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Full text of "Annales des Sciences Naturelles Botaniques"

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85 ANNÉE. —IX° SÉRIE. : T.IX, N°1 


ANNALES 


DES 


| || SCIENCES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


be. BOTANIQUE 


COMPRENANT 


L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION 
DES VÉGETAUX VIVANTS ET FOSSILES 


PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE 


M. PH. VAN TIEGHEM 


TOME IX. — N°1 


[Ce cahier commence l'abonnement aux tomes IX et X] 


en 
LEA te PS 
a A5: EU > LA 


PARIS 
MASSON ET Ce, ÉDITEURS 


LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


120, Boulevard Saint-Germain 


1909 


Paris, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. 
Ce cahier a été publié en février 1909 
Les Annales dse Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. 


Conditions de la publication des Annales des Sciences naturelles 


NEUVIEME SERIE 


BOTANIQUE 
Publiée sous la direction de M. Pu. VAN TIEGREM. 

L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, 
avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux 
mémoires. 

Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
d’une année. 

Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VIII de la 
Neuvième série sont complets. 


ZOOLOGIE 
Publiée sous la direction de M. Epmonn PERRIER. 


L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, 
avec les planches correspondant aux mémoires. 

Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
d'une année. 


Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VI de la 
Neuvième série sont complets. 


Prix de l'abonnement à 2 volumes : 


Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. 


ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES 


Dirigées, pour la partie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie 
paléontologique, par M. A. MILNE-EDWARDS. 


Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. 


Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales 
des Sciences naturelles. 


Prix des collections. 


PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies, 30 vol. (are) 
DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. 
TROISIÈME SÉRIE (1844-1853 


). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 950 fr. 


SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. 
GÉOLOGIE, 22 volumes. . . NEA ARS ESS DAFT 


ANNALES 


SCIENCES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 


CORBEIL. — IMPRIMERIE CRÈTE. 7à 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 


COMPRENANT 


L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION 
DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES 


PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE 


M. PH. VAN TIEGHEM 


TOME IX 


PARIS 
MASSON ET C*, ÉDITEURS 


LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


l 20, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 


1909 


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 L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 


LES ORCHIDÉES ET LEURS CHAMPIGNONS COMMENSAUX. 
Par M. Noel BERNARD 


INTRODUCTION (1) 


On sait depuis les recherches de Wahrlich [57] que les Orchi- 
dées hébergent des champignons dans les cellules de leurs 
racines. La généralité de cette règle a suffi pour qu’on recon- 
naisse là un cas de « symbiose » et ce mot implique souvent la 
croyance à une « association mutualistique » entre des commen- 
saux capables de s’entr'aider. En fait, dans ce cas de symbiose, 
comme dans la plupart des autres, on sait seulement d’une 
façon positive que l’association des champignons et des plantes 
adultes est intime et habituelle. IL faut partir de là, et si l'on veut 
comprendre par quels moyens la symbiose subsiste ou décou- 
vrir les secrets de son apparente harmonie, le plus utile est de 
chercher ses origines et de retracer son histoire. Cette idée 
évolutionniste a dominé mes études; elle me permettra d'établir 
des rapports suggestifs entre Les faits examinés dans ce mémoire. 


LES ORIGINES DE LA SYMBIOSE. 


La première question qui se pose est de savoir comment la 
symbiose s'établit à chaque génération ; c’est un problème 
directement accessible à l'expérience. 


(1) Les numéros entre | ] renvoient à l'index bibliographique. Afin de rendre 
plus facile la lecture de ce mémoire, la plupart des détails relatifs aux tech- 
niques expérimentales ont été réunis dans les notes d’un Appendice placé à la 
fin. En dehors même du cas où l'indication expresse en est donnée, le lecteur 
pourra se reporter à ces notes quand il ne trouvera dans le texte même du 
mémoire que des indications générales sur les méthodes d'observation et 
d'expérience ou sur la nature précise des plantes étudiées. 


ANN. SC. NAT. BOT., 9% série. D ml 


LC] 


19 


NOEL BERNARD 


Les champignons des Orchidées, extraits des cellules où ils 
vivent, peuvent se développer d’une façon autonome; ce sont, 
comme on le verra dans le chapitre, des Rhizoctonia apparte- 
nant à diverses espèces. Les graines d’Orchidées semées pure- 
ment (1) sur des milieux nutritifs pauvres, comparables aux 
milieux de culture naturels, sont au contraire généralement 
incapables de se développer d’elles-mêmes, mais elles peuvent 
germer lorsqu'on inocule les semis avec des Rhizoctones con- 
venables [6]. En principe donc : la germination des Orchidées : 
ne se fail pas sans le concours de champignons, la symbiose s'éta- 
blit nécessairement dès le début de la vie, c'est pourquoi elle reste 
ensuite la règle. 

Au laboratoire, la culture des champignons est aisément 
réalisable, l’inertie des graines semées purement est facile à 
constater, mais leur germination par l’action des Rhizoctones 
ne s'obtient pas sans difficultés. Depuis cinq ans, j'ai semé les 
graines de diverses espèces d'Orchidées dans des tubes de culture 
qui contenaient chacun en moyenne une centaine de graines, et 
j'ai inoculé ensuite chaque série de semis avec des Rhizoctones 
extraits de racines. Dans les cas les plus favorables les graines 
germaient en nombre plus ou moins grand (fig. 1), mais les 
insuccès n'ont pas été rares. Tout compte fait, j'ai réussi à obte- 
nir quelques centaines de plantules viables, mais je reste au- 
dessous de la réalité en estimant à cinquante mille le nombre 
total des graines sur lesquelles mes expériences ont porté. Pour 
une majorité de ces graines, l'association avec les champignons 
que je mettais en leur présence a été passagère et sans effet, ou 
impossible, ou rapidement nuisible aux embryons. 

Les horticulteurs les plus expérimentés ont toujours considéré 
de même le semis d'Orchidées comme une opération de réussite 
incertaine. Ils ne voient souvent pas une graine germer sur 
mille, malgré que dans leurs serres les Rhizoctones pullulent. 
Dans la nature enfin les Orchidées restent rares, bien qu'elles 
prodiguent leurs semences, chaque plante pouvant produire par 
milliers ou par millions des graines impalpables. 


(1) J'entends par « semis purs » des semis de grainés faits dans des tubes de 
culture stérilisés, à l'abri de toute concurrence avec des microorganismes, par 
les méthodes indiquées dans la note 11 de l’Appendice. 


L ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 


En réalité, les rares Orchidées qui attei- 
gnent l'état adulte ont été sélectionnées 
par les champignons dans des conditions 
minutieusement précises. Pour les em- 
bryons même, à qui les hasards de la dis- 
sémination des graines ont permis de ren- 
contrer des Rhizoctones, la mort préma- 
turée est la règle et la vie en symbiose 
est une exception. L’harmonie des asso- 
ciations d’Orchidées et de Rhizoctones 
n’est pas à beaucoup près une loi univer- 
selle. 

Il n’est pas moins admirable que des 
milliers d'espèces de plantes, sujettes aux 
atteintes de champignons depuis l’origine 
de leur famille, présentent encore des in- 
dividus capables de résister à ces hôtes 
tout en vivant avec eux dans un état d’inti- 
milé extrême, et il reste à savoir comment 
cet état de symbiose a pu s'établir et a évo- 
lué chez les ancêtres des Orchidées ac- 
tuelles. Cela ne peut qu'être un sujet de 
réflexions théoriques, mais ces réflexions 
sont utiles à faire et susceptibles de quel- 
que précision. 

La famille des Orchidées est l’une des 
plus riches en espèces de tout le règne vé- 
gétal ; la conformation complexe des fleurs 
y offre beaucoup de variété et l’organogra- 
phie florale comparée rend moins illusoire 
dans ce cas que dans d’autres la tentative 
de reconstituer un arbre généalogique. 
Les recherches si justement estimées aux- 
quelles Pfizer a consacré sa vie, peuvent 
donner aujourd’hui à ce genre de spécu- 
lations une précision et une sûreté rare- 
ment atteintes ailleurs. On à donc un 
moyen indépendant de toute considéra- 


, un lacis de fins filaments, invisibles sur la figure. D'après nature, 


’action d'un Rhizoctone capable de symbiose avec cette Orchidée ; les embryons 


; le champignon forme, sur le milieu gélosé 


‘une Cattléyée germant par 1 


se développent inégalement 


Fig. 1. — Semis de graines d 
légèrement réduit. 


4 NOEL BERNARD 


tion relative à la symbiose pour apprécier le degré d’évolu- 
tion des espèces actuelles. 

Partant de là, j'ai cherché comment l’état de symbiose se 
modifie quand on passe d'Orchidées simples et primitives à 
d’autres qui atteignentun plus haut degré decomplexité. J’estime 
avoir ainsi apprécié les étapes successives de l'adaptation des 
Orchidées à leurs hôtes avec autant de certitude qu’on en puisse 
espérer en semblable malière. On trouvera dans le chapitre II 
une discussion précise des faits réunis à ce point de vue, mais 
je puis faire état ici des conclusions auxquelles cette discussion 
amène. 

Au degré le plus inférieur, chez de rares Orchidées comme 
Bletilla hyacintina, la symbiose ne s'établit pas nécessairement 
dès le début de la vie, les plantules peuvent avoir un dévelop- 
pement autonome plus ou moins prolongé. L'association une fois 
réalisée reste d’ailleurs intermittente : chaque année des racines 
se développent et s’infestent, pendant que poussent les tiges 
aériennes fugaces ; puis les racines meurent, comme les tiges 
mêmes, et la plante reste pendant plusieurs mois réduite à un 
rhizome indemne de champignons. Dans ce cas même, l’infes- 
tation des racines chez les plantes adultes est la règle et l’on peut 
parler de symbiose. Mais l’état d’un Bletilla est en réalité bien 
proche de celui d’une plante sujette à une maladie cryptogamique 
bénigne, capable de récidiver. 

Chez la plupart des Orchidées, la symbiose reste intermittente 
à l’état adulte; mais, comme je l’ai dit, il est de règle au moins 
qu'elle s’établisse dès la germination. On ne peut pas, dans les 
conditions ordinaires de culture, obtenir des plantules un tant 
soit peu développées sans le concours de champignons. 

Sous sa forme la plus parfaite, dont l'étude du Neottia Nidus- 
avis fournit un des meilleurs exemples, la symbiose devient 
continue. Non seulement les graines ne germent pas sans le 
concours d'un champignon, mais encore ce champignon ne 
cesse pas de se propager dans la plante qu'ila dès l’abord envahie, 
jusqu’au moment où elle meurt. 

Quand on arrive à ce cas ultime d’une plante incapable de 
vivre à aucun moment sans son hôte, la notion de l’individualité 
perd son sens habituel. L'association du Rhizoctone et de l’Orchi- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 5) 


dée mérite plus que l'Orchidée même d’être considérée comme 
un individu. Un Neottia Nidus-avis n’est pas plus comparable à 
une plante autonome qu'un Lichen ne l’est à une algue. 

Cependant, dans le cas même où la symbiose atteint ce haut 
degré de perfection, son maintien de génération en génération 
reste soumis plus que jamais à une grande incertitude. Les 
graines des Orchidées adaptées à la symbiose continue sont 
parmi celles dont la germination s'obtient le plus malaisément : 
sans doute elles ne germent dans la nature qu’au prix de circons- 
tances infiniment particulières, dont j'aurai à rappeler un 
exemple remarquable dans le cours de ce mémoire en étudiant 
le Neottia Nidus-avis. 

Sous sa forme primitive, la symbiose est manifestement à la 
frontière de la maladie; sous ses formes les plus parfaites, elle 
reste un élat exceptionnellement réalisé, pour des graines 
privilégiées parmi la foule de celles qui ne surmontent pas les 
difficultés de la vie autonome, ou qui ne résistent pas à l'atteinte 
de champignons imparfaitement préparés à la vie commune. 


LA 


MALADIE ET SYMBIOSE. 


La question de l'adaptation des microorganismes aux êtres 
supérieurs capables de les héberger touche au domaine clas- 
sique des expériences pasteuriennes ; mais ces expériences ont 
été faites dans des cas particuliers et, à plusieurs points de vue, 
l'étude de la symbiose paraît devoir offrir un terrain de recher- 
ches plus favorable. 

En inoculant des bactéries charbonneuses atténuées succes- 
sivement à divers animaux de moins en moins sensibles au 
charbon, Pasteur, Chamberland et Roux [32] ont rendu ces bacté- 
ries capables de vivre dans l'organisme d’animaux comme 
les moutons qui étaient d’abord réfractaires ; mais, dès que 
l'adaptation était assez complète, les inoculations de bactéries 
entraînaient la mort des moutons. Quand on tente inversement 
d'habituer des moutons à vivre avec les bactéries, en inocu- 
lant à un même animal des cultures de plus en plus viru- 
lentes, on obtient en définitive des moutons vaccinés, capables 
de détruire rapidement les bactéries qu’on leur inocule. Dans 


6 NOEL BERNARD 


ces expériences, comme dans la plupart de celles qui servent à 
fonder l'édifice entier de la pathologie, on n'arrive à saisir que 
les deux conditions extrêmes de la maladie mortelle ou de 
l'immunité, mais non la condition intermédiaire où les deux 
organismes antagonistes arriveraient, en équilibrantleurs forces, 
à tolérer la vie en commun prolongée. 

Cette condition intermédiaire s’est pourtant réalisée parfois 
dans la nature, et l’on ne peut guère douter qu’il y ait eu chez 
les Orchidées une évolution progressive, depuis la maladie 
intermittente jusqu'à la symbiose continue. Nous ne savons 
pas réaliser par une expérience courte le passage d’un de ces 
états à l’autre, mais il s’est fait, et il reste possible d'en recon- 
naître et d'en étudier les étapes. N°y a-t-il pas là une expérience 
naturelle plus suggestive que celle de nos laboratoires et ne 
peut-on pas.espérer que l’étude de la symbiose, entre des orga- 
nismes arrivés aux limites de la tolérance mutuelle, donnerait 
des ressources nouvelles pour comprendre les lois de l’immunité 
ou de la maladie? 

Dans ce mémoire j'étudierai les conditions qui règlent l’équi- 
libre dans la symbiose. On trouvera là mis en œuvre les mêmes 
moyens d'attaque ou de défense qui s’exercent dans le cas de 
maladies microbiennes. 

On verra dans le chapitre II que l'aptitude des Rhizoctones 
à vivre avec les Orchidées est variable ; elle se perd peu à peu 
s’ ces champignons mènent la vie autonome et ils deviennent 
assez rapidement incapables de faire germer les graines ; elle 
s'accroît au contraire quand ils vivent avec leurs hôtes et ils 
prennent le pouvoir de déterminer chez ceux-ci des réactions 
de plus en plus manifestes. Cette aptitude physiologique à la 
symbiose, cette activité des champignons, comme je dirai, paraît 
de tous points comparable à la virulence des microorganismes 
pathogènes. Elle varie, comme la virulence, d'une façon gra- 
duelle et, dans des limites assez étendues, ces variations ne 
se traduisent par aucun caractère morphologique nouveau des 
champignons qui les présentent. 

J'analyserai inversement, dans le chapitre V, les moyens 
par lesquels un embryon d'Orchidée peut éviter l'invasion des 
Rhizoctones, arrêter leur progression si l'infestation se réalise 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 7 


ou limiter enfin la rapidité de leur marche dans le cas de la 
symbiose. La résistance des membranes épidermiques à la péné- 
tration, la digestion par « phagocytose » des champignons qui 
envahissent les cellules, et aussi les réactions de la sève cellu- 
laire, les propriétés humorales comme on dirait dans le cas de 
maladies animales, fournissent à la plante des moyens de défense 
dont l'intervention est certaine et dont je tenterai de montrer 
l'importance relative. 

Cet examen détaillé des faits contribuera à démontrer la 
légitimité de la position que J'ai prise en abordant l'étude de 
la symbiose avec les points de vue de la pathologie générale. 


SYMBIOSE ET ÉVOLUTION. 


Les faits généraux que Je viens d'indiquer impliquent deux 
conséquences essentielles. 

D'une part, les Orchidées, incapables de se développer sans 
champignons dans les conditions naturelles de semis, sont 
astreintes à la symbiose de génération en génération. Ce mode 
de vie étant d’ailleurs constant, aussi bien pour les Orchidées 
les plus primitives que pour les plus élevées en organisation, 
on doit nécessairement y voir un trait de mœurs très ancien, 
antérieur même, selon toute apparence, à l’époque reculée 
où sont apparus les premiers représentants de cette grande 
famille de plantes. | 

D'autre part, la perte du pouvoir de faire germer les graines 
chez les Rhizoctones soumis à la vie autonome tend à montrer 
qu'il existe dans la nature, pour chaque espèce de ces champi- 
gnons, deux séries de races distinctes. L’une de ces séries com- 
prend les Rhizoctones commensaux qui sont passés sans cesse 
d'une Orchidée à une autre, sans intervalles de vie autonome 
assez longs pour que l’activité nécessaire à l'établissement de 
chaque association nouvelle ait été perdue. L'autre série, qui 
a pu se constituer et qui doit s'enrichir aux dépens de la pre- 
mière, comprend les Rhizoctones saprophytes, ayant perdu 
toute activité, incapables de contracter la vie commune avec des 
graines. | 

Si nous envisageons donc soit les Orchidées, soit les races 


8 NOEL BERNARD 


actives des Rhizoctones qu’elles hébergent, il apparaît que ces 
deux catégories d'organismes ont dû subir la symbiose depuis 
une époque très reculée. C’est dans cette condition constante de 
vie qu'ont dû se différencier les espèces actuelles d'Orchidées 
ou de Rhizoctones commensaux. Il Y a eu en un mot une évolu- 
tion dans la symbiose, qu’on ne doit pas pouvoir étudier ou 
comprendre en faisant abstraction des conditions imposées 
par ce mode particulier d'existence. 

La réalité d’une évolution continue des champignons dans 
la symbiose est mise plus directement en évidence par le fait 
que les commensaux des Orchidées les plus diverses appartien- 
nent à des espèces voisines d’un même groupe naturel, ayant 
entre elles des ressemblances étroites au point de vue morpho- 
logique comme au point de vue physiologique. Ces espèces de 
Rhizoctones commensaux étant d’ailleurs peu nombreuses, on 
doit conclure que la symbiose a imposé à ces champignons une 
évolution de peu d'amplitude. 

Le problème est plus complexe en ce qui concerne les 
Orchidées, puisque cette famille comprend plusieurs milliers 
d'espèces étonnamment variées. Je montrerai dans le chapitreIl, 
en étudiant diverses séries phylétiques de ces plantes, que leur 
évolution à concordé avec cette adaptation de plus en plus par- 
faite à la symbiose dont j'ai précédemment indiqué les étapes. 
Cela rend hautement vraisemblable que les deux phénomènes 
ont été intimement liés et que l’action continue des champi- 
gnons à eu un rôle essentiel pour la formation des espèces 
d'Orchidées. : 

On comprendrait mal d’ailleurs qu'un champignon indispen- 
sable au développementmême d’une plante n’aitaucuneinfluence 
sur le mode de ce développement. Alors que les végétaux atteints 
accidentellement par des parasites montrent communément des 
déformations caractéristiques, il est invraisemblable que des 
plantes infestées par des champignons à chaque génération dès 
l’état embryonnaire aient continué à évoluer comme si ces 
champignons n'avaient pas existé. 

En fait, les Orchidées les plus hautement adaptées à la sym- 
biose continue, comme les Epipogon, Corallorhiza, Neottia ou 
Tæniophyllum, présentent par rapport à la plupartdes plantes un 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 9 


aspect aussi étrange pour le moins que celui d’un chou atteint 
de «hernie » par rapport à un chou normal, ou que celui d’un 
« balai de sorcière » par rapport à une branche d’arbre indemne 
de parasites. 

Les déformations caractéristiques de l'appareil végétatif chez 
ces Orchidées se retrouvent d’ailleurs chez des végétaux appar- 
tenant aux familles les plus diverses, partout où la symbiose a 
pu atteindre le même degré de perfection. La griffe coralloïde 
d'un Psilotum, qui héberge des champignons pendant tout son 
développement, rappelle le rhizome richement ramifié d’un 
Corallorhiza ; les prothalles ou les plantules des Lycopodes ou 
des Ophioglosses, communément infestés dès le début de leur 
vie, sont plus exactement comparables à des plantules d'Orchi- 
dées qu’à n'importe quels jeunes végétaux. 

L'examen des étranges phénomènes de développement qui 
succèdent chez les Orchidées à l’infestation des embryons, la 
répétition de phénomènes du même ordre chez les plantes sou- 
mises de même à la nécessité de la symbiose m'ont fermement 
convaincu que l'association intime avec des champignons 
entraine partout, suivant des lois constantes, certains types 
d'évolution. 

Envisagé à ce point de vue, le problème de l'adaptation 
mutuelle d’un microorganisme et de ses hôtes est lié à celui de 
l'origine des espèces. Dans une étude de la symbiose les expé- 
riences de Pasteur doivent servir à éclairer les théories de 
Lamarck et de Darwin. 


LES MODES DE DÉVELOPPEMENT DES ORCHIDÉES. 


Parmi les faits ayant un rapport avec la vie en symbiose, 
j'étudierai spécialement l’évolution des modes de germination 
chez les Orchidées. Les jeunes plantules ont dans cette famille 
un aspect caractéristique : elles se réduisent à un corps de forme 
générale conique, largement infesté par des champignons el 
ne produisant que tardivement des feuilles ou des racines. 
Treub [51] à créé le nom de protocorme pour désigner une 
forme juvénile toute semblable observée chez des Lycopodes el 
il est commode de se servir de ce mot. 


10 NOEL BERNARD 


En fait, chez les Orchidées à rhizome le protocorme est le 
début de cet organe et, chez les Orchidées à bulbes, le proto- 
corme tubérisé mérite d’être considéré comme le premier des 
bulbes produit par la plante. Par cette précocité de l'apparition 
du rhizome ou d’un bulbe, les Orchidées montrent un degré 
d'évolution supérieur à celui de l'immense majorité des plantes 
vivaces dont les rhizomes, bulbes ou tubercules apparaissent 
tardivement, bien après que les plantules ont développé des 
racines, des tiges et des feuilles d'apparence normale. 

En étudiant la germination du PBletilla hyacinthina dans 
diverses conditions, j'ai reconnu que la formation d’un proto- 
corme est restée facultative chez cette Orchidée primitive. Il se 
forme un protocorme quandles graines germent avec le concours 
de Rhizoctones suffisamment actifs; mais en l'absence de 
champignons les jeunes plantules dressées et grêles ne rap- 
pellent en rien un tubercule ou un rhizome; le premier bulbe, 
origine du rhizome tubérisé de la plante adulte, ne se forme 
alors que plus tard. 

Cette manière d’être actuelle du Pletilla hyacinthina suggère 
avec force que les ancêtres directs des Orchidées étaient des 
plantes vivaces, à germination normale, et que la formation 
d’un protocorme est un caractère acquis par suite des progrès 
de la vie en symbiose. L'apparition du protocorme marque 
pour ainsi dire la plus récente étape de l’évolution accomplie 
par l'influence des Rhizoctones, mais assurément des étapes 
antérieures nous échappent, car même les Pletilla vivent déjà 
avec leurs champignons dans un état de symbiose bien carac- 
térisé. Il y a lieu de chercher quelles ont pu être les transfor- 
malions initiales des ancêtres des Orchidées, aussi éloignés 
soient-ils, quand ils ont pour la première fois hébergé des 
champignons. 

Sachant que l’état de symbiose dans ses progrès ultimes a 
entrainé la formation de plus en plus précoce des rhizomes ou 
des bulbes, le plus naturel est de penser que l'établissement de 
la symbiose à son début a provoqué la première apparition de 
ces organes. En mettant cette hypothèse sous une forme claire, 
J'admettrais volontiers que des plantes annuelles atteintes, 
d'abord accidentellement, par des champignons ont cessé de 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 11 


fleurir dans leur première année et que par compensation des 
bourgeons latéraux de leurs tiges ont donné naissance à des 
organes pérennants, bulbes ou branches de rhizomes. La 
formation de ces organes serait ensuite devenue de plus en 
plus précoce en même temps que l’association avec les champi- 
gnons devenait à chaque génération plus prolongée et plus 
intime. 

Pfitzer, quelques jours avant sa mort, a exposé ses vues sur 
l'origine probable des Orchidées [87] ; il cherche leurs ancêtres 
parmi des plantes semblables aux Liliacées où Amaryllidées de 
notre temps. Celles-ci sont vivaces, elles germent sans former 
de protocorme et sans avoir besoin du concours de champignons ; 
mais elles sont communément infestées à l’état adulte (1); 
elles correspondent donc bien à l’état ancestral que mon hypo- 
thèse suppose. En remontant jusqu'aux Joncées, généralement 
considérées comme voisines de la souche de toutes les Liluflores, 
on rencontrerait des plantes comme les Luzules, annuelles, 
dépourvues de champignons (2), donnant l’image précise d'un 
type primitif antérieur à l'établissement de la vie en symbiose. 

Mais à tout prendre, les modes de végétation des Orchidées, 
et plus encore ceux des Liliacées ou Amaryllidées, ont des 
équivalents exacts dans bien d’autres groupes naturels de 
végétaux. Si l’on admet que la vie en symbiose à pu entraîner 
l'état vivace chez quelques Monocotylédones, faudra-t-1il penser 
que des champignons sont en cause partout où l’on rencontre 
des bulbes, rhizomes ou tubercules ? L'hypothèse est considé- 
rable, mais elle vaut d’être examinée. Je chercherai d’abord ici 
à en faire une critique générale qui m'est inspirée par diverses 
objections particulières. Je discuterai ensuite divers problèmes 
que cette hypothèse me paraît pouvoir éclairer. 


DIVERSES CONDITIONS ÉQUIVALENTES A LA SYMBIOSE. 


Le développement d’une Orchidée, avee tous les faits qu'il 


(1) Schlicht [46], Janse[18], Stahl [48], Gallaud [13] ont signalé de nombreux 
exemples de Liliacées ou Amaryllidés hébergeant des champignons dans leurs 
racines ; à ma connaissance, on n'a pas encore rencontré dans ces familles des 
plantes sauvages qui vivent d’une façon autonome. 

(2) Stahl [48] cite diverses espèces de Jones et de Luzules parmi les plantes 
régulièrement dépourvues de champignons. 


12 NOEL BERNARD 


comporte — croissance où multiplication des cellules, différen- 
ciation des tissus, etc., — apparaît à première vue comme une 
réaction de l'embryon entraînée par la pénétration des champi- 
gnons qui l'infestent. Dans le dernier chapitre de ce mémoire, 
je montrerai que l'établissement d’un mode spécial de croissance 
« par épaississement » a dû être la réaction initiale des 
plantules chez les espèces les moins adaptées à la symbiose. 
Mais ce mode de croissance même s’observe communément au 
début de la formation de tubercules chez des plantes diverses 
et aussi dans bien d’autres cas; il est, en somme, d’une nature 
banaleaumêmetitre que d’autresphénomènes du développement. 
L’infestation pardeschampignons apparaîtcomme une condition 
très particulière, mais les réactions qu’elle entraîne, envisagées 
en elles-mêmes, n’ont rien de spécial au cas des Orchidées. 

Au reste, les phénomènes de développement provoqués par 
un champignon chez les Orchidées, sont ailleurs sous la dépen- 
dance de conditions bien différentes. Des réactions comparables 
à celles que montre un embryon d'Orchidée pénétré par un 
Rhizoctone peuvent être entraînées, pour un œuf vierge, par 


la pénétration d’un spermatozoïde, par l’action de solutions 


hypertoniques, de substances chimiques spécifiques, ou en 
général par la foule de ces actions variées qu'on sait aujourd'hui 
capables de suppléer à la fécondation. Le mode particulier de 
croissance par épaississement, si caractéristique des débuts de la 
germination chez beaucoup d'Orchidées, peut être lui-même, 
comme je le montrerai, sous la dépendance de facteurs mul- 
tiples : une simple augmentation de concentration de la sève 
qui baigne les cellules, une modification de sa composition 
chimique, un abaissement de température peuvent parfois 
suffire à le déterminer. 

I m'importait tout spécialement de savoir si, dans le cas des 
Orchidées même, l’action des champignons est bien simplement 
équivalente à ces actions physico-chimiques variées qui sont 
efficaces dans d’autres cas soit pour provoquer le développement 
de germes pris à un état de vie ralentie ou d'inertie apparente, 
soit pour entraîner la croissance par épaississement. Jé n'ai 
pas essayé de substituer aux champignons toutes les conditions 
imaginables, mais j'ai parfaitement réussi à faire germer des 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 13 


Orchidées, semées purement, par la seule action de solutions 
de substances organiques plus concentrées que celles dont je 
me suis servi communément pour les cultures. Il n’est pas 
douteux que la germination des Orchidées pourrait être obtenue 
sans champignons dans des conditions physico-chimiques 
appropriées, sans doute assez diverses. 

La germination par l’action de solutions concentrées est 
lente, mais très régulière : les protocormes ont leur aspect 
ordinaire, les plantules obtenues, quand elles sont assez déve- 
loppées, peuvent vivre en serre après transplantation. Dans les 
conditions de mes expériences, faites avec les techniques de 
culture pasteuriennes, 1l est devenu en somme plus sûr et plus 
facile de fairegermer certaines Orchidées par l’action de solutions 
concentrées que d’avoir recours à l'action de Rhizoctones dont 
il est souvent difficile de se procurer des races suffisamment 
actives. Sans doute, bien que la recherche doive nécessiter de 
longs tâtonnements, il ne serait pas impossible de fixer une 
technique permettant d'obtenir en serre, dans des conditions 
pratiquement applicables, des plantules d'Orchidées affranchies 
de champignons et gardant d’ailleurs, au début du moins, leur 
apparence habituelle. 

En résumé donc, les champignons ne font rien qui leur soit 
spécial; on peut substituer à la symbiose diverses conditions 
aisément réalisables qui entraînent des résultats équivalents. 
Pour provoquer la formation d’un protocorme, d’un rhizome 
ou d’un tubercule, il peut théoriquement suffire que la tempé- 
rature s’abaisse, ou encore que la teneur en substances dissoutes 
de la sève d’une plante augmente par suite d’une assimilation 
chlorophyllienne plus intense, d’un excès de transpiration ou 
d’un peu de sécheresse. N°y a-t-1l pas autant de vraisemblance 
à attribuer l’origine des plantes vivaces à quelqu'une de ces 
circonstances apparemment banales qu'à la condition si parti- 
culière d’une symbiose avec des champignons ? 

J'ai mis de mon mieux l’objection sous la forme générale 
qui me paraît la plus troublante. Pour lui donner toute sa 
valeur il faut ajouter qu'on connaît des plantes vivaces capables 
de garder leurs caractères quand elles vivent sans champignons, 
non seulement au laboratoire, dans des conditions expérimen- 


4 NOEL BERNARD 


tales convenables, mais même dans la nature, à l’état sauvage 
ou cultivé. Mais on connaît de même, dirai-je volontiers, de 
multiples moyens pour faire développer des œufs Yierges au 
laboratoire et aussi des cas de plus en plus nombreux de parthé- 
nogenèse naturelle. Toutes les découvertes modernes faites à 
ce sujet ont-elles enlevé sa valeur à la théorie qui voit dans la 
fécondation la condition essentielle du développement des œufs ? 

Assurément l'étude critique dont je viens de résumer les ten- 
dances mène à des points de vue intéressants. La notion que 
les plantes les mieux adaptées à la symbiose puissent s’en 
affranchir pour mener dans des conditions nouvelles l'existence 
autonome, est d’une grande importance pour comprendre le 
rôle de la symbiose dans l’évolution des végétaux en général. 
Mais la connaissance de conditions équivalentes à la symbiose 
et capables de s’y substituer n’a qu'une portée restreinte pour 
décider si la symbiose a eu dans la nature une importance con- 
sidérable ou minime comme facteur d'évolution. 

Dans le cas des Orchidées au moins, malgré la possibilité de 
germination autonome, malgré l'existence rarement constatée 
de plantes adultes n’hébergeant pas de champignons, il reste évi- 
dent que la symbiose a été une condition normale d'existence et 
une condition prépondérante de l’évolution. Pour fixer la valeur 
d’une théorie de l'évolution des végétaux par la symbiose, l’essen- 
tiel est de chercher si chez les plantes supérieures en général, 
comme chez les Orchidées, la vie avec des champignons a été dans 
là nature une règle commune, ou si elle n’est restée qu’une rare 
exceplion. 


IMPORTANCE DE LA SYMBIOSE DANS L'ÉVOLUTION 
DES VÉGÉTAUX. 


Dans l'exposé général et forcément sommaire que j'entre- 
prends, il faudrait sans doute partir du cas des Lichens. On sait 
que ces organismes complexes peuvent renfermer des algues 
assez diverses, depuis les Protococcacées les plus simples jus- 
qu'aux Chroolépidacées. On sait aussi que ces algues peuvent 
abandonner l'association lichénique pour mener la vie auto- 
nome. La réflexion sur ces faits pose la question de savoir si 


PS PT PP ON RES 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 15 


certaines espèces d'algues vertes, même parmi celles qui vivent 
isolément, n’ont pas pris naissance dans la symbiose. Mais pour 
que cette question vaille d’être posée, il faudrait d’abord savoir 
s'il y a pour les algues une évolution continue dans la symbiose, 
comme il y en a une pour les Orchidées, ou si les Lichens sont 
en général constitués, à chaque génération, suivant le hasard 
des rencontres entre les champignons convenables et des algues 
quelconques ayant pu indifféremment vivre jusque-là isolément 
ou en symbiose. Après ce que j'ai dit de la permanence des 
associations entre Orchidées et Rhizoctones, on me permettra de 
penser que ce problème pourrait mériter de nouvelles recher- 
ches expérimentales. 

Le cas des Hépatiques à thalle doit aussi être signalé ; on 
sait que le gamétophyte chez beaucoup de ces plantes héberge 
des champignons. La chose est depuis longtemps connue pour 
le Fegatella conica ; d’après Cavers [9] les spores de cette espèce 
germent en plus grand nombre et mieux avec des champignons 
que sur un sol stérilisé. Il serait très intéressant de savoir s'il 
y à quelque rapport entre la symbiose et la production des 
« tubercules » connus non seulement chez le Fegatella conica, 
mais encore chez des Fossombria, Anthoceros et autres (1). 
L’attention n'a pas été attirée sur cette question, mais elle 
mériterait de l'être ; une étude monographique des Hépatiques 
entreprise à ce point de vue pourrait utilement servir à con- 
irôler la valeur des idées que je soutiens. Pour s’en tenir aux 
faits acquis, je remarquerai que si les gamétophytes des Mus- 
cinées ont pu évoluer dans la symbiose et acquérir l’état vivace, 
les sporophytes de ces plantes sont au contraire toujours 
annuels et normalement soustraits à l'atteinte de cham- 
pignons (2). 

Lés faits qui concernent les plantes vasculaires sont mieux 
connus et par suite plus utiles à commenter. Parmi celles de 
ces plantes qui vivent actuellement, on s'accorde à considérer 
comme les plus primitives soit les Lycopodiacées et Psilotacées 
d’une part, soit les Ophioglossées de l’autre ; ces Cryptogames 


(1) La question des Hépatiques à tubercules est traitée par Gœbel [45]. 
(2) A l'exception près du sporophyte de Buxbaumia aphylla dont Peklo [33] a 
signalé l’infestation par des champignons. 


16 NOEL BERNARD 


vasculaires inférieures hébergent régulièrement des champi- 
gnons et, chez toutes, la symbiose atteint un haut degré de 
perfection. 

J'ai été, je crois, le premier à suggérer que les spores des 
Lycopodiacées ou des Ophioglossées ne pouvaient pas germer 
sans le concours de champignons [3]. On manque encore sur 
ce point d'expériences décisives, mais depuis l'examen que j'ai 
fait du sujet en m'appuyant sur les travaux de Treub et de 
Bruchmann, les observations de Lang [20], Thomas [49] et 
Campbell{8]| ont apporté de nouveaux appuis à ma façon de voir. 
On ne dépasse pas la portée des faits acquis en donnant comme 
règle générale que les prothalles des Cryptogames vasculaires 
inférieures hébergent des champignons dès le début de leur 
développement, exactement comme les plantules d'Orchidées. 
Dès à présent, on est en droit d'assurer que les exceptions à 
celte règle ne sont pas plus fréquentes et pas plus importantes 
dans un cas que dans l’autre (1). 

Les prothalles des Lycopodiacées et Ophioglossées sont tubé- 
risés et souvent vivaces, ils prennent à l’état adulte des formes 
diverses parfois fort étranges, mais à l’état jeune ils ont la 
forme « en toupie » des plantules d'Orchidées ; la localisation 
et le degré d'extension des champignons sont exactement com- 
parables dans les deux cas. 

D’après cela, 1l est fort raisonnable de penser que la symbiose 
a eu un rôle dans l’évolution du gamétophyte des plantes vas- 
culaires inférieures. Les prothalles éphémères et autonomes des 
Sélaginelles, des Zsoetes, des Equisetum, des Fougères sont 
des formes très particulières et secondairement acquises. Selon 
toute vraisemblance, le gamétophyte des plantes vasculaires 
dérive par une adaptation parfaite à la symbiose du thalle vivace 
el infesté de quelque forme disparue d'Hépatique ou d’Anthocé- 
rotale à tubercules. 

L'évolution primitive du sporophyte des plantes vasculaires 
peut aussi être considérée comme ayant un rapport avec la 
symbiose ; les idées que je soutiens permettent sur ce point de 


(1) Je ne donne pas ici la bibliographie des travaux relativement anciens 
sur ce sujet; on en trouverait l'indication et le résumé dans le Pflanzen 
familien d'Engler et Prantl. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 17 


préciser la « théorie du protocorme » proposée par Treub [51] 
en lui donnant, je crois, une forme plus satisfaisante. 

Cette théorie a élé suggérée par l'étude du développement 
des plantules chez le Lycopodium cernuum, mais il serait mieux 
aujourd'hui de la déduire des faits concordants observés par 
Thomas {49} chez le Phylloglossum Drummondi qui peut à 
bien des titres être considéré comme la plus simple des Lyco- 
podiacées et de toutes les plantes vasculaires. Chez le Lycopo- 
dium cernuum, non seulement les spores donnent naissance à un 
prothalle infesté dès son origine, mais encore la jeune plantule 
issue de l'œuf forme précocement, vers son sommet, un petit 
tubercule infesté, appliqué sur le sol, le protocorme de Treub, 
qui porte les premières feuilles et produit tardivement la pre- 
mière racine exogène. N'y at-il pas lieu de considérer l'existence 
de ce protocorme comme un caractère primitif du sporophyte 
des plantes vasculaires; ces plantes n’auraient-eiles pas été des 
plantes à tubercules, avant même d’être des plantes à racines? 
C’est le sens de la question posée par Treub. 

L'existence d’un protocorme chez les Orchidées comme chez 
les Lycopodes a pu fournir un argument apparemment défavo- 
rable à cette théorie. Les Orchidées sont en effet parmi les plus 
évoluées des plantes vasculaires et nullement parmi les plus pri- 
mitives. Il faut donc croire qu'un protocorme à pu apparaître 
chez des plantes diverses, par suite de certaines conditions de 
vie; ce protocorme ne caractériserait pas plutôt des plantes 
anciennes que des plantes modernes et 1l ne conviendrait pas 
de lui attribuer une signification phylétique particulière. C’est, 
si je comprends bien, ce que pense Gœbel 151. 

Je reproduis ce raisonnement, queje crois familier à plus d’un 
naturaliste, mais il ne me convainc pas. Je démontrerai claire- 
ment dans ce mémoire que l'apparition et l’évolution du pro- 
tocorme chez les Orchidées sont des événements dus aux pro- 
grès de la symbiose ; après cela, il ne pourra guère être douteux 
qu'il en est de même chez les Lycopodiacées, où la vie en sym- 
biose atteint aussi un remarquable degré de perfection. C'est 
donc bien par suite d'une convergence, due à la condition com- 
mune de la symbiose, qu'un protocorme est apparu dans les 


deux cas; cela me semble incontestable ; je complète volontiers, 
ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 2 


18 NOEL BERNARD 


pour ma part, la théorie de Treub par cette affirmation. 

Mais le fait que l'adaptation à la symbiose ait pu se répéter 
à diverses reprises, avec des résultats comparables, au cours de 
l'évolution des plantes, doit-il empêcher de croire que cette 
adaptation ait eu de l'importance et que les résultats réguliè- 
rement acquis grâce à elle soient à considérer ? Il y a en vérité 
presque autant de chemin à franchir pour passer d’une Luzule 
à quelqu'une des Orchidées les plus différenciées que pour 
passer d’un sporogone monopodial et annuel de Muscinée à 
un sporophyte à protocorme comme le PAylloglossum Drum- 
mondii. On ne voit pas pourquoi des raisons du même ordre ne 
pourraient pas expliquer aussi bien l’une que l’autre de ces 
évolutions, dont la comparaison est largement possible. 

A mon sens done, l’idée que le sporophyte annuel des Mus- 
cinées s’est affranchi tout d’abord en se couchant sur le sol et 
s’y fixant par un « protocorme », en devenant une plante vivace 
à tubercules, n’est pas une idée insoutenable. Mais si l’on veut 
l’adopter, elle implique comme une conséquence nécessaire 
que l'apparition des plantes vasculaires a été la conséquence d’une 
haute adaptation de certaines Muscinées à la vie en symbiose avec 
des champignons (1). 

Si l’on veut maintenant comprendre l'évolution du sporo- 
phyte chez les plantes vasculaires en général, il faut partir de ce 
fait que chez les plus simples représentants de tout ce groupe 
(Phylloglossum, Lycopodes, Psilotum, Ophioglosses) on ren- 
contre uniquement des modes de végétation ayant des équi- 
valents exacts chez les Orchidées. L'état vivace si parfaitement 
caractérisé que j'étudierai chez les Orchidées donne une image 
de l’état initial du sporophyte chez les plantes vasculaires. 
Je ne chercherai pas longuement ici comment l’état arbores- 
cent à pu dériver de cet état vivace de plantes herbacées de 
petite taille — bien que la manière dont s’établit chez les Orchi- 
dées le mode de végétation des Vanda puisse donner à ce sujet 


(1) L'ancienneté de la symbiose chez les plantes vasculaires est surtout 
suggérée par le fait que les plus inférieures des plantes actuelles de ce groupe 
sont soumises à ce mode de vie. II convient cependant de rappeler que Weiss 
(58 | a observé dans les racines de certaines plantes carbonifères des champignons 
apparemment semblables à ceux des Psilotum ou des Orchidées. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 19 


une indication — mais il m'importe de faire quelques remar- 
ques sur l’origine des plantes annuelles. 

L'état annuel du sporophyte est exceptionnel chezles Crypto- 
games vasculaires ; on le trouve chez quelques Fougères comme 
les Anogramme, où il est manifestement secondaire. Chez les 
Gymnospermes il est tout à fait inconnu. Chez les Angiospermes 
enfin, l’état annuel est réalisé par des plantes appartenant à des 
familles fort diverses, mais qui ne sont pas généralement parmi 
les familles à caractères floraux primitifs; ici encore, il faut 
considérer l’état annuel comme tardivement acquis et chercher 
l'origine des Angiospermes parmi des plantes vivaces herbacées 
ou arborescentes, la première alternative me paraissant plus 
probable. 

Quand on consulte les statistiques données par Schlicht [46], 
Janse [18], Stahl [48]|, Gallaud [18] ou d’autres sur les cas de 
symbiose chez les végétaux supérieurs, les meilleures règles 
générales qu'on arrive à dégager sont les suivantes : la presque 
totalité des plantes herbacées vivaces et le plus grand nombre 
des plantes arborescenteshébergent des champignons; les plantes 
annuelles au contraire sont régulièrement indemnes. Ce sont 
là, je m'empresse de le dire, des règles approximalives sujettes 
à des exceptions. Mais si l'on fait abstraction déjà du cas des 
plantes transplantées dans des jardins botaniques ou des plantes 
cultivées, ces exceptions sont relativement peu nombreuses. 
Comme Je l’ai dit, on rencontre de ces cas exceptionnels même 
chez les Orchidées et l’affranchissement de quelques-unes de 
ces plantes ne doit pas empêcher de croire au rôle de la sym- 
biose dans leur évolution naturelle. Sans doute donc, dans 
l'état où sont nos connaissances, il ne faut pas mépriser les 
règles approximatives de répartition des endophytes qui peu- 
vent seules servir provisoirement à diriger les recherches. 

En m'appuyant sur ces règles et sur ce que J'ai dit de l’évo- 
lution des modes de végétation des plantes vasculaires, je pro- 
poserai en définitive la conception d'ensemble suivante : 

Le sporophyte des plantes vasculaires dérive d’un sporogone 
monopodial et annuel, qui s’est affranchi en prenant l’étal 
vivace par suite d’une haute adaptation à la symbiose avec des 
champignons. L'état vivace ainsi acquis à persisté longtemps, 


20 NOEL BERNARD 


sous des modalités diverses, comme d’ailleurs en général la 
symbiose elle-même. Cependant quelques plantes ont pu 
s'affranchir des champignons et c'est parmi elles qu'il faut 
chercher l’origine des plantes annuelles indemnes. Il à pu 
arriver secondairement que de semblables plantes annuelles, 
de nouveau attaquées par des champignons, aient répété lévo- 
lution primitive et donné les types les plus parfaits et les plus 
évolués de plantes vivaces; c’est de ce cas que les Orchidées 
seraient un exemple. 

Je n’accorde naturellement qu'une valeur suggestive à des 
idées aussi largement théoriques. Mon but n’est pas d’en faire 
admettre la vérité littérale, mais simplement de montrer que 
la question de la symbiose peut avoir des rapports multiples 
et étroits avec celle de l’évolution des plantes. 


EVOLUTION ET ADAPTATION. 


J'ai parlé 1ei de l’évolution par adaptation à la symbiose sans 
paraître mettre en doute que l'adaptation à une condition par- 
ticulière de vie puisse entraîner la transformation des espèces. 
En posant ainsi le problème dans un esprit lamarckien, Je 
n'ignore pas les difficultés générales qu'on rencontre si l’on 
veut expliquer l’évolution des plantes par une adaptation à 
leurs modes de vie. Dans le cas actuel au moins, ces difficultés 
ne paraissent pas insurmontables ; je voudrais expliquer pour- 
quoi, en me limitant cependant à ce que je puis faire de remar- 
ques claires et sans prétention de discuter complètement une 
question aussi propice à d’amples controverses. 

On ne conteste pas que l’action de facteurs extérieurs à une 
plante puisse la modifier; on s'accorde aussi à penser que 
l'action continue de conditions particulières, renforcée au 
besoin par la sélection des individus les plus sensibles à cette 
action, peut permettre d'obtenir des races de plantes visible- 
ment différentes de leur souche primitive. Il faut concéder, 
par exemple, que les races de betteraves sucrières ont été pro- 
duites grâce à des soins spéciaux de culture et aux continuels 
efforts des sélectionneurs. Mais, ceci une fois admis, il reste 
possible et logique de nier que les progrès accomplis grâce à 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 21 


la réalisation de conditions exceptionnelles et grâce à la sélec- 
tion aient quelque chose de commun avec ceux qui marquent 
dans la nature le passage d'une espèce à une autre plus 
évoluée. 

Les espèces naturelles paraissent en effet stables, de généra- 
tion en génération, en l'absence de soins spéciaux ; même si on 
les abrite en quelque mesure de la lutte pour la vie et de la 
sélection naturelle, par exemple en réalisant la culture isolé- 
ment dans un enclos, les caractères spécifiques restent inva- 
riables. Au contraire, les races dont l'amélioration est due à 
des conditions artificielles de vie et à la sélection humaine ne 
doivent généralement leur stabilité et leur uniformité appa- 
rentes qu'au maintien des pratiques grâce auxquelleselles ont été 
obtenues. Les races de betteraves sucrières de nos grandes cul- 
tures sont une élite isolée parmi toutes les betteraves possibles 
qu'auraient pu donner leurs ancêtres. Cette élite (1) est main- 
tenue grâce à une sélection constante, grâce au soin qu'on à 
de réaliser pour elle à chaque génération les conditions les 
meilleures, mais les caractères qui la distinguent n’ont pas 
acquis malgré cela de véritable fixité. Si l’on supprimait les 
soins de sélection et de culture. on ne tarderait pas à voir cette 
élite dégénérer ; ou, plus exactement, les rares individus dans sa 
descendance qui mériteraient encore d'y être rangés seraient 
noyés dans une foule d'individus quelconques, dont les carac- 
tères moyens, seuls stables sans soins spéciaux, pourraient seuls 
aussi servir à définir l'espèce. 

En un mot, — et je crois reproduire ici fidèlement le sens 
d’une des objections essentielles qu’on oppose fréquemment 
aux théories lamarckiennes, — les races d'élite obtenues par les 
soins que des expériences humaines peuvent réaliser, les races 
adaptées si l’on veut à des conditions expérimentales, ne seraient 
en rien comparables aux espèces dont elles n’ont pas la véri- 
table stabilité. Le problème de l’origine de ces races serait 
entièrement distinct du problème de l’origine des espèces natu- 
relles. 


(1) J'emprunte le mot élite appliqué dans ce sens à Hugo de Vries [56], qui 
propose avec juste raison de distinguer de la sélection, dans son sens le plus 
large, l'élection qui aboutit à l'isolement des races instables. 


22 NOEL BERNARD 


Je suis porté à admettre l'exactitude des raisonnements et 
des faits que je viens de réunir, mais à contester la valeur 
absolue de la conclusion qu'on en tire. J'entends bien qu'il y a 
une certaine distinction théorique à faire entre les caractères 
ayant le plus haut degré de stabilité et les caractères largement 
variables que les conditions de vie ou la sélection peuvent main- 
tenir. On pourra dire des premiers qu’ils tiennent surtout à la 
nature des individus de l'espèce, à la nature de leurs germes, 
ou plus précisément encore à la nature de leurs chromosomes ; 
on leur opposera les seconds qui dépendent dans une mesure 
plus large de conditions particulières auxquelles des individus 
de l'espèce peuvent être momentanément adaptés. Mais peut-on 
être parfaitement assuré qu'on ne fera jamais de confusion 
entre les uns et les autres ? Peut-on affirmer que des carac- 
tères constants dans les conditions naturelles de la vie, appa- 
remment capables de servir à la définition des espèces, ne sont 
pas en réalité des caractères adaptatifs persistant grâce au 
maintien de conditions de vie constantes bien qu’encore incon- 
nues ou trop mal définies, comme persistent les caractères 
propres des betteraves sucrières grâce aux soins constants et 
bien connus du cultivateur? Je voudrais montrer, pour le cas 
des Orchidées, combien la confusion sur ce point est possible et 
suggérer que les espèces généralement reconnues de ces plantes 
n’ont peut-être pas, malgré les apparences, une stabilité d’un 
autre ordre que celle des races d'élite dont j'ai parlé tout à l'heure. 

Si l’on sème les graines d’un Cattleya, on constate qu’elles 
donnent dès la germination un protocorme tubérisé, ayant la 
forme d’un disque épais adhérent au support par sa face infé- 
rieure et portant le bouquet des premières feuilles au centre 
de la face opposée. C’est là pour une jeune plante une forme 
des plus particulières ; elle s’observe ici avec une constance 
absolue, comme le montre l'examen de semis faits dans les 
serres où l’on fait germer des Cattleya par milliers. Selon toute 
apparence, il y aurait donc là un caractère du plus haut degré 
de stabilité, capable d'être utilisé en systématique. Je pense 
cependant que c’est là un des caractères les plus nets qui tra- 
duise l'adaptation à la symbiose et je considère son apparition 
comme due à l’action des champignons. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 29 


Les graines d’Orchidées, comme je l'ai montré, sont sélec- 
tionnées par les champignons qu’elles rencontrent et la symbiose 
est une condition naturelle nécessairement imposée à toutes 
celles de ces graines qui parviennent à germer. Il n’est nulle- 
ment exagéré de comparer l'importance qu'ont les champignons 
pour les Orchidées à l'importance qu'ont les agriculteurs pour 
le maintien des races d'élite qu’ils cultivent. Pour savoir quels 
sont chez une espèce d'Orchidée les caractères indépendants de 
la symbiose, il faudrait éviter l'intervention des champignons, 
comme on peut supprimer l’action de l’agriculteur quand on 
se propose de découvrir chez des races améliorées les caractères 
indépendants de la culture. 

Pour les Orchidées, l'expérience n’est en général pas immé- 
diatement réalisable. Si l’on supprime le Rhizoctone qui fait 
germer un Cattleya, sans modifier d'ailleurs aucune autre des 
conditions du semis, la germination ne se fait plus. On peut bien 
en vérité réaliser, comme j'ai dit, des conditions particulières 
et nouvelles, équivalentes à la symbiose, dans lesquelles la 
germination se produira, sans que d’ailleurs le protocorme 
discoïde cesse de se former; mais l'expérience ainsi faite n'a 
plus de valeur démonstrative, car la substitution d’une condition 
à une autre n'équivaut pas à sa suppression. 

Parmi les Orchidées que j'ai étudiées, le Bletilla hyacinthina 
seulement s’est prêté à une expérience directe. Pour cette espèce 
primilive, la culture comparative, sur des milieux dilués, avec 
ou sans champignons, est possible et l'expérience montre 
clairement que la formation d’un protocorme est sous la dépen- 
dance de l’action des Rhizoctones commensaux. Pour les 
Orchidées comme les Cattleya dont l’asservissement à la 
symbiose est plus strict, on pourrait tenter, une fois la germi- 
nation autonome réalisée par l’action d’une solution concentrée, 
de poursuivre la culture de génération en génération sur des 
milieux de plus en plus dilués et toujours sans champignons. 
L'expérience n’est pas faite et sans doute elle serait longue ; 
mais on peut au moins penser, d’après les faits acquis pour le 
cas du Pletilla, qu'elle aboutirait à donner des Cattleya germant 
sans former de protocorme. 

Quelques-uns au moins des caractères apparemment fixes 


24 NOEL BERNARD 


des Orchidées, peuvent donc dépendre plutôt de la symbiose, 
condition constante de vie, que de la constitution héréditaire 
des chromosomes apportés par les germes. Une dégénérescence 
plus ou moins complète de ces caractères serait sans doute 
possible si le mode de vie des Orchidées changeait. En tout cas, 
cette dégénérescence est prévenue depuis des temps lointains 
par la permanence de la symbiose ; cette condition, pour avoir 
été ignorée de ceux qui ont distingué la famille ou qui l'ont 
divisée en genres eten espèces, ne reste pas moins essentielle. 

Le problème de l’adaptation à la symbiose peut encore se 
prêter à l'expérience par une voie différente de celle que je viens 
de suggérer. Je montrerai dans les chapitres IT et IV de ce 
mémoire que des Orchidées adaptées à vivre avecun champignon 
d'un certain degré d'activité peuvent tolérer la symbiose avec 
des champignons d'activité plus grande. Elles réagissent alors 
en se développant avec plus d’exubérance et en présentant 
parfois des modes de germination anormaux. Quelques-uns des 
semis obtenus ainsi dans ces conditions exceptionnelles ont 
présenté le polymorphisme que Hugo de Vries a noté dans les 
semis de plantes en voie de mutation [55]. L'extrême lenteur 
du développement des Orchidées, qui ne fleurissent jamais 
avant plusieurs années de vie, rendrait par malheur particu- 
lièrement laborieux d’apprécierle degré de fixité de ces caractères 
brusquement acquis. 

Quel que soit le degré d’imperfection auquel des difficultés 
matérielles ont limité mes expériences, il m'a paru qu'une inter- 


prétation lamarckienne des faits pouvait au mieux leur donner 


une cohésion suggestive. C’est là en définitive une raison valable 
pour adopter une doctrine, tant que la réflexion la plus attentive 
n'a pas fourni contre elle d'argument décisif. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 25 


CHAPITRE I 


LES CHAMPIGNONS ENDOPHYTES DES ORCHIDÉES (1). 
$ !. — Modes de végétation. 


Les champignons qui vivent en symbiose avec les Orchidées 
ont un mode de végétation caractéristique pendant leur vie 
dans les tissus des racines ou des plantules : ils envahissent les 
cellules de proche en proche en formant dans chacune, avant 
de gagner la voisine, un peloton de filaments contournés, 
ramifiés et enchevêtrés d’une facon fort complexe. Dans les 
cellules envahies depuis longtemps les filaments pelotonnés 
demeurent parfois reconnaissables; plus fréquemment le 
peloton entier est digéré par la cellule hôte et se réduit à une 
masse de dégénérescence amorphe. Jamais le champignon ne 
forme de spores ni d'organes reproducteurs d'aucune sorte 
dans les tissus de plantes en bon état. 

Les jeunes pelotons extraits de cellules où ils viennent de se 
former peuvent se développer en donnant du mycélium libre 
quand on les sème sur un milieu nutritif approprié (fig. 2). On 
peut en particulier obtenir, en toute sûreté, des cultures pures 
de ce mycélium, par semis d’un seul peloton pris comme germe 
initial. La méthode à employer pour cela est décrite dans la 
note II de l’Appendice joint à ce mémoire. Par cette méthode 
ou par d’autres, j'ai obtenu des cultures pures de champignons 
hébergés par diverses Orchidées, Tous ces champignons, bien 
qu'ils soient de plusieurs espèces, ont en commun, pendant 
leur vie libre dans les cultures, un même mode général d'évo- 


(1) Je crois inutile de reprendre ici une discussion des opinions émises sur 
la nature des champignons endophytes des Orchidées; je l’ai fait ailleurs [6]. 
L'identité des champignons que j'ai cultivés avec le mycélium intracellulaire 
des racines ne peut plus faire de doute. Je dois cependant signaler que la 
Centralstelle für Pilzculturen d'Utrecht met en vente et annonce dans le Bota- 
nisches Centralblatt, sous la désignation Wurzelpilz (Symbiont) von Cattleya Bei- 
jerinck, un mycélium qui n’a rien de commun avec ceux que j'ai obtenus el 
étudiés. Je me suis procuré ce champignon par achat; semé avec des graines 
de Cattléyées, il ne les a pas fait germer et n’a contracté avec les embryons 
aucune symbiose. 


26 NOEL BERNARD 


lution dont je m'attache d'abord à dégager les caractères 
essentiels. 
Les filaments nés d'un peloton 


Fig. 2. — Germination en chambre humide d’un 
peloton de mycélium intracellulaire extrait 
d’une racine de Phalænopsis. 


qui germe s’accroissent 
autour de lui, se rami- 
fient et forment bientôt 
un voile de filaments 
rayonnants qui s'étend 
peu à peu sur tout le mi- 
lieu de culture. La crois- 
sance de chaque filament 
est alors localisée dans 
son article terminal qui 
se cloisonne périodique- 
ment et isole en arrière 
de lui des articles suc- 
cessifs. Des rameaux 
naissent isolément sur les 
filaments de premier or- 
dre, chacun apparaissant 
un peu en arrière de la 


cloison la plus récemment formée de l’article qui le porte. La 


Fig. 3. — Portion d’un voile de Rhizoctonia repens (série C), développé en culture 
pure sur la paroi du tube de culture. 


texture du voile se complique de bonne heure par suite d’anas- 
tomoses entre les filaments de diversordres, mais tous ces fila- 
ments restent d’abord semblables, de calibre constant, sensi- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE . 97 


blement rectilignes ou ne présentant du moins que des cour- 
bures de grand rayon. 

_ Au moment où le voile cesse de s'étendre, on voit souvent 
apparaître çà et là, à quelque distance de son pourtour, des 
pelotons de mycélium assez semblables à ceux qui se forment 
dans les cellules des racines. Ces pelotons se produisent par 
enroulement de l'extrémité de jeunes filaments en voie de 
croissance (fig. 4, A); ils peuvent quelquefois devenir assez 
serrés (fig. 3) ; ils donnent souvent naissance de bonne heure à 
des filaments mycéliens qui rayonnent autour d'eux en gardant 
un mode de croissance normal. 

Dans les cultures ces pelotons sont assez rares; j'ai été 
longtemps sans les remarquer ; mais, depuis que mon attention 
a été attirée sur ce point, j'ai souvent regardé au microscope 
les voiles formés sur le verre de tubes de culture et j'y ai toujours 
observé quelques pelotons. Ilne s’agit pas là d’un fait accidentel, 
mais d’une circonstance parfaitement régulière. 

Autrefois J'ai cru que le pelotonnement était un mode de 
végétation caractéristique de la vie dans les cellules et direc- 
tement entraîné par elle. Il n’en est rien puisque des pelotons 
peuvent se former sur des milieux de culture où ils n'ont à 
subir aucune des contraintes que la vie intracellulaire peut leur 
imposer. La propriété de former des pelotons est-elle du moins 
un caractère acquis par suite de la vie intracellulaire et devenu 
secondairement capable de persister dans la vie libre? Je ne le 
crois pas, car, d’après ce que j'ai vu, un assez bon nombre de 
Mucédinées, des Fusarium et d’autres, qui ne sont pas connues 
pour mener la vie intracellulaire, sont capables tout autant que 
les endophytes d’Orchidées de produire, dans les cultures pures, 
des pelotons mycéliens plus ou moins développés. 

En somme, cette propriété du pelotonnement est assez banale ; 
les champignons qui m'occupent ici ne sont pas les seuls à la 
présenter ; ils la possédaient peut-être avant de vivre avec les 
Orchidées ; elle a dû, en tout cas, être très favorable pour 
l’adaptation à la symbiose dont le maintien paraît lié à l’exis- 
tence de ce singulier mode de végétation des champignons endo- 
phytes, comme je le dirai à la fin du chapitre V. 

Sur les voiles âgés, il naît des filaments moniliformes à 


28 NOEL BERNARD 


articles courts et renflés, riches en glycogène à l’état jeune, 
comme le montre la couleur acajou qu'ils prennent dans les 
solutions iodées. Ces filaments naissent et se développent dans 
tous les cas de la même manière ; ils se ramifient toujours 
assez abondamment. Comme on le verra plus loin, ils restent 
libres chez une des espèces d’endophytes (fig. 3), tandis que 
chez les autres espèces ils s’anastomosent entre eux et forment 
ainsi des selérotes (fig. 4, A et fig. 5). 

La formation des filaments moniliformes marque la dernière 
phase de l’évolution des endophytes d’Orchidéesdansles cultures ; 
malgré divers essais, je n’ai Jamais réussi à obtenir les formes 
fructifères parfaites de ces champignons. Comme caractère 
général, je puis encore signaler la propriété qu'ils ont de digérer 
la cellulose. À de nombreuses reprises, j'ai fait des cultures 
soit de champignons seuls, soit de champignons et de graines 
sur des plaques de coton hydrophile imbibées de décoctions de 
salep. Ces plaques de coton deviennent assez rapidement 
fragiles et se dissocient aisément ; au bout de plusieurs mois, 
elles peuvent même tout à fait disparaître. 


$ 2. — Comparaison avec le Rhizoctonia violacea (Tul.). 


Les clefs dichotomiqnes ou les diagnoses des flores de 
champignons tiennent peu compte de caractères ayant trait au 
mode de végétation du mycélium, tels que ceux dont je viens 
de me servir pour définir en général les endophytes d'Orchidées. 
Aussi serais-Je resté incertain de la place systématique à donner 
à ces champignons, si je n'avais eu antérieurement l’occasion 
d'étudier par moi-même un champignon bien connu qui 
présente avec eux une indiscutable ressemblance. 

Il s’agit du Rhizoctonia Solani de Kühn, très commun sur les 
tubercules de Pommes de terre où il forme de petits sclérotes 
noirâtres, irréguliers, qu'on distingue facilement des parcelles 
de terre desséchées par leur résistance aux lavages. Le Sylloge 
fungorum de Saccardo donne ce champignon comme identique 
au Rhizoctonia violacea de Tulasne observé sur les racines de 
Luzernes, de Safrans et d’autres végétaux. Cette identité est 
affirmée par divers observateurs M6]; je l'admettrai ici sans 


9 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE (e] 


m'en porter garant, bien qu’elle me paraisse fort vraisem- 
blable. Pour éviter toute incertitude, je dois dire seulement que 
mes observations ont porté sur des cultures de Rhizoctonia 
violacea provenant de sclérotes pris sur des pommes de terre. 


J\ 3: 

Fig. 4. — À, portion d’un voile de Rhizoctonia mucoroïdes (série P), à un endroit où 

un sclérote commence à se former; en haut, début de formation d’un peloton en un 

autre point du voile. — B, portion d'un voile de Rhizoctonia violacea à un endroit 
où un sclérote commence à se former. 


J'ai cultivé ce Rhizoctone dans les mêmes conditions que les 
endophytes d’Orchidées. Il donne alors un voile de filaments 
cylindriques, rampants, à croissance terminale, unis bientôt 
par des rameaux d’anastomose. Après quelques jours, des 
filaments moniliformes, riches en glycogène, apparaissent en 
divers points de ce voile, s’anastomosent entre eux et forment 
ainsi les sclérotes qui brunissent en vieillissant. Ces deux 
périodes de végétation ont été en particulier bien distinguées 
par Rolfs [44] qui en donne des figures ; elles sont exactement 
comparables aux périodes correspondantes de la formation du 
voile chez les endophytes d'Orchidées. 

La ressemblance est surtout frappante entre le Rhizoctone de 


30 NOEL BERNARD 


la Pomme de terre et les endophytes de Phalænopsis ou Vanda, 
comme la figure 4 le met en évidence. L'examen de cette figure, 
et, mieux encore, la comparaison des préparations, ne laisse 
pas en doute qu'il s'agisse bien là de deux espèces très voisines 
dont la différence la plus notable est le diamètre des filaments 
moniliformes, toujours beaucoup plus grand chez le Rhizoctonia 
violacea que chez les endophytes d'Orchidées. 

Ma conviction d’une étroite parenté entre ces espèces a été 
affermie par la découverte de pelotons de mycélium dans les 
cultures de Rhizoctonia violacea. Ces pelotons sont relativement 
rares et cela explique qu'ils n'aient pas été remarqués ni décrits; 
leur présence dans les cultures est cependant constante, tous 
les voiles étudiés par moi en ont présenté quelques-uns, et cela 
aussi bien pour des cultures récemment obtenues de sclérotes 
que pour un mycélium gardé à mon laboratoire par réensemen- 
cements successifs depuis plus de cinq ans. Ces pelotons sont 
normalement assez peu fournis et deviennent rapidement mé- 
connaissables par suite du flétrissement des filaments qui 
les forment; ils rappellent par là exactement ceux qu’on observe 
dans les cultures des endophytes de Phalænopsis ou Vanda. 

Cette ressemblance étroite et certaine doit évidemment être 
traduiteenréunissantles endophytes d’'Orchidéesetle Rhizoctonia 
violacea dans un même groupe naturel. On n’a jusqu’à présent 
rangé dans le genre Rhizoctonia que des champignons formant 
des sclérotes, et une espèce au moins d'endophytes d’Orchidées 
n’en donne jamais. Mais je tiens pour assuré que la similitude 
complète des modes de végétation indique beaucoup plus 
sûrement la parenté de ces espèces que la présence ou l'absence 
de sclérotes. 

Je crois donc pouvoir ranger les champignons d'Orchidées 
dans le genre ARhizoctonia d’après la simple assurance de leur 
proche parenté avec le ÆRhuizoctonia violacea. Celte manière de 
faire aura pour le moment l'avantage de ne pas compliquer la 
nomenclature existante. Une révision générale des espèces du 
genre fhizoctonia permettrait seule d'aboutir à une définition 
correcte du genre entier ou des subdivisions qu'il conviendrait 
d'y faire. Mais c’est là un travail qu'il m'a été actuellement 
impossible d'entreprendre, 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 31 


$ 3. — Trois espèces de Rhizoctones d’Orchidées. 


J'ai conservé depuis plusieurs années au laboratoire, par 


réensemencements successifs, des cultures d’endophytes isolés 
à diverses dates et provenant d’une vingtaine d'espèces d'Orchi- 
dées réparties dans onze genres différents. Pour la compréhension 
des expériences rapportées dans ce mémoire, il est indispensable 
de distinguer chacune des séries de cultures définie par son 
origine et par la date d'isolement du mycélium dont elle provient. 
Afin de simplifier, je désignerai ici chaque série de culture par 
une lettre particulière. 

Au point de vue de la classification des endophytes les choses 
sont plus simples. Ces champignons sont moins variés que les 
plantes desquelles ils proviennent; j'ai pu sans ambiguïté les 
répartir en trois espèces dont les caractères distinctifs sont très 
nets et d’une grande constance. Je donne ici les diagnoses de 
ces espèces d’après les caractères observés dans mes cultures. 
Quand ces cultures sont faites sur les milieux nutritifs au salep 
que j'ai constamment employés pour les semis de graines (voir 
Appendice, note I) le mycélium ne forme qu'un voile mince sur 
le milieu de culture et sur les parois humides des tubes. Sur des 
milieux nutritifs plus riches, tels que des morceaux de carotte 
stérilisés, ce voile peut devenir beaucoup plus épais et produire 
des filaments aériens. Mais, quelles que soient les conditions 
de culture, la distinction des trois espèces est toujours facile, 
aussi bien par l'aspect macroscopique que par l'étude au micro- 
scope. 


1° Rhizoctonia repens (fig. 3). 


Mycélium toujours rampant, formant sur les milieux nutritifs 
riches un voile épais, blanc jaunâtre, qui peut devenir brun claw 
tardivement. Filaments moniliformes ramifiés, groupés en petits 
amas granuleux, jamais anastomosés. Pelotons formés par l'enrou- 
lement de filaments mycéliens sur eux-mêmes pendant denombreuwr 
lours. 

Le plus grand nombre des champignons que j'ai isolés se 


32 NOEL BERNARD 


rattachent à cette espèce : elle est donc très répandue; dans 
l'exposé de mes premières recherches [6], j'en ai donné déjà 
une description. 

Les séries suivantes du Rhizoctonia repens ont servi à mes 
expériences : 

Série L. — Mycélium isolé en Juin 1903; provenant de jeunes 
plantules de Cattleya Mossie << Læla purpurata obtenues par 
semis dans les serres de M. Magne, à Boulogne-sur-Seine. 

Série L. — Mycélium isolé en novembre 1907; provenant 
des racines d’un Lælia crispa adulte cultivé dans les serres du 
Jardin des plantes de Caen. 

Série S. — Mycélium isolé en septembre 1903; provenant des 
grosses racines d’un Spiranthes autumnalis récolté aux environs 
d'Alençon. 

Série C. — Mycélium isolé en décembre 1903 ; provenant 
des racines d’un Paphiopedilum insigne cultivé dans une serre 
du Jardin des plantes de Caen (1). 

Série C’. — Mycélium isolé en décembre 1905 ; provenant des 
racines du même Paphiopedilum insigne. 

Série C,. — Mycélium isolé en décembre 1905 ; provenant des 
racines d’un Phragmopedilum hybride (P. Schlimi var. albi- 
florum><P. longifolium) cultivé dans les serres du Jardin des 
plantes de Caen. 

Série C,. — Mycélium isolé en décembre 1905; provenant 
des racines d’un Paphiopedilum Lawrenceanum cultivé dans les 
serres de M. Thiébaux, à Germigny-l'Évêque. 

Série C,. — Mycélium isolé en décembre 1905; provenant 
des racines d’un Paphiopedilum villosum cultivé dans les mêmes 
serres que le précédent. 

Série K. — Mycélium isolé en mars 1905; provenant des 
racines d'un Cymbidium Lowianum cultivé dans une serre du 
Jardin des plantes de Caen. 

Série À. — Mycélium isolé en août 1905; provenant des 
racines d'un Ærides maculosum cultivé dans une serre du 
Jardin des plantes de Caen. 


(1) Par la lettre C affectée de divers indices, je distingue les champignons 
des Orchidées communément réunies sous le nom de Cypripedium, que je 
désigne ici conformément à la nomenclature adoptée par Pfitzer [36]. 


OT PE ie 1m 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE F3 


Série B. — Mycélium isolé en novembre 1907 ; provenant de 
vieilles racines d’un Bletilla hyacinthina cultivé dans les serres 
du Jardin des plantes de Caen. 

Série G. — Mycélium isolé en novembre 1907; provenant des 
racines d’un Cœlogyne Massangeana cultivé dans les serres du 
Jardin des plantes de Caen. 

Malgré leur diversité d'origines, les champignons de ces diffé- 
rentes séries sont fort semblables. Il n’y à pas lieu d’hésiter à 
les ranger dans une même espèce, au moins si l’on prend la 
notion d'espèce dans son sens large. 

Il existe cependant des différences relativement minimes et 
peut-être inconstantes entre les diverses séries. Ainsi les cham- 
pignons de la série C ont toujours produit un voile plus épais et 
plus opaque que ceux des autres séries. Au contraire, pour les 
séries B et G le développement est lent, le voile peu serré produit 
seulement d’une façon tardive de rares et chétifs bouquets de 
filaments moniliformes. 


2 Rhizoctonia mucoroïdes (lig. 4, À). 


Au-dessus du voile lächement appliqué sur le substratum se 
dressent de longs filaments aériens. Sur les milieux nutritifs riches 
ces filaments, abondants et serrés, forment une touffe d’un gris 
brunätre : les jeunes cultures rappellent alors par leur aspect géné- 
ral celles des Mucor ou Sporodinia. Les filaments moniliformes ra- 
mufiés forment en s'anastomosant de petits sclérotes irréquliers, ne 
dépassant quère 1 millimètre de diamètre, souvent confluents, 
épars sur le voile, blanchätres d’abord mais prenant bientôt une 
couleur brune assez foncée. L'enroulement du mycélium des pelo- 
tons ne se prolonge pas pendant plus de quatre ou cinq tours, les 
pelotons se flétrissent rapidement. 

Cette espèce, bien que distincte, est assurément très voisine 
du Rhizoctonia violacea. Je l'ai rencontrée uniquement dans des 
racines de Phalænopsis ou de Vanda; elle paraît habiter très 
régulièrement les diverses espèces de ces deux genres. À une 
dizaine de reprises, j'ai fait venir de serres diverses des racines 
de Phalænopsis ou Vanda d'espèces variées et j'aitoujours obtenu 
le même champignon, très facile d’ailleurs à isoler et à cultiver. 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 9 


34 NOEL BERNARD 


Pour mes expériences, je me suis servi surtout de deux séries 
de cultures : 

Série P. — Mycélium isolé en février 1905 ; provenant des 
racines d'un Phalænopsis amabilis cultivé dans une serre du 
Jardin des plantes de Caen. 

Série V. — Mycélium isolé en mars 1905; provenant des 
racines d’un Vanda tricolor de la même serre. 

Je dois ajouter que J'airencontré une foisle Rhizoctonia muco- 
roides dans des circonstances assez particulières. 

En février 1905 J'avais ensemencé une douzaine de tubes de 
culture avec de petits fragments de racines d’une Ophioglosse 
(Ophioglossum vulqatum) prise dans une plate-bande du Jardin 
des plantes de Caen; j'ai obtenu le AAizoctonia mucoroïides dans 
un de ces tubes. La similitude du mycélium ainsi obtenu et de 
celui qui provenait du Phalænopsis amabilis était parfaite. 
J'aurais pu craindre un mélange accidentel de tubes ou une erreur 
d'étiquetage, mais la suite m'a montré que les deux échantillons 
de Rhizoctonia mucoroïdes que j'avais alors différaient profondé- 
ment par leurs propriétés; celui qui provenait de Phalænopsis 
faisait germer les graines de ce genre comme je le dirai plus 
Join, celui qui provenait des racines d'Ophioglosse n'avait au 
contraire aucune activité pour faire germer ces graines. 

Il n'y a donc pas eu d'erreur et une forme inactive du Rhizoc- 
lonia mucoroïdes vivait bien dans le sol du Jardin des plantes de 
Caen, au contact de racines d’Ophioglosse (1). 


3° Rhizoctonia lanuginosa (fig. 5). 


Les cultures sur milieux nutritifs riches prennent un aspect 


cotonneux par suile du développement précoce sur le voile d'un 


duvet blanc de filuments aériens. Les filaments moniliformes, à 
articles allongés, s'anastomosent et forment des sclérotes compacts, 
charnus, à surface mamelonnée, d'abord blancs opalescents, 
prenant tardivement une teinte orangée ou ocracée pâle. Ces 
selérotes sont peu nombreur ; leur taille est variable, les plus 


(1) Je n'ai aucune raison pour penser que ce champignon ait vécu dans les 
racines ; celles-ci renferment, comme on sait, un champignon que je n'ai pas 
réussi à isoler. 


DR Gore A Rodin > > 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 39 


gros dans mes cultures atteignaient la grosseur d'un pois. 
L’enroulement du mycélium en pelotons peut se prolonger pendant 
de nombreux tours. 

J'ai obtenu plusieurs séries de cultures de cette espèce à 
partir des racines d’une 
même plante d'Odonto- 
glossum grande cultivé 
dans les serres du 
Jardin des plantes de 
Caen : 

Série O. — Mycélium 
isolé de jeunes racines 
en novembre 1904. 

Série 0’. — Mycélium 


a À ae £ Fig. 5. — Portion d'un voile de Rhizoctonia lanu- 
isolé de vieilles racines  ginosa (série 0), à un endroit où un sclérote 
en juillet 1905. commence à se former. 


Série 0", — Mycélium isolé de vieilles racines en juillet 1906. 


Mes recherches ont été trop peu étendues pour que j'aie l'am- 


_bition d’en déduire une idée générale précise de la répartition 


naturelle des endophytes d’Orchidées. Cependant, à titre provi- 
soire, je puis faire les remarques suivantes : 

Les espèces d’un même genre d'Orchidées, quels que soient 
leur origine et le lieu actuel de leur culture, m'ont toujours 
fourni la même espèce de Rhizoctones ; il y a donc une certaine 
régularité dans le choix fait par les Orchidées de leurs champi- 
gnons commensaux. 

Le Rhizoctonia repens habite des Orchidées fort diverses appar- 
tenant à des branches nettement séparées de l'arbre généalogique 
de la famille. Les Rhizoctonia mucoroïdes et lanuginosa n'ont au 
contraire été rencontrés que dans de rares Orchidées qui sont 
parmi les plus évoluées de la famille, comme on le verra dans le 
chapitre IL. 

La symbiose étant un mode de vie très ancien des Orchidées, 
il est raisonnable de croire que l’évolution des champignons 
endophytes s’est faite en même temps que celle des plantes 
qui les hébergent. Je suis porté à croire d’après cela que le 
Rhaizoctonia repens est une espèce primitive dont les Æ/izoclonin 


30 NOEL BERNARD 


mucoroïdes et lanuginosa seraient tardivement dérivés. Dans 
ces conditions on pourrait considérer les sclérotes des deux 
dernières espèces comme provenant des filaments moniliformes 
isolés du Rhizoctonia repens; ceux-ci seraient peut-être à leur 
tour une forme dégradée d'appareil conidien. 


S 4. — Rhizoctonia et Hypochnus. 


Au cours de recherches sur certaines maladies de la Pomme 
de terre, Rolfs [43, 44] a eu l’occasion de compléter les connais- 
sances précédemment acquises sur le cycle évolutif du Rhizoc- 
tonia violacen; Güssow [16] à déjà attiré l'attention sur ces 
recherches qui présentent à mon point de vue un grand intérêt. 

À la base de tiges aériennes de Pomme de terre, provenant 
de tubercules infestés par des sclérotes du Rhizoctonia violacea, 
Rolfs a vu se développer un lacis de filaments bruns donnant 
naissance à des hyphes dressés terminés par des basides à deux 
ou quatre basidiospores. 

L’hyménium fructifère ainsi formé est lâche et floconneux, il 
représente l’une des formes les plus simples et sans doute les 
plus primitives de fructification dans le groupe des Basidio- 
mycètes à hyménium. Cette forme fructifère avait été observée 
antérieurement par Prillieux et Delacroix qui l’ont décrite sous 
le nom d'ÆHypochnus Solani [41], mais n’ont pas soupçonné 
son origine. Rolfs a montré que les basidiospores de cet Æypo- 
chnus reproduisent en germant la forme Rhizoctonia. L'évolu- 
ion du Rhizoctone de la Pomme de terre se trouve ainsi connue 
d'une manière complète et sa place systématique fixée sans 
incertitude (1). 

Malgré divers essais de culture dans des conditions variées, 
je n’ai jamais obtenu la forme fructifère parfaite des Rhizoc- 
tones d’Orchidées. Mais, comme je l'ai dit, ces champignons, 


(4) Une question de synonymie reste seule en litige. Rolfs, tout en consta- 
tant expressément l'identité du champignon qu'il décrit avec l'Hypochnus 
Solani (Pr. et Del.) en fait, d’après l'avis de E. A. Burt, une variété du Corti- 
cium vagum (B. et C.). La distinction des Hypochnus et de certains Corticium 
peut aisément donner matière à des controverses que je n’ai nulle compétence 
pour trancher; je conserve le nom donné par Prillieux et Delacroix qui est 
actuellement admis dans les traités et dans les flores d'un usage courant. 


| 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE SE 


spécialement le Rhizoctonia mucoroïdes, se rapprochent du Rhi- 
zoctone de la Pomme de terre d'une manière évidente. Cette 
ressemblance ne porte pas uniquement sur tel ou tel détail d’or- 
ganisation, mais sur le mode général même de l’évolution ; elle 
paraît ainsi un indice assuré de proche parenté et non un fait 
de convergence accidentelle ; elle autorise par suite à penser que 
les endophytes d’Orchidées sont des formes stériles de Basidio- 
mycèles appartenant au genre Hypochnus ou à des genres très 
voisins. Les formes fructifères parfaites de ces champignons 
pourront sans doute être trouvées un jour ou l’autre. Si j'en 
juge par l’insuceès de mes recherches, elles ne doivent pas exister 
communément dans les serres où l’on cultive les Orchidées exo- 
tiques et l’on doit considérer comme une règle générale que les 
endophytes s'y maintiennent le plus souvent sous leurs formes 
stériles. 

Il est intéressant de rappeler ici que dans un autre cas déjà 
une forme Ahizoctona à pu être identifiée avec un Wypo- 
chnus. U s’agit d’un champignon décrit par Léveillé [22] sous 
le nom de ÆRhizoctonia centrifuga, qui forme sur les écorces 
d'arbres des voiles aranéeux circulaires parsemés de petits sclé- 
rotes bruns. Les frères Tulasne [521 ont observé et décrit sous 
le nom d’'Hypochnus centrifuqus la forme fructifère de ce Rhi- 
zoctone; elle apparaît sur les voiles développés à l'abri de la 
lumière, qui deviennent plus denses et produisent un hyménium 
blanc de filaments terminés par des basides (1). 

Les filaments de ce champignon présentent des boucles 
d’anastomose (Schnallenverbindungen) entre les articles con- 
tigus d’un même filament. C’est une particularité bien connue 
dans ce cas, la figure du traité de À. de Bary [4] qui s’y rap- 
porte étant reproduite dans de nombreux ouvrages relatifs aux 
champignons. J'ai observé de semblables boucles d’anastomose 
sur les filaments d’un mycélium remplissant les vieilles liges 
creuses du Neottia Nidus-avis et aussi les fruits souterrains de 
cette espèce où des graines étaient en germination [4|. 


(1) Une question de synonymie semblable à celle que soulève la classification 
de l’'Hypochnus Solani pourrait se poser ici, puisque d’après l'opinion de Broom — 
rapportée par les frères Tulasne — l’Hypochnus centrifugus peut être rattaché 
au Corlicium arachnoideum de Berkeley. 


$ NOEL BERNARD 


Schacht {45} à décrit une particularité semblable pour un 
mycélium observé à la surface ou même dans les cellules externes 
du rhizome de l'£pipoqium Gmelini. H s’agit peut-être dans les 
deux cas de formes libres d’endophytes d'Orchidées, différentes 
de celles que j'ai décrites dans ce chapitre, mais appartenant 
au même groupe et se rapprochant par un trait de l'Hypochnus 
centrifuqus. 


CHAPITRE II 


LES PHÉNOMÈNES DU DÉVELOPPEMENT 
CHEZ LES ORCHIDEES 

Je décrirai dans ce chapitre les phénomènes normaux de la 
germination chez diverses Orchidées qui ont servi à mes expé- 
riences (1) et j'essairai en partant de là de retracer l’évolution 
qu'ont dû subir les modes de développement dans toute la 
famille. 

Pour diriger sûrement cette étude, il faut tenir un grand 
compte des rapports établis entre les diverses Orchidées par les 
classifications naturelles fondées sur l'examen des plantes 
adultes ; on doit évidemment rechercher les modes de germina- 
lion les plus primitifs chez les Orchidées qui sont à tous points 
de vue les plus simples et considérer comme des modes dérivés 
ceux qu'on observe chez les plantes les plus complexes de Ia 
famille. Il est donc utile, afin de limiter dès l’abord le domaine 
des faits accessibles à ma tentative, d'acquérir une idée sur la 
phylogénie des Orchidées en général ; cela est devenu possible 
grâce aux documents patiemment réunis et coordonnés par 
Pfitzer. 

Un examen de la classification naturelle proposée par ce 
35] suggère que, dans une large mesure, l’évo- 
lution des Orchidées épiphytes a été indépendante de celle des 
Orchidées terrestres, l'un ou l’autre des modes de vie pouvant, 
à quelques exceptions près, caractériser les grandes subdivisions 
de la famille. 


savant spécialiste 


(4) Les détails relatifs aux modes de culture ou à l’origine des graines 
employées sont donnés dans les notes 1, IT et IV de l’Appendice. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 39 


Les Orchidées épiphytes se rattachent presque exclusivement 
à une grande série naturelle correspondant à peu près à l’en- 
semble des Épidendrées et Vandées de Bentham. Cette série est 
définie par l'existence d’une élamine unique, la position des 
pollinies dont le sommet est tourné vers le rostellum, la cadu- 
cité de l’anthère qui tombe après l'enlèvement du pollen et 
l'existence d’articulations aux feuilles. Presque toutes les 
Orchidées de serre appartiennent à ce grand groupe. Dans la 
première partie de ce chapitre je comparerai les modes de ger- 
minaltion de plusieurs d’entre elles en les énumérant à peu près 
dans l’ordre adopté par Pfitzer pour leur classification. Ces 
diverses Orchidées présentent à de nombreux points de vue des 
degrés croissants de complexité ; leurs modes de germination 
variés s’enchainent d’une façon assez graduelle pour qu'on 
puisse penser qu'ils représentent des étapes de l’évolution natu- 
relle. 

Les Orchidées terrestres appartiennent à plusieurs séries bien 
distinctes qui sont comme autant de branches séparées d’un 
arbre généalogique. Ce sont d'abord les Orchidées diandres, 


à deux ou trois étamines fertiles, parmi lesquelles les deux 


genres d'Apostasiées occupent un rang inférieur, tandis que les 
Cypripédiées atteignent le plus haut degré d'évolution. Il faut 
mettre à part ensuite les Ophrydées, groupe très homogène 
d'Orchidées à bulbes, dont l'étamine unique renferme des polli- 
nies attachées au rostellum par leur base. On doit distinguer 
enfin des séries précédentes la grande tribu assez variée des 
Néottiées dont les pollinies tournent leur sommet vers le ros- 
tellum, mais dont l’anthère est persistante après la chute du 
pollen et dont les feuilles sont dépourvues d’articulation. Dans 
la seconde partie de ce chapitre j'étudierai, autant que cela 
est possible, l’évolution des modes de germination dans chacune 
de ces séries naturelles. 


PREMIÈRE PARTIE 


L'ÉVOLUTION DES ÉPIDENDRÉES ET VANDÉES. 


Dans le grand groupe d'Orchidées généralement épiphytes 
dont j'entreprends l’élude, l'évolution parait avoir été plus 


40 NOEL BERNARD 


accentuée que dans aucun autre. La série des genres que j'exa- 
minerai part de formes relativement primitives, pour aboutir à 
d’autres qui présentent le plus haut degré de complexité réalisé 
dans toute la famille. 

Le Bletilla hyacinthina, une Orchidée d'Extrème-Orient dont 
je parlerai d’abord, occupe incontestablement dans tout le 
groupe un rang des plus inférieurs. On trouve réunis chez cette 
espèce un ensemble de caractères communs à toutes les Orchi- 
dées primitives en général, tels que l'habitat terrestre, le mode 
de végétation sympodial, la préfoliation convolutive, la position 
terminale des inflorescences, l’indépendance des masses polli- 
niques par rapport au rostellum. Pfitzer a clairement mis en 
évidence la valeur de ces caractères ancestraux ; j'aurai à noter 
leur disparition progressive chez les divers genres de plus en 
plus évolués que j'étudierai ensuite. 


$ 1. — Bletilla hyacinthina (Reich.) (1). 
MODE DE VÉGÉTATION A L'ÉTAT ADULTE 


J'examinerai tout d'abord la manière dont végète le Bletilla 
hyacinthina à son état adulte, surtout afin de bien fixer 
le mode de symbiose auquel cette plante est soumise. A des 
différences de détail ou de degré près, les remarques que 
J'aurai à faire à ce sujet s’appliqueraient en général aux Orchi- 
dées à végétation sympodiale produisant des rhizomes articulés 
ou des bulbes. L'examen que j'ai fait autrefois [4] du cas des 
Ophrydées le montrerait au mieux. 

Une plante de PBletilla à l'état de repos, telle qu’on peut la 
voir en décembre, est réduite à un rhizome articulé, souvent 
ramifié, toujours vert et superficiel. Chaque article du rhizome 
est constitué par un tubercule discoïde montrant les cicatrices 
circulaires de feuilles tombées et relié à l’article suivant par 

(1) Cette espèce est souvent encore désignée sous le nom de Bletia hyacin- 
thina (R. Br.) et j'ai moi-même eu le tort d'adopter précédemment [6] cette 
désignation fautive. La position de l’inflorescence qui est latérale chez les 
Bletia est une raison suffisante pour légitimer la distinction, mais je pourrai 
en donner une raison nouvelle. En effet, d'après une figure de Beer [2], le 


Bletia verecunda germe en donnant un protocorme discoïde, du type cattléven, 
c’est-à-dire tout autrement que le Bletilla. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 41 


une courte digitation horizontale (fig. 1, PL. I) ; là où le rhizome 
se ramifie, un même article est relié par deux digitations à deux 
tubereules voisins. A l’époque dont je parle, ce rhizome ne 
porte que des débris de racines plus ou moins désorganisées 
el aucune racine vivante. 

Quand on suit la marche de la végétation annuelle, à partir 
de l’état queJe viens de décrire, on peut y distinguer deux séries 
de phénomènes correspondant à deux périodes successives. 

La première période est caractérisée par le développement 
de pousses feuillues qui se dressent à l'extrémité des digitations 
libres portées par les articles terminaux du rhizome (fig. 1, pl. 1). 
Cette période est par excellence celle de la végétation active : 
l'apparition des bourgeons floraux au dehors, qui se produit en 
mars, peut être considérée comme marquant sa fin. 

La poussée de Jeunes racines qui commencent à s’accroître 
dans le cours de mars et d'avril précède de très peu le début 
de la seconde période. Peu après cette sortie des racines, les 
entre-nœuds basilaires de chaque tige aérienne commencent à 
s'épaissir et un ou deux des bourgeons situés à l’aisselle des pre- 
mières feuilles de ces tiges se développent en courtes pousses 
horizontales. Ainsi se forme chaque article du rhizome avec 
son tubercule el ses digitations; il acquerra son aspect défi- 
nitif en automne, au moment oùles tiges aériennes se flétriront. 
L'épisode essentiel qu'est la tubérisation des articles du rhizome 
peut, mieux que tout autre, caractériser cette seconde période 
de la végétation annuelle ; elle correspond aussi à l'époque de 
la formation des fruits qui mürissent en octobre. 

Les champignons n’infestent jamais le rhizome ; tant que la 
plante y est réduite, elle est tout à fait indemne. La première 
période de végétation active est donc une période d'autonomie. 
La seconde période au contraire devient presque dès son début 
une période de commensalisme ; les jeunes racines sont en effel 
régulièrement infestées dès qu'elles atteignent une longueur de 
quelques centimètres. Comme à lordinaire, les champignons 
pénètrent les racines en voie de développement dans la région 
située en arrière de la zone de croissance; ils végètent quelque 
temps dans l'écorce formant des pelotons dans les cellules, 
jusqu’au moment où ils y sont digérés. Les racines qui ont cessé 


49 NOEL BERNARD 


de s’accroître ne sont plus sujettes à des infestations nouvelles 
et, bien avant leur désorganisation, elles ne renferment plus 
que des pelotons digérés, à l'exclusion de mycélium vivant. 

De ces constatations il résulte deux conséquences qui contri- 
buent à faire comprendre la nature des rapports existant 
entre la plante et son champignon commensal. 

La plante, au cours de sa période de végétation active, diffé- 
rencie ses principaux organes sans avoir à subir l’action des 
champignons. Elle est soumise à cette action seulement à partir 
du début de la seconde période, pendant un temps difficile à 
limiter exactement mais qui ne doit pas dépasser six mois. 
C'est pendant ce temps qu'elle forme son rhizome et qu'elle 
mürit ses fruits. 

Les champignons sont assujettis à un régime analogue. 
Pendant quelques mois chaque année, ils peuvent vivre en 
symbiose, entrer dans les racines, y rester quelque temps et 
sans doute en sortir parfois, pour retourner au sol, avant d’être 
intégralement détruits par digestion (1). Mais pendant une 
longue période ensuite la plante ne leur offre plus aucune porte 
d'entrée accessible et ils doivent uniquement végéter dans le 
sol. Cette seconde constatation prend toute son importance si 
l'on songe au fait, établi plus loin, que la vie en symbiose est 
pour les champignons le moyen d'acquérir une sorte de viru- 
lence, un pouvoir d'actionsur leurs hôtes, etque la vie autonome 
entraîne au contraire l’atténuation de cette activité particulière. 

Dans ce cas donc la plante est en définitive soustraite pendant 
au moins la moitié de sa vie à toute action de ses commensaux. 
Ceux-ci, d'autre part, à cause du régime même que cet état de 
chose leur impose, se trouvent empèchés d'accroître d’une façon 
continue leur pouvoir d'action sur leur hôte. Il s’agit là, à mon 
sens, d'une forme primitive de symbiose ; l'examen des phéno- 
mènes de la germination chez le Bletilla permettra mieux 
encore d'apprécier son imperfection. 


(1) Les conditions de l'entrée et de la sortie des champignons seront étudiées 
d'une manière générale dans le chapitre IV. 


US 
Co 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 


LES GRAINES ET LEUR GERMINATION. 


Chez les Monocotylédones en général, les graines mûres 
ont un albumen et un embryon normalement différencié; il 
devait en être ainsi chez les ancêtres des Orchidées. Mais 
chez la plupart des représentants actuels de cette famille, 
l’albumen disparaît de très bonne heure dans la jeune 
graine, ou ne s'y forme pas du tout; l'embryon reste indiffé- 
rencié, sans cotylédon ni radicule; souvent il porte encore 
un suspenseur à sa maturité. Le tégument de la gramne est 
mince, réliculé, et d'ordinaire transparent. 


Fig.6.— Blelilla hyacinthina. — À, embryon avec son suspenseur ramifié, deux mois 
avant la maturité de la graine. — B, coupe longitudinale dans l'embryon d’une 
graine müre, montrant à la partie inférieure le reste du suspenseur flétri et à la 
partie supérieure le cotylédon. 


L'étude des graines de £letilla fournit une nouvelle raison 
pour considérer cette plante comme une Orchidée primitive. 
J'ignore s'il y a ou non début de formation d’un albumen ; 


44 NOEL BERNARD 


la graine müre en est dépourvue, elle ne comprend comme à 
l'ordinaire qu'un embryon etun tégumentmince, maisl'embryon 
atteint un état exceptionnel. Deux mois avant la maturité de la 
graine il est encore indifférencié et porte à son pôle postérieur 
un suspenseur ramifié (fig. 6, À) ; il est alors comparable, par 
sa taille et son degré de différenciation, aux embryons mûrs 
du plus grand nombre desOrchidées. Avant la maturitéle suspen- 
seur se flétrit et un cotylédon commence visiblement à se déve- 
lopper à la partie antérieure du corps embryonnaire (fig.6,B). 

Ces embryons de Bletilla sont donc plus volumineux et mieux 
organisés que ceux des Orchidées dont je m’'occuperai par la 
suite. Ils montrent aussi une vitalité plus grande, car ils peu- 
vent se développer sans le concours de champignons, même 
sur des milieux de culture dilués, dans des conditions compa- 
rables à celles de la vie normale. La symbiose, qui est pour les 
Orchidées en général une condition nécessaire du premier 
développement, n’est encore ici qu'une condition facultative. 
C'est là un fait exceptionnel, mais d'un grand intérêt, car il 
rend possible d'étudier l’action des champignons en comparant 
directement le développement de plantules autonomes et de 
plantules infestées. 

Pendant cinq années successives, j'ai fait des semis de 
Bletilla en m'efforçant de réaliser des conditions où cette com- 
paraison puisse se faire d'une façon instructive. Les premières 
expériences, déjàrapportées ailleurs [6], m'avaient simplement 
démontré que lasymbiose est facultative. Plus tard, j'ai reconnu 
que le développement peut se faire suivant différents modes. 
Instruit enfin par la critique de ces essais préliminaires, lors- 
que j'ai eu par ailleurs constaté l’existence de variations d’ac- 
tivité chez les champignons, j'ai pu réaliser des expériences qui 
précisaient les conditions d’où dépendent les divers modes du 
développement. Ces expériences seront décrites et commentées 
dans les chapitres IT et VI; pour le moment j'anticiperai sur 
leurs résultats par mes affirmations, mon seul dessein actuel 
étant de faire connaître les modes de symbiose chez le Bletilla 
et les modes de développement qui leur correspondent. 

Les graines semées sans champignons sur les milieux nutritifs 
dilués germentlentement et donnent des plantules frêles, dont 


| 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 45 


l'élevage prolongé est difficile, mais qui présentent un mode très 
réguliér de croissance (fig. 7, À à D). Après que l'embryon s’est 
fixé au sol par quelques toulfes de poils absorbants, le cotylédon 
s'accroît en une petite feuille verte et l'axe hypocotylé s'allonge 
en formant une tigelle cylindrique et grêle. Les entre-nœuds de 
la tige qui se développe ensuite au-dessus du cotylédon sont 
en tout semblables à l'axe hypocotylé et de même les feuilles 
successives ressemblent au cotylédon. L'élongation régulière de 
la tige résulte surtout, comme il est normal, de l'allongement 
individuel des cellules de chaque entre-nœud. 

Les phénomènes du développement sont au début les mêmes 
quand on inocule les semis avec un mycélium de Æhizoctonia 
repens suffisamment atténué par la vie en culture pure. La chose 
n'est pas surprenante car les plantules jouissent tout d’abord 
dans ce cas d’une immunité remarquable : le mycélium pénètre 
bien immédiatement quelques cellules du pôle embryonnaire 
où le suspenseur s’attachait — c’est toujours chez les Orchidées 
la première région vulnérable — mais il est rapidement digéré 
par ces cellules, et ne produit ainsi qu'une infestation très res- 
treinte et presque sans effet (fig. 7, E). Plus tard seulement, 
après plus de deux mois de culture, linfestation peut récidiver 
au moment où l'axe hypocotylé à terminé sa croissance. Le 
champignon peut alors pénétrer la tigelle par la base des touffes 
de poils absorbants qu'elle porte et il forme dans sa partie 
moyenne une plage infestée plus ou moins étendue. Jamais cette 
infestation secondaire ne s'étend jusqu’au nœud cotylédonaire, 
mais plus tard les entre-nœuds supérieurs, dès qu'ils ont leur 
taille définitive, peuvent être infestés tour à tour directement 
et d’une façon assez irrégulière (fig. 7, G, H) (1). 

Ces infestations répétées et tardives, au moins si Pactivité 
du champignon n’est pas tout à fait disparue, ont pour effet 
d'activer la croissance sans changer d’abord son mode. Mais en 


(1) J'ai donné ailleurs [6] de plus amples détails sur les premières expériences, 
faites au début de 1904, qui m'ont permis de comparer le développement des 
plantules soit sans champignons, soitavec un mycélium atténué de Rhizoctonia 
repens. La figure 7 résume les faits constatés dans ces expériences. Les semis 
avaient été faits sur des plaques de coton imbibées d’une décoction de salep 
dont la concentration était inférieure à 1. Le mycélium utilisé pour les ino- 
culations était celui de la série L, âgé de huit mois au moment de son emploi. 


46 NOEL BERNARD 


définitive les entre-nœuds qui naissent à la partie supérieure 
de la tige restent courts, les nœuds correspondants produisent 


Fig. 7. — Bletilla hyacinthina. — À à D, étapes successives du développement sans 
champignons, depuis l'embryon de la graine mûre jusqu'à une plantule de cinq 
mois et demi. — E, coupe longitudinale dans une plantule de un mois, inoculée avec 
un mycélium atténué de lthizoctonia repens; dans quelques cellules de la région 
inférieure, on voit du mycélium digéré à côté du noyau. — F à H, étapes suivantes 
du développement pour des plantules inoculées de même, jusqu’à l’âge de cinq 
mois et demi; les régions infestées, vues par transparence, sont ombrées. L’échelle 
pour 100 y se rapporte à la figure E, l'échelle pour 2 millimètres à toutes les autres 
figures. 


des feuilles plus larges, serréesles unes contreles autres(fig.7,H), 
et il se constitue ainsi un jeune bulbe qui n’est jamais pénétré 
par les champignons; les premières racines sortent de sa base 
et s'infestent au contact du milieu de culture. Jusqu'à l'appari- 
üon de ce bulbe le développement se fait avec les champignons 
atténués comme sans champignons et, dans l’un comme dans 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 47 


l’autre cas, ce premier développement ne présente pas de 
caractères orchidéens accentués. L'absence de racine primaire, 


Fig. 8. — Blelilla hyacinthina. — À, B, C, trois plantules obtenues avec un mycélium 
actif de Rhizoclonia repens; la plantule C est âgée de quatre mois; le grossissement 
indiqué par l'échelle de 2 millimètres est le même que pour les plantules de la 
figure 7. — D, coupe longitudinale dans une plantule du même semis, à un grossis- 
sement un peu plus fort; la région infestée par les champignons est ombrée. 


qui est sans doute une conséquence directe de l'état rudimentaire 
des embryons, est le seul fait important qui se retrouvera 
constamment par la suite ; mais chezles jeunes plantules élancées 
et grêles de Bletilla rien encore ne fait pressentir les formes 
juvéniles si particulières des Orchidées à protocorme. 

IL en est tout autrement quand on inocule les jeunes semis 
avec du mycélium de ÆRhizoctonia repens ayant acquis un haut 


48 NOEL BERNARD 


degré d'activité par séjour dans des plantules d'Orchidées. Dans 
ce cas le mycéllum pénètre aussi tout d'abord l'embryon par la 
région où s'attachait le suspenseur, mais au lieu d’être prématu- 
rément digéré, 1l s'étend largement (fig. 8, D) ; il s’'institue ainsi 
dès le début de la vie libre un état de symbiose qui se pro- 
longera pendant tout le cours du premier développement sans 
discontinuité. 

Ce nouvel état de chose parait favorable aux plantules, dont 
la végétation devient plus rapide et plus vigoureuse ; il entraîne 
deux conséquences importantes en ce qui concerne le mode de 
leur développement. 

D'une part l'axe hypocotylé, au lieu de rester grêle, se développe 
en un organe de forme conique et relativement massive, couvert 
sur toute sa surface de touffes de poils absorbants et envahi par 
les champignons dans toute la longueur de son écorce, comme 
le montre la figure 8. Cet organe, qui prend en définitive lappa- 
rence d'une racine et qui sans doute en a les fonctions, est évi- 
demment homologue du protocorme des Orchidées en général 
et en représente à mon sens la forme primitive. 

D'autre part, le premier bulbe dont on a noté tout à l'heure la 
naissance tardive apparail ici précocement et présente un aspect 
plus caractéristique. C'est directement au-dessus du protocorme 
que les premiers entre-nœuds courts se forment et ils constituent 
l'axe d’un jeune bulbe portant des feuilles à large gaine et bientôt 
des racines (fig. 8, C). Ici encore le bulbe reste indemne de 
champignons et, après le protocorme, ce sont seulement les 
racines qui s'infestent (1). 

Quel qu’ait été au début le mode du développement, le premier 
bulbe une fois formé et enraciné s’isole; il doit constituer plus 
tard, en s’épaississant, l’article initial du rhizome après que la 
première pousse feuillue dressée, et bien entendu pas florifère, a 


(4) Les plantules représentées dans la figure 8 appartenaient à un semis fait 
en février 1906, sur du coton imbibé de décoction de salep à la concentration 3. 
L'inoculation avait été faite avec le mycélium C' de Rhizoctonia repens, récem- 
ment isolé et d'activité assez grande. La concentration relativement élevée de 
la solution nutritive employée et le haut degré d'activité du champignon ont 
agi simultanément pour imposer aux plantules la formation d’un protocorme, 
mais on verra plus loin qu’une seule de ces conditions peut suffire pour amener 
ce résultat. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 49 


émergé de son centre (fig. 8, C). J'ai vu moi-même dans un semis 
horticole, où les graines avaient germé sans former de proto- 
corme, les bulbes se former comme dans mes semis expéri- 
mentaux et s'isoler ensuite. Les deux Jeunes plantules de 
Bletilla figurées par Pfitzer [35], sont réduites à leur premier 
bulbe, encore grêle ou déjà épaissi. 

Entre les cas extrêmes de l’infestation tardive sans formation 
de protocorme et de la symbiose précoce avec protocorme bien 
caractérisé, il y a des intermédiaires; un examen des figures de 
la planche I peut suffire à en révéler l’existence. Il est vraisem- 
blable aussi qu'on pourrait obtenir un protocorme et un bulbe 
mieux caractérisés encore par l’action de champignons d'activité 
exceptionnelle. Mais les faits que J'ai observés suffisent à établir 
la dépendance étroite du mode de développement et du mode 
d’infestation et à indiquer la direction primitive qu'a pu prendre 
l’évolution des Orchidées par suite des progrès de la vie en sym- 
biose avec leurs commensaux. 


L'examen des documents imparfaits qu'on possède sur la 
germination des Orchidées en général permet de supposer que 
le cas du Pletilla hyacinthina, assurément exceptionnel, n’est 
pas tout à fait unique. 

Chez le Sobraliu macrantha, Treub [50} à signalé l'existence 
d'un embryon à cotylédon différencié. Irmisch [47] à figuré la 
coupe longitudinale d’une jeune plantule de la même espèce et 
il y représente des cellules toutes semblables les unes aux autres 
et à contenu transparent. Or cet admirable observateur, bien 
qu'il n'ait généralement pas reconnu l'existence de champignons 
dans les plantules d’Orchidées, ne manque jamais de signaler 
quand il les rencontre des cellules à contenu opaque ou brunâtre 
qui sont évidemment des cellules infestées; le fait qu'iln'indique 
rien de semblable pour le Sobralia macrantha lend à prouver 
la possibilité pour les embryons de cette Orchidée de se déve-- 
lopper assez notablement sans le concours de champignons. 
Enfin, à en croire une figure de Beer [2}, il paraît que les jeunes 
plantules de ce Sobralia peuvent prendre au début une forme 
allongée. D'après Pfitzer [84], on observe des faits analogues 
chez le Platyclinis glumacea : l'embryon a déjà un cotylédon 

ANN. SC. NAT. BOT:., 9e série. IX, 4 


50 NOEL BERNARD 


différencié dans la graine mûre et il présente au début de Ia 
germination une période d’élongation bien marquée. 

Les Platyclinis appartiennent à une des tribus les plus infé- 
rieures du grand groupe d'Orchidées qui m'occupent et ont 
autant de droits que le Bletilla d'y être considérés comme des 
types primitifs. On peut d'autre part considérer les genres Sobra- 
lia et Bletilla comme assez proches parents (1). 

Il se peut donc que, parmi les Orchidées qui m'occupent 1ci, 
plusieurs types primitifs présentent des embryons mieux diffé- 
renciés qu'à l'ordinaire, pouvant facultativement se développer 
sans donner naissance à un protocorme infesté. On ne connaît 
en tout cas rien de semblable chez les Orchidées épiphytes plus 
hautement évoluées, ni chez les Orchidées terrestres que 
j'étudierai à la fin de ce chapitre. Ainsi il apparaît bien que les 
caractères du premier développement chez Bletilla hyacinthina 
sont des vestiges, rarement conservés, d’un état ancestral. 


$ 2. — Cattléyées. 


Les genres Cattleya, Lælia et Brassavola de la tribu des Cat- 
tlévées comprennent un assez grand nombre d'espèces commu- 
nément cultivées en serre et fréquemment hybridées. C’est de 
ces plantes qu'il m'a toujours été le plus facile de me procurer 
des fruits ; ces fruits sont généralement de grande taille et leurs 
graines très nombreuses peuvent garder plusieurs mois leur 
pouvoir germinatif. Toutes ces facilités réunies m'ont amené à 
me servir de graines de Cattléyées pour mes expériences, chaque 
fois qu'un problème nouveau se posait par l’enchaînement de 
mes recherches. On trouvera dans la note IV de l'Appendice une 
énumération des diverses Cattléyées hybrides dont j'ai fait des 
semis et les dénominations abrégées que j'emploierai pour les 
distinguer dans la suite de ce mémoire. D’après ce que j'en ai 
vu, les graines de ces Cattléyées germent à bien peu près de 
mème. J'ai fait connaître déjà [6] les conditions et les modes de 


(1) Le Pflanzen familien [85] répartit ces deux genres dans les tribus diffé- 
rentes des Sobraliinées et des Thuniinées, mais les représentants de ces deux 
tribus ont d’incontestables ressemblances que Pfitzer rappelait déjà [34] alors 
qu'il classait encore les Bletilla avec les Sobralia dans la première. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 1 


cette germination ; il me suffira ici d'en rappeler sommaire- 
| ment les faits essentiels, dans le seul but de bien marquer la 
transition naturelle entre le Pletilla hyacinthina et les Orchi- 
dées que j'étudierai ensuite. 

Bien que les Cattléyées soient épiphytes, leur mode de végé- 
tation à l’état adulte diffère assez peu de celui du Pletilla hya- 
cinthina. Ce sont aussi des plantes à rhizome sympodique dont 
les branches dressées sont souvent tubérisées à leur base. Elles 
perdent leurs racines tous les ans et vivent par conséquent en 
| symbiose avecle Rhizoctoniarepens d’une manière intermittente. 
| Comme caractère ancestral ces Orchidées ont encore conservé 
| la position terminale des inflorescences. La parfaite différencia- 
tion de caudicules aux pollinies, la préfoliation duplicative 
sont au contraire des traits plus modernes indiquant que les. 
Cattléyées ont dépassé le degré d'évolution où est resté Le Ple- 
tilla. L'étude des graines et de leur germination confirme en ce 
| sens les conclusions tirées de l'examen des plantes adultes. 
Les graines renferment un embryon ovoïde, indifférencié, 
| dont la longueur ne dépasse pas 230 , et qui porte encore à 
maturité un suspenseur filiforme (fig. 9, A). Sur les milieux 
| nutritifs dilués la germination de ces graines sans champignons 
| est impossible. Cependant dans ces conditions l'embryon verdit, 
| après plusieurs mis de culture il forme même des stomates et 
| des rudiments de poils absorbants qui ne s’allongent pas, mais 
| il garde une forme ovoïde et n'arrive même pas par son faible 
accroissement à déchirer tout à fait le tégument de la graine. 
Je conserverai le terme de « sphérules » que j'ai employé ail- 
leurs pour désigner ces embryons verdis et quelque peu accrus 
en l’absence de champignons {fig. 9, B). 

L'infestation des sphérules par du mycélium actif de /?hizoc- 
| {onia repens est immédiatement suivie d'une véritable crise de 
croissance qui entraîne en définitive la transformation du corps 
embryonnaire en un protocorme caractéristique. 

Tout d'abord l'embryon s'accroît en longueur et s'élargit en 
même temps dans sa partie antérieure ; le Jeune protocorme 
prend ainsi la forme d’une toupie, exactement symétrique par 
rapport à un axe, ayant le suspenseur à sa pointe, tandis que 
le méristème terminal occupe le fond d’une légère dépression 


52 NOEL BERNARD 


diamétralement opposée (fig. 9, C). À ce premier état, la plan- 
tule fixée au substratum par des touffes de poils absorbants, qui 
se sont accrus aussitôt après l’infestation, n’est pas sans ana- 
logie avec un protocorme de Bletilla. 

Dans la suite, à partir du moment où un bourgeon terminal 


Fig. 9. — Diagrammes montrant les étapes du développement d'une Cattléyée. — 
À, embryon d'une graine müre, avec son suspenseur ; le tégument de la graine est 
représenté par son contour apparent. — B, embryon développé en « sphérule » 
après plusieurs mois de culture pure. — C, jeune protocorme provenant d’une 
sphérule comparable à B, deux semaines après l’infestation. — D, plantule plus 
âgée, montrant le protocorme tubérisé discoïde et le bourgeon terminal. Les 
régions infestées, vues par transparence, sont ombrées. 


est apparu, la croissance en longueur du protocorme s'arrête, 
mais 1l continue à s’élargir transversalement et, dans les cas les 
plus typiques, il arrive ainsi à prendre la forme d’un disque 
épais portant le bouquet serré des premières feuilles au centre 
de sa face supérieure (fig. 9, D). Cette transformation du proto- 
corme en un tubercule discoïde correspond, si je ne me trompe, 
à la formation du premier bulbe chez le Bletilla. Mais tandis 
que chez cette Orchidée primitive l'apparition du protocorme, 
la formation du premier bulbe et son épaississement marquaient 
des étapes bien distinctes du développement, chez les Cattlévées, 
au contraire, ces phénomènes se succèdent immédiatement et 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 99 


se confondent presque, puisque c’est le protocorme lui-même qui 
s'épaissit et mérite le nom de tubercule embryonnaire. 

Le mode initial de la symbiose chez les Cattlévées est assez 
exactement comparable à celui qu'on observe dans le second 
mode de germination du PBletilla hyacinthina. Le mycélium 
pénètre par le suspenseur près de son point d'attache ; linfes- 
tation s'étend d’abord dans la pointe du protocorme, puis pro- 
gresse continûment de proche en proche. Comme chez le Ple- 
tilla la partie centrale du protocorme reste indemne, les cham- 
pignons élant localisés dans quelques assises de cellules sous- 
épidermiques. La zone infestée, dont la forme théorique est 
toujours celle d’une cloche, est ici très élargie ; elle reste loca- 
lisée à la face inférieure du tubercule embryonnaire discoïde 
et ne s'étend Jamais à la face supérieure du disque, ni, à plus 
forte raison, jusqu'au bourgeon terminal; les champignons 
finissent par être complètement digérés dans les cellules après 
que le tubercule embryonnaire a achevé sa croissance. Les pre- 


| mières racines qui sortent de la base de la pousse feuillue, ou 
| parfois même des flancs du protocorme, s’infestent directement 


au contact du milieu de culture. 

Du Pletilla hyacinthina aux Cattlévées, le chemin parcouru 
peut en définitive s’apprécier par des signes assez nombreux. 
Les embryons des graines ont régressé et ne présentent plus de 


| différenciation morphologique, ils ont en même temps perdu la 
| faculté de se développer d'une manière autonome. La symbiose 
| est nécessaire et non plus facultative; en conséquence il n'y à 


plus qu’un seul mode de développement possible et l'existence 


| d'un protocorme estconstante. Au lieu enfin qu'il y ait formation 


plus où moins tardive d’un bulbe distinct du protocorme, c'est 
ce protocorme même qui se transforme précocement en tubercule 


| embryonnaire. Malgré ces conditions et ces formes nouvelles 
| des phénomènes initiaux du développement, le mode de végé- 
| tation à l’état adulte n’a pas sensiblement varié. 


Le mode de germination cattléyen peut être caractérisé 


| par la formation constante d’un prolocorme à symétrie axiale, 


tubérisé précocement, d’une façon plus où moins intense, au 
dessous de la tige primaire unique qu’il produit. Ce mode de 
germination doit être assez répandu chezles Orchidées épiphytes. 


54 NOEL BERNARD 


D’après les documents réunis par Pfitzer [84}, il paraît se ren- 
contrer non seulement chez les Epidendrum, qui sont des Cat- 
tléyées voisines de celles dont je viens de faire l'étude, mais encore 
chez d’autres Épidendrées comme les Bletia ou les Masdevalin 
et même chez des Vandées comme les Zygopetalum. Chez les 
Vandées les plus hautement évoluées, dont j'étudierai mainte- 
nant divers genres, on rencontre des types plus différenciés de 
protocorme, apparemment dérivés du type cattléyen, mais par 
une évolution qui s’est faite au moins dans deux directions dif- 
férentes. 


$ 3. — Cymbidium. 


J'ai semé une seule fois des graines hybrides de C'ymbidium 
el j'ai obtenu quelques plantules avec le mycélium de RAizoc- 
tonia repens que j'avais trouvé vivant en commensal dans les 
racines du Cymbidium Lowianum. On trouvera dans la note IV 
de l'Appendice quelques détails sur ces semis ; ils ont été peu 
prospères, mais au moins ils m'ont permis de connaître les pre- 
miers phénomènes de la germination et c’est iei tout ce qui 
importe. 

Les embryons indifférenciés des graines mûres étaient presque 
sphériques avec leur suspenseur partiellement flétri ; les cellules 
de l'embryon contenaient toutes en abondance des granules de 
réserve se colorant en jaune foncé dans les solutions iodées. 

Ces embryons plus volumineux et mieux fournis de réserve 
que ceux des Cattléyées ont été aussi capables d’un développe- 
ment autonome plus considérable. Quelques jours après le semis 
ils se gonflent et il apparaît de l’amidon dans toutes leurs cel- 
lules en assez grande quantité; cet amidon disparait peu à peu 
ensuite tandis que l’embryon se développe et verdit. En quel- 
ques semaines, il se forme alors des sphérules comparables à 
celles des Cattléyées, mais le développement peut ne pas s’ar- 
rêter là. Après quatre mois de culture pure, j'ai vu un grand 
nombre d’embryons arrivés à l’état que représente la figure 10 
(B) ; ils avaient pris déjà la forme en toupie et montraient net- 
tement la dépression de leur région méristématique terminale : 
de nombreux poils absorbants s'étaient différenciés, mais, 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 29 


comme chez les Cattlévées, ils ne s’allongeaient que rarement 
et très peu. Je ne sais si les embryons auraient été capables de 
se développer davantage sans champignons ; assurément leur 
développement devenait trèslent, quand des causes accidentelles 
m'ont empêché de poursuivre leur culture. 

La pénétration du champignon se fait comme à l'ordinaire 
par le suspenseur, elle est aussitôt suivie d’une crise générale 


Fig. 10. — Cymbidium. — À, embryon à maturité, enfermé dans le tégument de la 
graine qui est figuré par son contour apparent. — B, embryon après quatre mois 
de culture sans champignons, même grossissement indiqué par l'échelle de 100 y; 
le même embryon est figuré au-dessous, au grossissement plus faible adopté pour 
toutes les figures suivantes et indiqué par l'échelle de 1 millimètre. — C, D, coupes 
dans de jeunes protocormes, la région infestée est ombrée. — E, F, aspect exté- 
rieur de plantules plus âgées. 


de croissance dont l'allongement des poils est un des premiers 
signes. L’accroissement du jeune protocorme se fait en largeur 
aussi bien qu’en longueur et la forme en toupie s'exagère jus- 
qu'au moment où apparaît le bourgeon terminal (fig. 10, Cet D). 
En somme, ces premiers phénomènes du développement sont 
exactement comparables à ceux des Catilévées. 

Une tendance qui est nouvelle se manifeste seulement à 
partir du moment où le bourgeonterminals’est bien différeneié. 
Au lieu que ce bourgeon prenne un développement normal, 
landis que le protocorme s'épaissirait au-dessous de lui, la 
tubérisation gagne la base du bourgeon même dont les premières 
feuilles fort réduites se trouvent écartées. Ainsi il se constitue 
un protocorme en forme de poire qui ne dérive pas seulement de 
l'axe hypocotylé, mais qui comprend aussi les premiers enlre- 


10 NOEL BERNARD 


nœuds fortement épaissis de la tige primaire (fig. 10, E). Ce 
protocorme garde toujours très nettement sa symétrie primitive 
par rapport à un axe et en définitive le bourgeon qui le ter- 
mine prend une apparence normale (fig. 10, F). Les rares 
plantules assez développées que j'ai pu obtenir ne sont pas 
arrivées à produire de racines. Je n'ai pas vu l’infestation 
s'étendre dansleur protocorme au-dessus de la première feuille, 
mais 1l est possible que cet arrêt assez précoce de la progression 
de l’endophyte, bientôt suivi de l'arrêt de développement de 
mes plantules, ait été dû à un défaut d'activité du mycélium 
dont je me servais. Quoi qu'il en soit, la tubérisation de la base 
du bourgeon terminal marque une tendance nouvelle dans 
l'évolution des Cymbidium par comparaison avec celle des 
Cattlévées. Cette tendance s’exagère, comme on va le voir, dans 
le cas de l'£Ewlophidium maculatum. 

Il faut rappeler que les Cymbidium dépassent de beaucoup 
les Cattléyées par la complexité de leurs fleurs, dont les pollinies 
sont unies à la masse adhésive par un stylet détaché du gynos- 
ième, par la position latérale de leurs inflorescences et sans 
doute aussi par leur mode de végétation. Chez toutes les Cym- 
bidiinées la végétation reste du type sympodial, mais il est bien 
connu pour diverses plantes de ce groupe, comme les Cymbi- 
dium, Cyperorchis où Grammatophyllum, que les pousses 
aériennes peuvent s’accroître pendant plusieurs années succes- 
sives el atteindre parfois une grande taille, qui est de deux 
ou trois mètres dans le cas du Grammatophyllum speciostum. 

Plitzer (37) voit là une tendance à la végétation monopo- 
diale, réalisée sous une forme plus parfaite, chez les Sarcan- 
thinées arborescentes, comme je le rappellerai bientôt. Au 
moins chez le Cymbidium aloïfolium que j'ai examiné à ce point 
de vue, la végétation sympodiale des tiges concorde avec des 
poussées successives de racines qui meurent tous les ans, el 
on n'y observe pas de racines persistantes, à croissance pro- 
longée, comme c’est le cas pour les Sarcanthinées. Une étude 
des phénomènes du développement qui suivent la constitution 
du protocorme permettrait seule, à ce qu'il me semble, de 
décider si la comparaison entre les deux cas est valable, le point 
essentiel étant de savoir si le sympode chez les Cymbiduun, 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 97 


s'établit de bonne heure ou tardivement ; mais le peu que j'ai 
vu de la germination ne m'a pas permis d’élucider ce point. 


$ 4. — Eulophidium maculatum (Pfitz.). 


La germination de l'£rdophidium maculatum à été étudiée 
par Prillieux et Rivière [88]. Elle débute, comme chez les 
Cattléyées, par la formation d'un protocorme conique (fig. 41, A) 
portant des poils absorbants sur tout son pourtour, qui s'élargit 
précocément et prend la forme discoïde (fig. 11, B). Mais au 
lieu d’un bourgeon unique, il se forme à la partie antérieure 

, 
du protocorme deux ou trois bourgeons qui peuvent se déve- 
O 

lopper presque simultanément (1). 

Le premier développement de chacun de ces bourgeons 

8 
rappelle celui du bourgeon terminal chez C'ymbidium, car leurs 
bases s’épaississent, mais cette phase de lubérisation va ici 
1 


Fig. 11. — Eulophidium maculalum.— À, coupe longitudinale dans un jeune proto- 
corme, la région infestée est ombrée. — B, aspect extérieur d'un protocorme plus 
âgé, montrant le développement de deux bourgeons. — C, jeune griffe coralloïde, 
dérivant d'un protocorme discoïde, dont le contour apparent approximatif est 
limité par un trait pointillé. D'après Prillieux et Rivière ; la figure A est simplifiée, 
la figure C réunit les indications de deux des figures originales. 


beaucoup plus loin et chacun des bourgeons arrive à donner 
une sorte de tubercule ramifié, à feuilles rudimentaires, de 
l'aspect le plus étrange. La jeune plantule, avec son prolocorme 
et les tubercules qu'il porte, prend ainsi l'apparence d’une 
griffe coralloïde (fig. 11, C) ; c’est seulement d’une façon tar- 
dive et assez irrégulière qu'un bourgeon de cette griffe forme 
une pousse feuilée normale, et que la végétation s'établit à la 
manière ordinaire suivant le mode sympodial. 

(1) Malgré l'opinion de Prillieux et Rivière, il ne me parail pas assuré que 
ces bourgeons soient {tous adventifs et je serais porté à distinguer dans plusieurs 
de leurs figures un bourgeon terminal et des bourgeons de second ordre 


précocement écartés les uns des autres, comme dans le cas du Cymbidium, par 
suite de la {ubérisation du protocorme. 


58 NOEL BERNARD 


Il y a donc ici une phase de développement juvénile plus pro- 
longée encore que chezle Cymbidium étudié par mot. I paraît très 
vraisemblable que cela doit correspondre à une prolongation 
dans la durée et l'étendue de l'infestation primaire. Les auteurs 
du mémoire que j'analyse ici ne signalent pas expressément 
l'existence de champignons dans les plantules, mais, dans plu- 
sieurs figures représentant en coupe de jeunes protocormes, 
ils distinguent les cellules infestées par leur contenu opaque. 
L'examen de ces figures révèle que le protocorme est de bonne 
heure largement infesté (fig. 11, A). Pour apprécier l'extension 
de l’infestation par la suite, le mémoire ne donne aucune indi- 
calion utile. Il est probable que le champignon passe directe- 
ment du protocorme dans les premières branches tubérisées 
et que la griffe coralloïde juvénile de l'Euwlophidium est habitée 
par les champignons, comme l’est le rhizome adulte des Coral- 
lorhiza avec lequel elle a une incontestable ressemblance (1). 


$ 5. — Odontoglossum (Planche IT). 


Mes tentatives pour obtenir la germination des Odonto- 
glossum sont restées infructueuses jusqu’au jour où j'ai isolé 
l'espèce particulière de champignon (Rhizoctonia lanuginosa) 
qui convient à ce cas. Depuis ce temps j'ai réussi des ger- 
minations à deux reprises, en semant les graines dans des con- 
ditions identiques à celles qui conviennent pour les Cattléyées. 
Les deux sortes de graines qui m'ont servi, bien qu’elles fussent 
d'origines différentes (Appendice, note IV), se ressemblaient et 
ont germé de même. 

Les embryons sont apparemment semblables à ceux des 
Cattléyées, bien que leur suspenseur soit plus réduit, mais ils 
ontdes facultés de développement autonome beaucoupmoindres. 
Dans les semis aseptiques, ils verdissent et se gonflent un peu, 
mais ils ne forment ni stomates ni poils et je n’y ai même noté 
aucun indice de multiphication cellulaire. C’est ce qu'on voit 
par les figures 1 et 2 (PL IT), où sont représentés compara- 
tivement l'embryon d’une graine mûre, prise au sortir du fruit 


(1) Pour le Corallorhiza innata, l’existence de champignons dans le rhizome 
est expressément signalée par Irmisch [17]. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 59 


et celui d'une graine semée sans champignons depuis quatre 
mois. Il y a ici à peine une indication du phénomène cor- 
respondant à la formation des sphérules chez les Cattlévées. 

Le développement de l'embryon commence bientôt après la 
pénétration du champignon par le suspenseur ; un de ses pre - 
miers signes est la croissance de la plupart des cellules qui 
doublent à peu près leur diamètre; quelques cellules situées 
au pôle antérieur de l'embryon restent seules de petite taille, 
et forment en se multipliant un méristème terminal bien 
individualisé. La différenciation des poils absorbants et leur 
croissance se produisent aussi dès les premiers jours. Les poils 
sont groupés en louffes et chaque touffe se forme à partir d’un 
petit disque de cellules épidermiques précocement divisées par 
des cloisons tangentielles en cellules basilaires et cellules exté- 
rieures, allongées en poils (fig, 3, p, p', PL IT). La crise de crois- 
sance consécutive à l’infestation aboutit dans la suite, comme 
chez les Cattléyées, à la formation d'un protocorme d'abord 
conique, plus tard élargi en disque, portant un bourgeon unique 
el d'apparence normale au centre de sa face supérieure. 

Il y a pourtant ici une particularité nouvelle et remarquable, 
c’est la dorsiventralité du protocorme, qui apparaît dès le 
début du développement et s'accentue par la suite (fig. 3,7 et8, 
PI. Il). L’embryon originairement couché sur le milieu de 
culture développe d’abord des poils absorbants à son contact, 
tandis que les premiers stomates apparaissent toujours du côté 
exposé à la lumière. De plus, la croissance étant plus grande 
sur la face ventrale du jeune protocorme que sur sa face dor- 
sale, le méristème terminal est de bonne heure dévié de sa 
position axiale (fig. 3,7, PI. ID). 

La dorsiventralité qui s’indique ainsi très précocement est plus 
ou moins nette suivant les plantules, mais toujours reconnais- 
sable. 11 est possible qu'elle soit dans une certaine mesure facul- 
tative et dépende soit du degré de virulence des champignons, 
soit de l'intensité ou de la direction des rayons lumineux, mais Je 
n’en ai pas de preuves. Toujours est-il que chez les Cattléyées cul- 
livées de la même facon cette dorsiventralité ne se constate pas: 
les protocormes portent aussi souvent des poils dressés en Pair 
que des poils appliqués sur le milieu de culture et il n'y à pas non 


60 NOEL BERNARD 


plus d’inégalités notables dans la répartition des stomates (1). 
Il s’agit donc bien [à pour les Odontoglossum d’un caractère 
nouveau, qui marque une tendance d'évolution particulière, 
bien distincte de celle des C'ymbidium et Eulophidium ; on la 
retrouvera tout à l'heure, mieux marquée, chezles Sarcanthinées. 

Bien que dans la suite du développement la dorsiventralité 
primitive tende à s’effacer, les protocormes complètement déve- 
loppés d’Odontoglossum gardent manifestement un plan de 
symétrie qui est aussi celui de la tige feuillée primaire. On sait 
que les pseudobulbes situés à la base des tiges chez les plantes 
adultes sont toujours de même plus ou moins comprimés; le 
protocorme leur est donc comparable par son type de symétrie 
aussi bien que par sa tubérisation. 

Pendant que le protocorme se développe, le champignon 
endophyte s’y étend peu à peu, sans dépasser jamais la limite 
marquée à chaque moment par les cellules encore en voie de 
croissance. Les plages superficielles où des groupes de poils se 
différencient semblent attirer le champignon; il atteint de 
bonne heure les cellules situées au-dessous des poils, pénètre 
souvent dansles poils eux-mêmes et de là peut sortir au dehors. 
Partout ailleurs les cellules épidermiques restent indemnes et 
l’'endophyte n’occupe qu'une assez grande épaisseur de tissus 
sous-épidermiques. La région infestée s'étend relativement peu 
du côté dorsal et elle a dans l'ensemble la symétrie du proto- 
corme même (fig. 8, PL IT). 

Un fait notable lorsqu'on compare les Odontoglossum aux 
Cattlévées est la longue durée etla large extension de l’infestation 
primaire. Comme le montre la figure 9 (PI IT), le champignon 
après avoir en grande partie envahi le protocorme, finit par 
atteindre la base de la tige primaire. Quand les premières 
racines sortent de la base de celte tige ou des flancs du proto- 
corme, les champignons qui avaient dès l’abord envahi le corps 
de l'embryon y vivent encore: il n’y a donc au début de la vie 
aucune période d'autonomie, puisque l'infestation des racines 
se fait avant que la plantule ait complètement détruit par 

(4) D'après les observations de Prillieux [40], les Miltonia, très prochement 


apparentés aux Odontoglossum germent comme eux en formant un protocorme 
dorsiventral au début. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 61 


phagocytose les champignons hébergés dans son protocorme. 

A l’état adulte, les Odontogiossum ont un mode de végétation 
sympodial et des poussées successives de racines. Mais si j'en 
Juge par ce que j'ai vu pour l'Odontoglossum grande, ces racines 
ont une longue durée et il est possible, alors que de jeunes 
racines viennent de sorür et se sont infestées, de trouver encore 
dans celles de l’année précédente des pelotons de champignons 
vivants qu’on peut en extraire pour les cultiver. Si ce fait est 
général, 1l n°y à pas, pour les Odontoglossum, de période d’au- 
tonomie complète à l’état adulte, mais seulement des périodes 
où l’extension des champignons dans le corps de la plante est 
plus ou moins grande et où ils peuvent exercer sur elle une 
action plus où moins intense. 

Quoi qu'il en soit, au moins par la large étendue de l'infesta- 
lion primaire, les Odontoglossum se.montrent plus hautement 
adaptés à la symbiose que les Cattléyées. Ils sont aussi à tous 


points de vue plus hautement évolués; la position latérale des 


inflorescences, l'existence d’un stylet sont, entre autres, des 
caractères qui en témoigent. 


$ 6. — L'évolution des Sarcanthinées. 


Deux raisons d'ordre différent, mais qui sans doute ne sont 
pas sans rapports, m'ont amené à tenter des semis de Phalæno- 
psis et de Vanda. D'une part, ces Orchidées sont parmi celles 
dont la reproduction par graines passe auprès des horticulteurs 
pour la plus malaisée ; d'autre part, ces deux genres voisins 
appartiennent au groupe des Sarcanthinées que Pfitzer consi- 
dère « comme atteignant le plus haut degré d'évolution parmi 
les Orchidées et représentant l’autre bout de la série dont les 
Apostasiées sont le premier terme » [87]. On ne retrouve plus 
en effet chez ces plantes aucun des caractères primitifs que j'ai 
signalés chez le Blelilla et non seulement, comme on va le voir, 
leur protocorme est hautement différencié, mais encore leur 
mode de végétation à l’état adulte à subi une transformation 
profonde, dont je m'’efforcerai de montrer tout l'intérêt à la 
fin de ce paragraphe. 

Les difficultés bien connues de la germination liennent assu- 


62 NOEL BERNARD 


rément pour une part au fait que les Phalænopsis et Vanda 
vivent en symbiose avec une espèce particulière de champi- 
gnons (/hizoctonia mucoroïdes) qu'ilest fort difficile de conserver 
à un état de virulence convenable. J'ai possédé pendant quel- 
que temps des cultures actives de ce champignon et elles m'ont 
permis de réussir dans des conditions excellentes lagermination 
d'un Phalænopsis el d'obtenir avec plus d'irrégularité et de peine 
des plantules de Vanda. Les conditions de culture un peu parti- 
culières où j'ai dù me placer et qui sont rapportées dans la note IV 
de l'Appendice ont sans doute contribué dans une mesure plus 
restreinte au succès de ces expériences. 

Quant au mode de germination, il est presque identique pour 
les deux genres et il me suffira de décrire en détail ce que j'ai 
observé pour les graines de Phalænopsis semées dans des tubes 
de culture sur du coton imbibé d’une solution nutritive. 


GERMINATION D'UN Phalænopsis (Planche I). 


L'embryon dans la graine mûre est ovoïde et indifférencié, il 
ne porte plus de suspenseur mais seulement, à son pôle infé- 
rieur, une strophiole qui en est le reste (fig. 1 et 2, PI. IT). 
Dans mes semis, avant lintroduction des champignons, ces 
embryons ont pu verdir et s’allonger, en quatre mois, jusqu'à 
plus du triple de leur longueur primitive. Ce premier dévelop- 
pement n'est pas un simple gonfiement de l'embryon par 
imbibition, 1l résulte aussi en partie d’une multiplication des 
cellules au sommet végétatif et s'accompagne de la production 
de stomates (fig. 3, PL IT). Malgré ce début assez notable de 
développement autonome, il ne s’est Jamais développé sur ces 
embryons de poils d'aucune sorte et ils ont toujours conservé 
une forme ovoïde et une parfaite symétrie par rapport à leur 
grand axe. Je n'ai vu aucune exception à ces règles pour quel- 
ques centaines d’embryons gardés quatre mois en culture pure 
et qui, au bout de ce temps, commençaient à brunir etne parais- 
saient pas devoir se développer davantage. 

L'introduction du champignon dans des semis faits depuis 
peu et où les graines ont simplement verdi, a des conséquences 
remarquables : d’une part, les embryons font en quelques 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 63 


jours plus de progrès qu'ils n’en faisaient sans champignon en 
plusieurs mois, et d'autre part ils montrent dès l’abord des 
phénomènes de développement d’une allure toute différente. 

Un des premiers symptômes de la crise rapide qui suit l’in- 
festation est l'apparition de poils épidermiques tout autour du 
sommet végétatif (fig. 4, PL ID. Ces poils, qui manquent tout 
à fait sur les plantules aseptiques, apparaissent chez les plan- 
tules infestées dès la première semaine après l’inoculation des 
tubes de culture. Ce sont des poils épidermiques courts, bientôt 
incurvés et cloisonnés en deux cellules dont l’une forme un 
pédicelle grêle et l’autre une tête renflée recourbée vers le 
sommet végétatif. Cette tète globuleuse est le plus souvent 
adhérente à l’épiderme par suite de la sécrétion d’une substance 
adhésive. 

L'apparition précoce de semblables poils glanduleux est un 
premier fait remarquable de l'évolution des Phalænopsis ou 
Vanda. Chez les autres Orchidées dont j'ai vu la germination 
le sommet végétatif du protocorme est toujours parfaitement 
lisse au début et ce sont les jeunes feuilles qui assurent un peu 
plus tard sa protection. Cependant dans le bourgeon de la tige 
primaire de Cattlévées j'ai vu des poils glanduleux nés à la base 
des feuilles, comme il est représenté dans les figures 11 et 12 
(PL. IV). Des poils multicellulaires existent aussi au centre 
du bourgeon primaire d'un Cypripedium dont j'ai décrit 
ailleurs la germination sans signaler ce détail |6} (fig. 14, 
page 74). Mais dans l’un comme dans l’autre cas ces poils appa- 
raissent seulement après que la plante a déjà produit deux ou 
trois feuilles. Chez les Phalænopsis l'apparition des feuilles est 
tardive et c’est par la formation très précoce de poils que la 
protection dusommet végétatif se trouve assurée de bonne heure. 

De suite après l’infestation ilse manifeste aussi un changement 
de mode dans l’activité du sommet végétatif : la partie anté- 
rieure de la plantule, qui restait effilée pendant la croissance 
aseptique (fig. 3, PI. HT), s’épaissit et devient sensiblement sphé- 
rique dès que la symbiose est réalisée (fig. 4 et 5, PL IT). En 
même temps le protocorme s’incurve, sa partie antérieure glo- 
buleuse vient s'appliquer sur le milieu de culture et il prend 
dans l’ensemble la forme d’un cornichon. Dans son évolution 


S 
CS 


Fig. 12. — Phalænopsis. — Plantule de dix-huit mois, dans le tube de culture où elle à été obtenue. A la partie inférieure de la plaque de 
coton, on voit les petits sclérotes du Rhizoctonia mucoroïdes et, dans le liquide au-dessous, du mycélium, D’après nature, légèrement réduit. 


NOEL BERNARD 


ultérieure, non seulement il gardera un plan 
de symétrie, mais encore il montrera une 
dorsiventralité de plus en plus accentuée. 

Un signe précoce de cette dorsiventralité 
est la localisation des poils absorbants, 
aisément distinguables des poils glanduleux, 
qui poussent isolés ou en groupes, mais 
seulementsur la face ventrale du protocorme 
où ils couvriront en définitive une plage bien 
limitée (fig. 9, 10 et 13, PI. II). Dès le 
second mois, bien avant que les premières 
feuilles n'apparaissent, il se forme une erète 
sur la face dorsale convexe du protocormé, 
comme le montrent les figures 8 à 13 (PI 
III). À ce moment le protocorme est en- 
core formé d’un tissu entièrement parenchy- 
mateux et on n'y voit aucune trace de fais- 
ceau procambial (fig. 5, PI. HT). 

Avant de suivre l’évolution ultérieure des 
plantules, il convient de dire quelques mots 
sur la facon dont le champignon endophyte 
envahit le protocorme. La pénétration se fait 
comme dans tous les autres cas par le pôle 
inférieur de l’embryon, au voisinage de la 
strophiole qui marque la place du suspen- 
seur. L'invasion est au début particulière- 
ment rapide. Les minuscules embryons verts 
et translucides que le champignon atteint 
sont en quelques jours envahis complète- 
ment, à l'exception de l’épiderme et du 
petit groupe terminal de cellules méristéma- 
tiques ; ils deviennent grisâtres et on les 
croirait perdus au moment où leur vitalité 
va justement commencer à se manifester 
par un développement rapide. Je ne connais 
aucun cas où la crise qu'entraine l’établisse- 
ment de la symbiose s'accompagne de symp- 
tômesplus impressionnants. À parür du mo- 


13 M2 AK 1909 


85° ANNÉE. — IX° SÉRIE. T. IX. N°52 ct 3. 


| 


ANNALES 


SCIENCES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 


COMPRENANT 


L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION 
DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES 


PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE 


M. PH. VAN TIEGHEM 


TOME IX. — N°2 et 3. 


: PARIS 
 MASSON ET Cr, ÉDITEURS 


LIBRAIRES DE L' ACADÉMIE DE MÉDECINE 


120, Boulevard Saint-Germain 


1909 


PARIS, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 32 FR. 
Ce cahier a été publié en Avril 1909 
Les Annales des Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. 


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NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 
Publiée sous la direction de M. Pu. van TrecHem. 


L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, 
avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux 
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Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
d'une année. 

Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à VIIL de la 
Neuvième série sont complets. 


ZOOLOGIE 
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L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 409 pages, 
avec les planches correspondant aux mémoires. 

Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
d'une année. 

Les tomes T à XX de la Huitième série et les tomes I à VI de la 
Neuvième série sont complets. 


Prix de l'abonnement à 2 volumes : 


Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. 


ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES 


Dirigées, pour la parlie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie 
paléontologique, par M. A. MIiLNE-EDwaRps. 


Tomes I à XXII (1879 à 1891). Chaque volume .......... 15 fr. 


Cette publication est désormais confondue avec celle des Annales 
des Sciences naturelles. 
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PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies, 30 vol. (are) 


DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 9250 fr. 
QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
SIXIÈME SÉRIE (1875 à 1884). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 


SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894) Chaque partie 20 vol. 300 fr. 
GÉOLOGIE, 22 volumes. . . PCR HE (A Me a RU SUR 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 65 


ment où le méristème terminal à commencé à réagir, le cham- 
pignon règles à marche sur celle du développement, et je puis 
dire en un mot que les choses se passent alors comme chez les 
Odontoglossum, à ceci près que la zone infestée à une dissymé- 
trie plus accusée : elle est bientôt localisée exclusivement à la 
face ventrale du protocorme (fig. 10, PE. IN). 

Le bourgeon terminal ne se différencie pas avant la fin du 
lroisième mois, 1l a le plan de symétrie du protocorme ; 
deux premières feuilles sont réduites ; avant que la troisième 
mieux développée se déploie, une première racine endogène 
s’est formée sur un flanc du protocorme à sa partie antérieure. 
Cette première racine se développe et s'infeste alors que le 
protocorme est encore en voie de croissance el contient des 
champignons vivants: elle se substitue à lui pour ainsi dire car, 
d’une part, ilmeurtbientôt après qu'elle s'est développée, d'autre 
part, elle à à peu près sa taille (fig. 11, PI. HIT) et elle est comme 
lui verte à sa face dorsale et infestée ventralement. Les racines 
suivantes naissent de la base de la tige primaire, elles sont 
constituées de même; plus allongées et quelque peu aplaties 
(fig. 12). Par leur grosseur considérable, leur développement 
précoce et leur position elles contribuent à donner aux jeunes 
plantules un aspect fort singulier (fig. 12, PI. ITT). 


DIS) 


LES PROTOCORMES DORSIVENTRAUX ET LEUR ORIGINE. 


Le tvpe de protocorme dont je viens de décrire l’évolution 
chez les Phalænopsis n’est pas particulier à ce genre. Chez un 
Vanda j'ai vu le développement se faire presque exactement 
de même ; les figures { et 2 de la planche IV montreront assez 
la ressemblance entre les deux cas. La crête dorsale des pro- 
locormes de Vanda est moins aiguë que celle des protocormes 
de Phalænopsis ; la région infestée prend dès le début une 
coloration orangée caractéristique. 

Gœbel [44] a figuré l'aspect extérieur des Jeunes plantules du 
T'æniophyllum Zollingeri el J'ai pu moi-même observer ces 
plantules singulières, grâce à l'obligeance du professeur Janse 
qui m'a communiqué des matériaux récoltés par lui à Java. Le 
protocorme est encore essentiellement du même {ype, mais sa 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX 0 


66 NOEL BERNARD 


crête dorsale est beaucoup plus aiguë et sa base couverte de 
poils beaucoup moins large (fig. 13, D); les jeunes protocormes 
(fig. 13, A) sont tellement aplatis dans leur plan de symétrie, 
qu'on peut facilement les faire tenir dans une goutte d’eau, entre 


Fig. 13. — Tæniophyllum Zollingeri. — À, jeune protocorme.— B, jeune plantule dont 
le protocorme p a produit un bourgeon terminal b et la première racine r. — 
C, plantule plus âgée, montrant un fragment du protocorme p, dont la partie 
postérieure manque et deux racines >, 7. — D, coupe transversale d'un jeune 
protocorme; f, faisceau ; t, région infestée. — KE, coupe transversale d’une racine ; 
f, faisceau; t, région infestée: v, voile. L'échelle de 2 millimètres indique le 
grossissement des figures À, B et C: les figures D et E sont dessinées à un grossis- 
sement plus fort. 


une lame et une lamelle, sans les écraser. Les protocormes 
s’allongent plus tard considérablement et en même temps il se 
contournent, tout en gardant leur face ventrale poilue appliquée 
contre le support. Gœbel à signalé les poils glanduleux pro- 
tecteurs du sommet végétatif et Je les ai revus. J’ai constaté de 
plus linfestation régulière des jeunes protocormes que j'ai pu 
examiner. La zone infestée est, comme à l’ordinaire, localisée du 
côté ventral. Contrairement à ce qui se passe chez les Phalienopsis 
un petit faisceau procambial se différencie de très bonne heure 
(fig. 13, D). 

I y a chez le Tæniophyllum Zollingeri deux particularités 
très intéressantes : l'extrême réduction des feuilles et le grand 
développementdes racines ; la figure 13 met ces faits en évidence. 
Gœbel à considéré comme un rudiment de cotylédon la partie 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 67 


saillante antérieure de la crête dorsale, mais cette interprétation 
me paraît inexacte ; ici en effet, comme chez les Phalænopsis, 
la première feuille, au lieu d’être opposée à ce prétendu coty- 
lédon, se développe du même côté que lui par rapport au som- 
met végétatif. Comme chez les Phalænopsis et Vanda, cette 
première feuille est une simple écaille, mais les suivantes ne 
sont pas plus développées. Les racines au contraire prennent 
un grand développement, elles sont, comme on sait, aplaties, 
vertes à leur face supérieure et elles suppléent en somme les 
feuilles absentes. 

Un mémoire de Raciborski [42] a donné quelques détails sur 
les jeunesplantules dedivers Phalænopsis, Vanda et Æridesrécol- 
tées dans leurs stations naturelles. L'auteur n’a pas observé les 
débuts de la germination et il ne donne que peu de figures, fort 
schématiques. Sa description montre toutefois que les proto- 
cormes de Phalænopsis et Vanda dans la nature sont sembla- 
bles à ceux que j'ai obtenus; leur infestation précoce par un 
champignon endophyte est expressément signalée, ainsi que 
l'existence des poils glanduleux qui protègent le sommet végé- 
tatif. 

La plus intéressante des Orchidées, étudiée par Raciborski, 
l_Ærides minimum, est une plante naine dont les tiges adultes 
| n’atteignent pas un centimètre ; le protocorme, souvent encore 
attaché à la base de ces tiges, paraît assez exactement compa- 
rable à celui du T'æntophyllum Zollingeri; 1 à une longue 
| période de croissance et peut en définitive atteindre jusqu'à 
4 centimètres de longueur; on peut donc dire qu'il est, de la 
| plante entière, la partie la plus développée. D'après Fritz 
Muller {30}, une autre Orchidée naine, du genre Phymatidium, 
qui vit sur les branches et parfoissur les feuilles des arbres, pré- 
sente une constitution comparable et un protocorme du même 
type quoique moins allongé. On voit par ces deux cas l'importance 
| que peut prendre la phase juvénile consacrée au développement 
| du protocorme chez les Orchidées les plus différenciées. Une 
| évolution considérable à été accomplie pour arriver là, en par- 
tant de cas comme celui du Bletilla où la phase juvénile peut 
| n'avoir rien qui lui soit très particulier. 


68 NOEL BERNARD 


Il conviendrait de chercher ici l'origine de la forme si spéciale 
et si différenciée de protocorme que je viens d'étudier. Mais 
pour une part, cette question touche à celle de l'origine de la 
tribu des Sarcanthinées, à laquelle appartiennent la plupart des 
plantes citées dans ce paragraphe, et je n'ai pas les connais- 
sances nécessaires pour discuter complètement cette question. 
Il me paraît cependant qu'il y a deux hypothèses possibles. 

On peut, d'une part, penser que le protocorme dorsiventral 
des Phalænopsis dérive d’un protocorme comparable à celui 
des Odontoglossum où lon rencontrait déjà une dorsi- 
ventralité manifeste En vérité, dans des cas comme celui du 
Tæniophyllum Zollingerr, rien ne rappelle plus l'élargissement 
discoïde du protocorme, assez bien marqué chez les Odonto- 
glossum ; mais déjà dans le cas des Phalænopsis et des Vanda 
il y a bien un élargissement du protocorme consécutif à l’infes- 
tation, et d'autre part, chez le Sarcanthus rostratus, d'après les 
figures qu'en a données Beer |2}, le protocorme est manifeste- 
ment tubérisé et de forme générale globuleuse ; sa dorsiventra- 
lité ne peut être assurément que très peu marquée, les figures 
imparfaites auxquelles je fais allusion laissent même son exis- 
tence douteuse. Ilne paraît pas y avoir en général d’affinités bien 
évidentes et bien étroites entre latribu des Oncidiinées à laquelle 
appartiennent les Odontoglossum et celle des Sarcanthinées, 
mais du moins ces affinités, autant qu'on en juge par l’organo- 
graphie florale, peuvent exister dans le cas spécial du Phyma- 
tidium puisque Pfizer [85] rattache provisoirement ce genre 
aux Oncidunées. Il est possible que, chez certaines Oncidiinées 
au moins, la dorsiventralité, à peine indiquée pour les Odonto- 
glossum, sesoit exagérée jusqu’au point de donner au protocorme 
les caractères extrêmes qui se voient communément chez les 
Sarcanthinées. 

Pfitzer [87 | est porté, d'autre part, à admettre que les Sarcan- 
thinées sont un rameau très développé des Cymbidinées. Si 
cela est, on pourrait voir dans le protocorme des Cymbidium, 
une forme ancestrale du protocorme des Sarcanthinées. Pour 
expliquer le passage de l’un à l’autre, on devrait admettre que 
les premières feuilles déjà très réduites des Cymbidium ont 
disparu tout à fait chez les Sarcanthinées ; il faudrait croire 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 69 


alors que la dorsiventralité à pu être acquise dans plusieurs 
séries phylétiques distinctes, où il y aurait eu, à ce point de 
vue, une évolution parallèle. 

Je n'ose pas absolument adopter l'une de ces manières de voir 
à l'exclusion de l’autre ; elles ne sont d’ailleurs ni l'une ni l’autre 
pleinement satisfaisantes. Quoi qu'il en soit, il parait assuré que 
l'acquisition d'un protocorme dorsiventral marque chez les 
Orchidées épiphytes un terme final de l’évolution. 


SYMBIOSE CONTINUE ET VÉGÉTATION MONOPODIALE 


Les Sarcanthinées ne diffèrent pas seulement des Orchidées 
que j'ai étudiées Jusqu'ici par la singulière conformation de 
| leur protocorme, mais elless’en séparent aussi par leur mode de 
végétation à l'état adulte et il y à là, à mon avis, un second sym- 
| _ptôme important de leur haut degré d'adaptation à la symbiose. 
| Je dirai donc en quelques mots, comment ce mode de végéta- 
tation définitif s'établit et ce qui le caractérise. 
| Chez ces Orchidées hautement évoluées, non seulement les 
[racines se forment de très bonne heure, mais de plus elles 
prennent en général une importance inaccoutumée et à l’état 
adulte le système radical atteint un degré de développement 
Let de persistance qu’on ne constate pas chez d’autres Orchidées 
|épiphytes. Ce caractère s'observe sous sa forme extrême la plus 
frappante chez les Tæriophyllum où chez d’autres Sarcanthi- 
nées comme les Polyrrluza, les Chiloschista, dont l'appareil 
végétatif adulte est réduit à une griffe de racines portées par 
lune courte tige à feuilles rudimentaires. Mais mème parexemple 
chez les grands Vanda qui présentent une apparence plus 
normale, la tige porte sans cesse de longues racines dont la 
icroissance dure plusieurs années ; la chose est bien facile à 
constater pour les racines aériennes des Vanda tricolor où suaris 
lcommunément cultivés dans les serres, el elle est vraie aussi 
pour les racines enfoncées dans le compost des s paniers où l'on 
lcultive ces plantes. Autant que je sache, il existe ainsi chez les 
Sarcanthinées en général des racinesremarquables par la longue 
durée de leur développement, par leur persistance et leur vita- 
lité dans toutes les saisons. 


70 NOEL BERNARD 


Par ce caractère, qui est essentiel à mes yeux, les Sarcan- 
thinées diffèrent de la plupart des Orchidées, chez lesquelles, 
comme Je l'ai dit à plusieurs reprises, il y a des poussées suc- 
cessives bien distinctes de racines qui vivent en général moins 
d'un an. Or, au point de vue de la symbiose, le grand dévelop- 
pement et la persistance des racines entraînent de notables 
conséquences. 

D'une part, en effet, le tissu infesté chez les Sarcanthinées 
prend une importance considérable par rapport à l'ensemble 
des tissus sains de la plante. Chez un T'æniophyllum, c’est la griffe 
des racines infestées qui constitue presque à elle seule le corps 
du végétal, la courte tige et l'inflorescence, autant qu'on puisse 
supposer, sont les seules parties du corps qui soient indemnes. 
Chez les Ærides ou les Phymatidium nains, le protocorme et 
les racines infestées ont de même un développement important 
par rapport aux organes sains. Chez les Phalænopsis ou les 
Vanda de nos serres, l'ensemble des grosses racines charnues 
qui hébergent des champignons n’est pas encore hors de pro- 
portion par sa masse avec l’ensemble des tiges feuillues ou 
florifères qui sont indemnes. Il y a là assurément une prem ièr 
constatation capable de faire supposer que ces Orchidées ont 
à subir plus intensément que d’autres l’action de leurs com- 
mensaux. 

D'autre part, 1! résulte de la croissance prolongée et de la 
persistance des racines que la plante héberge des champignons 
vivants pendant tout le cours de sa vie. L'état de symbiose 
devient pour elle une condition de vie continue au lieu de n’être, 
comme chez les Orchidées à poussées successives de racines 
fugaces, qu'une condition périodique. Il est pratiquement 
facile, par exemple, de trouver en toute saison des racines 
de Vanda abondamment infestées et d’en extraire des pelo- 
tons de mycélium capables de développement. 

Cette continuité de l'infestation témoigne assurément d’une 
adaptation à la symbiose approchant de la perfection. Il faut 
remarquer cependant que si la plante subit continüment 
l’action de ses commensaux, ceux-ci, du moins, ne vivent 
pas encore sans discontinuité dans le corps de leur hôte. Chez 
les Phalænopsis où les Vanda, d’après ce que j'ai vu, les pre- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 71 


mières racines ne s'infestent pas au contact des lissus du proto- 
corme quand elles en sortent, mais sont seulement envahies 
par les champignons qu'elles rencontrent dans le compost et 
qui y ont vécu plus ou moins longtemps librement. Chez les 
Tæniophyllum mème, bien que la zone infestée du protocorme 
s'étende presque jusqu’au bourgeon terminal, je n'ai pas vu 
qu'il yaitcontinuité entre elle et la région infestée des premières 


racines. Sans doute chez ces plantes, comme chez les Vandu, 


où j'ai vérifié le fait, la tige adulte reste indemne de champi- 
gnons et chacune des racines qu'elle produit doit s’'infester au 
contact du substratum d’une manière indépendante. À ce point 
de vue donc, malgré le progrès qu'elles présentent par rapport 
aux autres Orchidées épiphytes, les Sarcanthinées réalisent une 
adaptation à la symbiose continue moins parfaite que celle dont 
certaines Orchidées terrestres, comme le Veottia Nidus-aris, 
donneront tout à l'heure un exemple. 

La continuité de l’état de symbiose s'accompagne chez les 
Sarcanthinées d’un mode de végétation exceptionnel chez les 
Orchidées, mais manifestement secondaire et non primitif 
puisqu'on le rencontre chez les plantes les plus évoluées de la 
famille. Au lieu qu'il pousse des tiges aériennes successives, 
enchaînées en sympode par l'intermédiaire de portions de 
rhizomes, il y a ici une lige unique à croissance indéfinie, qui 
naît du premier bourgeon différencié sur le protocorme et qui 
produit seulement des inflorescences latérales. La végétation 
est, comme on dit, devenue « monopodiale ». 

Cette végétation monopodiale, bien qu'elle soit toujours 
essentiellement du même type, peut cependant présenter des 
modalités diverses. Tantôt, comme chez les Phalænopsis ou les 
T'æniophyllum, elle aboutit à la constitution d’une tige courte el 
bulbeuse, dans d’autres cas il se forme une tige rampante, 
mais chez quelques Sarcanthinées au moins la tige dressée 
s'accroît assez considérablement, devient ligneuse, et la plante 
prend ainsi un aspect presque arborescent. Les Vanda suavis el 
tricolor, dont on voit souvent dans les serres des exemplaires 
assez vigoureux, donnent une idée de ce mode de végétation, 
mais il s’observe sous une forme plus typique chez de rares 
espèces comme l'Angræcum eburneum où le Vandopsis lisso- 


12 NOEL BERNARD 


chiloides (Pfitz). D'après le Manual de Veitch [58|, cette der- 
nière Orchidée peut produire des tiges ligneuses robustes de 
rois à quatre mètres de haut. Dans les îles Philippines, où 
elle vit à l'état spontané, on la rencontre tout près de la mer, 
attachée par ses solides racines à des rochers exposés au plein 
vent. Elle atteint, en somme, un état arborescent qui est com- 
parable à celui de plus d’un palmier. 

La substitution d’une végétation monopodiale, par dévelop- 
pement continu d’un même bourgeon, à une végétation sym- 
podiale par développement périodique de bourgeons successifs 
est un des plus intéressants épisodes de l’histoire des Orchidées. 
Dans la seconde partie de ce chapitre, je donnerai les raisons 
qui me portent à croire que cet événement à été dù aux progrès 
de la symbiose et s'est réalisé justement quand l'état de symbiose 
continue s’est substitué à l’état de symbiose périodique. 

La tendance à la végétation arborescente, que manifestent 
certaines Sarcanthinées chez lesquelles ce mode de végétation 
monopodial s’est institué, est un fait des plus suggestifs, dont 
l'existence me porte à croire qu'on pourra un Jour découvrir 
un lien entre les progrès de l’évolution en symbiose etl'apparition 
des plantesarborescentes. Mais assurémentl’étude desOrchidées 
ne peut fournir que des documents imparfaits pour la solution 
de ce problème général, et ce que J'en déduisici n’est qu'à tre 
de suggestion. 


DEUXIÈME PARTIE 
LES MODES DE DÉVELOPPEMENT CHEZ LES ORCHIDÉES TERRESTRES. 


Les Orchidées terrestres se rattachent pour la plupart, comme 
je l'ai dit au débutde ce chapitre, aux trois séries bien distinctes 
des Orchidées diandres, des Ophrydées et des Néottiées. Avant 
d'examiner les modes de germination dans chacune de ces 
séries, il convient d'indiquer brièvement les limites que notre 
ignorance actuelle impose à cette étude. 

Parmi les Orchidées diandres, la germination des Apostasiées 
serait des plus intéressantes à connaître, puisque ces Orchidées 
passent à bon droit pour les plus voisines de la souche commune 
à toute la famille. Les graines d’Apostasix Wallichn, que j'ai 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 73 


trouvées dans un fruit d’une plante conservée en herbier, ont 
déjà tout à fait le Lype orchidéen, mais leurs embryons attei- 
gnent ou dépassent la taille de ceux du Zletilla hyacinthina, qui 
est, comme j'ai dit, une taille exceptionnelle. Ces embryons 
m'ont cependant paru tout à fait indifférenciés. On ne sait 
malheureusement rien de leur germination. On connaît au con- 
traire la germination de quelques Cypripédiées, el comme ces 
plantes forment un groupe très homogène, il ny a guère à 
espérer que l'étude d'un plus grand nombre de cas soit beaucoup 
plus instructive. 
| L'ensemble des Ophrydées est aussi assez homogène. Les 
phénomènes de la germination sont fort analogues chez les 
espèces où on les connaît et on peut ainsi estimer avoir une 
idée suffisante de ce que doit être le premier développement 
dans tout le groupe. 

La série des Néottiées est beaucoup plus variée, et cela rend 
| plus regrettables les lacunes de nos connaissances à leur sujet. 
Les Thélémytrées et Diuridées australiennes que Pfitzer place à 
la base de tout ce groupe sont sans doute les plus simpies de 
| toutes les Orchidées monandres, et l’on pourraitespérer trouver 
parmi elles des modes de germination plus primitifs encore 
que ceux du Bletilla. D'autre part, il y aurait un intérêt tout par- 
ticulier à connaître la première évolution des Néottiées lianoïaes 
comme les Vanilles et les Galeola. Si je ne me trompe, notre 
ignorance est complète sur l’un comme sur l'autre de ces deux 
points. Les faits les plus intéressants qu'on possède sur la ger- 
|mination des Néottiées sont relatifs à l’évolution de deux a pes 
très spécialisés de saprophytes, l'Æpipogon aphyllus et le Neottia 
LNidus-avis: mais grâce surtout aux observations d'Irmisch sur 
Les Epipactis el les Zistera, on peut acquérir une idée de Pévo- 
bution qui a conduit au mode remarquable de végétation réalisé 
par la seconde de ces espèces. 

Dans l’ensemble, ces connaissances incomplètes ont comme 
intérêt essentiel de révéler un parallélisme étroitentre les modes 
d'évolution des Orchidées terrestres el eeux des Orchidées 
lépiphytes. C'est ce que je me propose surtout de faire remar- 


quer, en essayant d'exposer un sujet sur lequel jai appoint 
de quelques observations personnelles. 


14 | NOEL BERNARD 


S 1. — CGypripédiées. 


Les Orchidées communément désignées sous le nom de 
Cypripedium, réparties par Pfitzer [86] dans quatre genres, ont 
un mode de végétation très uniforme : ce sont toutes des plantes 
à rhizome constitué suivant le mode sympodial. Leurs graines 
ont le type général de celles des Orchidées ; les embryons indif- 
férenciés qu'elles renferment sont toujours notablement plus 
petits que ceux des Apostasia. 

J'ai semé à plusieurs reprises des graines d’hÿbrides variés 
des Paphiopedilum, communément cultivés en serre, et J'ai étu- 
dié ailleurs [6] les conditions et les modes de la germination 
dans un cas concordant avec tous 
ceux que Jai vus depuis. Les 
embryons ne semblent capables 
d'aucun développement auto- 
nome. Avec des cultures actives 
de ARhizoctonia repens, on peut 
au contraire obtenirleurgermina- 
lion. Le protocorme est conique, 
symétrique par rapport à un 
axe, largement infesté et couvert 
de poils absorbants; il verdit 
à sa partie supérieure après les 
Fig. 14. — Paphiopedilum. — À, aspect premières semaines el produit 

exlérieur d’une plantule de trois ensuite un bourgeon terminal 

mois. — B, coupe longitudinale dans : ù 

une plantule semblable, montrant unique (fig. 14). En un mot, il 

eu de le pme née en Gt assez exactement comparable 
tocorme, qui est ombrée. — C,som- au protocorme que le Bletilla 
met végétatif avec un poil protecteur - Ê : 
pluricellulaire. L'échelle de 1 mil /4@Cinthina peut produire quand 
Re LE grossissement des ün le cultive avec des races 
| suffisamment actives de Ahizoc- 
toria repens. La différence essentielle est que la formation de 
ce protocorme chez les Paphiopedilum est assurément constante 
et non facultative. 

Irmisch [17] a observé la germination du Cypripedilum C'al- 

ceolus dans la nature ; elle ne diffère pas profondément de celle 


1 mil LS c 


=} 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 19 


des Paphiopedilum. Le protocorme est dépourvu de poils et, à 
cause du recourbement de sa pointe, il montre une très légère 
tendance à la dissymétrie. Il est cependant souvent vertical 
dans le sol et la tige primaire continue alors la direction de son 
grand axe. La végétation en sympode s'établit dès la fin de la 
première année, un bourgeon placé à l’aisselle d’une des feuilles 
inférieures de la tige primaire commençant alors à se dévelop- 
per en une seconde pousse feuillue. 


$ 8. — Ophrydées. 


L'origine dugroupedes Ophrydées est incertaine, mais ce sont 
assurément des plantes assez hautement évoluées. On peut en 
juger par la complexité bien connue des conformations florales 
qui assurent chez elles la fécondation par les insectes. La végé- 
tation des Ophrydées adultes est du type sympodial, avec ceci 
de spécial que chaque bourgeon du sympode, avant de se déve- 
lopper, produit latéralement un bulbe formé par la concrescence 
de racines charnues. J'ai étudié ailleurs [4] ce type de végétation 
pour montrer qu'il correspond à une symbiose périodique, les 
périodes d’infestation étant celles pendant lesquelles se forment 
les bulbes, et les périodes d'autonomie celles où se différencient 
les pousses feuillues ou florifères. 

Je n'ai pas réussi à isoler le champignon commensal des 
Ophrydées, ni observé la germination de ces plantes dans des 
conditions expérimentales précises. J'ai cependant semé les 
graines de plusieurs Orchis, sans champignons, sur du coton 
imbibé de solutions nutritives diluées et je n'ai constaté dans 
cesconditions aucun développementdesembryons indifférenciés. 
La germination dans les conditions naturelles a été observée par 
Fabre pour Ophrys apifera AA}, par Irmisch pour l'Orchis mi- 
hitaris [17], et par moi-même pour le Platanthera montana |4|. 
Elle se fait dans ces trois cas grâce à une infestation précoce 
des embryons par leurs champignons endophytes |4. 

Par deux caractères au moins le premier développement de 
ces Ophrydées se montre d'un type plus hautement évolué que 
celui des Cypripédiées ; il est plutôt à mettre en parallèle avec 
le développement des Cymbhidium qu'avec celui du Bletilla. 


16 NOEL BERNARD 

Un premier fait à noter est la tubérisation précoce du proto- 
corme, qui s'élargit à sa partie antérieure de façon à prendre 
une forme renflée comparable à celles qu'ont communément 


Fig.15. — Germination des Ophrydées. — À, coupe dans un jeune protocorme d'Orchis 
militaris ; à, région infestée. — B, jeune plantule de la même espèce; p, proto- 
corme; ?, racine. — C, coupe dans la base d'une jeune plantule d’'Ophrys apifera ; 
;, région infestée du protocorme; {,, premier bulbe; f', jeune racine. — D, dia- 
gramme montrant là constitution d’une plantule de Plalanthera montana vers la 
fin de sa deuxième année; p, position qu'occupait le protocorme disparu ; #,, pre- 
mier bulbe; e, e, écailles de la tige primaire née de ce bulbe ; 4, deuxième bulbe 
inséré latéralement sur le bourgeon lerminal ; à, région infestée : 7, racine. — 
A et B, d'après Irmisch. — C, d'après Fabre, modifié. — D, original. 


les bulbes d'Ophrydées adultes. Cette tubérisation ne va pas 
jusqu'à l'acquisition d’une forme discoïde, mais elle atteint bien 
le degré que J'ai constaté chez un Cymbidium. Le protocorme 
tubérisé de Ophrys aranifera est parfaitement symétrique par 
rapport à un axe, d’après les figures de Fabre, il est cependant 
couché horizontalement dans le sol et la tige primaire qu'il 
porte doit se recourber à angle droit avec l’axe du protocorme 
pour se dresser verticalement (fig. 15, C). Chezl Orchis nalitaris 
el à un moindre degré chez le Platanthera montana, À existe 
communément un recourbement de Ja pointe du proto- 
 corme qui doit lui faire attribuer plutôt un plan qu'un axe de 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE vil 


symétrie (fig. 15, À, B). La symétrie bilatérale est en lout cas 
peu accentuée et moins nette assurément que chez les Odonto- 
glossum. 

Une seconde particularité intéressante du développement des 
Ophrydées, dans tous les cas connus, est l'établissement tardif 
du mode de végétation sympodial. A la fin de la première 
année le bourgeon terminal du protocorme produit latérale- 
ment un premier bulbe (fig. 15, C)et, plus tard, il s’isole avec 
lui. Dans la seconde année ce bourgeon donne d'abord un court 
rhizome épaissi, à feuilles rudimentaires et ensuite il produit 
latéralementun second bulbe (fig. 15, D). C’est seulement dans 
la troisième année que le sympode s'élablira par développement 
d’un bourgeon latéral de la pousse feuillue portée par ce second 
bulbe. D'une part done, 11 y a ici développement prolongé du 
premier bourgeon et deux premières années de végétation mo- 
nopodiale. D'autre part, la tige primaire qui se développe dans 
la seconde année (fig. 15, D) est tubérisée à sa base comme 
le protocorme. Cela rappelle d'assez près ce qui se produisait 
chez les Cymbhidium, à la complication près qu'entraine la 
substitution du premier bulbe au protocorme. 

Ce développement monopodial prolongé d’un axe primaire 
tubérisé correspond manifestement à un assez haut degré d’adap- 
tation à la symbiose. Non seulement, en effet, le protocorme et 
les racines normales insérées sur lui ou sur le rhizome hébergent 
le champignon endophyte, mais encore le premier bulbe quand 
il est complètement accru peut s'infester au contact du sol, eten 
tout cas il en est ainsi pour le rhizome inséré sur ce bulbe (1). 

(4) Ni Fabre ni Irmisch ne signalent expressément des champignons dans 
es plantules, mais ils décrivent l'aspect et la répartition des cellules infestées 


avec une précision qui ne laisse pas place au doute. Les protocormes sont 
toujours infestés de la mème manière ; j'ai cru pouvoir compléter un dessin 


de Fabre (fig. 15, C) en indiquant approximativement les limites de la région 
infestée qu'il décrit d'une facon précise. Le premier tubercule n’est jamais 
habité par les champignons pendant qu'il se forme; chez l'Orchis militaris, 
| d'après Irmisch, il reste encore uniquement formé de parenchyme amylacé, 
après son isolement, quand il commence à se développer en un rhizome qui, 
| lui du moins, s'infeste. Au contraire, chez l'Ophrys apifera, d’après la description 
de Fabre, le premier tubercule s'infeste comme le court rhizome qui lui fait 
suite. Chez le Platanthera montana, on trouve aussi chez de jeunes plantules 
le tubercule et le rhizome infestés sans discontinué, comme je l'ai figuré dans 
le diagramme D de la figure 15 qui résume mes observations. Cependant il 
arrive aussi que de petits tubercules, détachés de la base de plantes adultes, 


18 NOEL BERNARD 


La symbiose est ainsi réalisée d’une façon plus continue et 
plus parfaite pendant le premier développement des Ophrydées 
que dans la suite de leur vie. 


$ 9. — Épipogon aphyllus. 


On connait, grâce aux observations d’Irmisch [17], le très 
intéressant mode de développement de l'£pipogon aphyllus. Le 
protocorme de cette Orchidée a la forme d’une corne recourbée 
à sa pointe ; c’est manifestement par rapport à un plan et non 


Fig. 16. — Epipogon aphyllus. — À et B, jeunes protocormes. — C, jeune plantule, 
montrant le développement de deux bourgeons latéraux en branches tubérisées. 
— D, plantule plus avancée chez laquelle la tige primaire, f, ne s’est pas développée. 
— KE, jeune rhizome coralloïde. — F, coupe transversale dans une branche du 
rhizome, montrant la région infestée qui à été ombrée. D'après Frmisch. 


par rapport à un axe qu'il estsymétrique. Le bourgeon terminal 
de ce protocorme peut rester rudimentaire ou se développer en 
un stolon grêle, mais en tout cas, des bourgeons latéraux situés 
à sa base se développent précocement en branches tubéri- 
sées, aplaties dans le plan de symétrie, qui se ramifient abon- 
damment, de manière à former la griffe coralleïde dont l’appa- 
rence remarquable est bien connue (fig. 16). 


sinon de leur protocorme, produisent un rhizome infesté tout en restant 
indemnes [4]. ILest donc possible que les modes d’infestation comme les 
modes de végétation soient légèrement variables dans des espèces voisines ou 
dans une mème espèce d'Ophrydées. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 79 


Il y a là évidemment un processus de développement compa- 
rable à celui dontl £rwlophidium maculatum à donné un exem- 
ple. Mais tandis que chez l'£uwlophidium la griffe coralloïde née 
du protocorme n’était qu'une forme juvénile à laquelle succé- 
dait en définitive une forme adulte d'apparence plus ordinaire, 
chez l'Epipogon au contraire le mode de développement coral- 
loïde se prolonge pendant presque toute la vie. I ne se forme 
jamais de racines et on voit seulement réapparaitre une con- 
formation voisine de la normale dans les stolons grèles, qui 
servent sans doute à marcotter la plante, ou dans les inflores- 
cences. 

La description d’Irmisch est assez explicite pour qu'on puisse 
en conclure que la griffe coralloïde est tout entière largement 
infestée comme le protocorme même, à l'exception des régions 
méristématiques. Il est donc entièrement vraisemblable que 
l'apparence singulière de cette Orchidée holosaprophyte, au- 
tant que celle non moins étrange du Neottin Nidus-anis, est 
simplement la conséquence d’une adaptation à la symbiose 
continue. 


$ 10. — Neottia Nidus-avis. 


Après Irmisch {17}, Prillieux 39! et Drude {40}, j'ai contribué 
à faire connaître le mode de développement du Meottia Nidus- 
avis; une étude critique de ce sujet à été publiée dans ma 
thèse de doctorat [4]. Actuellement, il m'importe surtout de 
montrer l'étroite ressemblance qui existe entre le Neoftiu et les 
Sarcanthinées. 

Le protocorme est de forme générale conique, mais toujours 
nettement recourbé à sa pointe ; il à done un plan de symé- 
trie comme le protocorme des Sarcanthinées ; 11 lui ressemble 
aussi par sa forme générale, à ceci près toutefois qu'il n'a pas 
de poils, pas de crête dorsale, et pas de chlorophylle. En même 
temps que le bourgeon terminal se différencie, 11 apparait laté- 
ralement à la partie antérieure du protocorme des mamelons 
qui se développent en racines (fig. 17, B). Le bourgecon 
terminal se développe ensuite en un rhizome horizontal, un 
peu plus épais que le protocorme, riche comme lui en amidon, 


80 NOEL BERNARD 


portant à ses nœuds des feuilles rudimentaires et sur chaque 
entre-nœud un assez grand nombre de racines serrées les unes 
contre les autres. Chez les plantes les plus vigoureuses ces 
racines s’enche- 
vêétrent et. elles 
forment dans 
l'ensemble une 
griffe compacte 
ayant parfois la 
forme en « nid 
d'oiseau » que 
sugoère le nom 
de l'espèce. En 
définitive, 1l peut 
arriver que le 
bourgeon termi- 
nal du rhizome 
se développe en 


Fig. 17. — Neoltia Nidus-avis. — À, coupe dans un jeune : ue * 
protocorme, montrant la région infestée ombrée. — B, üuige florifère (fig. 
apparence extérieure d’un protocorme plus développé, 17 C) ou qu’il 
avec trois jeunes racines insérées latéralement à sa DEN I 
partie antérieure, — C, coupe diagrammatique d'en- avorte, des bour- 
semble dans une plante prête à fleurir; les régions 
infestées sont ombrées. 


geons situés peu 
en arrière de lui 
donnant alors des inflorescences latérales [4]. Très com- 
munément la plante meurt après avoir fleuri et sa multipli- 
cation est assurée par les bourgeons adventifs qui se forment 
à la pointe de ses racines. 

La végétation est donc monopodiale, soit au sens le plus strict 
du terme quand l’inflorescence est terminale, soit d’une manière 
exactement comparable à celle des Sarcanthinées quand les 
inflorescences se développent latéralement ; elle reste d’ailleurs 
fort lente : d’après mon estimation, il peut falloir jusqu'à dix 
ans pour qu'une plante issue de graine arrive à sa floraison. 

Si l'on songe à la lenteur et au mode de ce développement, 
à la forme du protocorme, au développement précoce et abon- 
dant des racines, à la réduction des feuilles, on ne pourra 
manquer d’être vivement frappé par l'étroite ressemblance qu'il 
y a entre un Neottia et un T'æniophyllum. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE S1 


Dans un cas comme dans l’autre la symbiose est d’ailleurs 
continue, mais chez le Neottia cette continuité est assurée d’une 
manière plus complète encore que chez les Sarcanthinées, et 
elle atteint, Je crois, le plus haut degré de perfection qu'on puisse 
imaginer. 

En effet, non seulement le protocorme est largement infesté 
dès la germination de la graine (fig. 17, A), mais encore cette 
infestation, progressant de proche en proche dans le corps de 
la plante, gagne le rhizome et à partir de lui les racines succes- 
sives dont la contamination commence par la base (fig. 17, C). 
La zone à champignons est ainsi parfaitement continue dans 
tout le corps, depuis la pointe du protocorme jusqu'à la base de 
l'inflorescence ; selon toute évidence, tout le mycélium hébergé 
par un MNeotthia à pour origine unique le filament qui à primiti- 
vement pénétré l'embryon de sa graine. 

Il y à plus, car dans ce cas remarquable la continuité de 
l'infestation peut être assurée même entre une génération et 
une autre. Il arrive en effet, comme je lai observé !4], que les 
hampes florales n'aient pas la force de percer les couches d’'humus 
qui les couvrent ; elles semblent alors n'avoir qu'une faible tur- 
gescence, et, molles comme des tiges fanées, elles s’enroulent 
irrégulièrement dans le sol, parfois même au-dessous des 
griffes qui les produisent. Cependant la floraison, la féconda- 
tion des fleurs et la maturation des fruits s’accomplissent d'une 
manière normale ; des champignons, qui proviennent selon 
toute apparence du rhizome de la plante, se propagent par la 
cavité centrale de sa tige jusqu'aux fruits souterrains où les 
graines s’infestent et germent en grand nombre au milieu d’un 
lacis de filaments mycéliens. Il est exact de dire que dans ces 
conditions l'association formée par le champignon et la plante 
a pris plus d'autonomie que n’en ont chacun des deux com- 
mensaux considérés isolément. 

Pour trouver dans les cas connus un exemple de symbiose 
aussi parfaite, il faudrait remonter Jusqu'à celui de Lichens 
comme les Endocarpon chez lesquels les ascospores entraînent 
en se disséminant des gonidies du thalle sur lequel elles se sont 
produites. Mais sans doute ce ne sont pas là des exemples uni- 
ques et il est vraisemblable qu'on pourrait rencontrer des adap- 

ANN. SC. NAT. BOT., 9 série. IX 10 


82 NOEL BERNARD 


tations à la symbiose d’un type comparable soit chez les Lyco- 
podes comme je l'ai suggéré [4], soit chez les Monotropa ou 
d’autres plantes de lhumus. 


$ 11. — Origine de la végétation monopodiale 
chez les Néottiées. 


Plusieurs raisons portent à croire que le type de végétation 
monopodial du Neotthia Nidus-anis s’est réalisé à partir du type 
sympodial ordinaire des Orchidées à rhizome. 

D'une part, il arrive, assez rarement, chez le Neotfia même, 
qu'après le développement d’une inflorescence terminale une 
seconde inflorescence enchainée en sympode à la première se 
forme l’année suivante [39,4]. Cela rappelle un peu la manière 
d'être habituelle d’une espèce très voisine, le Lastera ovata où 
cependant le sympode s'établit toujours et beaucoup plus 
précocement. 

D'autre part, Irmisch [47] à observé, dans le seul genre Epi- 
pactis, chez des espèces voisines, soit la végétation sympodiale 
Lypique du Listera, soit un établissement tardif du sympode 
comparable à celui que montre exceptionnellement le Neottia. 
Dans ce cas du moins, que Je veux rappeler, la proche parenté 
des deux types de développement devient indiscutable. 

Les observations d’Irmisch ont porté sur l'£Epipactis rubi- 
ginosa et sur P'Epipactis nacrophylla, qu'il faut sans doute con- 
sidérer comme des espèces distinctes, bien qu’on ait pu souvent 
en faire de simples variétés de l'£pipactis latifolia. 

La première de ces espèces végète comme le Listera ovata. 
Elle a un protocorme recourbé plus fortement encore à sa 
pointe que celui du Neottia, mais d’ailleurs du même type. Le 
bourgeon terminal de ce protocorme produit une première 
pousse feuillue stérile, à laquelle s'enchaine l’année suivante 
une pousse latérale, dont la base horizontale forme le premier 
article d’un rhizome sympodique qui se continuera d'année en 
année, par un procédé comparable, jusqu'à l'apparition des 
hampes florifères. C’est le mode de végétation ordinaire des 
Orchidées à rhizome. 

Il y a cependant ceci de remarquable que les racines 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 83 


longues et assez grêles produites par le protocorme d’abord 
et par le rhizome ensuite persistent durant plusieurs années 
successives. Cela ne doit pas nécessairement signifier que 
la symbiose est continue, car il se peut que linfestation des 
racines se réalise seulement pour une saison, et que les cham- 
pignons y soient détruits ensuite, les jeunes racines de chaque 
poussée annuelle permettant seules l'entrée du champignon 
pendant leur période de croissance (1). Mais, quoi qu'il en 
soit, cette persistance des racines chez les Epipactis et Listera 
cest un fait suggestif, rare chez les Orchidées à végétation sym- 
podiale et qui peut éventuellement permettre l'établissement 
d'une symbiose plus parfaite. 

La description même d'Irmisch suggère que l'éventualité favo- 
rable à l’apparition d'un mode plus évolué de symbiose s’est 
produite pour les Æpipactis microphylla dont il à fait l'étude. 
| Ceux-c1 vivaient dans l’humus et se distinguaient dès le pre- 
:mier abord des autres espèces du genre par le diamètre excep- 
tionnel de leurs racines charnues, où l’on voyait, même dans 
les vieilles racines, non seulement des corps de dégénérescence 
| témoignant d’une infestation ancienne, maisencore des pelotons 
de filaments mycéliens reconnaissables. Ces caractères sont 
exceptionnels pour un Æpipactis et Irmisch les signale, avec sa 
| précision habituelle, dès le début de la monographie qu'il donne 
de cette espèce. Ils s’accompagnent de létablissement d’une 
| végétation monopodiale prolongée jusqu’à la floraison. Irmisch 
n’a en effet jamais vu hors du sol des pousses feuillues stériles 
de l'£pipactis microphylla, mais seulement des inflorescences, 
et l'étude qu'il a faite de quelques plantes adultes a démontré 
que leur rhizome, jusqu’à la base de la première hampe florale, 
|résultait du développement prolongé du bourgeon de premier 
ordre formé sur le protocorme. 


Il y a là sans nul doute une tendance nettement accusée vers 


| (1) Je n'ai pas pu acquérir en temps utile une conviction formelle sur 
Ice point. D’après des observations faites avant que l'intérêt de cette question 
m'apparaisse, et qu'il faudrait reprendre, l'infestation des racines chez le Listera 
ovata et l’'Epipactis latifolia est irrégulière et relativement faible, les rhizomes 
des plantes adultes n’hébergent pas de champignons et, par conséquent, les 
racines doivent s'infester dans chaque période annuelle indépendamment les 
unes des autres, au contact du sol. 


84 NOEL BERNARD 


le mode de végétation du Neottiu Nidus-avis. Pour la préciser 
davantage il faut encore indiquer que l'Epipactis microphylla 
est remarquable par la réduction relative de ses feuilles, comme 
l'indique son nom, et par la faible pilosité de ses racines, à ce 
que dit Irmisch. 

Cette variabilité remarquable des modes de végétation dans 
un même genre pourrait devenir au plus haut point instructive 
pour qui s'appliquerait à observer, dans des conditions expéri- 
mentales précises, les rapports du mode de développement avec 
le degré d'activité des champignons endophytes. D’après ce que 
j'ai vu de la variabilité des modes de germination du Bletilla 
dans des conditions semblables, et sachant ce qu'on observe 
encore de diversité dans les modes de végétation naturels du 
Neottia |4|, il ne parait pas illégitime de penser que l’origine 
de la végétation monopodiale chez les Orchidées peut devenir un 
problème susceptible de solution expérimentale. 


$ 12. — Symbiose, Épiphytisme, Saprophytisme. 


Il résulte clairement des faits exposés dans ce chapitre que 
les mêmes tendances se sont manifestées d’une manière indé- 
pendante dans l’évolution des Orchidées épiphytes et dans celle 
des Orchidées terrestres. L'apparition d’une phase juvénile de 
développement, distincte de la phase adulte, à sans doute coïn- 
cidé, dans un cas comme dans l’autre, avec le moment où les 
graines sont devenues incapables de germer sans le concours des 
champignons commensaux que les ancêtres des Orchidées héber- 
geaient depuis longtemps ; cette phase juvénile à pris ensuite 
des caractères de plus en plus spéciaux en même temps qu’elle 
tendait à se prolonger davantage. 

La différenciation progressive du protocorme est marquée 
soit par sa tubérisalion, soit par la substitution d’une symétrie 
bilatérale à la symétrie par rapport à son axe, soit par ces deux 
faits ensemble. 

Le développement prématuré de bourgeons en branches 
épaissies de rhizome est un des moyens par lesquels la phase 
juvénile a pu se prolonger. Il s'indique chez les Cymbidium 
comme chez les Ophrydées, il prend chez l'£ulophidium une 


: 


« 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 89 


forme plus parfaite, et arrive chez les Epipogon où Corallorhiza 
à caractériser non plus seulement une phase juvénile, mais le 
mode du développement tout entier. 

La formation de plus en plus précoce de racines charnues 
et persistantes caractérise une autre direction que l’évolution à 
pu suivre ; elle concorde dans tous les cas avec la substitution 
du mode monopodial de végétation au mode sympodial primitif. 
| Une des formes les plus typiques d'appareil végétatif qui lui 
| doive son origine est réalisée pour les griffes de racines issues 
d’un rhizome à feuilles rudimentaires qui s'observent chez le 
| Tæniophyllum Zollingeri comme chez le Neottia Nidus-avis. 
| L'apparition de la stature arborescente chez quelques-unes des 
Orchidées dont l’évolution s’est faite dans cette direction est 
| sans doute aussi un fait remarquable. 
| En étudiant dans ce chapitre les modes de symbiose corres- 
| pondant à chacun des modes de développement, j'ai entendu 
| suggérer que l'apparition des divers caractères dont je viens de 
donner une énumération à un rapport étroit avec l'adaptation 
| de plus en plus parfaite des Orchidées à la symbiose. En com- 
mentant dans les prochains chapitres les résultats de mes expé- 
|riences, J'aurai à préciser ma pensée à ce sujet. Mais indépen- 
| damment même du recours à l'expérience, la constatation d'un 
| parallélisme étroit entre l’évolution des Orchidées épiphytes et 
celle des Orchidées terrestres me parait donner beaucoup de 
| force à cette manière de voir. 
| Les conditions de la vie terrestre sont assurément bien diffé- 
rentes de celles de la vie épiphyte ; il doit falloir pour chacun 
| de ces modes d'existence des aptitudes particulières, puisqu'on 
| ne voit pascommunément les plantes d'une même espèce adopter 
| indifféremment l'un oul’autre. Chez les Orchidées, on rencontre 
des exemples d’adaptations extrêmes à ces deux modes de vie, 
soit pour les plantes vivant à la couronne des forêts tropicales 
exposées à une 1illumination intense ou à la dessiceation, soit 
pour les espèces holosaprophytes comme le Neottia Nidus-avis 
acclimatées à la vie souterraine dans l’humus des forêts. 

IL pourrait certainement paraître vraisemblable, à première 
|vue, d'attribuer aux conditions de ces modes de vie si spéciaux 
jet si différents l'apparence si particulière des Orchidées épi- 


2 —————————— 


86 NOEL BERNARD 


phytes ou saprophytes les plus typiques. Je ne nie pas que des 
conditions diverses impliquées par ces modes de vie aient pu 
avoir une action sur l’évolution des végétaux qui les acceptent: 
quelques traits de leur organisation peuvent sans doute s’expli- 
quer ainsi. Pour préciser par un exemple, ilest peut-être admis- 
sible que la dorsiventralité du protocorme chez beaucoup de 
Sarcanthinées épiphytes ait un rapport avec leurexposition à la 
lumière, puisque cette dorsiventralité n'existe pas pour les pro- 
tocormes simplement bilatéraux des Néottiées à évolution sou- 
terraine. Mais ce sont là des faits de détail. Si un T'æniophyllum 
ressemble à un Meottia non seulement par son apparence à l’état 
adulte, mais encore par son mode de développement et aussi 
par l’histoire des ancêtres quiont évolué jusqu'à lui, il faut cher- 
cher, pour expliquer une homologie si parfaite, l’action d’une 
condition d'existence qui ait été commune à ces plantes et à 
leurs deux séries d’ancêtres malgré la diversité d'habitat. On ne 
trouve alors, ilme semble, aucune condition commune autre que 
la symbiose qui puisse suggérer une explication satisfaisante du 
parallélisme des deux évolutions. 

On peut aller plus loin et penser que l'aptitude à lépi- 
phytisme ou au saprophytisme à pu se développer chez les 
Orchidées, originairement terrestres et non saprophytes, Jus- 
tement par suite de l’action sur ces plantes de leurs champignons 
commensaux, la symbiose ayant entrainé à la fois l'apparition 
de caractères morphologiques nouveaux et de dispositions phy- 
siologiques particulières. 

Sans sortir du domaine de l'observation comparée, on peut 
assurément trouver des arguments sérieux à l'appui de cette 
manière de voir. Le plus notable me paraît fourni par l'étude 
des Cryptogames vasculaires inférieures dont l'évolution est 
parallèle à celle des Orchidées aux divers points de vue que je 
viens d'indiquer. L'adaptation de ces plantes à la symbiose avec 
des champignons endophytes s'accompagne de modes de déve- 
loppement étroitement comparables à ceux des Orchidées. La 
végétation sympodiale avec bulbes successifs dont le premier 
naît du protocorme se trouve chez le Phylloglossum Drum- 
mondi comme chez les Ophrydées ; la végétation coralloïde se 
retrouve chez les Psilotum, la végétation monopodiale avec 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 87 


racines persistantes chez les Ophioglosses; l'apparition enfin de 
Lycopodinées ou de Filicinées arborescentes paraît avoir plus 
d’un rapport avec l’évolution qui amène au cas des Vanda. I 
est d'autre part remarquable que le mode de vie saprophy- 
tique ait été adopté par les Psilotum comme la végétation 
épiphyte par un nombre notable d'Ophioglosses et de Lyco- 
podes. 

Ces homologies, qu’on à peine à croire fortuites, s'expliquent 
au mieux, il me semble, par la théorie proposée dans l’introduc- 
tion de ce mémoire qui voit dans la symbiose un facteur d’évo- 
lution ayant une importance dominante. 


CHAPITRE HI 


VARIATIONS D'ACTIVITÉ DES CHAMPIGNONS 
+ ENDOPHYTES 


On à vu dans le chapitre 1 que des Orchidées fort diverses 
peuvent héberger des champignons ayant les mêmes caractères 
spécifiques ; ilpeutexister aussi entre ces champignons, différents 
par leurs origines, une certaine similitude de propriétés physio- 
logiques. Ainsi, il m'a été possible de faire germer des graines 

de Cattléyées non seulement avec le mycélium de ARhizoctonia 
repens provenant de ces plantes, mais encore avec celui que j'ai 
retré de Paphiopedilum, de Spiranthes, où de Cymbidium. De 
même, des graines de Cypripédiées ont pu germer avec des cul- 
tures de ce mycélium ayant les origines les plus diverses. Pas 
plus au point de vue physiologique qu’au point de vue morpho- 
logique, 1ln°y à en général d’étroite adaptation de chaque endo- 
phyte à son hôte. 

L'importance de cette constatation m'est apparue dès le début 
de mes recherches expérimentales ; elle n'est nullement dimi- 
| nuée par les précisions que je donnerai ici; mais, tout d'abord 
cette similitude d'action de champignons ayant des origines 
différentes m'a porté à croire que les propriétés physiologiques 
| d’une même espèce d’endophyte étaient aussi constantes et aussi 
| fixes que ses caractères morphologiques [6]. Prise sous cette 
| forme extrême, la conclusion était erronée, et fondée d’ailleurs 


| 


88 NOEL BERNARD 


sur un examen trop imprécis des faits. Il est utile de dire com- 
ment j'ai été amené à le reconnaitre. 

La découverte du rôle essentiel qu'ont des champignons pour 
la germination des Orchidées m'a paru de bonne heure pouvoir 
entrainer des conséquences utiles au point de vue de la pratique 
horticole. Les horticulteurs ne soupçonnaient rien de semblable: 
il était raisonnable de penser qu'ils ne réalisaient pas toujours 
leurs semis de facon à assurer l’infestation des graines; les 
difficultés parfois considérables qu'ils rencontraient pouvaient. 
provenir en grande partie de cela. Je pensai donc qu’on leur 
rendrait service en leur distribuant des cultures de mycélium 
obtenues au laboratoire pour infester leurs semis. 

Je fis de premiers essais dans cette voie en 1903, au moment 
même où Je venais de réaliser des cultures de AÆRhizoctonia 
repens (séries L, S, C) qui m’avaient donné de bons résultats au 
laboratoire pour la germination des Cattléyvées et des Cypri- 
pedium. Quelques amateurs d'Orchidées voulurent bien sur mon 
conseil mêler le mycélium que je leur envoyai, au compost où 
ils semaient leurs graines ; ils obtinrent, en particulier pour les 
semis de Cattléyées, des résultats nettement supérieurs à ceux 
que leur donnait l'emploi des méthodes traditionnelles. La 
question commença dès lors à intéresser les praticiens; elle fut 
posée en 1905, au congrès international d’horticulture de Paris, 
où Je me crus en droit d'exprimer mon espoir d'améliorer les 
conditions d’une opération horticole qui passe à bon titre pour 
assez difficile. 

Cet espoir a été en partie déçu quand j'ai cherché, en 1905 
et 1906, à étendre le champ de ces expériences pratiques que 
plusieurs amateurs d'Orchidées s'étaient offerts à poursuivre 
avec moi. J’envoyai alors à ces collaborateurs les mêmes cham- 
pignons, gardés en culture pures au laboratoire, qui avaient 
donné auparavant de bons résultats. La réussite fut cette fois 
médiocre ou nulle, aussi bien pour les semis de Cattlévées que 
pour ceux de C'ypripedium. Cependant, j'ai visité alors quelques- 
unes des serres où des essais se poursuivaient et J'ai pu vérifier 
le soin qu'on y mettait à suivre mes indications. 

Il a donc fallu admettre que les champignons avaient perdu 
avec le temps leurs propriétés physiologiques primitives et 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 89 


que leur activité pour faire germer les graines ne doit pas 
être un caractère permanent. Des expériences plus précises 
faites au laboratoire ont montré, en effet, que cette activité est 
très variable, et m'ont conduit aux études qui font l'objet de 
ce chapitre. 


Û 


$ 1. — Activités inégales des diverses cultures 
de chaque Rhizoctone. 


La plupart des expériences que j'ai entreprises pour apprécier 
l’activité des champignons endophytes ont été faites avec des 
cultures de Rhizoctonia repens, dont j'étudiais Paction sur des 
semis des Cattlévées. Il importe d'indiquer tout d’abord com- 
ment ces semis se comportent et de quelle manière on doit Les 
comparer. 

Dans les semis faits sans champignons, les embryons verdis- 
sent au bout de quelques jours, et commencent presque simul- 
tanément à se développer en sphérules ; tous paraissent égale- 
ment viablesetrien d’apparent ne révèle entre eux de différences 
essentielles. Cependant l'introduction d’un champignon ne 
provoque jamais qu'une germination plus ou moins irrégulière : 
certains embryons se développent rapidement en plantules, 
d’autres évoluent plus lentement ou même restent stationnaires 
après d'insignifiants progrès. Ces différences s'accentuent avec 
le temps et tandis que les plantules les plus vigoureuses conti- 
nuent à progresser, les plus retardataires finissent par brunir 
après quelques mois, sans changements notables. 

Cette irrégularité de la germination est générale pour les 
semis d'Orchidées, aussi bien dans la nature ou dans les serres 
que dans des tubes de culture, les figures 1 (page 3) et 18 
(page 102) en donnent une idée ; elle révèle chez les graines une 
diversité d’aptitudes individuelles que rien ne faisait soupconner 
| au premier abord. Chaque champignon sélectionne en défini- 
| tive dans le semis où il se trouve un nombre plus où moins grand 
 d’embryons qui peuvent seuls se développer en symbiose avec 
| Jui. 
| Les graines n'étant pas individuellement comparables, il faut 
toujours, pour étudier l'influence de champignons divers sur là 


90 NOEL BERNARD 


germination, comparer des semis de graines nombreuses. La 
chose est heureusement facile, puisqu'un même fruit d'Orchidée 
contient des milliers de semences. Pour les Cattléyées en par- 
ticulier, dont les gousses sont volumineuses, j'ai généralement 
préparé, avec les graines d’un même fruit, des tubes de culture 
contenant chacun, pour le moins, une centaine de graines. 

Quand plusieurs semis préparés ainsi sont inoculés, dans des 
conditions identiques, avec le même champignon, ils se com- 
portent d’une manière comparable; les statistiques données à 
ce sujet pour l'expérience Ill (page 100) le montreront avec pré- 
cision. Il n’en est plus de même quand l’inoculation est faite 
avec des champignons appartenant aux différentes séries dont 
l'énumération a été donnée dans le chapitre 1; Ia comparaison 
des tubes de cultures montre alors sans ambiguïté que certains 
semis réussissent mieux et d’autres moins bien ; il peut arriver, 
comme cas extrêmes, soit que presque tous les embryons se 
développent plus ou moins vite, soit qu'aucune graine ne germe. 

J'ai considéré comme les plus actifs les champignons qui 
donnent, toutes choses égales d’ailleurs, la germination la plus 
rapide, le plus grand nombre de plantules ou les plantules les 
mieux développées dans un temps donné. Ces trois indices con- 
duisent à des appréciations concordantes (1). 


Afin de donner une idée précise des différences d'activité que 
peuvent présenter les champignons d'une même espèce, Je 
résume ici les résultats d'une expérience comparative, faite en 
inoculant des semis de Lælia avec diverses cultures de Rhzoc- 
tonia repens. Ces cultures, dont j'ai rappelé l'origine, sont 
énumérées par ordre d'activité décroissante. J'entends par âge 


(1) En général, dans les semis les mieux réussis la mortalité est nulle, ou 
faible et tardive, elle est plus grande dans les semis qui progressent moins bien 
et les plantules retardataires meurent alors les premières, Mais il y a des 
exceptions à ces règles. On verra en particutier, au chapitre [V, que, dans des 
semis d’abord prospères, il peut y avoir à un moment donné une crise de 
mortalité subite et générale. La nocivité d'un champignon pour un semis n'est 
done pas invariablement liée à son activité. La mort tardive de plantules 
bien-développées estcependant un fait exceptionnel. Pour toutes les expériences 
au moins dont il sera question dans ce chapitre, la mortalité était faible ou 
nulle dans les semis prospères et notable seulement dans ceux où la germination 
se faisait très mal. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 91 


d'une culture le temps écoulé depuis que le mycélium a été 
isolé d'une racine pour être cultivé au laboratoire. 

Pour rendre compte des différences observées, j'ai distingué 
el dénombré dans chaque semis deux catégories de plantules, 
suivant qu'elles montraient des feuilles plus ou moins dévelop- 
pées ou qu'elles n’en montraient pas. Les semis où l’on observait 
le plus grand nombre de plantules feuillues contenaient aussi, 
comme à l'ordinaire, les plantules les plus avancées, qui avaient 
commencé à germer les premières. 


EXPÉRIENCE Î. 


Semis de Lælia du 9 avril 1906. 
Inoculés le 2 mai 1906. 
Statistique faite le 4 septembre 1906. 


ORIGINE DES CULTURES AGE PLANTULES| PLANTULES | NOMBRE 
de de plantules 
RÉ Sctoniairépens des cultures. | feuillues. |sans feuilles. |feuillues pour 
F <REISs 100 plantules. 
p. 100 
Paphiopedilum insigne, série C.! 5 mois. 90 38 70 
praiop gne, 
Phragmopedilum sp., série C,. 5 — 36 170 17 
Cymbidium Lowianum, série K. 14 — 19 120 14 | 
y | 
Paphiopedilum Lawrenceanum, sé- 
rie C. 5 — 12 230 ë 
dont 30 mortes. 
Paphiopedilum villosum, série C,.1 5  — 8 190 4 
dont 46 mortes. 
Ærides maculosum, série A. Jo 0 137 0 
dont 98 mortes. 
Paphiopedilum insigne, série C.! 29 — 0 99 0 
dont 95 mortes. 


L'examen des résultats de cette expérience suffit à mettre en 


évidence les différences d'activité parfois considérables que 
peuvent présenter les Rhizoctones d’une même espèce appar- 
tenant à diverses séries de cultures. Des différences de cet ordre 
se constatent toujours par l'étude comparée attentive de semis, 
quelle que soit la nature des graines employées et quelle que 
soit aussi l'espèce de Rhizoctone dont des cultures servent pour 
l'inoculation des semis. Il n’est pas utile, pour établir ce point, 
de détailler les résultats d'expériences comparables à la pré- 


g2 NOEL BERNARD 


cédente : je me contenterai dans le paragraphe suivant d’indi- 
quer les réflexions générales que ces expériences suggèrent. 


Avant d'examiner toutefois les conditions dont peut dépendre 
l'activité des champignons, il convient de se demander si cette 
activité est une propriété en quelque sorte absolue, ou si l'appré- 
ciation qu'on peut en faire par des expériences comparatives 
dépend étroitement de la nature des graines employées pour 
les semis. 

Je n'ose pas énoncer à ce sujet de règle parfaitement pré- 
cise, mais cependant j'ai des raisons de croire que la première 
des deux alternatives est la plus proche de la vérité. Jai fait à 
plusieurs reprises, presque à la même époque, des semis de 
Cattlévées, de Cypripédiées ou de Bletilla que j'inoculais com- 
parativement avec diverses cultures de RAizoctonia repens. D'une 
manière générale, les cultures qui se montraient le plus actives 
pour les Cattléyées donnaient aussi les meilleurs résultats pour 
le Bletilla ou les Cypripedium ; inversement, les cultures peu 
actives pour les Cattlévées donnaient des résultats très médiocres 
ou nuls pour les deux autres sortes de semis. L'activité relative 
des cultures restait done à peu près la même dans les trois cas, 
au moins si l’on se contentait de l'apprécier grossièrement, pour 
des cultures d'activités très différentes (1). 


$ 2. — Influence de l’âge et de l’origine des cultures 
sur leur activité. 


L'activité des champignons conservés en culture pure au 
laboratoire diminue toujours avec le temps. Cela a été au 
moins une règle sans exception dans les conditions où Je me 


(1) Une comparaison plus précise ne conduisait pas toujours à évaluer de 
la même manière dans des cas divers les faibles différences d'activité. Par 
exemple, pour des semis de Bletilla, contemporains des semis de Lælia dont la 
statistique est donnée plus haut, l’ordre d’activité des champignons, appréciée 
par la rapidité du développement des plantules, était : 

CO — CG — CG —K—C — C. 
au lieu de l’ordre donné par les semis de Lælia : 
C—C,—K—C,— C — C. 

La coïncidence n’est pas parfaite, mais il est peut-être illusoire de chercher 

à déduire de comparaisons de ce genre des règles d’une grande précision. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 93 


suis placé, en cultivant les champignons sans soins spéciaux, 
le plus souvent sur des milieux au salep, à la température du 
laboratoire et à la lumière diffuse. 

L'examen des résultats de l'expérience I fournit un exemple 
à l'appui de cette loi. Les cultures de la série C’ et celles de la 
série C provenaient toutes deux de racines d’un Paphiopedilum 
insigne des serres de Caen ; elles avaient été isolées à la même 
époque de l’année, mais à deux ans d'intervalle; Ia culture la 
plus jeune donne les résultats les meilleurs de la série d’expé- 
riences, la plus âgée donne les plus mauvais qui sont tout à fait 
nuls. 

Ce n'est pas là un fait accidentel : pour tous les semis de 
Cattlévées et de Cypripédiées que J'ai réalisés en 1906 et 1907, 
le mycélium de la série C, et de même ceux plus âgés encore 
des séries S et L se sont montrés constamment inactifs; or, en 
1903 et 1904, peu après leur isolement, ces champignons 
m'avaient donné de très bonnes germinations de diverses 
Cattlévées et d'un Cypripedium [6]. Les résultats des essais 
horticoles dont j'ai parlé au début de ce chapitre démontraient 
aussi l’atténuation d'activité de ces champignons. De même, le 


| mycélium C’, actif au début de 1906, a perdu dès la fin de 1907 


toute son activité pour les semis de Cattléyées, comme on pourra 
le voir par les résultats d'expériences queje rapporterai plus loin. 
L'étude de semis d’'Odontoglossum inoculés avec le ÆRhizoc- 


| tonia lanuginosa m'a fourni des observations du même genre. 
| Les cultures de la série O, datant de novembre 190%, m'avaient 
| permis d'obtenir une germination assez satisfaisante d’un 


Odontoglossum en août 1905. En août 1906, le même mycélium 
ne put faire germer aucune graine d’un autre Odontoglossum 


| semé dans les mêmes conditions ; les cultures de la série 0’, que 


je venais de retirer des racines de la plante même d’où élait 
provenu le mycélium O, me donnèrent au contraire quelques 


germinations. 


De même encore, le Rhizoctonia mucoroïdes de la série P, qui 
avait fait germer au mieux un Phalænopsis en 1905, ne me 
donna, un an plus tard, absolument aucun résultat pour des 


semis de cinq espèces du même genre, et pas de succès non 


plus pour des semis de Vanda. 


91 NOEL BERNARD 


L'influence du vieillissement ressort très nettement de len- 
semble de mes expériences, mais elle ne suffit pas, à beaucoup 
près, pour expliquer les différences d'activité qu'ont présentées 
mes cultures. Des champignons d'origines différentes, isolés à 
la même époque, ont communément montré, dès le premier 
abord, des différences d'activité considérables ; par suite, des 
cultures relativement âgées ont pu souvent rester plus actives 
que des cultures d'obtention récente. Le tableau qui résume 
l'expérience | donne plusieurs exemples de faits de ce genre. 

L'activité d’une culture dépend done, pour une large part, de 
son origine ; mais la comparaison de mes cultures ne révèle au 
premier abord aucune loi simple qui règle cette dépendance. 
Les champignons extraits d'Orchidées très différentes ont pu 
avoir des degrés d'activité à peu près comparables; c'était le 
cas des séries C, S, L, qui ont servi pour mes premiers semis. 
Les cultures provenant d'Orchidées proches parentes peuvent 
au contraire montrer des activités fort diverses, on le voit dans 
l'expérience I pour les séries C', C,, C,, C,. Enfin les racines 
d’une même plante, à différentes époques de l’année, peuvent 
fournir des champignons d'activités très inégales (1). 

Si l’on revient au point de vue dominant de ce mémoire, où 
je cherche des liens entre la symbiose et l’évolution, il pourra 
paraître déconcertant qu'il n’y ait aucun rapport apparent entre 
le degré d'activité des champignons et le degré d'évolution des 
Orchidées qui les hébergent. En réalité, ces rapports existent 
sans doute, comme Je le dirai plus loin, mais j'ai dû me trouver 
dans des conditions défavorables pour les découvrir. Il faut 
retenir, en effet, que j'ai presque exclusivement retiré mes cham- 
pignons d'Orchidées cultivées en serre. Cette condition parti- 
culière est d’une importance essentielle pour interpréter mes 
observations et il est utile de la commenter. 

Les horticulteurs sont unanimes à penser que la réussite d’un 

(4) Voici un exemple de ce fait. En août 1905, des semis d'Odontoglossum 
ont été inoculés soit avec le mycélium de la série O, âgé de neuf mois, soit 
avec le mycélium de la série 0’, récemment extrait. Le mycélium O, bien 
que plus âgé et ayant dû déjà s'atténuer par la culture, a donné une germi- 
nation assez satisfaisante, le mycélium O0 n'a fait germer presque aucune 
graine. Les champignons de ces deux séries provenaient de la même plante 


d'Odontoglossum grande, le premier de jeunes racines et le second de 
vieilles. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 95 


semis d'Orchidée dépend dans une large mesure de la serre où 
l’on sème les graines. La correspondance suivie que j'ai eue 
depuis plusieurs années avec des praticiens qui me soumettaient 
les difficultés de leur tâche, m'a permis d'acquérir à ce sujet 


une conviction conforme à la croyance commune. Comment 


donc se peut-il qu'une germination réussisse communément 
dans certaines serres et toujours fort mal ou pas du tout dans 
d’autres ? 

A l'origine de mes recherches, j'aurais été disposé à admettre 
que les serres impropres aux semis sont dépourvues ou mal 
pourvues de champignons, mais cela n'est conforme ni aux 
vraisemblances ni aux résultats d'observations précises. 


: Wahrlich [57] avait déjà constaté que les Orchidées cultivées 
en serre sont aussi régulièrement et abondamment infestées de 


champignons que les Orchidées prises dansleurs stations natu- 
relles. Je n'ai pas vu non plus d'exception à cette règle et j'ai 
cependant examiné des racines provenant pour le moins d’une 
dizaine de serres. 

Dans plusieurs de ces serres, les semis réussissaient mal; on 
y avait pourtant essayé, suivantune pratique courante, de semer 
les graines sur des paniers ou des pots contenant des Orchidées 
vivantes, c'est-à-dire dans des conditions où les champignons 
ne pouvaient pas manquer. J'ai eu l'occasion d'étudier des 
semis de Cattlévées où le développement des graines s'était 
arrêté après un gonflement presque insignifiant des embryons; 
ces embryons stationnaires étaient voués, comme le savent les 
horticulieurs, une mort prochaine : ils étaient cependantinfestés 
comme l’étaient ceux de mes propres semis inoculés avec des 
champignons inactifs. 

De tout cela, il résulte évidemment que la cause d’insuccès la 
plus commune pour les semis horticoles n’est pas l'absence de 
champignons, mais le défaut d'activité des champignons qui 
rencontrent les graines. Il y a des serres à champignons actifs 
et des serres à champignons atlénués; on peut distinguer les 
unes des autres par la manière dont les semis S'y comportent. 

L'activité des champignons s’atténuant plus ou moins vite 
quand ils vivent d'une façon autonome, il est fort compréhen- 
sible qu'il existe dans les serres des races inactives de Rhizoc- 


96 NOEL. BERNARD 


tones. Depuis le moment, en effet, où ces champignons ont été 
introduits dans la culture par les griffes infestées des Orchidées 
d'importation, ils ont pu vivre communément hors de racines, 
dans les composts divers où l’on élève les plantes, sur les parois 
des paniers et des pots ou partout ailleurs dans les serres. Des 
pratiques de culture mal comprises peuvent avoir pour effet de 
sélectionner ces races inactives au détriment de celles dont 
l'activité se maintient par la symbiose. 

C'est ce qui peut arriver en particulier quand on rempote 
dans un compost neuf des Orchidées prises à l’époque où elles 
n'ont plus de racines vivantes et où, par conséquent, elles ne 
renferment plus de champignons. Les racines nouvelles sont 
exposées à ne rencontrer dans ce compost que des champignons 
vivant depuis longtemps en saprophytes et ayant ainsi perdu 
leur activité. La pratique des rempotages peut ainsi devenir 
néfaste, or elle est fort en usage dans les serres soigneusement 
tenues où l’on se préoccupe de cultiver les Orchidées dans un 
compost sain, toujours recouvert de Sphagnum vivant et frais. 
On adjoint d’ailleurs à cette pratique des soins divers de 
propreté et de désinfection qui ont un rôle utile pour la défense 
des plantes contre leurs parasites accidentels, mais qui peuvent 
éventuellement aussi nuire à une existence régulière de leurs 
commensaux habituels. Des précautions trop attentives pour la 
culture des plantes adultes peuvent devenir nuisibles pour la 
réussite des semis. Il est bien connu en fait que les semeurs les 
plus heureux ne sont pas toujours ceux qui tiennent leurs serres 
avec le plus de soin. 

Ces réflexions trouvent un appui dans mes observations per- 
sonnelles. D'une part, en effet, les champignons les plus actifs 
que j'aie obtenus provenaient presque exclusivement des serres 
de la ville de Caen (1). Or ces serres, du moins en tant que 


(1) Ce sont les champignons des séries G, C', K, P, O. Ceux de la série L, 
qui provenaient d’une jeune plantule de semis et ceux de la série $, 
extraits d’un Spiranthes pris dans sa station naturelle, ont montré aussi une 
assez grande activité. Les autres cultures énumérées dans le chapitre I, 
provenant de racines prises dans des serres diverses, n’ont jamais eu qu'une 
activité faible. Encore faut-il tenir compte de ce que je n'ai pas compris dans 
l’'énumération un assez grand nombre de champignons dont l’inactivité a été 
constatée par des essais préliminaires et dont je n’ai pas continué l'emploi pour 
mes expériences. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 97 


serres d'Orchidées, seraient considérées comme fort mal tenues 
par n'importe quel Orchidophile : les rempotages s’y font d'une 
manière irrégulière, le Sphagnum qui garnit les paniers est 
renouvelé rarement, 1l forme plutôt un fumier qu'un compost 
vivant conforme aux règles admises par les praticiens soigneux. 
D'autre part, je n’ai retiré que des champignons peu actifs 
(séries C,, C:) de racines provenant d’une serre admirablement 
tenue, dans laquelle d’ailleurs les germinations, réputées faciles, 
des Cattléyées ou des Cypripedium réussissaient fort mal. 

En résumé, les grandes différences d'activité constatées entre 
les champignons de mes cultures doivent provenirdes conditions 
antérieures de leur vie dans les serres. Pour découvrir les rap- 
ports qui peuvent exister entre l’activité des champignons et la 
nature de leurs hôtes, il conviendrait de se limiter à l'étude des 
plantes sauvages. Les Orchidées exotiques ne pourraient être 
considérées comme définitivementacclimatées à nos serres que si 
leur reproduction par semis y devenait régulière et facile. Pour 
en arriver là il faudra de nouveaux efforts de praticiens habitués 
déjà à une longue patience. Ces efforts devraient, à mon sens, 
s'inspirer des nécessités de la vie en symbiose et accorder autant 
de soins à la culture des Rhizoctones qu’à celle des Orchidées. 


$ 3. — Exaltation de l'activité des champignons 


par la symbiose. 


L'activité largement variable des Rhizoctones peut être com- 
parée à la virulence des microorganismes pathogènes qui n’est 
pas davantage liée invariablement aux caractères spécifiques. 
Il convient de désigner ces deux propriétés par deux mots diffé- 
rents puisqu'on distingue de même la symbiose et la maladie : 
mais le degré d'actiwité d'un Rhizoctone, comme le degré de 
vuulence d’une bactérie pathogène, révèlent sans doute, sous 
deux aspects différents, le degré d'adaptation de parasites à leurs 
hôtes. 

Cette comparaison amène à se demander si l’activité, qui peut 
comme la virulence s’atténuer par la vie autonome, ne peut pas 
inversement s’exalter par le séjour des champignons dans les 
Orchidées; de la même manière que la virulence de bactéries 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série, EX 


98 NOEL BERNARD 


pathogènes s’exalte souvent par la vie dansdes animaux capables 
de les héberger. J'ai cherché une réponse à cette question 
par des expériences dont j'indique tout d’abord le principe 
général. 

Quand un semis de Cattléyées a été inoculé avec un mycé- 
lium de hizoctonia repens, ce mycélium pénètre aussitôt tous 
lesembryons et forme des pelotons dans leurs cellules. Le temps 
pendant lequel on peut ensuite trouver de ces pelotons vivants 
dans les plantules est d'autant plus prolongé que ces plantules 
se développent mieux; mais, même si les embryons se déve- 
loppent à peine, ils peuvent héberger du mycélum vivant 
pendant un mois ou deux. Quelque temps après l’inoculation, 
on peut retirer d’un embryon ou d’une plantule un des pelotons 
qui s’y sont formés (voir la note IT de l'Appendice) et obtenir à 
partir de lui une nouvelle culture de mycélium. Si l’on inocule 
ensuite deux nouveaux semis, l’un avec le mycélium primitif 
maintenu en culture pure, l’autre avec le mycélium récemment 
obtenu, on peut comparer l’activité des deux champignons el 
apprécier ainsi la différence des propriétés qu'ils doivent, l'un 
à une période de vie autonome et l’autre à une période 
de symbiose. 

J'ai fait plusieurs expériences de ce type sur lesquelles Je 
donnerai ici quelques détails. Elles ont abouti à montrer que 
la symbiose est toujours favorable au maintien ou à l’exaltation 
de l’activité des champignons. 


EXPÉRIENCE IT. (Mai à Août 1906.) 


Les champignons comparés dans cette expérience étaient : 
1° Mycélium $S, provenant des racines d'un Sprranthes, 
gardé en culture au laboratoire depuis plus de deux ans. Ce 
mycélium était devenu tout à fait inactif pour les Cattléyées, 
comme le montrait, indépendamment même des résultats 


de l'expérience actuelle, l'insuccès de divers semis faits à peu 


près à la même époque. 

2° Mycélium S,, provenant d’un peloton récemment extrait 
d’un embryon de Lælia inoculé depuis 65 jours avec le mycé- 
lium S. Cet embryon était resté à l’état de spérule, comme tous 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 99 


ceux du semis dont il faisait partie; il était cependant un peu 
plus gonflé que les autres. 

Le 15 mai 1906, j'ai inoculé comparativement deux semis de 
Lælia avec l'un ou l’autre de ces champignons. Trois mois 
après, les résultats étaient les suivants : 

1° Semis inoculé avec le mycélium S. — Sur 40 graines 
semées, aucune n'avait germé; 14 embryons étaient bruns et 
morts, les 26 autres à l’état de spérules encore vertes. 

2° Semis inoculé avec le mycélium S;. — Sur 24 graines 
semées, 17 (dont 5 mortes) ne montraient qu'un développement 
insignifiant ; les embryons des 7 autres s'étaient développés en 
petits tubercules embryonnaires à bourgeon terminal nettement 
différencié. 

Dans cette expérience le nombre des graines employées pour 
les semis est faible ; mais si l’on tient compte de ce que l’inac- 
tivite complète du mycéliumS avait été précédemment constatée, 
la supériorité du mycélium $, est indéniable. 

La vie dans un embryon peut donc rendre à un mycélium com- 
plètement atténué une partie de l’activité qu'il avait perdue. 


Expérience IIL. (Juin à Octobre 1906.) 


Les champignons comparés étaient : | 

° Mycélium C', provenant de racines d’un Paphiopedilum 
insigne. Ce mycélium était gardé depuis six mois en culture pure 
au laboratoire ; il avait encore un degré assez élevé d'activité. 

2 Mycélium C,, provenant d'un peloton récemment pris 
dans une plantule de Lælia à l’état de tubercule embryonnaire 
à bourgeon terminal différencié. Cette plantule faisait partie 
d'un semis inoculé depuis 67 jours avec le mycélium C. 

Le 15 juin 1906, plusieurs semis de Lælia préparés depuis 
un mois, ont été inoculés avec l’un ou l’autre de ces champi- 
pignons. Quatre mois après l'inoculation J'ai constaté les 
résultats résumés dans le tableau suivant : 


100 NOEL BERNARD 


NOMBRE TOTAL | NOMBRE TOTAL NOMBRE 
de de de plantules feuil- 
plantules feuil- | plantules sans lues pour 
lues. feuilles. 100 plantules. 
s p. 100. 
ee ’ { de" semis. 27 99 21,4 
Mycélium C'....... Se I ERQl, 32 124 20:5 
{er semis. 34 rl 37,4 
Mycélium C'i...... 2 — , 37 63 37,0 
PNR 49 ÿe 69 38,4 


Dans cette expérience il fallait s'attendre à n'avoir à cons- 
tater que des différences d'activité relativement faibles, puisque 
le mycélium C'était encore assez actif. J'ai fait en conséquence 
des semis de graines nombreuses. Si l’on compare les semis 
inoculés avec un même mycélium, on voit qu'il y a entre eux 
des différences insignifiantes. La méthode de comparaison est 
done assez sûre pour permettre d'affirmer que le mycélium C’, 
est plus actif que C’. Le résultat est bien par conséquent dans 
le sens prévu (1). 


Comme suite à l'expérience précédente, je me suis proposé 
de faire séjourner à plusieurs reprises un même mycélium dans 
des plantules, pour savoir ce que deviendrait son activité. J'ai 
donc retiré d’une plantule obtenue avec le mycélium C, un 
mycélium C’, qui avait par conséquent séjourné deux fois dans 
de jeunes Cattléyées. Ce mycélium m'a servi, concurremment 
avec les précédents, à inoculer de nouveaux semis, et j'ai 
conlinué de même, en m'attachant à comparer à diverses reprises 
des champignons qui avaient séjourné plus ou moins longtemps 
dans des plantules. Les expériences faites suivant ce principe 
ont uniformément montré que les champignons les plus actifs 


(4) Si l’on compare les résultats des expériences Let Il, on pourra remarquer 
qu'elles donnent deux appréciations notablement différentes de l’activité du 
mycélium C'. Cela tient un peu à ce que ce mycélium était plus âgé à l’époque 
où a été faite l'expérience II, mais surtout à ce que les semis comparés dans 
cette expérience sont restés pendant les dernières semaines à une température 
peu élevée, la serre où ils étaient n'ayant pu être régulièrement chauffée 
pendant ce temps. En général, d’ailleurs, les conditions de température ou 
d’éclairement, toujours les mêmes pour une même série de semis, ont pu être 
variables d’une expérience à une autre. 


L'ÉVOLUTION DANS LA: SYMBIOSE 101 


élaient toujours ceux qui avaient le plus longtemps vécu en 
symbiose. Je me contente ici de donner le détail de la dernière 
expérience de cette série, faite un an et demi après l’expé- 
rience II. 


EXPÉRIENCE [V. (Janvier à Avril 1908.) 


A l’époque où cette expérience a été entreprise, je disposais 
de champignons ayant tous pour origine le mycélium C/, mais 
ayant séjourné plus où moins longtemps dans des plantules. 
J'indique ici leur histoire. 

1° Mycélium (/, isolé en décembre 1905, gardé en culture 
pure au laboratoire depuis plus de trois ans. 

2° Mycélium C’,, provenant de C', ayant séjourné une seule 
fois, du 1* mars au 6 juin 1906 (67 jours), dans une plantule 
de Lælia; gardé ensuite en culture pure au laboratoire, depuis 
environ 19 mois. 

3° Mycélium C’,, provenant de C',, mais ayant séjourné du 
15 juin au 26 octobre 1906 (133 jours), dans une plantule de 
Lælia. Ce mycélium avait donc au total, en deux séjours 
successifs, vécu 200 Journées dans des plantules de Lælia ; 1l 
avait été ensuite conservé en culture pure pendant environ 
14 mois. 

4 Mycélium C’,, provenant de C”’,, mais ayant séjourné du 
14 novembre 1906 au 3 mai 1907 (169 jours) dans une plan- 
tule de Cattleya. Au total, ce mycélium avait donc, en trois 
séjours successifs, vécu 369 journées dans des plantules de 
Cattléyées ; il avait été ensuite conservé en culture pure au labo- 
ratoire depuis environ 8 mois. 

5° Mycélium C/,, provenant de C',, mais ayant séjourné du 
1° juillet au 14 novembre 1907 (136 jours) dans une plantule 
de Cypripedium développée au laboratoire dans un semis de 
graines qu'on m'avait envoyées sans m'indiquer leur espèce. Au 
total, ce mycélium avait donc, en quatre séjours successifs, 
vécu 505 journées dans des plantules d'Orchidées; il n’était 
cultivé isolément que depuis un mois et demi. 

Le 4 janvier 1908, j'ai inoculé des semis de Lælio-Cattleya, 
faits depuis un peu plus d’un mois, avec ces divers champignons, 


102 NOEL BERNARD 


La comparaison de ces semis a montré comme à l'ordinaire, 
que les champignons pris dans l’ordre où Je les ai énumérés 
étaient de plus en plus actifs. J'ai représenté dans la figure 18 


C'’'4 


Fig. 18. — Trois semis de Lælio-Caltleya, inocul‘s avec les champignons d'activité 
croissante C'i, C'a, et C',. Les semis ont été faits sur gélose, dans des tubes de culture 
semblables à celui représenté dans la figure 4, page 31. Quelques plantules du 
semis C', ont été un peu écartées les unes des autres pour faciliter le dessin. 
Légèérement grossi. 


l’état des semis obtenus avec C’,, C, et C',, six mois après l’ino- 
culation ; aucune des graines inoculées avec C’, non seulement 
n'avait germé, mais même n'avait montré les débuts de dévelop- 
pement qu'on voit pour un certain nombre de celles inoculées 
avec C',. Je n'ai pas représenté l’état du semis inoculé avec 
C',, ce semis ayant été accidentellement contaminé par un 
Penicillium; on n'y voyait dans les premiers mois que des 
débuts de développement peu accusés d’un nombre restreint 
de graines. Il est entièrement vraisemblable que l'activité de 
ce mycélium C’, restait intermédiaire entre celles de C, et C’, 
comme je l'avais constaté dans des expériences antérieures. 
Les différences d'activité des diverses cultures comparées 
dans cette expérience peuvent tenir à deux causes. D’une 
part, les champignons qui étaient depuis longtemps isolés 
en culture pure ont perdu tout ou partie de leur activité primi- 
üve par l'effet de la vie autonome; la chose est tout à fait 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 103 


certaine pour le mycélium C’ devenu absolument inactif après 
avoir été très actif autrefois. D'autre part, les champignons qui 
ont séjourné le plus longtemps dans les plantules ont pu 
accroître leur activité en valeur absolue ; mais pour déterminer 
l'influence de cette seconde cause sur les résultats constatés, il 
faudrait apprécier de combien l’activité actuelle du mycélium 
C’, est supérieure à l’activité qu'avait le mycélium C’ peu après 
son isolement. Il est bien hasardeux de se fier pour cela à la 
comparaison des résultats obtenus pour des semis faits à plus 
de deux ans de distance avec des graines différentes et dans 
des conditions qui n'étaient pas exactement les mêmes. Mon 
impression a été cependant que l’activité du mycélium C’, ne 
dépassait pas considérablement l’activité primitive du mycélium 
C’. Il est probable que la série des expériences terminées par 
l'expérience II démontre plutôt l’atténuation des champignons 
par la vie autonome qu’une exaltation continue de leur activité 
par la symbiose. 


On peut exalter l’activité du Æhizoctonia lanuginosa par 
passage dans des plantules d’'Odontoglossum, comme celle du 
Rhizoctonia repens par passage dans des Cattlévées, mais tout 
aussi lentement. 

En août 1906 le mycélium de la série O, âgé de 20 mois, était 
incapable de faire germer les graines d’'Odontoglossum que 
J'inoculais avec lui. Des pelotons isolés des embryons après 
2 mois de séjour ont donné un mycélium 0, nettement plus 
actif bien que donnant encore une germination assez irrégulière 
des mêmes graines. Un second séjour de 40 jours dans les 
plantules inoculées avec le mycélium 0, m'a fourni un mycélium 
O, qui ne s’est pas montré très sensiblement plus actif. 


J'ai essayé en 1906 d’exalter l’activité du mycélium de Rhizoc- 
tonia mucoroïdes (série P) âgé d’un an, quise montrait incapable 
de faire germer diverses graines de Phalænopsis que j'avais 
alors. J'ai rencontré de très grandes difficultés : le mycélium 
devenu inactif tuait assez rapidement les embryons qu'il 
pénétrait. Je n'ai guère pu faire vivre plus d'un mois le mycélium 
dans des embryons qui étaient à la fin en plus ou moins mauvais 


104 NOEL BERNARD 


état. Par quelques essais faits ainsi je n'aiobtenu aucun résultat 
appréciable. Mais il semble clair que cela tient à une difficulté 
particulière : le peu de résistance des embryons au mycélium 
inactif. Le Æhizoctonia mucoroïides doit assurément, comme ses 
congénères, être capable d’exaltation d'activité par le séjour 
dans ses hôtes normaux, de même qu’il est capable d'atténuation 
d'activité rapide par la vie en dehors d’eux. 


Des faits exposés dans ce paragraphe et dans le précédent, 
je déduirai en résumé les conséquences ou les inductions 
suivantes : 

L'actioité des Rhizoctones s'atténue d'une manière rapide quand 
us vivent en dehors des Orchidées. I ne faut pas plus de deux ou 
trois ans de vie autonome pour que celle activilé arrive à être 
inappréciable. 

Un champignon atténué par la vie autonome peut rapidement 
reprendre de l’activité par séjour dans des plantules ; un séjour 
de quelques semaines, comme on l’a vu par l'expérience L, suffit 
déjà pour produire une exaltation d'activité notable. Une fois 
qu'un cerlain degré d'activité est atteint, le séjour répété et pro- 
longé dans des plantules le maintient et sans doute même peut 
l'augmenter, mais d'une facon très lente. 

On conçoit sans peine que dans les conditions variables de la 
culture des Orchidées en serre, l’activité des champignons soit 
exposée à s'alténuer et devienne fort irrégulière, comme en 
témoignent les irrégularités fréquemment constatées par les 
horticulteurs dans la réussite de leurs semis. 

L'activité des champignons étant un résultat de la symbiose, 
il est vraisemblable qu'elle à été primitivement acquise par elle. 
Dans la série des temps pendant lesquels la symbiose s’est 
poursuivie, cette activité des champignons à pu s’accroître. 
Les faits examinés dans le paragraphe suivant m'amèneront à 
suggérer que celte exaltalion d'activité des champignons 
a eu des conséquences importantes pour l’évolution de leurs 
hôtes. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 105 


$ 4. — Influence du dégré d'activité des Rhizoctones 
sur l'évolution des Orchidées. 


J'ai décrit dans le chapitre précédent les divers modes de 
germination du B/etilla hyacinthina et affirmé par anticipation 
qu'ils pouvaient dépendre du degré d'activité des champignons 
endophytes. Il reste à indiquer comment j'ai reconnu ce fait. 

L'existence de différents modes de germination chez le 

Bletilla m'a été révélée par les résultats d'expériences prélimi- 
naires, poursuivies pendant plusieurs années. Dans ces expé- 
riences, je semais toujours les graines sur du coton hydrophile 
humide, mais avec des solutions nutritives plus ou moins con- 
centrées et chaque année avec des champignons différents. Il 
est arrivé dans ces conditions que tantôt j’obtenais des plantes 
sans protocorme et tantôt des plantes à protocorme plus ou 
moins bien différencié. Pour déterminer avec certitude les 
conditions dont dépendait l'apparition de chacun des deux 
modes de développement extrèmes, il fallait obtenir l’un et 
l’autre dans une même série d'expériences. Dans mes premiers 
essais cela ne s’est pas produit, les conditions pour chaque série 
d'expériences ayant été insuffisamment variées. Cependant 
l'examen des résultats obtenus pendant plusieurs années succes- 
sives rendait vraisemblable que deux conditions différentes, 
une grande activité des champignons où une concentration 
élevée du milieu de culture, pouvaient indifféremment déter- 
miner la production d’un protocorme. Je me suis donc en défi- 
nitive proposé de faire des semis de Pletilla à la fois avec des 
champignons diversement actifs et sur des milieux de culture 
plus ou moins concentrés. L'expérience a montré la justesse 
de l'induction à laquelle amenait l'examen critique des résultats 
précédemment oblenus. 


EXPÉRIENCE V. (Janvier à Juin 1908.) 


Pour cette expérience J'ai préparé quatre séries de tubes de 
culture, avec des décoctions de salep dont les concentrations, 
appréciées comme il est dit dans la note I de l'Appendice, étaient 
1,2, 4,6. 


106 NOEL BERNARD 


Le 1° janvier 1908, j'ai semé dans chaque tube une trentaine 
de graines. Quelques tubes de chaque série, destinés à servir de 
témoins, ont été laissés aseptiques, les autres tubes ont été ino- 
culés le 20 janvier avec diverses cultures de Rhzoctonia repens, 
appartenant aux séries C, C’, G, L,, C’,, C’,, dont l’origine ou 
l'histoire sont indiquées soit dans le chapitre [, soit précédem- 
ment à propos de l'expérience IV. 

J'ai laissé les cultures se développer jusqu’au 6 juin 1908; 
à ce moment, les modes de développement des plantules étaient 
suffisamment caractérisés ; comme je connaissais par ailleurs 
l'évolution correspondante à chacun de ces modes, J'ai inter- 
rompu l'expérience. En comparant les semis faits à diverses 
concentrations avec un même champignon, ou sans champi- 
gnons, on pouvait juger l'effet de concentrations variées 
des solutions nutritives. En comparant au contraire les semis 
faits à une même concentration avec des champignons divers, 
on pouvait juger de l'effet des différences d'activité. C’est pour 
le moment à ce second point de vue qu'il importe de se placer, 
l'influence de la concentration du milieu de culture devant être 
spécialement étudiée au chapitre VI. 

Pour comprendre les moyens de comparaison, il faut se 
rappeler d’abord que dans les semis de Pletilla, même s'ils sont 
sans champignons ou inoculés avec un mycélium très peu 
actif, tous les embryons'se développent plus ou moins ; il est 
très rare que des plantules meurent au cours de l’expérience, 
mais le développement est toujours assez mégal dans une même 
culture, certaines plantules prenant de bonne heure sur les 
autres une avance qui se maintient ensuite. Cependant, dans 
certains semis la germination se fait plus vite, en moyenne, que 
dans d’autres et la plupart des plantules y prennent en défini- 
üive un développement plus considérable. Dans l'expérience 
actuelle il n’était pas difficile de classer les semis par ordre crois- 
sant de réussite. Cela aboutissait à considérer l'ordre dans lequel 
j'ai énuméré plus haut les champignons comme correspondant 
à leur ordre d'activité croissante. 

Il y à peu d'intérêt à examiner les résultats donnés par les 
cultures G, B, L, qui montraient un degré moyen d'activité. Le 
point essentiel est de voir comment se comportaient les semis 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 107 


faits avec les cultures C ou C’ d’une part, C’, ou C, de l’autre. 
On se rappellera qu’à l'époque où a été faite la présente expé- 
rience les cultures C et C’, obtenues depuis plusieurs années, 
étaient tout à fait inactives pour les Cattlévées et qu'au contraire 
les cultures C, et C’,, comme le montre l'expérience IV, étaient 
les plus actives que je possédasse. L'ordre d'activité de ces cul- 
tures pour le Pletilla était le même que pour les Cattlévées ; 
cependant les résultats de l'expérience actuelle n'auraient 
révélé pour le mycélium C’, qu'une activité à peine supérieure 
à celle de C’,, tandis que pour les Cattlévées, la différence d’ac- 
tivité des deux cultures était relativement considérable. 

Par l'examen de la planche I on peut juger des résultats obtenus 
dans chaque série de semis, soit sans champignons, soit avec 
les champignons C, C’ ou C’,. J'ai reproduit dans cette planche 
la plantule la moins avancée et la plantule la plus développée 
de chaque tube de culture, avec indication correspondante de 
la concentration. 

Sans insister, pour le moment, sur l’ensemble des résultats, 
je note simplement ce fait essentiel que, sur un même milieu de 
culture, toutes les conditions étant d’ailleurs égales, on peut obtenir 
des plantules grêles, sans protocorme, dans les semus faits asepti- 
quement ou avec des champignons alténués, tandis qu'on obtient 
au contraire des plantules à protocorme dans les semis imo- 
culés avec un mycélium actif. C’est ce qu'on voit au mieux par 
la comparaison des semis faits à la concentration 2. Dans les 
semis de cette série inoculés avec le mycélium actif C’,, 22 plan- 
tules, sur un nombre total de 40, montraient un protocorme 
tubérisé, avec des racines naissant juste au-dessus de lui, les 
18 autres avaient un protocorme plus grêle, bien que largement 
infesté, des entre-nœuds un peu plus longs et pas de racines. 
Dans les semis inoculés avec les champignons peu actifs C ou 
C', certaines plantules n'étaient encore qu'au début de leur 
développement, mais aucune n'avait de protocorme tubérisé ou 
infesté notablement, et les plus avancées montraient sans ambi- 
guité l'allongement des entre-nœuds caractéristique du mode 
de développement sans formation de protocorme. On remar- 
quera que les plantules aseptiques étaient un peu plus déve- 
loppées que celles inoculées avec le mycélium C. Ce mycélium 


108 NOEL BERNARD 


tout à fait inactif avait une action plutôt nuisible qu'utile sur le 
développement. 


En somme, dans le cas du PB{etilla, Yaccroissement d'activité 
des champignons entraine pour ainsi dire une évolution des 
plantules depuis des formesnontubérisées, pauvrementinfestées, 
el enracinées tardivement, jusqu’à des formes à protocorme 
largement infesté, produisant précocement des racines nom- 
breuses. Dans une certaine mesure cette évolution expérimen- 
tale peut être comparée à l’évolution naturelle qu'ont dû subir 
les Orchidées dans leur ensemble, depuis les espèces primitives 
sans protocorme, à symbiose intermittente et imparfaite, jus- 
qu'aux espèces les plus élevées, adaptées à la symbiose continue, 
ayant un protocorme et présentant un développement considé- 
rable de racines. 

La constatation de ce parallélisme amène à se demander 
si l’évolution des Orchidées n’a pas été entraînée par une 
exallation progressive d'activité de leurs champignons endo- 
phytes? C'est là une vue hypothétique, et les commentaires 
que J'en ferai ici ne lui enlèveront pas ce caractère, mais du 
moins ils éclaireront plusieurs des sujets abordés dans ce 
mémoire. 

L'examen des faits constatés pour le Bletilla permet de con- 
cevoir que l’exaltation d'activité des champignons, les progrès 
de la symbiose et ceux de l’évolution aient pu s’enchaîner 
presque indéfiniment. Dans ce cas, en effet, les champignons 
atténués produisent seulement des infestations peu étendues, 
récidivant à de longs intervalles, tandis que les champignons 
acüfs infestent dès l'abord très largement le protocorme, puis, 
aussitôt après, les racines développées précocement. Ces cham- 
pignons actifs imposent en un mot aux plantules un mode de 
développement qui permet une symbiose plus prolongée et plus 
parfaite; or la symbiose est par excellence la condition favo- 
rable au maintien ou à l'exaltation de l’activité des endophytes. 
Il ne parait donc pas déraisonnable de penser qu’un champi- 
gnon par le fait même qu'il devient plus actif peut acquérir des 
moyens nouveaux pour maintenir ou exalter son activité. On 
peut en définitive comprendre que les champignons, grâce à 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 109 


l’activité même qu'ils acquéraient progressivement par la sym- 
| biose, aient réussi à imposer aux Orchidées des modes de végé- 
tation favorables à une symbiose de plus en plus parfaite. 

La possibilité de progrès corrélatifs de l’activité des champi- 
gnons, de la symbiose et de l’évolution des Orchidées, est donc 
|théoriquement concevable. Mais si elle correspond à une réalité, 
il doit en rester des preuves : on doit trouver chez les Orchidées 
‘les plus évoluées des champignons plus actifs que chez les 
Orchidées les plus primitives; il doit ÿ avoir un rapport cons- 
|tatable entre le degré d’aclivité des champignons et le degré 
| d'évolution de leurs hôtes. 
Il ne serait pas légitime, comme je l'ai dit plus haut, de donner 
à celte question une réponse négative par la seule constatation 
des grandes différences d'activité qu'on observe chez les cham- 
pignons retirés d'Orchidées cultivées ; il est plus naturel d’ad- 
imettre qu'on peut, par des soins de culture, maintenir en vie 
des Orchidées adultes avec des champignons d'activité anorma- 
lement faible. Le véritable problème n’est pas sans doute de 
savoir avec quels champignons une Orchidée adulte peut végé- 
ter, mais de déterminer avec quels champignons elle peut se 
| développer et accomplir son évolution complète. Si l'on pose 
|ainsi la question, elle paraît susceptible d’une réponse favo- 
'rable à la vue que je soutiens. 
| Mes expériences montrent clairement par exemple que des 
plantules de Pletilla peuvent se développer avec des champi- 
gnons peu actifs, incapables de produire la germination des 
| Cattléyées. Les Cymbidium, qui se placent dans l’arbre généa- 
logique des Orchidées à un niveau plus élevé encore que les 
| Cattléyées, doivent exiger pour se développer convenablement 
un mycélium très actif de Rhizoctonia repens ; le mycélium K, 
‘employé dans mes expériences peu après son isolement, m'a 
| donné, en effet, pour un semis de Cymbidium des résultats très 
médiocres (voir la note IV de l'Appendice), et cependant ce 
imycéllum avait pour les Cattléyées une activité très notable, 
mème après quatorze mois de vie autonome (expérience I). 
| Les constatations de cet ordre que j'ai pu faire au cours 
(de mes expériences n'ont souvent pas le degré de précision 
| désirable et sont trop peu nombreuses, mais elles indiquent du 


110 NOEL BERNARD 


moins une voie de recherches: Il ne serait pas impossible, en 
faisant des semis sur une plus large échelle, de comparer les 
degrés d'activité des champignons convenables pour la germi- 
nation d'Orchidées diversement évoluées (1). 

L'hypothèse que je propose donne d’ailleurs prise à l’expé- 
rience encore par un autre côté. Si l'évolution progressive des 
Orchidées est bien sous la dépendance d’une augmentation 
d'activité de leurs champignons commensaux, cette évolution 
même doit pouvoir être produite expérimentalement. On a vu 
ici que le Bletilla hyacinthina, cultivé avec les champignons 
actifs pour les Cattléyées, abandonne son mode de germination 
primitif pour former un protocorme, c’est-à-dire pour se rap- 
procher d’Orchidées plus évoluées. Cette évolution expérimentale 
ne doit pas être exceptionnelle, et, si mon hypothèse a quelque 
justesse, on doit pouvoir en général obtenir une évolution ana- 
logue en cultivant une Orchidée avec des champignons actifs 
pour des plantes de la famille plus évoluées qu'elle. 

Les recherches qu’on peut entreprendre pour contrôler cette 
manière de voir se heurtent à une circonstance particulière, au 
moins en ce qui concerne les Orchidées épiphytes soumises à 
mes expériences. On a vu, en effet, que les plus évoluées de ces 
Orchidées renferment des champignons d'espèces spéciales, le 
Rhizoctonia mucoroïdes ou le Rhzoctonia lanuginosa ; cela con- 
duit à penser que l’évolution expérimentale possible chez le 
Bletilla au prix d’une simple augmentation d'activité du cham- 
pignon commensal, nécessite dans d’autres cas un changement 
de l'espèce même de ce champignon. Un tel changement n’est 
pas toujours impossible et 1l peut entraîner, comme on va le voir, 
d’intéressants résultats. 


(1) On peut remarquer d’une façon plus générale, mais fatalement plus 
imprécise, que les germinations réputées les plus difficiles auprès des horti- 
culteurs sont justement celles d'Orchidées très évoluées ; cela peut s'expliquer 
par la difficulté de maintenir dans les serres les champignons de ces Orchidées 
au haut degré d'activité qui serait nécessaire. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 111 


CHAPITRE IV 


ASSOCIATIONS ANORMALES DE RHIZOCTONES 
ET D'ORCHIDÉES 


Au cours de mes recherches, du moins depuis 1905, j'ai tou- 

jours préparé de nombreux semis avec les graines de chacun 
des fruits qui me parvenaient. J'inoculais ensuite ces semis soit 
|avec diverses cultures de l'espèce de Rhizoctone hébergée par le 
Igenre d'Orchidée en question, soit avec d’autres espèces de 
Rhizoctones. Chaque série d° expériences aboutissait ainsi à des 
constatations de divers ordres que j ai dû, pour plus de clarté, 
examiner séparément dans ce mémoire. D'une part, lesmeilleures 
cultures obtenues pour chaque espèce d’Orchidée avec son 
commensal habituel m'ont montré sous leur aspect le plus 
normal les phénomènes du développement que j'ai décrits au 
chapitre IT. D'autre part, la comparaison des résultats fournis 
par diverses cultures de la même espèce de champignon m'a 
permis de reconnaître les variations d'activité dont j'ai démon- 
tré l'existence dans le précédent chapitre. Enfin, l'examen des 
semis inoculés avec des Rhizoctones d’autres espèces m'a révélé 
les anomalies de la symbiose ou du développement que j’étu- 
 dierai ici. Ces anomalies sont diverses et, afin d'orienter le 
lecteur, il convient d’en distinguer tout d'abord les principaux 
types. 
Un certain nombre de mes essais pour réaliser des associa- 
tions anormales d'Orchidées et de Rhizoctones sont restés infruc- 
tueux : les champignons se développaient dans les semis sans 
pénétrer d’abord les embryons qui résistaient plus ou moins 
longtemps, mais en définitive étaient envahis et tués avant que 
rien ait rappelé les phénomènes habituels de la symbiose. Il y 
‘avait en un mot incompatibilité absolue entre les champignons 
let les Orchidées. Je rapporterai dans un premier paragraphe 
celles de mes tentatives qui ont abouti ainsi à une impossibilité: 
elles ne sont pas les plus nombreuses, et les inductions théoriques 
qui me guident devaient les faire considérer à priori comme 
les plus téméraires. 


} 


112 NOEL BERNARD 


Quand on essaie d’interchanger les champignons d'Orchidées 
assez proches parentes, ilse produit un début au moins d’asso- 
ciation ayant toutes les apparences d'un commencement de 
symbiose : les champignons pénètrent par les régions de passage 
habituelles et commencent à former des pelotons intracellu- 
laires. Si les champignons employés, quelle que soit leur espèce, 
sont très peu actifs, la symbiose ne progresse pas au delà de 
ces insignifiants débuts et les embryons succombent tôt ou 
Lard sans s'être développés. C'est ce qu'on verra pour les cas 
rapportés dans le second paragraphe de ce chapitre. 

Avec des champignons moins atténués, il est au contraire 
fréquent que les associations anormales s’établissent et pro- 
gressent pendant un temps notable, presque comme dans la 
symbiose régulière. Les embryons réagissent alors en se déve- 
loppant et la rapidité de leurs premiers progrès montre que les 
Rhizoctones adaptés à vivre avec certaines espèces d’Orchidées 
peuvent cependant avoir pour d’autres espèces une activité 
appréciable et parfois même très grande. L'association a dans 
ce cas quelques chances de durée, mais elle ne correspond 
jamais pour ainsi dire qu’à un équilibre instable. Je montrerai 
dans le troisième paragraphe de ce chapitre comment cet équi- 
libre arrive généralement à être détruit et j'examinerai aussi 
dans la mesure possible les conditions délicates à réaliser dont 
peut dépendre son maintien. 

Il m'est arrivé à deux reprises de voir des symbioses anor- 
males aboutir à des anomalies bien caractérisées dans le déve- 
loppement des plantules. Ces deux cas intéressants seront exa- 
minés à la fin de ce chapitre; leur existence suggère que là 
variabilité des modes de germination observée déjà chez le 
Bletilla hyacinthina ne doit pas être une circonstance partieu- 
lière à cette Orchidée, mais plutôt une éventualité généralement 
possible dans des conditions convenables. 

Les divers cas que j'ai énumérés ici ont été observés, comme 
on le verra, tantôt pour une espèce d'Orchidée et tantôt pour 
une autre, mais rarement tous ensemble pour une même sorte 
de graines. Cela tient sans doute plutôt à l'imperfection de 
mes expériences qu'à la nature mème des choses. Les cultures 
de champignons dont je disposais à chaque époque étaient 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 113 


en nombre restreint et ne présentaient Jamais des degrés 


d'activité aussi divers qu'il aurait été désirable. Si l'on 
réunissait à un moment donné des cultures de Rhizoctones 
ayant des propriétés assez largement variables, on pourrait 


sans doute réaliser tous les cas possibles avec une même 


espèce de graines. La symbiose normale se présenterait alors 
comme un état d'équilibre intermédiaire entre les deux états 
extrêmes de l’association infructueuse avec des champignons 
atténués ou de l’association instable avec des champignons 


| d'activité exceptionnelle, accompagnée de mutations. 


Malgré les lacunes presque fatales de mes recherches, il se 
dégage clairement des faits constatés l'impression que le nombre 
des cas possibles est restreint; on peut conclure de là selon 
toute apparence que les rapports entre Orchidées et Rhizoc- 
tones doivent être réglés par un petit nombre de lois générales. 


$ 1. — Impossibilité de certaines associations. 


SEMIS INOCULÉ AVEC LE Aihizoctonia violacea. 


J'ai étudié l’action du ÆRhizoctonia violacea sur beaucoup de 
semis et je n'ai jamais vu d'association s'établir entre ce cham- 
pignon etles embryons d'Orchidées. Il était assez vraisemblable 
à priori que ces essais avaient peu de chances de succès. D'une 
part, en effet, le ÆRhizoctonia violacea ne se trouve pas dans la 
nature associé à des Orchidées, à ma connaissance du moins. 
D'autre part, le mycélium dont je me suis servi, qui provenait 
d'un sclérote pris sur une pomme de terre, était cultivé depuis 
plusieurs années au laboratoire; cette condition seule aurait 
suffi à lui faire perdre son activité, s’il est capable d’en avoir 
une. 


Voici quelques notes relatives aux expériences faites avec 
diverses graines. 
1°. — Bletilla hyacinthina (semis de novembre 1905, sur 
coton, avec décoction de salep à la concentration 3). Cinq mois 
après l’inoculation du semis, non seulement aucune plantule 
n'était infestée, mais même le mycélium ne paraissait nullement 
ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 8 


114 NOEL BERNARD 


attiré parles plantules et rien n'indiquait de sa part une tenta- 
tive de pénétration. Les plantules avaient commencé à se déve- 
lopper comme à l'ordinaire; elles étaient cependant moins 
avancées el d’un vert plus pâle que celles d'un semis témoin 
laissé sans champignon. 

2, — Lælio-Brassavola (semis de mai 1905, sur décoction 
de salep gélosée à la concentration 1). Deux mois après l’inocu- 
lation les sphérules s'étaient développées comme à l’ordinaire, 
un peu moins toutefois que dans un semis témoin sans cham- 
pignons. Ces sphérules restaient indemnes; pourtant chez un 
petit nombre d’entre elles j'ai vu des filaments du Rhizoctone 
appliqués contre le suspenseur el pénétrant parfois une ou 
deux de ses cellules. Je n’ai jamais vu rien de plus qui indiquàt 
un début de symbiose bien caractérisé pour les sphérules 
d'autres Cattléyées ayant vécu plusieurs mois au contact du 
Rhizoctonia violacea. 

3°. — Odontoglossum (semis d'août 1905, sur décoction 
de salep gélosée à la concentration 1). Le résultat est le mêrne 
que pour les Cattléyées, à ceci près que je n’ai même Jamais 
vu de filaments appliqués contre le suspenseur ou y pénétrant. 

4°. — Phalænopsis (semis de février 1905, sur coton, avec 
décoction de salep à la concentration 3). J’ai introduit le cham- 
pignon dans des semis faits depuis un mois; les embryons 
avaient verdi et s'étaient un peu développés. Pendant quelques 
Jours les embryons sont restés verts et indemnes, mais dès la 
fin de la seconde semaine tous étaient morts et complètement 
envahis par le mycélium. Les filaments traversaient les cellules 
en tout sens, sans former de pelotons dans aucune, végétant là 
comme dans un milieu inerte, les embryons n'avaient nulle- 
ment réagi. | 

Lesembryons de Vanda, comme ceux de Phalænopsis, résistent 
assez peu au Âihizoctonia violacea et meurent par son envahis- 
sement. 


în résumé, les embryons d'Orchidéesmontrentordinairement 
une indifférence presque absolue vis-à-vis du Rhizoctonia vio- 
lacea ; 11s se comportent avec lui comme avec les moisissures 
banales qui peuvent infester les semis accidentellement et qui ne 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 115 


leur sont pas immédiatement nuisibles. Les semis inoculés avec 
le Rhizoctonia violacea se développent toujours un peu moins 
bien que les semis témoins sans champignons; cela peut tenir 
simplement à la concurrence entre le champignon el les plan- 
tules qui doivent se nourrir aux dépens d’un même milieu 
limité. À la longue les embryons finissent toujours par s’affaiblir 
assez pour être envahis par le Rhizoctone, mais c’est en général 
après une résistance trèslongue. Cette période de résistance est 
exceptionnellement courte dansle cas des Phalænopsis ou Vanda; 
mais là aussi l’envahissement par le champignon ne fait que 
rendre plus précoce la mort des embryons sans avoir provoqué 
aucune réaction de leur part. 


Semis DE Bletilla hyacinthina AVEC DIVERS RHIZOCTONES. 


En novembre 1905, j'ai inoculé des semis de Pletilla, faits 
sur coton avec la décoction de salep de concentration 3, avec 
le ARhizoctonia lanuginosa où le Rhizoctonia mucoroïdes. Cette 
tentative encore était à considérer comme assez audacieuse, car 
le Bletilla hyacinthina est une espèce relativement primitive et 
les Rhizoctones que j’employais sont au contraire adaptés à 
vivre avec les plus évoluées des Orchidées épiphytes. Il n’est 
donc pas très étonnant que les résultats aient été négatifs. 

Pour l’inoculation avec le Rhizoctonia lanuginosa, je me suis 
servi du mycélium de la série O, âgé d’un an, mais encore 
capable au moins de débuts de symbiose avecles Odontoglossum. 
Ce mycélium s'est comporté vis-à-vis des plantules tout à fait 
comme celui du ARhizoctonia violacea: après trois mois de con- 
tact il n’y avait ni infestation des plantules, ni indice quelcon- 
que d’une attraction exercée par elles sur le champignon. 

Le Rhizoctoniu mucoroïides ne pénètre pas les embryons par 
la cicatrice de leur suspenseur disparu, qui est la région nor- 
male de pénétration du Æhizoctonia repens; mais aussitôt que 
desrudiments de poils absorbants se différencient sur l'embryon, 
ils sont envahis par le mycélium et leur croissance se trouve 
arrêtée par ce fait. Les jeunes poils absorbants seuls sont ainsi 
attaqués ; le mycélium arrive à les remplir et les tue, mais n°y 
est jamais digéré. Malgré cela, les cellules sous-jacentes restent 


116 NOEL BERNARD 


parfaitement indemnes ; le champignon ne paraît pas pouvoir 
traverser la membrane qui les sépare des poils. Les plantules 
souffrent un peu de la destruction précoce de leurs poils absor- 
bants ; elles se développent moins bien que dans les semis 
témoins sans champignons ; cependant, leur axe hypocotylé 
s'accroît et différencie sans cesse de nouveaux poils qui s’infes- 
tent régulièrement avant de s'être allongés. 

La manière dont se comporte le mycélium du ARhizoctonia 
mucoroïdes ne doit pas dépendre beaucoup de son degré d’acti- 
vité. J'ai en effet obtenu des résultats identiques soit avec le 
mycélium de la série P, très actif quelques mois auparavant 
pour les Phalænopsis, soit avec le mycélium rencontré au voisi- 
nage de racines d'Ophioglosse, comme il a été dit dans le cha- 
pitre |, qui n’a jamais montré d’activité pour aucune graine. 

La propriété d'attaquer exclusivement les poils paraît bien 
particulière à l'espèce Rhizoctonia mucoroïdes. On remarquera, 
en effet, que le mycélium atténué du Rhizoctonia repens, dans la 
symbiose normale, peut infester l’axe hypocotylé ou les entre- 
nœuds de la jeune tige en pénétrant par la base des poils, mais 
cette infestation est toujours tardive, elle se fait par la base de 
poils depuis longtemps accrus et elle ne se limite pas à eux. 
Avec le AÆhizoctonia mucoroïides le résultat est bien différent ; 
linfestation précoce des poils, qui arrête leur croissance, 
est une véritable maladie des plantules, ou plutôt d'une seule 
catégorie de leurs cellules. Cette maladie peut être considérée 
comme bénigne. Dans mes semis les plantules restaient toutes 
vivantes plus de trois mois après l'inoculation et leurs poils 
seuls étaient infestés; plusieurs d’entre elles étaient cepen- 
dant presque complètement enfouies dans le mycélium qui 
formait sur le coton un tapis assez épais. Sans doute ces 
plantules auraient fini par succomber; on verra que cela 
arrive pour les Cattléyées dans des circonstances assez ana- 
logues. Mais 1l faut retenir que les conditions imposées par 
ma méthode de culture sont particulièrement dures : dans les 
conditions naturelles de semis, il n’est pas à présumer que des 
plantules puissent avoir à se défendre contre un champignon 
développé à leur contact d'une manière tellement abondante ; 
elles ne seraient exposées qu'à la destruction de quelques poils 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 117 


absorbants etelles y survivraient sans peine si les circonstances 
leur étaient par ailleurs favorables. 

Il est intéressant de remarquer que les trois espèces de Rhi- 
zoctones d’Orchidées dont j'ai donné les diagnoses dans le cha- 
pitre Ï se comportent vis-à-vis du Pletilla de trois manières 


| bien différentes : le Rhuizoctonia repens est capable de symbiose 
plus ou moins parfaite avec les plantules, le ÆRhizoctonia muco- 


roides est l'agent d’une maladie localisée el bénigne, le Rhizoc- 


| tonia lanuginosa n’a aucun effet. Dans les expériences faites 
avec des Orchidées plus évoluées que le PBletilla (1) des difté- 
 rences de cet ordre se sont encore montrées, mais il s’est révélé 
| malgré cela, entre les modes d'action des trois espèces de cham- 


pignons, des analogies que l'expérience actuelle ne met pas en 


| évidence. 


$ 2. — Associations imparfaites avec des 
Rhizoctones atténués. 


Les expériences dont Je résumerai ici les résultats essentiels 
ont été faites en inoculant des Rhizoctones d'Orchidées atténués, 


| de n’importe quelle espèce, à des Epidendréesou Vandées prises 


parmi les plus évoluées, qui doivent être accoutumées à vivre 


avec des champignons l’une grande activité. IlY agénéralement 
| eu dans ces conditions des débuts d'association plus ou moins 


imparfaits, sans effet utile pour les embryons. 


Odontoglossum, Cattléyées 


En août 1905, j'ai inoculé des semis d’Odontoglossum avec 


| diverses cultures de Rhizoctonia repens qui étaient soit âgées et 


presques inaclives pour les Cattléyées (série C, $S, L), soit fai- 


| blement actives (série A), soit d'activité moyenne {série K). Les 


(4) Les Cypripedium, qui se rapprochent un peu du Bletilla pour leur mode de 
germination et qui ont assurément une parenté très lointaine avec les Odonto- 
glossum ou les Phalænopsis, ne paraissent pas pouvoir non plus contracter d’asso- 
ciation avec les Rhizoctonia lanuginosa où mucoroïdes. Je n'ai jamais vu de 
graines se développer aussi peu que ce soit par l’action de ces champignons, 
malgré plusieurs essais faits avec des cultures diversement activeset des Cypri- 
pedium variés. Mais il faut dire que ces Cypripedium germaient assez irrégu- 
lièrement, même avec mes cultures de Rhizoctonia repens. 


118 NOEL BERNARD 


embryons d'Odontoglossum sont toujours restés vivants pendant 
plusieurs mois sansse développer; ils résistaient victorieusement 
aux champignons pendant un temps prolongé, mais le méca- 
nisme de leur résistance n’était pas toujours le même, et c’est 
ce qui fait l'intérêt de ce cas. 

Avec les champignons inactifs, les embryons n'étaient jamais 
pénétrés précocement par le mycélium et ne paraissaient même 
exercer aucune attraction sur lui; quatre mois après l’inocula- 
tion des semis, presque tous les embryons étaient encore in- 
demnes; j'ai vu seulement, pour deux d’entre eux, des filaments 
mycéliens pénétrer dans le suspenseur, sans d’ailleurs s'étendre 
dans le corps de l'embryon lui-même. En somme, dans ce cas 
comme dans ceux étudiés au paragraphe précédent, les em- 
bryons restaient dans un état d'indifférence presque complète 
par rapport au champignon qui vivait à leur voisinage. 

Avec le mycélium faiblement actif de la série À, il n’y avait 
pas non plus d’infestation précoce, mais le suspenseur de 
chaque embryon était de bonne heure recouvert de filaments 
appliqués contre lui, manifestement attirés vers cette région 
de passage, mais incapables pendant plusieurs mois de la 
pénétrer. 

Avec le mycélium plus actif de la série K, les embryons 
étaient toujours infestés dès les premières semaines. Les fila- 
ments mycéliens pénétraient le suspenseur et formaient des 
pelotons dans quelques cellules de l'embryon; mais ces pelo- 
tons étaient complètement digérés au bout d’un ou deux mois 
et il n’y avait plus d'infestation nouvelle pendant les mois 
suivants. Dans ce cas même, où un début d'association était 
bien manifeste, les embryons ne se développaient pas d'une 
manière appréciable : j'en ai vu un seul, sur une cinquantaine, 
qui avait produit, après quatre mois de culture, l'ébauche d’un 
premier groupe de poils absorbants non accrus. 

Dans tous ces semis les embryons finissent naturellement par 
mourir, Mas après cinq mois ou plus, c’est-à-dire à peine plus 
vite que dans les semis faits sans champignons. Les embryons 
moribonds où morts sont envahis par le mycélium, mais dans 
cette infestation tardive rien ne rappelle la symbiose : il ne se 
forme pas de pelotons, il n’y à pas non plus de digestion intra- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 119 


cellulaire des filaments envahisseurs, ni de réaction quelconque 


de la part des embryons. 

Les embryons d'Odontoglossum se comportent avec le mycé- 
lium atténué de leur hôte normal, le ARhizoctonia lanuginosa, de 
la même manière qu'avec le mycélium moyennement actif du 


| Rhizoctonia repens. Dans mes semis de 1906, avec le mycélium 
atténué de la série O, il n'y avait ainsi qu'un développement 
insignifiant des embryons, malgré une infestation précocement 
| arrêtée par la digestion intracellulaire des pelotons formés dans 


quelques cellules. 
J'ai eu de nombreuses occasions d'observer des phéno- 


| mènes analogues dans les semis 
| de Cattléyées inoculés avec des 


Rhizoctones d'Orchidées très atté- 
nués, quelle que soit leur espèce. 
Il y a toujours d’abord infestation 
par le suspenseur, mais la diges- 
ion des pelotons survient avant 
que les embryons aient pris un 
développement notable. C'est ce 
qu'on voit dans la figure 19 pour 
une sphérule de Lælio-Brassavola 
inoculée depuis trois mois (avril- 
juin 1905) avec un mycélium très 


F ; É È Fig. 19. — Coupe optique dans 
atténué de BRhizoctonia r'epens (sé- cs sphérule A nos 
rie L). Cette sphérule comme vola inoculée avec un Rhizoctone 

L e atténué : n, noyau; d, peloton 
toutes celles du même semis, res- de mycélium digéré. 


tait vivante, mais à un état sla- 

tionnaire après la digestion des champignons. L'aspect 
de sphérules inoculées avec de vieilles cultures des AÆhizoc- 
tonia lanuginosa où mucoroïides serait sensiblement le même. 
Dans les semis faits avec ces Rhizoctones atténués les sphé- 
rules meurent toujours, en définitive, par suite d’une infes- 
tation secondaire, comme les embryons d’'Odontoglossum dont 
j'ai parlé tout à l'heure, mais c’est après une période de 
résistance qui dure généralement plusieurs mois. 


120 NOEL BERNARD 


Phalænopsis, Vanda. 


Les embryons de Phalænopsis ou Vanda résistent moins bien 
au Ahizoctonia repens alténué que les embryons de Cattléyées ou 
d'Odontoglossum. Je donne iei à titre d'exemple les notes con- 
cernant des semis de Phalænopsis faits en 1905 (sur coton avec 
décoction de salep à la concentration 3), où J'avais laissé les 
embryons verdir et se développer pendant un mois, avant d'in- 
troduire dans les tubes un mycélium très atténué de Rhizoctonia 
repens (série C). 

Pendant les deux premières semaines après l’inoculation, il 
n'yavait aucune mortalité ni aucune infestation des embryons, 
mais déjà on trouvait régulièrement des filaments appliqués et 
ramifiés au contact du pôle postérieur de chaque embryon; le 
champignon était attiré vers cette région de passage, mais ne 
pouvait pas la pénétrer immédiatement. Dès la fin de la seconde 
semaine, quelques embryons ont été totalement envahis et sont 
morts; les autres ont eu successivement le même sort dans les 
deux mois suivants. 

L'examen d'embryons moribonds montrait le champignon 
pénétrant par la région qui l'avait attiré dès le début et dont il 
finissait par forcer le passage. Les filaments envahisseurs for- 
maient d’abord des pelotons plus ou moins bien caractérisés 
dans quelques cellules et parfois un petit nombre de ces pelotons 
élaient digérés, ce qui indiquait une réaction de défense de la 
part des embryons. Mais après cette première période où les 
rapports paraissaient s'établir comme dans la symbiose, la 
progression du mycélium s’accélérait, et il envahissait les cel- 
lules sans s'y pelotonner, les traversant en tous sens, comme si 
elles élaientabsolumentinertes ; lesembryons alors ne tardaient 
pas à succomber. 

Chez les Cattléyées ou les Odontoglossumle début d'association 
avec les Rhizoctones atténués se termine par une sorte de gué- 
rison des embryons, qui acquièrent une immunité-prolongée 
après la digestion des premiers filaments envahisseurs ; chez 
les Phalænopsis, au contraire, cette sorte de guérison tempo- 
raire ne se produit pas et les embryons succombent en somme 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 121 


à une maladie infectieuse rapidement mortelle. Les embryons 
des Phalænopsis ou Vanda paraissent d’ailleurs particulièrement 
fragiles : ils sont tués plus vite encore par les cultures atté- 
|nuées de leur endophyte normal que par les cultures inactives 
| de Rhizoctonia repens. Cela rend presque impossible, comme je 
l'ai dit, de rendre leur activité aux cultures atténuées du Rhizoc- 
|tonia mucoroïdes par séjour dans ces embryons. 


$ 3 — Associations instables avec des 
| Rhizoctones actifs. 


| L'objet principal de ce paragraphe sera d'étudier la manière 
| dont se comportent les embryons de Cattléyées inoculés avec 
le Rhizoctonia mucoroïdes, c'est-à-dire avec un champignon qui 
habite normalement des Orchidées plus évoluées que les Cat- 
|tléyées et sans doute mieux adaptées qu’elles à supporter un 
haut degré d'activité de leurs commensaux. J'ai fait sur ce 
sujet plusieurs séries d'expériences dont les résultats assez variés 
s'enchainent d’une manière instructive. 


ACTIVITÉ ET NOCIVITÉ DU /èhizoctonia mucoroides POUR LES 
CATTLÉYÉÉS. 


En avril 1905 j'ai inoculé des semis de Lælio-Brassavola, 
faits depuis un mois sur gélose dans les conditions ordinaires, 
avec le Rhizoctonia mucoroïdes de la série P, âgé de deux mois 
et encore bien actif pour les semis de Phalænopsis. J'avais 
 inoculé en même temps des semis témoins avec un mycélium 
de ARhizoctonia repens assez atténué (série C) qui a donné pour- 
tant quelques germinations normales. 

Le premier développement des embryons inoculés avec le 
| Rhizoctonia mucoroïdes s'est fait avec une régularité et une rapi- 
_dité exceptionnelles. Les poils absorbants poussaient d’une façon 
vigoureuse, en touffes nombreuses (fig. 20); en moins d’un mois, 
la plupart des plantules avaient différencié leur bourgeon 
terminal. Au bout de deux mois il n’y avait encore aucune 
mortalité; les plus avancées des plantules déployaient leurs 
feuilles; elles étaient d'apparence normale, bien que leurs tuber- 


12? NOEL BERNARD 


cules embryonnaires fussent sensiblement plus volumineux 
que ceux des plantules témoins les mieux développées (com- 
parer les fig. 11 et 12, PI. IV). Ces premiers résultats étaient 
fort surprenants, car, 
même dans les condi- 
üons normales les 
meilleures, les semis 
de Cattlévées ne dé- 
butent pas mieux. 

Les chosesen étaient 
là quand, au cours du 
troisième mois, une 
crise de mortalité ra- 
pide a commencé à 
sévir sur les semis 
pour les anéantir défi- 
Se nitivement en moins 
Fig. 20. — Lælio-Brassavola. — Protocorme de un de trois semaines. 

mois, obtenu avec le Rhizocltonia mucoroïdes. Les plantulesles moins 


Ce protocorme « en toupie » est orienté de 
telle manière que sa pointe S, où s'insérait le avancées sont mortes 
suspenseur, soit dirigée vers l'observateur. — #, _ : 
touffes de poils infestés plus ou moins précoce- les premieres, puis de 
LU ffes de poils e inde FREE : MS 
men touffes de poils encore indemnes; jour en jour lesautres, 


i, région infestée du protocorme, vue par transpa- 
rence. tout aussi subitement. 
A la fin du mois il 
ne restait, sur plusieurs centaines de plantules, qu'une 
seule survivante, évidemment prête à mourir quand je l'ai 
récoltée pour en faire l'étude. S'il ne s'était pas agi de cul- 
tures pures, ou si le phénomène avait été observé dans un seul 
de mes tubes et non dans tous à la fois, on aurait pu croire à 
la destruction des plantules par une maladie épidémique acci- 
dentelle sévissant sur un semis jusque-là normal et prospère. 
En réalité la crise finale de mortalité tout autant que l’exu- 
bérance exceptionnelle de la végétation à ses débuts révélaient 
ici la désharmonie d’une association incapable de stabilité dans 
les conditions où jecherchais à la réaliser. Il est intéressant, pour 
découvrir les raisons de cette désharmonie, de comparer plus 
précisément l’évolution de la symbiose normale à celle de cette 
association instable. | 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 193 


Dans la symbiose normale avec le ÆRaizoctonia repens la pro- 
gression de l’endophyte se règle pour ainsi dire sur le dévelop- 
pement des plantules. Tout d'abord la zone infestée s'étend en 
restant à chaque moment localisée en arrière de la région où 
poussent les jeunes poils absorbants, ces poils restentindemnes 
| tant que dure leur croissance {fig. 9, C, page 52) et le mycélium 
! qui s'étend dans la plantule les infeste seulement d’une manière 
tardive (fig, 9, D). Dès les premières semaines il y a digestion 
de quelques pelotons intracellulaires, mais cette phagocytose 
estinsuffisante pour enrayer l'infestation. Le tuberculeembryon- 
naire renferme jusqu'à son achèvement du mycélium vivant, 
formant sans cesse de nouveaux pelotons, si bien qu’en défini- 
tive la zone infestée s'étend dans toute la partie inférieure de 
| ce tubercule discoïde (fig. 11, PI. IV). 
Dans l'association avec le Rhizoctonia mucoroïdes les phéno- 
mènes sont tout autres. Au début la progression de l’endophyte 
| est anormalement rapide, les jeunes poils absorbants sont pré- 
| cocément atteints par du mycélium provenant de lazone infestée, 
qui les envahit et souvent arrête leur croissance (fig. 20). Après 
cette période d'invasion trop rapide, il se produit dansle coursdu 
second mois une réaction phagocytaire brutale : tousles pelotons 
sont digérés, l’infestation cesse de s'étendre et elle reste en défi- 
nitive limitée à une région relativement restreinte du tubercule 
embryonnaire (fig. 12, PI. IV). Les plantules ne renferment 
donc plus de mycélium vivant dans les dernières semaines de 
leur vie ; elles ne se développent alors, pour ainsi dire, que par 
| vitesse acquise; cependant durant cette période de vie auto- 
| nome elles peuvent encore déployer leurs feuilles et différencier 
de nouvelles touffes de poils absorbants au pourtour de leur 
| protocorme. 
| Ce qui arrive ensuite peut être assez exactement comparé à 
ce qui se passait pour les plantules de PBletilla dans les semis 
inoculés avec le Rhizoctonia mucoroïdes : le mycélium extérieur 
aux plantules s'attaque à leurs jeunes poils absorbants dont il 
| pénètre la base (fig. 12, pl. IV), mais il rencontre là une résis- 
| Lance assez longue à vaincre. En définitive, il arrive pourtant à 
forcer le passage, comme je l'ai vu clairement sur les coupes 
de la dernière plantule prête à mourir que j'avais récoltée dans 


19 


19 


400 NOEL BERNARD 


mes semis (fig. 13, pl. IV). La mort des plantules était mani- 
festement due à l’infestation secondaire qui se faisait par cette 
voie. En effet, dès qu'une plantule commençait à brunir, on 
la trouvait envahie dans presque toute sa masse par des fila- 
ments mycéliens qui ne pouvaient pas provenir de la première 
région infestée où la phagocytose avait depuis longtemps 
achevé son œuvre. Ces filaments ne formaient plus alors de 
pelotons, ils cheminaient en tous sens, soit entre les cellules, 
soit au travers d'elles, et ces cellules ne réagissaient nullement. 
Au bout de quelque temps, les plantes mortes, qui avaient 
conservé leur forme extérieure, s’écrasaient entre lame et 
lamelle comme du savon noir, tout leur squelette interne de 
cloisons cellulosiques ayant été digéré. 

Il peut paraître surprenant que les plantules, après avoir 
résisté à un premier envahissement du champignon, suc- 
combent si facilement à une récidive de l’infestation; cela peut 
être simplement une conséquence du vieillissement des plan- 
tules. J’ai constaté, en effet, que des sphérules de ZLælo- 
Brassavola, gardées en culture pure pendant la durée de l’expé- 
rience précédente et âgées par conséquent de quatre mois, 
succombaient immédiatement à l’inoculation par le R/aizoctonia 
mucoroides, sans présenter de résistance notable à l’infestation 


primaire que les sphérules plus jeunes avaient supportée aisé-. 


ment. Il semble donc que la vie autonome, de même qu'elle 
produit pour les champignons une atténuation d'activité, en- 
traîne pour les jeunes Orchidées une diminution de résistance. 
Les jeunes embryons qui résistent à une première infestation 
du Ælizoctonia mucoroïdes, ne le font qu’en revenant à la vie 
autonome, puisqu'ils digèrent complètement les filaments dont 
ils ont été pénétrés. Ce retour à la vie autonome peut suffire 
à affaiblir les plantules au point de les rendre incapables de 
résister à la nouvelle infestation qui les menace. 

On comprend mieux, d’après cela, que la symbiose soit une 
condition exceptionnelle dont la réalisation exige un équilibre 
parfait entre les moyens d'attaque ou de défense des champi- 
gnons et des plantules. 


a — 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 125 


POSSIBILITÉ D'UNE ASSOCIATION DURABLE. 


Les constatations que Je viens de faire laissent malgré tout 
l'impression qu'une symbiose prolongée entre le Rhizoctonia 
mucoroïdes et les Cattléyées ne doit pas être impossible. Sans 
doute le champignon offert aux graines dans le cas précédent 
avait une activité trop considérable et la réaction brutale des 
plantules était la raison initiale de désharmonie qui entrainait 
l'insuccès définitif. Mais d'une part l’activité du champignon 
est susceptible de varier et, d'autre part, on peut imposer aux 
plantules des conditions de vie qui s'opposent dès l’abord à un 
développement trop exubérant. On peut donc avoir l'espoir de 
réaliser l'expérience dans des conditions meilleures. J'y suis 
parvenu dans une certaine mesure en laissant mes cultures de 
Rhizoctonia mucoroïdes s'atténuer et en me guidant pour le choix 
des conditions de culture sur les résultats d’une expérience con- 
temporaine de la précédente, dont il faut d'abord dire quelques 
mots. 

J'ai noté autrefois que la culture des Cattlévées avec le 
Rhizoctonia repens réussit habituellement assez mal si l’on fait 
les semis sur du coton humide. Ces plantes épiphytes préfèrent 
normalement dès le jeune âge la culture sur des milieux solides 
comme la gélose; il en est de même pour les Odontoglossum dans 
les conditions de leur symbiose normale. Au contraire, la cul- 
ture sur coton convient mieux aux Cypripedium, Bletilla ou 
Phalænopsis. En mettant en train les expériences d'avril 1905 
dont je viens de parler, j'avais fait quelques semis de Lælio- 
Brassavola sur des plaques de coton, dans des conditions par 
ailleurs identiques à celles réalisées pour les semis sur gélose. 
Ceux de ces semis sur coton qui avaient été inoculés avec le 
Rhizoctonia repens atténué (série C) n’ont pas fourni une 
seule plantule bien développée, mais seulement de très petits 
tubercules embryonnaires qui mouraient après être restés 
trois ou quatre mois dans un état stationnaire. Les semis 
inoculés avec le ARhizoctonia mucoroïdes (série P), comparés aux 
semis contemporains sur gélose, ont progressé moins vite mais 
résisté plus longtemps. Les plantules les plus avancées n’ont 


126 NOEL BERNARD 


commencé à déployer leurs feuilles qu'après trois mois et demi 
de culture et à ce moment il n°y avait encore aucun décès parmi 
elles. Un peu plus tard la crise de mortalité a commencé à se pro- 
duire, comme dans les semis sur gélose, mais les dernières plan- 
tules n’ont succombhé qu'au septième mois et elles avaient alors 
cinq ou six feuilles déployées et deux ou trois racines. La mort 
de ces plantules si remarquablement développées est d’ailleurs 
encore survenue inopinément, en quelques jours, sans que rien 
l'ait fait prévoir, si ce n’est la constatation des décès précédents. 

Instruit par ces résultats, j'ai fait de nouveaux semis avec ce 
qui me restait de graines de Lælio-Brassavola en octobre 1905 ; j'ai 
choisi le coton comme substratum de culture, et je me suis servi 
du mycélium P de Rizoctonia mucoroïdes qui devait s’être atté- 
nué dans une certaine mesure. Une centaine de graines, laissées 
un mois en semis pur, avaient formé des sphérules ; leur germi- 
nation après l'introduction du champignon a été assez irrégulière 
et un peu plus lente que dans mes premières expériences; les 
tubercules embryonnaires n’ont pris qu'un développement nor- 
mal, mais il n'y a pas eu de mortalité précoce. Trois mois après 
linoculation j'ai eu soin de séparer les plantules les plus avancées 
el de les transporter isolément dans des tubes de culture récem- 
ment préparés. Ce « repiquage » a été funeste à quelques plan- 
tules, comme cela arrive toujours, mais la plupart ont bien 
résisté et il n'y à eu ensuite aucun décès parmi elles. 

Quand j'ai arrêté l'expérience, en octobre 1906, il me restait 
vingt-quatre de ces plantules, en parfait état, ayant de cinq à 
dix feuilles et de une à quatre racines; elles se développaient 
depuis onze mois en association avec le Rhizoctonia mucoroïdes. 
J'ai représenté dans la figure 21 une des plantules moyennement 
développées de ce lot. Elle ne présentait pas plus que ses congé- 
nères d'anomalies apparentes. 

J'ignore sices plantules déjà fort avancées auraient pu parvenir 
à l'état adulte, mais un élevage beaucoup plus prolongé n’était 
pas possible dans mes tubes de culture. En juillet 1905, j'avais 
envoyé à un amateur d'Orchidées une culture du ÆRizoctonia 
mucoroïdes P, pour inoculer un semis de Cattlévées en serre. Le 
semis à été fait dans une terrine propre, sur de la sciure de bois 
fraîche où du mycélium avait été disséminé en divers endroits. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 127 


Les lettres successives de mon correspondant m'ont bien apporté 
les nouvelles que je pouvais attendre : magnifique levée du semis 
tout d’abord et crise intense de mortalité un peu plus tard. 
Quelques plantules situées sur 
le bord de la terrine, dans la 
région la plus humide, ont 
cependant survécu et ont pu 
être élevées jusqu’à ce jour ; 
| on peut craindre en vérité 
qu'elles n’aient changé de 
|commensal. 

| Quoi qu'il en soit, la possi- 
bilité d'une symbiose assez 
prolongée entre les Cattlévées 
Let le Rhizoctonia mucoroides 
reste surprenante. Elle sug- 
gère que, das la nat ure, des 
Orchidées pourratent s’asso- 
'cier à un champignon diffé- 
rent de leur hôte habituel en 
changeant de station. Mais 5 
si cette éventualité parait Fig. A. — Lælio-Brassavola. —  Plantule 
ainsi possible d'un point de der a nes St 
vue théorique, mes recher- 

ches n’en ont pas fourni d'évidence directe. Dans tous les cas, 
en effet, où j'ai cultivé les endophytes de diverses Orchidées 
| d'une même espèce ou d’un même genre, J'ai toujours obtenu le 
| même Rhizoctone (1). Si la règle est générale, 1l faudra croire 
| que les associations anormales sont vouées dans la nature à 
l'instabilité et que, tôt ou tard, les plantes vivant avec un 
| commensal inaccoutumé doivent en changer ou périr. 


(1) En général mème, autant que je sache, les Orchidées d'un même groupe 
| naturel hébergent la même espèce de champignon. En se reportant au chapitre | 
on verra cependant une exception, celle d'un Ærides qui hébergeait le Rhizoc- 
| tonia repens et différait en cela de Sarcanthinées voisines, les Phalænopsis ou 
Vanda, dont les racines m'ont toujours fourni le Rhizoctonia mucoroïdes. 


128 NOEL BERNARD 


SIMILITUDE DE PROPRIÉTÉS DU /?hizoctonia mucoroïdes 
ET DU Ahuzoclonia repens. 


En avril 1906, c'est-à-dire un an après mes premières expé- 
riences, J'ai fait de nouvelles cultures comparatives de Lælia 
sur coton ou sur gélose, el avec le ÆRhizoctonia repens ou le 
Rhizoctonia mucoroïdes. Mes vieilles cultures de Rhizoctonia 
repens élant devenues tout à fait inactives, j'ai employé un 
mycélium récemment isolé (série C’) et très actif. Pour les ino- 
culations avec le Rhizoctonia mucoroïdes je me suis encore servi 
du mycélium P, devenu incapable de faire germer les PAalæ- 
nopsis et assurément atténué d’une manière notable. 

Par cet emploi de cultures actives de ÆRhizoctonia repens et 
de cultures atténuées de Ruzoctonia mucoroïdes, je me trouvais 
dans des conditions inverses de celles qui avaient été réalisées 
pour mes premières expériences. J'ai eu aussi des résultats pré- 
cisément inverses, car cette fois les cultures avec le Rhizoctoniu 
repens ont beaucoup mieux réussi que les cultures avec le Rhi- 
zoctonia mucoroïdes. C'est ce qu'on voit par la statislique suivante 
qui résume les résultats obtenus pour chaque semis six mois 
après l’inoculation. 


PLANTULES | PLANTULES | PLANTULES 


ayant une à sans 
ou plusieurs | feuilles dé- feuilles dé- 
racines. ployées. ployées. 

| 
Semis sur gélose. 8 46 56 

Rhizoctonia repens dont 6 mortes. 
(série C). Semis sur coton. 0 59 67 

dont 10 mortes. 
/ Semis sur gélose. 0 13 129 

Rhizoctonia mucoroïides\ dont 48 mortes. 
(série P). ) Semis sur coton. 0 2 116 

dont 73 mortes. 


Dans cette série d'expériences les plantules obtenues avec le 
Hihizoctonia repens, comparées à celles que donnait le Rhizoc- 
tonia mucoroïdes, élaient non seulement plus nombreuses, mais 
encore plus vigoureuses et à tubercules embryonnaires plus 
volumineux. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 129 


L'ensemble des expériences montre clairement en définitive 
que le degré d'activité des champignons est plus important pour 
les résultats que la nature même de ces champignons. Le Æhizoc- 

tonia mucoroïdes est susceptible d'acquérir un degré d'activité 
très élevé, dont je n'ai jamais vu que le Rhizoctonia repens soit 
capable; sous cette forme très active, comme on l’a vu par les 
premières expériences, 1} ne peut pas contracter d'association 
stable avec les Cattlévées; mais à un état plus atténué il peut 
vivre en symbiose prolongée avec elles, presque autant que le 
| Rhizoctonia repens à son état le plus actif. Un degré d'atténuation 
de plus le rend enfin presque incapable de produire le développe- 
ment. Un an après l'expérience précédente, quand j'ai essayé 
encore d'inoculer des Cattléyées avec le mycélium P, je n'ai 
observé aucun développement notable des graines; comme je 
J'ai dit au paragraphe 2, ce mycélium inactif de Rhizoctonia mu- 
| coroïdes se comportait essentiellement de la même manière que 
le mycélium inactif de Ahizoctonia repens. 

En somme, les propriétés physiologiques des deux espèces de 
champignons ne paraissent pas profondément différentes, malgré 
les différences bien accusées de leurs caractères morphologiques. 
| Cela rend assurément vraisemblable que le Rhizoctonia muco- 
 roïdes soit une espèce dérivée du Æhizoctonia repens, adaptée à 
acquérir le haut degré d'activité que des Orchidées très évoluées 
| peuvent seules tolérer chez leurs commensaux. 


| 
|: IMPORTANCE DU MILIEU DE CULTURE. 

| La comparaison des résultats oblenus dans la série des 
‘expériences précédentes, suivant que les semis étaient faits sur 
Lélose ou sur coton, prête aussi à des remarques d'un intérêt 
général. 

| Comme on le voit par la statistique qui vient d’être donnée, 
ile mycélium atténué du Rhizoctonia mucoroïdes produit une 
germination peu salisfaisante des graines semées sur coton; 1l 


| 
Il 


Len est communément de même avec les cultures pas très actives 
du Rhizoctonia repens. Au contraire, ces cultures relativement 
latténuées de l'un ou l’autre Rhizoctone donnent de meilleurs 
trésultats pour les semis faits sur gélose. Avec des champignons 
| ANN. SC. NAT. BOT., 9e série, IX 9 


130 NOEL BERNARD 


d'une plus grande activité les cultures sur coton deviennent pos- 
sibles etenfin quand le /?/izoclonia mucoroides atteint un haut 
degré d'activité, les graines semées sur gélose ne le supportent 
plus, tandis que celles semées sur coton résistent davantage. 

Ainsi, le mode de vie que les plantules peuventaccepter dépend 
du degré d'activité de leurs champignons commensaux : avec 
des champignons d'activité faible elles se développent sur un 
milieu solide comme la gélose et ne se développeraient pas sur le 
coton; avec des champignons de très grande activité la culture 
sur gélose devient impossible alors que la culture sur du coton 
humide peut encore réussir. 

La vie sur gélose ou la vie sur coton sont deux modes bien 
définis d'existence, et, dans mes expériences, les jeunes Orchi- 
dées d’une même espèce préféraient toujours manifestement 
l'un à l’autre. Dans la nature on voit aussi que chaque Orchi- 
dée adopte un habitat particulier. Les conditions naturelles de 
la vie épiphyte, de la vie terrestre ou de la vie dans l'humus ne 
sont pas exactement équivalentes aux conditions réalisées dans 
mes tubes de culture, n1 définies d’ailleurs avec autant de pré- 
cision, mais ces modes de vie ne sont sans doute pas beaucoup 
plus profondément différents les uns des autres que ne sont la 
vie sur gélose ou la vie sur coton. 

Il est particulièrement suggestif que, dans mes cultures, une 
simple variation d'activité des champignons ait pu entrainer 
l'adaptation à l'un ou l’autre de deux modes de vie bien carac- 
térisés. Si les variations d'activité des champignons endophytes 
ont bien eu, comme je crois, une importance essentielle pour 
l'évolution des Orchidées, on peut penser que l'adaptation de 
ces plantes à des conditions variées d'existence a été aussi une 
conséquence de l’action de leurs commensaux. On est ainsi 
ramené par une voie nouvelle aux réflexions que j'ai faites, à la 
lin du chapitre I, sur les rapports des modes de vie avec 
l'évolution. 


AUTRES ASSOCIATIONS INSTABLES. 


Les divers {ypes d'associations possibles entre le Æhizoctonia 
mucoroïdes el les Cattléyées doivent se rencontrer dans d’autres 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 151 


cas, si J'en juge par les quelques expériences dont j'indique 
ici brièvement les résultats. 

1°. — Odontoglossum et Rluzoctonia mucoroïdes. — En 
août 1905, j'ai inoculé des semis d'Odontoglossum, sur gélose 
ou sur coton, avec le mycélium P du /hizoctonit mucoroïdes, 
très actif à ce moment pour les Cattlévées. IT y à eu infestation 
immédiate des embryons par le suspenseur, formation de 
tubercules embryonnaires plus ou moins développés, puis 
phagocytose complète du mycélium et enfin mort subite par 
infestation secondaire. Les plantules élevées sur coton résis- 
taient plus longtemps que celles cultivées sur gélose:; la plus 
âgée de celles que j'ai pu obtenir est morte seulement après 
quatre mois de culture. Les embryons d'Odontoglossum réagis- 
saient, en somme, moins vigoureusement que les embryons de 
Cattlévées à lPaction du Æhizoctonia mucoroïdes, mais il n°v 
avait pas de différences essentielles entre les deux cas. 

2°, — Cattléyées et Ælazoctonia lanuqginosa. — Je n'ai pas 
obtenu de développement considérable de Cattlévées avec le 
Rhizoctonia lanuginosa, mais cela ne serait sans doute pas 
impossible dans des conditions favorables, car l'infestation 
des embryons se produit très vite et peut entrainer au début 
une réaction manifeste. Dans des semis de Lælio-Brassavola 
inoculés en mai 1905 avec le mycélium O0, les embryons don- 
naient dèsles premières semaines de petits tubercules embrvon- 
naires sans bourgeon terminal; mais le développement s'arrè- 
tait là après phagocytose complète du mycélium envahisseur. 
Ce mycélium de Æhizoctonia lanuginosa avait donc une activité 
assez faible, mais il se montrait très faiblement nocif. Dans 
des semis de quatre mois les plantules restaient bien vivantes 
et leurs poils absorbants n'étaient pas attaqués. 

On remarquera que les expériences faites avec les Cattlévées, 
comme celles faites avec le Bletilla hyacinthina, révèlent une 
différence de propriélés entre le Ælizoctonix lanuginosa el le 
Bluizoctonma mucoroïdes, celte seconde espèce seule attaquant 
rapidement les poils absorbants qui n’exercent pas d'attraction 
sur le mycélium de la première. 

3. — Phalænopsis et Rlizoctonia lanuginosa. — En 
mars 1905, j'ai imoculé un semis de Phalænopsis, où les graines 


132 NOEL BERNARD 


étaient semées depuis un mois et avaient verdi, avec le mycé- 
lium O de Rhizoctonia lanuginosa. Les embryons ont été infestés 
de suite; dès les premiers jours ils ont manifestement grossi, 
et produit leurs deux sortes de poils protecteurs et absorbants. 
Ce premier développement normal des embryons était sensi- 
blement plus rapide que dans un semis témoin inoculé avec 
le Æhizoctonia mucoroïdes. Manifestement donc le Æ/izoctonia 
lanuginosa avait une activité très grande pour les embryons 
de Phalænopsis, mais son action a été de très courte durée. 
Après environ deux semaines les plantules sont restées station- 
naires, tous les pelotons situés à la partie antérieure de la région 
infestée ayant été dès ce moment digérés (fig. 23, page 150). 
Ces plantules ont ensuite résisté longtemps : après quatre mois 
la plupart d’entre elles étaient encore vivantes, quelques-unes 
seulement ayant succombé à une inféstation secondaire. 

Comme on le verra bientôt, les Vanda réagissent plus vive- 
ment encore que les Phalænopsis à l’infestation par le Rhizoc- 
lonia lanuginosa. 


S 4. — Anomalies du développement dans 
les associations anormales. 


Dans les divers cas qu'on vient d'étudier, des infestations 
anormales entrainaient un développement rapide mais régulier 
des embryons; l'instabilité de l'association se manifestait soit 
par une exubérance exceptionnelle de la végétation à son 
début, soit par la mort prématurée des plantules. Les cas que 
Jexaminerai maintenant ne sont pas très profondément diffé- 
rents, mais ils ont présenté ceci de particulier que la déshar- 
monie de l’association se traduisait par l'apparition dans les 
senus de plantules anormales, en proportion plus ou moins 
grande. J'ai observé ces sortes de mutations chez un C'ymbi- 
d'ium el chez un Vanda. 


Cymbidium. 


En août 1905, j'ai semé des graines de Cymbidium sur de la 
moelle de sureau, imbibée avec la décoction de salep habituelle, 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 153 


etJj'ai inoculé comparativement ces semis avec le mycélium K 
de Rhizoctonia repens, récemment isolé des racines d’un C'ym- 
bidium, où avec le mycélium P de Æhizoctonia mucoroïdes. 

Bien que le mycélium K füt assez actif pour les Cattlévées, il 
m'a donné pour la germination de Cymbidium des résultats 
assez médiocres, suffisants cependant pour faire connaître les 
phénomènes du développement que j'ai décrits au chapitre I. 

Au contraire, l’inoculation par le /?kizoctonia mucoroïdes à 
donné de bons résultats. Les embryons se sont développés assez 
régulièrement et, au bout de quatre mois, les plantules les plus 
avancées avaient déployé une ou plusieurs feuilles. À ce moment 
J'ai interrompu l'expérience sans me douter, à vrai dire, de 
l'intérêt de son résultat; plus tard seulement, en examinant 
les plantules que j'avais conservées, j'ai eu la surprise de 
constater chez l'une d’entre elles un mode de développement 
exceptionnel. 

Cette plantule a été représentée dans la figure 22. Elle était 
infestée dans sa région inférieure cou- 
verte de poils par du mycélium en 
partie digéré. Elle se singularise surtout 
par le développement précoce, accom- 
pagné de tubérisation, d’un bourgeon 
situé à l’aisselle de la première écaille du 
protocorme; mais elle montre aussi un 
début de développement du bourgeon 
axillaire de la seconde écaille. Elle pa- te 

: : DS : Fig. 22. — Cymbidium. — 
raissailt ainsi en voie de donner une  Plantule anormale de 
plantule à Lois branches dontiune :au. {0207 tenue ares 
moins lubérisée. Sur trente-deux plan- des. 
tules que J'avais conservées, une seule 
présentait cette anomalie ; les autres, plus où moins dé- 
veloppés, étaient comparables à celles obtenues, beaucoup 
plus lentement, avec le Ahizoctonia repens (Mig. 10, p. 55); elles 
avaient cependant en général des protocormes plus élargis 
et plus courts. 

Les plantules de Cymbidium sont done capables, au moins 
dans ce cas d'association anormale, d’avoir plus d’un mode de 
développement. Il est particulièrement intéressant de remarquer 


T mr/1, 


134 NOEL BERNARD 


que la ramification précoce des plantules, assurément exception- 
nelle ici, estun caractère habituel dans le développement des 
Eulophidium où des ÆEpipogon, comme je lai rappelé au 
chapitre IL I s'agit donc là d’un phénomène qu'on doit consi- 
dérer comme anormal chez les Cymbidium à cause de sa rareté, 
mais qui à pu devenir régulier et ordinaire dans d’autres cas. 
L'apparition facultative de protocormes ramifiés chez un 
Cymhidium cultivé avec un champignon très actif pour 
Jui, suggère que la ramification précoce du protocorme, 
chez les Orchidées où elle est normale, à pu être la consé- 
quence d'un accroissement de l’activité des commensaux habi- 
tuels. 

De même que le polymorphisme des plantules de Pletilla à 
fourni une indication précieuse pour comprendre l'apparition 
du protocorme chez les Orchidées en général, de même, une 
étude plus attentive du cas des Cymbidiuun pourrait sans 
doute servir à expliquer l'apparition de formes juvéniles 
coralloïdes chez diverses plantes de la famille. On va voir, 
d’ailleurs, que les plantules de Vanda peuvent présenter des 
anomalies assez analogues à celle que je viens de décrire. 


Vanda (Planche IV). 


Mes premiers semis de Vanda tricolor ont été faits en avril 
1905, soit sur coton, soit sur moelle de sureau, avec une décoc- 
üon de salep à la concentration 3. J'ai inoculé comparati- 
vement ces semis avec le mycélium P de Æhizoctonia mucoroïdes 
ou le mycélium O de /èhizoctonia lanuginosa. 

La nature du milieu de culture à eu une importance assez 
grande. Avec le Æ/izoctonia mucoroïides les semis sur coton ne 
réussissaient pas, les semis sur moelle de sureau ont, au 
contraire, fourni quelques plantules (fig. { et 2, PL IV), dont 
le mode de développement était normal, comparable à celui 
des Phalienopsis el concordant aussi avec celui qu'a décrit 
Raciborski }42}. Avec le Ahizoctonia lanuginosa, les cultures sur 
moelle de sureau n'ont jamais donné de bons résultats, mais 
les semis sur colon ont mieux réussi. Dans ce cas donc, comme 
dans celui des Caltlévées, l'adaptation à un hôte inaccoutumé 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 139 


ne paraissait possible qu'au prix de conditions particulières de 
culture. 

Dans les semis sur coton inoculés avec le /?hizoctonia lanuqi- 
nosa, beaucoup d’embryons se développaient rapidement au 
début, mais la plupart arrivaient bientôt à un état stationnaire 
et mouraient dans la suite sans lavoir dépassé. Plusieurs 
centaines de graines que J'avais semées m'ont en définitive 
fourni, au bout de cinq mois, seulement six plantules avant un 
développement notable. Quatre de ces plantules étaient nor- 
males, à un état voisin de celui représenté par la figure 1 
(PI. IV). Une cinquième plantule avait un protocorme formé 
d'une fascie de trois branches et était du même type que 
celle représentée dans la figure 4 (PI IV). 

La sixième plantule, plus développée que les précédentes, à 
été transportée dans un nouveau tube de culture et gardée deux 
mois de plus; elle a continué à se développer, mais en s’entou- 
rant d’un duvet assez épais de mycélium et en prenant une 
couleur jaunâtre, st bien qu'elle paraissait moribonde quand je 
l'ai récoltée. Le protocorme de cette plantule s'était accru beau- 
coup plus qu'à l'ordinaire, et pendantlongtemps iln'était apparu 
aucune feuille ; 1l existait cependant trois bourgeons, profon- 
dément inclus dans la partie antérieure tubérisée du protocorme, 
dont les parties supérieures du limbe de deux feuilles ont fini 
par émerger (fig. 7). Il s'agissait donc encore d'une plantule 
fasciée, sans doute même assez précocement, mais chez laquelle 
une {ubérisation anormalement prolongée empêchait de recon- 
naître au premier abord la nature de lanomalie, les trois 
branches et leurs bourgeons étant pour ainsi dire englobés dans 
une gangue commune. 


La production de ces plantules anormaies m'a engagé à faire de 
nouveaux semis en novembre 1905, toujours sur coton, avec les 
mêmes graines etle même mycélium. J'avais préparé alors une 
dizaine de tubes de culture et dans la plupart il n° a eu encore 
qu'un développement insignifiant des embryons. Dans un seul 
de ces tubes (1), lagermination à été plus salisfaisante et jy ai 


(1) La plaque de coton de ce tube trempait relativement peu dans le liquide 
nutrilif et elle s’est trouvée un peu desséchée vers le cinquième mois. Cela 


136 NOEL BERNARD 


compté, au bout de six mois, quarante-quatre plantules survi- 
vantes, dont la culture a été poursuivie plus ou moins longtemps, 
aprèstransport dans de nouveaux tubes. 

Deux de ces plantules étaient bifides (fig. 3et9),troisautrestri- 
furquées (fig. 4); la plus intéressante enfin, que j'ai dessinée 
quand elle atteignait l'âge de onze mois, avait un protocorme 
formé d'une fascie de neuf branches (fig. 5 et 6). Les autres 
plantules avaient un protocorme simple, mais souvent plus ou 
moins tordu (fig. 8). Toutes ces plantules étaient encore en 
excellent état quand je les ai dessinées; un praticien habile 
auquel J'ai envoyé les plus remarquables n'a pas réussi à les 
élever, mais a attribué son échec à une négligence. 

J'ai fait des coupes dans plusieurs des plantules normales 
ou anormales obtenues dans cette expérience, afin de reconnaitre 
le mode d'infestation. Il y avait toujours à la pointe du proto- 
corme une région infestée relativement peu étendue, où le my- 
célium était complètement digéré (fig. 9). Dans ce cas, comme 
dans celui des Cattlévées inoculées avec le mycélium actif de 
Bizoctonia mucoroïdes, s'était produit une infestation primaire 
d'un mode normal, mais bientôt enravée. Le premier déve- 
loppement des embryons avait été la conséquence de cette imfes- 
tation primaire el sans doute aussi les anomalies lui étaient 
dues. Je n'ai pas pu reconnaitre de très bonne heure les pro- 
tocormes fasciés par l'examen des cultures à la loupe, mais, 
selon toute apparence, ils devaient présenter très précocément 
plusieurs îlots méristématiques distincts. L’individualisation des 
branches, qui rend seule l’anomalie bien évidente, se produi- 
sait plus tard, mais, cependant, encore d’une manière assez 
précoce (fig. 9). 

Après leur première infestation, les plantules ont eu une 
longue période d'immunité, etune circonstance instructive m'a 
permis de constater leur grande résistance vis-à-vis du mycélium 
qui les entourait. Au sixième mois de la culture j'avais trans- 


peut expliquer la meilleure réussite du semis, car on verra au chapitre VI que 
la dessiccalion des milieux de culture peut avoir un effet utile pour le dévelop- 
pement des Orchidées. Les anomalies des plantules n'étaient cependant pas 
dues à cette dessiccation partielle et tardive; elles avaient été acquises plus 
précocément, et d’ailleurs je les avais déjà observées dans les semis précédents 
qui n'avaient pas été exposés à la mème circonstance accidentelle. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 101 


porté dix-sept plantules, une à une, dans des tubes fraichement 
préparés ; toutes les plantules ont survécu, mais dans aucun des 
dix-sept tubes nouveaux il ne s’est développé de champignon. 
J'avais pris cependant les plantules, sans précautions spéciales, 
sur le tapis de Rhizoctonia lanuginosa où elles vivaient ; elles 
s’en détachaient aisément et pouvaient être isolées très pro- 
prement sur la petite pelle de platine flambée qui me servait 
pour ce genre d'opérations. Il est très remarquable qu'il n’y ait 
pas eu dans ces conditions de mycélium vivant entrainé par les 
plantules : dans tous les autres cas où j'ai fait des transports ana- 
logues de jeunes Orchidées, il y avait toujours assez de mycé- 
lium entrainé par les plantules pour contaminer les tubes stériles 
où je les mettais. Il faut donc croire que ces plantules de Vanda 
non seulement ne renfermaient plus de mycélium vivant interne, 
mais encore ne retenaient aucun filament mycélien, adhérent à 
leur surface ou à leurs poils absorbants, malgré six mois de 
séjour sur un milieu où le champignon était abondamment 
développé. 

Cette circonstance remarquable deviendra moins étonnante 
si l’on se rappelle que le Æhizoctonia lanuginosa n'attaquait pas 
non plus les poils absorbants des plantules de Bletilla où de 
Cattléyées cultivées à son contact. Cette sorte d’inaptitude à 
produire des infestations secondaires par les poils est en défini- 
tive un caractère constant de ce Rhizoctone, qui le différencie 
du ARhizoctonia mucoroïdes. 

La plupart des plantules que j'avais transportées dans de 
nouveaux ‘tubes ont continué à vivre sans champignons, et se 
sont développées pas trop lentement, d'une manière aussi 
normale que possible, étant donnée leur anomalie initiale. 
Cela à été notamment le cas pour la plantule à neuf branches 
qui, en cinq mois, à déployé ses feuilles et produit de jeunes 
racines. 

Dans ce cas au moins, il suffisait donc d'une sorte d'impul- 
sion donnée aux embryons par l'infestation primitive pour que 
le développement puisse se poursuivre d'une manière auto- 
nome. J'ai déjà dit que les Orchidées adultes dans les serres, 
vivent communément avec des champignons trop peu actifs 
pour produire la germination de leurs graines. Ces deux cons- 


138 NOEL BERNARD 


latalions réunies suggèrent que les Orchidées, à mesure qu'elles 
se développent, ont de moins en moins besoin d’être stimulées 
par leurs champignons. Et cependant l'impulsion initiale que 
la première infestation donne aux embryons est absolument 
nécessaire : aucune graine de Vanda ne germait, en effet, sans 
champignons dans les conditions où j'ai cultivé des plantules 
el, de même, les semis ne réussissent pas dans les serres où les 
Orchidées hébergent des champignons trop atténués. 

Ain de savoir simes plantules de Vandaseraient indéfiniment 
à l'abri d'une infestation secondaire, Jai contaminé un des 
lubes sans champignons où se trouvait une de ces plantules 
avec le mycélium 0 de Rhizoctonia lanuginosa. Au bout de trois 
mois seulement, sans que la plantule paraisse prête à mourir, 
son protocorme à changé de teinte; j'ai constaté alors qu'il 
élait envahi dans presque toute l'étendue de sa région ventrale. 
I y avait donc eu à la longue une infestation secondaire, qui 
d'ailleurs s'élendait dans une région nettement séparée de la 
région infestée primitive par du tissu sain (fig. 10, PL IV). 
Cette infestation secondaire avait pu en vérité être rendue plus 
facile par quelque blessure faite à la plantule quand je l'avais 
lransportée d'un tube dans un autre ; on ne doit pas considérer 
comme certain qu'elle se serait produite sans ce repiquage. 
Quoi qu'il en soit, elle n'avait pas eu d'effet nocif immédiat et 
en ce sens les choses se présentaient tout autrement que dans 
le cas des Catlévées cultivées avec le Æhizortonia mucoroïdes. 
D'ailleurs, pour cette plantule de Vanda, dans l'infestation 
secondaire comme dans linfestation primitive, il ÿ avait eu 
formation normale de pelotons, digérés çà et là. A (ous points 
de vue donc, les plantules de Vanda se montrent capables d'une 
longue résistance au Ahizoctonia lanuginosa. 

Pour la plantule dont je viens de parler, l'infestation secon- 
daire s'était produite d’une facon tardive, et elle n'a pas eu 
d'effet appréciable sur le développement. Il est fort probable 
que, pour la plantule anormalement tubérisée obtenue dans mes 
première expériences et représentée dans la figure 7 (PL. IV), 
une semblable infestation secondaire s'était produite plus tôt et 
avait eu des résultats plus appréciables. Le protocorme de cette 
plantule était en effet infesté dans toute sa région ventrale, 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 139 


jusqu'à la base des bourgeons, comme celui de Ia plantule 
représentée dans la figure 10 (PL IV); selon toute vraisem- 
blance, dans ce cas comme dans tous les autres, linfestation pri- 
mitive avait provoqué le premier développement et la fasciation 
et c’est à l’infestation secondaire qu'était due l'excessive tubé- 
risation du protocorme. 


CHAPITRE V 
IMMUNITÉ, SYMBIOSE, MALADIE 


Je chercherai dans ce chapitre à me placer au point de vue 
le plus large de la pathologie pour comprendre comment 
s'établissent ou se règlent en général les rapports entre Orchi- 
dées et Rhizoctones. Ces rapports sont divers, comme on vient 
de Le voir, mais il n'ya pas lieu de séparer absolument les cas 
d'immunité, de sv mbiose où de maladie : ces cas s’enchainent 
el c’est de comparaison qui permet au mieux l'analyse des 
moyens d'attaque des champignons ou des moyens de défense 
des plantules. Afin de sérier les questions, je m'’attacherai à 
suivre le sort des champignons dans la vie commune, en notant 
les circonstances successives qui favorisent où contrarient 
d’abord leur pénétration et ensuite leur développement dans 
les plantules. | 


$ 1. — Pénétration des champignons. 


La pénétration deRhizoctonesdansuneOrchidéese faittouJours 
par certaines cellules superficielles, localisées dans un nombre 
restreint de régions de passage. Ces cellules ne sont d'ailleurs 
vulnérables que pendant un certain temps, et il se crée sans 
cesse de nouvelles régions de passage à mesure que le dévelop- 
pement de la plante se poursuit. Chez les Orchidées que J'ai 
étudiées, la première région de passage est constituée par les 
cellules du suspenseur voisines de son point d'attache (Cattléyées, 
Cymbidium, Odontoglossum) où par les cellules du pèle de 
l'embryon où le suspenseur s'attachait (Blelilla, Phalænopsis, 
Vanda). La base des poils absorbant, des plantules, peut avoir 


140 NOEL BERNARD 


dans la suite un rôle analogue. Plus tard enfin la pénétration 
ne peut plus se faire que par les racines, où plus exactement 
par une certaine partie de chaque racine, située un peu en 
arrière de la région de grande croissance. 

Ces régions de passage, au moins celles des deux premières 
catégories que j'étudierai spécialement, ont un double privilège : 
elles peuvent d’une part attirer les champignons et, d'autre part, 
elles n’opposent qu'une faible résistance à leur pénétration. 

L'altraction des champignons par le suspenseur des em- 
bryons où par les poils absorbants des plantules est évidente 
dans les cas où du mycélium vient s'appliquer exclusivement 
contre ces régions, sans d’ailleurs arriver de suite à fran- 
chir le passage. Le suspenseur des Odontoglossum, comme 
je lai dit précédemment, peut ainsi attirer du mycélium 
alténué de ÆRhizoctonia repens sans en être immédiatement 
pénétré; de même le Æhizoctonia mucoroides est attiré par la 
base des poils absorbants du Pletilla hyacinthina ou des 
Cattlévées bien avant le moment où il pourra infester les 
plantules (fig. 12, PL IV). Il est infiniment probable qu'une 
attraction semblable doit aussi s'exercer dans le cas où la péné- 
tration du mycélium par les régions de passage se fait plus 
rapidement. Cependant, cette attraction ne doit se faire sentir 
qu'à une faible distance. Lorsqu'on suit en effet le développe- 
ment d'un mycélium sur une surface de gélose où sont semées 
depuis quelque temps les graines que ce mycélium doit infester, 
aucune orientation nette des filaments n'indique une attrac- 
Uon à grande distance ; les filaments seuls qui arrivent d’eux- 
mêmes presque au contact des graines doivent être attirés; 
mais comme les Rhizoctones forment à la surface des milieux 
nutritifs un voile presque continu, le rapprochement nécessaire 
pour que lattraction s'exerce se produit toujours assez rapi- 
dement. 

Il est intéressant de remarquer que les régions de passage 
sont précisément les régions superficielles les plus perméables, 
ayant le rôle essentiel pour l'absorption ou plus généralement 
pour les échanges d'eau et de substances dissoutes entre la 
plante et le milieu extérieur. Treub [50] à montré que le 
suspenseur des embryons d'Orchidées sert à l'absorption des 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 141 


aliments pendant le développement intraséminal, et il en est 
sans doute ainsi encore pendant les premiers temps de la vie 
libre. Le rôle des poils absorbants est connu et celui des portions 
jeunes de racines que les champignons infestent n'est pas plus 
douteux. On peut supposer que ces régions éminemment 
perméables sont capables d’excréter des substances solubles 
attractives pour les champignons qu'on sait sensibles à des 
actions chimiotropiques. 

La faible résistance que les régions de passage opposent en 
général à la pénétration des Rhizoctones s'explique par deux 
raisons. À un premier point de vue on doit remarquer que le 
passage d’un champignon à travers une membrane cellulaire 
continue nécessite la digestion partielle de cette membrane. 
Cette digestion est plus ou moins facile, mais souvent possible 
pour les membranes limitantes des régions vulnérables ; elle est 
au contraire impossible pour la membrane épidermique euti- 
nisée qui protège partout ailleurs la surface des Jeunes plantules. 
J'ai souvent observé que les embryons ou les Jeunes plantules 
qui meurent dans les semis et qui sont envahis complètement 
par du mycélium conservent leur forme extérieure, bien que 
tout leur squelette interne de cloisons cellulosiques soit détruit. 
Les Rhizoctones qui digèrent la cellulose, comme je l'ai dit au 
chapitre 1, respectent au contraire la mince cuticule externe 
des plantules et celle-ci subsiste encore, alors que tous les tissus 
internes sont désorganisés. Dans ces conditions il faut penser 
que cette résistance de la cuticule est due uniquement à sa 
nature chimique, puisqu'elle subsiste, alors que les cellules 
épidermiques sont mortes depuis longtemps. Ce rôle protecteur 
des membranes cutinisées est d’ailleurs de connaissance banale. 

À un second point de vue, il faut noter que la résistance des 
membranes paraît être le seul obstacle capable de s'opposer à 
la pénétration des cellules de passage, car ces cellules n'ont 
jamais la propriété de digérer les champignons qui les tra- 
versent. Dans le suspenseur, dans les poils ou dans les cellules 
situées juste au-dessous d'eux, dans les cellules superficielles 
des racines ou des rhizomes infestés, je n'ai jamais vu de 
digestion du mycélium. Les filaments qui ont traversé ces cel- 
lules, sans s'y pelotonner, gardent indéfiniment leur forme 


142 NOEL BERNARD 


primitive et c’est seulement dans les parties plus profondes 
du parenchyme qu'une réaction phagocytaire peut s'exercer, 
comme on le verra plus loin. 

En somme, deux conditions seulement paraissent nécessaires 
pour qu'un champignon puisse mfester une Orchidée : il faut 
qu'il soit attiré vers une région de passage et qu'il soit capable 
de perforer les membranes externes des cellules superficielles 
de cette région. Les Rhizoctones ne sont pas également aptes 
à s'accommoder de ces conditions. L'exemple le plus remar- 
quable de leurs différences d'aptitudes individuelles m'a été 
fourni par l'étude des semis d'Odontoglossum imoculés avec 
des cultures diverses de Æhizoclonia repens. Comme on Fa 
vu (page 118) ce champignon à son état le plus atténué n'est 
même pas attiré vers les embryons ; à un degré d'atténuation 
moindre il y à attraction des filaments par le suspenseur, 
mais non perforalion des membranes; enfin, à un degré d'acti- 
vité convenable, le mycéllum se montre capable de pénétrer 
les embryons. Ainsi donc, l'attraction d’une part, la résistance 
des membranes de l’autre sont pour ainsi dire des propriétés 
électives. Si des embryons d'Odontoglossum se trouvaient sur 
un milieu où coexistent les divers champignons que je leur 
offrais isolément, ils pourraient faire un choix entre eux et se 
laisser pénétrer seulement parles plus actifs. 

Cette faculté d'exercer un choix entre divers champignons, 
peut éventuellement limiter les risques auxquels les embryons 
d'Orchidées doivent être communément exposés quand ils 
rencontrent à la fois des champignons utiles ou nuisibles pour 
leur développement. Mais elle est assurément fort limitée ; elle 
doit dépendre de la nature des substances excrélées par les 
plantules, de la constitution de leurs membranes, de la sensibi- 
lité chimiotropique des champignons ou des propriétés de leurs 
diastases digestives; elle n'implique nullement une assurance 
d'harmonie pour les associations qui peuvent se réaliser, car on 
voit fréquemment des embryons se laisser pénétrer dès le 
premier abord par des Rhizoctones incapables de vivre en 
symbiose avec eux. 

La suite de ce paragraphe apportera quelques précisions 
sur ce sujel; pour en continuer l'analyse il devient nécessaire 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 143 


d'envisager séparément ce qui se passe pour chacune des 
régions vulnérables. Si ces régions se ressemblent en effet par 
7 


les traits généraux que J'ai fixés 1c1, elles ont cependant pour 
remplir leur fonction des aptitudes différentes. 


INFESTATION PRIMAIRE. VACCINATION. 


La première infestation d’embryons d'Orchidées par des 
Rhizoctones capables de les pénétrer, se fait en général très 
rapidement, aussitôtaprès que le mycélium est arrivé au contact 
des graines. Mais cette infestation primaire une fois réalisée, 
même si elle doit s'étendre très peu, les cellules de passage 
situées au pôle postérieur de chaque embryon cessent d’être 
vulnérables. IL Y à pour ainsi dire une immunité acquise qui 
persiste au moins Jusqu'au moment où de nouvelles régions de 
passage se constituent. C'est, àma connaissance, une loigénérale. 

On à vu (fig. 7, p. 46) que les embryons de Bletillu, semés 
avec le Rhizoctonia repens allénué, s'infestent aussitôt à leur pôle 
postérieur, mais restent ensuite indemnes Jusqu'au moment où 
des poils développés sur la tigelle offrent de nouvelles portes 
d'entrée au mycélium. De même, les sphérules de Cattléyées 
inoculées avec des Rhizoctones atténués restent vivantes pendant 
plusieurs mois après avoir digéré le mycélium envahisseur et ne 
s'infestent plus (fig. 19,p.119). De mème encore, les plantules 
obtenues avec le Æhizoctonia mucoroïdes actif (fig. 12, PL IV), 
acquièrent vis-à-vis de ce champignon une immunilé qui per- 
siste Jusqu'au moment où du mycélium peut pénétrer secon- 
dairement par la base de poils. 

Sans multiplier les exemples, je puis dire que je n'ai vu 
dans aucun cas deux infestations successives se faire par le 
suspenseur d’un même embryon. Non seulement d’ailleurs il 
n'y à aucun indice de pénétration renouvelée du champignon, 
mais même on ne constate pas d'accumulation de mycélium, 
au contact d’un suspenseur précédemment infesté. L'immunité 
acquise ne parait donc pas lenir à une modification des 
membranes cellulaires qui deviendraient rebelles à la perfo- 
ralion ; elle doit résulter de ce que la région de passage une fois 
infestée perd ses propriétés attractives. 


144 NOEL BERNARD 


Dans tous les cas que Je viens de rappeler, il s'agissait de 
plantules vivant sur une culture pure d’un seul champignon, 
qui acquéraient l’immunité par rapport à lui. ITétait intéressant 
de savoir si un autre champignon pourrait infester ces plantules. 
Les expériences que j'ai faites à ce sujet tendent à prouver que 
l'immunité acquise à un caractère général. 

À plusieurs reprises J'ai introduit des Rhizoctones actifs pour 
les Cattlévées dans des semis où des embryons de ces plantes, 
inoculés précédemment avec un mycélium atténué, restaient 
à l’état de sphérules après une première infestation limitée 
(fig. 19, p. 119). Les semis restaient slationnaires après celte 
seconde inoculation; les sphérules n'étaient pas plus infestées 
par leur suspenseur que par leurs jeunes poils et elles mouraient 
en définitive sans avoir évolué. 

Des expériences de ce type m'ont permis de reconnaitre que 
limmunité devait être acquise presque aussitôt après la première 
infeslation. Un semis de Cattlévée sur gélose étant préparé dans 
un tube, jy ai semé d’une part un Rhizoctone atténué juste à 
la limite de la région occupée par les graines, et d’autre part 
un Rhizoctone actif à quelque distance de cette région, de façon 
que ce mycélium actif, qui se développait à peu près aussi 
vite que son concurrent, puisse seulement atteindre les graines 
un ou deux jours après leur infestation par le mycélium 
atténué. Dans ces conditions la présence du mycélium actif 
n'a eu aucun effet appréciable : les semis se sont comportés 
tout à fait comme des semis témoins inoculés uniquement avec 
le mycélium atténué (1). 

Ces constatations montrent clairement que les embryons 
d'Orchidées ont des moyens bien imparfaits pour choisir le 
champignon qui les infestera ; dans une large mesure, ils sont 
à la merci du premier filament de Rhizoctone qui les rencontre 
et qui détermine leur sort d’une manière irrévocable. Un 
champignon actif, capable de symbiose avec un embryon, ne 
parait pas sensiblement privilégié par rapport à un champignon 

(1) Cette expérience a été faite en avril 1908, avec des semis de Lælio-Cattleya. 
Je me suis servi, comme mycélium atténué, du mycélium C’ et, comme 
mycélium actif, du mycélium C', de Rhizoctonia repens. La différence d'activité 


entre ces champignons, mise en évidence par la figure 18 (page 102), était assez 
considérable pour qu'il n’y ait pas à craindre d'erreur d'appréciation. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 145 


atténué dont la pénétration aura pour effet de rendre tout déve- 
loppement impossible. Comme je l'ai dit dès le début de ce 
mémoire, ja réalisation de la symbiose est surtout un effet du 
hasard; si les Orchidées ne produisaient pas chaque année 
d'innombrables semences, elles seraient vouées bientôt à la 
disparition. 

La symbiose est une forme exceptionnelle et apparemment 
paradoxale de maladie infectieuse, mais qui n'échappe pas 


cependant aux lois communes dela pathologie. De même qu’une 


première atteinte bénigne d’une maladie infectieuse accidentelle 
peut préserver un être d’une atteinte plus redoutable, de même 
linfestation par un champignon atténué peut « vacciner » un 
embryon d'Orchidée et prévenir linfestation par un champignon 
plus actif. Mais, dans ce cas singulier, l'accoutumance aux 
parasites est devenue assez parfaite pour rendre la vaccination 
néfaste; l'infestation prolongée, qui entrainerait ailleurs un 
pronostic grave, permet seule ici le développement. 


ENTRÉE ET SORTIE DES CHAMPIGNONS PAR LES POILS ABSORBANTS. 


On à vu dans divers cas que les poils absorbants des plantules 
peuvent servir secondairement de porte d'entrée à du mycélium 
venant de l'extérieur. Un examen attentif des conditions du 
passage des champignons par les poils montre que linfestation 
secondaire par cette voie est toujours difficile. 

Il faut noter d’abord que l'attraction exercée par les poils 
sur les champignons extérieurs aux plantules est beaucoup plus 
élective que l'attraction exercée par la première région de 
passage. Par exemple, le Æhizoctonia lanuginosa, qui ne parait 
pas du tout attiré par les poils absorbants des Cattléyées ou des 
Sarcanthinées, peut cependant sans difficulté infester les 
embryons de ces plantes par les points d'attache de leurs 
suspenseurs. 

D'autre part, dans les cas même où des champignons sont 
atluirés par les poils, ils n'arrivent à pénétrer les plantules que 
d'une façon irrégulière et tardive. L’axe hypocotylé des Zlelilla 
cultivés avec le hizoctonia repens alténué produit des poils dès 
le début de son accroissement; cependant l'infestation secon- 

ANN, SC. NAT. BOT, 9 série. IX, 10 


6 | NOEL BERNARD 


daire ne se produit jamais qu'après plus de deux mois et 
seulement par de jeunes touffes de poils situées vers la partie 
supérieure de cet axe hypocotylé (fig. 7, page 46). De même, les 
plantules de Cattléyées cultivées avec le Ahizoclonia mucoroïdes 
actif ne subissent l'infestation secondaire par ce champignon 
qu'après une notable résistance el elles meurent, comme or l’a 
vu, dès que le champignon arrive à pénétrer au-dessous d’une 
touffe de poils. 

La difficulté des infestations secondaires, quand il y à attrac- 
lion deschampignons, s'explique parlarésistance desmembranes 
cellulaires qui séparent les poils du parenchyme sous-jacent. 
Les champignons en effet infestent toujours rapidement les poils 
eux-mêmes, mais mettent plus longtemps à pénétrer au-dessous 
d'eux. Les membranes extérieures des cellules adjacentes aux 
poils doivent subir une modification qui les rend réfractaires 
à la perforation, car, d’une part, elles se colorent souvent dans 
les préparalions plus vivement que les autres membranes 
cellulaires et, d'autre part, en examinant des plantules mortes 
après invasion totale par des Rhizoctones, J'ai pu constater 
que ces membranes n'élaient pas digérées par le mycélium 
comme le sont les membranes cellulosiques (1). 

Dans les cas que je viens de rappeler, linfestation secondaire 
par les poils se produit longtemps après une infestation pri- 
maire peu élendue, quand les plantules sont affaiblies par 
une période de vie autonome. I me parait très vraisemblable 
que l'infestation secondaire par les poils est particulière à ces 
sortes de cas, mais ne se produit pas dans les conditions nor- 


(1) Un exemple net de ce fait n’a été fourni par l'examen des plantules de 
Vandu, isolées d’abord sans champignons dans des tubes, comme j'ai dit à 
la fin du chapitre IV, et que j'avais ensuite essayé d’inoculer avec Rhizoctonia 
repens C’. Ces plantules ont présenté une immunité assez longue, car l’une 
d'elles, examinée un mois après l’inoculation du tube où elle se trouvait, 
n'élait pas encore infestée. Cependant, au bout de trois mois, les plantules 
restantes ont été envahies complètement par le mycélium et sont mortes 
en se désorganisant. Le squelette cellulosique interne de ces plantules était 
complètement digéré, mais les membranes extérieures des cellules situées 
sous les touffes de poils restaient intactes et formaientcomme de petits boucliers 
cloisonnés qui se distinguaient seuls dans les préparations. Dans ce cas encore, 
la plupart des toufles de poils n'avaient pas permis le passage des champignons, 
si lantest que linfestation se füt faite en définitive par l’une d’entre elles, ce 
que je ne puis assurer. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 147 


males de la symbiose. Chez les plantules qui se développent 
régulièrement dans la symbiose, on voit assez souvent des poils 
infestés par le champignon, mais 1l doit s'agir alors de mycé- 
lum qui sort des plantules et non pas de mycélium qui y entre. 

L'exemple très instructif des Cattléyées inoculées avec le 
Rhizoctonia mucoroides acüf met bien en évidence la double 
possibilité d’une sorlie ou d’une entrée du mycélium par les 
poils. Au début, alors que le champignon entré par le suspen- 
seur s'étend rapidement dans le corps des plantules, les jeunes 
poils sont communément pénétrés par du mycélium venant de 
l'intérieur (fig. 20, page 122). C’est seulement beaucoup plus 
tard, quand l’infestation primaire à cessé de s'étendre, que 
d’autres poils, plus récemment formés, peuvent laisser pénétrer 
du mycélium extérieur (fig. 12 et 13, PF IV), et le moment 
où cette pénétration s'effectue est facile à saisir, puisque lin- 
festaltion secondaire entraine la mort des plantules. 

Dans lasymbiose, comme on l'a vu par de nombreuxexemples, 
l'infestation n’est jamaisenravée avantque les protocormes aient 
achevé leur développement. En général, les jeunes poils ont le 
temps de s’accroître avant d’être atteints par le mycélium 
interne; mais cependant ils l’attirent de bonne heure et le 
champignon, qui respecte toujours les cellules épidermiques, 
gagne au contraire plus ou moins tôt les cellules situées au- 
dessous des poils, puis les poils eux-mêmes (fig. 3, PL I. H 
est assez logique de croire, d’après ce qu'on à vu pour l'infesta- 
tion par le suspenseur, que les poils une fois infestés cessent 
d'exercer une action attractive sur le mycélium extérieur. En 
fait, je n'ai jamais vu d'indices d’une infestation répétée d’un 


.même groupe de poils et le mycélium qu'on y voyait était tou- 


Jours en continuité avec celui de la région infestée des plantules. 
Il semble donc que, dans la symbiose, le suspenseur soit la seule 
région de passage permettant l'entrée du mycélium pendant la 
phase de développement juvénile; linfestalion d’un protocorme 
doit être en général uniquement attribuée au développement 
du premier filament mycélien qui à pénétré l'embryon. 

Si d’ailleurs des moyens réguliers n'assuraient pas la sortie 
des champignons, comme leur entrée, on ne comprendruit pas 
qu'il puisse exister constamment dans la nature, à l’état libre, 


148 NOEL BERNARD 


des champignons assez actifs pour produire la germination des 
graines d'Orchidées; l'activité des Rhizoctones disparaïissant 
assez rapidement dans la vie autonome, les races actives libres 
doivent nécessairement provenir d’un mycélium récemment 
sorti de quelque Orchidée. Une étude attentive des modes 
d’infestation desracines de plantes adultes révélerait sans doute 
aussi l'existence de cellules de passage servant à la sortie du 
mycélium comme d’autres servent à son entrée. Dans le cas 
d'Orchidées comme le Neottia Nidus-avis, adaptées à l'infesta- 
Hion continue, 1lest vraisemblable que tout le mycélium interne 
provient du premier filament entré dans l'embryon ; les cellules 
superficielles que lon voit parfois traversées par du mycélium 
doivent servir uniquement à sa sortie. 

On voit, en résumé, que l’infestation primaire des embryons 
peut êlre réalisée presque indifféremment par un Rhizoctone ou 
un autre et que dans tous les cas elle a un effet vaccinant. Mais, 
avec les champignons mal adaptés à la vie commune, cet effet 
est temporaire et les plantules restent exposées à des infesta- 
lions secondaires, souvent néfastes. Les champignons capables 
de symbiose produisent au contraire une vaccination plus par- 
faite et les plantules qu'ils infestent sont préservées d’une inva- 
sion secondaire pour longtemps ou pour toujours. En ce sens 
au moins, la symbiose est un état privilégié. 


$ 2. — La Phagocytose. 


La progression des champignons qui ont traversé les cellules 
de passage peut être enrayée par l'activité de cellules profondes, 
capables de digérer les filaments envahisseurs en laissant comme 
résidus les « corps de dégénérescence » bien connus qu'on trouve 
toujours en abondance dans les tissus infestés des Orchidées. 
Dans ce mémoire J'ai souvent parlé de « phagoeytose » pour 
désigner l’action de ces cellules ; il importe ici de montrer que 
l'emploi de ce terme est des plus légitimes. 

Le mot « phagocytose » éveille naturellement dans l'esprit la 
pensée des actes qu'accomplissent les cellules animales amæ- 
boïdes, capables de poursuivre, de capturer et de digérer les 
microorganismes. Mais déjà la faculté de poursuivre les enva- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 149 


hisseurs n'appartient pas à tous les phagocytes des animaux 
et, à côté des phagocytes mobiles, on distingue les phagocytes 
fixes, capables seulement de capturer les proies qui viennent à 
leur portée ; c'est le cas des grosses cellules de la pulpe splé- 
nique ou des cellules de la névroglie des Mammifères. Chez 
les cellules végétales limitées par des membranes rigides, la 
propriété de capturer les microorganismes par des mouvements 
propres doit forcément disparaître ; la digestion intracellulaire 
ne peut plus s'exercer que sur des organismes comme les 
champignons capables d’envahir les cellules par l'effet de leur 
propre croissance. Dans son sens étymologique même le mot 
« phagocytose » n'implique pas autre chose que la propriété 
essentielle de « digestion intracellulaire » ; on est en droit 
d'employer ce mot partout où cette propriété se retrouve. 

Or la digestion intracellulaire des champignons dans les cas 
de symbiose est un fait bien connu, correctement interprété 
par divers auteurs depuis plus d’une dizaine d'années et étudié 
avec toute la précision désirable dans des mémoires plus récents. 
Malgré cela, le mot phagocytose est resté presque sans emploi 
dans la littérature botanique (1), et la notion qu'il puisse exister 
chez les plantes une fonction phagocytaire comparable à celle 
des animaux ne s’est pasrépandue. Dans ces conditions, il n’est 
pas étonnant que Metchnikoff, en exposant sa théorie de l’immu- 
nité sous une forme des plus larges!28}, n'ait cité aucun exemple 
de phagocytose où d’immunité phagocytaire chez les plantes 
supérieures. La suite de ce paragraphe montrera que c’est 1à 
une lacune possible à combler. 


CARACTÈRES ET RÉPARTITION DES PHAGOCYTES. 


Magnus |27} et Shibata [47] ont soigneusement étudié au 
point de vue histologique les phénomènes de digestion intra- 
cellulaire dans des cas de symbiose analogues à ceux qui m'oceu- 

À D 
pent, ils ont en particulier signalé les déformations des noyaux 

(4) Gallaud [13] a cependant expressément comparé la digestion intracellu- 
laire des champignons de mycorhizes à une « phagocytose sur place »; on 
trouvera dans son travail, ou dans une de mes publications antérieures {4}, 

E 


des références bibliographiques relatives à la FESUO de la digestion des 
champignons dans les mycorhizes. 


150 NOEL BERNARD 


dans les cellules où s'aceomplit cette digestion. Les faits que 
j'ai vus chez les Orchidées ne différent pas essentiellement de 
ceux décrits par ces auteurs, comme le montreront les figures 
de ce mémoire. Je veux done me borner à préciser une notion 
qui me parait essentielle, celle de la spécialisation des cellules 
digestives. 

La fonction phagocvytaire chez les Orchidées n’est pas imdif- 
féremment dévolue à toutes les cellules infestées. Jai déjà dit 
que les cellules de passage et un 
nombre plus ou moins grand de 
cellules voisines n'ont Jamais 
la capacité de digérer les cham- 
pignons. En général, toutes les 
cellules situées plus profondé- 
ment dans le parenchyme des ra- 
cines ou des plantules se mon- 
trent capables de digérer plus ou 
moins rapidement les endophy- 
tes. Dans quelques cas cependant, 
comme celui du Neottia Nidus- 
avis étudié par Magnus!{27| et par 
moi-même |[#}, il persiste indéfi- 
niment, dans toute l'étendue des 
régions infestées, des pelotons 
non digérés qui doivent mourir 


Fig. 23. — Phalænopsis. — Coupe 
optique dans une plantule inoculée 


depuisun mois avec le Rhizoclonia 
lanuginosa. — La région infestée 
par du mycélium non digéré est 
représentée conventionnellement ; 


en définitive, mais sans s'être 
déformés (1). 
Qu'elle soit fréquente ou rare, 


en avant d'elle, on voit trois 
phagocytes contenant des corps de 
dégénérescence. 


la capacité phagocytaire n’est 
done pas générale, elle n'est 
pas nécessairement éveillée chez 
toute cellule infestée par la pénétration des champignons ; elle 
dépend de la nature particulière de certaines cellules qu’il 
(1) On remarquera en effet que si la dégénérescence des pelotons est un 
signe cerlain de leur mort, la mort peut cependant survenir en l'absence de 
digestion, pour des pelotons intracellulaires comme pour ceux qui se forment 
dans les cultures pures de Rhizoctones. IL s’en faut de beaucoup, comme on 


le verra dans la note HT de l'Appendice, que tous les pelotons apparemment 
non digérés soient capables de développement. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 151 


parait légitime de distinguer en les désignant sous le nom de 
« phagocytes ». Dans certains cas au moins ces phagocytes sont 
reconnaissables avant d’avoir à remplir leur rôle, par leur posi- 
tion ou par leurs caractères spéciaux. C'est ce que J'ai vu au 
mieux pour les jeunes plantules de Phalænopsis décrites au 
chapitre IE et que je prendrait iei en exemple. 

La localisation des premiers phagocytes dans les jeunes 
plantules de Phalænopsis est bien mise en évidence par les expé- 
riences d'inoculation avec le Æhizoctonia lanuginosa (page 131. 
Ce champignon, après avoir traversé la région de passage, 
progresse en formant des pelotons successifs, dans toute la 
partie postérieure de l'embryon. Cette infestalion qui entraine 
un développement rapide n'est gènée d’abord par aucune 


réaction phagocytaire : plusieurs mois après linoculation, 


quand les plantules ont depuis longtemps cessé. de progresser, 
les pelotons formés dans la première région envahie ne sont 
encore nullement digérés. La phagocytose se produit seulement 
au moment où les champignons arrivent à envahir les cellules 
situées juste en arrière de la région de grande croissance. Les 
pelotons formés dans ces cellules sont presque immédiatement 
digérés (fig. 23); dès lors Finfestation cesse de s'étendre et les 
plantules restent stalionnaires. 

Dans Fa symbrose avec le Ælizoctonia mucoroïides, les choses 
vont d’abord de même : Toute larégion postérieure de Fembrvon 
est d’abord infestée, sans phagocytose précoce ni tardive; les 
premières digestions de pelotons s'observent seulement dans des 
phagocytes situés comme ceux quise montraient capables d’en- 
rayer linfestation par le Æhizoctonia lanuginosa (fig. 3, PL IN). 
Mais celle fois, avant que les phagocytes aient achevé leur 
œuvre, le mycélium envahit les cellules situées en avant d'eux 
et le régime ainsi établi continue dès lors pendant tout le temps 
que dure Fa croissance du protocorme. À chaque moment on 
peut distinguer en avant de fa zone infestée une rangée de pha- 
gocytes encore indemnes, mais reconnaissables à leurs noyaux 
multilobés (fig. 2%). Dans les jeunes protocormes ces phagocytes 
occupent seulement la région médiane du parenchyme (fig. 5, 
PI. HD); plus tard, ils limitent la région infestée à la fois à sa 
partie antérieure et du côté dorsal, Ces phagocvytes différenciés 


152 NOEL BERNARD 


d'avance sont seuls capables de digérer les champignons. 
Sur le côté ventral de la région infestée, où les cellules con- 
servent un noyau sphérique de taille normale, les pelotons 
restent intacts, même dans les protocormes âgés. 


Fig. 24. — Partie antérieure de la région infestée dans un protocorme de Phalænopsis. 
Vers le haut, cellules encore indemnes dont plusieurs présentent déjà des noyaux 
déformés. — Au-dessous, différents stades de la digestion des pelotons mycéliens. 
— A droite, cellules situées vers la face ventrale du protocorme, ayant un noyau 
normal et incapables de phagocytose. La portion figurée est prise dans une coupe 
passant à peu près par le plan de symétrie d’un protocorme semblable à celui qui 
est représenté dans la figure 10 (pl. IT). Gr. = 98. 


Dans les protocormes presque complètement développés 
d'Odontoglossum, j'ai vu aussi des phagocytes à noyaux lobés, 
différenciés avant la pénétration des champignons ; ils s’ob- 
servent moins nettement chez les jeunes plantules, mais les 
noyaux des cellules où une digestion se fera, se distinguent 
d'avance par leur hypertrophie (fig. 3, PI. I). De même, chez 
les Cattlévées, les cellules situées au-dessous des poils gardentun 
noyau sphérique et peu volumineux, les noyaux des autres cel- 
lules du parenchyme interne, toutes capables de phagocytose, 
sont hypertrophiés ou, plus rarement, lobés avant la pénétra- 
lion du mycélium. 

Les déformations nucléaires caractéristiques des phagocytes, 
s'indiquent donc en général précocement, mais le plus souvent 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 153 


elles s’exagèrent après l'infestation ; le cas des Phalænopsis, où 
la différenciation morphologique des phagocytes est parfaite 
avant qu'ils aient à remplir leur rôle, est un cas exceptionnel. 
En examinant les plantules de Cattléyées obtenues sans cham- 
pignons par les procédés que je décrirai dans le prochain cha- 
pitre, J'ai vu que les cellules correspondant lopographiquement 
aux phagocytes avaient communément un noyau hypertrophié 
et se distinguaient par là des cellules situées au-dessous des 
poils. L'hypertrophie des noyaux n’est donc pas nécessairement 
causée par là présence de champignons endophytes. 

Il semble que chez les Orchidées, comme chez les animaux 
supérieurs où la phagocytose à été spécialement étudiée, il 
existe d'avance certaines cellules prédestinées à la fonction 
phagocytaire et prêtes à remplir leur rôle lorsqu'il se produit 
une infestation. 


RÔLE DE LA PHAGOCYTOSE. 


Chez les végétaux, la phagocytose, de quelque nom qu'on 
l'ait désignée, à été observée presque uniquement dans des cas 
de symbiose. La préoccupation qu'ont eue communément les 
botanistes de chercher Putilité de la symbiose pour la nutrition 
des plantes à mycorhizes, a retenti sur la compréhension du rôle 
de la digestion intracellulaire. Frank en particulier [42] a con- 
sidéré la digestion des champignons comme un acte de nutrition 
essentiel pour la vie des plantes à mvycorhizes endotrophes. Ces 
plantes «fongivores » seraient comparables aux plantes «insec- 
ivores » et se procureraient comme elles un aliment azoté sous 
une forme complexe et par un moyen très particulier. Récem- 
ment encore, Shibata [47] a soutenu cette théorie. À mon sens 
son intérèt essentiel est de montrer, par un exemple frappant, 
l'étrangeté des conceptions auxquelleson peut arriver dès qu'on 
perd de vue les rapports étroits de la symbiose et de la maladie. 

D'une manière générale je n'ai constaté aucune relation entre 


| la phagocytose, phénomène très constant dansmes expériences, 


et le développement des plantules, phénomène très variable 
suivant la nature ou l'activité des champignons. Le développe- 
ment des embryons, dans les cas où il se produit normalement, 


154 NOEL BERNARD 


commence le plussouventaussitôt après la pénétration des cham- 
pignons el avant toute phagocytose. Les embryonsde Cattléyées 
infestés par des Rhizoctones inactifs digèrent toujours complè- 
tement les filaments mycéliens (fig. 19, p.119), et malgré cela ne 
se développent pas du tout. On verra d’ailleurs, dans le prochain 
chapitre, que ces embryons peuvent se développer sans cham- 
pignons et sans qu'on ait à leur fournir d'aliments azotés sous 
des formes particulières. Les divers Rhizoctones hébergés par 
les Orchidées d’une façon temporaire où permanente n’ont pas 
plus de rôle essentiel pour la nutrition de ces plantes que n’en 
ont pour la nutrition des hommes la foule des microorganismes 
saprophytes ou pathogènes dontles phagocytes du sang peuvent 
faire leur proie. 

Au lieu de chercher à la phagocytoseune signification à part 
chez les végétaux, il me semble plus profitable d'aborder 
l'étude de ce phénomène dans ce cas particulier avec des vues 
plus générales. Étant donné ce qu'on sait du rôle de la phago- 
eylose dans limmunité chez les animaux, il parait tout indiqué 
de se demander si elle n’a pas chez les plantes un rôle analogue. 

Au cours de mes expériences, j'ai vu souvent l'infestation 
primaire de jeunes plantules être rapidement enravée par la pha- 
gocytose. [l'en était ainsi pour les Pletilla avec le Rhizoctonia 
repens alténué (fig. 7, E, page 45), pour les Cattlévées ou les 
Odontoglossum avec des Rhictozones inacüfs (fig. 19, page 119), 
pour les Cattlévées avec le mycélium actif de Æhizoctonia 
mucoroides (fig. 12, PL. IV), pourles Phalænopsis et Vanda avec 
le Rhizoctonia lanuginosa (fig. 23, page 150; fig. 9, PL EV). 
Dans tous ces cas, la marche des phénomènes était essentielle- 
ment la même : après la pénétration du mycélium, l'infestation 
S'élendait dans la région postérieure de embryon, mais Les 
pelotons étaient rapidement digérés, au moins en avant de la 
région infestée ; les plantules restaient dès lors à l'abri d'une 
infeslation nouvelle pendant un temps plus ou moins prolongé 
el gardaient les apparences de la santé. Le lecteur qui se 
reportera aux figures relatives à ces divers cas acquerra limpres- 
sion que la digestion intracellulaire avait là un rôle essentiel 
pour Hhmiter l’infestation. La phagocytose peut donc être un 
moyen de défense efficace, capable à lui seul d'assurer l'immu- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 155 


nité quand les cellules de passage ont laissé pénétrer le 
mycélium. 

Dans tous les cas au contraire où de jeunes Orchidées périssent 
rapidement par suite d’une infestation, la phagocytose n'entre 
plus en scène, ou ne joue du moins qu'un rôle effacé. Les sphé- 
rules âgées de Cattléyées qui succombent à la suite de l'infesta- 
lion primaire par le Æhizoctonia mucoroïdes actif (page 12%) ou les 
plantules qui subissent l'invasion secondaire mortelle de ce 
champignon (fig 13, PI IV) se laissent envahir rapidement sans 
digérer de mycélium. Il en est de même pour les jeunes Sarcan- 
thinées tuées par le Æhizoctonia repens où le Ahizoctonia nuco- 
roïdes inactifs, qui présentent une réaction phagocytaire nulle ou 
très imparfaite, comme je Fai dit au chapitre IV (page 120). 

Si l'on se bornait à comparer ces deux catégories de cas 
extrèmes, 11 pourrait sembler que la phagocvtose à un rôle pré- 
pondérant pour assurer limmunité. Mais entre le cas de l'in- 
festation bénigne, bientôt enravée par la digestion des champi- 
gnons dans les phagocvtes et le cas de l'infestation rapidement 
mortelle avec phagocytose insignifiante, il y a le cas intermé- 
diaire de la symbiose où la phagoeytose s'exerce sans arrêter la 
progression des champignons et où cependant les plantes ne 
succombent pas. L'étude de la symbiose est particulièrement 
instructive au point de vue où je me place: elle tend, comme 
on va voir, à montrer que la digestion intracellulaire des Rhizoc- 
tones n'est pas la dernière ni la plus essentielle ressource des 
Orchidées pour se défendre contre ces envahisseurs. 


$ 3. — L'immunité dans la Symbiose. 


L'impuissance de la réaction phagocvyiaire est un des carac- 
Lères les plus nets qui différencient la symbiose des états voisins. 
Tandis que les phagocytes d’une jeune plantule de Phalkænopsis, 
dans l'association anormale avec le Æhizoctonia lanuginosa, 
arrêtent précocement la progression du mycélium (fig. 23, 
page 150), 1ls ne suffisent pas au contraire, dans la symbiose, 
à empêcher la progression du Æhizoclonit mucoroïdes, bien 
qu'ils soient capables de le digérer (fig. 5, PI. HE). De même 
encore, dans la symbiose des Cattlévées avec le Phizoctonin 


156 NOEL BERNARD 


repens, la phagocytose s'exerce mais n’enraye pas linfestation 
(fig. 11, PL IV) qu'elle peut au contraire limiter de bonne 
heure dans le cas d'association anormale avec le Æhizoctonia 
mucoroïdes (fig. 12, PE IV). Dans Le développement normal des 
Orchidées il est de règle ainsi que l’infestation progresse plus ou 
moins longtemps, malgré la phagocytose, et cet état des choses 
arrive à durer toute la vie dans le cas d'Orchidées, comme le 
Neotliu Nidus-avis, parfaitement adaptées à la symbiose 
continue. 

Malgré cette impuissance de la phagocytose, il persiste bien 
dans la symbiose une certaine immunité, puisque les champi- 
gnons ne parviennent jamais à infester les sommets végétatifs 
et qu'en définitive la plante arrive à produire destiges, des fleurs, 
des fruits et des graines indemnes. C'est là, pour ainsi dire, une 
forme ultime de limmunité, dans laquelle la plante doit mettre 
en œuvre tous ses moyens de défense pour préserver ses tissus 
essentiels. Puisque la phagocytose n’est plus alors un moyen 
efficace, 1l faut bien qu'il en existe un autre; on doit le 
découvrir en cherchant les raisons qui obligent pour ainsi dire 
les champignons à régler leur marche sur la marche même 
du développement des plantules. 

Quand on examine de jeunes protocormes d’Orchidées en 
voie de développement (voir, par exemple, la fig. 3, PL IT), on 
constate qu'à chaque moment les champignons arrivent seule- 
ment à envahir les cellules qui ont achevé leur croissance, en 
arrière du méristème ; ils s'y pelotonnent sans en sortir jusqu'au 
moment où les progrès de la croissance de cellules situées plus 
avant permettent l’accomplissement d’une nouvelle étape. C'est 
grace à ce pelotonnement que les Rhizoctones peuvents’accroître 
continüment sans atteindre les méristèmes. En fait, dans tous 
les cas d'infestations mortelles que j'ai précédemment cités, les 
champignons abandonnaïient tôtou tard ce mode de végétation; 
dès lors les filaments, s'accroissant en tous sens et plus ou moins 
en droite ligne, envahissaient indifféremment tous les tissus. La 
clef du problème de l'immunité dans la symbiose doit être dans 
la découverte des conditions qui déterminent la formation des 
pelotons mycéliens. 

Pendant longtemps j'ai attaché peu d'importance à ce fait du 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 157 


pelotonnement des Rhizoctones ; 11 me semblait que c'était là 
un mode de végétation imposé à ces champignons par la vie dans 
des cellules de dimensions restreintes. En réalité, cette concep- 
lion mécanique du phénomène n’est pas du tout satisfaisante. 
D'une part, en effet, j'ai ditau chapitre I que des pelotons peu- 
vent se former dans les cultures pures de Rhizoctones, rarement 
il est vrai, mais dans des conditions où aucun obstacle ne s'op- 
pose à la croissance. D'autre part, dans lesinfestations mortelles, 
on voit des Rhizoctones traverser les cellulles sans y former de 
pelotons, comme si les membranes n’offraient aucune résistance 
appréciable. Enfin, quand on observe de jeunes pelotons en voie 
de formation, on voit souvent qu'ils ne sont pas appliqués 
contre les parois des cellules. 

Le pelotonnementest un des modesde végétation possibles pour 
les Rhizoctones:; il est rarement adopté par eux dansla vie libre, 
mais il leur est au contraire continèment et régulièrement im- 
posé dansla symbiose. Puisque la structure cellulaire des plantes 
n'est pas la cause mécanique de cet état des choses, on ne voit 
guère pour lexpliquer que des raisons physico-chimiques. Il doit 
s'agir là d'un phénomène lié à la nature de la sève intracellu- 
laire des plantules et c’est sans doute, en définitive, grâce à une 
propriété « humorale » que les Orchidées peuvent imposer à 
leurs hôtes un mode de végétation capable de ralentir et de 
régler leur envahissement. 

Ainsi envisagé, ce cas se rattache à une catégorie de faits bien 
connus dansun autre domaine. On sait que beaucoup de Bactéries 
peuventvivre dansle sérum d'animaux vaccinés contre elles, mais 
le plus souventelles yadoptentun mode anormalde végétation : au 
lieu de donner, par exemple, des éléments isolés, ces bactéries se 
réunissent en chaines, en amas ou, en un mot, s'agglutinent. 
Depuis plus de quinze ans l'étude de ces propriétés agglutinatives 
des sérums chez les animaux immunisés est devenue un des 
objets les plus intéressants de la pathologie animale (1); il a été 
dans la pensée de beaucoup de savants qu’elles avaient un rap- 


(1) Les simples remarques que j'ai à faire ici ne me paraissent pas impliquer 
la nécessité de références bibliographiques complètes. On trouvera dans le 
chapitre IX du livre de Metchnikoff [28] une première mise au point de la 
question de l'agglutinalion dans l’immunité acquise. 


198 NOEL BERNARD 


port plus ou moins direct avec limmunité acquise par vaeci- 
nation. 

Chez les Orchidées au moins il semble que la propriété d'ag- 
glutiner les filaments de Rhizoctones en pelotons ait un rôle pré- 
pondérant dans limmunité ; c'est grâce à elle que linfestation 
paraît se régulariser dans la symbiose; d'ailleurs, même dans le 
cas d'infestations bénignes, la phagocytose ne s'opère qu'après 
l'agglutination. 

Il n’est pas étonnant qu'on rencontre ainsi chez les Orchidées 
la capacité d’agglutiner les Rhizoctones avec lesquels elles 
vivent depuis un nombre immense de générations, alors qu’on 
voit les sérums d'animaux acquérir fréquemment une propriété 
analogue après une seule inoculation préparatoire de Bactéries. 
L'immunité qui s’observe dans la symbiose à tous les droits 
d'être classée parmi les formes les plus parfaites de cette tnmu- 
nié acquise où l’agglutination des microbes est un épisode 
presque constant. 

Le lecteur qui se reportera à l'ouvrage [28] où Metchnikoff a 
résumé ses vues sur les mécanismes de l’immunité animale 
sera, je pense, frappé du parallélisme existant entre Les faits 
qui y sont exposés el ceux que J'ai tenté de préciser iei. 

Dans tous les cas de maladies infectieuses bénignes dont un 
animal peut se guérir spontanément dès la première atteinte, 
l'action digestive directe des phagocytes sur les microorganismes 
qu'ils englobent peut suffire à expliquer l’immunité, Mais si l'on 
passe de ces cas d'inmunilé naturelle aux cas d'inmunité acquise 
par vaccination, les difficultés que rencontre la théorie phago- 
eylaire de l'immunité deviennent plus considérables. Les pro- 
priétés humoralés entrent alors en ligne de compte, et si l’on 
veut conserver aux phagocytes le rôle Le plus important, on 
doit admettre qu'ils agissent souvent d’une manière indirecte 
en fournissant aux sérums des substances défensives. 

Chez les Orchidées, la phagocytose occupe le premier plan de 
la scène tant qu'il s’agit de la défense contre des Rhizoctones 
mal adaptés à leurs hôtes et capables seulement de produire des 
infestalions restreintes. C’est pour ainsi dire un cas d’immunité 
naturelle. Dans la symbiose, le tableau change et la phagocy- 
ose se trouve reléguée au second plan. Mais il reste en vérité 


{| 
l 
| 
1 
| 
| 


a 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 159 


possible que lagglutination des champignons en pelotons soit 
due à des sécrétions des phagocytes qui diffuseraient dans fout 
le corps de la plante. Si cela est, les Orchidées posséderaient 
bien une seule catégorie de cellules spécialement adaptées à la 
fonction défensive contre les envahisseurs. 

On ne me prètera pas la prétention de résoudre les questions 
que j'ai posées ici; leur solution définitive dépendra de nouvelles 
recherches expérimentales. Mais J'aurai atteint mon but provi- 
soire, si J'ai montré que la symbiose et la maladie infectieuse 
sont bien des phénomènes comparables et que l'étude des plantes 
à mycorhizes pourrait utilement contribuer à éclairer quelques 
problèmes essentiels de la pathologie générale. 


CHAPITRE VI 
CONDITIONS ÉQUIVALENTES A LA SYMBIOSE 


L'étude du développement des Orchidées dans ses rapports 
avec l’infestation montre que l'action des champignons se fait 
toujours sentir à une certaine distance des régions envahies par 
eux. Les champignons pénètrent seulement des cellules dont la 
croissance est achevée et dont la taille ou la forme ne se modi- 
fient plus sensiblement ensuite ; mais linfestation entraine une 
activité nouvelle des méristèmes, une croissance rapide de cel- 
lules embryonnaires ou de poils absorbants, c'est-à-dire la mo- 
dification de tissus non infestés. 

La constatation de cette action à distance porte à penser que 
l'infestation de certaines régions limitées des plantules à pour 
conséquence une modification générale des propriétés physico- 
chimiques de leur sève, qui peut retentir sur tous les tissus. Pour 
découvrir la nalure de cette modification, il faudrait d'abord 
définir exactement dans chaque cas les conséquences immé- 
diates ou, si l'on veut, les premiers symptômes de linfestation, 
puis chercher, en dehors de toute action de champignons, quels 
facteurs physico-chimiques peuvent entrainer les mêmes con- 
séquences. 

L'objet principal de ce chapitre sera de commenter les expé- 
riences que j'ai faites dans cette voie pour le Bletilla hyacin- 


160 NOEL BERNARD 


thina et pour les Cattléyées. Quelques considérations générales 
préliminaires seront utiles pour orienter le lecteur dans la com- 
préhensions des faits que j'aurai à exposer. 


$ 1. — Les modes de croissance et leurs conditions 
déterminantes. 


Quand on compare des semis de Zletilla hyacinthina faits sans 
. champignons sur des milieux nutritifs dilués et des semis ino- 
culés avec un mycélium moyennement actif de Zihizoctonia 
repens, on ne voit guère de différences au début entre la végé- 
tation des uns et des autres. Mais à partir du moment où le 
champignon pénètre l'axe hypocotylé ou les entre-nœuds des 
plantules cullivées avec lui, la croissance de ces plantules semble 
recevoir comme un coup de fouet et les plantules infestées pren- 
nent rapidement de l'avance sur les plantules aseptiques. Dans 
ces conditions, d'ailleurs, le mode de croissance ne change pas; 
les plantules cultivées avec le champignon gardent, au moins 
tout d'abord, la même forme élancée et grèle que leurs congé- 
nères. Ilest bien clair dans ce cas, comme je me suis attaché à 
le montrer ailleurs [6], que les champignons ont comme effet à 
peu près unique au début d'accélérer la croissance en longueur 
des plantules. 

On a vu dans le présent mémoire que l’inoculation des 
embryons de Zletilla par du mycélium très actif de Æhizoctonia 
repens non seulement accélère la croissance des plantules, mais 
encore change son mode, puisque l'axe hypocolvlé et les entre- 
nœuds suivants s’allongent relativement peu, mais s’épais- 
sissent d’une manière beaucoup plus considérable. Un pro- 
cessus de croissance par épaississement, où, si l'on veut, de tubé- 
risation, se substitue donc ici à un processus d'élongation. On 
peut dire encore que la croissance, d’abord uniquement longi- 
tudinale, est devenue transversale. 

Chez les Cattléyées qui se développent à peine sur les milieux 
dilués en l'absence de champignons ou avec des champignons 
atténués, l'infestation des embryons par du mycélium actif de 
Rhizoctorna repens est aussi suivie d’une véritable erise de crois- 
sance. Les poils absorbants qui restaient courts sur les sphé- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 161 


rules s'allongent rapidement bien avant que le mycélium les 
atteigue, et le corps de l'embryon commence à s’élargir pour 
prendre d’abord la forme d'une toupie et plus tard celle d’un 
disque ; la croissance transversale qui entraine cet épaississement 
est devenue seule possible et elle est particulièrement précoce. 

I semble, d'après l'examen de ces cas, que l'accélération de 
la croissance des plantules d’abord et la substitution de lépais- 
sissement à l’élongation ensuite, aient été les premiers sym- 
ptômes entraînés par l'infestation chez les Orchidées primitives 
en voie d'adaptation à la symbiose. Pour comprendre le mode 
d'action des champignons, il paraît donc indiqué de rechercher 
en général les conditions qui influent sur l'activité de la crois- 
sance ou qui peuvent changer son mode. 


Il faut remarquer tout d'abord que les phénomènes d’élonga- 
tion ou d’épaississement, chez les plantules dont je m'occupe, 
correspondent à deux modes contrastants de croissance des 
cellules. 

L'allongement des entre-nœuds chez les plantules grêles de 
Bletilla est essentiellement dû, comme l’accroissement des tiges 
grèles en général, à l’élongation dans le sens longitudinal des 
cellules de lentre-nœud, qui gardent ensuite une forme très 
allongée. Au contraire, dans les plantules épaissies de Bletilla ou 
surtout dans les jeunes plantules de Cattlévées, les cellules du 
parenchyme restent relativement courtes, mais s’accroissent de 
bonne heure dans le sens transversal ; ces cellules subissent plus 
lard des recloisonnements, mais en définitive les protocormes 
tubérisés restent formés de cellules à peu près isodiamétriques, 
accrues au moins autant en largeur qu’en longueur. 

Ces deux modes différents de croissance cellulaire doivent être 
expressément distingués. [se retrouvent dans un grand nombre 
de cas. Si l'on compare, par exemple, un tubercule de pomme 
de terre à une tige normale de la même plante, on verra aisé- 
ment que Pépaississement du tubercule correspond à une crois- 
sance transversale des cellules de son parenchyme, tandis que 
l'élongalion des rameaux ou des stolons grèles concorde avec une 
croissance longitudinale des cellules. Le même contraste s'ob- 
serve communément quand on compare des rhizomes ou des 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. 1x 1 


162 NOEL BERNARD 


bulbes épaissis à des parties homologues de constitution nor- 
male. Sous sa forme élémentaire, le contraste entre Les deux 
modes de croissance par élongation ou par épaississement peut 
s’observer chez des algues comme les Ulothrir ou les Stigeo- 
clonium qui sont capables de former soit des filaments à cel- 
lules toutes allongées, soit des massifs « palmelloïdes » épaissis, 
constitués par des cellules isodiamétriques. 

En dehors de mes expériences, divers documents bibliogra- 
phiques permettent d'acquérir une idée des conditions qui 
déterminent la substitution de la croissance transversale à la 
croissance longitudinale. Ces conditions paraissent analogues 
dans des cas fort divers, et cela permet sans doute de traiter la 
question sous une forme générale. Je le tenterai ici, en me 
limitant cependant à rappeler les faits les plus clairs ou les 
mieux connus de moi. 

Les recherches les plusinstructives parce qu’elles sont les plus 
complètes et parce qu'elles se rapportentau cas le plus simple, 
ont été faites par Livingston, qui a étudié les conditions dans 
lesquelles une algue du genre Stigeoclonium prend la forme 
filamenteuse (croissance longitudinale) ou la forme palmelloïde 
(croissance transversale). 

Tout d'abord [23} Livingston a fait des cultures compara- 
üives dans des solutions de même composition chimique, mais 
de concentration variable, c’est-à-dire différant uniquement par 
leurs propriétés physiques (pression osmotique, température de 
congélation, etc.) Ces expériences ont montré que l’on peut 
obtenir le passage de la forme filamenteuse à la forme palmel- 
loïde par un simple accroissement de la concentration des 
solutions ; le passage inverse de la forme palmelloïd e à la forme 
filamenteuse pouvant être obtenu aussi bien par une diminu- 
ton de la concentration. Des variations de la concentration 
peuvent donc à elles seules entrainer le passage d'un mode 
de croissance à l’autre. 

L'auteur de ces recherches à cependant reconnu [24] que la 
nature chimique des substances dissoutes n’est pas indifférente 
au résultat ; à côté des actions physiques, il faut distinguer des 
actions chimiques spécifiques. Pour obtenir des résultats com- 
parables avec les cultures de Stigeoclonium, on doit par exemple 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 163 


\ 


atteindre une pression osmotique plus élevée avec des solutions 
sucrées qu'avec des solutions salines. Ces solutions salines elles- 
mêmes, suivant la nature des sels employés, ont des actions spé- 
cifiques diverses [25]. 

Une autre série d'expériences [26] à montré qu'un simple 
abaissement de la lempat ure peut entraîner des effets com- 
parables à ceux produits par une élévation de la concentration. 
Ainsi, à une tempé- 
rature de 6 degrés, 
la forme palmelloide 
peut être obtenue 
dans des solutions où 
la forme  filamen- 
teuse réapparait si 
l’on expose les cultu- 
res à la température 
du laboratoire. 

J'ai fait, il y a quel- 
ques années [5]}, des 
expériences _ analo- 
gues avec des tiges 
de Pomme de terre 
coupées que Je lais- 


RHRLTE ; 24 36 22 33 

sais vivre en les trem- Se EE  — 
Chlorure de Potassium. Glucose. 

pant par leur base Fig. 25. — Développement des bourgeons latéraux, 
dans des solutions en rameaux où en tubercules, sur des tiges de 

ï rev Pommes de terre bouturées dans des solutions de 
diversement concen- Chlorure de Potassium ou de Glucose, aux concen- 

bag 1 HA à trations indiquées par les nombres 24, 36, 22, 33. 
trées, jusqu'a ce que Ces concentrations sont appréciées comme il estdit 
leurs bourgeons laté- dans la note I de l'Appendice. 


raux se soient déve- 

loppés en rameaux où en pelits tubereules. En opérant avec 
une même substance dissoute (glyeérine, glucose, saccharose ou 
chlorure de potassium), on constate Loujours qu'au-dessus d'une 
cerlaine concentration critique 1! se forme des tubercules, tandis 
que pour les concentrations plus faibles il se développe réguliè- 
rement des rameaux. Il y a donc dans ce cas aussi une influence 
manifeste de la concentration des solutions employées sur le mode 
de croissance, quelle que soit lanature dessubstances dissoutes. 


164 NOEL BERNARD 


Il est assez malaisé de déterminer avec précision les concen- 
rations critiques pour les diverses solutions. J'ai cependant pu 
reconnaitre que les points de congélation des solutions critiques 
pour le glucose d'une part et le chlorure de potassium d’autre 
part, différaient au plus de 1/10 de degré. Je reproduis dans la 
figure 25 l'aspect des boutures cultivées dans les solutions des 
deux substances qui s'approchaiïent le plus de la concentration 
critique en deçà ou en delà. 

Malgré cette isotonie approximative entre des solutions de 
nature différente qui produisent des résultats comparables, 11 me 
parait probable que des expériences plus précises ou plus com- 
plètes mettraient en évidence des actions spécifiques diverses 
pour des solutions de nature différente. J. Laurent [24] à 
observé des actions de ce genre dans des cas évidemment ana- 
logues à celui qui m'occupe 1e1 (1). 

Pour compléterle parallélisme entre les résultats d'expériences 
faitessur les plantes supérieures et de celles faites avec une algue, 
il y à lieu de rappeler que Vôchting [54] à montré qu'on pro- 
voquait la formation prématurée de tubercules non seulement 
en cullivant des Pommes de terre en sol sec, ce qui est sans 
doute un moyen d'augmenter la concentration de leur sève, 
mais encore en élevant ces plantes à la plus basse température 
possible, ce qui correspond aux observations de Livingston sur 
le Stigeoclonium. 

Les conditions physiques ou chimiques qui peuvent déter- 
miner le passage de la croissance par élongation à la croissance 
par épaississement paraissent, d’après ces exemples, être assez 
diverses. Cette diversité üient sans doute à ce que l’action de 
certaines de ces conditions est indirecte. Il est possible, par 
exemple, que l'élévation de la pression osmotique d’un liquide 


(1) Molliard [29] a montré de même que les tubercules de Radis se forment 
en culture pure sur des milieux glucosés; il tire d’ailleurs de ses études 
la conclusion que, à l’état naturel, la quantité de sucre fournie par la photo- 
synthèse suffit à expliquer la tubérisation, sans qu'il y ait action de microor- 
ganismes. J'ai dit dans l'introduction de ce mémoire que l’état vivace pouvait 
éventuellement persister chez des plantes affranchies de la symbiose. Il n’est 
pas élonnant que cela s'observe chez des races de plantes cultivées, soumises 
à une sélection qui vise à maintenir la tubérisation. Il serait intéressant de 
savoir si ce caractère resterait indéfiniment stable, dans des conditions nor- 
males de culture, sans microorganismes et sans sélection. 


ere Er 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 165 


qui baigne des cellules provoque la mise en liberté dans le sue 
cellulaire de substances chimiques jusque-là combinées et avant 
sur la croissance une action spécifique. 

Sans trancher celte question, je me suis demandé si l’action 
des champignons sur les Orchidées ne pouvait pas se ramener 
à quelqu'un des types simples d'actions physico-chimiques que 
Je viens d'examiner. Les expériences dont je vais maintenant 
rendre compte ont montré en particulier qu'on pouvait suppléer 
à l’action des champignons endophvtes sur les embryons par 
une élévalion de la concentration des milieux de culture. 


$ 2. — Germination d'Orchidées sans champignons. 
Bletilla hyacinthina. 


J'ai indiqué dans le chapitre HT (Expérience V, page 105) les 
conditions dans lesquelles j'ai fait des semis de Bletilla, pour 
comparer à la fois l'action de champignons diversement actifs 
et, pour les cultures sans champignons, l'action de solutions 
plus ou moins concentrées. Il me suffira donc ici de résumer 
les constatations faites à ce second point de vue, en priant le 
lecteur d'examiner les figures de la planche T qui reproduisent 
les résultats obtenus. 

Avec les solutions les plus diluées que j'ai employées (con- 
centration 1) ({)la croissance des plantules cultivées sans cham- 
pignons était très lente, et à la fin de l'expérience, les plantules 
les plus avancées ne montraient encore que trois feuilles 
(fig. 4 A, PL I). Dans l'expérience en question, la lenteur de 
leur croissance avait été d’ailleurs particulièrement remarqua- 
ble, à tel pointque le mode de croissance pourrait ne pas paraître 
parfaitement caractérisé. Dans plusieurs cultures faites les 
années précédentes à des concentrations de même ordre de 
grandeur, mais sans doute avec des graines plus mûres ou dans 
des conditions de température ou d’éclairement plus favorables, 
J'avais obtenu sans champignons des plantules plus développées 
(fig. 7, D, page 46) qui étaient uniformément grèles, à entre- 


(1) Les concentrations sont appréciées comme il est dit dans la note [ de 
l'Appendice. 


166 NOEL BERNARD 


nœuds allongés, c'est-à-dire qui présentaient le mode typique 
de croissance par élongation. 

A la concentration 2, la croissance des plantules à été beau- 
coup plus rapide, mais s’est faite encore par élongation (fig. 2 A, 
PL D); on remarquera que les plantules obtenues, même les 
plus avancées, ne montraient aucune ébauche de racme à la 
fin de l'expérience. 

À la concentration 4 et mieux encore à la concentration 6, 
le développement des plantules à été beaucoup plus rapide, 
mais le mode de croissance à évidemment changé : la plupart 
des plantules présentaient un protocorme épaissi et des entre- 
nœuds courts (fig. 4 À et 6 À, PI. I). À ce mode de croissance 
correspondait d'ailleurs une apparition plus précoce de la pre- 
mière racine qui s'insérait généralement sur le second entre- 
nœud. 

Le lecteur qui voudra bien comparer les plantules obtenues 
sans champignons à ces concentrations de plus en plus élevées, 
à celles qui se sont développées à une même concentration, avec 
des champignons de plus en plus actifs (fig. 2C, 2C', 2C,, PL. I) 
pourra aisémentse convaincre du parallélisme étroit qui existe 
entre les deux séries de cultures. L'accroissement de concentra- 
tion des solutions, pour les plantules élevées sans champignons 
entraîne les mêmes résultats que l'accroissement d'activité des 
champignons pour les plantules soumises à la symbiose. 


CATTLÉYÉES. 


À diverses reprises j'ai semé comparativement des Cattlévées 
sur de la gélose où du coton hydrophile imbibés avec des solu- 
tions de concentrations diverses, obtenues en diluant plus ou 
moins une décoction initiale de salep, additionnée ou non de 
saccharose. Les résultats de ces expériences ont été uniformes 
el concordants avec ceux que je viens d'indiquer pour les semis 
de Bletilla. 

Avec les solutions diluées (de concentration inférieure à 2) 
qui mont servi communément pour les semis des Cattlévées, 
les embryons se développent toujours très peu et ne dépassent 
Jamais l'état de « sphérule », dont j'ai donné au chapitre If les 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 167 


caractéristiques. Avec des solutions notablement plus concen- 
trées, le développement sans champignons va beaucoup plus 
loin. Il est toujours beaucoup plus lent que dans les cultures 
inoculées avec des champignons actifs et il est tout aussi irré- 
gulier. Mais on peut en définitive obtenir sans champignons des 
plantules d'apparence tout à fait normale. L'augmentation de 
la concentration du milieu de culture peut donc suppléer dans 
ce cas encore à l’action des champignons. 

Je donne les résultats de deux séries d'expériences, en 
commençant par les plus instructives, qui étaient les dernières 
en date. 


EXPÉRIENCE VL. 


En janvier 1907 j'ai fait une série de semis avec des graines 
de Cattleya, sur des plaques de coton hydrophile imbibées d’une 
même solution prise à des états de concentration variables. 
J'avais préparé pour cela une décoction de salep à 30 p. 1000 
additionnée de 20 p. 100 de saccharose. La concentration de 
cette solution était 138. Par dilutions successives j'ai préparé, 
pour les divers semis, des solutions dont les concentrations 
étaient : 

2,1— 4,2 — 8,5 — 17 — 25,5 — 34 — 51 — 68 (1). 


277 


Après le semis des graines, j'ai laissé l'expérience se pour- 
suivre trois mois et demi. Il s’est produit une évaporation assez 
notable qui à dû augmenter la concentration du liquide dans 
chaque tube. Jai mesuré les températures de congélation des 
solutions contenues dans divers tubes à la fin de l'expérience; 
de ces mesures on pouvait déduire que les concentrations finales 
correspondantes aux précédentes étaient exprimées par les 
nombres : 

3 — 6 — 12 — 24 — 3% — 44 — 66 — 88. 
Dans celte expérience, de durée relativement courte, les 


(4) Les nombres soulignés ont été déterminés directement en mesurant le 
point de congélation des solutions correspondantes et adoptant la convention 
indiquée dans la note I de l'Appendice. Les autres nombres sont calculés en 
supposant que la température de congélation est proportionnelle au degré de 
dilution, ce qui est approximalivement exact. 


168 NOEL BERNARD 


embryons des graines s'étaient assez peu développés, mais 
beaucoup mieux cependant dans certains tubes que dans d’au- 
tres. La comparaison directe des semis montrait que le déve- 
loppement s'était fait de mieux en mieux pour des concentra- 
tions initiales de plus en plus fortes, jusqu’à la concentra- 
üon 25,5, correspondant à peu près à l'optimum. Pour les 
concentrations supérieures à 25,5 le développement devenait 
de moins en moins bon. 

Pour traduire précisément ces faits, j'ai représenté graphi- 


70 21 


[e] 


Fig. 26. — Polygones représentatifs, relatifs à des semis de Cat{leya faits à diverses 
cencentrations. — En haut, pour les concentrations 2,1, 8,5, 17. — En bas, pour 
les concentrations 25,5, 34, 51. Voir les explications données dans le texte. 


quement les résultats de statistiques que j'ai faites par la méthode 
suivante : 

Les embryons récoltés dans un même tube sont répartis 
sur le fond d’une petite cuvette de verre quadrillée placée sous 
l'objecuif du microscope; on mesure au moyen d’un micro- 
mètre oculure le diamètre transversal, ou, si l’on veut, l’épais- 
seur de chacun d'eux ; le nombre ainsi obtenu est pris comme 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 169 


indice du degré de développement de l'embryon (1). La mème 
mesure étant faite pour cent embryons choisis au hasard parmi 
ceux du semis, 1] devient facile de construire un polygone 
représentatif du degré de développement des embryons de ce 
semis. On marque pour cela sur une ligne horizontale les points 
correspondants aux nombres qui expriment les diamètres des 
embryons eten chacun de ces points on élève une verticale de 
longueur proportionnelle au nombre des embryons ayant le 
diamètre en question. En joignant les sommets de ces verti- 
cales, on obtient une ligne représentant l'état de développe- 
ment du semis étudié. Quelques-unes de ces lignes polygonales, 
relatives à l'expérience dont je parle, sont reproduites dans la 
figure 26. 

Dans l'expérience actuelle, le développement des embryons 
était toujours peu considérable, mais d'apparence normale. Je 
me suis assuré qu'un mycélium actif de Æhizoctonia repens, 
inoculé à un semis fait avec la solution la plus diluée, pro- 
duisait en moins d’un mois un développement moyen plus 
considérable que celui obtenu en trois mois et demi, sans cham- 
pignon, à la concentration la plus favorable. 


ExPÉRIENCE VI. 


En février 1906 j'avais fait une série de semis avec des 
graines de Lælia sur de la gélose imbibée d’eau distillée ou de 
décoctions de salep aux concentrations : 

DR os pe GE ge 40, 


L'échelle des concentrations étant moins étendue que dans 
l'expérience VE, les résultats ont été, à certains points de vue, 
moins instructifs, mais l'expérience à été plus prolongée et le 
développement des embryons plus considérable. 

La culture a été poursuivie pendant sept mois. A la fin de 
l'expériencelagélose des divers tubes étaitnotablementrétractée. 
La concentration finale, que je n'ai pas évaluée exactement, 


(1) Le diamètre transversal réel correspondant à un nombre n se- 
1000 X n 


LA: ——— y, 


16 | 


170 NOEL BERNARD 


devait être pour chaque tube au moins double de la concentra- 
Uion initiale. 

Aux basses concentrations, le développement des embryons 
était faible, mais assez régulier. Aux concentrations de plus en 


Fig. 27. — Lælia. — Croquis de plantules obtenues en sept mois, sans champignons, 
aux concentrations 0, 1, 3, 6 et 12. 


plus grandes on observait des plantules de mieux en mieux 
développées, mais le développement devenait plus irrégulier. 
J'ai représenté dans la figure 27 quelques-unes des plantules 
obtenues à diverses concentrations et je résume les notes prises 
sur cette expérience qui permettront d'apprécier ses résultats. 

Concentration O. — Embryons tous vivants, verts, assez peu 
gonflés pour ne pas déchirer le tégument de la graine. Aucun 
ne présente de poils absorbants différenciés (fig. 27, O). 

Concentrations 0,5, 1 et 1,5. — Embryons tous vivants et 
verts, ovoïdes, gonflés jusqu’à distendre fortement le tégument; 
on y voit communément une ou plusieurs touffes de poils diffé- 
renciés mais non accrus (fig. 27,1). 

Concentrations 3 et4,5.— Embryons tous vivants, présentant 
pour la plupart un élargissement très net de la partie antérieure, 
qui leur donne la forme « en toupie » caractéristique des jeunes 
tubercules embryonnaires (fig. 27,3). 

Concentration 6.— La plupart des embryons sont compara- 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 171 


bles à ceux des semis précédents. Six d’entre eux, sur une cen- 
taine, sont manifestement plus développés et ont différencié 
leur bourgeon terminal (fig. 27, 6). 

Concentration 9. — 72 embryons, restés à l’état de Jeunes 
tubereules embryonnaires sans bourgeon terminal différencié, 
sont bruns et morts. Les autres sont encore verts el vivants, 106 
à l'état de tubercules embrvonnaires sans bourgeon terminal, 
1# avec un bourgeon terminal visible. 

Concentration 19. — 50 embryons à l’état de jeunes tuber- 
cules embryonnaires plus ou moins développés sont morts. Les 
autres sont encore verts, 55 à l'état de tubercules embryon- 
naires sans bourgeon terminal visible, 4 beaucoup plus déve- 
loppés, dont le plus avancé (fig. 27, 12) dépasse considérable 
ment l'état atteint par les plantules des semis précédents. 

Des graines semées comme témoins à la concentration 1,5, 
inoculées avec le mycélium C/ de /hizoctonia repens, ont donné 
en sept mois des plantules dont les plus avancées avaient quatre 
feuilles et deux racines. Le développement obtenu par celte 
action d'un champignon était done beaucoup plus rapide, dans 
ce cas encore, que le développement par action de solutions 
concentrées. 


D’autres expériences m'ont montré que Le développement des 
Cattléyées sans champignons pouvait être poussé plusloin encore 
que dans l'expérience précédente; on le verra tout à l'heure. 

Bien que je n'aie pas fait d'essais comparatifs assez suivis 
pour qu'ils vaillent d’être rapportés sur d’autres graines que 
celles de Pletillu où de Cattléyées, j'ai eu l'occasion d'observer, 
par la culture prolongée au contact de solutions concentrées, des 
débuts de développement très notables pour les embryons de 
divers Odontoglossum et Phalænopsis. L'influence favorable 
d'une élévation de concentration du milieu de culture pour 
produire le développement autonome d’embryons d'Orchidées 
doit donc être assez générale. 


ADAPTATION À LA CONCENTRATION. 


Quand on sème des graines d'une Cattléyée sur des milieux 
de plus en plus concentrés, on arrive à atteindre une limite 


172 NOEL BERNARD 


supérieure de concentration au-dessus delaquelle aucune graine 
ne germe plus. Je n'ai pas déterminé avec précision cette limite, 
mais élle devait être au voisinage de la concentration 100 pour 
les décoctions desalep sucrées que j'employais (1). Les embryons 
semés sur du coton imbibé de solutions qui dépassaient cette 
concentration verdissaient encore dans les premiers jours, mais 
ne lardatent pas à mourir en prenant une teinte brune. 

ILest cependant possible de faire supporter à des plantules 
des concentrations de cet ordre de grandeur ou des concen- 
{rations plus fortes, mais il faut les y habituer d’une manière 
progressive. Dans mes expériences cette adaptation progres- 
sive à des concentrations croissantes a généralement élé réa- 
lisée dans une certaine mesure, par suite de l'évaporation d’une 
partie de l’eau des solutions employées, au cours de lexpé- 
rience. 

Si l’action d'une solution convenablement concentrée sup- 
plée de prime abord à l’action d’un champignon, on peut penser 
que l'élévation graduelle de la concentration au cours de la eul- 
ture supplée à l’exaltation progressive d'activité qui résulte pour 
les champignons de la symbiose prolongée. Dans cet ordre 
d'idées, on doit s'attendre à ce qu’une élévation exceptionnelle- 
ment grande de la concentration soit une condition équivalente 
à la symbiose avec des champignons d'activité exceptionnelle. 

À plusieurs reprises il m'est arrivé de garder au laboratoire 
des semis de Cattlévées, faits sans champignons, jusqu’au 
moment où presque tout le liquide contenu initialement dans 
les tubes de culture s'était évaporé. Dans ces conditions la mor- 
talité restait généralement faible; cependant la solution qui 
restait finalement au contact des plantules devait atteindre un 
très haut degré de concentration. Je mentionne ici le plus inté- 
ressant des cas de ce genre qu’il m'ait été donné d'observer. 


Un semis de Lælia avait été fait en mai 1906 sur du coton 
imbibé d'une décoction à 4 p. 100 de salep additionnée de 


(4) Pour le Bletilla hyacinthina la limite supérieure de concentration doit 
être au voisinage de 12. On voit que cette Orchidée, adaptée à vivre avec des 
champignons moins actifs que ceux des Cattléyées, supporte aussi des concen- 
rations moins fortes. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 1:19 


3 p. 100 de saccharose. Le tube de culture contenant ce semis 
a été gardé jusqu’en janvier 1908, c'est-à-dire environ 20 mois. 
Au bout de ce temps, la plaque de coton portant les graines 
était durcie et apparemment presque sèche ; la solution, réduite 
à moins du dixième de son volume initial, était devenue assez 
sirupeuse pour ne plus s'écouler quand on retournait le tube 
de culture ; elle atteignait certainement un degré deconcentration 
supérieur à 200 (1). 

Malgré cette élévalion considérable de la concentration, 
quatre plantules seulement étaient | 
mortes, à l'état de jeunes tubercules 
embrvonnaires ; lesautres, au nombre 
d'une cinquantaine, étaient encore 
bien vivantes, loutes avec des feuilles, 
quelques-unes avec des racines. Ces 
plantules survivantesavaient un aspect 
assez anormal, le limbe des feuilles 
était relativement réduit et d’un vert 


intense, les tubereules embryonnaires pis 28. Læin. — Plantute 
étaient volumineux et présentaient anormale obtenue par la 
: ; … e cul{ure sans champignons, à 
souvent une forme irrégulière. Une une haute concentration. 
de ces plantules (fig. 28) montrait 
deux bourgeons insérés directement ‘sur le protocorme. Cette 
anomalie est assurément très rare, Je n'en ai pas vu d'autre 
exemple dans tout le cours de mes expériences sur les Cat- 
tlévées; la plantule qui la présentait peut être comparée soit 
aux plantules monstrueuses de Vanda que j'ai décrites au 
chapitre IV, soit aux plantules normales d'£wlophidium ma- 
culalum, qui produisent précocément plusieurs bourgeons. 
Il est à présumer que des essais systématiques pour acelimater 
de jeunes Orchidées à de hautes concentration fourniraient 


(4) Je n'avais pas mesuré la concentration iniliale, mais on peut déduire des 
mesures faites pour les solutions employées dans l'expérience V qu'une solution 
à 0,5 p. 100 de salep et 3,3 p. 100 de saccharose a un degré de concentration 
égal à 23. La solution en question ici n'avait pas au début une concentration 
très différente. Mes tubes de culture contenant initialement 12 à 14 centimètres 
cubes de liquide, celui dont je m'occupe renfermait à la fin moins d'un cen- 
timètre cube; la concentration iniliale était donc plus que décuplée, même 
si l’on veut tenir compte de la faible quantité de sucre qui avait pu être absorbée 
par les plantules. 


174 NOEL BERNARD 


dans plus d'un cas des anomalies comparables à celles que j'ai 


observées dans les associations anormales. , 
$ 3. — NL MIÉCAN EE de l’action des champignons 
endophytes. 


J'ai montré dans le premier paragraphe de ce chapitre, en 
prenant des exemples en dehors des Orchidées, que les cellules 
capables soit d’élongation, soit d'épaississement, adoptaient le 
second de ces Ode de croissance dès qu'elles étaient exposées 
à l’action de solutions assez concentrées. Il n’est pas étonnant 
que les cellules d'un embryon de Bletilla réagissent à une 
élévation de la concentration du milieu de culture comme les 
cellules d'un filament de Stigeoclonium où comme les cellules 
d’un bourgeon de Pomme de terre. On peut concevoir aussi 
que les embryons de Cattléyées, dont l'accroissement se fait 
surtout par épaississement, se développent seulement au-dessus 
d’une certaine limite de concentration. Mais comment se fait-il 
que l'infestation entraîne, pour ces embryons d'Orchidées, une 
réaction comparable à celle produite en l'absence de cham- 
pignons par une haute concentration du milieu de culture? 

Je remarque d’abord, à un point de vue théorique, que les 
champignons, ou plus généralement les microorganismes qui 
vivent dans une solution nutritive, doivent être fréquemment 
capables d'augmenter le degré de concentration ou, si l'on veut, 
la pression osmotique de cette solution. On sait, en effet, que 
beaucoup de microorganismes sécrètent des da digestives 
capables de produire la dislocation de molécules complexes en 
un nombre plus grand de molécules simples. Le résultat de ces 
dislocations peut être en définitive une augmentation du nombre 
des molécules libres dans un volume donné de solution, c’est-à- 
dire une augmentation de la concentration ou de la pression 
osmolique. 

J'ai constaté que les Rhizoctones d'Orchidées ont un effet de 
ce genre sur certaines des solutions convenables à leur culture. 
Je m'en suis assuré, en particulier, pour des solutions de salep 
additionnées de saccharose, par plusieurs séries de mesures 
dont je donne ici un exemple. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 175 


De gros tubes de cullure contenant chacun 30 centimètres 
cubes d’une décoction à 1 p. 100 de salep additionnée de 
5 p. 100 de saccharose ont été stérilisés puis placés à l'étuve 
à 27°, lesuns sans champignons, lesautresaprès ensemencement 
de divers Rhizoctones. Au bout de 25 jours J'ai déterminé pour 
tous les tubes le volume de liquide restant et la température 
de congélation. Les résultats de ces mesures sont les suivants : 


Volume Température Concentration. 
final du liquide. de congélation. 
cc: 
Solution stérile............ 24 — 0°,38 38 
— avec R. lanuginosa... 24 — 09,43 43 
— avec À. repens...... 25 — 00,55 50 
— avec À. mucoroïides.. 24 — 0°,64 6% 


L'examen de ces chiffres montre que la présence des Rhizoc- 
tones entraîne une augmentation très notable de concentration 
de la solution employée. Cette augmentation ne tient pas à 
l'évaporation, qui a été sensiblement la même pour tous les 
tubes. ILest vraisemblable qu'elle est due surtout à une inversion 
partielle du saccharose, car les décoctions de salep pur, comme 
je l'ai constaté par d’autres mesures, ne présentent pas de 
variations notables de concentration quand on y cultive des 
Rhizoctones d'Orchidées (1). 


Les constatations que je viens de faire peuvent permettre de 
comprendre le mode d'action des Rhizoctones sur les embryons 
d'Orchidées. Si ces champignons sont capables d'augmenter la 
concentration de solutions où ils vivent, par suite d'actions 
digestives, il est vraisemblable qu'ils peuvent agir de même 
dans les tissus des Orchidées et augmenter le degré de concen- 
tration de la sève des plantules où ils ont pénétré (2). L'action 


(1) On remarquera que la plupart de mes semis d’Orchidées ont été faits sur 
des milieux imbibés de décoctions très diluées de salep. L'inoculation des 
champignons ne pouvait entrainer que des variations insensibles de la concen- 
tration de ces milieux de culture. La germination des graines, quand elle se 
produisait, était donc bien due directement à l’action des champignons sur les 
embryons qu'ils infestaient et non pas à une augmentation de la concentation 
du milieu de culture. 

(2) Dans quelques cas du moins l'existence d'actions digestives consécutives 

à l’infestation de jeunes Orchidées n’est pas douteuse. Magnus [27], comme 
moi-même [4], a signalé la disparition de l'amidon dans les cellules de Neottia 
Nidus-avis pénétrées par le champignon endophyte. Cette liquéfaction de 


176 NOEL BERNARD 


des champignons se ramènerait ainsi directement à celle des 
solutions concentrées. 

On aurait une image simple du mécanisme d'une semblable 
action en supposant qu'on introduise dans une culture de 
Stigeoclonium un champignon capable d'augmenter le degré 
de concentration de la solution nutritive. Les cellules de l’algue 
pourraient réagir à cette élévation de la concentration du liquide 
qui les baigne en changeant de mode de croissance, et cela 
même si le champignon et l’algue n’entraient pas en contact. De 
même dans une plantule d'Orchidée, l'infestation d’une région 
limitée pourrait avoir pour conséquence un accroissement de 
concentration de la sève dont les effets se feraient sentir même 
pour des cellules non infestées par le champignon. 

C’est là du moins une manière de voir qui coordonne provi- 
soirement les faits connus. Je la propose sans lui attribuer 
une valeur exclusive. J’ai eu soin d'indiquer au début de ce 
chapitre que des conditions diverses peuvent avoir des actions 
comparables sur les phénomènes de la croissance cellulaire. 


$ 4. — EÉventualité d'un retour à la vie autonome. 


Dans les conditions expérimentales où je me suis placé, il à 
été relativement facile de faire germer des Orchidées sans 
champignons, et il semble bien qu'il faudrait seulement du 
temps et quelques soins pour prolonger leur culture dans ces 
conditions. À tout prendre, étant donnée la difficulté d'obtenir 
ou de conserver des Rhizoctones actifs, il n’était pas plus facile 
de réaliser pour ces jeunes Orchidées les conditions de la 
symbiose. Après cette constatation, il peut paraitre étrange 
que les Orchidées n’adoptent pas communément la vie auto- 
nome dans la nature et restent très généralement soumises à la 
symbiose, malgré les conditions très diverses que peuvent 
l’amidon est bien un des phénomènes qui peuvent augmenter la proportion 
des substances dissoutes dans le suc cellulaire et secondairement dans la sève 
extracellulaire, et ce n’est sans doute là qu'un type d'action digestive particu- 
lièrement facile à déceler. Il faut retenir d’ailleurs que les embryons d'Orchi- 
dées ne sont pas toujours absolument incapables de digérer leurs réserves en 
l'absence de champignons. On a vu, par exemple, au chapitre IT que la digestion 


de l’amidon peut se faire dans les embryons de Cymbidium avant toute infes- 
tation. 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 1R7ÈTI 


rencontrer leurs innombrables graines, exceptionnellement bien 
adaptées à la dissémination. Il y à là un paradoxe apparent 
qui prête à des commentaires instruclifs. 

On remarquera d’abord que la technique suivie dans mes 
expériences pour faire germer des Orchidées sans champignons 
est seulement applicable grâce à lemploi des méthodes de 
culture pasteuriennes. Ilserait tout à fait illusoire d'espérer 
faire germer des graines d'Orchidées sur un sol non stérilisé 
qu'on arroserait avec des solutions relativement concentrées 
de salep ou de sucre. Le régime créé par cet arrosage serait 
avant tout favorable à la foule des microorganismes du compost, 
qui prendraient un développement rapide au détriment des 
graines, capables seulement d'un développement très lent. 
Divers essais de ce genre, entrepris sur mon consed par des 
amateurs d'Orchidées, ont abouti, comme il fallait s'y attendre, 
à la destruction rapide des semis. Les Orchidées peuvent germer 
par l’action de solutions de matières organiques non toxiques, 
mais c'est à la condition expresse qu'elles soient mises par les 
procédés pasteuriens à l'abri de la lutte pour l'existence qui 
est la loi naturelle. 

On pourrait tenter en vérité d'élever la concentration par 
l'emploi de solutions salines qui seraient moins favorables au 
pullulement des moisissures et des microbes; mais dans cette 
voie de recherches, on rencontrerait bientôt un autre ordre de 
difficultés, car les solutions salines, dès que leur concentration 
est un peu élevée, deviennent en général rapidement (toxiques. Si 
Lant est qu'on puisse instituer une méthode pratique de culture 
des Orchidées en l'absence de champignons, cela nécessitera 
des recherches attentives et des conditions très spéciales. Il 
devient moins étonnant si l’on songe à cela que de semblables 
conditions n'aient pas élé communément réalisées dans la 
nature. Mais cependant la possibilité subsiste qu’elles se réalisent 
parfois; les expériences rapportées dans ce chapitre gardent, à 
mon sens, un intérêt essentiel par le fait qu'elles suggèrent cette 
possibilité. 

Dans l’état actuel de nos connaissances, on ne peut donner 
aucun exemple d'une Orchidée ayant germé sans champignons 
dans la nature ou dans les serres ; la symbiose est la règle 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IXS 12 


178 NOEL BERNARD 


commune au début de la vie. I semble cependant que certaines 
Orchidées, où plus généralement certaines plantes communé- 
ment infestées par des champignons, puissent s'affranchir de la 
symbiose dans une certaine mesure, au moins à l'état adulte. 

D'aprèsJohow 19! uneOrchidéeholosaprophvyte, le Wudschlæ- 
gelia aphyla, peut être tout à fait dépourvue de champignons. 
Jai vu un Psilotum triquetrum provenant des serres du Muséum 
d'histoire naturelle dont la griffe souterraine était imdemne de 
toute infestalion ; or 1} s'agit là encore d’une plante communé- 
ment soumise à la symbiose et qui y parait hautement adaptée. 
Des Ficaires, des Arum ordinairement infestés peuvent végéter 
plusieurs années sans champignons, comme Gallaud "431 la 
observé. On pourrait sans peine multiplier ces exemples. 

Dans une certaine mesure d’ailleurs, on peut considérer que 
beaucoup d'Orchidées cultivées en serre sont en voie de s’affran- 
chir de la symbiose ; leurs racines sont généralement infes- 
Lées, mais on n’y trouve le plus souvent que des champignons 
peu actifs, comme je Pai dit au chapitre IE. Les soins horticoles 
doivent ici suppléer dans une certaine mesure au défaut d’acti- 
vité des champignons et permettre le maintien d'un état de 
chose anormal. 

Il est donc logique de penser que dans des conditions rare- 
ment réalisées, même pour les Orchidées les plus hautement 
adaptées à la symbiose, Le retour à la vie autonome peut éven- 
tuellement se produire. Mes expériences donnent un exemple 
précis d'un semblable affranchissement, elles peuvent faire 
prévoir ses nécessités et ses conséquences. 

Pour réussir à faire germer une Cattlévée sans champignons, 
il faut, par un moyen ou un autre, réaliser une condition de 
culture nouvelle, équivalente à la symbiose et capable d'entraîner 
les mêmes résultats. Dans cette. condition nouvelle l’affranchis- 
sement est possible, mais la plante se développe cependant 
suivant son mode habituel. Même si l'on admet, comme je lai 
soutenu ici, quela symbiose est un facteur essentiel de l'évolution, 
une condition qui à pu modifier le développement, on ne doit 
pas s'attendre à ce que la vie autonome entraîne, dès sa réali- 
sation, des variations considérables et brusques. 

Mais si nous imaginons pour un instant qu'on cultive une 


L'ÉVOLUTION DANS LA SYMBIOSE 179 


espèce d'Orchidée sans champignons, pendant le cours de plu- 
sieurs généralions successives, il n'est pas assuré qu'on n'of- 
frira pas ainsi des possibilités nouvelles à l'évolution de cette 
espèce. 

L'action des champignons a ceci de particulier qu'elle s'exagère 
pour ainsi dire automatiquement pendantlecours de lasymbiose. 
Si une graine arrive à germer avec un champignon d'activité 
faible, cette activité doit forcément s’accroître au cours de la 
vie commune,comme Je l'ai montré précédemment, et la jeune 
plante devra ainsi subir une action de plus en plus énergique 
de la part de son hôte. Dans la vie autonome les choses ne 
se passeraient pas nécessairement ainsi. Les conditions qui 
peuvent se substituer à la symbiose, comme par exemple un 
degré relativement élevé de concentration du milieu de culture, 
sont indépendantes de la plante, extérieures à elle pour ainsi 
dire et peu capables de se modifier par son action. Une graine 
qui aurait germé sur un milieu concentré ne donnerait pas 
fatalement une plantule adaptée à des concentrations de plus 
en plus hautes, et j'ai vu au contraire qu'on pouvait trans- 
porter sans dommage des plantules obtenues à haute concen- 
tration sur des milieux plus dilués. Le retour à la vie auto- 
nome se serait accompli au début dans des conditions forcément 
assez spéciales, mais rien d’essentiel ne paraitrait plus imposer 
le maintien indéfini de ces conditions. On concevrait qu'avec 
le temps la race d’Orchidées autonomes que j'imagine puisse 
s'adapter à des conditions de vie plus banales, au prix de cer- 
laines transformations. 

Pour concevoir en général le rôle qu'a pu avoir la symbiose 
dans l'évolution des plantes, il faut arriver à penser que lasso- 
cialion avec des champignons à été un épisode transitoire dans 
l'histoire des races végétales. Mais cet épisode est sans doute 
essentiel pour comprendre lévolution de ces races dans le 
cours des temps. 


APPENDICE 


NOTE I 


MILIEUX DE CULTURE, LEUR CONCENTRATION. 


Pour préparer les tubes de culture, je me suis presque exclusivement 
servi de décoctions de salep. L'emploi du salep comme matière nutri- 
tive était tout indiqué, ce produit étant obtenu par la pulvérisation de 
bulbes d'Ophrydées desséchés. Le salep pulvérisé est vendu commu- 
nément par les pharmaciens; d’après les échantillons divers que j'ai 
examinés, c'est un produit assez variable. Celui que j'ai employé avait 
toujours la même origine. 

Voici la méthode suivie pour préparer une décoction claire de salep. 
On dilue 60 grammes de salep dans deux litres d’eau (1), de facon à 
éviter la production de grumeaux ; on laisse macérer à froid pendant 
vingt-quatre heures, puis on chauffe pendant une heure dans l’autoclave 
à 120°. Au sortir de l’autoclave on a soin d'ajouter un poids d’eau tiède 
égal au poids d'eau évaporée, qu'il est facile d'apprécier en pesant le 
ballon chauffé avant et après son passage à l’autoclave. La décoction 
encore tiède est mise dans un vase à décantation;, on en sépare le 
lendemain la partie supérieure, qui doit être limpide, de consistance 
un peu sirupeuse et d’une couleur ambrée. Cette décoction limpide 
à 30 p. 1000 ne peut être conservée qu'après une nouvelle stérilisation. 
Au moment de l'emploi pour la préparation d’un milieu de culture, 
on la dilue, de la manière voulue, par adjonction d'eau. 

L'appréciation du degré de concentration des décoctions employées 
pour les cultures a une assez grande importance, comme on l’a vu dans 
le chapitre VI. J'ai cherché à apprécier la valeur absolue de cette 


concontration en déterminantlatempérature de congélation des solutions: 


nutritives employées, par les moyens usuels de la cryoscopie. Dans le 
cours de ce mémoire, la concentration de chaque solution est toujours 
exprimée par le nombre qui mesure,en centièmes de degré centigrade, 
l’abaissement au-dessous de séro de la température de congélation. I] 
serait facile, au moyen d’une formule connue, de déduire de chaque 
nombre ainsi donné la pression osmotique de la solution correspon- 
dante. 

Je n'ai pas répété les mesures cryoscopiques pour chaque solution 
que je préparais, mais j'ai, une fois pour toutes, mesuré les tempé- 


(1) Cette proportion de 30 p. 1000 est la plus convenable. Exceptionnelle- 
ment jai préparé une décoction à 40 p. 1000, mais c’est à peu près la limite 
extrème possible ; les décoctions plus riches en salep sont très visqueuses et 
se décantent mal. 


APPENDICE 181 


ratures de congélation de décoctions diversement diluées, au moment 
où je venais de les préparer pour leur emploi définitif. La température 
de congélation étant à très peu près proportionnelle à la dilution, un 
petit nombre de mesures suffisent pour calculer la température de 
congélation d’une solution de dilution quelconque. 

Voici en définitive les concentrations de diverses décoctions de 
salep employées dans mes expériences. 


Teneur en salep. Température Concentration. 
de congélation. 

40 p. 1000::.....:.. bee 12 

CURE EE En VS DO PPT 9 

DDR AN ere 10000. 6 

SR er Des ece 4,5 

ER AE RER 4 

AO RE TE DER et 3 
ID es aies estoiere D roc 2 
DR su dense De 1 'asimesete 1,5 
D Rte De iee iere 


Ces nombres sont approximatifs, non seulement par ce qu'il a pu y 
avoir de très légères différences dans la préparation des décoctions de 
salep faites à diverses dates, mais encore parce que la stérilisation 
des tubes après l'introduction du milieu de culture entraine toujours 
l’évaporation d’une petite quantité d’eau. Il faut remarquer aussi qu'il 
y à toujours une évaporation notable dans le cours d'une expérience 
de longue durée; la concentration finale serait plus élevée que la 
concentration initiale à laquelle les nombres donnés se rapportent. 
Comme je l’ai dit au chapitre VI, la vie des champignons sur ces 
décoctions de salep ne modifie pas sensiblement leur concentration. 

Pour préparer les tubes où je devais faire des semis de graines, je 
me suis toujours servi de décoctions à la concentration 1 ou à une 
concentration très voisine, sauf dans les cas où une indication contraire 
est expressément donnée. 

Le substratum choisi pour faire les semis a été variable. Tantôt je 
me suis servi de petites plaques de coton hydrophile appliquées sur la 
paroi des tubes de culture et trempant par le bas dans la décoction 
(fig. 12, page 64). C'est la méthode la plus convenable pour les Cypri- 
pedium, les Phalænopsis, les Vanda. 

Tantôt j'ai ajouté à la décoction 12 p. 1000 de gélose, de façon à 
obtenir un milieu solide à surface libre inclinée par rapport à l'axe du 
tube (fig. 1, page3). C'est la méthode la plus usuellement adoptée pour 
les semis de Cattléyées ou d'Odontoglossum. 

Quelquefois enfin j'ai employé de petits parallélipipèdes taillés dans 
de la moelle de sureau, que je faisais bouillir avant leur emploi avee 
une décoction de la concentration voulue, de facon à bien les imbiber. 
Ce substratum m'a servi pour faire quelques semis de Cymbidium où 


182 NOEL BERNARD 


de Vanda : d'après les constatations que j'ai faites, il n'est pas à 
recommander ; le coton ou la gélose restent à conseiller de préférence. 
J'ai essayé avec très peu de succès l'emploi du papier filtre ou de la 
porcelaine poreuse. 

Pour la culture des champignons, je me suis servi ordinairement 
d'une décoction de concentration 3, rendue solide par adjonction de 
gélose. On peut aussi bien faire les cultures sur des morceaux de 
carotte ou sur divers milieux usuels dont j'ai employé quelques-uns 
dans la première année de mes expériences, mais non par la suite. 


NOTE II 


SEMIS PURS DE GRAINES D'ORCHIDÉES. 


L'essentiel pour faire des semis purs de graines est d’avoir des fruits 
mürs, mais récoltés avant leur déhiscence. De semblables fruits m'ont 
été envoyés par des correspondants habitués à apprécier le degré de 
maturité des capsules. En ouvrant ces fruits on peut reconnaitre qu'ils 
sont mûrs à ce que les graines sont détachées des placentas, isolées Les 
unes des autres et à ce qu'elles ont pris leur couleur définitive. 

Ayant un fruit en bon état, au bout d’une pince, on le trempe dans 
l'alcool, rapidement, simplement pour le mouiller, puis on fait brûler 
l'alcool à sa surface. Le fruitest alors déposé dans un cristallisoir stérile, 
on le sépare en deux coques avec un scalpel flambé. Une moitié étant 
prise avec une pince, on secoue rapidement les graines qu'elle contient 
dans un gros tube de verre stérilisé d'avance. En roulant le tube entre 
les doigts, on répartit les graines sur la paroi de verre où elles restent 
adhérentes. 

Les graines peuvent être gardées, à sec et à l'obscurité, six mois ou 
plus quand il s'agit de Catléyées, moins longtemps dans d’autres cas. 
A mesure des besoins on fait les semis définitifs en prenantles graines 
par petits lots sur une pelle de platine flambée et refroidie pour les 
semer sur la gélose ou sur le coton au salep dans les tubes de culture. 

Quand on n'a pas de fruits en bon état les semis purs sont plus 
difficiles à obtenir. J'ai décrit autrefois [6] une méthode de séparation 
des graines sur gélose qui peut servir au besoin. Mais il vaut mieux 
avoir des fruits récoltés à point, auquel cas il n’y a aucune difficulté: 
sans plus de précautions que celles dont je viens de parler, on n’observe 
presque jamais de contamination des tubes. 

La difficulté la plus sérieuse n'est pas de réaliser des semis purs, 
mais de les conserver ainsi. Mes expériences duraient toujours plusieurs 
mois, les plantules devaient être éclairées, il fallait aussi éviter une 
dessiccation trop rapide. Je plaçais mes tubes dans un compartiment 
isolé d'une petite serre, à une température de 15 à 25° et je maintenais 
toujours l'atmosphère un peu humide par des arrosages du sol et des 
parois de la serre. Dans ces conditions il arrive très souvent que le bou- 


APPENDICE 183 


chon de coton qui ferme les tubes moisisse et que des Mucédinées 
diverses arrivent ainsi à pousser dans l’intérieur du tube et l’en- 
vahissent. 

Tous mes tubes étaient stérilisés au four à flamber d’abord, avant 
l'introduction du milieu de culture, à l’autoclave ensuite. Malgré cela, 
ils moisissaient assez régulièrement au bout de quelques mois, dans 
mes premières expériences. L'emploi de petits capuchons de eaout- 
chouc recouvrant l'ouverture des tubes et le coton ne remédiait pas à 
cet état de choses, bien au contraire. Les petits capuchons en papier 
d’étain valent mieux, mais guère. A la fin, j'ai eu recours, pour boucher 
mes tubes de culture, à du coton imprégné d'azotate d'argent et je m'en 
suis bien trouvé, mes cultures ayant pu souvent dès lors subsister un 
an et plus sans se contaminer. : 

On prépare au moment de l'emploi une solution alcoolique d’azotate 
d'argent, en mélant 25 centimètres cubes d'une solution aqueuse à 
10 p. 100 de ce sel avec 475 centimètres cubes d'alcool à 95°, On se sert 
de cette solution pour imbiber uniformément 100 grammes de coton. 
Le coton est ensuite mis à sécher à l'obscurité. Quand il est sec, on s'en 
sert pour boucher des tubes qu'on stérilise au four à flamber et qu'on 
garde dans un placard sec. Le chauffage fait prendre au coton une 
couleur brun violacé. Les tubes de culture qui doivent servir au semis 
des graines ont d’abord été bouchés au coton ordinaire et stérilisés. 
Au moment de les employer on remplace le bouchon de coton de 
chacun d'eux par un bouchon de coton à l’azotate d'argent pris sur 
l’un des tubes préparés comme je viens de dire. Ces bouchons de 
coton doivent être assez serrés. Souvent j'ai recouvert l'ouverture de 
chaque tube avec un petit capuchon en papier d'étain, mais c'est, je 
pense, une précaution qui n'a pas d'importance essentielle. 

Dans la plupart de mes expériences je me proposais de comparer les 
semis faits dans divers tubes de culture: Pour que la comparaison soit 
valable, il faut avoir soin de semer les graines et aussi les champignons 
au même niveau dans tous les tubes; ainsi, les graines sont atteintes 
par les champignons à peu près en même temps dans les divers tubes 
el elles subissent d'une manière comparable les effets de la dessiccation 
des milieux de culture au cours de l’expérience. 


NOTE III 


MÉTHODES POUR L'ISOLÉMENT DES CHAMPIGNONS ENDOPHYTES. 


La méthode [a plus sûre pour cultiver un champignon endophyte 
consiste à isoler de l’intérieur d’une cellule un peloton de mycélium 
bien vivant et à le semer dans un tube de culture sur un milieu stérilisé 
et convenable. J'ai dù appliquer constamment cette méthode pour 
les expériences, décrites dans le chapitre IT, qui démontrent l'exal- 
tation d’activite des endophytes par la vie dans les plantules, Il s'agissait 


184 NOEL BERNARD 


là d’un cas particulièrement simple, puisque je disposais de plantules 
prises dans des tubes de culture où elles ne pouvaient être souillées 
ni de bactéries ni de Mucédinées banales. Je m'occupe en premier lieu 
de ce cas. 

Voyons d’abord quel est l'outillage nécessaire. Je me suis servi d'un 
petit microscope redresseur, donnant un grossissement de 80 diamètres, 
avec une distance frontale assez grande pour permettre aisément sous 
l'objectif toutes les manœuvres utiles. La plantule à examiner était 
placée, au sortir du tube de culture, sur une lame de verre qu'on avait 
. au préalable mouillée d'alcool et flambée. J'avais toujours à portée de 
la main des tubes stérilisés d'avance où je pouvais prendre aseptiquement 
une goutte de décoction de salep pour humecter au besoin la plantule. 
Les dissections étaient faites avec de fines aiguilles flambées chaque fois | 
qu'il était utile. Enfin, pour prendre les très petits objets, je me servais 
d’un fil de platine très fin (fil à la Wollaston), soudé au bout d'une 
baguette de verre et recourbé à son extrémité libre en un anneau 
minuscule, : 

Une plantule étant déposée dans une goutte de décoction stérile, 
on commence par la débarrasser du tégument de la graine, et, autant 
que possible, du mycélium superficiel. On la transporte ensuite dans 
une nouvelle goutte de décoction stérile où on la dilacère avec deux 
aiguilles. Les pelotons mycéliens d’un certain nombre de cellules 
sortent et nagent dans le liquide; on cherche les meilleurs, qui ne 
doivent présenter aucune trace de dégénérescence ; cette recherche 
nécessite parfois l'examen de la préparation à un plus fort grossisse- 
ment. Quand quelques pelotons convenables sont distingués, on les 
pousse avec une aiguille vers un côté de la goutte de liquide qui s’étale 
un peu par ce mouvement. Ayant ainsi dans le champ du microscope 
les pelotons qui doivent servir au semis, et rien d'autre, il reste à les 
pêcher pour les semer un à un dans des tubes de culture. L'essentiel 
pour cela est qu'il y ait assez et pas trop de liquide ; au besoin on en 
ajoute, ou bien on le laisse pendant quelques instants s'évaporer. Le 
point convenable étant atteint, on approche le petit anneau fait à 
l'extrémité du fil de platine fin, de manière qu'un peloton et un seul 
se voie juste en son centre. On baisse alors le fil, il se prend une gout- 
telette de liquide dans l'anneau et le peloton avec elle; la réussite 
est presque sûre dès qu'on à acquis un peu d'habitude. Pour semer 
le peloton il suffit de toucher le milieu de culture avec le petit anneau ; 
on peut du reste, après celte opération, reporter l'anneau sous le mi- 
croscope, alin de voir si le peloton n'y est plus. Toutes ces opérations 
sont en réalité très rapides ; la méthode est des plus sûres ; elle ne 
laisse pas en doute qu'on ait bien isolé du mycélium intracellulaire. 

Malheureusement, il arrive bien trois fois sur quatre que les pelotons, 
même choisis avec tout le soin possible, ne germent pas. J'ai semé 
en chambre humide, dans des gouttelettes de décoction de salep, des 


APPENDICE 185 


pelotons qui paraissaient magnifiques, nullement digérés et qui mon- 
traientau contraire des filaments bien pleins de protoplasma réfringent. 
Souvent ces pelotons, observés jour par jour, dégénéraient sans avoir 
montré trace de germination; mais parfois il arrive qu'ils germent 
(fig. 2, page 26). En conséquence, ‘pour avoir chance d'obtenir des 
cultures du mycélium qu'on désire, il faut toujours semer des pelotons 
dans un assez grand nombre de tubes. Faute de mieux, j'ai eu ce soin. 


Quand on veut isoler le mycélium vivant dans une racine, 11 y a un 
peu plus de précautions à prendre, mais l'essentiel est de bien choisir 
le fragment de racine à utiliser. Il faut toujours prendre des racines 
assez jeunes, en pleine voie de croissance ; on les distingue assez bien 
en examinant leur pointe. S'il s'agit d'Orchidées cultivées, on doit 
prendre les racines développées dans la profondeur du compost, de pré- 
férence à celles qui rampent à la surface des pots ou des paniers et 
aussi, bien entendu, de préférence aux racines aériennes dépourvues 
de champignons. 

Pour la suite, il faut être bien pénétré des lois qui règlent la répar- 
ütion du mycélium dans les racines. Le plus souvent il y à dans l'écorce 
des plages infestées successives et non confluentes. Les plus voisines 
de la pointe occupent souvent la partie de l'écorce située juste en 
arrière de la région de grande croissance de la racine; ce sont les 
plages récemment infestées, on y voit peu ou pas de corps de dégé- 
nérescence. Les plages infestées plus éloignées de la pointe, situées 
dans des régions adultes de la racine, sont plus anciennes et plus riches 
en corps de dégénérescence; les pelotons qu'on en isole ont les plus 
grandes chances de ne pas germer. On ne voit jamais d'infestetion 
récente dans une portion âgée de racine. Sans doute il y a pour chaque 
racine, à chaque moment, une seule région un peu en arrière de la 
région de grande croissance qui a la capacité d'attirer les champi- 
gnons; c'est là qu'il faut les prendre quand ils viennent de pénétrer. 

On fait donc des coupes transversales successives de centimètre en 
centimè(re et on les examine. pour arriver à déterminer et choisir un 
tronçon de racine qui soit infesté et le plus rapproché possible de la 
pointe. Ce tronçon isolé entre deux coupes étant choisi, il est bon de 
nettoyer sa surface. S'il y a un voile la chose est simple, car on n'a 
qu'à enlever ce voile avec un scalpel et une pince flambés ; ilse détache 
aisément, souvent d’un seul coup après qu'on l’a fendu, et il reste une 
racine propre. S'il n'y a pas de voile, on peut agiter vigoureusement 
pendant quelques minutes le fragment de racine avec de l’eau et du 
sable fin, dans un gros tube de verre stérilisé d'avance et bouché au 
moment de l'emploi avec un bouchon de liège dont on à flambé la 
surface. 

Ayant un tronçon de racine bien choisi et propre, on le débite en 
coupes longitudinales un peu épaisses. Je me sers de moelle de sureau 


186 NOEL BERNARD 


passée à la flamme, pour inelure et fixer le fragment de racine, et 
d’un rasoir dont la lame a été mouillée d'alcool, flambée, puis refroïdie 
par immersion dans de l’eau stérile. Les coupes aussitôt faites sont 
plongées dans de la décoction de salep stérile mise d'avance dans de 
petites boites de verre munies d’un couvercle ; de là on portera succes- 
sivement les coupes sur des lames de verre pour les examiner comme 
les plantules de tout à l'heure. 

Sur ces coupes longitudinales de racines on peut isoler des pelotons; 
je l’ai fait à plusieurs reprises pour être tout à fait sûr de la nature des 
champignons que j’obtenais. Maïs il est plus pratique de séparer du 
reste de la coupe une plage infestée, contenant plusieurs pelotons, et de 
la semer tout entière. On à un peu plus de chances d'avoir un semis 
rendu impur par des Bactéries, mais en faisant les semis sur des milieux 
à la gélose, il est bien facile d'isoler les champignons à l’état pur quand 
le voile qu'ils forment dépasse les colonies bactériennes. En semant 
ainsi plusieurs pelotons à la fois, on a plus de chances d'obtenir des 
cultures de mycélium en ne préparant qu'un nombre modéré de tubes. 

Au début de mes recherches, je n'employais pas des méthodes aussi 
précises [6]; je n'avais pour moven d'identifier les champignons obtenus 
que la constatation de leur action sur les graines; elle pouvait d’ailleurs 
suffire à lever toute incertitude. Dans la suite, je n'ai trouvé que des 
avantages à choisir, toujours sous le microscope, les champignons à 
semer. Îl peut y avoir suivant les cas quelques variantes, mais ce que 
j'ai dit ici indique assez la nature des moyens à employer. 

Le lecteur qui voudrait cultiver des champignons de racines d’Orchi- 
dées, trouvera avantage à essayer d'abord la méthode dans le cas où là 
réussite est le plus facile. Les grosses racines de Vanda tricolor offrent 
un matériel d'expérience, particulièrement favorable : les plages 
infestées, de couleur orangée, se voient à l’œil nu sur les sections de la 
racine, et le mycélium du Æhisoctonia mucoroïdes à une végétation 
particulièrement rapide et vigoureuse. Dans ce cas, on réussit presque : 
à coup sûr ; il y a parfois des difficultés plus grandes et pour les 
racines de quelques Orchidées tous mes essais sont restés vains. Je ne 
doute pas cependant que la réussite soit, dans tous les cas, une simple 
question de soin et de patience. 


NOTE IV 


NATURE DES GRAINES ; CONDITIONS NORMALES DE SEMIS. 


1° Bletilla hyacinthina. 


Toutes les graines de Bletilla que j'ai employées pour mes expé- 
riences, pendant plusieurs années successives, étaient produites par 
quelques plantes que je cultivais en serre; ces plantes provenaient de 
la subdivision d’un pied primitivement unique. J'ai toujours fécondé 


APPENDICE 187 


moi-même chaque fleur avec le pollen d'une autre fleur de la même 
inflorescence. De plus, pour chacune des séries de cultures à comparer, 
je me suis toujours servi des graines d'un même fruit. Le polymor- 
phisme des plantules n’a donc assurément pas tenu à autre chose 
qu'aux conditions dans lesquelles j'ai fait les semis. Ces semis de Ble- 
tilla ont toujours été faits sur du coton imbibé de décoctions de salep 
diversement concentrées, comme je l'ai indiqué pour les expériences 
rapportées dans ce mémoire. 


29 CATTLÉYÉES. 


La description et les croquis de la germination des Cattléyées donnés 
dans le chapitre IT s'inspirent directement de ce que j'avais publié 
antérieurement sur ce sujet [6]; je me contente d'y renvoyer. 

Les expériences rapportées dans les chapitres HIT, IV, V et VI'ont 
été faites avec des graines de diverses Cattléyées que des correspondants 
m'ont procurées. Ces graines provenaient en général d'hybridations 
assez complexes ; pour la facilité de la rédaction j'ai désigné leurs espèces 
dans le cours de ce mémoire par des dénominations abrégées et conven- 
üonnelles; j'indique ici à quoi ces désignations correspondent. 

1° Lælio-Brassavola : graines obtenues en fécondant le Lælia Mo- 
zart par le Brassavola Dygbiana. Le Lxlia Mosart est lui-même un 
hybride de Zælia Boothiana X< Lælia purpurata. 

20 Lælia : la plante porte-graines était un hvbride de Laælia Dayana 
X Lælia Xanthina: le pollen provenait d'un autre hybride, Zælia 
tenebrosa X Cattleya aurea. | 

3° Caltleya : graines provenant de la fécondation du Cattleya 
labiata alba par le Cattleya aurea. 

4° Lælio-Cattleya : graines provenant de la fécondation de Zælio- 
Cattleya intermedio-flava par Cattleya Trianæ alba. 

Sauf dans quelques cas où j'ai trouvé intérêt à employer le coton 
comme substratum de culture (Voy. chapitre IV), les graines de ces 
Cattléyées ont été semées sur la décoction de saiep gélosée de concen- 
tration 1. 


3° Cymbidium. 


Les graines qui m'ont servi provenaient de la fécondation du Cymbi- 
dium giganteum par le Cymbidium Loiwianum. Elles ont été semées 
en avril 1905 sur des morceaux de moelle de sureau imbibés d'une 
décoction de salep à la concentration 2. Je me suis servi, pour les ino- 
culations, du mycélium de la série K, récemment isolé. Soit que le choix 
du milieu de culture n'ait pas été heureux, soit que le mycélium employé 
n'ait pas eu une activité suffisante, les résultats ont été médiocres. Il a 
fallu neuf mois pour que j'obtienne les plantules les plus développées 


188 NOEL BERNARD 


représentées dans la figure 10 (page 55); elles étaient les uniques 


survivantes de semis abondants où la plupart des plantules étaient 
mortes plus précocement. 


4° Odontoglossum. 


J'ai fait deux séries de semis d'Odontoglossum, en employant comme 
milieu de culture la décoction de salep gélosée de concentration 1. 
C'est le milieu le plus favorable dans ce cas comme pour les Cattléyées, 
les cultures sur coton donnant de moins bons résultats. 

En août 1905 des semis ont été faits avec des graines provenant d’une 
fécondation d'Odontoglossum Pescatoreï par Odontoglossum trium- 
plans. Le mycélium de la série O à produit une germination assez 
satisfaisante de ces graines. 

En août 1906, j'ai fait de nouveaux semis avec des graines provenant 
d'unefécondation d'Odontoglossumcrispum par Odontoglossum Adrianæ 
(ce dernier est lui-même un hybride d'Odontoglossum crispum X< Odon- 
toglossum liunnewellianum). Le mycélium de la série O s’est d'abord 
montré inactif pour ces semis; je n’ai obtenu de germination qu'en 
accroissant la virulence de ce mycélium par les moyens indiqués au 
chapitre II. 

Ces semis, bien qu'ils m'’aient fournides plantules viables, ont toujours 
présenté une germination assez irrégulière ; beaucoup d’embryons se 
développaient très lentement et finissaient par mourir après quatre ou 
cinq mois. [l'est vraisemblable que je n'ai jamais eu de mycélium parfai- 
tement actif du Rhisoctonia lanuginosa. 


»° Phalænopsis. 


Les graines dont j'ai décrit la germination au chapitre II provenaient 
d'une fécondation de Phalænopsis amabilis par Phalænopsis rosea. 

I m'a fallu quelques tâtonnements pour déterminer le meilleur milieu 
de culture; je me suis dirigé dans cette recherche en examinant les 
conditions favorables au verdissement des embryons en l'absence de 
champignons. Les semis sur coton, toutes choses égales d’ailleurs, 
réussissent beaucoup mieux que les semis sur gélose ou sur plaques 
de porcelaine poreuse, mais de plus il a été nécessaire, pour réussir, 
d'employer une solution nutritive relativement concentrée ; une teneur 
assez élevée du milieu de culture en suere ou autres substances orga- 
niques paraissant nécessaire au verdissement des embryons. Cette 
constatation ayant par elle-même un certain intérêt, je dois dire comment 
je l'ai faite. 

Des graines avaient été semées purement sur des plaques de porce- 
laine poreuse, de la gélose ou du coton imbibés d'eau distillée; après 
deux mois d'exposition à la lumière, les embryons s'étaient un peu 


APPENDICE 189 


gonflés mais n'avaient nullement verdi. Dans les mêmes conditions, 
mais en présence d'une solution de saccharose à 10 p. 100, les embryons 
verdissent visiblement avant la fin du premier mois. Des résultats bien 
meilleurs encore sont obtenus avec une décoction de salep à la concen- 
tration 3. J'ai done adopté cette solution nutritive et le coton pour mes 
semis et c’est ainsi qu'ontété obtenus les résultats décrits au chapitre IF. 

L'impossibilité du verdissement des embryons en l'absence d'un 
aliment organique convenable est intéressante à noter. Elle vient à 
appui des recherches de Palladine [31] qui ont montré la nécessité de 
matières organiques, en particulier de sucres pour la formation de 
chlorophylle dans les feuilles étiolées. Cette difficulté du verdissement 
est particulière aux Phalænopsis où Vanda, et inégale même suivant 
les espèces, d’après ce que d’autres essais m'ont montré. Les graines 
de Cattléyées, de Cymbidium,d'Odontoglossum verdissent très aisément, 
même en présence d'eau pure, sans doute parcequ'ellessontsuffisamment 
pourvues de réserves qui manquent plus ou moins au Phalænopsis 
ou Vanda. 

Pour la contamination de ces semis de Phalænopsis, je me suis servi 
du mycélium de Æhizoctonia mucoroïdes de la série P, au moment 
même où je venais de l'isoler, en Février 1905. Les résultats dans les 
conditions ainsi fixées ont été admirables et ces semis de Phalænopsis 
ont été assurément les mieux réussis de tous ceux que j'ai obtenus. Les 
graines germaient très régulièrement et très vite, les plantules étaient 
parfaitement vigoureuses. J'ai pu sans peine élever certaines d'entre 
elles jusqu’à dix-huit mois (fig. 12, page 64) ; elles tenaient à peine alors 
dans les tubes de culture où je les avais transportées précédemment 
une à une. J'ai renvoyé quelques plantules au moment de la sortie de 
leur première racine à celui de mes correspondants qui m'avait fourni 
les graines. Repiquées dans du S'phagnuin, suivant la méthode horticole 
usuelle, elles ont parfaitement vécu; l’une d'elles à fleuri au début 
de 1908, trois ans après le semis de la graine. 

Ces résultats sont supérieurs à ceux que les horticulteurs obtiennent 
communément; la germination des Phalænopsis passe auprès d'eux 
pour assez difficile. Dans le Manual de Veitch [53] si riche en rensei- 
gnements pratiques de toutes sortes, les plantules d’un Phalænopsis 
sont figurées à divers âges; à en juger par ces figures, les plantules 
semées en serre ne seraient pas plus développées trois ans après le 
semis que celles obtenues dans mes tubes après dix-huit mois de culture. 


6° Vanda. 


À plusieurs reprises j'ai fécondé par leur propre pollen ou par le 
pollen de fleurs voisines des fleurs de plusieurs Vanda tricolor cultivés 
dans les serres du Jardin des plantes de Caen. Les fruits ont toujours 
mis plus d’un an à mürir, mais les graines y étaient nombreuses et 


190 NOEL BERNARD 


presque toutes pourvues d’embryons, ce qui n'arrive pas toujours chez 
les Orchidées. Ces graines sont les seules dont je me sois servi. 

J'ai obtenu une seule fois leur germination avec le Rhisoctonia 
mucoroïdes, c'est-à-dire dans des conditions normales. Cela s’est produit 
en avril 1905, à une époque où le mycélium de la série P, âgé seulement 
de trois mois, avait encore de l’activité. Ensuite d’autres essais ont été 
infructueux; j'ai seulement obtenu alors des plantules monstrueuses, 
avec le Ahisoctonia lanuginosa comme il est dit au chapitre LV. 

Mes semis de 1905 ont presque tous été faits dans les conditions qui 
s'étaient montrées bonnes pour les Phalænopsis, avec la décoction de 
salep de concentration 3, imbibant du coton ou, dans quelques tubes, 
de la moelle de sureau. Les embryons ainsi semés verdissaient et se 
développaient un peu sans champignons, mais plus irrégulièrement 
que les embryons de Phalænopsis. Les semis avec le mycélium de la 
série P ont été aussi beaucoup moins réussis que ceux de Phalænopsis 
et j'ai eu en définitive seulement un très petit nombre de plantules qui 
soient arrivées à produire une racine; beaucoup de graines ne se déve- 
loppaient pas et, pour le plus grand nombre des plantules, le dévelop- 
pement se ralentissait bientôt : elles restaient stationnaires quelques 
semaines, puis périssaient. Pour imparfait qu'ait été ce résultat, il n’est 
pas méprisable, car, dans les serres, la germination des Vanda passe 
pour quasiment impossible et je ne connais pour ma part aucun horti- 
culteur qui en ail vu seulement des débuts dans ses propres serres ou 
dans d’autres. 


NOTE V 


TECHNIQUES HISTOLOGIQUES. 


Les plantules où je devais faire des coupes ont été fixées au moins 
vingt-quatre heures dans le liquide préparé comme suit : 


Eau 'distillée Reste Dee enr en 10 cent. cubes. 
ACTIVE (AZ2OIQUE. RE 2e ee ei den ce 5 — 
Formaline du commerce................ 5 — 


Acide picrique à 1 p.100 dans l’alcooLà 95°. 80 — 


Au sortir de ce liquide on lave plusieurs fois à l'alcool à 70°. 

Les coupes ont été faites en série après enrobage des plantules dans 
la paraffine. 

Je ne connais aucune bonne coloration élective des champignons, 
mais ils sont mis en évidence par la plupart des méthodes de double 
coloration destinées à différencier les noyaux. Les préparations dessi- 
nées dans ce mémoire ont été obtenues par coloration à la safranine 
et différenciation au Lichtgrün qui donne une coloration très bonne des 
fonds, malheureusement assez fugace. 


APPENDICE 191 


Mes études sur les Orchidées, commencées en 1899 au Laboratoire 
de Botanique de l'École normale supérieure, sur le conseil de M. Cos- 
tantin, ont été poursuivies depuis 1902 à l'Institut botanique de la 
Faculté des sciences de Caen. Le directeur de cet Institut, M. 0. Lignier, 
a réalisé là par de patients efforts une organisation très favorable au 
travail ; il a toujours été prèt à la perfectionner dans le sens le plus 
utile à mes recherches. 

Des subventions de la Caisse des Recherches scientifiques et de la 
Société des Amis de l'Université de Normandie, m'ontaidé pour diverses 
nécessités matérielles ; elles m'ont permis aussi d'entrer largement en 
relations avec les horticulteurs et amateurs d'Orchidées. Parmi ceux-ci 
j'ai toujours trouvé l'accueil le plus obligeant et la complaisance la plus 
grande pour me fournir des matériaux d'étude et des conseils précieux. 
Le présent mémoire est, pour une partie assez large, le résultat d’une 
collaboration constante avec des praticiens expérimentés, connaissant 
infiniment mieux que moi-même les difficultés et l'intérêt de la culture 
des Orchidées. 

Mon plus vif désir aurait été de rendre service à ces collabora- 
teurs désintéressés en perfectionnant les méthodes de culture et de 
semis des Orchidées. Je me suis malheureusement heurté de ce côté 
à des questions très complexes, comme on l’a vu dans ce mémoire, 
et comme je l’ai exposé récemment dans une grande solennité horti- 
cole [7]. Si mes recherches doivent prendre un jour un intérêt pratique, 
ce jour n’est pas arrivé ; j'ai dû me borner à faire connaître aux intéressés 
les faits que j'avais découverts, en leur montrant mes expériences avec 
l'espoir qu'elles leur suggéreraient des pratiques nouvelles. 

Un de mes élèves, M. J. Vallory, m'a aidé en 1906 et 1907 pour la 
mise en train et le contrôle de diverses expériences. Sa collaboration 
m'a été fort utile. En effet, si les techniques suivies pour mes cultures 
expérimentales sont relativement simples, la multiplicité des essais à 
tenter a nécessité un travail considérable : pendant cinq années suc- 
cessives, j'ai dû avoir presque constamment en observation plusieurs 
centaines de tubes de culture. 


oc 


2, Frank (B.), Ueber die auf Verdauung von Pilzen abzielende Symbiose der 


5. [n., Organographie der Pflanzen. léna, 1898. 


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rie, XX, 1843. 4 


44 APR1908 M 


85° ANNÉE. — IX: SÉRIE. T.IX. N°54 et 5. 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


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L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION 
DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES 


PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE 


M. PH. VAN TIEGHEM 


TOME IX. — N° 4 et 5. 


2 


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À 1909 

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1 PARIS, 30 FR. — DÉPARTEMENTS ET ETRANGER, 32 FR. 
| Ce cahier a été publié en Juin 1909 
LL Les Annales des Sriences naturelles paraissent par cahiers mensuels, 


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NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 
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avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux 
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Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
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Les tomes 1 à XX de la Huitième série et les tomes I à VIII de la 
Neuvième série sont complets. 


ZOOLOGIE 
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QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
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SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. 
GÉOLOGIE, 22 volumes. . REC IT EUPTU -CHEUDIE ur 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 195 


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ANN. SC. NAT. BOT., de série. IX, 13 


194 ‘ NOEL BERNARD 


51 
D2 
93 


54 


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. Weiss (F. E.), À Mycorhiza from the lower Coal-Measures. Annals of Bo- 
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ERRATA 


Page 11, 17e ligne, au lieu de : « des plantes comme les Luzules, annuelles », 


ir 


e: « des plantes, comme certains Jones, annuelles ». 


Page 18, 7e ligne, au lieu de : « pour passer d'une Luzule à quelqu'une », 
lire : pour passer d’un Jone annuel à quelqu'une... ». 


Fi 


Fi 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PLANCHE I 


Bletilla hyacinthina. 


g. 1. — Une plante de Bletilla en Mars. — R, R, fragments de vieilles 
racines ; {4, l2, là, La, ,, bases persistantes des tiges aériennes mortes dans 
les années précédentes ; #,, jeune tige de l’année; T, tubercule; b, b', bran- 
ches de rhizome développées sur ce tubercule; 6”, bourgeon dormant. 
Réduit aux 2/3 de la grandeur naturelle. 

g. 2. — Base de la tige {, dépouillée de la plupart de ses feuilles ; b,, b,, b;, 
bourgeons axillaires des troisième, quatrième et cinquième feuilles. Ces 
bourgeons soit donneront la ou les branches de rhizomes insérées sur le 
futur tubercule, soit resteront dormants. La septième feuille de la tige en- 
core repliée a été laissée en place. La plante dessinée ne devait pas fleurir 
dans l’année actuelle; la tige ne se termine donc pas par une hampe 
florale. 

Les groupes de plantules encadrées par des traits dans le reste de la 
planche comprennent chacun la plantule la plus développée et la plantule 
la moins développée d'un des semis faits de Janvier à Juin 1908 (voir Expé- 
rience V, page 105). La lettre À désigne les semis faits sans champignons, 
les lettres C, C’, C’,, ceux inoculés avec les cullures de Rhizoctonia repens 
correspondant à ces désignations. Les chiffres 1, 2, 4, 6 indiquent la concen- 
tration de la décoction employée pour chaque semis. Les plantules infestées 
sont représentées d’une façon diagrammatique, les régions habitées par les 
champignons, vues par transparence sont ombrées. Gr. = 5,5, 


EXPLICATION DES PLANCHES 195 


PLANCHE IL 
Ocdontoglossum. 


Fig. 1 à 3. — Odontoglossum crispum X 0. Adrianæ. Gr. 187. 


Fig. 1. — Coupe longitudinale médiane dans une graine müre, montrant le 
tégument de la graine, l'embryon et le reste de son suspenseur en partie 
flétri. 


Fig. 2. — Coupe longitudinale médiane dans un embryon semé depuis quatre 
mois sans champignon. 
Fig. 3. — Coupe longitudinale médiane dans une jeune plantule, un mois 


après son infestation par le Rhizoctonia lanuginosa. s, stomate ; p, groupe 
de poils absorbants; p', groupe de cellules cloisonnées tangentiellement, 
dont les extérieures se développeront en poils absorbants. 


Fig. # à 6. — Odontoglossum Pescatorei X O. triumphans. 
Aspect extérieur de plantules à divers âges. Gr. — 5,3. 
Fig. 4. — Plantule de trois mois. 
Fig. 5. — Plantule de cinq mois. 
Fig. 6. -— Plantule de sept mois. 
Fig. 7 à 9. — Coupes longitudinales médianes dans des plantules de plus 


en plus développées pour montrer l'étendue de la région infestée ombrée. 
Gr: 42. 


Fig. 7. — Reproduction réduite de la figure 3. 

lig. 8. — Coupe dans une plantule plus avancée du même Odontoglossum. 

Fig. 9. — Coupe dans la partie inférieure de la plantule représentée dans la 
figure 6. 


PLANCHE TE : 


Phalænopsis amabilis XP. rosea. 


Fig. 4. — Aspect extérieur d'une graine. Gr. — 75. 

Fig. 2. — Aspect extérieur d'un embryon gonflé, quelques jours après le semis 
sans champignon. Gr. = 75. 

Fig. 3. — Aspect extérieur d'un embryon semé depuis trois mois, sans cham- 
pignon. Gr. = 75. 

Fig. 4. — Représentation diagrammatique d'une coupe médiane dans un em- 


bryon, dix jours après l'infestation par le Rhizoctonia mucoroïides. La zone 
infestée est ombrée, L'embryon est déjà dissymétrique, on voit apparaitre 
les premiers poils protecteurs au voisinage du sommet végétalif. Gr. 75. 
Fig. 5. — Coupe longitudinale médiane dans un embryon infesté depuis cin- 
quante jours par le Rhizoctonia mucoroïdes. Les cellules infestées par le 
champignon sont représentées schématiquement, de facon cependant à dis- 
tinguer celles qui contiennent des pelotons de mycélium en bon état de 
celles où les filaments mycéliens plus ou moins digérés sont agglomérés 


en corps de dégénérescence, Gr. = 75. 
Fig. 6 à 12. —- Plantules de divers âges obtenues dans mes cultures. 
Gl—0: 
Fig. 6. — Embryon après plusieurs mois de culture sans champignons. 
Kig. 7. — Plantule un mois après l'infestation. 
Kig. 8. — Plantule deux mois après l’infestation. 
Fig. 9. — Plantule trois mois après l’infestation. 
Fig. 40. — Coupe transversale dans cette plantule, intéressant la partie anté- 


rieure de la région infestée à qui est ombrée ; f, faisceau procambial. 


196 NOEL BERNARD 


Fig. 11 et 12. — Plantules obtenues cinq mois après l'infestation des graines; 
R, R, premières racines. 

Fig. 13. — Phalænopsis sp. Partie antérieure d’un protocorme comparable à 
celui de la figure 8, montrant la saillie de la crète dorsale C et la disposi- 
tion des poils protecteurs ou absorbants. Ce protocorme est vu obliquement 
par sa face ventrale. Gr. — 52. 


PLANCHE IV. 


Fig. 4 à 10. — Vanda tricolor. 
Fig. 4 et 2. — Plantules normales de 5 et 7 mois obtenues dans des semis 
inoculés avec le Rhizoctonia mucoroïides. Gr. = 5,3. 
Fig. 3 à 10. — Plantules anormales obtenues dans des semis inoculés 
avec le Rhizoctonia lanuginosa. 
Fig. 3 et 4. — Protocormes à deux ou trois branches, récoltés à l’âge de 


six mois. Gr. — 5,3. 
Fig. 5 et 6. -- Face dorsale et face ventrale d’un protocorme à neuf branches, 


récolté à l’âge de onze mois. R, une racine. Gr. = 5,3. 

Fig. 7. — Protocorme à trois branches, anormalement tubérisé, récolté à l’âge 
de sepl mois. Gr. = 5,3. 

Fig. 8. — Plantule à protocorme tordu, récoltée à l’âge de onze mois. 
Gr 

Fig. 9. — Coupe diagrammatique dans un jeune protocorme bifide, montrant 
la faible étendue de la région infestée primaire à,. Gr. — 12. 


Fig. 10. — Coupe diagrammatique d'ensemble dans une plantule comparable 
à celle de la figure 8, mais ayant subi tardivement une infestation secondaire 
par le Rhizoclonia lanuginosu. i, région infestée primaire; #,, région infestée 
secondairement; R, racine. Gr. = 6. 


Fig. 11 à 13. — Lælio-Brassavola. 


Fig. 41. — Coupe d'ensemble dans une plantule infestée depuis quatre mois 
par 1e Rhizoctonia repens. La région infestée est représentée de facon à dis- 
üinguer les pelotons en bon état et Les pelotons réduits par digestion en corps 
de dégénérescence. Gr. = 33. 

Fig. 12. — Coupe dans une plantule infestée depuis trois mois par le Rhizoc- 
tonia mucoroïdes actif. Le protocorme est plus fortement tubérisé que dans la 
plantule précédente. Tout le mycélium de la région infestée est digéré. 
Cette coupe, comme la précédente, montre des poils protecteurs pluricellu- 


laires au centre du bourgeon terminal. Gr. = 33. 
Fig. 13. — Un groupe de poils plus fortement grossis de la plantule précé- 


dente, montrant la pénétralion du mycélium extérieur de Rhizoctonia mu- 
coroïdes. 


Bletilla hyacinthina. 


| 


Tome 9, PI, IL. 


Bot. 


1 Fu 
| Ann. des Sc. nat. 9: Série. 


N. Bernard, del. 


Odontoglossum. 


Ann. des Se. nat. 9 Série. Bot. Tome 9, PI. 111 


_k 
l 
le 
| 
| 


N. Bernard, del. 
Phalænopsis. 


Ann. des Sc. nat. % Série. 


N. Bernard, del. 


Vanda (1 à 10). 
Lælio-Brassavola (11 à 13). 


Bot. 


Tome 9, PI. 1V. 


1e 


NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE 


DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 


Par J. d'ARBAUMONT 


Reprendre sommairement l'étude morphologique des diverses 
sortes ou variétés de corps chlorophylliens considérés, non plus 
exclusivement, comme dans un précédent mémoire (1), dans la 
üge de quelques végétaux ligneux, mais dans l'appareil végéta- 
üif tout entier (tige et feuille) ou dans l’une ou Fautre de ces 
deux parties seulement, de deux cents et quelques espèces, tant 
ligneuses qu'herbacées, toutes prises dans les trois grands 
groupes des végétaux supérieurs : Dicotylédones, Monocotylé- 
dones et Gymnospermes; 

Cela fait, m'appliquer, dans un travail de statistique, un peu 
fastidieux peut-être, mais duquel me semblent devoir résulter 
quelques indications utiles, m’appliquer, dis-je, à rechercher 
très approximativement de quelle façon et dans quelles propor- 
tions, ces différentes variétés peuvent se trouver réparties dans 
les tissus assimilateurs de la plante, et plus spécialement dans 
la feuille des espèces soumises à mes observations; 

Donner, en terminant, quelques rapides indications sur le 
mode de formalion de ces mêmes corpuseules ; 

C'est là tout le dessein de cetle nouvelle contribution à 
l'étude de la chlorophylle, 


(4) Sur l'évolution de la chlorophylle et de l'amidon dans la tige de quelques 
végétaux ligneux (Ann, des Sc, nat., Bot., 8e série, Î, XIIT et XIV), 


198 J. D'ARBAUMONT 


Nous y trouverons l’occasion de vérifier, dans leur ensemble, 
nos précédentes observations dont la portée n’a peut-être pas 
été suffisamment comprise, et d'y ajouter quelques remarques 
complémentaires ou rectificalives au besoin. 

Suit la liste des espèces étudiées, où nous croyons devoir faire 
quatre coupures, en séparant, chez les Dicotylédones, les 
espèces ligneuses des espèces herbacées. 

Les lettres T. ou F. ou T. F., placées à la suite du nom spé- 
cifique, indiquent que les observations ont porté, soit sur l'une 
ou l'autreseulement, soit sur les deux parties de l'appareil végé- 
tatif : tige et feuille. 


DICOTYLÉDONES LIGNEUSES. 


Magnolia grandiflora L. TT. F. Photinia serrulata Lindl. Var. dentata 
Berberis vulgaris L. T .F. 1115: 

Mahonia Aquifolium Nutt. T.F. Cralaegus oxvacantha L. K. 
Pittosporum Tobira Ait. T.F. Cralaegus pyracantha Pers. F. 

Tilia sylvestris Desf. F. Philadelphus inodorus L. T. K. 

Citrus Aurantium L. T.F. Ribes nigrum L. T. F. 

Acer campestre L. F. Hydrangea Hortensia DC. F. 

Acer Pseudo-Platanus L. T. F. Hedera Helix L. F. 

Aesculus Hippocastanum L. T. F. Cornus Mas L. K. 

Vitis vinifera L. T. F. Viseum album L. T.F. 


Ampelopsis quinquefolia Michx. T. F. Aueuba japonica L. T. F. 
Ampelopsis (tricuspidata Sieb. et Zuce. | Symphoricarpos racemosus Michx, F. 


CF. Lonicera Caprifolium L. F. 
Aïlanthus glandulosus Desf. K. Sambueus nigra L. T. K. 
Staphylea pinnata L. T. Viburnum Tinus L. T. K. 
Evonymus europaeus L. F. Myrsine africana L. F. 
Evonymus japonicus Thunb. T. F. Jasminum fruticans L. T. F. 
lex Aquifolium L. F. Fraxinus excelsior L. T. F. 
Rhamanus Alaternus L. F. Fraxinus Ornus L. F. 

Rhus glabra L. F. Syringa persica L. F. 

Spartium junceum L. T. F. Syringa vulgaris L. T.KF. 
Cylisus Laburnum EL. F. Forsythia viridissima Lindl. F. 
Robinia Pseudacacia L. T. F, Olea europaea L. F. 

Cercis Siliquastrum L. T. F. Phyllyrhea media Link. F. 
Cerasus communis Mill. F. Ligustrum japonicum Thunb, F. 
Cerasus Laurocerasus L. T. F, Nerium Oleander L. T. F. 
Cerasus Padus DC. T. Laurus nobilis L. F. 

Rosa bengalensis Pers. T. F. Aristolochia Sipho L'Hérit, T. F. 
Rubus Idaeus L. F. Buxus sempervirens L. T.F, 
Spiraea chamaedrifolia L. T. Ulmus campestris L. F. 
Cotoneaster frigida Willd. T. Ficus Carica L. F. 

Cydonia vulgaris Pers. F. Platanus occidentalis Michx. F, 
Pyrus communis L. T. F, Jugans regia L. F. 

Pyrus Malus L. F, Salix triandra L, F. 

Sorbus Aria Crantz, F, Populus pyramidalis Rozier, F, 


Sorbus Torminalis Crantz, F, Carpinus Betulus L, F, 


ÉTUDE DES CORPS 


Corylus Avellana L. F. 

Fagus sylvatica L. F, 

Quercus coccinea Wugnhm. F, 
Quercus Ilex L,. F. 


CHLOROPHYLLIENS 


Quercus pedunéulata Wild. F. 
Quereus pubescens Wild, F. 
Betula alba L. FF, 


DICOTYLÉDONES HERBACÉES. 


Clematis integrifolia L. T. K. 
Clematis recta L. F. 
Ranunculus repens L. T. F. 
Aquilegia vuigaris L. T. K. 
Paeonia officinalis Retz. T. K. 
Papaver somniferum L. F. 
Brassica oleracea L. F. 
Cheiranthus Cheiri L. F. 
Viola odorata L. F. 
Reseda lutea L. F. 
Dianthus Caryophyllus L. Var.hort.T.F. 
Portulaca oleracea L. T. F. 

Saponaria officinalis L. T. F. 

Silene inflata L. T. F. 

Lychnis dioica L. T. F. 

Malva sylvestris L. T. 

Hypericum perforatum L. T. K. 
Geranium pyrenaicum L. T. F. 
Pelargonium bederaefolium Hort. T.F. 
Pelargonium zonale Hort. F. 
Tropaeolum majus L. T. F, 

Medicago sativa L. T. 

Trifolium rubens L. F°. 

Phaseolus vulgaris L. T. F. 
Onobrychis sativa L. F. 
Pisum sativum L. T. F. 
Agrimonia Eupatorium L. T. F. 
Geum urbanum L. F. 
Fragaria vesca L. F. 
Cucumis Melo L. T. F. 

Cucurbito maxima Duch. T. F. 
Bryonia dioica Jacq. T. 

Hippuris vulgaris L.'T. 

Begonia semperflorens Link et Otto. F. 
Sedum album L. F. 

Sedum arboreum Orteg. T. F. 
Sedum Sieboldii Sveet. K. 
Sedum spectabile Bor. T. F. 
Saxifraga japonica Sieb. F. 
Daucus Carota L, T. 


Chaerophyllum sylvestre L. T. 
Eryngium campestre L. F, 
Knautia arvensis Coult, T. F, 
Dipsacus sylvestris Mill. T. F. 
Onopordon Acanthium L. K. 
Cirsium arvense Scop. T. F, 
Cynara Scolymus L. F. 
Centaurea Jacea L. T. F. 
Achillea Millefolium L. F. 
Tanacetum vuleare L. T. 
Senecio vulgaris L. T. 

Aster laevis L. T. K. 

Dahlia variabilis Desf, T, K. 
Cichorium Intybus L. T. 
Lampsana communis L. T. 
Tragopogon porrifolium L. T. 
Taraxacum Dens-leonis Desf. F. 
Sonchus asper Wild. T. 
Campanula rapunculoides L. Ke, 
Primula elalior Jacq. F. 
Cyclamen persicum Mill 
Plantago media L. F. 

Vinca minor L. F. 

Phlox paniculata L. T. K. 
Convolvulus arvensis L. T. IF. 
Heliotropium europaeum L. TT. F. 
Solanum tuberosum L. T. EF. 
Linaria vulgaris Moench. FT. F, 
Digitalis purpurea L. T. 
Verbena officinalis L. T. 

Salvia pratensis L. T. F. 
Chenopodium paganum Rehb. T. 
Beta vulgaris L. F, 

Rheum undulatum L. F. 
Rhumex acetosa L. Var. hort. 1 
Rumex crispus L. F. 

Rumex Patientia L. F. 


\ 


Fagopyrum esculentum Moench. T. 


Euphorbia Peplus L. T. 
Mercurialis annua L. T. 


MONOCOTYLÉDONES. 


Iris florentina Hort. T. K. 
Gladiolus communis L. T, 
Narcissus poeticus L, T, F, 
Narcissus Pseudo-Narcissus L, T, F, 
Asparagus officinalis L, T, 


: 
[l 
, 


Yucca flaccida Haw. T. F. 
Lilium candidum L. T. 1°. 
Lilium Martagon L. T, FF, 
Eritillaria imperialis L, F, 


Tulipa Gesneriana L, | 


200 J. D'ARBAUMONT 


Hemerocallis flava L.T. F. Chamaerops humilis L. F. 
Hemerocallis fulva L. F. Arum maculatum L. F. 
Funkia subcordata Spreng. FF. Sabal Adansoni Guerus F. 
Agapanthus umbelliferus L'Aérit. T. F. Phoenix dactylifera L. F. 
Allium Cepa L. T. F. Kentia balmoreana Hort. F. 
Allium Porrum L. T. F. Setaria glauca Willd. T. 
Allium ursinum L. T. EF. Penicillaria glauca Willd. T. 
Hyacinthus orientalis L. T. F. Avena elatior L.T. F. 
Aspidistra elatior Blum. F. Avena saliva L. FT. F. 

Ruscus aculeatus L. T. (cladode). Lolium perenne L. T. 
Dracaena Draco L. F. Trilicum sativum Lamk. T. F. 
Tradescantia virginica L. T. F. Hordeum murinum L. T. F. 
Hydrocharis morsus-ranae L. F. Hordeum vulgare L. T. F. 
Alisma Plantago L. F. Tripsacum dactyloides L. T. 
Latania borbonica Lamk. F. Baldingera arundinacea Dumort. T. F. 
Potamogelon gramineus L. F. Dactylis glomerata L. T.F. 
Potamogeton lucens L. F. Bambusa Metake Sieb. F. 
Potamogeton natans L. K. Zea Mays L. F. 

Chamaerops excelsa Mart. L. F. 


GYMNOSPERMES,. 


Thuya occidentalis L. F. Pinus Pumilio Haenk. F. 
Thuyopsis dolabrata Sieb. et Zuce. F, | Cephalotaxus Fortunei Hook. F. 
Taxodium sempervirens Lamk. F. Torreya myristica Hook. fils. F. 
Abies pectinata DC. F. Taxus baccata L. T. F. 

Picea alba Link. F. Ceratozamia mexicana Brngt. F. 
Pinus Pinsapo Steud. F. Cycas circinalis L. F. 


J'aborde sans préambule la description et l'étude des diffé- 
rentes sortes de corps chlorophylliens, en les divisant, comme 
précédemment, en deux grandes catégories ou sections : SEc- 
TION À, SECTION B. 


SECTION A 


Les corps chlorophylliens de Fa première Section se présentent 
à nous comme de petites masses d’une substance molle et géla- 
lineuse, de forme ordinairement sphérique ou plus souvent 
lenticulaire, à surface généralement lisse et contours plus ou 
moins réguliers, de réfringence variable selon les espèces, et 
intimement imprégnées du pigment vert caractéristique de la 
chlorophylle. Ajoutons que ces corpuscules sont doués de pro- 
priétés élastiques permettant à certains d’entre eux de se dis- 
tendre sous la poussée des grains d’amidon qui viennent à se 
former dans leur intimité, sauf à reprendre leur première forme, 
après résorption de cette dernière substance, non toutefois 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 201 


sans subir assez souvent, en pareil cas, une certaine diminution 
de volume. Les corps chlorophylliens de cette première Section 
s'identifient avec ceux qui, avant presque exclusivement jus- 
qu'ici attiré l'attention des observateurs sous le nom classique 
de grains de chlorophylle, sont devenus depuis quelques années 
les chloroplastes de certains auteurs, les cAloroleucites de M. Van 
Tieghem. 

Renonçant, pour ne pas allonger le vocabulaire déjà si copieux 
du langage botanique, aux appellations proposées dans notre 
précédent mémoire : chlorites, divisés en exdo el gymmorhlo- 
rites, nous désignerons désormais sous le nom de rLloroplastes, Les 
corps chlorophylliens de la première Section, et ceux de la 
deuxième Section, pris dans leur ensemble, sous celui de pseudo- 
chloroplastes, à la seule intention d'indiquer par là qu'ils 
réalisent à un moindre degré que les autres, l’idée qu'on s’est 
faite de tout temps de la forme typique du grain de chlorophylle. 

Décrits par H. Mohl, comme très finement granuleux (1), on 
incline plus volontiers aujourd'hui à attribuer aux corps chloro- 
phylliens de la Section À, nos chloroplastes proprement dits, 
une structure spongieuse, filamenteuse ou réticulée (2). 

Considéré à ce dernier point de vue, — structure réticulée — 
le grain de chlorophylle apparait, au sortir de la vie embryon- 
naire de la plante, comme le résultat du produit de réduction 
de granules d’amidon qui se sont déposés plus où moins tôt dans 
les mailles d'un réseau très délicat de granulations protéiques, 
occupant, au début, où après disparition d'un premier el 
unique granule d'amidon, la cavité tout entière de certaines 
vacuoles du protoplasma fondamental (3). 

C'est ainsi du moins que M. Belzung à vu le grain de chloro- 
phvylle se former dans l'embryon de certaines Légumineuses 
(Phaseolus vulquris, Pisum sativum), le réseau demeurant, dans 
le grain adulte, comme le témoin persistant de son mode de 

(1) Ann. des Sc. nat., Bot., 4e série, €. VE, p. 156. 

(2) Pruxesuem, Recherches sur la chlorophylle (Rev. intern. des Sc. biol., 
15 oct. 1883, p. 290). — Haxs Baenow, Bull. de la Soc. bot. de France, Rev. bibl., 
4891, p. 50. — Hexxecuy, La Cellule. Paris, 4896. — Pavircann, La biologie 
végétale, p. 122. — Berzuxe, Nouvelles recherches sur l'origine des grains 
d'amidon et des grains de chlorophylle (Annales, 7° série, & AU, p. 17 et Journ, 


de Bot., 1895, p. 67 et 102). 
(3) Bezuxc, Annules, p. 5 et suiv., et Journal de Botanique. 


202 J. D'ARBAUMONT 


formation, avec simple apparence de la structure granuleuse 
entrevue par H Mol. Ce que celui-ci prenait pour des granula- 
lions, correspondrait en réalité aux angles du réseau albumi- 
noïde, lesquels sont plus où moins épaissis et par suite plus 
apparents que les parties intermédiaires (1). 

Fort bien !'mais ne faut-il pas, de toute évidence, reconnaitre 
une autre origine à la structure réticulée qu'affecterait, d’après 
M. Belzung lui-même, la généralité des corps chlorophylliens (2), 
sans exclure le cas où ceux-ci se forment sans participation 
de l'amidon, tels que ceux, par exemple, dont M. Belzung à 
constaté la présence dans le parenchyme palissadique du Lupin 
blanc (3)? Et ne doit-on pas en dire autant des grains de ehlo- 
rophylle qui, formés dans les tissus méristématiques de la tige 
en croissance, Urent leur origine, d’après nous, de la différen- 
cation de granules protéiques sélectionnés au sein du proto- 
plasma fondamental, sans le concours, selon les espèces, ou 
avec le concours, toujours plus ou moins tardif, de Pamidon, 
comme nous le montrerons plus loin. 

Étant admise la réalité de la structure réticulée ou plutôt 
spongieuse des corps chlorophylliens dont il est ici question, 
désignés par nous sous le nom de chloroplastes, ne pourrait-elle 
pas s'expliquer, abstraction faite des cas observés par M. Belzung 
dans la vie embryonnaire de la plante, par cette considération 
que ces mêmes corps doivent participer, dans leur structure, 
des propriétés spongieuses ou réliculées du protoplasma lui- 
même dontils ne sont en définitive qu'une simple émanation ? 
Celle structure intime est très ordinairement dissimulée, même 
à d'assez forts grossissements, chez les corps chlorophylliens de 
la Seclion À, par la couche de substance plus homogène ou 
d'apparence telle, qui en occupe la périphérie. Pour la déceler 
chez cerlaines espèces où la mettre mieux en évidence chez 
certaines autres, on peut employer utilement l'acide acétique 
ou l'alcool à 45 degrés. 

C'est par de tels procédés que j'ai pu la reconnaître chez un 
grand nombre de corps chlorophylliens de la susdite Section, 

Journal de Bolanique, p. 67. 


(1) 
(2) Leur structure est réticulée (Annales, p, 17), 
(3) Journal de Botanique, p, 69 et 70, 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 203 


soit qu'elle se manifeste dans out l'intérieur de la petite masse : 


Pétiole : Sambucus nigra ; — Viola odorata ; — Funkia subcor- 
data. — Feuille : Æanunculus repens, Sedum spectabile, Beta 
oulqaris; — Gladiolus communis. — Tige : Saponaria officinalis, 
Mercurialis annua; — Ruscus aculeatus, ete, ele. soit qu'elle 
n'apparaisse qu'en son milieu seulement: Tige : Paeorn 


officinalis, Lychns dioica, Maloa sylrestris, Knautiu arvensis, 
Solanum tuberosum, Euphorbia Peplus, ete., ete. 

Chez certaines espèces, toutefois, les grains de chlorophylle 
se sont montrés rebelles à l'influence des mêmes réaclifs : 
Feuille : Hedera Helie, Viburrum Tinus : — Rumer acetosa. — 
Tige : Reseda lutea, Centaurea Jacea, Achillea Millefolium : — 
Agapanthus umbelliferus, ete., ete. 

Ailleurs on trouve des grains les uns sensibles, les autres in- 
sensibles à l’action des réactifs : Feuille : Zlex Aquifoliumn ; — 
Pelargontum zonale. — Tige : Cucurbita maxime, Tanacetumn 
vulgare, etc., etc. 

Quoi qu'il en puisse être d’ailleurs de la structure intime, 
granuleuse, spongieuse, filamenteuse ou réticulée des grains de 
chlorophylle de la Section À — nos chloroplastes, — les seuls 
dont il soit question ici, elle ne saurait être confondue avec celle 
qui s'accuse très nettement granuleuse où réliculo-granuleuse 
chez certains corps chlorophylliens de la Section B qu'en raison 
même de celte circonstance nous étudierons plus loin sous le 
nom de paillettes granuleuses. 

Il ne sera pas inutile d'indiquer ici que les corps chloro- 
phylliens de la Section A se localisent presque loujours, sans 
mélange d'aucune sorte des corpuscules à pigment vert com- 
pris dans la Section B, dans des cellulles à suc clair, où ils se 
montrent assez souveut seuls où parfois accompagnés de fines 
granulations superficielles, ou de goutelettes incolores. 

Ajoutons, pour achever de les bien définir, qu'ils présentent 
ce double caractère : 

1° De se montrer, tout au moins 2x situ, absolument insen- 
sibles à l'action de Peau, que l'on voit agir, au contraire, plus ou 
moins énergiquement sur certains pseudo-chloroplastes d'un 
assez grand nombre d'espèces ; 

2° De se montrer toujours, sauf très rares exceptions (mer 


204 J. D’'ARBAUMONT 


crispus, ER. acetosa, Hippuris vulgaris) non moins réfractaires 
à l’action des bleus acides d’aniline (1), tandis que les corps 
chlorophylliens de la Section B en sont, dans la grande géné- 
ralité, très vivement colorés. 

Peut-être n’a-t-on pas oublié que c’est sur ce dernier carac- 
tère différentiel que je me suis appuyé, dans mon précédent 
mémoire, pour proposer de désigner sous les noms respectifs 
d'achroocystes et de cyanocystes les cellules où se localisent les 
chloroplastes d’une part, les pseudo-chloroplastes de l'autre. 

On à dû comprendre dès lors, et je saisis l'occasion de le bien 
spécifier, que ce nom d'achroocystes n'avait de valeur à mes 
yeux qu'au regard de l'action élective des seuls bleus acides 
d’aniline. 

On remarquera enfin que les corps chlorophylliens dont il 
vient d'être question, mieux différenciés que les autres au point 
de vue morphologique, comme nous lavons déjà laissé 
entendre, nous apparaissent tous comme construits sur un type 
unique, sous réserve de certaines différences plus où moins 
accusées, de volume, de coloration et de réfringence, toutes 
choses de minime importance et qui peuvent varier d’une espèce 
à l’autre, ou même entre les corps chlorophylliens inelus dans 
les divers tissus de la même plante. 


SECTION B. 


Cette unité de type est loin de se réaliser chez les corps chlo- 
rophylliens de la Section B, ou pseudo-chloroplastes, que des 
considérations d'ordre purement morphologique nous autorisent 
à réparlir entre quatre groupes distinets ou sous-sections subor- 
données : 4, b, c, d, lesquelles représentent pour nous autant 
de formes de paillettes. On voudra bien excuser la réapparition 
de cette dénomination vulgaire, déjà employée dans le mé- 
moire précédent, attendu qu'elle simplifiera l'exposition des faits 


(1) On trouve dans le commerce deux sortes de bleus acides d’aniline, 
l'une d'elles de nuance violacée, l’autre de nuance verdâtre, toutes deux 
douées du pouvoir électif dont il est question ici. C'est par suite d’une double 
erreur d'étiquette que nous avons précédemment (Annales, p. 356 et note 1) 
refusé ce pouvoir au bleu d'aniline verdâtre, l’attribuant au contraire à tort (M 
au bleu de méthylène qui en est réellement privé. b 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 205 


el qu'elle correspond d'ailleurs assez exactement aux différents 
aspects sous lesquels beaucoup de ces corpuscules se présentent 
à nous. 

Considérés dans leur ensemble, nous constatons tout d'abord 
que, Jamais associés, dans la même cellule, aux grains de la 
Section À, sauf parfois à Utre transitionnel, on les voit, tantôt se 
localiser eux-mêmes dans des cellules spéciales, tantôt se mé- 
langer de diverses façons dans la même cellule. 

Nous avons déjà donné à entendre que quelques-uns d’entre 
eux se montrent plus ou moins sensibles à l'action de l'eau et 
qu'ils présentent, dans leur généralité, sauf de rares exceptions, 
ce caractère important de se laisser colorer vivement par les 
bleus acides d’aniline, de même, assez souvent, que tout le reste 
du contenu cellulaire : Feuille de Curus Aurantium, Ampelopsis 
tricuspidata, Cytisus  Laburnum,  Cydonma vulgaris, Viscum 


album, Juglans reqia; — Pelargonium zonale, Sedum arboreum, 


Sedum spectabile, Phlox paniculata; —  Fritillaria unperialis, 
Dracaena Draco, ete., ete. 

Cela dit, nous pourrons aborder successivement Pétude parti- 
culière de chacune des quatre variétés de paillettes entre les- 
quelles se répartit l’ensemble des pseudo-chloroplastes. 

Sous-seclion a. — Voici d'abord un petit groupe de corpus- 
cules de formes variées, le plus souvent imprégnés du pigment 
vert, qui en décèle la véritable nature, mais à des degrés d'in- 
tensité très variables, parfois très pâles, où passant même, en 
partie tout au moins, dans certaines liges herbacées particulit- 
rement, à l’état de simples plastides incolores (1) : Paeornia offi- 


(1) La prédominance de plastides très pâles ou incolores dans la tige de cer- 
taines espèces herbacées, n'empêche pas celle-ci de présenter, vue du dehors, 
une coloration verte plus ou moins accusée. Cela tient, croyons-nous, à ce que 
dans l’ensemble probablement des végétaux verts, la substance des mem- 
branes cellulaires jouit de la propriété de se colorer, sous Faclion de la 
lumière, en un vert très pâle à la vérité, mais qui, dans les tissus pris en 
masse, produit l'illusion d'une véritable coloration chlorophyllienne. On peut 
s’en assurer en observant par transparence, au microscope, des coupes prali- 
quées sur tiges fraiches. La coloration verdätre est naturellement d'autant 
plus sensible, que la coupe est plus épaisse. Le bourgeon terminal d'une branche 
de Sycomore, à l’état latent, est très fortement coloré en vert, sans qu'on y 
puisse constater la présence d'aucune sorte de corps chlorophylliens. De même, 
absence complète de chlorophylle dans la partie du turion d'Asperge qui 
commence à verdir au sortir de terre. Une coupe horizontale pratiquée à ce 


206 J. D'ARBAUMONT 


cnalis, Knautia arvensis, Achillea Millefolium, Dahlia variabi- 
lis, ele. 

Irrégulièrement et très lchement disséminés d'ordinaire 
sur les bords de la cellule, plus rarement isolés dans son inté- 
rieur, ces sortes de corpuscules peuvent aussi S'y grouper en un 
ou plusieurs amas plus où moins volumineux, ou, encore 
plus abondants, se fondre en quelque sorte en une masse con- 
fluente qui en occupe souvent la cavité tout entière : Feuille : Gla- 
diolus communis. — Tige : Onobrychis sativa, Salvia pratensis ; 
— Allium Porrum, ele. Î 

Très variables, avons-nous dit, dans leurs dispositions mor- 
phologiques, ces mêmes corpuscules peuvent, en effet, se pré- 
senter sous forme de croissant, de demi-lune, de fer à cheval, de 
cornue, de rognon, d'anneau, de bâtonnets où de fuseaux, 
ceux-ci tantôt amincis et très effilés des deux bouts, tantôt un 
peu renflés sur les côtés, en forme d’ellipse : Feuille : Acer cam- 
pestre, A. Pseudo-Platanus, Cydonia vulgaris, Sorbus Aria, Cra- 
laequs oryacantha, Syringa persicas Ficus Carica, Carpinus 
Betulus, Corylus Avellana; — Brassica oleracea, Hypericum 
perforalum, Agrinona Eupatorium, Convoleulus arvensis; — 
Lilium candidum, Hemerocallis  fulva, Agapanthus umbelli- 
ferus. — Tige: Lychnis dioica, Malva sylvestris, Dahlia variu- 
bilis, Solanum tuberosum; — Hyacinthus orientalis, ete. 

De ces différentes formes celle en fuseau, parfois égarée dans 
cerlanes cellules à chloroplastes, est de beaucoup la plus répan- 
due : Tige: Clematis integrifolia, Silene inflata, Malva sylrestris, 
Pelargonium hederaefoluun, Sedum arboreum, Knautia arvensis, 
Senecio vulgaris, Aster laevis, Lampsana communis, Salvia pra- 
tensis, Solanum luberosum, Fagopyrum esculentum ; — Tri- 
psacum daclyloides; — Thuya occidentalis. — Pétiole : Eryn- 
gun campestre. — Feuille : Viscum album; — Cheirantlus 
Cheiris —  Tulipa  Gesneriana,  Agapanthus  umbelliferus, 
Phoenix daclylifera, ete. 

Nous ferons rentrer dansla même catégorie, ou sous-section #, 
certains organites de forme discoïde ou lenticulaire, rappelant 
celle des corps chlorophylliens de la Section A, mais moins 


niveau, présente une couche assez épaisse de tissu fortement coloré en vert 
à la périphérie. 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 207 


régulièrement disposés qu'eux sur les bords de la cellule, ou 
vaguement disséminés dans son intérieur, à surface parfoisstriée 
ou fissurée, souvent accompagnés de granulations plus où moins 
fines; d’autres d'un éclat métallique ou d'un vert sombre, tels 
que ceux que j'ai rencontrés dans le pétiole du Sureau. Traités 
d'abord par le réactif colorant, puis par l'acide acétique, ces 
derniers corpuscules nous ont paru se contracter un peu en 
s'amassant par petits groupes, ou se disséminant au contraire 
dans la cavité cellulaire, tandis que les chloroplastesse gonflaient 
légèrement en restant élroitement appliqués aux parois. 

Ordinairement colorables par les bleus d’aniline, comme la 
grande généralité des corps chlorophyiliens de la Section B, ces 
derniers corpuscules peuvent parfois aussi échapper à leur action 
et Jeles ai vus, dans la même espèce, se comporter en leur pré- 
_sence tantôt d'une facon, tantôt de Pautre. Tige : Sedum 
album: — Lilium Martagon, Selaria qlauca, ele, ete. 

Il en est parfois de même de certains organites que 
leurs dispositions morphologiques rattachent plus où moins 
étroitement aux corps chlorophylliens de Ta Section À, d'où la 
conclusion qu'il n’est pas possible de (racer une ligne de démar- 
cation bien tranchée entre ces derniers corpuscuies el ceux 
compris dans la sous-section «, lesquels occupent sans conteste 
le premier rang dans la série tout entière des pseudo-chloro- 
plastes. EL nous mettrons d'autant mieux en évidence la possi- 
bilité de lexistence, entre ces deux groupes, de formes inter- 
médiaires ou de transition, en constatant qu'en définitive la 
constitution physique de ces deux sortes d’organites nous parait, 
sinon la même, tout au moins assez rapprochée. 

Ajoutons enfin que, de tous les corps chlorophylliens de la 
Section B, c’est à ceux de la sous-section 4 que semble devoir 
s'appliquer avec le plus de précision le nom de paillettes dont 
nous proposons l'emploi pour la généralité des pseudo-chloro- 
plastes, étant donné l'aspect vraiment parlleté qui les caraclé- 
rise. Ce seront pour nous désormais des paillettes proprement 
dites, de formes simples ou variées, les distinguant ainst des 
paillettes comprises dans les sous-sections subséquentes. 

Sous-section b. — À la suite des paillettes proprement dites 
dont il vient d'être question, c’est-à-dire d'organttes à Formes 


208 J. D'ARBAUMONT 


suffisamment définies pour qu'on puisse y voir l'indice d’une 
organisation relativement supérieure, nous rencontrons tout 
un ensemble de corpuscules généralement plus petits, dont la 
caractéristique morphologique est difficile à établir dans leur 
ensemble, étant donnée l'extrême variabilité de leurs formes et 
de leur structure apparente. De [à la nécessité de leur assigner 
un rang inférieur dans la série des corps chlorophylliens. Ce 
sonten un motde simples granules chlorophylliens ou pailleltes- 
granules, si nous entendons indiquer par là leur plus ou moins 
d'affinité avec les autres corpuscules de la Section B. 

Leurs modesde répartition dans les cellules où ils se montrent 
plus ou moins localisés ou associés à d’autres organites de la 
même Section, sont excessivement variables, ce qui exclut 
toute possibilité de proposer à cet égard aucune formule de 
quelque précision. 

Généralement colorables, eux aussi, par les bleus acides 
d'aniline,ilsse montrent pour la plupart absolument insensibles 
à l’action de l’eau, comme les corps chlorophylliens de la 
Section À, de même aussi, ajoutons-le, que ceux de la sous- 
section &,et ce n’est que par exception que je les ai vus parfois 
se mettre, à son contact, dans un état de diffusion plus ou 
moins complète. Tige : Yucca flaccida. — Feuille : Viscum 
album, Frarinus ercelsior, Plillyrhea media, Betula alba ; 
— Hemerocallis fulva, ete. 

Inutile d'insister davantage sur ces sortes d’organites qui 
sont faciles à reconnaitre. 

Sous-section €. — Descendant encore d’un degré l'échelle 
des dégradations morphologiques de la chlorophylle, nous nous 
trouvons en présence d’organites assez semblables aux précé- 
dents, mais plus petits encore, avec formes transitionnelles de 
calibre varié, les reliant les uns aux autres, où passant parfois, 
dans un sens opposé, à un état de diffusion très finement 
granuleuse. 

Souvent associées à quelqu'autre variété de grains-paillettes, 
ces mêmes granulations peuvent aussi se localiser dans certaines 
cellules qui se rencontrent volontiers elles-mêmes dans telle ou 
telle région déterminée de l'appareil végélatif, telles que le 
tissu lacuneux de la feuille, les assises externes de lécorce 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 209 


primaire d’un assez grand nombre de végétaux, le phelloderme 
des Æibes ou le péricycle mou du Berberis vulgaris. 

De nature certainement protéique, et plus ou moins fortement 
imprégnées du pigment vert, les granulations en question sont 
souvent associées à une substance huileuse qui se présente parfois 
sous la forme d’une gouttelette centrale : Feuille : Aster laevis ; 
— Dracaena Draco, Chamaerops humilis, etc., ou se trouve 
plus souvent répandue en fines gouttelettes dans la masse gra- 
nuleuse tout entière : Tige : Asparaqus officinalis. — Feuille : 
PittosporumTobira; —Cucumis Melo, Cucurbilamazxinma, Cirsium 
arvense, Heliotropium europaeum, ete., ete., et tous les Conifères. 

L'étude plus longtemps poursuivie de la chlorophylle granu- 
leuse — mais nous n’insisterons pas davantage sur ce point — 
nous conduirait par des dégradations insensibles, à la choro- 
phylle amorphe, c'est-à-dire privée de tout élément figuré, 
telle que H. Mohl l’a signalée chez quelques Phanérogames (1), 
qu’elle est apparue à M. Belzung dans les graines en maturation 
de quelques Légumineuses (2), et qu'on la rencontre aussi quel- 
quefois infuse dans le protoplasma de certaines Algues. 

Sous-section d. — Que si les fines granulations dont il vient 
d’être question, au lieu de s’individualiser et de rester éparses 
sur les bords, ou dans l’intérieur de. la cellule, viennent à se 
grouper en amas plus ou moins volumineux, de forme sphé- 
rique ou lenticulaire, comme celle de nos chloroplastes ou corps 
chlorophylliens de la Section À, mais à contours généralement 
moins bien arrêtés, d’un vert plus foncé, de plus faible réfrin- 
gence, et à structure manifestement granuleuse, nous y 
reconnaîtrons sans peine celle des deux variétés de corps chlo- 
rophylliens, seules étudiées par H. Mobhl (3), qu'il a décrite en 
premier lieu, lui assiguant ainsi par rapport aux grains de la 
Section À ou grains de chlorophylle proprement dits, un ordre 
de priorité qui paraîtra tout à fait injustifié si lon veut bien 
tenir compte des considérations morphologiques qui nous 
font placer au contraire ces derniers organites en première 
ligne, sans doute possible. 

(1) Duchartre, Éléments de Botanique, 3° édition, p. 125. 

(2) Journal de Botanique, 1895, p. #1, #3 et 181. 


(3) Traduction des deux mémoires de H. Mohl sur la chlorophylle (Annales, 
{IX et VI des 2° et 4° séries, 1838-1856). 


ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 14 


210 J. D'ARBAUMONT 


Les fins granules dont ces sortes d’organites sont formés, 
souvent accompagnés de gouttelettes d'huile et que H. Mohl 
avait pris d’abord pour des grains d’amidon, font souvent 
saillie à la surface, selon la juste observation du même auteur, 
de telle sorte que le contour des grains n’est pas alors formé 
d'une ligne à courbure uniforme, mais irrégulièrement sinueuse. 

Les granulations constituantes de ces sortes d’organites nous 
ont paru agglomérées d'ordinaire dans une substance fondamen- 
tale que j'ai vue parfois se colorer moins vivement par le vert 
d’aniline que les granulations elles-mêmes, ce qui met bien en 
évidence la structure réticulo-granuleuse de la petite masse. 

La couche extérieure de ces grains aurait vraisemblablement, 
toujours d’après H. Mohl, « plus de consistance que le reste, 
puisque, s'il en était autrement, ils se colleraient aux corps 
étrangers plus souvent qu’ils ne le font, ou, se touchant l’un 
l’autre, se réuniraient en une masse continue », dernière obser- 
vation qu'il ne faut pas toutefois accepter sans réserve, attendu 
que nous les avons vus assezsouvent, comme nous le montrerons 
plus loin, se mettre en confluence, mais seulement, hâtons-nous 
d'ajouter, sous l’action de l’eau. 

Malgré la présence d’une couche périphérique plus consistante, 
H. Mohl se refuse à reconnaitre, chez ces mêmes grains, « la 
moindre trace d’une membrane qui se différencierait de la 
substance interne ». 

Qu'il en puisse être souvent ainsi, je n’y contredis point, 
mais Je ne saurais néanmoins admettre cette remarque dans sa 
généralité. 

J'ai rencontré parfois, en effet, dans la feuille du Magnolia 
grandiflora par exemple, et dans celle de l'Aspidistra elatior, de 
petites sphères hyalines à membrane périphérique très délicate, 
mais bien nettement accusée, à laquelle adhéraient quelques 
fins granules chlorophylliens, indice probable d’une formation 
incomplète ou d’un état de régression plus ou moins avancé, 
la dite membrane devant, selon toute vraisemblance, englober la 
masse des granulations constituantes, chez les grains complè- 
tement évolués. Nous rappellerons de plus les termes de notre 
précédent mémoire (p. 366) où il est dit que le réactif iodo- 
ioduré met bien en évidence la structure réticulée de ces sortes 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 211 


d'organites et « la membrane hyaline qui en limite les 
contours ». 

Les corps chlorophylliens de la sous-section 4 seront pour 
nous désormais des paillettes granuleuses, où granulo-paillettes. 

D’après Duchartre qui, dans ses Éléments de Botanique (1) 
donne un court résumé des observations de H. Mohl, les corpus- 
cules en question seraient très sensibles à l’action de l’eau, en 
suite de quoi il se formerait dans leur intérieur « une ou plu- 
sieurs vacuoles qui distendent la matière verte et se font jour 
plus tard sous forme de vésicules incolores ». 

L'observation de ces phénomènes, fait remarquer H. Mohl, 
est d'autant plus facile que les grains sont plus espacés dans la 
cellule, plus facile encore, ajoute-t-1l, lorsque, sous l’action du 
rasoir, ils sont sortis isolément dans l’eau de la préparation. 
Toutes observations très exactes en soi, mais qu'on a eu le tort 
de trop généraliser. 

Cent cinquante-neuf de nos espèces ont été étudiées à ce der- 
nier point de vue, tige ou feullle, feuille plus particulièrement. 
Or, sur ce nombre, 70 espèces m'ont offert des paillettes 
simplement granuleuses, ou oléo-granuleuses, lesquelles se sont 
montrées très peu sensibles, ou même absolument insensibles à 
l’action de l’eau : Acer campestre, [ler Aquifolium, Viburnum 
Tinus; — Brassica oleracea, Lychnis dioica, Phlox paniculata ; 
— Allium Porrum, Aspidistra elatior,  Hordeum murinum ; 
— Ceralozamia mexricana, soit 10 espèces prises dans les 
4 groupes soumis à mes observalions et cilées ici seulement 
à litre d'exemples. 

Chez d’autres espèces l’afflux de Peau sur les grains x situ a 
pour effet de les disloquer en quelque sorte, en les divisant en 
plusieurs petits fragments : Feuille : Magnolia qgrandifloru, 
Hedera Helix, Faqus syloatica. 

Ailleurs on les voit se gonfler, se distendre dans Peau, de la 
facon observée par H. Mohl, jusqu'à occuper parfois toute la 
cavité cellulaire dans un état de confluence plus où moins 
accusé. 

Enfin, chez certaines espèces, l'action de Peau, plus énergique 
encore, à pour effet de réduire les grains en un état de diffusion 

(4) P. 425. 


212 J. D'ARBAUMONT 


plus ou moins complète, ce qui peut s’opérer soitsimplement par 
la mise en liberté des granules constituants, soit avec fusion de 
ces granules eux-mêmes, auquel cas 1l ne reste plus dans la cel- 
lule qu'un suc amorphe ou une granulation à peine perceptible : 
Feuille : Buxus semperviens, Evonymus europaeus, Mahonia 
Aquifolium, Ribes nigrum, Rosa bengalensis ; — Cirsium arvense, 
Plantago media; — Gladiolus communis, Yucca flaccida, ete. 

Bien que plus ou moins sinueux d'ordinaire, les contours des 
paillettes granuleuses dont il vient d'être question ne laissent 
pas de paraitre assez nettement accusés. Il en est autrement de 
certainsamas granuleux plus Bchement agglomérés, s'estompant 
plus ou moins sur les bords où ils paraissent parfois se fondre en 
quelque sorte avec la granulation plus fine et plus claire qui 
remplit le reste de la cellule. 

De ces derniers organites qu'il est impossible de ne pas rat- 
tacher à la série des paillettes granuleuses, les uns se montrent 
diffusibles dans l’eau : Tige : Bryonia dioica, Cirsium arvense, 
Medicago sativa. — Feuille : Beta vulgaris, Viola odorata, tan- 
dis que d’autres restent insensibles à son action : Tige : Cerasus 
Laurocerasus, Mahonia Aguifolium; — Centaurea Jacea, Ci- 
chorium Intybus. — Feuille : Campanula rapunculoides ; — 
Arum maculalum, elec. 

Pour l'étude des phénomènes de diffusibilité dont il vient 
d’être question, il convient de s'adresser à des coupes traitées 
simultanément par l'alcool à 45 degrés, lequel maintient les 


paillettes dans leur état normal — sauf pour trois ou quatre 
espèces chez lesquelles 11 Les diffuse également — et par 


l’eau distllée dont l’action est instantanée. La eoloration d’une 
troisième coupe par le bleu d’aniline complétera la démonstra- 
lion. À recommander pour ces petites opérations les coupes pra- 
tiquées dans la tige de lAwcuba japonica et du Ruscus aculeatus.… 
Les paillettes granuleuses sont très répandues dans l'appareil 
végétatif des Phanérogames, comme il résulte du chiffre plus 
haut cité. Il n°v à pas lieu d’insister davantage. 
Indépendamment des différences d'ordre morphologique qui 
viennent d'être relevées entre les deux principales variétés de 
corps chlorophylliens, — nos chloroplastes d’une part, les pail- 
lettes granuleuses de l'autre — il faudrait encore reconnaitre 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 213 


entre elles — si l’on s’en rapportait exclusivement aux obser- 
vations de H. Mohl, résumées par Duchartre (1), comme il a 
été dit plus haut — un caractère différentiel non moins impor- 
tant, dans la propriété qu'auraient seuls les premiers, à l'ex- 
clusion des autres, de fabriquer de lamidon. 

IL est vrai que H. Mohl reconnait l'existence, entre les deux 
variétés, de formes de transition, étant donné, fait-il observer, 
que l’on rencontre fréquemment des grains de chlorophylle 
qui, ressemblant à ceux de sa première variété, — nos 
paillettes granuleuses — ne laissent pas néanmoins d'enfermer 
dans leur intérieur un ou plusieurs grains de fécule, si petits 
parfois, ajoute-t-il, qu'on ne peut les reconnaitre qu'après les 
avoir fait gonfler par l’ébullition, ce qui altère un peu le carac- 
tère morphologique des grains où on les rencontre. Plus forts, 
ils formeraient transition aux grains de l’autre catégorie, nor- 
malement producteurs d’amidon, lesquels peuvent alors se 
gonfler dans l’eau ou résister à son action (2). 

Ce sont là des données incomplètes et d’où ne peut sortir 
qu'une connaissance erronée des conditions de l'amylogenèse 
dans l’ensemble des corps chlorophylliens. En réalité, ces orga- 
nites, à quelque sorte ou variété qu'ils appartiennent, peuvent se 
montrer également doués ou privés de la faculté de fabriquer de 
l'amidon, cette production ne se réalisant d’ailleurs, chez les 
grains qui en sont susceptibles, qu'à certaines phases de leur 
évolution, dans certaines conditions de chaleur et de lumière, 
el chez cerlaines espèces seulement. 

Il ne sera pas inutile de donner ici, àl’apput de cette dernière 
assertion, le relevé stalistique d'assez nombreuses observations 
recueillies, à des intervalles aussi réguliers que possible, au cours 
de l’avant-dernière période de végétation active (avril-sep- 
tembre 1907). 

Occupons-nous d'abord de la production de l’'amidon dans les 
différents tissus de l'appareil foliaire. 

Sur 143 espèces spécialement étudiées à ce point de vue, j'en 
trouve 50 chezlesquelles l'amidon apparait, plus ou moins répan- 
du, en proportions du reste très variables, dans toute l'étendue 


(1) Éléments de Botanique, loc. cit. 
(2) H. Mohl, Deuxième mémoire, p. 156 el 157. 


214 J. D'ARBAUMONT 


du imbe, savoir : 25 Dicotylédones ligneuses, 18 Dycotylédones 
herbacées et tous les Conifères au nombre de 7 ; 44 où il se loca- 
lise au contraire, souvent en quantité infinitésimale, dans la 
région endodermique basilaire de la principale ou des prinei- 
pales nervures, savoir : 21 Dicotylédones ligneuses et 23 Dicoty- 
lédones herbacées ; — enfin 49 espèces dont la feuille n’a pré- 
senté aucune trace d’amidon dans toute lasuite des observations, 
dont : 14 Dicotylédones ligneuses : Aesculus Hippocastanum, 
Aianthus glandulosus, Rhamnus Alaternus, Rhus glabra, Robi- 
ria Pseudacacia, Sambucus nigra, Olea europaea, Phyllyrhea 
media, Aristolochia Sipho, Ficus Carica, Carpinus Betulus, Faqus 
sylvatica, Quercus Ier, Betula alba; — 8 Dicotylédones herba- 
cées : Cheiranthus Cheiri, Saponaria ofjicinalis, Hypericum per- 
foratum, Geranium pyrenaicum, Trifolium rubens, Tararacum 
Dens-leonis, Primula elatior, Linaria vulgaris, enfin toutes les 
Monocotylédones, sauf deux espèces dont la feuille nous à paru 
contenir quelques traces d'amidon, une Liliacée : Funkia sub- 
cordata, et un Palmier, Sabal Adansoni. 

En ce qui concerne l’amidon caulinaire, il y a lieu de distin- 
guer entre les plantes herbacées et les végétaux ligneux, me 
bornant à rappeler, relativement à ces derniers, que la tige des 
Dicotylédones ligneuses de nos contrées se charge toujours au 
printemps d'une certaine quantité d'amidon, du reste très va- 
rlable, lequel se résorbe plus ou moins complètement en hiver. 

Étudiée au même point de vue, la tige des plantes herbacées 
a donné lieu aux observations suivantes : Parmi 48 espèces de 
Dicotylédones observées, j'en trouve 19 où lPamidon apparaît 
plus ou moins abondant dans les divers tissus assimilateurs ; 
19 où il se localise dans l'endoderme; 10 enfin qui n’en 
fabriquent point : Aguileqia vulgaris, Paeonia officinalis, Lychnis 
doica, Bryona dioica, Knautia arvensis, Lampsana communis, 
Linaria vulgaris, Rumex acetosa, Campanula rapunculoides, Pri- 
mula elatior. Aucune trace d’amidon dans la tige des 14 espèces 
de Monocotylédones herbacées mises à l'étude. 

De l’ensemble des observations précédentes nous tirons une 
conclusion nécessaire, à savoir : qu'on ne saurait admettre sans 
restriclion, avec Sachs et de nombreux botanistes, queles corps 
chlorophylliens sont préposés, dans la plante, à l'élaboration 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 215 


d'une substance, l’amidon, « qui serait elle-même le point de 
départ de tous les principes immédiats organiques, destinés à 
figurer dans la constitution des végétaux verts (1) ». 


Fermant ici la parenthèse ouverte à propos des phénomènes 
de l’amylo-chlorophyllogenèse, je reprends l'étude des diverses 
variétés de corps chlorophylliens, non plus, comme précédem- 
ment dans leurs dispositions morphologiques, mais au point 
de vue de leurs divers modes de répartition, soit dans la tige, 
soit, plus particulièrement, dans l'appareil foliaire. 

La question peut être envisagée sous différents aspects. 

Je signalerai d'abord certains phénomènes de localisation des 
deux grands groupes des corps chlorophylliens, ceux de la Sec- 
tion À d’une part, ceux de la Sectien B x globo, d'autre part. 

C’est ainsi que, considérés dans la tige, ceux de la Section A 
— nos chloroplastes — se localisent volontiers dans les régions 
moyennes de l'écorce primaire, et que, dans la feuille, ils ont une 
certaine tendance à occuper plutôt les cellules du tissu palis- 
sadique, les diverses sortes de paillettes se répandant en plus 
grand nombre dans le tissu lacuneux. 

J'ai reconnu aussi dans la feuille de quelques espèces la locali- 
sation de ces mêmes chloroplastes dans une suite de cellules 
perpendiculaires à la nervure médiane, et séparées les unes des 
autres par plusieurs assises de cellules à paillettes : £oonymus 
japonicus, Photinia dentata, Lonicera Caprifolium; — Solanum 
tuberosum, — ou leur propension, aussi bien dans la feuille que 
dans la tige, à se grouper en plages plus où moins étendues, 
isolées dans l’ensemble des cellules à paillettes. 

Je ferai aussiremarquer incidemment que ce qu'on pourrait 
appeler la composition de l'appareil chlorophyllien peut n'être 
pas la même dans les différents organes de la même plante. 

Il en est ainsi du Ruscus aculeatus, chez qui les chloroplastes, 
relativement volumineux, qu’on rencontre assez abondants dans 
la tige, accompagnés de paillettes granuleuses très diffusibles, 
avec localisation cellulaire très nette des uns et des autres, sont 
remplacés dans le cladode par des organites en forme de courts 


(4) Lanessan, La Botanique, p. 344. 


216 J. D'ARBAUMONT 


fuseaux renflés sur les côtés, avec cellules distinctes à paillettes 
ou à simples granulations. 

Composition analogue à celle du Ruscus dans la tige de l'A w- 
cuba japonica, tandis qu’on ne trouve dans la feuille de cette 
même espèce que des cellules à paillettes granuleuses diffu- 
sibles, ou à fines granulations. 

Les chloroplastes sont beaucoup plus volumineux dans le pé- 
tiole que dans le limbe foliaire du Pelargonium zonale et du 
Viola odorata. 

Ce phénomène de discordance, dont on pourrait sans doute 
citer de plus nombreux exemples, ne nous à paru nulle part 
mieux accusé que chez l’Aristolochia Sipho, dont la tige et le 
limbe foliaire ne contiennent, m'’a-t-il semblé, que des cellules 
à chlorophylle granuleuse, qui font place, dans le pétiole, à un 
certain nombre de chloroplastes, à la vérité assez petits, accom- 
pagnés de cellules à paillettes de diverses sortes. 

Cela dit en façon d'incidence, je reprends l'étude des phéno- 
mènes dans leur généralité, et je cherche à me rendre compte 
des différents modes de répartition des différentes sortes 
de corps chlorophylliens dans l’ensemble des tissus assimi- 
lateurs. 

Et d’abord, on peut noter la présence presque constante, dans 
la tige, aussi bien des espèces herbacées que des végétaux 
ligneux, de corps chlorophylliens de la Section À, strictement 
localisés, comme il a été dit plus haut, dans une certaine caté- 
gorie de cellules, et toujours accompagnés, dans les cellules 
voisines, de l’une ou de l’autre, parfois simultanément de 
plusieurs des formes comprises dans les quatre groupes subor- 
donnés de la Section B. Les rapports de proportion des différents 
corps chlorophylliens dans la tige de la même plante, ou par 
comparaison dans la tige des différentes espèces, sont bien 
difficiles à évaluer ; une telle étude ne présenterait d’ailleurs 
qu'un médiocre intérêt, en raison du peu d'importance qu'il 
convient d'attribuer aux propriétés physiologiques de la chlo- 
rophylle dans l'appareil caulinaire. 

Je n’insisterai donc pas sur ce point, et jJ'aborde immédiate 
ment l'étude des mêmes rapports considérés dans la feuille, 
c'est-à-dire dans la partie du végétal qui peut être regardée à 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 217 


bon droit comme le lieu d'élection du rèle physiologique de la 
chlorophylle. 

De ce chef, nos observations portant sur un ensemble 
de 180 espèces, nous aurons à nous demander : 

1° De quelle façon les corps chlorophylliens de la Section / 
et ceux des quatre sous-groupes de la Section B peuvent 
se répartir, en associations variées, dansla feuille des différentes 
espèces ; 

2° Dans quelles proportions relatives les grains de la Sec- 
ton À et ceux de la Section B pris en bloc, peuvent se trouver 
associés dans la feuille de la même espèce. 

Ce petit travail de statistique, quelque fastidieux qu'il puisse 
paraître au premier abord, ne laissera pas de nous suggérer cer- 
taines vues d'ensemble, susceptibles, crovons-nous, d'introduire 
quelques notions nouvelles dans l'étude des fonctions chloro- 
phylliennes. 

Abordant cette étude sous son premier aspect, nous croyons 
pouvoir répartir l’ensemble des espèces étudiées par nous à ce 
point de vue, en 6 groupes assez bien délimités, tout en recon- 
naissant volontiers qu'il peut leur arriver assez souvent d'empié- 
ter l’un sur l’autre, réalisant ainsi un certain nombre de disposi- 
tions transitionnelles dont l'examen sera négligé, jugeant qu'il 
ne tarderait pas à nous jeter dans le domaine des infiniment 
petits. 

RÉPARTITION DES DIFFÉRENTS CORPS CHLOROPHYLLIENS DANS LA 
FEUILLE DES DIFFÉRENTES ESPÈCES. 


PREMIER GROUPE. — Chloroplastes erclusifs où à peu près 
exclusifs. 
Rumex acetosa. | Potamogeton lucens. 

DEUXIÈME GROUPE. — Chloroplustes en proportions variées. — 


Paillettes granuleuses où granulo-visqueuses, sourent accompa- 
gnées de pailleites-granules, ou de simples granulations. 


Magnolia grandiflora. Ampelopsis tricuspidala. 
Mahonia Aquifolium. Aïlanthus glandulosus. 
Pittosporum Tobira. Evonymus europaeus. 
Citrus Aurantium. Evonymus japonicus. 
Vitis vinifera. lex Aquifolium. 


Ampelopsis quinquefolia. Rhamnus Alaternus. 


218 


Spartium junceum. 
Cytisus Laburnum. 
Cercis Siliquastrum. 
Cerasus communis. 
Rosa bengalensis. 
Pyrus communis. 
Pyrus Malus. 

Sorbus Aria. 

Sorbus Torminalis. 
Philadelphus inodorus. 
Hydrangea Hortensia. 
Hedera Helix. 

Aucuba japonica. 
Symphoricarpos racemosus. 
Lonicera Caprifolium. 


Ranunculus repens. 
Aquilegia vulgaris. 
Papaver somniferum. 
Viola odorata. 
Dianthus Caryophyllus. 
Saponaria officinalis. 
Lychis dioica. 
Geranium pyrenaicum. 


Pelargonium hederaefolium. 


Pelargonium zonale. 
Phaseolus vulgaris. 
Fragaria vesca. 
Cucurbita maxima. 
Cucumis Melo. 
Eryngium campestre. 


Iris florentina. 
Yucca flaccida. 
Lilium candidum. 
Hemerocallis flava 
Funkia subcordata. 
Allium ursinum. 
Aspidistra elatior. 


Abies pectinata. 
Cephalotaxus Fortunei. 
Torreya myristica. 


J. D’'ARBAUMONT 


Sambucus nigra. 
Viburnum Tinus. 
Syringa vulgaris. 
Olea europaea. 
Ligustrum japonicum. 
Nerium Oleander. 
Laurus nobilis. 
Buxus sempervirens. 
Ulmus campestris. 
Ficus Carica. 

Salix triandra. 
Populus pyramidalis. 
Quercus coccinea. 
Quercus Ilex. 
Quercus pubescens. 


Dipsacus sylvestris. 
Cirsium arvense. 

Aster laevis. 

Dabhlia variabilis. 
Taraxacum Dens-leonis. 
Campanulus rapunculoides. 
Plantago media. 

Vinca minor. 

Phlox paniculata. 
Solanum tuberosum. 
Rheum undulatum. 
Rumex crispus. 

Rumex Patientia. 

Beta vulgaris. 


Dracaena Draco. 
Hydrocharis morsus-ranae. 
Alisma Plantago. 

Arum maculatum. 
Polamogeton gramineus. 
Avena sativa. 

Baldingera arundinacea. 


Taxus baccata. 
Cycas circinalis. 


TROISIÈME GROUPE. — C'hloroplastes plus ou moins nombreur. 
— Paillettes plus où moins granuleuses; paillettes proprement 
dites (sous-section à); paillettes-granules ; granulations. 


Aesculus Hippocastanum. 
Viscum album. 
Myrsine africana. 


Syringa persica. 
Carpinus Betulus. 


Knautia arvensis. 
Cynara Scolymus. 
Centaurea Jacea. 
Convolvulus arvensis. 


.Brassica oleracea. 
Cheiranthus Cheiri. 
Agrimonia Eupatorium. 
Sedum spectabile. 


ÉTUDE DES 


Gladiolus communis. 
Narcissus poeticus. 
Tulipa Gesneriana. 
Hemerocallis fulva. 
Agapanthus umbelliferus. 


Thuya occidentalis. 


CORPS 


CHLOROPHYLLIENS 


Allium Cepa. 
Hyacinthus orientalis. 
Tradescantia virginica. 
Hordeum vulgare. 


| Taxodium sempervirens. 


QUATRIÈME GROUPE. — Chloroplastes rares ou très rares chez 


quelques espèces. — Paillettes-granules ; granulations. 


Berberis vulgaris. 
Cerasus Laurocerasus. 
Photinia dentata. 
Clematis integrifolia. 
Hypericum perforatum. 
Tropaeolum majus. 
Pisum sativum. 
Begonia semperflorens. 
Sedum album. 
Narcissus Pseudo-Narcissus. 
Lilium Martagon. 
Fritillaria imperialis. 
Triticum sativum. 
Thuyopsis dolabrata. 
Picea alba. 


Jasminum fruticans. 
Phillyrhea media. 


Sedum arboreum. 
Sedum Sieboldii. 
Saxifraga japonica. 
Onopordon Acanthium. 
Primula elatior. 
Linaria vulgaris. 
Hordeum murinum. 
Dactylis glomerata. 
Lea Mays. 


Pinus Pinsapo. 
Pinus Pumilio. 


CINQUIÈME GROUPE. — Chloroplastes nuls (1). — Paillettes 
granuleuses ou granulo-visqueuses ; paillettes proprement dites ; 


granules où granulations. 


Tilia sylvestris. 

Acer campestre. 

Acer Pseudo-Platanus. 
Rhus glabra. 

Robinia Pseudacacia. 
Cydonia vulgaris. 
Crataegus oxyacantha. 
Crataegus pyracantha. 


Clematis recta. 


Ribes nigrum. 
Fraxinus excelsior. 
Fraxinus Ornus. 
Platanus occidentalis. 
Corylus Avellana. 
Fagus sylvatica. 
Quercus pedunculata. 


| Paeonia officinalis. 


SIXIÈME GROUPE. — Chloroplastes nuls. — Paillettes granu- 


leuses; granulations. 


Rubus Idaeus. 
Cornus Mas. 
Aristolochia Sipho. 
Silene inflata. 

Geum urbanum. 
Cyclamen persicum. 


Juglans regia. 
Betula alba. 


Salvia pratensis. 


Heliotropium auropaeum. 


(1) À moins que quelques-uns de ces organites, disséminés dans la masse 


des paillettes, chez certaines espèces, n'aient échappé à mes observations. 


220 J. D'ARBAUMONT 


Ruscus aculeatus. Phoenix dactylifera. 
Chamaerops excelsa. Kentia balmoreana. 
Chamaerops humilis. Bambusa Melake. 
Latania borbonica. Ceratozamia mexicana. 


Sabal Adansoni. 


C'est donc dans une suite de six combinaisons différentes 
avec des nuances intermédiaires sans doute assez nombreuses, 
mais dont il serait trop minutieux de tenir compte, que nous 
voyons se réaliser le phénomène de la répartition des diverses 
variétés de corps chlorophylliens dans l'appareil foliaire des 
180 espèces comprises dans le tableau précédent. 

Peut-être y pourrait-on relever quelques indications utiles 
au point de vue de l'étude des affinités naturelles. La composi- 
tion de l'appareil chlorophyllien s'y montre, en effet, identique 
ou tout au moins très analogue chez certaines plantes du même 
genre : Acer, Frarinus, Quercus, Sorbus, Sedum, ou apparte- 
nant même à des groupes plus étendus : Graminées, Palmiers, 
Conifères. Mais 1l s'en faut de beaucoup qu'il en soit toujours 
de même, certaines plantes très voisines dans l’ordre du clas- 
sement naturel, se trouvant au contraire distribuées dans des 
groupes chlorophyiliens plus où moins éloignés l'un de l’autre. 

Je reconnais d’ailleurs que mes observations sur ce point 
sont enfermées dans des limites trop étroites pour qu’on puisse 
en tirer des conclusions utiles, 1l faudrait pour cela en élar- 
gir considérablement le cadre, ce qui ne rentre pas dans le 
plan du présent mémoire. 

Je ne manquerai pas, au contraire, de faire remarquer que 
les cinquième el sixième groupes comportent l'élimination 
complète ou à peu près complète de tous corps chlorophylliens 
de la Section À, élimination qui ne se produit pas brusque- 
ment, mais à la suite d’éliminations partielles de plus en plus 
accusées. 

C’est ce que nous allons montrer en nous plaçant au second 
des deux points de vue indiqués plus haut, lequel nous amène à 
rechercher dans quelles proportions relatives les corps chloro- 
phylliens de Ia Section À, d’une part, et ceux de la Section B 
pris en bloc, d'autre part, peuvent se trouver associés dans la 
feuille d'une même espèce. 

Sur les 180 espèces inscrites au tableau précédent, il y en a 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 291 


89 chez lesquelles l’association en question m'a paru se main- 
tenir dans un équilibre assez constant, autant qu'en en peut 
juger par une appréciation très approximative et dont les 
données comportent nécessairement un peu de vague. 

Restent 91 espèces, plus de la moitié, où cet équilibre est 
rompu par suite de l'élimination, d'abord partelle et progres- 
sive dans trois groupes subordonnés l'un à l’autre, puis totale, 
ou à peu près telle, de tous les corps chlorophylliens de la 
Section À, dans un dernier groupe correspondant aux qua- 
trième et cinquième groupes du tableau précédent. 


PREMIER GROUPE. — Chloroplastes assez rares. 
Philadelphus inodorus. Sambucus nigra. 
Lonicera Caprifolium. Ulmus campestris. 
Viola odorata. Solanum tuberosum. 


Eryngium campestre. 


DEUXIÈME GROUPE. — C'hloroplastes rares. 
Mahonia Aquifolium. Sorbus Torminalis. 
Citrus Aurantium. Photinia dentata. 
Amyelopsis quinquefolia. Viburnum Tinus. 
Evonymus europaeus. Syringa persica. 
Evonymus japonicus. Olea europaea. 
Rhamnus Alaternus. Buxus sempervirens. 
Cytisus Laburnum. Ficus Carica. 
Cerasus Laurocerasus. Salix triandra. 
Sorbus Aria. Quercus pubescens. 
Clematis integrifolia. Begonia semperflorens. 
Reseda lutea. Saxifraga japonica. 
Geranium pyrenaicum. Rheum undulatum. 
Cucurbita maxima. 

Hemerocallis flava. Avena sativa. 
Aspidistra elatior. Hordeum murinum. 
Dracaena Draco. Triticum sativum. 
Tradescantia virginica. Lea Mays. 


Avena elatior. 


TRotsièME GROUPE. — C'hloroplastes très rares. 
Aesculus Hippocastanum. Ligustrum japonicum. 
Aïlanthus glandulosus. Laurus nobilis. 
Spartium junceum. Carpinus Betulus. 
Cercis Siliquastrum. Quercus coccinea. 
Rosa bengalensis. Quereus Ilex. 

Pyrus communis. 
Lychnis dioica. Chamaerops humilis. 


Onopordon Acanthium. 


299 J. D'ARBAUMONT 


QUATRIÈME GROUPE. — Elimination complèle ou LS 
complète des chloroplastes. 

Ce quatrième groupe correspond aux 36 espèces comprises 
dans les cinquième et sixième groupes du tableau précédent. 

On remarquera que c'est chez les espèces ligneuses arbores- 
centes, aussi bien parmi les Monocotylédones que dans le 
groupe plus important des Dicotylédones, et spécialement chez 
les arbres feullus de nos forêts que l’élimination des corps 
chlorophylliens de notre Section À se réalise de la façon la 
plus sensible, souvent jusqu’à abolition complète, d’où cette 
conclusion assez inattendue, à savoir: que ces mêmes cor- 
puscules, supérieurs, au sens morphologique, comme nous 
l'avons montré, à ceux de la Section B, leur sont au contraire 
subordonnés au point de vue physiologique, ces derniers orga- 
nites étant appelés, semble-tl, à remplir le rôle le plus 
important dans le phénomène capital de la réduction de l'acide 
carbonique de Pair. Il y à donc lieu de s'étonner du peu d’at- 
ention dont ils ont de tout temps été l’objet, et que les corps 
chlorophylliens de la Section A soient les seuls, au regard des 
Phanérogames et des Cryptogames vasculaires, dont on veuille 
bien tenir compte dans la presque totalité des ouvrages classi- 
ques de la littérature botanique contemporaine. Seul Duchartre, 
comme il a été dit plus haut, à pris soin de résumer les obser- 
vations de H. Mohl sur les organites compris dans la sous- 
section d de nos pseudo-chloroplastes. 

Tel qui suit aujourd’hui un cours ou consulte un traité quel- 
conque de Botanique, ne pourra doncse faire qu'une idée incom- 
plète et conséquemment erronée par prétérition, de ce qu'il 
faut entendre, au sens morphologique, par les mots : corps 
chlorophylliens. 

Il y a là une méconnaissance de la réalité des faits, contre 
laquelle il serait, semble-t-1l, grand temps de réagir. 


Nous consacrerons la dernière partie de ce travail à l'exposé 
sommaire de quelques observations recueillies au cours du prin- 
temps de l’année 1907 sur le mode de formation de la chloro- 
phylle au voisinage du cône de végétation dans la tige de quelques- 
unes des espèces étudiées ci-dessus à un autre point de vue. 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS AS 


D'après une théorie assez accréditée de nos jours, les corps 
chlorophylliens proviendraient de l'évolution de certains orga- 
nites spécialisés préexistant dans les tissus végétaux où ils se 
multiplieraient indéfiniment par voie de division, et qui, natu- 
rellement incolores, ce qui à fait proposer pour eux le nom de 
leucites, sont susceptibles de s'imprégner de certains pigments 
et notamment, chez beaucoup d’entre eux, du pigment vert, 
caractéristique de la chlorophylle, d’où le nom de chloroleucites, 
association verbale suffisamment indicative des deux états sous 
lesquels ils se présentent successivement à nous. 

Je ne contesterai pas qu'il puisse en être ainsi dans cerlainscas 
et peut-être conviendrait-il de considérer comme de véritables 
leucites les corpuscules mal limités par rapport au protoplasma, 
dont M. Belzung a constaté la présence dans le pistil de certaines 
Légumineuses, encore inclus dans la corolle, et qui ne seraient, 
d’après lui, que Les futurs grains de chlorophylle (1). 

Ce serait donc là un second mode de formation succédant, à 
distance, à celui qu'a signalé et si bien décrit le même auteur 
-— ainsi que nous le rappelons plus haut — dans la vie embryon- 
naire de la plante : évolution de granules d'amidon déposés dans 
les mailles d’un réseau très délicat de granulations protéiques, 
qui vient à occuper toute la cavité de certaines vacuoles du 
protoplasma fondamental, sans intervention d'aucune sorte de 
corpuscules analogues aux leucites de M. Van Tieghem. 

Toutefois nous devons reconnaitre, dans ce dernier mode de 
formation, tout un ensemble de phénomènes essentiellement 
subordonnés aux circonstances particulières — vie embryon- 
naire — dans lesquelles ils se produisent. En sera-t-1l de même 
des grains de chlorophylle apparaissant ultérieurement dans les 
üssus de la plante, une fois celle-ci sortie des phases primor- 
diales de sa croissance, et notamment dans le cène végétatif de 
la plante adulte ? 

Plus récemment M. Étard (2), étudiant au point de vue de leurs 
propriétés chimiques les différentes et assez nombreuses sortes 
de chlorophylles, fait naître, sans distinction aucune, la gé- 
néralité des corps chlorophylliens du protoplasma, n'étant 


(1) Journal de Botanique, 1895, p. 101 el 102. 
(2) La biochimie et les chlorophylles, 1906, p. 67. 


224 J. D'ARBAUMONT 


eux-mêmes en définitive, que du protoplasma différencié. 

Nous nous rangeons volontiers à l'opinion de M. Étard, 
en ce qui concerne tout au moins l’origine des corps chlorophyl- 
liens dans le cône végétatif de la plante adulte, chez les végé- 
taux supérieurs, les seuls dont nous ayons à nous occuper ici. 

Ils nous y semblent tirer leur origine, comme nous l'avons du 
reste déjà donné à entendre, de certains granules ou plastides 
protéiques, formés par différenrialion actuelle et directe au sein 
du protoplasma fondamental, avec intervention, à certaines 
phases de leur évolution et chez certaines espèces seulement, de 
lamidon. 

Considérons ce qui se passe dans une jeune pousse de Laurier 
rose par exemple, en voie d’élongalion. À une distance encore 
assez rapprochée du cône on ne tarde pas à voir s’accuser entre 
les cellules grandissantes une différenciation assez sensible. Les 
unes continuent plus ou moins par la suite de présenter l'aspect 
granuleux dont elles étaient toutes affectées au début, — se co- 
lorant toutes aussi également alors par les bleus d’aniline, — 
les autres au contraire ne tardent pas à s'éclaircir ; ce sont celles 
où vont se localiser les corps chlorophylliens de la Section A, 
chloroplastes ou grains de chlorophylle proprement dits. 

Ceux-ci apparaissent sous forme de corpuscules d’abord inco- 
lores — granules ou plastides — disséminés dans la couche péri- 
phérique persistante du protoplasma fondamental, dans la masse 
duquelils se trouvaient précédemment plus intimement engagés. 
Observés à cette première phase de croissance, les dits corpus- 
cules, se colorant d’abord en Jaune au contact des réactifs 1odés, 
vont bientôt prendre, sous l'influence des mêmes réactifs, une 
coloration brunètre, indice certain de la présence, dans la petite 
masse, d’un noyau amylacé, de formation subséquente aux pre- 
miers phénomènes de différenciation, avec couche superficielle, 
plus ou moins épaisse, de substance protéique. L'alcool absolu, 
décolorant un peu cette dernière couche, met bien en évidence 
la couleur violacée du petit granule d’amidon inclus, tandis 
que l'acide acétique réduit l'ensemble des grains en une masse 
d’un bleu plus ou moins foncé. 

Continuant ensuite l'observation sur d’autres coupes prati- 
quées d’abord au même niveau, puis successivement de haut 


s ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 225 


en bas, on constate que l'amidon ne tarde pas à se résorber, les 
plastides formateurs continuant de grossir en s’imprégnant peu à 
peu du pigment vert. Nous attendrons désormais l'achèvement 
de leur croissance, pour Y voir réapparaitre la substance amy- 
lacée. 

Même mode d'évolution ou très analogue, avec formation 
d’amidon transitoire dans la tige de Sambucus nigra, Buxus 
Sempervirens, Cercis Siliquastrum. 

Chez d’autres espèces (Ævonymus japonicus, Photinia dentata, 
Aesculus Hippocastanum), étudiant, au premier printemps, les 
phénomènes du retour à la vie active dans le cône de végétation, 
J'ai constaté, qu'après absorption complète d’une petite quantité 
d’amidon, préexistant à la base du bourgeon dormant, la réap- 
parition de cette même substance dans les plastides formateurs 
en voie de croissance, y précédait également ou y accompagnait, 
au début, celle du pigment vert, sans que j'aie pu y reconnaitre 
avec certitude le passage d’un amidon transitoire. 

Dans tous les cas précités, le noyau amylacé, à quelque mo- 
ment qu'il se forme dans le plastide formateur en voie d'évolu- 
tion chlorophyllienne, nous apparaît donc comme le produit 
synthétique de l’activité propre de ce mème plastide, avec le 
concours, suivant toute probabilité, dans une certaine mesure, 
des principes immédiats ambiants. Dans la vie embryonnaire 
de la plante, c'est au contraire, comme l’a montré M. Belzung, 
de la réduction d’un ou de plusieurs granules d’amidon que pro- 
viendrait le corpuscule destiné à évoluer dans le sens chloro- 
phyllien. 

Toutefois, quoiqu'il y ait dans ces deux cas de formation mis 
en présence, interversion dans lordre d'apparition et les rap- 
ports génétiques des deux substances, protéique et amylacée, on 
ne saurait méconnaitre la réalité et l'efficacité de leur action 
combinée dans l'élaboration du corps chlorophyllien. 

I y a là de réelles et remarquables analogies dont on aurait 
tort de ne pas tenir compte, mais j'ajoute immédiatement qu'il 
s'en faut de beaucoup que les choses se passent Loujours de là 
même facon, comme il est facile de le montrer par l'étude de Ja 
chlorophyllogenèse, chez beaucoup d’autres espèces. 

Prenons par exemple et disséquons le bourgeon hibernant du 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 15 


226 J. D'ARBAUMONT 


Sycomore où nous savons qu'il ne se trouve pas de chlorophylle ; 
on n'y trouve pas davantage d’amidon, et il en sera de même au 
premier printemps, époque où nous verrons, dans la tige en 
croissance, les plastides formateurs, incolores au début, s’impré- 
gner peu à peu du pigment vert et parachever leur évolution 
jusqu'à complet développement, sans aucune participation de 
l'amidon, substance qui n’y doit apparaître qu'au commence- 
ment de la période estivale. 

Ces observations datent des mois de mars et avril 1907 ; en 
mai 1896 (Annales, p. 324) la jeune pousse étant vraisembla- 
blement arrêtée dans sa croissance, J'avais vu, chez le Sycomore, 
l'amidon se répandre jusqu’au voisinage du cône. Au 1° juil- 
let 1907 il était redescendu à un niveau bien inférieur. 

Je n’oserais affirmer que certains phénomènes d’alternance 
dans la production de l'amidon ne puissent se réaliser parfois 
chez les espèces suivantes, bien que JV aie vu constamment, au 
cours du printemps de l’année 1907, les grains de chlorophylle 
effectuer leur complète évolution, dans les tissus assimilateurs, 
sans aucun concours, m'a-t-il semblé, de cette substance : Pit- 
tosporum Tobira, Vilis vimifera. Ampelopsis quinquefolia, Sta- 
phiylea  pinata, Robinia Pseudacacia, Cerasus Laurocerasus, 
Rosa bengalensis, Rubus Idaeus, Pyrus communs, Frarinus 
excelsior, Syringavulqaris, Taxus baccata. 

Nous sommes de plus fondé à croire que l’évolution des plas- 
tides chlorophylliens doit s'effectuer de même sans le concours 
de l’amidon, chez les diverses espèces où J'ai constaté l'absence 
de cette substance, d'avril à septembre, dans les organes verts, 
ou sa stricte localisation dans la région endodermique. 

Nous n'avons jusqu'ici considéré les phénomènes chlorophyl- 
logénétiques qu’au regard des grains de la Section À, toujours 
localisés, comme nousl'avons montré, dans des cellules spéciales, 
à contenu promptement éclairer, et par suite d’une observation 
relativement facile. 

L'étude, au même point de vue, des pseudo-chloroplastes — 
paillettes ou variétés diverses des corps chlorophylliens de la 
Section B — nous conduirait sans doute aux mêmes conclu- 
sions : formation tantôt avec le concours, tantôt sans le con- 
cours, de l’amidon. Peut-être cependant ne serait-il pas aisé 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS DT 


de les appuyer sur des observations positives, eu égard à 
la grande diversité de ces mêmes corpuscules dans leurs dis- 
positions morphologiques, et à lextréme ténuité de beau- 
coup d’entre eux ou des particules constituantes de certains 
autres. 

Le processus de formation de la chlorophylle peut être qua- 
lifié de mixte chez les Berberis et les Ribes, en ce sens qu'il s'y 
effectue : 1° sans le concours de l’amidon dans l'écorce pri- 
maire, destinée, comme on sait, à une prompte mortification, 
et où les chloroplastes sont très multipliés, 2° avec son concours, 
dans les régions phellodermique ou péricyelique de ces mêmes 
végétaux où nous n'avons jamais rencontré qu'une chlorophylle 
simplement granuleuse. 

Nous passons maintenant à l’étude des corps chlorophylliens 
considérés en eux-mêmes, aux premières phases de leur évolu- 
tion, abstraction faite des phénomèmes de synthèse amylacée 
dont certains d’entre eux peuvent être le théâtre. 

Sur coupes pratiquées à peu de distance du cône végétatif 
on ne tarde pas à distinguer dans les cellules à suc clair, les 
plastides formateurs de nos chloroplastes, et à les voir, d'abord 
incolores, puis parfois légèrement teintés de jaune, tantôt se 
répandre presqu'aussitôtsur les bords des cellules grandissantes, 
ou y rester d’abord quelque temps inclus dans une couche plus 
ou moins épaisse de protoplasma périnucléaire : Aesculus Hippo- 
castanum, Ribes nigrum, Aucuba japonica, ete., etc. 

Entre temps ils se sont peu à peu imprégnés du pigment 
vert, caractéristique de la chlorophylle. Enfin, la cellule ayant 
achevé sa croissance, on les trouve tous répartis plus ou moins 
régulièrement contre les parois, continuant d’adhérer inti- 
mement à la couche persistante, très amincie, de l'utricule 
primordial. 

Nous n’entrerons pas dans le détail des mouvements bien 
connus qui sont imprimés à ces délicats organites sous l'in- 
fluence de certaines incidences des rayons lumineux, se portant 
tantôt sur les parois tangentielles, tantôt sur les parois radiales 
de la cellule, parfois aussi se groupant temporairement 
autour du noyau, phénomène assez fréquent dans les 


D 
Lt) 


cellules encore jeunes et que j'ai vu se produire aussi dans les 


228 J. D'ARBAUMONT 


feuilles adultes de Sedum Sieboldii sous l'action d'une radiation 
lumineuse très intense. 

Les phénomènes de l'inclusion primitive de nos corpuscules 
dans la couche périphérique du plasma fondamental et de leur 
adhérence persistante à l’utricule primordial, nous ont paru 
beaucoup moins accusés chez les corps chlorophylliens de la 
Section B que chez les autres, et le mode même de répartition 
de beaucoup d’entre eux contre les parois de la cellule, bien 
plus variable dans une constante irrégularité. Ajoutons qu'on 
les voit même assez souvent s’en détacher pour se répandre çà 
et là dans le suc cellulaire 

Nous terminons ici la suite de nos observations sur les divers 
modes de formation et sur les allures primitives des différents 
corps chlorophylliens. 


CONCLUSIONS 


De l’ensemble des observations consignées au présent mé- 
moire, nous nous croyons un droit de conclure : 

1° Que les corps chlorophylliens considérés dans l'ensemble 
des végétaux Phanérogames : Angiospermes et Gymnospermes, 
se divisent en deux catégories principales : Section À, à cor- 
puscules monotypes, toujours localisés dans des cellules 
spéciales ; — Section B, comprenant au contraire quatre 
variétés subordonnées, chacune d'elles pouvant de même se 
localiser dans des cellules spéciales, ou s'associer au contraire 
de diverses facons, dans la même cellule, et cela aussi bien 
dans les tissus assimilateurs de la tige que dans ceux de la 
feuille, tant des espèces ligneuses que des espèces herbacées ; 

2° Que les corps chlorophylliens de Ja Section À, morpholo- 
giquement supérieurs aux autres, leur sont au contraire subor- 
donnés au point de vue du rèle que la chlorophylle est appelée 
à remplir dans le phénomène capital de la réduction du gaz 
acide carbonique de l'air ; 

3° Que les corps chlorophylliens des deux Sections peuvent 
se former, selon les diverses espèces, tantôt avec le concours, 
tantôt sans le concours de l’amidon, ces deux modes de forma- 
lion pouvant du reste se trouver associés dans la même espèce; 


ÉTUDE DES CORPS CHLOROPHYLLIENS 299 


4° Que, dansles phases ultérieures de leur évolution et notam- 
ment pendant la période estivale, ils peuvent indifféremment, 
quel que soit d’ailleurs leur mode de formation, fabriquer ou 
ne pas fabriquer d'amidon ; 

»° Et que, conséquemment, cette dernière substance à l’état 
figuré reste complètement étrangère, dans bien des cas, contrai- 
rement à une opinion généralement admise, à l'élaboration 
des substances constitutives de Pappareil végétatif chez les 
plantes vertes. 


RECHERCHES 


MOUVEMENTS DE LOCOMOTION 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS 
AUX BASSES TEMPÉRATURES 
Par Em. C. TEODORESCO 


L'action des bassestempératuressur les organismes a été l'objet 
de nombreuses recherches; c'est ainsi qu'on à déterminé le mi- 
nimum de température à laquelle diverses fonctions cessent 
d’avoir lieu ; ensuite, depuis que l’on peut obtenir des froids 
excessifs par la liquéfaction de l'air et de l'hydrogène, on a réa- 
lisé plusieurs expériences, pour voir quelles sont les tempéra- 
tures les plus basses auxquelles résistent les cellules vivantes et 
on a trouvé, par exemple, que certaines graines supportent, 
pendantune demi-heure, une température de —250°,sans perdre 
leur pouvoir germinalif (1). Dans ce cas, la résistance du pro- 
toplasma dépend, à ce qu'il paraît, de la quantité d’eau et de 
gaz qu'il renferme (2) ; dès que le protoplasma à atteint, par la 
dessiccation, son maximum de concentration, il échappe com- 
plètement à l’action des basses températures, il ne gèle pas et 
la graine conserve son pouvoir germinalif. 

Eu ce qui concerne l'influence des températures inférieures 
sur les mouvements protoplasmiques et surtout sur les mouve- 
ments de locomotion, nos connaissances laissent encore beau- 
coup à désirer ; or l'étude de la résolution de celte question est 


(1) Thyselton Dyer, On the infl. of the temperature of liquid hydrogen on the 
germinative power of Seeds (Annals of Botany, vol. IL, 1899, p. 599). 

(2) P. Becquerel, Recherches sur la vie latente des graines (Ann. des Sc. nat., 
Bot., 9 série, t. V, 1907, p. 288). 


232 EM. C. TEODORESCO 


trèsimportante au point de vue théorique, car elle peut éclaircir 
certaines autres questions, non encore élucidées, relatives à Ja 
vitalité du protoplasma. Pour combler cette lacune, j'ai entre- 
pris une série d'expériences, dont les résultats sont consignés 
dans le présent travail. On en verra que, contrairement à ce 
qu'on croyait jusqu'à présent, mes recherches conduisent à la 
conclusion, que les mouvements protoplasmiques ont encore 
lieu, bien que très ralentis, jusqu'à des températures assez 
inférieures au point de congélation de l’eau pure. 

Mais avant d'aborder directement mon sujet, je vais résu- 
mer en quelques lignes l’état de la question jusqu'à ce 
moment. 

C'est Dutrochet qui, en 1837 (1), observa le premier, chez 
les végétaux, les mouvements du protosplama aux basses tem- 
pératures. « Jai vu, ditl, la circulation du Chara continuer 
dans l’eau refroidie à zéro et même j'ai observé cette cireu- 
lation pendant douze heures dans l'eau refroidie à un degré 
au-dessous de zéro et non convertie en glace pendant cet espace 
de temps ; celte circulation existe donc, tant que l’eau conserve 
sa fluidité. » 

Quelques années plus tard, Unger (2) publiait, dans son 
travail sur les zoospores du Vaucheria, l'observation suivante : 
les zoospores de cette algue se trouvant dans un verre de montre 
et nageant dans l'eau, il y ajouta de la neige; la température 
de l’eau tomba alors à près de zéro ; 1l observa néanmoins que 
les zoospores continuèrent à nager, pendant un quart d'heure, 
avec la mème vivacité qu'auparavant. 

Cohn (3) dit, sans préciser d’ailleurs le degré de température, 
que le froid par lui-même n'est pas défavorable à la vie des 
zoospores de l'Ææmatococcus pluvialis, Tandis que la gelée les 
tue. Le même auteur à pu constater (4), que les mouvements 
protoplasmiques dans les cellules du Nitella syncarpa conti- 
nuent, bien que très ralentis, jusqu’à deux degrés sous zéro, 

(1) Dutrochet, Comptes rendus, t. V, 1837, et Ann. des Sc. nat., Bot., 2€ série, 
t. IX, 1838, p. 25. 

(2) F. Unger, Die Pflanze im Momente der Thierwerdung, 1843, p. 57. : 

(3) Cohn, Nachträge z. Naturgeschivhte des Protococcus pluvialis (Nova Acta 


Leopold.-Carol., vol. XXIL, 1850, p. 720). 
(4) Cohn, Botan. Zeitung, 1871, p. 723. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 233 


tandis que Naegeli (1) avait observé quelques années aupara- 
vant, chez la même plante, queles mouvements cessent près de 0°. 

Rostafinski (2) rapporte que les zoospores de l'Hæmatococcus 
pluvialis, placées dans la glace qui fond, offrent des mouvements 
vibratoires très vifs. 

Dans une note publiée la même année, Kjellmann (3) a relaté 
les observations très intéressantes qu'il fit sur le développement 
des algues de Mosselbay (Spitzherg). Selon cet auteur, l’activité 
vitale de beaucoup d'algues, qui croissent dans cette localité, 
n'était pas diminuée pendant l'hiver 1872-73, quoique la tem- 
pérature de l’eau fût descendue entre -—-0,5°et— 1,8° ; beaucoup 
d'espèces présentaient des cellules remplies de zoospores, d’au- 
tres vides, ayant une ouverture, par laquelle s'était effectuée 
la sortie; vers la fin de la saison, les cellules à zoospores étaient 
plus rares, tandis que les cellules vides devinrent très communes. 
Les zoospores avaient donc abandonné leurssporanges elavaient 
nagé dans l’eau refroidie jusqu'à — 1,8°. 

Kraus (4) analysant la note précédente, confirme les consta- 
tations de Kjellmann, par ses propres observations, faites sur 
l'Ulothrix tenuis ; les zoospores de cette algue continuent leurs 
mouvements, pendant un quart d'heure au moins, dans l’eau 
refroidie entre 0° et — 2°. 

L'année suivante Dodel (5) constate que les zoospores de l'U/0- 
thrix zonata se développent et germent à une température très 
voisine de zéro et que les filaments, qui se trouvaient, pendant 
l'hiver, dans la glace autour d’une source, présentaient à chaque 
moment tous les états de développement. 

D'après Velten (6), les mouvements protoplasmiques dans les 
cellules du Cara fœtida, du Valisneria spralis et de V'£lodea 
canadensis cessent à une température voisine de zéro. 


Æ 


(4 

(2) Rostafinski, Quelques mots sur l'Iæmuatococcus lacustris (Mém. Soc. nat. 
Cherbourg, t. XIX, 1875, p. 137). 

(3) Kjellmann, Végétation hivernale des Alques à Mosselbay (Comptes rendus, 
t. LXXX, 1875, p. 474). 
(4) Kraus, Bot. Zeitung, 1875, p. 774. 

(5) Dodel, Ulothrix zonata, ihre geschlechtl. uw. ungeschlechtl. Fortpflanzung 
(Jahrb. f. wiss. Botanik, Bd X, 1876, p. 48%). 

(6) Velten, Die Eïinwirkung d. Temperatur auf die Protoplasmabeweguny. 
Flora, 1878, p. 177. 


Nægeli, Beitrage z. wiss. Botanik, Heft IL, 1860, p. 77. 


234 EM. C. TEODORESCO 


Strasburger (1) constate que les zoopores de l'Hæmatococcus 
lacustris et du Chilomonas curvata nagent encore dans l’eau 
refroidie à zéro, parmi les morceaux de glace, tandis que celles 
du Botrydium granulatum cessent leurs mouvements, lorsque 
la température de leau descend jusqu'à + 6°, mais elles 
recommencent à nager lorsque la température s'élève au- 
dessus de + 6°. 

Klemm (2), dans ses recherches sur la désorganisation de la 
cellule, renouvelant les expériences de Kühne et de Hofmeister, 
constate que les mouvements dans les poils absorbants de 
Trianea, continuent d'avoir lieu jusqu'à — 2°. 

Enfin, dernièrement, Pütter (3) à vu que le Clilomonas 
paramaecrum et T Euglena viridis ralentissent leurs mouvements 
quand on refroidit l'eau, mais ils supportent assez bien le froid ; 
cet auteur observa les Flagellées mentionnées nager dans l’eau 
refroidie à près de zéro « in unmittelbarer Nähe einer Eis- 
krüste, die sich am Rande des Schälchens gebildet hatte ». 


MÉTHODES DE RECHERCHES 


Dans les expériences faites au sujet de l’action des basses 
tempéralures sur les mouvements protoplasmiques, on s’est, 
presque toujours heurté à une grande difficulté. En effet, 
le plus souvent on ne peut faire les observations que sur du 
matériel, qui se trouve dans l'eau plus ou moins pure. Lorsque 
les mouvements cessent vers 0°, les recherches ne présentent 
aucun inconvénient ; mais il n’en est pas de même, si les mou- 
vements pouvaient continuer à des températures inférieures à 
zéro ; dans ce dernier cas, l'eau ne reste pas fluide, elle se 
prend plus tôt ou plus tard en glace. 

Dans mes expériences sur les mouvements de locomotion 
des zoospores et d’autres organismes mobiles, j'ai essayé d’em- 
pêcher, autantque possible, lacongélation de l'eau.Les méthodes, 


(4) Strasburger, Wüirkung des Lichtes u. der Wärme auf Schwärmsporen. 
lena, 1878, p. 62. 

(2) Klemm, Desorganisationserscheinungen d. Zellen (Jahrb. f. wiss. Botanik, 
Bd XX VII, 1895, p. 643). 

(3) Pütter, Studien u. Thigmotaæis bei Protisten (Archiv f. Anat. u. Physiol., 
physiol. Abt., 1900, Suppl., p. 250). 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 239 


dont je me suis servi sont d’une extrème simplicité et sont 
basées sur les principes connus depuis longtemps en physique. 
La méthode est un peu différente, suivant qu'on doit expé- 
rimenter sur des organismes d’eau douce ou bien sur ceux 
qui vivent naturellement dans l’eau salée. 

1° L'eau salée. — On sait que l'eau qui tient en dissolution 
des substances étrangères, des sels par exemple, se prend 
plus difficilement en glace que l'eau pure, où pour mieux 
dire se prend en glace à une température plus basse que 
l’eau pure. C’est ainsi que l’eau douce des rivières et des 
lacs d’eau douce, se couvre plus vite d'une couche de glace, 
que l'eau des lacs saumâtres et salés. L'eau salée reste fluide 
non seulement lorsque la colonne mercurielle du thermo- 
mètre à atteint le point zéro, mais aussi quand celle-ci 
tombe plus bas; dans ce cas, il faut un froid plus intense, 
une température plus basse, pour que les particules de Peau 
s’agrègent et s’immobilisent sous forme d’une masse solide. 
Depuis Blagden (1) on sait que le point de congélation d’une 
solution est proportionnel à la concentration, c'est-à-dire au 
poids de sel dissous dans l'unité de volume d’eau. En réalité 
une solution nese prend pas en glace entièrement tout d’un coup 
etle point de congélation ne reste pas permanent, mais baisse peu 
à peu. Eu effet, Rüdorff (2) à montré que lorsqu'on refroidit 
une solution, une partie de l’eau commence à se séparer sous 
forme de cristaux et la solution devient plus concentrée; si 
l'on continue à refroidir cette dernière, une nouvelle quantité 
d’eau pure se sépare sous forme de cristaux el ainsi de suite. 

En me basant sur cette propriété des solutions, J'ai entre- 
pris plusieurs expériences aux basses températures, sur les 
mouvements du Dunaliella, organisme que lon trouve souvent 
en très grande quantité dans les lacs salés de Roumanie. Les 
résultats de mesrecherches ont été publiés en 1905 et en 1906 (3). 
Quand la solution est très concentrée, comme cela à été le cas 
dans mes expériences, on peut la maintenir à lélat liquide 
jusqu'à —20° et même jusqu'à — 25°. 


(1) Cité par Dastre, Cryoscopie, 1901, p. 614. 

(2) Rüdorff, Ueber dus Gefrieren des Wassers aus Salzlüsungen (Ann. d. 
Physik u. Chemie, Bd CXIV, 1861, p. 63). 

(3) Comptes rendus, février 1905, et Rev. gén. de Bot., &. XVIII, 1906. 


236 EM. C. TEODORESCO 


2° L'eau douce. — Mais dans certaines conditions, 1l peut 
arriver que l’eau pure ou plus ou moins pure, soit amenée à 
une température inférieure à son point de congélation, sans 
cependant passer à l’état solide. On dit alors qu'il y à surfusion. 
C'est ainsi que l’eau pure à pu être conservée à l’état liquide 
jusqu'à — 20° (1) et même jusqu'à — 25° (2). Le phénomène de 
la surfusion se produit : 

1° Lorsque le liquide n'a été soumis, pendant le refroidis- 
sement, à aucun choc, aucun mouvement. 

2° Il est facilité, si le liquide est placé dans un petit espace, 
un tube capillaire par exemple, comme l'ont montré Sorby (3) 
et Mousson (4%); ces auteurs ont constaté que dans un tube 
capillaire, l'eau se maintient à l'état liquide Jusqu'à — 7° et 
même jusqu'à — 15°. 

3° Dufour (5) à trouvé que le phénomène de la surfusion se 
produit également, lorsque l’eau se trouve à l'état de petites 
gouttelettes, nageant dansun liquide de même poids spécifique; 
dans un mélange de chloroforme et d'huile d'amandes, l’eau 
reste liquide jusqu’à — 8° et même Jusqu'à — 12°. 

4° La surfusion se maintient jusqu'à une température d’au- 
tant plus basse, que l'eau contient moins d'air. 

5° Puisque pour l'eau, le refroidissement produit, à partir de 
4°, une augmentation de volume, ilest évident, a priori, qu'une 
pression énergique doit contrarier cel effet physique et tendre 
à maintenir l'eau à l’état Hquide ; c’est ce qu'a montré expéri- 
mentalement William Thomson (6). 

6° Enfin le phénomène dépend de la vitesse de refroidisse- 
ment; l’état de surfusion se maintient jusqu'à une température 
d'autant plus basse, que le refroidissement s'effectue moins 
vite. 

J'ai réalisé la surfusion de l’eau douce, en me servant de 


(1) Dastre, loc. cit., p. 618. 

(2) Bachmatjew, ÆExperimentelle entomologische Studien (Temperaturver- 
hältnisse bei den Insecten), 1901, p. 80. 

(3) Cité par Rüdorff, loc. cit., p. 63. 

(4) Mousson, Einige Thatsachen betreffend das Schmelzen u. Gefrieren d. 
Wassers (Ann. d. Physik. u. Chemie, Bd GV, p. 161. 

(5) Dufour, Ueber dus Erfrieren des Wassers (Ann. d. Physik u. Chemie, 
Bd CXIV, 1861, p. 532). 

(6) Cité par Ostwald, Lehrb. d. allgemeinen Chemie, 2° Aufl., Bd I, p. 1013. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 237 


tubes capillaires, dont le diamètreintérieur à varié entre 90 & et 
450 y. Ces tubes, qu'on prépare soi-même, doivent être à parois 
assez minces ; sans cela les organismes, qui y nagent, sont 
tellement difformés, qu'il devient impossible de distinguer les 
mouvements, lorsque ceux-ci sont très ralentis, comme cela 
arrive toujours aux basses températures. 

Mais parfois, surtout lorsque les expériences sont effectuées 
à une température qui n’est pas trop basse, on peut placer la 
goutte d’eau contenantles organismes, entre la lame porte-objet 
et lalamelle ; à cet effeton ajoute àlagoutte d’eau quelques menus 
grains de sable ; quand on veut connaître la distance qui sépare 
la lame de la lamelle, on emploie, à la place des grains de sable, 
des petits morceaux d’un fin tube capillaire, dont le diamètre 
extérieur est connu ; les grains des able, ainsi que les morceaux 
de tube capillaire maintiennent éloignées l'une de l’autre la 
lame et lamelle ; de cette façon, la lamelle sur laquelle doit 
s'appuyer, comme on le verra par la suite, le réservoir du ther- 
momètre, n'écrase pas les Zoospores, qui nagent dans l'eau. 
Avec l’eau douce, ce procédé peut être employé toutes les fois 
que la température ne descend pas au-dessous de — 6°; l'eau 
reste liquide, pourvu qu'on ait soin d'éviter, pendant le refroi- 
dissement, tout choc, ou mouvement ; avec l’eau salée, surtout 
lorsqu'elle est suffisamment concentrée, le procédé peut être 
employé jusqu'à — 20°.el même jusqu'à une température 
encore plus basse. 

Dans mes expériences sur les mouvements des organismes 
d’eau douce, j'ai essayé, parfois, de faciliter la surfusion, en 
ajoutant à l’eau des quantités variables de sels: mais en ce 
cas-là la pression osmotique de lasolution ne doit pas dépasser, 
bien entendu, une certaine limite ; autrement les zoospores 
diminuent ou même cessent leurs mouvements. 

Presque toujours, j'ai eu recours à l'appareil bien connu de 
Molisch, que cet auteur à décrit dans son mémoire intitulé 
Untersuchungen über das Esfrieren der P flanzen (Jena, 1897) (1). 
J'observerai seulement que pour nous faire une idée exacte de 
la marche réelle de la température des préparations, qu'on place 
sur la platine du microscope, il faut que le réservoir du ther- 


(1) Cet appareil est construit par la maison Reichert, de Vienne. 


238 EM. C. TEODORESCO 


momètre se trouve au centre de la chambre occupée par le 
microscope, c'est-à-dire à côté de l'objectif et s'appuyant sur 
la platine (fig. 1, 4). Si le réservoir du thermomètre se trouve 
rapproché de la double paroi, qui contient le mélange réfri- 
gérant, comme c'est le cas habituel, dans les instruments 
construits par Reichert, alors le thermomètre marque une tem- 
pérature, qui peut être de 1 à 2° plus basse que la température 
de la platine du microscope, sur laquelle se trouve la prépa- 
ration. En effet, quoique le microscope soit presque entièrement 
introduit dans la boîte réfrigérante, il s’échauffe un petit peu 
par conductübilité, vu qu'une partie du tube de tirage et la vis 
micrométrique se trouvent à l'extérieur. Lorsqu'on travaille 
pendant l'hiver, on peut obvier à cet inconvénient, en effee- 
tuant les expériences dans une chambre froide, où mieux 
dehors. 

Pour refroidir l'appareil de Molisch, je me suis servi d’un 
mélange de neige (je n’ai fait mes expériences que pendant 
l'hiver) et d'alcool plus ou moins fort, suivant le besoin. 
L'abaissement de température, qu'on peut réaliser à l’intérieur 
de l'appareil réfrigérant, dépend, bien entendu, de la tempé- 
rature de la chambre où l’on travaille. 

Mais l'appareil de Molisch n’est pas toujours commode ; 
d’abord il n’est pas facile d’abaisser lentement et graduellement 
la température ; or, refroidir lentement l’eau des tubes capil- 
laires, est une condition essentielle, dont dépend la possibilité 
de maintenir l'état de surfusion, jusqu'à une température assez 
basse. Ensuite, 1l faut parfois continuer plus longtemps 
l'expérience ; mais on ne peut atteindre ce but qu’en renou- 
velant le mélange réfrigérant, ce qui n’est pas commode non 
plus. Pour ces raisons, j'ai apporté une modification à l’appareil 
de Molisch, en le transformant en un cryogène, où le froid est 
oblenu par l'évaporalion de lacide carbonique liquide (fig. 1). 
A cet effet, J'ai fait remplacer la boîte à double parois en zine, 
par une boîte plus résistante en cuivre nickelé ; à l'intérieur de 
la chambre formée par la double enveloppe, court un serpentin, 
ss, communiquant, par le raccord 4, avec le récipient R, qui 
contient l'acide carbonique ; le serpentin s'ouvre, par son 
extrémité inférieure 4, au fond du vase en cuivre. Dans la 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 239 


paroi supérieure de ce dernier, sont pratiquées plusieurs ouver- 
tures dd, qui établissent une communication permanente entre 
l'intérieur et l'extérieur du vase ; par ces orifices s'échappe le 
gaz, qui provient de l’évaporation de l'acide carbonique ; un seul 
orifice ne suffit pas, vu que la pression devient, par moment, si 


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Fig. 1. — Schéma de l'appareil réfrigérant de Molisch, modifié de façon à produire 
le refroidissement à l’aide de l'acide carbonique liquide. — c, double enveloppe en 


bois remplie de sciure de bois; ee, double enveloppe en cuivre nikelé; dd, ouver- 
tures de la boite en cuivre; g, couvercle en bois ; /, fenêtre; ss, serpentin; b, ou- 
verture du serpentin à l'intérieur de la boîte en cuivre; {, thermomètre, dont le 
réservoir s'appuie sur la platine du microscope, à côté de l'objectif; a, raccord; 
R, réservoir à acide carbonique liquide. 


grande qu'elle peut déformer la boîte en cuivre, comme ül 
m'est arrivé dans mes premières expériences. On peut, si l’on 
veut, verser de l'alcool dans la boite en cuivre qui, en se refroi- 
dissant au contact du serpentin, maintient plus longtemps la 
température de l'appareil à un degré bas. Comme cet appareil 
n'a été achevé que vers la fin de mes recherches, je n'ai 
pu l'utiliser que dans un nombre restreint d'expériences; la 
plupart de mes observations ont été faites à l'aide de l'appareil 
de Molisch. 

Quand on n’a pas à sa disposition l'appareil de Molisch, on 
peut effectuer les expériences d’une manière plus simple. On 
prend une petite cuvette en verre, à parois parallèles, comme 
celles, par exemple, qu'on emploie dans les recherches de 
spectroscopie ; on bouche l'ouverture à l'aide d’un bouchon à 
deux trous: par lun on introduit un petit thermomètre, qui 
permet de déterminer la température intérieure, par l'autre, 
qui est très petit, passe le tube capillaire contenant Îles 
zoospores, sur lesquelles portentles observations ; les zoospores 
sont introduites dans la partie inférieure du capillaire, dont 


240 EM. C. TEODORESCO 


l'ouverture fut fermée à la lampe. On enfonce la cuvette dans 
le mélange réfrigérant et on la retire de temps en temps, pour 
observer la température et les mouvements des zoospores. Les 
expériences faites à l’aide de la cuvette ne sont pas très com- 
modes, cela va sans dire ; mais faute de mieux, et avec un peu 
de bonne volonté, on peut souvent arriver à de bons résultats. 


EXPOSÉ DES OBSERVATIONS 


Mes expériences ont porté principalement sur les zoospores 
des Algues, des Flagellés et des Myxomycètes ; j'ai fait aussi 
quelques observations sur les Diatomées ; ensuite, pour géné- 


23. 


raliser un peu les faits, j'ai étudié encore quelques Infusoires. 


I. — Aigues, Flagellés, Diatomées. 
1. — Hæmatococcus pluvialis. 


Pour obtenir les zoospores de cette Clamydomonadinée, je 
me suis toujours servi du matériel d'herbier, que j'avais récolté 
à Bucarest en février 1902. C’est d’ailleurs un des meilleurs 
moyens pour obtenir à volonté les zoospores de cette algue: il 
suffit de placer le matériel desséché dans un verre de montre 
avec de l’eau de source, pour avoir, après vingt-quatre heures, 
de nombreuses formes mobiles. Les zoospores étant phototac- 
tiques, elles se rassemblent en grande quantité sur le côté 
éclairé ; en y introduisant l'extrémité d’un fin tube capillaire, 
un index d’eau y pénètre; puis on ferme à la lampe l’une des 
extrémités du tube. Il faut toujours expérimenter avec de nom- 
breuses zoospores, parce que, à cause des variations indivi- 
duelles, on à la chance de voir résister, jusqu’à la fin de 
l'expérience, un plus grand nombre d'individus. 

J'ai fait avec cette espèce d’algue dix-neuf expériences pen- 
dant l'hiver 1907 et deux expériences en décembre 1908. Voici 
les résultats de quelques-unes de mes observations : 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 241 


pa 


Expérience No 4 (12 Janvier 1907) (1). 


Température de la chambre de travail + 150; diamètre intérieur du tube 
capillaire 370 uv. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

36 —+ 90,0. 

3021" + 00,5. 

0266 —"10;8. 

3031"  — 39,0. 

3236 — 30,9. 

3041" — 40,5. Mouvements des zoospores énergiques ; jusqu’à ce moment on 


ne peut constater qu'une diminution très faible dans l'in- 
tensité des mouvements, 


3h46" — 50,0. 

SPA = 150,5. 

3083" — ÿo,7. 

4405" — 60,2. Mouvements encore assez actifs, mais beaucoup plus faibles 
qu'au commencement de l'expérience ; un grand nombre de 
zoospores ne se déplacent plus, mais se balancent seulement 
sur place (2). 

&MO  — 60,4. 

4h15" — 60,5. Mouvements encore plus faibles qu'auparavant. 

4h20" -— 60,6. Le nombre des zoospores, qui nagent librement dans l’eau, 


diminue progressivement ; quelques-unes ont perdu totale- 
ment leur mobilité. 

4330  — 60,7. Je transporte l'appareil dans le couloir du laboratoire, où la 
température est à peu près — 30,5; peu après, la tempéra- 
ture à l’intérieur de la boîte réfrigérante commence à bais- 
ser plus rapidement. 

4h40 — 70,1. Les zoospores ne se déplacent plus, mais elles présentent seu- 
lement des mouvements de balancement sur place ; beaucoup 
en sont immobiles. 


4h50" — 80,0. 

5100 — 80,6. 

505" — 90,0. Il ne reste que très peu de zoospores mobiles, qui se balancent 
faiblement sur place. 

5P18 — 90,5. A peu près comme précédemment. 

5h23"  — 90,4. 

5287 — 9o,1. 

5035" — 80,7. On observe encore quelques zoospores, qui tremblent légère- 

ment sur place. 

Bb43 — 8o,1, 

5053"  — 70,5. On constate encore des mouvements très faibles; j’enlève le 
couvercle de la boîte, ce qui fait que le thermomètre com- 
mence à monter un peu plus rapidement. 

600 — 50,1. 


(4) Dans les cas non spécifiés l'expérience a été faite à l’aide de l'appareil 
réfrigérant de Molisch, avec mélange de neige et d'alcool. 

(2) Lorsque la température diminue, les zoospores s’arrètent en s’attachant 
par leurs flagellums aux parois du tube capillaire et exécutent, sur place, des 
mouvements de balancement plus ou moins réguliers à droite et à gauche; en 
les observant dans cet état, on a l'impression comme si elles étaient collées 
par leurs flagellums au support et qu'elles s’agitaient en s’efforçant de s'en 
détacher. 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. 1x, 10 


242 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
6106 — 40,5. Des mouvements extrêmement faibles chez quelques z00s- 
pores. 
Je retire la préparation de la boîte réfrigérante, je la chauffe 
avec les doigts et je constate que la plupart des zoospores 
ont recommencé leurs mouvements avec assez d’agilité. A 
huit heures elles présentent des mouvements splendides. 


Expérience No 2 (13 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail + 170; deux tubes capillaires, ayant 
391 & comme diamètre intérieur. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
42145 + 160. 
42h25" — 20,3. 
12035" — 40,9, À peu près toutes les zoospores nagent assez bien. 
42b45  — 60,1. Mouvements un peu plus faibles que précédemment; le 
nombre des zoospores qui se déplacent diminue. 
12255  — 60,7. À peu près comme dans le cas précédent. 
1905" — 70,6. À ce moment presque toutes les zoospores ne présentent 
que des mouvements de balancement sur place. 
1815"  — 80,7. Mouvements à peu près comme dans le cas précédent. 
4825"  — 90,7. Mouvements plus faibles que précédemment. Dans l’un des 
tubes capillaires, l'eau s’est prise en glace. 
4935" — 100,4. Parmi les nombreuses zoospores, qui se trouvent dans le 


champ du microscope, il n’y en a que deux ou trois très 
faiblement mobiles. 

1945" — 119,0. Dans le champ du microscope deux zoospores présentent des 
mouvements extrêmement faibles. 

À 145", je retire la préparation de la boite réfrigérante el je la laisse à la 
température ordinaire de la chambre (+ 170). À 2"15", la grande majorité des 
zoospores du tube capillaire, dont l’eau est restée liquide jusqu’à la fin de 
l'expérience, ont récupéré leur agilité première ; les zoospores qui se trouvent 
dans le tube capillaire, dont l’eau a congelé, sont toutes mortes et complète- 
ment désorganisées. 


Expérience No 3 (14 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail + 170; deux tubes capillaires, l’un 
ayant 289 & pour diamètre, l’autre 359 p. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
1105" — 440,0. 
44925" — 100,0. Mouvements des zoospores beaucoup plus faibles qu'au 
commencement de l'expérience. 
14035" — 119,7. Beaucoup en ont perdu totalement leur mobilité; les autres 
se balancent faiblement sur place. 
11"45" — 120,3. Il ne reste que très peu de zoospores mobiles; les mouve- 
ments sont très faibles, mais nettement visibles. 
11955 —- 120,0. Comme dans le cas précédent, mais je ne vois que deux 
zoospores mobiles. 
12007 — 120,0. On ne voit qu'une seule zoospore mobile ; les mouvements 
sont extrèmement faibles. 
12110  — 120,0. L'eau du tube capillaire de 289 s’est solidifiée ; dans l’autre 


capillaire l’eau s'était prise en glace quelques minutes 
auparavant. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 243 


Expérience No 4 (14 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail — 20; trois (tubes capillaires, de 272 y, 
3234 et 343 en diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

12015" + 40,0. 

42h20” — 40,7. 

12025"  — 70,8. Mouvements des zoospores assez énergiques. 

129307  — 100,1. Chose étrange, les mouvements des zoospores paraissent 
être lout aussi actifs que précédemment. 

12935"  — 110,0. À ce moment on constate d’une manière très appréciable, 
que les mouvements sont beaucoup plus faibles. 

12h40 — 110,5. 

42043" — 120,0. Les mouvements de déplacement ont tout à fait cessé ; les 
zoospores se balancent assez bien sur place. 

12050"  — 120,4. On observe encore des mouvements de balancement très 
faibles chez quelques zoospores; peu après, l’eau du tube 
capillaire de 343 se congèle. 

42h55" — 120,7. L'eau du tube capillaire de 3234 se solidifie également; dans 
le tube capillaire restant on ne peut plus constater aucun 
mouvement. 


Expérience No 5 (9 Décembre 1908). 


Température de la chambre de travail + 50. 
Les mouvements des zoospores ont continué, en s’affaiblissant progressive- 
ment pendant une heure entre — 40,1 et — 120. 


Expérience No 6 ‘9 Décembre 1908). 


Les mouvements ont continué pendant 113 entre — 39,9 et — 129,6. 


Expérience No 7 (18 Janvier 1907). 


Température du couloir, où je fais mes observations, —— 20,5; deux tubes 
capillaires ayant 425 à et 374 5 pour diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

3h20 + 70,0. 

3225" — (00,4. 

3h30" — 30,9. 

3235" — 60,2. Mouvements plus faibles qu'au commencement de l'expé- 
rience. 

3P40° — 80,1, Mouvements un peu plus faibles que précédemment. 

3845! — 90,8. Il ne reste que quelques zoospores, présentant des mouve- 


ments de déplacement; mais beaucoup d'entre elles se 
balancent, avec assez de force, sur place. 


3050" — 100,7. Il n'y a que des mouvements de balancement sur place. 

3h55" — 110,0. Mouvements de balancement sur place encore assez nets. 

4000 — 110,9. L'eau du tube capillaire de 425 p s’est prise en glace; dans 
l’autre capillaire on observe encore quelques zoospores 
mobiles. 

404 — 420,2, Je vois dans le champ du microscope deux zoospores, qui 


présentent des mouvements très faibles. 
406" — 120,5. Maintenant je vois deux zoospores mobiles. 


244 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

4h11" — 120,6. Mouvements très faibles, mais bien visibles, chez deux 
zoospores. 

4157 — 120,7. Je vois encore une zoospore présentant des mouvements 


extrêmement faibles. 
On retire la préparation de la boîte réfrigérante et on la porte dans une 
chambre chauffée (+ 170); au bout de deux minutes, on constate que la plu- 
part des zoospores ont repris leurs mouvements normaux. 


Expérience No 8 (19 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail + 170; deux tubes capillaires ayant 
3744 et 392 y. pour diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

10648  — 10,2. 

1038"  — 10,0. 

10048"  — 20,5. 

10058" — 30,8. 

1108" — 40,0. Mouvements un peu moins intenses qu'au commencement 

de l'expérience. 
11018  — 40,3. Mouvements des grosses zoospores plus faibles que précé- 


demment, tandis que les petites zoospores paraissent nager 
avec la même activité comme auparavant. Toutes les zoos- 
pores se déplacent. 


1428  — 40,5. | 

11938"  — 40,6. © À peu près comme dans le cas précédent. 

11068 — 40,6.) 

11h58 — 40,6. La grande majorité des zoospores présentent encore des 
mouvements de déplacement; quelques-unes se balancent 
seulement sur place. 

42h08 — 40,6. Comme précédemment. 

ARTS .... Pendant cet espace de temps, je ne fais aucune observa- 
ton. 

1024 — 40,2. À peu près toutes les zoospores présentent encore des mou- 

vements plus ou moins faibles. 

1034" — 40,1. Comme précédemment. 

1044 — 40,0. Beaucoup de zoospores commencent à passer à l'état immo- 
bile ; chez les autres les mouvements continuent, mais 
s'affaiblissent petit à petit. 

+. 5 ue Comme auparavant. 
OM = 307 

2h37! — 30,6. | 

2h49"  — 39,5 

3107 — 30,4 

3h90. 1275019 

3055 — 30,2 


| 
5 e. nombre des zoospores devenues immobiles augmente 

4h10" — 30,1. | progressivement; les mouvements des autres zoospores 
D] 


4h30" — 39,0. | s’affaiblissent petit à petit. 
4h53"  — 20,9 

5h07  — 20,8 

536" — 20,5 

5h47 — 90,4. | 


ae .... | Pendantcetintervalle detemps, je nefaisaucune observation. 
7045" — 10,5. | Il reste encore quelques zoospores faiblement mobiles. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 245 


Je retire la préparation de la boite réfrigérante et je la transporte sur la 
platine d’un microscope, qui a été exposé à la température de la chambre de 
travail ; je constate alors, que quelques zoospores recommencent à s'agiter 
sur place; mais il y en a beaucoup qui présentent des indices de désorganisa- 
tion : le protoplasma a pris un aspect grossièrement granuleux et dans l'inté- 
rieur de beaucoup de zoospores on voit une ou deux vacuoles; plus lard le 
nombre des zoospores mobiles augmente de plus en plus. 


Résumé. — Par conséquent, quand on expose les zoospores 
de l’ÆHæmalococcus pluvialis à une température de plus en plus 
basse, dans l’eau restée liquide sous zéro (en surfusion), on 
constate que quelques-unes ne cessent, parfois, leurs mouve- 
ments que vèrs — 12°,7. En ce qui concerne la durée des 
mouvements, elle a été : 

40 minutes entre — %°,7 et — 12°,4; 45 minutes entre 
112% et-— 12°: 50 minutes entre — 0°,4 et — 19°,7 ; 
À heure entre — 4°,1 et — 12°: 1 heure 10 minutes entre 
= 9°,3 et — 11°; 1 heure 13 minutes entre — 3°,9 et — 12°,6; 
2 heures 40 minutes à une température quia varié entre — 1°,8, 
— 9°,5 et — %°,5; enfin la durée des mouvements a été de 
7 heures, lorsque la température à varié entre 1°, — 4°,6 
et — 1°,5. 

D'après ces résultats on voit qu'en général la durée des mou- 
ments est d'autant plus longue, que la température est moins 
basse; lorsque l'exposition dans l’eau refroidie n’est pas de 
longue durée et que la température n'est pas trop basse, 
la plupart des zoospores reprennent, au bout de quelques 
instants, leurs mouvements normaux, si on les transporte 
à une température suffisamment élevée au-dessus du zéro 
(expérience n° et 1 et n°2); les zoospores recommencent éga- 
lement leurs mouvements, lorsque, malgré la température trop 
basse, la durée de l'exposition n’a pas été trop longue 
(expérience n° 7) ; enfin lorsque la température, à laquelle sont 
soumises les zoospores, est trop basse et que la durée à été trop 
longue, ou bien lorsqu'on les expose pendant trop longtemps à 
une température de quelques degrés sous zéro, la plupart des 
zoospores commencent à se désorganiser et périssent. 


246 EM. C. TEODORESCO 


2. Chlamydomonas Pertyi. 


Les zoospores de cette algue s'étaient développées dans l’eau, 
que J'avais apportée, en février, des mares de la Colintina près 
de Baneasa (environs de Bucarest); elles étaient associées à 
quelques zoospores appartenant au CAlamydomonas longi- 
stigma. Voici les résultats de quelques-unes de mes expériences. 


Expérience N°0 9 (19 Février 1907). 


? 


Température de la chambre de travail + 189; sept tubes capillaires, ayant 
les diamètres suivants : 238 , 187 p, 221 p, 238 u, 170 p, 255 u, 221 u. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

10H17 “+ 80,0. 

10022 — 90,9. 

10027" — 40,3. Mouvements des zoospores assez énergiques. 

40032 — 60,4. À peu près comme précédemment. 

10637" — 70,7. Mouvements plus faibles qu'auparavant. 

40h43"  — 90,0. À peu près comme dans le cas précédent. 

10h47 — 90,4. Mouvements sensiblement plus faibles. 

1052" — 90,8. L'eau du capillaire n9 4 solidifiée ; dans les autres tubes les 


mouvements continuent, mais le nombre des zoospores 
immobiles augmente ; peu après l’eau du tube n° 7 se prend 
également en glace. 

40057 — 100,1. La grande majorité des zoospores immobiles; parmi les 
autres, les unes présentent des mouvements de balance- 
ment sur la place, d'autres nagent encore. 


1102" — 100,3. À peu près comme précédemment. 

11807 — 100,5. Je ne constate aucun changement appréciable dans l’inten- 
sité des mouvements. | 

11817 — 100,5. Le nombre des zoospores qui nagent librement à beaucoup 
diminué. 

11932 — 100,5. [l ne reste à ce moment que peu de zoospores, exécutant 


des balancements assez vifs. 
Pendant cet intervalle de temps, je ne fais aucune 


scies NM ets 


observation. 

42025  _ 90,5, Le nombre des zoospores mobiles est très petit à ce 
moment. 

42h50" — 80,9, Dans le champ du microscope, on voit encore # à 5 zoos- 


pores, qui se balancent, mais je remarque aussi 2 zo0s- 
pores qui se déplacent faiblement. 
4020" — 80,2. Comme dans le cas précédent ; je vois encore une zoospore 
qui nage en s’avançant très lentement. 
Je retire la préparation de l'appareil réfrigérant; au bout de cinq minutes 
beaucoup de zoospores recommencent leurs mouvements normaux; le 
lendemain matin les mouvements sont très actifs. 


Expérience No 10 (22 Mars 1907). 


Température de la chambre de travail + 100. 
Cette expérience a été prolongée pendant 3 heures, de 3h30" à 6"30° de 
l'après-midi ; l'abaissement de la température à eu la marche suivante : 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 247 


Heures: 3430, 131405 03h50, 1°4h90! : 4h40, 5h10, 5°45", 630. 

Températures : — 20,5, — 50, — 60,5, — 90,5, — 9o, — 90, — go, — 80,5. 

À 6"30', je remarque encore quelques zoospores mobiles ; j'ai laissé la 
préparation dans l'appareil réfrigérant jusqu'à 9925", quand le thermomètre 
marquait, à l’intérieur de la boîte, — 69,5 ; à ce moment toutes Les zoospores 
sont privées de mouvement. En retirant alors la préparation de la boite 
réfrigérante, on observe que quelques zoospores recommencent à s’agiter sur 
place ; le lendemain matin on voit beaucoup de zoospores qui ont récupéré 
leur mobilité. 


Expérience No 11 (19 Février 1907). 


Température de la chambre de travail + 20. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

3h25 + 8o. 

SÉEO PR FT: 60.8, 

355" — 90. Beaucoup de zoospores ont perdu leur mobilité ; les autres 
sont assez bien mobiles. 

4107 — 110. Parmi les zoospores, les unes nagent, les autres se balancent 

assez bien sur place. 

425" — 110,8. A peu près comme précédemment; quelques petites zoospores 
se déplacent encore, mais très lentement. 

4335"  — 120. Dans le champ, une seule zoospore, qui se balance assez bien 
et à 2 à 3 petites zoospores qui nagent, en s’avançant très 
lentement. 

4b40" — 120,2. Comme précédemment. 

4950" — 120. À ce moment l’eau du dernier tube capillaire se congele. 


Expérience No 12 (20 Février 1907). 


Température de la chambre de travail + 20 ; trois tubes capillaires ayant 
246 p., 263 p, et 246 » pour diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

1997 2) 10,4. 

42037  — 40. 

AOPET ho 2 

42057  —  59,8.| Les mouvements continuent tout en s'affaiblissant petit 
4807 — 60,7.) à petit et le nombre des zoospores diminue au fur et 
AT —  7T0,8.| à mesure que la température baisse. 

ADAUL "80,8. 

ASH go 7. 

AP4T — 100,2. 

4957 — 100,7, La plupart des zoospores restées mobiles sont petites; des 


grosses zoospores il ne reste que quelques individus 
présentant encore de faibles mouvements. 


2005" — 100,6. Comme précédemment. 
2h19" —— 100,5. Quelques petites zoospores sont encore mobiles. 
3000" — 100. À peu près comme dans le cas qui précède. 
(Pendant cet espace de temps, je ne fais aucune obser- 
ss... CHOEUR l valion. 
8000 —— 9Yo, Toutes les zoospores ont perdu leur mobilité. 


À huit heures, la préparation est retirée de la boîte réfrigérante et est 
exposée à la température du laboratoire (+ 180). Au bout de vingt minutes, 
on observe que dans le tube, dont l’eau ne s'élait pas congelée, quelques 


Ce Ait NC 


248 EM. C. TEODORESCO 


petites zoospores ont récupéré leurs mouvements. Le lendemain matin, je vois 
aussi de grosses zoospores mobiles. 


Resume. — Certaines zoospores de CAlamydomonas Pertyi 
peuvent donc continuer à présenter des mouvements jusqu’à 
la température de — 12°,2. Dans mes expériences, la durée des 
mouvements à été : ; | 


1 heure entre — 6°,8 et — 12°,2; 1 heure 33 minutes à une 
température qui a varié entre — 1°,4, — 10°,7 et — 9°; 
3 heures entre — 2°,9, — 10°,5 et — 8°,2 ; enfin 3 heures 
30 minutes entre — 2°,5, — 9° et — 8°,5. 


3. Chlamydomonas sp. 


J'ai fait cinq expériences avec une espèce non déterminée : 
de Chlamydomonas, qui s'était développée dans une eau, 
apportée en Février 1907, des mares de la Colintina, près de 
Baneasa. Je donne, dans ce qui suit, les résultats de quatre 
observations. 


Expérience No 13 (8 Février 1907). 


Les zoospores ont conservé leur mobilité pendant 28 minutes, entre 
— 70,5 et — 110,5. 


Expérience No 14 (8 Février 1907). 


Les mouvements des zoospores ont continué pendant 48 minutes, lorsque la 
tempéralure à varié entre — 30,2 et — 110,2. 


Expérience No 15 (9 Février 1907). 


Les zoospores sont restées mobiles pendant 3 heures 10 minutes, lorsque 
la température a varié entre — 30,2 — 100,1 et — 80,9. 


4. Chloromonas reticulata. 


Avec les zoospores de cette Chlamydomonadinée, j'ai effectué 
neuf expériences; l’algue s'était développée en abondance dans 
l'eau provenant d’un fossé de Bucarest-Grozavesti. La plupart des 
expériences ont été faites avec l’eau douce naturelle. Pour faciliter 
le maintient de l'état de surfusion Jusqu'à une température plus 
basse, j'ai fait aussi quelques expériences avec cette même eau, 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 249 


21 


mais dans laquelle j'avais dissous à peu près 1 p. 100 de 
sulfate de magnésie. 


Expérience No 16 (28 Novembre 1908). 


Appareil réfrigérant à acide carbonique liquide ; température de la chambre 
de travail + 140. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

9h20 + 80,5. 

9h92. — 405. 

930" — 60. Mouvements des zoospores assez énergiques. 

9937  — 80,5. Un petit nombre de zoospores mobiles, qui exécutent des 
mouvements de déplacement assez actifs. 

9h40" — 90. À peu près comme précédemment. 

943"  — 120. L'eau s’est solidifiée dans tous les tubes capillaires. 


Expérience No 17(28 Novembre 1908). 
Appareil réfrigérant à acide carbonique liquide ; température de la chambre 
de travail + 140 ; cinq tubes capillaires, ayant 192 y, 128 0, 160 u, 1445 pour 
diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

1025" + 30,8. 

4930 + 90,1. 

16352 4106. 

1040" + 00,7. 

4850": :— 00,4. 

4955  — 20, Jusqu'à présent les mouvements de toutes les zoospores sont 


très actifs. 


! 


2h00’ 290 \ à ’ 

Re. ‘_ , Comme précédemment. 

MS  — 30,7. | P 

2h10"  — 40,1. À peu près comme précédemment. 

2h15"  — 49,8. Presque toutes les zoospores mobiles, mais on peut constater 


maintenant très bien, que l'énergie des mouvements est 
plus faible qu'au commencement. 


2h90" — 50,3. Comme dans le cas précédent. 

2h25" — 50,8, À peu près comme précédemment. 

230 — Go. Les zoospores présentent une paresse bien accentuée dans 
leurs mouvements. 

2h35"  — 60,3. } L'eau du tube capillaire no 2 s'est prise en glace; dans les 

2h40  — 60,5. autres tubes les mouvements continuent. 

2h45"  — 60,8. L'eau des tubes capillaires nos 1 et 3 congelée ; dans les autres 
l'intensité des mouvements à peu près comme dans le cas 
précédent. 

2050" — 60,8. L'eau du tube capillaire n° 4 congelée également; dans 
le seul capillaire restant les mouvements continuent. 

3100  — 5 

SA ——" 60.5. | Les mouvements de beaucoup de zoospores continuent, mais 

3020" -— To. ({ ils deviennent de plus en plus faibles. 

3045  — 6o,5. 


( Pendant cet intervalle de temps la température est restée 
“HS | à peu près constante. 
4h30" — 70. [1 reste encore assez de zoospores mobiles. 


250 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 

4h35" — 70,8. À peu près comme précédemment, 

40407 — 80. Mouvements de plus en plus faibles. 

4h50" — 80,5. 5 

sg ge Il reste encore quelques zoospores mobiles. 

500" — 90,1. L'eau du dernier tube capillaire s’est prise en glace. 


Expérience No 18 (29 Novembre 1908). 


Cette expérience a été faite dans les mêmes conditions que la précédente ; 


les mouvements ont continué pendant 2 heures 40 minutes entre — 0°,8 et 
0 7. 


Expérience No 19 (5 Décembre 1908). 


Température de la chambre de travail + 40; eau contenant 1 p. 100 de sul- 
fate de magnésie. Cetteexpérience, pendant laquelle la température, à l'intérieur 
de la boîte réfrigérante, n’a pas été trop basse, est particulièrement intéres- 
sante, par sa longue durée. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

4h30: = 901, 

4h40" — 40,9. 

1150" — %0,8. Toutes les Zoospores sont très bien mobiles. 

2h00  — 6o,1. 

210" — 60,9. } L'énergie des mouvements n'a presque pas diminué. 

DO 02, 

2h30 . — To,6. 

CA EEE, CES Le ne 

3MO' — 708. Mouvements de moins en moins énergiques et le nombre 
3030 — 708. des zoospores mobiles diminue peu à peu. 

&bOO"  — To,2, : 
4307 — To. Il ne reste que peu de zoospores mobiles, mais leurs mou- 


vements sont encore assez vifs. 


445" — Gog. 
5000 — 60,5. 
600" — 60,4. Mouvements très faibles. 
Pendant cet espace de temps je n'ai fait aucune obser- 
cu vation. 
10°00° — 50,8. Il reste encore quelques zoospores très faiblement mobiles 


et 2 à 3 zoospores un peu plus mobiles. 
50,5. À peu près comme précédemment. 
La préparation reste dans l'appareil réfrigérant jusqu’au 
Sade He lendemain matin; pendant cet intervalle je n'ai fait 
aucune observation. - 
9800" — 40, Dans tous les capillaires, je ne trouve que 7 à 8 zoospores 
assez bien mobiles. 
A cette heure on retire la préparation de fa boîte réfrigérante et on la porte 
dans une chambre chauffée ; on constate alors que le nombre des zoospores 
mobiles augmente considérablement. 


LUTS 


Résume. — Les zoospores du CAloromonas reticulata sont 
donc restées mobiles : pendant 15 minutes entre 17,5€t 
— 9°, avec abaissement rapide de la température (expérience 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 251 


u° 16); pendant 3 heures 10 minutes entre — 0°,4 et — 9, 
avec abaissement lent de la température {expérience n° 17): 
pendant 2 heures 40 minutes entre — 0°,8 et — 7°,7; enfin 
une fois les mouvements ont continué pendant 26 heures entre 
— 1°,9, — 7°,8 et — 4°, dont 6 heures à une température qui 
a varié entre — 6°, — 7°,8 et — 6°,3 (expérience n° 19). 


5. Gonium pectorale. 


Dans les expériences faites avec d’autres algues, j'ai pu suivre 
également les mouvements de quelques individus de Gonium 
pectorale. Dans l’une de ces expériences (2 mars 1907), j'ai vu 
deux colonies mobiles pendant 20 minutes à une température 
qui à varié entre 0°, — 2°,5 et — 5°; étant occupé de 
l'observation d’autres algues et vu le nombre restreint d’indi- 
vidus, il m'était impossible de poursuivre les colonies de 
Gonium pendant plus longtemps ; mais la préparation, qui les 
contenait, est restée exposée pendant 6 heures entre 0°, 
— 9°,5 et — 6°,5; en retirant la préparation de la boîte 
réfrigérante, j'ai vu une colonie très bien mobile; par 
conséquent les mouvements de cette algue continuent au 
moins jusqu'à — 5° et une température de — 9°,5 ne la lue 
pas, pourvu que l’eau reste liquide. 


6. Polytoma uvella. 


J'ai eu à ma disposition une trèsgrande quantité de zoospores 
de ce Flagellé, qui s'était développé en abondance dans l'eau 
apportée, en hiver, des fossés de Bucarest-Grozavestr. 

J'ai fait sur les Polytomes quatre expériences ; il m'a semblé 
qu'elles sont moins résistantes aux basses températures, que 
les espèces étudiées précédemment. 


Expérience No 20 (15 Décembre 1908). 


Température de la chambre de travail + 110; six tubes capillaires ayant 
96 pu, 128 &, 96 u, 112 u, 114 y. et 90 u pour diamètre. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
8h35" — 40,5. 
8h40 + 410,5. 


8043" — dos, 


252 EM. C. TEODORESCO 


Heures. ‘Températures. OBSERVATIONS. 

850 — %0,4. Toutes les zoospores présentent des mouvements très 
énergiques. 

8055  — 60,4, Mouvements un peu plus faibles que dans le cas précédent. 

9800 — 70,8. Presque toutes les zoospores gardent encore leur mobilité. 

905" — 80,8. Acemoment l'eau des capillaires n°5 2,3, 4et5 s’est solidifiée ; 


dans les autres, les zoospores présentent des mouvements 
beaucoup plus faibles qu’au commencement de l’expé- 


rience. 

9010"  — 90,3. Il n'y a que peu de zoospores qui nagent; la plupart se 
balancent sur place, mais assez énergiquement. 

9815"  — 90,8. L'eau du tube capillaire n° 6 s’est prise en glace ; dans le tube 


restant des mouvements de balancement seulement; le 
nombre des zoospores mobiles a beaucoup diminué. 


90207 — 100. Quelques zoospores se balancent encore très faiblement sur 
place. 

9025  — 100,3. Mouvements encore plus lents. 

9830" — 119. L'eau du dernier tube capillaire s’est congelée. 


Comme l’eau s’est prise en glace avant l'arrêt complet des mouvements, il 
est bien probable que les zoospores auraient pu conserver leur mobilité à une 
température encore plus basse que — 109,3. 


Expérience No 21 (16 Décembre 1908). 


Température de la chambre de travail + 110. 
Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
4h30" -L 60. 
1035" + 90,2, 


4h40"  — 40. 

1045" — 40,1. Mouvements énergiques de toutes les zoospores. 

19507  — 60,9. A peu près comme précédemment. 

1055" — 90. Le ralentissement des mouvements est très appréciable. 

158"  — 90,7. Mouvements encore plus faibles que précédemment. 

2000" — 100,4. Il n'y a que des mouvements de balancement sur place. 

2104 — 110. Comme précédemment, mais le nombre des zoospores 
mobiles a beaucoup diminué. 

2006 — 110,5. Le nombre des zoospores qui ont perdu leur mobilité 
augmente toujours. 

20107 — 110,7. Mouvements extrêmement faibles, mais on peutles constater 
nettement. 

2h11" — 110,9. Comme précédemment. 

2013  — 120,1. Toutes les zoospores ont perdu leur mobilité. 

3007  — 130,1. Je retire la préparation de la boîte réfrigérante. 


À 3 heures 55 minutes, je puis voir, dans les capillaires, dont l’eau ne 
s'était pas prise en glace, 4 à 5 zoospores bien mobiles; plus tard leur nombre 
augmente, mais il y en a beaucoup qui sont mortes. 

Bésumé. — Les zoospores du Polyloma uvella n'arrêtent 
complètement leurs mouvements que vers la température de 
— 11°,9; dans les expériences rapportées précédemment, la 
durée des mouvements a été de 40 minutes entre — 1°,5 et 
—10°,5 et de 31 minutes entre — 1° et — 11°,9. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 253 


7. Gymnodinium sp. 


Les observations sur une espèce non déterminée de Gymno- 
dinium ont été faites en même temps que sur le CAloromonas 
reticulata, auquel elle était associée. Voici, à titre d'exemple, 
le résultat d'une expérience. 

Les zoospores ont continué leurs mouvements pendant 
8 heures 20 minutes, à une température qui a varié 
entre — 1°,9, — 7°,8 et — 5°,8 (voir l'expérience n° 19); la 
préparation est restée dans la boîte réfrigérente pendant 
20 heures, exposée à une température qui a varié entre — 1°,9, 
— 7°,8 et — 4°, sans que l’eau se congèle ; en retirant, au bout 
de ce temps, les capillaires de l'appareil et en les exposant à 
la température du laboratoire (+ 18°), J'ai pu constater que 
de nombreuses zoospores de Gymnodinium ont récupéré leurs 
mouvements normaux. 


8. Peridinium tabulatum. 


Sur le Peridinium tabulatum de même je n'ai fait que 
quelques observations incidemment, surtout dans mes expé- 
riences sur les Infusoires. Dans une expérience j'ai suivi les 
mouvements des zoospores pendant 10 minutes entre — 1°,7 et 
— 7°,6 (3 janvier 1907); dans une autre les mouvements ont 
continué pendant 10 minutes entre — 3°,3 et — 8,8 
(26 janvier 1907). 


9. Cryptomonas erosa. 


Les zoospores du Cryplomonas erosa (associées à quelques 
individus appartenant au €. ovuta) ont été apportées, pendant 
l'hiver, de la pièce d’eau du jardin botanique de Cotroceni. 
Des huit expériences, que j'ai faites sur cette espèce, je choisis 
les résultats des deux suivantes. 


Expérience No 22(21 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail +170; diamètre du tube capillaire, 
270 y. 


254 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

10"00" + 100. 

10005 — 10,1. 

10010" — 50,5. Mouvements très énergiques. 

10"15"  — 70,5. À peu près comme précédemment. 

1020"  — 80,5. Les mouvements se sont ralentis d’une manière très 
appréciable. 

10025" — go. 

10830°  —- 90,6. 

1035" — 90,8. Certains zoospores nagent encore assez activement, mais 


beaucoup d’entre elles ne s’agitent que sur place (mou- 
vement de balancement). 


10%40" — 100. } Le nombre des zoospores qui se déplacent diminue sans 
1050  — 100. cesse, mais les zoospores qui nagent, s’avancent encore 
44700 — 100. assez bien. 

10h05" — 400,1. 

AAPAST  — 400,1. 

44025" — 100. 

11935" — 90,8. Mouvements très faibles; beaucoup de zoospores ont 


totalement perdu leur mobilité. 
Pendant cet espace de temps, je n'ai fait aucune obser- 


Hd vation. 

410" —  8o,2. À ce moment, je ne vois qu'une seule zoospore très faible- 
ment mobile. 

1h18" — 80, Je trouve maintenant une seconde zoospore, présentant 


des mouvements de balancementheaucoup plusaccentués, 
que la zoospore précédente. 
an & 
ne ce ne l Comme précédemment. 
Je retire la préparation de la boîte réfrigérante et je la laisse, pendant 
quelques instants, à la température de la chambre; au bout de trois quarts 
d'heure, je vois de nombreuses zoospores nager admirablement bien. 


Expérience No 23 (23 Janvier 1907). 


Température de la chambre de travail + 170; quatre tubes capillaires ayant 
153 p, 255 u, 255 p et 255 p pour diamètre intérieur. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

1n36" 8o. 

Ag — 30,5. 

12467 — 70,2. Mouvements des zoospores assez vifs encore. 

1051" — 89,6. Mouvements un peu plus faibles que précédemment. 

10567 — 90,7. À peu près comme précédemment. 

2h01" — 109,3. Beaucoup de zoospores nagent encore assez bien, d’autres se 
balancent seulement sur place. 

2006" — 100,7. Comme dans le cas précédent. 

DAS 100,0! 

DR LICE re nombre des zoospores mobiles et l'intensité des mou- 

2026 — 110. {  vements diminuent peu à peu. 

2h46  — 110. 

3500! — 110, À ce moment je ne vois qu'une seule zoospore mobile, 
s’agitant sur place. 

3015"  — 100,7. Aucun mouvement. 


Je laisse la préparation dans l'appareil réfrigérant jusqu’à 6 heures 15 minutes 
de l'après-midi, lorsque le thermomètre marque — 50,7. Retirant alors les 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 255 


capillaires de la boîte et les examinant, je constate que toutes les zoospores 
sont mortes et la plupart désorganisées. 


Résumé. — Les mouvements ont donc continué pendant 
3 heures 40 à une température, qui à varié entre — 1°, — 
10°,1 et — 7°, et pendant 1 heure 19 minutes entre — 3°5 
et — 11°, 1. 


10. Eutreptia viridis. 


J'ai observé quelques formes mobiles d'Eutreptia dans plu- 
sieurs de mes préparations, associées à d’autres organismes. 

Dansune de mes expériences j'ai poursuivi les mouvements de 
ce Flagellé pendant 20 minutes entre —2°,9et— 11° (19 Février 
1907); comme la préparation ne contenait qu'un nombre 
restreint d'individus, je n'ai pas pu les poursuivre pendant plus 
longtemps ; mais J'ai constaté que les zoospores d’Eutreptia 
viridis résistent assez longtemps aux basses températures, sans 
périr. C’est ainsi que dans une expérience (23 Janvier 1907), 
que j'ai faite sur les Infusoires etles Cryptomonades, les tubes 
capillaires ont été exposés pendant 4 heures à une tempéra- 
ture qui à varié entre — 3°,5, — 11°,1 et — 5°,7; durant 
cet espace de temps, je n'ai pu voir aucun individu 
d'Eutrephia, mais à la fin de l'expérience, j'ai constaté qu'une 
zoospore, qui avait perdu ses flagellums, présentait des 
mouvements de métabolie assez accentués, tandis que les 
Cryptomonades, les Paramécies et les Peridiniums n'avaient 
plus récupéré leur mobilité. 


11. Euglena viridis. 


J'ai fait encore incidemment quelques observations sur ce 
Flagellé ; voici les résultats de quelques expériences. 


Expérience du 148 Février 4907. — Les mouvements ont continué pendant 
45 minutes entre — 40,8 et — 110,8; à la température de — 110,8 les corps 
des cellules ne présentaient plus que des mouvements de métabolie. 

Expérience du 19 Février 1907. — Les zoospores sont restées mobiles 
pendant 20 minutes entre — 30 et — 100,8. 

Expérience du 20 Février 1907. — J'ai suivi les mouvements pendant 
30 minutes entre — 10,4 et — 100,9. 

Expérience du 21 Février 1907. — Les mouvements ont continué durant 


25 minutes entre — 10 et — 90,6. 


2506 EM. C. TEODORESCO 


Dans l’eau refroidie, mais restée en surfusion, les états 
mobiles d'£wglena peuvent résister un temps assez long, sans 
périr ; c'est ainsi que dans une expérience (20 Février 1907), 
ils ont été soumis, pendant 8 heures, à une température qui 
a varié entre — 1°,4, — 10°,7 et — 9° ; au bout de ce temps, 
à la température ordinaire du laboratoire (+ 18°), les z00s- 
pores ont recommencé leurs mouvements normaux. 


12. Euglena pisciformis. 


J'ai observé les mouvements de cette espèce dans deux 
expériences, que J'ai faites sur le Chloromonas reticulata. Dans 
une expérience (5 décembre 1908), j'ai vu les cellules continuer 
leurs mouvements durant 45 minutes, entre — 1% et — 7°,7; 
une autre fois (expérience du 4 Décembre 1908), j'ai poursuivi 
les mouvements pendant 3 heures 20 minutes à unetempérature 
qui a varié entre — 1°,9, — 7°,8 et — 6°,5. 


14. Dunaliella salina et D. viridis. 


Avec les organismes, qui vivent dans l’eau salée, surtout 
lorsqu'elle est concentrée, les expériences sont plus commodes | 
à exécuter, vu que l’état de surfusion des solutions, aux basses 
température, peut être maintenu beaucoup plus aisément que 
celui de l’eau pure. De ces organismes, je n’ai eu lPoccasion 
d’expérimenter que sur le Dunaliella ; les résultats de quelques 
observations ont été déjà publiés en 1905 (1) et en 1906 (2). 
De ces observations, j'avais tré la conclusion que les zoospores 
du Dunaliella ne cessent totalement leurs mouvements que 
vers la température de 20° sous zéro. La méthode que j'avais 
employée alors était un peu simple et on aurait pu faire, peut- 
être, des réserves sur les résultats obtenus. Jai eu alors recours 
à un dispositif expérimental perfectionné, permettant d'observer 
directement et sans interruption, au microscope, les mou- 
vement des zoospores. À cet effet, je me suis servi d’une part 
de l'appareil de Molisch {avec mélange de neige et d'alcool), 


(4) C. R. de l’Acad. des Sc. de Paris, février 1905. 
(2) Rev. gén. de Bot., t. XVIIL, 1906. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 297 


de l’autre j'ai employé ce même appareil, mais modifié afin 
d'obtenir le refroidissement à l’aide de l'acide carbonique 
liquide. Une partie des observations ont été effectuées pendant 
l'hiver de 1907, sur des zoospores récoltées dans le Lacul-sarat 
(Braila), en Mai 190% ; ces zoospores ont été abandonnées, 
pendant trois années, dans un bocal, sans changer l'eau, sans 
l'aérer et sans y ajouter aucune substance nutritive ; elles ne 
se trouvaient donc pas dansleurs aiseset leur vitalité était certai- 
nement un peu affaiblie ; en effet, pendant l'hiver de 1907, je 
ne les ai vues se multiplier que très peu ; les mois suivants leur 
nombre commença même à diminuer. Les expérience faites 
avec ces zoospores m'ont donné des résultats, qui m'ont tout 
d'abord surpris ; en effet, les mouvements cessaient parfois 
totalement lorsque la température descendait à — 17°, d'autres 
fois, mais plus rarement, j'ai pu constater leur mobilité jusqu'à 
— 19°. Mais des recherches effectuées en Décembre 1908 sur 
des zoospores récoltées dans le Lacul-sarrat en Mai 1908, m'ont 
donné, comme on le verra par la suite, de meilleurs résultats, 
ce qui doit être attribué, sans doute, à une vitalité plus grande 
des zoospores. 

Il est bien entendu qu'il fautexpérimenter sur des zoospores, 
quise trouvent dans une eau salée concentrée autant que possible; 
sans cela 1 commence à se déposer, aux températures basses, 
trop de cristaux, ce qui gène ou même empêche l'observation. Le 
meilleur moyen pour avoir des zoospores dans l’eau concentrée, 
c'est d'en faire la récolte pendant les mois chauds et secs de 
l'été, car à ces moments l’eau du lac se concentre lentement 
et suffisamment et a, en outre, l'avantage de contenir des 
myriades de zoospores. 

Je rapporte plus bas les résultats de quelques expériences. 


Expérience No 2% (26 Novembre 1908). 


Zoospores récoltées en Mai 1908 ; appareil réfrigérant à acide carbonique 
liquide ; goutte d’eau entre la lame porte-objet et la lamelle, séparées par 
quelques grains de sables, pour ne pas écraser les zoospores ; température 
de la chambre de travail + 50 au commencement, -H 10° vers la fin de 
l'expérience. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
9h07 : + 30,5. 
9027 — 60,5. Mouvements des zoospores très actifs, 


ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 47 


258 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 


9h32" — 80,7. 

9h37 — 9ÿo. A peu près comme précédemment 

Qn4T — 100. 

952" — 110. Mouvements un peu plus faibles. 

9h55  —— 120,7 

10h00 — 130,4. ( L’intensité des mouvements diminue peu à peu. 

10Q5T  — 140. 
10609 — 159. Jusqu'à ce moment les mouvements continuent assez bien; 


une partie des zoospores se déplacent assez rapidement, 
d'autres se balancent sur place. 


10h11" — 16o. 
HOhL7 1605. 
10h20"  — 170. 
10825" — 170,5. | 
10h36 — 170,7. Mouvementsencore assez accentués, mais à peu près toutes 
les zoospores ne sont mobiles que sur place (mouvements 
de balancement) et quelques-unes nagent mais très 
lentement. 
10°42 — 190,5. Balancements sur place chez beaucoup de zoospores; 


d’autres zoospores immobiles. 

10h45" — 200,1. Le nombre des zoospores mobiles a diminué considéra- | 
blement, mais je vois très bien quelques zoospores | 
changeant lentement leurs positions, en s’éloignant ou en | 
se rapprochant peu à peu les unes des autres; pour voir 
ces mouvements il faut observer les zoospores pendant 
quelques instants, ou bien dessiner la position d'un groupe | 
de temps en temps. 


10047 — 200,1. À peu près comme précédemment. 
1050" — 220,5. Je vois encore très nettement les mouvements de quelques | 
zoospores, mais ils sont extrêmement faibles. | 
10057  — 230. Une partie de l’eau et des sels ont cristalisé; je ne constate 
aucun mouvement. | 
11n10° — 250. Les cristaux précédemment formés ont fondu; aucun | 
mouvement. | 
11025"  — 210. Je vois maintenant très bien 2 zoospores de D. viridis | 
(petites zoospores vertes) qui ont recommencé leurs mou- | 
vements; elles s'éloignent l’une de l’autre. 
4110357 — 190. À ce moment quelques zoospores de D. salina (grosses | 
zoospores rougeâtres) ont récupéré leur mobilité. 
11840 — 160. Mouvements un peu plus accentués, mais encore assez 
faibles. 
Tee .... ) Pendant cet intervalle je n'ai fait aucune observation. 
1015  — 50. A ce moment, presque toutes les zoospores sont mobiles et 


nagent assez facilement. J'introduis un peu d'acide car- 
bonique dans l'appareil, pour refroidir la boîte, dans 


laquelle se trouve le microscope. 1 
4n20° — 70,5.  Zoospores assez bien mobiles. | 
1n25"  — 89,1. A peu près comme précédemment. : 
1830", — 1904 
135 — 100. 1e 
18407 — 109,5. ? Les mouvements s’affaiblissent graduellement. | 
1045" — 110. 


1850"  — 190,3 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 259 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
4255  — 1%0, Le nombre des zoospores mobiles a diminué. 
2h00 — 150. 
225 — 170,5. Les zoospores restées mobiles sont peu nombreuses et les 
mouvements très ralentis. 
2h35"  — 190,5. Il ne reste que très peu de zoospores mobiles. 
2h4#"  — 210. Je ne vois aucun mouvement. 


On retire la préparation de la boîte réfrigérante et on l’examine à la 
température de la chambre de travail (+- 100): toutes les zoospores sont rede- 
venues très bien mobiles. 


Expérience No 25 (25 Novembre 1908). 


Appareil à acide carbonique liquide; zoospores récoltées en Mai 1908 ; 
température de la chambre de travail 4 100; goutte d'eau entre lame porte- 
objet et lamelle. 


Les zoospores ont continué leurs mouvements pendant 40 minutes entre 
00,0 01 220. 
Expérience No 26 (25 Février 1907). 


Appareil réfrigérant de Molisch, mélange de neige et d'alcool; zoospores 
récoltées en Mai 1904; expérience faite dehors, dans la cour du laboratoire, à 
la température de — 140. 

Mouvements pendant 2 heures 40 minutes à une température qui a varié 
entre — 140,— 190 et — 180. 


Résumé. — Ainsi certaines Zoospores du Dunaliella ne 
cessent parfois totalement leurs mouvements que vers la tem- 
pérature de 22°,5 sous zéro. 

Dans les expériences faites avec cette algue, les mouvements 


Ÿ 
@: ©: 
© ÿ © 


: 060 


k Rare Hat 
LL 1O: 11830 
19,7 -19,2 0! 
Fig. 2. — Mouvements du Dunaliella aux températures basses; on n'a pas 


représenté les flagellums des zoospores. 


aux basses températures sont tellement faibles, qu'il faut 
observer pendant quelques instants les zoospores avec beau- 
coup d'attention, pour constater les mouvements, par les 
changements de leurs positions dans le liquide. Dans ce cas 
il vaut mieux dessiner de lemps en temps un groupe de 
zoospores (voir la figure 2). 


260 EM. C. TEODORESCO 


Lorsqu'on transporte les Zoospores d’une température 
minime, où les mouvements ont complètement cessé, à une 
température élevée (à la température ordinaire de la chambre, 
par exemple), elles reprennent extrêmement vite leurs mouve- 
ments très accentués ; c'est ainsi qu'au bout de 20 à 40 secondes 
toute la masse des zoospores commence à fourmiller et au bout 
de 3 à 4 minutesles mouvements sont très actifs. 

I reste encore à remarquer que les petites zoospores vertes 
(D. viridis) sontun peu plus résistantes aux basses températures 
que les grosses zoospores rougeàtres (D. salina). 


DIATOMÉES 


Sur les mouvements des Diatomées aux températures infé- 
rieures, je ne connais qu'un travail de Miquel (1); cet auteur 
a pu constater que diverses Diatomées d’eau douce, soumises, 
pendant 2 heures et demi, à une température de 1° à 1°,5, 
ne perdent pas totalement leur mobilité ; » quelques espèces 
ont, il est vrai, présenté une certaine paresse dans leurs mou- 
vements, mais il suffisait de les laisser quelques instants à la 
température ordinaire, pour les voir récupérer leur agilité 
première « (p. 322). D'après Miquel « les Diatomées d'eau douce 
supportent très bien le froid égal à 0° centigrade » (dans l’eau 
liquide), mais cet auteur ne nous dit pas, si à cette température 
les cellules sont encore mobiles. 

Les expériences que J'ai instituées dans ce but m'ont donné 
les résultats suivants. 


15. Cymbella Cistula. 


J'ai fait trois expériences avee une petite espèce de C'ymbella 
d’eau douce, qui m'a semblé être le €. Cistula et que j'avais 
récoltée en hiver, sous la glace, dans la pièce d’eau du jardin 
botanique de Bucarest. 


Expérience No 28 (11 Janvier 1909). 
Réfrigérant de Molisch ; distance entre la lame et la lamelle 150 u. 


(1) Miquel, Recherches expérimentales sur la physiologie, la morphologie et la 
pathologie des Diatomées (Ann. de micrographie, 1892, p. 273). 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 261 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

955 + 30. 

9r59" 00. Mouvements encore assez accentués. 

10h02"  — 10,5. Comme précédemment. 

1003"  — 20,3. À peu près comme précédemment. 

1005" — 30,5. Mouvements beaucoup plus faibles. 

10°09"  — 50. Mouvements très faibles, la cellule tourne tantôt d'un côté, 
tantôt de l’autre. 

10%13"  — 60,5. La cellule avance très lentement; pour bien voir les mou- 
vements, j'emploie un oculaire portant des divisions 
micrométriques. 

10815" — 70,3. Mouvements extrêmement lents; pendant 2 minutes la 


cellule parcourt la distance de 3 divisions micrométriques 
(Reichert oc. 3, obj. 3), puis revient un peu en arrière. 
1019 — 89,3. Aucun mouvement. 
10822" — 80,8. La goutte d’eau s’est prise en glace. 


Expérience No 29 (11 Janvier 1909). 


Expérience dans les mêmes conditions que la précédente ; distance entre la 
lame et la lamelle 110 u. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 

10h35 LE 40. 

10°38" — 10. La cellule avance assez bien. 

10h41"  — 20,7, Comme précédemment. 

10:44" — 40. Mouvements assez faibles. 

10*49: — 50,3. Mouvements très faibles ; les cellules glissent de temps en 
temps mais difficilement. 

10°53"  — 60,3. À peu près comme précédemment. 

1056" — 70. A peu près comme précédemment. 

1059"  — 70,4, L'eau s’est congelée. 


Ecpérience No 30 (21 Janvier 1909). 


Les mouvements ont continué pendant 23 minutes à une température, qui 
a varié de — 10 à — To. 


Résumé. — Les cellules du Cymbella Cistula continuent 
donc leurs mouvements jusqu'à — 7° où — 7°,3 ; la durée des 
mouvements a été de 16 minutes entre — 0° et — 7°,3; de 
18 minutes entre — 1° et — 7°; et de 23 minutes entre 
— 1° et — 7°. 


16. Synedra. 

Dans l'expérience précédente (21 Janvier 1909), J'ai pour- 
suivi également les mouvements d’une petile espèce aciculaire 
de Synedra(S. Acus?) et j'ai pu constater qu'elle est restée 
mobile jusqu’à la température de — 6° ; quelques cellules avaient 
même repris leurs mouvements, après la fusion de l'eau, qui 
s'était prise en glace à la fin de l'expérience. 


262 EM. C. TEODORESCO 


MYXOMYCÈTES 


17. Fuligo septica. 


J'ai fait trois expériences avec les zoospores du Fuligo septica, 
obtenues par la germination, dans l'eau de source, des spores 
récoltées en Septembre 1908. 


Expérience No 31 (10 Janvier 1909). 


Température de la chambre de travail + 150; diamètre intérieur du tube 
capillaire 150 w. 
Heures. Températures. OBSERVATIONS 
QN1O" + Go,5. 
9921" + 20, Mouvements moins rapides qu'au commencement de l’expé- 
rience ; les zoospores tournent sur place ou s’avancent plus 
ou moins vite. 


9h24 + 00,3.) De Pas 

M2" Done L'intensité des mouvements diminue graduellement. 

9%27  — 00,8. Mouvements très faibles chez quelques zoospores, d’autres 
présentent des mouvements plus accentués. 

9h30  — 2o, Mouvements de plus en plus faibles; beaucoup de z00- 

QE 20,5 spores ont perdu totalement leur mobilité. 

9933! — 30. Mouvements extrêmement faibles, mais bien visibles. 

9035"  — 30,8. La grande majorité des zoospores immobile ; dans le champ 


du microscope je ne vois que trois zoospores très faible- 
ment mobiles. 
9837 — 40,3. Comme précédemment. 
0,3 


940" — 59,3. Je ne vois maintenant dans le champ du microscope qu'une 
seule zoospore mobile. 

943" — 50,8. Je vois deux zoospores mobiles. 

944" — 60. Une des zoospores précédentes encore mobile. 

946"  — 60,2. Comme précédemment. 

9950"  — 60,5. Aucun mouvement; l’eau est restée liquide. 


En retirant le tube capillaire de l'appareil réfrigérant et le laissant pendant 
quelques minutes à la température de la chambre (4150), je constate que 
la plupart des zoospores ont repris leurs mouvements. 

Je recommence alors l'expérience avec les mêmes zoospores. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 

10808 + 60,5 

AOL + 20. ” Mouvements assez faibles, beaucoup plus faibles que dans 
l’expériencé précédente à la même température. 


10014 00 Le nombre des zoospores mobiles diminue très rapide- 
AOP1T — 40, ment. 
4019" — 20. Quelques zoospores seulement sont restées mobiles ; les 


unes se balancent faiblement sur p'ace, d'autres tour- 
nent avec une certaine vitesse. 


4025" — %o, A ce moment je ne vois dans le champ du microscope au- 
cune zoospore mobile. 
40h27" — 40,6. Maintenant je trouve une zoospore mobile. 


4029  — 50,2, La zoospore précédente toujours mobile. 
; P P J 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 263 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. 
10%31"  — 50,7. La même zoospore toujours mobile, 
1035" — 60,3. Aucun mouvement ; l’eau du capillaire liquide, 


Après avoir retiré la préparation de la boîte réfrigérante, j'ai constaté que 
beaucoup de zoospores avaient recommencé les mouve- 
ments. 


Expérience No 32 (10 Janvier 1909). 


Température de la chambre de travail + 150. 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 

Oh1O! + 40 7. 

2h20" + 20. 

2h22" 19,5. Beaucoup de zoospores se balancent sur place ou bien 


—+ 
nagent assez rapidement. 
225" + 00,8. À peu près comme précédemment. 


2h30 00,2. ) ER 

233 yo, j Le nombre des zoospores mobiles diminue. 

2"45 — 20, Mouvements de balancement sur place très faibles. 
2°50°  — 20,4, A peu près comme précédemment. 

2055 — 20,7. À peu près comme précédemment. 

3800 — 20,8. | 

307 — 30, | 

3015  — 30, 

3118 — 30. 

3922 — 3o. Le nombre des zoospores mobiles diminue sans cesse. 
3h30"  — 30. 

3032 __ 90,9, 

33%), 909, | 

39417 — 20,8. | 

jf Fi Pendant cet intervalle je n'ai fait aucune observation. 
4015" — 20,8. Aucun mouvement; l’eau du capillaire est restée liquide. 


En exposant la préparation à la température de la chambre, quelques 
zoospores recommencent les mouvements au bout de 2 minutes, mais la 
plupart restent immobiles; sont-elles mortes ? 


Résumé. — Les zoospores de Fuligo septica ont continué leurs 


mouvements pendant 21 minutes entre 0° et — 6°, pendant 
17 minutes 0° et — 5°,7 et pendant 1 heure 11 minutes, 


lorsque la température à varié entre 


Do et Dre 


IT. — PROTOZOAIRES ET AUTRES ANIMAUX. 


Mes expériences sur les animaux ont porté principalement 
sur les Paramécies, les Vorticelles, les Orytrichaetles Lionotus : 
j'ai fait également quelques recherches sur les mouvements de 
l'Artemia salina, ce petit crustacé si caractéristique pour beau- 
coup de lacs salés. Les observations les plus complètes portent 


264 EM. C. TEODORESCO 


sur les Paracémies et les Vorticelles ; dans l’eau, qui contenait 
ces animaux, se trouvaient aussi d’autres Protozoaires, non 
déterminés et dont Je n’ai pas poursuivi de plus près les mou- 
vements. 

A ce qu'il paraît, le premier naturaliste qui ait étudié l’action 
du froid sur les Infusoires, a été Spallanzani, en 1765 et en 
1776 (1); le naturaliste italien à vu de petits Infusoires ciliés 
se développer dans l’eau refroidie à zéro. 

Ehrenberg (2) à répété et confirmé les observations de Spal- 
lanzani ; Ehrenberg a laissé se prendre en glace l’eau, contenant 
des Infusoires, et il a vu alors « an kaltem Orte mit kaltem 
Microscope » des Infusoires mobiles dans les vésicules d’eau 
restées liquides au milieu de la masse congelée; cet auteur 
croyait même que l’eau de ces vésicules se maintenait liquide à 
cause de la chaleur émise par les corps des animaux, ce qui est 
très douteux. 

Pütter (3) a vu le Spirostomum teres nager, quoique très len- 
ment, dans l’eau refroidie à près de zéro « in umittelbarer 
Nühe der Eiskruste ». 

D'autre part, beaucoup d’observateurs ont constaté que 
divers Infusoires se trouvent à l’état mobile, dans l’eau des 
mares et des lacs, recouverte d'une couche plus ou moinsépaisse 
de glace. Ce fait est, à coup sûr, très intéressant, mais il faut 
remarquer que dans ce cas la température de l’eau est toujours 
supérieure à zéro. Voici, par exemple, un cas que J'ai observé 
moi-même : le petit lac du Jardin botanique de Bucarest était 
recouvert le 10 Janvier 1909 d’une couche de glace, ayant une 
épaisseur d’à peu près 15 centimètres ; tandis que la tempéra- 
ture de l'air était de — 6°, le thermomètre introduit dans l'eau 
marquait à peu près 3°,5. Dans cette eau J'ai toujours trouvé de 
nombreux organismes mobiles, tels que des Peridinium tabu- 
latum, des Cryptomonas ovata,des Cr. erosa, des Synura uvella, 
des Paramécies et d’autres petits Infusoires, ainsi que de très 
petites Anguillules. 

(1) Cité par Ehrenberg, Infusionsthierchen, 1838, p. 526, et par Bütschli, 
Bronn's Thierreich, Bd 1, Abt. 3, 1889, p. 1815. 

(2) Ehrenberg, loc. cit., p. 526. 


(3) Pütter, Studien uber Thigmotaxis bei Protisten (Arch. f. Anat. u. Physiol., 
physiol. Abt., 1900, Suppl., p. 266). 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 265 

Mais certains Infusoires semblent être moins résistants aux 
basses températures ; c'est ainsi que d’après Pütter (1) le 
Stylonichia périt et le contenu de la cellule devient granuleux, 
lorsque la température descend jusqu'à + %°; de même le 
Clalodon cucullulus devient immobile à + 3° (2). 


18. Paramæcium bursaria. 


J'ai fait sur cette espèce dix-huit expériences ; en voiei les 
résultats de quelques-unes. 


Expérience No 33 (21 Janvier 1907). 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 
10h05" — Jo. 
10u10° — 50,5. Mouvements assez énergiques. 
1020" — 70,5. Comme précédemment. 
1ON25 TE go, 
h99/- == q 
He a .. Mouvements de plus en plus faibles. 
10h40" — 100. | 
1045" — 100. Un individu traverse rapidement le champ du microscope. 
11810" — 100,1. Dans le champ deux individus avancent lentement. 
11920" — 100,1. Comme précédemment. 
on D D à Pendant cet intervalle je n'ai fait aucune observation. 
1810 — 80,2. Deux individus traversent le champ. 
1935" — 70,3, Un des individus précédents revient assez paresseusernent. 
4945 — 70. Comme précédemment. 


Expérience no 34 (12 Février 1907). 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 

2016 — 00,5. 

DDC NP 3016, 

2h36 — 70. Beaucoup d'individus traversent le champ du microscope. 
2046 — 80,9, Mouvements encore assez prononcés. 

2h56 — Jo,9. Les individus continuent leurs mouvements; en même 


temps que le Paramæcium bursaria, d'autres petits Infu- 
soires ciliés circulent dans le tube capillaire. 


3806  — 100,6. Mouvements assez faibles. 
3"16"  — 100,8. A côté de deux individus, qui tournent sur place, j'en vois 


plusieurs autres immobiles, dont la surface présente une 
ou plusieurs proéminences sarcodiques ; ces derniers in- 
dividus paraissent ètre morts. 

3926" — 110. Certains individus ne s’avancent que lentement, d'autres 
un peu plus rapidement. 


(4) Pütter, loc. c't., p. 280. 
(2) Pütter, loc. cit., p. 26%. 


266 EM. C. TEODORESCO 


Heures. Températures. OBSERVATIONS. | 
30407 — 119,1. Parmi les Paramécies mobiles, j'en vois un qui porte une 
proëéminence sarcodique à son extrémité postérieure (fig. 3a). 
3046". — 110,1. 
3h56"  — 110,1. Dans un des tubes capillaires je vois cinq Paramécies tour- 
nant lentement les uns autour des autres. | 
4h10 — 110,1. Je vois encore plusieurs individus mobiles, dont l’un tra- | 
verse assez rapidement le champ, tandis que les autres 
tournent plutôt sur place. 
4h20"  — 110,1. 
34 | {lol (A peu près comme précédemment. 


Après avoir retiré les 
tubes capillaires de la 
boite, je les observe à la 
température de la cham- 
bre de travail (+ 180); au 
bout de deux minutes, 
quelques Paramécies pré- 
sentent déjà des mouve- 
ments très énergiques. 
En comptant les indivi- 
dus, j'en trouve 52, dont 
45 morts et 7 vivants; 
mais ce qui me semble 
élrange, c'est que, parmi 
les individus vivants, il 
yen à #4, qui portent à 
leurs surfaces des exsu- 
dations sarcodiques hya- 
lines {fig. 3,b,c) et qui | 
pourtant sont tout aussi 
bien mobiles que les 
individus normaux. Au | 
bout de quatre heures, | 
les individus dont il est | 
question ne portent plus 
les exsudations mention- 
nées ; les ont-ils relirées 
ou bien, ce qui est plus 
probable, se sont-elles | 
détachées ? La présence | 
de semblables proémi- | 
nences  protoplasmiques 
(1) à la surface des Para- 
mécies, soumis à une | 
basse température, est un 
Fig.3. — Paramæcium bursaria; individus émettant indice évident d’un com- | 

| 


aux basses températures (—11°) des proéminences mencement de désorga- 
protoplasmiques vacuolaires, tout en continuant nisation particulière. Ce 
leurs mouvements. phénomène est analogue 
à celui observé déjà par 

0. F. Müller, Ehrenberg, Duiardia, Bütschli et par d'autres naturalistes, et 


Î 
Î 
! 
| 
il 
| 
| 
(1) La partie centrale de ces proéminences m'a semblé être occupée par une | 
grosse vacuole. | 

| 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 267 


qui peut être provoqué par divers agents extérieurs, tels que chaleur, cou- 
rants électriques, pression, blessure, substances chimiques, évaporation de 
l'eau. Dujardin a figuré sur les planches IV, VE, VIL, VIE, XI, XILet XIV (1) 
plusieurs espèces d'Infusoires chez lesquels il a vu la production d’exsuda- 
tions sarcodiques. 


Expérience No 35 (26 Janvier 1907). 


Heures, Températures. OBSERVATIONS 

AOM4 D go, 

12019 — 30,5. 

1222 — 60,3. 

té RELTe Pendant cet espace de temps je n'ai fait aucune observa- 

Arr Rae tion. 

40407 — 100,3. Je vois un lParamæcium bursuria traverser le champ du mi- 
croscope, mais assez lentement. 

1045" — 100,2.) pe 

450 — 100,2. j Comme précédemment. 

1053" — 100,1. Un individu tourne sur place. 

2h00 — 90,9. Comme précédemment; un Paramæcium putrinum, qui se 


trouve dans le tube capillaire, présente des mouvements 
plus accentués que le P. bursaria. 
2h10" — 90,8. Comme précédemment. 

La température s'élève graduellement jusqu'à 9 heures du soir et les mou- 
vements continuent tout en s’affaiblissant de plus en plus. Voici la marche 
de la température pendant cet espace de temps : 

4b15 430 4h50 5h’ 5h30" 7h40" 8h30 9 
SD ON SOU 70 8. “06 70,3. = Ho ‘©=_%09 “30 

J'ai vu aussi dans cette expérience des individus qui commencaient à se dé- 
sorganiser par l'émission d’exsudations protoplasmiques à la surface de leur 
corps. Ainsi, à 7 h. 40 minutes (température — 50,3), j'observe un Paramæcium 
présentant deux exsudations sarcodiques creusées de vacuoles, ce qui ne l’em- 
pêche pas de nager; je l'ai poursuivi pendant plus d’une heure. A la fin de 
l'expérience, les tubes capillaires contenaient aussi des individus morts, por- 
tant des expansions protoplasmiques à la surface du corps. 


Expérience No 36 (26 Janvier 1907). 


Dans cette expérience les mouvements ont continué pendant 1 heure 7 mi- 
nutes entre —— 39,5 et — 120. 


Résumé. — La durée des mouvements du Paramaæcim bur- 


saria à été donc: de 3 heures 40 minutes entre — 1°, — 10°,1 
et — 7°; de 2 heures 5 minutes entre — 3°,8 et — 11°; de 
1 heure 7 minutes entre — 3°,5 et — 12°; enfin de 8 heures 
41 minutes entre — 3°,5 — 10°,3 et — 3°. 


19. Paramæcium putrinum. 


Dans les expériences précédentes 11 Y avait dans les tubes 
capillaires, associé au Parameæcium bursaria, quelques individus 


(1) Dujardin, Hist. nat. des Zoophytes-Infusoires, 1841. 


268 EM. C. TEODORESCO 


appartenant au Parameæcium putrinum, sur lesquels J'ai fait de 
même quelques observations. Je rapporte plus bas quelques 
résultats. : = 


Expérience No 38 (25 Janvier 1907). 


Durée des mouvements : 1 heure 15 minutes à une température, qui a varié 
entre — 10,9, —120 et — 110; à la fin de l'expérience, l’eau s’est prise en 
glace. 


Expérience N° 39 (26 Janvier 1907). 


Les mouvements ont continué pendant #5 minutes entre — 30,3 et — 110,3; 
à la fin de l'expérience l’eau s’est solidifiée. 


Expérience No 40 (26 Janvier 1907). 


Les mouvements ont continué péndant 7 heures 21 minutes entre — 30,5, 
— 100,3 et — 50,3. Dans cette expérience de longue durée, j'ai constaté des 
commencements de désorganisalion caractérisée par l'émission d’exsudations 
protoplasmiques, semblables à celles que j'avais observées chez le Paramæcium 
bursaria dans les mêmes circonstances. 


20. Oxytricha sp. 


Sur une espèce d'Ozytricha, qui m'a semblé voisine de 
l'Orytricha fallar Stein, j'ai fait quatre expériences, dont voici 
les résultats. 


Expérience No 41 (10 Février 1909). 


Température de la chambre de travail +10 à 00; goutte d’eau entre la 
lame porte-objet et la lamelle, séparées par quelques petits grains de sables. 
Les mouvements ont continué pendant 6 heures; la marche de la tempéra- 
ture durant cet espace de temps a été la suivante : 

30,25" BNESEY 4h05" 420 4h45" 7h30" 845" 10605" 
00 A0 20 80 8 ho 0 20 So NN on) 


Expérience No 42 (15 Février 1909). 

Expérience dans les mêmes conditions que la précédente; durée des mou- 
vements : 2 heures 15 minutes entre — 19 et —60; à la fin l’eau s’est brus- 
quement prise en glace. 

Expérience No 43 (15 Février 1909). 

Expérience dans Les mêmes conditions que les précédentes; durée des mou- 

vements : 3 heures 20 minutes entre 09, — 50 et — 40,8, 
Expérience No 44 (16 Février 1909). 


Expérience dans les mêmes conditions que les précédentes ; durée des mou- 
vements : 3 heures 45 minutes entre Q0, — 40 et — 30,3. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 269 


Les phénomènes de désorganisation des Orytricha, aux basses températures, 
sont importants et méritent d'être mentionnés; à un certain moment et tout 
en gardant leur mobilité, les cellules commencent à se raccourcir, à se ren- 
fler pour devenir à la fin presque sphériques (fig. # a, b, c); en même temps le 


a 

Fig. 4. — Oxylricha sp.; individus mobiles. — à, forme normale; b,c, individus 
5 gi [ : À 
changeant leurs formes et devenant sphériques, après un séjour de 5 heures entre 


— 19 et — 50. 


protoplasma prend un aspect grossièrement granuleux et il se forme, parfois, 
dans son intérieur, une grosse vacuole qui touche le tégument du corps; 
dans cet état, la cellule peut continuer ses mouvements pendant une heure 
et même davantage; à la fin elle s'arrête et se désorganise totalement. 


21. Lionotus fasciola. 


Sur cet Infusoire, ce n’est qu'incidemment que J'ai fait quel- 


ques observations ; une fois, j'ai poursuivi les mouvements 


pendant 1 heure 10 minutes, entre — 0°,8 et — 6°,5; une 
autre fois pendant 15 minutes seulement, entre — 0°,2 el 
Te 6. 


22. Vorticelles. 


Mes expériences portent sur deux espèces de Vorticella, que 
jai déterminées à l'aide de l'ouvrage de Saville Kent (A 
Manual of the Infusoria, 1880-1881); je crois que c'élaient 
V. campanula et V. mücroscopica. Hs se sont développés dans 
l'eau contenant des restes de plantes mortes, que J'avais appor- 
lées, dix jours avant l'expérience, des fossés de Bucarest- 
Grozavesti ; les animaux étaient fixés, par leurs pédoncules, sur 
diverses Protococcacées, ainsi que sur différentes impuretés, de 


270 EM. C. TEODORESCO 


sorte que l’on pouvait les introduire assez facilement dans des 
tubés capillaires un peu plus larges. J'ai fait quatre expériences ; 
dans ce qui suit je ne rapporte que le résultat d’une seule. 


Expérience No 45 (17 Décembre 1908). 


Heures. Températures. OBSERVATIONS 

3h35" + 10,5. 

3h40 — 00,8. 

3042  — 10,2. 

3h47  — 20,5. 

3h52"  — 30,5, Mouvements des cils assez actifs; quelques individus ba- 


lancent assez rapidement, leurs corps aussi, tantôt d’un 
côté, tantôt de l’autre; le pédoncule reste droit. 
30567 — 40 À peu près comme dans le cas précédent. 


4804 — 40,7. L'intensité des mouvements diminue peu à peu ; je ne vois 
pas le pédoncule se contracter (1). 

4h10"  — 50. 

sie 5. } mouvements des cils et le bal t du corps d 

os #9 s (Les mouvéments des cils et lé balancement AUSCorss de 

Ho So 8 plus en plus faibles. 

4n32 D0,8. 

4h43"  — 50,9. \ 

4050" — 60,1. Les corps ne se balancent plus, tandis que les cils continuent 
leurs mouvements. 

40557 — 60,5. Comme précédemment. 

500  — 60,9. L'eau des capillaires s’est prise en glace. 


Par conséquent la durée des mouvements a été de 1 heure 15 minutes entre 
— 09,8 et — 60,5. 


23. Artemia salina. 


Je rapporterai enfin quelques observations, que J'ai faites sur 
cet intéressant Crustacé, très abondant à certaines époques 
dans le Lacul-sarat (Braïla). Les expériences ont été effectuées 
de la manière suivante: l’animal est introduit, avec un peu 
d'eau salée, dans une petite éprouvette ayant à peu près 
12 millimètres de diamètre ; un petit thermomètre, donnant 
le dixième de degré, plonge dans l’eau de l'éprouvette; on fixe 
cette dernière, au moyen d’un bouchon, dans une autre éprou- 
vette plus large, dont l'air est destiné à modérer l’action du 
milieu réfrigérant et à abaisser lentement la température de 
l'eau ; le tout est plongé dans un mélange réfrigérant et retiré 
de temps en temps, pour observer la température du liquide 
ainsi que l’état de l’animal. 


(1) Pendant toute la durée de cette expérience, je n'ai pas pu constater les 


contractions du pédoncule ; dans d’autres expériences j'ai vu cependant qu'il : 


ne cessait ses contractions que vers — (60. 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 27 


Les mouvements sont observés, au commencement, à l'œil 
libre ; plus tard, lorsque l'animal ne s’avance plus que très 
difficilement, ou qu'il ne change plus de place, on poursuit les 
mouvements des branchies à la loupe. | 

Les animaux sur lesquels ont porté mes expériences étaient 
assez petits (9 à 11 millimètres) ; ils se sont développés au labo- 
ratoire, des œufs apportés de Lacul-sarat, dix mois auparavant. 


Expérience No 46 (5 Février 1907). 
Heures. Températures. OBSERVATIONS 
12104 + 200. 
12805" + 80. 


12h06"  — 20, L'animal nage très lentement. 

42008" — 40, L'animal s’est arrèté sous la surface libre de l’eau et s'efforce 
de s’avancer, en remuant ses branchies, mais sans réussir. 

12107 — 50,5. À peu près comme précédemment. 

42020"  — 60,2. Les mouvements des branchies sont devenus beaucoup plus 


faibles qu'auparavant. 
Je retire l'éprouvette du mélange réfrigérant et je la laisse se réchauffer ; 
l'animal recommence alors ses mouvements avec vivacité. 


Expérience No 47 (5 Février 1907). 
Les mouvements continuent pendant 10 minutes entre 00 et — 80 ; à celte 
dernière température des cristaux de sel commencent à se former dans la 
solution ; après l'avoir réchauffée, j'ai constaté que l'animal était mort. 


Expérience No 48 (9 Janvier 1909). 
Heures. Températures. OBSERVATIONS 
3n30° + 200. 
3h40 + 60,5. 


3050"  — 00,8. L'animal nage beancoup plus lentement qu'au commente 
ment de lexpérience. 

3k57  — 30,1. L'animal est arrèté sous la surface de l’eau et ne remue que 
ses branchies. 

4h00 — 30,5. 

405". — 40,5. 

4h15 — 50 

4h20" — 40,5. ; ; Re 

Lno6 - = Bo 1; Les mouvements des branchies continuent, tout en dimi- 

433 — Bo 3. nuant graduellement d'intensité. 

4h40"  — 40,3. 

4h43" — 50. 

DHBG En = 40. | 

5100  — 40, Dis ce moment l'animal ne remue plus ses branchies conti- 
nuellement, mais seulement de (emps en temps. 

5h10" — 40,5, Comme précédemment. 

55 — /o7, À ce moment, des cristaux aciculaires, très longs, se forment 


dans la solution ; la cristallisation commence au fond de 
l'éprouvette, se propage assez rapidement vers la surface 
et envahit toute la solution; en réchauffant lPéprouvette, 
je constate que l'animal est mort. 


LS) 
- 1 
1© 


EM. C. TEODORESCO 


Expérience No 49. 


Dans cette expérience les mouvements ont continué pendant deux jours el 
demi à la température de 00; l’éprouvette contenant l'animal était introduite 
dans la neige qui fondait très lentement. 


Résumé. —— Les mouvements de l'Artemia salina ont donc 
continué pendant 10 minutes entre 0° et — 8°; pendant 14 
minutes entre — 2° et — 6°,2; pendant 1 heure 20 minutes 
entre — 0°,8 et — %°,5, et enfin pendant deux jours et 
demi à 0°. 


CONSIDÉRATIONS FINALES 


Relativement à la limite inférieure de température, compatible 
avec les mouvements du protoplasma, on admettait Jusqu'à 
présent la règle générale suivante. Ces mouvements, tout comme 
les autres manifestations physiques de la vie cellulaire, s’arrè- 
tent généralement aux environs de zéro ; à cette température, le 
protoplasma passe à l’état de rigidité frigorifique et s’immobilise. 
Dans deux ou trois cas seulement, on avait constaté que les 
mouvements continuent jusqu'à deux degrés sous zéro. 

Cette conclusion nous semble tout d’abord assez naturelle. En 
effet, puisque toute réaction chimique réclame, pours’accomplir, 
une certaine quantité de chaleur et comme les manifestations 
de la vie se rattachent toujours à des réactions chimiques, ilest 
évident que l'intensité de lirritabilité générale doit diminuer 
avec l’abaissement de la température; à zéro, les réactions chi- 
miques dans la cellule sont tellement ralenties, que les mouve- 
ments protoplasmiques deviennent généralement inappré- 
ciables à notre œil. 

Dans les recherches qui précèdent, en essayant de préciser les 
limites inférieures de température compatibles avec les mou- 
vements de locomotion de certains organismes unicellulaires, 
j'ai trouvé que ces limites sont beaucoup plus inférieures qu'on 
ne les croyait jusqu'à présent. Elles sont tout d'abord variables 
avec l'espèce considérée ; ce sont Les zoospores du Dunaliella 
qui sont les plus résistantes, puisque leurs mouvements ne 
cessent totalement qu'entre — 17° et — 22°,5. Chez les autres 
organismes étudiés, la limite inférieure varie entre — 5° et 


DES ORGANISMES INFÉRIEURS AUX BASSES TEMPÉRATURES 273 


— 12°7. Mais la limite inférieure de température compatible 
avec les mouvements de locomotion varie également chez les 
individus d’une même espèce. Le plus souvent ce n’est qu'un 
nombre restreint d'individus, qui continuent leurs mouvements 
jusqu'à une certaine température minime au-dessous de zéro ; 
beaucoup passent à l'état de rigidité, avant que la température 
ait atteint cette limite, non sans récupérer leurs mouvements, 
lorsque la Lempérature s'élève de nouveau ; enfin un certain 
nombre d'individus sont lués. 

En ce qui concerne la durée des mouvements, elle est sousla 
dépendance du degré de température ; plus celle-ci est basse, 
moins la durée est longue. 

Excépté les zoospores du Dunaliella et peut-être quelques 
autres organismes d’eau salée, la plupart des cellules mobiles 
cessent leur mouvements, au bout d’un certain temps, lorsque 
la température descend à zéro ou un peu au-dessous de zéro. 
Cependant il existe, à ce qu'il paraît, des organismes unicellu- 
laires d’eau douce, qui peuvent continuer normalement leurs 
mouvements pendant très longtemps, lorsque la température 
descend à près de zéro. Les meilleurs sujets d'étude, à ce point 
de vue, sont certains Flagellés et Infusoires, qui se développent 
normalement, pendant l'hiver, dans l’eau des mares, des lacs 
et des rivières, sous la glace. Voici le résultat d’une expérience 
que j'ai faite à ce propos. 

En cassant la glace du petit lac qui se trouve au Jardin 
botanique de Bucarest, j'ai pris l'eau et différentes plantes 
aquatiques ; la température de l’eau, sous la glace, était à peu 
près 4° ; examinée immédiatement, cette eau contenait beaucoup 
de Cryptomonas erosa, des Peridinuun  tabulatum, divers 
Infusoires, des Rotifères, quelques petites Anguillules, quelques 
Astasia distorta et beaucoup de Diatomées ; tous ces organismes 
étaient mobiles; j'introduisis le bocal, qui les contenait, dans 
un vase rempli de neige et je plaçai le tout dans le couloir du 
laboratoire où la température se maintenait à peu près entre 
+ 1°et — 1°; le thermomètre placé dans l’eau du bocal à 
indiqué pendant toute la durée de l'expérience à peu près 0°; 
un microscope, refroidi sous zéro, sert à l'observation des mou- 
vements des cellules. Pendant deux semaines, tant qu'a duré 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IN LS 


274 EM. C. TEODORESCO 


l'expérience, j'ai pu constater des mouvements assez rapides, 
presque normaux, chez tous les organismes mentionnés, sauf 
les Rotifères et les Diatomées. 
Mes expériences démontrent encore, qu'en ce qui concerne 
les mouvements, le protoplasma des cellules mobiles est beau- 
coup plus résistant aux basses températures que le protoplasma 
des plantes supérieures, qui est enfermé dans une membrane 
plus ou moins rigide. En effet, en répétant quelques-unes 
des expériences effectuées par différents observateurs sur les 
mouvements internes du protoplasma (circulation et rotation), 
Je suis arrivé à peu près aux mêmes résultats. C’est ainsi que 
dans les cellules des feuilles de l'£/odea, dansles poils staminaux 
du Tradescentiu et dans les jeunes feuilies du T'o/ypellopsis, les 
mouvements cessent vers 0° ou un peu au-dessous de zéro. 


(Laboratoire de Physiologie végétale de l'Université de Bucarest.) 


RAPPORTS ENTRE LES 


COMPOSÉS HYDROCARBONÉS 


ET LA 


FORMATION DE L’'ANTHOCYANE 


Par Raoul COMBES 


I — HISTORIQUE. 


Depuis les premières observations, faites par Senebier (1) 
en 1791, sur l'existence d’une matière colorante rouge dans 
l'épiderme des feuilles de C'yclamen, des recherches nombreuses 
ont été entreprises en vue de déterminer la nature chimique de 
cette substance, d'étudier le mécanisme de sa formation ou 
encore de définir les modifications provoquées par son appa- 
rition dans la physiologie des végétaux. Les études sur Ja consti- 
tution chimique du pigment rouge ainsi que celles relatives au 
rôle joué par cette substance dans l'organisme végétal ne se 
rattachant qu'indirectement au sujet qui nous occupe, nous ne 
rappellerons pas les travaux qu’elles ont suscités et nous nous 
arrêterons seulement à ceux qui ont été poursuivis dans le but 
de déterminer le mécanisme de la formation du pigment. Cette 
matière colorante rouge reçut de Berzélius (2) le nom d’érythro- 
phylle ; on la désigne plus communément aujourd'hui sous celui 
d'anthocyanine qui lui fut attribué par Marquart (3) en 1835, 
ou encore sous le nom d'anthocyane. 

Les premières recherches entreprises sur le rougissement 

(1) Senebier, Article : Couleur des plantes. Physiologie végétale (Encyclopédie 
méthodique, Paris, 1791). 

(2) Berzélius, Ueber den rothem Farbstoff des Beeren und Blätter im Herbste 


(Annalen der Pharmacie, Bd XXI, 1837). 
(3) Marquart, Ueber die Farben der Blüthen. Bonn, 1835. 


276 R. COMBES 


conduisirent les auteurs à établir la théorie dite de la Chromule, 
d'après laquelle le pigment rouge des plantes dériverait de la 
chlorophylle par oxydation; cette notion fut soutenue par 
Guibourt (1), Macaire Princeps (2), Schübler et Funck (3) et 
fut acceptée par la plupart des botanistes contemporains de ces 
auteurs. Elle fut combattue plus tard par Marquart (4), puis par 
Hope (5) qui accordaient à l'anthocyane un mode de formation 
différent, mais continuaient cependant à considérer cette subs- 
Lance comme présentant d'intimes affinités chimiques avec la 
chlorophylle et les autres pigments végétaux auxquels, d'après 
ces auteurs, elle était susceptible de donner naissance sous cer- 
laines influences. 

La question du rougissement des plantes entra dans une 
phase nouvelle quand Mohl (6) montra que l’anthocyane et la 
chlorophylle sont des pigments totalement différents quant à 
leur origine chimique et à leur localisation dans la cellule 
végétale. Les observations de Kützing (7), de Chevreul (8), et de 
Morren (9) confirmèrent ces assertions et firent abandonner 
définitivement la théorie de la Chromule qui avait été acceptée 
Jusqu'à cette époque. 

On ne possédait alors que de très vagues notions sur les con- 
ditions de formation de la substance rouge; aussi, dès que 
l'inexactitude de la théorie de la Chromule fut démontrée, les 
auteurs qui s’occupèrent du développement de l’anthocyane 
envisagèrent-ils surtout la question au point de vue de lin- 
fluence des agents extérieurs sur le phénomène du rougissement. 
La recherche des processus intimes de la formation du pigment 
rouge n'avant conduit qu'à des résultats inexacts, il paraissait 


(4) Guibourt, Journ. de Pharmacie, 1827, p. 27. 

(2) Macaire Princeps, Sur la coloration automnale (Soc. de phys. de Genève, 
vol. IV, p. 50). 

(3) Schübler et Funck, Untersuch. über die Farben der Blüthen. In-8, Tubingen, 
1825, p. 32. 
(4) Marquart, Loc. cit. 
(5) Hope, C2R:"A. Sp. 59/1837: 
(6) Mohl, Recherches sur la coloration hibernale des feuilles (Ann. Se. nat., 


(7) Kützing, Anat. und Phys. d. Pflanzen, 1855, p. 109. 

(8) Chevreul, Explication de la zone brune des feuilles du Geranium zonale 
(CARSANS  EXEVEID AS 0) 

(9) Morin, Dissert. inaug. sur les feuilles vertes et colorées. Gand, 1858. 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 277 


logique d'étudier d'abord les conditions extérieures qui déter- 
minent la formation de l’anthocyane avant d'essayer à nouveau 
de définir les modifications chimiques qui surviennent dans la 
cellule végétale pour aboutir à la constitution du pigment rouge. 

Mol (1) et Haberlandt (2) attribuèrent à l'alternance des 
basses températures nocturnes et de la vive lumière diurne, 
un rôle prépondérant dans le phénomène du rougissement. 
: Askenasy considérait que, seule, la lumière devait agir; Kraus (3) 
et Mer (4), au contraire, pensaient que le rôle le plus important 
devait être Joué par le froid. En 1887, L. Dufour (5) montra 
que la lumière directe favorise la production de matière colo- 
ronte rouge dans les organes les plus divers. L'action de lalter 
nance de hassés lempératures pendant la nuit et de températures 
élevées accompagnées d’un éclairement intense pendant le 
jour, fut définitivement précisée par Gaston Bonnier (6) qui 
produisit expérimentalement le rougissement chez différentes 
espèces végétales en exposant ces dernières, pendant le jour 
à une vive lumière et pendant la nuit aux basses températures 
d’une étuve à glace. 

Vers la même époque, Overton (7) chercha à déterminer 
expérimentalement le rôle joué par chacun des deux agents, 
température et lumière, dans la formation de lanthoeyane. En 
cultivant l'Hydrocharis Morsus-ranw dans des liquides de com- 
position constante et en exposant certaines des cultures à la 
lumière tandis que d’autres étaient conservées à l'obscurité, 1l 
put observer que les plantes du premier lot développaient de 
l’'anthocyane dans leurs tissus, tandis que celles du second con- 
servaient leur couleur verte initiale sans aucune trace de pig- 
ment rouge. Les deux lots d’'Æydrocharis ayant été exposés aux 


(4) Mohl, Loc. cit. et Vermischte Se vis Tubingen, 1845, p. 375. 

(2) Haberlandt, Sitzung. d. Akad. d. Wiss. z. Wien., vol. LXXII, Abtheil. £. 
(3) Kraus, Einige Beobachtungen re die winterliche Färbung immergrüner 
Gewächse (Sitzung d. phys. med. Soc. z. Erlangen, 19 déc. 1871 el 11 mars 1872). 
(4j Mer, Bulletin Soc. bot. de France (t. XXII, p. 231, et €. XXIV, p. 105). 

) L. Dufour, Influence de La lumière sur la forme et la structure un les 

(6) G. Bonnier (Ann. des sciences nat., 1887), Caractères analomiques et phy- 
siologiques des plantes rendues artificiellement alpines par l'alternance des tempé- 
ratures extrêmes (C. R. Ac. Sc., t. CXXVII, 1899, p. 1143). 

(7) Overton, Beobacht. und Vers. über das Auftreten von rothem Zellsaft bei PJt. 
(Jahr. f. wiss. Bot., t. XXXIIL, 1899, p. 171). 


278 R. COMBES 


mêmes températures pendant toute la durée des expériences, 
il était permis de conclure que la lumière pouvait déterminer 
le rougissement, la tempéralure restant constante. Dans une 
autre série d'expériences, la température fut seule modifiée, 
Loutes les autres conditions de développement étant maintenues 
uniformes; il fut alors observé que les plantes rougissaient à 
basse température et perdaient la totalité de leur pigment rouge 
quand on élevait celle dernière. Par cette seconde série d’expé- 
riences, Overton démontrait donc que les basses températures 
favorisent le rougissement. 

ën dehors de la lumière ef de la température, l’état hygro- 
métrique de Fair semble également avoir une action sur 
le développement de lanthocyane. Les recherches d'Eber- 
hardt (1) ontmontré que chez le Coleus Blumei et chez P'Achy- 
ranthesanqushifolia,Vairsecdétermineune production de pigment 
rouge plus considérable que celle qui a lieu en présence de Pair 
normal ou de Pair humide ; l'augmentation de coloration 
intéresse d’ailleurs également tous les pigments contenus dans 
ces végélaux. 

L'addition de différents composés hydrocarbonés aux milieux 
de culture dans lesquels se développaient des plantes supé- 
rieures d'espèces diverses permit à Overton de déterminer 
le rôle important joué par ces substances dans le phénomène 
de rougissement. En cultivant certaines plantes aquatiques, 
Trapa nalans, Hydrocharis Morsus-ranæ, Elodea canadensis, 
divers Myriophyllum, dans des solutions contenant des sucres 
en proportion suffisante, auteur put déterminer la production 
d’anthocyane dans les organes de ces végélaux, tandis que des 
témoins, placés dans les mêmes conditions de développement, 
mais cullivés en solutions non sucrées, conservaient leur teinte 
verte initiale. Les sucres utilisés intervenaient par leur nature 
chimique propre el non par leur pouvoir osmotique ; le pigment 
rouge, en effet, ne se développait pas chez les plantes cultivées 
dans des liqueurs salines de concentration osmotique identique 
à celle des solutions sucrées utilisées ; c’est ainsi qu'à concen- 

(1) Eberhardt, Influence de l'air sec et de l'air humide sur la forme et sur la 


structure des végétaux (Ann. des Sc. nat., 8° série, Botanique, t. XVIII, 1903, 
p. 114 et 135). 


HYDROCGARBONES ET ANTHOCYANE 279 


tration osmotique égale, le glucose, le saccharose et le lévulose 
provoquaient le rougissement tandis que lazotate de potasse, 
le chlorure de sodium, le sulfate de soude, la glycérine et même 
le galactose restaient inactifs. Des résultats analogues furent 
oblenus sur des plantes terrestres; des rameaux d'//er Aquifo- 
lium,d'Hedera Helir,de Sarifragacrassifolin, détachés el placés 
dans des liqueurs sucrées, développaient de l’anthocyane à partir 
d’un certain degré de concentration des solutions. Il est cepen- 
dant nécessaire de faire remarquer que, dans les expériences 
d'Overton, la culture en milieu sucré ne délermina pas dans 
tous les cas la formation de l'anthocyane; c’est ainsi que, parmi 
les végétaux aquatiques : Polamogelon per foliatus, P. peclinatus, 
Lemna minor, Lemna trisulca, Pistia Stratiotes, ne se colorèrent 
jamais en rouge; de même, parmi les plantes terrestres, Fri- 
lillaria imperialis, Mahonia Aquifolium conservèrent leurs 
feuilles vertes dans les solutions sucrées. Overton observa, à 
ce sujet, qu'à Pexceplion des plantes aquatiques submergées, 
les expériences restaient négalives pour les végétaux dont la 
coloration rouge, dans la nature, est due à la présence d’antho- 
cyane dans les cellules épidermiques; au contraire, pour les 
plantes chez lesquelles le pigment rouge est localisé dans les 
cellules du mésophylle, la cullure en liqueurs sucrées provoquait 
toujours le rougissement. 

£n étudiant l’action morphogénique de certaines substances 
organiques sur les végétaux. Molliard (1) constata comme 
Overton, la présence de l'anthocyane chez les plantes cultivées 
en milieux sucrés. Dans ces expériences, les graines étaient 
stérilisées à l'aide d’une solution de sublimé, el semées sur des 
milieux solides ou liquides préalablement rendus stériles; les 
plantes pouvaient ainsi se développer en présence du sucre el 
à l’abri des microorganismes. 

Au cours de recherches entreprises sur les substances 
qu'il appelle cromogènes respiratoires (Almungschromogene), 
W. Palladine (2) oblint des résultats que lon peut rapprocher 


(1) M. Molliard, Action morphogénique de quelques substances organiques sur 
les végétaux supérieurs (Rev. gén. de Bot., &. XIX, 1907). 

(2) W. Palladin, Ueber die Bildung der Atmungschromogene in den Pflanzen 
(Berichte der deutschen botanischen Gesellschaft, FH. 6, 4908, p. 389). 


280 R. COMBES 


de ceux d’Overton et de Molliard. L'auteur opérait sur des 
fragments de feuilles de Æumer Palientia dont certains 
étaient placés dans une solution de saccharose à 20 p. 100 
et restaient exposés à la lumière, tandis que d’autres, maintenus 
dans la même solution, étaient placés à l'obscurité; enfin quel- 
ques fragments, servant de témoins, étaient immergés dans 
l'eau. L'auteur observa qu'après quelques jours de contact, les 
fragments de feuilles du premier lot étaient fortement colorés 
en rouge et renfermaient de grandes quantités de chromogènes, 
décelables au moyen de la peroxydase de raifort en présence 
d’eau oxygénée ; ceux du second lot avaient rougi d'une manière 
moins intense et renfermaient moins de chromogènes, enfin les 
fragments servant de témoins ne présentaient aucune trace de 
pigment rouge et contenaient très peu de chromogènes. II 
résultait de ces expériences que la formation de l’anthocyane 
était favorisée par la lumière et par le contact avec des solu- 
lions de saccharose. 

J'ai montré (1) que l’anthocyane peut également se déve- 
lopper quand des composés hydrocarbonés s'accumulent dansles 
feuilles à la suite de décortications annulaires pratiquées sur 
les tiges. L'apparition du pigment rouge paraît, encore 1e1, être 
en relation avec l'augmentation de la quantité d'hydrates de car- 
bone contenus dans le suc cellulaire ; mais tandis que dans les 
plantes cultivées par Overton et par Molliard ces composés pro- 
venaient du mieu nutritif, dans les feuilles des rameaux décor- 
liqués ils doivent leur origine à la synthèse chlorophyllienne. 

Les récentes recherches de Molliard (2) ont mis en lumière 
l'influence de l'oxygène sur le développement de l’anthocyane. 
Les expériences ont porté sur des Radis développés en liqueurs 
sucrées ; les plantes étaient complètement immergées dans le 
milieu nutriif pendant toute la durée de leur développement ; 
dans ces conditions, les organes qui se trouvent à peu de distance 
de la surface du liquide développent de Panthocyane tandis 
que les racines qui sont enfoncées plus avant dans le milieu 


(1) R. Combes, Production d'anthocyane sous l'influence de décortications annu- 
laires (Bull. de la Soc. Bot. de France, 1909). 

(2) M. Molliard, Production expérimentale de tubercules blanes et de tubercules 
noirs à partir de graines de Radis rose (C. R. A. S., 1909, p. 573). 


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Ligier 4 5) Lab en: éd 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 281 


ne présentent aucune trace de pigment rouge : les condi- 
üons d’éclairement, de température, d'état hygrométrique étant 
les mêmes en tous les points du milieu nutritif, l'auteur 
rapporta l'absence d'anthocyane, chez les organes situés dans 
les parties profondes, à la trop faible quantité d'oxygène exis- 
tant à ces niveaux. 

La présence de composés tannoïdiques dans les plantes 
susceptibles de développer de l’anthocyane, et les analogies 
existant entre certaines réactions des tannins et celles qu'il obtint 
à l’aide du pigment rouge, permirent à Overton de considérer 
l'anthocyane comme une combinaison glucosidique dont le 
radical principal devait être voisin d'un acide tannique quel- 
conque. Cette manière de voir concordait d’ailleurs avec Fhy- 
pothèse de Pick (1) qui, en 1883, admettait que le pigment 
rouge des végétaux dérivait d'un chromogène du groupe des 
tannins. 

Les observations de Mirande (2) aboutirent à des conclu- 
sions semblables ; en étudiant des feuilles chez lesquelles Fan- 
thocyane s'était développée à la suite de lésions effectuées par 
des Insectes, l’auteur montra que les conditions nécessaires 
au rougissement étaient l'accumulation de tannins et de glucose 
ainsi que la présence d'oxydases. 

Les recherches chimiques de J. Laborde (3) conclurent égale- 
ment à l'existence de relations entre les tannins et le dévelop- 
pement des pigments rouges; l’auteur assimile le phénomène 
du rougissement àune action diastasique qui donnerait naissance 
à une matière colorante rouge aux dépens d'un noyau chromo- 
gène de nature phénolique que posséderaient tous les tannins. 
Laborde à pu opérer le rougissement de certains composés 
tanniques en soumettant ces corps à des actions diverses, telles 
que l’action de la lumière solaire en présence d'acide chlorhy - 
drique et de formol. 


(4) Pick, Ueber die Bedeutung des rothem Furbstoffes bei den Phanerogamen 
und die Beziehungen desselben zur Stärkewanderung (Bot. Central., t. XVI, 1883, 
p- 281, 314, 343, 375). 

(2) M. Mirande, Sur l'origine de l'anthocyanine déduite de l'observation de 
quelques Insectes parasites des feuilles (C. R. A. S., t. CXLV, 1907, p. 1300). 

(3) J. Laborde, Sur le mécanisme physiologique de la coloration des raisins rouges 
el de la coloration automnale des feuilles (C. R. A.S., juin et novembre 1908). 


282 R. COMBES 


Je me suis borné jusqu'ici à exposer les principaux résultats 
obtenus par les différents auteurs qui se sont occupés de la 
question de l’anthocyane ; je dois également dire un mot des 
hypothèses qui ont été formulées dans le but d'expliquer le 
mécanisme de la formation du pigment rouge et [a nature des 
processus chimiques qui lui donnent naissance dans la cellule 
végétale. 

Nous ne reviendrons pas sur la théorie de la Chromule, 
abandonnée depuis longtemps, et nous nous arrêterons tout 
d'abord aux hypothèses formulées par Overton à la suite de ses 
recherches. 

La production d’anthocyane sous l'influence de la culture 
en milieux sucrés permit à l’auteur de supposer que l’élabora- 
tion du pigment rouge était en relation étroite avec la teneur 
en sucre du suc cellulaire. Cette opinion, qui était hypothé- 
lique à l’époque où Overton publia son Mémoire, devint 
très vraisemblable à la suite des travaux de J. Laurent (1), 
Mazé et Perrier (2) et Molhard (3) qui montrèrent que les 
plantes supérieures sont capables d’absorber et d'utiliser les 
sucres qui leur sont fournis artiliciellement. Chez les végétaux 
cultivés en milieux sucrés, les hydrates de carbone employés 
peuvent s’accumuler dans le suc cellulaire, et lapparition 
d'anthocyane qui se produit consécutivement, semble done 
bien être en relation avec cette accumulation. 

En se basant sur ses résultats expérimentaux, Overton 
essaya d'expliquer le rougissement des plantes qui se produit 
dans la nature sous l’influence de causes diverses. L’augmen- 
lation de l'intensité lumineuse provoquant l'apparition de l’an- 
thocyane, 1l était possible d'attribuer ce phénomène à l'accu- 
mulation de quantités importantes d'hydrates de carbone solu- 
bles dus à l’activité chlorophyllienne. 

L'abaissement de tempéralure qui détermine également la 
formation du pigment rouge et joue un rôle important dans le 
rougissement automnal, semble agir aussi en provoquant une 

(1) J. Laurent, Recherches sur la nutrition carbonce des plantes vertes à l'aide 
de matières organiques (Rev. gén. de Bot., t. XVI, 1904). 

(2) Mazé et Perrier, Recherches sur l’utilisation de quelques substances ternaires 


par les végétaux à chlorophylle (Ann. Inst. Pasteur, €. VII, 1904). 
(3) Molliard, Loc. cit. 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 283 


accumulation de sucres dans les tissus pigmentés. À l'appui 
de cette seconde hypothèse, Overton rappela les faits mis en 
lumière par Müller-Thurgau (1), À. Fischer (2), et Lidforss (3) ; 
ces faits démontrent qu'un abaissement de température pro- 
duit la transformation de l’amidon en sucre dans les tissus 
végétaux, tandis que la modification inverse a lieu quand la tem- 
pérature s'élève. En outre, le froid entravant la migration des 
hydrates de carbone élaborés dans les feuilles, il semblait à 
Overton qu'une accumulalion de composés sucrés devait se 
produire dans ces organes et que l'apparition de l’anthocyane 
pouvait être encore attribuée 1e1 à l'augmentation de la teneur 
en sucre du sue cellulaire. 

Enfin, à la suite de ses recherches sur les réactions du pig- 
ment rouge, Overton fut conduit à penser que lanthocyane 
devait résulter de la combinaison des tannins contenus dans les 
cellules avec les sucres qui venaient S'y accumuler. 

À côté des hypothèses formulées par Overton, il faut éga- 
lement signaler celles qui ont été récemment émises par 
Palladine (4). Pour cet auteur toutes les plantes renferment 
des oxydases et des chromogènes, ces derniers étant des com- 
posés aromatiques susceptibles de se colorer par oxydation. Le 
plus souvent, l'oxygènefixé par les oxydases sur les chromogènes 
est immédiatement repris grâce à la présence de réductases 
dans les cellules et les chromogènes restent incolores. Dans 
certains cas cependant, les phénomènes de réduction se pro- 
duisent d'une manière moins intense que les processus d'oxv- 
dation ; il en résulte une fixation d'oxygène sur les chromogènes 
et la coloration de ces derniers ; la production de pigments 
rouges serait pour Palladine le résultat de ces modifications; 
elle correspondrait toujours à une accélération des processus 
d'oxydation et à un ralentissement dans les réactions réduc- 
lrices. 

Buscalionti et Polacei, Mirande et Laborde, admettent égale- 


(4) Müller-Thurgau, Ueber Zuckeranhäufung in Pflanzentheilen in Foloc niederer 
Temperatur (Landw. Jahrb., XI, 1882). 

(2) A. Fischer, Jahrb. f. wiss. Bot., Bd XXIF, p. 73-160, 1891. 

(3) Lidforss, Zur Physiologie und Biologie des wintergrünnen Flora (Bot. Cen- 
tralbl., Bd LXVIIL, p. 33-44, 1896). 

(4) W. Palladine, Loc. cit. 


284 R. COMBES 


ment le rôle important joué par les oxydases dans la forma- 
ion de l'anthocyane. 

Les travaux de Molliard, qui mettent en évidence le rèle 
Joué par l'oxygène dans le développement de lanthocyane, 
semblent apporter un premier appui aux idées de Palladine. 

L'étude des variations subies par les échanges respiratoires 
au cours du rougissement dù à des causes diverses, fourni- 
rait d'utiles indications sur cette théorie. 


Nous venons de voir que les recherches d’Overton, de Mol- 
hard et de Palladine ont mis en évidence l'existence de rela- 
lions étroites entre la production d’anthocyane chez certains 
végétaux et l'accumulation, dans les tissus de ces dermiers, 
de sucres provenant des milieux de culture artificiels. En 
utilisant des séries de solutions sucrées de concentrations 
croissantes, ces auteurs déterminaient dans le suc cellulaire des 
plantes en expérience, une accumulation de composés sucrés 
d'autant plus importante que la richesse en sucre du milieu de 
culture correspondant était plus considérable. L’anthocyane 
n'apparaissant qu'à partir d’une concentration déterminée du 
milieu, on pouvait conclure, dans ces expériences, à une relation 
entre le rougissement des divers organes et la présence dans 
leur suc cellulaire de quantités relativement considérables de 
composés sucrés. 

Overton a précisément supposé que dans les conditions 
variées du rougissement naturel, il se produit également une 
accumulation d'hydrates de carbone; mais la vérification expé- 
rimentale reste à faire. 

J'ai pensé que la méthode des analyses chimiques, en nous 
renseignant sur les variations qualitatives et quantitatives qui 
surviennent dans l’ensemble des hydrates de carbone contenus 
dans les tissus végétaux, pourrait apporter une utile contribution 
à la question de la formation de l’anthocyane sous des Imfluences 
naturelles. Le présent Mémoire expose les résultats obtenus dans 
cet ordre de recherches. 

Je dois dire immédiatement, pour ne plus avoir besoin d'y 
revenir, que par le terme anthocyane, je désigne, non pas un 
corps déterminé, mais un groupe de pigments pouvant avoir 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 289 


des compositions très différentes et caractérisés par leur 
coloration rouge en milieu acide et bleue ou violette en milieu 
alcalin. 


El. — TECHNIQUE. 


Les matériaux d'étude sur lesquels ont porté les recherches 
ont été les suivants : 

1° Des feuilles d'Arrpelopsis hederaceu chez lesquelles Le pig- 
ment rouge s'était développé grâce à un éclairement intense ; 

2° Des feuilles de ARosa canina, de Mahonia Aquifolium et de 
Sorbus latifolia qui s'étaient colorées en rouge sous l'influence 
des premières gelées d'automne; 

3° Des feuilles de Spiræa pamculata chezlesquelles Fanthocyane 
était apparue à la suite de décorticalions annulaires pratiquées 
sur les tiges. 

Les groupes de corps qui ont été dosés comparativement dans 
les feuilles rouges et dans les feuilles vertes sont les suivants : 

1° Sucres réducteurs et non réducteurs. 

2° Glucosides. 

3° Dextrines. 

4° Amidon et celluloses facilement saccharifiables. 


À. — RÉCOLTE DES FEUILLES ET TRAITEMENT PRÉLIMINAIRE. 


Les conditions dans lesquelles ont été faites les récoltes seront 
indiquées pour chaque cas en particulier; elles ont dû varier, en 
effet, suivant les causes qui déterminaient le rougissement. 
Disons cependant que les feuilles rouges etles feuilles vertes ont 
toujours été recueillies sur les mêmes individus et que chacun 
des lots sur lesquels ont porté les analyses comprenait exacte- 
ment 100 grammes d'organes frais. 

Aussitôt après leur récolte, les feuilles sont divisées en menus 
fragments el soumises à l’action de Falcool bouillant. Cette 
première opération est indispensable pour éviter que des moditi- 
cations chimiques ne se produisent dans les organes récoltés : elle 
doit avoir lieu immédiatement après que ces derniers ont été 
recueillis; les recherches de Müller-Thurgau, de Fischer, de 


286 R. COMBES 


Lidforss, ete., ont, en effet, montré que les plantes renfermant 
de l’amidon, transforment ce dernier en sucres lorsqu'elles sont 
soumises à des basses températures, la modification contraire 
s'accomplissant lorsque les plantes où parties de plantes sont 
transportées d’un lieu froid vers un endroit plus chaud. Des 
transformations analogues, dues à l’activité des diastases, sont 
également subies par d’autres composés hydrocarbonés, les 
elucosides, par exemple. Les corps qui m'ont occupé exclusi- 
vement dans ces recherches étant précisément les hydrates de 
carbone, 1l était nécessaire de se mettre à l'abri de ces causes 
d'erreur et d'éviter toute transformation pouvant survenir dans 
la nature des composés hydrocarbonés après la récolte des 
matériaux d'étude. 

Pour les mêmes raisons, et aussi pour se soustraire aux causes 
d'erreur qui peuvent résulter de la localisation et de l’état diffé- 
rent des hydrates de carbone aux diverses heures de la Journée, 
les feuilles rouges et vertes qui devaient être comparées étaient. 
récoitées, soit le même jour et à la même heure, soit à quelques 
Jours d'intervalle mais toujours à la même heure; le moment de 
la récolte à été fixé d’une manière uniforme à cinq heures du soir. 

Immédiatement après leur récolte, les feuilles divisées en 
fragments sont donc reçues dans un ballon renfermant 500 centi- 
mètres cubes d'alcool à 95° bouillant, additionné de 1 gramme 
de carbonate de chaux. Cette substance est ajoutée dans le but 
de saturer les acides contenus dans les feuilles et d'empêcher 
la décomposition de certains composés hydrocarbonés dont 
l'hydrolyse est possible en présence de composés acides et à la 
température de l’ébullitton de Palcool. 

Après ce traitement, les fragments de feuilles sont séparés du 
liquide alcoolique; ce dernier est distillé dans le vide, à basse 
température, et le résidu obtenu, réuni aux feuilles dont il pro- 
vient, est placé dans un flacon à tare. 


B. — DESSICCATION DES FEUILLES. 


La dessiccation estcommencée dansle vide, en présence d’acide 
sulfurique anhydre ; les flacons à tare sont placés dans un dessic- 
cateur dans lequel on fait le vide; on les y maintient pendant 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 287 


deux Jours. On porte ensuite la température à 40° et on continue 
la dessiccation dans ces nouvelles conditions pendant deux jours 
encore. Enfin l'opération est terminée à l'air libre; les flacons 
à tare sont retirés du dessiccateur et placés dans une étuv e dont 
la température est portée progressivement jusqu’à 110°. 

Les hautes températures sont surtout nuisibles au début de la 
dessiccation, lorsque les organes sont gorgés d'eau ; aussi l'em- 
ploi du vide sulfurique à la température ordinaire est-ilnécessaire 
dans cette partie de l'opération; lorsque la presque totalité de 
l'eau à été ensuite enlevée par le vide sulfurique à 40°, l'emploi 
des hautes températures ne peut apporter que de faibles modifi- 
cations dans la composition chimique des plantes ; on peut donc 
terminer la dessiccation à 110° jusqu'à obtention d’un poids 
constant. Après avoir déduit du poids de la substance sèche 
contenue dans chaque flacon, le poids du carbonate de chaux 
qui lui à été ajouté, c’est-à-dire 1 gramme, on obtient la teneur 
en poids sec de 100 grammes de feuilles fraiches. 


C. — ÉPUISEMENT DES ORGANES. 


La substance sèche est ensuite réduite en poudre très fine et 
traitée par l’éther anhydre dans le but d'éliminer les corps 
gras qui gêneraient les épuisements ultérieurs. Le liquide 
éthéré est distillé dans le vide et le résidu, pouvant contenir 
certains glucosides solubles dans l’éther, est conservé pour être 
ajouté au liquide alcoolique obtenu dans la suite et renfermant 
les composés glucosidiques. 

La poudre est alors prête pour l'extraction des diverses 
substances sur lesquelles doivent porter les dosages : la marche 
suivie pour la séparation des différents composés hydrocar- 
bonés est la suivante : 

1° L’épuisement à l’aide de l'alcool à 95° à froid, permet 
d'isoler la totalité des sucres; en même temps la plus grande 
partie des composés glucosidiques est également entrainée (1). 

(1) I est nécessaire de préciser la signification du terme glucoside auquel on 


a souvent attribué des sens différents; nous l’employons ici pour désigner les 
principes immédiats qui, par dédoublement sous l'action d'un acide, de l'eau 


x 


à 200°, ou encore d’une diastase spéciale, fournissent une matière sucrée à 
côté d’autres substances appartenant le plus souvent à la série aromatique. 


288 R. COMBES 


r 


Dans le liquide, le dosage des sucres totaux est opéré après 
hydrolyse des sucres non réducteurs au moyen de l'invertine, et 
celui des glucosides, après hydrolyse en présence d’un acide. 

2° Le résidu du traitement par l'alcool est ensuite épuisé à 
l'aide de l’eau distillée froide, ce qui permet d'isoler les 
dextrines et les glucosides solubles dans l’eau. Dans le liquide 
obtenu, ces derniers sont éliminés à l’aide de l'acétate de plomb 
et les dextrines sont dosées à l’état de sucres réducteurs après 
hydrolyse au moyen d’un acide. 

3° Le nouveau résidu est épuisé à lPautoclave à 115° par 
l'acide chlorhydrique à 10 p. 100, qui transforme en sucres 
réducteurs les composés hydrocarbonés insolubles tels que 
l'amidon et les celluloses facilement hydrolysables. Ces deux 
groupes de corps sont dosés en bloc; on sait que les celluloses 
de pelite molécule se comportent comme des substances de 
réserve et prennent part, comme l’amidon, à la nutrition des 
plantes ; d'autre part, elles ne jouent, comme ce dernier, aucun 
rôle direct dans la pression osmotique du suc cellulaire ; on peut 
donc se contenter de les doser avec l'amidon, la détermination 
de la proportion respective de chacune des deux séries de subs- 
lances n'ayant aucun intérêt pour le sujet qui nous occupe. 


Les différentes phases de cette méthode d'analyse exigent 
quelques explications détaillées. Les divisions que l’on a l'ha- 
bitude d'admettre dans le groupe des substances hydrocarbonées 
el surtout dans celui des hydrocarbones facilement sacchari- 
fiables sont très conventionnelles et ne reposent que bien rare- 
ment sur des distinctions d'ordre chimique ; de même, la nature 
des sucres mis en liberté dans l'hydrolyse de chacun de ces 
corps : glucosides, gommes, mucilages, amidons, celluloses 
facilement saccharifiables, etc., ne permet pas de les classer; 
l'exposé détaillé des méthodes employées pour dédoubler ces‘ 
complexes organiques el pour doser les sucres réducteurs 
auxquels ils donnent naissance est done d’une grande impor- 
tance, les noms que l’on peut donner aux différents mélanges 
sur lesquels portent les analyses n'ayant qu'une signification 
peu précise ; aussi m'arrêterai-je assez longuement sur le 
détail des opérations effectuées. Si nous ne connaissons pas 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 289 


exactement chacune des espèces chimiques hydrocarbonées, 
à plus forte raison ne possédons-nous pas de méthode générale 
permettant de les isoler et de les doser dans les mélanges com- 
plexes qui les renferment. C’est ainsi que les procédés de 
dosage varient avec chaque auteur et avec le but poursuivi. Les 
résultats obtenus dans les diverses recherches ne peuvent done 
être comparés qu'autant que l'on connait d’une manière exacte 
les méthodes de séparation et de dosage employées dans chaque 
cas. 


D. — EXTRACTION ET DOSAGE DES SUCRES. 


La poudre préalablement épuisée par l'étherest, comme nous 
l'avons dit, traitée à froid par 500 centimètres cubes d'alcool 
à 95°; on laisse en contact pendant trois Jours en agitant 
fréquemment. L'alcool est ensuite décanté et le résidu est repris 
une seconde puis une troisième fois de la même manière. Les 
liquides alcooliques, formant un volume total de 1500 centi- 
mètres cubes, sont réunis, filtrés et évaporés dans le vide au 
bain-marie, à basse température, jusqu'à réduction à un volume 
de 70 centimètres cubes environ. La poudre épuisée est con- 
servée pour un traitement ultérieur. 

Le résidu provenant de la distillation de l'alcool est ramené 
à un volume de 100 centimètres cubes par addition d’eau 
thymolée; il renferme les sucres réducteurs, les sucres non 
réducteurs et les glucosides solubles dans Paleoo!. [ne m'a pas 
paru nécessaire de doser isolément les sucres réducteurs et non 
réducteurs, aussi le dosage a-t-1l été opéré sur la Lotalité des 
sucres après hydrolyse des sucres non réducteurs au moyen de 
l'invertine. Ce dernier ferment est préparé par le procédé 
indiqué par Bourquelot (1): « on agite de la levure, fraichement 
préparée, dans de l'alcool à 95°, on laisse reposer une demi- 
heure, on essore à la trompe el on fait sécher rapidement à 
l'étuve à 30°. En triturant 1 gramme de produit sec dans 
100 centimètres cubes d'eau distillée saturée de thymol et en 

(1) Em. Bourquelot, Recherche, dans les végétaux, du sucre de cannç à l'aide 
de l'invertine et des glucosides à l'aide de l’émulsine (Journ. de Pharm. et de 


Chim., t. 11, 1901, p. 481). 


ANN. SC. NAT. BOT, 9e série. IX, 19 


290 R. COMBES 


filtrant, on à une solution très active, qui se conserve au delà 
d’une semaine ». 

Les 100 centimètres cubes de liquide renfermant l’ensemble 
des sucres et des glucosides sont donc additionnés de 1 gramme 
d'invertine et placés à l’étuve à 30 degrés. Après trois jours, 
l'inversion est généralement complète, mais pour plus desûreté 
les liquides sont maintenus pendant quatre jours à l’étuve. La 
liqueur obtenue est ensuite ramenée au volume imitial de 
100 centimètres cubes et divisée en deux parties égales de 50cen- 
timètres cubes chacune. L'une des parts sert au dosage des glu- 
cosides solubles dans l'alcool; l’autre au dosage des sucres. Cette 
dernière est déféquée à l’aide de la solution d’acétate neutre de 
plomb préparée selon la formule de Courtonne ; l'acétate basi- 
que de plomb ne peut être utilisé, car la précipitation ultérieure 
du plomb entraîne une partie des sucres et fausse ainsi les ré- 
sultats ; au contraire l’acétate de plomb rigoureusement neutre 
ne présente pas cet inconvénient. Cinq centimètres cubes de 
liqueur de Courtonne sont donc ajoutés aux 50 centimètres 
cubes de liquide sucré et le précipité formé est isolé par filtration. 
Dans le filtrat, on précipite l'excès de plomb par addition de la 
quantité exactement nécessaire d'acide sulfurique à 20 p. 100; 
après séparation du sulfate de plomb formé, leliquide, qui doit 
avoir une réaclion neutre, est amené à un volume de 100 cen- 
timètres cubes et le dosage des sucres réducteurs y est effectué. 

Le procédé qui a été employé dans ces recherches, pour doser 
les sucres réducteurs, est celui qui a été indiqué par G. Ber- 
trand (1); le principe en est le suivant : 

Le liquide sucré est traité à chaud par une solution cuivrique. 
Le cuivre, précipité à l’état d'oxydule, estrepris par une solution 
acide de sulfate ferrique ; l'oxydule se dissout à l’état de sulfate 
de cuivre, tandis qu'une proportion correspondante de sel fer- 
rique passe à l’état de se Iferreux. On dose ce dernier avec une 
solution de permanganate de potasse et l’on peut, au moyen 
des Lables dressées par Bertrand, calculer la quantité de cuivre 
qui à été précipitée et la proportion de sucre correspondante. 

Le dosage portantsur 20 centimètres cubes de liquide sueré, et 


(1) G. Bertrand, Le dosage des sucres réducteurs (Bull. des Sciences pharma- 


cologiques, €. XIV, p. 7, 1907). 


\ 
ch 


mn. 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 291 


les 100 centimètres cubes de liqueur sur lesquels on opère, repré- 
sentant la moitié de la solution qui renferme la totalité des sucres 
contenus dans les feuilles employées, il suffit de multiplier le 
nombre obtenu par 10 pour connaître la proportion de sucres, 
exprimés en glucose, contenus dans 100 grammes de feuilles 
fraiches. 

Les liquides sur lesquels on opère peuvent renfermer, à côté 
du glucose, d’autres sucres tels que le lévulose, le maltose, etc., 
qui, à poids égaux, ne réduisent pas des quantités égales de 
cuivre. J'ai cependant toujours exprimé les résultats comme si 
j'avais affaire au glucose seul. Ce sucre, en effet, constitue avec 
le lévulose la plus grande partie des composés réducteurs con- 
tenus dans les liquides ; en outre, le pouvoir réducteur du lévu- 
lose est presque identique à celui du glucose; enfin les dosages 
sont comparatifs ; pour ces différentes raisons lerreur qui peut 
résulter de cette manière d'exprimer les résultats devient extrè- 
mement faible. 


E. — EXTRACTION ET DOSAGE DES GLUCOSIDES. 


Le dosage des glucosides comprend deux parties. 1° Dosage 
des glucosides solubles dans l'alcool; 2° dosage des glucosides 
insolubles dans l'alcool mais solubles dans Peau. 

a) Glucosides solubles dans l'alcool. — L'épuisementdes feuilles 
par l'alcool à 95°, dissout avec les sucres la plupart des gluco- 
sides contenus dans ces organes; on effectue le dosage de ces 
corps sur les 50 centimètres cubes de liquide déjà traités par 
l'invertine et conservés dans ce but. Le résidu de l'épuisement 
par l’éther pouvant également contenir des composés glucosi- 
diques, on le traite par 20 centimètres cubes d'alcool bouillant, 
on divise la solution en deux parties égales et lune des parts est 
ajoutée aux 50 centimètres cubes de liquide traité par linvertine 
et renfermant les glucosides solubles dans l'alcool. Le mélange 
est additionné de 2 centimètres cubes d'acide sulfurique pur et 
porté à l’autoclave à 120° pendant une heure. Dans ces conditions 
les composés glucosidiques sont hydrolysés ; la liqueur est neu- 
lralisée exactement par une solution de soude caustique à 
20 p. 100 et l’on ramène à un volume de 100 centimètres cubes 
par addition d’eau distillée. On est alors en présence d’un liquide 


292 R. COMBES 


qui renferme, à côté de sucres réducteurs et non réducteurs 
hydrolysés, ceux quise sont formés dans le dédoublement de /a 
moitié des glucosides renfermés dans 100 grammes de feuilles 
fraiches. L'ensemble des sucres réducteurs à été dosé commeil 
a été indiqué précédemment; la proportion de sucres contenus 
dans les 20 centimètres cubes de liquide employés dansle dosage, 
multipliée par 10, représente la totalité des sucres réducteurs 
provenant de l’hydrolyse des hydrates de carbone solubles dans 
l'alcool et contenus dans les 100 grammes de feuilles fraiches. 
En retranchant du nombre trouvé le poids des sucres réducteurs 
obtenus après hydrolyse au moyen de linvertine, on obtient 
la proportion des sucres.correspondant aux glucosides solubles 
dans l'alcool. 

b) Glucosides solubles dans l'eau. — La plupart des glucosides 
sont solubles dans l’éther ou dans lalcoo! et les épuisements 
successifs par ces deux solvaats ont enlevé, pour la plupart des 
plantes, la presque totalité de ces composés; cependant certains 
glucosides sont plus solubles dans Feau que dans l'alcool et une 
partie de ces derniers a pu échapper aux précédents épuise- 
ments; le traitement par l’eau nous permet de les isoler. 

Le résidu du traitement des feuilles par l'alcool est donc mis 
à macérer dans 500 centimètres cubes d’eau distillée ; on laisse 
en contact pendant deux jours en agitantsouvent, puison décante 
le liquide aqueux et on répète cet épuisement une seconde, puis 
une troisième fois. Les liqueurs obtenues, formant un volume 
de 1500 centimètres cubes, sont réunies et filtrées; le résidu 
restant sur le filtre est conservé pour le dosage des hydrates de 
carbone insolubles. Le liquide filtré est concentré dans le vide jus- 
qu'à un volume de 50 centimètres cubes environ; il renferme, 
à côté des dextrines, les traces de glucosides qui ont échappé 
aux épuisements éthérés et alcooliques. Ces composés sont pré- 
cipités par addition de 5 centimètres cubes de liqueur de Cour- 
tonne. On laisse reposer pendant une journée, on filtre ; le pré- 
cipité renferme, à l’état de combinaisons plombiques, les gluco- 
sides précipitables par l’acétate neutre de plomb; le filtrat, qui 
contient les dextrines, est conservé pour le dosage de ces corps. 
En réalité, il peut encore exister des traces de glucosides dans 
le liquide filtré, car certains de ces composés, insolubles dans 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 293 
l'éther et l'alcool mais solubles dans Peau, ne précipitent pas 
par l'acétate neutre de plomb ; ils seront donc dédoublés en même 
temps que les dextrines et dans les résultats de nos dosages ils se 
trouveront compris avec ces corps; mais leur proportion étant 
extrêmement faible, et les analyses étant comparatives, l'erreur 
due à cette cause est négligeable. 

Le précipité plombique de glucosides est lavé à l'eau distüllée, 
mis en suspension dans 50 centimètres cubes d’eau additionnée 
de 2 centimètres cubes d'acide sulfurique et maintenu à lauto- 
clave pendant une heure à la température de 120° pour opérer 
l'hydrolyse des glucosides. Après ce traitement, la liqueur estneu- 
tralisée par l'addition de soude à 20 p. 100 puis est étendue Jus- 
qu'à un volume de 100 centimètres cubes. Les sucres réducteurs 
sont dosés par le procédé habituel, et la quantité de ces derniers, 
contenue dans les 20 centimètres cubes de liquide utilisé, est 
multipliée par 5. On obtient ainsi la proportion de sucres 
réducteurs correspondant aux glucosides contenus dans les 
100 grammes de feuilles fraiches et n'ayant pas été entraïnés 
par les épuisements à l’aide de l'éther et de Palcool. 

Dans les résultats exposés plus loin, les nombres qui corres- 
pondent aux glucosides expriment, en glucose, la somme des 
sucres réducteurs qui se sont formés dans l'hydrolyse de ous 
les composés glucosidiques ; il nous à paru peu intéressant, dans 
l'exposé des résultats, de séparer les glucosides qui sont solubles 
dans l’éther et l'alcool de ceux qui se dissolvent dans Peau. 


F. — EXxTRACTION ET DOSAGE DES DEXTRINES. 


Le liquide aqueux obtenu dans l'opération précédente après 
séparation du précipité plombique de glucosides solubles dans 
l'eau, renferme les dextrines. 

On l’additionne d'une solution d'acide sulfurique à 20 p. 100, 
en quantité exactement nécessaire pour précipiter Pexcès de sel 
de plomb employé; le précipité de sulfate de plomb est lavé avec 
quelques centimètres cubes d’eau distillée; l'eau de lavage est 
ajoutée au filtrat avec 2 grammes d'acide sulfurique pur et le 
tout est porté à l’autoclave à 120° pendant une heure. Après 
refroidissement, le liquide est neutralisé au moyen d'une solution 


294 R. COMBES 


de soude à 20 p. 100, puis étendu de manière à obtenir 100 cen- 
timètres cubes de liqueur. 

Les sucres réducteurs formés dans l'hydrolvse des dextrines 
sont ensuite dosés; le nombre qui exprime la quantité de ces 
composés, contenue dans les 20 centimètres cubes de liqueur 
servant à l'analyse, est multiplié par 5, et l'on obtient ainsi la 
proportion de sucres réducteurs correspondant aux dextrines 
que contiennent 100 grammes de feuilles fraiches. 


G. — DOSAGE DES HYDRADES DE CARBONE INSOLUBLES ET 
FACILEMENT HYDROLYSABLES. 


La technique utilisée pour le dosage de ces composés est, à 
peu de chose près, celle qui à été employée par Leclerc du Sa- 
blon (1) dans ses recherches sur les matières de réserve des 
arbres. 

La poudre épuisée successivement par l'éther, Palcool et l'eau 
est traitée par 250 centimètres cubes d'acide chlorhydrique à 
10 p. 100; on chauffe à l’autoclave à 115° pendant une heure. 

Après complet refroidissement, le résidu insoluble est séparé 
du liquide acide et traité une seconde fois d’une manière iden- 
tique. Les liquides filtrés sont réunis, neutralisés par une 
solution de soude à 20 p. 100 et concentrés dans le vide jusqu'à 
réduction à un volume de 200 centimètres cubes. Les sucres 
réducteurs formés sont ensuite dosés ; la proportion contenue 
dansles 20 centimètres cubes de liquide employés dans l'analyse, 
mullipliée par 10 exprime, en glucose, la quantité de sucres 
réducteurs correspondant aux composés hydrocarbonés inso- 
lubles et facilement hydrolysables contenus dans 100 grammes 
de feuilles fraiches. 


Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, la méthode dont je viens 
d'exposer en détail les différentes parties ne permet pas de 
déterminer le poids même des divers composés hydrocarbonés 
contenus dans les feuilles analysées ; elle donne les quantités 
de sucres réducteurs correspondant aux différents groupes de 


(1) Leclerc du Sablon, Recherches physiologiques sur les matières de réserves 
des arbres (Rev. gén. de Bot., t. XVI, 1904, p. 341). 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 295 


ces composés. Lorsqu'il s’agit de recherches comparatives, 
comme c'est le cas ici, cette donnée est suffisante. 

Pour éviter les erreurs qui pourraient résulter d'épuisements 
plus ou moins prolongés ou de différences existant dans les 
temps et les températures d'hydrolyse, les diverses opérations 
ont toujours été effectuées en même temps et aux mêmes 
températures pour les feuilles rouges et les feuilles vertes appar- 
tenant à une même plante. 

Dans l'exposé ci-dessous, les nombres qui correspondent aur 
différents groupes de composés hydrocarbonés expriment, en qlu- 
cose el pour 100 grammes de feuilles séchées à 110°, la quantité 
de sucres réducteurs fournis pur ces composés pendant l'hydrolyse. 


IL. — EXPOSÉ DES RÉSULTATS. 


À. — PRODUCTION D'ANTHOCYANE A LA LUMIÈRE. 
(Ampelopsis hederacea.) 


Les feuilles sur lesquelles ont porté les dosages ont été 
recueillies sur un pied d'Ampelopsis hederacea dont certaines 
branches se dressaient contre un mur exposé au sud-est et rece- 
vaient la lumière directe, tandis que d'autres se trouvaient 
soumises à un éclairement moins intense. Les rameaux très 
éclairés portaient, au mois d’Août, des feuilles fortement colorées 
en rouge, Landis que ceux qui étaient protégés contre la lumière 
directe ne présentaient que des feuilles vertes. La récolte des 
organes destinés à l'analyse, a été faite le 5 Août; les feuilles 
rouges avaient presque atteint, à ce moment, leur maximum 
de coloration ; les organes rouges et verts ont été cueillis en 
même temps et sur le même individu. Dans les tableaux qui 
suivront nous donnerons les résultats relatifs : 1° aux hydrates 
de carbone solubles dans le sue cellulaire, en distinguant à part 
les sucres, les dextrines et les glucosides:; 2° aux hydrates de 
carbone insolubles considérés en bloc. 


296 R. COMBES 


HYDRATES DE CARBONE | Î sors Hyqrèes 


ar solubles. à carbone in-|| carbone 
RE ne. A < 
solubles. totaux. 


Sucres. |Dextrines.|Glucosides 


PRODUCTION D'ANTHOCYANE 
à la lumière. 


Re ( Feuilles vertes. 0,74 2,78 6 2,4: 8,37 
Ampelopsis \ 


hederaceu. { Feuilles rouges. | 0,98 | 1,88 5,0: 10,67 


Ces nombres nous montrent que, pour ce qui est relatif aux 
hydrates de carbone solubles, les feuilles rouges renferment une 
plus grande proportion de sucres el de glucosides que les feuilles 
vertes. Elles contiennent, au contraire, une plus faible quantite 
de dextrines. Quant aux hydrates de carbone insolubles (amidon 
elcelluloses facilement saccharifiables), ils existent en proportion 
beaucoup plus grande dans les organes rouges. 

La teneur en hydrates de carbone totaux est plus grande chez 
les feuilles rouges que chez les feuilles vertes. Cette accumulation 
dans les premières peut s'expliquer par l'activité des phéno- 
mèenes de synthèse qui est plus grande avec un éclairement 
intense. L'aceumulation porte sur tous les groupes de composés 
hydrocarbonés, sauf sur les dextrines qui sont en moindre 
proportion dans les feuilles rouges. 

On peut rapprocher de ces résultats, ceux qui ont été obte- 
nus par Rivière et Bailhache (1) dans l'analvse de certains fruits. 
Les Poires et les Pommes développent de l'anthocyane dans 
leurs régions superficielles les plus éclairées; d'autre part, les 
points colorés en rouge correspondent à des parties internes 
plus succulentes. En dosant les sucres et les acides dans les 
Ussus correspondant, chez un même fruit, aux régions rouges 
el aux régions vertes superficielles, les auteurs ont constaté 
que, pour plusieurs variétés de Poires et pour le Raisin, les 
issus recouverts d’un épiderme coloré en rouge par suite d’un 
éclarement intense sont beaucoup plus riches en sucres et 
renferment moins d'acides que ceux qui sont recouverts par un 
épiderme non coloré 


DUT ne nt . = ve an ë \ : 
(1) Rivière, G. et G. Bailhache, De l'influence de la lumière directe sur la com- 
position chimique des fruits (Journal de la Société nationale d'Horticulture de 
France, 4° série, t. IX, p. 627-630, 1908). 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 207 


B. — ROUGISSEMENT AUTOMNAL. (/osa canina, Sorbus lati- 
folia, Mahonia Aguifolium.) 


Les feuilles de ces trois plantes ont développé de l'anthocyane 
dans leurs tissus à l’époque des premières gelées d'automne, 
en Octobre. 

Les feuilles vertes ont été récoltées à trois reprises succes- 
sives, avant l'époque du rougissement, dans le courant du mois 
d'Octobre; le dernier lot, récolté le 19 Octobre, quelques jours 
avant l'apparition des premières feuilles rouges, à fait seul 
l'objet d'analyses ultérieures. Les organes rouges ont été 
cueillis le 29 Octobre, au moment où l’anthocyane s'était déjà 
développée dans la plupart des feuilles; dix jours seulement 
s’élaient donc écoulés entre les deux récoltes. 

Les dosages ont été effectués sur ces deux lots d'organes et 
ont fourni les résultats suivants : 


HYDRATES DE CARBONE | Hydrates || Hydrates 


: se RO solubles. de de 
ROUGISSEMENT AUTOMNAL. : carbone carbone 
A — 


insolubles.|[| totaux. 
Sucres. |Dextrines. |Glucosides 
sn { Feuilles vertes..| 2,42 1,30 8,22 9,72 || 21,66 
Int. ; se o 

Soupes | 264 | 493 | 824 | 535 || 4746 
: .... (Feuilles vertes .| 0,71 1515 2,20 | 11,99 || 46,05 

"bus | . dE de à e 
Sorbus latifolia { —  rouges.| 0,80 1,07 2,52 115240) 5,59 
Mahonia Aquifo- { Feuilles vertes... 0,57 0,80 3,41 2,38 7,16 
NUM Ü —  rouges.| 1,30 0,60 4,30 8,78 || 14,98 


Les variations que subissent les hydrates de carbone dissous 
dans le suc cellulaire, au cours du rougissement provoqué par les 
basses températures automnales, sont de même ordre que celles qui 
ont été observées pour la production de l'anthocyane sous l'influence 
d’un éclairement intense. La quantité de sucres el de qlucosides est 
plus grande dans les feuilles rouges que dans les feuilles vertes, 
tandis que la teneur en dextrines esl moindre dans les premières 
que dans les secondes. 

Les hydrates de carbone insolubles évoluent de manières diffé- 
rentes suivant que l'on «à affaire à des feuilles caduques ou à des 
feuilles persistantes. Leur proportion diminue rapidement au 
cours du rougissement chez le Rosa et le Sorbus dont les feuilles 


298 R. COMBES 


sont caduques, tandis qu'au contraire leur quantité augmente d'une 
manière importante chez le Mahonia dont les feuilles sont persis- 
lantes. 

Enjin tandis que la masse totale des composés hydrocarbonés 
diminue pendant le rougissement, chez les plantes à feuilles cadu- 
ques, elle augmente considérablement chez les arbustes à feuilles 
persistantes. 

Les résultats relatifs aux hydrates de carbone solubles con- 
firment les hypothèses formulées par Overton au sujet du 
rougissement automnal et du développement de l’anthocyane 
sous l'influence du froid. L'abaissement de température pro- 
voque, en effet, la transformation de l'amidon en sucre; d’autre 
part, ilentraveles phénomènes de migration et détermine, pour 
ces deux raisons, l’accumulation des hydrates de carbone 
solubles dans les feuilles ; aussi voit-on les sucres et les glucosides 
s'aceumuler dans ces organes dès que surviennent les premières 
gelées d'automne; l'apparition de l’anthocyane, qui se produit 
en même temps, semble bien être en relation avec cette accu- 
mulation. 

Quant aux hydrates de carbone insolubles, il est intéressant 
de remarquer que leur proportion varie de manières absolument 
contraires au cours du rougissement suivant les plantes que l’on 
envisage. Chez le Sorbus latifolia qui est une plante à feuilles 
caduques, la proportion d'hydrates de carbone insolubles tombe 
au dixième de sa valeur initiale, tandis que chez le Mahonia 
Aquifolium, dont les feuilles sont persistantes, cette proportion 
devient quatre fois plus grande. Les conditions extérieures, tem- 
pérature, éclairement, etc., étant les mêmes de part et d'autre, 
il semble logique d'admettre que dans le second cas, la feuille 
Joue le rôle d’un organe de réserve dans lequel les composés 
hydrocarbonés s'accumulent à l’état insoluble pour être utilisés 
au printemps. Ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus 
par Leclerc du Sablon (1) pour les feuilles persistantes du 
Chêne, du Pin d'Autriche et du Fusain du Japon; chez ces trois 
plantes l’auteur à constaté, dans les feuilles, une accumulation 
de composés hydrocarbonés qui atteint son maximum en Mars, 
c'est-à-dire à la fin de l'hiver. 


(1) Leclerc du Sablon, Loc. cit., t. XVILL, p. 18. 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 299 


C. — PRODUCTION D'ANTHOCYANE À LA SUITE DE DÉCORTICATIONS 
ANNULAIRES. (Spiræn paniculata.) 


J'ai précédemment exposé (1) les résultats d'observations 
faites sur des rameaux de Spiræu paniculala avant subi des 
décortications annulaires, et chez lesquels les feuilles insérées 
au-dessus des points décortiqués s'étaient très fortementcolorées 
en rouge. J'ai comparé la composition des feuilles rouges à 
celle des feuilles vertes du même individu; pour cela des organes 
rouges ont été recueillis sur les rameaux décortiqués et des 
feuilles vertes ont été récoltées le même jour, sur des rameaux 
voisins, de même taille, mais n'ayant subi aucune incision. 
Le dosage des différents groupes de composés hydrocarbonés 
a donné les résultats suivants : 


e HYDRATES DE CARBONE | Hydrates || Hydrates | 
PRODUCTION D'ANTHOCYANE olones de de 

à la suite de décortications annulaires. —— _| carbone || carbone 

insolubles|| totaux. 


Sucres. |Dextrines.|Glucosides 


Feuilles vertes... 


Spir&a panicu- 


rouges... ) 0,92 6,15 | 26,58 


Dans les feuilles chez lesquelles l’anthocyane s'est développée 
à la suite d’une décorlication annulaire de la tige, les sucres et les 
glucosides sont en beaucoup plus grande quantité que dans les 
feuilles vertes normales; par contre, ces dernières renferment plus 
de dexrtrines. 

La teneur en hydrates de carbone insolubles, chez les feuilles 
rouges, est deux fois el demie plus grande que dans les feuilles 
vertes. 

Enfin si l'on considère l'ensemble des composés hydrocarbonés, 
on voit qu'il y a eu, dans les feuilles ayant rougi à la suite de 
décortications annulaires, une accumulation considérable de res 
substances. 

Leclerc du Sablon (2) avait déjà montré qu'à la suite de 
décorticalions annulaires, des quantités assez considérables de 


(4) R. Combes, Loc. cit. 
(2) Leclerc du Sablon, Lac. cit., €. XVII, p. 82. 


300 R. COMBES 


composés hydrocarbonés s'accumulent dans les parties supé- 
rieures des rameaux décortiqués. Les résultats précédents mon- 
(rent que l'accumulation qui se produit dans les feuilles, inté- 
resse aussi bien les composés hydrocarbonés dissous dans le 
sue cellulaire que ceux qui sont insolubles; seules les dextrines 
évoluent d'une manière différente et leur proportion est 
moindre dans les feuilles rouges des rameaux décortiqués que 
. dans les feuills vertes des liges normales. 


IV. — CONCLUSIONS GÉNÉRALES. 


Nous avons vu que les travaux d'Overton et de Molliard ont 
mis en évidence l'existence de relations étroites entre la pro- 
duction de l'anthocyane chez les végétaux cultivés en solutions 
sucrées et l'accumulation dans leurs tissus de sucres prove- 
nant du milieu de culture artificiel. Les recherches que je viens 
d'exposer montrent que, dans la nature, la production du 
pigment rouge, provoquée par des causes diverses, est également 
accompagnée, dans tous les cas, d’une accumulation, dans les 
organes pigmentés, de composés hydrocarbonés solubles. 

Quelles que soient les causes qui déterminent l'apparition de 
l’'anthocyane, les analyses mettent toujours en évidence, dans 
les feuilles rouges, des quantités de sucres etde glucosides plus 
considérables que celles qui sont contenues dans les feuilles 
vertes du même individu. 

On trouve aussi, dans tousles cas, que la teneur en dextrines 
est moindre dans les organes rouges que dans les organes verts. 

Les composés hydrocarbonés insolubles se comportent de 
manières différentes suivant les causes qui provoquent le rou- 
gissement. Lorsque la formation d’anthocyane a été déterminée 
par un éclairement intense ou par l'existence de décortications 
annulaires, les matières hydrocarbonées insolubles se trouvent 
en plus grande quantité dans les feuilles rouges que dans les 
feuilles vertes n'ayant pas étésoumises à ces diverses conditions. 
Dans le rougissement provoqué par les premières gelées autom- 
nales, les varialions éprouvées par les hydrates de carbone 
insolubles ont lieu dans des sens différents : tandis que ces 
composés diminuent au cours de la production de l’anthocyane 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 301 


chez les feuilles caduques, on les voit s'accumulerau contraire 
en abondance dans les feuilles persistantes. 

Les sucres et les glucosides d’une part, les dextrines d'autre 
part, subissent donc, au cours du rougissement, des variations 
qui sont toujours les mêmes pour chacun de ces groupes de 
corps, quelles que soient les causes extérieures qui interviennent 
pour provoquer l'apparition du pigment rouge. Par conséquent, 
il est permis de conclure qu'il existe une étroite relation entre 
la formation de l’anthocyane, développée sous des influences 
naturelles, et l'augmentation de la proportion des sucres et des 
glucosides dans le suc cellulaire des organes rougissant: cette 
augmentation est accompagnée de la diminution de la quantité 
des dextrines. 

Les composés hydrocarbonés insolubles variant dans des sens 
différents, au cours du rougissement, suivant les causes qui ont 
déterminé ie phénomène, on peut en conclure que ces subs- 
tances n'interviennent pas, tout au moins d’une manière directe, 
dans la formation du pigment rouge. 


Les relations existant entre le rougissement naturel ou 
artificielet l'accumulation de composés hydrocarbonés solubles 
étant mises en évidence, on est conduit à se demander comment 
les sucres et les glucosides interviennent dans la production de 
l’anthocyane. Ces composés prennent-ils une part directe à la 
constitution du pigment, ainsi que le suppose Overton, ou bien 
n’interviennent-ils que d’une manière indirecte, en modifiant, 
par exemple, la nature et l'intensité des échanges respiratoires ? 

Les expériences de Palladine ont conduit cet auteur à ad- 
mettre que l’anthocyane résulte de l'oxydation de chromogènes 
existant dans les tissus avant l'apparition du pigment. Cette opi- 
nion à trouvé un sérieux appui dans les recherches de Mol- 
liard qui ont montré que le pigment rouge ne peut se déve- 
lopper qu’en présence de l'oxygène. Dans un travail antérieur, ce 
physiologiste à d'autre part comparé les échanges respiratoires 
chez des plantes cultivées, les unes en solutions exermptes de 
sucres et les autres dans des milieux renfermant 5 à 10 p. 100 
de glucose. Il a constaté que les échanges sont beaucoup plus in- 
tenses dans les dernières ; le volume d'acide carbonique dégagé 


302 R. COMBES 


est d'autant plus grand que la concentration du milieu en sucre 
est plus forte. Cette augmentation de l'intensité des phénomènes 
respiratoires, observée chez des plantes dont les organes se sont 
enrichis de composés sucrés provenant du milieu de culture, 
doit également avoir lieu lorsque ces substances s'accumulent 
naturellement dans le suc cellulaire sous l'influence de causes 
diverses telles que celles que nous avons envisagées : augmenta- 
ion de l’éclatrement, abaissement de la température, existence 
de décortications annulaires. La nécessité de la présence de 
l'oxygène, laugmentation d'intensité des phénomènes respi- 
raloires au cours du rougissement sont de solides bases à la 
théorie de loxydation ; les observations de Buscalioni et 
Polacci, de Laborde et de Mirande sur le rôle joué par les 
oxydasesau coursdelaproduction du pigment rouge, luiapportent 
encore plus de vraisemblance ; il resterait, ainsi que je Pai dit 
- plus haut, à étudier la nature même des échanges respiratoires 
qui s'effectuent pendant le rougissement ; la comparaison des 
quantités respectives d'oxygène absorbé et d'acide carbonique 
dégagé donnerait d'utiles indications sur les transformations 
chimiques qui s’opèrent au cours de ce phénomène. 

Pour la plupart des partisans de la théorie de l'oxydation, 
l'oxygène se porte sur des chromogènes qui présentent le plus 
souvent les réactions des tannins et préexistent dans les cellules. 

Les analyses dont j'ai exposé ici les résultats montrent que, 
dans les feuilles rouges, la proportion des glucosides augmente, 
au cours de la formation de lanthocyane, en même temps que 
celle des sucres: or on considère les pigments rouges comme 
des composés glucosidiques ; cette opinion, soutenue depuis 
longtemps par plusieurs auteurs, à reçu une récente vérification 
par les recherches de Leopold von Portheim et Emil Scholl (1) 
qui ont pu isoler par dialyse plusieurs anthocyanes et étudier 
leurs propriétés. 

Puisque la formation de l’anthocyane, composé de nature gluco- 
silique, est corrélative d’une augmentation des glucosides totaux, 
1 parait logique de supposer que cette substance ne se forme pas 

(4) Leopold von Portheim und Emil Scholl, Untersuchungen über die Bildung 


und «den Chemismus von Anthokyanen (Berichte der Deutschen Bot. Gesell., 
H. 7, 1908, p. 480). 


HYDROCARBONES ET ANTHOCYANE 303 


aux dépens de glucosides préeristants, mais qu'elle se constitue 
plutôt de toutes pièces, c'est à sa formation que doit être rapportée, 
au moins en parle, l'augmentation qui se produit dans l'ensemble 
des glucosides. 

Cette opinion trouve d’ailleurs une vérification dans les 
recherches de Palladine sur la formation des « chromogènes » 
dans les feuilles de ÆRumer immergées, les unes dans des 
liquides non sucrés, les autres dans des solutions de saccharose. 
L'apparition du pigment rouge, dans ces dernières, est toujours 
accompagnée de l’augmentation dans la proportion des chro- 
mogènes. L’anthocyane étant elle-même un chromogène, et sa 
formation dans les organes coïncidant avec une augmentation 
dans l’ensemble de ces corps, 4 semble logique d'attribuer cette 
augmentation à l'apparition même du pigment rouge et de 
considérer dès lors l’anthocyane, non pas comme dérivant de la 
modification de chromogènes existant déjà, mais comme se 
constituant de toutes pièces grâce à la présence de quantités 
importantes de sucres. 

En résumé, il semble qu’on puisse considérer la formation 
des anthocyanes, glucosides phénoliques caractérisés par leur 
vive coloration, comme provoquée par l'accumulation de 
composés sucrés ; l’apport actif de sucres augmente les échanges 
gazeux et parait déterminer l'accélération des processus d’oxy- 
dation ; la production des glucosides devient plus considérable 
et les composés élaborés dans ces conditions sont, au moins 
en partie, des anthocyanes. 


(Ce travail a été fait au Laborutoire de Biologie végétale de Fontainebleau et au 
Laboratoire de Botanique de la Sorbonne.) 


3 Jul 


1908 


85° ANNÉE. — IX° SÉRIE. T: IX. N° 6. 


ANNALES 


SUIENCGES NATURELLES 


NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 


COMPRENANT 


L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION 
DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES 


PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE 


M. PH. VAN TIEGHEM 


TOME IX. — N° 6. 


PARIS 
MASSON ET Cr, ÉDITEURS 
LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 


120, Boulevard Saint-Germain 


(her Paris, 30 ER. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 39 FR. 
Ce cahier a été publié en Juillet 1909 
- Les Annales des Sciences naturelles paraissent par cahiers mensuels. 


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NEUVIÈME SÉRIE 


BOTANIQUE 
Publiée sous la direction de M. PH. vaAN TIEGHEM. 


L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, 
avec les planches et les figures dans le texte correspondant aux 
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Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
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Les tomes I à XX de la Huitième série et les tomes I à IX de la 
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Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle 
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Neuvième série sont complets. 


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ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES 


Dirigées, pour la partie géologique, par M. HéBerr, et pour la parte 
paléontologique, par M. A. MizNE-EpwaRps. 


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PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies, 30 vol.  (Aare) 
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QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
CINQUIÈME SÉRIE (1864-1874). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 
SIXIÈME SÉRIE (1873 à 1884). Chaque partie 20 vol. 250 fr. 


SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie 20 vol. 300 fr. 
GÉOLOGIE) 22; volumes, 151 00 Em e NON 330 fr. 


NOUVELLES RECHERCHES 


SUR LES ARALIACÉES 


Par RENÉ VIGUIER 


INTRODUCTION 


En publiant dans ce Recueil un Mémoire d'ensemble sur les 
Araliacées (1), j'ai seulement examiné la famille dans ses 
grandes lignes en m'interdisant d'étudier aucun des groupes 
d'espèces en détail. Après avoir constaté que la notion de genre 
élait particulièrement arbitraire dans cette famille, si homogène 
qu'on peut la considérer à elle seule presque comme un grand 
genre, j'avais voulu essayer d'appliquer à la classification les 
caractères tirés de la structure et de préciser les affinités des 
espèces entre elles. 

Dans sa belle monographie rédigée pour les P/flanzen- 
familien, M. Harms a tenté de mettre un peu d'ordre dans le 
chaos d'espèces qui constituaient la famille. Les travaux si 
contradictoires de Seemann, Decaisne et Planchon, Bentham 
et Hooker, Baillon ne laissaient aucune certitude sur les carac- 
tères, effaçaient même la notion de genre. Ce travail, étant une 
mise au point remarquable des recherches antérieures, pouvait 
permettre à un botaniste non spécialiste de chercher à connaitre 
les relations des espèces entre elles et surtout de savoir dans 


(1) R. Viguier, Recherches anatomiques sur la classification des Araliacées 
(Ann. Sciences nat., Bot., 9° série, t. IV, p. 1-210, 1906). 
ANN. SC. NAT. BOT., 9: série, IX #20 


306 RENÉ VIGUIER 


quel genre ranger une espèce nouvelle. Malgré tout, la mono- 
graphie de M. Harms n’est qu'une vue d'ensemble, et en rédi- 
geant mon précédent Mémoire j'ai pu voir qu'indépendamment 
de l'étude de la structure, il restait à examiner et à préciser 
de nombreux points de détail. 

Je suis bien loin d'épuiser la question dans le présent travail. 
L'étude des Araliacées de l’Indo-Chine dont à bien voulu me 
charger M. Lecomte pour la publication de la Flore générale de 
l’Indo-Cline m'a amené à faire de nouvelles observations sur 
quelques genres, à examinerde nouveaux matériaux, comparer 
entre elles un certain nombre d'espèces ; c’est le résultat de ces 
observalions que je vais exposer 1c1. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 307 


ARALIA 


1. CLASSIFICATION. 


Le genre Araha à déjà fait l'objet d'une étude monogra- 
phique de M. Harms (1) qui à passé en revue toutes les espèces 
en indiquant leur synonymie. Je n'aurai donc qu'à entrer, pour 
ce genre, dans un petit nombre de détails. 

M. Harms groupe les espèces en cinq sections : 

1° Nanæ, avec l’Arala nudicaulis, pourvue d'un fort rhizome 
avec une feuille développée. 

2° Anomalæ, avec l’Aralia Henryi Harms, plante herbacée 
à tige courte à feuilles triternatiséquées et à inflorescence rappe- 
lant une cyme. 

3° Iumiles, avec les Aralia humilis, A. brevifolia March., 
A. Regeliana March., et A. kispida Mich., caractérisées par leurs 
inflorescences en panicules simples d'ombelles et souvent 
pourvues d'ombelles isolées à l’aisselle des feuilles supérieures. 

4° Genuinæ, avec les Aralia racemosa L., A. cordata Thunb. 
et A. cachemuica Decne, arbrisseaux à grandes panicules 
d’ombelles et à feuilles sans folioles opposées aux nœuds du 
rachis. 

5° Arborescentes, avec les Aralia spinosa L., A. chinensis L., 
A. hypoleuca Presl, A. armata Seem., A. foliolosa Seem., 
A. Thomson Seem, A. malabarica Bedd., À. montana BI. 
A. ferox Miq., A. wrticæfolia BL., arbrisseaux à feuilles compo- 
sées bi ou tripennées présentant à chaque ramification du pétiole 
principal deux grandes folioles opposées avec de grandes Imflo- 
rescences terminales en grappes composées d'ombelles. 

Ge Capituligeræ, avec Aralia javanrica Miq., et A. dasyphylla 
Miq., qui différent des Arborescentes par leurs fleurs à pédoncules 
très courts, en capitules. 


(4) H. Harms, Zur Kenntnis der Gattungen Aralia et Panax (Engl. Jahrb. 
XXL, p. 1-23, 1897). 


308 RENÉ VIGUIER 


La section des Arborescentes est encore très confuse et mérite 
d'être examinée de près. 

Les Araha spinosa et chinensis, le premier de l'Amérique du 
Nord, le second de l'Asie orientale, ont été souvent réunis par 
les auteurs; Harms considère ces deux espèces comme distinctes 
quoique très voisines (1). Les types décrits comme appartenant 
à ces deux espèces sont, en tout cas, très semblables par leurs 
inflorescences : l'axe principal, les axes secondaires, les pédon- 
cules des ombelles et les pédicelles floraux sont couverts de 
poils serrés, denses ; les pédicelles floraux ont 5 à 6 millimètres 
de long; les ramifications de l’inflorescence naissent à l’aisselle 
de bractées membraneuses glabres sur la face dorsale, ciliées 
seulement sur les bords. 

Si les caractères de l’inflorescence sont communs, plusieurs 
types peuvent être distingués d’après l'appareil végétatif. 

Un premier type est fourni par l'Aralia chinensis L. (A. spinosa 
var. canescens Fr. et Sav.) ; la plante est inerme ; elle a des 
folioles présentant un feutrage de poils mous sur la face 
inférieure du limbe et de petits poils raides, isolés, fixés tout le 
long des nervures tertiaires sur la face supérieure. Le limbe 
est ovale, moins de deux fois plus long que large (longueur 
6-10 centimètres ; largeur 3,5-5 centimètres), aigu à l'extré- 
mité, arrondi ou plus ou moins cordiforme à la base ; 1l est 
légèrement denté et présente 8 à 9 paires de nervures secon- 
daires qui se bifurquent et s'anastomosent vers leur extrémité. 

Un deuxième type est fourni par lAraha Dimorphantha 
Blume (A. spinosa var. glabrescens Fr. et Sav.); les folioles, 
beaucoup plus petites que celles de lespèce précédente 
(longueur 2-3 centimètres ; largeur 1,5-2,5 centimètres) sont 
régulièrementel profondément dentées, acuminées; lesnervures | 
secondaires au lieu de se recourber vers le sommet et de s’anas- 
tomoser chacune avec la nervure immédiatement supérieure, 
vont chacune se terminer dans une dent. Sur le pétiolule, à 


(1) A. chinensis unterscheidet sich in die Mehrzahl ihrer Formen von A. spi- 
nosa durch kräftigeren Wuchs, grüssere, breitere Blättchen, die unterseits, 
zerstreut oder dichter, bisweilen filzig behaart sind, durch geringere Ausbil- 
dung von Stacheln, oder vollständiges Fehlen derselben, durch grüssere, rei- 
cher verzweigte, meist zu mehreren beisammen entspringende Rispen und 
kleinere Blüten. (Harms, loc. cit. p. 17 et 18). 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 309 


l'insertion de chaque foliole se trouve un fort piquant droit et 
acéré, pouvant atteindre un centimètre de long ; des aiguillons 
plus petits se rencontrent également sur le pétiolule entre les 
insertions des folioles. Enfin, autre différence avec la plante 
précédente, le limbe ne présente pas un feutrage de poils mous 
sur la face inférieure, on y trouve seulement des poils raides, 
assez nombreux, parfois même de petits piquants. D’autres 
piquants s’observent sur la nervure médiane à la face supé- 
rieure qui porte également des poils raides. 

Tous ces caractères se retrouvent, mais exagérés, dans l’Ara- 
lia Dimorphantha var. horrida de Blume; les piquants situés à 
la base des folioles peuvent atteindre deux centimètres, presque 
la longueur de ces folioles. 

Enfin'un échantillon, déterminé Dimorphanthus mandchuricus 
Maximowiez par Decaisne, est inerme ; il présente les grandes 
folioles du premier type, mais le limbe est dépourvu de poils et 
la nervation est différente. 

Ces trois types principaux constituent PAralia chinensis de 
Linné qu'il faut avoir soin de ne pas confondre avec l'Aralia chi- 
nensis de Blume (A. dasyphylla Miq.), qui a des folioies presque 
identiques à celles de l'espèce de Linné, mais dont les fleurs 
sont en capitule. 

Je n'ai pu examiner qu'un nombre restreint d'échantillons 
américains formant l’Aralia spinosa de Linné. Les plantes que 
j'ai étudiées ont des folioles glabres, même sur les nervures qui 
portent seulement de rares et courts piquants ; le pétiole el ses 
divisions sont, suivant les variétés, inermes ou munis de 
piquants. La variété à folioles dentées et à pétiole épineux qui 
rappelle assez le deuxième type (A. Dimorphantha) de PA. chi- 
nensis, en est pourtant assez différente par la nervation des 
folioles qui sont, en outre, glabres. Une variété inerme (Pants 
of central Penins. Florida collected by Geo. V. Nash, n° 1256) 
est bien caractérisée par ses folioles glabres avec un nombre 
restreint (4 ou 5 paires) de nervures secondaires qui sont for- 
lement arquées et se rejoignent vers le bord du limbe. Tous 
les exemplaires d'Aralia spinosa que j'ai observés avaient en 
outre des sépales arrondis ou oblus au lieu d’être presque aigus 
comme dans les divers types d'Aralia chinensis. 


310 RENÉ VIGUIER 


L'Aralia hypoleuca Presl n'a pas, comme les espèces précé- 
dentes, l’inflorescence revêtue d’un feutrage de poils denses, 
mais celle-ci est pourtant velue; les fleurs, portées sur des 
pédoncules un peu plus longs, ont des sépales obtus ou arrondis, 
non aigus. Il est, de plus, caractérisé par ses folioles glabres 
el coriaces, qui sont plus de deux fois plus longues que larges, 
généralement ovales lancéolées. 

Cette espèce a été récoltée par Cuming (n°° 920-792) aux Phi- 
lippines. Les deux échantillons de Cuming ne sont pas sem- 
blables ; ainsi, le réseau des nervures tertiaires est imprimé en 
creux à la face supérieure du limbe dans un cas (n° 920), tandis 
que dans l’autre cas (n° 792) ce réseau est nettement saillant à 
la face supérieure. La forme des bractées de l’inflorescence est 
différente ; dans le premier échantillon les bractées sont à peine 
plus longues que larges, tandis que dans le second, elles sont 
beaucoup plus longues que larges. 

L'Aralia armata Seem. a des folioles allongées, généralement 
plus de trois fois plus longues que larges (longueur 7 à 9 centi- 
mètres, largeur 2 à 3 centimètres). Le limbe, acuminé, présente 
sur ses deux faces de petits poils raides piquants, situés sur les 
nervures. Les feuilles n’ont que de rares aiguillons placés assez 
régulièrement à chaque division du pétiole, quiest glabre ; l'inflo- 
rescence est surtout caractérisée par la longueur des pédicelles 
floraux qui dépasse toujours un centimètre. Ces pédicelles flo- 
raux sont légèrement velus ainsi que les pédoncules des 
ombelles ; l’axe principal d'inflorescence est glabre ; les bractées 
sont caduques. 

L'Aralia foliolosa Seem. a des folioles voisines comme forme 
de celles de l'A. armata, mais plus petites, coriaces, beaucoup 
moins régulièrement dentées et glabres, sauf sur la nervure 
principale et sur les nervures secondaires qui présentent de 
pelits poils piquants peu visibles ; le pétiole est couvert d'assez 
nombreux piquants. L'inflorescence est bien différente de 
celle de l'Aralia armata ; les pédicelles floraux sont de moitié 
plus courts et parfaitement glabres; de plus, les bractées 
de l'inflorescence, assez coriaces, très allongées, sont persis- 
tantes. 

L'Aralia Thomsonii Seem. se rapproche de l'Aralia chinensis 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 311 


décrit plus haut, par ses folioles couvertes sur la face inférieure 
d'un abondant feutrage de poils mous; la confusion entre les 
deux espèces n’est pourtant pas possible ; Les divisions prinei- 
pales du pétiole de l'Aralia Thomson sont pourvues de nom- 
breux petits aiguillons courts ; de plus, le pétiole et ses divisions 
sont revêltus de nombreux poils mous, très serrés. Le limbe 
est ovale lancéolé acuminé, trois fois plus long que large. Les 
bractées de l’inflorescence sont, ici, longues et très velues. 

L'Aralia montana BI. se distingue à première vue par l'abon- 
dance des aiguillons aigus recourbés, très rapprochés, qui 
couvrent le pétiole et toutes ses divisions et aussi par le déve- 
loppement des stipules. Les folioles ressemblent à celles de 
l’Aralia armata, mas sont cordées à la base et ontdes dents plus 
accentuées; de plus, les poils qui couvrent le limbe sont 
beaucoup plus longs et les nervures portent parfois de forts 
aiguillons. À cette espèce se rattache l'Aralia lariflora Blume 
mss. (var. & dcutala Miq.) à folioles plus finement dentées et 
longuement acuminées. 

L’Aralia feror Miq. présente de nombreux piquants sur le 
pétole principal et ses divisions ; les folioles, irrégulièrement 
et à peine dentées, acuminées, sont arrondies à la base et, au 
plus, deux fois plus longues que larges. L'axe d'inflorescence 
est dépourvu de poils, mais porte çà et là des aiguillons ; les 
pédoncules floraux, qui peuvent atteindre un centimètre de 
long, sont glabres. 

L'Aralia urlicæfoliu BL. est une espèce bien caractérisée; Je 
p'ai pu examiner le péliole principal: les pétioles secondaires 
sont dépourvus de piquants : ils portent, surtout aux points de 
division à l'insertion des pétioles tertiaires, de petits poils 
raides; ces poils couvrent abondamment les pétiolules et se 
continuent sur les nervures primaires el secondaires et même 
sur le réseau ultime des folioles. 

Le limbe de ces folioles est ovale, moins de deux fois plus 
long que large, arrondi à la base, acuminé au sommet: il pré- 
sente des dents régulières, elles-mêmes denticulées. 

Les fleurs ont un pédicelle très court et fortement velu ainsi 
que le pédoneule des ombelles ; les bractées, bien développées, 
à peu près glabres, sont persistantes. 


312 RENÉ VIGUIER 


9. CARACTÈRES ANATOMIQUES. 


Nous ne possédons jusqu'à présent aucun travail de détail 
sur les caractères de structure des espèces du genre Aralia: 
nous ne connaissons de l'anatomie de ce genre que quelques 
particularités signalées dans des travaux généraux. Je n'ai 
moi-même, dans mon précédent Mémoire, fait qu'insister sur 
la présence dans la moelle de la tige de faisceaux cribrovas- 
culaires avec tubes criblés internes et vaisseaux externes. J’ai 
de plus signalé l'Aralia feror comme constituant une exception 
remarquable, étant dépourvu de tels faisceaux médullaires 
aussi bien dans la tige feuillée que dans l'axe principal d’inflo- 
rescence. J'ai insisté sur la valeur de ce caractère, facile à 
observer, pour la classification. 

Güssow (1) indique la présence d’un exoderme différencié 
(hypoderme) dans le limbe des Aralia et la localisation des 
canaux sécréteurs dans la nervure principale du limbe des 
Aralia dasyphylia et Aralia humilis. Je reviendrai plus loin sur 
les observations de cet auteur. 

1. Tige. — L'Aralia nudicaulis, Lype de la section Nanæ, ne 
possède pas la structure que décrit M. Cedervall (2); il est 
probable que l'échantillon, que cet auteur tenait d'un jardin 
botanique, n’a pas été déterminé avec exactitude. J’ai examiné 
un échantillon de l'Herbier du Muséum d'Histoire naturelle de 
Paris (Herb. Kew, coll. D° Lyall, from Fort Colville to Rocky 
Mountains). La tige âgée présente un liège formé de cellules 
tabulaires très aplaties à parois légèrement lignifiées, colorables 
en rouge par la phloroglucine chlorhydrique. L'écorce, écrasée 
par les formations secondaires internes, montre un collenchyme 
constitué par un petit nombre d'assises de cellules. La région 
sous-jacente est pourvue de mâcles et de grands canaux sécré- 
teurs. Ilu'y a pas trace de fibres péricycliques. Dans le cylindre 
central, le liber est parcouru par de grands canaux sécréteurs; 


(1) Güssow, Fritz, Beiträge zur vergleichenden Anatomie der Araliaceæ 
(Inaug. Dissert., Breslau, 1900). 

(2) Cedervall, Undersükningar üfver Araliaceernas stam (Lunds Univers. 
Arskr. XIV, 1878). 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 919 


le bois secondaire est très riche en vaisseaux tandis que les 
fibres forment des îlots très réduits ; les rayons secondaires sont 
unisériés ou bisériés, formés de cellules allongées radialement. 

La moelle, étroite, a un cercle très régulier de canaux 
sécréteurs périphériques, mais est dépourvue de faisceaux 
cribrovasculaires. 

Dans la section Humailes, J'ai étudié les Aralia hunulis, 
Aralia pubescens et Aralia hispida. 

Les deux premières espèces ont une structure très voisine; 
le liège, d’origine sous-épidermique, est bien différent de celui 
de l'Aralia nudicaulis ; 1 est en effet formé de cellules à parois 
très minces, allongées radialement. 

Le collenchyme est formé d’une dizaine d'assises de cellules 
polygonales à parois épaisses. L’écorce parenchymateuse sous- 
Jacente est particulièrement épaisse dans l'Aralin pubescens et 
ne possède de canaux sécréleurs, probablement d’origine 
péricyclique, que dans sa partie profonde. Le péricycle 
différencie des arcs fibreux épais; le liber secondaire est 
pourvu de canaux sécréteurs ; dans le bois secondaire, les 
fibres sont beaucoup plus abondantes que dans le bois de 
l'Aralia nudicaulis et les vaisseaux sont disposés suivant des files 
radiales. La moelle, dont les cellules ont perdu très tôt leur 
contenu, à des canaux sécréteurs irrégulièrement disposés vers 
la périphérie et est dépourvue de faisceaux cribrovasculaires. 

L'Aralia hispida est, comme les précédents, dépourvu de 
faisceaux cribrovasculaires médullaires mais, pourtant, présente 
des caractères particuliers très nets. Le liège ressemble à celui 
de l’Aralia pubescens et de l'Aralia humilis ; il est formé d'élé- 
ments à parois très minces. 

Le collenchyme forme une couche continue de trois ou 
quatre assises de cellules à parois également épaissies sur toute 
les faces. Le parenchyme sous-jacent peu épais contient d'assez 
nombreuses mâcles. Le péricyele différencie de place en place 
des îlots de fibres très espacés. Ces îlots, en forme d’are, 
comprennent un pelit nombre de fibres à parois très épaissies 
à lumière presque nulle. Des grands canaux sécréteurs s'obser- 
vent entre les arcs fibreux. Le bois comprend un grand nombre 
de faisceaux distincts pénétrant en coin dans la moelle el formés 


314 RENÉ VIGUIER 


par de nombreux vaisseaux. Le bois secondaire est divisé en 
compartiments par de larges rayons correspondant à l’inter- 
valle entre les faisceaux ; 1l existe également d’autres rayons, 
incomplets, unisériés ou bisériés. Ce bois secondaire présente 
une structure annulaire très nette : à une couche entièrement 
fibreuse, fait brusquement suite une couche formée presque 
uniquement par de grands vaisseaux. En dehors de cette couche 
de grands vaisseaux, les éléments vasculaires sont de taille 
moyenne, isolés ou en séries radiales. Le Liber secondaire diffé- 
rencie de pelits canaux sécréteurs très réduits. 

Inflorescence. — La structure des axes terminés par une 
ombelle présente quel- 
ques variations. 

Dans lAraha chi- 
nensis où dans lPAra- 
lia spinosa, Vépiderme 


rm. 14 


exe 


Be 
RE 


SKIS 
ee 


Fig. 4. — Aralia racemosa, fragment d'une coupe 
transversale de tige : ep, épiderme; col, collen- 
chyme; es, canal sécréteur; sc, fibres péricycliques : 
l, liber; D, bois; pm, zone périmédullaire; mm, 
moelle ; /{b;, faisceaux libéroligneux: flb,, faisceau 
cribrovaseulaire médullaire ; rm, rayon. 


présente une cuticule 
épaisse et striée et 
porle de nombreux 
poils pluricellulaires, 
effilés. L'écorce est 
formée d'une mince 
couche externe de col- 
lenchyme dont les cel- 
lules ont des parois 
nettement épaissies et 
une couche parenchy- 
mateuse interne, 

Le péricycle diffé- 
rencie de grands ca- 
naux sécrélteurs et, en 
profondeur, une cou- 
che continue de fibres; 


le cylindre central comprend une dizaine de faisceaux libéro- 
ligneux isolés, séparés par des rayons parenchymateux et une 
moelle large avec un cercle de petits faisceaux cribro-vasculai- 
res périphériques. 

Dans l’Aralia foliolosa Vépiderme est dépourvu de poils; le 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 315 
collenchyme est mince et, directement sous ce collenchyme, 
se trouvent d'énormes canaux sécréteurs, séparés les uns des 
autres par des cloisons très minces el occupant tout l’espace 


ÿ 
" 


"] 


Fig. 2. '— Aralia hispida, portion d'une coupe transversale de tige : Zg, liège; 
f, fibres péricycliques; £, liber; b, bois ; », moelle. 


compris entre le collenchyme et l'anneau fibreux; les faisceaux 
sont peu nombreux. 

L'épiderme est également dépourvu de poils dans PAralia 
ypoleuca; les cellules du collenchyme on des parois peu 
épaisses ; dans l'écorce sous-jacente les canaux sécréteurs, très 
grands, sont séparés par des lames de parenchyme beaucoup 
plus larges que dans l'espèce précédente; il y à en outre de 
grands canaux libériens et de grands canaux médullures. 


316 RENÉ VIGUIER 


Dans l’Aralia humilis l'épiderme est recouvert d’une cuticule 
épaisse et striée; les canaux sécréteurs sont petits; on n’ob- 
serve pas de vaisseaux dans la moelle, mais seulement des îlots 
criblés. 

La pédoncule floral à, lui aussi, une structure assez cons- 
tante. 

L'épiderme est formé de petites cellules allongées, fréquem- 
ment papilleuses, et recouvertes d'une cuticule mince (Aralia 
spinosa, Aralia cachemirica, Aralia armala) où épaisse (Aralia 
ferox, Aralia foliolosa, Aralia hypoleuca, Aralia cordata, Aralia 
pubescens). Cette cuticule est fréquemment pourvue de stries 
ou de peliles crêtes (Aralia spinosa, Aralia hypoleuca, Aralia 
cordata, Arala nudicaulis, Aralia humilis. Aralia pubescens) ou 
complètement lisse (Aralia armata, Aralia foliolosa). L'épiderme 
porte souvent de nombreux poils pluricellulaires à pointe plus 
ou moins obtuse (Aralia spinosa, Aralia chinensis) ou des poils 
plus rares, à pointe aiguë (Aralia hypoleuca, ele.); 1l peut être 
parfaitement glabre. 

L'écorce sous-jacente est généralement homogène, formée de 
cellules toutes semblables de parenchyme à parois minces 
(Aralia lrumilis, Aralia hypoleuca) ou légèrement épaissies 
(Aralia armala). Vans lAralia nudicaulis et dans l'Aralia 
pubescens 11 4 à une couche collenchymateuse périphérique 
formée de deux assises dans la première espèce et de quatre 
assises dans la seconde. 

Le péricycle est différencié en un anneau fibreux continu, 
quoique parfois assez réduit; les fibres, très épaisses dans 
l'Aralia cachemirica, ont en général une large lumière. 

Les canaux sécréteurs d’origine péricyclique, restent accoliés 
dans l'écorce à l'anneau fibreux ; ils sont souvent étroits, leurs 
lumière ayant à peu près le diamètre des ceilules du paren- 
chyme environnant (Aralia pubescens, Aralia hunulis, Aralia 
spinosa, Aralia hypoleuca, Aralia cordala) où ils sont de très 
grande dimension, occupant toute l'écorce, arrivant presque au 
contact del’épiderme et séparés les uns des autres parde minces. 
lames parenchymaleuses (Aralia ferox, Aralia armata, Aralia 
foliolosa) . 

Le cylindre central a toujours des faisceaux distincts séparés 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 311 


par de larges rayons souvent fibreux. Les faisceaux sontsouvent 
peu nombreux (3 à 5) etle cylindre central est très étroit (Aralia 
armala) . 

La moelle est large ou réduitesuivant les dimensions du eylin- 
dre central; elle est toujours dépourvue de faisceaux cribrovas- 
culaires ; elle peut être entièrement fibreuse (Azalia cordata) 
ou formée de cellules à parois épaisses, sclérifiées (Aralia 
cachemurica, Aralia hypoleuca, Aralia foliolosa, Aralia humilis) 
mais peut être aussi parenchymateuse (A7w/iu spinosa, Araliu 
armata, Aralia nudicaulis, Aralia feror). 

2. Feuille. — Il aurait été intéressant d'étudier comparative- 
ment la structure du rachis dans les différentes espèces, mais 
pour que cette étude ait une valeur il aurait fallu pouvoir pra- 
tiquer les coupes dans des régions comparables, par exemple 
à un centimètre au-dessous de la première division de ce 
rachis; je n’ai pu sacrifier ainsi des échantillons d'herbier le 
plus souvent uniques. Je ne parlerai donc que de la structure 
comparée du limbe. 

L'épiderme est fréquemment pourvu de poils sur les deux 
faces du limbe. Ces poils sont toujours simples, massifs, 
pluricellulaires, effilés; on en rencontre dans les Aralia 
armata, À. montana, À. chinensis, A. wrlicæfolin, À. T'hom- 
sonu, etc. Dans les Aralia humulis et Aralia pubescens certaines 
cellules peuvent faire saillie à la surface du poil, de plus les 
cellules terminales se séparent, de sorte que le poil est à son 
extrémité bifide ou trifide ; les branches courtes et unisériées 
sont généralement unicellulaires dans l'Aralia loumilis, Landis 
qu'elles sont fréquemment pluricellulaires dans lAralia 
pubescens. 

D’autres espèces, qui ont un limbe glabre, ou velu, ont 
l’'épiderme inférieur, ainsi que l’a du reste remarqué M. Harms, 
fortement papilleux : c’est le cas de l'Aralia hypoleuca, de 
l'Aralia spinosa el de la variété glabre de l'Araha chinensis. 
Dans ces espèces toutes Les cellules portent un petit prolonge- 
ment cuticulaire en tête hérissé de petites verrues. 

Enfin il existe un certain nombre d'espèces qui sont parfai- 
tement glabres, sans papilles. 

La cuticule est en général très mince, incolore; elle est 


318 RENÉ VIGUIER 


pourtant assez épaisse et présente des ornements dans l’Aralia 
hypoleuca, aussi bien celle de l'épiderme supérieur que celle des 
. cellules papilleuses de l’épiderme inférieur. 

Dans lAralia humilis, VAralia pubescens, cette cuticule pré- 
sente de nombreuses stries assez régulièrement parallèles. 

Les stomates sont tous groupés sur la face inférieure. 
M. Güssow signale l’Aralia humilis comme présentant des 
 stomates dans l’épiderme supérieur; J'ai pu vérifier l'exactitude 
de la remarque de cet auteur. L’Aralia humilis constitue donc 
une exception remarquable. On voit, en effet, en examinant 
de face l’épiderme supérieur du limbe, de rares stomates de 
contour général ovoïde, au milieu de cellules polygonales 
striées par les fines crêtes cuticulaires 
dont J'ai parlé plus haut. L’Aralia pu- 
bescens, qui est très voisin de l’Aralia 
humilis, ne possède pas de stomates 
dans l’épiderme supérieur; ceux-ci, 
comme dans les autres espèces, sont 
localisés dans l’épiderme inférieur et 
ont, ici, un contour presque circulaire. 
pis. 3 = drabie umilés, QE Le limbe, d'une manière générale, 

derme supérieur. est dépourvu d’exoderme différencié 
(Hypoderme). 

M. Güssow, dans le tableau résumé qu'il donne à la fin de 
son Mémoire, dit que l « hypoderme » existe parfois dans le 
limbe des Aralia, faisant allusion aux Aralia trifoliata et 
quinquefolia. Cet auteur, qui à pourtant adopté la classification 
de M. Harms, aurait pu facilement constater que les deux 
espèces appartiennent au genre Pseudopanar. D'autre part, il 
considère les Pseudopanax comme «n'ayant pas d’'hypoderme », 
car il n'a admis comme faisant partie du genre que les deux 
espèces chiliennes Pseudopanarx lætevirens et  Pseudopanax 
valdiviensis qui n’ont pas en effet d'exoderme différencié. 

On peut pourtant faire une réserve au sujet de l'Aralia cache- 
mirica dans lequel il existe un exoderme différencié représenté 
par une assise de cellules, mais formant une plage très peu 
étendue de chaque côté de la nervure médiane. 

Le limbe à toujours une structure dorsiventrale. Dans la 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 319 


plupart des espèces, le tissu palissadique est formé par une 
assise de cellules bourrées de chlorophylle ; ces cellules sont en 
général de deux à cinq fois plus longues que larges (Aralia 
hypoleuca, À. montana, A. foliolosa, A. dasyphylla, À. T'hom- 
son, elc.), elles sont pourtant courtes, presque aussi larges 
que longues dans l’Aralia chinensis à feuilles glabres. 

Dans l'Aralia cachenurica et dans l'Aralia pubescens, le tissu 
palissadique comprend deux assises de cellules. 

Ce tissu palissadique manque souvent vis-à-vis des petites 
nervures tertiaires, c'est-à-dire qu'il est remplacé par un paren- 
chyme presque ou complètement dépourvu de chlorophylle, 
parfois collenchymateux (Aralia pubescens, ete.). IT est également 
interrompu au-dessous des stomates de l'épiderme supérieur 
dans PAralia humlis. 

Je n'ai jamais vu de poches sécrétrices dans le limbe. 

L'oxalate de calcium est toujours représenté par des mâcles 
en oursin; ces mâcles se trouvent en général dans le paren- 
chyme lacuneux ; souvent à la limite du tissu palissadique et du 
tissu lacuneux (A7alia humilis), parfois dans le tissu palissadique 
même (Aralia montana). 

La nervure principale est toujours fortement saillante sur la 
face inférieure du limbe, tandis qu’à la face supérieure elle est 
marquée par une pelite crête entièrement collenchymateuse. 

Il y a toujours sous l’épiderme inférieur une couche de 
collenchyme bien différencié, en dedans duquei se trouve un 
parenchyme pourvu de canaux sécréteurs. Le système libéro- 
ligneux à toujours, en coupe transversale, la forme d’un arc 
à convexité dorsale dont les bords sont plus où moins réfléchis. 
Il n'y à jamais de faisceaux libéroligneux distincts et épars 
comme dans la plupart des Schefflérées, où dans les Myodo- 
carpus, les Tupidanthus, les Plerotropia, les (rastonia, les 
Meryta, ete. 

La crête coilenchymateuse saillante sur la face supérieure 
est plus ou moins développée suivant les espèces; cette crête, 
presque nulle dans l'Aralia racemosa, est plus développée dans 
l'Aralia cachenurica et très fortement saillante dans les Aralia 
montana, A. chinensis, A. hypoleucu, etc. 

Enfin dans l'Aralia cachenurica, le collenchymesituésous lépi- 


320 RENÉ VIGUIER 


derme inférieur est intéressant par la présence de petits 
canaux sécréteurs. 

Les canaux sécréteurs situés dans le parenchyme sous-jacent 
au collenchyme peuvent être extrêmement développés; le paren- 
chyme est alors réduit à de petites lames séparant deux canaux 
contigus (A. wrlicæfolia, A. dasyphylla, A. chinensis, A. folio- 
losa, A. hypoleuca). Ces canaux peuvent avoir un diamètre petit 
comme dans la variété glabre de PA. chinensis (Dimorphanthus 
mandcluricus), dans 
l'Aralia  cachenairica, 
dans l'Araliaracemosu. 
Enfin, dans! Araliaspi- 
nosa, on trouve seule- 
ment des canaux sé- 
créteurstrès pelits dans 
le parenchyme libé- 
rien. 

A l'exception de 
l'Aralia hypoleuca 1 
Fig. 4. — Aralia hunilis, portion d’une coupe trans- n'existe pas de fibres 

an de dne pEe: qa éco ce done UNIT Le 
lacuneux : épi, épiderme inférieur. l'arc libéroligneux. 
Résumé. — Les 
quelques remarques que je viens de faire montrent que, dans 
le genre Aralia, l'étude de la structure peut fournir une série 
de caractères précis. 


Section Nancæ : J'Aralia nudicaulis à une tige dépourvue de 
faisceaux cribrovascuiaires médullaires; la feuille, à limbe 
très mince, est caractérisée par le faible développement de 
l'appareil sécréteur et par le grand développement du paren- 
chyme lacuneux. 

Section Humiles : Au point de vue de la morphologie externe, 
les Aralia hrumilis et A. pubescens sont des espèces extrême- 
ment voisines qui ne different guère que par la forme de leurs 
folioles. 

Ces deux espèces sont au contraire très distinctes par leur 
structure. 

L’Aralia humilis se distingue non seulement de l'Araha 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 321 


pubescens, mais de loutes les autres espèces par la présence de 
stomates dans l'épiderme supérieur du limbe. Le parenchyme 
palissadique est interrompu au-dessus des stomates qui se 
trouvent en relation directe avec le parenchyme lacuneux 
sous-jacent; de plus, les nervures latérales sont dépourvues 
de canaux sécréleurs. 

Dans l’Aralia pubescens le parenchyme palissadique est formé 


OX = 


Fig. 5. — Aralia pubescens. — Schéma d'une coupe transversale de limbe : p, poils: 
ep, épiderme; cut, cuticule; col, collenchyme; pal, tissu palissadique: {, liber: 
b, bois: cs, canal sécréteur; ox, mâcles d'oxalate de calcium. 


de deux ou trois assises de cellules courtes ; il est interrompu 
au niveau des nervures lertiaires où il est remplacé par des 
éléments collenchymateux ; ces nervures tertiaires possèdent un 
canal sécréleur. 

Ces deux espèces sont également recouvertes de poils plus 
ou moins divisés au sommet, différents par conséquent de 
ceux des espèces de la section des Arborescentes. 

La tige de ces deux espèces possède la même structure; elle 
est dépourvue de faisceaux cribrovasculaires médullaires, mais 
diffère de celle de F'Aralia nudicaulis par la forme des cellules 


ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 21 


322 RENÉ VIGUIER 


du liège et par ses fibres péricycliques. L'Aralia hispida diffère 
nettement par sa structure des deux précédents. 

Section genuinæ. — À cette section appartiennent les Aralia 
cachemirica, À. racemosa et A. cordata; loutes trois pos- 
sèdent dans leur tige des faisceaux cribrovasculaires médul- 
laires. 

L'Aralia cachemirica est nettement caractérisé par ses folioles 
présentant, dans la nervure médiane, de petits canaux sécré- 
teurs dans le collenchyme de la face inférieure et de la crête 
ventrale; le parenchyme palissadique comprend deux assises 
de cellules. 

Les canaux sécréteurs manquent dans le collenchyme de 
l’Arala cordata et de l'Aralia racemosa. 

Section arborescentes. — Les espèces appartenant à cette 
section ont toutes des faisceaux cribrovasculaires dans la moelle 
de leur tige, à l'exception de lAralia feroxr. 

Les Aralia hypoleuca et Aralia spinosa ont l’épiderme infé- 
rieur du limbe fortement papilleux comme celui de lAralia 
pubescens; la première espèce possède, dans sa nervure médiane, 
de grands canaux sécréteurs et, autour de l'arc libéroligneux, 
une forte gaine de sclérenchyme; dans lAralia spinosa les 
canaux sécréteurs sont extrêmement petits et il n'y à pas de 
gaine de sclérenchyme. De grands canaux sécréteurs se retrou- 
vent également dans les axes portant les ombelles et dans les 
pédoncules floraux de l'Aralia hypoleuca; dans l'Aralia spinosa, 
ces canaux ont un diamètre plus petit, et le sclérenchyme, 
notamment dans le pédoncule floral, + est beaucoup moins 
développé. 

L'Aralia foliolosa à des folioles complètement glabres, saut 
sur la crête collenchymateuse ventrale de la nervure médiane 
où s’observent, de place en place, de rares poils épais et obtus; 
l'épiderme du pédoncule floral ne présente pas de poils; 
au contraire, les folioles des Araliu chinensis, armata, montana, 
Thomsont, urticæfolin sont couvertes de nombreux poils. 

L'Araliu Thomsonii à des folioles pourvues de nervures 
secondaires extrêmement saillantes sur la face inférieure du 
limbe. La nervure médiane à une crête ventrale arrondie ; les 
cellules du collenchyme ont des parois peu épaissies; les canaux 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 029 


sécréteurs ont une large lumière. Des poils très nombreux, 
mous, flexueux, recouvrent le limbe ; ils sont formés par 
des cellules très allongées et recouverts d’une cuticule peu 
épaisse. 

La structure du limbe de l'Aralia chinensis est voisine de 
celle de PAralia Thomson; on y observe également de longs 
poils mous flexueux. Dans la nervure médiane, les canaux 
sécréteurs, plus petits, sont plus nombreux : on en observe 
fréquemment huit sur la face dorsale et (rois sur la face ven- 
trale. Les nervures secondaires et tertiaires ne sont pas sail- 
lantes sur la face inférieure comme dans les folioles de l'espèce 
précédente. 

Dans l’Aralia urticæfolia, les nervures sont assez fortement 
saillantes sur la face inférieure du limbe; dans la nervure 
médiane, le collenchyme est épais, et, sous la crête collenchy- 
mateuse de la face supérieure, le parenchyme palissadique se 
continue par une assise de petites cellules bourrées de chloro- 
phylle. L’arc libéroligneux est comme reployé plusieurs fois 
sur lui-même, formant une sorte de cordon compact de vais- 
seaux entremêlés de bandes de liber. Les poils, massifs, sont ici 
formés de cellules peu allongées et recouverts d’une cuticule 
épaisse. 

Ces poils acérés comportent, même à l'extrémité, plusieurs 
assises de cellules. 


324 RENÉ VIGUIER 


I 
ACANTHOPANAX 


Je rappelle que ce genre comprend un certain nombre 
d'espèces de FAsie orientale. Ce sont des arbrisseaux fréquem- 
ment épineux dont les fleurs pentamères, réunies en ombelles, 
ont un ovaire formé de deux ou cinq carpelles et sont généra- 
lement articulées sur leur pédoncule. Les graines ont un albu- 
men toujours parfaitement lisse. Jai suffisamment insisté sur 
ce genre très difficile à délimiter dans mon précédent Mémoire. 
Je me bornerai ici à faire l'étude morphologique et anatomique 
d’une nouvelle espèce indo-chinoise. 


Acanthopanax baviensis nov. sp. 
1. MorPHoLOGIE EXTERNE. 


Les lLiges sarmenteuses, inermes, portent des feuilles 
alternes, composées-palmées à une ou trois folioles. Le pétiole 
cylindrique, strié longitudinalement, à de trois à dix centi- 
mètres de long; 1l présente à la base une large gaine et des 
stipules réduites. Les folioles sont ovales, où ovales-lan- 
céolées, doucement alténuées vers la base et vers le sommet 
où elles sont acuminées. La nervure médiane est peu saillante 
sur la face inférieure ; 11 y à quatre ou cinq paires de nervures 
secondaires anastomosées vers leur extrémité; le réseau des 
nervures tertiaires est che et peu apparent. Le limbe est un 
peu coriâce et présente des bords légèrement recurvés sur la 
face inférieure ainsi que de petites dents espacées dans chacune 
desquelles vient se terminer une petite nervure. Les folioles 
sont péliolulées avec un péliolule de 2 centimètres ou 2*%,5 
pour la foliole médiane et de 1 centimètre pour les folioles 
latérales. Quand les feuilles sont unifoliolées on observe sur le 
péliole une articulation très nette. Les dimensions du limbe 
sont très variables : la longueur moyenne est de 10 à 12 centi- 
mètres el la largeur de 4 à 5 centimètres; mais on observe des 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES A 


folioles de 9 centimètres de long sur 2 centimètres ou 2°°,5 de 
large ; il y a même des folioles latérales presque avortées qui 
n'ont que 2,5 de long sur moins d’un centimètre de large. 

Les inflorescences terminales sont peu développées, comme 
dans la plupart des Aranthopanar el réduites chacune à deux 
ou trois ombelles dissimulées au milieu des feuilles qui les 
dépassent longuement. 

Les ombelles comptent de 15 à 20 fleurs portées sur des 
pédoncules de 8 millimètres de long environ. Les pédoncules 
floraux, légèrement papilleux, sont dilatés à leur extrémité 
supérieure el présentent une articulation très prononcée. 

Les boutons floraux, ovoïdes, ont environ #4 millimètres de 
long et 2°°,5 de large. 

Le calice forme au-dessus de Povaire un rebord saillant d’un 
demi-millimètre de long et présente cinq dents triangulaires 
aiguës pouvant porter quelques cils raides sur les bords. La 
corolle blanche, à préfloraison valvaire, est constituée par cinq 
pétales alternisépales, épais, pourvus chacun d'une crête médiane 
interne et cohérents en calyptre. L'androcée comprend cinq 
étamines à filets assez courts, à anthères introrses, allongées. 
L'ovaire est le plus souvent formé par deux et rarement par 
trois carpelles. Cet ovaire, complètement infère, présente de 
légères dépressions longitudinales particulièrement nettes à la 
base. Il porte à sa partie supérieure deux styles libres. Dans 
chaque carpelle on observe un ovule pendant semblable à celui 
des autres Araliacées. 


2, MorPHOLOGIE INTERNE. 


1° Tige. — la tige présente le même {vpe de structure que 
les autres espèces du genre. Une tige âgée montre une couche 
de liège d’origine superficielle dont les éléments sont unifor- 
mément minces; le collenchyme est formé de cellules à parois 
épassies; ces cellules, à la périphérie, ont leur membrane 
complètement lignifiée. L’écorce sous-jacente, peu développée, 
forme un parenchyme à parois minces. Le périeyvele diifé- 
rencie de pelits cordons de fibres fortement lignifiées: entre 
ces cordons fibreux on observe de place en place de petits 


326 RENÉ VIGUIER 


canaux sécréleurs ainsi que des cellules scléreuses légèrement 
lignifiées à parois finement ponceluées. Le liber possède de 
petits canaux sécréteurs. Le bois secondaire est régulièrement 
divisé en compartiments par des rayons formés de trois séries 
de cellules; ces cellules ont des parois épaissies; elles sont 
allongées radialement et ont une section rectangulaire. Les 
vaisseaux, peu nombreux, isolés ou plus où moins groupés en 
“files, sont entourés de fibres à parois épaisses communiquant 
entre elles par des perforations très nettes. 

La zone périmédullaire est formée de cellules lignifiées et ne 
présente pas, comme certaines espèces, d'ares fibreux fortement 
différenciés. Je n'y ai pas observé d'éléments sécréteurs d'une 
manière certaine. Les cellules de la moelle ont une paroi 
cellulosique. 

2° Feuille. — Une section transversale du pétiole dans la 
région moyenne offre la structure caractéristique que j'ai obser- 
vée dans tous les Acanthopanur. Ce péliole est nettement symé- 
rique par rapport à un plan : sur la coupe, la face ventrale 
se montre réduite, avec un fort sillon médian et deux ailes 
latérales provenant de la décurrence du limbe; l'épiderme est 
formé de cellules tabulaires recouvertes d’une mince cuticule ; 
sous cel épiderme, on observe une couche collenchymateuse 
formée de trois ou quatre assises de cellules à paroï épaisses, puis 
une mince couche parenchymateuse. Les faisceaux libéroligneux, 
semicirculaires, au nombre de sept, sont disposés suivant un 
cercle, comme dans tous les Aranthopanar, et en dedans d’une 
couche continue de fibres ; les cellules du centre sont complè- 
tement détruites. Les canaux sécréteurs de petit diamètre sont 
situés dans le plan médian de chaque faisceau sous la couche 
de collenchyme. 

Le limbe à une structure dorsiventrale très nette ; il n°v à 
pas d'exoderme différencié. La nervure médiane renferme un 
pete arc libéroligneux surmonté d'une gaine sclérenchyma- 
teuse et de petits canaux sécréteurs. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES JA 


de PLACE DANS LA CLASSIFICATION. 


L'Acanthopainar baviensis prend place dans le groupe des 
Euacanthopanar, caractérisé par ses inflorescences réduites, ses 
fleurs pourvues d’un ovaire à deux (rarement trois) carpelles et 
ses slyles libres sur une partie de leur longueur. Il se distingue 
nettement des autres espèces : 1° de l'Acanthopanax divaricatus 
Seem. dont l'inflorescence et les fleurs sont couvertes de poils 
farineux ; 2 de l'Acanthopanar evodiæfolius Franchet dont le 
pédoncule floral est dépourvu d’articulation et dont les folioles 
sont ciliées sur les bords ; 3° de l'Acanthopanar innovans (Sieb. 
et Zucc.) Seem. dont les fleurs sont dépourvues d’articulation 
et dont les folioles ont une forme très différente ; 4° de l'Aran- 
thopanazx aculealus Seem. dont les tiges et les pélioles sont 
pourvus d’aiguillons, dont les folioles profondément dentées 
possèdent de petits piquants sur les nervures ; 5° de FA cantho- 
panar trichodon Fr. et Sav. dont les feuilles on en général cinq 
folioles membraneuses, profondément dentées, munies çà et là 
de petits piquants et très différentes, comme taille et comme 
forme, de celles de notre espèce: 6° de l'Acanthopanax japonicus 
Fr. et Sav. et de l'Acanthopanar spinosus Miq. dont les inflo- 
rescences sont portées sur de courts rameaux latéraux. 


4. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 


Tonkin : vallée de Lankok (mont Burn), dans les forêts 
[Balansa, n° 3461, octobre 1887|. 


328 RENÉ VIGUIER 


ul 
SCHEFFLERA 


Le genre Schefflera tel qu'il à été compris par M. Harms 
comprend toutes les Araliacées à feuilles composées-palmées, 
à fleurs non articulées sur leur pédicelle, à graines pourvues 
d'un albumen parfaitement lisse qui n’est ni ruminé par 
l'impression sur la graine des crèles internes du noyau, ni 
ruminé par suite de l'inégale digestion par lalbumen des 
cellules périphériques. 

Un grand nombre d'anciens genres se trouvent ainsi réunis 
dans le genre Schefflera défini de la sorte; j'ai donné dans mon 
précédent travail (1) l’énumération de ces genres et ne 
reviendrai par sur les raisons qui ont décidé Baïllon d'une 
part, Harms d'autre part, à la réunion de ces espèces en un 
seul genre. : 

Le genre Scheflera, avec les seuls caractères de Ta morpho- 
logie externe, est assez difficile à délimiter du genre Acantho- 
panax dont certaines espèces ont les fleurs inarticulées. J'ai 
montré qu'un caractère anatomique, la disposition des fais- 
ceaux dans le pétiole, permettait de séparer les deux genres et 
pouvait rendre de grands services quand on se trouvait en 
présence d'espèces critiques. 

M. Harms divise le genre en deux sections : Cephaloschefllera, 
à fleurs en capitules, et Zuschefflera, à fleurs pédonculées, en 
ombelles, plus rarement en grappes: dans chacune de ces 
sections, l’auteur groupe les espèces d’après leur distribution 
géographique, n'ayant pu faire l'étude de (outes les plantes 
décrites. 

J'ai pu faire l'étude comparée d'un assez grand nombre 
d'espèces sans toutefois pouvoir en examiner la totalité. Je les 
énumérerai en essayant de les grouper d’après leurs affinités et 
en indiquant les principaux synonymes. 


(1) Loc. cit., p. 83. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 329 


Une première série, celle des Agalna, comprend toutes les 
espèces dans lesquelles Les styles sont nettement développés, 
soudés en une petite colonne cylindrique surmontantun disque 
plus ou moins convexe. 

a) Dans cette première série, un premier groupe est consti- 
tué par les espèces ayant les fleurs en ombelles. 


Schefflera impressa arms, Val. Pflancsenf., WI, 8, p. 38 (Hedera 
tomentosa Harm., in Don, Prodr. For. Nep., p.184 ; DC. Prodr., IV, 
p. 264; Wallich Caf., n° 4922; Paratropia Wallichiana GC. Koch, 
Wochenschr., 1859, p.265; Panax tomentosum DC. Prodr., p. 254; 

Heptapleurum impressum C. B. Clarke, Ælora Brit. Ind., W, p.728; 
Agalma tomentosum Seem., Revis. Heder., Journ. of Bot., 1864, 
p. 298). 

Cette espèce possède de grandes folioles lancéolées, environ 
quatre fois plus longues que larges el présentant un abondant 
feutrage de poils étoilés à la face inférieure ; de plus, le réseau 
tertiaire des nervures, très net, est fortement imprimé en creux 
à la face supérieure, glabre, du limbe. Le pétiole est en géné- 
ral bien plus long que les folioles. — (Himalaya). 


Schefflera glauca Harms, loc. cit., p.38 (Agalma glaucum Seem.. 
Journ. of Bot., 1864, p. 299 ; Æeptapleurum glaucum C. B. Clarke, 
loc ici) pr: 1e8). 

Cette espèce, comme la précédente, à de grandes folioles 
lancéolées, à limbe de trois à quatre fois plus long que large, 
mais complètement glabre. Contrairement au  Srhe/flera 
impressa, les stipules sont bien développées. Le réseau tertiaire 
des nervures, quoique net, est beaucoup moins imprimé sur 
la face supérieure que dans le type précédent; le péliole est 
relativement court, sa longueur ne dépassant pas celle des 
folioies. — (Monts Khasia, Bengale). 


Schefflera rostrata Harms, loc. cit., p. 38 ({edera rostrata Wight, 
Ze., t. MXTI-MXIV ; Heptapleurum rostralum Bedd., Ft. Sylo., IE, 
p. 122; C. B. Clarke, loc. cit., p. 729; Agalma rostratum Seem., 
Journ. of Bot., 186%, p. 298). 


3930 RENÉ VIGUIER 


Dans cette espèce, le limbe des folioles est seulement environ 
trois fois plus long que large, légèrement denté, complètement 
glabre; le réseau des nervures tertiaires est visible à la face 
supérieure ; le péliole est long et montre des stipules déve- 
loppées. — (Ceylan, Nilghirrys.) 

Schefflera hypoleuca Harms, at. Pflansenf., p.38 (Heptapleurum 
Rypoleucum Kurz, For. F1.,1, 539 ; C. B. Clarke, Ælor. Brit. Ind., I, 
p. 728). 6 
Cette espèce est bien caractérisée par ses fleurs à pétales 

épais, extrêmement velus extérieurement, à styles longs mon- 

trant au sommet de petites branches stigmatiques légèrement 
recourbées vers l'extérieur ; les folioles sont ovales ou oblongues, 
aiguës, entières où présentant de petites dents ; le limbe, de 
deux à trois fois plus long que large, présente à la face infé- 
rieure de rares poils étoilés ; le réseau des nervures tertiaires 
n'est pas imprimé à la facesupérieure (monts Khasia, Martaban). 

Schefflera elata Harms, loc. cit., p.38 (Heptapleurum elatum, C. B. 
Clarke, For. of Brit. Ind., WU, p. 728 : Agalma elata Seem., Journ. 
of Bot., 1864, p. 298; ÆHedera elata Ham., in Don, Prodr. Flor. 
Nep., p. 187; DC. Prodr., IV, p.264; Wallich, Cat., n° 4914). 
Cette espèce à des fleurs dont les pétales sont quelquefois 

velus à l’état jeune mais qui sont habituellement glabres ; le 

pédoncule floral et le calice sont couverts de poils roussâtres ; 
les sépales sont exceptionnellement développés et velus. Les 
feuilles, de deux à trois fois plus longues que larges, sont parfai- 
tement glabres ; le réseau des nervures tertiaires est légèrement 
saillant sur les deux faces. — (Inde, de Koumaon à Bhouton.) 


Schefflera macrophylla (Sciadophyllum macrophyllum  Dunn, 

Journ. Linn. Soc., XXXV, p. 499, 1903). 

Les feuilles ont 7 folioles coriaces, ovales-oblongues, briève- 
ment acuminées, à base arrondie ou cordées, couvertes à la 
face inférieure d’un tomentum blanchâtre ; linflorescence est 
couverte de poils ; les fleurs en ombelles groupées en grappes 
cylindriques, ont5 ou 6 millimètres de long ; l'ovaire est formé 
de cinq carpelles et surmonté d’une colonne stylaire au sommet 
de laquelle sont disposées cinq petites branches stigmatifères 
rayonnantes. — (Yunnan.) 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 391 


Schefflera aromatica Harms, Vat. Pflansef.,W,8,p.38 (Paratropia 
aromatica Miquel,in Bonplandia, 1856, p.139 et Ælor. nederl. Ind., 
1, 760 ; Aralia aromatica Blume, Bijdr., p. 871; Hedera aromatica 
DC., Prodr.,IV,p.265; Agalma aromaticum Seem., Journ.of Bot., 
Il, 1864, p. 298. 

Le Schefflera aromatica ressemble au Schefflera elata; les 
fleurs sont allongées au lieu d'être globuleuses et sont, ainsi que 
leur pédicelle, dépourvues de poils; le calice forme un léger 
rebord au-dessus de l'ovaire mais ne présente pas de sépales 
distincts. Enfin, l'inflorescence est très ramassée, à rameaux 
d'importance à peu près égale, et a l'aspect d'une sorte de cyme. 
Les feuilles, enfin, n'ont pas le réseau des nervures tertiaires 
sullant à la face supérieure du limbe. — (Java. 

Schefflera Horsfieldii Harms, loc. cit., p.38 (Paratropia Horsfieldii 
Miquel in Bonplandia, 1856, p. 139 et Ælor. ned. Ind., L, p. 761). 
Ce Schefflera, que je n'ai pas eu entre les mains, est très 

voisin du précédent. Il en diffère légèrement par son inflores- 

cence et par ses folioles. — (Java.) 

Schefflera singalangense(?aratropia singalangense Miquel; Ann. 
Mus. Lugd. Bat., 1, p. 23; Heptapleurum singalangense King, in 
Journ. As. Soc. Bengal, LXVIL, part. Il, p.3°5, 1898; Agabma redi- 
vivum Seem., Journ. of Bot., 1864, p. 299; Schefflera rediviva 
Harms, loc. cit., p.38; Heptapleurum redivivum Boerl., Handl. FT. 
ned. Ind., p. 648, 1890). 

Je n'ai pas étudié cette espèce et me borne à rappeler, sans 
m en porter garant, que, d’après King qui a étudiéles échantil- 
lons, le Paratropia redivira de Seemann est identique au Para- 
tropia singalangense de Miquel; cette espèce me semble en tout 
cas bien caractérisée par ses fleurs à 9 pétales, 9 élamines el 
12 carpelles. — {Perak.) 

Schefflera octophylla Harms, loc. cif., p. 38 (Aralia octophylla 
Loureiro, Flor. Cochinch., p. 233; DC. Prodr., IV, p.258 ; Agalma 
octophyllum Seem., Journ. of Bot., 1864, p. 298; Heptapleurum 
octophyllum Benth. et Hook, Gen. P{., 1, p. 492; Paratropia can- 
toniensis Hook et Arn., Bot. Beech., p. 189; Walp., Rep., Il, p. 433. 
Ce Schefflera se distingue par ses fleurs à style court quoique 

très distinet; l'ovaire, les drupes, de forme globuleuse, sont 

très caractéristiques. D'après Loureiro, Fespèce croit en Cochin- 


I32 RENÉ VIGUIER 


chine; les fleurs ont un ovaire à cinq carpelles. À Canton, se 
trouve l'espèce décrite sous le nom de Paratropia Cantoniensis, 
qui à des fleurs à dix étamines et dix carpelles. 


Scheffiera Lawranceana (//eptapleurum |Agalma) Lawranceanum 

Prain, Journ. As. Soc. Bengal, LX VII, p. 273, 1898). 

Arbre à feuilles présentant de 7 à 9 folioles elliptiques, moins 
de deux fois plus longues que larges (30‘*/18°") mucro- 
nulées, très coriaces, l'inflorescence est une panicule rameuse 
couverte de poils farineux; les ombelles ont de 12 à 20 fleurs 
7-mères ; le fruit turbiné, tronqué au sommet, à 7 noyaux, est 
surmonté par une colonne cylindrique formée par les styles 
soudés. — (Birmanie supérieure, Mts. Kachin.) 


Schefflera Koordersii Harms, Ann. Journ. Builensorg, sér. 1, 

vol. IV, p. 17. 

Arbre épiphyte qui se distingue aisément des autres espèces 
du groupe des Agalina par ses feuilles à pétiole plus court que 
le limbe des folioles (pétiole de 5 à 8 centimètres de long, 
foliole de 10 à 20 centimètres de long) et à 3 folioles, et par 
ses ombelles sessiles où subsessiles de 3 à 6 fleurs. L'ovaire 
comple cinq carpelles. — (Célèbes.) 


Schefflera fimbriata Harms, Nat. Pflansenf., WI, 8, p. 38 (F. v. 
Muell., Papuanplants, v. 89; Heplapleurum (?) fimbriatum Boerl., 
Hand. Fl. ned. Ind., 2, p. 468). — (Nouvelle-Guinée.) 


b) Le deuxième groupe des Agalina comprend les espèces 
dont les fleurs sont réunies en grappes. 


Schefflera rugosa Harms, loc. cil., p. 38 (Agalma rugosum Miquel, 
in Bonplandia, 1856, p. 136 et Flor. ned. Ind., 1, p. 752, tab. 11; 
Seem., Journ. of Bot., 1864, p. 297; Aralia rugosa Blum., Bijdr., 
p. 871; Hedera rugosa, DC. Prodr., IV, p. 265; Hedera squarrosa 
Jungh. in Tijdrsch. Nat. Geschied., VIX p. 301; Walp., Rep. U, 
p. 432; Hedera heptaphylla Jungh., Ztin.). 

Celle espèce à de grandes feuilles à très long pétiole et avee 
de 7 à 9 folioles aiguës où acuminées au sommet et de grandes 
grappes de fleurs constituées comme dans les espèces précé- 
dentes. — (Java. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 100 


Schefflera racemosa Ilarms, loc. cit, p. 38 (Hedera racemosa 
Wight, Zcon. Plant.,t. MXV; Agalma racemosum Seem, Journ. 
of Bot., p.298 ; Heptapleurum racemosum Bedd., FT. Sylo.,t. CCIV ; 
CabaOlarke, Æl"0f Brit. Ind., Il, p: 729). 

Ce Schefflera voisin du précédent en diffère pourtant par ses 
feuilles, ainsi que par ses fleurs plus longuement pédicellées. 

— (Inde; Nilghirrys, monts Anamally. Cevlan.) 


Schefflera Hoi (//eptapleurum Hoi Dunn, Journ. Linn. Soc., XXXV, 
p. 498, 1903). 
Espèce voisine du Schefflera racemosa, à folioles coriaces, 
oblongues, acuminées; les pétales se recouvrent légèrement par 
leurs bords. — {Yunnan.) 


\ 


Schefflera Delawayi Harms in Ængl., Bot. Jahrb., XXIV, p. 486, 
1901 (Æeptapleurum Delawayi Franchet, in Morot, Journ. de Bot., 
1896, p° 307). 


4 ou 


Cette intéressante espèce de Franchet à des feuilles à 
6 folioles pourvues d'un péliole de 15 à 25 centimètres de long, 
de péliolules de 4 à 6 centimètres de long, et dont leslimbes sont 


blanchâtres et tomenteux. Les fleurs sont sessiles. — (Yunnan.) 
Schefflera megalobotrya arms, Engl. Bot. Jahrb., XXIX, p. 486, 
1901. 
Cetle espèce, d’après Harms, est très voisine, sinon identique 
au Scheffllera Delarrayi (Chine). 
Schefflera Wrayi (Æeptapleurum Wrayi King, Journ. As. Soc. of 
Bengal, LXVII, part. Il, n° 1, 1898, p. 399). 
Je ne connais cette espèce que par la description de King. 
Elle semble, en tout cas, différer nettement des espèces précé- 
dentes. —— (Perak.) 


c) Un troisième groupe des Agalma caractérisé par les fleurs 
en capitules ne comprend qu'une seule espèce. 

Schefflera Schumanniana arms, in K. Schumann et Lauterbach, 
Nachtr. Flor. deutsch. Schutzgebiete in der Südsee, p. 331, 1905). 
Arbre ou arbrisseau à feuilles longuement péliolées el 

3 à 4 folioles; folioles glabres, articulées sur un long pétiolule, 


334 RENÉ VIGUIER 


oblongues, cuspidées. Les fleurs sont en capitules avee un 
ovaire à » loges surmonté d’un style indivis. Cette espèce est 
intéressante car c’est la seule qui, présentant les styles soudés 
des Agalma, ait desfleurs en capitules, toutes les autres ayant 
des fleurs en grappes où en ombelles. — {Nouvelle Guinée.) 


Aux Agalma peuvent se rattacher plusieurs nouvelles espèces 
indo-chinoises. 


Schefflera Pes avis nov. sp. 


Cette espèce est caractérisée à première vue par ses feuilles 
à pétiole court et beaucoup plus petites que toutes celles que 
nous avons examinées Jusqu'ici. 

1° Feuille. — Les feuilles ont un pétiole relativement court 
ayant au plus 10 centimètres de long, et en général de 7 à 8 cen- 
timètres. À la base le pétiole présente toujours deux stipules 
soudées en une petite lame embrassant la tige et qui, dans 


certains cas tout au moins, semble persister après la chute du 


reste de la feuille. 

Ce pétiole porte à son extrémité 5 à 7 folioles, plus généra- 
lement 5. Ces folioles sont pétiolulées: Ia foliole médiane a 
en général un pétiolule plus long que les folioles latérales ; la 
longueur du pétiolule varie de 1°°,5 à 3 centimètres. 

La forme du limbe est assez variable avec les échantillons, 
et un examen rapide conduirait peut-être à distinguer à tort 
un certain nombre de variétés. Ce limbe est toujours assez 
coriace, acuminé au sommet, et, vers la base, ses deux moitiés 
égales sont doucement atténuées sur le péliolule ; il est en 
général environ trois fois plus long que large (en moyenne 
9 centimètres de long, 3 centimètres de large) et à une forme 
elliptique lancéolée. | 

Certains échantillons d'autre part, tout en avant des feuilles 
à sommet acuminé et à base atténuée sur le pétiolule, ont un 
limbe moins de deux fois plus long que large (en moyenne 
6 centimètres de long, 4 centimètres de large). 

Le limbe est généralement brillant sur la face supérieure, 
montrant imprimé en creux le réseau des nervures tertiaires, 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 339 


tandis que la face inférieure est terne, à réseau de nervures à 
peine visible ou invisible. Mais parfois aussi la face supérieure 
est terne et le réseau des nervures tertiaires est peu apparent. 
On pourrait ainsi être tenté de distinguer plusieurs variétés en 
se basant sur la forme de la feuille, alors qu'il ne s’agit que du 
polymorphisme des feuilles d'une même espèce. En effet, parmi 
les exemplaires récoltés par le R. P. Bon, il en est un {n° 2320) 
qui présente des rameaux à folioles grandes, larges et bril- 
lantes, tandis qu'un autre rameau montre des folioles beau- 
coup plus petites, plus étroites et ternes. Le même voyageur 
a récolté une plante qui, à côté de rameaux à folioles elliptiques- 
lancéolées, pétiolulées, brillantes à la face supérieure où le 
réseau des nervures lertiaires apparait en creux, présente 
d’autres rameaux, à folioles beaucoup plus étroites (6 centi- 
mètres de long, 1°*,5 de large) à pétiolule presque nul, et à 
limbe également terne et sans réseau de nervures apparent sur 
les deux faces. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu actuellement 
de distinguer plusieurs variétés dans cette espèce, malgré les 
différences sensibles qui peuvent être observées dans la forme 
des feuilles. 

2° Inflorescence. — L'inflorescence est plus où moins ample 
suivant les échantillons, mais est toujours construite sur le 
même type. L'axe principal est toujours très court et porte un 
pelit nombre de rameaux souvent rapprochés deux par deux, 
presque au même niveau. Ces rameaux de premier ordre 
portent, le plus souvent, 2 rameaux épais, situés au même 
niveau, lesquels portent, insérées au même point, 2 où 3 om- 
belles simples ; l’inflorescence forme ainsi une sorte de cyme 
mullipare d'ombelles. 

Les ombelles comprennent en général de 10 à 15 fleurs. 
Les rameaux naissent à l’aisselle de bractées courtes el coriaces 
qui persistent généralement, même à la base des pédicelles 
floraux. Les pédiceiles floraux sont très longs (1°%,5 à 2 centi- 
mètres). 

3° Fleur. — Le type floral est celui qu'on observe dans les 
autres espèces du groupe des Agalina. L'ensemble de la fleur 
en bouton, est oblong ; l'ovaire complètement infère est ovoïide, 
surmonté par un léger repli membraneux à bords à peu pres 


+ 


390 RENÉ VIGUIER 


entier qui correspond au calice. La corolle est glabre, formée 
par 5 pétales charnus pourvus d'une crête médiane interne, 
etadhérents de telle sorte que la corolle se détache d’une seule 
pièce, comme le cas est si fréquent chez les Araliacées. Les 
étamines, au nombre de 5, ont un filet court, s’insérant sur 
le dos dans le tiers superieur d’une anthère introrse, ovale, 
triangulaire. L'ovaire, est formé par la soudure complète de 
cinq carpelles et surmonté par un disque plan, ainsi que par des 
styles soudés en une colonne. 

4° Pruit el Graine. — Le fruit globuleux est une petite drupe 
uoirâtre surmontée par la colonne stylaire qui s'est accrue 
pendant le développement de ce fruit et atteint une longueur 
de 2 millimètres où un peu plus. 

Les graines n'offrent rien de particulier, l'albumen est parfai- 
tement lisse. 

5" Distribution géographique. — Cette espèce est particulière 
au Tonkin où elle à été recueillie par le R. P. Bon : n° 4077, Aien 
Khé in montibus Déng-Häm, 28 décembre 1888; — n° 2733, 
Büt-Sün, in monte Ælephantis, 23 septembre 1884 (arbusc., 
fl. flavo-virid. ; nom indigène : Chän-Chin-nui = Pes avis mon- 
anus) ; — n° 2320, in montibus Bân Phet, 21 novembre 1883 


(nom indigène, C'hän-Chin dôi — Pes avis collinus); — n°4551, 
INo-Xa in montibus Arcis Regis Hô. — Les indigènes boivent la 


décoction des feuilles. 


Schefflera tunkinensis nov. Sp. 


Cette espèce diffère de Loutes les autres espèces de la section 
des Agalina par son ovaire: elle est également bien caracté- 
_risée par ses feuilles. 

1° Feuille. — Le pétiole a en moyenne 20 centimètres de 
long. Il présente à sa base des stipules très développées, 
soudées en une languette aiguë, triangulaire, de 2 centimètres 
de long environ. A l'extrémité du pétiole, il y à plusieurs 
folioles (généralement de 7 à 9) groupées en éventail. Ces 
folioles sont toutes pétiolulées ; la longueur de leur pétiolule 
varie de 4 à 6 centimètres. 

Le limbe est obovale, lancéolé, ayant en moyenne 13 centi- 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 394 


mètres de long et 4 centimètres de large, atténué vers la base 
et assez brusquement rétréci au sommet où il est aigu et parfois 
légèrement acuminé. Ce limbe est épais, coriace, à bords 
entiers, révolutés dans les échantillons d'herbier. Les nervures 
secondaires, non saillantes, sont à peine visibles sur lune et 
sur l’autre face. 

2 Inflorescence. — Je n'ai pas eu d'inflorescences complètes ; 
les fleurs doivent être groupées en grappes composées 
d'ombelles; les ombelles, portées par des pédoncules dont la 
longueur varie de 2,5 à 4 centimètres, comptent de 25 à 
30 fleurs. Les fleurs ont un pédicelle de 1 centimètre de 
long. 

3° Fleur. — Les fleurs, non articulées sur leur pédicelle, 
sontglobuleuses, ou presque aussi larges que longues ; elles sont 
remarquables par leur ovaire semi-adhérent doucement arrondi 
dans sa partie bre et couronné par une petite colonne formée 
par la soudure complète des styles. Le calice est à peine 
distinct, indiqué par un petit bourrelet entourant l'ovaire, 
mais où la distinction des pièces est impossible. Les pétales, 
d'un vert pâle, triangulaires, aigus, au nombre de cinq, sont 
charnus et présentent une crête médiane interne; ces pétales, 
à préfloraison valvaire, se séparent à l'épanouissement de Ja 
fleur, et ne sont pas soudés en une calvptre tombant d'un seul 
bloc. Les cinq élamines ont un très long filet portant une 
anthère ovale introrse à quatre sacs polliniques. , 

L'ovaire est formé par la soudure de dix carpelles, contenant 
chacun un ovule pendant. 

4° Fruit et Graine. — À maturité, l'ovaire se développe en 
une drupe ovale rouge, montrant à mi-hauteur un petit bour- 
relet correspondant au calice. La colonne stylaire s’allonge et 
alteint 2 millimètres de long. Les graines, quand elles se déve- 
loppent, ont un albumen lisse. 

5° Distribution géographique. — Celle espèce n'a Jusqu'à 
présent élé rencontrée que dans le Tonkin méridional où elle à 
été récoltée par le R. P. Bon : n° 4530, nom vulgaire, Chân 
Clin Nui — Pes avis montanus, in calcariis montibus 7hinh- 
Chân, 4 novembre 1890; — n° 2254, in montibus inter Lan 
Mat et Lat Son, 8 novembre 1883; — n° 4052, Lang Hé, in 

ANN. SC. NAT. BOT., 9e série. IX, 22 


LS 


338 RENÉ VIGUIER 


Monte Dén, 21 octobre 1888; — n° 3552, Xien-Khé, in 
Monte Chua Dong, 23 novembre 1887. 
D’après le R. P. Bon, les indigènes boivent la décoction des 


feuilles. 


Dans d’autres espèces, les styles sont nuls, les stigmates étant 
sessiles sur le disque, ou bien les styles sont libres ou soudés 
seulement sur une partie de leur longueur avec des branches 
stigmatifères rayonnantes au moins sur le fruit, rappelant ce qu 
a été vu dans les Schefflera hypoleuca el macrophylla cités plus 
haut, ne formant pas une colonne indivise comme dans la section 
des Agalma.Je vais énumérer, en les groupant, ces espèces dont 
je n'ai eu à mon grand regret qu'une partie à ma disposition. 


a. Une première série d'espèces comprend celles dont les 
fleurs sont en capitules : 


Schefflera actinophylla Harms, loc. cit.,p.36!Brassaia actinophylla 
Endi., Nov. Stirp. Mus. Vindob. Decad., I, p. 99; F. Mueller, 
Fragm., Il, p. 108; Walp., Rep., I, p. 430; Seem., Rev. Heder., 
Journ. of Bot., 1864, p. 243. 

Endlicher a créé pour cette espèce le genre Brassaia : les 
fleurs sont réunies en capitules et entourées chacune d’un petit 
involucre de 4 bractées ; elles ont de 7 à 17 pétales (en général 
12), soudés en calyptre, linéaires, avec autant d’étamines 
introrses à filets courts et autant de carpelles ; le disque conique 
est couronné par les stigmates. Les feuilles composées palmées 
ont de 7 à 12 folioles glabres, coriaces, elliptiques obovales, 
mucronées portées par de longs pétiolules. Cette belle espèce, 
découverte dans le Queensland par Banks, atteint 48 mètres de 
haut. 

Schefflera Kræmeri Harms, in ÂVotisbl. kôün. bot. Gartens, u. 
Museums su Berlin, n° 43, sept. 1908, p. 70. 


Cette espèce est voisine du Schefflera aclinophylla; elle en 
diffère notamment par les feuilles toujours à 5 folioles, les 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 339 


_capitules plus petits, les fleurs à 10 étamines et à 10 carpelles. 
— (Carolines.) 


Schefflera capitata Ilarms, loc. cit., p. 36 (Paratropia capitata 
Wight et Arn., Prodr., p. 378; Walpers, Rep., Il, p. 433; Hepta- 
pleurum capitatum Seem., Journ. of Bot., NL, 8, p. 81; Brassaia 
capitata C. B. Clarke, Ælor. of Brit. Ind., Il, 732. 


Espèce très voisine de la précédente, à pièces florales moins 
nombreuses et pétales plus larges. — (Inde, Nughirry. 


Schefflera macrostachya Harms, loc. cil., p. 36 (Sciadophyllum 
macrostachyum Benth., Journ. of Bot., If, 1843, p. 222; Walp. 
Rep., Il, p. 939; Paratropia macrostachya Miq., Bonplandia, 
1856, p. 139; Brassaia macrostachya Seem., loc. cit., 1864, p. 244). 


Cette espèce est également très voisine du Schefflera actino- 
phylla par ses feuilles, ainsi que par ses fleurs entourées de 
bractéoles et à 10-12 pétales, étamines et carpelles. — {[Nou- 
velle Guinée.) 

Ces quatre espèces, qui ont toutes des fleurs à nombreux 
pétales, étamines el carpelles avec, autour de chacune d'elles, 
un petit involucre de bractéoles constituent un petit groupe 
type de l’ancien genre Brassaia. 


Schefflera sessilis Harms, Vat. Pflansenf., UE, 8, p. 86 (Parapanax 
sessile Miq., Flor. Ned. Ind., suppl. I, p.339; Brassaia sessilis Seem., 
Rev. Heder., Journ. of Bot., Il, 1864, p. 244; Benth. et Hook., 
Gen. Plant., 1, p. 943 ; Heptapleurum sessile Boerl., Handl, FT. Ned. 
Ind., Il, p. 648). 


Cette espèce a des fleurs sessiles en capitules, sans bractéoles 
formant involucre. L'ovaire, à 16-17 carpelles, est surmonté 
d'autant de branches stigmatiques rayonnantes. L'absence de 
bractéoles et la présence de styles développés séparent nette- 
ment cette espèce des trois précédentes dont elle se rapproche 
par le grand nombre de carpelles. — (Sumatra) 


Schefflera Mannii Harms, loc. cit., p. 36 (Paralropia Manni Hook. 
f., Journ. Linn. Soc., VI, p.10; Astropanax Manni Seem., Journ. 
of Bot., I, 1865, p. 178; Sciadophyllum Manni Seem., Journ. of 
Bot., I, 1865, p. 267; Æeptapleurum Manni Benth. et Hook., Gen. 
Plant., Y, p. 342; Hiern, Flor. of trop. Africa, HT, p. at). 


340 RENÉ VIGUIER 


Espèce à feuilles composées de 3 à 10 folioles, glabres, 
acuminées au sommet, à capitules de 20 fleurs entourées de 
bractéoles, l'ovaire à 5-6 carpelles et est surmonté d’un disque 
convexe avec stigmates presque sessiles. — (Cameroun.) 


Schefflera Volkensii Harms, at. Pflans., IL, 8, p. 36-37 (Hepta- 
pleurum Volkensii Harms, Engl. Jahrb., XIX, Beiïbl. 47, p. 41; 
Pflansenw. Ostafrikas, C. p. 297). 

Cette espèce diffère de la précédente par ses fleurs non 
entourées de bractéoles, par ses feuilles arrondies au sommet 
(Kilimandjaro; Abyssinie [nussion Dubourg de Bozas|). 

Ces deux espèces se rapprochent de celles du groupe des 
Brassaia mais n'ont que 5 carpelles. 


Les autres espèces à fleurs en capitules ont des fleurs à 
4-9 carpelles avec autant destyles libres ou partiellementsoudés, 
elles sont pourvues ou non de bractéoles (Kilimandjaro). 


Schefflera angulata Harms, loc. cit, p. 36 (Actinophyllum angula- 
tum Ruiz et Pavon, F4. Peruv., I, p.73, & CCCVIT ; Sciadophyllum 
angulatum Poir., Dict., VI, p. 745 ; Seem., Rev. Heder., Journ. of 
Bot. 111, 1865, p. 268). 


Dans cette espèce les fleurs, en capitules sphériques, denses, 
sont comprimées les unes les autres et entourées à leur base par 
3 petites bractées écailleuses; les folioles, arrondies ou cordées 
à la base, ont un feutrage de poils à la face inférieure. L’an- 
drocée est formé généralement de huit étamines (rarement de sept 
ou neuf). L'ovaire, à 4-7 loges, est surmonté d'un disque formant 
un rebord onduleux et de styles libres, la corolle en calyptre 
est élevée, tronquée, plane à la partie supérieure. — (Pérou.) 


Schefflera conica Harms, loc. cit., p 36 (Actinophyllum conicum 
Ruiz et Pavon, loc. cit., p. 74,t. CCCIX ; Sciadophyllum conicum 
Poir., doc. cit., p.746; Seem., Journ. of Bot; HT 1865; p 200 
Espèce voisine de la précédente ; les fleurs, non comprimées, 

ont un ovaire globuleux à 9 loges, plan à la partie supérieure, 

surmonté de styles presque nuls; les étamines, au nombre de 
huit à onze, ont des filets très longs ; la corolle est conique; 
les folioles sont glabres. — (Pérou.) 


—_———— 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 341 


Schefflera acuminata Harms, loc. cit., p. 36; Actinophyllum acu- 
minatum Ruiz et Pavon, loc. cit., p. 74, t. CCCX; Sciadophyllum 
acuminatum Poir., loc. cit., p. 746; Seem., Journ. of Bot., HT, 1865, 
p: 267. 

Cette espèce, voisine des précédentes par ses feuilles, ses 
stipules très développées, a des fleurs en capitules, non com- 
primées, avec androcée de huit étamines et ovaire globuleux à 
5-7 loges, styles libres, corolle hémisphérique, apiculée au 
sommet. — (Pérou.) 


Schefflera Ulei Harms, Verhandl. des Bot. Vereins Brandenburg, 

1905, p. 186. 

Cette espèce est un arbrisseau de 1 à 4 mètres de haut ; les 
feuilles ont 8 folioles à limbe oblong ou lancéolé, doucement 
alténué sur le pétiolule au lieu d'être arrondies ou cordiformes 
à la base comme dans les Schefflerx conica el acuminata. Les 
fleurs sessiles, groupées par 9-11, sont en capitules et sont 
séparées les unes des autres par des bractéoles. L'ovaire, à 
5 loges, est surmonté d’un disque globuleux, couronné par 
5 styles subulés, linéaires. — (Pérou.) 


Schefflera microcephala Harms, Engl. Bot. Jahrb., Bd XELH, 
p. 148, 1908. 
Le Schefflera microcephala est un arbrisseau voisin du précé- 
dent dont il diffère surtout par l'ovaire à 8 ou 9 carpelles. — 
(Pérou.) 


Schefflera pentandra Hars, Val. Pflansenf., WA, 8, p. 56 (Actino- 
phyllum pentandrum Ruiz et Pavon, loc. cit, p. 75, &. CCCXI; 
Sciadophyllum pentandrum Poir., loc. cit., p. 74T: Seemann, Journ. 
of Bot., HT, 1865, p. 268). 

Les folioles, arrondies à la base, sont velues à la face infé- 
rieure; les fleurs comprimées, en capilules, entourées de 
bractéoles ovales ciliées, ont une corolle conique, un androcée 
de 5 élamines, un ovaire surmonté de styles courts. — (Pérou.) 


Schefflera Mathewsii Harms, loc. cit, p. 36 (Sciadophyllum Ma- 
thewsii Seem., Journ. of Bot., TT, 1865, p. 268). 


Fleurs à corolle hémisphérique, non apiculée, à 5 élamines 


349 RENÉ VIGUIER 


et à 4-5 carpelles seulement. Feuilles à 8-10 folioles glabres 
ovales, oblongues, obtuses ou aiguës à la base. — (Pérou.) 


Schefflera Sprucei Harms, loc. cit., p. 36; Sciadophyllum Sprucei 

Seem., Journ. of Bot., IT, 1865, p. 268. 

Espèce voisine de la précédente, en différant surtout par ia 
teinte des folioles et par la nervation; l'ovaire a seulement 
4 carpelles. Je n'ai pas examiné ces deux espèces et ignore si 
les fleurs sont entourées de bractéoles. — [Pérou.) 


Schefflera paniculata (Sciadophyllum paniculatum Britton, Bull. 

Torr. Bot. Club., XVIIL, p. 37). 

Espèce voisine du S. anqulata. Les feuilles ont 8 ou 9 folioles 
longuement pétiolulées, ovales ou elliptiques, acuminées au 
sommet, arrondies à la base, entières, tomenteuses à la face 
inférieure, deux fois plus longues que larges (12-15 centimètres 
sur 6-7 centimètres). Les fleurs, en capitules de 8-10 millimètres 
de diamètre, n'ont pas été décrites par Britton. — (Bolivie 
Mapiri.) 


Schefflera Karsteniana Harms, at. Pflansenf., II, 8, p. 36 
(Sciadophyllum Karstenianum March., Bull. Acad. roy. Belq., 
sér. IT, t. XLVIT, p.93). 


D 


Les feuilles ont de 5 à 7 grandes folioles pétiolulées, cou- 
vertes à la face inférieure d’un tomentum de longs poils ferru- 
gineux ; l'inflorescence - est également très fortement tomen- 
teuse. Les fleurs sont sessiles, réunies par 15 à 25 en capi- 
tules denses, globuleux longuement pédonculés ; elles ont à 
leur base des bractéoles cihées; ces fleurs ont le tube du calice 
velu et l'ovaire à 3 ou 4 loges surmontées d'autant de styles 
courts, connés à la base. — {Vénézuéla.) 


Schefflera Trianæ Harms, Vat. Pflansenf., II, 8, p. 36 (Sciado- 
phyllum Trianæ Planchon et Linden ; Seem., Rev. Heder., Journ. 
of Bot., III, 1865, p. 268). 

Espèce dont je n'ai pu lire la description. Elle diffère de 
la précédente, d’après Marchal (1), par des capitules très 


(1) EL Marchal, Revision des Hédéracées américaines (Bull. Acal. roy. 
Belgique, sér. IL, t. XLVIT, p. 94, 1879). 


ee —— 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 343 


brièvement pédonculés et par le duvet des feuilles « formé de 
deux couches superposées », la corolle inconnue dans le S. 
Karsteniana est, 1c1, hémisphérique. — (Nouvelle Grenade.) 


Schefflera heterotricha Harms, Wat. Pflansenf., TI, 8, p. 37; 
Sciadophyllum heterotrichum Planchon et Linden; Seem., Rev. 
Heder., Journ. of Bot., IX, 1865, p. 268. 


Espèce voisine des précédentes, mais à fleurs présentant un 
pédicelle de un demi à 1 millimètre de long et à styles assez 
longs, « soudés en colonne » (je ne sais s'ils sont totalement 
soudés), dépassant beaucoup le calice. La présence d’un court 
pédicelle floral a décidé M. Harms à placer cette espèce dans 
la section Euschefflera. En ce cas la limite est impossible à 
tracer entre les deux sections qu'il a proposées. Le Schefflera 
cephalotes, par exemple, de sa section Cephaloschefflera à des 
fleurs nettement pédicellées. — (Nouvelle Grenade.) 


Schefflera euryphyila Harms, in KEngl. Bot. Jahrb., Bd XLII, 

p. 151, 1908. 

Ce Schefflera est un arbre de 15 mètres de haut, qui pos- 
sède des feuilles avec 7-9 grandes folioles à limbe de 14 à 
22 centimètres de long, sur 9 à 12 centimètres de large ; cette 
largeur des folioles en particulier, distingue cette espèce de 
toutes les autres. Les fleurs sont en capitules sessiles ou presque 
sessiles et ont un ovaire légèrement velu, anguleux, à 5-6 
carpelles et styles courts, épais, soudés vers la base. — (Pérou.) 


Schefflera Werberbaueri Harms, in Engl. Bot. Jahrb., Bd XLIT, 
p: 151, 1908. 


Cette espèce est un arbrisseau de 3 mètres de haut; elle à 
des feuilles pourvues d’un long pétiole de 20-2% centimètres 
et de 11-13 folioles ; celles-ci ont un limbe oblong, étroit, ou 
lancéolé-oblong, tomenteux sur la face inférieure, aigu ou 
brièvement acuminé au sommet, légèrement cordé où émarginé 
à la base (13-20 centimètres de long sur 4-6 centimètres de 
large); les capitules sont très brièvement pédonculés : les fleurs, 
très serrées, sont comprimées les unes les autres comme dans 
le Schefflera angulata, el ont, par suite, un ovaire anguleux 


344 RENÉ VIGUIER 


à 5-7 carpelles surmonté d'autant de styles subulés insérés dans 
une dépression du disque ; la corolle est en calyptre, obtuse ou 
tronquée au sommet ; il y a de 15 à 21 étamines petites à filets 
courts. — (Pérou.) 


Schefflera ferruginea Harms, at. Pflansenf., UL, 8, p. 36 (Aralia 
ferruginea Humb. Bonpl. et Kunth, Wov. Gen., p. 7; Hedera 
ferruginea DC. Prodr., IV, p. 264; Sciadophyllum ferrugineum 
Decsne et Planchon, Rev. Horticole, 1854, p. 107 ; Seem., Journ. of 
Bot. IL, 1865, p. 268). 

Espèce à folioles couvertes de poils feutrés sur la face infé- 
rieure ; fleurs entourées de bractéoles; ovaire formé de cinq 
carpelles et surmonté de styles très courts. — (Colombie). 


Schefflera inambarica Harms, in Engl. Bof. Jahrb., Bd XLI, 
p-. 150, 1908. 


Arbrisseau voisin du précédent, présentant toutefois des fo- 
lioles de forme différente, à limbe oblong brièvement et brus- 
quement acuminé et une inflorescence beaucoup moins velue- 
cotonneuse; les ovaires, plus où moins anguleux par pression 
réciproque, de 2 à # millimètres de long, comptent de 3 à 5 
carpelles surmontés d'autant de styles très courts. — (Pérou.) 


Schefflera Viguieriana Harms, in Engl. Bot. Jahrb., Bd XL, 
p. 150, 1908. 


Arbrisseau de 3 mètres de haut différant du précédent par 
ses folioles couvertes sur la face inférieure de poils roux ferru- 
gineux, non arrondies, assez brusquement rétrécies sur le pétio- 
lule. L’ovaire à 4 ou 5 carpelles el autant de styles très courts : 
les capitules sont moins velus, les bractéoles subulées-linéaires, 
beaucoup plus petites que dans le Schefflera ferruginea. — 
(Pérou. 

Scheffiera dolichostyla Harms, in Engl. Bot. Jahrb., Bd XLI, 

p. 152, 1908. 

Cette espèce est un arbrisseau à grandes feuilles, à fleurs en 


capitules comme dans les précédentes; elle est caractérisée par 
l'ovaire velu, à 4 ou 5 loges, surmonté d'un long style portant 


TR SSSR EG 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 349 


au sommet 4 ou 5 petites branches stigmatiques rayonnantes. 
— (Pérou). 
Schefflera Pardoana Harms, in Engl. Bot. Jahrb., Bd XLIT, p. 152, 

1908. 

Cette espèce se rapproche des précédentes par ses feuilles à 
grandes folioles oblongues lancéolées, et ses fleurs en capitules, 
s'en distingue surtout par l'ovaire anguleux, pubescent, de 5 à 
8 millimètres de long, ne comptant que de 3 à 5 carpelles sur- 
montés d'autant de styles épais connés à la base. — (Pérou.) 


Les quatre espèces qui suivent se séparent de celles déjà citées, 
par leurs stigmates sessiles ou subsessiles et par leurs fleurs, en 
ombelles, mais à pédoncules très courts, formant presque des 
capilules; elles se rattachent ainsi aux précédentes, notamment 
au Schefflera heterotricha. 


Schefflera cephalotes Harms, loc. cit., p. 36 (Heptapleurum capi- 
tatum C. B. Clarke, Flor. of Brit. Ind., WE, p.731; Heptapleurum 
capitatum Seem., Journ. of Bot., HT, 1865, p. 81). 

Cette espèce, confondue à lort par Seemann avec le 
Schefllera capitata mentionné plus haut, est bien caractérisée. 
Elle présente de grandes folioles beaucoup plus longues que 
larges, vernissées sur la face supérieure où elles présentent un 
réseau de nervures tertiaires apparentes, el couvertes de poils 
roussâtres sur la face inférieure. L'inflorescence est formée d'un 
assez grand nombre de branches dressées portant des sortes 
de capitules courtement pédoneulés. Les fleurs, portées sur 
des pédicélles courts, forment presque des capitules et sont 
dépourvues de bractées à la base des pédicelles. L'ovaire, 
allongé et surmonté par un disque plan avec stigmates sessiles, 
est formé de huit carpelles. — (Malacca, Singapour, Penang, 
Perak.) 


Schefflera Scortechinii (/eptapleurum Scortechinit King., Mater. 
for a Fl. of the Malayan Pen., Journ. Asial. Soc. of Bengal, LXVIT, 
Part. IL, 1898, p. 393). 

Cette espèce, voisine du $. cephaloles par son intlorescence el 
ses ombelles globuleuses de fleurs courtement pédicellées, en 


346 RENÉ VIGUIER 


diffère notamment par ses folioles glabres sur la face inférieure 
et moins de trois fois plus longues que larges; l'ovaire est à 5 
carpelles surmontés de stigmates sessiles. — (Perak.) 


Schefflera tomentosa (//eplapleurum tomentosum Hassk., Flor. 
(B. Z.) Beibl., 1842, p. 30; Cat. Hort. Bot.! Bogor, 1844, p. 165 : 
Seem., Rev. Hed., Journ. of: Bot., IH, 1865, p.: 77; King, oc..cit., 
p. 394; Boerl., Æandl. F1. ned. Ind., 2, p. 648. Sciadophyllum 
tomentosum Blume, Bijdr., p.877; DC. Prodr., IN, p. 260; Para- 
tropia tomentosa Miq.,in Bonplandia, 1856, p. 138 et F1. Ned. Ind., 
1, pars. 1, p. 753; Ann. Mus. Lugd. Bat., I, 23). 

Cette espèce a des fleurs courtement pédicellées formant des 
sortes de capitules globuleux; lovaire compte 5 carpelles 
surmontés de styles très courts; elle diffère des précédentes par 
leurs feuilles à pétiole de 45 à 60 centimètres de long, par les 
folioles arrondies à la base, ovales oblongues ou oblongues- 
acuminées, qui sont velues à la face inférieure et par ses fleurs 
à calice velu, régulièrement pentamères. — (Java, Sumatra, 
Selangor, Perak.) 


Schefflera apiculata (Paratropia apiculata Miq., Ann. Lugd. Bat., 
p. 219; /eptapleurum apiculatum Seem., Journ. of Bot., 1865, 
p. 78; Boerl., Handl. F1. ned. Ind., 2, p. 648). 


Les fleurs de cette espèce sont presque en capitules, et sont 
entremêlées de bractéoles ciliées ; ces fleurs sont pentamères, 
avec une corolle à pétales non réunis en calyptre el un ovaire 
turbiné surmonté de 5 stigmates punctiformes. — (Moluques.) 


b. La plupart des autres espèces ont des fleurs en ombelles ; on 
peut distinguer parmi elles de nombreux groupements. 

2. Un premier petit groupe permet de réunir plusieurs 
espèces à feuilles composées à deux ou trois degrés. 


Schefflera heterophylla Harms, Wat. Pflanz. WI, 8, p. 38 (Hedera 
heterophytla Wall., Cat., n° 4919; G. Don, Gen. Syst., TI, p. 394; 
Walp. Æep., 1, p. 432; Paratropia calophylla Miq., Bonplandia, 
1856, p. 138; 1. ned. Ind., 1, 1, p. 758; Paratropia heterophylla 
Presl, £pimel. Bot., 2 50; Heptapleurum heterophyllum Seem., 
Rev. Hed., Journ. of Bot., 1865, I, p. 77; King, Journ. As. Soc. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 347 


Bengal, LXVIT, Part. Il, n° 1, 1898, p. 400); Boerl., Z/andl. El. ned. 
Ind., 2, p. 648. — (Pinang, Perak.) 


Schefflera biternata Harms, af. Pflansenf, II, 8, p. 38 (Hepta- 
pleurum biternatum C. B. Clarke, For. Brit. Ind., IL, p.731; King, 
loc. cit., p. 400. — ‘Malacca|]). 


Schefflera Junghuhniana arms, oc. cit, p. 38 (Paratropia 
Junghuhniana Miq., FT. ned. Ind., 1, 1, p. 758; Heptapleurum 
Junghuhnianum Seem., loc. cit., p. 77; Boerl., Æandl. F. ned. 
Ind., 2, p. 648. — lJaval). 


8. Un autre petit groupe comprend des espèces à stigmates 
sessiles, à feuilles présentant presque constamment une seule 
foliole. 


Schefflera emarginata Harms, Vaf. Pflans., WU, 8, p. 36 (Æedera 
emarginata Moon, Cat. PI. Ceyl., p. 18, Thwaites, £num. Ceyl. 
Plants, p. 132; Heptapleurum emarginatum Seem., Rev. Hed., 
Journ. of Bot., LIT, 1865, p. 80 ; C. B. Clarke, Ælor. of Brit. Ind., I, 
p. 728). 

Cette espèce est remarquable par ses feuilles constamment 
unifoliolées ; le limbe coriace, petit, à nervures saillantes, est 
cunéiforme, émarginé, parfois presque bilobé; le pétiole est nul 
ou presque nul. Les fleurs, nettement en ombelles, ontur ovaire 
formé par la soudure de 5 carpelles, avec un disque légèrement 
convexe surmonté de 5 stigmates globuleux. — (Ceylan.) 


Schefflera avene Harms, loc. cit., p. 36 (Paratropia avenis Miq., 
Ann. Lugd. Bat., 1, p. 19; Heptapleurum avene Seem., Journ. of 
Bot., Il, 1865, p. 79; King, Journ. As. Soc. Bengal, LX VII, part 
IT, n° 1, 1898, p. 391; Boerl., Æandl. F1. ned. Ind., 2, p. 648". 


Espèces à feuilles uni ou trifoholées, folioles oblongues aiguës, 
épaisses, coriaces, brillantes à la face supérieure. L'ovaire 
compte six carpelles. — (Singapoure, Sumatra). 


Schefflera parasitica Harms, loc. cit, p. 36 (Sciadophyllum humile 
Blume, Bijdr., p. 875; DC. Prodr., IV, p. 259; Actinomorphe 
humilis Miq., Com. Phytogr., p. 102; F1. nederl. Ind., I, p. 749; 
Sciadophyllum parasiticum Blume, Bijdr., p. 877; Paralropia 
parasitica Miq., Bonpland., 1856, p. 138; F1. nederl. Ind., 1, p. 757; 
Heptapleurum parasiticum Seem., Journ. of Bot., UT, 1865, p. 79 ; 


Boerl., Handl. F1. ned. Ind., 2, p. 648). 


348 RENÉ VIGUIER 


Espèce voisine de la précédente à folioles ovales, acuminées 
de 6-10 em. de long. Blume avait, par erreur, décrit sous le 
nom de Sciadophyllum humile, cette espèce comme ayant 
des fleurs tétramères; les fleurs sont en réalité, 6-7 mères; les 
feuilles ont parfois trois folioles. — {Java.) 


Schefflera acutissima Harms, Naf. Pflanz., UE, 8, p.37 (Paratropia 
acutissima Miq., Ann Lugd. Bat., 1, p. 20; Heptapleurum acutis- 
simum Seem., Journ. of Bot., HI, 1865, p. 79; Boerl., Handl. 
F1. ned. Ind., 2, p.64). 


Espèce voisine des trois précédentes, à folioles elliptiques, 
oblongues où sublancéolées, de 20-25 cm. de long, et à ovaire 
formé de 5 carpelles. 


+. Un troisième groupe, parmi les espèces à fleurs en 


ombelles, comprend toutes celles à stigmates sessiles, à feuilles 
composées palmées avec, en général, 5 folioles ou plus. 


Schefflera scandens (Sciadophyllum scandens Blume, Bijdr., 
p.878 ; Paratropia scandens Miq., Bonplandia, 1856, p. 138; For. 
ned. Ind., 1, 1, p. 57; Paratropia brachybotrya Miq., Flor. ned. 
Ind., 1, 1, p.755; Heplapleurum scandens Seem., Journ. of Bot., 
III, 1865, p. 79; King, Journ. As. Soc. Bengal, LXVIF, Part. Il, 
n° 1, 1898, p. 397; Boerl., Zandl. FI. ned. Ind.,2, p.648). 


Espèce à petites feuilles trifoliolées jamais unifoliolées, à 
folhioles glabres, acuminées, à fleurs pentamères, en grappes 
simples d'ombelles dont les branches sont plus ou moins hori- 
zontales. — (Perak, Java, Sumatra.) 


Schefflera venulosa Harms, loc. cit., p. 39 (Paratropia venulosa 
Wightet Arn., Prodr. F. Pens. Orient, p. 377; Walpers, Rep. Il, 
p.433; Wight, Z{lustr., lt. CXVIIT ; Æeptapleurum venulosum Seem., 
Rev. Hed., Journ. of Bot., IT, 1865, p. 80; C. B. Clarke, Ælor. Brit. 
Ind., II, 729; King, Journ. As. Soc. Bengal, LXVIT, Part. Il, n° 1, 
1898, p. 396; Æedera terebinthacea Wall., Cat., n° 4920 ex part. ; 
Hedera venosa Wall., Cat., 4923; Panax serratum Wall., in DC. 
Prodr.,IV,p.253; Aralia digitata Roxb., Flor./nd., Il, 107; Rheede, 
Hort. Mal., VIL, t. XXVIIL; Aralia Moorei F. Muell. Fragm. II, 
p. 108, IV, p. 121; Sciadophyllum ellipticum Blume, Bijdr., 881; 
Paratropia elliptica etmacrantha Miq., Ft. ned. Ind., 1, 4, p. 756). 


Le Schefflera venulosu est un arbrisseau à feuilles composées 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 349 


palmées ; les folioles ont un limbe entier, oblong elliptique ou 
oblong lancéolé, acuminé, arrondi ou rétréci vers la base, assez 
coriace avec un réseau de nervures saillant à la face supérieure. 
L'inflorescence forme des panicules assez courtes, constituées 
par un assez grand nombre d’axes dressés portant latéralement 
des ombelles. Les ombelles portées sur un pédoncuie court 
comptent une quinzaine de fleurs : ces fleurs sont sur le type 5 
avec des pétales minces, des étamines à filet court, un ovaire 
à 5 carpelles surmonté d'autant de stigmates sessiles sur 
un disque légèrement conique. — {Inde méridionale, Malacea, 
Andaman.) 


Schefflera stellata Harms, loc. cit., p. 39 (Heptapleurum stellatum 
Gærtn., de Fruct. Il, 472, t. CLXXVII; Seemann, Rev. Hed., 
Journ. of Bot., LT, 1865, p. 80; C. B. Clarke, Ælor. Brit. Ind., I, 
730; Hedera Valhlii Thwaites, £num. Ceyl. Plants, p. 132; Hedera 
obovata Wight, Zcon., 1. MXI, MXII ; Zedera terebinthacea Vahl, 
Symb., IL, p. 42; DC. Prodr., IV, p. 265; Paratropia terebinthacea 
Arn., Vov. Act., XVIII, p. 338). 


Cette espèce est très voisine de Srkefflera venulosa dont elle 
ne diffère guère que par la forme deses folioles obovales, obtuses 
ou arrondies au sommet. — (Inde méridionale, Ceylan.) 


Schefflera elliptica arms, Vat. Pflans., p. 29 (Sciadophyllum 
ellipticum, Blume, Bijdr., p. 8178; DC., Prodr., IV, p. 260; Para- 
tropia elliptica Miq., Bonplandia 1856, p. 138; For. ned. Ind., 1, 1, 
p.756; Ann. Lugd. Bat., p.20; Heptapleurum elliplicum Seemann, 
Rev. Hed., Journ. of Bot., IT, 1865, p. 78; King, Journ. 45. Soc. 
Bengal, LX VII, Part. Il, n° 1, 1898, p. 397; Paratropia micrantha 
Miq., €. ned. Ind., 1, suppl., p. 337; Æeptapleurum micranthum 
Seem., Journ. of Bot., II, 1865, p. 78). 


Cette espèce est voisine des précédentes ; les folioles ellip- 
tiques ont également un réseau de nervures saillant à la face 
supérieure du limbe ; l'inflorescence, glabre, est plus ample, 
à rameaux plus étalés et ombelles plus longuement pédon- 
culées ; ce Scheffleraest, d'après Went, une plante semi-épiphyte. 
— (Malacca, Singapoure, Perak, Iles Andaman et Nicobar.) 
Schefflera eurhyncha Paratropia eurhynchaMiq., Ann. Lugd.Bat., 


1, p.21; Heptapleurum eurhynchum Seem., Journ.of Bot., XI, 186, 
p: 78 ; Boerl., Handl. FI. ned. Ind., ?, p. 648). 


330 RENÉ VIGUIER 


Espèce très voisine du S. elliptica, mais à folioles longue- 
ment acuminées. — (Java.) 


Schefflera petiolosa Harms, loc. cit., p. 39 (Paratropia petiolosa 
Miq., Ann. Lugd. Bat., 1, p.24; Heptanleurum petiolosum Seem., 
Journ.of Bot., UT, 1865, p. 78; Boerl., Jandl. F1. ned. Ind., p.648.) 


Espèce à fleurs octomères, en ombelles de 3 à 5, et à grandes 
feuilles composées avec 7 à 9 folioles coriaces. — (Bornéo. 


Schefflera fastigiata (Paratropia fastigiata Miq., Ann. Lugd. 
Bat., 1, p. 44; Heptapleurum fastigiatum Seem., Journ. of Bot., 
IIT, 1865, p. 78; Boerl., Æand. F1. ned. Ind., 2, p. 648). 


Espèce à fleurs hexamères en ombelles de 8 à 15. — (Java.) 


Schefflera pergamacea (/leptapleurum Hassk., Cat. bog., p. 765: 
Aralia BI. Bijdr., p. 833. Paratropia pergamacea DC. Prodr., IV, 
p. 266; Miq., Ælor. ned. Ind., X, p. 756; Heptapleurum pergama- 
ceum ; Boerl., Handl. F1. ned. Ind., 2, p. 648). 

Feuilles à 6-12 folioles arrondies à la base, ovales, aiguës, 
glabres, parcheminées ; ombelles fasciculiformes. — (Java.) 


Schefflera Fargesii (/eptapleurum Fargesii Franchet, in Journ. de 
Bot., 1896, p. 306). 


Je n'ai pas étudié celte espèce qui, d’après Franchet, a le 
port de l’Heptapleurum venulosum, possède comme lui des 
feuilles glabres, à 5 folioles, et de petites fleurs, mais dont 
les styles sont soudés en une colonne de un millimètre environ. 
J'aurais donc pu citer cette plante en la plaçant à côté des 
Agalma.— {Chine orientale : Héoupin près Tchen-Kéou.) 


Schefflera Wallichiana Harms, Vat.Pflans.\l,8, p.38 (Paratropia 
Wallichiania Wightet Arn., Prodr. 377; Hedera exaltata Thwaites, 
Enum. 44; Hedera Wallichiana Dalz. et Gibs., Bomb. Fl., 108; 
Heptapleurum exaltatum Seem., Rev. Hed., in Journ. of Bot. 
Ill, 1865, p. 80; Æeptapleurum Wallichianum C. B. Clarke (non 
Seem) For. Brit. nd. Il, p.130): 


L'inflorescence forme une panicule ample d'ombelles, les 
fleurs sont beaucoup plus grandes que celles de toutes les 
espèces qui ont élé énumérées jusqu'ici. Les folioles coriaces 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 991 


oblongues ou elliptiques, aiguës, n’ont pas leur réseau de ner- 
vures saillant à la face supérieure du limbe. 


Schefflera Khasiana (//eptapleurum Wallichianum Seem., Journ. 
of Bot., II, 1865, p. 80; /eptapleurum Khasianum C. B. Clarke, 
Flor. Brit. Ind., p. 730). 


Cette espèce, voisine de la précédente, en diffère par ses 
folioles oblongues-lancéolées, et par ses fleurs beaucoup plus 
petites, el qui ont un pédoncule, un calice et une corolle 
velus. — (Inde : Monts Khasia. 


Schefflera producta (//eptapleurum productum Dunn, Journ. Linn. 
Soc., XXX V, p. 499, 1903). 


Espèce voisine des deux précédentes. — (Chine : Yunnan. 


Schefflera subulata (Paratropia subulata Miq., Ann. Lugd. Bat. 
I, p. 22; Heptapleurum subulatum Seem., Rev. Hed., Journ. of 
Bots, IP 1865/;p. 18» CB. Clarke, For. Brit. Ind.,-Il, p. 730; 
King, Journ. As. Soc. Bengal, LXVIF, part. II, n° 1, 1898, p. 395). 


Cette espèce a des feuilles le plus souvent à 3 folioles, parfois 
à 4 ou 5 ; le pétiole est court, de 5 ou 6 centimètres de long, 
alors que dans la plupart des autres espèces, il est en général 
beaucoup plus long que les folioles: ces folioles, à pétiolule 
très court, ont un limbe oblong ou elliptique, assez longuement 
acuminé, avec un réseau de nervures très saillant à la face 
supérieure du limbe. L'inflorescence comprend un certain 
nombre d’axes allongés portant latéralement des ombelles à 
pédoncule {rès court, presque nul; la plante est surtout inté- 
ressante par ses pétales extrêmement minces, trinervés, légère- 
ment rétrécis à la base et par ses étamines à filets extrêmement 
longs, enroulés dans le bouton et terminés par des anthères 
globuleuses où même plus larges que longues. -— (Malacca, 
Perak, Pahang.) 


Schefflera polita (Paratropia polita Miq., Ann. Mus. Lugd. Bat. 
p. 22; Heptapleurum politum Seem., Journ. of Bot., I, 1865, 
p. 78, Boerl., Hand. F1. ned. Ind., 2, p. 468 [Sud-Bornéo)). 


Schefflera Minahasæ Ilarms, Ann. Jard. Builensorg, sér. I, 
Vol, p.17. 


352 RENÉ VIGUIER 


La plante décrite par M. Harms est voisine de la précédente ; 
elle présente le même type de feuilles, d'inflorescence et de 
fleurs. Les feuilles à pétiole beaucoup plus long (15-21 centi- 
mètres) ont des folioles plus longuement pétiolulées; les 
ombelles sont portées sur des pédoncules plus longs. — (Célèbes.) 


Schefflera gracilis (Paratropia gracilis Miq., Ann. Lugd. Bat., 
p. 22; Heptapleurum gracile Blume mss., Seem., Journ. of Bot., 
III, 1865, p. 78). 

Les ombelles, comme dans le S. subulata, sont portées sur 
des pédoncules très courts ; les fleurs sont pentamères; les 
feuilles ont 5 folioles lancéolées oblongues. — (Bornéo. 


Schefflera Corona sylvæ (Paratropia corona sylvæ Miq., Bon- 
plandia, 1856, p. 188; FT. ned. Ind., 1, 1, 755; Heptapleurum 
Coronæ sylvæ Seem., Journ. of Bot., LI, 1865, p. 78). 

Cette espèce, que je n'ai pas examinée, est encore du même 
type que les précédentes, elle est voisine du $. subulata, les 
feuilles ont un péliole de 6-7 centimètres, plus court que le 
limbe des folioles ; celles-ci ont un pétiolule court (5-15 milli- 
mètres), le limbe est aigu vers la base, acuminé au sommet 
elipüque-oblong; elle diffère du S. subulata par ses folioles, et 


aussi par la taille plus grande de ses fleurs. Plante hémiépiphyte 


d’après Went. — Java.) 


Schefflera polybotrya (Paratropia polybotrya Miq., Bonplandia, 
1856, p. 168; FT. ned. Ind., 1, 1, p.755; Heptapleurum polybotryum 
Seem., Journ. of Bot., II, 1865, p. 78 ; Sciadophyllum subavene 
Blume, Bijdr., p. 896 ?) 

Le Schefflera polybotrya rentre dans le groupe des Schefflera 
précédents ; les feuilles ont un pétiole dont la longueur 
(18-27 centimètres) dépasse en général celle du limbe des 
folioles (15-24 centimètres); ces dernières ont un pétiolule de 
2°%,5 à 9 centimètres et un Himbe ovale, oblong, à peu près deux 
fois plus long que large; j'en ai examiné un échantillon pro- 
venant de l'Herbier Koorders (1471 8) dans lequel l'inflores- 
cence encore très jeune diffère sensiblement de la description 
donnée de l’inflorescence complètement développée. Les om- 
belles sont presque sessiles, entourées par une grande bractée 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 353 


lancéolée portant sur les bords de nombreux poils simples, 
laineux, non étoilés. Ces fleurs sont pentamères. Les feuilles 
ont 5-7 folioles, parcheminées, longuement acuminées, avec un 
réseau saillant de nervures. — (Java.) 


Schefflera subracemosa (//eplapleurum subracemosum King, 

Journ. As. Soc. Bengal, LXVIL, part. Il, n° 1, 1898, p. 393). 

Le Schefflera subracemosa est un petit arbrisseau à feuilles 
trifoliolées ou quinquefoliolées ; ses feuilles ont un pétiole très 
court et des folioles coriaces, elliptiques, lancéolées, pétiolulées ; 
l'inflorescence comprend 1 ou 2 axes portant des ombelles sub- 
sessiles de 3 à 5 fleurs pentamères. — (Perak.) 


Schefflera latifoliolata (//eplapleurum latifoliolatum King, Journ. 

As. Soc. Bengal, LXVII, part. IT, no 1, 1898, p. 395). 

Cette espèce se caractérise par ses feuilles à long pétiole 
portant des folioles ovales, deux fois plus longues que larges. 
avec un réseau de nervures tertiaires non saillant mais au con- 
traire imprimé à Ja face supérieure du limbe. L'inflorescence 
comprend un petit nombre de grappes d'ombelles courtement 
pédonculées et à 10 ou 15 fleurs; l'ovaire compte 9 carpelles 
couronnés par 9 styles très courts. — (Perak.) : 


Schefflera nervosa (//eplapleurum nervosum King, loc. cit, p.399). 


Ce Schefllera est un petit arbrisseau dont les feuilles ont un 
pétiole court (6-7 centimètres) et 6 folioles très coriaces lan- 
céolées (5-7 centimètres de long et 1°",5-2°%,5 de large) aiguës, 
avec de 7 à 10 paires de nervures presque horizontales saillantes 
à la face inférieure et imprimées à la face supérieure. Les fleurs 
oblongues, réunies par 8 à 10 en ombelles, ont 6 carpelles. 
— (Perak.) 

Schefflera Ridleyi (//eplapleurum Ridleyi King, loc. cit., p. 398). 

Les feuilles ont un pétiole de 15 à 30 centimètres de long el 
5 folioles coriaces, oblongues, aiguës (12-20 centimètres de 
long); les ombelles ont de 10 à 20 fleurs (Singapoure). 
Schefflera Hullettii (/eptapleurum Hullettii King, loc. cit., p.398). 


Les feuilles ont un péliole de 30 à 60 centimètres de long et 


ANN{ SC. NAT. BOT., 9c'série. IN 20 


354 RENÉ VIGUIER 


de 7 à 11 folioles oblongues, acuminées (12-30 centimètres de 
long). Les ombelles ont de 8 à 12 fleurs très petites. — (Singa- 
poure, Johore). 


Schefflera affine (/eptapleurum affine King, loc. cit., p. 598). 

Les feuilles ont un pétiole court (6-12 centimètres) et 5 à 6 
foliolesovales-lancéolées, acuminées (7-12 centimètres de long). 
Les ombelles ont 7 à 12 fleurs. — (Perak). 

Ces trois dernières espèces sont voisines du Scheflera ner- 
vosa ; toutes ont des fleurs hexamères. 


Schefflera insularum Harms, Wat. Pflans., I, 8, p. 37 (Heptapleu- 
rum insutarum Seem., Rev. Hed.,in Journ. of Bot., HW, 1865, p. 80). 
Ce Schefllera à, d'après Seemann, des feuilles à 5-7 folioles 

elliptiques, acuminées, dentées, des fleurs présentant des pétales 

linéaires, libres, épais, mais sans crête médiane interne, T éla- 
mines et un ovaire 7-loculaire. Jai examiné un échantillon 
récemment arrivé au Muséum ; le pédoncule floral et le calice 
sont couverts de poils étoilés; lovaire peut avoir 9 carpelles. 

Les stigmates forment une légère saillie sur le disque. — 

(Philippines). 

Schefflera Cumingii Harms, loc. cit., p. 37 (Heptapleurum Cumingii 
Seem., Journ. of Bot., IT, 1865, p. 81). 

D'après Seemann, la plante à des feuilles à 5 folioles, et les 
fruits sont des drupes obovales à 5 loges. — (Philippines). 
Schefflera angustifolia Merill, in Philipp. Gov. Tab. Bur. Bull., 

XXXV, p.53. — (Philippines.) 


Schefflera luzoniensis Merill, in Philipp. Journ. of Se., 1, suppl. IT, 
1906, p. 118. — (Philippines.) 


Schefflera microphylla Merill, in Philipp. Journ. of Se., I, 
suppl. IT, 1906, p. 118. — (Philippines.) 


Je ne possède aucun renseignement sur ces trois espèces. 
Schefflera Sarasinorum Harms,in Fedde Aepertorium II, p. 23, 24, 

1906. 

Cet arbrisseau est principalement caractérisé par ses feuilles 
à pétiole extrêmement court (2 centimètres de long) à stipules 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 399 


très développées, à 5 folioles oblongues, arrondies ou obtuses à 
la base, acuminées au sommet, coriaces, épaisses de 9 à 21 cen- 
üimètres de long sur % à 7 centimètres de large, et par ses 
fleurs qui ont un calice entier, une corolle en calyptre, conique, 
un androcée formé de 5 élamines et un ovaire, large, court, 
obconique, formé de 5 à 7 carpelles et surmonté d’un disque 
large, conique, tronqué, portant des stigmates. — (Célèbes.) 


Schefflera serrata (Paratropia serrata Miq., in Bonplandia, 1856, 
p. 138; F1. ned. Ind., 1, 1, p. 757 ; Aralia aromatica var. foliolis 
serratis Blume, Bijdr., p. 872; Heptapleurum serratum Seem., lor. 
Gilésp 49% Boerl., Fandl. Fl:ned. Ind.; 2; p:.649): 


Espèce à feuilles à pétiole beaucoup plus long (35 centi- 
mètres) que le limbe des folioles (13 à 16 centimètres); ces 
dernières sont sublancéolées ou elliptiques, plus de deux fois 
plus longues que larges, membraneuses; les fleurs sont du 
tvpe » ou 6 et sont réunies par 7-8, en ombelles., — (Java) 


Schefflera confinis (Paratropia confinis Miq., Bonplandia, 1856, 
p. 138; FT. ned. Ind., 1, 1, p. 758; Heptapleurum confine Seem., 
Journ. of Bot., TI, 1865, p. 79; Boerl., Handl. Fl.ned.Ind.,2,p. 649). 


Espèce très voisine de la précédente. — (Célèbes.) 


Schefflera oxyphylla (Paratropia oxyphylla Miq., {lor. ned. Ind., 
suppl. I, p.338 ; Æeptapleurum oxyphylluin Seem., loc. cit., p. 80; 
Boerl., Handl. Fl. ned. Ind., ?, p. 649.) 


LD] 


Les folioles sont ovales, oblongues, longuement acuminées : 
les ombelles sont formées de 4 à 9 fleurs courtement pédicellées, 
pentamères. — (Sumalra.) 


Schefflera lucescens (Aralia lucescens Blume, Bijdr., p. 872; 
Hedera lucescens DC., Prodr., IV, p. 265; Paratropia lucescens 
Miq., Flor. ned. Ind., I, p. 754). 

Arbrisseau très voisin du précédent, à feuilles pourvues de 

7-9 folioles oblongues-lancéolées, longuement acuminées, à 

nervures peu marquées. — (Java.) 


Schefflera polyphylla (/aratropia polyphylla Miq., Bonplandi«, 
1856, p.139; Ft ned. Ind., 1, 1, p. 760; Heptapleurum polyphyllum 


390 RENÉ VIGUIER 


Seem., Journ. of Bot., WT, 1865, p. 79; Boerl., Handl. FT. ned. Ind., 

2, p. 649). 

Les fleurs, à court pédicelle et réunies par 10 à 20, en 
ombelles, sont octomères. Les feuilles, grandes, ont un pétiole 
de 12 à 18 centimètres de long, des folioles à limbe de 7 à 
12 centimètres de long, à peu près aigu à la base, elliptique 
ou ovale-elliptique, acuminé. — (Java). 


Schefflera longifolia (//eptapleurum rigidum Massk.,in Ælora, Bot. 
Zeit., 1842; Boerl., Handl. Fl. ned. Ind., 2, p. 649; Sciadophyllum 
longifolium Blume, Bijdr., p. 876; Paratropia longifolia DC., 
Prodr., IV, p. 266; Miq., Flor. ned. Ind., I, p. 758). 

Feuilles ayant généralement 6-9 folioles (parfois plus): 
le pétiole est très long {de 0°,60 à 0,90) ; les folioles, à pétio- 
lule de 9 à 15 centimètres, ont un limbe de 18 à 36 centimètres 
de long, oblong ou obovale-oblong, arrondi à la base, apiculé 
au sommet, glabre, parcheminé. Les ombelles ont jusqu'à 
25 fleurs du type 6-8. 


Schefflera læve (//eptapleurum læve Koord.et Valeton, in Hededeel. 
Lands Plantentuin, XLII, p. 43, 1900). 
Cette espèce est très voisine de la précédente par ses 
feuilles de taille considérable ; le limbe est ici oblong lancéolé, 
à base atténuée; ces fleurs sont du Eype 5 ou 6. — (Java). 


Schefflera rigida Harms, Vat. Pflansenf., Il, 8, p. 39 (Aralia 
rigida Blume, Bijdr., p. 874; Paratropia rigida DC., Prodr., IV, 
p.266 ; Miquel, F1. Ned. Ind., I, p.759; Ann. Mus. Lugd. Bat., I, p.; 
Heptapleurum rigidum Seem.,Journ.of Bot., WT, 1865, p. 79; Boerl., 
Hand. Fl. ned. Ind., 2, p. 649; Sciadophyllum lucidum Blume, 
Bijdr., p.877; DC., Prodr., IV, p. 260; Paratropia lucida Miq., FL. 
ned. Ind., I, p. 754). 

Voisine des deux précédentes, cette espèce a des feuilles plus 
pelites, à pétiole et à pétiolules plus courts, et des fleurs du 
Lype 8-9 portées sur des pédicelles plus longs. Le Sciadophyllum 
lucidum BL. n'est qu'une variété brerifolium de cette espèce 
— (Java). 


Schefflera Gœtzenii Harms,in Gœtzen, Durch Afrika von Ost nach 
West, Anh., p. 888. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 391 


Espèce voisine du Schefflera Hierniana qui sera examiné 
plus loin, dontelle diffère surtout par la forme de ses folioles ; 
les stigmates sessiles rapprochent cette espèce, d’après Harms, 
du Schefflera Mannu. — (Afrique centrale). 


Un certain nombre d'espèces indochinoises nouvelles méritent 
d’être citées ict, appartenant aux groupes à fleurs en ombelles el 
stigmates sessiles. 


Scheffiera pauciflora nov. sp. 

Cette espèce a des feuilles alternes composées palmées; le 
pétiole, de 12 centimètres de long environ, montre à sa base 
2 stipules soudées en une large lame orbiculaire qui persiste 
sur la lige après la chute de la feuille. Les folioles, au nombre 
de 5, ont un pétiolule de 1°°,5 de long; le limbe, ovoide, acu- 
miné, atténué vers la base, est environ trois fois plus long que 
large (environ 15 centimètres de long, et 5 centimètres de 
large) ; 1l est très coriace et présente, sur ses deux faces, un 
réseau de nervures extrêmement saillant. L'inflorescence ter- 
minale comprend un axe allongé portant latéralement un 
certain nombre d'axes secondaires non ramifiés, velus, sur les- 
quels sont insérées de nombreuses ombelles. Ces ombelies ont 
un pédoncule extrêmement court (2 millimètres) el couvert de 
poils; elles ne comptent que 3 ou 4 fleurs. Je n’ai eu à ma dis- 
position qu'un exemplaire fructifié : le pédoncule à environ 
un millimètre de long ; la drupe charnue, ovoïde, est surmontée 
par un disque convexe, couronné par 5 sligmates en forme de 
papilles; les bourgeons situés à l’aisselle des feuilles supérieures 
se développent après la chute de celles-ci en axes portant des 
ombelles, semblables aux rameaux latéraux de la panieule ter- 
minale, avec lesquels on les confondrait si la gaine stüpulaire 
n'était pas visible à leur base. 

Distribution. — Tonkin [Balansa, Herb. Mus. Paris; sans 
numéro, ni indication de localité}. 


Schefflera alongensis nov. sp. 


Le Scheflera alongensis est un arbrisseau rameux de 1 à 
2 mètres de haut. Les feuilles ont un péliole de 6 à 12 cen- 


3D8 RENÉ VIGUIER 


ümètres de long, présentant à sa base 2 stipules bien dévelop- 
pées, soudées en une lame embrassant la tige, et tombant avec 
la feuille; ce pétiole porte à son extrémité 5 à 7 folioles 
pétiolulées, avec pétiolule de 1°%,5 à 3 centimètres de long; le 
limbe est obovale, aigu ou très faiblement acuminé ; 1l atteint 
au plus 8 centimètres de long et n'est jamais trois fois plus 
long que large (en moyenne 6 centimètres de long et 3 centi- 
mètres de large); ce limbe est coriace et présente un réseau de 
nervures saillant sur les deux faces. L’inflorescence est du même 
Lype que celle du Sc/efflera pauciflora ; Vaxe principal, terminal, 
court, porte un certain nombre d’axes secondaires non rami- 
fiés sur lesquels sont insérés de nombreuses ombelles. 

Les ombelles pauciflores ont un pédoncule court (2 millimètres 
de long); les fleurs, au nombre de 4 à 6, ont un pédicelle de 
! millimètre de long en moyenne ; elles ont un calice peu déve- 
loppé, une corolle blanche, formée de 5 pétales minces trinervées, 
à nervures non anastomosées, un androcée formé de 5 étamines 
à filets longs et à anthères globuleuses, un ovaire formé de 5 car- 
pelles el couronné par un disque plan et des stigmates sessiles. 

Distribution. — Tonkin (Roches verticales de la baie d’Along) 
(Balansa, n°1362, Herb. Mus. Paris]. 


Schefflera leucantha nov. sp. 

Celte espèce est un petit arbrisseau à feuilles alternes com- 
posées palmées ; le pétiole grêle et court, de 7 ou 8 centimètres 
de long, a des stipules nulles où à peine développées et porte 
à son extrémité 6 ou 7 folioles péliolulées. La longueur du 
pétiolule varie de 1 à 2 centimètres, la foliole médiane étant 
plus longuement pétiolulée que les folioles latérales: ce 
petiolule est renflé à sa partie supérieure et présente à l’inser- 
lion du limbe une articulation très nette. Le limbe, coriace, vert 
clair, est très étroit, lancéolé, cinq à huit fois plus long que 
large (7 à 9 centimètres de long, 1°*,5 de large en moyenne). 

L'inflorescence est une panicule courte ne dépassant pas les 
feuilles. Chaque rameau de la panicule porte à son extrémité 
une ombelle, et latéralement un certain nombre d'ombelles 
distantes de 5 à 10 millimètres. Les ombelles ont un pédoneule 
allongé, de 8 à 15 millimètres, situé à l'aisselle d'une bractée 


k 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 399 


caduque. Chaque ombelle compte une dizaine de fleurs portées 
sur un pédicelle de # ou 5 millimètres de long. Ces fleurs globu- 
leuses ont un calice à sépalés à peine distincts, 5 pétales rouge 
brun, extrêmement minces, à nervures ramifiées, non cohérents 
en calyptre, 5 étamines à filets très longs portant des anthères 
introrses oblongues, blanches et un ovaire à 5 carpelles 
surmonté de stigmates sessiles. Cette espèce et Les deux pré- 
cédentes doivent être placées au voisinage des Srefllera 
subulata, S. gracilis, ete. 

Distribution. — Tonkin (Dong-Dang, dans les bois) |Balansa 
n° 1357, Herb. Mus. Paris]. 


Schefflera incisa nov. sp. 

Cette espèce possède de grandes feuilles alternes, composées 
palmées, à folioles profondément incisées. Le pétiole, épais, à 
de 25 à 30 centimètres de long, rétréci, soudé vers la gaine où 
elle porte deux longues stipules bien developpées de 1 centi- 
mètre de long environ. Les folioles, au nombre de 7 à 9, 
sont portés sur un pétiolule épais dont la longueur varie de 2 
centimètres pour les folioles latérales jusqu'à 7 ou 8 centimètres 
pour les folioles médianes. Le limbe, de contour général oblong, 
de 20 centimètres de long environ sur 8 à 10 centimètres de 
large, est aigu au sommet et doucement atténué vers la base. I 
est coriace et divisé en plusieurs lobes profonds qui atteignent 
presque la nervure médiane. y à un lobe terminal d'environ 
7 centimètres de long et 3 centimètres de large, deux lobes laté- 
raux situés immédiatement au-dessous du lobe terminal dont 
ils ont à peu près les dimensions; la partie inférieure du Himbe 
n'est souvent pas lobée ou présente encore deux lobes indivi- 
dualisés, mais plus petits que les autres. La nervation de ce 
limbe est penninerve; les lobes latéraux sont parcourus dans 
leur partie médiane par une forte nervure secondaire aussi 
développée que la nervure principale. IT + à également 2 ou # 
nervures secondaires dans la partie indivise du limbe qui 
présente done en tout # ou à paires de nervures secondaires. 
Sur la face inférieure on observe de place en place des poils 
pluricellulaires rameux avec de nombreuses branches dressées. 

L'inflorescence comprend un axe assez long, portant latéra- 


360 RENÉ VIGUIER 


lement un nombre variable d’ombelles portées sur un pédon- 
cule de 5 à 10 millimètres de long et comptant chacune de 10 à 
15 fleurs. 

Les fleurs ont un pédoncule de 3 millimètres de longueur 
environ ne présentant pas d’articulation sous l'ovaire. Le calice, 
complètement soudé à l'ovaire, ne montre pas de sépales dis- 
_lincts el forme au bord un petit bourrelet à peine marqué. La 
corolle est constituée par cinq pétales assez épais, cohérents en 
calvptre, à sommets infléchis formant en haut de la corolle 
une sorte de clé de voûte pendante; ces pétales ont une longueur 
de 3 millimètres, ils sont légèrement rétrécis à leur base où 1ls 
ont 1"*,5 de large, tandis que leur plus grande ‘largeur atteint 
2 millimètres. 

L'ovaire adhérent sur les deux liers de sa longueur, est libre 
sur une longueur de 1**,5; il est formé par la soudure de 
5 carpelles avant, dans chaque loge, un ovule pendant à raphé 
interne. Les styles sont nuls. Le fruit est une petite drupe ovoïde 
présentant, à l’état sec, 5 fortes côtes saillantes, correspon- 
dant chacune à un noyau, lequel contient une graine pendante 
à albumen non ruminé. Ces drupes ont 5 ou 6 millimètres de 


long et 3 ou 4 millimètres de large 
Distribution géographique. — CAmsonGe. Monts Schnal, vers 


900 mètres d'altitude, prov. de Samrongtàäng, et Monts Knang 
Repan, prov. de Tpong. 
Herbier Pierre n° 639 in Herb. Mus. Paris. 


S. Les espèces qui suivent ont loutes des fleurs en panicules 
d’ombelles, avec des styles développés, libres ou soudés sur une 
partie de leur longueur : 


Schefflera confusa Harms, Va/. Pflansenf., UL, 8, p.37 (Sciado- 
phyllum confusum March, Flora Brasil., vol. XI, Pars. [, p. 243, 
P]., LXIX). 


Feuilles ayant de 8 à 12 folioles obovales oblongues, briève- 
ment acuminées, longuement atténuées vers la base. L'inflores- 
cence est une panicule ample; l'axe principal porte souvent de 
place en place plusieurs axes secondaires réunis presque aux 
même point, les axes secondaires portent des ombelles de 12 à 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 361 


cm 


15 fleurs sur un pédoncule de 1 centimètre à 1°°,5 de longueur. 
Les fleurs, oblongues, pentamères, sont situées à lPextrémité 
d’un court pédicelle fortement velu. Le calice, très velu, présente 
au-dessus de l'ovaire 5 dents aiguës développées. Les 5 pélales, 
cohérents en calyptre, présentent sur la face extérieure de 
nombreux poils. Les 5 étamines ont des anthères allongées; 
l'ovaire, à 5 loges, est déprimé, concave à sa partie supérieure, 
ce qui ne s’observe pas fréquemment dans le genre; il est 
surmonté de 5 styles libres. — (Brésil). 


Schefflera Lehmannii Harms (Sciadophyllum Lehmannii Harms, 
Engl. Bot. Jahrb., XX, Beib. 49, p. 69, 1895). 
Cette espèce est voisine, par son inflorescence, du Schefflera 
confusa, en diffère nettement par ses feuilles, par ses sépales 
non développés, par ses pétales non ciliés. — (Colombie). 


Schefflera minutiflora Harms, in Engl. Bof. Jahrb., Bd XLII, p. 153. 

Le Scheflera minutiflora est un arbrisseau de 3 mètres de 
haut, à grandes feuilles pourvues d’un pétiole, légèrement 
pubescent, de plus de 0",5 de long et de 7 folioles oblongues, 
velues sur la face inférieure, obtuses à la base, brièvement 
acuminées au sommet. Les fleurs, petites, au nombre de 5 à 10 
par ombelle, sont pentamères et ont un ovaire à 5 loges, velu- 
blanchâtre extérieurement, de même que les pédicelles floraux 
et le pédoncule des ombelles, les styles sont courts. Les ombelles 
ont un pédoncule court (2 à 5 millimètres) et les pédicelles 
floraux n'ont que 1 où 2 millimètres. Très voisin du précédent, 
il en diffère surtout par le tomentum blanchâtre qui recouvre 
l’ombelle et l'ovaire. — (Pérou). 


Schefflera Quindiuensis Harms, Wat. Pflansenf., WI, 8, p. 97 
(Aralia Quindiuensis Bonpl., Humb. et Kunth, Wov. Gen., V, p.8, 
Planch. et Linden, Aral., p. 22; Sciadophyllum Quindiuensis DC., 
Prodr., IV, p. 261 ; Seem., Rev. Hed., Journ. of Bot., III, 1865, 
p. 266; type d'un genre Colylanthes Calestani, Contr. all. syst. 
dell. Umbrell. d'Eur., Webbia, p. 100). 


Les feuilles ont 7 folioles membraneuses, oblongues, acumi- 
nées entières, glabres. Les ombelles ont 3-4 fleurs; les fleurs 
ont un calice entier, des pétales cohérents en calyptre, sans 


302 RENÉ VIGUIER 


limite extérieure marquée; les élamines sont au nombre de 
8-9; l'ovaire hémisphérique, déprimé à sa partie supérieure, 
est surmonté de 8-9 styles très longs et filiformes. — (Colombie). 


Schefflera Sciadophylium Harms, Wat: Pflansenf.. WI, 8, p. 37 
(Vitis heptaphylla L., Mant., p. 212; Aralia Sciadophyllum 
Swartz, Prodr., p. 55; Hedera Sciadophyllum Swartz, F1. Ind. 
Occ., I, p. 519; Sciadophyllum Brownei Spreng., Syst. I, p. 953 ; 
Seem., Rev. Heder., Journ. of Bot., LIT, 1865, p. 266). 

Les feuilles de cette espèce ont de 8 à 10 folioles ovales, lan- 
céolées, acuminées, glabres ; les ombelles ont de 6 à 10 fleurs; 
l'ovaire est formé de cinq carpelles, surmonté d'autant de 
styles coniques, subulés, libres presque jusqu'à la base. — 
(Jamaïque). 


Schefflera Belangeri Harms, Wat. Pflansenf., I, 8, p. 37 (Sciado- 
phyllum BelangeriMarch., Bull. Acad. roy. Belge,s. I, XLVIT, p.92). 
Cette espèce à des feuilles avec 7 folioles ovales ou ovales- 
elliptiques, et des ombelles de 8 à 15 fleurs courtement pédon- 
culées avec à la base des bractéoles linéaires ciliées ; l'ovaire 
est surmonté de cinq styles très courts, en grande partie soudés, 
sur un disque conique. — (Martinique). 


Schefflera decaphylla Harms, Vat. Pflansenf., UL, 8, p. 37 (Scia- 
dophyllum decaphyllum Seem., Rev. Heder., in Journ. of Bot., WU, 
1865, p. 266; Panax decaphyllum Sagot Mss.). 

Les feuilles ont 9 ou 10 folioles obovales-oblongues, retuses, 
aiguës à la base, glabres, brillantes à la face supérieure ; les 
fleurs, en ombelles, sont pentamères avec un ovaire surmonté 
de 5 styles libres. Ces styles persistent sur le fruit où ils sont 
recurvés. — (Guyane française). 


Schefflera pedicellata Harms, Vat. Pflansenf., I, 8, p. 37(Actino- 
phyllum pedicellatum Ruiz. et Pav., FT. Peruv. et Chil., VI. p. 73, 
pl. GOCVIIT; Sciadophyllum pedicellatum Poir., Dict.; VI, p. 176). 
Les feuilles ont de 9 à 13 folioles acuminées, arrondies ou 

légèrement cordiformes à la base; les fleurs, en ombelles, sont 

longuement pédonculées, ont une corolle hémisphérique et un 
ovaire globuleux à 6-7 loges surmonté destyleslibres. — (Pérou.) 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 303 


Schefflera systyla (Sciadophyllum systylum Doun Sm., Coult. 
Bot. Gez., XXXI, p.113. — Amérique centrale|.) 


97 * 


Schefflera patula Harms, Wat. Pflansenf., I, 8, p. 37 (Sriado- 
phyllum patulum Rusby, Mem. Torr. Bot. Club., VX, p. 41). 
Espèce à folioles oblongues-lancéolées arrondies à la base, et 

brusquement rétrécies au sommet en un acumen triangulaire- 
lancéolé ; le limbe est coriace à bords révolutés, les nervures 
sont fortement saillantes; les fleurs en ombelles de 12 à 20, 
sont portées sur des pédicelles de 5-6 millimètres ; le calice à 
des dents marquées; la corolle est inconnue ; les élamines ont 
un filet à peine plus long que les anthères; l'ovaire quinquelo- 
culaire est surmonté d'autant de styles soudés sur une partie 
de leur longueur, la drupe, globuleuse de 4 millimètres de dia- 
mètre, d'un noir rougeûtre, porte des styles dont les extrémités 
libres sont fortement récurvées. — (Bolivie). 


Schefflera sandiana Harms, in Engl. Bo/. Jahrb., Bd XL, p. 153, 
1908. d 


Espèce à feuilles, à longues panicules (40-45 cm.) semblables 
à celles de la précédente; elle en diffère surtout par linflo- 
rescence légèrement velue, et par les folioles qui n'ont pas de 
nombreuses et fines nervures latérales parallèles. Les styles 
sont soudés sur une grande partie de leur longueur. — 
(Pérou). 


Schefflera monzonensis Harms, in Engl. of. Jahrb., Bd XLI, 
p. 154, 1908. 


Cette espèce est un petit arbrisseau dont les feuilles ont un 
pétiole de 10-17 centimètres de long, plus ou moins velu el 5-7 
folioles lancéolées, velues inférieurement ; les fleurs, à pédicelle 
de 3 à 5 millimètres, sont réunies, par 7 à 13, en ombelles 
courtement pédonculées (5-10 millimètres) ; la corolle, en 
calyptre, est glabre, l'ovaire, à 5 loges, est glabre; les styles 
sont soudés sur une partie de leur longueur. — (Pérou). 


Schefflera Moyabambæ Harms, in Engl. Pot. Jahrb., Bd XLI, 
p. 154, 1908. 


364 RENÉ VIGUIER 


Arbrisseau de 8 mètres de haut, avec feuilles pourvues d'un 
pétiole de 33 centimètres ou plüs de long, et de 10 folioles 
oblancéolées-oblongues, obtuses où presque aiguës à la base, 
brièvement cuspidées au sommet, coriaces, à nombreuses 
nervures latérales parallèles, visibles à la face supérieure du 
limbe. L'inflorescence est glabre; les ombelles ont de 7 à 
{A fleurs; le calice présente 5 petits dents, la corolle 5 pétales 
cohérents en calyptre ; l'ovaire obconique,- glabre, compte 
5 earpelles et est surmonté d’un disque épais et de 5 styles 
soudés sur une grande partie de leur longueur. — (Pérou). 


Schefflera Yuncacoyæ Harms, in Engl. Bot. Jahrb., Ba XLI, 
p. 155, 1908. É 


Très voisin du précédent, ce Schefflera en diffère par ses 
folioles légèrement velues à ia face inférieure et par les feuilles 
plus longuement acuminées. — (Pérou). 


Schefflera sphærocoma Harms, Engler Natürl. Pflansenf., HI, 8, 
p. 37 (Sciadophyllum sphærocoma Benth., Bot. Sulph., p. 102). 
Les feuilles, longuement pétioiées, ont de T à 11 folioles à 

limbe oblong, acuminé, glabre. L'inflorescence forme une 

panicule arrondie ; les fleurs, en ombelles, ont 5 sépales à dents 
très petites, une corolle en calyptre ovale conique, 5 étamines 
et 5 carpelles dont les styles sont plus où moins soudés en une 
colonne conique. — (île Gorgone [Amér. tropicale occidentale}. 


Schefflera littoralis Harms, at. Pflansenf., I, 8, p.38 (Parapa- 
nazx littorale Miq., Flor. ned. Ind., Suppl. IL, p. 339; Heptapleurum 
littorale Boerl., Handl. Ft. ned. Ind., p. 647, 1890 ; Trevesia Berth. 
et Hook., Gen. Plant., I, p. 943). 


Cette espèce a des fleurs en ombelles pourvues d’un ovaire à 
10-14 loges, ce qui la distingue de toutes celles du groupe que 
nous venons d'examiner. Miquel à établi pour elle un genre 
spécial et Harms en fait une sous-section du genre Schefflera 
pour les styles soudés en une petite colonne sur une partie de 
leur longueur et dont les branches libres se courbent vers Île 
dehors portant les stigmates à leur extrémité. — (Sumatra). 


Schefflera digitata Forst., Char. gen., t. XX, Prodr. n° 146 (Lam., 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 309 
11b. Gen.,t. CCXXI; Seem., Journ. of Bot., WI, 1865, p: 176; Aralia 
Schefflera Spr. Pug. Plant., pl. {1 p. 28 ; DC. Prodr., p. 258; Hook. 
f., 21. New Zeal.; I, p. 9%5,t. XXII; Asa Gray, Bot. Wilkes, p.715 ; 
À Rich. #1. New Zeal., p. 283). 

Celte espèce, premier type du genre, est un arbre à feuilles 
longuement pétiolées (12 à 20 centimètres), à folioles membra- 
neuses, oblongues lancéolées acuminées. Les fleurs, petites, à 


court pédicelle, ont un ovaire à 8-10 carpelles surmonté d'autant 


de styles courts insérés sur le milieu d’un disque légèrement 
concave ; ces styles plus tard s’allongent et surmontent le fruit 
globuleux, noir, charnu. — (Nouv.-Zélande). 


Schefflera vitiensis Seem., Rev. Heder., Journ. of Bot., LI, 1865, 
p. 176 et Flora vitiensis, p. 116 (Aralia LSchefflera| vitiensis Asa 
Gray, Bot. Wilkes, p.715, t. LXXXIX). 
Espèce voisine de la précédente, à folioles oblongues, cunéi- 

formes, ovaire à 5 carpelles. — {Viti). 


Schefflera abyssinica Harms, Wat. Pflansenf., WI, 8, p. 38 (Aralia 
abyssinica Hochst. mss. in Schimp, P4. Abyss., éd. 1, n° 283; Rich., 
lent. FT. Abyss., 1, 336; Walp., Ann. Il, p. 724; Sciadophyllum 
abyssinicum Steud., Nomencl. Bot., p. 537; Miq., Ann. Mus. Lugd. 
Bat., 1, p.26; Astropanax abyssinicum Seem., Journ. of Bot., 1865, 
p. 177; Heptapleurum abyssinicum Benth. et Hook. Gen. PL, T, 
D-1942 ; Hiern, For. trop. Afrika, I, p. 29). 

Dans cette espèce, les feuilles, à pétiole de 12 à 15 centi- 
mètres de long, ont généralement 7 folioles ovales, acuminées, 
arrondies à la base, légèrement crénelées. Les fleurs sont polv- 
games ; les fleurs femelles ont un ovaire formé de 5 ou 6 car- 
pelles avec autant de styles libres. — (Abyssinie). 


Schefflera Hookeriana Harms, af. Pflansenf., HI, 8, p. 88 
(Paratropia elata Hook. f., Journ. Linn. Soc., VIT, p. 196; Astro- 
panax elaltum Seem., Journ. of Bot., HI, 1865, p. 177; Sciado- 
phyllum elatum Seem., Journ. of Bot., UT, 1865, p. 267; //epla- 
pleurum elalum Hiern, For. trop. Afr., HI, p. 30). 

Cette espèce est voisine de la précédente, à comme elle des 
folioles légèrement denticulées arrondies à la base: elle en 
diffère surtout par ses styles soudés à Fa base el par ses feuilles 
à péliole beaucoup plus long, de 30 centimètres environ. 
— (Cameroun). 


366 RENÉ VIGUIER 


Schefflera Barteri Harms, Vat. Pflansenf., M,8, p.38 (Astropanax 
Barteri Seem., Journ. of Bot., WI, 1865, p. 177; Sciadophyllum 
Barteri Seem., Journ. of Bot., HT, 1865, p. 267; Æeptapleurum 
Barteri Hiern, For. trop. Africa, WI, p. 30). 

Cette espèce diffère des deux précédentes par ses feuilles à 

5 folioles entières, non cordées à la base ; les fleurs réunies 

. par 8-12en ombelles, ont un pédicelle de 1°%,5 à 2 centimètres ; 
l'ovaire globuleux, à 8 loges, à des styles soudés sur une partie 

de leur longueur, dont les branches libres sont disposées en 

rayonnant. — (Niger, Sierra-Leone). 


Schefflera Baikiei arms, Vat. Pflansenf., WI, 8, p. 38 (Astro- 
panax Baikiei Seem., Journ. of Bot., UI, 1865, p. 177; Sciado- 
phyllum Baikiei Seem., Journ. of Bot., WE, 1865, p. 267; Hepta- 
pleurum Baikiei Hiern, Ælor. trop. Africa, WE, p. 30). 

Le Schefflera Baikiei est un arbre, et non un arbrisseau 
comme le précédent; les feuilles sont plus longuement pétiolées 
(30 centimètres) et ont 3 folioles (ou plus) cunéiformes, non 
arrondies à la base; les ombelles n’ont que # ou 5 fleurs portées 
sur un pédicelle d'un demi-centimètre ; l'ovaire, à 8 loges, est 
surmonté de styles, à branches rayonnantes soudées sur la 
moitié de leur longueur. — (Niger). 


Schefflera Hierniana Harms, at. Pflansenf., I, 8, p.38 (Hepta- 

pleurum scandens Hiern, Flor. trop. Africa, WI, p. 30). 

Ce Scheflleraest, contrairementaux précédents, un arbrisseau 
grimpant; les feuilles longuement pétiolées ont de 5 à 7 folioles 
entières, arrondies à la base; les ombelles ont une dizaine de 
fleurs portées sur un court pédicelle; l'ovaire à 5-6 carpelles et 
autant de styles à branches ravonnantes, soudées sur la moitié 
de leur longueur. — (Cameroun). 

Scheffiera Stuhlmannii Harms, ÆZngl. Bot. Jahrb., XX VI, p. 243, 

1899. 

Le Schefllera Stuhlmannii est, d'après Harms, voisin du 
Schefflera Barteri, en différant légèrement par la forme des 
folioles. — {Oulougourou). 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 307 


Un autre groupe dans lequel les fleurs ont généralement les 
styles développés, comprend les espèces dont l’inflorescence est 
une ombelle composée : 


Schefflera coriacea Harms, at. Pflancsenf., WI, 8, p. 37 (Sciado- 
phyllum coriaceum March., Trans. Linn. Soc, sér. If, TI, p. 27 
et pl. XXX VII). 

Celte espèce à des feuilles à 5-7 folioles pétiolulées, à 
limbe coriace, elliptique, légèrement émarginé où mucroné au 
sommet, aigu à la base, velues inférieurement. L’axe d’inflores- 
cence terminal possède à son extrémité un verticille d’ombelles ; 
c'est done une ombelle composée. Le long de cet axe on observe 
en outre un verticille d'ombelle et entre ces deux verticilles, 
une ou deux ombelles isolées. Les fleurs, globuleuses, ont un 
calice velu à limbe légèrement denté ; la corolle, formée de 
5 pétales soudés en calyptre, est hémisphérique, mucronulée 
au sommet; les étamines, au nombre de 5, ont des anthères 
ovoides et des filets courts; l'ovaire, formé de 5 carpelles, est 
surmonté d’un style en colonne, cannelé, présentant en son 
sommets pelites têtes stigmatiques distinctes. — (Guyane). Cette 
espèce aurait pu être mentionnée dans le groupe des Agalmu. 


Schefflera umbellata (Sciadophyllum umbellatum N.E. Brown, 

Trans. Linn. Soc., sér. 2, vol. IV, part. L,; p. 32, 1901). 

Cette espèce est voisine du Schefflera coriacea March., Pintflo- 
rescence élant une ombelle composée. Les feuilles ont 6-8 
folioles coriaces oblongues lancéolées aiguës, cunéiformes à la 
base. Les fleurs ont des pédicelles beaucoup plus courts que 
dans le Schefflera coriacea, le calice forme au-dessus de l'ovaire 
un rebord annulaire non ou à peine denté ; les pétales ovales, 
aigus, sont au nombre de 5 ainsi que les élamines. 

L'ovaire est formé de 3 à 5 carpelles, les styles sont soudés 
en une longue colonne de 3 millimètres de long légèrement 
3-5 fide au sommet. — (Guyanne). 


Schefflera japurensis Hlarms, at. Pflansenf., HI, 8, p.88 (Scia- 


308 RENÉ VIGUIER 


dophyllum japurense Mart. et Zucc. mss.; March. Flora Brasil., 

vol. XI, part. I, p. 243, pl. LXIX). 

Feuilles à 5-6 folioles elliptiques, velues sur la face inférieure. 

Fleurs réunies en une ombelle composée : l'ombelle termi- 
nale comprend de 7 à 10 ombelles, de 3 à 5 fleurs. Les fruits 
seuls sont connus; ce sont des drupes globuleuses comptant 
de 3 à 5 noyaux couronnés par autant de styles soudés à 
la base et recurvés au sommet et sur lesquelles on distingue 
encore les cinq dents aiguës, nettement marquées, du calice. 


— (Brésil). 


Schefflera myriantha Drake del Castillo, Aorot Journ. de Bot., 
1897, n° 1,p.3; Cussonia myriantha Baker, Journ. Linn. Soc., XX, 
p. 157; Schefflera Humblotii Harms, in Engl. Nat. Pflansenf., WA, 
8, p. 38 et Pflansenw. Ost Afrikas, C, p. 297. 

Arbre à feuilles glabres, à sept folioles oblongues; coriaces ; 
inflorescence en ombelle composée; fleurs avec calice formant 
sur l'ovaire un rebord sans dents distinctes; anthères oblongues ; 
filets courts; ovaire biloculaire (?) orbiculaire, style court et 
entier. — (Madagascar). 


Schefflera polysciadia Harms, in Engler Pftansenwelt Ost Afrikas 
der Nachbargebiete, Th. C, p. 297, 1895. 

L'inflorescence de celte espèce est une ombelle composée 
comme dans le Schefllera nyriantha dont elle est très voisine. 
L'ovaire est à 5-6 loges et les styles sont libres vers le sommet. 
— (Kilimandjaro, régions des grands lacs). 


Schefflera Humblotiana Drake del Castillo, in Morot, Journ. de 

Bot., XI, p. 3, 1897. 

Arbrisseau bien caractérisé par ses feuilles à 7 folioles co- 
riaces, linéaires-lancéolées (30-40 centimètres de long et 3 cen- 
timèlres de large). Les fleurs, en ombelles composées, ont un 
ovaire à » loges surmonté de 5 styles courts. — (Madagascar). 


Schefflera Balansæana fl. Bn., Adansonia, XIT, p. 142. 


Ce Schefllera est un arbre de 6 à 8 mètres de haut; il est faci- 
lement reconnaissable par ses folioles de forme très caractéris- 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 309 


tique. Ces feuilles ont un pétiole de 9 à 15 centimètres de 
long, pourvu de stipules embrassantes, soudées, et sont trifo- 
liolées. Les folioles coriaces sont obovales, longuementaiténuées 
en coin sur le péliolule, arrondies vers le haut et présentant un 
petit acumen au sommet. L’axe principal d'inflorescence porte 
quelques longs rameaux secondaires qui sont des ombelles 
composées, c'est-à-dire qu'ils présentent à leur extrémité un ver- 
ticille d'ombelles. Ces ombelles ont un pédoncule de 4 à 5 centi- 
mètres de long et montrent un petit nombre de fruits {on n’a pas 
récolté d'échantillons fleuris) très courtement pédicellés. Ces 
fruits, deux fois plus longs que leur pédicelle, ont environ 
8 millimètres de long; ils sont en général formés de trois car- 
pelles et surmontés d'autant de styles soudés sur à peu près la 
moilié de leur longueur. — (Nouvelle-Calédonie). 


Schefflera Cussoniæ H. Bn., Adansonia, XI, p. 143. 

Cette espèce est caractérisée par ses feuilles dont le péliole, 
de 10-12 centimètres de long, porte cinq fohioles épaisses, très 
coriaces, obovales, oblongues, obtuses au sommet, entières à 
bords révolutés. L'inflorescence est une ombelle composée : 
l'axe principal, de 3-4 centimètres de long, se termine par 
5-10 ombelles longuement pédonculées {6 centimètres) ; les 
fruits ovoïdes, portés sur un pédicelle de 5-6 millimètres de long, 
ontenviron7 millimètres de long et sont trigones: ils ne comptent 
que 3 carpelles et sont surmontés par 3 styles soudés seulement 
sur une partie de leur longueur. — {Nouvelle-Calédonie). 


Schefflera Golip H. Bn., Adansonia, XU, p. 142. 

Cette espèce a des feuilles à pétiole épais, de 16 centimètres de 
long, couvert de nombreuses lenticelles, et montrant des stipules 
soudées en une lame concave; ces feuilles ont jusqu'à 11 folioles 
à péliolule de 2 à 3 centimètres de long et à limbe atténué à la 
base, obtus au sommet, oblong, entier, de 10 à 12 centimètres 
de long, sur 3 à 5 centimètres de large. La nervure médiane est 
fortement saillante sur la face inférieure; 1ly a de très nombreuses 
nervures secondaires rapprochées, peu saillantes, sensiblement 
parallèles jusqu'au bord du limbe, et s'anastomosant par les 
ramificalions de la nervure intermédiaire qui s'observe entre 

ANN. SC. NAT. BOT., 9° série. IX, 24 


370 RENÉ VIGUIER 


deux nervures secondaires successives. L’inflorescence est une 
ombelle composée. L’axe principal est très court, les rayons ont 
de 3 à 4 centimètres et se terminent chacun par une ombelle 
d'une vingtaine de fleurs. Ces fleurs ont un pédoncule très court 
(de 2 à 3 millimètres) et très épais. Le calice forme un repli mem- 
braneux et ondulé, bien développé au-dessus de l'ovaire. Les 
5 pétales sont épais et pourvus d’une carène médiane externe ; 
les 5 étamines ont un filet épais, aminei vers l'extrémité el 
portant une anthère ovoide. L'ovaire à 8-9 carpelles et autant 
de styles soudés en une courte colonne, le disque forme un 
anneau bombé autour de la colonne stylaire. 

Distribution. — Xe Lifu (Deplanche n° 26; Thiébault n° 283 ; 
nom indigène : Golip). 


Schefflera Emiliana H. Bn., loc. cit., p. 145. 

Cette espèce est un petit arbre de 3 mètres de haut environ; 
elle est caractérisée par ses feuilles à pétiole épais, de 12 à 
15 centimètres de long à folioles pétiolulées ovales-oblongues 
(8-9 centimètres de long, 3-4 centimètres de large) et arrondies 
au sommet, entières, très épaisses, glabres. L'inflorescence com- 
prend un axe principal court portant de longs rameaux (12 cen- 
Limètres) terminés chacun par une dizaine d’ombelles longue- 
ment pédonculées (longueur du pédoncule, 5 centimètres), 
chaque ombelle comprenant une dizaine de fleurs très petites, 
pédicellées. Mais, il y a en outre une dizaine de fleurs grandes, 
fertiles, ionguement pédicellées (3 centimètres) situées directe- 
ment sur les longs rameaux. Chacun des trois rameaux de lin- 
florescence se termine donc par une ombelle simple de fleurs fer- 
tiles et est en mème temps une ombelle composée de fleurs plus 
petites. Les grandes fleurs du centre ontun calice formant un repli 
nettement développé au-dessus de l'ovaire, une corolle formée de 
sépales épais et charnus et un androcée dont les anthères ovoïdes 
s'ouvrent nettement par deux fentes longitudinales. Ces fleurs 
seules se développent en fruits ovales de 10 millimètres de long 
sur 6 à 7 millimètres de large; ils contiennent 5 graines et 
sont couronnés par 5 styles soudés sur la moitié de leur 
longueur, recourbés vers l'extérieur dans leur partie libre et 
couronnés de papilles stigmatiques. Les petites fleurs sont remar- 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 311 


quables par leur calice bien développé, leurs petites anthères : 
l'ovaire y est rudimentaire. — (Nouvelle-Calédonie : Hautes- 
Montagnes.) 


Schetflera affinis I. Bn., in Adansonia, XII, p. 141. 


Cette espèce est un arbre d'une dizaine de mètres de hau- 
teur; les feuilles ont un pétiole épais, d'une vingtaine de 
centimètres de long en moyenne, à la base duquel se trouvent 
deux stipules soudées, bien développées; les folioles, au nom- 
bre de 10, ont un pétiolule de 3 à 4 centimètres de long et un 
limbe ovale-oblong généralement trois fois plus long que 
large, atténué vers le bas, arrondi ou légèrement aigu au som- 
met. Ce limbe, entièrement glabre, est luisant à la face supé- 
rieure, et présente de très nombreuses nervures secondaires, 
également saillantes sur les deux faces et sensiblement paral- 
lèles. Vers l'extrémité des rameaux se trouve l'inflorescence qui 
débute par un axe principal très court, épais de 1 à 2 centi- 
mètres de long; cet axe porte, insérés au même niveau, trois 
forts rameaux de 7 à 8 centimètres de long qui portent eux- 
mêmes, disposées en ombelles, 6-7 ombelles de fleurs. Ces 
ombelles à pédoncule fort, de 6 centimètres de long en 
moyenne; on ne connaît que des échantillons fructifiés ; Les 
drupes au nombre de 5 ou 6 par ombelle ont un pédoncule 
très court de 0,5 environ; elles sont de très grande taille 
puisque leur diamètre dépasse un centimètre ; elles sont globu- 
leuses avec un disque légèrement surélevé couronné par un 
style indivis, conique de 2 à 3 millimètres de long. 

Celle espèce se rapproche de celles du groupe des A gala par le 
style indivis, qui est toutefois beaucoup plus court relativement 
à la taille de la drupe. Elle forme la transition entre ces espèces 
el celles que nous étudions maintenant, dont elles ne peuvent 
être séparées à cause de la forme si spéciale de l'inflorescence. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie, forêts situées au N.-E. 


de la Conception, vers 400 mètres d'altitude (Balanse n°2217). 


Schefflera Marcellana H. Bn., in Adansonia, XII, p. 140. 


La S. Marcellana est un arbrisseau de 6 à 8 mètres, très 
voisin du précédent par les feuilles, notamment par la forme 


319 RENÉ VIGUIER 


des foholes et leur nervation serrée. L'inflorescence est du 
même type, c'est une sorte d’ombelle composée : les rameaux 
de second ordre portent à leur extrémité un certain nombre 
d'ombelles et entre les pédoncules de ces ombelles encore en 
fleurs, de grosses drupes courtement pédicellées; ces drupes, 
ici, sont allongées, de 2 centimètres de long environ avec un 
disque conique surélevé, couronné par les stigmates; les styles 
sont nuls. Les fleurs ont 5 pétales valvaires, charnus, 5 éta- 
mines introrses à 4 sacs polliniques insérées sous un rebord 
du disque ; l'ovaire est formé par 6 carpelles. (Nouvelle- 
Calédonie ; entre Néoua et le Mont Mi; Balansa, n° 972). 


Schefflera crassipes H. Bn., Adansonia, XII, p. 144. 

Le Schefflera crassipes est un arbre de 6 à 8 mètres de haut, 
à feuilles trifoliolées et parfois umifoliolées ; la longueur du 
pétiole est de 5 à 8 centimètres. Le limbe coriace a la consis- 
tance, la nervation du Schefflera Emiliana ; 11 est obovale, 
obtus au sommet, atténué à la base à bord révoluté ; il atteint 
9-10 centimètres de long et 6 centimètres de large. Les fleurs 
sont inconnues ; les fruits, groupés en ombelles par trois ou 
quatre, sont presque sessiles, ovoïdes, de 1 centimètre de long 
environ. Ils contiennent 5 noyaux el sont surmontés par le 
calice persistant, par un disque conique et par 5 stigmates glo- 
buleux (Nouvelle-Calédonie, Mont Humboldt, Balansa, n° 3385). 


Schefflera elongata I. Bn., Adansonia, XII, p. 144. 

Cette espèce, voisine de la précédente, est un arbre de 6 à 
8 mètres de haut; les feuilles, quinquefoliolées en général, ont 
un pétiole de 10 à 12 centimètres de long; les folioles pétio- 
lulées ont un limbe oblong-obovale, arrondi au sommet, atté- 
nué à la base, coriace, à bords révolutés. L’inflorescence est 
une ombelle composée; la fleur est inconnue; chaque rayon 
principal porte de 6 à 10 fruits très allongés, trois fois plus longs 
que larges (1°°,5 de long et 5 millimètres de large) qui permet- 
tent de distinguer celte espèce de toutes les autres ; ces fruits 
ont 3 noyaux et sont surmontés de 3 styles soudés vers la base. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (Mont Penari, Balansa, 
n° 3387). 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 7 
Schefflera Andræana I. Bn., Adansonia, XII, p. 141. 


Dans cette espèce, qui est un arbre d’une dizaine de mètres 
de haut, les feuilles, à 7 ou 8 folioles, ont un pétiole épais; les 
folioles ont un limbe oblong-allongé, atténué à la base, aigu 
(24 centimètres de long et 7 centimètres de large) avec de 
nombreuses nervures secondaires à peu près parallèles. L'inflo- 
rescence est une ombelle composée à 3 degrés : elle comprend 
4 gros ravons principaux qui portent eux-mêmes 8 ombelles 
longuement pédonculées ; les fleurs ont un calice mince, à 5 
dents, une corolle avec 5 pétales épais, charnus, pourvus d'une 
crête médiane, 5 étamines à anthères oblongues pourvues de 
# sacs polliniques et s’ouvrant par deux fentes longitudinales: 
l'ovaire, qui compte jusqu'à 10 carpelles, est surmonté de longs 
styles presque soudés. Les fruits sont globuleux. Il existe une 
variété costata H. Bn., mss. (n° 2216, Balansa), dont les folioles 
de 15 centimètres de long et 8 centimètres de large, sont 
arrondies où émarginées au sommet, arrondies où brusquement 
rétrécies vers la bäse. — Le type à été trouvé près de Nouméa 
(Ferme modèle) et la variété dans les forêts au sud de Canala 
vers 700 mètres d'altitude. 


Schefflera Pancheri H. Bn., Adansonia, XII, p. 144. 


Sous le nom de Schefflera Pancheri, Ballon avait, je crois, 
distingué plusieurs espèces qui ne peuvent être réunies. Le 
n° 634 de l'herbier Vieillard, étiqueté S. Pancheri var. Vieil- 
lardi de la main de Baillon, mérite bien, par ses caractères, 
d'être rangé dans le genre. 

C'est un arbre dont les feuilles ont un pétiole court de T à 
10 centimètres de long avec 4 à 6 folioles; ces folioles ont un 
péüolule de 2 à 3 centimètres de long et un limbe oblong, 
atténué vers le bas, oblus ou retus à l'extrémité, sinueux sur 
les bords, coriaces, de 8 centimètres de long sur # centimètres 
de large, avec de nombreuses nervures secondaires parallèles 
et entre deux nervures secondaires, une nervure intermédiaire 
ramifiée el présentant de nombreuses anastomoses avec les ner- 
vures voisines. L'inflorescence comprend un axe principal 
court, portant 3 gros rameaux qui sont des ombelles compo- 
sées. À l'extrémité de ces rameaux se trouvent, en effet, des 


314 RENÉ VIGUIER 


ombelles portées sur un pédoncule de 4 centimètres de long et 
aussi de gros fruits portés sur un pédoncule de 1°%,5 à 2 centi- 
mètres. Les ombelles ont une quinzaine de fleurs ; ces fleurs 
ont un calice bien développé à bords onduleux, un androcée 
dont les étamines ont des anthères à 4 sacs polliniques, un 
ovaire réduit surmonté de styles longs, complètement soudés. 
Les gros fruits globuleux, de 7 millimètres de diamètre, ont un 
disque plan et des styles assez courts complètement soudés. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (bois de montagnes; 
Balade ; Vieillard, n° 634). 


Schefflera Nono H. Bn., Adansonia, XII, p. 141. 


Cette espèce est un arbrisseau dont les feuilles longuement 
péliolées ont 5-7 fohioles glabres à limbe entier, membraneux, 
oblong, arrondies ou échancrées au sommet. La fleur en est 
inconnue. L'inflorescence est grande et lâche ; c’est une ombelle 
composée, l'axe principal ou les axes principaux situés à l'ex- 
trémité des rameaux sont grêles et longs (15 à 20 centimètres) 
et ont à leur extrémité 3 où 4 rameaux qui portent plus ou 
moins groupés vers l'extrémité un certain nombre d’ombelles 
longuement pédonceulées, les fruits à pédicelle de 1 centimètre 
de long environ sont de petites drupes à peu près sphériques, à 
disques peu développés et portent 5 styles soudés sur la moitié 
de leur longueur. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie : Forêts situées au-dessus 
de la Ferme modèle, vers 300 mètres d'altitude. 


Schefflera Gabriellæ H. Bn., Adansonia, XI], p. 144. 


Les feuilles ont un pétiole de 25 centimètres de long environ 
et 8 folioles à pétiolule de 5 centimètres de long; ces folioles 
ont un limbe oblong ou ovale, lancéolé, aigu, d'environ 21 cen- 
tüimètres de long et 7 centimètres de large. L'inflorescence com- 
prend un petit nombre d’axes qui sont des ombelles composées ; 
les rayons principaux, au nombre d'une vingtaine environ, 
portent une ombelle formée de nombreuses fleurs; celles-ci 
ont un calice bien développé et un ovaire de dix carpelles. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (commun, dans les bois 
humides des vallées). 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES SD 


Schefflera cerifera Harms, in Schlechter, Beitr. z. Kenntn. der Flora 
von Neu-Kaledonien; Ængl. Jahrb., XXXIX, p. 212. 
Cette espèce voisine des précédentes a des fleurs dont l'ovaire 
5 carpellé est surmonté de styles soudés sur la moitié de leur 
longueur. Elle est nettement caractérisée par son inflorescence 
pourvue d’un revêtement cireux, caractère exceptionnel dans 
la famille (Nouvelle-Calédonie, Baie du Sud). 


Schefflera pachyphylla Harms, loc. cit., p. 212. 

Ce Schefflera à des feuilles trifoliolées à folioles obovales, 
extrêmement épaisses et coriaces. Les fleurs ont un ovaire à 
5 carpelles et autant de styles soudés seulement vers la base. 
— (Nouvelle-Calédonie). 


Schefflera Schlechteri Harms, in Schlechter, Beitr. z: Kenntn. der 

Flora von NewKaledonien: Ængl. Jahrb., XXXIX, P: 2118 

Cette espèce à feuilles 3-5 foliolées est, d’après Harms, 
voisine du S. Balansæana; elle en diffère par la consistance et la 
forme du limbe. L'ovaire compte 2 ou 3 carpelles, les styles 
sont soudés vers la base. Cette espèce se rapproche beaucoup des 
Schefflera elongata et crassipes ; elle diffère du premier par ses 
fruits moins allongés, ses folioles plus petites, plus longuement 
atténuées, et du second, par ses fruits longuement pédonculés et 
par ses folioles beaucoup plus petites. — (Nouvelle-Calédonie). 


I me reste à examiner deux espèces décrites par Baillon 
comme ayant des fleurs en grappes (1) 


Schefflera candelabrum H. Bn., loc. cit., p. 145 et 146. 


H. Baillon a établi cette espèce sur un échantillon de lher- 
bier du Muséum récolté par Balansa. « C'est, ditl, un arbre 
ramifié, de 6 à 10 mètres de hauteur. Les feuilles digitées 
sont formées de 8 folioles oblongues et pétiolulées. Les très 
petites fleurs, non articulées, ont 5 pétales valvaires (rou- 
geâtres sur le sec), et 5 étamines à anthères courtes. Leur 
ovaire est à 5 loges, surmonté de 5 pelits styles, dressés, oblus, 

(1) Je ne parlerai pas du Sciadophyllum Burchellianum H. Bn. (Adans. XIT, 


p. 147), espèce très incertaine. J'aurai pu ajouter à l'espèce précédente le 
Schef fera Baillonii (— Gastonia Heptapleurum M. Bn., Adans. XI, p. 166). 


316 RENÉ VIGUIER 


libres. » Toutes ces fleurs sont disposées en grappes. J'ajouterai 
que l'axe portant les fleurs, que les pédicelles floraux et le 
calice sont velus et qu’enfin le calice dans sa parte libre est 
divisé en 5 sépales aigus. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (Balansa, n°973 4, Forêts 
situées près du Chapeau au-dessus de la Ferme modèle). 


Schefflera pseudo-candelabrum nov. sp. 


Baillon fait rentrer dans l'espèce précédente un autre échan- 
üllon récolté par Balansa. Cette plante est semblable à la précé- 
dente par les feuilles et par l'aspect général de son inflorescence ; 
l'axe principal allongé, porte, régulièrement espacés, de longs 
rameaux secondaires; mais, ces rameaux secondaires, au lieu 
de porter des grappes, sont couverts de petites ombelles. Ces 
ombelles ont un pédoncule (très court, de 3 millimètres envi- 
ron, el ont presque toutes trois fruits insérés au même point 
à leur extrémité. 

On pourrait objecter, pour justifier la manière de voir de 
Baillon, que ces ombelles correspondent aux grappes fructifiées 
de l'espèce précédente, dans lesquelles les fleurs latérales seraient 
tombées. Cette objection ne saurait subsister, tout d'abord 
parce que les ombelles ont un pédoneule beaucoup plus eourt 
que l'axe portant les fleurs du Schefflera candelabrum et que, 
de plus, dans cette dernière espèce, les fleurs sont insérées 
sur tout le rameau suivant une spirale, même à l’extrémité. 
On ne peut non plus penser que ces petites ombelles corres- 
pondent à la base desgrappes du Sclefllera candelabrum puisque 
jamais les fleurs n'y sont verticillées. 

Reste à savoir si nousne nous trouvons pas en présence d’une 
espèce à fleurs polygames dans laquelle les fleurs mâles seraient 
en grappes el les fleurs femelles en ombelles. Aucune indication 
manuscrite de Balansa ne permet de faire cette supposition : 
dans les grappes du Schefflera candelabrum à l'extrémité on 
trouve des fleurs très jeunes, tandis que vers la base, les fleurs 
ont perdu leurs étamines et leurs pétales, alors que les loges 
ovariennes sont très nettes. Les échantillons ne proviennent pas 
de la même localité. Rien n'autorise done à penser que les 
échantillons décrits correspondent à une espèce polygame. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES LL 


Je crois donc qu'il y à lieu, jusqu'à plus ample information, 
de considérer l'échantillon 973 de Balansa comme une espèce 
nouvelle Schefflera pseudo-candelabrum voisine de la précédente 
mais en différant par ses fleurs {ou fruits) en ombelles pauci- 
flores. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie {n° 973, Balansa; forêts 
situées entre le village canaque de Neonu et le Mont Hi). 


Schefflera Vieillardi H. Bn., Adansonia, XII, p. 146. 


Cette espèce est voisine du Schefflera candelabrum. Le péliole, 
long d'environ 30 centimètres, est dilaté vers la base où il est 
revêtu d'un véritable feutrage de petits filaments raides, un peu 
comme des tiges d'Æchinopanar. Les folioles, au nombre de 12, 
sont lancéolées, de 21 centimètres de longueur sur 4 centimètres 
de largeur, s’amincissant graduellement à partir de leur tiers 
antérieur sur un péliolule presque nul; elles sont coriaces, 
aiguës à l'extrémité, les nervures secondaires, au nombre de 
15 à 20 de chaque côté de la nervure principale, se divisent en 
2 branches qui s’'anastomosent assez loin des bords du limbe; il 
a plusieurs nervures intermédiaires entre 2 nervures secondaires. 

L'inflorescence ressemble à celle du Schefflera candelabrum. 
L'axe d’inflorescence, très long, porte latéralement des 
axes rigides qui sont des grappes simples ou plutôt des épis, de 
fleurs, car, à l’aisselle de petites bractées se trouvent des fleurs 
presque sessiles. La corolle et les étamines sont inconnues ; 
l'ovaire est surmonté d'un calice à rebord entier, ilest conique 
dans sa partie libre au-dessus du calice et a 5 styles soudés sur 
la moitié de leur longueur. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (Hautes montagnes, près 
de Balade, Vieillard, n° 623). 

Le Schefflera candelabrum et le Schefflera Vieillardi, remar- 
quables par leurs fleurs en grappes, se rapprochent des quelques 
espèces à fleurs en grappes, citées plus haut (p. 332) mais dont 
les styles sont complètement soudés. 


CARACTÈRES ANATOMIQUES. 


1. Tige. — J'ai déjà indiqué dans ses grandes lignes la 


318 RENÉ VIGUIER 


structure de la tige dans un certain nombre d'espèces (1). 
Dans aucune espèce, el en cela Güssow est d'accord avee moi, 
il n'existe de faisceaux cribrovasculaires dans la moelle. Les 
Schefllera présententen somme la structure typique de tige d’un 
grand nombre d’Araliacées. 

L'épiderme, toujours simple, est revêtu d’une cuticule plus 

ou moins développée suivant les espèces; cette cuticule est parti- 
culièrement épaisse, présente des crêtes et des ornements dans 
le Schefflera Pes ans. 

Le liège est toujours d’origine sous-épidermique ; il différencie 
fréquemmentdanssa partie profonde de grossescellulesseléreuses 
à lumière étroite et communiquant entre elles par des perfo- 
rations {Schefflera subulata, Schefllera Balansæana, Schefflera 
leucantha, Schefllera polybotrya, ete.). Je n'ai point observé de 
ces cellules dans les Schefflera abyssinica et Schefflera Volkensu. 

L'écorce présente toujours une couche collenchymateuse 


Fig. 6. — Schéma d'une coupe transversale de tige du Schefflera oclophylla. — 
ep. épiderme; col, collenchyme:; es, canaux sécréteurs ; m, moelle ; pm, zone péri- 
médullaire ; b, bois; ag, assise génératrice ; Z, liberf: scl, fibres péricycliques. 

externe plus ou moins développée et dépourvue de canaux sécré- 

teurs. Ceux-ci, de diamètre assez réduit, se rencontrent dans 
la zone profonde parenchymateuse. 
Formée d’un petit nombre d'assises de cellules dans le Sckef- 


(1) R. Viguier, loc. cit., p. 84. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 319 


flera subulata et dans le Schefflera stellata, Vécorce atteint une 
assez grande épaisseur dans le Schefflera Balansæana el surtout 
dans les Schefflera abyssinica el Volkensu. 

On peut observer dans l'écorce de quelques espèces, notam- 
ment dansles Scheffleraleucantha,Schefllera alongensis, Scheflera 
polybotrya, des faisceaux lhbéroligneux recouverts d'un arc 
fibreux supralibérien, qui semblent la parcourir sur toute la lon- 
gueur d'un entre-nœud pour pénétrer dans la feuille supérieure. 

Dans presque toutes les espèces, on observe dans l'écorce des 
mâcles en oursins d’oxalate de calcium; celles-ci sont parti- 
culièrement abondantes dans le Schefflera Pes ais où elles occu- 
pent des cellules beaucoup plus grandes que leurs voisines, 

Le péricycle différencie de place en place des arcs ou des îlots 
de fibres : ceux-ci sont épais dans les Schefflera subuluta, Schef- 
flera elliptica, Schefflera abyssinica, où au contraire extrêmement 
réduits, formant une ou deux assises de cellules dans les Schef- 
flera Balansæana, Schefflera Pes anis, Schefflera leucanthu, 
Schefflera alongensis. Les fibres ont en général une lumière 
réduite; dans le Schefflera Baillonti (Gastonia Heptapleurum 
H. Bn.) les îlots fibreux sont en général formés de deux assises 
de cellules à parois minces. 

Je ne dirai rien de la structure du hber, fort mal conservé dans 
ces échantillons d'herbier ; j'ai constaté la présence de canaux 
sécréteurs dans le liber secondaire d'un assez grand nombre 
d'espèces (Schefflera subulata, Schefflera leucantha, Schefflera 
alongensis, Schefflera abyssinica, Schefflera Volkensi, ete). La 
présence de ces canaux est peut-être même générale; ceux-ci 
sont tantôt très petits, à peine visibles en coupe, tantôt grands, 
d'un diamètre supérieur à celui des cellules voisines {Schejllera 
alongensis, Schefflera subulata) ; ils peuvent être peu nombreux 
et ivrégulièrement répartis dans le liber, ou disposés régulière- 
ment en cercles concentriques (Schefflera Volkensi). 

La structure du bois secondaire varie d’une espèce à l’autre 
et peut fournir des caractères intéressants. 

Les vaisseaux sont presque tous isolés, peu nombreux el épars 
dansle Schefflera subulata:; is présententlamème disposition dans 
le Schefflera parasitica et dans le Schefflera leucantha: dans cette 
dernière espèce ils sont fréquemment groupés par deux. Dans 


380 RENÉ VIGUIER 


les autres espèces, ils forment plus souvent des séries radiales 
de cinq, six, huit vaisseaux; peu nombreux dans le Sclefflera 
Volkensi qui se rapproche des précédents, ils sont très abondants 
dans cerlaines espèces comme dans les Schefflera abyssinica et 
surtout dans le Schefflera aromatica. Leur diamètre est en général 
de 200 à 300 & et peut atteindre un demi-millimètre dans le 
. Schefflera rigida. Les fibres ont toujours des parois épaisses et 
une lumière parfois très réduite; elles ont une section rectangu- 
laire, des parois minces et une large lumière dans le Sche/flera 
aromatlica. Les rayons sont formés de 1 à 3 séries de cellules 
allongées radialement, à membranes épaisses et perforées, sauf 
dans le Schefflera aromatica etle Schefflera rigida dont les cellules 
ont des parois très minces et peuvent, surtout dans la dernière 
espèce, former cinq ou six rangées. 

En section longitudinale, les vaisseaux montrent une orne- 
mentalion réliculée à ponctuation très allongée transversalement 
(Schefflera aromatica) ou peu allongée, plus ou moins elliptique 
(Schefflera rigida). 

La zone périmédullaire est en général lignifiée : dans certaines 
espèces, comme le Schefflera subulata, elle forme un auneauépais 
de fibres semblables à celles du bois secondaire ; ailleurs (Schef- 
fleraleucantha,Scheffleraalongensis, Schefllera Balansæana, ele.), 
elle différencie des paquets de fibres au milieu de cellules higni- 
fiées différentes par leur forme des cellules de la moelle. 

La moelle peutêtre entièrement cellulosique (Sche/fflera polybo- 
trya, Schefllera elliptica, Schefflera stellata, Schefflera Balan- 
sæana), où entièrement lignifiée, formée d’un parenchyme de 
cellules à parois épaisses et ponctuées (Schefflera alongensis, 
Schefflera abyssinica, Schefllera Pes avis, etc.). Les parois, cellu- 
losiques dans les jeunes rameaux, se lignifient généralement 
dans les rameaux âgés. 

Les canaux sécréteurs peuvent se montrer, en section trans- 
versale, épars dans la moelle; c’est le cas des Schefflera elliplica, 
S.polybotrya,S.parasitica, S .abyssinica, S.alongensis, ou former 
un cercle à la périphérie comme c’est le cas dans les Schefflera 
leucantha, Schefflera subulata, Schefflera Pes avis, Schefflera 
octophylla. Enfin, dans le Schefllera Baillonii, la moelle semble 
être dépourvue de canaux sécréteurs. 


de 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 381 


J'ai déjà insisté dans mon précédent Mémoire sur la structure 
du pétiole des différentes espèces de Schefflera : sous l'épiderme 
il existe toujours une couche collenchymateuse interrompue 
seulement vis-à-vis des stomates; celte couche collenchymateuse 
est parfois pourvue de canaux sécréteurs (Schefflera abyssinica, 
Schefflera Manniü, Schefllera Volkensu, Schefflera Khasiana, 


P.. 


Fe 
flb.. 
2 . 
‘sel 
AT 
Fig. 7. — Schéma d'une coupe transversale du pétliole du Sche/flera Volkensii. — 


ep, épiderme ; col, collenchyme; ft6,, faisceaux normaux: lb», faisceaux inverses ; 
pl, fibres péridermiques ; /, liber; b, bois. 


Schefflera Pes avis, Schefflera Cussoniæ, Schefflera octophylla), 
d'autres espèces sont dépourvues de canaux sécréteurs dans 
le collenchyme (Schefflera stellata, Scheffleru aclinophylla, 
Schefflera elliptica, Schefflera aromatica, Schefflera rigide, ele.). 
En dedans de ce collenchyme se trouve une couche de paren- 
chyme pourvue généralement de canaux sécréteurs. 

Je ne reviendrai pas sur la disposition des faisceaux libéro- 
ligneux dans le pétiole des Schefflera octophylla, Schefflera 


382 RENÉ VIGUIER 


Mann, Schefllera Volkensu, Scheflera abyssinica, Scheflera 
rigida, Scheflera aromatica, Schefllera. elliptica,  Scheflera 
Wallichiana, Schefflera myriantha, Scheflera stellata, Scheflera 


h, exoder- 
: J1b, faisceau 


cl, cuticule ; scl, sclérenchyme : 
epi, épiderme inférieur 


eps, épiderme supérieur; 


sécréteurs; pal, tissu palissadique ; lac, lissu lacuneux. 


L =: '® ei 

\=S TE 

= es EN 
tee Ü TE 
et RP EN 
Re) 


D Cor 
TO 


: st, Sstomate ; 


b, 


l, Jiber, 


libéroligneux ; es, canaux 


Fig. 8. — Scheffleru Humbloliana, coupe transversale du limbe. 
me lignific ; bois 


actinophylla que j'ai déjà étudiés, auxquels on peut ajouter le 
Schefflera Pes avis. Dans le Schefllera Balansæana on observe, 
en dedans d’un cercle externe de faisceaux séparés les uns des 
autres mais recouverts d’un anneau fibreux continu, un cerele 
interne de faisceaux inverses ; en dedans se trouvent ce cercle 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 383 


interne de grands canaux sécréteurs formant un cercle, puis 
quelques faisceaux normalement orientés et enfin, tout à fait au 
centre, trois ou quatre grands canaux sécréteurs. La même dispo- 
sition se retrouve dans le Schefflera Cussoniæ dans lequel les 
faisceaux du centre sont entourés par une assise de cellules 
différenciées. Cette disposition est celle que nous retrouvons 
dans le pétiole des Dizygotheca. 

La structure du limbe offre un certain nombre de variations 
qu'il est intéressant de signaler. 

Suivant les espèces, le limbe est membraneux ou plus ou 
moins coriace. Le tableau suivant donne l'épaisseur moyenne du 
limbe dans un certain nombre d'espèces. 


SChefiera oclophylla. 5... 180 y. 
— UOTE (Le tee Se Sete ee de sois de 180 
— CUOTEORIS ESS Muse pneus see ss 180 vu. 
= CRÉODI TOUR EE Le lpina e es mantte 6 808 200 y. 
— HUMOUR ES. 209 à. 
— LOUINOPDITUIQE Re 2RD Le 
— CONNUS EIRE RE ee ce nee cecon 240 y. 
= POS IDONS Er damien bee: sic eee 270 vw. 
— ONE nl eee 280 y. 
— PLOVTDIR PER. e R tRl nroseese 300 w. 
— CÉPRGIOOSERE ANNE TT. Lune ee 300 w. 
— NMOOTA PTS DE SR See er eee DU 
— MArCeUQNGE Er te es . 330 v. 
== PPOLRCMANDEE SE ess rene 330 u. 
— HUMOIONONG RER a raser 360 y. 
— ADS SNL NET EE ra à 300 y. 
— ROTRON STE RS ours 390 vw. 
— LTD LIENS TN ER tee UT ere pate 390 y. 
— CUSSONVEO STE RE TE eee sets 540 pu. 
— NULAN eee ee 700 y. 


L'épiderme supérieur est formé de cellules à contour poly- 
gonal et est toujours dépourvu de stomates. En section lrans- 
versale les cellules sont généralement labulaires (Schefflera acti- 
nophylla, 30/10, Scheflera elliptica 40-50 p/15 y, Schefflera 
Pes avis, 30/1523; Schefflera tunkinensis 30-35 4/15 : Schejlera 
affinis, 30-35 u/20u; Schefflera Nono 30%/15u0:; Schefllera 
octophylla 25-30u/15u: Schefflera rigide, 25 u[15u; Schefllera 


384 RENÉ VIGUIER 


Mann 15-25 w/10-12%; Schefflera Wallichiana, 23-30 p/10- 
12y) où à peu près aussi hautes que larges. (Schefllera Koor- 
dersu, 19p; Schefflera Marcellana, Schefflera abyssinica, et 
Schejflera Cephalotes, 15 v), mais peuvent être plus hautes que 
larges (Schefflera Emiliana, 45 » de haut et 25 à 30 y de large. 
Elles sont en général recouvertes d'une cuticule lisse, épaisse 
de 4 à 5 environ. Cette cuticule atteint parfois une épaisseur 


NA eme ps 


Fig. 9. — Schefflera Cephalotes, portion d’une coupe transversale de limbe. — cut, 
cuticule ; eps, épiderme supérieur; epi, épiderme inférieur; sf, stomates; col, col- 
lenchyme; pal, tissu palissadique: lac, tissu lacuneux. 


considérable (Schefllera Koordersü, 15 à 20 4; Schefilera Mar- 
cellana, 20%: Schefflera Cephalotes, 25-304: Scheflera Emi- 
liana, plus de 30%), sa hauteur dépassant alors presque toujours 
celle de la cellule épidermique. Les parois latérales des cellules 
de l’épiderme ne sont en général ni épaissies ni cutinisées, 
à l’exception de quelques espèces (Schefflera Enuliana, Schefllera 
tunhkinensis). 

Sous l’épiderme supérieur se trouve toujours un exoderme 
différencié formé de cellules à parois épaissies, et le plus 
souvent complètement dépourvu de chlorophylle. Cet exoderme 
est constitué par une (Schefflera octophylla, Schefflera incisa, 
Schefllera  Volkensu, Schefflera stellatu, Schefllera  elliptica, 
Schefflera rigida, Schefllera aromatica, Schefllera versimiliter, 
Schefflera emarginata, deux (Schefllera Mann, Schefflera Balan- 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 38) 


sæana, Schefllera Wallichiana, Scheflera affinis), Uois (Schefllera 
Cussoniæ, Schefflera tunkinensis, Schefflera Cephalotes, Schefllera 


ox 


Fig. 10.— Schefflera Emiliana, portion d'une coupe transversale de limbe: cut, euti- 
cule; eps, épiderme supérieur ; epi, épiderme inférieur; es, canaux sécréteurs; pal, 
tissu palissadique ; lac, tissu lacuneux : ox, mâcles d'oxalate de calcium; D, bois; 
l, liber. 


Emiliana) où même quatre, cinq (Schefllera Koordersh) assises 
différenciées. Ces cellules exodermiques sont généralement 
labulaires, souvent beaucoup plus longues que hautes (dans le 


V4 


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Fig. 11. — Schefflera Cussoniæ, portion d'une coupe transversale de limbe. — cul, 
cuticule; eps, épiderme supérieur; epi, épiderme inférieur; er, exoderme; col, col- 
lenchyme; pal, tissu palissadique ; lac, üssu lacuneux: {, liber: 4, bois: 7, fibres, 


Schefflera C'ephalotes, elles peuvent atteindre 90 de Jong el 

15 y de haut; dans la plupart des espèces elles ont 30 y de long 

sur 15 v de haut). On peut y observer, comme dans lassise 

moyenne du Schefflera Enuliana, où dans l'assise profonde du 
ANN. SC. NAT. BOT., % série. IX, 25 


380 RENÉ VIGUIER 


Schefflera abyssinica, des mâcles en oursins d’oxalate de 
calcium. 
Le tissu palissadique n'offre aucune particularité remar- 


quable ; il est toujours formé de deux ou trois assises de cellules ; 


sa délimitauon d'avec le tissu lacuneux n’est en général pas 
bien tranchée ; il est parfois pourvu de mâcles d'oxalate de 
calcium {Scheflera actinophylla, Schefllera alongensis, Schefllera 
Balansæana. Schefllera Cussonix). 

Les feuilles ont en général une structure dorsi-ventrale 
nette; le tissu lacuneux est souvent typique, présentant de 
grandes lacunes; dans quelques espèces {Scheffler a affinis, 
Schefflera Marcellana, Schefflera tunkinensis), ce üssu est relati- 
vement très dense. [l présente fréquemment des mâcles d’oxa- 
late de calcium dans les espèces qui en sont dépourvues dans 
le parenchyme palissadique ou dans l’exoderme. La nervure 
principale est généralement légèrement saillante à la face supé- 
rieure et très fortement saillante à la face inférieure (Sche/fflera 
rigida, Schefflera Mannu, Schefllera stellata, Schefflera Wall 
chiana, Schefllera affinis, Schefflera alongensis, etc.). Dans les 
Schefllera Volkensü el abyssinica au contraire, cette nervure 
non ou à peine saillante inférieurement, est presque entiè- 
rement rejetée sur la face supérieure. 

L'épiderme supérieur de la nervure principale présente les 
mêmes caractères que sur le reste du limbe, sauf que généra- 
lement ses cellules sont beaucoup moins tabulaires, le plus 
souvent presque aussi hautes que larges, ou même, comme dans 
le Schefflera Cephalotes par exemple, beaucoup plus hautes que 
larges ; les mêmes remarques s'appliquent à l'épiderme inférieur. 

Sous l’épiderme supérieur, se trouve toujours une masse de 
collenchyme; c’est même celte masse qui constitue, dans la 
plupart des espèces, la crête ventrale formée par la nervure sur 
le limbe. Dans les Schefllera Cussoniæ, Schefllera Balansæana, 
Schefllera Emiliana, celte couche de collenchyme passe latéra- 
lement à l’exoderme différencié qui recouvre le tissu palissa- 
dique et a exactement la même épaisseur; les cellules en sont 
seulement différentes, plus petites, arrondies et à parois plus 
épaisses. 

On retrouve de même à la face inférieure, sous l'épiderme, 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 3587 


une couche de collenchyme présentant les mêmes caractères 
que celui de la face supérieure. Cette couche de collenchyme 
existe, quoique très réduite, même dans les espèces dont la 
nervure ne proémine pas à la face inférieure du limbe. On 
observe fréquemment dans le collenchyme des mâcles d’oxalate 
de calcium, et parfois de petits canaux sécréteurs (Schefflera 
Mann, Schefllera abyssinica, Schefflera cephalotes, ete.). Dans 
un petit nombre d'espèces le parenchyme chlorophyllien se 
continue sous la crête collenchymateuse supérieure (Schefflera 
Manni, Schefllera Pes avis, Schefflera Wallichiana, ete). 

Le système libérolhigneux est rarement représenté par un 
petit arc à convexité dorsale (Scheflera Enuliana, Schefflera 
Pes avis); il se présente le plus souventecomme un anneau irré- 
gulier de faisceaux distincts, circonscrivant souvent plusieurs 
faisceaux épars. Dans le Schefllera cephalotes, les faisceaux 
libéroligneux ne sont nulle part groupés en anneau el sontirré- 
gulièrement disposés. 

Dans la majorité des espèces, Le liber est surmonté d’un arc 
fibreux qui forme souvent à la périphérie de l'anneau libéro- 
ligneux un manchon continu plus ou moins épais. Les fibres 
manquent pourtant dans quelques cas (Scheffleru abyssinica, 
Schefflera octophylla, Schefilera Wallichiana, Schefliera Emi- 
liana, Schefflera Pes anis). 

Les canaux sécréteurs, qui existent parfois dans le collen- 
chyme comme je l'ai déjà dit, se montrent toujours en dehors 
des faisceaux libéroligneux, au dos des arcs fibreux où du 
liber. Leur diamètre estassez variable : de 60 à 90 » de diamètre 
dans les Schefllera C'ephalotes, Schefflera Marcellana, 11 est de 
15 » seulement dans le Schefflera «finis. 

Si on considère une des nervures du réseau tertiaire, on 
constate qu'elle est formée par un faisceau libéroligneux de 
petite taille et ordinairement accompagnée par un canal sécré- 
teur dorsal, parfois aussi par un canal dorsal et un canal 
ventral. 

Généralement ces petites nervures sont recouvertes par le 
tissu palissadique aussi complètement développé que dans les 
autres parties du limbe ; parfois le parenchyme palissadique el 
le parenchyme lacuneux sont complètement interrompus, rem- 


388 RENÉ VIGUIER 


placés par du tissu de soutien {Schefflera abyssinica, Schefflera 
Volkensi). 

Je répèlerai encore que les Schefflera se séparent nettement 
des Acanthopanax par leurs caractères de structure: les fais- 
ceaux sont disposés sur plusieurs cercles dans le pétiole, et, de 
plus, le limbe des folioles est Toujours pourvu d'un exoderme 
différencié, ce qui ne s'observe jamais dansles Acanthopanar. 


RÉSUMÉ 


En résumé, le genre Schefflera, qui est très riche en espèces, 
présente un assez grand nombre de variations morphologiques, 
en particulier dans la fleur et dans le mode d'inflorescence ; 
mais il existe de si nombreux intermédiaires entre les types 
extrêmes que les subdivisions qu'on voudrait apporter dans le 
genre seraient très artificielles. Cette remarque s'applique éga- 
lement à la distinction en Cephaloschefflera, à fleurs en capi- 
tules, et Euschefflera à fleurs en ombelles où en grappes qu'a 
proposée M. Harms. Ce caractère peut être commode pour la 
détermination mais, dans ce cas particulier, n'a pas de valeur. 
Outre que de nombreuses transitions existent entre les formes 
à fleurs en ombelles et celles à fleurs en capitule, cette division 
a le tort de rompre des affinités évidentes. S'il existe des pas- 
sages entre les ombelles et les capitules, 11 n°v à pas de raison 
de prendre ce caractère d’inflorescence et de rejeter celui, en 
apparence si important, de la présence oude labsence de styles. 
Pourquoi alors ne pas avoir fait une section Botryoschefllera 
pour les formes à fleurs en grappes? 

De même, au point de vue anatomique, 11 ÿ à un certain 
nombre de variations mais qui ne permettent aucune subdivi- 
sion du genre correspondant à un groupement quelconque des 
espèces d’après leur morphologie externe de quelque manière 
qu'on le conçoive. La vérité est qu'il est préférable de ne pas 
distinguer de sous-genre dans les Schefflera; la subordination 
des caractères est iei impossible; ce genre, en particulier, est 
tellement compact et les espèces, suivant le caractère consi- 
déré, présentent des affinités tellement différentes qu'on ne 
peut songer à les ranger en séries linéaires. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 389 


À propos du Schefflera indivisa H. Bn. 


Sous le nom de Schefflera indivisa, Baïllon a signalé (1) une 
espèce néocalédonienne récoltée par Balansa (n° 976) et en à 
donné la descriplion suivante : 

Planta pro genere valde anomala; ramis crassis nodosis. 
Folia ad summos ramulos pauca conferta, simplicia (vel 
!-foliolata) oblongo-subspathulata, basi in petiolum longe atte- 
nuala, apice oblusa, grosse repanda. Flores {masculi) parvi cre- 
berrimi ; inflorescentiis dite ramosis ; calycisdentibus 5 ; petalis 
valvatis 5 ; antheris introrsis; pedicellis haud articulatis, basi 
1-bracteolatis. 

Malgré les caractères aberrants de cette espèce, Baillon n'hé- 
sita pas à la considérer comme un Srcheflera sans toutefois 
donner les raisons qui l'ont déterminé à adopter cette manière 
de voir. 

Je n'ai eu aucune peine à me convaincre que la plante appar- 
tenait en réalité à une tout autre famille. En cas d’hésitation 
l'examen succinct d’une coupe de péliole aurait suffi du reste 
à me prouver que Je ne me trouvais pas en présence d’une 
Araliacée : Le pétiole est, notamment, dépourvu de canaux 
sécréteurs et ne prend à la tige que trois méristèles. 

À quelle famille doit donc être rattaché le Schefllera indivisa? 

Baillon lui-même nous donnera la réponse car, en 1891 (2),ila 
décritla même espèce portant le même n° 976 de Balansa sous le 
nom de Phelline floribunda de la famille des Aquifoliacées (2). 
Cet auteur ne s'est du reste pas aperçu qu'il avait décrit anté- 
rieurement l’espèce et en à donné alors la diagnose suivante : 

Arbuscula tortuosa, 3-4 metralis; ramulorum cicatricibus 
latis remotis. Folia apice conferta, longiuseule (2-3 cent.). 
peliolata, limbo oblongo-subspathulato obtuso v. rotundato, 
basi longe attenuato ; pagina inferiore pallide fucescente; nervis 
primaris paueis remotis. Flores masculi in racemos subtermi- 
nales plurimos valde ramosos disposili, creberrtmti; corolla mox 
reflexa: slaminibus petalo subæqualibus. 


(1) H. Baïillon, Recherches nouvelles sur les Araliées (Adansonia, XIE, p. 140). 
(2) Bullet. mens. Soc. Linnéenne de Paris, 20 mai 1891, p. 938. 


390 RENÉ VIGUIER 


J'ai examiné dans l’herbier du Muséum l'échantillon qui cor- 
respond à cette description de Baillon et me suis assuré que 
c'était bien un double de celui décrit antérieurement : outre le 
nom écrit de la main de Baillon, cet échantillon porte en outre 
l'indication : PAelline floribunada test. Loesener. 

Je rectifie donc cette erreur; le nom de Schefflera indinisa ne 
s'applique à aucune espèce d'Araliacées. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 391 


IV 
DIZYGOTHECA 


On sait que ce curieux genre à tous les caractères des Schef- 
flera mais présente un verticille d’étamines dont les anthères 
s ouvrent par quatre fentes et ont huitsacs polliniques groupés 
par paires. Ce fut Baillon qui en décrivit le premier type sous 
le nom de Plerandra Vieillardi. W rattachait cette espèce au 
genre Plerandra car il considérait chaque étamine comme for- 
mée par deux étamines intimement soudées. C'était le Eype d’une 
section nouvelle Pentadiplandra. Ce fut en 1892 que 
N.E. Brown établit le genre Dizygotheca pour une espèce cul- 
üvée à Kew sous le nom d'Aralia Nilssoni. Le nom de Dizygo- 
theca doit être adopté, Baillon ayant donné, d'autre part, en 
1886, le nom de Pentadiplandra à une Tihiacée. 

Sous le nom de Neodizygotheca, j'ai distingué dans le genre 
une section établie pour une espèce nouvelle présentant trois 
verticilles d’étamines, et rattachant ainsiles Dizygotheca aux 
Plérandrées. M. Harms, qui avait étudié un échantillon de cette 
espèce rapporté par Schlechter et l'avait désignée sous le nom 
de Plerandra Sciadophyllum, constate ces affinités et se 
demande si la présence d’anthères à huit sacs polliniques justifie 
l'incorporation du Neodizygotheca dans le genre Dizygotheca. 

Plus tard j'ai pensé qu'il était préférable de considérer le Neo- 
dizygotheca comme un genre nouveau Octothecu séparé des Plé- 
randrées parses élamines à huit sacs polliniques et du genre Dizy- 
gotheca par son androcée formé de trois verticilles. 

J'ai eu la surprise, en examinant les Schefflera néocalédontens 
décrits succinctement par Baillon, de constater qu'un certain 
nombre d'entre eux montraient des anthères pourvues de huit 
sacs polliniques s’ouvrant par quatre fentes de déniscence el 
devaient par conséquent être rattachés au genre Dizygotheca. 

Ce genre exclusivement néocalédonien et qui semble être un 
rameau détaché du genre Schefflera, comprend actuellement les 
espèces suivantes : 


392 RENÉ VIGUIER 


Dizygotheca Vieillardi (Pentadiplandra Vieillardi H. Bn, Adan- 
sonia, XII, p. 136; Disygotheca Nilssoni N.-E. Brown, Bull. of 
miscell. Inform. Kew, 1892, p. 197). 

Les feuilles ont un pétiole long de 54 à 60 centimètres et 

9 à 11 folioles longuement péliolulées (6-9 centimètres) à 

limbe allongé-oblong, aigu à la base, émarginé au sommet 

(27-40 centimètres de long et 6-11 centimètres de large). 


Dizygotheca leptophylla W.-B. Hemsley, Bull. of mise. Inform. 

Kerw, 1893, p. 156. 

Cette espèce est voisine de la précédente, les feuilles n’ont 
pourtant que de 5 à 7 fohioles; le péliole à environ 0°,50 de 
long, le pétiolule à en moyenne 6 centimètres de long ; le limbe 
oblong obtus, arrondiàlabase, est environ trois fois plus long que 
large (27 centimètres de long et 9 centimètres de large). Cette 
plante à sur les rameaux latéraux stériles jeunes, des feuilles 
d'aspect très différent, avec 5-7 folioles à limbe presque 
linéaire. 


Dizygotheca Reginæ. Hemsley, Bull. of miscell. Inform. ke, 
1895, p. 181. 


Ce Dizygotheca diffère notablement des deux précédents : 
les feuilles ont en effet un péliole de 35 centimètres environ 
portant de 10 à 15 folioles à péliolule court (12-36 millimètres) 
à limbe très allongé, lancéolé où presque linéaire (18 à 36 cen- 
mètres de long et 25, à 3 centimètres de large). De plus, 
l'ovaire n'a que 5 carpelles. 

A ces quatre espèces actuellement connues j'ajouterai les 
suivantes : 


Dizygotheca tenuifolia (Aralia lenuifolia Panch. Adansonia, X, 

p.372, 1873). 

Je n'ai pas eu sous les yeux la plante décrite par Pancher et 
que M. Harms rapporte, sous réserve, au genre Schefllera. La 
simple lecture de la description suffit à affirmer que lespèce 
doit être rangée dans le genre Dizygoltheca. En effet, d’après 
Pancher, la fleur à l’organisation suivante : « calice obconique 
à tube adhérent à l'ovaire, à limbe très court, dressé avec cinq 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 393 


pelites dents punctiformes. Corolle à cinq pétales insérés sur la 
marge d'un disque concave, triangulaires, étalés ; nervure 
médiane intérieurement saillante, surtout ausommet. Cinq filets 
subulés, insérés sur la marge du disque, alternes avec Les pétales, 
portant chacun deux anthères  biloculaires opposées insérées 
vers le sommet; ou dir anthères biloculaires ovales, introrses 
sur cinq filets, à déhiscence longitudinale. Ovaire infère, à 
cinq loges uniovulées; ovule pendant. Cinq styles courts, 
arqués-élalés; stigmates simples. Drupe ovée (5 millimètres 
sur 3), sillonnée, noire, couronnée par le limbe du calice et les 
styles ; cinq noyaux parcheminés. » 

Pancher, on le voit, considérait, comme Baillon l’a fait plus 
tard pour son Pentadiplandra Vieillardi, les élamines comme 
portant des anthères soudées par paires. 

Les fleurs sont groupées en ombelles composées terminales, 
hémisphériques avec involuere et involucelles réduits à des 
bourrelets irréguliers. 

La plante à un tronc droit de 4 à 5 mètres, large de 
30 à 40 centimètres ; les feuilles à pétiole grêle de 10 centimètres 
de long, ont sept à dix folioles petites, de 15 à 25 millimètres 
de long, et de 6 à 10 millimètres de large, obluses au sommet. 
Comme dans le Dizygotheca leptophylla, 1 existe une grande 
différence entre les feuilles des individus jeunes et celles des 
adultes; les feuilles des individus jeunes sont composées « de 
cinq à sept folioles linéaires, d’un vert très clair, maculées de 
rose, d'une légèreté et d'une élégance peut-être unique dans le 
règne végétal. » 

Ces plantes, récoltées en Nouvelle-Calédonie par M. Weight, 
- ont été introduites en Europe, et c'est un exemplaire vivant 
qui à été décrit par Pancher. Elles constituent des petits arbres 
communs dans les massifs argilo-schisteux du littoral; leur bots 
blanc est mou, fréquemment attaqué par les insectes. Les 
fleurs blanchâtres exhalent une forte odeur de muel. 
Dizygotheca apioidea (Schefflera apioidea H. Bn, loc. cit., p. 15; 

Harms, af Plans, IIl,8; p. 39). 

C'est un arbre de 10 mètres de haut, aisément reconnaissable 
par ses feuilles à cinq folioles membraneuses, vert-clair, obovales 


394 RENÉ VIGUIER 


ou oblongues-obovales, doucement atténuées à la base, émargi- 
nées ou obtuses au sommet. La longueur du pétiole varie de 
3 à 8 centimètres, et celle du pétiolule de 3 à 5 millimètres ; 
les folioles les plus grandes ont un limbe de 6 centimètres de 
long et de 3 centimètres de large dans le tiers supérieur. L’in- 
florescence est abondamment ramifiée ; l'axe principal se ter- 
mine par une ombelle composée dont les rayons principaux 
ont environ 3 centimètres de long; ces rayons principaux 
portent au sommet des rayons secondaires de 1 centimètre à 
1,5 environ mais peuvent présenter aussi des rameaux isolés ou 
en verticilles terminés chacun par une ombelle. L'axe prin- 
cipal lui-même porte, outre l’ombelle terminale, des rameaux 
le plus souvent verticillés, qui se terminent eux-mêmes par une 
ombelle composée et ont aussi des ombelles latérales. Les fleurs, 
à pédoncule de 8 à 10 millimètres de long, ont un calice à bord 
entier ou ondulé, 5 pétales non cohérents en calyptre, épais, 
présentant une carène médiane interne ; l’ovaire ovale compte 
5 carpelles et est surmonté de 5 styles soudés tout à fait vers 
la base. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (forêts des collines schis- 
tofeldspathiques autour du Bourail. Balansa n° 968). 


Dizygotheca Toto R. Viguier (Schefflera Toto MH. Bn, Loc. cit., 

p. 140). 

Cette espèce est un arbrisseau de 3 à 4 mètres de haut, pourvu 
de grandes feuilles à pétiole de 25 à 30 centimètres de long, 
avec 8 ou 9 folioles. Ces folioles, péliolulées, ont un limbe 
obovale-oblong, entier, émarginé, échancré au sommet, jamais 
aigu (environ 15 centimètres de long et 5 centimètres de large). 

L'inflorescence peut être ici très ample : l’axe principal, qui 
atteint 6 centimètres de long, se Lermine par un verticille d’axes 
secondaires et peut porter latéralement un ou deux rameaux. 
Chacun des rameaux secondaires est une ombelle composée 
puisqu'il porte à son extrémité une dizaine d'ombelles à pédon- 
cule de 5-6 centimètres de long, mais peut présenter à divers 
niveaux un verticille d’ombelles. L'inflorescence est donc 
généralement beaucoup plus ample que dans les espèces précé- 
dentes. Les fleurs sont de très grande taille pour des fleurs 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 395 


d’Araliacées, elles peuvent avoir en effet 8 millimètres de long ; 
le calice forme au-dessus de l'ovaire un rebord membraneux, 
entier; la corolle comprend 5 pétales charnus, épais, et l’an- 
drocée 5 élamines à grosses anthères. L'ovaire est surmonté 
d’un disque presque plan et de styles dressés, libres presque 
jusqu'à la base ; il comprend de 6 à 10 carpelles. Le fruit est une 
drupe noirâtre globuleuse à noyaux parcheminés. Les graines 
ont un albumen non ruminé mais bipartit dorsalement. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie : Forêts des bords de la 
Néva à Bourail [Baiansa n° 967]; Forêts au N.-E. de Concep- 
tion, vers 700 mètres d'altitude [Balansa n° 2218. 


Dizygotheca Lecardi nov. sp. 


Cette espèce est, d'après Lecard, un arbre gigantesque. Les 
feuilles ont un pétiole qui peut avoir 0",50 de long ou plus; ce 
pétiole est cylindrique, présentant de nombreuses lenticelles, 
légèrement dilaté vers la base, montrant des stipules peu déve- 
loppées soudées en une lame. Les folioles, au nombre de six 
à huit, ont toutes un long pétiolule cylindrique de 47,5 à 
5 centimètres de long ; le limbeest oblong, à bords entiers, plus 
ou moins ondulés, à base aiguë, atténuée sur le péliole, à 
sommet profondément échanceré. Ce limbe est au plus 
quatre fois plus long que large ; sa longueur varie de 9 à 20 cen- 
timètres tandis que sa largeur est de 5 ou 6 centimètres. 

Je n’ai pas observé d'inflorescence entière, mais seulement de 
nombreux rameaux détachés; les fleurs sont réunies par 
10-15 en ombelles; ces ombelles semblent être elles-mêmes 
réunies fréquemment en ombelles à l'extrémité d’axes secon- 
daires qui peuvent en outre porter latéralement d'autres 
ombelles. Ces ombelles terminales ont un pédoncule de 6 centi- 
mètres de long; le pédicelle floral à 6-7 millimètres de long, 1l 
est glabre ainsi que toute l'inflorescence. La fleur, non articulée, 
est oblongue, de 5 millimètres de haut environ et de 2°",5 de 
diamètre. Le calice forme un repli membraneux,de { millimètre 
de haut environ, bien développé au-dessus de l'ovaire et pré- 
sentant 7 petites dents. La corolle comprend 7 pétales non 
cohérents en calyptre : ces pétales, de 1"*,5 de large et 3 milli- 


396 RENÉ VIGUIER 


mètres de haut, sont très épais, leur tranche plane, mesurant 
environ un demi-millimètre de large. A leur extrémité supé- 
rieure ces pétales présentent une forte protubérance en crochet 
qui pend ainsi à l’intérieur de la corolle ; sur leur face interne, 
il existe une forte crête médiane, de chaque côté de laquelle se 
trouve une légère dépression, limitée d'autre part par une légère 
saillie oblique; dans ces petites cavités se trouvent logées les 
demi-anthères. 

L'androcée compte 7 étamines à 8 sacs polliniques et 4 fentes 
longitudinales de déhiscence. Le filet est épais et court, les 
anthères grosses et allongées. 

L'ovaire est constitué par 7 carpelles, ilest plan à sa partie 
supérieure où le disque forme un bourrelet périphérique ; les 
styles libres, dressés, sont au nombre de 7. Le fruit est inconnu. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (arbre gigantesque des 
plus hauts sommets de la chaîne centrale. T. Lecard, sans 
numéro). 


Dizygotheca parvifolia R. Viguier (Schefflera parvifolia H. Bn, 
loc. cit., p.144; Aralia parvifolia Panch. et Seb., Bois Nouv.-Calé- 
donie, p. 204). 

C’est un arbre de 10 à 12 mètres de haut; les feuilles ont un 
péliole de 6 à 10 centimètres de long avec stipules soudées à 
l'aisselle en une lame orbiculaire ; les folioles, pétiolulées (long. 
du pétiolule 5-10 millimètres), sout généralement au nombre 
de 8; le limbe, assez coriace, et oblong lancéolé (de 
6-7 centimètres de long et 1°*,5 à 2 centimètres de large) atté- 
nué sur le péliolule arrondi ou obtus au sommet, à bords 
ondulés. Les nervures sont peu saillantes, il ÿ à une vingtaine 
de paires de nervures secondaires rapprochées et sensiblement 
parallèles. Les rameaux portant des ombelles sont verticillés 
sur des axes qui sonteux-mêmes généralement en verticille. Les 
fleurs ont un ealice formant un rebord bien développé au- 
dessus de Fovaire, une corolle comprenant cinq pétales peu 
épais, avec crête médiane interne etavec appendice pendant vers 
l'intérieur au sommet, un androcée de cinq étamines el un ovaire 
plus ou moins urcéolé, plan à sa partie supérieure, surmonté de 
cinq longs styles soudés vers la base, dressés dans le bouton. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 397 


Distribution. — Nouvelle-Calédonie, commun, dans les bois 
argtloschisteux. 


Dizygotheca Fagueti R. Viguier (Schefflera Fagueti H. Bn., in 
Adansonia, XII, p. 142). 


Le Dizygotheca Faqueli est un arbre de 5 à 10 mètres de 
haut. Les feuilles ont un pétiole très long (30-40 centimètres) 
el épais, et jusqu'à 10 folioles pétiolulées; les pétiolules des 
folioles médianes ont jusqu'à 5 centimètres de long et ceux des 
folioles latérales 2 centimètres de long. Le limbe est oblong, 
oblus ou arrondi au sommet, à bords sinueux où même décou- 
pés à dents arrondies, papyracé, transparent à l'état sec ; il est 
environ trois fois plus long que large (de 12 à 18 centimètres 
de long et 4-5 centimètres de large pour les folioles latérales : 
20 centimètres de long, 7 centimètres de large pour les folioles 
médianes). Les folioles penninerves ont une trentaine de 
paires de nervures secondaires s’anastomosant vers le bord, et, 
entre deux nervures secondaires, une nervure intermédiaire 
présentant des anastomoses avec ces nervures secondaires ; 
l'ensemble du réseau des nervures tertiaires est peu serré. L'in- 
florescence est ample. Les axes principaux portent à leur extré- 
mité une ombelle de rameaux terminés chacun par une ombelle 
de fleurs et pouvant porter latéralement une verhicille d’om- 
belles. Ces axes principaux portent eux-mêmes latéralement 
des verticilles d’ombelles composées. 

Les fleurs ont un calice formant au-dessus de l'ovaire un 
bourrelet peu marqué, une corolle formée de 5 pétales épais, 
pourvues d’une carène médiane interne mais non cohérents en 
calyptre, des élamines à filets courts et anthères globuleuses, 
où s'observent nettement quatre fentes de déhiscence, un ovaire 
formé de 5-6 carpelles et surmonté d'autant de styles soudés sur 
la moitié de leur longueur. Le fruitest noir, presque globuleux. 

Distribution. —  Nouvelle-Calédonie (Plaine de  Canala. 
Bosquets situés entre le Pont des Français el Conception. Balansa 
n°2219). 


398 RENÉ VIGUIER 


Dizygotheca Harmsii nov. sp. 


Cette espèce est, d’après Pancher, un arbre de 6 mètres de 
haut. La feuille a un pétiole de 12 centimètres de long, présen- 
tant à la base des stipules soudées, courtes. Les folioles, au 
nombre de 12-13, ont un pétiolule de 2 centimètres de long 
environ ; le limbe, atténué vers la base, est oblong-obovale, 
quatre fois plus long que large (12 centimètres de long et 3 cen- 
timètres de large), aigu au sommet, jamais émarginé, à nom- 
breuses nervures secondaires parallèles et nervation très serrée. 
L'inflorescence comprend plusieurs grands rameaux verticillés ; 
chacun de ces rameaux porte généralement un verticille d’om- 
belles, et au sommet une ombelle de 7-10 rameaux de 5 centi- 
mètres de long qui se terminent chacun par une ombelle de 
fleurs et qui peuvent en outre porter latéralement quelques 
ombelles. Les fleurs, au nombre de 5 en moyenne par ombelle, 
ont un calice formant un petit repli à sépales à peine marqués 
et une corolle à pétales cohérents en calvptre, peu épais, avec 
une crèle médiane interne peu marquée et un léger crochet au 
sommet ; les anthères, petites, ont 8 sacs polliniques et 4 fentes 
longitudinales de déhiscence ; l'ovaire, à 5 carpelles, estsurmonté 
d'autant de styles soudés sur la moitié de leur longueur. Le 
fruit (non mur) est allongé, surmonté d’un disque plan convexe 
et de styles rayonnants dans leur partie libre. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (Vallées. Pancher a° 248 ; 
arbre de 6 mètres; cime arrondie ; pollen blanc; disque crénelé 
vert). 


Dizygotheca Bailloni (Schefflera Pancheri part., Adansonia, XII, 

p. 143). 

Cette espèce est un arbre que Baillon avait rattaché au 
Schefflera Pancheri. Les feuilles ont un long pétiole de 22 cen- 
limètresenviron présentant de nombreuses lenticelles à la base, 
5 folioles à pétiolule de 2 centimètres de long environ, à limbe 
atténué vers la base, oblong entier, émarginé au sommet, à 
nombreuses nervures secondaires presque parallèles, se rejoi- 
gnant vers les bords du limbe, et nervures intermédiaires pré- 
sentant de nombreuses anastomoses avec les nervures secon- 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 309 


daires. La longueur du lumbe est en général de 18-20 centi- 
mètres, sa largeur de 5-6 centimètres. 

L'inflorescence est une ombelle composée. Les ombelles ont 
un pédoncule de 5 centimètres de long environ et de 5 à 16 fleurs ; 
ces fleurs ont un calice formant un repli membraneux ondu- 
leux, une corolle formée de pétales peu épais, mais pourvus 
d’une crête médiane interne et d’un appendice prolongé vers 
l'intérieur de la corolle au sommet ; ces pétales sont légèrement 
rétrécis à la base (1 millimètre de large) et ont 2"*,5 de long 
environ. Les élamines, au nombre de 5, ont des anthères à 
8 sacs polliniques et 4 fentes longitudinales de déhiscence. 
L'ovaire, à 5 loges, est surmonté d'un disque légèrement 
convexe et d'autant de styles courts complètement soudés. Le 
fruit (non mur) est ovoïde, de # millimètres de long, porté sur 
un pédoncule de 12 nullimètres de long el surmonté de styles 
courts et soudés en une petite colonne de 5 millimètres de 
long. 

Distribution. — Nouvelle-Calédonie (arbres, bois de mon- 
tagne ; Balade, Vieillard n° 629). 


CARACTÈRES ANATOMIQUES. 


On ne connait jusqu'à présent presque rien sur la structure 
des espèces de ce genre ; j’ai seulement donné quelques indica- 
Lions sur la disposition des faisceaux dans le péliole des Dizy- 
gotheca leptophylla, D. Vieilardi et D. Reginæ. 

J'ai étudié antérieurement la structure de l'anthère du Dizy- 
gotheca Vieillardi, et je dois dire que dans toutes les autres 
espèces que J'ai examinées depuis, J'ai distingué une assise 
mécanique très nette. | 

1° Tige. — La tige des Dizygotheca apioidea el paruifolin \a 
nous montrer des caractères qui ne se rencontrent nulle part 
ailleurs dans les Araliacées. 

Une coupe de tige un peu âgée du Dizygotheca apioidea pré- 
sente un liège, d’origine sous-épidermique, formé de cellules 
tabulaires presque toutes à parois minces, rarement à parois 
épaisses. 

À la périphérie de l'écorce une couche de cellules scléreuses 


400 RENÉ VIGUIER 


irrégulièrement disposées semble s'être formée aux dépens des 
cellules du collenchyme. L’écorce est formée de cellules à parois 
assez épaisses ; elle présente des canaux sécréteurs de 30 y de 
diamètre environ et de grosses mâcles en oursins d’oxalate de 
calcium. Le péricycle différencie des ares fibreux et des canaux 
sécréteurs. Je n'ai pu voir de canaux sécréteurs dans le liber, 
secondaire mal conservé, J'Y ai seulement observé de petits 
prismes d’oxalate de calcium. Le bois secondaire, dans la tige 
que jai examinée, élait trop jeune, quoique bien développé, 
pour présenter une caractéristique bien marquée; les vaisseaux 
y sont groupés, ils ont un contour plus où moins polygonal 
el un diamètre de 30 à 40 y; les fibres ont des parois épaisses. 
Les rayons bi ou trisériés ont des cellules lignifiées, ponctuées, 
de 30 à 40 y de long sur 10 » de large. La zone périmédullaire, 
quoique à peu près complètement lignifiée, différencie de place 
en place des arcs fibreux. 

C'est dans la moelle que nous trouvons un caractère particu- 
lièrement intéressant. | 

Cetle moelle est formée de cellules à membrane mince, 
entièrement cellulosique présentant de petits méats entre elles. 
Un certain nombre de cellules de Ia moelle, groupées en îlots 
irréguliers, sont semblables par leur forme aux précédentes, 
mais ont des parois complètement lignifiées, communiquant 
entre elles par de nombreuses perforations. C’est dire que dans 
la coupe que je décris la moelle est en voie de lignification et 
que dans une partie plus âgée la moelle est complètement 
lignifiée. 

Mais ce qui caractérise cctte moelle est la présence de 
nombreux petits îlots fibreux qui la parcourent en S'y rami- 
ramifiant. En section transversale ces îlots sont circulaires, d’un 
diamètre de 100 » environ. Le centre en est occupé par un 
amas de cellules extrêmement petites, polyédriques, à parois 
lignifiées (rès épaisses et à lumière réduite, presque nulle ; 
dans ces îlots, les éléments sont plus ou moins grossièrement 
disposés en cercles concentriques dont les fibres ont une lumière 
de plus en plus grande à mesure qu’on s'éloigne du centre. Ces 
ilots se trouvent entourés par des cellules de parenchyme 
lignifié dont nous avons parlé plus haut. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 101 


Le Dizygotheca paruifolia à une structure très voisine. 
Dans les coupes de tige du Dizygotheca apioidea que J'ai 
décrites, Je n'ai vu qu'un ou deux canaux sécréteurs dans la 


es. 29 


De 
DT 
ee 7 


19%. 
JS PET 


U=6 pl RASE 
men 


Fig. 12. — Dizygolheca parvifolia, portion d'une coupe transversale de Uige. — /g. 
liège; col, collenchyme; cs, canaux sécréteurs ; per, fibres péricyeliques: 4 liber: 
b, bois; if, ilots fibreux ; ox, mâcles d'oxalate de calcium; », moelle, 


moelle ; au contraire, dans des coupes pratiquées au voisinage 
du sommet dans le Dizygothera Toto et dans le Dizygotheca 
Faqueti, la moelle ne présente pas d'ilots fibreux, mais à leur 
place des canaux sécréteurs épars ; dans un échantillon que 
M. Maiden m'a aimablement envoyé de Sidney sous le nom de 
Disygotheca Maideniana Harms, j'ai trouvé également épars 
dans la tige jeune des îlots fibreux et des canaux sécréteurs. Il 


ANN. SC: NAT. BOT., 9e série. IX, 26 


102 RENÉ VIGUIER 


est done possible que lors du processus de lignification de la 
moelle, les canaux sécréteurs se transforment en îlots fibreux. 
Le phénomène rappellerait ce qui se passe dans certaines Coni- 
fères, où des éléments sécréteurs à l’état jeune se transforment 
plus tard en fibres. I serait intéressant d'étudier le fait sur des : 
plantes vivantes. 

2° Feuille. — La disposition des faisceaux dans le pétiole 
des Dizygotheca est assez différente de celle que nous avons 
observée dans les Schefflera; d'une manière schématique, on 
peut dire qu'il existe des cercles concentriques de faisceaux et 
de canaux sécréteurs, comme je l'ai déjà indiqué dans les 
Dizygotheca leptophylla, D. Vieillardi et D. Regine. 

Une structure analogue s’observe dans les pétioles, pourtant 
très grèles, du Dizygotheca apioidea et Au D. parsifolia. 

Une coupe transversale du pétiole du Dizygotheca apioidea 


Fig. 13. — Schéma du pétiole d'un Dizygoltheca. — cl, cuticule; ep, épiderme; cs, 
canaux sécréteurs; col, collenchyme; 6, bois: /, liber; sel, arcs fibreux. 


présente de nombreuses cannelures sur le pourtour; lépiderme 
est formé de cellules à peu près aussi longues que larges, 
d'environ 15 # de côté et à face externe convexe: ces cellules 
culinisées sur leurs parois latérales ont une cuticule épaisse 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 103 


d'environ 10 y. Sous l’épiderme se trouve une couche de col- 
lenchyme d'environ 50 w d'épaisseur et formée de quatre ou 
cinq assises de cellules à parois épaisses; immédiatement sous 
le collenchyme, le parenchyme sous-jacent différencie de grands 
canaux sécréteurs d'environ 50 w de diamètre. Puis, en dedans 
de ces canaux sécréteurs, se trouve un cercle de faisceaux 
libéroligneux distincts largement séparés les uns des autres ; ce 
cercle de faisceau est entouré extérieurement d'un anneau fes- 
tonné de fibres. A l’intérieur, et disposés suivant un cercle con- 
centrique au précédent, se trouvent des faisceaux inverses, à 
vaisseaux du bois tournés vers l'extérieur. La partie centrale 
du pétiole est occupée par un parenchyme à parois minces dans 
lequel s’observent un cercle de canaux sécréteurs, un cercle 
de quelques faisceaux, disposés concentriquement aux précé- 
dents, et, tout à fait au centre, quelques canaux sécréteurs. 

Une structure semblable s'observe dans le Dizygotheca parri- 
folia. 

Les pétioles des espèces à grandes feuilles comme /:7g0- 
theca Toto et Dizygotheca Faqueli que J'ai examinés étaient 
dans un mauvais état de conservation mais m'ont montré la 
même structure fondamentale. Il Y à donc tout lieu de suppo- 
ser que les Scheflera Balansæana et Schefflera Cussoniæ dont 
les fleurs sont inconnues mais qui présentent une structure du 
pétiole identique à celle que je viens de décrire, doivent en 
réalité appartenir au genre Dizygotheca. 

Je ne dirai que peu de choses de la structure du limbe qui 
est assez constante. 

L'épaisseur tolale du limbe varie de 225-250 y (Dizygotheca 
Bailloni, D: Fagueti, D. parnifolia, D. apioidea) à 300 à 
(Dizygotheca Toto). L'épiderme n'est jamais prolongé en poils ; 
il est formé de cellules à peu près aussi longues que larges en 
section transversale, et revèlues d’une cuticule d'environ 10 y 
d'épaisseur sur la face supérieure du limbe. Ces cellules ont de 
15 à 20% de large en général; elles peuvent atteindre 30 4 
dans le Dizygotheca Bailloni. Les slomates sont localisés dans 
l'épiderme inférieur. I y à toujours sous l'épiderme supérieur, 
une seule assise exodermique différenciée, formée de cellules 
rectangulaires, dépourvues de chlorophylle (très aplaties (D. par- 


404 RENÉ VIGUIER 


mifolia) où aussi hautes que larges (D. apioidea). Dans le 
Dizygotheca Faqueli cet exoderme forme, au voisinage de la 
nervure médiane, deux ou trois assises différenciées. Le paren- 
chyme chlorophyllien est assez homogène ; le tissu lacuneux, 
dense, est peu différencié. On observe des mâcles en oursins 
d'oxalate de calcium, en particulier dans le parenchyme palis- 
sadique. 

La nervure médiane est fortement saillante sur la face 
inférieure du limbe dans les Dizygotheca Toto et Dizygotheca 
Faqueti, alors qu'elle est à peine saillantesur la face supérieure 
dans la première de ces espèces et que dans la seconde elle est 
à peine marquée sur la face supérieure, ne formant aucune 
saillie. Dans la plupart des autres espèces, elle est bien déve- 
loppée sur la face supérieure du limbe, parfois presque autant 
que sur la face inférieure. 

Il y a toujours, sous l’épiderme supérieur, une couche de eol- 
lenchyme différencié. Dans le Dizygolheca Faqueti ce collen- 
chyme continue directement l’exoderme différencié et à la 
même épaisseur que lui; il est formé de trois ou quatre assises 
de cellules dont le contour est irrégulier et les parois épaisses. 
Ce collenchyme ne forme du reste jamais une couche épaisse. II 
existe également du collenchyme sous l'épiderme inférieur de 
la nervure. Cette nervure présente toujours des faisceaux 
libéroligneux distincts disposés au moins suivant un cercle et 
des canaux sécréteurs. Ces derniers sont toujours de grande 
taille, leur diamètre moyen variant de 50 y (D. apioidea, D. par- 
vifolia). 

En résumé, le genre Dizygotheca, spécial à la Nouvelle-Calé- 
donie, esl très homogène. Il est caractérisé au point de vue de 
la morphologie externe par ses feuilles composées-palmées et 
par ses fleurs non articulées, à sépales peu développés, à pétales 
épais, à élamines aussi nombreuses que les pétales et pourvues 
chacune de huit sacs polliniques: au point de vue de la mor- 
phologie interne, il est caractérisé par la présence d’ilots fibreux 
épars dans la moelle de la tige âgée, ainsi que par la présence 
dans le pétiole de plusieurs cercles concentriques de faisceaux 
el de canaux sécréteurs ; 1} y a toujours un exoderme diffé- 
rencié dans le limbe. 


Ovaire ayant moins de dix carpelles. 


NOUVELLES RECHERCHES SUR LES ARALIACÉES 


105 


Les espèces peuvent être groupées de la manière suivante : 


| Deux sortes de feuilles; folioles à limbe de moins de 3 cen- 


Feuilles toutes semblables; folioles à limbe de plus 


timètres de long. Ovaire à 5 carpelles.................. 
Folioles obovales, membraneuses, à limbe ayant au 


de 3 centimêtres de long. 
TT —  "" oo 


Folioles non obovales, membraneuses, à limbe en général 


Ovaire 


nn 


plus 6 centimètres de long. Cinq styles soudés seu- 


D. tenuifolia. 


lémént versa base ne... D. apioidea. 


Styles complètement soudés. 
Limbe oblong, entier, de 18- 


/ Deux sortes de feuilles. Folioles de la région 
florifère à limbe oblong, oblus, trois fois plus 


AOC /D=-0ICM ER. ee D. Bailloni. 
/ Fruit globuleux. Lim- 
Ovaire Styles | be oblong, trois fois 
.| à cinq car- {soudés cue| plus long que large : 
æ|  pelles. la moitié |} 12-20 cm./4-7 cm. .. D. Fagueli. 
2 | Fleurs pe- de Fruit allongé. Limbe 
3 | tites de leur lon- } quatre fois plus long 
2 moins de | gueur. que large, ayant au 
5 [5 millim. \ plus 12cm./3 cm... D.Harmst. 
© | k CHENE 
L= de long. Re Limbe très allongé : 
E \ soudésseu- à 18-36 cm./2-3cm.... D. Reginæ. 
o | ___ )Limbe oblong : 6- 
a ns VE cm./1,5-2 cm..... D.parvifolia. 
2 la base. 
z Ovaire } Fleurs de 5 millimètres de long, 
=} àplus de 7-mères ; limbe membraneux, 
Es cinq non luisant à la face supé- 
| carpelles. DEUTÉR PURE hi eee D. Lecardi. 
: Fleurs / Fleurs de 8 millimètres de long, 
crandes, à cinq pétales, cinq élamines, 
d'aumoins] et six à dix carpelles. Limbe 
5 millim. coriace, luisant à la face supé- 
\ de long. IBULÉ EE ne se sommes cu D. Toto. 


{ 
| lonbtquelarsere eee rene D. leptophyl- 
la. 
dix carpelles. JTE toutes semblables. Folioles à limbe 
allongé, oblong, émarginé, généralement 
\ quatre fois plus long que large. ........... D. Vieillardi. 


Me limitant dans ce travail à l'étude des Aralia, Acanthopa- 
nax Schefflerael Dizygotheca, je me propose d'examiner ullérieu- 
rement d’autres genres dont l'étude détaillée me semble inté- 


ressante à entreprendre. 


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TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS CE VOLUME 


L'évolution dans la Symbiose. Les Orchidées et leurs Champignons 


COMME AUS ADR NOELABERNARD,. nee: aetue a memes ! 
Nouvelle contribution à l'étude des corps chlorophylliens, par J. n’Ar- 

BAUMONTS Den done one 2e 00 0 000000 0 0 do U DD AT RD UE 197 
Recherches sur les mouvements de locomotion des organismes inférieurs 

aux basses températures, par Em. TEonoreseo............... Doro 231 
Rapports entre les composés hydrocarbonés et la formation de l’antho- 

GYATE DA IR MCOMBES SRE remet some eee cute oisnsemnetee 275 
Nouvelles recherches sur les Araliacées, par R. ViGurEr..............., 305 


TABLE DES PLANCHES 
ET DES FIGURES DANS LE TEXTE 


CONTENUES DANS CE VOLUME 


Planches 1 à IV. — Symbiose des Orchidées. 

Figures dans le texte 1 à 28. — Symbiose des Orchidées. 
Figures dans le texte ! à #. — Organismes inférieurs. 
Figures dans le texte 1 à 13. — Structure des Araliacées. 


TABLE DES ARTICLES 


PAR NOMS D'AUTEURS 


ArBauMont (J. »’). — Nouvelle contribution à l'étude des corps chloro- 
DOMIMONSS ME A NE Rescue: sommes seses--s..c 197 
Bervarp (Noez). — L'évolution dans la Symbiose. Les Orchidées et leurs 
Champignons commensaux................................-....e. l 
Couses (R.). — Rapports entre les composés hydrocarbonés et la forma- 
Honrde lAnthocvane DM... 2... e cesse. 275 
Troporesco (Em.). — Recherches sur les mouvements de locomotion des 
organismes inférieurs aux basses températures..................... 231 
Vieuier (R.). — Nouvelles recherches sur les Araliacées................ 305 


5434-08, — CorgeiL. lmprimerie Créré. 


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