*S2JCAIT) S2SI9AIP 9P SUBI
9p SUOIJUINSUSU SP SJUJ[NS9Y
156 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
C'est donc la longueur totale, mesurée comme nous l'indi-
quons page 97, qui sert ici de base uniforme de comparaison :
Indices :
EE
1 2 3 4
Largeur max.- Hauteur- Larg. des pré- Larg. pariétale-
longueur. longueur. maxillaires- longueur.
longueur.
Gone. ne anne 387 394 126 207
— CREER ers 426 350 a 249
G. du Sénégal Gf (A:10617)... 401 396 138 195
. 10753)... 432 367 138 196 (?)
G. d’ ie ssinie © (A. 8012).... 403 359 192 224
Æ (A.10752)... 426 373 134 214
G. c. rothschildi Œ âgé...... 451 377 162 225
= jeunes", 04921 367 13% 218
NON EEE 428 397 131 209
G. c. capensis Gf(A.7971)... 423 390 160 192
— (A. 10754)... 427 391 415% 190
== (A: 40749) "01 302 146 185
En disposant maintenant suivant un ordre progressif les
Indices ainsi calculés, nous obtenons les séries suivantes, dont
les numéros d'ordre correspondent à ceux du précédent
tableau.
1 2 3 4
G.réticulée ©. 387|G.réticulée ©, 350 |G.d'Abyssinie®. 122/G. du Cap ©’. 185
G. du Sénégal ©. 401|G. du Cap ©. 350|G. réticulée ©. 126 _ 490
G. du Cap ©’. 401 — 331|G. c. Rothsch. ©. 151 — 192
G.d’AbyssinieQ. 403 — 352/ — O'jun. 154|G.duSénégal ©’. 195
G.c. Rothschildi G. réticulée ©. 354|G.d'Abyssinie 6. 134 — © , 196?
O' jun. 421|G. c.Rothsch.Q. 357|G. du Sénégal ©’. 138|G. réticulée ©. 207
G. du Cap ©. 423|G. d'Abyssinie © .359 = ®. 138/G. ec. Rothsch. ©. 209
G. réticulée ©. 426|G. ec. Rotschildi G. du Cap ©. 146/G.d'AbyssinieQ. 214
G. d'Abyssinie. 426| O' jun. 367 — 157|G.c. Rothschildi
G. du Cap © 427| G. du Sénégal ©. 367 _ 160| O' jun. 218
G. c. Rothsch. 6. 428/G. d’AbyssinieQ. 373|G. c. Rotsch. ©’. 162|G. réticulée Q. 219
G. du Sénégal ©.432/G.c.Rothsch. ©. 377 G.d’Abyssinie © . 224
G.c. Rothsch. ©’. 451|G. du Sénégal ©. 396 G.c.Rothsch.o. 225
De l'examen des chiffres de ces quatres séries, il est facile
de conclure que non seulement il n’y à pas convergence des
Indices dans le sens de séparations nettes entre les diverses
Girafes ainsi étudiées, mais que, dans chaque série même, 1l
est assez difficile de trouver une base solide en faveur de
séparations quelque peu rigoureuses. Seules, nos trois Girafes
du Cap se groupent, sans toutelois s’isoler très nettement,
dans les séries 2, 3 et #4, surtout dans cette dernière ; leurs
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 157
proportions eraniennes, traduites en chiffres et non plus
évaluées d’après le simple témoignage de l’œil, sont donc sen-
siblement différentes de celles des autres Girafes. Contrai-
rement à ce à quoi l'on aurait pu s'attendre, la Girafe dite
du Baringo ne s’en rapproche pas plus que de celles-ci, et les
formes septentrionales ne présentent dans leur ensemble,
d'après cet examen, aucune homogénéité de proportions
craniennes. Bien que les Girafes du Cap soient précédées par
une Girafe réticulée, dans la série 2, et suivies d’une G. «.
rothschildi, dans la série 3, elles n’en tendent pas moins, sauf
dans la première série, à se placer soit au commencement
soit à la fin sur les colonnes d’Indices, et leur tendance à se
différencier n’en est que plus évidente.
Épine palatine. — Nous avons parlé (p. 46) des comparaisons
établies, et des différences relevées entre l’épine palatine
des diverses Girafes. Ici, bien que l’épine palatine présente
quelques différences d'un sujet à l’autre, sa disposition se
rapproche de celle qu'offrent les Girafes du Sud. Rappelons
que nous avons trouvé, sur des Girafes du Nord, notamment
sur une Girafe du Sénégal (Collections d’'Anatomie comparée
du Muséum : A. 10753 ; E, fig. 45), une épine palatine nelte-
ment saillante et rappelant celle des Girafes du Sud. Dans l’en-
semble, cependant, ainsi qu'il est facile d’en juger d’après les
figures 45 et 46, l'épine palatine tend à s'effacer, et parfois
même à faire place à une dépression, dans les formes sep-
tentrionales (A, fig. 45), tandis que sur nos G. c. rothschildi,
de même que sur les Girafes du Cap dont nous avons pu dis-
poser, cette épine fait saillie dans l'intervalle ménagé entre
les palatins et les ptérygoïdiens (fig. 46), et il en est de même
sur les Okapis que nous avons étudiés (vov. fig. 27).
Nasal. — Très profondément échancrés sur le plus jeune
de nos trois sujets, où l’échancrure atteint de part et d'autre
une profondeur d'environ 0",05 et où la partie médiane forme,
en avant de ces échancrures, une saillie aiguë, les os nasaux
se terminent irrégulièrement sur les deux autres sujets. Sur
la femelle, la trace des échancrures habituelles est très nette,
mais celles-ci sont peu profondes, et l’épine médiane en dépasse
à peine les bords. Sur le mâle, la prolifération osseuse à
158 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
gagné cette région, de même que toute la partie supérieure
du crâne et de la face (fig. 40 et 49), et l’on n’observe plus qu'un
:
__
ll
J
ce
Fig. 45. — Palatins de diverses Girafes présentant la disposition du type septen-
trional. — À, Gira/ffa reticulata de Winton, ©'; B, Giraffa reticulata de Winton, @ ;
C, Girafe d’Abyssinie Q (Coll. d'Anatomie comparée du Muséum: n° A. 8012);
D, Girafe d'Abyssinie @ (Coll. d'Anatomie comparée du Muséum: n° A. 10752);
E, Girafe du Sénégal © (Coll. d'Anatomie comparée du Muséum: n° A. 10753):
F, Girafe du Sénégal © (Coll. d'Anatomie comparée du Muséum : n° A. 10617).
(A
reste très irrégulier de l’échancrure du nasal gauche, l’échan-
crure droite étant entièrement comblée et cette partie du
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 159
nasal droit dépassant même, en avant, le bord antérieur du
nasal gauche.
Faisons remarquer, à ce sujet, que le vieux mâle dont nous
à
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A / 4 (M
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Fig. 46. — Palatins de diverses Girafes présentant la disposition du type méri-
dional. — À, Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd., ©: B. Giraffa cameloparda-
lis rothschildi Lyd., Q : C, Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd., © jeune :
D, Giraffa camelopardalis capensis Less., © (A. 7977); E, Giraffa camelopardalis
capensis Less., © (A. 10754); F. Giraffa camelopardalis capensis Less. (1896-45).
venons de parler semble, quant à sa dentition, un peu moins
âgé que la femelle (voy. pl. I) ; son crâne présente cependant
des exostoses nombreuses, diffuses, dont celui de la femelle
160 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
ne porte aucune trace. Ce cas montre nettement à quel point
la prolifération osseuse reste l'apanage des Girafes mâles.
Lacrymal. — Sur le jeune mâle, les lacrymaux se laissent
facilement délimiter et, dans leur ensemble, répondent à la
description générale précédemment donnée (voy. p. 60).
Les lacunes prélacrymales sont largement ouvertes à droite et
à gauche. Du côté droit, la partie du lacrymal qui borde cette
lacune est isolée du reste de l'os; entre ces deux parties,
s'étend une ligne légèrement dentelée, presque verticale et
allant rejoindre, vers le haut, le point où la suture fronto-
lacrymale arrive au bord de la lacune; en ce même point,
une suture inachevée, longue de 0",006 sépare du bord lacu-
naire du frontal ce nouvel os wormien (voy. p. 67) dont la
forme est celle d’un coin aplati vers le haut, où il présente
sa largeur maxima (0,009), et s'enfonçant entre le lacrymal
et le maxillaire sur une longueur de 0,025. Par suite de cette
disposition, le lacrymal lui-même n'arrive pas au contact de la
lacune, ou ne le fait que par l'intermédiaire de cet os sup-
plémentaire, qui rappelle étroitement celui que nous déceri-
vions (voy. p. 69 et fig. 19) sur une Girafe ® du Sénégal. De
ce même côté, dans la partie supérieure du lacrymal, entre la
terminaison de la suture fronto-lacrymale et l'os supplémen-
taire dont nous venons de parler, s’observe une petite lacune
qui, d’après ce que l’on peut voir, formait primitivement une
sorte de diverticule de la grande lacune prélacrymale, à
laquelle elle reste unie par le fait de l'oblitération encore
imparfaite des lignes de suture.
Sur le mâle âgé, aucune trace de lacune n'existe plus, bien
que la suture lacrymo-maxillaire ne soit pas encore achevée.
La ligne suivant laquelle s'effectue cette dernière semble
d’ailleurs ne jamais se combler chez les Girafes; même sur
les plus âgées nous voyons toujours l'engrenage formant cette
suture échapper aux progrès de l’ossification. Bien que très
tardive, l’ossification complète de la suture fronto-lacrymale
s'observe, au contraire, sur les Girafes très âgées et nous en
voyons ici un exemple.
Les lacrymaux de la femelle méritent de retenir un peu plus
longuement l’attention.Les lacunes prélacrymalessont, des deux
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 161
côlés, extrèmement réduites. À droite, l'espace libre présente
une longueur de 0",015 et une hauteur de 0",005 environ; il
devait, primitivement, s'étendre en arrière sur une étendue à
peu près équivalente, et l'on voit une petite lamelle osseuse,
restée indépendante, combler cette extension qu'une saillie
du frontal contribue également à remplir. A gauche, la
lacune représente un triangle dont la base, longue de 0",025,
est formée par le maxillaire, et dont le sommet, situé à l'ex-
trémité inférieure de la ligne de suture fronto-nasale, permet
d'évaluer la hauteur à 0,01. Un peu en avant de ce sommet,
un petit os surnuméraire, imparfaitement relié à la partie
adjacente du nasal, pend dans la cavité de la lacune, dont il
comble partiellement le milieu. En outre, de même que sur le
côté droit du précédent sujet, le lacrymal lui-même n'arrive
pas au contact de la lacune, par suite de la présence d’un
petit os wormien, triangulaire, que l’on peut se représenter
comme isolant, sur une longueur d'environ 0",01 la partie
prélacunaire du lacrymal.
Le lacrymal droit est beaucoup plus intéressant encore. Il
présente, dans sa partie prélacunaire, un os wormien symé-
trique de celui qu'offre le côté gauche et de dimensions à peu
près équivalentes; sa forme est plutôt irrégulièrement trapé-
zoïdale que triangulaire. Mais ici la particularité la plus impor-
tante consiste dans la présence d’une lacune considérable.
d'un ovale régulier et dont les grands axes mesurent 0",032
et 0",0%2, qui, empiétant à peu près autant sur le frontal que
sur la partie extra-orbitaire du lacrymal, occupe la presque
totalité de la région que traverserait, si elle n'était inter-
rompue par cet espace vide, lasuture fronto-lacrymale (fig. 47).
Cette lacune, d’un genre tout particulier, donne accès dans un
sinus assez régulièrement ovoïde, plus large en haut qu’en
bas, et limité par une mince cloison trabéculaire à très larges
mailles. Sur le crâne macéré, nous voyons que la partie intra-
orbitaire du lacrymal forme, pro parte, la cloison postérieure
de ce sinus; devenue elle-même trabéculaire, cette cloison
présente trois orifices ovalaires, d'environ 0",003 >< 0",002,
et quelques autres beaucoup plus petits. Du côté des sinus
frontaux et du sinus maxillaire, de même que du côté de la
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9 série, APE 11
162 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
fosse nasale droite, la limite s'effectue par la cloison trabécu-
laire dont nous venons de parler. Vers le bord de son orifice,
la cloison limitant intérieurement ce sinus très particulier pré-
sente l'aspect des tables osseuses avoisinantes, et c’est seule-
ment à quelque distance vers l’intérieur qu’apparaissent les
.
tee
Fig. 47. — Lacrymal d'une Giraffa camelopardalis rothschildi Lyd. ©, âgée, présen-
tant une lacune anormale (voy. texte, p. 161). (Env. 3/5 gr. nat.).
trabécules. La cavité même de ce sinus, qui, comme nous
l'avons dit, est remarquablement régulière, n’est divisée par
aucune trace de cloison, tandis que les sinus craniens sont au
contraire divisés et subdivisés par des septa irréguliers et plus
ou moins parfaits. Ce caractère exceptionnel est de nature à
laisser supposer que la formation de cet orifice et de cette
cavité, dont la disposition est ainsi contraire aux règles
générales, a pu être d’origine pathogénique. Quoi qu’il en soit,
l'os est parfaitement sain à ce niveau, macroscopiquement
tout au moins, et l’on n’observe ici, non plus que sur le restant
du crâne de ce sujet, sinon au niveau des cornes, aucune
sorte d’exostose.
Orifices vasculaires de la région fronto-pariétale. — Le trou
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 163
nourricier, dont nous avons signalé l'existence constante en
arrière de la pyramide (voy. p. 56), existe sur chacun de nos
trois sujets; plus largement ouvert sur le jeune G&', il subsiste
très nettement, malgré les progrès de la prolifération osseuse,
sur le G' âgé (fig. 49). L'orifice que nous signalions à la base
des cornes principales (voy. p. 57), existe sur les deux mâles,
mais non pas sur la femelle, où de très petits orifices le rem-
placent vraisemblablement. Il en était à peu près de même
dans le cas de la (7. reticulata. Comme nous l'avons vu égale-
ment, l'apparition ou la disparition de ce caractère n’est pas
liée au sexe et la même disposition peut s’observer sur le Gel
sur la ©.
Les trous sourciliers du vieux c° sont complètement recou-
verts par des néoformations osseuses (fig. 40 et 49), et Les sil-
lons qui en émanent dans la direction de la lacune prélacrymale,
icioblitérée, sonteux-mêmes partiellement recouverts et trans-
formés en canaux incomplètement fermés.
Occipital.— La crête pariéto-occipitale diffère assez considé-
rablement de l’un à l’autre de nos trois sujets. Sur la femelle,
elle ne présente aucun caractère digne de remarque ; réguliè-
rement arrondie à droite et à gauche, elle v est très légère-
ment déprimée en son milieu et ne présente aucune trace
d'exostose.
Sur le jeune mâle, cette dépression médiane est plus accentuée
et, de chaque côté, la crête occipilale présente un aplatissement
qui rappelle d'assez près ce que nous a présenté la G. reticulata
(voy. ci-dessus, p. 89 et fig. 30). Le caractère de protubérance
n'est pas plus accentué dans l’un que dans l’autre cas; peut-
être cependant le serait-il un peu moins ici (comparer les
profils, fig. 28 et 42), mais cette disposition y est plus symé-
trique, bien que laplatissement soit un peu plus accentué à
droite qu'à gauche. Autant qu'il est possible de mesurer ces
surfaces aplaties, dont les limites sont extrêmement indécises,
nous leur trouvons les dimensions suivantes :
. A droite. A gauche.
Extension transversale... ..:%...:. On0S 02,045
Dimension perpendiculaire à la précé-
Jentesl AN PR NME 02,023 Om 018
164 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
La surface d'insertion musculaire située au-dessous de la
crête occipito-pariélale forme, sur ce jeune sujet, une dépres-
sion très profonde et très irrégulière, plus accentuée que sur
les deux autres. Nous avons d’ailleurs observé un fait semblable
sur diverses Girafes et nous pouvons l’exprimer en disant que,
d'abord à peine marquée, celte surface d'insertion atteint
fréquemment un maximum de profondeur sur les sujets
modérément jeunes, puis s'étale de manière à présenter un
maximum d'extension et une profondeur relativement moindre
sur les vieux sujets.
La disposition que présente la crête occipito-pariétale du
vieux œ est fondamentalement équivalente à celle-ci, avec
celte différence que des exostoses d'un développement assez
considérable en recouvrent très irrégulièrement la partie
droite, landis que la partie gauche a presque entièrement
échappé à l’envahissement de ces néoformations (vov. fig. 49
et 51 A). En effet, une exostose à peu près lisse, aplatie et
étendue sur toute Ja partie médiane des pariétaux, où elle
présente une largeur moyenne de 0,05 à 0",06, recouvre la
région médiane de la crêle sans s'étendre sur sa partie latérale
gauche. À droite, au contraire, cette même plaque d’exostose
prend un développement beaucoup plus considérable el
forme des concrétions de volume variable, qui atteignent
leur maximum au niveau de la crête pariélo-oceipitale; à
cet endroit, les bords de l’exostose surplombent l'os sous-
jacent, et l’on peut ainsi délimiter assez parfaitement la péri-
phérie de cette néoformation; nous pouvons lui assigner un
développement maximum, en hauteur, d'environ 0",015. La
surface de l’exostose est extrêmement irrégulière, concré-
tionnée, mais son apparence d'ensemble est très compacte et
rappelle celle des autres néoformations osseuses du crâne, à
tel point que l'identité est évidente entre celles-e1 et celle-là.
Les figures 40, 49 et 51 À renseigneront sur l'étendue et l’as-
pect des unes et des autres. Disons simplement que le crâne
et la face en sont recouverts dans leur partie supérieure,
au point de présenter un aspect concrétionné assez étrange,
qui se retrouve d’ailleurs sur les Girafes de même sexe et de
même âge, mais surtout sur celles du Sud. Les formes que
RECHERCHÉES SÜUR LES GIRAFES 165
revèlent ces concrétions sont des plus variables; elles peuvent
être plus ou moins aiguës, arrondies ou aplaties, se superposer
ou s’enchevètrer ; des gouttes de suif projetées au hasard sur
une surface irrégulière en donneraient quelque idée, mais la
comparaison avec des productions stalagmitiques est celle qui
s'impose plus particulièrement ice. Nous leur trouvons en outre,
en certains points du crâne dont nous parlons, une texture
extérieure fibreuse, feutrée, assez particulière.
Nous reviendrons sur ces formations en parlant des cornes,
auxquelles on à parfois tenté d’en identifier certaines, plus ou
moins nettement différenciées, et continuerons l'examen de
de l’occipital.
Les trous mastoïdiens, parfaitement ouverts sur nos trois
sujets, le sont plus largement sur le Jeune que sur la femelle,
el un peu moins sur le mâle âgé que sur celle-ci. Leur position
répond, dans les trois cas, à ce que nous disions ci-dessus
(p. 90) ; ils se trouvent au fond d’une dépression que suit la
ligne de suture mastoïdo-occipitale et peuvent être considérés
comme formant le fond, non oblitéré, de cette fosse. Leur
forme est ronde ou ovale, plus allongée transversalement du
côté gauche sur la femelle.
Nous n'observons pas ici de variation d'emplacement
comparable à celles que nous mentionnons, pp. 90-91; dans
aucun cas, le trou mastoïdien n'empiète exclusivement sur
l'occipital ou la partie mastoïdienne du temporal, et il en est
de même sur les Girafes du Cap que nous pouvons examiner.
La dépression supracondylienne, dont nous parlions égale-
ment page 91, est ici à peine marquée; il en est encore de
même sur les crânes de Girafes du Cap auxquels nous
comparons plus particulièrement ceux de La @. €. roths-
child.
Les trous condyliens sont précédés, à droite et à gauche, sur
le jeune mâle, d’un trou supplémentaire très étroit ; il en est
de même, à gauche, sur la femelle ; ailleurs, ils sont simples et
revêtent l'apparence habituelle. En principe, la tendance au
dédoublement que représente la présence, en avant du trou
condylien principal, d'un trou supplémentaire plus ou moins
étroit, semble normale chez les Girafes; nous voyons cette
166 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
tendance s’alténuer sur nos trois G. c. rothschildi et constatons
qu'il en est de même sur les crânes des Girafes du Cap dont
nous disposons.
Passant maintenant à l'examen du basi-occipital, nous
voyons que sa rainure médiane, prolongeant la dépression
intercondylienne, est à peine indiquée sur le jeune mâle, un
peu plus sur le mâle âgé, et plus encore sur la femelle. La
G. reticulala nous avait offert un cas du même genre. Nous
ne pouvons voir ici que des faits de variabilité individuelle,
analogues à ceux que présentent les saillies d'insertion museu-
laire du basi-occipital. Nous voyons, en effet, les tubercules
précondyliens, bien développés surle jeune etla femelle, l’être
un peu moins sur le mâle; les petits tubercules de la partie
antérieure, voisine du postsphénoïde (voy. pp. 74 et 92), sont
à peu près absents sur le jeune, un peu plus marqués sur la
femelle, et le sont beaucoup plus encore sur le vieux mâle, où
ils sont séparés par une rainure longitudinale prolongeant celle
dont nous parlions ci-dessus, mais beaucoup plus large. Toutes
ces variations sont d'ordre individuel ; nous ne les mentionnons
que comme de nouveaux exemples de cette variabilité que nous
avons déjà eu maintes fois à signaler et contre laquelle il est
si important de se mettre en garde dans la recherche de
caractères différentiels.
Base du crâne. — Nous avons parlé ci-dessus de l’oceipital
basilaire, sur lequel nous n'avons pas à revenir.
Le trou postglénoïdal, simple et très large sur le jeune mâle
et la femelle, est au contraire fort réduit sur le vieux mâle;
au lieu de s'y présenter comme un vide ménagé entre l’apo-
physe zygomatique du temporal, l'apophyse postglénoïde et
la paroi antérieure du méat auditif, il est entièrement percé
dans la partie postglénoïde du temporal et passe au-dessus
de l’'apophyse de ce nom sans contracteraucun rapport extérieur
avec le tympanique.
Bornons-nous à signaler, en outre de cette particularité, Ia
disposition que présente la partie postérieure du vomer sur
ce même sujet. Nous avons parlé (p. 75) de la gaine que
ménage le vomer au-dessous du sphénoïde. La partie la plus
reculée du premier de ces deux os se termine généralement en
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 167
pointe ou en lame, parfois mème cette lame est criblée d’orifices
et se réduit alors à une sorte de dentelle. Ici, le vomer ne pré-
sente pas de lame de ce genre ; ilse prolonge cependant jusqu'à
la limite du présphénoïde et du postsphénoïde, mais il y conserve
une épaisseur assez considérable, d'environ un centimètre, et
s'y interrompt brusquement. La double cavité de cet os, qui,
dans le cas général, se prolonge dans la lame vomérienne ter-
minale dont nous venons de parler, s'ouvre largement ici
(fig. 48) de manière à présenter, à droite et à gauche, un orifice
circulaire par lequel on aperçoit l'intérieur de la cavité du
vomer. Sur la ligne médiane, ces deux orifices sont bien
séparés, leurs parois restent indépendantes et un sillon Îles
sépare même sur unelongueur d'environ un centimètre et demi.
Cornes. — La corne antérieure médiane, présente sur le
vieux mâle seul, est relativement peu développée, au moins en
hauteur; elle n’atteint ni le degré réalisé sur la Girafe du
Sénégal (fig. 10), ni même celui que présente la G. reticulata &
(fig. 28). Absente sur le jeune mâle et sur la femelle, elle ne
s'est malheureusement pas présentée à nous sous forme
d'ossicône isolé, ou nettement délimitable, et nous ne pouvons
la décrire que d’après les caractères qu'elle présente sur notre
vieux sujet, où elle est complètement fusionnée avec les os
sous-Jacents de telle sorte que la base ne se laisse nulle part
délimiter. Son aspect y est celui d’une saillie relativement
basse, à peu près hémisphérique (fig. 40 et 49). Sous les
réserves nécessitées par sa fusion avec le substratum, ses
dimensions sont les suivantes :
Fanpueuride lt baser 22), Ra Ne ee ee 0m,075
Parceur maximum-de’l4 base "ame 0e 0%,06
Hauteur (encore plus douteuse que les autres dimen-
SOS) PRES Au sa eue de Sn al ee, ER ee ee Om,0%
Cette bosse fronto-nasale présente une surface qui est, dans
son ensemble, assez régulièrement arrondie; elle est criblée
de petits orifices et son aspect est concrétionné comme l’est,
en général, celui de l'extrémité des cornes principales des
Girafes âgées. Elle est, en résumé, très différente de ce
qu'est la pyramide sous sa forme typique (voy. ci-dessus,
pp. 52, 93 et suiv.) et fait pressentir’ l'état rudimentaire sous
168 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
lequel elle existe chez les Girafes du Sud (fig. 15, 43, 44 et 50).
Nous avons dit (p.117) qu’en avant de cette saillie, qui repré-
Fig. 48. — Base du crâne d'une Giraffa camelopardalis rothschildi, Lyd., © àgée-.
Remarquer notamment la forme de l'épine palatine, celle du vomer, et l'exostose
occipitale droite.
sente indubitablement la pyramide, s'en observe une série
d’autres, dont la seconde seule (c'est-à-dire celle qui vientimmé-
diatement en avant de la principale) présente une forme définie
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 169
et peut être considérée comme une sorte de pyramide supplé-
mentaire. La figure 40 contribuera largement à renseigner sur
la forme et le volume respectifs de chacune de ces saillies ;
les deux antérieures ne peuvent être considérées que comme
de simples exostoses, dont la présence dans l'alignement des
prédédentes trahit la facilité avec laquelle apparaissent, dans
cette région, des néoformations osseuses. Ceci semble pou-
voir contribuer à faire connaître le processus de formation
des cornes des Girafidés, sinon même des cornes en général.
Quoi qu’il en soit, la masse osseuse située immédiatement en
avant de la pyramide est beaucoup plus petite que celle-ci et
toutes deux tendent à se confondre par la base; ses dimen-
sions, données sous les réserves nécessitées par l’indéecision
de ses limites, sont les suivantes :
Ponsueurde la pass 2.10 titan. 0m,045
Largeur maximum de la base.............. 0,025
LUN RSR NERO 02,0125 à 0,015
La surface est ici tout à fait comparable à celle de la pyra-
mide elle-même; régulière dans son ensemble, elie est perforée
et concrétionnée dans toute son étendue.
La saillie osseuse qui se trouve en avant de celle dont nous
venons de parler est beaucoup plus petite (vov. fig. 40) et très
irrégulière ; c’est la plus réduite de toutes. Son apparence esl
en partie concrétionnée, en partie feutrée, par suite de la
présence de sortes de fibres osseuses enchevêtrées el très
nettement individualisées. Par sa base, elle se continue avec
celle qui est en arrière et prolonge celle qui la précède et qui
est la première de la série.
Cette dernière est plus développée et encore plus irrégulière.
En avant et latéralement, elle présente une base assez facile-
ment délimitable, surplombant la partie sous-jacente des os
nasaux et large de 0,025 à 0",03; cette base, aplatie, est
surmontée de concrétions irrégulières, dont une masse,
hémisphérique dans son ensemble, surmonte la partie arrière;
le diamètre de cette masse est d'environ 0",015 et la hauteur
totale approximative de cette exostose, y compris sa base, esl
de 0°,02. Ici encore, l'apparence externe est à la fois concré-
lionnée et feutrée.
170 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
Sur le sujet femelle dont nous disposons, non seulement il
n'existe pas d'ossicône correspondant à une corne antérieure
médiane, mais nous ne croyons même pas qu'il ait existé ici
d'ossicône rudimentaire, écailleux, rappelant celui de la
ligure 12. L'état parfaitement uni, iisse, de la bosse fronto-
nasale (1), plaide dans ce sens, et l’âge avancé du sujet (voy.
sa dentition, PI. IV) aurait vraisemblablement entrainé la
soudure au crâne de l’ossicône qui eût pu exister. Nous devons
mentionner la présence, au sommet de la bosse fronto-nasale
de ce sujet, d'un os intercalaire qui pourrait peut-être repré-
senter un ossicône extrêmement réduit s’il n’est tout simpie-
ment un os wormien (voy. ci-dessus, pp. 67 et 70). Cet os
intercalaire forme une très légère saillie, n'atteignant même
pas 0,001. Sa position est relativement un peu antérieure par
rapport à celle qu'occupe généralement la pyramide; situé à
l'extrémité la plus reculée des nasaux, il paraît être plutôt
sous leur dépendance que sous celle du frontal. Ses contours
se laissent parfaitement délimiter et présentent un bord anté-
rieur, droit, perpendiculaire à la suture que forment entre eux
les os nasaux, long de 0",026, et un bord postérieur, sinueux,
dont le point le plus reculé est à 0",018 du bord antérieur.
La surface de cet ossicule est parfaitement lisse et identique
à celle des os avoisinants. Nous ne pouvons savoir si c'est là
une ébauche d’ossicône ou simplement un os fontanellaire
fronto-nasal ; cette dernière explication semble la plus plau-
sible.
Sur le jeune mâle, la bosse fronto-nasale présente, dans sa
partie frontale, une légère dépression dont le fond découpé,
concrélionné, servait évidemment de base d'insertion à un
ossicône encore très imparfailement ossifié, perdu au cours
de la préparation de cette pièce.
Les cornes principales sont très fortes sur les deux sujets
mâles.
Chez le jeune, où elles ne sont pas encore soudées au crâne
1) Nous rappelons que l’on désigne ainsi le renflement formé par les nasaux
et le frontal en leur point de rencontre, sur la ligne médiane, et sur lequel,
lorsqu'elle est présente, s'élève la pyramide.
—!
RECHERCHES SUR LES GIRAFES |
(elles lui ont été artificiellement réunies sur la figure 42),
les ossicônes de ces cornes semblent avoir déjà atteint leur
taille définitive; leurs dimensions sont les suivantes :
\ droite. A gauche.
m,. n1.
Longueur (distance verticale du sommet au plan
de base, les ossicônes reposant librement sur
leur partie basale élargie). .# ........-... 0,18 0,17
CDALON OS PRES ANR Rire 0,13 0,13 (?)
FES CAN SE ERLIT AVES Dee mac nr 0,095 0,092
Sxede lipartie terminales... 1. ..."...2." 0,058 et 0,051 0,052 el 0,046
se de lapartie MOYENNE... ee. 0,057 et 0,041 0,053 et 0,0%1
Ainsi qu'il est facile de le voir sur la figure 42, ces cornes
sont ici, c’est-à-dire sur le jeune mâle, proportionnellement
très développées. Bien que leurs mesures n'aient pu être
prises exactement de la même manière que dans le cas de
la G. reliculala (voy. p. 94), les ossicônes étant séparés du
crâne et ne pouvant lui être juxtaposés que d’une manière
approximative, les différences sont évidentes et manifestent,
en faveur de la G.r. rothschildi, un renforcement que les
figures et les mensurations qui vont suivre rendront encore
plus net.
Sur le vieux male, la base des cornes principales est si
parfaitement fusionnée avec le crâne qu'elle ne se laisse plus
délimiter. Ces cornes sont très puissantes (fig. 40, 49 et 51 A),
sensiblement moins, cependant, que celles des Girafes du
Cap (fig. 43, 44, 50, 51 B et 51 C). Leurs dimensions, mesu-
rées comme l'ont été celles des cornes de la @. reticulala
(vov. p. 94), sont les suivantes :
À droite. À gauche.
m. m.
(A NOR EE PRE eee 0,13 0,13
Axes de la partie moyenne......."...." 0,64 et 0,64 0,52 et 0,57
Ces cornes du vieux mâle sont relativement courtes. Elles
sont de forme régulière ; leurs axes vont en décroissant depuis
la base jusqu'à une petite distance du sommet, renflé, ainsi
que cela existe fréquemment sur les Girafes mâles, et beau
coup plus à droite qu'à gauche. Nous avons parlé des particu-
larités que présentait extérieurement leur revêtement culané
(p. 117); celui-ci était tellement aminei à l'extrémité qu'il n'a
pu être dépouillé et à été laissé sur les cornes où il se trouve
172 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
encore ; c'est là ce qui donne à cette extrémité, sur les figures
photographiques ci-jointes, l'aspect noirâtre qu'elle présente.
La surface de ces cornes est irrégulièrement poreuse; elle
est couverte de concrétions mais ne présente pas d’exostoses
comme en présentent si fréquemment les Girafes du Sud (voy.
fig. 43, 44, 51 B et 51 C) el est, dans son ensemble, relative-
ment unie. Mentionnons, un peu au-dessous de la partie ter-
minale de la corne droite, sur sa face antérieure, l'existence
d'un ilot osseux irrégulier, visible sur la figure 49, qui s’isole
par des limites précises du reste de la corne. Le pourtour de
cel ilot est irrégulier ; sa surface est unie, plus même que celle
des parties avoisinantes de la corne, par rapport auxquelles elle
ne forme ni saillie, ni dépression. Cette formation est proba-
blement d'ordre pathogénique ; elle contribue, en tous cas, à
prouver avec quelle activité se poursuit ici l’ossification,
activité dont nous n’en sommes plus à compter les preuves
et sur laquelle nous aurons encore à revenir.
Sur la femelle, les cornes sont beaucoup plus faibles, confor-
mément à une règle dont la G. reticulata nous à déjà fourni
un exemple.
Leurs dimensions sont les suivantes :
A droile. A gauche.
ni. m.
HAUTeNR ARE RASE RE 0,10 0,10
Epaisseur de la partie moyenne (au-dessous
de la partie exostosée, visible sur Ja fig. #1). 0,027 et 0,03 0,022 et 0,022
Les épaisseurs que nous indiquons ici ne sont qu'approxi-
malives, car les ossicônes sont recouverts, presque jusqu'à
leur base, par des exostoses les coiffant, ou, si l’on préfère, les
revêlant à la manière d’un doigt de gant, et creusés de pro-
fonds sillons longitudinaux assez réguliers et à peu près symé-
triques d’un côté à l’autre. Parmi ces sillons, il en est un qui
n'est autre que le sillon vasculaire latéral ci-dessus mentionné
(p. 57); en outre de celui-ci s'observent à droite et à gauche
un sillon antérieur, un interne et un postérieur ; les trois
premiers, surtout l’externe et l’antérieur, sont, de part et
d'autre, de beaucoup les plus accentués.
Nous avons parlé ci-dessus (pp. 163 et suiv.) de la crête occi-
pilo-pariétale, siège, ou plutôt simple support, des exerois-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 178
sances constituant les fausses cornes dites cornes d'artimon.
Entièrement lisse sur la femelle, cette crête présente sur le
jeune mâle des aplatissements latéraux rappelant ceux que
nous avons décrits et figurés sur la G. reticulata (p.89 et fig. 30).
Sur le vieux mâle, rappelons que celle région ne présente que
des exostoses tout à fait asymétriques, très irrégulières, ne diffé-
rant pas des autres et ne pouvant en aucune manière êlre
considérées comme réprésentant des cornes un lant soit peu
différenciées. À gauche, l’angle externe de la crête occipito-
pariétale est parfaitement lisse et ne présente même pas
l'aplatissement spécial que nous signalions chez le jeune
mâle. A droite, au contraire, une exostose volumineuse très
irrégulière (fig. 40, 49 et 51 A), soudée au crâne par toute sa
partie centrale et dont la périphérie surplombe los sous-jacent,
ne rappelle que d'extrèmement loin les saillies osseuses décrites
et figurées comme substratum de cornes occipilales.
Nous ne quitterons pas ce qui à trait aux cornes sans men-
lionner la présence, au-dessus de l'orbite droite du vieux
mâle, d’une exostose très développée au sujet de laquelle nous
crovons nécessaire d'entrer dans quelques développements
relatifs non seulement à cette néoformation, mais aux exos-
loses craniennes des Girafes en général.
Nous avons déjà eu à mentionner les «six horned Giraffes »
du Mont Locorina et de Marangole (voy. pp. 5 et 10%}. Ces
Girafes, observées par M. PoweLr-Corron, possédaient « une
corne proéminente au-dessus de l'œil droit » (1). M. LYDEKKER,
étudiant un crâne rapporté par PoweLzL-Corrox et présentant
celte particularité, s'exprime ainsi à son sujet : « Un fait remar-
quable est la présence d’une cornese projetant horizontalement
en dehors du milieu du bord frontal de l'orbite droite ; cette
corne est en apparence couronnée (capped) d'une épiphyse
distincte. Aucune trace d’une telle corne ne s’observe sur
l'orbite gauche. Je suis informé par le Major Powezz-Corron
que toutes les Girafes mâles de cette localité (Sud du Lado)
semblent porter une corne orbilaire droite semblable, et qu'il
1) Powezr-Corrox. In Unknown Africa. London, 190%, p. 383 el 388.
174 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
s'en {trouve une similaire du côté gauche sur quelques sujets
du Baringo (1). »
Nous trouvons de telles « cornes orbitaires » non seulement
au-dessus de l'orbite droite du plus âgé des sujets que nous
rattachons à la sous-espèce dite du Baringo (fig. 40, 49, 51 A),
mais au-dessus des orbites des Girafes mâles et âgées du Cap
que nous pouvons examiner et dont nous représentons quelques
crânes sur les figures 43, 44, 50, 51 Bet 51 C. Tantôt cette
«corne orbitaire » est plus développée d’un côté que de l’autre,
et, autant que nous pouvons le voir sur les sujets peu nombreux
dont nous disposons, c'est alors généralement à droite qu’elle
se trouve; tantôt elle est présente des deux côtés. Sur la
Gr. rothschildi dont nous parlons, elle est totalement absente
sur l'orbite gauche. Ses variations sont, en tout cas, fort consi-
dérables; sa forme n'a non seulement aucune fixité, même
relative, mais elle ne présente aucune régularité et nous ne
pouvons séparer cette formation sus-orbitaire des autres néo-
formations osseuses dont sont recouverts Les crânes des
Girafes mâles, agées, rattachables aux formes du Sud ou
réalisant une transition entre celles-ci et celles du Nord.
Même sur ces dernières, il n’est pas impossible de retrouver
un rudiment de corne orbitaire, dont le développement est
proportionnel à la moindre intensité de la prolifération os-
seuse qui s'y observe. À ce sujet, le crâne du vieux mâle du
Sénégal dont nous avons déjà parlé et que représente la
figure 10 est des plus instructifs. Son orbite gauche présente
une exostose aplatie, se confondant avec l’ensemble des néo-
formations dont est recouvert ce crâne et qui ne forment
aucune saillie très sensible ; cette exostose est, par rapport à
l’ensemble de ces néoformations, très développée ; il nous
semble impossible de n'y pas voir un équivalent des pseudo-
cornes orbitaires et la différence est ici tout simplement pro-
portionnelle à l'intensité avec laquelle s'opère, dans l’un et
l’autre cas, la prolifération osseuse.
En ce qui concerne notre vieux mâle de G. c. rothschild,
nous ajouterons que cette prolifération est manifestement
1) R. Lypekker. On the Subspecies of Giraffa camelopardalis. Proceedings of
the... Zoological Society of London. 190%, vol. 1, p. 208, fig. 25.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES LAS
beaucoup plus forte sur toute la partie droite du crâne (voy.
p. 164); sur les orbites et la crête occipitale, qui paraissent
Fig. 49. — Crâne de Giraffa camelopar- Fig. 50. — Crâne de Giraffa camelo-
dalis rothschildi Lyd., © âgé (voy. pardalis capensis Less., © àgé. —
fig. 40). —Remarquernotammentl'exos- Remarquer notamment l’exostose orbi-
tose sus-orbitaire droite et l’exostose taire droite (Collections d’Anatomie
occipitale du même côté. comparée du Muséum de Paris ;
no A. 140749).
décidément être des lieux d'élection pour le développement des
exostoses, c’est du côté droit que celles-ci se sont développées,
et elles l’ont fait avec une intensité remarquable. Du côté
gauche, au contraire, ni l'orbite ni la crête occipitale ne portent
aucune néoformation de quelque importance (voy. fig. 49 el
176 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
5i A). Cet exemple nous parait montrer avec la netteté la plus
évidente le caractère accidentel, le manque de toute fixité et
de toute régularité, de ces pseudo-cornes.
Des formations plus ou moins analogues se retrouvent
parfois, en outre, sur diverses parties du eràne. Indépendam-
ment des concrétions plus ou moins volumineuses, plus ou
moins individualisées, qui se rencontrent sur toute la partie su-
périeure du crâne et de la face, et auxquelles semble se réduire
l’ébauche de pyramide des Girafes du Sud {voy. fig. 16, 43, #4)
— laquelle peut être précédée d’autres exostoses rappelant
d'assez loin celles que nous déerivions sur la région nasale de
la G. c. rothschildi — il peut s’en trouver dans les parties du
crâne les plus diverses. Sur notre mâle âgé de G. c. rothschildi,
une exostose formant un segmentde cercle, double, en quelque
sorte, sur une longueur de 0",03, la partie frontale de lorbite
gauche, du côté interne; par son sommet, cet arc est réuni à
la paroi orbitaire, mais ses extrémités sont libres et d’autres
exostoses — très faibles et assez vaguement dessinées —
montrent qu'il va eu tendance à la formation d’un véritable
anneau osseux, intérieurement concentrique au bord de
l'orbite.
Sur l’une de nos Girafes du Cap (A. 10754; fig. 4# et
51 C), en outre des exostoses orbitaires existant de chaque côté
et de diverses exostoses plus ou moins diffuses, il en existe
une qui souligne de la même manière l’arcade zygomatique
gauche, à laquelle elle se réunit par sa partie médiane (fig. 44):
à droite, le jugal présente simplement un accroissement
diffus par exostose. Sur ce même sujet, les cornes principales
elles-mêmes portent des néoformations d’un volume assez
considérable (fig. 44 et 51 C), à tel point que l’on pourrait
presque dire que les cornes principales portent ici des cornes
secondaires, ce qui reviendrait à dire qu’elles tendent à se
ramilier ; c'est là une simple exagération de phénomènes que
nous voyons être très communs.
Quant aux exosloses occipitales auxquelles se réduit le
substratum osseux des « cornes d’artimon », nous pouvons
dire que nous les avons rencontrées, sous les aspects les plus
divers et aux plus divers degrés de développement, sur
1U
10 Jo sope1dr990 sosojsoxo sor onb sure ‘s
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P OUHOF E[IUUMEJOU Jonbiemoy — ‘ssorr ssuodna synpundopouo
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serie.
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e
178 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
chacune des quelques Girafes du Cap, mâles et âgées, que
nous avons pu examiner. Leur asymétrie est généralement
très accentuée. Parfois elles forment des protubérances aux-
quelles s'applique la comparaison employée par LE VaiLLanrT (1),
leur apparence ovoïde étant plus ou moins irrégulière et
leur surface plus ou moins lisse; dans d’autres cas, elles
forment, d’un même côté, plusieurs petites masses globuleuses,
ovoides, etc. (fig. 15); elles peuvent enfin se réduire à des
concrétions d'apparence slalagmitique ou simplement spon-
gieuse, plus ou moins étendues et plus ou moins élevées; dans
un cas même (Collections d'Anatomie comparée du Muséum :
À. 10754; fig. 51 C) nous les voyons se réduire d’un côté à
une petite protubérance transversalement allongée, mesurant
environ 0%,045 sur 0",015, et de l’autre à une surface à peine
saillante, d’un aspect corrodé, mesurant 0",063 sur 0",05, de
laquelle s'élève, dans la partie sagittale, une petite excrois-
sance surplombante.
Les exostoses qui s'observent ainsi sur le crâne des Girafes
mâles âgées sont, dans leur variabilité et leur polymorphisme,
d'une telle constance qu'il est difficile de les considérer comme
des formalions pathogéniques au sens étroit du mot; nous
examinerons d'ailleurs cette question en traitant de leur
structure. Les cornes elles-mêmes, nous parlons ici des cornes
principales et de la pyramide, se présentent, une fois soudées au
crâne, comme des exostoses plus constantes et moins irrégu-
lières que les autres, Lant au point de vue de l'apparence qu'à
celui de la constitution ; mais leur mode de développement
représente un progrès considérable sur ces dernières. En
tout cas, l'individualisation, que nous allons voir être
graduelle, de certaines néoformations osseuses, semble
perpétuer, dans le cas qui nous occupe, un mode primitif de
formation des cornes, mode qui, par complications el modifi-
calions successives, permet de passer du type des Velléricornes
(Girafes et Okapi) aux deux types divergents des Caducicornes
et des Cavicornes.
En ce qui concerne leur mode actuel d'apparition, une
(1) Voy. ci-dessus p. 3.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 179
différence fondamentale existe entre les exostoses banales, v
compris celles des régions occipitale et orbitaire, qui semblent
commencer à se différencier, et les vraies cornes, celles-ci
ayant un caractère épiphysaire dont sont uniformément
dépourvues celles-là. Remarquons cependant que la formation
de ces dernières nous est très imparfaitement connue : que,
là où nous pouvons le voir, la callosité dermique précède
l'exostose, et qu'en outre — nous tenons à insister sur ce
point — nos observations montrent sur la G. c. rothschildi la
tendance de ces exostoses à se réunir au crâne par leur région
centrale, le reste surplombant l'es sous-jacent (voy. ci-dessus,
pp. 173 et 176). Ce mode de réunion peut ainsi rappeler
fort étroitement, comme dans le cas de l’exostose occipitale
droite de notre vieux mâle de G&. ec. rothschildi, ce que pré-
sente souvent la pyramide des Girafes femelles appartenant
aux formes septentrionales et même ce que présentent, au
début de leur réunion au crâne, les cornes principales. Celles-
ci et celle-là se soudent en effet au crâne d’abord par leur
partie centrale. Sur de très vieilles femelles du Nord, 1} peut
même arriver que le processus de soudure, bien qu’altei-
enant son maximum, ne s’étende pas à la périphérie de l’écaille
osseuse représentant la pyramide (voy. p. 94); l'aspect de
celle-ci peut ètre alors d'autant plus voisin de celui d’une
simple exostose que sa surface est plus irrégulière. Tel est
le cas que nous présente le crâne d'une femelle d'Abyssinie (1)
figurant dans les Collections d'Anatomie comparée du Mu-
séum sous le n° A. 10752 et que nous avons déjà eu à citer.
A ce point de vue, un passage graduel peut être admis
entre certaines exostoses, puis la corne relativement imparfaite
et d'apparition relativement tardive qu'est la pyramide, et
enfin les cornes principales.
Jugeant les choses de cetle manière, il semblerait que les
ébauches si vagues de cornes supplémentaires que peuvent
présenter les Girafes de l'Est ou du Sud soient des formations
restées extrêmement primitives, plutôt que des restes atrophiés
de cornes plus parfaites au sujet desquelles on est immédia-
tement amené à penser aux Sivatherinae. L'on toucherait ainst
(4) Au sujet de cette provenance, voyez la note de la page 53.
180 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
à une solution purement anatomique de la question posée par
M. Old, Tnomas à la fin du Mémoire dans lequel il faisait
connaitre la Girafe à cinq cornes du Mont Elgon (1), question
à laquelle ce distingué naturaliste répondait en tendant plutôt
à admettre l'hypothèse de la dégénérescence, basée essentiel-
lement sur des considérations éthologiques.
Quoi qu'il en soit, siune véritable assimilation est impossible
entre les ossicônes épiphysaires des Girafes et leurs exostoses
craniennes, il n'est pas moins vrai qu'il semble y avoir
relation entre eux, et la facilité de prolifération osseuse con-
servée par ces Ruminants de caractères si particuliers semble
pouvoir être rapprochée, en tenant compte des différenciations
réalisées avec le temps, de ce que nous savons du mode de for-
mation originel des cornes (2). A ce point de vue, les Velléri-
cornes, et plus particulièrement même les Girafes, comparés
aux Ruminants d'un type plus nettement fixé, comme le sont
les Cervicornes et surtout les Cavicornes, présentent un carac-
tère non point régressif, mais primitif, de telle sorte que la
Girafe apparaîtrait, plutôt que comme un « Cerf modifié »,
suivant la comparaison d’Owen (3), comme un Cerf resté pri-
milif, cela n'empêche d’ailleurs pas de la considérer, avec l’en-
semble des caractères qu’elle présente actuellement et dont
certains étaient déjà réalisés au Miocène, comme « une forme
excessive terminant une lignée » (4). Le sens « excessif » de
l'évolution a porté spécialement, ici, sur la région cervicale,
et a respecté, relativement au moins, les appendices cépha-
liques, qui subissaient ailleurs les deux adaptations diver-
gentes d’après lesquelles on distingue les Cavicornes des Cadu-
cicornes ou Cervicornes. Le mélange de particularités anato-
miques rappelant à la fois ceux-ci et ceux-là semble accen-
tuer encore la persistance des caractères primitifs chez les
Girafes.
(4) Oldfied Tomas. On the Five-horned Giraffe obtained sir Harry JouNsrox
near Mount Elgon. Proceedings of the... Zoological Society of London. 1901,
vol. Il, p. 483.
(2) Voy. ci-dessus, p. 19.
(3) Richard Owex. Noteson the... Anatomy of Nubian Girafe, Transactions of
the Zoological Society of London, vol. Il, 1841, p. 242.
A
(4) Max Weger. Die Säugetiere. léna, 1904, p. 682.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 181
Nous avons tenu à étudier la structure des néoformations
qui viennent de provoquer ces quelques remarques. On trou-
vera, dans la première partie de nos recherches (1), des détails
sur lastructure des cornes principales ; ces détails s'appliquent
exactement aux formations dont nous parlons et nous pouvons
dire qu'il v a, dans les deux cas, identité de texture; celle-ci
présente les caractères usuels, banals, du Lissu osseux
compact et l'absence de différenciation axiale achève de rendre
les vraies cornes des Girafes semblables, au point de vue
histologique, aux simples exostoses craniennes que portent ces
dernières. Dans l’un et l’autre cas, les parties terminales pré-
sentent le plus souvent une tendance des lamelles osseuses à un
alignement parallèle à la surface, ou, tout au moins, parallèle
à sa direction générale, car la périphérie elle-même est souvent
découpée, d'apparence spongieuse : c'est même là ce qui à
lieu le plus souvent à l'extrémité des cornes principales (PI. V,
her etill: VE fig. 2):
Il nous à paru intéressant de rechercher, en dehors des
Girafes, les équivalents pathogéniques de ces néoformations
que l’on peut, dans le cas qui nous occupe, considérer comme
normales et même, en partie au moins, comme normalement
caractéristiques de certaines Girafes. Cette considération n’est
d’ailleurs pas faite pour étonner, un grand nombre de néo-
plasmes osseux ne constituant pas des tumeurs proprement
dites, mais n'étant que le résultat d'une croissance anormale
ou d'une inflammation de tissus hyperplasiés (2) et l’ostéo-
genèse elle-même pouvant être considérée comme le type phy-
siologique des hétéroplasies (3).
Nous avons vu, en recherchant ces équivalences, s'affirmer
une fois de plus les relations existant entre l’histologie
comparée et l'histologie pathologique, car d'étroites affinités
s'établissent, de la manière la plus nette, entre les exostoses
craniennes des Girafes et les ostéomes éburnés ; les cornes
principales même ne restent pas étrangères à ces affinités.
(1) P. 56 et suiv. |
2 Ziecrer. Anatomie pathologique. Édition de Bruxelles. T. 1, 1892. Anatomie
pathologique générale et pathologenèse, p. 322.
(3) CorniL et Raxvier. Histologie pathologique 3° éd., t. L. Paris, 1901, p. 25.
182 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
L'identité n’est d’ailleurs pas absolue entre ces néoplasmes
osseux des Girafes et les ostéomes éburnés tels que les a
définis Vircnow. Les lamelles concentriques parallèles à la
surface n'ont point ici une disposition aussi rigoureuse et
il ya simplement, comme nous venons de le voir, tendance
au parallélisme dans la région périphérique (PI. V, fig. 5, et
PL: MI, fig. 1 et 2). D'autre part, la présence de vaisseaux
PI. VI, fig. 1 et 2) peut être considérée comme éloignant ces
productions des ostéomes éburnés proprement dits pour les
rapprocher des ostéomes compacts. Nous n’entrerons pas dans
les discussions que pourraient provoquer ces différences et
signalerons simplement ces affinités anatomo-pathologiques
des formations dont nous venons d'entretenir le Lecteur.
Rappelons que chez l'Homme les ostéomes éburnés du crâne
sont fréquents et fréquemment multiples (1); c’est même à sa
surface interne qu'ils ont été découverts par VircHow. En
poursuivant les comparaisons auxquelles nous entrainaient
nos recherches, nous avons trouvé dans les sinus frontaux d’un
Bœuf un néoplasme osseux qui peut être considéré comme un
ostéome éburné et rappelle en certains points, d’une manière
frappante, les exostoses craniennes des Girafes. La comparaison
des figures 5 et 6 de la planche V permettra de juger la ressem-
blance dont nous parlons.
La taille des éléments est, en général, plus petite sur l’os-
téome du Bœuf (PI. V, fig. 6), leur agencement y est aussi plus
fin, d'où les différences qui surgissent à première vue entre
cet ostéome et les coupes de cornes et d’'exostoses de Girafe,
des Planches V (fig. 5) et VI (fig. 1 et 2). Mais si l’on tient
compte de l'ordonnancement général et des conditions dans
lesquelles peut s'établir une telle comparaison, des relations
n'en paraîitront pas moins exister entre ces deux sortes de
formations si éloignées en apparence.
Nous venons de dire (p. 181) qu’un grand nombre de
néoplasmes osseux ne peuvent être considérés comme des
tumeurs proprement dites : ceux dont nous venons de parler
sont de ce nombre. Si, au contraire, nous étendons les précé-
(1) Z1rGLer. Anatomie pathologique. Edition de Bruxelles. T. 1, 1892. Anatomie
pathologique générale et pathologenèse, p. 321.
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 183
dentes comparaisons à des formations d’un caractère nette-
ment pathogène, nous ne retrouverons plus les mêmes affi-
nités. Bornons-nous à mentionner, parmi les matériaux sur
lesquels a porté cette partie de nos recherches, les cals
osseux apparaissant à la suite de fractures, comme celui que
nous représentons sur la PI. VI, fig. 4, et qui provient d’un
tibia humain, ou certaines exostoses, comme celle qui est
représentée sur la même Planche, fig. 3. Cette dernière
provient d'un crâne de Gorille figurant dans les Collections
d'Anatomie comparée du Muséum sous le n° 1908-13; ce
crâne porte, ant à droite qu'à gauche, une énorme exostose
du jugal (1), irrégulièrement arrondie, à surface spongieuse et
dont la coupe, éburnée en apparence, est en réalité lacunaire
comme le montre la figure 3 de la Planche VI. Cette structure
est assez voisine de celle du cal du tibia dont une coupe
partielle est représentée, sous le même grossissement, par la
figure 4 de la même Planche.
Nous ne nous étendrons ni sur l’une ni sur l’autre de ces
tumeurs osseuses, que nous représentons loutes deux en raison
d’une certaine ressemblance de structure existant entre l’une
et l’autre, et uniquement pour montrer, par des exemples,
à quel point cette structure est différente de celle des néo-
formations auxquelles nous comparons les exostoses — et
mème l'axe osseux des cornes — des Girafes.
La différence atteindrait enfin un degré encore beaucoup
plus élevé si nous étendions nos comparaisons aux ostéomes
hétéroplastiques.
Indépendamment de leur intérèt histologique, ces compa-
raisons et rapprochements montrent de la manière la plus
évidente que les injures extérieures ne sont pas rigoureuse-
ment nécessaires à l'apparition de néoplasmes comme ceux
que présente le crâne des Girafes, puisqu'il peut en exister
de très voisins dans les sinus craniens des Ruminants
et que leur type même, celui des ostéomes éburnés, a été
élabli au sujet de tumeurs de la surface interne du crâne de
4) Ces deux néoformations sont symétriques, au moins comme emplace-
ment; celle de droite atteint environ 0,14 dans sa plus grande dimension, et
celle de gauche 0,11.
184 MAURICE DE ROTHSCHILD ET HENRI NEUVILLE
l'Homme. Les phénomènes qui se traduisent ainsi, et les dispo-
sitions anatomiques qu'ils engendrent, méritent d’être pris en
sérieuse considération, non seulement quant à l'histoire. de la
formation-des appendices céphaliques des Velléricornes, mais
quant à celle des appendices, beaucoup plus hautement diffé-
renciés, que présentent les Caducicornes et les Cavicornes.
Les actions extérieures qui ont fini par provoquer de telles
différenciations ont dà s'exercer, primitivement, sur un milieu,
c'est-à-dire sur des tissus, doués d’une faculté de réaction par-
üculièrement favorable. Le cràne des Girafes actuelles semble
avoir conservé des traces importantes de ces conditions primi-
üives, et si l'expérimentation se montre impuissante à reproduire
exactement celles-ci, c’est faute de ce milieu favorable que les
Girafes contribuent à nous faire connaître, et faute aussi de
pouvoir réaliser des actions extérieures identiques à celles qui
interviennent naturellement.
À leur état le plus simple — mais nous ne voulons pas
dire à l’état primitif — réalisé sur les sujets de l'Ouest et du
Nord de l'Afrique, les néoformations craniennes des Girafes
se réduisent à des sortes d'ostéophytes nombreux et diffus,
représentant une hyperostose généralisée (fig. 10). Sur les
sujets du Sud, et déjà sur ceux de la sous-espèce dite de
l'Elgon et du Baringo, cette tendance à la généralisation est
peut-être moins évidente ; par contre, les ostéophytes, plus
grossiers, y sont aussi plus individualisés, souvent même assez
bien délimités, et affectent surtout certaines régions du crâne,
comme la crète occipito-pariétale et la partie frontale de
l'orbite.
Malgré leur variabilité, ces faits, observés dans leur
ensemble, trahissent deux tendances très nettes : 1° la ten-
dance à l'hyperostose diffuse, avec différenciation de trois
ossicônes distincts, qui est celle des formes du Nord; 2° la
tendance à la formation d’exostoses grossières, affectant surtout
la bosse fronto-nasale, dépourvue d’épiphyse, puis la partie
orbitaire du frontal et la crête occipito-pariétale, et coexistant
avec deux ossicônes seulement, qui est celle des formes du
Sud. À ce point de vue, comme à celui des données numé-
riques ci-dessus établies (voy. pp. 153 et 155-156), la sépara-
RECHERCHES SUR LES GIRAFES 185
tion s'accentue entre Les formes septentrionales et les formes
méridionales plutôt qu'entre telle ou telle espèce ou sous-
espèce. Les Girafes de l’Est-Africain proprement dit (ia
G. reticulata restant plutôt septentrionale) représentent à ce
même point de vue, encore plus peut-être qu'aux autres, des
termes de passage entre ces deux formes.
En synthétisant les données ainsi établies, il semble permis
de voir dans la tendance présentée par le crâne des Girafes
du Sud et de l'Est un caractère primitif, trahi par l’imper-
fection des ébauches à la formation desquelles elle aboutit en
dehors des deux cornes principales, tandis que les Girafes du
Nord, avec leurs trois ossicônes d’un développement si net et
leurs exostoses réduites à des ostéophvtes diffus, paraissent
représenter un type de tendances plus spécialisées, d’une
évolution plus avancée, plus fixée, à ce point de vue au moins,
que celui du Sud.
C’est sur celte considération, nous ramenant à notre
sujet après une incursion dans un domaine plus général,
que nous terminerons l'exposé de nos recherches actuelles sur
l’'Okapi et les Girafes de l'Est-Africain.
LÉGENDE DES PLANCHES
PLaxcHE Î (frontispice). — Girafe réticulée, photographiée dans la steppe
Barta (voy. carte, p. 15).
PLaxcHE Il. — 1, Giraffa camelopardalis rothschildi Lydekker, S âgé; sujet
auquel se rapportent les figures 40, 45, 49 et 51 À, et 1, 2, 3, 4 de la
Planche IV ; se reporter aussi aux figures photographiques 31 et 32, pp. 106-
107. — 2, Giraffa reticulata de Winton, © adulte jeune; sujet auquel se
rapportent les figures 3, 4, 5,6, 7, 8, 9, 26, 28, 30 et 1,2, 3,4 de la Planche III.
PrancHE TL — 1, 2, 3, 4, dentition (molaires el prémolaires) de Giraffa reti-
culata de Winton, © (1, 4 : côté gauche; 2, 3 : côté droit) ; 5, 6, 7, 8, id. Q
(5, 8 : côté droit ; 6, 7 : côté gauche). — Env. 3/4 gr. nat.
PLaxcuE IV. — 1,2, 3, 4 dentition (molaires et prémolaires) de Girajfu came-
lopardalis rothschildi Lydekker, © âgé (1, 4 : côté gauche ; 2, 3 : côté droit);
5, 6, 7,8,id. © âgée (5, 8 : côté droit; 6,7 : côté gauche), — Env. 3/4 gr. nat,
Prancue V, — 1,2, 3, 4, dentition (molaires et prémolaires) de Güraffa came-
lopardalis rothschildi Lydekker, © jeune (1, 4: côté gauche ; 2, 3 : côté
droit) ; env. 3/4 gr. nat. — 5, coupe transversale d’une corne de Girafe du
Cap, X 15. — 6, coupe d’une exostose (ostéome éburné) du sinus frontal
d'un Bœuf, X 15. Remarquer, sur cette dernière, la tendance que présentent
les lamelles osseuses, périphériques à un alignement parallèle à la surface;
comparer celte disposition à celle que présente la figure 5 et qui est encore
plus accentuée.
Praxcue VI. — 1, coupe longitudinale d'une exostose frontale, à la base de
l'une des cornes principales, d’une Girafe du Cap, X 15.— 2, coupe longitudi-
nale de l'extrémité d’une corne principale de Girafe du Cap, < 15.— 3, coupe
d'une exostose malaire d'un Gorille (Collections d'Anatomie comparée du
Muséum de Paris, n° 1908-13), X 15.—%, coupe transversale d’un cal de tibia
humain, X 15. Comparer entre elles ces deux dernières coupes, et remarquer
les différences qu'elles présentent avec les autres ; remarquer, par contre,
les quelques points de ressemblance existant entre les n°5 1 et 2 de la
ro
Planche VIetles n° 5 et 6 de la précédente.
NOUVELLES ÉTUDES
SUR LE
PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER
Par le D: C. VIGUIER
PROFESSEUR DE ZOOLOGIE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE L'UNIVERSITÉ D'ALGER,
DIRECTEUR DE LA STATION ZOOLOGIQUE,.
Je Développement entièrement pélagique d’une Annélide littorale
ou benthonique, appartenant à la famille des Hésioniens. — Impor-
tance théorique de cette larve nouvelle.
II. — Larves progénétiques d’un Spionide.
III. — Diagnoses : a, d’un genre nouveau de Pyllodocien pélagique ;
— b, d’un genre nouveau d’Aphroditien pélagique : — avec discus-
sion des Aphroditiens pélagiques signalés jusqu’à ce jour.
Planches VII à IX.
J'ai dû, depuis plus de cinq ans, renoncer à toute étude né-
cessitant une observation quelque peu prolongée d'animaux
marins maintenus autant que possible dans leurs conditions
normales.
Lorsque, après un intermède utilitaire, ou prétendu tel, dont
je comprenais le but et prévoyais le résultat, je voulus reprendre
mes recherches sur les Variations de la Parthénogénèse, les
conditions étaient déjà tellement changées que les faits signalés
dans mes notes et mémoires de 1900 à 1904 étaient et seront,
pour assez longtemps sans doute, invérifiables à Alger.
Il est fort heureux qu'après les avoir vivement discutés, on
ait fini par les accepter, et même par les revoir ailleurs; car
l'accroissement continu du trafie de notre port a rendu néces-
saire la reprise de travaux interrompus depuis des années.
Non seulement il en a été exécuté dans l’ancien bassin ; mais
188 C. VIGUIER
on à construit un nouveau port, supprimant ainsi une des
régions les plus intéressantes pour le zoologiste ; et, tandis que
les montagnes fournissaient les gros matériaux, les dragues à
succion ravageaient la plage sur presque toute l'étendue de
notre baie. La côte rocheuse de l’ouest, elle non plus, n’a guère
été épargnée. Un travail d’une utilité contestable l’a stérilisée
pour un temps, comme les travaux du port celle de l’est, dans
les limites de nos parcours habituels (1). Et, pour comble, depuis
trois ans, on a installé à moins de 100 mètres de Ia Station,
et en amont dans le sens des courants ordinaires, une décharge
publique qui trouble et empoisonne l’eau en dehors de la jetée,
à l'endroit où était installée d'abord notre principale prise
d'eau, plusieurs fois volée et que je ne pouvais plus rétablir ;
mais où il nous était encore souvent possible de puiser de l'eau
relativement propre. M4Ac Bripe (2), à parfaitement raison de
dire que, pour les cultures prolongées, l’eau recueillie trop
près de terre « is perfectly useless ». I'ajoute : « In Plymouth,
water must be brought from outside the breakrater ». C'est ce
que Je ne manquais pas de faire avant l'établissement de cette
décharge. Mais, depuis, on serait obligé d’aller la puiser
beaucoup plus au large, avec le bateau, — et le temps ou les
nécessités du service ne permettent pas de le faire régu-
lièrement.
Les pierrailles des jetées, qui étaient autrefois couvertes de
végétation et peuplées d'animaux, sont maintenant toutes
neuves (3), et l’eau du port est battue sans cesse par les hélices
des gros navires, qui soulèvent la vase du fond.
(4) Le laboratoire maritime de Plymouth eut aussi, paraïit-il, à souffrir, peu
après son installation, de circonstances analogues.
(2) Notes on the rearing of Echinoid Larvæ, Journal of the Marine Biological
Association, etc.; New Series, vol. VI, p. 95 ; Plymouth, 1900.
(3) W. GC. Mac-Ixrosn (1890), en citant longuement mon travail (4883) sur
les Annélides à gestation, ajoute en note, page 151 : « It is interesting to find
that this observer obtained his specimens by following a very old plan at
St Andrews, viz., by removing portions of rock, stones, .or calcareous algæ at
low water, and placing them in vessels of sea water, vhere the minute anne-
lids by and by leave the sheller of zoophyts, sea-weeds, or crevices, and
appear at the water-line of the vessel. »
Il n'était pas besoin de connaître les usages de Saint-Andrews pour décou-
vrir les avantages de ce mode de récolte, devenu maintenant impossible dans
le port d'Alger. Et, sur notre côte ouest, les roches étant schisteuses, les frag-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 189
Sur la côte d'Algérie, et particulièrement devant le départe-
ment d'Alger, comme il m'a fallu lapprendre à qui Paurait dû
savoir, la mer devient très profonde en dehors des indentations
du rivage (1).
Devant la baie d'Alger, la ligne de 100 brasses suit immé-
diatement celle de 100 mètres, qui passe elle-même fort près
des caps, surtout à l'ouest; et, à 8 kilomètres de cette ligne, au
droit du milieu de la baie, les cartes indiquent 2300 mètres,
— profondeur qui augmente encore en s’éloignant vers
le nord.
L'espace accessible aux engins trainants est donc très limité.
Aussi notre baie est-elle infatigablement parcourue par les
chalutiers à voile et plus encore par ceux à vapeur dont le
nombre s'accroit sensiblement. [ls sont, suivant les saisons,
aidés ou remplacés dans leur œuvre destructrice par les tarta-
nelles et les lampares.
Les dragues et chaluts de La Station, qui sont bien peu de
chose auprès de tous ces engins, ne travaillent plus que dans
des fonds bouleversés; et, pour des années sans doute, le zoo-
logiste n'a guère à espérer ici quelque chose d’intéressant que
de la pèche pélagique, dont les aléas sont encore bien plus
grands que ne le seraient normalement ceux de la pêche de
fond.
Ces conditions fâcheuses sont encore aggravées par le faible
tonnage et la faible vitesse de notre pelit côtre et l'insuffisance
de son équipage, qui ne nous permettent pas de profiter de tous
les moments favorables.
Pourtant, — c’est un sentiment bien naturel, — on voudrait
revoir ce qui vous à intéressé. On retourne obstinément dans
les mêmes parages: el, pendant des années, on espère en vain
pouvoir ajouter quelque chose à ses premières observations.
C'est au mois d'avril 1907 que j'ai recueilli les deux exem-
plaires de la larve d'Hésionien qui ont fait l'objet de ma note
ments que l’on peut recueillir près de la ligne d’eau se montrent tout à fait
stériles.
(4) D' C. Vieuier, Sur les conditions de la pêche en Algérie (Bull. de l'ensei-
gnement professionnel et technique des pêches maritimes, 1905, et, à part ; Librai-
rie maritime et coloniale, Challamel, éditeur, 1906, 90 p. in-8o, et 5 cartes.
190 C. VIGUIER
(4907) (1). Ainsi que dans bien d’autres cas, je n'ai rien gagné
à attendre ; et Je me décide à publier, en mème temps que ces
observations déjà anciennes, celles, également incomplètes,
que j'ai pu faire cette année sur une larve de Spionide (1910),
intéressante à tout autre titre, qui mériterait aussi une étude
plus approfondie, mais que je serai peut-être des années sans
revoir (2).
\ 1
J'ajouterai à ces deux études les diagnoses de deux genres
nouveaux, — uniquement pour prendre date; et en réservant
pour une future publication les observations faites et les docu-
ments recueillis, au cours de mes recherches, sur d’autres ani-
maux pélagiques.
I
DÉVELOPPEMENT ENTIÈREMENT PÉLAGIQUE D'UNE ANNÉLIDE LITTORALE
OU BENTHONIQUE, APPARTENANT A LA FAMILLE DES HÉSIONIENS. —
IMPORTANCE THÉORIQUE DE CETTE LARVE NOUVELLE.
Ainsi que je le disais dans la note précitée, c'est le 27 avril
1907 que J'ai recueilli les deux seuls exemplaires que j'aie vus
de cette larve curieuse.
Nous promenions alors, par 200 mètres de fond, l'échelle de
(1) Ces chiffres renvoient à l'index bibliographique.
(2) KLeiNeN8EerG (1881), après s'être occupé plusieurs années du développe-
ment des Polychètes, entre autres des Hésioniens et des Spionides, disait :
« Pour aucune espèce les séries ne sont complètes ; car les matériaux em-
bryologiques sont plus difficiles à recueillir pour les Polychètes que pour les
autres groupes de Métazoaires; ce qui explique l’état d'imperfection de nos
connaissances sur le sujet.
« I n’est certainement pas difficile d'obtenir la série de quelques espèces. ;
mais, par malheur, les œufs et les embryons de celles-là se montrent très
défavorables à l'étude organogénique. Quelques autres passent en captivité
les premières phases. puis s'arrêtent obstinément, et ne se rencontrent pas
non plus en liberté. Il en est pour lesquelles on n’a que les stades finaux.
Pour la plupart enfin, on n'a ni le commencement ni la fin; et l’on se trouve
réduit à des phases intermédiaires.
« Finalement », ajoute-t-il, « je ne parlerai que de Ta transformation d'une
seule larve, jusqu'ici inconnue, celle des Lopadorhynchus. »
à Cette note précédait le travail considérable (1886) qu'il a consacré à ces Phyl-
lodociens, et, dans une certaine mesure, elle aide à comprendre l’état d'esprit
qui amena l’auteur à donner, à leur développement très spécial, une impor-
tance générale tout à fait injustifiée,
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 191
mes filets à grand rendement (4906), en marchant doucement
contre le courant qui, par temps calme, longe notre littoral de
l'ouest à l'est.
C'est dans celui des filets qui se trouvait environ à 60 mètres
de profondeur que se sont pris les deux sujets qui attirèrent
immédiatement mon attention. Mais 1l est évident qu'une pa-
reille indication n'a pas, pour des larves d'animaux errants,
mais qui doivent sans aucun doute habiter le fond, l'importance
qu'elle aurait pour des êtres réellement pélagiques, tels que la
plupart des Annélides dont il est question dans mon mémoire
de 1886, et qui pouvaient venir de l'Atlantique, où plusieurs
avaient été vues auparavant par GREErr (1879), et presque
toutes ont été signalées plus tard par les naturalistes de la
Plankton-Expedition : Reisiscx (4895), Arsreix (1900).
J'entends cependant par là que ce sont, non les animaux
caplurés eux-mêmes, dont la vie est sans doute fort limitée,
mais leurs ascendants, qui, entraînés par le courant, avaient
franchi le détroit de Gibraltar : et l'on pouvait s'attendre à Les
voir signaler ensuite à Naples, où presque tous ont été retrou-
vés. (S. Lo Braxco : 1899, 1902, 1904 et 1909.)
Ce qui me frappa tout d'abord, ce fut l'aspect tout à fait in-
solite qui se trouve exactement représenté sur les figures 1, 2 et
3 de la planche VIT
On y voit un corps d’Annélide, arrivé à son presque entier
développement, avec ses rames bien formées, ne présentant
aucune adaptalion à la vie pélagique, et pendant, absolument
inertes, tandis que ce corps est remorqué, comme celui d'une
larve de Polygordius, par l'appareil, à la fois flotteur et nageur,
formé par la têle et les quatre premiers segments soudés.
Ne faisant pas entrer en ligne de compte le Lopadorhynchus,
Hæcxer écrivait, (1897, p. 108) : « Die Polygordiuslarve
ist die einsige Polychätenlarve, welche nur mit Hilfe des in er-
cessirer Weise ausgebildeten prumitiven Schivimimorgans, also
ohne Uebergang in ein sekundäres Nectosoma oder Nectocheæta
stadium, ein länger andauerndes pelagisches Leben fülirt, und
whärend dessen eine grosse Anzahl von Segmenten (bis zu 30 an-
zulegen im Stande ist. » Les Hésioniens adultes sont, pour la plu-
part des animaux courts : Bexram (1904, p. 308) indique les
192 C. VIGUIER
chiffres 16 à 50 segments, suivant le genre. Mac Ixrosx
(4908, p. 115) écrit que, dans sa dernière publication sur les
Hésioniens, GruBE (1879) dit que les segments, souvent au
nombre de 22, peuvent s'élever à 81. Je n'ai pu voir ce travail
de Grube; mais je remarque dans son mémoire si connu
(4851, p. 303) que le savant de Dorpat, ayant eu l’idée, plutôt
malheureuse, de réunir les familles des Pyllodociens(comprenant
encore celle des Alciopiens) et des Hésioniens, les divisait im-
médiatement en deux groupes : « In diese Familie stelle 1ch
2 Reihen von Gattungen : die eine mit blattartigen Cirren und
schlankem Kôrper :.…. die andere mit fadenfôürmigen Cirren und
kürzerem dickeren Kôrper : Hesione, Psamathe, und Castalia. »
En réalité, la plupart des Hésioniens sont très courts; et nos
larves, avant déjà 16 segments, sans compter naturellement la
tête et le pygidium, ni, non plus, ce que j'appelle la zone d’ac-
croissement (4902, p. 299) et Maraquix (4890) le zoonite forma-
teur, qui simule, en effet, un segment de plus, sont probable-
ment arrivées à leur presque entier développement.
J'avais, pour mieux attirer l'attention, intitulé ma note (4907)
« Persistance de la Trochophore chez un Hésionien » ; et j'écrivais :
« C'est une Trochophore régulière, el proportionnée aux
anneaux qui la suivent, qui est la têle d’une Annélide... etc. »
Quoique inexacte, cette expression m'avaitsemblé plus saisis-
sante, et, après tout, plus Juste que « persistance du Protroque » :
el, après la discussion à laquelle je me suis livré dans mon
mémoire de 4902 (p. 297-9) sur la signification de la Trocho-
phore, j'avais pensé qu’elle ne pouvait donner lieu à aucune
équivoque; tout en permettant d'abréger le texte d’une de ces
courtes notes, si souvent encore raccourcies par les nécessités
de la publication. Mais je préfère maintenant emplover le terme
appareil larvaire, qui indique non seulement le grand dévelop-
pement de la région du protroque, mais celui du stomodeum.
Dans le mémoire que je viens de citer (1897), Hxcxker a,
pour éviter les répétitions et les longueurs, proposé de préci-
ser et de compléter la terminologie alors usitée pour les larves
pélagiques de Polychètes. Je résume les pages 75 et 76 de ce
travail :
Pour les larves très jeunes, sans bouche ni anus, avec une zone
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 193
« préorale » large de cils courts, stade qui parfois remplace et
parfois précède le suivant, on emploiera le nom de Protrocho-
phore.
On désignera toujours sous le nom de Trochophore le stade
larvaire dans lequel le mouvement de translation en avant
(Forthbewegung) est déterminé par une puissante couronne an-
térieure de cils vibratiles, soit uniquement : Trochophore mono-
troque, soit avec l’aide d’un dispositif analogue situé à
l'autre pôle de la larve : Trochophore télotroque. Le stade
Trochophore est en outre caractérisé par ce fait que l’on
n'y reconnait aucune trace de métamérie, externe où in-
terne.
Dès qu'il apparait des traces de segmentation, on désignera
la larve sous le nom de Métatrochophore ; et il peut arriver que
l'on ait à distinguer une première et une deuxième Métatro-
chophore: la première où, seules, les limites des segments sont
apparentes; tandis que, dans la deuxième, 1l y a des appendices
non encore fonctionnels. D'après la terminologie employée
dans un précédent mémoire (1894) il appelle celle-ci Stade de
transition (Uebergangsstadium).
Les larves de Phyllodociens, Aphroditiens, Néréidiens et
quelques Euniciens, peuvent continuer à mener la vie pélagique
après régression partielle ou totale de l'appareil ciliaire. Elles
possèdent alors un nombre déterminé, et dans la plupart des
cas très réduit, de segments primaires, qui se sont développés
presque simultanément pendant le stade précédent, et dont le
nombre n’augmente généralement pas durant cette nouvelle
période. Elles nagent alors à l’aide de rames munies de soies
puissantes ; tandis que l'appareil ciliaire disparaît, ou ne joue
plus qu'un rôle subordonné.
Hæcker donne à cestade le nom de Nectochæta (Nectochæta-
stadium), du nom du genre crée par MARENZELLER (1892) pour
le Polynoïdien pélagique dont j'aurai à parler dans là troi-
sième partie de ce travail.
Si toutefois l'animal, au lieu de progresser exclusivement par
le mouvement de ses rames, nage surtout par des mouvements
ondulatoires de son corps, HæcKer pensait qu'il y aurait lieu
d'employer le terme Nectosoma, qui a été, depuis, adopté par
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. 1914, x, 13
194 C. VIGUIER
GRAvELY (1909), comme nous le verrons dans la deuxième-
partie de ce mémoire.
Quant à la désignation des diverses parties du corps, il accepte:
le terme Osnbrelle (Umbrella) employé par KLeINENBERG (1886)
pour la partie de la tête située en avant de l'appareil ciliaire
préoral, lorsque celui-ci est en forme de cloche natatoire
(Schwimmglocke); et, à tous les stades, 1l adopte, pour désigner
ce qui est en arrière de lacouronne préorale, les termes Arrière-
corps (Hinterleib), ou Corps du ver (Wurmkürper) ; l'expression
Sous-Ombrelle (Sub-Umbrella), employée par Kleinenberg, lui
paraissant prêter à l’équivoque : {« da mir der Kleinenberg’-
sche Ausdrück « Subumbrella » doch nicht ganz unzweideutig
.zu sein scheint »).
Kleinenberg songeait évidemment toujours à sa Méduse
-prétendue ancestrale. Mais l'expression Ombrelle, qu'accepte
Hæcker, ne me parait pas plus justifiée que celle de Sous-
Omurelle.
Chez aucune larve d’Annélide il ne peut être question d’une
véritable cloche natatoire. Alors même que la partie antérieure:
du Ver est renflée en sphéroïde et sert au transport, plutôt pas-
.sif qu'actif, de la larve, comme on le voit chez les Polygordius
(les Lopadorhynchus sont encore bien plus modifiés), elle serait
plutôt comparable, fonctionnellement du moins, malgré son
appareil ciliaire, au pneumalocyste des Siphonophores qu'à
leurs cloches natatoires.
Chez notre larve d'Hésionien, elle joue certainement ce rôle;
bien que la puissance locomotrice de ses cils vibratiles soit
aussi grande que chez les deux types précédents, et que sa con-
tractilité soit tout autre.
Cependant, l'appareil larvaire étant divisé par le protroque
en 2 parties presque égales, d’ont l’une, l’'Ombrelle de Klei-
nenberg et de Hæcker, ne comprend qu'une partie de la tête, et
l'autre, Sous-Omibrelle de Kleinenberg, fait partie de l'Hinter-
leib de Hæcker, mais est loin de le comprendre tout entier, pas
plus chez les Polygordius que chez l'Hésionien (Kleinenberg ne
voyait que ses Lopadorhynchus), 11 peut être commode, pour
employer des termes sans signification trop précise, de dési-
gner sous le nom d’hémisphère supérieur et d'hémisphère infé-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 195
rieur les deux moitiés de lappareil larvaire; bien que, chez
l'Hésionien, leur forme soit plutôt conique sur le vivant, du
moins à l’état d'expansion.
Je viens de dire que lhémisphère supérieur ne comprend
qu'une partie de la tête. L'inférieur est formé, sur notre larve,
par la partie postérieure de la tête et les quatre premiers
segments du corps; mais il ne faudrait pas généraliser; car,
Justement chez les Hésioniens, le nombre des segments con-
fondus est fort variable.
Pour l'appareil cilié préoral, Hæcker accepte le terme Pro-
troque, employé par Kleinenberg et généralement usité. Il lui
semble par contre moins approprié (zweckmässig) de se servir
du terme Paratroque, aussi bien pour la ceinture ciliaire péri-
anale que pour celles des segments intermédiaires. Car il arrive
souvent que cette couronne périanale présente une bien plus
grande ressemblance avec le protroque que celles, la plupart
du temps réduites, des segments moyens. Considérant cepen-
dant l'expression comme consacrée, 1l propose du moins de
distinguer (sauf chez les larves télotroques, où l’on peut se con-
tenter du mot Paratroque), entre le Paratroque terminal (End-
paratroch) et les Paratroques intermédiaires (Zwischenpara-
trochen). Chez les larves mésotroques, on désignera l'appareil
ciliaire sous le nom de Mésotroque; tandis que tout cercle
ciliaire situé en avant du protroque devra porter le nom d’A cro-
troque.
Il dit enfin que l’on doit désigner sous le nom d’/ntertro-
quau.r les segments situés entre le protroque et le paratroque
terminal. Il devrait dire, plus exactement, entre celui qui porte
le protroque et celui qui porte le paratroque terminal; car il
est évident qu'une partie de la tête est en arrière du pro-
troque, comme une partie du pygidium en avant du cercle
périanal.
Je n’ai exposé en détail cette nomenclature que parce que
GRAVELY l’a adoptée; el que j'aurai à m'en servir à propos du
Spionide.
Revenant à ce qui nous intéresse pour le moment, nous
voyons que, pour Hæcker, notre larve d’'Hésionien, si elle
196 C. VIGUIER
n'avait déjà de beaucoup dépassé le stade qu’il appelle ainsi,
serait une Métatrochophore du deuxième stade, ou stade de
passage (Uebergangsstadium) car, non seulement la segmenta-
tion est survenue, mais il y a des parapodes comme organes
de locomotion.
Ce n’est cependant point une Nectochæla puisque, si déve-
loppées que soient les rames, elles ne sont nullement fonction-
nelles; c’est tout au plus si l’animal les remue un peu
lorsqu'il touche le fond de la cuvette où il nage activement.
Ce n’est pas davantage une Nectosomu, puisque ce ne sont
point les mouvements du corps qui déterminent la natation.
En fait, elle échappe complètement à cette classification.
Les nouveaux segments semblent s’être produits chez elle de
la façon la plus régulière, au niveau de la zone d’accroissement
mentionnée plus haut. Rien n'indique que les segments se
soient formés par groupes successifs. Il n’v à plus de couronnes
ciliaires, même sur le pygidium. Aussi bien suffit-1l de regarder
la figure 1 pour comprendre de quel faible secours serait un
paratroque porté par ce pygidium, quand la larve est entrai-
née par le protroque, énormément développé.
Ilest évident que Hæcker ne pouvait prévoir ce cas singulier.
En se reportant à la page 117 de son mémoire on verra qu'en
1897 on ne connaissait absolument rien du développement des
Hésioniens. « Allerdings istuns von der Entwicklung der Hesio-
niden noch gar richts bekannt..»; et les bibliographies que j'ai
consultées jusqu'à ce Jour ne m'ont rien indiqué de plus; puis-
que les analyses de ma note (1907) n'étaient accompagnées
d'aucune réflexion.
Mais il serait, je pense, fort aventuré d’attribuer à {ous les
Hésioniens le mode si particulier que nous constatons ici.
Autant vaudrait généraliser à tous les Phyllodociens celui des
Lopadorhynchus ! EL nous savons par Reisisca (1895) que la
phase trochophore est presque sûrement tout à fait supprimée
chez les Pelagobia.
Il est du reste fort heureux que les larves capturées fussent
parvenues à un état qui ne laisse aucun doute sur la famille à
laquelle elles appartiennent; bien qu'il ne permette pas d’en
déterminer l'espèce, n1 même le genre. Il aurait été probable-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 197
ment, sur des larves trop Jeunes, bien difficile de savoir à quoi
l’on avait affaire.
Entrainées par les mouvements de leur appareil ciliaire,
elles sont presque impossibles à immobiliser sans les détruire ;
et Je regrette de n'avoir pu noter exactement la répartition du
pigment, orangé el blanc pur, qui les rend presques opaques,
tant qu'elles n'ont pas passé par les réactifs éclaircissants. Mais
j'étais, avant tout, préoccupé d'obtenir, comme documents
incontestables, des clichés photographiques de cette forme si
curieuse ; et, malheureusement, l'humidité, en gonflant les
lames de nos châssis à rideau, nous privait de notre grand
appareil photographique.
Regrettant beaucoup de ne pas avoir au moins un troisième
sujet à fixer, si possible après narcotisation, sans le compri-
mer aucunement, le meilleur parti à prendre me parut être de
placer ceux que J'avais dans deux de mes compresseurs (1884).
Mais je dus, par crainte d'accident, cesser le serrage sans avoir
pu les arrêter suffisamment pour en faire des instantanés ; et
Je les fixai, dans les instruments mêmes, avec la mixture picro-
sublimé-acétique, pour les photographier immédiatement
après.
C'est ainsi que furent obtenus les deux clichés (fig. 18
et 19 de Ia PI. VIT), qui ne donnent guère que des silhouettes.
Par un heureux hazard, la brusque contraction produite par
le réactif eut des effets différents. Sur le sujet A (fig. 18), non
seulement l'excès de pression intérieure à épanoui presque
entièrement l'extrémité antérieure ; mais le lobe apical, au lieu
d'être en expansion régulière, comme sur le vivant et les
figures 1 à 3 de la planche VIT, se trouve lui-même étalé et
aplati, exposant ainsi les veux et les fossettes ciliées (olfac-
üves) ; mais l'animal est, dans son ensemble, complètement
déformé.
Sur le sujet B (fig. 19), la contraction brusque détermina,
comme on le voit, une rupture au niveau de l'anus. Il n’y eut
donc pas excès de pression intérieure comme chez A; et, par
suite, la contraction de l'extrémité antérieure put se faire très
régulièrement, — sauf que le lobe apical est rétracté.
C'est ce sujet B qui se retrouve sur la figure 20 de la
198 C. VIGUIER
planche VII, et qui a fourni les coupes figures 21 et 22 de
la planche IX.
Obligé de réserver une des deux larves pour l'examen des
rames et des acicules de la région antérieure, ce qui néces-
sitait, vu l’opacité des tissus et la petitesse de ces acicules, une
compression extrême; désireux, en outre, de conserver un
témoin, bien que déformé et comprimé à l'excès, je ne puis
naturellement donner une description qui approche, même de
loin, de celles que l’on a des larves de Polygordius, étudiées
par tant de naturalistes, non plus que du monument élevé
par Kleinenberg (4886) aux Lopadorhynchus, dont il eut, en
quantité considérable, des œufs et des larves, à tous les stades,
jusqu’à l’état adulte.
Pour les coupes, ilne pouvait naturellement être question
que du sujet le plus régulièrement contracté; et, l’état de la
pièce ne permettant pas de songer à des études histologiques,
j'ai, intentionnellement, laissé un peu épaisse la coupe figure 21,
passant par le rudiment d’une antenne inférieure, — la question
des appendices inférieurs de la tête étant discutée plus loin.
Le sujet avait été fixé dans le compresseur, comme Je le
disais plus haut. Mais, en desserrant l'instrument pour mieux
laisser pénétrer le réactif, alors que le durcissement n’était
pas encore complet, l'élasticité à fait reprendre à la région
antérieure une forme un peu bombhée : ce qui a déterminé
la rupture de la plupart des adhérences de l'intestin. Ce n'est
que grâce à l'épaisseur de la coupe que l’on voit, surtout en
avant, des restes de ces adhérences, ainsi que l'extrémité
aveugle de l'intestin. Mais, sur la figure 22, J'ai donné une
partie d'une coupe plus mince, pour mieux montrer la diffé-
rence d'aspect du stomodéum et de l'intestin.
Ce n'est qu'après leur mort que j'ai pu mesurer les deux
sujets, qui étaient tout à fait semblables durant leur vie, el
devaient avoir environ 3 millimètres 1/2 de long, 2 de large
au niveau du protroque, et { dans la région moyenne du corps.
Une faute d'impression s’est glissée dans ma note (1907).
J'indiquais (en chiffres, comme les dimensions précédentes)
13 segments normaux entre le segment complexe et le pygi-
dium. On a imprimé (et en lettres) quinze au lieu de treize. Le
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 199
13° (ou 17°, en tenant compte du segment complexe) est en
réalité la zone d’accroissement, et dépourvu de tout appen-
dice.
Les figures { à 3 de la planche VIT ont été établies d'après des
croquis pris sur le vivant, complétés, pour la figure 1, par les
détails relevés sur les préparations.
Les figures 4 à 8 ont été relevées à la chambre claire, à
la lumière réfléchie, à 200 et 300 diamètres, et réduites photo-
graphiquement; les soies et acicules, figures 9 à 12, relevées
de même, mais par transparence, à 600 et 1200 diamètres,
puis réduites.
J'ai préféré donner, sans la retoucher, non plus que les
photographies figures 18 et 19, les photographies figures 20,
21xet:22,.
L'extrémité antérieure du corps semble formée, sur les
figures 18 et 19, de deux hémisphères un peu aplalis, réunis au
niveau du protroque; mais, sur le vivant, elle ne présente
Jamais cette apparence. Ce sont plutôt deux troncs de cône, très
surbaissés, qui sont ainsi réunis ; et, du reste, toute la région
du protroque est extrêmement extensible et contractile.
Ainsi que je le disais dans ma note, que je le rappelais plus
haut, et qu'on le voit sur les figures 1 à 3, ce dispositif larvaire
n'est point seulement un appareil de transport passif, comme
chez les Polygordius et les Lopadorhynchus. Les divers états de
contraction de la région du protroque sont aussi variés que ceux
du voile d'une larve de Mollusque, quoique, bien entendu, la
rétraction ne puisse être aussi grande. Elle peut se relever en
collerette autour de l'hémisphère supérieur (fig. 3j, ou se rabat-
tre autour de l'hémisphère inférieur (fig. 2). Quand elle n'est
pas complètement étalée, elle montre, dans sa partie dorsale
seulement, des plis symétriques par rapport au plan sagittal :
et, sur les préparations, on la trouve repliée ainsi avec la plus
grande régularité.
Au sommet de l'hémisphère supérieur s'épanouit, lorsque
l'animal est à l’état d'expansion complète, un lobe apical ou
lobe sensoriel, essentiellement formé par les ganglions sus-
«æsophagiens.
Il porte en avant deux très petits yeux, où s’apercoit un cris-
200 C. VIGUIER
tallin minuscule ; et, en arrière, deux yeux, beaucoup plus gros,
et dont le cristallin est invisible de dessus. Ces yeux ne sont
pas tout à fait à la surface, comme on peut aussi le constater
sur les coupes, qui montrent leur cristallin sphérique presque
entièrement entouré d'un pigment noir.
Ce lobe apical se rétracte à la moindre excitation, et souvent
sans cause apparente. Ilest, par suite, invisible sur les figures 19
et 20; ce qui se comprend en regardant la figure 21. Il doit
sans doute, au moment du passage à l’état adulte, se fixer dans
cette position, les yeux devant être finalement en arrière des
antennes.
A la limite du lobe rétractile et de Ja portion non rétractile
de l'hémisphère supérieur, celle-ci porte en effet les rudiments
de cinq antennes, qui sont à peine ébauchées. Elles sont sans
doute arrêtées dans leur développement parce qu'elles gêne-
raient les mouvements des cils du protroque, et que, du reste,
leur rôle est temporairement joué par les cirres tentaculaires,
qui ont pu se développer sans présenter le même inconvénient.
L’antenne impaire peut être, sur le vivant, encore plus
rétractée que les latéro-supérieures ; quoique le lobe apical soit
partiellement épanoui (voy. fig. 2). Elle est toujours peu appa-
rente ; et ses dimensions sont un peu exagérées sur les dessins ;
mais elle à été vérifiée avec soin, à la lumière réfléchie,
à 870 diamètres, se voit sur le cliché primitif qui à donné la
figure 19, ainsi que sur d’autres qui n'ont pasété utilisés, et s’est
aussi retrouvée sur les coupes.
Les antennes inférieures sont les plus petites de toutes, et les
plus près du plan sagittal. Sur les figures 5 et6, la forte disten-
sion de l’extrémité antérieure à beaucoup changé les rapports.
On voit mieux les positions réelles sur la figure 8, et sur la coupe
de la planche IX, fig. 21 : à, 2.
Entre les antennes supérieures et les inférieures, les figures 5
et 6 montrent des fossettes, entr'ouvertes sur ce sujet par la
distension dont nous avons parlé. Elles étaient refermées sur
l'autre ; maisles coupes les montrent profondes, ettapissées d'un
épithélium beaucoup moins haut que les grosses cellules ciliées
limitant le bord de la fente. Il en part une crête ciliée, d'abord
peu saillante, qui contourne l’antenne supéro-latérale, déerit
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 201
un arc du côté dorsal, et revient sur la face ventrale où elle
est presque parallèle au protroque. Cette crête est fort nette sur
la photographie silhouette (fig. 19). Elle est moins saillante vers
le milieu de la face ventrale.
L'ensemble des fossettes ciliées et de la crête qui les réunit
constitue sans doute un appareil olfactif. En tous cas, la crète
ciliée, ne formant point un cercle complet en avant du protroque,
n'est pas un Acrotroque, dans le sens où l'entend Hæcker. Aussi
bien ne saurait-elle être considérée comme un appareil loco-
moteur.
Il n'existe pas de cercle cilié postoral.
Les rudiments de 5 appendices étant ainsi présents à
l'extrémité antérieure de la tête, fort loin en avant de la bouche,
notre Hésionien aurait été rangé par Enrers (4864) dans la
seconde section de son premier groupe, caractérisé par un lobe
céphalique avec des antennes seulement, et dont la première
section comprend les animaux à #4 antennes : Aesione
(Sav.), Pisione (Gr.) ; la deuxième les animaux à 5 antennes :
Orseis (EhL.), Podarke (Ehl.), et Orydromus (Gr.).
Le second groupe : lobe céphalique avec des antennes et des
palpes, comprend : a) formes avec 3 antennes, et des palpes
bi-articulées : Ophiodromus (Sars), et Castalia (Sax.) ; b) formes
avec 2 antennes et des palpes tri-articulés : le genre
Peribæa (Ehl.).
Mais E. PERRIER (1897, p. 1626) range les genres Orses,
Podarke et Oxrydromus dans son premier groupe d'Hésioniens,
caractérisé par la présence de 3 antennes et de 2 palpes,
où 1l place également l'Ophiodromus, du second groupe d'Eblers.
Tandis que l'Ophiodromus est donc considéré par ces deux
auteurs comme ayant des palpes, de même que la Peribæa et la
Castalin, ce qu'Ehlers regarde comme des antennes inférieures
chez l'Orseis, la Podarke et l'Oxydromus, est regardé comme
des palpes, par Perrier, dans ces mêmes genres.
De même, et plus récemment, nous voyons Jonxsox (1901)
donner de sa Podarke pugeltensis, la diagnose suivante : « Pros-
tomium (— tête) twice as broad aslong, three lobed in front, the
lobes bearing the tentacle (— antenne médiane) and dorsal pair
of antennæ. No palpi, antennæ 4, the ventlral pair consi-
202 C. VIGUIER
derably stouter than the dorsal, and provided with à thick basal
segment. » Et Graver (1909), identifiant avec cette Podarke un
animal provenant du Pérou, et dont il à vu deux exemplaires,
considère comme des palpes ceque Johnson appelle des antennes
inférieures.
Gru8E (1885, p. 98), donne du genre Orydromus la diagnose :
« Tentaculis frontalibus 5 » ; et la figure 1 de sa planche IV
donne bien cette impression.
Pour Mac Ixrosn (4908), la diagnose générale des Hésioniens
(p.114) est : « Head with... two or three tentacles (— antennes)
and generally two biarticulate palpi. » I dit même, dans la
diagnose de son second groupe : 2 ou 3 palpes (subten-
lacles), ce qui ne peut être dù qu’à une faute d'impression, ou à
une négligence comme celle qui lui fait dire dans la diagnose du
genre Ophiodromus (p. 116) : « 6 long, non articulate cirri,
on each side »; et dans celle de lOphiodromus flexuosus
(p. #17) : « The firstfour segments bear long tentacular cirri. »
Enfin Bexnam (1901, p. 308), écrit : « The prostomium
carries two or three tentacles (= antennes), and generally à pair
of jointed palps. »
D'où vient cette différence d'interprétation ?
Pour EuLers, la différence entre les palpes et les antennes ne
semble pas de bien grande importance : « Entweder sind
pämlich alle Anhänge gleichmässig geformt, ungegliederte,
oder nur mit einen kurzen Wurzelglied entspringende, oft
fadenfürmige Fortsätze, für welche der Name Fühler anwendbar
ist; oder zwei dieser Anhänge, welche von der Unterseite des
Kopflappen entspringen, weichen in ihrer Form von den übrigen
dadurch ab, dass sie dicker unt deutlich gegliedert sind, und
heissen Palpen ».
Ce qui le détermine, c'est, on le voit, une simple différence
de forme. Encore nous dit-il que l'Orseis à 3 antennes de même
grosseur, partant du bord de la tête, et un peu plus courtes que
les 2 qui partent de la face ventrale. Elles sont, sur sa figure 1,
planche VIF, toutes semblables, fusiformes, etsans segmentbasi-
laire. Pour ses Podarke, qui ont toutes l'antenne médiane plus
courte que les autres (on sait qu'elle manque chez plusieurs
Hésioniens), l'une a des articles basilaires aux antennes infé-
LL
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 203
rieures seulement. une autre à celles-ci et à l'antenne médiane,
les supérieures latérales en étant dépourvues, et la troisième a
des articles basilaires à toutes les cinq. Ce n’est que sur une
d'elles : P. agilis (que Marion et BogreTzkY (4873) et, après eux,
Perrier ont séparée des autres) que les antennes inférieures, bien
qu'ayant la même forme que les supéro-latérales, semblent un
peu plus épaisses. Encore est-il assez difficile d'en juger, car elles
sont engagées sous ces dernières ; et du reste la différence de
taille et de forme ne gène nullement Jouxsox, dont on vient de
lire la diagnose.
EuLers note, nous venons aussi de le voir, que les palpes nais-
sent «von der Unterseite der Kopflappen ». Cela ne me paraît point
une précision suffisante ; et, dans mon mémoire de 4886 (p. 369
et suiv.) je donnais comme caractère distinctif de ces appendices
qu'ils partent des coins de la bouche, dans les cas à considérer
comme primitifs ; et peuvent subir soit des coalescences, soit
des déplacements apparents, soit des réductions allant jusqu'à
l'atrophie.
Avec LaxG (1894, p. 189 du traité paru cependant huit ans
plus tard), il est impossible de se faire la moindre idée de la
question : « Der Kopf der Polvchæten ist durch besondere
Anhänge charakterisirt, von denen die vorderen als Fühler, die
hinteren als Fühlercirren bezeichnet werden, » Des cirres tenta-
culaires sur la tête !!
E. Perrier, dans son traité de Zoologie, dit, page 1542
« On distingue parmi les appendices portés par le protoméride
(il appelle ainsi la tête) : les antennes, insérées sur le bord anté-
rieur ou sur la face dorsale du segment, et les palpes, insérés
sur sa face inférieure, de chaque côté de la bouche. » Il ajoute avec
raison qu’ «entre ces deux modes d'insertion la distinction est
parfois difficile » ; et, de fait, la distinction entre des antennes
inferieures et des palpes ne se peut faire avec certitude que
lorsqu'ils coexistent, comme chez les Alciopiens, où lorsqu'on
peut suivre dans un groupe la série de leurs modifications,
comme Je l'ai fait pour les Phyllodociens pélagiques, page 370
du mémoire cité plus haut.
Quant aux différences de taille, et même de forme, elles n'ont
qu'une importance secondaire. Les palpes peuvent ressembler
204 C. VIGUIER
aux antennes ; et, chez la Pontodora, ils leur sont tellement
semblables qu'on les appellerait certainement antennes infé-
rieures, si l’on n'avait pas reconnu leur insertion. Chez la Pela-
gobia, 1 est fort possible que les antennes inférieures soient en
réalité des palpes, laissés en avant par le recul de la bouche. On
devrait même les interpréter ainsi, si ReiBiscn (4895) qui a vu,
chez les très jeunes sujets, la bouche s'ouvrir à leur niveau
(pl. IE, fig 7), avait expressément noté, entre elles et la bouche,
une relation semblable à celle que J'ai montrée chez la Ponto-
dora (1886, pl. XXII, fig 14). Cela entraînerait alors à interpréter
de même celles des Maupasia, Haliplanes et Lopadorhynchus,
où la bouche à rétrogradé. [Voir aussi ma note sur Le Recul de
la bouche chez les Chétopodes (1905)|. Je répéterai ici, car elle
ne me parait pas avoir suffisamment alliré l'attention, la note
de la page 351 de ce mémoire.
« Du groupe des Hésioniens à palpes de EnLERS, Je n'ai vu que
la Magalia (Mar. et Bobr.), car c’est bien là que l’auraient ran-
gée ces auteurs ; et, mon attention n'étant pas encore fixée sur
ce point, je n'ai point exactement vérifié l'insertion de ces
appendices, qui doivent sans doute être homologues à ceux de
la Pontodora et de la Lacydonia. H ne faudrait point, en tous
cas, se laisser guider par la forme de ces appendices ; car alors
toutes les antennes seraient des palpes chez la Phyllodoce cor-
niculala de CLApaRkDE (1868, pl. XVII, fig. 1). Il est facile de
comprendre comment un appendice antenniforme ordinaire
peut arriver à se différencier jusqu'à former le palpe si singu-
lier d’un Lycoridien. J'ai vu tout récemment, chez une Odon-
Losyllis gibba, l'extrémité non seulement des antennes, mais de
tous les cirres, rentrer par double invagination (la pointe res-
tant libre) dans la partie large de l'appendice, à la manière d'un
tube de lunette dans le suivant. Mais, dans ce cas, les mouve-
ments d’invagination et d’exsertion se faisaient incessamment
et avec une grande rapidité ; au lieu que, chez les Néréides,
l’appendice estfixé dans la position invaginée. »
Le palpe si curieux des Néréides nous montre un cas
extrême: d'ordinaire les différences sont moindres, et parfois,
nous l'avons vu, insignifiantes. Et comme, chez les Hésioniens,
les formes jeunes ne sont connues jusqu'ici que par la larve que
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 205
je décris en ce moment, tous les appendices céphaliques, quels
que soient leur nombre et leur forme (que les rudiments actuels
ne permettent pas de prévoir), doivent être, je pense, considérés,
Jusqu'à plus ample informé, comme des antennes. Cependant,
puisque nous avons incontestablement cinq antennes et deux
palpes chez divers Alciopiens, je ne vois pas pourquoi il ne
pourrait y avoir, chez les Hésioniens, tantôt absence d'antennes
inférieures, tantôt absence de palpes.
C'est EnLers qui aurait ainsi raison contre tous ses succes-
seurs : à moins d'admettre la seule autre alternative, c'est-à-
dire l'absence complète de palpes chez les Hésioniens.
Je regrette de n'avoir pas vérifié, la seule fois que je l'aurais
pu, l'insertion des appendices dénommés palpes chez la Wagalia ;
car la figure 16 «, planche VI du mémoire de Marion et BoBreTzkY
ne permet pas de se faire une opinion formelle. Cependant, la
trompe commençant à s'évaginer, les soi-disant palpes sont au-
dessus de la trompe (et leur insertion masquée par elle) au lieu
d’être en dessous ou sur les côtés, comme on le verrait chez un
Alciopien. Ces deux auteurs ne donnent malheureusement pas
de figure de la face inférieure de leur Gyptis. La planche citée
plus haut de EnLers ne donne que des vues dorsales. Il estimpos-
sible, d’après lesfigures 3 et 3 à de la planche XIV des Annélides
du Règne Animal (Hesione splendida, Sax., d’après les planches
d'Annélides de l'Egypte) de se faire la moindre idée de la dis-
position des appendices. Il semble n°y avoir que des cirres tenta-
culaires. Sur la figure 4 de la mème planche (Æesione pantherina
de Risso), la tête est tracée, se projetant sur la trompe évaginée ;
mais elle ne semble avoir que deux très petites antennes laté-
rales. Les belles publicatious de CLAPARÈDE ne fournissent non
plus aucun document sur la question ; et pour la Podarke puget-
tensis, dont Jonxsox ne publie qu'une vue dorsale, GRrAvIER
donne bien une vue ventrale, mais la bouche s'y présente comme
un vaste entonnoir, sur le bord antérieur duquel sont les
prétendus palpes (1).
(1) Je viens de faire, ces jours derniers, une observation qui me paraît tran-
cher la question. J'ai vu, en effet, sur une Magalia perarmata (Mar. et Bobr.),
dont la trompe était complètement rétractée, que les palpes partent réelle-
ment des coins de la bouche.
Comme il est invraisemblable que les antennes inférieures (dont nous
206 C. VIGUIER
En tous cas, sur notre larve, iln’existe pas trace d’'appendices
sur les côtés de la bouche; quoique ceux du corps soient bien
formés, et ceux de la tête ébauchés. C'est pour le bien montrer
que je donne (fig. 21) une coupe un peu épaisse, qui ne permet
pas d’en douter.
Cette larve appartient donc, incontestablement, à un type qui
a des antennes inférieures, quelle que doive être leur forme
future, et pas de palpes.
Depuis mon travail de 1902, où je confirmais les idées expo-
sées dans mon mémoire de 1886 et déjà indiquées dans celui
de 4884, Maraquix à démontré (1904), avec figure à l'appui,
que les premiers des soi-disant cirres tentaculaires des Tomopteris
sont en réalité les rames sétigères céphaliques, dont les cirres
dorsaux viennent ensuite se souder ensemble, en avant de la
tête, pour former son curieux appendice bifurqué ; et que, chez
les formes très jeunes, les deuxièmes cirres de l'adulte, qui
sont les rames sétigères du premier segment post-céphalique,
ont exactement [a même forme, presque la même taille, et
portent de petits cirres dorsaux qui disparaissent plus tard.
APsTEIN (1900, p. 39), cité pour cela dans mon travail ci-
dessus, avait déjà vu, après CarPeNTER et CLAPARÈDE (1860),
dont je ne cite que d’après lui le mémoire que je n'ai pu
consulter, que les prétendus cirres tentaculaires de la deuxième
paire sont d’abord des parapodes biramés, dont une branche
se développe beaucoup, tandis que l’autre s’atrophie. Il trouvait
voyons sur notre larve les rudiments, semblables à ceux des antennes supé-
rieures, mais encore plus petits, et fort éloignés de la bouche) puissent finir
par contracter avec celle-ci des rapports aussi directs que ceux que montre la
Magalia, ou que des palpes apparaissent plus tard, après la formation de la
trompe, en relation avec les coins de la bouche définitive (qui doit occuper la
place de la bouche actuelle), tandis que s’atrophieraient les antennes infé-
rieures, on doit admettre, suivant moi, que, chez les Hésioniens, où la tête
n’est jamais modifiée, comme chez certains Syllidiens (C. VicuiEr 1884), par
une coalescence plus ou moins complète des palpes, ces appendices peuvent
ne pas se développer lorsqu'il y a des antennes inférieures, et réciproquement.
Quant à l'antenne médiane, on a vu qu'elle peut être ou non présente ; et
cela se constate chez bien des Annélides appartenant à des familles très
diverses.
Le nombre total de cinq antennes et deux palpes, bien connu chez les
Alciopiens, ne l’étant pas encore chez les Hésioniens, personne autre que
Eucers n'avait donné jusqu'ici une désignation correcte des appendices de la
tête.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 207
cela fort extraordinaire; mais l'explication définitive lui
manquait : « Das Auffallendeste ist dass das zweite Fühlercir-
renpaar anfangs zweiästig ist, wie ein Parapod; der eine Ast
trägt die für das zweite Cirrenpaar charakterislisch lange
Borste »; et Meyer (1894) arrivait aussi à conclure que cette
seconde paire de cirres tentaculaires était « ein über den Mund
nach vorn hinaus vorgeschobenes Rumpfparapodium ». Par sa
dernière observation, MaLaQUIX (en rectifiant mon opinion sur
les premiers cirres, que Je considérais (loc. cit. p. 415)
comme les appendices du premier segment post-céphalique, et
sur les deuxièmes que j'attribuais au deuxième segment, achève
la démonstration que j'avais donnée, dans les publications
ci-dessus, sur la valeur morphologique de la tête des Annélides,
qui est originairement simple, et correspond rigoureusement
à l’un des segments quise forment en arrière d'elle.
Vu sa situation, la tête devait perdre de très bonne
heure ses soies, où ne pas les développer du tout, dès qu'il ÿ en
avait de suffisantes sur les segments suivants, dont les premiers
les perdent souvent à leur tour, même chez les Errantes, tout
en restant distincts, ou en se soudant entre eux ou avec la tête,
en nombre variable.
Je ne m'attarderai donc plus àcette question ; mais je rappel-
Jerai que (C. Vicuier 1902, p. 300), discutant avec Racovirza
(1896) quiinvoquait en faveur de l'opinion contraire la présence
dans la tête de trois régions sensitives, je disais : « Plusieurs
organes sensoriels peuvent se développer sur un seul et même
anneau, et causer le développement de centres nerveux corréla-
üfs. La grande variabilité du nombre des yeux et des appendices
aurait pu susciter quelque doute dans son esprit. »
Je ne vois non plus aucune raison de considérer une antenne
impaire comme résultant de la fusion de deux antennes latérales :
aucune raison de considérer le nombre trois comme le nombre
primitif des antennes; pas plus que de regarder le nombre
cinq comme indiquant un dédoublement des antennes latérales.
ou la présence de quatre palpes comme résultant du dédou-
blement de deux.
Ce dernier cas nous serait montré par la Diopatra neapolitana
qui, pourvue aussi de cinq antennes, se trouve avoir neuf
208 C. VIGUIER
appendices sur la tête (1), alors que d’autres Euniciens : Lumbri-
conereis, etc., en sont totalement dépourvus : ce qui, en adop-
tant les idées que j'ai toujours combattues, aboutirait à la
conclusion que, dans une même famille, la têle peut corres-
pondre de un à cinq segments du corps !
Ainsi que je le rappelais plus haut, les Hésioniens sont, pour
la plupart, des animaux courts ; et, suivant toute vraisemblance,
nos sujets devaient être tout près de leur transformation
définitive.
Il serait bien étrange, en effet, que, comme le Spionide dont
ilest question dans la seconde partie de ce travail, 1ls devinssent
sexués tout en demeurant pélagiques ; car on aurait peine à
s'expliquer la forme de leurs rames.
Et comme il est probable que les dimensions relatives des
cirres ne diffèrent pas sensiblemeut, chez l'adulte, de ce que
nous les voyons ici, ces appendices valent la peine d’être décrits
en détail, car ils permettront sans doute un jour d'identifier
cette larve.
Le nombre des segments primitifs qui prennent part à la
formation du premier segment post-céphalique apparent,
ordinairement complexe chez les Hésioniens, est, on le sait, fort
variable, et ne se reconnaît qu'aux cirres qu'il porte. Celui-ci
peut cependant n'être formé que par le premier segment réel
(Orseis) ; mais alors le cirre dorsal du deuxième s’allonge assez
pour former un appendice sensoriel dirigé en avant, comme ceux
du premier (EuLers, fig. 1, planche VIT). I y en a ici le nombre
le plus élevé qui ait été signalé chez ces animaux : quatre. Ki,
tous leurs cirres subsistant, cela en fait huit paires de chaque
côté.
Si les parapodes des segments confondus ont entièrement
avorté, il persiste des acicules, fort petits du reste, dans les
(1) Les appendices de cette Annélide ont été interprétés de cette manière,
que j'ai notée à cause de sa singularité; mais je regrette de n'avoir pu retrou-
ver la fiche bibliographique. Eurers (1864), dit au contraire p. 287 : « Die
Fübhlercirren sind fünf lange, schlanke, und zwei stummelfürmig. » Il ne
considère comme palpes que les gros appendices ventraux (Stummelfühler) :
ce qui me semble vrai, les deux antennes différentes des autres étant tout à
fait dorsales (pl. XII, fig. 7 et 8). Cela ne change rien du reste aux conclu-
sions de l’alinéa ci-dessus.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 209
tubercules d'insertion des cirres dorsaux, et aussi du premier
ventral.
Ce premier cirre ventral est articulé, comme le sont les
cirres dorsaux, tandis que tous les autres cirres ventraux sont
simples.
Ils ont tous la forme lancéole, ou subulée, suivant les divers
états de contraction. Leur taille décroiît du deuxième au
quatrième; puis, sur les segments libres, elle se maintient à
peu près constante, diminuant ensuite vers l'extrémité
postérieure. |
La taille des cirres dorsaux est très diverse. Pour le segment
complexe, ils se classent ainsi, par ordre de grandeur :
Deuxième, huit articles ; premier, six; quatrième, cinq; et
troisième, Six.
vour les segments libres, le plus grand cirre dorsal (six
articles) est porté par le premier (premier segment sétigère,
cinquième réel, ou deuxième apparent). Ces appendices, comme
ceux du deuxième, se terminent par deux articles rétréeis à leur
insertion, en forme de raquette ; tandis que la forme de tous
les autres est régulière.
Les segments suivants, six el sept. ont des cirres courts,
monoarliculés : le septième de un tiers plus long que le sixième.
Le huitième est triarticulé. Le neuvième est comme le sixième.
Le dixième n’a aussi qu'un seul article de la taille du septième,
Les onzième et douxième, également monoarticulés, sont de
la taille du sixième. Le treizième est biarticulé. Le quatorzième,
relativement long, est monoarticulé. Puis la taille se réduit
pour les quinzième et seizième, également simples. I n'y à
aucun appendice sur la zone d’accroissement, qui figure un
dix-septième segment. Le pygidium, globuleux, à des cirres tri-
articulés, sur des tubercules d'insertion assez saillants.
Le premier cirre ventral montre, nous l'avons dit, un petit
acicule mince, que nous prendrons comme unité dans la mesure
des autres. Les trois cirres suivants en sont dépourvus, puis com-
mencent les parapodes sétigères ; et les acicules ventraux pré-
sentent naturellement alors des dimensions tout autres. In°y en
a qu'un par rame. Leur forme est rectilligne, ou plutôt conique.
Ils sont de la teinte noire signalée dans les diagnoses d'Hésio-
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9e série. 1911, xim 14
210 C. VIGUIER
niens : du moins ceux des neuf premières rames, car ceux situés
plus en arrière sont clairs. Les autres sont d’un noir intense,
striés à la surface, et les coupes montrent qu'ils sont creux, et
fendus, le long d’une génératrice du cône, sur une grande
pare de leur longueur (fig. 15, pl. VIT. Leur pigmentation
diminue d'intensité vers la base ; et leur pointe, mousse, est
tout à fait claire. Sur les préparations, elle dépasse un peu
l'extrémité du parapode (fig. 1%).
Leurs dimensions, relativement au petit acicule du premier
cirre ventral, sont : 10 pour celui de la première rame ; 8 pour
la deuxième; 10 pour la troisième; 15 pour la quatrième,
celle du cirre triarticulé; 11 pour la cinquième; 9 pour la
sixième; 7 pour la septième; 8 pour la huitième; 6 pour
la neuvième, celle du cirre biarticulé ; 2,3 pour la dixième ;
1,8 pour la onzième. Celui de la douzième (seizième segment)
est à peine visible ; et le dix-septième segment apparent, qui est
la zone d’accroissement, est complètement achète.
Les soies, toutes composées, ont la hampe striée en travers,
vers son extrémité, et, en outre, obliquement, sur la pointe
qui la prolonge. La serpe est à serrature très fine, et terminée
par une petite pointe droite, et une longue recourbée. L'aspect
général est donné par la figure 9, et le détail de la serrature par
la figure 10. Ces figures ont été établies d’après des dessins
relevés à la chambre claire, à 1200 diamètres, réduits ensuite
300 et 600.
La dimension des rames grandit, du premier segment
libre au quatrième, tant pour la hampe des soies que pour
leur serpe, et, nous l'avons vu, pour lacicule. Tout cela
diminue ensuite, et assez brusquement, pour les trois dernières
rames.
La rame supérieure, réduite chez les Hésioniens, mais qui se
voit encore bien chez la Gyplis prominqua de Marion et
BosretzkY (1875, planche V, fig. 15 D), que l’on range mainte-
dans le genre Oxydromus de GRuBE, et aussi chez les Ophiodro-
mus (Sars) = Stephania (Clap.), où ses soies sont non seulement
simples mais capillaires, n’a plus que quelques soies capillaires
chez la Podarke albocinta de Enzrers (fig. 5, pl. VII.
Jonxsox (4904, pl. II, fig. 2%) en montre deux chez sa
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 241
Podarke pugettensis, où GRAVIER, qui les à retrouvées mais
n’en indique pas le nombre, les montre divisées en deux pointes
fines (4909, pl. XVI, fig. 5), tandis que Jonxson les donne
comme simples. Il n°v a plus qu'un petit acicule, à la base du
cirre dorsal, et une grosse soë aciculaire courbe faisant saillie
hors du pied, chez la Psammathe cirrata de KerrsTEIN (1868,
pl. IX, fig. 32-36).
Sur nos sujets, on n’en trouve aucune trace. Il ne reste, pour
représenter la rame supérieure, que des acicules fort petits,
toujours solitaires, et que Je n'ai pu reconnaître qu'à la base
des cinq premiers cirres dorsaux, engagés dans les tubercules
d'insertion. Leur taille, relativement au premier acicule ventral,
est 3 pour le premier ; 4 pour le deuxième ; 2 pour le troisième ;
2 1/2 pour le quatrième; et 2 pour le cinquième (premier
segment sétigère). Ils sont tous très minces, parfois recourbés,
et de teinte brune.
Le mésoderme étant moins épais du côté dorsal que du côté
ventral, les limites des segments sont moins accentuées; et, en
l’état d'expansion complète de l’animal, les sillons interseg-
mentaires sont peu apparents de ce côté. J'ai cependant jugé
préférable de les marquer un peu plus sur la figure 1.
J'espère que ces détails, un peu minutieux, permettront un
jours d'identifier cette larve ; car 1l nous manque actuellement
pour le faire des données essentielles : 1° la forme de la tête qui,
d’après ce que montre la figure 7, est probablement trilobée
(comme chez les Podarke, dont l'éloigne l'articulation des cirres) ;
20 [a longueur relative et la forme des antennes; et 3° les
caractères de la trompe.
Du côté ventral, les sillons intersegmentaires sont fort appa-
rents sur les sujets contractés par la fixation et examinés à la
lumière réfléchie (fig. 5 et 6 de la pl. VIT). La figure 5, relevée
sur le sujet À, présente un état de contraction anormale de
l'extrémité antérieure; mais, en somme, elle est tout à fait
semblable à la figure 6, relevée sur le sujet B. Ces dessins per-
mettant de la comprendre, j'ai tenu à publier sans retouches,
et à titre purement documentaire, la photographie figure 20,
planche VIT, qui montre le même sujet, mais après éclaircisse-
212 C. VIGUIER
ment dans l'huile. Sil'état de contraction n'a pu changer, la des-
siccation a encore ratatiné la pièce ; mais, tandis que les plaques
musculaires demeuraient sombres à la lumière transmise, les
intersections conjonctives sont devenues claires, montrant ainsi
nettement, non seulement les limites des segments, mais celles
des plaques médianes et des parapodes.
Il suffit de comparer ces trois figures à la série des étals suc-
cessifs représentés sur la planche I du mémoire de KLEINEN-
BERG (1886) pour voir que le développement de l'Hésionien a
suivi une marche toute différente de celle des larves étudiées
par cel auteur. J'ai choisi sur cette planche les figures B, C et
Dpoois
Tout indique que ce développement s’est fait de la façon la
plus régulière, et qu'il n’y a pas eu ici formation isolée, suivie
plus tard de concrescence, des deux moitiés dela face ventrale.
I n’y à certainement jamais eu, comme chez les Lopadorhyn-
chus, une accumulation de réserves nutritives, semblable à
celle que l’on connaît chez les œufs à gros vitellus; et lextré-
mité antérieure a dù, dès le début, présenter un aspect analo-
gue à celui que nous voyons, au lieu d'être étranglée par le
protroque comme par une ceinture trop serrée (vor. fig. D).
On ne distingue pas de trace de eloisonnement entre la cavité
de la tête et celle des quatre premiers segments confondus.
Cela s'explique par la présence d’un stomodéum, fonction-
nant comme appareil digestif temporaire, qui a fourni, au fur
et à mesure, ce qui était nécessaire au développement régulier
des segments, à partir de la zone d’'accroissement : et cette
formation aurait sans doute continué jusqu'à l'acquisition du
nombre définitif.
Après éclaircissement dans l'huile, le mésoderme montre, sur
toute la longueur du ver, sa division ordinaire en plaques mé-
dianes et en parties latérales. Ce n’est que dans la région de
l'hémisphère inférieur que les bandelettes ventrales sont main-
tenues écartées par le développement anormal du stomodéum,
comme, chez les Lopadorhynchus, elles le sont, dans toute leur
étendue, par les réserves nutritives accumulées dans l’ento-
derme (fig. B).
Les sillons transversaux sont encore bien marqués entre les
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 214
segments 4 et 3, et 3 et 2; maisils n'arrivent pas à se rejoindre
sur la ligne médiane. Il n'y à plus de trace de sillon transversal
entre 2 et 1, ni de celui qui devrait, passant en arrière de la
bouche, marquer la séparation, sur le cèté ventral, de la tête et
du premier des segments soudés. Cependant, du côté dorsal,
on voit fort bien, sur les animaux contractés (fig. # el 7), un
pli au niveau de la limite de la tête; mais les coupes ne mon-
trent pas de cloison.
Les bandelettes ventrales divergentes sont, comme on le voit
sur la figure 5, en grande partie formées par les faisceaux qui
vont rejoindre l'anneau musculaire situé sous le protroque. Ce
renforcement de la musculature de la couronne explique com-
ment sa partie dorsale est, sur les coupes sagittales passant par
la bouche, beaucoup plus saillante que sa partie ventrale (fig. 21).
J'ai parlé plus haut du lobe apical : et les coupes que j'ai
faites, sur le sujet B seulement, ne permettant pas d’études histo-
logiques, je n'ai rien à dire de particulier sur le système ner-
veux, — sauf que la réunion des deux branches du collier est,
actuellement, à la limite du segment complexe et du premier
sétigère, et que la chaîne a des dimensions très uniformes.
La bouche, qui présente, à l’état de contraction où je lai
aperçue sur le vivant, la forme triangulaire qu'on lui voit, un
peu exagérée par la fixation, figure 8, planche VIT, comme sur
la figure D, se réduit à une simple fente après déshydra-
tation (fig. 20, pl. VIII).
Cet orifice donne immédiatement (fig. 21, pl. IX) dans un
vaste stomodéum présentant, sur l'animal fixé, des constrictions
irrégulières, vaguement parallèles à la face ventrale; la com-
pression exercée sur le sujet, pour gêner ses mouvements.
ayant aplati la sac, qui devait sans doute occuper, sur l'animal
libre, la plus grande partie de la cavité de l'appareil larvaire, —
bien que l'opacité des téguments ne m'ait pas permis de le
constater alors.
Il devait Jouer, outre celui d'appareil digestif provisoire, un
rôle hydrostatique analogue à celui de la grande dilatation an-
térieure de l'intestin que l’on voit chez les Polygordius. KE,
somme toute, ce qui caractérise essentiellement le développe-
ment de cet Hésionien, c’est l'extrême importance acquise par
214 C. VIGUIER
ce stomodéum, qui ne donnera que tardivement les deux
invaginalions dont se formera la trompe définitive ; car
on ne saurait guère douter qu'elle doive résulter, en ce cas.
également, de deux diverticules partant du stomodéum pour
aller rejoindre l'intestin, comme cela fut décrit d’abord par
KLEINENBERG (1886) (1).
La figure 1, planche I, de Hzæcxer (4898) les montre chez
une nectochæta de Polynoë, à 8 segments sétigères (« neunglie-
derig », dit l’auteur), mesurant 0"",35, et recueillie dans le
courant sud-équatorial de l'Atlantique.
Au contraire, la rectochæta de Phyllodocien. représentée:
figure 5 de la même planche, a, sans aucun doule, sa trompe
formée, et ne présente rien qui rappelle la curieuse Larve de
Gregre, dont je vais parler tout à l'heure. Elle à 12 à 13 rames,
à peine ébauchées (Hæcker la dit <etwa fünfzehn-gliederig »),
mais ne mesure encore que 1"*,2; et, quoique 6 des 8 cirres
tentaculaires que prévoit l’auteur soient déjà bien distincts.
des autres cirres, l'animal est encore loin de sa forme défini-
tive. Le protroque est bien marqué, mais nullement saillant, la
tête est dépourvue d'antennes, et le pygidium de cirres anaux.
Si l’on voit trop qu'elle n’a été étudiée qu'après une fixation
imparfaite « Ihr Erhaltungszustand ist kein besonders guter »,
il est évident que, bien que ce soit aussi une forme littorale,
(4) Hzæcker (1897, p. 116), dit à ce sujet : « KuEINENBERG war bekanntlich der-
Erste, der für zwei Phyllodocidenlarven, insbesondere für Lopadorhynchus,
die Entstehung dieses Organs aus zwei Divertikeln des Stomodäums nachge-
wiesen hat, und noch von Korscezr und HEeiner (4890) wird dieser Befund
als ein der Lopadorhynchus-Larve eigenthümliches Vorkommniss bezeichnet.
Gegen die Annahme eines isolirten Auftretens dieses Bildungsmodus sprachen
aber schon damals eine kurze Angabe KLEINEN8ERG’s über Nephthys, ferner
sein Hinweis auf eine Sazensky'sche Abbildung (1883), betreffend die Entwick-
lung der Serpulide Pileolaria, und endlich einige Abbildungen bei Crapa-
RÈDE und MerïscuniKorr (1869), welche wiederum auf Phyllodocidenlarven
Bezug hatten. Inzwischen konnte von mir (1894) auch für Polynoe derselbe-
zweischichtige Bau der Stomodäumdivertkel und ihre Betheiligung am Aufbau
des definitiven Schlundes gezeigt werden, und zur Zeit bin ich im Stande,
dieselben zweischichtigen Divertikel auch bei Neapler Nephthys und Eunici-
denlarven nachzuweisen. (Il renvoie aux figures 19 et 25 de ce mémoire.)
Endlich geht aber auch aus einer Abbildung Wirsox's deutlich hervor, dass
auch bei Nereis etwas Æhnliches auftritt: in fig. 87 seiner Nereis-Arbeit
(4892) sind an dem ventral betrachteten Embryo zu beiden Seiten des Stomo-
däums kugelfürmige Gebilde « stomodæal glands » wahrzunehmen, die mit.
den Vorkommnissen bei den oben erwähnten Formen zweifellos zusammenzus-
tellen sind ».
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 365
attribuée par Hæcker au genre Phyllodoce, son développement
n’est pas comparable à celui de notre Hésionien. Rien ne
donne à penser que, chez elle, le stomodéum ait acquis une
grande importance : rien n'indique une véritable adaptation à la
vie pélagique : et c’est probablement une larve littorale, égarée
en haute mer, puisqu'elle fut recueillie dans le même courant
que la Polynoë précédente, dans l’est de Fernando do Noronha.
Chez nos sujets, au contraire, l'adaptation est évidente.
L'intestin, développé régulièrement sur toute la longueur du
corps, se prolonge du côté dorsal du stomodéum, et se ter-
mine en cul-de-sac à peu près au niveau de la limite antérieure
du sac stomodéal. Sa lumière est bien visible sur les coupes
transversales faites dans les régions postérieure et moyenne de
la larve. Au niveau du stomodéum, il a été aplati, par la com-
pression, entre cet organe et la paroi dorsale : les brides qui le
reliaient aux parties voisines se sont rompues pendant la
décompression, comme il est dit page 198. Malgré cela, sur les
coupes sagittales, on le retrouve jusqu’un peu en dehors des
antennes inféro-internes, mais plus au niveau des fossettes
olfactives.
Si l'on se rapporte aux figures 55 et 81 du mémoire de
KLeINenBERG (1886), on verra le contraste entre le développe-
ment relatif du stomodéum et de l'intestin chez les deux types
étudiés par nous. Tandis que le stomodéum du Lopadorhynchus
est fort petit, et ne sert évidemment encore à rien, celui de
l'Hésionien est vaste, revêtu d’un épithélium formé de hautes
cellules, certainement fort actives. Il peut fournir tout ce qui est
nécessaire au développement de l'animal jusqu'à ce que sa
croissance soit presque achevée ; et rien n'indique le début de la
formation de la trompe. Par contre, l'intestin, actuellement
inutile, de l'Hésionien, contraste avec celui du Lopadorhynchus,
dont les cellules énormes contiennent les réserves nutritives
indispensables au développement.
Si l'espoir d'arriver à rendre cette étude moins imparfaite
m'en à fait différer la publication, les faits déjà acquis nous
permettent de prévoir le passage à la forme définitive.
Quoique rien n’annonce encore une dégénérescence de l'ap-
216 C. VIGUIER
pareil larvaire, il n’est pas difficile de comprendre comment
doit se faire ce passage.
Le cause déterminante doit être la formation de la trompe,
qui met l'animal à même de se nourrir autrement que par les
apports de ses courants ciliaires.
Le développement de la trompe entrainant la réduction du
stomodéum, la dilatation antérieure du corps, principalement
maintenue par lui, doit suivre les progrès de cette réduction :
et, lorsque celle-ci atteint une certaine importance, l'animal,
ne pouvant continuer une natation active, à cause de la forme
de ses rames, trop courtes pour un corps si lourd, ne peut guère
tarder à tomber au fond, et, vu le développement acquis de ce
côté par le mésoderme, sur sa face ventrale (1).
Déjà la musculature du protroque forme un anneau moins
sallant en avant de la bouche que dans la région dorsale cor-
respondante. Elle ne peut alors causer aucune gène.
Le lobe apical reste rétracté, comme il l'est si fréquemment
sur la larve, etse fixe dans cette position qui est bien celle que
nous lui connaissons chez les adultes ; etles antennes ne doivent
guère tarder à acquérir leur taille définitive.
Ces phénomènes sont probablement rapides; mais on ne sau-
rail ici parler de métamorphose. La forme définitive de l'animal
est acquise. Il est déjà tout prêt à mener la vie d’une Annélide
de fond. S'il doit y avoir histolyse des tissus devenus inutiles,
il ne semble pas que quelque chose puisse être rejeté : il est bien
plus probable que les produits de l'histolyse sont entièrement
utilisés à fournir ce qui est nécessaire aux dernières phases de
la transition, ainsi peut-être qu'au développement des gonades.
Je ne serais pas éloigné de considérer comme assez proche de
ce que nous avons ici l’évolution de la larve de Phyllodocien
décrite et figurée par GREErr (1879, pl. XV, fig. 37-39). Mais
si l'appareil larvaire à Jamais eu chez elle un développement
(1) C’est alors l’armée de terre qui entre en action tandis que l’armée navale
voit son rôle terminé. Ces curieuses expressions se trouvent dans une des
propositions formulées si dogmatiquement par WoLrereck (1904, p.320, propo-
sition 5): « Die Anneliden waren schon bei irhem ersten Auftreten amphi-
biotisch ; die Cœnoplasie war daher von vornherein im hohem Grade
vortheilhafte um für zwei verschiedene biologische Fronten ZWE1 ZELLARMEEN zu
haben, deren eine ohne Rücksicht auf die andre Front (spezifisch benthonisch
oder spezifisch pelagisch) weiter differenziert werden konnte. »
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 27
comparable à ce qu'on voit chez la nôtre, 1l est déjà, sur la
figure 37, en pleine régression.
L'auteur nous dit, page 255, que sa larve possède un bouclier
dorsal composé de deux parties qui semblent limitées par un
bourrelet, correspondant, je pense, au reste de l’anneau du pro-
troque. La partie postérieure de ce bouclier ne montre aucune
trace de segmentation, et recouvre, dorsalement et latéralement
« ähnlich dem Rüekenschild eines Flusskrebses », les premiers
segments qui sont bien distincts en-dessous. « Das vordere
(Kopfsegment) trägt die Fühler und Augen, und dann folgteine
Anzahl kurzer Segmente mit den seitlichen Wimperbüscheln
und den Cirren. Hier liegt auch der wimpernde Mund, zwis-
chen den dritten und vierten Segment... »
J'indiquerai ici que, sur mes coupes sagittales, où l'animal B
était très contracté, s'il ne pouvait (par suite même de cette
contraction intense) se former un repli dorsal analogue à celui
que signale GReerr, la partie post-orale de l'appareil larvaire
était, sur les côtés du corps, où l'écartement n’était pas main-
tenu par la présence du stomodéum, très rapprochée de la par-
tie dorsale. Les limites des segments sont peu distinctes sur ces
coupes, à cause de l'obliquité des bandelettes ventrales diver-
gentes; mais leur disposition se voit très bien sur les figures 5
et 8, planche VII, et ne sont pas discernables sur les vues
dorsales, figures 4 et 7.
Ce qui différencierait surtout la larve de Greerr, c'est que la
bouche aurait rétrogradé, tandis qu’elle a conservé sa place pri-
mitive chez l'Hésionien. Elle se trouverait ainsi, d’après le sa-
vant allemand, en arrière des cirres tentaculaires! Mais cela est
certainement une erreur ; et je renvoie aux réflexions que Je
faisais à ce sujet, page 403 de mon mémoire (4886); car la
bouche ne se déplacerait pas en arrière pour revenir ensuite en
avant; et, chez aucun Phyllodocien, elle n’occupe cette place.
Si cette larve est bien celle que j'ai revue et figurée plan-
che XX VII, figures 23-25 de ce travail, les données de GREEFF
et les miennes nous font assister à des phases de réduction de l'ap-
pareil larvaire (1). |
(1) Je suis surpris que cette larve siremarquable n'ait pas attiré l'attention de
Hæcker, quoique le mémoire de Greërr soit porté sur sa liste bibliographique.
218 C. VIGUIER
En tous cas, pour l'Hésionien, aucun doute n’est possible : la
bouche n’a pas à changer de position. Elle se trouve à sx place
définitive, presque à la limite des segments soudés, son bord
postérieur étant cependant formé par la tête.
La coalescencence de segments post-céphaliques, que l’on
voit chez tant de formes où la tête est distincte et la bouche
toujours en avant des segments soudés, ne saurait être évidem-
ment attribuée au recul de la bouche dont j'ai parlé dans
diverses publications, et en dernier lieu en 4905.
Le développement d’un appareil larvaire du type que nous
voyons ici expliquerait alors, en même temps, la coalescence
des segments post-oraux et la variabilité du nombre de ces seg-
ments, qui peut différer beaucoup chez des formes très voisines,
à raison de l'étendue acquise par l'appareil larvaire.
Je pense que cette larve d'Hésionien nous donne une indi-
cation précieuse sur les cau-
ses du développement si
particulier des Lopadorhyn-
thus d'une part, et de l’au-
tre, sur celui dela larve de
Lovén, qui n'ont évidem-
ment aucune relation di-
recte.
Si, laissant de côté pour
le moment les cas de dé-
veloppement direct qu'on
Fig. A.— Larve de Nereis limbata, à trois voit chez les Syllidiens à
segments sétigères la tête, le premier gestation, les Tomopteris, la
segment post-céphalique et le pygidium. :
Le premier segment réel n'est indiqué Pélagobie, et sans doute
ne eue leu pion d'autres encore, nous
[Gette figure, pnpetse de Hzæcxer (1897, partons de la larve de Né-
Se DEC MSN CRE % réide de Wizson (fig. A),
nous comprendrons que,
tandis que d’autres larves de Néréides sont, au même
état de développement, tout à fait incapables de nager, cel-
le-ci puisse, comme le dit l’auteur (4892), nager très active-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 219
ment; mais ilest évident que, s'il ne se produit pas d'autre
appareil natatoire, elle ne tardera pas à descendre au fond,
lorsqu'elle s’alourdira par l'apparition de nouveaux segments.
Ces appareils peuvent être, nous l'avons vu, des couronnes
ciliées situées sur des segments post-céphaliques ; mais le déve-
loppement de la région du protroque et l'augmentation de puis-
sance de cel appareil locomoteur auront une efficacité tout autre.
On ne saurait cependant considérer comme types primitifs
ni la larve de KLEINENBERG, ni celle de Lovéx.
Ilest beaucoup plus rationnel de supposer que le grand déve-
loppement de la région du protroque apparut d’abord chez une
larve régulière, où ne furent modifiés que les segments post-
céphaliques, étalés, pour ainsi dire, par la formation de l'hémis-
phère inférieur de l'appareil larvaire, et dont les rames ne purent
qu'avorter, les segments eux-mêmes demeurant confondus
quant vint à se produire la réduction de l'appareil.
Le grand développement de la région du protroque dut être
lié d’abord à sa contractilité (1). Celle-ci n’a dù se réduire que
lorsque l'appareil larvaire se trouva maintenu à l'état de tur-
gescence, soit par les réserves nutritives accumulées dans l'ento-
(4) Hxcker (1897, p. 110) écrit : « Auch bei den echt-pelagischen Larven
der erranten Formen, ist eine, wenn auch verschiedengradige Ausbildung
der Schwimmglocke Schritt für Schritt zu verfolgen. Bei den Metatrocho-
phoren der Polynoïnen, tritt namenttich, wenn der unter den Protroch befin-
dliche Muskelring stark kontrahirt ist, die blasige Auftreibung der Umbrella
in schônster weise hervor; und dasselbe gilt für Nereiden. »
I renvoie à la figure 91 de Wirson (1892) que je reproduis ici d’après la
figure A. p. 80 de Hæcker ; car, si j'ai pu voir l’ouvage de Wilson à la biblio-
thèque du Muséum de Paris, je n'avais pas alors le moyen de la photo-
graphier. La larve de Wilson (Nereis limbata) est libre, et ne montre pas
encore lesantennes frontales, qui sont déjà bien visibles (*)à l’éclosion chez la
Nereis cultrifera observée par SaLEnsky (14882, fig. 10, pl. XXIV) où la phase
pélagique est’ presque supprimée, et qui possède aussi, de chaque côté, un
seul cirre tentaculaire (il y en aura quatre chez l'adulte) plus grand que celui
dela N. limbata. Wilson nous dit que cette dernière nage très activement, en
tournoyant autour de son axe vertical, et qu’elle nage environ douze jours,
quoique beaucoup moins active à la fin. SALEXSkY nous apprend au contraire,
p. 592, que « comme les pieds sont notablement plus développés que les
couronnes ciliaires, la larve de la N. cultrifera semble plutôt faite pour ramper
que pour nager. Aussitôt éclose, elle tombe au fond du bocal, sur lequel elle se
meut à l'instar d’une Néréide adulte. Rarement elle nage, et ne recourt à ce
x Le retard de développement de l'appareil antennaire chez une larve qui nage à
l'aide de son protroque correspond exactement à ce que nous montre l'Aésionien; et
se voit aussi sur les larves du Polynoë et de Phyllodoce, citées p. 214, quoiqu’elles
soient déjà fort avancées.
220 C. VIGUIER
derme (Lopadorhynchus), soit simplement par un liquide (Poly-
gordius): que la cavité qui le renferme soit considérée comme
faisant partie du cœlome, ou comme un reste du blastocæle
(SALENSKY, WVOLTERECK).
On ne comprendrait guère, en effet, comment une contrac-
lilité comme celle que nous constatons chez l’Hésionien aurait
pu s'établir secondairement chez des larves ayant une de ces
deux formes, que l’on doit, par suite, considérer comme
dérivées, el non comme primitives.
KLEINENBERG n'a, du reste, pas converti les zoologistes à sa
théorie de l’origine médusoïde des animaux à symétrie bila-
térale (1) ; et, comme je le disais dans ma note (4907), le simple
examen des planches de son mémoire, ou seulement des figures
B, C, D, que j'ai empruntées à la première, montre que, con-
trairement à son opinion, le développement du Lopadorhynchus
ne saurait être considéré comme plus primitif que celui des
Errantes où les segments se différencient successivement en
avant du pygidium, sans que l’on soit amené logiquement à
regarder aussi le développement des [sopodes comme plus pri-
mitif que celui des Copépodes où les segments se différencient
successivement en avant du telson.
En somme, chez la larve de KLeINEeNBERG, l’évolution se fait
comme dans les œufs à grandes réserves nutritives, par for-
mation séparée, suivie de concrescence, des deux moitiés de l’em-
bryon (fig. B). Les bandelettes mésodermiques ne sont encore
réunies en aucun point sur la ligne ventrale, que leur segmen-
moyen de locomotion que pour traverser des espaces peu étendus ». Au
huitième jour du développement, le protroque est à peine visible; moins
encore à l’éclosion (neuvième jour) ; quoique, avec ses trois paires de rames,
la larve soit alors exactement au même stade que celle de Wilson.
Hæcker ajoute : « Nicht minder zeigen die Nephthys-Larven im Stadium der
Metatrochophora vorübergehend eine ausserordentliche Entwicklung des
Kopfsegmentes.. etc. »
(1) Les figures données par E. Meyer (1901), surtout les figures 40 et 44, de
sa pl. 14, montrent, chez la larve non segmentée de Lopadorhynchus, une dis-
position du système nerveux qui n’a aucun rapport avec ce qu'on voit chez
une Méduse. Ce n’est qu'un fait entre bien d'autres sur lesquels je n'ai pas à
m'arrêter ici. |
Si je ne puis adopter les idées de KLEINENBERG, je ne saurais admettre davan-
tage, cela va sans dire, la théorie bizarre de SEencwicx (4884) déduisant le sys-
tème nerveux des animaux métamérisés de l'anneau buccal des Actinies; et
je renvoie aux criliques, si justement ironiques, de KLEINEN8ERG (1886, p. 185)-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 291
talion est bien marquée, et les appendices déjà ébauchés.
Il y à un contraste frappant entre ce développement mons-
trueux et celui d'un autre Phyllodocien, la Pélagobie figurée
par Rermiscn (4895). Cet auteur n’a pas vu les Loutes premières
phases, mais suppose la
phase trochophore entière-
ment supprimée : « Der
Grôüssenunterschied zwis-
chen den grüssten im
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B est la fig. 8 et C la fig. 12 de la pl. I du mémoire de KLeINENBERG (4886). Elles sont
du Lopadorhynchus brevis. D est la partie antérieure de la fig. 13 de la même
planche, et représente une phase de développement du Lopadorhynchus Krohnii.
— B. Larve encore à peu près sphérique, vue par le pôle inférieur, et montrant
les appendices ébauchés et les bandelettes mésodermiques, encore séparées sur
toute leur longueur. L'extrémité antérieure est en haut. — C. Vue latérale gauche
d’une larve plus avancée,'où le corps s’est allongé et l'appareil larvaire s’est réduit.
— D. Larve encore plus âgée, vue par la face ventrale, montrant, au-dessous du
protroque, la bouche triangulaire comme sur la fig. 8 de la planche VII.
Of
Innern der Mutterthiere aufgefundenen Eiern und den jüngsten
bei den Zählungen zur Beobachtung gekommenen Exemplaren
ist nicht bedeutend (pl. Il, fig. 1 u. 2) und es ist kaum
anzunehmen dass den letzteren noch Formen vorausgehen die
sich wesentlich von ihnen unterscheiden. Da der ganz Kürper
292 C. VIGUIER
der jungen wie der erwachsene Thiere reichhich mit Cilien
besetzt ist, so dürfte die Ausbildung von Wimperkränzen bei
den Jugenformen nur sehr geringe Vortheile bieten (p. 21). »
Cependant, le Lopadorhynchus n'est, comme la Pélagobie,
qu'un Polychète normal, dont le développementest modifié par
des conditions particulières. Sa trompe se forme, comme nous
l'avons rappelé plus haut, suivant un mode reconnu très géné-
ral chez les Errantes ; et, somme toute, 1l ne présente, à l’état
adulte, aucun signe de dégénérescence.
En est-il de même des Polygordius ?
Que leur organisation soit plus simple que celle des Poly-
chètes ordinaires, personne ne le conteste.
La question est de savoir si ce sont des types primitifs : s'ils
méritent vraiment le nom d’'Aychiannélides; ou si ce sont des
formes dégénérées qui composent le groupe hétérogène que l’on
nomme ainsi.
N'ayant jamais observé un seul des animaux que l’on réunit
dans ce groupe, je me garderai prudemment de discuter les
points de détails ävec les savants qui en ont fait l’objet de
longues et consciencieuses études ; je ne puis même rappeler la
littérature considérable de ces questions si controversées, depuis
que parut en 1840 la note de S. Lovéx (Zoo/ogiska Bidrag, etc.),
qui ne tarda pas à être traduite en allemand dans les Archiv
für Naturgeschichte, volume VIIT (1842), et en français, la même
année et dans le présent recueil (voir la bibliographie) ; et je me
bornerai à quelques réflexions, tout en renvoyant surtout aux
travaux de Harscnerk (1878, 1880, 1886), Fraironr (1887),
PreranTont (4906), HeupeLmanx (1906),.et Sazensxy (1907).
Fraïponr, page 105, résume ainsi les idées de HATSCHEK :
« Hatschek à très bien précisé la question au sujet de la
signification morphologique de la segmentation de l'Annélide.
« 49 Ou bien l’'Annélide adulte estune association d'animaux,
ayant tous la même valeur, et nés par bourgeonnement d'un
premier individu.
« 2° Ou bien le corps de l'Annélide, primitivement simple,
s’allonge, et cet allongement à pour conséquence la division de
celui-ci, et la répétition d'organes importants.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 293
« Dans la première hypothèse, le segment céphalique doitavoir
la même signification que les anneaux du tronc. L'objection
capitale que l’on pourrait faire à cette théorie est, d'après Hats-
chek lui-même, la suivante : Il ne serait pas possible de rap-
porter à une même formation le ganglion céphalique, le cerveau
du segment de la tête, et la moelle ventrale du tronc.
« Dans la seconde hypothèse, la tête et le métamère du tronc
ne sont que différentes parties du même corps... »
Harscaex dit textuellement 1878, p. 72) : « Die Auffassung
des Annelidenkôrpers als Thierstock ist wohl gegenwärtig die
verbreiteste. Das Metamer wird als einen ungegliederten Thiere
gleichartiges Individuum angesehen.
« Man müsste von diesem Standpunkte aus das Kopfsegment
als das älteste sterile Individuum, die Metameren als die gesch-
lechts-Individuen des Stockes betrachten.
« Die Entwickelung der Gliederung, welche so auffallende
Analogie mit dem Knospungsprocesse zeigt, würde im allgemei-
nen dies Auffassung unterstützen. »
Les deux questions générales Les plus importantes sont, en
réalité : 1° La métamérie est-elle primitive ou secondaire chez
les animaux segmentés? 2° Les Archiannélides sont-elles des
formes primitives ou dégénérées ?
La question de l'individualité des segments des organismes
métamérisés n’est guère, en effet, qu’une question de mots ; et,
comme telle, nous pouvons l’écarter.
Tant que les êtres, formés d’un nombre quelconque de seg-
ments, se comportent comme un animal unique, la question
d'individualité ne se pose même pas. Si, après division en deux
(pour prendre le cas le plus simple), chacune des parties se
recomplète, nous avons deux individus ; de même que nous
comptons deux individus au lieu d’un, après la division scissi-
pare d’un protozoaire.
Au point de vue morphologique, il s'agituniquement de savoir
si la segmentation est primitive ou secondaire : et, dans la pre-
mière hypothèse, on tend trop à admettre que, si le segment
céphalique avait la même signification que les anneaux du tronc,
il devrait leur être, en tout, comparable.
224 C. VIGUIER
Comme je l'ai dit il v a bien longtemps (1886), le dévelop-
dement des centres nerveux du premier segment, ou tête,
dépend de celui des organes sensoriels qui S'y forment, par
suite même de sa place et de la position première de Ia bouche.
Mais, chez les Annélides à type primitif, chaque segment du
corps peut acquérir cette faculté, du moment qu'il devient le
premier d'une série, soit par mutilation, soit par stolonisation.
Les centres nerveux céphaliques se formant dans la tête en
même temps que les organes sensoriels (çeux, palpesouantennes,
organesnuquaux ou fossettes olfactives)(1), on ne peut s'attendre
à retrouver dans les segments qui la suivent, et qui n’ont pas
les mêmes organes, une disposition identique, alors que, chez
(1) Quand un organe sensoriel fort différencié — tel que l'œil composé d’un
Crustacé décapode — vient à être détruit, sans que le soit le centre nerveux
correspondant, il peut se produire, pendant une régénération imparfaite, des
organes sensoriels périphériques d’une autre nature.
C’est ainsi que l’on voit le pédoncule oculaire s’allonger en un appendice
0
antenniforme.
On en a généralement conclu que le pédoncule oculaire correspond réelle-
ment à un appendice comparable aux autres, et doit être considéré comme
prouvant l'existence d’un segment oculaire dans la tête : segment dont, chez
l'immense majorité des Arthropodes, il ne resterait d’autres témoins que les
yeux.
Cette conclusion ne me semble pas s'imposer.
Si l’on réfléchit que le Branchipus a des yeux qui ne font d'abord aucune
saillie, et qui finissent par être portés sur de longs pédoncules mobiles, alors
que chez l’Apus on ne voit rien de pareil ; si l'on pense que chez les Munna les
yeux sont portés sur d'assez longs pédoncules, tandis qu'il n'en est rien chez
les autres Isopodes et chez les Amphipodes; et que les Cumacés sont aussi
édriophthalmes, on attribuera moins d'importance à ce que l'œil soil tout à
fait sessile, porté sur un pédoncule fixe, ou sur un pédoncule mobile, et l’on
concevra des doutes sur la signification de ce pédoncule.
Il peut, après ablation de l'œil, et dans l'incapacité de le reproduire, s’al-
longer beaucoup, se segmenter, et prendre l'apparence d’une antenne.
Mais cela arrive aussi à bien d'autres appendices, soit en totalité, soit par-
tiellement, quand le segment terminal n’est pasmodifié, non seulement chez les
Crustacés, qu'ils deviennent ou non aveugles, soit Décapodes comme tant de
formes abyssales ou mème littorales (Stenopus) soit Isopodes : Arcturus, Mun-
nopsis, mais chez les Arachnides (Pédipalpes) et chez les Insectes (cerques).
Dans ces cas, dira-t-on, il ne s’agit que de véritables appendices modifiés ; mais
leur segmentation, qui les rend plus ou moins comparables à des antennes,
est bien du même ordre que celle que peut subir le pédoncule oculaire après
ablation de l’œil. Cette segmentation est certainement une acquisition de
beaucoup postérieure à l'acquisition des yeux, qui sont souvent, chez les
Arthropodes, sans relation, même apparente, avec l'appareil appendiculaire,
et en nombre très divers.
Je ne pense pas qu'il y ait plus de raison de compter un segment oculaire
chez les Articulés que chez les Annélides, où le nombre des yeux est si
variable.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 9295
des animaux très voisins, la constitution de ces centres ner-
veux peut varier considérablement, comme je le rappelais plus
haut.
Il est, d'autre part, évident que, dans les cas de réparation,
dont j'ai donné un exemple observé sur l'£rogone (1886), ou
de stolonisalion, pour lesquels je renvoie non seulement à ce
même travail, mais une fois encore à la figure 5, planche IX
d'Encers (1864), car, si j'ai observé, moi aussi, exactement
la même chose, je n'en ai pas publié de figure, le collier
œsophagien se constitue {out entier dans un seul segment. En
effet, le segment, qui devient le premier d’une nouvelle série,
avait évidemment son ganglion ventral et c’est avec celui-ci
que se mettent en rapport les nerfs partant des masses de
cellules ganglionnaires qui se différencient lors de l'apparition
d'yeux ou d'appendices divers.
Mais, le plus souvent, par suite de la soudure du nouveau
premier segment avec le ou les suivants, et de la disparition de
la cloison ou des cloisons suivant immédiatement la bouche
(disparition nécessaire aux mouvements de la partie antérieure
du tube digestif), le ganglion ventral du premier segment se
confond avec le ou les suivants ; et c'est la règle au cours de
l'évolution embryonnaire : de sorte que le premier ganglion
ventral (si nous continuons à prendre un cas où le système ner-
veux est bien différencié) semble avoir tout à fait disparu (1).
(1) GôüTrE (1881) disait déjà : « Die Anlage des Centralnervensystems besteht
in EE Scheitelplatte (Hirn) und einer véntralen Ectodermverdickung (Bauch-
mark) welche unabhängig von einander erscheinen ». Cette double origine
du système nerveux a, bien des fois, été constatée par les embryogénistes.
Dans les cas cités plus haut de réparation ou de stolonisation, il se repro-
duit un nouveau cerveau, en même temps que se forment à nouveau les
organes sensoriels qui ont été ancestralement l'origine de cette masse gan-
glionnaire. Mais je ne vois pas que les connectifs qui relient l’un à l’autre les
deux centres nerveux — cerveau et moelle — et ne sont que les prolon-
gements des neurones de ces deux centres — (je laisse de côté les cas très
modifiés : Hirudinées, etc.) — puissent être considérés comme ayant une
importance égale et une origine distincte.
SALENSKY (1883, p. 160) dit expressément : « Par conséquent les ébauches de
la chaîne ganglionnaire ventrale de Pileolaria n'intéressent que la région
somatique de l'embryon, et ne se réunissent point à la plaque sincipilale. Ces
deux ébauches du système nerveux se forment donc d’une manière indépen-
dante, et restent longtemps séparées. »
WiSTINGHAUSEN (1893) ne s’est occupé que du développement embryonnaire,
et s'arrête à l’éclosion (fig. 36, pl. 7). La formation indépendante de la tête et
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9° série. AM sur 19
2926 C. VIGUIER
Mais, en parlant ici de ganglions et de chaîne ventrale, je n'ai
pas besoin de rappeler qu'on les voit se différencier à parür de
types où les cellules sensorielles, recevant les excitations, tout
au moins tacliles, de la surface de replation, sont encore, tout
comme les cellules motrices, des cellules ectodermiques à peine
différentes des autres; et chez lesquels il n’est pas question
de ganglions définis.
Je n'ai pas besoin de rappeler non plus que nous constatons
des cas de dégénérescence, ou, si l'on veut, de simplification,
qui n'ont aucune signification ancestrale ; et KLEINENBERG à
Justement objecté que la chaîne nerveuse ventrale des Polygor-
dius ne peut se comprendre si on regarde son développement
comme primitif.
« Sehr eimfache Geschôpfe sind sie gewiss (Polygordius et
Protodrilus), ob aber sehr ursprüngliche, ist zweifelhaft. Mir
sind sie sogar etwas zu einfach für Ausgangformen der Anneli-
den. Ich kann mir schwer die Entstehung des Bauchstranges
ohne reichlichere Sinnesorgane des Rumpfes, als Polygordius
sie whärend der Entwickelung und im fertigen Zustande besitzt,
denken » (p. 191); et cette remarque s'applique aussi à ce que
Harscner (4880) dit du Protodrilus.
H. Ersi (4887) se prononçait nettement dans le même sens.
On lit, page 892 de sa monographie des Capitellides : « Es ist zwar
nicht meine Absicht, alles das, was über Archianneliden vorge-
bracht wurde, bei dieser Gelegenheit einer Kritik zu unterziehen
(ich bleibe das schuldig), aber das kann ich nicht umhin schon
hier auszusprechen, dass erstens die Gruppe der Archianneliden
eine unnatürhche ist, indem durchaus heterogene Formen unter
zweifelhaften Bande der £infachheit zu ihr vereinigt sind, dass
zweitens viele der als wrsprünglich ausgegebenen Charaktere auf
dieses Prädikat keinen Anspruch erheben konnen, indem
dieselben Organisations-Verhältnisse auch sonst bei Anneliden
vorkommen, und dass drittens endlich ein anderer Theil der
sogenannten ursprünglichen Charaktere auf eine Verwechslung
von degenerativer mit wrsprünglicher Organisations-Vereinfa-
chung beruht. »
du corps est attribuable à la richesse en vitellus : car, bien que la segmen-
tation soit totale, elle est fort inégale.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 297
Combien plus hétérogène encore qu'en 1887 est aujourd'hui
ce groupe artificiel !
Cependant Ersia (4899) a, depuis, fort sensiblement modifié
ses vues ; el, dans un mémoire qui ne comprend pas moins de
267 pages et que je n'ai pas à analyser ici, il écrit, page 239:
« Ich selbst war früher, bevor ich mich eingehend mit Entwic-
klungsgeschichte beschäftigt hatte, und bevor die neueren
embryologischen Arbeiten über Anneliden, Mollusken und
Molluscoiden erschienen waren, von der Trochophoratheorie
keineswegs eingenommen. Wenn ich daher heute zu den Anhän-
gern derselben gehôüre, so ist das nicht so sehr dem Einflusse
der Theorie, als vielmehr dem Einflusse der Thatsachen zuzus-
chreiben. »
EL page 240: « So ist die Ansicht Lang’s, dass die Rotatorien
lediglich als geschlechtsreif gewordene Annelidenlarven (also
Trochophoren) zu betrachten seien, eine blosse Vermuthung,
und zwar eine Vermuthung, welche ihrerseits wieder auf der
unbewiesenen Voraussetzung beruht, dass die Trochophora
eine secundäre, durch das pelagische Leben hervorgerufene
Larvenform darstelle. » Il ajoute, page 241: « Was nun die
Abstammung der Trochophora selbst betrifft, so bin ich, wie
ja schon aus verschiedenen Stellen des Vorhergehenden sich
ergibt, mit Hatschek fürihre directe Ableitung von Ctenophoren-
ähnlichen Thieren, und auch hierfür haben, seitdem die oben
kurz wiedergegebene Zurückführung der Organe der Trocho-
phora auf solche der Ctenophoren versucht hat, neuere Arbeiten
überaus wichtige weitere Stülzen geliefert.
« Erstens ist jener Zellencomplexe der Anneliden- und
Mollusken-embryonen zu gedenken, die Wilson als Rosette und
Kreuz bezeichnet hat, also jener Anlagen, aus welchen das
apicale Organ der Larve sowie die Cerebralganglien des defini-
üven Thieres hervorgehen. »
J'ignore s’il aura été reconverti par le mémoire de Lana (4904;,
dont les dimensions sont encore plus imposantes (356 pages de
texte et 13 pages de bibliographie, accompagnées de 6 planches
de schémas).
Je n'ai pas non plus l'intention de faire une critique de ce
travail. Je remarquerai cependant que, citant avec complai-
298 C. VIGUIER
sance (p. 28) un passage de Cori (4892) qui cadre avec ses idées,
Lan s’abstient complètement de mentionner les réserves faites
par cet auteur.
Cort dit, en effet, page 577 de son travail : « Die Thatsache
nämlich, dass sich Abnormitäten in der Metamerie auch bei
Anneliden vorfinden, ist vielleicht im Stande, die Kluft, welche
zwischen den Nemertinen und den Anneliden bezüglich der
unregelmässigen und regelmässigen Segmentirung herrscht, zu
überbrücken. Dem zufolge würde also die regelmässige, syme-
trische Metamerie von eine ursprünglich unregelmässige abzulei-
Len sein. » Mais il termine son mémoire par la phrase que je
cilais déjà en 1902 : « Allerdings ist dabei zu entscheiden, ob
diese Falle bei den Anneliden als Rückschlige zu einem primi-
ven Zustand, oder als rein sekundäre Erscheinungen zu
betrachten sind. »
Lac n'hésite pas, lui.
La différence de disposition des masses musculaires dans la
tête et dans les segments suivants, l’absence presque constante
de soies, de gonades et d'appareils excréteurs, peuvent
s'expliquer par le grand développement pris par les organes
sensoriels et les masses nerveuses qui se forment corréla-
livement.
Mais, s'il y a de la place de reste, comme chez le Polygor-
dius, on ne voit pas pourquoi il ne se développerait pas, dès
le premier segment, tel autre organe qui se trouve normale-
ment dans la plupart des suivants, et doit être en puissance
dans tous.
Dans leur Traité d'Embryogénie comparée des Invertébrés,
partie spéciale (1890), page 178, Korscaezr et HeIDER ont
grandement raison d'écrire : « Die Annelidenlarven sind sehr
verschieden gestaltet, indem sie, zum Theil, durch das frühzei-
üige Auftreten der Segmentirung auf phylogenetisch jüngerem
Stadium sich befinden als die Trochophora. »
C'est ce que Je disais aussi dans mon travail (4902, p. 298):
« Cette phase Trochophore, qui correspond à des états de
développement assez différents suivant les cas, est bien une
adaptation pélagique de la jeune Annélide.. »
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 299
Si l’on considère l’état presque parfait (comme le prouve son
volume, à défaut d’études histologiques) du cerveau de l'Hésio-
nien, alors que les antennes sont demeurées de très petits bour-
geons, si l'on se rappelle que les Hésioniens sont des animaux
déjà très modifiés, ne peut-on pas concevoir quelques doutes
sur la prétendue antiquité de la larve de Lovéx ? et se demander
pourquoi cette Trochophore si compliquée etsi disproportionnée
du Polygordius devrait être regardée comme plus primitive
que celle à peine ébauchée de tant d’autres Annélides.
Une tête comme celle des Polygordius ne me semble pas,
quoi qu'on puisse dire, avoir un caractère primitif.
Elle paraît, il est vrai, quelque chose de fort différent des
segments suivants. Mais ce n’est pas à partir d'elle qu'ont pu
se développer les rames céphaliques de la Tomopteris Rolasi
(MaLaQuiN, 4904) ,les métachètes céphaliques des Spionides, ete.
C’est bien plutôt une forme adaptive.
Aussi bien la voyons-nous se réduire au cours du dévelop-
pement ; et l’état définitif des Polygordius est évidemment
plus régulier que leur forme larvaire, qui n’est pas représentée
chez le Protodrilus.
Sans supposer aucune filiation entre les deux, ne pourrait-on
pas voir, dans l'adaptation, probablement tardive, de l'Hésio-
nien, une des formes intermédiaires entre le mode primitif de
développement des Polychètes et celui du Polygordius ?
Ce serait un argument de plus en faveur de l’état dégénératif
etnon primitif de celui-ci, malgré l'opinion de Wocrerecx (1904)
et celle de Sazexsky (4907), dont les arguments sont fort
intéressants, mais n'ont pas entraîné ma conviction. En défi-
nitive, les Lypes tout à fait aberrants sont plus souvent des
formes dégénérées, ou spécialisées, si l’on veut, par leurs
conditions d'existence, que des formes primitives.
La larve la plus simple d'Annélide que nous connaissions
comprend déjà tout ce qu'on trouve dans la Trochophore la
plus caractérisée: c’est-à-dire la tête, le pygidium et la zone
d’accroissement située entre les deux.
La Trochophore résultant d’une adaptation qui peut se pro-
duire à des stades très divers, on ne voit pas de raisons pour
considérer celles des Polygordius, si différentes entre elles par
230 C. VIGUIER
leur forme (voir les fig. E et H) et leur mode d'évolution, comme
tellement primitives, qu'on les doive considérer comme nous
représentant le type ancestral de tous les animaux métamérisés.
Les trois premières figures sont empruntées au Traité de zoologie d'E. Perrier (1897)
en les réduisant au simple trait. Elles sont la reproduction: Æ, de la fig. 22, F, de
la fig. 29, et G, de la fig. 32 de la planche IV du mémoire de HarscHek (4878). L'expli-
cation de l’auteur porte pour titre général : Métamorphose de la larve de Polygor-
dius ; et, pour indications particulières : E, Larve du stade insegmenté. F est la der-
nière des figures comprises sous le titre : Stades plus avancés : développement
du tronc, et grossissement de la vésicule céphalique (Kopfblase). G est l’avant-
dernière de celles désignées : Passage de la Larve à sa forme definitive. Æ7, Larve
aplatie de Polygordius, figurée par Rasewsky (1873) et reproduite ici d'après le
mémoire de Gürre (1882).
Ce n’est pas, en tous cas, une raison en faveur de la
théorie que de voir cette forme initiale manquer chez des ani-
maux aussi voisins des Polygordius que le Protodrilus (Pruran-
Tox1, 1906) quelles que soient les différences qui les séparent.
Ce n'en est pas une que de la voir subir une métamorphose
profonde ; — non plus que de voir rejeter une partie de l'ap-
pareil larvaire lorsqu'il devient inutile par le Lopadorhynchus,
comme par la plupart des Echinodermes, le Pilidium de cer-
laines Némertes, etc.
Le renflement antérieur (Kopfblase) dont nous voyons chez les
Annélides l'importance si variable chez des formes très voisines
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 231
me semble beaucoup plus facile à comprendre en le considé-
rant comme une adaptation pélagique, qui peut où non se
produire, et, dans ce dernier cas, se résorber sans métamor-
phose brusque lorsqu'il devient inutile, ou bien être en partie
rejeté, que comme caractérisant la forme originelle de tout
un groupe offrant des caractères qu'il ne montre Jamais: par
exemple les parapodes et les soies, que nous voyons disparaître
graduellement, à partir des Polychètes typiques, dans des
formes très différentes et que ne relie aucun lien génétique.
Toutes les métamorphoses qui entrai-
nent un changement brusque de forme,
même sans perle de substance, doivent
I, J, K, sont les reproductions, au trait, des fig. 102, 103 et 105 de la planche XXII du
mémoire de SALENSkY (4907), et ont pour titre : Exolarves à divers stades de dévelop-
pement. — L'accroissement de ces larves singulières se fait comme si l'allongement
ne pouvant se produire de façon normale, les parois du corps étaient obligées de
se replier sur elles-mèmes, au fur et à mesure de leur formation (1). La larve peut,
en contractant sa dilatation antérieure (Kopfblase), et augmentant ainsi la pression
intérieure déployer le corps, comme on le voit sur la figure K, où ce renflement cépha-
lique est vu presque exactement en dessous; — ou bien, en diminuant la pression
intérieure tandis qu'entrent en jeu des muscles rétracteurs, le ramener dans cette
dilatation antérieure : donnant ainsi, à première vue, l'illusion d'une larve jeune.
être regardées comme des phénomènes secondaires. Les larves
qui les présentent peuvent subir d’autres adaptations. Les
curieuses larves dont je parlais dans ma note de 1907, et dont
j emprunte trois dessins fig. [, 3, etK) au mémoire de SALENSKY,
sont évidemment des adaptations spéciales, dérivant de la larve
(1) Cela se voit surtout sur la fig. 87 de la pl. XX. Pour le mode exact
d’accroissement, pour la comparaison avec les endolarves et la discussion géné-
rale des larves de Polygordius, voir le mémoire de SALENSKY, p. 344 et suivantes ;
et aussi WoLtERECK (1904).
232 C. VIGUIER
de Lovéx; mais je ne crois pas que l'on puisse consentir à les
placer, n'importe où, dans lagénéalogie des Polychètes normales.
La larve de Lovéx, bien qu’elle soit modifiée par une autre
cause que celle du Lopadorhynchus, ne me semble pas plus
primitive que celle de l'Hésionien, qui elle-même l’est beaucoup
moins que celles de bien des larves de Polychètes.
Il faudrait cependant penser que c’est, en définitive, chez
les Polychètes que nous trouvons les formes dont l’organisation
est la plus simple, et, en même temps, très semblable (malgré
des différences secondaires) chez un grand nombre de types
qui se relient plus ou moins entre eux, — et non pas chez des
animaux étranges, des sortes de monstres, qui n’ont guère de
communs que des caractères négalifs.
Ce qui à valu leur nom aux Chétopodes, ce sont leurs soies.
Nous les voyons apparaître, au moins à l’état transitoire, sur
la tête (Tomopteris Rolasi, métachètes des Spionides, elc.), ou
du moins dès le 1* segment post-céphalique : soit bien déve-
loppées, alors même qu'elles disparaîtront plus tard; soit
réduites seulement aux acicules, qui peuvent eux-mêmes dis-
paraître, ou demeurer comme témoins d’un état plus primi-
Uf : — non seulement dans ce segment, mais dans plusieurs
autres, chez des Annélides où toutes les autres rames sont bien
développées.
Nous les voyons, d'autre part, disparaître chez des types fort
divers, et notamment chez les Ophéliacées, dont Grarp a
signalé (4880) les affinités avec les Polygordius; et nous assis-
tons, chez les Géphyriens, à leur disparition graduelle, — qui
devient totale dans certains types.
Il est certainement plus facile de comprendre la disparition
graduelle, et variable par suite d’adaptations diverses, que le
développement graduel d'organes si caractéristiques. Et c’est
bien l'avis de Goopricn (1904) qui termine son mémoire par
ces lignes : « The remarkably close affinity wich has been shown
to exist between Saccocirrus and Polygordius seems to force
on us the conclusion that the absence of parapodia and chætæ
in the Polygordidæ is not primitive but secundarv. »
HeMPELMANX (1906, p. 612) dit bien, en parlant de la ques-
üon des Archiannélides : « Ich bin weit davon entfernt, zu
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER DS
dieser Frage Stellung nehmen zu wollen; nur eines môchte
ich betonen in Gegensatz zu dem, was von den Gegnern der
Archianneliden-Theorie immer eingewendt wird, — dass näm-
lich kein einziges Organ bei Polygordius rudimentär erscheint,
sich als rückgebildet erweist, und dass vor allem von etwai-
gen Borsten — und Parapodien — resten keine Spur bei ihm
zu finden ist. »
Dans son bel ouvrage (4907) SALExSKY, après avoir éliminé
des Archiannélides les Histriodrilus (ou Histriobdella) et Stra-
hiodrilus, qui n'ont, ilest vrai, ni parapodes ni soies, mais sont
parasites, el, comme tels, sujets à caution, ainsi que le Dino-
plalus, et déclaré qu'il considère le Saccocirrus comme avant
beaucoup de rapports avec le Protodrilus, mais qu'il n'accepte
néanmoins comme formes primitives que le Protodrilus et le
Polygordius, se pose, page 357, la question principale : Les
Archiannélides sont-elles des formes primitives ou dégénérées?
(Sind die Vertreter des Archianneliden primitive oder rückge-
bildete Wurmformen?) Il conclut pour la première alterna-
live; mais J'avoue qu'il ne m'a pas convaincu.
S'ilreconnait bien, en effet, l'hétérogénéité du groupe, il ajoute
(p. 360) : « Wir trelfen aber zwischen den Vertretern den
Anneliden keinen einzigen, dessen ganze Organisation einen s0
primitiven Zustand, wie die Archianneliden darstelle, und da
wir daber in der Ontogenie dieser Anneliden keine Erschei-
nungen treffen, welche auf die Degeneration hinweisen, so
kann daraus nur ein Schluss folgen, dass diese Anneliden-
gruppe in der Tat als primitive oder als ursprüngliche bezei-
chnet werden kann. »
Cela, c’est le principal argument! C'est aussi, nous venons
de le voir, celui d'HEMPELMANN. SALENSKY ajoute bien : « EisiG
hebt gegen die Natürlichkeit der Archiannelidengruppe ihren
heterogenen Bestand hervor. Diesen Einwand halte ich für um
so mehr wichtig als Polygordius und Protodrilus, nach meiner
eigenen Erfahrung, sich, von einander bedeutend unterschei-
den. Die Unterschiede in der Anatomie beider Gattungen
betreffen mehrere Organe, die früher als ziemlich gleich gebaut
angesehen wurden; der Mangel an Parapodien und Borsten
und die ektodermale Lage des Nervensystems bleibt dennoch
234 C. VIGUIER
für beide Archiannelidengattungen und also für die ganze
Gruppe der Archianneliden charakteristisch. »
J'ai déjà parlé plus haut de ces dernières objections, et n'ai
pas à y revenir ici (1).
Je ferai simplement observer qu'en ajoutant au Poly-
gordius et au Protodrilus, déjà si différents, les formes que
SALENSKY, nous venons (le le voir, se décide à en séparer, c'est-
à-dire le Saccociwrrus el les Histriodrilides, le groupe des
Archiannélides constitue une réunion de types dont les véri-
tables relations sont fort loin d’être actuellement connues.
CRESS WELL SHEARER (4910, p. 353) considère que l’Histriobdella
«is to be placed close to Dinophilus. It retains many Rotiferan
features, and is more closely connected with this group than
Dinoplilus ». 1 admet, d'autre part, que « Histriobdella and
Dinophilus show distant relationship with Polygordius and Pro-
todrilus, but cannot be classed with them as true Archiannelids ».
On ne saurait donc considérer aucun des animaux qui sont
provisoirement placés dans ce groupe comme la forme ances-
trale d’une série aussi naturelle, par ses caractères principaux,
que le sont les Annélides Chétopodes.
Je n'ai pas pu consulter les publications faites en 1901 et
4905 # par Wocrereck. Mais celles de 4904 et de 1905 « me
paraissent devoir résumer les idées de cet auteur.
Je ne m'attarderai cependant guère au long exposé théorique,
accompagné de nombreux schémas que l’on trouve dans cette
dernière : l’auteur ignorant résolument les faits que MALAQUIN,
ReIBISCH el moi-même avons, depuis plus de vingt ans,
apportés dans le débat.
Il est naturel que, l'œuf peu chargé de réserves nutritives
élant une sphère, sa segmentation totale produise d'abord
une figure radiée, même lorsqu'elle doit par la suite devenir
(1) I suffit de regarder les figures des larves de Protodrilus et de Saccocirrus
données par Preranront (1906), quoique cette dernière soitévidemment bien plus
loin de celles des Polygordius, pour voir que, chez celui-ci, le grand dévelop-
pement de l'extrémité céphalique n'est qu'une adaptation pélagique d’une
Annélide de fond (adaptation qui se poursuit d'une manière spéciale chez les
exolarves (fig. [, J, K) et ne donne aucune preuve décisive de l'antiquité de
cette forme.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DÉË LA BAIE D'ALGER PAS dE
bilatérale. Il me semble superflu de s'acharner à recher-
cher dans un Cœlentéré hypothétique l’origine de la rosette
apicale de tant d'œufs à segmentation totale, égale ou inégale.
WoLrERECK dit, page 293 : « Auch mir scheint das unter
anderm schon deshalb ganz unmôglich, weil doch die ursprün-
glich supponiert Gleicheit zwischen Kopf und Rumpfsegment
ganz in der Luft steht. » Il considère comme deux unités dis-
tinctes la tête et le reste du corps de PAnnélide : celui-ci pro-
venant pourtant de celle-là. Il n’admet done pas, avec LanxG,
les Turbellariés comme ancêtres des Vers annelés et de tous
les animaux à symétrie bilatérale; quoiqu'il accorde cette qua-
lité à des Cténophores devenus rampants : « Also môchte auch
ich das « Ürbilaterium » als « turbellarienartig kriechende »
Bipolaria auffassen, — aber natürlich noch ohne spezifische
Turbellarieneigenschaften. »
Je crois inutile de poursuivre cet exposé, d'autant plus in-
complet que j'ai dù laisser de côté la question des organes
segmentaires, l’état de fixation de mes larves (v. p. 198) ne
m'ayant pas permis de les étudier. Je ne puis que renvoyer
pour la littérature du sujet, et pour la discussion, au mémoire
de SALENSKY, p. 339 et suivantes.
Il
LARVES PROGÉNÉTIQUES D'UN SPIONIDE.
Cette larve nous arrêtera moins que la précédente. Elle est
surtout intéressante par la maturité sexuelle qui apparaît d’une
façon si précoce chez les deux sexes.
Tandis que les larves de Nerine cirratulus sont parfois fort
abondantes, et me sont connues depuis mon arrivée à Alger,
c'est en avril dernier que j'ai rencontré pour la première fois
celle-ci dans le Plankton superficiel.
Les conditions exposées dans l’avant-propos de ce travail
excluant toute possibilité d'éducation, je n'ai tenté aucune cul-
ture. Et du reste les sujets paraissaient bien loin de l’époque
où il serait possible de les déterminer.
Ils étaient rares, d’une observation peu aisée, tant à cause
236 | C. VIGUIER
de leurs mouvements incessants que de leur fragilité, qui ne
permettaient guère de les comprimer, et ne se prêlaient pas
aux tentatives d’anesthésie. |
Occupé d'autre chose, je n'y donnai qu'une attention dis-
traite, jusqu'au jour où je reconnus l'état de maturité sexuelle
d’un fragment mâle.
C'était au commencement de juin; et depuis, allant à la
pêche toutes les fois que le permettaient l’état de la mer et les
nécessités du service, l'équipage de la Station à recueilli
quelques exemplaires en plus ou moins bon état, dont les quatre
meilleurs sont représentés par les photographies, figures 13 à 17
de la planche VII.
M. Quétier, mécanicien de la Station, est devenu un bon pho-
tographe; mais, à Alger, où nous ne saurions faire, dans un
local très humide, de grandes provisions pour des éventua-
lités hasardeuses, nous sommes loujours exposés à manquer,
au moment utile, des plaques ou des papiers sensibles des for-
mats demandés par nos appareils, et les plaques extra-
rapides nous ont fait défaut.
En outre, pendant presque tout le mois de juin, le temps a
été fort brumeux; et tandis que, dans de bonnes conditions
par un soleil très clair (Parc électrique de notre lampe ne
donnant pas le même résultat) j'ai obtenu des photographies
instantanées jusqu'à 80 diamètres, les épreuves initiales, à 75,
de celles que je publie, n’ont pu être instantanées. Aussi,
malgré la pose impossible à prolonger, ne sont-elles pas assez
contrastées.
Les photographies faites à ces dimensions, de sujets d’une
certaine épaisseur, ne sauraient être, comme je le disais (1886,
p. 349) que des documents pour établir des dessins tels que ceux
que je publiais alors. Et ces épreuves étaient d'abord destinées
à recevoir toutes les additions fournies par l'observation des
sujets, puis à être réduites pholographiquement pour donner
les clichés à publier. Sans cela, Je les aurais faites à une échelle
moindre, la différence des plans auraitété ainsi moins accentuée,
et elles n'auraient eu à subir qu'une réduction au lieu de deux.
Mais j'ai réfléchi, un peu tard, que, pour des sujets aussi cu-
rieux, il valait mieux publier les clichés sans retouches, afin de
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 237
leur conserver une valeur documentaire incontestable : quitte
à les expliquer par le texte, ou par des dessins plus où moins
simplifiés.
Même l'exécution, fort défectueuse, de mes deuxième et troi-
sième planches ne peut me faire regretter cette décision.
Les larves, étant très fragiles et très gonflées par leurs pro-
duits sexuels, ne pouvaient être assez serrées dans les compres-
seurs pour immobiliser leur tête, sans les faire éclater. Aussi les
têtes des figures 13 ét 16 de la planche VII sont-elles tout à fait
indistinctes. En outre, comme la femelle représentée figure 16
avait les segments postérieurs beaucoup moins gonflés que les
précédents, ils sont également restés libres et ont bougé pen-
dant la pose.
Comme c’est surtout l'aspect particulier de ces larves et leur
pigmentation que je tenais à montrer, et que les soies, d’une
finesse excessive, ne pouvaient ainsi se trouver au point, j'ai
silhouetté à la gouache les épreuves données par les clichés à
75, dont le fond venait trop gris. Cela était de peu d'importance ;
car, sur la figure 16, qui n’a pas été silhouettée ainsi, les soies,
visibles en assez grand nombre, comme de simples traits du
reste, sur le chiché à 75 diamètres, ne sont pas venues sur la ré-
duction à 40.
Je n'ai rien voulu toucher aux têtes de 13 et 16, sauf leur
donner un contour approximitif; car elles exécutaient, aussi
bien en latéralité qu'en profondeur, des mouvements incessants ;
et à cela s’ajoutaient les mouvements, également incessants,
des lèvres, etles tourbillons des cils vibraüles qui seront décrits
plus loin (voy. fig. 23 et 24, pl. IX).
Les deux mâles intacts que J'ai observés (fig. 13 et 1%, et
fig. 15 de la pl. VIN) mesuraient lun 1,6 pour 8 segments, la
tête et le pygidium, et l’autre 1°",8 pour 2 segments de plus.
Les deux femelles (fig. 16 et 17) avaient loutes deux 1°°,4 pour
9 segments, la tête et le pygidium.
Ilest facile de voir qu'il n'y à pas, comme dans les larves
ordinaires à ce stade si précoce, une série de segments ébau-
chés en avant du pygidium, et que l'accroissement en longueur
peut être considéré comme terminé.
Aussi bien est-il d'autant moins probable que les animaux
238 C. VIGUIER
survivent à l'émission de leurs produits sexuels, que celle des pro-
duits S'tout au moins paraît se faire par rupture des segments
mürs, — ce qui excluerait l'hypothèse d'un hermaphrodisme
protandre (voy. fig. 15).
Dans ma note du 4 juillet, je disais que l'une des deux fe-
melles n'avait que des œufs jeunes. L'examen de la pièce, après
éclaircissement dans le baume, me fait plutôt croire que la ré-
gularité de forme que l’on voit sur la figure 17, et qui contraste
avec l’état de la ? figure 16, doit résulter de l’évacualion des
œufs. En effet, les deux que l’on voit à droite du pygidium, et
que j'ai respectés en silhouettant, sont à peu près de la mème
taille que ceux de l’autre ©, figure 16; mais on ne voit pas
d’autres œufs dans le corps ; et ce que j'avais pris d’abord pour
des œufs jeunes, et qui s’est coloré tout autrement, me parail
plutôt devoir être considéré comme des rudiments d'organes
segmentaires (?)
La tête est semblable dans les deux sexes ; et, malgré des dif-
férences fort sensibles, ce qui lui ressemble le plus est celle de
larve publiée récemment par Gravezy (1909 à, pl. XIV, fig. 5)
sous l'indication « Spionid A ».
Cet auteur, qui n’a pas, plus que moi, pu élever ces larves
fragiles, assimile celle qu'il a observée avec la larve indétermi-
née ligurée par CLAPARÈDE (1863), « whose descriptions of the
special structures of the anterior end are however very incom-
plete ».
AGass1z (1866) désignait encore cette larve « unbekannte » :
cela n'a rien que de naturel. Mais, dans le mémoire d'EnLers
(4875) est insérée, en français, une note de CLaPaRèDE, sur les
Annélides récoltées par l'expédition du « Lightning ». On y
voit, à la page 9, qu'il donne le nom de Pæcilochætus fulgoris,
en souvenir du Lightning, à une Annélide de fond, qu'il recon-
naît provenir de cette larve. |
Depuis, E. J. ALLEN (1895) qui n’a vu que des adultes, a con-
sacré à cetle intéressante Annélide et à une autre espèce du
même genre un assez long mémoire accompagné de six
planches.
Gravezy nous dit, dans une deuxième publication (4909 4),
que cela lui fut signalé par ALLEN; mais je n'ai pas à m'y at-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 239
larder ici, puisque nos larves me semblent fort différentes. Il
était du reste d'autant plus excusable que Mac Ixsrosn (1894),
cité par lui dans son deuxième mémoire, n'avait pas remarqué
non plus la note de CLAPARÈDE.
Le genre Pæcilochætus à depuis été séparé des Spionides par
Mesniz (4897), et placé par lui dans sa nouvelle famille des
Disomide.
Je ne comprends pas bien les raisons qui ont déterminé
GraveLy. En touscas, même dans l’état le plus jeune, représenté
sur la figure 4 de CLAPARÈDE, sa larve indéterminée s'éloigne,
non seulement par la forme de la tête et la disposition des
lèvres, mais on peut dire par {ous ses caractères, de ce qu'on
voit sur nos Spionides, — qui ressemblent cependant assez à
ceux de GRAVELY.
La plus jeune des larves de CLAPARÈDE (fig. 1), pour
0%%,045 de long, avait déja 10 segments pourvus de méta-
chètes qui, pour le premier segment, étaient insérés sur des
mamelons allongés dont les autres segments étaient dépourvus.
8 segments étaient en outre ébauchés, de plus en plus indis-
üincts, en avant du pygidium, qui semble avoir la forme d’un
tore aplati; et les larves les plus âgées, pour 3 millimètres de
long, avaient déja 50 segments, dont 39 séligères, et portant
des cirres dorsaux et ventraux.
Comme le dit Hæcker (14897, p. 107), dès que les larves de
Spionides commencent à s’allonger, elles passent par les stades
télotroque et polytroque; mais leur polytroquie n’est pas pure :
en ce sens que les cercles ciliaires sont plus ou moins incom-
plets, et interrompus en plusieurs points. Il n°y à que le pro-
lroque et la couronne périanale qui soient munis de cils puis-
sants.
Ce n’est, à vrai dire, qu à des larves beaucoup plus allongées
que cet auteur donne le nom de Mectosoma, c'est-à-dire « na-
geant par des mouvements anguilliformes (aalartige) de leur
corps »; mais les nôtres méritent déjà plutôt ce nom que celui
de Nectochæta.
C’est bien ainsi que considérait les siennes GRAVELY, qui
adopte, nous l'avons vu, la classification de Hzæcker; et dans
sa deuxième publication il nous dit que le plus jeune stade ob-
240 C. VIGUIER
servé par lui avait 700 de long, sur 200 de large, et montrait
une région postérieure non segmentée précédée d’une dizaine
‘about ten) « somewhat indistinet segments ». Le premier avait
une touffe de longues soies droites, et les autres de semblables
mais plus courtes. Il n’y avait pas encore de soies neuropo-
diales. Une larve d'environ 20 segments avait un millimètre et
demi; et une paire de lobes (rudiments des tentacules) était
clairement indiquée sur les côtés de la tête.
La taille, sur mes sujets, variant de 1°*,4 à 1,8, pour 8 à
10 segments, on voit que la différence est notable.
Mais il est surtout intéressant de relever le passage que GRA-
VELY consacre, dans sa première publication (4, p. 606) aux
caractères extérieurs de la tête des larves de Spionides et de
Polydoriens. |
Dans les larves Nectosoma des Spionides et des Polydoriens,
il va, dit-il, une « bouche » d’une grande capacité, bordée par
deux grandes lèvres latérales.
Il semble que ce dispositif soit Lout à fait caractéristique des
deux familles, et qu'il ait amené chez elles des modifications
considérables de la ciliation des segments antérieurs. Quoique
CLAPARÈDE en ait parlé brièvement, et qu'elles soient indiquées
sur ses figures de la larve de Polydora, et sur celles qu'il donne
de larves de Spionides, et quoiqu'elles soient aussi très appa-
rentes sur une figure de CunnivGHam et Ramace (14888) qu'ils
rapportent à la Nerine cirralulus, on n’en à pas encore publié
une description complète; et beaucoup d'auteurs semblent les
avoir méconnues ou totalement ignorées, — malgré leur grande
importance pour la morphologie de ces larves.
« La larve de Spionide À (larve inconnue de Spio de CLAPa-
RÈDE, — [Mac Ixsrosn (1894)]), peut servir de type général, et
sera par conséquent décrite avec plus de détails que les
autres.
«Une paire de lèvres latérales ferme, du côté ventral, un es-
pace ayant un peu la forme d’un entonnoir, et qui est en avant
de la véritable bouche. Cet espace, ou vestibule, comme on peut
l'appeler, s'ouvre largement à l'extérieur, en avant, au niveau
de l'extrémité antérieure de la tête, et, ventralement, par l’es-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 241
pace entre les lèvres: et l'étendue de ces ouvertures peut être
réglée par le mouvement des lèvres. Ce vestibule est revêtu,
dans toute son étendue, de eils vibratiles qui s'étendent sur la
surface externe (ou ventrale) des lèvres, jusqu'au protroque.
Celui-ci s'étend, comme une ligne de cils de taille plus que
double, de chaque côté de la tête, jusque sur les lèvres, où ses
cils deviennent bientôt impossibles à distinguer de ceux des
ares ciliées des lèvres.
« La véritable bouche s'ouvre dans Fœæsophage à l'extrémité
postérieure du vestibule. Elle est souvent exposée par l’écarte-
ment des lèvres... »
Et, page 611 : « Le développement du vestibule et son effet
sur d’autres organes », 1l dit encore :
« Bien que l'on puisse considérer comme caractéristique du
stade Nectosoma des larves spioniformes d’avoir une paire de
grandes lèvres latérales, qui forment, en se fermant, un vesti-
bule en avant de la vraie bouche, ces lèvres ne sont point pré-
sentes dans les premiers stades. Elles manquent, par exemple,
dans la métatrochophore (Spionide C) de Port Erin, dont on ne
connaît malheureusement pas d'autre stade. »
L'auteur n'a pas pu étudier complètement le développement
de ces lèvres; mais la comparaison d'une autre larve de Spio,
dans laquelle elles commencent à apparaitre et d’une des
figures de trochophore de Polydora données par CLaParÈDr
(4869) l'amène à conclure que la crête qui porte le protroque,
et qui est complète dans le stade trochophore typique, est déjà
un peu rejetée sur les côtés (somewhat pushed aside) dans le
voisinage immédiat de la bouche.
Il semble que ce processus doive continuer Jusqu'à ce qu'il
se forme une solution de continuité (gap) dans la crête, le pro-
troque disparaissant, comme tel, dans cette région, — remplacé
seulement par une aire couverte de cils courts.
L'accroissement des bords de cette solution de continuité se
fait surtout dans la direction antérieure : donnant ainsi l’aspect
que GRAVELY figure (p. 612) pour sa mélatrochophore de Spio,
où le protroque, désormais incomplet, est un peu rétracté en
arrière sur la portion postérieure des lèvres; — ce qui amène
l’auteur à penser qu'il forme la himite postéro-externe de l'aire
ANN. SC. NAT. ZOOL., % série. POAL XII, 16
242 C. VIGUIER
ciliée des lèvres. L'accroissement ultérieur des lèvres explique
facilement la condition que l’on trouve dansles Nectosoma typi-
ques, où la bouche originelle ne s'ouvre plus directement à
l'extérieur, mais dans un vestibule formé par les lèvres.
« La présence de ce vestibule en avant de la bouche cause
donc nécessairement une interruption (gap) ventrale dans le
protroque; el, corrélativement, et avec une égale constance,
une interruption dorsale étendue. ,
« Lorsque le protroque est ainsi confiné aux côtés de la
tête, son efficacité comme organe locomoteur doit être sérieu-
sement diminuée ;.. el ceci explique, au moins dans une cer-
laine mesure, l'importance de la couronne périanale (télotro-
que) dont les cils sont au moins aussi longs que ceux du
protroque, et souvent plus longs : — ee qui contraste grande-
ment avec l’'insignifiance et l'absence fréquente de cette cou-
ronne postérieure chez les Néréidiformes, où le protroque
semble être toujours complet...
« Chez les larves spioniformes, où le protroque est confiné
aux côlés de la tête, les couronnes intermédiaires sont toujours
présentes ; et sont fréquemment, sinon toujours, très spéciali-
sées,.… la plus grande partie de leur force s'étant concentrée
vers les côtés du corps, où les cils sont beaucoup plus longs
qu'au milieu. Is sont fréquemment aussi confinés à la surface
ventrale, ou à la dorsale; et, même là, leur continuité est sou-
vent interrompue.
« Une autre particularité de la ciliation des larves de Spioni-
des et de Polydoriens semble être la présence d’une légère inter-
ruplion (shght gap) sur la ligne médio-dorsale de la couronne
périanale, signalée aussi par Hæcxer (1897).
« Cette interruption est très petite, et souvent difficile à
déterminer ; mais un examen attentif me l'a fait trouver chez
loutes les espèces où Je l'ai cherchée. »
J'ai cité longuement le travail de GRAVELY, non seulement
parce qu'il est très récent, mais parce que, sans lui, j'aurais été
assez embarrassé pour donner une détermination approxima-
üive des larves que j'observais.
Les figures #et5 de sa planche XIV sont établies, comme 1l
dit, « from rough sketches » des organismes vivants, el se rap-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 249
portent à un stade où les parapodes de segments 7-11 ne se
différenciaient pas des autres. Les lentacules n'avaient pas
encore apparu. Les deux figures sont à environ 100 dia-
mètres.
Les figures 23 et 2% de ma planche IX ont été établies de
mème, d’après des croquis sur le vivant. Les autres dessins ne
sopt que pour compléter et faire mieux comprendre les photo-
graphies.
Il est facile de voir sur les figures 23 (représentant la bouche
ouverte) et 2% (la montrant fermée) les caractères principaux
qui les distinguent de ce que montre la figure 5 de GRAVELY,
également présentée par la face ventrale.
Le bord des lèvres n’est pas sinueux, mais arrondi pendant
l'écartement, presque rectiligne pendant le rapprochement.
Celui-ci n’est, du reste, pas poussé à l'extrême sur la figure 2%.
Sur la figure 23, j'ai porté l’état maximum observé sur le
vivant; mais la figure 17 de la planche VIIF, dont la tête a été
reproduite au trait, figure 28 de la planche IX, montre que cet
écartement peut être encore beaucoup plus forcé.
Il semble bien, d’après la figure 5 et le texte de GRAVELY, que
les lèvres de ses larves soient minces : ce qui s’accorderait avec
la forme en entonnoir qu'il assigne au vestibule.
Chez nos sujets, si les lèvres peuvent être fort rétractées
(fis1%4, pl NIIT, et 25, pl. IX); et, plus encore (fig. 27,
pl. IX), par l’action des réactifs, elles sont, sur le vivant, fort
épaisses à leur partie antérieure. La figure 26, planche IX,
reproduit le tracé, à la lumière réfléchie, des lèvres du sujet
(fig. 14, pl. VIT) relevé immédiatement après l’action d'un réac-
Uf faible ; et, sur la figure 17, planche VII, où les lèvres sont
écartées au maximum, on voit combien leur partie antérieure
est plus épaisse, et par suite plus opaque, que le reste. Cette
tête est retracée figure 28, planche IX.
Comme je le disais dans ma note, le mouvement de ces lèvres
est incessant, et fait varier de près de 1/4 la largeur de l’extré-
mité antérieure, qui paraît néanmoins toujours plus ou moins
tronquée sur le vivant.
GRAVELY ne parle pas d’une lèvre postérieure ; bien qu'il
semble, d’après son dessin, y en avoir une, —— moins marquée
19
C. VIGUIER
sur ses sujels que sur les miens. Sur ceux-ci, elle était fort
nette.
Toutes les fois que les lèvres latérales s'écartent, on voit
remonter la partie antérieure de l'œsophage, renflée en un
bulbe musculaire assez semblable, pendant sa rétraclion, à
celui figuré par GRAVELY; mais qui s'ouvre assez complètement
pour s’effacer pendant son ascension. En même temps, une
courte lèvre postérieure, triangulaire et épaisse, se renverse du
côté ventral (fig. 23, pl. IX), pour se relever pendant la déglu-
Uition (fig. 24). On voit, sur la figure 27 de la même planche,
cette lèvre postérieure ramenée en avant, sur un sujet fixé: et,
par suite de la diminution extrème de volume des lèvres laté-
rales, elle donne l'aspect d’une fente tri-radiée à la bouche de
ce sujet, qui est la @ représentée vivante sur la photographie 16,
planche VII.
GraveLzy figure le bulbe musculaire dans le premier seg-
ment postcéphalique, pendant sa rétraction. Sur notre Spio-
nide, il est alors dans la tête, qui porte, au niveau de la limite
supérieure de ce bulbe, des faisceaux de soies capillaires, Insé-
rés directement, et dont la longueur atteint environ la largeur
de la tête. Ces soies, qui sont lisses, n'atteignent pas, à leur
partie la plus épaisse, 1/100° de millimètre ; et mes figures 29
et 30 de la planche IX les montrent trop épaisses (1).
Sur mes premiers sujets, il ne s'en trouvait que 6 à 8 dans
ces premiers faisceaux ; mais ce nombre était bien dépassé chez
d'autres; et, sur la @ figure 17, planche VITE, leur longueur était
presque double.
Tous les segments portent également, de chaque côté, un
faisceau de soies pareilles, insérées en arrière et à la base d’un
mamelon marqué d'une lache brunâtre ramifiée. Les soies ne
(1) J'ai dû, pour que ces es puissent venir en même (emps que les
photographies des figures 21 et 22, les exécuter à l'encre de Chine sur du papier
photographique au citrate mat, lavé à 1 hyposulfite sans avoir été exposé. La
mince couche de gélatine empälait tous les traits, surtout ceux qu'il fallait
tracer au tire-ligne, qui en mordait la surface. Je n’ai pu, en ellet, trouver un
bristol assez blanc pour obtenir, comme je l'avais fait précédemment [pour
mon travail sur la Fuscicularra (Arch. de Zool. Exp., vol. VI, 1888] des épreuves
assez vigoureuses, sur /ond blunc, de dessins au crayon. C'est pour cela, du reste,
que la planche VII du présent travail a dû être refaite en lithographie d'après
mes dessins, au lieu d’être reproduite directement.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 245
sont Jamais insérées sur les mamelons, comme chez le sujet de
GRAVELY.
Je n'ai pu reconnaitre la moindre trace des curieuses poches
œsophagiennes récemment étudiées par SaLExskY sur des
adultes de Spio, où des larves de Polydora déjà plus avan-
cées que les nôtres, dans lintéressant travail (4908) où il les
compare aux poches branchiales des Enteropneustes et des
Vertébrés.
La face dorsale de la tête, représentée sur les figures 25, 28, 29
et 30 de la planche IX, ressemble aussi à la figure 4 de GRAvELY
La disposition du protroque est la même. La crête sur laquelle
sont insérés les cils est cependant moins large que sur le sujet
représenté par cet auteur. Les cils sont aussi un peu plus courts.
C’est, du reste, autant eux que la crête elle-même qui simulentde
petits tentacules sur la photographie figure 14. n'y a, en réa-
lité, pas de tentacules (qui seraient des antennes et non des ten-
tacules, dans cette position) et, du reste, les Anglais nomment
assez indifféremment les antennes tentacles où antennæ. Sur la
photographie, la tête en question est moins contractée, venant
d'être fixée, qu'elle ne se montre sur la figure 25, planche IX,
relevée, plusieurs jours après, à la lumière réfléchie.
Le bord antérieur de la tête porte, de chaque côté, un eil
raide, probablement sensoriel (e, s, fig. 24, pl. IX), à peu près
de la longueur des cils vibratiles. Is sont plus écartés que sur la
figure { de la planche VI des Beobachlungen de CLAPARÈDE.
GRAVELY, qui, nous l'avons vu, assimile sa larve à celle de
CLAPARÈDE, ne figure pas de erls sensoriels sur le bord antérieur
de la tête. [en à vu, par contre, deux, dans le vestibule, où je
n'en ai pas reconnu.
Hzæcxer (14897) donne, planche I, figure 10, une larve de
Spio indéterminée, qu'il désigne comme télotroque, le protroque
étant divisé en deux demi-cercles, et le paratroque interrompu
seulement du côté dorsal. Cette figure porte 6 faisceaux de soies
de grandeur décroissante : le texte en indique 4 (p. 86) pour les
plus jeunes.
Les dimensions indiquées sont, pour une larve à 10 anneaux,
de 0°",65 à 0"",725 de longueur ; et, pour une à 25, 1"",72. Là
encore, la proportion entre la longueur et le nombre des seg-
216 C. VIGUIER
ments est fort loin de concorder avec ce qui se voit sur nos
sujets.
La tête aussi est très différente de celle de notre Spionide et
de celui de GrAveLY. Je note cependant que j'ai vu, après fixation
seulement, sur la Q figure 27, planche IX, quelque chose res-
semblant beaucoup à ce que Hæcker appelle préocellaresorqan.
et placé comme on le voit sur sa figure 11, — c’est-à-dire de
manière à avoir, vu de la face ventrale, l'apparence d’un disque
(voy. aussises fig. 29130 w et b). J'en ai mdiqué la place sur ma
figure 27 : pr. 0 (?). Au contraire, sur le G' des figures 13, 14
et25, en regardant la tête en dessus, à 300 diamètres (apochrom.
Zeiss 8, oc. comp. 6), on voyait de chaque côté, à l'endroit
correspondant, mais plus près du bord de la tête, comme une
lentille biconvexe vue par la tranche, et paraissant fermer, du
côté extérieur, un canal anfractueux rempli d’une substance
vivement colorée par le réactif. Gardant des doutes au sujet de
ces organes qui se présentent dans des positions perpendicu-
lures sur le Get la Q observés, je ne donne, sur la figure 27,
l'indication pr. 0 qu'avec un point d'interrogation.
La pigmentalion de nos larves est très différente de ce que
représente Hæcker. GRAVELY dit que ses larves « showed a spot
of vellow pigment at (he base of each tuft of setæ. These spots
were smaller towards the anterior end than the posterior ; and
a line of minute specks of the same pigment was found to
extend across each segment between the opaque spots situated
on either side of 1 ».
Sur les nôtres, le pigment, jaune sale, forme des taches
ramiliées sur le bord postérieur des segments; et il v à aussi une
lache, très ramifiée, sur chacun des mamelons latéraux ; mais
ces taches sont comme lavées, à contour peu net, et fort diffé-
rentes des belles taches pigmentaires qu'on observe chez eer-
lains Phyllodociens pélagiques : Pontodora, Phalacrophorus ;
et, plus encore, l'/oxpilus (CG. V. 4886, pl. 23), et le Pariospilus,
dont je parle page 250.
Il y a également des taches plus arrondies dans la paroi de
l'intestin, ainsi que des gouttelettes huileuses. Tout cela se voit
sur les photographies 13 et 16, planche VIT.
L'anus, entouré de quelques grosses cellules, est un peu dor-
ÉTUDES SUR .LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 247
sal; mais près de l'extrémité du pygidium. Celui-er est arrondi,
sans mamelons latéraux, et porte, au milieu de sa longueur,
une couronne de cils, beaucoup plus puissants chez les 5°, où
le pygidium est, du reste, plus gros que chez les Q. Les cils
sont plus longs que ceux du protroque, ainsi que le signale
GRAVELY.
Sur les segments, on ne voit pas de cercles claires; el,
comme il fallait sacrifier les sujets pour une étude aussi détaillée
que celle que GRaAvELY à faite des siens, je me suis borné à
remarquer des cils assez puissants, situés du côté ventral, sur
le bord et au milieu des segments de la © préparée (fig. 17,
pl. VII. Je les ai respectés en silhouettant. Sur la préparation
définitive, il est impossible de les voir ailleurs que sur le bord
des anneaux.
Comme organes internes, on ne distingue, sur le vivant, que
le tube digestif, rectiligne, et ne présentant pas de renflements
dans les anneaux, — peut-être à cause de la compression exercée
par les produits sexuels. Sur la ©, figure 17, et seulement après
montage dans le baume, on voit, plus vivement colorés, des
groupes de cellules à disposition irrégulière, mal définis (voy. la
photographie), et qui sont peut-être, comme je le disais plus
haut, des rudiments d'organes segmentaires.
La © de la figure 16 est beaucoup plus remarquable par
l'énorme distension produite par les gros œufs transparents,
plus nombreux dans les segments antérieurs.
L'examen de la figure 17, qui montre les œufs sortant, par
une déchirure sans doute, en avant du pygidium (on en voit
2 en ce point, sur le côté droit} permet de supposer que Îles
œufs des derniers segments avaient, chez la © figure 16, été
évacués ainsi: — ce qui expliquerait, par la résistance d'une
cloison intersegmentaire, le brusque changement de pro-
portions.
La forme des G 13-14, et 15, est assez régulière : car ils sont
plus uniformément gonflés par les spermatozoïdes, qui parais-
sent au même point de développement dans tous les anneaux.
On y voit aussi la paroi du corps se séparer des masses internes
de produits sexuels, et former des sortes d'ampoules latéro-
antérieures, qu'on distingue sur les figures 15 et 1%, et mieux
248 C. VIGUIER
à gauche de la figure 15. Ces sortes d’ampoules sont gonflées
d'un liquide absolument clair, et nullement mêlé de sperma-
tozoïdes, et finissent (sans aucune compression externe) par
se rompre, comme on le voit à droite de la figure 15. Les masses
spermaliques sont mises en liberté par paquets; et les sper-
matozoïdes se séparent alors rapidement, tandis que l'animal
périt. La figure 17, planche Il, semble, au contraire, comme je
le disais plus haut, se rapporter à une © qui, sans rupture
autre que celle dont je viens de parler, aurait évacué ses œufs,
dont deux demeurent à côté du pygidium {sur le côté droit.
Comme il est impossible d'attribuer une origine certaine à
cette larve, et de savoir si elle provient d’un animal connu à
l'état adulte (j'entends, bien entendu, l'état où se trouvent les
Spionides ordinaires adultes), j'en ai donné une description et
des figures suffisantes pour la signaler aux naturalistes qui vien-
draient à la retrouver; mais je mrabstiens de lui donner
un noi.
Sans doute, F'Ophryotrocha puerilis, découverte par CLAPA-
RÈDE et Merscnnikorr (1869), dont j'ai donné, dans mon
mémoire de 4886, une nouvelle description et plusieurs figures
(pl XXV),et qui depuis fut l'objet d’intéressantes publications
de J. Boxxier (1893), et de Braeu et de Korscuezr en 1894,
devient sexuée tout en conservant les couronnes ciliées qui lui
ont valu son nom. Il + à loute apparence qu'il doit en être de
même de l'AHarporhæla cingulala, rapportée par Korscnezr
(4894), avec loute vraisemblance, aux Svllidiens; bien que ce
ver, dont la trompe ne montrait pas encore sa forme défini-
live, ne fût pas encore sexué, — avec 13 segments + la tête el
le pygidium (fig. 22, pl. XII).
Mais on ne saurait comparer l'Ophryotrocha à notre Spio-
nide, ni la considérer comme vraiment progénélique : e'eslt-
à-dire comme une larve arrivée à maturité sexuelle avant
l'âge adulte (si l'on tient à réserver le Lerme pédogénèse pour
les parthénogénéliques), car elle peut avoir jusqu'à 20 seg-
ments + la tête et Le pygidium (Korscnezr, fig. 1, pl. XH) ; et,
sises couronnes larvaires sont bien développées (comme celles:
de l'Harpochæta), sa trompe, dont Farmature subit avec l'âge
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 249
de si curieux changements, est développée bien avant l'appari-
UHon des produits sexuels.
On voit déjà cette armature sur une larve à 3 segments
(+ tête et pygidium), figure 2, planche XII de CLaparbpe el
Merscanirorr (14869). Ces auteurs indiquent, pour les larves
ordinaires observées par eux, de 15 à 16 segments. « Nur um
ein weniges längere Individuen, die uns nur ein paar Mal zu
Gesicht gekommen sind, enthielten bereits reife Eïer. Merk-
würdigerweise hatten diese reifen Individuen die Larvenmerk-
male durchaus nicht abgelegt », ce qui à valu le nom
d'espèce. On n'avait d'abord observé que des ©; mais
KorscHezr (4894) découvrit les œ, avant jusqu'à 9 millimètres
de long, et 31 segments séligères, et lhermaphroditisme.
Braeu vit aussi les Gen 1894, et constata (4908) les varia-
lions de la sexualité sous l'action d'influences extérieures.
Il s'agit donc d'une forme réolénique (Kollmann) : c'est-
à-dire conservant, à l'état adulte, un caractère larvaire. Notre
larve de Spionide, au contraire, n'a pas les caractères des
adultes de cette famille ; e£ nous Ja voyons développer, à un
stade très précoce, non seulement des œufs, comme dans les
cas de pédogénèse liée à la parthénogénèse, et dont on connail
déjà tant d'exemples, mais aussi des spermatozoïdes, — et chez
des sujets différents : en un mot, les G° comme les Q arrivant
de très bonne heure à la maturité sexuelle, il n°4 à pas de
doute que, dans les conditions normales, la fécondation doive
S'accomphr, sans que, probablement, les sujets dépassent létal
larvaire que nous venons de décrire. C'est done très nettement
une larve progénétique.
Il reste cependant possible que ces larves pélagiques ne pro-
viennent pas toutes de larves semblables; et qu'un certain
nombre soit produit par des Annélides tubicoles menant la vie,
sédentaire de leurs ancêtres.
Il est également possible que quelques-unes de ces larves, au
lieu d'être aussi précoces, ou peut-être après avoir évacué leurs
produits sexuels (vov. la ©, fig. 17, pl. VID), mais cela me semble
bien peu probable, finissent par devenir à leur tour des Annélides
{ubicoles, avant l’évolution normale des animaux de ce groupe.
Ilest possible, enfin, qu'il v ait une alternance plus où moins
250 C. VIGUIER
régulière de larves progénétiques el d'autres devenant des
individus tubicoles.
Mais l'adaptation définitive à la vie pélagique semble bien
plus vraisemblable.
Les Tuniciers nous offrent, du reste, un exemple d'animaux
profondément modifiés par la fixation; mais dont les larves, le
plus souvent pélagiques, ne sont pas alors sans ressembler à
celle de l'Arphiorus, quoique E. van Bexenex (4884) leur ait
ce qui les mettrait naturellement
dénié une cavité générale :
dans une tout autre lignée.
Je n'ai pas à discuter actuellement cette opinion, qui me
parait très risquée ; mais je ne puis n'abstenir de faire remar-
quer combien l'adaptation à la vie pélagique d’une larve d’An-
nélide sédentaire rappelle l'adaptation semblable des Appendi-
culaires, qui ressemblent tant aux larves d'Ascidies simples
qu'on en fait généralement le groupe des Larvacés. Seulement,
chez eux, se retrouve l'hermaphroditisme des Ascidies ; tandis
que notre Spionide à les sexes séparés, comme ils le sont, dans
l'immense majorité des cas, chez les Annélides Polvehètes.
DIAGNOSES : @, D'UN GENRE NOUVEAU DE PHYLLODOCIEN PÉLAGIQUE ;
— D, D'UN GENRE NOUVEAU D'APHRODITIEN PÉLAGIQUE ; — AVEC
DISCUSSION DES APHRODITIENS PÉLAGIQUES SIGNALÉS JUSQU'A CE
JOUR.
Je me borne pour le moment, comme je le disais dans l'avant-
propos (p. 190), à donner les diagnoses de deux genres nou-
veaux d'Annélides pélagiques : un Phvllodocien et un Aphro-
ditien.
AE
Le nouveau Phyllodocien est le Lype le moins modifié que
nous connaissions actuellement de la série aboutissant au Phala-
crophorus.
Le Pariospilus affinis (nov. gen. et sp.), que je désigne ainsi
à cause de son extrême ressemblance avee l’Z/ospilus phala-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'AILGER 251
croides (C. Vig.) de mon mémoire de 1886, en diffère par la
dimension plus grande des palpes, qui atteignent la taille des
premiers cirres tentaculaires, et sont visibles lorsqu'on regarde
l'animal par la face dorsale; et, en outre, par la présence de
cirres, dorsaux et ventraux, foliacés, dès le segment suivant
les deuxièmes cirres tentaculaires, c'est-à-dire dès le premier
segment Hibre; car, bien entendu, les deux premiers segments
sont soudés, comme dans le genre /ospilus.
Les premiers des cirres foliacés (ceux du troisième segment)
sont fort pelits; et l'augmentation de taille des rames et des
cirres se fait graduellement, comme chez les autres formes,
Jusqu'au onzième. Le nombre total des segments variait, chez
mes sujets, de 20 à 23, le plus fréquent étant 22: % compris le
segment double, mais non la tête, ni le pygidium, peu distinet
de la zone d'accroissement. Celle-ci ressemble plus à ce qu'on
voit sur la figure 9 de ma planche XXI (Palacrophorus) qu'à
la figure 3 (/ospilus) de cette même planche ; mais le pygidium
est tout à fait pareil à celui de l/ospilus, el porte le même anneau
pigmentaire au niveau du paratroque. La trompe est inerme :
el, à l’état d'expansion complète, S'épanouil en pavillon de
trompette, sans plis ni franges.
Les grandes cellules pigmentaires ramifiées, ainsi que les
petits points, sont aussi tout à fait comparables à ce qu'on voit
sur ma figure », et leur position est semblable.
Leur couleur est un peu plus rouge que chez le sujet qui m'a
fait choisir le nom du genre /ospilus. avais déjà signalé,
page 393 de mon mémoire, que sur le deuxième sujet recueilli
elles étaient plutôt rouge sombre. Il en est de même de la
couleur diffuse.
Les soies sont comme sur la figure 6 de la planche XXHT:
les yeux se présentent plutôt comme chez le Phalacrophore
(fig. 8).
Sur les plus grands sujets, 3 millimètres, la longueur du plus
long sillon intersegmentaire atteint 0,43; avec les parapodes,
la largeur du corps atteint 0,8, et avec les soies, 1 millimètre.
Ces mesures sont prises sur des sujets mûrs, mais non encore
complètement déformés.
Le Pariospilus est généralement un peu plus gros que l/ospi'us
202 C. VIGULER
phalacroides, avee lequel je lai d'abord confondu; n'ayant pas
revu depuis longtemps ce dernier, dont j'avais cependant gardé
une préparation et des photographies.
J'ai photographié, et je conserve en préparalions quelques
exemplaires des deux sexes.
b.
Je donne au nouvel Aphroditien le nom de M. Quétier, méca-
nicien, préparateur, photographe, etc., de la Station zoolo-
gique, dont il est, avec le concierge, le seul fonctionnaire, le
Directeur n'ayant que sa situation de professeur à l'Université.
La Quetieria pelagica (nov. gen. et sp.) avait déjà passé sous
mes yeux autrefois, après la publication de mon mémoire (4886),
mais avant le bouleversement causé par la démolition de la
Slation provisoire qui précéda l'actuelle, et n'était, du reste,
qu'une baraque en bois. Beaucoup de préparations furent per-
dues à ce moment; entre autres celles de l'animal désigné, avec
doute, sous le nom de Polynoë pelagica(C. Vig.) dans le mémoire
en question, et ce premier exemplaire de la Quelieria. J'ai heu-
reusement gardé des clichés, dont je publierai des épreuves en
même lemps que celles du nouveau sujet.
Celui-ci, capturé au mois de mai dernier, avait perdu ses
élvtres du milieu; mais celles des extrémités antérieure et pos-
lérieure élaient demeurées en place, et attirèrent mon attention
par leur dimension remarquable. F'observai, du reste, l'animal
vivant: el le vis s'en servir comme de rames au moins aussi
efficaces que les soies capillaires de ses parapodes.
Le sujet a été photographié vivant, fort peu contracté, à des
grossissements de 10 et de 15 diamètres. La préparation en est
très bonne, sauf que les élytres sont un peu froissées, el les sotes
capillaires tordues comme sur les figures 16 et 17 de MICHAELSEN
(4892). Mais elles se montrent à leur état naturel sur les photo-
graphies, où je relève les mesures suivantes :
Longueur: 7°",2 (pour la tête, le segment achète, 13 segments
à parapodes bien formés, viramés, 3 autres, déjà distincts
mais imparfaitement développés, et sans soies, la zone d’accrois-
sement et le pygidium). Le changement de dimension des para-
podesestassez brusque, du dixième, bien développé, au onzième.
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 933
L'animal comptant donc, au moment de sa capture, 17 segments
+ la tête, la zone d’accroissement et le pygidium, était certaine-
ment en voie d'accroissement, et ne montrait pas de produits
sexuels.
La tête est arrondie, peu échancrée en avant, et large de 0,8.
Du fond de l'échancrure part l'antenne médiane, dont Particle
basilaire, peu distinet de l'antenne qui s'amineit régulièrement
jusqu'au bout, à 0,13 de largeur à la base, 0,09 au sommet,
et 0,13 de longueur. L'antenne elle-même a 1**,7 de long. Les
antennes latérales sont insérées sur des tubercules bien distincts,
larges de 0,9 à la base, de 0,05 au sommet, et de 0,13 de long.
Ces antennes se renflent aussitôt jusqu'à atteindre 0,09, s'amin-
cissent régulièrement sur 0,2, puis s’effilent en une pointe très
fine, leur longueur totale étant 0,52. Les veux, disposés en
trapèze, les postéro-supérieurs plus rapprochés que les latéraux.
ne montrent pas de cristallin. Les palpes partent très nettement
des coins de la bouche. Ils ont 1°",05 de long, et conservent,
sur presque toute leur longueur, une largeur de 0,16, puis se
terminent brusquement en pointe.
Le premier segment est, comme à l'ordinaire, très court; el
ses cirres sont tentacularisés. Le dorsal, qui passe au-dessus du
palpe, à 2°°,8 de long, sur 0,13 à la base. Le ventral, qui passe
ordinairement en dessous du palpe, a 2"",2 de long, sur 0,12 à
la base. On ne distingue, à leur base, n1 acicule, ni soies. Peut-
être le pourrait-on en sacrifiant la pièce, mais Je préfère m'en
abstenir.
La largeur du corps se maintient la même que celle de la
tête (0,8) jusqu'en arrière du cinquième segment. Elle atteint
1°°,2 en arrière du sixième. C’est qu’en effet la trompe, armée
des quatre dents ordinaires, se termine là, en se rétrécissant à
n'avoir que 0"",35, landis que l'intestin est brusquement dilaté
jusqu'à remplir toute la cavité du corps. La largeur de l’un et
l’autre diminue ensuite graduellement. Le pygidium n'a que
0"*,5 à la base, 0°°,5 de long, et porte deux cirres coniques
et minces, de 0"",5 également de longueur, un peu rétrécis à la
base, comme les antennes latérales.
Les élytres sont portées sur les segments 2, 4, 5, 7,9, ete.
Le premier parapode n'a ‘que 0"",6 de long; le deuxième,
254 C. VIGUIER
0,8: le Croisième, { millimètre; le quatrième, 1°°,4; le cin-
quième 1"%,5 ; le sixième, 1"°,4; le septième, 1°*,3 ; le hui-
ième, 1°°,2; le neuvième, { millimètre. Jai dit plus haut qu’à
partir du dixième segment, qui porte ce parapode, les dimen-
sions diminuent très brusquement.
La longueur des sillons intersegmentaires est, entre # et 5,
DS rventre 6 ét 7.17" 2%:entre Liret 12) 071:
Le deuxième cirre ventral est dirigé en avant, comme les
deux cirres du premier segment, et long de 1°°,5 ; il est inséré
près de la base du pied, au niveau de l’élytrophore. Les autres.
insérés comme les cirres dorsaux ou les élytrophores aux deux
cinquièmes de la longueur des parapodes, ne dépassent
guère 0%",33. Les cirres dorsaux sont allongés; et les plus longs,
ceux des troisième el sixième segments, atteignent 2°°,7.
Les soies sont toutes capillaires. Elles augmentent de longueur
jusqu'au septième segment, où les plus longues dépassent
de 0"°,6 la pointe du parapode. IT en à environ 25, avec un seul
acicule assez clair.
Les élytres subsistantes ont environ 2 millimètres sur le
deuxième segment et 2%%,5 sur le septième et le neuvième.
Je ne suis entré dans tous ces détails que pour les raisons
qui ont déterminé MarexzeLLer (1892) à donner une deserip-
lion fort étendue de sa Nectochæta; et pour ne pas mériter de
nouveau le reproche qu'il me fait à propos de la Polynoë pela-
gea: « NiGuier n'a pas nettement caractérisé son espèce, et n’a
pas tranché la question de savoir s'il s'agit, comme c’est mon
sentiment, d’une forme larvaire ».
Quoiqu'elle ne soit pas à l'état de maturité sexuelle, on peut
assurer que la Quelieria est une forme adaptée à la vie pélagique ;
et bien distincte de ma Polynoë pelagicu, de la Nectorhæta Gri-
maldi de MARENZELLER, ainsi que de la Drieschia pelagica de
MICHAELSEN.
Une comparaison rapide va le montrer.
J'ai deux clichés de la Polynoë : un de l'animal entier,
à 13 diamètres, l’autre de sa partie antérieure, à 28. Je puis,
d’après eux, compléter la description donnée page 416 de mon
Lravail.
On voit sur le premier cliché 16 segments post-céphaliques ;
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 255
mais l'extrémité de l'intestin étant sortie, par suite d'une
rupture semblable à celle que montre la figure 19 du présent
mémoire, ilestimpossible de distinguer le nombre des segments
ébauchés en avant de la zone d'accroissement, non plus que la
forme du pygidium et les dimensions des cirres qu'il doit
porter.
Quoique la Quelieria n'ait encore que 1% segments post-
céphaliques bien formés, elle à déjà 7°",2 de longueur totale :
landis que la Polynoë, pour 2 de plus, n'a que 3"".5. La plus
grande largeur, rames comprises, atteint 5"",2 chez la première,
el seulement 3°",65 chez la seconde.
L'examen détaillé va nous montrer bien d'autres diffé-
rences.
A l'époque où j'ai rédigé mon travail sur les Annélides péla-
giques, Je m'occupais surtout des Phyllodociess; et, comme
le reconnail MareNzELLER, les Aphroditiens étaient alors
regardés comme des animaux exclusivement de fond (bentho-
niques. comme disent maintenant quelques auteurs, par oppost-
{ion aux pélagiques). Je restai donc sur la réserve; mais je ne
doute plus maintenant qu'elle ne soit une espèce distincte,
ayant subi une véritable adaptation à la vie pélagique, moins
accentuée cependant que celle de la Quelieria. Quoique non
encore sexuée, non plus que celle-cr, elle ne présente non plus,
ainsi que je le disais page 417, aucune apparence larvaire.
La grandeur relative des antennes est très semblable dans les
deux animaux. Sans doute les dimensions de l'antenne médiane
et des palpes, indiquées, relativement aux segments, dans mon
lravail, ont-elles été mesurées sur lanimal encore frais ; car
je les trouve maintenant un peu moindres.
Il nest, du reste, pas possible de vérifier actuellement la
longueur exacte de l'antenne médiane, dont la pointe se pro-
jette sur le palpe gauche, très opaque. La portion qui se voit
bien à 0°",6 de long. Au lieu d'être régulièrement conique,
comme celle de la Quetieria, elle est renflée au-dessus de sa
base, comme les antennes latérales Le sont chez les deux espèces.
Ces dernières dépassent le bord frontal de 0“",21 , et leur tuber-
cule d'insertion est masqué par le bord en question. Celui de
l'antenne médiane, au contraire, est fort allongé, cylindrique,
256 C. VIGUIER
et dépasse de 0"®*,1 le bord frontal. Les palpes sont dégagés sur
une longueur de 1°°,1. Ils sont par conséquent plus longs que
l'antenne médiane (voy. aussi p. #16), au lieu d’être sensiblement
plus courts, comme chez la Quwetieria ; et plus longuement
atténués à leur pointe que ceux de cette espèce.
La tête estlarge de 0"*,57, et plus échancrée en avant que celle
de l’autre type. La longueur des sillons intersegmentaires est :
entre le quatrième et le cinquième segments, 0%*,6: entre Île
sixième el le septième, 0%",75; entre le onzième et le dou-
zième, 0"",5.
Les cirres tentacularisés du premier segment ont : le dorsal
0%®,93 de long ; etle ventral, 0"*,7. Mon mémoire indique un
acicule, qui n'est pas discernable sur les photographies. Sur
les autres segments, les pieds sont nettement biramés, comme
je le disais déjà page #17. La branche supérieure du parapode
est un mamelon un peu allongé muni de soies moins nom-
breuses et plus courtes (quelques-unes très courtés) mais plus
grosses que celles de la branche inférieure. Celle-cr, étroite et
allongée, se termine par une languette beaucoup plus longue
que chez la Owetieriu. Le plus long parapode (huitième seg-
ment) atteint, y compris la languette, 0"*,75.
Toutes les soies sont simples, et la taille des plus longues
est OP E:T.
Mais les plus grandes différences que montrent mes deux
espèces sont, après l’état des parapodes, la dimension des cirres
et des élytres. Les plus grands cirres dorsaux de la Polynoë ont
0"*,6; et Les cirres ventraux 0"",23.
Les élytres sont presque toutes restées en place, et doivent
être plus dures que celles de Ia Quetieria. Leur élvtrophore est
plus court. Elles sont presque circulaires (0%*,75 de long, sur
0®%,70 de large pour celles portées par le deuxième segment).
On ne les voit pas se croiser sur le dos de l'animal.
Je pense que cette Annélide sera le type d'un nouveau genre,
lorsqu'on da connaîtra mieux. Je ne lai pas autrefois exami-
née avec loute lattention qu'elle méritait; et maintenant, quoi-
qu'ayant les photographies sous les yeux, je préfère m'abstenir
de changer son nom, Jusqu'à ce que je prenne un autre sujet.
MicuAËLsEn (1892) eL MARENZELLER (4892) ont publié tous deux
ÉTUDES SUR LEUNPLANKIONTDE L\ BAIE D'ALGER 257
la même année, chacun d'après un seul exemplaire conservé,
deux genres nouveaux : la Drieschia pelagica, et la Nectochæta
Grimaldi. La Drieschia de MicnAëLsex vient des pêches pelagi-
ques faites par Driesch à Cevlan. 1 lui manquait l'antenne
médiane, dont on ne voit, sur là figure 15, que le tubereule
d'insertion. Cette figure devrait aussi montrer les cirres ven-
traux du deuxième segment: mais celui-ci n'est représenté que
par une mince bande, portant les élytrophores et des para-
podes fort minces, munis chacun de trois petites soies. La Necto-
chæla de MARENZELLER avait perdu non seulement toutes ses
élytres, mais la plupart de ses cirres dorsaux.
Le premier exemplaire que J'ai recueilli de la Qwetieria
était absolument intact, sauf les élvtres, et fut photographié
vivant. Je ne crus pas cependant devoir me presser de publier
aussitôt celle pelite découverte. MARENZELLER à pensé autre-
ment. On hit dans sa note, que n’accompagne aucun dessin : «Les
Chétopodes de la famille des Polynoïdiens sont extrêmement
rares dans la faune pélagique. La découverte en est toute
récente : encore ne sait-on pas grand'chose sur leur compte.
« I n’en a été indiqué à ma connaissance que deux cas, dans
des localités fort éloignées l'une de l'autre. Le premier à été
indiqué par le professeur ViGuier, à Alger. C'est à Ceylan que
le docteur Driesca à trouvé le second.
€ NViGüiER n'a pas neltement caractérisé son espèce ; et n'a
pas tranché la question de savoir S'il s'agit, comme c’est mon
sentiment, d'une forme larvaire. »
I s’agit d'un animal Jeune; mais non d'une forme larvaire.
Je pense que la présente description laissera cette impression à
tous les spécialistes : et 11 en est de même pour la Quelieria.
Mes sujets avaient passé de beaucoup l'état auquel les Aphro-
ditiens ordinaires gagnent le fond. Dans les deux genres, on
constate une véritable adaptation à la vie pélagique, plus mar-
quée chez la Quelieria que chez la Polynoë. La pigmentation,
déjà réduite chez celle-ci, à disparu chez l'autre.
MARENZELLER poursuivait : « Dans ces conditions, toute décou-
verte analogue devient très intéressante, et il v a lieu de Ja
publier rapidement. »
L'occasion se présentant, Je me conforme à cet avis; mais
ANN. SC. NAT. ZOOL., Je série. LOS Enr 164
258 C. VIGUIER
Je préfère réserver encore mes dessins et mes photographies
pour un travail de faune, que je pense publier sous peu. On a,
Je pense, tout ce quil faut pour se faire une opinion sur le
sujet.
La Drieschia est indiquée comme ayant le corps court, mais
MicuAELSEN ne donne pas la longueur de son sujet, sans doute
fort contracté. Ilavait 28 segments, et des traces de pigmen-
tation sur le tubercule d'insertion des cirres dorsaux. Les pieds,
uniramés, portaient deux sortes de sotes, les unes capillaires,
les autres plus grosses et plus courtes, moins nombreuses, et
portant de fines aiguilles (fig. 18). MiCHAELSEX considère, avec
raison suivant moi, que « Die Verschiedenartigkeit dieser Bors-
ten der zweiten Art bekundet wohl eine Neigung derselben sich
zu feinen Haarborsten umzubilden » (p.8). Les élvtres étaient
de grandeur normale.
La Nectochæta avait 5 millimètres de long et 2*",24 de large,
au milieu, avec les rames. Elle comptait, nous dit MARENZELLER,
2% segments, dont 21 avec des rames complètement dévelop-
pées. Mais 1l faut évidemment compter un segment de plus; car
l’auteur devait considérer encore le premier segment comme
faisant partie de la tête, puisqu'ilindique les élvtrophores sur les
segments 1, 3, 4, — 20. Les pieds étaient biramés, avec la rame
supérieure tout à fait rudimentaire, portant seulement un aci-
cule el une soie à peine saillante. Les élvtrophores étaient rela-
livement forts, ainsi que les cirres dorsaux. Toutefois ceux des
cirres qui restaient étaient plus courts que Pantenne médiane.
Les soies de la rame inférieure étaient « bidentées, avec une
longue pointe terminale, légèrement recourbée et munies
d'épines peu solides ».
Il est regrettable que Lo Braxco, qui eut, d’abord dans les
pêches de la « Maia » (4902, p. 451), puis dans celles du «Puri-
tan » (4904, p. 208), l'occasion de voir la Nectochæta, ne nous
donne aucune indication sur les élvtres, non plus que sur les
soies, si curieuses, qui rappellent, fort exagérée, la forme de
celles de la Podarke pugettensis (Graver, 4909, fig. 5). Il n’ob-
serva chaque fois qu'un seul exemplaire. Pour le second, ilnous
dit : « L’animale & piuttosto maltrattato e privo di elitre »;
mais pour le sujet recueilli par la « Maia », il écrit : « Un esem-
ÉTUDES SUR LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 259
plare di questa specie, in otfime condizioni, si rinvenne nella
campana natante di Abyla pentagona...…. Esso è lungo 5 mil-
limetri, e corrisponde, in generale, alla descrizione che dà 1l
MaARenzELLER dell’unico esemplare pescato dall Hirondelle nell
Atlantico, a quasi 2.000 metri di profondità (1), per il numero
dei segmenti e per i lunghi cirri, nonche per le setole ventralr.
Pertanto nel ramo superiore dei parapodi ventrali (?),invece di
una sola setola, come descrive il MARENZELLER, se ne osserva tutto
un gruppo, in numero di dieci circa; esse sono larghe, quasi
il doppio di quelle del ramo inferiore, e disposite a ventaglio.
lo suppongo che l’assenza di queste setole nell’esemplare stu-
diato dal detto autore debba interpretarsi non altrimenti che
per mancanza delle medesime, in seguito alle non buone condi-
zoni dell’esemplare esaminalo. »
Il n’est, on le voit, nullement question des élvtres, bien que
le sujet fût ex ercellente condition. C'est fort regrettable. Mais
nous apprenons ce fait intéressant que, si la Neclorhæta à ses
pieds biramés comme ma Polynoë, c'est la rame supérieure
qui est la plus longue, presque du double (tandis que les sotes
ne sont qu'au nombre d’une dizaine environ, alors que la rame
inférieure en a dix-huit, d'après MARENZELLER) : ce qui est une
disposition fort différente de ce qu'on voitchez ma Polynoë.
D'autre part, la Drieschia de MicHAELSEX à ses pieds uniramés,
comme la Quelieria.
Je ne comprends donc guère comment Lo Branco peut ajou-
ter : « Considerando la descrizione che dà il MicnARLsex della
Drieschia pelagica, Polynoide pelagico pescato dal DRriesca nei
mari di Ceylan, si nota una grande rassomiglianza fra 1 dui
generi. Anche il Polynoide trovato dal Viquier nella baia d'AI
geri, e che descrisse sotto il nome di Polynoë pelagica, e da lui
ritenuto come uno stadic giovanile, è una forma mollo simile,
ma di minori dimensioni della specie del MARENZELLER. »
Les quatre formes sont, à mon avis, bien distinctes.
Deux ont les pieds biramés, l’une avec prédominance de la
(1) I faut ici, comme pour la note de MarenzeLLer, faire toutes réserves au
sujet de la profondeur à laquelle les sujets ont été pris : car la longueur du
cable filé ne signilie absolument rien, du moment que le filet reste ouvert.
J'ai du reste souvent recueilli l'Abyla pentagona tout à fait à la surface.
260 C. VIGUIER
rame supérieure et des soies bifurquées à la rame inférieure :
Nectochæta Grimaldi (Mar.) ; l’autre avec prédominance de la
rame inférieure : Polynoë pelagica (C. Vig.).
Deux ont les pieds uniramés, là rame inférieure subsistant
seule : lune avec des soies en voie de simplification : Drieschia
pelagica (Mich.) ; l'autre avec toutes les soies capillaires : Que-
lieria pelagica (G. Vig.).
Ces deux dernières Annélides ont subi une adaptation plus
parfaite à la vie pélagique. Mais toutes les quatre sont certaine-
ment des animaux pélagiques. Les miennes étaient plus jeunes:
mais auraient, suivant toute probabilité, atteint un nombre de
segments comparable à ce qu'on voit chez les autres.
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EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE VII.
Fig. 1. — Larve d'Hésionien, nageant, avec pleine expansion de l'extrémité
antérieure, X 25.
Fig. 2 et 3. — Deux autres aspects de l'extrémité antérieure, tres légèrement
contractée, X 10.
Ces trois figures ont été exécutées d'après des croquis sur le vivant, com-
plétés, pour les détails, par l'examen des sujets fixés. |
Fig. 4, — Vue dorsale de la partie antérieure du sujet A (qu'on voit en entier
pl. VIIL fig. 18) relevée à la chambre claire, à la lumière réfléchie, et mon-
trant la légère contraction de la couronne, X 25.
Fig. 5. — Vue ventrale du mème sujet, relevée de mème, en mettant au point
sur les bandelettes mésodermiques (la bouche n'est pas représentée), X 23.
Fig. 6. — Une partie du même objet : æ. a. œil antérieur ; &, p, œil posté-
rieur; 4, à, antenne inférieure ; 4. s. antenne supérieure ; ol. fossette
ciblée, X 60.
Fig. 7. — Vue dorsale dela partie antérieure du sujet B {voy. pl. VIIE fig. 19),
relevée comme 4 et5, el montrant la couronne, plus contractée que sur #4 :
‘. m. antenne médiane, qui se voit aussi sur {, # et 6; a. s. antenne latérale
supérieure, en arrière de laquelle se voit la courbe de la crète ciliée, X 25.
Fig. 8. — Vue ventrale du même objet. Comme sur la figure 5, les cirres
ventraux sont teintés en gris. En outre, les acicules sont représentés sur un
côté, pour montrer leurs dimensions relatives. V!., premier cirre ventral.
L'ordre des autres se voyant bien, surtout de l'autre côté du dessin, on ne
les a pas numérotés.| d! àd*, cirres dorsaux du segment complexe ; d°, cirre
dorsal du premier segment sétigère; a. t. antenne inférieure: 4. s. antenne
supérieure [les veux n’apparaissant à la surface ni du côlé dorsal, ni du
côté ventral, par suite de la rétraction du lobe apical, ne sont pas repré-
sentés ici, non plus que les fossettes ciliées! ; 6. c., partie ventrale de la erète
ciliée ; b. bouche ; s£., contour du stomodeum (qui se voit par transparence,
pl: VII, fig. 20, et en coupe, pl. IX, fig. 21 et 22), X 25.
Fig. 9. — Extrémité d'une soie de la quatrième rame, X 300. (Celles de la pre-
mière rame sont beaucoup plus courtes).
Fig. 10. — Fragment de la serpe, pour montrer la serralure, X 600.
Fig. 11. — Extrémité d'un acicule, dont la pointe claire dépasse le parapode,
au point indiqué par le trait, xX 600.
Fig. 12. — Coupe dans la région movenne de l’acicule, x 600.
PLANCHE VII.
Fig. 13 à 17. — Larves de Spionide, photographiées à 75 diamètres, et réduites
à 40. (V. texte, p. 236).
Fig. 13. — © mür, photographié vivant, face dorsale.
Fig. 1#. — Le mème, immédiatement après lixation, face dorsale.
Fig. 15. — Autre ©, immédiatement après fixation, face ventrale.
Fig. 46. — © mure, photographiée vivante, face dorsale.
Fig. 17: — Autre ©, photographiée après préparation dans le baume, ÿd.
266 C. VIGUIER
La figure 15 (voy. aussi, pour la fête, pl. IX, fig. 26) montre l'aspect tronqué
de l'extrémité antérieure, aspect dû à l'épaisseur des lèvres latérales, peu :
contractées ici, el masquant la lèvre inférieure. Sur ce sujet, non silhouetté
comme les autres, l'extrémité antérieure se présente un peu par le sommet.
On voit aussi le mode de rupture des anneaux, qui semble le mode normal,
et qui, préparé déjà en 13 et en 1#, et sur la gauche de 15, est complet sur
la droite d’un des anneaux postérieurs de 15.
La figure 17 (voy. aussi pl. IX, fig. 28) montre l'écartement, non seulement
maximum, mais forcé des lèvres latérales, dont la partie antérieure est peu
transparente à cause de l'épaisseur et de la ciliation, et la partie postérieure
claire. Cet écartement des lèvres amène très en avant l’orifice buccal, que
l'on voit par transparence, suivi du bulbe plus sombre, à l'endroit indiqué
par le cercle ponctué de la fig. 28, pl. IX.
Fig. 18-20. — Larves d'Hésionien (vues ventrales).
Les figures 18 el 19 sont les photographies des sujets À et B, prises immédia-
tement après fixation, alors que les animaux étaient complètement opaques.
Elles n'en donnent par conséquent que la silhouette, et ont été réduites
AC.
Pendant la fixation, la contraction du sujet À à épanoui presque entièrement
l'extrémité antérieure ; mais le lobe apical, au lieu d’être en expansion
régulière, comme sur la fig. 1, pl. VII, se trouve lui-mème étalé et aplati.
(Voy. texte, p. 197).
La contraction du sujet B a déterminé une rupture au niveau de l'anus. Il
n'y a donc pas eu un excès de pression intérieure, comme chez A ; et la
contraction de l'extrémité antérieure s’est faite très régulièrement : le lobe
apical est cependant rétracté. (Voy. les fig. #-8 de la pl. VIT.
Fig. 28. — Partie antérieure du sujet B, photographié après éclaireissement
dans l'huile de cèdre, et montrant surtout le stomodeum et la segmentation
du mésoderme (La mise au point a été faite sur les plaques mésodermi-
ques), X 35.
PLANCHE IX.
Fig. 21 et 22. — Larve d'Hésionien. Coupes parallèles au plan sagittal (su-
jet Bi
Fig. 1. — La coupe, laissée un peu épaisse, passe par le rudiment de l'antenne
inférieure gauche 4, à, On y voitle lobe apical rétracté, avec le cerveau, c ;
pr., protroque; b., bouche ; s{., sac stomodéal; £., intestin. (Phot. à 100 diam,
réduit à 75).
Le sujet, fortement comprimé pour le photographier et l'examiner, a été
fixé dans le compresseur ; mais, en desserrant l'instrument, l'élasticité des
parois de l'appareil larvaire lui a fait reprendre une forme un peu bombée :
ce qui a déterminé la rupture de la plupart des adhérences de l'intestin. Ce
n'est que grâce à l'épaisseur de la coupe que l'on voit, surtout en avant, des
restes de ces adhérences.|
Fig. 22. — Phot.à 150 diam., réduite aux 3/4 (112,50) d’une coupe plus mince,
passant près du plan sagittal, pour mieux montrer le stomodeum. Sur cette
ligure, comme sur la précédente, la lumière de l'intestin est oblitérée.
Fig. 23 à 30. — Larves de Spionide. (Ces dessins exécutés au simple trait, el
sur lesquels les soies et les cils vibratiles sont schématisés, ont été exécutés :
23 et 2#, d’après l'observation sur le vivant ; les autres d’après les photos,
ou des dessins relevés à la chambre claire).
Fig. 23, montre l’écartement des lèvres latérales, /. L., et l'abaissement de la
lèvre inférieure, /. t., pendant l'ascension du bulbe pharyngien; c.s, cils sup-
posés sensoriels.
:XPLICATION DES PLANCHES 27
Fig. 24, montre le rapprochement des lèvres latérales et le relèvement de la
lèvre inférieure /. à, pendant labaissement du bulbe b: €. $, ut suprà.
Fig. 25, 26 et 28. — Croquis complétant les photographies de la pl. VIT : 25, tête
du sujet de la figure 14 encore plus rétractée ; 26, ia. du sujet de la figure 15;
et 8, id. du sujet de la figure 5.
Fig. 27. — Vue en dessous, en état de rétraction maxima, de la tête de la ,
fig. 16, pl. VII, après fixation et montage dans le baume. On voit la bouche
sous la forme d’une fente triradiée; p, 0, organe préocellaire (?) (Voy. texte,
p. 246).
Fig. 29. — Aspect du © de la figure 13, pl. VIIE.
Fig. 30. — Id. de la © de la figure 16, pl. VIIL.
es soies sont venues beaucoup trop grosses : voy. texte p. 2##4 el note).
(l
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE
DE LA RATE CHEZ LES OISEAUX
Par MAGNAN et DE LA RIBOISIÈRE
Lorsqu'on examine le tube digestif des Oiseaux, on trouve
(oujours, accolée à la partie dorsale du gésier, une petite masse
rouge : c'est la rate. Elle occupe généralement la dépression
circulaire qui sépare le ventricule succenturié du gésier, organes
auxquels des replis conjonctifs la relient.
La rate estun des viscères quise décompose le plus vite après
la mort de l'animal; elle se déforme et ne rappelle même plus
l'aspect qu'elle à chez l'animal vivant. Il est, par suite, indis-
pensable de n'opérer que sur des sujets fraîchement tués.
À mesure que le nombre des dissections s'accroît, on s’a-
percoit que l’on peut classer les Oiseaux en deux groupes
d'après la forme de la rate.
Le premier groupe possède une rate ovoïde, plus ou moins
régulière dans sa forme, tandis que le second offre une rate
cylindrique, très allongée, ressemblant à un boudin ou à une
baguette.
Ces groupes pourraient à leur tour admettre des subdivisions
fondées sur des caractères secondaires de morphologie externe :
mais une telle méthode n’a rien de précis. Elle est arbitraire
et conduit à grouper des Oiseaux en tout hétérogènes. Par
contre, si l’on étudie la rate des Oiseaux en tenant compte de
l’ancienne classification en ordres, tels que Palmipèdes, Échas-
siers..…, Classification peut-être démodée, on arrive à ce résul-
tat que dans un même ordre les genres possèdent la même
forme de rate. Il n’est pas rare de trouver dans cet ordre une
espèce qui possède ce qu'on pourrait appeler la rate modèle,
270 MAGNAN ET DE LA RIBOISIÈRE
que la nature aurait copiée, pour les autres espèces du même
ordre, avec des variantes, mais en en conservant les traits
caractéristiques.
L'étude de l'organe splénique nous le démontrera pleine-
ment.
Pazmipèpes. — Chez les Palmipèdes, l'étude sommaire de
la rate nous montre sa grande variation relativement à sa
forme et à sa grandeur. Les unes sont longues, d’autres courtes.
Un examen plus attentif permet de subdiviser cet ordre en
deux classes fondées sur la morphologie externe de la rate :
1° Les Palmipèdes à rate ovoïde ;
2° Les Palmipèdes à rate allongée.
La première classe ne renferme queles Palmipèdes à habitat
marin, tandis que la seconde est constituée par tous les Oiseaux
de cet ordre qui, plus spécialement terriens, vont chercher leur
nourriture dans les marécages, tels que Jes Canards, etc.
La forme type de la rate chez les Palmipèdes marins nous
est fournie par le Goéland argenté (Larus argentatus Brünn).
Celle espèce possède un organe splénique en forme de véri-
Lable saucisson de 2°°,3 de long sur 4 millimètres de diamètre.
Comme forme en dérivant nous signalerons :
La Mouette rieuse (Larus ridibundus L.), dont la rate allongée,
de 2 centimètres de long sur 2 à 3 millimètres de diamètre,
s'étrangle à son extrémité.
Le Goéland aux pieds bleus {Larus canus L.), dont la rate
mesure 2 centimètres sur #4 millimètres avec une forme
rappelant assez celle d’un dirigeable.
La Sterne naine (Sterna minula L.), qui a une rate en forme
de baguette de 2°°,2 sur 2°°,5.
Le Pingouin du Cap (Spheniscus demersus L.) à rate en
forme de piment, de 2 centimètres de long sur 1 centimètre de
diamètre moyen.
Le Pingouin {A/ca torda L.), le Guillemot (Uria troile L.),
etle Puffin des Anglais (Pufinus Anglorum Briss.) ont tous les
trois des rates en forme de cylindres à extrémités plus ou moins
émoussées. Elles mesurent réciproquement 2 centimètres sur
3 millimètres, 1°%,5 sur 4 millimètres et 1°".,4 sur 2 mil-
limètres.
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DE LA RATE CHEZ LES OISEAUX 271
Le Pélican roux (Pelecanus rufescens Gm.) fait la transition
entre les Palmipèdes marins et les Palmipèdes d’eau douce.
Sa rate massive, n1 ovoide ni allongée, mesurait 2,8 sur
(%,4. Le Grébe castagneux (Podicipes fluriatilis Tunst.)
et le Macareux (fratercula arctica XL.) ont aussi une rate
rappelant une larve de mouche et qui esquisse la transition.
La rate modele des Palmipèdes d'eau douce nous est fournie
par le Canard sauvage {Anas boschas L.) où par lOie sauvage
(Anser ferus Schaelf.). Elle mesure respectivement { centimètre
sur 6 nullimètres ef 1°%,2 sur 1 centimètre el à assez bien Ja
forme d'un œuf voulant copier un rein. Pour les autres genres
de cet ordre, la rate à subi des déformations plus où moins
variées.
Le Pilet (Da/ila acula L.) à une rate en forme de casquette
de Jockey de 8 millimètres sur 6 millimètres.
La rate de Milouin (Ae/hya ferina L.) ressemble assez à une
cupule de { centimètre sur 8 millimètres, ainsi que celle de
la Sarcelle d'hiver (Querquedulu crecca L.).
La rate de Morillon (fuliqula cristata Leach.) a l'aspect
d'une bombe volcanique de 1,3 sur 7 millimètres).
Celle du Siffleur (Mareca penelope L.) à la forme d'un bol
ourlé d'un rebord de 7 millimètres sur 5 millimètres.
ÉcHassiers. — Les Échassiers ont une rate qui souvent con-
traste d'une façon singulière avec leur grande taille. Ainsi le
Marabout (Leploptilus crumeniferus Less.), qui pèse 6K",120, et
mesure environ 1°,30 de hauteur, n'a qu'une rate de 1°",8 sur
6 millimètres.
De plus, on constate de très grandes divergences dans la
forme de cet organe, et on en trouve depuis presque la sphère,
comme chez le Crabier (Ardeola ralloides Scop.), jusqu'au
cylindre presque régulier, comme chez le Râle d'eau (Rallus
aqualicus L.).
Mais, ainsi que chez les Palmipèdes, on peut établir deux
groupes au point de vue de la morphologie de la rate :
1° Les grands Échassiers ;
2° Les petits Échassiers.
Les premiers ont {ous une rate ovoïde, les s’conds presque
tous une rale allongée.
A2 MAGNAN ET DE LA RIBOISIÈRE
La rate de PAigrette {Æerodius alba L.) nous parait réaliser
au maximum Île Evpe de la forme de cet organe pour les grands
Échassiers. Elle rappelle assez un œuf de poule légèrement
bosselé; on fait la même remarque pour le Héron bleu (Aydea
cinerea L.), le Crabier (Ardeola ralloides Scop.). Chez la Cigogne
(Ciconma alba Bechst), la rate figure un rein.
Je signalerai enfin la rate du Marabout {Leptoptilus crume-
niberus Less.), qui, bien qu'ayant l'aspect et la forme générale
e
de la rate des grands Echassiers, est cependant plus allongée.
Les petits Échassiers ont, par contre, une rate allongée, en
cénéral, comme celle des Palmipèdes marins, avec cependant
quelques caractères spéciaux qui leur sont propres. Elles on!
plus généralement la forme d'une navette, comme chez POEdi-
enème erard (ŒÆdicnemus scolopar Gm.); d'une Sangsue,
comme chez le Foulque (ÆFulica atra L.) ou le Vanneau
{Vanelluscapella Schaelf.); d’un saucisson, comme chezles Râles.
ILexiste cependant des types de petits Échassiers qui éla-
blissent une véritable transition avec les grands Échassiers.
Citons le. Corlieu (Numenius phaeopus Lath.), qui à une rate
ovoide, un peu en forme de rein, comme la Poule d’eau (Galli-
nula chloropus L.). Le Chevalier aboveur (Totanus griseus
Briss.) a une rate en forme de larme batavique qui fait peut-être
encore mieux terme de passage.
GALLINACÉS. — Dans cel ordre, la rate est toujours ovoïde.
Elle à une surface lisse et sa forme est assez variable. Bien que
dans la plupart des cas elle ressemble à un œuf, dans quelques
espèces elle à l'aspect d’une bombe volcanique cordée : c’est
le cas du Colin (Lophortyx californicus Shaw.), chez lequel on
aperçoit d’abord une rate ovoïde sur les deux pôles de laquelle
S'allongent deux boules qui se détachent nettement de l’en-
semble de l'organe.
Un bon exemple de rate de Gallinacé nous est fourni par le
petit Coq de bruyère (Lyrurus tetrix L.), dont l'organe splé-
nique est ovoïde €t un peu en forme de haricot.
La taille de la rate subit dans cet ordre de grandes fluctua-
tions. La rate la plus petile paraît être celle de la Caille (Cotur-
nix communis Bonn.), qui mesure 3 millimètres sur 2 milli-
mètres, tandis que la plus grosse appartient sans contredit
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DE LA RATE CHEZ LES OISEAUX 273
au pelit Coq de bruvère et mesure 1,6 sur 1 centimètre.
CoLommins. — Les Colombins, ordre d'Oiseaux quoique à
vie el à régimes très voisins de ceux des Gallinacés, possèdent,
par contre, une rate très dissemblable. Elle est icr allongée, net
tement cylindrique. Je Fur at trouvé comme plus grande lon-
eueur, 2 centimètres chez le Pigeon (Columba linia Briss.),
tandis que la plus brève existe chez la Colombe zébrée (Geopelin
striala L.), où sa longueur ne dépasse pas 6 millimètres.
Le tvpe de cet ordre est réalisé par le Pigeon (Colunba liria
Briss.), qui à une rate en forme de boudin. La Tourterelle
(T'urtur auritus Ray.), a une rate en forme de cigare; celle
de la Colombe zébrée (Geopelia striata L.) est un peu plus
courte et ressemble à une larme batavique.
PASSEREAUX. — Nous avons disséqué beaucoup de Passe-
reaux el toujours nous avons trouvé, avec régularité et sans
exceplion, la même forme de rate. Cet organe est toujours
allongé. Si chez les Corvidés elle à une forme en navette géné-
ralement assez irrégulière, jusqu'à ressembler à un poisson,
comme chez le Choucas (Colaeus monedula L.), elle à, chez les
petits Oiseaux, des formes infinies. Chez la Fauvette (Sylvia atri-
capilla L.), la rate est longue et frêle ressemblant à un filament,
chez d’autres, comme l'Engoulevent (Caprimulqus europaeus L.),
elle à la forme d’un saucisson, tandis que chez le Merle (Turdus
merula L.), elle à l'aspect d’un cône à gros bout. On la voit,
par contre, chez le Verdier (Ligurus chloris L.), massive et
arquée, ressembler à une virgule où à un noyau de polynu-
cléaire, comme chez le Cou-coupé (Amadina fasciata Gm.).
Si quelquefois la rate est lisse et rouge foncé, comme dans la
famille des Corbeaux, chez la plupart des petits Passereaux,
elle est rouge plus franc et paraît granuleuse. Cette dernière
parlicularité semble due à ce que sa surface est parcourue par
de nombreux vaisseaux très fins, séparant des alvéoles splé-
niques plus claires.
C'est chez les Passereaux que l'on trouve es rates les plus
petites. Si elles atteignent parfois 2,9, comme chez la Corneille
(Corvus corone L.), dans le plus grand nombre de genres de
cet ordre, elles ne dépassent pas 8 millimètres, comme chez le
Friquet (Passer montanus L.), et on en trouve même dont la
ANN. SC. NAT. ZOOL., 9 série. LS à D 0 4 1 do 1e
DA MAGNAN ET DE LA RIBOISIÈRE
longueur n'atteint que # mullimètres, c'est le cas du Gobe-
mouche (Wuscicapa collaris Bechst). Elles sont alors si petites
qu'il est impossible de les observer, si on n'examine pas avec
altention le gésier.
GRrimPeurs. — Les Oiseaux qui composent cel ordre, quoique
comprenant des espèces qui furent autrefois classées parmi les
Passereaux, ont une rate très particulière, de forme à peu près
sphérique. Elle Fest presque complètement chez la Perruche
à tête d’or (Conurus auricapilla Licht.) avec 3 millimètres de
diamètre et chez la Perruche de Swaison (Trichoglossus Novae
Hollandiue Gm.). La Calopsitte (Calopsitta Novue Hollandiae.
Gm.) à une rale en forme d’ovoide trapu. Le Toucan (Ram-
phastus loco Müll.) possède une rate massive qui, vue de loin;
rappelle assez un cristal bipyramidé. La rate du Coucou (Cuculus
canorus L.), rappelle Pœuf de Canard.
Rapaces. — Les Rapaces sont avec les Passereaux Fordre
des Oiseaux où lon observe le mieux la fixité morphologique
de la rale. Celle rate est analogue, qu'on la considère chez un
Rapace diurne où un Rapace nocturne.
Les Rapaces possèdent une rate en forme d'œuf, plus ou
moins raccouret ou allongé suivant les espèces. En général, les
exemplaires ne diffèrent que par la laille, car rarement la forme
ovoide est nettement allérée. La surface de Fa rate, d'un beau
rouge, est {toujours lisse; je n'ai jamais vu de saillies. Les dimen-
sions en sont raturellement très variables suivant la taille de
l'animal. Je leur ai trouvé comme grand diamètre 1,5 chez
lAigle bateleur (Helotarsus ecaudatus Daud.), 1 centimètre
chez la Catharte (Catharista atrata Bartlr.).
CourEeurs. — Chez le Nandou (RAea americana L.), la rate
est allongée: elle à la forme d’un ver de la famille des Entérop-
neustes ; les extrémités sont arrondies. La surface est à peu
près lisse et la partie movenne est rélrécie. Sa longueur est de
5 centimètres, et sa largeur varie de #4 à 9 millimètres.
La rate du Tinamou (ARhynchotus rufescens Temm.) est
ovoide et a l'aspect d’un haricot; elle mesure 6 millimètres sur
3 millimètres.
Nos études ont porté sur cent Oiseaux répartis en quatre-vingt-
quatre espèces. Nous en donnons plus loin la liste avec les
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DE LA RATE CHEZ LES OISEAUX
279
dimensions de rale que nous avons respectivement trouvées.
On remarquera de suite que chaque ordre d'Oiseaux est en
effet bien caractérisé par une forme de rate, et il nous sera
facile de le montrer, en reproduisant en grandeur naturelle,
les rates types de chacun de ces ordres (PI T).
rs
£
Le)
nn
1
10 2
DIRE
. Aigle aguia (rapace). 6
. Aigrette (grand échassier). Te
. Canard sauvage (palmipède d’eau 8
douce). 9
. Perruche de Swaison (grimpeur). 10
. Goéland argenté (palmipède marin).
11
— Rates grandeur naturelle.
ÿ. Pigeon sauvage (colombin).
Carouge (passereau).
. Gobe-mouche à collier (passereau).
. Nandou (coureur).
. Vanneau huppé (petit échassier).
lil
Petit coq de bruyère (gallinacé).
Quel est le modèle qui, dans chaque ordre, doit être regardé
comme la souche des organes spléniques des autres genres”?
La Planche 1 est suffisamment éloquente et se passe de com-
mentlaires. En examinant avec attention la forme extérieure
de la rate chez les Oiseaux suivant les différents ordres, nous
serons amenés à résumer notre étude dans le tableau succinct
suivant :
Ordres à rate ovoïde.
Palmipèdes d’eau douce.
Grands Échassiers.
Gallinacés.
Grimpeurs.
Rapaces.
Ordres à rate allongée:
Palmipèdes marins.
Petits Echassiers.
Colombins.
Passereaux.
Coureurs.
9276 MAGNAN ET DE LA RIBOISIÈRE
On invoquera difficilement telle ou telle cause pour expli-
quer la morphologie externe de la rate dans tel ou tel ordre.
On voit que le régime alimentaire n'intervient pas, puisque les
Granivores, par exemple, ont indistinctement une rate allongée
(Colombins) où une rate ovoïde (Gallinacés). Tout au plus
peut-on avancer que les gros Oiseaux ont la rate ovoide, tandis
que les petits l'ont cylindrique.
Tous les croquis que nous avons donnés dans la planche I
sont grandeur nature et tout à fait exacts quant aux dimensions,
mais, vu la différence de taille et de poids des divers Oiseaux,
elle ne permet pas d'avoir une juste mesure des dimensions de la
rate suivant les ordres. Il est intéressant de voir si, en rame-
nant tous les dessins au poids d'un animal de 1 kilogramme,
il y a coïncidence entre les différents types. S'il n'y à pas
identité, les différences traduiront exactement l'état splénique
des différents ordres.
Pour cela, il suffit, pour ramener les rates à la rate type
d'un animal pesant 1 kilogramme, de multiplier la longueur
: . NT RE -
de la rate que l’on étudie par la longueur \/! d'un oiseau de
{ Kilogramme, longueur qui se trouve être 10. En divisant par
la longueur du corps de l'oiseau considéré, calculée par Ja
même formule = on oblient un rapport homogène qui
nous donne la longueur exacte qu'aurait la rate de l'oiseau en
question, s’il pesait { kilogramme. En dessinant les rates types
des différents ordres par ce procédé, ou obtient des rates qui
mettent sous les veux d’une manière frappante les variations
spléniques. Ce procédé est rigoureusement exact. Il permet de
mieux voir les différences qui apparaissent déjà sans cela. En
classant nos ordres d'Oiseaux d’après la planche IT, sans nous
occuper de la forme, mais d’après les grandeurs relatives de
l'organe splénique, il vient le classement suivant :
1) Palmipèdes d'eau douce.
ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DE LA RATE CHEZ LES OISEAUX 277
6) Gallinacés.
7) Colombins.
8) Palmipèdes marins.
e ee
3
L.) RE sue
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" 3 D
lo
fi je
PI. II. — fales ramenées au kilo d'animal.
4. Aigle aguia (rapace). 7. Carouge (passereau).
2. Aigrette (grand échassier). 8. Nandou (coureur).
3. Canard sauvage (palmipède d'eau 9. Gobe-mouche à collier (passereau).
douce). 10. Pigeon sauvage (colombin).
4. Perruche de Swaison (grimpeur). 11. Cou-coupé (passereau).
5. Goéland argenté (palmipède marin). 12. Petit coq de bruyère (gallinacé).
6. Vanneau huppé (petit échassier).
9) Grimpeurs.
10) Passereaux.
Nous sommes donc amenés à conclure que ce sont les gros
Oiseaux qui ont le moins de rate et les petits le plus, résultat
auquel de La Riboisière était déjà arrivé en étudiant les poids
de cel organe.
MAGNAN ET DE LA RIBOISIÈRE
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME
Recherches sur l'Okapi et les Girafes de l'Est africain (2 partie), par
MAURICE DE Rotiscnicb'et-HENRe NEUVILLE: 2... PC RENE
Nouvelles études sur le Plankton de la baie d'Alger, par T. Vicuier.…
Etude morphologique de la rate chez les oiseaux, par Maexax et
TABLE DES PLANCHES
CONTENUES DANS CE VOLUME
Planches T'à VI — Recherches sur lOkapi.
_ VIE à IX. — Études sur le Plankton de la baie d'Alger.
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